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COMPARAISON
DES
CEINTURES ET DES MEMBRES
ANTÉRIEURS ET POSTÉRIEURS
DANS LA SÉRIE DES VERTÉBRÉS
(
PUBLICATIONS DU MÊME AUTEUR
lu Recherches physiologiques sur l’appareil lacrymal. 1860. Brochure in-8° de
30 pages.
2° Quelques considérations sur les luxations du fémur, en bas et en arriére
de la cavité cotyloïde. 1860. Brochure iu 8° de 18 pages.
3° Études anatomique, physiologique et clinique sur l’auscultation du poumon
chez les enfants (Thèse inaugurale, iu-8° de 220 pages, avec 1 planche, 1863).
41 Recherches anatomiques et physiologiques sur les appareils musculaires
correspondant à. la vessie et à la prostate dans les deux sexes. Brochure
in-8° de 42 pages, avec 4 planches. 1864.
5U Réflexions sur un cas rare de transposition générale des viscères avec con-
servation de la direction normale du cœur. Brochure in-8° avec 1 plamne
1865
6° Note sur les organes érectiles utéro-ovariens d’une femelle de Magot
(. Pithecus inuus), en collaboration avec M. le Professeur Rouget, avec 1 planche.
(Annales des Sciences naturelles.)
7° De l’Absorption. Thèse d'agrégation.
8« Études sur le Cœur et la circulation centrale dans la série des Vertébrés.
(. Anatomie et Physiologie comparées ; Philosophie naturelle'). Ouvrage couronné par
l'Institut de France (Prix de Physiologie expérimentale). in-4° de 464 pages, avec 16
planches. 1873.
9° Études sur la Moule Commune. (Mytilus edulis). In- 4» ie 130 pages et 9 Planches
lithographiées et chromo-lithographiées.
10° Aquarium économique pour eau de mer. Brochure in-8° avec 1 planche gravée
( Revue des Sciences naturelles.)
1 1» De l’appareil de la circulation et de la respiration des Ampullaires.
(Comptes rendus de V Institut , 1879.)
12° La loi de la corrélation des formes et les types intermédiaires. Broch. in-8°
(Revue des Sciences Naturelles, 15 mars 1880).
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Montpellier. — Typosr. Boeum et Fils.
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COMPARAISON
DES
IJ RES ET DES MEMBRES
ANTÉRIEURS ET POSTÉRIEURS
DANS
LA SÉRIE DES VERTÉBRÉS
PAR
ARMAND SABATIER
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MONTPELLIER, LAURÉAT DE L 'INSTITUT.
Avec 9 Planches gravées et lithographiées.
MONTPELLIER
Camille COULET, Libraire-Éditeur
LIBRAIRE DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE, DE L’ÉCOLE D’AGRICULTURE ET DE L’ACADÉMIE
DES SCIENCES ET LETTRES, GRAND’RUE, 5.
PARIS
Adrien DELAHAYE et E. LECROSNIER, Libraires-Éditeurs
Place de l’École-de-Médecine, 23
1880
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Extrait des Mémoires de Y Académie des Sciences et Lettres.
(Section des Sciences, tom. IX.— 1880.)
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A MA FILLE MAG DE LAINE
Ma chère fille, bien des pages de ce livre
ont été écrites auprès de ton lit de douleur.
Quoique les questions que j’y étudie ne soient
pas de celles qui intéressaient ton jeune cœur,
il m'est doux de te le dédier, parce qu'il me
rappelle le temps où tu ne nous avais pas
encore quittés.
A. Sabatier.
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COMPARAISON
DES
CEINTURES ET DES MEMBRES
ANTÉRIEURS ET POSTÉRIEURS
DANS LA SÉRIE DES YERTÉBRÉS
INTRODUCTION.
La comparaison du membre thoracique et du membre pelvien a été sou-
vent faite depuis Vicq-d’Azyr', qui, en 1 774, eut le premier la pensée d’établir
l’homologie de ces deux régions des animaux Vertébrés. Néanmoins, malgré
la variété des solutions qui ont été données, malgré Tauloritéet la compétence
de leurs auteurs, je ne crois pas que le dernier mot ait été encore dit sur cette
question, et qu’on ne puisse faire à chacune des théories émises des objections
de valeur. Le problème paraît simple de prime-abord , et l’on se laisse facile-
ment aller à en essayer la solution ; mais quand, après avoir franchi la limite
des ressemblances générales qui frappent immédiatement, on veut pénétrer
dans l’analyse des faits et préciser les homologies, on éprouve de véritables
-embarras.
La plupart des solutions proposées se sont fortement ressenties d’une
idée très-malheureuse qui a présidé à la comparaison de Vicq-d’Azyr, et à
laquelle Cuvier avait donné son assentiment : c’est que le membre supérieur
d’un côté avait pour homologue le membre inférieur du côté opposé. Cette
1 Mémoire sur les rapports qui se trouvent entre les usages et la structura des quatre
extrémités dans l'homme et dans les quadrupèdes. (Œuvres recueillies par Moreau (de la
Sarthe), tom. IV, pag. 313. — 1805.)
manière de voir a été imposée par une prélendue nécessité de rétablir le
parallélisme des axes des cols du fémur et de l’humérus.
M. Martins* a proposé, pour expliquer le défaut de parallélisme de ces
axes dans les os du même côté, sa très-ingénieuse théorie de la torsion de
l’humérus. On peut dire que celte vue si nouvelle a modifié les idées reçues
jusque-là sur le parallélisme des deux membres, à tel point qu’il n’est plus
permis de faire des comparaisons croisées entre les membres situés sur deux
côtés opposés du plan médian. Ce n’est pas cependant que la théorie de la
torsion soit peut-être le dernier mot de la science sur celte question de la
comparaison des membres. Sans insister sur ce sujet plus qu’il ne convient
dans le présent Mémoire, je crois devoir dire que cette théorie, telle qu’elle
se trouve généralement comprise, a contre elle des objections d’une grande
valeur, et qu’il est impossible de la conserver sans lui faire subir de très-
notables modifications. Mais, quoi qu’il en soit, il n’en revient pas moins à
M. Martins l’honneur considérable d’avoir placé sur son véritable terrain la
comparaison des membres, et d’avoir démontré que la cuisse, la jambe et le
pied devaient être comparés au bras, à l’avant-bras et à la main du môme côté.
Mais, pour ce qui regarde l’épaule et le bassin, M. Martins conserve au
fond la manière de procéder de Vicq-d’Azyr, qu’il a sijustement condamnée
pour le reste des membres. Seulement, pour éviter une contradiction trop
flagrante, qui ne pouvait échapper à un esprit si perspicace, il compare le
bassin d’un côté à l’épaule du même côté , il est vrai, mais redressée géo-
métriquement, c’est-à-dire vue dans un miroir placé au-dessous de l’augle
nfériéur. On a ainsi uneépaule virtuelle, idéale, qui est symétriquede l’épaule
réelle, et la reproduction exacte de l’épaule du côté opposé.
le n’ai pas besoin d’insister sur ce que cette vue a de spécieux. Elle est
corrélative d’une notion sur la symétrie des Mammifères contre laquelle
je m’élève de toutes mes forces ; je veux dire l’existence d’un plan de
symétrie perpendiculaire à la colonne vertébrale, et placé au-dessous des
fausses côtes, au niveau de l’ombilic, plan tel que les parties situées au-
1 Ch. Martins; Nouvelle comparaison des membres pelviens et thoraciques. Mémoires de
l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 1857. — Uict. encyclop. des Sciences médic ,
1873. Art. Membres (Comparaison).
— i
dessus et au-dessous de lui sont symétriques, non de forme, mais de posi-
tion Ce plan n’existe en aucune façon , et les parties se succèdent depuis
la tête jusqu’au coccyx dans un ordre identique , avec la même orientation
et avec des connexions semblables et non inverses et symétriques par rap-
port à un plan idéal.
L’examen du type le moins modifié des Vertébrés, les Poissons, s’oppose
entièrement à l’adoption de ce plan, qui diviserait l’animal en deux parties
symétriques : l’une antérieure, formée par la tête et la moitié antérieure du
corps, et l’autre par la moitié postérieure du corps et la queue. Chez les
Poissons, la succession continue des segments, depuis l’extrémité antérieure
du corps jusqu’à l’extrémité postérieure, est on ne peutplus évidente, et il y
a même une dégradation successive d’avant en arrière qui repousse toute
idée de balancement et de symétrie. La variabilité si grande de situation des
membres abdominaux chez les Poissons, variabilité telle que pour un grand
nombre d’entre eux ils sont situés au-dessous et même en avant des mem-
bres thoraciques, repousse toute idée de symétrie entre la partie antérieure
et la partie postérieure du corps de ces animaux, et par conséquent chez
tous les Vertébrés, qu’on ne saurait en séparer sans une grave infraction
aux lois de la descendance.
Que si l’on voulait considérer celle loi de symétrie comme une disposi-
tion spéciale du type des Mammifères, on serait tenu dans tous les cas de
la préciser, et de spécifier quelles sont les parties qui se correspondent au-
dessus et au-dessous de ce plan. Un des résultats auxquels on arriverait suffit,
à mon avis, pour juger de la valeur de la théorie. La tête aurait pour organe
symétrique les derniers tubercules vertébraux du coccyx, et peut-être le
dernier seulement de ces tubercules. La pensée la plus naturelle au premier
abord serait de considérer le sacrum comme la partie qui correspond à la
tête; mais cette opinion n’a rien de légitime, et voici pourquoi.
Si le plan de symétrie longitudinale existait réellement, il serait très-
' L'idée de ce plan de symétrie se trouve nécessairement en germe dans la comparaison
croisée de Vicq-d’Azyr, et a été acceptée par la plupart des auteurs, qui ont comparé l’épaule
des Mamnifères à leur bassin. Voir Follz; Homologie des membres pelviens et thoraciques de
l'homme. (Journal de la Physiologie de l'homme et des animaux, de I-îrown-Sequard, jan-
vier 1863.)
2
8 —
rationnel de considérer les différentes régions du système nerveux comme
obéissant ci cette disposition symétrique, et comme fournissant ainsi d’excel-
lents points de repère pour les déterminations des régions symétriquement
analogues. Or, les nerfs sacrés qui servent à la constitution du nerf sciatique
ne peuvent, dans cette hypothèse, être rigoureusement comparés et assimilés
qu’aux nerfs du plexus brachial, et en particulier aux nerfs médian, cubital
et radial. L’origine de ces nerfs correspondant aux dernières vertèbres cer-
vicales et aux premières dorsales, c’est exactement dans ce point qu’il faut
placer la région qui correspond au sacrum. Si nous réservons la dernière
vertèbre sacrée et les premières coccygiennes pour servir de contre-poids
aux vertèbres cervicales supérieures, il ne restera pour représenter le crâne
que le dernier tubercule du coccyx.
Un pareil résultat me paraît pouvoir être considéré comme une juste réfu-
tation, par l’absurde, de l’hypothèse de la symétrie longitudinale. Autant vaut
l'équilibre d’une balance dont l’un des plateaux trop surchargé a lourdement
atteint le dernier degré de sa course, tandis que l’autre entièrement à vide
est légèrement suspendu dans l’espace.
Sans prolonger outre mesure celle critique de l’hypothèse du plan de
symétrie, je dirai, en terminant, que les membres ne paraissent point chez
l’embryon dans une direction inverse et symétrique semblable à celle que
leur prêtent Vicq-d’Azyr et les partisans du plan de symétrie. Ils apparaissent
au contraire comme des bourgeons latéraux perpendiculaires à l’axe du corps,
entièrement parallèles entre eux et disposés suivant une même orientation.
Ce n’est que plus tard , par suite d’adaptations héréditaires, que des dévia-
tions se produisent, que le bassin et l’épaule acquièrent une divergence des
axes qui a causé l’erreur de Vicq-d’Azyr et de ceux qui ont adopté le plan
de symétrie.
Au reste, la suite de ce travail démontrera combien celte notion du plan
de symétrie perpendiculaire à la colonne vertébrale est peu naturelle et peu
nécessaire, en établissant d’une manière évidente, je l’espère, que la compa-
raison de l’épaule et du bassin, pour les besoins de laquelle cette idée a pris
naissance, doit être faite entre les membres d’un même côté placés dans des
positions non symétriques, mais tout à fait semblables, parallèles et exacte-
ment comparables.
— 9
Mon but n’est point ici de faire une comparaison complète des membres
antérieur et postérieur. Un seul point doit attirer mon attention, c’est la
comparaison des ceintures scapulaire et pelvienne. C’est là réellement un
des points les plus faibles de toutes les comparaisons qui ont été faites jus-
qu’à ce jour, et je désire y apporter quelques lumières.
11 faut déclarer dès l’abord que la plupart des recherches faites sur ce
sujet ont eu le tort de se confiner, soit chez l’Homme, soit chez les Mammi-
fères supérieurs, et de pécher par la méthode aussi bien que par l’insuffisance
du champ d’observation. Je tâcherai de ne pas encourir les mêmes reproches.
La première règle qui doit diriger dans l’établissement des homologies
entre deux organes, c’est qu’il faut prendre pour point de départ et pour
sujet de comparaison les types où ces organes sont le moins dissemblables et
ont subi les moindres variations. Pour ce qui regarde l’épaule et le bassin,
faire reposer l’étude de leur comparaison sur le squelette humain, c’est réel-
lement commettre une grande maladresse; c’est se placer en présence de
difficultés insurmontables et s’exposer sûrement à un échec. L’historique de
la question est là pour le prouver, car, parmi les auteurs qui n’ont envisagé
que l’Homme et même les Mammifères, je n’en connais pas un qui n’ait
commis des méprises considérables et qui ait jeté quelque vraie lumière sur
la question.
Chez l’Homme, en effet, les deux membres ont subi, par suite d’adapta-
tions très-opposées, des modifications fort importantes qui masquent les
vraies homologies et qui créent des ressemblances trompeuses. J’en dirai
autant des Mammifères en général, sauf les Ornithodelphes. Le mode de
progression des Mammifères, la situation de l’humérus et du fémur dans
un plan vertical qui n’est pas le plan primitif de ces segments des membres,
ont produit aussi des modifications importantes qui distinguent nettement le
membre antérieur du membre postérieur.
Il faut donc chercher les sujets d’étude dans des groupes moins éloignés
du type primitif, et chez lesquels l 'horizontalité et la transversalité , dirais-
je, du premier article des membres, ont permis la conservation des dispo-
sitions primitives. Là nous trouverons des éléments moins modifiés qui
rendront la comparaison plus facile et plus complète. Nous ferons ainsi
l’acquisition de points de repère extrêmement utiles, à l’aide desquels il nous
10
sera permis de nous élever successivement jusqu'aux Mammifères supérieurs
et à l’Homme, qui est le point réellement difficile et obscur du problème.
Je dois, avant d’aborder la question, résumer en quelques mots les solu-
tions qui ont été proposées, afin de pouvoir les soumettre au jugement des
faits dans le cours de ce Mémoire.
Vicq-d’Azyr, comparant l’épaule d’un côté à l’os iliaque du côté opposé,
avait conclu aux homologies suivantes
BASSIN.
Iléon
Ischion
Cavité cotyloïde
Echancrure sciatique
Crête de l’os des îles
Bord antérieur ou inguinal de l’iléon. . .
Epine iliaque ant. et supérieure
Tubérosité de l’iléon
Fosse iliaque externe
Fosse iliaque interne
Trou ovale
ÉPAULE.
Omoplate (corps).
Apophyse coracoïde.
Cavité glénoïde.
Echancrure coracoïdienne.
Bord spinal de l’omoplate.
Bord axillaire de l'omoplate.
Angle pelvien ou inf. de l’omoplate.
Angle cervical ou sup.de l’omoplate.
Fosses épineuses.
Fosse sous-scapulaire.
Espace compris entre l’acromion et
l’apophyse coracoïde, fermé par le
ligament acromio-coracoïdien.
Ces déterminations ont été acceptées par la plupart des anatomistes qui
se sont occupés de la question. Gerdy, Bourgery, Blandin, Flourens, Cru-
veilhier, Martins, considèrent ces rapprochements comme très-exacts. Seule-
ment ils y ajoutent l’assimilation de la branche horizontale du pubis avec
la clavicule, assimilation que n’avait pas faite Vicq-d’Azyr'.
Dans un Mémoire ayant pour titre : Discussion sur le 'parallèle des mem-
bres thoraciques et pelviens , M. Lavocat1 2, directeur de l’École vétérinaire
de Toulouse, écrit les mots suivants, que je cite pour montrer combien est
généralement acceptée l’opinion de Vicq-d’Azyr : « Nous pouvons laisser de
1 C’est à tort que l'on prête à Vicq-d’Azyr l’assimilation de la branche horizontale du pubis
avec la clavicule. Cet anatomiste a laissé la clavicule en dehors des termes de la comparaison
des deux ceintures ; et il résulte de la façon dont il a conçu le trou ovale de l’épaule, que le
pubis y est représenté par l’acromion et non par la clavicule.
- Discussion sur le parallèle des membres thoraciques et pelviens. Toulouse, 1867.
11
côté les comparaisons de l’épaule et du bassin, de la main et du pied.
L’analogie qui existe entre les diverses parties de ces régions est tellement
évidente quelle ne pourrait être méconnue. Comment en effet se refuser à
voir, d’une part que l’iléon correspond au scapulum, le pubis à la clavicule,
et l’ischion au coracoïdien ? . . . » Dans la dernière édition de X Anatomie
humaine de M. Sappey, la comparaison de Vicq-d’Azyr est adoptée avec
quelques modifications que je me borne à signaler, me dispensant de
rapporter les points entièrement communs.
Pour M. Sappey, l’épine de l’omoplate est représentée par la ligne courbe
semi-circulaire de l’iléon, qui est située entre les insertions du moyen et du
petit fessier ; l’acromion et la clavicule constituent le pubis, et l’espace compris
entre la clavicule, l’apophyse coracoïde et les ligaments coraco-claviculaires
représente le trou obturateur.
Tel est le concert général dans lequel on ne peut distinguer que très-peu
de notes discordantes. Parmi ces dernières se trouvent l'opinion de Humphry,
qui renverse la comparaison et qui dit :
Iléon Scapulum.
Ischion Clavicule.
Pubis Apophyse coracoïde.
et l’opinion de Foltz1 (de Lyon), qui se résume ainsi :
Iléon Scapulum.
Ischion Acromion.
Pubis (branche horizontale) Apophyse coracoïde.
Pubis (branche descendante) Clavicule.
En comparant ces diverses solutions, on voit que toutes sont unanimes
pour considérer l’iléon et le scapulum comme deux parties homologues ;
mais que pour l’ischion et le pubis, d’une pari, et pour l’apophyse coracoïde
et la clavicule, de l’autre, il y a entre Yicq-d’Azyr et Humphry opposition
complète, l’opinion de l’un étant exactement l’inverse de celle de l’autre.
La solution de Foltz est plus complexe. Tout en considérant avec Humphry
le pubis (branche horizontale) comme le représentant de l’apophyse cora-
coïde, elle fait jouer un rôle important à l’acromion, qui représenterait
1 Loc. cil. (Journal de Physiologie.)
12
1 ischion, et elle donne à la clavicule la signification singulière de branche
descendante du pubis.
Toutes ces comparaisons pèchent par des défauts généraux sur lesquels je
liens à insister, tout en formulant les principes qui doivent présider à la
comparaison que je vais faire.
Elles cherchent toutes à retrouver dans le bassin tous les éléments de la
ceinture scapulaire, et dans l'épaule tous les éléments du bassin. Toutes
supposent que les mêmes éléments se retrouvent dans l’une et l’autre
région, mais simplement modifiés. Toutes veulent retrouver, par exemple,
la clavicule dans le bassin, et toutes l’iscbion dans la ceinture scapulaire.
Je considère ce point de vue comme profondément erroné et comme
ayant été la source des assimilations forcées et parfois même très-bizarres
qui ont été mises en avant, par exemple celle de la clavicule avec
la branche horizontale du pubis, ou mieux encore avec la branche descen-
dante du même os (Foltz). 11 est naturel de se demander, en effet, si
deux régions qui ont été soumises chez l’Homme à des adaptations si diffé-
rentes, si opposées môme, rTont pas également subi des modifications
de structure et de composition qui ont ajouté certaines parties à l’une
et supprimé certaines parties à l’autre. Ainsi, il convient d’examiner si.
le nombre et le rôle des muscles ayant considérablement varié entre les
deux membres, les os qui servent de points d’attache et de levier à ces mus-
cles n’ont point été profondemént modifiés, et si, par exemple, tel groupe
de muscles faisant défaut dans l’une des deux extrémités, l’éminence ou
masse osseuse qui lui servait de point de départ n’y a pas été également
supprimée. Ce sont là des considérations très-naturelles qui ont été
complètement méconnues, et que je désire mettre à profit dans le présent
Mémoire.
Je le désire d’autant plus qu’on s’est entièrement mépris, me semble-t-il,
dans la manière d’envisager les rapports du système musculaire avec le
système osseux. On a commencé en effet par considérer les os en eux-mêmes;
et quand, par le seul examen de leurs formes, on est parvenu à établir les
homologies entre les diverses parties de l’épaule et du bassin, on a recherché
les muscles homologues en s’appuyant sur les relations osseuses déjà établies..
C’est là une manière vicieuse de procéder, et dont les conséquences ont été
— 13 -
déplorable?. Elle a donné des résultats tels que les suivants, que j’emprunte
au travail de M. Foltz.
Grand fessier et carré $e la cuisse Deltoïde.
Pyramidal obturateur interne et ju-
meaux pelviens Sus-épineux.
Obturateur externe Petit pectoral.
Couturier Grand rond.
Tenseur du fascia lata Faisceau scapulaire du grand dorsal.
Demi-membraneux Brachial antérieur.
Grand adducteur Grand pectoral.
Petit adducteur Court chef du biceps brachial.
Droit interne. ... Faisceau anomal longeant le grand
pectoral.
11 n’v a pas une de ces déterminations qui ne soit une négation complète
du principe des connexions et une violation flagrante des règles les plus
élémentaires de la recherche des homologies. 11 n’est tenu ici aucun compte
des insertions, soit proximales, soit distales, des muscles ; et il a suffi à
l’auteur, pour considérer deux muscles comme vraiment homologues, qu’ils
eussent quelque similitude apparente dans leurs relations avec des os
arrangés plutôt suivant l’imagination que suivant la logique.
Ce n’est pas ainsi qu’il convient de procéder. 11 faut considérer en effet que
les os sont faits pour les muscles plus encore que les muscles pour les os.
A part en effet quelques os plats exceptionnels et appartenant au dermo-
squelette, qui peuvent être considérés comme étant surtout des organes de
protection, les os de la voûte du crâne par exemple, tous les autres os
peuvent être justement regardés comme étant des portions du tissu con-
jonctif qui se sont durcies et ossifiées parce que les muscles qui s’y attachaient
avaient besoin de points fixes et de leviers rigides. La relation constante
pour un même type, dans un même groupe d’animaux, entre la puissance
des muscles et le volume des os qu’ils sont appelés à mouvoir, entre la
vigueur des muscles et la gross eurdcs tubérosités qui leur donnent insertion,
me paraît démontrer la proposition que j’émets plus haut.
Cette proposition trouve du reste aussi un élément de démonstration
dans la date relative d’apparition du système musculaire et du système
osseux, et dans la transformation successive de ce dernier, qui de cardia-
14
gineux devient osseux. Les muscles apparaissent de très-bonne heure et
sont d’abord en rapport avec un tissu conjonctif embryonnaire qui n’acquiert
que plus tard la consistance cartilagineuse, et plus tard encore la consistance
osseuse, à mesure que le système musculaire dont il doit rendre l’action utile
acquiert plus d’énergie et plus d'activité. On sait du reste aussi que dans
l’apparition successive des types de la série phylogénique, le système mus-
culaire a largement précédé les parties solides qui devaient lui servir de leviers .
S’il est donc vrai que les os sont faits pour les muscles plus encore que
les muscles pour les os, il serait rationnel d’établir les homologies osseuses
sur l’étude des parties musculaires plus encore que de faire dépendre uni-
quement les homologies musculaires de l’étude des os.
De là ces conséquences très-importantes, que : 1° d’une manière générale,
et sauf des exceptions dues à des modifications qu’il est possible d’expliquer,
deux os auxquels s’uniront les mêmes muscles seront réellement homo-
gues ; 2° là où certains muscles bien déterminés seront présents, l’élément
osseux auquel ils se rendent le sera également; et 5° là où ces muscles
feront défaut, l’élément osseux, auquel ils s’insèrent dans d’autres cas, doit
faire aussi défaut.
