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Full text of "Comparaison des ceintures et des membres antérieurs et postérieurs dans la série des vertébrés"

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COMPARAISON 


DES 

CEINTURES  ET  DES  MEMBRES 

ANTÉRIEURS  ET  POSTÉRIEURS 

DANS  LA  SÉRIE  DES  VERTÉBRÉS 


( 


PUBLICATIONS  DU  MÊME  AUTEUR 


lu  Recherches  physiologiques  sur  l’appareil  lacrymal.  1860.  Brochure  in-8°  de 
30  pages. 

2°  Quelques  considérations  sur  les  luxations  du  fémur,  en  bas  et  en  arriére 
de  la  cavité  cotyloïde.  1860.  Brochure  iu  8°  de  18  pages. 

3°  Études  anatomique,  physiologique  et  clinique  sur  l’auscultation  du  poumon 
chez  les  enfants  (Thèse  inaugurale,  iu-8°  de  220  pages,  avec  1 planche,  1863). 

41  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  appareils  musculaires 
correspondant  à.  la  vessie  et  à la  prostate  dans  les  deux  sexes.  Brochure 
in-8°  de  42  pages,  avec  4 planches.  1864. 

5U  Réflexions  sur  un  cas  rare  de  transposition  générale  des  viscères  avec  con- 
servation de  la  direction  normale  du  cœur.  Brochure  in-8°  avec  1 plamne 
1865 

6°  Note  sur  les  organes  érectiles  utéro-ovariens  d’une  femelle  de  Magot 

(. Pithecus  inuus),  en  collaboration  avec  M.  le  Professeur  Rouget,  avec  1 planche. 
(Annales  des  Sciences  naturelles.) 

7°  De  l’Absorption.  Thèse  d'agrégation. 

8«  Études  sur  le  Cœur  et  la  circulation  centrale  dans  la  série  des  Vertébrés. 

(. Anatomie  et  Physiologie  comparées  ; Philosophie  naturelle').  Ouvrage  couronné  par 
l'Institut  de  France  (Prix  de  Physiologie  expérimentale).  in-4°  de  464  pages,  avec  16 
planches.  1873. 

9°  Études  sur  la  Moule  Commune.  (Mytilus  edulis).  In- 4»  ie  130  pages  et  9 Planches 
lithographiées  et  chromo-lithographiées. 

10°  Aquarium  économique  pour  eau  de  mer.  Brochure  in-8°  avec  1 planche  gravée 
( Revue  des  Sciences  naturelles.) 

1 1»  De  l’appareil  de  la  circulation  et  de  la  respiration  des  Ampullaires. 

(Comptes  rendus  de  V Institut , 1879.) 

12°  La  loi  de  la  corrélation  des  formes  et  les  types  intermédiaires.  Broch.  in-8° 
(Revue  des  Sciences  Naturelles,  15  mars  1880). 


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Montpellier. — Typosr.  Boeum  et  Fils. 


^ZN-^TOUSÆIE  COMPAREE 


COMPARAISON 


DES 

IJ  RES  ET  DES  MEMBRES 

ANTÉRIEURS  ET  POSTÉRIEURS 

DANS 

LA  SÉRIE  DES  VERTÉBRÉS 


PAR 

ARMAND  SABATIER 

PROFESSEUR  A LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  MONTPELLIER,  LAURÉAT  DE  L 'INSTITUT. 


Avec  9 Planches  gravées  et  lithographiées. 


MONTPELLIER 

Camille  COULET,  Libraire-Éditeur 

LIBRAIRE  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  UNIVERSITAIRE,  DE  L’ÉCOLE  D’AGRICULTURE  ET  DE  L’ACADÉMIE 
DES  SCIENCES  ET  LETTRES,  GRAND’RUE,  5. 

PARIS 

Adrien  DELAHAYE  et  E.  LECROSNIER,  Libraires-Éditeurs 

Place  de  l’École-de-Médecine,  23 

1880 


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Extrait  des  Mémoires  de  Y Académie  des  Sciences  et  Lettres. 


(Section  des  Sciences,  tom.  IX.—  1880.) 


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A MA  FILLE  MAG  DE  LAINE 


Ma  chère  fille,  bien  des  pages  de  ce  livre 
ont  été  écrites  auprès  de  ton  lit  de  douleur. 
Quoique  les  questions  que  j’y  étudie  ne  soient 
pas  de  celles  qui  intéressaient  ton  jeune  cœur, 
il  m'est  doux  de  te  le  dédier,  parce  qu'il  me 
rappelle  le  temps  où  tu  ne  nous  avais  pas 
encore  quittés. 

A.  Sabatier. 


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COMPARAISON 


DES 

CEINTURES  ET  DES  MEMBRES 

ANTÉRIEURS  ET  POSTÉRIEURS 

DANS  LA  SÉRIE  DES  YERTÉBRÉS 


INTRODUCTION. 

La  comparaison  du  membre  thoracique  et  du  membre  pelvien  a été  sou- 
vent faite  depuis  Vicq-d’Azyr',  qui,  en  1 774,  eut  le  premier  la  pensée  d’établir 
l’homologie  de  ces  deux  régions  des  animaux  Vertébrés.  Néanmoins,  malgré 
la  variété  des  solutions  qui  ont  été  données,  malgré  Tauloritéet  la  compétence 
de  leurs  auteurs,  je  ne  crois  pas  que  le  dernier  mot  ait  été  encore  dit  sur  cette 
question,  et  qu’on  ne  puisse  faire  à chacune  des  théories  émises  des  objections 
de  valeur.  Le  problème  paraît  simple  de  prime-abord  , et  l’on  se  laisse  facile- 
ment aller  à en  essayer  la  solution  ; mais  quand,  après  avoir  franchi  la  limite 
des  ressemblances  générales  qui  frappent  immédiatement,  on  veut  pénétrer 
dans  l’analyse  des  faits  et  préciser  les  homologies,  on  éprouve  de  véritables 
-embarras. 

La  plupart  des  solutions  proposées  se  sont  fortement  ressenties  d’une 
idée  très-malheureuse  qui  a présidé  à la  comparaison  de  Vicq-d’Azyr,  et  à 
laquelle  Cuvier  avait  donné  son  assentiment  : c’est  que  le  membre  supérieur 
d’un  côté  avait  pour  homologue  le  membre  inférieur  du  côté  opposé.  Cette 


1 Mémoire  sur  les  rapports  qui  se  trouvent  entre  les  usages  et  la  structura  des  quatre 
extrémités  dans  l'homme  et  dans  les  quadrupèdes.  (Œuvres  recueillies  par  Moreau  (de  la 
Sarthe),  tom.  IV,  pag.  313.  — 1805.) 


manière  de  voir  a été  imposée  par  une  prélendue  nécessité  de  rétablir  le 
parallélisme  des  axes  des  cols  du  fémur  et  de  l’humérus. 

M.  Martins*  a proposé,  pour  expliquer  le  défaut  de  parallélisme  de  ces 
axes  dans  les  os  du  même  côté,  sa  très-ingénieuse  théorie  de  la  torsion  de 
l’humérus.  On  peut  dire  que  celte  vue  si  nouvelle  a modifié  les  idées  reçues 
jusque-là  sur  le  parallélisme  des  deux  membres,  à tel  point  qu’il  n’est  plus 
permis  de  faire  des  comparaisons  croisées  entre  les  membres  situés  sur  deux 
côtés  opposés  du  plan  médian.  Ce  n’est  pas  cependant  que  la  théorie  de  la 
torsion  soit  peut-être  le  dernier  mot  de  la  science  sur  celte  question  de  la 
comparaison  des  membres.  Sans  insister  sur  ce  sujet  plus  qu’il  ne  convient 
dans  le  présent  Mémoire,  je  crois  devoir  dire  que  cette  théorie,  telle  qu’elle 
se  trouve  généralement  comprise,  a contre  elle  des  objections  d’une  grande 
valeur,  et  qu’il  est  impossible  de  la  conserver  sans  lui  faire  subir  de  très- 
notables  modifications.  Mais,  quoi  qu’il  en  soit,  il  n’en  revient  pas  moins  à 
M.  Martins  l’honneur  considérable  d’avoir  placé  sur  son  véritable  terrain  la 
comparaison  des  membres,  et  d’avoir  démontré  que  la  cuisse,  la  jambe  et  le 
pied  devaient  être  comparés  au  bras,  à l’avant-bras  et  à la  main  du  môme  côté. 

Mais,  pour  ce  qui  regarde  l’épaule  et  le  bassin,  M.  Martins  conserve  au 
fond  la  manière  de  procéder  de  Vicq-d’Azyr,  qu’il  a sijustement  condamnée 
pour  le  reste  des  membres.  Seulement,  pour  éviter  une  contradiction  trop 
flagrante,  qui  ne  pouvait  échapper  à un  esprit  si  perspicace,  il  compare  le 
bassin  d’un  côté  à l’épaule  du  même  côté , il  est  vrai,  mais  redressée  géo- 
métriquement, c’est-à-dire  vue  dans  un  miroir  placé  au-dessous  de  l’augle 
nfériéur.  On  a ainsi  uneépaule  virtuelle,  idéale,  qui  est  symétriquede  l’épaule 
réelle,  et  la  reproduction  exacte  de  l’épaule  du  côté  opposé. 

le  n’ai  pas  besoin  d’insister  sur  ce  que  cette  vue  a de  spécieux.  Elle  est 
corrélative  d’une  notion  sur  la  symétrie  des  Mammifères  contre  laquelle 
je  m’élève  de  toutes  mes  forces  ; je  veux  dire  l’existence  d’un  plan  de 
symétrie  perpendiculaire  à la  colonne  vertébrale,  et  placé  au-dessous  des 
fausses  côtes,  au  niveau  de  l’ombilic,  plan  tel  que  les  parties  situées  au- 


1 Ch.  Martins;  Nouvelle  comparaison  des  membres  pelviens  et  thoraciques.  Mémoires  de 
l'Académie  des  Sciences  et  Lettres  de  Montpellier,  1857.  — Uict.  encyclop.  des  Sciences  médic  , 
1873.  Art.  Membres  (Comparaison). 


— i 


dessus  et  au-dessous  de  lui  sont  symétriques,  non  de  forme,  mais  de  posi- 
tion Ce  plan  n’existe  en  aucune  façon  , et  les  parties  se  succèdent  depuis 
la  tête  jusqu’au  coccyx  dans  un  ordre  identique , avec  la  même  orientation 
et  avec  des  connexions  semblables  et  non  inverses  et  symétriques  par  rap- 
port à un  plan  idéal. 

L’examen  du  type  le  moins  modifié  des  Vertébrés,  les  Poissons,  s’oppose 
entièrement  à l’adoption  de  ce  plan,  qui  diviserait  l’animal  en  deux  parties 
symétriques  : l’une  antérieure,  formée  par  la  tête  et  la  moitié  antérieure  du 
corps,  et  l’autre  par  la  moitié  postérieure  du  corps  et  la  queue.  Chez  les 
Poissons,  la  succession  continue  des  segments,  depuis  l’extrémité  antérieure 
du  corps  jusqu’à  l’extrémité  postérieure,  est  on  ne  peutplus  évidente,  et  il  y 
a même  une  dégradation  successive  d’avant  en  arrière  qui  repousse  toute 
idée  de  balancement  et  de  symétrie.  La  variabilité  si  grande  de  situation  des 
membres  abdominaux  chez  les  Poissons,  variabilité  telle  que  pour  un  grand 
nombre  d’entre  eux  ils  sont  situés  au-dessous  et  même  en  avant  des  mem- 
bres thoraciques,  repousse  toute  idée  de  symétrie  entre  la  partie  antérieure 
et  la  partie  postérieure  du  corps  de  ces  animaux,  et  par  conséquent  chez 
tous  les  Vertébrés,  qu’on  ne  saurait  en  séparer  sans  une  grave  infraction 
aux  lois  de  la  descendance. 

Que  si  l’on  voulait  considérer  celle  loi  de  symétrie  comme  une  disposi- 
tion spéciale  du  type  des  Mammifères,  on  serait  tenu  dans  tous  les  cas  de 
la  préciser,  et  de  spécifier  quelles  sont  les  parties  qui  se  correspondent  au- 
dessus  et  au-dessous  de  ce  plan.  Un  des  résultats  auxquels  on  arriverait  suffit, 
à mon  avis,  pour  juger  de  la  valeur  de  la  théorie.  La  tête  aurait  pour  organe 
symétrique  les  derniers  tubercules  vertébraux  du  coccyx,  et  peut-être  le 
dernier  seulement  de  ces  tubercules.  La  pensée  la  plus  naturelle  au  premier 
abord  serait  de  considérer  le  sacrum  comme  la  partie  qui  correspond  à la 
tête;  mais  cette  opinion  n’a  rien  de  légitime,  et  voici  pourquoi. 

Si  le  plan  de  symétrie  longitudinale  existait  réellement,  il  serait  très- 


' L'idée  de  ce  plan  de  symétrie  se  trouve  nécessairement  en  germe  dans  la  comparaison 
croisée  de  Vicq-d’Azyr,  et  a été  acceptée  par  la  plupart  des  auteurs,  qui  ont  comparé  l’épaule 
des  Mamnifères  à leur  bassin.  Voir  Follz;  Homologie  des  membres  pelviens  et  thoraciques  de 
l'homme.  (Journal  de  la  Physiologie  de  l'homme  et  des  animaux,  de  I-îrown-Sequard,  jan- 
vier 1863.) 


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8 — 


rationnel  de  considérer  les  différentes  régions  du  système  nerveux  comme 
obéissant  ci  cette  disposition  symétrique,  et  comme  fournissant  ainsi  d’excel- 
lents points  de  repère  pour  les  déterminations  des  régions  symétriquement 
analogues.  Or,  les  nerfs  sacrés  qui  servent  à la  constitution  du  nerf  sciatique 
ne  peuvent,  dans  cette  hypothèse,  être  rigoureusement  comparés  et  assimilés 
qu’aux  nerfs  du  plexus  brachial,  et  en  particulier  aux  nerfs  médian,  cubital 
et  radial.  L’origine  de  ces  nerfs  correspondant  aux  dernières  vertèbres  cer- 
vicales et  aux  premières  dorsales,  c’est  exactement  dans  ce  point  qu’il  faut 
placer  la  région  qui  correspond  au  sacrum.  Si  nous  réservons  la  dernière 
vertèbre  sacrée  et  les  premières  coccygiennes  pour  servir  de  contre-poids 
aux  vertèbres  cervicales  supérieures,  il  ne  restera  pour  représenter  le  crâne 
que  le  dernier  tubercule  du  coccyx. 

Un  pareil  résultat  me  paraît  pouvoir  être  considéré  comme  une  juste  réfu- 
tation, par  l’absurde,  de  l’hypothèse  de  la  symétrie  longitudinale. Autant  vaut 
l'équilibre  d’une  balance  dont  l’un  des  plateaux  trop  surchargé  a lourdement 
atteint  le  dernier  degré  de  sa  course,  tandis  que  l’autre  entièrement  à vide 
est  légèrement  suspendu  dans  l’espace. 

Sans  prolonger  outre  mesure  celle  critique  de  l’hypothèse  du  plan  de 
symétrie,  je  dirai,  en  terminant,  que  les  membres  ne  paraissent  point  chez 
l’embryon  dans  une  direction  inverse  et  symétrique  semblable  à celle  que 
leur  prêtent  Vicq-d’Azyr  et  les  partisans  du  plan  de  symétrie.  Ils  apparaissent 
au  contraire  comme  des  bourgeons  latéraux  perpendiculaires  à l’axe  du  corps, 
entièrement  parallèles  entre  eux  et  disposés  suivant  une  même  orientation. 
Ce  n’est  que  plus  tard  , par  suite  d’adaptations  héréditaires,  que  des  dévia- 
tions se  produisent,  que  le  bassin  et  l’épaule  acquièrent  une  divergence  des 
axes  qui  a causé  l’erreur  de  Vicq-d’Azyr  et  de  ceux  qui  ont  adopté  le  plan 
de  symétrie. 

Au  reste,  la  suite  de  ce  travail  démontrera  combien  celte  notion  du  plan 
de  symétrie  perpendiculaire  à la  colonne  vertébrale  est  peu  naturelle  et  peu 
nécessaire,  en  établissant  d’une  manière  évidente,  je  l’espère,  que  la  compa- 
raison de  l’épaule  et  du  bassin,  pour  les  besoins  de  laquelle  cette  idée  a pris 
naissance,  doit  être  faite  entre  les  membres  d’un  même  côté  placés  dans  des 
positions  non  symétriques,  mais  tout  à fait  semblables,  parallèles  et  exacte- 
ment comparables. 


— 9 


Mon  but  n’est  point  ici  de  faire  une  comparaison  complète  des  membres 
antérieur  et  postérieur.  Un  seul  point  doit  attirer  mon  attention,  c’est  la 
comparaison  des  ceintures  scapulaire  et  pelvienne.  C’est  là  réellement  un 
des  points  les  plus  faibles  de  toutes  les  comparaisons  qui  ont  été  faites  jus- 
qu’à ce  jour,  et  je  désire  y apporter  quelques  lumières. 

11  faut  déclarer  dès  l’abord  que  la  plupart  des  recherches  faites  sur  ce 
sujet  ont  eu  le  tort  de  se  confiner,  soit  chez  l’Homme,  soit  chez  les  Mammi- 
fères supérieurs,  et  de  pécher  par  la  méthode  aussi  bien  que  par  l’insuffisance 
du  champ  d’observation.  Je  tâcherai  de  ne  pas  encourir  les  mêmes  reproches. 

La  première  règle  qui  doit  diriger  dans  l’établissement  des  homologies 
entre  deux  organes,  c’est  qu’il  faut  prendre  pour  point  de  départ  et  pour 
sujet  de  comparaison  les  types  où  ces  organes  sont  le  moins  dissemblables  et 
ont  subi  les  moindres  variations.  Pour  ce  qui  regarde  l’épaule  et  le  bassin, 
faire  reposer  l’étude  de  leur  comparaison  sur  le  squelette  humain,  c’est  réel- 
lement commettre  une  grande  maladresse;  c’est  se  placer  en  présence  de 
difficultés  insurmontables  et  s’exposer  sûrement  à un  échec.  L’historique  de 
la  question  est  là  pour  le  prouver,  car,  parmi  les  auteurs  qui  n’ont  envisagé 
que  l’Homme  et  même  les  Mammifères,  je  n’en  connais  pas  un  qui  n’ait 
commis  des  méprises  considérables  et  qui  ait  jeté  quelque  vraie  lumière  sur 
la  question. 

Chez  l’Homme,  en  effet,  les  deux  membres  ont  subi,  par  suite  d’adapta- 
tions très-opposées,  des  modifications  fort  importantes  qui  masquent  les 
vraies  homologies  et  qui  créent  des  ressemblances  trompeuses.  J’en  dirai 
autant  des  Mammifères  en  général,  sauf  les  Ornithodelphes.  Le  mode  de 
progression  des  Mammifères,  la  situation  de  l’humérus  et  du  fémur  dans 
un  plan  vertical  qui  n’est  pas  le  plan  primitif  de  ces  segments  des  membres, 
ont  produit  aussi  des  modifications  importantes  qui  distinguent  nettement  le 
membre  antérieur  du  membre  postérieur. 

Il  faut  donc  chercher  les  sujets  d’étude  dans  des  groupes  moins  éloignés 
du  type  primitif,  et  chez  lesquels  l 'horizontalité  et  la  transversalité , dirais- 
je,  du  premier  article  des  membres,  ont  permis  la  conservation  des  dispo- 
sitions primitives.  Là  nous  trouverons  des  éléments  moins  modifiés  qui 
rendront  la  comparaison  plus  facile  et  plus  complète.  Nous  ferons  ainsi 
l’acquisition  de  points  de  repère  extrêmement  utiles,  à l’aide  desquels  il  nous 


10 


sera  permis  de  nous  élever  successivement  jusqu'aux  Mammifères  supérieurs 
et  à l’Homme,  qui  est  le  point  réellement  difficile  et  obscur  du  problème. 

Je  dois,  avant  d’aborder  la  question,  résumer  en  quelques  mots  les  solu- 
tions qui  ont  été  proposées,  afin  de  pouvoir  les  soumettre  au  jugement  des 
faits  dans  le  cours  de  ce  Mémoire. 

Vicq-d’Azyr,  comparant  l’épaule  d’un  côté  à l’os  iliaque  du  côté  opposé, 


avait  conclu  aux  homologies  suivantes 

BASSIN. 

Iléon 

Ischion 

Cavité  cotyloïde 

Echancrure  sciatique 

Crête  de  l’os  des  îles 

Bord  antérieur  ou  inguinal  de  l’iléon. . . 

Epine  iliaque  ant.  et  supérieure 

Tubérosité  de  l’iléon 

Fosse  iliaque  externe 

Fosse  iliaque  interne 

Trou  ovale 


ÉPAULE. 

Omoplate  (corps). 

Apophyse  coracoïde. 

Cavité  glénoïde. 

Echancrure  coracoïdienne. 

Bord  spinal  de  l’omoplate. 

Bord  axillaire  de  l'omoplate. 

Angle  pelvien  ou  inf.  de  l’omoplate. 
Angle  cervical  ou  sup.de  l’omoplate. 
Fosses  épineuses. 

Fosse  sous-scapulaire. 

Espace  compris  entre  l’acromion  et 
l’apophyse  coracoïde,  fermé  par  le 
ligament  acromio-coracoïdien. 


Ces  déterminations  ont  été  acceptées  par  la  plupart  des  anatomistes  qui 
se  sont  occupés  de  la  question.  Gerdy,  Bourgery,  Blandin,  Flourens,  Cru- 
veilhier,  Martins,  considèrent  ces  rapprochements  comme  très-exacts.  Seule- 
ment ils  y ajoutent  l’assimilation  de  la  branche  horizontale  du  pubis  avec 
la  clavicule,  assimilation  que  n’avait  pas  faite  Vicq-d’Azyr'. 

Dans  un  Mémoire  ayant  pour  titre  : Discussion  sur  le  'parallèle  des  mem- 
bres thoraciques  et  pelviens  , M.  Lavocat1  2,  directeur  de  l’École  vétérinaire 
de  Toulouse,  écrit  les  mots  suivants,  que  je  cite  pour  montrer  combien  est 
généralement  acceptée  l’opinion  de  Vicq-d’Azyr  : « Nous  pouvons  laisser  de 


1 C’est  à tort  que  l'on  prête  à Vicq-d’Azyr  l’assimilation  de  la  branche  horizontale  du  pubis 
avec  la  clavicule.  Cet  anatomiste  a laissé  la  clavicule  en  dehors  des  termes  de  la  comparaison 
des  deux  ceintures  ; et  il  résulte  de  la  façon  dont  il  a conçu  le  trou  ovale  de  l’épaule,  que  le 
pubis  y est  représenté  par  l’acromion  et  non  par  la  clavicule. 

- Discussion  sur  le  parallèle  des  membres  thoraciques  et  pelviens.  Toulouse,  1867. 


11 


côté  les  comparaisons  de  l’épaule  et  du  bassin,  de  la  main  et  du  pied. 
L’analogie  qui  existe  entre  les  diverses  parties  de  ces  régions  est  tellement 
évidente  quelle  ne  pourrait  être  méconnue.  Comment  en  effet  se  refuser  à 
voir,  d’une  part  que  l’iléon  correspond  au  scapulum,  le  pubis  à la  clavicule, 
et  l’ischion  au  coracoïdien  ? . . . » Dans  la  dernière  édition  de  X Anatomie 
humaine  de  M.  Sappey,  la  comparaison  de  Vicq-d’Azyr  est  adoptée  avec 
quelques  modifications  que  je  me  borne  à signaler,  me  dispensant  de 
rapporter  les  points  entièrement  communs. 

Pour  M.  Sappey,  l’épine  de  l’omoplate  est  représentée  par  la  ligne  courbe 
semi-circulaire  de  l’iléon,  qui  est  située  entre  les  insertions  du  moyen  et  du 
petit  fessier  ; l’acromion  et  la  clavicule  constituent  le  pubis,  et  l’espace  compris 
entre  la  clavicule,  l’apophyse  coracoïde  et  les  ligaments  coraco-claviculaires 
représente  le  trou  obturateur. 

Tel  est  le  concert  général  dans  lequel  on  ne  peut  distinguer  que  très-peu 
de  notes  discordantes.  Parmi  ces  dernières  se  trouvent  l'opinion  de  Humphry, 
qui  renverse  la  comparaison  et  qui  dit  : 

Iléon Scapulum. 

Ischion Clavicule. 

Pubis Apophyse  coracoïde. 

et  l’opinion  de  Foltz1  (de  Lyon),  qui  se  résume  ainsi  : 

Iléon Scapulum. 

Ischion Acromion. 

Pubis  (branche  horizontale) Apophyse  coracoïde. 

Pubis  (branche  descendante) Clavicule. 

En  comparant  ces  diverses  solutions,  on  voit  que  toutes  sont  unanimes 
pour  considérer  l’iléon  et  le  scapulum  comme  deux  parties  homologues  ; 
mais  que  pour  l’ischion  et  le  pubis,  d’une  pari,  et  pour  l’apophyse  coracoïde 
et  la  clavicule,  de  l’autre,  il  y a entre  Yicq-d’Azyr  et  Humphry  opposition 
complète,  l’opinion  de  l’un  étant  exactement  l’inverse  de  celle  de  l’autre. 

La  solution  de  Foltz  est  plus  complexe.  Tout  en  considérant  avec  Humphry 
le  pubis  (branche  horizontale)  comme  le  représentant  de  l’apophyse  cora- 
coïde, elle  fait  jouer  un  rôle  important  à l’acromion,  qui  représenterait 


1 Loc.  cil.  (Journal  de  Physiologie.) 


12 


1 ischion,  et  elle  donne  à la  clavicule  la  signification  singulière  de  branche 
descendante  du  pubis. 

Toutes  ces  comparaisons  pèchent  par  des  défauts  généraux  sur  lesquels  je 
liens  à insister,  tout  en  formulant  les  principes  qui  doivent  présider  à la 
comparaison  que  je  vais  faire. 

Elles  cherchent  toutes  à retrouver  dans  le  bassin  tous  les  éléments  de  la 
ceinture  scapulaire,  et  dans  l'épaule  tous  les  éléments  du  bassin.  Toutes 
supposent  que  les  mêmes  éléments  se  retrouvent  dans  l’une  et  l’autre 
région,  mais  simplement  modifiés.  Toutes  veulent  retrouver,  par  exemple, 
la  clavicule  dans  le  bassin,  et  toutes  l’iscbion  dans  la  ceinture  scapulaire. 
Je  considère  ce  point  de  vue  comme  profondément  erroné  et  comme 
ayant  été  la  source  des  assimilations  forcées  et  parfois  même  très-bizarres 
qui  ont  été  mises  en  avant,  par  exemple  celle  de  la  clavicule  avec 
la  branche  horizontale  du  pubis,  ou  mieux  encore  avec  la  branche  descen- 
dante du  même  os  (Foltz).  11  est  naturel  de  se  demander,  en  effet,  si 
deux  régions  qui  ont  été  soumises  chez  l’Homme  à des  adaptations  si  diffé- 
rentes, si  opposées  môme,  rTont  pas  également  subi  des  modifications 
de  structure  et  de  composition  qui  ont  ajouté  certaines  parties  à l’une 
et  supprimé  certaines  parties  à l’autre.  Ainsi,  il  convient  d’examiner  si. 
le  nombre  et  le  rôle  des  muscles  ayant  considérablement  varié  entre  les 
deux  membres,  les  os  qui  servent  de  points  d’attache  et  de  levier  à ces  mus- 
cles n’ont  point  été  profondemént  modifiés,  et  si,  par  exemple,  tel  groupe 
de  muscles  faisant  défaut  dans  l’une  des  deux  extrémités,  l’éminence  ou 
masse  osseuse  qui  lui  servait  de  point  de  départ  n’y  a pas  été  également 
supprimée.  Ce  sont  là  des  considérations  très-naturelles  qui  ont  été 
complètement  méconnues,  et  que  je  désire  mettre  à profit  dans  le  présent 
Mémoire. 

Je  le  désire  d’autant  plus  qu’on  s’est  entièrement  mépris,  me  semble-t-il, 
dans  la  manière  d’envisager  les  rapports  du  système  musculaire  avec  le 
système  osseux.  On  a commencé  en  effet  par  considérer  les  os  en  eux-mêmes; 
et  quand,  par  le  seul  examen  de  leurs  formes,  on  est  parvenu  à établir  les 
homologies  entre  les  diverses  parties  de  l’épaule  et  du  bassin,  on  a recherché 
les  muscles  homologues  en  s’appuyant  sur  les  relations  osseuses  déjà  établies.. 
C’est  là  une  manière  vicieuse  de  procéder,  et  dont  les  conséquences  ont  été 


— 13  - 

déplorable?.  Elle  a donné  des  résultats  tels  que  les  suivants,  que  j’emprunte 
au  travail  de  M.  Foltz. 

Grand  fessier  et  carré  $e  la  cuisse Deltoïde. 

Pyramidal  obturateur  interne  et  ju- 
meaux pelviens  Sus-épineux. 

Obturateur  externe Petit  pectoral. 

Couturier Grand  rond. 

Tenseur  du  fascia  lata Faisceau  scapulaire  du  grand  dorsal. 

Demi-membraneux Brachial  antérieur. 

Grand  adducteur Grand  pectoral. 

Petit  adducteur Court  chef  du  biceps  brachial. 

Droit  interne. ...  Faisceau  anomal  longeant  le  grand 

pectoral. 

11  n’v  a pas  une  de  ces  déterminations  qui  ne  soit  une  négation  complète 
du  principe  des  connexions  et  une  violation  flagrante  des  règles  les  plus 
élémentaires  de  la  recherche  des  homologies.  11  n’est  tenu  ici  aucun  compte 
des  insertions,  soit  proximales,  soit  distales,  des  muscles  ; et  il  a suffi  à 
l’auteur,  pour  considérer  deux  muscles  comme  vraiment  homologues,  qu’ils 
eussent  quelque  similitude  apparente  dans  leurs  relations  avec  des  os 
arrangés  plutôt  suivant  l’imagination  que  suivant  la  logique. 

Ce  n’est  pas  ainsi  qu’il  convient  de  procéder.  11  faut  considérer  en  effet  que 
les  os  sont  faits  pour  les  muscles  plus  encore  que  les  muscles  pour  les  os. 
A part  en  effet  quelques  os  plats  exceptionnels  et  appartenant  au  dermo- 
squelette,  qui  peuvent  être  considérés  comme  étant  surtout  des  organes  de 
protection,  les  os  de  la  voûte  du  crâne  par  exemple,  tous  les  autres  os 
peuvent  être  justement  regardés  comme  étant  des  portions  du  tissu  con- 
jonctif  qui  se  sont  durcies  et  ossifiées  parce  que  les  muscles  qui  s’y  attachaient 
avaient  besoin  de  points  fixes  et  de  leviers  rigides.  La  relation  constante 
pour  un  même  type,  dans  un  même  groupe  d’animaux,  entre  la  puissance 
des  muscles  et  le  volume  des  os  qu’ils  sont  appelés  à mouvoir,  entre  la 
vigueur  des  muscles  et  la  gross  eurdcs  tubérosités  qui  leur  donnent  insertion, 
me  paraît  démontrer  la  proposition  que  j’émets  plus  haut. 

Cette  proposition  trouve  du  reste  aussi  un  élément  de  démonstration 
dans  la  date  relative  d’apparition  du  système  musculaire  et  du  système 
osseux,  et  dans  la  transformation  successive  de  ce  dernier,  qui  de  cardia- 


14 


gineux  devient  osseux.  Les  muscles  apparaissent  de  très-bonne  heure  et 
sont  d’abord  en  rapport  avec  un  tissu  conjonctif  embryonnaire  qui  n’acquiert 
que  plus  tard  la  consistance  cartilagineuse,  et  plus  tard  encore  la  consistance 
osseuse,  à mesure  que  le  système  musculaire  dont  il  doit  rendre  l’action  utile 
acquiert  plus  d’énergie  et  plus  d'activité.  On  sait  du  reste  aussi  que  dans 
l’apparition  successive  des  types  de  la  série  phylogénique,  le  système  mus- 
culaire a largement  précédé  les  parties  solides  qui  devaient  lui  servir  de  leviers . 

S’il  est  donc  vrai  que  les  os  sont  faits  pour  les  muscles  plus  encore  que 
les  muscles  pour  les  os,  il  serait  rationnel  d’établir  les  homologies  osseuses 
sur  l’étude  des  parties  musculaires  plus  encore  que  de  faire  dépendre  uni- 
quement les  homologies  musculaires  de  l’étude  des  os. 

De  là  ces  conséquences  très-importantes,  que  : 1°  d’une  manière  générale, 
et  sauf  des  exceptions  dues  à des  modifications  qu’il  est  possible  d’expliquer, 
deux  os  auxquels  s’uniront  les  mêmes  muscles  seront  réellement  homo- 
gues  ; 2°  là  où  certains  muscles  bien  déterminés  seront  présents,  l’élément 
osseux  auquel  ils  se  rendent  le  sera  également;  et  5°  là  où  ces  muscles 
feront  défaut,  l’élément  osseux,  auquel  ils  s’insèrent  dans  d’autres  cas,  doit 
faire  aussi  défaut. 

Ce  sont  là  des  principes  dont  la  légitimité  ne  me  paraît  pas  douteuse,  et 
qui  peuvent  servir  de  guides  utiles  pour  la  détermination  des  os  à l’aide  ue 
certains  muscles  dont  la  signification  est  déjà  déterminée  d’une  manière 
évidente  par  l 'une  de  leurs  insertions,  par  leur  trajet,  parleurs  rapports,  par 
leur  action,  etc. 

La  suite  de  ce  travail  nous  permettra  d’appliquer  ces  principes  cl  de 
démontrer  par  des  exemples  à la  fois  leur  utilité  et  leur  légitimité. 

Les  comparaisons  citées  plus  haut  ont  encore  le  défaut  de  porter  immé- 
diatement sur  un  être  chez  lequel  la  différenciation  des  deux  membres 
supérieur  et  inférieur  a été  poussée  à sa  limite  extrême,  et  où  par  consé- 
quent les  homologies  sont  masquées  par  de  grandes  transformations  de 
forme  et  de  situation. 

En  môme  temps  que  ces  comparaisons  ne  tenaient  pas  un  compte  suffi- 
sant des  lumières  de  l’anatomie  comparée , elles  négligeaient  également 
trop  les  données  de  l’embryogénie,  les  conditions  de  développement  de 


certains  03 , leur  nature  et  leur  origine  spéciale.  Tous  ces  os  ont  été 
considérés  en  effet  comme  ayant  une  valeur  égale  et  comme  provenant 
d’une  source  commune  ; tous  ont  été  regardés  à tort  comme  appartenant 
au  squelette  primordial  et  comme  pouvant  être  rigoureusement  comparés 
les  uns  aux  autres.  On  n’a  pas,  considéré,  en  les  rapprochant,  si  les  parties 
osseuses  qu’on  mettait  en  regard  provenaient  de  points  cartilagineux  compa- 
rables entre  eux.  On  n’a  pas  songé  à tenir  compte  de  la  date  relative  de  l’appa- 
rition des  points  d’ossification,  de  leurs  rapports  réciproques  au  sein  du  carti- 
lage primitif,  des  changements  de  situation  que  les  progrès  relatifs  et  plus  ou 
moins  rapides  de  l’ossification  desuns  ou  des  autres  ont  amenés  entre  eux. 

Telles  sontles  lacunes  ouleserreursdepointdevuequ’il  estjustede signaler 
dans  les  comparaisons  antérieures.  En  reprenant  une  question  si  souvent 
débattue,  avec  des  solutions  différentes  et  contradictoires,  je  dois  me  garder 
de  ces  écueils  et  adopter  des  méthodes  plus  rationnelles  et  plus  rigoureuses. 

Avant  decomparer  directement  le  bassin  et  l’épaule  du  squelette  humain, 
qui  ont  subi  des  modifications  profondes,  masquant  leurs  homologies,  il  con- 
vient de  faire  dans  le  domaine  de  l’anatomie  comparée  une  excursion  assez 
étendue  pour  nous  permettre  de  retrou  ver  les  éléments  tvpiqueset  primordiaux 
de  l’épaule  et  du  bassin,  de  manière  à ce  que  l’esprit,  se  trouvant  en  présence 
d’éléments  simples  et  non  transformés,  puisse  facilement  établir  les  assimila- 
tions légitimes  et  rejeter  celles  qui  ne  le  seraient  pas.  Pour  trouver  ces  formes 
primordiales  des  ceintures  scapulaire  et  pelvienne,  il  convient  naturellement  de 
les  chercher  chez  les  animaux  dont  les  membres  ont  le  plus  conservé  leur  dis- 
position primitive,  telle  que  nous  la  révèle  la  paléontologie  ou  l’embryogénie. 

Le  membre  antérieur  et  le  membre  postérieur  naissent  sous  la  forme  de 
bourgeons  placés  sur  les  parties  latérales  de  l’embryon,  et  qui,  d’abord  en- 
tièrement parallèles  et  semblables  entre  eux,  acquièrent  plus  lard  des  diffé- 
rences de  direction  et  d’adaptation  qui  les  modifient  plus  ou  moins  profon- 
dément. A l’époque  où  les  divers  segments  des  membres  sont  devenus 
distincts , l’humérus  et  le  fémur  ont  leurs  axes  presque  perpendiculaires  au 
plan  médian  ou  verlébro-sternal.  En  même  temps,  la  main  et  le  pied  sont 
dans  une  demi-supination,  leurs  faces  palmaire  et  plantaire  regardant  en 
dedans,  vers  le  plan  médian,  et  leurs  faces  dorsales  regardant  en  dehors. 

3 


16  — 


Les  saillies  du  coude  et  du  genou  sont  dirigées  l'une  et  l’autre  en  dehors. 
Ces  deux  situations  du  bras,  du  coude  et  de  la  main,  du  fémur,  du  genou 
et  du  pied,  sont  corrélatives  et  doivent  être  maintenues  ou  disparaître  simul- 
tanément, car  l’une  est  la  condition  nécessaire  de  l’autre. 

11  est  facile  de  le  comprendre.  Supposons  en  effet  que  l’extrémité  distale 
de  l’humérus,  se  portant  en  arrière,  devienne  parallèle  au  plan  vertébro- 
sternal,  comme  chez  presque  tous  les  Mammifères  : la  saillie  du  coude  de- 
viendra postérieure,  et  il  faudra  nécessairement  alors  que  l’avant-bras  se 
place  dans  une  pronation  forcée,  afin  que  le  membre  puisse  reposer  sur  le 
sol  par  la  paume  delà  main  avec  les  doigts  dirigésen  avant.  Aussi  la  supination 
s’efface-t-elle  progressivement  et  cesse-t-elle  même  detre  possible,  à mesure 
que  l’on  passe  des  Mammifères  dont  le  membre  antérieur  peut  plus  ou 
moins  servir  à la  préhension,  à ceux  chez  lesquels  ce  membre  ne  peut 
remplir  que  des  fonctions  de  progression  terrestre.  Chez  les  Reptiles  (Sauriens 
et  Crocodiliens),  au  contraire,  où  l’humérus  a conservé  sa  direction  horizon- 
tale et  presque  perpendiculaire  au  plan  médian,  l’avant-bras  a pu  conserver 
une  demi-supination,  et  la  main  est  dirigée  en  avant  et  en  dehors.  Quant 
au  membre  postérieur  des  Reptiles,  dont  le  fémur  est  horizontal  comme 
l’humérus,  le  pied  qui  lui  correspond  est  dirigé  en  dehors  comme  la  main, 
et  les  os  de  la  jambe  sont  susceptibles  d’une  demi-supination  analogue  à 
celle  de  l’avant-bras  ; tandis  que  chez  les  Mammifères,  oùle  membre  pos- 
térieur s’est  placé  parallèlement  au  plan  médian  du  corps  parla  déviation  du 
fémur  en  avant  et  en  dedans,  la  saillie  du  genou  est  devenue  antérieure,  et 
toute  trace  de  mobilité,  loule  faculté  de  pronation,  ont  disparu  entre  les  os  de 
la  jambe,  qui  représentent  l’état' de  supination  extrême  et  même  exagérée. 

Ainsi  donc,  chez  les  Mammifères,  pour  le  membre  antérieur,  la  déviation 
de  l’humérus  en  arrière  et  en  dedans  a produit  la  pronalion  extrême;  et 
pour  le  membre  postérieur,  la  déviation  du  fémur  en  avant  et  en  dedans  a 
provoqué  une  supination  extrême.  I.a  demi-supination  dans  les  deux  mem- 
bres n'est  conciliable  qu’avec  la  direction  horizontale  et  transversale  de  l’hu- 
mérus et  du  fémur. 

Chez  les  Sauriens  et  les  Crocodiliens,  la  situation  primitive  des  deux 
premiers  articles  des  membres  n’a  pourtant  pas  été  entièrement  conservée  ; 
mais  le  transport  de  l’humérus  en  arrière  et  celui  du  fémur  en  avant  n’ont  subi 


17  — 


qu’un  commencement  d’exécution.  Aussi  y a-t-il  pour  le  membre  anté- 
rieur un  degré  modéré  de  pronation,  et  pour  le  membre  postérieur  un  degré 
modéré  de  supination  ; et  les  différences  entre  les  deux  membres  sont 
d’une  importance  relativement  faible. 

Chez  les  Chéloniens,  la  direction  des  membres  a subi  des  modifications 
remarquables  qui  les  font  différer  notablement  des  membres  des  Vertébrés 
à progression  terrestre.  Ces  modifications,  dues  à la  nécessité  pour  l’animal 
de  diriger  ses  membres  vers  les  orifices  antérieur  et  postérieur  de  la  cara- 
pace, ont  presque  interverti  la  configuration  des  membres.  En  effet,  dans 
les  membres  antérieurs,  l'humérus  s’est  dévié  en  avant  et  en  dedans.  Il  en 
est  résulté  que  le  coude  présente  sa  saillie  en  avant,  comme  le  genou  des 
Mammifères,  et  un  peu  en  dehors , et  que  le  radius  est  interne  et  le  cubitus 
externe.  Pour  reproduire  exactement  un  membre  postérieur  de  Mammifère 
et  d’Oiseau,  il  faudrait  que  les  os  de  l’avant-bras  fussent  dans  une  supination 
extrême,  tandis  qu’ils  sontdansla  demi-supination,  comme  chez  les  Sauriens. 
Mais  il  convient  de  remarquer  que,  tandis  que  chez  les  Sauriens  la  main 
repose  sur  le  sol  par  sa  face  palmaire,  chez  les  Tortues,  par  suite  d’adap- 
tations à la  vie  aquatique  transmises  par  hérédité  aux  Tortues  terrestres, 
la  main  repose  plutôt  par  le  côté  dorsal  de  son  bord  radial,  tandis  que  sa 
face  palmaire  regarde  en  haut  et  en  dehors.  Pour  donner  à la  main  la 
situation  qu’elle  a chez  les  Sauriens,  il  faudrait  placer  l’avant-bras  dans  la 
supination  extrême,  et  le  membre  antérieur  reproduirait  alors  d’une  manière 
rigoureuse  la  disposition  du  membre  postérieur  des  Sauriens. 

Quant  au  membre  postérieur  des  Chéloniens,  il  diffère  moins  que  le 
membre  antérieur  de  l’extrémité  qui  lui  correspond  chez  les  Sauriens.  Le 
fémur,  dirigé  transversalement  à l’état  de  repos,  se  porte  assez  fortement 
en  arrière  pendant  la  marche  ; de  là  résulte  que  le  tibia  est  externe  et 
antérieur , le  péroné  interne  et  'postérieur,  le  genou  et  le  pied  regardant  en 
dehors  et  un  peu  en  arrière.  Pour  que  ce  membre  postérieur  prît  réellement 
le  caractère  d’un  membre  antérieur  de  Saurien,  il  suffirait  de  transformer  la 
supination  des  os  delà  jambe  en  une  demi-pronation  qui  ramènerait  l’exlré- 
mité  du  pied  en  avant.  Le  membre  postérieur  des  Chéloniens  peut  doncêtre 
rapproché  du  membre  antérieur  des  Sauriens.  11  faut  cependant  remarquer 
que  leur  ressemblance  est  moindre  que  celle  qui  existe  entre  le  membre 


18 


antérieur  de  Chélonien  et  le  membre  postérieur  de  Saurien,  tout  en  ajoutant 
que  le  membre  postérieur  des  Chéloniens  est  peut-être  plus  voisin  du  membre 
antérieur  des  Mammifères  en  supination,  que  de  leur  membre  postérieur. 

En  résumant  lescaractè'res  des  membres  chez  les  Chéloniens,  on  s’aperçoit 
que  ces  caractères  sont  mixtes.  Dans  le  membre  antérieur,  l’article  huméral 
a les.  caractères  d’un  membre  postérieur,  tandis  que  l’article  anti  brachial  a 
ceux  d’un  membre  antérieur.  Dans  le  membre  postérieur,  l’article  fémoral 
a les  caractères  d’un  membre  antérieur,  et  l’article  jambier  ceux  d’un  membre 
postérieur;  mais  le  membre  postérieur  étant  modifié  à un  moindre  degré  que 
l’antérieur,  il  en  résulte  que  l’humérus  et  le  fémur  différent  moins  entre 
eux  que  dans  les  autres  groupes  de  Vertébrés  à membres  complets,  et  qu’il 
va  entre  eux  des  rapprochements  très-intéressants  à faire  dans  l’étude  des 
homologies  des  membres. 

Chez  les  Oiseaux,  le  membre  antérieur  pendant  le  vol  est  assez  exactement 
comparable  au  membre  correspondant  des  Crocodiles,  tandis  que  le  mem- 
bre postérieur,  ramené  dans  un  plan  parallèle  au  plan  médian,  est  tout  à fait 
comparable  au  membre  postérieur  des  Mammifères  ; il  perd  toute  faculté  de 
pronation,  et  se  trouve  dans  une  supination  extrême.  Enfin,  remarque  in- 
téressante et  qui  confirme  les  vues  sur  lesquelles  je  viens  d’appeler  l’atten- 
tion, les  Monotrèmes,  les  seuls  Mammifères  qui  aient  conservé  l’horizontalité 
et  une  certaine  transversalité  de  l’humérus  et  du  fémur,  sont  aussi  les  seuls 
qui  aient  conservé  la  faculté  de  pronalion  au  membre  postérieur  aussi  bien 
qu’à  l’antérieur,  el  les  seuls  aussi  chez  lesquels  les  membres  postérieurs 
soient  dans  une  supination  modérée. 

Il  y a donc  dans  la  disposition  des  membres  chez  les  Reptiles,  plus  que 
chez  les  Vertébrés  qui  leur  sont  supérieurs,  un  étal  qui  rappelle  la  confor- 
malion  primordiale  typique  des  membres,  et  qui  peut  être  d’une  grande 
utilité  comme  point  de  départ  d’une  étude  sur  l’homologie  des  arcs  pelvien 
et  thoracique.  Cela  est  d’autant  plus  vrai  que,  les  membres  antérieur  et 
postérieur  chez  ces  animaux  étant  exclusivement  et  également  adaptés  à 
la  progression,  il  ne  s’est  pas  produit  entre  eux  les  différences  profondes 
qui  sont,  dans  d’autres  cas,  et  notamment  chez  les  Mammifères,  des 
sources  considérables  d’erreurs. 

Aux  Reptiles  il  convient  d’ajouter  les  Amphibiens,  auxquels  les  mêmes 


19 


observations  sont  parfaitement  applicables,  et  qui  ont  conservé,  plus  encore 
que  les  Reptiles,  un  souvenir  clair  et  distinct  du  type  primitif.  Quant  aux 
Poissons,  leurs  arcs  thoracique  ou  pelvien  sont  trop  incomplets  pour  qu’on 
puisse  baser  sur  eux  une  étude  positive.  Ils  n’ont  pas  encore  atteint  leur 
forme  définitive  , mais  ils  sont  seulement  à l’état  de  devenir . 

En  prenant  pour  point  de  départ  les  Reptiles  et  les  Amphibiens,  voici 
quelle  est  l’idée  qu’on  peut  se  faire  de  la  composition  élémentaire  des  arcs 
thoracique  et  pelvien.  L’un  et  l’autre  se  décomposent  en  deux  parties,  paires, 
latérales  et  symétriques,  qui  ont  chacune  pour  origine  un  cartilage  unique. 
A cette  pièce  cartilagineuse  s’attache  de  chaque  côté  le  membre  correspondant. 
Des  points  d’ossification  plus  ou  moins  nombreux  se  développent  dans  ce  carti- 
lage, et  forment  des  os  plus  ou  moins  distincts.  Le  lieu  où  s’attache  l’article 
basilaire  du  membre  (humérus,  fémur)  se  trouve  précisément  au  point  de 
rencontre  de  ces  os.  Si  l’on  étudie  les  arcs  pelvien  et  thoracique  d’un  Amphi- 
bicn  ou  d’un  Reptile,  chez  lesquels  les  membres  sont  pouvus  de  tous  leurs 
éléments,  et  présentent  par  conséquent  tous  les  termes  d’une  comparaison 
rationnelle,  voici  ce  qu’on  peut  dire  de  général  sur  leur  composition.  Les  arcs 
primitifs  des  Amphibiens  et  des  Reptiles  se  composent  de  trois  cylindres 
osseux  et  cartilagineux  qui  viennent  converger  ordinairement  vers  la  cavité 
articulaire.  Chacun  de  ces  cylindres  osseux  se  compose  d’une  partie  cen- 
trale ou  tige,  qui  est  osseuse,  et  de  deux  extrémités  cartilagineuses,  dont 
l’une,  proximale,  reste  ordinairement  cartilagineuse  et  entre  dans  la  compo- 
sition delà  cavité  articulaire , et  dont  l’autre,  distale,  est  ordinairement  beau- 
coup plus  étendue  et  peut  s’ossifier  entièrement.  Ces  éléments  présentent  de 
nombreuses  variations  dans  leurs  formes,  leurs  dimensions  respectives, 
leurs  relations  réciproques,  leur  défaut  ou  leur  excès  de  développement,  varia- 
tions qui  expliquent  les  nombreuses  variétés  de  forme  et  les  différences  quel- 
quefois très-grandes  qui  séparent,  soit  les  ceintures  scapulaires  entre  elles, 
soit  celles-ci  des  ceintures  pelviennes. 

Des  trois  cylindres  osseux,  l’un  dorsal  sert  d’organe  fixateur  ou  suspenseur 
à la  colonne  vertébrale,  c’est  le  scapulum  d’une  part  et  l’iléon  de  l’autre  ; 
les  deux  autres  sont  des  arcs-boutants  ventraux  s’appuyant,  ou  sur  leur  con- 
génère, ou  sur  une  pièce  squelettique  médiane,  et  donnant  insertion  à 


- 20  - 

de  nombreux  muscles  moteurs  du  membre  sur  la  ceinture  correspondante. 

L’un  de  ces  deux  cylindres  est  postérieur,  et  s’appelle,  à l’épaule  le  cora- 
coïde, au  bassin  l’ischion  ; l’autre  est  antérieur  et  forme  le  précoracoïde 
pour  l’épaule  et  le  pubis  pour  la  ceinture  pelvienne. 

On  peut  dire  que  la  ceinture  scapulaire,  aussi  bien  que  la  pelvienne,  ont 
la  forme  d’un  Y renversé  dont  la  tige  est  formée  par  le  scapulum  ou  l’iléon, 
et  dont  les  deux  branches  sont,  d’une  part  le  coracoïde  et  le  précoracoïde, 
et  d’autre  part  l’ischion  et  le  pubis. 

11  résulte  de  là  que  les  homologies  doivent  être  établies  de  la  façon 
suivante  entre  l’épaule  et  le  bassin:  l’iléon  représente  le  scapulum,  l’is- 
chion représente  le  coracoïde,  et  le  pubis  le  précoracoïde. 

La  forme  des  cylindres  osseux  qui  constituent  les  ceintures  présente  de 
nombreuses  variations,  mais  peut  cependant  être  ramenée  à une  forme 
générale  qui  se  retrouve  facilement,  malgré  les  modifications  qu’elle  a subies. 
Les  cylindres  ont  en  effet  la  forme  ordinaire  des  os  longs  des  membres, 
c’est-à-dire  qu’ils  sont  renflés  à chacune  de  leurs  extrémités  et  semblent 
comme  composés  de  deux  troncs  de  cônes  engendrés  par  une  courbe  légère- 
ment concave  et  soudés  bout  à bout  par  leurs  petites  extrémités. 

De  plus,  ces  tiges  osseuses  sont  plus  ou  moins  aplaties.  Leur  degré  d’apla- 
tissement, joint  à l’évasement  plus  ou  moins  considérable  de  leurs  extrémités 
périphériques,  sont  les  causes  principales  des  variations  de  forme  que  pré- 
sentent les  ceintures  dans  les  différents  types.  L’extrémité  périphérique  de  ces 
tiges  osseuses  est  généralement  surmontée  d’un  cartilage  qui  reste  quelquefois 
à l’état  cartilagineux,  qui  d’autres  fois  s’ossifie  et  conserve  son  indépendance, 
ou  qui  enfin  peut  se  souder  à la  tige  osseuse  après  avoir  en  son  point  d’ossifi- 
cation  distinct.  Ces  cartilages  ont  reçu  à l’épaule  le  nom  de  sus-scapulum  poul- 
ie scapulum,  et  d’épicoracoïde  pour  le  coracoïde.  Je  propose  de  leur  donner 
des  dénominations  uniformes  dans  les  deux  ceintures,  afin  d’aider  à la  compa- 
raison ; je  les  appellerai  donc  : épiscapulum,  épicoracoïde,  épiprécoracoïde, 
épiiléon , épiischion  et  épipubis.  Ces  dénominations,  faciles  à comprendre, 
indiqueront  immédiatement  la  position  et  la  signification  des  parties  désignées. 

L’examen  de  quelques  arcs  pelviens  et  scapulaires  appartenant  à diverses 
espèces  d’Amphibiens  et  de  Reptiles  établira  bientôt  les  propositions  précé- 
dentes. 


21 


Je  vais,  en  m’aidant  du  travail  si  complet  de  Parker  sur  l’épaule  et  le 
sternum  des  Vertébrés1  et  de  mes  propres  recherches,  jeter  un  coup  d’œil  sur 
les  principales  formes  de  l’épaule,  d’abord  chez  les  Amphibiens,  puis  chez  les 
Reptiles.  J’étudierai  ensuite  la  ceinture  pelvienne  dans  ces  deux  premiers 
groupes,  en  la  comparant  à la  ceinture  thoracique.  Après,  viendra  l’examen 
de  l’épaule  chez  les  Oiseaux  ; et  je  n’aborderai  l’examen  du  bassin  chez 
les  Oiseaux  que  lorsque  j’aurai  établi  la  comparaison  des  deux  ceintures  chez 
les  Mammifères.  Le  lecteur  trouvera,  chemin  faisant,  les  raisons  qui  m’ont 
imposé  cet  ordre,  un  peu  singulier  au  premier  abord. 


CEINTURE  THORACIQUE  UES  AMPHIBIENS. 

Les  Amphibiens  Urodèles,  soit  abranches,  soit  perennibranches,  sont  certai- 
nement les  types  chez  lesquels  les  membres  antérieur  et  postérieur  ont  le 
mieux  conservé  leur  type  primitif,  tout  en  ayant  atteint  un  degré  de  déve- 
loppement et  de  perfection  qui  permet  de  les  comparer  avec  sûreté  et  sans 
hésitation  aux  membres  des  Vertébrés  qui  leur  sont  supérieurs.  C’est  donc 
là  qu’il  convient  de  chercher  d’abord  la  forme  primordiale  élémentaire  d’un 
membre  pourvu  de  sa  série  complète  d’articles,  ce  que  nous  ne  saurions  trou- 
ver chez  les  Poissons,  où  les  membres  sont  seulement,  comme  je  l’ai  dit  plus 
haut,  à l’état  de  devenir. 

L’épaule  du  Proteus  anguinus  (PL  I,  fig.  1 et  2),  du  Menobranchus 
/ateralis,  du  Cryptobranchus  japonicus,  düMenopomaAlleghanensis,  du 
Siredon  pisciformis  (PI.  1,  fig.  4),  adultes,  se  présente  de  chaque  côté  sous 
la  forme  d’une  plaque  cartilagineuse  à trois  branches  ; une  branche  supé- 
rieure étroite  phalangiforme  est  le  scapulum  surmonté  d’un  épiscapulum 
cartilagineux.-  Une  branche  antérieure  et  inférieure  étroite  et  entièrement 
cartilagineuse  est  le  précoraco'ide  et  l’épiprécoraco'ide  restés  cartilagineux  et 
continus;  et  une  troisième  branche  postérieure  et  inférieure  plus  large,  éta- 
lée en  forme  de  plastron,  représente  le  coracoïde  et  l’épicoracôide,  restés 
cartilagineux  et  indistincts.  Au  point  de  convergence  de  ces  trois  rayons  se 

1 Pailser;  A Monograph  on  the  structure  and  development  of  the  Schoulder-girdle  and 
Sternum,  of  the  Vertebrata.  Ray  Society,  1868. 


92 


trouve  sur  la  face  extérieure  du  cartilage  une  excavation  on  fosse  plus  ou 
moins  profonde,  dont  les  bords  sont  formés  par  un  bourrelet  plus  on  moins 
saillant.  C’est  la  cavité  gléno'ide.  Les  deux  plaques  cartilagineuses  restent  à 
distance  l’une  de  l’autre  des  deux  côtés  de  la  ligne  médiane,  et  les  coracoïdes 
ne  sont  pas  en  contact. 

Un  cartilage  à trois  branches  dont  une  seule,  lescapulum,  présente  un  point 
d’ossification,  tel  est  la  première  forme  de  la  ceinture  thoracique  chez  les 
Amphibiens  Urodèles  les  moins  transformés,  les  moins  métamorphosés. 

Tel  est  aussi  l’état  delà  ceinture  thoracique  des  jeunes  Amphibiens  Uro- 
dèles suivants,  dont  l’état  adulte  présente  un  degré  plus  avancé  de  dévelop- 
pement que  celui  des  Amphibiens  précédents.  Chez  le  Sir  en  lacertina 
adulte  tPl.  I,  fhj.  5)  par  exemple,  la  ceinture  thoracique  conserve  la  môme 
forme  ; mais,  en  outre  du  premier  point  d’ossification  duscapulum,  il  y en 
a un  second  dans  le  coracoïde.  Le  sternum  est  représenté  par  une  plaque 
cartilagineuse  de  forme  rhomboïdale  irrégulière,  placée  dans  l’angle  formé  en 
arrière  par  les  bords  internes  des  caracoïdes,  qui  s’appuient  sur  lui  par  leur 
bord  épicoracoïdien.  Chez  les  Urodèles  abranches  très-développés,  adultes,  et 
chez  l 'Amblystoma,  par  exemple,  qui  est  l’état  adulte  du  Siredon  piscifor - 
mis , le  précoracoïde  acquiert  aussi  son  point  d’ossification.  L’épiprécora- 
coïde  reste  cartilagineux,  comme  l’épicoracoïde  et  l’épiscapulum. 

Les  trois  points  principaux  d’ossification  ne  s’étendent  jamais  beaucoup  ; 
ils  restent  limités  au  voisinage  de  la  cavité  glénoïde,  sauf  pour  le  scapulum. 
Ils  constituent  trois  petits  osselets  phalangiformes  très-aplalis  et  trés-élar- 
gïs  à leurs  extrémités  externes.  L’épicoracoïde  est  en  contact  par  son  bord 
postérieur  interne  avec  une  plaque  sternale  cartilagineuse.  Des  trois  points 
osseux,  le  scapulum  et  le  coracoïde  contribuent  toujours  à la  formation  de  la 
cavité  glénoïde  ; le  précoracoïde  n’y  participe  pas.  Les  trois  centres  osseux, 
d’abord  séparés,  se  soudent  entre  eux  chez  l’adulte,  et  il  ne  reste  que  quel- 
ques sillons  pour  rappeler  les  lignes  de  séparation.  L’épiscapulum,  l’épicora- 
coïde et  l’épiprécoraco'ide  restent  cartilagineux.  Les  épicoracoïdes  opposés 
dépassent  la  ligne  médiane  et  se  recouvrent  l’un  l’autre  ; sur  l’animal  que 
j’ai  disséqué,  le  côté  droit  recouvrait  le  gauche,  mais  c’est  ordinairement 
le  contraire  qui  a fieu  Telle  est  la  constitution  de  la  ceinture  scapulaire 
chez  les  Trito,  les  Salamnndra,  les  Amblystoma,  ainsi  qu’on  peut  le  voir 


23 


(PI.  T ,fig.  5),  qui  représente  l’épaule  droite,  vue  par  devant,  d’une  Sala- 
mandramaculosa  adulte,  mais  encore  de  petite  taille,  ayant  1 1 centim.  de 
longueur. 

Dans  ces  différentes  formes,  les  trois  rayons  de  la  ceinture  scapulaire 
conservent  des  dimensions  relatives  qui  varient  peu,  le  scapulum  restant 
plat  et  phalangiforme,  le  précoracoïde  long,  étroit  et  tendant  à la  forme  pha- 
langienne,  et  le  coracoïde,  plus  étalé,  en  plastron  ou  bien  en  forme  de  pha- 
lange très-aplatie  et  très-élargie  vers  son  extrémité  distale. 

Examinons  maintenant  la  ceinture  thoracique  des  Batraciens  anoures. 

L’épaule  de  Crapaud  (Bufo  niger ) (Pl.l,  fig.  6 et  7)  offre  le  type  com- 
plet de  la  ceinture  scapulaire.  Il  y a un  scapulum,  un  épiscapulum,  un  cora- 
coïde, un  épicoraco'ide,  un  précoracoïde,  un  épi  précoracoïde.  On  voit  que 
les  trois  parties  osseuses  constituent  des  tiges  biconiques  plialangi formes 
aplaties,  et  dont  les  extrémités  évasées  se  terminent  par  des  portions  carti- 
lagineuses d’une  étendue  variable,  les  proximales  occupant  la  cavité  glénoïde, 
et  les  distales  formant  : pour  le  scapulum,  une  aile  supérieure  très-élargie, 
l’épiscapulum  ; pour  le  précoracoïde,  une  petite  masse  cartilagineuse,  l’épi- 
précoracoïde,  qui  se  met  en  contact  avec  celle  du  côté  opposé.  Un  point 
d’ossification  apparaît  dans  l’épiscapulum,  qui  n’est  pourtant  jamais  entière- 
ment envahi  par  le  tissu  osseux,  et  qui  reste  toujours  distinct  du  scapulum . 

Les  épicoracoïdes  présentent  une  disposition  que  nous  avons  déjà  consta- 
tée, que  nous  retrouverons  chez  d’autres  Àmphibiens,  chez  des  Reptiles,  et 
qui  nous  donnera  l’explication  de  certaines  dispositions  anatomiques  des 
Oiseaux  et  des  Mammifères.  C’est  que  les  épicoracoïdes  chevauchent  l’un 
sur  l’autre,  le  gauche  passant  au-dessus  du  droit,  ainsi  que  l’on  peut  s’en 
convaincre  en  examinant  la  fig.  7,  qui  représente  les  coracoïdes  et  les 
épicoracoïdes  vus  par  leur  face  supérieure.  Il  y a donc  chevauchement. 

La  portion  rhomboïdale  du  sternum  fait  défaut  ; mais  les  coracoïdes  et 
précoracoïdes  sont  réunis  par  un  tissu  fibro-cartilagineux  qui  se  continue 
avec  les  épicoracoïdes  et  épiprécoracoïdes,  et  qui  peut  à bon  droit  être 
considéré  comme  leur  prolongement.  Il  en  résulte,  sur  la  paroi  antérieure 
de  l’arc  pelvien,  la  formation  d’un  véritable  trou  obturateur  de  chaque  côté 
de  la  ligne  médiane. 


4 


24  — 


Il  y a en  sc.  p.  cr.  une  éminence  que  l’on  a considérée  comme  un  acro- 
mion,  mais  elle  necorrespcnd  nullement  à l’acromion  des  Lacertiliens,  qui 
sont  clavicules.  L’acromion  des  Lacertiliens  est  en  effet  placé  sur  le  bord 
antérieur  du  scapulum.au  voisinage  de  la  ligne  de  séparation  du  scapulum 
et  de  l’épiscapulum.  L’éminence  des  Anoures  se  trouve  au  contraire  au 
point  d’union  du  scapulum  et  du  précoracoïde.  Ce  n’est  donc  pas  une 
éminence  scapulaire,  comme  l'est  toujours  l’acromion,  mais  une  éminence 
scapulo-précoracoïdienne.  Or  chez  tous  les  animaux  pourvus  d’une  clavicule, 
et  d’un  acromion  bien  déterminé  par  ses  rapports  mêmes  avec  la  clavicule, 
l’acromion  est  purement  scapulaire.  Nous  verrons  que  chez  les  Monolrèmes, 
dont  la  ceinture  scapulaire  a tant  de  rapports  avec  celledes  Lacertiliens,  l’acro- 
mionest,  comme  chez  ces  derniers,  situé  sur  le  bord  antérieur  du  scapulum 
assez  éloigné  de  la  cavité  gïéno'ide,  et  par  conséquent  du  caracoïde  et  du 
précoracoïde,  si  ce  dernier  eût  existé.  La  saillie  sc.  p.  cr.  du  Bufo,  qui 
est  cartilagineuse,  n’est  en  définitive  que  la  portion  persistante  des  extré- 
mités proximales  cartilagineuses  du  scapulum  et  du  précoracoïde.  C’est  une 
saillie  que  nous  retrouverons  dans  une  situation  identique  au  bassin,  où 
elle  est  désignée  sous  le  nom  d’éminence  iléo-pubienne  ou  iléo-pectinèe.  Je 
la  nomme  ici  éminence  scapulo-précoracoïdienne.  Nous  constatons  donc, 
dès  le  début  de  notre  étude,  que  chez  les  Anoures  qui  n’ont  pas  la  clavicule, 
l’acromion  fait  simultanément  défaut. 

La  cavité  gïéno'ide  est  formée  par  le  concours  des  extrémités  proximales 
cartilagineuses  des  trois  liges  osseuses;  aussi  a-t-elle  une  forme  semi-sphé- 
rique sur  laquelle  j’attire  l’attention,  et  qui  rappelle  fortement  la  cavité 
colyloïde  du  bassin,  à la  formation  de  laquelle  les  trois  éléments  prennent 
part  de  la  même  manière.  Au  point  de  rencontre  des  trois  tiges  osseuses,  le 
fond  de  la  cavité  n’est  pas  ossifié,  et  il  y a un  espace  cartilagineux  de 
petites  dimensions  qui  est  plus  rapproché  du  précoracoïde. 

La  ceinture  scapulaire  du  genre  Rana  diffère  par  quelques  perfection- 
nements de  celle  du  genre  Bufo,  mais  elle  rentre  exactement  dans  le  même 
type  (PI.  1,  fig.  8).  Elle  a un  scapulum  phalangiforme  trôs-aplati,  un 
large  épiscapulum  avec  un  point  d’ossification  flabelliforme  plus  étendu  que 
chez  les  Bufo  et  toujours  séparé  du  scapulum,  un  coracoïdien  très-élargi 
a son  extrémité  distale,  un  précoracoïdien  cylindrique  à extrémité  proximale 


25  — 


surmontée  d’une  apophyse  volumineuse  qui  s’unit  au  scapulum  pour  former 
une  forte  éminence  scapulo-précoraco'idienne.  Lesépicoraco'ides,  étroits,  sont 
continus  par  leur  bord  interne  sur  la  ligne  médiane,  et  ne  chevauchent  que 
d’une  manière  très-peu  sensible  on  même  pas  du  tout.  L’épiprécoracbide 
se  continue  avec  l’épicoracoïde  du  môme  côté,  de  manière  à circonscrire 
entièrement  le  bord  interne  du  trou  obturateur.  Quand  l’ossification  du  cora- 
coïde et  du  précoracoïde  est  très-avancée,  les  deux  os  se  rejoignent  presque 
parleurs  extrémités  distales,  et  le  trou  obturateur  est  presque  entièrement 
entouré  par  un  cercle  osseux.  Le  sternum  est  représenté  en  avant  de  la 
ceinture  scapulaire  par  un  os  conique,  le  présternum,  un  peu  aplati,  grêle 
en  avant,  et  terminé  par  une  petite  plaque  cartilagineuse  discoïde.  C’est 
Y omosternum  de  Parker,  1 ’épistermm  d’autres  Zoologistes,  de  Gegenbaur 
entre  autres1.  En  arrière,  il  y a un  beau  xipliisternum  osseux,  phalangiforme, 
terminé  par  une  large  plaque  cartilagineuse  mince  semi-discoïde  et  légère- 
ment bifide.  La  portion  centrale  ou  rhomboïdale  du  sternum  fait  défaut.  La 
cavité  glénoïde  est  surtout  formée  par  les  extrémités  proximales  du  scapulum 
et  des  coracoïdes;  le  précoracoïde  n’y  prend  qu’une  faible  part.  Nous  avons 
vu  qu’il  en  était  autrement  chez  les  Bufo.  De  plus,  chez  les  Bufo,  les  trois 
branches  de  la  ceinture  scapulaire  s’irradient  en  étoile  autour  de  la  cavité 


1 Présternum,  Omosternum,  Épisternum,  Inter  clavicule,  sont  autant  de  termes  sur  les- 
quels il  convient  d’être  fixé,  et  sur  lesquels  règne  une  assez  grande  confusion.  Le  préster- 
num est  un  segment  médian  impair  du  sternum  qui  surmonte  le  sternum  rhomboïdal  ou  cen- 
tral.' C’est  un  os  du  squelette  primordial,  et  provient  comme  tel  d'un  cartilage.  11  existe  chez  la 
Rana  sous  forme  d’un  prisme  osseux,  et  chez  beaucoup  de  Mammifères  monodelphes  etdidel- 
phes.  h’ omosternum  est  un  élément  ordinairement  pair  et  cartilagineux,  qui  vient  de  chaque 
côté  s'interposer  entre  le  présternum  et  la  clavicule.  Il  est  très-développé  chez  les  Histrix,  les 
Didelphys,  etc.,  et  existe  chez  l’Homme  à l’état  de  disque  cartilagineux  inter-articulaire  de 
l’articulation  sterno-claviculaire.  On  peut  considérer  comme  tel  aussi  la  lame  cartilagineuse  qui 
surmonte  le  présternum  des  Rana. 

Épisternum  est  une  expression  synonyme  d’ omosternum.  On  doit  enfin  réserver  le  nom 
’ d’interclavicule  à l'os  du  squelette  secondaire  ou  dermo-squelette,  qui  se  développe  dans  la 
membrane  sur  la  face  antérieure  du  sternum,  et  sur  lequel  s’appuient  également  les  clavi- 
cules quand  elles  existent  (Lézards,  Ichthyosaures,  Oiseaux,  Monotrèmes).  Les  Crocodiliens 
ont  aussi  cet  os,  quoiqu’ils  soient  non  claviculés.  L’ épisternum  et  l’interclavicule  étant  donc 
d’origine  différente,  je  crois  qu’il  convient  de  ne  pas  les  confondre,  malgré  l’exemple  et  l’auto- 
rité de  Gegenbaur. 


— 2G  — 


glénoïde,  tandis  que  chez  les  Ranci  ces  os  sont  placés  en  série  ; aussi  la 
forme  de  la  cavité  est-elle  différente.  Alors  quelle  était  semi-sphérique 
cl  ez  le  Bufo,  elle  est  ici  en  forme  de  croissant,  c’est-à-dire  semi-lunaire. 

Je  ne  puis  abandonner  ce  sujet  sans  ajouter  que  le  prècoracoide  a été 
considéré  par  Gegenbaur  comme  représentant  à la  fois  le  prècoracoide  et  en 
avant  la  clavicule.  C’est  là  une  opinion  qui  ne  peut  être  admise.  Je  pense 
que  ce  que  Gegenbaur  considère  comme  une  clavicule  n’est  que  la  première 
apparition  du  point  d’ossification  dans  le  prècoracoide.  Ce  point,  formant  une 
étroite  traînée  osseuse  sur  le  bord  antérieur  du  cartilage,  a pu  en  imposer 
pour  une  clavicule  adhérente  au  prècoracoide.  On  peut  opposer  à celte  opi- 
nion : 1°  que  ce  point  osseux  se  développe  dans  le  cartilage  et  n’est  pas 
comme  la  clavicule  un  os  de  membrane  ; 2°  qu’il  est  confondu  avec  le  pré— 
coracoïde,  ce  qui  n’a  jamais  lieu,  dans  aucun  autre  cas,  pour  la  clavicule; 
5°  qu’il  n’y  a pas  d’acromion,  mais  seulement  une  éminence  scapulo-pré- 
coracoidienne,  entièrement  homologue  à celle  des  Bufo  ; 4°  que  l’os  en 
question  s’appuie  sur  l’épicoracoide  et  en  arrière  du  présternum,  tandis 
que  chez  tous  les  animaux  pourvus  du  présternum  la  clavicule  s’arti- 
cule en  avant  de  cet  os  par  l’intermédiaire  de  l’omosternum  ; 5°  enfin  celte 
prétendue  clavicule  ne  donne  pas  insertion  aux  muscles  qui  s’attachent 
toujours  sur  la  clavicule,  quand  elle  existe.  En  effet,  le  grand  pectoral, 
très-large,  s’insère  sur  toute  la  ligne  médiane  du  xiphislernum,  des  épicora- 
co'ides  et  épi  précoracoïdes,  et  du  préslernum.  De  là,  les  fibres  convergent 
vers  la  partie  moyenne  de  la  grande  crête  de  l’humérus.  Ce  muscle 
passe  donc  au-devant  du  prècoracoide  sans  y prendre  aucune  insertion.  Le 
prècoracoide  est  caché  sous  le  grand  pectoral,  et  aucune  de  ses  parties  ne 
saurait  être  considérée  comme  représentant  la  clavicule. 

Deux  espèces  du  genre  Systoma,  le  Sysloma  gibbosum  et  le  Syslonm 
granosum,  ont  des  ceintures  pectorales  dans  lesquelles,  la  forme  générale 
restant  la  même,  les  dimensions  relatives  du  coracoïde  et  du  précoracoïde 
offrent  un  contraste  que  je  tiens  à faire  observer.  En  effet,  dans  1 $ Systoma 
granosum  (PL  1,  fig.  10)  le  coracoïde  est  volumineux  et  le  prècoracoide 
très-grêle,  ce  qui  est  le  cas  général  chez  les  Anoures  ; tandis  que  chez  le 
S.  gibbosum,  le  coracoïde  est  très-mince  et ,1e  précoracoïde  très-volumineux. 
C’est  la  une  disposition  que  j’aurai  à rappeler  à propos  de  la  ceinture  pel- 


27 


vienne  des  Chéloniens.  Je  fais  également  remarquer  la  forme  circulaire  et 
l’état  de  complète  ou  presque  complète  ossification  du  pourtour  du  trou  obtu- 
rateur, surtout  chez  le  Systoma  granosum. 

Je  mets  aussi  sous  les  yeux  du  lecteur  une  forme  intéressante  qui  nous 
sera  rappelée  par  l’épaule  des  Chéloniens  et  par  le  bassin  des  Lacertiliens  et 
des  Crocodiliens  : c’est  la  ceinture  thoracique  du  Daclylèlhre  du-  Cap.  La 
PI.  1,  fig.  11,  la  montre  vue  par  la  face  inférieure.  Le  scapulum  est  pha- 
lnngiformeet  très-court;  l’épiscapulum,  étalé  en  battoir,  est  en  partie  ossifié. 
Le  coracoïde  est  aplati,  triangulaire,  et  rappelle  considérablement  le  caracoïde 
des  Chéloniens.  Le  précoraco'ide  est  triangulaire  aussi,  recourbé  en  forme 
de  sabre.  11  repose  par  sa  base  sur  celui  du  côté  opposé,  dont  il  n’est  séparé 
que  par  une  étroite  bande  cartilagineuse,  l’épiprécoracoïde.  L’épicoracoïde 
est  en  forme  de  croissant  dont  l’angle  externe  est  court  et  dont  l’angle  interne, 
prolongé  en  avant,  va  rejoindre  l’épiprécoracoïde,  de  manière  à compléter  le 
trou  obturateur,  comme  chez  les  Tortues.  Les  deux  épicoracoïdes  sont  réu- 
nis par  leurs  bords  internes,  sans  chevauchement.  Le  sternum  est  une  lamelle 
rhomboïdale  à angles  arrondis.  11  est  petit  et  cartilagineux.  Les  trois  éléments 
de  la  ceinture  sont  disposés  en  étoile  autour  de  la  cavité  glénoïde  (PI.  1, 
fig.  12),  à la  formation  de  laquelle  ils  contribuent  d’une  manière  inégale, 
le  précoracoïde  n’y  entrant  que  pour  un  cinquième  environ.  Celte  fosse  est 
conséquemment  hémisphérique  et  non  semi-lunaire. 

La  ceinture  scapulaire  des  Amphibiens  anoures  est  donc  construite  sur 
le  môme  type  que  celle  des  Urodèles.  C’est  toujours  une  réunion  de  trois 
branches  qui  convergent  vers  la  région  glénoïdienne.  Il  y a ces  différences: 
l°que  chez  les  Anoures,  la  forme  phalangienne  des  branches  est  plus  accen  - 
tuée  et  l’ossification  plus  étendue;  2°  que  tandis  que  chez  les  Urodèles,  la 
transformation  de  lecbancrure  coraco-précoracoïdienne  en  un  trou  obtura- 
teur par  l’union  cartilagineuse  des  épicoracoïdes  avec  les  épiprécoracoïdes 
n’a  jamais  lieu,  celte  transformation  est  très-générale  chez  les  Anomes,  et 
n’offre  peut-être  pas  d’exceptions.  Le  Dactylethra  Capensis  par  exemple,  qui 
est  figuré  par  Parker*  comme  ayant  les  échancrures  coraco-précoracoïdien- 
nes  ouvertes,  m’a  présenté  au  contraire,  chez  un  animal  très-adulte  dont  j’ai 


Parker,  loc.  cit. 


dessiné  la  ceinture  pectorale  (Pl.l,  fig.  1 1) l’épicoracoïde  remontant  en 
avant  pour  s’unir  à l'épi précoracoïde  du  même  côté,  de  manière  à complé- 
ter le  trou  obturateur.  Les  deux  épi  précoracoïdes  étaient  du  reste  presque 
entièrement  ossifiés,  et  il  ne  restait  au  niveau  de  la  symphyse  des  caracoï- 
des  qu’une  étroite  bande  cartilagineuse.  Parker  indique  que  la  ceinture  qu’il 
représente  appartenait  à un  individu  adulte,  mais  femelle.  Il  est  possible 
que  le  sexe  établisse  des  différences  à cet  égard. 

CEINTURE  THORACIQUE  DES  REPTILES. 

La  ceinture  thoracique  des  Reptiles  est  construite  sur  le  même  type  et  se 
compose  des  mêmes  éléments  que  la  région  correspondante  des  Amphibiens. 
La  fig.  3,  PI.  11,  représente  la  ceinture  scapulaire  droite  de  la  Chelonia 
caouana.  On  y trouve  :I°  un  scapulum  formé  par  un  cylindre  osseux  légère- 
ment aplati  vers  son  extrémité  distale  (plus  aplati  chez  les  Tortues  terrestres), 
et  surmonté  d’un  épiscapulum  cartilagineux  qui  s’attache  par  du  tissu  fibreux 
etmêmefibro-cartilagineux  à l’arc  neural  delà  dernière  vertèbre  cervicale,  sans 
contracter  des  relations  avec  la  petite  côte  cervicale  correspondante  ; 2°  un 
précoracoïde  cylindrique  légèrement  aplati  et  élargi  à son  extrémité  distale, 
et  confondu  avec  le  scapulum  par  son  extrémité  proximale.  L’épiprécora- 
eoïde  cartilagineux  s’attache  par  du  tissu  fibreux  à la  face  postérieure  de 
l’entoplastron  et  de  l’épiplastron,  c’est-à-dire  de  l’interclaviculaire  et  de  la 
clavicule  ; 5°  un  coracoïde  plus  volumineux,  cylindrique,  mais  aplati  en  lame 
triangulaire  vers  son  extrémité  distale.  Il  y a aussi  un  bel  épicoracoïde 
cartilagineux,  en  forme  de  crochet  recourbé  en  avant,  et  qui  se  relie  à 
l’épi  précoracoïde  par  du  tissu  fibreux  et  fibro-cartilagineux,  transformant 
ainsi  en  un  trou  obturateur  triangulaire  la  large  échancrure  qui  existe  entre 
le  coracoïde  et  le  précoracoïde. 

Le  scapulum  et  le  précoracoïde  ne  sont  à aucun  àgs  séparés  l’un  de 
l’autre.  Ils  proviennent  du  même  centre  d’ossification,  et  sont  entièrement 
confondus  parleurs  extrémités  proximales.  Le  coracoïde,  an  contraire,  naît 
d’un  point  distinct  d’ossification,  et  conserve  son  indépendance,  n’étant 
relié  au  tronc  commun  des  deux  autres  branches  que  par  une  lame  de  tissu 
cartilagineux  plus  ou  moins  mince  qui  ne  s’ossifie  pas.  Celte  disposition  est 


— 20  — 

considérée  par  Parker  comme  exactement  reproduite  ( exactly  repealed ) dans 
le  Stnithio  camelus.  C’est  là  une  erreur,  si  j’en  juge  par  un  exemplaire  de 
Struthio  que  j’ai  sous  les  yeux,  et  dont  je  donne  le  dessin  (PI.  II  , fig.  6). 
Cette  jeune  Autruche  présente  en  effet  un  scapulum  ossifié,  et  séparé  du 
coracoïde  et  du  précoracoïde  confondus  à leurs  extrémités  proximales  et 
provenant  du  même  centre  d’ossification. 

La  cavité  glénoïde  se  trouve  au  point  de  convergence  des  trois  éléments 
de  l’épaule,  qui  paraissent  y prendre  des  parts  inégales.  Les  limites  du  sca- 
pulum et  du  précoracoïde  ne  pouvant  être  déterminées  avec  précision,  je  me 
borne  à dire  que  leur  disposition  et  leurs  parts  proportionnelles  dans  la 
constitution  de  la  cavité  rappellent  assez  ce  que  nous  avons  observé  dans 
les  cavités  glénoïdes  des  Rana.  Ils  sont  disposés,  non  en  étoile,  mais  en 
série  ; et  de  là  vient  la  forme  semi-lunaire  de  la  cavité. 

Ovven'  avait  considéré  le  précoracoïde  comme  une  clavicule  ou  comme  un 
acromion.  Parker  et  Gegenbaur  ont  réfuté  ces  deux  opinions,  en  faisant  re- 
marquer : 1°  que  la  genèse  de  cet  os  comme  os  de  cartilage  primordial  s’op- 
pose entièrement  à ce  qu’on  en  fasse  une  clavicule,  qui  est  un  os  du  sque- 
lette secondaire,  un  os  de  membrane  ; et  2°  que  l’on  ne  saurait  admettre 
une  apophyse  acromienne  aussi  développée  sans  l’existence  d’une  clavicule. 
Reste  la  supposition  que  l’os  en  question  représenterait  en  définitive  une 
fusion  complète  de  la  clavicule  et  du  précoracoïde.  Cette  opinion,  que  Ge- 
genbaur énonce  sans  la  réfuter,  n’est  pas  plus  acceptable  que  les  autres,  et 
pour  les  mêmes  raisons. 

LesChéloniens,  comme  1 eBufo,  n’ont  donc  ni  clavicule  ni  acromion.  Mais 
le  type  trifide  de  l’arc  scapulaire  se  trouve  chez  eux  fidèlement  et  complète- 
ment représenté  dans  ses  éléments  essentiels. 

Prenons  maintenant  l’épaule  d’un  Lacertilien,  le  Lézard  ocellé  par  exem- 
ple (PI.  Il,  fg.  2 ). 

Nous  y retrouvons  les  mêmes  éléments.  Un  scapulum  formé  par  un  cy- 
lindre osseux  très— aplati,  un  épiscapulum  incomplètement  calcifié  étalé  en 
palette,  un  coracoïde  très-élargi  à son  extrémité  distale,  un  précora- 


1 Owen;  Comparative  Anatomy  and  Physiology  of  Vertebrale.s,  I,  pag.  171,  172. 


50 


coïde  à la  base  duquel  se  trouve  un  petit  trou  donnant  passage  à des  vais- 
seaux et  à des  nerfs.  L’épicoracoide  et  l’épiprécoracoïde,  légèrement  calcifiés , 
sont  directement  réunis  et  continus  l’un  avec  l’autre,  ce  qui  est,  comparati- 
vement aux  Chéloniens,  un  progrès  vers  la  formation  d’un  trou  obturateur 
complètement  fermé  par  du  tissu  osseux,  ou  par  du  cartilage  calcifié.  Notons 
ici,  comme  chez  le  Bufo , que  les  épicoracoïdes  chevauchent  un  peu  l’un  sur 
l’autre  au  niveau  de  la  ligne  médiane. 

Le  coraco'ide  et  le  précoracoïde  sont  réunis  et  continus  comme  le  scapu- 
lum et  le  précoracoïde  des  Chéloniens  , tandis  que  le  lieu  d’union  du 
scapulum  et  du  précoracoïde  reste  toujours  visible  et  marqué  par  une 
ligne  cartilagineuse  plus  ou  moins  déliée.  C’est  donc  là  une  disposition 
inverse  de  celle  que  nous  avons  observée  chez  les  Chéloniens,  où  ce  sont  au 
contraire  le  scapulum  et  le  précoracoïde  qui  sont  intimement  soudés,  tandis 
que  le  coracoïde  reste  distinct.  La  cavité  glénoïde,  formée  comme  celle  des 
Rana  parla  série  des  éléments  de  l’épaule,  est  de  forme  semi-lunaire.  L’acro- 
rnion  est  une  saillie  formée  sur  le  bord  antérieur  du  scapulum,  au  niveau  du 
point  d’union  du  scapulum  et  de  l’épiscapulum. 

Mais  ici  apparaissent  de  nouveaux  éléments  qui,  quoique  en  connexion 
étroite  avec  l’arc  scapulaire  primitif,  lui  sont  au  fond  tout  à fait  étrangers. 
Je  veux  parler  de  la  clavicule  etdel’épisternum. 

La  clavicule  s’étend  de  l’acromionau  sommet  de  l’épisternum,  sur  lequel 
elle  s’appuie  et  se  fixe  par  des  ligaments.  Elle  ne  dépend  nullement  du  car- 
tillage  de  l’arc  thoracique;  elle  est  un  véritable  os  de  membrane  très-adhérent 
à la  peau,  et  appartient  au  squelette  secondaire  et  non  au  squelette  primor- 
dial. La  clavicule  des  Sauriens  possède  du  reste  tous  les  caractères  essentiels 
delà  clavicule,  tous  ceux  auxquels  on  la  reconnaît  chez  tous  les  Vertébrés 
autres  que  les  Poissons. 

1°  Elle  s’appuie  sur  un  acromion  scapulaire  par  une  de  ses  extrémités; 

2°  Elle  s’appuie  sur  le  sommet  de  l’épisternum  par  l’autre  extrémité; 

5°  Elle  est  entièrement  étrangère  à la  constitution  de  la  cavité  glénoïde  ; 

4°  Elle  se  développe  comme  os  de  squelette  secondaire , c’est-à-dire 
comme  os  du  dermosquelelte  ou  os  de  membrane  1 ; 


1 On  sait  que  chez  l'homme  et  chez  quelques  Mammifères,  le  premier  rudiment  de  la 


5°  Elle  donne  insertion  à des  muscles  qui  correspondent  au  deltoïde  cla- 
viculaire, à la  portion  claviculaire  du  grand  pectoral,  et  aux  muscles  qui  vont 
de  la  lête  et  des  vertèbres  cervicales  à la  clavicule. 

L’épisternum  ou  interclaviculaire  est  également  un  os  de  membrane  non 
développé  dans  un  cartilage.  Il  a la  forme  d’un  T,  on  mieux  d’une  croix,  et 
se  trouve  appliqué  sur  la  face  inférieure  du  sternum,  qu’il  dépasse  en  avant. 
Le  sternum  possède  une  portion  rhomboïdale  très-développée,  sur  les  bords 
postéro-latéraux  de  laquelle  s’articulent  les  côtes,  et  qui  se  termine  en 
arrière  par  un  xiphisternum  bifide  et  ramifié.  Il  est  cartilagineux  et  plus  ou 
moins  calcifié.  Au  centre  du  sternum  se  trouve  un  orifice  elliptique.  Les 
bords  antéro-latéraux  du  sternum  sont  en  contact  avec  les  épieoracoïdes,  qui 
plus  en  avant  passent  au-dessus  de  l’interclaviculaire’.  Les  épiprécoracoïdes 
sont  en  rapport  avec  la  partie  interne  de  la  clavicule,  qui  passe  au-dessous 
d’eux. 

La  ceinture  thoracique  des  autres  Lacertiliens  dont  les  membres  antérieurs 
sont  développés,  ne  diffère  que  par  des  détails  peu  importants  de  celle  que 
je  viens  de  décrire.  Les  différences  consistent  surtout  dans  la  multiplication 
des  arcs-boutants  osseux,  qui  vont  delà  cavité  glénoïde  aux  épicoracoïde  et 
épiprécoracoïde.  C’est  ainsi  que  chez  les  Iguana,  il  y a un  préscapulum  qui 
naît  du  bord  antérieur  du  scapulum  et  qui  divise  en  deux  l'échancrure  qui 
sépare  le  scapulum  du  précoracoïde,  et  un  mésocoracoïde  qui  divise  le  trou 
obturateur  en  deux  orifices  distincts. 

11  est  pourtant  quelques  formes  intéressantes  de  la  ceinture  thoracique 
que  je  ne  dois  pas  passer  sous  silence,  celle  des  Caméléons,  par  exemple 
(PI.  Il,  fig.  1).  Elle  se  compose  d’un  scapulum  étroit,  délié,  phalangi- 
forme,  aplati,  surmonté  d’un  épiscapulum  cartilagineux.  L’extrémité 
glénoïdienne  du  scapulum  s’élargit  brusquement.  Le  reste  de  la  ceinture  est 
formé  par  une  lame  osseuse  en  forme  de  quadrilatère  irrégulier,  qui  s’élargit 
légèrement  vers  son  bord  interne  recouvert  par  une  bordure  cartilagineuse 

clavicule  est  un  tissu  fibreux  qui  s’ossifie  directement  et  aux  extrémités  duquel  s'ajoutent  ensuite 
des  productions  cartilagineuses  pour  la  croissance  en  longueur,  tandis  que  l'ossification 
pèriostiqUe  produit  la  croissance  en  diamètre.  Chez  les  Oiseaux,  l'extrémité  antérieure  de  la 
clavicule  possède  seule  un  léger  revêtement  ' cartilagineux  qui  s’ossifie.  Chez  tous  les  autres 
animaux,  la  clavicule  est  exclusivement  un  os  de  membrane. 

5 


4 


— 52  - 

épaisse,  s’articulant  avec  une  fossette  allongée  du  bord  anléro-latéral  de  la 
portion  rhombbidale  du  sternum. 

La  forme  de  cette  portion  de  la  ceinture  permet  de  reconnaître  qu’elle  re- 
présente à la  fois  le  coracoïde  et  le  précoracoide  réunis,  et  non  séparés  par 
une  échancrure  ou  un  trou  obturateur.  Le  bord  interne  cartilagineux  cor- 
respond bien  du  reste  à l’épicoracoïde  et  à l’épiprécoracoïde.  Il  y a de  plus 
une  éminence,  sc.p.cr .,  qui  représente  exactement  l’éminence  scapulo- 
précoracoïdienne  des  Amphibiens  ( prescapula  de  Parker),  et  l’on  trouve 
toujours  sur  la  plaque  osseuse  un  petit  trou  pour  le  passage  d’un  nerf  qui 
rappelle  celui  qu’on  observe  chez  les  autres  Lacertiliens  sur  l’isthme  os- 
seux même  qui  réunit  le  précoracoïde  au  coracoïde.  Le  bord  antérieur,  qui 
représente  une  partie  du  précoracoïde,  reste  cartilagineux  alors  que  le  cora- 
coïde est  entièrement  ossifié,  ce  qui  est  d’accord  avec  ce  que  nous  avons 
observé  chez  les  Amphibiens,  quanta  l’ordre  d’apparition  des  points  d'ossi- 
fication. Le  sternum  rhomboïdal  cartilagineux  plus  ou  moins  calcifié  dépasse 
en  avant  le  précoracoïde  en  formant  un  présternum.  H sépare  donc  entière- 
ment les  deux  épicoracoïdes,  qui  ne  présentent  plus  de  chevauchement.  Celte 
relation  des  coracoïdes  et  du  sternum  se  retrouvera  chez  les  Crocodiliens. 

1!  n’y  a enfin  ni  clavicule,  ni  interclavicule,  ni  acromion. 

La  ceinture  scapulaire  des  Crocodiliens  diffère  notablement  de  celle  des 
Lacertiliens,  mais  sans  sortir  cependant  du  type  général.  Elle  a un  scapulum 
qui  {appelle  le  scapulum  phalangiforme  aplati  des  Lacertiliens,  un  épiscapu- 
lum  cartilagineux,  un  coracoïde  phalangiforme  aplati  et  un  épicoracoïde 
cartilagineux  dont  le  bord  interne  s’articule  avec  des  facettes  concaves 
occupant  les  bords  anléro-latéraux  du  sternum  rhomboïdal.  Les  épicora- 
coïdes sont  séparés  entre  eux  par  le  sternum,  comme  chez  les  Caméléons. 
Le  précoracoide  n’est  représente  que  par  une  saillie  placée  au-devant  de 
l’extrémité  supérieure  du  coracoïde,  et  qui  contribue  à former  l’émiuence 
scapulo-précoracoïdienne.  Le  scapulum  et  le  coracoïde  sont  toujours  distincts 
et  réunis  par  une  synchondrose,  tandis  que  le  précoracoïde  rudimentaire  est 
soudé  au  coracoïde,  comme  chez  les  Lacertiliens.  Il  y a,  comme  .chez  ces 
derniers,  un  petit  trou  pour  le  passage  de  nerfs  musculo-cutanés  au  niveau  de 
l’origine  du  précoracoïde.  La  cavité  glènoïde  est  de  forme  semi-lunaire,  comme 


V 


— 5">  — 

chez  les  Lézards.  Les  Crocodiliens  n’ont  pas  de  clavicule,  mais  ils  ont  une 
in tercla vieille  sans  branches  latérales.  Ils  n’ont  pas  d’acromion,  mais  il  va  à 
la  face  externe  du  scapulum  un  rudiment  d’épine  sous  forme  d’une  crête 
mousse  peu  saillante  et  peu  étendue.  L’absence  de  précoracoïde  est  le  ré- 
sultat d’un  défaut  de  développement  que  nous  retrouverons  chez  les  Oiseaux, 
dont  la  ceinture  scapulaire  a de  très-grandes  ressemblances  avec  celle  des 
Crocodiliens.  Le  scapulum  et  le  coracoïde  s’unissent  chez  les  Crocodiliens, 
en  formant  un  angle  ouvert  en  arrière  qui  a un  peu  plus  de  90°.  La  cavité 
glénoïdienne,  à la  constitution  de  laquelle  le  scapulum  et  le  coracoïde  pren- 
nent une  part  à peu  près  égale,  se  trouve  placée  dans  1’ouve.rture  de  l’angle, 
tandis  que  le  précoracoïde  se  trouve  du  côté  opposé,  c’est-à-dire  du  côté 
saillant  de  l’angle.  Nous  retrouverons  chez  les  Oiseaux  des  dispositions 
qui  rappellent  remarquablement  ces  particularités. 

Le  précoracoïde  manquait  peut-être  aussi  chez  les  Ichlhyosaures  et  les 
Plésiosaures,  dont  les  membres  avaient  une  conformation  assez  imparfaite. 
11  n’est  pourtant  pas  certain  que  le  précoracoïde  n’ait  pas  existé  à l'état 
cartilagineux  chez  ces  anciens  Reptiles.  Il  faut  en  effet  remarquer  que  le  sca- 
pulum des  Ichlhyosaures  présente  sur  son  extrémité  proximale,  au  -devant  de 
sa  surface  de  contact  avec  le  coracoïde,  une  surface  terminale  qui  est  placée 
en  arrière  de  la  clavicule,  et  qui  pourrait  bien  être  en  relation  avec  un  pré- 
coracoïde cartilagineux.  Celte  saillie  antérieure  du  scapulum  représente  en 
effet  une  portion  de  l’éminence  scapulo-précoracoïdienne.  Il  n’y  a pas  dans 
la  nature  actuelle  d’exemple  d’une  saillie  pareille  du  scapulum  qui  ne  soit 
en  contact  avec  une  portion  osseuse  ou  cartilagineuse,  correspondant  au  pré- 
coracoïde. Au  reste,  celte  tubérosité  antérieure  de  l’extrémité  glénoïdienne 
du  scapulum  est  loin  d’être  lisse,  mais  elle  est  rugueuse  et  inégale,  comme 
si  elle  avait  été  surmontée  d’une  masse  cartilagineuse;  et  l’on  peut  dire 
également  que  l’extrémité  antérieure  du  bord  interne  des  coracoïdes  se 
prête  à la  même  supposition.  Je  suis  donc  disposé  à croire  que  l’arc  pectoral 
des  Ichthijosaures  était  composé  d’un  scapulum,  d’un  coracoïde  osseux  et 
d’un  précoracoïde  cartilagineux,  et  qu’il  présentait  par  conséquent  de 
grands  rapports  de  ressemblance  avec  celui  des  Ratitœ,  qui  offrent  du  reste 
avec  eux  d’autres  points  de  rapprochement  (maxillaires  très-petits,  inter- 
maxillaires très-développés,  basiphénoïdes  très-prolongés  enbec,  etc.). 


— o4  — 

Les  Ichlhyosanres  avaient  une  intercla vicule  et  des  clavicules  très-deve- 
loppées,  rappelant  assez  celles  de  certains  Oiseaux. 

Quant  aux  Plésiosaures,  on  sait  que  sur  les  exemplaires  bien  conservés, 
il  y a des  restes  un  peu  confus  d’une  plaque  non  osseuse  qui  surmontait  en 
avant  le  grand  coracoïde,  et  qui  était  peut-être  un  précoracoïde  cartilagineux 
mal  ossifié,  mais  de  consistance  assez  forte  pour  avoir  laissé  des  traces.  11 
est  du  reste  aussi  possible  que  le  très-large  coracoïde  de  ces  animaux  fût 
un  coraco-précoracoïdien  comparable  à celui  des  Caméléons.  Quelques  Plé- 
siosaures (Nothosa  lires)  avaient,  comme  les  Icbthyosaures,  une  interclavicule 
et  des  clavicules  bien  ossifiées. 

-Quoi  qu’il  en  soit  du  reste,  il  est  incontestable  que  le  défaut  de  dévelop- 
pement d’une  portion  d’un  appareil  ne  détruit  pas  au  fond  le  type  et  la 
forme  fondamentale  de  cet  appareil; et,  dans  le  cas  actuel,  la  forme  typique 
de  la  ceinture  thoracique  n’eri  reste  pas  moins  celle  d’un  appareil  ostéo-car- 
tilagineux  à trois  branches  convergeant,  soit  en  série , soit  en  étoile , vers  la 
cavité  glénoïde,  et  contribuant  dans  des  proportions  très-variables  à la  consti- 
tution de  cette  cavité,  le  scapulum  et  le  coracoïde  en  formant  la  plus 
grande  part,  le  précoracoïde  y entrant  pour  une  part  moindre,  et  quelque- 
fois même  nulle  (Crocodiliens,  quelques  Lacertiliens)  Des  trois  branches 
de  la  ceinture,  l’une,  le  scapulum,  est  supérieure,  et,  servant  d’élément 
suspenseur,  est  attachée  à la  colonne  vertébrale.  Des  deux  autres,  l’une 
antérieure,  le  précoracoïde,  et  l’autre  postérieure,  le  coracoïde,  servent 
d’insertion  à des  muscles  et  de  support  pour  l’humérus,  [.'échancrure 
qui  sépare  le  coracoïde  du  précoracoïde  peut  rester  ouverte  (Urodèles)  ou 
se  clore  en  trou,  soit  par  le  contact  de  tissu  fibro-cartilagineux  réunissant 
l’épicoracoïde  et  l’épiprécoracoïde  (Chélonicns),  soit  par  la  continuité  de  ces 
deux  éléments  cartilagineux  (Lacertiliens).  Ainsi  se  produit  le  trou  obtura- 
teur de  l’épaule.  Enfin  celle  échancrure  ou  ce  trou  peuvent  faire  entièrement 
défaut,  le  coracoïde  elle  précoracoïde  restant  unis  et  confondus  (Caméléon). 

Une  remarque  spéciale  et  que  je  donne  ici  comme  observation  commune 
à toutes  les  ceintures  thoraciques,  c’est  que  l’épicoracoïde  présente  ordinai- 
rement à son  extrémité  postérieure,  soit  par  lui-même,  soit  par  son  union 
avec  le  bord  postérieur  du  coracoïde,  une  saillie  plus  ou  moins  prononcée,  que 
l’appelle  tubérosité  coracoïdienne.  L’épiprécoracoïde  présente  en  avant,  soit 


par  lui-  même,  soit  par  son  union  avec  le  bord  antérieur  du  précoracoïde, 
une  saillie  généralement  plus  faible,  que  j’appelle  tubérositéprécoracoïdienne. 
Nous  retrouverons  exactement  leurs  homologues  dans  la  ceinture  pel- 
vienne. 

Voyons  maintenant  si  le  bassin  n’est  pas  construit  sur  le  même  type. 

CEINTURE  PELVIENNE  DES  AMPIIIBIENS. 

Le  bassin  des  Amphibiensest  celui  quisemble  le  plus  s’éloigner  du  type  de 
la  ceinture  thoracique.  Mais  ce  n’est  là  qu’une  apparence  qu’il  est  très-facile 
de  dissiper  pour  apprécier  sainement  la  valeur  et  la  signiflcatfon  des  parties. 

La  ceinture  pelvienne  du  Siredon  pisci for  mis  (PL  IV,  ftg.  1),  de  la  Sala- 
mandra  maculosa  (PL  IV,  fig.  2,  5),  du  Trilo  marmoratus,  sont  com- 
posés de  chaque  côté  d'une  plaque  cartilagineuse  dans  laquelle  se  dévelop- 
pent des  points  osseux  plus  ou  moins  distincts  et  plus  ou  moins  étendus. 

Celtefceinture  présente  à considérer: 

1°  Une  partie  supérieure  ou  dorsale,  aplatie,  étroite,  dans  laquelle  se  dé- 
veloppe un  point  osseux  phalangiforme  un  peu  aplati  : c’est  Yiléon.  11  est 
surmonté  d’une  partie  qui  reste  cartilagineuse  en  forme  de  palette  ou  de 
lamelle  un  peu  variable  suivant  les  espèces,  et  qui  est  l’épiiléon.  L’iléon  et 
lepiiléon  constituent  l’élément  suspenseur  de  la  ceinture  pelvienne.  C’est 
par  cet  élément  quelle  est  attachée  à la  colonne  vertébrale. 

2°  Une  partie  inférieure  ou  ventrale  formée  par  une  plaque  polygonale 
irrégulière,  dans  laquelle  apparaît,  près  du  bord  postéro-supérieur,  un  centre 
d’ossification  qui  s’irradie  de  là  vers  les  bords  antérieur  et  inférieur.  Ce  point 
n’envabit  jamais  toute  la  plaque  cartilagineuse,  dont  il  reste  une  bande  an- 
térieure et  interne  qui  devient  plus  étroite  avec  l’âge.  Le  bord  antérieur  ou 
pubien  de  la  plaque  porte  en  dehors  une  petite  éminence  on  saillie  qui  reste 
toujours  cartilagineuse  et  que  nous  retrouverons  chez  les  Reptiles  : c’est 
\ apophyse  pubienne. 

An  point  de  rencontre  de  la  portion  dorsale  et  de  la  portion  ventrale  se 
trouve  la  cavité  cotyloïdienne,  qui  est  hémisphérique,  et  à la  formation  de 
laquelle  participent  : en  haut  l’iléon  pour  une  large  part;  en  avant,  en  bas  et 
en  arrière  la  plaque  ventrale.  Au  voisinage  delà  cavité  cotyluïle  et  près  du 


56 


bord  antérieur  de  la  plaque  ventrale,  on  voit  un  petit  trou  vasculo-nerveux. 
Sur  la  portion  médiane  du  bord  antérieur  du  bassin  , entre  les  plaques  ven- 
trales des  deux  côtés,  se  trouve  en  avant,  chez  les  Salamandres,  un  cartilage 
qui  devient  bifide  et  sur  lequel  s’attachent  les  muscles  abdominaux.  Cette 
tige  existe  également  chez  les  Dérotrèmes.  Chez  le  Siredon  pisciformis,  ce 
cartilage  est  réduit  à un  petit  tubercule  fibro-cartilagineux.  Quant  à la 
signification  de  cette  tige  cartilagineuse  bifide,  on  ne  saurait  y voir  le  repré- 
sentant des  os  marsupiaux  , attendu  que  ces  derniers  se  développent 
comme  des  os  de  membrane  dans  le  tendon  des  muscles  obliques  externes 
de  l’abdomen.  Il  me  semble  qu’une  assimilation  rationnelle  peut  être  faite 
de  celte  tige  des  Ampbibiens  avec  les  présternum  et  omosternum  des 
Ampbibiens  Anoures,  dont  la  tendance  à la  bifidité  est  évidente  chez  les 
Pipa  dorsigera,  Pseudis  paradoxa , et  chez  les  Rana  , où  apparaissent 
deux  points  d’ossification  latéraux  dans  le  cartilage  primitif  du  présternum. 
Ce  présternum  pelvien  bifide  serait  la  continuation  interrompue  du 
xiphisternum  bifide  des  Lacertiliens,  des  Crocodiliens  et  même  des  Am- 
pbibiens Anoures,  tels  que  Ceratuphrys  dorsata,  Docidophryne  gigantea , 
Bitfo  agua , Rana  temporaria,  Acrodytes  Daudrinii,  et  surtout  Pleuro- 
dcma  Bibronii  et  Calamites  cyaneus , où  on  reconnaît  facilement  une  ten- 
dance à la  bifidité  ou  même  une  bifidité  très-accentuée. 

Telle  est  la  forme  de  la  ceinture  pelvienne  des  Ampbibiens  Urodèles, 
forme  qui  semble  s’éloigner  du  type  bifide  que  nous  avons  trouvé  dans  leur 
ceinture  thoracique,  et  que  nous  retrouverons  si  prononcé  et  si  constant  dans 
tous  les  types  qui  leur  sont  supérieurs. 

Mais  Usera  facile  pour  l’observateur  de  se  convaincre  que  la  portion  ven- 
trale de  la  ceinture  pelvienne  représente  en  vérité  les  deux  éléments  qui  ont 
reçu  le  nom  d’ischion  et  de  pubis  surmontés  de  leurs  épiischions  et 
épipubis,  et  réunis  entre  eux  sans  échancrure  ni  trou  obturateur.  La  suite  de 
cette  étude  le  démontrera  suffisamment;  mais  il  me  suffira  déjà  de  faire 
observer  la  ressemblance  très-grande  de  ces  bassins  avec  la  ceinture  thora- 
cique des  Caméléons,  où  les  éléments  coracoïde  et  précoracoïde  n’ont  point 
été  séparés.  Dans  l’un  comme  dans  l’autre  cas,  on  observe  une  ossification 
précoce  de  la  partie  postérieure,  correspondant  d’une  part  au  coracoïde  et 
d’autre  part  à l’ischion,  et  la  conservation  sur  le  bord  antérieur  d’une  bande 


cai lilagienne  plus  on  moins  large  suivant  l’âge,  et  qui  représenle  partielle- 
ment la  région  précoracoïdienne  d’une  part,  la  région  pelvienne  d’autre 
part.  Dans  l’un  des  cas  aussi,  on  remarque  une  éminence  scapulo-précora- 
coïdienDe  peu  prononcée,  qui  représente  l’éminence  iléo-pubienne  du  bassin; 
et  l’on  retrouve  dans  les  deux  cas  le  trou  vasculo-nerveux,  qui  a conservé 
des  connexions  et  une  situation  analogues. 

L’étude  comparative  des  insertions  musculaires  dans  le  bassin  à plaque 
ventrale  et  dans  les  bassins  à ischion  et  pubis  distincts,  nous  démontrera 
aussi  plus  lard  que  cette  plaque  unique  correspond  aux  deux  éléments  iscbio- 
pubiens  réunis. 

Le  bassin  des  Amphibiens  Anoures  diffère  notablement  par  sa  forme 
générale  du  bassin  des  Urodèles,  mais  au  fond  il  est  construit  sur  le  même 
type  et  présente  les  mêmes  éléments  (PL  1Y,  fig.  4,  5,  6). 

\°  L’iléon  forme  un  os  très-long,  légèrement  aplati  sur  les  faces  latérales, 
ayant  un  bord  inférieur  arrondi  et  une  crête  supérieure  qui  s’élargit  d’avant 
en  arrière,  où  elle  présente  une  tubérosité,  tubérosité  iliaque,  destinée  au 
grand  fessier  et  à la  longue  portion  du  biceps  crural.  L’extrémité  antérieure 
de  l’iléon  est  recouverte  d’une  couche  cartilagineuse  plus  ou  moins  épaisse, 
suivant  l’âge  : c’est  l’épidéon  ; sa  partie  postérieure  s’élargit  en  une  lame 
verticale  qui  se  porte  en  arrière  et  en  dedans  vers  le  plan  médian,  et  dont 
le  bord  postérieur  sinueux  s’unit  avec  les  autres  éléments  du  bassin.  Cette 
portion  verticale  est  occupée  au  centre  par  la  partie  antérieure  de  la  cavité 
coiyloïde  ou  acetabulum  ; au-dessus  et  au-dessous  de  l’acelabulum  se 
trouve  une  crête  verticale  supérieure  et  inférieure. 

2°  L’ischion  est  représenté  par  une  lame  osseuse  verticale  qui  est  unie  par 
synchondroseavec  la  partie  supérieure  de  la  lame  verticale  de  l’iléon.  Celte 
partie  de  la  ceinture  forme  en  avant  les  deux  septièmes  de  la  cavité  coiyloïde. 

3°  Le  pubis  est  ici  longtemps  cartilagineux,  comme  chez  les  Urodèles.  C’est 
une  lame  placée  comme  un  coin  dans  l’angle  formé  en  bas  par  l’iléon  et  l’is- 
chion. L’angle  supérieur  de  cette  lame  triangulaire  forme  un  septième  de  la 
cavité  cotyloïde.  Ce  cartilage  pubien  est  plus  ou  moins  incrusté  au  niveau 
même  de  la  cavité  cotyloïde  chez  la  Rana  mugiens  de  grande  taille  qui  est 
ici  représentée.  Ce  point  d’incrustation  s’étend  progressivement  et  peut  en- 


vahir  tout  le  pubis,  qui  reste  pourtant  toujours  distinct  (Dactylet /ira). 
L’épipubis  est  toujours  cartilagineux.  Au  point  de  rencontre  de  l’iléon  et  du 
pubis  se  trouve  une  saillie  qui  représente  l’éminence  ilio-pubienne. 

L’ischion  est  surmonté  d'un  bord  cartilagineux.  C’est  l’épiischion  qui  est 
continu  avec  l’épipubis  et  qui  rie  se  distingue  pas  du  pubis.  La  cavité  coty- 
loïde  est  de  forme  hémisphérique  parfaite,  et  son  rebord  est  partout  bien 
accentué.  Le  fond  en  est  toujours  occupé  par  une  étoile  cartilagineuse  dont 
les  rayons  sont  situés  dans  l’intervalle  des  trois  éléments  constituants.  Le 
centre  de  cette  étoile  cartilagineuse  est  très-mince  et  peut  parfois  présenter 
une  lacune  plus  ou  moins  étendue. 

On  voit  donc  que  le  bassin  des  Anoures  diffère  par  sa  forme  singulière  de 
celui  des  Urodèles.  Mais  toutefois,  entre  ces  deux  formes,  dont  l’une  est 
caractérisée  par  l’aplatissement  latéral  complet  de  la  cavité  du  bassin 
et  par  la  position  verticale  de  la  plaque  ischio-pubienne  [ Rana , Bufo),  et  dont 
l’autre  est  caractérisée  au  contraire  par  la  dilatation  transversale  de  la  cavité 
du  bassin  et  la  position  horizontale  de  la  plaque  ischio-pubienne  (Sala- 
mandra , Siredon,  Trito,  etc.),  il  y a des  formes  intermédiaires.  Je  me 
bornerai  à citer  le  bassin  du  Daclylethra  Capensis  (PL  IV,  fig . 5,  6) 
où  les  deux  ischions  sont  verticaux  et  accolés  par  leur  face  interne,  comme 
chez  les  j Rana,  et  les  pubis  horizontaux,  séparés  sur  la  ligne  médiane,  et 
placés  transversalement,  comme  chez  les  Urodèles.  La  cavité  cotyloïJe  est 
hémisphérique,  et  les  trois  os  disposés  en  étoile  contribuent  à sa  formation  ; 
mais  le  pubis  y entre  pour  un  septième  seulement. 

Au  reste,  malgré  les  différences  de  forme  que  nous  venons  de  constater,  le 
bassin  des  Anoures  n’est  qu’une  reproduction  du  bassin  des  Urodèles,  modifié 
d’une  manière  superficielle  et  tout  à fait  secondaire. 

Dans  l’une  comme  dans  l’autre  forme,  la  portion  ventrale  de  la  ceinture 
pelvienne  est  formée  par  une  plaque  cartilagineuse  sans  échancrure  et  sans 
trou,  dans  laquelle  apparaît  un  seul  point  d’ossification,  correspondant 
surtout  à la  portion  postérieure  ou  ischienne  du  bassin.  Pour  passer  du  bas- 
sin d’Urodèle  au  bassin  d’Anoure,  il  suffit  de  donner  plus  de  longueur  à 
l’iléon,  d’élargir  son  extrémité  colyloïdienne,  et  de  changer  la  direction  des 
plaques  ventralesde  chaque  côté,  de  manière  à rendre  l’angle  qu’elles  forment 


— 59  - 

sur  la  ligne  médiane  extrêmement  aigu,  de  très-obtus  qu’il  était  chez  les 
Urodèles. 

La  symphyse  du  bassin  du  Dactyletlira  Capensis  porte  en  avant  un  petit 
tubercule  cartilagineux  qui  représente  là  les  appendices  cartilagineux  que 
j’ai  décrits  chez  les  Urodèles  comme  un  présternum  abdominal. 

CEINTURE  PELVIENNE  DES  REPTILES. 

Le  bassin  des  Reptiles  dont  les  membres  postérieurs  sont  bien  développés, 
montre  la  subdivision  de  la  plaque  ventrale  en  deux  parties  séparées,  ou  par 
une  échancrure  ou  même  par  un  véritable  trou  obturateur. 

Le  bassin  de  Caméléon  (PI.  IV,  fig.  7,  8)  est  le  plus  propre  à nous 
rappeler  par  sa  forme  générale  les  formes  du  bassin  des  Amphibiens. 

Il  se  compose:  1°  d’un  iléon  phalangiforrne  aplati,  très-allongé  et  sur- 
monté d’un  épiiléon  cartilagineux;  2°  d’un  ischion  triangulaire  ou  phalangi- 
forme  aplati,  très-évasé  à son  extrémité  distale,  et  surmonté  sur  ce  bord  d’un 
épiischion  cartilagineux  qui  s’unit  sur  la  ligne  médiane  par  une  symphyse 
avec  son  congénère  ; 3°  d’un  pubis  phalangiforrne  aplati,  surmonté  d’un 
épipubis  qui  s’unit  par  symphyse  avec  celui  du  côté  opposé. 

Le  pubis  présente  aussi  un  bord  antérieur  cartilagineux  en  forme  de  crête 
saillante,  et  qui  nous  rappelle  bien  le  bord  antérieur  cartilagineux  du  bassin 
des  Urodèles. 

Ce  bord  supporte,  près  de  son  extrémité  interne  saillante,  un  tubercule 
cartilagineux  du  sommet  duquel  part  un  cordon  fibreux  grêle,  qui  va  se 
porter  en  arrière  sur  l’extrémité  antérieure  de  l’épiischion.  L’ensemble  de 
ces  saillies  vu  par  la  face  inférieure  représente  un  T dont  l’extrémité  des 
brandies  est  relié  par  un  cordon  au  pied  du  jambage  principal . 

On  peut  se  demander  quelle  est  la  signification  de  ces  parties.  Est-ce  la 
reproduction  de  l’os  en  T,  ou  interclaviculaire  de  l’épaule  des  Lézards  et  des 
Iguanes,  auquel  seraient  attachées  deux  clavicules  réduites  à leur  extrémité 
interne  ? Ce  serait  là  une  vue  séduisante  que  je  n’abandonne  qu’à  regret. 
Mais  il  n’est  pas  légitime  de  considérer  comme  homologues  des  cartilages 
primaires  et  des  os  de  membrane,  tels  que  l’interclaviculaire. 

Ces  tubercules  sont  en  réalité  les  représentants  plus  développés  de  la 

6 


— 40 


saillie  antérieure  de  la  plaque  ischio-pubienne  des  Urodèles,  saillie  qui  con- 
serve son  caractère  cartilagineux,  même  quand  l’ossification  de  la  plaque  a 
atteint,  son  maximum  de  développement.  J’ai  donné  déjà  à ces  saillies  le 
nom  d 'apophyses  pubiennes , pour  les  distinguer  des  épines  du  pubis  des 
Mammifères,  qui  ne  gont  autre  chose  que  les  saillies  antérieures  des  épi- 
pubis  ou  tubérosités  pubiennes. 

L’ischion  et  le  pubis  sont  séparés  par  une  échancrure  ovalaire  qui  est 
complétée  en  bas  par  un  ligament  court  qui  réunit  l’épiischion  et  répi- 
pubis,  comme  l’échancrure  intercoraco-précoracoïdienne  des  Lézards  est  com- 
plétée par  l’épicoracoïde  et  lepiprécoracoïde.  Ce  trou  obturateur  est  occupé 
par  une  membrane  obturatrice. 

La  cavité  colyloïde  mérite  de  fixer  l’attention,  parce  quelle  n’est  formée 
que  par  l’iléon  et  l’ischion,  c’est-à-dire  par  deux  éléments  seulement  de  la 
ceinture  pelvienne.  Le  pubis  y est  entièrement  ou  presque  entièrement 
étranger  ; aussi  la  forme  de  la  cavité  est-elle  semi-lunaire  plutôt  qu’hémi- 
sphérique. C’est  là  un  fait  assez  général  pour  la  ceinture  pectorale,  mais  très- 
exceptionnel  dans  la  composition  de  la  cavité  cotyloïde,  qui  est  ordinairement 
formée  par  les  trois  éléments  pelviens,  et  dont  la  forme  est  généralement 
hémisphérique. 

Au  point  d’union  de  l’iléon  et  du  pubis  se  trouve  sur  le  bord  antérieur  de 
la  ceinture  une  éminence  iléo-pectinée  ou  üèo-pubienne,  comparable  à celle 
du  bassin  des  Amphibiens  Anoures,  mais  surtout  des  Amphibiens  Urodèles. 

Le  bassin  de  Caméléon  comprimé  latéralement,  ainsi  qu’on  peut  en  juger 
par  la  fig.  8,  PI.  IV,  représente  une  forme  de  transition  entre  les  bassins 
larges  des  Lézards  et  des  Urodèles,  et  les  bassins  étroits  et  comprimés  des 
Anoures. 

Vu  de  profil  et  latéralement,  ce  bassin  rappelle  bien  la  forme  des  bassins 
des  Urodèles,  et  démontre  que  la  plaque  ventrale  de  ce  dernier  est  formée 
par  l’ischion  et  le  pubis  réunis. 

Un  rapprochement  entre  ce  bassin  et  l’épaule  du  même  animal  peut  éga- 
lement démontrer  que  la  plaque  ventrale  de  la  ceinture  thoracique  repré- 
sente aussi  les  deux  éléments,  coracoïde  et  précoracoïde,  qui  sont  séparés 
par  un  intervalle  variable  sur  tous  les  autres  Lacertiliens. 


— 41  — 

La  ceinture  pelvienne  des  Lézards  présente  la  disposition  rayonnée  par 
excellence  des  trois  éléments  qui  la  constituent. 

Ces  éléments,  séparés  par  des  échancrures  très-larges,  sont  par  conséquent 
extrêmement  distincts  (PL  1Y,  fig.  9,  10). 

Il  y a : 1°  un  iléon  de  forme  allongée  assez  comparable  à celui  des 
Anoures;  mais  il  est  dirigé  en  arrière,  tandis  que  celui-là  est  dirigé  en  avant. 
Use  trouve  placé  en  arrière  de  l’ischion  et  du  pubis,  tandis  que  chez  les 
Anoures  il  est  en  avant  de  ces  mêmes  os.  Cette  différence  de  position 
n’existe  que  par  rapport  à la  colonne  vertébrale  et  n’atteint  en  rien  la  situa- 
tion respective  des  éléments  de  l’os  iliaque.  Il  suffit  en  effet,  pour  transformer 
un  bassin  de  Lézard  en  bassin  d’Anoure,  de  faire  tourner  le  premier  d’un 
angle  de  180°  autour  d’un  axe  passant  par  les  deux  cavités  cotyloïdes.  De 
cette  maniéré,  l’iléon  devient  antérieur,  le  pubis  inférieur  et  postérieur, 
l’ischion  supérieur  et  postérieur,  comme  dans  la  Grenouille.  L’iléon  se  ter- 
mine par  une  extrémité  postérieure  cartilagineuse  qui  représente  l’épiiléon. 

2°  Le  pubis  est  également  allongé  et  se  porte  horizontalement  en  avant, 
fi  continue  en  avant  l’axe  de  l’iléon,  d’une  manière  tout  à fait  directe  dans 
certains  cas,  comme  chez  les  Iguanes  (PL  IY,  fig.  10),  ou  en  faisant  un 
angle  très-obtus  ouvert  en  haut  et  en  avant,  comme  chez  les  Lézards  (PL  IV, 
fig.  9).  Le  pubis  est  long  et  aplati;  il  va  en  se  rétrécissant  vers  son  extrémité 
distale,  qui  se  termine  par  un  tubercule.  Chez  les  Monitor,  la  troncature  ter- 
minale du  pubis  est  moins  aiguë  et  assez  large. 

A ce  niveau,  les  deux  pubis  sont  réunis  en  symphyse  par  un  cartilage  un 
peu  saillant  en  avant,  qui  représente  les  restes  de  l’épipubis.  Le  pubis  porte 
sur  son  bord  externe  une  saillie  triangulaire  terminée  par  un  tubercule  qui 
est  l’apophyse  pubienne  déjà  vue  chez  les  Caméléons.  Ici,  le  tubercule 
cartilagineux  s’est  ossifié  et  s’est  confondu  avec  le  pubis.  Le  bassin  s’étant 
élargi,  les  deux  tubercules  se  sont  écartés  l’un  de  l’autre  et  éloignés  de  la 
ligne  médiane.  Sur  le  pubis  et  près  de  l’extrémité  centrale  se  voit  un  trou 
vasculo-nerveux. 

3°  L’ischion  reproduit  la  forme  triangulaire  de  son  homologue  chez  les 
Caméléons.  C’est  un  os  phalangiforme  à extrémité  distale  très-aplatie  et  très- 
élargie.  Il  ressemble  considérablement  au  coracoïde  de  l’épaule  du  même  ani- 
mal. Le  bord  distal  élargi  se  divise  en  deux  portions  : l’une  postérieure,  qui 


vient  se  réunir  à angle  ouvert  postérieurement  avec  celle  de  son  congénère  et 
qui  porte  en  arrière  une  épine  plus  ou  moins  aiguë,  la  tubérosité  ischiatique  ; 
et  l’autre  inférieure,  qui  s’unit  avec  celle  du  côté  opposé  par  une  symphyse* 
d’une  étendue  variable,  très-longue  chez  les  Lézards  proprement  dits,  bien 
moins  longuechez  les  Iguanes.  Tout  ce  bord  inférieur  de  l’ischion  est  couvert 
d’une  bande  de  tissu  cartilagineux,  reste  de  lepiischion,  qui  se  poursuit  en 
avant  en  une  éminence  triangulaire  plus  ou  moinsproéminenteversl’épipubis, 
avec  lequel  elle  s’unit  par  l’intermédiaire  d'un  ligament  fîbro-cartilagineux. 

Dans  l’angle  formé  en  arrière  par  les  ischions  se  trouve  logé  un  petit  carti- 
lage parfois  un  peu  ossifié,  triangulaire  ou  rhombôidal  très-allongé  : c’est 
le  cartilage  précloacal  ou  osselet,  que  je  n’hésite  pas  à considérer  comme 
le  représentant  de  cette  portion  rhomboïdale  du  sternum  sur  laquelle 
s’appuyent  les  coracoïdes.  11  n’y  a entre  eux  qu’une  différence  de  dimen- 
sions. 

La  cavité  cotyloïde  est  de  forme  hémisphérique  plus  ou  moins  profonde. 
Les  trois  éléments  du  bassin  sont  disposés  en  étoile  pour  participer  à sa  for- 
mation, dans  des  proportions  à peu  près  égales  pour  l’iléon  et  l’ischion,  mais 
moindres  pour  le  pubis. 

11  est  à peine  nécessaire  de  montrer  les  ressemblances  profondes  qu’il  y a 
entre  les  ceintures  scapulaire  et  pelvienne  des  Lézards.  11  y a de  part  et 
d’autre  un  élément  suspenseur  dorsal,  scapulum  et  épiscapulum,  iléon  et 
épiléon,  et  deux  éléments  ventraux  : pour  l’épaule,  le  coracoïde  surmonté  de 
répicoracôide,  et  le  précoracôide  surmonté  de  l’épiprécoracolde  ; pour  le 
bassin,  l’ischion  et  lepiischion,  le  pubis  et  l’épipubis.  Dans  l’un  des  cas, 
l’épicoracôide  et  i’épipréporacôide  s’unissent  pour  transformer  en  trou  complet 
iechancrure  qui  sépare  le  coracoïde  du  précoracoïde,  et  dans  l’autre  cas 
lepiischion  et  l’épipubis  en  font  autant  pour  créer  le  trou  obturateur  ischio- 
pubien.  Dans  l’une  et  l’autre  ceinture,  on  retrouve  un  sternum  avec  des  con- 
nexions identiques.  Le  pubis  et  le  précoracoïde  ont  leur  trou  vasculo-nerveux 
dans  des  situations  très-comparables. 

Les  seules  différences  sur  lesquelles  il  vaille  la  peine  d’insister,  consistent 
en  ce  que  le  coracoïde  et  le  précoracoide  n’ont  qu’un  point  commun  d’ossi- 
fication et  sont  continus,  tandis  que  l’ischion  et  le  pubis  s’ossifient  chacun 


— 45  — 


par  un  point  particulier  et  restent  distincts.  — De  plus,  dans  l’épaule,  les 
éléments  de  la  cavité  glénoide  sont  disposés  en  série,  ce  qui  donne  à cette 
cavité  la  forme  d’une  échancrure  semi-lunaire  ; et  le  précoracoïde  semble 
étranger  à sa  constitution  , tandis  que  la  cavité  colyloïde  est  formée  par  les 
trois  éléments  osseux  disposés  en  étoile,  d’où  résulte  sa  forme  hémisphérique. 

Dans  le  bassin  des  Lacertiliens  comme  dans  celui  des  AmphibiensUrodè- 
les  et  même  dans  celui  des  Anoures,  on  distingue  sur  le  bord  antérieur  du 
pubis,  au  point  de  l’union  du  pubis  et  de  l’épipubis,  une  saillie  plus  ou 
moins  marquée  qui  est  l’épine  pubienne  des  anthropotomisles,  et  que  je 
nomme  ici  tubérosité  pubienne  ; et  sur  le  bord  postérieur  de  l’ischion,  au 
point  d’union  de  l’ischion  et  de  lepiischion,  une  saillie  triangulaire  ordinai- 
rement très-prononcée  : c’est  la  tubérosité  ischiatique.  La  première  est  in- 
diquée sur  les  figures  par  les  lettres  tu. pu.  et  la  seconde  tu.isc.  Chez 
certains  Anoures,  Ram  et  Bufo  par  exemple,  la  tubérosité  ischiatique  est 
très-marquée,  mais  la  tubérosité  pubienne  est  à peine  indiquée. 

Le  bassin  des  Chéloniens  présente  deux  formes  un  peu  différentes. 

Le  bassin  des  Chélonides  (PI.  IV,  fig.  12),  est  composé  des  trois 
éléments  dont  la  suture  persiste  toute  la  vie.  L’iléon  est  phalangiforme,  en 
forme  de  sablier  légèrement  élargi  à son  extrémité  vertébrale,  dont  la  face 
distale  est  taillée  en  bec  de  flûte.  11  est  recouvert  sur  ce  point  par  une  couche 
cartilagineuse  ou  épiiléon.  L’ischion  est  phalangiforme,  relativement  peu  volu- 
mineux. 11  se  réunit  avec  son  congénère  sur  la  ligne  médiane  par  une  sym- 
physe cartilagineuse  qui  est  l’épiischion.  Au  point  d’union  de  l’ischion  et  de 
l’épiischion,  le  bord  postérieur  présente  une  saillie  peu  prononcée,  qui  est 
la  tubérosité  ischiatique.  Le  pubis,  au  contraire,  est  fortement  étalé  en  avant 
en  plaque  très-large.  L’extrémité  interne  du  pubis  se  porte  sur  la  ligne 
médiane.  11  oppose  à son  congénère  un  bord  arrondi  qui  laisse  un  grand 
angle  ouvert  en  avant  et  un  petit  ouvert  en  arrière. 

Ces  angles  et  l’espace  qui  réunit  leurs  sommets  sont  occupés  par  une 
plaque  cartilagineuse  bilobée  antérieurement,  qui  réunit  le  pubis  en  une 
symphyse  cartilagineuse  : c’est  l’épipubis.  Cet  épipubis  se  réunit  sur  la 
ligne  médiane  avec  lepiischion  par  une  bande  cartilagineuse  qui  sépare  les 
deux  trous  obturateurs.  Le  bord  antérieur  et  externe  du  pubis  porte  une 


— 44 


large  apophyse  très-saillante,  qui  est  l’apophyse  pubienne  des  Lacertiliens, 
agrandie  et  très-étalée.  Au  point  d’union  de  l’épipubis  et  du  bord  antérieur 
du  pubis,  se  trouve  une  légère  saillie,  qui  est  l’épine  du  pubis  ou  tubérosité 
pubienne. 

La  cavité  cotylo'ide  est  formée  par  les  trois  os  disposés  en  étoile,  et 
participant  à sa  composition  suivant  leurs  volumes  respectifs.  Elle  est 
hémisphérique,  et  ses  bords  sont  rendus  sinueux  par  les  saillies  osseuses 
constituantes. 

Le  bassin  des  Testudo,  Emys,  etc.,  présente  un  degré  d'ossification  plus 
avancé  (PI.  IV,  fig.  H).  L’iléon  est  plus  long.  11  offre  un  aplatissement  assez 
marqué,  et  une  forme  triangulaire  vers  son  extrémité  vertébrale,  dont  le 
bord  est  recouvert  par  un  épiiléon  qui  s’ossifie  presque  entièrement.  Le  pubis, 
large,  est  surmonté  d’une  apophyse  pubienne  moins  volumineuse  que  chez 
les  Chélonides.  L’épipubis  finit  par  s’ossifier  entièrement,  mais  ses  limites 
sont  indiquées  par  l’aspect  chagriné  de  sa  surface  et  par  la  présence  de  l’épine 
du  pubis  ou  tubérosité  pubienne  très-mousse,  mais  pourtant  évidente. 
L’ischion  est  relativement  plus  important  que  chez  les  Chélonides.  Au  point 
d’union  de  l’ischion  et  de  l’épiischion  existe  une  tubérosité  ischiatique  plus 
.prononcée  que  chez  les  Chélonides.  L’épiischion  s’ossifie  entièrement. 
L’épipubis  et  l’épiischion  s’unissent  par  une  suture  osseuse  avec  leurs 
congénères  sur  la  ligne  médiane,  comme  chez  les  Chélonides  ; mais,  de  plus, 
l’épiischion  d’un  côté  s’unit  par  suture  osseuse  à l’épipubis  du  même  côté. 
Il  résulte  de  là  une  1 ongue  symphyse  médiane  ischio-pubienne,  et  les  trous 
obturateurs  ont  un  pourtour  entièrement  osseux. 

Entre  les  tubérosités  ischiatiques,  et  dans  l’angle  ouvert  en  arrière  formé 
par  les  deux  épiischions,  se  trouve  une  éminence  osseuse  triangulaire  qui 
se  termine  quelquefois  par  un  petit  cône  libre  recourbé  en  avant.  Je  considère 
cette  partie  comme  pouvant  être  rapprochée  de  l’osselet  précloacal  des 
Lézards,  et  par  conséquent  comme  représentant  un  petit  sternum  rhomboïdal 
pelvien.  Nous  retrouverons  cette  partie  fidèlement  représentée  dans  le  bassin 
de  quelques  Mammifères. 

Le  renversement  que  présentent  les  Chéloniens  dans  les  proportions 
ordinaires  de  volume  entre  les  pubis  et  les  ischions,  est  un  fait  exceptionnel 
dans  l’ histoire  des  Vertébrés.  Mais  nous  pouvons  en  rapprocher  une  disposi- 


45 


lion  spéciale  de  la  ceinture  scapulaire  qui  est  également  exceptionnelle  et 
que  nous  avons  déjà  relatée.  Je  veux  dire  l’épaule  du  Systoma  yibbosum , où 
le  précoracoïde  est  bien  plus  volumineux  que  le  coracoïde.  11  suffit  de 
comparer  la  figure  de  cette  épaule  avec  celle  du  bassin  de  Testudo  mauri- 
tanica,  pour  saisir  les  ressemblances  considérables  qu’il  y a entre  ces  deux 
ceintures,  l’une  pectorale  et  l’autre  pelvienne.  Les  deux  sternums  (sternum 
pelvien  et  sternum  thoracique)  offrent  du  reste  des  dimensions  qui  aident 
à cette  ressemblance. 

Le  bassin  des  Crocodiliens  (PL  IV,  fig.  15)  doit  attirer  fortement  notre 
attention,  puisqu’il  faudra  discuter  la  signification  de  ces  parties,  ce  qui  rie 
pourra  avoir  lieu  qu’après  que  nous  aurons  étudié  la  ceinture  scapulaire 
des  Oiseaux. 

On  y trouve:  1°  Un  iléon losangique  ayant  un  angle  postérieur  aigu  et  for- 
tement dirigé  en  arrière,  un  angle  supérieur  obtus  peu  saillant,  un  angle 
inférieur  obtus  sur  lequel  se  trouve  la  portion  iliaque  de  la  cavité  cotyloïde 
articulaire , et  un  angle  antérieur  aigu  formant  une  saillie  tuberculeuse 
mousse,  que  je  désigne  ici  sous  le  nom  d 'apophyse  antérieure  de  l’iléon. 
L’angle  postérieur  est  recouvert  d’un  épiiléon  assez  étendu,  qui  constitue 
sa  pointe  arrondie.  Le  bord  inférieur  est  interrompu  dans  sa  partie  médiane 
par  une  échancrure  plus  ou  moins  profonde  qui,  unie  à une  échancrure 
semblable  du  bord  supérieur  de  l’iscliion,  forme  la  fontanelle  de  l'aceta- 
bulum.  Cette  fontanelle  occupe  en  effet  le  fond  d’une  fosse  assez  évasée  ou 
acetabulum,  qui  n’est  articulaire  que  sur  une  faible  étendue,  en  arrière  de  la 
fontanelle. 

En  arrière  de  la  fontanelle  se  trouvent  les  apophyses  articulaires  de  l’iléon 
et  de  l’ischion  ; en  avant  se  trouvent  les  apophyses  antérieures  de  ces 
mêmes  os. 

2°  Il  y a de  plus  un  ischion  volumineux  dirigé  en  bas  et  en  arrière,  pha- 
langiforme,  aplati,  très-élargi  en  bas,  et  terminé  par  un  bord  un  peu  con- 
vexe. Les  deux  ischions  sont  réunis  l’un  à l’autre  sur  la  ligne  médiane  par 
un  épiischion  cartilagineux  triangulaire  (PI.  IV,  fig.  14).  L’apophyse  anté- 
rieure de  l'ischion  est  saillante,  en  forme  de  disque  pédonculé,  et  est  placée 
justement  au-dessous  de  l’apophyse  antérieure  de  l’iléon.  En  arrière,  l’iléon 
et  l’ischion  réunis  par  une  synchondrose  forment  à eux  seuls  la  surface  arti- 


— 46 


culaire  proprement  dite.  La  fontanelle  de  l’acetabulum,  de  dimensions 
moyennes  et  du  reste  variables,  est  obturée  sur  le  frais  par  une  membrane 
fibreuse.  L’apophyse  antérieure  de  l’ischion  et  l’apophyse  antérieure  de  l’i- 
léon restent  tantôt  à distance  l’une  de  l’autre  ( Crocodilus  longirostris ) et 
reliées  par  une  bande  fibreuse,  ou  bien  se  réunissent  sans  se  confondre,  de 
sorte  que  les  parties  fibreuses  n’occupent  qu’un  trou  circulaire  assez  large 
chez  le  C.sclerops  (PL  IV,  fig.  17),  très— rétréci  chez  le  C.  biporcatus 
(PL  IV,  fig.  16).  Les  ischions  sont  réunis  par  une  synchondrose  dépendant 
des  deux  épiischions  (PL  IV,  fig.  14),  qui  forment  par  leur  fusion  un 
triangle  cartilagineux.  Sur  l’apophyse  antérieure  de  l’ischion  vient  s’attacher 
une  tige  cylindrique  qui  s’aplatit  en  avant,  pour  se  terminer  par  un  bord 
arrondi.  Cette  tige,  distincte  sur  le  sec,  est  rattachée  à l’apophyse  de  l’ischion 
par  du  tissu  cartilagineux,  et  est  rendue  par  là  continue  avec  l’ischion.  On 
la  considère  très-généralement  comme  représentant  le  pubis.  Mais  cette 
opinion  est  contestée,  et  j’aurai  à en  discuter  la  valeur  à propos  des  Oi- 
seaux. Le  pubis  se  porte  fortement  en  avant  et  en  dedans,  et  chacun  porte 
un  grand  épipubis  semi  lunaire  cartilagineux  (PL  IV,  fig.  15  et  15).  Les 
deux  épipubis  se  confondent  sur  la  ligne  médiane,  et  forment  une  plaque 
bilobée  semblable  à celle  des  Chéloniens.  On  distingue  une  tubérosité  ischia- 
tique  et  une  tubérosité  pubienne. 

Plusieurs  points  doivent  attirer  notre  attention  dans  ce  bassin  singulier: 

1°  La  surface  articulaire coxo-fémorale  n’est  formée  chez  les  Crocodiliens 
que  par  l’iléon  et  l’ischion,  mais  nous  aurons  à examiner  si  le  pubis  ne 
contribue  pas  à la  formation  de  la  grande  fosse  externe  ou  acetabulum. 

T Quelle  est  la  signification  de  l’apophyse  antérieure  de  l’ischion  ? 

5°  Quelle  est  la  signification  de  l’apophyse  antérieure  de  l’iléon? 

4°  Quelle  est  la  signification  de  ce  qui  est  désigné  sous  le  nom  de  pubis, 
et  s’attache  sur  l’apophyse  antérieure  de  l’ischion  ? 

Ces  points-là  seront  discutés  dans  la  suite  de  ce  travail. 

Je  n’ai  qu’un  mot  à dire  du  bassin  des  grands  Sauriens  mésozoïques, 
dont  l’épaule  a déjà  attiré  mon  attention.  Le  bassin  des  Ichlhyosaures  et  des 
Plésiosaures  est  également  composé  de  trois  éléments  qui  convergent  pour 
former  un  acetabulum. 


- 47 


Le  bassin  des  Plésiosaures  ressemble  beaucoup  à celui  des  Cbéloniens  : 
1°  par  la  forme  cylindrique  de  l’iléon,  qui  est  pourtant  plus  court  que  celui 
des  Chéloniens  ; 2°  par  la  forme  et  les  dimensions  relatives  des  pubis  et 
des  ischions.  Ces  derniers  sont  en  effet  de  moindres  dimensions  que  les 
premiers.  Ils  sont,  les  uns  et  les  autres,  étalés  en  plaques  et  réunis  par  une 
longue  symphyse  ischio-pubienne  qui  était  : ou  osseuse,  comme  chez  les 
Testudinides,  ou  cartilagineuse,  comme  chez  les  Chélonides,  suivant  que  les 
épiischions  et  les  épipubis  étaient  ou  n’étaient  pas  ossifiés. 

Le  bassin  des  Ichthyosaures  présente  cette  particularité  que  l’iléon  en 
forme  de  tige  était  aigu  supérieurement  et  n’était  pas  articulé  avec  les 
vertèbres,  auxquelles  il  était  suspendu  par  des  ligaments  ou  des  muscles. 
Le  pubis,  quoique  étroit,  était  néanmoins  plus  large  que  l’ischion.  11  y 
avait  symphyse  ischiatique  et  symphyse  pubienne  à l’aide  des  cartilages  épi- 
pubiens  et  épiischiatiques.  11  est  possible  que  les  deux  symphyses  fussent 
séparées,  comme  chez  les  Crocodiliens. 

La  revue  qui  vient  d’être  faite  des  principales  formes  des  ceintures  pecto- 
rale et  pelvienne  chez  les  Amphibiens  et  chez  les  Reptiles  nous  permettra 
d’établir  d’une  manière  complète  le  parallélisme  de  ces  deux  parties  des 
extrémités.  Je  ne  crois  pas  avoir  besoin  de  revenir  sur  les  descriptions,  et 
je  pense  qu’il  me  suffira  de  dresser  un  tableau  des  homologies  pour  fixer 
le  lecteur,  qui  n’aura  du  reste  qu’à  se  reporter  aux  descriptions  précédentes 
ou  à l’examen  des  figures  sur  lequelles  les  parties  homologues  sont  indiquées 
par  les  mêmes  désignations. 

Dans  l’une  comme  dans  l’autre  ceinture,  il  y a un  élément  dorsal, 
fixateur  ou  suspenseur,  attaché  à la  colonne  vertébrale  et  aux  côtes  dorsales, 
aux  vertèbres  et  aux  côtes  sacrées. 

Scapulum.  Iléon.  — Le  scapulum  est  ordinairement  suspendu  librement 
par  des  muscles  ou  ligaments  actifs,  et  l’iléon  est  fixé  à des  côtes  sacrées  par 
du  tissu  fibreux  ou  ligaments  passifs.  Néanmoins  le  scapulum  peut  être  fixé 
à la  colonne  vertébrale  par  des  ligaments  (Chéloniens),  et  l’iléon  peut  être 
suspendu  librement  comme  le  scapulum  (Ichthyosaures,  Cétacés). 

Le  scapulum  et  l’iléon  sont  plus  ou  moins  phalangiformes,  aplatis.  La 

7 


48 


direction  de  leur  axe  longitudinal  est  le  plus  souvent  perpendiculaire  par 
rapport  à l’axe  de  la  colonne  vertébrale,  mais  il  peut  devenir  oblique  et  même 
parallèle. 

A.  Axe  PERPENDICULAIRE  A LA  COLONNE  VERTÉBRALE. 

a.  Scapulum. 

Salamandra,  Siredon,  Iiana,  Bufo,  etc. 

Caméléon. 

Lézards,  Iguanes. 

Chéloniens. 

b.  Iléon. 

Salamandra.  Siredon. 

Caméléon. 

Chéloniens. 

B.  Axe  oblique  en  bas  et  en  avant. 

a.  Scapulum.  Crocodiliens. 

b.  Iléon.  Crocodiliens. 

C.  Axe  parallèle  a la  colonne  vertébrale. 

a.  Scapulum.  Oiseaux. 

b.  Iléon. 

a.  Fixé  par  l’extrémité  antérieure  : Amphibiens  anoures. 

(3  Fixé  par  l'extrémité  postérieure  : Lézards,  Iguanes,  etc. 

Episcapuhm.  Épiiléon.  — Sur  le  bord  supérieur  ou  spinal  de  l’os  cor- 
respondant : restent  cartilagineux,  ou  s’ossifient  partiellement,  ou  s’ossifient 
entièrement;  restent  distincts,  ou  se  confondent  à 1 état  adulte  avec  l’os  cor- 
respondant. 

Chacune  des  deux  ceintures  possède  deux  éléments  ventraux. 

Coracoïde Ischion  ( Élément  postérieur  ) . 

Précoracoïde Pubis  (Élément  antérieur). 


Le  postérieur  est  ordinairement  plus  volumineux  que  l’antérieur.  Mais  le 
contraire  peut  avoir  lieu  dans  les  deux  ceintures. 


Précoracoïde.  "8-  Coracoïde 


Dactyletlira  Capensis. 
Sysloma  gibbosum. 
Chéloniens. 
Plésiosaures. 


Pubis.  > Ischion 


49 


Ces  deux  éléments  sont  ordinairement  distincts  et  séparés  ou  par  une 
échancrure  ou  par  un  trou.  Mais  ils  peuvent  être  confondus  à l’épaule 
comme  au  bassin. 

Coracoïde  et  précoracoïde  confondus  en  f Caméléon. 

UNE  PLAQUE  CORACO-PRÉCORACOÏDIENNE | CrOCOdilienS* . 

iSalamandra. 

Siredon. 

Rana 

Bufo. 

Dans  ces  cas,  les  deux  éléments  n’ont  qu’un  centre  d’ossification  commun. 
Les  deux  éléments  peuvent  avoir  des  points  d’ossification  distincts. 

( Rana. 

Coracoïde  et  précoracoïde  distincts ] Bufo. 

\ Chéloniens. 

ÎRana. 

Bufo. 

Dactylethra. 

Chéloniens. 

Lézards. 

Caméléon. 

Crocodiliens. 

Les  deux  éléments,  quoique  séparés  par  une  échancrure  ou  par  un  trou, 
peuvent  n’avoir  qu’un  centre  d’ossification  commun. 

Coracoïde  et  Précoracoïde.  — Lézards,  Iguanes. 

Ischion  et  Pubis  (partim).  — Crocodiliens. 

Celte  disposition  est  extrêmement  rare  dans  le  bassin,  et  on  ne  peut  y 
rapporter  que  le  bassin  des  Crocodiliens,  où  le  pubis,  comme  nous  le 
verrons,  a deux  centres  d’ossification  : l’un  commun  avec  l’ischion,  et  l’autre 
indépendant.  Il  en  résulte  que  le  bassin  des  Crocodiliens  représente  un  type 
intermédiaire,  ayant  le  pubis  partagé  en  deux  éléments  osseux,  dont  l’un  est 

1 II  est  possible  qu'il  faille  placer  ici  l’épaule  des  Plésiosaures,  où  le  précoracoïde  paraît 
être  confondu  avec  le  coracoïde. 


% 


50  — 


toujours  confondu  avec  i ischion,  et  dont  l’autre  est  entièrement  distinct. 

Je  fais  remarquer  en  passant  que,  tandis  que  chez  les  Lézards  le  pré- 
coracdide  a un  centre  d’ossification  commun  avec  le  coracoïde,  chez  les  Ché- 
loniens  le  coracoïde  a un  centre  d’ossification  propre,  tandis  que  le  pré- 
coracoïde et  le  scapulum  s’ossifient  par  un  seul  et  même  centre.  Cet  exemple 
peut  prouver,  avec  bien  d’autres,  que  dans  l'étude  des  homologies  il  ne  faut 
donner  aux  centres  d’ossification  qu’une  importance  secondaire. 

Chez  les  Amphibiens  et  les  Reptiles,  les  trois  éléments  des  ceintures 
subsistent  presque  toujours  avec  un  développement  notable.  L’épaule  seule 
des  Crocodiliens  présente  une  atrophie  de  l’élément  précoracoïdien,  dont  il 
reste  pourtant  des  rudiments.  Au  bassin,  les  trois  éléments  ne  font  jamais 
défaut  et  atteignent  toujours  des  dimensions  notables. 

La  cavité  articulaire  est  placée  sur  le  cartilage  primitif  au  point  de  con- 
vergence des  trois  branches  cartilagineuses,  comme  on  le  voit  sur  le  Proteus 
anguinus.  Aussi  arrive-t-il  le  plus  souvent  que  les  trois  centres  d’ossification 
des  branches,  quand  il  y en  a trois,  viennent  converger  dans  la  cavité 
articulaire  elle-même,  et  contribuent  à sa  formation. 

La  part  relative  qu’elles  y prennent  varie  suivant  l’importance  des  éléments 
contribuants,  et  suivant  que  les  époques  relatives  d’apparition  des  points 
osseux  ont  permis  à tel  de  ces  points  d’envahir  la  cavité  articulaire  avant  que 
tel  autre  ait  pu  y marquer  sa  place.  Les  points  osseux  apparaissent  tou- 
jours dans  le  même  ordre  dans  les  deux  ceintures:  le  scapulum  et  l’iléon 
d’abord,  le  coracoïde  et  l’ischion  ensuite,  le  précoracoïde  et  le  pubis  en  der- 
nier lieu.  Cet  ordre  s’observe  aussi  bien  dans  le  développement  ontogénique 
que  dans  le  développement  phylogénique.  Chez  le  Proteus  anguinus , il  n’y 
a de  point  osseux  que  dans  le  scapulum  ; chez  la  Siren  lacertina,  il  y en  a 
deux  : l’un  dans  le  scapulum , qui  parait  le  premier,  et  l’autre  dans  le  cora- 
co'ide:,  qui  vient  ensuite.  Dans  les  Siredon , Salamandra,  les  trois  points 
apparaissent,  le  scapulum  d’abord,  le  coracoïde  ensuite,  et  enfin  le  précora- 
coïde. 

Dans  le  bassin,  mêmes  phénomènes.  L’iléon  osseux  apparaît  le  premier, 
puis  l’ischion  et  enfin  le  pubis.  C’est  ce  qu’on  peut  observer  dans  tous  les  cas. 

Il  résulte  de  cet  ordre  dans  l’apparition  des  points  osseux  que  le  scapu- 
lum et  l’iléon  osseux,  qui  ont  le  temps  de  s’étendre  et  d’envahir  le  cartilage 


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avant  que  les  autres  points  aient  apparu,  prennent  ordinairement  la  plus 
large  part  dans  la  formation  des  cavités  articulaires.  Les  coracoïde  et  ischion 
viennent  après  eux. 

De  plus,  si  l’on  considère  que  le  précoracoïde  et  le  pubis  ont  ordinaire- 
ment des  dimensions  bien  moindres  que  le  coracoïde  et  l’iscbion,  il  sera 
facile  de  comprendre  que  la  part  du  précoracoïde  et  celle  du  pubis  puissent 
être  extrêmement  faibles  dans  la  constitution  des  cavités  articulaires,  et  que 
même  elle  puissent  devenir  milles.  C’est  là  ce  qui  arrive  assez  souvent  dans  la 
ceinture  pectorale,  mais  très-rarement  dans  la  ceinture  pelvienne,  parce 
que  l’ossification  du  pubis  est  relativement  moins  tardive  que  celle  du  pré- 
coraco'ide,  et  parce  que  cet  élément  conserve  des  dimensions  moins  réduites 
par  rapport  aux  autres  éléments. 

Ainsi,  dans  les  Amphibiens,  soit  Urodèles,  soit  Anoures,  on  trouve  souvent 
dans  le  même  genre,  et  même  dans  la  même  espèce,  des  cas  où  le  précora- 
coïde entre  ou  n’entre  pas  dans  la  constitution  de  la  cavité  glénoïdienne. 
C’est  ce  qu’on  voit  chez  la  Salamandra  maculosa,  par  exemple.  Dans  le 
genre  Rana,  le  précoracoïde  peut  être  absent  de  la  cavité  articulaire  (Voir 
Parker,  Rana  temporaria ),  ou  en  faire  faiblement  partie,  ou  entrer  large- 
ment dans  sa  constitution,  ( Rana  mugiens){ PI.  I,  fig.  8.) 

Chez  le  Bufo  niger  (PI.  I,  fig.  6),  la  part  du  précoracoïde  est  presque 
égale  à celle  de  chacun  des  autres  éléments , parce  qu’il  est  presque  aussi 
fort  que  chacun  d’eux. 

On  peut  juger  du  reste  de  la  part  relative  que  le  volume  des  éléments 
attribue  à chacun  d’eux  dans  la  formation  de  la  cavité,  en  comparant  la 
ceinture  pelvienne  du  Sgstoma  gibbosum  et  du  Systoma  granosum. 

Enfin,  dans  les  cas  où  le  précoracoïde  n’a  pas  de  point  d’ossification  indé- 
pendant, il  est  difficile  de  juger  exactement  de  la  part  qu’il  prend  à la  for- 
mation de  la  cavité  glénoïde;  mais  on  peut  pourtant  la  considérer  comme 
proportionnelle  à ses  dimensions  relatives.  11  en  est  ainsi  chez  les  Lacerti- 
liens, dont  le  coracoïde  et  le  précoracoïde  dépendent  d’un  même  centre 
d’ossification,  et  chez  les  Chéloniens,  où  le  précoracoïde  est  continu  avec  le 
scapulum. 

Dans  la  ceinture  pelvienne,  le  pubis  fait  très-généralement  partie  de  la 
cavité  articulaire,  mais  il  peut  y entrer  pour  unepart  très-faible,  comme  chez 


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le  Dactyletlira  Capensis  (PI.  I V,fig.  5),  ou  même  y être  tout  à fait  étranger, 
comme  dans  le  bassin  du  Caméléon  (PI.  IV,  fig.  7).  Enfin  les  trois  éléments 
qui  constituent  la  cavité  articulaire  peuvent  se  disposer,  ou  en  étoile , d’où 
la  forme  hémisphérique  delà  cavité;  ou  en  série , d’où  sa  formesemi-lunaire, 
en  croissant. 

Ces  deux  dispositions  peuvent  se  rencontrer  à la  ceinture  scapulaire,  où 
la  première  est  pourtant  plus  rare.  Dans  le  bassin,  la  disposition  en  étoile  se 
rencontre  presque  exclusivement. 


A.  Cavité  glénoïde  en  étoile . 


B.  Cavité  glénoïde  en  série. 


C.  Cavité  cotyloïde  en  étoile 


( Bufo. 

( Dactylethra. 

ÎRana. 
Caméléon. 
Lacertiliens. 
Iguane. 

Cbéloniens,  etc. 

ISiredon. 
Salamandra. 
Bana. 

Bufo. 

Dactylethra. 
Lacertiliens. 
Monitor,  etc. 


Les  cas  où  deux  éléments  juxtaposés  entrent  seuls  dansla  composition  de 
la  cavité  articulaire,  correspondent  nécessairement  à une  disposition  en 
série  des  éléments,  et  l’on  comprend  que  la  cavité  ait  alors  la  forme  semi- 
lunaire  courte  C’est  le  cas  des  Amphibiens  Anoures  ou  Urodèles,  chez  lesquels 
le  précoracoïde  n’entre  pas  dansla  cavité  glénoïde.  C’est  le  cas  de  la  cavité 
cotyloïde  du  bassin  de  Caméléon.  C’est  enfin  le  cas  des  cavités  glénoïdes  et 
cotyloïdes  des  Crocodiliens. 

Chacun  des  deux  éléments  ventraux  est  terminé  par  un  épi-élément  qui 
en  surmonte  le  bord  inférieur.  Cet  épi-élément  peut  rester  à l’état  de  carti- 
lage bien  distinct  de  l’os  porteur,  ce  qui  n’est  pas  rare;  ou  bien  il  s’ossifie 
par  un  centre  particulier  d’ossification,  qui  reste  distinct  de  l’élément  ou 
qui  se  confond  avec  lui. 

De  là  résulte  qu’il  y a : 

1°  Un  épicoracoïde  homologue  d’un  épiischion. 

2°  Un  épiprécoracoïde , homologue  d’un  épipubis. 


Les  épi-éléments,  congénères  des  deux  côtés,  peuvent  être  séparés  et 
éloignés  l’un  de  l’autre,  ce  dont  nous  ne  trouverons  d’exemples  pour  le  bassin 
que  chez  les  Oiseaux  et  chez  certains  Mammifères , mais  ce  qui  est  assez  fré- 
quent pour  l’épaule,  où  le  sternum  s’interpose  souvent  entreeux  (Caméléon, 
Crocodile,  Chéloniens,  etc.). 

Ils  peuvent  arriver  au  contact  sur  la  ligne  médiane  (épaule  des  Rana, 
Dactylethra,  Ichthyosaurus,  Plesiosaurus ),  ou  même  chevaucher  l’un  sur 
l’autre  ( épaule  des  Salamandra , Bufo,  Lacerta , Iguana) . Pour  la  ceinture 
pelvienne,  il  est  très-général  que  les  éléments  congénères  arrivent  au  contact 
sur  la  ligne  médiane  par  leurs  épi-éléments  ( Salamandra , Ram,  Lacerta, 
Chéloniens,  Crocodiliens). 

Parfois  l’élément  postéro-inférieur  du  bassin,  ou  ischion,  est  séparé  partiel- 
lement de  son  congénère  par  un  homologue  du  sternum  placé,  comme  à 
l’épaule,  dans  l’angle  formé  en  arrière  par  les  deux  épiischions^  ( osselet 
précloacal  des  Lacerta  et  saillie  osseuse  des  Testudo,  Emys , etc.). 

Les  deux  éléments  ventraux  d’un  même  côté  peuvent  être  reliés  à leurs 
extrémités  distales,  ou  par  du  tissu  cartilagineux,  ou  par  du  tissu  fibreux, 
ou  par  du  tissu  osseux.  De  là  résulte,  à l’épaule  comme  au  bassin,  la  forma- 
tion de  deux  trous  obturateurs  complets  : 

A.  Épaule  : Rana,  Bufo,  Dactylethra,  Lacerta,  Iguana,  Chéloniens. 

B.  Bassin:  Lacerta , Iguana,  Chéloniens. 

Chez  les  Crocodiliens,  les  deux  épi-éléments  de  chaque  côté  ne  se  réunis- 
sent pas  pour  séparer  les  trous  obturateurs,  et  le  bassin  présente  en  bas  une 
vaste  ouverture  losangique  placée  entre  les  deux  ischions  et  épiischions  en 
arrière,  et  les  pubis  et  épipubis  en  avant. 

Au  point  d’union  des  éléments  antéro-inférieurs  avec  les  épi-éléments,  se 
trouve  souvent  une  légère  saillie  sur  le  bord  antérieur  de  la  ceinture  : c’est 
la  tubérosité  précoracoïdienne  et  l’épine  ou  tubérosité  pubienne. 

Sur  le  bord  postérieur  de  la  ceinture,  on  trouve  très-souvent  une  saillie 
analogue,  qui  est  la  tubérosité  coraco'idienne  et  la  tubérosité  ischiatique, 
qu’il  ne  faut  pas  confondre  avec  l’épine  sciatique  de  l’Anatomie  humaine.  La 
première  représente  l’angle  postérieur  de  l’extrémité  distale  de  l’ischion, 
tandis  que  l’épine  sciatique  est  une  saillie  surajoutée  cà  l’ischion  ou  quel- 


quefois  à l’iléon,  pour  l’insertion  des  petits  ligaments  et  muscles  sacro- 
sciatiques. 

Enfin  il  peut  y avoir  au  bassin  des  traces  du  préslernum  , comme  nous 
l’avons  vu  chez  les  Salamandres  et  les  Salamandrines. 


11  ressort  évidemment  de  cette  étude  la  démonstration  d’une  similitude 
complète  de  constitution  entre  l’arc  pectoral  et  l’ai£  pelvien,  similitude  qui 
nous  permet  de  dresser  le  tableau  suivant  des  homologies  entre  les  parties 
des  deux  ceintures. 


Ceinture  thoracique.  Ceinture  pelvienne. 

Éléments  essentiels. 

Scapulum Iléum. 

Episcapulum Epiiléum. 

Coracoïde Ischion. 

Epicoracoïde Epiischion. 

Précoracoïde Pubis. 

Epiprécoracoïde Epipubis. 

Trouobturateurcoraco-précoracoïdien.  Trou  obturateur  ischio- 

pubien. 

Cavité  glénoïde Cavité  cotyloïde. 

Tubérosité  précoracoïdienne Tubérosité  pubienne. 

Tubérosité  coracoïdienne Tubérosité  ischiatique 

Présternum Cartilage  abdominal  des 

Salamandres. 

Sternum  rhomboïdal Os  précloacal  des  Lacer  ta. 

Saillie  osseuse  des  Testuclo. 

Eléments  surajoutés. 

Clavicule Manque  toujours 

Interclavicule Manque  toujours. 


Je  ne  donne  point  les  résultats  précédents  comme  entièrement  nouveaux. 
L’assimilation  des  trois  éléments  essentiels  de  l’épaule  avec  les  trois  élé- 
ments du  bassin  a été  faite  comme  assimilation  générale.  Gegenbaur  et 
d’autres  anatomistes  considèrent  en  effet  l’iléon  comme  correspondant  au 
scapulum,  l’ischion  au  coracoïde,  le  pubis  au  précoracoïde,  et  la  clavicule 


55  — 


comme  n’étant  pas  représentée  dans  le  bassin.  Huxley'  admet  ces  assimila- 
tions, avec  quelques  variantes  que  la  haute  valeur  de  leur  auteur  ne  me 
permet  pas  de  passer  sous  silence. 

Pour  l’éminent  anatomiste  anglais,  l’iléon  correspond  au  scapulum,  l’is- 
chion correspond  à peu  près  au  coracoïde  et  le  pubis  au  précoracoïde  et 
plus  ou  moins  à l’épicoracoïde . La  clavicule  est  remplacée  par  le  ligament 
de  Poupart , qui  s’étend  de  l’iléon  au  pubis  chez  beaucoup  de  Mammifères. 
Il  n’y  a rien  dans  l’arc  pelvien  qui  corresponde  clairement  au  sternum, 
quoique  le  cartilage  précloacal  ou  osselet  du  Lézard  ait  avec  l’ischion  les 
mêmes  relations  que  le  sternum  avec  le  coracoïde. 

J’ai  à peine  besoin  de  faire  remarquer  en  quoi  mes  opinions  diffèrent  de 
celles  d’Huxley.  J’espère  démontrer,  par  l’étude  des  Oiseaux  et  des  Mam- 
mifères, que  ma  manière  de  voir  est  d’accord  avec  les  faits. 

Si  les  grands  linéaments  de  la  comparaison  qui  précède  ne  m’appartien- 
nent pas,  j’ai  du  moins  mieux  établi  les  homologies  qu’on  ne  l’avait  fait 
jusqu’ici.  Je  les  ai  précisées,  et  j’ai  cherché  à démontrer  qu’elles  étaient 
réelles  jusque  dans  les  détails  de  la  structure  des  deux  arcs  pectoral  et  pel- 
vien. Cette  première  partie  de  mon  travail  va  me  servir  de  base  pour  l'édi- 
fication de  la  seconde,  qui  a trait  aux  Oiseaux  et  aux  Mammifères,  et  où  je 
me  trouverai  en  présence  d’opinions  contradictoires.  J’espère  y apporter  des 
solutions  entièrement  nouvelles,  que  j’ai  lieu  de  considérer  comme  solide- 
ment établies. 


CEINTURE  THORACIQUE  DES  OISEAUX. 

La  ceinture  thoracique  des  Carinates  paraît  composée  de  deux  éléments 
essentiels,  un  scapulum  et  un  coracoïde,  auxquels  se  joignent  des  éléments 
secondaires,  une  clavicule,  une  interclavicule  et  un  sternum.  Le  précoracoïde 
paraît  faire  entièrement  défaut,  et  dans  tous  les  cas  il  est  si  imparfaitement 
développé  qu’on  n’est  point  d’accord  sur  sa  détermination. 

L’arc  scapulaire  des  Ratites  est  plus  complet  par  rapport  aux  éléments 

1 Huxley;  Éléments  d’anat.  convpar.  des  animaux  vertébrés  ; traduction  française,  1875. 

8 


essentiels.  Par  contre,  la  clavicule  et  l’interelavicnle  y font  presque  toujours 
défaut  ou  sont  tout  au  moins  rudimentaires  ( Cnsuarius , Dromccus).  C’est 
par  l’étude  de  cet  arc,  plus  complet  dans  ses  éléments  primordiaux,  que  je 
dois  commencer,  car  il  me  servira  de  guide  pour  l’élude  de  l’arc  modifié  des 
Carinates. 

Chez  les  Ratites,  le  scapulum  est  allongé,  étroit,  parallèle  à la  colonne 
vertébrale,  etcourbéen  forme  desabre  suivant  ses  bords,  qui  sont  concaves  en 
bas.  L’extrémité  postérieure  du  scapulum  représente  un  épiscapulum  carti- 
lagineux, qui  s’ossifie  de  bonne  heure  par  continuité  avec  le  scapulum  (PI.  Il, 
fig.  6).  Le  scapulum  se  continue  sans  ligne  de  démarcation  avec  un  coracoïde 
triangulaire  aplati,  qui  s’élargit  fortement  vers  son  extrémité  inférieure  ou 
sternale.  Par  son  extrémité  antérieure,  le  coracoïde  pénètre  dans  le  sillon 
du  bord  antéro-latéral  du  sternum.  Par  son  extrémité  postérieure,  il  contribue 
avec  le  scapulum  à former  une  cavité  glénoïde  semi-lunaire.  Au-devant  de 
la  cavité  glénoïde,  le  coracoïde  présente  sur  son  bord  externe  une  tubérosité 
médiocrement  saillante  que  je  nomme  tubérosité  prégléndidienne,  et  qui 
correspond  exactement  par  sa  position  et  ses  rapports  à Yapophyse  clavi- 
culaire du  coracoïde  des  Carinates. 

Sur  le  bord  interne  du  coracoïde  se  trouve  une  éminence  osseuse  impor- 
tante, qui  est  séparée  du  coracoïde  par  une  échancrure.  Elle  est  continuée 
par  une  lame  fibreuse  dans  certains  cas  (Rhea,  PI.  II,  fig.  o),fibro-cartila- 
gineuse  et  même  cartilagineuse  dans  d’autres  ( Struthio , PI.  II,  fig.  G), 
qui  va  s’attacher  sur  le  bord  interne  du  coracoïde  jusqu’au  voisinage  de 
l’extrémité  sternale.  La  saillie  osseuse  et  le  ligament  représentent  le  préco- 
racoïde et  l’épiprécoracoïde.  Lepicoracoïde  est  représenté  par  l’extrémité 
cartilagineuse  sternale  du  coracoïde,  qui  s’ossifie  plus  ou  moins,  de  manière 
à ce  qu’il  ne  reste  qu’un  cartilage  articulaire  d’encroûtement.  Au  voisinage 
du  lieu  d’union  du  coracoïde  et  du  précoracoïde,  il  existe  chez  certains 
Ratites,  le  Casoar  par  exemple,  un  trou  vasculo-nerveux  ou  coracoïdien 
que  nous  avons  remarqué  chez  les  Reptiles,  où  il  occupe  une  situation 
identique.  Ainsi  se  complète  chez  les  Ratites  le  trou  obturateur  de  l’arc 
pectoral. 

Sur  la  face  extérieure  du  scapulum  et  en  dedans  de  la  cavité  glénoïde,  se 


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trouve  une  tubérosité  saillante  dont  le  sommet  est  parfois  légèrement  bifide. 
Elle  est  formée  par  la  fusion  de  l’apophyse  acromiale  du  scapulum  et  de 
l’extrémité  postérieure  du  précoracoïde. 

Caractère  important,  l’axe  du  scapulum  se  continue  directement  avec 
celui  du  coracoïde  et  du  précoracoïde. 

Le  coracoïde  et  le  précoracoïde  procèdent  d’un  même  centre  d’ossification 
distinct  de  celui  du  scapulum,  ainsi  qu’on  peut  le  voir  sur  une  épaule  de 
jeune  Autruche  (PI.  Il,  fig.  G). 

L’épaule  des  Carinates  est  plus  complexe  et  a subi  des  modifications  qui 
masquent  les  homologies  de  certaines  parties,  et  ont  donné  lieu  à des  inter- 
prétations diverses  (PI.  111,  fig.  1,  2,  3,  4). 

Le  scapulum  et  le  coracoïde  restent  distincts,  mais  réunis  par  une  syn- 
chondrose;  leurs  axes  ne  sont  plus  parallèles,  mais  forment  un  angle  plus 
ou  moins  aigu  ouvert  en  arrière.  L’épaule  des  Crocodiliens  nous  a déjà 
offert  une  disposition  semblable.  L’extrémité  antérieure  du  scapulum  pré- 
sente une  saillie  externe  qui  forme  un  peu  moins  que  la  moitié  postérieure 
de  la  cavité  glénoïde,  et  qui  est  soudée  avec  une  facette  correspondante  du 
coracoïde,  et  une  saillie  interne  plus  marquée,  en  forme  de  crête,  qui  est 
l’apophyse  acromiale  ou  acromion.  Cette  dernière  est  en  relation  avec  l’extré- 
mité supérieure  de  la  clavicule,  soit  directement  comme  chez  les  Rapaces 
(PI.  III,  fig.  3,  ),  soit  par  l’intermédiaire  de  forts  ligaments,  comme  chez 
le  Pélican  (PI.  III ,fig.  1,  2).  Des  ligaments  s’étendent  toujours  de  celte 
apophyse  acromiale  à l’apophyse  claviculaire  du  coracoïde  (PI.  III,  fig.  2). 
L’apophyse  acromiale  est  unie  par  une  symphyse  avec  une  partie  du  cora- 
coïde sur  laquelle  je  vais  bientôt  revenir. 

Le  coracoïde  est  généralement  plus  allongé  et  moins  aplati  que  chez  les 
Ratâtes.  Son  extrémité  glênoïdienne  présente  en  dehors  une  surface 
articulaire  glênoïdienne  qui  s’ajoute  à celle  du  scapulum,  et  que  surmonte 
en  avant  une  apophyse  très-développée  et  très-saillante,  dont  la  face  interne 
s’articule  avec  la  face  externe  de  la  clavicule  : c’est,  l 'apophyse  clavicu- 
laire, que  nous  avons  vue  sous  forme  de  tubérosité  préglénoïdienne  chez 
les  Raliles,  où  elle  n’a  pas  de  relations  avec  la  clavicule  rudimentaire  (quand 
celte  dernière  existe),  et  qui  prend  au  contraire  chez  les  Carinates  un  dève- 


— 5S  — 

loppement  considérable  pour  servir  de  point  de  fixation  principal  à cet  os 
important. 

L'apophyse  claviculaire  des  Câlinâtes  a été  projetée  en  avant  par  le  mou- 
vement de  bascule  qui  a modifié  la  direction  du  coracoïde.  Elle  est  donc 
clairement  représentée  chez  les  Ralites  par  la  tubérosité  préglénoïdienne, 
dont  elle  partage  exactement  la  situation  et  les  connexions  par  rapport  à 
la  cavité  glénoïdienne.  Elle  ne  saurait  par  suite  correspondre,  comme  le 
veut  Huxley,  au  précoracoïde  des  Ralites,  qui  est  interne  et  qui  n’a  pas  de 
rapports  avec  la  cavité  glénoïde.  Or,  puisque  le  précoracoïde  des  Ratites 
est  avec  raison  considéré  comme  l’homologue  du  précoracoïde  des  Lacer- 
tiliens, je  dois  repousser  l’opinion  d’Huxley',  qui  considère  l’apophyse  clavi- 
culaire du  coracoïde  des  Carinates  comme  représentant  probablement  le 
précoracoïde  des  Lacertiliens.  11  n’y  a aucune  homologie  entre  ces  deux 
parties , et  l’apophyse  claviculaire  du  coracoïde  n’est  pas  le  représentant 
du  précoracoïde. 

Uù  se  trouve  donc  le  précoracoïde  des  Carinates? 

Parker,  dans  son  beau  travail  déjà  cité,  considère  le  précoracoïde  comme 
représenté  chez  l’embryon  par  deux  parties  différentes: 

lu  Une  couche  de  tissu  mou  et  très-transparent  qui  enveloppe  l’intercla- 
vicule, et  quiest  la  partie  distale  du  précoracoïde. Cette  structure  est,  dit-il, 
trés-développée  chez  certains  Mammifères,  et  devient  une  masse  délicate 
de  libro-cartilage  appelée  à s’ossifier  et  à se  confondre  avec  l’interclavicule. 

C’est  là  le  précoracoïde  distal,  qui  n’est  pas  bien  évident  chez  tous  les 
Oiseaux. 

2°  Un  précoracoïde  proximal,  qui  est  un  triangle  épais  de  cartilage  trans- 
parent placé  sur  la  face  externe  de  la  clavicule,  près  de  la  tète  ou  apophyse 
claviculaire  du  coracoïde.  Ce  précoracoïde  proximal  est  d’abord  distinct  de  la 
clavicule,  mais  il  s’ossifie  et  se  confond  entièrement  plus  tard  avec  la  clavicule 
(PI,  111,  fig.  4,  empruntée  à Parker). 

Celte  opinion  de  Parker,  qui  diffère  peu  de  celle  d’Huxley,  n’est  pas  plus 
rationnelle  que  celle-ci,  et  pour  les  mêmes  raisons.  Ces  points  cartilagineux 
ou  fibro-cartilagineux  qui  tiennent  à la  clavicule,  et  que  Parker  considère 


1 Huxley  ; Elém.  cl'anat.  comp.  des  Animaux  vertébrés  ; traduction  française,  1875,  pag.  ‘iat). 


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comme  étant  des  rudiments  du  précoracoïde,  ne  sont  en  réalité  que  des  por- 
tions de  cartilage  qui  font  leur  apparition  à la  surface  de  la  clavicule  fibreuse, 
et  qui  dénoncent  l’introduction  progressive  de  cet  os  si  remarquabledu  sque- 
lette secondaire  dans  le  domaine  du  squelette  primordial.  Cette  introduction 
débute  chez  les  Oiseaux  par  une  couche  cartilagineuse  encore  peu  épaisse 
qui  coiffe  l’extrémité  externe  de  la  clavicule  fibreuse,  et  par  une  couche  plus 
mince  et  à peine  cartilagineuse  qui  enveloppe  l’interclavicule.  Nous  verrons 
quechez  les  Mammifères  ces  rudiments  cartilagineux  prennent  une  bien  plus 
grande  importance.  Ce  ne  sont  nullement  des  rudiments  du  précoracoïde,  mais 
des  portions  de  cartilage  nouvellement  ajoutées  à la  clavicule  qui,  chez  les 
Reptiles,  est  d’origine  purement  et  entièrement  fibreuse. 

En  comparant  soigneusement  et  rigoureusement  l’épaule  des  Carinates 
à celle  des  Ratites,  il  nous  sera  facile  de  trouver  le  précoracoïde  des  pre- 
miers . 

Remarquons  en  effet  que  l’extrémité  antérieure  du  scapulum  des  Ratites 
se  trouve  continue  en  dehors  avec  le  coracoïde,  en  dedans  avec  le  précora- 
coïde. 

Prenons  une  épaule  de  Carinale,  et  ouvrons  l’angle  aigu  formé  par  le 
scapulum  et  le  coracoïde,  de  manière  à rétablir  la  position  des  parties  telle 
qu’elle  est  chez  les  Ratites.  C’est  ce  que  j’ai  fait  (PI.  III,  fig  5)  sur  une 
épaule  de  Coq.  On  trouve  alors,  en  comparant  l’épaule  de  Rhea  (PI.  II, 
fig.  5,  renversée)  à l’épaule  de  Coq,  que  l’extrémité  antérieure  du  scapu- 
lum est  contiguë,  en  dehors  par  sa  portion  glénoïdienne  avec  la  portion 
glénoïdienne  du  coracoïde  surmontée  de  la  tète  plus  ou  moins  proéminente 
de  cet  os  ou  apophyse  claviculaire,  et  en  dedans  par  sa  portion  acromiale 
avec  une  crête  saillante  portée  par  le  bord  interne  du  coracoïde,  et  consti- 
tuant une  gouttière  à concavité  antérieure.  Cette  crête,  peu  saillante  chez 
certains  Oiseaux,  prend  chez  d’autres  plus  d’importance  (PI.  III,  fig.  5), 
et  devient  même  chez  certains,  le  Pélican  par  exemple  (P.  III,  fig . 1,2), 
une  saillie  aplatie,  discoïde,  pédiculée,  et  parallèle  ii  la  tête  du  coracoïde. 

Cette  saillie,  reliée  à l’acromion  par  du  tissu  fibreux,  s’en  rapproche,  et 
s’applique  sur  lui  quand  l’angle  des  os  est  redressé,  comme  dans  la  figure 
ci-dessus  ; et  l’on  comprend  que  la  fusion  des  deux  saillies,  l’une  acromiale, 


— 60  — 

l’autre  coracoïdienne,  arrive  à former  la  saillie  allongée  en  forme  de  crête  de 
l’épaule- des  Ratiles.  Au  point  d’union  du  coracoïde  et  de  la  crête  que  je 
décris  actuellement,  se  trouve  du  reste  le  trou  vasculo-nerveux  ou  cora- 
coïdien  que  nous  avons  remarqué  au  point  d’union  du  coracoïde  et  du  pré- 
coracoïde des  Ratiles  (PI.  II,  fig.  5 et  6)  et  des  Reptiles. 

L’étude  des  connexions,  rigoureusement  faite,  nous  démontre  donc  que  le 
précoracoïde  des  Ratites,  déjà  peu  développé,  est  exactement  représenté  par- 
la crête  interne  du  coracoïde  des  Carinates,  qui  n’est  qu’un  rudiment  de  pré- 
coracoïde. Mais  au  reste,  chez  les  Carinates  comme  chez  les  Ratites,  une  bande 
fibreuse  très-forte,  qui  devient  un  lieu  d’insertions  musculaires,  relie  l’extré- 
mité distale  du  précoracoïde  à l’extrémité  distale  du  coracoïde,  de  manière  à 
former  un  anneau  obturateur  ostéo-fibreux  étroit  et  allongé  en  forme  de  bou- 
tonnière, comparable  à celui  des  Ratiles. 

C’est  ici  que  je  dois  placer  une  discussion  pour  laquelle  les  notions  précé- 
dentes étaient  indispensables. 

J’ai,  en  décrivant  la  ceinture  pelvienne  des  Crocodiliens,  attiré  l’attention 
du  lecteur  sur  les  rapports  de  ce  que  j’ai  appelé  1 e pubis  avec  l’acetabuluin, 
sur  l’apophyse  antérieure  de  l’ischion,  et  sur  les  problèmes  que  soulèvent 
des  rapports  tout  à fait  exceptionnels  et  uniques  dans  la  série  des  Vertébrés. 

Gegenbaur,  dont  l’opinion  sur  ces  matières  mérite  toute  considération, 
donne  à ces  difficultés  une  réponse  qui  appelle  la  discussion.  Pour  lui,  chez 
les  Crocodiles,  ce  que  nous  avons  considéré  comme  un  ischion  est  en  réalité 
un  os  ischio-pubien  simple  et  sans  fenêtre  obturatrice.  « On  l’a,  dit-il,  à 
cause  de  sa  simplicité,  déterminé  comme  un  ischion,  en  regardant  comme 
pubis  un  os  placé  plus  en  avant.  Mais  comme  ce  dernier  apparaît  à part,  il 
ne  doit  point  être  compté  parmi  les  os  typiques  du  bassin*. » 

Je  suis  loin  de  partager  l’opinion  que  je  viens  de  rapporter,  et  je  vais  en 
donner  les  raisons. 

Recherchons  d’abord  quelle  est  la  signification  de  l’apophyse  antérieure 
de  l’ischion.  L’analogie  va  nous  donner  une  réponse  satisfaisante.  Nous 
pouvons  comparer  l’ischion  du  Crocodile  au  coracoïde  des  Carinates,  qui  est 


1 Gegenbaur;  Manuel  d'Anat.  comparée,  trad.  française,  1874. 


— 61 


son  homologue.  Nous  savons  que  le  coracoïde  de  l’Oiseau  Carinate  est  un  os 
complexe,  composé,  d’une  part,  d’un  coracoïde  très-développé,  et,  d’autre 
part,  d’un  précoracoïde  rudimentaire  adhérent  au  bord  interne  du  coracoïde, 
lequel  bord  ne  correspond  point  à la  surface  articulaire  glénoïdienne.  Ce 
précoracoïde  est  ordinairement  peu  saillant,  mais  dans  certains  cas  il  acquiert 
des  dimensions  remarquables  et  prend  la  forme  d’un  disque  pédiculé, 
ainsi  qu’on  peut  le  voir  (PI.  III,  fg.  1 et  2)  sur  le  Pélican.  Au  point 
d’union  du  coracoïde  et  du  précoracoïde,  se  trouve  une  ouverture  ou  foramen 
parfois  assez  large,  ou  trou  vasculo-nerveux  caracoïdien.  Le  bord  supérieur 
du  précoracoïde  discoïde  est  séparé  du  bord  supérieur  du  coracoïde  par 
une  échancrure.  Enfin,  ce  précoracoïde  s’unit,  tantôt  directement  avec 
l’apophyse  antérieure  du  scapulum  par  une  synchondrose  (PI.  III,  fig.  3), 
tantôt  indirectement  et  à distance  par  des  ligaments  fibreux  (PI.  III, 
fig.  2).  Si  le  lecteur  veut  bien  remplacer,  dans  la  descripion  précédente,  les 
termes  de  scapulum.  de  coracoïde  et  de  précoracoïde  par  les  dénominations 
d’iléon,  d’ischion  et  de  pubis,  qui  sont  leurs  homologues  dans  le  bassin,  il 
s’apercevra  immédiatement  que  la  description  du  prôcoracoïde  des  Oiseaux 
s’applique  directement  et  entièrement  à l’apophyse  antérieure  de  l’ischion  des 
Crocodiliens.  Les  fig.  1,2,  PI.  111,  qui  montrent  l’épaule  de  Pélican  vue  par 
la  face  interne,  et  la  fig.  7,  PI.  Y,  qui  représente  le  bassin  de  Crocodile  vu 
par  la  même  face,  parlent  du  reste  clairement  à l’œil  et  à l’esprit. 