Ce sont là des principes dont la légitimité ne me paraît pas douteuse, et
qui peuvent servir de guides utiles pour la détermination des os à l’aide ue
certains muscles dont la signification est déjà déterminée d’une manière
évidente par l 'une de leurs insertions, par leur trajet, parleurs rapports, par
leur action, etc.
La suite de ce travail nous permettra d’appliquer ces principes cl de
démontrer par des exemples à la fois leur utilité et leur légitimité.
Les comparaisons citées plus haut ont encore le défaut de porter immé-
diatement sur un être chez lequel la différenciation des deux membres
supérieur et inférieur a été poussée à sa limite extrême, et où par consé-
quent les homologies sont masquées par de grandes transformations de
forme et de situation.
En môme temps que ces comparaisons ne tenaient pas un compte suffi-
sant des lumières de l’anatomie comparée , elles négligeaient également
trop les données de l’embryogénie, les conditions de développement de
certains 03 , leur nature et leur origine spéciale. Tous ces os ont été
considérés en effet comme ayant une valeur égale et comme provenant
d’une source commune ; tous ont été regardés à tort comme appartenant
au squelette primordial et comme pouvant être rigoureusement comparés
les uns aux autres. On n’a pas, considéré, en les rapprochant, si les parties
osseuses qu’on mettait en regard provenaient de points cartilagineux compa-
rables entre eux. On n’a pas songé à tenir compte de la date relative de l’appa-
rition des points d’ossification, de leurs rapports réciproques au sein du carti-
lage primitif, des changements de situation que les progrès relatifs et plus ou
moins rapides de l’ossification desuns ou des autres ont amenés entre eux.
Telles sontles lacunes ouleserreursdepointdevuequ’il estjustede signaler
dans les comparaisons antérieures. En reprenant une question si souvent
débattue, avec des solutions différentes et contradictoires, je dois me garder
de ces écueils et adopter des méthodes plus rationnelles et plus rigoureuses.
Avant decomparer directement le bassin et l’épaule du squelette humain,
qui ont subi des modifications profondes, masquant leurs homologies, il con-
vient de faire dans le domaine de l’anatomie comparée une excursion assez
étendue pour nous permettre de retrou ver les éléments tvpiqueset primordiaux
de l’épaule et du bassin, de manière à ce que l’esprit, se trouvant en présence
d’éléments simples et non transformés, puisse facilement établir les assimila-
tions légitimes et rejeter celles qui ne le seraient pas. Pour trouver ces formes
primordiales des ceintures scapulaire et pelvienne, il convient naturellement de
les chercher chez les animaux dont les membres ont le plus conservé leur dis-
position primitive, telle que nous la révèle la paléontologie ou l’embryogénie.
Le membre antérieur et le membre postérieur naissent sous la forme de
bourgeons placés sur les parties latérales de l’embryon, et qui, d’abord en-
tièrement parallèles et semblables entre eux, acquièrent plus lard des diffé-
rences de direction et d’adaptation qui les modifient plus ou moins profon-
dément. A l’époque où les divers segments des membres sont devenus
distincts , l’humérus et le fémur ont leurs axes presque perpendiculaires au
plan médian ou verlébro-sternal. En même temps, la main et le pied sont
dans une demi-supination, leurs faces palmaire et plantaire regardant en
dedans, vers le plan médian, et leurs faces dorsales regardant en dehors.
3
16 —
Les saillies du coude et du genou sont dirigées l'une et l’autre en dehors.
Ces deux situations du bras, du coude et de la main, du fémur, du genou
et du pied, sont corrélatives et doivent être maintenues ou disparaître simul-
tanément, car l’une est la condition nécessaire de l’autre.
11 est facile de le comprendre. Supposons en effet que l’extrémité distale
de l’humérus, se portant en arrière, devienne parallèle au plan vertébro-
sternal, comme chez presque tous les Mammifères : la saillie du coude de-
viendra postérieure, et il faudra nécessairement alors que l’avant-bras se
place dans une pronation forcée, afin que le membre puisse reposer sur le
sol par la paume delà main avec les doigts dirigésen avant. Aussi la supination
s’efface-t-elle progressivement et cesse-t-elle même detre possible, à mesure
que l’on passe des Mammifères dont le membre antérieur peut plus ou
moins servir à la préhension, à ceux chez lesquels ce membre ne peut
remplir que des fonctions de progression terrestre. Chez les Reptiles (Sauriens
et Crocodiliens), au contraire, où l’humérus a conservé sa direction horizon-
tale et presque perpendiculaire au plan médian, l’avant-bras a pu conserver
une demi-supination, et la main est dirigée en avant et en dehors. Quant
au membre postérieur des Reptiles, dont le fémur est horizontal comme
l’humérus, le pied qui lui correspond est dirigé en dehors comme la main,
et les os de la jambe sont susceptibles d’une demi-supination analogue à
celle de l’avant-bras ; tandis que chez les Mammifères, oùle membre pos-
térieur s’est placé parallèlement au plan médian du corps parla déviation du
fémur en avant et en dedans, la saillie du genou est devenue antérieure, et
toute trace de mobilité, loule faculté de pronation, ont disparu entre les os de
la jambe, qui représentent l’état' de supination extrême et même exagérée.
Ainsi donc, chez les Mammifères, pour le membre antérieur, la déviation
de l’humérus en arrière et en dedans a produit la pronalion extrême; et
pour le membre postérieur, la déviation du fémur en avant et en dedans a
provoqué une supination extrême. I.a demi-supination dans les deux mem-
bres n'est conciliable qu’avec la direction horizontale et transversale de l’hu-
mérus et du fémur.
Chez les Sauriens et les Crocodiliens, la situation primitive des deux
premiers articles des membres n’a pourtant pas été entièrement conservée ;
mais le transport de l’humérus en arrière et celui du fémur en avant n’ont subi
17 —
qu’un commencement d’exécution. Aussi y a-t-il pour le membre anté-
rieur un degré modéré de pronation, et pour le membre postérieur un degré
modéré de supination ; et les différences entre les deux membres sont
d’une importance relativement faible.
Chez les Chéloniens, la direction des membres a subi des modifications
remarquables qui les font différer notablement des membres des Vertébrés
à progression terrestre. Ces modifications, dues à la nécessité pour l’animal
de diriger ses membres vers les orifices antérieur et postérieur de la cara-
pace, ont presque interverti la configuration des membres. En effet, dans
les membres antérieurs, l'humérus s’est dévié en avant et en dedans. Il en
est résulté que le coude présente sa saillie en avant, comme le genou des
Mammifères, et un peu en dehors , et que le radius est interne et le cubitus
externe. Pour reproduire exactement un membre postérieur de Mammifère
et d’Oiseau, il faudrait que les os de l’avant-bras fussent dans une supination
extrême, tandis qu’ils sontdansla demi-supination, comme chez les Sauriens.
Mais il convient de remarquer que, tandis que chez les Sauriens la main
repose sur le sol par sa face palmaire, chez les Tortues, par suite d’adap-
tations à la vie aquatique transmises par hérédité aux Tortues terrestres,
la main repose plutôt par le côté dorsal de son bord radial, tandis que sa
face palmaire regarde en haut et en dehors. Pour donner à la main la
situation qu’elle a chez les Sauriens, il faudrait placer l’avant-bras dans la
supination extrême, et le membre antérieur reproduirait alors d’une manière
rigoureuse la disposition du membre postérieur des Sauriens.
Quant au membre postérieur des Chéloniens, il diffère moins que le
membre antérieur de l’extrémité qui lui correspond chez les Sauriens. Le
fémur, dirigé transversalement à l’état de repos, se porte assez fortement
en arrière pendant la marche ; de là résulte que le tibia est externe et
antérieur , le péroné interne et 'postérieur, le genou et le pied regardant en
dehors et un peu en arrière. Pour que ce membre postérieur prît réellement
le caractère d’un membre antérieur de Saurien, il suffirait de transformer la
supination des os delà jambe en une demi-pronation qui ramènerait l’exlré-
mité du pied en avant. Le membre postérieur des Chéloniens peut doncêtre
rapproché du membre antérieur des Sauriens. 11 faut cependant remarquer
que leur ressemblance est moindre que celle qui existe entre le membre
18
antérieur de Chélonien et le membre postérieur de Saurien, tout en ajoutant
que le membre postérieur des Chéloniens est peut-être plus voisin du membre
antérieur des Mammifères en supination, que de leur membre postérieur.
En résumant lescaractè'res des membres chez les Chéloniens, on s’aperçoit
que ces caractères sont mixtes. Dans le membre antérieur, l’article huméral
a les. caractères d’un membre postérieur, tandis que l’article anti brachial a
ceux d’un membre antérieur. Dans le membre postérieur, l’article fémoral
a les caractères d’un membre antérieur, et l’article jambier ceux d’un membre
postérieur; mais le membre postérieur étant modifié à un moindre degré que
l’antérieur, il en résulte que l’humérus et le fémur différent moins entre
eux que dans les autres groupes de Vertébrés à membres complets, et qu’il
va entre eux des rapprochements très-intéressants à faire dans l’étude des
homologies des membres.
Chez les Oiseaux, le membre antérieur pendant le vol est assez exactement
comparable au membre correspondant des Crocodiles, tandis que le mem-
bre postérieur, ramené dans un plan parallèle au plan médian, est tout à fait
comparable au membre postérieur des Mammifères ; il perd toute faculté de
pronation, et se trouve dans une supination extrême. Enfin, remarque in-
téressante et qui confirme les vues sur lesquelles je viens d’appeler l’atten-
tion, les Monotrèmes, les seuls Mammifères qui aient conservé l’horizontalité
et une certaine transversalité de l’humérus et du fémur, sont aussi les seuls
qui aient conservé la faculté de pronalion au membre postérieur aussi bien
qu’à l’antérieur, el les seuls aussi chez lesquels les membres postérieurs
soient dans une supination modérée.
Il y a donc dans la disposition des membres chez les Reptiles, plus que
chez les Vertébrés qui leur sont supérieurs, un étal qui rappelle la confor-
malion primordiale typique des membres, et qui peut être d’une grande
utilité comme point de départ d’une étude sur l’homologie des arcs pelvien
et thoracique. Cela est d’autant plus vrai que, les membres antérieur et
postérieur chez ces animaux étant exclusivement et également adaptés à
la progression, il ne s’est pas produit entre eux les différences profondes
qui sont, dans d’autres cas, et notamment chez les Mammifères, des
sources considérables d’erreurs.
Aux Reptiles il convient d’ajouter les Amphibiens, auxquels les mêmes
19
observations sont parfaitement applicables, et qui ont conservé, plus encore
que les Reptiles, un souvenir clair et distinct du type primitif. Quant aux
Poissons, leurs arcs thoracique ou pelvien sont trop incomplets pour qu’on
puisse baser sur eux une étude positive. Ils n’ont pas encore atteint leur
forme définitive , mais ils sont seulement à l’état de devenir .
En prenant pour point de départ les Reptiles et les Amphibiens, voici
quelle est l’idée qu’on peut se faire de la composition élémentaire des arcs
thoracique et pelvien. L’un et l’autre se décomposent en deux parties, paires,
latérales et symétriques, qui ont chacune pour origine un cartilage unique.
A cette pièce cartilagineuse s’attache de chaque côté le membre correspondant.
Des points d’ossification plus ou moins nombreux se développent dans ce carti-
lage, et forment des os plus ou moins distincts. Le lieu où s’attache l’article
basilaire du membre (humérus, fémur) se trouve précisément au point de
rencontre de ces os. Si l’on étudie les arcs pelvien et thoracique d’un Amphi-
bicn ou d’un Reptile, chez lesquels les membres sont pouvus de tous leurs
éléments, et présentent par conséquent tous les termes d’une comparaison
rationnelle, voici ce qu’on peut dire de général sur leur composition. Les arcs
primitifs des Amphibiens et des Reptiles se composent de trois cylindres
osseux et cartilagineux qui viennent converger ordinairement vers la cavité
articulaire. Chacun de ces cylindres osseux se compose d’une partie cen-
trale ou tige, qui est osseuse, et de deux extrémités cartilagineuses, dont
l’une, proximale, reste ordinairement cartilagineuse et entre dans la compo-
sition delà cavité articulaire , et dont l’autre, distale, est ordinairement beau-
coup plus étendue et peut s’ossifier entièrement. Ces éléments présentent de
nombreuses variations dans leurs formes, leurs dimensions respectives,
leurs relations réciproques, leur défaut ou leur excès de développement, varia-
tions qui expliquent les nombreuses variétés de forme et les différences quel-
quefois très-grandes qui séparent, soit les ceintures scapulaires entre elles,
soit celles-ci des ceintures pelviennes.
Des trois cylindres osseux, l’un dorsal sert d’organe fixateur ou suspenseur
à la colonne vertébrale, c’est le scapulum d’une part et l’iléon de l’autre ;
les deux autres sont des arcs-boutants ventraux s’appuyant, ou sur leur con-
génère, ou sur une pièce squelettique médiane, et donnant insertion à
- 20 -
de nombreux muscles moteurs du membre sur la ceinture correspondante.
L’un de ces deux cylindres est postérieur, et s’appelle, à l’épaule le cora-
coïde, au bassin l’ischion ; l’autre est antérieur et forme le précoracoïde
pour l’épaule et le pubis pour la ceinture pelvienne.
On peut dire que la ceinture scapulaire, aussi bien que la pelvienne, ont
la forme d’un Y renversé dont la tige est formée par le scapulum ou l’iléon,
et dont les deux branches sont, d’une part le coracoïde et le précoracoïde,
et d’autre part l’ischion et le pubis.
11 résulte de là que les homologies doivent être établies de la façon
suivante entre l’épaule et le bassin: l’iléon représente le scapulum, l’is-
chion représente le coracoïde, et le pubis le précoracoïde.
La forme des cylindres osseux qui constituent les ceintures présente de
nombreuses variations, mais peut cependant être ramenée à une forme
générale qui se retrouve facilement, malgré les modifications qu’elle a subies.
Les cylindres ont en effet la forme ordinaire des os longs des membres,
c’est-à-dire qu’ils sont renflés à chacune de leurs extrémités et semblent
comme composés de deux troncs de cônes engendrés par une courbe légère-
ment concave et soudés bout à bout par leurs petites extrémités.
De plus, ces tiges osseuses sont plus ou moins aplaties. Leur degré d’apla-
tissement, joint à l’évasement plus ou moins considérable de leurs extrémités
périphériques, sont les causes principales des variations de forme que pré-
sentent les ceintures dans les différents types. L’extrémité périphérique de ces
tiges osseuses est généralement surmontée d’un cartilage qui reste quelquefois
à l’état cartilagineux, qui d’autres fois s’ossifie et conserve son indépendance,
ou qui enfin peut se souder à la tige osseuse après avoir en son point d’ossifi-
cation distinct. Ces cartilages ont reçu à l’épaule le nom de sus-scapulum poul-
ie scapulum, et d’épicoracoïde pour le coracoïde. Je propose de leur donner
des dénominations uniformes dans les deux ceintures, afin d’aider à la compa-
raison ; je les appellerai donc : épiscapulum, épicoracoïde, épiprécoracoïde,
épiiléon , épiischion et épipubis. Ces dénominations, faciles à comprendre,
indiqueront immédiatement la position et la signification des parties désignées.
L’examen de quelques arcs pelviens et scapulaires appartenant à diverses
espèces d’Amphibiens et de Reptiles établira bientôt les propositions précé-
dentes.
21
Je vais, en m’aidant du travail si complet de Parker sur l’épaule et le
sternum des Vertébrés1 et de mes propres recherches, jeter un coup d’œil sur
les principales formes de l’épaule, d’abord chez les Amphibiens, puis chez les
Reptiles. J’étudierai ensuite la ceinture pelvienne dans ces deux premiers
groupes, en la comparant à la ceinture thoracique. Après, viendra l’examen
de l’épaule chez les Oiseaux ; et je n’aborderai l’examen du bassin chez
les Oiseaux que lorsque j’aurai établi la comparaison des deux ceintures chez
les Mammifères. Le lecteur trouvera, chemin faisant, les raisons qui m’ont
imposé cet ordre, un peu singulier au premier abord.
CEINTURE THORACIQUE UES AMPHIBIENS.
Les Amphibiens Urodèles, soit abranches, soit perennibranches, sont certai-
nement les types chez lesquels les membres antérieur et postérieur ont le
mieux conservé leur type primitif, tout en ayant atteint un degré de déve-
loppement et de perfection qui permet de les comparer avec sûreté et sans
hésitation aux membres des Vertébrés qui leur sont supérieurs. C’est donc
là qu’il convient de chercher d’abord la forme primordiale élémentaire d’un
membre pourvu de sa série complète d’articles, ce que nous ne saurions trou-
ver chez les Poissons, où les membres sont seulement, comme je l’ai dit plus
haut, à l’état de devenir.
L’épaule du Proteus anguinus (PL I, fig. 1 et 2), du Menobranchus
/ateralis, du Cryptobranchus japonicus, düMenopomaAlleghanensis, du
Siredon pisciformis (PI. 1, fig. 4), adultes, se présente de chaque côté sous
la forme d’une plaque cartilagineuse à trois branches ; une branche supé-
rieure étroite phalangiforme est le scapulum surmonté d’un épiscapulum
cartilagineux.- Une branche antérieure et inférieure étroite et entièrement
cartilagineuse est le précoraco'ide et l’épiprécoraco'ide restés cartilagineux et
continus; et une troisième branche postérieure et inférieure plus large, éta-
lée en forme de plastron, représente le coracoïde et l’épicoracôide, restés
cartilagineux et indistincts. Au point de convergence de ces trois rayons se
1 Pailser; A Monograph on the structure and development of the Schoulder-girdle and
Sternum, of the Vertebrata. Ray Society, 1868.
92
trouve sur la face extérieure du cartilage une excavation on fosse plus ou
moins profonde, dont les bords sont formés par un bourrelet plus on moins
saillant. C’est la cavité gléno'ide. Les deux plaques cartilagineuses restent à
distance l’une de l’autre des deux côtés de la ligne médiane, et les coracoïdes
ne sont pas en contact.
Un cartilage à trois branches dont une seule, lescapulum, présente un point
d’ossification, tel est la première forme de la ceinture thoracique chez les
Amphibiens Urodèles les moins transformés, les moins métamorphosés.
Tel est aussi l’état delà ceinture thoracique des jeunes Amphibiens Uro-
dèles suivants, dont l’état adulte présente un degré plus avancé de dévelop-
pement que celui des Amphibiens précédents. Chez le Sir en lacertina
adulte tPl. I, fhj. 5) par exemple, la ceinture thoracique conserve la môme
forme ; mais, en outre du premier point d’ossification duscapulum, il y en
a un second dans le coracoïde. Le sternum est représenté par une plaque
cartilagineuse de forme rhomboïdale irrégulière, placée dans l’angle formé en
arrière par les bords internes des caracoïdes, qui s’appuient sur lui par leur
bord épicoracoïdien. Chez les Urodèles abranches très-développés, adultes, et
chez l 'Amblystoma, par exemple, qui est l’état adulte du Siredon piscifor -
mis , le précoracoïde acquiert aussi son point d’ossification. L’épiprécora-
coïde reste cartilagineux, comme l’épicoracoïde et l’épiscapulum.
Les trois points principaux d’ossification ne s’étendent jamais beaucoup ;
ils restent limités au voisinage de la cavité glénoïde, sauf pour le scapulum.
Ils constituent trois petits osselets phalangiformes très-aplalis et trés-élar-
gïs à leurs extrémités externes. L’épicoracoïde est en contact par son bord
postérieur interne avec une plaque sternale cartilagineuse. Des trois points
osseux, le scapulum et le coracoïde contribuent toujours à la formation de la
cavité glénoïde ; le précoracoïde n’y participe pas. Les trois centres osseux,
d’abord séparés, se soudent entre eux chez l’adulte, et il ne reste que quel-
ques sillons pour rappeler les lignes de séparation. L’épiscapulum, l’épicora-
coïde et l’épiprécoraco'ide restent cartilagineux. Les épicoracoïdes opposés
dépassent la ligne médiane et se recouvrent l’un l’autre ; sur l’animal que
j’ai disséqué, le côté droit recouvrait le gauche, mais c’est ordinairement
le contraire qui a fieu Telle est la constitution de la ceinture scapulaire
chez les Trito, les Salamnndra, les Amblystoma, ainsi qu’on peut le voir
23
(PI. T ,fig. 5), qui représente l’épaule droite, vue par devant, d’une Sala-
mandramaculosa adulte, mais encore de petite taille, ayant 1 1 centim. de
longueur.
Dans ces différentes formes, les trois rayons de la ceinture scapulaire
conservent des dimensions relatives qui varient peu, le scapulum restant
plat et phalangiforme, le précoracoïde long, étroit et tendant à la forme pha-
langienne, et le coracoïde, plus étalé, en plastron ou bien en forme de pha-
lange très-aplatie et très-élargie vers son extrémité distale.
Examinons maintenant la ceinture thoracique des Batraciens anoures.
L’épaule de Crapaud (Bufo niger ) (Pl.l, fig. 6 et 7) offre le type com-
plet de la ceinture scapulaire. Il y a un scapulum, un épiscapulum, un cora-
coïde, un épicoraco'ide, un précoracoïde, un épi précoracoïde. On voit que
les trois parties osseuses constituent des tiges biconiques plialangi formes
aplaties, et dont les extrémités évasées se terminent par des portions carti-
lagineuses d’une étendue variable, les proximales occupant la cavité glénoïde,
et les distales formant : pour le scapulum, une aile supérieure très-élargie,
l’épiscapulum ; pour le précoracoïde, une petite masse cartilagineuse, l’épi-
précoracoïde, qui se met en contact avec celle du côté opposé. Un point
d’ossification apparaît dans l’épiscapulum, qui n’est pourtant jamais entière-
ment envahi par le tissu osseux, et qui reste toujours distinct du scapulum .
Les épicoracoïdes présentent une disposition que nous avons déjà consta-
tée, que nous retrouverons chez d’autres Àmphibiens, chez des Reptiles, et
qui nous donnera l’explication de certaines dispositions anatomiques des
Oiseaux et des Mammifères. C’est que les épicoracoïdes chevauchent l’un
sur l’autre, le gauche passant au-dessus du droit, ainsi que l’on peut s’en
convaincre en examinant la fig. 7, qui représente les coracoïdes et les
épicoracoïdes vus par leur face supérieure. Il y a donc chevauchement.
La portion rhomboïdale du sternum fait défaut ; mais les coracoïdes et
précoracoïdes sont réunis par un tissu fibro-cartilagineux qui se continue
avec les épicoracoïdes et épiprécoracoïdes, et qui peut à bon droit être
considéré comme leur prolongement. Il en résulte, sur la paroi antérieure
de l’arc pelvien, la formation d’un véritable trou obturateur de chaque côté
de la ligne médiane.
4
24 —
Il y a en sc. p. cr. une éminence que l’on a considérée comme un acro-
mion, mais elle necorrespcnd nullement à l’acromion des Lacertiliens, qui
sont clavicules. L’acromion des Lacertiliens est en effet placé sur le bord
antérieur du scapulum.au voisinage de la ligne de séparation du scapulum
et de l’épiscapulum. L’éminence des Anoures se trouve au contraire au
point d’union du scapulum et du précoracoïde. Ce n’est donc pas une
éminence scapulaire, comme l'est toujours l’acromion, mais une éminence
scapulo-précoracoïdienne. Or chez tous les animaux pourvus d’une clavicule,
et d’un acromion bien déterminé par ses rapports mêmes avec la clavicule,
l’acromion est purement scapulaire. Nous verrons que chez les Monolrèmes,
dont la ceinture scapulaire a tant de rapports avec celledes Lacertiliens, l’acro-
mionest, comme chez ces derniers, situé sur le bord antérieur du scapulum
assez éloigné de la cavité gïéno'ide, et par conséquent du caracoïde et du
précoracoïde, si ce dernier eût existé. La saillie sc. p. cr. du Bufo, qui
est cartilagineuse, n’est en définitive que la portion persistante des extré-
mités proximales cartilagineuses du scapulum et du précoracoïde. C’est une
saillie que nous retrouverons dans une situation identique au bassin, où
elle est désignée sous le nom d’éminence iléo-pubienne ou iléo-pectinèe. Je
la nomme ici éminence scapulo-précoracoïdienne. Nous constatons donc,
dès le début de notre étude, que chez les Anoures qui n’ont pas la clavicule,
l’acromion fait simultanément défaut.
La cavité gïéno'ide est formée par le concours des extrémités proximales
cartilagineuses des trois liges osseuses; aussi a-t-elle une forme semi-sphé-
rique sur laquelle j’attire l’attention, et qui rappelle fortement la cavité
colyloïde du bassin, à la formation de laquelle les trois éléments prennent
part de la même manière. Au point de rencontre des trois tiges osseuses, le
fond de la cavité n’est pas ossifié, et il y a un espace cartilagineux de
petites dimensions qui est plus rapproché du précoracoïde.
La ceinture scapulaire du genre Rana diffère par quelques perfection-
nements de celle du genre Bufo, mais elle rentre exactement dans le même
type (PI. 1, fig. 8). Elle a un scapulum phalangiforme trôs-aplati, un
large épiscapulum avec un point d’ossification flabelliforme plus étendu que
chez les Bufo et toujours séparé du scapulum, un coracoïdien très-élargi
a son extrémité distale, un précoracoïdien cylindrique à extrémité proximale
25 —
surmontée d’une apophyse volumineuse qui s’unit au scapulum pour former
une forte éminence scapulo-précoraco'idienne. Lesépicoraco'ides, étroits, sont
continus par leur bord interne sur la ligne médiane, et ne chevauchent que
d’une manière très-peu sensible on même pas du tout. L’épiprécoracbide
se continue avec l’épicoracoïde du môme côté, de manière à circonscrire
entièrement le bord interne du trou obturateur. Quand l’ossification du cora-
coïde et du précoracoïde est très-avancée, les deux os se rejoignent presque
parleurs extrémités distales, et le trou obturateur est presque entièrement
entouré par un cercle osseux. Le sternum est représenté en avant de la
ceinture scapulaire par un os conique, le présternum, un peu aplati, grêle
en avant, et terminé par une petite plaque cartilagineuse discoïde. C’est
Y omosternum de Parker, 1 ’épistermm d’autres Zoologistes, de Gegenbaur
entre autres1. En arrière, il y a un beau xipliisternum osseux, phalangiforme,
terminé par une large plaque cartilagineuse mince semi-discoïde et légère-
ment bifide. La portion centrale ou rhomboïdale du sternum fait défaut. La
cavité glénoïde est surtout formée par les extrémités proximales du scapulum
et des coracoïdes; le précoracoïde n’y prend qu’une faible part. Nous avons
vu qu’il en était autrement chez les Bufo. De plus, chez les Bufo, les trois
branches de la ceinture scapulaire s’irradient en étoile autour de la cavité
1 Présternum, Omosternum, Épisternum, Inter clavicule, sont autant de termes sur les-
quels il convient d’être fixé, et sur lesquels règne une assez grande confusion. Le préster-
num est un segment médian impair du sternum qui surmonte le sternum rhomboïdal ou cen-
tral.' C’est un os du squelette primordial, et provient comme tel d'un cartilage. 11 existe chez la
Rana sous forme d’un prisme osseux, et chez beaucoup de Mammifères monodelphes etdidel-
phes. h’ omosternum est un élément ordinairement pair et cartilagineux, qui vient de chaque
côté s'interposer entre le présternum et la clavicule. Il est très-développé chez les Histrix, les
Didelphys, etc., et existe chez l’Homme à l’état de disque cartilagineux inter-articulaire de
l’articulation sterno-claviculaire. On peut considérer comme tel aussi la lame cartilagineuse qui
surmonte le présternum des Rana.
Épisternum est une expression synonyme d’ omosternum. On doit enfin réserver le nom
’ d’interclavicule à l'os du squelette secondaire ou dermo-squelette, qui se développe dans la
membrane sur la face antérieure du sternum, et sur lequel s’appuient également les clavi-
cules quand elles existent (Lézards, Ichthyosaures, Oiseaux, Monotrèmes). Les Crocodiliens
ont aussi cet os, quoiqu’ils soient non claviculés. L’ épisternum et l’interclavicule étant donc
d’origine différente, je crois qu’il convient de ne pas les confondre, malgré l’exemple et l’auto-
rité de Gegenbaur.
— 2G —
glénoïde, tandis que chez les Ranci ces os sont placés en série ; aussi la
forme de la cavité est-elle différente. Alors quelle était semi-sphérique
cl ez le Bufo, elle est ici en forme de croissant, c’est-à-dire semi-lunaire.
Je ne puis abandonner ce sujet sans ajouter que le prècoracoide a été
considéré par Gegenbaur comme représentant à la fois le prècoracoide et en
avant la clavicule. C’est là une opinion qui ne peut être admise. Je pense
que ce que Gegenbaur considère comme une clavicule n’est que la première
apparition du point d’ossification dans le prècoracoide. Ce point, formant une
étroite traînée osseuse sur le bord antérieur du cartilage, a pu en imposer
pour une clavicule adhérente au prècoracoide. On peut opposer à celte opi-
nion : 1° que ce point osseux se développe dans le cartilage et n’est pas
comme la clavicule un os de membrane ; 2° qu’il est confondu avec le pré—
coracoïde, ce qui n’a jamais lieu, dans aucun autre cas, pour la clavicule;
5° qu’il n’y a pas d’acromion, mais seulement une éminence scapulo-pré-
coracoidienne, entièrement homologue à celle des Bufo ; 4° que l’os en
question s’appuie sur l’épicoracoide et en arrière du présternum, tandis
que chez tous les animaux pourvus du présternum la clavicule s’arti-
cule en avant de cet os par l’intermédiaire de l’omosternum ; 5° enfin celte
prétendue clavicule ne donne pas insertion aux muscles qui s’attachent
toujours sur la clavicule, quand elle existe. En effet, le grand pectoral,
très-large, s’insère sur toute la ligne médiane du xiphislernum, des épicora-
co'ides et épi précoracoïdes, et du préslernum. De là, les fibres convergent
vers la partie moyenne de la grande crête de l’humérus. Ce muscle
passe donc au-devant du prècoracoide sans y prendre aucune insertion. Le
prècoracoide est caché sous le grand pectoral, et aucune de ses parties ne
saurait être considérée comme représentant la clavicule.
Deux espèces du genre Systoma, le Sysloma gibbosum et le Syslonm
granosum, ont des ceintures pectorales dans lesquelles, la forme générale
restant la même, les dimensions relatives du coracoïde et du précoracoïde
offrent un contraste que je tiens à faire observer. En effet, dans 1 $ Systoma
granosum (PL 1, fig. 10) le coracoïde est volumineux et le prècoracoide
très-grêle, ce qui est le cas général chez les Anoures ; tandis que chez le
S. gibbosum, le coracoïde est très-mince et ,1e précoracoïde très-volumineux.
C’est la une disposition que j’aurai à rappeler à propos de la ceinture pel-
27
vienne des Chéloniens. Je fais également remarquer la forme circulaire et
l’état de complète ou presque complète ossification du pourtour du trou obtu-
rateur, surtout chez le Systoma granosum.
Je mets aussi sous les yeux du lecteur une forme intéressante qui nous
sera rappelée par l’épaule des Chéloniens et par le bassin des Lacertiliens et
des Crocodiliens : c’est la ceinture thoracique du Daclylèlhre du- Cap. La
PI. 1, fig. 11, la montre vue par la face inférieure. Le scapulum est pha-
lnngiformeet très-court; l’épiscapulum, étalé en battoir, est en partie ossifié.
Le coracoïde est aplati, triangulaire, et rappelle considérablement le caracoïde
des Chéloniens. Le précoraco'ide est triangulaire aussi, recourbé en forme
de sabre. 11 repose par sa base sur celui du côté opposé, dont il n’est séparé
que par une étroite bande cartilagineuse, l’épiprécoracoïde. L’épicoracoïde
est en forme de croissant dont l’angle externe est court et dont l’angle interne,
prolongé en avant, va rejoindre l’épiprécoracoïde, de manière à compléter le
trou obturateur, comme chez les Tortues. Les deux épicoracoïdes sont réu-
nis par leurs bords internes, sans chevauchement. Le sternum est une lamelle
rhomboïdale à angles arrondis. 11 est petit et cartilagineux. Les trois éléments
de la ceinture sont disposés en étoile autour de la cavité glénoïde (PI. 1,
fig. 12), à la formation de laquelle ils contribuent d’une manière inégale,
le précoracoïde n’y entrant que pour un cinquième environ. Celte fosse est
conséquemment hémisphérique et non semi-lunaire.
La ceinture scapulaire des Amphibiens anoures est donc construite sur
le môme type que celle des Urodèles. C’est toujours une réunion de trois
branches qui convergent vers la région glénoïdienne. Il y a ces différences:
l°que chez les Anoures, la forme phalangienne des branches est plus accen -
tuée et l’ossification plus étendue; 2° que tandis que chez les Urodèles, la
transformation de lecbancrure coraco-précoracoïdienne en un trou obtura-
teur par l’union cartilagineuse des épicoracoïdes avec les épiprécoracoïdes
n’a jamais lieu, celte transformation est très-générale chez les Anomes, et
n’offre peut-être pas d’exceptions. Le Dactylethra Capensis par exemple, qui
est figuré par Parker* comme ayant les échancrures coraco-précoracoïdien-
nes ouvertes, m’a présenté au contraire, chez un animal très-adulte dont j’ai
Parker, loc. cit.
dessiné la ceinture pectorale (Pl.l, fig. 1 1) l’épicoracoïde remontant en
avant pour s’unir à l'épi précoracoïde du même côté, de manière à complé-
ter le trou obturateur. Les deux épi précoracoïdes étaient du reste presque
entièrement ossifiés, et il ne restait au niveau de la symphyse des caracoï-
des qu’une étroite bande cartilagineuse. Parker indique que la ceinture qu’il
représente appartenait à un individu adulte, mais femelle. Il est possible
que le sexe établisse des différences à cet égard.
CEINTURE THORACIQUE DES REPTILES.
La ceinture thoracique des Reptiles est construite sur le même type et se
compose des mêmes éléments que la région correspondante des Amphibiens.
La fig. 3, PI. 11, représente la ceinture scapulaire droite de la Chelonia
caouana. On y trouve :I° un scapulum formé par un cylindre osseux légère-
ment aplati vers son extrémité distale (plus aplati chez les Tortues terrestres),
et surmonté d’un épiscapulum cartilagineux qui s’attache par du tissu fibreux
etmêmefibro-cartilagineux à l’arc neural delà dernière vertèbre cervicale, sans
contracter des relations avec la petite côte cervicale correspondante ; 2° un
précoracoïde cylindrique légèrement aplati et élargi à son extrémité distale,
et confondu avec le scapulum par son extrémité proximale. L’épiprécora-
eoïde cartilagineux s’attache par du tissu fibreux à la face postérieure de
l’entoplastron et de l’épiplastron, c’est-à-dire de l’interclaviculaire et de la
clavicule ; 5° un coracoïde plus volumineux, cylindrique, mais aplati en lame
triangulaire vers son extrémité distale. Il y a aussi un bel épicoracoïde
cartilagineux, en forme de crochet recourbé en avant, et qui se relie à
l’épi précoracoïde par du tissu fibreux et fibro-cartilagineux, transformant
ainsi en un trou obturateur triangulaire la large échancrure qui existe entre
le coracoïde et le précoracoïde.
Le scapulum et le précoracoïde ne sont à aucun àgs séparés l’un de
l’autre. Ils proviennent du même centre d’ossification, et sont entièrement
confondus parleurs extrémités proximales. Le coracoïde, an contraire, naît
d’un point distinct d’ossification, et conserve son indépendance, n’étant
relié au tronc commun des deux autres branches que par une lame de tissu
cartilagineux plus ou moins mince qui ne s’ossifie pas. Celte disposition est
— 20 —
considérée par Parker comme exactement reproduite ( exactly repealed ) dans
le Stnithio camelus. C’est là une erreur, si j’en juge par un exemplaire de
Struthio que j’ai sous les yeux, et dont je donne le dessin (PI. II , fig. 6).
Cette jeune Autruche présente en effet un scapulum ossifié, et séparé du
coracoïde et du précoracoïde confondus à leurs extrémités proximales et
provenant du même centre d’ossification.
La cavité glénoïde se trouve au point de convergence des trois éléments
de l’épaule, qui paraissent y prendre des parts inégales. Les limites du sca-
pulum et du précoracoïde ne pouvant être déterminées avec précision, je me
borne à dire que leur disposition et leurs parts proportionnelles dans la
constitution de la cavité rappellent assez ce que nous avons observé dans
les cavités glénoïdes des Rana. Ils sont disposés, non en étoile, mais en
série ; et de là vient la forme semi-lunaire de la cavité.
Ovven' avait considéré le précoracoïde comme une clavicule ou comme un
acromion. Parker et Gegenbaur ont réfuté ces deux opinions, en faisant re-
marquer : 1° que la genèse de cet os comme os de cartilage primordial s’op-
pose entièrement à ce qu’on en fasse une clavicule, qui est un os du sque-
lette secondaire, un os de membrane ; et 2° que l’on ne saurait admettre
une apophyse acromienne aussi développée sans l’existence d’une clavicule.
Reste la supposition que l’os en question représenterait en définitive une
fusion complète de la clavicule et du précoracoïde. Cette opinion, que Ge-
genbaur énonce sans la réfuter, n’est pas plus acceptable que les autres, et
pour les mêmes raisons.
LesChéloniens, comme 1 eBufo, n’ont donc ni clavicule ni acromion. Mais
le type trifide de l’arc scapulaire se trouve chez eux fidèlement et complète-
ment représenté dans ses éléments essentiels.
Prenons maintenant l’épaule d’un Lacertilien, le Lézard ocellé par exem-
ple (PI. Il, fg. 2 ).
Nous y retrouvons les mêmes éléments. Un scapulum formé par un cy-
lindre osseux très— aplati, un épiscapulum incomplètement calcifié étalé en
palette, un coracoïde très-élargi à son extrémité distale, un précora-
1 Owen; Comparative Anatomy and Physiology of Vertebrale.s, I, pag. 171, 172.
50
coïde à la base duquel se trouve un petit trou donnant passage à des vais-
seaux et à des nerfs. L’épicoracoide et l’épiprécoracoïde, légèrement calcifiés ,
sont directement réunis et continus l’un avec l’autre, ce qui est, comparati-
vement aux Chéloniens, un progrès vers la formation d’un trou obturateur
complètement fermé par du tissu osseux, ou par du cartilage calcifié. Notons
ici, comme chez le Bufo , que les épicoracoïdes chevauchent un peu l’un sur
l’autre au niveau de la ligne médiane.
Le coraco'ide et le précoracoïde sont réunis et continus comme le scapu-
lum et le précoracoïde des Chéloniens , tandis que le lieu d’union du
scapulum et du précoracoïde reste toujours visible et marqué par une
ligne cartilagineuse plus ou moins déliée. C’est donc là une disposition
inverse de celle que nous avons observée chez les Chéloniens, où ce sont au
contraire le scapulum et le précoracoïde qui sont intimement soudés, tandis
que le coracoïde reste distinct. La cavité glénoïde, formée comme celle des
Rana parla série des éléments de l’épaule, est de forme semi-lunaire. L’acro-
rnion est une saillie formée sur le bord antérieur du scapulum, au niveau du
point d’union du scapulum et de l’épiscapulum.
Mais ici apparaissent de nouveaux éléments qui, quoique en connexion
étroite avec l’arc scapulaire primitif, lui sont au fond tout à fait étrangers.
Je veux parler de la clavicule etdel’épisternum.
La clavicule s’étend de l’acromionau sommet de l’épisternum, sur lequel
elle s’appuie et se fixe par des ligaments. Elle ne dépend nullement du car-
tillage de l’arc thoracique; elle est un véritable os de membrane très-adhérent
à la peau, et appartient au squelette secondaire et non au squelette primor-
dial. La clavicule des Sauriens possède du reste tous les caractères essentiels
delà clavicule, tous ceux auxquels on la reconnaît chez tous les Vertébrés
autres que les Poissons.
1° Elle s’appuie sur un acromion scapulaire par une de ses extrémités;
2° Elle s’appuie sur le sommet de l’épisternum par l’autre extrémité;
5° Elle est entièrement étrangère à la constitution de la cavité glénoïde ;
4° Elle se développe comme os de squelette secondaire , c’est-à-dire
comme os du dermosquelelte ou os de membrane 1 ;
1 On sait que chez l'homme et chez quelques Mammifères, le premier rudiment de la
5° Elle donne insertion à des muscles qui correspondent au deltoïde cla-
viculaire, à la portion claviculaire du grand pectoral, et aux muscles qui vont
de la lête et des vertèbres cervicales à la clavicule.
L’épisternum ou interclaviculaire est également un os de membrane non
développé dans un cartilage. Il a la forme d’un T, on mieux d’une croix, et
se trouve appliqué sur la face inférieure du sternum, qu’il dépasse en avant.
Le sternum possède une portion rhomboïdale très-développée, sur les bords
postéro-latéraux de laquelle s’articulent les côtes, et qui se termine en
arrière par un xiphisternum bifide et ramifié. Il est cartilagineux et plus ou
moins calcifié. Au centre du sternum se trouve un orifice elliptique. Les
bords antéro-latéraux du sternum sont en contact avec les épieoracoïdes, qui
plus en avant passent au-dessus de l’interclaviculaire’. Les épiprécoracoïdes
sont en rapport avec la partie interne de la clavicule, qui passe au-dessous
d’eux.
La ceinture thoracique des autres Lacertiliens dont les membres antérieurs
sont développés, ne diffère que par des détails peu importants de celle que
je viens de décrire. Les différences consistent surtout dans la multiplication
des arcs-boutants osseux, qui vont delà cavité glénoïde aux épicoracoïde et
épiprécoracoïde. C’est ainsi que chez les Iguana, il y a un préscapulum qui
naît du bord antérieur du scapulum et qui divise en deux l'échancrure qui
sépare le scapulum du précoracoïde, et un mésocoracoïde qui divise le trou
obturateur en deux orifices distincts.
11 est pourtant quelques formes intéressantes de la ceinture thoracique
que je ne dois pas passer sous silence, celle des Caméléons, par exemple
(PI. Il, fig. 1). Elle se compose d’un scapulum étroit, délié, phalangi-
forme, aplati, surmonté d’un épiscapulum cartilagineux. L’extrémité
glénoïdienne du scapulum s’élargit brusquement. Le reste de la ceinture est
formé par une lame osseuse en forme de quadrilatère irrégulier, qui s’élargit
légèrement vers son bord interne recouvert par une bordure cartilagineuse
clavicule est un tissu fibreux qui s’ossifie directement et aux extrémités duquel s'ajoutent ensuite
des productions cartilagineuses pour la croissance en longueur, tandis que l'ossification
pèriostiqUe produit la croissance en diamètre. Chez les Oiseaux, l'extrémité antérieure de la
clavicule possède seule un léger revêtement ' cartilagineux qui s’ossifie. Chez tous les autres
animaux, la clavicule est exclusivement un os de membrane.
5
4
— 52 -
épaisse, s’articulant avec une fossette allongée du bord anléro-latéral de la
portion rhombbidale du sternum.
La forme de cette portion de la ceinture permet de reconnaître qu’elle re-
présente à la fois le coracoïde et le précoracoide réunis, et non séparés par
une échancrure ou un trou obturateur. Le bord interne cartilagineux cor-
respond bien du reste à l’épicoracoïde et à l’épiprécoracoïde. Il y a de plus
une éminence, sc.p.cr ., qui représente exactement l’éminence scapulo-
précoracoïdienne des Amphibiens ( prescapula de Parker), et l’on trouve
toujours sur la plaque osseuse un petit trou pour le passage d’un nerf qui
rappelle celui qu’on observe chez les autres Lacertiliens sur l’isthme os-
seux même qui réunit le précoracoïde au coracoïde. Le bord antérieur, qui
représente une partie du précoracoïde, reste cartilagineux alors que le cora-
coïde est entièrement ossifié, ce qui est d’accord avec ce que nous avons
observé chez les Amphibiens, quanta l’ordre d’apparition des points d'ossi-
fication. Le sternum rhomboïdal cartilagineux plus ou moins calcifié dépasse
en avant le précoracoïde en formant un présternum. H sépare donc entière-
ment les deux épicoracoïdes, qui ne présentent plus de chevauchement. Celte
relation des coracoïdes et du sternum se retrouvera chez les Crocodiliens.
1! n’y a enfin ni clavicule, ni interclavicule, ni acromion.
La ceinture scapulaire des Crocodiliens diffère notablement de celle des
Lacertiliens, mais sans sortir cependant du type général. Elle a un scapulum
qui {appelle le scapulum phalangiforme aplati des Lacertiliens, un épiscapu-
lum cartilagineux, un coracoïde phalangiforme aplati et un épicoracoïde
cartilagineux dont le bord interne s’articule avec des facettes concaves
occupant les bords anléro-latéraux du sternum rhomboïdal. Les épicora-
coïdes sont séparés entre eux par le sternum, comme chez les Caméléons.
Le précoracoide n’est représente que par une saillie placée au-devant de
l’extrémité supérieure du coracoïde, et qui contribue à former l’émiuence
scapulo-précoracoïdienne. Le scapulum et le coracoïde sont toujours distincts
et réunis par une synchondrose, tandis que le précoracoïde rudimentaire est
soudé au coracoïde, comme chez les Lacertiliens. Il y a, comme .chez ces
derniers, un petit trou pour le passage de nerfs musculo-cutanés au niveau de
l’origine du précoracoïde. La cavité glènoïde est de forme semi-lunaire, comme
V
— 5"> —
chez les Lézards. Les Crocodiliens n’ont pas de clavicule, mais ils ont une
in tercla vieille sans branches latérales. Ils n’ont pas d’acromion, mais il va à
la face externe du scapulum un rudiment d’épine sous forme d’une crête
mousse peu saillante et peu étendue. L’absence de précoracoïde est le ré-
sultat d’un défaut de développement que nous retrouverons chez les Oiseaux,
dont la ceinture scapulaire a de très-grandes ressemblances avec celle des
Crocodiliens. Le scapulum et le coracoïde s’unissent chez les Crocodiliens,
en formant un angle ouvert en arrière qui a un peu plus de 90°. La cavité
glénoïdienne, à la constitution de laquelle le scapulum et le coracoïde pren-
nent une part à peu près égale, se trouve placée dans 1’ouve.rture de l’angle,
tandis que le précoracoïde se trouve du côté opposé, c’est-à-dire du côté
saillant de l’angle. Nous retrouverons chez les Oiseaux des dispositions
qui rappellent remarquablement ces particularités.
Le précoracoïde manquait peut-être aussi chez les Ichlhyosaures et les
Plésiosaures, dont les membres avaient une conformation assez imparfaite.
11 n’est pourtant pas certain que le précoracoïde n’ait pas existé à l'état
cartilagineux chez ces anciens Reptiles. Il faut en effet remarquer que le sca-
pulum des Ichlhyosaures présente sur son extrémité proximale, au -devant de
sa surface de contact avec le coracoïde, une surface terminale qui est placée
en arrière de la clavicule, et qui pourrait bien être en relation avec un pré-
coracoïde cartilagineux. Celte saillie antérieure du scapulum représente en
effet une portion de l’éminence scapulo-précoracoïdienne. Il n’y a pas dans
la nature actuelle d’exemple d’une saillie pareille du scapulum qui ne soit
en contact avec une portion osseuse ou cartilagineuse, correspondant au pré-
coracoïde. Au reste, celte tubérosité antérieure de l’extrémité glénoïdienne
du scapulum est loin d’être lisse, mais elle est rugueuse et inégale, comme
si elle avait été surmontée d’une masse cartilagineuse; et l’on peut dire
également que l’extrémité antérieure du bord interne des coracoïdes se
prête à la même supposition. Je suis donc disposé à croire que l’arc pectoral
des Ichthijosaures était composé d’un scapulum, d’un coracoïde osseux et
d’un précoracoïde cartilagineux, et qu’il présentait par conséquent de
grands rapports de ressemblance avec celui des Ratitœ, qui offrent du reste
avec eux d’autres points de rapprochement (maxillaires très-petits, inter-
maxillaires très-développés, basiphénoïdes très-prolongés enbec, etc.).
— o4 —
Les Ichlhyosanres avaient une intercla vicule et des clavicules très-deve-
loppées, rappelant assez celles de certains Oiseaux.