De  plus,  le  rapprochement  du  pubis  et  de  l’épaule  du  Crocodile  lui- 
même  conduit  au  même  résultat.  Le  coracoïde,  en  effet  (PI.  II,  fig.  4),  a 
son  extrémité  supérieure  divisée  par  une  légère  échancrure  en  deux  parties  : 
une  postérieure,  qui  est  articulaire,  et  une  antérieure  proéminente,  sous 
forme  de  promontoire  saillant,  et  que  nous  savons  être  le  précoracoïde  à 
1 état  de  rudiment.  Je  me  crois  donc  autorisé  à conclure  de  ces  rapproche- 
ments que  l’ischion  du  Crocodile  est  bien  un  ischion  simple,  mais  qu’il  est 
surmonté  antérieurement  d’une  apophyse  antérieure,  qui,  étant  l’homologue 
du  précoracoïde  rudimentaire  des  Oiseaux  et  des  Crocodiliens,  est  par  consé- 
quent un  pubis  incomplet  ou  un  fragment  de  pubis  qui  contribue  à la 
formation  de  l’acetabulum,  sans  avoir  de  surface  articulaire.  Ce  pubis  rudi- 
mentaire porte  en  avant  un  os  long,  que  j’ai  déjà  décrit  sous  le  nom  de 
pubis , et  qui  lui  est  uni  par  du  tissu  cartilagineux.  Quel  est  cet  os?  S’il 


— 62 


n’esl  pss  un  pubis,  comme  le  pense  Gegenbaur,  qu’est-il?  Faut-il  le  consi- 
dérer comme  absolument  sans  analogue,  ou  bien  devons-nous  le  regarder, 
avec  le  Rév.  Samuel  Haughton',  comme  un  os  marsupial,  tandis  que  ce  que 
nous  avons  appelé  ischion  serait  le  pubis,  et  ce  que  nous  avons  considéré 
comme  l’iléon  serait  un  iléo-ischion  formé  par  la  fusion  de  l’iléon  en  avant 
avec  l’ischion  en  arrière? 

Deux  mots  suffisent  pour  renverser  une  pareille  manière  de  voir.  Les  os 
marsurpiaux  sont  des  os  de  membrane,  des  tendons  ossifiés,  tandis  que 
nous  avons  affaire  avec  de  véritables  os  de  cartilages  ; les  os  marsupiaux 
divergent  toujours  à partir  de  leur  point  d’appui  sur  le  pubis,  et  ne  sont 
jamais  réunis,  comme  les  os  enquestion,  par  une  véritable  symphyse  médiane 
et  par  des  épi-éléments  (épipubis)  cartilagineux.  Enfin  les  os  marsupiaux  ne 
donnent  pas  insertion  à des  muscles  du  membre  inférieur , tandis  que  les 
os  qui  nous  occupent  donnent  insertion  à des  muscles  adducteurs,  et  rota- 
teurs du  fémur.  Les  os  que  nous  étudions  n’ont  donc  rien  de  commun  avec 
les  os  marsupiaux. 

Faut-il  nous  arrêter  à l’autre  alternative  et  les  considérer  comme  des  os 
entièrement  nouveaux  ? On  n’a  le  droit  de  formuler  une  semblable  conclusion 
que  lorsqu’on  a été  contraint  d’écarter  toute  opinion  contraire.  Sommes- 
nous  dans  cette  nécessité,  et  n’y  a-t-il  aucune  raison  suffisante  à faire  valoir 
en  faveur  d’une  détermination  rationnelle?  Je  suis  loin  de  le  croire,  et  je  ne 
crains  pas  d’affirmer  que  l’os  en  question  est  réellement  un  pubis,  non  pas 
tout  le  pubis,  puisque  nous  en  avons  déjà  trouvé  l’élément  acélabulaire 
dans  l’apophyse  antérieure  de  l’ischion,  mais  bien  seulement  la  portion 
qui,  chez  les  Mammifères,  représente  la  branche  horizontale  et  la  sym- 
physe. 

L’objection  tirée  par  Gegenbaur  de  ce  que  cet  os  a une  apparition  dis- 
tincte, n’est  réellement  pas  valable.  !1  naît  en  effet  dans  la  masse  cartila- 
gineuse de  la  ceinture  pelvienne,  et  son  origine  ne  diffère,  en  somme,  de  celle 
des  pubis  ordinaires  que  parce  que  le  centre  d’ossification  qui  lui  corres- 
pond ne  rayonne  pas  jusqu’à  l’acetabulum,  tandis  que  le  centre  osseux  de 


1 S.  Haughton,  fellow  ofTrinity  College  Dublin  ; On  te  muscular  anatomy  of  the  Alligator. 
Armais  and  Magazine  of  natural  History,  1868,  ive  série,  tom.  I. 


l’ischion  dépasse  ses  limites  ordinaires,  et  envahit  ce  qui  chez  les  autres 
Reptiles  constitue  la  portion  acétabulaire  du  pubis. 

Ces  faits  n’ont  du  reste  rien  qui  doive  nous  surprendre.  Nous  avons  vu 
à l’épaule  des  Oiseaux  et  des  Crocodiliens  eux-mêmes,  le  précoracoïde  rudi- 
mentaire formé  par  l’extension  du  centre  d’ossification  du  coracoïde  ; et 
nous  savons,  en  outre,  que  pour  un  ensemble  d’os  qui  naissent  dans  une 
même  masse  cartilagineuse,  la  distribution  des  centres  d’ossification  peut 
varier  d’une  façon  assez  importante  sans  que  la  signification  relative  des 
éléments  osseux  doive  être  réellement  modifiée.  Ainsi,  par  exemple,  tandis 
que  chez  la  plupart  des  Amphibiens  le  coracoïde  et  le  précoracoïde  sont 
dus  à des  centres  distincts  d’ossification,  chez  la  plupart  des  Reptiles,  au 
contraire,  et  chez  les  Oiseaux,  le  coracoïde  et  le  précoracoïde  naissent  d’un 
même  centre  osseux  ; il  faut  en  excepter  pourtant  les  Chéloniens,  chez 
lesquels  le  coracoïde  naît  d’un  centre  d’ossification  particulier,  tandis  que 
le  précoracoïde  et  le  scapulum  sont  le  produit  commun  d’un  seul  centre 
d’ossification.  Ces  exemples  suffisent,  je  l’espère,  à démontrer  que  les  parti- 
cularités que  présente  l’étendue  relative  des  points  d’ossification  de  l’ischion 
et  du  pubis  chez  les  Crocodiliens,  n’autorisent  en  rien  à exclure  ce  dernier  os 
du  nombre  des  os  typiques  du  bassin. 

CEINTURES  THORACIQUE  ET  PELVIENNE  DES  MAMMIFÈRES. 

Il  semblerait  rationnel  de  placer  ici  l’étude  de  la  ceinture  pelvienne  des 
Oiseaux,  qui  ont  avec  les  Reptiles  tant  de  points  de  ressemblance;  mais  la 
logique  et  les  besoins  de  la  démonstration  veulent  au  contraire  que  je  m’oc- 
cupe d’abord  des  Mammifères,  car  les  résultats  obtenus  nous  serviront  con- 
sidérablement à la  détermination  et  à l'intelligence  des  parties  correspon- 
dantes chez  les  Oiseaux.  Ceux-ci,  en  effet,  présenteront,  à bien  des  égards, 
des  formes  intermédiaires  entre  les  formes  reptiliennes  et  les  formes  propres 
aux  Mammifères.  Une  fois  les  deux  types  extrêmes  convenablement  con- 
nus, il  nous  sera  facile  de  constater  et  de  comprendre  les  conformations 
intermédiaires.  Je  me  propose  de  donner  un  certain  développement  à l’étude 
des  Mammifères  ; c’est  en  effet  un  des  points  les  moins  bien  compris  et  où 
la  lumière  manque  le  plus  : c’est  là  que  les  confusions  et  les  erreurs  abon- 

9 


64 


dent.  J’ai,  dans  mon  Introduction,  exposé  les  causes  de  ces  lacunes  et  les 
principes  qui  devaient  diriger  nos  efforts  pour  les  combler.  Je  n’y  reviens 
pas  ici,  et  j’aborde  immédiatement  le  sujet. 

La  ceinture  scapulaire  des  Mammifères  se  compose  généralement  de 
deux  os  : l’omoplate  et  la  clavicule.  La  clavicule  étant  un  os  du  squelette 
secondaire,  il  en  résulte  que  la  ceinture  scapulaire  primordiale  est  réduite 
à l’omoplate  chez  tous  les  Mammifères,  en  exceptant  les  Monotrêmes,  qui 
ont  un  scapulum  et  un  coracoïde  distincts. 

L'omoplate  des  Mammifères  présente  des  tubérosités  ou  apophyses  dont 
l’une  est  nommée  apophyse  coracoïde  et  l’autre  épine  de  l’omoplate  et 
acromion.  Ces  éminences  ont  été  considérées  comme  correspondant  à des 
éléments  de  la  ceinture  thoracique,  éléments  qui  restent  plus  ou  moins 
distincts  chez  les  Reptiles  et  les  Oiseaux,  mais  qui,  chez  les  Mammifères,  se 
soudent  avec  le  scapulum  pour  constituer  l’omoplate.  Nous  discuterons 
ces  déterminations,  et  nous  établirons  sur  de  nouvelles  bases  celles  que  nous 
croyons  être  l’expression  de  la  vérité. 

La  ceinture  pelvienne  des  Mammifères,  en  laissant  de  côté  le  sacrum  , 
qui  n’est  qu’une  portion  de  la  colonne  vertébrale,  se  compose,  comme 
l’épaule  chez  les  Mammifères,  d’un  seul  os  pair,  l’os  iliaque,  auquel  on 
reconnait  facilement  plusieurs  régions  ou  éminences  osseuses , l’iléon , 
l’ischion  et  le  pubis,  qui  sont  entièrement  soudés  et  confondus  chez 
l’adulte  au  niveau  de  la  fosse  cotyloide  ou  acétabuium.  Comme  la 
ceinture  pelvienne  est  toujours  bien  développée  chez  les  Mammifères 
autres  que  les  Cétacés,  et  que  les  divers  éléments  y ont  conservé  des 
dimensions  et  une  situation  qui  en  rendent  la  détermination  facile,  nous 
prendrons  la  ceinture  pelvienne  comme  point  de  départ  de  nos  détermina- 
tions, et,  sans  entrer  dans  les  détails  d’une  description  complète,  que  je 
suppose  connue  des  lecteurs,  je  rapprocherai  ensuite  la  ceinture  thoracique 
de  la  ceinture  pelvienne. 

Je  prendrai  le  squelette  humain  comme  type,  mais  sans  oublier  de 
signaler  les  particularités  remarquables  et  intéressantes  que  présentent  les 
autres  Mammifères.  J’aurai  ainsi  l’avantage  de  me  mouvoir  sur  un  terrain 
très-exploré,  et  dont  les  détails  sont  familiers  à la  plupart  des  lecteurs. 


65 


Il  est  très-facile  de  comparer  l’os  iliaque  des  Mammifères  à celui  des 
Reptiles,  et  de  déterminer  ainsi  la  signification  de  ses  parties.  Il  est  com- 
posé d’un  iléon  q ni  correspond  au  scapulum,  d’un  ischion  qui  correspond 
au  coracoïde,  et  d’un  pubis  qui  représente  le  précoracoïde  Ces  trois  par- 
ties, constituées  par  trois  os  distincts  chez  l'embryon,  viennent  toujours 
converger  en  étoile  au  fond  de  la  cavité  cotylo'ide,  et  contribuent  dans  des 
proportions  différentes  à la  formation  de  cette  excavation  (PI.  Y,  fig.  5). 
Des  points  secondaires  d’ossification  assez  nombreux  viennent  s’ajouter  à ces 
trois  centres  principaux.  Il  s’en  trouve  notamment  un  au  fond  de  la  cavité 
cotylo'ide,  au  centre  de  l’étoile  formée  par  la  convergence  des  trois  sutures. 
L’iléon,  très-élargi,  présente  des  fosses  iliaques  interne  et  externe.  Il  a un 
bord  supérieur  convexe  nommé  crête  iliaque , qui  est  formé  par  un  point 
d’ossification  distinct.  C’est  Xépiilêon,  qui  se  soude  avec  l’iléon. 

L’ischion  et  le  pubis  sont  phalangiformes  et  ont  leurs  extrémités  distales 
élargies,  de  manière  à ce  que  leurs  angles  opposés  viennent  se  réunir  et  former 
une  branche  iscbio-pubienne,  qui  entoure  le  trou  obturateur.  C’est  là  une  dis- 
position que  nous  avons  déjà  retrouvée  dans  le  bassin  de  certains Chéloniens. 

Deux  points  d’ossification  viennent  recouvrir  l’extrémité  distale  de  l’ischion 
et  du  pubis  : l’un,  ischiatique,  coiffe  la  tubérosité  et  la  branche  ascendante 
de  l’ischion,  c’est  l’ épiischion  ; l’autre  forme  l’extrémité  du  pubis  à partir  de 
l’épine  et  recouvre  la  branche  descendante  du  pubis,  c’est  Yépipubis.  Il  y 
a une  épine  pubienne  ou  tubérosité  pubienne  /PI.  Y,  fig.  1,  5,  tu.  pu.) 
au  point  d’union  du  pubis  et  de  l’épipubis,  et  une  épine  ischiatique  ou 
tubérosité  ischiatique  au  point  d’union  de  l’ischion  et  de  l’épiischion. 

On  voit  ainsi  que  l’assimilation  de  la  ceinture  pelvienne  des  Mammifères 
avec  celle  des  Reptiles  est  on  ne  peut  plus  précise,  et  peut  même  être  pour- 
suivie jusque  dans  les  détails. 

La  signification  des  parties  de  la  ceinture  pelvienne  étant  solidement  établie, 
comparons-les  avec  les  éléments  de  la  ceinture  scapulaire  et  cherchons  à en  dé- 
terminer les  homologies.  Pour  cela,  reportons-nous  aux  principes  exposés  au 
début  de  ce  travail,  et  rapprochons,  contrairement  à ce  qui  a été  généralement 
fait  jusqu’à  présent,  le  scapulum  d’un  côté  de  l’os  iliaque  du  même  côté. 

L’iléon  représente  la  partie  aplatie  et  large  du  scapulum.  Ces  deux  os 
étant  mis  à côté  l’un  de  l’autre,  ainsi  que  je  l’ai  fait  sur  la  PL  V,  fig.  1 


GG 


et  2,  et  étant  vus  par  leur  face  externe,  nous  trouverons  que  le  bord  épina! 
de  l’omoplate  représente  la  crête  de  l’os  iliaque,  qu’à  l’épiiléon  correspond 
un  épiscapulum  formé  par  une  bande  osseuse  occupant  le  bord  spinal  de 
l’omoplate  et  résultant  d’un  point  distinct  d’ossification,  dont  l’apparition  est 
plus  tardive  que  celle  du  corps  de  l’omoplate  ' . 

A la  fosse  iliaque  externe  correspondent  les  fosses  sus  et  sous-épineuses 
réunies.  Ces  deux  fosses  sont  séparées  entre  elles  par  l’épine  de  l’omoplate, 
qui  est  elle-même  représentée  dans  l’iléon  par  une  crête  mousse  plus  ou 
moins  saillante  (PI.  Y,  fug.  \.  sail.  il.)  qui  descend  de  la  réunion  du  tiers 
antérieur  avec  les  deux  tiers  postérieurs  de  la  crête  de  l’iléon,  et  se  dirige 
en  avant  vers  la  cavité  cotylo'ide.  C’est  là  exactement  la  situation  de  l’épine 
du  scapulum  par  rapport  à la  face  externe  et  à la  cavité  glénoïdienne  du 
scapulum.  Bien  plus,  la  crête  de  l’iléon  et  le  bord  spinal  de  l’omoplate 
présentent  au  niveau  de  l’origine  des  deux  saillies  ou  épines,  un  renflement 
assez  prononcé,  exactement  comparable  dans  les  deux  cas  (PI.  V,  fig.  1, 
em . il.-,  fig.  2,  em.  sc.).  M.  Sappey1 2  considère,  il  est  vrai,  l’épine  de  l’omo- 
plate comme  représentée  par  la  ligne  courbe  semi-circulaire  antérieure  de 
l’iléon,  qui  est  située  entre  les  insertions  du  moyen  et  du  petit  fessier  (PI.  V, 
fig.  l.  c.  a.).  Cette  opinion  n’a  pu  naître  dans  l’esprit  de  M Sappey  que 
parce  que,  comme  Yic-d’Azyr,  il  comparait  l’iléon  d'un  côté  au  scapulum 
du  côté  opposé.  Alors  seulement,  en  effet,  il  y a entre  ces  deux  saillies 
quelque  similitude  éloignée  de  situation.  Mais  si,  comme  c’est  rigoureu- 
sement démontré  dans  ce  travail,  la  comparaison  doit  être  faite  entre  les 
deux  os  d’un  même  côté,  on  s’aperçoit  bien  vile  que  l’assimilation  proposée 
par  M.  Sappey  est  impossible,  car  il  n’y  a rien  de  commun  entre  la  situa- 
tion, les  rapports,  les  points  de  départ  et  d’arrivée,  la  direction  relative  des 
deux  saillies.  11  est  vrai  que  l’épine  de  l’omoplate  est , comme  la  ligne  courbe 
de  l’iléon,  une  saillie  osseuse  uniquement  apophysaire,  une  espèce  d’éma- 
nation de  la  face  externe  de  l’os,  une  sorte  d’intervalle  aponévrolique  ossifié; 
mais,  tandis  que  la  ligne  courbe  de  l’iléon  est  la  trace  d’un  intervalle  inter— 

1 1,’ examen  d’un  omoplate  et  d'un  iléon  d'un  enfant  de  naissance  font  clairement  saisir 
cette  assimilation  en  montrant  les  os  moins  déformés  par  le  développement  ultérieur  (PI.  Y, 
fig.  5 et  6). 

2 Sappey;  Traité  d’ Anatomie  humaine. 


67 


musculaire  dont  la  direction  est  perpendiculaire  au  sens  des  faisceaux  et  des 
fibres  des  muscles  qu’elle  sépare,  l’épine  de  l’omoplate  représente  au  con- 
traire un  intervalle  parallèle  à ces  mômes  faisceaux  et  fibres  musculaires.  11 
est  évident  que  l’épine  de  l’omoplate  ne  peut  être  représentée  que  par  une 
saillie  de  la  fosse  iliaque  externe  parallèle  aux  faisceaux  du  muscle  moyen  et 
petit  fessier,  comme  l’épine  de  l’omoplate  est  parallèle  à la  direction  des 
faisceaux  des  muscles  épineux  ; et  c’est  là  une  condition  que  remplit  à mer- 
veille la  saillie  de  la  fosse  iliaque  externe  (PI.  V,  fig.  1.  sail.  il.).  1!  y a 
seulement  entre  les  deux  cas  cette  différence  que,  tandis  qu’à  l’épaule  la 
crête  osseuse  est  assez  saillante  pour  diviser  en  deux  faisceaux  distincts  et 
collatéraux  la  masse  des  muscles  sus-scapulaires  ou  épineux,  il  n’en  est  pas 
de  même  au  bassin.  En  effet,  la  saillie  iliaque  reste  mousse  chez  l’Homme,  et 
ne  parvient  pas  à émerger  entre  les  faisceaux  des  muscles  moyen  et  petit 
fessier  réunis,  pour  les  séparer  en  deux  masses  collatérales  et  parallèles,  com- 
parables aux  masses  sus  et  sous-épineuses. 

Cette  saillie  iliaque  (que  je  nommerais  épine  de  l’iléon , pour  la  rappro- 
cher de  l’ épine  du  scapulum,  si  déjà  plusieurs  saillies  n’avaient  reçu  le  nom 
d’épines  iliaques),  cette  saillie  iliaque,  dis-je,  peu  prononcée  chez  certains 
sujets  de  l'espèce  humaine,  acquiert  chez  d’autres  des  dimensions  plus 
marquées,  et  devient  même  chez  quelques  animaux  une  véritable  crête 
saillante  exactement  comparable  à l’épine  du  scapulum,  et  ayant  avec  elle  une 
ressemblance  vraiment  frappante.  Je  prie  le  lecteur  de  comparer  la  saillie 
iliaque  très-évidente  d’un  Mouton  (PI.  VI,  fig.  5,  sa.  il.)  avec  X épine 
scapulaire  du  même  animal,  et  il  verra  que  l’une  et  l’autre  de  ces  saillies  sont 
parallèles  à l’axe  du  cylindre  osseux  phalangiforme  et  plus  ou  moins  aplati 
qui  constitue  ces  deux  os,  chez  les  Mammifères  comme  chez  les  Reptiles. 

Ce  parallélisme  et  cette  similitude  de  situation,  dont  on  peut  fort  bien  se 
rendre  compte  chez  l’homme,  sont  encore  plus  évidents  chez  les  animaux, 
où  les  deux  os  sont  moins  étalés  et  se  sont  moins  éloignés  du  type  cylin- 
drique phalangiforme.  Ces  dispositions  peuvent  être  aussi  clairement  saisies 
chez  le  Lièvre  (PI.  111,  fig . 6 et  7,  et  PI.  Vil,  fig.  6),  où  la  ressemblance 
de  forme  des  deux  os  permet  de  serrer  de  prés  les  rapprochements.  Enfin 
le  bassin  du  grand  Kanguroo  (PI.  VII,  fig.  S,  sa.  il.)  nous  montre  la 
saillie  de  l’iléon  ayant  atteint  une  élévation  remarquable  et  formant  une 


- G8  — 

véritable  épine  exactement  comparable  à celle  du  scapulum.  On  trouve  une 
saillie  semblable,  et  même  à bord  tranchant  et  aigu,  sur  l’iléon  de  l’Agouti, 
du  Bathyergus  maritimus,  du  Dasypus  sexcinclus , etc. 

Ainsi  donc,  des  considérations  de  tous  les  ordres  : direction  par  rapport  à 
l’axe  de  l’os,  par  rapport  aux  faisceaux  musculaires,  par  rapport  à la  cavité 
articulaire,  par  rapport  au  bord  supérieur  ou  spinal  de  l’os,  et  les  enseignements 
de  l’anatomie  comparée,  etc.,  démontrent  clairement  que  l’épine  de  l’omoplate 
est  bien  représentée  au  bassin  par  ce  que  je  nomme  la  saillie  de  l'iléon , et 
non,  comme  le  veut  M.  Sappey,  par  la  ligne  courbe  antérieure  de  cet  os. 

Quant  à l’opinion  de  Humphry,  qui  considère  la  clavicule  comme  repré- 
sentant la  branche  ascendante  de  l’ischion,  et  à celle  peu  différente  de 
Folz,  qui  considère  l’acromion  comme  représentant  l’ischion,  tandis  que  la 
clavicule  serait  la  brandie  descendante  des  pubis,  elles  impliquent  l’une  et 
l’autre  l’assimilation  de  l’épine  de  l’omoplate  avec  la  partie  descendante  ou 
proximale  de  l’ischion.  Ce  sont  là  des  opinions  qui  ont  contre  elles  tant  de 
considérations,  que  je  ne  m’arrête  pas  à les  discuter;  la  suite  de  ce  travail  les 
renversera  de  fond  en  comble,  sans  que  j’aie  besoin  ici  de  les  combattre 
longuement.  Je  me  bornerai  à faire  remarquer  que,  loin  de  représenter  un 
élément  important  et  autonome  de  la  ceinture  thoracique,  comme  l’est  l’is- 
chion pour  la  ceinture  pelvienne,  l’épine  du  scapulum  n’est  au  fond  qu’un 
plissement,  qu’une  crête  plus  ou  moins  saillante  de  la  face  externe  de  l’os, 
crête  le  plus  souvent  unique,  mais  quelquefois  accompagnée  d’un  certain 
nombre  d’autres  qui  ne  diffèrent  d’elle  que  par  des  dimensions  moins  pro- 
noncées. Ce  sont  tout  simplement  des  interstices  musculaires  ossifiés,  et 
auxquels  on  ne  saurait  donner  l’importance  d’un  élément  constituant  de  la 
ceinture  thoracique. 

Ces  épines  scapulaires  multiples  se  trouvent  bien  développées  chez  cer- 
tains Cétacés  et  chez  les  Phoques,  et  je  renvoie  le  lecteur  à la  PI.  III,  fig.  8, 
qui  représente  un  scapulum  de  Dauphin.  On  trouve  également  sur  le  sca- 
pulum de  Dasypus  sexcinctus,  en  arrière  de  l’épine  scapulaire,  une  seconde 
épine  qui  lui  est  parallèle,  et  qui  atteint  parfois  des  dimensions  remarquables. 

La  ligne  demi-circulaire  antérieure  de  l’iléon  n’est  point  régulièrement 
représentée  sur  la  face  externe  du  scapulum  ; mais  il  n’en  est  pas  de  même 
pour  la  ligne  demi-circulaire  postérieure  et  pour  les  rugosités  qu’elle  limite, 


69  - 


et  qui  servent  d’insertion  au  grand  fessier.  On  trouve  en  effet  sur  la  face 
externe  du  scapulum  (PI.  V,  fg.  2,  m.  g.  r.),  et  près  de  l’angle  inférieur 
de  l’omoplate,  une  surface  rugueuse  triangulaire  limitée  par  une  crête  légère- 
ment saillante  qui  correspond  à la  ligne  courbe  postérieure  de  l’iléon 
(PI.  V,  fig.  1,  m.  g.  f). 

Tout  ce  que  nous  venons  d’établir,  et  que  l’anatomie  des  muscles  confir- 
mera complètement,  nous  fournit  de  précieux  points  de  repère  pour  la 
détermination  des  autres  parties  du  scapulum.  11  résulte  en  effet  de  là  que, 
contrairement  à l’opinion  de  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  la  question,  le 
bord  coracbidien  de  l’omoplate  représente  le  bord  inguinal  de  l’iléon,  et  le 
bord  axillaire  représente  le  bord  sacro-coccygien  ou  ischiatique  du  même 
os.  Les  figures  qui  accompagnent  ce  Mémoire  (PI.  Y,  fig.  1 et  2 , fig.  ô 
et  4,  fig.  5 et 6 ; PI.  Yl,  fig.  12  et  15)  permettent  de  vérifier  la  justesse  de 
ces  rapprochements,  et  de  constater  que  le  bord  inguinal  de  l’iléon,  avec  ses 
sinuosités  et  ses  épines  iliaques  supérieure  et  inférieure,  est  assez  bien 
reproduit  par  le  bord  coraco'idien  de  l’omoplate,  qui  présente  comme  lui 
une  minceur  relative  et  des  saillies  correspondantes.  Quant  au  bord  ischia- 
tique ou  échancrure  ischiatique  de  l’iléon,  l’étude  de  la  face  interne  de 
l’iléon  (PI.  YI,  fig.  12  et  15)  permettra,  bien  mieux  encore  que  celle  de  la 
face  externe,  de  saisir  tout  ce  que  ce  bord  a de  commun  avec  le  bord  axil- 
laire du  scapulum.  Ces  bords  correspondants  de  l’iléon  et  du  scapulum, 
considérés  chez  le  fœtus  (PI.  V,  fig.  5 et  6),  ont  une  ressemblance  remar- 
quable. Tandis,  en  effet,  que  les  bords  inguinal  de  l’iléon  et  coracoidien 
du  scapulum  sont  minces,  tranchants  et  légèrement  concaves  sur  le  sque- 
lette d’un  enfant  de  neuf  mois,  les  bords  ischiatique  et  axillaire  de  ces  os 
sont  épais  et  présentent  une  concavité  presque  aussi  prononcée  pour  le  sca  - 
pulum  que  pour  l’iléon.  Chez  l’adulte,  cette  concavité  du  bord  axillaire 
devient  moins  marquée,  parce  que  son  sinus  est  en  partie  rempli  par  l’élar- 
gissement d’une  crête  mince  et  tranchante  qui  s’élève  vers  la  face  externe 
de  l’os,  et  à l’extrémité  supérieure  de  laquelle  s’insère  la  longue  portion  du 
triceps  (PI.  VI,  fig.  12);  mais  si  l’on  jette  les  yeux  sur  les  figures  compara- 
tives des  faces  internes  des  deux  os  (PI.  VI,  fg.  12  et  15),  et  sur  les  fig.  5 
et  4 de  la  PI.  Y,  qui  représentent  les  bords  des  deux  os  vus  de  champ,  on 
remarquera  certainement  que  les  faces  internes  sont,  dans  les  deux  cas,  divi- 


— 70  — 

sées  en  deux  régions  très-inégales  par  un  renforcement  en  forme  de  crête 
mousse  (det.  sup.  il.  ax.  et  clet.  sup.  se.  ax.)  qui,  partant  de  la  face  profonde 
de  la  cavité  articulaire,  se  porte  vers  l’angle  postérieur  de  l’iléon  et  vers  l’angle 
inférieur  du  scapulum,  qui  se  correspondent.  Cette  crête  mousse,  qui  forme 
pour  l’iléon  le  détroit  supérieur  du  petit  bassin,  est  donc  exactement  repré- 
sentée dans  le  scapulum.  Elle  est  dans  les  deux  figures  (PI.  VI,  fig.  1 2 et  1 3) 
surmontée  en  haut  par  la  grande  fosse  iliaque  interne  et  par  la  grande  fosse 
sous-scapulaire,  qui  sont  homologues  ; et  au-dessous  d’elle  se  trouve  une  bande 
étroite,  légèrement  creusée  en  gouttière,  qui  dans  l’iléon  borde  l’échancrure 
iscbiatique  et  fait  partie  du  petit  bassin,  et  qui  dans  le  scapulum  constitue 
une  gouttière  longue,  étroite  et  profonde.  Les  figures  (3  et  4 de  la  PI.  Y) 
où  les  bords  correspondants  des  deux  os  sont  vus  de  champ,  permettent 
d’apprécier  les  comparaisons  et  les  rapprochements  que  j’établis  entre  eux. 

On  retrouve  donc  dans  l’épaule,  outre  la  cavité  du  grand  bassin,  les  por- 
tions iliaques  du  détroit  supérieur  et  de  la  petite  cavité  pelvienne.  Les  ren- 
forcements qui  forment  les  portions  iliaque  ou  scapulaire  du  détroit  supérieur 
constituent  donc  un  axe  massif  au-dessus  et  au-dessous  duquel  se  dévelop- 
pent ordinairement,  chez  les  Mammifères,  une  aile  supérieure  et  une  aile 
inférieure.  C’est  là  la  partie  axiale  ou  axe  de  l’iléon,  qui  est  quelquefois  à 
peine  accompagnée  d’expansions  ou  ailes  supérieure  et  inférieure,  et  qui 
représente  alors  dans  toute  sa  simplicité  le  cylindre  iliaque,  qui  a dû  être  le 
type  primitif  de  l’iléon,  tel  que  nous  le  trouvons  déjà  chez  les  Ichthyosaures 
et  Plésiosaures,  et  tel  que  nous  l’avons  vu  chez  certains  Batraciens  et  certains 
Reptiles  actuels.  Je  citerai,  comme  exemple  du  faible  développement  de  ces 
appendices  en  forme  d’ailes,  le  bassin  du  Mouton  (PI.  Y !,/%.  4 et  5),  du 
Lapin  (PL  VII,  fig.  6),  et  surtout  celui  du  Kanguroo  (PL  VU,  fig.  5), 
auquel  on  peut  ajouter  celui  des  Monotrêmes. 

La  face  interne  de  l’iléon  présente  au  niveau  de  l’angle  postérieur  la  sur- 
face par  laquelle  il  s’articule  avec  le  sacrum,  et  à laquelle  on  a donné  le  nom 
de  facette  auriculaire  (Pi.  VI,  fig.  13,  fac.  aur.).  En  arrière  de  celle-ci  se 
trouvent  des  inégalités  et  rugosités  très-considérables,  qui  servent  à l’inser- 
tion des  ligaments  sacro-iliaques  interosseux,  surf.  rug.  La  surface  articu- 
laire correspondante  ne  saurait  exister  sur  l’omoplate,  qui  est  suspendue  à la 
colonne  vertébrale,  et  non  articulée  avec  elle  ; mais  les  rugosités  de  l’iléon 


71 


se  retrouvent  au  voisinage  de  l’angle  correspondant  de  l’omoplate  (PI.  VI, 
fig.  12,  surf,  rug.),  et  servent  d’insertion  au  muscle  grand  dentelé,  que 
nous  verrons  être  le  représentant,  dans  cette  région,  des  ligaments  sacro- 
iliaques  interosseux. 

Je  dirai  de  plus,  mais  sans  y ajouter  trop  d’importance,  que  cet  angle 
inférieur  du  scapulum,  épais  et  tuberculeux  comme  la  tubérosité  de  l’iléon, 
peut  sans  trop  de  complaisance  être  considéré  comme  présentant  deux 
saillies  qui  reproduisent  assez  bien  les  deux  épines  iliaques  postérieures 
(PI.  VI,  fig.  12  et  15). 

Enfin,  j’aurai  complété  la  comparaison  de  l’iléon  et  du  scapulum  quand 
j’aurai  dit  que  l’un  et  l’autre  prennent  une  large  part,  la  plus  grande  part,  à 
la  constitution  de  la  cavité  articulaire,  et  cela  par  leurs  angles  homologues, 
dans  des  situations  identiques  par  rapport  à l’épine  du  scapulum  et  à la 
saillie  de  l’iléon  (PI.  V,  fig.  1 et  2). 

Je  continue  à comparer  les  éléments  des  deux  ceintures  : l'apophyse  cora- 
coïde de  l’omoplate  humaine  a naturellement  été  comparée  à l’un  des  autres 
éléments  de  l’os  iliaque.  Les  uns,  reproduisant  les  idées  de  Vicq-d’Azyr,  y 
ont  vu  l’homologue  de  l’ischion,  du  côté  opposé  ; d’autres,  comme  Humphry 
et  Folz,  y ont  trouvé  le  représentant  du  pubis  du  côté  opposé.  Ces  deux 
opinions  sont  aussi  insoutenables  l’une  que  l’autre,  et  je  n’ai  point  à répéter 
ici  que  c’est  entre  les  éléments  du  même  côté  du  corps  qu’une  comparai- 
son légitime  et  rationnelle  doit  être  faite. 

L’apophyse  dite  coracoïde  ne  peut  être  comparée  qu’à  l’ischion  ou  au 
pubis  du  même  côté.  Représente-t-elle  l’ischion  ou  le  pubis?  ou  bien,  en 
d’autres  termes,  est-elle  un  coracoïde  ou  un  précoracoïde? Tout  prouve  que 
c’est  un  précoracoïde.  L’examen  seul  de  sa  situation  et  une  comparaison  des 
deux  os  suffiraient  presque  à le  démontrer  ; j’en  prends  à témoin  les  fig.  i 
et  2,  3 et  -4,  5 et  6,  PI.  V,  et  les  fig.  12  et  15  de  la  PL  VI,  qui  parlent 
immédiatement  aux  yeux,  et  qui  permettent  de  se  rendre  rapidement  compte 
de  tout  ce  qu’il  y a de  semblable,  soit  dans  les  rapports  du  pubis  avec  l’iléon 
et  de  l’apophyse  coracoïde  avec  le  scapulum,  soit  dans  la  forme  recourbée 
dans  le  même  sens  des  deux  éléments,  forme  qui  n’a  pu  conduire  à une  assi- 
milation de  l’apophyse  coracoïde  avec  l’ischion  qu’à  condition  de  renverser 

10 


l’une  des  deux  ceintures.  L’apophyse  coracoïde  est,  on  le  voit,  placée  comme 
le  pubis  au-dessus  et  non  au-dessous  de  la  cavité  articulaire,  tandis  que 
Yicq-d’Azyr,  obligé  de  renverser  l’omoplate  pour  faire  sa  comparaison  croi- 
sée, trouvait  « que  le  bec  de  corbeau  était  tout  à fait  inférieur  et  répondait 
à la  tubérosité  sciatique» . 

Mais  les  considérations  de  forme  et  de  situation  générale,  qui  ont  leur 
importance,  le  cèdent  de  beaucoup  aux  considérations  de  connexions  et  de 
développement.  Or,  l’apophyse  coracoïde  ne  saurait  être  un  coracoïde,  c’est- 
à-dire  un  ischion,  parce  que,  dans  son  évolution,  elle  est  entièrement  étran- 
gère à la  constitution  de  la  cavité  articulaire,  ce  qui  ne  se  rencontre  jamais 
pour  le  coracoïde.  Toujours,  en  effet,  et  dans  tous  les  cas,  l’ischion  et  le  cora- 
coïde font  partie  de  la  cavité  articulaire  correspondante.  11  arrive  au  con- 
traire quelquefois  que  le  précoracoïde  et  le  pubis  n’entrent  pas  dans  la 
constitution  de  cette  cavité,  et  ils  n’y  entrent  dans  tous  les  cas  que  pour  une 
part  relativement  restreinte.  C’est  ce  que  nous  avons  constaté  pour  le  pré- 
coracoïde chez  les  Salamandres  et  chez  quelques  Rana  (R.  temporaria,  par 
exemple),  et  pour  le  pubis  chez  le  Caméléon.  Nous  verrons  aussi, 
quand  nous  aurons  déterminé  la  place  du  vrai  coracoïde  dans  l’épaule, 
que  l’ordre  d’apparition  des  points  osseux , soit  à l’épaule , soit  au 
bassin,  vient  établir  également  que  l’apophyse  coracoïde  ne  se  montre, 
comme  le  pubis  à l’égard  de  l’ischion,  qu’aprèsque  le  point  osseux  du  vrai 
coracoïde  a fait  son  apparition. 

Mais  où  donc  est  le  vrai  coracoïde?  Quel  est  son  représentant  dans  l’épaule 
humaine  et  dans  celle  des  Mammifères?  C’est  là  ce  que  je  vais  examiner. 

Si  l’on  jette  un  coup  d'œil  sur  la  PI.  Y,  fig.  2,  on  voit  que  la  cavité  glé- 
noïde  de  l’Homme  peut  être  divisée  par  une  ligne  perpendiculaire  à son 
grand  axe  en  deux  parties  inégales  : l’une  inférieure,  large  et  formant  les 
deux  tiers  de  la  cavité,  et  l’autre  supérieure,  triangulaire,  qui  constitue  le 
tiers  supérieur.  La  séparation  entre  ces  deux  parties  est  du  reste  indiquée 
par  une  légère  échancrure  des  bords. 

La  partie  supérieure  est  surmontée  d’un  tubercule  plus  ou  moins  saillant 
auquel  s’insère  la  longue  portion  du  biceps.  C’est  ce  noyau  osseux,  com- 
prenant le  tiers  supérieur  de  la  cavité  glénoïde  et  le  tubercule  du  long  biceps, 
noyau  résultant  d’un  centre  d’ossification  distinct,  qui  constitue  le  vrai  cora- 


/ ô 


coïde  et  le  représentant  de  l 'ischion.  De  même  que  le  coracoïde  des  Amphi- 
biens  et  des  Reptiles,  et  de  même  que  l’ischion  des  Amphibiens,  des  Reptiles, 
des  Oiseaux  et  des  Mammifères,  il  est  enfoncé  comme  un  coin  dans  l’angle 
formé,  en  arrière  par  le  scapulum  ou  l’iléon,  en  avant  par  le  précoracoïde 
ou  le  pubis.  Seulement  ici  le  coracoïde  est  peu  développé  et  presque  atro- 
phié; il  n’est  représenté  que  par  sa  portion  basilaire  adhérente  aux  autres 
éléments  de  la  ceinture. 

Ce  que  j’avance  ici  est  déjà  fortement  appuyé  sur  l’étude  des  connexions. 
Voilà  en  effet  un  coracoïde  qui  remplit  bien  les  conditions  générales  et  essen- 
tielles d’un  élément  de  cet  ordre.  Ses  connexions  sont  bien  celles  d’un  cora- 
coïde, puisqu’il  est  placé  en  arrière  du  précoracoïde,  si  l’on  considère 
l’Homme  dans  la  station  horizontale  ; il  est  en  outre  reçu  dans  l’angle,  ouvert 
en  bas,  que  forment  le  scapulum  et  le  précoracoïde.  De  plus,  son  ordre 
d’apparition  comme  point  d’ossification  précède  celle  du  précoracoïde.  Nous 
verrons  en  outre  avec  quelle  précision  et  quelle  rigueur  l’étude  de  la  myo- 
logie  confirmera  la  vérité  des  déterminations  que  nous  venons  de  faire.  Mais 
avant  de  passer  à l’étude  des  muscles,  qui  nous  entraînera  dans  de  longs  dé- 
veloppements, je  dois  répondre  à l’objection  de  ceux  qui  pourraient  s’étonner 
que  l’apophyse  coracoïde,  qui  est  assez  volumineuse  et  saillante  chez 
l’Homme,  dût  être  assimilée  au  pubis,  c’est-à-dire  à la  branche  la  moins  déve- 
loppée du  bassin;  tandis  que  l’ischion,  qui  est  très-volumineux,  ne  serait  repré- 
senté que  par  un  simple  noyau  osseux  de  dimensions  fort  réduites.  A ceux- 
là,  il  me  suffit  de  rappeler  cette  vérité  banale,  que  l’anatomie  ne  doit  point 
être  faite  sur  un  seul  type,  et  que,  sans  beaucoup  chercher,  il  est  facile  de 
trouver  des  types  nombreux  de  Mammifères  chez  lesquels  l’apophyse  cora- 
coïde est  elle-même  réduite  aux  dimensions  d’un  simple  tubercule  (Rumi- 
nants, Carnivores,  Solipèdes,  etc.),  et  d’autres  types  aussi  où  le  tubercule  du 
long  biceps  acquiert  des  dimensions  supérieures  à celles  de  l’apophyse  cora- 
coïde. Je  renvoie  le  lecteur  à l’examen  du  scapulum  de  Lièvre  (PI.  III,  fig. 
6 et  7),  sur  lequel  ce  renversement  des  proportions  ordinaires  peut  être  facile- 
ment constaté.  Le  coracoïde  humain  étant  fortement  atrophié  et  réduit  à sa 
portion  basilaire  ou  proximale,  il  ne  peut  être  question  d’un  épicoracoïde  ; 
mais  pour  le  précoracoïde,  qui  est  bien  plus  développé,  il  est  permis  de  consi- 
dérer le  point  épiphysaire  qui  en  occupe  le  sommet,  et  auquel  s’insèrent  les 


— 74  — 

tendons  réunis  du  court  biceps  et  du  coraco-brachial,  comme  formant  l’épi- 
précoracoïde’ . 

Voilà  donc  retrouvés  les  vrais  éléments  de  la  ceinture  thoracique  et  leurs 
homologies  avec  les  éléments  de  la  ceinture  pelvienne.  11  n’est  ni  nécessaire 
ni  surtout  rationnel  de  faire,  comme  Humphry,  Folz,  jouer  un  rôle  à la 
clavicule  dans  la  constitution  de  la  ceinture  supérieure  et  dans  son  assi- 
milation avec  les  éléments  du  bassin.  Tout  s’oppose  à une  introduction 
aussi  illégitime,  et  la  myologie  avec  i’osléologie,  et  encore  mieux  qu’elle, 
nous  démontrera  que  la  clavicule,  élément  surajouté  dans  quelques  cas,  et 
non  constamment,  à l’épaule,  n’est,  comme  le  pense  justement  Gegenbaur  \ 
nullement  représentée  dans  le  bassin  des  Mammifères.  La  clavicule  est  un 
os  du  dermo-squelelte,  et  non  du  squelette  primordial;  elle  n’a  donc  pas 
de  partie  similaire  dans  la  ceinture  pelvienne,  qui  appartient  tout  entière 
au  squelette  primordial  Que  si,  à l’exemple  de  Huxley1 * 3,  on  voulait  la 
retrouver  au  bassin  dans  le  ligament  de  Poupart,  on  devrait  bientôt  aban- 
donner celte  opinion,  en  considérant  que  les  connexions  de  ce  ligament, 
soit  avec  les  autres  os  de  la  ceinture,  soit  surtout  avec  les  muscles  de  la 
région,  sont  bien  différentes  de  celles  que  possède  la  clavicule  avec  les 
éléments  correspondants  du  squelette  et  des  muscles  de  l’épaule.  Renvoyant 
à plus  tard  ce  qui  a trait  au  système  musculaire,  je  me  borne  à faire 
remarquer  ici  que  le  ligament  de  Poupart  s’étend  de  l’épine  üaque  anté- 
rieure et  supérieure  à l’épine  et  à la  crête  du  pubis,  tandis  que  la  clavicule 
s’étend  de  l’acromion  au  sternum  : or,  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure 
correspond  à l’angle  supérieur  et  interne  du  scapulum,  et  non  à l’épine 
de  l’omoplate  ou  à l’acromion.  Si  le  ligament  de  Poupart  était  donc  une 
clavicule,  cette  connexion  avec  l’acromion,  très-remarquable  et  très-constante 

1 II  existe  quelquefois  dans  le  bassin  humain,  au  fond  de  la  cavité  cotyloïde,  au  point  de  ren- 
contre des  trois  branches  de  l’étoile,  un  petit  point  d'ossiûcalion  qui  forme  le  fond  de  la  cavité 
cotyloïde.  Cet  élément  surajouté  se  retrouve  souvent  daus  l’épaule  humaine.  Il  est  représenté 
par  un  noyau  situé  sur  le  bord  interne  de  la  cavité  glénoïde,  au  point  de  rencontre  du  scapu- 
lum et  du  coracoïde.  Ce  point  est  aussi  en  contact,  mais  en  dehors  de  la  cavité  glénoïde  et 
par  sa  portion  supérieure  interne,  avec  le  précoracoïde.  Il  est  en  réalité,  comme  dans  le  bassin, 
en  contact  avec  les  trois  éléments  de  la  ceinture  au  point  où  ces  trois  éléments  convergent. 

- Gegenbaur;  Manuel  dAnat.  comp.,  trad.  franc.,  1874. 

a Huxley;  Éléments  d' Anal.  comp.  clés  Anim.  vertébrés,  trad.  franç.,  1875. 


— 75  — 


à l'épaule,  lui  ferait  entièrement  défaut  au  bassin.  En  outre,  les  relations 
du  ligament  de  Poupart  avec  le  pubis  ne  sauraient  être  assimilées  à celles 
delà  clavicule  avec  le  sternum.  On  a le  droit  de  considérer  comme  différents 
des  éléments  qui  ont  des  connexions  si  différentes.  Du  reste,  la  myologie 
nous  démontrera  clairement  que  ces  deux  éléments,  clavicule  et  ligament 
de  Poupart,  sont  tout  à fait  étrangers  l’un  à l’autre. 

Si,  après  avoir  ainsi  discuté  la  valeur  et  la  signification  des  éléments  des 
deux  ceintures  dans  l’espèce  humaine,  nous  étendons  notre  étude  aux 
autres  Mammifères,  nous  ne  trouverons  que  des  confirmations  des  assimi- 
lations qui  précèdent. 

Chez  beaucoup  de  Mammifères,  en  effet,  les  Carnivores,  les  Ruminants, 
les  Solipèdes,  les  Rongeurs,  bien  des  Didelpbes,  les  éléments  scapulum  et 
iléon  présentent  des  formes  beaucoup  plus  semblables  entre  elles  que  dans 
l’espèce  humaine,  des  formes  plus  simples  et  plus  faciles  à comparer.  Chez 
la  plupart  de  ces  Mammifères,  en  effet,  le  scapulum  et  l’iléon  se  présentent 
sous  la  forme  de  triangles  isocèles  dont  les  formes  sont  simples  et  dépour- 
vues de  ces  inégalités  de  longueur  et  de  courbure  des  bords  antérieur  et 
postérieur,  qui  dans  l’espèce  humaine  rendent  la  comparaison  moins  facile. 

, Les  fig.  6 de  la  PI.  III  et  6 de  la  PI.  VII.  qui  représentent  le  scapulum  et 
l’os  iliaque  de  Lièvre,  sont  propres  à confirmer  ce  que  j’avance. 

Nous  avons  déjà  vu  combien,  sur  l’iléon  de  certains  Mammifères,  la  saillie 
de  l’iléon  prenait  de  l’importance  pour  former  une  fidèle  reproduction  de 
l’épine  de  l’omoplate  (PI.  VII,  fig.  5). 

Chez  les  Cétacés,  l’épiscapulum  conserve,  pendant  presque  toute  la  vie,  la 
structure  cartilagineuse,  et  reste  par  là  toujours  facilement  distinct  du  sca- 
pulum (PI.  III,  fig.  8).  lien  est  de  même  chez  les  Solipèdes,  où  il  est  décrit 
sous  le  nom  de  cartilage  de  prolongement. 

L’élément  coracoïdien  conserve  chez  tous  les  Mammifères  des  dimensions 
très-réduites.  Il  ne  faut  en  excepter  que  les  Monotrêmes,  sur  lesquels  je 
reviendrai.  Quant  au  précoracoïde,  qui  est  si  développé  chez  l’Homme,  il 
présente  à cet  égard  de  très-grandes  variations.  Assez  développé  chez  les 
Didelphys,  les  Phascolomes  et  autres  Didelpbes,  il  est  réduit  aux  dimen- 
sions d’un  tubercule  chez  d’autres  Mammifères  du  même  groupe.  Assez 


— 76  — 


prononcé  chez  les  Bradijpes  et  très-proéminent  chez  les  grands  Édentés, 
tels  que  \e  Lestodon  armatus,  le  Mégathérium,  etc.,  il  est  très-petit  chez 
d’autres  animaux  du  môme  ordre.  11  est  aussi  très-petit  et  tuberculeux 
chez  les  Ruminants,  chez  les  Solipèdes,  chez  les  Carnivores,  chez  les  Ron- 
geurs, chez  les  Insectivores.  Chez  le  Lièvre,  dont  j’ai  donné  des  dessins 
(PI.  IIS,  fig.  6 et  7,  cr.),  on  trouve  en  haut  et  en  dehors  de  la  cavité  glé- 
no'ide  un  coracoïde  formant  un  tubercule  saillant,  et  en  dedans  de  lui  un 
précoracoïde  mince  et  plat,  qui  se  porte  en  dedans  comme  le  pubis,  et  dont 
les  dimensions  sont  inférieures  à celles  du  coracoïde. 

Chez  les  Chéiroptères,  le  précoracoïde  est  long,  grêle,  et  recourbé  comme 
celui  de  l’Homme. 

Chez  les  Cétacés,  tels  que  les  Baleines,  les  Dauphins,  les  Marsouins,  le 
précoracoïde  acquiert  des  dimensions  remarquables  (PI.  II \,fig.  8 ,p.cr.). 
Il  présente  un  aspect  phalangiforme  qui  se  rapproche  beaucoup  de  celui  du 
pubis,  et  qui  rappelle  la  forme  primitive  des  éléments  des  deux  ceintures. 
Par  contre,  le  coracoïde  est  très-peu  saillant.  Il  est  réduit  à la  portion  glé- 
noïdienne  surmontée  d’un  renflement  cà  peine  marqué.  Une  échancrure  du 
bord  glénoïdien  indique  la  limite  du  coracoïde  et  du  scapulum. 

Si,  laissant  de  côté  de  plus  nombreux  détails,  nous  résumons  maintenant 
les  résultats  que  nous  a déjà  donnés  l’étude  du  squelette,  nous  trouvons  que  la 
ceinture  scapulaire  des  Mammifères,  sauf  lesMonotrêmes,  se  compose,  comme 
leur  ceinture  pelvienne,  de  trois  éléments  principaux,  l'un  supérieur  dorsal 
ou  suspenseur,  à l’extrémité  inférieure  duquel  s’attachent  deux  éléments 
inférieurs  ou  ventraux.  Ces  trois  éléments  convergent  vers  la  cavité  articulaire. 

Dans  la  ceinture  pelvienne,  ces  trois  éléments  prennent  part,  mais  dans 
des  proportions  inégales,  à la  constitution  de  la  cavité  articulaire,  l’iléon  en 
formant  la  plus  grande  partie,  l’ischion  venant  ensuite,  et  le  pubis  en  der- 
nier rang  : de  plus,  les  trois  éléments  de  la  ceinture  pelvienne  sont  disposés 
en  étoile,  et  il  en  résulte  que  la  cavité  articulaire  est  hémisphérique.  Il  n’en 
est  pas  de  même  à l’épaule,  où  deux  éléments  seulement  contribuent  à 
former  la  cavité  glénoïde,  le  scapulum  pour  les  deux  tiers  et  le  coracoïde  pour 
l’autre  tiers  . Le  précoracoïde  reste  toujours  étranger  à cette  cavité.  En 
outre,  à l’épaule  les  trois  éléments  sont  disposés  en  série  et  non  en  étoile,  et 
la  forme  de  la  cavité  est  semi-lunaire  ou  en  croissant.  Nous  avons  vu  corn- 


— 77  — 

bien  ces  dispositions  et  ces  formes  sont  fréquentes  chez  les  Ampbibiens 
anoures  on  urodèles,  et  générales  chez  les  Crocodiliens  et  chez  les  Oiseaux. 

Je  n’ai  pas  besoin  d’ajouter  que  l’existence  des  épièléments  vient  complé- 
ter à la  fois  la  similitude  des  ceintures  des  Mammifères  avec  celles  des 
Amphibienset  des  Reptiles,  et  l’homologie  des  deux  ceintures  entre  elles  dans 
cette  grande  classe  des  Vertébrés  à mammelles. 

Enfin,  nous  avons  vu  que  chez  les  Lézards  se  trouvait  un  os  précloacal 
(PL  IV,  fig.  9 et  10,  st.pelv.)  que  nous  avons  considéré  comme  un  véritable 
sternum  rhombo'idal  pelvien.  On  peut  se  demander  si  chez  les  Mammifères 
rien  ne  représente  dans  le  bassin  cette  partie  surajoutée  de  la  ceinture  thora- 
cique. Le  ligament  sous-pubien  de  l’Homme,  triangulaire,  très-fort,  qui 
fait  suite  au  ligament  antérieur  et  au  ligament  interosseux  du  pubis,  peut-il 
être  considéré  comme  jouant  ce  rôle?  Je  n’oserais  l’affirmer,  mais  je  ne  puis 
pourtant  ne  pas  faire  remarquer  que  chez  le  grand  Kanguroo,  et  peut-être 
chez  d’autres  Mammifères,  l’angle  de  l’arcade  formée  par  les  branches 
ischio-pubiennes  est  rempli  par  un  os  triangulaire  fort  remarquable  (PL  Vil, 
fig.  5,  st.  pelv .)  qui  s’étend  en  haut  jusqu’au  voisinage  de  la  tubérosité 
ischiatique,  et  qui  forme  en  bas  une  forte  saillie  recourbée  en  avant.  Cet  os 
est  uni  au  bord  postérieur  des  ischions  par  une  suture  qui  reste  toujours 
un  peu  cartilagineuse,  tout  ou  moins  sur  une  partie  de  son  étendue.  11  y a 
dans  la  forme  de  cet  os,  qui  conserve  ainsi  une  certaine  indépendance  dans 
ses  connexions  avec  les  ischions  et  dans  sa  saillie  antérieure,  quelque  chose 
qui  me  porte  fort  à le  considérer  comme  un  sternum  rhombo'idal  pelvien  ; 
et  si  mes  présomptions  à cet  égard  étaient  justifiées,  on  serait  autorisé  à lui 
assimiler  et  à considérer  comme  un  sternum  fibreux,  le  ligament  triangu- 
laire sous-pubien  qui  est  logé  dans  l’angle  de  l’arcade  ischio-pubienne. 

Avant  de  clore  ce  sujet  et  d’aborder  l’étude  des  Monotrêmes,  je  dois 
faire  connaître  et  discuter  quelques  opinions  de  date  récente  qui  ont  trait 
au  précoracoïde  des  Mammifères  et  qui  sont  en  opposition  avec  les  proposi- 
tions que  j’ai  émises  à ce  sujet. 

Pour  commencer  parla  plus  récente  et  la  plus  radicale  de  ces  opinions, 
je  citerai  la  dissertation  inaugurale  du  Dr  Paul  Albrecht1,  soutenue  à 


* P.  Albrecht;  Beitrag  zur  Torsionstlieorie  des  Humérus.  Kiel,  1876. 


78  — 


Kiel,  en  1876.  Dans  ce  travail,  le  Dr  Albrecht  soutient  que  le  pubis  cor- 
respond à un  os  primaire  de  cartilage  de  l’extrémité  antérieure,  le  pré- 
coracoïde, mais  que  ce  dernier  os  disparaît  de  bonne  heure  dans  la  série  des 
Vertébrés;  qu’il  apparaît  pour  la  première  fois  chez  les  Amphibiens  urodèles  ; 
disparaît  ensuite  chez  les  Crocodiles,  pour  ne  reparaître  que  chez  les 
Ratites,  où  il  fournit  une  preuve  de  plus  de  la  parenté  très-rapprochée  de 
cette  sous -classe  remarquable  avec  les  Sauriens. 

Ainsi  donc,  pour  le  Dr  Albrecht,  le  précoracoïde  n’exisie  pas  chez 
les  Mammifères,  et  l’apophyse  dite  coracoïde  des  Mammifères  est  bien  un 
vrai  coracoïde  et  correspond  à l’ischion.  Je  n’ai  pas  besoin  de  réfuter  les 
assertions  du  Dr  Albrecht.  Ce  que  j’ai  déjà  dit  et  ce  qui  me  reste  à dire 
établira  suffisamment  que  j’ai  raison  d’affirmer  que  l’apophyse  coracoïde  des 
Mammifères  est  un  précoracoïde,  et  qu’à  ce  titre  elle  représente  le  pubis. 

L’opinion  de  Parker  1 sur  le  précoracoïde  des  Mammifères  autres  que 
les  Monotrêmes,  est  assez  étrange  ; mais  la  grande  compétence  en  cette  ma- 
tière de  cet  anatomiste  distingué  me  défend  de  la  passer  sous  silence. 

Pour  Parker,  le  précoracoïde  des  Mammifères  est  toujours  distal,  et 
existe  toujours  quand  il  y a une  clavicule.  Ses  relations  avec  la  clavi- 
cule offrent  quelques  variations.  Généralement  il  présente  une  curieuse 
segmentation  moniliforme , la  partie  proximale  restant  en  contact  avec  la 
clavicule  (PI.  IV,  jig.  18  et  19,  />.  cr .,  empruntées  à Parker),  et  la  partie 
distale  (qui  représente  la  moitié  de  l’omosternum  du  Têtard  de  la  Grenouille) 
étant  attachée  à la  moitié  antérieuredu  présternum2  (PI.  IV,  fig.  19,  ost.). 
Derrière  ces  rudiments  apparaît  souvent  un  petit  épicoracoïde  distal  ; mais 
il  y a seulement  deux  cas  : la  Taupe,  un  proche  voisin  des  Monotrêmes  3,et 


1 Parker;  A Monograph  on  lhe  structure  and  development  of  the  Schoulder-girdle  and 
sternum  in  the  Vertehrata.  (Ray  - Society . London,  1868.) 

2 Jo  dois  prévenir  que  Parker  désigne  chez  la  Grenouille,  par  omosternum,  ce  que  j’ai 
appelé  présternum,  enréservant  la  dénomination  d’omosternum  à l'extrémité  cartilagineuse  qui 
surmonte  le  présternum.  Parker  a démontré  que  ces  parties  se  développent  par  deux  points 
pairs  latéraux  d'ossification  qui  se  soudent  suivant  leur  largeur. 

3 J'avoue  ne  pas  comprendre  fort  bien  ce  voisinage,  affirmé  par  Parker,  de  la  Taupe  et  des 
Monotrêmes.  Je  ne  vois  d’autre  voisinage  que  la  qualité  d’animal  fouisseur,  qui  est  commune 
à la  Taupe  et  à l’Échidné  seulement.  Tout  autre  rapprochement  fait  par  Parker  est  évidemment 
dicté  à l'auteur  par  des  idées  préconçues,  et  que  je  devrai  combattre,  soit  sur  la  valeur  de  la 


79 


l’Homme,  chez  lesquels  la  masse  coracoïde  a été  vue  (à  une  certaine  période 
du  développement)  s’étendant  du  scapulum  au  sternum. 

Ainsi  donc,  pour  résumer  en  d’autres  termes  ces  vues  de  Parker,  il  est 
facile  de  se  rendre  compte  que  la  portion  proximale  de  l’épicoracoïde  de 
Parker  n’est  que  le  cartilage  épiphysaire  (p.  cr.,  fig.  18  et  19,  PI.  IV)  de 
l’extrémité  sternale  de  la  clavicule,  tandis  que  la  partie  distale  n’est  autre 
que  le  fibro-cartilage  inter-articulaire  de  l’articulation  sterno-claviculaire 
(ost.,  fig.  19,  PI.  IV). 

Or,  on  ne  peut  raisonnablement  considérer  aucune  de  ces  parties  comme 
représentant  le  précoracoïde,  car  la  première  appartient  bien  réellement  à 
la  clavicule,  et  la  seconde  est  légitimement  considérée  comme  un  omoster- 
num,  c’est-à-dire  comme  une  partie  qui  ne  se  rattache  qu’indireclementà 
la  ceinture  scapulaire  proprement  dite,  et  n’en  est  pas  un  élément  essentiel . 

Dans  aucun  cas,  chez  les  Batraciens  et  chez  les  Reptiles,  la  clavicule  ne 
contracte  des  liens  étroits  et  intimes  avec  le  précoracoïde , elle  conserve 
toujours  son  indépendance  à l’égard  de  ce  voisin  ; et  il  ne  faut  pas  oublier 
que  la  clavicule  est  phylogénétiquement  un  os  du  squelette  secondaire,  un 
os  de  membrane  qui  s’est  introduit  peu  à peu  dans  le  domaine  du  squelette 
primaireou  de  cartilage,  et  que  chez  les  Mammifères,  qui  couronnent  la  série 
zoologique,  elle  a acquis  un  développement  partiellement  cartilagineux. 
L’existence  de  masses  cartilagineuses  aux  deux  extrémités  de  la  clavicule  et 
sur  une  partie  de  son  étendue  s’expliquent  naturellement  par  cette  migration 
progressive  de  l’os,  du  domaine  du  dermo-squelelte  dans  le  domaine  du 
chondro-squelette  ; et  il  est  peu  naturel  de  donner  à ces  diverses  portions 
cartilagineuses  qui  serviront  de  base  au  développement  de  la  clavicule  la 
signification  de  segment  du  précoracoïde  ou  de  segment  du  mésoscapulum. 

Avant  de  clore  cette  étude,  je  dois  discuter  certains  détails  de  la  composition 
de  l'omoplate  des  Mammifères.  Les  omoplates  de  quelques  Édentés  vivants 
ou  fossiles  ( Bradypus  tridactylus , Cholœpus  didactylus,  Myrmecophaga 
jvbata,  Lestodon  armatus,  etc.)  présentent  au  voisinage  du  bord  antérieur 

masse  coracoïde  des  Monotrêmes,  qui  est  uu  vrai  coracoïde  et  noapoiat  uu  coracoïde  et  un  pré- 
coracoïde confondus,  soit  sur  l’existence  chez  la  Taupe  d'un  précoracoide  embryonnaire  continu 
qui  doublerait  la  clavicule  en  arrière.  (Voir  Parker,  loc.  cit.,  PI.  XXVII,  fig.  15,  16,  17.) 

i 1 


80  — 


du  scapulum  un  orifice  arrondi,  coraco-scapular  fenestra  de  Parker.  Ce' 
orifice,  arrondi,  de  dimensions  assez  grandes,  est  formé  par  la  rencontre  de 
l’éminence  que  j’ai  comparée  à l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure  avec  un 
précoraco'ide  phalangiforme  qui  s’élargit  fortement  à son  extrémité  libre  et  se 
termine  par  une  crête  convexe.  L’angle  antérieur  saillant  de  cette  crête  repré 
sente  le  bec  de  l’apophyse  précoracoïdienne  et  se  soude  parfois  avec  l’extré- 
mité de  l’acromion  ( Cholœpus  didactylus,  Lestodon  armalus , Mégathérium 
«wmcarmm).  L’angle  postérieur  de  celte  crête,  rejeté  en  arrière,  rencontre 
la  saillie  sus-dôsignée  du  bord  antérieur  du  scapulum,  et  finit  par  se  souder 
avec  elle.  Sur  l’angle  antérieur  se  trouve  parfois  exceptionnellement  ( Brady - 
pus  tridactylus)  un  point  d’ossification  spécial,  qui  est  un  épiprécoracoïde. 

Si  nous  comparons  ce  scapulum  au  scapulum  reptilien  et  à celui  des  Igua- 
nes en  particulier,  nous  trouverons  des  points  de  rapprochement  intéres- 
sants, qui  nous  permettront  de  déterminer  la  valeur  de  certaines  parties  dans 
le  scapulum  du  Mammifère.  Du  bord  antérieur  du  scapulum  d’Iguanien 
s’élève  un  prolongement  osseux  phalangiforme  qui  constitue  le  mésosca- 
pulum  de  Parker.  Ce  prolongement,  né  au  voisinage  du  précoracoïde,  forme 
avec  le  précoracoïde  phalangiforme,  placé  au-devant  de  lui,  une  fenêtre  à 
laquelle  Parker  a donné  également  le  nom  de  coraco-scapular  fenestra. 

il  y a entre  ces  parties,  chez  le  Mammifère  et  chez  le  Reptile,  de  telles  res- 
semblances de  forme  et  de  connexions  que  le  rapprochement  s’impose.  I! 
résulte  de  là  que  la  saillie  du  bord  antérieur  de  l’omoplate  est  un  véritable 
mésoscapulum , et  que  l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure,  qui  est  son 
représentant  sur  l’iléon,  est  un  véritable  mésoiléon  ; du  reste,  ce  méso- 
iléon atteint  dans  certains  cas  un  développement  très-remarquable  qui  rap- 
pelle la  saillie  du  mésoscapulum  des  Reptiles  et  des  Bradypes.  C’est  ainsi 
que  chez  les  Indrisinés,  famille  la  plus  élevée  des  Lémuriens,  on  trouve 
une  épine  iliaque  antérieure  et  inférieure  très-saillante,  phalangiforme,  et 
rappelant  fidèlement  le  mésoscapulum  des  Iguaniens'. 

Je  suis  surpris  que  Parker,  qui  a désigné  du  même  nom  [coraco-scapular 
fenestra)  l’orifice  du  scapulum  des  Iguaniens  et  celui  des  Édentés,  n’ait  pas 
poursuivi  ce  rapprochement,  et  n’ait  pas  attribué  aux  saillies  osseuses  qui  cir- 


1 Alph.  Milne  Edwards  et  Grandidier;  Hist.  phys.,  nat.  et  politique  de  Madagascar. 


81 


conscrivent  cet  orifice  des  valeurs  équivalentes  dans  les  deux  cas.  Mais,  non- 
seulement  Parker  n’a  point  attribué  à la  saillie  du  bord  antérieur  du  scapulum 
des  Mammifères  la  valeur  du  mésoscapulum  ; mais,  chose  plus  étonnante, 
il  a considéré  le  mésoscapulum  comme  représenté  chez  les  Mammifères  par 
l’épine  de  l’omoplate.  Celte  opinion  me  paraît  contredite  par  un  examen 
rigoureux  des  connexions. 

Tandis,  en  effet,  que  chez  les  Mammifères  l’épine  de  l’omoplate  est  tou- 
jours en  connexion  avec  l’extrémité  distale  de  la  clavicule,  quand  celle-ci 
existe  ; chez  les  Iguaniens,  la  clavicule  reste  toujours  indépendante  du  méso- 
scapulum et  sans  relations  directes  avec  lui.  Mais  elle  appuie  son  extrémité 
distale  sur  une  autre  saillie  du  bord  antérieur  du  scapulum,  saillie  plus 
éloignée  de  la  cavité  glénoïde,  saillie  dont  l’origine  est  au  point  de  contact 
du  scapulum  et  de  l’épiscapulum,  et  qui  a été  désignée,  quoique  un  peu 
improprement,  sous  le  nom  d’acromion.  Cette  saillie  représente  à la  fois  une 
épine  de  l’omoplate  et  un  acromion  rudimentaires,  entièrement  distincts  du 
mésoscapulum,  et  rappelant  l’épine  des  Mammifères  Ornithodelphes.  Chez 
ces  derniers,  en  effet,  le  préscapulum  de  Parker  ou  fosse  sus-épineuse  fait 
défaut,  et  l’épine  ainsi  que  l’acromion  naissent  en  réalité  du  bord  antérieur 
de  l’omoplate.  L’épine  de  l’omoplate  des  Mammifères  ne  saurait  donc  être 
considérée  comme  un  mésoscapulum,  et  ce  dernier  élément  est  en  réalité 
représenté  par  la  saillie  du  bord  antérieur  du  scapulum,  qui  limite  en  haut 
l’échancrure  sus-coracoïdienne,  et  qui  correspond  à l’épine  iliaque  antérieure 
et  inférieure  ; celte  dernière  est  un  véritable  mésoiléon. 

J’insiste  sur  ces  particularités  pour  démontrer  combien  est  identique  le 
type  de  la  ceinture  thoracique  dans  les  divers  groupes  de.Vertébrés,  et  com- 
bien aussi  les  rapprochements  entre  les  deux  ceintures  peuvent  être  poussés 
loin  et  jusque  dans  les  détails. 

La  fenêtre  coraco-scapulaire , qu’il  convient  d’appeler  précoraco-sca- 
pulaire , existe  à l’état  d’échancrure  plus  ou  moins  profonde  et  plus 
ou  moins  étendue  chez  bien  d’autres  Mammifères , tels  que  Phoques , 
Chéiroptères,  etc.  Je  citerai  notamment  le  Tapirus  indiens , chez  lequel  le 
précoracoïde,  recourbé  en  arrière,  se  dirige  vers  un  mésoscapulum  aigu 
et  très-saillant  en  avant,  pour  circonscrire  avec  lui  une  vaste  échancrure. 
Je  citerai  également  l’Homme,  dont  l’omoplate  possède  une  échancrure  sus- 


— 82 


coracoïdienne  plus  ou  moins  prononcée  (PI.  V,  fig.  2,  et  PI.  VI,  fig.  12). 
Cette  échancrure  sus-coracoïdienne  est  au  contraire  effacée  chez  beaucoup 
de  Mammifères  tels  que  les  Carnivores,  les  Ruminants,  les  Rongeurs,  par 
suite  du  défaut  de  saillie  du  précoracoïde  et  de  l’absence  du  mésoscapulum. 

Chez  l’Homme  et  chez  les  animaux  où  elle  existe,  l’échancrure  scapulaire 
est  partiellement  obturée  par  des  fibres  ligamenteuses  d’une  direction  déter- 
minée, ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard,  et  qu’il  ne  faut  pas  considérer 
comme  représentant  simplement  le  complément  osseux  du  pourtour  de  la 
fenêtre  précoraco-scapulaire  des  Édentés.  11  faut  remarquer  en  effet  que, 
chez  l’Homme  notamment,  ce  ligament,  dit  sus-cor acoïdien,  n’est  point 
étendu  du  mésoscapulum  à l’apophyse  précoracoïde,  mais  du  mésoscapulum 
au  col  du  scapulum  (PI.  Y,  fig.  2,  lig.  s.  cr.).  Ce  ligament  existe  du 
reste,  même  chez  les  Mammifères  dépourvus  d’échancrure  précoraco-scapu- 
laire et  de  mésoscapulum,  tels,  par  exemple,  que  le  Lapin,  et  il  forme  alors 
sur  le  bord  supérieur  du  scapulum  une  bande  fibreuse  qui  s’étend  de  l’angle 
antérieur  et  supérieur  du  scapulum  au  coracoïde  et  au  précoracoïde,  en 
dehors  desquels  elle  passe  et  auxquels  elle  adhère. 

Nous  venons  plus  tard,  et  à propos  du  muscle  biceps,  quelle  est  la  véri- 
table signification  de  ce  ligament. 

CEINTURES  THORACIQUE  ET  PELVIENNE  DES  MAMMIFÈRES 

ORN1THO  DE  LP  O ES . 

Nous  voici  placé  en  présence  de  ce  petit  groupe  de  Mammifères  que 
l’on  a considérés  comme  intermédiaires  entre  les  Mammifères  d’une  part  et 
les  Reptiles  et  les  Oiseaux  d’autre  part.  Intermédiaires  en  effet  ! l’élude 
de  leurs  ceintures  basilaii es  des  membres  va  nous  en  fournir  une  preuve 
nouvelle  en  établissant  que  la  ceinture  thoracique  de  ces  animaux  diffère 
fortement  de  celle  des  Mammifères,  pour  être  une  reproduction  exacte  de 
celle  des  Crocodiles  et  des  Oiseaux. 

La  ceinture  pelvienne  des  Monotrèmes  est  essentiellement  composée  des  trois 
éléments  principaux  : iléon,  ischion  et  pubis,  qui  entrent  tous  les  trois  dans  la 
constitution  de  la  cavité  colyloïdienne.  La  forme  générale  du  bassin  se  rap- 
proche beaucoup  du  bassin  de  Kanguroo  que  j’ai  dessiné  (PL  VH,  fig.  5). 


83  — 


L’iléon  est  étroit  et  dépourvu  de  fosse  iliaque  proprement  dite.  La  saillie 
iliaque  y est  très-accentuée,  assez  tranchante,  et  représente  l’épine  du  sca- 
pulum.  Le  pubis  est,  comme  chez  le  Kanguroo  et  les  Didelphes,  surmonté 
d’un  large  os  marsupial,  quoique  ces  animaux  ne  soient  pas  pourvus  de  la 
poche  ventrale.  L’ischion  et  le  pubis  circonscrivent  complètement  le  trou 
obturateur.  La  symphyse  antérieure  est  ischio-pubienne.  Elle  est  consé- 
quemment très-étendue,  et  l’arcade  du  pubis  très-ouverte  et  peu  profonde. 
La  ceinture  pelvienne  des  Monotrêmes  ressemble  beaucoup,  en  un  mot,  à 
celle  des  Kanguroos,  et  se  rattache  par  suite  d’une  manière  très-complète  à 
la  forme  du  pelvis  des  Mammifères. 

11  n’en  est  pas  de  même  pour  la  ceinture  thoracique.  Ici  se  rencontrent 
bien  des  particularités  très-importantes. 

Le  scapulum,  sur  lequel  se  soude  un  épiscapulum,  est  de  forme  étroite, 
allongée,  et  qui  le  rapproche  des  formes  reptilienne  et  ornithique.  11 
semble  manquer  d’une  épine,  mais  en  réalité  il  manque  plutôt  de  la  portion 
sus-épineuse  du  scapulum  des  Mammifères.  L’épine,  étroite  il  est  vrai,  et 
portant  un  acromion,  est  attachée  au  bord  antérieur  ou  céphalique  du 
scapulum,  au  lieu  d’être  fixée  sur  la  face  externe.  11  résulte  de  là  que  l’épine, 
n’étant  pas  dans  le  môme  plan  que  la  lame  du  scapulum,  forme  avec  elle 
un  léger  angle  ouvert  en  dehors,  qui  est  surtout  marqué  chez  l’Ornitho- 
rhynque,  et  qui  appartient  à la  fosse  sous-épineuse1.  Ce  qui  prouve  qu’il  en 
est  bien  ainsi,  c’est  que  le  muscle  sus-épineux,  s’insérant  à la  face  antérieure 
de  l’épine,  semble  n 'être  qu’un  faisceau  antérieur  du  muscle  sous-scapu- 
laire, dont  il  ne  se  distingue  que  par  son  insertion  sur  la  tubérosité  interne 
de  l’humérus. 

Le  scapulum  n’est  composé  que  d’une  portion  sous-épineuse  étroite,  et  tend 
ainsi  à être  réduit  à la  portion  axiale  ; aussi  le  muscle  sous-scapulaire  a-t-il 
les  dimensions  d’un  muscle  grêle.  Ce  sont  là  des  tendances  que  nous  avons 


1 Chez  le  Rorqual  et  la  Baleine  franche,  l'épine,  assez  étroite,  s'insère  à une  très-faible  distance 
du  bord  antérieur  du  scapulum,  de  telle  sorte  que  la  portion  sus-épineuse  de  l'omoplate  est 
presque  nulle,  et  que  la  fosse  sus-épineuse  a l’air  d’être  une  gouttière  appartenant  à la  fosse 
sous-scapulaire.  Si  l’on  supprime  l’apophyse  coracoïde,  c’est-à-dire  le  précoracoïde,  qui 
n’existe  pas  chez  les  Monotrêmes,  on  s’apercevra  que  le  muscle  sus-épineux  viendra  passer 
en  dedans  du  col  de  l’omoplate,  comme  chez  l’Ornithorhynque  et  l’Échidné. 


84  — 


vues  très-accentuées  et  même  réalisées,  chez  les  Reptiles  et  chez  les  Oiseaux, 
à des  degrés  extrêmes. 

L’angle  inférieur  du  scapulum  présente  deux  facettes  : l’une  articulaire 
(;P1.  III,  fig.  10  et  11),  qui  forme  la  moitié  antérieure  de  la  cavité  glé- 
noide;  l’autre,  qui  est  rugueuse  et  se  soude  avec  un  os  remarquable  qu’on 
désigne  généralement  sous  le  nom  de  coracoïde , et  que  tous  les  anatomistes 
sans  exception  considèrent  comme  l’homologue  de  l’apophyse  coracoïde  des 
autres  Mammifères. 

Mais  nous  avons  vu  que  l’apophyse  coraco'ide  des  Mammifères  était,  en 
réalité,  un  précoracoïde,  et  nous  devons  examiner  maintenant  si  le  cora- 
coïde des  Monotrêmes  est  en  effet  un  coracoïde  ou  un  précoracoïde,  ou  bien 
encore  un  coraco-précoracoïde , c’est-à-dire  une  masse  coracoïdienne  sans 
fontanelle  ou  trou  obturateur. 

Le  coracoïde  des  Monotrêmes,  examiné  quant  à sa  forme,  à sa  situa- 
tion, à ses  connexions,  présente  les  caractères  suivants  (PI.  9,  10, 

\\,cr.).  C’est  un  os  phalangiforme  assez  grêle  et  aplati  chez  l’Ornitho- 
rhynque,  mais  fort,  épais  et  massif  dans  les  deux  espèces  connues  d’Écbidné, 
Echidna  hystrix  d’Australie  et  Echidna  bruijnii  de  la  Nouvelle-Guinée, 
dontM.  Gervais  a proposé  de  faire  le  genre  Acanthoglossus' . 

L’extrémité  antérieure  ou  externe  de  cet  os  présente  deux  facettes:  l’une 
qui  forme  la  moitié  inférieure  de  la  surface  glénoidale,  et  l’autre  qui  se 
soude  au  scapulum.  L’extrémité  postérieure  ou  interne  présente  également 
deux  facettes  : l’une  postérieure,  qui  s’appuie  sur  le  sternum  rhomboïdal  et 
s’articule  avec  des  bords  correspondants  de  cet  os  ; l’autre  antérieure,  plus 
ou  moins  étendue,  supporte  un  os  spécial  auquel  Cuvier  a donné  le  nom 
d’épicoracoïde  (PI.  111,  fig.  9,  10,  11,  é.  cr.).  Cet  os,  provenant  d’un  car- 
tilage continu  avec  celui  du  coracoïde,  est  aplati,  falciforme,  et  se  porte  en 
dedans  et  en  avant  avec  des  différences  de  forme  suivant  le  genre  et  l’es- 
pèce. Ces  deux  os  plats  chevauchent  l’un  sur  l’autre  en  dépassant  la  ligne 
médiane. 

Au-dessous  des  extrémités  internes  des  coracoïdes  et  des  épicoracoïdes  se 
forme  l’os  en  T si  intéressant  des  Monotrêmes,  ou  véritable  interclavicule 


1 Paul  Gervais  ■.  Ostéogriphie  des  Monotrêmes  vivants  et  fossiles.  1877-1879. 


35 


très-développée,  rappelant  l’interclavicule  des  Sauriens  vivants  ou  fossiles, 
et  l’inlerclavicule  plus  réduite  des  Oiseaux. 

Si  je  ne  me  trompe,  tous  les  caractères  que  je  viens  d’énumérer  établissent 
un  très-grand  rapprochement  entre  l’os  que  nous  venons  d’étudier  et  le  cora- 
coïde des  Oiseaux  et  des  Crocodiliens.  Cet  os  phalangiforme,  qui  par  une  de 
ses  extrémités  adhère  au  scapulum  en  fournissant  la  moitié  inférieure  delà 
surface  articulaire  glénoïdienne,  et  qui  par  l’autre  extrémité  s’articule  avec 
les  bords  latéraux  antérieurs  du  sternum  rhomboïdal,  ne  peut  être  que  le 
vrai  coracoïde  des  Oiseaux  et  des  Crocodiles.  C était  du  reste  là  l’opinion  de 
'Cuvier,  et  c’est  aujourd’hui  celle  de  Parker,  dont  la  compétence  nous  est 
bien  connue;  et  j’ajoute  que  tout  doute,  s’il  en  existait,  cesserait  devant  un 
examen  comparatif  de  l’épaule  et  du  bassin  de  l’un  des  Monotrêmes.  On  est 
immédiatement  frappé,  en  effet,  de  voir  combien,  le  scapulum  représentant 
l’iléon,  le  coracoïde  possède  la  forme,  les  connexions  et  la  direction  relative 
de  l’ischion.  11  y a là  une  ressemblance  qui  est  bien  faite  pour  faire  taire 
toute  hésitation. 

Nous  verrons,  du  reste,  combien  l’étude  des  muscles  vient  apporter  un 
solide  appui  à l’opinion  qui  précède,  en  nous  montrant  que  les  muscles  qui 
naissent  de  cet  os  sont  des  muscles  coracoïdiens  et  non  précoracoïdiens. 

Mais  si  nous  avons  affaire  à un  os  coracoïde,  où  sera  le  précoracoïde  des 
Monotrêmes?  Ils  en  sont  totalement  dépourvus,  à moins  qu’avec  un  peu  de 
complaisance  on  ne  regarde  comme  un  rudimentdeprécoracoïdeun  tubercule 
très-peu  prononcé,  placé  sur  l’extrémité  supérieure  du  coracoïde,  du  côté 
opposé  à la  face  articulaire  glénoïdienne  (PI.  III,  fig.  9,  10,  II,  p.  crf).  Ce 
précoracoïde  serait  un  rudiment  du  précoracoïde  déjà  très-rudimentaire  des 
Crocodiliens  et  des  Oiseaux  carinates. 

Quant  à l’épicoracoïde  de  Cuvier,  il  est  sans  aucun  doute  digne  de  ce  nom  : 
il  représente  l’épicoracoïde  des  Amphibiens,  des  Sauriens  et  des  Chéloniens. 
Le  lecteur  jugera  lui-même  de  la  ressemblance  considérable  qu’il  y a entre 
l’épicoracoïde  de  l’Échidné  de  la  Nouvelle-Guinée  (PI.  111,  fig.  9)  et 
l’épicoracoïde  de  Bnfo  (PI.  I,  fig.  6 et  7). 

Comme  chez  beaucoup  d’Amphibiens  et  de  Sauriens,  les  deux  précora- 
coïdes chevauchent  en  arrière  de  l’interclavicule  (comparer  les  fig.  5,  6,  7, 
PI.  I,  et  PI.  Il,  fig.  2,  e.  cr.,  avec  les  fig.  9,  10,  H de  la  PI.  III,  e.  cr .) 


— 86  — 

Parker  fait  remarquer  que  cet  épicoracoïde  ectostéal,  c’esl-à-dire  d’un 
développement  autonome  et  d’une  existence  indépendante,  se  voit  chez  les 
Monotrêmes  pour  la  première  et  la  dernière  fois,  mais  qu’il  peut  se  retrouver 
dans  quelques  formes  fossiles.  11  constitue,  dit  Parker,  un  fait  aussi  inté- 
ressant et  de  même  nature  pour  le  morphologiste  que  le  suprascapulum 
(épiscapulum)  ectostéal  des  Amphibiens  anoures. 

Je  n’ai  pas  à insister  ici  sur  l’os  en  T des  Monotrêmes,  que  Parker  a 
démontré  se  composer  dans  le  jeune  âge  d’une  interclavicule  et  des  deux 
clavicules.  Ce  sont  là  des  os  du  squelette  secondaire,  et  qui  ne  sont  pas 
des  éléments  essentiels  de  l’épaule.  Ils  offrent  sans  doute  un  très-vif  intérêt 
comme  rappelant  des  formes  reptiliennes  éteintes  (Ichlhyosaures,  Plésio- 
saures) et  des  formes  vivantes  (Chéloniens,  Lacertiliens,  Crocodiliens  et 
Oiseaux),  mais  je  dois  me  borner  à les  signaler  sans  insister,  pour  ne  pas 
trop  m’écarter  du  cadre  de  mon  sujet, 

il  ressort  de  l’étude  que  nous  venons  de  faire  de  la  ceinture  scapulaire  des 
Monotrêmes,  que  cette  partie  du  squelette  se  rapproche  beaucoup  plus  de 
celle  des  Oiseaux  et  des  Reptiles  que  de  celle  des  Mammifères.  La  forme 
rétrécie  du  scapulum  tend  à se  réduire  à la  portion  axiale,  comme  dans  ces 
premiers  groupes  ; le  coracoïde  existe  très-développé,  comme  dans  ces  mêmes 
groupes  et  avec  les  mêmes  connexions,  tandis  que  le  précoracoïde  est  à 
peine  indiqué.  L’interclavicule  existe  et  constitue,  avec  les  clavicules,  un 
véritable  furciilum , comme  chez  les  îchthyosaures , Plésiosaures  et 
Oiseaux. 

Nous  savons  au  contraire  que  chez  les  Mammifères  le  précoracoïde 
existe  toujours,  et  peut  être  très-développé  (Homme,  Singe,  Chéiroptères)  ; 
quedans  tous  les  cas  le  coracoïde  est  très-rudimentaire;  qu’enfin  les  clavicules 
sont  séparées  par  le  sternum,  et  qu’il  n’y  a pas  de  véritable  interclavicule. 
Ce  sont  là  des  considérations  qui  m’ont  paru  présenter  de  l’intérêt,  et  sur 
lesquelles  j’ai  insisté  à dessein,  car  c’est  la  première  fois,  si  je  ne  me  trompe, 
qu’il  est  démontré  que  le  coracoïde  des  Monotrêmes  ne  représente  nulle- 
ment l’apophyse  dite  coracoïde  des  Mammifères.  Il  résulte  de  ces  considé- 
rations nouvelles  la  constatation  d’une  parenté  entre  les  Monotrêmes  et 
les  Sauropsidés  d’Huxley,  plus  étroite  encore  qu’on  ne  l’avait  soupçonnée 
jusqu’à  présent. 


— 87 


CEINTURE  PELVIENNE  DES  OISEAUX. 

Le  bassin  des  Oiseaux,  qui  offre  des  formes  si  particulières  et  si  caracté- 
ristiques, ne  pouvait  être  étudié  qu’après  celui  des  Reptiles  et  celui  des 
Mammifères.  La  suite  de  ce  chapitre  dira  assez  pourquoi. 

Le  bassin  de  l’Oiseau  se  compose  de  deux  os  iliaques  très-allongés  d’avant 
en  arrière  parallèlement  à la  colonne  vertébrale,  et  d’un  sacrum  remarqua- 
ble par  le  nombre  considérable  de  vertèbres  qui  le  composent.  L’une  et 
l’autre  de  ces  parties  ont  été  bien  décrites,  mais,  me  semble-t-il,  mal  inter- 
prétées. J’espère  être  plus  heureux  dans  les  réflexions  qui  vont  suivre. 

Une  description  complète  et  très-détaillée  du  bassin  d’Oiseau  n’est  pas 
nécessaire  ici , et  il  me  suffira  d’insister  sur  les  particularités  qui  doivent 
être  spécialement  utiles  à l’étude  présente. 

L’os  iliaque  de  l’Oiseau  a été  généralement  considéré  comme  composé  d’un 
iléon,  d’un  ischion  et  d'un  pubis,  concourant  à la  formation  d’une  cavité 
cotyloïde  dont  le  fond  est  occupé  par  une  large  fontanelle.  Mais  la  forme 
spéciale  de  ces  éléments  est  telle  que  leur  détermination  peut  donner  lieu 
à des  doutes,  et  a provoqué  en  effet  quelques  opinions  que  je  dois  rapporter 
ici,  ne  serait-ce  que  pour  montrer  les  diverses  faces  de  la  question,  et  pour 
mettre  les  solutions  que  je  propose  en  regard  de  celles  dont  la  date  est  anté- 
rieure. 

L’iléon  de  l’Oiseau  (PI.  VII,  fig.  1,2,  3,  4)  se  compose  de  deux  ailes 
placées,  l’une  en  avant,  l’autre  en  arrière  de  l’acélabulum.  Je  les  désigne  sous 
le  nom  d 'iléon  antérieur  et  d’iléon  'postérieur.  L’iléon  antérieur  est  assez 
large  et  se  termine  en  avant  par  une  crête  arrondie.  Il  s’unit  ordinairement 
en  haut  avec  son  congénère,  pour  former  une  sorte  de  double  toit  dont  le 
faîte  correspond  au  sommet  des  apophyses  épineuses  des  vertèbres  lombai- 
res, et  qui  recouvre  entièrement  ces  vertèbres  (PL  VII,  fig.  5).  Le  bord 
antérieur  arrondi  et  le  bord  supérieur  de  cet  iléon  antérieur  sont  recouverts 
d’une  sorte  de  bourrelet  étroit  ou  crête  qui  représente  l’épiiléon  antérieur 
(PI.  VII,  fig.  1,  e.  il.  a.).  L’iléon  postérieur  a ordinairement  la  forme  d’un 
triangle  allongé  dont  l’angle  postérieur  aigu  se  dessine  assez  nettement  dans 
la  plupart  des  cas  (PL  VII,  fig.  1,  il.p.).  Il  existe  généralement  entre  les 

12 


— 88  — 

iléons  postérieurs  une  certaine  dislance,  qui  est  occupée  par  les  vertèbres 
sacrées,  plus  ou  moins  confondues  en  une  masse  osseuse  (PI.  VII , fig.  o). 
L’iléon  postérieur  est  surmonté  par  un  bourrelet  d’une  épaisseur  variable, 
qui  est  l’épiiléon.  Au  niveau  de  l’angle  terminal  de  l’iléon  postérieur, 
fépiiléon  acquiert  plus  d’importance,  et  l’ossification  de  ce  point  est  bien 
plus  tardive  que  celle  du  reste  de  l’iléon. 

Le  bord  inférieur  de  l’iléon  postérieur  se  confond  plus  ou  moins,  chez  tous 
les  Carinates,  avec  le  bord  supérieur  de  l’ischion.  Chez  les  Ratites,  au  con- 
traire, ces  deux  os  restent  généralement  indépendants.  Au  point  d’union  des 
deux  iléons,  antérieur  et  postérieur,  se  trouve  en  bas  l’acétabulum  (PL  VIL 
fig.  \,acet.).  Cette  cavité  articulaire,  de  forme  hémisphérique,  est  percée 
au  fond  d’une  large  fontanelle.  En  arrière  et  un  peu  en  haut  de  l’acétabu- 
lum  se  trouve  une  face  articulaire  saillante,  dite  éminence  ou  surface  anti- 
trochantérienne  (é.  a.  tro.),  parce  qu’elle  s’articule  avec  la  face  supérieure 
du  trochanter.  Ces  dispositions  de  l’acétabulum  et  de  la  surface  antitro- 
chantérienne  sont  très-caractéristiques  du  bassin  de  l’Oiseau.  A ces  dispo- 
sitions correspond  une  conformation  non  moins  caractéristique  de  l’extrémité 
supérieure  du  fémur  de  l'Oiseau.  On  y remarque  en  effet  une  tête  articu- 
laire sphérique  portée  par  un  col  très-court  (PL  YI,  fig.  6,  7,  8,  9),  qui 
s’attache  en  dedans  et  en  arrière  d’un  grand  trochanter  volumineux,  dont  la 
face  supérieure  est  articulaire.  La  tête  et  le  trochanter  sont  séparés  par  une 
gouttière  peu  profonde,  ou  gorge  de  poulie  articulaire  qui  reçoit  le  bord  coty- 
loïdien.  Ce  sont  là,  je  le  répète,  des  dispositions  entièrement  caractéristiques 
de  l’Oiseau. 

L’ischion  est  généralement  assez  développé.  11  est  lamelleux,  et  souvent 
déformé  triangulaire,  à base  postérieure  et  à sommet  aigu  situé  en  arrière 
de  l’acétabulum.  11  est  étroit  et  en  forme  de  cylindre  aplati  chez  les  Stru- 
thionides  (PL  VI,  fig.  î).  Son  bord  supérieur  est  uni  à l’iléon  postérieur 
dans  sa  partie  postérieure,  tandis  qu’en  avant  il  en  est  séparé  par  le  trou  scia- 
tique (PL  Vil,  fig.  1,  p.  eck.  scié).  Chez  les  Strulhionides,  ce  trou  se  pro- 
longe jusqu’au  voisinage  de  l’extrémité  de  l’iléon  postérieur  en  une  large  et 
.qngue  fente  que  ferment  en  arrière  des  ligaments  iléo-ischialiques  qui  s’os' 
sifient  chez  la  Rhea  americana. 

Le  pubis  est  toujours  un  os  grêle  (PL  VII,  fig.  1,  2,/w.),  qui  ne  prend 


89 


qu’une  très-faible  part  à la  formation  de  l’acétabulum  (PI.  VII :Jig.  1,  pu.). 
11  se  termine  ordinairement  en  pointe  plus  ou  moins  mousse.  Chez  l’Au- 
truche seule,  il  y a une  symphyse  pubienne.  Le  pubis  est  dirigé  en  arrière 
parallèlement  à l’ischion,  et  il  y a entre  les  deux  os  une  fente  assez  étroite 
interrompue  non  loin  de  la  base  des  deux  os  par  la  rencontre  de  deux 
pointes,  l’une  pubienne  et  l’autre  ischiatique,  qui  se  soudent  le  plus  sou- 
vent. L’ouverture  placée  en  avant  de  celte  étroite  jetée  osseuse  est  l’orifice 
sous-pubien.  En  arrière,  la  fente,  assez  variable  et  irrégulière,  est  fermée 
par  une  membrane  obturatrice,  c’est-à-dire  par  des  portions  membra- 
neuses ou  cartilagineuses  qui  s’ossifient  le  plus  souvent. 

L’ischion  est  terminé  en  arrière  par  un  épiischion  cartilagineux  (s.  isc.), 
qui  reste  tel  pendant  assez  longtemps  chez  les  Struthionides.  J’en  dis  autant 
de  l’épipubis  (e.  pu.).  La  part  prise  par  ces  trois  os  à la  formation  de  l’acéta- 
bulum est  très-inégale  (PI.  VI ,fig.  1).  L’iléon  en  fournit  plus  de  la  moitié. 
Les  cinq  sixièmes  du  reste  appartiennent  à l’ischion  et  le  dernier  sixième 
au  pubis. 

Les  parties  du  bassin  de  l’Oiseaux  ont  reçu  de  É.  Geoffroy  Saint-Hilaire 
une  détermination  différente  de  celle  que  je  viens  d’exposer.  I!  en  résulterait 
que  le  pubis  des  Oiseaux  serait,  comme  celui  des  Crocodiles,  un  os  étranger 
au  bassin  : ce  serait  un  os  marsupial,  tandis  que  le  vrai  pubis  serait  formé 
par  ce  que  nous  avons  appelé  ischion,  et  l’ischion  serait  représenté  par  l’iléon 
postérieur.  Cette  opinion  a été  soutenue  par  Gratiolet,  qui  l’appuyait  avant 
tout  sur  des  considérations  musculaires. 

Cuvier  a objecté  avec  raison  à cette  opinion  que  l’os  appelé  pubis  faisait 
partie  de  la  cavité  cotyloïde.  M.  Alix  1 ajoute  que  l’opinion  d’É,  Geoffroy 
Saint-Hilaire  et  de  Gratiolet  est  inadmissible,  vu  la  position  du  trou  scia- 
tique, et  attendu  aussi  que  l’aile  postérieure  de  l’iléon  des  Oiseaux  et  l’aile 
antérieure  ne  forment  jamais  qu’une  seule  pièce  osseuse.  « Ou  doit  donc 
«admettre,  dit  M.  Alix,  l’ancienne  détermination  des  os  du  bassin  des 
«Oiseaux...,  telle  que  les  premiers  observateurs  l’ont  conçue,  mais  c’est  à la 


1 Alix  ; Essai  sur  l'appareil  locomoteur  des  Oiseaux  (Thèses  Je  la  Faculté  des  Sciences  de 
Paris,  1874). 


— y u -- 

«condition  d’accepter  la  transposition  d’un  certain  nombre  d’insertions  mus 
«culaires.  » Dans  la  partie  de  ce  travail  où  je  m’appliquerai  à confirmer  les 
déterminations  des  os  des  deux  ceintures  osseuses  par  l’étude  des  insertions 
musculaires,  je  démontrerai  que  celle  transposition  n’a  rien  de  réel,  et  que 
les  muscles  conservent  au  fond,  dans  la  série  et  dans  les  deux  ceintures,  des 
insertions  réellement  comparables  et  d’une  constance  digne  de  remarque. 

Les  os  du  bassin  de  l’Oiseau  étant  déterminés  comme  nous  venons  de 
le  faire,  il  nous  reste  à examiner  quelle  est  la  signification  de  cet  iléon  si 
prolongé,  et  quelles  sont  ses  relations  avec  les  iléons  des  groupes  que  nous 
avons  précédemment  étudiés. 

Comme,  dans  la  discussion  qui  va  suivre,  il  importe  d’apporter  une  très- 
grande  précision,  je  dois  prendre  des  points  de  repère  bien  déterminés,  afin 
d’enlever  à la  démonstration  toute  apparence  d’arbitraire.  Je  le  dois  d’au  - 
tant  plus  que  le  caractère  surprenant  des  résultats  pourrait  provoquer  des 
doutes  et  des  hésita  lions  dans  l’esprit  du  lecteur. 

L’acélabulum  étant  le  lieu  de  concentration  des  trois  éléments  de  l’os 
iliaque,  je  le  choisis  comme  premier  point  de  repère,  et,  pour  fixer  entière- 
ment notre  orientation  par  une  portion  déterminée  de  son  pourtour,  je  prends 
pour  second  point  de  repère  le  lieu  d’union  de  l’iléon  et  de  l’ischion,  c’est- 
à-dire  la  surface  antilrochanlérienne,  qui  est,  chez  les  Oiseaux,  en  arrière 
eten  haut  de  l’acétabulum  proprement  dit.  Ces  deux  points  fixes  étant  acquis, 
nous  pouvons  considérer  les  diverses  parties  du  bassin  dans  leur  orientation 
par  rapport  à eux. 

Si  nous  examinons  attentivement  l’iléon  antérieur  (PI.  VII,  fig.  1,2,  4, 
il.  ax.  a ),  nous  nous  apercevrons  qu’il  envoie  au-devant  de  l’acétabulum  une 
tige  horizontale  massive  et  compacte  qui  s’épanouit  en  avant  et  en  haut  en 
une  aile  iliaque  mince,  concave  extérieurement  et  formant  une  fosse  iliaque 
externe,  et  un  toit  au-dessus  des  vertèbres  lombaires.  C’est  sur  cette  tige 
qu’apparaît  le  premier  point  d’ossification  de  l’iléon.  En  arrière,  au  point  où 
cet  iléon  s’unit  avec  le  pubis,  se  trouve  une  éminence  formée  à la  fois  par 
deux  sailies  conjuguées  et  soudées  des  deux  os.  C’est  une  éminence  iléo-pu- 
bienne  ( sp . il.  pu.).  L’axe  de  la  tige  de  l’iléon  antérieur  forme  ainsi,  au- 
devant  de  l’acétabulum,  une  ligne  horizontale  qui  se  poursuit  en  arrière  de 


— 9! 


l’acétabulum  dans  l’axe  de  l’ischion  d’une  manière  à peu  près  exacte.  L’émi- 
nence antitrochantérienne  située  au-dessus  de  l’acétabulum  se  trouve  placée 
au-dessus  de  cette  ligne  des  axes. 

L’iléon  du  bassin  des  Mammifères  possède  exactement  les  mêmes  rela- 
tions et  une  forme  parfois  extrêmement  semblable  à cet  iléon  antérieur  des 
Oiseaux.  Comme  lui,  il  est  placé  au-devant  de  l’acétabulum  (PL  Yî,  fig.  S); 
comme  lui,  il  est  formé  au-devant  de  cette  cavité  par  une  tige  osseuse  com- 
pacte et  massive,  sur  laquelle  apparaît  le  premier  point  d’ossification  de 
l’iléon,  tige  qui  s’épanouit  en  avant  en  une  aile  iliaque  plus  ou  moins  étendue, 
et  qui  reproduit  parfois  les  formes  de  l’iléon  antérieur  de  l’Oiseau.  Ainsi, 
chez  les  Équidés  et  les  Camélidés  par  exemple,  l’iléon  fournit  une  expan- 
sion supérieure  remarquable  qui  s’unit  presque  à celle  du  côté  opposé,  pour 
former  au-dessus  des  vertèbres  lombaires  un  véritable  toit  à deux  pentes, 
comme  chez  les  Oiseaux.  Au  point  d’union  de  l’iléon  et  du  pubis  se  trouve 
aussi,  chez  les  Mammifères,  une  éminence  ou  épine  iléo-pubienne  par- 
fois assez  prononcée.  Nous  verrons  plus  tard  combien  les  relations  de  cet 
iléon  avec  les  vertèbres  sacrées  proprement  dites  offrent  de  ressemblance 
frappante  avec  ce  qui  se  voit  chez  les  Oiseaux.  L’axe  de  la  tige  de  l’iléon  de 
Mammifère  se  poursuit  enfin  en  arrière  de  l’acétabulum  avec  l’axe  de  l’is- 
chion en  une  ligne  horizontale  au-dessus  de  laquelle  se  trouve  une  éminence 
dite  sus-cotyloidienne  (PI.  YI,  fig.  1 .il.p.)  ou  iléo-ischiatique , qui  est 
exactement  l’homologue  de  l’éminence  antitrochantérienne,  ainsi  que  le  dé- 
montre le  plus  simple  examen  des  bassins  de  Mammifères  (PL  VI,  fig.  4, 
5 ; PL  VII,  fig.  5 et  6). 

Si  maintenant  nous  portons  nos  yeux  sur  l’iléon  postérieur  de  l’Oiseau 
(PL  VI,  fig.  1,  il.  p.,  PI.  VII,  fig.  1,  3,  il.  p.),  nous  remarquerons  que 
l’iléon  postérieur  naît  pour  ainsi  dire  de  la  moitié  supérieure  ou  iliaque 
de  l’éminence  antitrochantérienne,  par  une  portion  assez  épaisse  et  massive 
qui  se  dirige  en  haut  et  en  arrière  vers  le  bord  supérieur  de  l’iléon 
(PL  Vil,  fig.  I,  3,  il.  ax.p.). 

Cette  portion  massive  et  forte  de  l’iléon  postérieur,  qui  en  constitue  la 
partie  axiale,  s’élargit  chez  le  Poulet  en  une  plaque  horizontale  assez  forte  ; 
mais  chez  beaucoup d’Oiseaux,  les  Rapaces  entre  autres,  cette  portion  axiale 
reste  massive  et  prismatique. 


- 92  — 

Cet  axe  s’épanouit  ordinairement  en  une  aile  triangulaire  d’une  faible 
largeur  qui  se  termine  postérieurement  par  un  angle  aigu.  Cet  iléon  est  situé 
en  haut  et  surtout  en  arrière  de  l’acétabulum  et  de  l’éminence  antitrochan- 
térienne.  Sa  partie  antérieure  se  confond  avec  l’iléon  antérieur,  de  telle  sorte 
que  leur  délimitation  n’est  pas  sans  difficulté.  L’axe  de  l’iléon  postérieur  fait 
avec  l’axe  de  l’ischion  un  angle  aigu  ouvert  en  arrière. 

A côté  d’un  bassin  de  Carinate  (PI.  VII,  fig.  1),  et  surtout  à côté  d’un 
bassin  de  Ratite  (PI.  VI,  fig . 1),  plaçons  un  bassin  de  Crocodilien,  et  voyons 
quelles  sont  les  conditions  qui  caractérisent  ce  dernier  bassin. 

La  surface  articulaire  proprement  dite  du  Crocodilien  (PL  IV,  fig.  13, 
cotg.)  est  loin  de  correspondre  à l’acétabulum  des  Oiseaux.  Cette  dernière 
cavité  n’est  point  articulaire  chez  les  Crocodiliens;  c’est  une  simple  fosse 
osseuse  percée  d’une  fontanelle.  Elle  correspond  exactement  à l’acétabulum 
articulaire  de  l’Oiseau.  En  arrière  de  l’acétabulum  du  Crocodile  se  trouve  la 
surface  articulaire  proprement  dite,  formée  par  l’iléon  et  par  l’ischion.  Celte 
surface  articulaire  est  divisée  en  deux  parts  à peu  près  égales  par  la  ligne 
d’union  cartilagineuse  des  deux  os  que  je  viens  de  nommer.  En  rapprochant 
la  fig.  13,  PL  IV,  de  la  fig.  Pi.  VI,  qui  représente  un  bassin  de  Casoar 
encore  jeune,  et  chez  lequel  les  sutures  de  l’iléon  avec  les  autres  os  du  bas- 
sin ne  sont  pas  encore  effectuées,  on  verra  clairement  que  la  surface  articu- 
laire du  Crocodile  n’est  bien  exactement  que  la  surface  antitrochantérienne 
de  l’Oiseau.  En  continuant  les  rapprochements,  on  s’aperçoit  que,  comme 
l’iléon  postérieur  de  l’Oiseau,  l’iléon  du  Crocodilien  naît  de  la  portion  iliaque 
de  la  surface  antitrochantérienne  par  une  partie  assez  massive,  qui  s’élargit 
en  une  plaque  triangulaire  dirigée  en  arrière,  où  elle  se  termine  par  un 
angle  aigu  dont  la  pointe  est  mousse.  Sur  le  bord  supérieur  se  trouve  un 
épiiléon  rugueux  qui  s’épaissit  en  arrière  et  y forme  le  tubercule  terminal 
par  une  ossification  tardive.  L’axe  de  l’iléon  du  Crocodile  fait  avec  l’axe  de 
l’ischion  un  angle  ouvert  en  arrière;  cet  angle  est,  il  est  vrai,  moins  aigu 
que  chez  l’Oiseau,  parce  que  l’ischion  de  ce  dernier  a été  plus  fortement  rejeté 
en  arrière;  mais  il  y a entre  les  deux  types  une  ressemblance  remarquable 
dans  les  rapports  des  axes  de  l’iléon  et  de  l’ischion.  Il  n’est  donc  pas  douteux 
qu’il  n’y  ait,  même  au  seul  point  de  vue  des  conformations  osseuses,  des 
rapports  étroits  d’homologie  entre  l’iléon  postérieur  d’Oiseau  et  l’iléon  de 


- 95  - 

Crocodilien.  L’étude  des  muscles  nous  fournira  plus  tard,  de  ce  rapproche- 
ment, une  démonstration  éclatante. 

Mais,  pour  continuer  la  comparaison  que  j’ai  entreprise,  je  dois  faire  remar- 
quer que  l’iléon  du  Crocodilien  renferme  non-seulement  l’iléon  postérieur 
de  l’Oiseau,  mais  encore  un  rudiment  de  l’iléon  antérieur.  Remarquons  en 
effet  qu’au-devant  de  l’acétabulum  s’avance  une  apophyse  saillante,  horizon- 
tale, que  j’ai  nommée  apophyse  antérieure  de  l’iléon  (PI.  IV,  fig.  13,  il.  a.). 
Sa  situation  en  avant  de  l’acètabulum,  dont  sa  base  contribue  à former  le 
rebord  antérieur;  la  direction  horizontale  de  son  axe,  qui  se  confond  presque 
avec  celui  de  l’ischion,  et  qui  le  ferait  complètement  si  l’ischion  des  Croco- 
diliens  était  aussi  fortement  rejeté  en  arrière  que  celui  des  Oiseaux  ; toutes 
ses  connexions  enfin,  telles  qu’on  peut  s’en  rendre  comparativement  compte 
sur  la  fig.  13,  PI.  IV,  et  sur  les  fig.  1,  PI.  VI,  et  1,  Pi.  Vil,  démontrent 
que  celle  apophyse  antérieure  répond  à la  partie  axiale  de  l’iléon  an- 
térieur des  Oiseaux,  et  n’est  qu’un  iléon  antérieur  rudimentaire.  C’est 
aussi  ce  que  démontrera  l’élude  du  sacrum,  que  je  placerai  immédiatement 
après  ces  considérations. 

11  résulte  de  toutes  les  comparaisons  que  je  viens  de  faire  que  l’iléon  si 
singulier  de  l’Oiseau  représente  en  réalité  la  fusion,  d’une  part,  de  l’iléon  de 
Mammifère  placé  en  avant  de  l’acétabulum  et  naissant  des  bords  del’acétabu- 
lum  sur  un  point  antérieur  à la  surface  antitroehantèrienne  et  à la  fontanelle, 
et,  d’autre  part,  de  l’iléon  de  Crocodilien  et  de  Reptile  en  général,  dirigé  en 
arrière  et  naissant  de  la  portion  iliaque  de  la  surface  antitroehantèrienne, 
au-dessus  et  en  arrière  de  la  fontanellle.  Ces  deux  iléons  sont  confondus 
et  fusionnés  dans  les  régions  intermédiaires  à leurs  domaines  respectifs,  et 
leur  délimitation  rigoureuse  est  impossible. 

11  ne  faudrait  pas  en  effet  penser  que  cet  iléon  ornithique  s’est  formé  par 
la  création  de  deux  iléons  de  types  distincts  qui  ont  été  ensuite  rapprochés 
et  partiellement  confondus.  Ce  serait  là  une  conception  grossière  que  ne 
comportent  nullement  les  considérations  qui  précèdent.  11  est  au  contraire 
rationnel  de  penser  que  chez  l’Oiseau  la  tendance  à la  formation  de  tissus 
cartilagineux  et  osseux  s’est  trouvée  distribuée  dans  l’étendue  de  deux 
régions  voisines,  dont  chacune  est  exclusivement  le  lieu  de  formation  de 


tissus  semblables  chez  les  Reptiles  et  chez  les  Mammifères1.  11  est,  par 
suite,  également  rationnel  de  penser  que  les  saillies  antérieures  de  l’iléon 
des  Crocodiliens  et  les  saillies  postérieures  de  l’iléon  des  Mammifères  corres- 
pondent à des  directions,  à des  lieus  où  le  pouvoir  ossificateur  est  plus  actif 
et  plus  puissant  que  là  où  se  sont  formés  des  sinus  et  des  échancrures.  Si 
nous  plaçons  en  regard  l’iléon  de  Crocodile  et  l’iléon  de  Mammifère,  nous 
remarquerons  quel  'épine  iliaque  antérieure  du  Crocodile  (PI.  IV,  fig.  15, 
sp.  il.)  et  l’ épine  iliaque  postérieure  du  Mammifère,  placées  en  regard  et 
mises  en  contact,  circonscrivent  une  ouverture  circulaire  dont  la  demi- 
circonférence  antérieure  appartient  à la  grande  échancrure  ischiatique  du 
Mammifère,  et  dont  la  demi-circonférence  postérieure  est  formée  par 
l’échancrure  qui  est  au-dessus  de  l’iléon  antérieur  rudimentaire  dans  le  bassin 
crocouilien.  Cet  ouverture  circulaire  repose  sur  l’iléon  axial  antérieur.  Or 
s’il  est  vrai,  comme  je  viens  d’essayer  de  l’établir,  que  l’iléon  de  l’Oiseau 
soit  le  produit  de  la  combinaison  des  pouvoirs  formateurs  qui  ont  présidé  à 
la  constitution  de  l’iléon  du  Mammifère  et  de  l’iléon  du  Reptile,  on  est  en 
droit  de  présumer  que  dans  cet  iléon  d’Oiseau  la  répartition  du  pouvoir  ossi- 
ficateur s’est  faite  avec  les  degrés  relatifs  d’intensité  qu’il  a,  à la  fois,  chez 
le  Mammifère  et  chez  le  Reptile.  Les  saillies  devront  donc  correspondre  à une 
plus  grande  épaisseur  de  l’os,  tandis  que  les  bords  concaves  ou  sinus  pour- 
ront correspondre  à des  orifices  ou  tout  au  moins  à des  amincissements  de 
la  lame  osseuse.  Or,  ce  sont  là  des  présomptions  qui,  dans  certains  cas,  se 
traduisent  par  des  faits  dont  la  signification  ne  m’a  pas  paru  douteuse. 

Prenons  un  bassin  d’Oiseau,  de  Gallinacé  par  exemple  (,P1.  VI,  fig.  2 et 
5),  et  délimitons  sur  la  fig.  2,  par  un  trait  plus  apparent,  les  parties  qui 
semblent  correspondre  à l’iléon  de  Crocodile,  c’est-à-dire  à l’iléon  postérieur 
avec  son  épine  antérieure,  son  rudiment  d’iléon  antérieur,  d , et  le  bord 
concave  en  avant,  a , qui  les  sépare.  Sur  la  fig.  5,  entourons  d’un  trait 
plus  apparent  aussi  l’iléon  de  Mammifère,  d’un  Ruminant  par  exemple , 
avec  son  aile  iliaque  développée,  avec  sa  grande  échancrure  sciatique,  a , et 
son  épine  iliaque  postérieure  faisant  en  arrière  une  saillie  plus  ou  moins 


1 Nous  verrous  plus  tard  que  cette  tendance  à la  formation  d'un  iléon  antérieur  et  posté- 
rieur chez  l'Oiseau  est  en  harmonie  avec  la  présence  de  muscles  correspondants. 


prononcée.  Si  ces  deux  iléons  sont  reportés  sur  la  même  figure,  comme  dans  la 
y%.  2,  il  y aura,  ainsi  que  je  l’ai  déjà  dit,  en  a un  espace  de  forme  arrondie 
dans  lequel  le  pouvoir  ossificateur  sera  affaibli,  tandis  qu’il  sera  accru  dans 
tout  le  pourtour  et  particulièrement  en  haut  et  en  bas.  C’est  en  effet  ce  qui  a 
lieu,  et  sur  la  plupart  des  Oiseaux  il  y a,  à ce  niveau,  un  amincissement  bien 
marqué  de  l’os,  amincissement  qui  est  assez  souvent  dans  certains  groupes, 
les  Gallinacés  par  exemple,  entouré  d’une  sorte  d’anneau  de  renforcement  tel 
que  je  l’ai  représenté  d’après  nature  (PI.  VII,  fig.  1 , g.  ech.  sc.)  sur  un  iléon 
de  Paon,  et  tel  qu’on  peut  l’observer  plus  ou  moins  accentué  sur  les  iléons  de 
Poule. 

11  est  aisé  de  se  rendre  compte  que  cette  portion  amincie  de  l’iléon  de 
l’Oiseau  correspond  au  sommet  de  la  grande  échancrure  sciatique  du  Mam- 
mifère, et  il  en  résulte  que  l’Oiseau  est  dépourvu  du  trou  sacro-sciatique 
antérieur  ou  supérieur  du  Mammifère. 

La  grande  échancrure  sacro-sciatique  du  Mammifère  est  divisée  en  effet  en 
deux  trous  par  les  ligaments  sacro-sciatiques.  Nous  avons  vu  que  la  surface 
antitroehantérienne  de  l’Oiseau  et  du  Reptile  était  représentée  chez  le  Mam- 
mifère par  une  saillie  constante  en  forme  de  crête  (PI.  VI,  fig.  5,  ü.  p.),  qui 
s’accentue  fortement  chez  certains  animaux,  les  Équidés  en  particulier,  et 
qui  est  désignée  par  lesHippotomistes  sous  le  nom  de  crête  sus-cotyloïdienne. 
De  cette  crête  naît  le  petit  ligament  sacro-sciatique,  qui  s’épanouit  et  se  porte 
sur  les  bords  latéraux  et  rugueux  du  sacrum.  Ce  ligament  sacro-sciatique  a 
des  dimensions  variables,  selon  les  espèces.  Chez  le  Cheval,  il  naît  surtout 
de  la  partie  iliaque  de  la  crête  sus-cotyloïdienne,  s’épanouit  largement  vers 
le  sacrum  et  atteint  même  les  ligaments  sacro-iliaques  postérieurs,  de  ma- 
nière à circonscrire  avec  le  sommet  de  la  grande  échancrure  sciatique  un 
trou  sacro-sciatique  antérieur  presque  circulaire  et  de  petites  dimensions. 
Ces  relations  permettent  de  reconnaître  dans  le  petit  ligament  sacro- 
sciatique  le  représentant  fibreux  de  l’iléon  postérieur  des  Mammifères,  dont 
la  crête  sus-cotyloïdienne  est  le  rudiment  osseux,  au  même  titre  que  l’apo- 
physe ou  tubercule  antérieur  de  l’iléon  du  Crocodilien  est  le  rudiment  de 
l’iléon  antérieur. 

Chez  l’Homme,  le  petit  ligament  sacro-sciatique  prend  son  origine,  non 
point  seulement,  comme  le  disent  à tort  bien  des  Traités  d’anatomie,  de 

15 


96  - 


l’épine  sciatique  qui  appartient  à l’ischion,  mais  aussi  et  très-largement  de 
la  portion  iliaque  de  la  crête  sus-cotylo'idienne  dont,  l’épine  sciatique  n’est 
qu’une  partie.  Cette  origine  iliaque  du  petit  ligament  sacro-sciatique  s’étend 
même,  chez  certains  sujets,  jusqu’au  voisinage  du  sommet  de  l’échancrure 
sciatique,  ce  qui  réduit  de  beaucoup  les  dimensionsdu  trou  sciatique  antérieur. 

Il  semble  seulement  y avoir  cette  différence  entre  l’iléon  postérieur  fibreux 
des  Mammifères  et  l’iléon  postérieur  osseux  des  Oiseaux,  que  ce  dernier  n’a 
pour  origine  que  la  portion  iliaque  de  l’éminence  antitrochantérienne,  tandis 
que  l’iléon  postérieur  des  Mammifères  semble  émaner  à la  fois  de  la  partie 
iliaque  et  de  la  partie  ischiatique.  11  faut  d’ailleurs  faire  remarquer  que 
chez  l’Oiseau,  ie  trou  sciatique,  qui  n’est  que  la  petite  échancrure  sciatique, 
c’est-à-dire  le  trou  sciatique  postérieur  ou  inférieur  de  Mammifère,  est  en 
partie  fermé  sur  le  frais  par  une  lame  fibreuse  qui,  allant  de  l’ischion  à 
l’iléon,  représente  exactement  la  portion  du  petit  ligament  sacro-sciatique  du 
Mammifère  qui  naît  de  l’ischion  et  de  l’épine  sciatique.  Dans  les  deux  cas, 
cette  lame  fibreuse  est  continue  en  arrière  avec  l’iléon  postérieur.  Il  peut 
même  arriver  que  la  portion  du  petit  ligament  sacro-sciatique  qui  naît 
directement  de  l’iléon  et  représente  l’iléon  postérieur  soit  transformée  en  un 
simple  tissu  conjonctif  à peine  fibreux,  de  telle  sorte  que  la  portion  ischia- 
tique  semble  seule  subsister.  Mais  on  comprend  que  de  pareils  faits  ne  portent 
aucune  atteinteà  la  valeur  des  homologies  précédemment  établies,  puisqu’on 
peut  observer  chez  les  Mammifères  tous  les  intermédiaires  entre  cette  origine 
exclusivement  ischiatique  en  apparence  du  petit  ligament  sacro-sciatique,  et 
son  origine  a la  fois  iléo-ischiatique  et  même  surtout  iliaque. 

En  réalité,  l’iléon  postérieur  des  Mammifères,  comme  celui  des  Oiseaux, 
émane  de  la  portion  iliaque  de  l’éminence  ou  crête  sus-cotylo'idienne  ; mais 
il  est,  comme  chez  les  Oiseaux,  continué  en  arrière  par  une  bande  fibreuse 
naissant  de  la  portion  ischiatique  de  cette  crête  et  obturant  une  partie  du 
trou  sciatique  postérieur.  Toute  la  différence  consiste  en  ce  que,  chez  les 
Oiseaux,  l’iléon  postérieur  ôtant  osseux  se  distingue  nettement  de  celte  bande 
fibreuse  ischiatique,  tandis  que,  chez  les  Mammifères,  l’iléon  postérieur 
fibreux  se  continue  sans  ligne  de  démarcation  avec  la  bande  fibreuse  ischia- 
tique. 

Il  est  à propos  de  faire  remarquer  ici  que  chez  beaucoup  d’Édenlés 


— 97 


( Orycteropus , Bradypus,  Mylodon,  etc.),  chez  quelques  Marsupiaux  (Wom- 
bat),  le  bassin  présente  une  disposition  qui  pourrait  le  faire  comparer  à un 
bassin  d’Oiseau,  en  ce  sens  que  le  trou  sciatique  est  fermé  en  arrière  par 
une  rencontre  et  même  une  soudure  de  l’ischion  avec  les  bords  du  sacrum. 
Mais  il  faut  observer  que  la  ressemblance  n’est  guère  qu’apparente.  Il  n’y  a 
pas  en  effet  d’iléon  postérieur  osseux  développé,  mais  c’est  seulement  la 
bande  fibreuse  ischiatique  qui  s’ossifie  et  qui  relie  le  sacrum  à l’ischion 
et  non  à l’iléon  postérieur. 

Ainsi  donc,  l’iléon  postérieur,  qui  existe,  chez  les  Oiseaux  comme  chez  les 
Reptiles,  à l’état  d’os  primordial  ou  d’os  de  cartilage,  n’est  conservé,  chez 
les  Mammifères,  qu’à  l’état  tout  à fait  rudimentaire  de  crête  sus-cotylo'idienne, 
et  est  remplacé  dans  le  reste  de  son  étendue  par  un  ligament  fibreux  qui 
circonscrit  en  arrière  le  trou  sacro-sciatique  antérieur  ou  supérieur.  Ce  trou, 
situé  entre  l’iléon  antérieur  et  l’iléon  postérieur,  correspond  à la  portion 
amincie  de  l’iléon  des  Oiseaux  (PI.  VI,  fig.  2,  3,  a)  et  n’existe  pas  chez  ces 
derniers  comme  ouverture.  Chez  le  Crocodile,  il  n’y  a pas  d’ouverture  en- 
tièrement circonscrite  correspondant  à ce  trou  sciatique.  Il  n’existe  en  effet 
que  son  bord  postérieur  constitué  par  le  bord  concave  antérieur  de  l’iléon 
du  Crocodilien.  Le  bord  antérieur  fait  défaut,  et,  au  lieu  d’un  trou,  il  n’y  a 
qu’une  échancrure  à concavité  antérieure  (PI.  YI,  fig.  2,  a). 

Quant  à l’orifice  sciatique  du  bassin  de  l’Oiseau  (PI.  VII,  fig.  i,  p.  ech. 
sc.},  il  représente  évidemment  le  trou  sciatique  postérieur  ou  inférieur 
des  Mammifères  qui  est  compris  entre  l’iléon  postérieur  et  le  grand  liga- 
ment sacro-sciatique.  Ce  grand  ligament  s’ossifie  d’assez  bonne  heure  chez  les 
Oiseaux,  et  finit  par  se  confondre  avec  les  bords  latéraux  de  l’iléon  postérieur 
pour  la  plupart  d’entre  eux.  Mais  on  peut  saisir  la  période  fibreuse  de  son  exis- 
tence, et  le  trouver  plus  tard  formant  des  traînées  osseuses  ou  rubans  osseux, 
qui  relient  la  partie  postérieure  de  l’ischion  avec  l’iléon  postérieur  et  le  sacrum, 
et  circonscrivent  la  partie  postérieure  du  trou  sacro-sciatique  postérieur.  Je 
recommande  pour  cela  l’examen  du  bassin  des  Ratiles  et  du  Rhéa  en  particulier, 
et  celui  des  Palmipèdes  en  général.  Chez  le  Crocodilien,  le  trou  sacro- 
sciatique  postérieur,  n’étant  circonscrit  en  arrière  ni  par  l’os  ni  par  du  tissu 
fibreux,  est  remplacé  par  une  large  échancrure  comprise  entre  l’iléon  et 
l’ischion. 


J’ai  montré  les  relations  de  l’iléon  d’Oiseau  avec  celui  de  Crocodilien. 
Pour  élargir  le  sujet,  il  me  reste  à rechercher  la  relation  qu’il  y a entre 
l’iléon  de  Crocodilien  et  celui  des  principaux  groupes  de  Reptiles.  Chez  tous 
les  Reptiles  ordinaires,  comme  chez  les  Crocodiliens,  l’iléon  est  un  iléon  pos- 
térieur. L’iléon  du  Lacertilien  (PI.  IV,  fig.  9 et  10)  est  dirigé  presque  ho- 
rizontalement en  arrière;  il  représente  un  iléon  de  Crocodilien  très-rétréci, 
très-allongé  et  réduit  à une  portion  axiale  presque  cylindrique.  Il  est  terminé 
en  arrière  par  un  épiiléon  tuberculeux  qui  en  forme  le  sommet  et  qui  repré- 
sente la  portion  terminale  postérieure  et  épaisse  de  l’épiiléon  des  Croco- 
diliens. Le  rudiment  de  l’iléon  antérieur  est  si  faible  qu’on  peut  le  consi- 
dérer comme  nul.  L’acélabulum  est  articulaire  dans  tonte  son  étendue. 
L’angle  ilio-ischiatique,  assez  ouvert  chez  les  Lézards  (PL  IV,  fig.  9),  ne 
dépasse  pas  chez  les  Iguanes  (PL  IV,  fig.  10)  la  valeur  d’un  angle  droit. 
L’iléon  des  Caméléons  (PL  IV,  fig.  7)  rappelle  celui  des  Lézards,  et  a les 
mêmes  relations  que  ce  dernier  avec  l’iléon  des  Crocodiliens. 

L’iléon  du  Chélonien  représente  une  modification  toute  différente  de 
l’iléon  du  Crocodilien.  Tandis  que  l’iléon  du  Lézard  est  un  iléon  de  Crocodile 
comprimé  de  haut  en  bas  et  allongé  dans  le  sens  horizontal,  l’iléon  de  Ché- 
lonien est  un  iléon  de  Crocodile  comprimé  d’avant  en  arrière  et  allongé  dans 
le  sens  vertical  (PI,  IV,  fig.  11  et  12).  Aussi,  loin  de  présenter  la  direction 
presque  horizontale  de  l’iléon  de  Lacertilien,  il  a une  direction  presque  ver- 
ticale et  légèrement  oblique  en  bas  et  en  avant.  Son  axe  ne  se  confond  pas 
avec  celui  du  pubis,  comme  chez  les  Sauriens  ; mais  il  a une  direction  inter- 
médiaire entre  l’axe  du  pubis  et  celui  de  l’ischion.  Prenez  un  iléon  de 
Crocodile,  donnez-lui  une  grande  longueur  dans  le  sens  de  l’axe  vertical,  aux 
dépens  de  l’étendue  dans  le  sens  antéro-postérieur,  et  vous  aurez  obtenu 
un  iléon  de  Chélonien. 

Cela  est  si  vrai,  que  cet  iléon,  loin  de  se  terminer,  comme  chez  les  Lézards, 
par  un  angle  aigu,  se  termine  par  un  bord  supérieur  élargi  qui  se  pro- 
longe un  peu  en  arrière,  rappelant  assez  bien  le  bord  supérieur  de  l’iléon 
de  Crocodilien,  et  sur  lequel  repose,  comme  sur  ce  dernier,  un  épiiléon  car- 
tilagineux. Le  rudiment  de  l’iléon  antérieur  a entièrement  disparu  comme 
partie  distincte  et  s’est  confondu  dans  l’iléon  général,  mais  il  peut  être 
rationnellement  considéré  comme  siluésur  le  bord  antérieur  de  l’iléon. 


— 99  — 


Je  ne  saurais  abandonner  cette  étude  comparative  sans  faire  remarquer 
combien  l'étude  du  bassin  de  ces  Reptiles  éteints,  auxquels  Huxley  a donné 
le  nom  d ’Ornithoscelida,  et  dont  le  pelviset  les  membres  inférieurs  se  rap- 
prochaient tant  de  ceux  de  l’Oiseau,  combien,  dis-je,  l 'étude  de  leur  bassin 
vient  apporter  d’appui  à l’analyse  homologique  que  je  viens  de  faire  du  bassin 
de  l’Oiseau.  L’examen  du  bassin  des  Ornithoscelida  confirme  en  effet  l’assi- 
milation de  l’iléon  de  Crocodilien,  et  par  suite  de  l’iléon  de  Reptile,  avec  l’iléon 
postérieur  d’Oiseau.  Il  montre  de  plus  l’iléon  antérieur  provenant  progressi- 
vement de  l’épanouissement  en  avant  de  ce  que  j’ai  appelé  chez  le  Crocodile 
apophyse  antérieure  de  l’iléon,  ou  apophyse  préacétabulaire  d’Huxley. 

Les  observations  qui  précèdent  peuvent  donner  lieu  à quelques  considé- 
rations intéressantes. 

La  première,  c’est  qu’il  y a plus  de  parenté  entre  les  Crocodiliens  et  les 
Oiseaux  qn’enlre  ceux-ci  et  les  autres  groupes  de  Reptiles  vivants.  Nous 
avons  vu  en  effet  que,  soit  dans  la  constitution  de  la  ceinture  scapulaire, 
soit  dans  la  constitution  de  la  ceinture  pelvienne,  les  affinités  étaient  forte- 
ment prononcées. 

Au  thorax,  même  forme  allongée  et  rétrécie  du  scapulum,  même  confor- 
mation du  coracoïde,  mêmes  rapports  de  cet  os  avec  les  bords  antéro-laté- 
raux  du  sternum,  même  atrophie  du  précoracoïde,  même  situation  et  même 
conformation  de  la  cavité  gléno'ide,  même  disposition  en  angle  ouvert  en 
arrière  du  coracoïde  et  du  scapulum  ; en  un  mot,  similitude  remarquable 
pour  toutes  les  parties  essentielles  de  la  ceinture  thoracique  primordiale.  Au 
bassin,  même  conformation  de  l’iléon  postérieur,  et,  chez  le  Crocodilien, 
rudiment  de  l’iléon  antérieur  de  l’Oiseau.  Dans  les  deux  cas,  même  situation 
et  même  conformation  de  l’acétabulum,  même  fontanelle  au  fond  de  cette 
cavité;  dans  les  deux  cas  aussi,  surface  antitrochantérienne  exactement  com- 
parable et  également  articulaire.  A ces  preuves  d’affinités,  qui  ne  sauraient 
passer  inaperçues,  viendront  s’en  ajouter  d’autres,  tirées  de  l’étude  du  sacrum 
et  de  l’étude  des  muscles  ; mais  avant  d’aborder  ces  sujets,  je  dois  faire,  à 
propos  de  l’articulation  coxo-fémorale  des  Crocodiliens,  une  remarque  qui  me 
paraît  avoir  tout  au  moins  le  mérite  de  la  nouveauté,  et  qui  semble  fournir 
un  caractère  de  plus  à ce  groupe  déjà  si  remarquable  de  Reptiles. 


100  — 


Nous  avons  vu  que  la  surface  concave  de  l’acétabulum  n’était  point 
articulaire,  et  que  la  surface  anlilrochantérienne  était  seule  recouverte  d’un 
cartilage  d’encroûtement  et  en  rapport  de  frottements  avec  l’extrémité  supé- 
rieure du  fémur  (PI.  IV,  fig.  15).  Chez  l’Oiseau,  l’acétabulum  est  articu- 
laire, aussi  bien  que  la  surface  antitrochantérienne  (PI.  VI,  / Ig . 1.  PI.  VII, 
flg.  1).  Or  il  est  remarquable  que,  tandis  que  l’extrémité  supérieure  du 
fémur  de  l’Oiseau  est  divisée  en  une  tête  articulaire  qui  correspond  à l’acé- 
tabulum,  et  en  un  trochanter  qui  répond  à la  surface  antitrochantérienne, 
l’extrémité  supérieure  du  fémur  du  Crocodilien,  au  contraire,  ne  s’est  pas 
divisée  en  deux  éléments,  mais  reste  recouverte  par  une  surface  articulaire 
assez  uniforme  qui  correspond  à la  surface  antitrochantérienne  seule.  Dans 
le  fémur  du  Crocodile,  la  tète  ne  s’est  pas  différenciée,  et  le  bassin  s’appuie 
seulement  sur  la  surface  uniforme  de  l’extrémité  osseuse.  C’est  ce  qui  res- 
sort clairement  des  fig.  10  et  H de  la  PI.  VI,  qui  représentent  des  extré- 
mités fémorales  gauches  de  Y Alligator  Indus  et  du  Crocodilus  biporcatus 
vues  par  la  surface  articulaire  supérieure.  Ces  extrémités  et  leurs  surfaces 
articulaires  reproduisent  bien  exactement  les  trochanters  des  Ratites  (Autru- 
che, Casoar)  et  leurs  surfaces  articulaires  arrondies  représentés  fig.  6 et  7 
de  la  môme  Planche,  trochanters  sur  la  face  interne  et  postérieure  des- 
quels s’est  différenciée  et  développée  une  tête  plus  ou  moins  volumineuse, 
séparée  du  trochanter  par  un  col  plus  ou  moins  accentué.  Je  crois  devoir 
faire  remarquer  en  outre  que  le  volume  de  la  tête,  relativement  à celui  du 
trochanter,  est  bien  plus  faible  chez  les  Ratites  que  chez  les  Carinates,  ainsi 
qu’on  peut  en  juger  en  comparant  les  fig.  6 et  7 avec  les  fig.  8 et  9,  qui 
appartiennent  au  Pélican  et  à la  Poule. 

11  résulterait  donc  de  ces  observations  que,  tandis  que  les  Crocodiliens 
s’appuient  sur  le  sommet  uniforme  de  l’extrémité  fémorale  et  n’ont  pas  de 
tête  du  fémur  distincte,  les  Ratites,  qui  sont  de  tous  les  Oiseaux  les  moins 
éloignés  du  type  reptilien,  acquièrent  une  tête  du  fémur  de  petit  volume, 
et  la  dimension  de  celle-ci  s’accroît  chez  les  Oiseaux  les  plus  caractérisés 
comme  type  spécial,  les  plus  ornithiques  ' pour  ainsi  dire. 


1 J’aurai  l’occasion  de  développer  et  d’expliquer  ces  particularités  dans  un  chapitre  spécial 
consacré  à l’étude  des  têtes  articulaires  et  des  trochanters. 


101 


DU  SACRUM. 

L’étude  analytique  que  je  viens  de  faire  de  l'iléon  de  l’Oiseau  m’amène 
naturellement  à traiter  un  sujet  qui  pourrait  être  considéré  comme  étranger 
à la  comparaison  des  deux  ceintures.  Mais  l’étude  du  sacrum  de  l’Oiseau  se 
rattache  de  si  près  à celle  de  l’iléon,  que  je  crois  devoir  me  livrer  à une 
excursion  sur  ce  terrain,  si  largement  limitrophe  de  mon  champ  primitif.  Je 
le  fais  d’autant  plus  volontiers  que  j’espère  jeter  ainsi  quelque  lumière  sur 
cette  portion  si  peu  comprise  du  squelette  de  l’Oiseau,  et  qui  n’a  été  encore 
l’objet,  à mon  avis,  d’aucune  discussion  vraiment  rigoureuse. 

Beaucoup  de  zoologistes  se  sont  bornés  à dire  que  le  sacrum  de  l’Oiseau 
était  composé  d’un  grand  nombre  de  vertèbres,  sans  chercher  à se  rendre 
compte  des  difficultés  présentées  par  la  délimitation  des  vertèbres  apparte- 
nant réellement  au  sacrum,  et  par  la  détermination  de  la  valeur  de  cette  série 
considérable  de  corps  vertébraux  dits  sacrés,  série  dont  le  nombre  étonne 
d’autant  plus  que  dans  tous  les  autres  groupes  le  sacrum  est  ordinairement 
composé  d’un  très-petit  nombre  de  vertèbres. 

Le  savant  naturaliste  anglais  Huxley  ne  s’est  pas  dissimulé  les  difficultés 
d’une  pareille  tentative.  « La  description  des  vertèbres  propres,  lombaires, 
«sacrées,  caudales  antérieures  dans  la  masse  ankylosée  qui  constitue  le  sa- 
crum d’un  Oiseau,  offre,  dit-il,  les  plus  grandes  difficultés1.  » Prenant 
pour  point  de  départ  le  sacrum  du  Poulet,  Huxley  cherche  à rendre  compte 
de  la  signification  des  diverses  parties  de  cette  masse  ankylosée,  et  je  crois 
devoir  d’autant  plus  rapporter  ici  textuellement  l’analyse  qu’il  en  fait,  quelle 
constitue  une  entreprise  qui  me  paraît  avoir  été  rarement  tentée. 

« La  plus  antérieure  des  vertèbres  lombaires  2 porte  une  large  apophyse 
«transverse  qui  correspond  par  la  forme  et  la  disposition  avec  l’apophyse 
«transverse  tuberculaire  de  la  dernière  dorsale  (PL  Vil ,fig.  2 ,v.d.).  Dans 


1 Huxley-,  Èlém.  d’anat.  comp.  des  Anim.  vert.,  trad.  par  Mme  Brunei,  1875. 

2 Par  là,  Huxley  entend  la  première  vertèbre  désignée  par  v.  I.  dans  la  PI.  VII,  fig.  2 du 
présent  Mémoire.  Je  rapporte  la  description  d'Huxiey  à cette  figure  de  mon  travail,  afin  d’en 
rendre  l’intelligence  plus  facile. 


102  — 


» les  vertèbres  lombaires  qui  suivent,  celte  apophyse  s’incline  en  bas,  et 
«dans  la  plus  postérieure  (PL  VII,  fig.  1,sac.  a.)  elle  se  continue  du  centre 
«aussi  bien  que  de  l’arc  de  la  vertèbre,  et  forme  une  large  masse  qui  vient 
»se  terminer  contre  l’iléon.  Cette  apophyse  pourrait  très-bien  être  prise  pour 
»une  côte  sacrée,  et  sa  vertèbre  pour  la  vertèbre  sacrée  propre  ; mais  d’abord 
«je  n’y  trouve  aucun  point  d’ossification,  et  ensuite  les  nerfs  qui  sortent  des 
«trous  intervertébraux,  au-devant  et  en  arrière  de  cette  vertèbre,  entrent 
«dans  le  plexus  lombaire,  où  prennent  leur  origine  les  nerfs  crural  et  obtu- 
rateur, et  non  dans  le  plexus  sacré,  qui  est  le  produit  des  nerfs  qui  sortent 
«des  trous  intervertébraux  des  vertèbres  sacrées  propres  chez  les  autres 
«Vertébrés.  Derrière  la  dernière  vertèbre  lombaire  {sac.  a.),  viennent  au 
«moins  cinq  vertèbres  qui  n’ont  pas  de  côtes  (int.  sac.)  ; mais  leurs  arcs 
«envoient  des  lamelles  horizontales,  apophyses  transverses  qui  s’unissent 
«avec  les  iléons.  Les  nerfs  qui  sortent  des  trous  intervertébraux  de  ces  ver- 
tèbres s’unissent  pour  former  le  plexus  sacré,  d’où  sort  le  grand  nerf  scia- 
tique, et  je  les  prends  pour  les  homologues  des  vertèbres  sacrées  des  Rep- 
tiles  

» Si  ce  sont  les  vraies  vertèbres  sacrées,  il  en  résulte  que  celles  qui 
«viennent  après  {sac.  p.  et  sac.  lac.)  sont  les  caudales  antérieures.  Elles 
«ont  des  apophyses  transverses  supérieures,  comme  les  vertèbres  sacrées 
«propres;  mais,  de  plus,  trois  ou  quatre  des  plus  antérieures  {sac.  p.)  de 
«ces  vertèbres  possèdent  des  côtes  qui,  comme  les  côtes  sacrées  propres  des 
«Reptiles,  sont  unies  par  sutures  ou  ankylosées  en  avant  et  en  dedans,  avec 
«les  arcs  neuraux  et  le  centre  de  leurs  vertèbres,  tandis  qu’en  arrière  et  en 
«dehors  elles  s’étendent  et  se  terminent  contre  l’iléon.  Les  vertèbres  cau- 
«dales  soudées  peuvent  être  désignées  comme  uro-sacrèes . » 

La  citation  qui  précède  permet  déjuger  sur  quelle  base  Huxley  a appuyé 
la  détermination  du  vrai  sacrum  des  Oiseaux.  Pour  lui,  le  sacrum  est  dé- 
terminé par  l’origine  des  nerfs  du  plexus  sacré  d’où  sort  le  grand  nerf  scia- 
tique ; et  toute  vertèbre  dont  les  nerfs  entrent  dans  le  plexus  lombaire,  où 
prennent  leur  origine  les  nerfs  crural  et  obturateur,  ne  saurait  appartenir  au 
vrai  sacrum,  mais  fait  partie  de  la  région  lombaire.  Je  ne  crains  pas  d’affir- 
mer que  cette  base  de  détermination  manque  de  solidité  et  surtout  de 
rigueur.  1!  est  vrai  que  la  région  d’origine  du  nerf  sciatique  coïncide , dans 


— 105  - 

l'immense  majorité  des  cas,  avec  la  région  sacrée,  mais  c’est  là  une  coïn- 
cidence qui  n’a  rien  d’absolu,  et,  dans  tous  les  cas,  la  délimitation  de  l’une 
des  deux  régions  ne  saurait  déterminer  d’une  manière  rigoureuse  les  limites 
de  l’autre.  Chez  l’Homme,  en  effet,  le  nerf  sciatique  reçoit  non-seulement 
toute  la  branche  antérieure  de  la  cinquième  paire  lombaire,  mais  encore 
la  division  inférieure  de  la  quatrième,  qui  forme  avec  la  précédente  le 
gros  nerf  lombo-sacré,  et  une  branche  de  la  quatrième  sacrée,  qui  n’ap- 
partient pas  au  sacrum  proprement  dit  \ Chez  les  Oiseaux,  au  contraire, 
le  nerf  sciatique  ne  reçoit  aucun  nerf  que  l’on  puisse  rationnellement 
considérer  comme  lombaire.  Chez  le  Lézard  ocellé,  le  nerf  sciatique  est 
formé  par  la  dernière  paire  lombaire,  une  portion  de  l’avant-dernière,  et 
la  paire  sacrée  proprement  dite,  passant  entre  les  deux  vertèbres  du  sacrum. 
Chez  les  Chéloniens,  chez  les  Crocodiliens,  il  en  est  de  même  ; de  telle 
sorte  qu’on  ne  peut  considérer  réellement  les  origines  du  nerf  sciatique 
comme  déterminant  l’étendue  et  les  limites  de  la  région  sacrée  de  la  co- 
lonne vertébrale. 

Ce  qui  prouve,  du  reste,  que  la  rencontre  très-générale,  la  superposition 
dirai-je,  de  la  région  sacrée  et  de  la  région  des  origines  du  sciatique  n’a  rien 
que  de  très-relatif,  c’est  qu’il  peut  y avoir  des  nerfs  sciatiques  sans  qu’il  y 
ait  de  sacrum  distinct.  C’est  en  effet  ce  que  démontrent  les  fchthyosau- 
res,  où  le  nerf  sciatique  existait  certainement  sans  qu’il  y ait  des  vertèbres 
caractérisées  comme  vertèbres  sacrées,  l’iléon  étant  suspendu  dans  les  chairs. 
Mais  il  y a plus  : la  région  d’origine  des  nerfs  sciatiques  peut  cesser  de 
co'incider  avec  la  région  présumable  des  vertèbres  sacrées.  Les  vertèbres 
sacrées,  partout  où  elles  sont  distinctes  et  reconnaissables,  partout  où  elles 
ont  des  caractères  réels  et  où  elles  jouent  le  rôle  de  sacrum,  précèdent 
immédiatement  les  vertèbres  caudales.  C’est  là  un  fait  qui  ne  souffre  pas 
d’exception.  Là  où  finissent  les  vertèbres  sacrées  commencent  les  vertèbres 
caudales,  avec  leurs  caractères  distinctifs.  Ce  fait,  très-général,  permet  de 

1 Le  sacrum  proprement  dit  ne  comprend  en  effet  que  les  vertèbres  qui  s'articulent  direc- 
tement avec  l’iléon.  Chez  les  Mammifères;  au  sacrum  proprement  dit  formé  par  les  vertèbres 
qui  s’articulent  avec  l’iléon  et  qui  sont  au  nombre  de  une,  le  plus  souvent  de  deux,  rarement 
de  trois,  s’ajoutent  assez  souvent  quelques  vertèbres  ankylosées  avec  les  premières,  sans  rap- 
ports directs  avec  l’iléon,  et  qui  sont  en  réalité  des  vertèbres  caudales  antérieures. 

U 


104 


reconnaître  ia  région  présumée  des  vertèbres  sacrées,  alors  même  que  ces 
vertèbres  n'ont  pas  acquis  les  modifications  de  forme  et  de  rapport  qui  en 
font  de  vraies  vertèbres  sacrées.  Chez  les  Poissons,  par  exemple,  il  y a une 
délimitation  très-nette  des  vertèbres  dorsales  et  des  vertèbres  caudales,  au 
niveau  de  la  région  anale.  Ces  dernières  ont  en  effet  des  caractères  fort 
nets,  étant  pourvues  d’arcs  inférieurs  complets  formant  un  canal  pour  l’ar- 
tère et  ia  veine  caudales. 

On  ne  saurait  donc  refuser  de  considérer  les  dernières  vertèbres  pré- 
caudales comme  correspondant  aux  vertèbres  sacrées  des  autres  Vertébrés  ; 
et  cependant  les  nerfs  destinés  aux  membres  abdominaux  sont  loin  de  cor- 
iespondre  toujours  à cette  légion  de  la  colonne  vertébrale.  Chez  tous  les 
Malacoptérygiens  subbraehiens,  les  os  qui  représentent  le  bassin  et  les 
nageoires  qu’ils  supportent,  ont  été  transportés  au  voisinage  et  môme  parfois 
en  avant  des  membres  antérieurs  ou  brachiaux.  Or,  les  nerfs  qui  se  ren- 
dent, soit  aux  muscles  supérieurs  des  os  du  bassin  (fléchisseurs  et  adduc- 
teurs de  la  nageoire  abdominale),  soit  aux  muscles  inférieurs  (extenseurs  et 
abducteurs  de  ia  nageoire),  naissent  des  nerfs  rachidiens  qui  correspondent 
à la  région  où  le  membre  se  trouve  placé,  et  par  conséquent  des  nerfs  plus 
ou  moins  antérieurs  du  tronc.  11  ne  viendra  certainement  à l’esprit  de  per- 
sonne de  transporter  à ce  niveau  la  région  sacrée  de  la  colonne  vertébrale, 
et  d’interposer  ainsi  entre  elle  et  la  région  ano-caudale  toute  une  longue  série 
de  vertèbres  abdominales.  L’origine  des  nerfs  des  membres  n’a  rien  de  fixe 
et  de  déterminé  quant  à la  portion  de  la  colonne  vertébrale  de  laquelle  ils 
proviennent.  Ils  peuvent  appartenir  à un  point  quelconque  de  la  série  ra- 
chidienne. Là  où  naissent  les  bourgeons  latéraux  qui  deviendront  plus  tard 
les  membres,  les  paires  rachidiennes  correspondantes  leur  fournissent  de 
petits  filets  collatéraux,  qui,  par  un  développement  ultérieur  proportionné 
à celui  des  membres,  deviennent  le  tronc  principal. 

On  ne  saurait  donc  prendre  les  origines  des  nerfs  sacrés  et  du  nerf  sciati- 
que comme  déterminant  rigoureusement  les  limites  du  sacrum,  et  exclure 
(comme  l’a  fait  Huxley  pour  la  vertèbre  sac.  «.,  PI.  Vil,  fig.  2)  de  cette 
région  de  la  colonne  vertébrale  une  vertèbre  limitrophe,  par  celte  seule 
raison  que  les  nerfs  qui  sortent  des  trous  intervertébraux,  en  avant  et  en 
arrière  de  cette  vertèbre,  entrent  dans  le  plexus  lombaire  et  non  dans  le 


105 


plexus  sacré  d’où  sort  le  grand  nerf  sciatique.  S’il  est  vrai  que  le  sacrum  et 
l’origine  du  nerf  sciatique  coïncident  généralement,  il  est  donc  tout  aussi  vrai 
que  les  limites  du  sacrum  ne  peuvent  être  rigoureusement  déterminées  par 
l’origine  des  nerfs  du  plexus  sacré.  Peuvent-elles  l’être  par  la  forme  des  ver- 
tèbres? Pas  davantage.  Il  y a en  effet  des  vertèbres  qui  se  modifient  au  voi- 
sinage du  sacrum,  et  qui  acquièrent  des  formes  assez  semblables  à celles  des 
vertèbres  sacrées,  sans  faire  pour  cela  essentiellement  partie  du  sacrum.  Nous 
verrons  en  effet,  chez  les  Oiseaux,  au  niveau  de  l’iléon  antérieur,  une  série 
de  vertèbres  dont  le  nombre  est  très-variable,  qui  sont  ankylosées  entre  elles, 
qui  ont  contracté  avec  l’aile  de  l’iléon  des  rapports  de  contact  et  même  de 
soudure,  et  qui  pourtant  ne  sauraient  être  considérées  comme  étant  réelle- 
ment des  vertèbres  sacrées.  Leur  nombre  est  très-variable  et  dépend  de  la 
longueur  de  l’aile  de  l’iléon  antérieur  (il  peut  y en  avoir  de  trois  à cinq  et 
même  six);  si  bien  que  parfois  les  deux  ou  trois  antérieurs  (PI.  Vit,  fg.  4, 
v.  d.)  portent  des  côtes  mobiles  et  appartiennent  en  réalité  à la  région  thora- 
cique ou  dorsale,  tandis  que  les  autres,  v.  L,  sont  réellement  des  vertèbres 
lombaires. 

Les  caractères  du  sacrum  sont  en  réalité  multiples  et  dépendent  de  plu- 
sieurs conditions.  Le  sacrum  se  compose  en  effet  des  vertèbres  à l’aide  des- 
quelles la  portion  axiale  de  l’iléon  se  fixe  sur  la  colonne  vertébrale,  et  qui  ont 
subi  une  modification  spéciale  de  forme,  en  rapport  avec  ce  mode  de  fixation 
de  l’iléon,  et  non  par  suite  d’une  simple  relation  de  voisinage  et  de  contact, 
soit  avec  l’aile  de  l’iléon  (vertèbres  lombaires  des  Oiseaux),  soit  avec  les  bords 
postérieursde  l’ischion  (Édentés,  quelques  Marsupiaux...  Phascolomys  wom- 
hat).  La  modification  spéciale  de  forme  des  vertèbres  sacrées  est  telle,  qu’elle 
tend  à créer  une  large  surface  de  contact  des  apophyses  latérales  avec  l’iléon. 
Pour  cela,  à la  face  inférieure  de  l’apophyse  trahsverse,  qui  est  supérieure, 
vient  s’ajouter  une  côte  partant  du  corps  ou  centre  même  de  la  vertèbre. 
L’union  de  ces  deux  tiges  osseuses,  soudées  l’une  à l’autre,  constitue  une 
masse  latérale  puissante,  terminée  par  une  surface  élargie  qui  s’unit  à la 
partie  axiale  ou  massive  de  l’iléon. 

L’examen  attentif  de  tous  les  sacrums  proprement  dits'  de  Mammifères, 


1 J’ai  déjà  expliqué  à la  page  103  ce  qu’il  faut  entendre  par  là. 


— 106  — 


groupe  dans  lequel  le  sacrum  est  très— caractérisé  et  très-nettement  délimité, 
permet  de  vérifier  la  justesse  de  la  caractéristique  qui  précède.  Je  puis  en 
dire  autant  du  sacrum  des  Amphibiens  et  des  Reptiles,  ainsi  que  le  démon 
treront  les  considérations  que  je  présenterai  ultérieurement. 

Assise  sur  la  base  que  je  viens  d’établir,  une  détermination  du  sacrum  de 
l’Oiseau  peut  nous  conduire  à des  résultats  qui  ne  manquent  ni  d’intérêt,  ni 
de  justesse,  ni  de  nouveauté. 

Pour  donner  à la  démonstration  qui  va  suivre  plus  de  clarté,  prenons 
pour  base  l’étude  du  bassin  de  Paon,  qui  est  représenté  (PI.  Vil,  fig.  2),  et 
sur  lequel  nous  avons  suivi  précédemment  pas  à pas  les  déterminations  pro- 
posées par  Huxley. 

En  allant  d’avant  en  arrière,  nous  trouvons  d’abord  une  vertèbre,  v.  d., 
qui  porte  une  large  apophyse  transverse  ayant  à sa  base  une  facette  capitu- 
laire et  à son  sommet  une  facette  tuberculaire.  Cette  apophyse  porte  une  pe- 
tite côte,  et  elle  continue  exactement,  quant  à la  forme,  à la  disposition  et 
à la  situation,  la  série  des  apophyses  transverses  dorsales.  Cette  première 
vertèbre  doit  être  considérée  comme  dorsale,  v.  d. 

Elle  est  suivie  de  deux  vertèbres,  v.  L,  dont  les  apophyses  transverses 
sont  moins  proéminentes  et  sans  relation  avec  une  côte.  Je  les  considère 
comme  de  véritables  vertèbres  lombaires.  Elles  sont  ici  seulement  au  nom- 
bre de  deux.  Mais  elles  peuvent  être  plus  nombreuses  chez  d’autres  Oiseaux. 
11  y en  a trois  sur  le  bassin  de  Rapace  (PI.  Vil,  fig.  4,  v.  L).  Elles  sont, 
comme  la  première,  en  rapport  avec  l’aile  de  l’iléon  antérieur. 

Vient  ensuite  une  quatrième  vertèbre,  sac.  a , dont  la  structure  a frappé 
Huxley,  attendu  qu’elle  a une  large  apophyse  provenant  aussi  bien  du  cen- 
tre de  la  vertèbre  que  de  l’arc  neural  et  formant  une  large  masse  qui  vient 
se  terminer  contre  l’iléon.  « Celte  apophyse,  dit  Huxley,  pourrait  très-bien 
«être prise  pour  une  côte  sacrée  et  sa  vertèbre  pour  une  vertèbre  sacrée  propre  » . 
Des  deux  raisons  qui  pour  le  savant  anglais  s’opposent  à cette  détermination, 
il  en  est  une,  l’origine  des  nerfsdu  plexus  lombaire  en  avant  eten  arrière  de 
cette  vertèbre,  à laquelle  je  crois  avoir  suffisamment  répondu.  Quant  à 
l’absenced’un  point  d’ossification  antérieur  pour  représenter  la  côte  sacrée,  je 
n’hésite  pas  à affirmer  que  c’est  là  un  fait  sans  importance,  attendu  que  les 


107 


points  d’ossification  de  la  colonne  vertébrale  présentent  dans  la  série  des 
Vertébrés  une  variabilité  telle  de  présence  ou  de  défaut  qu’il  n’en  est  aucun, 
pas  même  celui  du  corps  ou  centre  de  la  vertèbre,  qui  puisse  être  considéré 
comme  constant  et  essentiel. 

La  vertèbre  sac.  a.  présente  donc,  de  l’avis  même  d’Huxley,  les  caractè- 
res de  forme  que  l’on  trouve  dans  les  vertèbres  sacrées  ; mais  elle  pos- 
sède en  outre  les  conditions  de  situation  de  ces  mêmes  vertèbres,  car  elle 
se  fixe  directement  sur  la  portion  axiale  massive  de  l’iléon  antérieur,  et  elle 
lui  sert  réellement  de  point  de  fixation  et  d’appui.  Je  considère  donc  la  ver- 
tèbre sac.  a.  comme  une  vraie  vertèbre  sacrée.  Elle  est  quelquefois  suivie, 
chez  les  Gallinacés,  d’une  seconde  vertèbre  bien  plus  courte,  mais  présentant 
les  mêmes  caractères,  et  dont  les  masses  latérales  viennent  se  confondre 
avec  elle.  Chez  le  Canard  domestique,  il  y a à peu  près  deux  vertèbres 
d’égal  volume  remplissant  les  mêmes  conditions. 

Je  prie  maintenant  le  lecteur  de  se  souvenir  que  nous  avons  considéré 
l'iléon  antérieur  de  l’Oiseau  comme  représentant  l’iléon  du  Mammifère.  Je  dois 
rappeler  aussi  que,  chez  la  plus  grande  majorité  des  Mammifères,  le  nombre 
des  vertèbres  sacrées  (qu’il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  pseudo-sacrées, 
qui  se  soudent  avec  elles,  mais  qui  sont  sans  relation  avec  l’iléon)  n’est  que 
de  deux , dont  l’antérieure  est  ordinairement  très-forte,  tandis  que  la  se- 
conde est  plus  faible  et  confond  ses  masses  latérales,  relativement  petites, 
avec  celles  de  la  vertèbre  antérieure.  Chez  le  Lièvre,  par  exemple,  chez  le 
Kanguroo,  les  masses  latérales  de  la  deuxième  vertèbre  sont  si  réduites 
qu'elles  arrivent  à peine  au  contact  de  l’iléon,  et  qu’il  n’y  a pour  ainsi  dire 
qu’une  vertèbre  sacrée  effective. 

Si,  en  outre,  on  veut  bien  jeter  les  yeux  sur  les  / îg . 4 et  15  de  la 
Pi.  VI , et  sur  les  fig.  5 et  6 de  la  PI.  XVIII,  où  la  surface  de  contact  des 
deux  vertèbres  sacrées  avec  l’iléon  a été  marquée  par  une  ligne  ponctuée, 
on  ne  pourra  s’empêcher  de  remarquer  combien  la  ressemblance  est  saisis- 
sante entre  la  vertèbre  sa.  a.  de  l’Oiseau  et  le  sacrum  de  Mammifère.  Non- 
seulement  il  y a des  deux  parts  des  modifications  de  forme  et  de  volume  spé- 
ciales aux  vertèbres  sacrées  , mais  encore  ces  vertèbres  ont  des  situations 
identiques  par  rapport  à l’iléon  axial  et  en  avant  de  l'acêtabulum  ou  cavité 
cotyloïde.  Aussi  n’hésité-je  pas  à considérer  la  vertèbre  sac.  a.,  à laquelle 


108  — 


je  donne  le  nom  de  sacrum  antérieur  de  l’Oiseau,  comme  l'homologue  et  le 
représentant  du  sacrum  des  Mammifères.  A l 'iléon  antérieur,  qui  correspond 
à l’iléon  des  Mammifères,  correspond  un  sacrum  antérieur , qui  représente 
le  sacrum  des  Mammifères. 

A ce  sacrum  antérieur  succèdent  cinq  ou  six  vertèbres  dépourvues  de 
côtes,  int.  sac.,  mais  dont  les  apophyses  transverses  grêles  sont  unies  les 
unes  aux  autres  par  des  lamelles  osseuses  minces,  et  vont  s’articuler  avec 
le  bord  supérieur  de  l’iléon.  Celte  région  s’étend  jusqu’en  arrière  del’acéta- 
bulum.  Elle  correspond  à la  région  de  l’iléon  de  l’Oiseau , qui  est  intermédiaire 
ou  commune  à l’iléon  antérieur  et  cà  l’iléon  postérieur,  et  par  conséquent  à 
la  région  de  l’acétàbulum  qui  est  placé  aux  confins  des  deux  iléons.  Ce  sont 
ces  vertèbres  qu’Huxley  considère  à tort  comme  les  homologues  des  vertèbres 
sacrées  des  Reptiles.  Nous  verrons  bientôt  quelle  est  leur  signification.  A ces 
vertèbres  sans  côtes  succède  une  série  de  quatre  vertèbres,  sac.  p.,  qui  possè- 
dent non-seulement  des  apophyses  transverses,  mais  aussi  des  côtes  auxquelles 
Huxley  reconnaît  une  ressemblance  complète  avec  les  côtes  sacrées  propres 
des  Reptiles.  Nous  savons  qu’Huxley  les  considère  néanmoins  comme  des 
vertèbres  caudales  soudées. 

Viennent  enfin  deux  vertèbres,  sac.  lac.,  qui  terminent  cette  masse  an- 
kylosée de  vertèbres,  et  qui  ont  une  forme  réellement  distincte  chez  la  plu- 
part des  Oiseaux  (PI.  VU,  fig.  2,  5 et  4,  sac.  lac.).  Ces  vertèbres  ont  des 
centres  larges  et  peu  allongés  qui  se  distinguent  nettement  des  centres  des 
vertèbres  précédentes,  et  qui  ressemblent  exactement  aux  centres  des  ver- 
tèbres caudales  proprement  dites  qui  leur  font  suite.  Elles  sont  pourvues  à 
la  fois  d’apophyses  transverses  et  de  fortes  et  larges  côtes  qui  se  soudent 
et  forment  des  masses  latérales  élargies  en  dehors  pour  adhérer  à l’iléon 
axial  postérieur,  un  peu  en  avant  de  l’angle  terminal  postérieur  de  cet  iléon. 
Ces  vertèbres  sont  pour  ainsi  dire  dépourvues  d’apophyses  épineuses. 

Aces  deux  vertèbres  succède  la  série  des  vertèbres  caudales  proprement 
dites,  qui  ne  sont  ni  ankylosées  ni  appuyées  sur  l’iléon,  dont  les  appendices 
latéraux  sont  simples,  lamelleux  et  minces,  et  qui  sont  surmontées  d’apo- 
physes épineuses  plus  ou  moins  saillantes. 

Ces  deux  vertèbres,  sac.  lac.,  sont  chez  certains  Oiseaux  (Palmipè- 
des, etc.,)  peu  distinctes  des  vertèbres  précédentes.  Mais  chez  beaucoup 


109 


d’autres,  ces  deux  groupes  sont  très-nettement  séparés  par  bien  des  carac- 
tères que  j’ai  déjà  signalés  chez  le  Poulet,  et  qui  s’accentuent  encore  plus 
dans  certains  cas.  Ainsi,  chez  les  Rapaces,  généralement  les  vertèbres  sac.  p. 
(PI.  VII,  fig.  4)  convergent  en  dehors,  pour  s’unir  en  une  masse  commune 
et  pour  former  un  groupe  très-distinct  situé  dans  la  profondeur  de  l’excava- 
tion du  bassin,  tandis  que  les  deux  vertèbres  ultimes,  sac.  lac.,  sont  sail- 
lantes et  tout  à fait  séparées  des  précédentes.  Il  y a là  deux  groupes  on  ne 
peut  plus  distincts  et  ayant  chacun  une  individualité  bien  marquée. 

Nous  avons  déterminé  la  signification  des  vertèbres  antérieures,  v.  d., 
v.  L,  sac.  a.  ; il  nous  reste  à rechercher  la  valeur  des  vertèbres  suivantes, 
sur  la  description  desquelles  j’ai  dû  insister,  pour  arriver  à des  comparaisons 
précises  et  à des  déterminations  exactes.  Toutefois,  avant  d’aborder  les  der- 
niers problèmes  qui  me  restent  à résoudre,  je  dois  appeler  l’attention  du  lec- 
teur sur  le  sacrum  du  Crocodile. 

Le  sacrum  du  Crocodile  comprend  deux  vertèbres  sacrées  fortement  liées 
par  une  suture.  Chacune  porte  sur  le  côté  des  apophyses  transverses,  dou  - 
blées inférieurement  de  fortes  côtes  dépendant  des  parties  latérales  des  cen- 
tres. Apophyses  transverses  et  côtes  sont  ankylosées  et  forment  des  ailes 
latérales  qui  vont  se  mettre  en  rapport  avec  l’iléon.  Les  ailes  latérales  de  la 
vertèbre  antérieure  sont  relativement  petites  ; elles  s’élargissent  un  peu  à 
leur  extrémité  externe  et  vont  se  mettre  en  rapport  avec  la  face  interne  de 
cette  apophyse  antérieure  de  l’iléon  qui  est  le  rudiment  de  la  portion  axiale 
de  l’iléon  antérieur  (PL  \,fig.. 7,  s.  a.}.  Les  ailes  latérales  de  la  deuxième 
vertèbre  sacrée  sont  beaucoup  plus  volumineuses  ; elles  s’élargissent  consi- 
dérablement en  dehors,  formant  ainsi  une  forte  lame  triangulaire  dont  l’angle 
postérieur  se  prolonge  assez  fortement  en  arrière.  Cette  aile  vient  s’ap- 
puyer par  son  extrémité  externe  sur  la  face  interne  de  l’iléon  postérieur  des 
Crocodiliens,  c’est-à-dire  sur  la  portion  axiale,  massive,  de  cet  iléon,  qu’elle 
accompagne  presque  jusqu’à  l’angle  postérieur  (PI.  y,  fig.  7,  Sm  p.). 

En  somme,  il  y a une  vertèbre  sacrée  qui  est  en  avant  de  la  fontanelle  de 
l’acétabulum  et  sur  laquelle  se  fixe  l’iléon  antérieur  axial,  et  une  vertèbre 
postérieure  à la  fontanelle  de  l’acéta bu lum  et  sur  laquelle  se  fixe  l’iléon  pos- 
térieur axial. 

L’homologie  delà  première  vertèbre  sacrée  crocodilienne  avec  la  vertèbre 


- HO  — 

du  sacrum  antérieur  de  l’Oiseau  et  avec  le  sacrum  des  Mammifères,  ressort 
si  parfaitement  de  l’identité  des  formes  et  des  connexions,  que  je  crois  à 
peine  nécessaire  de  la  faire  remarquer. 

Quant  à la  deuxième  vertèbre  sacrée  des  Crocodiliens,  par  sa  position  en 
arrière  de  la  fontanelle  de  l’acétabulum,  par  ses  rapports  avec  l’iléon  posté- 
rieur, et  même  par  sa  forme  générale  prolongée  en  arrière  et  en  dehors,  elle 
correspond  exactement  à ce  groupe  de  vertèbres  à côtes  de  l’Oiseau  que  j’ai 
désignées  par  les  lettres  sac.  p.,  et  auxquelles  je  donne  le  nom  de  sacrum 
postérieur.  L’espace  situé  entre  le  sacrum  antérieur  et  le  sacrum  posté- 
rieur, et  qui  est  occupé  par  quatre  ou  cinq  vertèbres  sans  côtes,  int.  sac., 
représenterait  l’intervalle  des  deux  vertèbres  sacrées  du  Crocodile,  et  ce  serait 
un  intersacrum.  Aussi  l’ai-je  désigné  par  les  lettres  int.  sac. 

On  ne  saurait  faire  aux  déterminations  qui  précèdent  une  objection  tirée  du 
nombre  des  vertèbres  qui  chez  l’Oiseau  représenteraient  une  seule  vertè- 
bre du  Crocodile,  et  même  l’intervalle  de  deux  vertèbres.  Tout  anatomiste 
habitué  à l'étude  des  séries  vertébrales  sait  bien  que  les  mômes  régions  de 
la  colonne  rachidienne  sont  représentées  de  type  à type  d’animaux,  de  genre 
à genre,  et  parfois  même  d’espèce  à espèce,  par  des  groupes  de  vertèbres 
qui  ne  comprennent  point  le  même  nombre  de  ces  os.  Il  est  môme  cer- 
taines régions  qui,  comme  la  région  cervicale  chez  les  Oiseaux,  la  région  cau- 
dale chez  les  Mammifères  et  chez  les  Reptiles,  présentent  des  variations  d’une 
marge  extrêmement  large.  Tous  les  groupes  de  vertèbres  chez  les  Mammi- 
fères (sauf  la  région  cervicale)  présentent  u/ie  très-grande  variabilité,  et  il 
n’y  a rien  de  choquant  à voir  une  vertèbre,  prise  chez  un  type,  être  repré- 
sentée par  une  série  de  vertèbres  chez  un  type  différent. 

Le  fait  actuel,  du  reste,  trouve  facilement  son  explication  dans  les  mo- 
difications de  forme  que  présente  l’iléon  d’Oiseau  par  rapport  à l’iléon  cro- 
codilien.  L’élongation  considérable  des  portions  axiales  de  son  iléon  anté- 
rieur et  de  son  iléon  postérieur  rendent  raison  de  cette  distance  considérable 
qui  sépare  les  deux  groupes  sacrés,  antérieur  et  postérieur,  en  même  temps 
que  de  la  multiplication  des  vertèbres  sacrées  qui  sont  appelées  à fixer  sur 
la  colonne  vertébrale  l’iléon  postérieur  très-allongé  de  l’Oiseau.  Cela  est  si 
vrai  que  chez  les  Oiseaux  dont  l’iléon  postérieur  se  prolonge  beaucoup  en 
arrière,  comme  chez  les  Palmipèdes,  le  nombre  des  vertèbres  du  sacrum 


postérieur,  sac.  p.,  s’accroît  notablement.  Il  est  de  six  chez  le  Canard  et 
de  neuf  chez  le  Cygne,  par  exemple  ; tandis  que  chez  les  Rapaces,  dont 
l’iléon  postérieur  est  court,  ces  vertèbres  sont  réduites  à trois  (PI.  VII, 
fig.  4).  Les  Gallinacés,  dont  l'iléon  postérieur  a des  dimensions  moyennes, 
ont  généralement  quatre  vertèbres  au  sacrum  postérieur. 

Enfin,  les  deux  dernières  vertèbres,  que  désignent  les  lettres  sac.  lac. 
(PI.  VII,  fig.  2,  5 et  4),  ont  une  signification  curieuse  que  je  désire  signa- 
ler. Si  le  lecteur  veut  bien  étudier  avec  soin  le  sacrum  à deux  vertèbres  d’un 
Lézard  (PI.  VII,  ^.8,  sac.  lac.),  il  se  rendra  compte  des  caractères  nom- 
breux qui  le  rapprochent  de  ces  deux  verlèbres  ultimes  de  l’Oiseau,  auxquelles 
j’applique  la  dénomination  de  sacrum  lacertilien.  Dans  l’un  comme  dans 
l’autre  cas  : centres  vertébraux  larges  et  aplatis,  apophyses  épineuses  peu  sail- 
lantes, ailes  latérales  larges,  aplaties  ; forme  générale  de  la  vertèbre  et  de  ses 
apophyses  très-rapprochéede  celle  des  vertèbres  caudales  qui  suivent,  et  assez 
différente  de  celle  des  verlèbres  qui  précèdent  ; enfin  et  surtout , rap- 
ports avec  l’iléon  axial  postérieur,  fort  loin  en  arrière  de  l’ acétabulum, 
act.,  ce  qui  empêche  toute  assimilation  du  sacrum  lacertilien  avec  le  sacrum 
crocodilien. 

Les  résultats  qui  précèdent,  et  qui  ne  laissent  pas  que  d’être  assez  sur- 
prenants au  premier  abord,  se  justifient  pleinement  quand  on  les  rapporte 
à l’analyse  que  nous  avons  faite  précédemment  de  l’iléon  si  extraordinaire 
de  l’Oiseau.  Il  faut,  en  effet,  considérer  que,  le  sacrum  étant  essentiellement 
destiné  à fixer  l’iléon,  en  contractant  des  rapports  directs  avec  la  partie  mas- 
sive et  axiale  de  ce  dernier,  il  doit  en  résulter  que  la  forme  et  la  direction 
de  l’iléon  déterminent  la  forme  et  la  situation  du  sacrum.  A ce  point  de  vue, 
il  est  juste  de  dire  que  c’est  Y iléon  qui  détermine  le  sacrum;  et  il  n’y  a 
alors  rien  d’étonnant  à ce  que  l’iléon  antérieur  de  l’Oiseau,  représentant 
l’iléon  antérieur  du  Crocodile  et  l’iléon  du  Mammifère,  provoque  la  formation 
d’un  sacrum  antérieur  analogue  à la  vertèbre  sacrée  antérieure  du  Crocodile 
et  au  sacrum  du  Mammifère.  Il  n’y  a rien  d’étonnant  non  plus  à ce  que 
l'iléon  postérieur  allongé  de  l’Oiseau,  qui  reproduit  l’iléon  postérieur  du  Cro- 
codile, demande  la  présence  d’un  sacrum  postérieur  qui  rappelle  la  vertè- 
bre sacrée  postérieure  du  Crocodile.  Enfin,  il  est  parfaitement  admissible 
que  l’iléon  de  l’Oiseau,  fortement  prolongé  en  arrière  de  l’acétabulum, 

to 


comme  celui  des  Lacertiliens,  appelle  la  présence  d’un  sacrum  lacertilien 
placé  à une  grande  distance  de  l’acétabulum.  Il  y a,  dans  les  dispositions 
des  éléments  de  cette  région  du  squelette  que  l’on  nomme  bassin  (iléon  et 
sacrum),  des  corrélations  très-étroites  dont  la  valeur  et  l’importance  sont  en 
rapport  avec  le  haut  degré  de  développement  de  celte  région  chez  l’Oiseau. 
A un  iléon  très-considérable  et  réunissant  un  ensemble  de  caractères  et  de 
conditions  qui  rappellent  le  Mammifère,  le  Crocodilien  et  le  Lézard,  répond 
un  sacrum  non  moins  étendu  et  dans  lequel  se  résument  les  caractères  et 
les  conditions  du  sacrum  dans  ces  trois  mêmes  groupes.  L’iléon  de  l’Oiseau 
étant  une  synthèse  de  l’iléon  des  autres  Vertébrés,  et  surtout  des  Reptiles,  le 
sacrum  de  l’Oiseau  est,  au  même  litre,  une  synthèse  du  sacrum  des  autres 
Vertébrés,  et  particulièrement  des  Reptiles. 

C’est  là  un  résultat  qui  ne  me  paraît  pas  douteux,  et  qui  vient  corroborer 
cette  donnée,  de  la  justesse  de  laquelle  on  ne  saurait  aujourd’hui  douter, 
que  le  type  de  l’Oiseau  est  un  type  mixte,  à affinités  multiples  sans  doute, 
mais  à affinités  surtout  étroites  avec  le  type  reptilien. 

J’ajoute,  en  terminant,  que  la  valeur  du  sacrum  des  Chéloniens  est  en  rap- 
port avec  la  valeur  que  nous  avons  attribuée  à leur  iléon.  Nous  avons  vu 
que  ce  dernier  n’était  qu’un  iléon  crocodilien  rétréci  dans  le  sens  antéro- 
postérieur et  allongé  dans  le  sens  de  l’axe  vertical  et  légèrement  oblique  en 
avant  et  en  bas  de  l’iléon  de  Crocodilel 

Il  résulte  de  cette  transformation  que  le  bord  et  l’angle  antérieurs  de  cet 
iléon  représentent  l’iléon  antérieur  du  Crocodile,  et  sont  en  relation  avec 
une  vertèbre  sacrée  qui  correspond  à la  vertèbre  sacrée  antérieure  du  Croco- 
dile ; tandis  que  l’angle  et  le  bord  postérieurs  prolongés  en  arrière  repré- 
sentent l’iléon  postérieur  crocodilien,  et  sont  attachés  à la  deuxième  vertè- 
bre sacrée  qui  représente  la  deuxième  vertèbre  sacrée  crocodilienne.  11 
s’ensuit  que  le  sacrum  chélonien  répond  exactement  au  sacrum  crocodi- 
lien, mais  nullement  au  sacrum  lacertilien,  fait  qui  est  d’accord  avec  ce  que 
l’on  sait  déjà  des  affinités  étroites  qui  existent  entre  les  Chéloniens  et  les 
Crocodiliens. 


DEUXIÈME  PARTIE 


COMPARAISON  DES  MUSCLES  DES  DEUX  CEINTURES. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES. 

Dans  la  portion  introductive  de  ce  Mémoire,  j’ai  parlé  d’une  manière 
générale  des  principes  qui  doivent  présider  à une  bonne  comparaison  des 
membres.  Quelques-uns  de  ces  principes  ont  trouvé  leur  application  dans  la 
partie  purement  ostéologique  de  ce  travail.  Il  me  reste  à donner  à l’étude 
des  rapports  des  muscles  avec  les  os,  et  à l’examen  des  modifications  intro- 
duites dans  la  situation  des  membres,  toute  l’importance  que  mérite  cette 
portion  très-intéressante  de  mon  sujet. 

Pour  ce  qui  a trait  aux  rapports  des  muscles  avec  le  système  osseux,  je 
dois  commencer  par  établir  certains  principes  qui  sont  le  résultat  de  mes 
très-nombreuses  observations.  Je  le  dois  d’autant  plus  que  ces  principes,  ou 
bien  n’ont  pas  encore  été  formulés,  ou  bien  sont  en  contradiction  avec  les 
idées  reçues  sur  cette  matière.  J’aurai  ainsi  l’avantage  d’avoir  donné  une 
forme  précise  à des  idées  sur  lesquelles  l’attention  sembles’être  peu  portée, 
ou  qui  ont  été  l’objet  de  fausses  conceptions. 

J’ai,  dans  mon  Introduction,  émis  ce  principe  : Que  les  os  sont  faits  pour 
les  muscles  plus  encore  que  les  muscles  pour  les  os.  Ce  qui  revenait  h dire 
que  c’est  le  muscle  qui  fait  l’os,  et  non  l’os  qui  lait  fe  muscle  »;  et  j’ai  ajouté 
quelques  considérations  à l’appui  de  cette  proposition  générale.  Il  est  né- 
cessaire que  j’explique  ma  pensée  à cet  égard  et  que  j’en  précise  la  signifi- 
cation et  la  portée. 

Et  d’abord,  dans  quel  sens  le  muscle  fait-il  l’os?  Est-ce  à dire  que  l’os  se 
développe  et  se  forme  aux  dépens  du  muscle?En  aucune  façon;  mais  cela  si- 
gnifie que  c’est  le  muscle  qui  provoque,  par  sa  présence  et  par  ses  contractions, 


114 


la  transformation  du  tissu  conjonctif  en  tissu  osseux.  Là  où  le  muscle  a 
besoin  d’un  point  d’insertion  solide,  là  où  son  action  demande  un  levier,  là 
aussi  se  trouve  une  saillie  ou  une  tige  osseuse  qui  sont  appelées  à jouer  ce 
rôle.  Là  où  le  muscle  disparaît,  là  où  il  n’est  plus  nécessaire  d’avoir  des 
insertions  fixes  ou  mobiles,  là  où  le  défaut  de  mouvement  ne  réclame  ni 
point  d’appui  solide  ni  levier,  là  aussi  l’os  n’existe  pas,  et  il  est  remplacé  par 
du  tissu  conjonctif  fibreux,  parfois  résistant,  parfois  même  lâche  et  délicat. 

Mais  une  première  restriction  s’impose  à la  généralité  de  l’axiome  ci- 
dessus.  Le  muscle  ne  peut  faire  l’os  que  là  où  l’existence  de  l’os  est  justi- 
fiée par  son  rôle  de  levier  ou  de  point  d’appui.  Il  est  évident  en  effet  que  là 
où  les  os  servent  avant  tout  et  presque  uniquement  d’organes  protecteurs 
(ce  qui  du  reste  n’est  vrai  que  pour  des  parties  très-ci rconscri tes  et  peu  nom- 
breuses du  système  osseux),  dans  la  région  crânienne  par  exemple,  là,  dis-je, 
les  relations  étroites,  les  corrélations  entre  le  muscle  et  l’os  n’ont  pas  de  raison 
d’être,  et  l’os  peut  exister  sans  le  muscle.  Ce  sont  là  des  exceptions  à la 
règle  générale,  mais  en  même  temps  des  exceptions  qui  confirment  la  règle, 
car  elles  ne  s’appliquent  qu’à  une  partie  du  squelette  d’une  origine  spéciale, 
le  dérmo-squeletle  ou  squelette  secondaire.  Partout,  dans  le  squelette  pri- 
mordial, qui  est  essentiellement  le  squelette  de  la  locomotion,  l’os  et  le 
muscle  ont  leurs  existences  étroitement  liées  entre  elles,  tandis  que  dans  le 
squelette  secondaire  ou  dermo-squelette,  qui  est  essentiellement  un  sque- 
lette protecteur,  un  squelette  de  recouvrement,  l’os  peut  être  et  est  le  plus 
souvent  indépendant  de  l’existence  des  muscles. 

Cette  exception  étant  signalée,  les  conclusions  qui  se  déduisent  rigoureu- 
sement du  principe  précédent  sont  que  les  muscles  homologues  s’insèrent 
sur  les  os  homologues  ; que,  là  où  les  muscles  homologues  existent,  les  os 
homologues  existent  aussi  ;etque,  là  où  les  muscles  homologues  font  défaut, 
les  os  homologues  sont  atrophiés  ou  font  également  défaut. 

Une  seconde  conséquence  qui  découle  des  principes  ci-dessus,  c’est  que 
les  insertions  musculaires  ont  une  fixité,  une  constance  remarquables.  C’est 
là  un  fait  que  de  très-nombreuses  dissections  m’ont  permis  de  constater,  et 
qui  est  en  contradiction  avec  ce  que  l’on  pense  généralement  à cet  égard. 
11  n’est  pas  raie  de  voir  considérer  comme  homologues  des  muscles  dont 
les  insertions  diffèrent  essentiellement.  Des  analogies  de  situation,  des  simi- 


litndes  d’action  servent,  bien  à tort,  de  guide  dans  ces  déterminations;  et 
l’on  se  laisse  facilement  aller  à penser  que,  quand  un  os  fait  défaut  pour 
servir  d’insertion  à un  muscle,  il  est  ordinairement  suppléé  par  un  os  voisin. 

Nous  verrons  plus  loin  que  les  muscles  ont  ce  que  j’ai  appelé  des  attaches 
ou  insertions  consécutives , qui  se  font  sur  un  autre  os  que  leur  insertion 
primitive.  Mais  dans  ce  cas  la  disparition  de  l’os  sur  lequel  se  faisait  l’atta- 
che primitive  est,  non  la  cause,  mais  la  conséquence  de  l’établissement  d’une 
attache  consécutive  sur  un  os  différent.  Les  conditions  dans  lesquelles  s’éta- 
blissent ces  attaches  consécutives  ne  permettent  aucun  doute  à cet  égard,  et 
l’on  trouve  donc  encore  dans  ce  cas  une  démonstration  de  ce  principe  que, 
là  où  disparaît  l’attache  musculaire,  là  aussi  disparait  l’os. 

L’idée  des  transpositions  d’attache  est  une  erreur  complète,  à l’appui 
de  laquelle  je  n’ai  pas  trouvé  un  seul  fait  d’une  réelle  valeur,  et  que  l’on 
voit  commise  même  par  les  anatomistes  qui  se  piquent  le  plus  d’exactitude 
et  de  précision.  C’est  ainsi  que  dans  son  Essai  sur  l'appareil  loco- 
moteur des  Oiseaux , M.  Alix,  parlant  du  muscle  biceps  crural  des 
Oiseaux,  ajoute'  : « Il  est  important  de  remarquer  l’insertion  de  ce  muscle 
» sur  l’aile  postérieure  de  l’iléon.  Car  chez  les  Mammifères,  y compris  les 
» Ornithodelphes,  le  biceps  est  un  muscle  de  la  tubérosité  de  l’ischion.  Ce 
» fait  nous  oblige  à admettre  que  des  muscles  homologues  peuvent  subir 
» des  transpositions  d'attache.  » 

Nous  verrons  dans  la  suite  que  le  fait  sur  lequel  s’appuie  cette  dernière 
assertion  est  le  résultat  d’une  fausse  interprétation,  et  que,  bien  observé  et 
bien  compris,  il  fournit  au  contraire  une  preuve  de  plus  à l’appui  de  la  fixité 
des  insertions  musculaires.  Mais,  pour  donner  une  idée  des  conséquences 
singulières  auxquelles  peut  conduire  le  principe  de  la  mobilité  des  inser- 
tions et  des  transpositions  d’attache,  il  me  suffira  de  dire  que,  pour  M.  Alix, 
le  muscle  moyen  pectoral  de  Yicq  d’Azyr,  chez  l’Oiseau,  est  en  réalité  le 
muscle  sus-épineux.  « Le  sus-épineux,  dit-il,  est  tellement  déplacé  et  mo- 
» difié,  qu’il  serait  fort  difficile  de  le  reconnaître  si  l’on  ne  trouvait  pas  chez 
» les  Ornithodelphes  une  disposition  intermédiaire  qui  explique  parfaite- 
» ment  ce  que  l’on  voit  chez  les  Oiseaux.  En  effet,  chez  les  Ornithodelphes , 


1 Alix;  Essai  sur  l’app.  loc.  des  Oiseaux  ; Thèses  de  Paris,  1874. 


116  - 


» de  même  que  chez  les.  Oiseaux,  il  n’existe  pas  de  fosse  sus-épineuse , et 
» pourtant  le  muscle  sus-épineux  existe,  mais  son  insertion  est  rejetée  sur 
» la  face  interne  du  col  de  l'omoplate.  Chez  l’Oiseau,  le  muscle,  qui  ac- 
vquiert  un  développement  énorme , va  chercher  ses  insertions  sur  le  ster 
» num,  sur  la  clavicule , sur  l’os  coracoïdien,  et  sur  la  membrane  sterno- 
» cléido-coracoidienne' .» 