Quant aux Plésiosaures, on sait que sur les exemplaires bien conservés,
il y a des restes un peu confus d’une plaque non osseuse qui surmontait en
avant le grand coracoïde, et qui était peut-être un précoracoïde cartilagineux
mal ossifié, mais de consistance assez forte pour avoir laissé des traces. 11
est du reste aussi possible que le très-large coracoïde de ces animaux fût
un coraco-précoracoïdien comparable à celui des Caméléons. Quelques Plé-
siosaures (Nothosa lires) avaient, comme les Icbthyosaures, une interclavicule
et des clavicules bien ossifiées.
-Quoi qu’il en soit du reste, il est incontestable que le défaut de dévelop-
pement d’une portion d’un appareil ne détruit pas au fond le type et la
forme fondamentale de cet appareil; et, dans le cas actuel, la forme typique
de la ceinture thoracique n’eri reste pas moins celle d’un appareil ostéo-car-
tilagineux à trois branches convergeant, soit en série , soit en étoile , vers la
cavité glénoïde, et contribuant dans des proportions très-variables à la consti-
tution de cette cavité, le scapulum et le coracoïde en formant la plus
grande part, le précoracoïde y entrant pour une part moindre, et quelque-
fois même nulle (Crocodiliens, quelques Lacertiliens) Des trois branches
de la ceinture, l’une, le scapulum, est supérieure, et, servant d’élément
suspenseur, est attachée à la colonne vertébrale. Des deux autres, l’une
antérieure, le précoracoïde, et l’autre postérieure, le coracoïde, servent
d’insertion à des muscles et de support pour l’humérus, [.'échancrure
qui sépare le coracoïde du précoracoïde peut rester ouverte (Urodèles) ou
se clore en trou, soit par le contact de tissu fibro-cartilagineux réunissant
l’épicoracoïde et l’épiprécoracoïde (Chélonicns), soit par la continuité de ces
deux éléments cartilagineux (Lacertiliens). Ainsi se produit le trou obtura-
teur de l’épaule. Enfin celle échancrure ou ce trou peuvent faire entièrement
défaut, le coracoïde elle précoracoïde restant unis et confondus (Caméléon).
Une remarque spéciale et que je donne ici comme observation commune
à toutes les ceintures thoraciques, c’est que l’épicoracoïde présente ordinai-
rement à son extrémité postérieure, soit par lui-même, soit par son union
avec le bord postérieur du coracoïde, une saillie plus ou moins prononcée, que
l’appelle tubérosité coracoïdienne. L’épiprécoracoïde présente en avant, soit
par lui- même, soit par son union avec le bord antérieur du précoracoïde,
une saillie généralement plus faible, que j’appelle tubérositéprécoracoïdienne.
Nous retrouverons exactement leurs homologues dans la ceinture pel-
vienne.
Voyons maintenant si le bassin n’est pas construit sur le même type.
CEINTURE PELVIENNE DES AMPIIIBIENS.
Le bassin des Amphibiensest celui quisemble le plus s’éloigner du type de
la ceinture thoracique. Mais ce n’est là qu’une apparence qu’il est très-facile
de dissiper pour apprécier sainement la valeur et la signiflcatfon des parties.
La ceinture pelvienne du Siredon pisci for mis (PL IV, ftg. 1), de la Sala-
mandra maculosa (PL IV, fig. 2, 5), du Trilo marmoratus, sont com-
posés de chaque côté d'une plaque cartilagineuse dans laquelle se dévelop-
pent des points osseux plus ou moins distincts et plus ou moins étendus.
Celtefceinture présente à considérer:
1° Une partie supérieure ou dorsale, aplatie, étroite, dans laquelle se dé-
veloppe un point osseux phalangiforme un peu aplati : c’est Yiléon. 11 est
surmonté d’une partie qui reste cartilagineuse en forme de palette ou de
lamelle un peu variable suivant les espèces, et qui est l’épiiléon. L’iléon et
lepiiléon constituent l’élément suspenseur de la ceinture pelvienne. C’est
par cet élément quelle est attachée à la colonne vertébrale.
2° Une partie inférieure ou ventrale formée par une plaque polygonale
irrégulière, dans laquelle apparaît, près du bord postéro-supérieur, un centre
d’ossification qui s’irradie de là vers les bords antérieur et inférieur. Ce point
n’envabit jamais toute la plaque cartilagineuse, dont il reste une bande an-
térieure et interne qui devient plus étroite avec l’âge. Le bord antérieur ou
pubien de la plaque porte en dehors une petite éminence on saillie qui reste
toujours cartilagineuse et que nous retrouverons chez les Reptiles : c’est
\ apophyse pubienne.
An point de rencontre de la portion dorsale et de la portion ventrale se
trouve la cavité cotyloïdienne, qui est hémisphérique, et à la formation de
laquelle participent : en haut l’iléon pour une large part; en avant, en bas et
en arrière la plaque ventrale. Au voisinage delà cavité cotyluïle et près du
56
bord antérieur de la plaque ventrale, on voit un petit trou vasculo-nerveux.
Sur la portion médiane du bord antérieur du bassin , entre les plaques ven-
trales des deux côtés, se trouve en avant, chez les Salamandres, un cartilage
qui devient bifide et sur lequel s’attachent les muscles abdominaux. Cette
tige existe également chez les Dérotrèmes. Chez le Siredon pisciformis, ce
cartilage est réduit à un petit tubercule fibro-cartilagineux. Quant à la
signification de cette tige cartilagineuse bifide, on ne saurait y voir le repré-
sentant des os marsupiaux , attendu que ces derniers se développent
comme des os de membrane dans le tendon des muscles obliques externes
de l’abdomen. Il me semble qu’une assimilation rationnelle peut être faite
de celte tige des Ampbibiens avec les présternum et omosternum des
Ampbibiens Anoures, dont la tendance à la bifidité est évidente chez les
Pipa dorsigera, Pseudis paradoxa , et chez les Rana , où apparaissent
deux points d’ossification latéraux dans le cartilage primitif du présternum.
Ce présternum pelvien bifide serait la continuation interrompue du
xiphisternum bifide des Lacertiliens, des Crocodiliens et même des Am-
pbibiens Anoures, tels que Ceratuphrys dorsata, Docidophryne gigantea ,
Bitfo agua , Rana temporaria, Acrodytes Daudrinii, et surtout Pleuro-
dcma Bibronii et Calamites cyaneus , où on reconnaît facilement une ten-
dance à la bifidité ou même une bifidité très-accentuée.
Telle est la forme de la ceinture pelvienne des Ampbibiens Urodèles,
forme qui semble s’éloigner du type bifide que nous avons trouvé dans leur
ceinture thoracique, et que nous retrouverons si prononcé et si constant dans
tous les types qui leur sont supérieurs.
Mais Usera facile pour l’observateur de se convaincre que la portion ven-
trale de la ceinture pelvienne représente en vérité les deux éléments qui ont
reçu le nom d’ischion et de pubis surmontés de leurs épiischions et
épipubis, et réunis entre eux sans échancrure ni trou obturateur. La suite de
cette étude le démontrera suffisamment; mais il me suffira déjà de faire
observer la ressemblance très-grande de ces bassins avec la ceinture thora-
cique des Caméléons, où les éléments coracoïde et précoracoïde n’ont point
été séparés. Dans l’un comme dans l’autre cas, on observe une ossification
précoce de la partie postérieure, correspondant d’une part au coracoïde et
d’autre part à l’ischion, et la conservation sur le bord antérieur d’une bande
cai lilagienne plus on moins large suivant l’âge, et qui représenle partielle-
ment la région précoracoïdienne d’une part, la région pelvienne d’autre
part. Dans l’un des cas aussi, on remarque une éminence scapulo-précora-
coïdienDe peu prononcée, qui représente l’éminence iléo-pubienne du bassin;
et l’on retrouve dans les deux cas le trou vasculo-nerveux, qui a conservé
des connexions et une situation analogues.
L’étude comparative des insertions musculaires dans le bassin à plaque
ventrale et dans les bassins à ischion et pubis distincts, nous démontrera
aussi plus lard que cette plaque unique correspond aux deux éléments iscbio-
pubiens réunis.
Le bassin des Amphibiens Anoures diffère notablement par sa forme
générale du bassin des Urodèles, mais au fond il est construit sur le même
type et présente les mêmes éléments (PL 1Y, fig. 4, 5, 6).
\° L’iléon forme un os très-long, légèrement aplati sur les faces latérales,
ayant un bord inférieur arrondi et une crête supérieure qui s’élargit d’avant
en arrière, où elle présente une tubérosité, tubérosité iliaque, destinée au
grand fessier et à la longue portion du biceps crural. L’extrémité antérieure
de l’iléon est recouverte d’une couche cartilagineuse plus ou moins épaisse,
suivant l’âge : c’est l’épidéon ; sa partie postérieure s’élargit en une lame
verticale qui se porte en arrière et en dedans vers le plan médian, et dont
le bord postérieur sinueux s’unit avec les autres éléments du bassin. Cette
portion verticale est occupée au centre par la partie antérieure de la cavité
coiyloïde ou acetabulum ; au-dessus et au-dessous de l’acelabulum se
trouve une crête verticale supérieure et inférieure.
2° L’ischion est représenté par une lame osseuse verticale qui est unie par
synchondroseavec la partie supérieure de la lame verticale de l’iléon. Celte
partie de la ceinture forme en avant les deux septièmes de la cavité coiyloïde.
3° Le pubis est ici longtemps cartilagineux, comme chez les Urodèles. C’est
une lame placée comme un coin dans l’angle formé en bas par l’iléon et l’is-
chion. L’angle supérieur de cette lame triangulaire forme un septième de la
cavité cotyloïde. Ce cartilage pubien est plus ou moins incrusté au niveau
même de la cavité cotyloïde chez la Rana mugiens de grande taille qui est
ici représentée. Ce point d’incrustation s’étend progressivement et peut en-
vahir tout le pubis, qui reste pourtant toujours distinct (Dactylet /ira).
L’épipubis est toujours cartilagineux. Au point de rencontre de l’iléon et du
pubis se trouve une saillie qui représente l’éminence ilio-pubienne.
L’ischion est surmonté d'un bord cartilagineux. C’est l’épiischion qui est
continu avec l’épipubis et qui rie se distingue pas du pubis. La cavité coty-
loïde est de forme hémisphérique parfaite, et son rebord est partout bien
accentué. Le fond en est toujours occupé par une étoile cartilagineuse dont
les rayons sont situés dans l’intervalle des trois éléments constituants. Le
centre de cette étoile cartilagineuse est très-mince et peut parfois présenter
une lacune plus ou moins étendue.
On voit donc que le bassin des Anoures diffère par sa forme singulière de
celui des Urodèles. Mais toutefois, entre ces deux formes, dont l’une est
caractérisée par l’aplatissement latéral complet de la cavité du bassin
et par la position verticale de la plaque ischio-pubienne [ Rana , Bufo), et dont
l’autre est caractérisée au contraire par la dilatation transversale de la cavité
du bassin et la position horizontale de la plaque ischio-pubienne (Sala-
mandra , Siredon, Trito, etc.), il y a des formes intermédiaires. Je me
bornerai à citer le bassin du Daclylethra Capensis (PL IV, fig . 5, 6)
où les deux ischions sont verticaux et accolés par leur face interne, comme
chez les j Rana, et les pubis horizontaux, séparés sur la ligne médiane, et
placés transversalement, comme chez les Urodèles. La cavité cotyloïJe est
hémisphérique, et les trois os disposés en étoile contribuent à sa formation ;
mais le pubis y entre pour un septième seulement.
Au reste, malgré les différences de forme que nous venons de constater, le
bassin des Anoures n’est qu’une reproduction du bassin des Urodèles, modifié
d’une manière superficielle et tout à fait secondaire.
Dans l’une comme dans l’autre forme, la portion ventrale de la ceinture
pelvienne est formée par une plaque cartilagineuse sans échancrure et sans
trou, dans laquelle apparaît un seul point d’ossification, correspondant
surtout à la portion postérieure ou ischienne du bassin. Pour passer du bas-
sin d’Urodèle au bassin d’Anoure, il suffit de donner plus de longueur à
l’iléon, d’élargir son extrémité colyloïdienne, et de changer la direction des
plaques ventralesde chaque côté, de manière à rendre l’angle qu’elles forment
— 59 -
sur la ligne médiane extrêmement aigu, de très-obtus qu’il était chez les
Urodèles.
La symphyse du bassin du Dactyletlira Capensis porte en avant un petit
tubercule cartilagineux qui représente là les appendices cartilagineux que
j’ai décrits chez les Urodèles comme un présternum abdominal.
CEINTURE PELVIENNE DES REPTILES.
Le bassin des Reptiles dont les membres postérieurs sont bien développés,
montre la subdivision de la plaque ventrale en deux parties séparées, ou par
une échancrure ou même par un véritable trou obturateur.
Le bassin de Caméléon (PI. IV, fig. 7, 8) est le plus propre à nous
rappeler par sa forme générale les formes du bassin des Amphibiens.
Il se compose: 1° d’un iléon phalangiforrne aplati, très-allongé et sur-
monté d’un épiiléon cartilagineux; 2° d’un ischion triangulaire ou phalangi-
forme aplati, très-évasé à son extrémité distale, et surmonté sur ce bord d’un
épiischion cartilagineux qui s’unit sur la ligne médiane par une symphyse
avec son congénère ; 3° d’un pubis phalangiforrne aplati, surmonté d’un
épipubis qui s’unit par symphyse avec celui du côté opposé.
Le pubis présente aussi un bord antérieur cartilagineux en forme de crête
saillante, et qui nous rappelle bien le bord antérieur cartilagineux du bassin
des Urodèles.
Ce bord supporte, près de son extrémité interne saillante, un tubercule
cartilagineux du sommet duquel part un cordon fibreux grêle, qui va se
porter en arrière sur l’extrémité antérieure de l’épiischion. L’ensemble de
ces saillies vu par la face inférieure représente un T dont l’extrémité des
brandies est relié par un cordon au pied du jambage principal .
On peut se demander quelle est la signification de ces parties. Est-ce la
reproduction de l’os en T, ou interclaviculaire de l’épaule des Lézards et des
Iguanes, auquel seraient attachées deux clavicules réduites à leur extrémité
interne ? Ce serait là une vue séduisante que je n’abandonne qu’à regret.
Mais il n’est pas légitime de considérer comme homologues des cartilages
primaires et des os de membrane, tels que l’interclaviculaire.
Ces tubercules sont en réalité les représentants plus développés de la
6
— 40
saillie antérieure de la plaque ischio-pubienne des Urodèles, saillie qui con-
serve son caractère cartilagineux, même quand l’ossification de la plaque a
atteint, son maximum de développement. J’ai donné déjà à ces saillies le
nom d 'apophyses pubiennes , pour les distinguer des épines du pubis des
Mammifères, qui ne gont autre chose que les saillies antérieures des épi-
pubis ou tubérosités pubiennes.
L’ischion et le pubis sont séparés par une échancrure ovalaire qui est
complétée en bas par un ligament court qui réunit l’épiischion et répi-
pubis, comme l’échancrure intercoraco-précoracoïdienne des Lézards est com-
plétée par l’épicoracoïde et lepiprécoracoïde. Ce trou obturateur est occupé
par une membrane obturatrice.
La cavité colyloïde mérite de fixer l’attention, parce quelle n’est formée
que par l’iléon et l’ischion, c’est-à-dire par deux éléments seulement de la
ceinture pelvienne. Le pubis y est entièrement ou presque entièrement
étranger ; aussi la forme de la cavité est-elle semi-lunaire plutôt qu’hémi-
sphérique. C’est là un fait assez général pour la ceinture pectorale, mais très-
exceptionnel dans la composition de la cavité cotyloïde, qui est ordinairement
formée par les trois éléments pelviens, et dont la forme est généralement
hémisphérique.
Au point d’union de l’iléon et du pubis se trouve sur le bord antérieur de
la ceinture une éminence iléo-pectinée ou üèo-pubienne, comparable à celle
du bassin des Amphibiens Anoures, mais surtout des Amphibiens Urodèles.
Le bassin de Caméléon comprimé latéralement, ainsi qu’on peut en juger
par la fig. 8, PI. IV, représente une forme de transition entre les bassins
larges des Lézards et des Urodèles, et les bassins étroits et comprimés des
Anoures.
Vu de profil et latéralement, ce bassin rappelle bien la forme des bassins
des Urodèles, et démontre que la plaque ventrale de ce dernier est formée
par l’ischion et le pubis réunis.
Un rapprochement entre ce bassin et l’épaule du même animal peut éga-
lement démontrer que la plaque ventrale de la ceinture thoracique repré-
sente aussi les deux éléments, coracoïde et précoracoïde, qui sont séparés
par un intervalle variable sur tous les autres Lacertiliens.
— 41 —
La ceinture pelvienne des Lézards présente la disposition rayonnée par
excellence des trois éléments qui la constituent.
Ces éléments, séparés par des échancrures très-larges, sont par conséquent
extrêmement distincts (PL 1Y, fig. 9, 10).
Il y a : 1° un iléon de forme allongée assez comparable à celui des
Anoures; mais il est dirigé en arrière, tandis que celui-là est dirigé en avant.
Use trouve placé en arrière de l’ischion et du pubis, tandis que chez les
Anoures il est en avant de ces mêmes os. Cette différence de position
n’existe que par rapport à la colonne vertébrale et n’atteint en rien la situa-
tion respective des éléments de l’os iliaque. Il suffit en effet, pour transformer
un bassin de Lézard en bassin d’Anoure, de faire tourner le premier d’un
angle de 180° autour d’un axe passant par les deux cavités cotyloïdes. De
cette maniéré, l’iléon devient antérieur, le pubis inférieur et postérieur,
l’ischion supérieur et postérieur, comme dans la Grenouille. L’iléon se ter-
mine par une extrémité postérieure cartilagineuse qui représente l’épiiléon.
2° Le pubis est également allongé et se porte horizontalement en avant,
fi continue en avant l’axe de l’iléon, d’une manière tout à fait directe dans
certains cas, comme chez les Iguanes (PL IY, fig. 10), ou en faisant un
angle très-obtus ouvert en haut et en avant, comme chez les Lézards (PL IV,
fig. 9). Le pubis est long et aplati; il va en se rétrécissant vers son extrémité
distale, qui se termine par un tubercule. Chez les Monitor, la troncature ter-
minale du pubis est moins aiguë et assez large.
A ce niveau, les deux pubis sont réunis en symphyse par un cartilage un
peu saillant en avant, qui représente les restes de l’épipubis. Le pubis porte
sur son bord externe une saillie triangulaire terminée par un tubercule qui
est l’apophyse pubienne déjà vue chez les Caméléons. Ici, le tubercule
cartilagineux s’est ossifié et s’est confondu avec le pubis. Le bassin s’étant
élargi, les deux tubercules se sont écartés l’un de l’autre et éloignés de la
ligne médiane. Sur le pubis et près de l’extrémité centrale se voit un trou
vasculo-nerveux.
3° L’ischion reproduit la forme triangulaire de son homologue chez les
Caméléons. C’est un os phalangiforme à extrémité distale très-aplatie et très-
élargie. Il ressemble considérablement au coracoïde de l’épaule du même ani-
mal. Le bord distal élargi se divise en deux portions : l’une postérieure, qui
vient se réunir à angle ouvert postérieurement avec celle de son congénère et
qui porte en arrière une épine plus ou moins aiguë, la tubérosité ischiatique ;
et l’autre inférieure, qui s’unit avec celle du côté opposé par une symphyse*
d’une étendue variable, très-longue chez les Lézards proprement dits, bien
moins longuechez les Iguanes. Tout ce bord inférieur de l’ischion est couvert
d’une bande de tissu cartilagineux, reste de lepiischion, qui se poursuit en
avant en une éminence triangulaire plus ou moinsproéminenteversl’épipubis,
avec lequel elle s’unit par l’intermédiaire d'un ligament fîbro-cartilagineux.
Dans l’angle formé en arrière par les ischions se trouve logé un petit carti-
lage parfois un peu ossifié, triangulaire ou rhombôidal très-allongé : c’est
le cartilage précloacal ou osselet, que je n’hésite pas à considérer comme
le représentant de cette portion rhomboïdale du sternum sur laquelle
s’appuyent les coracoïdes. 11 n’y a entre eux qu’une différence de dimen-
sions.
La cavité cotyloïde est de forme hémisphérique plus ou moins profonde.
Les trois éléments du bassin sont disposés en étoile pour participer à sa for-
mation, dans des proportions à peu près égales pour l’iléon et l’ischion, mais
moindres pour le pubis.
11 est à peine nécessaire de montrer les ressemblances profondes qu’il y a
entre les ceintures scapulaire et pelvienne des Lézards. 11 y a de part et
d’autre un élément suspenseur dorsal, scapulum et épiscapulum, iléon et
épiléon, et deux éléments ventraux : pour l’épaule, le coracoïde surmonté de
répicoracôide, et le précoracôide surmonté de l’épiprécoracolde ; pour le
bassin, l’ischion et lepiischion, le pubis et l’épipubis. Dans l’un des cas,
l’épicoracôide et i’épipréporacôide s’unissent pour transformer en trou complet
iechancrure qui sépare le coracoïde du précoracoïde, et dans l’autre cas
lepiischion et l’épipubis en font autant pour créer le trou obturateur ischio-
pubien. Dans l’une et l’autre ceinture, on retrouve un sternum avec des con-
nexions identiques. Le pubis et le précoracoïde ont leur trou vasculo-nerveux
dans des situations très-comparables.
Les seules différences sur lesquelles il vaille la peine d’insister, consistent
en ce que le coracoïde et le précoracoide n’ont qu’un point commun d’ossi-
fication et sont continus, tandis que l’ischion et le pubis s’ossifient chacun
— 45 —
par un point particulier et restent distincts. — De plus, dans l’épaule, les
éléments de la cavité glénoide sont disposés en série, ce qui donne à cette
cavité la forme d’une échancrure semi-lunaire ; et le précoracoïde semble
étranger à sa constitution , tandis que la cavité colyloïde est formée par les
trois éléments osseux disposés en étoile, d’où résulte sa forme hémisphérique.
Dans le bassin des Lacertiliens comme dans celui des AmphibiensUrodè-
les et même dans celui des Anoures, on distingue sur le bord antérieur du
pubis, au point de l’union du pubis et de l’épipubis, une saillie plus ou
moins marquée qui est l’épine pubienne des anthropotomisles, et que je
nomme ici tubérosité pubienne ; et sur le bord postérieur de l’ischion, au
point d’union de l’ischion et de lepiischion, une saillie triangulaire ordinai-
rement très-prononcée : c’est la tubérosité ischiatique. La première est in-
diquée sur les figures par les lettres tu. pu. et la seconde tu.isc. Chez
certains Anoures, Ram et Bufo par exemple, la tubérosité ischiatique est
très-marquée, mais la tubérosité pubienne est à peine indiquée.
Le bassin des Chéloniens présente deux formes un peu différentes.
Le bassin des Chélonides (PI. IV, fig. 12), est composé des trois
éléments dont la suture persiste toute la vie. L’iléon est phalangiforme, en
forme de sablier légèrement élargi à son extrémité vertébrale, dont la face
distale est taillée en bec de flûte. 11 est recouvert sur ce point par une couche
cartilagineuse ou épiiléon. L’ischion est phalangiforme, relativement peu volu-
mineux. 11 se réunit avec son congénère sur la ligne médiane par une sym-
physe cartilagineuse qui est l’épiischion. Au point d’union de l’ischion et de
l’épiischion, le bord postérieur présente une saillie peu prononcée, qui est
la tubérosité ischiatique. Le pubis, au contraire, est fortement étalé en avant
en plaque très-large. L’extrémité interne du pubis se porte sur la ligne
médiane. 11 oppose à son congénère un bord arrondi qui laisse un grand
angle ouvert en avant et un petit ouvert en arrière.
Ces angles et l’espace qui réunit leurs sommets sont occupés par une
plaque cartilagineuse bilobée antérieurement, qui réunit le pubis en une
symphyse cartilagineuse : c’est l’épipubis. Cet épipubis se réunit sur la
ligne médiane avec lepiischion par une bande cartilagineuse qui sépare les
deux trous obturateurs. Le bord antérieur et externe du pubis porte une
— 44
large apophyse très-saillante, qui est l’apophyse pubienne des Lacertiliens,
agrandie et très-étalée. Au point d’union de l’épipubis et du bord antérieur
du pubis, se trouve une légère saillie, qui est l’épine du pubis ou tubérosité
pubienne.
La cavité cotylo'ide est formée par les trois os disposés en étoile, et
participant à sa composition suivant leurs volumes respectifs. Elle est
hémisphérique, et ses bords sont rendus sinueux par les saillies osseuses
constituantes.
Le bassin des Testudo, Emys, etc., présente un degré d'ossification plus
avancé (PI. IV, fig. H). L’iléon est plus long. 11 offre un aplatissement assez
marqué, et une forme triangulaire vers son extrémité vertébrale, dont le
bord est recouvert par un épiiléon qui s’ossifie presque entièrement. Le pubis,
large, est surmonté d’une apophyse pubienne moins volumineuse que chez
les Chélonides. L’épipubis finit par s’ossifier entièrement, mais ses limites
sont indiquées par l’aspect chagriné de sa surface et par la présence de l’épine
du pubis ou tubérosité pubienne très-mousse, mais pourtant évidente.
L’ischion est relativement plus important que chez les Chélonides. Au point
d’union de l’ischion et de l’épiischion existe une tubérosité ischiatique plus
.prononcée que chez les Chélonides. L’épiischion s’ossifie entièrement.
L’épipubis et l’épiischion s’unissent par une suture osseuse avec leurs
congénères sur la ligne médiane, comme chez les Chélonides ; mais, de plus,
l’épiischion d’un côté s’unit par suture osseuse à l’épipubis du même côté.
Il résulte de là une 1 ongue symphyse médiane ischio-pubienne, et les trous
obturateurs ont un pourtour entièrement osseux.
Entre les tubérosités ischiatiques, et dans l’angle ouvert en arrière formé
par les deux épiischions, se trouve une éminence osseuse triangulaire qui
se termine quelquefois par un petit cône libre recourbé en avant. Je considère
cette partie comme pouvant être rapprochée de l’osselet précloacal des
Lézards, et par conséquent comme représentant un petit sternum rhomboïdal
pelvien. Nous retrouverons cette partie fidèlement représentée dans le bassin
de quelques Mammifères.
Le renversement que présentent les Chéloniens dans les proportions
ordinaires de volume entre les pubis et les ischions, est un fait exceptionnel
dans l’ histoire des Vertébrés. Mais nous pouvons en rapprocher une disposi-
45
lion spéciale de la ceinture scapulaire qui est également exceptionnelle et
que nous avons déjà relatée. Je veux dire l’épaule du Systoma yibbosum , où
le précoracoïde est bien plus volumineux que le coracoïde. 11 suffit de
comparer la figure de cette épaule avec celle du bassin de Testudo mauri-
tanica, pour saisir les ressemblances considérables qu’il y a entre ces deux
ceintures, l’une pectorale et l’autre pelvienne. Les deux sternums (sternum
pelvien et sternum thoracique) offrent du reste des dimensions qui aident
à cette ressemblance.
Le bassin des Crocodiliens (PL IV, fig. 15) doit attirer fortement notre
attention, puisqu’il faudra discuter la signification de ces parties, ce qui rie
pourra avoir lieu qu’après que nous aurons étudié la ceinture scapulaire
des Oiseaux.
On y trouve: 1° Un iléon losangique ayant un angle postérieur aigu et for-
tement dirigé en arrière, un angle supérieur obtus peu saillant, un angle
inférieur obtus sur lequel se trouve la portion iliaque de la cavité cotyloïde
articulaire , et un angle antérieur aigu formant une saillie tuberculeuse
mousse, que je désigne ici sous le nom d 'apophyse antérieure de l’iléon.
L’angle postérieur est recouvert d’un épiiléon assez étendu, qui constitue
sa pointe arrondie. Le bord inférieur est interrompu dans sa partie médiane
par une échancrure plus ou moins profonde qui, unie à une échancrure
semblable du bord supérieur de l’iscliion, forme la fontanelle de l'aceta-
bulum. Cette fontanelle occupe en effet le fond d’une fosse assez évasée ou
acetabulum, qui n’est articulaire que sur une faible étendue, en arrière de la
fontanelle.
En arrière de la fontanelle se trouvent les apophyses articulaires de l’iléon
et de l’ischion ; en avant se trouvent les apophyses antérieures de ces
mêmes os.
2° Il y a de plus un ischion volumineux dirigé en bas et en arrière, pha-
langiforme, aplati, très-élargi en bas, et terminé par un bord un peu con-
vexe. Les deux ischions sont réunis l’un à l’autre sur la ligne médiane par
un épiischion cartilagineux triangulaire (PI. IV, fig. 14). L’apophyse anté-
rieure de l'ischion est saillante, en forme de disque pédonculé, et est placée
justement au-dessous de l’apophyse antérieure de l’iléon. En arrière, l’iléon
et l’ischion réunis par une synchondrose forment à eux seuls la surface arti-
— 46
culaire proprement dite. La fontanelle de l’acetabulum, de dimensions
moyennes et du reste variables, est obturée sur le frais par une membrane
fibreuse. L’apophyse antérieure de l’ischion et l’apophyse antérieure de l’i-
léon restent tantôt à distance l’une de l’autre ( Crocodilus longirostris ) et
reliées par une bande fibreuse, ou bien se réunissent sans se confondre, de
sorte que les parties fibreuses n’occupent qu’un trou circulaire assez large
chez le C.sclerops (PL IV, fig. 17), très— rétréci chez le C. biporcatus
(PL IV, fig. 16). Les ischions sont réunis par une synchondrose dépendant
des deux épiischions (PL IV, fig. 14), qui forment par leur fusion un
triangle cartilagineux. Sur l’apophyse antérieure de l’ischion vient s’attacher
une tige cylindrique qui s’aplatit en avant, pour se terminer par un bord
arrondi. Cette tige, distincte sur le sec, est rattachée à l’apophyse de l’ischion
par du tissu cartilagineux, et est rendue par là continue avec l’ischion. On
la considère très-généralement comme représentant le pubis. Mais cette
opinion est contestée, et j’aurai à en discuter la valeur à propos des Oi-
seaux. Le pubis se porte fortement en avant et en dedans, et chacun porte
un grand épipubis semi lunaire cartilagineux (PL IV, fig. 15 et 15). Les
deux épipubis se confondent sur la ligne médiane, et forment une plaque
bilobée semblable à celle des Chéloniens. On distingue une tubérosité ischia-
tique et une tubérosité pubienne.
Plusieurs points doivent attirer notre attention dans ce bassin singulier:
1° La surface articulaire coxo-fémorale n’est formée chez les Crocodiliens
que par l’iléon et l’ischion, mais nous aurons à examiner si le pubis ne
contribue pas à la formation de la grande fosse externe ou acetabulum.
T Quelle est la signification de l’apophyse antérieure de l’ischion ?
5° Quelle est la signification de l’apophyse antérieure de l’iléon?
4° Quelle est la signification de ce qui est désigné sous le nom de pubis,
et s’attache sur l’apophyse antérieure de l’ischion ?
Ces points-là seront discutés dans la suite de ce travail.
Je n’ai qu’un mot à dire du bassin des grands Sauriens mésozoïques,
dont l’épaule a déjà attiré mon attention. Le bassin des Ichlhyosaures et des
Plésiosaures est également composé de trois éléments qui convergent pour
former un acetabulum.
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Le bassin des Plésiosaures ressemble beaucoup à celui des Cbéloniens :
1° par la forme cylindrique de l’iléon, qui est pourtant plus court que celui
des Chéloniens ; 2° par la forme et les dimensions relatives des pubis et
des ischions. Ces derniers sont en effet de moindres dimensions que les
premiers. Ils sont, les uns et les autres, étalés en plaques et réunis par une
longue symphyse ischio-pubienne qui était : ou osseuse, comme chez les
Testudinides, ou cartilagineuse, comme chez les Chélonides, suivant que les
épiischions et les épipubis étaient ou n’étaient pas ossifiés.
Le bassin des Ichthyosaures présente cette particularité que l’iléon en
forme de tige était aigu supérieurement et n’était pas articulé avec les
vertèbres, auxquelles il était suspendu par des ligaments ou des muscles.
Le pubis, quoique étroit, était néanmoins plus large que l’ischion. 11 y
avait symphyse ischiatique et symphyse pubienne à l’aide des cartilages épi-
pubiens et épiischiatiques. 11 est possible que les deux symphyses fussent
séparées, comme chez les Crocodiliens.
La revue qui vient d’être faite des principales formes des ceintures pecto-
rale et pelvienne chez les Amphibiens et chez les Reptiles nous permettra
d’établir d’une manière complète le parallélisme de ces deux parties des
extrémités. Je ne crois pas avoir besoin de revenir sur les descriptions, et
je pense qu’il me suffira de dresser un tableau des homologies pour fixer
le lecteur, qui n’aura du reste qu’à se reporter aux descriptions précédentes
ou à l’examen des figures sur lequelles les parties homologues sont indiquées
par les mêmes désignations.
Dans l’une comme dans l’autre ceinture, il y a un élément dorsal,
fixateur ou suspenseur, attaché à la colonne vertébrale et aux côtes dorsales,
aux vertèbres et aux côtes sacrées.
Scapulum. Iléon. — Le scapulum est ordinairement suspendu librement
par des muscles ou ligaments actifs, et l’iléon est fixé à des côtes sacrées par
du tissu fibreux ou ligaments passifs. Néanmoins le scapulum peut être fixé
à la colonne vertébrale par des ligaments (Chéloniens), et l’iléon peut être
suspendu librement comme le scapulum (Ichthyosaures, Cétacés).
Le scapulum et l’iléon sont plus ou moins phalangiformes, aplatis. La
7
48
direction de leur axe longitudinal est le plus souvent perpendiculaire par
rapport à l’axe de la colonne vertébrale, mais il peut devenir oblique et même
parallèle.
A. Axe PERPENDICULAIRE A LA COLONNE VERTÉBRALE.
a. Scapulum.
Salamandra, Siredon, Iiana, Bufo, etc.
Caméléon.
Lézards, Iguanes.
Chéloniens.
b. Iléon.
Salamandra. Siredon.
Caméléon.
Chéloniens.
B. Axe oblique en bas et en avant.
a. Scapulum. Crocodiliens.
b. Iléon. Crocodiliens.
C. Axe parallèle a la colonne vertébrale.
a. Scapulum. Oiseaux.
b. Iléon.
a. Fixé par l’extrémité antérieure : Amphibiens anoures.
(3 Fixé par l'extrémité postérieure : Lézards, Iguanes, etc.
Episcapuhm. Épiiléon. — Sur le bord supérieur ou spinal de l’os cor-
respondant : restent cartilagineux, ou s’ossifient partiellement, ou s’ossifient
entièrement; restent distincts, ou se confondent à 1 état adulte avec l’os cor-
respondant.
Chacune des deux ceintures possède deux éléments ventraux.
Coracoïde Ischion ( Élément postérieur ) .
Précoracoïde Pubis (Élément antérieur).
Le postérieur est ordinairement plus volumineux que l’antérieur. Mais le
contraire peut avoir lieu dans les deux ceintures.
Précoracoïde. "8- Coracoïde
Dactyletlira Capensis.
Sysloma gibbosum.
Chéloniens.
Plésiosaures.
Pubis. > Ischion
49
Ces deux éléments sont ordinairement distincts et séparés ou par une
échancrure ou par un trou. Mais ils peuvent être confondus à l’épaule
comme au bassin.
Coracoïde et précoracoïde confondus en f Caméléon.
UNE PLAQUE CORACO-PRÉCORACOÏDIENNE | CrOCOdilienS* .
iSalamandra.
Siredon.
Rana
Bufo.
Dans ces cas, les deux éléments n’ont qu’un centre d’ossification commun.
Les deux éléments peuvent avoir des points d’ossification distincts.
( Rana.
Coracoïde et précoracoïde distincts ] Bufo.
\ Chéloniens.
ÎRana.
Bufo.
Dactylethra.
Chéloniens.
Lézards.
Caméléon.
Crocodiliens.
Les deux éléments, quoique séparés par une échancrure ou par un trou,
peuvent n’avoir qu’un centre d’ossification commun.
Coracoïde et Précoracoïde. — Lézards, Iguanes.
Ischion et Pubis (partim). — Crocodiliens.
Celte disposition est extrêmement rare dans le bassin, et on ne peut y
rapporter que le bassin des Crocodiliens, où le pubis, comme nous le
verrons, a deux centres d’ossification : l’un commun avec l’ischion, et l’autre
indépendant. Il en résulte que le bassin des Crocodiliens représente un type
intermédiaire, ayant le pubis partagé en deux éléments osseux, dont l’un est
1 II est possible qu'il faille placer ici l’épaule des Plésiosaures, où le précoracoïde paraît
être confondu avec le coracoïde.
%
50 —
toujours confondu avec i ischion, et dont l’autre est entièrement distinct.
Je fais remarquer en passant que, tandis que chez les Lézards le pré-
coracdide a un centre d’ossification commun avec le coracoïde, chez les Ché-
loniens le coracoïde a un centre d’ossification propre, tandis que le pré-
coracoïde et le scapulum s’ossifient par un seul et même centre. Cet exemple
peut prouver, avec bien d’autres, que dans l'étude des homologies il ne faut
donner aux centres d’ossification qu’une importance secondaire.
Chez les Amphibiens et les Reptiles, les trois éléments des ceintures
subsistent presque toujours avec un développement notable. L’épaule seule
des Crocodiliens présente une atrophie de l’élément précoracoïdien, dont il
reste pourtant des rudiments. Au bassin, les trois éléments ne font jamais
défaut et atteignent toujours des dimensions notables.
La cavité articulaire est placée sur le cartilage primitif au point de con-
vergence des trois branches cartilagineuses, comme on le voit sur le Proteus
anguinus. Aussi arrive-t-il le plus souvent que les trois centres d’ossification
des branches, quand il y en a trois, viennent converger dans la cavité
articulaire elle-même, et contribuent à sa formation.
La part relative qu’elles y prennent varie suivant l’importance des éléments
contribuants, et suivant que les époques relatives d’apparition des points
osseux ont permis à tel de ces points d’envahir la cavité articulaire avant que
tel autre ait pu y marquer sa place. Les points osseux apparaissent tou-
jours dans le même ordre dans les deux ceintures: le scapulum et l’iléon
d’abord, le coracoïde et l’ischion ensuite, le précoracoïde et le pubis en der-
nier lieu. Cet ordre s’observe aussi bien dans le développement ontogénique
que dans le développement phylogénique. Chez le Proteus anguinus , il n’y
a de point osseux que dans le scapulum ; chez la Siren lacertina, il y en a
deux : l’un dans le scapulum , qui parait le premier, et l’autre dans le cora-
co'ide:, qui vient ensuite. Dans les Siredon , Salamandra, les trois points
apparaissent, le scapulum d’abord, le coracoïde ensuite, et enfin le précora-
coïde.
Dans le bassin, mêmes phénomènes. L’iléon osseux apparaît le premier,
puis l’ischion et enfin le pubis. C’est ce qu’on peut observer dans tous les cas.
Il résulte de cet ordre dans l’apparition des points osseux que le scapu-
lum et l’iléon osseux, qui ont le temps de s’étendre et d’envahir le cartilage
— 51
avant que les autres points aient apparu, prennent ordinairement la plus
large part dans la formation des cavités articulaires. Les coracoïde et ischion
viennent après eux.
De plus, si l’on considère que le précoracoïde et le pubis ont ordinaire-
ment des dimensions bien moindres que le coracoïde et l’iscbion, il sera
facile de comprendre que la part du précoracoïde et celle du pubis puissent
être extrêmement faibles dans la constitution des cavités articulaires, et que
même elle puissent devenir milles. C’est là ce qui arrive assez souvent dans la
ceinture pectorale, mais très-rarement dans la ceinture pelvienne, parce
que l’ossification du pubis est relativement moins tardive que celle du pré-
coraco'ide, et parce que cet élément conserve des dimensions moins réduites
par rapport aux autres éléments.
Ainsi, dans les Amphibiens, soit Urodèles, soit Anoures, on trouve souvent
dans le même genre, et même dans la même espèce, des cas où le précora-
coïde entre ou n’entre pas dans la constitution de la cavité glénoïdienne.
C’est ce qu’on voit chez la Salamandra maculosa, par exemple. Dans le
genre Rana, le précoracoïde peut être absent de la cavité articulaire (Voir
Parker, Rana temporaria ), ou en faire faiblement partie, ou entrer large-
ment dans sa constitution, ( Rana mugiens){ PI. I, fig. 8.)
Chez le Bufo niger (PI. I, fig. 6), la part du précoracoïde est presque
égale à celle de chacun des autres éléments , parce qu’il est presque aussi
fort que chacun d’eux.
On peut juger du reste de la part relative que le volume des éléments
attribue à chacun d’eux dans la formation de la cavité, en comparant la
ceinture pelvienne du Sgstoma gibbosum et du Systoma granosum.
Enfin, dans les cas où le précoracoïde n’a pas de point d’ossification indé-
pendant, il est difficile de juger exactement de la part qu’il prend à la for-
mation de la cavité glénoïde; mais on peut pourtant la considérer comme
proportionnelle à ses dimensions relatives. 11 en est ainsi chez les Lacerti-
liens, dont le coracoïde et le précoracoïde dépendent d’un même centre
d’ossification, et chez les Chéloniens, où le précoracoïde est continu avec le
scapulum.
Dans la ceinture pelvienne, le pubis fait très-généralement partie de la
cavité articulaire, mais il peut y entrer pour unepart très-faible, comme chez
52
le Dactyletlira Capensis (PI. I V,fig. 5), ou même y être tout à fait étranger,
comme dans le bassin du Caméléon (PI. IV, fig. 7). Enfin les trois éléments
qui constituent la cavité articulaire peuvent se disposer, ou en étoile , d’où
la forme hémisphérique delà cavité; ou en série , d’où sa formesemi-lunaire,
en croissant.
Ces deux dispositions peuvent se rencontrer à la ceinture scapulaire, où
la première est pourtant plus rare. Dans le bassin, la disposition en étoile se
rencontre presque exclusivement.
A. Cavité glénoïde en étoile .
B. Cavité glénoïde en série.
C. Cavité cotyloïde en étoile
( Bufo.
( Dactylethra.
ÎRana.
Caméléon.
Lacertiliens.
Iguane.
Cbéloniens, etc.
ISiredon.
Salamandra.
Bana.
Bufo.
Dactylethra.
Lacertiliens.
Monitor, etc.
Les cas où deux éléments juxtaposés entrent seuls dansla composition de
la cavité articulaire, correspondent nécessairement à une disposition en
série des éléments, et l’on comprend que la cavité ait alors la forme semi-
lunaire courte C’est le cas des Amphibiens Anoures ou Urodèles, chez lesquels
le précoracoïde n’entre pas dansla cavité glénoïde. C’est le cas de la cavité
cotyloïde du bassin de Caméléon. C’est enfin le cas des cavités glénoïdes et
cotyloïdes des Crocodiliens.
Chacun des deux éléments ventraux est terminé par un épi-élément qui
en surmonte le bord inférieur. Cet épi-élément peut rester à l’état de carti-
lage bien distinct de l’os porteur, ce qui n’est pas rare; ou bien il s’ossifie
par un centre particulier d’ossification, qui reste distinct de l’élément ou
qui se confond avec lui.
De là résulte qu’il y a :
1° Un épicoracoïde homologue d’un épiischion.
2° Un épiprécoracoïde , homologue d’un épipubis.
Les épi-éléments, congénères des deux côtés, peuvent être séparés et
éloignés l’un de l’autre, ce dont nous ne trouverons d’exemples pour le bassin
que chez les Oiseaux et chez certains Mammifères , mais ce qui est assez fré-
quent pour l’épaule, où le sternum s’interpose souvent entreeux (Caméléon,
Crocodile, Chéloniens, etc.).
Ils peuvent arriver au contact sur la ligne médiane (épaule des Rana,
Dactylethra, Ichthyosaurus, Plesiosaurus ), ou même chevaucher l’un sur
l’autre ( épaule des Salamandra , Bufo, Lacerta , Iguana) . Pour la ceinture
pelvienne, il est très-général que les éléments congénères arrivent au contact
sur la ligne médiane par leurs épi-éléments ( Salamandra , Ram, Lacerta,
Chéloniens, Crocodiliens).
Parfois l’élément postéro-inférieur du bassin, ou ischion, est séparé partiel-
lement de son congénère par un homologue du sternum placé, comme à
l’épaule, dans l’angle formé en arrière par les deux épiischions^ ( osselet
précloacal des Lacerta et saillie osseuse des Testudo, Emys , etc.).
Les deux éléments ventraux d’un même côté peuvent être reliés à leurs
extrémités distales, ou par du tissu cartilagineux, ou par du tissu fibreux,
ou par du tissu osseux. De là résulte, à l’épaule comme au bassin, la forma-
tion de deux trous obturateurs complets :
A. Épaule : Rana, Bufo, Dactylethra, Lacerta, Iguana, Chéloniens.
B. Bassin: Lacerta , Iguana, Chéloniens.
Chez les Crocodiliens, les deux épi-éléments de chaque côté ne se réunis-
sent pas pour séparer les trous obturateurs, et le bassin présente en bas une
vaste ouverture losangique placée entre les deux ischions et épiischions en
arrière, et les pubis et épipubis en avant.
Au point d’union des éléments antéro-inférieurs avec les épi-éléments, se
trouve souvent une légère saillie sur le bord antérieur de la ceinture : c’est
la tubérosité précoracoïdienne et l’épine ou tubérosité pubienne.
Sur le bord postérieur de la ceinture, on trouve très-souvent une saillie
analogue, qui est la tubérosité coraco'idienne et la tubérosité ischiatique,
qu’il ne faut pas confondre avec l’épine sciatique de l’Anatomie humaine. La
première représente l’angle postérieur de l’extrémité distale de l’ischion,
tandis que l’épine sciatique est une saillie surajoutée cà l’ischion ou quel-
quefois à l’iléon, pour l’insertion des petits ligaments et muscles sacro-
sciatiques.
Enfin il peut y avoir au bassin des traces du préslernum , comme nous
l’avons vu chez les Salamandres et les Salamandrines.
11 ressort évidemment de cette étude la démonstration d’une similitude
complète de constitution entre l’arc pectoral et l’ai£ pelvien, similitude qui
nous permet de dresser le tableau suivant des homologies entre les parties
des deux ceintures.
Ceinture thoracique. Ceinture pelvienne.
Éléments essentiels.
Scapulum Iléum.
Episcapulum Epiiléum.
Coracoïde Ischion.
Epicoracoïde Epiischion.
Précoracoïde Pubis.
Epiprécoracoïde Epipubis.
Trouobturateurcoraco-précoracoïdien. Trou obturateur ischio-
pubien.
Cavité glénoïde Cavité cotyloïde.
Tubérosité précoracoïdienne Tubérosité pubienne.
Tubérosité coracoïdienne Tubérosité ischiatique
Présternum Cartilage abdominal des
Salamandres.
Sternum rhomboïdal Os précloacal des Lacer ta.
Saillie osseuse des Testuclo.
Eléments surajoutés.
Clavicule Manque toujours
Interclavicule Manque toujours.
Je ne donne point les résultats précédents comme entièrement nouveaux.
L’assimilation des trois éléments essentiels de l’épaule avec les trois élé-
ments du bassin a été faite comme assimilation générale. Gegenbaur et
d’autres anatomistes considèrent en effet l’iléon comme correspondant au
scapulum, l’ischion au coracoïde, le pubis au précoracoïde, et la clavicule
55 —
comme n’étant pas représentée dans le bassin. Huxley' admet ces assimila-
tions, avec quelques variantes que la haute valeur de leur auteur ne me
permet pas de passer sous silence.
Pour l’éminent anatomiste anglais, l’iléon correspond au scapulum, l’is-
chion correspond à peu près au coracoïde et le pubis au précoracoïde et
plus ou moins à l’épicoracoïde . La clavicule est remplacée par le ligament
de Poupart , qui s’étend de l’iléon au pubis chez beaucoup de Mammifères.
Il n’y a rien dans l’arc pelvien qui corresponde clairement au sternum,
quoique le cartilage précloacal ou osselet du Lézard ait avec l’ischion les
mêmes relations que le sternum avec le coracoïde.
J’ai à peine besoin de faire remarquer en quoi mes opinions diffèrent de
celles d’Huxley. J’espère démontrer, par l’étude des Oiseaux et des Mam-
mifères, que ma manière de voir est d’accord avec les faits.