Laissant  de  côté  pour  le  moment  la  proposition  peu  exacte  relative  au 
sus-épineux  des  Ornilhodelphes,  proposition  sur  laquelle  je  reviendrai  du 
reste  à propos  de  ce  muscle,  je  me  borne  à faire  remarquer  combien  de  tels 
moyens  de  détermination,  basés  sur  le  principe  des  transpositions  d’attache, 
peuvent  conduire  à des  résultats  qui  ne  supportent  pas  l'examen.  Le  pecto- 
ral moyen  des  Oiseaux  est  un  véritable  pectoral  ayant  des  insertions  réelle- 
ment pectorales;  et  il  est  par  trop  irrationnel  de  le  considérer  comme  un 
sus-épineux  sans  rapports,  non-seulement  avec  une  fosse  sus-épineuse,  mais 
même  avec  une  portion  quelconque  du  scapulum.  En  se  laissant  aller  à de 
tels  procédés,  on  arriverait  facilement  à démontrer  qu’un  muscle  coccygien 
s’est  peu  à peu  transporté  à la  face. 

j’ai  cité  les  exemples  empruntés  à l’ouvrage  de  M.  Alix,  pour  montrer 
jusqu’où  peuvent  conduire  de  faux  principes  de  détermination  ; j’aurais  pu 


1 Je  tiens  à citer  ici . en  note,  encore  quelques  lignes  de  M.  Alix,  pour  montrer  à quelles 
aberrations  de  détermihations  on  arrive  avec  des  points  de  départ  aussi  faux.  « Le  muscle  qui 
» (chez  les  Lacertiliens)  répond  au  sus-épineux,  et  par  conséquent  au  moyen  pectoral  des  Oi- 
» seaux,  se  fixe  à la  tubérosité  externe  de  l'humérus,  au-dessous  du  grand  pectoral  ; il  recou- 
« vre  l’épicoraco-huméral,  passe  sous  la  clavicule,  contourne  cet  os,  et  va  s'insérer  sur  la  face 
» superficielle  de  l’épi-sternal.  C'est  encore  une  nouvelle  variété.  Ainsi,  ce  muscle  s’insère  : 
« chez  les  Mammifères  monodelphes  et  didelphes,  dans  la  fosse  sus-épineuse  ; chez  les  Orni- 
» thodelphes,  en  dedans  du  col  de  l'omoplate  ; chez  les  Oiseaux  à sternum  caréné,  sur  le  ster- 
» num  ; chez  l’Autruche,  sur  la  face  externe  du  coracoïdien;  chez  les  Tortues,  sur  la  face 
» externe  du  coracoïdien,  de  la  membrane  acromio-coracoïdienne,  et  de  l’acromion  ou  précora- 
» coïdien  (M.  Alix  confond  à tort  l’acromion  et  le  précoracoïde)  ; chez  le  Monitor,  à la  face 
» superficielle  de  l'inter-clavicule,  après  s’être  réfléchi  sur  la  clavicule  ; chez  les  Oiseaux  à 
» sternum  caréné  et  chez  les  Mammifères  didelphes  et  monodelphes,  il  traverse  un  trou  sus- 
» glénoïdien.  » Voilà  bien  des  transports  et  des  déménagements  singuliers  ! Je  sais  bien  que 
la  matière  musculaire  est,  de  sa  nature,  souple,  maniable,  et  plastique  ; mais  il  ne  faut  pas 
cependant  en  abuser,  et,  en  présence  d'un  protée  pareil  à ce  muscle  sus-épineux,  on  croit  rêver, 
et  l’on  se  souvient  involontairement  de  l'étymologie  du  mot  Cheval,  qui  viendrait  d’Equus 
mais  avec  bien  des  changements  sur  la  route. 


117 


en  ajouter  d’autres,  puisés  chez  un  très-grand  nombre  d’anatomistes,  pris 
même  parmi  les  plus  distingués  et  les  plus  célèbres,  qui,  sans  avoir  cepen- 
dant, comme  M.  Alix,  érigé  en  principe  l’inconstance  et  la  transposition  des 
insertions  musculaires,  se  sont  laissés  aller  à accepter  des  déterminations  qui 
prouvent  qu’ils  n’ont  point  attribué  aux  insertions  musculaires  une  fixité  et 
une  constance  rigoureuses. 

î.es  insertions  musculaires  ne  se  transposent  point,  elles  ne  passent  pas 
d’un  os  à l’autre;  et  par  os  je  désigne  ici,  non-seulement  l’os  considéré 
comme  un  tout,  comme  une  masse  osseuse,  continue,  mais  encore  les  élé- 
ments importants  essentiels , qui,  d’abord  séparés  comme  points  d’ossifica- 
tion dinstincts  d’une  même  masse  cartilagineuse,  peuvent,  suivant  les  cas, 
rester  distincts  pendant  tout  le  cours  de  la  vie,  ou  devenir  coalescents  pour 
constituer  un  os  unique  d’origine  complexe.  C’est  ainsi,  par  exemple,  qu’un 
muscle  qui  s’insère  uniquement  à l’os  iliaque  et  non  au  sacrum,  n’est  pas 
représenté  par  un  muscle  qui  s’insère  au  sacrum  et  non  à l’iliaque,  mais 
encore  qu’un  muscle  qui  s’insère  à l’ischion  n’est  représenté  que  par  un  mus- 
cle ischiatique  et  non  par  un  muscle  pubien  ou  iliaquej  et  ainsi  de  suite. 
Ce  qui  est  vrai  de  l'homologie  des  muscles  dans  une  même  région  considérée 
chez  divers  représentants  du  type  vertébré,  est  aussi  vrai  dans  les  rapports 
qui  concernent  l’homotypie  : ainsi,  un  muscle  coracoïdien  n’est  représenté 
que  par  un  muscle  ischiatique,  un  muscle  scapulaire  que  par  un  muscle 
iliaque,  et  un  muscle  précoraco'idien  que  par  un  muscle  pubien. 

La  spécialisation  des  insertions  sur  des  points  particuliers  et  limités  se 
retrouve  même  assez  souvent  avec  une  fixité  remarquable,  ainsi  que  nous  le 
démontrerons  dans  les  études  qui  vont  suivre.  Généralement,  en  effet,  un 
muscle  qui  s’insère  sur  une  région  bien  caractérisée  et  bien  délimitée  d’un 
os  chez  un  Vertébré,  se  retrouve  dans  des  conditions  identiques  ou  très-peu 
différentes  chez  les  Vertébrés  qui  ne  sont  pas  trop  distants  du  type  pris  pour 
point  de  départ.  Et  dans  tous  les  cas,  chez  un  même  animal,  les  insertions 
musculaires  comparées  dans  deux  régions  homotypiques,  comme  la  ceinture 
thoracique  et  le  membre  antérieur  d’une  part,  et  la  ceinture  pelvienne  et 
le  membre  supérieur  d’autre  part,  présentent  toujours  une  ressemblance 
remarquable  et  parfois  une  identité  parfaite  qui  m’a  souvent  frappé  et  qui 
a été  pour  moi  la  source  et  l’occasion  de  révélations  bien  inattendues.  Ainsi 


— 118  - 

verrons-nous  que  les  muscles  qui  prennent  leur  point  fixe  sur  tel  bord,  sur 
telle  éminence,  sur  telle  face,  sur  telle  extrémité  d’un  os  appartenant  à la 
ceinture  thoracique,  ont  très-fréquemment  pour  homologues  des  muscles 
s’insérant  sur  le  bord,  sur  l’éminence,  sur  la  face  et  sur  l’extrémité  homo- 
types  de  la  ceinture  pelvienne. 

11  est  juste  néanmoins  de  dire  que  dans  quelques  cas,  assez  rares  pour- 
tant, les  attaches  musculaires  semblent  se  mouvoir  à la  surface  du  même 
os,  dans  un  rayon  d’une  certaine  étendue,  mais  toujours  assez  limité.  Je 
signalerai  ces  cas  au  lecteur  lorsqu’ils  se  présenteront  à nous  dans  la  suite  de 
ce  travail. 

Les  muscles  sont  réellement  déterminés  par  leurs  insertions,  mais  ils  ne 
ie  sont  ni  par  leur  trajet  ni  par  leur  action.  On  conçoit  en  effet  que  l’un  et 
l'autre  de  ces  éléments  de  l’histoire  du  muscle  puissent  être  fortement  altérés 
par  les  modifications  de  situation,  de  direction  et  de  développement  des 
pièces  osseuses  avec  lesquelles  ils  sont  en  relation,  soit  d’insertion,  soit  de 
trajet.  Un  muscle  extenseur  peut  devenir  fléchisseur,  suivant  que  la  saillie 
osseuse  à laquelle  il  s’insère  se  prolonge  ou  ne  se  prolonge  pas  au-dessus  de 
l’axe  des  mouvements  articulaires.  L’action  des  muscles  ne  doit  donc  être 
considérée  que  comme  très-secondaire  dans  la  détermination  des  homologies. 
Des  muscles  d’action  contraire  sur  deux  membres  ou  chez  des  animaux  diffé- 
rents peuvent  être  exactement  homologues  l’un  de  l’autre.  Des  muscles  ana- 
logues par  le  résultat  de  leur  action  peuvent  n’avoir  entre  eux  aucune  relation 
d’homologie. 

Quant  au  trajet  des  muscles,  nous  verrons  par  quelques  exemples  remar- 
quables combien  les  inégalités  ou  les  différences  de  développement  entre  les 
pièces  homologues  d’une  région  du  squelette  peuvent  entraîner  de  différences 
dans  le  chemin  parcouru  par  un  muscle.  L’occlusion  d’un  orifice  de 
passage,  une  saillie  osseuse  plus  accentuée,  peuvent  provoquer  des  déviations 
très-prononcées.  De  là  résultent  des  différences  de  trajet  qui  sont  capables 
de  masquer  les  homologies,  mais  non  de  les  anéantir. 

Il  résulte  de  là  que  les  connexions  des  muscles  entre  eux  ne  doivent  être 
que  d’un  intérêt  secondaire  dans  la  fixation  des  homologies.  Les  connexions 
des  muscles  homologues  peuvent  varier  en  effet  et  différer  parfois  d'une 
façon  remarquable.  Ces  connexions  sont  déterminées  par  les  relations 


— H 9 — 


des  os  entre  eux  , et  les  situations  relatives  des  parties  du  squelette  amè- 
nent parfois  des  modifications  importantes  dans  les  rapports  des  muscles 
qui  en  naissent.  Je  tiens  à citer  ici  quelques  exemples  entre  mille.  Chez  les 
Mammifères,  dont  l’ischion  et  le  pubis  sont  peu  distants  l’un  de  l’autre  et  se 
réunissent  par  leurs  extrémités  distales  pour  circonscrire  un  trou  obturateur 
complet,  les  muscles  obturateurs  interne  et  externe  ont  leurs  chefs  contigus  et 
sont  confondus  même  en  une  masse  aplatie  unique,  qui  tapisse  la  membrane 
obturatrice  et  les  portions  voisines  des  faces  correspondantes  de  l’ischion  et 
du  pubis.  Aucun  muscle  ne  s’interpose  donc  entre  les  deux  chefs  ischiatique 
et  pubien  de  l’obturateur  externe,  et  les  muscles  grand  adducteur  et  demi- 
membraneux  s’insèrent  sur  la  branche  ascendante  de  l’ischion  et  la  tubéro- 
sité ischiatique,  tout  à fait  en  dehors  de  l’espace  circonscrit  par  les  insertions 
de  l’obturateur  externe. 

Il  n’en  est  pas  de  même  chez  les  Crocodiiiens,  dont  le  pubis,  fortement 
porté  en  avant,  est  séparé  de  l’ischion  par  un  vaste  intervalle  ouvert  en 
dedans  et  occupé  par  une  membrane  obturatrice  fibreuse  formée  par  des 
faisceaux  entre-croisés.  Ici,  les  chefs  pubiens  et  ischiatiques  des  obtu- 
rateurs sont  fortement  écartés  l’un  de  l’autre  et  séparés  par  un  angle 
largement  ouvert  en  dedans.  Dans  cet  angle  d’écartement  viennent  s’insérer 
sur  le  bord  antérieur  de  l’ischion  : d’une  part,  en  dedans,  le  grand  adducteur 
fémoral,  qui  va  de  l’ischion  à la  tubérosité  interne  de  l’extrémité  inférieure 
du  fémur,  et,  d’autre  part,  en  dehors  du  grand  adducteur,  le  muscle  demi- 
membraneux,  qui  va  plus  tard  se  réunir  avec  le  demi-tendineux  en  un  tendon 
commun  qui  s’applique  sur  la  face  interne  de  l’extrémité  supérieure  du  tibia 
et  s’y  insère  jusqu’à  la  tubérosité  antérieure  de  cet  os. 

11  en  résulte  que  dans  leur  moitié  centrale  les  muscles  grand  adducteur 
et  demi-membraneux  sont  interposés  entre  le  chef  pubien  et  le  chef  ischia- 
tique de  l’obturateur  interne,  ce  qui  établit  des  connexions  bien  différentes 
de  celles  que  nous  avons  constatées  chez  les  Mammifères. 

11  y a à ce  niveau,  chez  l’Alligator,  une  modification  remarquable  des 
connexions  musculaires.  En  effet,  tandis  que  chez  les  Mammifères  les  inser- 
tions ischiatiques  du  demi-tendineux  et  du  demi-membraneux  sont  contiguës 
et  que  ces  deux  muscles  sont  appliqués  l’un  à l’autre  dans  tout  leur  parcours, 
sans  l’interposition  d’un  autre  muscle,  il  en  est  tout  autrement  chez  l’Alligator. 

16 


120  — 


En  effet,  tandis  que  le  demi-membraneux  s’attache  sur  le  bord  antérieur 
de  l'ischion  en  dehors  de  l’attache  du  grand  adducteur,  le  demi-tendineux 
s’attache  sur  la  tubérosité  ischiatique  elle-même,  c’est-à-dire  sur  l’extrémité 
postérieure  de  l’épiischion,  et  va  ensuite  se  réunir  avec  le  demi-membraneux 
en  un  tendon  qui  s’insère  sur  le  tibia,  ainsi  que  nous  venons  de  le  voir.  Ces 
deux  muscles  forment  donc  un  muscle  biceps  dont  les  deux  chefs  centraux 
sont  écartés,  l’un  de  l’autre  et  entre  ces  deux  chefs  s’interpose  le  chef  ischia- 
tique de  l’obturateur  externe.  Voilà  donc  des  connexions  nouvelles  qui  ne 
portent  aucune  atteinte  à la  signification  homologique  des  muscles  , car 
j’affirme  qu’il  est  impossible  d’attribuer  aux  muscles  dont  je  m’occupe 
actuellement  des  déterminations  différentes  de  celles  que  je  leur  donne  ici, 
et  qui  sont  le  résultat  de  dissections  et  d’observations  très-attentives.  Les 
insertions  sont  du  reste  très-précises,  très-significatives,  et  ne  permettent 
aucun  doute. 

Un  autre  exemple  me  suffira  pour  démontrer  combien  le  trajet  d’un 
même  muscle  peut  varier  suivant  la  situation  des  os.  Le  chef  pubien  de 
l’obturateur  interne  passe,  chez  les  Ampbibiens  et  chez  les  Reptiles,  au-de- 
vant du  pubis  et  se  réfléchit  sur  le  bord  pectinéal,  pour  aller  s’insérer  sur  le 
fémur.  Il  sort  donc  de  la  ceinture  pelvienne  par  l’orifice  antérieur  de  celte 
ceinture.  Chez  les  Oiseaux,  ce  chef  pubien  sort  par  le  trou  sous-pubien, 
c’est-à-dire  par  le  trou  obturateur,  entre  le  pubis  et  l’ischion.  Chez  les 
Mammifères,  ce  même  muscle  sort  du  bassin  en  arrière  de  l’ischion  par 
l’échancrure  sciatique,  et  conséquemment  par  l’orifice  postérieur  de  la  cein- 
ture. Le  chef  ischiatique  du  même  obturateur  sort  par  l’orifice  postérieur  de 
la  ceinture  chez  les  Reptiles  et  chez  les  Mammifères,  et  par  le  trou  obtura- 
teur chez  les  Oiseaux. 

Les  faits  que  je  viens  d’exposer  suffisent  pour  démontrer  que  les  con- 
nexions des  muscles  entre  eux,  leur  trajet,  sont  des  caractères  inconstants 
et  par  suite  secondaires,  dont  les  variations  n’influent  pas  sur  la  valeur 
homologiquesdes  muscles.  Ils  ne  peuvent  donc  servir  à l’établissement  des 
homologies.  Les  insertions,  les  attaches  musculaires,  ont  seules  le  caractère 
de  fixité  et  de  constance  qui  en  font  de  bons  critères  des  homologies.  Voilà 
pourquoi,  contrairement  à tout  ce  qui  a été  fait  jusqu’à  présent,  je  remplace 
hardiment,  dans  l’étude  comparée  du  système  musculaire,  le  principe  des 


connexions  par  celui  des  insertions.  Il  est  vrai  que  les  insertions  sont 
aussi  des  connexions , et  il  y a alors  lieu  de  reconnaître  pour  l’étude  des 
muscles  une  subordination  des  connexions,  les  connexions  avec  les  os  étant 
de  beaucoup  les  plus  significatives  et  les  plus  importantes. 

Les  homologies  musculaires  peuvent  être  masquées  par  des  différences 
d’insertions  osseuses  qui  sont  purement  consécutives,  mais  qui  n’appartien- 
nent pas  à la  distribution  primitive  du  système  musculaire.  On  peut  en  effet 
établir  comme  règle  que  tout  tendon  qui  appuie  sur  une  saillie  osseuse 
sans  être  appelé  à subir  sur  elle  des  mouvements  de  glissement , finit  par 
adhérer  à cette  saillie , et  semble  par  conséquent  y prendre  insertion.  Je 
donne  à ces  muscles,  à ces  tendons  la  désignation  de  muscles  ou  de  tendons 
interrompus.  Cela  se  produit,  par  exemple,  lorsque  le  tendon  passe  sur  une 
saillie  immobile  par  rapport  à l’insertion  première  du  muscle,  comme  l’est 
l’ischion  par  rapport  à l’iléon  et  au  pubis,  comme  l’est  une  saillie,  une 
éminence  d’un  os,  par  rapport  aux  autres  portions  du  même  os.  Dans  ce 
cas,  le  tendon  adhère  à la  saillie,  qui  constitue  pour  lui  une  insertion  con- 
sécutive ou  réelle,  tandis  que  l’insertion  primitive  ou  rationnelle  perd 
de  son  importance  et  peut  même  arriver  à disparaître  entièrement.  Mais 
il  arrive  dans  la  plupart  des  cas  que  la  partie  du  tendon  comprise  entre 
l’insertion  primitive  et  l’insertion  consécutive  est  conservée  à l’état  de 
ligament  tendu  entre  les  deux  pièces  osseuses,  qui  ont  entre  elles  des  rap- 
ports fixes.  Ce  sont  là  des  faits  dignes  d’attention,  et  dont  nous  retrouverons 
quelques  exemples  remarquables,  exemples  mal  compris,  considérés  à tort 
comme  des  transpositions  d’attache,  et  qui,  loin  de  combattre  la  loi  de 
constance  des  insertions,  la  confirment  d’une  manière  éclatante  et  rendent 
compte  de  certaines  dispositions  anatomiques  tout  à fait  incomprises  jusqu’à 
présent. 

Ce  qui  précède  s’applique  également  aux  rapports  des  muscles  avec  les 
ligaments  fixes  et  les  aponévroses.  Lorsqu’un  tendon  musculaire  a des  relations 
de  contact  et  de  pression  contre  ces  organes,  sans  conserver  sur  eux  des 
mouvements  de  glissement,  il  y a ordinairement  adhérence  du  muscle  avec 
le  ligament  et  avec  l’aponévrose,  aussi  bien  que  dans  le  cas  du  muscle  et 
de  la  saillie  osseuse  sur  laquelle  il  est  appliqué. 


122  — 


il  est  un  ordre  de  muscles  qui  ont  pu  faire  croire  à tort  à des  transposi- 
tions, à des  variations  d’attache.  Ce  sont  les  muscles  dont  une  des  extré- 
mités s’insère  à la  fois  sur  deux  os  ou  sur  deux  portions  distinctes  du  même 
os;  les  muscles,  en  un  mot,  qui  ont  une  double  insertion.  Il  arrive  assez  sou- 
vent, en  recherchant  les  homologues  de  ces  muscles  chez  des  types  ou  des 
formes  animales  différentes,  qu’on  ne  trouve  qu’une  seule  des  deux  inser- 
tions, tantôt  l’une,  tantôt  l’autre;  et  l’on  serait  alors  disposé  à considérer 
ces  muscles  comme  ayant  transposé  leurs  insertions,  si  l’on  ne  savait  que 
dans  leur  forme  primitive  ces  muscles  ont  une  double  attache.  De  ces 
deux  insertions,  une  seule  a été  conservée  sous  l’influence  de  causes  variables 
selon  les  cas,  mais  qui  peuvent  ordinairement  être  ramenées  à des  modifi- 
cations introduites  par  l’adaptation  et  l’hérédité  dans  les  rapports  récipro- 
ques des  deux  os  qui  sont  le  siège  des  deux  insertions,  ou  bien  dans  les 
relations  de  l’os  porteur  de  la  double  insertion  avec  les  os  voisins  et  surtout 
avec  l’attache  de  l’autre  extrémité  du  muscle. 

Il  ne  faut  pas  oublier  de  dire  en  effet  que  les  saillies  osseuses  qui  servent 
d’insertion  aux  muscles  peuvent  subir  des  déplacements  et  des  déformations 
notables  qui  sont  la  conséquence  des  changements  de  relation  entre  les 
muscles  qui  s’y  attachent.  Les  muscles  d’une  région,  et  en  particulier  les 
muscles  qui  concourent  à relier  entre  eux  deux  articles  d’un  membre  ou  ce 
membre  au  tronc,  présentent  des  différences  très-marquées  dans  leur  mode 
de  groupement,  suivant  la  situation  du  membre  et  son  adaptation  à des 
fondions  de  tel  ou  tel  ordre.  Tels  muscles  qui  sont  isolés  et  distincts  chez  un 
animal  ou  dans  l’une  des  deux  paires  de  membres,  deviennent  plus  ou  moins 
coalescenls  et  confondus  en  une  masse  commune  chez  un  autre  animal  ou 
dans  l’autre  paire  de  membres.  De  là  résultent  des  homologies  masquées 
qu’il  faut  savoir  démêler,  et  de  fausses  homologies  qu’il  convient  de  dévoiler. 
De  là  résultent  aussi  des  modifications  frappantes  dans  la  conformation,  le 
volume  et  le  rapport  des  saillies  destinées  aux  insertions  musculaires. 

Celles  de  ces  saillies  qui  sont  voisines  des  extrémités  articulaires  sont 
encore  fortement  influencées  par  le  sens  de  l’action  musculaire,  ou,  en  d’au- 
tres termes,  par  le  sens  des  mouvements  articulaires,  et  par  la  situation,  la 
conformation,  l’étendue  et  la  direction  des  surfaces  articulaires.  Ces  der- 
nières, en  effet,  se  forment  là  même  où  ont  lieu  les  contacts  osseux,  et  se 


— 125  — 

développent  dans  le  sens  où  se  font  les  mouvements.  Elles  présenlent'de  ce 
côté  plus  de  saillie,  ainsi  qu’on  peut  en  juger  par  les  condyles  du  fémur  et 
par  l’extrémité  inférieure  de  l’humérus,  et  leur  accroissement  de  volume 
dans  ce  sens  tend  à déplacer,  à repousser  les  saillies  osseuses  musculaires 
qui  les  avoisinent. 

Les  différences  de  situation  absolue  et  relative  entre  les  tubérosités  ou 
trochanters  huméraux  et  fémoraux,  chez  l’Homme  et  chez  les  Mammifères, 
s’expliquent  parfaitement  en  vertu  de  ces  considérations.  3’aurai  l’occasion 
de  revenir  longuement  sur  ce  sujet  quand  je  m’occuperai  de  la  signification 
des  trochanters. 

Enfin,  il  est  une  catégorie  très-restreinte  de  muscles  qui  pourraient  faire 
croire  pour  eux  à une  variation  possible  dans  leurs  insertions  : je  veux  parler 
de  certains  muscles  réservés  aux  grandes  articulations  ginglymoidales  du 
coude  et  du  genou,  dont  ils  occupent  la  face  de  l’extension.  Ces  muscles, 
connus  sous  le  nom  de  vastes  internes  et  de  vastes  externes,  s’insèrent  au 
coude  sur  l’apophyse  olécranienne  du  cubitus,  tandis  qu’au  genou  leur  inser- 
tion est  rotulienne  et  par  cela  même  tibiale.  Ces  muscles,  dont  les  attaches 
inférieures  ne  portent  donc  pas  sur  des  os  homotypes,  sembleraient  ainsi 
n’avoir  pas  entre  eux  des  relations  d’homologie  qu’il  est  bien  difficile  de 
leur  refuser,  vu  l’étendue,  l’importance  et  la  situation  de  leurs  insertions 
humérales  et  fémorales,  qui  se  correspondent  à tous  les  égards. 

Or,  si  l’on  étudie  avec  soin  l’insertion  inférieure  de  ces  muscles,  on  n’a 
pas  de  peine  à s’apercevoir  que  ces  muscles  sont  ce  que  j’appellerai  des 
muscles  articulaires,  destinés  à s’insérer  sur  les  ligaments  de  l’articulation 
du  coude  et  du  genou,  du  côté  de  l’extension.  Si  ces  articulations,  à flexion 
très-prononcée,  eussent  possédé  du  côté  de  l’extension  des  ligaments  libres 
et  indépendants  du  système  musculaire,  ces  ligaments  eussent  dû  avoir  une 
longueur  considérable  pour  permettre  la  flexion  complète  de  l’article,  et 
eussent  présenté  pendant  l’extension  une  laxité  exagérée  qui  serait  devenue 
la  cause  de  pincements  douloureux,  ou  d’un  défaut  de  solidité  dans  la  demi- 
flexion  et  dans  les  divers  degrés  de  la  flexion  incomplète.  Ces  ligaments 
sont  très-avantageusement  maintenus  dans  une  tension  suffisante  par  l’action 
des  muscles  dont  il  s’agit  ici,  et  dont  ils  sont  devenus  les  tendons.  Mais  les 


124 


ligaments  antérieurs  de  l’articulation  du  genou  s’insèrent  naturellement  sur 
le  tibia,  qui,  chez  l’Homme  et  beaucoup  de  Vertébrés,  constitue  par  excel- 
lence l’os  de  la  jambe  sur  la  face  antérieure  ou  d’extension  du  genou  ; tandis 
qu’au  coude  les  ligaments  postérieurs  de  l’articulation  s’insèrent  au  cubitus, 
qui  constitue  toujours,  à des  degrés  divers,  l’os  par  excellence  de  l’articula- 
tion du  coude  et  occupe  toujours  la  partie  postérieure  de  celte  articulation. 

Les  muscles  ont  donc  des  insertions  homologues  sur  les  ligaments  homo- 
logues ; mais  ces  derniers,  à cause  du  balancement  que  présentent  en  sens 
inverse  les  deux  os  de  la  jambe  et  de  l’avant-bras,  ont  leurs  attaches  prin- 
cipales au  tibia  d’une  part,  et  au  cubitus  de  l’autre.  Néanmoins,  dans  bien 
des  cas  il  est  possible  de  reconnaître'au  genou  des  fibres  péronières  du  triceps 
crural,  de  même  qu’au  coude  on  peut  constater  que  des  fibres  du  triceps 
se  dirigent  vers  le  radius.  Ces  remarques  peuvent  être  surtout  faites  chez 
les  Reptiles,  où  le  péroné  et  le  radius  ne  sont  pas  très-inférieurs,  en  volume, 
au’  tibia  et  au  cubitus.  Ces  traces  d’insertions  radiales  et  péronières  sont 
des  témoins  non  douteux  d’une  insertion  des  muscles  aux  deux  os  du  se- 
cond article  des  membres,  insertion  qui  s’est  limitée,  dans  les  deux  cas,  à 
l’os  principal  de  l’articulation  correspondante. 

Les  muscles  vastes  internes  et  vastes  externes  sont  donc  des  muscles  arti- 
culaires qui  ont  deux  actions  différentes.  Ils  sont  tenseurs  des  liga- 
ments du  côté  de  l’extension,  et  par  cela  même  extenseurs  de  l’articulation 
correspondante.  Seulement,  à cause  môme  de  la  prépondérance  du  rôle 
extensif,  le  rôle  de  tenseur  est  devenu  accessoire  et  secondaire. 

Je  me  borne,  pour  convaincre  le  lecteur  de  l’exactitude  des  propositions 
qui  précèdent,  à lui  recommander  la  dissection  attentive  de  ces  attaches 
musculaires,  et  à lui  rappeler  que  parfois  chez  l’Homme,  où  la  flexion  du 
genou  est  si  prononcée  et  les  tètes  articulaires  sont  si  volumineuses,  il  y a, 
au-dessous  des  muscles  vastes,  un  faisceau  dit  sous-crural , qui  complète  le 
rôle  articulaire  de  ces  muscles  et  qui,  s’insérant  sur  le  cul-de-sac  supérieur 
de  la  synoviale,  en  prévient  le  pincement  pendant  l’extension  de  la  jambe. 
Le  même  fait  se  reproduit  ordinairement  à l’articulation  du  coude,  où 
quelques-uns  des  faisceaux  les  plus  profonds  des  muscles  vastes  se  détachent 
du  corps  des  muscles  pour  s’insérer  sur  la  capsule  synoviale  de  l’articulation 
de  manière  à en  prévenir  le  pincement  pendant  l’extension. 


125 


Je  ne  dois  pas  oublier  de  faire  remarquer  que  dans  certains  cas  les  mus- 
cles peuvent  s’insérer  sur  des  ligaments,  des  aponévroses  ou  des  parties 
fibreuses,  qui  dans  ce  cas  remplacent  les  os  d’insertion  et  servent  pour  ainsi 
dire  de  nouveau  tendon  au  muscle  en  question.  C’est  ainsi  que  les  muscles 
obliques  et  transverses  de  l’abdomen  s’insèrent  sur  la  ligne  blanche  qui  rem- 
place le  sternum.  C’est  ainsi  également  que  le  long  biceps  fémoral,  chez 
l’Homme  et  chez  les  Mammifères,  s’insère  sur  le  petit  ligament  sacro-sciati- 
que, qui  représente  l’iléon  postérieur  des  Reptiles  et  des  Oiseaux.  Il  en  est  de 
même  pour  le  petit  pectoral  des  Mammifères  non  claviculés,  dont  l’insertion 
se  fait  sur  l’aponévrose  sus-épineuse,  qui  remplace  l’acromion  non  développé. 
Mais  il  faut  remarquer  que  ces  cas  se  produisent  surtout  lorsque  le  muscle  a 
déjà  acquis  d’autres  insertions  osseuses  ou  insertions  consécutives,  en  contrac- 
tant des  adhérences.  Il  en  est  ainsi  pour  les  muscles  larges  de  l’abdomen,  qui 
ont  adhéré  au  bassin;  pour  le  biceps  fémoral,  qui  a adhéré  à la  tubérosité  de 
l’ischion;  et  pour  le  petit  pectoral,  qui  a adhéré  à l’apophyse  précoracoïdienne 
et  à la  tubérosité  supérieure  de  l’humérus. 

Il  convient  enfin  de  remarquer  que  les  muscles  disparaissent  là  où  disparaît 
la  mobilité  entre  les  os,  par  suite  d’articulations  symphysaires  ou  de  sutures. 
C’est  ce  que  l’on  voit  pour  les  muscles  qui  auraient  pu  être  appelés  à mou- 
voir le  bassin  sur  la  colonne  vertébrale.  De  telle  sorte  que  la  proposition 
générale:  pas  de  muscles,  pas  d’os,  doit  être  combinée  avec  celle-ci:  pas 
de  mouvements,  pas  de  muscles. 

Les  principes  qui  précèdent  vont  trouver  à la  fois  leur  application  et  leur 
démonstration  dans  l’étude  comparative  que  je  vais  faire  des  muscles  des 
deux  ceintures.  Pour  ce  travail,  qui  ne  manque  ni  de  complexité  ni  de 
difficultés,  je  dois  adopter  un  ordre  spécial  qui  me  servira  de  fil  conducteur. 

. Je  prendrai  pour  point  de  départ  la  comparaison  des  muscles  des  deux  cein- 
tures dans  l’espèce  humaine,  où  ils  sont  plus  généralement  et  plus  in- 
timement connus.  Je  discuterai  soigneusement  les  rapports  homologiques 
des  divers  muscles,  et  pour  cela  j’appellerai  à mon  aide  les  données  et  les 
considérations  de  l’anatomie  comparée,  qui  nous  seront  d’un  puissant  secours, 
et  qui  donneront  à mes  conclusions  une  force  qu’elles  ne  sauraient  avoir 
autrement. 


126  — 


Les  muscles  des  deux  ceintures  peuvent  être  divisés  en  plusieurs  catégories  : 
1°  ceux  qui  attachent  la  ceinture  au  trcnc  ; 2°  ceux  qui  unissent  le  premier 
article  du  membre  (bras  ou  cuisse)  à la  ceinture,  ou  au  tronc,  ou  encore  aux 
deux  à la  fois;  3°  ceux  qui  relient  le  second  article  du  membre  (avant-bras  ou 
jambe)  à la  ceinture;  4°  à ces  trois  catégories,  je  joindrai  les  muscles  qui  relient 
le  premier  article  du  membre  au  second,  à cause  des  relations  intimes  qu’ils 
contractent  avec  quelques-uns  des  muscles  des  trois  premières  catégories. 

Ces  catégories  sont,  on  le  voit,  assez  nombreuses,  et  si  elles  devaient  nous 
servir  rigoureusement  de  classification  dans  notre  étude,  elles  créeraient  de 
très-grandes  difficultés.  11  arrive  en  effet  que  tel  muscle,  qui  dans  Tune  des 
deux  ceintures  relie  plusieurs  parties  du  squelette,  n’est  représenté  dans  l’au- 
tre ceinture  que  par  un  muscle  dont  les  connexions  sont  plus  restreintes,  et 
qui  ne  correspond  en  réalité  qu’à  une  portion  du  premier  muscle.  Toutefois 
le  groupement  précédent  a quelque  chose  d’assez  naturel  pour  qu’on  doive 
le  suivre,  quoique  de  loin. 

Il  est  du  reste  un  autre  point  de  vue  auquel  je  dois  me  placer  dans  cette 
étude,  et  qu’il  faut  combiner  avec  le  précédent  : c'est  la  considération  des 
éléments  osseux  sur  lesquels  s’attachent  les  muscles.  C’est  ainsi  que,  suivant 
qu’ils  s’insèrent  sur  telle  ou  telle  partie  de  la  ceinture  pelvienne  je  serai 
appelé  à distinguer  des  muscles  iliaques,  épiiliaques  ; des  muscles  ischia- 
tiques,  épiischia tiques  ; coracoïdiens,  épicoracoïdiens  ; précoracoïdiens,  et 
épiprécoracoïdiens. 

C’est  en  me  plaçant  à cedoublepoint  de  vue  que  je  vais  considérer  succes- 
sivement les  divers  muscles  dont  les  homologies  intéressent  l’étude  des  deux 
ceintures. 

PREMIÈRE  CATÉGORIE. 

Muscles  rattachant  les  deux  ceintures  au  tronc.  — Les  muscles  qui 
rattachent  les  ceintures  au  tronc  diffèrent  très-notablement  dans  les  deux 
ceintures.  Cela  s’explique  naturellement  par  les  différences  très-impor- 
tantes que  présentent  les  deux  ceintures  dans  leur  mode  d’attache  au 
tronc.  Tandis  que  l’épaule  est  simplement  suspendue,  et  par  conséquent 
mobile,  la  ceinture  pelvienne  est  solidement  fixée.  Il  en  résulte  que  les 
muscles  suspenseurs  et  moteurs  doivent  avoir  à l’épaule  un  développement 


notable,  tandis  qu’au  bassin  ces  muscles  doivent  faire  défaut  d’une  ma- 
niérée omplète  ou  presque  complète.  Ils  subissent  le  sort  des  muscles  inu- 
tiles, qui  se  transforment  en  ligaments  fibreux,  en  aponévroses,  et  qui  vont 
jusqu’à  disparaître  entièrement  sans  laisser  de  trace  lorsqu’ils  n’ont  pas 
même  à jouer  le  rôle  de  moyens  fixateurs. 

Les  muscles  qui  rattachent  au  tronc  la  ceinture  sont,  chez  l’Homme  : 

Le  trapèze  ; 

Le  rhomboïde  ; 

L’angulaire  de  l’omoplate  ; 

Le  grand  dentelé  ; 

L’omo-hyoïdien  ; 

Le  petit  pectoral. 

Les  muscles  qui  rattachent  au  tronc  la  ceinture  pelvienne  sont  : 

Le  grand  oblique  de  l’abdomen  ; 

Le  petit  oblique  ; 

Le  transverse  ; 

Le  carré  des  lombes  ; 

L’ischio-coccygien  ; 

Le  droit  antérieur  et  le  pyramidal. 

Cherchons  les  homologies  rationnelles  et  non  simplement  apparentes  qui 
peuvent  exister  entre  ces  divers  muscles. 

Grand  oblique,  petit  oblique,  transverse  de  l’abdomen.  — Quels  sont 
les  muscles  qui  dans  la  ceinture  thoracique  correspondent  aux  trois  muscles 
abdominaux  : grand  oblique,  petit  oblique  et  transverse  ? 

ïl  est  à peine  nécessaire  de  démontrer  que  le  grand  oblique  est  représenté 
dans  le  thorax  parles  muscles  intercostaux  externes,  le  petit  oblique  par  les 
intercostaux  internes,  et  le  transverse  par  le  triangulaire  du  sternum.  Les 
rapports  des  muscles  avec  les  côtes,  leur  mode  d’insertion,  les  directions  des 
fibres,  sont  identiques  dans  les  deux  cas,  et  les  homologies  ne  sont  pas  dou- 
teuses. Mais  alors  il  est  digne  de  remarque  que,  tandis  qu’au  bassin  ces  mus- 
cles contractent  des  rapports  considérables  avec  les  os  iliaques,  à l’épaule 
leurs  homologues  sont  entièrement  étrangers  aux  os  de  la  ceinture  corres- 

17 


1 28  - 


pondante.  Il  convient  d’expliquer  ces  différences  considérables  de  relations. 

Au  thorax,  les  parois  osseuses  de  la  cavité  viscérale  se  continuent  en  avant 
jusqu’à  la  ligne  médiane,  et  se  complètent  de  manière  à former  une  cage  ré- 
sistante et  solide  dans  tout  son  pourtour.  La  ceinture  thoracique  est  située 
tout  à fait  en  dehors  de  cette  cage  solide,  et  n’entre  pour  rien  dans  la  con- 
stitulion  des  parois  proprement  dites  de  la  cavité  viscérale. 

Dans  la  région  abdominale,  au  contraire,  la  portion  solide  et  osseuse  de 
la  cavité  viscérale  est  limitée  à une  bande  postérieure  médiane,  formée  par 
la  colonne  lombaire  et  par  le  sacrum.  Les  portions  latérales  et  antérieure  des 
parois  de  la  cavité  sont  composées  de  parties  molles  musculaires  et  fibreuses 
qui  forment  inférieurement  une  sorled’infundibulum  aponévrotique  pourvu 
de  quelques  orifices  (canal  inguinal,  canal  sous-pubien  ou  obturateur,  orifice 
pour  le  passage  du  rectum,  orifice  pour  le  passage  de  l’urèthre,  orifices  vas- 
culaires, etc.).  Il  en  résulte  donc  que  les  parties  molles  des  parois  propres 
de  la  cavité  viscérale,  formées  au  niveau  de  l’abdomen  par  les  muscles  obli- 
ques et  transverses  et  leurs  aponévroses,  sont  continuées  dans  la  cavité  pel- 
vienne par  une  simple  couche  aponévrotique  qui  est  connue  sous  les  noms  de 
fascia  iliaca  et  d’aponévrose  supérieure  du  périnée.  A ce  niveau,  la  ceinture 
correspondante  vient,  comme  à la  région  thoracique,  mais  d’une  manière 
bien  plus  complète,  embrasser  non-seulement  la  portion  solide  des  parois 
abdominales  (sacrum),  mais  encore  les  parois  molles  ou  aponévrotiques 
(aponévrose  périnéale  ou  pelvienne  supérieure).  Mais,  tandis  que  dans  la  ré- 
gion thoracique  les  parois  de  la  cavité  viscérale,  ayant  une  consistance 
propre  suffisante,  peuvent  conserver  leur  autonomie  et  rester  indépendantes 
de  la  ceinture  scapulaire;  à la  région  pelvienne,  les  parois  molles  et  dé- 
pourvues de  solidité  doivent  emprunter  la  consistance  qui  leur  fait  défaut 
aux  parties  osseuses  de  la  ceinture  pelvienne,  sur  lesquelles  elles  s’appuient. 
Elles  deviennent  solidaires  des  os  de  cette  ceinture.  De  là  résultent  des 
adhérences  sur  toutes  les  crêtes,  bords  ou  tubérosités  qui  font  saillie 
(crête  iliaque,  épines  iliaques,  crête  pectinée,  épine  du  pubis,  détroit  supé- 
rieur, etc.).  C’est  ainsi  que  s’établissent  entre  les  os  de  la  ceinture  et  les 
muscles  et  aponévroses  des  parois  viscérales,  des  relations  directes  d’attache 
et  d’insertion  qui  n’ont  rien  d’analogue  dans  la  ceinture  thoracique. 

Nous  trouvons  ici  une  première  démonstration  de  cette  loi  que  j’ai  indi- 


quée  comme  régissant  les  relations  des  saillies  osseuses  et  fibreuses  avec  les 
muscles  qui  s’appliquent  sur  elles  sans  conserver  des  mouvements  de  glisse- 
ment. Des  adhérences  s’établissent,  et  les  saillies  osseuses  deviennent  secon- 
dairement les  points  d’attache  de  muscles  auxquels  primitivement  ils  ne 
devaient  point  fournir  d’insertion. 

On  sait  d’ailleurs  qu’Owen*  a considéré  le  pubis  comme  représentant  une 
côte  postérieure  . Les  insertions  des  muscles  larges  de  l’abdomen  sur  cette 
tige  osseuse  sembleraient  fournir  une  preuve  importante  en  faveur  de  cette 
détermination,  d’ailleurs  inacceptable  ; mais  les  considérations  qui  précè- 
dent me  paraissent  suffire  pour  expliquer  à la  fois  la  différence  des  rapports 
que  les  muscles  des  parois  viscérales  contractent  avec  les  deux  ceintures,  et 
l’insertion  de  ces  muscles  sur  la  ceinture  pelvienne. 

Grand  droit  antérieur  de  l’abdomen  et  pyramidal.  — Ce  qui  vient  d’être 
dit  des  muscles  larges  est  également  applicable  aux  muscles  droits  antérieurs 
de  l'abdomen  et  pyramidaux.  Les  muscles  droits  représentent  à la  région 
abdominale  la  série  de  muscles  médians  antérieurs  longitudinaux  qui,  com- 
mençant en  haut  avec  les  muscles  frontaux,  pyramidaux,  releveurs  superficiels 
delà  lèvre  supérieure  et  du  nez,  peaucier,  génio-byoïdien,  sterno-thyroïdien, 
et,  interrompue  chez  l’Homme  au  niveau  de  la  région  sternale,  recommence 
an  niveau  de  la  région  abdominale,  où  elle  forme  le  droit  antérieur. 

Au  niveau  de  la  face  antérieure  du  sternum  et  des  cartilages  des  vraies 
côtes,  cette  bande  musculaire  subit  la  loi  des  muscles  dont  l’action  est  inu- 
tile, et  qui  sont  sans  glissement  sur  les  surfaces  osseuses  ou  fibreuses.  Ils 
sont  remplacés  par  une  aponévrose  qui  adhère  aux  surfaces  osseuses  ou 
fibreuses  sous-jacentes.  Plusieurs  preuves  peuvent  être  invoquées  en  faveur 
de  celte  sériation  des  muscles  longitudinaux  médians. 

i°  Les  muscles  sterno  mastoïdien  et  sterno-thyroïdien  présentent  assez 
souvent  des  intersections  aponévrotiques  comparables  à celles  du  grand  droit 
de  l’abdomen. 

2°  La  continuité  de  la  série  interrompue  au  niveau  de  la  région  sternale 
est  quelquefois  rétablie  dans  des  cas  anormaux  qui  offrent  de  l’intérêt  à cet 


1 Owen;  Recherches  sur  f Archétype.,  trad.  franc.,  1875. 


1 ôO  - 

égard.  Wood'a  décrit  chez  l’Homme,  sous  le  nom  d esvpracustal,  un  muscle 
anormal  formant  une  bande  musculo-aponévrotique  verticale  qui,  partant, 
soit  du  fascia  cervical,  soit  de  la  première  côte,  recouvrait  les  trois  ou  quatre 
premières  côtes,  près  des  cartilages  costaux.  Wood  cite  plusieurs  cas  de  ce 
genre  qu’il  a observés  lui-même,  et  d’autres  dus  à Lacalister,  au  professeur 
Turner  (d’Edimbourg),  au  Dr  Roberts,  à Bochdalek  et  à Pye-Smith. 

Mais  il  y a une  autre  forme  de  ce  muscle  anormal  qui,  partant  du  bord 
supérieur  du  manubrium  sternal,  forme  une  bande  étendue  sur  les  trois  ou 
quatre  premiers  cartilages  costaux  et  les  portions  voisines  des  côtes,  et  con- 
stitue là  un  véritable  sterno-costal.  11  se  termine  inférieurement  par  une 
aponévrose  qui  atteint  l’aponévrose  des  muscles  abdominaux.  J’ai  observé 
dernièrement  un  muscle  semblable  des  deux  côtés  sur  un  Homme. 

Boerhaave  et  Portai  ont  du  reste  trouvé  le  grand  droit  remontant,  chez 
l’Homme,  derrière  le  grand  pectoral,  jusqu’à  la  troisième  côte  et  jusqu’à  la 
deuxième. 

5°  L’anatomie  comparée,  dont  ces  anomalies  sont  des  réminiscences,  per- 
met de  saisir  les  rapports  de  continuité  que  je  signale. 

Ainsi,  Turner  considère  le  supracoslal  de  Wood  comme  l’homologue  de 
la  prolongation  thoracique  du  grand  droit  des  Mammifères,  qui,  chez  le 
Chat,  la  Loutre , le  Castor,  le  Porc-Épic  et  divers  autres  Mammifères, 
s’étend  en  haut  jusqu’à  la  première  côte,  et  y forme  le  rectus  thoracicus 
de  Turner. 

L’intervalle  qui,  dans  les  anomalies  citées  plus  haut,  sépare  le  supra- 
costal  du  grand  droit,  peut,  d’après  cet  auteur,  être  considéré  comme  une 
des  intersections  aponévrotiques  que  l’on  trouve  invariablement  dans  le 
grand  droit  de  l’Homme  et  d’un  grand  nombre  de  Mammifères. 

Dans  le  Crocodile,  le  professeur  Rolleston1 2  a décrit  un  faisceau  muscu- 
laire qui  part  du  deuxième  cartilage  costal  et  peut  être  considéré  comme 
l'homologue  du  segment  antérieur  du  droit  de  l’abdomen.  11  se  termine  par 
un  tendon  délicat  qui  se  perd  dans  le  sillon  coracoïde  sur  le  sternum,  et  à 
l’origine  du  grand  pectoral. 

1 J.  Wood;  On  a Group  of  Varieties  of  the  Muscles  of  the  Human  Neck,  Schoulder  ancl 
Chest  , etc.  [Philos.  Transactions.  Vol,  160,  Part  I.  pag.  83,  1870. 

2 Rollestoo  ; Mémoire  The  Homologies  of  certain  Muscles  connecled  with  the  Shoulder -joint. 


151 


En  réalité,  le  muscle  grand  droit  de  l’abdomen  est,  comme  les  muscles 
larges,  un  muscle  des  parois  viscérales  qui  adhère  a l’épine  du  pubis  et  à 
la  crête  du  pubis  près  de  Sa  symphyse,  comme  les  muscles  larges  ont  adhéré 
au  pourtour  du  détroit  supérieur  du  grand  bassin. 

Carré  des  lombes.  — Quant  au  carré  des  lombes,  c’est  bien  réellement 
un  muscle  inter-transversaire  très-développé  latéralement  et  qui  a atteint  la 
région  costale.  Ses  congénères  à la  région  cervicale  (inter-transversaires  et 
scalènes)  sont  sans  relations  directes  avec  la  ceinture  thoracique.  A la  région 
pelvienne,  le  carré  des  lombes  ne  prend  sur  le  bord  supérieur  de  l’iléon  que 
des  insertions  assez  limitées,  car  il  s’attache  principalement  sur  une  arcade 
ou  ceinture  aponévrotique  qui  semble  la  continuation  du  ligament  iléo-lom- 
baire.  Les  adhérences  du  carré  des  lombes  sur  la  crête  iliaque  s’expliquent 
comme  celles  des  muscles  précédents,  et  je  ne  crois  pas  avoir  besoin  d’in- 
sister. 

Trapèze.  — Le  trapèze  del’LIomme  forme  un  muscle  unique  qui  résulte 
de  la  fusion  de  deux  masses  musculaires  nettement  distinctes  chez  les  Mam- 
mifères non  claviculés.  L’une  s’insère  à la  crête  de  l’épine  de  l’omoplate  et 
de  l’acromion  ; l’autre  est  claviculaire.  La  portion  scapulo-acromiale,  la  seule 
dont  je  m’occupe  actuellement,  a des  insertions  fixes  sur  le  sommet  des 
apophyses  épineuses  des  vertèbres  cervicales  et  de  la  plupart  des  dorsales, 
et  sur  les  ligaments  inter-épineux  correspondants.  11  n’est  pas  représenté 
à la  région  pelvienne,  ou  ne  l’est,  dans  tous  les  cas,  que  par  les  fibres  super- 
ficielles de  l’aponévrose,  qui  recouvre  la  masse  commune  des  muscles  des 
gouttières  vertébrales  à la  face  postérieure  des  régions  lombaire  et  sacrée, 
et  qui  se  confond  avec  l’aponévrose  d’insertion  du  grand  dorsal.  Une  aponé- 
vrose remplace  donc  le  muscle  trapèze,  dont  l’existence  était  rendue  inutile 
par  la  fixité  de  l’iléon.  Le  muscle  faisant  défaut,  l’épine  du  scapulum  fait 
également  défaut. 

Rhomboïde.  — Le  rhomboïde,  qui  est  placé  immédiatement  au-dessous 
du  trapèze,  et  qui,  partant  du  sommet  des  apophyses  épineuses  des  dernières 
vertèbres  cervicales  et  des  quatre  ou  cinq  premières  dorsales,  et  des  ligaments 


132 


inlerépineux  correspondants  se  rend  aux  deux  tiers  inférieurs  de  l’épisca- 
pulum,  n’est  également  pas  représenté  comme  muscle  à la  région  pelvienne, 
il  est,  comme  le  trapèze,  virtuellement  compris  dans  l’aponévrose  d’insertion 
des  muscles  grand  dorsal  et  petit  oblique,  aponévrose  qui  s’étend  du  sommet 
des  apophyses  épineuses  des  vertèbres  lombaires  et  sacrées  aux  deux  tiers 
postérieurs  de  l’épiiléon.  Au  reste,  les  fibres  superficielles  de  cette  aponé- 
vrose complexe  présentent  des  directions  obliques  de  haut  en  bas  et  de 
dedans  en  dehors,  qui  rappellent  la  direction  des  fibres  des  deux  muscles 
précédents. 

Angulaire  de  l’omoplate. — L’angulaire  de  l’omoplate,  étendu  des  tuber- 
cules postérieurs  des  apophyses  transverses  des  trois,  quatre,  et  quelquefois 
cinq  premières  vertèbres  cervicales,  à la  portion  supérieure  de  l’épiscapn- 
lum,  est  un  muscle  plat  rubané,  subdivisé  supérieurement  en  digitations,  et 
qu’il  est  naturel  de  considérer  comme  un  faisceau  divergent  et  cervical  du 
grand  dentelé,  c’est-à-dire  de  cet  ensemble  de  faisceaux  musculaires  allant  du 
bord  spinal  de  l’omoplate  ou  épiscapulum  aux  appendices  latéraux  (apophyses 
transverses  ou  côtes)  des  vertèbres  cervicales  et  thoraciques,  et  dont  les 
digitations  ont  une  importance  et  une  direction  qui  varient  avec  le  volume 
et  l’étendue  de  ces  appendices.  La  relation  que  j’établis  ici  entre  l’angu- 
laire de  l’omoplate  et  le  grand  dentelé  trouve  une  démonstration  non  sans 
valeur  dans  les  cas  anormaux  assez  nombreux  où  l’angulaire  de  l’omoplate 
naît  des  apophyses  transverses  de  toutes  les  vertèbres  cervicales,  et  même 
de  la  deuxième  côte  et  de  l’apophyse  mastôide.  11  y a dans  ces  cas  une  cou 
tinuité  d’insertions  remarquable  qui  comble  l’intervalle  compris  ordinaire- 
ment entre  les  deux  muscles.  J’exposerai  du  reste,  à propos  de  l’omo- 
hyoïdien,  le  mécanisme  par  lequel  s’est  opérée  la  divergence  de  ces  muscles 
cervicaux.  11  est  logique  de  considérer  l’angulaire  comme  ayant  subi  au 
bassin  le  sort  du  trapèze,  du  rhomboïde  et  du  grand  dentelé,  auquel  il  ap- 
partient, et  de  penser  que,  devenu  muscle  inutile,  il  s’est  réduit  à l’état  de 
ligaments  fibreux.  Les  ligaments  iléo-lombaires  supérieurs  et  inférieurs  qui 
vont  des  apophyses  transverses  des  deux  dernières  lombaires  à la  moitié  pos- 
térieure de  l’épiiléon,  sont  des  angulaires  fibreux  dont  la  force,  la  nature  et 
la  situation  par  rapport  à l’épiiléon  sont  en  harmonie  avec  les  fonctions 


qu’ils  ont  à remplir,  et  avec  la  position  de  l’iléon  par  rapport  à la  colonne 
lombaire. 

Omo-iiyoïdien.  — L’omo- hyoïdien  (étendu  du  bord  supérieur  du  scapu 
Inm,  derrière  l’échancrure  coraco'idienne  dans  une  étendue  de  1 à 5 centim., 
au  bord  inférieur  du  corps  de  l’hyoïde  en  dehors  du  cléido-hyoïdien)  est 
un  muscle  tenseur  d’aponévrose  dont  la  force,  la  disposition  ou  le  nombre 
même  varient  assez  souvent.  11  est  quelquefois  double,  et  M.  Cruveilhier 
cile  un  cas  où  le  muscle  accessoire,  plus  considérable  que  le  muscle  nor- 
mal, naissait  près  de  l’angle  supérieur  et  interne  du  scapulum.  Ce  muscle 
doit,  à mon  avis,  être  considéré  comme  un  faisceau  supérieur  et  divergent 
du  grand  dentelé  ; il  faut  remarquer  en  effet  que  ce  dernier  muscle,  qui  est 
scapulo— costal , a une  première  digitation  très-large  qui,  naissant  de  la  pre- 
mière et  de  la  deuxième  côte,  va  s’insérer  à la  face  interne  de  l’angle  posté- 
rieur et  supérieur  de  l’omoplate.  Les  anomalies  que  je  viens  de  citer  plus 
haut  nous  font  toucher  du  doigt  la  continuité  à ce  niveau  du  grand  dentelé 
et  de  l’omo-hyoidien,  et  nous  permettent  de  concevoir  ce  dernier  muscle 
comme  une  digitation  cervicale  et  divergente  qui  va  s’insérer  à cette  côte 
cervicale,  qui  a reçu  le  nom  d’os  hyoïde.  La  direction  ascendante  et  angu- 
leuse du  muscle  nous  est  du  reste  facilement  expliquée  par  le  mode  de 
développement  de  la  région  cervicale.  Il  est  une  période  de  la  vie  embryon 
naire  où  la  région  cervicale  est  réduite  à des  dimensions  tellement  faibles 
qu’elle  existe  plutôt  virtuellement  que  réellement.  Pour  l’embryon  humain, 
notamment,  de  trente-cinq  et  même  de  quarante  jours  et  au-delà,  le  cou 
n’est  qu’un  simple  étranglement  indiquant  la  séparation  entre  la  région 
céphalique  et  la  région  thoracique.  A trois  mois,  le  cou  a acquis  une  lon- 
gueur relative  qui  est  environ  la  moitié  de  ce  qu’elle  sera  chez  l’adulte.  Ceci 
nous  permet  de  comprendre  clairement  : i°  Que  l’omo-livoïdien  a pu,  dans 
les  premières  périodes  embryonnaires,  être  une  digitation  supérieure  du 
grand  dentelé,  digitation  parallèle  et  contiguë  aux  digitations  suivantes  ; 
2°  Comment,  à mesure  que  la  région  hyoïdienne  s’est  éloignée  de  la  région 
thoracique,  la  digitation  a acquis  cette  obliquité  de  parcours  quelle  a chez 
l’adulte.  La  direction  brisée  et  anguleuse  du  muscle  s’explique  par  celte 
circonstance,  que  le  déplacement  a été  plus  marqué  pour  la  partie  interne 


154 


ou  hyoïdienne,  qui,  étant  la  plus  rapprochée  et  la  plus  directement 
dépendante  de  l'hyoïde,  a suivi  la  migration  en  haut  de  cet  os,  plus  que  ne 
l’a  fait  la  partie  externe  ou  scapulaire. 

La  digitation  omo-hyoïdienne  du  grand  dentelé  n’a  pu,  à cause  de  l’im- 
portance relative  des  parties,  acquérir  un  développement  parallèle  à celui 
des  digitations  omo-costales,  et  il  en  résulte,  entre  les  insertions  de  la  pre- 
mière et  celles  des  secondes,  un  intervalle  qui  est  parfois  comblé  cà  l’état 
normal,  et  qui  se  comble  notamment  dans  les  cas  anormaux  cités  plus 
haut. 

L’existence  normale  de  ce  faisceau  divergent  et  cervical  du  grand  dentelé 
trouve  du  reste  son  explication  et  son  pendant,  dirai-je,  dans  le  développe- 
ment anormal,  chez  l’Homme,  d’un  faisceau  divergent  et  cervical  du  rhom- 
boïde. Wood  a décrit  en  effet,  sous  le  nom  d’occipito-scapulaire,  un  faisceau 
placé  sous  le  trapèze,  qui,  partant  du  bord  spinal  de  l’omoplate,  au  niveau 
de  la  partie  supérieure  du  rhomboïde,  avec  lequel  il  est  confondu  à ce  niveau, 
va  s’attacher  sur  l’occipital  en  dedans  du  splénius  et  sous  le  trapèze.  Wood 
cite  cinq  ou  six  cas  semblables,  dont  l’un  existait  chez  un  sujet  des  deux 
côtés.  On  retrouve  un  muscle  semblable  chez  quelques  Carnivores  qui  sont 
pourvus  d’un  rhomboideus  major,  d’un  rhomboideus  minor,  d’un  occipito- 
scapularis  et  d’un  levator  anguli  scapulæ  inséré  sur  la  crête  mastoïdienne 
de  l’occipital  ( Meles  taxas  ou  Blaireau,  Canis,  etc.).  On  le  trouve  aussi  chez 
la  Taupe,  chez  le  Surmulot  ( Mus  decumanus ),  etc.  Chez  les  Suidés,  il  y a 
aussi  un  faisceau  du  rhomboïde  qui  s’insère  à la  protubérance  occipitale.  Cet 
occipito-scapulaire  anormal  de  l’Homme  et  normal  chez  quelques  animaux, 
où  il  a été  appelé  rhomboideus  capitis  par  Cuvier,  rhomboideus  anterior  par 
Meckel,  levator  scapulæ  minor  vel  posteriori  Douglass  et  Burmeister,  est 
pour  le  rhomboïde  dorsal  ce  qu’est  le  muscle  omo- hyoïdien  pour  le  grand 
dentelé  ventral.  Ce  sont  des  languettes  cervicales  et  divergentes  des  deux 
muscles  que  l’élongation  progressive  du  cou  a détachées  du  bord  supérieur 
des  muscles  thoraciques,  auxquels  elles  appartenaient. 

Le  muscle  omo-hyoïdien,  qui  manque  à la  région  cervicale  chez  la  plupart 
des  Mammifères,  où  l’élongation  démesurée  du  cou  rendait  son  existence 
inutile  et  son  action  impossible,  n’est  pas  représenté  à la  région  pelvienne 
d’une  manière  distincte.  11  n’y  a pas  d’ailleurs  dans  cette  région  de  raison 


pour  le  considérer  comme  divergent  et  séparé  du  muscle  principal,  et  la 
recherche  de  son  homologue  sera  implicitement  renfermée  dans  l’examen 
que  je  vais  faire  des  parties  qui  pourraient,  au  bassin,  représenter  le  grand 
dentelé  thoracique. 

Grand  dentelé. — Le  grand  dentelé  est,  à l’épaule,  un  muscle  très-étendu, 
et  se  compose  de  trois  portions  distinctes  qui  correspondent  aux  trois  régions 
de  l’épiscapulum.  La  première  portion,  ou  portion  supérieure,  s’insère  à la  face 
interne  de  l’angle  supérieur  et  postérieur  de  l’omoplate  (PI.  VI,  fig.  12) 
et  va  à la  première  et  à la  deuxième  côte.  La  seconde  portion,  ou  portion 
moyenne,  s’insère  sur  toute  la  longueur  du  bord  spinal  de  l’omoplate  et  se 
rend  aux  trois  côtes  suivantes.  La  troisième  portion,  ou  portion  inférieure, 
la  plus  volumineuse,  estformée  par  un  gros  faisceau  qui  s’insère  sur  la  face 
interne  de  l’angle  inférieur  de  l’omoplate  (PL  VI,  fig.  12 , surf.  rvg.)  et 
fournit  six  digitations  aux  six  côtes  suivantes.  C’est  donc  essentiellement  un 
muscle  de  la  surface  interne  de  l’épiscapulum,  dont  les  trois  insertions 
peuvent  se  reconnaître  clairement  sur  la  / Ig . 12  de  la  PL  VI.  A ces  inser- 
tions correspondent  des  inégalités  en  forme  de  crête  qui  constituent,  no- 
tamment au  niveau  de  l’angle  inférieur  et  de  l’insertion  de  la  portion  infé- 
rieure, une  surface  inégale,  rugueuse,  de  forme  triangulaire,  surf.  rug.  De 
ces  insertions  scapulaires,  le  grand  dentelé  se  porte  en  avant  vers  les  côtes, 
sur  lesquelles  il  s’applique,  étant  situé  par  conséquent  entre  la  face  interne 
du  sous-scapulaire  qui  est  extérieur  par  rapport  à lui,  et  la  face  externe 
des  parois  thoraciques  qu’il  recouvre. 

Un  muscle  qui,  à la  région  pelvienne,  serait  l’homologue  du  grand  den- 
telé, devrait  s’insérer  sur  toute  la  longueur  de  la  face  interne  de  l’épiiléon, 
(PL  VI,  fig.  13)  et  aurait  une  première  portion  naissant  de  la  face  interne 
de  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure,  une  deuxième  portion  naissant 
de  la  face  interne  de  toute  la  longueur  de  la  crête  iliaque,  et  enfin  une 
troisième  portion  naissant  de  la  face  interne  de  l’angle  postérieur  de  l’iléon 
(PL  VI,  fig.  13,  surf.  rug.).  Nées  de  ces  trois  insertions,  les  fibres  muscu- 
laires devraient  former  un  plan  qui,  appliqué  sur  la  face  interne  du  muscle 
iliaque  et  de  l’os  iliaque  en  arrière,  se  dirigerait  vers  le  détroit  supérieur 
et  la  cavité  du  petit  bassin.  Mais  les  parois  costales  ne  s’étendent  qu’à  une 

18 


faible  distance  de  la  colonne  vertébrale  pour  former  le  sacrum.  Sur  le  reste 
du  pourtour  de  la  cavité  viscérale,  les  parois  de  la  cavité  ne  sont  représentées 
que  par  l’aponévrose  pelvienne  supérieure,  qui  recouvre  le  psoas  iliaque  et 
qui  adhère  au  détroit  supérieur  pour  tapisser  la  cavité  viscérale  du  petit 
bassin.  Cette  partie  aponévrotique  de  la  cavité  viscérale,  dépourvue  de  toute 
partie  osseuse  et  dénuée  de  toute  mobilité,  correspond  précisément  aux 
portions  supérieure  et  moyenne  du  grand  dentelé  scapulaire.  11  p’est  donc 
pas  étonnant  que  ces  portions  fassent  ici  entièrement  défaut.  Il  n’y  a ni  os 
ni  mouvements  possibles,  il  n’y  a conséquemment  pas  démuselés.  Toutefois, 
vers  la  partie  postérieure,  quelques  fibres  ligamenteuses  appartenant  au 
ligament  sacro-iliaque  supérieur,  et  étendues  de  la  base  du  sacrum  à la 
portion  voisine  de  l’épiiléon,  peuvent  être  légitimement  considérées  comme 
représentant  une  partie  de  la  portion  moyenne  du  muscle. 

Quant  à la  troisième  partie  du  grand  dentelé,  elle  se  trouve  dans  de  tout 
autres  conditions.  Ace  niveau,  l’angle  postérieur  de  l’iléon  embrasse  les  côtes 
sacrées,  et  il  y a place  pour  des  moyens  d’union  entre  les  deux  os.  Dans 
leur  intervalle  se  trouvent  situées,  en  effet,  des  fibres  ligamenteuse  serrées, 
puissantes,  qui  vont  de  la  face  interne  de  l’angle  postérieur  de  l’iléon  à la 
face  externe  des  côtes  sacrées,  et  qui,  sous  le  nom  de  ligament  inlerosseux, 
remplissent  l’excavation  profonde  comprise  entre  les  deux  os,  et  constituent 
leur  plus  solide  moyen  d’union.  Je  ferai  remarquer  que  la  surface  iliaque 
d’insertion  de  ce  ligament  interosseux  (PI.  VI,  fig.  13,  surf,  rug.)  cor- 
respond d’une  manière  très-exacte  à la  surface  d’insertion  de  la  portion  in- 
férieure du  grand  dentelé  sur  le  scapulum  (PI.  VI,  fig.  12,  surf,  rug.) 
et  que  les  deux  saillies  qui  sont  connues  sous  le  nom  d’épines  iliaques  pos- 
térieures sont  également  représentées  à la  région  scapulaire.  Seulement, 
tandis  que  dans  le  bassin  s’est  formé,  au  niveau  de  l’épine  iliaque  posté- 
rieure et  inférieure  (PI.  VI,  fig  13,  fac.  aur.  ),  une  surface  articulaire  dite 
auriculaire,  encroûtée  de  cartilage  et  dépourvue  de  ligament  interosseux  ; 
cette  modification  ne  s’est  pas  produite  sur  le  scapulum  , qui  est  resté 
mobile  sur  la  face  interne  des  parois  thoraciques,  et  qui  n’a  pas  contracté  avec 
les  côtes  des  relations  de  contiguïté  symphysaire.  La  surface  auriculaire 
ne  dépend  pas  d’ailleurs  de  l’épiiléon,  mais  de  l’iléon  axial,  et  appartient 
par  conséquent  moins  exactement  à la  région  d’insertion  du  grand  dentelé. 


157 


Les  relations  que  je  viens  d’établir  entre  les  ligaments  interosseux  sacro- 
iliaques  et  la  troisième  portion  du  grand  dentelé  pectoral  trouvent  une 
sorte  de  confirmation  dans  les  dispositions  du  grand  dentelé  chez  certains 
Vertébrés.  C’est  ainsi  que,  chez  les  Ornithodelphes,  le  grand  dentelé,  né  des 
quatre  premières  côtes,  va  s’insérer  sur  l’angle  postérieur  de  l’épiseapulum. 
Or,  comme  on  pourra  facilement  s’en  convaincre  par  l’examen  du  squelette 
de  ces  intéressants  Mammifères,  leurscapulum  est  la  reproduction  vraiment 
remarquable . de  l’iléon  de  certains  Mammifères  et  présente  de  plus,  par 
rapport  au  thorax,  une  situation  et  une  direction  qui  se  rapprochent  extrê- 
mement de  ce  que  l’on  observe  pour  les  os  de  la  ceinture  pelvienne. 
L’homologie  de  l’angle  postérieur  de  l’épiscapulum  de  ces  animaux  avec 
l’angle  postérieur  de  l’épiiléon  ne  saurait  faire  l’objet  d’un  doute. 

Chez  les  Oiseaux,  dont  le  scapulum  est  réduit  pour  ainsi  dire  à la  por- 
tion axiale,  l’épiscapulum  se  trouve  réduit  aussi  cà  la  portion  qui  représente 
l’angle  postérieur  de  l’épiscapulum  des  Mammifères.  Aussi  leur  dentelé,  pre- 
nant naissance  sur  les  deuxième,  troisième  et  quatrième  côtes,  va-t-il  s’in- 
sérer sur  la  face  profonde  de  l’angle  postérieur  du  scapulum. 

Chez  les  Reptiles,  le  grand  dentelé  est  aussi  un  muscle  épiscapulaire,  et 
l’onne  peut  par  conséquent  douter  qu’il  ne  soit  représenté  au  bassin  parles 
ligaments  iléo-sacrés  d’origine épiiliaque. 

Petit  pectoral  et  grand  pectoral.  — Le  petit  pectoral  de  l’Homme  est 
un  muscle  extrêmement  intéressant,  et  dont  les  homologies  demandent  à être 
longuement  discutées.  Avant  d’aborder  directement  son  étude,  il  est  néces- 
saire de  faire  un  examen  général  des  conditions  de  ce  muscle  dans  la  série 
des  Vertébrés  et  en  particulier  chez  les  Mammifères. 

On  trouve  chez  les  Mammifères,  au-dessous  du  muscle  grand  pectoral, 
dont  nous  ferons  plus  tard  l’étude,  une  couche  musculaire  plus  ou  moins 
décomposée  en  digitations  distinctes,  qui  part  du  sternum , des  cartilages 
costaux,  des  côtes  et  même  de  l’aponévrose  abdominale  antérieure,  et  qui  se 
porte  en  dehors,  vers  le  sommet  ou  saillie  de  la  région  scapulo-humérale, 
pour  y contracter  des  attaches  sur  les  diverses  parties  qui  composent  cette 
région  (scapulum  , clavicule,  humérus,  précoracoïde,  scromion,  aponévroses 
et  muscles). 


'i 


De  là,  plusieurs  muscles  que  l’on  a considérés  comme  distincts,  et  qui  ont 
reçu  des  dénominations  spéciales  : 

1°  Un  muscle  sous-clavier,  étendu  du  sternum  ou  du  premier  cartilage 
costal  à la  face  inférieure  de  la  clavicule  ; 

2°  Un  muscle  sterno-scapulaire  parallèle  au  sous-clavier,  dont  il  n’est  pas 
toujours  distinct,  et  considéré  souvent  comme  un  second  sous-clavier.  11  a 
son  point  de  départ  sur  le  sternum  (Coali,  d’après  Meckel),  ou  sur  le  sternum 
et  la  première  côte  (Taupe,  d’après  Wood),  ou  sur  la  première  côte  ( Dasy - 
pus  sexcinctus ),  ou  sur  les  deux  premiers  cartilages  costaux  et  sur  la  partie 
adjacente  du  sternum  (Fourmilier  du  Cap),  et  va  s’attacher  : 

a.  Sur  l'acromion  et  sur  le  ligament  acromio-claviculaire  (Taupe); 

b.  Sur  l’acromion  et  le  fascia  sus-épineux  ( Dasypus  sexcinctus , d’après 
Gallon); 

c.  Par  quelques  fibres  rares  à la  clavicule,  et  par  toutes  les  autres  fibres 
qui  passent  sous  cet  os,  au  coracoïde,  à ses  ligaments,  au  fascia  sus- 
épineux,  et  au  bord  de  l’acromion  (Fourmilier  du  Cap,  d’après  Humphry). 

Ce  muscle  est  peu  indiqué  chez  les  Carnivores.  Chez  la  Belette,  il  y a un 
faisceau  musculaire  détaché  du  pectoral,  qui,  naissantsurle  manubrium,  passe 
sur  la  tubérosité  humérale  et  se  continue  sur  le  sus-épineux  pour  s’insérer 
avec  lui  sur  le  bord  supérieur  et  antérieur  du  scapulum.  Chez  le  Chien, 
quelques  fibres  du  grand  pectoral  sont  différenciées  et  vont  s’attacher  au 
sus-épineux.  Chez  l’Hyène,  il  y a un  muscle  très-large  qui  va  du  sternum  et 
du  premier  cartilage  costal  au  bord  supérieur  du  scapulum. 

Chez  les  Rongeurs,  le  muscle  sterno-scapulaire  est  plus  prononcé,  mais 
plus  ou  moins  confondu  avec  le  sous-clavier,  le  scapulo-claviculaire  et  le 
sterno-claviculaire. 

Chez  le  Lapin,  il  y a un  ensemble  de  muscles  qui  ont  été  considérés  par 
Krause  comme  un  petit  pectoral,  et  par  Cuvier  comme  un  sous-clavier.  Ce 
groupe  forme  un  muscle  aplati,  placé  sous  le  grand  pectoral,  dont  il  ne  se 
distingue  guère  au  voisinage  de  la  ligne  médiane.  Il  se  compose  de  deux 
couches,  l’une  superficielle  et  l’autre  profonde. 

5»  La  couche  superficielle,  triangulaire,  naît  du  sternum  et  se  porte  à la 
clavicule  osseuse  et  au  ligament  claviculaire  externe.  C’est  un  gros  muscle 
sterno-claviculaire. 


i59 


4°  La  couche  profonde  naît  du  manubrium,  du  processus  supra-sternal  ou 
présternum,  et  de  la  face  inférieure  du  sternum»  et,  passant  sous  le  ligament 
claviculaire  interne  et  sous  la  clavicule,  va  former  une  couche  musculaire 
épaisse  sur  le  muscle  sus-épineux,  et  s’insérer  avec  lui  sur  le  bord  antérieur 
du  scapulum  et  sur  l’aponévrose  sus-épineuse.  C’est  là  un  muscle  sterno- 
scapulaire  très-large. 

5°  Du  bord  antérieur  de  la  clavicule  naît  un  muscle  large  qui  va  à l’épine 
du  scapulum,  sur  le  bord  supérieur  de  laquelle  il  s’insère.  C’est  pour  ainsi 
dire  la  continuation  du  sterno-claviculaire  jusqu’au  scapulum,  et  on  doit  le 
désigner  sous  le  nom  de  scapulo-claviculaire.  Ce  muscle  est  encore  plus  dis- 
tinct chez  le  Surmulot  ( Mus  decumanus ) et  chez  le  Cochon  d’Inde  (Cavia 
vulgciris) . 

6°  et  7°  En  outre,  se  trouvent,  en  arrière,  des  bandes  musculaires  contiguës 
avec  les  précédentes,  et  qui  se  portent,  soit  sur  le  trocbiter  et  la  crête  sous- 
trochitérienne  pour  former  le  slerno-trochitérien,  soit  sur  le  trochin,  pour 
former  le  slerno-trochinien. 

8°  et  9°  Quelques  fibres  enfin  s’insèrent  sur  la  capsule  articulaire,  et  quel- 
ques autres,  rares,  à l’apophyse  coracoïde. 

Tel  est  l’ensemble  de  faisceaux  musculaires  qui  constituent  le  petit  pec- 
toral, ou  pectoral  profond  du  Lapin,  et  que  l’on  retrouve,  avec  de  faibles 
différences,  chez  le  Cochon  d’Inde  et  chez  le  Surmulot. 

Chez  1 ’Hyrax  Capensis,  le  sterno-scapulaire  naît  du  sternum  en  avant 
de  l’origine  du  petit  pectoral,  et  va  s’insérer  sur  l’angle  supérieur  et  antérieur 
du  scapulum. 

Chez  l’Agouti  à crête,  le  sterno-scapulaire  se  compose  de  deux  parties  : 
une  large,  venant  du  sternum,  et  une  petite,  venant  du  manubrium  et  des 
premières  côtes.  Quelques  fibres  de  la  grande  portion  sont  attachées  à la 
clavicule  (sterno-claviculaire),  et  les  autres  rejoignent  la  petite  portion,  pour 
s’insérer  près  de  l’angle  supérieur  et  antérieur  du  scapulum  et  sur  le  fascia 
sus-épineux. 

Chez  le  Lièvre,  il  y a un  large  sterno-scapulaire  dont  se  détache  un  petit 
sterno-claviculaire  ou  sous-clavier. 

Chez  l’Écureuil,  il  y a un  sterno-scapulaire  et  un  sterno-claviculaire. 

Chez  les  Pachydermes  et  Ruminants,  le  sterno-scapulaire  atteint  le  plus 


140 


haut  degré  de  développement,  et  surtout  chez  l’Éléphant,  l’Hippopotame, 
les  Peccari,  le  Porc,  le  Cheval  et  l’Ane.  11  forme  chez  ces  grands  animaux 
un  support  musculaire  puissant,  en  forme  de  sangle  suspendue  entre  les 
deux  membres  antérieurs  et  supportant  la  partie  antérieure  du  corps. 

Chez  l’Hippopotame,  Gratiolet  décrit  le  muscle  sterno-scapulaire  comme 
naissant  du  coracoïde,  de  l’acromion  et  du  fascia  sus-épineux  et  comme 
inséré  sur  le  manubrium  et  sur  le  premier  cartilage  costal.  11  le  considère 
comme  l’homologue  du  sous-clavier.  11  serait  plus  juste  de  dire  que  cette 
homologie  ne  se  rapporte  qu’à  une  faible  partie  du  premier  muscle. 

Voici,  d’après  mes  dissections,  la  disposition  de  ce  muscle  chez  quelques 
animaux  non  claviculés. 

Chez  le  Mouton,  cet  ensemble  de  muscles  se  compose  des  deux  couches 
dont  les  fibres  ont  des  directions  différentes,  se  croisant  obliquement.  La 
couche  superficielle  est  antérieure.  Elle  est  à peu  près  transversale  et  s’insère 
sur  presque  toute  la  longueur  du  sternum,  et  sur  les  cartilages  costaux  des 
quatre  ou  cinq  premières  côtes.  Ces  fibres  s’insèrent  d’autre  part  : 1°  sur 
le  trochiter,  la  crête  sous-trochitérienne,  l’aponévrose  brachiale  et  même 
jusque  sur  le  fascia  sous-épineux  ; et  T sur  le  fascia  sus-épineux.  C’est  le 
muscle  sterno-préscapulaire  des  vétérinaires. 

La  portion  postérieure  et  profonde  se  porte  plus  obliquement  en  arrière, 
s’insérant  sur  la  partie  postérieure  du  sternum,  le  xiphisternum  et  l’aponé- 
vrose abdominale.  Cette  portion  est  plus  considérable  que  la  première.  Elle 
s’insère  d’autre  part  au  trochin  par  la  plus  grande  partie  de  ses  fibres  et  à 
l’apophyse  coracoïde  par  un  beau  ruban  tendineux  qui  se  confond  avec  le 
tendon  du  coraco-brachial.  C’est  le  sterno-trochinien  des  vétérinaires. 

11  en  est  de  même  chez  le  Cheval,  chez  le  Porc. 

Chez  le  Bœuf,  le  muscle  petit  pectoral  est  moins  étalé  que  chez  le  Mou 
ton.  11  est  fort  nettement  séparé  du  grand  pectoral  par  les  vaisseaux  et  nerfs 
pectoraux.  Ses  insertions  centrales  ont  lieu  sur  toute  la  longueur  du  sternum 
et  sur  la  partie  antérieure  de  l’aponévrose  abdominale.  Ses  insertions  péri- 
phériques se  groupent  en  trois  faisceaux.  Un  premier  faisceau  charnu  super- 
ficiel contourne  la  saillie  de  l 'épaule  et  se  porte  en  haut,  pour  s’insérer  sur 
l’aponévrose  sus-épineuse,  et  parla  sur  l’épine  de  l’omoplate  et  les  bords  de 
la  fosse  sus-épineuse.  Un  deuxième  faisceau  charnu,  placé  en  arrière  du  pré- 


141 


cèdent,  s’insère  sur  la  tubérosité  trochinienne  de  l’humérus  ; et  enfin  un  troi- 
sième faisceau  se  porte  en  haut  et  en  arrière,  formant  un  beau  tendon  large 
et  aplati  caché  sous  le  faisceau  préscapulaire,  et  va  s’insérer  surtout  le  bord 
interne  de  l’apophyse  coraco'ide,  en  même  temps  que  le  coraco-brachial  qui 
le  recouvre,  mais  dont  il  est  parfaitement  distinct.  Chez  le  Bœuf,  le  muscle 
est  donc  sterno-préscapulaire,  sterno-trochinien  et  sterno-précoraco'idien. 

J’insiste  à dessein  sur  ces  descriptions,  qui  me  sont  propres,  parce  que, 
même  dans  nos  meilleurs  Traités  d’anatomie  vétérinaire,  les  insertions 
précoracoïdiennes  de  ce  muscle  sont  entièrement  méconnues,  quoiqu’elles 
soient  très-remarquables’ . 

Chez  les  Marsupiaux,  ce  muscle  s’insère  sur  le  scapulum  et  le  facia  sus- 
épineux.  Chez  le  Wombat,  d’après  Galton,  il  s’étend  à travers  le  fascia  sus- 
épineux,  jusque  sur  l’épine  scapulaire. 

Pour  résumer  les  diverses  dispositions  principales  de  ce  groupe  de  muscles, 
on  voit  que  la  couche  de  muscles  allant  du  tronc  au  moignon  scapulo- 
huméral  et  placés  sous  le  grand  pectoral,  se  disposent  de  la  façon  suivante. 

Les  divers  éléments  peuvent  être  plus  ou  moins  distincts.  Mais  chez  les 
animaux  lourds,  massifs  et  dépourvus  entièrement  de  clavicule,  ces  muscles 
forment  une  masse  continue,  présentant  des  insertions  multiples  sur  les 
régions  scapulo-humérales,  et  englobant  tous  les  éléments  divers  de  la  cou- 
che musculaire. 

Chez  les  autres  animaux  semi-claviculés  ou  à clavicule  parfaite,  les  élé- 
ments de  la  masse  claviculaire  se  différencient  plus  ou  moins.  Le  sous-clavier 
peut  être  distinct  ou  être  englobé  dans  la  masse  du  sterno-scapulaire.  Chez 
certains  animaux  semi-claviculés,  tels  que  le  Lapin,  les  éléments  sont  encore 
assez  confondus  ; mais  chez  d’antres,  tels  que  le  Surmulot,  le  sous-clavier 
et  le  sterno-scapulaire  sont  séparés  ; le  scapulo-claviculaire  est  très-accusé, 
tandis  que  le  sterno-claviculaire  semble  manquer  entièrement.  Chez  le  Co- 
chon d’înde,  au  contraire , le  sterno-claviculaire,  le  scapulo-claviculaire  et 
le  sterno-scapulaire,  sont  très-distincts. 

Chez  les  animaux  claviculés  dont  les  pattes  antérieures  servent  de  mains, 


1 Voir  Chauveau  et  Arloing  ; Traité  d’anat.  comp.  des  animaux  domestiques,  1870 


142  — 


la  distinction  entre  les  éléments  sous-clavier,  sterno-claviculaire  etscapulo- 
claviculaire,  devient  encore  plus  prononcée. 

En  un  mot,  quand  la  clavicule  existe,  elle  forme  pour  ainsi  dire  une 
intersection  osseuse  plus  ou  moins  complète  sur  le  trajet  de  la  masse  mus- 
culaire sterno-scapulaire  des  animaux  non-claviculés,  d’où  résulte  une  dis- 
tinction plus  ou  moins  prononcée  et  plus  ou  moins  parfaite  des  éléments 
sus-nommés.  Enfin,  l’élément  sterno-claviculaire  prend  un  développement 
plus  prononcé  chez  les  Mammifères  fouisseurs  ou  volants  (Chéiroptères), 
Chez  la  Taupe  et  la  Chauve-Souris,  ce  muscle  est  large  et  puissant  : il  s’in- 
sère sur  la  moitié  de  la  face  externe  du  sternum,  et  va  de  là  sur  la  clavi- 
cule, à côté  de  l’origine  du  deltoïde. 

Chez  les  Oiseaux,  le  moyen  pectoral  de  Yicq-d’Azyr,  ou  second  pectoral 
d’Owen,  s’insère  sur  la  base  de  la  crête  du  sternum  et  sur  la  partie 
moyenne  de  la  face  inférieure  de  cet  os,  sur  la  face  inférieure  du  coracoïde, 
sur  le  bord  externe  et  la  face  profonde  de  la  clavicule,  et  sur  la  membrane 
sterno-cléido-coracoïdienne.  Parties  de  là,  ses  fibres  se  réunissent  sur  un 
tendon  qui  contourne  l’os  coracoïdien,  s’engage  dans  le  trou  formé  par  la 
clavicule,  l’os  coracoïde  et  l’omoplate,  et,  se  réfléchissant  sur  l’extrémité 
supérieure  du  coracoïde,  glisse  sur  la  tête  de  l’humérus  et  va  s’attacher  au 
tubercule  supérieur  de  la  crête  pectorale  ou  trochilérienne.  Ce  muscle,  que 
M.  Alix  a considéré  comme  un  sus-épineux , au  mépris  de  toutes  les  règles 
d’une  méthode  rationnelle  de  détermination,  a été  récemment  comparé  au 
sous-clavier  par  Selenka'.  Cette  comparaison  n’est  pas  absolument  juste, 
puisque  le  sous-clavier  s’étend  des  côtes  ou  du  sternum  à la  clavicule,  et 
non  de  la  clavicule  à l’humérus.  Le  sous-clavier  proprement  dit  n’existe  pas 
chez,  les  Oiseaux.  Mais  le  muscle  que  je  viens  de  décrire  correspond  plus 
particulièrement  aux  portions  sterno-humérales  du  petit  pectoral  des  Mam- 
mifères, portions  auxquelles  sont  venus  se  joindre  un  faisceau  cléido-humé- 
ral  qui,  chez  les  Mammifères,  appartient  au  grand  pectoral,  et  un  faisceau 
coraco-huméral  qui  ne  saurait  exister  chez  les  Mammifères  qui  n’ont  pas  de 
coracoïde,  mais  qui,  chez  les  Mammifères  à coracoïde , c’est-à-dire  les 
Ornithodel plies,  est  représenté  par  les  faisceaux  coraco- huméraux,  qui  ont 


1 Archives  Néerlandaises,  1870. 


î 45 


été  considérés  par  Owen  comme  formant  le  petit  pectoral  et  la  portion  anté- 
rieure du  deltoïde  de  l’Ornithorhynque. 

Chez  les  Oiseaux,  la  portion  sterno-costo-prècoracoïdienne  du  muscle 
petit  pectoral  n’existe  pas  d’une  manière  évidente,  ce  qui  n’a  pas  lieu  de 
surprendre,  puisque  le  précoracoïde  des  Carinates  est  extrêmement  rudi- 
mentaire. Mais  la  portion  costo -scapulaire  y est  représentée  par  un  faisceau 
qui,  naissant  du  bord  antérieur  et  de  la  face  externe  des  deux  premières 
côtes  sternales,  se  porte  en  haut  et  en  dehors  pour  s’insérer  sur  la  face  in- 
terne de  l’omoplate,  près  de  l’articulation.  Ce  faisceau,  queM.  Alix  a englobé 
dans  la  description  du  grand  dentelé  comme  faisceau  antérieur  de  ce  muscle, 
en  est  tout  à fait  distinct  et  séparé  par  un  intervalle , de  l’aveu  même  de 
cet  auteur,  et  c’est  un  véritable  costo -scapulaire  représentant  exactement  le 
muscle  sterno-costo-scapulaire  des  Sauriens  kionocrâniens  (que  nous  étu- 
dierons plus  loin),  muscle  séparé  comme  lui  des  dentelés  par  les  nerfs  du 
plexus  brachial,  et  faisant  comme  lui  partie  du  petit  pectoral. 

Il  existe  de  plus,  chez  les  Oiseaux,  un  muscle  court  qui,  partant  de  l’angle 
antérieur  et  latéral  du  sternum,  va  s’insérer  sur  le  coracoïde.  Ce  muscle 
sterno-coracoïdien  est  divisé  en  deux  parties  : l’une  superficielle  et  l’autre 
profonde.  Le  sterno-coracoïdien  superficiel  part  de  la  face  externe  de  l’angle 
antérieur  et  latéral  du  sternum,  pour  se  rendre  sur  le  bord  externe  de  l’extré- 
mité sternale  du  coracoïde.  Chez  la  Buse  [Falco  buteo),  où  j’ai  eu  l’occasion 
de  le  disséquer,  ce  muscle  partait  non -seulement  de  l’angle  externe  et  anté- 
rieur du  sternum,  qu’il  recouvrait  dans  une  certaine  étendue,  mais  aussi  des 
portions  sternales  des  quatre  premières  côtes.  De  là,  les  fibres  convergeaient 
vers  la  partie  externe  de  l’extrémité  sternale  du  coracoïde.  Il  en  est  de  même 
chez  l’Aigle.  Le  sterno-coracoïdien  profond  s’insère  sur  le  bord  antérieur  de 
l’angle  antéro-latéral  du  sternum,  et  s’étale  en  éventail  sur  l’espace  triangu- 
laire que  présente  en  arrière  la  face  profonde  du  coracoïdien. 

Ces  deux  muscles  peuvent  être  considérés  comme  un  même  muscle,  sé- 
parés par  le  coracoïdien  très-dé veloppé.  Si  ce  dernier  os  était  en  effet  raccourci 
et  ne  venait  point  s’articuler  directement  sur  le  sternum,  les  deux  muscles 
ne  formeraient  qu’une  seule  et  même  masse  musculaire.  Owen  dit  que  ce 
muscle  peut  être  regardé  comme  une  portion  du  petit  pectoral  ou  comme 
l’analogue  du  sous-clavier.  C’est  en  effet  une  portion  du  petit  pectoral,  por- 

19 


144 


lion  sans  homologue  spécial  chez  les  Mammifères  dépourvus  de  coracoïde, 
mais  qui  existe  chez  les  Monotrêmes  ou  Mammifères  à coracoïde,  et  que 
nous  retrouverons  aussi  plus  tard  chez  les  Reptiles  , sous  le  nom  de  slerno- 
coracoïdien  ou  costo-coracoïdien.  Chez  les  Monotrêmes,  il  y a en  effet  un 
muscle  costo-coracoïdien,  étendu  du  segment  sternal  de  la  première  côte  au 
bord  inférieur  du  coracoïde. 

Si  nous  examinons  le  petit  pectoral  chez  l’Homme,  nous  le  voyons  réduit 
à un  petit  nombre  des  éléments  que  nous  avons  reconnus  chez  les  Mammi- 
fères. 

Les  origines  fixes  ne  s’étendent  pas  jusqu’au  sternum,  mais  jusqu’aux  côtes 
et  aux  cartilages  costaux. 

Le  sous-clavier  est  un  muscle  indépendant , représentant  le  sous-clavier 
et  une  partie  du  sterno-claviculaire  des  Mammifères.  Un  large  intervalle, 
occupé  par  l’aponévrose  coraco-claviculaire,  le  sépare  de  l’autre  portion  du 
muscle,  que  l’on  désigne  spécialement,  chez  l’Homme,  sous  le  nom  de  petit 
pectoral.  Celte  aponévrose,  d’ailleurs  forte  et  résistante,  représente  donc  le 
reste  du  muscle  sterno-costo-claviculaire. 

Le  muscle  petit  pectoral  proprement  dit  part  des  troisième , quatrième 
et  cinquième  côtes  et  cartilages  costaux  par  trois  digitations  qui  se 
réunissent  en  un  tendon  aplati  qui  va  s’insérer  au  bord  antérieur  ou  interne 
de  l’apophyse  coracoïde  (précoracoïde),  près  de  son  sommet.  Ce  muscle  sem- 
blerait donc  ne  représenter  que  la  portion  slerno-précoracoïdienne,  bien  déve- 
loppée chez  les  Mammifères  non  claviculés.  Nous  avons  vu  en  effet  chez  le 
Mouton,  chez  le  Cheval,  etc.,  cette  insertion  au  bord  interne  du  précoracoïde 
par  un  tendon  aplati. 

Mais  il  faut  remarquer  que  le  tendon  du  petit  pectoral  ne  s’arrête  pas 
entièrement  sur  le  précoracoïde,  mais  qu’il  est  partiellement  continué  pat- 
un  beau  ligament  fibreux  qui  s’étend  de  la  face  supérieure  du  prècoracoïde  à 
l’acromion  , à l’aponévrose  sus-épineuse,  et  partiellement  à la  capsule  arti- 
culaire et  au  tendon  du  muscle  sus-épineux,  ligament  acromio-coracoïdien 
qui  en  réalité  n’est  qu’une  portion  du  tendon  du  petit  pectoral  poursuivie 
au-delà  du  précoracoïde  jusqu’à  la  région  sus-épineuse,  jusqu’à  la  capsule 
articulaire,  à l’aponévrose  et  au  tendon  sus-épineux. 

Le  petit  pectoral  de  l’Homme  représente  donc  à la  fois  les  portions 


145  — 


slerno-précoracoïdienne  , sterno-acromiale  , sterno-épineuse  , slerno-pré- 
scapulaire  des  Mammifères.  Seulement,  tandis  que  chez  ces  derniers  les 
portions  sterno-acromiale,  préscapulaire,  épineuse  du  muscle,  ne  con- 
tractaient aucun  rapport  avec  le  précoracoïde,  qui  est  très-court  ; chez 
l’Homme,  elles  viennent  s’appuyer  sur  le  précoracoïde,  qui  est  très-proémi- 
nent, et  y contractent  des  adhérences 
Quant  aux  portions  trochitérienne  et  trochinienne  du  petit  pectoral  des 
Mammifères,  elles  sont  représentées  chez  l’Homme  par  cette  aponévrose  re- 
marquable qui,  partant  du  bord  externe  du  petit  pectoral,  se  jette  sur  le 
tendon  du  coraco-brachial  et  de  la  courte  portion  du  biceps,  et  enveloppe 
les  tubérosités  humérales,  sur  lesquelles  elle  n’adhère  que  très-lâchement 
et  qu’elle  sépare  de  la  face  profonde  du  deltoïde,  ce  qui  lui  a valu  le  nom 
d’aponévrose  deltoïdienne  profonde. 


1 Je  trouve  une  démonstration  très-intéressante  des  idées  que  j'ai  émises  ici  sur  les  tendons 
adhérents  transformés  en  ligaments  et  que  j’ai  désignés  sous  le  nom  détendons  interrompus, 
dans  un  fait  rapporté  par  M.  Folz  ( Homologie  des  membres  ; Journal  de  Physiologie.  1 8 6 3 r 
pag.  69).  Il  s’agit  d’une  pièce  du  Musée  anatomique  de  Lyon  dans  laquelle  le  petit  pectoral 
d’un  Homme  ne  s'insérait  pas  à l’apophyse  coracoïde,  mais  glissait  sur  la  face  supérieure  de 
cette  éminence,  à l’aide  d’une  synoviale,  et  allait  se  porter  vers  l’insertion  du  sus-épineux 
sur  l’humérus,  en  confondant  son  tendon  avec  les  fibres  de  la  capsule  articulaire.  Dans  ce 
cas,  le  tendon  du  petit  pectoral,  s’insérant  sur  une  partie  mobile  par  rapport  à l’apophyse  co- 
racoïde, était  appelé  à glisser  sur  cette  éminence  osseuse,  et  avait  conservé  son  indépendance. 
Il  n’en  est  pas  de  même  quand  le  tendon  se  porte  à l’acromion,  c’est-à-dire  sur  une  partie 
osseuse  fixe,  remplaçant  sur  un  point  l’aponévrose  sus-épineuse. 

Sur  un  Singe  papion  que  j’ai  disséqué  dernièrement,  le  petit  pectoral  présentait  une  dispo- 
sition à peu  près  semblable  à celle  du  sujet  précédent.  Les  faisceaux  du  muscle  se  portaient 
sur  la  capsule  articulaire  et  sur  la  tubérosité  trochitérienne  de  l’humérus,  et  glissaient  sur  le 
sommet  de  l’apophyse  coracoïde.  Un  très-petit  nombre  de  fibres  s’inséraient  à cette  dernière. 

Les  Singes  fournissent  d’ailleurs  des  termes  intermédiaires  très-intéressants  entre  l'Homme 
et  les  Mammifères.  C’est  ainsi  que,  d’après  Broca  {Ordre  des  Primates ),  le  petit  pectoral  de 
l’Orang  et  du  Gibbon  est  semblable  à celui  de  l’Homme,  tandis  que  déjà,  chez  le  Troglo- 
dytes aubryi,  le  tendon  de  ce  muscle  cesse  de  s’insérer  sur  le  sommet  de  l’apophyse  cora- 
coïde ; il  ne  fait  que  s’y  appuyer,  puis  se  divise  en  deux  languettes  dont  l’une  va  se  fixer  sur 
la  base  de  cette  apophyse,  tandis  que  l’autre,  contournant  la  partie  supérieure  de  l’articulation 
de  l’épaule,  va  s’insérer  sur  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus.  Chez  le  Troglodytes  niger 
(i Chimpanzé  noir),  M.  Broca  n’a  pas  retrouvé  l’insertion  coracoïdienne;  le  tendon  ne  se 
bifurque  pas  et  va  se  fixer  tout  entier  sur  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus.  Chez  tous  les 
Singes  non  anthropomorphes,  ou  du  moins  chez  la  plupart  d’entre  eux,  le  petit  pectoral  ne 
s'insère  plus  que  sur  l’humérus. 


- U 6 

Du  reste,  si  à l’état  normal  les  muscles  sous-clavier  et  petit  pectoral  ne 
représentent  pas  tous  les  éléments  de  la  masse  musculaire  dont  nous  avons 
constaté  l’existence  chez  les  Mammifères,  il  n’est  pas  rare  de  trouver  des 
cas  anormaux  qui  reproduisent  la  série  de  dispositions  diverses  observées 
chez  les  animaux. 

C’est  ainsi  que  Wood  a noté  la  présence  d’un  double  sous-clavier  dont  la 
portion  supérieure  correspondait  au  sous-clavier  normal,  et  dont  l’inférieure 
naissait  du  sternum  et  du  premier  cartilage  costal,  dans  un  cas  par  un 
tendon  distinct,  et  dans  un  autre  cas  par  un  tendon  commun  avec  le  sous- 
clavier.  Ils  allaient  s’insérer  sur  le  tubercule  basilaire  de  l’apopbyse  cora- 
coïde et  sur  le  ligament  conoïde  ou  coraco-claviculaire  postérieur.  C’étaient 
donc  des  muscles  sterno-claviculaires  interrompus  sur  leur  passage  par 
l’apophyse  coracoïde  proéminente,  et  continués  par  le  ligament  conoïde, 
qui  est  leur  véritable  tendon  d’insertion  à la  clavicule.  Au  reste,  si  l’on 
examine  avec  soin  les  ligaments  coraco-claviculaire,  cono'ide  et  trapézoïde, 
on  s’aperçoit  que  ces  ligaments  forment  un  tendon  épanoui  en  éventail, 
dirigé  de  bas  en  haut  et  de  dedans  en  dehors,  qui  se  continue  directement 
par  une  grande  quantité  de  ses  ûbres  avec  l’aponévrose  sous-claviculaire, 
ou  coraco-claviculaire,  qui,  comme  nous  l’avons  vu,  représente  le  muscle 
sterno- claviculaire  atrophié  chez  l’Homme.  Les  fibres  profondes  seules  des 
ligaments  adhèrent  au  bord  interne  ou  antérieur  de  l’apophyse  coracoïde. 
Ces  ligaments  sont  donc  en  réalité  le  tendon  du  muscle  sterno-costo- clavi- 
culaire, devenu  adhérent,  sur  une  portion  de  son  parcours,  par  la  ren- 
contre d’une  apophyse  coracoïde  proéminente.  C’est  un  nouveau  cas  de 
muscle  ou  de  tendon  interrompu.  Par  là  s’éclaire  la  signification  du  ligament 
coraco-claviculaire  comme  s’est  éclairée  celle  du  ligament  coraco-acromien. 
Ce  sont , je  le  répète,  des  tendons  qui  ont  adhéré  à une  saillie  osseuse, 
sur  un  point  de  leur  trajet,  et  qui  relient  ainsi  cette  saillie  à l’insertion 
terminale.  Mais,  tandis  que  pour  le  ligament  acromio-coracoïdien  le  muscle 
subsiste  et  est  une  portion  du  petit  pectoral,  pour  les  ligaments  coraco- 
claviculaires  le  muscle  a disparu  et  le  tendon  seul  est  resté. 

Dans  un  second  cas  observé  par  Wood,  chez  une  femme,  un  muscle 
lusiforme  gauche  naissait  du  premier  cartilage  costal  à côté  du  sternum, 
et  s’insérait  ensuite  sur  le  ligament  sus-coracoïdien  du  scapulum  et  à la 


147 


base  de  l’apophyse  coracoïde.  Sur  ce  même  sujet,  une  bande  musculaire, 
naissant  de  la  base  de  l’apophyse  coracoïde  et  du  ligament  sus-coracoïdien, 
allait  s’insérer  sur  le  tiers  externe  de  la  clavicule.  Il  y avaitdonc  à la  fois 
des  représentants  des  muscles  sterno- scapulaire , scapulo-claviculaire  et 
sterno-claviculaire  (par  le  ligament  conoïde). 

Un  troisième  cas  semblable  a été  observé  par  Wood.  R.  Wagner  a signalé 
un  muscle  allant  du  premier  cartilage  costal  au  bord  supérieur  du  scapulum, 
près  de  l’échancrure  coracoïdienne.  Theile,  Hallelt,  Gruber,  également. 

Les  faits  précédents  montrent  chez  l’Homme  l’existence  anormale  du 
sterno-scapulaire.  Des  exemples  de  scapulo-claviculaire  ne  font  pas  défaut. 

Krause  a décrit  sous  le  nom  de  coraco-cervicalis  'une  bande  venant  de 
l’omo-hyoïdien,  de  la  base  du  coracoïde  et  du  bord  supérieur  du  scapu- 
lum, et  s’insérant  sur  le  fascia  cervical,  non  loin  de  la  clavicule. 

Macwhinnie  cite  un  muscle  venant  du  bord  supérieur  du  scapulum,  en 
dedans  du  muscle  omo-hyoïdien,  et  s’attachant  au  milieu  du  bord  supérieur 
de  la  clavicule. 

Halletl  décrit  un  muscle  allant  du  bord  supérieur  du  scapulum  sur  la 
partie  supérieure  de  l’articulation  sterno-claviculaire. 

Luschka  cite  une  bande  allant  de  l’origine  de  l’omo-hyoïdien  à l’extrémité 
interne  de  la  clavicule. 

Hyrth  rapporte  un  cas  semblable. 

Aux  cas  cités  plus  haut  de  sous-claviers  surnuméraires  représentant  des 
sterno-claviculaires  peuvent  s’en  ajouter  beaucoup  d’autres.  C’est  ainsi  que 
Wood  décrit  un  muscle  triangulaire  naissant  de  la  face  antérieure  du  manu- 
brium, et  allant  s’insérer  au  bord  inférieur  de  la  clavicule,  en  dehors  du 
tiers  moyen. 

Sur  les  deux  côtés  d’un  autre  sujet  mâle,  la  digitation  supérieure  du  petit 
pectoral  naissant  de  la  deuxième  côte  et  de  la  première  aponévrose  inter- 
costale, s’insérait  sur  l’aponévrose  costo-coracoïdienne  et  sur  la  clavicule. 
C’était  un  sterno-claviculaire  produit  par  une  différenciation  des  fibres  du 
petit  pectoral,  tel  qu’on  l’observe  chez  les  Rongeurs. 

On  trouve  chez  Haller,  chez  Theile,  et  chez  Berkeley,  des  exemples  de 
muscles  naissant  du  premier  cartilage  costal,  et  insérés  sur  la  portion 
moyenne  de  la  face  antérieure  de  la  clavicule. 


148 


Enfin,  je  dois  ajouter  qu’on  a vu  chez  l’Homme  le  petit  pectoral  fournir 
une  expansion  aponévrotique  à la  capsule  scapulo-humérale,  ou  même  s’in- 
sérer tout  entier  à cette  capsule,  ou  à la  grosse  tubérosité  de  l’humérus 
(Folz)1,  ou  sur  le  tendon  du  sus-épineux,  ce  qui  nous  montre  la  présence 
exceptionnelle,  chez  l’Homme,  des  faisceaux  sterno-huméraux  des  Mammi- 
fères et  des  Oiseaux. 

11  résulte  de  l’étude  que  nous  avons  déjà  faite,  que  le  muscle  petit  pecto- 
ral de  l’Homme  présente  à l’état  normal  une  portion  costo-précoracoïdienne 
et  une  portion  costo-acromienne  ou  sus-scapulaire.  Voyons  maintenant 
quelles  sont,  dans  la  ceinture  pelvienne,  les  parties  homologues  de  ce  mus- 
cle thoracique. 

Il  y a dans  la  cavité  pelvienne  un  muscle  très-curieux  que  l’on  considère 
à tort  comme  appartenant  aux  viscères  pelviens,  mais  qui  est  essentiellement 
un  muscle  des  parois  pelviennes  : c’est  le  muscle  releveurde  l’anus.  Ce  mus- 
cle s’insère  : î°  en  avant,  à la  face  postérieure  et  interne  du  pubis  sur  les 
côtés  de  la  symphyse  ; 2°  en  arrière,  au  bord  antérieur  et  à la  face  interne 
de  l’épine  sciatique  ; et  5°  dans  tout  l’intervalle  entre  ces  deux  points  extrê- 
mes, à une  arcade  aponévrotique  à concavité  supérieure , qui  adhère  à 
l’aponévrose  du  muscle  obturateur  interne,  et  par  là  au  détroit  supérieur 
du  bassin. 

De  là,  ses  fibres  se  portent  toutes  d’avant  en  arrière  et  de  dehors  en  de- 
dans, pour  se  terminer  sur  la  ligne  médiane,  sur  les  côtés  de  la  prostate, 
de  la  vessie,  du  rectum,  sur  le  raphé  ano-coccygien  et  sur  les  côtés  de  la 
face  antérieure  du  coccyx  et  même  du  sacrum.  Les  faisceaux  qui  passent  en 
arrière  du  rectum,  c’est-à-dire  les  faisceaux  pré-coccygiens,  coccygiens  et 
sacrés,  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux.  Au-dessus  d’eux  et  parallèle- 
ment à eux  se  trouve  le  muscle  ischio-coccygien,  qui,  contigu  aux  faisceaux 
postérieurs  et  ischio-coccygiens  du  releveur  de  l’anus,  est  réellement  la 
continuation  de  ce  dernier.  La  face  supérieure  de  ce  muscle  releveur  est 
tapissée  par  l’aponévrose  pelvienne,  qui  la  sépare  du  péritoine  et  des  viscères. 

En  cherchant  à se  rendre  compte  de  la  signification  de  ce  muscle,  on 
s’aperçoit  que,  situé  à la  face  externe  des  parois  de  la  cavité  viscérale  re- 


1 Folz  ; Homologie  des  muscles.  ( Journal  de  Physiologie,  1863,  pag.  69.) 


149  - 


présentées  par  l’aponévrose  pelvienne,  le  coccyx  et  le  sacrum , il  s’étend 
de  ces  parois  à l’ischion,  au  pubis  et  à une  arcade  aponévrotique  qui  relie 
ces  deux  os.  Ilne  peut  être  représenté  à la  ceinture  thoracique  que  par  un 
muscle  s’étendant  de  la  paroi  pectorale  au  coracoïde  et  au  précoracoïde. 

Mais  dans  la  ceinture  thoracique  des  Mammifères,  le  coracoïde,  qui  est 
l’homologue  de  l’ischion,  n’étant  pas  développé,  l’homologue  du  muscle  re- 
leveur  de  l’anus  doit  être  un  muscle  s’étendant  des  parois  thoraciques  à 
l’apophyse  coracoïde  qui  est  le  précoracoïde.  Ce  muscle  est  le  petit  pectoral 
de  l’Homme.  Si  l’on  veut,  en  effet,  rapprocher  ce  dernier  muscle  de  la  por- 
tion pubienne  du  releveur  de  l’anus,  on  verra  combien  les  relations  entre  eux 
sont  étroites.  Insertions  supérieures,  pour  l’un  sur  la  face  interne  de  l’extré- 
mité du  précoracoïde,  pour  l’autre  sur  la  face  interne  de  l’extrémité  du  pu- 
bis ; chez  l’un  et  chez  l’autre  muscle,  même  direction  générale  en  bas  et  en 
dedans,  et  insertions  sur  les  parois  viscérales,  qui  sont  les  côtes  pour  l’un, 
les  parties  fibreuses  qui  tapissent  l’excavation  pelvienne,  le  coccyx  et  le 
sacrum  pour  l’autre  II  y a seulement  cette  différence  apparente  que,  tandis 
que  l’un  (le  petit  pectoral)  s’insère  sur  des  parois  qui  divergent  inférieurement 
et  forment  un  évasement,  le  second,  le  releveur  de  l’anus,  se  porte  sur  des 
parois  qui  convergent  en  bas,  et  arrivent  au  contact  pour  former  un  raphé 
médian,  le  raphé  périnéal  interne. 

La  portion  précoracoïdienne  du  petit  pectoral  est  donc  représentée  par 
la  portion  pelvienne  du  releveur  de  l’anus.  Mais  on  peut  se  demander 
si  la  portion  sus-épineuse  ou  scapulaire  de  ce  muscle,  celle  que  nous 
avons  vue  se  mettre,  par  l’intermédiaire  du  ligament  acromio-coracoïdien, 
en  relation  avec  le  scapulum,  l’acromion,  l’épine  du  scapulum  et  l’apo- 
névrose sus-épineuse,  n’est  pas  également  représentée  dans  la  ceinture 
pelvienne.  Je  crois  que,  sans  forcer  les  analogies,  une  réponse  affirma- 
tive peut  être  donnée.  De  la  face  postérieure  du  pubis,  au-dessus  du 
releveur  et  de  l’épine  du  pubis,  part  un  ligament  fibreux  plus  ou  moins 
fort,  connu  sous  le  nom  d’arcade  crurale  ou  ligament  de  Poupart.  Huxley 
a voulu  y voir  le  représentant  de  la  clavicule  pelvienne.  L’étude  des 
muscles  psoas  nous  démontrera  qu’il  est  dans  l’erreur.  Mais  on  peut, 
pour  bien  des  raisons,  y voir  le  représentant  du  ligament  acromio-coracoï- 
dien, ligament  modifié  par  l’absence  d’un  acromion  et  d’une  épine  de  l’o- 


150  — 


raoplate.  Si  nous  supprimons,  en  effet,  au  scapuium  ces  deux  parties,  que 
deviendra  le  ligament  acromio-coracoïdien  ? Une  bande  fibreuse  étendue  du 
sommet  de  l’apophyse  coracoïde  à l’aponévrose  sus-épineuse,  et  par  là  au 
bord  supérieur  du  scapuium,  à l’angle  postéro-supérieur  et  à la  portion 
sus-épineuse  du  bord  spinal  jusqu’à  l’origine  de  l’épine.  Or,  le  ligament  de 
Poupart  répond  fort  bien  à ces  dispositions.  Il  part  du  sommet  du  pubis 
pour  se  porter  en  haut  et  eu  dehors  vers  l’aponévrose  antérieure  du  moyen 
fessier,  que  nous  verrons  représenter  le  sus-épineux,  et  pour  s’insérer  sur 
l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure  et  sur  la  portion  du  bord  supérieur 
de  l’iléon  comprise  entre  cette  épine  iliaque  et  la  saillie  de  la  crête  iliaque, 
que  nous  savons  représenter  la  saillie  de  l’épine  scapulaire  (PI.  Y,  jig.  1, 
em.  il.;  fig.  2,  em.  sc.). 

Il  y a donc  identité  dans  les  connexions,  et  nous  nous  croyons  autorisé  à 
considérer  le  ligament  crural  eu  arcade  crurale  comme  l’homologue  mo- 
difié du  ligament  acromio-coracoïdien  (tendon  du  petit  pectoral),  et  par 
conséquent  comme  le  tendon  interrompu  et  fixé  par  deux  de  ses  points 
d’une  portion  du  releveur  de  l’anus.  Ce  tendon  a contracté  avec  les  parois 
de  la  cavité  viscérale  des  relations  intimes,  et  il  adhère  aux  aponévroses  ab- 
dominales, en  vertu  des  mêmes  conditions  et  des  mêmes  lois  qui  ont  établi 
des  adhérences  intimes  entre  les  éléments  osseux  de  la  ceinture  pelvienne 
et  les  parois  aponévrotiques  et  musculaires  de  la  cavité  abdominale.  A l’é- 
paule, au  contraire,  tous  les  éléments  osseux  ou  fibreux  du  tendon  sont 
restés  étrangers  aux  parois  thoraciques  et  n’ont  contracté  avec  elles  que 
des  relations  éloignées  et  indirectes. 

Les  homologies  que  je  viens  d’établir  par  l’étude  exacte  et  rigoureuse  des 
connexions  entre  le  petit  pectoral  de  l’Homme  et  la  portion  pubienne  du 
releveur  de  l’anus,  trouveraient  une  confirmation  éclatante  si  chez  des  ani- 
maux où  les  éléments  de  la  ceinture  thoracique  sont  complets  et  ont  con- 
tracté avec  les  parois  viscérales  des  relations  comparables  à celles  que  l’on 
observe  pour  le  bassin  chez  les  Mammifères,  si,  dis-je,  chez  ces  animaux 
nous  trouvions  à l’épaule  une  reproduction  exacte  du  releveur  de  l’anus  des 
Mammifères.  Or,  c’est  précisément  ce  que  l’on  observe  chez  les  Chéloniens 
et  chez  les  Sauriens. 

Chez  les  Chéloniens,  en  effet,  les  côtes  ne  forment  qu’un  arc  supérieur 


151 


qui  ne  se  complète  pas  dans  l’arc  ventral  de  l’animal,  de  telle  sorte  que  la 
cavité  viscérale  proprement  dite  reste  largement  ouverte  par  la  face  sternale. 
Sur  cette  face,  les  côtes  sternales  et  le  sternum  font  complètement  défaut, 
et  les  os  qui  contribuent  à former  le  plastron  sont  des  os  de  membranes 
développés  dans  le  tégument,  d’où  résulte  que  le  segment  inférieur  de  la 
ceinture  thoracique  formé  par  le  coracoïde,  le  précoracoïde  et  les  mus- 
cles qui  leur  appartiennent,  se  trouve,  comme  l’ischion,  le  pubis  et  leurs 
muscles  internes,  en  relation  directe  et  intime  avec  une  paroi  purement 
membraneuse  de  la  cavité  viscérale.  Cette  paroi  est  formée,  là,  par  le  péri- 
carde, les  poches  pleurales  et  le  tissu  conjonctif  du  médiastin  antérieur. 
Or,  à ce  niveau  on  rencontre  un  muscle  large  et  mince,  une  sorte  de  dia- 
phragme appliqué  sur  les  parois  viscérales  membraneuses  des  poches  pleu- 
rales. Ce  muscle  a été  décrit  à tort  sous  le  nom  d eserratus  magnus  par 
Owen,  qui  en  a indiqué  les  insertions  d’une  manière  trop  insuffisante  pour 
que  je  ne  les  précise  pas  ici. 

Ce  muscle  s’insère  : 1°  sur  la  face  profonde  ou  supérieure  de  l’extrémité 
interne  du  coracoïde,  mais  surtout,  suivant  une  ligne  oblique,  sur  une  apo- 
névrose qui,  naissant  de  l’arcade  fibreuse  coraco-précoracoïdienne,  recou- 
vre un  muscle  désigné  par  Owen  comme  super coracoïdeus,  mais  qui  est  en 
réalité  l’obturateur  interne  de  l’épaule.  Cette  aponévrose  présente  au  niveau 
de  l’extrémité  interne  du  précoracoïde  un  épaississement  qui  correspond  à 
l'origine  des  fibres  musculaires  les  plus  nombreuses  du  prétendu  serratus 
magnus , ce  qui  fait  que  ce  muscle  s'insère  surtout  sur  le  précoracoïde 
et  que  ses  fibres  convergent  pour  la  plupart  vers  l’extrémité  interne  de 
cet  os. 

Parties  de  celle  ligne  ou  arcade  fibreuse  d’insertion,  les  fibres  forment 
une  lame  musculaire  qui  se  porte  en  dehors  pour  s’insérer  sur  une  partie  du 
bord  extérieur  de  la  première  et  de  la  deuxième  plaque  costale  et  sur  le 
bord  interne  de  l’apophyse  cardinale  de  l’hyoplastron  et  de  la  partie  con- 
tiguë de  l’hypoplastron. 

Je  n’ai  pas  besoin  d’insister  sur  les  rapprochements  à faire  entre  le  petit 
pectoral  de  l’Homme  et  des  Mammifères,  et  ce  muscle  des  Chéloniens  qui  est 
coraco-précoraco-eosto-abdominal  et  qui  ne  saurait  par  suite  être  considéré 
comme  l’homologue  du  grand  dentelé,  muscle  essentiellement  costo-sca- 

20 


152  — 


pulaire  chez  tous  les  vertébrés1. 11  renferme  les  portions  sterno-costo-précora- 
coïdienne  et  abdomino-précoraco'idienne  du  petit  pectoral  des  Mammifères, 
en  même  temps  que  le  muscle  sterno-costo-coracoïdien  des  Oiseaux. 

Chez  les  Sauriens  et  chez  les  Crocodiliens,  il  y a aussi  à l’épaule  des  dis- 
positions qui  reproduisent  les  relations  de  l'ischion  et  du  pubis  avec  la  cavité 
pelvienne.  Ici,  en  effet,  les  côtes  n’existent  que  sur  les  bords  postéro-laté- 
raux du  sternum  rhomboïdal,  de  telle  sorte  que  les  coracoïdes  qui  viennent 
se  mettre  en  rapport  avec  les  bords  antéro-latéraux  du  sternum,  et  les  pré- 
coracoïdes  qui  arrivent  au  contact  avec  leur  congénère  sur  la  ligne  médiane, 
sont  directement  en  relation  avec  la  cavité  thoracique,  dont  ils  ne  sont  sé- 
parés que  par  une  lame  aponévrotique  qui  constitue  à elle  seule  les  parois 
proprement  dites  de  la  cavité  viscérale.  Il  y a une  identité  remarquable  de 
situation  de  part  et  d’autre,  qui  permet  de  préciser  les  rapprochements  et 
d’en  confirmer  la  justesse. 

Or,  précisément,  parmi  les  muscles  de  l’épaule  de  ces  animaux,  il  en  est 
qui  méritent  notre  attention  comme  apportant  de  nouvelles  preuves  de  l’ho- 
mologie que  j’ai  établie  entre  le  petit  pectoral  et  le  muscle  releveur  de 
l’anus. 

Il  y a chez  les  Sauriens  kionocrâniens  un  groupe  de  muscles  allant  du 
sternum  et  de  la  première  côte  à la  ceinture  scapulaire.  Un  premier  muscle 
s’étend  de  la  face  interne  du  sternum  et  des  extrémités  contiguës  des  côtes 
sternales  à la  face  interne  du  segment  ventral  de  la  ceinture  thoracique. 
C’est  le  sterno-coracoïdien  d’Humphry  et  de  Sanders.  Ce  muscle,  simple 
chez  les  Platydactyles,  se  divise  en  deux  faisceaux  distincts  chez  la  plupart 
ues  Sauriens  kionocrâniens.  Voici  quelle  est  leur  disposition  chez  le  Lé- 
zard ocellé  : Ces  deux  faisceaux  sont  assez  distincts  par  leurs  insertions  co~ 
racoïdiennes,  mais  leurs  insertions  sternales  sont  très-rapprochées  et  conti- 
guës. Le  faisceau  profond  qui  est  le  plus  près  de  la  ligne  médiane  s’insère 
largement  par  un  corps  charnu  aplati  sur  la  face  interne  du  sternum  et  sur 
les  parties  voisines  des  côtes  sternales.  C’est  un  faisceau  plat,  triangulaire, 
qui  se  termine  par  un  beau  tendon  inséré  en  avant  sur  l’épiprécoracoïde  et 


1 Les  hyoplastron  et  hypoplastron  sont  des  os  du  dermo-squelette  qui  no  sauraient  être  as- 
similés au  sternum,  mais  à des  ossifications  des  aponévroses  abdominales  et  de  la  peau  cor- 
respondante. De  là,  la  qualification  d’abdeminal  que  j’adopte  ici. 


sur  le  précoracoïde.  C’est  donc  un  sterno-costo-précoracoïdien  : le  sterno- 
coracoideus  internus  profundus  de  Fürbringer  ' . 

Le  faisceau  superficiel  est  un  peu  plus  en  dehors.  Il  est  plus  petit  et  plus 
court,  mais  plus  large.  Il  naît  de  la  face  interne  de  la  lèvre  interne  du  sil- 
lon coracoïdien  du  sternum,  et  va  s’insérer  en  avant,  sur  la  face  interne  du 
coracoïde.  C’est  donc  un  sterno-coracoïdien,  sterno-coracoïdeus  internus 
super ficialis  de  Fürbringer. 

Ces  deux  muscles,  presque  confondus  chez  le  Platydactylus  guttatus, 
sont  représentés  dans  leur  ensemble,  chez  les  Chamæléonides,  par  un  petit 
muscle  naissant  de  la  face  interne  du  sternum,  et  insérée  sur  la  face  interne 
de  la  partie  antérieure  de  l’os  eoraco-précoracoïdien.  C’est  le  muscle  sterno- 
coracoïdeus  internus  de  Fürbringer. 

Chez  les  Crocodiliens,  on  trouve  aussi  un  muscle  qui  représente  les  mus- 
cles précédents  : c’estle  costo-coracoïdeus  de  Mivartetde  Fürbringer,  muscle 
large  qui  se  compose  de  deux  portions  : l’une,  latérale,  naît  du  bord  anté- 
rieur de  la  dernière  côte  cervicale  (neuvième  vertèbre)  ; l’autre  naît  du  bord 
antérieur  de  la  première  côte  sternale  et  du  sternum  d’après  Pfeiffer,  de 
deux  ou  trois  côtes  d’après  Rüdinger.  Ces  deux  parties  se  réunissent  en  une 
couche  unique  qui  s’insère  par  un  bord  large  surtout  le  bord  postérieur  du 
coracoïde. 

Outre  ces  muscles,  il  y a chez  les  Sauriens  kionocrâniens  un  muscle  qui 
fait  défaut  chez  les  Platydactyles,  chez  les  Chamæléonides  et  chez  les  Croco- 
diles, et  qui,  s’insérant  sur  le  bord  antérieur  de  la  première  côte  sternale  en 
même  temps  que  sur  le  bord  latéral  du  sternum,  se  jette  sur  un  cordon 
fibreux  qui  s’étend  du  bord  latéral  de  la  face  interne  du  sternum  à la  face  in- 
terne du  scapulum,  et  qui  est  désigné  comme  ligament  sterno-scapulaire 
interne.  Ce  ligament,  qui  chez  le  Lézard  est  accolé  sur  le  bord  interne  du 
muscle,  et  qui  chez  d’autres  Sauriens  devient  plus  indépendant  et  reçoit 
l’insertion  du  muscle  à angle  plus  ou  moins  aigu  ouvert  en  arrière,  ce 
ligament,  dis-je,  doit  être  considéré  comme  un  chef  devenu  tendineux  d’un 
biceps  sterno-scapulaire. 


1 Fürbringer  ; Zur  vergleichenden  Anatomie  der  Schullermuskeln.  (Ulorphologisches  Jalir- 
buch  v.  Gegenbaur , 1876.) 


Ces  faisceaux  musculaires,  qui  se  complètent  réciproquement,  forment, 
pris  dans  leur  ensemble,  une  lame  musculaire  étendue  de  la  face  interne 
du  sternum  et  des  côtes  sternales  aux  divers  éléments  de  la  ceinture  pel- 
vienne (coracoïde,  précoracoïde  et  scapulum).  Celte  lame  n’est  pas  réalisée  à 
1 état  complet  dans  la  nature,  mais  il  est  facile  d’en  rassembler  les  éléments 
et  de  se  faire  une  idée  exacte  de  son  ensemble.  Les  divers  éléments  qui  la 
composent  ont  été  récemment  déterminés  par  les  anatomistes  qui  s’en  sont 
occupés.  Je  ne  puis  ici  entrer  dans  une  discussion  approfondie  de  ces  déter- 
minations, elle  m’entraînerait  trop  loin  ; je  dois  me  borner  à quelques  traits 
principaux. 

Les  sterno-coracoïdiens  internes  des  Sauriens  kionocrâniens,  des  Chamæ- 
léonides,  et  le  costo-coracoïdien  des  Crocodiles,  ont  été  considérés  par  Für- 
bringer  comme  correspondant  au  muscle  sous-clavier  des  Marsupiaux  et  des 
Placentaires,  et  surtout  aux  variétés  de  ce  muscle  étendues  au  scapulum  et 
à l’apophyse  coracoïde  (M.  sterno-scapularis  de  Wood  et  Pectoralis  minimus 
de  Grüber).  Cet  anatomiste  repousse  l’assimilation  de  ces  mêmes  muscles 
sterno-coracoïdiens  internes  et  costo-coracoïdien  avec  le  petit  pectoral,  assi- 
milation faite  par  Stannius  pour  les  Sauriens  kionocrâniens,  par  Meckel  et 
Rüdinger  pour  les  Chamæléonides,  et  par  Dumeril,  Stannius,  Rüdinger 
pour  les  Crocodiliens. 

L’argumentation  de  Fürbringer  à l’appui  de  ces  déterminations , et  ces 
déterminations  elles-mêmes,  sont  le  résultat  d’une  confusion  qu’il  importe  de 
dissiper. 

Je  rappellerai  d’abord  ce  que  j’ai  déjà  dit  et  ce  que  démontre  l’étude  que 
j’ai  faite  de  l’anatomie  comparée  du  petit  pectoral  et  de  ses  anomalies,  c’est-à- 
dire  que  le  sous-clavier  des  Mammifères  et  de  l’Homme  est  en  réalité  une 
portion  plus  ou  moins  différenciée  de  ce  dernier  muscle,  et  la  portion  la  plus 
antérieure,  placée  au  voisinage  de  la  clavicule  et  contractant  des  relations 
avec  cet  os  ou  ses  représentants  fibreux,  quand  ils  existent.  Il  ne  saurait, 
me  semble-t-il,  être  légitime  de  considérer  cette  portion  sous-clavière  du 
petit  pectoral  des  Mammifères  comme  représentée  par  des  muscles  qui  sont 
bien  réellement  coracoïdiens  et  non  claviculaires  chez  des  animaux  qui , 
comme  les  Lézards,  sont  cependant  pourvus  de  clavicule.  11  faut  donc  cher- 
cher plutôt  les  homologues  de  ces  muscles  dans  les  faisceaux  sterno-costo- 


coracoïdiens  des  Mammifères  ; à cet  égard,  nous  avons  vu  que  ces  faisceaux 
font  partie  de  l’ensemble  musculaire  qui  constitue  le  petit  pectoral  de  tous  les 
Mammifères.  Ces  faisceaux sterno-costo-coracoïdiens  sont  constants,  avec  des 
variations  de  volume  et  d’importance,  et  il  n’y  a aucune  raison  pour  s’opposer 
à leur  assimilation  avec  les  muscles  sterno-costo-coracoïdiens  des  Sauriens 
et  des  Crocodiles. 

Bien  plus,  le  muscle  sterno-costo-scapulaire  des  Sauriens  kionocrâniens, 
qui  a été  considéré  par  Meckel  comme  l’analogue  du  petit  pectoral , doit, 
pour  Fürbringer,  être  réuni  avec  les  sterno-coracoïdiens  dans  le  sous-clavier 
de  l’Homme  et  des  Mammifères.  C’est  là  une  opinon  peu  soutenable,  et  à 
laquelle  il  est  facile  d’en  opposer  une  bien  plus  rationnelle.  Le  muscle 
sterno-costo-scapulaire  a son  homologue  rationnel  dans  la  portion  sterno- 
costo-sus  scapulaire  du  petit  pectoral  que  nous  avons  déterminée  chez  les 
animaux  non  claviculés  et  dont  nous  avons  retrouvé  le  tendon  chez  l’Homme, 
sous  la  forme  du  ligament  coraco-acromien.  Il  résulte  de  là  que  l’ensemble  des 
muscles  que  nous  venons  d’étudier  chez  les  Reptiles  est  véritablement  le 
représentant  de  certaines  parties  les  plus  importantes  du  petit  pectoral  des 
Mammifères,  c’est-à-dire  des  portions  précoracoïdienne  et  scapulaire. 

Nous  avons  vu  que  chez  les  Mammifères  monotrêmes  comme  chez  les 
Oiseaux,  où  le  précoracoïde  fait  défaut,  mais  où  existe  le  coracoïde,  des  mus- 
cles sterno-coracoïdiens  insérés  d’une  part  sur  les  côtes  sternales  ou  le  ster- 
num et  d’autre  part  sur  le  coracoïde,  viennent  combler  la  lacune  laissée  dans 
la  représentation  de  ce  groupe  de  muscles  chez  les  Mammifères  non 
coracoïdes,  et  rétablir  l’ensemble  des  faisceaux  qui  constituent  le  petit  pec- 
toral ou  pectoral  profond . 

Ces  déterminations  sont  rationnelles.  Elles  sont  basées  sur  l’étude  rigou- 
reuse des  insertions  osseuses  et  sur  les  connexions  générales  de  ces  mus- 
cles. Je  n’ai  pas  à revenir  sur  les  insertions;  mais,  pour  ce  qui  regarde  les 
connexions,  je  me  bornerai  à signaler  d’une  manière  toute  spéciale  cette 
particularité  que  les  muscles  sus-désignés  des  Reptiles,  comme  le  petit  pecto- 
ral des  Mammifères,  constituent  une  couche  musculaire  placée  sous  le  grand 
pectoral,  et  appartiennent  comme  lui  au  groupe  de  muscles  ventraux 
étendus  entre  le  sternum,  les  côtes  et  la  ceinture  scapulaire,  et  séparés  des 
dentelés  parle  plexus  brachial  et  ses  branches. 


--  156  — 

Les  motifs  sur  lesquels  s’appuie  Fürbringer,  après  Rolleslon,  pour  rejeter 
l’homologie  de  ces  muscles  reptiliens  avec  le  petit  pectoral  des  Mammifères 
et  le  second  pectoral  des  Oiseaux,  sont  tirés  de  ce  que  ces  derniers  muscles 
sont  en  réalité  de  simples  dédoublements,  de  pures  différenciations,  des  dé- 
pendances du  grand  pectoral.  Il  y a ici  une  distinction  importante  à faire 
pour  éviter  toute  confusion.  Nous  avons  vu  que  dans  le  petit  pectoral  de 
certains  Mammifères,  le  Cheval  entre  autres,  on  pouvait  distinguer  deux 
couches  musculaires  qui  différaient  autant  par  la  direction  de  leurs  fibres 
que  par  leurs  insertions  : 1°  Une  couche  superficielle  et  antérieure  naissant 
de  la  portion  antérieure  du  sternum  et  insérée  à la  grande  et  à la  petite  tubé- 
rosité de  l’humérus,  et  même  à la  crête  sous-trochitérienne  en  même  temps 
que  le  grand  pectoral.  Cette  portion  sterno-humérale  peut,  à la  rigueur,  être 
considérée  comme  une  dépendance  du  grand  pectoral,  dont  elle  est  du  reste, 
dans  certains  cas,  faiblement  séparée  et  difficile  à isoler  : c’est  elle  qui  re- 
présente en  réalité  le  second  pectoral  des  Oiseaux.  2°  Mais  les  portions  sterno- 
costo-coracoïdienne  et  scapulaire  ne  sauraient  être  considérées,  ni  chez 
les  Mammifères,  ni  chez  les  Oiseaux,  comme  des  dépendances  du  grand 
pectoral,  différenciées  pour  former  un  petit  pectoral  distinct.  Pour  qu’il  en 
fût  ainsi,  il  faudrait  que  dans  le  grand  pectoral  des  Sauriens  kionocràniens, 
des  Chamæléonides  et  des  Crocodiles,  qui  ne  présentent  pas  de  subdivision 
en  pectoral  superficiel  et  en  pectoral  profond,  il  se  trouvât  des  faisceaux 
correspondant  à ces  portions  coracoïdiennes  et  scapulaires  du  petit  pectoral 
des  Mammifères.  Or,  il  n’en  est  rien,  et  le  grand  pectoral,  dans  tous  ces 
groupes,  va  s’insérer  uniquement  et  exclusivement  à l’humérus,  et  même  à 
la  tubérosité  latérale  ou  externe  de  l’humérus.  Or,  on  peut  affirmer  qu’un 
muscle  exclusivement  huméral  ne  saurait,  par  son  dédoublement,  fournir 
des  muscles  coracoïdiens  et  scapulaires. 

Pour  résumer  donc  cette  discussion,  je  dirai  que  le  muscle  petit  pecto- 
ral des  Mammifères  représente  : par  ses  faisceaux  huméraux,  un  dédoublement 
du  grand  pectoral  des  Reptiles  et  le  second  pectoral  des  Oiseaux  ; par  ses 
faisceaux  coracoïdiens  ' et  scapulaires,  il  représente  le  sterno-costo-coracoï- 


1 Me  plaçant  à un  point  de  vue  très-général,  je  ne  distingue  pas  ici  le  coracoïde  du  préco- 
racoïde, et  je  les  considère  l’un  et  l’autre  comme  représentant  le  segment  ventral  de  la  cein- 
ture thoracique.  Toutefois  on  peut  retrouver  très-nettement  chez  certains  Mammifères  l’insertion 


dien  des  Oiseaux  et  des  Monotrêmes,  et  les  muscles  slerno-costo-coracoï- 
diens  et  sterno-costo-scapulaires  des  Reptiles. 

Après  cette  longue  analyse,  il  est  à peine  nécessaire  de  dire  que  les 
muscles  que  nous  venons  d’étudier  chez  les  Sauriens,  et  particulièrement  les 
muscles  sterno-coracoïdiens  internes,  représentent  d’une  manière  spéciale 
le  muscle  petit  pectoral  des  Chéloniens,  ou  sterno-costo-coraco-précora- 
coïdien  ou  encore  testo-coracoïdien  de  Fürbringer.  L’homologie  spéciale  et 
précise  n’est  pas  douteuse. 

Or,  de  même  que  le  testo-coracoïdien  des  Chéloniens  reproduisait  une 
disposition  semblable  au  releveur  de  l’anus  de  l’Homme,  les  muscles  repti- 
liens sus-étudiés  la  reproduisent  aussi  d’une  manière  remarquable,  et  d’au- 
tant plus  exacte  que  le  faisceau  iliaque  (ligament  de  Poupart)  du  muscle  pel- 
vien peut  trouver  ses  représentants  à l’épaule  dans  le  ligament  sterno-sca- 
pulaire  et  le  tendon  du  sterno-costo-scapulaire  des  Sauriens.  Bien  plus,  de 
même  que  chez  les  Chamæléonides  et  les  Crocodiliens,  ces  muscles  se  ré- 
duisent à un  faisceau  sterno-coracoïdien,  de  même  aussi  on  trouve  chez  bien 
des  Mammifères,  le  Bœuf  entre  autres,  le  releveur  de  l’anus  réduit  à sa 
portion  ischiatique  et  ne  formant  ainsi  qu'un  étroit  faisceau  musculaire. 

Mais  on  peut  pousser  plus  loin  les  rapprochements  entre  le  petit  pectoral 
et  les  muscles  des  parois  internes  du  bassin.  Nous  avons  vu  que  le  muscle 
ischio-coccygien  était  réellement  une  partie  supérieure  du  releveur  de  l’a- 
nus. Au-dessus  de  l’ischio-coccygien  se  trouve  le  muscle  pyramidal,  qui 
s’insère  d’une  part  par  deux  ou  trois  digitations  à la  face  antérieure  du  sa- 
crum, dans  l’intervalle  des  gouttières  qui  font  suite  aux  trous  sacrés  anté- 
rieurs et  au  niveau  de  ces  gouttières,  c’est-à-dire  sur  les  côtes  sacrées,  et 


proprement  coracoïclienne  du  petit  pectoral.  C’est  ainsi  que,  chez  le  Lion,  le  muscle  va  s’insérer 
sur  le  bord  supérieur  de  la  cavité  glénoïde,  et  que,  suivant  M.  Auzoux,  pareille  disposition  se 
retrouverait  chez  le  Gorille.  Or,  nous  savons  que  ce  bord  supérieur  n’est  autre  chose  que 
le  coracoïde  réduit  à sa  portion  basilaire.  Chez  d'autres  Mammifères,  des  traces  de  ces  in- 
sertions coracoïdiennes  doivent  certainement  se  retrouver  comme  dépendances  de  l’aponévrose 
sous-deltoïdienne.  Enfin,  chez  l’Homme  on  a observé  des  cas  anormaux  reproduisant  cette 
insertion  glénoïdienne  supérieure,  et  par  conséquent  caracoïdienne  du  petit  pectoral. 


— 158  — 

d’autre  part  par  un  tendon  arrondi  à la  partie  postérieure  du  bord  supé- 
rieur du  grand  trochanter.  Les  trois  muscles  : releveur  de  l’anus,  ischio- 
coccygien  et  pyramidal,  peuvent  être  réunis  en  une  seule  lame  musculaire 
insérée  sur  les  côtes  sacrées  et  coccygiennes,  et  présentant  une  série  supéro- 
inférieure  d’insertions  proximales  sur  la  région  costale  réduite  au  sacrum 
et  au  coccyx,  et  sur  le  raphé  fibreux  pubien  qui  leur  fait  suite.  Les  in- 
sertions distales  sont  trochantériennes  pour  les  faisceaux  supérieurs  (py- 
ramidal ) , iscbiatiq ues  pour  les  suivants  ( ischio-coccygien  et  faisceaux 
ischiatiques  du  releveur),  aponévrotiques  et  pubiennes  pour  les  faisceaux 
inférieurs  (portion  aponévrotique  et  pubienne  du  releveur). 

Cette  disposition  rappelle  d’une  manière  remarquable  le  muscle  petit 
pectoral  de  certains  Mammifères  (Cheval,  Mouton,  Lapin,  etc.).  Ce  muscle 
forme  également  une  lame  musculaire  très-étalée  dans  laquelle  se  distin- 
guent des  faisceaux  antérieurs  (sterno-huméraux  , sterno-costo-lrocbi- 
niens  et  trochitériens),  que  nous  avons  rapportés  à une  dépendance,  à 
une  différenciation  du  grand  pectoral,  et  qui,  quelquefois  nettement  dis- 
tincts (Mouton),  peuvent  rationnellement  être  rapprochés  du  pyramidal.  Les 
faisceaux  postérieurs  du  muscle,  qui  sont  coracoïdiens  et  sus-scapulaires, 
représentent,  comme  nous  l’avons  vu,  les  faisceaux  ischiatiques,  pubiens  et 
iliaques  (ligament  de  Poupart)  des  muscles  ischio-coccygien  et  releveur  de 
l’anus. 

Les  muscles  grand  pectoral  (portion  sterno-costale)  et  petit  pectoral  n’ont 
pas  au  bassin  d’autres  représentants  que  ceux  que  je  viens  de  signaler.  Ou- 
tre que  le  sternum  fait  défaut  à la  ceinture  pelvienne,  les  côtes  y présentent 
un  raccourcissement  très-prononcé  et  qui  s’accentue  très-rapidement  vers 
l’extrémité  de  la  région  sacro-coccygienne.  Ainsi  s’explique  le  faible  déve- 
loppement de  ce  plan  musculaire  qui  au  thorax  est  dans  son  plus  bel 
épanouissement,  parce  que  le  squelette  sterno-costal  y possède  son  déve- 
loppement extrême  ; ainsi  s’explique  également  au  pelvis  le  transport  de 
ce  plan  musculaire  qui  a suivi  le  retrait  en  arrière  des  masses  costales,  où  il 
prend  naissance. 

Rechercher  si  le  pyramidal  représente  précisément  le  grand  pectoral  ou 
seulement  les  faisceaux  qui  se  détachent  de  ce  muscle  pour  entrer  dans  la 
composition  du  petit  pectoral,  me  paraît  unequestion  au  fond  assez  oiseuse, 


et,  dans  tons  les  cas,  très-difficilement  soluble.  On  peut  toutefois  penser 
que  la  deuxième  solution  est  la  plus  rationnelle,  car  la  couche  superficielle 
des  muscles  pectoraux  a dû  disparaître  la  première  en  même  temps  que 
le  sternum  et  les  côtes  sternales.  Le  pyramidal  serait  donc  particulièrement 
la  portion  humérale  du  petit  pectoral  des  Mammifères  et  représenterait 
assez  exactement  au  bassin  le  second  pectoral  des  Oiseaux,  avec  lequel  il  a 
de  réelles  analogies  de  forme  et  d’insertions  humérales. 

La  portion  claviculaire  du  grand  pectoral  disparaît  au  bassin,  comme  elle 
disparaît  à l’épaule  chez  les  animaux  non  clavicules.  C’est  là  une  des  preu- 
ves de  l’absence  de  clavicule  au  bassin.  Pas  de  muscles,  pas  d’os. 

Je  m’arrête  dans  la  poursuite  de  ces  comparaisons  pleines  d’intérêt.  Le 
muscle  petit  pectoral,  par  ses  particularités  remarquables,  a attiré  longue- 
ment mon  attention  ; mais  il  est  temps  de  rechercher  les  homologies  des  au- 
tres muscles  des  deux  ceintures. 

DEUXIÈME  CATÉGORIE. 

Muscles  rattachant  le  premier  article  du  membre,  soit  au  tronc,  soit 
a la  ceinture,  soit  aux  deux  a la  fois  '.  — Les  diverses  espèces  de  mus- 
cles comprises  dans  ce  groupe  ne  sauraient  être  envisagées  séparément 
chez  l’Homme,  car  nous  verrons  que  tel  muscle  qui  est  destiné  à relier  un 
membre  exclusivement , soit  à la  ceinture  correspondante,  soit  au  tronc, 
peut  être  représenté  dans  l’autre  ceinture  par  des  faisceaux  appartenant  à 
un  muscle  qui  embrasse  à la  fois  ces  diverses  insertions. 

Les  muscles  compris  dans  ce  groupe  sont,  au  bassin  : 

Le  pyramidal 1  2 ; 

Le  psoas  iliaque  ; 

Le  grand  fessier  ; 


1 Je  préviens  le  lecteur  que  je  considère  ici  les  tubérosités  supérieures  de  l’humérus  et  du 
fémur  d’une  manière  générale  et  sans  chercher  à préciser  leur  signification.  Un  chapitre 
ultérieur  de  ce  travail  sera  consacré  à discuter  leurs  homologies  et  leurs  valeurs  relatives. 

2 J’aidù,  dans  le  chapitre  précédent,  m’occuper  du  grand  pectoral  et  du  pyramidal,  pour 
ne  pas  séparer  ces  muscles  de  ceux  avec  lesquels  ils  ont  d’intimes  connexions.  Je  répète,  du 
reste,  qu’il  n’y  a rien  d’absolu  dans  la  classification  que  j'adopte,  et  que  je  ne  la  suivrai  qu’au  - 
tant  qu’elle  ne  nuira  pas  aux  rapprochements  utiles  et  naturels. 


21 


160 


Le  moyen  fessier  ; 

Le  petit  fessier  ; 

L’obturateur  interne; 

L’obturateur  externe  ; 

Le  tenseur  du  fascia  lata  (?)  ; 

Les  jumaux  fémoraux  ; 

Le  carré  crural. 

A l’épaule,  les  muscles  qui  correspondent  aux  conditions  ci-dessus, 
sont  : 

Le  grand  pectoral  ; 

Le  sous-scapulaire  ; 

Le  deltoïde  ; 

Le  grand  dorsal  ; 

Le  grand  rond  ; 

Le  sus-épineux  ; 

Le  sous-épineux  ; 

Le  petit  rond. 

Dans  la  recherche  des  homologies  qui  peuvent  exister  entre  les  muscles 
des  deux  régions,  je  ne  puis  suivre  une  règle  uniforme  et  prendre  con- 
stamment pour  point  de  départ  de  mes  démonstrations  les  muscles  de  la 
même  ceinture.  Ce  sera  tantôt  un  muscle  de  l’épaule  et  tantôt  un  muscle  du 
bassin  qui  deviendra  le  premier  terme  de  la  comparaison  à établir.  C’est 
là  un  mode  de  procéder  qui  m’est  imposé  par  les  différences  de  développe- 
ment et  par  les  transformations  des  muscles  d’une  ceinture  à l’autre.  Il  con- 
vient, dans  ces  conditions,  de  prendre  pour  premier  terme  des  rapproche- 
ments à établir  le  muscle  le  plus  complet  et  le  moins  modifié. 

Grand  et  petit  psoas.  — Trapèze  claviculaire.  — Deltoïde  clavicu- 
laire. — Cléido- mastoïdien.  — Le  muscle  psoas  iliaque  se  compose  de 
deux  muscles  distincts  : le  psoas  et  l’iliaque,  dont  les  homologies  doivent 
être  recherchées  séparément.  Je  commence  par  le  muscle  psoas. 

Le  muscle  psoas  s’insère:  1°  sur  les  parties  latérales  du  corps  des  cinq 
vertèbres  lombaires  et  sur  la  partie  inférieure  du  corps  de  la  douzième  ver- 


— 161  — 

tèbre  dorsale;  2°  à la  base  des  apophyses  transverses  des  mêmes  vertèbres. 
Nées  ainsi,  les  fibres  charnues  constituent  un  faisceau  vertical  qui  va,  après 
un  long  trajet,  s’insérer  au  petit  trochanter  du  fémur  et  à la  ligne  de  bifur- 
cation qui  va  du  petit  trochanter  à la  ligne  âpre. 

Chez  certains  Mammifères,  ce  muscle  s’insère  aussi  aux  dernières  côtes. 
Chez  le  Cheval,  par  exemple,  il  s’insère  à la  face  inférieure  des  deux  der- 
nières côtes. 

L’homologue  du  psoas  à la  région  thoracique  serait  assez  difficile  à re- 
trouver chez  l’Homme  et  chez  les  Mammifères  clavieulés.  C’est  chez  les 
Mammifères  non  clavieulés  qu’il  faut  d’abord  le  chercher.  Chez  eux,  il 
existe  un  ensemble  de  faisceaux  musculaires  plus  ou  moins  distincts,  parfois 
confondus  dans  une  partie  notable  de  leur  parcours,  qui,  partant  de  l’apo- 
physe mastoïde  et  de  la  crête  mastoïdienne,  des  apophyses  transverses 
d’une  ou  plusieurs  vertèbres  cervicales,  et  parfois  même  de  l’apophyse  basi- 
laire de  l’occipital,  vont  contracter  inférieurement  des  insertions  sur  le  sca- 
pulum  et  sur  l’humérus.  Ce  groupe  de  faisceaux  peut  être  décomposé  en 
deux  muscles  distincts  : le  mastoïdo-huméral  proprement  dit  d’une  part,  et 
l’acromio-trachélien  de  Cuvier  d’autre  part. 

Le  mastoïdo-huméral  proprement  dit,  ou  masto-humérien  de  Cuvier,  part 
de  l’apophyse  mastoïde  et  de  la  crête  mastoïdienne,  et  va  s’insérer  générale- 
ment sur  la  crête  sous-trochitérienne  de  l’humérus,  sur  la  portion  de  la 
ligne  âpre  humérale  qui  descend  de  l’empreinte  deltoïdienne. 

Le  muscle  acromio-trachélien  est  un  muscle  dont  les  insertions  supé- 
rieures et  inférieures  sont  variables,  et  dont  il  serait  trop  long  de  faire  ici 
l’histoire  complète.  Renvoyant  le  lecteur,  pour  plus  de  détails,  au  Mémoire 
de  Wood  déjà  cité  \ je  me  borne  à quelques  traits  principaux. 

Chez  la  plupart  des  animaux , ce  muscle  provient  uniquement  de  l’apo- 
physe transverse  de  l’atlas. 

Chez  quelques-uns,  il  s’insère  également  à l’axis,  et  semble  représenter 
les  deux  digitations  supérieures  de  l’angulaire  de  l’omoplate. 

Chez  les  Rongeurs,  chez  les  Pachydermes  et  chez  le  Chat,  on  trouve  qu’il 


Wood;  loc.  cü.  (Phil.  Trans.,  1870). 


envoie  une  languette  anastomotique  au  droit  antérieur  de  la  tête,  et  va  par 
là  s’insérer  avec  ce  dernier  muscle  sur  l’apophyse  basilaire  de  l’occipital. 

Chez  le  Gorille,  le  Chimpanzé  et  l’Orang,  ce  muscle  existe  toujours,  nais- 
sant des  apophyses  transverses  d’une  ou  deux  vertèbres  cervicales  supérieu- 
res, et  va  s’insérer  à la  clavicule,  au  niveau  du  tiers  externe  de  cet  os  ; delà 
sonnomde  levât  or  claviculœ (Yood),  ou  de  clavio-trachélien  (Church).  C’est 
à cet  état  qu’on  le  trouve  anormalement  chez  l’Homme,  où  il  fait  très-générale- 
ment défaut,  puisqu’on  ne  le  rencontre  que  dans  trois  cas  sur  cent  environ, 
d’après  Wood. 

L’insertion  claviculaire  se  retrouve  chez  les  Chéiroptères,  etc. 

Mais  chez  l’Ours,  l’Hyène,  le  Coati,  la  Genette,  le  Chien  et  le  Chat,  il  s’in- 
sère inférieurement  sur  l’apophyse  métacromienne  du  scapulum,  et  chez 
l’Oryclérope  du  Cap  sur  l’épine  du  scapulum. 

Chez  la  Loutre,  Haughton  a décrit  ce  muscle  comme  divisé  en  deux  parts  : 
l’une  attachée  à l’extrémité  externe  ou  inférieure  de  l’épine  du  scapulum, 
l’autreà  l’extrémité  interne  ou  supérieure. 

Enfin,  chez  le  Veau  marin,  d’après  Humphry,  il  est  aussi  divisé  en  deux 
parts  : l’une  passant  avec  le  trapèze  à la  tubérosité  externe  de  l’humérus  (et 
renforçant  son  action  de  muscle  natateur),  tandis  que  l’autre  recouvre  le 
sus-épineux  et  s’insère  sur  l’angle  du  scapulum. 

Ces  quelques  faits  nous  permettent  de  concevoir  l’acromio-trachélien  de 
Cuvier  comme  une  lame  musculaire  naissant  de  l’apophyse  basilaire  et  des 
apophyses  transverses  d’un  nombre  variable  de  vertèbres  cervicales,  pour 
aller  s’insérer  sur  tout  le  parcours  de  l’épine  scapulaire,  l’acromion  et  la 
portion  externe  de  la  clavicule.  Cet  acromio-trachélien  complet,  idéal,  n’est 
donc  qu’une  doublure  du  trapèze,  mais  à insertions  cervicales  et  non  mas- 
toïdiennes. Ce  muscle  complet  n’est  pas  réalisé,  mais  il  en  reste  des  repré- 
sentants partiels,  variant  quant  à l’étendue  et  quant  aux  insertions  inférieu- 
res conservées.  De  là,  les  noms  si  variés  donnés  à ce  muscle  chez  les  divers 
animaux  ( levator  claviculœ,  de  Wood,  omo  ou  acromio-trachélien  de  Cuvier 
et  Meckel,  acromio-basilaire  de  Vic-q-d’Azyr,  clavio-trachélien  de  Church, 
basio  humeralis  de  Krause.  Kopf-Arm-Muskel  de  Peyer,  transverso-scapu- 
laire de  Strauss-Durckeim,  omo-atlanticus  de  Haughton,  cervico-humeral 
de  Humphry). 


— 163  — 


Quand  les  faisceaux  antérieurs  de  ce  muscle  sont  conservés,  ils  s’insèrent 
sur  la  clavicule  chez  les  animaux  claviculés  et  forment  ainsi  un  clavio-traché- 
lien.  Mais  chez  ceux  qui  sont  dépourvus  de  clavicule  ou  demi-clavieulés,  ce 
muscle  se  réunit  plus  ou  moins  au  muscle  mastoïdo-huméral  pour  former  un 
faisceau  large  et  plat  qui  s'insère  sur  l’humérus,  ainsi  que  nous  l’avons  déjà  in- 
diqué. De  là  résulte  le  grand  muscle  mastoïdo-huméral  des  hippotomistes. 

Ce  muscle  mastoïdo-huméral  est  en  somme  formé  par  la  portion  clavicu- 
laire du  trapèze,  par  le  cléido-mastoïdien  et  par  le  clavio-lrachélien,  qui, 
n’étant  plus  séparés  du  deltoïde  par  une  clavicule,  se  continuent  avec  la 
portion  claviculaire  de  ce  dernier  muscle.  Ce  mastoïdo-huméral,  que  l’on 
retrouve  chez  le  Cheval,  chez  le  Mouton,  etc.,  présente  du  reste  toujours 
à sa  face  interne  une  intersection  aponévrotique  remarquable  qui  est  le  ru- 
diment delà  clavicule.  Ce  rudiment  fibreux  devient  partiellement  osseux 
chez  les  animaux  semi-claviculés,  comme  le  Lapin,  qui  constituent  ainsi  un 
terme  de  transition  entre  les  animaux  à muscle  mastoïdo-huméral  et  les 
animaux  à trapèze  et  deltoïde  claviculaires. 

Le  muscle  mastoïdo-huméral  est  donc  propre  aux  animaux  non  claviculés. 
Je  n’hésite  pas  à voir  en  lui  l'homologue  du  psoas.  11  y a,  en  effet,  homologie 
d’insertion  et  de  parcours. 


GRAND  PSOAS.  MASTOÏDO-HUMERAL. 

Insertions. 


Corps  des  vertèbres  lombaires. 
Apophyses  transverses  lombaires. 

Petite  tubérosité  du  fémur  et  bifur- 
cation correspondante  de  la  ligne 
âpre. 


Apophyse  basilaire. 

Apophyses  transverses  cervicales. 

Crête  deltoïdienne  de  l’humérus  et 
bifurcation  correspondante  de  la 
ligne  âpre. 


Nous  verrons  plus  tard,  quand  je  m’occuperai  de  la  valeur  des  tubéro- 
sités, combien  les  insertions  humérales  et  fémorales  de  ces  deux  muscles 
offrent  de  complète  identité.  Quant  au  parcours,  j’ai  à peine  besoin  d’attirer 
l’attention  sur  ce  qu’il  a d’analogue  dans  les  deux  cas.  Ces  deux  muscles, 
en  effet,  naissant  l’un  et  l’autre  de  régions  vertébrales  supérieures  à la 
ceinture  correspondante,  passent  au-devant  de  cette  ceinture,  s’appliquent 
sur  l’articulation  de  la  ceinture  avec  le  premier  article  du  membre,  glissant 


— 164  — 

sur  la  capsule  fibreuse  de  l’articulation  pour  se  porter  sur  la  ligne  âpre  de 
cet  article. 

Le  muscle  petit  psoas,  qui  part  du  corps  de  la  douzième  vertèbre  dor- 
sale et  de  la  première  et  quelquefois  de  la  deuxième  lombaire,  pour 
s’insérera  l’éminence  iléo-pectinée,  et  surtout  à la  saillie  peclinéale  ou  pu- 
bienne chez  les  Mammifères  sauteurs,  doit  être  considéré  comme  un  mus- 
cle aponévrotique  inconstant,  qui  n’a  pas  d’homologue  bien  précis  à la  région 
cervicale.  C’est,  du  reste  un  muscle  dont  la  portion  charnue  est  très-limitée,  et 
qui  consiste  surtout  en  un  long  tendon  qui  se  perd  dans  le  fascia  iliaque  et 
sur  le  périoste  de  l’éminence  iléo-pectinée.  Chez  les  Mammifères  sauteurs, 
dont  le  grand  psoas  est  très-développé,  le  petit  psoas  acquiert  plus  d’impor- 
tance, et  ses  relations  avec  une  aponévrose  lombo-iliaque  très-forte  dé- 
montrent clairement  que  c’est  un  muscle  développé  dans  cette  aponévrose, 
qu’il  est  appelé  à tendre,  afin  de  brider  le  muscle  psoas  iliaque,  et  de  le 
maintenir  accolé  à la  colonne  lombaire  et  au  détroit  supérieur.  A la  région 
cervicale,  le  petit  psoas  peut  être  considéré  comme  virtuellement  compris 
dans  l’aponévrose  superficielle  de  la  région  trapôzo-deltoidienne  antérieure. 

Les  homologies  que  nous  venons  d’établir  entre  le  grand  psoas  et  le  mas- 
toïdo-huméral  offrent  un  véritable  intérêt  au  point  de  vue  de  l’appréciation 
de  la  valeur  morphologique  du  pubis.  Puisque  le  masto'ido-huméral  est  un 
muscle  qui  n’appartient  qu’aux  épaules  non  claviculées,  on  est  en  droit  de 
considérer  le  psoas  comme  une  démonstration  de  l’absence  de  tout  représen- 
tant de  la  clavicule  au  bassin.  Ni  le  pubis,  soit  par  sa  branche  horizontale, 
soit  par  sa  branche  descendante,  comme  l’ont  prétendu  tant  d’anatomistes; 
ni  le  ligament  de  Poupart,  comme  le  pense  Huxley,  ne  sont  les  représentants 
au  bassin  de  la  clavicule  ; car,  s’il  en  était  autrement,  le  grand  muscle  psoas 
contracterait  avec  eux  des  relations  analogues  à celles  que  le  cléido-mastoï- 
dien,  le  cléido-trachélien,  la  portion  mastoïdienne  du  trapèze  et  la  portion 
claviculaire  du  deltoïde,  contractent  au  thorax  avec  la  clavicule.  Le  défaut 
de  ces  relations  démontre  l’absence  de  la  clavicule  pelvienne.  C’est  ainsi  que 
l’étude  des  insertions  musculaires  conduit  d’une  manière  intéressante  à la 
détermination  logique  et  rationnelle  des  éléments  osseux. 


En  voici  d’ailleurs  un  nouvel  exemple.  On  sait  que  le  plastron  des  Chèlo- 
niens  a été  considéré  comme  représentant  le  sternum  de  ces  animaux,  chez 
lesquels,  par  contre,  on  niait  l’existence  de  la  clavicule  et  de  l’interclavicu- 
laire.  Ces  idées,  généralement  adoptées  jusque  dans  ces  derniers  temps,  ont 
trouvé  des  contradicteurs  qui  ont  fait  remarquer,  avec  raison,  que  les  élé- 
ments osseux  du  plastron  n’appartenaient  pas,  comme  le  sternum,  au  squelette 
primordial,  mais  bien  au  dermo-squelette.  Parmi  ces  éléments,  il  en  est  trois 
antérieurs,  dont  l’un  médian  impair,  l’entoplastron,  et  les  deux  autres  pairs 
et  latéraux,  les  épi  plastrons,  qui  s’appuient  sur  ce  dernier  par  leurs  extrémités 
internes.  Huxley  les  considère  comme  représentant  l’interclavieule  et  les 
deux  clavicules.  La  situation  de  ces  os  et  leur  origine  membraneuse  sont 
entièrement  favorables  à cette  appréciation.  Mais  on  peut  trouver  dans  l’étude 
des  muscles  un  argument  de  plus  qui  n’est  pas  sans  valeur.  Les  Chèloniens 
ont  un  véritable  muscle  psoas  représenté  par  un  petit  faisceau  musculaire 
venant  du  corps  de  la  neuvième  vertèbre  dorsale,  des  pleurapophyses  de  la 
dixième,  et  allant  s’insérer  sur  la  tubérosité  interne  du  fémur.  S’il  n’y  avait 
pas  de  clavicule,  on  aurait  quelque  raison  de  penser  qu’il  doit  exister  à la 
ceinture  thoracique  un  muscle  homologue  de  l’iliaque,  reliant  la  tête  et  la 
colonne  cervicale  à l’humérus,  et  reproduisant  la  disposition  du  mastoïdo- 
huméral  des  Mammifères  non  claviculés.  11  n’en  est  rien  toutefois  et  la 
disposition  des  muscles  est  plutôt  celle  des  Mammifères  claviculés,  et  en 
particulier  des  Mammifères  à clavicule  et  à interclavicule,  c’est-à-dire  des 
Ornithodelphes. 

Chez  ces  derniers,  en  effet,  le  grand  pectoral,  naissant  de  presque  toute 
la  ligne  blanche  et  de  la  ligne  médiane  du  sternum,  va  se  fixer  sur  presque 
toute  la  longueur  (Ornithorhynque)  ou  sur  toute  la  longueur  (Échidné)  de  la 
crête  pectoro-deltoïdienne  de  l’humérus.  Ce  muscle  est  confondu  en  avant 
avec  des  faisceaux  musculaires  dont  les  fibres,  parallèles  aux  siennes,  nais- 
sent de  l’intercîavicule  et  de  la  clavicule,  et  vont  s’attacher  à la  partie  moyenne 
de  la  crête  delto'idienne,  en  dehors  des  précédentes.  Ces  derniers  faisceaux 
représentent  en  réalité  la  partie  claviculaire  du  deltoïde. 

Chez  les  Chèloniens,  on  trouve  également  un  grand  pectoral  qui  naît 
de  la  face  profonde  du  plastron,  dans  la  région  correspondant  surtout  à la  ré- 
gion médiane,  c’est-à-dire  à la  ligne  blanche,  soit  abdominale,  soit  pecto- 


166  — 


raie,  dans  cel  espace  resté  membraneux  et  sans  ossification  chez  les  Chélo- 
nides,  et  que  les  hyoplastrons  tendent  plus  ou  moins  à envahir.  De  là,  les 
fibres  convergent  pour  s’insérer  sur  le  bord  antérieur  ou  externe  de  la 
coulisse  bicipitale  de  l’humérus  ou  crête  pectorale.  Au-devant  et  au-dessus 
de  ce  muscle,  se  trouve  accolé  un  faisceau  musculaire  important  qui  naît  de 
la  face  interne  de  l’entoplastron  et  de  l’épiplastron,  et  qui  se  condense  en  un 
tendon  qui  va  s’insérer  sur  la  petite  tubérosité  de  l’humérus  ou  tubérosité 
interne. 

Owen  a décrit  ce  faisceau  musculaire  comme  appartenant  au  deltoïde,  et 
cette  détermination  est  en  effet  très-rationnelle.  Il  est  ici  réellement  très- 
distinct  du  grand  pectoral,  et  ne  saurait  être  confondu  avec  lui,  attendu  que 
ses  insertions,  soit  proximales,  soit  distales,  sont  différentes.  On  ne  saurait 
lui  attribuer  d’autre  valeur  que  celle  d’un  deltoïde,  et  c’est  alors  nécesaire- 
ment  un  deltoïde  claviculaire,  puisqu’il  ne  saurait  être  un  deltoïde  scapu- 
laire, et  il  faut  reconnaître  en  conséquence  que  les  os  qui  lui  servent  d’inser- 
tion , c’est-à-dire  l’entoplastron  et  l’épiplastron,  trouvent  dans  ce  fait  un 
rapprochement  curieux  et  intéressant  avec  l’interclavicule  et  la  clavicule  des 
Monotrêmes. 

Quant  au  muscle  mastoïdo  et  trachélo-claviculaire,  qui  est  représenté  chez 
les  Mammifères  ornilbodel plies  par  un  muscle  naissant,  de  l’atlas  seulement 
chez  l’Ornithorhynque,  de  l’atlas  et  de  l’apophyse  mastoïde  chez  l’Échidné, 
il  existe  également  chez  les  Chéloniens,  où  on  peut  le  reconnaître  dans  un 
muscle  grêle  décrit  par  Owen  sous  le  nom  de  sterno-mastoideus,  mais  qui, 
naissant  du  mastoïde,  va  s’insérer  sur  la  face  interne  de  l’entoplastron,  c’est- 
à-dire  de  l’interclavicule.  considéré  à tort  par  Owen  comme  un  entoslernum. 
C’est  ainsi,  je  le  répète,  que  les  déterminations  ostéologiques  sont  puis- 
samment aidées  et  éclairées  par  l’étude  du  système  musculaire. 

Iliaque.  -Sous-scapulaire.  — Presque  tous  les  auteurs  qui  ont  essayé 
d’établir  les  homologies  des  muscles  des  deux  ceintures  ont  été  unanimes 
à considérer  le  muscle  iliaque  comme  reproduisant  au  bassin  le  sous-  scapu- 
laire de  l’épaule.  Les  ressemblances  sont  on  ne  peut  plus  frappantes,  les 
deux  muscles  occupant  l’un  et  l’autre  la  face  interne  des  os  homologues 
et  allant  s’insérer  également  aux  petites  tubérosités  de  l’humérus  et  du 


— 167  — 

fémur.  Tout,  du  reste,  jusqu’à  la  forme,  semble  concourir  à confirmer  la 
justesse  de  ce  rapprochement.  Je  dois  cependant  signaler  une  opinion  diffé- 
rente, que  recommande  le  mérite  exceptionnel  de  ses  défenseurs.  Gratiolet, 
et  après  lui  Huxley,  considérant  l’aile  de  l’iléon  comme  l’homologue  de 
l’épine  du  scapulum,  regardent  conséquemment  le  muscle  iliaque  comme 
représentant  le  muscle  sus-épineux,  tandis  que  le  petit  et  le  moyen  fessier 
répondraient  au  sous-épineux  et  aux  muscles  ronds.  Le  sous-scapulaire 
serait  dépourvu  de  tout  muscle  correspondant  dans  les  membres  inférieurs. 
Dans  la  suite  de  cette  étude,  j’aurai  maintes  fois  l’occasion  de  m’expliquer 
sur  ces  vues  particulières' . 

Pour  le  présentée  déclare  accepter  l’assimilation  si  généralement  admise 
de  l’iliaque  et  du  sous-scapulaire,  mais  avec  certaines  réserves  et  en  tenant 
compte  de  particularités  intéressantes  qui  ont  été  méconnues  et  que  je  tiens 
à mettre  en  relief.  Pour  cela,  j’ai  besoin  de  jeter  un  coup  d’œil  d’ensemble 
sur  les  muscles  qui  vont  des  éléments  des  ceintures  thoracique  et  pelvienne 
aux  grandes  et  petites  tubérosités  de  l’humérus  et  du  fémur. 

Au-dessous  de  la  couche  superficielle  de  muscles  qui  recouvrent  les  arti- 
culations de  l’épaule  et  de  la  hanche  (grand  dorsal,  grand  rond,  deltoïde, 
d’une  part  ; grand  fessier,  tenseur  du  fascia  lata , de  l’autre),  couche  dont 
l’étude  viendra  en  son  temps,  se  trouvent  les  muscles  que  nous  allons 
actuellement  analyser.  Ces  muscles  peuvent,  au  bassin  (où  tous  les  éléments 
osseux  de  la  ceinture  sont  développés),  être  considérés  comme  formant  deux 
étoiles  à trois  rayons,  dont  chaque  rayon  provient  d’un  des  éléments  de 
l’arc  pelvien.  Les  trois  rayons  de  l’une  des  étoiles  musculaires  sont  situés  sur 
la  face  externe  des  trois  éléments  osseux  : c’est  l’étoile  externe.  Il  y a aussi 
une  étoile  musculaire  interne  dont  les  trois  rayons  musculaires  proviennent 
de  la  face  interne  des  trois  éléments  osseux.  Les  rayons  des  deux  étoiles 
viennent  converger  sur  les  tubérosités  voisines  de  la  tête  du  fémur.  Il  y a 


1 Je  dois  également  citer  ici  l'opinion  dernièrement  émise  par  M.  Lannegrace,  agrégé  de  la 
Faculté  de  Médecine  de  Montpellier.  Dans  son  estimable  Essai  sur  la  Myologie  comparée 
des  membres , 1878,  qui  lui  a servi  de  Thèse  inaugurale,  M.  Lannegrace  considère  l’iliaque 
comme  représentant  à la  fois  le  sus-épineux,  le  sous-épineux  et  le  petit  rond,  tandis  que 
le  sous-scapulaire  répondrait  à l’obturateur  interne  ( portion  iliaque  ) et  aux  muscles  moyen 
et  petit  fessiers. 


22 


168 


donc  des  muscles  iléo-trochanlériens  externes  et  internes,  des  muscles  ischio- 
Irochantériens  externes  et  internes,  et  des  muscles  pubio-trochantériens 
externes  et  internes.  Telle  est  l’idée  générale,  à la  fois  simple  et  vraie,  qu’il 
faut  se  faire  des  muscles  dits  pelvi-lrochantériens.  Voyons  quels  sont  ces 
muscles  et  quelles  sont  leur  valeur  et  leur  signification  respectives.  Nous 
partirons  ensuite  de  ces  notions  pour  rechercher  leurs  homologues  dans 
l’épaule. 

Le  muscle  iliaque,  chez  l’Homme,  est  regardé  par  tous  les  anthropotomistes 
comme  un  muscle  entièrement  iléo-trochantinien  interne.  C’est  là  une 
opinion  trop  absolue,  et  qui  peut  entraîner  à des  conceptions  erronées.  Elle 
n’est  du  reste  pas  conciliable  avec  l’anatomie  comparée.  Les  insertions  iliaques 
de  ce  muscle,  telles  que  les  décrivent  les  auteurs,  sont  : la  fosse  iliaque  interne 
dans  ses  trois  quarts  supérieurs  ou  même  dans  toute  son  étendue,  les  trois 
quarts  antérieurs  de  la  lèvre  interne  de  la  crête  iliaque,  le  détroit  supérieur 
du  bassin,  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure,  l’échancrure  subjacente, 
l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure,  une  cloison  fibreuse  qui  sépare  le 
muscle  iliaque  des  muscles  droit  antérieur  de  la  cuisse  et  couturier,  et  même 
la  capsule  orbiculaire  de  la  tête  du  fémur. 

Toutes  ces  insertions  font  de  ce  muscle  un  muscle  iliaque  exclusivement 
interne,  sans  rapports  avec  la  face  externe  de  l’os,  et  situé  en  dedans  du 
tendon  direct  du  droit  antérieur  fémoral. 

Mais  d’autre  part  l’anatomie  comparée  nous  montre  des  variations  assez 
marquées  dans  cette  situation  du  muscle  iliaque,  ainsi  que  dans  son  im- 
portance. L’iliaque  est  en  effet  un  muscle  de  l’iléon  dont  les  dimensions 
et  la  situation  sont  subordonnées  à diverses  conditions.  Quand  l’aile  an- 
térieure de  l’iléon  est  largement  étalée,  comme  chez  l’Homme , chez  l’Élé- 
phant, les  Singes,  le  muscle  iliaque,  ayant  plus  de  surfaces  d’insertion,  est 
par  suite  plus  développé.  Si  l’aile  iliaque  est  peu  étendue  et  que  l’iléon  soit 
réduit,  comme  chez  les  Ruminants,  à une  tige  prismatique  terminée  par 
une  dilatation  peu  étendue  presque  entièrement  occupée  par  l’articulalion 
sacro-iliaque,  le  muscle  iliaque  est  petit  et  s’insère  sur  la  face  antéro- 
interne  de  la  tige  de  l’iléon  (PI.  VI,  fig.  4,  m.  il).  11  est  en  dedans  du 
îendon  interne  du  muscle  droit  antérieur  du  triceps.  Chez  les  Carnivores 


— 169  — 

(Chien,  Loup,  etc.),  l’aile  antérieure  de  l’iléon  étant  très-étroite  et  occupée 
surtout  par  l’articulation  sacro-iliaque,  le  muscle  iliaque  naît  d’une  petite 
crête  placée  surlebord  antérieurde  l’iléon,  en  avant  de  la  cavité  cotyloïde. 
Dans  ces  deux  derniers  cas,  il  n’existe  pas  de  fosse  iliaque  interne  ou 
préaxiale,  et  le  muscle  est  peu  développé  ; mais  par  contre  les  muscles 
psoas  sont  forts  et  volumineux.  liste  deviennent  encore  davantage  chez 
les  animaux  sauteurs,  tels  que  le  grand  Kanguroo  (PI.  Vil,  fig.  a)  et 
le  Lièvre  (PL  VII,  fig.  6).  Mais  de  plus,  chez  ces  animaux,  l’aile  iliaque 
antérieure  est  peu  étendue,  et  l’articulation  sacro-iliaque  se  fait  par  une 
large  surface  voisine  de  la  cavité  cotyloïde.  Les  muscles  puissants  des 
gouttières  vertébrales  remplissent  la  partie  postérieure  considérable  de  la 
face  interne  de  l’iléon  qui  fait  partie  de  ces  gouttières,  tandis  que  les  psoas 
volumineux  occupent  entièrement  la  petite  portion  de  la  face  interne  de 
l’iléon  qui  se  trouve  au-dessous  et  en  avant  du  sacrum.  11  n’y  a plus  place 
sur  cette  face  interne  pour  l’insertion  du  muscle  iliaque , et  ce  dernier 
s’insère  alors  sur  le  bord  antérieur  de  l’iléon  et  sur  une  bande  voisine  de  la 
face  externe  de  cet  os,  bande  limitée  par  une  petite  crête  sur  les  deux 
figures  ci-dessus,  et  marquée  m.  il.  Ce  muscle  iliaque,  qui  est  réellement 
externe  au  lieu  d’être  interne,  se  trouverait  en  dehors  du  tendon  direct  du 
droit  antérieur  si  ce  tendon  existait  sur  le  bord  antérieur  de  l’iléon;  mais  il 
se  trouve  en  dedans  du  tendon  réfléchi  ou  cotyloïdien  de  ce  même  muscle, 
m.  dr.  a. 

Chez  les  Chéiroptères,  le  muscle  psoas  iliaque  présente  des  particularités 
qui  ont  donné  lieu  à des  appréciations  diverses  et  occasionné  des  erreurs 
d’interprétation.  Cuvier  niait  à tort  l’existence  de  ce  double  muscle.  Meckel 
en  reconnaît  l'existence,  et  dit  que  l’iliaque  s’insère  sur  le  fémur  un  peu  plus 
bas  que  le  grand  psoas.  Macalister  décrit  un  grand  psoas  et  un  iliaque,  et 
fait  observer  que  le  muscle  iliaque  est  très-remarquable  par  son  insertion  pu- 
rement externe  à l’os  des  îles. 

Le  Dr  Alix  * fait  observerqu’en  dehors  de  l’iliaque,  qu’il  considère  comme 
iliaque  interne,  et  comme  s’insérant  dans  une  fosse  iliaque  interne , on 


Alix;  Sur  l’appareil  locomoteur  de  la  Roussette  d’ Edwards.  (Soc.  Philom,.,  3 août  1837.) 


trouve  un  faisceau  bien  distinct  et  très-épais  quis’attache  largement  à l’épine 
iliaque  antérieure  et  supérieure,  et  qui  va  se  terminer  sur  la  ligne  âpre, 
dans  la  longueur  de  plus  d’un  centimètre  au-dessous  du  petit  trochanter, 
immédiatement  en  dedans  du  vaste  interne.  L’attache  supérieure  de  ce  mus- 
cle, dit-il,  est  celle  d’un  couturier , maisson  attache  inférieure  semble  devoir 
le  faire  considérer  comme  une  partie  de  l’iliaque  interne.  Il  y a là , ajoute-t-il, 
une  question  difficile  à résoudre. 

Le  Dr  Maisonneuve,  dans  un  travail  récentet  consciencieux  sur  la  mvolo- 
gie  du  Vespertilio  murinus' , n’hésite  pas  à reconnaître  qu’il  y a chez  ces 
animaux  deux  muscles  psoas  iliaques,  l’un  interne  et  l’autre  externe.  Le 
psoas  iliaque  interne  se  compose  de  deux  portions:  la  portion  psoas  ou  grand 
psoas  interne , qui  naît  des  corps  des  troisième,  quatrième  et  cinquième 
vertèbres  lombaires  et  des  première  et  troisième  vertèbres  sacrées,  et  la 
portion  iliaque , ou  muscle  iliaque  interne,  qui  s’insère  sur  la  lèvre  de  la 
crête  iliaque  et  à la  moitié  supérieure  de  la  fosse  iliaque  interne,  qui  est 
très-étroite , et  regarde  en  avant  et  en  dehors.  Vers  la  partie  inférieure  de 
cette  fosse,  le  muscle  iliaque  se  réunit  au  grand  psoas  pour  constituer  un 
seul  muscle  ; au  niveau  de  l’éminence  pectinèe,  les  fibres  les  plus  internes 
du  psoas  passent  dans  l’espèce  d’échancrure  située  entre  cette  éminence,  qui 
est  très-prononcée,  et  îa  fosse  iliaque  ; puis  la  portion  commune  aux  deux 
muscles  passe  au-devant  de  la  capsule  fibreuse  de  l’articulation  coxo-fémorale, 
et  y adhère  parfaitement,  pour  se  terminer  enfin  à la  crête  saillante  qui  fait 
suite  au  trochanter  antérieur , lequel  représente  le  trochanter  interne  des 
autres  Mammifères. 

Le  psoas  iliaque  externe  se  compose  également  de  deux  portions:  la 
portion  psoas  ou  grand  psoas  externe,  qui  part  de  la  base  des  apophyses 
transverses  des  trois  ou  quatre  dernières  vertèbres  lombaires,  et  se  confond 
avec  la  portion  iliaque  pour  aller  s’insérer  un  peu  au-dessous  du  trochanter 
antérieur,  sur  la  partie  inférieure  de  la  crête  dont  nous  avons  parlé,  et  la 
portion  iliaque  ou  muscle  iliaque  externe,  qui  est  inséré  à Y angle  externe 
de  la  crête  iliaque  et  va  se  confondre  avec  le  psoas  externe. 


1 Maisonneuve;  Ostéol.  et  Myol.  du  Vespertilio  murinus.  (Thèses  de  la  Faculté  des  Sciences 
'le  Poitiers,  1878.) 


Les  deux  muscles  psoas  iliaques  reposent  en  haut  sur  la  face  antérieure  du 
carré  des  lombes,  et  en  bas  sur  l’articulation  de  la  hanche  et  sur  le  triceps 
crural  qui  les  sépare  du  moyen  fessier.  Entre  les  deux  psoas  iliaques  se  voit 
un  interstice  cellulaire  dans  lequel  chemine  un  gros  tronc  nerveux. 

Cette  récente  manière  de  voir  mérite  réfutation;  elle  est  basée  sur  une 
conception  erronée  de  l’iléon  des  Chéiroptères.  Cet  iléon  est  prismatique, 
triangulaire.  De  ses  trois  faces,  d’après  M.  Maisonneuve,  l’une  est  interne  et 
répond  au  sacrum,  avec  lequel  elle  s’articule  : c’est  la  moins  large  ; une  autre 
regarde  en  avant  et  en  dehors  ; elle  répond  à la  fosse  iliaque  interne  des 
autres  Mammifères  ; la  troisième  est  postérieure.  « La  face  antérieure  et 
externe  est  bien  loin,  dit  M.  Maisonneuve,  de  ressemblera  la  large  fosse 
iliaque  interne  des  autres  Mammifères  ; elle  est  très-étroite,  légèrement 
convexe  de  dehors  en  dedans,  et  donne  insertion  au  muscle  iliaque.»  Cette 
manière  d’envisager  l’iléon,  qui  a quelque  chose  de  spécieux,  répond  à l’idée 
de  Gratiolet  et  d’Huxley,  qui  considèrent  la  fosse  iliaque  interne  comme  cor- 
respondant à la  fosse  sus-épineuse,  et  le  muscle  iliaque  interne  comme  repré- 
sentant le  muscle  sus-épineux.  L’aile  antérieure  de  l’iléon  serait  alors  l’épine 
de  l'omoplate,  c’est-à-dire  le  développement  exagéré  de  cette  crête  arrondie 
saillante  que  j’ai  décrite  sur  la  face  externe  de  l’iléon  du  Kanguroo  (PI.  VII, 
fig.  5),  et  que  j’ai  considérée  en  effet  comme  représentant  l’épine  de  l’omo- 
plate. Mais  j’ai  regardé  d’autre  part  cette  crête  de  l’iléon  du  Kanguroo  comme 
représentant  la  crête  qui  divise  en  deux  la  fosse  iliaque  externe  du  Ruminant 
(PI.  VI,  fig.  5,  sa.  il.)  de  l’iléon  humain  (PI.  V,  fig,  1,  sail.  il.),  et 
de  la  plupart  des  Mammifères  dont  l’iléon  est  pourvu  d’une  véritable  aile 
iliaque.  Il  résulte  de  là  que  la  fosse  antérieure  dans  laquelle  s’insère  le 
muscle  iliaque  du  Kanguroo  et  du  Lièvre  appartient  bien  à la  fosse  iliaque 
externe,  et  correspond  à la  fosse  iliaque  externe  du  squelette  humain,  des 
Ruminants,  etc.  J’ai  donné  des  preuves  de  ma  manière  de  voir  tirées  de  con- 
sidérations ostéologiques  et  myologiques,  et  j’ai  fait  remarquer  que  la  direc- 
tion en  haut  et  en  dehors  des  ailes  de  l’iléon  chez  l’Homme,  qui  produit 
l’évasement  si  prononcé  du  grand  bassin  et  qui  a pu  faire  penser  à assi- 
miler l’aile  de  l’iléon  à l’épine  de  l’omoplate,  est  le  résultat  du  développe- 
ment de  la  cavité  abdominale  et  des  viscères  qu’elle  renferme  ; car,  chez 
l’embryon  et  le  fœtus,  cette  obliquité  est  à peine  indiquée,  et  l'iléon  est. 


comme  le  scapulum,  on  os  phalangiforme  très-aplati,  dont  les  faces  offrent 
des  sinuosités  à peine  marquées.  J’y  ajoute  cette  autre  preuve  que  le  muscle 
moyen  fessier  s’insère  largement  dans  cette  fosse  antérieure  du  Kanguroo  et 
du  Lièvre,  dont  une  étroite  bande  antérieure  seulement  appartient  au  muscle 
iliaque.  Or,  je  ne  sache  pas  qu’on  ait  encore  essayé  de  considérer  les  fessiers 
comme  des  muscles  de  la  face  interne  de  l’iléon  ou  de  la  fosse  iliaque 
interne. 