Si les grands linéaments de la comparaison qui précède ne m’appartien-
nent pas, j’ai du moins mieux établi les homologies qu’on ne l’avait fait
jusqu’ici. Je les ai précisées, et j’ai cherché à démontrer qu’elles étaient
réelles jusque dans les détails de la structure des deux arcs pectoral et pel-
vien. Cette première partie de mon travail va me servir de base pour l'édi-
fication de la seconde, qui a trait aux Oiseaux et aux Mammifères, et où je
me trouverai en présence d’opinions contradictoires. J’espère y apporter des
solutions entièrement nouvelles, que j’ai lieu de considérer comme solide-
ment établies.
CEINTURE THORACIQUE DES OISEAUX.
La ceinture thoracique des Carinates paraît composée de deux éléments
essentiels, un scapulum et un coracoïde, auxquels se joignent des éléments
secondaires, une clavicule, une interclavicule et un sternum. Le précoracoïde
paraît faire entièrement défaut, et dans tous les cas il est si imparfaitement
développé qu’on n’est point d’accord sur sa détermination.
L’arc scapulaire des Ratites est plus complet par rapport aux éléments
1 Huxley; Éléments d’anat. convpar. des animaux vertébrés ; traduction française, 1875.
8
essentiels. Par contre, la clavicule et l’interelavicnle y font presque toujours
défaut ou sont tout au moins rudimentaires ( Cnsuarius , Dromccus). C’est
par l’étude de cet arc, plus complet dans ses éléments primordiaux, que je
dois commencer, car il me servira de guide pour l’élude de l’arc modifié des
Carinates.
Chez les Ratites, le scapulum est allongé, étroit, parallèle à la colonne
vertébrale, etcourbéen forme desabre suivant ses bords, qui sont concaves en
bas. L’extrémité postérieure du scapulum représente un épiscapulum carti-
lagineux, qui s’ossifie de bonne heure par continuité avec le scapulum (PI. Il,
fig. 6). Le scapulum se continue sans ligne de démarcation avec un coracoïde
triangulaire aplati, qui s’élargit fortement vers son extrémité inférieure ou
sternale. Par son extrémité antérieure, le coracoïde pénètre dans le sillon
du bord antéro-latéral du sternum. Par son extrémité postérieure, il contribue
avec le scapulum à former une cavité glénoïde semi-lunaire. Au-devant de
la cavité glénoïde, le coracoïde présente sur son bord externe une tubérosité
médiocrement saillante que je nomme tubérosité prégléndidienne, et qui
correspond exactement par sa position et ses rapports à Yapophyse clavi-
culaire du coracoïde des Carinates.
Sur le bord interne du coracoïde se trouve une éminence osseuse impor-
tante, qui est séparée du coracoïde par une échancrure. Elle est continuée
par une lame fibreuse dans certains cas (Rhea, PI. II, fig. o),fibro-cartila-
gineuse et même cartilagineuse dans d’autres ( Struthio , PI. II, fig. G),
qui va s’attacher sur le bord interne du coracoïde jusqu’au voisinage de
l’extrémité sternale. La saillie osseuse et le ligament représentent le préco-
racoïde et l’épiprécoracoïde. Lepicoracoïde est représenté par l’extrémité
cartilagineuse sternale du coracoïde, qui s’ossifie plus ou moins, de manière
à ce qu’il ne reste qu’un cartilage articulaire d’encroûtement. Au voisinage
du lieu d’union du coracoïde et du précoracoïde, il existe chez certains
Ratites, le Casoar par exemple, un trou vasculo-nerveux ou coracoïdien
que nous avons remarqué chez les Reptiles, où il occupe une situation
identique. Ainsi se complète chez les Ratites le trou obturateur de l’arc
pectoral.
Sur la face extérieure du scapulum et en dedans de la cavité glénoïde, se
— 57 —
trouve une tubérosité saillante dont le sommet est parfois légèrement bifide.
Elle est formée par la fusion de l’apophyse acromiale du scapulum et de
l’extrémité postérieure du précoracoïde.
Caractère important, l’axe du scapulum se continue directement avec
celui du coracoïde et du précoracoïde.
Le coracoïde et le précoracoïde procèdent d’un même centre d’ossification
distinct de celui du scapulum, ainsi qu’on peut le voir sur une épaule de
jeune Autruche (PI. Il, fig. G).
L’épaule des Carinates est plus complexe et a subi des modifications qui
masquent les homologies de certaines parties, et ont donné lieu à des inter-
prétations diverses (PI. 111, fig. 1, 2, 3, 4).
Le scapulum et le coracoïde restent distincts, mais réunis par une syn-
chondrose; leurs axes ne sont plus parallèles, mais forment un angle plus
ou moins aigu ouvert en arrière. L’épaule des Crocodiliens nous a déjà
offert une disposition semblable. L’extrémité antérieure du scapulum pré-
sente une saillie externe qui forme un peu moins que la moitié postérieure
de la cavité glénoïde, et qui est soudée avec une facette correspondante du
coracoïde, et une saillie interne plus marquée, en forme de crête, qui est
l’apophyse acromiale ou acromion. Cette dernière est en relation avec l’extré-
mité supérieure de la clavicule, soit directement comme chez les Rapaces
(PI. III, fig. 3, ), soit par l’intermédiaire de forts ligaments, comme chez
le Pélican (PI. III ,fig. 1, 2). Des ligaments s’étendent toujours de celte
apophyse acromiale à l’apophyse claviculaire du coracoïde (PI. III, fig. 2).
L’apophyse acromiale est unie par une symphyse avec une partie du cora-
coïde sur laquelle je vais bientôt revenir.
Le coracoïde est généralement plus allongé et moins aplati que chez les
Ratâtes. Son extrémité glênoïdienne présente en dehors une surface
articulaire glênoïdienne qui s’ajoute à celle du scapulum, et que surmonte
en avant une apophyse très-développée et très-saillante, dont la face interne
s’articule avec la face externe de la clavicule : c’est, l 'apophyse clavicu-
laire, que nous avons vue sous forme de tubérosité préglénoïdienne chez
les Raliles, où elle n’a pas de relations avec la clavicule rudimentaire (quand
celte dernière existe), et qui prend au contraire chez les Carinates un dève-
— 5S —
loppement considérable pour servir de point de fixation principal à cet os
important.
L'apophyse claviculaire des Câlinâtes a été projetée en avant par le mou-
vement de bascule qui a modifié la direction du coracoïde. Elle est donc
clairement représentée chez les Ralites par la tubérosité préglénoïdienne,
dont elle partage exactement la situation et les connexions par rapport à
la cavité glénoïdienne. Elle ne saurait par suite correspondre, comme le
veut Huxley, au précoracoïde des Ralites, qui est interne et qui n’a pas de
rapports avec la cavité glénoïde. Or, puisque le précoracoïde des Ratites
est avec raison considéré comme l’homologue du précoracoïde des Lacer-
tiliens, je dois repousser l’opinion d’Huxley', qui considère l’apophyse clavi-
culaire du coracoïde des Carinates comme représentant probablement le
précoracoïde des Lacertiliens. 11 n’y a aucune homologie entre ces deux
parties , et l’apophyse claviculaire du coracoïde n’est pas le représentant
du précoracoïde.
Uù se trouve donc le précoracoïde des Carinates?
Parker, dans son beau travail déjà cité, considère le précoracoïde comme
représenté chez l’embryon par deux parties différentes:
lu Une couche de tissu mou et très-transparent qui enveloppe l’intercla-
vicule, et quiest la partie distale du précoracoïde. Cette structure est, dit-il,
trés-développée chez certains Mammifères, et devient une masse délicate
de libro-cartilage appelée à s’ossifier et à se confondre avec l’interclavicule.
C’est là le précoracoïde distal, qui n’est pas bien évident chez tous les
Oiseaux.
2° Un précoracoïde proximal, qui est un triangle épais de cartilage trans-
parent placé sur la face externe de la clavicule, près de la tète ou apophyse
claviculaire du coracoïde. Ce précoracoïde proximal est d’abord distinct de la
clavicule, mais il s’ossifie et se confond entièrement plus tard avec la clavicule
(PI, 111, fig. 4, empruntée à Parker).
Celte opinion de Parker, qui diffère peu de celle d’Huxley, n’est pas plus
rationnelle que celle-ci, et pour les mêmes raisons. Ces points cartilagineux
ou fibro-cartilagineux qui tiennent à la clavicule, et que Parker considère
1 Huxley ; Elém. cl'anat. comp. des Animaux vertébrés ; traduction française, 1875, pag. ‘iat).
59
comme étant des rudiments du précoracoïde, ne sont en réalité que des por-
tions de cartilage qui font leur apparition à la surface de la clavicule fibreuse,
et qui dénoncent l’introduction progressive de cet os si remarquabledu sque-
lette secondaire dans le domaine du squelette primordial. Cette introduction
débute chez les Oiseaux par une couche cartilagineuse encore peu épaisse
qui coiffe l’extrémité externe de la clavicule fibreuse, et par une couche plus
mince et à peine cartilagineuse qui enveloppe l’interclavicule. Nous verrons
quechez les Mammifères ces rudiments cartilagineux prennent une bien plus
grande importance. Ce ne sont nullement des rudiments du précoracoïde, mais
des portions de cartilage nouvellement ajoutées à la clavicule qui, chez les
Reptiles, est d’origine purement et entièrement fibreuse.
En comparant soigneusement et rigoureusement l’épaule des Carinates
à celle des Ratites, il nous sera facile de trouver le précoracoïde des pre-
miers .
Remarquons en effet que l’extrémité antérieure du scapulum des Ratites
se trouve continue en dehors avec le coracoïde, en dedans avec le précora-
coïde.
Prenons une épaule de Carinale, et ouvrons l’angle aigu formé par le
scapulum et le coracoïde, de manière à rétablir la position des parties telle
qu’elle est chez les Ratites. C’est ce que j’ai fait (PI. III, fig 5) sur une
épaule de Coq. On trouve alors, en comparant l’épaule de Rhea (PI. II,
fig. 5, renversée) à l’épaule de Coq, que l’extrémité antérieure du scapu-
lum est contiguë, en dehors par sa portion glénoïdienne avec la portion
glénoïdienne du coracoïde surmontée de la tète plus ou moins proéminente
de cet os ou apophyse claviculaire, et en dedans par sa portion acromiale
avec une crête saillante portée par le bord interne du coracoïde, et consti-
tuant une gouttière à concavité antérieure. Cette crête, peu saillante chez
certains Oiseaux, prend chez d’autres plus d’importance (PI. III, fig. 5),
et devient même chez certains, le Pélican par exemple (P. III, fig . 1,2),
une saillie aplatie, discoïde, pédiculée, et parallèle ii la tête du coracoïde.
Cette saillie, reliée à l’acromion par du tissu fibreux, s’en rapproche, et
s’applique sur lui quand l’angle des os est redressé, comme dans la figure
ci-dessus ; et l’on comprend que la fusion des deux saillies, l’une acromiale,
— 60 —
l’autre coracoïdienne, arrive à former la saillie allongée en forme de crête de
l’épaule- des Ratiles. Au point d’union du coracoïde et de la crête que je
décris actuellement, se trouve du reste le trou vasculo-nerveux ou cora-
coïdien que nous avons remarqué au point d’union du coracoïde et du pré-
coracoïde des Ratiles (PI. II, fig. 5 et 6) et des Reptiles.
L’étude des connexions, rigoureusement faite, nous démontre donc que le
précoracoïde des Ratites, déjà peu développé, est exactement représenté par-
la crête interne du coracoïde des Carinates, qui n’est qu’un rudiment de pré-
coracoïde. Mais au reste, chez les Carinates comme chez les Ratites, une bande
fibreuse très-forte, qui devient un lieu d’insertions musculaires, relie l’extré-
mité distale du précoracoïde à l’extrémité distale du coracoïde, de manière à
former un anneau obturateur ostéo-fibreux étroit et allongé en forme de bou-
tonnière, comparable à celui des Ratiles.
C’est ici que je dois placer une discussion pour laquelle les notions précé-
dentes étaient indispensables.
J’ai, en décrivant la ceinture pelvienne des Crocodiliens, attiré l’attention
du lecteur sur les rapports de ce que j’ai appelé 1 e pubis avec l’acetabuluin,
sur l’apophyse antérieure de l’ischion, et sur les problèmes que soulèvent
des rapports tout à fait exceptionnels et uniques dans la série des Vertébrés.
Gegenbaur, dont l’opinion sur ces matières mérite toute considération,
donne à ces difficultés une réponse qui appelle la discussion. Pour lui, chez
les Crocodiles, ce que nous avons considéré comme un ischion est en réalité
un os ischio-pubien simple et sans fenêtre obturatrice. « On l’a, dit-il, à
cause de sa simplicité, déterminé comme un ischion, en regardant comme
pubis un os placé plus en avant. Mais comme ce dernier apparaît à part, il
ne doit point être compté parmi les os typiques du bassin*. »
Je suis loin de partager l’opinion que je viens de rapporter, et je vais en
donner les raisons.
Recherchons d’abord quelle est la signification de l’apophyse antérieure
de l’ischion. L’analogie va nous donner une réponse satisfaisante. Nous
pouvons comparer l’ischion du Crocodile au coracoïde des Carinates, qui est
1 Gegenbaur; Manuel d'Anat. comparée, trad. française, 1874.
— 61
son homologue. Nous savons que le coracoïde de l’Oiseau Carinate est un os
complexe, composé, d’une part, d’un coracoïde très-développé, et, d’autre
part, d’un précoracoïde rudimentaire adhérent au bord interne du coracoïde,
lequel bord ne correspond point à la surface articulaire glénoïdienne. Ce
précoracoïde est ordinairement peu saillant, mais dans certains cas il acquiert
des dimensions remarquables et prend la forme d’un disque pédiculé,
ainsi qu’on peut le voir (PI. III, fg. 1 et 2) sur le Pélican. Au point
d’union du coracoïde et du précoracoïde, se trouve une ouverture ou foramen
parfois assez large, ou trou vasculo-nerveux caracoïdien. Le bord supérieur
du précoracoïde discoïde est séparé du bord supérieur du coracoïde par
une échancrure. Enfin, ce précoracoïde s’unit, tantôt directement avec
l’apophyse antérieure du scapulum par une synchondrose (PI. III, fig. 3),
tantôt indirectement et à distance par des ligaments fibreux (PI. III,
fig. 2). Si le lecteur veut bien remplacer, dans la descripion précédente, les
termes de scapulum. de coracoïde et de précoracoïde par les dénominations
d’iléon, d’ischion et de pubis, qui sont leurs homologues dans le bassin, il
s’apercevra immédiatement que la description du prôcoracoïde des Oiseaux
s’applique directement et entièrement à l’apophyse antérieure de l’ischion des
Crocodiliens. Les fig. 1,2, PI. 111, qui montrent l’épaule de Pélican vue par
la face interne, et la fig. 7, PI. Y, qui représente le bassin de Crocodile vu
par la même face, parlent du reste clairement à l’œil et à l’esprit.
De plus, le rapprochement du pubis et de l’épaule du Crocodile lui-
même conduit au même résultat. Le coracoïde, en effet (PI. II, fig. 4), a
son extrémité supérieure divisée par une légère échancrure en deux parties :
une postérieure, qui est articulaire, et une antérieure proéminente, sous
forme de promontoire saillant, et que nous savons être le précoracoïde à
1 état de rudiment. Je me crois donc autorisé à conclure de ces rapproche-
ments que l’ischion du Crocodile est bien un ischion simple, mais qu’il est
surmonté antérieurement d’une apophyse antérieure, qui, étant l’homologue
du précoracoïde rudimentaire des Oiseaux et des Crocodiliens, est par consé-
quent un pubis incomplet ou un fragment de pubis qui contribue à la
formation de l’acetabulum, sans avoir de surface articulaire. Ce pubis rudi-
mentaire porte en avant un os long, que j’ai déjà décrit sous le nom de
pubis , et qui lui est uni par du tissu cartilagineux. Quel est cet os? S’il
— 62
n’esl pss un pubis, comme le pense Gegenbaur, qu’est-il? Faut-il le consi-
dérer comme absolument sans analogue, ou bien devons-nous le regarder,
avec le Rév. Samuel Haughton', comme un os marsupial, tandis que ce que
nous avons appelé ischion serait le pubis, et ce que nous avons considéré
comme l’iléon serait un iléo-ischion formé par la fusion de l’iléon en avant
avec l’ischion en arrière?
Deux mots suffisent pour renverser une pareille manière de voir. Les os
marsurpiaux sont des os de membrane, des tendons ossifiés, tandis que
nous avons affaire avec de véritables os de cartilages ; les os marsupiaux
divergent toujours à partir de leur point d’appui sur le pubis, et ne sont
jamais réunis, comme les os enquestion, par une véritable symphyse médiane
et par des épi-éléments (épipubis) cartilagineux. Enfin les os marsupiaux ne
donnent pas insertion à des muscles du membre inférieur , tandis que les
os qui nous occupent donnent insertion à des muscles adducteurs, et rota-
teurs du fémur. Les os que nous étudions n’ont donc rien de commun avec
les os marsupiaux.
Faut-il nous arrêter à l’autre alternative et les considérer comme des os
entièrement nouveaux ? On n’a le droit de formuler une semblable conclusion
que lorsqu’on a été contraint d’écarter toute opinion contraire. Sommes-
nous dans cette nécessité, et n’y a-t-il aucune raison suffisante à faire valoir
en faveur d’une détermination rationnelle? Je suis loin de le croire, et je ne
crains pas d’affirmer que l’os en question est réellement un pubis, non pas
tout le pubis, puisque nous en avons déjà trouvé l’élément acélabulaire
dans l’apophyse antérieure de l’ischion, mais bien seulement la portion
qui, chez les Mammifères, représente la branche horizontale et la sym-
physe.
L’objection tirée par Gegenbaur de ce que cet os a une apparition dis-
tincte, n’est réellement pas valable. !1 naît en effet dans la masse cartila-
gineuse de la ceinture pelvienne, et son origine ne diffère, en somme, de celle
des pubis ordinaires que parce que le centre d’ossification qui lui corres-
pond ne rayonne pas jusqu’à l’acetabulum, tandis que le centre osseux de
1 S. Haughton, fellow ofTrinity College Dublin ; On te muscular anatomy of the Alligator.
Armais and Magazine of natural History, 1868, ive série, tom. I.
l’ischion dépasse ses limites ordinaires, et envahit ce qui chez les autres
Reptiles constitue la portion acétabulaire du pubis.
Ces faits n’ont du reste rien qui doive nous surprendre. Nous avons vu
à l’épaule des Oiseaux et des Crocodiliens eux-mêmes, le précoracoïde rudi-
mentaire formé par l’extension du centre d’ossification du coracoïde ; et
nous savons, en outre, que pour un ensemble d’os qui naissent dans une
même masse cartilagineuse, la distribution des centres d’ossification peut
varier d’une façon assez importante sans que la signification relative des
éléments osseux doive être réellement modifiée. Ainsi, par exemple, tandis
que chez la plupart des Amphibiens le coracoïde et le précoracoïde sont
dus à des centres distincts d’ossification, chez la plupart des Reptiles, au
contraire, et chez les Oiseaux, le coracoïde et le précoracoïde naissent d’un
même centre osseux ; il faut en excepter pourtant les Chéloniens, chez
lesquels le coracoïde naît d’un centre d’ossification particulier, tandis que
le précoracoïde et le scapulum sont le produit commun d’un seul centre
d’ossification. Ces exemples suffisent, je l’espère, à démontrer que les parti-
cularités que présente l’étendue relative des points d’ossification de l’ischion
et du pubis chez les Crocodiliens, n’autorisent en rien à exclure ce dernier os
du nombre des os typiques du bassin.
CEINTURES THORACIQUE ET PELVIENNE DES MAMMIFÈRES.
Il semblerait rationnel de placer ici l’étude de la ceinture pelvienne des
Oiseaux, qui ont avec les Reptiles tant de points de ressemblance; mais la
logique et les besoins de la démonstration veulent au contraire que je m’oc-
cupe d’abord des Mammifères, car les résultats obtenus nous serviront con-
sidérablement à la détermination et à l'intelligence des parties correspon-
dantes chez les Oiseaux. Ceux-ci, en effet, présenteront, à bien des égards,
des formes intermédiaires entre les formes reptiliennes et les formes propres
aux Mammifères. Une fois les deux types extrêmes convenablement con-
nus, il nous sera facile de constater et de comprendre les conformations
intermédiaires. Je me propose de donner un certain développement à l’étude
des Mammifères ; c’est en effet un des points les moins bien compris et où
la lumière manque le plus : c’est là que les confusions et les erreurs abon-
9
64
dent. J’ai, dans mon Introduction, exposé les causes de ces lacunes et les
principes qui devaient diriger nos efforts pour les combler. Je n’y reviens
pas ici, et j’aborde immédiatement le sujet.
La ceinture scapulaire des Mammifères se compose généralement de
deux os : l’omoplate et la clavicule. La clavicule étant un os du squelette
secondaire, il en résulte que la ceinture scapulaire primordiale est réduite
à l’omoplate chez tous les Mammifères, en exceptant les Monotrêmes, qui
ont un scapulum et un coracoïde distincts.
L'omoplate des Mammifères présente des tubérosités ou apophyses dont
l’une est nommée apophyse coracoïde et l’autre épine de l’omoplate et
acromion. Ces éminences ont été considérées comme correspondant à des
éléments de la ceinture thoracique, éléments qui restent plus ou moins
distincts chez les Reptiles et les Oiseaux, mais qui, chez les Mammifères, se
soudent avec le scapulum pour constituer l’omoplate. Nous discuterons
ces déterminations, et nous établirons sur de nouvelles bases celles que nous
croyons être l’expression de la vérité.
La ceinture pelvienne des Mammifères, en laissant de côté le sacrum ,
qui n’est qu’une portion de la colonne vertébrale, se compose, comme
l’épaule chez les Mammifères, d’un seul os pair, l’os iliaque, auquel on
reconnait facilement plusieurs régions ou éminences osseuses , l’iléon ,
l’ischion et le pubis, qui sont entièrement soudés et confondus chez
l’adulte au niveau de la fosse cotyloide ou acétabuium. Comme la
ceinture pelvienne est toujours bien développée chez les Mammifères
autres que les Cétacés, et que les divers éléments y ont conservé des
dimensions et une situation qui en rendent la détermination facile, nous
prendrons la ceinture pelvienne comme point de départ de nos détermina-
tions, et, sans entrer dans les détails d’une description complète, que je
suppose connue des lecteurs, je rapprocherai ensuite la ceinture thoracique
de la ceinture pelvienne.
Je prendrai le squelette humain comme type, mais sans oublier de
signaler les particularités remarquables et intéressantes que présentent les
autres Mammifères. J’aurai ainsi l’avantage de me mouvoir sur un terrain
très-exploré, et dont les détails sont familiers à la plupart des lecteurs.
65
Il est très-facile de comparer l’os iliaque des Mammifères à celui des
Reptiles, et de déterminer ainsi la signification de ses parties. Il est com-
posé d’un iléon q ni correspond au scapulum, d’un ischion qui correspond
au coracoïde, et d’un pubis qui représente le précoracoïde Ces trois par-
ties, constituées par trois os distincts chez l'embryon, viennent toujours
converger en étoile au fond de la cavité cotylo'ide, et contribuent dans des
proportions différentes à la formation de cette excavation (PI. Y, fig. 5).
Des points secondaires d’ossification assez nombreux viennent s’ajouter à ces
trois centres principaux. Il s’en trouve notamment un au fond de la cavité
cotylo'ide, au centre de l’étoile formée par la convergence des trois sutures.
L’iléon, très-élargi, présente des fosses iliaques interne et externe. Il a un
bord supérieur convexe nommé crête iliaque , qui est formé par un point
d’ossification distinct. C’est Xépiilêon, qui se soude avec l’iléon.
L’ischion et le pubis sont phalangiformes et ont leurs extrémités distales
élargies, de manière à ce que leurs angles opposés viennent se réunir et former
une branche iscbio-pubienne, qui entoure le trou obturateur. C’est là une dis-
position que nous avons déjà retrouvée dans le bassin de certains Chéloniens.
Deux points d’ossification viennent recouvrir l’extrémité distale de l’ischion
et du pubis : l’un, ischiatique, coiffe la tubérosité et la branche ascendante
de l’ischion, c’est l’ épiischion ; l’autre forme l’extrémité du pubis à partir de
l’épine et recouvre la branche descendante du pubis, c’est Yépipubis. Il y
a une épine pubienne ou tubérosité pubienne /PI. Y, fig. 1, 5, tu. pu.)
au point d’union du pubis et de l’épipubis, et une épine ischiatique ou
tubérosité ischiatique au point d’union de l’ischion et de l’épiischion.