Si  du  reste  il  fallait  considérer  l’aile  de  l’iléon  comme  l’homologue  de  l’épine 
du  scapulum,  on  serait  en  droit  de  demander  pourquoi,  parmi  les  muscles 
qui  prennent  naissance  sur  l’épine  de  l’omoplate  ou  sur  l’acromion,  il  n’en 
est  aucun  qui  représente  le  couturier  ou  le  droit  antérieur.  Une  pareille 
différence  ne  saurait  trouver  une  explication  rationnelle  que  dans  le  cas  où 
l’épine  scapulaire  ne  serait  qu’un  représentant  atrophié  de  l’aile  iliaque. 
L’absence  des  muscles  ci-dessus  serait  alors  corrélative  du  faible  dévelop- 
pement de  l’os.  Mais  c’est  le  contraire  qui  a lieu,  l’épine  du  scapulum  étant, 
chez  les  Mammifères,  d’une  existence  plus  constante  et  d’un  développement 
plus  accentué  que  l’aile  antérieure  de  l’iléon. 

Si,  par  suite  de  ces  considérations,  la  face  antéro-externe  de  l’iléon  du 
Kanguroo  doit  être  regardée  comme  étant  une  partie  de  la  fosse  iliaque 
externe,  je  crois  qu’il  est  permis  de  considérer  la  face  antéro-externe  de 
l’iléon  des  Chéiroptères  comme  ayant  la  même  signification.  Il  existe  en  effet 
de  très-grands  rapports  de  ressemblance  entre  ces  deux  bassins.  Dans  l’un 
et  dans  l’autre,  l’iléon  est  prismatique,  triangulaire,  et  lés  deux  faces  antéro- 
externe  et  postérieure  sont  libres,  tandis  que  la  face  interne  est  destinée  à 
l’articulation  sacro-iliaque.  Ces  faces  se  correspondent  exactement  dans  les 
deux  bassins  : elles  ont  donc  la  même  signification;  et  si  la  face  antéro-externe 
de  l’iléon  de  Kanguroo  représente,  comme  je  crois  l’avoir  démontré,  la  por- 
tion de  la  fosse  iliaque  externe  qui  est  antérieure  à la  saillie  iliaque  (ou  épine 
de  l’iléon),  la  face  antéro-externe  de  l’iléon  de  Chauve-Souris  doit  avoir  la 
même  signification. 

Voici  comment  doivent  être  comprises,  à mon  avis,  les  relations  entre  les 
éons  prismatiques  et  les  iléons  pourvus  d’ailes  iliaques. 

L’iléon  primitif  est  une  tige  osseuse  phalangiforme  légèrement  aplatie 


— 175  — 

entre  ses  faces  interne  et  externe.  La  face  interne  est  destinée  à l’articulation 
sacro-iliaque.  Elle  peut  être  plus  ou  moins  occupée  par  la  surface  articulaire. 
Sur  la  face  externe  s’élève  une  crête  parallèle  à l’axe  de  l’iléon,  crête  plus 
ou  moins  saillante,  et  qui  divise  la  face  externe  en  deux  portions  : une  por- 
tion antéro-externe  et  une  portion  postérieure.  Cette  crête  est  la  saillie  iliaque 
ou  épine  de  l’iléon  répondant  à l’épine  du  scapulum.  Elle  porte,  sur  sa  portion 
voisine  de  la  cavité  cotylo'ide,  l’insertion  du  tendon  cotyloïdien  du  droit  anté- 
rieur du  triceps  crural.  Les  iléons  de  Kanguroo  et  de  Chéiroptère  rentrent 
dans  ce  type  ainsi  modifié. 

Sur  cet  iléon  prismatique  peuvent  naître  des  ailes,  l’une  antérieure,  l’au- 
tre postérieure,  qui  élargissent  ainsi  les  deux  portions  de  la  face  externe  de 
l’iléon.  Ces  ailes  ne  sont  que  le  résultat  de  l’extension  en  avant  et  en  ar- 
rière des  bords  antérieur  et  postérieur  de  l’iléon.  11  en  résulte  que,  tandis 
que  chez  le  Kanguroo  (PI.  VII,  fig.  5)  et  les  Chéiroptères,  lasur  face  arti- 
culaire sacro-iliaque  occupe  tout  le  diamètre  en  largeur  de  la  face  interne  de 
l’iléon,  dans  l’iléon  ailé  la  surface  articulaire  n’occupe  qu’une  partie  de  ce 
diamètre  élargi,  et  qu’il  y a surtout  en  avant  et  quelquefois  en  arrière  de 
cette  articulation  une  portion  libre  de  la  face  interne.  Cette  portion  libre 
antérieure  est  le  rudiment  de  la  fosse  iliaque  interne.  On  trouve  un  pre- 
mier degré  de  cette  modification  dans  l’iléon  de  Lièvre  (PI.  VII,  fig.  6), 
et  l’on  voit  que  la  saillie  iliaque  est  toujours  pourvue,  comme  chez  le  Kan- 
guroo, à son  extrémité  cotyloïdienne,  de  l’insertiondu  droit  antérieur  fémoral. 

L’iléon  de  Ruminant  présente  un  degré  de  plus  (PI.  VI,  fig.  4,  5), 
et  montre  l’iléon  prismatique,  sur  lequel  les  ailes  ne  se  sont  développées  que 
sur  l’extrémité  supérieure.  La  fig.  4 montre  les  limites  de  la  surface  articu- 
laire sacro-iliaque,  surf,  sac.,  ses  relations  avec  les  ailes  iliaques  antérieure 
et  postérieure,  et  par  conséquent  la  fosse  iliaque  interne  encore  peu  déve- 
loppée, mais  déjà  bien  évidente.  La  saillie  iliaque  ou  épine  de  l’iléon  {fig.  5, 
sa.  il.)  a conservé  à peu  près  sa  situation  primitive,  mais  s’est  cependant 
légèrement  transportée  en  avant,  avec  l’aile  antérieure.  Elle  porte  toujours 
à son  extrémité  cotylo'idienne  l’insertion  du  tendon  externe  ou  cotyloïdien 
du  droit  antérieur  fémoral.  Ici  commence  à paraître  un  tendon  interne  ou 
iliaque  de  ce  même  muscle,  qui  va  s’attacher  dans  une  fossette,  sur  le  pro- 
longement du  bord  antérieur  de  l’iléon. 


Sur  l’iléon  du  Cheval,  les  deux  ailes  antérieure  et  postérieure  se  pronon- 
cent encore  davantage  et  sont  séparées  par  un  large  sinus  ou  échancure 
qui  occupe  le  bord  épiiléal  de  l’os.  L’aile  antérieure  est  plus  large  et  forme 
une  fosse  iliaque  interne  occupée  par  le  muscle  iliaque  interne.  La  saillie 
iliaque  ou  épine  de  l’iléon,  moins  prononcée  que  chez  les  Ruminants,  s’est 
transportée  plus  en  avant,  sur  l'aile  iliaque  antérieure.  Son  sommet 
supérieur  correspond  au  tubercule  postérieur  du  bord  supérieur  de  l’aileiliaque 
antérieure.  Sur  son  extrémité  proximale  se  trouve  la  fossette  destinée  au 
tendon  externe  ou  colyloïdien  du  droit  antérieur  crural. 

Enfin,  chez  l’Homme  (PL  Y,  fig . 1),  l’aile  antérieure  s’est  encore  for- 
tement agrandie  et  élargie  ; elle  forme  une  vaste  fosse  iliaque  externe  que 
divise  la  saillie  iliaque  ou  épine  de  l’iléon,  dont  la  position  a suivi  l’aile  de 
l’iléon  dans  son  développement  antérieur,  et  s’est  fortement  transportée  en 
avant,  mais  tout  en  conservant  ses  relations  essentielles  avec  la  cavité  coty- 
loide  et  avec  l’insertion  du  tendon  externe  ou  réfléchi  du  droit  antérieur. 

11  résulte  de  cet  examen  que  la  face  antèro-externe  de  l’iléon,  considérée 
par  M.  Maisonneuve  comme  représentant  la  fosse  iliaque  interne,  n’est  que  la 
portion  antérieure  de  la  face  externe,  et  que,  par  conséquent,  le  muscle  qu’il 
décrit  comme  iliaque  in  terne  est  en  réalité  iliaque  externe.  Chez  les  Chéiroptères^ 
ainsique  l’avait  bien  vu  Macalister,  l’iliaque  est  bien  réellement  externe  et 
passe  en  dedans  du  tendon  externe  ou  colyloïdien  du  droit  antérieur  fémo- 
ral, qui  existe  seul.  11  n’y  a qu’un  seul  muscle  psoas  iliaque,  dont  les  in- 
sertions sont  pour  le  psoas  ce  qu’elles  sont  chez  les  autres  animaux  (corps 
des  vertèbres  lombaires  et  apophyses  transverses),  et  pour  l’iliaque  ce 
qu’elles  sont  chez  les  animaux  qui  n’ont  qu’un  iliaque  externe.  Seulement 
(et  c’est  ce  qui  a contribué  à induire  M.  Maisonneuve  en  erreur)  un  inter- 
stice cellulaire  destiné  au  passage  d’un  gros  nerf  semble  diviser  en  deux 
muscles  distincts  ces  faisceaux  qui,  en  réalité,  forment  un  seul  et  même 
muscle.  Ce  rapport  du  muscle  psoas  avec  un  gros  nerf  du  plexus  lombaire 
n’a  pas  du  tout  lieu  de  nous  surprendre,  car  nous  savons  qu’il  a lieu  chez 
tous  les  Mammifères,  et  que,  chez  l’Homme  notamment,  les  nerfs  inguinaux 
interne  et  externe  passent  à travers  les  fibres  du  muscle  psoas,  sans  qu’on 
puisse  penser  à considérer  ce  muscle  comme  formé  de  deux  muscles  distincts. 

Chez  les  Oiseaux,  le  muscle  iliaque,  réduit  à une  lame  musculaire  peu 


— 175  — 


étendue,  s’insère  sur  une  crête  placée  à la  face  externe  de  l’axe  massif  ou 
col  de  l’iléon  antérieur,  et  va  s’insérer  sur  le  fémur,  dans  un  point  qui  cor- 
respond au  petit  trochanter.  Ce  muscle  passe,  non  plus  en  dedans,  mais 
en  dehors  d’un  muscle  grêle  qui  naît  de  l’épine  iléo-pubienne,  et  qu’il  faut 
considérer  (nous  le  démontrerons  plus  loin)  comme  un  droit  antérieur  fémo- 
ral n’ayant  qu’un  tendon  direct.  C’est  que  chez  les  Oiseaux  l’aile  antérieure 
de  l’iléon  est  entièrement  occupée  par  la  série  des  articulations  sacro-ilia- 
ques ; et  du  reste  le  muscle  iliaque  a son  point  de  départ  sur  la  tige  mas- 
sive ou  portion  axiale  de  l’iléon,  en  arrière  de  l’aile  de  cet  os,  et  lui  est  par 
conséquent  étrangère. 

Cette  revue  des  dispositions  diverses  affectées  par  le  muscle  iliaque  dé- 
montre que  le  muscle  dit  iliaque  interne  ne  mérite  pas  toujours  cette 
dénomination,  puisqu’il  est  parfois  exclusivement  externe , et  parfois  inter- 
médiaire lorsqu’il  s’insère  sur  le  bord  antérieur  de  l’os  iliaque  qui  sépare 
la  face  interne  de  la  face  externe. 

Nous  voyons  aussi  que  le  muscle  iliaque,  qui  passe  ordinairement  en 
dedans  du  tendon  direct  du  droit  antérieur,  acquiert,  en  devenant  iliaque  ex- 
terne, une  situation  telle  qu’il  pourrait  être  extérieur  à ce  tendon,  si  ce  dernier 
existait  sur  le  bord  antérieur  de  l’iléon , et  que  même,  chez  les  Oiseaux,  où  le 
muscle  droit  antérieur  n’a  pas  d’autre  tendon  que  ce  tendon  direct,  le  mus- 
cle iliaque  passe  réellement  en  dehors  de  lui.  Ce  sont  là  des  modifications 
intéressantes,  qui  sont  faites  pour  frapper  l’attention  et  pour  soulever  des 
questions  dont  la  solution  n’est  pas  toujours  facile,  ainsi  que  nous  l’avons 
vu  notamment  pour  la  signification  des  diverses  parties  de  l’iléon. 

Une  étude  attentive  de  la  disposition  du  muscle  iliaque  chez  l’Homme, 
où  il  atteint  son  plus  haut  degré  de  développement,  pourra  contribuer  à 
nous  donner  la  clef  de  ces  variations  d’insertion  et  de  rapports. 

Chez  l’EIomme,  le  muscle  iliaque  ne  s’insère  pas  seulement  sur  les  points 
signalés  précédemment,  et  qui  appartiennent  tous  à la  fosse  iliaque  interne; 
mais  il  y a un  faisceau  qui  eftt  passé  généralement  inaperçu  et  qui  existe  tou- 
jours plus  ou  moins  développé.  Ce  faisceau  provient  de  la  partie  supérieure 
du  sourcil  cotyloidien  et  d’une  partie  de  l’excavation  qui  est  placée  en  dehors 
de  l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure  (PI.  V,  fig.  \,m.  il.).  11  est 

25 


situé  en  dehors  du  tendon  direct  ou  droit  antérieur,  et  en  dedans  du  tendon 
réfléchi  ou  cotyloïdien.  Il  s’enfonce  par  conséquent  dans  l’intervalle  des  deux 
tendons  et  est  en  grande  partie  recouvert  par  le  tendon  réfléchi.  Celle  situa- 
tion spéciale  qui  le  cache  aux  regards  , ses  faibles  dimensions,  et  l’habitude 
trop  générale  des  antbropotomistes  d’étudier  l’anatomie  de  l’Homme  pour 
elle-même  et  en  dehors  des  considérations  de  l’anatomie  comparée,  permet- 
tent de  comprendre  qu’on  ait  méconnu  l’existence  de  ce  faisceau  iliaque 
externe.  11  a pourtant  un  intérêt  anatomique  assez  grand,  puisqu’il  nous 
permet  de  trouver  le  lien  qu’il  y a entre  les  animaux  dont  le  muscle  iliaque 
est  externe  et  ceux  où  il  est  interne. 

Nous  voyons  en  effet  que  chez  l’Homme,  où  le  muscle  iliaque  est  le  plus 
développé,  il  se  compose  de  deux  parties  : l’une  iliaque  interne,  très-impor- 
tante, placée  en  dedans  du  tendon  direct  du  droit  antérieur;  l’autre  iliaque 
externe,  de  faible  volume,  placée  en  dehors  du  tendon  direct  et  en  dedans 
du  tendon  réfléchi  de  ce  même  muscle.  Chez  la  plupart  des  animaux,  tels 
que  les  Ruminants,  les  Solipèdes,  les  Carnivores,  etc.,  il  n’existe  que  la 
portion  iliaque  interne,  qui  passe  en  dedans  du  tendon  direct  du  droit  anté- 
rieur. Chez  le  Kanguroo,  le  Lièvre,  les  Chéiroptères,  etc.,  et  les  Mammi- 
fères dont  la  fosse  iliaque  interne  n’existe  pour  ainsi  dire  pas  ou  est  rem- 
plie par  les  grands  muscles  psoas  et  par  l’articulation  sacro-iliaque,  la  por- 
tion iliaque  interne  fait  défaut;  mais  la  portion  iliaque  externe  prend  par 
compensation  un  volume  inusité,  et  constitue  à elle  seule  le  muscle  iliaque. 
Elle  se  trouve,  comme  le  faisceau  iliaque  externe  chez  l’Homme,  en  dehors 
du  bord  inguinal  de  l’iléon,  qui  est  le  lieu  théorique  d’insertion  du  tendon 
direct  du  droit  antérieur,  et  est  par  conséquent  virtuellement  extérieure  à ce 
tendon,  tandis  qu’elle  est  placée  en  dedans  du  tendon  réfléchi,  qui  existe 
seul,  et  dont  le  lieu  d’insertion,  à la  fois  théorique  et  réel,  est  situé  sur  la  crête 
que  j’ai  nommée  saillie  iliaque  et  qui  représente  l’épine  de  l’omoplate. 

Chez  les  Oiseaux,  le  muscle  iliaque,  peu  développé,  n’est  représenté 
que  par  la  portion  iliaque  externe.  Mais,  le  muscle  droit  antérieur  ne  pos- 
sédant qu’un  tendon  direct  inséré,  comme  toujours  chez  les  Mammifères, 
sur  un  point  du  bord  antérieur  ou  inguinal  de  l’iléon,  il  arrive  ici,  comme 
pour  la  portion  iliaque  externe  de  l’Homme,  que  le  muscle  iliaque  passe  en 
dehors  du  tendon  direct  du  droit  antérieur  pour  aller  s’insérer  sur  lefémur, 


177 


dans  un  point  qui  correspond  au  trochantin,  en  dedans  du  vaste  interne. 

Ainsi  s’expliquent  ces  différences  de  situation  et  de  rapport  qui  ont  pu 
surprendre  ceux  qui  se  sont  occupés  de  cette  question,  et  qui  ont  pu  même 
les  conduire  à des  conclusions  erronées1. 

Si  nous  comparons  maintenant  chez  l’Homme  le  muscle  iliaque  au  muscle 
sous-scapulaire,  il  nous  sera  facile  de  saisir  les  ressemblances  et  les  diffé- 
rences. Le  muscle  iliaque  occupe  toute  la  fosse  iliaque  interne,  c’est-à-dire 
toute  la  portion  de  la  face  interne  de  l’iléon  qui  est  au-dessus  de  la  crête 
du  détroit  supérieur.  Il  n’a  aucune  insertion  dans  la  portion  de  l’iléon  qui 
est  au-dessous  du  détroit  supérieur  et  qui  fait  partie  du  petit  bassin.  Il  a de 
plus  une  petite  portion  iliaque  externe.  De  là,  il  va  à la  tubérosité  interne 
ou  trochantin  du  fémur,  et  à la  branche  de  bifurcation  correspondante  de 
la  ligne  âpre. 

Le  sous-scapulaire  occupe  toute  la  fosse  sous-scapulaire,  et  s’insère,  non- 
seulement  dans  toute  la  portion  de  cette  fosse  qui  est  supérieure  à la  crête 
qui  correspond  au  détroit  supérieur  de  l’iléon2,  mais  encore  dans  la  gout- 
tière plus  ou  moins  profonde  qui  est  inférieure  à cette  crête  et  qui  repré- 
sente à l’épaule  la  portion  iliaque  de  la  cavité  du  petit  bassin.  Bien  plus,  ce 
faisceau  axillaire  du  muscle  est  très-dôveloppé,  très-puissant . et  est  ren- 
forcé par  des  fibres  naissant  de  la  face  antérieure  d’une  aponévrose  qui 
sépare  ce  muscle  du  grand  rond  et  de  la  longue  portion  du  triceps  brachial. 
Les  fibres  charnues  convergent  de  tous  ces  points  pour  venir  s’insérer  sur  la 
tubérosité  interne  ( ou  trochin)  de  l’humérus,  et  un  peu  sur  le  bord  interne 
de  la  gouttière  bicipitale3. 

11  résulte  de  ces  déterminations  que  le  muscle  sous-scapulaire  manque 


1 C'est  ainsi  que  M.  Lannegrace  ( loc . cit..  pag.  19)  dit,  en  parlant  du  droit  antérieur  des 
Oiseaux,  qu’il  appelle  à tort  pubio-tibial  : «Le  muscle  iliaque  estplacé  en  dehors  du  pubio-tibiaL 
cette  seule  connexion  me  permet  d'affirmer . . . que  le  pubio-tibial  ne  répond  pas  au  droit  an- 
térieur de  la  cuisse  » . 

2 Le  scapulum  est  supposé  placé  comme  dans  la  fig.  12,  PI.  VI,  pour  faciliter  la  compa- 
raison avec  l’iléon. 

2 Dans  la  dernière  partie  de  ce  travail,  quand  il  sera  question  delà  signification  des  trochanters, 
j'aurai  l’occasion  d’apprécier  la  valeur  relative  de  l’insertion  fémorale  de  l'iliaque  et  de  l’inser- 
tion humérale  du  sous-scapulaire.  C'est  là  une  question  très-délicate,  qu’il  serait  prématuré 
d'aborder  ici. 


£ 

P 


178 


d’un  faisceau  scapulaire  qui  répondrait  au  petit  faisceau  iliaque  externe, 
mais  qu’il  représente  tout  le  muscle  iliaque  interne  par  sa  portion  supé- 
rieure au  détroit  supérieur,  tandis  que  la  portion  inférieure  ou  axillaire  nais- 
sant au-dessous  de  la  crête  interne  de  l’omoplate  ou  détroit  supérieur  scapu- 
laire n’est  pas  représentée  dans  le  muscle  iliaque  proprement  dit.  Il  reste  à 
savoir  si  ces  faisceaux  axillaires  n’ont  pas  de  représentants  dans  un  autre 
point  de  l’iléon,  et  c’est  ce  que  j’examinerai  bientôt. 

Muscles  obturateurs  interne  et  externe.  — Petit  fessier.  — Petit 
rond.  — Les  muscles  obturateurs  interne  et  externe  du  bassin  méritent  de 
fixer  hautement  notre  attention.  On  peut  les  considérer  théoriquement 
comme  possédant  chacun  trois  rayons  musculaires  faisant  partie  des  deux 
étoiles  dont  le  centre  est  formé  par  les  tubérosités  fémorales  supérieures. 
Je  vais  commencer  leur  étude  chez  l’Homme  par  le  plus  complet  et  le  mieux 
caractérisé,  c’est-à-dire  l’obturateur  interne. 

Ce  muscle  s’insère  d’une  part  : 

î°  A la  face  interne  du  corps  et  de  la  branche  descendante  du  pubis  (chef 
pubien)  ; 

2°  A la  face  interne  de  la  branche  ascendante  et  du  corps  de  l’ischion  (chef 
ischiatique)  ; 

o°  A la  face  interne  de  toute  la  portion  de  l’iléon  qui  fait  partie  du  petit 
bassin,  c’est-à-dire,  au  détroit  supérieur  et  à toute  la  surface  de  l’iléon  qui 
est  au-dessous  de  ce  détroit  ; 

4°  A la  face  postérieure  de  la  membrane  obturatrice  et  à l’aponévrose  pel- 
vienne qui  revêt  la  face  interne  du  muscle  ; 

5°  Par  ses  fibres  les  plus  inférieures,  au  prolongement  réfléchi  du  grand 
ligament  sacro-sciatique  qui  est  appliqué  contre  l’ischion. 

Nées  de  ces  diverses  insertions,  les  fibres  convergent  pour  former  un  corps 
charnu  qui  gagne  l’ouverture  circonscrite,  en  haut  par  l’épine  sciatique  et  le 
petit  ligament  sacro-sciatique,  en  dedans  et  en  bas  par  le  grand  ligament 
sacro-sciatique,  et  en  dehors  par  le  corps  de  l’ischion.  Ce  muscle  contourne 
le  bord  de  l’ischion,  sur  lequel  il  se  réfléchit  comme  sur  une  poulie,  et  se 
porte  horizontalement  en  dehors,  pour  venir  s’insérer  an  bord  supérieur  du 
grand  trochanter,  au-dessus  de  l’obturateur  externe. 


179 


Les  insertions  sur  le  grand  ligament  sacro-sciatique  sont  dues  à des  rela- 
tions de  contact,  et  doivent  être  rapportées  au  chef  ischiatique,  qui  est  de 
beaucoup  supérieur  aux  autres.  C’est  le  chef  le  plus  volumineux,  et  qui 
est  le  représentant  principal  du  muscle.  Le  chef  iliaque  et  le  chef  pubien  sont 
moins  importants. 

Cherchons  maintenant,  dans  la  ceinture  thoracique  de  l’Homme,  les  re- 
présentants de  ces  divers  éléments. 

Le  chef  pubien  n’est  pas  représenté  à l’épaule,  ce  qui  n’a  pas  lieu  de  nous 
étonner,  car  le  précoracoïde,  un  peu  développé  chez  l’Homme,  chez  quelques 
Singes,  chez  quelques  Édentés,  chez  quelques  Rongeurs  et  chez  les  Cétacés, 
est  extrêmement  rudimentaire  chez  presque  tous  les  autres  Mammifères, 
soit  monodelphes,  soit  didelphes,  soit  ornithodelphes.  Le  chef  pubien,  déjà 
d’une  faible  importance  au  bassin,  disparaît  à l’épaule,  où  le  précoracoïde  est 
loin  d’avoir  un  développement  équivalent  à celui  du  pubis. 

Le  chef  ischiatique  n’est  pas  non  plus  reproduit  à l’épaule  par  un  chef  co- 
racoïdien.  Nous  savons  que  le  coracoïde  n’est  représenté  que  par  un  faible 
noyau  osseux.  Le  muscle  faisant  défaut,  l’os  correspondant  a fait  également 
défaut. 

Le  chef  iliaque  trouve  sur  le  scapulum  une  partie  qui  lui  correspond. 
C’est  le  faisceau  axillaire  du  sous-scapulaire,  qui  naît  de  la  face  interne  du 
scapulum  : 1°  sur  la  crête  arrondie  qui  représente  le  détroit  supérieur  ou 
scapulum  axial  (PI.  VI,  fig.  12,  dét.  sup.  sc.  ax .)  ; 2°  de  la  surface  con- 
cave ou  gouttière  placée  au-dessous  de  celte  crête;  5°  d’une  aponévrose 
qui,  continuant  le  bord  axillaire  de  l’omoplate,  sépare  ce  muscle  du  grand 
rond  et  de  la  longue  portion  du  triceps  brachial.  Cette  aponévrose  n’est  en 
réalité  qu’un  prolongement  fibreux  du  bord  axillaire  de  l’os,  et  est  représen- 
tée par  les  tissus  fibreux  qui  enveloppent  les  vaisseaux  et  nerfs  fessiers  à leur 
sortie  par  la  grande  échancrure  sciatique. 

Le  rapprochement  entre  ces  deux  éléments  musculaires  peut  être  d’autant 
plus  précis  et  rigoureux  que  non-seulement  leurs  insertions  iliaques  et 
scapulaires  se  correspondent  exactement,  mais  qu’encore  l’un  et  l’autre 
contractent  des  rapports  avec  la  face  antérieure  de  deux  tendons  dont  je  dé- 
montrerai plus  tard  l’homologie  : le  tendon  du  long  triceps  brachial  d’une 


180  — 


part,  et  le  grand  ligament  sacro-sciatique  ou  tendon  du  long  biceps  crural 
d’autre  part. 

Bans  le  bassin,  le  muscle  iliaque  interne  passe  au-dessus  de  l’éminence 
iléo-pubienne,  et  par  conséquent  au-dessus  du  pubis  et  de  l’ischion.  Le  chef 
iliaque  de  l’obturateur  interne  passe  au  contraire  au-dessous  de  l’ischion. 
Ces  deux  muscles  sont  par  conséquent  séparés  par  le  triangle  osseux  formé 
par  le  pubis  et  l’ischion.  Il  en  résulte  que,  l’un  sortant  du  bassin  par  le  dé- 
troit supérieur  et  l’autre  par  le  détroit  inférieur,  ils  divergent  à partir  de 
leurs  insertions  iliaques,  ce  qui  peut  donner  une  couleur  paradoxale  à cette 
assimilation  de  ces  deux  muscles  avec  le  muscle  sous-scapulaire,  dont  tous 
les  faisceaux  sont  au  contraire  convergents.  Mais  si  l’on  supprime  au  bassin 
la  tubérosité  de  l’ischion,  de  manière  à ramener  l’os  coxal  aux  éléments  de 
l’arc  scapulaire,  le  chef  iliaque  de  l’obturateur  interne  n’aura  plus  à se  diri- 
ger en  arrière  pour  contourner  le  bord  postérieur  de  l’ischion,  et  il  pourra 
seporter  directement  en  avant  et  en  bas  pour  s’insérer  sur  le  trochanter.  11 
deviendra  alors  parallèle  au  muscle  iliaque,  dont  il  ne  sera  séparé  que  par 
l’épaisseur  du  pubis.  Mais  si  nous  supposons  ici  un  pubis  atrophié  et  rac- 
courci, qui,  n’étant  plus  assez  long  pour  retenir  le  muscle  iliaque  au-dessus 
de  lui,  lui  a permis  de  passer  au-dessous,  nous  aurons  reproduit  exactement 
les  conditions  du  précoracoïde  à l’épaule,  précoracoïde  au-dessous  duquel 
passe  le  sous-scapulaire  ; le  bord  inférieur  de  l’iliaque  sera  contigu  et  paral- 
lèle au  bord  supérieur  du  chef  iliaque  de  l’obturateur  interne,  et  ces  deux 
muscles  seront  réunis  en  un  seul  et  même  muscle.  Les  insertions  trochanté- 
riennes,  éloignées  par  l’effet  de  la  divergence  des  deux  muscles,  se  rappro- 
cheront en  même  temps  qu’eux,  et  le  sous-scapulaire  sera,  dans  tout  son 
ensemble,  représenté  par  le  muscle  iliaque  interne  et  par  le  chef  iliaque  de 
l’obturateur  interne. 

Chez  les  animaux  qui,  comme  le  Cheval,  ont  un  os  iliaque  pourvu  d’une 
tige  ou  portion  axiale  mince,  la  divergence  des  deux  faisceaux  musculaires 
est  très-faible,  l’un  passant  au-dessus  et  l’autre  au-dessous  de  cette  tige  os- 
seuse, relativement  étroite  ; et  l’on  peut  saisir  clairement  combien  il  est  facile 
de  rendre  les  deux  faisceaux  entièrement  parallèles  et  de  les  confondre  en 
un  seul  et  môme  muscle  convergent. 

Il  importe  d’ajouter  d’ailleurs  que  les  différences  qui  empêcheraient 


— 181  — 


d’assimiler  les  deux  muscles  en  question  sont  uniquement  des  différences  de 
trajet  et  de  direction  ; et  nous  savons  combien  peu  d’importance  il  faut 
attacher  à cet  ordre  de  caractères  dans  l’établissement  des  homologies  muscu- 
laires. Les  muscles  obturateurs  nous  fourniront  plus  tard  une  preuve  très- 
frappante  de  ce  fait. 

Les  rapprochements  que  je  fais  trouveront  dans  les  considérations  d’ana- 
tomie comparée  des  preuves  d’une  certaine  valeur  et  que  je  laisse  de  côté 
pour  le  moment,  afin  de  ne  pas  séparer  l’étude  de  l’obturateur  externe  de 
celle  que  je  viens  de  faire  de  l’obturateur  interne. 

L’obturateur  externe  chez  l’Homme  présente,  comme  l’interne,  la  forme 
d’une  étoile  à trois  rayons  ou  chefs  musculaires. 

11  s’insère,  d’une  part  : 1°  au  pourtour  du  trou  obturateur,  c’est-à-dire 
à la  face  antérieure  du  corps  et  de  la  branche  ascendante  de  l’ischion  et 
de  la  branche  descendante  du  pubis  ; 2°  à la  face  antérieure  de  la  membrane 
obturatrice  et  de  l’arcade  aponévrotique  qui  complète  le  canal  sous-pubien; 
d’autre  part,  à la  cavité  digitale  du  grand  trochanter,  c’est-à-dire  à une  exca- 
vation de  la  face  postérieure  de  cette  éminence. 

Les  insertions  pubiennes  de  ce  muscle  se  font  seulement  au  voisinage  du 
trou  obturateur.  La  plus  grande  partie  des  fibres  charnues  naissent  de  l’is- 
chion, de  l’épiischion  et  de  l’épipubis,  ainsi  que  la  membrane  obturatrice. 

L’obturateur  externe  ainsi  constitué  ne  présente  que  deux  chefs  : l’is- 
chiatiqueet  le  pubien.  Le  chef  iliaque  est  représenté  par  un  muscle  qui  en 
est  séparé  par  un  angle  ouvert  en  dedans,  angle  dans  lequel  se  logent  les 
tendons  du  pyramidal,  de  l’obturateur  interne  et  des  jumeaux  : c’est  le 
muscle  petit  fessier.  Ce  dernier  muscle,  en  effet,  s’insère  sur  l’iléon,  à la 
partie  externe  de  l’échancrure  sciatique,  c’est-à-dire  précisément  sur  la  por- 
tion de  la  face  externe  de  l’iléon  qui  est  symétrique  de  la  portion  de  la  face 
interne  qui  fait  partie  du  petit  bassin,  et  sur  laquelle  s’attache  le  chef  iliaque 
de  l’obturateur  interne.  Seulement  les  insertions  du  petit  fessier  dépassent 
cette  -région  et  s’étendent  à toute  la  portion  de  la  fosse  iliaque  externe  qui 
est  au-dessous  de  la  ligne  demi-circulaire  antérieure.  Le  chef  iliaque  de  l’ob- 
turateur externe  s’est  élargi  et  s’est  insinué  sous  le  muscle  moyen  fessier  ; 
mais  son  point  de  départ  principal  est  sur  le  bord  interne  de  l’échancrure 


— 182  — 


sciatique,  tandis  que  son  insertion  mobile  est  sur  le  bord  antérieur  de  la 
moitié  antérieure  du  bord  supérieur  du  grand  trochanter. 

Cette  disposition  étalée  du  petit  fessier  ou  fessier  profond  est  spéciale  à 
l’Homme  et  aux  animaux  dont  l’iléon,  dépourvu  d’un  col  allongé,  s’élargit 
brusquement  en  un  os  plat  formant  une  fosse  iliaque  externe  étendue.  Chez 
les  Mammifères  dont  l’iléon  possède  un  col  allongé,  tels  que  les  Solipèdes 
et  les  Ruminants,  les  insertions  du  fessier  profond  reproduisent  exac- 
tement à l’extérieur  les  insertions  internes  du  chef  iliaque  de  l’obturateur 
interne.  Chez  le  Cheval,  notamment,  le  fessier  profond  est  un  muscle  petit, 
court,  épais,  quadrilatère,  qui  part  de  la  zone  du  col  de  l’iléon  qui  borde 
l’échancrure  sciatique,  et  de  la  crête  sus-cotyloïdienne , c’est-à-dire  de  la 
portion  de  la  face  externe  de  l’iléon  qui  correspond  exactement  aux  inser- 
tions iliaques  internes  de  l’obturateur  interne.  11  en  est  de  même  chez  les 
Ruminants,  quoique  le  muscle  fessier  profond  y soit  plus  développé,  et  l’on 
peut  voir  en  m.f.  p.  (PI.  VI,  fg.  5),  sur  la  crête  sus-cotyloïdienne,  les 
rugosités  osseuses  convergentes  qui  servent  d’insertion  au  muscle  fessierpro- 
fond.  On  voit  qu’ici  ce  muscle  est  exclu  de  la  fosse  iliaque  externe,  dans 
laquelle  il  s’est  partiellement  introduit  chez  l’Homme  et  les  animaux  dont 
l’aile  iliaque  antérieure  s’est  fortement  étalée. 

Nous  trouverons  à la  ceinture  thoracique  un  représentant  de  l’obturateur 
externe  dont  la  composition  rappelle  fidèlement  celle  du  représentant  de 
l’obturateur  interne.  Les  chefs  ischiatique  et  pubien  y font  défaut,  le  cora- 
coïde étant  rudimentaire  et  le  précoracoïde  étant  incomplètement  déve- 
loppé. Le  chef  iliaque  trouve  au  contraire  son  homologue  dans  le  muscle  pe- 
tit rond.  Ce  dernier  muscle  naît  en  effet  d’une  portion  de  la  fosse  sous-épi- 
neuse (PL  V,  fig.  2,  m.  p.  r.),  qui  est  séparée  du  reste  de  la  fosse  par 
une  crête  et  qui  est  située  au-dessus  de  la  surface  rugueuse  d’insertion  du 
muscle  grand  rond.  Cette  surface  d’insertion  correspond  exactement  aux  in- 
sertions du  petit  fessier  qui  sont  voisines  de  l’échancrure  sciatique  (PL  V, 
fig.  1,  m.  p.  /.).  Les  relations  avec  le  grand  rond  etavec  la  portion  iliaque 
du  grand  fessier,  muscles  dont  je  démontrerai  l’homologie,  sont  identiques 
dans  les  deux  cas,  ainsi  qu’on  peut  en  juger  par  le  rapprochement  des  deux 
fig.  1 et  2 de  la  PI.  V.  Enfin,  le  petit  rond  s’insère  sur  la  portion  infé- 


— 185  — 

rieure  et  postérieure  du  troehiter,  c’est-à-dire,  comme  pour  le  petit  fessier, 
sur  la  partie  la  plus  voisine  de  la  tubérosité  supérieure  du  premier  article  du 
membre. 

Chez  beaucoup  de  Mammifères,  les  rapprochements  entre  le  petit  fessier 
et  le  petitrond  sont  encore  plus  étroits  que  chez  l’Homme.  Chez  le  Cheval, 
entre  autres,  et  chez  les  Ruminants,  les  insertions  du  petit  rond  ont  lieu  sur 
une  bande  postérieure  de  la  fosse  sus-épineuse,  et  par  un  court  tendon 
sur  un  petit  tubercule  situé  au  côté  externe  du  sourcil  de  la  cavité  gléno'ide. 
Il  suit  de  là  que  ce  muscle  s’insère  à la  fois  sur  le  bord  axillaire  de  l’omoplate 
qui  répond  au  bord  ischiatique  de  l’iléon  , et  sur  la  partie  du  scapulum  où 
s’insère  le  long  triceps  huméral.  J’ai  désigné  cette  partie  sous  le  nom  de  sca- 
pulum postérieur,  et  nous  savons  qu’elle  répond  àla  crête  sus-cotyloïdienne 
de  l’iléon,  qui  est  l’iléon  postérieur,  et  où  s’insère  le  long  biceps  fémoral.  On 
trouve  donc  là  des  rapports  étroits  et,  précis,  qui  permettent  de  serrer  de  près 
les  homologies'. 

11  résulte  de  ces  considérations  que  les  muscles  obturateurs  interne  et 
externe  de  la  ceinture  pelvienne  ne  sont  représentés  à la  ceinture  thoracique 
que  par  un  de  leurs  trois  chefs,  le  chef  scapulaire,  qui  correspond  au  chef 
iliaque.  Seulement,  tandis  que  le  chef  scapulaire  interne  ne  se  distingue  que 
faiblement  du  muscle  sous-scapulaire  proprement  dit,  le  chef  scapulaire  ex- 
terne est  séparé  du  sous-épineux  par  une  lame  aponévrotique  forte,  qui  sert 
d’insertion  par  ses  faces  à l’un  et  à l’autre  muscle,  et  n’est  qu’un  dévelop- 
pement plus  prononcé  des  lames  aponévrotiques  minces  qui  séparent  les 
fibres  du  sus-scapulaire. 

Les  chefs  ischiatiques  ne  sont  pas  représentés  à l’épaule,  parce  que  le 
coracoïde  homologue  de  l’ischion  est  réduit  à un  point  osseux  peu  étendu 
de  la  cavité  cotyloïde.  Quant  aux  chefs  pubiens,  auxquels  devraient  corres- 
pondre des  chefs  précoracoïdiens,  ils  font  également  défaut,  ce  qui  ne  s’ex- 
plique pas  de  prime  abord,  puisque  le  précoracoïde  atteint  chez  l’Homme 
et  chez  quelques  Mammifères  un  développement  relativement  grand,  et  que 


1 Nous  verrous  dans  la  suite  du  travail  que  le  long  biceps  fémoral  est  l’homologue  du  long 
triceps  brachial. 


U 


184 


chez  tous  les  Mammifères  il  est  au  moins  représenté  par  une  saillie  osseuse 
suffisante  pour  donner  insertion  à des  muscles. 

Nous  trouverons  l’explication  de  celte  absence  de  chef  ou  rayon  préco- 
racoïdien  dans  cette  observation  que  le  précoracoïde  est  toujours  incom- 
plet, même  chez  les  Mammifères  où  il  est  le  plus  développé,  et  que  chez 
ces  derniers,  chez  l’Homme  par  exemple,  il  ne  possède  que  sa  portion 
axiale  supérieure,  voisine  de  la  cavité  articulaire,  portion  qui,  dans  le  pubis, 
ne  porte  point  les  insertions  des  obturateurs.  Celte  portion  du  précoracoïde 
appartient  à d’autres  muscles  dont  nous  aurons  à discuter  la  valeur.  Au 
reste,  l’anatomie  comparée  viendra  apporter  ses  preuves  à l’appui  des  con- 
sidérations qui  précèdent,  en  démontrant  que  les  chefs  coracoïdiens  et  pré- 
coracoïdiens  des  obturateurs  sont  toujours  plus  ou  moins  représentés  à 
l’épaule  des  Vertébrés  dont  le  coracoïde  et  le  précoracoïde  ont  atteint  un 
développement  normal,  et  que  le  chef  coracoïdien  existe  seul  quand  le 
coracoïde  seul  s’est  suffisamment  développé.  Ainsi  se  produira  une  nouvelle 
confirmation  du  principe  (que  je  m’efforce  d’établir)  de  la  corrélation  étroite 
des  os  et  des  muscles,  corrélation  telle  que  le  muscle  commande  la  formation 
de  l’os,  et  que,  là  où  le  muscle  fait  défaut,  l’os  fait  également  défaut.  11  en 
résultera  encore  une  nouvelle  preuve  de  la  fixité  des  insertions  musculaires, 
les  muscles  ne  transposant  pas  leurs  insertions  et  ne  se  fixant  pas  sur  un 
autre  os,  quand  l’os  d’insertion  ordinaire  fait  défaut. 

Ces  principes  vont  trouver  une  confirmation  éclatante  dans  l’étude  que  je 
vais  faire  des  muscles  obturateurs  chez  les  Vertébrés  autres  que  les  Mammi- 
fères, et  chez  les  Mammifères  ornilhodelphes. 

On  peut  dire  d’une  manière  générale  que,  soit  à la  ceinture  pelvienne, 
soit  à la  ceinture  thoracique,  quand  les  éléments  osseux  sont  suffisamment 
développés,  il  existe  des  chefs  musculaires  qui  appartiennent  aux  muscles 
obturateurs,  et  dont  l’importance  est  proportionnée  à celle  des  éléments 
osseux.  11  existe  donc,  à l’épaule  comme  au  bassin,  de  véritables  muscles 
obturateurs,  dont  l’homologie  n’est  pas  douteuse,  qui  représentent  dans 
l’une  et  l’autre  ceinture  la  couche  la  plus  profonde  des  muscles  qui  en 
naissent,  couche  dont  l’insertion  mobile  ou  distale  se  fait  sur  les  tubéro- 
sités supérieures  de  l’os  qui  forme  le  premier  article  du  membre.  Cette 


185-  — 


présence,  à l’épaule,  de  véritables  muscles  obturateurs  ne  semble  pas  avoir 
frappé  l’attention  des  observateurs,  quelque  intéressante  qu’elle  soit  au 
point  de  vue  delà  comparaison  des  deux  ceintures.  Les  désignations  don- 
nées aux  muscles  de  l’épaule  par  les  anatomistes  ne  rappellent  en  rien  cette 
conformité  de  structure  entre  les  deux  ceintures,  et  prouvent  suffisamment 
que  l’attention  des  naturalistes  ne  s’est  point  portée  sur  ce  point,  d’un  réel 
intérêt.  Je  désire  combler  ici  cette  lacune  regrettable,  et  démontrer  ainsi 
combien  sont  étroites  et  précises  les  ressemblances  des  deux  arcs  thoracique 
et  pelvien.  Aussi  vais-je  rechercher  dans  la  série  des  Vertébrés  les  muscles 
obturateurs  delà  ceinture  scapulaire  en  lescomparant  à ceux  de  la  ceinture 
thoracique. 

A.  Amphibiens.  — Chez  les  Amphibiens  urodèles,  dont  la  ceinture  pel- 
vienne se  compose  d’un  iléon  dorsal  étroit  et  d’un  large  ischio-pubien  ven- 
tral, il  existe  un  obturateur  interne  qui  part  de  la  face  interne  de  l’ischion 
et  un  peu  de  la  portion  pubienne  de  l’os,  et  qui,  sortant  du  bassin  par  son 
orifice  postérieur,  va  s’insérer  sur  les  tubérosités  de  l’extrémité  proximale 
du  fémur.  Le  chef  iliaque  fait  généralement  défaut,  ce  qui  est  en  relation 
avec  les  faibles  dimensions  relatives  de  l’iléon  chez  les  Urodèles. 

L’obturateur  externe  n’est  pas  un  muscle  distinct  et  isolé.  Il  peut  être 
considéré  comme  une  portion  profonde  de  la  masse  des  adducteurs.  Ces 
derniers  s’insèrent  en  effet  sur  toute  la  face  inférieure  de  l’ischio-pubis, 
et  sur  le  bord  interne  du  fémur  depuis  la  tubérosité  trochantérienne  jus- 
qu’au condyle.  Le  chef  iliaque  est  confondu  avec  la  partie  du  muscle  fessier 
qui  va  de  l’iléon  à la  partie  supérieure  du  fémur. 

Sur  la  ceinture  pectorale  des  Batraciens  urodèles,  on  peut  nettement 
reconnaître  un  obturateur  interne  et  un  obturateur  externe.  C’est  ainsi  que 
chez  la  Salamandra  maculosa  j’ai  trouvé  un  bel  obturateur  externe,  for- 
mant une  couche  musculaire  composée  de  trois  chefs  aplatis,  disposés  en 
éventail  et  convergeant  vers  la  tubérosité  supérieure  de  l’humérus.  U y a 
un  chef  coracoïdien  large  tapissant  presque  toute  la  face  externe  du  cora- 
coïde, un  chef  précoracoïdien  dont  l’étendue  est  proportionnée  aux  dimen- 
sions du  précoracoïde.  Ces  deux  portions  de  l’obturateur  externe  ont  été 
décrites  par  Owen  comme  des  portions  du  grand  pectoral  chez  la  Salaman- 


180 


dru  terreslris , quoiqu’il  eût  reconnu  leur  indépendance  et  leur  autonomie 

( v but  so  lhat  the  coracoïd  portion  is  almost  a distinct  muscle ' »). 

Le  chef  scapulaire  est  représenté  par  un  muscle  qui  naît  de  la  face  externe 
du  scapulum  (suscapulaire  des  auteurs,  petit  rond  mihi ) et  correspond  à ce 
muscle  tout  entier. 

L’obturateur  interne  est  constitué  par  des  lames  musculaires  qui  partent 
de  la  partie  externe  de  la  face  profonde  du  coracoïde  et  du  précoracoïde,  et 
qui  s’unissent  avec  un  chef  sous-scapulaire  assez  réduit  et  contournent  lebord 
du  coracoïde  pour  aller  se  porter  sur  la  tubérosité  proximale  de  l’humérus. 

Chez  l’Axolotl,  comme  chez  la  Salamandre,  les  chefs  coracoïdiens  et  sca- 
pulaire de  l’obturateur  interne  se  réunissent  bientôt  en  un  seul  muscle  qui 
va  s’insérer  sur  la  tubérosité  humérale. 

Les  modifications  de  la  ceinture  pelvienne,  chez  les  Batraciens  anoures, 
ont  leur  retentissement  naturel  sur  la  disposition  des  muscles  obturateurs. 
Les  plaques  ischio-pubiennes  sont  appliquées  l’une  à l’autre  par  leur  face 
interne,  d’où  résulte  l’absence  des  chefs  ischio-pubiens  de  l’obturateur 
interne.  Quant  au  chef  iliaque,  il  est  difficile  de  le  distinguer,  vu  la  forme 
anormale  et  rétrécie  de  l’iléon  ; mais  on  peut  cependant  le  considérer  comme 
confondu  avec  le  muscle  intra-iléo-fémoral,  qui  naît  de  la  face  interne  de 
la  portion  postérieure  aplatie  de  l’iléon,  et  qui,  se  réfléchissant  sur  le  bord 
antérieur  du  pelvis,  va  s’insérer  sur  la  face  externe  du  fémur  dans  presque 
toute  son  étendue. 

Quant  à l’obturateur  externe,  il  est  plus  reconnaissable  et  plus  complet  ; ses 
chefs  ischio-pubiens  font  partie  d’une  masse  musculaire  située  à la  face  pro- 
fonde du  grand  adducteur,  s’insérant  sur  la  face  externe  de  l’ischion  et  du 
pubis,  et  allant  s’attacher  sur  le  tiers  supérieur  du  bord  interne  du  fémur. 
La  portion  la  plus  antérieure  de  cette  masse  se  distingue  assez  bien  du  reste 
du  muscle,  qui  est  un  véritable  adducteur  profond,  et  elle  va  s’insérer  im- 
médiatement au-dessous  de  la  tête  du  fémur.  Je  crois  qu’on  peut,  avec 
raison,  considérer  cette  portion  comme  représentant  l’obturateur  externe. 
Le  chef  iliaque  de  ce  muscle  ne  peut  être  distingué  du  muscle  fessier. 


1 Owen-,  Anatomy  of  Vertebrates,  I,  pag.  217. 


— 187  — 

Les  obturateurs  de  la  ceinture  scapulaire  sont  plus  normaux  et  plus  com- 
plets que  ceux  de  la  ceinture  pelvienne,  ce  qu’il  était  facile  de  prévoir, 
vu  l’état  complet  de  développement  et  l’indépendance  relative  des  éléments 
de  l’arc  pectoral. 

L’obturateur  interne  ( Ram  esculenta ) se  compose  d’un  chef  coracoïdien 
assez  volumineux  qui  occupe  la  face  interne  du  coracoïde,  et  d’un  chef  sous- 
scapulaire  plus  important,  qui,  réunis  en  une  masse  commune,  passent  en 
arrière  de  la  ceinture  thoracique  et  vont  s’insérer  sur  la  tubérosité  de  l’ex- 
trémité proximale  de  l’humérus,  dans  le  sillon  postérieur  de  la  crête  deltoï- 
dienne.  Le  chef  précoracoïdien  est  réduit  à quelques  fibres  musculaires  et 
semble  faire  à peu  près  défaut  ; mais  il  est  en  réalité  remplacé  par  le  chef 
précoracoïdien  d’un  muscle  important  que  nous  retrouverons  dans  la  cein- 
ture pelvienne  des  Lacertiliens  et  des  Chéloniens,  où  Owen  le  désigne  sous 
le  nom  de  pectineus.  Ce  muscle  important,  composé  d’un  chef  intra-préco- 
racoïdienet  d’un  chef  sous-scapulaire,  sort  en  avant  de  la  ceinture  thoracique, 
dont  il  contourne  le  bord  antérieur  ou  précoracoïdien,  et  va  s’insérer 
sur  le  trochiter  et  une  portion  des  faces  interne  et  antérieure  de  l’humérus. 

L’obturateur  externe  se  compose  d’un  chef  précoracoïdien  naissant  de 
la  partie  externe  de  la  face  inférieure  du  précoracoïde,  et  d’un  chef  coracoïdien 
qui  s’insère  sur  la  moitié  externe  de  la  face  inférieure  du  coracoïde.  Le  chef 
coracoïdien  est  contigu  et  pour  ainsi  dire  continu  avec  un  muscle  grand  ad- 
ducteur coracoïdien  qui  correspond  à l’adducteur  ischiatique.  C’est  là  un 
rapport  qui  doit  d’autant  moins  nous  étonner,  qu’il  existe  dans  la  ceinture 
pelvienne  des  Mammifères  et  même  de  l’Homme  : la  portion  ischiatique  des 
obturateurs  y est  en  effet  continue  avec  le  bord  supérieur  du  carré  crural, 
qui  n’est  qu’un  faisceau  supérieur  du  grand  adducteur  ischiatique. 

Le  chef  sus-scapulaire  de  l’obturateur  externe  doit  être  considéré  comme 
représenté  en  tout  ou  en  partie  par  un  muscle  qui,  s’insérant  sur  la  face  su- 
périeure de  l’épiscapulum  et  du  scapulum,  va  se  terminer  à côté  des  deux 
autres  chefs,  sur  les  tubérosités  supérieures  de  l’humérus. 

B.  Reptiles.  — Chez  les  Reptiles,  nous  retrouvons  aussi  et  plus  nette- 
ment encore  les  obturateurs  pelviens  et  thoraciques,  avec  des  modifications 
qui  sont  corrélatives  de  la  constitution  des  ceintures  osseuses. 


— 188  — 


1°  Chez  les  Chéloniens  ( Testudo  mauritanica , Cistudo  europœa,  Chel- 
l/iydra  serpentina),  on  trouve  à la  ceinture  pelvienne  les  deux  obturateurs 
interne  et  externe,  plus  un  muscle  surnuméraire,  1 epectineus  d’Owen,  qui 
doit  être  rattaché  aux  obturateurs,  et  dont  je  rechercherai  la  signification. 

L’obturateur  interne  s’insère  sur  toute  la  face  interne  de  l’ischion,  sur  la 
membrane  obturatrice  et  sur  le  bord  postérieur  du  pubis.  A ce  faisceau, 
assez  volumineux,  qui  représente  les  chefs  ischiatiques  et  une  partie  du 
chef  pubien,  s’unissent  des  fibres  provenant  des  faces  internes  de  l’iléon, 
et  des  faisceaux  pubiens  que  nous  étudierons  sous  le  nom  de  muscle  pubien 
interne,  ou  pectineus  d’Owen. 

Les  fibres  naissant  de  la  face  interne  de  l’ischion  s’unissent  à des  fibres 
naissant  de  la  partie  postérieure  de  la  face  interne  de  l’iléon  et  du  bord 
postérieur  de  cet  os,  et  sortent  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture  pour  se 
rendre  sur  le  fémur,  au  voisinage  de  la  grosse  tubérosité.  Les  fibres  nais- 
sant de  la  face  interne  du  pubis  sortent  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture, 
se  réfléchissent  sur  le  bord  antérieur  du  pubis  et  s’unissent  au  muscle  ilia- 
que interne,  qui  naît  du  bord  antérieur  de  l’iléon  pour  se  porter  vers  la 
petite  tubérosité  du  fémur.  11  y a donc  deux  faisceaux  distincts  : l’un  anté- 
rieur et  l’autre  postérieur,  composés  chacun  d’un  chef  ou  ischiatique  ou 
pubien,  et  d’un  chef  iliaque,  postérieur  ou  antérieur.  C’est  là  une  disposi- 
tion qui  se  retrouvera  à la  ceinture  thoracique,  et  qui  se  reproduit  chez  les 
Sauriens  et  chez  les  Crocodiliens. 

L’obturateur  externe  fait  partie  d’un  faisceau  musculaire  volumineux 
provenant  de  la  face  inférieure  de  l’ischion,  de  la  face  inférieure  du  pubis, 
et  de  la  membrane  obturatrice.  Les  fibres  pubiennes  de  cette  masse  mus- 
culaire sont  bien  plus  importantes  que  les  fibres  ischiatiques.  Cette  masse 
musculaire  est  croisée  à sa  face  inférieure  par  le  ligament  ischio-pubien 
(PL  IV,  fig.  11,  lig.  isc.  pu.).  Owen  la  désigne  sous  le  nom  de  triceps 
adductor , dénomination  qui  a ceci  de  juste  que  la  masse  musculaire  ainsi 
décrite  ne  correspond  pas  seulement  à l’obturateur  externe,  mais  aussi  aux 
adducteurs  pubiens. 

Au  reste,  les  deux  muscles  composants  sont  clairement  séparés  par  un 
sillon  très-marqué  qui  "permet  de  les  distinguer.  Les  adducteurs  pubiens, 
s’insérant  sur  le  pubis  et  formant  la  partie  antérieure  de  la  masse,  vonts’in- 


189  — 


sérer  sur  la  partie  supérieure  delà  ligne  âpre  du  fémur,  tandis  que  l’obtura- 
teur externe,  s’insérant  un  peu  sur  le  pubis,  sur  la  membrane  obturatrice  et 
surtout  sur  l’ischion,  va  s’attachera  la  petite  tubérosité  ou  tubérosité  anté- 
rieure du  fémur. 

Quant  au  chef  iliaque  de  l’obturateur  externe,  il  se  confond  avec  les  mus- 
cles iléo-fémoraux  ou  fessiers  profonds,  qui  s’insèrent  également  sur  le 
trochanter. 

A ces  muscles , il  faut  ajouter  un  muscle  volumineux  , décrit  par 
Owen  sous  le  nom  de  pectineus , et  par  Bojanus  sous  le  nom  d’iliacus  in- 
ternus. Ce  muscle,  ayant  son  point  de  départ  sur  la  face  supérieure  du  pubis 
et  de  l’apophyse  pubienne , se  réfléchit  sur  celte  dernière  pour  aller  s’insérer 
sur  la  tubérosité  interne  ou  petite  tubérosité  du  fémur,  et  sur  une  ligne 
courte  qui  part  de  cette  tubérosité.  Ce  tendon  terminal  reçoit,  ainsi  que  le 
fait  remarquer  Owen,  un  petit  faisceau  qui,  naissant  du  corps  de  la  neu- 
vième vertèbre  dorsale  et  de  la  dixième  pleurapopbyse,  peut  représenter  le 
psoas.  Ce  muscle  n’est  exactement  ni  un  muscle  pectiné  proprement  dit, 
comme  le  pense  Owen,  et  encore  moins  un  iliaque  interne,  comme  le  pense 
Bojanus.  Pour  combattre  l’opinion  de  Bojanus,  il  suffit  de  faire  remarquer 
que  ce  muscle  n’a  aucune  relation  d’attache  avec  l’iléon.  Ce  n’est  pas  non 
plus  un  muscle  pectiné,  dans  le  sens  rigoureux  du  mot,  à cause  de  ses  inser- 
tions sus-pubiennes  et  trochantériennes.  Il  faut  le  considérer  comme  un 
muscle  complexe  répondant,  d’une  part  au  vrai  pectiné  par  ses  fibres  externes 
nées  de  l’apophyse  pubienne  et  allant  à la  partie  supérieure  de  la  ligne  âpre, 
et  d’autre  part  à un  muscle  pubien  interne  par  ses  fibres  intra-pubiennes 
et  trochantériennes.  Ce  dernier  muscle  serait  au  chef  pubien  de  l’obturateur 
interne  ce  qu’est  le  muscle  iliaque  par  rapport  au  chef  iliaque  de  ce  même 
obturateur.  Le  muscle  pubien  interne , comme  l 'iliaque  interne , sont  des 
muscles  de  renforcements  antérieurs  considérables  des  chefs  correspondants 
de  l’obturateur  interne,  renforcements  dont  la  présence  est  en  relation  avec 
un  développement  considérable  de  l’os  sur  lequel  ils  s’attachent,  et  qui 
passent  l’un  et  l’autre  au-devant  de  la  ceinture  pelvienne. 

A l’épaule  des  Chéloniens  existent  des  muscles  obturateurs  bien  dévelop- 
pés et  bien  caractérisés. 


— 1 90  — 

Sur  la  face  inférieure  delà  portion  coraco-précoracoïdienne  de  la  ceinture 
thoracique,  on  trouve  deux  faisceaux  musculaires  qui  ne  sont  séparés  que 
par  un  sillon  peu  profond,  mais  qui  convergent  vers  la  tubérosité  interne 
ou  deltoïdienne  de  l'humérus,  ou  petite  tubérosité.  L’un  de  ces  muscles  est 
antérieur  et  s’insère  sur  toute  la  face  inférieure  du  précoracoïde  et  sur  l’épi- 
précoracoïde.  Owen,  qui  regarde  le  précoracoïde  comme  une  clavicule,  est 
amené  par  là  à considérera  tort  ce  muscle  comme  un  faisceau  du  deltoïde. 
Le  deltoïde  est  toujours  étranger  aux  éléments  coracoïdiens  et  précoracoï- 
diens  de  la  ceinture  thoracique.  Il  appartient  à l'élément  scapulaire  et  aux 
éléments  surajoutés  ou  de  formation  secondaire  de  cette  ceinture,  c’est-à- 
dire  la  clavicule  et  l’intercla vieille,  quand  elles  existent.  Le  second  faisceau, 
bien  plus  volumineux  que  l’antérieur,  s’insère  sur  la  membrane  obturatrice 
dans  toute  son  étendue  et  sur  la  face  inférieure  du  coracoïde.  Il  s’unit  au 
faisceau  antérieur,  au  niveau  de  son  insertion  humérale  sur  la  tubérosité  in- 
terne : c’est  le  subcoracoideus  d’Owen  \ M.  Alix  \ pour  des  raisons  trop 
subtiles  et  trop  peu  rigoureuses  pour  que  je  les  discute  ici,  en  fait  un  muscle 
sus-épineux. 

Ces  deux  faisceaux  réunis  doivent  être  considérés  comme  un  véritable 
obturateur  externe  thoracique  dont  les  chefs  précoracoïdien  et  coracoïdien 
sont  nettement  et  fortement  développés.  On  pourrait  peut-être  ajouter  que  le 
faisceau  précoracoïdien  ne  correspond  pas  uniquement  à l’un  des  chefs  de 
l’obturateur,  mais  qu’il  représente  à la  fois  le  chef  précoracoïdien  de  l’obtu- 
rateur externe,  et  le  précoraco-huméral  (coraco-brachialdesanthropotomistes), 
dont  les  insertions  seraient  limitées  à la  région  trochantérienne  de  l’humérus 
et  ne  s’étendraient  pas  au  corps  de  cet  os,  à cause  de  la  situation  spéciale  de 
l’humérus,  qui,  chez  les  Chéloniens,  est  dirigé  en  avant  et  non  en  arrière, 
comme  chez  tous  les  autres  Vertébrés. 

La  face  supérieure  ou  profonde  de  la  portion  coraco-précoracoïdienne  de 
la  ceinture  est  occupée  par  une  masse  musculaire  triangulaire  très-volumi- 
neuse, qui  dépasse  notablement  en  arrière  les  limites  de  la  région  osseuse, 
et  qui  est  à ce  niveau  séparée  du  bord  postérieur  de  l’obturateur  externe  par 


1 Owea-,  Anat.  of  Vertebrates,  I,  238. 

2 Alix;  Essai  sur  l'app.  locom.  des  Oiseaux , pag.  422. 


191 


un  sillon  profond  dans  lequel  se  trouve  logé  le  biceps  brachial.  Cette  niasse 
musculaire  s’insère  à toute  la  face  supérieure  du  coracoïde,  de  l’épicoracoïde, 
et  de  la  membrane  obturatrice  sur  le  bord  postérieur  du  précoracoïde  ; elle 
converge  vers  la  grosse  tubérosité  ou  tubérosité  externe  de  l’humérus. 
Avant  de  s’y  insérer,  elle  s’unit  avec  un  faisceau  musculaire  assez  volu- 
mineux, qui  provient  de  la  face  interne  du  scapulum. 

On  peut  distinguer  dans  la  masse  musculaire  sus-coracoïdienne  plusieurs 
faisceaux  faiblement  séparés.  Owen  y a reconnu,  chez  l ’Emys  europœa , un 
supercoracoideus  qui  serait  le  faisceau  postérieur,  que  je  considère  comme 
le  carré  crural,  et  un  teres  minor  ou  petit  rond,  ce  qui  n’est  point  justifiable, 
puisque  le  petit  rond  est  proprement  un  muscle  scapulaire  et  non  un  muscle 
coracoïdien. 

Il  est  très-rationnel  de  considérer  cette  masse  musculaire  comme  constituée 
à la  fois  par  le  chef  coracoïdien  très-volumineux  de  l’obturateur  interne  qui 
s’unit  à un  chef  sous-scapulaire  postérieur,  et  par  un  muscle  coraco-huméral 
hui  occupe  le  bord  postérieur  de  l’obturateur  interne,  avec  lequel  il  est  continu , 
et  qui  représente  un  grand  adducteur  coraco-huméral  réduit  à sa  portion  proxi- 
male ou  carré  huméral.  Ce  muscle  correspondrait  au  carré  crural,  qui  est  la 
portion  proximale  du  grand  adducteur  ischio-fémoral.  On  sait  d’ailleurs  que 
le  carré  crural  (quand  il  existe  à l’état  distinct,  comme  chez  l’Homme),  ou 
dans  tous  les  cas  la  portion  proximale  du  grand  adducteur  fémoral,  sont 
continus  avec  le  bord  postérieur  ou  inférieur  de  l’obturateur  interne,  et 
même  des  deux  obturateurs.  Je  rappelle  que  la  face  profonde  de  cet  obtu- 
rateur interne  des  Chéloniens  est  recouverte  d’une  aponévrose  qui  devient  le 
point  de  départ  de  ce  muscle  plat,  qu’Owen  a nommé  serratus  magnus , 
et  dont  je  me  suis  longuement  occupé  à propos  du  petit  pectoral. 

Le  chef  précoracoïdien  de  l’obturateur  interne  est  peu  développé.  C’est  un 
muscle  naissant  de  la  face  interne  du  précoracoïde,  sur  le  parcours  du  bord 
antérieur , et  qui,  s’unissant  à des  fibres  nées  sur  la  face  interne  de  l’extré- 
milé  inférieure  du  scapulum,  va  s’insérer  sur  la  tubérosité  externe  de  l’hu- 
mérus, au-dessous  de  la  crête  deltoïdienne.  C’est  là  un  chef  précoracoïdien 
accompagné  d’un  chef  scapulaire  antérieur  de  l’obturateur  interne  et  sortant 
par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture.  Ce  muscle  est  très-remarquable,  parce 
qu’il  reproduit  exactement  à l’épaule  la  disposition  du  pectineus  d’Owen  au 

25 


192 


bassin.  Et  puisque  ce  dernier  a été  considéré  par  moi  comme  un  chef  pubien 
de  renforcement  de  l’obturateur  interne,  il  est  rationnel  de  regarder  le  muscle 
correspondant  de  la  ceinture  thoracique  comme  un  chef  précoracoïdien 
de  renforcement  de  l’obturateur  interne.  Ce  chef  précoracoïdien  s’unit  à des 
faisceaux  scapulaires  antérieurs,  et  sort  par  l’ouverture  antérieure  de  la  cein- 
ture thoracique,  comme  le  chef  pubien  correspondant  s’unit  à des  faisceaux 
iliaques  antérieurs  pour  sortir  par  l’orifice  antérieur  de  l’arc  pelvien. 

2°  Chez  les  Lacertiliens  ( Lacerta  ocellata ),  il  y a ci  la  ceinture  pelvienne  : 
1"  un  obturateur  interne  qui  s’insère  sur  l’ischion,  sur  la  membrane  obtu- 
ratrice et  sur  le  bord  postérieur  du  pubis  ; quelques  fibres  naissent  de  la 
portion  proximale  de  la  face  interne  de  l’iléon  ; le  faisceau  ischiatique  est  de 
beaucoup  le  plus  volumineux,  le  faisceau  pubien  étant  très-réduit  ; 2°  un 
obturateur  externe  qui  est  ischio-pubien  et  qui,  comme  chez  les  Batraciens 
et  les  Chéloniens,  peut  être  considéré  comme  correspondant  aussi  aux  ad- 
ducteurs par  ses  fibres  superficielles  et  postérieures  qui,  dépassant  le  tro- 
chanter, vont  à la  ligne  âpre  ; et  5°  un  pubien  interne  très-développé  ou 
pectiné  d’Owen,  exactement  comparable  à celui  des  Chéloniens,  et  auquel 
s’appliquent  les  mômes  remarques. 

La  ceinture  thoracique  des  Lacertiliens  kionocrâniens  possède  aussi  un 
obturateur  externe  et  un  obturateur  interne  dont  la  détermination  mérite 
d’être  discutée.  L’obturateur  externe  est  bien  plus  développé  que  l’interne. 
Il  est  fort  et  large,  et  se  compose  de  plusieurs  faisceaux.  Il  est  recouvert  en 
avant  par  le  deltoïde  claviculaire  et  en  arrière  par  le  muscle  pectoral.  Chez 
le  Lézard  occellé,  où  je  l’ai  disséqué  avec  soin,  ce  muscle  comprend  un 
faisceau  coraco-huméral,  un  faisceau  précoraco-huméral,  et  un  faisceau 
scapulo-huméral.  Le  faisceau  coracoïdien  est  le  plus  volumineux  ; il  s’insère 
sur  la  face  inférieure  du  coracoïde  et  de  lepicoracoïde  dans  la  moitié  anté- 
rieure de  cet  os,  sur  le  pourtour  du  trou  obturateur,  sur  la  membrane 
obturatrice  jusqu’au  niveau  du  précoracoïde.  Les  fibres  de  ce  muscle  divisées 
parfois  en  deux  couches  superposées,  l’une  superficielle  et  l’autre  profonde 
(Scincoidea,  Uromastix ),  convergent  et  vont  s’attacher  sur  la  tubérosité 
latérale  externe  de  l’humérus. 


195 


La  signification  de  ce  faisceau  musculaire  a été  très-diversement  comprise. 
Meckel  et  Pfeiffer  en  ont  fait  une  dépendance  du  muscle  deltoïde,  ce  qui 
n’est  pas  soutenable,  attendu  que  le  deltoïde  n’est  pas  un  muscle  coracoï- 
dien.  D’autres  lui  ont  donné  des  dénominations  neutres  et  ne  préjugeant  en 
rien  sa  signification.  Mivart  l’a  appelé  M.  epicoraco-humeralis  ; Rüdinger 
M.  coraco-brachialis  proprius  et  proprius  anterior ; Fürbringer,  M.  co- 
raco-humeralis  I et  IL  D’autres  anatomistes,  Stannius,  Rolleston,  lui  ont 
reconnu  une  grande  ressemblance  avec  le  second  pectoral  des  Oiseaux,  et 
surtout  desRatites,  et  l’ont  considéré  comme  son  homologue.  Rolleston  et 
Sanders  ont  les  premiers,  dernièrement,  cherché  son  homologue  parmi  les 
muscles  de  l’Homme.  Rolleston  l’a  comparé  au  muscle  sous-clavier  des 
Mammifères,  et  Sanders  au  sus-épineux  dans  ses  travaux  sur  le  Platy- 
dactylus  et  sur  le  Liolepis,  tandis  que  dans  son  dernier  travail  (sur  le  Phry- 
nosoma ) il  le  reconnaît  comme  l’homologue  en  partie  du  sus-épineux  et  en 
partie  du  sous-clavier.  Fürbringer,  à qui  j’emprunte  ces  détails  historiques, 
pencherait  fort  pour  la  première  opinion  de  Sanders,  c’est-à-dire  pour  la 
détermination  de  ce  muscle  comme  l’homologue  du  sus-épineux,  attendu 
que  l’insertion  humérale  des  deux  muscles  est  bien  réellement  identique.  11 
fait  pourtant  observer  que  ce  serait  considérer  comme  homologues  le  cora- 
coïde, l’épicoracoïde  et  le  précoracoïde  des  Sauriens  d’une  part,  et  la  fosse 
sus-épineuse  des  Mammifères  d’autre  part,  ce  qui  n’est  pas  admissible.  Für- 
bringer s’arrête  enfin  à cette  opinion  que  le  muscle  des  Sauriens,  que  nous 
étudions  et  auquel  il  donne  le  nom  de  supra- cor  acoideus , et  le  sus-épineux 
des  Mammifères,  ne  sont  pas  homologues,  que  ce  sont  deux  muscles  dis- 
tincts appartenant  au  même  groupe  de  muscles  (le  système  des  muscles  su- 
pra-coracoïdien,  sus-épineux  et  sous-épineux),  mais  différant  trop  entre  eux 
par  leur  situation  et  leurs  insertions  fixes  pour  qu’on  puisse  les  considérer 
comme  complètement  homologues.  Il  va  sans  dire  qu’en  vertu  même  du 
principe  de  la  constance  des  insertions  musculaires,  que  je  soutiens  ici , je  rejette 
toute  homologie  directe  du  muscle  supracoracoïdien  de  Fürbringer,  soit  avec 
le  sous-clavier,  soit  avec  le  sus-épineux  des  Mammifères.  Quant  à considérer, 
avec  Fürbringer,  le  supracoracoïdien  et  le  sus-épineux  comme  des  muscles 
appartenant  au  même  groupe,  au  même  système,  je  regarde  cette  opinion 
comme  acceptable,  en  tant  que  ce  groupe  correspondrait  à la  couche  pro- 


194  — 


fonde  des  muscles  qui  vont  des  divers  éléments  primaires  de  la  ceinture  tho- 
racique aux  tubérosités  proximales  de  l’humérus1. 

J’aurai  du  reste  l’occasion  de  m’expliquer  à cet  égard  lorsque  je  parlerai 
des  muscles  sus  et  sous-épineux.  Pour  le  moment,  je  fais  observer  que  le 
supracoracoïdien  de  Fürbringer  est  en  réalité  la  réunion  des  chefs  coracoïdien 
et  précoraco'idien  de  l’obturateur  externe  recouvrant  la  membrane  obtura- 
trice. La  partie  profonde  de  ce  muscle,  qui  chez  les  Scinco'ides  et  l’Uromas- 
tix  nait  surtout  du  bord  antérieur  du  coracoïde  et  du  précoracoïde,  et  se 
trouve  placée  en  avant  du  biceps,  qui  la  recouvre  un  peu,  est  surtout  repré- 
sentée chez  les  Crocodiliens,  où  elle  se  développe  considérablement. 

Ce  muscle  est  innervé  à la  fois  : 1°  par  le  nerf  supra-coracoïdien,  qui 
passe  par  le  trou  ou  foramen  coracoïdien,  de  même  que  l’obturateur  externe 
pelvien  est  innervé  par  un  nerf  qui  traverse  le  trou  pubien  ; et  2°  par  le  nerf 
scapulo-humèral  profond,  qui  contourne  le  bord  axillaire  du  scapulum. 

Le  chef  scapulaire  de  l’obturateur  externe  est  représenté  par  un  muscle 
qui  a été  décrit  sous  diverses  dénominations.  Pour  Pfeiffer,  Stannius, 
Sanders,  c’est  un  infraspinatus  ; pour  Mivart,  la  portion  supérieure  du 
deltoïde-,  pour  Günther  et  Rolleslon,  le  deltoïde ; pour  Rüdinger,  un 
dorsalis  scapulœ  ( supraspinatus , infraspinatus  et  teres  minor );  pour  Für- 
bringer, un  suprascapulo- humer alis  s.  infraspinatus  et  supraspinatus , ou 
bien  un  dorsalis  scapulœ,  ou  deltoïdes  scapularis  s.  superior. 


1 Fürbringer,  qui  attache  une  importance  prédominante,  dans  l’établissement  des  homologies 
musculaires,  à l’origine  des  nerfs  qui  innervent  les  muscles,  est  obligé  de  reconnaître  que 
les  nerfs  du  muscle  supracoracoïdien  des  Sauriens  et  le  nerf  du  sus-épineux  des  Mammi- 
fères ne  sauraient  être  considérés  comme  homologues.  Je  profite  de  l’occasion  pour  dire 
que  je  ne  pense  pas  qu’il  faille  attribuer  à l’origine  des  nerfs  musculaires  une  impor- 
tance aussi  capitale  et  aussi  exclusive  qu’on  a voulu  le  faire  pour  la  détermination  des 
muscles  homologues.  C’est  là  un  caractère  dont  il  faut  tenir  compte  sans  doute,  mais  non 
d’une  manière  trop  absolue.  Il  est  possible  de  démontrer  en  effet  que  des  muscles  dont  l’ho- 
mologie n’est  pas  douteuse  ont  des  innervations  de  source  assez  et  parfois  même  très-différentes. 
Je  citerai  par  exemple  le  muscle  moyen  fessier  chez  l'Homme  et  les  muscles  sus  et  sous-épi- 
neux, qui  sont  homologues,  et  dont  les  nerfs  ne  peuvent  être  mis  sur  la  même  ligne  : l'un, 
le  fessier,  étant  postérieur  à la  ceinture  pelvienne,  et  l’autre,  le  sus-scapulaire,  étant  antérieur 
à la  ceinture  thoracique  On  pourrait  également  citer  des  nerfs  que  l’on  est  amené  à rapprocher 
par  leur  origine  et  par  leur  trajet,  et  qui  innervent  des  muscles  qui  ne  sont  pas  homologues, 


195 


Ce  muscle  naît  de  la  face  externe  du  scapulum  jusqu’au  voisinage  de 
l’épiscapulum,  et  forme  un  faisceau  triangulaire  aplati,  qui,  passant  en 
dehors  du  chef  scapulaire  du  triceps  brachial,  va  s’insérer  sur  la  tubérosité 
externe  de  l’humérus.  Contigu  par  son  bord  antérieur  avec  la  portion 
scapulo-cléoïdienne  du  deltoïde,  il  a été  pris  par  Mivart,  Günther,  Rolleston 
et  Fürbringer,  pour  une  dépendance  de  ce  dernier  muscle;  mais  il  en  est 
réellement  séparé  par  un  interstice  cellulaire,  et  la  distinction  de  ces  deux 
muscles,  faiblement  prononcée  chez  les  Sauriens,  s’accentue  fortement  chez 
les  Crocodiliens,  ainsi  que  nous  le  verrons  à propos  de  ces  derniers. 

On  ne  peut  le  considérer  comme  un  deltoïde,  puisque  ce  dernier  muscle 
est  proprement  un  muscle  du  bord  antérieur  du  scapulum,  del’acromion  et 
parfois  de  l’èpiscapulum.  Ce  n’est  pas  non  plus  un  sus  ou  sous-épineux,  car 
l’aile  antérieure  du  scapulum,  qui  est  le  lieu  d’insertion  de  ces  muscles, 
n’existe  pas  encore  chez  les  Sauriens.  Ces  derniers  n’ont  qu’un  scapulum 
axial  peu  étalé,  et  sur  lequel  s’insère  le  muscle  en  question,  que  je  considère 
comme  un  petit  rond  et  comme  le  chef  scapulaire  de  l’obturateur  externe. 

En  avant  du  supra-coracoïdien  se  trouve  un  muscle  bien  moins  volumi- 
neux, et  auquel  on  peut  reconnaître  deux  insertions  : l’une  sur  la  mem- 
brane qui  occupe  la  fenêtre  précoraco-scapulaire  et  sur  le  précoracoïde,  et 
l’autre  sur  la  face  interne  de  la  portion  du  scapulum  voisine  de  la  syn- 
chondrose  scapulo-précoracoïdienne.  Les  fibres  nées  de  ces  divers  points 
convergent  pour  former  un  faisceau  charnu  qui  se  réfléchit  sur  le  bord 
antérieur  de  la  ceinture,  s’applique  sur  la  capsule  articulaire,  à laquelle  il 
adhère  par  quelques  fibres  profondes,  et  va  s’insérer  sur  la  face  postérieure  de 
l’extrémité  humérale  supérieure,  au  voisinage  de  la  tubérosité  interne  de 
l’humérus.  La  partie  terminale  de  ce  muscle  est  le  plus  souvent  recouverte 
d’une  bande  fibreuse  qui  s’attache  d’une  manière  variable,  d’une  part  à la 
capsule  articulaire  et  à la  tête  de  l’humérus,  et  d’autre  part  aux  chefs  scapu- 
laire et  huméral  externe  de  l’anconé  ou  triceps  brachial.  Ce  muscle  est  innervé 
par  le  nerf  scapulo-huméral  profond,  qui  se  distribue  également  au  faisceau 
supracoracoïdien. 

La  signification  de  ce  muscle  a été  diversement  comprise  : Meckel  , 
Pfeiffer,  Mivart,  Rüdinger,  l’ont  considéré  comme  un  sus-épineux  ou  sous- 
épineux  ; Sanders  et  autres  l’ont  comparé  au  petit  rond  ; Fürbringer,  qui  le 


196  — 


désigne  sous  le  nom  de  acromio- humer alis  s.  deltoideus  ou  de  scapulo- 
humeralis  profundus , l’a  regardé  cômme  un  homologue  de  la  partie  acro- 
mienne  du  deltoïde  ; enfin,  Stannius  et  vraisemblablement  Rolleston  l’ont 
regardé  comme  une  formation  spéciale  aux  Reptiles. 

Je  démontrerai,  à propos  des  muscles  sus  et  sous-épineux,  que  ces  mus- 
cles ne  sont  pas  spécialement  représentés  chez  les  Amphibiens,  chez  les 
Reptiles  et  chez  les  Oiseaux  ; on  ne  saurait  donc  dire  que  le  muscle  sca- 
pulo-humèral  profond  de  Fürbringer  leur  correspond.  Il  ne  correspond  pas 
non  plus  au  deltoïde,  qui  est  un  muscle  bien  développé  chez  les  Sauriens, 
et  très-nettement  séparé  de  ce  muscle  par  son  insertion  humérale.  Ce  mus- 
cle n’est  point  non  plus  une  formation  entièrement  spéciale  aux  Reptiles, 
puisqu’on  peut  l’assimiler  rationnellement,  en  partie  du  moins,  à des  forma- 
tions musculaires  des  Mammifères. 

Il  faut,  pour  le  bien  déterminer,  distinguer  en  lui  deux  parties  : la  partie 
précoracoïdienne,  qui  ne  se  trouve  pas  chez  les  Mammifères,  mais  qui  n’est 
autre  chose  que  le  chef  précoracoïdien  de  l’obturateur  interne  thoracique,  et 
la  partie  scapulaire,  qui  correspond  à un  des  chefs  scapulaires  de  l’obtura- 
teur interne.  Ces  deux  parties  réunies  sortent  par  l’orifice  antérieur  de  la 
ceinture  et  correspondent  à ce  que  nous  avons  déjà  observé  chez  les  Chélo- 
niens  et  que  nous  retrouverons  chez  les  Crocodiliens.  Le  muscle  que  nous 
étudions  est  donc  à la  fois  le  chef  précoracoïdien  et  le  chef  scapulaire  antérieur 
de  l’obturateur  interne. 

Le  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  interne  thoracique  des  Sauriens  kiono- 
crâniens  se  retrouve  aussi  bien  que  celui  de  l’obturateur  externe , quoiqu’il 
ne  soit  pas  toujours  aussi  volumineux.  Il  fait  partie  d’un  muscle  large  et 
fort,  placé  à la  face  interne  du  coracoïde  et  du  scapulum.  Il  naît  de  la  face 
interne  du  caracoïde  (à  l’exception  des  bords  antérieur,  interne  et  postérieur) 
et  de  la  face  interne  et  du  bord  postérieur  du  scapulum  osseux  et  non  de 
l’épiscapulum  ; et  lorsqu’il  est  très-développé,  comme  chez  l’Uromastix,  il 
s’insère  aussi  sur  la  face  interne  du  bord  inférieur  de  l’épiscapulum,  et  gagne 
même  un  peu  la  face  externe  du  scapulum.  Les  fibres  convergent  fortement  en 
bas  et  en  arrière,  passant  sur  le  bord  interne  de  la  capsule  articulaire,  sur 
laquelle  quelques-unes  s’insèrent,  tandis  que  la  masse  va  s’insérer  sur  la 
tubérosité  interne  de  l’humérus,  du  côté  de  la  face  postérieure  de  l’os.  Ce 


197 


muscle  forme  rarement  une  masse  unique  (Platydactylus)  ; en  général, 
parsuite  du  développement  d’un  muscle  sterno-costo-scapulaire,  ilestdivisé 
par  le  tendon  de  ce  dernier  en  deux  faisceaux  qui  ne  sont  réunis  qu’au  niveau 
de  leur  insertion  humérale:  l’un,  coracoïdien,  vient  du  coracoïde  et  du  bord 
voisin  du  scapulum  ; et  l’autre,  scapulaire,  vient  du  scapulum  et  parfois  de 
l’épiscapulum. 

La  portion  coraco'idienne  forme  tantôt  une  couche  assez  homogène  {y ara- 
nus),  ou  bien  sé  divise  en  digitations  peu  étendues  correspondant  aux  diver- 
ses conformations  des  fenêtres  coraco'idiennes  (deux  chez  les  Lacerta, 
Ameiva,  etc.,  trois  chez  les  Uromastix,  etc.).  Ces  digitations  forment  donc 
les  chefs  coracoïdien  et  mésocoracoïdien  de  l’obturateur  interne.  La  portion 
scapulaire  présente  des  volumes  variables  par  rapport  à la  portion  coracoï- 
dienne.  Elle  est,  ou  plus  petite  que  cette  dernière  ( Trachysaurus , Lacerta ), 
ou  égal e (Uromastix,  Iguana,  Ameiva ),  ou  plus  forte  (Varams). 

Ce  muscle  a été  considéré  comme  un  sous-scapulaire  homologue  de  celui 
des  Mammifères  parMeckel,  Pfeiffer,  Stannius,  Mivart,  Rüdinger,  Sanders  ; 
comme  un  sous-scapulaire  et  un  coraco-brachial  interne  par  Rüdinger;  Für- 
bringer* , à qui  je  fais  de  très-nombreux  emprunts  pour  la  partie  bibliogra- 
phique et  pour  la  description  de  ce  muscle,  l’appelle  subcoraco-scapularis. 
11  le(considère  comme  ayant  les  plus  grands  rapports  avec  le  sous-scapulaire 
des  Mammifères,  et  affirme  que  les  fibres  naissant  de  la  face  interne  du  sca- 
pulum et  de  l’épiscapulum  ont  avec  ce  dernier  muscle  des  relations  d’homo- 
logie directe.  Quant  à la  portion  coraco'idienne,  il  la  considère  comme  sans 
homologue  spécial  chez  l’Homme  et  les  Mammifères,  mais  comme  compa- 
rable au  muscle  sous-coracoïdien  de  quelques  Urodèles  ( Siredon , Salaman- 
dra ),  et  comme  n’ayant  des  homologues  directs  que  chez  les  Chamæléonides 
et  les  Oiseaux.  Je  pense  qu’il  faut  considérer  le  faisceau  sous-scapulaire 
comme  représentant  le  chef  scapulaire  postérieur  de  l’obturateur  interne  et 
comme  l’homologue  direct,  non  du  sous-scapulaire  tout  entier  des  Mammi- 
fères, mais  de  cette  portion  axillaire  du  sous-scapulaire  qui  naît,  chez 
eux,  dans  la  gouttière  de  la  fosse  sous-scapulaire  située  au-dessous  de  la 


1 Fürbringer  ; Zur  vergleich.  Anat.  der  Schultermuskeln.  (Moi'pholog.  Jahrbuch  v.  Gegen- 
baur,  1876,  I B.,  4 Hft.) 


— 198  — 

portion  axiale  du  scapulum  qui  représente  la  saiilie  du  détroit  supérieur 
(PI.  VII,  jig.  12,  dét.  sup.  sc.  ax.). 

Nous  voyons  donc  que  chez  les  Sauriens,  comme  chez  les  Chéloniens, 
l’obturateur  interne  se  compose  de  deux  groupes  -,  l’antérieur,  formé  du  chef 
précoracoïdien  et  d’un  chef  sous-scapulaire  antérieur,  sort  par  l’orifice  anté- 
rieur de  la  ceinture  ; tandis  que  le  groupe  postérieur,  formé  par  le  chef 
coracoïdien  elle  chef  scapulaire  postérieur,  sort  par  l'orifice  postérieur  de  la 
ceinture. 

3°  Chez  lesChamæléonides,  on  trouve  des  dispositions  comparables  à celles 
des  Kionocrâniens.  Chez  le  Chamæleo  vulgaris , les  obturateurs  externe  et 
interne  de  la  ceinture  pelvienne  sont  bien  développés  et  constituent  des 
muscles  puissants  dont  la  disposition  et  les  rapports  rappellent  ceux  des 
Sauriens  kionocrâniens.  A la  ceinture  thoracique,  on  trouve  un  obturateur 
externe  composé  également  de  plusieurs  faisceaux,  comme  celui  des  Sau- 
riens kionocrâniens  : i°  Le  faisceau  coracoïdien  ( supracoracoideus  de 
Fürbringer)  naît  de  la  face  externe  du  coraco-précoracoïde,  surtout  dans 
les  régions  interne  et  antérieure,  mais  non  sur  le  bord  antérieur  ou  préco- 
racoïdien, qui  est  occupé  par  le  muscle  coraco-huméral  antérieur.  Nées  de 
cette  surface  assez  étendue,  les  fibres  convergent,  et,  s’unissant  au  faisceau 
sus-scapulaire  ( M.  suprascapularis  de  Fürbringer  et  supraspinatus  de 
Pfeiffer  et  Rolleston),  vont  s’insérer  sur  la  base  de  la  tubérosité  externe  de 
l’humérus.  Ce  muscle,  large,  triangulaire,  représente  les  chefs  coracoïdien  et 
précoracoïdien  du  muscle  obturateur  externe,  qui  sont,  comme  les  deux  élé- 
ments osseux  correspondants,  réunis  en  un  même  corps. 

Le  chef  scapulaire  de  l’obturateur  externe  est  formé  par  un  muscle  dorsalis 
scapulœ  homologue  de  celui  des  Sauriens  kionocrâniens,  et  qui  représente 
un  petit  rond,  comme  le  prétend  Rüdinger,  et  non  un  grand  rond  (Meckel), 
ou  un  infraspinatus  (Pfeiffer).  Le  trajet  de  ce  muscle  en  arrière  du  chef 
scapulaire  du  triceps  brachial  et  son  origine  étrangère  à l’épiscapulum,  ne 
permettent  pas  de  le  considérer  comme  un  grand  rond  ; et  c’est  proprement  un 
petit  rond,  à cause  de  la  position  qu'il  occupe  sur  le  scapulum  réduit  à sa 
portion  axiale.  Ce  muscle  vas’insèrer  sur  la  tubérosité  externe  de  l’humérus. 

Il  y a sur  le  scapulum  un  faisceau  {suprascapularis  de  Fürbringer, 
supraspinatus  de  Pfeiffer  et  Rolleston,  infraspinatus  de  Meckel  et  Rüdinger, 


199 


anterior  suprascapular  de  Mivart) , qui  naît  du  bord  antérieur  de  la  moitié 
inférieure  du  scapulum.  Il  s’unit  plus  ou  moins  intimement  avec  le  chef 
coracoïdien  de  l’obturateur  externe  ou  muscle  supra  coracoïdien , et  va,  par 
ses  fibres  convergentes,  s’insérer  avec  lui  sur  la  base  de  la  tubérosité  externe 
de  l’humérus.  Ce  muscle  est  considéré  à tort  par  Fürbringer  comme 
manquant  chez  les  Sauriens  kionocrâniens.  Il  correspond  au  chef  scapulaire 
du  muscle  que  Fürbringer  a appelé  à tort  scapulo- hunier alis  profnndus 
chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  et  an  chef  scapulaire  du  supra-coraco- 
seapularis  des  Crocodiliens.  C’est  un  chef  scapulaire  antérieur  de  l’obtu- 
rateur interne,  sortant,  comme  celui  des  Chéloniens,  des  Sauriens  kiono- 
crâmiens  et  des  Crocodiliens,  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture*. 

On  ne  saurait,  avec  Meckel , Pfeiffer,  Rolleston  et  Rüdinger,  l’assimiler 
exactement  aux  muscles  sus  ou  sous-épineux  des  Mammifères,  car  ces  mus- 
cles sont  pour  ainsi  dire  des  formations  propres  aux  Mammifères,  formations 
qui  sont  en  relation  avec  le  développement  exceptionnel  de  l’aile  scapulaire 
préaxiale  chez  ces  animaux. 

Quant  au  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  interne  thoracique,  nous  le  re- 
trouvons, chez  les  Chamæléonides,  sous  la  forme  d’un  beau  muscle  formé  de 
deux  faisceaux:  un  faisceau  entièrement  sous-scapulaire  et  un  faisceau  co- 
racoïdien qui  s’insère  sur  toute  la  face  interne  du  coraco-précoracoïde.  Ces 
deux  faisceaux,  qui  sont  séparés  par  le  ligament  sterno-scapulaire  interne, 
se  réunissent  pour  se  fixer  sur  la  tubérosité  interne  de  l’humérus.  Ce 
muscle  correspond  exactement  au  muscle  subcoraco-scapularis  des  Sauriens 
kionocrâniens.  C’est  le  subscapularis  de  Meckel,  de  Rüdinger  et  de  Mivart, 
le  subcoraco-scapularis  de  Fürbringer.  I!  représente  le  chef  coracoïdien  de 


1 Je  dois  faire  remarquer,  une  fois  pour  toutes,  que  Fürbringer  a commis  une  confusion  de 
noms  qui  jette  beaucoup  d’obscurité  sur  les  homologies  musculaires.  Le  scapulo-humeralis 
profundus  des  Crocodiliens  est  le  même  muscle  auquel  il  a donné,  chez  les  Sauriens 
kionocrâniens  et  chez  les  Chamæléonides,  le  nom  de  subcoraco-scapularis  ( pars  scapularis ) ; 
tandis  qu’il  désigne  chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  sous  le  nom  de  scapulo-humeralis  pro- 
fundus, un  muscle  qui  est  le  supracoraco-scapularis  (pars  scapularis ) des  Crocodiliens  et  le 
suprascapularis  des  Chamæléonides  uni  à un  scapulo-humeralis  profundus. 

Ce  que  Fürbringer  décrit  chez  les  Chamæléonides  sous  le  nom  de  scapulo-humeralis  pro- 
fundus n’est  en  effet  qu'un  faisceau  très-petit  du  suprascapularis,  faisceau  que  n’ont  du  reste 
pas  distingué  Mivart  et  Rüdinger,  tant  il  est  grêle  et  peu  distinct. 


26 


l’obturateur  interne,  réuni  au  chef  scapulaire  postérieur,  formant  un  faisceau 
qui  sort  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture. 

4°  Chez  les  Crocodiliens,  les  obturateurs  pelviens  et  thoraciques  se  re- 
trouvent également,  mais  à la  région  thoracique  manque  presque  entièrement 
l’élément  osseux  précoracoïdien,  ce  qui  entraîne  des  modifications  corres- 
pondantes et  des  lacunes  importantes  dans  la  constitution  des  obturateurs 
appartenant  à cette  ceinture. 

Haughton,  qui,  comme  nous  l’avons  vu,  a envisagé  les  os  du  bassin  des 
Crocodiliens  d’une  manière  spéciale,  considérant  le  pubis  comme  un  os  mar- 
supial, l’ischion  comme  un  pubis  et  l’iléon  comme  un  ilio-ischion,  a publié 
deux  études  : l’une  sur  les  muscles  du  membre  postérieur  chez  le  Crocodile, 
l’autre  sur  la  myologie  de  l’Alligator  du  Mississipi 1 . 

C’est  en  prenant  pour  point  de  départ  les  désignations  renfermées  dans 
ces  Mémoires  d’un  homme  compétent,  que  je  vais  chercher  et  trouver  les 
éléments  des  obturateurs  pelviens,  sur  lesquels  l’auteur  ci-dessus  s’est  du 
reste  complètement  mépris.  Ses  déterminations,  fausses  en  ostéologie,  devaient 
nécessairement  l’entraîner  à des  appréciations  peu  justes  et  même  contra- 
dictoires dans  la  recherche  des  muscles.  Néanmoins  les  faisceaux  muscu- 
laires sont  bien  décrits  en  eux-mêmes,  ainsi  que  j’ai  pu  m’en  assurer  pal- 
mes propres  dissections,  et  il  me  suffira  de  redresser  les  désignations  os- 
seuses pour  avoir  une  juste  notion  des  masses  musculaires. 

Les  éléments  de  l’obturateur  externe  se  trouvent  dans  les  faisceaux  sui- 
vants, chez  le  Crocodile. 

1°  Chef  pubien.  — Muscle  inséré  d’une  part  sur  la  face  externe  du 
pubis,  et  spécialement  sur  l’épipubis,  sur  le  dernier  cartilage  costal  abdo- 
minal, et  d’autre  part  sur  le  sommet  de  la  ligne  inlertrochanlérienne  posté- 
rieure ou  ligne  âpre  du  fémur,  il  est  rotateur  du  fémur.  Ce  muscle,  désigné 
par  Haughton  comme  muscle  marsupial  externe,  est  appelé  obturateur 
externe  par  les  anatomistes  qui  considèrent  le  pubis  des  Crocodiliens  comme 
un  vrai  pubis.  Ce  n’est  pas  en  vérité  tout  le  muscle  obturateur  externe,  mais 


1 Rev.  S.  Haughton;  On  theMuscul.  Anal,  of  the  Leg  of  the  Crocodile  (Armais  and  Magaz . , 
1865). — On  the  Muscul.  Anal,  of  the  Alligator  ( Annals  and  Magaz.,  1868). 


201 


seulement  un  chef  pubien,  auquel  il  faut  ajouter  peut-être  un  adducteur 
pubien , représenté  par  la  portion  antérieure  du  muscle  inséré  sur  l’aponé- 
vrose abdominale  inférieure  et  sur  le  dernier  cartilage  costal  abdominal, 
qui  en  est  une  dépendance.  Cette  portion  correspondrait  réellement  au 
pectiné  des  Mammifères,  qui  s’insère  sur  cette  portion  inférieure  de  l’aponé- 
vrose abdominale  qui  forme  le  ligament  de  Gimbernat  et  va  s’attacher  sur 
le  bord  antérieur  ou  crête  pectinéale  du  pubis. 

2°  Chef  ischiatique.  — Un  faisceau  naissant  de  la  portion  proximale  de 
la  face  externe  de  l’ischion,  de  son  bord  antérieur  et  de  l’épiiscbion,  allant 
s’insérer  au  sommet  de  la  ligne  âpre,  ci  côté  du  précédent,  et  confondant 
ses  insertions  avec  les  siennes.  Ce  muscle  est  en  réalité  le  chef  iscbiali- 
que  de  l’obturateur  externe.  C’est  bien  à tort  que  Haughton  le  considère 
comme  le  pectiné  des  Reptiles  ou  muscle  pubien  interne.  Celte  erreur,  pro- 
venant de  ce  que  Haughton  considère  l’ischion  des  Crocodiles  comme  un 
pubis,  est  d’autant  moins  soutenable  qu’il  y a chez  les  Crocodiliens  un  vé- 
ritable pectiné  reptilien  ou  muscle  pubien  interne  (mihi).  J’ai  en  effet  par- 
faitement constaté  chez  l’Alligator  un  muscle  naissant  de  la  face  supérieure 
du  pubis,  et  se  dirigeant  en  dehors  pour  passer  au-dessus  du  tendon  du 
petit  psoas,  sur  lequel  il  se  réfléchit.  Après  quoi  ce  muscle  se  porte  en  dehors 
sur  l’aponévrose  qui  recouvre  les  muscles  vastes  du  triceps,  et  se  confond 
avec  cette  aponévrose,  sur  laquelle  on  le  distingue  pendant  un  certain  par- 
cours, sous  forme  d’un  ruban  fibreux  plus  nacré.  Ce  muscle  est  extrême- 
ment grêle,  ce  qui  ne  doit  pas  nous  suprendre;  nous  avons  déjà  vu  en 
effet  que  le  muscle  pubien  interne,  qui  est  au  pubis  ce  que  l’iliaque  interne 
est  à l’iléon,  avait  un  développement  inverse  de  celui  de  l’iliaque  interne. 
Chez  les  Tortues  et  Sauriens,  où  l’iliaque  interne  est  très-peu  développé, 
le  muscle  pubien  interne  ou  pectineus  d’Owen  est  d’un  volume  remar- 
quable. Chez  les  Crocodiliens,  au  contraire,  où  l’iliaque  interne  et  le  grand 
psoas  sont  puissants,  le  muscle  pubien  interne  est  relativement  atrophié, 
si  bien  que,  tandis  que  son  extrémité  pubienne  a conservé  ses  connexions 
osseuses,  quoique  fort  réduites,  avec  le  pubis,  l’extrémité  fémorale  n’a  pas 
conservé  son  individualité  et  s’est  perdue  sur  l’aponévrose  des  muscles  vas- 
tes qui  recouvrent  le  fémur. 


202 


5°  Chef  iliaque.  — Muscle  assez  volumineux,  naissant  de  la  partie 
centrale  delà  face  externe  de  l’iléon  postérieur,  au-dessus  et  en  arrière  de 
l’acétabulum,  au-dessous  du  biceps  et  du  grand  fessier.  De  là,  ses  fibres 
convergent,  formant  un  muscle  triangulaire,  passant  en  avant  du  grand 
nerf  sciatique,  et  se  rendant  à la  partie  supérieure  do  bord  externe  du 
fémur,  et  sur  l’extrémité  externe  du  chapiteau  de  l’os,  entre  le  vaste 
interne  et  le  vaste  externe  du  triceps.  C’est  un  muscle  fessier  profond,  que 
Haughlon  a décrit  comme  moyen  fessier.  I!  forme  le  chef  iliaque  de  l’obtu- 
rateur externe. 

Les  éléments  de  l’obturateur  interne  se  retrouvent  également  bien. 

lu  Chef  pubien.  — Muscle  inséré  sur  la  face  interne  du  pubis,  et  regardé 
par  Haughton  comme  un  marsupial  interne.  Ce  muscle  passe  au-devant  du 
bord  antérieur  du  pubis,  sur  lequel  il  se  réfléchit,  et  il  va  s’unir  au  chef 
pubien  de  l’obturateur  externe  pour  s’insérer  par  un  tendon  commun  sur  la 
ligne  intertrochantérienne  ou  ligne  âpre  du  fémur. 

2°  Chef  ischiatique.  — Muscle  inséré  d’une  part  sur  la  face  posté- 
rieure, supérieure  et  interne  de  l’ischion,  près  delà  symphyse,  et  d’autre  part 
sur  la  face  postérieure  de  la  partie  trochantérienne  du  fémur.  11  est  à remar- 
quer que  son  insertion  fémorale  est  intimement  associée  à celle  du  chef 
ischiatique  de  l’obturateur  externe  et  des  chefs  pubiens  des  deux  obturateurs. 
Haughton  prend  ce  muscle  pour  un  carré  fémoral  chez  le  Crocodile,  quoique 
cet  anatomiste  considère  son  insertion  proximale  comme  pubienne,  et  pom- 
ma obturateur  externe  chez  l’Alligator  du  Mississipi  ' . Il  pourrait  être 
regardé  comme  représentant  à la  fois  le  chef  ischiatique  de  l’obturateur 
interne  et  le  carré  crural  (muscle  ischiatique)  ou  partie  supérieure  du 
grand  adducteur  ischio-fémoral.  Ces  deux  muscles  sont  du  reste  souvent 
réunis,  soit  à l’épaule,  soit  au  bassin,  chez  divers  Vertébrés. 

3°  Chef  iliaque.  — On  peut  rationnellement  considérer  comme  te!  un 
muscle  désigné  par  Haughton  comme  un  obturateur  externe  douteux  chez 


1 II  y a dans  les  deux  travaux  d’Haughton  une  confusion  évidente  de  noms  qui  pourrait 
embarrasser  le  lecteur,  et  que  je  signale.  Il  est  clair  que  l'auteur  appelle  obturateur  interne, 
chez  le  Crocodile,  le  muscle  qu'il  décrit  chez  l'Alligator  comme  carré  fémoral,  et  vice  versa. 


— 205  — 


le  Crocodile,  et  comme  un  carré  fémoral  chez  l’Alligator.  Dans  tous  les  cas, 
chez  ce  dernier,  ainsi  que  je  l’ai  constaté  sur  un  grand  Alligator,  ce  muscle 
part  du  bord  postérieur  et  de  la  face  interne  de  l’iléon  et  de  l’apophyse 
transverse  de  la  vertèbre  sacrée  postérieure  (pyramidal),  s’insère  sur  la 
saillie  ou  crête  rugueuse  (ligne  âpre)  qui  occupe  le  milieu  de  la  portion  supé- 
rieure de  la  face  postérieure  du  fémur. 

Les  muscles  obturateurs  pelviens  dont  les  chefs  pelviens  sont  écartés  et 
isolés  par  suite  de  la  conformation  de  la  ceinture  pelvienne  chez  les  Croco- 
diliens,  montrent  dans  leurs  insertions  fémorales  une  tendance  à l’association 
et  à la  fusion  qui  rappelle  la  cohésion  et  l’union  des  éléments  musculaires 
des  obturateurs  dans  d’autres  types.  Nous  avons  vu  en  effet  que  les  deux 
chefs  pubiens  se  réunissent  et  confondent  leur  insertion  fémorale,  et  qu’on 
en  peut  dire  autant  des  chefs  ischiatiques. 

Les  obturateurs  de  la  ceinture  scapulaire  des  Crocodiliens  sont  moins 
complets  et  moins  bien  caractérisés  que  chez  les  Sauriens,  dont  la  ceinture 
scapulaire  possède  tous  ses  éléments  bien  développés.  Ici  le  précoracoïde  est 
simplement  rudimentaire  ; il  est  représenté,  conjointement  avec  la  mem- 
brane obturatrice,  par  une  membrane  épisterno-coracoïdienne  qui  comble 
le  sinus  compris  antérieurement  entre  l’épisternum,  ou  inlerclavicule,  et  le 
coracoïde.  Le  chef  précoracoïdien  des  obturateurs  est  extrêmement  réduit , 
et  avec  lui  le  précoracoïde.  — Tels  muscles,  tels  os. 

De  plus,  les  insertions  des  chefs  coracoïdiens  ont  subi  des  modifications 
qu’il  conviendra  de  discuter  et  d’expliquer,  ce  qui  exige  une  description  préa- 
lable aussi  complète  et  aussi  exacte  que  possible. 

Les  éléments  qui  les  représentent  ont  été  diversement  décrits  et  diverse- 
ment interprétés.  Aussi  ai-je  dû  en  faire  une  étude  très-sérieuse  chez  plu- 
sieurs Alligators,  et  notamment  sur  un  animal  de  2m,  SO  de  longueur,  qui  m’a 
permis  de  me  rendre  compte  de  bien  des  faits  qui  manquent  de  netteté  sur 
les  petits  sujets. 

1°  Le  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  externe  est  représenté  par  un 
muscle  de  moyen  volume,  considéré  par  Meckel  comme  une  portion  du  grand 
pectoral  ; par  Pfeiffer,  Rüddinger,  Rolleston  et  Fürbringer  comme  un  coraco- 
bracbial;  par  Stannius,  comme  le  second  pectoral  des  Oiseaux,  et  par  Haughton 


- 204 


comme  un  petit  pectoral.  Ce  muscle  plat  (PI.  VIII,  fig,  9,  1)  naît  de  toute 
la  face  inférieure  ou  extérieure  du  coracoïde,  depuis  l’angle  postéro-externe 
de  cet  os  jusqu  a l’insertion  coraco'idienne  du  biceps  6,  c’est-à-dire  jusqu’au 
foramen  coraco-précoracoïdien.  Il  est  appliqué  immédiatement  au-devant 
du  costo-coracoïdien,  qui,  comme  nous  l’avons  vu,  occupe  le  bord  posté- 
rieur ou  externe  du  coracoïde.  11  s’applique  directement  sur  l’articulation 
et  va  s’insérer  sur  la  face  antérieure  de  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus, 
entre  les  deux  tubérosités. 

Ce  muscle  est  considéré  par  Fiirbringer  comme  l’homologue  de  la  courte 
portion  du  coraco-brachial  des  Sauriens  kionocrâniens.  Il  y a entre  ces  deux 
muscles  quelques  différences.  Le  coraco-brachial  des  Sauriens  s’insère  à la 
face  extérieure  du  coracoïde,  surtout  dans  la  région  de  l’angle  postéro- 
externe,  tandis  que  chez  les  Crocodiliens  ses  insertions  s’étendent  à toute  la 
longueur  de  la  face  externe  du  coracoïde.  Chez  les  Sauriens,  il  s’insère 
moins  haut  sur  la  tête  de  l’humérus,  et  s’arrête  au-dessous  du  niveau  des 
tubérosités,  tandis  que  chez  les  Crocodiliens  il  s’insère  sur  la  face  antérieure 
de  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus  dans  un  espace  triangulaire  intermé- 
diaire aux  deux  tubérosités.  Cette  extension  très-marquée  du  muscle  des 
Crocodiliens  sur  les  extrémités  articulaires  de  l’humérus  et  sur  le  coracoïde, 
ainsi  que  le  lieu  de  ses  insertions,  qui  occupent  toute  la  face  extérieure  du 
coracoïde,  me  portent  à considérer  ce  muscle  comme  représentant  par  sa 
portion  postérieure  la  partie  proximale  ( coraco-brachialis  brebis)  du 
coraco-brachial  des  Sauriens,  c'est-à-dire  le  carré  huméral , et  par  sa  portion 
antérieure  le  chef  coracoidien  de  l’obturateur  externe.  L’union  du  carré  et 
du  chef  ischialique  ou  coracoïde  des  obturateurs  se  retrouve  souvent  à 
l’une  ou  à l’autre  ceinture  dans  la  série  des  Vertébrés,  et  nous  en  avons 
déjà  vu  plusieurs  exemples. 

Le  chef  scapulaire  de  l’ obturateur  externe  est  représenté  par  un  muscle 
conique  qui,  s’insérant  à la  moitié  antérieure  de  la  face  externe  du  scapulum 
(et  non  de  l’épiscapulum),  va  se  porter  par  un  tendon  grêle  et  arrondi  sur 
l’extrémité  externe  du  chapiteau  huméral. 

Ce  muscle,  appelé  par  Fürbringer  dorsalis  scapulæ,  est  considéré  par  lui 
comme  un  deltoïde  scapulaire  supérieur.  Buttmam  et  Rolleston  le  considè- 
rent comme  un  petit  rond,  Pfeiffer  comme  un  suprascapulaire;  Haugthon  le 


205  — 


désigne  comme  infraspinatus  chez  le  Crocodile,  et  comme  supraspinatus 
chez  l’Alligator. 

Ce  muscle  n’est  point  un  deltoïde,  car  son  tendon  terminal  s’enfonce  sous 
le  vrai  deltoïde  ou  deltoïdes  scapularis  inferior  de  Fürbringer,  deltoïd  de 
Rolleston,  pour  contracter  sur  l’humérus  des  insertions  toutes  différentes. 
Tandis  que  le  deltoïde  s’insère  sur  la  crête  delloidienne,  le  muscle  que 
j’étudie  actuellement  s’insère  sur  l’extrémité  externe  du  chapiteau  huméral. 
D’ailleurs  le  vrai  deltoïde  naît  du  tiers  inférieur  du  bord  antérieur  du  scapu- 
lum  et  de  l’éminence  dite  acromiale,  tandis  que  le  chef  scapulaire  de  l’obtu- 
rateur externe  glisse  sous  cette  éminence  et  s’insère,  non  sur  le  bord  du  sca- 
pulum,  mais  sur  la  surface  externe,  sans  atteindre  l’épiscapulum.  11  est  tout 
à fait  étranger  au  deltoïde  proprement  dit. 

Il  ne  saurait  être  non  plus  un  sus-épineux  ni  un  sous-épineux,  car  l’aile  du 
scapulum  fait  défaut  chez  les  Crocodiles,  et  il  n’y  a proprement  qu’un  scapu- 
lum  axial  dont  la  face  externe  ne  saurait  être  occupée  que  par  un  petit  rond. 
Je  considère  donc,  avec  Buttmann  et  Rolleston,  le  muscle  en  question  comme 
étant  un  petit  rond , et  j’en  fais  conséquemment  le  chef  scapulaire  propre- 
ment dit  de  l’obturateur  externe. 

L’obturateur  interne  présente  chez  les  Crocodiliens  une  disposition  excep- 
tionnelle qui  contribue  à en  masquer  la  nature.  11  est  représenté  en  partie 
par  un  muscle  assez  volumineux,  dont  il  convient  de  déterminer  la  valeur 
après  l’avoir  étudié.  Ce  muscle  a été  décrit  par  Fürbringer  sous  le  nom  de 
supracoracoideus  ou  supracoraco-scapularis,  de  la  façon  suivante.  Il  est 
composé  de  deux  faisceaux  : 1°  Le  faisceau  coracoïdien  ou  inférieur,  qui 
est  le  plus  volumineux,  naît  de  toute  la  moitié  antérieure  du  coracoïde,  et 
particulièrement  de  sa  face  externe,  du  bord  antérieur  et  de  la  face  interne 
de  cet  os.  Les  fibres  nées  de  la  face  interne  se  réfléchissent  sur  le  bord 
interne  ou  antérieur  de  l’os,  et  vont  s’unir  avec  le  faisceau  scapulaire,  pour 
s’insérer  sur  la  partie  la  plus  élevée  et  la  moins  développée  de  la  crête  del- 
to'idienne  de  l’humérus,  c’est-à-dire  sur  la  ligne  qui  réunit  la  crête  del- 
toïd ienne  à la  tubérosité  externe  du  chapiteau  huméral  ; 2°  Le  faisceau 
scapulaire  ou  supérieur  est  moins  important.  11  est  recouvert  par  le  muscle 
deltoïde  scapulaire  inférieur,  et  naît  de  la  face  externe  du  tiers  inférieur  du 


— 206  — 


scapulum,  derrière  l’épine  ou  acromion  (lieu  d’origine  du  deltoïde  scapulaire 
inférieur),  et  au-devant  de  l’origine  du  muscle  anconé  scapulaire  latéral 
externe  et  du  scapulo-humèral  profond  ; il  se  réunit  avec  le  faisceau  cora- 
coïdien  pour  s’insérer  avec  lui  sur  l’humérus. 

J’ai  disséqué  avec  grand  soin  ce  muscle  sur  un  Alligator  de  2m,50  de 
longueur  et  sur  plusieurs  petits,  et  je  dois  dire  que  ses  insertions  m’ont 
paru  différer  notablement  de  celles  qui  lui  sont  attribuées  dans  la  descri- 
ption qui  précède  (PI.  VIII,  fig.  9,  S). 

La  plus  grande  partie  des  fibres  naissaient  de  la  face  interne  de  l’angle 
inférieur  du  scapulum,  au  voisinage  de  son  union  avec  le  coracoïde.  Un 
petit  nombre  provenait  de  la  face  interne  du  coracoïde  (extrémité  antérieure 
ou  portion  précoraco'idienne)  et  de  son  bord  antérieur.  Aucune  ne  naissait 
de  la  face  externe  du  coracoïde  et  du  précoracoïde,  dont  le  muscle  est  du 
reste  séparé  par  le  tendon  supérieur  du  biceps  6.  Les  fibres,  naissant  donc 
de  la  face  interne  de  la  partie  antérieure  saillante  de  la  ceinture,  sortaient 
par  l’orifice  antérieur  de  cette  ceinture,  se  réfléchissaient  sur  son  bord  anté- 
rieur, et  particulièrement  sur  le  bord  du  précoracoïde,  et  venaient  se  porter 
en  arrière  et  en  bas  pour  s’insérer  sur  la  ligne  qui  réunit  la  crête  deltoï- 
dienne  de  l’humérus  à la  tubérosité  externe  ou  extrémité  externe  du  som- 
met de  l’os. 

En  réalité,  ce  muscle  prend  ses  origines  sur  la  face  interne  de  la  cein- 
ture, sur  l’élément  scapulaire  principalement,  et  ensuite  sur  l’un  des  élé- 
ments ventraux  de  la  ceinture,  le  précoracoïde.  Ses  insertions  externes  sont 
nulles , et  doivent,  lorsqu’elles  existent,  être  attribuées  à des  adhérences 
consécutives.  C’est  réellement  un  obturateur  interne  pectoral  dont  les  chefs 
scapulaire  et  précoracoïdien  sortent  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture, 
au  lieu  de  sortir  par  l’orifice  postérieur.  Cette  direction  et  ce  trajet  se  re- 
trouvent au  bassin  des  Crocodiliens,  dont  le  chef  pubien  interne  sort  par 
l’orifice  antérieur  de  la  ceinture  en  même  temps  que  le  muscle  iliaque. 
Un  muscle  tout  à fait  semblable  existe  chez  les  Chéloniens  et  chez  les 
Sauriens.  L’obturateur  interne  pectoral  se  compose  chez  eux  d’un  chef 
coracoïdien  très-développé.  Quant  aux  chefs  précoracoïdien  et  scapulaire , 
nous  avons  vu  qu’ils  sont  représentés  par  un  muscle  mince  et  peu  volu- 
mineux qui,  naissant  du  bord  antérieur  de  la  face  interne  du  précoracoïde, 


207 


et  de  la  face  interne  de  l’angle  inférieur  du  scapulum,  forme  une  lame 
triangulaire  dont  les  fibres  convergent  et  vont  s’insérer  près  de  l’extré- 
mité supérieure  de  l’humérus,  au  voisinage  de  la  tubérosité  externe, 
ou  petite  tubérosité  ou  crête  deltoïdienne.  Ce  muscle,  recouvert  par  le  del- 
toïde, comme  l’est  le  muscle  correspondant  du  Crocodile,  représente  le 
chef  précoraco'idien  et  le  chef  scapulaire  antérieur  de  l’obturateur  interne. 
Le  chef  précoraco'idien  offre  plus  d’étendue  que  chez  les  Crocodiliens, 
attendu  que  le  précoracoïde  est  long  et  bien  développé  ; et  quant  au  chef 
scapulaire,  il  est  accompagné  chez  les  Tcstudo  d’un  second  chef  très-volu- 
mineux, qui  est  comparable  au  sous-scapulaire  des  Crocodiliens,  mais  qui 
est  bien  moins  développé  chez  certains  Chéloniens  (Thalassites  ou  Potamides). 
C’est  du  moins  ce  que  j’ai  constaté  chez  un  grand  exemplaire  d’Émysaure 
de  Temminck,  où  presque  toute  la  face  interne  du  scapulum  n’était  pas 
recouverte  par  des  muscles. 

Ce  muscle  des  Crocodiliens,  désigné  par  Fürbringer  sous  le  nom  de  supra- 
coracoideus ou  supracoraco-scapularis , n’est  pas,  quoi  qu’en  pense  l’au- 
teur, l’homologue  du  supracoracoideus  des  Sauriens,  qui  n’est  qu’un  chef 
précoraco'idien  de  l’obturateur  externe.  Mais  il  est  réellement  l’homologue 
du  muscle  qu’il  a désigné  sous  le  nom  de  scapulo -humer  alis  profundus, 
qui  présente  des  dispositions  très-comparables  à celles  du  supracoracoideus 
des  Crocodiliens,  et  qui  a la  même  signification.  11  est  également  l’homolo- 
gue d’un  muscle  acromio-huméral  des  Anoures.  Ce  muscle  se  retrouve  donc, 
dans  la  série  des  Vertébrés,  à la  ceinture  thoracique.  11  peut  être  interprété 
dans  ce  sens  que  les  muscles  obturateurs  internes  de  la  ceinture  se  divisent 
typiquement  et  symétriquement  en  deux  parts  : une  part  antérieure,  formée 
par  la  réunion  du  chef  scapulaire  antérieur  et  du  chef  précoraco'idien , et 
sortant  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture  ; et  une  part  postérieure  formée 
par  la  réunion  du  chef  scapulaire  postérieur  et  le  chef  coraco'idien,  et  sortant 
par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture. 

Sur  le  bassin  des  Chéloniens,  des  Sauriens  et  des  Crocodiliens,  une  disposi- 
tion symétrique  semblable  s’observe  parfaitement.  Par  l’orifice  antérieur  de  la 
ceinture  sortent  le  chef  pubien  et  un  chef  iliaque  antérieur  (muscle  iliaque  in- 
terne), et  par  l’orifice  postérieur  sortent  un  chef  iliaque  postérieur  (chef  iliaque 
de  l’obturateur  interne  des  Oiseaux  et  des  Mammifères)  elle  chefischiatique. 

27 


11  résulte  de  là  que  la  portion  scapulaire  du  muscle  supracoraco-scapu- 
laire  des  Crocodiliens  est  l’homologue  direct  du  muscle  iliaque  interne  de  ia 
ceinture  pelvienne,  tandis  que  le  sous-scapulaire  proprement  dit  des  Croco- 
diliens est  l’homologue  direct  du  chef  iliaque  postérieur  de  l’obturateur 
interne.  Je  note  ces  faits-là  avec  soin,  car  je  les  rappellerai  à la  mémoire  du 
lecteur  quand  je  chercherai  la  disposition  typique  et  primitive  des  muscles 
des  deux  ceintures. 

Quant  au  chef  coraco'idien  de  l’obturateur  interne,  il  n’existe  pas  chez  les 
Crocodiliens,  ce  qui  peut  être  attribué  à ce  que  leur  costo-coraco'idien , 
s’étendant  du  bord  supérieur  de  la  première  côte  à tout  le  bord  postérieur 
du  coracoïde,  ferme  l’orifice  de  sortie  postérieur  de  la  ceinture,  Lecosto- 
coracoïdien  des  Sauriens  kionocrâniens,  ou  sterno-costo-scapulaire  de  Für- 
bringer,  ainsi  que  les  sterno-coracoïdiens  internes,  muscles  auxquels  cor- 
respond (en  partie  du  moins)  le  costo-coracoïdien  des  Crocodiliens,  ont  des 
insertions  très-restreintes  sur  le  coracoïde,  et  permettent  à l’obturateur  in- 
terne de  sortir  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture. 

11  faut  ajouter  que  chez  les  Crocodiliens  la  face  interne  du  coracoïde  se 
relie  au  sternum  par  un  muscle  large  auquel  on  a donné  improprement  le 
nom  de  transversus  abdominis,  et  qui  va  s’insérer  sur  le  bord  antérieur  de 
la  face  interne  du  sternum  et  sur  le  bord  de  l’épisternum.  Ce  muscle  tapisse 
la  face  interne  du  coracoïde,  quoiqu’il  s’insère  surtout  sur  le  bord  externe 
de  celte  face.  Il  résulte  de  la  présence  et  du  grand  développement  de  ce  muscle 
sterno-coracoïdien  et  du  costo  coraco'idien,  que  l’orifice  postérieur  de  la 
ceinture  est  entièrement  fermé,  et  que  le  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  in- 
terne ne  s’est  pas  développé,  par  une  conséquence  naturelle  de  la  loi  de 
balancement.  Ses  lieux  d’insertion  et  son  trajet  ont  été  occupés  par  d’autres 
muscles  qui  ont  prédominé  et  ont  empêché  son  développement. 

Le  muscle  dont  je  m’occupe,  et  dont  je  fais  un  chef  précoracoïdien  et 
uri  chef  scapulaire  antérieur  de  l’obturateur  interne,  a été  considéré  comme 
un  deltoïde  ou  une  portion  du  deltoïde  par  Buttmann,  Meckel,  Pfeiffer, 
Haughton,  Rüdinger  ; comme  un  épicoraco-huméral  équivalent  au  deuxième 
pectoral  des  Oiseaux  et  au  sous-clavier  des  Mammifères,  en  môme  temps 
qu’au  sus-épineux,  par  Rolleston.  Ces  opinions  ne  sont  pas  réellement 
acceptables.  Je  ne  puis  m’arrêter  à les  discuter  longuement.  Je  me  borne 


— 209  — 

à rappeler  les  insertions  internes  scapulo-coracoïdiennes  de  ce  muscle  et 
l’absence  de  clavicule  chez  les  Crocodiliens,  pour  démontrer  ce  qu’ont  d’ir- 
rationnel toutes  ces  déterminations.  Le  second  pectoral  des  Oiseaux,  qui 
est  coracoïdien,  est  surtout  sternal  et  claviculaire,  et  est  étranger  au  sca- 
pulum.  Le  sous-clavier  des  Mammifères  s’insère  aux  cartilages  costaux, 
au  sternum  et  à la  clavicule.  Le  deltoïde  n’est  point  un  muscle  coracoïdien, 
mais  un  muscle  claviculaire  et  scapulaire.  D’ailleurs,  le  deltoïde  existe  très  - 
développé  chez  les  Chéloniens  et  chez  les  Crocodiliens  en  même  temps  que 
le  muscle  dont  il  est  ici  question.  Quant  à la  dénomination  d’épicoraco- 
lmméral  que  lui  donne  Rolleston,  elle  n’est  basée  que  sur  une  fausse  con- 
ception de  l’épicoracoïde,  conception  due  à Parker,  et  que  j’ai  suffisamment 
combattue  pour  n’avoir  pas  à y revenir.  On  conçoit  que  je  repousse  aussi, 
en  vertu  des  insertions,  la  détermination  de  Fürbringer,  qui  le  considère 
comme  proche  parent  des  sus  et  sous-épineux  des  Mammifères. 

Le  muscle  que  nous  venons  d’étudier  n’est  en  réalité  qu’un  obturateur 
interne  à direction  antérieure,  mais  dont  les  chefs  sont  peu  développés.  Le 
faible  développement  des  chefs  ventraux  (coracoïdien  et  précoracoïdien)  est 
en  relation  avec  les  modifications  extrêmement  importantes  de  cette  région 
de  la  ceinture  chez  les  Crocodiliens  (atrophie  de  l’élément  précoracoïdien, 
absence  des  clavicules,  développement  exagéré  d’antres  muscles).  Quant 
au  faisceau  scapulaire,  dont  le  volume  est  peu  considérable,  quoique  su- 
périeur à celui  du  chef  ventral,  il  ne  représente  pas  à lui  seul  tout  le  chef 
scapulaire  de  l’obturateur  interne.  Mais  il  faut  y ajouter  un  faisceau  mus- 
culaire important  qui  naît  de  la  face  interne  et  du  bord  postérieur  du 
scapulum.  Ce  gros  faisceau  a été  considéré  par  Fürbringer  et  antres 
comme  composé  de  deux  muscles  distincts:  1°  l’un,  scapulo-humeralis 
profundus  de  Fürbringer,  scapulo-humeralis  de  Rolleston,  ester  teres  major 
de  Stannius,  naît  du  tiers  inférieur  du  bord  postérieur  et  de  la  portion 
voisine  de  la  face  interne  du  scapulum,  se  porte  sur  la  tubérosité  interne 
de  l’humérus,  et  delà,  par  un  tendon  interrompu  (PL  VIII,  fig.  9,  4’)  à la 
crête  deltoïdienne ; 2°  l’autre,  sub-scapularis  de  Buttmann,  Haughton, 

Meckel,  Pfeiffer,  Stannius,  Rüdinger,  Fürbringer,  part  de  la  face  interne  du 
scapulum  (et  non  de  l’épiscapulum)  et  va  s’insérer  sur  une  ligne  qui, 
continuant  inférieurement  les  insertions  du  scapulo-humeralis  profundus , 

J 

i 


— 2 10  — 


va  obliquement  rejoindre  la  crête  delto'idienne,  en  passant  sous  le  vaste  in- 
terne du  triceps.  Cette  ligne  n’est  en  réalité  que  la  bifurcation  interne  de  la 
ligne  âpre. 

Les  deux  muscles  précédents  ne  forment  réellement  qu’un  seul  et  même 
muscle  séparé  du  petit  rond  par  le  tendon  du  chef  scapulaire  du  triceps, 
et  constituant  le  chef  scapulaire  postérieur  de  l’obturateur  interne,  sortant 
seul  (sans  chef  coracoïdien)  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture. 

C.  Oiseaux.  — Les  obturateurs  pelviens  et  thoraciques  des  Oiseaux  mé- 
ritent à plusieurs  égards  une  étude  attentive.  Commençons  par  les  obtura- 
teurs pelviens. 

L’obturateur  interne  est  très-remarquable  par  son  développement  con- 
sidérable et  par  son  trajet.  Il  est  composé  de  trois  chefs  très-distincts, 
qui  convergent  pour  former  un  tendon  commun.  ïl  y a un  chef  pubien 
très-grêle,  naissant  de  la  face  interne  du  pubis  et  de  la  membrane  obtu- 
ratrice, un  chef  ischialique  volumineux  recouvert  d’une  belle  aponé- 
vrose, naissant  de  presque  toute  la  face  interne  de  l’ischion,  et  enfin 
un  chef  iliaque  assez  fort,  naissant  de  la  face  interne  de  l’iléon  postérieur, 
au-dessus  et  en  arrière  du  trou  iléo-ischiatique.  Ce  chef  iliaque  n’existe  pas 
chez  tous  les  Oiseaux,  par  exemple  chez  le  Pigeon.  Mais  il  est  bien  déve- 
loppé chez  d’autres,  et  notamment  chez  la  Poule  ; aussi  est-il  étonnant  que 
Cuvier  et  Owen  ne  l’aient  pas  signalé.  M.  Alix  a suivi  les  mômes  errements. 
Les  fibres  des  trois  chefs,  divisées  en  éventail,  convergent  pour  former  un 
beau  tendon  qui  passe  par  l’orifice  sous-pubien  (portion  antérieure  du  trou 
obturateur),  et  va  s’épanouir  sur  la  face  externe  et  sur  tout  le  bord  porté- 
rieur  du  grand  trochanter,  ou  grande  tubérosité  fémorale. 

Ce  muscle,  qui  est  abducteur  et  rotateur,  a été  considéré,  à tort,  par 
Vicq-d’Azyr,  Wiedemann  et  Tiedemann,  comme  un  iliaque  interne.  L’ilia- 
que n’a  ni  insertions  ischiatiques  ni  insertions  pubiennes,  et  nous  avons  du 
reste  déterminé  l’iliaque  interne  des  Oiseaux.  Meckel  en  a fait  un  pectiné  ; 
mais  nous  savons  que  le  pectiné  des  Reptiles  est  exclusivement  pubien,  et 
qu’il  en  est  de  même  chez  les  Mammifères.  Il  faut  ajouter  que  Meckel  a pensé 
aussi  que  ce  pouvait  être  à la  fois  un  obturateur  interne  et  un  obturateur 
externe.  Enfin  Cuvier,  et  Owen  après  lui,  en  ont  fait  un  obturateur  interne. 


M.  Alix  rejette  cette  opinion,  parce  que,  dit-il,  «un  obturateur  interne  de- 
vrait passer  par  le  grand  trou  sciatique,  en  contournant  l’ischion.  Pour  ma 
«part,  ajoute-t-il,  il  me  semble  évident  qu’il  faut  voir  dans  ce  muscle  un 
» obturateur  externe  (!)  qui,  par  une  disposition  tout  à fait  caractéristique 
»de  la  classe  des  Oiseaux,  a traversé  le  trou  obturateur  pour  se  fixer  à la 
»face  interne».  Il  est  impossible  de  démontrer  en  moins  de  mots  que  l’on 
attache  à la  fois  une  importance  absolue  et  une  importance  nulle  au  trajet 
des  muscles  pour  leur  détermination. 

Pour  moi,  j’accepte  l’opinion  de  Cuvier,  malgré  ce  que  semble  avoir  d’éton- 
liant  le  trajet  sous-pubien  de  cet  obturateur  interne.  Je  pense  qu’il  faut  con- 
sidérer le  trajet  des  muscles  comme  d’un  intérêt  relativement  secondaire 
dans  l’étude  de  leurs  homologies.  Les  insertions  osseuses  constituent  leur 
vrai  critérium.  Le  trajet,  le  parcours,  la  direction,  sont  d’autant  moins  im- 
portants qu’ils  sont  souvent  modifiés  par  la  construction  générale  de  l’animal, 
la  direction  et  la  situation  des  membres,  la  conformation  de  certaines  pièces 
du  squelette,  etc.  Les  variations  remarquables  des  obturateurs  internes  des 
Reptiles,  des  Oiseaux  et  des  Mammifères,  sont  du  reste  une  puissante  dé- 
monstration de  ce  fait. 

De  petits  jumeaux,  naissant  des  parties  du  pubis  et  de  l’ischion  qui  bor- 
dent le  trou  sous-pubien,  s’ajoutent  au  tendon  de  cet  obturateur  interne. 

Le  muscle  que  nous  venons  d’étudier  ne  saurait  d’ailleurs  être  un  ob- 
turateur externe,  car  ce  dernier  muscle  existe  chez  les  Oiseaux.  Il  nait,  en 
effet,  de  toute  la  face  externe  de  l’ischion  et  de  la  membrane  obturatrice,  un 
muscle  charnu,  aplati,  dont  les  fibres  convergent  sur  un  tendon  aponévro- 
tique  qui  s’insère  à une  surface  rugueuse  située  dimmédiatement  au-dessous 
de  la  face  interne  du  grand  trochanter.  Vicq-d’Azyr  en  a fait  un  carrécrural, 
opinion  qu’a  partagée  Cuvier,  et  que  partage  M.  Alix.  Tiedemann  le  regarde 
avec  raison  comme  un  obturateur  externe.  Pour  Meckel,  c’est  peut-être  à la 
fois  un  carré  crural  et  un  obturateur  externe  réunis.  Ce  muscle  est  en  effet  le 
chef  ischiatique  de  l’obturateur  externe. 

Il  n’y  a pas  de  chef  pubien  de  l’obturateur  externe  chez  les  Oiseaux  ; mais 
le  chef  iliaque  est  représenté  par  un  muscle  fessier  profond  qui  appartient 
à l’iléon  postérieur,  et  qui  naît  de  cet  iléon,  au-dessous  du  biceps,  dans  la 
fosse  iliaque  externe  postérieure;  recouvert  par  le  biceps,  il  recouvre  en 


212 


partie  le  chef  ischiatique  de  l’obturateur  externe.  Ce  muscle,  petit,  mince, 
aplati,  se  porte  en  bas  et  en  avant,  et  va  s’insérer  sur  la  partie  supérieure  de  la 
ligne  âpre  du  fémur,  continuant  ainsi  en  bas  les  insertions  du  chef  ischiati- 
que. C'est  un  petit  fessier,  ou  fessier  profond  de  X iléon  postérieur , ou  petit 
fessier  reptilien,  sur  lequel  j’aurai  l’occasion  de  revenir.  Ce  muscle  est  à tort 
désigné  par  Owen  sous  le  nom  de  adductor  brevis  femoris  et  adductor 
longus,  quoiqu’il  indique  son  origine  sur  l’iléon  postérieur.  Nous  savons  que 
les  adducteurs  proprement  dits  sont  des  muscles  ischiatiques  ou  pubiens.  Je 
ferai  remarquer,  en  faveur  de  la  signification  que  je  donne  à ce  muscle,  que 
les  insertions  à la  face  externe  de  l’iléon  postérieur  sont  exactement  symé- 
triques de  celles  du  chef  iliaque  de  l’obturateur  interne  à la  face  interne  de  ce 
môme  iléon. 

Passons  à l’étude  des  obturateurs  thoraciques  chez  les  Oiseaux.  Ces  mus- 
cles sont  généralement  très-développés. 

Il  y a un  muscle  important,  décrit  par  Vicq-d’Azyr  sous  le  nom  de  petit 
pectoral,  par  Owen  sous  le  nom  de  troisième  pectoral,  et  qui,  naissant  de  la 
face  inférieure  et  du  bord  externe  du  coraco'idien  dans  la  moitié  posté- 
rieure de  la  longueur  de  cet  os,  et  même  de  la  portion  de  l’aponévrose  qui 
continue  le  précoracoïde  rudimentaire,  se  termine  par  un  beau  tendon,  se 
porte  en  haut  et  en  avant,  et  va  s’attacher  à la  tubérosité  interne  de 
l’humérus,  immédiatement  au-dessous  du  trou  aérien.  Ce  muscle,  consi- 
déré à tort  par  M.  Alix  comme  un  coraco-brachial,  est  en  réalité  le  chef 
coracoïdien  de  l’obturateur  externe  thoracique.  Au  reste,  chez  les  Struthio- 
nides,  qui  ont  un  précoracoïde  développé,  il  s’insère  non-seulement  sur  le 
coracoïde,  mais  encore  sur  le  précoracoïde  et  sur  la  membrane  coraco-pré- 
coracoïdienne,  de  sorte  qu’il  représente  à la  fois  les  chefs  coraco'idien  et 
précoracoïdien  de  l’obturateur  externe.  Il  a d’ailleurs  de  nombreux  points 
de  ressemblance  avec  la  portion  coracoïdienne  du  supracoracoïdien  des 
Sauriens  et  des  Crocodiles,  supracoracoïdien  que  nous  avons  considéré 
comme  appartenant  à l’obturateur  externe,  et  qui  est,  comme  lui,  placé  sous 
le  grand  pectoral.  Son  insertion  humérale,  qui  est  exclusivement  céphalique  et 
sans  rapports  avec  la  diaphyse,  ne  permet  pas  de  le  considérer  comme  un 
coraco-brachial  comparable  à celui  des  Reptiles. 


— 215  — 

Le  chef  scapulaire  de  l’obturateur  externe  est  représenté  par  un  petit 
muscle  qui,  partant  de  la  face  postérieure  ou  externe  de  l’omoplate,  au 
voisinage  de  son  extrémité  antérieure  ou  articulaire,  va  s’insérer  sur  la 
tubérosité  interne  de  l’humérus.  Owen  considère  ce  muscle  comme  un 
sus-épineux,  et  M.  Alix  comme  un  sous-épineux.  Ni  l’une  ni  l’autre  de  ces 
opinions  n’est  acceptable,  attendu  que  le  scapulum  de  l’Oiseau  est  dépourvu 
des  régions  sus  et  sous-épineuses  proprement  dites  de  l’omoplate,  et  est  ré- 
duit à la  région  axiale.  Le  muscle  en  question  est  réellement  un  petit  rond. 

L’obturateur  interne  n’est  pas  moins  remarquable  que  l’externe.  11  offre 
avec  celui  des  Sauriens  kionocrâniens  une  ressemblance  frappante. 

Il  se  compose  d’un  muscle  qu’Owen  décrit  sous  le  nom  de  coraco-bra- 
chial,  et  qui  est  désigné  par  M.  Alix  sous  le  nom  d’accessoire  coraco'idien  du 
sous-scapulaire.  C’est  un  muscle  plus  grêle  et  plus  long  que  le  chef  cora- 
coïdien  de  l’obturateur  externe.  SI  naît  de  la  portion  moyenne  et  postérieure 
de  la  face  supérieure  et  du  bord  externe  du  coracoïde,  et  se  porte  en  avant 
et  en  dehors,  se  terminant  par  un  tendon  qui  passe  en  dehors  de  celui  de 
l’obturateur  externe  et  va  s’attacher  sur  la  tubérosité  interne  de  l’humérus, 
au-dessus  du  trou  aérien.  Ce  muscle,  qui  forme  le  chef  coracoïdien  de  l’obtu- 
rateur interne,  s’unit,  comme  chez  les  Sauriens,  au  chef  sous-scapulaire,  petit 
muscle  naissant  de  la  partie  antérieure  de  la  face  interne  et  du  bord  infé- 
rieur du  scapulum.  Ces  deux  chefs  forment  un  tendon  commun  d’insertion 
humérale.  Le  chef  scapulaire,  qui  est  appelé  muscle  sous-scapulaire  par 
Owen,  et  dans  lequel  M.  Alix  est  tenté  de  reconnaître  à la  fois  un  sous- 
scapulaire  et  un  petit  rond,  n’est  en  réalité  que  le  chef  scapulaire  de  l’obtu- 
rateur interne  et  ne  correspond  par  conséquent  qu’au  faisceau  axillaire  du 
sous-scapulaire  des  Mammifères,  uni  à son  faisceau  coracoïdien.  C’est  le 
subcoraco-scapularis  des  Sauriens  kionocrâniens  (Fürbringer) , le  scapulo- 
humeralis  et  le  subcoraco-scapularis  réunis  des  Chamæléonides.  A lui 
seul  il  répond  au  subscapularis  et  au  scapulo -humer alis  profundus  des 
Crocodiliens.  Mais  le  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  interne  correspond-i! 
exactement  à la  portion  coracoïdienne  de  ce  muscle,  que  j'ai  soigneusement 
décrit  chez  les  Crocodiliens,  auquel  Fürbringerdonne  le  nom  de  supracoraco- 
scapularis  et  que  j’ai  considéré  comme  appartenant  à l’obturateur  interne  ? 
11  pourrait  se  faire  qu’il  n’en  fût  rien.  La  portion  coracoïdienne  de  ce 


214 


muscle  crocodilien  appartient  plus  spécialement  à la  région  précoracoïdienne 
du  coracoïde,  et  sort  avec  le  sous-scapulaire  antérieur  ou  portion  scapulaire 
de  ce  même  muscle  par  l'orifice  antérieur  de  la  ceinture.  Il  répond  très- 
exactement  (sauf  le  volume)  au  chef  précoracoïdien  de  l’obturateur  interne 
des  Chéloniens  et  des  Sauriens.  Son  homologue  précis,  direct,  ne  se  retrouve 
pas  chez  les  Oiseaux,  dont  le  précoracoïde  est  on  ne  peut  plus  rudimen- 
taire. Mais,  par  contre,  les  Oiseaux  posséderaient  un  chef  coracoïdien  interne 
assez  développé  dont  je  viens  de  faire  l’étude,  et  qui  ferait  défaut  chez  les 
Crocodiliens. 

Cette  différence  entre  deux  groupes  d7animaux  qui  offrent  d’ailleurs  tant 
de  points  de  rapprochements,  n’est  pas  du  reste  aussi  considérable  et  aussi 
tranchée  quelle  le  paraît  au  premier  abord.  Je  dois  faire  remarquer  en  effet 
que  le  chef  coracoïdien  de  l’obturateur  interne  est  assez  variable  chez  les 
Oiseaux.  Tandis  qu’il  est  très-développé  chez  les  Gallinacés,  où  il  occupe 
presque  toute  la  face  supérieure  du  coracoïde,  il  est  un  peu  moins  développé 
chez  les  Rapaces  et  les  Nageurs  ; il  est  d’un  faible  volume  chez  le  Héron  et 
l’Oie,  et  manque  entièrement  chez  les  Struthionides,  qui  sont,  de  tous  les 
Oiseaux,  les  plus  rapprochés  des  Reptiles. 

Cette  absence  du  chef  coracoïdien  interne  chez  les  Ratites  est  certainement 
digne  de  remarque  et  est  bien  propre  à effacer  la  différence  apparente  que 
présentent  les  deux  groupes  d’animaux  par  rapport  à ce  muscle. 

Il  faut  remarquer  du  reste  que  le  chef  coracoïdien  interne  des  Oiseaux 
s’insère  non- seulement  sur  la  face  supérieure  du  coracoïde,  mais  aussi  sur 
son  bord  externe  ; et  il  est  facile  de  comprendre  que  la  présence  du  costo- 
coracoïdien  et  du  tranversus  abdominis  ou  sterno-coracoidien  sur  toute 
l 'étendue  de  ce  bord  et  de  cette  face  chez  les  Crocodiliens  soit  corrélative 
de  l’absence  d’un  chef  coracoïdien  interne. 

Nous  savons  que  le  muscle  dit  coraco-brachial  chez  les  Crocodiliens  repré- 
sente à la  fois  le  chef  coracoïdien  externe  et  le  coraco-brachialis  brevis  des 
Sauriens  ou  carré  huméral.  Quant  au  coraco-brachial  des  Oiseaux,  comme  le 
biceps,  il  a suivi  le  coracoïde  dans  son  développement  en  avant.  Ces  deux 
muscles,  dont  les  insertions  coracoïdiennes  sont  toujours  contiguës  chez  les 
Reptiles,  naissent,  chez  les  Sauriens  kionocràniens,  sur  la  face  antérieure  du 
coracoïde  au  voisinage  de  1 ’épicoracoïde,  s’élèvent  plus  près  de  l’extrémité 


* 


— 215  — 


antérieure  du  coracoïde  chez  les  Crocodiliens,  et  partent  enfin,  chez  les 
Oiseaux,  de  l’apophyse  claviculaire  ou  tète  du  coracoïde,  c’est-à-dire  au- 
dessus  du  rebord  glénoïdien.  Seulement  le  coraco-brachial  a cessé  d’être 
un  muscle  chez  la  plupart  des  Oiseaux,  pour  former  un  fort  ligament  qui, 
naissant  du  coracoïde  en  même  temps  que  le  biceps,  va  se  porter  sur  la 
tubérosité  interne  ou  petite  tubérosité  de  l’humérus. 

Ce  ligament,  ordinairement  fibreux,  devient,  chez  l’Autruche,  chez  l’Émeu, 
chez  le  Pigeon,  etc.,  un  faisceau  charnu  aplati  très-important  qui  rappelle 
complètement,  le  coraco-brachial  reptilien,  et  qui  permet  de  restituer  au 
frein  supérieur  du  biceps  sa  véritable  signification  d’adducteur  coracoï- 
dien,  homologue  du  carré  crural  ou  de  la  partie  supérieure  du  grand  adduc- 
teur fémoral. 

Au  reste,  cette  détermination  du  coraco-brachial  des  Oiseaux,  à laquelle 
m’avait  conduit  l’étude  des  connexions,  je  la  retrouve  parfaitement  énoncée 
par  Cuvier'.  « Un  petit  muscle,  dit-il,  attaché  à la  face  interne  du  haut  de 
l’os  coracoïde,  qui  s’insère  à la  tubérosité  interne  de  la  tête  de  l’humérus 
et  accompagne  le  tendon  du  biceps,  est  évidemment  le  coraco-brachial  ; il 
rapproche  le  bras  du  tronc.» 

D . Ornithodelphes . — Chez  les  Ornithodelphes,  il  y a un  obturateur 
externe  pelvien  dont  les  éléments  ne  diffèrent  pas  de  ceux  des  autres  Mam- 
mifères. Il  a un  chef  ischiatique,  un  chef  pubien,  et  un  chef  iliaque  repré- 
senté par  le  petit  fessier  ou  entogluteus  d’Owen.  L’obturateur  interne  man- 
querait entièrement,  d’après  Owen  et  M.  Alix,  fait  que  nous  avons  déjà 
observé  chez  les  Chéiroptères. 

Quant  aux  obturateurs  thoraciques,  leur  étude  emprunte  un  intérêt  tout 
particulier  à la  constitution  ornithique  de  la  ceinture  thoracique  de  ces  Mam- 
mifères. Les  documents  me  font  défaut  pour  donner  ici  une  description 
bien  complète  de  ces  muscles,  mais  il  m’est  pourtant  possible  d’en  retrouver 
les  éléments. 

Il  y a,  chez  l’Ornithorynque  et  l’Échidné,  deux  muscles  désignés  par  Owen 


1 Cuvier  ; Leçons  d’Anal.  comparée,  2e  édition,  tom.  I,  pag.  398. 


28 


— 21G  — 


comme  deux  coraco-brachiaux,  et  dont  l’un  est  supérieur  et  l’autre  inférieur. 
Le  muscle  supérieur  s’attache  sur  la  face  supérieure  ou  profonde  du  cora- 
coïde et  de  l’épicoracoïde  d’une  part,  et  d’autre  part  sur  la  tubérosité  interne 
de  l’humérus.  11  représente  d’une  manière  très-exacte  le  chef  coracoidien 
de  l’obturateur  interne  de  l’Oiseau. 

Le  muscle  inférieur,  ou  coraco-bracbial  inférieur,  part  du  tubercule  ex- 
terne de  l’extrémité  postérieure  ou  interne  du  coracoïde,  au-dessous  du  chef 
coracoidien  du  biceps,  et  se  porte  sur  la  crête  épitrochléenne  (sur  le  tiers 
inférieur  seulement,  chez  l’Ornithorynque  ; sur  toute  l’étendue,  chez 
l’Échidné).  Ce  muscle  possède  les  insertions  coracoïdiennes  et  humérales  du 
vrai  coraco-brachial  des  Sauriens,  des  Chéloniens  et  des  Crocodiliens.  11  a 
avec  l’insertion  coracoïdienne  du  biceps  les  mêmes  relations  de  voisinage  que 
chez  ces  animaux  et  chez  les  Oiseaux  : c’est  donc  un  véritable  coraco-bra- 
chial et  non  le  chef  coracoidien  de  l’obturateur  externe. 

Ce  dernier  muscle  peut  être  reconnu  dans  un  faisceau  décrit  et  figuré  par 
Owen  comme  la  portion  antérieure  du  deltoïde.  Ce  faisceau  charnu  pyra- 
midal naît  de  la  face  inférieure  de  l’extrémité  antérieure  du  coracoïde,  et  va 
s’insérer  sur  le  sommet  de  la  crête  deltoïdienne  de  l’humérus.  Ce  muscle, 
situé  sous  le  pectoral  et  recouvrant  le  coracoïde,  reproduit  exactement  les 
relations  du  muscle  supracoracoïdien  des  Sauriens,  et  peut  être  considéré 
avec  lui  comme  le  chef  coracoidien  de  l’obturateur  externe.  Il  ne  saurait, 
dans  tous  les  cas,  être  considéré  comme  un  deltoïde,  car  le  deltoïde  n’est  pas 
un  muscle  coracoidien . 

Les  chefs  précoracoïdiens  font  défaut  comme  l’élément  osseux  qui  devrait 
leur  servir  d’attache. 

Quant  aux  chefs  scapulaires,  ils  existent  clairement  pour  les  deux  obtura- 
teurs. Le  chef  scapulaire  interne  est  formé  par  un  petit  muscle  distinct  du 
sous- scapulaire  et  qui  répond  au  chef  scapulaire  interne  des  Oiseaux.  Il  n’oc- 
cupe que  la  face  interne  du  col  de  l’omoplate  et  se  porte  vers  la  tubérosité 
interne,  où  il  se  termine,  près  du  sous-scapulaire.  C’est,  pour  ainsi  dire, 
un  petit  rond  interne  distinct  du  sous-scapulaire,  tandis  qu’il  est  confondu 
avec  lui  chez  les  autres  Mammifères.  Le  chef  scapulaire  externe,  au  con- 
traire, est  représenté  par  un  faisceau  axillaire  du  sous-épineux  qui  ne  se 
différencie  pas  en  petit  rond  externe. 


— 217  — 


11  résulte  de  la  longue  étude  que  je  viens  de  faire  quelques  conséquences 
qui  peuvent  être  formulées  de  la  manière  suivante. 

1°  Il  existe  à la  ceinture  thoracique,  comme  à la  ceinture  pelvienne,  des 
muscles  obturateurs  qui  ont  trois  chefs  plus  ou  moins  développés,  corres- 
pondant aux  éléments  osseux  des  deux  ceintures,  et  constituant  la  couche  la 
plus  profonde  des  muscles.  Ces  faisceaux  convergent  sur  les  tubérosités  de 
l’extrémité  supérieure  de  l’humérus  et  du  fémur; 

2<>  Il  y a donc  identité  de  plan  et  de  type  dans  les  deux  ceintures,  aussi 
bien  au  point  de  vue  musculaire  qu’au  point  de  vue  osseux  ; 

3°  Les  obturateurs  peuvent  manquer  d’un  ou  de  plusieurs  chefs  ; 

4°  L’absence  simultanée  des  chefs  interne  et  externe  de  l’un  des  rayons 
est  toujours  liée  à l’absence  de  l’élément  osseux  qui  lui  sert  d’insertion,  ou 
à son  état  imparfait  de  développement  ; 

5»  Un  obturateur  peut  faire  défaut  et  l’autre  être  bien  développé.  L’ob- 
turateur interne  pelvien  n’existe  pas  chez  les  Chéiroptères,  dont  le  bassin 
est  très-grêle.  Il  paraît  faire  défaut  chez  les  Monotrêmes.  Mais  je  pense  que 
ce  dernier  point  demanderait  un  examen  plus  approfondi. 

Moyen  fessier.  — Sus-épineux  et  sous-épineux.  — Il  me  reste,  pour  com- 
pléter l’étude  du  groupe  de  muscles  dont  je  m’occupe  actuellement,  à établir 
les  homologies  du  muscle  moyen  fessier  d’une  part,  et  des  muscles  sus  et 
sous-épineux  de  l’autre. 

Les  muscles  qui  nous  occupent  n’existent  pas  chez  tous  les  Vertébrés.  On 
peut  affirmer,  en  effet,  qu’étant  des  muscles  de  perfectionnement,  des  muscles 
de  luxe,  ils  n’existent  que  dans  certains  groupes,  et  que,  là  où  ils  se  sont 
développés,  le  système  osseux  présente  une  conformation  et  un  développe- 
ment correspondants.  C’est  ainsi  que  les  muscles  sus  et  sous-épineux  pro- 
prement dits,  tels  qu’on  les  observe  chez  les  Mammifères,  n’existent  que 
là  où  l’omoplate  s’est  élargie  pour  former  une  aile  large,  sur  les  faces  de 

laquelle  les  insertions  des  muscles  sus  et  sous-épineux  et  du  sous-scapu-  • 

laire  trouvent  leur  place.  Ainsi,  chez  les  Amphibiens,  chez  les  Reptiles  et 

chez  les  Oiseaux,  où  le  scapulum  est  réduit  à sa  portion  axiale  plus  ou 

moins  aplatie,  et  où  les  fosses  sus  et  sous-scapulaires  font  défaut,  il  n’y  a 

proprement  et  rigoureusement  ni  muscle  sus-scapulaire  ni  muscle  sous- 


— 218  - 

scapulaire.  Les  seuls  muscles  que  l’on  retrouve  sont  les  chefs  scapulaires 
des  obturateurs  thoraciques,  ou  petits  ronds  interne  et  externe,  et  le  grand 
rond,  que  nous  verrons  être  avant  tout  un  muscle  de  l’épi-scapulum  axial. 

11  en  est  de  même  du  moyen  fessier,  qui  est  un  muscle  appartenant  essen- 
tiellement à l’aile  antérieure  de  l’iléon,  et  que  nous  ne  retrouverons  en 
réalité  que  dans  les  groupes  de  Vertébrés  dont  l’iléon  présentera  de  la 
tendance  au  développement  de  l’aile  iliaque.  C’est  ainsi  que  nous  ne  le  trou- 
verons nettement  caractérisé  et  différencié  que  chez  les  Mammifères  et  chez 
les  Oiseaux. 

Le  moyen  fessier  tapisse  la  fosse  iliaque  externe  comme  le  muscle  iliaque 
tapisse  la  fosse  iliaque  interne.  Mais  il  y a cette  différence  que,  tandis  que 
l’iliaque  atteint  le  détroit  supériéur  du  petit  bassin  et  occupe  toute  la  fosse 
correspondante,  le  moyen  fessier  n’appartient  qu’à  la  portion  postéro-supé- 
rieure  de  la  fosse  iliaque  externe,  la  portion  antéro-inférieure  ou  axiale  de 
cette  fosse  étant  occupée  par  le  petit  fessier.  Il  résulte  de  là  que  le  moyen 
fessier  ne  représente  à la  face  externe  de  l’iléon  qu’une  portion  du  muscle 
iliaque.  Examinons  quelle  est  la  signification  de  cette  portion  et  du  muscle 
moyen  fessier  lui-même. 

L’iliaque  est  en  réalité  un  muscle  de  l’iléon  axial  qui  s’étend  à l’aile 
antérieure  de  l’iléon,  quand  cette  dernière  se  développe.  Aussi  le  retrouve- 
t-on  sur  l’iléon  axial  des  Amphibiens  et  des  Reptiles,  où  l’aile  iliaque  n’est 
pas  développée,  ainsi  que  sur  celui  des  Oiseaux  et  des  Mammifères  sans 
aile  iliaque  ou  à aile  iliaque  peu  prononcée.  Seulement,  il  est  alors  réduit  à 
un  faisceau  étroit , et  il  ne  devient  important  et  étalé  que  quand  l’aile  iliaque 
se  développe. 

Envisagé  à ce  point  de  vue,  l’iliaque  interne  des  Mammifères  peut  être 
considéré  comme  formé  de  deux  faisceaux.  L’un  serait  l’iliaque  axial  anté- 
rieur, naissant  de  la  région  axiale  de  l’iléon  et  bordant  le  détroit  supérieur. 
C’est  l’iliaque  primitif,  dont  on  constate  la  présence  chez  lous  les  Verté- 
brés, où  il  occupe  sur  la  région  antérieure  de  l’iléon,  soit  le  bord  antérieur, 
soit  les  faces  interne  et  externe,  et  qui  existe  seul  chez  les  Mammifères 
qui  n’ont  pas  d’aile  iliaque  (Lièvre,  Kanguroo,  Monotrêmes,  etc).  L’autre 
faisceau,  iliaque  secondaire  ou  aléal  (de  l’aile)  proprement  dit,  est  un  faisceau 
de  perfectionnement  de  l’iliaque  primitif,  dont  l’existence  est  liée  au  dévelop- 


— 219 


pement  d’une  aile  iliaque  et  d’une  fosse  iliaque  interne  dont  il  occupe 
l’étendue. 

L’iliaque  axial  antérieur  est  un  muscle  primitif,  autonome,  qui  est  à la  face 
interne  de  l’iléon  ce  qu'esta  la  face  externe  la  portion  antérieure  du  petit 
fessier.  C’est  un  chef  iliaque  antérieur  de  l’obturateur  interne.  Le  chef 
iliaque  postérieur  de  l’obturateur  interne  naissant  au-dessous  du  détroit 
supérieur,  constitue  un  iliaque  axial  postérieur.  A lui  correspond,  sur  la 
face  externe  de  l’iléon,  la  portion  postérieure  ou  marginale  du  petit  fessier. 

L’iliaque  aléal  est  un  muscle  secondaire  qui  est  à la  face  interne  de 
l’aile  iliaque  ce  que  le  moyen  fessier  est  à la  face  externe. 

Les  iliaques  axiaux  antérieur  et  postérieur  sont  les  homologues  directs  des 
faisceaux  axiaux  du  sous-scapulaire,  c’est-à-dire  des  faisceaux  insérés  sur  ce 
bourrelet  axial  du  scapulum  que  j’ai  décrit  comme  formant  le  détroit  supé- 
rieur du  bassin  scapulaire  (PI.  VI,  fig.  12,  det.  sup.  sc.  ax.). 

L’illiaque  axial  antérieur  représente  proprement  le  chef  scapulaire  anté- 
rieur de  l’obturateur  interne  des  Amphibienset  des  Reptiles,  qui  sort,  comme 
l’iliaque  antérieur,  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture.  Chez  les  Reptiles,  du 
reste,  l’iliaque  axial  antérieur  est  accompagné  du  chef  pubien  de  l’obturateur 
interne  pelvien,  comme  le  chef  scapulaire  antérieur  est  accompagné  du  chef 
précoracoidien  de  l’obturateur  interne  thoracique. 

L’iliaque  axial  postérieur  représente  proprement  le  chef  scapulaire  posté- 
rieur de  l’obturateur  interne  thoracique  des  Amphibiens  et  des  Reptiles  ; et, 
de  même  que  chez  ces  animaux  l’iliaque  axial  postérieur  s’unit  au  chef 
ischiatique  pour  sortir  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture,  de  môme  aussi 
le  chef  sous-scapulaire  postérieur  s’unit  au  chef  coracoïdien,  quand  il 
existe,  pour  sortir  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture. 

L’iliaque  aléal  est  l’homologue  direct  de  la  portion  du  sous-scapulaire  qui 
est  logée  dans  la  fosse  sous-scapulaire  proprement  dite. 

L’iliaque  axial  antérieur  et  l’iliaque  aléal  n’ont  pas  de  délimitation  précise 
et  évidente,  l’un  étant  pour  ainsi  dire  une  émanation  de  l’autre.  Il  en  est  de 
même  du  sous-scapulaire  axial  et  du  sous-scapulaire  aléal.  Mais  il  y a ceci  de 
particulier  que  le  sous-scapulaire  axial  des  Mammifères  représente  probable- 
ment à la  fois  le  chef  scapulaire  antérieur  et  le  chef  scapulaire  postérieur  de 
l’obturateur  interne  des  Amphibiens  et  des  Reptiles,  tandis  que  l’iliaque 


— no  — 


axial  antérieur  des  Mammifères  ne  représente  que  le  chef  iliaque  antérieur  de 
l’obturateur  interne,  le  chef  iliaque  postérieur  en  étant  toujours  nettement 
séparé. 

Cette  différence  tient  certainement  à ce  que,  chez  les  Mammifères,  la  cein- 
ture pelvienne  conservant  tous  ses  éléments  typiques  et  essentiels  dans  un 
état  suffisant  de  développement,  la  ceinture  thoracique  s’éloigne  du  type  pri- 
mitif, par  suite  de  l’atrophie  plus  ou  moins  complète  des  deux  éléments  ven- 
traux (coracoïde  et  précoracoïde). 

L’iliaque  axial  antérieur  peut  être  marginal  (Reptiles,  Ruminants)  ou 
externe  (Lièvre,  Kanguroo,  Monotrêmes,  Oiseaux,  etc.)  ou  à la  fois  interne 
et  externe  (Homme,  Singes  supérieurs,  etc.). 

Le  sous-scapulaire  axial  antérieur,  qui  est  indépendant  et  isolé  chez  les  Rep- 
tiles et  chezles  Amphibiens,  peut  être  marginal,  ou  interne,  ou  bien  à la 
fois  interne  et  externe. 

Chez  les  Mammifères,  i!  est  forcément  et  exclusivement  interne,  attendu 
que  l’aile  de  l’omoplate  qui  s’élève  du  bord  antérieur  du  scapulum  axial  lui 
interdit  toute  relation  avec  la  face  externe  du  scapulum. 

Quant  au  sous-scapulaire  axial  postérieur,  qui  est  indépendant  chez  les 
Reptiles  et  chez  les  Amphibiens,  et  qui  semble  exister  seul  chez  les  Oiseaux,  il 
est  presque  toujours  interne,  mais  il  peut  être  aussi  marginal,  et  parfois  même 
à la  fois  interne  et  externe  ( subcoraco-scapularis  des  Sauriens,  Chéloniens, 
Crocodiliens. 

Le  muscle  petit  rond  des  Mammifères  est  à la  face  externe  du  scapulum 
axial  ce  qu’est  à la  face  interne  le  sous-scapulaire  axial.  C’est  dire  par  consé- 
quent que  les  muscles  sus  et  sous-épineux  sont,  à la  face  externe  du  scapu- 
lum, les  représentants  de  la  portion  aléale  du  muscle  sous-scapulaire.  Il  y a 
entre  ces  derniers  muscles  des  relations  de  même  ordre  que  celles  qui  relient 
le  moyen  fessier  à l’iliaque  aléal'. 

Les  muscles  sus  et  sous-épineux  ne  doivent  point  être  considérés  comme 
deux  muscles  distincts.  C’est  un  seul  et  même  muscle,  le  sus-scapulaire, 


1 Dans  la  dernière  partie  de  ce  travail,  quand  j'essayerai  de  systématiser  les  muscles  des 
deux  ceintures  et  d'en  retrouver  le  type  général  et  primitif,  j'aurai  l'occasion  de  compléter 
mes  vues  à ce  sujet. 


— 221 


dont  un  des  nombreux  interstices  cellulaires  est  occupé  dans  une  étendue 
variable  par  une  lamelle  osseuse,  l’épine  scapulaire,  qui  ne  se  développe  que 
tard,  comme  un  plissement  de  la  surface  externe  du  scapulum  cartilagineux 
et  sans  point  d’ossification  spécial. 

Cet  interstice  osseux  existe  aussi  à la  face  externe  de  l’iléon,  sous  la 
forme  d’une  saillie  verticale  que  j’ai  décrite  sous  le  nom  de  saillie  iliaque , 
qui  n’est  qu’un  rudiment  d’épine,  et  qui  ne  parvient  pas  à séparer  en  deux 
muscles  distincts  les  faisceaux  du  moyen  fessier.  J’ai  déjà  réfuté  l’opinion  de 
M.  Sappey,  qui  assimile  l’épine  du  scapulum  à la  ligne  demi-circulaire  an- 
térieure ou  ligne  de  séparation  du  petit  et  du  moyen  fessier.  L’étude  des 
muscles  vient  aussi  combattre  cette  vue  peu  philosophique  et  démontrer 
que  cette  ligne  demi-circulaire  antérieure  correspond  en  réalité  à la  ligne  de 
séparation  du  sous-épineux  et  du  petit  rond. 

Le  moyen  fessier,  en  effet,  est  exactement,  au  bassin,  l’homologue  des 
muscles  sus  et  sous-épineux  de  l’épaule.  Il  y a similitude  d’insertions  à la 
face  externe  des  ailes  iliaque  et  scapulaire  et  sur  les  grandes  tubérosités  du 
fémur  et  de  l’humérus  : similitude  d’action,  puisqu’ils  sont  tous  rotateurs  en 
dehors  ; et  similitude  de  connexions,  étant  l’un  et  l’autre  placés  entre  les 
muscles  petit  fessier  et  petit  rond  qui  sont  homologues,  et  les  muscles 
grand  fessier  et  grand  rond,  dont  je  me  réserve  de  démontrer  l’homologie. 

De  l’étude  des  muscles  du  scapulum  et  de  leur  présence  ou  de  leur 
absence,  on  peut  déduire  quelques  considérations  intéressantes  sur  la  compo- 
sition du  scapulum  dans  les  divers  groupes  de  Vertébrés.  Chez  les  Amphi- 
biens,  chez  les  Reptiles  et  chez  les  Oiseaux,  le  scapulum,  manquant  des 
muscles  sus  et  sous-scapulaire  proprement  dits,  se  trouve  réduit  à sa  por- 
tion axiale.  L’aile  du  scapulum,  c’est-à-dire  le  lieu  d’insertions  des  sus  et 
sous-épineux  et  du  sous-scapulaire  proprement  dit,  ne  se  développe  que 
chez  les  Mammifères,  et  constitue  une  disposition  du  squelette  de  l’épaule 
propre  à ce  groupe  de  Vertébrés.  C’est  là  un  résultat  de  l’étude  du  système 
osseux  en  lui-même;  mais  c’est  un  résultat  aussi  de  l’étude  des  muscles  et 
une  conséquence  de  ce  principe  dont  je  poursuis  la  démonstration,  et  qui 
subordonne  l’appareil  osseux  à l’appareil  musculaire.  L’os  existe  parce  que 
le  muscle  en  a provoqué  la  formation,  et,  par  suite,  l’os  fait  défaut  là  où  man- 
que le  muscle.  — Pas  de  muscles,  pas  d’os. 


222 


Gegenbaur  a établi  que  chez  les  Mammifères  l'adaptation  aux  fondions 
des  membres  antérieurs  détermine  l’élargissement  de  l’extrémité  dorsale  de 
l’omoplate  (base  du  scapulum)  et  conduit  à la  forme  qui  existe  chez  les 
Singes  et  chez  l’Homme.  Mais  je  tiens  à faire  remarquer  que  l’examen  des 
os  eux-mêmes  montre  que  cet  élargissement  ne  se  fait  pas  également 
dans  tous  les  sens,  et  que  c’est  la  partie  antérieure  à l’axe  du  scapulum,  ou 
scapulum  axial,  qui  se  développe  fortement  pour  former  l’aile  du  scapulum. 
Le  scapulum  reptilien  et  surtout  le  scapulum  d’Oiseau  sont  réduits  à la 
portion  axiale  ; le  scapulum  de  Mammifère  s’en  distingue  par  le  développe- 
ment en  avant  d’une  aile  antérieure  plus  ou  moins  considérable,  tandis 
que  la  portion  axiale  constitue  la  zone  axillaire  de  l’omoplate. 

Avant  de  clore  ce  sujet,  je  dois  rappeler  que  nous  avons  trouvé  chez  les 
Monotrêmes  un  muscle  sus-épineux  que  l’on  a considéré  comme  naissant  de 
la  face  interne  du  col  de  l’omoplate  (Alix;  loc.  cit.).  C’est  là  une  erreur.  Ce 
muscle  naît  d’une  fosse  sus-épineuse  formée  par  une  vraie  épine  de  l’omo- 
plate, que  surmonte  un  acromion.il  manque  à cette  fosse  sus-épineuse  sa 
paroi  interne  ou  scapulaire  proprement  dite,  qui  la  séparerait  de  la  fosse 
sous-scapulaire.  Ces  vues  sont  démontrées  par  l’étude  du  muscle  sus-épi- 
neux, qui  existe  comme  muscle  distinct  du  sous-scapulaire,  et  qui  tire  un 
caractère  non  douteux  de  son  insertion  sur  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus. 
L’existence  indépendante  d’un  muscle  sus-épineux  bien  caractérisé  confirme 
donc  l’existence  d’une  apophyse  scapulaire.  C’est  là  encore  une  application 
du  principe  ci-dessus. 

Grand  dorsal.  — Grand  rond.  — Deltoïde. — Grand  fessier.  — Tenseur 
du  fascia  lata. — Le  moignon  de  l’épaule,  chez  l’Homme,  est  recouvert  par 
une  couche  continue  et  superficielle  de  muscles  et  d’aponévroses.  On  trouve 
d’abord  en  arrière  le  grand  dorsal,  puis  le  grand  rond,  puis  une  aponévrose 
qui  tapisse  la  face  externe  du  sous-épineux  et  qui  atteint  le  bord  postérieur 
du  deltoïde,  pour  former,  en  se  dédoublant,  l’aponévrose  enveloppante  de  ce 
dernier  muscle.  La  saillie  de  la  région  trochantérienne,  qui  représente  pour 
le  membre  inférieur  le  moignon  de  l’épaule,  est  également  recouverte  par  une 
couche  continue  et  superficielle  de  muscles  et  d’aponévroses  qui  sont  exacte- 


225  — 


ménl  comparables  à ceux  du  moignon  de  l’épaule  et  qui  en  sont  exactement 
les  homologues.  Ce  sont,  d’arrière  en  avant,  le  muscle  grand  fessier,  l’aponé- 
vrose du  moyen  fessier  et  le  muscle  tenseur  du  fascia  lata  ; je  vais  en 
établir  les  homologies. 

Le  muscle  grand  dorsal  s’insère,  d’une  part  : 1°  su  ries  apophyses  épineuses 
des  six  ou  sept  dernières  vertèbres  dorsales  et  des  vertèbres  lombaires  et 
sacrées  ; 2°  au  tiers  postérieur  de  la  crête  iliaque  ; 5°  aux  trois  ou  quatre 
dernières  côtes  ; d’autre  part,  dans  le  fond  de  la  coulisse  bicipitale  de  l’hu- 
mérus. 

Le  muscle  grand  rond  naît  : i°de  la  fosse  sous-épineuse,  dans  l’étendue 
d’une  surface  rugueuse  (PI.  V,  fig.  2,  surf,  rug.)  qui  occupe  la  partie  infé- 
rieure et  externe  de  cette  fosse,  en  dehors  du  muscle  sous-épineux;  2°  de 
l’aponévrose  qui  le  sépare  du  muscle  sous-épineux.  Il  va  s’insérer  à la  lèvre 
postérieure  de  la  coulisse  bicipitale  de  l’humérus.  Il  est  à remarquer  que  les 
fibres  du  grand  dorsal  et  celles  du  grand  rond  présentent  un  certain  degré 
de  torsion  vers  leur  insertion  humérale,  et  que  le  grand  dorsal  contourne 
le  bord  inférieur  du  grand  rond  et  vient  se  placer  au-devant  de  lui.  Il  ré- 
sulte de  là  que  ces  deux  muscles,  qui  paraissent  tout  à fait  distincts,  se 
réunissent  en  une  grande  masse  musculaire  tordue,  qui  forme  en  réalité 
une  masse  unique  à partir  de  l’angle  inférieur  de  l’omoplate.  Cela  est  si 
vrai  qu’il  existe  souvent  un  faisceau  simple  ou  double,  naissant  de  l’angle 
inférieur  de  l’omoplate,  allant  se  joindre  aux  fibres  du  grand  dorsal  et  témoi- 
gnant des  tendances  à la  fusion  des  deux  muscles.  Cette  disposition,  excep- 
tionnelle chez  l’Homme,  est  constante  chez  l’Échidné,  dont  le  grand  rond 
envoie  toujours  au  grand  dorsal. un  faisceau  qui  va,  avec  ce  muscle,  s’at- 
tacher immédiatement  au-dessus  de  la  trochlée.  Chez  les  Reptiles,  les  deux 
muscles  dont  il  est  ici  question  se  confondent  vers  leur  extrémité  humérale 
et  ont  une  insertion  commune. 

Enfin  je  dois  noter  que  du  tendon  du  grand  dorsal  part  une  expansion 
fibreuse  qui  se  continue  avec  l’aponévrose  brachiale.  Cette  aponévrose  de- 
vient même  parfois  musculaire  et  constitue  alors,  chez  l’Homme,  un  véri- 
table muscle  anormal  qui,  partant  du  bord  inférieur  du  grand  dorsal,  va 
s’insérer  à l'olécrane. 

L’homologue  pelvien  des  deux  muscles  que  nous  venons  d’étudier  et 

29 


224  — 


dont  je  désignerai  l’ensemble, -pour  abréger,  sons  le  nom  de  groupe  grand 
rond-dorsal,  se  retrouve  d’une  manière  très-exacte  dans  le  muscle  grand 
fessier.  Quelles  sont  en  effet  les  insertions  de  ce  muscle?  II  est,  comme  le 
groupe  grand  rond-dorsal,  le  plus  superficie!  des  muscles  de  la  région  pos- 
lérieurede  la  ceinture  correspondante,  il  s’insère,  d’une  part:  1°  sur  la  crête 
sacrée  ou  apophyses  épineuses  des  vertèbres  sacrées  ; 2°  quelquefois  aux 
tubercules  sacrés  latéraux  ou  apophyses  transverses  des  vertèbres  sacrées, 
et  aux  bords  du  coccyx  ; 5°  au  ligament  sacro-iliaque  vertical  et  au  bord 
externe  de  l’aponévrose  commune  des  muscles  spinaux  postérieurs  ; 4°  à la 
face  postérieure  du  grand  ligament  sacro-sciatique  ; 5°  a la  face  postérieure 
de  l’aponévrose  du  moyen  fessier  ; et  6U  à la  ligne  demi-circulaire  posté- 
rieure de  l’os  coxal  et  à toute  la  portion  rugueuse  de  la  fosse  iliaque  externe 
qui  est  située  en  arrière  de  cette  ligne  (PI.  V,  fig.  1,  surf,  rug.) 

D’autre  part,  le  grand  fessier  s’attache  à la  division  externe  et  supérieure 
de  la  ligne  âpre. 

Les  insertions  des  deux  muscles  sont  frappantes  par  leur  identité.  11 
faut,  en  effet,  faire  abstraction  pour  l’un  et  pour  l’autre  des  insertions  que 
j’appellerai  consécutives  et  accidentelles,  pour  ne  considérer  que  les  insertions 
essentielles  et  primitives.  Les  insertions  consécutives  et  accidentelles  sont, 
pour  le  grand  dorsal  de  l’Homme,  les  insertions  sur  la  crête  iliaque.  L’in- 
sertion iliaque  est  due  au  passage  de  l’aponévrose  superficielle  de  muscles 
lombaires  postérieurs  sur  cette  crête,  où  elle  contracte  des  adhérences.  Ces 
insertions  iliaques,  obtenues  par  l’intermédiaire  de  cette  large  aponévrose, 
n’ont  jamais  lieu  chez  les  Mammifères. 

Les  insertions  costales  n’existent  pas  toujours  chez  les  Mammifères. 
Elles  manquent  chez  le  Cheval,  existent  chez  le  Porc,  chez  le  Chien,  etc. 
Elles  font  défaut  chez  les  Chéiroptères  et  chez  l’Échidné,  et  se  trouvent  chez 
l’Ornithorynque.  Elles  ont  lieu  chez  les  Oiseaux,  chez  beaucoup  de  Sau- 
riens kionocrâniens  ( Uromastix , Varanus),  chez  les  Chamæléonides,  et 
manquent  choz  les  Crocodiliens.  Elle  sont  donc  peu  constantes,  mais  peuvent 
cependant  être  regardées  comme  des  attaches  sur  les  appendices  latéraux 
des  vertèbres.  A ce  titre,  elles  sont  représentées,  pour  le  grand  fessier, 
par  les  insertions  sur  les  tubercules  latéraux,  ou  apophyses  transverses  des 
vertèbres  sacrées,  insertions  qui  ne  sont  du  reste  pas  constantes. 


225  — 


Pour  le  grand  fessier,  les  insertions  accidentelles  sont  les  insertions  sur 
les  ligaments  sacro-sciatiques.  Ce  sont  des  adhérences  de  voisinage  et  non 
des  insertions  essentielles,  puisqu’elles  font  complètement,  défaut  chez  les 
animaux  qui,  comme  les  Reptiles,  ne  présentent  pas  des  éléments  fibreux 
analogues  à ces  ligaments  dans  la  ceinture  pelvienne. 

Les  insertions  essentielles  sont,  pour  les  deux  muscles  : 1°  les  apophyses 
épineuses  des  régions  delà  colonne  vertébrale  placées  en  arrière  des  cein- 
tures correspondantes  (régions  dorsale  postérieure,  lombaire  et  sacrée  pour 
le  grand  dorsal,  régions  sacrée  et  coccygienne  pour  le  grand  fessier)  ; 2°  la 
portion  de  la  face  externe  de  l’iléon  et  du  scapulum  voisine  de  l’angle 
postérieur  de  ces  os,  région  rugueuse  placée  en  arrière  du  moyen  fessier 
et  du  sous-épineux,  muscles  homologues,  et  région  enfin  appartenant 
surtout  à la  portion  postérieure  de  l’épiélément  (épiiléon  pour  le  grand 
fessier , épiscapulum  pour  le  grand  rond  ). 

Quanta  l’insertion  distale,  elle  est  semblable  dans  les  deux  cas  (partie 
supérieure  de  la  ligne  âpre,  soit  au  fémur,  soit  à l’humérus).  Je  dois  noter 
aussi  pour  le  grand  fessier  un  certain  degré  de  torsion  des  fibres,  quoique 
bien  moindre  que  dans  le  groupe  grand  rond-dorsal.  Enfin,  le  grand  fessier 
présente  sur  l’aponévrose  fascia  lata  ou  aponévrose  fémorale  une  inser- 
tion dont  il  faut  tenir  compte  et  qui  rappelle  l’insertion  du  grand  dorsal 
sur  l’aponévrose  brachiale.  L’un  et  l’autre  des  deux  muscles  tendent  par  là 
même,  chez  l’Homme,  à contracter  des  rapports  directs  avec  le  second 
article  du  membre  correspondant.  Ces  rapports,  qui  existent  chez  l’Homme 
à l’état  de  vestige,  présentent  chez  les  animaux  des  degrés  plus  élevés 
de  développement.  Chez  le  Chien,  notamment,  un  faisceau  se  détache  du 
bord  axillaire  du  grand  dorsal  et  se  porte  sur  l’olécrâne.  Chez  les  Singes, 
il  se  détache  aussi  de  ce  même  bord  un  ruban  musculaire  qui  va  se  fixer 
surl’olécrâne  et  même  sur  l’épitrochlée. 

Pour  ce  qui  regarde  le  grand  fessier,  il  présente  chez  certains  Mammi- 
fères des  relations  remarquables  avec  la  région  tibiale.  C’est  ainsi  que  chez  le 
Cheval  il  existe  un  muscle  désigné  par  les  vétérinaires  sous  le  nom  de 
long  vaste,  divisé  en  deux  portions,  dont  l’antérieure,  insérée  sur  l’épine  sa- 
crée, le  ligament  sacro-sciatique,  l’aponévrose  d’enveloppe  des  muscles 
coccygiens  et  la  tubérosité  ischiatique,  va  se  terminer  sur  l'empreinte  circu- 


— 226  — 

laire  située  derrière  la  crête  sous-trochantérienne  par  une  branche  fibreuse 
qui  se  détache  du  tendon  profond,  et  sur  la  face  antérieure  de  la  rotule,  en 
s’unissant  avec  le  ligament  rotulien  externe.  Chez  le  Bœuf,  le  Mouton,  ia 
Chèvre,  le  muscle  ne  s’attache  pas  sur  le  fémur,  mais  seulement  sur  la 
rotule,  en  s’unissant  avec  le  ligament  rotulien  externe.  La  portion  posté- 
rieure du  long  vaste  naît  de  la  crête  de  la  tubérosité  ischiatique,  où  elle 
s’unit  avec  l’antérieure  , et  son  aponévrose  terminale  se  répand  sur  les  mus- 
cles tibiaux  pour  constituer  l’aponévrose  jambière,  et  va  s’insérer  sur  la  crête 
tibiale. 

Ce  muscle  long  vaste,  dont  les  insertions  ischiatiques  sont  consécutives  et 
résultent  de  l’adhérence  de  l’aponévrose  et  des  fibres  profondes  du  muscle 
sur  la  tubérosité  et  la  crête  saillante  de  l’ischion1,  ce  muscle,  dis-je,  repré- 
sente cette  portion  du  grand  fessier  de  l’Homme  qui  se  termine  sur  l’apo- 
névrose crurale  et  dont  l’importance  a décru  chez  l’Homme  etchez  les  Singes 
à mesure  que  la  portion  insérée  sur  le  fémur  prenait  un  développement  plus 
considérable.  Ce  muscle  long  vaste  est  du  reste  distinct  du  tenseur  du  fascia 
lata , que  nous  allons  retrouver  et  qui  lui  est  antérieur. 

J’espère  avoir  suffisamment  établi  l’homologie  du  grand  fessier  avec  le 
groupe  grand  rond-dorsal.  Les  différences  de  forme  que  présentent  ces  deux 
muscles  ont  à peine  besoin  d’être  expliquées.  Les  muscles  grand  rond-dorsal, 
séparés  à l’épaule,  où  le  scapulum  est  indépendant  et  éloigné  de  la  colonne 
vertébrale,  se  réunissent  pour  former  le  grand  fessier  au  bassin,  où  l’iléon 
adhère  solidement  et  largement  aux  vertèbres  sacrées. 

Le  grand  fessier  peut  du  reste  exceptionnellement  reproduire  d’une  ma- 
nière exacte  cette  bifidité  du  grand  rond-dorsal,  puisqu’on  a vu  les  insertions 


1 L'anatomie  comparée  prouve  suffisamment  cette  proposition  en  montrant  que  ces  insertions 
ischiatiques  n'existent  que  là  où  i’ischion  fait  une  saillie  considérable  en  arrière,  et  qu’elies 
font  défaut  là  où  l'ischion  est  peu  saillant,  comme  chez  l’Homme  et  chez  les  Singes.  Les  muscles 
fessiers,  qui  forment  une  couche  superficielle,  sont  essentiellement  des  muscles  de  la  colonne 
vertébrale  et  de  l’iléon.  Je  profite  de  cette  circonstance  pour  insister  ici  sur  ces  insertions 
consécutives  des  muscles,  auxquelles  on  n’a  pas  prêté  l’attention  qu’elles  méritent,  et  qui  portent 
un  trouble  profond  dans  l’étude  des  homologies  musculaires,  qu'elles  masquent  et  obscurcissent. 
Je  recommande  à ce  sujet  l’étude  des  muscles  fessiers  du  Cheval  et  des  Ruminants,  sur  lesquels 
cette  obsers’ation  est  propre  à jeter  un  certain  jour  qui  fait  passablement  défaut  dans  les  traités 
classiques  d’anatomie  vétérinaire. 


inférieures  (sacrum  et  coccyx)  donner  naissance  à un  muscle  distinct  ( agitator 
caudæ ) dont  on  trouve  l’homologue  chez  certains  Mammifères,  chez  les 
Oiseaux  et  chez  les  Reptiles. 

Le  grand  fessier  est  continué  en  avant  et  en  haut  par  l’aponévrose  puis- 
sante qui  recouvre  le  moyen  fessier,  de  même  que  le  grand  rond-dorsal  est 
continué  en  avant  et  en  haut  par  l’aponévrose  puissante  qui  recouvre  le  sous- 
épineux. 

Le  bord  antérieur  de  l’aponévrose  du  moyen  fessier  se  divise  en  deux 
lames,  entre  lesquelles  se  loge  le  muscle  du  fascia  lata  ; le  bord  antérieur  de 
l’aponévrose  du  sous-épineux  reçoit  dans  son  dédoublement  les  faisceaux  du 
deltoïde  scapulaire.  Le  deltoïde  scapulaire  a pour  homologue  le  muscle  du 
fascia  lata.  C’est  ce  qu’il  est  facile  d’établir. 

Le  deltoïde  scapulaire  s’attache  au  bord  postérieur  de  l’épine  scapulaire 
dans  toute  sa  longueur,  et  au  bord  externe  de  l’acromion.  L’insertion  infé- 
rieure du  deltoïde,  considérée  dans  son  ensemble  (portions  scapulaire  et  cla- 
viculaire réunies),  se  fait  à l’empreinte  deltoïdienne  de  l’humérus.  A cette 
insertion,  que  les  anthropotomistes  ont  le  tort  de  considérer  comme  unique, 
il  convient  d’en  ajouter  une  autre.  Le  tendon  terminal  du  deltoïde  s’unit  en 
effet,  surtout  par  son  bord  postérieur  ou  scapulaire,  avec  l’aponévrose  bra- 
chiale, dont  il  devient  le  muscle  tenseur. 

Le  tenseur  du  fascia  lata  naît  de  la  partie  antérieure  de  la  lèvre  externe 
de  la  crête  iliaque,  à partir  delà  tubérosité  ou  éminence  de  cette  crête  jusqu’à 
l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure.  Or,  la  tubérosité  de  la  crête  iliaque  ou 
éminence  iliaque  (PL  Y,  fig.  1,  em.  i/.)est  le  point  de  départ  de  la  saillie 
de  l’iléon,  et  est  représentée  par  conséquent  sur  le  scapulum  par  le  point 
de  départ  de  l’épine  du  scapulum  (PI.  V,  fig.  2,  em.  sc.).  Les  faisceaux 
charnus  nés  de  cette  insertion  se  terminent  vers  le  quart  ou  le  tiers  supé- 
rieur de  la  cuisse  en  formant  une  bande  fibreuse  épaisse  qui,  unie  avec 
l’aponévrose  fémorale,  va  s’insérer  sur  le  tubercule  externe  de  la  tubérosité 
antérieure  du  tibia. 

On  peut  légitimement  conclure  de  cette  description  que  le  muscle  du 
fascia  lata  représente  chez  l’Homine  un  deltoïde  scapulaire  réduit  à la 
portion  qui  part  de  la  base  de  l’épine  de  l’omoplate  et  va  s’insérer  sur 
l’aponévrose  brachiale.  L’absence  d’insertions  fémorales  comparables  aux 


- 228  — 


insertions  humérales  s’explique  par  le  faible  développement  de  ce  muscle, 
qui  n’est  représenté  chez  l’Homme  que  par  des  éléments  très-réduits.  Ces 
insertions  fémorales  se  retrouvent  en  effet  chez  les  Mammifères  dont  le 
muscle  du  fascia  lata  est  plus  complet.  Chez  le  Cheval,  notamment,  qui  a un 
beau  muscle  tenseur,  l’aponévrose  du  fascia  lata  ou  tendon  du  muscle  se  divise 
en  deux  feuillets  superposés  : l’un,  superficiel,  s’unit  à l’aponévrose  fessière 
et  fémorale;  l’autre,  profonde,  s’insinue  entre  le  long  vaste  externe,  se  réunit 
au  tendon  termina!  du  fessier  superficiel  et  s’insère  au  bord  externe  du  fémur. 

L’insertion  du  muscle  du  fascia  lata  au-devant  de  la  tubérosité  ou  émi- 
nence de  la  crête  iliaque  jusqu’à  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure  n’est 
pas  représentée  dans  le  deltoïde  humain,  qui  ne  s’insère  pas  sur  le  bord 
interne  ou  épiscapuSaire  de  l’omoplate  jusqu’à  l’angle  supérieur  interne. 

Mais  ces  insertions  du  deltoïde  sur  le  bord  épiscapulaire  du  scapulum 
s’observent  très-généralement  chez  les  Amphibiens  et  chez  les  Reptiles,  et 
parfois  aussi  chez  les  Mammifères.  11  existe  en  effet  chez  les  Chéiroptères, 
dans  le  muscle  deltoïde,  trois  portions:  une  claviculaire,  une  acromiale,  et 
une  sous-épineuse'.  Cette  dernière,  spinale  ou  sous-épineuse,  signalée  par 
Cuvier  et  par  Macalister,  s’insère  à la  moitié  interne  de  l’épine  et  à toute  la 
portion  du  bord  interne  ou  spinal  de  l’omoplate  qui  se  trouve  au-dessous  de 
l’épine,  et  va  se  terminer  sur  la  crête  deltoïdienne  de  l’humérus.  Celle  portion 
sous-épineuse  du  deltoïde  rétablit  la  continuité  de  la  couche  formée  par  le 
grand  rond-dorsal  et  le  deltoïde,  couche  interrompue  chez  l’Homme  par  la 
présence  de  l’aponévrose  sous-épineuse.  Chez  les  Chéiroptères,  cette  aponé- 
vrose est  remplacée  par  une  vraie  couche  musculaire.  Chez  les  Sauriens, 
chez  les  Crocodiliens,  la  couche  grand  dorsal,  grand  rond  et  deltoïde  est 
continue  ou  presque  continue. 

Chez  les  Oiseaux,  la  couche  du  grand  fessier  et  du  tenseur  est  pour  ainsi 
dire  un  seul  et  même  muscle,  à la  fois  charnu  et  aponévrolique. 

L’élude  des  muscles  précédents  me  permet  d’apporter  un  argument  de 
grande  valeur  contre  la  conception  de  Graliolet,  qui  considérait  l’aile  ilia- 
que comme  représentant  l’épine  scapulaire,  et  le  muscle  iliaque  interne 


1 Maisonneuve;  loc.  cit.,  pag.  231. 


— 229  — 


comme  le  muscle  sus-épineux  de  la  ceinture  pelvienne.  J’ai  déjà  eu  l’occa- 
sion de  combattre  cette  idée,  si  séduisante  je  l’avoue,  que  j’éprouve  le 
besoin  de  la  discuter  encore. 

Si  l’aile  iliaque  du  bassin  humain  était  une  véritable  épine  scapulaire,  ce 
serait  une  épine  ayant  atteint  un  haut  degré  de  développement.  Elle  devrait 
être  le  lieu  d’insertions  de  muscles  homologues  à ceux  de  l’épine  scapulaire, 
et  même  puissamment  développés.  Or,  il  n’en  est  rien.  L’iliaque  serait  un 
sus-épineux  relativement  médiocre.  Le  tenseur  du  fascia  lata  devrait  s’in- 
sérer à toute  la  crête  iliaque  et  y représenter  un  muscle  deltoïde  puissant 
et  très-étendu.  On  ne  comprendrait  pas  l’état  rudimentaire  auquel  il  est 
réduit,  et  qui  s’explique  si  bien  quand  on  considère,  ainsi  que  je  l’ai  fait, 
l’iléon  comme  n’ayant  qu’un  rudiment  d’épine  représenté  par  la  saillie 
iliaque,  saillie  enfouie  dans  l’épaisseur  des  muscles  fessiers  et  ne  devenant  un 
lieu  d’insertions  pour  le  deltoïde  ou  tenseur  du  fascia  qu’à  la  tubérosité  de 
la  crête  iliaque  ou  éminence  iliaque 

De  plus,  on  aurait  le  droit  de  s’étonner  de  ne  pas  retrouver  sur  l’épine 
scapulaire  des  insertions  musculaires  qui  existent  sur  l’aile  de  l’iléon.  L’a- 
cromion  devrait  donner  insertion  à un  couturier,  l’épine  scapulaire  à un  droit 
antérieur.  Or,  l’épinedu  scapulum  ne  présente  rien  de  pareil, et  nous  trouve- 
rons les  homologues  de  ces  muscles  sur  d’autres  points  du  scapulum. 

A ces  raisons  de  ne  point  assimiler  l’iliaque  au  sus-épineux,  et  par  con- 
séquent l’aile  iliaque  à l’épine  du  scapulum,  vient  s’ajouter  la  différence 
remarquable  que  présentent  les  insertions  mobiles  des  deux  muscles.  La 
suite  de  ce  travail  démontrera  en  effet  que  le  trochantin,  auquel  s’insère 


1 La  plupart  des  anatomistes  qui  se  sont  occupés  de  la  question  ont  considéré  le  deltoïde 
comme  l’homologue  du  grand  fessier.  Ces  deux  muscles  n'ont  de  commun  que  leur  structure 
fasciculée  et  leur  volume  ; mais  ils  diffèrent  essentiellement  par  leurs  insertions.  Le  deltoïde 
n'est  jamais  un  muscle  naissant  des  vertèbres  ; il  est  exclusivement  scapulaire  et  cléidien,  soit 
chez  les  animaux,  soit  chez  l’Homme,  où  l’on  ne  connaît  même  aucune  anomalie  de  ce  genre. 
Mais,  en  supposant  même  que  le  deltoïde  fût  l’homologue  du  grand  fessier,  si  l'aile  de  l’iléon 
représentait  l’épine  scapulaire,  on  aurait  le  droit  de  s’étonner  qu’un  deltoïde  fémoral  s’insérât 
uniquement  sur  l’iléon  axial  et  sur  l’extrémité  postérieure  de  la  base  de  l’épine,  et  n’eût  pas  ses 
insertions  étendues  à toute  la  crête  iliaque  si  puissante,  qui  représenterait  la  crête  de  l’épine 
scapulaire.  Les  insertions  si  réduites  du  tenseur  du  fascia  lata  sont  bien  plus  en  rapport  avec 
l’étal  rudimentaire  d’une  épine  de  l’iléon,  telle  que  je  la  comprends  dans  ce  Mémoire. 


— 230  — 


l’iliaque,  n’est  nullement  une  tubérosité  terminale  supérieure  du  fémur,  mais 
une  éminence  de  sa  diaphyse  qui  a pour  homologue  précis  la  crête  deltoï- 
dienne  de  l’humérus,  et  non  le  trochiter  huméral,  qui  est  une  portion  du 
chapiteau  huméral,  et  sur  lequel  s’insère  le  sus-épineux.  Ces  deux  insertions, 
qui  sont  d’une  constance  très-remarquable  chez  tous  les  Vertébrés,  mé- 
ritent qu’on  attache  quelque  valeur  aux  différences  qu’elles  présentent. 

Ces  arguments,  auxquels  j’ajoute  une  grande  importance,  en  vertu  des 
corrélations  étroites  que  j’ai  partout  observées  et  établies  entre  les  par- 
ties osseuses  et  les  parties  musculaires,  ne  me  paraissent  laisser  aucun 
doute  sur  la  solution  d’une  question  très-délicate,  et  qui  a été  pour  moi  le 
sujet  de  longues  réflexions  et  de  méditations  prolongées. 

Pectiné.  — Adducteurs  fémoraux.  — Coraco-brachial.  — La  région 
interne  de  la  cuisse,  chez  l’Homme,  comprend  cinq  muscles  qui  sont  les  qua- 
tre adducteurs  et  le  droit  interne. 

Les  quatre  adducteurs  doivent  être  divisés  en  deux  groupes  très-naturels  : 
ie  premier  groupe  comprend  les  adducteurs  pubiens  ayant  pour  point  de 
départ  le  pubis  ; le  second  comprend  les  adducteurs  dont  le  point  d’attache 
estsur  l’ischion  ou  adducteurs  ischiatiques. 

Les  adducteurs  pubiens  comprennent  trois  muscles  : 

1°  Le  pectiné  ou  premier  adducteur  superficiel  part  de  l’épine  du  pubis, 
de  la  crête  pectinéale,  de  la  surface  triangulaire  qui  est  au-devant  de  cette 
crête,  et  d’une  arcade  aponévrotique  très-forte  qui  fait  suite  au  ligament  de 
Gimbernat.  11  s’insère  d’autre  part  au-dessous  du  petit  trochanter  du  fémur, 
sur  la  division  interne  et  supérieure  de  la  ligne  âpre. 

2°  Le  deuxième  adducteur  superficiel  est  la  continuation  interne  du  plan 
musculaire  du  pectiné.  Aussi  Vésale  les  avait-il  réunis  pour  en  faire  sa 
huitième  paire  de  muscles  de  la  cuisse.  11  part  de  l’épine  du  pubis,  et  s’in- 
sère au  tiers  moyen  de  la  ligne  âpre  du  fémur. 

5°  Le  petit  adducteur  profond  naît  au-dessous  de  l’épine  et  sur  la  bran- 
che descendante  du  pubis,  et  va  se  terminer  sur  le  tiers  moyen  de  la  ligne 
âpre  du  fémur,  derrière  les  adducteurs  superficiels. 

Les  adducteurs  ischiatiques  se  résument  en  un  grand  muscle,  le  grand 
adducteur  profond,  que  l’on  pourrait  aussi  décomposer  en  plusieurs  fais- 
ceaux, et  auxquels  il  faut  joindre  le  carré  fémoral. 


— 251  — 

Le  grand  adducteur  profond  naît  de  la  branche  ascendante  de  l’ischion 
dans  toute  sa  longueur,  parfois  un  peu  de  la  branche  descendante  du  pubis, 
et  du  sommet  de  la  tubérosité  de  l’ischion.  Il  va  s’insérer  sur  l’interstice  de 
la  ligne  âpre  dans  toute  sa  longueur,  et  sur  le  tubercule  du  condyle  interne 
du  fémur. 

Le  carré  fémoral,  qui  doit  être  considéré  comme  le  faisceau  le  plus  élevé 
de  ce  muscle,  naît  à côté  de  lui,  sur  le  bord  externe  de  la  tubérosité  ischiati- 
que,  et  va  s’insérer  sur  la  ligne  qui  s’étend  du  grand  au  petit  trochanter, 
(interstice  élargi  de  la  ligne  âpre),  au-dessus  des  insertions  du  grand 
adducteur,  qu’il  continue  supérieurement. 

11  résulte  de  cette  description  que  la  masse  des  adducteurs  pubiens  s'in- 
sère sur  la  région  supérieure  et  surtout,  moyenne  de  la  ligne  âpre  du  fémur, 
et  qu’elle  ne  s’étend  pas  beaucoup  au-dessus  et  jamais  au-dessous  du  tiers 
moyen  du  corps  de  cet  os,  tandis  que  les  adducteurs  ischiatiques  forment 
une  couche  musculaire  profonde  dont  les  insertions  s’étendent  dans  toute  la 
longueur  de  la  ligne  âpre,  depuis  le  grand  trochanter  jusqu’au  condyle  in- 
terne du  fémur,  embrassant  pour  ainsi  dire  les  deux  extrémités  de  cet.  os,  et 
atteignant  surtout  l’extrémité  inférieure. 

Ces  caractères  distinctifs  des  adducteurs  pubiens  et  ischiatiques  ne  sont 
pas  purement  accidentels  et  propres  à l’espèce  humaine.  On  les  trouve  chez 
les  Solipèdes,  où  les  deux  adducteurs  pubiens  (pectiné  et  petit  adducteur) 
s’insèrent  au  niveau  du  tiers  moyen  de  la  face  interne  et  de  la  face  posté- 
rieure du  fémur,  tandis  que  l’adducteur  ischiatique  et  le  carré  crural  occu- 
pent la  face  postérieure  du  fémur,  depuis  le  petit  trochanter  jusqu’au  condyle 
interne  et  au  ligament  fémoro-tibial  interne. 

Les  Chéiroptères  ont  deux  adducteurs,  le  pectiné  et  l’adducteur  propre- 
ment dit.  C’est  là  l’opinion  de  Cuvier,  de  Meckel,  de  Blanchard.  «Le  pectiné 
des  Chauves-Souris,  dit  Cuvier,  est  long  et  grêle,  ainsi  que  l’obturateur 
externe.  Elles  n’ont  qu’un  adducteur  de  la  cuisse  qui  vient  de  la  symphyse 
du  pubis  et  qui  s’insère  à la  partie  du  fémur  qui  répond  à son  tiers  coxal 
»uu  supérieur’  ».  M.  Maisonneuve1 2,  s’appuyant  sur  ce  que  Macalister  dit 


1 Cuvier;  Leçons  d’ Anat.  comparée,  tom.  I,  pag.  505,  2e  édition. 

2 Maisonneuve;  loc.cit.,  pag.  270. 


50 


252 


que  dans  le  Pteropus  Edwarsii  le  deuxième  adducteur  superficiel  est  double, 
a distingué  chez  le  Vespertilio  murinus  deux  muscles  adducteurs  indépen- 
dants du  pectiné  ou  premier  adducteur  superficiel.  Ce  sont  le  deuxième 
adducteur  superficiel  et  le  petit  adducteur  profond.  Seulement  M.  Maison- 
neuve, entraîné  par  des  souvenirs  peu  fidèles  d’anatomie  humaine,  attribue  à 
ce  second  muscle  une  origine  ischiatique,  ajoutant  qu’il  a cru  devoir  décrire 
ce  muscle  comme  muscle  distinct,  sous  le  nom  de  petit  adducteur  profond. 
«D’ailleurs,  ajoute  le  Dr  Maisonneuve,  ses  insertions  rappellent  bien  celles 
de  ce  muscle  en  anatomie  humaine  ». 

11  y a là  une  double  erreur.  En  admettant  (ce  que  je  ne  nie  pas)  que  ce 
muscle  dut  être  considéré  comme  autonome  et  comme  un  petit  adducteur 
profond,  on  ne  saurait  lui  attribuer  chez  les  Chéiroptères  une  origine  ischiati- 
que; il  s’insère  en  effet  sur  la  branche  descendante  du  pubis,  près  de  la 
symphyse,  ainsi  que  l’avait  bien  vu  Cuvier,  et  c’est  aussi  exactement 
le  cas  de  son  homonyme  en  anatomie  humaine.  Les  Chéiroptères  sont 
donc  pourvus  d’adducteurs  pubiens,  et  manquent  entièrement  d’ad- 
ducteurs ischiatiques.  Aussi  est-il  intéressant  de  remarquer  que  les  inser- 
tions fémorales  de  ces  muscles  se  font  : pour  le  pectiné,  sur  le  tiers  supérieur 
du  fémur,  à la  crête  qui  fait  suite  au  petit  trochanter  ; pour  le  deuxième 
adducteur  superficiel,  au  tiers  supérieur  du  bord  antérieur  du  fémur,  en 
arrière  et  un  peu  au-dessus  de  l’insertion  inférieure  du  pectiné;  et  pour  le 
petit  adducteur  profond,  sur  le  bord  antérieur  du  fémur,  immédiatement  au- 
dessous  du  muscle  précédent,  c’est-à-dire  au  point  d’union  du  tiers  supé- 
rieur et  du  tiers  moyen.  Aucun  donc  de  ces  muscles  n’atteint  même  le  tiers 
inférieur  du  fémur. 

Chez  les  Ornithodelphes,  on  peut  constater  les  mêmes  relations.  Le  fais- 
ceau pectiné  va  s’insérer  sur  le  tiers  supérieur  et  moyen  du  fémur  ; les 
faisceaux  des  adducteurs  ischiatiques  vont  an  tiers  inférieur  de  la  ligne 
âpre  et  au  condyle  interne  du  fémur. 

Chez  les  Oiseaux,  il  n’existe  pas  précisément  d’adducteur  pubien.  Celui 
des  deux  qu’on  pourrait  prendre  comme  tel  s’insère  en  réalité  près  du  bord 
inférieur  de  l’ischion,  et  est  par  conséquent  ischiatique.  Les  deux  adducteurs 
ischiatiques  vont  se  fixer  sur  les  deux  tiers  inférieurs  de  la  ligne  âpre  du 
fémur,  et  le  plus  interne  des  deux  va  jusqu’au  condyle  interne. 


255  — 


Chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  il  existe  une  masse  de  muscles  adduc- 
teurs peu  distincts  entre  eux,  et  partant  de  toute  la  face  antérieure  de 
l’ischion  et  du  pubis.  Ces  fibres  vont  la  plupart  sur  le  trochanter,  et  quel- 
ques-unes sur  la  ligne  âpre,  au-dessous  du  trochanter.  Elles  correspondent 
au  carré  crural  (ischiatique)  et  aux  adducteurs  pubiens. 

On  peut  conclure  de  cette  revue  que,  tout  au  moins  chez  les  Vertébrés 
supérieurs,  les  adducteurs  pubiens  s’insèrent  surtout  au  voisinage  du  tiers 
moyen  du  fémur  et  plus  souvent  au-dessus  qu’au-dessous  ; tandis  que  les 
adducteurs  ischiatiques  s’insèrent  depuis  le  grand  trochanter  jusqu’au 
condyle  interne,  et  présentent  des  insertions  extrêmes  par  rapport  à celles 
des  adducteurs  pubiens. 

Les  adducteurs  du  membre  antérieur  se  résument  chez  l’Homme  en  un 
seul  muscle,  le  coraco-brachial.  Voyons  quelles  sont  ses  insertions.  Il 
s’insère  d’une  part  au  sommet  de  l’apophyse  coracoïde , d’autre  part  à la 
face  et  aux  bords  internes  de  l’humérus,  vers  la  partie  moyenne  de  cet  os. 
Son  insertion  coracdidienne  est  contiguë  en  dedans  et  même  confondue 
avec  celle  de  la  courte  portion  du  biceps. 

Les  analogies  de  ce  muscle  avec  les  adducteurs  pubiens  et  plus  particu- 
lièrement avec  le  petit  adducteur  profond  me  paraissent  frappantes.  Comme 
ce  dernier,  il  s’insère  à la  partie  moyenne  de  l’os  long  et  n’atteint  ni  les  ré- 
gions supérieures  trochantériennes  ni  les  régions  inférieures  condyliennes. 
Il  a donc  le  caractère  des  muscles  pubiens.  C’est  là  un  fait  intéressant, 
puisqu’il  me  permet  d’apporter  à l’appui  de  la  signification  pubienne  que 
j’ai  donnée  à l’apophyse  coracoïde  des  Mammifères  autres  quelesMonotrêmes, 
une  preuve  déduite  de  l’étude  du  système  musculaire.  Si,  en  effet,  le  muscle 
coraco-brachial  est,  de  par  ses  insertions  humérales,  un  muscle  homologue 
des  muscles  pubiens,  il  en  résulte  qu’il  est  un  muscle  précoracoïdien  et  non 
coracoïdien,  et  que  l’apophyse  qui  lui  sert  de  point  de  départ  est  l’homolo- 
gue du  pubis,  c’est-à-dire  un  précoracoïde.  Il  est  du  reste  remarquable 
combien  ce  muscle  est  presque  identique  au  muscle  petit  adducteur  pro- 
fond. Comme  lui,  il  naît,  non  de  l’élément  osseux,  mais  de  l’épiélément 
correspondant.  Le  petit  adducteur  pubien  naissant  de  l’épipubis,  le  préco- 
raco-brachial  naît  du  point  spécial  d’ossification  qui  forme  l’extrémité  du 


— 254  — 


précoracoïde  et  qui  représente  l’épi  précoracoïde  ; de  plus,  le  petit  adducteur 
profond  naissant  sur  lepipubis,  à côté  et  pour  ainsi  dire  par  une  insertion 
commune  avec  le  droit  ou  grêle  interne,  le  précoraco-brachial  naît  de  l’épi- 
précoracoïde,  à côté  et  par  une  insertion  commune  avec  la  courte  portion  du 
biceps  brachial,  que  nous  verrons  être  l’homologue  du  grêle  interne  fémoral. 

Le  précoraco-brachial  conserve  du  reste,  chez  les  Vertébrés  qui  le  possè- 
dent d’une  manière  assez  distincte,  les  mêmes  relations  avec  l’humérus  que 
nous  lui  avons  reconnues  chez  l’Homme. 

Chez  le  Cheval,  le  précoraco-brachial  a deux  faisceaux,  dont  l’un  s’insère 
sur  la  face  antérieure  de  l’humérus,  au  niveau  du  tiers  moyen,  et  dont 
l’autre  touche  au  tiers  inférieur,  mais  n’atteint  pas  l’épitrochlée. 

Les  Singes  ont,  d’aprèsCuvier,  le  coraco-brachial  divisé  en  deux  portions, 
dont  l’inférieure  règne  tout  le  long  de  la  face  postérieure  et  interne  de  l’hu- 
mérus, mais  n’atteint  ni  les  tubérosités  supérieures  ni  l’épitrochlée.  Chez 
l’Ours  seulement,  d’après  Cuvier,  ce  muscle  aurait  une  portion  grêle  qui 
irait  s’insérer  sur  le  condyle  externe.  Cette  insertion,  tout  exceptionnelle , 
non-seulement  quant  au  niveau,  mais  aussi  quant  à la  face  de  l’os,  ne  me 
paraît  pas  devoir  infirmer  les  propositions  générales  que  j’ai  émises.  Elle  mé- 
rite un  nouvel  examen  et  une  interprétation. 

Chez  les  Chéiroptères,  le  précoraco-brachial,  méconnu  par  Cuvier,  reconnu 
par  Méckel,  Blanchard  et  le  Dr  Maisonneuve,  part  du  sommet  (épiprécora- 
co'ide)  du  précoracoïde  comparable  à celui  de  l’Homme  par  sa  longueur,  et 
va  s’insérer  sur  la  face  interne  du  tiers  supérieur  et  un  peu  du  tiers  moyen 
de  l’humérus.  Il  n’atteint  pas  les  points  ex  trêmes  d’insertions. 

Voyons  maintenant  quelles  sont  les  insertions  humérales  des  adducteurs 
brachiaux  coracoïdiens  chez  les  Vertébrés  pourvus  d’un  vrai  coracoïde. 

Chez  les  Qrnithodelphes,  ce  muscle  s’attache  au  tubercule  externe  du 
coracoïde,  au-dessus  du  chef  coracoïdien du  biceps,  et  d’autre  part  à la  crête 
sus-épitrochléenne  (sur  le  tiers  inférieur  seulement  chez  l’Ornithorynque, 
sur  toute  l’étendue  chez  l’Échidné).  On  voit  donc  que  ces  muscles  coracoï- 
diens appartiennent  surtout  au  tiers  inférieur  de  l’os  jusqu’à  l’épitrochlée. 

Chez  les  Oiseaux , j’ai  déterminé  après  Cuvier  le  vrai  coraco-brachial:  il 


— 255  — 


s’insère  sur  la  tubérosité  supérieure  de  la  tête  humérale.  C’est  une  insertion 
extrême  supérieure  analogue  à celle  du  carré  crural. 

Chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  le  coraco-brachial  est  purement  coracoï- 
dien,etnonprécoracoïdien.llsediviseendeuxfaisceaux  : l’un,  coraco-brachial 
court,  s’insère  sur  les  deux  tiers  supérieurs  de  l’humérus  et  dans  le  sillon 
intertrochantérien  ; et  l’autre,  coraco-brachial  long,  s’attache  sur  le  tiers 
inférieur  du  bord  interne  de  l’humérus  et  sur  l’épitrochlée. 

Chez  les  Chamæléonides,  le  coraco-brachial  est  coraco'idien  et  non  pré- 
coracoidien.  Aussi  se  divise-t-il  en  deux  muscles  : le  coraco-brachial  court, 
qui,  se  portant  sur  les  deux  cinquièmes  supérieurs  de  l’humérus  et  sur  le 
bord  de  la  tubérosité  interne,  forme  une  sorte  de  carré  huméral , tandis  que 
le  coraco-brachial  long  s’insère  sur  l’épicondyle  interne  de  l’humérus.  Le 
coraco-brachial  des  Sauriens  possède  donc  les  insertions  extrêmes. 

Les  Chéloniens  ont  un  coraco-brachial  qui  ne  représente  que  le  coraco- 
brachial  court  et  qui  s’insère  entre  les  deux  tubérosités  de  l’humérus  dans 
la  gouttière  bicipitale  : c’est  un  carré  huméral. 

Nous  avons  vu  enfin  que  le  coraco-brachial  des  Crocodiliens,  réduit  à la 
courte  portion,  pouvait  être  considéré  comme  un  chef  coraco'idien  de  l’obtu- 
rateur externe.  Les  Crocodiliens  manqueraient  donc  de  coraco-brachial,  à 
moins  qu’on  ne  considérât  ainsi  que  je  l’ai  proposé  le  muscle  dont  nous  parlons 
comme  représentant  à la  fois  le  chef  coraco'idien  externe  et  le  carré  huméral. 

11  résulte  de  cette  revue  rapide,  mais  suffisante,  que  les  muscles  coraco- 
huméraux,  comme  les  muscles  ischio-fémoraux  leurs  homologues,  sont 
généralement  caractérisés  par  des  insertions  mobiles  extrêmes,  tandis  que 
les  muscles  précoraco-huméraux,  comme  leurs  homologues  les  muscles  pubio- 
fémoraux,  sont  généralement  caractérisés  par  des  insertions  mobiles 
moyennes.  Ces  propositions,  qui  n’ont  pas  la  prétention  d’être  absolues,  mais 
qui  ont  une  rigueur  relative  suffisante  dans  cet  ordre  de  faits,  viennent  à 
l’appui  delà  détermination  de  l’adducteur  huméral  des  Mammifères  et  de 
l’Homme  en  particulier  comme  muscle  précoracoïdien,  et  de  la  déterminai  ion, 
par  suite,  de  l’apophyse  dite  coracoïde  des  Mammifères  autres  que  les 
Ornithodelphes  comme  un  vrai  précoracoïde. 


— 256  — 

Droit  interne  de  la  clisse.  — Courte  portion  du  biceps  brachial.  — 
L’homologie  du  droit  ou  grêle  interne  fémoral  avec  la  courte  portion  du 
biceps  viendra  apporter  un  nouvel  appui  à la  proposition  qui  précède. 

Le  droit  ou  grêle  interne  de  l’Homme  s’insère,  d’une  part  sur  le  côté  de 
la  symphyse  du  pubis,  sur  l’épipubis,  immédiatement  en  dedans  de  l’inser- 
tion du  petit  adducteur  profond,  et  d’autre  part  à la  crête  du  tibia,  der- 
rière le  tendon  du  couturier  et  au-dessus  du  tendon  du  demi-tendineux, 
avec  lesquels  il  s’unit  pour  constituer  l’entrelacement  tendineux  connu  sous 
le  nom  de  patte  à' Oie. 

La  courte  portion  du  biceps  brachial  s’insère  sur  le  précoracoïde  (sommet 
ou  épi-précoracoïde)  en  même  temps  que  le  coraco-brachial,  et  va  s’unir  à 
la  longue  portion  pour  s’insérer  sur  la  tubérosité  bicipitale  du  radius. 

Les  deux  muscles  précédents  ont  des  rapports  remarquables  de  simili- 
tude. Ils  occupent  l’un  et  l’autre  la  face  interne  du  membre.  Ils  s’insèrent 
l’un  et  l’autre  à l’épiélément  correspondant,  en  confondant  leurs  insertions 
avec  deux  muscles  qui  sont  homologues  dans  les  deux  membres  (petit  ad- 
ducteur profond,  précoraco-huméral).  Ils  s’insèrent  supérieurement  sur 
deux  os  homologues,  le  tibia  et  le  radius,  et  sur  des  tubérosités  de  ces  deux 
os  dont  je  démontrerai  l’homologie  à propos  du  triceps  fémoral  et  du  biceps 
brachial.  Enfin,  tandis  que  le  droit  interne  confond  ses  insertions  inférieures 
avec  celles  du  couturier,  du  demi-tendineux  et  même  du  droit  antérieur, 
sur  la  tubérosité  antérieure  du  tibia  et  sur  la  crête  qui  lui  fait  suite,  la  courte 
portion  du  biceps  brachial  confond  ses  insertions  inférieures  avec  la  longue 
portion  que  je  démontrerai  être  au  bras  le  représentant  de  plusieurs  ou  de 
tous  les  muscles  fémoraux  cités  ci-dessus. 

Chez  les  Chéiroptères,  il  s’unit  inférieurement  au  demi-tendineux  et  au 
demi-membraneux. 

On  observe  chez  les  Reptiles  des  tendances  à la  production  d’une  sem- 
blable disposition. 

L’homologie  du  droit  interne  et  de  la  courte  portion  du  biceps  brachial 
ne  me  parait  point  douteuse,  et  je  la  considère  comme  un  appui  de  plus  en 
faveur  de  ma  manière  d’envisager  l’apophyse  coracoïde  des  Mammifères 
autres  que  les  Ornithodelphes  comme  un  vrai  précoracoïde. 

Je  renvoie  au  chapitre  suivant  ce  qui  a trait  au  biceps  des  Ornithodelphes 


— 237  — 

et  à celui  des  Mammifères  chez  lesquels  semblent  manquer  la  courte  por- 
tion du  biceps. 

Carré  crural.  — Jumeaux  pelviens.  — Le  carré  crural  et  les  jumeaux 
pelviens  ne  sont  point  représentés  dans  la  ceinture  thoracique  de  l’Homme 
et  des  Mammifères.  Nous  avons  retrouvé,  au  contraire,  le  carré  huméral 
chez  presque  tous  les  Reptiles,  qui,  comme  nous  l’avons  vu,  ont  un  cora- 
coïde bien  développé.  Son  absence  à la  région  thoracique  de  l’Homme  et  des 
Mammifères  est  une  preuve  déplus  de  l’absence  du  coracoïde  dans  ce  groupe 
de  Vertébrés.  Quant  aux  jumeaux,  qui  sont  aussi  des  muscles  ischiatiques, 
on  peut  attribuer  à leur  absence  à l’épaule  une  signification  semblable,  mais 
cependant  d’une  valeur  moindre,  attendu  que  ces  muscles  sont  plutôt  des 
muscles  de  perfectionnement  que  des  muscles  autonomes. 

TROISIÈME  ET  QUATRIÈME  CATÉGORIES. 

Muscles  reliant  le  deuxième  article  du  membre  à la  ceinture  et  au  pre- 
mier article. 

Ces  muscles  sont,  au  membre  postérieur  : 

Le  triceps  crural  ; 

Le  biceps  crural  ; 

Le  demi-tendineux  ; 

Le  demi-membraneux  ; 

Le  couturier  ; 

Le  poplité. 

Au  membre  antérieur  se  trouvent  les  muscles  suivants: 

Le  triceps  brachial  ; 

Le  biceps  brachial  ; 

Le  brachial  antérieur. 

Les  muscles  dont  je  vais  m’occuper  dans  ce  chapitre  offrent  un  très-vif 
intérêt  par  leur  importance,  par  la  singularité  de  leurs  insertions,  et  par 
leurs  homologies,  qui  méritent  d’être  discutées  mieux  qu’on  ne  l’a  fait  jus- 
qu’à aujourd’hui.  Je  me  propose  de  les  étudier  avec  soin,  et  d’entrer  dans 
les  détails,  d’autant  plus  que  les  résultats  auxquels  m’ont  conduit  mes  re- 


258  ~ 


cherches  diffèrent  considérablement  des  résultats  généralement  admis,  et 
que  je  suis  tenu  d’en  établir  la  légitimité. 

Droit  antérieur  de  la  cuisse. — Long  biceps  brachial.  — 11  existe  dans 
la  région  fémorale  et  dans  la  région  humérale  deux  groupes  de  muscles  aux- 
quels on  a donné  le  nom  commun  de  triceps.  Ces  groupes,  composés  de  trois 
chefs,  dont  les  tendons  inférieurs  se  rapprochent  et  se  confondent  en  une 
insertion  commune  en  apparence , ont  des  ressemblances  extérieures  de 
conformation,  de  volume,  de  connexions  même,  telles,  que  la  plupart  des 
anatomistes,  pour  ne  pas  dire  tous,  les  ont  considérés  comme  entièrement 
homologues.  Je  me  propose  de  démontrer  que  c’est  là  une  opinion  erronée  à 
certains  égards.  Si  les  chefs  vaste  interne  et  vaste  externe  de  ces  groupes 
de  muscles,  c’est-à-dire  si  les  chefs  fémoraux  et  huméraux  proprement  dits, 
peuvent  être  rapprochés  dans  une  homologie  rationnelle,  il  ne  saurait  en  être 
de  même  pour  les  chefs  iliaque  et  scapulaire.  Laissant  de  côté,  pour  le  mo- 
ment, l’élude  des  vastes  interne  et  externe,  soit  de  la  cuisse,  soit  du  bras,  je 
vais  m’attacher  à l’étude  des  chefs  iliaque  et  scapulaire  des  deux  triceps,  et 
rechercher  quels  sont  leurs  homologues  rationnels. 

Chez  l’Homme,  les  insertions  du  droit  antérieur  de  la  cuisse  ou  chef  ilia- 
que du  triceps  sont  dignes  de  remarque.  Ce  muscle  naît  de  l’iléon  par 
deux  tendons  bien  distincts.  L’un,  le  tendon  direct,  part  de  l’épine  iliaque 
antérieure  et  inférieure,  qu’il  embrasse,  et  dont  la  saillie  est  proportionnelle 
à la  force  de  ce  muscle;  l’autre,  le  tendon  réfléchi,  nait  de  la  portion  ex  - 
terne  du  sourcil  de  la  cavité  cotyloïde  et  du  bourrelet  cotyloïdien,  et  va 
s’unir  au  côté  externe  du  tendon  direct  pour  se  confondre  avec  lui.  L’in- 
sertion iliaque  de  ce  tendon  réfléchi,  souvent  plus  important  que  le  tendon 
direct,  se  trouve  située  à l’extrémité  inférieure  de  la  saillie  iliaque  (homo- 
logue de  l’épine  scapulaire),  (PI.  IV,  fig.  1,  m.  dr.  a.)  et  présente  souvent 
un  tubercule  très-saillant  (PI.  VII,  fig.  7,  m.  dr.  a.)  qui  rappelle  l’insertion 
unique  du  droit  antérieur  chez  certains  Mammifères  (PI.  Vil , fig . 5,  m.  dr. 

fig.  6,  m.  dr.  a.).  Nous  avons  vu  que  le  faisceau  externe  du  muscle 
iliaque  de  l’Homme  était  situé  dans  l’intervalle  des  deux  tendons. 

Inférieurement,  le  muscle  droit  antérieur  se  termine  par  un  tendon,  qui 


— 259 


se  confond  plus  ou  moins  avec  les  tendons  rotuliens,  sur  la  partie  la  plus 
saillante  et  la  plus  inférieure  de  la  tubérosité  antérieure  du  tibia.  Ce  mus- 
cle, placé  sur  la  face  antérieure  de  la  cuisse,  recouvre  l’articulation  coxo- 
fémorale,  sur  laquelle  il  glisse.  Il  est  extenseur  de  la  jambe  sur  le  fémur. 

Il  est  presque  universellement  admis  que  le  droit  antérieur  fémoral  a 
pour  homologue  au  membre  supérieur  la  longue  portion  du  triceps  brachial. 
Bien  des  apparences  parlent  en  effet  pour  un  semblable  rapprochement  : 
1°  L’un  et  l’autre  de  ces  muscles  s’associent  au  vaste  interne  et  vaste  externe 
correspondant,  pour  former  une  masse  musculaire  à trois  chefs  servant  de 
muscle  extenseur  de  l’articulation  moyenne  du  membre  ; 

2°  Ils  naissent,  l’un  de  l’iléon,  l’autre  du  scapulum,  et  par  conséquent 
de  deux  os  homologues  ; 

3°  Ils  s’insèrent  inférieurement,  l’un  à la  rotule  et  l’autre  à l’olécràne,  que 
bien  des  anatomistes  considèrent,  à tort  il  est  vrai,  comme  une  rotule 
soudée. 

Telles  sont  les  raisons  qui  semblent  militer  en  faveur  de  l’opinion  que 
j’expose.  Mais  ces  raisons  sont  plus  spécieuses  que  sérieuses , et  il  est  né- 
cessaire de  les  réduire  à leur  juste  valeur. 

La  coalescence  des  muscles  avec  tel  ou  tel  autre  muscle  et  leur  fusion  à un 
niveau  quelconque  de  leur  parcours  ne  sont  nullement  des  caractères  de  dé- 
termination, attendu  que  les  muscles  réunis  chez  un  animal  pour  former  un 
biceps  ou  un  triceps  se  trouvent  entièrement  indépendants  chez  un  autre  ani- 
mal. Les  faits  à cet  égard  sont  très-nombreux,  et  j’ai  à peine  besoin  d’en 
citer  des  cas.  Les  éléments  des  muscles  obturateurs  du  bassin  sont  tantôt 
réunis  en  un  muscle  unique,  tantôt  divisés  en  deux  muscles,  tantôt  en  trois, 
ainsi  que  nous  l’avons  vu  dans  l’étude  complète  que  j’ai  faite  de  ces  mus- 
cles. Les  adducteurs  fémoraux  se  présentent  chez  l’Homme  comme  cinq 
muscles  distincts,  en  y comptant  le  carré.  Il  est  des  animaux  où  il  n’y  en  a 
que  trois,  chez  le  Cheval  par  exemple,  dont  le  pectiné  représente  à la  fois  le 
pectinè  de  l’Homme  et  le  moyen  adducteur,  c’est-à-dire  les  deux  adducteurs 
superficiels.  Chez  le  Bœuf,  au  contraire,  le  pectiné,  simple  à son  extrémité 
supérieure,  est  bifide  inférieurement,  tandis  que  le  petit  adducteur  profond 
et  le  grand  adducteur,  très-distincts  chez  le  Cheval,  se  confondent  presque 
chez  le  Bœuf.  Chez  le  Dromadaire,  le  court  adducteur  de  la  jambe  est  bifide. 

51 


— 240  — 

Chez  le  Poulet,  tous  les  adducteurs  fémoraux  sont  réunis  en  un  seul  mus- 
cle, qui  est  uniquement  ou  presque  uniquement  ischiatique.  Chez  les 
Carnivores,  le  Cheval,  les  Ruminants,  le  fessier  et  le  tenseur  du  fascia  lata 
sont  très-larges  et  suivent  le  biceps,  dont  ils  se  distinguent  difficilement. 
Chez  les  Oiseaux,  le  demi-tendineux  et  le  demi-membraneux  sont  confondus 
en  un  seul  muscle. 

Ces  différences  de  relation  dans  la  fusion  ou  l’indépendance  des  muscles 
se  retrouvent  quand  on  compare  les  muscles  homologues  des  deux  mem- 
bres d'un  même  animal.  Ainsi,  le  brachial  antérieur  (huméro-cubital)  chez 
l’Homme  reste  tout  à fait  indépendant,  tandis  que  l’un  de  ses  représentants 
au  membre  inférieur,  c’est-à-dire  la  courte  portion  du  biceps  (fémoro-péronéal) 
s’unit  avec  un  autre  muscle,  le  long  chef  du  biceps.  De  plus,  tandis  que  le 
brachial  antérieur  est  un  muscle  fléchisseur  unique  à la  région  profonde  du 
coude,  il  est  représenté  à la  région  profonde  du  genou  parla  courte  portion 
du  biceps  et  par  le  poplité. 

Ainsi  donc,  des  muscles  peuvent  être  coalescents  dans  une  longueur  va- 
riable de  leur  parcours  ou  entièrement  distincts,  sans  que  ces  relations  aient 
quelque  importance  pour  leur  détermination.  Les  relations  du  droit  anté- 
rieur crural  et  du  chef  scapulaire  du  triceps  avec  les  vastes  interne  et  ex- 
terne correspondants  ne  peuvent  donc  servir  à établir  les  homologies  de  ces 
muscles.  Ces  relations  sont  dues  à des  rapports  de  voisinage  qui  sont  la 
conséquence  des  transformations  du  membre,  et  dont  je  ferai  comprendre 
plus  loin  le  mode  de  production. 

Au  reste,  quand  on  étudie  ces  muscles  dans  la  série  animale,  on  s’aper- 
çoit bien  vite  combien  le  degré  de  coalescence  des  chefs  iliaque  et  scapu- 
laire des  triceps  avec  les  deux  autres  chefs  offre  de  grandes  variations.  Nous 
trouverons  en  effet,  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Crocodiliens,  le  droit  anté- 
rieur fémoral  entièrement  indépendant  des  vastes  interne  et  externe,  et 
chez  certains  Mammifères  même,  tels  que  les  Carnivores,  le  droit  antérieur 
ne  s’unit  aux  deux  vastes  que  sur  la  rotule  même.  Chez  le  Chien  notamment, 
le  droit  antérieur  fémoral  est  très-indépendant  des  deux  vastes  jusqu'au 
niveau  de  la  rotule  , et  on  peut  voir  clairement  que  le  ligament  rolulien  est 
bien  directement  dans  ce  cas  le  tendon  du  droit  antérieur  et  seulement 
indirectement  celui  des  vastes  interne  et  externe. 


Ces  variations  de  dépendance  ou  d’indépendance  se  retrouvent  aussi 
dans  la  région  brachiale.  Chez  le  Chien  encore,  on  trouve  la  longue  portion 
du  triceps  brachial  très-indépendante  des  deux  vastes. 

Les  origines  des  deux  muscles  sur  l’iléon  et  sur  le  scapulum  sont  extrême- 
ment remarquables  par  la  constance  de  leur  situation,  et,  loin 'de  permettre 
de  rapprocher  les  deux  muscles,  elles  les  distinguent  nettement  l’un  de  l'au- 
tre. La  situation  de  ces  insertions  mérite  d’être  précisée  et  suivie  dans  la 
série  des  Vertébrés. 

Pour  ce  qui  regarde  le  droit  antérieur  fémoral,  la  situation  de  ses  inser- 
tions iliaques  sur  la  partie  de  l’iléon  qui  est  placée  immédiatement  au- 
devant  de  h cavité  cotyloïde  (l’axe  du  corps  étant  considéré  comme  hori- 
zontal) offre  une  constance  très- remarquable.  Que  le  tendon  d’origine  soit 
unique,  ou  qu’il  soit  divisé  en  deux  tendons,  l’un  direct  et  l’autre  plus  ou 
moins  réfléchi,  c’est  toujours  au -devant  de  la  portion  cotyloïdienne  de  l’iléon 
que  s’insère  le  droit  antérieur. 

Chez  les  Amphibiens  urodèles,  le  droit  antérieur  part  du  bord  antérieur 
de  l’iléon  au-devant  et  au-dessus  de  la  cavité  cotyloide.  Ce  muscle  s’insère  à 
la  face  antérieure  du  tibia,  et  n’a  pas  de  rotule.  Il  en  est  de  même  chez  les 
Anoures. 

Chez  les  Sauriens,  le  droit  antérieur  naît  de  l’iléon,  au-devant  et  au-des- 
sus de  Y acétabulum,  d’une  petite  saillie  qui  va  s’unir  avec  la  saillie  pu- 
bienne pour  former  une  éminence  iléo-pubienne  au-dessous  de  l’épine  an- 
térieure de  l’iléon.  Je  fais  remarquer  que  cette  saillie  correspond  du  reste  à 
l’ iléon  antérieur  rudimentaire  des  Crocodiliens.  Le  muscle  va  s’insérer  in- 
férieurement, sans  rotule,  à la  face  antérieure  du  tibia. 

Chez  les  Chéloniens,  le  droit  antérieur  semble  avoir  une  origine  spéciale, 
il  paraît  prendre  naissance  sur  la  face  antérieure  du  col  du  fémur,  et  im- 
médiatement sur  le  bord  saillant  de  la  surface  articulaire  de  la  tète.  Mais  il 
est  facile  de  s’apercevoir  que  c’est  là  une  insertion  consécutive.  Le  muscle, 
prenant  primitivement  naissance  sur  le  bord  antérieur  iliaque  de  la  cavité 


1 II  ne  faut  pas  confondre  cette  saillie  peu  prononcée  avec  {'apophyse  pubienne,  qui  est 
très-proéminente. 


— 242  — 

cotyloïde,  s’est  trouvé  soulevé  par  la  saillie  de  la  tête  fémorale,  saillie  exagé- 
rée chez  les  Chéloniens  par  la  direction  spéciale  du  fémur.  11  est  résulté  de 
Là  uneadhérence  du  tendon  du  droit  antérieur  avec  la  capsule  fibreuse  de  l'ar- 
ticula lion,  et  par  conséquent  l’existence  d’un  tendon  interrompu  et  d’une  inser- 
tion consécutive.  Cette  disposition  insolite  n’a  pas  peu  contribué  à jeter  de 
l’obscurité  et  de  la  confusion  dans  l’esprit  des  anatomistes  qui  se  sont  occu- 
pés des  muscles  des  Chéloniens.  Sur  les  grandes  Tortues,  on  se  rend  parfai- 
tement compte  des  faits  ci-dessus,  et  l’on  peut  suivre  les  fibres  tendineuses 
qui  adhèrent  à la  face  antérieure  de  la  capsule  articulaire,  et  qui  reportent 
l’insertion  du  droit  antérieur  sur  un  point  de  l’iléon  exactement  homologue 
du  point  d’insertion  de  ce  muscle  chez  les  Sauriens.  L’insertion  iliaque  du 
droit  antérieur  des  Crocodiliens  présente  d’ailleurs  une  disposition  qui  sert  de 
commentaire  à celle  des  Chéloniens.  Ce  tendon  s’insère  en  effet  sur  l’iléon, 
mais  contracte  par  sa  face  profonde  des  connexions  étroites  avec  la  capsule 
articulaire  coxo-fémorale. 

Inférieurement,  le  droit  antérieur  des  Chéloniens  va  s’insérer  sur  la  face 
antérieure  de  l’extrémité  supérieure  du  tibia. 

Chez  les  Crocodiliens  et  chez  les  Oiseaux,  le  droit  antérieur  présente  des 
dispositions  remarquables  qui  ont  inspiré  quelques  doutes  sur  la  signification 
de  ces  muscles. 

Chez  le  Crocodile,  le  droit  antérieur  fémoral  provient  de  l’iléon  antérieur 
(PI.  IV,  fig.  13,  il.  a).  Son  tendon,  qui  naît,  immédiatement  au-devant  de 
l’acétabulum,  a des  connexions  avec  les  ligaments  qui  vont  de  l’iléon  anté- 
rieur à la  tête  fémorale,  et  constituent  la  portion  antérieure  de  la  capsule 
articulaire.  Ce  muscle  grêle  se  porte  au-devant  de  la  cuisse  et  se  termine  par 
un  tendon  étroit  qui  passe  sur  la  face  antérieure  du  genou,  qu’il  croise  oblique- 
ment de  haut  en  bas  et  de  dedans  en  dehors.  Ce  tendon  passe,  à ce  niveau, 
au-dessous  de  l’aponévrose  inférieure  du  grand  fessier  et  tenseur  du  fascia 
lata  réunis  en  un  seul  muscle,  au-dessous  de  Yagitalor  caudœ  de  Haugbton 
(que  nous  verrons  n’êlre  qu’un  faisceau  tibio-péronier  et  jambier  du  grand 
fessier),  et  au-dessous  du  biceps.  Ces  muscles  le  brident,  le  maintiennent 
et  l’appliquent  confie  la  face  antérieure  du  genou. 

Ce  tendon  va  se  réunir*  sur  la  face  externe  de  la  jambe  avec  le  tendon 
postérieur  de  Yagitator  caudœ  de  Haughton,  pour  servir  de  lieu  d’insertion 


243  — 


à un  muscle  remarquable  que  Haughton  a désigné  sous  le  nom  d eplantaris, 
et  qui,  associé  partiellement  au  gastrocnémien  externe,  va  s’insérer  par  un 
cordon  tendineux  sur  le  calcanéum,  et  par  une  expansion  aponévrotique  à la 
face  inférieure  de  l’aponévrose  plantaire  et  sur  le  fléchisseur  superficiel  des 
doigts.  C eplantaris  n’est  du  reste  qu’un  péronier  latéral  postérieur  répondant 
au  long  péronier  latéral  de  l'Homme. 

Le  muscle  droit  antérieur  fémoral  se  retrouve  chez  l’Autruche  avec  des 
dispositions  identiques  aux  précédentes.  Chez  les  Carinates,  il  présente  une 
forme  très-peu  différente  de  celle  qu’il  a chez  les  Crocodiliens.  C’est  un  muscle 
grêle  qui  naît  de  l’éminence  iléo-pubienne  (PI.  VII,  jig.  1,  2,  5,  e.  il.  p.), 
c’est-à-dire  immédiatement  au-devant  de  l’acétabulum,  sur  toute  la  face 
externe  de  l’éminence.  Ce  muscle,  placé  à la  cuisse,  dans  le  sillon  qui  sépare 
le  crural  interne  du  crural  moyen,  se  termine  par  un  tendon  qui,  arrivé  sur  la 
faceinterne  du  genou,  change  de  direction  et  se  porte  en  dehors,  en  glissant 
au-devant  du  genou  dans  un  canal  fibreux,  situé  dans  l’épaisseur  du  tendon 
rotulien  et  de  l’aponévrose  des  muscles  grand  fessier,  tenseur  du  fascia  lata, 
immédiatement  au-dessous  de  la  rotule.  Sorti  de  ce  canal,  le  tendon  se  porte 
en  bas,  en  arrière  et  en  dehors,  glisse  sur  la  face  externe  du  péroné,  entre  cette 
face  et  le  tendon  du  biceps,  et  va  se  terminer  dans  la  tête  externe  des  fléchis- 
seurs superficiels,  qui  se  confondent  plus  ou  moins,  chez  les  Oiseaux,  avec 
les  péroniers.  Ce  muscle,  qui  d’après  M.  Alix  fait  défaut  chez  certains 
Oiseaux  (Rapaces  nocturnes,  Passereaux  chanteurs,  Hérons,  Cormorans, 
Grèbes,  Guillemots,  Casoar,  Émeu),  a été  diversement  compris. 

Meckel  et  d’autres  anatomistes  l’ont  considéré  comme  un  droit  antérieur 
fémoral;  Cuvier,  qui  l’a  nommé  accessoire  fémoral  du  fléchisseur  perforé, 
a adopté  cette  manière  de  voir,  tout  en  le  comparant  au  pectiné  des  Mammi- 
fères. R.  Owen  le  considère  comme  un  pectiné;  M.  Alix  y voit  plus  tôt  un 
couturier  (faisceau  peclinéal?) . 

Je  n’hésite  pas  à le  considérer  comme  un  droit  antérieur  fémoral.  Il 
est,  en  effet,  essentiellement  iliaque  et  accessoirement  pubien.  C’est  ce  que 
démontre  l’étude  de  l’éminence  iléo-pubienne  des  Oiseaux,  qui  est  avant 
tout  iliaque,  le  pubis  n’v  entrant  que  pour  une  faible  part.  C’est  ce  que 
démontre  aussi  l’insertion  exclusivement  iliaque  de  ce  muscle  chez  le  Cro- 
codile. L’objection  tirée  de  ce  qu’il  ne  s’insère  pas  sur  la  rotule  disparaît 


— 244  — 


devant  cette  considération  que  chez  les  Sauriens  (Monitor,  Lacerta,  etc.),  le 
muscle  droit  antérieur  fémoral  a des  insertions  supérieures  identiques  à celles 
(Ju  muscle  que  nous  étudions  chez  les  Oiseaux,  puisqu’il  part  de  l’éminence 
iléo-pubienne  et  plus  spécialement  de  la  portion  iliaque  de  cette  éminence, 
immédiatement  en  avant  de  l’acétabulum.  Mais  ce  muscle,  an  lieu  de  glisser 
inférieurement  sur  la  rotule,  comme  chez  les  Oiseaux,  ou  au-devantdu  genou, 
comme  chez  les  Crocodiles,  se  confond  inférieurement,  comme  chez  les 
Mammifères,  avec  le  vaste  interne  et  le  vaste  externe. 

Pour  rejeter  l’homologie  de  ce  muscle  avec  le  droit  antérieur  des  Mammi- 
fères, M.  Alix,  qui  le  nomme  accessoire  iliaque  du  fléchisseur  perforé  et  quj 
reconnaît  l’identité  du  muscle  des  Oiseaux  avec  celui  du  Crocodile  et  du 
Monitor,  s’appuie  sur  ce  que  le  droit  antérieur  des  Mammifères  s’attache  à 
l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure  en  dehors  du  muscle  iliaque  interne, 
tandis  que  le  muscle  du  Monitor,  du  Crocodile  et  des  Oiseaux  s’attache  à 
l’éminence  iléo-pubienne,  en  dedans  de  l’iliaque  interne.  Ce  que  j’ai  dit  quand 
je  me  suis  occupé  de  muscle  iliaque  permet  d’apprécier  la  valeur  d’une  pareille 
objection.  Nous  savons  en  effet  que  l’iliaque  des  Mammifères,  considéré  en 
général,  peut  être  regardé  comme  composé  de  deux  parties,  l’une  interne  et 
l'autre  externe  au  tendon  direct  du  droit  antérieur;  et  nous  avons  vu  que 
chez  les  Oiseaux,  chez  le  Crocodile  et  chez  certains  Mammifères,  c’était  !a 
portion  externe  seule  qui  était  représentée. 

L’insertion  supérieure  du  muscle  de  l’Oiseau  et  du  Crocodile  appartient 
donc  bien  à un  droit  antérieur  fémoral;  quant  à son  insertion  inférieure,  elle 
mérite  d'être  étudiée  et  discutée  mieux  qu’on  ne  l’a  fait.  11  semblerait  en 
effet  résulter  des  descriptions  ci-dessus  que  le  droit  antérieur  des  Oiseaux  et 
des  Crocodiles  manquerait  entièrement  d’insertions  tibiales,  ce  qui  aurait 
le  droit  d’étonner  fortement,  ce  muscle  étant  chez  les  Mammifères,  beaucoup 
de  Reptiles  et  les  Amphibiens,  un  muscle  essentiellement  tibial. 

Mais  il  n’en  est  rien,  ainsi  que  le  démontre  une  étude  attentive.  11  faut 
considérer,  en  effet,  que  le  droit  antérieur  contracte  chez  les  Oiseaux  et 
chez  les  Crocodiles,  avec  les  parois  de  la  gaine  fibreuse  creusée  dans  l’épais- 
seur de  l’aponévrose  antérieure  du  genou,  des  adhérences  conjonctives,  là 
ches,  qui  limitent  son  glissement.  Ces  adhérences  peuvent  du  reste  acqué- 
rir parfois  une  consistance  fibreuse  et  former  de  vrais  ligaments  tendineux 


— 245  — 


qui  rattachent  le  tendon  du  droit  antérieur  au  tibia  et  au  péroné.  C’est  no- 
tamment ce  que  j’ai  observé  chez  un  Coq  d’un  certain  âge.  En  suivant  soi- 
gneusement le  tendon  du  droit  antérieur  de  cet  animal,  après  sa  sortie  du 
canal  fibreux,  on  voyait  naître  de  son  bord  interne  un  petit  tendon  aplati 
qui  se  portait  vers  la  tubérosité  antérieure  du  tibia,  et  presqu’au  même  niveau 
de  son  bord  externe  un  petit  tendon  qui  se  portait  sur  la  tête  du  péroné. 
Je  suis  porté  à penser  que  des  dispositions  semblables  peuvent  exister  chez 
les  Crocodiles. 

Si  l’on  considère  du  reste  le  long  trajet  de  ce  tendon  dans  sa  gouttière 
fibreuse,  l’existence  constante  d’adhérences  conjonctives  ou  fibreuses  plus 
ou  moins  lâches  entre  le  tendon  et  les  parois  de  sa  gaine,  et  l’obliquité  du 
trajet  du  tendon  dans  sa  gaine,  obliquité  qui  tend  à multiplier  les  frotte- 
ments, on  comprendra  que  chez  les  animaux  qui,  comme  les  Mammifères 
et  certains  Reptiles,  ont  un  droit  antérieur  plus  important  et  un  tendon 
plus  large,  les  causes  d’adhérences  résultant  de  l’étendue  des  surfaces  de 
frottement  l’aient  emporté  sur  les  causes  de  glissement,  et  que  le  tendon 
du  droit  antérieur  se  soit  entièrement  fixé  dans  sa  gaine  et  se  soit  confondu 
avec  les  tendons  et  les  aponévroses  qui  vont  s’insérer  sur  la  tubérosité  anté- 
rieure du  tibia. 

On  peut  ajouter  aussi  que  les  insertions  inférieures  du  droit  antérieur 
fémoral  sont  doubles  chez  les  Mammifères,  mais  très-inégales;  les  unes,  peu 
importantes,  se  portent  sur  l’aponévrose  jambière  externe,  et  les  autres,  plus 
étendues,  sur  le  tibia.  Les  premières  existent  seules  chez  les  Oiseaux  et  les 
Crocodiliens,  qui  n’ont  qu’un  droit  antérieur  très-grêle  ; les  deux  ordres 
d’insertions  existent  chez  les  Amphibiens,  Sauriens,  Chéloniens  et  Mammi- 
fères dont  le  droit  antérieur  est  très-volumineux. 

La  difficulté  résultant  des  insertions  en  apparence  singulières  du  droit 
antérieur  de  l’Oiseau  et  du  Crocodile,  sur  les  muscles  de  la  région  péro- 
nière, n’est  réellement  pas  difficile  à lever,  il  suffit  pour  cela  de  jeter  un 
coup  d’œil  attentif  sur  la  disposition  des  muscles  et  des  aponévroses  de  la 
région  du  genou  chez  les  Mammifères  et  chez  l'Homme  en  particulier.  11  est 
clair  en  effet  que  le  tendon  rotuiien  et  l’aponévrose  fémorale  sont  continus 
avec  la  partie  supérieure  de  l’aponévrose  jambière  antérieure  qui  se  porte 
sur  la  tête  du  péroné  et  qui  donne  insertion  par  sa  face  interne  aux  péro- 


- 246  — 


xiiers  latéraux,  c’est-à-dire  aux  représentants  du  plantaris  d’Haughton  et  de  la 
portion  péronière  des  fléchisseurs  superficiels  des  Oiseaux1.  Celte  continuité, 
très-exacte  et  très-directe,  permet  de  comprendre  que  le  muscle  droit  anté- 
rieur des  Mammifères  ne  diffère  de  celui  des  Oiseaux  et  des  Crocodiles  qu'en 
ce  sens,  qu’au  lieu  de  glisser  dans  un  canal  fibreux  préarticulaire,  il  s’est 
uni  avec  les  ligaments  antérieurs  de  l’articulation  et  l’aponévrose  jambière 
antérieure,  qui  est  comme  un  tendon  d’insertion  supérieur  des  péroniers  la- 
téraux. 

Cette  étude  comparée  des  droits  antérieurs  des  divers  groupes  de  Verté- 
brés nous  permet  de  nous  faire  une  juste  idée  de  ce  muscle  et  d’établir  les 
proposition  suivantes. 

1°  Le  droit  antérieur,  chez  les  Amphibiens,  chez  les  Reptiles,  chez  les  Oi- 
seaux et  chez  les  Mammifères,  est  un  muscle  dont  l’insertion,  placée  immé- 
diatement en  avant  de  l’acétabulum,  appartient  toujours  à ce  que  j’ai  dé- 
signé sous  le  nom  d 'iléon  antérieur. 

2°  Quant  à ses  insertions  inférieures,  le  droit  antérieur  n’est  pas  exclu- 
sivement un  muscle  rotulien,  puisqu’il  peut  glisser  au-devant  de  la  rotule 
(Oiseaux).  11  est  tibial  ('tubérosité  antérieure  du  tibia);  il  est  péronier  et 
aponévrotique  (aponévrose  jambière  externe  ou  péronière,  et  parla  muscles 
péroniers  externes). 

5°  Dans  la  plupart  des  cas,  le  tendon  inférieur  du  droit  antérieur  s’unit 
aux  muscles  rotuliens  (vaste  interne  et  vaste  externe,  et  parfois  au  fessier). 
C’est  là  le  cas  des  Mammifères,  des  Sauriensetdes  Chéloniens,  chez  lesquels, 
par  suite,  le  droit  antérieur  est  surtout  un  muscle  tibial  et  s’insérant  sur  la 
tubérosité  antérieure  du  tibia.  Mais  il  peut  rester  indépendant  de  ces  mus- 
cles rotuliens  (Crocodiles  et  Oiseaux),  et  il  est  digne  de  remarque  que  ce 
dernier  fait  ne  se  produit  que  là  où  le  droit  antérieur  est  un  muscle  grêle 
dont  le  tendon,  en  lanière  ou  presque  filiforme,  a conservé  facilement  ses 
mouvements  de  glissement,  tandis  que  là  où  le  muscle  plus  développé  a 


t Chez  le  lapin  notamment,  le  tendon  rotulien  envoie  nu  ruban  fibreux  très-distinct  qui 
s'insère  sur  la  saillie  antérieure  de  la  tête  du  péroné,  et  qui  s’épanouit  sur  l'aponévrose  jam- 
iuère  externe  ou  péronéale. 


247 


eu  un  tendon  large,  et  ou  les  surfaces  de  frottement,  et  avec  elles  les  résis- 
tances, ont  été  accrues,  les  adhérences  se  sont  produites. 

4°  La  rotule  n’est  pas  nécessairement  dépendante  du  droit  antérieur,  mais 
bien  des  muscles  vaste  interne  et  vaste  externe,  grand  fessier,  tenseur  du 
fascia  lata,  etc.,  et  le  droit  antérieur  ne  s’y  insère  que  lorsqu’il  a acquis  des 
dimensions  assez  grandes  pour  ajouter  à ses  insertions  aponévrotiques  jam- 
bières des  insertions  rotuliennes  et  tibiales. 

Telles  sont  les  conclusions  que  je  me  crois  en  droit  de  tirer  de  l’étude 
qui  précède. 

J’aurai  terminé  l’étude  du  droit  antérieur  fémoral  après  avoir  rappelé 
que  les  deux  ten  dons  direct  et  réfléchi  que  nous  avons  décrits  chez  l’Homme 
ne  se  trouvent  pas  chez  tous  les  Mammifères,  et  qu’il  en  est  chez  lesquels  le 
tendon  réfléchi  seul  existe  (Rongeurs,  Kanguroo , etc.)  (PI.  VII,  fig.  5 et 
6,  m.  dr.  a.).  Mais  ayant  déjà  eu  l’occasion  d’exposer  ces  faits  à propos 
du  muscle  iliaque  interne,  je  ne  crois  pas  devoir  y revenir  ici. 

Étudions  maintenant  la  longue  portion  du  triceps  brachial.  La  situation  et 
les  insertions  de  ce  muscle  offrent  une  constance  qui  peut  être  qualifiée 
d’absolue.  Chez  tous  les  Vertébrés,  en  effet,  dont  les  membres  antérieurs 
sont  complets,  les  insertions  de  ce  muscle  se  rapprochent  singulièrement  de 
celles  qu’on  lui  trouve  chez  l’Homme,  et  qui  sont  les  suivantes. 

Ce  muscle  s’insère,  d’une  part,  sur  le  scapulum  par  un  tendon  aplati  qui 
s’attache  sur  le  bord  axillaire,  immédiatement  en  arrière  de  la  cavité  glé- 
noïde,  tendon  adhérent  à la  partie  postérieure  de  la  capsule  articulaire  et 
même  au  bourrelet  glénoïdien.  Cette  insertion  a toujours  lieu  sur  la  portion 
du  bord  axillaire  de  l’omoplate  qui  touche  à la  cavité  glénoïde  (PI.  VI, 
fig.  12,  sc.  p.  ).  Elle  se  fait  donc,  chez  les  Mammifères,  sur  cette  partie  de 
l’omoplate  qui  se  trouve  au-dessous  et  en  arrière  du  bourrelet  arrondi  qui 
représente  à l’épaule  le  détroit  supérieur  du  bassin,  dét.  sup.  sc.  ax.  Je  fais 
remarquer  que  cette  région  du  scapulum  représente  exactement  la  portion 
de  l’iléon  qui,  chez  les  Oiseaux,  constitue  la  surface  antitrochantérienne  et 
chez  les  Mammifères  la  crête  sus-cotyloïdienne  (PI.  VI,  fig.  12,  sc.  p.; 
fig.  13,  il.  p.  fig.  5,  il.  p.). 


52 


— 248  — 


On  peut  donc  donner  à cette  région  du  scapulum  le  nom  de  scapulum 
postérieur , par  analogie  avec  le  nom  dé  iléon  postérieur  que  j’ai  donné  à la 
région  correspondante  de  l’iléon.  L’insertion  de  la  longue  portion  du  triceps 
brachial  se  fait  donc  sur  le  scapulum  postérieur,  toujours  très- rudimentaire , 
et  le  lieu  de  cette  insertion  peut  être  considéré  comme  représentant,  avec  la 
crête  axillaire  qui  lui  fait  suite,  la  totalité  du  scapulum  postérieur. 

Inférieurement,  le  muscle  se  termine  par  une  aponévrose,  et  va  s’insérer 
par  une  grosse  masse  fibreuse  à la  partie  postérieure  et  supérieure  de  l’ olé- 
crane, en  s’unissant  intimement  à l’aponévrose  postérieure  du  vaste  externe. 
Il  y a une  capsule  articulaire  entre  ce  tendon  et  l’olécrâne. 

Les  insertions  de  cette  longue  portion  du  triceps  sont  extrêmement  con- 
stantes dans  tous  les  groupes  de  Vertébrés.  Partout,  chez  les  Amphibiens, 
chez  les  Reptiles,  chez  les  Oiseaux,  la  longue  portion  du  triceps  brachial  a 
son  point  de  départ  scapulaire  sur  la  portion  du  bord  axillaire  de  l’omoplate 
qui  avoisine  immédiatement  la  cavité  et  l’articulation  glénoïdienne.  Partout 
aussi  elle  va  s’insérer  inférieurement  à l’olécrâne.  C’est  donc  un  muscle  appar- 
tenant essentiellement  au  scapulum  postérieur  et  à la  région  olécranienne 
du  cubitus. 

Seulement,  chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  il  s’ajoute  au  chef  scapulaire 
proprement  dit  un  chef  coraco'idien  qui  naît  du  bord  postérieur  de  la  face 
interne  du  coracoïde,  aussi  bien  que  de  la  face  interne  de  l’angle  latéral 
du  sternum,  par  l’intermédiaire  du  ligament  sterno-scapulaire  interne,  et 
qui  vient  s’unir  bientôt  avec  le  chef  scapulaire,  pour  se  confondre  avec 
lui.  Chez  le  Platydaclyle,  où  le  ligament  n’existe  pas  comme  formation 
indépendante,  le  chef  coracoïdien  du  triceps  naît  de  l 'angle  postérieur  du 
coracoïde,  à côté  de  l’origine  du  muscle  coraco-brachial  long  (grand  adduc. 
teur  huméral). 

Chez  les  Chamæléonides,  ce  chef  coraco'idien  fait  entièrement  défaut. 

Chez  les  Crocodiles  (PI.  VIII,  fig.  9),  ce  chef,  qui  est  indépendant  supé- 
rieurement du  chef  scapulaire  proprement  dit,  ou  portion  scapulaire  externe 
du  triceps  brachial  de  Duméril,  naît  par  deux  rubans  tendineux  distincts 
du  bord  postérieur  du  scapulum  immédiatement  au-dessus  de  la  portion 
scapulaire  externe,  et  du  bord  postérieur  du  coracoïde  en  dedans  du  costo- 
coracoïdien.  Il  constitue  la  portion  scapulaire  interne  du  triceps  brachial  de 


— 249  — 


Duméril.  C’est  le  triceps  n°  2 de  Haughton  chez  le  Crocodile,  et  le  triceps 
longus  secundus  ( accessorius ) du  même  auteur  chez  l’Alligator,  1 ’externum 
caput  musculi  tricipitis  de  Buttmann,  Yinnerer  langer  Kopf  des  dreïkop- 
figen  Streckers  de  Meckel,  le  zweiter  langer  Kopf  des  Triceps  de 
Pfeiffer,  et  1 ’erster  abducirender  von  Schultergerüst  entstehender  Kopf  des 
Strechnuskels  der  Vorderarms  de  Stannius. 

On  retrouve  chez  les  Urodèles  un  ligament  qui  peut  être  considéré  comme 
l’homologue  de  ce  chef  coracoïdien  des  Sauriens,  mais  ce  muscle  fait  défaut 
chez  les  Anoures  et  chez  la  plupart  des  Chéloniens. 

Après  1 etude  que  nous  venons  de  faire  du  droit  antérieur  fémoral  et  de 
la  longue  portion  du  triceps  huméral,  est-il  permis  de  considérer  ces  deux 
muscles  comme  homologues?  Si  nous  remarquons  que,  tandis  que  l’un  est 
constamment  iléal  antérieur  et  tibial , l’autre  est  constamment  scapulaire 
postérieur  et  cubital,  nous  trouverons  extrêmement  étonnant  que  l’on  ait  si 
généralement  pensé  à considérer  ces  muscles  comme  homologues.  On  n’est 
arrivé  à un  semblable  résultat  qu’en  faisant,  d’une  part,  jouer  un  rôle  prin- 
cipal à des  conditions  essentiellement  secondaires  et  contingentes,  telles  que 
l’union  de  leurs  extrémités  inférieures  avec  les  muscles  vastes  interne  et 
externe  et  leur  action  extensive,  et  en  reléguant  au  dernier  plan  les  condi- 
tions essentielles  et  vraiment  déterminantes  , c’est-à-dire  les  insertions 
osseuses.  Nous  savons  qu’il  ne  saurait  en  être  logiquement  ainsi , et  par 
conséquent  nous  repoussons  toute  homologie  entre  le  droit  antérieur  fémoral 
et  la  longue  portion  du  triceps  brachial.  Si  telle  est  la  vérité,  il  me  reste  à 
rechercher  quels  sont  les  homologues  de  l’un  et  de  l’autre  muscle  dans  le 
membre  auquel  ils  n’appartiennent  pas. 

Voyons  d’abord  quel  est,  chez  l’Homme,  l’homologue  brachial  du  droit 
antérieur  de  la  cuisse.  Nous  examinerons  ensuite  si  les  autres  Mammifères 
d’abord  et  les  autres  Vertébrés  ensuite  justifient  notre  détermination. 

Il  y a,  à la  région  brachiale,  un  muscle  très-remarquable  qui  va  du  scapu- 
lum  à la  région  antibrachiale,  et  qui  a reçu  le  nom  de  biceps.  Ce  muscle, 
très-important  et  d’une  existence  constante  chez  les  Vertébrés,  mérite  une 
étude  spéciale  pour  laquelle  l’Homme  nous  servira  de  point  de  départ.  Je 
m’occuperai  d’abord  delà  longue  portion  du  biceps.  La  courte  portion  a déjà 
été  étudiée  (pag.  236). 


— 250 


Les  insertions  supérieures  de  ce  muscle  méritent  detre  mieux  analysées 
qu’on  ne  l’a  fait  jusqu’à  présent. 

On  sait  que  son  tendon  pénètre  chez  l’Homme  dans  la  cavité  de  l’articula- 
I ion  scapulo-liumérale,  pour  se  porter  sur  la  partie  supérieure  du  rebord  de  la 
cavité  glénoïde.  Le  tendon,  arrivé  à ce  niveau,  se  confond  avec  le  bourrelet 
glénoidien  et  le  renforce  en  dehors  en  se  jetant  particulièrement  sur  le  bord 
externe  de  la  cavité  glénoïde,  de  manière  à s’insérer  largement  sur  un  ren- 
dement osseux  formé  en  dehors  par  le  rebord  glénoïdien  (PL  Y,  fig.  2, 
m.  bi.).  Il  y a là  quelque  chose  d’exactement  comparable  à la  disposition  du 
tendon  réfléchi  du  droit  antérieur  fémoral,  qui  se  jette  sur  la  capsule  et  sur  le 
bourrelet  colyloïdien  pour  atteindre  le  tubercule  ou  la  surface  rugueuse  d’in- 
sertion placée  sur  le  côté  externe  (PL  V,  fig.  1.  m.  dr.a .)  du  rebord 
colyloïdien.  Nous  pourrons  donc  reconnaître  là  un  tendon  réfléchi  du  biceps 
comparable  au  tendon  réfléchi  du  droit  antérieur  ; mais  nous  verrons 
qu’il  y a plus  encore.  Dans  le  lieu  d’insertion  du  biceps,  en  effet,  il  y a 
non-seulement  le  scapulum,  sur  lequel  se  font  la  très-grande  majorité  des 
attaches,  mais  nous  savons  aussi  que  le  tiers  supérieur  de  la  surface  glénoï- 
dienne  est  occupé  par  un  point  d’ossification  mince  et  peu  volumineux  qui 
est  compris  entre  le  scapulum  et  le  précoracoïde,  et  dans  lequel  nous  avons 
reconnu  un  coracoïde  rudimentaire  (PL  V,  fig.  2 et  4,  cr.;  PL  VI,  fig. 
12,  cr.).  11  est  donc  légitime  déconsidérer  le  long  biceps  comme  composé 
d’un  élément  musculaire  scapulaire  très-important  et  d’un  élément  cora- 
coïdien  rudimentaire  dont  je  déterminerai  plus  tard  la  valeur. 

L’élément  scapulaire  correspondant  au  tendon  réfléchi  du  droit  antérieur 
fémoral,  on  peut  se  demander  ce  qu’est  devenu  le  tendon  direct.  Existe-t-il 
ou  a-t-il  été  supprimé?  Il  existe,  mais  transformé  de  telle  sorte  que  l’on  n’a  pas 
songé  à signaler  sa  présence.  Le  ligament  dit  sus-coracoïdien  (PL  V,  fig. 
2,  lïg.  s.  cr.-,  PL  VI,  fig.  12)  n’est  autre  chose,  en  effet,  que  ce  tendon 
direct  qui,  se  portant  vers  la  saillie  du  bord  supérieur  du  scapulum  ou  méso- 
scapulum  qui  correspond  à l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure,  s’applique 
sur  la  partie  externe  saillante  du  scapulum  qui  supporte  la  base  du  pré- 
coracoïde (pubis)  et  y contracte  des  adhérences  très-étendues  avec  le  périoste, 
adhérences  qui  lui  enlèvent  son  indépendance  primitive  et  le  transforment 
en  un  ligament  tendu  entre  deux  saillies  fixes  d’un  même  os,  c’est-à-dire 


— 251 


en  un  tendon  interrompu.  C’est  là  une  nouvelle  application  de  cette  loi  que 
j’ai  dite  présider  aux  relations  des  tendons  avec  les  saillies  osseuses  sur  les- 
quelles elles  appuient  sans  glissement,  application  heureuse,  puisqu’elle 
permet  d’établir  une  homologie  très-intéressante  entre  deux  insertions  mus- 
culaires en  apparence  très-différentes,  et  puisqu’elle  permet  aussi  de  com- 
prendre l’existence  de  ce  ligament  sus-coracoïdien,  dont  rien  n’expliquait 
d’une  manière  satisfaisante  la  valeur  et  la  fonction. 

J’ajoute  du  reste  qu’un  examen  attentif  de  cette  région  sur  un  sujet  bien 
musclé  permet  de  reconnaître  que  les  fibres  supérieures  du  biceps  se  jet- 
tent sur  le  périoste  de  la  face  externe  et  supérieure  du  col  du  scapulum,  et 
que  de  ce  même  périoste  part  un  bouquet  de  fibres  tendineuses  qui,  for- 
mant le  ligament  sus-coracoïdien,  se  dirigent  en  dedans,  pour  s’épanouir  en 
une  sorte  d’épâtement  qui  embrasse  l’éminence  du  bord  supérieur  du  sca- 
pulum d’une  manière  remarquablement  comparable  à la  disposition  du  grand 
droit  antérieur  sur  l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure. 

D’ailleurs,  les  connexions  de  ce  ligament  sus-coracoïdien  avec  le  mus- 
cle sous-scapulaire  sont  identiques  aux  connexions  du  tendon  direct  du 
droit  antérieur  et  du  couturier  avec  le  muscle  iliaque,  qui  est  l’homologue 
du  sous-scapulaire.  Le  bord  supérieur  du  muscle  sous-scapulaire  s’applique 
par  sa  face  profonde  sur  le  ligament  coracoïdien,  sur  la  saillie  du  bord  su- 
périeur du  scapulum  (homologue  de  l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure), 
sur  l’aponévrose  qui  continue  le  bord  supérieur  du  scapulum  et  réunit 
la  saillie  sus-nommée  à l’angle  supérieur  interne  du  scapulum  (homologue 
de  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure).  11  prend  même  des  insertions 
étendues  sur  les  saillies  et  sur  l’aponévrose.  Le  bord  supérieur  du  muscle 
iliaque  présente  des  dispositions  semblables,  car  il  s’applique,  par  sa  face 
profonde,  sur  le  tendon  direct  du  droit  antérieur,  sur  l’épine  iliaque  an- 
térieure et  inférieure,  et  sur  une  cloison  fibreuse  qui  réunit  le  tendon  du 
droit  antérieur  et  le  couturier.  11  prend  aussi  des  insertions  très-évidentes 
sur  l’épine  iliaque  antérieure  et  inférieure,  sur  la  supérieure  et  sur  la  cloison 
fibreuse  qui  réunit  ces  deux  saillies.  Les  rapports  sont  identiques  dans  les 
deux  cas. 

Il  résulte  donc,  de  l’analyse  qui  précède,  que  les  origines  supérieures  de  la 
longue  portion  du  brachial  chez  l’Homme,  par  l’existence  des  deux  tendons 


— 252  - 


et  par  les  régions  précises  où  ces  tendons  s'attachent,  reproduisent  fidèle- 
ment les  origines  supérieures  du  droit  antérieur  fémoral. 

Les  rapports  ultérieurs  des  tendons  d’origine  sont  du  reste  très-com- 
parables dans  les  deux  cas.  Pour  les  deux  muscles,  en  effet,  les  tendons 
naissant  au-dessus  de  la  cavité  articulaire  viennent  passer  sur  les  têtes  de 
l’humérus  et  du  fémur,  pour  se  réfléchir  sur  leur  saillie  et  les  appliquer 
pour  ainsi  dire  contre  la  cavité  articulaire  correspondante.  Les  différences  qui 
semblent  résulter  de  l’introduction  du  tendon  du  biceps  dans  la  cavité  de 
l’articulation  scapulo-humérale  ne  sont  que  des  différences  apparentes  et 
consécutives. 

Dans  un  travail  très-intéressant  sur  la  migration  du  tendon  du  biceps 
dans  la  cavité  articulaire  de  l’épaule,  Hermann  Welcker*  a établi  en  effet  : 

i°  Que  chez  certains  Mammifères  le  tendon  du  biceps  était  placé  en 
dehors  de  la  capsule  de  l’articulation  de  l’épaule.  Il  en  est  ainsi  chez  le 
Tapir,  le  Cheval,  et  peut-être  chez  l’Hippopotame  et  le  Chameau.  Chez  la 
Taupe,  le  tendon  très-long  du  biceps  ne  pénètre  pas  dans  l’articula- 
tion, mais  reste  libre  dans  sa  partie  supérieure,  et  traverse  ensuite  deux 
petits  tunnels  successifs,  l’un  osseux  et  l’autre  ostéo-fibreux,  placés  sur 
la  crête  antérieure  et  interne  de  l’humérus,  sans  pénétrer  dans  l’intérieur  de 
l’articulation. 

2°  Que  l’on  trouve  chez  les  Mammifères  divers  degrés  de  pénétration  du 
tendon  du  biceps  dans  l’intérieur  de  l’articulation.  A.  Que  le  tendon  peut  être 
compris  entre  la  capsule  fibreuse  et  la  synoviale,  placé  ainsi  en  dehors  de  la 
la  cavité  articulaire  et  ne  proéminant  pas  dans  l’articulation  (la  plupart 
des  Chauves-Souris)  ; B.  Qu’il  peut  soulever  à divers  degrés  la  synoviale  et  en 
être  plus  ou  moins  revêtu,  d’où  résulte  : a,  ou  bien  que  le  tendon  est  attaché 
à la  paroi  articulaire  par  un  véritable  mésotendon  dont  les  feuillets  peuvent 
être  appliqués  l’un  contre  l’autre,  ou  rester  écartés  et  former  une  sorte 
d’arrière-cavilé  dans  laquelle  se  trouve  le  tendon  (Chien,  Atèles)  ; b , ou  bien 
que  le  mésotendon  se  résorbe  et  que  le  tendon  reste  dans  la  cavité  articulaire, 


1 Hermann  Welcker , Die  Einwanderuug  lier  Bicepssehne  in  dus  Schultergelenk.  (4 rcliiv 
für  Anat.  u Enlwicklungsc/iischte.  Leipsig,  1878,  Heft  1,  pag.  20.) 


— 255 


libre  et  revêtu  d’une  enveloppe  synoviale  (Homme,  beaucoup  de  Rongeurs, 
Bœuf,  Chats,  etc.). 

5^  Enfin,  qu’en  étudiant  le  développement  de  l’articulation  de  l’épaule 
aux  divers  âges  d’un  animal  dont  le  tendon  est  libre  dans  l’intérieur 
de  la  capsule  dans  l’état  adulte,  on  constate  la  succession  des  diverses 
phases  de  la  migration  du  tendon  de  l’extérieur  à l’intérieur  de  la  cavité  de 
la  synoviale. 

Les  conclusions  qui  précèdent  anéantissent  toute  différence  réelle  entre 
les  tendons  supérieurs  du  droit  antérieur  crural  et  du  long  biceps  brachial. 
Ces  deux  tendons  peuvent  être  considérés  comme  glissant  l’un  et  l’autre  en 
avant  ou  au-dessus  de  la  capsule  articulaire  correspondante , et  ils  offrent 
ce  rapprochement  de  plus,  que  l’un  et  l’autre,  quand  ils  sont  extra-capsu- 
laires, sont  pourvus  d’une  bourse  synoviale  qui  favorise  leurs  glissements 
sur  la  saillie  de  l’articulation. 

Les  deux  muscles  nés  de  points  rigoureusement  homologues  de  l’iléon 
et  du  scapulum  ont  donc  avec  l’articulation  correspondante  des  relations 
exactement  semblables.  La  première  portion,  ou  portion  supérieure  de  leur 
trajet,  offre  par  suite  de  grandes  ressemblances.  Inférieurement,  ils  s’insè- 
rent sur  le  tibia  et  sur  le  radius,  qui  sont  des  os  exactement  homologues 
dans  les  deux  membres.  Mais  leurs  situations  diffèrent,  l’un  occupant  la 
face  de  l’extension  du  genou,  et  l’autre  gagnant  la  face  de  la  flexion  du  coude. 
Ensuite  l’un  atteint  la  tubérosité  antérieure  et  supérieure  du  tibia,  l’autre 
la  tubérosité  dite  bicipitale  du  radius,  qui  est  plutôt  interne.  Du  plus,  l’un 
de  ces  muscles  est  extenseur  du  genou  (droit  antérieur)  etl’autre  fléchisseur  du 
coude  (biceps).  On  voit  donc  que  si  les  conditions  de  la  portion  supérieure 
des  deux  muscles  offrent  une  grande  similitude  et  forcent  les  rapproche- 
ments hômologiques,  on  ne  saurait  en  dire  autant  des  conditions  de  la  por- 
tion inférieure  des  deux  muscles.  Voyons  s’il  y a lieu  d’attacher  une 
réelle  importance  à ces  différences  de  disposition  et  d’action,  et  s’il  n’est 
pas  possible  de  les  expliquer  et  de  les  convertir  en  motifs  de  rapprochement 
et  d’assimilation. 

Nous  devons  nous  reporter  ici  à la  manière  dont  nous  avons  expliqué  la 
situation  définitive  des  membres,  par  le  transport  du  fémur  en  avant  et  sur 


— 254  — 

les  côtés  de  l’abdomen  et  de  l’humérus,  en  arrière  et  sur  les  côtés  du  thorax. 
Je  reviens  sur  ce  sujet,  que  je  n’ai  fait  qu’indiquer  d’une  manière  très-générale 
et  très-sommaire,  qui  mérite  cependant  et  exige  un  examen  plus  explicite 
et  plus  approfondi. 

En  faisant  celte  étude,  il  nous  sera  possible  d’observer  ce  que  deviennent 
les  muscles  qui  m’occupent  actuellement,  pendant  que  s’opèrent  ces  trans- 
formations. 

Le  passage  du  membre  antérieur  de  sa  situation  primitive,  telle  qu’elle 
existechez  l’embryon,  et  telle  qu’elle  a existé  chez  les  grands  Reptiles  éteints, 
par  exemple  les  Ichlhyosaures  et  les  Plésiosaures,  son  passage,  dis-je,  à sa 
situation  définitive  exige  des  modifications  très-complexes  dans  la  position 
et  les  connexions  réciproques  des  os  qui  composent  le  membre. 

Les  deux  membres  sont  primitivement  deux  palettes  portées  sur  une  tige, 
palettes  placées  sur  les  côtés  du  corps,  parallèles  à l’axe  vertébro-sternal  et 
parallèles  entre  elles.  L’humérus  est  placé  alors  de  telle  sorte  que  sa  face 
convexe,  sur  laquelle  s’insèrent  les  vastes  du  triceps,  regarde  en  dehors  et  est 
dorsale  ; tandis  que  sa  ligne  âpre  ou  bord  antérieur  est  ventral.  Pour  acquérir 
la  position  définitive  que  cet  os  occupe  chez  les  Mammifères,  non-seule- 
ment son  extrémité  inférieure  se  porte  en  arrière  en  décrivant  un  arc  dont 
l’extrémité  supérieure  est  le  centre;  mais  à ce  mouvement  de  trans- 
lation vient  se  joindre  un  mouvement  de  révolution  ou  de  rotation  de  l’hu- 
mérus sur  son  axe,  mouvement  de  dedans  en  dehors  et  d’avant  en 
arrière,  et  tel  que  la  face  dorsale  devient  postérieure  et  le  bord  ventral  anté- 
rieur. 11  résulte  de  ces  mouvements  combinés  que  l’axe  de  l’extrémité 
inférieure  de  l’humérus  devient  transversal,  et  la  flexion  du  coude  se  fait 
en  avant,  sa  saillie  étant  postérieure. 

Mais,  dans  la  position  primitive  du  membre,  les  deux  os  de  l’avant-bras 
sont  placés  côte  à côte  dans  un  même  plan  parallèle  au  plan  vertébro-sternal. 
le  radius  étant  antérieur  et  le  cubitus  postérieur.  La  nouvelle  situation  de 
l’humérus  place  le  radius  en  dehors  et  le  cubitus  en  dedans  ; le  dos  de  la 
main  est  postérieur  et  la  paume  est  antérieure.  Pour  que  l’animal  puisse 
poser  sur  le  sol  la  paume  de  la  main  ou  de  la  patte  antérieure,  il  faut  que 
l’avant-bras  soit  mis  dans  un  état  de  pronation  plus  ou  moins  accentuée.  Ce 
mouvement  comporte  dans  la  situation  des  deux  os  de  l’avant-bras,  dans 


“2  oo 


leurs  rapports  avec  l’humérus  et  dans  leurs  rapports  entre  eux,  des  modifi- 
cations très-importantes,  et  que  je  dois  analyser. 

Les  deux  os,  placés  d’abord  côte  à côte  dans  un  même  plan  qui  passe  par 
l’axe  de  l’extrémité  inférieure  de  l’humérus,  tendent  à acquérir  une  situation 
telle  qu’ils  se  trouvent  dans  un  plan  perpendiculaire  à l’axe  de  cette  extrémité 
inférieure,  le  radius  étant  antérieur  et  le  cubitus  postérieur.  Cette  situation 
peut  même  être  dépassée  (Ruminants,  Solipèdes,  Pachydermes),  et  le  radius 
devenir  antérieur  et  interne , le  cubitus  étant  postérieur  et  externe.  Mais 
entre  les  deux  situations  extrêmes  se  trouvent  tous  les  degrés  intermédiaires 
qui  permettent  de  suivre  pas  à pas  le  processus  et  le  mécanisme  de  cette 
transformation . 

Les  deux  os  de  l’avant-bras  y prennent  une  part  très-inégale,  et  le  radius  est 
celui  qui  subit  les  mouvements  les  plus  importants.  Dans  un  premier  degré, 
celui  de  l’Homme  et  des  Singes  supérieurs,  l’extrémité  supérieure  du  radius 
reste  externe  et  conserve  ses  rapports  primitifs  avec  l’humérus  et  le  cubitus; 
mais  son  extrémité  inférieure  décrit  une  courbe  autour  de  l’extrémité  infé- 
rieure du  cubitus,  de  manière  à devenir  interne.  Le  radius  subit  pour  cela  à 
la  fois  un  mouvement  de  translation  dont  la  forme  est  un  cône  ayant  le  cubitus 
pour  axe,  et  un  mouvement  de  rotation  sur  son  propre  axe  en  vertu  duquel 
sa  face  antérieure  devient  postérieure,  sa  face  externe  devient  antérieure  et 
interne,  et  sa  face  postérieure  devient  antérieure  et  externe. 

Le  cubitus  reste  à peu  près  immobile  dans  le  premier  degré  de  pronation, 
et  ses  relations  avec  l’humérus  ne  sont  pas  changées. 

Les  deux  os  de  l’avant-bras  s’entre-croisent  comme  les  deux  branches 
d’un  X très-allongé,  le  radius  étant  externe  supérieurement  et  interne  infé- 
rieurement. 

Les  progrès  vers  la  pronation  extrême  sont  marqués  par  un  transport  de 
plus  en  plus  prononcé  du  corps  du  radius  en  avant  et  en  dedans  du  cubitus, 
et  une  rotation  plus  accentuée  sur  son  axe.  L’extrémité  supérieure  du  radius 
quitte  progressivement  sa  situation  primitive  externe  pour  devenir  de  plus  en 
plus  antérieure,  et  même  enfin  antérieure  et  interne  dans  les  cas  extrêmes. 
En  même  temps,  le  cubitus  a subi  des  mouvements  en  sens  inverse,  mais 
d’une  bien  moindre  importance.  Son  extrémité  supérieure,  en  effet,  s’est 
légèrement  déplacée  en  dehors,  tandis  que  celle  du  radius  se  déplaçait  en 

55 


25G 


dedans;  son  extrémité  inférieure  s’est  également  portée  en  dehors.  La  totalité 
dn  corps  de  l’osa  subi  un  mouvement  de  translation,  mais  sans  rotation  mani- 
feste sur  son  axe. 

Les  traces  et  les  preuves  de  ces  mouvements  divers  se  trouvent  nettement; 
non-seulement  dans  l’examen  de  la  situation  des  os  de  l’avant-bras,  mais 
encore  dans  l’étude  des  surfaces  articulaires  huméro-antibrachiales.  Sur  un 
coude  de  Ruminant  (PL  IX,  fig . 5)  ou  de  Pachyderme,  on  remarque  no- 
tamment que  le  cubitus  a successivement  abandonné  la  trochlée  humérale, 
qui  était  son  domaine  primitif,  pour  faire  place  au  radius,  qui  en  occupe  toute 
la  largeur  et  toute  la  face  antérieure,  le  cubitus  s’étant  relégué  en  arrière. 
C’est  là  le  résultat  du  changement  de  relations  des  extrémités  supérieures  des 
deux  os  par  rapport  à l’humérus.  Le  radius  est  devenu  antérieur  et  le  cubitus 
postérieur. 

Mais.de  plus,  le  cubitus  entre  en  relation  postérieurement  avec  une  petite 
portion  de  la  surface  condylienne  de  l’humérus  qui  était  primitivement  le 
domaine  exclusif  du  radius;  c’est  là  une  preuvedu  transport  du  cubitus,  non- 
seulement  en  arrière,  mais  aussi  un  peu  en  dehors. 

Ce  sont  là  les  traces  et  les  preuves  du  mouvement  de  translation  des  deux  os 
de  l’avant-bras  ; quant  aux  preuves  du  mouvement  de  rotation  qui  a déplacé 
les  faces  du  radius,  et  qui  va  jusqu’à  180  degrés,  on  les  trouve  clairement 
dans  l’examen  des  insertions  musculaires,  attendu  que  la  face  du  radius  qui 
donne  insertion  aux  muscles  fléchisseurs  des  doigts,  face  qui  était  antérieure 
dans  la  situation  primitive  de  l’avant-bras  par  rapport  à l’humérus,  c’est- 
à-dire  en  supination,  devient  réellement  postérieure,  et  ainsi  des  autres  faces. 

Tels  sont  les  transformations  et  les  changements  que  présente  le  squelette 
du  membre  antérieur.  Ceux  que  subit  le  squelette  du  membre  postérieur 
sont  du  même  ordre,  mais  de  sens  inverse.  Quelques  mots  suffiront  pour  les 
faire  comprendre. 

Le  fémur  est  primitivement  placé  comme  l’humérus,  de  telle  sorte  que  sa 
face  convexe  est  dorsale  et  externe , tandis  que  sa  ligne  âpre  est  interne  et 
ventrale.  Pour  acquérir  la  situation  qu’il  a chez  les  Quadrupèdes  et  chez  la 
plupart  des  Vertébrés,  le  fémur  porte  son  extrémité  inférieure  en  avant  et 
en  dedans  (mouvement  de  translation).  La  saillie  du  genou  qui  était  externe 
devient  antérieure,  et  la  face  de  flexion  qui  était  interne  devient  postérieure. 


— 237 


Dans  la  situation  primitive,  les  deux  os  de  la  jambe  étaient  placés  côte  à 
côte  dans  un  même  plan  parallèle  au  plan  vertébro-sternal.  Le  tibia  était  anté- 
rieur et  répondait  au  radius,  le  péroné  était  postérieur  et  représentait  le 
cubitus.  Le  fémur  ayant  acquis  sa  nouvelle  position,  le  tibia  est  devenu  interne 
et  le  péroné  externe.  Le  pied  ou  patte  postérieure  repose  sur  le  sol  par  sa 
face  plantaire,  naturellement  et  sans  qu’un  changement  considérable  ait  à 
s’opérer  dans  les  relations  des  os  de  la  jambe.  Seulement,  si  les  deux  os 
conservaient  exactement  leur  situation  primitive  par  rapport  au  fémur,  la 
pointe  du  pied  regarderait  en  avant  et  un  peu  en  dedans,  ce  qui  serait  peu 
favorable  à la  solidité  de  la  station  et  ce  qui  contribuerait  à rendre  la 
marche  difficile  et  embarrassante.  La  pointe  du  pied  se  porte  légèrement 
en  dehors,  et  ce  mouvement,  inverse  de  celui  que  nous  avons  vu  à la  main, 
mais  d’un  degré  infiniment  moindre,  produit  également  dans  les  os  de  la 
jambe  des  mouvements  de  sens  contraires  à ceux  que  nous  avons  observés 
dans  l’avant-bras,  mouvements  du  reste  modérément  accentués.  Le  tibia  se 
porte  légèrement  en  avant  et  en  dehors,  le  péroné  légèrement  aussi  en  ar- 
rière et  en  dedans.  Néanmoins  le  tibia  reste  interne  mais  un  peu  antérieur, 
et  le  péroné  reste  externe  mais  un  peu  postérieur'  : ce  qui  constitue  un  état 
de  supination  extrême. 

Les  deux  os  sont  aussi  le  siège  d’un  léger  mouvement  de  rotation 
sur  leur  axe,  mais  peu  prononcé,  et  sur  lequel  je  n’insiste  pas.  11  est  du 
reste  facile  à comprendre  que  le  degré  du  mouvement  de  rotation  est  propor- 
tionné au  degré  du  mouvement  de  translation.  L’un  est  ici  corrélatif  de 
l’autre. 

Quand  les  seconds  articles  des  deux  membres  ont  subi  ces  transforma- 
tions, il  se  trouve  que  la  situation  des  os  est  identique  dans  les  deux  cas,  le 
tibia  et  le  radius  étant  antérieurs  et  internes,  le  péroné  et  le  cubitus  étant 
postérieurs  et  externes.  Il  en  eût  été  tout  autrement  sans  les  mouvements 
considérables  dont  les  os  de  l’avant-bras  ont  été  le  siège,  car  alors  le  radius 
eût  été  directement  externe  et  le  cubitus  directement  interne.  La  nécessité 


1 Ce  transport  du  péroné  en  arrière  ne  peut  être  attribué,  du  moins  dans  sa  totalité,  à 
l'atrophie  relative  de  cet  os,  car  il  est  très-accentué  chez  des  Mammifères,  où  le  péroné  a 
conservé  un  volume  considérable,  chez  les  Monotrêmes  par  exemple. 


— 25S  - 


de  faire  reposer  sur  le  sol  la  plante  des  extrémités  dans  les  deux  membres  a 
forcément  conduit  les  os  des  seconds  articles  à se  placer  dans  des  situations 
semblables,  afin  que  les  extrémités  fussent  elles-mêmes  dans  des  positions 
semblables.  Et  ce  qu’il  y a de  remarquable, c’est  que  plus  les  deux  membres 
ont  acquis  des  fonctions  identiques,  plus  la  situation  des  os  est  devenue  iden- 
tique dans  les  seconds  articles  des  deux  membres.  Avec  le  rapprochement 
des  fonctions  s’accentue  parallèlement  le  rapprochement  des  situations  et  des 
rapports. 

Cette  étude  préliminaire  des  modifications  du  squelette  des  deux  membres 
étant  terminée,  nous  pouvons  aborder  avec  fruit  l’étude  des  modifications  des 
muscles  qui  leur  appartiennent. 

Prenons  le  membre  postérieur  d’un  Mammifère  quadrupède  dans  sa  dis- 
position actuelle,  et  voyons  ce  que  deviendrait  le  droit  antérieur  si  ce  mem- 
bre était  transformé  en  membre  antérieur. 

Pour  cela,  le  fémur  devrait  être  reporté  en  arrière,  de  manière  à faire  un 
angle  aigu,  ouvert  en  arrière  avec  la  colonne  vertébrale.  La  convexité  du 
genou  serait  alors  postérieure  ; la  jambe  étant  en  supination,  le  tibia  serait 
externe  comme  son  homologue  le  radius  dans  un  avant-bras  en  supination, 
et  le  péroné  serait  interne  comme  le  cubitus  ; mais  la  pointe  du  pied 
serait  dirigée  en  arrière  et  devrait  être  ramenée  en  avant,  comme  pour  le 
membre  antérieur.  Les  os  de  la  jambe  devraient  pour  cela  être  mis  en 
état  de  pronation  extrême,  ce  qui,  pour  être  fidèle  au  parallèle  établi  entre 
les  deux  membres,  aurait  pour  résultat  de  faire  effectuer  au  tibia  (le  fémur 
et  le  péroné  restant  fixes)  une  rotation  sur  son  axe  longitudinal  et  une 
translation  autour  de  l’extrémité  inférieure  du  péroné,  dans  une  direction 
telle  que  l’extrémité  inférieure  du  tibia  deviendrait  interne,  d’externequ’elle 
était,  et  que  la  tubérosité  antérieure  du  tibia,  qui  était  dirigée  en  arrière, 
serait  portée  en  avant,  c’est-à-dire  dans  le  sens  de  la  flexion.  On  voit  donc 
que  dans  ce  mouvement  de  transformation,  le  droit  antérieur  fémoral,  qui 
dans  la  situation  normale  vient  s’insérer  sur  le  tibia  dans  le  sens  de  l’ex- 
tension du.genou,  se  trouve  transporté  dans  le  sens  de  la  flexion  et  devient 
un  vrai  muscle  fléchisseur  en  s’enroulant  plus  ou  moins  sur  l’extrémité  su- 
périeure du  tibia.  Il  est  donc  exactement  comparable  au  biceps  brachial, 


— 259 


et  la  tubérosité  antérieure  du  tibia  représente  assez  exactement  la  tubéro- 
sité bicipitale  du  radius. 

Si  nous  faisons  l’opération  inverse,  c’est-à-dire  si  nous  transformons  le 
membre  antérieur  en  membre  postérieur,  nous  obtenons  un  résultat  qui  con- 
firme le  précédent.  L’humérus  est  transporté  en  avant  et  la  saillie  du  coude 

devient  antérieure.  Mais  alors,  si  le  membre  antérieur  conservait  sa  prona-  ' ! 

tion,  qui  est  normale  chez  les  Quadrupèdes,  l’extrémité  des  doigts  serait  di- 
rigée en  arrière,  et,  pour  reproduire  la  situation  du  membre  postérieur,  il 
est  nécessaire  de  reporter  cette  extrémité  en  avant,  cequi  exige  une  supina- 
tion extrême  des  os  de  l’avant-bras. 

Dans  ce  mouvement  de  supination,  le  radius  effectue  des  mouvements  de 
rotation  sur  son  axe  et  de  translation  autour  du  cubitus  tels  que  le  tubercule 
d’insertion  du  biceps  devient  interne  et  antérieur,  c’est-à-dire  se  porte 
dans  le  sens  de  l’extension.  11  en  résulte  encore  que  le  biceps  prend  infé- 

■ 

rieurement  la  direction  et  la  situation  du  droit  antérieur  crural,  qu’il  est 
comme  lui  un  muscle  extenseur  et  lui  est  comparable. 

1 

Cette  situation  du  tubercule  bicipital  du  radius  sur  la  face  antérieure  et 
interne  de  l’os,  alors  que  ce  dernier  a acquis  la  position  du  tibia,  est  digne 
d’être  notée,  car  nous  verrons  que  le  biceps  brachial  considéré  dans  ses 
deux  chefs  répond  à la  fois  au  droit  antérieur  fémoral,  au  demi-tendineux, 
au  demi-membraneux,  au  grêle  interne  et  au  couturier,  tous  muscles  dont 
l’insertion  tibiale  occupe  à la  fois  les  tubérosités  interne  et  antérieure 
du  tibia. 

On  voit  donc  que  les  différences  qui  semblent  séparer  le  droit  antérieur 
et  le  biceps  sont  le  résultat  des  transformations  que  les  membres  ont  su- 
bies pour  devenir  membre  antérieur  ou  membre  postérieur  ; mais  que  les 
deux  muscles,  qui  sontsi  rapprochés  l'un  de  l’autre  par  leurs  origines  supé- 
rieures, ne  le  sont  pas  moins  au  fond  par  leurs  insertions  inférieures. 

La  longue  portion  du  biceps  s’unit  vers  la  portion  moyenne  du  bras  avec 
la  courte  portion  dont  le  tendon  supérieur  se  confond  avec  celui  du  coraco- 
brachial,  pour  s’attacher  sur  le-sommet  du  précoracoïde  ou  épiprécoracoïde, 

Le  biceps  humain  considéré  dans  son  ensemble  a donc  à la  fois  des  ori- 
gines  scapulaires,  coracoïdiennes  et  précoracoidiennes.  Les  deux  premières 


260  — 


donnent  naissance  à la  longue  portion  du  biceps,  la  troisième  à la  courte 
portion  du  même  muscle.  C’est  là  un  point  qu’il  importait  d’établir  nette- 
ment pour  la  détermination  des  vrais  homologues  de  ce  muscle  dans  la  ré- 
gion crurale. 

J’ai  dit  plus  haut  que  le  long  biceps  brachial  ne  représente  pas  seule- 
ment le  droit  antérieur  fémoral.  Il  me  reste  à rechercher  quels  sont  les  au- 
tres muscles  cruraux  qu’il  représente  simultanément,  et  c’est  à celte  fin  que 
je  vais  faire,  dans  la  série  des  Vertébrés,  un  examen  de  ce  muscle  très- 
intéressant. 

Chez  les  Amphibiens  urodèles,  chez  la  Salamandra  maculosa  en  parti- 
culier, le  biceps  est  un  faisceau  musculaire  qui  naît  de  la  face  inférieure  du 
coracoïde,  au  voisinage  de  la  cavité  glénoïde.  Ce  muscle  se  confond  au  ni- 
veau du  bras  avec  un  faisceau  musculaire  naissant  de  la  face  antérieure  de 
l’humérus,  et  va  avec  lui  s’insérer  sur  les  deux  os  de  l’avant-bras.  Cette  union 
du  biceps  avec  le  brachial  antérieur  masque  assez  la  disposition  du  biceps 
pour  que  certains  anatomistes  aient  cru  qu’il  n’existait  pas. 

Chez  les  Batraciens  anoures,  le  biceps,  placé  immédiatement  au-dessous 
du  grand  pectoral,  s’insère  sur  la  portion  la  plus  interne  du  précoracoïde  et 
du  coracoïde.  La  plupart  des  fibres  viennent  du  coracoïde.  Ce  muscle  forme 
un  triangle  dont  le  sommet,  placé  sur  la  tête  de  l’humérus,  donne  naissance 
à un  long  tendon  grêle  qui  glisse  dans  la  coulisse  bicipitale,  où  il  est  bridé  par 
une  expansion  fibreuse.  Au  niveau  de  l’extrémité  supérieure  de  l’avant-bras, 
le  tendon  s’élargit,  pour  s’insérer  sur  le  radius  et  le  cubitus  soudés  en  un 
seul  os. 

Chez  les  Reptiles,  le  biceps  présente  les  dispositions  suivantes,  qui  offrent 
assez  de  diversité. 

Chez  les  Cbéloniens,  le  biceps  s’insère  sur  le  coracoïde,  loin  de  la  cavité 
glénoïdienne.  Il  part  de  l’angle  postérieur  et  interne  de  la  face  inférieure 
du  coracoïde,  etparconséquentdu  coracoïde  etdel’épicoracoïde,  et  constitue 
un  corps  charnu  conique  et  assez  grêle  qui  suit  la  face  inférieure  du  cora- 
coïde, situé  dans  une  gouttière  qui  sépare  l’obturateur  externe  pectoral 
du  grand  adducteur  coracoïdien.  Arrivé  au  niveau  de  l'articulation  glénoï- 
dienne, il  devient  tendineux  et  se  réfléchit  dans  la  gorge  d’une  poulie  formée 


par  les  deux  tubérosités  humérales.  Ce  tendon  Ion?  et  grêle  se  porte  vers 
l’avant-bras  et  se  bifurque,  pour  s’insérer  d’une  part  sur  le  radius  et  d’autre 
part  sur  le  cubitus.  Owen  considère  le  tendon  cubital  comme  plus  fort- 
que  le  tendon  radial.  Il  en  est  ainsi  sur  YEmys  europœa , qu’Owen  décrit 
plus  particulièrement.  Je  puis  ajouter  que  chez  la  Testudo  mauritanica,  le 
tendon  cubital  est  aussi  supérieur  au  tendon  radial.  Le  biceps  fournit  encore 
une  expansion  aponévrotique  à la  gaine  de  l’avant-bras  dans  la  région  épi- 
trochléenne. 

Le  biceps  brachial  des  Chéloniens  est  donc  essentiellement  et  unique- 
ment coracoïdien  et  épicoracoïdien,  et  inférieurement  il  s’insère  sur  les  deux 
os  de  l’avant-bras.  Il  mérite  donc  le  nom  de  coraco-antibracbial. 

Chez  les  Sauriens  kionocrâniens,  le  muscle  présente  généralement  les 
dispositions  suivantes  : il  naît  de  la  face  inférieure  du  coracoïde  au  voisi- 
nage du  bord  sternal  ou  épicoracoïdien  de  cet  os,  par  deux  têtes  distinctes, 
dont  la  postérieure  naît  de  l’angle  externe  ou  tubérosité  coracoïdienne.  Ces 
deux  têtes  se  réunissent  au  niveau  de  l’articulation  de  l’épaule,  pour  former 
un  corps  charnu  commun.  Le  tendon  terminal  se  bifurque  en  deux  bandes 
fibreuses  à peu  près  égales  qui  s'insèrent  sur  l’extrémité  proximale  des  fa- 
ces antérieures  du  radius  et  du  cubitus.  En  général,  le  tendon  cubital  est  le 
plus  fort.  Chez  les  Iguaniens,  cette  différence  est  très-prononcée  (Mivart)  ; 
mais  chez  d’autres  Sauriens,  et  par  exemple  chez  les  Scincoïdes,  le  tendon 
radial  est  aussi  fort  et  même  plus  fort  que  le  cubital  (Fürbringer).  Le  ten- 
don commun  fournit,  comme  chez  les  Chéloniens,  une  expansion  aponévro- 
tique à la  gaine  de  l’avant-bras. 

Chez  le  Hatteria,  d’après  Günlher,  le  muscle  biceps  serait  composé  de 
deux  muscles  entièrement  séparés  : le  premier,  interne,  naissant  du  bord 
sternal  du  coracoïde,  s’insérerait  sur  l’extrémité  supérieure  du  cubitus  et 
représenterait  la  courte  portion  du  biceps  humain;  le  second,  externe,  serait 
l’homologue  de  la  longue  portion  de  ce  même  biceps  et  s’insérerait  sur  l’ex- 
trémité supérieure  du  radius  ; son  origine  supérieure  présenterait  ceci  de 
remarquable  qu’elle  aurait  lieu  sur  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus.  Mais 
cette  origine  ne  serait  qu’apparente,  et  le  tendon  du  muscle,  interrompu  seu- 
lement par  des  adhérences  à la  tubérosité  humérale,  serait  continué  supé- 
rieurement par  un  fort  ligament  étendu  de  cette  tubérosité  au  scapulum. 


— 26  2 


Une  bandelette  musculaire  grêle  qui  accompagne  ce  tendon  s’étend  sans 
interruption  du  radius  ait  ligament  sus-désigné,  et  représente  également, 
d’après Günther,  la  longue  portion  du  biceps  humain'. 

Le  biceps  du  Hatteria  présente  un  double  intérêt , en  ce  sens  qu’il 
offre  un  exemple  remarquable  ue  ce  que  j’ai  appelé  les  muscles  interrompus, 
et  en  ce  sensaussi  qu’il  montre  pour  la  première  fois  chez  les  Reptiles  l’in- 
troduction de  l’élément  scapulaire  dans  le  biceps.  Cette  introduction  est  un 
fait  intéressant  au  point  de  vue  de  l'anatomie  comparée  de  ce  muscle.  11  est 
certain,  en  effet,  que  chez  aucun  autre  Reptile  on  ne  retrouve  un  sembla- 
ble élément.  Néanmoins,  je  ne  saurais  approuver  les  homologies  établies 
par  Günther,  et  je  renvoie  à plus  tard  la  démonstration  de  ce  fait,  que  les 
deux  muscles  du  Hatteria  correspondent  par  leur  ensemble,  non  aux  deux 
chefs  du  biceps  humain,  mais  seulement  à la  longue  portion.  Je  dirai  éga- 
lement que  le  point  de  vue  généralement  adopté  par  les  anatomistes  (Rüdin- 
ger  entre  autres)  qui  considèrent  les  deux  tètes  du  biceps  des  Sauriens  kio- 
nocrâniens  comme  représentant  les  deux  chefs  du  biceps  humain,  manque 
tout  à fait  de  base.  L’origine  des  deux  chefs  des  Sauriens  sur  le  même  os,  le 
coracoïde,  est  absolument  contraire  à cette  assimilation.  C’est  là  ce  que  fait 
remarquer  avec  raison  Fürbringer,  qui  ajoute  que  la  position  du  biceps  des 
Sauriens  dans  le  sillon  intertuberculaire  de  l’humérus,  qui  est  l’homologue  de 
la  coulisse  bicipitale  de  l’Homme,  permet  de  penser  que  c’est  chez  les  Mam- 
mifères qu’apparaît  pour  la  première  fois  une  courte  portion  détachée  du 
coraco-brachial  et  placée  en  dehors  de  la  coulisse  bicipitale.  J’ajoute  que  le 
biceps  des  Sauriens  ne  représente  pas  tout  le  long  chef  du  biceps  humain, 
mais  seulement  une  portion,  la  portion  coracoïdienne,  dont  nous  détermi- 
nerons plus  loin  la  signification. 


1 Je  ne  dois  pas  laisser  passer  ce  fait  sans  faire  remarquer  combien  il  se  rapproche  de  ce 
que  j'ai  avancé  p;ur  le  droit  antérieur  crural  des  Chéloniens.  J’ai  soutenu  en  effet  que  le 
muscle  qui  prenait  son  origine  effective  sur  l’extrémité  supérieure  du  fémur,  était  au  fond  un  muscle 
interrompu  dont  l’insertion  primitive  se  faisait  sur  l’iléon.  Nous  sommes  également,  chez  le 
Hatteria,  en  présence  d’un  biceps  brachial  qui  semble  prendre  naissance  sur  l’extrémité  supé- 
rieure de  l’humérus,  mais  dont  le  tendon  peut  être  suivi  jusqu’au  scapulum.  Nous  trouverons 
plus  tard,  chez  les  Oiseaux,  une  insertion  humérale  du  biceps  qui  est  également  consécutive. 
Ces  faits  s’éclairent  réciproquement. 


— 265 


Le  muscle  que  nous  étudions  chez  les  Sauriens  n’est  donc  pas  rigoureu- 
sement un  représentant  du  biceps  des  anthropotomistes  , et  c'eût  là  ce  qui 
justifie  les  dénominations  indifférentes  de  coraco-radialis  et  de  coraco-anti- 
brachialis  que  lui  ont  donné  Stannius  et  Fürbringer  ' . 

Le  biceps  des  Chamæléonides  diffère  peu  de  celui  des  Sauriens  kiono- 
crâniens.  Plus  grêle  que  ce  dernier,  il  naît  du  bord  interne  ou  sternal  de 
la  face  inférieure  du  précoraco-coracoïde,  dans  la  région  coracoïdienne  de 
cet  os,  par  un  tendon  grêle  et  long  (PL  11,  fig.  1,  m.  bic.)  auquel  suc- 
cède un  corps  charnu  qui  se  sépare  en  deux  chefs  à une  hauteur  variable, 
mais  en  général  vers  le  milieu  du  bras.  De  ces  deux  chefs  inférieurs,  l’un 
s’insère  sur  la  face  antérieure  de  l’extrémité  proximale  du  radius,  et  l’autre 
s’attache  sur  la  partie  correspondante  du  cubitus,  et  envoie  même  quelques 
fibres  à l’épitrochlée  de  l’humérus.  Ce  chef  cubital  s’unit  généralement  avec 
le  brachial  inférieur  ou  huméro-antébrachial1  2,  qu’il  recouvre. 

L’origine  supérieure  du  biceps  des  Crocodiliens  (PL  VIII,  fig.  9,  3) 
ressemble  beaucoup  à ce  que  nous  avons  vu  chez  les  Chamæléonides.  Ce  muscle 
naît  de  la  face  inférieure  du  coracoïde  par  un  tendon  grêle  et  rubané,  auquel 
fait  suite  un  muscle  plat  qui  s’unit  inférieurement  avec  le  muscle  brachial 
inférieur.  De  ces  deux  muscles  réunis  naît  un  tendon  large  qui  se  bifurque 
bientôt  en  deux  bandes  qui  s’insèrent  sur  les  extrémités  proximales  du 
cubitus  et  du  radius. 

Une  particularité  que  présente  ce  muscle,  et  sur  laquelle  j’insiste,  c’est 
que  son  insertion  coracoïdienne  ne  se  fait  plus,  comme  chez  les  Sauriens 
kionocrânienset  les  Chamæléonides,  au  voisinage  du  bord  sternal  de  l’os,  mais 
sur  un  point  éloigné  de  ce  bord,  et  voisin  au  contraire  de  l’extrémité  anté- 
rieure ou  glénoïdienne  du  coracoïde.  C’est  là  une  disposition  qui  nous  con- 

1 Fürbringer  s'appuie,  pour  repousser  une  homologie  étroite  entre  le  biceps  humain  et  le 
muscle  des  Sauriens,  sur  cette  double  raison  que  les  deux  chefs  de  ce  dernier  muscle  naissent 
du  coracoïde,  et  que  son  tendon  inférieur  s'insère  à la  fois  sur  le  radius  et  sur  le  cubitus.  La 
première  raison  est  bonne  ; mais  la  seconde  est  sans  valeur,  attendu  que  le  biceps  humain 
est  réellement  et  exactement  l’homologue,  du  biceps  de  bien  des  Mammifères,  qui  s'insère  à 
la  fois  sur  les  deux  os  de  l’avant-bras. 

2 Ce  muscle  brachial  inférieur  s’insère,  ou  bien  seulement  au  cubitus  (Ch.  Parsonii),  ou 
bien  surtout  au  cubitus,  et  par  quelques  rares  fibres  au  radius  (Ch.  dilepis,  vulgaris).  Für- 
bringer, loc.  cit. 


34 


— 264 


duira  à l’insertion  tout  à fait  antérieure  du  biceps  chez  les  Oiseaux,  et  à 
l’insertion  sus-glénoïdienne  (coraco'idienne)  des  Mammifères. 

Le  biceps  brachial  des  Oiseaux  mérite  d’être  étudié  avec  plus  d’attention 
qu’on  ne  lui  en  a prêtée  jusqu’à  présent. 

Ce  muscle  semble  présenter  plusieurs  insertions  supérieures.  L’une,  cora- 
coïdienne,  se  fait  sur  la  tête  même  de  l’apophyse  claviculaire  ou  tête  du  cora- 
coïde. Elle  montre  à son  degré  extrême  le  transport  de  l’insertion  coraco'i- 
dienne du  biceps,  vers  l’extrémité  glénoïdienne  de  cet  os.  Tandis  que  chez 
certains  Sauriens,  les  Monitor,  les  Lacerta,  le  biceps  a,  outre  une  insertion 
sur  le  bord  sternal  ou  interne  du  coracoïde,  une  seconde  insertion  sur 
l’angle  postérieur  du  coracoïde  ou  tubérosité  coraco'idienne,  chez  d’autres 
Sauriens  kionocrâniens,  tels  que  les  Uromastix,  celte  insertion  postérieure 
fait  défaut  et  le  biceps  s’insère  uniquement  sur  la  portion  antérieure  du 
bord  sternal  et  de  la  face  inférieure  du  coracoïde,  c’est-à-dire  en  dedans  et 
au  niveau  de  la  cavité  glénoïdienne.  Chez  les  Crocodiliens,  nous  avons  vu 
l’origine  du  biceps  près  de  l’extrémité  antérieure  du  coracoïde  et  en  avant 
de  la  cavité  glénoïdienne.  Enfin,  chez  les  Oiseaux,  l’insertion  bicipitale  s’est 
transportée  plus  en  avant  avec  le  développement  en  apophyse  claviculaire 
saillante  de  l’extrémité  antérieure  du  coracoïde.  C’est  ainsi  que  l’origine  co- 
raco'idienne  du  biceps,  qui  est  son  origine  primordiale,  fondamentale  et 
constante,  s’est  déplacée  sur  l’étendue  de  l’os,  mais  ne  s’est  pas  transposée, 
c’est-à-dire  n’est  pas  passée  sur  un  autre  os. 

Nous  avons  vu  que  cette  origine  coraco'idienne  du  biceps  avait,  chez  les 
Oiseaux,  des  rapports  de  contiguïté  et  même  d’union  très-prononcés  avec  le 
ligament  coraco-brachial,  dont  nous  avons  précédemment  déterminé  la  va- 
leur comme  représentant  le  muscle  coraco-brachial  court  des  Sauriens  kio- 
nocràniens  (pag.  215).  Ces  deux  muscles  naissent  du  coracoïde  par  un 
tendon  commun.  Le  biceps  recouvre  ce  ligament  coraco-brachial,  auquel  il 
adhère  dans  une  certaine  étendue.  Ce  sont  là  des  rapports  qui  rappellent 
exactement  les  rapports  de  ces  muscles  chez  les  Sauriens.  11  est  vrai  que 
chez  ces  derniers  les  deux  muscles  restent  indépendants,  mais  leurs  inser- 
tions coracoïdiennes  sont  entièrement  contiguës  et  le  biceps  recouvre  le 
coraco-brachial  court  dans  presque  toute  l’étendue  de  ce  dernier  muscle. 

■ La  seconde  origine  du  biceps  des  Oiseaux  a été  mal  observée  et  mal 


— 265  — 

interprétée.  Cuvier  \ parlant  du  biceps  ou  long  fléchisseur  de  l’avant-bras 
chez  les  Oiseaux,  dit  que  ce  muscle  a une  attache  coracoïdienne  tendi- 
neuse longue,  et  une  humérale  très-courte  sous  la  tubérosité  inférieure 
(ou  interne).  M.  Alix  affirme  aussi  que  le  corps  du  muscle  biceps  reçoit  un 
faisceau  accessoire  qui  se  détache  de  la  face  antérieure  de  l’humérus  immé- 
diatement au-dessus  de  la  tubérosité  interne.  Il  appelle  ce  faisceau  la  tête 
humérale  du  biceps,  et  le  compare  à la  tête  fémorale  du  biceps  crural. 

Il  y a là  une  erreur  qu’il  importe  de  détruire.  J’affirme,  malgré  l’autorité 
de  Cuvier,  que  le  biceps  brachial  des  Oiseaux  ne  possède  réellement  pas  de 
chef  huméral.  Cette  prétendue  insertion  du  biceps  sur  l’humérus  n’est  qu’un 
nouvel  exemple  remarquable  de  muscle  incomplètement  interrompu.  Une 
portion  du  tendon  coracoïdien  du  biceps,  la  portion  interne,  frottant  contre 
la  tubérosité  interne  de  l’humérus,  y a,  dans  certains  cas  seulement,  con- 
tracté des  adhérences  partielles  très-lâches  et  permettant  même  quelques 
glissements,  adhérences  qui  en  ont  imposé  à un  examen  rapide  et  superficiel, 
et  ont  été  prises  pour  une  insertion  réelle.  Le  plus  souvent,  notamment 
chez  le  Poulet,  il  suffit  de  soulever  le  chef  interne  du  biceps  avec  des  pinces 
pour  le  détacher  de  la  tubérosité  interne,  et  l’on  voit  toujours  très-claire- 
ment la  continuité  du  muscle  et  du  tendon  coracoïdien.  Parfois  même  les 
adhérences  du  tendon  sont  nulles , et  il  n’y  a pas  la  moindre  interruption 
apparente. 

Inférieurement,  le  biceps  des  Oiseaux  se  termine,  comme  celui  des  Reptiles, 
par  une  double  insertion.  Le  tendon  se  bifurque  et  s’insère  sur  les  faces 
antérieures  du  radius  du  cubitus,  au  voisinage  de  l'articulation  du  coude. 
Le  tendon  cubital  est  ordinairement  plus  important  que  le  radial,  ce  qui 
explique  que  Cuvier  ait  considéré  ce  muscle  comme  s’insérant  seulement  sur 
le  cubitus. 

Ainsi  donc,  le  muscle  biceps  des  Oiseaux  est  un  muscle  essentiellement 
reptilien.  Comme  le  biceps  des  Amphibiens  et  des  Reptiles,  il  prend  son 
origine  uniquement  sur  le  coracoïde  et  s’insère  inférieurement  sur  le 
cubitus  et  sur  le  radius.  C’est  donc  un  vrai  muscle  coraco-antibrachial. 

L’étude  de  ce  muscle  méritait  de  nous  arrêter,  et  elle  offre  un  véritable 


1 Cuvier;  Leçons  d’Anat.  comp.,  2e  édition,  tom.  I,  pag.  415. 


— 2G6  — 

intérêt  au  point  de  vue  de  la  détermination  des  os  de  la  ceinture  thoracique. 
J’ai  déjà  combattu,  au  nom  de  l’ostéologie,  l’opinion  d’Huxley,  que  la  tête 
ou  apophyse  claviculaire  du  coracoïde  des  Oiseaux  pourrait  bien  représenter 
le  précoracoïde.  Des  considérations  d’ordre  myologique  viennent  donner 
un  nouvel  appui  à ma  manière  de  voir.  Pour  que  la  tête  du  coracoïde  des 
Oiseaux,  où  le  biceps  prend  son  origine,  fût  un  précoracoïde,  il  faudrait  sup- 
poser que  le  biceps,  si  essentiellement , si  uniquement  et  si  universellement 
coracoidien  des  Amphibiens  et  des  Reptiles,  eût  cessé  de  conserver  ce 
caractère  chez  les  Oiseaux  pour  devenir  précoracoïdien  ; or,  c’est  là  une  sup- 
position inadmissible  en  présence  des  innombrables  points  de  ressemblance 
et  de  contact  que  présentent  l’organisation  des  Oiseaux  et  celle  des  Reptiles, 
et  en  présence  de  ce  fait,  qu’on  ne  saurait  admettre,  que  le  coracoïde  si  im- 
portant, si  volumineux , si  développé  des  Oiseaux  a cessé  de  devenir  le 
lieu  d’origine  d’un  muscle  qui  chez  tous  les  ancêtres  de  l’Oiseau,  sans  excep- 
tion , est  exclusivement  un  muscle  coracoïdien.  Ce  sont  là  des  considéra- 
tions dont  un  anatomiste  et  zoologiste  de  la  valeur  d’Huxley  ne  peut  refuser 
de  tenir  grand  compte. 

Les  Mammifères  ornithodelphes  reproduisent  les  dispositions  lacerti- 
liennes  du  biceps  brachial. 

Chez  l’Ornilhorhynque,  le  muscle  présente  deux  têtes  centrales  nettement 
distinctes  : l’une  antérieure,  s’insère  sur  l’extrémité  postérieure  et  interne  de 
l’épicoracoide;  l’autre,  postérieure,  sur  le  tubercule  postérieur  ou  tubérosité 
du  coracoïde.  Le  tendon  inférieur  s’insère  sur  la  portion  moyenne  delà  face 
palmaire  du  radius. 

Chez  l’Échidné,  les  deux  faisceaux  sont  moins  distincts  et  plus  rappro- 
chés, mais  leurs  insertions  coracoïdiennes  reproduisent  fidèlement  celles 
de  l’Ornithorhynque.  De  sa  face  profonde  se  détacherait,  d’après  M.  Alix, 
un  tendon  destiné  à la  petite  crête  du  cubitus,  immédiatement  au-dessous 
du  brachial  antérieur.  Le  tendon  principal,  large,  se  porte  vers  le  tiers 
moyen  du  radius  et  se  fixe  sur  une  tubérosité  située  à la  face  palmaire,  sur 
le  côté  de  l’os  qui  limite  l’espace  interosseux.  Il  s’insère  aussi  sur  le  cubitus. 

Le  biceps  des  Ornithodelphes  conserve  donc  fidèlement  le  caractère  ex- 
clusivement coracoïdien  du  biceps  des  Amphibiens,  des  Reptiles  et  des 


— 267  — 

Oiseaux.  Chez  l’Échidné  est  aussi  conservée  la  double  insertion  radio- 
cubitale,  qui  serait  simplement  radiale  chez  l’Ornithorhynque.  Le  lieu  de 
ces  insertions  coraco-épicoracoïdiennes  du  biceps  se  fait , comme  chez  les 
Chéloniens,  au  voisinage  du  tubercule  postérieur  du  coracoïde  et  de  répi- 
coracoïde.  Ces  insertions  sont  donc  essentiellement  coracoïdiennes  et 
épicoraco'idiennes,  comme  celles  du  biceps  des  Chéloniens.  Elles  con- 
firment un  rapprochement  étroit  entre  le  coracoïde  reptilien  et  le  coracoïde 
des  Ornithodelphes,  et  démontrent  que  le  coracoïde  de  ces  derniers  n’est 
point  un  précoracoïde  comme  l’apophyse  dite  coracoïde  des  autres  Mammi- 
fères. Nous  verrons  en  effet  ultérieurement,  en  passant  en  revue  les 
dispositions  du  biceps  des  Mammifères  autres  que  les  Ornithodelphes, 
que,  s’il  est  des  cas  où  l’un  de  chefs  du  biceps  fait  défaut,  ce  n’est  jamais  le 
chef  sus-glénoïdien  ou  coracoïdien,  mais  bien  le  chef  précoracoïdien,  d’où  i! 
résulte  que  le  chef  coracoïdien  est  d’une  constance  remarquable  chez  tous 
les  Vertébrés,  et  que  sa  présence  seule  suffit  à déterminer  la  nature  cora- 
coïdienne  de  l’os  qui  lui  sert  de  point  d’attache. 

Le  biceps  des  Mammifères  autres  que  les  Ornithodelphes  présente  quel- 
ques variations  et  quelques  particularités  dignes  d’être  signalées  et  expli- 
quées. Le  biceps  perd  son  caractère  de  muscle  simple  et  purement  coracoï- 
dien ; des  éléments  nouveaux  s’y  ajoutent  et  deviennent  même  prédomi- 
nants. Si  nous  prenons  le  biceps  humain  pour  point  de  départ,  nous 
pouvons  dire  que  les  trois  éléments  coracoïdien,  scapulaire  et  précoracoïdien 
du  biceps  de  l’Homme  se  reconnaissent  aisément  chez  la  plupart  des 
Mammifères , mais  qu’il  est  un  certain  nombre  de  ces  amimaux  où  l’un 
des  éléments  semble  faire  défaut,  et  que  chez  d’autres,  enfin,  cet  élément 
manque  réellement.  Cet  élément,  qui  est  le  plus  infidèle  ou  le  moins  con- 
stant, est  l'élément  précoracoïdien. 

Chez  les  Marsupiaux  qui  n’ont  pas  de  clavicule,  tels  que  le  Perameles  et  le 
Çhœropus,  le  biceps  brachial  serait,  d’après  Owen',  un  muscle  puissant, 
quoique  la  petite  tète  naissant  de  l’apophyse  coracoïde  (précoracoïde)  soit 
supprimée.  Le  long  chef  a les  origines  et  les  relations  ordinaires  avec  l’ar- 
ticulation du  coude  ; son  tendon  est  très-épais  et  court. 


1 Ôwen  ; Aiiat.  of.  Vertebrates,  tom.  III,  pag.  12. 


La  portion  charnue  se  bifurque  en  deux  muscles  penniformes  distincts; 
le  tendon  du  muscle  externe  s’urdt  à celui  du  brachial  antérieur  pour  aller 
s’insérer  ensemble  à la  face  antérieure  de  l’extrémité  proximale  du  cubitus  ; 
il  est  uniquement  fléchisseur  de  l’avant-bras  sur  le  bras.  Le  tendon  du 
muscle  interne,  qui  semble  la  prolongation  directe  quoique  partielle  du 
biceps,  est  inséré  sur  le  tubercule  ordinaire  du  radius.  Il  est  à la  fois  flé- 
chisseur et  pronateur. 

Ce  biceps  des  Didelphes  offre  donc  une  insertion  supérieure  à la  fois  cora- 
coïdienne  et  scapulaire,  au-dessus  de  la  cavité  glénoïde;  l’insertion  précora- 
coïdienne  ferait  défaut,  d’après  Owen.  L’insertion  inférieure  est  à la  fois 
cubitale  et  radiale,  comme  chez  les  Oiseaux,  et  présente  une  certaine  union 
avec  le  brachial  antérieur,  que  nous  avons  déjà  retrouvée  chez  les  Chamæ- 
léonides  et  les  Crocodiliens. 

Chez  les  autres  Marsupiaux  qui  sont  claviculés,  le  biceps  aurait,  d’après 
Owen,  sa  double  origine  habituelle,  c’est-à-dire  son  chef  scapulo-coraco'i- 
dien  et  son  chef  précoracoïdien . 

Nous  retrouvons  chez  les  Mammifères  monodelphes  des  dispositions  du 
biceps  qui  rappellent  les  précédentes. 

Chez  les  Carnivores,  et  notamment  le  Chien  et  le  Chat,  le  biceps  n’a  qu’une 
tête  supérieure,  qui  naît  du  bord  de  l’extrémité  supérieure  de  la  cavité  glé- 
noïde. Le  tendon  terminal  se  bifurque  et  s’insère  à la  fois  sur  le  cubitus  et 
sur  le  radius.  Le  tendon  cubital  est  môme  plus  fort  que  le  radial. 

Chez  les  Ruminants,  et  notamment  le  Veau,  le  Mouton,  le  biceps  est  éga- 
lement unicipital.  On  remarque  cependant  chez  le  Veau  une  ligne  longitu- 
dinale peu  profonde  qui  semble  diviser  le  ventre  musculaire  en  deux  por- 
tions. Chez  le  Dromadaire,  d’après  Chauveau  et  Arloing1,  cette  division  s’ac- 
centue, et  le  ventre  musculaire  est  décomposable  en  deux  corps  charnus 
distincts,  dont  l’un  s’insère  sur  le  radius,  et  l’autre  également  par  un  tendon 
bifurqué  sur  le  radius  et  sur  l’extenseur  antérieur  du  carpe  ou  radial  ex- 
terne. En  outre,  d’après  Owen,  le  biceps  du  Dromadaire  naîtrait  supé- 
rieurement par  deux  tendons  rapprochés  et  renfermant  un  sésamoïde  sclé- 
reux au  niveau  de  la  tête  de  l’humérus. 


Chauveau  et  Arloing  ; Traité  d’Anat.  comp.  des  Anim  domest.,  2me  édition;  Paris,  1870. 


\ 


« 


— 269  — 

Ces  deux  tendons  proviendraient  de  l’extrémité  supérieure  de  la  cavité 
glénoïde  et  de  la  base  de  l’apophyse  précoracoïdienne. 

Le  tendon  inférieur  du  biceps,  chez  les  Ruminants,  s’insère  fortement  sur 
la  face  antérieure  du  radius,  qui  occupe  le  bord  antérieur  de  l’avant-bras. 
Ce  tendon  fournit  une  langue  tendineuse  qui  glisse  sur  la  face  interne  du  ra- 
dius et  va  se  fixer  sur  la  face  interne  du  cubitus,  vers  la  base  de  l’olécrâne.  Le 
tendon  radial  est  beaucoup  plu-  fort  que  le  cubital,  ce  qui  est  en  rapport 
avec  la  prédominance  du  radius  dans  l’avant-bras  de  ces  animaux. 

Chez  le  Porc,  on  trouve  des  dispositions  semblables  à celles  des  Rumi- 
nants. 

Chez  les  Solipèdes,  le  biceps  naît  sur  la  base  de  l’apophyse  coracoïde  par 
un  tendon  unique  très-fort  qui  glisse  sur  la  coulisse  bicipitale  de  l’humérus 
sans  être  enfermé  dans  la  cavité  articulaire.  Son  insertion  inférieure  se  fait 
sur  la  tubérosité  interne  et  supérieure  du  radius  (tubérosité  bicipale), 
et  quelques  fibres  s’unissant  au  ligament  capsulaire  de  l’articulation  se 
portent  en  arrière  vers  le  cubitus,  qui  ne  possède  cependant  pas  de  tendon 
spécial.  Avec  l’importance  de  l’os  disparait  l’importance  de  l’insertion 
musculaire. 

Chez  les  Chéiroptères,  le  biceps  possède  ses  deux  chefs  supérieurs  dis- 
tincts, l’un  précoracoïdien,  l’autre  coraco-scapulaire.  Inférieurement,  il 
s’insère  uniquement  sur  l’extrémité  supérieure  du  radius,  ou  du  moins  dans 
une  excavation  formée  par  la  soudure  du  radius  et  du  cubitus. 

Chez  les  Lémuriens,  ou  tout  au  moins  chez  les  Indrisinés,  qui  en  sont  la 
famille  la  plus  élevée,  le  biceps  brachial  a deux  têtes  distinctes  dans  la  moitié 
supérieure  du  muscle:  l'une,  scapulo-coracoïdienne,  naît  du  bord  supérieur 
de  la  cavité  glénoïde  dans  l’interieur  de  l’articulation,  l’autre  naît  de  l’apo- 
physe précoracoide.  En  bas,  le  muscle  devient  aponévrotique,  se  tord  pour 
ainsi  dire  sur  lui-même  et  s’insère  à la  partie  inférieure  de  la  tubérosité 
bicipitale  du  radius,  sur  laquelle  il  glisse  à l’aide  d’une  synoviale1. 

Chez  les  Singes,  le  muscle  est  construit  sur  le  même  type,  avec  cette  diffé- 
rence qu’il  est  plus  allongé,  moins  charnu,  et  que  les  deux  chefs  se 
réunissent  plus  haut  que  dans  le  groupe  des  Indrisinés. 


1 A.  Milne  Edwards  et  A.  Grandidier,  loc.  cit. 


270 


Nous  voyons  donc  que  chez  les  Mammifères  autres  que  les  Monotrêmes. 
le  biceps  présente  deux  types  très-distincts  en  apparence,  l’un  n’ayant  qu’un 
chef  supérieur  ou  type  unicipital,  et  l’autre  ayant  deux  chefs  ou  type  bicipital. 
Peut-on  affirmer  que  dans  le  type  unicipital  le  chef  précoracoïdien  fasse  défaut, 
comme  le  pense  Owen  à propos  des  Marsupiaux  non  clavicules,  et  comme  le 
pensent  d’autres  anatomistes  ? Je  ne  le  crois  pas.  Il  est  possible  que  dans  les 
cas  cités  par  Owen,  c’est-à-dire  chez  le  Perameles  lagotis , il  en  soit  réelle- 
ment ainsi.  Je  n’ai  pas  d’observation  personnelle  à opposer  à cette  opinion. 
Mais  je  dois  faire  remarquer  que  certainement,  dans  un  très-grand  nombre 
de  cas  de  biceps  unicipital,  les  deux  chefs  musculaires  ont  été  rapprochés  et 
cpnfondus  par  suite  du  raccourcissement  et  de  l’atrophie  du  précoracoide, 
qui  parfois  ne  forme  qu’un  tubercule  peu  saillant  à l’extrémité  supérieure 
de  la  cavité  glénoïde.  On  peut  se  rendre  parfaitement  compte  de  ce  phéno- 
mène de  fusion  des  deux  chefs  chez  le  Cheval,  où  le  précoracoide  surmonte 
directement  le  bord  supérieur  delà  cavité  glénoïde,  et  donne  insertion  au 
tendon  du  biceps,  aussi  bien  que  ce  bord  lui-même,  qui  est  formé  par 
l’élément  coracoidien  réduit  à un  mince  point  d’ossification  et  par  l’élément 
scapulaire.  Ce  rapprochement  et  celte  fusion  des  deux  tètes  du  biceps  se 
saisissent  encore  plus  nettement  et  plus  clairement  chez  le  Tapir,  dont 
l’apophyse  précoracoide,  relevée  en  forme  de  crochet  tourné  en  arriére  et  en 
haut,  donne  naissance  au  chef  précoracoïdien,  à un  centimètre  au  moins  au- 
dessus  du  bord  de  la  cavité  glénoïdienne  et  de  l’origine  glénoïdienne  du 
tendon,  de  telle  sorte  que  ces  deux  tendons,  réunis  immédiatement  après 
leur  naissance,  passent  au-dessus  de  la  capsule  de  l’articulation  glénoïdienne 
sans  pénétrer  dans  l’intérieur  de  l’articulation.  Il  y a là  une  sorte  de  bifidité 
très-courte,  qui  passe  inaperçue  pour  un  observateur  non  prévenu,  et  qui 
témoigne  de  la  double  origine  de  ce  muscle,  en  apparence  unicipital. 

Chez  le  Lièvre  et  chez  le  Lapin,  dont  le  coracoïde  et  le  précoracoïde 
forment  deux,  saillies  bien  distinctes,  on  voit  nettement  le  tendon  unique 
d’origine  du  biceps  s’élargir  supérieurement  pour  s’attacher  à la  fois  sur  le 
coracoïde  et  sur  le  précoracoïde.  Les  deux  insertions  tendineuses  sont  con- 
fondues et  semblent  ne  représenter  qu’un  seul  chef,  tandis  qu’en  réalité 
elles  représentent  les  deux  chefs  réunis. 

Au  reste,  la  bifidité  plus  ou  moins  indiquée  du  tendon  supérieur  chez  le 


271 


Veau,  chez  le  Cheval,  et  surtout  chez  le  Dromadaire,  peuvent  témoigner  en 
faveur  de  cette  fusion  des  deux  chefs  supérieurs  du  biceps. 

11  est  en  outre  remarquable  que  les  Mammifères  qui  ont  une  longue  apo- 
physe précoracoïde,  comme  les  Marsupiaux  claviculés,  les  Chéiroptères,  les 
Lémuriens,  les  Singes  et  l’Homme,  aient  un  biceps  à deux  têtes  supérieures 
bien  distinctes  ; et  c’est  là  une  observation  qui  permet  de  comprendre  en 
quoi  la  différence  des  biceps  unicipitaux  et  bicipitaux  des  Mammifères  est 
plus  apparente  que  réelle. 

Néanmoins  il  est  possible  qu’il  y ait  des  biceps  chez  lesquels  un  des 
chefs  fasse  défaut,  et  il  est  alors  à noter  que  c’est  toujours  le  chef  précora- 
coïdien  qui  semble  manquer. 

Nous  avons  attribué  chez  l’Homme  au  ligament  sus-coracoïdien  une  signi- 
fication spéciale,  puisque  nous  l’avons  considéré  comme  le  tendon  direct 
du  biceps  (homologue  du  tendon  direct  du  droit  antérieur  fémoral),  tendon 
interrompu  par  son  adhérence  sur  la  saillie  externe  du  col  du  scapulum. 
Cette  signification  trouve  sa  confirmation  dans  l’étude  des  autres  Mammi- 
fères. Chez  ceux  qui,  comme  le  Tapir,  ont  un  mésoscapulum  (homologue  du 
mésoiléon  ou  épine  iliaque  antérieure  et  inférieure)  bien  développé,  on  voit 
une  disposition  semblable  à celle  de  l’Homme,  et  l’on  peut  saisir  la  continuité 
des  fibres  superficielles  du  ligament  suscoracoïdien  avec  le  tendon  d’origine 
du  biceps.  Seulement  ici  le  tendon  a été  interrompu  par  la  rencontre  du 
précoracoïde  très-saillant  et  du  bord  externe  tuberculeux  de  la  cavité  glénoïde. 

Chez  les  Mammifères  dont  le  mésoscapulum  ne  s’est  pas  développé,  tels 
que  le  Cheval,  le  Lapin,  les  Ruminants,  le  bord  antérieur  ou  cervical  de 
l’omoplate  présente,  non  une  échancrure  sus-coracoïdienne,  mais  une  conca- 
vité générale  peu  prononcée  dont  le  sinus  est  occupé  par  une  bande 
fibreuse  qui  s’étend  de  l’angle  cervical  du  scapulum  à la  saillie  du  coracoïde 
et  du  précoracoïde.  Cette  bande  fibreuse,  dont  les  fibres  forment  comme 
les  cordes  de  l’arc  dessiné  par  le  bord  antérieur  du  scapulum,  ne  laisse 
qu’un  faible  orifice  pour  le  passage  d’une  artère  et  d’une  veine  susscapu- 
laire  ; le  nerf  passe  au-dessus  Cette  bande  va  adhérer  sur  la  face  externe 

1 II  est  à remarquer  que  le  contraire  a lieu  chez  l’Homme  pour  l'échancrure  suscoracoi- 
dienne.  Le  nerf  la  traverse,  tandis  que  l’artère  et  la  veine  passent  au-dessus  du  ligament 
coracoïdieu. 


55 


— 272 


baillante  du  coracoïde  et  sur  le  bord  de  la  cavité  glénoïde,  au  voisinage 
du  lieu  de  naissance  du  tendon  du  biceps.  Dans  ce  cas,  le  tendon  inter- 
rompu du  biceps  semble  naître  de  tout  le  bord  cervical  ou  antérieur  de 
l’omoplate.  Nous  verrons  combien  cette  disposition  se  rapproche  de  celle 
du  muscle  droit  antérieure  ural  chez  beaucoup  de  Mammifères. 

Après  cette  revue  déjà  longue  des  dispositions  du  muscle  biceps,  il  con- 
vient de  résumer  les  caractères  généraux  de  ce  muscle  et  de  déterminer 
quelle  est  sa  valeur  exacte. 

Nous  avons  vu  : 

lu  Que  chez  les  Batraciens,  les  Reptiles,  les  Oiseaux  et  les  Ornilhodelphes, 
le  biceps  était  un  muscle  essentiellement  et  uniquement  coracoïdien  ; 

2°  Que  chez  les  Mammifères  didelphes  et  monodelphes,  ce  muscle  avait 
à la  fois  des  origines  : a,  scapulaires,  b , coraco'idiennes,  et  c,  précoracoï- 
diennes  ; 

5°  Que  les  origines  scapulaires  et  coracoïdiennes  étaient  constantes,  et 
que  les  précoraco'idiennes  pourraient  bien  faire  parfois  défaut  ; 

4°  Que  chez  beaucoup  de  Mammifères  le  biceps  possédait  un  tendon 
réfléchi  scapulaire  s’insérant  sur  le  rebord  glénoïdien,  et  un  tendon 
direct  scapulaire  s’attachant  sur  le  mésoscapulum  (épine  iliaque  anté- 
rieure et  inférieure;  et  s’étendant  d’une  manière  plus  ou  moins  évidente 
jusqu’à  l’angle  cervical  de  l’omoplate  (épine  iliaque  antérieure  et  supé- 
rieure) ; 

5°  Que  chez  certains  Reptiles  le  muscle  biceps  coracoïdien  présentait  une 
tendance  à la  bifidité  supérieure  ; 

G"  Que  chez  certains  Mammifères  dont  le  biceps  semblait  unicipital,  il  y 
avait  également  tendance  à une  division  supérieure  ; 

7°  Que  les  insertions  inférieures  du  biceps  étant  généralement  et  pri- 
mitivement à la  fois  radiales  et  cubitales,  les  relations  d’importance  de  ces 
deux  insertions  dépendent  de  l’importance  relative  et  du  rôle  des  deux  os  de 
l’avant-bras  ; 

8°  Que  le  tendon  bicipital  ne  devient  uniquement  radial  que  chez  les 
Mammifères  qui,  comme  l’Homme  et  le  Singe,  ont  des  mouvements  de  pro- 
nation et  de  supination. 


275 


La  comparaison  des  origines  du  biceps  chez  les  Amphibiens,  les  Sau- 
ropsidés  d’Huxley  (Reptiles  et  Oiseaux)  et  les  Monotrêmes  d’une  part,  et 
chez  les  Mammifères  ordinaires  d’autre  part,  montre  suffisamment  que  ces 
deux  muscles  ne  sont  pas  rigoureusement  équivalents.  Voyons  quelle  est  la 
valeur  de  ces  muscles  dans  les  deux  cas. 

Long  biceps  brachial  des  mammifères.  — Demi-tendineux.  — Demi- 
membraneux.  — Droit  antérieur  de  la  cuisse.  — Le  muscle  biceps  des 
Mammifères  se  compose,  avons-nous  vu,  de  trois  éléments  : a , l’élément 
coracoïdien  ; b , l’élément  scapulaire  ; c,  l’élément  précoracoïdien. 

a.  L’élément  coracoïdien , qui  est  ordinairement  plus  important  que  les 
autres,  et  qui  chez  certains  Mammifères,  tels  que  le  Cheval,  le  Lapin,  etc., 
est  de  beaucoup  le  plus  important,  est  l’homologue  du  biceps  des  Amphi- 
biens, des  Sauropsidés  et  des  Monotrêmes.  Si  l’on  cherche  à la  ceinture 
pelvienne  l’homotype  de  cet  élément,  on  le  trouve  dans  les  muscles  demi- 
tendineux  et  demi-membraneux.  Ces  deux  muscles,  qui  sont  généralement 
distincts,  sont  tellement  riches  en  connexions  communes  et  si  étroitement 
associés  l’un  à l’autre,  qu’on  peut  les  considérer  comme  le  dédoublement 
d’un  seul  et  même  muscle.  Celte  tendance  au  dédoublement  peut  du  reste 
se  manifester  encore  d’une  manière  plus  complète,  puisque  le  muscle 
demi-membraneux  lui-même  se  décompose  parfois  chez  l’Homme  en  deux 
muscles. 

Cette  disposition  à se  décomposer  en  deux  faisceaux  parallèles  trouve 
parfois  sa  répétition  dans  le  biceps  coracoïdien  des  Amphibiens,  des  Rep- 
tiles, des  Oiseaux  et  des  Monotrêmes.  Nous  avons  signalé  en  effet  les 
Sauriens  kionocrâniens,  les  Chamæléonides,  les  Oiseaux  et  les  Monotrêmes, 
où  le  biceps  coracoïdien  avait  des  traces  plus  ou  moins  profondes  de  dé- 
doublement. On  peut  pousser  encore  plus  loin  les  rapprochements  en  fai- 
sant remarquer  que,  tandis  que  le  demi-membraneux  est  un  muscle  de 
l’ischion,  le  demi-tendineux  est  un  muscle  de  l’èpiischion;  de  même  que 
chez  les  Sauriens  et  les  Monotrêmes,  le  biceps  possède  un  faisceau  du 
coracoïde  et  un  faisceau  de  l’épicoracoïde. 

Pour  ce  qui  concerne  les  insertions  inférieures  des  muscles,  nous  savons 
que  pour  le  biceps  coracoïdien  des  Amphibiens,  des  Sauropsidés  et  des 


— 274  — 

Monotrômes,  elles  sont  à la  fois  radiales  et  cubitales.  Or,  chez  les  Amphibiens 
anoures  et  chez  les  Grenouilles  en  particulier,  le  muscle  qu’on  peut  consi- 
dérer comme  un  demi-membraneux  s’insère  à la  fois  sur  la  tubérosité  interne 
du  tibia  et  sur  la  partie  postérieure  de  la  tête  pèronéale.  11  en  est  de  même 
chez  les  Chéloniens,  chez  les  Lacertiliens  kionocrâniens,  les  Chamæléonides 
et  les  Crocodiliens. 

Chez  la  plupart  des  Mammifères  et  même  chez  l’Homme,  les  insertions 
des  demi-tendineux  et  demi-membraneux  réunis  représentent  sur  les  faces 
interne  et  postérieure  du  genou  un  épanouissement  tendineux  bien  com- 
parable à celui  du  muscle  biceps  sur  la  face  de  flexion  du  coude.  Le  tendon 
du  demi-membraneux  s’épate  en  trois  branches  au  moins,  dont  l’interne  et 
la  moyenne  sont  destinées  au  tibia  et  dont  l’externe,  parcourant  horizonta- 
lement la  surface  des  ligaments  articulaires  postérieurs,  avec  lesquels  elle  se 
confond,  va  se  jeter  en  partie  sur  la  tête  du  péroné.  Seulement  ici,  l’im- 
portance du  péroné  étant  relativement  très-faible  par  rapport  au  tibia,  les 
insertions  péronières  perdent  de  leur  importance  au  même  litre  que  les  in- 
sertions cubitales  du  biceps  à mesure  que  le  cubitus  se  subordonne  au  radius. 

Ainsi  donc,  la  portion  coracoidienne  du  biceps  huméral  peut  être  considérée 
comme  l’homotype  des  demi-membraneux  et  demi-tendineux  fémoraux. 

b.  L’élément  scapulaire  est  complexe.  J’ai  assez  insisté  sur  les  rapproche- 
ments à faire  entre  cet  élément  et  le  droit  antérieur  fémoral  ; il  faut  seu- 
lement ajouter  que  chez  certains  Mammifères  où  le  tibia  n’a  pas  acquis 
par  rapport  au  péroné  une  importance  exagérée,  le  tendon  rotulien  du 
droit  antérieur  fémoral  fournit  au  dehors  une  languette  aponévrotique  qui 
s’attache  en  partie  sur  la  saillie  antérieure  de  la  tête  du  péroné,  et  qui 
se  jette  en 'partie  sur  l’aponévrose  de  la  région  péronière.  Cette  dispo- 
sition remarquable,  que  l’on  peut  observer  très-nettement  chez  le  Lapin, 
rappelle  le  tendon  radio-cubital  du  biceps  et  son  expansion  aponévrotique 
à la  région  cubitale.  Cette  disposition  rappelle  également,  quoique  avec 
quelques  modifications,  les  insertions  aponévrotiques  péronières  du  muscle 
droit  antérieur  fémoral  des  Crocodiliens  et  des  Oiseaux,  dont  l’étude  a 
été  déjà  faite,  et  sur  lequel  je  reviendrai  dans  un  chapitre  ultérieur  ; et 
ce  rapprochement  peut  servir  à fixer  la  signification  de  ce  muscle  des 
Crocodiles  et  des  Oiseaux,  qui  est  jusqu’à  présent  très-disculée. 


. 


— 275  — 


Mais  l’élément  scapulaire  ne  représente  pas  seulement  le  droit  antérieur, 
il  correspond  également  au  muscle  couturier.  Pour  établir  cette  opinion,  j’ai 
besoin  de  faire  remarquer  que  chez  l’Homme  et  chez  tous  les  Mammifères 
où  le  droit  antérieur  possède  un  tendon  direct  inséré  sur  une  épine  iliaque 
antérieure  et  inférieure  ou  mésoiléon,  le  tendon  direct  est  continué  par  une 
bande  aponévrotiquequise  porte  sur  l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure, 
et  réunit  ainsi  l’insertion  iliaque  du  droit  antérieur  et  celle  du  couturier, 
de  telle  sorte  que  ces  deux  muscles  semblent  avoir  ainsi  une  insertion 
commune  qui  s’étend  d’une  épine  iliaque  à l’autre.  Cette  disposition  est 
extrêmement  évidente  chez  les  Lémuriens  de  la  famille  des  Indrisinés1 . 
Chez  ces  Animaux,  les  deux  épines  iliaques  antérieures,  très-saillantes,  sont 
séparées  par  une  échancrure  profonde  qui  est  fermée  en  avant  par  une  bande 
fibreuse  qui  semble  un  prolongement  du  tendon  du  droit  antérieur  jusqu’à 
l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure.  L’insertion  du  couturier  se  fait  sur 
l’épine  iliaque  antérieure  et  supérieure  et  sur  presque  toute  l’étendue  de  la 
bande  fibreuse;  il  vient  ainsi  se  mettre  en  contact  et  pour  ainsi  dire  se  con- 
tinuer avec  le  tendon  du  droit  antérieur,  qui  occupe  l’épine  iliaque  inférieure 
et  la  portion  inférieure  delà  bande.  11  résulte  de  là  que  les  deux  tendons 
musculaires  aplatis  forment  deux  rubans  naissant  d’une  même  bande  fi- 
breuse. Si  l’on  considère  que  le  droit  antérieur,  aussi  bien  que  le  couturier, 
vient  aboutir  à la  tubérosité  antérieure  du  tibia  et  contracter  des  rela- 
tions avec  l’aponévrose  jambière,  on  sera  naturellement  porté  à considérer 
ces  deux  muscles  comme  un  dédoublement  de  la  même  masse  musculaire. 
Au  reste,  ces  deux  muscles  sont  en  connexion  intime  l’un  avec  l’autre  dans 
presque  toute  leur  étendue,  et  chez  les  Carnivores  et  les  Rongeurs  ils 
forment  une  masse  compacte  qui  constitue  le  tranchant  antérieur  de  la 
cuisse  et  qui  se  termine  sur  la  rotule , pour  l’un  comme  pour  l’autre 
muscle. 

Chez  le  Chien  notamment,  le  couturier  naît  non-seulement  de  l’épine 
iliaque  antérieure  et  supérieure,  mais  du  bord  antérieur  de  l’iléon  jusqu’au 
voisinage  du  droit  antérieur,  auquel  il  est  relié  par  une  partie  fibreuse.  En 


1 A.  Milne  Edwards  et  A.  Grandidier  ; Hist.phys.  nat.,  et  polit,  de  Madagascar. — Ilist. 
nat.  des  Mammifères. 


— 276  — 


bas,  il  s 'insère  par  une  partie  de  son  tendon  à la  rotule,  et  par  l’autre  partie 
aux  tubérosités  interne  et  antérieure  du  tibia. 

Si  nous  rapprochons  maintenant  les  dispositions  des  tendons  supérieurs 
des  muscles  coulurier  et  droit  antérieur,  de  la  lame  aponévrotique,  que  j’ai 
démontrée  occuper  le  bord  cervical  de  l’omoplate  chez  les  Mammifères,  nous 
trouvons  des  ressemblances  considérables  sur  lesquelles  je  n’ai  pas  be- 
soin d’insister.  Ces  bandes  fibreuses  occupent  les  bords  homologues  des  deux 
os  et  s’attachent  aux  mêmes  saillies.  Elles  servent  l’une  et  l’autre  de  point 
d’attache  à des  muscles  homologues  (coulurier  et  droit  antérieur  d’une  part, 
biceps  scapulaire  d’autre  part). 

Nous  voyons  que  chez  les  Mammifères,  par  l’intermédaire  de  son  tendon 
scapulaire  interrompu,  le  biceps  représente  un  élément  qui  fait  défaut  dans 
le  biceps  reptilien  et  ornithique,  et  même  ornilhodelphique. 

Les  considérations  qui  précèdent  nous  montrent  donc  que,  au  membre 
antérieur  chez  les  Amphibiens,  les  Reptiles,  les  Oiseaux  et  les  Monotrô 
mes,  les  muscles  couturier  et  droit  antérieur  ne  sont  pas  représentés.  C’est  là 
un  fait  qui  n’a  pas  lieu  de  nous  étonner,  car  ces  deux  muscles  cruraux  sont 
eux-mêmes  d’une  existence  assez  inconstante  dans  ces  divers  groupes.  Nous 
avons  vu  en  effet  à quel  état  rudimentaire  était  réduit  le  droit  antérieur  fé- 
moral, soit  chez  les  Oiseaux,  soit  chez  les  Crocodiliens.  Nous  savons  également 
que  chez  les  Sauriens,  les  Chéloniens  et  les  Crocodiliens,  le  couturier  n’est  pour 
ainsi  dire  pas  représenté  ; et  l’on  ne  saurait  trouver  étonnante  la  disparition 
au  membre  antérieur  de  muscles  qui  sont  déjà  rudimentaires  et  même  in- 
constants au  membre  postérieur,  dont  cependant  la  musculature  est  très- 
généralement  plus  complète  et  plus  puissante. 

c.  L'élément  précoracoïdien  est  constitué  par  la  courte  portion  du  biceps. 
J’ai  déjà  établi  dans  une  autre  portion  de  ce  travail  (pag.  25ô  ) que  ce 
chef  précoraco-radial  avait  pour  homotype  le  grêle  interne  ou  droit  interne 
fémoral,  qui  est  pubio-tibial.  Le  chef  précoracoïdien  est  un  chef  de  perfec- 
tionnement qui  n’apparaît  d’une  manière  bien  nette  que  chez  les  Mammi- 
fères. 11  fait  défaut  chez  tous  les  autres  Vertébrés,  et  son  homotype  crural 
est  du  reste  aussi  un  muscle  assez  inconstant. 


Le  muscle  biceps  des  Mammifères  est  donc  un  muscle  synthétique  formé 


277  — 


par  la  fusion  au  membre  antérieur  d’éléments  restés  distincts  au  membre 
postérieur.  C’est  là  un  genre  de  disposition  que  nous  avions  déjà  remarqué 
en  comparant  les  adducteurs  fémoraux  à l’adducteur  huméral.  Le  membre 
postérieur  est  celui  (les  Cétacés,  les  Oiseaux,  et  quelques  Mammifères  ex- 
ceptés, etc.)  où  siège  particulièrement  la  force  de  progression;  aussi  le  sys- 
tème musculaire  y est-il  multiplié  et  renforcé  ; il  est  au  contraire  plus 
simple  et  plus  synthétique  dans  le  membre  antérieur  et  plus  spécialement 
dans  le  premier  segment  du  membre,  qui  ne  saurait  jouer  qu’un  faible  rôle 
dans  la  préhension  et  le  toucher,  qui  tendent  à devenir  de  plus  en  plus  les 
fonctions  dominantes  de  ce  membre. 

Quant  à la  fusion,  à la  coalescence  des  quatre  muscles  dont  l’ensemble 
constitue  le  biceps,  son  mécanisme  s’explique  facilement.  Le  couturier  et  le 
droit  antérieur,  qui  forment  le  tranchant  antérieur  de  la  cuisse,  sont  séparés 
et  éloignés  des  demi-tendineux  et  demi-membraneux,  qui  en  forment  le  tran 
chant  postérieur,  parce  que  l’extrémité  de  l’ischion  ou  tubérosité  qui  est 
leur  point  d’origine  est  séparée  par  un  intervalle  considérable  des  insertions 
iliaques  des  deux  autres  muscles.  Mais  si  l’ischion  se  réduisait  à un  petit 
tubercule  osseux  placé  à la  partie  supérieure  de  la  cavité  cotyloïde,  au  voisi- 
nage des  insertions  du  droit  antérieur,  les  insertions  des  muscles  demi- 
tendineux  et  demi-membraneux  sur  l’ischion  viendraient  forcément  s’ap- 
poser aux  insertions  des  muscles  droit  antérieur  et  couturier,  et  la  fusion 
serait  rendue  facile.  Or  c’est  précisément  ce  qui  se  passe  à l’épaule,  où  le 
coracoïde  rudimentaire  ne  constitue  qu’un  point  osseux  au  sommet  de  la 
cavité  glénoide  et  à côté  des  insertions  scapulaires  du  biceps. 

Long  biceps  crural.  — Long  triceps  brachial.  — Si  le  biceps  brachial 
n’a  point  pour  homotype  le  biceps  crural,  il  me  reste  à chercher  quel  est 
au  membre  antérieur  le  représentant  de  ce  dernier  muscle,  et  c’est  ce  que 
je  vais  maintenant  examiner. 

Le  biceps  crural  se  compose,  chez  l’Homme,  de  deux  têtes  : l’une  fémorale 
courte  et  l’autre  isebiatique  ou  longue.  Il  ne  sera  question  pour  le  moment 
que  de  la  tête  isebiatique  ou  longue  portion. 

Le  biceps  crural  est  un  muscle  très-remarquable  par  sa  constance  et  par 
la  fixité  de  ses  insertions.  On  en  retrouve  presque  toujours  les  éléments. 


278 


soit  distincts,  soit  pins  on  moins  confondus  avec  d’autres  muscles,  et  notam- 
ment avec  le  grand  fessier,  qui  le  recouvre  et  le  masque  parfois,  mais  en  per- 
mettant toujours  de  le  retrouver. 

Pour  ne  pas  me  perdre  dans  des  détails  inutiles,  je  puis  résumer  de 
la  façon  suivante  la  disposition  du  biceps  dans  les  divers  groupes  de  Ver- 
tébrés : 

Chez  les  Ampbibiens  urodèles,  le  biceps  s’insère  sur  la  portion  postérieure 
de  l'iléon  d’une  part,  et  sur  la  tête  du  péroné  d’autre  part. 

Chez  les  Ampbibiens  anoures,  il  s’insère  également  sur  la  tubérosité 
postérieure  de  l’iléon  d’une  part,  et  sur  la  tubérosité  de  l’os  de  la  jambe,  qui 
représente  la  tète  du  péroné. 

Chez  les  Chéloniens,  il  s’insère  également  sur  l’extrémité  postérieure  de 
l’iléon  d’une  part,  et  sur  la  portion  moyenne  de  la  face  externe  du  péroné 
d’autre  part. 

Parmi  les  Sauriens,  chez  les  Lacertiliens  kionocrâniens,  le  biceps,  aplati 
dans  sa  partie  supérieure  et  formant  un  muscle  triangulaire  isocèle  à base 
supérieure,  s’insère  par  cette  base  sur  une  ligne  horizontale  placée  immédiate- 
ment au-dessous  de  la  crête  iliaque  externe  de  l’iléon,  en  arrière  de  l’acétabu- 
lum.  Chez  le  Lézard  ocellé,  son  tendon  inférieur  élargi  et  rubané  s’enroule 
d’arrière  en  avant  et  de  dehors  en  dedans  autour  de  la  tête  et  du  col  du 
péroné,  sur  lequel  il  s’insère.  Il  passe  en  dedans  et  au-dessous  du  jumeau 
externe. 

Chez  les  Chamæiéonides,  le  biceps  s’étend  également  de  l’iléon  au  tiers 
supérieur  de  la  face  externe  du  péroné. 

Chez  les  Crocodiliens,  dont  le  biceps  sera  étudié  plus  loin  avec  détail,  ce 
muscle  forme  un  triangle  isocèle  dont  la  base  s’insère  sur  le  bord  supérieur 
de  l’iléon  en  arrière  de  l’acétabulum,  et  qui  se  termine  inférieurement  par 
un  tendon  qui  fournit  trois  languettes  : l’une  destinée  au  col  du  péroné, 
l’autre  servant  d’insertion  aux  fibres  du  long  péronier  latéral,  l’autre  se 
jetant  sur  l’aponévrose  jambière  postérieure. 

Chez  les  Oiseaux,  le  biceps  forme  comme  chez  les  Crocodiliens  un  triangle 
isocèle  dont  la  base  s’insère  au-dessous  de  la  crête  supérieure  de  l’iléon 
postérieur,  et  parfois  en  avant  jusqu’à  la  portion  commune  des  deux  iléons  ; 
inférieurement,  ce  muscle  se  termine  par  un  tendon  étroit  qui  se  réfléchit  sur 


if 


» 


— 279  - 

une  anse  fibreuse  dépendant  de  la  double  origine  du  jumeau  externe,  et 
va  s’insérer  sur  un  tubercule  spécial  de  la  face  externe  et  du  bord  postérieur 
du  péroné,  un  peu  au-dessous  du  genou. 

Les  conclusions  générales  à tirer  de  l’étude  du  biceps  crural  chez  les 
Amphibiens,  chez  les  Reptiles  et  chez  les  Oiseaux,  c’est  que  : 

1°  Ce  muscle  naît  constamment  de  l’iléon  et  précisément  de  la  portion  de 
l’iléon  qui  est  en  arrière  de  l’acétabulum,  c’est-à-dire  de  ce  que  j’ai  appelé 
l’iléon  postérieur  ; 

2°  Qu’il  s’insère  toujours  inférieurement  sur  le  péroné,  mais  à des 
hauteurs  variables  depuis  la  tête  jusqu’au  tiers  moyen  de  cet  os; 

5°  Qu’il  fournit  parfois  des  expansions  aponévrotiques  aux  régions  péro- 
nière et  jambière  ; 

4°  Qu’il  est  constamment  placé  immédiatement  au-dessous  de  la  portion 
iliaque  du  muscle  grand  fessier,  c’est-à-dire  de  la  portion  de  ce  muscle  qui, 
naissant  de  l’épiiléon,  se  rend,  soit  au  fémur,  soit  à l’aponévrose  fémorale  et 
jambière,  soit  même  à la  rotule  et  au  tibia. 

Chez  les  Mammifères,  ce  muscle  semble  différer  très-notablement  du  biceps 
des  Amphibiens,  des  Reptiles  et  des  Oiseaux,  par  son  origine  supérieure.  En 
effet,  soit  chez  les  Ornithodelphes,  soit  chez  tous  les  autres  Mammifères,  le 
biceps  crural,  au  lieu  d’être  un  muscle  de  l’iléon,  semble  naître  de  la  tubéro- 
sité de  l’ischion.  Il  est  très-généralement  regardé  par  les  anatomistes  comme 
un  muscle  ischiatique,  et  par  suite  comme  un  exemple  des  plus  concluants 
de  transposition  d’attache,  de  changement  d’insertion  des  muscles.  « Ce  fait, 
dit  M.  Alix,  nous  oblige  à admettre  que  des  muscles  homologues  peuvent 
subir  des  transpositions  d’attache*  ». 

Eh  bien  ! il  n’en  est  rien,  et,  malgré  l’opinion  généralement  admise,  les 
muscles  ne  transposent  pas  leurs  attaches,  et  le  biceps  crural  pas  plus  que 
les  autres.  La  loi  de  la  fixité  des  attaches  trouve  au  contraire  dans  ce  muscle 
une  remarquable  démonstration,  et  il  n’est  que  juste  de  répéter  à propos 
de  lui  le  proverbe  bien  connu  et  d’une  application  si  fréquente  dans  la 
science  : l’exception  confirme  la  règle. 

Les  insertions  inférieures  du  biceps  des  Mammifères  présentent  aussi  des 


1 Alix  -,  loc.  cit.,  pag.  441 . 


56 


— 2S0  — 


modifications  dignes  d’être  notées.  Tandis  que  chez  les  Reptiles  et  chez  les 
Oiseaux,  le  biceps  crural  est  un  muscle  exclusivement  péronier  (Amphibiens, 
Chéloniens,  Sauriens,  Oiseaux)  ou  à la  fois  destiné  au  péroné  et  ii  l’aponé- 
vrose de  la  région  péronière  (Crocodiliens),  chez  les  Mammifères  le  biceps 
devient  à la  fois  péronier  et  tibial,  une  portion  de  son  tendon  inférieur  se 
portant  vers  la  tubérosité  et  la  crête  du  tibia,  sur  l’aponévrose  jambière  tibiale 
et  parfois  même  vers  la  rotule.  Chez  les  Ornithodelphes,  celte  portion  tibiale 
du  biceps  est  très-remarquable  et  très-étendue.  Elle  atteint  la  rotule,  la 
tubérosité  antérieure  et  le  bord  antérieur  du  tibia,  ainsi  que  l’aponévrose 
jambière. 

Nous  avons  vu  à propos  des  Amphibiens,  des  Reptiles  et  des  Oiseaux,  que 
le  biceps  fémoral,  placé  à la  partie  postérieure  et  à la  face  profonde  du  grand 
fessier,  avait  avec  ce  dernier  muscle  des  relations  extrêmement  étroites.  Ces 
relations  sont  conservées  et  même  plus  accentuées  chez  un  grand  nombre 
de  Mammifères.  Chez  beaucoup  d’entre  eux  en  effet,  Solipèdes,  Ruminants, 
Camélidés,  Suidés,  Carnassiers,  le  biceps  est  constitué  par  un  faisceau  pos- 
térieur du  long  vaste  de  Bourgelat,  faisceau  postérieur  plus  ou  moins 
confondu  avec  le  faisceau  antérieur  qui  représente  la  portion  du  grand  fessier 
qui  a pour  origine  la  région  sacrée  et  le  ligament  sacro-sciatique.  Chez  les 
Singes  et  chez  l’Homme,  le  biceps  s’est  individualisé  et  s’est  nettement 
séparé  du  grand  fessier,  avec  lequel  il  a cependant  conservé  dans  sa  partie 
supérieuredes  connexions  de  contiguïté  très-constantes.  Mais,  contrairement 
à ce  que  nous  avons  vu  chez  les  Amphibiens,  les  Reptiles  et  les  Oiseaux, 
les  insertions  inférieures  du  biceps  proprement  dit  sont,  chez  les  Mammi- 
fères, non-seulement  péronières,  mais  aussi  tibiales.  Elles  sont  même  exclu- 
sivement tibiales  chez  les  animaux  qui,  comme  les  Solipèdes,  les  Ruminants, 
ont  un  péroné  très-incomplètement  développé'. 


1 Chez  les  Chéiroptères,  dont  le  péroné  n’est  développé  que  dans  sa  portion  inférieure,  le 
biceps  paraît  manquer.  C’était  l’opinion  de  Meckel  et  de  Cuvier.  M.  Blauchard  désigne  sous  le 
nom  de  biceps  un  muscle  qui  se  rend  de  l'ischion  à la  tubérosité  interne  du  tibia.  Ce  muscle 
est  plutôt  un  demi-membraneux  accompagné  d’un  demi-tendineux.  M.  Maisonneuve  [loc.  cit., 
pag.  275)  pense,  avec  Meckel  et  Cuvier,  que  le  biceps  n'existe  pas  chez  les  Chéiroptères;  il 
repousse  cette  détermination  pour  les  deux  muscles  ci-dessus  désignés.  Malheureusement,  les 
raisons  qu’il  en  donne  ne  sont  pas  les  bonnes.  « Ce  serait,  dit-il,  un  biceps  réduit  à une  seule 


281 


L’insertion  inférieure  du  biceps  serait  aussi  exclusivement  tibiale  chez 
certains  Lémuriens,  d’après  MM.  A.  Milne  Edwards  et  Grandidier'.C’eslainsi 
que  chez  YIndris  brevicaudus , le  biceps  s’insérerait  inférieurement  par  une 
large  aponévrose  sur  une  crête  située  en  avant  du  bourrelet  de  la  tubéro- 
sité externe  du  tibia  et  disposée  presque  srjmétriquement  par  rapport  au 
tubercule  d’insertion  du  demi-membranéux.  La  partie  inférieure  de  cette 
aponévrose  irait  se  jeter  sur  l’aponévrose  jambière  et  sur  la  lèvre  externe 
de  la  crête  antérieure  du  tibia. 

J’avoue  que  cette  absence  d’insertion  péronière  du  biceps,  chez  un  animal 
où  le  péroné  est  relativement  développé,  a quelque  lieu  d’étonner,  et  l’on 
pourrait  penser  que  l’insertion  péronière,  très-peu  importante,  aura  pu 
échapper  à l’observation  des  auteurs  de  la  belle  monographie  des 
Mammifères  de  Madagascar.  Cette  insertion  peut  d’autant  plus  être  passée 
inaperçue  que  chez  1 ’Indris  brevicaudus  le  plateau  supérieur  du  tibia  est 
très-élargi  et  forme  en  dehors  une  voûte  très-étendue  sous  laquelle  est  entiè- 
rement cachée  la  tête  du  péroné.  Quoiqu’il  en  soit,  il  n’en  est  pas  moins 
vrai  que  chez  bien  des  Mammifères  les  insertions  tibiales  du  biceps  l’em- 
portent plus  ou  moins  sur  les  insertions  péronières;  et  même  chez  l’Homme, 
où  l’on  est  un  peu  trop  habitué  à considérer  le  biceps  comme  un  muscle 
exclusivement  péronier,  le  tendon  aplati  du  biceps  se  divise  en  trois  faisceaux, 
dont  l’antérieur  récurrent  se  jette  sur  la  tubérosité  externe  du  tibia,  où  il  se 
confond  avec  le  fascia  lata,  dont  le  moyen  se  porte  sur  l’aponévrose  jambière 
antérieure,  où,  adhérant  au  fascia  lata,  elle  va  s’insérer  sur  la  lèvre  externe  de 
la  crête  tibiale  et  dont  le  troisième  postérieur  s’insère  sur  la  tête  du  péroné  et 
particulièrement  sur  la  saillie  postérieure  de  cette  tête  qui  en  représente 


tête.»  Mais  il  n’y  a rien  détonnant  à cela,  car  le  fait  se  reproduit  ehez  les  Lémuriens,  dont  le 
muscle  biceps  a une  signification  qui  ne  prête  à aucun  doute.  «La  tête  du  péroné,  ajoute-t-il, 
faisant  défaut,  ce  muscle  ne  peut  avoir  son  insertion  normale.  » Mais  c’est  là  le  cas  des  Rumi- 
nants, Solipèdes,  etc. 

La  vraie  raison  à donner  est  que  ces  muscles  ischio-tibiaux  des  Chéiroptères  se  rendent  tous 
sur  la  tubérosité  interne  de  l’extrémité  supérieure  du  tibia;  or  cela  n'a  jamais  lieu  pour  le 
biceps,  et  cela  a toujours  lieu  pour  les  demi-membraneux  et  tendineux.  Les  Chéiroptères 
paraissent  donc  manquer  de  biceps  crural,  ce  qui  est  peu  étonnant,  vu  la  réduction  du  membre 
postérieur  chez  ces  animaux. 

1 Milne-Edwards  et  Grandidier,  loc.  cit. 


— 282  — 


l’olécrâne.  Les  deux  parties  antérieure  et  moyenne  reproduisent  rigoureuse- 
ment les  insertions  tibiales  du  biceps  fémoral  de  1 ’Indris  brevicaudus. 

11  résulte  de  l’étude  précédente  que  le  biceps  des  Mammifères  n’est  pas 
le  représentant  strict  du  biceps  des  Reptiles  et  des  Oiseaux,  qui  est  exclu- 
sivement péronier,  mais  qu’il  représente  aussi  une  portion  iléo-tibiale  du 
grand  fessier,  qui  s’est  séparée  plus  ou  moins  complètement  de  ce  dernier 
muscle  pour  s’unir  au  biceps. 

Nous  trouverons  chez  les  Crocodiliens  un  fait  intéressant  qui  sera  analysé 
plus  loin,  mais  que  je  me  borne  à signaler  ici.  Chez  ces  Animaux,  l’enve- 
loppe extérieure  musculaire  de  la  cuisse  se  compose,  d’arrière  en  avant  : 
1°  d’un  tenseur  du  fascialata  rudimentaire;  2°  d’un  grand  fessier  iléo- tibial 
qui  se  porte  sur  la  tubérosité  antérieure  du  tibia;  5°  d’un  muscle  iléo-libial 
qui  se  porte  sur  la  tubérosité  externe  du  tibia  et  n’a  que  quelques  fibres 
péronières  : c’est  le  muscle  très-improprement  nommé  agitator  caudæ  par 
Hauglilon  ; 4°  enfin,  en  arrière,  se  trouve  le  vrai  biceps  recou  vert  supérieure- 
ment par  Y agitator  caudæ  et  par  la  partie  postérieure  du  grand  fessier.  Le 
biceps  des  Mammifères  en  général  correspond  à la  fusion  du  biceps  croco- 
dilæis  et  de  Y agitator  caudæ  tandis  que  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Sauriens 
ordinaires  Y agitator  caudæ  demeure  attaché  au  grand  fessier. 

Il  me  reste  à démontrer  que  le  biceps  crural  des  Mammifères  est,  comme 
celui  des  Ampbibiensel  des  Sauropsidés,  un  muscle  de  l’iléon  postérieur  et  non 
un  muscle  de  l’ischion.  C’est  ce  qui  résultera  de  l’élude  attentive  du  biceps 
chez  l’Homme.  Si  l’on  observe  la  région  ischiatique  chez  ce  dernier,  on  voit 
que  le  muscle  demi-membraneux  s’insérant  sur  l’ischion  un  peu  au-des- 
sus de  la  tubérosité,  le  demi-tendineux  s’insère  immédiatement  au-dessous 
en  confondant  ses  insertions  avec  celles  dubiceps,  qui  est  plus  superficiel  que 
lui.  Le  tendon  du  biceps  proprement  dit  est  même  si  superficiel  que 
la  plupart  de  ses  fibres  passent  sur  la  tubérosité  de  l’ischion  sans  s’y  at- 
tacher, les  profondes  seules  y contractant  quelques  adhérences.  Les  fibres 
du  tendon  se  continuent  directement  avec  le  grand  ligament  sacro-sciatique, 
qui  s’élargit  supérieurement  pour  s’insérer  sur  l’extrémité  postérieure  de 
la  crête  iliaque,  sur  la  face  externe  du  petit  ligament  sacro-sciatique,  et  sur 
le  bord  de  ce  ligament  qui  adhère  an  sacrum.  — Or,  j'ai  longuement  éta- 


bli  dans  la  partie  ostéologique  de  ce  travail  que  le  petit  ligament  sacro-scia- 
tique des  Mammifères  était  le  représentant  de  l’iléon  postérieur  des  Oiseaux. 
Il  résulte  donc  du  fait  précédent  que  le  biceps  des  Mammifères,  et  de 
l’Homme  en  particulier,  placé  comme  celui  des  Oiseaux  et  des  Reptiles 
au-dessous  et  en  arrière  du  grand  fessier,  s’élargit  supérieurement  pour  former 
un  triangle  isocèle  dont  la  base  s’insère  exactement,  comme  chez  les  Oiseaux 
et  d’une  manière  remarquablement  identique,  sur  le  bord  supérieur  de 
l’iléon  postérieur  et  de  la  portion  commune  aux  deux  iléons  au-dessus  de 
la  cavité  cotyloïde. 