On voit ainsi que l’assimilation de la ceinture pelvienne des Mammifères
avec celle des Reptiles est on ne peut plus précise, et peut même être pour-
suivie jusque dans les détails.
La signification des parties de la ceinture pelvienne étant solidement établie,
comparons-les avec les éléments de la ceinture scapulaire et cherchons à en dé-
terminer les homologies. Pour cela, reportons-nous aux principes exposés au
début de ce travail, et rapprochons, contrairement à ce qui a été généralement
fait jusqu’à présent, le scapulum d’un côté de l’os iliaque du même côté.
L’iléon représente la partie aplatie et large du scapulum. Ces deux os
étant mis à côté l’un de l’autre, ainsi que je l’ai fait sur la PL V, fig. 1
GG
et 2, et étant vus par leur face externe, nous trouverons que le bord épina!
de l’omoplate représente la crête de l’os iliaque, qu’à l’épiiléon correspond
un épiscapulum formé par une bande osseuse occupant le bord spinal de
l’omoplate et résultant d’un point distinct d’ossification, dont l’apparition est
plus tardive que celle du corps de l’omoplate ' .
A la fosse iliaque externe correspondent les fosses sus et sous-épineuses
réunies. Ces deux fosses sont séparées entre elles par l’épine de l’omoplate,
qui est elle-même représentée dans l’iléon par une crête mousse plus ou
moins saillante (PI. Y, fug. \. sail. il.) qui descend de la réunion du tiers
antérieur avec les deux tiers postérieurs de la crête de l’iléon, et se dirige
en avant vers la cavité cotylo'ide. C’est là exactement la situation de l’épine
du scapulum par rapport à la face externe et à la cavité glénoïdienne du
scapulum. Bien plus, la crête de l’iléon et le bord spinal de l’omoplate
présentent au niveau de l’origine des deux saillies ou épines, un renflement
assez prononcé, exactement comparable dans les deux cas (PI. V, fig. 1,
em . il.-, fig. 2, em. sc.). M. Sappey1 2 considère, il est vrai, l’épine de l’omo-
plate comme représentée par la ligne courbe semi-circulaire antérieure de
l’iléon, qui est située entre les insertions du moyen et du petit fessier (PI. V,
fig. l. c. a.). Cette opinion n’a pu naître dans l’esprit de M Sappey que
parce que, comme Yic-d’Azyr, il comparait l’iléon d'un côté au scapulum
du côté opposé. Alors seulement, en effet, il y a entre ces deux saillies
quelque similitude éloignée de situation. Mais si, comme c’est rigoureu-
sement démontré dans ce travail, la comparaison doit être faite entre les
deux os d’un même côté, on s’aperçoit bien vile que l’assimilation proposée
par M. Sappey est impossible, car il n’y a rien de commun entre la situa-
tion, les rapports, les points de départ et d’arrivée, la direction relative des
deux saillies. 11 est vrai que l’épine de l’omoplate est , comme la ligne courbe
de l’iléon, une saillie osseuse uniquement apophysaire, une espèce d’éma-
nation de la face externe de l’os, une sorte d’intervalle aponévrolique ossifié;
mais, tandis que la ligne courbe de l’iléon est la trace d’un intervalle inter—
1 1,’ examen d’un omoplate et d'un iléon d'un enfant de naissance font clairement saisir
cette assimilation en montrant les os moins déformés par le développement ultérieur (PI. Y,
fig. 5 et 6).
2 Sappey; Traité d’ Anatomie humaine.
67
musculaire dont la direction est perpendiculaire au sens des faisceaux et des
fibres des muscles qu’elle sépare, l’épine de l’omoplate représente au con-
traire un intervalle parallèle à ces mômes faisceaux et fibres musculaires. 11
est évident que l’épine de l’omoplate ne peut être représentée que par une
saillie de la fosse iliaque externe parallèle aux faisceaux du muscle moyen et
petit fessier, comme l’épine de l’omoplate est parallèle à la direction des
faisceaux des muscles épineux ; et c’est là une condition que remplit à mer-
veille la saillie de la fosse iliaque externe (PI. V, fig. 1. sail. il.). 1! y a
seulement entre les deux cas cette différence que, tandis qu’à l’épaule la
crête osseuse est assez saillante pour diviser en deux faisceaux distincts et
collatéraux la masse des muscles sus-scapulaires ou épineux, il n’en est pas
de même au bassin. En effet, la saillie iliaque reste mousse chez l’Homme, et
ne parvient pas à émerger entre les faisceaux des muscles moyen et petit
fessier réunis, pour les séparer en deux masses collatérales et parallèles, com-
parables aux masses sus et sous-épineuses.
Cette saillie iliaque (que je nommerais épine de l’iléon , pour la rappro-
cher de l’ épine du scapulum, si déjà plusieurs saillies n’avaient reçu le nom
d’épines iliaques), cette saillie iliaque, dis-je, peu prononcée chez certains
sujets de l'espèce humaine, acquiert chez d’autres des dimensions plus
marquées, et devient même chez quelques animaux une véritable crête
saillante exactement comparable à l’épine du scapulum, et ayant avec elle une
ressemblance vraiment frappante. Je prie le lecteur de comparer la saillie
iliaque très-évidente d’un Mouton (PI. VI, fig. 5, sa. il.) avec X épine
scapulaire du même animal, et il verra que l’une et l’autre de ces saillies sont
parallèles à l’axe du cylindre osseux phalangiforme et plus ou moins aplati
qui constitue ces deux os, chez les Mammifères comme chez les Reptiles.
Ce parallélisme et cette similitude de situation, dont on peut fort bien se
rendre compte chez l’homme, sont encore plus évidents chez les animaux,
où les deux os sont moins étalés et se sont moins éloignés du type cylin-
drique phalangiforme. Ces dispositions peuvent être aussi clairement saisies
chez le Lièvre (PI. 111, fig . 6 et 7, et PI. Vil, fig. 6), où la ressemblance
de forme des deux os permet de serrer de prés les rapprochements. Enfin
le bassin du grand Kanguroo (PI. VII, fig. S, sa. il.) nous montre la
saillie de l’iléon ayant atteint une élévation remarquable et formant une
- G8 —
véritable épine exactement comparable à celle du scapulum. On trouve une
saillie semblable, et même à bord tranchant et aigu, sur l’iléon de l’Agouti,
du Bathyergus maritimus, du Dasypus sexcinclus , etc.
Ainsi donc, des considérations de tous les ordres : direction par rapport à
l’axe de l’os, par rapport aux faisceaux musculaires, par rapport à la cavité
articulaire, par rapport au bord supérieur ou spinal de l’os, et les enseignements
de l’anatomie comparée, etc., démontrent clairement que l’épine de l’omoplate
est bien représentée au bassin par ce que je nomme la saillie de l'iléon , et
non, comme le veut M. Sappey, par la ligne courbe antérieure de cet os.
Quant à l’opinion de Humphry, qui considère la clavicule comme repré-
sentant la branche ascendante de l’ischion, et à celle peu différente de
Folz, qui considère l’acromion comme représentant l’ischion, tandis que la
clavicule serait la brandie descendante des pubis, elles impliquent l’une et
l’autre l’assimilation de l’épine de l’omoplate avec la partie descendante ou
proximale de l’ischion. Ce sont là des opinions qui ont contre elles tant de
considérations, que je ne m’arrête pas à les discuter; la suite de ce travail les
renversera de fond en comble, sans que j’aie besoin ici de les combattre
longuement. Je me bornerai à faire remarquer que, loin de représenter un
élément important et autonome de la ceinture thoracique, comme l’est l’is-
chion pour la ceinture pelvienne, l’épine du scapulum n’est au fond qu’un
plissement, qu’une crête plus ou moins saillante de la face externe de l’os,
crête le plus souvent unique, mais quelquefois accompagnée d’un certain
nombre d’autres qui ne diffèrent d’elle que par des dimensions moins pro-
noncées. Ce sont tout simplement des interstices musculaires ossifiés, et
auxquels on ne saurait donner l’importance d’un élément constituant de la
ceinture thoracique.
Ces épines scapulaires multiples se trouvent bien développées chez cer-
tains Cétacés et chez les Phoques, et je renvoie le lecteur à la PI. III, fig. 8,
qui représente un scapulum de Dauphin. On trouve également sur le sca-
pulum de Dasypus sexcinctus, en arrière de l’épine scapulaire, une seconde
épine qui lui est parallèle, et qui atteint parfois des dimensions remarquables.
La ligne demi-circulaire antérieure de l’iléon n’est point régulièrement
représentée sur la face externe du scapulum ; mais il n’en est pas de même
pour la ligne demi-circulaire postérieure et pour les rugosités qu’elle limite,
69 -
et qui servent d’insertion au grand fessier. On trouve en effet sur la face
externe du scapulum (PI. V, fg. 2, m. g. r.), et près de l’angle inférieur
de l’omoplate, une surface rugueuse triangulaire limitée par une crête légère-
ment saillante qui correspond à la ligne courbe postérieure de l’iléon
(PI. V, fig. 1, m. g. f).
Tout ce que nous venons d’établir, et que l’anatomie des muscles confir-
mera complètement, nous fournit de précieux points de repère pour la
détermination des autres parties du scapulum. 11 résulte en effet de là que,
contrairement à l’opinion de tous ceux qui se sont occupés de la question, le
bord coracbidien de l’omoplate représente le bord inguinal de l’iléon, et le
bord axillaire représente le bord sacro-coccygien ou ischiatique du même
os. Les figures qui accompagnent ce Mémoire (PI. Y, fig. 1 et 2 , fig. ô
et 4, fig. 5 et 6 ; PI. Yl, fig. 12 et 15) permettent de vérifier la justesse de
ces rapprochements, et de constater que le bord inguinal de l’iléon, avec ses
sinuosités et ses épines iliaques supérieure et inférieure, est assez bien
reproduit par le bord coraco'idien de l’omoplate, qui présente comme lui
une minceur relative et des saillies correspondantes. Quant au bord ischia-
tique ou échancrure ischiatique de l’iléon, l’étude de la face interne de
l’iléon (PI. YI, fig. 12 et 15) permettra, bien mieux encore que celle de la
face externe, de saisir tout ce que ce bord a de commun avec le bord axil-
laire du scapulum. Ces bords correspondants de l’iléon et du scapulum,
considérés chez le fœtus (PI. V, fig. 5 et 6), ont une ressemblance remar-
quable. Tandis, en effet, que les bords inguinal de l’iléon et coracoidien
du scapulum sont minces, tranchants et légèrement concaves sur le sque-
lette d’un enfant de neuf mois, les bords ischiatique et axillaire de ces os
sont épais et présentent une concavité presque aussi prononcée pour le sca -
pulum que pour l’iléon. Chez l’adulte, cette concavité du bord axillaire
devient moins marquée, parce que son sinus est en partie rempli par l’élar-
gissement d’une crête mince et tranchante qui s’élève vers la face externe
de l’os, et à l’extrémité supérieure de laquelle s’insère la longue portion du
triceps (PI. VI, fig. 12); mais si l’on jette les yeux sur les figures compara-
tives des faces internes des deux os (PI. VI, fg. 12 et 15), et sur les fig. 5
et 4 de la PI. Y, qui représentent les bords des deux os vus de champ, on
remarquera certainement que les faces internes sont, dans les deux cas, divi-
— 70 —
sées en deux régions très-inégales par un renforcement en forme de crête
mousse (det. sup. il. ax. et clet. sup. se. ax.) qui, partant de la face profonde
de la cavité articulaire, se porte vers l’angle postérieur de l’iléon et vers l’angle
inférieur du scapulum, qui se correspondent. Cette crête mousse, qui forme
pour l’iléon le détroit supérieur du petit bassin, est donc exactement repré-
sentée dans le scapulum. Elle est dans les deux figures (PI. VI, fig. 1 2 et 1 3)
surmontée en haut par la grande fosse iliaque interne et par la grande fosse
sous-scapulaire, qui sont homologues ; et au-dessous d’elle se trouve une bande
étroite, légèrement creusée en gouttière, qui dans l’iléon borde l’échancrure
iscbiatique et fait partie du petit bassin, et qui dans le scapulum constitue
une gouttière longue, étroite et profonde. Les figures (3 et 4 de la PI. Y)
où les bords correspondants des deux os sont vus de champ, permettent
d’apprécier les comparaisons et les rapprochements que j’établis entre eux.
On retrouve donc dans l’épaule, outre la cavité du grand bassin, les por-
tions iliaques du détroit supérieur et de la petite cavité pelvienne. Les ren-
forcements qui forment les portions iliaque ou scapulaire du détroit supérieur
constituent donc un axe massif au-dessus et au-dessous duquel se dévelop-
pent ordinairement, chez les Mammifères, une aile supérieure et une aile
inférieure. C’est là la partie axiale ou axe de l’iléon, qui est quelquefois à
peine accompagnée d’expansions ou ailes supérieure et inférieure, et qui
représente alors dans toute sa simplicité le cylindre iliaque, qui a dû être le
type primitif de l’iléon, tel que nous le trouvons déjà chez les Ichthyosaures
et Plésiosaures, et tel que nous l’avons vu chez certains Batraciens et certains
Reptiles actuels. Je citerai, comme exemple du faible développement de ces
appendices en forme d’ailes, le bassin du Mouton (PI. Y !,/%. 4 et 5), du
Lapin (PL VII, fig. 6), et surtout celui du Kanguroo (PL VU, fig. 5),
auquel on peut ajouter celui des Monotrêmes.
La face interne de l’iléon présente au niveau de l’angle postérieur la sur-
face par laquelle il s’articule avec le sacrum, et à laquelle on a donné le nom
de facette auriculaire (Pi. VI, fig. 13, fac. aur.). En arrière de celle-ci se
trouvent des inégalités et rugosités très-considérables, qui servent à l’inser-
tion des ligaments sacro-iliaques interosseux, surf. rug. La surface articu-
laire correspondante ne saurait exister sur l’omoplate, qui est suspendue à la
colonne vertébrale, et non articulée avec elle ; mais les rugosités de l’iléon
71
se retrouvent au voisinage de l’angle correspondant de l’omoplate (PI. VI,
fig. 12, surf, rug.), et servent d’insertion au muscle grand dentelé, que
nous verrons être le représentant, dans cette région, des ligaments sacro-
iliaques interosseux.
Je dirai de plus, mais sans y ajouter trop d’importance, que cet angle
inférieur du scapulum, épais et tuberculeux comme la tubérosité de l’iléon,
peut sans trop de complaisance être considéré comme présentant deux
saillies qui reproduisent assez bien les deux épines iliaques postérieures
(PI. VI, fig. 12 et 15).
Enfin, j’aurai complété la comparaison de l’iléon et du scapulum quand
j’aurai dit que l’un et l’autre prennent une large part, la plus grande part, à
la constitution de la cavité articulaire, et cela par leurs angles homologues,
dans des situations identiques par rapport à l’épine du scapulum et à la
saillie de l’iléon (PI. V, fig. 1 et 2).
Je continue à comparer les éléments des deux ceintures : l'apophyse cora-
coïde de l’omoplate humaine a naturellement été comparée à l’un des autres
éléments de l’os iliaque. Les uns, reproduisant les idées de Vicq-d’Azyr, y
ont vu l’homologue de l’ischion, du côté opposé ; d’autres, comme Humphry
et Folz, y ont trouvé le représentant du pubis du côté opposé. Ces deux
opinions sont aussi insoutenables l’une que l’autre, et je n’ai point à répéter
ici que c’est entre les éléments du même côté du corps qu’une comparai-
son légitime et rationnelle doit être faite.
L’apophyse dite coracoïde ne peut être comparée qu’à l’ischion ou au
pubis du même côté. Représente-t-elle l’ischion ou le pubis? ou bien, en
d’autres termes, est-elle un coracoïde ou un précoracoïde? Tout prouve que
c’est un précoracoïde. L’examen seul de sa situation et une comparaison des
deux os suffiraient presque à le démontrer ; j’en prends à témoin les fig. i
et 2, 3 et -4, 5 et 6, PI. V, et les fig. 12 et 15 de la PL VI, qui parlent
immédiatement aux yeux, et qui permettent de se rendre rapidement compte
de tout ce qu’il y a de semblable, soit dans les rapports du pubis avec l’iléon
et de l’apophyse coracoïde avec le scapulum, soit dans la forme recourbée
dans le même sens des deux éléments, forme qui n’a pu conduire à une assi-
milation de l’apophyse coracoïde avec l’ischion qu’à condition de renverser
10
l’une des deux ceintures. L’apophyse coracoïde est, on le voit, placée comme
le pubis au-dessus et non au-dessous de la cavité articulaire, tandis que
Yicq-d’Azyr, obligé de renverser l’omoplate pour faire sa comparaison croi-
sée, trouvait « que le bec de corbeau était tout à fait inférieur et répondait
à la tubérosité sciatique» .
Mais les considérations de forme et de situation générale, qui ont leur
importance, le cèdent de beaucoup aux considérations de connexions et de
développement. Or, l’apophyse coracoïde ne saurait être un coracoïde, c’est-
à-dire un ischion, parce que, dans son évolution, elle est entièrement étran-
gère à la constitution de la cavité articulaire, ce qui ne se rencontre jamais
pour le coracoïde. Toujours, en effet, et dans tous les cas, l’ischion et le cora-
coïde font partie de la cavité articulaire correspondante. 11 arrive au con-
traire quelquefois que le précoracoïde et le pubis n’entrent pas dans la
constitution de cette cavité, et ils n’y entrent dans tous les cas que pour une
part relativement restreinte. C’est ce que nous avons constaté pour le pré-
coracoïde chez les Salamandres et chez quelques Rana (R. temporaria, par
exemple), et pour le pubis chez le Caméléon. Nous verrons aussi,
quand nous aurons déterminé la place du vrai coracoïde dans l’épaule,
que l’ordre d’apparition des points osseux , soit à l’épaule , soit au
bassin, vient établir également que l’apophyse coracoïde ne se montre,
comme le pubis à l’égard de l’ischion, qu’aprèsque le point osseux du vrai
coracoïde a fait son apparition.
Mais où donc est le vrai coracoïde? Quel est son représentant dans l’épaule
humaine et dans celle des Mammifères? C’est là ce que je vais examiner.
Si l’on jette un coup d'œil sur la PI. Y, fig. 2, on voit que la cavité glé-
noïde de l’Homme peut être divisée par une ligne perpendiculaire à son
grand axe en deux parties inégales : l’une inférieure, large et formant les
deux tiers de la cavité, et l’autre supérieure, triangulaire, qui constitue le
tiers supérieur. La séparation entre ces deux parties est du reste indiquée
par une légère échancrure des bords.
La partie supérieure est surmontée d’un tubercule plus ou moins saillant
auquel s’insère la longue portion du biceps. C’est ce noyau osseux, com-
prenant le tiers supérieur de la cavité glénoïde et le tubercule du long biceps,
noyau résultant d’un centre d’ossification distinct, qui constitue le vrai cora-
/ ô
coïde et le représentant de l 'ischion. De même que le coracoïde des Amphi-
biens et des Reptiles, et de même que l’ischion des Amphibiens, des Reptiles,
des Oiseaux et des Mammifères, il est enfoncé comme un coin dans l’angle
formé, en arrière par le scapulum ou l’iléon, en avant par le précoracoïde
ou le pubis. Seulement ici le coracoïde est peu développé et presque atro-
phié; il n’est représenté que par sa portion basilaire adhérente aux autres
éléments de la ceinture.
Ce que j’avance ici est déjà fortement appuyé sur l’étude des connexions.
Voilà en effet un coracoïde qui remplit bien les conditions générales et essen-
tielles d’un élément de cet ordre. Ses connexions sont bien celles d’un cora-
coïde, puisqu’il est placé en arrière du précoracoïde, si l’on considère
l’Homme dans la station horizontale ; il est en outre reçu dans l’angle, ouvert
en bas, que forment le scapulum et le précoracoïde. De plus, son ordre
d’apparition comme point d’ossification précède celle du précoracoïde. Nous
verrons en outre avec quelle précision et quelle rigueur l’étude de la myo-
logie confirmera la vérité des déterminations que nous venons de faire. Mais
avant de passer à l’étude des muscles, qui nous entraînera dans de longs dé-
veloppements, je dois répondre à l’objection de ceux qui pourraient s’étonner
que l’apophyse coracoïde, qui est assez volumineuse et saillante chez
l’Homme, dût être assimilée au pubis, c’est-à-dire à la branche la moins déve-
loppée du bassin; tandis que l’ischion, qui est très-volumineux, ne serait repré-
senté que par un simple noyau osseux de dimensions fort réduites. A ceux-
là, il me suffit de rappeler cette vérité banale, que l’anatomie ne doit point
être faite sur un seul type, et que, sans beaucoup chercher, il est facile de
trouver des types nombreux de Mammifères chez lesquels l’apophyse cora-
coïde est elle-même réduite aux dimensions d’un simple tubercule (Rumi-
nants, Carnivores, Solipèdes, etc.), et d’autres types aussi où le tubercule du
long biceps acquiert des dimensions supérieures à celles de l’apophyse cora-
coïde. Je renvoie le lecteur à l’examen du scapulum de Lièvre (PI. III, fig.
6 et 7), sur lequel ce renversement des proportions ordinaires peut être facile-
ment constaté. Le coracoïde humain étant fortement atrophié et réduit à sa
portion basilaire ou proximale, il ne peut être question d’un épicoracoïde ;
mais pour le précoracoïde, qui est bien plus développé, il est permis de consi-
dérer le point épiphysaire qui en occupe le sommet, et auquel s’insèrent les
— 74 —
tendons réunis du court biceps et du coraco-brachial, comme formant l’épi-
précoracoïde’ .
Voilà donc retrouvés les vrais éléments de la ceinture thoracique et leurs
homologies avec les éléments de la ceinture pelvienne. 11 n’est ni nécessaire
ni surtout rationnel de faire, comme Humphry, Folz, jouer un rôle à la
clavicule dans la constitution de la ceinture supérieure et dans son assi-
milation avec les éléments du bassin. Tout s’oppose à une introduction
aussi illégitime, et la myologie avec i’osléologie, et encore mieux qu’elle,
nous démontrera que la clavicule, élément surajouté dans quelques cas, et
non constamment, à l’épaule, n’est, comme le pense justement Gegenbaur \
nullement représentée dans le bassin des Mammifères. La clavicule est un
os du dermo-squelelte, et non du squelette primordial; elle n’a donc pas
de partie similaire dans la ceinture pelvienne, qui appartient tout entière
au squelette primordial Que si, à l’exemple de Huxley1 * 3, on voulait la
retrouver au bassin dans le ligament de Poupart, on devrait bientôt aban-
donner celte opinion, en considérant que les connexions de ce ligament,
soit avec les autres os de la ceinture, soit surtout avec les muscles de la
région, sont bien différentes de celles que possède la clavicule avec les
éléments correspondants du squelette et des muscles de l’épaule. Renvoyant
à plus tard ce qui a trait au système musculaire, je me borne à faire
remarquer ici que le ligament de Poupart s’étend de l’épine üaque anté-
rieure et supérieure à l’épine et à la crête du pubis, tandis que la clavicule
s’étend de l’acromion au sternum : or, l’épine iliaque antérieure et supérieure
correspond à l’angle supérieur et interne du scapulum, et non à l’épine
de l’omoplate ou à l’acromion. Si le ligament de Poupart était donc une
clavicule, cette connexion avec l’acromion, très-remarquable et très-constante
1 II existe quelquefois dans le bassin humain, au fond de la cavité cotyloïde, au point de ren-
contre des trois branches de l’étoile, un petit point d'ossiûcalion qui forme le fond de la cavité
cotyloïde. Cet élément surajouté se retrouve souvent daus l’épaule humaine. Il est représenté
par un noyau situé sur le bord interne de la cavité glénoïde, au point de rencontre du scapu-
lum et du coracoïde. Ce point est aussi en contact, mais en dehors de la cavité glénoïde et
par sa portion supérieure interne, avec le précoracoïde. Il est en réalité, comme dans le bassin,
en contact avec les trois éléments de la ceinture au point où ces trois éléments convergent.
- Gegenbaur; Manuel dAnat. comp., trad. franc., 1874.
a Huxley; Éléments d' Anal. comp. clés Anim. vertébrés, trad. franç., 1875.