Le  biceps  crural  humain  est  donc  un  exemple  remarquable  démuselé 
interrompu  par  son  adhérence  partielle  à la  tubérosité  de  l’ischion , et  il 
n’est  nullement  besoin  d’invoquer  pour  lui  une  transposition  d’atta- 
ches. 11  faut  ajouter  que  les  dispositions  ainsi  décrites  chez  l’Homme  se  re- 
trouvent d’une  manière  très-évidente  chez  beaucoup  de  Mammifères  où  les 
deux  ligaments  sacro-sciatiques  sont  bien  développés;  mais  que  chez  beau- 
coup d’autres,  ces  ligaments  étant  remplacés  par  du  tissu  conjonctif  lâche 
et  délicat,  l’insertion  iliaque  du  biceps  est  conséquemment  masquée.  Il  y a 
alors,  non  pas  transposition  d’attaches,  mais  atrophie  de  la  portion  terminale, 
du  tendon  interrompu 1 . 

Concluons  cette  ètudedu  biceps  crural  par  les  réflexions  générales  suivantes: 


'Le  Dr  Lannegrace,  qui  dans  sa  Thèse  inaugurale  a émis  quelques  réflexions  sur  le  change- 
ment d’insertion  du  biceps,  qui  d’iliaque  qu’il  est  chez  les  Vertébrés  devient  ischiatique  chez 
les  Mammifères,  a cherché  à comprendre  cette  migration.  Il  a eu  l’heureuse  pensée  de  donner 
les  fibres  du  graud  ligament  sacro-sciatique  qui  relient  l’épine  iliaque  postérieure  à l'ischion 
comme  pouvant  être  considérées  comme  le  vestige  de  la  portion  du  biceps  qui  était  primitive- 
ment comprise  entre  l'ischion  et  l’iléon  ; mais  M.  Lannegrace  s’est  mépris,  je  le  crois,  en  consi- 
dérant le  grand  ligament  sacro-sciatique  de  l’Homme  comme  représentant  l’iléon  postérieur 
de  l’Oiseau  (pag.  16,  note)  et  en  regardant  aussi  le  biceps  comme  un  muscle  dont  l’insertion 
a subi  des  migrations  successives,  passant  de  l’iléon  des  Reptiles  sur  la  crête  ischiatique  de 
l’iléon  des  Oiseaux,  et  de  là  sur  la  tubérosité  des  Mammifères. 

« Dans  les  Oiseaux,  dit-il,  nous  avons  vu  l’inserlion  supérieure  de  l’iléo-fémoral  se  faire 
sur  la  crête  ischiatiqu'-,  et  cette  nouvelle  situation  du  muscle  pouvait  déjà  nous  faire  pressentir 
qu’il  allait,  chez  les  Mammifères,  passer  sur  l’ischion.  » Je  crois  avoir  démontré  que  ces  mi- 
grations d’attache  n’ont  pas  lieu.  Le  biceps  a conservé  ses  insertions,  et  le  grand  ligament 
sacro-sciatique  est  sou  tendon  supérieur,  représentant  fidèlement  la  large  aponévrose  d’in- 
sertion iliaque  du  biceps  de  l’Oiseau. 


284  — 


1°  Le  biceps  crural  appartient  au  revêtement  musculaire  externe  de  l’ori- 
gine du  membre  postérieur,  revêtement  constitué  d’avant  en  arrière  par  le 
tenseur  du  fascia  lata,  le  grand  fessier  et  le  biceps.  Ces  muscles  peuvent 
être  plus  ou  moins  indépendants  ou  confondus. 

2°  Le  biceps  appartient  chez  tous  les  Vertèbres  à la  portion  postérieure 
de  l’iléon,  et  spécialement  à l’iléon  postérieur,  là  où  cet  élément  de  l’os  s’est 
formé  et  caractérisé. 

o°  Le  biceps  s’attache  inférieurement  sur  le  péroné,  chez  tous  les  Am- 
phibiens,  Reptiles  et  Oiseaux.  Chez  quelques  Reptiles,  et  spécialement  chez 
les  Crocodiliens,  le  tendon  inférieur  du  biceps  donne  quelques  fibres  tendi- 
neuses à l’aponévrose  jambière.  Chez  les  Mammifères,  à l’insertion  péronière, 
qui  est  plus  ou  moins  importante,  s’ajoute  l’insertion  tibiale,  par  suite  d'un 
emprunt  au  muscle  grand  fessier. 

Nous  avons  suffisamment  étudié  les  caractères  du  biceps  crural  pour  être 
en  mesure  de  rechercher  son  homologue  dans  la  région  brachiale. 

L’homologue  de  la  longue  portion  du  biceps  crural  est  la  longue  portion 
du  triceps  brachial.  La  démonstration  en  sera,  je  l’espère,  concluante.  Je 
n’ai  pas  à reproduire  ici  l’étude  que  j’ai  faite  de  ce  dernier  muscle  (pag.  247 
et  suivantes).  Il  me  suffira  d’y  renvoyer  le  lecteur  et  d’en  rappeler  les  prin- 
cipales conclusions,  en  comparant  les  caractères  de  ce  muscle  avec  ceux  de  la 
longue  portion  du  biceps  crural. 

1°  Le  long  triceps  brachial,  avons-nous  vu,  est  un  muscle  qui  appar- 
tient essentiellement  au  scapulum  postérieur.  Il  naît  en  arrière  et  au  voi- 
sinage de  la  cavité  glénoide  ' . Nous  savons  que  le  long  biceps  crural  est 

1 Chez  les  Solipèdes,  les  Ruminants,  le  long  triceps  brachial  se  compose  de  deux  parties  : 

1°  L’une,  le  gros  extenseur  de  V avant-bras  ou  grand  scapulo-olécrdnicn,  nah  du  bord 
axillaire  du  scapulum  au  voisinage  de  la  cavité  glénoide  et  se  rend  au  sommet  de  l'olécrane. 
Il  représente  le  long  triceps  brachial  de  l'Homme  et  de  tous  les  Vertébrés  ; 

2°  L'autre,  le  long  extenseur  de  l’avant-bras  ou  long  scapulo-olécrânien,  s'insère  sur  le 
reste  du  bord  axillaire  du  scapulum  et  se  porte  à la  partie  interne  de  l'olécrane. 

Ou  voit  que  ces  portions  du  long  triceps  ont  leur  insertion  scapulaire  sur  cette  région  du 
scapulum  qui  est  postérieure  au  scapulum  axial  et  qui  correspond  à la  portion  basilaire  ou 
origine  du  scapulum  postérieur.  A cet  égard,  les  deux  portions  du  long  triceps  représentent 
bien  le  biceps  crural  des  Reptiles  et  surtout  celui  des  Oiseaux,  qui  s’insère  sur  presque  toute  la 
longueur  de  l'iléon  postérieur. 


285  — 


semblablement  un  muscle  de  l’iléon  postérieur  naissant  en  arrière  et  au 
voisinage  de  la  cavité  cotyloïde.  C’est  là  un  premier  point  remarquable  de 
ressemblance  entre  les  deux  muscles. 

2°  Le  long  triceps  brachial  est  un  muscle  essentiellement  cubital  et 
s’insérant  généralement  sur  l’extrémité  supérieure  du  cubitus  et  sur  l’apo- 
physe olécranienne.  Le  long  biceps  crural  est  un  muscle  primitivement  et 
essentiellement  péronéal  et  s’insérant  généralement  sur  la  partie  supérieure 
du  péroné,  et  fréquemment  même  sur  la  tête  du  péroné.  Il  est  à remarquer 
même  que  là  où  la  tête  du  péroné  est  bien  développée,  chez  l’Homme  et  les 
Singes,  le  triceps  s’insère  surtout  sur  une  éminence  postérieure  qui  peut 
légitimement  être  considérée  comme  un  olécrane  rudimentaire.  Cet  olé- 
crane péronier  devient  remarquable  et  très-important  chez  les  Ornitho- 
delphes,  et  le  biceps  y prend  de  larges  et  puissantes  insertions  \ Nous  ver- 
rons au  reste  plus  loin  à quoi  tient  la  constance  du  niveau  (olécrane  cubi- 
tal) auquel  se  font  les  insertions  du  long  triceps  brachial,  et  la  possibilité 
de  variation  de  niveau  des  insertions  péronières  du  long  biceps  crural. 

5°  Chez  les  Mammifères  et  l’Homme,  les  insertions  scapulaires  du  long 
triceps  brachial  ont,  avec  les  insertions  des  muscles  deltoïde  et  grand  rond, 
des  relations  constantes  qui  sont  la  reproduction  exacte  des  relations,  con- 
stantes aussi,  des  insertions  iliaques  du  long  biceps  crural  (grand  ligament 
sacro-sciatique),  du  grand  fessier  et  du  fascia  lata.  En  comparant,  en  effet, 
les  fg.  \ et  2 de  la  Planche  V,  on  voit  que  les  insertions  du  triceps  bra- 
chial (fîg.  2,  sc.  p.)  et  les  insertions  du  biceps  crural  ( fig . \,  il.p.)  sont 
voisines  de  l’extrémité  articulaire  des  bords  homologues  du  scapulum  et  de 
l’iléon  ; que  ces  insertions  sont  séparées  des  insertions  homologues  du 


1 M.  Alix,  dans  sa  description  du  système  musculaire  de  l’Échidné  d’Australie,  ne  signale 
pas  d'insertion  du  biceps  à l'olécrane  péronier.  On  est  en  droit  d'affirmer,  par  analogie,  que 
c'est  là  une  erreur.  Chez  l’Ornithorhynque,  les  insertions  du  biceps  à l'olécrane  du  péroné  sont 
très -importantes;  et  il  y a tant  de  ressemblance  dans  l'organisation  de  ces  deux  animaux 
qu'il  serait  bien  étonnant  qu’il  n’en  fût  pas  de  même  chez  l’Échidné.  Au  reste,  l'olécrâne  péro- 
néal de  l’Échidné  est  aussi  développé  que  celui  de  l’Ornithorhynque,  et  l'on  ne  compren- 
drait pas  l’existence  de  cette  saillie  osseuse  sans  une  insertion  musculaire  correspondante  et 
dirigée  dans  le  sens  de  la  saillie.  Jusqu'à'  plus  ample  informé,  je  considère  donc  le  biceps 
de  l’Échidné  comme  aussi  bien  pourvu  que  celui  de  l'Ornithorhynque  d'insertions  péronières 
olécrâniennes. 


— 286  — 


grand  rond  [fiq.  2,  m.g.r.)  et  du  grand  fessier  [fig.  i,  m.  g.  /.)  par  les 
insertions  homologues  du  petit  rond  (/%.  2,  m.  p.  r.)  et  du  petit  fessier 
{fig.  \,m.p.  f.)  ; quedes  insertions  de  l’aponévrose  fascia  lata  et  celles  de 
l’aponévrose  du  sous-épineas  et  du  deltoïde  scapulaire  ont  les  mêmes  rela- 
tions avec  les  deux  muscles  respectifs  que  nous  comparons,  etc.,  etc.  11  y a 
seulement  cette  différence  de  connexions  entre  les  deux  muscles  que,  tan- 
dis que  le  muscle  long  triceps  brachial  passe  dans  son  trajet  ultérieur  en 
avant  du  deltuide  et  en  arrière  du  long  dorsal  et  du  grand  rond,  le  long  bi- 
ceps crural  passe  en  avant  à la  fois  du  grand  fessier  et  du  fascia  lata.  Nous 
savons  combien  ces  différences  de  connexion  ont  peu  d’importance  dans  la 
détermination  de  la  valeur  des  muscles,  et  nous  avons  vu  qu’elles  sont  dé- 
terminées par  des  différences  dans  les  conformations  du  système  osseux  des 
deux  ceintures  et  des  membres,  et  par  les  nécessités  de  l’action  des  mus- 
cles. Dans  le  cas  actuel,  si  les  muscles  grand  rond  et  grand  dorsal  fussent 
passés  en  arrière  du  muscle  triceps,  ces  deux  muscles,  s’insérant  à la  ligne 
âpre  de  l’humérus,  qui  d’interne  est  devenue  antérieure  par  suite  de  la 
rotation  de  cet  os  sur  son  axe,  il  en  serait  résulté  que  ces  deux  muscles  eus- 
sent soulevé  fortement  le  long  triceps  et  l’eussent  transporté  en  avant  avec 
le  scapulum  à chacune  de  leurs  contractions.  Ce  changement  de  situation 
réciproque  des  muscles  peut  être  légitimement  considéré  comme  une  consé- 
quence par  adaptation  des  changements  survenus  dans  la  situation  de 
l’humérus  par  rapport  à la  ceinture  thoracique  et  au  tronc. 

4°  Nous  avons  vu  quelles  étaient  les  relations  du  long  biceps  crural  avec 
le  grand  fessier  et  le  fascia  lata,  relations  telles  que  le  long  biceps  semblait 
être  une  émanation  profonde  du  grand  fessier.  On  retrouve  pour  le  long 
triceps  brachial  des  relations  semblables,  en  ce  sens  que  chez  l’Homme 
une  arcade  fibreuse  qui  part  du  tendon  du  grand  dorsal  (portion  du  grand 
fessier)  va  se  jeter  sur  le  tendon  d’origine  du  long  triceps  brachial,  et  relie 
ces  deux  muscles  de  telle  sorte  qu’une  portion  du  grand  dorsal  semble  être 
une  des  origines  du  long  triceps.  Chez  les  Lémuriens  ou  tout  au  moins  chez 
YIndris  brevicaudus  ',  le  triceps  brachial  a un  chef  postérieur  (dorso-épitro- 
chéal  de  Mûrie  et  Mivart)  naissant  du  grand  dorsal.  C’est  un  accessoire  du 


‘A.  Milne-Edwards  et  A.  Grandidier,  loc.  cit. 


— 287 


grand  dorsal  qui  s’insère  inférieurement  sur  l’aponévrose  anlibrachiale  et 
sur  le  bord  postérieur  du  cubitus,  près  de  l’extrémité  de  l’olécrâne.  C’est  là 
un  chef  parallèle  au  long  triceps,  et  qui,  chez  l’Homme,  s’est  réduit  à l'ar- 
cade fibreuse  que  nous  venons  de  voir.  Chez  le  Porc  et  chez  le  Chien,  on  trouve 
également  un  gros  faisceau  qui,  naissant  de  la  face  externe  du  grand  dorsal, 
va  se  porter  à lolécrâne.  Ce  faisceau,  que  l’on  considère  dans  les  Traités  d’ana- 
tomie des  animaux  domestiques*  comme  un  long  extenseur  de  l’avant-bras , 
n’est  autre  chose  qu’un  accessoire  du  grand  dorsal  comparable  à celui  des 
Indrisinés.  Nous  avons  déjà  vu,  à proposdu  grand  fessier  (pag.  224),  que  ce 
ruban  musculaire  existe  aussi  chez  les  Singes. 

Ce  chef  accessoire  n’est,  au  point  de  vue  bomoîogique  strict,  que  le  repré- 
sentant de  la  portion  du  grand  fessier  des  Mammifères,  Oiseaux  et  Reptiles 
qui  se  rend  au  péroné  et  à l’aponévrose  jambière.  Il  représente  notamment, 
chez  le  Cheval,  un  faisceau  de  fibres  naissant  de  l’épine  sacrée  et  se  rendant 
à l’aponévrose  jambière,  faisceau  qui  est  considéré  à tort  par  les  hippoto- 
mistes*  comme  une  branche  du  demi-tendineux,  et  qui  n’est  en  réalité 
qu’une  portion  sacrée  du  grand  fessier  (grand  dorsal  de  l’épaule). 

Néanmoins,  l’intimité  des  relations  du  long  triceps  brachial  avec  les  mus- 
cles de  l’épaule  qui  représentent  le  grand  fessier  et  le  fascia  lata,  est  moins 
évidente  dans  la  série  des  Vertébrés  que  l’intimité  des  relations  du  long 
biceps  crural  et  du  grand  fessier,  ce  qui  peut  s’expliquer  par  le  faible  déve- 
loppement à l’épaule  de  la  portion  qui  représente  l’iléon  postérieur.  Il  en 
résulte,  en  effet,  que  l’origine  du  long  triceps  brachial,  loin  de  correspondre 
à la  région  postérieure  de  la  ceinture,  s’est  trouvée  située  en  avant  et  séparée 
par  un  long  intervalle  des  origines  du  grand  rond  et  du  grand  dorsal,  qui 
représentaient  le  grand  fessier  ; tandis  que  le  long  biceps  crural,  naissant 
d’un  iléon  postérieur  plus  ou  moins  développé,  s’est  trouvé  immédiatement 
en  relation  avec  la  face  inférieure  et  le  bord  postérieur  du  grand  fessier. 

Ajoutons  d’ailleurs  que  la  situation  du  long  triceps  brachial  entre  le  del- 
toïde d’une  part,  le  grand  rond  et  le  grand  dorsal  de  i’autre,  c’est-à-dire  son 


1 Chauveau  et  Arloing;  Traité  d’Anat.  comparée  des  Anim.  domest.,  première  partie, 
pag.  275. 

2 Chauveau  et  Arloing;  Traité  d’anat.  comparée  des  Anim.  domest.,  1870. 


37 


- 288  — 


enclavement  entre  ces  trois  muscles  qui  constituent  un  même  groupe 
(muscles  de  revêtement  superficiel  postérieur  de  la  ceinture  thoracique) 
doit  nous  porter  logiquement  à trouver  son  homologue  dans  un  muscle 
qui,  comme  le  long  biceps  crural,  a des  rapports  intimes  et  des  relations 
de  dépendance  avec  les  muscles  qui  forment  le  groupe  de  revêtement  super- 
ficiel postérieur  de  la  ceinture  pelvienne  (grand  fessier,  fascia  lata  et  son 
tenseur). 

Pour  n’oublier  aucun  des  points  importants  du  parallèle  que  j’établis  ici 
entre  le  long  triceps  brachial  et  le  long  biceps  crural,  il  convient  peut-être 
de  dire  un  mot  du  chef  coracoidien  de  l’anconé  des  Sauriens  kionocrâniens 
et  des  Crocodiliens.  Ce  chef  n’existe  pas  chez  les  Mammifères,  et  l’on 
ne  peut  considérer  que  comme  un  analogue,  mais  non  comme  un  vrai  homo- 
logue, un  chef  du  triceps  que  l’on  a vu  naître,  chez  l’Homme,  de  l’apophyse 
précoracoïde.  C’est  là  un  muscle  suppléant  plutôt  qu’un  représentant  direct. 

Peut-on  dire  qu’à  la  ceinture  pelvienne  le  chef  coracoidien  de  l’ancorie 
brachial  des  Sauriens  kionocrâniens  n’est  pas  également  représenté?  Ce  serait 
peut-être  là  une  conclusion  téméraire,  car  on  pourrait  être  en  droit  de  consi- 
dérer les  fibres  profondes  du  tendon  du  long  biceps  crural  des  Mammifères, 
c'est-à-dire  celles  qui  n’étant  pas  directement  continues  avec  le  grand  ligament 
sacro-sciatique  adhèrent  à la  tubérosité  ischialique  et  semblent  en  naître;  ou 
pourrait,  dis-je,  être  en  droit  de  les  considérer  comme  des  insertions  ischia- 
tiques  (coracoïdiennes)  du  biceps,  et  comme  étant  le  point  de  départ  du  chef 
ischialique  (coracoidien)  du  biceps  crural.  Mais  celle  vue  toute  théorique  n’esl 
point  justifiée  par  l’anatomie  comparée  des  animaux  où  le  biceps  est  purement 
et  strictement  ilôo-péronéal,  c’est-à-dire  les  Amphibiens,  les  Sauriens,  les 
Chéloniens,  les  Crocodiliens  et  les  Oiseaux.  On  ne  trouve  pas  en  effet  chez 
ces  animaux,  à la  ceinture  pelvienne,  un  vrai  représentant  ischio-péronéa  1 
du  chef  coraco-cubilal  de  l’anconé.  L’absence  de  ce  muscle  à la  ceinture 
pelvienne  qui  est  très-complète,  et  chez  des  animaux  où  le  muscle  coraco- 
cubital  est  très-souvent  développé  à la  ceinture  thoracique,  cette  absence, 
dis-je,  est  une  puissante  présomption  en  faveur  de  l’absence  de  tout  chef 
ischio-péronéal  du  long  biceps  à la  ceinture  pelvienne  des  Mammifères. 

J’espère  que  les  considérations  précédentes  auront  jeté  quelque  lumière 


289 


sur  l’homologie  du  long  triceps  brachial  et  du  long  biceps  crural.  11  me  reste 
à expliquer  les  différences  de  situation  et  d’action  des  deux  muscles  par 
rapport  aux  articulations  du  coude  et  du  genou. 

J’ai,  dans  l’Introduction  et  dans  le  cours  de  ce  travail,  exposé  la  manière 
dont  s’était  déterminée  la  situation  définitive  des  membres  et  démontré  que 
la  pronation  exagérée  de  l’avant-bras  était  la  conséquence  de  la  position  du 
membre  antérieur,  comme  la  supination  éxtrême  était  la  suite  de  la  confor- 
mation du  membre  postérieur.  Il  résulte,  de  ces  faits,  que  dans  le  membre 
antérieur  le  radius  a décrit  autour  du  cubitus  un  mouvement  de  translation 
de  dehors  en  dedans  et  d’arrière  en  avant,  tandis  que  le  cubitus  se  trans- 
portait en  arrière  et  même  en  dehors  du  radius.  Le  cubitus  devient  posté- 
rieur au  radius,  et  forme  par  son  extrémité  supérieure  la  partie  la  plus 
saillante  en  arrière  du  squelette  de  l’avant-bras.  11  s’ensuit  que  le  long 
triceps,  qui  s’insère  sur  l’extrémité  supérieure  du  cubitus,  est  nécessairement 
transporté  et  maintenu  sur  la  face  postérieure  du  bras,  et,  l’extrémité  supé- 
rieure du  cubitus  occupant  le  côté  de  l’extension  de  l’articulation,  le  long 
triceps  est  nécessairement  un  muscle  extenseur.  Le  développement  de  l’olé- 
cràne  est  une  conséquence  de  ce  rôle  du  muscle  et  de  sa  puissance,  qui  est 
elle-même  liée  à l'importance  de  son  action.  D’autre  part,  le  long  triceps  étant 
devenu  un  muscle  essentiellement  postérieur  à l’articulation  du  coude  et  au 
cubitus,  ne  saurait  s’insérer  autre  part  qu’au  sommet,  et  à la  face  postérieure 
de  l’olécrâne,  car  si  on  le  supposait  pour  un  moment  inséré  à un  niveau 
inférieur,  son  tendon  appliqué  à la  face  postérieure  de  l’os  contracterait,  comme 
les  tendons  interrompus,  des  adhérences  avec  cette  face  postérieure  jusqu’à 
son  sommet  supérieur,  qui  est  l’olécrâne.  Au-dessous  de  ce  point  culminant, 
le  tendon  se  confondrait  avec  le  périoste  et  s’atrophierait  comme  tendon. 
C’est  là  ce  qui  a,  du  reste,  lieu  pour  le  tendon  inférieur  du  long  biceps 
brachial  chez  les  animaux  où  la  supination  est  impossible.  Les  variations 
de  relation  du  tendon  et  de  l’os  produits  par  les  mouvements  de  supination 
disparaissant,  la  partie  enroulée  du  tendon  perd  sa  synoviale,  adhère  à la 
tubérosité  bicipitale  et  finit  par  se  confondre  sur  ce  point  avec  le  périoste, 
de  telle  sorte  que  le  biceps  ne  s’insère  plus  en  arrière  de  la  face  interne  du 
radius,  mais  sur  la  face  antérieure.  La  partie  intermédiaire  du  tendon  s’est 
supprimée  par  adhérence.  Ainsi  s’explique  par  des  condilions  de  situation 


— 290  — 


des  os,  la  position  du  long  triceps  brachial  sur  la  face  de  l’extension  du 
coude,  son  rôle  de  muscle  extenseur  et  la  constance  de  niveau  de  son  inser- 
tion au  sommet  et  à la  face  postérieure  de  l’olécrâne. 

Le  long  biceps  crural  se  trouve  dans  des  conditions  toutes  différentes. 
Tandis  que  le  cubitus  tend  à se  placer  de  plus  en  plus  sur  la  face  de  l’exten- 
sion, en  se  portant  d’avant  en  arrière  et  de  dedans  en  dehors,  le  péroné  tend 
à se  placer  de  plus  en  plus  sur  la  face  de  la  flexion  du  genou,  en  se  portant 
d’avant  en  arrière  et  de  dehors  en  dedans. 

La  tète  du  péroné  et  la  partie  supérieure  de  cet  os  deviennent  de  plus  en 
plus  postérieures  au  tibia;  aussi  en  résulte-t-il  que  l’insertion  inférieure  du 
long  biceps  est  fortement  portée  en  arrière,  et  que  ce  muscle  se  trouve,  par 
le  fait,  placé  de  plus  en  plus  dans  le  sens  de  la  flexion,  et  devient  de  plus  en 
plus  un  fléchisseur.  Ce  changement  de  situation  et  d’action  peut  être  constaté 
en  quelque  sorte  quand  on  considère  le  biceps  crural  chez  les  Mammifères. 
Soit  en  effet  que  le  biceps  se  présente  comme  un  faisceau  postérieur  du 
long  vaste  ou  grand  fessier,  soit  qu’il  ait  acquis  une  existence  indépendante, 
comme  chez  l’Homme,  le  biceps  a conservé,  nous  l’avons  vu,  des  insertions 
sur  l’aponévrose  jambière  antérieure  et  sur  la  lèvre  externe  de  la  tubérosité 
et  de  la  crête  antérieures  du  iibia.  insertions  qui  feraient  facilement  de  ce 
muscle  un  muscle  extenseur  du  genou,  si  le  péroné,  au  lieu  de  se  trouver 
reporté  en  arrière,  où  il  entraîne  avec  lui  l’ensemble  du  muscle,  eût  conservé 
sa  situation  en  avant  au  niveau  du  tibia.  11  fauta  ces  causes  de  transformation 
du  long  biceps  d’extenseur  en  fléchisseur  en  ajouter  une  autre  : c’est  son  ori- 
gine sur  l’iléon  postérieur,  et  sa  réflexion  et  son  adhérence  chez  les  Mammi- 
fères sur  la  tubérosité  de  l’ischion.  L’iléon  postérieur,  qui  existe  comme  élé- 
ment osseux  ou  comme  ligament,  est  toujours  étendu  à une  assez  grande 
distance  en  arrière  de  l’acélabulum,  et  porte  ainsi  l’origine  du  long  biceps 
dans  le  sens  de  la  flexion  du  genou.  Si,  comme  à l’épaule,  l’iléon  postérieur 
et  l’ischion  étaient  rudimentaires,  et  si  le  long  biceps  n’était  éloigné  de  l’acé- 
tabulum  ni  par  son  lieu  d’origine  ni  par  sa  réflexion,  ce  muscle, au  lieu  d’être 
déjà  postérieur  à son  extrémité  supérieure,  fût  resté  simplement  latéral 
externe  et  fût  demeuré  plus  étranger  à la  face  de  flexion  du  genou. 

Une  autre  cause  de  transformation  du  long  biceps,  c’est  l’absence  d’olé- 
crâne  péronier  développé  et  la  situation  de  la  tête  de  l’os  et  de  l’insertion 


— 291 


du  muscle  au-dessous  du  niveau  de  l’interligne  articulaire  du  genou.  On 
comprend  en  effet  que  si  le  péroné  était  surmonté  d’un  olécrane  saillant 
au-devant  du  genou  et  transformant  cet  os  en  levier  du  premier  genre,  le 
muscle  biceps,  inséré  au  sommet  de  ce  bras  de  levier  supérieur,  pourrait  agir 
comme  le  long  triceps  sur  l’olécrâne  et  le  cubitus,  et  produire  l’extension. 
Toutefois  cette  action  ne  serait  réellement  produite  avec  une  certaine  effica- 
cité qu’à  la  condition  que  le  péroné  ne  fût  pas  transporté  trop  en  arrière  du 
tibia,  c’est-à-dire  vers  la  face  de  flexion  du  membre.  Or,  c’est  ce  qui  n’a 
jamais  lieu.  Dans  ce  cas,  le  biceps  doit  être  plutôt  un  muscle  rotateur  en 
dehors  et  abducteur  de  la  jambe  et  du  membre  inférieur,  et  j’estime  que 
telle  doit  être  son  action  chez  l’Ornithorhynque  et  chez  l’Échidné,  où  le 
péroné,  quoique  pourvu  d’un  olécrane  péronier  très-remarquable,  est  aussi 
fortement  déjeté  en  arrière  du  tibia. 

La  situation  du  péroné  et  du  long  biceps  étant  donnée,  on  comprend  que 
le  niveau  de  l’insertion  de  ce  dernier  muscle  puisse  varier  dans  une  assez 
grande  mesure.  Le  tendon  inférieur  du  long  biceps  s’éloignant  à chaque 
contraction  et  dans  toute  sa  longueur  de  la  portion  du  péroné  qui  est  supé- 
rieure à son  insertion  , il  est  impossile  que  des  adhérences  s’établissent  sur 
le  parcours  de  ce  tendon  et  qu’il  soit  ainsi  toujours  ramené,  comme  le  long 
triceps  brachial,  à avoir  son  insertion  à l’extrémité  supérieure  de  la  tête 
de  l’os. 

Les  considérations  qui  précèdent  me  semblent  capables  de  dissiper  les 
doutes  sur  l’homologie  du  long  triceps  brachial  et  du  longr  biceps  crural. 
Pour  ceux  de  nos  lecteurs  qui  pourraient  conserver  encore  quelque  hésita- 
tion, je  résumerai  l’ensemble  des  faits  précédents  en  une  considération  géné- 
rale qui  les  condense  et  les  renferme  pour  ainsi  dire  toutes.  Les  membres 
antérieur  et  postérieur  étant  donnés  dans  leur  situation  primitive  et  paral- 
lèle, telle  qu’elle  existe  chez  l’embryon  et  telle  que  nous  l’avons  détermi- 
née dans  l’Introduction  de  ce  travail,  prenons  deux  muscles  naissant  de  la 
portion  postérieure  de  chacune  de  ces  ceintures,  occupant  par  conséquent 
le  bord  postérieur  des  membres  primitifs  et  s’insérant  sur  deux  os  (cubitus 
et  péroné)  qui  occupent  ce  bord  postérieur.  Dans  le  membre  antérieur, 
la  saillie  du  coude,  c’est-à-dire  le  côté  de  l’extension,  devient  postérieure  et 
formée  parle  cubitus  qui  se  transporte  en  arrière;  aussi  le  muscle  reste-t-il 


— 292  — 

postérieur  et  devient-il  extenseur.  Dans  le  membre  postérieur,  le  côté  de 
la  flexion  du  genou  devient  postérieur  et  occupé  surtout  par  le  péroné,  d’où 
il  résulte  que  le  muscle  reste  postérieur  et  devient  fléchisseur. 

Ce  sont  là,  me  paraît-il,  des  déductions  d’une  logique  rigoureuse  et  d’une 
valeur  sérieuse,  et  c’est  par  elles  que  je  termine  cette  étude  des  muscles 
long  biceps  crural  et  long  triceps  brachial'. 

Vastes  interne  et  externe  huméraux.  — Vastes  externe  et  interne 
fémoraux.  — Brachial  antérieur.  — Court  biceps  fémoral.  — Poplité. 
— 11  me  reste,  pour  en  finir  avec  les  homologies  des  muscles  des  ceintures, 
à étudier  quelques  muscles  qui  n’ont  pas  avec  les  arcs  osseux  des  rapports 
directs,  et  qui  ne  se  rattachent  à ces  derniers  que  parce  qu’ils  ont  des 
connexions  plus  ou  moins  intimes  avec  des  muscles  appartenant  réellement 
aux  deux  ceintures.  Je  veux  désigner  par  là  les  vastes  internes  et  externes 


1 Je  tiens  à prévenir  une  objection  qu’on  pourrait  faire  à l’explication  que  je  donne  des 
changements  de  situation  et  d’action  du  biceps  brachial  des  Mammifères  et  du  long  triceps 
brachial.  On  pourrait  m’objecter  en  effet  que  chez  les  Chéloniens  dont  l’humérus  a acquis  une 
position  comparable  à celle  du  fémur  des  autres  Vertébrés,  le  long  triceps  brachial  est  resté 
néanmoins  extenseur  et  le  biceps  brachial  est  resté  fléchisseur. 

Quant  au  biceps  des  Chéloniens  et  des  Reptiles,  je  ferai  remarquer  qu’il  ne  représente  pas 
exactement  le  biceps  brachial  des  Mammifères,  puisque  l’élément  scapulaire  lui  fait  défaut.  Le 
biceps  des  Reptiles  est  un  muscle  de  la  face  de  flexion  du  membre  et  ne  répond  qu’aux  demi- 
membraneux  et  demi-tendineux.  Le  biceps  brachial  des  Mammifères  formé  par  la  synthèse  des 
éléments  qui  représentent  au  bras  le  droit  antérieur,  le  couturier  et  les  demi- tendineux  et 
membraneux,  se  trouve  transporté  sur  le  bord  antérieur  ou  radial  du  membre,  d’où  il  peut 
être  ensuite  facilement  transporté  sur  la  face  de  flexion. 

Mais  en  outre  il  faut  observer  que  la  direction  de  l’humérus  des  Chéloniens  est  une 
direction  consécutive  résultant  d'une  adaptation  secondaire  et  tardive  du  membre  antérieur  des 
Reptiles.  Les  insertions  musculaires  fixées  par  l’hérédité  du  type  reptilien  y ont  été  conservées;  ce 
qui  devait  d’autant  plus  se  produire  que,  si  l’humérus  a acquis  une  position  exceptionnelle,  les 
os  de  l’avant-bras  n’en  ont  pas  moins  conservé  par  rapport  à lui  une  situation  identique  à 
celle  qu'ils  ont  chez  les  autres  Reptiles,  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Mammifères.  Cela  est 
si  vrai  que  les  Tortues  ont  l'avant-bras  en  pronation  plus  ou  moins  prononcée,  et  s’appuient 
pour  ainsi  dire  sur  le  dos  de  la  main  ; ce  qui  n'eut  point  eu  lieu  si  les  deux  os  de  l’avant- 
bras  avaient  contracté  avec  l’humérus,  dirigé  en  avant,  des  rapports  semblables  à ceux  des 
os  de  la  jambe  avec  le  fémur.  Cette  pronation  a suffi  pour  transporter  en  arrière  l’extrémité 
supérieure  du  cubitus  et  le  long  triceps,  et  pour  faire  de  ce  dernier  un  véritable  extenseur. 


— 295  — 


brachiaux  et  fémoraux,  le  brachial  antérieur,  le  court  biceps  fémoral  et  le 
poplité.  Quelques  mots  suffiront  pour  établir  les  homologies  de  ces  muscles, 
qui  ne  paraissent  pas  donner  matière  à de  grandes  difficultés. 

Les  vastes  interne  et  externe  brachiaux  s’insèrent  l’un  et  l’autre  sur 
l’humérus,  et  les  vastes  interne  et  externe  fémoraux  sur  le  fémur.  A cet 
égard,  l’homologie  de  ces  muscles  dans  les  deux  ceintures  est  évidente. 
Mais  la  différence  d’insertions  inférieures,  les  unes  se  faisant  sur  le  cubitus 
et  les  autres  sur  le  tibia,  pourrait  paraître  un  argument,  soit  en  faveur 
du  défaut  d’homologie  de  ces  muscles,  soit  en  faveur  de  la  théorie  des 
transpositions  d’attache  et  de  leur  faible  valeur  dans  la  détermination  des 
homologies  musculaires.  C’est  en  effet  sur  ce  cas  des  muscles  vastes  qu’in- 
siste surtout  M.  Lavocat',  directeur  de  l’École  vétérinaire  de  Toulouse,  pour 
appuyer  ses  vues  sur  les  variations  possibles  et  fréquentes  des  insertions 
musculaires. 

« En  pareille  matière  (détermination  des  homologies),  dit-il,  si  les 
attaches  musculaires  doivent  être  prises  en  considération,  il  ne  faut  pas 
exagérer  leur  signification  : elle  n’ont  pas  une  valeur  absolue.  L’observation 
montre  qu’elles  peuvent  varier,  et  ce  n’est  que  par  une  longue  pratique 
qu’on  parvient  à une  juste  interprétation  de  ces  changements.  » 

A cela  je  réponds  qu’il  est  possible  d’affirmer  que  les  différences  d’atta- 
ches inférieures  des  vastes  externe  et  interne  huméraux  et  fémoraux  sont 
susceptibles  d’une  explication  toute  autre  que  celles  qu’on  a voulu  leur  donner, 
et  à la  fois  plus  rationnelle  et  plus  conforme  aux  faits.  ^ 

J’ai  déjà,  dans  l’introduction  à l’étude  des  homologies  musculaires,  présenté 
quelques  considérations  à cet  égard  et  donné  à ces  muscles  la  signification  de 
muscles  articulaires , c’est-à-dire  de  muscles  attachés  sur  les  ligaments  du 
côté  de  l’extension  en  dehors  de  toute  distinction  d 'éléments  osseux.  A ces 
considérations,  je  dois  ici  en  ajouter  d'autres  qui  ne  sont  du  reste  pas  sans 
relations  avec  les  premières.  Il  importe  de  remarquer  que  les  muscles 
vastes  constituent  à eux  seuls  la  couche  musculaire  qui  appartient  essen- 
tiellement à la  face  de  l’extension  des  membres  au  niveau  du  premier  seg- 
ment. Nous  avons  vu  en  effet  que  le  droit  antérieur,  aussi  bien  que  le  long 


1 Lavocat  ; Discussion  sur  le  parallèle  des  membres  thoraciques  et  pelviens , Toulouse,  1867. 


triceps  brachial,  n étaient  pas  primitivement  et  essentiellement  des  muscles 
extenseurs.  La  masse  musculaire  de  l’extension  s’est  originairement  insérée 
comme  les  ligaments  extenseurs  et  par  leur  intermédiaire  sur  l’ensemble 
du  squelette  général  du  second  article , c’est-à-dire,  pour  le  bras  sur  le 
cubitus  et  le  radius,  pour  la  jambe  sur  le  tibia  et  le  péroné.  Mais  au  mem- 
bre supérieur  le  cubitus  est  resté  seul  comme  os  de  l’extension;  au  membre 
inférieur,  au  contraire,  c’est  le  tibia  qui  a joué  ce  rôle,  le  péroné  s’atrophiant 
et  se  portant  de  plus  en  plus  en  arrière.  Les  insertions  des  muscles  exten- 
seurs ne  peuvent,  pour  leur  liberté  d’action,  rester  attachés  qu’aux  os  situés  du 
côté  de  l’extension,  et  qui  seuls  président  essentiellement  à ce  mouvement. 
De  là  résulte  l’insertion  des  vastes  huméraux  au  cubitus  seul,  et  l’insertion 
des  vastes  fémoraux  au  tibia. 

Les  vastes  sont  donc  des  muscles  à doubles  insertions  primitives  sem- 
blables dans  les  deux  membres,  qui  n’ont  conservé  au  bras  et  à la  jambe 
qu’une  seule  de  leurs  insertions,  et  précisément  une  insertion  différente  pour 
chacun  des  membres.  Il  n’est  donc  pas  nécessaire  d’invoquer,  pour  établir 
leurs  homologies,  le  principe  des  transpositions  d’attaches,  pas  plus  qu’on 
n’est  en  droit  de  les  considérer  comme  des  preuves  à l’appui  de  ce  principe. 

Les  muscles  vastes  cruraux  sont  donc  les  homologues  des  muscles  vastes 
huméraux,  avec  cette  différence  cependant  que  le  vaste  interne  brachial 
représente  le  vaste  externe  crural,  et  réciproquement.  Cela  ressort  clairement 
de  la  manière  dont  se  sont  disposés  les  membres,  qui  de  transversaux  sont 
devenus  parallèles  au  plan  vertébro-sternal.  Le  vaste  interne  brachial  et  le 
vaste  externe  crural  étaient  l’un  et  l’autre  postérieurs  et  rigoureusement 
homologues  dans  la  situation  primitive  et  non  transformée  des  membres. 

J’ai  dit  que  les  muscles  extenseurs  généraux  du  genou  et  du  coude  ont  du 
primitivement  s’attacher  à l'ensemble  du  squelette  du  second  article  et  pos- 
séder une  double  insertion  inférieure.  La  démonstration  de  cette  proposition 
peut  résulter  de  l’examen  des  insertions  des  vastes  cruraux  chez  un  grand 
nombre  de  Vertébrés,  et  plus  particulièrement  chez  les  Amphibiens  et  les 
Reptiles.  Chez  beaucoup  d’entre  eux,  en  effet,  le  tendon  inférieur  des  vastes 
cruraux  s’insère  non-seulement  sur  la  face  antérieure  du  tibia,  mais  aussi  par- 
tiellement sur  l’extrémité  supérieure  du  péroné,  en  s’unissant  avec  le  fascia 
lata  et  le  tendon  du  grand  fessier. 


— 295  — 


Mais  il  est  en  faveur  de  celte  double  insertion  primitive  des  extenseurs 
directs  et  profonds,  un  argument  qui,  pour  être  indirect  el  basé  sur  l’ana- 
logie, ne  manque  pourtant  pas  de  valeur.  Les  muscles  vastes  interne  et 
externe  des  deux  membres  constituent  une  couche  profonde  de  muscles 
étendus  directement  du  premier  article  des  membres  au  second  article, 
couche  placée  sur  la  face  du  membre  qui  correspond  à l’extension.  Cette 
couche  occupe  dans  la  situation  primitive  des  membres  la  face  dorsale 
du  premier  article.  Sur  la  face  ventrale  de  cet  article  se  trouve  dans 
certains  cas  une  couche  profonde  de  muscles  étendus  aussi  directe- 
ment du  premier  article  des  membres  au  second  article.  Cette  couche 
ventrale,  qui  est  formée  par  les  fléchisseurs  profonds  et  directs,  peut  être 
très-légitimement  considérée  comme  symétrique  de  la  couche  dorsale,  et 
comme  en  étant  pour  ainsi  dire  la  reproduction  sur  la  face  opposée  du  mem- 
bre. Il  n’y  a rien  que  de  très-logique  dans  un  rapprochement  de  ces  deux 
couches  symétriques  et  dans  l’extension  de  l’une  à l’autre  par  analogie  des 
considérations  et  des  observations  qui  ont  trait  à l’une  d’entre  elles. 

Étudions  donc  cette  couche  de  fléchisseurs  directs  et  profonds  sur  les 
deux  membres,  et  voyons  quelle  est  sa  disposition  par  rapport  aux  deux  os 
du  second  article. 

Examinons  d’abord  ce  qui  a trait  au  membre  antérieur.  Ici  cette  couche 
profonde  est  représentée  généralement  par  un  muscle  unique  qui  s’étend 
de  l’humérus  à l’avant-bras,  muscle  appliqué  directement  sur  la  face  de 
flexion  du  coude,  et  qui  est  connu  sous  le  nom  de  brachiabantérieur,  bra- 
chial inférieur,  brachial  interne,  huméro-antibrachial,  etc.  Chez  les  Amphi- 
biens  urodèles  et  anoures,  chez  les  Chéloniens,  chez  les  Sauriens  kiono- 
crâniens,  chez  les  Chamæléonides  et  chez  les  Crocodiliens,  la  disposition 
générale  de  ce  muscle  est  de  naître  supérieurement  sur  une  partie  plus 
ou  moins  étendue  de  la  face  antérieure  ou  de  flexion  de  l’humérus,  et  le 
plus  souvent  sur  toute  cette  face  antérieure  au-dessous  des  insertions  du 
pectoral  et  du  supracoracoïdien,  et  de  s’insérer  inférieurement  par  un 
tendon  bifurqué  à la  fois  sur  le  cubitus  et  sur  le  radius. 

Chez  les  Chamæléonides,  l'insertion  cubitale  est  plus  importante  que  la 
radiale.  Elle  subsiste  même  seule  chez  certains  d’entre  eux,  Chamœleo 
Parsonii  par  exemple. 


58 


296 


Chez  les  Crocodiliens,  il  ss  décompose  en  deux  muscles  qui  sont  con- 
fondus à leur  origine  supérieure  sur  l’humérus.  L’un  se  comporte  exacte- 
ment comme  le  brachial  antérieur  des  Sauriens  kionocrûniens  et  s’unit 
inférieurement  avec  le  biceps,  pour  s’insérer  avec  lui  sur  le  cubitus  et  le 
radius;  l’autre,  décrit  par  Haughton  sous  le  nom  de  brachialis  extsrnus 
chez  le  Crocodile,  a été  considéré  par  lui  comme  une  portion  du  bra- 
chialis externus  chez  l’Alligator,  et  va  s’insérer  au  radius,  d’où  le  nom 
de  humero-radialis  que  lui  donne  Fürbringer.  Ce  dernier  auteur  con- 
sidère ce  muscle  comme  une  partie  aberrante  différenciée  du  deltoïde 
scapulaire,  parce  qu’il  reçoit  ses  filets  nerveux  du  nerf  axillaire.  Sans 
entrer  dans  la  discussion  approfondie  de  celle  détermination  et  de  la  base 
théorique  très-discutable  sur  laquelle  elle  s’appuie,  je  déclare  me  ranger 
entièrement  à l’opinion  de  Haugthon,  et  considérer  ce  muscle  comme 
une  portion  externe  ou  vaste  externe  du  fléchisseur  profond  direct.  Il  ré- 
sulte de  ce  fait  que  chez  les  Crocodiliens  les  fléchisseurs  directs  du  coude 
sont  représentés  par  deux  faisceaux  distincts , l’un  interne  et  antérieur, 
l’autre  externe,  qui  seraient  les  deux  faisceaux  symétriques  des  vastes  in- 
terne et  externe  du  triceps  extenseur. 

Une  autre  disposition  générale  du  brachial  antérieur  dans  les  groupes 
sus-désignés.  c’est  son  union  inférieure  avec  le  biceps,  qui,  nous  le  savons, 
a une  double  insertion  radio-cubitale. 

11  faut  remarquer,  de  plus,  que  le  développement  de  ce  muscle  est  tou- 
jours en  raison  inverse  de  celui  du  biceps.  11  y a là  une  sorte  de  balance- 
ment qui  est  une  explication  satisfaisante  de  son  grand  développement  et 
de  l’apparition  de  son  faisceau  externe  chez  les  Crocodiliens,  où  le  biceps 
est  bien  plus  réduit  que  chez  aucun  Sa u rien  ou  Chélonien. 

Chez  les  Oiseaux,  même  balancement  et  mêmes  rapports  d'union  avec  le 
biceps.  Ce  dernier  étant  très-développé,  le  brachial  antérieur  est  un  muscle 
très-court  et  très-grêle,  parlant  seulement  de  l’extrémité  inférieure  de  la  face 
interne  de  l’humérus  et  de  l’épitrochlée.  Aussi  ce  muscle  réduit  au  faisceau 
interne  est-il  uniquement  cubital. 

Parmi  les  Mammifères,,  le  brachial  antérieur  est  simplement  cubital  chez 
ceux  dont  le  cubitus  joue  le  rôle  capital  et  presque  unique  dans  la  flexion  du 
coude.  Tels  sont  l’Homme,  les  Singes,  les  Carnivores,  les  Monotrêmes,  dont 


— 297  — 


le  cubitus,  très-développé,  forme  la  plus  grande  partie  de  la  surface  arti- 
culaire de  l’avant-bras  au  coude,  et  atteint  la  face  de  flexion  de  l’avant-bras, 
à ce  niveau,  par  son  apophyse  coracoïde.  Mais  chez  beaucoup  de  Mam- 
mifères non  claviculés,  tels  que  le  Cheval,  les  Ruminants,  les  Rongeurs,  chez 
lesquels  le  cubitus  perd  de  son  importance  et  est  retiré  en  arrière,  abandonnant 
la  face  de  flexion  du  coude  pour  la  céder  au  radius , le  brachial  antérieur 
s’insère  sur  le  radius  en  même  temps  que  sur  le  cubitus,  et  même  parfois 
principalement  sur  le  radius. 

Cette  revue  générale  nous  montre  d’une  manière  remarquable  que  le 
fléchisseur  profond  direct  de  l’avant-bras  est  primitivement  inséré  sur  les 
deux  os  de  cet  article,  et  qu’il  peut  s’insérer  tantôt  aux  deux  os  et  surtout  au 
radius,  tantôt  seulement  au  cubitus,  selon  l’os  qui  occupe  plus  particuliè- 
rement la  face  de  flexion  de  l’avant-bras  et  qui  préside  aux  mouvements  du 
coude. 

Les  fléchisseurs  profonds  et  directs  de  la  jambe  peuvent  donner  lieu  à des 
réflexions  semblables. 

Chez  l’Homme,  ces  fléchisseurs  sont  au  nombre  de  deux,  la  courte  portion 
du  biceps  et  le  poplité;  le  premier  est  fémoro-péronéal  ; le  second,  fémoro- 
tibial. 

Chez  presque  tous  les  Mammifères  et  même  chez  les  Singes , d’après 
Cuvier,  la  courte  portion  du  biceps  ou  le  muscle  fémoro-péronéal  fait  défaut. 
Pourtant,  chez  l’Orang-Ontang  ce  muscle  existe,  mais  il  est  distinct  et 
indépendant  de  la  longue  portion  du  biceps  ; il  naît  de  la  partie  moyenne  du 
bord  externe  du  fémur  et  passe  obliquement  sous  la  longue  portion  du 
biceps  pour  se  continuer  avec  l’aponévrose  jambière. 

L’Aï  et  le  Fourmilier  didactyle,  d’après  Cuvier,  présentent  la  même  parti- 
cularité, et  chez  ce  dernier  le  muscle,  partant  de  la  moitié  inférieure  du 
bord  externe  du  fémur,  descend  par  un  long  tendon  jusqu’à  la  portion  infé- 
rieure du  péroné. 

Tandis  que  le  fémoro-péronier  est  un  muscle  très-inconstant,  le  poplité 
ou  fémoro-tibial  est  un  muscle  qui  existe  très-généralement  chez  les  Mammi- 
fères. 

Il  existerait  également  chez  les  Batraciens  anoures  (Owen),  mais  il  fait 
défaut  chez  les  Chéloniens,  les  Sauriens  et  les  Crocodiliens,  ce  qui  peut  être 


attribué  au  développement  considérable  des  fléchisseurs  superficiels  qui 
prennent  leur  origine  sur  les  os  du  bassin. 

La  constance  de  ce  muscle  chez  les  Mammifères  est  en  relation  avec  le 
rôle  prédominant,  parfois  même  exclusif,  que  prend  le  tibia  dans  la  flexion 
du  genou,  et  avec  la  présence  constante  de  cet  os  sur  la  face  de  flexion  de 
l’articulation.  Nous  savons  au  contraire  que  le  péroné  tend  à perdre  toute 
importance  dans  l’articulation,  qu’il  lui  devient  étranger,  et  s’atrophie  même 
dans  certains  cas,  laissant  tout  le  rôle  d’os  articulaire  au  tibia. 

La  conclusion  générale  à tirer  de  l’étude  de  ces  fléchisseurs  profonds 
directs,  soit  de  la  jambe,  soit  de  l’avant-bras,  c’est  que,  s’insérant  primitive- 
ment sur  les  deux  os  du  membre,  ils  peuvent  conserver  leur  double  inser- 
tion quand  la  différence  de  rôle  et  de  situation  des  deux  os  n’est  pas  trop 
accentuée  ; mais  qu'une  seule  des  deux  insertions  est  conservée  quand  l’un 
des  os,  s’effaçant  au  -profit  de  l’autre  sur  la  face  articulaire  et  sur  la  face  de 
flexion,  laisse  à l’autre  le  rôle  prédominant  et  presque  exclusif  dans  la 
flexion  de  l’article.  Chez  l’Homme  en  particulier,  le  radius  cédant  le  pas  au 
cubitus,  c’est  à ce  dernier  os  seulement  que  s’insère  le  brachial  antérieur. 
A la  jambe,  le  tibia  devient  prédominant  et  il  y a un  fort  fléchisseur  fémoro- 
tibial  poplité  ; mais  le  péroné  est  encore  assez  important  pour  qu’il  reste 
un  muscle  fèmoro-péronéal,  le  court  biceps.  Ce  dernier  disparaît  chez  tous 
les  Mammifères,  où  le  péroné  s’efface  encore  davantage’. 


I M.  Martins  considère  le  rond  pronaleur  comme  représentant  à l’avant-bras  le  poplité,  de 
telle  sorte  que  les  fléchisseurs  profonds  directs  du  coude  seraient,  chez  l’Homme,  à la  fois 
cubitaux  et  radiaux,  comme  à la  jambe  ils  sont  péroniers  et  tibiaux.  Mais  cette  appréciation 
des  homologies  du  rond  pronateur  n’est  pas  acceptable.  Il  est  vrai  que  ce  muscle  esthuméro- 
radial  fléchisseur,  comme  le  poplité  est  fémoro-tibial  fléchisseur  ; mais,  tandis  que  le  second 
est  un  fléchisseur  profond  direct,  appliqué  immédiatement  sur  la  face  de  flexion  de  l’articula- 
tion, le  premier,  le  rond  pronateur,  est  un  muscle  essentiellement  superficiel.  Cette  différence 
de  situation  n’est  pas  à elle  seule  une  raison  absolue  de  repousser  l’homologie  des  deux  mus- 
cles, mais  elle  s'ajoute  à des  raisons  vraiment  importantes. 

II  est  incontestable  que  le  rond  pronateur  est  un  muscle  de  perfectionnement  dépen- 
dant du  bord  externe  de  la  couche  superficielle  des  muscles  antérieurs  de  l’avant-bras. 
A cet  égard,  il  devrait,  à la  jambe,  appartenir  à la  couche  superficielle  formée  par  les  muscles 
jumeaux  et  plantaire  grêle,  tandis  que  le  poplité  appartient  à la  couche  profonde  soléaire 
formée  par  le  jambier  postérieur,  le  long  fléchisseur  commun  des  orteils,  et  le  long  fléchisseur 
du  gros  orteil.  Le  rôle  du  rond  pronateur  est  un  rôle  spécial  qui  est  en  rapport  avec  la  pro- 


- 299  — 


Les  conclusions  auxquelles  vient  de  nous  conduire  l’étude  des  fléchis- 
seurs profonds  directs  du  coude  et  du  genou,  me  paraissent  devoir  s’appli- 
quer sans  hésitation  aux  extenseurs  profonds  directs  de  ces  articulations, 
c’est-à-dire  aux  vastes  interne  et  externe.  Au  coude,  où  le  cubitus  est  et 
devient  de  plus  en  plus  exclusivement  saillant  sur  la  face  de  l’extension, 
les  extenseurs  profonds  et  directs  s’insèrent  uniquement  sur  le  cubitus.  Au 
genou,  où  le  tibia  présente  exactement  les  mêmes  conditions  que  le  cubitus, 
les  extenseurs  profonds  et  directs  s’insèrent  uniquement  au  tibia.  Ce  n’est 
là  en  aucune  façon  un  cas  de  transposition  d’attaches,  c’est  purement  et 
simplement  un  cas  d’atrophie  et  de  disparition  de  l’une  des  deux  insertions 
de  ces  muscles.  Cette  disparition  porte  dans  les  deux  cas  sur  des  insertions 
différentes;  de  là  vient  que  les  muscles  vastes  ont  en  définitive  des  atta- 
ches inférieures  différentes  dans  les  deux  membres. 

Tous  ces  faits  trouvent  leur  explication  satisfaisante  dans  les  changements 
qu’éprouvent  les  membres  typiques  primitifs  pour  devenir  membre  antérieur 
et  membre  postérieur.  C’est  ce  qui  va  ressortir,  je  l’espère,  du  coup  d’œil 
d’ensemble  que  je  vais  jeter  sur  les  muscles  des  membres,  que  j’ai  étudiés 
jusqu’à  présent. 

Ces  muscles  peuvent  être  groupés  en  plusieurs  catégories  distinctes.  Il  y 
a pour  chaque  membre  parvenu  à sa  forme  définitive  des  muscles  fléchis- 

nation.  Aussi  ce  muscle  n'existe-t-il  que  là  où  il  y a faculté  de  prôna tion  et  de  supination,  et  son 
importance  est  en  relation  avec  l’étendue  de  ces  mouvements.  C’est  ainsi  que  ce  muscle  existe 
chez  l’Homme, les  SingesJes  Carnassiers,  les  Marsupiaux. 

Quoique  Cuvier  ait  prétendu  le  contraire,  le  rond  pronateur  existe  chez  les  Chéiroptères, 
dont  le  cubitus  atrophié  et  réduit  à son  extrémité  supérieure  est  soudé  au  radius,  mais  où  le 
radius  est  susceptible  pendant  le  vol  d'un  mouvement  de  rotation  de  dehors  en  dedans  de  quart 
de  cercle,  90°  environ,  qui  constitue  réellement  la  pronation.  Chez  le  Lapin,  dont  le  mouvement 
de  supination  et  de  pronation  est  presque  nul,  le  rond  pronateur  n’existe  pas,  quoi  qu’en  dise 
Cuvier.  Enfin,  chez  l’Éléphant  et  le  Cochon,  le  rond  pronateur  est  très-faible,  d’après  Cuvier, 
et  il  disparaît  entièrement  chez  les  Solipèdes  et  chez  les  Ruminants.  Ce  muscle  se  trouve  chez 
les  Crocodiles,  les  Tortues  de  terre  et  d’eau  douce,  et  les  Sauriens. 

On  voit,  d’après  cela,  qu'à  l’avant-bras  le  rond  pronateur  disparaît  avec  le  mouvement  de 
supination  et  de  pronation.  Il  est  légitime  de  penser  qu'à  la  jambe,  où  les  mouvements  de  supi- 
nation et  de  pronation  n'existent  pas,  ce  muscle  a également  fait  défaut,  et  qu’il  n’est  pas 
représenté.  Le  poplité  a donc  une  autre  signification,  et  répond  au  chef  radial  du  brachial 
antérieur,  qui  existe  dans  certains  cas. 


seurs  et  des  muscles  extenseurs  du  genou  et  du  coude.  Ces  deux  groupes  se 
subdivisent  à leur  tour  : 1°  en  fléchisseurs  et  extenseurs  superficiels  et  in- 
directs qui,  passant  sans  contracter  des  adhérences  sur  le  premier  article  du 
membre,  s’étendent  de  l’élément  dorsal  des  deux  ceintures  au  second  article 
du  membre  ; et  2°  en  fléchisseurs  et  extenseurs  profonds  et  directs  qui  vont 
directement  du  premier  au  second  article' . 

Les  extenseurs  superficiels  et  indirects  sont  : 

Pour  le  bras,  le  long  triceps  brachial  ; 

Pour  la  jambe,  le  droit  antérieur. 

Les  fléchisseurs  superficiels  et  indirects  sont  : 

Pour  le  bras,  le  long  biceps  ; 

Pour  la  jambe,  le  long  biceps. 

Les  extenseurs  profonds  et  directs  sont  : 

Pour  le  bras,  le  vaste  interne  et  le  vaste  externe  du  triceps  ; 

Pour  la  jambe,  le  vaste  interne  et  le  vaste  externe  du  triceps. 

Les  fléchisseurs  profonds  et  directs  sont  : 

Pour  le  bras,  le  brachial  antérieur  ; 

Pour  la  jambe,  le  poplité  et  le  court  biceps. 

Telle  est  la  disposition  et  la  fonction  des  muscles  lorsque  les  membres  ont 
acquis  leur  position  consécutive. 

Mais  remarquons  que  le  fléchisseur  superficiel  de  l’avant- bras  nait  d’une 
portion  du  scapulum  qui  est  antérieure  à la  cavité  glénoïde,  tandis  que  l’ex- 
tenseur superficiel  appartient  au  scapulum  postérieur.  11  est  facile  de  com- 
prendre que  lorsque  le  membre  était  dans  sa  situation  primitive,  le  fléchis- 
seur superficiel  ou  long  biceps  en  occupait  le  bord  antérieur , tandis  que 
l’extenseur  superficiel  ou  long  triceps  en  occupait  le  bord  postérieur. 

Le  long  biceps  tendait  à porter  le  bras  en  avant  et  était  un  muscle  pré- 
moteur, le  long  triceps  tendait  à le  porter  en  arrière  et  était  rétromoteur. 
Le  rôle  de  la  flexion  et  de  l’extension  de  l’avanl-bras  était  particulièrement 
dévolu  aux  fléchisseurs  et  extenseurs  profonds. 

Quand  le  membre  s’est  placé  dans  sa  situation  consécutive,  l’humérus 


— 301 


s’est  porté  en  arrière  et  en  dedans,  et  a subi  un  mouvement  de  rotation  sur 
son  axe  longitudinal  tel,  que  l’épicondyle,  qui  était  antérieur,  est  devenu 
externe,  et  l’épitrochlée  est  devenue  interne. 

En  même  temps  le  radius  et  le  cubitus  ont  accompli  ce  mouvement  de 
révolution  réciproque  autour  l’un  de  l’autre,  tel  que  le  radius,  d’externe 
qu’il  eût  été  dans  la  nouvelle  situation  de  l’humérus,  devient  de  plus  en  plus 
antérieur. 

Les  divers  changements  de  situation  des  os  font  clairement  comprendre  que 
l’extrémité  inférieure  du  muscle  prémoleur  ou  long  biceps  glisse  avec  le 
radius  en  avant  de  l’articulation  du  coude  et  devient  fléchisseur,  tandis  que 
le  muscle  rétromoteur  ou  long  triceps  se  transporte  parallèlement  avec  le 
cubitus  en  arrière  de  cette  articulation  et  devient  extenseur.  Les  extrémités 
supérieures  des  muscles  restent  fixées  aux  parties  antérieure  et  posté- 
rieure du  scapulum,  et  conservent  leurs  relations  primitives  par  rapport  au 
membre  ; mais  les  extrémités  inférieures  sont  entraînées  par  un  mou- 
vement de  rotation  qui,  leur  faisant  décrire  un  angle  de  90°,  transforme  le 
prémoteur  en  fléchisseur  et  le  rétromoteur  en  extenseur.  Cette  rotation 
imprime  du  reste  aux  corps  des  muscles  long  biceps  et  long  triecps  une  tor- 
sion dont  les  traces  sont  très-manifestes  et  n’ont  pas  échappé  aux  observateurs. 

Au  membre  inférieur  se  passent  des  phénomènes  de  même  ordre,  mais  en 
sens  inverse,  attendu  que  le  fémur  se  porte  en  avant  et  non  en  arrière,  et 
que  le  sens  de  la  rotation  des  deux  os  de  la  jambe  est  l’inverse  de  celui  des 
deux  os  de  l’avant-bras.  Tandis  en  effet  que  dans  la  situation  définitive 
des  membres,  le  radius  décrit  par  rapport  au  cubitus  un  mouvement  de 
translation  d’arrière  en  avant  et  de  dehors  en  dedans , le  mouvement  de 
translation  réciproque  des  deux  os  de  la  jambe  est  tel  au  contraire  que  le 
péroné  décrit  autour  du  tibia  un  mouvement  de  translation  d’avant  en 
arrière  et  de  dehors  en  dedans.  Dans  la  situation  primitive  du  membre,  le 
droit  antérieur  naissant  de  l’iléon  antérieur  en  avant  de  la  cavité  cotylo'ide 
était  un  muscle  prémoteur,  le  long  biceps  naissant  de  l’iléon  postérieur  en 
arrière  de  la  cavité  cotylo'ide  était  un  muscle  rétromoteur.  Le  fémur  se  por- 
tant en  avant  et  en  dedans,  et  les  deux  os  de  la  jambe  chevauchant  l’un 
autour  de  l’autre,  de  manière  à ce  que  le  tibia  se  porte  en  avant  et  le  péroné 
en  arrière,  il  en  résulte  que  l’extrémité  inférieure  du  muscle  prémoteur  ou 


302  — 


droit  antérieur,  qui  eût  été  interne,  glisse  d’arrière  en  avant  avec  le  tibia  et  se 
porte  sur  la  face  de  l’extension,  tandis  que  l’extrémité  inférieure  du  muscle 
rétromoteur  ou  long  biceps,  qui  eût  été  externe,  se  porte  avec  le  péroné 
d’avant  en  arrière  sur  la  face  de  flexion  du  membre.  Néanmoins  ce  dernier 
muscle  conserve  encore  quelque  chose  de  sa  situation  primitive  et  reste 
externe  et  abducteur  de  la  jambe,  ce  qui  a d’autant  moins  lieu  de  nous 
étonner  que  le  mouvement  de  révolution  des  deux  os  de  la  jambe  n’atteint  pas 
l’étendue  et  l’importance  qu’il  acquiert  pour  les  os  de  l'avant-bras. 

Ces  phénomènes  se  comprennent  admirablement  lorsqu’on  se  représente 
que  dans  le  mouvement  qui  produit  la  situation  consécutive  des  membres, 
l’élément  dorsal  de  chacune  des  deux  ceintures  (scapulum,  iléon)  sur  lequel 
s’insèrent  les  extenseurs  et  les  fléchisseurs  superficiels  restant  fixe,  l’os  du 
premier  article  subit  un  mouvement  de  rotation  sur  son  axe,  dont  le  sens 
est  inverse  du  sens  dans  lequel  s’établit  la  translation  des  deux  os  du  se- 
cond article  l’un  autour  de  l’autre,  translation  qui  équivaut  à une  rotation 
si  l’on  considère  les  deux  os  comme  n’en  formant  qu’un.  L’humérus, 
par  exemple,  roulant  sur  son  axe  d’avant  en  arrière  et  de  dehors  en  de- 
dans, l’avant-bras  roule  sur  son  axe  en  sens  inverse,  c’est-à-dire  d’ar- 
rière en  avant  .et  de  dehors  en  dedans.  11  y a donc  là  une  vraie  torsion 
du  membre  dont  l’interligne  de  l’articulation  du  coude  est  le  lieu,  mais  qui 
ne  porte  point  sur  les  os  eux-mêmes  et  n’a  pas  d’autre  influence  sur  eux 
que  celle  de  changer  la  direction  des  muscles  et  par  suite  celle  des  saillies 
osseuses.  C’est,  cette  influence  qui  a produit  sur  l’humérus  ces  crêtes  d’in- 
sertions musculaires  contournées  en  spirale  autour  de  l’os  qui  ont  donné 
naissance  à l’idée  delà  torsion  de  l’humérus.  Il  y a torsion , c’est  vrai,  mais 
torsion  dans  l’interligne  articulaire,  et  par  suite  torsion  articulaire  et  mus- 
culaire, dont  les  muscles  de  la  région  permettent  de  saisir  des  traces  on 
ne  peut  plus  probantes. 

Dans  cette  torsion  articulaire  dont  les  signes  sont  bien  moindres  au  mem- 
bre inférieur  qu’au  membre  supérieur,  attendu  que  le  degré  de  torsion- 
yest  lui-même  bien  moins  prononcé,  les  extenseurs  et  les  fléchisseurs  pro- 
fonds étendus  directement  de  l’os  du  premier  article  aux  os  du  second 
article  ne  peuvent  changer  de  face  d’insertion  ni  de  rôle,  et  conservent  leur 
situation,  mais  avec  des  traces  de  torsion  évidente  à divers  degrés.  C’est  ce 


— 305  — 


que  l’on  observe  pour  les  vastes  brachiaux  et  même  fémoraux,  pour  le  bra- 
chial antérieur,  le  poplité  et  le  court  biceps  fémoral. 

Les  autres  groupes  de  muscles,  les  abducteurs,  adducteurs,  fléchisseurs 
et  extenseurs  du  premier  article,  présentent  tous  des  traces  des  change- 
ments de  situation  de  l’humérus  et  du  fémur  et  de  leur  rotation  sur  leurs  axes. 
Sans  entrer  dans  de  longs  détails  à cet  égard,  je  ferai  simplement  remarquer 
que  le  grand  pectoral,  le  grand  rond,  le  grand  dorsal,  ont  acquis,  outre 
leur  pouvoir  primitif  d’adduction,  une  action  rotatrice  du  bras  en  dedans  qui 
tient  à la  cause  précitée. 

Je  fais  également  observer  que  les  adducteurs  fémoraux,  les  fessiers,  les 
obturateurs,  le  carré  crural,  ont  au  contraire  acquis  une  action  rotatrice  de 
la  cuisse  en  dehors,  qu’ils  doivent  à la  rotation  du  fémur  en  dedans  lors  de 
la  transformation  du  membre.  De  là  vient  qu’au  membre  supérieur  les  rota- 
teurs en  dedans  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux  et  les  plus  puissants, 
tandis  qu’au  membre  inférieur  c’est  aux  rotateurs  en  dehors  qu’appartient 
la  prédominance.  Au  membre  supérieur,  bien  des  muscles  adducteurs  ou 
abducteurs  de  l’humérus  ont  acquis  l’action  rotatrice  en  dedans  ; au  mem- 
bre inférieur,  ces  mêmes  muscles  ont  acquis  l’action  rotatrice  en  dehors. 

Ainsi  se  comprennent  bien  des  faits  généraux  ayant  trait  au  système 
musculaire,  et  pour  l’intelligence  desquels  on  s’est  souvent  contenté  d’invo- 
quer des  tendances  générales  et  des  explications  vagues  qui  n’expliquent 
rien. 

Je  clos  là  l’étude  des  homologies  du  système  musculaire  des  deux  cein- 
tures. 

Avant  de  tirer  de  cette  élude,  déjà  longue,  les  conclusions  quelle  com- 
porte, j’ai  jugé  utile  de  placer  ici  une  comparaison  des  muscles  naissant  de 
l’iléon  chez  les  Oiseaux,  chez  les  Grocodiliens  et  chez  les  Mammifères. 
Cette  partie  de  mon  travail  est  le  corollaire  obligé  de  l’examen  analyti- 
que que  j’ai  fait  de  l’iléon  de  l’Oiseau.  Elle  est  appelée  à en  confirmer  les 
résultats  et  à fournir  un  solide  appui  aux  conceptions  que  j’ai  à cœur 
d’établir  sur  la  nature  des  rapports  du  système  osseux  et  du  système  mus- 
culaire, et  sur  la  constance  de  ces  rapports. 


39 


504 


COMPARAISON  DES  MUSCLES  NAISSANT  DE  L’ILÉON,  CHEZ  LES 
OISEAUX,  CHEZ  LES  CROCODILES,  ET  CHEZ  LES  MAMMIFÈRES. 

Dans  la  partie  ostéologique  de  ce  travail  j’ai  établi,  sur  l’examen  des 
formes  et  des  connexions  de  éléments  squelettiques  : 

1°  Que  l’iléon  des  Crocodiliens  était  composé  d’un  iléon  postérieur  très- 
développé  et  placé  en  arrière  de  l’acétabulum,  et  d’un  iléon  antérieur  rudi- 
mentaire placé  en  avant  de  l’acétabulum  et  réduit  à l’état  de  tubercule  an- 
térieur ou  apophyse  antérieure  ( épine  antérieure  de  l’iléon  de  Haughton). 

2U  Que  l'iléon  des  Mammifères  état  au  contraire  composé  d’un  iléon 
antérieur  très-développé,  placé  en  avant  de  l’acétabulum  et  constituant 
l’iléon  proprement  dit,  et  d’un  iléon  postérieur  très-rudimentaire  comme 
élément  osseux,  et  représenté  surtout  par  des  tissus  fibreux  (partie  iliaque 
de  la  crête  sus-trochantérienne  et  petits  ligaments  sacro-sciatiques). 

5°  Que  ces  deux  types  opposés  de  développement  des  iléons  étaient 
réunis  et  comme  synthétisés  dans  l’iléon  des  Oiseaux,  dont  la  portion  anté- 
rieure représentait  l’iléon  antérieur  des  Mammifères,  et  la  portion  posté- 
rieure l’iléon  des  Reptiles  et  plus  particulièrement  des  Crocodiliens. 

Ces  rapprochements,  établis  seulement  sur  des  considérations  ostéogra- 
phiques,  méritaient  d’être  examinés  au  point  de  vue  de  la  disposition  du 
système  musculaire.  Cette  étude  comparative  avait  un  double  avantage.  Elle 
devait  d’abord,  en  vertu  des  principes  que  j’ai  soutenus  dans  le  cours  de  ce 
travail  (principe  de  la  subordination  du  système  osseux  au  système  mus- 
culaire, et  principe  de  la  fixité  des  insertions  musculaires),  elle  devait, 
dis-je,  permettre  de  juger  de  la  justesse  et  de  la  vérité  des  conclusions 
basées  sur  l’étude  exclusive  du  squelette,  et  en  second  lieu,  par  une  réac- 
tion légitime  dont  l’édification  de  la  vérité  scientifique  fournit  un  continuel 
exemple,  les  principes  invoqués  devaient  trouver  une  nouvelle  confirma- 
tion dans  l’accord  des  résultats  fournis  chez  les  trois  groupes  de  Vertébrés 
désignés  ci-dessus  par  l’étude  isolée  du  système  osseux  d’une  part  et  du 
système  musculaire  de  l’autre. 

J’ai  fait  une  analyse  très-sérieuse  des  muscles  qui  s’insèrent  sur  l’iléon, 
soit  en  tenant  compte  des  descriptions  déjà  données  par  des  anatomistes  au- 
torisés, soit  surtout  en  m’appuyant  sur  des  dissections  personnelles  faites 


505 


avec  beaucoup  de  soin  et  d’attention  ; et  je  suis  arrivé  à des  résultats  qui 
me  paraissent  concluants,  et  que  je  soumets  du  reste  à l’appréciation  du 
lecteur,  en  le  prévenant  que  le  besoin  de  préciser  les  homologies  muscu- 
laires au  point  de  vue  de  la  détermination  des  régions  osseuses  a nécessité  la 
répétition  de  certaines  comparaisons  déjà  faites  des  muscles  de  ces  régions. 

L’iléon  des  Oiseaux  donne  insertion  à un  grand  nombre  de  muscles  qui, 
à cause  même  de  leur  multiplicité,  ont  embarrassé  les  descriptions  et  sur- 
tout les  déterminations.  L’analyse  que  je  vais  en  faire  dissipera,  je  l’espère, 
les  obscurités  et  les  indécisions  qui  résultaient  nécessairement  d’une  concep- 
tion imparfaite  de  l’iléon  des  Oiseaux.  Je  vais  prendre  pour  point  de  départ 
les  muscles  de  l’Oiseau,  et  rechercher  successivement  leurs  homologues,  soit 
chez  les  Crocodiliens,  soit  chez  les  Mammifères. 

Couturier.  — Tenseur  du  fasgia  lata.  — Grand  fessier.  — Les  faces 
interne  et  antérieure  de  la  cuisse  sont  recouvertes,  chez  les  Oiseaux,  par  un 
plan  charnu  et  aponévrotique  que  l’on  peut,  avec  Yicq-d’Azyr,  Cuvier  et 
Meckel,  considérer  comme  constitué  par  trois  muscles  qui  seraient  d’avant 
en  arrière  les  représentants  du  couturier,  du  tenseur  du  fascia  lata  et  du 
grand  fessier. 

Le  Couturier  naît,  chez  le  Poulet,  du  bord  antérieur  de  l’iléon  antérieur  et 
de  son  angle  inférieur  et  externe  qui  répond  à l’épine  iliaque  antérieure  et 
supérieure.  De  là  ce  muscle,  en  forme  de  ruban  musculaire,  se  porte  en  bas 
et  en  dedans,  croisant  obliquement  le  bord  antérieur  de  la  cuisse,  dont  il 
dessine  le  tranchant,  et  va  se  terminer  en  partie  sur  l’aponévrose  du  triceps 
crural  et  sur  la  rotule,  en  partie  sur  la  crête  interne  ou  antérieure  du  tibia. 

Ce  muscle  est  considéré  comme  un  vrai  couturier  par  Yicq-d’Azyr,  par 
Cuvier,  Meckel,  Tiedemann,  OwenL  II  reproduit  avec  beaucoup  d’exactitude 
la  disposition  du  couturier  des  Mammifères.  Ce  dernier  muscle  naît,  chez 


1 M.  Alix  accepte  cette  détermination,  tout  en  faisant  remarquer  combien  les  insertions  de 
ce  couturier  diffèrent  de  celles  du  couturier  des  Mammifères.  Il  est  vrai  que  pour  lui  le  coutu- 
rier des  Oiseaux  s'insère  aussi  aux  apophyses  épineuses  de  la  dernière  ou  des  deux  dernières 
dorsales,  et  parfois  un  peu  aux  côtes  des  vertèbres  prélombaires.  On  peut  se  borner  à répondre 
que  ces  insertions  vertébro-costales  sont  secondaires,  font  souvent  défaut,  et  qu’elles  sont 
même  représentées  chez  les  Mammifères  par  l’aponévrose  abdominale,  qui  peut  être  considérée 
comme  prolongeant  jusqu’aux  côtes  et  aux  vertèbres  les  attaches  du  couturier. 


30G 


l’Homme  et  les  Carnivores,  sur  l’iléon  antérieur  de  l’épine  iliaque  antérieure 
et  supérieure  et  suit  un  trajet  oblique  sur  le  bord  antérieur  de  la  cuisse,  dont 
il  dessine  le  tranchant,  surtout  chez  les  Carnivores;  il  se  rend,  chez  l’Homme, 
à la  crête  du  tibia  au-dessous  du  ligament  rotulien,  et  chez  les  Carnivores  à la 
l'ace  interne  du  tibia.  Chez  les  Ruminants  et  chez  lesSolipèdes,  ce  muscle  nait 
du  fascia  iliaqueet,  par  son  intermédiaire,  de  l’angle  externe  de  l’iléon,  et 
s’attache  sur  le  ligament  rotulien  interne,  qui  lui  sert  d’insertion  tibiale.  Le 
couturier  est  donc  un  muscle  de  l’iléon  antérieur  bien  représenté  chez  les 
Mammifères  et  chez  les  Oiseaux.  L’est-il  également  chez  les  Crocodiliens  ? 

Il  existe,  chez  l’Alligator  du  Mississipi , un  très-petit  faisceau  musculaire 
qui  naît  de  ce  que  j’ai  désigné  sous  le  nom  d’épine  iliaque  (PI.  IY,  fig.  13, 
sp.  il.),  et  qui  va  se  perdre  sur  l’aponévrose  de  la  face  interne  de  la  cuisse 
ou  aponévrose  dp  muscle  crural,  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  ce  segment 
du  membre.  Ce  muscle  est  considéré  par  Haughton  comme  un  couturier  et 
désigné  par  lui  sous  le  nom  de  sartorius,  chez  l’Alligator1. 

Cette  détermination  n’est  rien  moins  que  certaine.  Le  muscle  ainsi  dési- 
gné par  Haughton  chez  l’Alligator  existe  chez  le  Crocodile,  mais  Haughton 
l’y  a décrit  sous  le  nom  de  glutœus  minimus  ou  petit  fessier2,  tandis  qu’il 
décrit  lui-même  chez  le  Crocodile,  sous  le  nom  de  sartorius,  un  tout  autre 
muscle  que  celui  qu’il  a désigné  de  ce  môme  nom  chez  l’Alligator3. 

Tandis  que  le  sartorius  de  l’Alligator  naît,  d’après  lui,  de  l’épine  anté- 
rieure de  i’iléon,  celui  du  Crocodile  naîtrait  en  arrière  et  en  dedans  de  l’ori- 
gine du  droit  crural,  au  point  de  jonction  de  l’iléon  et  de  l’os  mursupial 
(pubis).  Ce  dernier  muscle,  qui  est  réellement  le  représentant  du  pectineus 
des  Chéloniens  et  des  Sauriens  (Owen),  (muscle  pubien  interne,  Mihi) 
existe  du  reste  fort  bien  chez  l’Alligator,  où  Haughton  le  décrit  sous  le  nom 
d e tensor  vaginœ  femoris.  La  confusion  est  donc  impossible,  et  il  y a lieu 
de  s’étonner  qu’elle  ait  été  commise  par  l’anatomiste  anglais. 

1!  résulte  donc  de  cet  examen  que  le  pectineus  existe  à la  fois  chez 
l’Alligator  et  chez  le  Crocodile,  ainsi  que  le  muscle  auquel  Haughton  a donné 

1 Haughton;  On  lhe  Muscular  Anatomy  of  the  Alligator.  (Annals  and.  Mag 1868,  pag.  283.) 

- Ibid.,  pag.  329. 

Haughton;  On  the  Muscular  Anatomy  of  the  Leg  of  lhe  Crocodile.  ( Annals  and  Mag  , 
18G5,  pag.  330.) 


507  — 


le  nom  de sartorius  chez  l’Alligator,  et  de  glulæus  minimus  chez  le  Croco- 
dile. Ce  muscle,  qui  est  rudimentaire  et  grêle  dans  les  deux  cas,  n’est  réel- 
lement pas  un  couturier  et  ne  saurait  être  comparé  au  couturier  des  Mam- 
mifères, avec  lequel  il  n’a  que  des  ressemblances  très-éloignées.  Son  exis- 
tence est  corrélative  du  développement  de  l’épine  iliaque  des  Crocodiliens. 
Mais  cette  épine  ne  représente  nullement  l'épine  iliaque  antérieure  des 
Mammifères  et  des  Oiseaux  ; elle  correspond  à une  portion  de  la  crête  su- 
périeure de  l’iléon  des  Oiseaux,  qui  est  commune  à l’iléon  antérieur  et  à 
l’iléon  postérieur,  ainsi  que  permettent  de  le  reconnaître  les  fig.  2 et  5 delà 
Planche  VI.  Or  nous  allons  voir  quel  est  le  muscle  auquel  donne  insertion 
cette  portion  commune  de  la  crête  de  l’iléon  des  Oiseaux. 

De  cette  portion  commune  naît,  chez  l’Oiseau,  un  muscle  large  et  mince, 
qui,  musculaire  au  niveau  de  ces  insertions  supérieures,  devient  bientôt 
aponévrotique,  forme  une  belle  lame  fibreuse  nacrée,  et  va  se  perdre  sur 
les  aponévroses  du  muscle  crural  ou  triceps.  Les  homologies  de  ce  muscle 
avec  le  petit  muscle  de  l’Alligator  et  du  Crocodile  me  semblent  vraiment 
rigoureuses  : origine  d’un  même  point  de  l’iléon,  insertion  sur  une  même 
aponévrose,  l’aponévrose  du  muscle  crural.  Il  n’y  a de  différence  que  pour 
le  volume,  différence  du  reste  facile  à comprendre  quand  on  la  rapproche 
de  la  différence  de  surface  des  parties  de  l’iléon  qui  servent  de  points  de 
départ  aux  muscles  dans  les  deux  cas.  Il  résulte  de  là  que  le  sartorius 
de  l’Alligator  de  Haughton  n’est  pas  le  représentant  du  couturier  des  Oi- 
seaux, mais  bien  le  représentant  de  ce  muscle  fibro-charnu  assez  étendu, 
qui  est  situé  immédiatement  en  arrière  du  couturier,  et  dont  il  convient  de 
déterminer  la  valeur. 

Ce  muscle,  surtout  tendineux,  est  continu  en  arrière  avec  un  plan 
charnu  triangulaire  important  (grand  abducteur  d’Owen),  qui  naît  de  la 
portion  postcotyloïdienne  de  la  crête  supérieure  de  l’iléon,  jusqu’au  voisi- 
nage de  l’extrémité  ou  tubérosité  postérieure  de  l’iléon,  en  même  temps  que 
de  la  crête  sacrée,  par  l’intermédiaire  de  l’aponévrose  des  gouttières  sacrées. 
De  là  ses  fibres  se  portent,  les  antérieures  sur  l’aponévrose  du  muscle  fibro- 
charnu  que  je  viens  de  décrire,  et  par  son  intermédiaire  sur  le  muscle  cru- 
ral ; les  autres  vont  se  terminer  sur  la  crête  externe  du  tibia,  sur  la  tête 
du  péroné  et  sur  l’aponévrose  jambière  externe. 


- 508  — 

Les  deux  portions  de  la  couche  musculaire  que  je  viens  de  décrire,  et  qui 
forment  un  plan  charnu  continu  sur  la  face  externe  de  la  cuisse  de  l’Oiseau, 
sont  bien  évidemment  les  représentants  de  la  couche  continue  fibro-apoué- 
vrotique  qui  se  compose,  chez  les  Mammifères,  du  tenseur  du  fascia  lata 
et  du  grand  fessier.  Les  insertions  sont  exactement  comparables,  puis- 
que chez  les  Mammifères  elles  ont  pour  siège,  d’une  part  l’épiiléon,  le 
sacrum,  l’aponévrose  des  muscles  des  gouttières  vertébrales  et  les  ligaments 
sacro-sciatiques  (iléon  postérieur)  dans  le  voisinage  du  sacrum,  et  d’autre 
part  l’aponévrose  fémorale,  et  par  son  intermédiaire  le  tibia,  la  tète  du  pé- 
roné, l’aponévrose  jambière. 

On  trouve  chez  les  Crocodiliens,  en  arrière  du  petit  muscle  que  Haughton 
a pris  à tort  pour  un  couturier,  un  muscle  important  qui  s’insère  sur  les 
deux  tiers  antérieurs  et  convexes  de  l’épiiléon,  et  qui,  formant  un  plan 
charnu  assez  large  sur  la  face  externe  de  la  cuisse,  va  s’insérer  sur  l’apo- 
névrose qui  recouvre  en  avant  et  en  dehors  l’articulation  du  genou.  Ce 
muscle  est  évidemment  le  représentant  de  la  portion  musculaire  et  posté- 
rieure du  plan  flbro-charnu  que  nous  venons  de  décrire  chez  l’Oiseau. 
C’est,  à proprement  parler,  un  grand  fessier , d’où  il  résulterait  que  le  petit 
faisceau  qui  lui  est  antérieur,  ou  sartorius  d’Haughton,  est  un  tenseur  rudi- 
mentaire du  fascia  lata. 

A ce  grand  fessier  de  l’Alligator,  il  faut  réunir  un  petit  muscle  qui  se 
détache  de  l’épiiléon  immédiatement  derrière  lui  et  qui  recouvre  en  partie 
le  biceps.  Ce  muscle,  auquel  Haughton  donne,  je  ne  sais  trop  pourquoi,  le 
nom  d ’agitator  caudæ , forme  un  ruban  charnu  qui  est  contigu  au  bord 
postérieur  du  grand  fessier,  et  se  termine  d’une  manière  assez  complexe. 
Haughton  le  décrit  de  la  façon  suivante  chez  le  Crocodile  et  chez  l’Alligator. 
Origine:  delà  crête  iliaque,  derrière  l’origine  du  grand  fessier.  — Insertion  : 
par  un  double  tendon , dont  l’un  passe  sur  le  côté  externe  du  genou  dans 
une  poulie  formée  par  le  tendon  du  biceps  au  moment  où  il  gagne  son  in- 
sertion fibulaire  et  va  s’insérer  sur  la  tête  du  muscle  plantaire',  et)  dont 

1 Le  muscle  plantaire  naît,  d'après  Haughton,  du  droit  autérieur  et  de  ïagitator  caudæ,  et, 
se  confondant  partiellement  avec  le  gastrocnémien  externe,  va  s’insérer  sur  le  calcanéum  et 
à la  face  inférieure  de  l'aponévrose  plantaire. 

C'est  un  péronien  latéral  postérieur  (long  péronien  latéral  des  anthropotomistes). 


309  — 


l’autre  se  porte  sur  la  tête  et  la  face  antérieure  du  tibia  ; ce  second  tendon 
sert  à brider  et  à maintenir  le  tendon  du  droit  antérieur. 

Cette  description  n’est  pas  entièrement  exacte,  ainsi  que  j’ai  pu  m’en  as- 
surer dans  mes  dissections,  et  je  dois  la  rectifier. 

Le  muscle  dont  il  est  question  semble  réellement  faire  partie  du  grand 
fessier,  dont  il  n’est  séparé  que  par  une  interligne  de  tissu  conjonctif. 
Son  tendon  inférieur  s’étale  en  une  aponévrose  qui  se  confond  en  avant  avec 
l’aponévrose  terminale  du  grand  fessier,  pour  se  terminer  avec  lui  sur  la  tête 
et  la  partie  supérieure  du  tibia.  En  arrière,  le  tendon  de  Xagitator  caudæ 
se  porte  sur  la  tête  du  péroné  et  sur  l’aponévrose  jambière,  d’où  naît  en  ce 
point  le  plantaire  d’Haughton,  qui  n’est  qu’un  vrai  muscle  péronier  latéral. 

11  résulte  de  là  que  le  muscle  agitator  caudæ  répond  à la  partie  posté- 
rieure du  grand  fessier  de  l’Oiseau,  puisqu’elle  possède  les  mêmes  rapports 
avec  le  grand  fessier  et  avec  le  tendon  du  droit  antérieur  et  les  mêmes  in- 
sertions iliaques,  tibiales,  péronières  et  aponévroliques. 

Seulement  ce  faisceau,  qui  acquiert  chez  les  Crocodiliens  une  existence 
distincte,  est  confondue,  chez  les  Oiseaux,  avec  le  grand  fessier.  C’est  là  du 
reste  un  fait  que  nous  avons  retrouvé  pour  le  tenseur  du  fascia  lata.  Ces 
trois  muscles,  indépendants  chez  le  Crocodile  (tenseur,  grand  fessier  et  agita- 
tor caudæ),  sont  confondus  en  une  même  lame  fibro-aponévrotique  chez 
l’Oiseau.  Nous  avons  vu,  chez  les  Mammifères,  Y agitator  caudæ  contracter 
des  rapports  différents  et  se  détacher  du  grand  fessier,  pour  se  confondre 
plus  intimement  avec  le  biceps. 

En  arrière  du  grand  fessier  naît,  chez  le  Poulet,  de  l’extrémité  ou  tu- 
bérosité postérieure  de  l’iléon,  un  muscle  fusiforme  qui  se  termine  inférieu- 
rement par  un  long  tendon  et  se  porte  vers  la  jambe,  où  il  se  jette,  chez  le 
Poulet,  sur  la  face  externe  du  jumeau  interne  et  se  réunit  au  tendon  de  ce 
dernier  muscle.  Parvenu  au-dessous  du  genou,  il  envoie  en  avant  un  tendon 
aplati  qui  s’applique  sur  la  face  externe  du  tendon  plat  du  demi-tendineux 
et  demi-membraneux,  se  confond  avec  ce  tendon  et  va  s’insérer  avec  lui 
à la  face  interne  de  l’extrémité  supérieure  du  tibia. 

Ce  muscle  est  bien  à tort  considéré  par  Owen,  Vicq-d’Azyr,  Cuvier, 
comme  un  demi-tendineux.  M.  Alix  accepte  cette  détermination.  Il  y voit 
une  démonstration  de  ce  fait  que,le  demi-tendineux  des  Oiseaux  est  un  mus- 


- 510  — 


clés  de  l’iléon  au  lieu  d’être  un  muscle  de  l’ischion,  comme  il  l’est  chez  les 
Mammifères,  et  il  considère  ce  fait  comme  un  nouvel  exemple  de  trans- 
position d’attaches. 

Ce  muscle  n’est  point  un  demi-tendineux,  dont  il  n’a  pas  les  insertions 
supérieures.  L’insertion  tibiale  n’est  que  partielle  et  lui  est  commune  avec  un 
muscle  qui  lui  est  accolé,  et  que  nous  retrouverons  plus  tard  comme  vrai 
demi-tendineux  et  demi-membraneux. 

La  preuve  que  le  muscle  en  question  n’est  pas  un  demi-tendineux,  c’est 
qu'il  se  retrouve  chez  les  Crocodiliens,  où  il  est  même  décomposé  en  deux 
faisceaux  et  plus  complet.  Or,  ces  animaux  ont  d’autre  part  un  demi-ten- 
dineux et  un  demi-membraneux  distincts  et  d’une  origine  purement  ischia- 
tique.  Le  muscle  en  question  est  en  réalité  une  dépendance  du  grand  fessier; 
un  faisceau  postérieur  de  ce  muscle,  naissant  sur  la  tubérosité  de  l’iléon 
postérieur  et  auquel  s’ajoutent,  chez  les  Gallinacés,  des  fibres  musculaires 
venant  des  apophyses  transverses  des  vertèbres  caudales,  ou  portion  sacrée 
proprement  dite  du  grand  fessier.  Chez  l’Alligator,  de  cette  même  tubérosité 
de  l’iléon  postérieur  naissent  deux  muscles  appliqués  l’un  à l’autre,  ou  muscle 
à deux  chefs,  dont  l’un,  externe,  à forme  conique,  se  rétrécit  inférieurement 
en  un  long  tendon  qui  gagne  la  face  postérieure  de  la  jambe,  où  il  se  jette 
sur  le  tendon  du  muscle  gastrocnémien.  Ce  muscle  est  décrit  chez  le  Cro- 
codile et  chez  l’Alligator,  par  Haugthon,  comme  un  demi-tendineux.  Mais  il 
nefaut  pas  oublier  que  l’anatomiste  anglais  le  fait  naître  de  l’extrémité  pos- 
térieure de  ce  qui  pour  lui  est  la  tubérosité  de  l’ischion , mais  qui  pour 
nous  est  certainement  l’extrémité  postérieure  de  l’iléon  ou  tubérosité  iliaque  . 
L’autre  chef,  ou  chef  interne,  forme  un  ruban  appliqué  à la  face  interne 
du  premier  et  qui  va  s’insérer  à la  face  interne  de  l’extrémité  supérieure  du 
tibia  par  un  tendon  qui  lui  est  commun  avec  le  demi-tendineux  et  avec  le 
demi-membraneux.  Ce  chef  interne  est  à tort  considéré  par  Haughton  comme 
un  demi-membraneux,  par  suite  de  la  même  erreur  ostéologique  qui  lui 
a fait  prendre  le  chef  externe  pour  un  demi-tendineux. 

On  voit  donc  que  le  muscle  qui  naissant,  chez  les  Oiseaux,  delà  tubé- 
rosité postérieure  de  l’iléon  postérieur  présente  deux  insertions  inférieures, 
l’une  à la  tête  du  tibia  par  un  tendon  commun  avec  le  demi-tendineux  et  le 
demi-membraneux,  et  l’autre  sur  le  tendon  du  gastrocnémien,  se  décompose 


chez  les  Crocodiliens  en  deux  chefs  accolés,  dont  l’un,  interne,  se  porte  sur 
le  tibia  par  un  tendon  commun  avec  le  demi-tendineux  et  le  demi- membra- 
neux, et  dont  l’autre,  externe,  se  porte  sur  le  tendon  du  gastrocnémien. 

Les  Crocodiliens  nous  ont  offert  dans  cette  même  région  un  autre  exemple 
de  dédoublement  d’un  muscle  de  l’Oiseau,  puisque  les  muscles  demi-tendi- 
neux et  demi-membraneux  (ischio-tibiaux),  réunis  en  un  seul  et  même 
muscle  chez  l’Oiseau,  présentent  chez  les  Crocodiliens  un  tendon  tibial 
commun  sur  lequel  s’attachent  deux  chefs  ischiatiques  distincts. 

Biceps.  — Au-dessous  du  grand  fessier  naît  chez  l’Oiseau,  sur  X iléon 
'postérieur,  dans  une  grande  partie  de  la  longueur  de  l’épiiléon,  un  biceps 
aplati  qui  forme  un  triangle  allongé.  Ce  muscle  se  dirige  vers  le  genou  et  se 
termine  par  un  tendon  qui  se  fixe  sur  le  bord  postérieur  et  la  face  externe  du 
péroné,  à une  certaine  distance  du  genou.  Ce  muscle  se  réfléchit  sur  une 
anse  fibreuse  dont  les  deux  extrémités  sont  fixées,  l’une  au  fémur  et  l’autre 
au  fémur  et  au  péroné,  et  qui  dépend  du  muscle  gastrocnémien  externe,  au- 
quel il  fournit  un  lieu  d’attaches.  11  en  résulte  que  le  biceps,  recouvert  en 
grande  partie  par  le  grand  fessier,  s’enfonce  entre  les  deux  faisceaux  supé- 
rieurs du  jumeau  externe  pour  aller  trouver  le  péroné. 

Le  biceps  des  Crocodiliens  présente  avec  celui  des  Oiseaux  des  rapports 
très-remarquables.  11  naît  de  l’épiiléon  au-dessous  du  grand  fessier  et  du 
prétendu  agitator  caudæ,  et  plus  particulièrement  au-dessous  de  ce  dernier; 
et  formant  un  muscle  plat  et  étroit  qui  se  porte  en  bas  en  dehors  du  genou, 
il  se  termine  par  un  tendon  aponévrotique  qui  s’étale  en  une  sorte  de  patte 
d’oie  dont  le  tendon  antérieur  s’insère  sur  la  face  externe  du  péroné,  un 
peu  au-dessous  de  la  tête,  dont  le  tendon  moyen  se  jette  sur  l’aponévrose 
d’origine  du  plantaris  ou  péronier  latéral  postérieur  (long  péronier  latéral  des 
antbropotomistes),  et  dont  le  tendon  postérieur,  sous  forme  d’expansion 
aponévrotique,  se  jette  sur  l’aponévrose  jambière  postérieure  qui  tapisse  le 
jumeau  externe.  Au-dessous  des  deux  tendons  antérieurs  passe  le  tendon  du 
droit  antérieur,  qui  va  s’unir  au  péronier  latéral  postérieur.  Ces  insertions 
si  complexes  du  biceps  des  Crocodiliens  se  ramènent  facilement  à celles  du 
biceps  des  Oiseaux.  L’insertion  fîbulaire,  qui  est  la  principale,  est  du  reste 
la  même  , et  les  insertions  aponévrotiques  du  Crocodile  sont  la  reproduction 

40 


512  — 


de  la  poulie  fibreuse  de  l’Oiseau,  sur  laquelle  les  glissements  ne  se  sont  pas 
encore  produits.  Ce  sont,  de  part  et  d’autre,  des  relations  plus  ou  moins  mo- 
difiées avec  l'aponévrose  jambière  externe. 

Droit  antérieur.  — Je  n’ai  pas  à insister  sur  ce  muscle,  qui  a été  longue- 
ment décrit  et  étudié  dans  le  chapitre  de  ce  travail  qui  a trait  à la  recherche 
de  son  homologue  dans  la  ceinture  thoracique.  Je  ne  puis  pourtant  me  dis- 
penser de  faire  remarquer  combien  ce  muscle  présente  d’étroites  ressem- 
blances, chez  les  Oiseaux  et  chez  lesCrocodiliens,  par  son  insertion  directe- 
ment précotyloïdienne,  par  son  faible  volume,  par  ses  rapports,  et  d’une  ma- 
nière encore  plus  frappante  par  le  trajet  si  remarquable  et  si  prolongé  de  son 
tendon  dans  une  coulisse  oblique  creusée  au  niveau  du  genou  dans  l’épaisseur 
des  aponévroses  réunies  des  muscles  crural,  tenseur  du  fascia  lata , fessier 
et  biceps.  11  y a là  une  similitude  complète  qui  permet  de  préciser  la  valeur 
de  la  partie  précotyloïdienne  de  l’iléon  du  Crocodile  comme  rudiment  de 
la  portion  axiale  de  l’iléon  antérieur  de  l’Oiseau. 

Iliaque  et  obturateur  interne.  — Les  Crocodiliens  ayant  un  muscle  pu- 
bien supérieur  (pectineus  d’Owen,  tensor  vaginæ  femoris  d’Haughton) 
rudimentaire,  possèdent  au  contraire  un  muscle  iliaque  interne  très-dèveloppé. 
Ce  muscle  naît  de  tout  le  bord  antérieur  du  rudiment  de  l’iléon  antérieur,  qui 
présente  une  surface  à la  fois  antérieure  et  un  peu  interne.  Il  constitue  un 
muscle  charnu  qui  s’amincit  beaucoup,  pour  se  terminer  par  une  extrémité 
aiguë  au-dessous  de  la  tubérosité  interne  de  l’extrémité  supérieure  du  fémur. 

Chez  l’Oiseau,  le  muscle  iliaque  peut  être  considéré  comme  composé  de 
deux  portions  contiguës  et  pourtant  distinctes,  mais  toujours  situées  en 
avant  de  l’acétabulum.  Il  y a un  iliaque  postérieur  grêle  et  aplati  qui  part 
seulement  de  la  crête  externe  de  l’iléon  axial  antérieur  et  qui,  allant  sur  un 
point  delà  faceinlernedu  fémur  situéau-dessous  du  col,  représente  exactement 
l’iliaque  des  Crocodiliens.  Mais  au-devant  de  ce  muscle  se  trouve  un  muscle 
plus  important,  triangulaire,  qui  a été  considéré  parVicq-d’AzyretWiedemann 
comme  un  iliaque  antérieur,  tandis  que  Tiedemann  et  Owen  en  font  un 
moyen  fessier,  et  Merrem,  Cuvier  et  Meckel  un  petit  fessier.  Ce  muscle, 
naissant  sur  toute  la  partie  du  bord  inférieur  de  l’iléon  antérieur  qui  est 
au-devant  des  insertions  de  l’iliaque  postérieur,  va  s’insérer  sur  la  face 


interne  du  fémur  suivant  une  ligne  qui  continue  inférieurement  les  inser- 
tions de  l’iliaque  postérieur.  Les  insertions  de  ce  muscle  ne  rappellent  ni 
celles  du  moyen,  ni  celles  du  petit  fessier  des  Mammifères,  le  premier 
appartenant  proprement  à la  fosse  iliaque  externe,  et  le  second  à la  portion 
de  l’iléon  qui  est  inférieure  au  détroit  supérieur  du  petit  bassin,  et  qui  peut 
être  rattachée  à l’iléon  postérieur.  Mais,  par  contre,  il  rappelle  d’une  manière 
remarquable  l’iliaque  d’un  très-grand  nombre  de  Mammifères,  et  plus  parti- 
culièrement celui  des  Rongeurs.  C’est  réellement  un  muscle  iliaque,  et  je 
lui  conserve  le  nom  d’iliaque  antérieur,  que  lui  a donné  Vicq-d’Azyr.  11  appar- 
tient à la  portion  ailée  de  l’iléon  antérieur,  qui  n’existe  pas  chez  les  Croco- 
diliens  ; aussi  fait-il  entièrement  défaut  chez  ces  derniers. 

Enfin  le  muscle  que  j’ai  décrit  chez  les  Crocodiliens  comme  chef  iliaque 
postérieur  de  l’obturateur  interne,  et  qui,  partant  de  la  face  interne  et  du  bord 
postérieur  de  l’iléon  postérieur,  va  s’insérer  sur  la  saillie  supérieure  de  la  ligne 
âpre  du  fémur,  est  représenté  chez  les  Oiseaux  par  le  chef  iliaque  de  l’obtura- 
teur interne  qui  occupe  la  face  interne  de  l’iléon  postérieur,  mais  dont  le  tra- 
jet est  modifié  par  la  soudure  de  l’iléon  postérieur  et  de  l’ischion,  et  par  le 
transport  en  arrière  de  l’ischion,  du  pubis  et  du  trou  sous-pubien.  Nous 
savons  en  effet  que  ce  muscle  des  Oiseaux  vient  sortir  du  bassin  par  le  trou 
sous-pubien,  que  les  nouvelles  relations  des  os  placent  dans  le  voisinage 
très-immédiat  de  l’échancrure  sciatique  par  où  passe  le  muscle  chez  les 
Crocodiliens. 

Moyen  fessier.  — 11  y a,  chez  l’Oiseau,  un  muscle  puissant,  volumineux, 
triangulaire,  formant  une  masse  charnue  qui  remplit  la  fosse  iliaque  externe 
de  l’iléon  antérieur,  dans  presque  toute  l’étendue  de  laquelle  il  s’insère.  Ce 
muscle  forme  en  bas  un  tendon  plat  qui  glisse  sur  la  face  externe  du  grüs 
trochanter  et  s’insère  sur  cette  face  externe  suivant  une  diagonale  oblique 
de  haut  en  bas  et  d’arrière  en  avant.  Vicq-d’Azyr,  Cuvier  et  Meckel  l’ont 
considéré  comme  un  moyen  fessier;  Owen  le  regarde  comme  un  fessier 
externe  ou  grand  fessier  parce  qu’il  s’insère  chez  l’Aptéryx  à un  pouce 
au-dessous  du  grand  trochanter.  Merrem  et  Tiedemann  le  regardent  aussi 
comme  un  grand  fessier.  La  détermination  de  Vicq-d’Azyr  est  certainement 
la  vraie.  Ce  muscle  n’a  nullement  les  insertions  iliaques  du  grand  fessier,  qui 


— 514 


sont  épiiliaques.  II  présente  au  contraire  les  insertions  caractéristiques  du 
moyen  fessier  des  Mammifères.  Ce  dernier  muscle,  en  effet,  est  essentielle- 
ment le  muscle  de  la  fosse  iliaque  externe  de  l’iléon  antérieur.  11  occupe 
toujours  cette  fosse,  et  la  remplit  presque  exclusivement,  attendu  que  le  petit 
fessier  n’y  prend  quelques  insertions  que  par  extension  secondaire.  Le  moyen 
fessier  des  Oiseaux  est  d'ailleurs,  comme  le  moyen  fessier  des  Mammifères, 
recouvert  par  le  couturier  et  le  tenseur  du  fascia  lata.  En  outre,  les  inser- 
tions trochanlériennes  de  ce  muscle  sur  la  face  externe  de  cette  apophyse, 
insertions  qu’on  observe  généralement  chez  les  Mammifères,  sont  fidèlement 
reproduites  chez  les  Oiseaux,  et  on  est  en  droit  de  considérer  l’appréciation 
d’Owen  comme  erronée,  pour  s’être  appuyée  sur  le  cas  exceptionnel  de 
l’Aptéryx. 

Le  muscle  en  question,  qui  appartient  essentiellement  à l’aile  de  l’iléon 
antérieur  on  iléon  des  Mammifères,  est  donc  un  moyen  fessier. 

Ce  muscle  fait  entièrement  défaut  chez  les  Crocodiliens,  et  on  n’en  trouve 
aucune  trace,  car  il  sera  facile  de  démontrer  que  le  muscle  désigné  par 
Haughlon  chez  les  animaux  sous  le  nom  de  moyen  fessier  correspond  h un 
tout  autre  muscle  de  l’Oiseau  et  mérite  une  autre  dénomination. 

Petit  fessier. — On  trouve  chez  l’Oiseau,  au-dessous  du  biceps,  un  mus- 
cle que  Vicq-d’Azyr  a comparé  au  carré  crural  des  Mammifères  et  auquel 
Cuvier  a attribué  la  même  valeur.  Meckel  y a vu  à la  fois  un  obturateur 
externe  et  un  carré  crural. 

Cette  masse  musculaire  mince  et  large  occupe  la  fosse  formée  par  l’iléon 
postérieur  et  l’ischion,  en  arrière  de  l’acétabulum.  Elle  mérite  d’être  étudiée 
de  près  et  soigneusement  analysée,  pour  qu’on  puisse  en  comprendre  toute 
la  valeur. 

On  peut  y reconnaître  deux  couches  superposées,  qui  se  distinguent  par 
la  direction  de  leurs  fibres,  et  qui,  quoique  étroitement  appliquées  l’une 
sur  l’autre,  sont  pourtant  séparées  par  une  couche  de  tissu  conjonctif  dans 
leurs  portions  postérieures. 

La  couche  superficielle,  très-mince,  est  disposée  en  éventail,  de  telle  sorte 
que  les  fibres  antérieures  sont  verticales  et  les  postérieures  de  plus  en  plus 
obliques  en  haut  et  en  arrière.  Toutes  ces  fibres  ont  une  origine  iliaque  et 


prennent  naissance  sur  la  partie  de  l’iléon  postérieur  qui  n’est  occupée  ni 
par  le  grand  fessier  ni  par  le  biceps,  depuis  la  saillie  qui  surmonte  la  sur- 
face antitrochantérienne  jusqu’au  voisinage  de  la  tubérosité  iliaque  posté- 
rieure. De  ces  insertions,  les  fibres  convergent  vers  un  tendon  plat  qui  se 
fixe  sur  la  face  externe  du  fémur  suivant  une  ligne  comprenant  le  bord  in- 
férieur et  postérieur  du  grand  trochanter  et  le  quart  supérieur  de  la  ligne 
âpre. 

Cette  couche  superficielle  peut  elle-même  être  divisée  en  deux  parties  très- 
inégales  qui  sont  séparées  l’une  de  l’autre  par  le  passage  des  vaisseaux  et 
nerfs  sciatiques.  La  partie  antérieure,  très-petite,  naît  surtout  de  la  saillie 
antitrochantérienne  et  de  la  portion  de  l’iléon  antérieur  qui  est  au-dessus  et 
en  avant  du  trou  sciatique.  Vicq-d’Azyr,  Cuvier  et  Tiedemann  lui  ont  donné 
à tort  le  nom  de  muscle  pyramidal,  ce  qui  n’est  point  heureux,  puisque 
l’origine  du  pyramidal  des  Mammifères  a lieu  sur  le  sacrum  et  non  sur  l’iléon. 
Meckel  la  regarde  comme  un  jumeau  supérieur,  ce  qu’on  ne  saurait  admettre 
davantage,  puisque  le  jumeau  supérieur  est  un  muscle  naissant  de  l’ischion. 

L’autre  portion,  plus  considérable  et  plus  étendue,  s’insère  sur  la  partie 
postérieure  de  l’iléon  postérieur.  Owen  a décrit  ces  deux  portions  du  muscle 
chez  l’Aptéryx,  la  première  sous  le  nom  d ’adductor  brevis  femoris , la  seconde 
sous  le  nom  d ’adductor  longus , et  en  faisant  observer  qu’elles  ne  sont  sépa- 
rées que  par  les  vaisseaux  et  nerfs  sciatiques,  et  qu’elles  s’insèrent  sur  le 
fémur  par  un  tendon  commun. 

Cette  couche  superficielle,  considérée  dans  son  ensemble,  est  réellement 
l’homologue  du  petit  fessier  ou  fessier  profond  des  Mammifères,  que  nous 
avons  vu  appartenir  à l’iléon  postérieur,  border  l’échancrure  ischiatique, 
et  n’atteindre  que  par  extension  l’iléon  antérieur.  Comme  tel,  ce  muscle 
représente  le  chef  iliaque  de  l’obturateur  externe,  ainsi  que  nous  l’avons  vu 
à propos  de  l’étude  de  ce  muscle  dans  la  série.  Pour  préciser  ses  homolo- 
gies, nous  lui  distinguerons  une  portion  présciatique  et  une  portion  postscia- 
tique. 

Au-dessous  de  la  couche  superficielle  se  trouve  une  couche  musculaire 
appliquée  sur  la  face  externe  de  l’ischion  qui  lui  sert  de  lieu  d’attaches,  et 
dont  la  direction  est  à peu  près  horizontale.  Ce  muscle  se  confond  bientôt 
avec  le  précédent  pour  s’insérer  sur  le  bord  postérieur  du  grand  trochanter. 


— 516  — 


Owen  lui  donne  à tort  le  nom  de  pyramidalis,  qui  ne  lui  convient  point, 
à cause  de  son  origine  ischialique  et  nullement  sacrée. 

Il  ne  mérite  pas  non  plus  la  dénomination  de  carré,  que  lui  ont  donnée 
Vicq-d’Azyr  et  Cuvier  ; ce  n’est  point  qu’il  diffère  du  muscle  de  ce  nom, 
comme  l’avance  M.  Alix,  parce  qu’il  est  complètement  isolé  de  l’obturateur 
externe'  et  par  son  mode  d’insertion  fémorale.  Ce  muscle  est  au  contraire 
lui-même  le  chef  ischialique  de  l’obturateur  externe,  dont  il  possède  les 
insertions  sur  la  face  externe  de  la  portion  élargie  de  l’ischion,  tandis  que  le 
carré  des  Mammifères,  qui  n’est  autre  chose  qu’un  faisceau  supérieur  du 
grand  adducteur  ou  adducteur  ischialique,  a des  insertions  limitées  sur  la 
tubérosité  de  l’ischion,  et  ne  tapisse  point  largement  la  face  externe  de 
l’ischion,  qui  est  réservée  à l’obturateur.  Quant  à son  mode  d’insertion 
fémorale,  elle  diffère  assez  pieu  de  celle  du  carré  des  Mammifères  pour  quelle 
ne  dût  en  rien  s’opposer  à son  assimilation  à ce  muscle,  si  cette  assimilation 
était  d’autre  part  justifiée. 

Il  résulte  de  l’analyse  qui  précède  que  la  masse  musculaire  profonde  post- 
cotyloidienne  comprend  superficiellement  un  muscle  petit  fessier  ou  fessier 
profond  appartenant  à l’iléon  postérieur  et  formant  le  chef  iliaque  de  l’obtu- 
rateur externe,  et  profondément  un  muscle  ischio-trochantérien  qui  est 
le  chef  ischialique  de  ce  même  obturateur. 

Trouverons-nous  les  homologues  de  ces  muscles  chez  les  Crocodiliens  ? 

11  existe,  chez  le  Crocodile,  un  muscle  assez  volumineux  qui  prend  nais- 
sance sur  la  partie  centrale  de  la  face  externe  de  l’iléon  postérieur  au-dessus 
et  en  arrière  de  l’acétabulum,  au-dessous  du  biceps  et  du  grand  fessier,  et 
dont  les  fibres  convergent  en  bas  et  avant  sur  un  tendon  qui  passe  sur  la 
tubérosité  externe  du  fémur  pour  aller  s’insérer  sur  cette  tubérosité,  et  sur  une 
ligne  qui  occupe  la  moitié  supérieure  environ  du  bord  externe  du  fémur 
entre  les  deux  chefs  supérieurs  du  vaste  externe. 

Ce  muscle,  qui  appartient  exclusivement  à l’iléon  postérieur  ou  iléon  cro- 
codilien,  ne  saurait  être  méconnu  comme  l’homologue  du  fessier  profond  ou 
petit  fessier  de  l’iléon  postérieur  de  l’Oiseau.  Il  ne  diffère  de  ce  dernier 


1 Nous  avons  vu  que  M.  Alix  donne  à l'obturaleur  interne  de  l'Oiseau  le  nom  d'obturateur 
externe. 


— 517 


muscle  que  par  ses  relations  avec  les  nerfs  et  vaisseaux  sciatiques.  Tandis 
que  chez  l’Oiseau  ces  nerfs  traversent  le  muscle  et  le  divisent  en  deux 
portions,  l’une  présciatique  et  l’autre  postscialique,  ici  les  mêmes  nerfs 
sortent  en  arrière  du  muscle,  de  telle  sorte  que  ce  dernier  est  réduit  à sa 
portion  présciatique,  tandis  que  la  portion  postsciatique  fait  défaut.  Cette 
disposition,  qui  est  en  rapport  avec  le  moindre  allongement  en  arrière  de 
l’iléon  postérieur  chez  le  Crocodile,  est  compensée  par  un  développement  re- 
lativement considérable  de  la  portion  présciatique  du  muscle.  Ce  dévelop- 
pement est  en  rapport  de  son  côté  avec  l’agrandissement,  chez  le  Crocodile, 
de  la  largeur  et  de  la  surface  de  l’iléon  postérieur. 

Le  muscle  que  nous  étudions  et  que  Haughton  décrit  comme  moyen 
fessier  est  donc  en  réalité  un  profond  ou  petit  fessier  homologue  de  la  por- 
tion présciatique  du  petit  fessier  des  Oiseaux,  et  appartient  comme  elle 
à l’iléon  postérieur.  Mais  il  y a encore  cette  différence  entre  ce  muscle  et 
celui  des  Oiseaux  que,  tandis  que  chez  ces  derniers  le  petit  fessier  ou 
chef  iliaque  de  l’obturateur  externe  s’applique  et  se  soude  sur  le  chef  ischia- 
tique  de  ce  même  obturateur,  ces  deux  chefs  restent  parfaitement  indépen- 
dants chez  les  Crocodiliens,  où  les  portions  élargies,  ailées  de  l’iléon  et  de 
l’ischion,  loin  de  se  souder  comme  chez  les  Oiseaux,  restent  au  contraire  fort 
éloignées  et  séparées  l’une  de  l’autre  par  un  angle  très-ouvert.  Le  chef  ischia- 
tique  de  l’obturateur  externe  tapisse  et  occupe  la  face  externe  de  l’ischion, 
chez  les  Crocodiliens  comme  chez  les  Oiseaux;  mais  il  reste  indépendant  et 
éloigné  du  chef  iliaque  ou  petit  fessier,  pour  ne  s’en  rapprocher  que  par 
les  insertions  fémorales,  qui  même  sont  voisines  mais  non  confondues. 

La  discussion  à laquelle  je  viens  de  me  livrer  sur  la  valeur  et  l’homologie 
des  muscles  de  l’iléon  chez  l’Oiseau,  chez  les  Mammifères  et  chez  les  Croco- 
diles,m’a  conduit  à des  résultats  d’un  vif  intérêt  i»  plusieurs  égards. 

La  vérité  et  la  justesse  des  vues  que  j’ai  émises  plus  haut  sur  les  relations 
qui  existent  entre  l’iléon  osseux  de  ces  trois  groupes  d’animaux,  ont  trouvé 
dans  les  éludes  myologiques  une  éclatante  confirmation,  dont  je  désire 
faire  ressortir  la  portée  en  résumant  les  résultats  obtenus. 

Nous  avons  vu  en  effet  que:  1°  l’iléon  postérieur  de  l’Oiseau  possède 
exactement  tous  les  muscles  de  l’iléon  postérieur  du  Crocodile  ou  iléon 


— 318  — 


reptilien  proprement  dit,  avec  des  rapports  identiques  et  les  mêmes 
insertions  iliaques  fémorales  et  jambières.  C’est  ainsique  nous  trouvons  dans 
l’un  et  l’autre  cas  : un  grand  fessier  décomposé  en  deux  portions,  un  biceps 
et  un  petit  fessier  ou  fessier  profond  qui  forment  trois  couches  superposées. 
Nous  trouvons  également  à la  face  interne  un  chef  iliaque  postérieur  de 
l’obturateur  interne. 

2°  L’iléon  antérieur  de  l’Oiseau  ou  iléon  du  Mammifère  porte  sur  sa 
portion  axiale  immédiatement  précotyloïdienne  un  muscle  droit  antérieur 
et  un  iliaque  postérieur  qui  sont  également  représentés,  chez  le  Crocodile, 
avec  des  ressemblances  très-remarquables  dans  leur  disposition,  leur  trajet 
et  leurs  rapports  ; ces  muscles  existent  également  chez  les  Mammifères.  11 
ressort  de  cette  disposition  commune  que  l’apophyse  préacétabulaire  de 
l’iléon  du  Crocodile  est  le  représentant  rudimentaire  de  l’iléon  antérieur  de 
de  l’Oiseau  et  du  Mammifère. 

3°  L’iléon  antérieur  de  l’Oiseau  possède  sur  sa  portion  ailée  trois  mus- 
cles puissants  : le  couturier,  l’iliaque  antérieur  et  le  moyen  fessier,  qui  font 
défaut  chez  le  Crocodile,  mais  qui  existent  chez  le  Mammifère. 

4°  La  portion  de  la  crête  iliaque  qui  est  commune  à l’iléon  antérieur  et  à 
l’iléon  postérieur  de  l’Oiseau,  et  la  crête  de  l’iléon  antérieur,  donnent  nais- 
sance à un  muscle  tenseur  du  fascia  lata  et  à son  aponévrose,  qui  ont  une 
grande  extension.  Chez  le  Crocodile,  il  n’y  a qu’un  tenseur  du  fascia  lata 
atrophié,  qui  naît  de  l’épine  antérieure  de  l’iléon  du  Crocodile  ; or  cette 
dernière  partie  n’est  évidemment  qu’un  rudiment  de  la  portion  commune 
de  la  crête  des  deux  iléons  de  l’Oiseau. 

On  voit  donc  que,  tant  au  point  de  vue  myologique  qu’au  point  de  vue 
ostéologique,  l’iléon  de  l’Oiseau  est  la  synthèse  de  l’iléon  du  Mammifère  et 
de  l’iléon  du  Crocodile;  que  les  portions  osseuses  développées  dans  les  trois 
cas  donnent  toujours  naissance  aux  mêmes  muscles;  et  que  là  où  le  muscle 
fait  défaut  ou  est  rudimentaire,  la  portion  osseuse  fait  également  défaut  ou 
est  peu  développée.  11  y a donc  corrélation  étroite  entre  le  système  osseux 
et  le  système  musculaire. 

Le  lecteur  a pu  juger  de  la  confusion  qui  règne  dans  les  déterminations 
des  muscles  de  la  région  iliaque  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Crocodiliens. 


519 


Cetle  confusion  tient  à une  cause  que  j’ai  déjà  signalée  : à l’admission  du 
principe  des  transpositions  d’attaches  des  muscles.  Il  suffit  de  lire  les  auteurs 
pour  voir  le  peu  de  précision  qui  régne  à cet  égard  ; ce  qui  ne  saurait  éton- 
ner, car,  dès  qu’on  abandonne  le  principe  de  la  fixité  des  insertions,  on 
est  livré,  pour  la  détermination  des  muscles,  aux  indications  essentiellement 
trompeuses  de  la  similitude  des  formes  et  des  ressemblances  indécises  et 
variables  dans  les  rapports.  On  peut  dire  sans  exagération  que  la  déter- 
mination des  muscles  du  bassin  chez  les  Oiseaux  est  réellement  abandonnée 
au  caprice  de  chaque  anatomiste,  et  la  cause  de  ce  chaos  est  bien  celle  que 
je  signale.  « La  détermination  des  autres  muscles  qui  vont  du  tronc  et  du 
» bassin  à la  cuisse,  dit  M.  Alix,  offre  encore  plus  de  difficulté  que  celle  des 
» muscles  que  nous  venons  de  décrire,  et  cette  difficulté  est  d’autant  plus 
» grande  qu’il  y a des  transpositions  d’attache.  » 

J’espère,  par  l’analyse  rigoureuse  que  je  viens  de  faire  des  muscles  de 
l’iléon  dans  trois  groupes  de  Vertébrés,  avoir  démontré  pratiquement  qu’en 
s’appuyant  sur  le  principe  de  la  fixité  des  insertions  il  est  possible  d’arri- 
ver, dans  la  détermination  des  homologies,  à une  précision  vraiment  scienti- 
fique qui  laisse  à l’esprit  la  satisfaction  de  résultats  positifs  et  appuyés  sur  une 
base  solide. 

La  conception  que  j’ai  donnée  du  bassin  des  Oiseaux,  comme  étant  une 
synthèse  du  bassin  des  Mammifères  et  du  bassin  reptilien,  et  plus  spécia- 
lement crocodilien,  trouve  dans  l’étude  des  muscles  une  heureuse  confirma- 
tion. Mais  elle  jette  sur  la  valeur  et  la  signification  des  muscles  de  l’iléon 
de  l’Oiseau  une  lumière  éclatante,  en  donnant  la  clef  de  leur  nombre  et  de  leur 
situation,  qui  embarrassent  fort  quand  on  est  privé  de  ce  fil  conducteur. 
Le  bassin  de  l’Oiseau  possède  à la  fois  les  muscles  de  l’iléon  des  Mammifères 
et  les  muscles  de  l’iléon  des  Crocodiliens,  ce  qui  s’explique  aisément 
quand  on  connaît  la  nature  complexe  de  leur  double  iléon. 

Voici  un  tableau  qui  résume  l’état  des  muscles  de  l’iléon  dans  ies  trois 
groupes  de  Vertébrés  que  je  viens  d’étudier. 


41 


520  — 


Tableau  comparatif  des  .Muscles  de  l'Iléon  chez  le  Mammifère,  / Oiseau 

et  le  Crocodile. 


MAMMIFÈRE. 

OISEAU. 

CROCODILE. 

I.  Iléon  antérieur. 

A Iléon  axial  précotyloïdien. 

Droit  antérieur 

1 

1 

1 

Iliaque 

2 

2 

1 

B Aile  de  l’iléon. 

Fessier  moyen 

1 

1 

0 

C Epiiléon  antérieur. 

Couturier 

1 

1 

0 

Tenseur  du  fascia  lata 

1 

1 

1 

II.  Iléon  postérieur. 

D Epiiléon  (portion  commune  aux 
deux  iléons.) 

Grand  fessier 

1 

1 

(rudimentaire.) 

1 

E Epiiléon  postérieur. 

Biceps 

1 

1 

1 

F Fosse  iliaque  postérieure. 

Petit  fessier  (chef  iliaque  de  l’ob- 
turateur externe) 

1 

1 

1 

G Chef  iliaque  de  l’obturateur  interne 

1 

1 

1 

Tableau  comparatif  des  homologies  des  muscles  des  deux  ceintures 

CHEZ  l’homme  ET  CHEZ  LES  MAMMIFÈRES  SUPÉRIEURS. 

Première  catégorie. — Muscles  rattachant  les  deux  ceintures  au  tronc. 


Ceinture  pelvienne. 

Grand  oblique  de  l’abdomen 

Petit  oblique 

Transverse 

Grand  droit  antér.  et  pyramidal.... 

Carré  des  lombes 

0.  Aponévrose  superficielle  de  la  masse 

commune 

0.  Aponévrose  superficielle  de  la  masse 

commune 

0.  Ligaments  iléo-lombaires  supérieurs 

et  inférieurs 

0.  Ligaments  interosseux  de  l'articula-i 

tion  sacro-iliaque ( 

Portion  aponévrotique  et , pubienne 
du  releveur  de  l’anus  et  ischio- 

coccygien 

Portion  ischiatique  du  releveur  de 
l’anus 


Ceinture  thoracique. 

Muscles  intercostaux  externes. 

— intercostaux  internes. 
Triangulaire  du  sternum. 

0.  Aponévrose  présternale.  ( Muscle 
supracoslalis  de  Wood,  sternocostal.) 
Intertransversaires  cervicaux  et  sca- 
lènes. 

Trapèze. 

Rhomboïde. 

Angulaire  de  l'omoplate. 
Omo-hyoïdien. 

Grand  dentelé. 


Petit  pectoral. 

0.  Aponévrose  sous-deltoïdienne  (part.) 


Deuxième  catégorie.  — Muscles  rattachant  le  premier  article  du  membre , soit  au 
tronc , soit  à la  ceinture,  soit  aux  deux  à la  fois. 


Pyramidal 


Grand  psoas 


Petit  psoas 
Iliaque . . . . 


Grand  pectoral. 

/ Trapèze  claviculaire. 

Deltoïde  claviculaire. 
Cleïdo-mastoïdien. 

(Mastoïdo-huméral  des  Mammifères 
' non  claviculés). 

0.  Aponévrose  cervicale  superficielle 
(partim). 

Sous-scapulaire  ( portion  comprise 
dans  la  fosse  duscapulum  antérieur.) 


322  — 


Obturateur  interne. 


Chef  ischiatique. . 

— pubien 

— iliaque 


Obturateur  externe. 


/ Chef  ischiatique. . 

\ — pubien 

j — iliaque  (Petit 
ï fessier) 


Moyen  fessier 

^ Grand  fessier 

I Tenseur  du  fascia  lata 

I).  Aponévrose  superficielle  du  moyen 
fessier 


0 


Pectine 


Deuxième  adducteur  superficiel 
Petit  adducteur  profond. .... 

Grand  adducteur 

Carré  crural. 


0. 

0. 

Sous-scapulaire  (portion  du  scapu- 
lum  postérieur). 

0. 

0. 

Petit  rond. 

Sus-épineux. 

Sous-épineux. 

Grand  dorsal. 

Grand  rond. 

Deltoïde  (partirn). 

Deltoïde  (portion  sous-épineuse). 
Deltoïde  (portion  spinale). 

Précoraco-brachial. 

0. 


Troisième  catégorie.  Muscles  rattachant  le  second  article  du  membre  à la  ceinture. 


Grêle  interne Court  biceps  brachial. 

Long  biceps  fémoral Long  triceps  brachial. 

Droit  antérieur  crural \ 

Couturier / r . . . , . , 

^ > Long  biceps  brachial. 

Demi-tendmeux \ 

Demi-membraneux 


Quatrième  catégorie.  — Muscles  rattachant  le  second  article  du  membre  au 

premier  article. 

Vaste  interne  crural Vaste  externe  brachial. 

— externe  — — interne  — 

Court  biceps  crural Brachial  antérieur. 

Poplité 0.  Chez  l'homme  ; portion  radiale  du 

brachial  antérieur  des  Mammifè- 


res, etc. 


- 523  — 


CONCLUSIONS  DE  L’ÉTUDE  DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE  DES 
DEUX  CEINTURES. 

Je  viens  de  consacrer  de  longues  pages  à une  discussion  sérieuse  des 
muscles  des  deux  ceintures.  Cette  étude,  qui  pourra  sembler  trop  étendue 
au  gré  de  quelques-uns,  ne  le  sera  pourtant  pas  si  elle  a pu,  comme  je  l’es- 
père, nous  conduire  à des  résultats  de  quelque  valeur.  Le  système  muscu- 
laire est  certainement,  à cause  de  la  multiplicité  de  ses  parties,  à cause  de 
Leurs  variations  de  forme,  de  leurs  connexions  réciproques,  un  des  systèmes 
dont  l’étude  prête  le  plus  aux  confusions  et  exige  le  plus  un  examen  at- 
tentif et  circonspect.  On  a beaucoup  trop  souvent  pris  les  muscles  pour 
des  appareils  essentiellement  plastiques,  malléables,  prêts  à se  porter  in- 
différemment d’un  os  à l’autre.  Or,  il  se  trouve  que  ce  prétendu  protée  est 
un  appareil  à insertions  définies  et  extrêmement  fidèle  dans  ses  connexions 
avec  le  système  osseux.  11  en  résulte  que  l’étude  des  muscles,  qui  était  le  plus 
souvent  privée  d’un  fondement  solide,  trouve  dans  la  détermination  des  inser- 
tions musculaires  une  base  précise  qui  est  de  nature  à transformer  l'étude  des 
homologies  et  à supprimer  les  rapprochements  bizarres  et  les  comparaisons 
singulières  et  parfois  ridicules. 

L’étude  présente  aura  peut-être  contribué  à établir  ce  résultat,  qui  me 
parait  digne  d’intérêt.  Il  me  semble  en  effet  que,  des  considérations  et  des  faits 
nombreux  qu’elle  renferme,  il  résulte  que  c’est  le  muscle  qui  provoque  la 
formation  de  l’os;  que  par  conséquent  le  muscle  détermine  l’os,  et  récipro- 
quement que  l’os,  c’est-à-dire  l’insertion  du  muscle  sur  l’os,  détermine  le 
muscle.  La  conséquence  de  ces  propositions,  c’est  que  deux  muscles  ne 
sauraient  être  considérés  comme  homologues  ou  comme  homotypes  que  s’ils 
s’insèrent  sur  des  os  homologues  ou  homotypes.  L 'insertion  musculaire  sur 
l’os  est  donc  le  critérium  par  excellence  de  la  valeur  et  de  la  signification 
des  muscles,  et  c’est  sur  cette  base  fixe  et  solide  qu’il  faut  asseoir  l’étude 
de  l’anatomie  comparée  du  système  musculaire. 

Mais  si  l’os  détermine  le  muscle,  le  muscle,  avons-nous  dit  aussi,  déter- 
mine l’os  ; et  ceci  nous  conduit  à l’examen  d’une  question  que  j’ai  posée  dès 
le  début  de  ce  travail,  question  à laquelle  j’ai  donné  une  solution  puisée 
dans  l’étude  seule  des  os,  et  pour  laquelle  j’ai  annoncé  une  confirmation 


— 524  — 


résultant  de  l’examen  des  muscles.  Quels  sont,  me  suis-je  demandé,  les 
éléments  osseux  homotypes  dans  les  deux  ceintures  chez  les  Mammifères? 
Quels  sont  les  éléments  qui  subsistent?  Quels  sont  ceux  qui  font  défaut  ou 
sont  atrophiés  et  condensés?  C’est  ce  que  l’examen  comparatif  des  muscles 
peut  clairement  nous  indiquer. 

Si  nous  cherchons  à l’épaule  les  représentants  des  muscles  ischialiques, 
nous  verrons  que  les  adducteurs  ischialiques  (grand  adducteur  et  carré)  font 
défaut,  que  les  chefs  ischialiques  des  obturateurs  font  également  défaut,  que 
les  demi-tendineux  et  demi-membraneux  sont  absents  ou  confondus  dans  le 
long  biceps  brachial  avec  le  droit  antérieur  et  le  couturier;  si,  en  outre,  nous 
cherchons  à l’épaule  les  représentants  des  muscles  pubiens,  nous  voyons  que 
les  adducteurs  pubiens  sont  représentés  par  le  coraco-brachial , que  le  grêle 
interne  est  représenté  par  la  courte  portion  ou  portion  coracoidienne  du 
biceps,  que  les  chefs  pubiens  des  obturateurs  font  défaut. 

De  ces  données,  plusieurs  conséquences  peuvent  être  légitimement  tirées. 

1°  A l’épaule  des  Mammifères,  le  représentant  de  l’ischion,  c’est-à-dire  le 
coracoïde,  doit  être  atrophié  et  réduit  à un  tubercule  placé  au-devant  de  la 
cavité  glènoide,  tubercule  sur  lequel  ne  s’insèrent  que  les  muscles  les  plus 
voisins  de  la  base  de  l’ischion  et  les  plus  voisins  de  la  cavité  cotyloïde  (demi- 
tendineux  et  demi-membraneux),  muscles  réduits,  atrophiés  et  confondus 
avec  le  droit  antérieur  et  le  couturier  pour  former  le  biceps  brachial,  comme 
le  tubercule  ischiatique  (coracoïdien)  se  confond  avec  l’insertion  iliaque 
(scapulaire)  de  ce  même  droit  antérieur  (long  biceps  brachial).  L'ischion  est 
donc  représenté  par  le  point  osseux  supérieur  de  la  cavité  glénoïde,  qui  est 
conséquemment  le  vrai  coracoïde. 

2°  L’apophyse  dite  coracoïde  de  l’arc  thoracique  est  le  représentant  du 
pubis  et  non  de  l’ischion,  et  est  donc  un  précoracoïde. 

3°  L’étude  des  muscles  peut  démontrer  également  que  l’iléon  manque 
d’une  véritable  épine  comparable  à l’épine  de  l’omoplate,  puisque  le  deltoïde 
scapulaire  n’est  représenté  que  par  un  tenseur  du  fascia  lata  qui  n’est  que  la 
portion  du  deltoïde  naissant  de  la  base  de  l’épine  de  l’omoplate  ou  éminence 
scapulaire  au  niveau  du  bord  spinal  de  cet  os. 

4°  L’étude  des  muscles  permet  encore  d’établir  qu’à  la  ceinture  pelvienne 
la  clavicule  fait  entièrement  défaut  et  qu’elle  n’est  pas  représentée  par  le 


— 325  — 


ligament  de  Poupart  (ainsi  que  le  pense  Huxley),  puisque  le  psoas  représente 
le  mastoïdo-huméral,  muscle  des  Mammifères  non  claviculés. 

Il  serait  facile  de  multiplier  de  telles  applications  des  principes  que  nous 
avons  posés,  et  des  études  consciencieuses  qui  leur  ont  servi  de  base  ; mais 
ces  applications  ont  trouvé  leur  place  dans  le  cours  de  ce  travail,  et  je  crois 
ne  pas  devoir  les  reproduire  ici.  Je  mets  fin  aux  considérations  ayant  trait  au 
système  musculaire.  Il  me  reste,  pour  terminer  celte  longue  élude,  à discuter 
une  question  pleine  d’intérêt,  c’est-à-dire  la  théorie  de  la  torsion  de  l'humé- 
rus et  la  détermination  de  la  valeur  des  trochanters.  J’ai  déjà,  en  passant, 
touché  à ces  questions1,  mais  elles  sont  d’un  si  haut  intérêt  qn’il  convient  de 
les  examiner  très-sérieusement. 


TROISIÈME  PARTIE 


COMPARAISON  DU  MEMBRE  ANTÉRIEUR  ET  DU  MEMBRE 

POSTÉRIEUR. 

Quand  j’ai  entrepris  l'élude  comparée  des  deux  ceintures,  je  comptais  ne 
pas  dépasser  le  cadre  que  les  deux  premières  parties  de  ce  travail  ont  été  ap- 
pelées à remplir.  Mais,  ainsi  que  le  lecteur  a pu  s’en  .apercevoir,  l’élude  des 
muscles  m’a  nécessairement  conduit  à empiéter  sur  les  deux  premiers  arti- 
cles des  membres,  attendu  que  les  muscles  qui  ont  pourpoint  de  départ  les 
ceintures  s’étendent  pour  la  plupart  au  premier  article,  quelques-uns,  moins 
nombreux  au  deuxième  article,  et  quelques-uns  même,  mais  assez  rares,  au 
troisième  article,  c’est-à-dire  à la  main  et  surtout  au  pied,  comme  nous  l’avons 
vu  en  particulier  chez  les  Sauriens,  les  Crocodiliens  et  les  Oiseaux.  J’ai  donc 
été  amené  à m’occuper  des  premiers  et  des  deuxièmes  articles  des  membres, 
et  à toucher  aux  théories  qui  ont  été  mises  en  avant  pour  établir  entre  eux 
des  comparaisons  plus  ou  moins  satisfaisantes. 

Les  difficultés,  en  effet,  ne  font  pas  défaut  quand  on  veut  mettre  la  main 
à l’œuvre  et  arriver  à une  assimilation  exacte  et  rigoureuse  de  deux  mem- 
bres qui  ont  subi  des  modifications  si  contraires,  si  opposées,  qu’on  a quel- 
que peine  à les  rapprocher  l’un  de  l’autre,  quoiqu’on  ait  l’impression  très- 
profonde  de  leurs  homologies  et  de  leurs  ressemblances  fondamentales. 
L’examen  critique  des  conceptions  et  des  théories  émises  à ce  sujet  suffirait 
à démontrer  que  la  question  n’est  pas  sans  difficultés  et  sans  périls. 

Je  n’ai  pas  l’intention  de  donner  ici  un  historique  complet  de  la  question  ; 
ce  serait  du  reste  revenir  sur  ce  qui  a été  déjà  si  bien  fait  par  le  professeur 
Martins  dans  sa  Nouvelle  comparaison  des  membres  pelviens  et  thoraci- 
ques'. Renvoyant  le  lecteur  à ce  remarquable  travail,  je  me  bornerai  à 


1 Ch.  Martins  ; Nouvelle  comparaison  des  membres  pelviens  et  thoraciques  chez  l’Homme  et 
chez  les  Mammifères , dêdnitede  la  torsion  de  l’humérus  ( Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences 
et  Lettres  de  Montpellier,  tom.  III,  1857). 


— 327 

rappeler  seulement  les  comparaisons  les  plus  frappantes  et  les  plus  dignes 
d’attention. 

Yicq-d’Azyr,  à qui  revient  l’honneur  d’avoir  abordé  sérieusement  cette 
question,  prit  le  squelette  d’un  bras  d’homme  et  le  plaça  dans  une  situation 
analogue  à celle  d’un  membre  inférieur  du  même  côté,  c’est-à-dire  l’olé- 
crâne  et  la  saillie  du  coude  en  avant,  et  les  deux  os  de  l’avant-bras  en  su- 
pination, la  paume  de  la  main  reposant  sur  le  sol.  11  vit  que  dans  celte  si- 
tuation les  axes  du  col  de  l’humérus  et  du  col  du  fémur  n’étaient  pas  pa- 
rallèles, celui  du  fémur  se  dirigeant  en  dedans  et  celui  de  l’humérus  en 
dehors.  Cette  observation  le  conduisit  à comparer  le  membre  supérieur 
d’un  côté  au  membre  inférieur  du  côté  opposé.  Par  cet  artifice,  les  cols  de 
l’humérus  et  du  fémur  étaient  ramenés  au  parallélisme,  et  le  radius  en 
supination,  étant  externe,  devenait  l’homologue  du  péroné,  tandis  que  le  cu- 
bitus représentait  le  tibia.  Ce  dernier  résultat,  adopté  pour  l’Homme  et  les 
Singes,  ne  lui  parut  pourtant  pas  applicable  aux  quadrupèdes  à canons,  chez 
lesquels  l’évidence  lui  démontra  que  le  cubitus,  os  styloïde,  répondait  au  pé- 
roné; «que  l’avant-bras  et  la  jambe  étaient  formés  par  deux' os  très- 
» considérables,  qui  sont  le  radius  et  le  tibia,  et  par  deux  os  styloïdes  dont 
»l’un  a une  grosse  apophyse  (l’olécràne)  que  l’on  ne  remarque  pas  dans 
»l’autre,  et  qui  paraît  avoir  été  transportée  au-devant  pour  former  la  ro- 
»tule.  » 

Je  n’ai  pas  besoin  d’insister  sur  ce  qu’a  d’inacceptable  la  théorie  de 
Vicq-d’Azyr.  j’ai  suffisamment  établi  dans  la  première  partie  de  ce  travail 
que  les  homologies  devaient  être  recherchées  entre  parties  appartenant  au 
même  côté  du  corps.  J’ai  même  été  plus  loin,  et  (il  n’est  pas  inutile  de  le 
rappeler  à propos  de  la  question  actuelle)  j'ai  démontré  que  les  homolo- 
gies devaient  être  recherchées  entre  les  parties  suivant  un  ordre  de  succes- 
sion unique,  régulier  et  continu,  allant  de  l’extrémité  antérieure  à l’extré- 
mité postérieure  de  la  colonne  vertébrale,  et  non  suivant  des  relations  in- 
verses et  symétriques  par  rapport  à un  prétendu  plan  de  symétrie  perpen- 
diculaire à l’axe  de  la  colonne,  ou  par  rapport  à une  symétrie  quelconque 
portant  sur  les  diverses  zones  du  corps.  11  y a succession  et  non  symétrie. 

Quant  au  parallèle  que  fait  Yicq-d’Azyr  des  os  du  bras  et  de  la  jambe,  il 

42 


— 528  - 

renferme  une  distinction  inadmissible  entre  les  Mammifères  et  l’Homme. 
Ces  deux  articles  des  membres  sont  construits  sur  le  même  type  dans  la  sé- 
rie des  Vertébrés.  Remarquons  en  outre  que  Vicq-d’Azyr,  après  Winslow, 
accepte  cette  opinion  que  la  rotule  n’est  qu’un  olécrane  détaché  et  trans- 
porté au  tibia.  Nous  aurons  à revenir  sur  ces  diverses  questions. 

L’assimilation  entre  deux  membres  appartenant  à des  côtés  opposés  du 
corps  présentait  une  difficulté  particulière.  Du  transport  du  bras  droit  à côté 
du  membre  inférieur  gauche,  la  saillie  du  coude  étant  en  avant,  il  résultait 
en  effet  que  le  pouce  était  externe  et  correspondait  au  petit  orteil.  Le  gros 
orteil  représentait  le  petit  doigt.  A cette  difficulté  un  peu  embarrassante, 
il  a été  répondu  par  deux  hypothèses  : 1°  l’hypothèse  du  croisement,  due 
à Bourgery,  nettement  formulée  par  Cruveilhier,  et  d’après  laquelle  aucun 
os  de  la  jambe  ne  représente  à lui  seul  un  os  de  l’avant-bras,  et  chacun  des 
os  de  la  jambe. a des  caractères  qui  appartiennent,  les  uns  au  cubitus,  les  au- 
tres au  radius.  Le  radius,  par  exemple,  est  un  péroné  par  sa  partie  supé- 
rieure et  un  tibia  par  sa  partie  inférieure  ; le  cubitus  est  au  contraire  un  tibia 
par  la  partie  supérieure  et  un  péroné  inférieurement.  11  n’y  a rien  d’embar- 
rassant dans  ce  cas  à ce  que,  lorsqu’on  place  parallèlement  les  deux  membres 
appartenant  à des  côtés  opposés,  le  pouce  soit  externe,  tandis  que  le  gros 
orteil  est  interne.  L’un  et  l’autre  de  ces  doigts  suivent  fidèlement  l’extrémité 
osseuse  qui  leur  correspond,  c’est-à-dire,  pour  la  main,  l’extrémité  inférieure 
du  radius,  qui  représente  en  réalité  l’extrémité  inférieure  du  tibia.  Les  doigts 
conservent  aux  deux  membres  des  connexions  exactement  semblables  avec 
les  extrémités  inférieures  des  os  de  la  jambe  et  avec  les  extrémités  inférieu- 
res correspondantes  des  os  de  l’avant-bras. 

2°  La  seconde  hypothèse  est  celle  de  M.  Folz\  Je  ne  la  cite  qu’à  cause  de 
son  caractère  bizarre,  car  elle  a à peine  besoin  d’être  discutée.  Pour  le 
Professeur  de  Lyon,  le  pouce  correspond  à la  coalescence  des  quatrième  et 
cinquième  orteils,  et  le  gros  orteil  est  formé  par  la  fusion  des  quatrième  et 
cinquième  doigts.  11  n’y  a alors  rien  d’étonnant  à ce  que  le  pouce  soit  externe, 
comme  les  quatrième  et  cinquième  orteils,  et  ainsi  de  suite. 

Lesanalomistes  qui  ont  suivi  Vicq-d’Azyr  dans  sa  comparaison  croisée  plus 


1 Folz;  loc.  cil. 


— 529  — 


ou  moins  modifiée  sont  extrêmement  nombreux.  Je  n’ai  pas  l’intention  d’en 
dresser  ici  la  liste.  Je  considère  ce  genre  de  comparaison  comme  absolument 
jugé  et  condamné,  et  l’on  ne  doit  pas  perdre  un  temps  précieux  à le  combat- 
tre. Mieux  vaut  s’arrêter  sur  les  comparaisons  portant  sur  les  deux  membres 
d’un  même  côté.  Celles-ci  ont  un  point  de  départ  rationnel  et  vrai  qui  leur 
donne  plus  de  valeur  et  qui  autorise  à leur  consacrer  une  étude  et  une  dis- 
cussion plus  prolongées. 

En  1858,  Flourens  publia  un  parallèle  des  deux  membres  du  même  côté, 
l’avant-bras  étant  en  pronation.  11  s’attacha  à établir  les  concordances  et  les 
discordances.  Les  concordances  résident  dans  la  direction  semblable  des 
deux  cols  vers  la  colonne  vertébrale,  et  dans  la  situation  identique  de  la 
main  et  du  pied,  le  pouce  et  le  gros  orteil  étant  internes.  Les  discordances 
portent  : 1°  sur  les  directions  opposées  de  la  flexion  des  articulations  du 
coude  et  du  genou,  la  trocblée  humérale  étant  tournée  en  avant  et  les  con- 
dyles  fémoraux  en  arrière;  et  2°  sur  le  croisement  en  X des  deux  os  de  l’avant- 
bras,  tandis  que  les  os  de  la  jambe  restent  parallèles. 

Les  données  renfermées  dans  la  comparaison  de  Flourens  sont  parfaite- 
ment exactes,  mais  elles  ne  sont  pas  une  solution  de  la  question  qu’il  s’agit 
de  résoudre.  Flourens  expose  ce  qui  est  ; il  constate  les  faits,  les  ressemblan- 
ces et  les  différences,  mais  il  ne  les  explique  pas.  Le  problème  reste  tout 
entier,  et  il  faut  encore  après  lui  chercher  à comprendre  comment  deux  mem- 
bres qui  appartiennent  si  bien  au  même  type  morphologique  présentent  des 
différences  si  prononcées,  et  particulièrement  une  opposition  complète  dans 
le  sens  de  la  flexion  et  une  inversion  complète  des  faces  de  l’humérus  et  du 
fémur,  que  les  origines  musculaires  démontrent  être  réellement  homologues 
(ligne  âpre  et  face  convexe  de  l’un  et  de  l’autre  os). 

Il  ne  suffit  pas,  en  effet,  de  dire  avec  M.  Lavocat’,  qui  s’associe  du  reste 
aux  vues  de  Flourens,  que  « pour  que  la  progression  puisse  régulièrement 
» s’accomplir  chez  un  quadrupède,  il  faut  que  le  bras  se  fléchisse  en  arrière 
» et  l’avant-bras  en  avant,  tandis  que  la  flexion  de  la  cuisse  a lieu  en  avant 
» et  celle  de  la  jambe  en  arrière»,  et  que  « cette  opposition  combinée  des 


1 Lavocat  ; Discussion  sur  le  parallèle  des  membres  thoraciques  et  pelviens . Toulouse,  1867. 


330  — 


» a clés  locomoteurs  est  produite  par  V inversion  méthodique  des  muscles 
» spéciaux  qui  se  correspondent  d’un  membre  à l’autre»,  ce  qui  produit 
« une  répétition  en  matière  inverse  qui  n’exclut  pas  l’analogie»,  et  que  si 
les  surfaces  articulaires  inférieures  de  l’humérus  et  du  fémur  sont  disposées 
en  sens  contraire,  «il  y a là  une  simple  modification  ayant  pour  but 
» de  permettre  l’exécution  en  sens  contraire  des  mouvements  de  la  jambe  sur 
» la  cuisse  et  de  l’avant-bras  sur  le  bras».  «Nous  avons  vu,  ajoute  l’auteur, 
» que  dans  ce  parallèle  il  ne  fallait  pas  tenir  compte  de  la  configuration 
» modifiée  des  surfaces  articulaires  inférieures  (de  l’humérus  et  du  fé- 
» mur)....  Ce  ne  sont  que  des  apparences  qui  ont  contribué  à fausser  les 
» appréciations  et  ont  amené  des  explications  controuvées.» 

Ajoutons  queM.  Lavocat  s’élève  contre  les  comparaisons  des  deux  mem- 
bres qui  portent  exclusivement,  ou  tout  au  moins  d’une  manière  prédomi- 
nante, sur  le  squelette  humain.  Pour  lui,  la  situation  de  l’avant-bras  humain 
en  supination,  le  radius  n’étant  en  rapport  qu’avec  la  partie  externe  ou  con- 
dylienne  du  plan  articulaire  de  l’humérus,  tandis  que  le  cubitus  s’articule 
avec  tout  le  reste  de  celte  surface,  n’est  qu’un  fait  particulier  établi  chez 
l’Homme  et  les  Singes  etc.,  dans  le  but  spécial  de  la  mobilité  du  radius 
et  delà  main.  La  construction  de  l’avant-bras  des  Quadrupèdes  au  con- 
traire, chez  lesquels  le  radius  sert  d’appui  à toutes  les  surfaces  humérales,  tan- 
dis que  le  cubitus,  relégué  en  arrière,  est  un  simple  complément  de  l’arti- 
culation, la  construction,  dis-je,  de  l’avant-bras  des  Quadrupèdes  reproduit 
exactement  pour  M.  Lavocat,  entre  le  radius  et  l’humérus,  les  connexions 
du  tibia  avec  le  fémur.  Elle  doit,  dit  l’auteur,  être  considérée  « comme  type 
» général  et  comme  preuve  évidente  de  la  répétition  du  radius  par  le  tibia 
»et  du  cubitus  par  le  péroné  ». 

La  réfutation  des  nombreuses  conceptions  erronées,  et  des  points  de  vue 
par  trop  restreints  et  circonscrits  que  renferme  la  théorie  que  j’analyse  ici, 
ressortira  clairement  des  considérations  d’anatomie  comparée  qui  précèdent 
et  qui  suivent,  et  auxquelles  j’ai  donné  une  base  autrement  large  que 
l'examen  isolé  des  Mammifères  dits  quadrupèdes.  Je  ne  m’arrête  donc  pas 
à combattre  tout  ce  qu’il  y a d’imaginaire,  d’arbitraire,  et  de  peu  juste 
dans  les  conceptions  que  je  viens  d’analyser.  La  suite  de  ce  travail  s’en 
chargera  suffisamment,  et  les  idées,  ingénieuses  sans  doute,  que  je  viens 


d’exposer,  s’évanouiront  devant  des  faits  plus  nombreux  et  mieux  inter- 
prétés. 

La  publication  de  M.  Lavocat,  parue  en  1867.  était  destinée  à combat- 
tre unethéoriedu  parallèle  des  membres  qui  a eu  et  a encore  un  grand  reten- 
tissement, et  sur  laquelle  je  crois  devoir  longuement  insister,  tant  à cause  de 
la  valeur  de  son  auteur  que  du  crédit  général  dont  elle  jouit  parmi  les  ana- 
tomistes les  mieux  qualifiés  ; je  veux  parler  de  la  théorie  de  la  Torsion  de 
l’Humérus,  du  professeur  Ch.  Martins*. 

Théorie  de  la  torsion  df  l’humérus.  — Je  vais  d’abord  exposer  avec 
quelques  détails  la  théorie  de  Martins,  et  les  perfectionnements  qu’elle  doit 
à Gegenbaur  et  à Broca.  La  discussion  et  la  critique  viendront  après. 

Voici  comment  Martins  formule  sa  théorie  : «L’humérus  de  l’Homme,  dit- 
» il,  est  un  os  tordu,  sur  son  axe,  de  180°.  Le  fémur  est  un  os  droit  sans 
»torsion.  — L’humérus  est  l’homologue  du  fémur,  mais  il  en  diffère  en 
« ce  qu’il  est  tordu,  sur  son  axe,  de  180°  environ,  tandis  que  le  fémur  est 
»un  os  cylindrique  dont  les  génératrices  sont  parallèles  entre  elles.  Cette 

» torsion  a été  signalée  par  la  plupart  des  anatomistes L’humérus 

«étant  un  fémur  tordu,  si  l’on  veut  comparer  ces  deux  os,  il  faut  avant 
«tout  détordre  l’humérus;  le  résultat  de  cette  opération  est  de  placer  l’épi— 
» trochlée  en  dehors  et  l’épicondyle  en  dedans.  Cela  fait,  la  comparaison 
«des  membres  n’offre  plus  aucune  difficulté  : en  effet,  le  col  de  l’humérus 
«est  dirigé  en  dedans  , comme  celui  du  fémur.  La  partie  postérieure  ou 
«tricipitale  de  l’os  du  bras  se  trouve  en  avant,  comme  la  partie  convexe 
->  et  tricipitale  de  l'os  de  la  cuisse.  Les  deux  os  sont  donc  semblables  ; leurs 
«condyles  articulaires  se  contournent  en  arrière  ; l’olécrâne  est  en  avant 
«comme  la  rotule  ; déplus,  elle  est  attachée  à la  portion  antérieure  et  interne 

1 Martins  (Charles)  ; Nouvelle  comparaison  des  membres  pelviens  et  thoraciques  chez 
l'Homme  et  chez  les  Mammifères , déduite  de  la  torsion  de  l’Humérus  ( Mémoires  de  l’Acad. 
des  Sciences  et  Lettres  de  Montpellier,  Médecine,  III,  pag.  471,  1857  ; et  Annales  des  Sciences 
naturelles ; Zoologie,  4me  série,  tom.  VIII,  pag.  47.  — Ostéologie  comparée  des  articulations 
du  coude  et  du  genou  chez  les  Mammifères,  les  Oiseaux  et  les  Reptiles  ( Mémoires  de  l'Acadé- 
mie des  Sciences  et  Lettres  de  Montpellier,  tom.  III,  pag.  355,  1862,  et  Annales  des  Sciences 
naturelles-,  4me  série,  XVII,  pag.  244,  1862).  Article  Comparaison  des  membres  du  Diction- 
naire encyclopédique  des  Sciences  médicales,  2mc  série,  tom.  VI,  pag.  484,  1873. 


— 552 


«de  la  tête  du  tibia,  qui  représente  la  portion  olécranienne  de  la  tète  du 
«cubitus,  soudée  et  confondue  avec  celle  du  radius.  Pour  se  convaincre  de 
«la  réalité  de  la  torsion  de  l’humérus,  il  suffit  de  suivre  sur  un  humérus 
«d’homme  ou  de  quadrupède  la  ligne  âpre  qui  part  de  l’épicondyle,  se 
» dirige  obliquement  vers  la  face  postérieure,  la  contourne  en  longeant  la 
«gouttière  de  torsion  du  nerf  radial,  et  vient  aboutir  à la  partie  la  plus 
«marquée  du  col,  au-dessous  de  la  tête  de  l’humérus. 

'<  La  torsion  n’est  point  une  disposition  particulière  à l’humérus  humain  ; 
«elle  est  générale  dans  les  trois  premières  divisions  des  Animaux  vertébrés, 
«Mammifères,  Oiseaux  et  Reptiles  vivants  ou  fossiles. 

Quant  à la  torsion  de  l’humérus  chez  l’Homme  et  chez  les  Mammifères 
terrestres  et  aquatiques,  « elle  est  d’une  demi-circonférence  ou  de  180°  en- 
«viron.  Mais  chez  l’Homme  et  les  Singes  anthropomorphes,  l’axe  du  col 
«de  l’humérus  étant  dirigé  de  dehors  en  dedans,  la  torsion  porte  tout  en- 
» tière  sur  le  corps  de  l’humérus.  Le  mouvement  de  circumduction  du  bras 
«est  possible,  et  ce  caractère  est  un  de  ceux  qui  distinguent  le  groupe  an- 
«tbropoïde  de  tous  les  autres  groupes  de  Mammifères,  comme  Cari  Vogt 
«l’a  fait  remarquer.  En  effet,  à partir  des  Singes  catarrhiniens  supérieurs, 
«tel  que  le  Nasique,  l’axe  du  col  de  l'humérus  n’est  plus  dirigé  de  dehors 
«en  dedans,  mais  d’avant  en  arrière  ; le  mouvement  de  circumduction 
«est  aboli  et  réduit  à un  mouvement  dans  un  plan  parallèle  au  plan  ver- 
«tébro-sternal.  La  torsion  de  l’humérus  de  180°  se  décompose  dans  tous  les 
«Mammifères , l’Homme  et  les  Singes  anthropomorphes  exceptés,  en  deux 
«torsions;  celle  du  col  de  90°,  et  celle  du  corps  également  de  90°;  c’est  une 
«vérité  que  Broca  a mise  en  pleine  lumière  dans  son  parallèle  anatomique 
«de  l’Homme  et  des  Singes.» 

La  torsion  de  l’humérus  dans  les  Chéiroptères,  les  Oiseaux  et  les  Reptiles 
«est  de  90°,  ou  moins  de  90°  seulement.  L’axe  du  col  de  l’humérus  est  di- 
«rigé  comme  chez  l’Homme  : mais  le  corps  de  l’humérus  n’étant  tordu  que 
«de  90°,  la  trochlée  est  tournée  en  dehors  et  non  en  avant  ; aussi  la 
«flexion  de  l’avant-bras  sur  le  bras  se  fait-elle  en  dehors  dans  un  plan  per- 
«pendiculaire  ou  plan  vertébro-sternal.  Une  Chauve-Souris,  un  Oiseau, 
«déploient  leurs  ailes  en  dehors  ; un  Reptile  étend  son  avant-bras  perpen- 
«diculairement  à l’axe  de  son  corps.  La  torsion  de  90°  est  une  des  condi- 


— 355 


» lions  ostéologiques  du  vol  et  de  la  reptation — Sur  le  Caméléon,  au  con- 
'» traire,  l’humérus  est  tordu  de  180°,  car  le  Caméléon  est  un  Reptile  qui 
»ne  rampe  pas;  il  marche  comme  un  quadrumane,  en  fléchissant  son 
«avant-bras  en  avant.  Son  ventre  ni  sa  queue  ne  traînent  à terre.  Comme 
» les  Singes,  il  saisit  les  branches  avec  ses  quatre  doigts,  et  enroule  sa 
»queue  prenante  autour  des  branches  qui  lui  servent  de  support.  Dans  les 
»Chéloniens,  la  torsion  n’est  visible  que  dans  les  grandes  Tortues  terrestres 
»et  fluviatiles,  et  dans  les  Batraciens  sur  les  Crapauds  et  les  grosses  Gre- 
nouilles. Cette  torsion  de  l’humérus  de  90°,  commune  aux  Reptiles  et  aux 
>'Oiseaux,  est  un  trait  de  plus  à ajouter  aux  nombreuses  ressemblances 
» organiques  qui  rapprochent  ces  deux  classes.» 

A propos  de  la  mesure,  de  l’origine  et  des  causes  de  la  torsion,  M.  Mar- 
tins  ajoute,  dans  l’article  du  Dictionnaire  déjà  cité  : 

«Lorsque  je  publiai  mon  Mémoire,  en  1857,  je  considérai  la  torsion  de 
» l’humérus  comme  virtuelle,  c’est-à-dire  ne  s’étant  jamais  opérée,  quoique 
»la  forme  de  l’os  et  la  disposition  des  parties  molles  fussent  telles  qu’elles 
«eussent  été  si  cette  torsion  s’était  mécaniquement  accomplie.  Les  tra- 
vaux de  M.  Gegenbaur  et  les  considérations  de  MM.  Guérin  et  Durand 
»(de  Gros)  ont  modifié  mes  idées.  Le  premier  a d’abord  mesuré  l’angle 
«de  torsion  de  l’humérus  de  trente-six  sujets  adultes , en  se  servant  de 

«l’appareil  dioptrique  imaginé  par  le  Dr  Lucæ Les  mesures  faites  par 

«Gegenbaur  sur  trente-six  humérus  d’Européens  adultes  de  l’un  et  l’autre 
«sexe  prouvent  que  ces  axes  (l’axe  du  col  de  l’humérus  et  l’axe  de  la 
«trochlée)  font  entre  eux  un  angle  moyen  de  12°,  ce  qui  donne  pour  l’an- 
«gle  de  torsion  de  l’humérus  une  moyenne  de  168°  et  varie  de  178°  à 

«148° Un  autre  résultat  important,  c’est  que  sur  huit  humérus  frais  de 

«jeunes  enfants  âgés  de  trois  mois  à neuf  mois,  l’angle  de  torsion  s’est 
«trouvé  n’êlre  plus  que  de  146°,  et  sur  huit  fœtus  âgés  de  douze  à seize 
«semaines,  il  se  réduit  à 120».  Ainsi  donc,  la  torsion  de  l’humérus  n’est 
«pas  uniquement  virtuelle,  comme  je  l’aurais  cru  ; elle  se  continue  réelle- 
«ment  dans  l’état  fœtal,  infantile  et  adulte,  et,  d’après  les  mesures  de  Ge- 
«genbaur,  celte  torsion  complémentaire,  observée  par  lui,  serait  de  47°  à 
«partir  du  huitième  mois  jusqu’à  l’âge  adulte.  Je  persiste  néanmoins  à 
«considérer  comme  virtuelle  la  torsion  initiale  de  l’humérus.  Ainsi,  chez 


— 554  — 

»un  fœtus  de  huit  mois,  l’os  est  tordu  de  121°,  et  depuis  cet  âge  jusqu’à 
» i’âge  adulte  il  se  tord  effectivement  de  47°,  mais  auparavant  il  est  tordu 
» virtuellement  et  non  mécaniquement  d’un  certain  nombre  de  degrés.  En 
«effet,  du  jour  où  le  membre  antérieur  apparaît  sur  un  fœtus  âgé  de  quel- 
»ques  semaines,  le  bras  est  fléchi  en  avant  et  la  main  est  en  demi-pro- 
y>nation  ; une  torsion  s’est  donc  déjà  opérée , mais  l’os  n’en  porte  aucune 
»trace,  puisqu’il  se  montre  sous  la  forme  d’une  palette  aplatie  et  identi- 
que, sauf  la  grandeur,  à celle  du  fémur.  Mais,  par  suite  de  l’adaptation 
«fonctionnelle  héréditaire,  l’avanl-bras  se  fléchit  déjà  en  avant,  tandis  que 
»la  jambe  se  fléchit  en  arrière.  De  l’état  fœtal  à l’état  adulte,  la  torsion  se 
«complète et  s’achève. 

«Ces  observations  sont  confirmées  par  d’autres  qui,  d’après  les  idées 
«darwiniennes,  sont  du  même  genre.  Ainsi,  on  pouvait  dire  d’avance  que 
«chez  le  Nègre  la  torsion  doit  être  moindre  que  chez  l’Européen  ; c’est 
«ce  qui  semble  résulter  de  l’observation  de  cinq  sujets  examinés  par 
«Welcker,  Lucæ  et  Gegenbaur.  L’angle  moyen  qu’ils  ont  trouvé  est  de 
«154°,  au  lieu  de  1G8°  comme  chez  l’Européen. 

»Ces  faits  mettent  à néant  la  principale  objection  que  MM.  Humphry 
«(de  Cambridge)  et  Burt-Wilder  (de  Boston)  ont  faite  à la  torsion  de  l’hu- 

«mérus,  celle  torsion  étant  non-seulement  virtuelle  , mais  réelle 

«Enfin,  je  demanderai  toujours  pourquoi  l’humérus  est  le  seul  os  du 
«squelette  qui  paraisse  évidemment  tordu,  et  le  seul  que  des  nerfs  et  des 
«vaisseaux  contournent  en  décrivant  une  hélice.  Nous  savons  maintenant 
«qu’il  se  tord  effectivement , et  la  démonstration  est  complète.  » 

J’ai  tenu  à citer  longuement,  pour  laisser  à la  théorie  de  la  torsion  toute  sa 
véritable  portée,  ce  que  je  ne  pouvais  mieux  faire  qu’en  lui  conservant  l’ex- 
pression originale  et  claire  que  lui  a donnée  son  auteur. 

Une  explication  qui  a eu  l’approbation  de  Cruveilhier,  Ch.  Robin  , 
Ch.  Rouget,  Brown-Sequard,  J.  Pictet,  Hugh  Falconer,  Yogt,  P.  Broca, 
E.  Hœckel  et  C.  Gegenbaur,  mérite  d’être  envisagée  de  près  et  traitée  avec 
grande  considération. 

La  théorie  de  la  torsion  a cependant  trouvé  des  adversaires  ; Folz  ' lui  a 


1 Folz ;.loc  cil.  Journal  de  Physiologie,  1863.) 


— 555  — 

opposé  un  argument  qui  n’est  pas  sans  valeur.  « La  torsion  de  l’humérus, 
«dit-il,  admise  par  quelques  anatomistes,  n’existe  réellement  pas  en  tant 
«que  torsion.  Je  n’en  veux  pour  preuve  que  la  possibilité  de  suivre  le  bord 
«antérieur  de  l’humérus  depuis  la  coulisse  bicipitale,  où  il  commence,  jus- 
«qu’à  la  cavité  coronoïde,  où  il  finit.  Ce  qu’on  a appelé  torsion  n’est  qu’une 
«gouttière  creusée  obliquement  sur  la  partie  externe  de  l’os  pour  le  pas- 
«sage  de  l’artère  humérale  profonde  et  du  nerf  radial.  » M.  Folz  rejette 
donc  la  théorie  de  la  torsion  ; mais  nous  avons  vu  que  ce  n’était  pas  pour 
faire  mieux,  puisqu’il  en  est  resté  à la  comparaison  croisée  de  Vicq-d’Azyr, 
quelque  peu  modifiée. 

L’usage  assigné  par  Folz  à la  gouttière  de  torsion  de  l’humérus  avait  déjà 
été  généralement  considéré  comme  une  explication  suffisante  de  la  disposi- 
tion de  l’humérus  par  beaucoup  d’anatomistes.  Je  citerai  Humphry  et  Burt- 
Wilder,  qui  ont  fait  à la  théorie  de  la  torsion  cette  objection  que  la  torsion 
n’est  qu’apparente  et  non  réelle.  M.  Lavocat,de  Toulouse,  n’accepte  pas  non 
plus  la  torsion  de  l’humérus.  « Malgré  le  talent  et  la  science  que  M.  Mar- 
» tins,  dit-il,  a déployés  pour  soutenir  cette  thèse,  la  torsion  de  l’humérus 
«est  loin  d’être  démontrée...  Selon  nous,  elle  est  imaginaire.  C’est  une 
«hypothèse inacceptable...  » 

Sans  citer  tous  les  auteurs  qui  ont  opposé  des  arguments  de  valeurs  di- 
verses à la  théorie  de  M.  Martins,  je  vais  rendre  compte  ici  de  l’un  des 
derniers,  et  peut-être  du  dernier  travail  publié  sur  la  matière.  11  appartient  à 
un  jeune  naturaliste  auquel  je  me  plais  à rendre  justice. 

Le  Mémoire  de  M.  Alexis  Julien  sur  1 ’Homotypie  des  membres  thoraci- 
ques et  abdominaux  ' a pour  épigraphe  : « L’humérus  n’est  pas  un  fémur 
retourné».  L’auteur  reconnaît  que,  « de  toutes  les  hypothèses  (et  elles 
«sont  nombreuses)  qu’on  a imaginées  pour  obtenir  la  solution  du  pro- 
«blème  de  l’homolypie  des  membres  thoraciques  et  abdominaux,  celle  qui 
«a  donné  les  meilleurs  résultats  est  sans  contredit  celle  de  M.  le  profes- 
«seur  Charles  Martins».  Mais  il  fait  à la  théorie  de  la  torsion  quelques  ob- 
jections qui  sont  d’inégale  valeur. 


1 A Julien  ; De  V Homotypie  des  membres  thoraciques  et  abdominaux  ( Mém . de  la  Société 
d' Anthropologie,  1878). 


45 


— 336  — 


Il  lui  reproche  de  faire  dépendre  uniquement  de  l’angle  de  torsion  la 
direction  et  l’attitude  générale  du  membre  thoracique.  A tel  angle  de 
torsion  doivent,  d’après  elle,  correspondre  telle  situation  et  telle  fonction  du 
membre.  «Chez  les  Chéiroptères,  les  Oiseaux  et  les  Reptiles,  dit  M.  Martins, 
»la  torsion  est  de  90°,  la  trochlée  est  tournée  en  dehors  et  non  en  avant  ; 
«aussi  la  flexion  de  l’avant-bras  se  fait-elle  en  dehors  dans  un  plan 
«perpendiculaire  à l’axe  vertébro-sternal.  Une  Chauve-Souris,  un  Oiseau, 
«déploient  leurs  ailes  au  dehors  ; un  Reptile  étend  son  avant-bras  per- 
pendiculairement à l’axe  du  corps.  La  torsion  de  90u  est  donc  une  des 
«conditions  ostéologiques  du  vol  et  de  la  reptation.» 

Ce  n’est  pas  de  l’angle  de  torsion,  répond  M.  Julien,  que  dépendent  la 
direction  et  l’attitude  générale  du  membre  thoracique.  En  effet,  chez  les 
Reptiles  et  les  Oiseaux,  où  cet  angle  à une  valeur  de  90°,  les  membres  tho- 
raciques regardent  presque  « en  sens  inverse  par  leurs  faces  homologues  ; 
«tandis  que,  'pendant  la  flexion , la  région  pleurale  (c’est-à-dire  la  face  de 
«flexion)  de  l’humérus  du  Crocodile  regarde  en  bas,  en  avant  et  en  de- 
«dans,  elle  regarde  tout  à fait  en  dehors  chez  l’Albatros;  chez  l’Homme, 
«au  contraire,  où  la  torsion  est  de  180°,  celte  même  région  est  dirigée  un 
«peu  en  dedans  et  surtout  en  avant.  » 

Le  reproche  de  M.  Julien  est  fondé  ; l’argument  par  lequel  il  l’appuie  est 
moins  heureux.  En  effet,  si  au  lieu  déconsidérer  l’attitude  des  membres 
pendant  la  flexion , ainsique  l’indiquent  les  mots  que  j’ai  soulignés  à des- 
sein, on  les  considère  pendant  l’extension,  les  observations  de  M.  Martins  ont 
ceci  de  fondé  que  la  face  pleurale  ou  de  flexion  de  l’humérus  de  l’Oiseau 
regarde  fort  bien  en  avant,  en  bas  et  en  dedans,  comme  chez  le  Crocodile. 
Or,  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  membre  antérieur  de  l’Oiseau  ne  saurait 
être  rapproché  du  membre  correspondant  du  Crocodile  que  dans  la  position 
qu’il  affecte  pendant  l’activité  du  membre,  c’est-à-dire  pendant  le  vol.  L’at- 
titude repliée  de  l’aile  au  repos  est  tout  à fait  spèciale  et  propre  à l’Oiseau,  et 
ne  saurait  être  rapprochée  rigoureusement  de  l’attitude  du  membre  anté- 
rieur de  Crocodile  même  au  repos  et  à l’état  de  flexion.  Ce  dernier  membre, 
même  alors , sert  d’appui  et  de  soutien  au  corps,  et  est  dans  une  activité  re- 
lative, tandis  que  l'aile  repliée  est  dans  une  inactivité  absolue  qui  lui  permet 
de  prendre  une  situation  pour  ainsi  dire  anormale  et  sans  analogue.  On  ne 


— 557  — 

saurait  même  la  comparer  à l’attitude  du  membre  antérieur  des  Ptérodac- 
tyles et  des  Chéiroptères,  qui,  quoique  étant  un  organe  du  vol,  sert  aussi  à 
la  station  et  à la  progression  quadrupèdes.  Le  seul  rapprochement  ra- 
tionnel à faire  aurait  peut-être  lieu  entre  l’aile  fléchie  de  l’Oiseau  et  le 
membre  antérieur  replié  des  Dinosauriens  bipèdes  et  de  l’Archéoptéryx,  qui 
est  le  plus  ornithoïde  des  Reptiles  connus. 

Mais  si  la  valeur  de  l’argument  de  M.  Julien  n’est  point  inattaquable,  le 
reproche  qu’il  adresse  à la  théorie  de  la  torsion  n’en  est  pas  moins  très- 
fondé;  j’aurai  l’occasion,  dans  la  suite,  d’en  fournir  des  preuves  aussi  soli- 
des que  nombreuses,  et  de  démontrer  que  ce  n’est  pas  à la  torsion  humérale, 
mais  à de  tout  autres  conditions  que  tiennent  la  direction  et  l’attitude 
générale  du  membre. 

Un  second  reproche  mérité  que  formule  M.  Julien,  c’est  d’avoir  considéré 
le  membre  abdominal  des  Vertébrés  terrestres  comme  un  membre  typique, 
comme  un  membre  non  transformé,  auquel  devrait  être  ramené  le  membre 
thoracique  pour  l’établissement  des  homotypies.il  est  certain  que  M.  Martins 
n’a  cherché  l’explication  des  différences  qui  séparent  les  deux  membres  que 
dans  des  modifications  du  membre  thoracique.  Ce  dernier  est,  d’après  lui,  le 
seul  qui  ait  subi  des  transformations,  des  déviations,  des  torsions,  auxquelles 
sont  dues  les  différences  de  divers  degrés  qui  l’ont  éloigné  delà  forme  restée 
constante  du  membre  postérieur.  Or,  c’est  là  une  opinion  erronée,  que 
l’on  est  d’autant  plus  étonné  de  trouver  sous  la  plume  du  Professeur  de 
Montpellier,  qu’il  a écrit  lui-même  : « Le  membre  inférieur  se  montre 
«aussi  (comme  le  membre  supérieur)  d’abord  sous  la  forme  d’une  palette 
«parallèle  au  plan  vertébro-sternal,  comme  la  nageoire  ventrale  des  Pois- 
»sons  ; mais  dans  tous  les  animaux  terrestres,  vivants  et  fossiles,  elle 
»se  retourne  ensuite  vers  le  sol , et  se  maintient  dans  cette  position.  » 
11  résulte  évidemment  de  ce  passage,  comme  le  fait  justement  remarquer 
M.  Julien,  que  la  position  du  membre  abdominal  de  tous  les  Vertébrés  ter- 
restres est  une  position  acquise  et  non  point  primordiale.  Il  y a eu  modifica- 
tion du  membre  postérieur  aussi  bien  que  du  membre  antérieur,  quoique 
peut-être  à un  degré  différent  et  dans  une  autre  direction. 

M.  Julien  explique  la  différence  de  situation  et  de  forme  des  membres 
antérieur  et  postérieur  par  un  changement  dans  leur  situation  primitive, 


— 558  — 


changement  consistant  dans  un  mouvement  de  rotation  de  90°  de  l’humé- 
rus et  du  fémur  en  sens  inverse,  au  niveau  des  articulations  scapulo-humé- 
rale  et  coxo-fémorale.  « A la  suite  de  ce  mouvement,  la  face  externe  (con- 
»vexe)  de  l’humérus  devient  postérieure,  le  radius  et  le  pouce  se  placent 
»en  dehors.  D’un  autre  côté,  la  face  externe  (convexe)  du  fémur  devient 
«antérieure,  le  tibia  et  le  gros  orteil  se  placent  en  dedans.  De  là  résulte  la 
«différence  de  180°  qui  existe  dans  la  direction  des  faces  homotypiques 
«des  membres  thoraciques  et  abdominaux 

...»  L’humérus  n’est  donc  pas  un  fémur  retourné,  et  le  membre  abdomi- 
«nal  ne  peut  être  considéré  comme  le  membre  type,  car  sa  position  eslac- 
«quise  aussi  bien  que  celle  du  membre  thoracique. 

» Pour  établir  Thomotypie  des  deux  membres,  il  suffira  donc  de  les  rame- 
«ner  à leur  position  embryonnaire  primordiale,  en  faisant  subir  à chacun 
«d’eux,  au  niveau  désarticulations  scapulo-humérale  et  coxo-fémorale,  un 
«mouvement  de  90  en  sens  inverse  de  celui  qu'ils  ont  subi  depuis  leur 
«apparition.  » 

Telles  sont  les  vues  de  M.  Julien.  Toutefois  l’auteur  prévoit  quelques  ob- 
jections auxquelles  il  oppose  des  réponses. 

Dans  l’hypothèse  de  la  torsion,  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus  (trochi- 
ter)  représente  le  grand  trochanter  du  fémur  ; la  petite  tubérosité  (trochin) 
représente  le  petit  trochanter  (trochanlin).  Dans  l’hypothèse  de  M.  Julien, 
au  contraire,  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus  (céphalique)  correspond  au 
petit  trochanter  (céphalique  ou  antérieur),  tandis  que  le  trochin  huméral 
(caudal)  correspond  au  grand  trochanter  (caudal). 

A cela,  M.  Julien  répond  qu’eu  morphologie  le  volume  aussi  bien  que 
la  forme  et  la  fonction  n’ont  aucune  valeur  : une  seule  chose  importe,  ce 
sont  les  connexions.  Or,  a cet  égard  (et  c’est  la  seule  objection  que  M.  Ju- 
lien considère  comme  sérieuse),  on  pourrait  lui  objecter  que  les  muscles  qui 
vont  au  trochiter  (sus  et  sous-épineux),  sont,  d’après  l’hypothèse  deM.  Mar- 
tins,  homotypes  de  ceux  qui  vont  au  grand  trochanter  (moyen  et  petit  fes- 
sier), aussi  bien  parleurs  insertions  initiales  que  par  leurs  insertions  termi- 
nales. Il  en  est  de  même  du  sous- scapulaire  et  de  l’iliaque,  qui  vont  au  trochin 
et  au  trochanlin.  Dans  l'hypothèse  de  M.  Julien,  ces  muscles  ne  se  corres- 
pondraient que  par  leurs  insertions  initiales.  A cette  difficulté,  M.  Julien  ré- 


— 559  — 


pond  en  citant  M.  Martins  lui-même  : « Les  points  d’attaches  musculaires  (dit 
M.  Martins)  ne  sont  point  immuables  et  nous  enseignent  qu’il  ne  faut  pas 
adonner  une  importance  exagérée  aux  insertions  musculaires,  pour  la  dé- 
termination des  parties  osseuses  correspondantes  ».  M.  Julien  cite  à l’ap- 
pui de  cette  opinion,  quil  accepte  pleinement,  le  fait  que  le  long  flé- 
chisseur propre  du  pouce,  qui  est  par  son  insertion  terminale  l’homotype  du 
long  fléchisseur  propre  du  gros  orteil,  diffère  entièrement  de  ce  dernier  par 
son  insertion  supérieure.  Le  fléchisseur  propre  du  pouce  naissant  de  la  face 
antérieure  du  radius,  celui  du  gros  orteil  naît  de  la  face  postérieure  du  péroné, 
qui  est  l’homotypedu  cubitus  et  non  du  radius. 

Je  ne  puis  laisser  passer  ici  sans  réflexion  la  réponse  de  M.  Julien.  Elle 
aurait  pu  être  plus  heureuse,  ainsi  que  je  le  montrerai  plus  tard.  Pour  le  mo- 
ment, je  me  borne  à protester  encore  une  fois  contre  la  doctrine  des  transpo- 
sitions d’attaches  que  l’on  retrouve  à chaque  pas,  et  je  m’appuie  pour  cela 
sur  l’exemple  que  M.  Julien  a énoncé  en  faveur  même  de  cette  doctrine.  Le 
fléchisseur  propre  du  pouce  s’attache  en  effet,  non-seulement  à la  face  anté- 
rieure du  radius,  mais  encore  à l’aponévrose  interosseuse  et  à l’apophyse 
coronoïde  du  cubitus.  C’est  donc  un  muscle  à la  fois  radial  et  cubital,  qui  n’a 
conservé  qu’une  insertion  cubitale  très-réduite,  parce  que  la  face  antérieure 
du  cubitus  est  largement  occupée  par  les  insertions  du  fléchisseur  profond 
des  doigts,  si  important  et  si  volumineux.  Les  insertions  radiales  sont 
devenues  très-étendues  par  balancement.  Au  membre  inférieur,  les  inser- 
tions péronières  (cubitales)  du  fléchisseur  propre  du  gros  orteil  ont  au 
contraire  seules  subsisté  et  ont  pris  une  importance  compensatrice  de  la 
disparition  des  insertions  tibiales,  la  face  postérieure  du  tibia  étant  entière- 
ment occupée  par  les  insertions  du  poplité,  du  soléaire,  du  long  fléchisseur 
commun  des  orteils  et  du  tibial  postérieur.  11  n’y  a pas  eu  transposition  d’at- 
taches, mais  seulement  inégalité  par  balancement,  dans  leur  répartition, 
entre  les  deux  os  du  deuxième  article  du  membre. 

Les  deux  muscles  fléchisseurs  propres  du  pouce  et  du  gros  orteil  appar- 
tiennent originairement  à la  fois  aux  deux  os  des  deux  articles,  ce  qui  n’a  pas 
lieu  de  nous  surprendre,  attendu  que,  pour  le  fléchisseur  du  pouce,  les  faits 
sont  là  pour  le  prouver,  et,  pour  le  fléchisseur  du  gros  orteil,  il  est  plus  que 
légitime  de  penser  qu’à  part  des  insertions  péronières,  ce  muscle  a dû  avoir 


340  — 


des  origines  tibiales  puisqu’il  est  destiné  au  plus  interne,  c’est-à-dire  au  plus 
tibial  des  orteils.  Au  reste,  ces  muscles  sont  des  muscles  de  perfectionne- 
ment qui  ne  sont  que  des  différenciations  de  l’un  des  faisceaux  des  muscles 
fléchisseurs  communs  profonds,  c’est-à-dire  d’une  masse  musculaire  qui 
appartient  à la  fois  aux  deux  os  du  deuxième  article.  Ainsi,  chez  le  Cheval, 
le  fléchisseur  profond  des  phalanges,  ou  perforant,  està  la  fois  cubital  et  radial. 
11  en  est  de  même  chez  le  Bœuf,  chez  le  Dromadaire,  chez  le  Porc,  chez 
les  Carnassiers. 

Le  fléchisseur  profond  des  phalanges  du  membre  postérieur  est  égale- 
ment inséré  au  tibia,  au  péroné  et  au  ligament  interosseux,  chez  le  Cheval, 
chez  les  Ruminants,  chez  le  Dromadaire  et  chez  les  Carnassiers  ; tandis  que 
le  fléchisseur  oblique,  dont  le  tendon  se  confond  avec  le  sien,  s’insère  en  ar- 
rière delà  tubérosité  interne  du  tibia.  Chez  les  Singes  anthropoïdes,  la  dé- 
pendance du  long  fléchisseur  du  pouce  vis-à-vis  du  fléchisseur  profond  est 
tout  à fait  évidente.  Chez  le  Gorille,  par  exemple,  ce  muscle  n’existe  pas,  à 
proprement  parler,  comme  muscle  indépendant.  Mais  un  tendon  grêle  se  dé- 
tache du  bord  externe  du  tendon  volumineux  que  le  fléchisseur  commun  en- 
voie à l’index,  et  va  se  rendre  au  pouce.  Chez  le  Chimpanzé,  ce  tendon  est 
plus  grêle  encore.  Chez  l’Orang  et  les  Gibbons,  ce  muscle  fait  tout  à fait  dé- 
faut '.  D’autre  part,  au  membre  postérieur,  la  dépendance  du  fléchisseur 
commun  et  du  fléchisseur  propre  du  gros  orteil  se  démontre  par  leur  iné- 
gale distribution  et  leur  suppléance,  suivant  les  types.  Ainsi,  le  long  fléchis- 
seur du  gros  orteil  du  Gorille  et  du  Chimpanzé  envoie  aussi  des  tendons  au 
troisième  et  au  quatrième  orteil,  et  le  long  fléchisseur  commun  en  fournit 
au  deuxième,  au  quatrième  et  au  cinquième. 

Chez  l’Orang,  le  long  fléchisseur  du  gros  orteil  fait  défaut,  et  chez  les  Pi- 
théciens,  le  gros  orteil  reçoit  deux  tendons:  l’un  perforant  et  l’autre  perforé, 
provenant  des  fléchisseurs  communs. 

Ces  faits  prouvent  surabondamment  que  les  longs  fléchisseurs  propres, 
soit  du  pouce,  soit  du  gros  orteil,  appartiennent  à la  masse  commune  des  flé- 
chisseurs profonds,  qui  est  appliquée  contre  les  faces  de  flexion  des  deux  os 
du  second  article  des  membres,  et  qui  ne  s’en  différencient  que  chez  les 


1 Broca;  Les  Primates,  loc.  cit.,  pag.  320. 


— 341 


Anthropoïdes  et  chez  l’Homme,  en  acquérant  du  reste  des  degrés  variés 
d’indépendance  et  de  force  qui  expliquent  suffisamment  le  départ  inégal 
des  insertions  entre  les  deux  os. 

M.  Julien  prévoit  encore  une  autre  objection,  au  sujet  de  la  direction  des 
cols  de  l’humérus  et  du  fémur. 

Après  que  l’on  a,  par  le  procédé  de  M.  Martins,  fait  subir  à l’humérusune 
détorsion  de  180°,  le  col  de  cet  os  continue  à regarder  en  dedans  comme 
celui  du  fémur.  Quand,  au  contraire,  en  dehors  de  l’hypothèse  de  la  torsion, 
les  deux  os  sont  ramenés  à leur  position  primitive,  le  col  de  l’humérus  re- 
garde en  arrière  et  le  col  du  fémur  en  avant. 

Ce  fait  de  la  direction  en  sens  inverse  des  cols  de  l’humérus  et  du  fémur, 
lorsque  ces  deux  os  du  même  côté  sont  placés  dans  des  situations  parallèles, 
a joué  un  très-grand  rôle  dans  les  hypothèses  proposées  pour  établir  une 
comparaison  entre  les  deux  membres.  C’est  à lui,  en  effet,  que  sont  dues  les 
comparaisons  croisées,  depuis  celle  de  Vicq-d’Azyr  jusqu’à  celle  de  M.  Folz. 
C’est  à lui  qu’est  due  la  théorie  de  la  torsion.  Jl  faut  encore  rapportera 
ce  fait  l’origine  de  la  théorie  de  Flourens,  acceptée  et  défendue  par 
M.  Lavocat;  dans  cette  hypothèse,  en  effet,  l’humérus  est  comparé  au  fémur 
du  même  côté,  la  main  ôtant  en  pronation  naturelle,  et  sans  qu’il  y ait  à re- 
tourner le  membre.  Dans  cet  état  de  choses,  les  têtes  articulaires  sont,  il  est 
vrai,  dirigées  l’une  et  l’autre  en  dedans;  mais  les  lignes  âpres  et  les  faces  con- 
vexes des  deux  os  ne  se  correspondent  pas  , et  l’exactitude  des  homologies 
des  faces  des  deux  os  est  entièrement  sacrifiée  à l’identité  de  direction  des 
cols  et  des  têtes.  «Ce  sont  là,  dit  M.  Lavocat,  des  détails  secondaires , 

» qui  ne  peuvent  rompre  l’analogie U y a une  répétition  en  matière 

» inverse  qui  n’exclut  pas  l’analogie.  » 

Nous  savons  ce  qu’il  faut  penser  de  ces  répétitions  en  matière  inverse . 
Elles  n’existent  que  dans  l’imagination  de  ceux  qui  créent  des  théories  , et 
elles  s’expliquent  en  vérité  par  des  retournements  réels  dans  les  organes. 

Si  nous  en  jugeons  par  l’influence  considérable  qu’a  eue  sur  l’esprit  des 
anatomistes  cette  direction  inverse  des  cols  de  l’humérus,  l’objection  qu’exa- 
mine M.  Julien  est  de  quelque  valeur  et  mérite  d’être  considérée  de  près. 
Voici  la  réponse  qu’il  y fait  : « Deux  organes  homologues  perdent-ils  leurs 
» homologie  par  cela  seuls  qu’il  sont  inclinés  en  sens  inverse  ? Évidem- 


— 542 


» ment  non.»  Et  à l'appui  de  ce  fait,  M.  Julien  cite  cette  observation  de 
M.  Broca  : que  les  apophyses  épineuses  des  fausses  vertèbres  dorsales  ou 
vertèbres  à côtes  flottantes  sont,  chez  les  Quadrupèdes,  inclinées  vers  la 
tète  ou  en  antéversion,  tandis  que  les  apophyses  des  vraies  vertèbres  dor- 
sales, c’est-à-dire  de  celles  qui  sont  unies  au  sternum  par  des  côtes,  sont 
obliquement  inclinées  vers  le  sacrum,  ou  en  post-version.  Or,  personne  n’a 
jamais  songé  à mettre  en  doute  l’homologie  deces  deux  groupes  d’apophyses. 

La  réponse  de  M.  Julien  est  judicieuse  sans  doute,  mais  elle  est  insuffi- 
sante et  n’est  pas  assez  complète  pour  dissiper  tous  les  doutes  et  toutes  les 
obscurités  qu’a  jetés  sur  l’homologie  des  membres  la  direction  inverse  des 
têtes  de  l’humérus  et  du  fémur  du  même  côté.  11  n’est  ni  dans  l’ordre  ni 
dans  les  lois  de  la  nature  que  des  parties  homologues  soient  dirigées  en  sens 
inverse  et  présentent  de  grandes  différences  de  direction,  sans  qu’il  ail  existé 
des  causes  capables  de  produire  de  telles  déviations.  Il  ne  suffit  pas  de 
dire  que  telles  parties  sont  homologues,  quoiqu’elles  soient  dirigées  en  sens 
inverse  ; mais  il  convient  à la  science  de  démontrer  que  telles  parties, 
quoique  inversement  dirigées,  sont  cependant  homologues,  parce  que  telle 
est  la  cause  qui  a déterminé  leur  inversion. 

Pour  le  cas  des  apophyses  épineuses,  par  exemple,  M.  Broca  a fort  bien 
établi  que  leur  direction  est  déterminée  par  l’action  musculaire,  et  que 
leurs  directions  inverses  chez  les  Quadrupèdes  proviennent  de  ce  que,  chez 
eux,  les  forces  extensives  prennent  leur  point  fixe  alternativement  du  côté 
de  l’épaule  et  du  côté  du  bassin. 

Or,  il  convient  aussi  pour  les  têtes  de  l’humérus  et  du  fémur  de  recher- 
cher les  causes  de  leurs  directions  inverses,  afin  que,  une  explication  ration- 
nelle et  solide  de  celte  disposition  une  fois  trouvée,  il  n’y  ait  plus  aucune 
difficulté  sérieuse  à établir  les  homologies  de  l’humérus  et  du  fémur  du 
même  côté.  C’est  ce  que  j’essaierai  de  faire  dans  la  suite  de  ce  travail. 

J’ai  donné  au  travail  de  M.  Alexis  Julien  une  place  importante  dans 
celte  revue  des  hypothèses  destinées  à faciliter  la  comparaison  des  membres. 
Je  l’ai  fait  pour  plusieurs  motifs  : parce  que  ce  travail  m’a  paru  renfermer 
des  réflexions  judicieuses  sur  la  théorie  de  la  torsion  de  l’humérus,  parce 
qu’il  présentait  une  théorie  rationnelle  de  la  comparaison  des  membres  basée 
sur  l’embryogénie  et  sur  les  modifications  consécutives  de  leur  situation, 


543 


et  enfin  parce  que  l’auteur  de  ce  Mémoire,  qui  a bien  voulu  m’en  com- 
muniquer le  contenu  et  les  conclusions  avant  sa  publication,  a fortement 
contribué  à attirer  mon  attention  sur  la  valeur  réelle  et  le  degré  d’impor- 
tance qu’il  faut  attribuer  à la  direction  inverse  des  cols  de  l’bumérus  et 
du  fémur  dans  l’édification  d’une  comparaison  des  membres. 

Le  travail  deM.  Julien  étant  d’une  publication  très-récente,  et  peut-être  la 
plus  récenLe  sur  la  matière,  j’ai  cru  devoir,  pour  cette  raison  aussi,  lui  con- 
sacrer un  assez  long  examen.  Mais  après  l’avoir  traité  avec  justice,  il  convient 
aussi  d’être  juste  envers  tout  le  monde,  et  de  « rendre  à César  ce  qui  appar- 
tient à César».  La  comparaison  des  membres,  telle  que  l’a  faite  M.  Julien,  a 
pour  point  de  départ  la  situation  embryonnaire  ou  primitive  des  membres 
et  leur  rotation  en  sens  inverse  d’un  angle  de  90°  au  niveau  des  ar- 
ticulations scapulo-humérale  et  coxo-fémorale.  Avant  de  connaître  les 
idées  de  M.  Julien,  j’étais  arrivé  aussi  à des  idées  semblables , telles  du 
reste  que  je  les  ai  déjà  exposées  dans  plusieurs  parties  de  ce  travail,  et  no- 
tamment dans  les  pages  ( 15  à 18)  et  (255  à 258;.  Seulement,  tandis  que 
M.  Julien  s’était  dégagé  de  toute  préoccupation  ayant  trait  à la  direction  en 
sens  inverse  des  cols  et  des  têtes  de  l’humérus  et  du  fémur,  je  n’avais  pas 
encore  franchi  ce  pas,  et  j’inclinais  à penser  que,  les  membres  devant  leurs 
situations  inverses  à un  mouvement  en  sens  opposé  de  90°  dans  les  articu- 
lation supérieures,  l’inversion  des  cols  n’en  était  pas  moins  due  à un  cer- 
tain degré  de  torsion.  Je  n’étais  déjà  plus,  on  le  voit,  le  disciple  fidèle  de 
M.  Martins.  L’auteur  distingué  de  la  théorie  de  la  torsion  considère  en 
effet  comme  constantes  les  relations  de  l’humérus  avec  la  cavité  glénoïde, 
et  attribue  entièrement  à la  torsion  de  l’os  la  situation  de  son  extrémité 
trochlèenne.  Pour  moi,  j’attribuais  à des  changements  de  relations  de  l’hu- 
mérus avec  la  cavité  glénoide  la  situation  de  cette  extrémité  trochlèenne, 
tandis  que  je  rapportais  seulement  à la  torsion  la  direction  de  l’axe  du  col 
de  l’humérus.  Je  l’ai  déjà  dit  et  je  le  répète,  les  idées  de  M.  Julien  ont  at- 
tiré mon  attention  sur  la  valeur  réelle  de  la  direction  des  cols  , et,  en  pro- 
voquant mes  réflexions  et  mes  observations,  m’ont  conduit  aux  résultats 
que  je  formulerai  plus  loin. 

Je  tiens  à dire  que  cette  digression,  qui  a une  apparence  toute  personnelle, 
m’est  dictée  cependant  par  des  motifs  de  probité  scientifique,  et  à ce 

44 


— 544  — 

point  de  vue  je  ne  la  regrette  pas.  Mais  elle  a encore  un  autre  but , c’est 
celui  de  rapporter  à son  premier  auteur  une  théorie  qui,  en  réalité,  n’ap- 
partient ni  à M.  Julien  ni  à moi,  quoique  nous  y ayons  été  conduits 
l’un  et  l’autre  séparément  par  nos  propres  observations,  ce  qui  est  peut-être 
une  présomption  de  plus  en  faveur  de  sa  vérité. 

Huxley,  en  effet,  sans  se  préoccuper  en  rien  des  axes  des  cols,  et  envisa- 
geant la  question  à un  point  de  vue  très-général,  a,  bien  avant  nous,  for- 
mulé celte  théorie  de  la  rotation  articulaire  d’une  manière  très-nette 
sinon  très-étendue.  Les  Éléments  d' anatomie  comparée  des  animaux  Ver- 
tébrés, traduits  en  français  dès  1875',  renferment  en  effet  les  passages 
suivants,  sous  la  rubrique  : Position  des  Membres  : «Dans  leur  position 
«primitive,  les  membres  sont  droits  et  tombent  en  dehors  à angles  droits, 
«suivant  l’axe  du  corps.  Mais  à mesure  que  le  développement  s’avance, 
«ils  s’infléchissent  de  telle  sorte  que  la  partie  médiane  (avant-bras  et 
«jambe)  se  courbe  au-dessous  et  vers  la  ligne  médiane  sur  la  division  supé- 
rieure, tandis  que  la  partie  inférieure  (main  et  pied)  prend  une  cour- 
«bure  opposée  sur  la  division  médiane.  Ainsi,  l’aspect  ventral  de  l’avant- 
»bras  et  de  la  jambe  est  tourné  en  dedans,  le  côté  dorsal  en  dehors, 
«tandis  que  l’intérieur  de  la  main  et  du  pied  se  trouve  en  bas,  le  dos 
«au-dessus. 

«Quand  la  position  des  membres  n’a  pas  subi  d’autres  altérations,  le  ra- 
«dius  de  l’avant-bras  et  le  tibia  de  la  jambe  sont  tournés  en  avant  et  vers 
«la  tête,  le  cubitus  et  le  péroné  en  arrière  ou  vers  l’extrémité  caudale. 

«En  regardant  ces  parties  par  rapporta  l’axe  du  membre  lui-même,  le 
«radius  et  le  tibia  sont  dans  une  position  préaxiale  ou  en  avant  de  l’axe, 
«tandis  que  le  cubitus  et  le  péroné  sont  dans  une  direction  post-axiale  on 
«en  arrière  de  l’axe.  Le  même  axe  traverse  le  doigt  médian.  Il  y a en  consé- 
«quence  deux  doigts  au-devant  de  l’axe,  dans  la  région  radiale  ou  tibiale, 
«et  deux  doigts  derrière  l’axe,  dans  la  région  du  cubitus  ou  du  péroné 
«pour  chaque  membre, 

«Chez  beaucoup  d’Amphibiens  et  de  Reptiles,  les  membres  des  adultes 
«ne  s’éloignent  pas  beaucoup  de  cette  position  primitive. 


‘Huxley;  Élém.  cL’anat.  comp . des  Ferf.,trad.  del'uuglais  par  Mnie  Brunet,  1875,  pag.  35.  etc. 


— 345 


«Mais,  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Mammifères,  de  plus  grands  change- 
ments surviennent.  Ainsi,  chez  tous  les  Quadrupèdes  ordinaires,  le  bras 
i)se  tourne  en  arrière  et  la  cuisse  en  avant , de  manière  que  le  coude  et 
»le  genou  se  trouvent  rapprochés  du  corps;  de  même  l’avant-bras  se 
«fléchit  sur  le  bras,  et  la  jambe  sur  la  cuisse.  Chez  l’Homme,  un  plus  grand 
«changement  encore  arrive.  Dans  la  station  naturelle,  l’axe  du  bras  et 
»de  la  jambe  est  parallèle  à l’axe  du  corps  au  lieu  de  lui  être  perpendicu- 
laire. La  surface  propre  ventrale  du  bras  regarde  en  avant,  celle  de  la  cuisse 
«en  arrière,  tandis  que  la  surface  dorsale  de  cette  dernière  regarde  en 
«avant.  La  surface  dorsale  de  l’avant-bras  regarde  en  dehors  et  en  arrière, 
«celle  de  la  jambe  directement  en  avant.  La  surface  dorsale  de  la  main 
«est  externe,  celle  du  pied  supérieure.  Pour  résumer,  le  dos  du  bras  cor- 
«respond  au-devant  de  la  jambe,  et  le  côté  externe  de  la  jambe  au 
«côté  interne  du  bras  dans  la  station  verticale.» 

Nous  ne  saurions  donc,  ni  M.  Julien  ni  moi,  douter  des  droits  de  prio- 
rité de  Huxley  en  ce  qui  a trait  au  mouvement  de  rotation  et  de  transport 
des  membres  comme  déterminant  leur  position  définitive,  et  comme  expli- 
quant la  direction  opposée  de  la  flexion  du  coude  et  du  genou.  M.  Julien 
a eu  le  mérite  de  la  formuler  avec  plus  de  précision  et  de  détails;  et  s’il 
m’est  permis  de  revendiquer  une  part  dans  cette  conception,  je  ferai  re- 
marquer que  j’y  ai  été  conduit,  non  pas  seulement  par  des  considérations 
ostéologiques,  mais  aussi  et  surtout  par  l’étude  des  muscles. 

C’est  ainsi  que  j’ai  été  amené,  en  comparant  le  système  musculaire  des 
membres,  à considérer  comme  homologues  les  faces  des  os  qui  donnaient 
insertion  à des  muscles  évidemment  homologues.  Les  faces  d’insertion  des 
vastes  interne  et  externe  du  triceps  brachial,  dont  l’homologie  avec  les  vas- 
tes interne  et  externe  du  triceps  fémoral  ne  saurait  être  niée  par  personne, 
ne  pouvaient  qu’être  des  faces  homologues,  et  avaient  dû,  avant  toute 
transformation  et  déformation  du  membre , constituer  des  faces  de  même 
conformation , de  même  direction  et  de  même  valeur.  Ces  faces  corres- 
pondaient évidemment  au  sens  de  l’extension  des  articulations  du  coude  et 
du  genou  ; et  pour  que  ces  deux  articulations  se  trouvassent,  chez  l’adulte, 
dirigées  dans  des  sens  diamétralement  opposés,  il  fallait  que  les  membres 
eussent  été  déviés  et  eussent  subi  une  rotation  plus  ou  moins  directe  sur 


— 346  — 


leur  axe  général.  Il  s’agissait  de  déterminer  dans  quel  sens  celte  rotation 
s’était  opérée.  Pour  cela,  l’élude  des  muscles  était  d’un  puissant  secours 
et  ne  permettait  pas  d’hésitation  pour  formuler  une  réponse. 

On  est  frappé  en  effet  de  voir  combien,  au  membre  antérieur,  les  muscles 
rotateurs  en  dedans  l’emportent  fortement  sur  les  rotateurs  en  sens  inverse. 
Le  grand  pectoral,  le  petit  pectoral  huméral  des  Singes  et  des  Quadrupè- 
des, le  coraco-brachial  lui-même,  le  sous-scapulaire,  le  grand  dorsal,  le 
grand  rond,  sont  tous,  à des  degrés  divers,  rotateurs  de  l’humérus  en  avant 
et  en  dedans,  tandis  que  le  sous-épineux  et  le  petit  rond  sont  les  seuls  mus- 
cles rotateurs  en  sens  contraire.  La  disposition  générale  de  ces  muscles 
par  rapport  à l’humérus,  et  en  particulier  le  mode  d’enroulement  du  grand 
dorsal  et  du  grand  rond  autour  de  l'os,  prouvent  suffisamment  que  le 
bord  antérieur  de  cet  os,  c’est-à-dire  sa  ligne  âpre,  a été  primitivement  in- 
terne, et  que  l’os  a dû  subir  un  mouvement  de  rotation  sur  son  axe  en 
arrière  et  en  dedans,  qui  a rendu  antérieur  ce  bord,  d’interne  qu’il  était. 
Les  muscles  qui  étaient  d’abord  directement  adducteurs,  tels  que  grand  pec- 
toral, petit  pectoral,  coraco-brachial,  grand  dorsal,  grand  rond,  sont  deve- 
nus à la  fois  adducteurs  et  rotateurs  en  avant  et  en  dedans.  Le  mouvement 
de  rotation  de  l’humérus,  tel  que  je  viens  de  l’indiquer,  a donc  transporté  en 
avant  la  ligne  âpre  de  l’os  et  la  saillie  de  la  trochlée,  c’est-à-dire  le  sens  de 
la  flexion  du  coude. 

Au  membre  inférieur  ou  postérieur,  au  contraire,  on  est  frappé  de  la  pré- 
dominance des  muscles  rotateurs  de  la  cuisse  en  dehors.  11  y a en  effet,  parmi 
ces  derniers,  les  muscles  grand  fessier,  tenseur  du  fascia,  moyen  et  petit 
fessiers,  psoas  iliaque,  obturateurs  interne  et  externe,  jumeaux,  carré  crural, 
pyramidal,  les  quatre  adducteurs,  le  droit  interne,  le  couturier,  le  demi-ten- 
dineux et  le  demi-membraneux,  le  biceps;  tandis  que  les  rotateurs  de  la 
cuisse  en  dedans  ne  comptent  guère  que  lesfibres  antérieures  du  moyen  fes- 
sier. Il  y a là  une  preuve  que  le  fémur  a transformé  par  son  déplacement 
un  grand  nombre  de  muscles  prémoteurs,  rétromoteurs,  adducteurs  et 
même  abducteurs  en  rotateurs  en  dehors,  et  il  résulte  évidemment,  de  l’exa- 
men des  muscles  insérés  sur  la  ligne  âpre,  que  cette  ligne  a été  primitive- 
ment interne  et  qu’elle  est  devenue  postérieure  par  suite  d’un  mouvement  de 
rotation  en  avant  et  en  dedans  du  fémur  sur  son  axe.  L’enroulement  des 


547  — 


obturateurs,  et  en  particulier  de  l’obturateur  externe,  sur  le  col  du  fémur, 
ne  permet  point  de  douter  de  ce  changement  de  situation  de  l’os. 

D’ailleurs,  l’établissement  de  ces  relations  des  muscles  avec  l’humérus  et 
le  fémur  peut  se  suivre  pas  à pas  depuis  les  Reptiles  et  les  Ampbibiens,  où 
les  membres  ont  conservé  une  situation  voisine  de  la  situation  primitive,  jus- 
qu’aux Mammifères,  où  la  transformation  et  le  déplacement  des  membres  ont 
atteint  leur  plus  haut  degré.  11  est  remarquable,  en  effet,  que  l’effet  rotateur 
des  muscles  sus-désignés  est  d’abord  nul  ou  peu  important,  que  la  plupart 
d’entre  eux  sont  purement  ou  adducteurs,  ou  abducteurs,  ou  prémoteurs, 
ou  rétromoleurs  des  membres,  et  que  les  enroulements  autour  des  cols  et 
autour  des  corps  des  os  n’acquièrent  une  véritable  importance  qu’en  appro- 
chant des  animaux  chez  lesquels  le  déplacement  des  membres  a atteint  un 
degré  notable. 

A ces  indications  importantes,  fournies  par  le  système  musculaire,  du 
sens  dans  lequel  se  sont  opérés  les  déplacements  et  les  rotations  du  premier 
article  des  deux  membres  pour  diriger  la  saillie  du  coude  en  arrière  et  la 
saillie  du  genou  en  avant,  viennent  s’ajouter  des  indications  très-intéres- 
santes ayant  trait  aux  déplacements  subis  par  les  os  du  second  article  des 
membres  dans  la  constitution  de  la  forme  définitive  des  membres.  A propos 
des  homologies  du  droit  antérieur  de  la  cuisse  et  du  long  biceps  brachial 
( partim ) son  homologue  d’une  part,  du  long  biceps  crural  et  du  long  triceps 
brachial  d’autre  part,  j’ai  suffisamment  insisté  sur  les  relations  très-remar- 
quables qu’il  y avait  entre  les  dispositions  de  ces  muscles  et  les  modifica- 
tions apportées  dans  les  relations  des  os  du  second  article,  soit  entre  eux, 
soit  par  rapport  à l’os  du  premier  article.  Nous  avons  vu  que  des  muscles 
évidemment  homologues  par  leurs  insertions,  tels  que  le  long  biceps  bra- 
chial et  le  droit  antérieur  fémoral,  tels  aussi  que  le  long  triceps  brachial  et  le 
long  biceps  fémoral,  occupaient  cependant  des  situations  très-différentes, 
appartenaient  à des  faces  opposées  des  deux  membres  et  produisaient  des 
mouvements  entièrement  différents  et  même  contraires.  Ces  différences 
très-remarquables  ne  s’expliquent  que  par  des  modifications  dans  la  posi- 
tion, dans  la  situation  des  os,  dans  leurs  connexions  réciproques.  Elles  nous 
conduisent  ci  suivre  avec  sûreté,  et  sans  crainte  de  nous  égarer,  les  modifica- 
tions subies  par  le  squelette  de  l’avant-bras  et  de  la  jambe  considérés,  soit 


— 548  - 


en  eux-mêmes,  soit  par  rapporta  l’humérus  et  au  fémur.  Ainsi,  l’étude  des 
muscles  nous  a permis  d’établir  : iü  Que  l’avant-bras  des  Quadrupèdes  avait 
été  porté  à un  état  de  pronation  forcée  par  une  forte  translation  du 
radius  en  avant  et  en  dedans,  par  sa  rotation  très-prononcée  en  dedans  sur 
son  axe,  par  la  translation  du  cubitus  en  arrière  et  en  dehors , et  par  sa 
rotation  très- faible  en  dedans  sur  son  axe  ; 2°  Que  la  jambe  des  Quadrupè- 
des et  des  Bipèdes  avait  été  placée  dans  un  état  de  supination  exagérée,  par 
la  translation  accentuée  du  péroné  en  arrière  et  en  dedans , et  par  sa 
rotation  assez  prononcée  en  dehors,  en  même  temps  que  par  la  translation 
modérée  du  tibia  en  avant  et  en  dehors,  et  sa  rotation  très-faible  aussi  en 
dehors  sur  son  axe.  Je  ne  reviens  pas  sur  tous  ces  points,  que  j’espère  avoir 
mieux  analysés,  mieux  précisés,  qu’on  ne  l’avait  fait  jusqu’à  présent,  et  dé- 
montrés par  une  tout  autre  voie  que  celle  qui  avait  été  jusqu’ici  em- 
ployée. 

L’étude  des  modifications  imprimées  par  les  actions  musculaires  sur  les 
surfaces  articulaires  nous  ramènera  d’ailleurs  plus  tard  sur  ce  terrain. 
Je  ne  saurais  toutefois  l’abandonner  sans  apprécier  les  critiques  que 
M.  Martins  a cru  devoir  adresser  aux  idées  d’Huxley  et  à la  théorie  de  la 
rotation  de  l’humérus  et  du  fémur  telle  que  je  viens  de  la  faire  connaître. 
Cette  théorie,  qui  se  passe  de  toute  considération  de  torsion  humérale 
pour  expliquer  la  direction  des  membres,  ne  pouvait  rester  sans  réfu- 
tation de  la  part  de  l’auteur  de  la  théorie  de  la  torsion.  « M.  Huxley, 
«dit  M.  Martins,  professe  l’opinion  que  la  comparaison  des  membres  doit 
«reposer  principalement  sur  l’embryologie,  qu’elle  seule  amènera  dèfiniti- 
» veinent  la  solution  du  problème.  Ce  n’est  pas  mon  opinion.  Les  mem- 
»bres  antérieurs  et  postérieurs  étant  identiques  dans  l’embryon,  leurs  dif- 
«férences  morphologiques  et  anatomiques  ne  s’accentuent  que  par  la  suite 
»à  la  fin  de  la  vie  intra-utérine,  dans  l’enfance  et  dans  la  jeunesse.  La  corn- 
«paraison  des  membres  doit  donc  reposer  principalement  sur  l’anatomie 
«comparée  des  animaux  sortis  de  l’œuf.  En  effet,  il  n’y  a rien  à comparer 
«quand  les  parties  sont  identiques,  et  elles  le  sont  à l’origine.  Les  diffé- 
rences ne  s’accentueront  que  plus  tard.  On  peut  voir  dans  Hœckel  deux 
«planches  destinées  à montrer  que  les  embryons  de  l’Homme  à un  mois, 
«du  Chien  et  de  la  Tortue  au  même  âge,  et  du  Poulet  au  huitième  jour,  se 


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«ressemblent  complètement  : les  membres  antérieurs  et  postérieurs  sont 
«identiques  entre  eux  et  d’un  animal  à l’autre  ; c’est  plus  tard  qu’ils  se  dif- 
férencient d’un  animal  à l’autre  et  dans  le  même  animal.  Pour  moi,  c’est 
«sur  la  morphologie  et  l’anatomie  comparées  que  repose  principalement  la 
«comparaison  des  membres,  tout  en  reconnaissant  que  leur  développe- 
«rnent,  à partir  de  l’état  embryonnaire,  peut  donner  les  indications  les 
«plus  utiles.  La  torsion  effective  de  l’humérus,  qui  s’achève  à partir  de  la 
«période  fœtale,  découverte  par  Gegenbaur,  en  est  la  meilleure  preuve.  » 

Les  principes  émis  par  M.  Marlins  dans  les  lignes  qui  précèdent  sont 
trop  en  opposition  avec  ceux  que  j’ai  développés  dans  l’Introduction  de  ce 
travail  et  que  j’ai  appliqués  dans  la  suite,  pour  que  je  me  taise  à leur 
égard.  Je  me  borne  à poser  la  question  suivante  : Lequel  vaut  le  mieux  ? 
Prendre  pour  point  de  départ  d’une  comparaison  les  parties,  avant  que 
leurs  différences  morphologiques  se  soient  accentuées , pour  suivre  la 
production  progressive  de  ces  différences;  ou  bien  comparer  de  prime  abord 
des  parties  profondément  modifiées  par  les  phases  du  développement 
et  transformées  par  des  adaptations  très-diverses  ? Laquelle  des  deux  mé- 
thodes expose-t-elle  à la  plus  grande  somme  d’erreurs?  Laquelle  est  la  plus 
sûre?  Je  ne  crois  pas  qu’il  y ait  un  anatomiste  de  sang-froid  qui  puisse 
hésiter  dans  sa  réponse.  Il  n’est  pas  douteux  en  effet  que  la  morphogénie, 
c’est-à-dire  l’étude  du  développement  des  formes,  ne  soit  la  meilleure  base 
de  la  morphologie.  Une  comparaison  poursuivie  depuis  le  moment  où  les 
parties  sont  identiques  jusqu’au  moment  où  elles  ont  atteint  leur  plus  haut 
degré  de  différenciation,  est  seule  dans  les  conditions  de  certitude  exigées 
par  la  science  ; il  n’est  du  reste  pas  juste  de  dire  qu’il  n'y  a rien  à compa- 
rer quand  les  parties  sont  identiques , puisque  la  reconnaissance  même  de  * 
l’identité  des  parties  suppose  déjà  une  comparaison  préalable  : et  l’on  peut 
ajouter  qu’il  est  bien  plus  possible  d’établir  une  comparaison  entre  parties 
semblables  qu’entre  parties  dissemblables. 

La  théorie  de  la  torsion,  à cause  même  du  crédit  scientifique  dont  jouit 
son  auteur  et  dont  elle  jouit  elle-même,  mérite  que  je  ne  me  borne  point  à 
l’examen  des  critiques  qui  lui  ont  été  adressées  par  quelques-uns  des  au- 
teurs qui  ont  écrit  sur  la  matière.  Je  dois  en  faire  moi-même  un  examen 


— 550 


approfondi,  afin  d’établir  les  raisons  pour  lesquelles  je  la  repousse;  je  vais 
pour  cela  passer  en  revue  les  diverses  propositions  de  M.  Martins. 

La  torsion  de  l’humérus  serait  démontrée  par  l’existence  de  la  crête  de 
torsion.  Chez  l’Homme,  dit  M.  Martins,  ou  un  Quadrupède  quelconque, 
on  voit  la  ligne  âpre  qui  part  de  l’épicondyle  se  diriger  obliquement  vers  la 
face  postérieure,  la  contourner  en  longeant  la  gouttière  de  torsion  du  nerf 
radial,  se  continuer  avec  la  face  d'insertion  de  la  portion  interne  du  triceps, 
et  venir  aboutir  à la  partie  la  plus  marquée  du  col,  au-dessous  de  la  tête  de 
l’humérus,  point  situé  à l’autre  extrémité  du  diamètre  transversal  de  l’os. 
La  torsion  est  donc  de  180°  on  d’une  demi-circonférence. 

Après  avoir  examiné  avec  beaucoup  de  soin  l’humérus  d’un  grand  nom- 
bre de  squelettes,  soit  d’Hommes,  soit  de  Mammifères,  je  n’ai  pu  être  entiè- 
rement d’accord  avec  M.  Martins  sur  la  direction  et  l’étendue  de  cette  crête 
de  torsion  de  l’humérus.  Chez  tous  les  sujets,  y compris  l’Homme,  j’ai  con- 
staté que  la  crête  partant  de  l’épicondyle  se  dirigeait  obliquement  vers  la 
face  postérieure,  et  qu'arrivée  là,  c’est-à-dire  après  avoir  décrit  un  angle 
de  torsion  de  90“  au  maximum , elle  s'effaçait  entièrement  pour  ne  laisser 
que  la  face  piano-convexe  de  la  partie  postérieure  et  supérieure  de  l’humérus. 
J’ai  vu  également  que  si  l’on  divise  l’humérus  en  deux  moitiés  égales,  l’une 
inférieure  et  l’autre  supérieure  (comme  l’a  fait  M.  Martins  dans  la  pièce  des- 
tinée à représenter  artificiellement  l’humérus  détordu),  la  moitié  supérieure 
ne  présente  en  réalité  aucune  trace  de  torsion.  La  torsion  de  la  moitié 
supérieure  n’est  donc  établie  par  aucune  preuve,  par  aucune  apparence 
même. 

Quant  à la  torsion  de  la  moitié  inférieure,  pour  qu’elle  fût  réelle,  pour 
qu’on  ne  pût  la  mettre  en  doute,  il  faudrait  en  trouver  des  traces,  non-seu- 
lement sur  le  bord  externe  de  l’humérus,  mais  aussi  sur  le  bord  antérieur 
et  sur  le  bord  interne,  car  on  ne  saurait  admettre  la  torsion  d’un  prisme 
triangulaire  dont  les  trois  angles  dièdres  ne  présenteraient  pas  tous  des  tra- 
ces de  torsion.  On  ne  saurait  l’admettre  à fortiori , si  l’un  des  angles  avait 
des  signes  de  torsion  tandis  que  les  deux  autres  auraient  conservé  leur  di- 
rection rectiligne.  Or,  c’est  le  cas  pour  l’humérus,  dont  le  côté  ou  angle  anté- 
rieur, c’est-à-dire  la  ligne  âpre,  est  à peu  près  rectiligne  et  vertical  chez 
l’Homme  et  les  Mammifères.  Chez  les  Mammifères,  tels  que  le  Lapin,  les 


— 551 


Ruminants,  etc.,  ce  bord  antérieur  est  légèrement  oblique  en  haut  et  en  de- 
hors; mais  l’angle  décrit  par  lui,  étant  un  angle  de  45°  au  maximum,  ne 
saurait  correspondre  à une  torsion  du  corps  de  l’os  ni  de  180°,  ni  même 
de  90°. 

D’ailleurs,  le  bord  interne  de  l’humérus  est  parfaitement  rectiligne  chez 
l’Homme  et  chez  les  Mammifères.  Si  donc,  sur  trois  angles  du  prisme,  un 
seul  est  réellement  et  évidemment  tordu,  il  est  logique  d’attribuer  ces  appa- 
rences de  torsion,  c’est-à-dire  l’obliquité  spirale  de  son  parcours,  à d’autres 
causes  qu’a  une  torsion  du  prisme.  Nous  verrons  en  effet  que  c’est  à des 
insertions  musculaires  qu’est  due  la  crête  oblique  externe  de  l’humérus,  et 
que  c’est  à la  rotation  et  à la  translalion  des  os  de  l’avant-bras  dans  la  pro- 
nation  qu’est  due  l’obliquité  de  cette  ligne  d’insertions  musculaires. 

De  plus,  en  admettant  la  torsion  de  l’humérus,  s’il  est  vrai,  comme  le 
pensent  M.  Broca  et  M.  Martins,  que  chez  les  Mammifères  la  torsion  du  corps 
n'est  que  de  90°,  tandis  que  chez  l’Homme  et  chez  les  Anthropoïdes  elle  est 
de  180°,  c’est-à-dire  deux  fois  plus  forte,  il  serait  rationnel  de  trouver  sur  la 
moitié  inférieure  de  l’humérus  (la  seule  sur  laquelle  les  traces  de  torsion 
sont  réellement  évidentes),  il  serait,  dis-je,  rationnel  de  trouver  que  l’angle  de 
torsion  est  moitié  moindre  chez  les  Mammifères  que  chez  l’Homme  et  les 
Anthropoïdes.  Or  il  n’en  est  rien  : l’angle  de  torsion  est  absolument  le 
même  , il  est  de  90°,  ce  qui  permet  de  penser  que  la  déviation  oblique  de 
la  crête  humérale  externe  lient  à toute  autre  cause  qu’à  un  degré  de  torsion 
qui,  d’après  M.  Martins,  varierait  du  simple  au  double. 

Si  le  corps  de  l’humérus  était  réellement  tordu,  les  insertions  muscu- 
laires porteraient  des  traces  de  cette  torsion.  Or,  chez  l’Homme,  où  la  torsion 
est  très-considérable  puisqu’elle  est  de  ISO0,  les  insertions  musculaires  ne 
présentent  d’autres  traces  de  ce  genre  que  la  gouttière  du  nerf  radial  située 
entre  le  vaste  interne  et  le  vaste  externe.  Or,  cette  gouttière  n’occupe  qu’une 
partie  de  la  face  externe,  le  bord  externe  et  la  moitié  latérale  externe  de  la 
face  postérieure,  c’est-à-dire  environ  un  angle  de  90°.  Le  trajet  spiral  de  la 
gouttière  dépasse  à peine  le  niveau  du  milieu  de  la  hauteur  de  l’humérus. 
Au-dessus,  1 intervalle  qui  sépare  le  vaste  interne  du  vaste  externe  s’élève 
verticalement,  sans  obliquité,  sans  trace  de  spirale,  jusqu’au-dessous  de 
l’insertion  du  petit  rond,  ur,  il  est  remarquable  que  la  gouttière  qui  sépare 

45 


— 352  — 


les  deux  vastes  n’acquière  une  direction  oblique  et  spirale  qu’à  partir  du 
point  où  elle  est  occupée  par  le  nerf  radial  et  l’artère  humérale  profonde. 
Au-dessus,  l’intervalle  inter-musculaire  devient  rectiligne,  ce  qui  permet  de 
présumer  que  l’obliquité  de  la  gouttière  n’est  que  le  résultat  de  l’obliquité 
des  insertions  musculaires,  qui  elles-mêmes  doivent  leur  disposition  à la 
direction  oblique  du  grand  nerf  radial  et  de  l’artère. 

Mais  alors,  dira-t-on,  le  trajet  spiral  du  nerf  radial  n’est-il  pas  une  preuve 
delà  torsion  de  l’humérus?  M.  Martins  le  considère  ainsi.  « A la  cuisse,  dil- 
»il,  tous  les  nerfs  principaux  restent  dans  le  plan  où  ils  se  trouvaient  à 
» leur  origine.  Au  bras,  au  contraire,  le  médian  et  le  cubital  obéissent  à 
» cette  loi,  tandis  que  le  radial  quitte  le  plan  interne  dès  le  quart  supé- 
rieur du  membre,  se  dirige  en  arrière,  contourne  l’humérus  en  hélice 
^suivant  sa  ligne  de  torsion,  y laisse  l’empreinte  de  son  passage,  et  ressort 
«sur  la  face  radiale  de  l’os,  pour  se  distribuer  aux  muscles  qui  s’y  insèrent. 
«Tous  les  anatomistes  ont  été  frappés  de  la  singularité  de  ce  trajet,  qui  ne 
«s’explique,  ni  par  des  conditions  de  symétrie  ni  par  des  adaptations  fonc- 
«lionnelles  , car,  pour  gagner  les  muscles  de  la  partie  externe  du  bras,  le 
«chemin  le  plus  court  du  nerf  était  de  passer  entre  le  biceps  et  le  bra- 
nchial antérieur 

El  plus  loin  : « Enfin  je  demanderai  toujours  pourquoi  l’humérus  est  le 
nseul  os  du  squelette  qui  paraisse  évidemment  tordu,  et  le  seul  que  des 
nnerfs  et  des  vaisseaux  contournent  en  décrivant  une  hélice.  Nous  sa- 
vons maintenant  qu’il  se  tord  effectivement,  et  la  démonstration  estcom- 
» pl  été.» 

Eh  bien  ! pour  moi,  je  demanderai  toujours  comment  il  se  fait  que,  des 
cinq  grands  nerfs  terminaux  du  plexus  brachial,  le  nerf  radial  soit  le 
seul  qui  présente  un  trajet  en  hélice  autour  de  l’humérus.  Si  l’hu- 
mérus avait  subi  une  torsion  effective,  non-seulement  le  radial,  mais  le  cu- 
bital, le  médian,  le  musculo-cutané  et  le  brachial  cutané  interne,  devraient 
présenter  un  trajet  en  hélice,  dont  le  pas  serait  proportionné  à l’angle  de 
torsion  de  l’os.  Mais  il  n’en  est  rien,  et  M.  Martins  reconnaît  lui-même  que 
sur  trois  gros  nerfs,  deux,  le  médian  et  le  cubital,  restent  dans  le  plan  où 
ils  se  trouvaient  à leur  origine.  C’est  là  un  fait  que  je  déclare  entièrement 
inexplicable  si  l’on  admet  la  théorie  de  la  torsion. 


— 353  — 


Il  y a plus  encore.  M.  Martins  trouve  avec  raison  que  « pour  gagner  les 
» muscles  de  la  partie  externe  du  bras,  le  chemin  le  plus  court  du  nerf  ra- 
» dial  était  de  passer  entre  le  biceps  et  le  brachial  antérieur.»  Mais  il  y a 
précisément  un  nerf  qui,  destiné  à la  peau  de  la  région  externe  du  bras, 
suit  exactement  le  trajet  tracé  par  M.  Martins,  et  vient,  au  niveau  du  coude, 
rejoindre  le  radial  et  se  placer  à côté  de  lui.  C’est  le  nerf  musculo-culané 
ou  perforant.  Comment  se  fait-il  que  la  torsion  de  l’humérus  ait  dévié  l’un 
des  deux  nerfs  de  son  trajet  direct  et  primitif,  tandis  qu’elle  a respecté  le 
trajet  de  l’autre  nerf  ? Je  ne  vois,  pour  ma  part,  aucune  réponse  à cette 
objection.  Le  trajet  des  deux  nerfs,  l’un  en  avant  et  l’autre  en  arrière  de 
l’humérus,  de  manière  à embrasser  cet  os  dans  une  sorte  de  boutonnière, 
s’explique  facilement,  au  contraire,  sans  faire  intervenir  la  torsion  humérale. 
En  plaçant  en  effet  le  membre  dans  sa  situation  primitive,  il  est  facile  de  con- 
cevoir et  de  constater  que  les  nerfs  émanant  du  plexus  brachial,  qui  occu- 
pent la  face  interne  de  la  racine  du  membre,  se  portaient,  les  uns  sur  la  face 
interne  du  bras,  les  autres  sur  la  face  externe.  Le  cubital  occupait  le  bord 
postérieur  de  la  face  interne,  le  nerf  médian  le  milieu  de  cette  même  face; 
le  musculo-cutané  se  portait  d’arrière  en  avant  sur  le  bord  antérieur  de  cette 
même  face  interne.  Quant  au  nerf  radial,  il  se  portait  de  dedans  en  dehors, 
passait  derrière  l’humérus  et  gagnait  la  face  externe  du  bras  et  de  l’avant- 
bras.  L’humérus  se  portant  en  arrière  de  manière  à ce  que  sa  face  ex- 
terne primitive  devînt  postérieure,  on  comprend  que  le  cubital,  le  médian  et 
le  brachial  antérieur  soient  restés  sur  la  face  interne  du  bras  devenant  face 
antérieure,  tandis  que  le  radial  seul  s’est  trouvé  sur  la  face  postérieure  et 
sur  le  bord  externe.  Mais  la  torsion  imprimée  aux  muscles  long  supinateur, 
court  supinateur,  radial  externe,  par  la  pronation  de  l’avant-bras,  et  par 
leur  transport  en  avant,  ont  accru  la  direction  spiralée  du  nerf  qui  s’y  dis- 
tribue. 11  n’y  a dans  cette  explication  rien  que  de  très-simple  et  de  très-ra- 
tionnel. Peut-on  en  dire  autant  de  celle  qui  repose  sur  la  torsion  humérale  ? 

Des  cinq  nerfs  terminaux  du  plexus  brachial,  un  seul,  le  radial,  a un  trajet 
en  hélice,  les  quatre  autres  ont  un  trajet  rectiligne,  savoir  : le  cubital,  le 
radial,  le  musculo-cutané  et  le  brachial  cutané  interne.  11  y a donc  là  une 
preuve  irréfutable  du  défaut  absolu  de  torsion  de  l’os.  11  n’est  donc  pas  juste 
de  dire,  avec  M.  Martins  : «Tout,  dans  le  bras,  est  disposé  comme  si  la 


— 354  — 


» torsion  s’était  physiquement  effectuée  : les  muscles,  les  artères,  les  nerfs , 
» ont  suivi  le  mouvement  de  rotation  de  l’extrémité  cubitale  de  l’humérus  ». 

Quant  aux  muscles,  les  considérations  que  je  viens  de  présenter  pour  les 
nerfs  s’appliquent  à eux  avec  un  degré  de  plus  de  force.  Si  l’humérus  était 
tordu,  les  muscles  qui  s’insèrent  sur  un  parcours  assez  étendu  de  sa  longueur 
devraient  présenter  des  surfaces  d’insertion  en  hélice,  et,  l’angle  de  torsion 
étant  chez  l’Homme  de  180  degrés,  on  verrait  des  insertions  musculaires 
enlacer  l’humérus  et  passer  de  la  face  postérieure  aux  faces  antérieures,  et 
réciproquement.  Or,  il  n’en  est  rien  , et  l’on  peut  dire  qu’il  n’y  pas  un  seul 
muscle,  non  pas  même  les  deux  vastes  du  triceps,  dont  les  insertions  portent 
la  trace  d’une  vraie  direction  en  hélice.  Le  muscle  brachial  antérieur , qui 
embrasse  les  deux  tiers  inférieurs  environ  de  la  longueur  de  l’humérus, 
occupe  régulièrement  les  deux  faces  antérieures  de  l’humérus,  et  ne  sort 
point  de  ses  limites  pour  atteindre  la  face  postérieure.  Le  vaste  interne  occupe 
presque  toute  la  face  postérieure  convexe  de  l’humérus,  et  n’atteint  par 
aucun  de  ses  points  les  faces  anterieures.  Le  vaste  externe  a également  une 
insertion  presque  rectiligne  et  verticale,  suivant  le  tiers  supérieur  du  bord 
interne  de  l’humérus.  Entre  ces  deux  muscles  se  trouve  supérieurement  un 
interstice  vertical  occupé  par  du  tissu  conjonctif,  et  inférieurement  un  inter- 
stice légèrement  oblique  en  bas  et  en  dedans,  où  se  loge  le  nerf  radial 
jusqu’au  bord  interne  de  l'humérus.  Cet  interstice  ressemble  à cet 
égard  à mille  autres  interstices  obliques  destinés  au  passage  des  vais- 
seaux et  des  nerfs.  Les  muscles  long  supinateur,  radiaux  externes  et  épi- 
condyliens  s’insèrent  sur  une  crête  légèrement  contournée  en  hélice; 
mais,  outre  que  cette  courbe  n’occupe  que  le  tiers  inférieur  de  l'humérus, 
nous  savons  aussi  quelle  est  le  résultat,  et  exclusivement  le  résultat, 
delà  pronation  de  l’avant-bras,  puisqu’elle  ne  se  produit  ontogénétiquement 
et  phylogénétiquement  que  lorsque  l’avant-bras  est  placé  ou  peut  se  placer, 
comme  chez  l’Homme,  dans  une  pronalion  extrême. 

Ainsi  donc,  les  muscles  qui  occupent  presque  toute  ou  même  toute  la 
longueur  des  faces  du  bras,  tels  que  le  brachial  antérieur  et  les  vastes  du 
triceps,  restent  fidèlement  cantonnés  sur  une  des  faces  de  l’humérus,  et  ne 
présentent  en  aucune  façon  l’extension  d’attaches  d’une  face  à l’autre,  qui 
serait  la  conséquence  nécessaire  de  la  torsion  de  l’humérus.  La  disposition 


du  système  musculaire  du  bras,  comme  celle  du  système  nerveux,  est  donc 
en  opposition  formelle , absolue,  avec  l’existence  d’une  torsion  de  l’hu- 
mérus. 

11  me  serait  facile  de  démontrer  que  rien  dans  le  système  vasculaire  ne 
présente  la  moindre  trace  de  torsion.  L’artère  humérale  suit  en  effet  un  trajet 
rectiligne;  et  si  l’on  pouvait  conclure  quelque  chose  des  dispositions  si  va- 
riables, si  mobiles,  et  par  suite  si  peu  significatives,  du  système  vasculaire, 
c’est  pour  le  membre  inférieur  qu’il  faudrait  parler  de  torsion,  puisque,  soit  la 
fémorale  profonde,  soit  la  superficielle,  contournent  le  fémur  en  hélice,  et 
d’antérieures  deviennent  internes  et  postérieures.  Il  n’y  a rien  au  bras  de  sem- 
blable dans  le  trajet  de  l’humérale,  et  la  collatérale  externe  seule,  artère  de 
petit  calibre,  présente  un  trajet  oblique  et  contourné  qui  n’a  rien  de  bien 
frappant  quand  on  pense  aux  inflexions  bien  autrement  marquées  des  artères 
sus  et  ‘sous-scapulaires,  cervicale  profonde,  vertébrale,  radiale,  cubitale, 
palmaires,  obturatrice,  épigastrique,  fessières,  honteuse  interne,  etc.,  pour 
lesquelles  on  ne  songe  pas  à invoquer  des  conditions  de  torsions  osseuses. 

Il  y a plus  encore.  En  prétendant  que  l’humérus  est  le  seul  os  du  sque- 
lette qui  paraisse  évidemment  tordu , et  le  seul  que  des  nerfs  et  des  vais- 
seaux contournent  en  décrivant  une  hélice , M.  Marlins  oublie  qu’il 
existe  dans  le  squelette  humain  un  os  pour  lequel  la  torsion  est  au  moins 
aussi  évidente  que  dans  l’humérus,  où  elle  est  même  beaucoup  mieux 
démontrable  par  les  insertions  musculaires,  et  qui  est  contourné  en  hélice 
par  des  nerfs  et  des  vaisseaux.  Cet  os,  c’est  le  péroné.  Qu’il  me  suffise  de 
citer  la  courte  discription  qu’en  donnent  Beaunis  et  Bouchard.1  «Le  corps 
» du  péroné,  prismatique,  triangulaire,  présente  une  torsion  de  ses  faces, 
» parallèle  à l’ enroulement  des  muscles , qui  d’externes  deviennent  posté- 
» rieurs  par  rapport  à l’os  ; chacune  des  trois  faces  change  ainsi  de  direc- 
» lion , la  face  externe  devenant  postérieure  en  bas,  la  face  postérieure 
» interne,  la  face  interne  antérieure.  Les  trois  bords , antérieur,  externe 
» et  interne,  très-tranchés , subissent  la  même  déviation.»  De  plus,  le  pê- 


1 Beaunis  et  Bouchard  ; Nouveaux  Éléments  d'anatomie  descriptive,  1873,  2e  édition.  (Il 
y a dans  le  texte  une  confusion  de  termes,  la  face  interne  étant  désignée  comme  externe,  et  réci- 
proquement ) 


— 556  — 


l oné  est,  clans  sa  partie  supérieure,  contourné  en  hélice  par  le  nerf  sciatique 
poplité  externeet  parses  branches,  quide  postérieures  deviennent  antérieures 
et  internes,  décrivant  ainsi  un  angle  de  torsion  de  180°  au  moins.  Or,  il  se 
trouve  précisément  que  ce  nerf  n’est  autre  chose  au  membre  inférieur  que 
l’homologue  de  cette  portion  du  nerf  radial  qui,  contournant  le  bord 
externe  de  l’humérus,  vient  se  distribuer  au  long  supinateur,  aux  ra- 
diaux externes,  aux  extenseurs  des  doigts.  Le  sciatique  poplité  externe 
se  distribue  en  effet  au  tibial  antérieur  et  aux  extenseurs  des  orteils. 

Faudra-t-il  considérer  aussi  le  péroné  comme  ayant  subi  une  torsion 
réelle  ou  même  virtuelle  ? Les  traces  et  les  preuves  de  cette  torsion  abondent 
en  effet,  mais  il  n’est  jamais  venu  à la  pensée  d’aucun  anatomiste  de  consi- 
dérer le  péroné  comme  tordu.  11  est  vrai  que  cette  conception  n’avait  pas, 
comme  celle  de  l’humérus,  une  signification  théorique  de  quelque  importance. 
D’ailleurs,  fût-elle  née  dans  le  cerveau  de  quelque  ingénieux  théoricien  natu- 
raliste ou  philosophe,  elle  n’eût  eu  qu’une  bien  éphémère  durée.  11  eût  fallu 
en  effet  décider  dans  quel  sens  avait  lieu  la  torsion  du  péroné.  Or,  si  l’on 
consulte  les  saillies  osseuses  et  les  insertions  musculaires,  on  ne  peut  douter 
que  la  torsion  ne  se  soit  opérée  d'avant  en  arrière  et  de  dehors  en  dedans 
(l’extrémité  supérieure  étant  considérée  comme  fixe).  L’examen  de  l’hélice 
décrite  par  le  nerf  sciatique  poplité  externe  et  ses  vaisseaux  démontre  au 
contraire  que  l’os  a été  tordu  d 'arrière  en  avant  et  de  dehors  en  dedans. 
A laquelle  des  deux  preuves  de  torsion  faut-il  donner  la  préférence  ? Quel 
parti  laul-il  prendre?  Le  plus  sage  et  le  plus  rationnel  est  évidemment 
de  n’attacher  à ces  deux  ordres  de  faits  aucune  signification  et  aucune  im- 
portance comme  signes  d’une  torsion  de  l’os.  Les  déviations  des  surfaces 
osseuses  tiennent  ici  à des  déviations  musculaires  de  môme  ordre  que  celles 
que  nous  avons  constatées  pour  l’humérus.  De  même  que  la  main,  en  se 
portant  dans  une  pronation  extrême,  avait  attiré  les  radiaux  en  avant 
et  dévié  leur  crête  d’insertion;  de  môme  le  pied,  en  se  plaçant  dans  une 
supination  exagérée,  a entraîné  en  arrière  les  muscles  péronéaux  et  dévié 
leurs  crêtes  d’insertions. 

Quant  au  trajet  en  hélice  du  nerf  sciatique  poplité  externe  et  de  ses 
branches  autour  du  péroné,  il  n’a  pas  lieu  de  nous  surprendre.  Il  a eu  les 
mêmes  causes  que  le  trajet  du  radial.  11  contourne,  comme  ce  dernier  nerf, 


— 557 


le  bord  postérieur  du  membre  postérieur  placé  dans  sa  situation  primitive  ; 
mais  à cause  de  son  union  prolongée  avec  le  grand  nerf  sciatique,  au  lieu  de 
contourner  le  fémur,  il  ne  se  dévie  que  plus  bas  et  contourne  le  péroné. 
Si,  dans  le  bras,  le  radial  n’acquérait  pas  son  indépendance  presque  dès  son 
origine  et  restait  uni  au  médian,  il  contournerait  également  le  cubitus,  qui 
est  l’homologue  du  péroné,  et  reproduirait  fidèlement  la  disposition  du  sciati- 
que poplité  externe  à la  jambe. 

Je  ne  crois  pas  trop  présumer  en  concluant,  de  ces  considérations,  que  ni 
les  crêtes  en  hélice,  ni  les  gouttières  spirales,  ni  les  nerfs  contournés  en 
hélice,  ni  les  déviations  musculaires,  n’ont  une  valeur  réelle  comme  preuves 
de  la  torsion  d'un  os,  et  par  conséquent  de  l’humérus. 

M.  Martins,  qui  avait  d’abord  considéré  la  torsion  de  l’humérus  comme 
virtuelle,  c’est-à-dire  ne  s'étant  jamais  opérée , a modifié  ses  idées  sous 
l’influence  des  travaux  de  Gegenbaur’.  Il  persiste  à considérer  comme  vir- 
tuelle la  torsion  initiale  de  l’humérus  ; mais  cette  torsion  se  continue  réel- 
lement l’état  fœtal , infantile  et  adulte,  et  serait,  d’après  Gegenbaur, 
de  47°  à partir  du  huitième  mois  jusqu'à  l’âge  adulte.  « Auparavant 
» l’humérus  est  tordu  virtuellement  et  non  mécaniquement , d’un  certain 
» nombre  de  degrés»,  puisque,  « du  jour  où  le  membre  antérieur  apparaît 
» sur  un  fœtus  âgé  de  quelques  semaines,  le  bras  est  fléchi  en  avant  et  la 
» main  est  en  demi-pronation.» 

Ainsi  donc,  la  seule  et  unique  preuve  de  la  torsion  virtuelle  primitive  de 
l’humérus  est  la  flexion  du  bras  en  avant.  M.  Martins  avoue  en  effet  que  l’os 
ne  porte  aucune  trace  de  cette  torsion  primitive  et  qu’il  se  montre  sous  la 
forme  d’une  palette  aplatie  et  identique , sauf  la  grandeur,  à celle  du  fémur. 
Nous  lisons  du  reste,  quelques  pages  plus  loin,  que  chez  les  embryons  de 
l’Homme  à un  mois,  du  Chien  et  de  la  Tortue  au  même  âge,  et  du  Poulet  au 
huitième  jour,  les  membres  antérieurs  et  postérieurs  sont  identiques  entre 
eux,  et  d’un  animal  à l’autre.  Ces  derniers  faits  sont  exacts,  mais  je  conteste 
qu’on  puisse  en  dire  autant  de  l’attitude  que  M.  Martins  prête  au  membre 
antérieur  du  jour  où  il  apparaît  ; ce  membre  u’est  pas  alors  fléchi  en  avant , 

1 Gegenbaur;  Jenaische  Zeitschrift,  Bd.  4.  « Il  s’opère  donc  pendant  la  vie  une  torsion 
réelle  de  l’humérus  autour  de  l’axe  dn  corps  du  l’os.  » 


— 558  — 


pas  plus  que  la  jambe  n’est  fléchie  en  arrière.  Ils  sont  l’un  et  l’autre  fléchis 
en  dedans,  parallèles  et  identiques.  Or,  comment  admettre  que  de  deux 
os  identiques  de  forme,  de  situation,  et  l’on  peut  même  ajouter  de  gran- 
deur, l’un  soit  tordu  de  140°  environ,  et  l’autre  n’ait  éprouvé  aucune  tor- 
sion. Où  sont  les  preuves  d’un  phénomène  si  étrange?  Y en  a-t-il  quelques 
traces  ?L’os,  dit  M.  Marlins,  ri  en  porte  aucune  trace.  11  est  évident  que  l’hy- 
pothèse de  la  torsion  primitive  de  l’humérus  n’a  d’autre  raison  d’être  que  le 
besoin  d’expliquer  la  flexion  du  coude  en  avant , tandis  que  le  genou  se 
fléchit  en  arrière.  Mais  cette  flexion  du  coude  en  avant  n’existe  pas  primiti- 
vement ; elle  ne  se  produit  que  plus  tard,  et  même  alors  on  n’a  pas  le  droit, 
pour  l’expliquer,  d’avoir  recours  à une  hypothèse  aussi  gratuite,  aussi  dé- 
nuée de  toute  apparence  de  preuves  que  la  torsion  primitive  de  l’humérus  ; 
on  n’a  pas,  dis-je,  ce  droit,  à moins  que,  toute  autreexplication  faisant  défaut, 
on  veuille  donner  à l’esprit  une  satisfaction  momentanée  et  temporaire, 
comme  on  donne  à l’estomac  un  de  ces  aliments  insuffisants  qui  trompent  la 
faim.  Or,  nous  l’avons  vu,  la  rotation  de  l’humérus  en  dehors  et  son 
transport  en  arrière  suffisent  à merveille  pour  rendre  compte  de  la  flexion 
du  coude  en  avant,  et  n’exigent  le  recours  à aucune  hypothèse. 

On  ne  saurait  donc  admettre  la  torsion  virtuelle  primitive  de  l’humérus. 
Elle  n’est  appuyée  sur  aucune  preuve  extérieure  ; rien  dans  le  bras  du  fœtus 
(et  j ajouterai  de  l’adulte)  n’est  « disposé  comme  si  elle  s'était  physiquement 
effectuée  »,  et  aucune  de  ses  a conséquences  n’existe».  De  plus,  elle  n'est 
nullement  necessaire  comme  explication  du  sens  de  la  flexion.  Ce  dernier 
s’explique  physiologiquement  par  un  mécanisme  accessible  à l’observation 
extérieure,  suivant  un  processus  qui  tombe  complètement  sous  les  sens,  et 
il  n’est  nul  besoin,  pour  le  comprendre,  de  pénétrer  de  force  sur  le  « do- 
maine de  la  métaphysique  » , domaine  nuageux  pour  lequel,  soit  dit  sans 
indiscrétion,  M.  Marlins  n’a  qu’une  médiocre  estime,  et  où  il  n’a  mis  le 
pied  que  parce  que  les  contradictions  et  les  impossibilités  de  la  théorie  l’y 
ont  violemment  rejeté. 

Mais  si  la  torsion  virtuelle  ne  laisse  aucune  trace  sur  l’humérus  du  fœtus 
humain,  la  torsion  effective,  réelle,  qui  lui  succède,  a-t-elle  des  signes  plus 
évidents?  Si  les  mesures  (dont  je  suis  loin  de  contester  l’exactitude)  prises 


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par  Gegenbaur1  sur  des  fœtus  de  différents  âges  sont  réellement  appelées 
à prouver  une  torsion  effective  de  l’humérus  dès  les  premières  semaines  de 
la  vie  fœtale,  il  devrait  se  former  à cet  âge,  sur  le  corps  de  l’humérus,  de 
vrais  signes  de  torsion.  Remarquons  d’ailleurs  que,  d’après  les  mesures 
de  Gegenbaur,  la  torsion  complémentaire  de  l’humérus  serait  de  47°  depuis 
le  huitième  mois  de  la  vie  fœtale  jusqu’à  l’âge  adulte,  ce  qui  représente 
une  période  de  20  à 25  ans  environ,  tandis  que  du  troisième  ou  quatrième 
mois  au  neuvième  de  la  vie  fœtale,  c’est-à-dire  dans  l’espace  de  quatre  ou 
cinq  mois  seulement,  l’angle  de  torsion  croîtrait  de  25°.  Si  l’on  considère  la 
rapidité  relativement  très-considérable  de  croissance  de  l’angle  de  torsion 
pendant  la  vie  fœtale,  et  si  l’on  réfléchit  d’autre  part  que  cette  torsion  porte 
sur  un  os  dont  la  longueur  est  à cette  époque  très-petite  et  où  par  consé- 
quent un  même  angle  de  torsion  doit  produire  un  effet  matériel  et  des  tra- 
ces autrement  prononcées  que  sur  un  os  déplus  grande  longueur;  si,  dis-je, 
on  réfléchit  à toutes  ces  considérations,  on  sera  autorisé  à rechercher  sur  le 
corps  de  l’humérus  du  fœtus  et  de  l’enfant  des  signes  de  torsion  plus  mar- 
qués encore  que  chez  l’adulte.  Or,  j’ai  examiné  avec  le  plus  grand  soin,  à 
cet  égard,  la  riche  et  nombreuse  collection  de  squelettes  de  fœtus  et  d’enfants 
de  tous  les  âges  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Montpellier,  et  voici  les  résul- 
tats de  mon  très-sérieux  examen. 

Chez  les  fœtus  de  tout  âge,  et  jusqu’à  l’époque  de  la  naissance,  le  corps 
de  l’humérus  (abstraction  faite  de  ses  épiphyses  articulaires)  est  un  os 
identique , pour  la  forme,  au  corps  du  fémur.  C’est  un  os  phalangiforme  ré- 
gulier, légèrement  aplati  d’avant  en  arrière,  et  ne  présentant  absolument 
aucune  trace  de  torsion,  ni  sur  ses  faces  ni  sur  ses  bords.  Il  y a entre 
les  deux  os  cette  seule  différence  que  la  face  convexe  de  l’humérus  est  plus 
ou  moins  postérieure,  tandis  que  celle  du  fémur  est  plus  ou  moins  anté- 
rieure. Jusqu’à  l’âge  de  deux  ans,  l’humérus  reste  identique  au  fémur, 
sauf  l’inversion  des  faces.  11  n’y  a aucune  différence  de  formes  ; les  si- 
tuations relatives  seules  diffèrent.  Chez  l’enfant  de  six  ans  même,  la  crête 
de  torsion  n’existe  pas  encore;  à peine  commence-t-elle  à paraître  à huit 
ans,  sur  le  quart  inférieur  environ  du  bord  externe  de  l’humérus. 


1 Gegenbaur  ; loc.  cit. 

46 


- 560  — 


Ces  faits  portent  avec  eux  leur  conclusion.  L’humérus  ne  se  tord  pas  chez 
le  fœtus  et  l’enfant  ; la  torsion  effective  n’existe  pas  plus  que  la  virtuelle, 
et  les  saillies  qui  se  produisent  dans  une  direction  oblique  et  en  hélice  sur 
le  bord  externe  de  l’humérus  doivent  être  attribuées  à une  tout  autre  cause 
que  la  torsion  de  l’os.  Le  développement  des  muscles  externes  de  l’avant- 
bras  (long  supinateur,  radiaux,  etc.  ) explique  suffisamment  et  rationnel- 
lement le  développement  de  la  crête , et  l’accentuation  de  la  pronalion  de 
l’avant-bras  nous  donne  la  raison  logique  et  naturelle  de  la  disposition  en 
hélice  de  la  crête  d’insertion . 

11  y a d’ailleurs,  dans  les  propositions  de  M.  Mar  tins,  des  obscurités  et  des 
contradictions  qui  tiennent  à leur  nature  même,  et  qui  sont  loin  de  plaider 
en  faveur  de  leur  certitude. 

Chez  l’Homme  et  chez  les  Mammifères  terrestres  et  aquatiques,  la  torsion 
de  l'humérus  serait  d’une  demi-circonférence,  ou  180°  environ.  Mais  chez 
l’Homme  et  les  Singes  anthropomorphes,  l’axe  du  col  de  l’humérus  étant 
dirigé  de  dehors  en  dedans,  la  torsion  porterait  tout  entière  sur  le  corps 
de  l’humérus.  Chez  tous  les  autres  Mammifères,  la  torsion  de  l’humé- 
rus, de  180°,  se  décomposerait  en  deux  torsions  : celle  du  col,  de  90°,  et 
celle  du  corps , également  de  90°.  M.  Marlins  attribue  à M.  Brocala  mise  en 
pleine  lumière  de  cette  vérité  dans  son  parallèle  anatomique  de  l'Homme  et 
des  Singes. 

Sur  ce  sujet,  je  me  trouve  encore  en  opposition  avec  M.  Martins.  S’il  est 
vrai  (en  se  plaçant,  bien  entendu,  au  point  de  vue  de  la  théorie  de  la  tor- 
sion); s’il  est  vrai,  dis-je,  qu’on  puisse  considérer  l’humérus  de  l’Homme  et 
des  Anthropoïdes  comme  tordu  de  180°,  on  ne  saurait  en  faire  autant  poul- 
ies autres  Mammifères  terrestres  et  aquatiques.  Sur  tous  ces  animaux,  en 
effet,  l’axe  de  la  tête  humérale  est  dirigé  directement  en  arrière,  tandis  que 
l’axe  de  la  trochlée  est  transversal  ; d’où  il  suit  que  les  deux  axes  sont 
perpendiculaires  l’un  à l’autre  et  ne  sont  séparés  que  par  un  angle  de  90u 
environ.  Je  n’ai  trouvé  absolument  aucune  exception  à cette  règle.  Pour 
expliquer  ce  fait,  M.  Marlins  avait,  lors  de  la  publication  de  son  premier  Mé- 
moire, supposé  que  chez  ces  Mammifères,  « X extrémité  inférieure  de  1 'hu- 
mérus ayant  accompli  une  révolution  de  180°  (comme  chez  l’Homme  et  les 


— 5G1  • 


Anthropoïdes),  la  supérieure,  au  lieu  de  rester  fixe,  comme  chez  l’Homme, 
était  elle-même  tordue  de  90°,  ou  d’un  angle  droit  ».  Mais  il  faut  convenir  que 
ce  mode  de  procéder  de  la  nature  a quelque  chose  de  singulièrement  com- 
pliqué et  recherché.  Il  est  à remarquer,  en  effet,  que  la  torsion  de  l’extrémité 
supérieure,  telle  que  la  comprenait  M.  Martins,  se  fait  dans  un  sens  parallèle 
à celui  de  la  torsion  de  180°  subie  par  l’extrémité  inférieure.  La  résultante 
de  ces  deux  torsions  n’est  donc  autre  chose  que  leur  différence,  c’est-à-dire 
180° — 90°= 90°.  On  a le  droit  de  demander  pourquoi  la  nature  n’a  point 
simplement  et  directement  tordu  l’humérus  de  90°  au  lieu  de  le  tordre  de  1 80° 
d’une  part,  pour  en  retrancher  90°  d’autre  part.  C’est  là  une  complication 
de  processus  qui  n’est  guère  en  harmonie  avec  les  lois  naturelles  et  avec 
la  simplicité  qui  caractérise  généralement  les  processus  organiques. 

D’ailleurs  il  est  impossible,  tout  à fait  impossible,  de  reconnaître  sur  la 
partie  supérieure  et  sur  le  col  de  l’humérus  la  plus  faible  trace  de  torsion. 
Chez  la  plupart  des  Mammifères,  ce  col  n’existe  réellement  pas,  et  la  tête 
forme  un  chapiteau  écrasé  et  légèrement  dévié,  qui  se  confond  insensible- 
ment avec  le  corps  de  l’humérus.  Où  trouver  là  les  traces  d’un  col  et  la 
place  nécessaire  pour  une  torsion  de  90°  ? 

Dans  son  dernier  travail  (article  du  Dictionnaire  encyclopédique),  M.  Mar- 
tins a modifié  ses  vues  à cet  égard,  et  pense  que  « la  torsion  de  l’humérus 
de  180°  se  décompose  dans  tous  les  Mammifères,  l’Homme  et  les  Singes  an- 
thropomorphes exceptés,  en  deux  torsions:  celle  du  col , de  90°,  et  celle  du 
corps,  également  de  90°».  Je  n’ai  pas  besoin  de  répéter  à propos  de  la  torsion 
du  col  ce  que  je  viens  d’en  dire  ; je  me  borne  à mettre  au  défi  les  partisans 
de  cette  torsion  d’en  démontrer  la  plus  faible  trace.  Au  reste,  il  faudrait 
bien  d’abcrd  qu’il  y eût  entente  entre  eux  sur  ce  point,  car  les  caractères 
obscurs  et  indécis  de  celte  torsion  ont  amené  nécessairement  quelque  con- 
fusion sur  la  matière.  La  lucidité  d’esprit  et  d’exposition  de  MM.  Martins  et 
Broca,  qui  sont  justement  et  légitimement  proverbiales,  ont  eu  quelque  chose 
à souffrir  de  leur  contact  avec  une  donnée  si  peu  lumineuse 

M.  Martins,  en  effet,  se  croit  fort  de  l’assentiment  de  M.  Broca',  et  d’autre 


1 Broca;  L'Ordre  des  Primates  ( Bulletin  de  ta  Société  d' Anthropologie , 1869,  pag.  302 
et  suivantes). 


— 562 


part  M.  Broca  croit  être  l’interprète  fidèle  de  M.  Martins,  alors  qu’il  n’y  a 
rien  de  moins  évident  que  l’accord  de  leurs  opinions.  « L’angle  de  180°, 
dit  M.  Martins,  se  décompose  chez  les  Mammifères,  l’Homme  excepté,  en 
deux  torsions  : celle  du  col , de  90°,  et  celle  du  corps , également  de  90°  ; 
c’est  une  vérité , ajoute-t-il,  que  Broca  a mis  zen  pleine  lumière  dans  son 
parallèle  anatomique  de  l’Homme  et  des  Singes». 

Mais  que  dit  d’autre  part  M.  Broca'  ? Je  cite  textuellement  : «Mais  où 
»s’eiïeclue,  dans  le  membre  thoracique,  cette  torsion  de  deux  angles  droits 
«qui  est  commune  à tous  les  Mammifères  terrestres  ou  amphibiens?  Il 
»y  a deux  types  essentiellement  différents,  dont  l’un  s’observe  chez  les 
«quadrupèdes  et  l’autre  chez  les  bipèdes.  Dans  l'un  et  l’autre  cas,  une 
«large  gouttière  obliquement  étendue  de  la  face  antérieure  du  corps  de 
«l’humérus  à la  face  postérieure,  et  connue  depuis  longtemps  sous  le 
»nom  d e gouttière  de  torsion,  indique  que  le  corps  de  cet  os  est  réel- 
lement tordu , tandis  que  celui  du  fémur  ne  présente  rien  de  sem- 
»blable.  Mais,  chez  les  quadrupèdes,  cette  torsion  intrinsèque  du  corps 
y de  ï humérus  nest  que  d'un  quart  de  cercle  ou  d'un  angle  droit  ; le 
y>reste  de  la  torsion,  qui  est  d'un  second  angle  droit , s’effectue  au-dessus 
y de  ï humérus,  par  suite  de  la  position  de  l’omoplate,  dont  la  cavité  glénoïde 
«regarde  en  bas  et  en  avant , au  lieu  de  regarder  en  bas  et  en  dehors, 
«comme  la  cavité  cotyloïde  de  l’os  iliaque.  Chez  les  bipèdes,  au  contraire, 
«la  cavité  glénoïde  de  l’omoplate  regarde  en  dehors,  comme  la  cavité  coty- 
«loide;  l’ articulation  de  l'épaule  ne  prend  donc  aucune  part  ( ou  pres- 
«que  aucune  part)  à l’inversion  du  membre,  laquelle  s’effectue  tout  entière 

y, dans  le  corps  de  l'humérus L’humérus  du  quadrupède  peut 

y>donc  être  considéré  comme  un  fémur  dont  le  corps  aurait  subi  une  tor- 

y)sion  d'un  quart  de  cercle L'humérus  humain  est  semblable  à un 

» fémur  dont  le  corps  aurait  subi  une  torsion  d'un  demi-cercle . Et  l’on 
«conçoit  effectivement  que  si  un  premier  quart  de  cercle  de  torsion  amène, 
«comme  chez  les  quadrupèdes,  la  face  antérieure  ou  rolulienne  du  coude 
«au-dessous  de  la  tète  humérale,  un  second  quart  de  cercle  de  torsion  doit, 
«chez  les  bipèdes,  l’amener  en  arrière  et  compléter  l’inversion  du  membre. 


1 Broca  loc.  cit.,  pag.  303. 


— 565  — 


»M.  Charles  Marlins,  à qui  l’on  doit  la  découverte  de  ce  fait  important , 
»l’a  ramené  à des  termes  plus  simples  en  déterminant  la  direction  de  l’axe 
»de  la  tête  de  l’humérus,  c’est-à-dire  de  l’articulation  de  l’épaule  par  rap- 
»portà  l’axe,  toujours  tranversal  et  sensiblement  horizontal,  de  l’articulation 
»du  coude 

»U  n’est  donc  pas  tout  à fait  exact  de  dire  que  l’insertion  des  mem- 
bres antérieurs  des  bipèdes  soit  due  exclusivement  à la  torsion  de  l’hu- 
vmérus-,  elle  est  due,  pour  une  faible  part,  à la  direction  de  l’omoplate, 
» dont  la  cavité  glénoïde  ne  regarde  pas  tout  à fait  rigoureusement  en  dehors, 
» mais  regarde  aussi  un  peu  en  avant.  Il  n’en  reste  pas  moins  certain, 
» après  cette  légère  rectification,  que  le  degré  de  torsion  de  l'humérus  con- 
« stitue,  entre  les  bipèdes  et  les  quadrupèdes , une  différence  énorme , qui 
» est  en  moyenne  chez  les  adultes  d’environ  75  degrés.  » 

. . .Et  page  506  : « Chez  le  bipède,  où  la  torsion  est  de  près  de  deux 
» angles  droits,  la  tête  humérale  est  tournée  en  dedans  et  les  tubérosités 
» voisines  (trochiter  et  trochin)  sont  tournées  en  dehors. . . Mais  chez  les 
» Quadrupèdes,  où  la  torsion  de  l'humérus  n'est  que  d'un  seul  angle  droit , 
» la  tète  humérale,  au  lieu  d’être  dirigée  en  dedans,  est  dirigée  en  arrière. 
» Les  tubérosités  sur  lesquelles  s’insèrent  nos  muscles  rotateurs  sont  placées 
» en  avant. ...» 

Les  citations  précédentes  montrent  assez  clairement  les  contradictions 
inconscientes  qui  séparent  les  deux  opinions.  PourM.  Martins,  l'humérus  de 
Quadrupède  est  tordu  de  180°,  comme  celui  de  Bipède.  PourM.  Broca,  l’hu- 
mérus de  Quadrupède  n’est  tordu  que  de  90°.  Seulement  il  y a une  seconde 
torsion  de  90°  ; mais  quel  est  son  siège?  Dans  le  col , dit  Martins.  — Au- 
dessus  de  l’humérus , dans  l’articulation  scapulo- humérale,  dit  Brcca. 

Or,  si  nous  faisons  abstraction  de  l’angle  de  torsion  de  90°,  queM.  Broca 
place  au-dessus  de  l’humérus,  c’est-à-dire  dans  l’interligne  inter-articulaire, 
et  qui  est  tout  à fait  indépendant  de  la  torsion  intrinsèque  de  l’os,  nous 
voyons  que  pour  M.  Broca  la  torsion  de  l’humérus  chez  les  Quadrupèdes  n’est 
réellement  que  de  90°.  On  peut,  je  le  pense,  considérer  cette  addition  de 
90°  de  torsion  articulaire,  faite  par  M.  Broca,  comme  le  résultat  d’un  entraî- 
nement théorique  et  comme  une  concession  inconsciente  à la  proposition 
passée  sans  critique  suffisante  à l’état  d’axiome,  et  en  vertu  de  laquelle  la 


torsion  de  l'Homme  et  des  Mammifères  terrestres  et  aquatiques  serait  de 
180°.  11  est  du  reste  digne  de  remarque  que  celte  torsion  articulaire  de9ü°, 
que  M.  Broca  portait  à l’actif  de  l’angle  de  180°,  doive  en  réalité  être 
portée  à son  passif,  car  elle  se  fait  dans  un  sens  'parallèle  à la  prétendue 
torsion  de  l’humérus,  par  suite  du  transport  de  l’omoplate  de  dedans  en 
dehors  et  d’avant  en  arrière. 

Il  reste  donc  clairement  établi  que  chez  tous  les  Mammifères  terrestres  et 
aquatiques,  le  prétendu  angle  de  torsion  de  l’humérus  n’est  que  de  90°.  C’est 
là  du  reste  le  résultat  auquel  reviennent  au  fond  les  données  de  M.  Broca  et 
même  celles  de  M.  Mai  lins  dans  son  premier  Mémoire,  puisque,  comme  nous 
l’avons  vu,  l’angle  de  torsion  de  l’humérus  se  réduirait  pour  lui,  chez  les 
Mammifères,  à 180°  — 90°,  c’est-à-dire  à 90°. 

D’ailleurs  Gegenbaur,  qui  a cependant  prêté àla  théorie  de  la  torsion  l’ap- 
pui de  sa  haute  compétence,  n’a  pas  accepté  sans  hésitation  les  vues  de 
M.  Marlinssur  la  torsion  de  l’humérus  chez  les  Mammifères  autres  que  les 
Anthropomorphes.  « Suivant  M.  Martins,  dit-il,  le  col  serait  tordu  de  90°, 
»ce  qui  résulte  du  parallélisme  de  ce  col  avec  le  plan  médian,  et  de  la 
» position  des  tubérosités  qui  bordent  la  coulisse  bicipitale.  Cette  proposition 
» me  laisse  quelques  scrupules,  car  il  faut  dans  ce  cas  examiner  la  position 
» de  l’humérus  par  rapport  au  squelette  tout  entier,  tenir  compte  de  celle 
Dde  l’omoplate,  et  peut-être  la  torsion  n’est-elle  pas  plus  forte  que  dans 
» les  Reptiles » Je  me  borne  à ajouter  qu’on  ne  vil  jamais  des  scrupules 
plus  légitimes,  et  de  peut-être  plus  inopportun. 

«...Chez  les  Chéiroptères,  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Reptiles,  dit 
» M.  Martins,  la  torsion  de  l’humérus  est  de  90°  ou  moins  de  90°  seulement. . 

» La  torsion  de  90°  est  donc  une  des  conditions  ostéologiques  du  vol  et  de 
» la  reptation. . . . Sur  le  Caméléon,  au  contraire,  l’humérus  est  tordu  de 
» 180° , car  le  Caméléon  est  un  reptile  qui  ne  rampe  pas  ; il  marche  comme 

» un  quadrumane,  en  fléchissant  son  avant-bras  en  avant Dans  les 

» Chéloniens,  la  torsion  n’est  visible  que  sur  les  grandes  Tortues  terrestres 


t Gegenbaur;  Sur  la  torsion  de  l’humérus.  Jenaische  Zeitschrift,  BU.  4.  Traduit  par 
M.  Martins. 


- 565  — 

» et  fluviatiles , et , dans  les  Batraciens,  sur  les  Crapauds  et  les  grosses 
» Grenouilles.» 

Les  Chéiroptères  peuvent  donner  lieuàdesconsidéralions  très-importantes 
sur  la  valeur  de  la  théorie  de  la  torsion.  Chez  eux,  comme  le  dit  fort  bien 
M.  Martins,  l’axe  du  col  de  l’humérus  est  perpendiculaire  à l’axe  de  la  tro- 
chlée,  et  la  torsion  (si  torsion  il  y a)  n’est  que  de  90°.  Il  est  seulement  juste  de 
faire  remarquer  que  l’humérus  des  Chéiroptères,  et  même  des  grandes 
Roussettes,  est  un  os  dont  le  corps  cylindrique  ne  présente  aucune  trace  de 
torsion,  et  que  le  tiers,  et  parfois  même  presque  la  moitié  supérieure  de  son 
bord  externe  ou  ligne  âpre,  qui  correspond  au  sens  de  la  flexion  du  coude, 
est  occupé  par  une  crête  verticale  assez  saillante,  dont  la  direction  entière- 
ment rectiligne  se  concilie  peu  avec  une  torsion  effective  du  corps  de  l’os. 

Mais  supposons  pour  un  instant  que  l’humérus  ait  été  tordu  réellement 
de  90°,  et  comparons-le  au  fémur  du  même  animal.  Plaçons  les  deux  os  l’un 
à côté  de  l’autre,  de  manière  à ce  que  la  saillie  des  condyles  fémoraux  cor- 
responde à la  saillie  de  la  trochlée.  En  opérant  ainsi  sur  un  squelette  humain 
ou  sur  une  squelette  de  Mammifère  quadrupède,  il  y aurait  discordance 
dans  la  direction  des  axes  des  cols  de  l’humérus  et  du  fémur,  et  c’est  cette 
discordance  même  qui  a tourmenté  le  cerveau  des  anatomistes  et  a provoqué 
l’enfantement  de  toutes  les  hypothèses  et  théories  destinées  à opérer  l’assi- 
milation du  membre  antérieur  avec  le  membre  postérieur.  La  tête  du  fémur 
est,  chez  l’Homme  et  chez  lesMammifères,  si  généralement  dirigée  en  dedans, 
de  manière  à faire  un  angle  ouvert  en  dedans  avec  le  bord  interne  de  l’os, 
que  les  anatomistes  ont  accepté  cette  disposition  comme  absolument  typique 
et  immuable.  C’est  une  des  raisons  pour  lesquelles  M.  Martins  a été  con- 
duit à considérer  le  fémur  comme  un  os  non  modifié,  et  présentant  chez  tous 
les  Mammifères  (Homme,  xâmthropoïdes,  Chéiroptères,  etc.,  etc.,  Oiseaux, 
Reptiles,  Batraciens)  une  disposition  identique  et  primordiale.  C’est  du 
reste  aussi  la  même  pensée  qui  a dicté  à M.  Broca  les  lignes  suivantes’. 
« La  tête  du  fémur , dans  toute  la  série , est  toujours  placée  sur  le  côté 
» interne  de  l’os,  et  parconséquent  au-dessus  du  condyle  interne  du  genou. 
» Si  maintenant  nous  prenons  l’humérus  d’un  quadrupède,  d’un  Cheval 


1 Broca,  loc.  cit.,  pag.  303. 


— 566  — 


» par  exemple,  nous  trouvons  que  la  tête  de  l’humérus  est  placée  sur  le 
» prolongement  de  la  face  postérieure  de  cet  os,  etpar conséquent  au-dessus 
» de  la  cavité  olécranienne,  qui  occupe  la  face  postérieure  du  coude.  » 

Le  fémur  des  Chéiroptères  parmi  les  Mammifères  et  le  fémur  de  pres- 
que tous  les  Reptiles,  se  chargeront  de  renverser  ces  attributs  immuables 
gratuitement  accordés  au  fémur. 

Plaçons  en  effet  l’humérus  d’un  Chéiroptére  à côté  de  son  fémur  (PI.  IX, 
fig.  16  et  17),  et  nous  constaterons  que  la  tête  du  fémur  est  située  sur 
le  'prolongement  de  la  face  convexe  (et  non  sur  le  côté  interne  de  l'os),  et 
par  conséquent  au-dessus  delà  coulisse  rotulienne  qui  occupe  la  face  d’ex- 
tension du  genou,  et  qui  correspond  exactement  à la  cavité  olécranienne 
de  l’humérus.  Quelle  différence  y a-t-il  donc  à cet  égard  entre  l’humérus  et 
le  fémur  des  Chéiroptères?  Aucune  : le  parallélisme  des  deux  os  est  parfait, 
et  la  situation  de  la  tête  est  identique  dans  les  deux  cas,  ainsi  qu’on  peut 
en  juger  par  les  fig.  16' et  17',  PI.  IX,  qui  représentent  les  extrémités  su- 
périeures de  l’humérus  et  du  fémur  d’un  Vespertilio  vues  dans  le  sens  de 
l’axe  des  os,  les  deux  os  étant  placés  dans  des  situations  identiques  par 
rapport  à l’axe  et  à la  direction  des  extrémités  trochléenne  et  condylienne. 
Donc,  si  l’on  admet  que  l’humérus  a subi  une  torsion  de  90°,  il  faut  de 
toute  nécessité  accorder  la  même  faveur  au  fémur.  La  conclusion  est  forcée; 
elle  est  môme  brutale,  comme  le  fait  sur  lequel  elle  repose.  Mais  les  partisans 
de  la  torsion  de  l’humérus  reconnaissent  eux-mêmes,  et  avec  raison,  qu’il 
n’y  a dans  le  fémur  aucune  trace  de  torsion,  et  puisqu’ils  sont  les  défenseurs 
de  la  fixité  de  forme  du  fémur,  on  est  autorisé  à leur  dire  : Si  le  fémur  n’est 
pas  tordu,  de  quel  droit  considérez-vous  l’humérus  comme  l’étant  ? 

Ce  fait,  qui  n’est  certes  pas  isolé,  porte  avec  lui  plusieurs  enseigne- 
ments. Je  me  borne  à en  formuler  deux  pour  le  moment,  réservant  les  au- 
tres pour  la  suite  de  cette  étude  : 

1°  La  forme  du  fémur  n’est  point  fixe,  invariable,  relativement  à la  direction 
de  l’axe  de  sa  tête.  Le  fémur  est  susceptible  d’être  modifié  aussi  bien  que 
l’humérus  et  de  la  même  manière; 

2°  La  déviation  de  l’axe  du  col  de  l’humérus,  par  rapport  à l’axe  de  la 
trochlée,  n’est  nullement  une  preuve  de  sa  torsion,  et  il  faut  chercher  à cette 
déviation  du  col  une  cause  plus  conforme  aux  faits  et  à la  vérité. 


( 


- 367  - 

L’humérus  des  Oiseaux  et  des  Reptiles  est-il  tordu  de  90° ? C’est  ce  que 
je  vais  examiner. 

L'humérus  de  l’Oiseau  (PL  XIX,  jig.  10  et  12)  est  un  os  cylindrique  dans 
sa  partie  moyenne,  comprimé  d’avant  en  arrière  à ses  deux  extrémités, 
et  présentant  deux  inflexions  en  sens  inverse  qui  lui  donnent  la  forme  d’une 
S à courbures  très-ouvertes.  Je  n’y  ai,  pour  ma  part,  trouvé  aucun  signe, 
aucune  trace  de  torsion.  C’est  un  os  doublement  infléchi,  mais  nullement 
tordu. 

Voyons  du  reste  de  quelle  manière  M.  Martins  conçoit  et  mesure  la  tor- 
sion de  l’humérus  chez  les  Oiseaux.  Ainsi  que  l’on  peut  en  juger  sur  la 
fig.  10  de  la  PI.  I qui  accompagne  son  premier  Mémoire.  M.  Martins  consi- 
dère comme  col  de  l’humérus  la  portion  aplatie  qui  surmonte  la  crête  del- 
toïdienne  ou  pectoro-deltoïdienne,  et  qui  se  porte  en  arrière  lorsque  l’aile 
est  étendue.  Un  axe  passant  par  c ^prétendu  col  de  l’humérus  se  trouve  dans 
un  plan  perpendiculaire  au  plan  qui  passe  par  l’axe  de  la  trochlée.  L’axe  du 
col  d’une  part,  et  l’axe  de  la  trochlée  d’autre  part,  étant  perpendiculaires  l’un 
à l’autre,  il  en  résulterait  que  l’humérus  serait  tordu  de  90°. 

Les  prémisses  et  la  conclusion  que  le  savant  Professeur  de  Montpellier 
veut  en  tirer  sont  également  attaquables,  ainsi  que  je  le  démontrerai  bien- 
tôt. Mais  d’ailleurs,  en  admettant  même  que  la  tête  de  l’humérus  fasse  avec 
l’axe  de  la  trochlée  un  angle  de  90°,  quelle  preuve  en  déduira-t-on  d’une 
torsion  qui  n’a  laissé  aucune  trace  apparente?  La  clavicule  humaine  possède, 
comme  l’humérus  de  l’Oiseau,  une  double  inflexion  en  sens  inverse,  et  res- 
semble comme  lui  à une  S très-ouverte.  Bien  plus,  le  grand  axe  de  ses  ex- 
trémités articulaires  se  trouve  occuper  des  plans  perpendiculaires  l’un  à 
l’autre.  L’extrémité  externe  a son  grand  axe  à peu  prés  horizontal,  tandis 
que  celui  de  l’extrémité  interne  est  plutôt  vertical.  Il  y a là  une  forme  compa- 
rable à celle  de  l’humérus  de  l’Oiseau  et  bien  plus  comparable  encore  à celle 
de  l’humérus  du  Crocodile;  il  n’est  cependant  jamais  venu  à la  pensée  de  per- 
sonne de  considérer  pour  cela  la  clavicule  humaine  comme  ayant  subi  une 
torsion  de  90°.  Je  ne  vois  pas  qu’on  ait  plus  de  raison  pour  le  faire  à l’égard 
de  l'humérus  d’Oiseau. 

Mais  examinons  si  cequeM.  Martins  a considéré  comme  un  col  de  l'humérus 
chez  l’Oiseau  mérite  réellement  cette  qualification,  et  demandons-nous  ce 

47 


— 368  - 

que  c’est  qu’un  col  et  une  tête,  dans  le  sens  qu’on  attache  à ce  mot  lorsqu’on 
parle  de  l'humérus  et  du  fémur. 

L’humérus  et  le  fémur  se  terminent  supérieurement  par  une  extrémité 
renflée  qui  se  J compose  généralement  de  trois  parties  : la  tête  et  les 
tubérosités  d’insertion  des  muscles.  Néanmoins  la  tête  peut  faire  défaut, 
ainsi  que  nous  le  verrons.  Quand  elle  existe,  elle  peut  être  sessile,  c’est- 
à-dire  confondue  par  sa  base  avec  les  tubérosités  et  l’extrémité  de  la  dia— 
physe  ou  corps  de  l’os;  ou  bien  elle  est  reliée  au  corps  par  une  portion  plus 
ou  moins  allongée  et  rétrécie  qu’on  appelle  col. 

Les  caractères  du  col  sont  : 1°  detre  placé  entre  les  tubérosités  et  la 
tête,  et  par  conséquent  d’être  au-dessus  des  tubérosités  et  indépendant 
d’elles  dans  une  certaine  mesure  ; 2°  d’être  en  rapport,  sur  une  étendue 
plus  ou  moins  grande,  avec  les  insertions  de  la  capsule  articulaire;  5°  de  ne 
pas  présenter  d’insertions  musculaires;  4°  d’avoir  une  direction  variable  sui- 
vant les  cas  par  rapport  à l’axe  du  corps  de  l’os. 

Les  caractères  des  tubérosités  sont,  au  contraire  : 1°  d’être  largement  con- 
fondues par  leur  base  avec  le  corps  de  l’os;  2° d’être  la  continuation  directe 
et  l’épanouissement  supérieur  du  corps  de  l’os  ; 5°  d’être  en  dehors  des  inser- 
tions de  la  capsule  articulaire;  4°  detre  couvertes  d’insertions  musculaires. 

Pour  l’humérus  et  le  fémur,  ces  tubérosités  sont  généralement  en  rapport, 
l’une  avec  les  muscles  extérieurs  de  la  région  scapulaire  ou  iliaque,  et  l’au- 
tre avec  les  muscles  intérieurs  de  ces  mêmes  régions. 

11  résulte  de  là  que  le  col,  quand  il  existe,  commence  au  point  où  finis- 
sent les  insertions  musculaires,  c’est-à-dire  au-dessus  des  véritables  tubéro- 
sités trochantériennes.  Ce  qui  est  au-dessous  des  insertions  musculaires 
trochantériennes  ne  saurait  donc  être  légitimement  considéré  comme  col. 

Enfin  les  caractères  de  la  tête  osseuse  sont  : 1°  d’être  une  saillie  osseuse 
plus  ou  moins  arrondie,  plus  ou  moins  saillante,  plus  ou  moins  indépen- 
dante de  l’extrémité  supérieure  de  l’os  ; 2°  d’être  sessile  ou  portée  par  un 
col;  5°  de  ne  donner  place  ni  à des  insertions  ligamenteuses  ni  à des 
insertions  musculaires;  4°  d’être  recouverte  d’un  cartilage  de  glissement. 

Ce  sont  là  des  caractères  dont  on  ne  saurait  nier  l’exactitude  chez  tous 
les  animaux  où  fine  peut  y avoir  de  doute  sur  l’existence  et  la  valeur  d’une 
tète,  d’un  col  et  de  tubérosités. 


— 569  — 


Or,  en  étudiant  à la  lumière  de  ces  caractères  incontestables  l’extrémité 
supérieure  de  l’humérus  de  l’Oiseau  (PI.  VIH,  fig.  10  et  12),  on  voit  que 
la  portion  supérieure  aplatie  et  infléchie  qui  est  bordée  en  dehors  par  la 
crête  pectoro-deltoïdienne  est  la  partie  supérieure  du  corps  de  l’os.  Cette 
partie  élargie  est  surmontée  d’une  tête  articulaire  T,  formant  une  portion 
d’ellipsoïde  (PI.  IX,  fig.  14)  dont  la  base  se  confond  avec  l’extrémité  su- 
périeure du  corps  de  l’os.  Il  n’y  a réellement  pas  de  col  anatomique.  L’ex- 
trémité externe  de  cette  tête  se  confond  presque  (tant  le  col  est  absent  !) 
avec  une  tubérosité  peu  prononcée  qui  se  continue  inférieurement  avec  la 
crête  pectoro-deltoïdienne  A.  C’est  la  tubérosité  externe  ou  trochiter  C.  Sur 
elle,  s’insèrent  les  muscles  petit  rond  (chef  scapulaire  de  l’obturateur  ex- 
terne) et  le  second  pectoral,  tout  à fait  au  voisinage  de  la  tête  articulaire. 

L’extrémité  interne  D de  la  tête  humérale,  plus  saillante,  plus  arrondie, 
est  séparée  de  la  tubérosité  interne  ou  trochin  par  une  fosse  profonde  (faible 
indice  de  col  anatomique)  (PI.  IX,  / ïg . 14)  dans  laquelle  s’engage,  quand 
l’aile  se  replie,  la  portion  scapulaire  du  rebord  glénoïdien.  La  tubérosité  interne 
ou  trochin  D bien  plus  volumineux  que  l’externe,  donne  insertion  aux  chefs 
coraco'idiens  des  obturateurs  interne  et  exerne  et  au  chef  scapulaire  de  l’obtu- 
rateur interne  ou  sous-scapulaire  des  Oiseaux.  Au-dessous  de  ces  'insertions 
commence  le  corps  de  l’os,  dont  la  direction  infléchie  forme  là  une  courbure 
analogue  à celle  de  la  partie  inférieure  du  corps,  mais  en  sens  inverse. 

II  résulte  de  là  que  la  tête  humérale,  entourée  immédiatement  des  tubé- 
rosités et  des  attaches  musculaires  qui  leur  appartiennent,  est  dépourvue  de 
col,  et  qu’on  ne  saurait  considérer  l’axe  de  l’extrémité  supérieure  de  l’humé- 
rus comme  étant  l’axe  du  col  et  de  la  tête,  pas  plus  qu’on  n’est  autorisé  à 
regarder  l’extrémité  externe  de  la  clavicule  humaine  comme  possédant  une 
tête  et  un  col. 

La  tête  de  l’humérus  est  donc  sessile,  dépourvue  de  col,  et  ce  n’est 
pas  en  ayant  égard  à l’axe  d’un  col  qui  n’existe  pas  qu’on  peut  arriver 
à déterminer  l’axe  de  la  tête.  Toutefois  cette  tête  a réellement  un  axe,  mais 
tout  diffèrent  de  celui  que  lui  attribue  M.  Martins.  Cette  tête  ovoïde  (PI.  IX, 
fig.  14)  T,  est  beaucoup  plus  renflée  et  saillante  vers  son  extrémité  interne  que 
vers  son  extrémité  externe,  de  sorte  qu’elle  est  légèrement  inclinée  vers  le 
bord  interne  de  l’os.  Elle  a un  axe  dirigé  transversalement,  qui  se  confond  à 


— 370  — 


peu  près  avec  le  grand  diamètre  de  l’ellipsoïde,  qu’elle  représente.  Le  mode  de 
détermination  de  cet  axe  ne  saurait  être  considéré  comme  arbitraire,  attendu 
qu’il  est  identique  au  mode  de  détermination  de  l’axe  de  la  tète  de  l’humérus 
de  la  plupart  des  Mammifères.  Chez  la  très-grande  majorité  de  ces  derniers, 
en  effet,  la  tête  de  l’humérus  est  sessile,  dépouvue  de  col  anatomique,  et  son 
axe  n’est  déterminé,  en  l'absence  de  col,  que  par  deux  conditions  qui  sont 
corrélatives  : 1°  le  sens  de  la  plus  grande  saillie  excentrique  de  la  tête; 
2°  le  sens  des  mouvements  les  plus  étendus  de  l’articulation  scapulo-humè- 
rale.  M.  Martins,  M.  Broca  et  les  autres  partisans  de  la  torsion  humérale  n’ont 
pas  eu  d’autres  bases  de  détermination.  Or,  chez  l’Oiseau,  la  direction  que 
j’attribue  à l’axe  de  la  tête  de  l’humérus  est  appuyée  très-solidement  sur 
celte  double  base.  La  tête,  de  forme  allongée,  présente  sa  plus  grand  saillie 
à l’extrémité  interne  de  l’axe  de  l’ellipsoïde,  et  les  grands  mouvements  de 
l’épaule  pendant  le  vol  ont  lieu  dans  le  sens  de  ce  même  axe.  La  tête  hu- 
mérale est  donc  dirigée  chez  l’Oiseau,  comme  chez  quelques  Mammifères, 
vers  le  bord  interne  de  l’os.  Il  résulterait  de  là  que  l’axe  de  la  tête  se  trou- 
verait dans  le  même  plan  que  l’axe  de  la  trochlée,  et  que  l’humérus  des 
Oiseaux  serait,  comme  celui  de  l’Homme  et  des  Anthropoïdes,  tordu,  non 
de  90°,  mais  de  180°. 

Voyons  maintenant  ce  qu’il  faut  penser  de  la  torsion  chez  les  Reptiles. 
Considérons  d’abord  les  Crocodiliens.  Leur  humérus  (PI.  VIII,  fig.  7 et  8) 
a la  plus  grande  ressemblance  avec  l’humérus  d’Oiseau.  Il  présente  aussi  une 
double  inflexion,  et  la  partie  qui  est  supérieure  à la  crête  pectoro-deltoïdienne 
A,  a été  également  considérée  par  M.  Martins  comme  pouvant  représenter  le 
col  huméral.  Je  ferai  remarquer,  comme  pour  les  Oiseaux,  que  l’humérus 
des  Crocodiliens  ne  présente  aucune  trace  de  torsion  ; il  est  aplati  et  inflé- 
chi sur  ses  deux  faces  antérieure  et  postérieure.  Son  extrémité  supérieure, 
aplatie  et  élargie,  est  digne  d’attention.  Comparée  à celle  de  l’Oiseau,  elle 
présente  ceci  de  remarquable,  qu’elle  se  termine  par  une  surface  articu- 
laire très-oblongue,  convexe,  occupant  toute  l’extrémité  supérieure  de  l’os, 
s’étendant  d’une  tubérosité  à l’autre,  et  ne  se  distinguant  de  ses  tubérosités, 
qui  sont  peu  accentuées,  ni  par  un  sillon  ni  par  une  saillie  plus  prononcée; 
de  telle  sorte  que  non-seulement  le  col  anatomique  fait  entièrement  défaut, 


— 571 


mais  encore  la  lête  humérale  elle-même.  L’extrémité  supérieure  de  l’humérus 
est  ainsi  représentée  par  une  surface  terminale  très-allongée,  cartilagineuse, 
dont  les  deux  angles  terminaux  ne  sont  autre  chose  que  les  tubérosités. 
En  effet,  les  insertions  musculaires  se  font  sur  ces  angles  terminaux  : l’externe 
C,  peu  prononcé,  recevant  l’insertion  du  sus-scapulaire  ou  dorsalis  scapulm, 
qui  représente  plus  particulièrement  le  petit  rond. 

La  tubérosité  interne  D est  bien  plus  accentuée,  c’est-à-dire  que  l’extré- 
mité humérale  se  développe  plus  sur  le  bord  interne  que  sur  le  bord  externe 
et  fait  de  ce  côté  une  saillie  assez  prononcée.  Sur  cette  saillie  s’insèrent  le 
muscle  sou&-scapulaire  proprement  dit  et  le  scapulo-huméral  profond,  qui 
est  le  chef  scapulaire  de  l’obturateur  interne  de  l’épaule. 

J’ai  déjà  établi,  quand  j’ai  étudié  le  bassin  des  Oiseaux,  que  le  fémur  des 
Crocodiles  était  dépourvu  d’une  tête  proprement  dite,  et  que  ces  animaux 
reposaient  sur  toute  l’extrémité  supérieure  du  fémur,  sur  les  trochanters. 
On  peut  en  dire  autant  de  l’humérus.  11  n’y  a pas  de  tête  humérale  pro- 
prement dite  ; mais  la  surface  de  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus, 
c’est-à-dire  des  tubérosités,  ou,  plus  exactement,  la  surface  qui  réunit  les  deux 
tubérosités,  offre  une  convexité  très-peu  accentuée  qui  joue  le  rôle  de 
surface  articulaire.  En  somme,  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus  de  Cro- 
codile représente  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus  d’Oiseau,  dont  la  lête, 
déjà  peu  accentuée , aurait  encore  perdu  de  sa  saillie,  c’est-à-dire  ne  se  serait 
pas  différenciée'.  Mais,  dans  les  deux  cas,  les  surfaces  articulaires  sont  de 
forme  elliptique  très- allongée  (plus  allongée  même  et  plus  étroite  chez  le 
Crocodile),  et  s’étendant  bien  plus  vers  le  bord  interne  de  l’os  que  vers  le 
bord  externe.  Il  résulte  de  là  que  chez  les  Crocodiliens,  comme  chez  les 
Oiseaux,  l’axe  de  la  tête  de  i’humérus  est  réellement  transversal  et  dans  le 
même  plan  que  l’axe  de  la  trochlée,  d’où  il  faudrait  conclure  que  l’humérus 
de  Crocodile  est  tordu  de  180  degrés. 

M.  Martins  a considéré  le  Caméléon  comme  une  exception  très-frappante 
chez  les  Reptiles,  et  comme  un  exemple  remarquable  de  la  relation  qu’il  y 

1 Je  dois  faire  remarquer  cependant  que  la  portion  moyenne  de  la  surface  articulaire  de  l'hu- 
mérus chez  le  Crocodile  forme  une  légère  saillie  sur  le  reste  de  la  surface  articulaire.  Cette 
saillie  est  le  rudiment  de  la  tête  articulaire  de  l’Oiseau  qui  commence  à se  différencier. 


— 372  — 


a entre  la  torsion  de  l’humérus  et  la  fonction  du  membre.  Pour  M.  Mnrtins, 
l’humérus  de  Caméléon  serait  tordu  de  180  degrés,  parce  que  le  Caméléon 
« est  un  Reptile  qui  ne  rampe  pas,  qui  marche  comme  un  quadrumane,  en 
«fléchissant  son  avant-bras  en  avant,  etc.  » 

Dire  que  l’humérus  de  Caméléon  est  tordu  de  180  degrés,  c’est  dire  en 
d’autres  termes  que  l’axe  de  la  tête  est  dans  le  même  plan  que  celui  de  la 
trochlée,  et  que  la  tête  humérale  fait  saillie  sur  le  bord  interne  de  l’os.  A ce 
point  de  vue,  je  ne  puis  que  confirmer  la  description  donnée  par  M.  Martins  : 
la  tète  de  l’humérus  du  Caméléon  a en  effet  un  axe  transversal  (PI.  IX, 
fig.  18).  Mais  je  ferai  remarquer  qu’au  point  de  vue  de  la  conformation  et  de 
la  direction  de  l’axe  de  la  tête,  l’humérus  de  Caméléon  est  une  reproduction 
fidèle  de  ce  que  nous  venons  de  signaler  chez  les  Crocodiliens  et  chez  les 
Oiseaux  ; si  donc  on  considère  que  son  humérus  est  tordu  de  180  degrés, 
on  doit  aussi  considérer  l’humérus  d’Oiseau  et  de  Crocodile  comme  ayant 
subi  une  torsion  de  même  angle  que  lui. 

Considérons  maintenant  les  Sauriens  kionocrâniens,  et  les  Lacertiliens  en 
particulier. On  pourra  leur  appliquer  les  mêmes  réflexions.  La  tête  humérale 
(PI.  IX,  fig.  19),  légèrement  saillante,  forme  une  portion  d’ellipsoïde  ayant 
les  tubérosités  à ses  deux  extrémités.  Seulement  les  deux  tubérosités  sont 
presque  égales,  et  la  tête  humérale,  au  lieu  de  se  rapprocher  plus  du  bord 
interne  que  du  bord  externe,  comme  cela  avait  lieu  chez  les  Oiseaux,  les 
Crocodiliens  et  les  Caméléons,  est  placée  symétriquement  comme  une  légère 
saillie  terminale  sur  le  prolongement  de  l’axe  de  l’humérus,  et  entre  les 
deux  tubérosités.  Cette  tête  est  absolument  sessile,  et  on  ne  saurait  y recon- 
naître un  col.  Mais  sa  forme  ellipsoïdale  permet  d’y  reconnaître  un  axe  qui 
est  transversal,  situé  dans  le  même  plan  que  l’axe  de  la  trochlée  ; et  nous 
devrions  considérer  l’humérus  des  Sauriens  comme  tordu  de  180  degrés,  si, 
comme  M.  Martins,  nous  regardions  les  directions  de  ces  axes  comme  dues 
à des  degrés  variables  de  torsion  de  l’os. 

Les  Oiseaux. et  les  Reptiles  que  j’ai  étudiés  jusqu’à  présent  posséderaient 
donc  un  angle  de  torsion  de  1 80  degrés.  Mais  les  Chéloniens  feraient  exception 
à celle  règle.  Sur  une  Tortue  terrestre  (nous  parlerons  plus  tard  des  Tortues 


aquatiques),  l’humérus  (PI.  VIII,  fig.  5)  présente  une  tète  saillante  qui  cor- 
respond, non  plus  an  bord  interne  de  l’os,  mais  à la  face  convexe , c’est-à- 
dire  à la  face  de  l’extension  du  coude.  A cet  égard,  l’humérus  de  Tortue 
reproduit  exactement  la  disposition  de  l’humérus  des  Quadrupèdes.  Le  plan 
qui  passe  par  l’axe  de  la  tête  et  du  col  coupe  perpendiculairement  Y axe  de 
la  trochlée.  L’humérus  serait  donc  tordu  de  90  degrés.  Mais  voici  une  objection 
qui  me  semble  d’un  grand  poids.  Considérez  le  fémur  du  même  animal,  et 
vous  trouverez  aussi  que  Taxe  de  la  tête  et  du  col  se  trouve  dans  un  plan 
perpendiculaire  à l’axe  de  l’extrémité  condylienne.  Placez  en  outre  l’humérus 
et  le  fémur  à côté  l’un  de  l’autre,  de  manière  à ce  que  les  laces  d’extension  du 
coude  et  du  genou  soient,  non  opposées,  mais  parallèles,  et  vous  serez  frappé 
de  l’identité  des  deux  os  (PI.  VIII,  fig.  5 et  6).  Les  rapports  des  axes  sont 
identiques  dans  les  deux  cas  ; et  si  l’on  admet  pour  l’humérus  une  torsion 
de  90  degrés,  il  faudra  bien  l’admettre  aussi  pour  le  fémur.  Mais  celte  der- 
nière proposition  n’est  autre  chose  que  la  négation  absolue  de  la  théorie  de 
la  torsion,  puisque  cette  théorie  se  résume  ainsi  : l’humérus  est  un  fémur 
tordu,  et  le  fémur  est  un  humérus  détordu. 

Quant  aux  Amphibiens  sur  les  Crapauds  de  grande  taille  (PI.  VIII,  fig.  ) 
et  sur  la  grande  Grenouille  d’Amérique  ( Rana  mugiens ) (PI.  VIII,  fg.  5). 
j’ai  pu  constater  de  la  manière  la  plus  certaine  que  leurs  humérus  ne  pré- 
sentaient aucune  trace  de  torsion. 

Du  reste,  la  crête  pectorale  A,  qui  occupe  la  moitié  supérieure  de  leur 
longueur,  est  d’une  rectitude  parfaite.  Le  reste  de  l’os  est  cylindrique,  et, 
quant  à la  tête,  elle  est  sessile  et  forme  à l'extrémité  supérieure  de  l’humé- 
rus une  sphère  terminale  dont  le  diamètre  se  confond  symétriquement  avec 
l’axe  de  l’os,  et  à laquelle  on  ne  saurait  reconnaître  un  axe  spécial.  Il  n’y 
a donc  là  ni  les  traces  de  la  torsion,  ni  même  la  possibilité  de  trouver  les 
points  de  repère  sur  lesquels  s’appuient  les  partisans  de  la  torsion  pour 
en  déterminer  le  sens  et  pour  en  mesurer  le  degré. 

Si  maintenant  nous  jetons  un  coup  d’œil  rétrospectif  sur  les  résultats  qui 
ressortent  des  observations  qui  précèdent,  nous  verrons  que,  même  en  ad- 
mettant la  torsion  de  l’humérus,  il  y a des  diversités  considérables  dans  le 
degré  de  l’angle,  diversités  bien  inattendues  pour  la  théorie.  En  effet  : 


— 374 


L’Homme  et  les  Anthropoïdes  auraient  un  angle 

Les  Quadrupèdes — — 

Les  Chéiroptères — — 

Les  Oiseaux , — — 

Les  Crocodiliens — — 

Les  Chamæléonides — — 

Les  Sauriens — — 

Les  Chéloniens — — 

Les  Batraciens — — 


de  ISO0 


90° 

90° 

180° 

180° 

180° 

180° 

90° 

Oo 


Ces  faits-là  sont  loin  d’ètre  d’accord  avec  les  vues  doctrinales  de  la  théorie 
de  la  torsion  : suivant  elle,  en  effet,  le  degré  de  la  torsion  déterminerait  la 
direction  de  la  trochlée  humérale,  et  par  conséquent  le  plan  dans  lequel  s’opô- 
rentles  mouvements  de  l’avant-bras.  Aussi  la  torsion  de  180°  serait-elle  l’apa- 
nage de  l’Homme,  des  Anthropoïdes  et  des  aminaux  marcheurs,  tandis 
que  « la  torsion  de  90°  serait  une  des  conditions  ostéologiques  du  vol  et  de 
reptation». 

Je  laisse  au  lecteur  le  soin  de  décider  jusqu’à  quel  point  ces  vues  sont  en 
harmonie  avec  les  résultats  ci-dessus  énoncés. 

Nous  avons,  vu  chez  les  Chéiroptères  et  chez  les  Chéloniens,  deux  groupes 
très-éloignés  l’un  de  l’autre,  mais  où  les  membres  postérieurs  offrent  des 
conditions  communes  que  je  déterminerai  plus  tard;  nous  avons,  dis-je,  vu 
que  l’axe  de  la  tète  du  fémur  formait  un  angle  de  90°  avec  l’axe  de  l’ex- 
trémité condylienne  de  l’os.  C’est  là  un  fait  significatif  à un  haut  degré,  et 
qui,  dans  ces  deux  cas,  se  présente  avec  des  caractères  très-accentués. 
Mais  il  est  des  cas  moins  prononcés  qui  démontrent  aussi  ce  que  vaut  cette 
doctrine,  ce  dogme  de  l’immutabilité  fémorale.  En  comparant  des  fémurs  ap- 
partenant à divers  groupes,  nous  trouverons  des  différences  remarquables 
dans  la  situation  de  la  tête  fémorale.  Chez  les  Ruminants,  chez  le  Mouton, 
la  tète  fémorale  est  dirigée  en  dedans , mais  aussi  en  avant.  Elle  dépasse  en 
avant  le  plan  de  la  face  convexe  du  fémur,  de  telle  sorte  que  s’il  existait 
aussi  une  doctrine  de  la  torsion  du  fémur,  nous  dirions  que  le  fémur  est 
tordu  de  150°.  Chez  le  Lièvre,  au  contraire,  la  tête  fémorale  se  trouve 
exactement  sur  le  prolongement  du  bord  interne  de  l’os.  Elle  est  dirigée 


— ô75  — 


précisément  en  dedans,  de  telle  sorte  que  nous  pourrions  considérer  le  fé- 
mur comme  tordu  de  180°.  Chez  les  Oiseaux , la  tête  fémorale  s’est  trans- 
portée fort  en  arrière  et  dépasse  le  plan  de  la  face  postérieure  du  fémur  ; 
son  axe  est  dirigé  en  dedans  et  en  arrière,  de  telle  sorte  que  la  torsion 
peut  être  portée  à plus  de  180°,  à 210°  environ. 

Chez  les  Chéloniens  et  les  Chéiroptères,  la  torsion  serait  de  90%  et  enfin, 
chez  les  Batraciens  anoures,  la  tête  du  fémur  étant  terminale,  la  torsion  ne 
saurait  être  mesurée  et  pourrait  se  réduire  à 0°. 

On  voit  donc  que  la  tête  fémorale,  comme  la  tête  humérale,  est  susceptible 
de  se  transporter  et  de  modifier  sa  direction,  et  l’on  ne  saurait  attribuer 
après  cela  à la  torsion  de  l’humérus  des  déplacements  qui  se  reproduisent, 
à des  degrés  même  plus  prononcés,  chez  un  os  que  l’on  considère  comme 
ne  s’étant  jamais  tordu,  et  comme  représentant  le  type  non  modifié  du  pre- 
mier article  des  membres. 

Comme  dernière  observation  critique  à adresser  à la  théorie  de  la  torsion, 
je  ferai  remarquer  qu’il  est  admis  parmi  ses  adeptes  que  « dans  les  Ché- 
loniens la  torsion  n’est  visible  que  sur  les  grandes  Tortues  terrestres  et 
fluviatiles»,  et  quel’humérusest  «d’abord  sans  torsion  dans  l’ A rchégosaurus, 
les  Ichthyosaures  et  les  Plésiosaures,  et  actuellement  encore  dans  lesProtées 
et  les  Cétacés*.  11  résulterait  de  tous  ces  faits,  d’après  M.  Durand  (de  Gros)1, 
aux  idées  duquel  s’associe  d’ailleurs  M.  Martins,  que  le  défaut  de  torsion 
serait  l’indice  d’une  disposition  primitive  en  relation  avec  le  milieu  aqua- 
tique, et  que  la  torsion  apparue  plus  tard ■ « serait  une  adaptation  fonction- 
nelle à un  nouveau  milieu». 

Ces  idées  sont  en  contradiction  avec  les  faits  et  avec  les  données  de 
la  Paléontologie. 

Voici  d’abord  la  part  des  faits. 

Les  humérus  de  Tortue  marine,  de  Cétacés,  de  Protée,  ne  sont  pas  plus 
dépourvus  de  traces  de  torsion  que  les  humérus  d’Oiseau,  de  Reptile,  et 
même  de  beaucoup  de  Mammifères.  Il  n’y  a pas,  comme  du  reste  sur 

1 Durand  (de  Gros)  ; Les  origines  animales  de  l’Homme  éclairées  par  la  physiologie  et  l’ana- 
tomie, 1871.  — La  torsion  de  l'humérus  et  les  origines  animales  de  l'Homme.  (Bull,  de  la 
Soc.  d’Anthrop.,  2e  sér.  tom.  III,  1868.) 


48 


— 57G  — 


ces  derniers,  de  gouttière  et  de  crête  de  torsion;  mais  chez  les  Tortues 
marines  la  tête  de  l’humérus  a un  col  dont  l’axe,  bien  déterminé,  se  porte 
en  dedans.  Cet  axe  se  trouve  dans  le  môme  plan  que  celui  de  la  trochlée, 
et  indiquerait  par  conséquent  une  torsion  de  180°.  On  peut  en  dire  autant 
de  l’humérus  des  Baleines,  des  Dauphins,  des  Marsouins,  etc.  C’est  à 
cette  direction  du  col  huméral  que  s’adresse  la  théorie  de  la  torsion  pour 
mesurer  l’étendue  de  l’angle  de  torsion  , et,  dans  l’immense  majorité 
des  cas,  cette  direction  du  col  est  à la  fois  le  point  de  repère  de  la 
torsion  et  sa  seule  et  unique  preuve.  On  ne  saurait  donc  négliger  cette 
direction  de  l’axe  du  col  dès  qu’il  s’agit  d’animaux  où  il  serait  heureux 
pour  la  théorie  qu’on  pût  retrouver  la  forme  primitive  et  non  tordue  de 
l’humérus. 

11  y a du  reste,  dans  l’humérus  de  ces  animaux  essentiellement  aquati- 
ques, auxquels  nous  pouvons  ajouter  les  Pingouins  parmi  les  Oiseaux;  il 
y a,  dis-je,  un  caractère  général  qui  a empêché  de  les  considérer  comme 
tordus.  Ces  os,  par  suite  d’une  vraie  adaptation  à la  vie  aquatique,  se  trou- 
vent fortement  aplatis  et  présentent  ainsi  deux  faces  planes  parallèles, 
ce  qui  exclut  brutalement  toute  idée  de  torsion. 

Si  les  traces  de  torsion  y font  défaut,  c’est  que  les  mouvements  de  l’arti- 
culation du  coude  sont  presque  nuis  chez  ces  animaux,  et  les  os  de  l’avant-bras 
sont  placés  parallèlement  l’un  à côté  de  l’autre,  sans  pronation.  11  en  résulte 
que  les  muscles  moteurs  proprement  dits  de  l’articulation  du  coude  sont 
relativement  peu  développés,  et  que  les  saillies  d’insertion  plus  ou  moins 
obliques,  que  l’on  a considérées  comme  des  crêtes  de  torsion  et  des  preuves 
de  torsion,  font  entièrement  défaut.  Voilà,  à mon  a\is,  l’explication  logique, 
simple  et  naturelle  de  celte  absence  absolue  de  prétendues  traces  de  torsion 
sur  le  corps  de  l’os. 

Voyons  maintenant  en  quoi  les  idées  que  je  critique  sont  en  opposition 
avec  les  données  paléontologiques.  Je  ne  parle  pas  des  Ichthyosaures  et 
des  Plésiosaures,  auxquels  peuvent  s’appliquer  les  considérations  qui  pré- 
cèdent, chez  lesquels  les  humérus  sont  aplatis,  sans  tête  humérale, 
et  où  les  mouvements  du  coude  sont  absents.  Ces  animaux  représentent 
bien,  comme  l’avancent  MM.  Martins  et  Durand  (de  Gros),  une  disposi- 
tion simple  et  primitive  des  membres.  Mais  il  résulterait  des  propositions 


ci-dessus  que  les  Cétacés  seraient  dans  le  même  cas,  et  que  l’absence  de 
torsion  de  leur  humérus  serait  une  disposition  primitive  qui  aurait  ensuite 
disparu  chez  les  Reptiles,  les  Oiseaux  et  les  Chéiroptères,  pour  faire  place 
à une  torsion  de  90°,  et  de  180°  chez  les  Mammifères  terrestres  et  amphi- 
bies. 

C’est  là  une  opinion  que  contredisent  les  données  paléontologiques. 
11  est  en  effet  conforme  aux  faits  actuellement  connus  de  considérer  les 
Cétacés  comme  une  forme  consécutive,  comme  une  forme  dégradée  prove- 
nant d’une  adaptation  au  milieu  aquatique  chez  des  animaux  à vie  terrestre. 
C’est  là  ce  qu’établit  si  bien  M.  Gaudry  dans  son  beau  travail  sur  les  en- 
chaînements des  Mammifères  tertiaires. 

Il  faudrait  donc,  pour  être  fidèle  à la  théorie  de  la  torsion,  considérer 
l’humérus  des  Cétacés,  non  pas  comme  un  os  qui  n’a  pas  subi  la  torsion, 
mais  comme  un  os  qui,  après  avoir  été  tordu,  a subi  une  détorsion  par 
suite  d’une  adaptation  au  milieu.  On  voit,  j’espère,  clairement  tout  ce  qu’une 
semblable  conception  a de  compliqué,  d'arbitraire  et  d’artificiel. 

Dans  tous  les  cas,  même  en  l’acceptant,  on  pourrait  demander  comment 
il  se  fait  que  les  Sirénides,  dont  la  vie  est  aussi  exclusivement  aquatique, 
ont  conservé  les  traces  d’une  torsion  de  90°,  le  plan  du  col  étant  perpendi- 
culaire à celui  de  la  trochlée,  et  la  crête  épicondylienne  de  torsion  étant 
manifeste  jusqu’à  un  certain  point.  Si  la  vie  aquatique  devait  supprimer 
la  torsion,  pourquoi  a-t-elle  persisté  chez  des  animaux  exclusivement  aqua- 
tiques qui,  aussi  bien  que  les  Cétacés  proprement  dits,  manquent  de  membres 
postérieurs  ? Il  n’y  a à cela  qu’une  explication  rationnelle  : c’est  que  ces 
animaux,  qui  sont  des  herbivores  adaptés  à la  vie  aquatique,  ont  conservé 
la  même  direction  du  col  de  l’humérus  que  leurs  ancêtres  terrestres,  et  que 
si  la  crête  dite  de  torsion  est  plus  ou  moins  manifeste  sur  l’os,  c’est  que, 
les  mouvements  du  coude  étant  bien  conservés  chez  eux  et  les  os  de 
l’avant-bras  étant  en  pronation,  les  insertions  humérales  des  muscles 
épicondyliens  ont  dessiné  une  crête  oblique  sur  le  côté  externe  et  la  face 
postérieure  de  l’os. 

Je  ne  veux  pas  prolonger  outre  mesure  cette  critique.  Quand  une  théorie 
a rencontré  parmi  les  savants  les  plus  autorisés  un  accueil  et  un  crédit  aussi 


— 578  — 


marqués  que  l'a  fait  la  théorie  de  la  torsion,  il  vaut  la  peine  de  l’examiner 
sous  toutes  ses  faces  et  d’en  peser  tous  les  litres.  J’ai  été,  dans  ma  modeste 
sphère,  un  des  partisans  de  la  torsion  humérale,  ce  que  je  devais  en  partie 
à ce  que  celte  théorie  porte  avec  elle  de  solutions  séduisantes  et  de  satis- 
lactions  intellectuelles  entraînantes.  L’ardeur  de  mon  adhésion  tenait  aussi, 
je  ne  puis  en  douter,  à tout  ce  qu’un  contact  presque  journalier  inspire 
de  confiance  légitime  dans  les  vues  d’un  savant  dont  nous  pouvons  apprécier 
la  généralité  des  connaissances  et  la  hardiesse  des  conceptions.  Mais  à 
mesure  que  j’ai  regardé  de  près  cette  théorie  séduisante,  des  doutes  sont 
nés  dans  mon  esprit,  et  mes  études  ultérieures  n’ont  fait  que  les  appro- 
fondir. Parvenu  à la  conviction  la  plus  entière  que  la  torsion  de  l’humérus 
n’était  qu’une  trompeuse  apparence  en  contradiction  avec  les  faits,  et  que 
l’explication  quelle  permet  de  donner  de  la  situation  des  membres  était 
purement  artificielle,  j’ai  cru  devoir  exposer  les  objections  qui  m’avaient  le 
plus  frappé. 

Mais  si  j’ai  le  regret  de  combattre  ainsi  une  des  conceptions  les  plus  chères 
de  l’un  de  mes  anciens  Maîtres,  j’ai  pourtant  aussi  la  satisfaction  de  lui 
rendre  la  justice  qu’elle  mérite.  La  théorie  de  la  torsion  a eu  une  très- 
heureuse  influence  sur  les  idées  qu’on  a apportées  depuis  elle  dans  la 
comparaison  des  membres.  Elle  a détourné  les  bons  esprits  des  comparaisons 
croisées,  qui  ne  sont  plus  pardonnables  depuis  qu’on  fait  sérieusement  de 
l’anatomie  comparée  ; elle  a provoqué  des  éludes  importantes  sur  la  situa- 
tion des  membres,  sur  leurs  transformations  suivant  les  fonctions  qu’ils  ont 
à remplir  ; elle  a poussé  les  anatomistes  à faire  des  rapprochements  très-intéres- 
sants entre  des  groupes  plus  ou  moins  éloignés  jusque-là  et  à signaler  des 
différences  entre  des  groupes  que  l’on  avait  jusqu’alors  rapprochés.  Elle  a 
enfin  joué  le  rôle  de  ces  hypothèses  qui,  à un  moment  donné,  embrassent 
et  synthétisent  tous  les  faits  connus,  pour  les  réduire  en  formules  et  lois  gé- 
nérales, hypothèses  qui  restent  vraies  jusqu'à  ce  qu’une  hypothèse  plus 
générale  les  remplace,  mais  qui,  en  disparaissant  devant  les  objections,  n’en 
ont  pas  moins  eu  le  mérite  de  représenter  la  vérité  relative  à un  moment 
donné,  et  de  servir  de  point  d’appui  pour  poser  une  nouvelle  assise  de  l’édi- 
fice scientifique.  Tel  a été  le  rôle  et  le  mérite  delà  théorie  de  la  torsion  de 
l’humérus,  el  je  me  plais  ici  à rendre  hommage  à son  inventeur. 


— 579  — 


Si,  comme  j’espère  l’avoir  établi,  la  théorie  de  la  torsion  n’est  qu’une  hypo- 
thèse non  conforme  à la  réalité  et  à l’ensemble  des  faits,  il  convient  de  cher- 
cher une  explication  meilleure,  plus  rationnelle,  plus  naturelle,  dirais-je,  de 
la  position  des  membres,  explication  capable  d’embrasser  tous  les  faits 
connus,  et  à l’abri  des  objections  sérieuses.  C’est  ce  que  je  vais  tenter  ici. 

Théorie  articulaire  ou  théorie  de  la  rotation.  — Têtes  et  cols 
de  l’humérus  et  du  fémur.  — Trochanters  ou  turérosités.  — J’ai  déjà,  à 
plusieurs  reprises,  et  notamment  dans  l’Introduction  et  aux  pag.  15  à 18, 
exposé  et  développé  suffisamment  l’explication  de  la  situation  et  de  la  con- 
formation des  membres  que  je  considère  comme  la  vraie.  J’ai  en  particulier, 
aux  pages  255  à 258,  insisté  sur  le  mécanisme  qui  préside  aux  modifi- 
cations des  membres,  et  analysé  les  phases  successives  par  lesquelles 
passent  les  membres  du  fœtus  pour  devenir  membres  de  l’adulte.  De  ces 
considérations,  il  résulte  que  les  membres  antérieur  et  postérieur  commen- 
cent par  être  identiques  chez  l’embryon,  étant  placés  perpendiculairement 
à l’axe  vertébral  et  étant  parallèles  entre  eux  ; qu’à  celte  époque,  la  saillie 
du  coude  et  celle  du  genou  sont  également  dirigées  en  dehors,  tandis  que 
les  faces  palmaires  de  la  main  et  du  pied  regardent  en  dedans.  Plus  tard 
et  progressivement,  le  membre  antérieur  subit  un  mouvement  de  rotation 
en  dehors  dans  l’articulation  scapulo-humérale,  et  le  membre  postérieur  un 
mouvement  de  rotation  en  dedans,  dans  l’articulation  coxo-fémorale.  En 
même  temps,  un  mouvement  de  pronation  progressif  de  l’avant-bras  amène 
l’extrémité  de  la  main  en  avant,  tandis  qu’un  mouvement  de  supination 
beaucoup  moins  prononcé  de  la  jambe  amène  l’extrémité  du  pied  légè- 
ment  en  dehors. 

Par  suite  de  ces  mouvements,  que  j’ai  soigneusement  analysés  dans 
ces  pages  antérieures,  la  saillie  du  coude  se  trouve  en  arrière,  tandis 
que  la  saillie  du  genou  est  en  avant;  l’humérus  et  le  fémur  se  regardent  par 
leurs  faces  convexes,  qui  étaient  primitivement  externes,  et  qui  sont  réel- 
lement des  faces  homologues. 

Telle  est  l’explication  que  je  me  borne  à résumer  ici  très-succinctement 
avant  d’aborder  l’examen  des  objections  quelle  pourrait  soulever.  De  ces 
objections,  il  en  est  une  que  j’ai  déjà  énoncée  en  même  temps  que  la  ré- 


- 5$0  — 


ponsequ’y  a faite  M.  Julien.  11  s’agit  de  la  direction  opposée  des  cols  de 
l’humérus  et  du  fémur  quand  ces  deux  os  sont  placés  parallèlement  l’un 
à l’autre,  dans  leur  position  primitive.  Le  col  de  l’humérus  est  alors  dirigé 
en  arrière  chez  l’Homme , celui  du  fémur  est  dirigé  au  contraire  en  avant. 
Celte  opposition  dans  la  direction  des  deux  cols  a été  la  grande  pierre  d’a- 
choppement de  la  plupart  des  comparaisons  des  membres,  et  a provoqué 
l’origine  de  la  grande  majorité  des  théories  qui  ont  présidé  à cette  com- 
paraison. Il  me  suffit  de  citer  les  comparaisons  croisées  de  diverses  sortes 
(Vicq-d’Azyr,  Bourgery,  Folz,  Auzias-Turenne,  etc.)  et  la  théorie  de  la 
torsion. 

A cette  objection,  M.  Julien  a donné  une  réponse  qui,  pour  être  juste, 
n’est  cependant  pas  entièrement  satisfaisante  : « Deux  organes  homologues, 
» a-t-il  dit,  ne  perdent  pas  leur  homologie  par  cela  seuls  qu’ils  sont  in- 
» clinés  en  sens  inverse  » . Quand  deux  organes  homologues  sont  inclinés 
en  sens  inverse,  il  y a une  raison  de  cette  inversion  ; et  cette  raison,  il  faut 
la  trouver,  sous  peine  de  laisser  subsister  quelque  obscurité  et  planer  quel- 
ques doutes  sur  la  réalité  de  l’homologie  des  deux  organes.  Il  convient, 
pour  conserver  à la  théorie  de  la  rotation  le  caractère  de  certitude  auquel 
elle  a droit,  de  dissiper  ces  doutes  et  ces  obscurités  en  donnant  de  la  di- 
rection en  sens  inverse  des  deux  cols  une  explication  rationnelle,  physio- 
logique, et  pleinement  scientifique. 

A l’objection  tirée  de  la  direction  en  sens  inverse  des  cols  et  des  têtes  de 
l’humérus  et  du  fémur,  quand  les  deux  os  sont  placés  parallèlement,  vient 
s’en  ajouter  une  autre  relative  à la  situation  des  trochanters.  Avec  la  théorie 
de  la  torsion,  la  grosse  tubérosité  de  l'humérus  outrochiter  répond  à la  grosse 
tubérosité  du  fémur  ou  trochanter,  et  la  petite  tubérosité  de  l’humérus  ou 
trochin  répond  à la  petite  tubérosité  du  fémur  ou  trochantin.  Avec  la  théorie 
de  la  rotation,  au  contraire,  quand  les  deux  os  sont  placés  parallèlement, 
le  grand  trochanter  répond  au  trochin  et  le  trochiler  ail  trochantin. 

11  faut  considérer  de  plus  que  les  muscles  qui  vont  au  trochiter  (sus  et  sous- 
épineux)  sont  homologues  du  moyen  fessier,  qui  va  au  trochanter,  et  que  le 
muscle  qui  va  au  trochin  (sous-scapulaire)  est  homologue  de  l’iliaque,  qui 
se  rend  au  trochantin.  Ce  sont  là  des  dispositions  qui  peuvent  embarrasser 
et  jeter  quelque  obscurité  sur  la  valeur  intrinsèque  de  la  théorie  de  la  rota- 


» 


— 581 


tion.M.  Julien  a essayé  d’y  pareren  faisant  remarquer  : «1°  que  le  volume 
des  tubérosités,  aussi  bien  que  la  forme  et  la  fonction,  n’ont  aucune  valeur 
en  morphologie  ; 2°  que,  les  muscles  pouvant  changer  de  points  d'atta- 
ches, ceux  qui  vont  se  terminer  sur  les  tubérosités  basilaires  de  l’humérus 
et  du  fémur,  doivent  être  ajoutés  aux  groupes  des  muscles  qui  ne  sont  ho- 
motypes  que  par  une  de  leurs  insertions  » . 

Ces  réponses  sont  entièrement  insuffisantes  et  ne  sauraient  satisfaire  aux 
exigences  ligitimes  d’une  science  sévère  et  qui  se  pique  d’exactitude.  Les 
objections  précitées  conserveront  leur  valeur  tant  qu’on  ne  leur  opposera 
que  des  réponses  aussi  générales,  aussi  élastiques,  dirais-je,  et  qu’on  per- 
mettra au  jugement  de  s’égarer  par  l’examen  superficiel  de  formes  dont 
on  n’aura  pas  approfondi  et  déterminé  la  valeur  réelle  et  la  signification.  Il 
ne  suffit  pas  de  dire  que  la  forme  n’a  aucune  valeur  en  morphologie,  il 
faut  encore  et  surtout  déterminer  avec  précision  le  foni  que  recouvre  la 
forme,  et  en  dévoiler  la  nature.  C’est  que  je  vais  faire  dans  les  pages  sui- 
vantes. 

Pour  résoudre  la  question  qui  se  présente  à nous,  il  convient  de  recher- 
cher de  quelle  manière  et  par  quel  processus  se  forment  les  têtes  articulaires 
de  l’humérus  et  du  fémur. 

En  prenant  pour  point  de  départ  des  animaux  chez  lesquels  l’humérus 
s’est  nettement  différencié,  mais  avec  sa  forme  la  plus  simple,  c’est-à-dire 
les  Ichthyosaures  et  les  Plésiosaures,  nous  remarquerons  que  les  humérus 
et  les  fémurs  sont  des  os  phalangiformes  réguliers  très-semblables  entre 
eux,  et  qui  sont,  à leurs  extrémités  centrales,  terminés  par  une  surface  ar- 
ticulaire légèrement  convexe,  de  forme  oblongue,  circonscrite  par  un 
bord  légèrement  saillant.  11  n’y  a là  ni  tête  ni  tubérosités  distinctes.  La 
surface  supérieure  de  l’extrémité  un  peu  aplatie  de  l’os  est  la  surface 
articulaire  elle-même.  Tout  autour  et  sur  le  bord  légèrement  saillant 
que  je  viens  de  signaler  s’inséraient  les  muscles  moteurs  de  l’humé- 
rus et  du  fémur.  J’appellerai,  pour  la  facilité  du  discours,  cette  partie,  c’est- 
à-dire  la  surface  convexe  articulaire  et  le  bord  légèrement  saillant  qui  la 
circonscrit,  le  chapiteau  de  l’humérus  et  du  fémur,  et  je  dirai  que  dans 
l’état  le  plus  simple,  le  plus  élémentaire,  le  chapiteau  de  l’humérus  et  du 


332 


fémur  forme  un  plateau  régulier  à surface  convexe  uniforme,  qui  constitue 
la  surface  articulaire,  circonscrite  par  la  crête  d’insertion  des  muscles  ; 
la  surface  articulaire  occupe  toute  la  face  supérieure  du  chapiteau,  de 
telle  sorte  qu’il  n’y  a ni  tête  ni  tubérosités  ou  trochanters  distincts. 

Les  Crocodiliens  présentent  un  degré  de  mcdiücalion  immédiatement 
supérieur.  Il  n’y  a encore  ici  ni  tête  ni  tubérosités  distinctes.  Mais,  tandis 
que  les  deux  membres  étaient,  chez  les  Ichthyosaures  et  Plésiosaures,  exac- 
tement parallèles  et  semblables,  n’ayant  subi  aucune  relation,  mais  ayant 
conservé  leur  situation  primitive,  les  membres  des  Crocodiliens  présentent 
un  degré  assez  prononcé  de  déplacement  en  sens  inverse,  de  manière  à ce 
que  la  flexion  du  coude  devienne  un  peu  antérieure  et  la  flexion  du  genou 
postérieure;  il  résulte  de  là  que  l’humérus  a subi  un  mouvement  de  rota- 
tion en  dehors,  qui  a rendu  interne  son  bord  postérieur  primitif,  tandis 
que  pour  le  fémur,  qui  a tourné  en  sens  inverse,  c’est  le  bord  antérieur 
primitif  qui  est  devenu  interne.  Il  résulte  de  là  que  les  deux  os  regardent 
le  plan  médian  du  corps  par  des  bords  qui  étaient  opposés  l’un  à l’autre 
dans  la  position  primitive  des  membres.  Ce  changement  de  situation  a 
produit  des  modifications  très-sensibles  dans  les  extrémités  supérieures  des 
os.  Toute  la  face  supérieure  du  chapiteau  est  restée  articulaire,  légèrement 
saillante;  mais  la  forme  générale  a perdu  sa  régularité  et  sa  symétrie. 
L’extrémité  supérieure  de  l’humérus  étant  en  rapport  avec  la  surface 
glénoïdienne  étroite  et  semi-lunaire,  plus  par  la  partie  interne  de  sa  surface 
que  par  la  partie  externe,  le  chapiteau  s’est  prolongé  vers  le  bord  interne 
de  l’os  (bord  postérieur  primitif)  et  est  devenu  bien  plus  saillant  et  plus 
large  de  ce  côté.  Il  y a rupture  de  la  symétrie  primitive,  il  y a prédomi- 
nance de  l’extrémité  interne  du  chapiteau  ; mais  il  n’y  a pas  encore  de  dis- 
tinction possible  entre  une  tête  humérale  et  des  trochanters  ou  tubérosités. 
On  peut  en  dire  autant  pour  le  fémur  : il  se  forme  également  une  saillie  plus 
prononcée  et  un  léger  renforcement  de  l’extrémité  interne  du  chapiteau  de 
cet  os  ; mais  il  y a celte  différence  que  pour  le  fémur  le  côté  interne  repré- 
sente le  bord  antérieur  primitif  de  l’os,  tandis  que  le  côté  interne  de 
l’humérus  en  représentait  le  côté  postérieur  primitif  . Il  résulte  de  là  que 
si  nous  plaçons  le  fémur  et  l’humérus  dans  leurs  positions  primitives,  et  si 
nous  les  regardons  parallèlement  par  leurs  faces  homologues,  par  la  face  de 


585  — 


flexion  ou  face  interne  primitive,  par  exemple,  comme  dans  les  fig.  7 et  S, 
PI.  VIII,  il  arrivera  que  les  saillies  latérales  des  plateaux  supérieurs  des 
deux  os  auront  des  directions  diamétralement  opposées. 

II  s’ensuit  que  le  déplacement  des  deux  os  suivant  des  mouvements 
de  rotation  en  sens  inverse  a produit  sur  leurs  chapiteaux  supérieurs  des 
saillies  dirigées  en  sens  inverse , chacune  de  ses  saillies  correspondant  à la 
partie  de  la  surface  articulaire  du  chapiteau  sur  laquelle  s’ opèrent  surtout 
les  mouvements  de  glissement  sur  les  surfaces  articulaires  correspondantes 
des  ceintures.  Le  fémur  et  l’humérus  sont  dirigés  en  bas  et  en  dehors,  et  per- 
pendiculairement aux  surfaces  articulaires  des  ceintures;  les  ligaments  arti- 
culaires sont  assez  imparfaits  et  lâches,  de  telle  sorte  que  les  mouvements 
ne  sont  pas  circonscrits.  Il  en  résulte  que  toute  la  face  supérieure  du 
chapiteau  est  articulaire,  et  qu’il  n’y  a pas  de  tête  distincte.  C’est  dans  ce 
sens  que  j’ai  dit,  à propos  du  fémur  des  Crocodiliens,  que,  cet  os  étant  dé- 
pourvu de  tête,  ces  animaux  s’appuyaient  sur  leur  trochanter.  Il  eût  été 
plus  juste  de  dire  sur  tout  le  chapiteau  ou  toute  l’extrémité  terminale 
supérieure  de  l’os.  Ce  que  je  dis  du  fémur  s’applique  aussi  à l’humérus,  et 
c’est  là  une  particularité  de  ces  animaux  qui  est  liée  à la  forme  et  à la  con- 
stitution des  surfaces  articulaires  des  ceintures.  Nous  savons  en  effet  que, 
soit  à l’épaule,  soit  au  bassin,  il  n’y  a pas  à proprement  parler  de  cavités  arti- 
culaires, mais  de  simples  gouttières  articulaires,  formées  à l'épaule  par  le 
coracoïde  et  le  scapulum,  et  au  bassin  par  l’iléon  et  l’ischion.  L’acétabulum 
pelvien  proprement  dit  n’est  pas  articulaire.  Le  fémur  n’est  en  rapport 
qu’avec  une  surface  très-restreinte  correspondant  à la  surface  antitrochan- 
térienne  des  Oiseaux  ; aussi  n’y  a-t-il  pas  de  tête  fémorale  distincte  et  auto- 
nome, tandis  que  l’acétabulum  articulaire  des  Oiseaux  répond  à une  tête 
fémorale  qui  s’est  différenciée  de  la  surface  trochanlérienne. 

Il  importe  beaucoup  aussi  de  faire  remarquer  que  les  articulations  sca- 
pulo-humérale  et  coxo-fémorale  présentent  chez  les  Crocodiliens  une  grande 
étendue  de  mouvements  dans  tous  les  sens,  et  permettent  une  circumduction 
assez  étendue.  Les  ligaments  articulaires  sont  longs  et  les  liens  fibreux  re- 
lativement lâches.  Il  en  résulte  entre  les  ceintures  et  les  premiers  articles  des 
membres  un  défaut  remarquable  de  précision  dans  les  relations  et  dans  les 
mouvements.  Les  surfaces  de  contact  restent  vagues  et  étendues  sur  lescba- 

49 


— 584  — 


pileaux  osseux,  et  il  ne  saurait  y avoir  de  têtes  circonscrites,  qui  sont  tou- 
jours l'indice  de  mouvements  précis  et  bien  centrés. 

Les  Sauriens,  quoique  différant  peu  des  Crocodiliens,  présentent  pourtant 
quelques  modifications.  Les  chapiteaux  articulaires  de  l’humérus  et  du  fé- 
mur présente™  un  commencement  de  différenciation.  Sur  l’humérus  >XP1.  IX, 
fig.  19),  on  distingue  une  surface  articulaire  convexe,  oblongue,  terminale, 
plus  saillante  et  plus  arrondie  que  celle  des  Crocodiliens,  circonscrite  chez 
les  Lézards  par  un  sillon  peu  prononcé  et  ayant  une  petite  tubérosité  au 
côté  interne  et  postérieur,  et  une  plus  faible  encore  au  côté  externe  et 
antérieur.  11  y a donc  ici  commencement  de  différenciation  du  chapiteau  en 
tête  articulaire  et  tubérosité.  Au  fémur,  les  dispositions  sont  à peu  près 
semblables  : la  tête  est  plus  saillante,  plus  arrondie;  elle  est  limitée  et  cir- 
conscrite à la  partie  interne  et  antérieure  du  chapiteau,  et  le  reste  forme  une 
tubérosité  externe  et  postérieure. 

Ainsi,  les  têtes  commencent  à se  différencier  chez  les  Lézards,  ce  qui  tient 
au  resserrement  des  liens  articulaires,  qui  a pour  modification  corrélative 
la  circonscription,  la  limitation  des  surfaces  de  frottement.  Ajoutons  pour 
le  fémur  qu’il  est  mis  en  relation  avec  un  acétabulum  complet,  mais  trop 
évasé,  d’un  rayon  trop  grand  pour  le  volume  du  fémur,  ce  qui  s’oppose  à la 
formation  d’une  tête  nettement  sphérique.  D’ailleurs,  ici  comme  chez  les 
Crocodiliens,  les  têtes  sont  terminales,  c’est-à-dire  dirigées  suivant  l’axe 
même  de  la  diaphyse  de  l’os;  elles  se  sont  circonscrites  et  développées, 
comme  chez  les  Crocodiliens,  sur  les  portions  internes  des  chapiteaux, 
c’est-à-dire  sur  les  points  où  l’humérus  et  le  fémur  subissent  le  plus  de 
frottements  contre  les  ceintures. 

Chez  le  Caméléon  (PI.  IX,  fig.  18),  les  caractères  sont  identiques,  avec 
cette  différence  que  les  tubérosités  qui  se  trouvent  aux  extrémités  du  grand 
axe  de  la  tète  humérale  sont  plus  prononcées,  l’interne  surtout,  ce  qui  a pu 
induire  M.  Marlins  en  erreur  lorsqu’il  a présenté  la  tête  de  l’humérus  des 
Caméléons  comme  ayant  une  direction  bien  différente  de  celle  des  autres 
Sauriens.  Ici  donc  la  tête  humérale  est  seulement  mieux  circonscrite,  et  les 
tubérosités  ont  acquis  une  plus  grande  part  relative  dans  la  différenciation 
dont  le  chapiteau  est  le  siège.  Cet  état  est  certainement  lié  à un  resserre- 
ment des  liens  articulaires  et  à un  accroissement  dans  la  précision  des  mon- 


385 


vements  des  membres,  qui  chez  le  Caméléon  sont  prenants  et  non  pas 
seulement  rampants. 

Jusqu’à  présent,  nous  n'avons  vu  que  des  têtes  terminales,  c’est-à-dire 
placées  comme  un  chapiteau  sur  le  sommet  de  la  diaphyse  de  l’os,  avec  ou 
sans  saillie  plus  ou  moins  prononcée  d’un  des  points  de  leur  circonférence. 
Cet  état  est  dû,  avons-nous  dit,  à la  laxité  générale  des  ligaments  articulaires. 
Mais  à celte  cause  il  faut  en  ajouter  une  autre  très-importante:  c’est  la  di- 
rection de  l’axe  de  l’humérus  et  du  fémur  suivant  une  ligne  qui  est  perpen- 
diculaire ou  presque  perpendiculaire  au  plan  général  des  cavités  articulaires 
des  ceintures.  Pour  expliquer  ma  pensée,  je  dis  que  le  fémur  des  Sauriens  a 
son  axe  passant  comme  un  diamètre  par  le  centre  de  l’hémisphère  de  l’acé- 
tabulum.  Toutes  les  fois  que  cette  condition  sera  remplie,  les  têtes  ou  les 
surfaces  articulaires  seront  exactement  terminales.  C’est  là  ce  que  Ton  peut 
constater  nettement  chez  les  Batraciens  anoures,  qui  ont  un  acétabulum  tho- 
racique aussi  bien  qu’un  acétabulum  pelvien.  La  tête  humérale  (PI.  VIII, 
/ ig . 1)  est  exactement  terminale  et  forme  un  hémisphère  sans  col,  qui  coiffe 
symétriquement  la  diaphyse  de  l’os.  Il  en  est  de  même  au  fémur  (PI.  VIII, 
fuj.  2).  C’est  que  ces  deux  os  viennent  s’articuler  dans  les  cavités  corres- 
pondantes, suivant  Taxe  central  de  ces  cavités. 

Au  contraire,  dès  qu’une  déviation  a lieu,  dès  que  le  membre  subit  un 
certain  déplacement  par  rapporté  Taxe  de  la  cavité,  la  surface  articulaire  de 
l’humérus  et  du  fémur  subit  un  déplacement  correspondant  et  se  constitue 
là  où,  pendant  le  mouvement  du  membre,  c’est-à-dire  pendant  son  rôle 
actif , s’opèrent  en  réalité  les  frottements  de  l’os  contre  la  cavi'é  articulaire 
de  la  ceinture.  Cette  proposition  générale  est  X explication  vraie,  simple , 
naturelle  de  tous  les  déplacements  des  têtes  osseuses  de  l’humérus  et  du 
fémur,  et  résout  toutes  les  difficultés  qui  ont  été  soulevées  par  la  direction 
en  sens  inverse  de  ces  têtes. 

Les  surfaces  articulaires  se  constituent  et  se  développent  là  où  les 
frottements  inter-osseux  ont  leur  centre  d'activité.  Telle  est  la  formule  géné- 
rale, qui  est  appuyée  par  les  faits  étudiés  ici,  en  même  temps  qu’elle  les 
explique  parfaitement. 

Cette  première  formule  conduit  logiquement  à cette  seconde  : La  situa - 


586  — 


lion  et  la  direction  des  surfaces  articulaires  supérieures  de  l'humérus  et 
du  fémur  dépend  de  la  situation  respective  de  ces  deux  os  par  rapport 
aux  surfaces  articulaires  des  ceintures . 

La  théorie  de  la  torsion  suppose  que  les  tètes  articulaires  ont  une  di- 
rection déterminée  et  fixe,  et  explique  par  la  torsion  de  l’humérus  les  dif- 
férences de  direction  de  l’axe  de  la  trochlèe,  et  par  suite  du  plan  dans  lequel  se 
meut  l’avant-bras.  Or,  si  la  solution  vraie  est  toute  contraire,  la  direction  de 
l’axe  de  la  trochlèe  étant  constante  par  rapport  à l’humérus,  le  plan  dans 
lequel  se  meut  l’avant-bras  est  déterminé  par  les  variations  de  la  situa- 
tion de  l’humérus  par  rapport  à la  ceinture  scapulaire  ; et  cette  situation  de 
l’humérus  est  la  cause  déterminante  des  différences  et  des  variations  que 
l’on  observe  dans  la  direction  delà  tète  de  l’humérus.  La  théorie  de  la  tor- 
sion prend  pour  la  constante  ce  qui  en  réalité  est  la  variable , et  pour  la 
variable  ce  qui  est  la  constante.  La  trochlèe  varie  de  direction,  dit-elle,  par 
rapport  à l’humérus,  tandis  que  la  direction  de  la  tête  est  constante  par  rapport 
a cet  os.  Telle  est  la  formule  de  la  théorie  de  la  torsion.  11  faut  la  renverser 
et  dire  : La  trochlèe  a une  direction  constante  par  rapport  à l’humérus,  mais 
la  situation  de  la  tôle  humérale  varie. 

> 

11  y a du  reste  encore  une  autre  variable  dont  M.  Marlins  a d’ailleurs  tenu 
compte:  c’est  celle  de  la  situation  elle-même  de  la  ceinture  et  de  la  direc- 
tion de  la  cavité  glénoidale. 

Or,  les  deux  variables  sont  corrélatives  l'une  de  l’autre,  et  l’on  peut  dire 
pour  l’humérus  comme  pour  le  fémur  que  la  situation  de  la  tète  dépend  de 
la  direction  de  l’os  par  rapport  à la  direction  de  la  cavité  articulaire  de  la 
ceinture. Les  faits  qui  précèdent,  aussi  bien  que  ceux  qui  vont  suivre,  démon- 
trent largement  celte  proposition. 

Chez  les  Batraciens,  où  les  deux  os  sont  perpendiculaires  au  plan  de  la 
cavité  glônoide,  les  surfaces  articulaires  sont  terminales. 

Chez  les  Crocodiliens,  dont  les  membres  présentent  un  léger  degré 
d’obliquité  par  rapport  aux  cavités  des  ceintures,  les  surfaces  articulaires 
restent  terminales,  mais  reçoivent  un  développement  excentrique  exagéré 
du  côté  où  s’établissent  surtout  les  rapports  des  os  pendant  le  mouve- 
ment, c’est-à-dire  en  dedans.  On  peut  en  dire  autant  des  Sauriens. 


— 587 


Les  Chéloniens  fournissent  une  très-remarquable  preuve  du  fait  que 
j’avance.  En  effet,  chez  les  Tortues  terrestres  et  palustres,  l’humérus  et  le 
fémur  présentent  des  têtes  bien  développées,  pourvues  d’un  col  assez 
distinct  et  dont  la  direction  par  rapport  à l’axe  de  la  trochlée  ou  de  l’ex- 
trémité condylierme  est  à peu  près  identique  dans  les  deux  os.  C’est  que, 
ainsi  que  je  l’ai  signalé  dans  mon  fntroduction,  les  Chéloniens  présentent 
ce  fait  remarquable  que  les  membres  antérieur  et  postérieur  ont  des  situa- 
tions très-peu  différentes,  l’antérieur  se  portant  en  avant,  de  manière  à 
présenter  la  saillie  du  coude  en  avant  comme  celle  du  genou  ; et  le  pos- 
térieur se  rapprochant  un  peu  de  la  situation  de  l’antérieur.  Il  résulte 
de  là  que  les  deux  membres  sont  presque  parallèles,  ainsi  qu’on  peut 
en  juger  par  l’examen  des  fig.  5 et  6 (PI.  VIII),  qui  représentent  ces  deux 
membres  dans  leurs  rapports  entre  eux  et  avec  les  ceintures.  Mais,  en 
outre,  les  deux  cavités  articulaires  des  ceintures  ayant  des  directions  à peu 
près  semblables,  l’humérus  et  le  fémur  se  mettent  en  rapport  avec  elles  par 
le  môme  point  de  leur  chapiteau  terminal,  point  primitivement  externe  et 
un  peu  antérieur,  c’est-à-dire  à peu  près  par  la  face  externe  primitive  ou 
face  convexe  de  ces  os.  En  outre,  les  cavités  des  ceintures  présentant  une 
excavation  assez  prononcée,  parce  qu’elles  sont  formées  pour  l’une  et  pour 
l’autre,  par  le  concours  des  trois  éléments  de  la  ceinture,  il  en  résulte  que 
la  tête  est  saillante,  sphérique  et  pourvue  d’un  col.  En  somme,  pour  les  deux 
os,  la  tête  s’est  formée  sur  les  mêmes  points  du  chapiteau  et  dans  une  direc- 
tion perpendiculaire  à l’axe  des  extrémités  inférieures.  La  tête  est  ici  limitée 
à une  portion  du  chapiteau,  portion  antérieure  primitive,  tandis  que  la  por- 
tion primitive  postérieure  D.  D'  reste  à l’état  de  trochanter  ou  tubérosité 
d’insertion  des  muscles.  A peine  s’il  reste  en  avant,  bordant  le  col  une  pe- 
tite crête  saillante  E,  E',  servant  à l’insertion  des  ligaments  et  des  muscles. 

En  résumé,  chez  les  Chéloniens,  les  deux  os,  ayant  pris  des  directions  et 
contracté  des  rapports  semblables  relativement  aux  cavités  articulaires 
des  ceintures,  ont  des  têtes  articulaires  dont  les  directions  sont  parallèles. 
Nous  avions  vu  au  contraire,  chez  les  Crocodiliens,  les  surfaces  articulaires 
qui  commençaient  à acquérir  des  développements  en  sens  inverse,  parce 
que  l’humérus  et  le  fémur  avaient  modifié  leurs  relations  avec  les  ceintures 
dans  des  directions  opposées. 


5S8 


Les  Oiseaux  fournissent  un  type  intermédiaire  à certains  égards  entre  les 
Chéloniens,  les  Sauriens  et  les  Crocodiliens.  Regardés  par  leurs  faces  de 
flexion,  l’humérus  et  le  fémur  présentent  des  chapiteaux  ayant  subi  une  trans- 
formation dans  leur  forme  générale  qui  rappelle  celle  des  Crocodiliens.  Ils 
offrent  en  effet  une  saillie  excentrique  du  côté  du  bord  interne  de  l’os,  et 
par  conséquent  de  direction  opposée  quand  les  os  sont  placés  parallèlement, 
comme  aux  fig.  10  et  11,  12  et  15,  (PI.  VIH).  Mais  les  chapiteaux  diffèrent 
deceux  des  Crocodiliens  en  ce  que  les  surfaces  articulaires  sont  limitées,  n’oc- 
cupent pas  toute  la  face  supérieure  du  chapiteau,  et  que  la  répartition  des 
chapitaux  en  surface  articulaire  et  en  tubérosité  est  très-différente  sur 
l’humérus  et  sur  le  fémur.  Ce  résultat  est  merveilleusement  d’accord  avec  les 
principes  que  je  démontre  ici,  et  est  une  preuve  importante  de  leur  valeur, 
attendu  que  les  membres  antérieur  et  postérieur  d’Oiseau  contractent  avec  les 
ceintures  correspondantes  des  rapports  extrêmement  différents  entre  eux. 

L’humérus,  dans  la  situation  qui  correspond  au  moment  de  l'activité 
du  membre,  est  dans  une  direction  presque  transversale  et  légèrement  obli- 
que en  arrière  qui  rappelle  la  situation  de  l’humérus  des  Crocodiliens.  Il 
est  perpendiculaire  au  plan  de  la  cavité  gléno'ide  et  glisse  librement  sur 
elle,  lui  étant  relié  par  des  ligaments  lâches  et  étendus  qui  suppléent 
avantageusement  les  muscles  de  la  région.  11  eu  résulte  que  la  surface 
articulaire  est  terminale , elle  occupe  la  face  supérieure  du  chapiteau  ; mais 
ici,  comme  chez  les  Lacertiliens  et  surtout  les  Chamæléonides,  ii  s’est  formé 
une  saillie  demi-ovoïde  articulaire  qui  occupe  les  deux  tiers  externes  ou 
antérieurs  primitifs  du  chapiteau,  tandis  que  le  tiers  interne  ou  postérieur 
primitif  reste  à l’état  de  tubérosité  à insertions  musculaires,  séparée  de  la 
tète  par  un  sillon  qui  reçoit  le  rebord  saillant  de  la  cavité  glénoïde  scapu- 
laire, et  représente  par  conséquent  un  rudiment  de  col  R (PI.  IX,  /07.U). 

À l’extrémité  antérieure  de  la  tête  se  trouve  un  bord  légèrement  saillant 
qui  sert  d’insertions  musculaires  C (PI.  IX,  fig.  14). 

Le  fémur  présente  une  disposition  bien  différente  (PI.  IX,  fig.  15).  La 
surface  supérieure  du  chapiteau  est  devenue  presque  toute  articulaire,  sauf 
l’angle  externe  D;  mais,  déplus,  la  conformation  articulaire,  dirai-je,  s’est 
étendue,  non-seulement  à la  face  supérieure  de  la  saillie  interne  du  fémur 
de  Crocodilien,  mais  â ses  faces  latérales  et  à la  face  inférieure  ou  tout  à 


— 589 


fait  interne  de  celte  saillie,  de  telle  sorte  que  cette  extrémité  est  devenue 
une  tête  sphérique  à surface  articulaire.  Celle  portion  du  chapiteau  a non- 
seulement  acquis  la  forme  sphérique,  mais  s’est  encore  hypertrophiée  de 
manière  à exagérer  sa  saillie  (Comparez  PI.  VIII,  fig.  8,  avec  fig.  fl). 

Cette  conformation  est  due  à ce  que  le  fémur  d'Oiseau,  loin  de  rester  perpen- 
diculaire ou  à peu  près  perpendiculaire  par  rapport  au  plan  de  la  cavité  articu- 
laire, comme  l’est  celui  du  Crocodile,  s’est  rapproché  du  plan  vertébro-sternal, 
de  manière  à devenir  parallèle  au  plan  de  cette  cavité.  11  en  est  résulté  que  le 
chapiteau  ne  s’est  plus  trouvé  en  relation  avec  l’acétabulum  que  par  son 
extrémité  interne,  qui  y a pénétré  tout  entière,  est  devenue  articulaire, 
et  a gagné  en  développement,  comme  toutes  les  parties  qui  sont  le  siège 
d’un  accroissement  de  fonctions;  mais  en  môme  temps  le  reste  de  la  surface 
du  chapiteau  est  sorti  pour  ainsi  dire  de  l’acétabulum  et  lui  est  devenu  étranger 
pour  former  la  tubérosité  externe  ou  trochanter  D'  (PI.  IX,  fig . 15). 

11  suit  de  là  que  la  portion  externe  du  chapiteau  aurait  dû  rester  à 
l’état  de  tubérosité;  mais  comme  elle  se  trouve  en  contact  avec  la  saillie 
anlilrochantérienne,  elle  conserve  encore  la  conformation  articulaire  sur  la 
portion  correspondante  de  sa  surface,  c’est-à-dire  en  dehors  et  en  arrière  de 
la  tête,  tandis  que  la  portion  antérieure  et  externe  présente  l’état  de  tubé- 
rosité. La  tête  est  séparée  du  reste  de  l’os  par  un  col  dû  aux  frottements 
du  rebord  de  l’acétabulum.  Le  col  est  articulaire  dans  sa  moitié  supérieure, 
il  est  rugueux  dans  sa  moitié  inférieure,  ce  qui  prouve  bien  que  la  confor- 
mation articulaire  n’est  pas  quelque  chose  de  primordial,  mais  quelle  se 
transporte  et  se  produit  là  où  il  y a des  frottements  interosseux.  11  résulte  de 
là  ce  fait  important,  sur  lequel  j’insiste,  que  la  tôle  du  fémur  de  l’Oiseau 
n’est  pas  une  production  osseuse  spéciale  nouvelle,  distincte  du  reste  de  l’os, 
et  appartenant  à un  plan  spécial  de  construction  de  l’os,  mais  quelle  n’est 
simplement  qu’un  angle  du  chapiteau  qui  a acquis  une  conformation  articu- 
laire et  un  développement  plus  prononcé,  parce  que  cet  angle  s’est  trouvé 
être  le  point  du  fémur  sur  lequel  s’opéraient  les  frottements  entre  cet  os  et 
l acétabulum  de  la  ceinture. 

Une  preuve  intéressante  et,  je  crois,  non  encore  signalée,  de  la  vérité  de 
ce  que  j’avance,  se  trouve  dans  l’existence  du  ligament  rond  ou  ligament 
interne  de  l’articulation.  Ce  ligament,  qui  part  de  l’extrémité  de  la  tête  du 


590  — 


fémur,  va  réellement  s’unir  aux  ligaments  périarliculaires,  et  n'est  qu’un 
faisceau  du  ligament  périarliculaire  attaché  à l’angle  interne  du  chapiteau,  et 
qui,  d’abord  extérieur  à la  cavité  articulaire  (Crocodilien),  est  devenu  intérieur 
parce  que  cet  angle  interne  du  chapiteau,  s’étant  enfoncé  dans  l’acétabulum, 
a acquis  toutautour  du  ligament,  c’est-à-dire  même  à la  face  inférieure  du 
chapiteau,  la  conformation  articulaire.  Il  est  remarquable  en  effet  que  ni  les 
Amphibiens,  ni  les  Sauriens,  ni  les  Chéloniens,  ni  les  Crocodiliens,  ne  pré- 
sentent un  semblable  ligament,  tandis  que  nous  le  trouvons  chez  tous  les 
Oiseaux  et  chez  tous  les  Mammifères.  C’est  que,  chez  les  premiers,  la 
surface  supérieure  seule  du  chapiteau  devient  articulaire  en  formant  une 
saillie  qui  varie  de  situation,  d’étendue,  de  développement  et  même  de  direc- 
tion, tandis  que  chez  les  derniers  la  conformation  articulaire  dépasse  le 
sommet  de  la  saillie  interne  du  chapiteau  pour  envahir  même  une  portion 
de  la  face  inférieure  et  déborder  ainsi  la  zone  des  insertions  ligamen- 
teuses. 

Au  reste,  l’on  trouve  chez  les  Crocodiliens  une  preuve  irréfutable  de  ce 
qui  précède.  On  sait  en  effet  que  chez  ces  animaux  le  fond  et  la  portion 
antérieure  de  l’acétabulum  ne  sont  pas  articulaires.  Or,  c’est  dans  le 
secteur  antéro-inférieur  de  celte  portion  non  articulaire  de  l’acétabulum  que 
s’insèrent  des  ligaments  capsulaires  qui  se  rendent  à l’extrémité  antérieure  du 
chapiteau  fémoral.  Mais  précisément  les  ligaments  ronds  des  Mammifères 
et  des  Oiseaux  émanent  de  l’arrière-fond  osseux  ou  membraneux  de  la  cavité 
cotyloide,  qui  représente  exactement  le  secteur  sus-désigné  de  la  portion 
non  articulaire  de  l’acétabulum  des  Crocodiliens.  Il  y a donc  identité  d’origine 
et  de  destination  entre  le  ligament  rond  du  fémur  de  Mammifère  et  d’Oiseau 
et  les  ligaments  antérieurs  de  l’articulation  coxo-fémorale  de  Crocodile. 

D’ailleurs  Welcker 1 a démontré  que  chez  le  fœtus,  soit  de  l’Homme,  soit 
des  Mammifères,  le  ligament  rond  est  relié  à la  capsule  articulaire  par  un 
véritable  repli  mésentérique  de  la  synoviale,  repli  qui  disparaît  de  très- 
bonne  heure  dans  l’embryon  humain,  qui  existe  chez  certains  animaux,  le 
Tapir  par  exemple,  jusqu’à  l’époque  de  la  naissance,  et  qui  persiste  chez  le 
Phoque,  même  à l’état  adulte.  Le  ligament  rond  n’est  donc  qu’un  faisceau 


II.  Welcker;  Arcltiv.  fvr  Anat.  v.  Entiviclel.  von  His  u.  Braune.  I87S,  HH  I 


591 


ligamenteux  plus  saillant  à l’intérieur  de  la  capsule  articulaire,  faisceau  qui 
devient  intérieur  par  suite  de  l’extension  de  la  surface  articulaire  au-delà  de 
la  limite  des  insertions  ligamenteuses.  Ce  fait  me  parait  avoir  une  importance 
signalée  pour  la  détermination  de  la  valeur  des  surfaces  articulaires  et  tro- 
chantériennes. 

Avant  d’abandonner  le  fémur  d’Oiseau,  je  tiens  à faire  remarquer  que, 
tandis  que  chez  les  Chéloniens  la  direction  de  la  tête  fémorale  correspondait 
à la  face  d’extension  ou  face  convexe  de  l’os,  chez  l’Oiseau  la  direction  de 
la  tête  correspond  au  bord  interne  et  postérieur  de  l’os,  c’est-à-dire  presque 
à la  face  de  flexion.  Cela  vient  de  ce  que  le  fémur  d’Oiseau  s’est  mis  en 
relation  avec  l’acétabulum  par  sa  face  interne  et  un  peu  postérieure,  c’est- 
à-dire  que  le  membre  postérieur  d’Oiseau,  en  exécutant  une  rotation  en  de- 
dans, s’est  rapproché  du  plan  vertébro-sternal,  auquel  il  est  devenu  parallèle, 
tandis  que  le  fémur  des  Chéloniens  a conservé  une  situation  presque  trans- 
versale. 

Les  changements  de  situation  et  de  direction  de  la  tête  du  fémur  dans 
la  série  animale  dépendent  donc  des  variations  que  les  déplacements 
consécutifs  de  l’os  apportent  dans  ses  relations  avec  la  cavité  de  la  ceinture. 

Chez  les  Mammifères,  la  même  loi  se  confirme  dans  tous  les  cas.  Le  fé- 
mur, ayant  subi  une  rotation  sur  son  axe  de  90°  environ  pour  porter  en 
avant  la  saillie  du  genou,  se  trouve  en  contact  avec  la  cavité  cotyloïde  par 
l’extrémité  antérieure  primitive  du  chapiteau.  Cette  extrémité,  modifiée  et 
développée  en  surface  articulaire,  constitue  une  tête  dirigée  en  dedans  et 
dont  l’axe  se  trouve  dans  le  même  plan  que  l’axe  de  l’extrémité  condy- 
lienne  (PI.  VIH,  fig.  15,  15';  PI.  IX,  fig.  2,  4,  5,  8,  10,  13).  La  con- 
formation articulaire,  s’étendant  au-dessous  de  l’extrémité  interne  du  cha- 
piteau, englobe  le  ligament  interne,  qui  devient  ligament  rond.  L’extrémité 
externe  du  chapiteau  reste  à l’état  de  tubérosité  et  forme  ce  qu’on 
appelle  le  grand  trochanter.  Cette  conformation  se  trouve  chez  tous  les 
Mammifères,  avec  des  degrés  plus  ou  moins  marqués  d’allongement  du 
col  suivant  que  la  cavité  cotyloïde  est  plus  ou  moins  profonde.  C’est  que 
chez  tous  les  Mammifères  le  fémur  se  met  en  rapport  avec  l’os  iliaque  par 
la  même  portion  de  son  chapiteau  terminal. 

Quant  à l’humérus,  il  y a chez  les  Mammifères  des  variations  assez  pronon- 

50 


— 5 92  — 


çées  quant  à la  situation  de  la  tête.  Ces  différences  ne  tiennent  nullement  à 
un  degré  plus  ou  moins  considérable  de  torsion  de  l’humérus,  mais  simple- 
ment à la  nature  des  relations  de  l'humérus  et  de  l’omoplate.  L’humérus 
conservant  chez  tous  les  Mammifères  une  même  situation  absolue  telle  que, 
l’axe  de  la  trochlée  étant  transversal,  la  saillie  du  coude  se  trouve  postérieure, 
c’est  la  situation  de  l’omoplate  qui  varie  par  rapport  à l’humérus.  Chez 
l’Homme  et  chez  les  Anthropoïdes,  le  plan  de  l’omoplate  est  à peu  près 
parallèle  au  plan  transversal  du  corps,  et  la  cavité  glénoïde  regarde  en  de- 
hors. Il  en  résulte  que  l'humérus,  étant  compris  dans  un  plan  parallèle  au 
plan  verlébro-sternal,  ne  peut  se  mettre  en  relation  avec  la  cavité  glénoïde 
que  par  la  partie  interne  du  chapiteau.  La  tête  de  l’humérus  est  donc  dirigée 
en  dedans  et  est  formée  par  la  portion  interne  du  chapiteau,  tandis  que 
la  portion  externe  forme  la  tubérosité  ou  grand  trochanter  (PL  IX,  fig.  6, 
1 1).  La  portion  inlerneest  plus  considérable  que  la  portion  externe.  De  plus, 
cette  portion  interne,  qui  forme  la  tête,  n’est  autre  que  X extrémité  postérieure 
primitive  du  chapiteau,  tandisque  pour  le  fémur  la  tête  est  formée  par  l'extré- 
mité antérieure  primitive.  Le  mouvement  de  rotation  en  sens  opposé  subi 
par  les  deux  os  rend  parfaitement  compte  de  ce  fait.  Il  n’y  a donc  rien  d’éton- 
nant  à ce  que  les  deux  têtes  osseuses  soient  dirigées  en  sens  inverse  lorsque 
les  deux  os  sont  placés  parallèlement  l’un  à l’autre,  c’est-à-dire  dans 
leur  situation  réciproque  primitive. 

Mais,  tandis  que  dans  le  fémur  les  deux  portions  du  chapiteau  se  sépa- 
raient nettement  et  en  portion  égales  : portion  capitulaire  et  portion  luber- 
culaire,  la  division  dans  l’humérus  se  fait  inégalement  et  comprend  pour 
la  portion  la  moins  étendue  la  grande  tubérosité,  et  pour  l’autre  part,  plus 
considérable,  la  tête  et  la  petite  tubérosité  (PL  IX,  fig.  10  et  1 1).  Je  don- 
nerai plus  tard  l’explication  de  ce  fait.  Mais  il  est  un  autre  fait  qui  demande 
aussi  une  explication.  Pourquoi  n’y  a-t-il  pas  de  ligament  rond  interarticu- 
laire dans  l’articulation  scapulo-humérale?  L’examen  delà  tête  de  l’humérus, 
dont  la  surface  articulaire  atteint  la  surface  inférieure  du  chapiteau,  pourrait 
autoriser  à penser  qu’un  ligament  rond  aurait  dû  exister.  II  est  vrai  que  Wel- 
cker’  a signalé  sur  la  face  interne  de  la  capsule  articulaire  une  bride  fibreuse 


Loc  cil. 


393  — 


saillante,  étendue  de  l’extrémité  supérieure  de  la  cavité  glénoïde  à la  partie  infé- 
rieure du  col  anatomique  de  l’os,  et  qui  pourrait  représenter  là  le  ligament 
rond.  Cela  peut  être  admis;  il  n’en  reste  pas  moins  à expliquer  pour- 
quoi ce  ligament  n’est  point  resté  intra-articulaire,  et  il  me  semble  qu’on 
peut  trouver  une  première  raison  de  ce  fait  dans  l’étendue  très-grande  en  tous 
sens  des  mouvements  de  l’humérus,  étendue  bien  supérieure  à celle  du 
fémur,  qui  chez  tous  les  Mammifères  est  surtout  appelé  à se  mouvoir  dans  un 
plan  parallèle  au  plan  vertébro-sternal.  Une  seconde  raison,  et  d’une  valeur 
incontestable,  peut  êlre  tirée  de  ce  que  la  tête  humérale  est  loin  de  repré- 
senter, par  rapport  à la  sphère,  une  surface  articulaire  aussi  étendue  que  la 
tête  du  fémur,  et  qu’on  peut  penser  avec  raison  que  la  conformation  articu- 
laire n’a  point  dépassé  inférieurement  la  limite  d’insertion  des  ligaments. 
Enfin,  une  troisième  raison  non  moins  valable  doit  être  déduite  de  ce  que 
la  cavité  glénoïde  est  loin  de  représenter  un  acétabulum  aussi  profond  que 
la  cavité  cotyloide,  et  aussi  susceptible  d’englober  un  faisceau  saillant  des 
ligaments  articulaires. 

Il  est  en  effet  à remarquer  que  chez  beaucoup  d’animaux  (Tapir.  Cheval) 
le  ligament  rond  s’insère  sur  la  tête  du  fémur  dans  une  fossette  non  articu- 
laire qui  se  relie  avec  la  face  inférieure  du  col  par  une  gouttière  également 
non  articulaire,  qui  est  parfois  d’une  largeur  considérable  (PI.  IX,  fig.  2,8). 
Cette  gouttière  représente  une  partie  non  encore  envahie  par  la  modification 
articulaire  de  la  surface  du  chapiteau.  Elle  se  rétrécit  et  disparaît  progres- 
sivement selon  les  espèces,  et  est,  chez  les  petits  Ruminants  et  chez  l’Homme, 
entièrement  effacée  et  réduite  à la  fossette  d'insertion  du  ligament  rond.  On 
est  ainsi  conduit,  par  degrés,  de  la  situation  périphérique  et  capsulaire  du  liga- 
ment rond  à sa  situation  centrale  et  intra-capsulaire,  et  on  retrouve  là  des 
témoins  et  des  preuves  de  l’englobement  progressif  de  la  zone  d’insertion  des 
ligaments  dans  la  cavité  articulaire.  Ces  témoins  n’existent  pas  pour  l’hu- 
mérus et  indiquent  par  leur  défaut  que  cette  zone  n’a  point  été  envahie 
et  dépassée  sur  cet  os  par  la  marche  progressive  des  surfaces  d’articulation. 

Chez  les  Singes  non  anthropoïdes  et  chez  les  Mammifères  quadrupèdes, 
l’omoplate  est  descendue  sur  les  côtés  de  la  cage  thoracique  ; son  plan  est 
devenu  parallèle  au  plan  vertébro-sternal,  et  la  cavité  glénoïde  regarde  en 
bas  et  en  avant.  L’humérus,  ayant  conservé  sa  situation  générale  parallèle 


— 394  — 


au  plan  vertébro-sternal,  ne  peut  être  en  contact  avec  elle  que  par  une  tête 
regardant  en  haut  et  en  arrière , c’est-à-dire  perpendiculaire  à l’axe  de  la 
trocldée,  qui  est  transversal.  Elle  ne  répond  plus,  comme  chez  l’Homme, 
au  bord  interne  de  l’humérus,  mais  à sa  face  postérieure  et  convexe.  La  tête 
est  formée,  comme  chez  l’Homme,  par  la  portion  postérieure  primitive  du 
chapiteau,  mais  elle  se  développe  plus  que  chez  l’Homme  sur  la  région  pour 
ainsi  dire  intermédiaire  du  chapiteau,  entre  les  deux  extrémités  (PI.  IX, 
fig . 1,  5,  7,  9,  12).  La  portion  postérieure  primitive  du  chapiteau  forme  la 
petite  tubérosité  ou  trochin  D,  plus  la  plus  grande  partie  de  la  tête;  la  portion 
antérieure  répond  à la  grande  tubérosité  plus  le  reste  de  la  tête  C. 

Si  nous  comparons  donc  l’humérus  au  fémur,  chez  l’Homme  et  chez  les 
Mammifères,  nous  voyons  que  le  trochanter  du  fémur  répond  au  trochin  de 
l’humérus,  plus  une  portion  variable , mais  très-importante,  de  la  tête,  et 
que  la  tête  du  fémur  représente  le  trochiter,  plus  une  portion  variable,  mais 
très-faible,  de  la  tête  de  l’humérus  (PI.  IX,  fig.  5 et  6,  11  et  10,  1 et  2, 
5 et  4,  7 et  8,  9 et  10,  12  et  15).  La  différence  entre  l’Homme  et  les 
Mammifères  à cet  égard  consiste  dans  les  différences  des  parts  de  la  tête 
humérale  qui  correspondent  au  grand  trochanter  on  à la  tête  du  fémur. 
Chez  l’Homme  (PL  IX,  fig.  3 et  6,  1 1 et  10),  la  part  de  la  tête  humérale 
répondant  au  trochanter  fémoral  est  plus  considérable  que  chez  les  Qua- 
drupèdes en  général  (PL  IX,  fig.  1 et  2,  5 et  4,  9 et  10,  12  et  15),  et 
l’on  peut  même  dire  que  la  tête  humérale  appartient  tout  entière  au  tro- 
chanter fémoral.  Il  y a,  du  reste,  des  différences  notables  à cet  égard  entre 
les  divers  Mammifères  eux-mêmes.  On  peut  en  juger  en  comparant  les  fig. 
14,  14'  PL  VIII  avec  les  fig.  9 et  12.  Cela  tient  à ce  que  la  tête  humérale, 
se  développant  sur  un  point  du  chapiteau  qui  est  intermédiaire  aux  deux 
extrémités,  empiète  plus  ou  moins  sur  l’une  de  ces  extrémités  suivant  que 
l’humérus  se  met  en  rapport  avec  la  cavité  glénoïde  par  tel  ou  tel  point  du 
bord  externe  primitif  de  son  chapiteau. 

Chez  les  Chéiroptères  (PL  IX,  fig.  1 6 , 16' et  17,  17'),  la  tête  de  l’hu- 
mérus comme  celle  du  fémur  se  développent  sur  la  région  médiane  du 
chapiteau  et  correspondent  l’une  et  l’autre  à la  face  convexe  de  l’humérus  et 
du  fémur.  Les  têtes,  étant  développées  sur  la  partie  médiane  du  chapiteau, 
se  trouvent  placées  entre  les  deux  extrémités  du  chapiteau  qui  constituent 


— 595  - 


des  tubérosités.  11  résulte  de  là  que  les  têtes  sont  exactement  homologues, 
tandis  que  les  tubérosités  se  correspondent  inversement,  l’antérieure  de 
l’humérus  représentant  la  postérieure  du  fémur,  et  réciproquement. 

Dans  tous  les  cas,  la  partie  de  l’humérus  qui  porte  la  surface  articulaire 
se  développe  dans  le  sens  des  mouvements  et  devient  volumineuse  ; aussi 
arrive-t-il  chez  les  Mammifères  dont  le  scapulum  est  placé  verticalement, 
dont  la  cavité  glénoïde  regarde  directement  en  bas  et  dont  les  mouvements 
articulaires  sont  peu  étendus,  que  la  tête  humérale  est  réellement  terminale  et 
ne  présente  pas  pour  ainsi  dire  de  direction  déterminée  et  de  développement 
excentrique;  c’est  ce  que  l’on  observe,  par  exemple,  chez  les  Éléphants,  qui 
ont  des  mouvements  assez  bornés  dans  l’articulation  scapulo  humérale. 

Enfin,  non-seulement  les  surfaces  articulaires  se  déplacent  suivant  l’ani- 
mal que  l’on  considère,  mais  elles  subissent  encore  des  changements  de 
situation  avec  lage  et  les  progrès  du  développement;  leur  situation  et  leur 
direction  dépendent  complètement  de  la  position  réciproque  des  deux  os 
articulés.  Ainsi,  chez  le  fœtus  humain,  dont  le  scapulum  est,  par  rapport  à 
l'humérus,  dans  une  situation  intermédiaire  entre  ce  que  l’on  observe  chez 
l’Homme  adulte  et  chez  les  Mammifères  quadrupèdes,  la  tête  humérale  se 
rapproche  beaucoup  de  la  face  convexe  de  l’humérus.  A cet  âge,  d’ailleurs, 
le  bras  n’a  subi  qu’incomplétement  le  mouvement  de  rotation  qui  porte  la 
saillie  du  coude  en  arrière,  et  ce  n’est  qu’à  mesure  que  l’angle  de  rotation 
s’accroît,  qu  a mesure  que  l’humérus  se  porte  sur  les  parties  latérales  du  thorax 
et  que  l’omoplate  se  retire  dans  la  région  dorsale  et  devient  transversale  ; ce 
n’est,  dis-je,  qu’à  mesure  que  s’opèrent  ces  divers  changements  que  la  tête 
humérale  se  développe  de  plus  en  plus  vers  le  côté  interne  de  l’os,  qui  de- 
vient le  seul  côté  par  lequel  l’humérus  puisse  être  en  contact  avec  une  cavité 
glénoïde  qui  regarde  directement  en  dehors. 

C’est  ainsi  que  s’expliquent  d’une  manière  toute  simple,  toute  naturelle  et 
toute  physiologique,  ces  différences  et  ces  variations  dans  la  direction  de 
l’axe  de  la  tête  de  l’humérus,  différences  et  variations  dont  la  réalité  n’est 
point  douteuse,  et  qui,  constatées  et  mesurées  par  Gegenbaur,  ont  paru 
fournir  à la  théorie  de  la  torsion  son  argument  le  plus  sérieux  et  le  moins 
métaphysique. 

C’est  encore  par  des  considérations  semblables  que  s’explique  facilement 


— 59G  — 

la  différence  de  situation  de  la  tète  humérale  chez  le  nègre  et  chez  le 
blanc. 

11  me  serait  facile  de  donner  des  preuves  nombreuses  de  ces  déplacements 
des  surfaces  articulaires  avec  les  changements  de  situation  des  os  en  pré- 
sence. Je  me  bornerai  à en  rapporter  quelques-uns  seulement.  Je  citerai 
d’abord  les  déformations  elles  déplacements  de  la  trochlée  humérale,  suivant 
les  changements  de  situation  des  deux  os  de  l’avant-bras  par  rapport  à l’hu- 
mérus. 

Chez  l’Homme  (PI.  IX,  fig.  6)  et  la  plupart  des  Singes,  dont  le  cubitus 
est  placé  au  niveau  de  l’articulation  du  coude  en  dedans  du  radius,  et  t,ur 
le  même  plan,  le  fond  de  la  gorge  de  la  trochlée  est  situé  en  dedans  d'un 
plan  antéro-postérieur  qui  passerait  par  l’axe  de  l’humérus.  La  lèvre  interne 
de  la  trochlée  est  étroite  et  tranchante.  Le  condyle  destiné  au  radius  est 
large  et  étendu. 

Chez  les  Carnivores,  dont  les  os  de  l’avant-bras  sont  dans  une  pronation 
modérée  et  dont  la  tête  du  radius  devient  légèrement  antérieure  à l’extré- 
mité supérieure  du  cubitus,  le  fond  de  la  gorge  de  la  trochlée  est  à peu  près 
dans  le  plan  antéro-postérieur  passant  par  l’axe  de  l’humérus;  la  lèvre  in- 
terne de  la  trochlée  s’est  élargie  et  le  condyle  est  encore  assez  développé. 

Chez  l’Ours,  dont  les  deux  os  de  l’avant-bras  sont  dans  une  pronation 
moins  prononcée  que  chez  les  Carnivores  proprement  dits,  la  disposition 
des  surfaces  articulaires  est  intermédiaire  entre  celle  de  l’Homme  et  celle  de 
ces  derniers  animaux.  Ainsi,  le  fond  delà  trochlée  est  encore  un  peu  en 
dedans  du  plan  passant  par  l’axe  de  l’humérus. 

Chez  les  Pachydermes  tels  que  le  Tapir  (PI.  IX,  fig.  1),  où  le  déplace- 
ment des  os  de  l’avant-bras  s’est  accentué  dans  le  sens  de  la  pronation,  de 
telle  sorte  que  le  radius  est  devenu  antérieur  et  le  cubitus  postérieur,  le  fond 
de  la  gorge  est  en  dehors  du  plan  passant  par  l’axe  de  Los.  La  lèvre  interne 
de  la  trochlée  s’est  fortement  élargie  et  forme  une  surface  cylindrique  des- 
tinée à la  tubérosité  ou  condyle  interne  du  radius.  La  surface  condylienne 
de  l’humérus  a perdu  sa  saillie  et  est  devenue  fort  étroite;  elle  n’est  plus 
en  rapport  qu’avec  la  tubérosité  externe  du  radius. 

Chez  les  Ruminants  (PL  IX,  fuj.  5)  et  les  Solipèdes,  où  le  radius  est  de- 
venu antérieur  et  même  interne  par  rapport  au  cubitus,  la  trochlée  est 


— 397  — 


devenue  externe.  La  lèvre  interne  s’est  fort  élargie  et  la  surface  condylienne 
de  l’humérus  est  très-rélrécie  et  presque  effacée. 

Ces  faits  sont  susceptibles  de  démontrer  que  les  surfaces  articulaires  se 
modifient,  se  transportent,  s’effacent,  s’accroissent  suivant  la  situation  réci- 
proque des  os  qu’elles  relient..  La  lèvre  interne  de  la  trochlôe,  d’abord  étroite 
et  tranchante  quand  elle  est  en  rapport  avec  le  cubitus,  s’élargit  et  prend  une 
forme  cylindrique  quand  elle  se  trouve  en  présence  du  radius.  Elle  devient 
alors  X analogue  et  non  l 'homologue  du  condyle  huméral  de  l’Homme,  des 
Singes  et  des  Carnivores,  tout  en  restant  située  sur  le  côté  opposé  au  condyle 
de  l’extrémité  humérale. 

Ces  faits  pourraient  démontrer  encore  que  les  portions  articulaires  des 
os  acquièrent  un  volume  proportionné  à l'activité  et  à l’étendue  des  mou- 
vements dont  ils  sont  le  siège.  Mais  il  est  des  preuves  plus  frappantes  de  ce 
phénomène.  Il  est  remarquable  en  effet  que,  pour  une  même  articulation, 
le  sens  des  saillies  articulaires  est  toujours  en  rapport  avec  le  sens  des  plus 
grands  mouvements  : la  saillie  postérieure  descondyles  fémoraux  et  la  saillie 
antérieure  des  éminences  trochléennes  du  coude  le  montrent  suffisamment. 
Mais,  de  plus,  l’examen  de  la  même  saillie  articulaire  considérée  chez  divers 
représentants  de  la  série  animale,  conduit  aux  mêmes  résultats.  Ainsi,  chez 
l’Éléphant,  l’articulation  du  genou  n’est  le  siège  que  d’une  flexion  modérée 
pendant  la  marche,  ces  animaux  ayant  des  membres  en  colonne , dont  les 
mouvements  se  passent  surtout  dans  l’articulation  coxo-fémorale.  Aussi 
remarque- t-on  que  les  saillies  condyliennes  postérieures  du  fémur  sont  à 
peu  prèsnulles. 

Chez  les  Cétacés,  où  les  mouvements  du  coude  sont  supprimés,  les  saillies 
trochléennes  sont  absentes  ; mais,  par  contre,  la  tête  humérale  forme  une 
saillie  considérable,  parce  que  c’est  l’articulation  scapulo-humérale  qui  est 
le  siège  exclusif  des  mouvements  du  membre. 

Chez  les  Sirénides  (Dugong,  Lamantin),  on  trouve  une  disposition  des  os 
du  bras  et  de  l’avant-bras  intermédiaire  entre  celle  qu’on  observe  chez  les 
Cétacés  et  celle  des  Mammifères  terrestres  ordinaires.  Les  mouvements  du 
coude  existent,  mais  à un  faible  degré;  les  mouvements  de  l’articulation 
scapulo-bumérale  sont  très-étendus.  Aussi  y a-t-il  une  tête  humérale  très- 
volumineuse  et  presque  aussi  sphérique  que  celle  du  fémur  des  Mammifères 


- 598  - 

terrestres,  tandis  que  la  saillie  antérieure  de  l’extrémité  iroehléenne  de 
l’humérus  est  à peine  indiquée. 

Tous  ces  faits  et  bien  d’autres  encore  viennent  appuyer  les  considérations 
et  les  principes  à l’aide  desquels  j’ai  éclairé  le  mode  de  formation  des  têtes 
humérale  et  fémorale.  Ils  nous  permettent  d’établir  : 

1°  Que  les  surfaces  articulaires  se  forment  et  se  développent  sur  les 
points  où  les  os  sont  en  contact  et  changent  par  conséquent  de  position  quand 
les  os  changent  de  situation  réciproque  ; 

2°  Que  les  saillies  articulaires  se  forment  et  se  développent  dans  le  sens 
des  mouvements  articulaires  et  en  proportion  de  l’importance  et  de  l’étendue 
de  ces  mouvements  ; 

5°  Que  la  tête  du  fémur  et  la  tête  de  l’humérus  doivent  se  trouver  dans 
des  points  différents  des  deux  os  et  affecter  des  directions  différentes  quand 
les  deux  os  se  trouvent  en  rapport  avec  les  ceintures  par  des  points  et  dans 
des  directions  différentes; 

4°  Que  les  surfaces  articulaires  prennent  la  forme  de  têtes  arrondies  par 
suite  d’un  développement  exagéré  de  la  substance  osseuse  ; elles  se  trouvent 
rattachées  à l’os  et  au  reste  du  chapiteau  par  des  portions  d’os  qui,  n’étant 
pas  articulaires,  n’ont  point  participé  au  développement  exagéré  de  la  tête. 
Ces  portions  étroites  et  plus  ou  moins  longues  constituent  les  cols. 

Ce  mode  de  formation  des  têtes  articulaires  de  l’humérus  et  du  fémur  nous 
conduit  à une  conception  spéciale  de  ce  que  l’on  désigne  sous  le  nom  de 
trochanters.  Les  trochanters  ou  tubérosités  supérieures  de  ces  os  sont  les 
portions  du  chapiteau  qui  ont  été  laissées  en  dehors  des  surfaces  articu- 
laires et  des  cols.  Ces  trochanters  ont  une  surface  rugueuse,  mamelonnée, 
sur  laquelle  s’insèrent  les  tendons  des  muscles  périar  ticulaires.  Il  résulte  des 
différences  déjà  établies  entre  les  lieux  d’implantation  des  cols  et  de  la 
tête  dans  l’humérus  et  le  fémur,  que  les  trochanters  ne  correspondent  pas 
dans  les  deux  os  à des  portions  identiques  des  chapiteaux.  Le  grand  tro- 
chanter de  l’humérus  correspond  en  effet  à la  portion  antérieure  primitive 
du  chapiteau  ; le  grand  trochanter  du  fémur,  au  contraire,  représente  la 
portion  postérieure  primitive.  Ces  deux  saillies  ne  sont  donc  pas  réellement 
homologues;  mais  comme  les  insertions  des  muscles  périarticulaires  sont 
refoulées,  repoussées  des  surfaces  qui  deviennent  articulaires  et  se  réfugient 


— 599  — 


pour  ainsi  dire  sur  les  trochanters,  il  en  résulte  que  les  muscles  homologues 
des  deux  ceintures  s’insèrent  sur  des  tubérosités  qui  sont  analogues,  mais 
non  homologues.  Ceci  explique  pourquoi,  dans  l’élude  du  système  muscu- 
laire, quand  je  me  suis  occupé  de  la  comparaison  des  muscles  trochanlé- 
riens  des  deux  ceintures,  je  me  suis  servi,  pour  désigner  leurs  insertions, 
du  terme  général  de  tubérosités. 

11  y a du  reste  une  autre  raison  à cette  manière  de  procéder.  On  distin- 
gue en  anatomie  deux  trochanters  pour  l’humérus:  le  grand  ou  trochiter,  et  le 
petit  ou  trochin  ; on  distingue  également  au  fémur  deux  trochanters  : le 
grand  ou  trochanter  proprement  dit,  et  le  petit  ou  trochantin.  Deux  opi- 
nions régnent  sur  les  homologies  de  ces  trochanters  entre  eux.  Pour  les 
uns,  le  trochanter  est  l’homologue  du  trochiter,  le  trochantin  est  l’homolo- 
gue du  trochin.  Les  anatomistes  qui  partagent  cette  manière  de  voir  la  basent 
généralement  sur  les  considérations  de  forme,  de  volume  et  surtout  sur  les 
insertions  musculaires.  Sur  les  grands  trochanters  des  deux  os  s’insèrent 
en  effet  des  muscles  homologues  (fessiers  d’une  part,  sus  et  sous-épineux, 
petit  rond  de  l’autrej.  Sur  les  petits  trochanters  s’insèrent  aussi  des  muscles 
considérés  comme  homologues  (iliaque  d’une  part,  sous-scapulaire  de  l’autre). 

Pour  d’autres  anatomistes,  le  grand  trochanter  de  l’humérus  représente 
le  petit  trochanter  du  fémur,  et  réciproquement.  C’est  ià  l’opinion  professée 
dans  la  Thèse  de  M.  Lannegrace,  que  j’ai  déjà  eu  l’occasion  de  citer.  Cette 
manière  de  voir  se  base,  comme  la  première,  sur  la  considération  des  inser- 
tions musculaires.  Pour  M.  Lannegrace,  dans  la  série  des  Vertébrés,  ce 
sont  toujours  des  muscles  'parfaitement  similaires  qui  s’insèrent  sur  les 
tubérosités  de  l’humérus  et  du  jémur.  Je  dois  ajouter  que  pour  notre 
jeune  et  distingué  confrère  l’iliaque  répond  aux  muscles  sus-épineux,  sous- 
épineux  et  petit  rond,  tandis  que  la  masse  des  muscles  moyen  et  petit  fes- 
siers se  retrouve  dans  une  partie  du  sous-scapulaire.  Sans  m’arrêter  à discu- 
ter ces  assimilations,  que  M.  Lannegrace  avoue  d’ailleurs  devoir  paraître  un 
peu  étonnantes , examinons  quelle  est  la  valeur  et  la  signification  relative  des 
trochanters  de  l’humérus  et  du  fémur. 

Je  n’ai  nul  besoin  de  revenir  sur  les  grands  trochanters.  Nous  savons  bien 
qu’ils  ne  sont  pas  homologues,  mais  seulement  analogues.  Mais  voyons  ce 
qu’il  faut  penser  des  petits  trochanters,  c’est-à-dire  du  trochin  d’une  part  et 

51 


— 400  - 

du  trocliantin  de  l’autre.  C’est  ici  le  cas  de  relever  une  erreur  consacrée, 
comme  dans  bien  des  cas,  par  un  terme  impropre  qui  a jeté  sur  ce  sujet 
une  grande  confusion. 

Disons-le  dès  l’abord,  le  petit  trochanter  du  fémur  ou  trochantin  n’est 
pas  un  trochanter,  et  n’est  nullement  ni  l’homologue  ni  l’analogue  de  ce  que 
l’on  désigne  de  ce  nom  dans  l’humérus.  Recherchons  quelle  est  sa  signifi- 
cation. 

Si  nous  examinons  l’humérus  et  le  fémur  d’un  Batracien,  du  Bufo  tigri- 
«î/s  (PI.  Vlll,  fig.  1 et  2),  par  exemple,  ou  de  la  Rana  mugiens  (PI.  VIII, 
fig.  5 et  4),  nous  voyons  que  sur  la  face  antérieure  de  l’humérus  et  sur  la 
face  postérieure  du  fémur,  c’est-à-dire  sur  les  faces  internes  primitives  des 
deux  os,  s’élève  une  crête  rectiligne  AA',  qui,  naissant  au-dessous  du  cha- 
piteau, appartient  au  corps  de  l’os  et  s’étend  sur  le  milieu  de  la  face  corres- 
pondante jusqu’à  la  moitié  ou  au  tiers  inférieur  de  sa  longueur.  C’est  là  la 
ligne  âpre  de  l’humérus  et  du  fémur,  c’est-à-dire  une  crête  longitudinale 
d’insertion  pour  les  muscles  adducteurs  et  rotateurs  du  membre.  Celte  crête 
est  plus  ou  moins  prononcée,  suivant  l’espèce,  mais  elle  est  toujours  recon- 
naissable. 

Chez  les  Crocodiliens,  on  constate  les  mêmes  faits.  L’humérus  a sur  sa  face 
antérieure  ou  de  flexion,  face  interne  primitive,  au  niveau  du  tiers  supérieur, 
une  crête  importante  A (PI.  VIII,  fig.  7),  désignée  quelquefois,  à tort, 
comme  la  grande  tubérosité  de  l’humérus.  Celte  crête,  très-saillante,  n’ap- 
partient en  rien,  comme  les  tubérosités  proprement  dites  ou  trochanters, 
au  chapiteau  de  l’os  ; elle  est  une  dépendance  de  la  diaphyse,  et  c’est  sur  elle 
que  s’insèrent  les  muscles  adducteurs  et  rotateurs  du  membre  (grand  pecto- 
ral, obturateurs  coracoïdiens  et  scapulaires,  etc.).  Elle  ne  diffère  de  la  crête 
médiane  des  Batraciens  qu’en  ce  qu’elle  est  devenue  latérale  et  s’est  portée 
en  dehors,  c’est-à-dire  vers  le  bord  antérieur  primitif  du  membre,  par  sa 
portion  supérieure,  tandis  qu’elle  se  dirige  en  bas  vers  la  ligne  médiane.  Je 
donnerai  plus  loin  l’interprétation  de  ce  fait. 

La  face  postérieure  du  fémur  ou  face  de  flexion,  face  interne  primitive  de 
l’os,  présente  au  niveau  du  tiers  supérieur  de  l’os  une  saillie  longitudinale 
rugueuse  A'  (PL  VIII,  fig.  8),  donnant  insertion  à des  muscles  importants 


— 401 


(muscles  iliaques,  psoas,  fessiers,  etc.),  et  qui  représente  la  crête  médiane  du 
fémur  des  Batraciens,  avec  cette  différence  aussi  que  cette  crête  se  porte  en 
dedans,  c’est-à-dire  vers  le  bord  antérieur  primitif  de  l’os  par  son  extrémité 
proximale,  tandis  qu’elle  se  reporte  inférieurement  sur  la  ligne  médiane. 

Ces  deux  crêtes  d’insertion  occupent  donc  sur  l’humérus  et  sur  le  fémur 
de  Crocodile  des  situations  identiques,  appartiennent  l’une  et  l’autre  à la 
même  région  de  la  diaphyse  des  os,  et  sont  réellement  homologues  de  par 
l’inspection  seule  des  conformations  osseuses. 

Les  Sauriens  présentent  une  disposition  exactement  comparable  à celle 
des  Crocodiliens.  Chez  eux,  l’humérus  et  le  fémur  possèdent  sur  leur  face 
de  flexion  une  saillie  ou  crête  longitudinale  qui,  partant  en  bas  de  la  ligne 
médiane  de  la  face,  se  dirige  vers  le  bord  antérieur  primitif  de  l’os,  c’est-à- 
dire  vers  le  bord  externe  de  l’humérus  et  vers  le  bord  interne  du  fémur. 

Chez  les  Oiseaux,  même  disposition  avec  de  faibles  modifications.  Sur 
l’humérus,  crête  puissante  A (PI.  VIII,  fig.  10),  située  sur  le  bord  externe 
de  la  partie  supérieure  de  la  face  de  flexion  de  l’os.  Cette  crête,  dont  le  dé- 
veloppement considérable  est  en  relation  avec  la  puissance  des  muscles  du 
vol,  donne  insertion  aux  muscles  grand  pectoral  et  deltoïde:  c’est  la  crête 
pectoro-deltoïdienne.  Inférieurement,  elle  se  dirige  vers  la  ligne  médiane  de 
l’os. 

Sur  le  fémur,  il  n’y  a pour  ainsi  dire  pas  de  crête  correspondante  ; elle 
est  remplacée  par  une  insertion  musculaire  rugueuse  de  peu  d’étendue 
A'  (PI.  VIII,  fig.  1 1),  placée  sur  le  bord  interne  de  la  face  de  flexion  de  l’os. 
C’est  l’insertion  du  muscle  iliaque,  muscle  rudimentaire  chez  les  Oiseaux. 
Aux  muscles  puissants  de  la  crête  humérale  correspond  une  crête  puissante; 
aux  muscles  faibles  de  la  crête  fémorale  correspond  une  crête  effacée. 

Chez  les  Mammifères,  on  retrouve  des  dispositions  exactement  compara- 
bles aux  précédentes.  Sur  l’humérus  (PI.  IX,  fig.  1 et  3),  on  trouve  sur 
la  face  de  flexion  et  vers  le  bord  externe  (bord  antérieur  primitif)  une  crête 
saillante  A,  dirigée  obliquement  en  haut  et  en  dehors:  c’est  la  crête  ou  em- 
preinte pectoro-deltoïdienne,  sur  laquelle  une  saillie  plus  prononcée  est  des- 
tinée spécialement  au  deltoïde. 

Sur  le  fémur  (PI. IX, 2,  4,  5,  PI.  VIII,  fig.  15),  on  trouve  également  sur 
la  face  de  flexion  et  vers  le  bord  interne  ou  antérieur  primitif  de  l’os  une 


— 402 


saillie  oblique  eu  haut  et  en  dedans,  dont  une  portion  forme  supérieurement 
une  saillie  plus  prononcée  A'.  Celte  saillie  est  spécialement  destinée  à l’inser- 
tion du  grand  psoas  et  de  l’iliaque:  elle  est  connue  sous  le  nom  de  petit 
trochanter  du  fémur  ou  trochantin.  Mais  l’élude  qui  précède  suffit  à démon- 
trer que  Celle  éminence  n’appartient  pas  au  chapiteau  de  l’os,  qu’elle  dépend 
du  corps  ou  diaphyse  de  l’os,  qu’elle  ne  saurait  être  assimilée  au  trochanter  ; 
mais  qu’elle  est  réellement  X homologue  direct  de  la  crête  deltoïdienne  de 
! humérus. 

Chez  l’Homme,  même  disposition,  mais  avec  celte  modification  que  la 
crête  deltoïdienne  est  simplement  remplacée  par  une  simple  empreinte 
A (PI.  IX,  fig.  6). 

Le  petit  trochanter  fémoral  n’est  donc  pas  un  trochanter,  et  il  faut  rejeter 
celte  dénomination,  qui  n’a  pas  peu  contribué,  comme  tous  les  noms  im- 
propres, à créer  des  confusions  et  à provoquer  des  assimilations  fausses  et 
trompeuses.  Il  convient  de  lui  donner  plutôt  le  nom  d 'empreinte  ou  crête 
du  psoas-iliaque,  de  même  que  son  homologue  sur  l’humérus  se  nomme 
empreinte  ou  crête  deltoïdienne  ou  pectoro-deltoïdienne. 

La  similitude  du  petit  trochanter  du  fémur  avec  la  crête  deltoïdienne  de  l’hu- 
mérus est  extrêmement  frappante  lorsque,  débarrassé  des  idées  préconçues 
causées  par  la  fausse  dénomination  de  trochantin,  on  place  un  humérus  et 
un  fémur  parallèlement  l’un  à l’autre,  vus,  soit  par  leur  face  de  flexion  ou 
faces  internes  primitives,  comme  en  fig.  1 et  2,  5 et  4-  (PI.  IX), soit  par  leurs 
faces  antérieures  primitives,  comme  fig.  7 et  8.  Dans  ce  dernier  cas,  la  forme 
en  Y des  deux  empreintes  A,  A',  a quelque  chose  de  très-identique  dans  les 
deux  os,  l’ouverture  du  V étant  tournée  en  haut  et  embrassant,  pour  le  fémur, 
l’origine  du  col  et  delà  tête,  et,  pour  l’humérus,  la  base  du  grand  trochanter 
et  une  portion  de  la  tête,  qui  sont,  nous  l’avons  déjà  vu,  les  homologues  de 
la  tête  et  du  col  fémoral. 

Les  Chéloniens  apportent  aux  propositions  qui  précèdent  un  appui  d’une 
très-grande  valeur.  Nous  avons  constaté  que  ces  animaux  présentent  cette 
particularité  que  leurs  membres  antérieur  et  postérieur  diffèrent  très-peu 
l’un  de  l’autre,  le  membre  antérieur  se  rapprochant  par  sa  direction  et  sa 
disposition  d’un  membre  postérieur,  tandis  que  le  membre  postérieur 
présente  des  points  de  ressemblance  avec  les  membres  antérieurs.  Nous  avons 


— 405 


aussi  vu  que  l’humérus  et  le  fémur  se  mettaient  en  contact  avec  les  cavités 
articulaires  des  ceintures  par  des  points  identiques  de  leurs  chapiteaux. 
11  en  résulte  qu’en  comparant  ces  deux  os  (PI.  Y11I,  fig.  5 et  6),  la  tête  C 
de  l’humérus  formée  par  la  portion  antérieure  primitive  du  chapiteau  est 
homologue  de  la  tête  C'  du  fémur,  et  que  la  tubérosité  D de  l’humérus,  qui 
n’est  autre  chose  que  la  portion  postérieure  primitive  du  chapiteau,  est  l’ho- 
mologue de  la  tubérosité  D'  du  fémur,  qui  n’est  autre  chose  également  que 
la  portion  postérieure  primitive  du  chapiteau.  Celte  portion  D'  correspond  en 
définitive  au  grand  trochanter  fémoral  des  Mammifères,  dont  le  chapiteau 
fémoral  est  exactement  divisé  en  deux  portions:  l’une  antérieure  ou  tête,  et 
l’autre  postérieure  ou  tubérosité.  La  tubérosité  D de  l’humérus  ne  corres- 
pond donc  exactement  ni  au  trochin  ni  au  trochiler  des  Mammifères,  mais 
au  trochin  et  à une  portion  de  la  tête  du  Mammifère,  tandis  que  la  tête 
humérale  du  Chélonien  représente  le  trochiter  plus  le  reste  de  la  tête 
humérale  du  Mammifère.  En  définitive,  celte  tubérosité  D forme  pour  l’hu- 
mérus, chez  les  Chéloniens,  une  tubérosité  unique  comparable  au  grand 
trochanter  du  fémur. 

Mais  sur  le  fémur  de  Tortue  se  trouve  une  crête  dont  le  niveau  est  im- 
médiatement au-dessous  du  chapiteau,  et  qui  correspond  au  bord  antérieur 
primitif  de  l’os.  Elle  est  désignée  par  la  lettre  A'  (PI.  VIII,  fig.  6).  Cette 
crête  représente  rigoureusement  le  trochantin  du  petit  trochanter  du  fémur 
des  Mammifères.  Or,  quand  on  recherche  son  homologue  sur  l’humérus  de 
Tortue,  on  trouve  qu’elle  répond  d’une  manière  remarquablement  fidèle  et 
pour  la  situation  et  pour  la  forme,  non  point  à un  trochanter  huméral,  mais 
à la  crête  pccloro-delloïdienne  A (PI.  VIII,  fig.  5).  Ici,  aucun  doute  n’est 
permis  quant  aux  assimilations  à faire.  Les  parties  à comparer  sont  presque 
d’une  identité  absolue  à tous  égards,  et  l’esprit  est  frappé  avec  les  yeux  par 
l’évidence  des  faits. 

De  tout  ce  qui  précède,  il  me  semble  très-légitime  de  tirer  les  conclusions 
suivantes  : 

1°  Le  petit  trochanter  du  fémur  ou  trochantin  n’est  pas  un  trochanter 
et  ne  correspond  pas  aux  trochanters  de  l’humérus. 

2°  11  n’appartient  pas  au  chapiteau  terminal,  mais  à la  diaphyse  de  l’os,  et 
représente  sur  le  fémur  la  crête  pectoro-deltoïdienne  de  l’humérus. 


404  — 


An  reste,  l’homologie  de  ces  deux  empreintes  ou  crêtes  n’est  point  seule- 
ment démontrée  par  l’examen  des  pièces  osseuses;  elle  l’est  encore  et  d’une 
manière  fort  intéressante  par  les  insertions  musculaires.  La  démonstration 
de  ce  fait  me  conduira  à rechercher  et  à trouver  quelle  est  la  signification  du 
petit  trochanter  huméral  ou  trochin. 

Le  sujet  que  j’aborde  est  d’une  extrême  difficulté.  11  s’agit  en  effet  de  dé- 
terminer quel  est  le  groupement  primitif  et  typique  des  muscles  qui  vont  des 
ceintures  thoracique  et  pelvienne  aux  extrémités  supérieures  de  l’humérus 
et  du  fémur.  Nous  ne  saurions,  dans  cette  étude,  prendre  pour  guides  les 
Mammifères,  chez  lesquels  les  transformations  des  membres,  leurs  change- 
ments de  situation,  ont  produit  des  modifications  importantes  dans  la  distri- 
bution des  insertions  musculaires  autour  des  extrémités  supérieures  de 
l’humérus  et  du  fémur. 

Les  déplacements  des  surfaces  articulaires  sur  les  chapiteaux,  causés  par 
le  mouvement  en  sens  inverse  des  deux  membres,  ont  refoulé  sur  des  points 
différents  des  chapiteaux  les  insertions  des  muscles,  et  ont  produit  par  là 
des  migrations  d’insertion,  en  provoquant,  soit  des  adhérences  tendineuses 
totales  par  enroulement  sur  les  tubérosités,  soit  des  interruptions  de  tendon 
par  adhérences  partielles.  On  ne  peut  douter  que,  primitivement,  chez  les 
animaux  dont  les  membres  antérieur  et  postérieur  étaient  parallèles  et  iden- 
tiques, ces  membres  n'aient  possédé  un  système  musculaire  parfaitement 
semblable;  il  est  même  légitime  de  penser  que  les  deux  ceintures  présentant 
une  forme  régulière  et  symétrique  composée  d’un  rayon  suspenseur  supé- 
rieur et  de  deux  rayons  inférieurs,  vis  à vis  desquels  l’os  du  membre  (humé- 
rus et  fémur)  était  symétriquement  placé;  il  est,  dis-je,  légitime  de  penser 
que  les  muscles  dirigés  de  la  ceinture  à l’os  du  membre  présentaient  aussi 
une  disposition  régulière  et  symétrique.  Les  membres  étant  d’ailleurs  sus- 
pendus régulièrement  et  perpendiculairement  de  chaque  côté  de  la  colonne 
vertébrale,  on  peut  présumer  aussi  que  les  muscles  qui  reliaient  les  ceintures 
et  les  premiers  os  des  membres  à la  colonne  vertébrale  étaient  symétrique- 
ment disposés  en  avant  et  en  arrière  de  la  racine  de  chacun  des  membres. 

Telle  devait  être  la  disposition  primitive  du  système  musculaire,  alors  que 
les  membres,  conservant  leur  situation  et  leur  direction  première,  que  nous 
retrouvons  encore  aujourd’hui  chez  l’embryon,  n’avaient  point  altéré  par  des 


— 405 

rolations  et  des  déviations  consécutives  la  symétrie  et  la  disposition  régulière 
du  système  musculaire. 

Aujourd’hui  nous  ne  saurions  retrouver  exactement  cette  distribution 
régulière  et  primitive  des  muscles,  ni  chez  l’embryon  ni  chez  les  Vertébrés 
à membres  peu  modifiés.  Chez  l’embryon,  outre  que  les  différenciations 
musculaires  sont  encore  trop  imparfaites  à l’âge  où  les  membres  n’ont  pas 
encore  été  déviés,  la  disposition  primitive  des  musles  est  déjà  altérée  et 
masquée  par  les  influences  combinées  et  de  l’adaptation  de  l’hérédité.  Parmi 
les  Vertébrés  peu  modifiés,  les  Poissons  ne  nous  permettent  de  saisir  que  les 
traits  les  plus  généraux,  et  ne  nous  fournissent  pas  des  données  suffisantes 
pour  nous  conduire  à des  groupements  assez  bien  circonscrits  et  assez  précis. 
Nous  ne  pouvons  parvenir  à une  systématisation  rationnelle  et  scientifique 
des  muscles  qui  relient  le  tronc  au  premier  article  des  membres,  qu’en 
faisant  une  étude  comparée  de  ces  muscles  dans  les  divers  types  et  en  coor- 
donnant les  résultats  de  manière  à constituer  un  ensemble  rationnel.  En 
étudiant  avec  soin  les  types  les  moins  modifiés,  tels  que  les  Amphibiens 
et  les  Reptiles;  en  y joignant  l'examen  attentif  des  types  plus  modifiés, 
Oiseaux  et  Mammifères,  nous  pourrons  parvenir  à ressaisir  les  éléments 
épars  et  inégalement  développés  et  distribués  des  groupes  sur  lesquels  nous 
fixons  actuellement  notre  attention.  Tel  muscle  ou  tel  groupe  absent  ou  peu 
développé  dans  un  type  animal  se  retrouvera  dans  des  conditions  plus  favora- 
bles de  développement  dans  un  autre  type.  Tel  groupe  de  muscles,  modifié 
et  transformé  dans  l’un  des  types  animaux,  aura  conservé  dans  un  autre 
type  une  forme  plus  rapprochée  de  la  forme  primitive  et  la  rappelant  plus 
fidèlement. 

C’est  en  m’inspirant  de  ces  principes  que  je  vais  essayer  de  présenter  un 
groupement  méthodique  des  muscles  qui  relient  le  tronc  au  premier  arti- 
cles des  membres. 

Le  squelette  primodial  du  tronc  se  compose  de  deux  parties  essentielles  ; 
1°  le  système  vertébral  et  ses  appendices;  2°  le  système  des  ceintures. 
Dans  l’état  primitif,  le  système  vertébral  représentant  un  axe  rectiligne,  les 
ceintures  constituent  des  éléments  cartilagineux  ou  osseux  en  forme  d’Y 
renversé,  dont  l’axe  général  est  perpendiculaire  à l’axe  vertébral.  Les 


— 406  - 

axes  des  deux  ceintures  sont  par  conséquent  parallèles  entre  eux.  Les  mem- 
bres appliqués  sur  les  parties  latérales  du  tronc  ont  une  face  interne  ou  face 
de  flexion,  et  une  face  externe  ou  face  d’extension.  Sur  la  ligne  médiane 
de  la  face  interne  ou  face  de  flexion  de  l’os  du  premier  article,  c’est-à-dire 
de  l’humérus  et  du  fémur,  se  trouve  une  crête  longitudinale  qui  a reçu  le 
nom  de  ligne  âpre.  Elle  existe  déjà  à l’état  de  crête  médiane  légèrement 
évasée  supérieurement  chez  les  Ichthyosaures  et  chez  les  Plésiosaures. 
Nous  l’avons  également  vue  sous  celte  forme  chez  les  Amphibiens  anoures. 
Telle  est  sa  forme  chez  les  Vertébrés  dont  l’humérus  et  le  fémur  ne  présen- 
tent pas  un  aplatissement  prononcé  des  extrémités.  Mais  chez  ceux  où  les 
extrémités  des  os  s’aplatissent  et  s’élargissent,  et  dont  les  chapiteaux  termi- 
naux prennent  une  forme  elliptique  prononcée,  la  ligne  âpre  s’élargit  et  se 
bifurque  en  haut  et  en  bas,  de  manière  à présenter  deux  lèvres  ou  subdivi- 
sions et  un  interstice,  formant  ainsi  un  X très-allongé.  Les  deux  branches 
inférieures  appartiennent  aux  muscles  qui  s’étendent  de  l’humérus  et  du 
fémur  aux  articles  suivants  des  membres.  Je  ne  m’en  occupe  pas  ici,  et  je 
limite  mon  attention  à la  bifurcation  supérieure  de  la  ligne  âpre. 

La  partie  supérieure  de  la  ligne  âpre  est  un  lieu  d’insertions  musculaires 
pour  certains  muscles  qui  relient  l’os  du  premier  article  à certains  éléments 
de  la  ceinture  et  au  système  vertébral.  Je  vais  examiner  quels  sont  ces 
muscles  chez  les  Crocodiliens  et  les  Chéloniens,  etje  préviens  le  lecteur  que 
dans  le  cours  de  celte  élude  je  considérerai  toujours  les  membres  comme 
placés  dans  leur  position  primitive. 

L’humérus  de  Crocodile  présente  sur  la  partie  supérieure  de  sa  face  in- 
terne primitive,  qui  deviendra  la  face  antérieure,  deux  subdivisions  très-iné- 
gales de  la  ligne  âpre.  L’une  postérieure,  peu  marquée,  B (PL  VIII,  / ig . S), 
se  rend  à l’extémité  postérieure  du  chapiteau  ou  tubérosité  postérieure;  l’au- 
tre antérieure  présente  sur  son  parcours  une  saillie  très-prononcée  en  forme 
de  crête  : c'est  la  crête  pectoro-delloïdienne  A,  que  nous  avons  déjà 
étudiée,  et  qui  se  relie  supérieurement  à travers  un  intervalle  assez  étendu 
avec  l’extrémité  antérieure  du  chapiteau  ou  tubérosité  antérieure. 

Sur  celte  crête  s’insèrent  (PL  VIII,  fig.  9)  le  muscle  pectoral,  qui  naît  de 
l’inlerclavicule  ou  épisternum,  de  la  face  antérieure  du  sternum,  des  extrémités 
sternales  des  six  premières  côtes,  de  tonte  la  côte  sternale  de  la  septième  côte 


et  parfois  de  la  huitième  côte  par  une  petite  languette,  et  le  muscle  deltoïde, 
qui  naît  de  l’épine  du  scapulum.  Au-dessus  du  pectoral  s’insèrent  également 
des  fibres  appartenant  au  supracoracoideus , ou  supracoracoscapularis  de 
Fürbringer.  Ces  fibres  se  composent  de  deux  faisceaux  : un  faisceau  sus- 
coracoïdien,  qui  naît  de  la  face  interne  et  du  bord  antérieur  du  coracoïde, 
(portion  précoracoïdienne),  et  un  faisceau  scapulaire  qui  naît  de  la  portion  in- 
férieure de  la  face  interne  du  scapulum.  Ce  muscle  représente  un  obtu- 
rateur interne  dont  le  chef  précoracoïdien  et  le  chef  scapulaire  sortent  par 
l’orifice  antérieur  de  la  ceinture  et  se  portent  à la  bifurcation  antérieure  de  la 
ligne  âpre'. 

A ces  fibres  de  l’obturateur  interne  s’ajoutent  antérieurement  des  fibres 
naissant  de  la  face  externe  du  scapulum  en  avant  de  la  saillie  acromiale,  et 
qui  pourraient  répondre  à un  deltoïde  scapulaire.  C’est  le  deltoïdes  scapu- 
laris  inferior  de  Fürbringer,  le  Deltoïd  de  fiolleston,  le  Deltoïdeus  supe- 
rior  ( supra  et  infra  spinatus ) de  Buttmann. 

Sur  la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre  se  porte  un  tendon  remar- 
quable : c’est,  celui  du  sous-scapulaire  proprement  dit,  confondu  avec  celui 
d’un  muscle  désigné  par  Fürbringer  sous  le  nom  de  scapulo- humer alis  pro- 
fundus,  et  qui  n’est  réellement  qu’un  faisceau  postérieur  du  sous-scapulaire, 
faisceau  inséré  sur  le  bord  axillaire  ou  postérieur  du  scapulum.  Le  muscle 
sous-scapulaire  4 (PI.  VI1J,  fig.  9)  semble  au  premier  abord  s’insérer  tout 
entier  sur  l’extrémité  postérieure  du  chapiteau  ou  tubérosité  postérieure 
(trochin).  Mais  on  est  frappé  de  voir  que  ce  muscle  se  continue  par  un  tendon 
très-brillant  A adhèrent  à l’os,  et  qui  se  dirige  vers  la  gouttière  bicipitale  de 
l’humérus  et  s’engage  sous  le  tendon  du  biceps  6.  Ce  tendon  nacré  se 
laisse  détacher  de  l’os  sous  forme  d’une  forte  lame  aponévrotique  et  représente 
réellement  un  tendon  interrompu.  Son  adhérence  à l’humérus  peut  s’expli- 
quer par  la  rotation  subie  par  l’os  lorsqu’il  a acquis  sa  situation  secondaire, 


1 Fürbringer  considère  les  insertions  de  ce  muscle  sur  la  face  interne  de  la  ceinture  comme 
une  adaptation  secondaire  des  insertions  du  muscle,  qui  est  corrélative  du  développement 
considérable  en  avant  dû  coraco-brachial.  Je  pense  au  contraire  que  ces  insertions  internes  sont 
primitives,  et  que  les  insertions  sur  la  face  externe  de  la  ceinture  sont  consécutives  et  résultent 
de  l’adhérence  du  muscle  sur  une  surface  osseuse  nue.  Cette  explication  est  bien  plus  en  rapport 
avec  ce  que  l’on  observe  dans  toutes  les  modifications  du  système  musculaire. 

52 


— 408  — 

et  par  la  pression  du  tendon  du  biceps  6,  qui  pendant  ce  mouvement  glisse 
à frottement  dur  d’avant  en  arrière  sur  les  tubérosités  osseuses  qui  se  pré- 
sentent à lui,  et  applique  fortement  le  tendon  du  sous-scapulaire  sur  des 
surfaces  osseuses  inégales  où  il  acquiert  des  adhérences.  Ce  que  l’on  désigne 
sons  le  nom  de  sous-scapulaire  représente  un  chef  scapulaire  postérieur  de 
l’obturateur  interne  qui  sort  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture  et  se  rend 
à la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre  \ 

La  ligne  âpre  humérale  reçoit  donc  par  sa  bifurcation  antérieure  le  mus- 
cle pectoral  et  le  sous-scapulaire  antérieur,  et  par  sa  bifurcation  postérieure 
le  sous-scapulaire  postérieur. 

Pour  le  fémur,  nous  trouvons  des  dispositions  comparables.  La  ligne 
âpre  fémorale  forme  une  saillie  assez  volumineuse  qui  se  bifurque  moins 
nettement  que  celle  de  l’humérus.  Néanmoins  on  peut  y reconnaître  une 
bifurcation  postérieure  peu  prononcée  B',  comme  celle  de  l’humérus,  et  une 
saillie  ou  bifurcation  antérieure  A'  (PI.  VIII,  fig.  8)  qui  répond  à la  crête 
pectorale  de  l’humérus.  Sur  la  crête  A'  s’insère  le  puissant  muscle  psoas- 
iliaque.  Le  muscle  iliaque  est  un  iliaque  interne  sortant  par  l’orifice  anté- 
rieur de  la  ceinture  et  allant  à la  crête  ou  bifurcation  antérieure,  qui  repré- 
sente ce  qu’on  appelle  improprement  le  petit  trochanter  du  fémur.  Sur  la 
bifurcation  postérieure  B'  viennent  s’insérer  : 1°  des  fibres  musculaires  nais- 
sant de  la  face  interne  de  l’extrémité  de  l’iléon  postérieur  et  qui  forment  un 
muscle  iliaque  interne  sortant  par  l’orifice  postérieur  de  la  ceinture;  2°  des 
fibres  naissant  de  la  dernière  vertèbre  sacrée,  corps  et  côte,  et  des  premières 
vertèbres  caudales  : elles  représentent  le  muscle  pyramidal;  et  5°  le  puis- 
sant muscle  extensor  femoris  caudalis  d’iïaughton,  qui  part  des  apophy- 
ses transverses  et  de  l’épine  inférieure  des  vertèbres  caudales,  depuis  la 
troisième  jusqu’à  la  quinzième  inclusivement,  et  qui  s’insère  par  un  fort 
tendon  sur  la  ligne  âpre  et  par  une  bifurcation  aponêvrotique  inférieure  de 
son  tendon  sur  le  condyle  postérieur  du  fémur  et  sur  la  tête  du  péroné. 

• Je  me  suis  déjà  expliqué  sur  la  valeur  du  sous-scapulaire  des  Reptiles,  quand  j'ai  traité 
des  homologies  du  sous-scapulaire  des  Mammifères  avec  l’iliaque,  et  j'ai  établi  que  le  sou^- 
scapulaire  des  Reptiles  ne  répondait  qu'à  la  portion  axiale  du  sous-scapulaire  des  Mammiièrps. 
et  nou  à la  portion  qui  remplit  la  fosse  sous-scapulaire  proprement  dite.  Ceci  étant  dit  pour 
éviter  des  confusions,  je  continue  à me  servir  pour  les  Reptiles  de  l’expression  commode  de 
sous-scapulaire. 


409 


Si  nous  résumons  la  disposition  des  muscles,  nous  verrons  que  la  ligne 
âpre,  soit  de  l’humérus,  soit  du  fémur,  reçoit  : 

1“  Par  sa  bifurcation  antérieure  : 

Humérus.  — 1°  Un  sous-scapulaire  reptilien  antérieur,  sortant  par  l’orifice 
antérieur  de  la  ceinture;  2°  Les  muscles  deltoïde  et 
pectoral. 

Fémur.  — 1°  Un  iliaque  interne  antérieur,  sortant  par  l’orifice  antérieur  de 
la  ceinture  ; 2°  Le  muscle  psoas,  le  muscle  pyramidal 
et  le  muscle  extenseur  caudal  du  fémur. 

2°  Par  sa  bifurcation  postérieure  : 

Humérus.  — Un  sous-scapulaire  reptilien  postérieur,  sortant  par  l’orifice 
postérieur  de  la  ceinture. 

Fémur.  — Un  iliaque  interne  postérieur,  sortant  par  l’orifice  postérieur  de 
la  ceinture. 

En  appréciant  la  valeur  relative  de  ces  divers  faisceaux,  nous  ver- 
rons : 1°  que  la  ligne  âpre  est  appelée  à fournir  des  insertions  aux  muscles 
qui  naissent  de  la  face  profonde  de  l’élément  suspenseur  de  la  ceinture  : ces 
muscles,  symétriquement  disposés,  passent,  les  uns  en  avant,  les  autres  en 
arrière  du  point  de  convergence  des  trois  éléments  de  la  ceinture;  2°  que  la 
ligne  âpre  reçoit  aussi  les  éléments  musculaires  qui  proviennent  du  corps  des 
vertèbres  et  de  leurs  appendices  latéraux  et  inférieurs  (apophyses  transverses, 
côtes,  sternum,  os  en  Y de  la  queue).  Ces  derniers  muscles  vertébro-humé- 
raux  et  vertébro-fémoraux  sont  également  disposés  d’une  manière  symétrique 
par  rapport  au  point  de  convergence  des  éléments  de  la  ceinture,  c’est-à-dire 
par  rapport  au  point  de  contact  et  d’articulation  avec  l’os  du  premier  arti- 
cle. Pour  la  ceinture  thoracique,  le  grand  pectoral  et  le  deltoïde,  qui  ont 
des  limites  assez  peu  tranchées,  constituent  des  faisceaux  qui,  partant  de  la 
ligne  âpre  de  l’humérus  comme  centre,  rayonnent  en  avant  et  en  arrière  de  la 
ceinture  et  s’insèrent  aux  appendices  latéraux  et  inférieurs  du  système  verté- 
bral. Pour  la  ceinture  pelvienne  également,  les  fibres  du  grand  psoas,  du  pyra- 
midal et  de  l’extenseur  caudal  du  fémur,  partent  de  la  ligne  âpre  du  fémur 
comme  centre,  pour  rayonner  en  avant  et  en  arrière  de  la  ceinture.  Tous 


— 410 


ces  faits  sont  d’une  grande  valeur  au  point  de  vue  des  homologies  musculai- 
res, ainsi  que  nous  le  verrons  à propos  des  Mammifères. 

Chez  les  Chèloniens,  on  ne  trouve  qu’une  masse  musculaire  scapulaire 
qui  se  porte  à la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre  et  atteint  la  tubé- 
rosité humérale  qui  la  surmonte  ; mais  ici,  les  muscles  nés  du  scapulum  sont 
si  mal  différenciés  qu’on  ne  saurait  dire  s’il  n’y  a qu’un  muscle  sous-scapu- 
laire ou  si  les  deux  muscles  se  sont  réunis  en  un.  A la  bifurcation  antérieure 
de  la  ligne  âpre  s’insèrent  les  muscles  deltoïde  et  pectoral  sur  une  saillie 
en  forme  de  crête,  la  crête  pectoro-deltoïdienne  A (PI.  VIII,  fig.  5).  A la 
ceinture  postérieure  se  trouvent  un  muscle  psoas-iliaque  inséré  à la  bifur- 
cation antérieure  de  la  ligne  âpre  et  un  muscle  iliaque  interne  postérieur  et  des 
fibres  représentant  le  pyramidal.  Ces  derniers  muscles  répondent  à la  bifurca- 
tion postérieure  de  la  ligne  âpre.  La  plu  part  de  leurs  fibres  ont  l’air  de  s’insérer 
sur  la  tubérosité  D'  (PI.  Vllî,  fuj.  6)  et  de  ne  pas  franchir  ce  niveau.  Mais 
sur  degrandes Tortues,  et  nolammentsur  une  Chelhydraserpenlina,  j’ai  pu 
voir  très-nettement  les  fibres  tendineuses  aponévrotiques  de  ces  muscles 
franclûr  la  tubérosité  Dr  sur  laquelle  elles  contractaient  des  adhérences  A',  pour 
se  diriger  vers  la  crête  de  la  ligne  âpre,  et  y converger  pour  ainsi  dire  avec 
les  fibres  de  l’iliaque  antérieur.  Dans  ce  dernier  trajet,  les  fibres  tendineuses 
reprenaient  leur  indépendance  et  représentaient  fort  bien  un  tendon  inter- 
rompu* . Il  n’est  pas  téméraire  de  penser  que  pareil  faits’est  produit  au  membre 
antérieur  pour  les  fibres  tendineuses  du  sous-scapulaire,  qui  ont  l’air  de 
s’insérer  sur  la  tubérosité.  Mais  ici  la  pression  considérable  du  biceps  sur  la 
portion  interrompue  du  tendon  en  a provoqué  l’atrophie  et  la  disparition. 


1 Sur  uue  grande  Émysaure  de  Temmynck  de  lm,40  de  longueur,  j’ai  très-nettement  con- 
staté que  les  fibres  de  l’iliaque  antérieur  venaient  se  rendre  à la  crête  antérieure  ou  crête  de 
la  ligne  âpre,  et  que  les  fibres  de  l’iliaque  postérieur  se  réfléchissaient  sur  le  trochanter  ou 
grande  tubérosité,  de  manière  à y contracter  quelques  adhérences,  tandis  que  la  plus  grande 
partie  des  fibres  réunies  sur  un  large  tendon  franchissaient  librement,  et  en  formant  un 
pont  fibreux,  la  gouttière  qui  sépare  le  grand  trochanter  de  la  ligne  âpre , pour  venir 
s’insérer  sur  la  crête  de  cette  dernière,  eu  même  temps  que  des  fibres  du  grand  muscle 
longitudinal  inférieur  de  la  queue,  ou  intertransversaire  caudal  inférieur  qui  représente  exac- 
lemeutï extcmor  femoralis  caudalis  des  Crocodiliens.  L’interruption  du  tendon  était  on  ne  peut 
plus  évidente. 


411 


Chez  les  Oiseaux,  les  dispositions  pelviennes  sonl  comparables  à celles  des 
Crocodiliens,  avec  celte  différence  que  le  psoas  fait  défaut,  tandis  que  l’ilia- 
que, très  réduit,  se  porte  sur  une  empreinte  peu  prononcée  qui  correspond 
à la  bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  du  fémur  A'  (PI.  VIII,  fig.  11). 
L’iliaque  interne  postérieur,  représenté  par  le  chef  iliaque  de  l’obturateur 
interne,  se  porte  sur  le  trochanter  dans  la  direction  de  la  bifurcation  posté- 
rieure de  la  ligne  âpre.  Cette  situation  trochantérienne  de  l’insertion  de 
l’iliaque  postérieur  établit  une  différence  entre  les  Oiseaux  et  les  Crocodi- 
liens, mais  elle  est  probablement  le  résultat  d’une  migration  provenant  de  ce 
que  l’iliaque  postérieur,  au  lieu  de  sortir,  comme  chez  les  Crocodiliens,  par 
l’ouverture  postérieure  de  la  ceinture  pelvienne,  sort  entre  l’ischion  et  le 
pubis  par  le  trou  sous-pubien,  ce  qui  maintient  le  tendon  et  le  tire  vers 
l’extrémité  trochantérienne  de  la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 
C’est  là  un  fait  à rapprocher  de  ce  que  nous  venons  de  voir  chez  les  Ché- 
loniens. 

A la  ceinture  thoracique  se  trouvent,  sur  la  face  interne  primitive  de 
l’humérus,  une  bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  sous  forme  d’une  puis- 
sante crête  recevant  le  deltoïde  elle  grand  pectoral  A (PI.  VIII,  fig.  10).  Le 
sous-scapulaire,  réduit  au  sous-scapulaire  postérieur,  semble  s’insérer  sur  le 
sommet  postérieur  du  chapiteau  D (PI.  VIII,  fig.  10);  mais  il  est  possible 
de  démontrer  que  cette  insertion  est  consécutive  et  que  le  tendon  se  pour- 
suit par  des  fibres  aponévroliques  jusqu’à  la  bifurcation  postérieure  B 
(PI.  VIII,  ftg.  10)  de  la  ligne  âpre.  Il  y a eu  ici,  comme  chez  les  Chéloniens, 
un  tendon  interrompu  qui,  dans  le  mouvement  de  rotation  de  l’humérus, 
s’est  enroulé  sur  cet  os  dans  la  direction  de  la  flèche  dessinée  sur  la  figure, 
et  a adhéré  à la  tubérosité  postérieure  devenue  tubérosité  interne.  Il  faut 
ajouter  d’ailleurs  que  le  muscle  biceps,  étant  placé  sur  le  bord  antérieur 
primitif  du  membre  et  appuyant  contre  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus, 
a dû  nécessairement  presser  fortement  sur  le  tendon  du  sous-scapulaire  pen- 
dant le  mouvement  de  rotation  en  dehors  de  l’humérus,  appliquer  fortement 
ce  tendon  sur  la  face  interne  de  l’extrémité  humérale  qui  deviendra  la  gout- 
tière bicipitale,  et  y provoquer  à la  fois  des  adhérences  du  tendon  sous-sca- 
pulaire et  l’atrophie  de  ce  tendon  interrompu. 

Chez  les  Mammifères,  les  mêmes  relations  se  retrouvent. 


— 412  — 


A la  ceinture  thoracique,  une  crête  deltoïdienne  A (PI.  IX,  fuj.  1,  5, 
G,  7,  9,  12),  destinée  au  deltoïde  inférieurement,  et  supérieurement  au 
grand  pectoral  ; et  d’autre  part  un  sous-scapulaire  volumineux  qui  semble 
s’insérer  sur  le  petit  trochanter  ou  trochin.  Mais  il  y a bien  des  raisons 
pour  considérer  cette  insertion  comme  consécutive.  L’influence  de  l’en- 
roulement, de  l’adhérence  et  de  la  pression  du  biceps,  que  je  viens  d’invo- 
quer chez  les  Oiseaux,  est  autrement  indiquée  chez  les  Mammifères,  où  le 
tendon  bicipital,  se  réfléchissant  fortement  sur  l'extrémité  humérale,  creuse 
un  véritable  sillon  très-profond  sur  la  face  interne  primitive  de  l’os.  On 
conçoit  que  ce  tendon  du  biceps,  qui  exerce  sur  l’extrémité  supérieure 
humérale  une  pression  si  considérable,  a dû  provoquer  l'adhérence  pro- 
gressive d’avant  en  arrière  du  tendon  du  sous-scapulaire,  à mesure  que 
l’humérus,  accomplissant  sa  rotation  en  dehors,  glissait  à flottement, 
dur  sous  le  tendon  bicipital,  dont  la  position  absolue  était  maintenue 
constante  par  ces  insertions  scapulaires.  Le  tendon  du  sous-scapulaire,  pris 
entre  l’humérus  et  le  tendon  bicipital,  a nécessairement  adhéré  à l’os,  sur 
lequel  il  n’a  pas  de  glissement  possible , et  son  insertion  à la  ligne  âpre 
s’est  ainsi  transformée  en  une  insertion  sur  le  chapiteau  qui  a donné  lieu  à 
la  formation  du  petit  trochanter  huméral  ou  trochin. 

Les  nombreuses  formations  fibreuses  qui  enveloppent  le  tendon  du  biceps, 
qui  lui  constituent  une  gaine  fibreuse  d’une  longueur  relativement  considé- 
rable, s’étendant  jusqu’à  l’insertion  delto'idienne,  sont  des  témoins  et  des 
restes  de  cette  expansion  tendineuse  du  sous-scapulaire. 

Le  travail  que  j’ai  déjà  eu  l’occasion  de  citer  de  H.  Welcker'  sur  les  mi- 
grations du  tendon  du  biceps,  établit  en  effet  que  ce  tendon,  primitivement 
libre  et  extérieur  à la  capsule  articulaire  et  à l’enveloppe  fibreuse  de  la  gout- 
tière bicipitale,  s’y  est  introduit  progressivement,  soit  ontogénétiquement, 
soit  phylogénétiquement,  et  a pénétré  à travers  les  tissus  fibreux  et  ten- 
dineux qui  le  séparaient  de  l’humérus,  tissus  qui  se  sont  reformés  et  réunis 
sur  lui,  l’englobant  ainsi  dans  une  véritable  gaine  ostéo-fibreuse.  C’est  là 
du  reste  un  processus  dont  la  nature  vivante  nous  fournit  tous  les  jours  des 
exemples  et  dont  la  reproduction  abonde  en  physiologie  pathologique. 


1 Arcliiv.  fiir  Entwickel.  von  His,  1878  ; erst  Heft. 


— 415  — 

Il  faut  ajouter  que  l’existence  de  celte  longue  gaine  du  tendon  du  biceps, 
gaine  qui  descend  bien  au-dessous  de  la  capsule  articulaire,  est  assez  difficile  à 
expliquer  en  dehors  du  mécanisme  que  j’invoque  ici.  L’interprétation  quej’en 
donne  est  du  reste  d’autant  plus  plausible  que  la  direction  des  fibres  de  la 
gaine  est  parfaitement  en  harmonie  avec  celle  des  fibres  du  tendon  du  sous- 
scapulaire,  et  que  dans  bien  des  cas  et  chez  bien  des  animaux  la  continuité 
de  ce  tendon  et  de  la  gaine  du  biceps  est  tout  à fait  évidente.  C’est  ce  que  j’ai 
particulièrement  observé  sur  un  Hérisson  dont  j’ai  fait  récemment  la  dissection 
et  dont  le  large  tendon  du  sus- scapulaire  semblait  se  poursuivre  dans  les  fibres 
de  la  gaine  tendineuse. 

Les  considérations  qui  précèdent  nous  conduisent  a ce  résultat  que  le 
trochin  de  l’humérus  n’est  pas  une  insertion  primitive,  mais  une  insertion 
consécutive  du  sous-scapulaire.  Cette  insertion,  placée  près  de  la  tête  humé- 
rale, sur  l’extrémité  postérieure  du  chapiteau,  répond  à un  point  de  la  sur- 
face du  grand  trochanter  fémoral,  et  n’a  par  conséquent  rien  de  commun 
avec  le  trocbantin.  Ces  deux  expressions  de  trochin  et  de  trochantin,  que 
l’on  a voulu  rapprocher  en  leur  donnant  une  désinence  commune,  ne  repré- 
sentent par  suite  qu’un  rapprochement  entièrement  trompeur  et  méritent 
d’être  rejetées. 

A la  ceinture  pelvienne  se  trouve,  chez  l’Homme  et  chez  les  Mammifères, 
un  psoas-iliaque  inséré  sur  la  crête  formée  par  la  bifurcation  antérieure  de  la 
ligne  âpre  ou  prétendu  petit  trochanter.  Quant  à l’iliaque  postérieur,  re- 
présenté par  le  chef  iliaque  de  l’obturateur  interne,  et  quant  au  pyramidal, 
leurs  insertions  se  sont  transportées  au  sommet  du  grand  trochanter,  c’est- 
à-dire  sur  le  prolongement  de  la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 
Ces  insertions  n’ont  donc  pas  conservé  la  situation  primitive  quelles  avaient 
chez  les  Crocodiliens,  sur  la  ligne  âpre,  à côté  de  l’insertion  du  psoas- 
iliaque,  situation  dont  nous  avons  retrouvé  des  traces  chez  les  Chéloniens. 
Ce  déplacement  s’explique,  comme  chez  les  Oiseaux,  par  la  différence  de  tra- 
jet de  ces  muscles.  Tandis  que  chez  les  Crocodiliens  ces  muscles  sortaient 
librement  par  l’ouverture  postérieure  delà  ceinture  et  se  porlaienUnmsîw- 
salement  en  dehors  vers  la  crête  de  la  ligne  âpre  fémorale;  chez  les  Mam- 
mifères ces  muscles  sortent  du  bassin  par  un  orifice  circonscrit  qui  les 
bride,  et  devraient,  s’ils  conservaient  leur  insertion  primitive,  se  réfléchir  à 


— 414  - 

angle  droit  en  avant,  par  suite  de  la  rotation  du  fémur  et  de  son  transport  en 
avant.  Ce  changement  de  rapports  et  de  direction  permet  d'expliquer  le 
déplacement  des  tendons  en  haut  et  en  arrrière,  c’est-à-dire  au  sommet  du 
grand  trochanter,  par  suite  de  tractions  dans  ce  sens  et  d’adhérences  consé- 
cutives. 

Au  bassin  des  Mammifères,  nous  trouvons  donc  les  deux  iliaques  inter- 
nes, l’un  antérieur  et  l’autre  postérieur.  A l’épaule,  au  contraire,  nous  ne 
trouvons  qu’une  masse  sous-scapulaire.  Faut-il  la  considérer  comme  la  fu- 
sion des  deux  sous-scapuiaires , l’un  antérieur  et  l’autre  postérieur,  ou 
comme  un  sous-scapulaire  postérieur  très-développé  par  le  balancement,  le 
sous-scapulaire  antérieur  faisant  défaut  ? C’est  là  une  question  difficile  à 
résoudre.  On  peut  invoquer  en  faveur  de  cette  dernière  opinion  que  le 
sous-scapulaire  semble  ne  sortir  que  par  l’orifice  postérieur  de  la  cein- 
ture. Mais  cette  considération  n’est  pas  d’une  grande  valeur.  Nous  savons 
que  le  trajet  des  muscles  n’a  pas  une  importance  sansappel  dans  leur  déter- 
mination. Nous  avons  vu,  par  exemple,  le  chef  pubien  de  l'obturateur  in- 
terne sortir  par  l’orifice  antérieur  de  la  ceinture  chez  les  Crocodiliens,  les  Ché- 
loniens  et  les  Sauriens,  par  le  trou  sous-pubien  chez  les  Oiseaux,  et  par 
l'orifice  postérieur  de  la  ceinture  chez  les  Mammifères.  Cela  dépend  des 
relations  des  os  entre  eux. 

Je  suis,  pour  ma  part,  assez  disposé  à considérer  le  sous-scapulaire  des 
Mammifères  comme  représentant  une  coalescence  des  deux  sous-scapulaires, 
coalescence  favorisée  par  l’état  incomplet  dn  segment  ventral  de  la  ceinture, 
et  provoquée  par  les  nouveaux  rapports  que  le  transport  de  l’humérus  en 
arrière  et  sa  rotation  en  dehors  établissent  entre  cet  os  et  le  scapulum.  A ce 
point  de  vue  donc,  le  sous-scapulaire  des  Mammifères  représenterait  à la  fois 
l’iliaque  interne  ou  iliaque  antérieur  et  le  chef  iliaque  de  l’obturateur  interne 
ou  iliaque  postérieur. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  sous-scapulaire  des  Mammifères  repré- 
sente encore  par  sa  portion  aléale  ou  de  l’aile  du  scapulum  un  élément  de 
perfectionnement  et  de  renforcement  qui  n’existe  pas  proprement  chez  les 
Reptiles  et  les  Oiseaux.  11  répond  par  là  plus  directement  et  plus  complè- 
tement à l’iliaque  interne  ou  antérieur  des  Mammifères  dont  l’aile  iliaque 
s’est  développée  et  étalée. 


415  — 


Si  nous  jetons  maintenant  un  coup  d’œil  très-général  sur  l’ensemble  des 
dispositions  que  nous  venons  d’étudier,  nous  verrons  : 

1°  Que  de  la  face  interne  de  l’élément  suspenseur  ou  dorsal  de  chacune 
des  deux  ceintures  naissent  des  fibres  musculaires  qui  vont  converger  sy- 
métriquement sur  la  ligne  âpre  de  la  face  interne  de  l’os  du  premier  article. 

2°  Que  des  appendices  latéraux  inférieurs  du  système  vertébral  naît  une 
une  série  interrompue  de  fibres  musculaires  qui  constituent  deux  régions, 
l’une  antérieure  et  l’autre  postérieure,  et  qui  viennent  converger  symé- 
triquement sur  la  ligne  âpre  de  la  face  interne  de  l’os  du  premier  article. 

La  première  catégorie  de  muscles  comprend  les  sous-scapulaires  d’une 
part,  et  les  iliaques  internes  de  l’autre. 

La  seconde  catégorie  comprend  d’une  part  et  pour  la  ceinture  thoraci- 
que, d’avant  en  arrière,  le  muscle  cléido-masto'idien,  le  deltoïde  clavicu- 
laire (mastoïdo-huméral  des  Mammifères  non  clavicules) , le  grand  pectoral; 
et  d’autre  part,  pour  la  ceinture  pelvienne,  d’avant  en  arrière,  le  grand  psoas, 
le  pyramidal  ; et  chez  les  Crocodiliens  et  les  Vertébrés  pourvus  de  queue  , 
les  grands  muscles  de  la  face  inférieure  des  vertèbres  caudales , dans  une 
étendue  très-variable  suivant  les  cas. 

Cette  systématisation,  rationnelle  et  basée  sur  l’observation  des  muscles 
étendus  des  appendices  latéraux  du  système  vertébral  aux  lignes  âpres  de 
l’humérus  et  du  fémur,  vient  apporter  un  appui  intéressant  aux  homologies 
que  j’ai  établies  dans  une  partie  antérieure  de  ce  travail,  d’une  part  entre  le 
mastoïdo-huméral  et  le  grand  psoas,  et  d’autre  part  entre  le  grand  pectoral 
et  le  pyramidal.  Les  considérations  qui  précèdent  donnent  un  grand  poids  â 
ces  homologies  en  démontrant  que  ces  muscles  , malgré  leurs  différences 
apparentes,  s’étendent  du  même  élément  vertébral  â la  même  face  et  à la 
même  saillie  du  premier  article  du  membre  antérieur  et  du  membre  posté, 
rieur.  Je  tenais  à présenter,  en  passant,  cette  nouvelle  confirmation  des  rap- 
prochements que  j’ai  déjà  faits. 

On  pourrait  continuer  la  systématisation  des  autres  muscles  qui  se  ren- 
dent du  tronc  à l’extrémité  supérieure  du  premier  os  des  membres.  Je  ne 
veux  pourtant  pas  entreprendre  cette  lâche,  qui  me  conduirait  trop  loin  et 

53 


— 416  — 


donnerait  trop  d’étendue  à ce  travail,  déjà  bien  long.  Je  veux  me  borner  à 
indiquer  ici  les  résultats  généraux  auxquels  m’a  conduit  l’élude  des  mus- 
cles chez  les  Amphibiens  et  les  Reptiles,  où  les  insertions  primitives  ont 
été  le  moins  masquées  et  modifiées. 

Les  muscles  étendus  de  l’arc  neural  ou  appendices  supérieurs  du  système 
vertébral  au  premier  article  du  membre  (grand  dorsal,  fessiers  sacrés  et 
caudaux),  s’insèrent  sur  la  face  externe  primitive  de  l’os  du  premier  article, 
dans  un  point  à peu  près  symétrique  à h bifurcation  supérieure  de  la  ligne 
âpre,  et  qui  pourait  constituer  une  ligne  âpre  externe.  Cela  se  voit  fort  bien 
chez  les  Amphibiens,  chez  les  Sauriens,  chez  les  Chéloniens  et  chez  les 
Crocodiliens,  où  l’insertion  du  grand  dorsal  et  du  grand  rond  se  fait  sur  la 
face  postérieure  (face  externe  primitive  de  l'humérus).  Celle  insertion  se 
transporte  chez  les  Mammifères  sur  le  bord  interne  de  l’humérus  B (PI.  IX, 
fig.  1,  5)  parce  que,  dans  la  rotation  de  l’os  en  dehors,  le  tendon  du  grand 
dorsal  et  du  grand  rond  est  soulevé  en  avant  parla  longue  portion  du  triceps. 
Ce  soulèvement  va  même  si  loin  chez  l’Homme,  à cause  de  la  situation  du  bras 
sur  les  parties  latérales  du  corps,  que  l’insertion  du  grand  dorsal  est  trans- 
portée jusqu’au  voisinage  et  au  contact  de  la  ligne  âpre  antérieure  B (PI. 
IX,  fig.  G). 

Les  fessiers  sacrés  et  caudaux  provenant  des  apophyses  épineuses  des 
vertèbres  correspondantes  se  portent  également  vers  la  face  externe  ou  face 
convexe  du  fémur.  Parfois  ils  n’ont  sur  cet  os  que  des  insertions  insigni- 
fiantes ou  presque  nulles  pour  atteindre  la  face  antérieure  du  genou  et  la 
rotule;  mais  quand  ils  prennent  insertion  sur  le  fémur,  comme  chez  les 
Mammifères,  le  tendon  du  muscle  s’enroule  autour  du  fémur  par  suite  de 
la  rotation  en  dedans  de  cet  os,  et  l’insertion  se  transporte  sur  le  bord 
externe  de  l’os,  au-dessous  du  grand  trochanter  B' (PL  IX,  fig.  2,4,  5). 

D’ailleurs,  le  grand  dorsal  et  le  fessier  sacro-caudal  étant  surtout  compo- 
sés de  fibres  dont  l’origine  est  postérieure  au  niveau  de  la  ceinture  corres- 
pondante, il  n’y  a rien  d’étonnant  à ce  que  leurs  insertions  se  cantonnent 
de  plus  en  plus  sur  le  bord  postérieur  de  l’os  correspondant,  humérus  et 
fémur.  Aussi  voit-on  dans  les  os  de  Tapir,  de  Ruminant,  de  Solipède,  les 
tubérosités  d’insertion  du  grand  fessier  (portion  du  long  vaste  des  Hippo- 
tomistes)  et  du  grand  rond  et  du  grand  dorsal  occuper  des  situations  idenli-  ’ 


ques  sur  les  bords  postérieurs  primitifs  de  l’humérus  et  du  fémur  B,  B' 
(PI.  XX,  fig.  1,2,  3,  4). 

Pour  ce  qui  a trait  aux  muscles  profonds  (autres  que  le  sous-scapulaire 
et  les  iliaques  internes),  qui  s’étendent  de  l’os  de  la  ceinture  à l’extrémité 
supérieure  de  l’os  du  premier  article,  il  est  facile  de  comprendre  que  le 
déplacement  des  têtes  articulaires  et  des  tubérosités  a dû  altérer  considé- 
rablement leur  disposition  primitive  et  masquer  leur  arrangement  régulier 
et  symétrique.  Néanmoins  on  peutencore,  en  ayant  recours  aux  Ampbibiens 
et  aux  Reptiles,  arriver  à formuler  pour  ces  muscles  profonds  quelques 
propositions  générales  dont  je  me  bornerai  à donner  l’énoncé  : 

1°  Les  muscles  externes  de  l’élément  suspenseur  des  ceintures  et  les 
muscles  internes  et  externes  c\qs  deux  éléments  ventraux  s’insèrent  sur  le 
chapiteau  de  l’os  du  premier  article  et  non  sur  la  diaphyse.  De  là,  leurs 
déplacements  considérables  consécutifs  aux  variations,  considérables  aussi, 
dans  la  disposition  du  chapiteau. 

2°  Les  muscles  externes  de  l’élément  suspenseur  (sus-scapulaires,  fes- 
siers profonds),  s’insèrent  sur  la  face  externe  primitive  du  chapiteau,  dans 
l’intervalle  des  deux  extrémités  de  ce  dernier,  et  quelquefois  même  jusqu’aux 
extrémités. 

5°  Les  muscles  internes  des  éléments  ventraux  des  ceintures  (coracoïde 
et  précoracoïde,  ischion  et  pubis)  sortent  de  la  cavité  de  la  ceinture,  soit 
par  l’orifice  antérieur,  soit  par  l’orifice  postérieur,  et  vont  s’insérer  sur  la 
face  externe  du  chapiteau,  soit  vers  l’extrémité  antérieure,  soit  vers  l’extré- 
mité postérieure  et  jusque  sur  l’intervalle  des  deux  extrémités. 

4°  Les  muscles  externes  des  éléments  ventraux  des  deux  ceintures  s’insè- 
rent sur  la  face  interne  des  chapiteaux,  face  qui  leur  est  la  plus  voisine  et 
sur  laquelle  ils  se  portent  directement. 

Quant  aux  muscles  qui  s’étendent  des  ceintures  au  second  article  des 
membres,  et  quant  à ceux  qui  s’étendent  du  premier  au  second  article,  on 
peut  aussi  en  indiquer  la  disposition  primitive  et  typique  et  en  faire  la  sys- 
tématisation. Voyons  d’abord  les  muscles  qui  s’étendent  de  la  ceinture  au 
second  article  des  membres. 


— 418  — 


1°  Les  muscles  naissant  de  l 'élément  suspenseur  de  la  ceinture  sont,  l’un 
antérieur,  l’autre  postérieur. 

A.  L’antérieur  naît  du  bord  antérieur  du  scapulum  (élément  scapulaire  du 
biceps  des  Mammifères)  on  du  bord  antérieur  de  l’iléon  (droit  antérieur). 
Ces  deux  muscles  occupent  le  bord  antérieur  primitif  du  membre.  Ils 
s’insèrent  d'abord  et  surtout  sur  l’extrémité  supérieure  de  l’os  antérieur 
du  deuxième  article  (radius,  tibia),  et  ils  envoient  sur  Los  postérieur  du 
deuxième  article  (cubitus,  péroné)  un  tendon  moins  important  et  qui  dis- 
paraît souvent. 

Le  muscle  antérieur,  ayant  pour  origine  le  bord  antérieur  du  scapulum, 
fait  défaut  chez  les  Amphibiens,  les  Reptiles  et  les  Oiseaux.  L’élément 
coracoidien  du  biceps,  qui  est  très- développé,  le  remplace  en  vertu  de  la 
loi  de  balancement.  Chez  les  Mammifères,  le  coracoïde  s’atrophiant,  l’élé- 
ment coracoidien  du  biceps  s’atrophie  aussi,  et  l’élément  scapulaire  paraît 
et  se  développe  considérablement.  Aussi  faut-il  considérer,  ainsi  que  je 
l’ai  déjà  établi,  le  biceps  brachial  des  Amphibiens,  des  Reptiles  et  des 
Oiseaux  comme  ne  représentant  que  les  demi-tendineux  et  demi-membra- 
neux de  la  région  fémorale. 

B.  Le  postérieur  naît  du  bord  postérieur  ou  de  la  région  postérieure  du 
scapulaire  (longue  portion  du  triceps  brachial  ) ou  de  l’iléon  postérieur 
(longue  portion  du  biceps  brachial);  chacun  de  ces  muscles  occupe  le  bord 
postérieur  primitif  du  membre  correspondant,  et  va  s’insérer  d’abord  sur 
l’extrémité  supérieure  de  l’os  postérieur  du  deuxième  article  (cubitus,  pé- 
roné) et  chacun  envoie  secondairement  et  d’une  manière  inconstante  un  ten- 
don vers  l’os  antérieur  du  deuxième  article  ( radius,  tibia). 

Les  muscles  qui  précèdent  occupent  donc  primitivement,  les  uns  le  bord 
antérieur  primitif,  les  autres  le  bord  postérieur  primitif  du  membre  correspon- 
dant. Ce  n’est  que  par  suite  de  la  rotation  de  l’humérus  en  dehors  et  du 
fémur  en  dedans  d’un  angle  de  1)0°,  que  ces  muscles,  conservant  leur  situa- 
tion primitive  considérée  d’une  manière  absolue,  voient  modifier  leur  situa- 
tion relative  vis-à-vis  des  os  du  premier  article.  Les  muscles  antérieurs  res- 
tent antérieurs,  mais  se  trouvent  sur  la  face  interne  primitive  du  membre 
antérieur  ou  face  de  flexion  du  coude  (biceps)  et  sur  la  face  externe  primitive 
du  membre  postérieur  ou  face  d’extension  du  genou  (droit  antérieur).  Les 


— 419 


muscles  postérieurs  restent  postérieurs,  mais  se  trouvent  placés  sur  la  face 
externe  primitive  du  membre  antérieur  ou  face  de  l’extension  (long  triceps 
brachial)  et  sur  la  face  interne  primitive  du  membre  postérieur,  ou  face 
de  la  flexion  (long  biceps  crural).  Ces  changements  de  rapports  entre  les 
muscles  et  les  os  se  comprennent  facilement,  puisque,  les  premiers  restant 
immobiles,  les  seconds  subissent  un  mouvement  de  rotation  de  90° 

Enfin  ces  changements  de  rapports  expliquent  à merveille  comment  il  se 
fait  que  des  muscles  homologues  et  identiques  dans  leur  disposition  primi- 
tive soient  parvenus  à avoir  des  actions  opposées,  l’un  étant  fléchisseur  (biceps 
brachial),  tandis  que  l’autre  est  extenseur  ( droit  antérieur  fémoral).  Primi- 
tivement, les  muscles  du  bord  antérieur  primitif  du  membre  étaient  moteurs 
en  avant  ou  'prémoteurs  du  membre  ; les  muscles  du  bord  postérieurs 
étaient  rétromoteurs . Avec  les  changements  de  rapports  ss  sont  produits 
les  changements  d’action. 

2°  Les  muscles  qui  vont  des  éléments  ventraux  des  ceintures  au  second 
article  des  membres  naissent  delà  face  inférieure  ou  externe  de  ces  éléments,  et 
occupent  la  face  interne  primitive  du  membre,  comme  les  obturateurs  externes 
qu’ils  recouvrent.  Ils  naissent  typiquement  des  deux  éléments  ventraux  et 
constituent  ainsi  des  muscles  coracoïdien  et  précoracoïdien,  pubien  et  ischiali- 
que.  Ils  se  rendent  à la  face  interne  primitive  ou  face  de  flexion  des  deux  os 
du  second  article.  Ce  sont  des  fléchisseurs  du  coude  et  du  genou. 

Au  bras,  c’est  le  biceps  reptilien , qui  naît  du  caracoïde  surtout,  et  parfois 
aussi  du  précoracoïde,  et  qui  se  rend  le  plus  souvent  au  cubitus  et  au 
radius,  mais  surtout  au  cubitus.  Une  des  deux  insertions  peut  qu  iquefois 
seule  subsister.  Chez  beaucoup  de  Cbéloniens,  les  Testudo  en  particulier, 
il  s’insère  sur  ies  deux  os;  chez  l’Émysaure,  il  est  exclusivement  ou  presque 
exclusivement  cubital.  Cela  dépend  des  fonctions  du  membre  et  de  sa 
situation.  Si  le  membre  est  en  pronation  fixe  et  très-prononcée,  comme 
pour  la  natation,  l’insertion  radiale  devient  inutile  et  disparaît. 

Ce  biceps  reptilien  est  reproduit  fidèlement  chez  les  Amphibiens  et  chez 
les  Oiseaux.  Chez  les  Mammifères,  comme  nous  venons  de  le  voir,  il  s’y 
joint  un  élément  scapulaire,  et  l’élément  précoracoïdien  est  parfois  très- 
développé  (Homme,  Anthropoïdes,  Chéiroptères,  etc.). 

A la  cuisse,  ces  muscles  forment  les  demi-tendineux  et  membraneux,  qui 


420 


doivent  être  considérés  comme  un  seul  et  même  muscle  représentant  l’élé- 
ment ischialique,  et  le  grêle  interne,  qui  forme  l’élément  pubien.  Ces  mus- 
cles s’unissent  plus  ou  moins  en  bas  pour  s'insérer  sur  les  os  de  la  jambe, 
le  tibia  et  le  péroné.  Chez  les  Chèloniens,  les  demi-membraneux  et  tendineux, 
réunis  en  un  seul  muscle,  se  terminent  par  un  tendon  commun  avec  le  grêle 
interne.  L’une  de  ces  insertions  peut  disparaître  et  fait  souvent  défaut  : c’est 
l’insertion  péronière,  le  péroné  devenant  de  moins  en  moins  volumineux  et 
le  tibia  devenant  l’os  par  excellence  de  la  jambe  et  des  mouvements  du 
genou. 

Quant  au  chef  coracbidien  du  triceps  des  Sauriens  et  des  Crocodiliens,  il 
nait  du  bord  postérieur  du  coracoïde.  Ce  chef,  qui  fait  défaut  chez  les  Ché- 
loniens,  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Mammifères,  n’est  qu’un  faisceau- 
aberrant  des  muscles  précédents  qui  a été  reporté  vers  le  bord  interne  du 
membre  et  s’est  uni  au  triceps  par  suite  de  la  rotation  du  bras  en  dehors. 

Les  muscles  qui  s’étendent  du  premier  article  du  membre  au  second  arti- 
cle sont  d’une  classification  et  d’une  systématisation  très-simple.  Les  uns 
appartiennent  à la  face  interne  primitive  du  membre,  les  autres  à la 
face  externe  primitive.  Ceux  de  la  face  interne  primitive  sont  les  muscles  flé- 
chisseurs du  coude  et  du  genou  (brachial  antérieur,  court  biceps  huméral 
et  poplité).  Ceux  de  la  face  externe  primitive  sont  les  muscles  extenseurs 
(vaste  interne  et  vaste  externe  de  l’humérus  et  du  fémur).  Ces  muscles,  par- 
tant de  l’os  du  premier  article,  se  portent  primitivement  aux  deux  os  du 
second  article;  mais  il  arrive  fréquemment  que  leurs  insertions  se  restrei- 
gnent à l’os  le  plus  important  de  l’article  à mouvoir  (cubitus,  tibia). 

Le  changement  de  situation  des  membres  atteignant  à la  fois  les  os  du 
premier  et  du  deuxième  article  et  provoquant  la  direction  des  articulations  du 
coude  et  du  genou  en  des  sens  opposés,  explique  suffisamment  comment 
les  muscles  qui  relient  le  deuxième  au  premier  article,  contrairement  à ce 
que  nous  avons  vu  pour  les  muscles  de  la  catégorie  précédente,  conservent 
leur  position  relative  par  rapport  aux  os,  mais  voient  leur  position  absolue 
entièrement  modifiée,  les  internes  devenant  antérieurs  (bras)  ou  postérieurs 
(cuisse),  les  externes  devenant  postérieurs  (bras  ) on  antérieurs  (cuisse). 

Telle  est  la  disposition  typique  de  tous  ces  muscles.  Les  muscles  sont 


421 


n 


symétriquement  et  régulièrement  distribués  autour  des  ceintures  et  des  os 
des  membres.  J’ai  cherché  dans  une  recertaine  limite  les  modifications  et  les 
altérations  apportées  à cette  disposition  par  les  changements  de  situation 
des  membres  et  par  les  adaptations  très-variées  dont  ils  sont  l’objet.  Aller 
plus  loin  et  aborder  les  détails,  constituerait  une  tâche  trop  longue  et  que 
je  laisse  au  lecteur  le  soin  de  remplir.  Je  crois  avoir  mis  entre  ses  mains  les 
données  générales  que  m’a  fournies  l'observation,  de  manière  à ce  qu’il 
puisse  mener  la  solution  de  ce  problème  à bonne  fin  dans  la  plupart  des 
cas.  Pour  les  cas  encore  obscurs,  de  nouvelles  recherches  lui  apporteront  la 
lumière  nécessaire  et  lui  procureront  la  satisfaction  toujours  très-grande  et 
très-noble  d’avoir  trouvé. 

Bien  des  questions  resteraient  encore  à aborder,  telle  que  celle  des  homo- 
logies des  autres  articles  des  membres,  celles  des  nerfs,  vaisseaux,  etc. 
11  est  possible  que  j’y  revienne  dans  un  travail  ultérieur.  Je  me  borne  pour 
aujourd’hui  à affirmer  l’homologie  du  radius  et  du  tibia,  du  cubitus  et 
du  péroné.  J’ajoute  que  je  ne  saurais  admettre  le  transport  de  la  crête  du 
cubitus  sur  l’extrémité  supérieure  du  radius  pour  constituer  un  tibia.  Tout 
les  faits  connus  et  bien  interprétés  s’opposent  à une  pareille  conception. 
Quant  à la  rotule,  je  suis  en  mesure  de  prouver  quelle  n’est  qu’un  os  sôsa- 
moïde  entièrement  étranger  à l’olécràne  et  ne  pouvant  en  rien  constituer  son 
homologue.  L’embryologie  et  l’anatomie  comparée  ne  me  paraissent  permet- 
tre aucun  doute  à cet  égard. 


- 422  — 


CONCLUSION  GÉNÉRALE. 

Avant  de  clore  ce  travail  déjà  long,  et  auquel  j’ai  consacré  de  nombreu- 
ses heures  de  recherches  laborieuses  et  de  méditation,  je  me  sens  pressé 
d’exprimer  la  pensée  qui  me  paraît  ressortir  avec  le  plus  de  lumière  et  d’é- 
clat de  toutes  les  données  scientifiques  qui  y ont  été  réunies.  Cette  pensée 
peut  se  résumer  en  quelques  mots. 

Les  Vertébrés  présentent  dans  la  constitution  de  leurs  ceintures  et  de 
leurs  membres  des  témoignages  éclatants  d’une  parenté  qui  leur  a légué  à 
tous  des  dispositions  communes  et  un  type  commun  à réaliser. 

L’observation  attentive  parvient  sûrement  à dévoiler  ces  témoignages  de 
consanguinité  malgré  les  modifications  parfois  profondes  qui  résultent  de 
l’action  combinée  de  l’adaptation  et  de  l’hérédité;  car  si  l’hérédité  des  for- 
mes ancestrales  conserve  les  caractères  du  type  commun  , l’hérédité  des  dis- 
positions acquises  tend  de  plus  en  plus  à modifier  le  type  primitif  et  à 
masquer  la  généalogie. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


DÉSIGNATIONS  COMMUNES  A PLUSIEURS  FIGURES. 


a.  e.,  acromion. 

ap.  pic.,  apophyse  pubienne. 

cl.,  clavicule. 

cost.,  côtes. 

coty.,  cavité  cotyloïde. 

cr.,  coracoïde. 

cr.  p.  cr.,  coraco-précoracoïde. 
e.  a.  troch.,  éminence  anti-trochanté- 
rienne. 

ecr.,  épicoracoïde. 
e.  il.,  épiiléon. 

e.  il.  pu.,  éminence  iléo-pubienne. 

e.  isc.,  épiischion. 

e.  p.  cr.,  épiprécoracoïde. 

e.  pic.,  épipubis. 

e.  sc.,  épiscapulum. 

e.  sc.  p.  cr.,  éminence  scapulo-préco- 
racoïdienne. 
gl.,  cavité  glénoïde. 

hu. ,  humérus. 

i.  cl.,  interclavicule. 

il.  a.,  iléon  antérieur. 
il.  p.,  iléon  postérieur. 
isc.,  ischion. 


o.  si.,  omosternum. 

p.  st.  présternum. 
pu.,  pubis. 
sac.,  sacrum. 

s.  a.,  sacrum  antérieur. 

s.  a.  troch.,  surface  antitrochantérienne. 

sc.,  scapulum. 

sc.  p.,  scapulum  postérieur. 

s.  p.,  sacrum  postérieur. 
sp.  il.,  épine  iliaque. 

sp.  sc.,  épine  du  scapulum. 
st.,  sternum. 

st.  ab.,  sternum  abdominal. 
st.  pel.,  sternum  pelvien. 

t.  oh.,  trou  obturateur. 
tr.  cr.,  trou  coracoïdien. 

tu.  cr.,  tubérosité  coracoïdienne. 

tu.  il.,  tubérosité  iliaque. 

tu.  isc.,  tubérosité  ischiatique. 

tu.  p.  cr.,  tubérosité  précoracoïdienne. 

tu.  p.  gl.,  tubérosité  préglénoïdienne. 

tu.  pu.  tubérosité  pubienne. 

x.  st.  xiphisternum. 


54 


424 


PLANCHE1  I. 

Fig.  1.  Ceinture  thoracique  droite  de  Proteus  anguinus  ; vue  par  la  face  ventrale 
(Empruntée  à Parker). 

Fig.  2.  La  même,  vue  par  la  face  interne  (Empruntée  à Parker). 

Fig.  3.  Ceinture  thoracique  droite  de  Siren  lacertina  femelle  adulte  ; vue  par  la 
face  interne.  (Empruntée  à Parker.) 

Fig.  4.  Ceinture  thoracique  droite  de  Siredon  pisciformis  de  taille  moyenne  ; vue 
par  la  face  externe. 

Fig.  5.  Ceinture  thoracique  de  Salamandra  maculosa  jeune  mesurant  11  cen- 
timètres de  longeur.  Faces  externe  et  antérieure. 

Fig.  6.  Ceinture  thoracique  de  Bufo  niger  adulte.  Face  antérieure. 

Fig.  7.  Portion  de  la  fig.  précédente  pour  montrer  le  chevauchement  des  épico- 
racoïdes. 

Fig.  8.  Ceinture  thoracique  de  Ranci  mugiens  adulte. 

Fig.  9.  Ceinture  thoracique  de  Systoma  gibbosummh\&^àn\te  (Empruntée  àParker); 

vue  antéro-supérieure,  3 diamètres  et  demi. 

Fig.  10.  Ceinture  thoracique  de  Systoma  granosum  (Empruntée  à Parker)  ; vue 
postéro-supérieure,  3 diamètres. 

Fig.  1 1 . Ceinture  thoracique  de  Dactylethra  capensis  adulte. 

Fig.  12.  Disposition  de  la  cavité  glénoïde  de  cette  dernière. 

PLANCHE  IL 

Fig.  1.  Ceinture  thoracique  droite  de  Chamœleon  vulgaris  adulte.  Epaule  droite; 

— m.  bic.,  muscle  biceps. 

Fig.  2.  Ceinture  thoracique  droite  de  Lacerta  ocellata  adulte.  Plus  grande  que 
nature. 

Fig.  3.  Ceinture  thoracique  droite  de  Thalassochelys  caretta  adulte.  Face  an- 
térieure. 

Fig.  4.  Ceinture  thoracique  gauche  à' Alligator  lucius  jeune,  d'un  mètre  de 
longueur  environ.  Face  externe. 

Fig.  5.  Ceinture  thoracique  droite  de  Ratite  ( Rliea  americana  adulte).  Face 
externe  ; — tu.  p.  gl .,  tubérosité  préglénoïdienne. 

Fig.  6.  Ceinture  thoracique  droite  de  Struthio  camelus  assez  jeune.  Face  externe; 

— tu.  p.  gl.,  tubérosité  préglénoïdienne. 


— 425 


PLANCHE  III. 

Fig.  1.  Ceinture  thoracique  droite  de  Pelecanus,  réduite  un  peu  plus  que  de  moitié  ; 

vue  par  la  face  interne.  Les  ligaments  ont  été  enlevés  ; — ap.  cl.,  apo- 
physe claviculaire  du  coracoïde. 

Fig.  2.  La  même  sur  laquelle  on  a conservé  les  ligaments  ; — ap.  cl.,  apophyse 
claviculaire. 

Fig.  3.  Ceinture  thoracique  droite  de  Falco  niger,  réduite  de  moitié;  — ap.  cl., 
apophyse  claviculaire. 

Fig.  4.  Ceinture  thoracique  gauche  de  Nisus  comrmonis  n’ayant  encore  que  la 
moitié  de  ses  plumes.  (Empruntée  h Parker). 

Fig.  5.  Ceinture  thoracique  droite  de  Gallus.  L’angle  formé  par  le  scapulum  et  le 
coracoïde  a été  redressé;  — ap.  cl.,  apophyse  claviculaire. 

Fig.  6.  Omoplate  droite  de  Lepus  timidus.  Face  interne. 

Fig.  7.  La  même  vue  par  l’extrémité  glénoïdienne. 

Fig.  8 Omoplate  et  humérus  droits  de  Delphinus  delphis.  Face  externe. 

Fig.  9.  Coracoïdes,  épicoracoïdes,  interclavicule  et  clavicule  d 'Echidna  ( Acan - 
thoglossus ) Bruijnii. 

Fig.  10.  Id.  d ' Ornithorhynchus  paradoxus. 

Fig.  11.  Id.  d ' Echidna  histrix . 

PLANCHE  IV. 


Fig.  1.  Ceinture  pelvienne  de  Siredon  pisciformis  de  taille  moyenne,  vue  par  la 
face  antérieure.  L’iléon  droit  a été  ramené  en  avant;  — sp.  isc .,  dési- 
gnation erronée  de  Y épiischion. 

Fig.  2.  Ceinture  pelvienne  de  Salamandra  maculosa  jeune.  Face  latérale. 

Fig.  3.  La  même,  vue  par  la  face  antérieure. 

Fig.  4.  Ceinture  pelvienne  de  Rana  mugiens  adulte.  Grandeur  naturelle.  Face 
externe.  Au-dessus  de  l’iléon  se  voit  la  côte  sacrée. 

Fig.  5.  Ceinture  pelvienne  de  Dactylethra  capensis,  vue  par  la  face  externe. 

Fig.  6.  La  même,  vue  par  la  face  supérieure.  Par  erreur,  le  pubis  est  désigné  par 
les  lettres  st. 

Fig.  7.  Ceinture  pelvienne  de  Chamæleo  vulgaris  adulte.  Vue  latérale;  il.  pu. 

tubérosité  ilio-pelvienne;  — m.  tr.,  muscle  triceps; — tr.  ol.,  désignation 
vicieuse  du  trou,  obturateur . 

Fig.  8.  La  même,  vue  de  face. 

Fig.  9.  Ceinture  pelvienne  de  Lacerta  ocellata.  Vue  latérale; — st.  pelv.,  sternum 
pelvien. 


— 426 


Fig.  10.  Ceinture  pelvienne  à'Iguana,  vue  par  la  face  inférieure  ; — il.  sac.,  em- 
preinte sacrée  de  l’iléon  ; — st.  pel.,  sternum  pelvien. 

Fig.  11.  Ceinture  pelvienne  de  Testudo  mauritanica  adulte,  vue  par  la  face  in- 
férieure;— lig.ise.  pu.,  ligament  ischio-pubien;  — st.  pel.,  sternum 
pelvien. 

Fig.  12.  Ceinture  pelvienne  de  Thalassochelys  caretta,  vue  parla  face  inférieure  : 
— cost.  sac.,  côtes  sacrées; — e.  isc.,  désignation  de l’épiischion,  auquel, 
par  oubli,  elle  n’est  pas  reliée  par  des  points. 

Fig.  13.  Ceinture  pelvienne  ü Alligator  lucius,  vue  latéralement.  — fo.act.,  fon- 
tanelle de  l’acétabulum  ; — ba.  pu.,  pubis  basilaire. 

Fig.  14.  Symphyse  des  ischions  réduite  de  moitié  pour  montrer  les  épiischions. 

Fig.  15.  Symphyse  des  pubis;  — Apon.  abd.,  aponévrose  abdominale. 

Fig.  16.  Région  acétabulaire  de  la  ceinture  pelvienne  d’un  Crocodilus  biporcatus. 

Face  externe;  — t.  coty.,  trou  cotyloïdien  ou  fontanelle  de  l’acétabulum. 
D’après  de  Blainville  (Ostéographie). 

Fig.  17.  La  même  région  chez  un  Alligator  sclerops.  D’après  de  Blainville. 
(Ostéographie.) 

Fig.  18.  Clavicule  droite  d’un  embryon  humain  de  2 pouces  4 lignes.  — cl.,  cla- 
vicule;— p.  cr.,  précoracoïde; — m.  sc.  s.,  segment  mésoscapulaire. 
(Empruntée  à Parker,  dont  les  désignations  sont  conservées). 

Fig.  19.  Extrémité  sternale  grossie  de  la  même  clavicule  et  région  sterno-clavicu- 
laire.  — Union  de  la  clavicule  avec  le  présternum;  — pst.,  présternum  ; 
ost.,  omosternum;  — per. , précoracoïde  ; — cost.,  première  côte  sternale. 
(Empruntée  à Parker,  dont  les  désignations  sont  conservées.) 

PLANCHE  Y. 

Fig.  1 . Ceinture  pelvienne  d’PIomme  adulte,  dont  l’ischion  a été  supprimé.  Face 
externe  ; — l.  c.  p.,  ligne  semi-circulaire  postérieure  ; — Le.  a.,  ligne 
semi-circulaire  antérieure;  — m.  g.  f.,  muscle  grand  fessier; — m.  m.  f.. 
muscle  moyen  fessier;  — m.  p.  f.,  muscle  petit  fessier; — m.  il., 
muscle  iliaque;  — m.  dr.  a.,  muscle  droit  antérieur; — s ail.  il.,  saillie 
iliaque; — em.il.,  éminence  iliaque ; — sp.  i.  s.,  épine  iliaque  supé- 
rieure; — sp.  i.  i.,  épine  iliaque  inférieure. 

Fig.  2.  Omoplate  humaine  sur  laquelle  l’épine  a été  retranchée.  Face  externe.  — 
em.  sc.,  éminence  scapulaire  ; — sp.  sc.,  épine  du  scapulum  ; — sail. 
sc.,  saillie  scapulaire; — sp.  s.,  épine  supérieure;  — sp.  i.  épine  infé- 
rieure;— lig.  s.  cr.,  ligament  sus-coracoïdien  ; — m.  bi.,  muscle  biceps; 
— m.  g.  r.,  muscle  grand  rond; — m.  p.  r.,  muscle  petit  rond;  — 
m.  so.  e.,  muscle  sous-épineux  ; — m.  s.  e.  muscle  sus-épineux. 


— 427  — 


Fig.  3.  La  même  que  fig.  1.  Vue  par  le  bord  inférieur  et  de  champ. 

Fig.  4.  La  même  que  fig.  2.  Vue  par  le  bord  axillaire  et  de  champ. 

Fig.  5.  Os  iliaque  de  fœtus  humain  de  huit  mois  environ,  sur  lequel  l’ischion  a été 
séparé.  Face  interne;  e.  il.  pu.,  éminence  iléo-pubienne. 

Fig.  6.  Omoplate  du  même.  Face  interne. 

Fig.  7.  Iléon  à! Alligator  lucius  vu  par  la  face  interne  pour  montrer  les  deux  sur- 
faces d’articulation  avec  les  côtes  sacrées  ; — s.  a.,  sacrum  antérieur; — 
s,  p.,  sacrum  postérieur;  — pu.  bas.,  pubis  basilaire. 

PLANCHE  VI. 

Fig.  1.  Portion  muqueuse  du  bassin  de  Casuarius  galeatus  non  adulte.  Face 
externe  droite. 

Fig.  2.  Bassin  d’Oiseau.  Face  externe  droite  sur  lequel  on  a marqué  par  un  trait 
plus  fort  la  portion  qui  appartient  au  bassin  crocodilien. 

Fig.  3.  La  même,  sur  lequel  le  trait  plus  fort  circonscrit  la  portion  qui  appartient 
au  bassin  de  Mammifère. 

Fig.  4.  Os  iliaque  droit  de  Mouton.  Face  interne  ; — surf,  sac.,  surface  sacrée;— 
m.  il.,  muscle  iliaque  ; — m.f.  p.,  muscle  fessier  profond; — sp.  il.  pu., 
épine  iléo-pubienne;  — sy.  pu.,  symphyse  pubienne  ; — e.  il.  isc., 
éminence  iléo-ischiatique  ; — s.  cot.,  ou  sus-cotyloïdienne. 

Fig.  5.  La  même,  vue  par  la  face  externe.  Mêmes  indications. 

Fig.  G.  Extrémité  supérieure  du  fémur  droit  de  Struthio  camelus , vue  par  sa  face 
supérieure;  — te.,  tête;  — tro .,  trochanter. 

Fig.  7.  La  même  de  Casuarius  galeatus. 

Fig.  8.  Extrémité  supérieure  du  fémur  gauche  de  Pelecamcs. 

Fig.  9.  La  même  de  Gallus. 

Fig.  10.  Extrémité  supérieure  du  fémur  gauche  à’ Alligator  lucius,  vue  par  sa  face 
supérieure. 

Fig.  11.  La  même  de  Crocodilus  biporcatus . (D’après  de  Blainville.) 

Fig.  12.  Omoplate  d’Homme.  Face  interne;  — surf,  rug.,  surface  rugueuse;  — 
em.  sc.,  éminence  scapulaire; — det.  sup.  sc.  ax.,  détroit  supérieur, 
scapulum  axial. 

Fig.  13.  Os  iliaque  humain.  Face  interne;  — em.  il.,  éminence  iliaque;  — surf. 

rug.,  surface  rugueuse;  — fac.  aur.,  facette  auriculaire;  — det.  sup. 
il.  ax.,  détroit  supérieur,  iléon  axial;  — t.  d.  m.  d.,  tendon  direct  du 
muscle  droit. 

PLANCHE  VIL 

Fig.  1.  Os  iliaque  droit  de  Pavo  cristatus.  Face  externe; — e.  il.  p.,  épiiléon 
postérieur;  e.  il.  a.,  épiiléon  antérieur;  — il.  ax.  a.,  iléon  axial  anté- 


528 


rieur;  — il.  ax.  p.,  iléon  axial  postérieur;  — sp.  il.  a.,  épine  iliaque 
antérieure; — sp.  il.  p.  épine  ou  tubérosité  iliaque  postérieure;  — sp.  il. 
pu. , épine  iléo-pubienne  ; — g.  ech.  sc.,  grande  échancrure  sacro-scia- 
tique ; — p.  ech.  isc.,  petite  échancrure  sacro-sciatique;  — e.  a.  tro., 
éminence  anti-troehantérienne; — acet.,  acétabulum  et  sa  fontanelle. 

Fig.  2.  Le  même,  vu  par  la  face  inférieure  ou  concave; — v.  d.,  vertèbre  dorsale; 

v.  I.,  vertèbres  lombaires  ; — sac.  a.,  sacrum  antérieur  ; — int.  sac.,  in- 
ter sacrum  ; — sac.  p , sacrum  postérieur;  — sac.  lac.,  sacrum  lacer- 
tilien  ; — v.  c.,  vertèbres  caudales  ; — ad.  acétabulum. 

Fig.  3.  Le  même,  vu  par  la  face  supérieure  ou  dorsale;  — il.  ax.  a.,  iléon  axial 
antérieur;  — il.  ax.  p.,  iléon  axial  postérieur; — sac.  lac.,  sacrum 
lacertilien. 

Fig.  4.  Os  iliaque  droit  de  Rapace  (Vautour  ?)  plus  petit  que  nature.  Mêmes  in- 
dications que  pour  les  figures  précédentes. 

Fig.  5.  Os  iliaque  droit  de  Macropus  giganteus.  Réduit  de  moitié; — sa.  il., 
saillie  iliaque  ; — surf.  sac.  surface  sacrée;  — m.  dr.  a.,  muscle  droit 
antérieur;  — m.  p.  ps.,  muscle  petit  psoas  ; — ap.  pu.,  apophyse  pu- 
bienne ; — mars.,  os  marsupial  ; — st.  pelv.,  sternum  pelvien. 

Fig.  6.  Os  iliaque  droit  de  Lepus  timidus.  Mêmes  indications  que  pour  la  jftg.  5. 

Fig.  7.  Os  iliaque  droit  d’une  vieille  femme  (Musée  anatomique  de  la  Faculté  de 
Médecine  de  Montpellier)  ; — sa.  il.,  saillie  iliaque  ; — lig.  cru.,  liga- 
ment crural;  — m.  dr.  a.,  muscle  droit  antérieur. 

Fig.  8.  Région  sacro-pubienne  de  Lacerta  ocellata,  vue  par  la  face  supérieure  ; 

act.,  acétabulum; — sac.  lac.,  sacrum  lacertilien;  — v.  c.,  vertèbres 
caudales. 

PLANCHE  VIII. 

Fig.  1.  Humérus  gauche  du  Bufo  tigrinus.  Face  antérieure  ou  de  la  flexion  du 
coude. 

A.  Ligne  âpre. 

Fig.  2.  Fémur  gauche  du  même.  Face  postérieure  ou  de  la  flexion  du  genou. 

A'.  Ligne  âpre. 

Fig.  3.  Humérus  gauche  de  Rana  mugiens.  Face  antérieure  ou  de  la  flexion  du 
coude. 

A.  Ligne  âpre. 

Fig.  4.  Fémur  gauche  du  même.  Face  postérieure  ou  de  la  flexion  du  genou. 

A'  Ligne  âpre. 


429  — 


Fig.  5.  Humérus  gauche  de  grande  Tortue  terrestre  d’Amérique,  vu  par  la  face 
ventrale  de  l’animal  dans  ses  rapports  avec  la  ceinture  thoracique. 

A.  Bifurcation  antérieure  delà  ligne  âpre  (Crête  pect.-deltoïd.). 

B.  Bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

D.  Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Trochin). 

E.  Portion  de  l’extrémité  antérieure  du  chapiteau  qui  n'est  pas 

entrée  dans  la  constitution  delà  tête  (Trochiter). 

Fig.  6.  Fémur  gauche  du  même  animal,  vu  par  la  face  ventrale,  dans  ses  rapports 
avec  la  ceinture  pelvienne.  Les  fig.  5 et  6 représentent  les  deux  membres 
dans  leur  position  naturelle,  l’un  par  rapport  à l’autre. 

A'.  Bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  (Trochantin) . 

B' . Bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C1.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

B'.  Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Trochanter). 

E' . Portion  de  l’extrémité  antérieure  du  chapiteau  qui  n’est  pas 
entrée  dans  la  constitution  de  la  tête. 

Fig.  7.  Humérus  gauche  de  Crocodile  (d’après  Cuvier,  Ossements  fossiles).  Face 
antérieure  ou  de  la  flexion  du  coude. 

A . Bifurcation  antérieure  delà  ligne  âpre  (Crête pectoro-deltoïdienne) . 
B Bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau. 

D.  Extrémité  postérieure  du  chapiteau. 

Fig.  8.  Fémur  gauche  de  Crocodile  (d’après  Cuvier).  Face  postérieure  ou  de  la 
flexion  du  genou. 

A' . Bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  (Insertion  de  l’iliaque). 
B' . Bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C'.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau. 

B' . Extrémité  postérieure  du  chapiteau. 

Fig.  9.  Muscles  de  l’épaule  et  du  bras  d’un  Alligator  sclerops. 

1.  Coraco-brachial  court  et  chef  coracoïdien  dQ  l’obturateur  externe. 

2.  Pectoral  et  deltoïde. 

3.  Chef  précoracoïdien  et  chef  scapulaire  antérieur  de  l’obturateur  in- 

terne. 

4.  Sous-scapulaire  postérieur. 

4'.  Son  tendon  interrompu  adhérant  à l’humérus. 

5.  Chef  coracoïdien  du  triceps. 


450 


6.  Biceps. 

7.  Vaste  interne. 

Fig.  10.  Humérus  gauche  de  Vautour,  vu  par  la  face  antérieure  ou  de  la  flexion 
du  coude.  L’os  étant  vu  de  face  paraît  droit , mnis  il  présente  une  double 
incurvation  en  S semblable  à celle  de  l'humérus  de  Crocodile  de  la  fig.  7. 
(Réduit  au  tiers  environ.) 

A . Bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  (Crète  pectoro-deltoïdien  ne' . 

B.  Bifurcation  postérieure. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau. 

D.  Extrémité  postérieure. 

T.  Tête  intermédiaire  entre  les  deux  extrémités  du  chapiteau. 

Fig.  11.  Fémur  gauche  de  Vautour,  vu  par  la  face  postérieure  ou  de  la  flexion  du 
genou. 

A'.  Bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  (Insertion  de  l’iliaque) . 
B'.  Bifurcation  postérieure. 

G”.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  ^Têtel . 

B'.  Extrémité  postérieure  (Trochanter). 

Fig.  12.  Humérus  gauche  de  Vautour,  vu  par  la  face  de  l’extension  du  coude,  ou 
face  convexe. 

A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau. 

D.  Extrémité  postérieure. 

R.  Gouttière  formant  un  rudiment  de  col. 

M.  Ligne  âpre  de  la  face  convexe. 

Fig.  13.  Fémur  gauche  de  Vautour,  vu  par  la  face  de  l’extension  du  genou,  ou  face 
convexe. 

C'.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

D' . Extrémité  postérieure  (Trochanter). 

M'.  Ligne  âpre  de  la  face  convexe. 

Fig.  14.  Extrémité  supérieure  de  l’humérus  gauche  de  Lepus  timidus  non  adulte, 
vue  par  la  face  antérieure  ou  de  la  flexion  du  coude. 

A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter  et  moitié  de  la  Tête). 

D.  Portion  postérieure  (Trochin  et  moitié  de  la  Tête). 

Sur  cette  figure  et  sur  la  fig.  15,  le  chapiteau  est  séparé  par  un 
sillon  de  l’épiphyse,  à laquelle  il  n’est  pas  encore  soudé. 

Fig.  14'.  La  même,  vue  par  la  face  supérieure,  de  manière  à montrer  la  gouttière 


— 431 


qui  sépare  les  deux  portions  du  chapiteau  malgré  le  développement  de  la 
tête  sur  l’espace  moyen  de  la  face  interne  primitive  du  chapiteau.  La 
ligne  ponctuée  qui  correspond  à la  gouttière  indique  la  séparation  des 
deux  portions  du  chapiteau. 

C.  D.  Comme  en  fig . 14. 

Fig.  15.  Extrémité  supérieure  du  fémur  gauche  de  Lepus  timidus,  vue  par  la  face 
postérieure  ou  de  flexion  du  genou. 

A'.  Bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre  (Trochantin). 

B' . Bifurcation  postérieure. 

C' . Portion  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

D’ . Portion  postérieure  (Trochanter). 

Fig.  15'.  La  même,  vue  par  la  face  supérieure,  de  manière  à pouvoir  être  comparée 
à la  fig.  14'  et  à démontrer  que  la  gouttière  de  la  fig . 14'  correspond  à 
l’échancrure  qui  sépare  la  tête  du  trochantin  dans  la  fig.  15'.  La  ligne 
ponctuée  sépare  les  deux  portions  du  chapiteau. 

A’.  C'.  D'.  Comme  dans  fig.  15. 

PLANCHE  IX. 

Nota  bene. — Les  fig.  9,  10,  11,  12,  13,  14,  15,  16',  17',  sont  toutes  placées 
dans  une  position  identique,  telle  que  l’axe  de  la  trochlée  humérale  et  celui  de 
l’extrémité  condylienne  du  fémur  sont  exactement  transversaux,  et  par  conséquent 
parallèles  entre  eux. 

Fig.  1.  Humérus  gauche  de  Tapir,  vu  par  la  face  antérieure  ou  de  la  flexion  du 
coude. 

A.  Crête  deltoïdienne  (bifurcation  antérieure  de  la  ligne  âpre). 

B.  Insertion  du  grand  rond  et  du  grand  dorsal,  qui  s’est  transportée 

au  voisinage  de  la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  qui  répond  à la  tête  du  fémur. 

D.  Portion  postérieure  du  chapiteau  qui  répond  au  trochanter  du 

fémur. 

X.  Apophyse  musculaire  (sous-épineuse)  du  trochanter. 

Y.  Coulisse  du  biceps. 

AO.  Axe  de  l’os. 

AT.  Axe  de  la  trochlée. 

Tro.  Trochlée. 

Co.  Condyle. 


35 


— 452 


Fig.  2.  Fémur  gauche  de  Tapir,  vu  par  la  face  postérieure  ou  de  la  flexion  du  genou. 

A'.  Insertion  du  psoas  iliaque  (Trochantin).  Bifurcation  antérieure  de 
la  ligne  âpre. 

B1.  Insertion  de  la  portion  du  long  vaste  qui  représente  le  grand 
fessier,  et  qui  s’est  transportée  au  voisinage  de  la  bifurcation  pos- 
térieure de  la  ligne  âpre. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Tète  fémorale). 

D’.  Portion  postérieure  du  chapiteau  (Trochanter!. 

Fig.  3.  Humérus  gauche  de  Chèvre,  vu  par  la  face  antérieure  ou  de  la  flexion  du 
coude. 

A,  B , C,  D , HO,  AT,  Tro,  Co,  mêmes  significations  que  pour  \&fïg.  1. 
Ra.  Radius. 

Fig.  4.  Fémur  gauche  de  Chèvre,  vu  par  la  face  postérieure  ou  de  la  flexion  du 
genou. 

A\  B' , C',  D’ , comme  pour  ia  fig.  2. 

Fig.  5.  Fémur  gauche  d’Homme,  extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  postérieure 
ou  de  la  flexion  du  genou. 

A'.  Insertion  du  psoas  iliaque  (Trochantin).  Bifurcation  antérieure  de 
la  ligne  âpre. 

B' . Insertion  du  grand  fessier  gf.  et  des  adducteurs  ad.  Bifurcation 
postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C'.  Extrémité  interne  du  chapiteau  (Tête  du  fémur). 

D'.  Extrémité  externe  (Trochanter). 

Fig.  G.  Humérus  gauche  d’Homme.  Extrémités  supérieure  et  inférieure,  vues  par 
la  face  antérieure  ou  de  la  flexion  du  coude. 

A.  Empreintes:  1.  deltoïdienne  ; 2.  pectorale.  Bifurcation  anté- 
rieure de  la  ligne  âpre. 

B.  Empreintes:  1.  du  grand  dorsal;  2.  du  grand  rond,  transportées 

au  voisinage  de  la  bifurcation  postérieure  de  la  ligne  âpre. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Trochanter). 

1).  Portion  postérieure  du  chapiteau  (Trochin  et  toute  la  Tête). 

AO.  Axe  de  l’os. 

AT.  Axe  de  latrochlée. 

Fig.  7.  Humérus  gauche  de  Ruminant  (Chèvre).  Extrémité  supérieure,  vue  par  la 
face  externe  ou  antérieure  primitive. 


A.  Crête  deltoïdienne. 


455 


C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter  et  petite  portion  de  la 

Tête) . 

D.  Portion  postérieure  du  chapiteau  (Trochin  et  le  reste  de  la  Tête). 

X.  Gouttière  de  séparation  des  deux  portions  du  chapiteau. 

Fig.  8.  Fémur  gauche  de  Chèvre.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  interne  ou 
antérieure  primitive. 

A'.  Insertion  du  psoas  iliaque  (Trochin). 

C'.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

JD' . Extrémité  postérieure  (Trochanter). 

Fig.  9.  Humérus  gauche  de  Tapir.  Face  supérieure  de  l’extrémité  supérieure. 

Y.  Gouttière  bicipitale. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter  et  petite  portion  de  la 

Tête). 

D.  Portion  postérieure  du  chapiteau  (Trochin  et  le  reste  de  la  Tête) . 

Fig.  10.  Fémur  gauche  de  Tapir.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  supérieure. 

Y'.  Gouttière  postérieure  placée  entre  les  branches  de  bifurcation  de 
la  ligne  âpre  et  répondant  à la  gouttière  bicipitale  de  l’humérus. 
A1.  Insertion  du  psoas  iliaque  (Trochantin) . 

C'.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

D1.  Portion  postérieure  (Trochanter). 

Cette  figure  peut  également  servir  pour  le  fémur  humain,  dont  elle  ne 
diffère  que  par  des  détails  de  peu  d’importance  ici. 

Fig.  11.  Humérus  gauche  d’Homme.  Extrémité  .supérieure,  vue  par  la  face  supé- 
rieure. 

C.  Portion  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter) . 

JD.  Portion  postérieure  (Tête  et  Trochin). 

Y.  Coulisse  ou  gouttière  du  biceps. 

Fig.  12.  Humérus  gauche  de  Singe. papion.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face 
supérieure. 

A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter  et  petite  portion  de 

la  Tête) . 

D.  Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Trochin  et  le  reste  de  la  Tête) . 
Y.  Gouttière  du  biceps. 


— 454  — 

Fia.  13.  Fémur  gauche  de  Singe  papion.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  su- 
périeure. 

A'.  Insertion  du  psoas-iliaque  (Trochantin) . 

C' . Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

I)' . Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Trochanter) . 

Fig.  14.  Humérus  gauche  de  Coq.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  supérieure. 
A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tubérosité  externe). 

I).  Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Tubérosité  interne). 

T.  Tête  terminale,  transversale,  développée  entre  les  deux  tubérosités 
extrêmes  du  chapiteau,  et  plus  saillante  en  dedans,  c’est-à-dire 
vers  l’extrémité  postérieure  primitive  du  chapiteau. 

R.  Rudiment  de  col. 

Y.  Gouttière  du  biceps. 

Fig.  15.  Fémur  gauche' de  Coq.  Extrémité  supérieure,  vue  par  la  face  supérieure. 

C'.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tête). 

D' . Extrémité  postérieure  du  chapiteau  (Trochanter) . 

Fig.  16.  Humérus  gauche  de  Rhynolophe,  vu  par  la  face  interne  ou  postérieure 
primitive. 

A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Trochiter) . 

D.  Extrémité  postérieure  (Trochin). 

T.  Tête  développée  entre  lesdeux  tubérosités  extrêmes  du  chapiteau. 
Y.  Coulisse  bicipitale. 

Fig.  16'.  Le  même  os,  vu  par  la  face  supérieure  de  l’extrémité  supérieure. 

Mêmes  indications. 

Fig.  17.  Fémur  gauche  de  Rhynolophe,  vu  pâr  la  face  externe  ou  postérieure  pri- 
mitive. 

A! . Point  correspondant  à l’insertion  du  psoas  iliaque  au-dessous  de  C'. 
C'.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  (Tubérosité  antérieure). 

D'.  Extrémité  postérieure  (Trochanter). 

Z'.  Tête  développée,  comme  pour  l’humérus,  entre  les  deux  tubérosités 
extrêmes  du  chapiteau. 

L.  Ligament  rond  interarticulaire. 


— 455  — 

Fig.  1?'.  Le  même  os,  vu  par  ]a  face  supérieure  de  l’extrémité  supérieure. 
Mêmes  indications. 

Fig.  18.  Humérus  gauche  de  Caméléon.  Face  postérieure  ou  externe  primitive. 
A.  Crête  pectoro-deltoïdienne. 

C.  Extrémité  antérieure  du  chapiteau  ou  tubérosité  externe. 

D.  Extrémité  postérieure  ou  tubérosité  interne. 

T.  Tête  terminale  située  dans  l’intervalle  des  deux  extrémités. 

Fig.  19.  Humérus  gauche  de  Lézard  ocellé. 

Mêmes  indications. 


NOTES  ET  ERRATA. 


Page  31,  ligne  19.  Au  lieu  de  préscapulum,  lisez  : mésoscapulum. 

— 79,  Note.  Au  lieu  de  précoracoïde  embryonnaire,  lisez  : coracoïde  embryon- 

naire. 

— 127,  ligne  6,  lisez:  la  ceinture  pectorale. 

— 129.  Chez  les  Cynocéphales,  le  grand  droit  de  l’abdomen  s’élève  plus  haut  que 

chez  l’Homme  et  les  Anthropoïdes,  et  se  termine  supérieurement  par 
une  longue  et  forte  aponévrose  tendineuse  qui  s’attache  sur  toute  la 
longueur  du  bord  du  sternum  jusqu’au  niveau  de  la  première  côte,  et 
s’insère  sur  le  premier  cartilage  costal. 

— 132.  Je  dois  rappeler,  à propos  de  l’angulaire  de  l’omoplate,  que  chez  les 

Primates  ce  muscle  forme  avec  le  grand  dentelé  une  couche  muscu- 
laire continue. 

— 370,  ligne  22.  Au  lieu  de  fig.  7 et  8,  lisez  : fig.  7. 

— 383,  — 1 . Au  lieu  de  fig . 7 et  8,  lisez  : fiçj.  8 et  7. 

— 406,  — 26.  Au  lieu  de  fig.  8,  lisez  : fig.  7. 


TABLE  DES  MATIERES. 


Introduction  . . , 

PREMIÈRE  PARTIE.  — OstéoUogâe 

Ceinture  thoracique  des  Amphibiens 21 

Ceinture  thoracique  des  Reptiles.. 28 

Ceinture  pelvienne  des  Amphibiens 35 

Ceiature  pelvienne  des  Reptiles 39 

Ceinture  thoracique  des  Oiseaux 55 

Ceintures  thoracique  et  pelvienne  des  Mammifères 63 

Ceintures  thoracique  et  pelvienne  des  Mammifères  ornithodelphes 82 

Ceinture  pelvienne  des  Oiseaux 87 

Du  Sacrum 101 

DEUXIÈME  PARTIE. — «Comparaison  des  Muscles  des  deux  Ceintures  1 13 

Considérations  générales 113 

Première  Catégorie.  — Muscles  rattachant  les  deux  Ceintures  au  tronc . 126 

Grand  oblique.  — Petit  oblique.  — Transverse  de  l'abdomen 127 

Grand  droit  antérieur  de  l’abdomen  et  pyramidal 129 

Carré  des  lombes 131 

Trapèze 131 

Rhomboïde 131 

Angulaire  de  l’Omoplate 132 

Omo-hyoïdien 133 

Grand  dentelé 135 

Petit  pectoral  Grand  pectoral, — Pyramidal 137 

Deuxième  Catégorie.  — Muscles  rattachant  le  premier  article  du  membre,  soit  au 

tronc , soit  à la  ceinture,  soit  aux  deux  à la  fois 159 

Grand  et  petit  psoas.  — Trapèze  claviculaire.  — Deltoïde  claviculaire.  — Cléido- 

mastoïdien 160 

Iliaque.  — Sous-scapulaire 166 

Obturateurs  interne  et  externe.  — Petit  fessier. — Petit  rond 178 

A.  Amphibiens 185 

B,  Reptiles 187 

1°  Chéloniens 188 

2“  Lacertiliens 192 


— 457  — 

3°  Chamæléonides 198 

4"  Crocodiliens 200 

C.  Oiseaux 210 

U,  Ornithodelphes 215 

Moyen  fessier.  — Sus-épineux  et  sous-épineux ■ 217 

Grand  dorsal.  — Grand  rond.  — Deltoïde.  — Grand  fessier.  — Tenseur  du  fascia 

lata 222 

Pectiné.  — Adducteurs  lémoraux.  — Coraco-brachial 230 

Carré  crural.  — Jumeaux  pelviens 237 

Troisième  et  Quatrième  Catégories.  — Muscles  ralachant  le  deuxième  article  des 

membres,  soit  à la  ceinture,  soit  au  premier  article 237 

Droit  antérieur  de  la  cuisse.  — Long  biceps  brachial 238 

Long  biceps  brachial  des  Mammifères.  — Demi-tendineux.  — Demi-membraneux. 

— Droit  antérieur  de  la  cuisse 273 

Long  biceps  crural.  — Long  triceps  brachial 277 

Vastes  interne  et  externe  huméraux.  — Vastes  externe  et  interne  fémoraux.  — 
Brachial  antérieur.  — Court  biceps  fémoral. — Poplité 292 

Comparaison  des  muscles  naissant  de  l’iléon  chez  les  Oiseaux,  chez  les  Crocodiles  et 

chez  les  Mammifères.  . : 304 

Couturier.  — Tenseur  du  fascia  lata.  — Grand  fessier 305 

Biceps 311 

Droit  antérieur 312 

Iliaque  et  obturateur  interne 312 

Moyen  fessier 313 

Petit  fessier 314 

Tableau  comparatif  des  muscles  de  l'Iléon  chez  le  Mammifère,  l'Oiseau  et  le 

Crocodile 320 

Tableau  comparatif  des  homologies  des  muscles  des  deux  ceintures  chez  l’Homme  et 

chez  les  Mammifères  supérieurs 321 

Conclusions  de  l’élude  du  système  musculaire  des  deux  ceintures 323 

TROISIÈME  PARTIE.  — Comparaison  dsi  membre  antérieur  et  du 
membre  postérieur 326 

Théorie  de  la  torsion  de  l’humérus 331 

Théorie  articulaire  ou  Théorie  de  la  rotation.  — Têtes  et  cols  de  l’humérus  et  du  fémur 

— Trochanters  ou  Tubérosités 379 

Conclusion  Générale 422 

Explication  des  Planches 423 

Notes  et  Errata 435 


MONTPELLIER. 


TYPOGRAPHIE  ET  LITHOGRAPHIE  BOEHM  ET  FIL 


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Mém.del'Acad.  de  Montpellier  (Section.  desSciences) 


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Mem.de  l’Acad.de  Montpellier  ( Section  des  Sciences)  PI. IX. 


Laboratoire  de  Zoologie  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Montpellier. 

4me  Volume.  — 1er  Fascicule. 


DI J MÉCANISME 


LA  RESPIRATION 

CHEZ  LES  CHÉLONIENS 


PAR 

ARMAND  SABATIER 

PROFESSEUR  A LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  MONTPELLIER,  LAURÉAT  DE  L’INSTITUT. 


MONTPELLIER 

CAMILLE  COLLET,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 

LIBRAIRE  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  UNIVERSITAIRE,  DE  L’ÉCOLE  NATIONALE  D’AGRICULTURE  ET  DE 
L’ACADÉMIE  DES  SCIENCES  ET  LETTRES, 

5,  GRAND’RUE,  S. 

PARIS 

ADRIEN  DELAHAYE  & E.  LECROSNIER,  LIBRAIRES-ÉDITEURS 

Place  de  l’École-de-Médecine,  23 
1881 


Pour  d’autres,  les  mouvements  respiratoires  des  Tortues  sont 
liés  aux  mouvements  de  locomotion.  Telle  est  l’opinion  de  Tauvry' . 
«Quand  la  Tortue  est  en  repos,  dit-il,  sa  tête  et  ses  pieds  sont  retirés 
sous  l’écaille  supérieure,  et  la  peau  qui  l’enveloppe  entièrement 
est  plissée;  mais  quand  l’animal  marche,  il  pousse  au  dehors  sa 
tête  et  ses  pieds,  sa  peau  s’étend,  puisqu’elle  est  tirée  par  ces 
parties,  et  par  conséquent  elle  forme  intérieurement  un  plus 
grand  espace,  et  c’est  dans  cet  espace  vide  que  l’air  est  obligé 
d’entrer. 

D’autres  anatomistes,  tels  que  Pérault,  considèrent  l’expan- 
sion du  poumon  ou  inspiration  comme  due  à l’élasticité  de  la 
membrane  qui  forme  ses  cellules,  et  l’expiration  comme  pro- 
duite par  la  compression  des  muscles,  dont  ces  animaux  sont 
abondamment  pourvus. 

Cuvier  n’est  pas  éloigné  de  penser,  au  contraire,  que,  tandis  que 
l’inspiration  est  due  à la  déglutition  de  l’air,  l’expiration  pourrait 
bien  être  la  conséquence  d’une  «force  propre  qui  réside  dans 
le  réseau  tendineux  qui  entre  dans  la  composition  des  pou- 
mons». 

Pour  d’autres  enfin,  tels  que  Varnier,  l’expiration  et  l’inspi- 
ration sont  l’une  et  l’autre  dues  au  poumon,  qui  est  pourvu  d’un 
réseau  musculaire  capable  de  le  dilater  ou  de  le  rétrécir  par  lui- 
même  et  indépendamment  de  l’action  des  autres  organes. 

Ces  opinions,  qui  sont  étrangères  à la  vérité  et  étrangères  à la 
nature  des  choses,  sont  presque  toutes  postérieures  à la  publica- 
tion de  la  Dissertation  sur  la  respiration  des  Tortues,  dissertation 
pleine  de  considérations  justes  et  de  bonnes  expériences,  publiée 
à Goettingue  en  mai  1795  par  Robert  Townson  dans  ses  Phy- 
siological  Observations  on  the  Amphibia. 

Après  avoir  repoussé,  à l’aide  d’expériences  bien  conduites,  les 
opinions  citées  plus  haut,  Townson  ajoute:  « Mon  attention  s’était 
«déjà  portée  vers  la  structure  et  le  rôle  de  certains  muscles  de 


1 Tauvry  ; Cité  dans  le  Mémoire  de  Duverney  sur  le  Cœur  de  la  Tortue  (Hist. 
de  l’Ac.  des  Sc.,  année  1699.) 


»la  région  des  flancs,  que  j’avais  vus  souvent  en  activité,  se 
«contractant  et  s’allongeant  alternativement,  et  qui,  quoique 
«placés sur  les  côtés  des  membres  inférieurs,  n’avaient  aucune 
«action  sur  les  mouvements  de  ces  derniers.  De  plus,  ces  mus- 
»cles  étaient  placés  sur  la  terminaison  et  le  dernier  lobule  des 
«poumons,  et  paraissaient  conserver  très-longtemps  leur  irrita- 
«bilité.  Gela  avait  suffi  pour  me  faire  conjecturer  que  ces  mus- 
» clés  pourraient  bien  être  les  agents  de  la  respiration  chez  ces 
«animaux.»  Ayant  enlevé  la  portion  de  la  carapace  qui  les 
recouvrait,  il  vit  que  l’un  était  placé  à peu  près  verticalement, 
etquel’autre,  situé  plus  près  du  sternum,  avait  une  direction  hori- 
zontale pour  la  plus  grande  partie.  En  se  contractant,  le  premier 
se  retirait  dans  l’intérieur  de  ia  carapace,  tandis  que  l’autre  se 
portait  dans  une  direction  contraire.  Le  premier  était  un  muscle 
expirateur  et  le  second  un  muscle  inspirateur.  Ces  deux  muscles, 
adhérents  l’un  à l’autre  par  l’intermédiaire  d’une  couche  de  tissu 
conjonctif,  sont  antagonistes.  Ils  compriment  et  dilatent  alterna- 
tivement les  poumons.  Townson  vérifia  par  la  voie  expérimen- 
tale la  justesse  de  ces  conjectures. 

Les  recherches  de  Townson  furent,  malgré  leur  valeur, 
oubliées  ou  méconnues,  et  l’opinion  que  les  Tortues  inspiraient 
par  déglutition  était  très-généralement  acceptée  par  tout  le  monde 
scientifique. 

Cependant  Pannizza,  dans  un  Mémoire  publié  en  1842  dans 
les  Ann.  des  Sc.  naturelles  {Observations  sur  la  respiration  chez  les 
Grenouilles , les  Salamandres  et  les  Tortues),  démontra  par  une 
expérience  très-bien  faite  que  l’inspiration  est,  chez  les  Tortues, 
le  résultat  d’un  appel  d’air  par  une  dilatation  de  la  cage  thora- 
cique. 

Enfin,  en  1861,  le  Dr  Weir  Mitchell,  faisant  quelques  expé- 
riences sur  la  pression  du  sang  chez  la  Chelydra  serpentina , 
fut  convaincu,  sans  avoir  préalablement  connu  le  travail  de 
Townson  et  celui  de  Pannizza,  que  les  vues  généralement  admises 
sur  le  mécanisme  de  la  respiration  des  Ghéloniens  étaient  entière- 
ment fausses.  Plus  tard,  il  publia,  avecla  collaboration  du  Dr  George 


6 — 


R.  Morehouse1,  un  Mémoire  étendu  sur  la  respiration  des  Chélo- 
niens,  Mémoire  dans  lequel  sont  étudiés,  dans  un  assez  grand 
nombre  d’espèces,  la  structure  de  l’appareil  et  des  muscles  res- 
piratoires, les  phénomènes  externes  de  la  respiration,  la  physio- 
logie des  muscles  de  la  respiration  et  la  physiologie  des  nerfs 
respiratoires.  Je  me  borne  à analyser  ici  ce  qui  concerne  l’ana- 
tomie et  la  physiologie  des  muscles  respiratoires. 

La  Tortue  étant  couchéesur  le  dos  et  le  plastron  enlevé,  on  trouve 
immédiatement  au-dessous  de  celui-ci  une  membrane  aponé- 
vrotique  (PI.  Y,  fig.  I,  g)  qui  recouvre  les  viscères  abdominaux, 
estomac,  intestins,  foie,  reins  et  poumons,  ces  derniers  po  étant 
appliqués  et  fixés  à la  voûte  de  la  carapace  de  chaque  côté  de  la 
colonne  vertébrale.  Cette  membrane  aponévrotique,  composée  de 
fibres  entre-croisées,  constitue  le  tendon  commun  de  deux  muscles, 
l’un  antérieur  (PL  V,  fig.  1,  cli)  et  l’autre  postérieur  ta.  Le  pre- 
mier (di,  fig.  1 et  2)  naît,  chez  la  Chelydra  serpentina,  du  bord 
vertébral  du  second  et  troisième  espace  intercostal,  du  second  arc 
costal,  de  la  seconde  côte  le  long  des  deux  tiers  de  sa  longueur,  et 
s’attache  à la  carapace  suivant  une  ligne  courbe  dirigée  en  arrière 
et  en  dehors,  depuis  la  troisième  et  la  quatrième  côte,  au  voi- 
sinage de  leur  jonction  avec  les  plaques  marginales.  Ce  muscle, 
queBojanus2  décrit  sous  le  nom  d q diaphragmations,  neressemble 
au  diaphragme  que  d’une  manière  superficielle.  Il  est,  en  effet, 
situé  en  avant  des  poumons  (PL  Y,  fig.  2,  po ),  dont  il  coiffe  le 
sommet  antérieur  po  ; if  est  traversé  par  la  trachée  et  me  pa- 
raît plus  rigoureusement  devoir  être  considéré  comme  une 
aponévrose  destinée  à séparer  la  région  cervicale  de  la  région 
thoraco-abdominale.  Ce  résultat  s’accorde  d’ailleurs  d’une  ma- 
nière très-heureuse  avec  l’absence  de  diaphragme  dans  tous  les 
autres  groupes  de  reptiles  actuels  (Sauriens,  Ophidiens,  Crocodi- 
liens);  et  nous  verrons  d’ailleurs  que  cette  aponévrose,  qui 


1 Smithsonian  Contrib.,  vol.  XIII,  1864,  n°  159.  Researches  upon  the  Anat. 
and.  Pliysiol.  of  Respir.  in  lhe  Chclonia. 

2 Bojanus;  Anatomia  Testudïnis  europeæ.  Viluæ,  1819. 


(ainsi  que  cela  se  voit  souvent)  a acquis  dans  certains  cas  et  d’une 
manière  accidentelle  une  structure  musculaire,  se  retrouve  chez 
d’autres  Chéloniens  avec  sa  structure  purement  aponévrotique. 

Le  muscle  postérieur  (PI.  Y,  fig.  1,  t.  a.)  naît  du  bord  opposé 
du  fascia  pelvien,  du  tiers  antérieur  de  l’iléon  en  arrière  de  l’é- 
pine, de  la  huitième  vertèbre,  et,  par  des  fibres  tendineuses,  de 
la  carapace  jusqu’à  la  sixième  côte,  la  ligne  d’origine  se  recour- 
bant en  arrière  pour  suivre  la  colonne  vertébrale.  Bojanus  l’a 
décrit  sous  le  nom  de  transversus  abdominis,  détermination  qui 
me  paraît  suffisamment  justifiée. 

On  conçoit  que  ces  deux  ventres  musculaires,  s’insérant  sur 
l’aponévrose  abdominale  qui  leur  sert  de  tendon  en  formant  un 
sac  viscéral,  compriment  fortement  par  leur  contraction  les 
viscères  abdominaux  contre  la  voûte  de  la  carapace  et  chassent 
conséquemment  l’air  contenu  dans  les  poumons.  Ce  sont  donc 
de  puissants  muscles  expirateurs. 

Les  muscles  inspirateurs  sont  situés  dans  les  flancs,  dans 
l’échancrure  postérieure  où  les  membres  postérieurs  sont  retirés 
pendant  le  repos.  C’est  une  lame  musculaire  (PL  YI,  fig.  1 , o.a.), 
à fibres  transversales  interrompues  généralement  , chez  les 
grandes  Tortues,  par  une  bande  tendineuse.  Ges  fibres  naissent 
de  toute  la  circonférence  de  l’espace  situé  entre  le  bord  posté- 
rieur du  plastron  et  le  bord  postérieur  de  la  carapace,  et  du 
ligament  de  Poupart.  Elles  s’étalent  en  éventail  falciforme 
vers  le  bord  de  la  carapace,  forment  une  membrane  musculaire 
à convexité  supérieure  et  antérieure  tournée  vers  la  cavité  vis- 
cérale, tandis  que  la  face  concave,  regardant  en  bas  et  en  arrière, 
reçoit  les  membres  postérieurs  quand  l’animal  les  retire.  La 
face  supérieure  ou  interne  de  ce  muscle  adhère  par  une  lame 
de  tissu  conjonctif  à la  face  superficielle  du  muscle  expirateur 
postérieur,  ou  transverse  de  l’abdomen.  Pendant  la  contraction, 
la  concavité  de  ce  muscle  s’abaisse  en  arrière  et  tend  à disparaî- 
tre. Le  muscle  expirateur  postérieur  qui  lui  adhère'est  entraîné 
par  lui,  et  il  en  résulte  un  agrandissement  de  la  cavité  viscérale 
qui  produit  nécessairement  l’inspiration . Je  ferai  remarquer  que 


— 8 — 


l’adhérence  étroite  réciproque  des  muscles  inspirateur  et  expi- 
rateur postérieurs  indique  suffisamment  l’alternance  de  l’action 
de  ces  deux  muscles,  dont  les  actions  si  directement  antagonistes 
seraient  complètement  annulées  si  leurs  périodes  d’activité  étaient 
simultanées.  Je  ferai  encore  remarquer  que  cette  adhérence  a aussi 
pour  résultat  de  placer  chacun  des  deux  muscles,  pendant  sa  période 
de  repos,  dans  une  situation  extrême  de  distension  ou  d’allonge- 
ment, qui  accroît  l’étendue  de  son  action  quand  arrive  pour 
lui  la  période  de  contraction. 

Weir  Mitchell  etMorehouse  démontrèrent  que,  sous  l’influence 
de  la  galvanisation,  les  muscles  ci-dessus  produisaient  bien  évi- 
demment, par  leurs  contractions,  des  phénomènes  d’expiration  et 
d’inspiration.  Mais  les  expériences  des  auteurs  ci-dessus  ne  se  bor- 
nèrent pas  à prouver  qu’il  y a chez  les  Tortues  inspiration  et  expi- 
ration actives,  elles  établirent  aussi  que  la  respiration  par  déglu- 
tition del’air  ne  peut  avoir  lieu.  Sur  unegrande  Tortue,  la  trachée 
fut  coupée,  un  tube  de  verre  fut  introduit  dans  le  bout  supérieur, 
et  un  autre  semblable  dans  le  bout  inférieur;  l’extrémité  libre  de 
chacun  des  deux  tubes  fut  plongée  dans  l’eau.  Dans  le  bout  su- 
périeur, l’eau  n’éprouva  aucun  changement  de  niveau  ; dans  le 
bout  inférieur,  l’eau  s’éleva  à chaque  inspiration  et  s’abaissa  à 
chaque  expiration.  La  preuve  était  donc  complète. 

Dans  ses  Leçons  sur  la  Physiologie  comparée  de  la  respiration 
(1870),  M.  Paul  Bert  a confirmé  expérimentalement,  à l’aide  des 
appareils  enregistreurs,  les  expériences  de  Mitchell  et  Morebouse. 

J’ai  pu,  à mon  tour,  vérifier  les  recherches  anatomiques  et  phy- 
siologiques de  Weir  Mitchell  etMorehouse  sur  une  Chelydra  ser- 
pentina,  sur  une  grande  Thalassochelys  caretta  (caouane),  sur 
une  grande  Émysaure  de  Themmynk  ; et  dans  tous  ces  cas  la  dis- 
position des  muscles  respiratoires,  ainsi  quelasignification  et  l’im- 
portance de  leur  action,  m’ont  apparu  dans  toute  leur  évidence.  Je 
n’ai  donc  rien  à retrancher  des  résultats  obtenus  à cet  égard  par  ces 
honorables  anatomistes.  Mais  il  y a d’autres  muscles  respiratoires 
que  ceux  qu’ils  ont  signalés  après  Tompson,  et  en  outre  il  est  des 
Chéloniens  auxquels  ne  sauraient  s’appliquer  les  conclusions 


émises  comme  des  axiomes  par  Weir  Mittchell  et  Morehouse. 

Ces  deux  auteurs,  après  avoir  étudié  l’anatomie  et  les  fonc- 
tions des  muscles  respiratoires  sur  un  assez  grand  nombre  d’es- 
pèces toutes  plus  ou  moins  aquatiques  (la  seule  qu’ils  indiquent 
comme  terrestre,  la  Cistudo  virginea,  étant  une  Tortue  d’eau 
douce  et  en  partie  aquatique),  formulent  des  conclusions  trop 
absolues,  puisqu’elles  ne  sauraient  s’appliquer  à tous  les  Chélo- 
niens.  « Avec  l’aide  de  l’élasticité  du  poumon,  disent-ils,  le 
muscle  expirateur  chasse  l’air,  et  aucun  autre  muscle  ne  paraît 
lui  venir  en  aide  pour  cela  » (loc.  cit.,  pag  27,  lign.  27);  et 
encore  : «Après  l’investigation  la  plus  attentive,  nous  ne  pouvons 
découvrir  d'autres  muscles  respiratoires  (que  ceux  décrits  ci- 
dessus)  dans  la  boîte  thoracique  » . 

Je  ne  saurais  souscrire  à des  propositions  aussi  exclusives,  et 
j’écris  ce  Mémoire  dans  le  but  de  les  corriger  et  de  les  compléter. 

L’appareil  musculaire  respiratoire  des  Tortues  est  toujours 
plus  complexe  que  ne  semblent  le  croire  les  deux  auteurs  déjà 
cités,  et  dans  quelques  cas  il  présente  comme  type  des  différen- 
ces remarquables. 

Ayant  voulu  vérifier  sur  une  Tortue  entièrement  terrestre  et 
de  taille  moyenne,  la  Testudo  mauritanica,  les  observations  pré- 
cédentes, j’ai  trouvé  que  la  masse  viscérale  était,  en  effet,  ren- 
fermée, comme  dans  la  Chelydra  serpentina  et  autres,  dans 
une  poche  fibreuse  ou  sac  viscéral  formé  par  l’aponévrose  ab- 
dominale, située  à la  face  profonde  du  plastron  (PI.  V,  fig.  1,  g), 
et  venant  s’insérer  par  ses  bords  à la  face  interne  de  la  voûte 
de  la  carapace.  Mais  cette  aponévrose,  loin  d’être  le  tendon 
commun  d’insertion  des  quatre  muscles  expirateurs,  est  entiè- 
rement dépourvue  de  fibres  musculaires  à la  partie  antérieure,  et 
les  quatre  muscles  ex  pirateurs  de  Townson,  de  Mitchell  et  More- 
house, font  défaut  eu  avant  et  ne  sont  représentés  en  arrière 
en  t.a.,  fig.  1,  PI.  V,  que  par  quelques  fibres  constituant  un 
muscle  très-mince,  fibres  rares  et  peu  susceptibles  d’une  action 
importante. 

Quant  au  muscle  inspirateur  ou  obliquas  abdominis  de  Boja- 

2 


— 10  — 


nus,  il  ne  fait  pas  défaut  comme  muscle  distinct  et  capable  d’une 
action  notable,  mais  il  est  relativement  moins  développé  que 
chez  la  Chelydra  serpentina.  Le  plastron  de  la  Testudo  s’étend 
fortement  en  arrière,  et,  ce  muscle  s’insérant  sur  la  lèvre  interne 
de  l’échancrure  latérale  postérieure  du  plastron,  il  en  résulte  qu’il 
occupe  une  faible  étendue  comme  surface.  C’est  une  lame  mus- 
culaire assez  courte,  et  par  conséquent  peu  susceptible  de  pro- 
duire par  sa  contraction  un  accroissement  considérable  de  ca- 
pacité de  la  cavité  viscérale.  Il  y a loin  de  la  disposition  de  ce 
muscle  à celle  qu’il  affecte  chez  la  Chelydra  serpentina,  chez  la 
Tortue  caouane,  chez  l’Émysaure,  dont  le  plastron,  presque 
crucial,  présente  à son  bord  postérieur  de  larges  et  profondes 
échancrures,  dont  le  sinus  est  entièrement  occupé  par  le  muscle 
inspirateur.  Dans  ces  cas,  les  fibres  musculaires  sont  assez  longues 
pour  demander  une  interruption  aponévrotique,  d’où  résulte 
dans  le  centre  du  muscle  de  chaque  côté  une  sorte  de  centre 
phrénique  ou  raphé  central. 

En  présence  de  ces  faits,  plusieurs  questions  peuvent  être 
posées. 

Chez  les  Testudo,  les  mouvements  respiratoires  actifs  sont-ils 
faibles  et  insignifiants?  S’il  en  était  ainsi,  deux  cas  pourraient  se 
présenter.  Ou  bien  les  Testudo  inspirent  surtout  par  déglutition  et 
expirent  en  vertu  de  l’élasticité  du  tissu  pulmonaire;  ou  bien  la 
respiration  pulmonaire  des  Testudo  est  extrêmement  peu  active; 
l’appel  de  l’air  est  alors  très-réduit,  et  les  muscles  inspira- 
teurs et  expirateurs  sont  suffisants  malgré  leur  faible  importance. 
Les  expériences  et  les  observations  qui  vont  suivre  viennent 
renverser  toutes  ces  suppositions. 

La  Testudo  onauritanica  ne  respire  pas  par  déglutition.  J’ai  pu 
m’en  convaincre  par  l'expérience  suivante  : Sur  une  Tortue  bien 
vivante,  le  29  octobre  1880,  par  une  température  douce,  j’en- 
lève le  plastron  et  j’ouvre  l’aponévrose  abdominale.  Parla,  toule 
inspiration  et  expiration  résultant  d’une  dilatation  ou  d’un  rétré- 
cissement actif  de  la  cavité  viscérale  sont  supprimées.  J’adapte 
solidement  à l’extrémité  du  museau  de  l’animal  un  entonnoir  en 


— 11  — 


caoutchouc  qui  l’embrasse  exactement,  et  qui,  par  un  tube  en 
caoutchouc,  communique  avec  une  éprouvette  graduée  en  cen- 
timètres cubes,  contenant  de  l’air  et  placée  sur  une  cuve  à eau. 
Quoique  l’animal,  couché  sur  le  dos,  s’agitât  de  temps  en  temps; 
quoique  le  cœur  battît  activement;  quoique  le  plancher  de  la  bou- 
che et  du  pharynx  fût  souvent  animé  de  ces  mouvements  de 
soulèvement  et  d’affaissement  successifs  qui  ont  été  considérés 
comme  les  mouvements  de  déglutition  de  l’air,  le  niveau  de  l’eau 
dans  la  cloche  n’a  pas  subi  la  plus  légère  oscillation  pendant  plus 
d’une  heure  que  l’animal  a été  en  observation.  Cette  stabilité  du 
niveau  de  l’eau  ne  saurait  être  attribuée  à une  occlusion  spas- 
modique involontaire  de  la  glotte,  car  en  pressant  directement 
sur  les  poumons,  et  en  les  laissant  revenir,  j’ai  provoqué  de  lé- 
gères oscillations  du  niveau  du  liquide.  De  cette  expérience,  je 
crois  pouvoir  conclure  que  l’animal  ne  peut  pousser  de  l’air  dans 
le  poumon  par  déglutition. 

Mais  serait-il  vrai  alors  que  la  respiration  de  la  Testudo  est  peu 
importante,  et  que  cet  animal  n’introduit  dans  le  poumon  que 
des  quantités  d’air  peu  considérables.  C’est  ce  que  va  nous  per- 
mettre de  mesurer  l’expérience  suivante  : Une  Tortue  mauresque 

bien  portante  est  placée  sur  une  table,  tantôt  couchée  sur  le  dos, 

* 

tantôt  dans  sa  station  habituelle.  Un  entonnoir  en  caoutchouc 
est  tres-exactement  fixé  sur  son  museau , et  communique 
par  un  tube  en  caoutchouc  avec  l’intérieur  d’une  éprouvette 
graduée  placée  sur  une  cuve  à eau,  et  contenant  de  l’air. 
Une  seconde  Tortue  est  placée  dans  les  mêmes  conditions.  Les 
animaux  font  de  temps  en  temps  et  suivant  un  rhythme  spécial 
des  inspirations  et  des  expirations  qui,  pour  la  première  Tortue, 
produisent  dans  la  cloche  à air  des  différences  de  niveau  de  20  à 
30  centim.  cubes  ; la  seconde  Tortue,  un  peu  plus  grosse,  a donné 
des  différences  de  niveau  de  45  à 55  centim.  cubes.  Les  inspi- 
rations ordinaires  étaient  de  20  centim.  cubes  environ.  La  capa- 
cité de  la  carapace  et  de  la  cavité  viscérale  de  cet  animal  ayant  été 
mesurée  comme  correspondant  à 500  centim.  cubes,  il  en  ré- 
sulte que  la  quantité  d’air  introduite  pendant  les  inspirations  or- 


1-2 


dinaires  était  1/25  de  la  capacité  de  la  cavité  viscérale,  et  pen- 
dant les  grandes  inspirations  1/10  de  cette  même  capacité.  Chez 
l’homme  adulte,  les  inspirations  ordinaires  étant  d’un  demi-litre 
d’air  et  les  grandes  respirations  de  3 litres  et  demi  environ  , si 
l’on  évalue  à peu  près  à 30  litres  la  cavité  viscérale  abdomino- 
thoracique,  on  trouve  que  la  quantité  d’air  correspondant  aux 
inspirations  ordinaires  est  1/60  de  cette  capacité,  et  celui  des 
respirations  extrêmes  1/8  de  cette  même  capacité.  On  peut 
conclure  de  la  comparaison  de  ces  chiffres  que  la  capacité  respi- 
ratoire des  Chéloniens  est  double  de  la  capacité  respiratoire  de 
l’Homme  pour  les  respirations  ordinaires,  et  qu’elle  est  à peu 
près  égale  à celle-ci  pour  les  respirations  extrêmes. 

C’est  là  un  résultat  assez  inattendu  chez  un  animal  qui,  comme 
la  Tortue  mauresque,  a une  boîte  rigide  très-étendue,  et  dont  les 
orifices  antérieurs  et  postérieurs  sont  singulièrement  limités  par 
l’extension  en  avant  et  en  arrière  du  plastron.  Il  serait  possible 
que  ces  chiffres  doivent  être  augmentés  chez  les  Tortues  à plastron 
réduit  et  à plastron  mobile. Mais,  tels  qu’ils  sont,  ils  ont  lieu  d’éton- 
ner quand  on  pense  aux  théories  respiratoires  qui  ont  fait  si 
longtemps  de  la  Tortue  un  animal  qui  déglutissait  l’air  par  petites 
gorgées.  Dans  tous  les  cas,  ces  résultats  sont  faits  pour  nous  con- 
duire à rechercher  des  moteurs  capables  de  produire  une  intro- 
duction si  considérable  d’air,  et,  puisque  les  muscles  inspirateurs 
et  expirateurs  décrits  par  Tompson,  Weir  Mitchell  et  Morehouse 
ne  peuvent  suffire  à une  action  aussi  importante,  il  est  nécessaire 
de  chercher  d’autres  agents  qui  ajoutent  leur  action  à la  leur. 

Il  y a d’autres  muscles  expirateurs  que  le  transversus  abdo- 
minis  et  le  diaphragmai icus  de  Bojanus,  que  nous  avons  vus 
servir  démuselés  tenseurs  de  l’aponévrose  abdominale  et  qui  sont 
les  seuls  muscles  expirateurs  pour  Tompson,  Weir  Mitchell  et 
Morehouse.  Ces  nouveaux  muscles  expirateurs  sont  : en  avant, 
le  grand  pectoral  et  le  grand  dorsal  ; en  arrière,  1 ’ attrahens  pelvim 
de  Bojanus,  que  l’on  doit  considérer  comme  représentant  une  por- 
tion des  muscles  obliques  et  le  droit  abdominal  des  Mammifères. 

Il  y a des  muscles  inspirateurs  autres  que  Yobliquus  abdominis 


. 


13 


de  Bojanus,  que  Tompson,  Weir  Mitchell  et  Morehouse  consi- 
dèrent comme  le  seul  muscle  inspirateur.  Ces  muscles  sont  : en 
avant,  le  serratus  magnus  de  Bojanus,  d’Owen,  et  le  retra- 
liens  pelvim  de  Bojanus  en  arrière.  Je  vais  analyser  la  valeur 
anatomique  et  physiologique  de  ces  divers  muscles  et  établir 
ainsi  leur  rôle  respiratoire. 

Pour  procéder  avec  méthode,  je  dois  d’abord  expliquer  quelles 
sont  les  relations  des  ceintures  thoracique  et  abdominale  par 
rapport  à la  colonne  vertébrale  et  à la  cavité  viscérale. 

Les  ceintures  thoracique  et  pelvienne  forment  (PI.  VI,  fig.  2 et 
3)  les  limites  antérieure  et  postérieure  de  la  cavité  viscérale.  Cette 
dernière  est  enveloppée  par  l’aponévrose  que  j’ai  déjà  décrite,  ou 
sac  viscéral,  à laquelle  s’insèrent  les  muscles  expirateurs  anté- 
rieurs et  postérieurs  de  Mitchell  et  Morehouse. 

Chaque  moitié  de  la  ceinture  thoracique  (PL  VI,  fig.  2,  T) 
constitue  un  levier  rigide  formé  par  le  scapulum,  le  coracoïde 
et  le  précoracoïde,  levier  dont  l’extrémité  supérieure  ou  extré- 
mité du  scapulum  est  attachée  à la  neuvième  vertèbre  par  des 
ligaments.  Ce  levier  peut  se  mouvoir  d’avant  en  arrière  de  ce 
point  d’attache  pris  pour  centre.  Ces  mouvements  sontétendus, 
les  ligamentsétant  assez  lâches  et  permettant  une  grande  mobilité. 
La  ceinture  pelvienne  (PL  VI,  fig.  2,  P)  est,  à son  tour,  reliée  à la 
colonne  vertébrale  par  des  ligaments  qui  rattachent  l’extrémité  su- 
périeure de  l’iléon  aux  côtes  sacrées.  L’articulation , quoique  moins 
mobile  que  celle  du  scapulum,  permet  pourtant  des  mouvements 
assez  étendus  d’avant  en  arrière.  La  cavité  viscérale  se  trouve 
donc  comprise  entre  quatre  parois,  dont  deux,  la  supérieure  for- 
méepar  la  carapace,  et  l’inférieure  formée  par  le  plastron,  sont 
fixes  et  non  susceptibles  de  mouvements  chez  la  plupart  des  Tor- 
tues, et  dont  deux  autres,  l’antérieure  et  la  postérieure,  sont  sus- 
ceptibles de  mouvements  de  rotation  d’avant  en  arrière  et  d’arrière 
en  avant,  qui  peuvent  allonger  et  raccourcir  alternativementle  dia- 
mètre antéro-postérieur  delà  cavité  viscérale.  Cela  ressort  clai- 
rement de  l’examen  des  fig.  2 et  3,  PL  VI,  qui  représentent,  l’une 
la  coupe  antéro-postérieure  d’une  Testudo,  et  l’autre  le  schéma 


14  - 


des  mouvements  des  ceintures.  On  voit  clairement  que  quand  la 
ceinture  thoracique  T se  porte  en  avant,  tandis  que  la  ceinture 
pelvienne  P se  porte  en  arrière,  il  y a augmentation  de  la  capa- 
cité viscérale  ; tandis  que  quand  les  deux  ceintures  T et  P'  se 
dirigent  l’une  vers  l’autre  et  vers  la  cavité  viscérale,  elles  dimi- 
nuent le  calibre  delà  cavité  viscérale.  Le  mouvement  divergent 
des  ceintures  augmente  la  capacité  de  la  cavité  viscérale,  leur 
mouvement  convergent  la  diminue.  La  différence  des  capacités 
est  marquée  par  des  triangles  striés  sur  la  fig.  3. 

J’ai  pu,  sur  une  Testudo  mauritanien,  déterminerexpérimenta- 
lement  cette  différence  de  capacité  suivant  la  situation  des  cein- 
tures. J’ai  mis  à nu  l’aponévrose  viscérale  par  l’enlèvement  du 
plastron,  et  j’y  ai  pratiqué  une  ouverture.  Pendant  qu’un 
aide,  saisissant  les  membres  antérieurs  d’une  main  et  les  posté- 
rieurs de  l’autre  main,  éloignait  les  ceintures  l’une  de  l’autre, 
j’ai  rempli  d’eau  la  poche  viscérale.  En  ramenant  ensuite  les 
deux  ceintures  vers  la  partie  centrale  de  l’animal,  il  sortait  de  la 
cavité  viscérale  comprimée  et  diminuée  une  certaine  quantité  de 
liquide  qui  atteignait  65  centim.  cubes  environ,  dans  les  cas 
où  l’on  avait  placé  les  deux  ceintures  dans  les  situations  les  plus 
extrêmes.  Cette  cavité  viscérale  étant  de  500  centim.  cubes  en- 
viron, on  voit  que  les  changements  de  capacité  étaient  considé- 
rables et  atteignaient  la  voleur  d’un  septième. 

Il  résulte  de  ces  faits  que  les  muscles  susceptibles  de  produire 
la  convergence  des  ceintures  seront  des  muscles  expirateurs,  et 
que  tous  ceux  qui  pourront  amener  la  divergence  seront  des 
muscles  inspirateurs.  Mais  il  en  résulte  en  outre  que,  la  ceinture 
Ihoracique  étant  capable  de  décrire  un  angle  bien  supérieur  à 
celui  que  peut  décrire  la  ceinture  pelvienne,  les  muscles  appelés 
à agir  sur  cette  ceinture-là  auront,  au  point  de  vue  de  la  fonction 
respiratoire,  plus  d’importance  et  de  pouvoir.  Nous  verrons  en 
effet  que  les  muscles  moteurs,  soit  en  avant,  soit  en  arrière  de  la 
ceinture  thoracique,  sont  plus  nombreux  et  ont  une  action  plus 
étendue  que  les  moteurs  analogues  de  la  ceinture  pelvienne. 

Les  muscles  prémoteurs  et  rétromoteurs  de  la  ceinture  pelvienne 


— 15  — 


sont  surtout  représentés  par  deux  muscles  puissants  qui  naissent 
du  pubis  et  plus  spécialement  de  l’apophyse  pelvienne,  si  déve- 
loppée chez  les  Chéloniens,  et  qui  de  là  se  portent  l’un  en  avant 
et  l’autre  en  arrière. 

Le  muscle  antérieur,  attrahens  pelvim  de  Bojanus  (PL  V,  fig  A ; 
PL  VI,  fig.  1,  a.p.)  se  porte  en  rayonnant  en  avant,  et  va  s’insérer 
à la  face  profonde  delà  partie  moyenne  du  plastron,  sur  la  région 
contiguë  de  l’hypoplastron  et  du  xiphoplastron.  Sa  contraction  a 
évidemment  pour  effet  de  porter  l’os  iliaque  en  avant,  en  lui  fai- 
sant décrire  un  arc  dont  l’apophyse  sacro-iliaque  est  le  centre. 
Le  muscle  postérieur  ou  retrahens  pelvim  de  Bojanus  va  s’insé- 
rer sur  la  face  profonde  de  l’extrémité  postérieure  du  plastron, 
sur  la  partie  postérieure  du  xiphoplastron.  Il  tend  à porter  l’os 
iliaque  en  arrière.  (Pl.  Y,  fig.  1 ; PL  VI,  fig.  1,  r.p.) 

Quand  ces  deux  muscles  se  contractent  en  même  temps,  ils 
servent  évidemment  à fixer  le  bassin,  qui  devient  ainsi  unpoint 
d’appui  solide  pour  le  membre  postérieur  pendant  les  mouvements 
forcés  de  ce  dernier.  Mais  il  est  évident  que  l’action  isolée  de 
l’ attrahens  pelvim  en  fait  un  muscle  compresseur  des  viscères, 
et  par  conséquent  un  muscle  expirateur,  tandis  que  la  contraction 
isolée  du  retrahens  pelvim,  agrandissant  la  cavité  viscérale , fait 
de  ce  muscle  un  muscle  inspirateur.  L’action  de  ces  deux  muscles, 
sans  être  très-étendue,  a pourLant  une  importance  relative  qui  ne 
saurait  être  négligée,  et  dont  il  est  facile  de  se  rendre  compte 
sur  une  Tortue  vivante  dont  on  a mis  le  pubis  à nu  en  enlevant 
une  portion  du  plastron. 

Les  muscles  prémoteurs  et  rétromoteurs  de  la  ceinture  thora- 
cique ont,  comme  je  l’ai  déjà  dit,  une  plus  grande  importance. 

Gomme  muscle  rétromoteur,  je  dois  d’abord  signaler  le  muscle 
grand  pectoral  (PL  Y,  fig.  1,  g.p.),  qui  s’insère  d’une  part  sur  la  face 
profonde  de  la  région  centrale  et  antérieure  du  plastron  , et  d’au- 
tre part  sur  la  tubérosité  de  l’extrémité  centrale  de  l’humérus. 
Ce  muscle  joue  évidemment  et  d’une  manière  très-marquée  le 
rôle  de  rétromoteur  de  la  ceinture  thoracique,  quand  l’humérus 
est  maintenu  fixe  et  immobile  relativement  à la  ceinture  par 


16  — 


les  contractions  des  muscles  scapulo-huméraux  et  des  muscles 
coraco  et  précoraco-huméraux,  que  j’ai  désignés  ailleurs  sous  le 
nom  de  muscles  obturateurs  interne  et  externe  de  la  ceinture  tho- 
racique1. Ce  muscle  grand  pectoral  forme  un  faisceau  dont  les 
fibres  se  dirigent  presque  toutes  directement  en  arrière  et  un  peu 
en  dedans,  et  ont  une  longueur  qui  permet  un  raccourcissement 
d’une  étendue  remarquable.  Il  n’est  pas  douteux  que,  lorsqu’il  se 
contracte,  fine  porte  fortement  en  arrière  la  ceinture  thoracique, 
et  ne  diminue  par  là,  dans  de  fortes  proportions,  la  capacité  de  la 
cavité  viscérale.  C’est  donc  un  muscle  expirateur  puissant. 

Son  action  se  combine  d’ailleurs  avec  celle  d’un  muscle  qui 
joue  le  même  rôle  que  lui,  et  qui  tend  de  plus  à appliquer  la 
ceinture  thoracique,  et  particulièrement  la  région  coraco-préco- 
racoïdienne,  doublée  de  forts  coussins  musculaires,  contre  la  par- 
tie antérieure  de  la  masse  viscérale,  qui  est  composée  particu- 
lièrement de  la  partie  antérieure  du  poumon  et  du  foie.  Ce 
muscle  est  le  grand  dorsal  (PI.  Y,  fig . 1 et  2,  g.  d.),  qui  naît  de 
la  face  interne  de  la  première  plaque  costale  de  la  carapace,  et 
va  s’insérer  sur  la  partie  supérieure  du  corps  de  l’humérus.  Ses 
fibres  se  portent  en  arrière  et  légèrement  en  haut,  et  tendent 
à entraîner  la  ceinture  thoracique  dans  celte  direction,  et  par 
conséquent  à l’appliquer  vers  la  voûte  de  la  carapace.  Dans  ce 
mouvement,  la  ceinture  presse  directement  sur  le  sommet  du 
poumon  (PI.  V,  fig.  2 ,po'.)t  qui  fait  saillie  en  avant,  tout  en  étant 
recouvert  par  un  cul-de-sac  de  l’aponévrose  viscérale.  Elle  presse 
également  sur  le  foie  et  sur  les  intestins,  qui  transmettent  cette 
pression  au  reste  du  poumon.  C’est  donc  là  un  muscle  expirateur 
puissant,  qui  combine  probablement  son  action  avec  celle  du 
grand  pectoral,  et  qui,  comme  ce  dernier,  agit  à titre  de  muscle 
respiratoire,  surtout  au  moment  où  l’humérus  est  fixé  par  l'action 
d’autres  muscles  dans  l'articulation  scapulo-humérale. 


1 A.  Sabatier;  Comparaison  des  Ceintures  et  des  Membres  antérieurs  et  posté- 
rieurs dans  la  série  des  Vertébrés,  1880  ; grand  in-4°  de  438  pages  et  9 planches. 
Montpellier,  Coulet.,  libr.-édit.  Paris,  Adrien  Delahaye,  édit. 


17  — 


Gomme  muscle  inspirateur , la  région  thoracique  possède  un 
muscle  très-remarquable  dont  j’ai  eu  l’occasion  de  m’occuper 
longuement  dans  mon  travail  sur  la  Comparaison  des  ceintures 
et  des  membres  précédemment  cité  (pag.  150,  151,  152).  Ce 
muscle,  que  Bojanus  et  Owen  décrivent  à tort  comme  serratus 
magnus,  que  Fürbringer  décrit  sous  le  nom  de  testo-coracoïdeus , 
je  l’ai  particulièrement  étudié  et  j’en  ai  précisé  les  insertions  et 
la  signification. 

Il  s’insère  (PL  Y,  fig.  1 et  2 ,p.p.)  : sur  la  face  profonde  ou 
supérieure  de  l’extrémité  interne  du  coracoïde,  mais  surtout 
suivant  une  ligne  oblique  sur  une  aponévrose  (PI.  Y,  fig.  2,a.p.) 
qui,  naissant  de  l’arcade  fibreuse  coraco-précoracoïdienne,  re- 
couvre un  muscle  désigné  par  Owen  comme  supercoracoideus , 
mais  qui  est  en  réalité  l’obturateur  interne  de  l’épaule.  Parties  de 
là,  les  fibres  forment  une  lame  musculaire  qui  se  porte  en  dehors 
pour  s’insérer  sur  une  partie  du  bord  extérieur  de  la  première  et 
de  la  deuxième  plaque  costale,  et  sur  le  bord  interne  de  l’apo- 
physe cardinale  de  l’hyoplastronetde  la  partie  contiguë  del’hypo- 
plastron.  Ce  muscle,  dont  j’ai  déterminé  l’homologie  comme  petit 
pectoral , et  que  j’ai  démontré  être  l’bomotype  des  fibres  pubien- 
nes du  releveur  de  l’anus  des  Mammifères,  est  un  muscle  inspi- 
rateur dont  l’action  est  très-importante. 

L’action  inspiratrice  de  ce  muscle  est  liée  à un  double  méca- 
nisme dont  les  fig.  1 et  2 de  la  PI.  V de  ce  Mémoire  peuvent 
donner  une  assez  juste  idée. 

1°  Si  l'on  examine  la  situation  de  la  ceinture  thoracique  pendant 
l’expiration,  comme  dans  la  fig.  1,  PI  Y,  on  peut  facilement  con- 
stater que,  le  bord  interne  de  la  région  coraco-précora- 
coïdienne étant  porté  en  arrière  et  en  dedans,  le  muscle  petit 
pectoral  p.  p.  se  trouv  ; dans  l’état  le  plus  complet  d’allongement 
et  de  relâchement  de  ces  fibres.  Si  celles-ci  viennent  à se  con- 
tracter, la  ceinture  thoracique  est  nécessairement  portée  en  avant 
et  en  dehors,  c’est-à-dire  qu’elle  décrit  un  arc  de  cercle  dans 
cette  direction  autour  de  l’extrémité  vertébrale  du  scapulum.  Il 
résulte  de  là  un  agrandissement  important  du  diamètre  antéro- 

3 


18 


postérieur  de  la  cavité  viscérale  et  une  inspiration.  L’examen  de 
la  fig.  1 , PI.  Y,  permet  de  saisir  clairement  l’antagonisme  d’action 
respiratoire  du  muscle  petit  pectoral  p.  p.  et  du  muscle  grand 
dorsal  g.  d.  On  voit  en  effet  que  le  premier  a son  point  d’insertion 
fixe  sur  la  carapace,  en  avant  et  en  dehors  de  son  point  d’insertion 
mobile  sur  la  ceinture  thoracique,  tandis  que  le  point  d’insertion 
fixe  du  grand  dorsal,  sur  la  carapace,  est  postérieur  et  externe  à 
son  point  mobile  sur  l’humérus.  Pendant  que  l’animal  est  en  ex- 
piration, n.  les  fibres  des  deux  muscles  se  croisent  en  X très-allongé, 
comme  sur  la  fig.  1,  PL  V,  et  présentent  un  antagonisme  évident. 

2°  En  second  lieu,  le  muscle  petit  pectoral,  lorsqu’il  est  à 
l’état  de  repos,  présente,  par  suite  de  ses  rapports  avec  la  partie 
antérieure  de  l’aponévrose  viscérale  et  avec  le  sommet  du  poumon, 
une  convexité  postérieure  dont  la  ftg.  2,  PL  V,  permet  de  se  rendre 
compte,  mais  qui  est  surtout  bien  figurée  dans  la  planche  de 
Bojanus  représentant  les  muscles  et  les  viscères  vus  par  la  face 
latérale  de  l’animal.  La  fig.  2 du  présent  Mémoire  permet  de 
saisir  ces  relations.  La  ceinture  thoracique  étant  fortement  relevée 
en  avant,  on  voit  par  sa  face  profonde  le  muscle  p.p.  naissant 
de  l’aponévrose  ap.  du  muscle  obturateur  interne  ob.i.  On  voit 
aussi  que  cette  face  profonde  est  en  relation  immédiate  dans  l’état 
normal  avec  le  sommet  du  poumon  po  . , et  avec  l’aponévrose 
viscérale  di.,  ou  sac  viscéral.  Il  existe  là  une  excavation  très-pro- 
noncée pendant  l’expiration,  et  dans  laquelle  pénètre  le  muscle 
p.p.  qui  adhère  aux  parties  sus-nommées  par  l’intermédiaire 
d’une  couche  de  tissu  conjonctif  lâche  qui  permet  des  glisse- 
ments. Si  le  muscle,  qui  présente  une  convexité  postérieure  pro- 
noncée, vient  à se  contracter,  le  premier  effet  de  la  contraction 
sera  de  redresser  ses  fibres  et  de  transformer  la  surface  convexe 
postérieure  en  une  surface  plane.  La  paroi  antérieure  du  sac  vis- 
céral etl’extrémité  antérieure  du  poumon  suivront  nécessairement 
le  muscle  dans  ce  changement  de  direction  et  de  forme,  et  il  en 
résultera  un  accroissement  delà  cavité  viscérale  et  une  inspiration. 
On  voit  donc  que  le  muscle  agira  dans  ces  circonstances  comme 
un  diaphragme  dont  la  concavité  est  antérieure,  et  qu’iljouera,  par 


19 


rapport  au  muscle  inspirateur  antérieur  ou  diaphragmations  de 
Bojanus,  le  même  rôle  que  joue  Yobliquus  abdominis  de  Bojanus 
ou  inspirateur  de  W.  Mitchell  et  Morehouse  par  rapport  à l’expi- 
rateur  postérieur  ou  transversus  abdominis  de  Bojanus.  Il  y a 
‘dans  l’un  et  dans  l’autre  cas  deux  muscles  adhérant  l’un  à l’autre 
par  leurs  faces  convexes,  et  par  conséquent  directement  antago- 
nistes. La  disposition  de  ces  muscles  présente  donc  une  symé- 
trie remarquable  en  avant  et  en  arrière  de  la  cavité  viscérale. 

Le  muscle  petit  pectoral  a donc  une  double  action  qui  corres- 
pond à deux  moments  différents  de  sa  contraction. 

1°  Au  début,  la  contraction  du  muscle  a pour  effet  de  trans- 
former sa  convexité  postérieure  en  une  surface  plane,  et  de  pro- 
duire un  certain  degré  d’inspiration  qui  est  indépendant  de  tout 
déplacement  de  la  ceinture  thoracique;  2°  ensuite,  quand  les  fibres 
sont  devenues  rectilignes,  elles  agissent  sur  la  ceinture  pour  la 
porter  en  avant  et  en  dehors  et  produire  un  degré  plus  considé- 
rable d’inspiration. 

Si  nous  résumons  cette  étude  des  muscles  qui  président  aux 
mouvements  respiratoires  chez  les  Chéloniens,  nous  voyons  que 
l’inspiration  est  due  à des  muscles  dont  l’un  est  antérieur  et 
les  autres  postérieurs. 

Le  muscle  antérieur  est  le  petit  pectoral  ou  serratus  magnus 
de  Bojanus. 

Les  muscles  postérieurs  sont  Yobliquus  abdominis  de  Bojanus 
et  le  muscle  retrahens  pelvim  de  Bojanus. 

Le  muscle  petit  pectoral  et  l’oblique  de  l’abdomen  forment, 
l’un  en  avant  et  l’autre  en  arrière,  deux  lames  musculaires  dont  les 
convexités  regardent  vers  la  cavité  viscérale  et  sont  par  conséquent 
opposées  l’une  à Tartre.  On  comprend  que  leur  contraction  si- 
multanée produise  un  allongement  considérable  du  diamètre 
antéro-postérieur  de  la  cavité  viscérale,  et  par  suite  une  forte 
inspiration.  Il  est  dans  tous  les  cas  digne  de  remarque  que  les 
deux  groupes  de  muscles  inspirateurs  produisent,  malgré  leur 
différence  de  composition  anatomique,  des  actions  tout  à fait  ana- 


— 20  — 


logues.  En  effet,  il  y a dans  les  deux  régions  double  action  inspi- 
ratrice : 1°  par  le  redressement  défibrés  musculaires  courbes,  et 
2°  par  le  déplacement  de  la  ceinture  osseuse;  mais,  tandis  que 
dans  la  région  pelvienne  ces  deux  actions  sont  dues  à deux  mus- 
cles séparés,  dans  la  région  thoracique  elles  appartiennent  à deux 
moments  distincts  de  la  contraction  d’un  seul  et  même  muscle. 

L’expiration  est  également  due  à des  muscles  antérieurs  et 
postérieurs. 

Les  muscles  antérieurs  sont  le  grand  pectoral,  le  grand  dorsal 
et  le  diaphragmatique  de  Bojanus.  Les  muscles  postérieurs  sont 
Y attraliens  pelvim  et  le  transverse  de  l’abdomen  de  Bojanus. 

Ces  muscles  se  comportent  de  deux  manières  : les  uns  agissent 
sur  le  sac  aponévrotique  viscéral;  ce  sont  les  diaphragmatiques 
et  les  transverses,  que  Thompson,  W.  Mitchell  et  Morehouse  ont 
considérés  comme  étant  l6s  seuls  muscles  expirateurs  des  Chélo- 
niens. 

Les  autres  agissent  sur  les  ceintures  pour  les  faire  basculer 
vers  la  région  viscérale  de  l’animal.  Ce  sont  le  grand  pectoral  et 
le  grand  dorsal  d’une  part,  T attrahens  pelvim  d’autre  part.  Les 
muscles  du  sac  aponévrotique,  assez  développés  chez  les  grandes 
Tortues,  et  particulièrement  chez  les  Tortues  aquatiques  et  à plas- 
tron réduit,  le  sont  au  contraire  fort  peu  chez  d’autres  Tortues, 
et  notamment  chez  la  Testudo  mauritanica.  Chez  cette  dernière, 
les  diaphragmatiques  font  presque  entièrement  défaut,  et  le 
transverse  de  l’abdomen  est  peu  développé. 

Il  est  d’ailleurs  à remarquer  que,  la  ceinture  thoracique  étant 
beaucoup  plus  susceptible  de  mouvement  que  la  ceinture  pel- 
vienne, c’est  aussi  à son  niveau  que  se  trouvent  les  muscles  res- 
piratoires les  plus  élendus  et  les  plus  puissants.  Cela  est  sur- 
tout vrai  pour  les  Testudo , chez  lesquels  le  muscle  inspirateur 
postérieur  ou  oblique  de  l’abdomen  est  relativement  réduit. 
Aussi  ai-je  constamment  remarqué  dans  mes  expériences  que  les 
grandes  inspirations  étaient  accompagnées  de  mouvements  en 
avant  des  épaules,  des  membres  antérieurs  et  de  la  tête,  tandis 


— 21 


que  les  membres  postérieurs  pouvaient  rester  immobiles  et 
enfermés  sous  la  carapace. 

Ce  n’est  pas  à dire  que  les  mouvements  en  avant  des  mem- 
bres antérieurs  correspondent  toujours  à une  inspiration.  Il  faut 
se  rappeler,  en  effet,  que  les  Chéloniens  présentent  dans  l’inter- 
valle des  mouvements  respiratoires  une  occlusion  de  l’ouverture 
glottique  qui  s’oppose  à toute  entrée  ou  sortie  de  l’air.  11  est 
d’ailleurs  possible  aux  Tortues  de  faire  saillir  la  tête  et  les 
membres  antérieurs,  tout  en  laissantla  ceinture  thoracique  immo- 
bile et  sans  contracter  le  petit  pectoral  : il  n’y  a pas  alors  d’in- 
spiration. 

On  comprend  aussi  que  la  contraction  du  petit  pectoral  puisse 
se  borner  à redresser  les  fibres  de  ce  muscle  sans  agir  sur  la  cein- 
ture. Il  y a alors  inspiration  faible  sans  déplacement  notable  de 
la  ceinture  thoracique.  Ainsi  s’explique  l’expérience  de  Thomp- 
son qui,  ayant  enveloppé  une  Tortue  de  manière  à s’opposer  à la 
sortie  des  membres,  n’en  a pas  moins  constaté  de  légères  respi- 
rations. Mais  si  de  faibles  mouvements  respiratoires  sont  possibles 
dans  ces  conditions,  il  n’en  résulte  pas  moins,  des  études  qui  pré- 
cèdent, que  les  grandes  respirations  exigent  les  grands  déplace- 
ments des  ceintures  et  même  des  membres. 

Je  clos  là  cette  étude.  Il  était  bon,  je  crois,  d’appeler  l’atten- 
tention  sur  ce  sujet  encore  resté  dans  l’ombre  pour  beaucoup 
d’anatomistes.  Il  me  suffira  d’ailleurs,  pour  indiquer  le  chemin 
que  nous  avons  parcouru  dans  ce  travail,  de  rappeler  combien 
nous  sommes  loin  de  ces  assertions  de  W.  Mitchell  et  More- 
house  : qu’il  n’y  a d’autres  muscles  inspirateurs  que  l’oblique  de 
l’abdomen,  et  d’autres  muscles  expirateurs  que  les  tenseurs  de 
l’aponévrose  viscérale  ou  muscles  diaphragmatique  et  transverse. 


22  - 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 

Planche  Y. 

Fig.  1.  — Testudo  mauritanica  dont  le  plastron  a été  enlevé,  et  dont 
la  poche  viscérale,  ouverte  du  côté  droit  de  l’animal,  a été  vidée  de  tous 
les  viscères,  sauf  les  poumons  et  les  arcs  aortiques  dont  on  aperçoit 
l’anastomose  abdominale. 

g.p.  — Muscle  grand  pectoral.  Le  gauche  est  dans  sa  position 
normale;  le  droit  a été  détaché  et  relevé. 
ob.  e.  — Muscle  obturateur  externe  de  l’épaule. 
g.d.  — Muscle  grand  dorsal. 
p.p.  — Muscle  petit  pectoral. 
g.  — Aponévrose  abdominale. 
di.  — Muscle  diaphragmatique  de  Bojanus. 
po.  — Poumon  droit. 

t.a.  — Muscle  transverse  de  l’abdomen  de  Bojanus. 
a.p.  — Muscle  attrahens pelvim  de  Bojanus. 
r.p.  — Muscle  retrahens  pelvim  de  Bojanus. 

Fig.  2.  — La  ceinture  thoracique  droite  est  soulevée  en  avant,  de 
manière  à montrer  l’excavation  dans  laquelle  se  logent  cette  ceinture  et 
le  sommet  du  poumon. 

g.p.  — Muscle  grand  pectoral,  détaché  et  rejeté  en  avant. 
ob.  e.  — Muscle  obturateur  externe  de  l’épaule. 
ob.  i.  — Muscle  obturateur  interne. 
p.p.  — Muscle  petit  pectoral  vu  par  sa  face  profonde. 
ap.  — Aponévrose  de  l’obturateur  interne  thoracique  sur  laquelle 
s’insère  le  petit  pectoral. 
g.d.  — Muscle  grand  dorsal. 
di.  — Muscle  diaphragmatique  de  Bojanus. 
po.  — Poumon.  Portion  abdominale. 

p>o'.  — Poumon.  Lobe  antérieur  faisant  saillie  dans  l’excava- 
tion antérieure. 

Planche  VI. 

Fig.  1.  — Testudo  mauritanica  couchée  sur  le  dos.  Portion  posté- 
rieure de  l’animal.  Le  plastron  est  en  place,  mais  il  est  considéré  comme 
transparent,  de  manière  à permettre  la  vue  des  muscles  et  des  viscères 
qu’il  recouvre. 


Revue  des  Sciences  naturelles. (2-eSéne) 


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Revue  des  Sciences  naturelles  (2ïeSene) 


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; pl . — plastron. 
ov.  — Ovaires  et  œufs. 
fo.  — Foie. 
est.  — Estomac. 

a.p.  — Muscle  attrahens  pelvim  de  Bojanus. 
r.p.  — Muscle  retrahens pelvim  de  Bojanus. 
o. a.  — Muscle  oblique  de  l’abdomen. 

Fig.  2.  — Coupe  schématique  de  la  même  Tortue,  faite  suivant  un 
plan  vertical  antéro-postérieur,  placé  sur  les  côtés  de  la  ligne  médiane 
de  l’animal. 

car.  — ■ Carapace. 

T.  — Ceinture  thoracique. 

P.  — Ceinture  pelvienne. 
fo.  — Foie. 

ap.  — Aponévrose  du  sac  viscéral. 

int.  — Intestin. 

po.  — poumon  abdominal. 

po' . — Lobe  saillant  en  avant  du  poumon. 

Fig.  3.  — Même  coupe.  Les  viscères  ont  disparu,  et  les  ceintures 
sont  représentées  comme  de  simples  leviers  rectilignes  attachés  à la 
carapace  par  leurs  extrémités  supérieures.  Les  triangles  striés  représen- 
tent les  secteurs  décrits  par  les  ceintures  dans  leurs  déplacements  en 
avant  et  en  arrière. 

T.  — Ceinture  thoracique  portée  en  avant  (inspiration). 

T'.  — La  même  portée  en  arrière  (expiration). 

P.  — Ceinture  pelvienne  portée  en  arrière  (inspiration). 

P'.  — La  même  portée  en  avant  (expiration). 


Extrait  de  la  Revue  des  Sciences  Naturelles 
(Mars  1881.) 


Monti»eMiw.  — Typogr.  Boehm  et  Fils. 


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