— 75 —
à l'épaule, lui ferait entièrement défaut au bassin. En outre, les relations
du ligament de Poupart avec le pubis ne sauraient être assimilées à celles
delà clavicule avec le sternum. On a le droit de considérer comme différents
des éléments qui ont des connexions si différentes. Du reste, la myologie
nous démontrera clairement que ces deux éléments, clavicule et ligament
de Poupart, sont tout à fait étrangers l’un à l’autre.
Si, après avoir ainsi discuté la valeur et la signification des éléments des
deux ceintures dans l’espèce humaine, nous étendons notre étude aux
autres Mammifères, nous ne trouverons que des confirmations des assimi-
lations qui précèdent.
Chez beaucoup de Mammifères, en effet, les Carnivores, les Ruminants,
les Solipèdes, les Rongeurs, bien des Didelpbes, les éléments scapulum et
iléon présentent des formes beaucoup plus semblables entre elles que dans
l’espèce humaine, des formes plus simples et plus faciles à comparer. Chez
la plupart de ces Mammifères, en effet, le scapulum et l’iléon se présentent
sous la forme de triangles isocèles dont les formes sont simples et dépour-
vues de ces inégalités de longueur et de courbure des bords antérieur et
postérieur, qui dans l’espèce humaine rendent la comparaison moins facile.
, Les fig. 6 de la PI. III et 6 de la PI. VII. qui représentent le scapulum et
l’os iliaque de Lièvre, sont propres à confirmer ce que j’avance.
Nous avons déjà vu combien, sur l’iléon de certains Mammifères, la saillie
de l’iléon prenait de l’importance pour former une fidèle reproduction de
l’épine de l’omoplate (PI. VII, fig. 5).
Chez les Cétacés, l’épiscapulum conserve, pendant presque toute la vie, la
structure cartilagineuse, et reste par là toujours facilement distinct du sca-
pulum (PI. III, fig. 8). lien est de même chez les Solipèdes, où il est décrit
sous le nom de cartilage de prolongement.
L’élément coracoïdien conserve chez tous les Mammifères des dimensions
très-réduites. Il ne faut en excepter que les Monotrêmes, sur lesquels je
reviendrai. Quant au précoracoïde, qui est si développé chez l’Homme, il
présente à cet égard de très-grandes variations. Assez développé chez les
Didelphys, les Phascolomes et autres Didelpbes, il est réduit aux dimen-
sions d’un tubercule chez d’autres Mammifères du même groupe. Assez
— 76 —
prononcé chez les Bradijpes et très-proéminent chez les grands Édentés,
tels que \e Lestodon armatus, le Mégathérium, etc., il est très-petit chez
d’autres animaux du môme ordre. 11 est aussi très-petit et tuberculeux
chez les Ruminants, chez les Solipèdes, chez les Carnivores, chez les Ron-
geurs, chez les Insectivores. Chez le Lièvre, dont j’ai donné des dessins
(PI. IIS, fig. 6 et 7, cr.), on trouve en haut et en dehors de la cavité glé-
no'ide un coracoïde formant un tubercule saillant, et en dedans de lui un
précoracoïde mince et plat, qui se porte en dedans comme le pubis, et dont
les dimensions sont inférieures à celles du coracoïde.
Chez les Chéiroptères, le précoracoïde est long, grêle, et recourbé comme
celui de l’Homme.
Chez les Cétacés, tels que les Baleines, les Dauphins, les Marsouins, le
précoracoïde acquiert des dimensions remarquables (PI. II \,fig. 8 ,p.cr.).
Il présente un aspect phalangiforme qui se rapproche beaucoup de celui du
pubis, et qui rappelle la forme primitive des éléments des deux ceintures.
Par contre, le coracoïde est très-peu saillant. Il est réduit à la portion glé-
noïdienne surmontée d’un renflement cà peine marqué. Une échancrure du
bord glénoïdien indique la limite du coracoïde et du scapulum.
Si, laissant de côté de plus nombreux détails, nous résumons maintenant
les résultats que nous a déjà donnés l’étude du squelette, nous trouvons que la
ceinture scapulaire des Mammifères, sauf lesMonotrêmes, se compose, comme
leur ceinture pelvienne, de trois éléments principaux, l'un supérieur dorsal
ou suspenseur, à l’extrémité inférieure duquel s’attachent deux éléments
inférieurs ou ventraux. Ces trois éléments convergent vers la cavité articulaire.
Dans la ceinture pelvienne, ces trois éléments prennent part, mais dans
des proportions inégales, à la constitution de la cavité articulaire, l’iléon en
formant la plus grande partie, l’ischion venant ensuite, et le pubis en der-
nier rang : de plus, les trois éléments de la ceinture pelvienne sont disposés
en étoile, et il en résulte que la cavité articulaire est hémisphérique. Il n’en
est pas de même à l’épaule, où deux éléments seulement contribuent à
former la cavité glénoïde, le scapulum pour les deux tiers et le coracoïde pour
l’autre tiers . Le précoracoïde reste toujours étranger à cette cavité. En
outre, à l’épaule les trois éléments sont disposés en série et non en étoile, et
la forme de la cavité est semi-lunaire ou en croissant. Nous avons vu corn-
— 77 —
bien ces dispositions et ces formes sont fréquentes chez les Ampbibiens
anoures on urodèles, et générales chez les Crocodiliens et chez les Oiseaux.
Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’existence des épièléments vient complé-
ter à la fois la similitude des ceintures des Mammifères avec celles des
Amphibienset des Reptiles, et l’homologie des deux ceintures entre elles dans
cette grande classe des Vertébrés à mammelles.
Enfin, nous avons vu que chez les Lézards se trouvait un os précloacal
(PL IV, fig. 9 et 10, st.pelv.) que nous avons considéré comme un véritable
sternum rhombo'idal pelvien. On peut se demander si chez les Mammifères
rien ne représente dans le bassin cette partie surajoutée de la ceinture thora-
cique. Le ligament sous-pubien de l’Homme, triangulaire, très-fort, qui
fait suite au ligament antérieur et au ligament interosseux du pubis, peut-il
être considéré comme jouant ce rôle? Je n’oserais l’affirmer, mais je ne puis
pourtant ne pas faire remarquer que chez le grand Kanguroo, et peut-être
chez d’autres Mammifères, l’angle de l’arcade formée par les branches
ischio-pubiennes est rempli par un os triangulaire fort remarquable (PL Vil,
fig. 5, st. pelv .) qui s’étend en haut jusqu’au voisinage de la tubérosité
ischiatique, et qui forme en bas une forte saillie recourbée en avant. Cet os
est uni au bord postérieur des ischions par une suture qui reste toujours
un peu cartilagineuse, tout ou moins sur une partie de son étendue. 11 y a
dans la forme de cet os, qui conserve ainsi une certaine indépendance dans
ses connexions avec les ischions et dans sa saillie antérieure, quelque chose
qui me porte fort à le considérer comme un sternum rhombo'idal pelvien ;
et si mes présomptions à cet égard étaient justifiées, on serait autorisé à lui
assimiler et à considérer comme un sternum fibreux, le ligament triangu-
laire sous-pubien qui est logé dans l’angle de l’arcade ischio-pubienne.
Avant de clore ce sujet et d’aborder l’étude des Monotrêmes, je dois
faire connaître et discuter quelques opinions de date récente qui ont trait
au précoracoïde des Mammifères et qui sont en opposition avec les proposi-
tions que j’ai émises à ce sujet.
Pour commencer parla plus récente et la plus radicale de ces opinions,
je citerai la dissertation inaugurale du Dr Paul Albrecht1, soutenue à
* P. Albrecht; Beitrag zur Torsionstlieorie des Humérus. Kiel, 1876.
78 —
Kiel, en 1876. Dans ce travail, le Dr Albrecht soutient que le pubis cor-
respond à un os primaire de cartilage de l’extrémité antérieure, le pré-
coracoïde, mais que ce dernier os disparaît de bonne heure dans la série des
Vertébrés; qu’il apparaît pour la première fois chez les Amphibiens urodèles ;
disparaît ensuite chez les Crocodiles, pour ne reparaître que chez les
Ratites, où il fournit une preuve de plus de la parenté très-rapprochée de
cette sous -classe remarquable avec les Sauriens.
Ainsi donc, pour le Dr Albrecht, le précoracoïde n’exisie pas chez
les Mammifères, et l’apophyse dite coracoïde des Mammifères est bien un
vrai coracoïde et correspond à l’ischion. Je n’ai pas besoin de réfuter les
assertions du Dr Albrecht. Ce que j’ai déjà dit et ce qui me reste à dire
établira suffisamment que j’ai raison d’affirmer que l’apophyse coracoïde des
Mammifères est un précoracoïde, et qu’à ce titre elle représente le pubis.
L’opinion de Parker 1 sur le précoracoïde des Mammifères autres que
les Monotrêmes, est assez étrange ; mais la grande compétence en cette ma-
tière de cet anatomiste distingué me défend de la passer sous silence.
Pour Parker, le précoracoïde des Mammifères est toujours distal, et
existe toujours quand il y a une clavicule. Ses relations avec la clavi-
cule offrent quelques variations. Généralement il présente une curieuse
segmentation moniliforme , la partie proximale restant en contact avec la
clavicule (PI. IV, jig. 18 et 19, />. cr ., empruntées à Parker), et la partie
distale (qui représente la moitié de l’omosternum du Têtard de la Grenouille)
étant attachée à la moitié antérieuredu présternum2 (PI. IV, fig. 19, ost.).
Derrière ces rudiments apparaît souvent un petit épicoracoïde distal ; mais
il y a seulement deux cas : la Taupe, un proche voisin des Monotrêmes 3,et
1 Parker; A Monograph on lhe structure and development of the Schoulder-girdle and
sternum in the Vertehrata. (Ray - Society . London, 1868.)
2 Jo dois prévenir que Parker désigne chez la Grenouille, par omosternum, ce que j’ai
appelé présternum, enréservant la dénomination d’omosternum à l'extrémité cartilagineuse qui
surmonte le présternum. Parker a démontré que ces parties se développent par deux points
pairs latéraux d'ossification qui se soudent suivant leur largeur.
3 J'avoue ne pas comprendre fort bien ce voisinage, affirmé par Parker, de la Taupe et des
Monotrêmes. Je ne vois d’autre voisinage que la qualité d’animal fouisseur, qui est commune
à la Taupe et à l’Échidné seulement. Tout autre rapprochement fait par Parker est évidemment
dicté à l'auteur par des idées préconçues, et que je devrai combattre, soit sur la valeur de la
79
l’Homme, chez lesquels la masse coracoïde a été vue (à une certaine période
du développement) s’étendant du scapulum au sternum.
Ainsi donc, pour résumer en d’autres termes ces vues de Parker, il est
facile de se rendre compte que la portion proximale de l’épicoracoïde de
Parker n’est que le cartilage épiphysaire (p. cr., fig. 18 et 19, PI. IV) de
l’extrémité sternale de la clavicule, tandis que la partie distale n’est autre
que le fibro-cartilage inter-articulaire de l’articulation sterno-claviculaire
(ost., fig. 19, PI. IV).
Or, on ne peut raisonnablement considérer aucune de ces parties comme
représentant le précoracoïde, car la première appartient bien réellement à
la clavicule, et la seconde est légitimement considérée comme un omoster-
num, c’est-à-dire comme une partie qui ne se rattache qu’indireclementà
la ceinture scapulaire proprement dite, et n’en est pas un élément essentiel .
Dans aucun cas, chez les Batraciens et chez les Reptiles, la clavicule ne
contracte des liens étroits et intimes avec le précoracoïde , elle conserve
toujours son indépendance à l’égard de ce voisin ; et il ne faut pas oublier
que la clavicule est phylogénétiquement un os du squelette secondaire, un
os de membrane qui s’est introduit peu à peu dans le domaine du squelette
primaireou de cartilage, et que chez les Mammifères, qui couronnent la série
zoologique, elle a acquis un développement partiellement cartilagineux.
L’existence de masses cartilagineuses aux deux extrémités de la clavicule et
sur une partie de son étendue s’expliquent naturellement par cette migration
progressive de l’os, du domaine du dermo-squelelte dans le domaine du
chondro-squelette ; et il est peu naturel de donner à ces diverses portions
cartilagineuses qui serviront de base au développement de la clavicule la
signification de segment du précoracoïde ou de segment du mésoscapulum.
Avant de clore cette étude, je dois discuter certains détails de la composition
de l'omoplate des Mammifères. Les omoplates de quelques Édentés vivants
ou fossiles ( Bradypus tridactylus , Cholœpus didactylus, Myrmecophaga
jvbata, Lestodon armatus, etc.) présentent au voisinage du bord antérieur
masse coracoïde des Monotrêmes, qui est uu vrai coracoïde et noapoiat uu coracoïde et un pré-
coracoïde confondus, soit sur l’existence chez la Taupe d'un précoracoide embryonnaire continu
qui doublerait la clavicule en arrière. (Voir Parker, loc. cit., PI. XXVII, fig. 15, 16, 17.)
i 1
80 —
du scapulum un orifice arrondi, coraco-scapular fenestra de Parker. Ce'
orifice, arrondi, de dimensions assez grandes, est formé par la rencontre de
l’éminence que j’ai comparée à l’épine iliaque antérieure et inférieure avec un
précoraco'ide phalangiforme qui s’élargit fortement à son extrémité libre et se
termine par une crête convexe. L’angle antérieur saillant de cette crête repré
sente le bec de l’apophyse précoracoïdienne et se soude parfois avec l’extré-
mité de l’acromion ( Cholœpus didactylus, Lestodon armalus , Mégathérium
«wmcarmm). L’angle postérieur de celte crête, rejeté en arrière, rencontre
la saillie sus-dôsignée du bord antérieur du scapulum, et finit par se souder
avec elle. Sur l’angle antérieur se trouve parfois exceptionnellement ( Brady -
pus tridactylus) un point d’ossification spécial, qui est un épiprécoracoïde.
Si nous comparons ce scapulum au scapulum reptilien et à celui des Igua-
nes en particulier, nous trouverons des points de rapprochement intéres-
sants, qui nous permettront de déterminer la valeur de certaines parties dans
le scapulum du Mammifère. Du bord antérieur du scapulum d’Iguanien
s’élève un prolongement osseux phalangiforme qui constitue le mésosca-
pulum de Parker. Ce prolongement, né au voisinage du précoracoïde, forme
avec le précoracoïde phalangiforme, placé au-devant de lui, une fenêtre à
laquelle Parker a donné également le nom de coraco-scapular fenestra.
il y a entre ces parties, chez le Mammifère et chez le Reptile, de telles res-
semblances de forme et de connexions que le rapprochement s’impose. I!
résulte de là que la saillie du bord antérieur de l’omoplate est un véritable
mésoscapulum , et que l’épine iliaque antérieure et inférieure, qui est son
représentant sur l’iléon, est un véritable mésoiléon ; du reste, ce méso-
iléon atteint dans certains cas un développement très-remarquable qui rap-
pelle la saillie du mésoscapulum des Reptiles et des Bradypes. C’est ainsi
que chez les Indrisinés, famille la plus élevée des Lémuriens, on trouve
une épine iliaque antérieure et inférieure très-saillante, phalangiforme, et
rappelant fidèlement le mésoscapulum des Iguaniens'.
Je suis surpris que Parker, qui a désigné du même nom [coraco-scapular
fenestra) l’orifice du scapulum des Iguaniens et celui des Édentés, n’ait pas
poursuivi ce rapprochement, et n’ait pas attribué aux saillies osseuses qui cir-
1 Alph. Milne Edwards et Grandidier; Hist. phys., nat. et politique de Madagascar.
81
conscrivent cet orifice des valeurs équivalentes dans les deux cas. Mais, non-
seulement Parker n’a point attribué à la saillie du bord antérieur du scapulum
des Mammifères la valeur du mésoscapulum ; mais, chose plus étonnante,
il a considéré le mésoscapulum comme représenté chez les Mammifères par
l’épine de l’omoplate. Celte opinion me paraît contredite par un examen
rigoureux des connexions.
Tandis, en effet, que chez les Mammifères l’épine de l’omoplate est tou-
jours en connexion avec l’extrémité distale de la clavicule, quand celle-ci
existe ; chez les Iguaniens, la clavicule reste toujours indépendante du méso-
scapulum et sans relations directes avec lui. Mais elle appuie son extrémité
distale sur une autre saillie du bord antérieur du scapulum, saillie plus
éloignée de la cavité glénoïde, saillie dont l’origine est au point de contact
du scapulum et de l’épiscapulum, et qui a été désignée, quoique un peu
improprement, sous le nom d’acromion. Cette saillie représente à la fois une
épine de l’omoplate et un acromion rudimentaires, entièrement distincts du
mésoscapulum, et rappelant l’épine des Mammifères Ornithodelphes. Chez
ces derniers, en effet, le préscapulum de Parker ou fosse sus-épineuse fait
défaut, et l’épine ainsi que l’acromion naissent en réalité du bord antérieur
de l’omoplate. L’épine de l’omoplate des Mammifères ne saurait donc être
considérée comme un mésoscapulum, et ce dernier élément est en réalité
représenté par la saillie du bord antérieur du scapulum, qui limite en haut
l’échancrure sus-coracoïdienne, et qui correspond à l’épine iliaque antérieure
et inférieure ; celte dernière est un véritable mésoiléon.
J’insiste sur ces particularités pour démontrer combien est identique le
type de la ceinture thoracique dans les divers groupes de.Vertébrés, et com-
bien aussi les rapprochements entre les deux ceintures peuvent être poussés
loin et jusque dans les détails.
La fenêtre coraco-scapulaire , qu’il convient d’appeler précoraco-sca-
pulaire , existe à l’état d’échancrure plus ou moins profonde et plus
ou moins étendue chez bien d’autres Mammifères , tels que Phoques ,
Chéiroptères, etc. Je citerai notamment le Tapirus indiens , chez lequel le
précoracoïde, recourbé en arrière, se dirige vers un mésoscapulum aigu
et très-saillant en avant, pour circonscrire avec lui une vaste échancrure.
Je citerai également l’Homme, dont l’omoplate possède une échancrure sus-
— 82
coracoïdienne plus ou moins prononcée (PI. V, fig. 2, et PI. VI, fig. 12).
Cette échancrure sus-coracoïdienne est au contraire effacée chez beaucoup
de Mammifères tels que les Carnivores, les Ruminants, les Rongeurs, par
suite du défaut de saillie du précoracoïde et de l’absence du mésoscapulum.
Chez l’Homme et chez les animaux où elle existe, l’échancrure scapulaire
est partiellement obturée par des fibres ligamenteuses d’une direction déter-
minée, ainsi que nous le verrons plus tard, et qu’il ne faut pas considérer
comme représentant simplement le complément osseux du pourtour de la
fenêtre précoraco-scapulaire des Édentés. 11 faut remarquer en effet que,
chez l’Homme notamment, ce ligament, dit sus-cor acoïdien, n’est point
étendu du mésoscapulum à l’apophyse précoracoïde, mais du mésoscapulum
au col du scapulum (PI. Y, fig. 2, lig. s. cr.). Ce ligament existe du
reste, même chez les Mammifères dépourvus d’échancrure précoraco-scapu-
laire et de mésoscapulum, tels, par exemple, que le Lapin, et il forme alors
sur le bord supérieur du scapulum une bande fibreuse qui s’étend de l’angle
antérieur et supérieur du scapulum au coracoïde et au précoracoïde, en
dehors desquels elle passe et auxquels elle adhère.
Nous venons plus tard, et à propos du muscle biceps, quelle est la véri-
table signification de ce ligament.
CEINTURES THORACIQUE ET PELVIENNE DES MAMMIFÈRES
ORN1THO DE LP O ES .
Nous voici placé en présence de ce petit groupe de Mammifères que
l’on a considérés comme intermédiaires entre les Mammifères d’une part et
les Reptiles et les Oiseaux d’autre part. Intermédiaires en effet ! l’élude
de leurs ceintures basilaii es des membres va nous en fournir une preuve
nouvelle en établissant que la ceinture thoracique de ces animaux diffère
fortement de celle des Mammifères, pour être une reproduction exacte de
celle des Crocodiles et des Oiseaux.
La ceinture pelvienne des Monotrèmes est essentiellement composée des trois
éléments principaux : iléon, ischion et pubis, qui entrent tous les trois dans la
constitution de la cavité colyloïdienne. La forme générale du bassin se rap-
proche beaucoup du bassin de Kanguroo que j’ai dessiné (PL VH, fig. 5).
83 —
L’iléon est étroit et dépourvu de fosse iliaque proprement dite. La saillie
iliaque y est très-accentuée, assez tranchante, et représente l’épine du sca-
pulum. Le pubis est, comme chez le Kanguroo et les Didelphes, surmonté
d’un large os marsupial, quoique ces animaux ne soient pas pourvus de la
poche ventrale. L’ischion et le pubis circonscrivent complètement le trou
obturateur. La symphyse antérieure est ischio-pubienne. Elle est consé-
quemment très-étendue, et l’arcade du pubis très-ouverte et peu profonde.
La ceinture pelvienne des Monotrêmes ressemble beaucoup, en un mot, à
celle des Kanguroos, et se rattache par suite d’une manière très-complète à
la forme du pelvis des Mammifères.
11 n’en est pas de même pour la ceinture thoracique. Ici se rencontrent
bien des particularités très-importantes.
Le scapulum, sur lequel se soude un épiscapulum, est de forme étroite,
allongée, et qui le rapproche des formes reptilienne et ornithique. 11
semble manquer d’une épine, mais en réalité il manque plutôt de la portion
sus-épineuse du scapulum des Mammifères. L’épine, étroite il est vrai, et
portant un acromion, est attachée au bord antérieur ou céphalique du
scapulum, au lieu d’être fixée sur la face externe. 11 résulte de là que l’épine,
n’étant pas dans le môme plan que la lame du scapulum, forme avec elle
un léger angle ouvert en dehors, qui est surtout marqué chez l’Ornitho-
rhynque, et qui appartient à la fosse sous-épineuse1. Ce qui prouve qu’il en
est bien ainsi, c’est que le muscle sus-épineux, s’insérant à la face antérieure
de l’épine, semble n 'être qu’un faisceau antérieur du muscle sous-scapu-
laire, dont il ne se distingue que par son insertion sur la tubérosité interne
de l’humérus.
Le scapulum n’est composé que d’une portion sous-épineuse étroite, et tend
ainsi à être réduit à la portion axiale ; aussi le muscle sous-scapulaire a-t-il
les dimensions d’un muscle grêle. Ce sont là des tendances que nous avons
1 Chez le Rorqual et la Baleine franche, l'épine, assez étroite, s'insère à une très-faible distance
du bord antérieur du scapulum, de telle sorte que la portion sus-épineuse de l'omoplate est
presque nulle, et que la fosse sus-épineuse a l’air d’être une gouttière appartenant à la fosse
sous-scapulaire. Si l’on supprime l’apophyse coracoïde, c’est-à-dire le précoracoïde, qui
n’existe pas chez les Monotrêmes, on s’apercevra que le muscle sus-épineux viendra passer
en dedans du col de l’omoplate, comme chez l’Ornithorhynque et l’Échidné.
84 —
vues très-accentuées et même réalisées, chez les Reptiles et chez les Oiseaux,
à des degrés extrêmes.
L’angle inférieur du scapulum présente deux facettes : l’une articulaire
(;P1. III, fig. 10 et 11), qui forme la moitié antérieure de la cavité glé-
noide; l’autre, qui est rugueuse et se soude avec un os remarquable qu’on
désigne généralement sous le nom de coracoïde , et que tous les anatomistes
sans exception considèrent comme l’homologue de l’apophyse coracoïde des
autres Mammifères.
Mais nous avons vu que l’apophyse coraco'ide des Mammifères était, en
réalité, un précoracoïde, et nous devons examiner maintenant si le cora-
coïde des Monotrêmes est en effet un coracoïde ou un précoracoïde, ou bien
encore un coraco-précoracoïde , c’est-à-dire une masse coracoïdienne sans
fontanelle ou trou obturateur.
Le coracoïde des Monotrêmes, examiné quant à sa forme, à sa situa-
tion, à ses connexions, présente les caractères suivants (PI. 9, 10,
\\,cr.). C’est un os phalangiforme assez grêle et aplati chez l’Ornitho-
rhynque, mais fort, épais et massif dans les deux espèces connues d’Écbidné,
Echidna hystrix d’Australie et Echidna bruijnii de la Nouvelle-Guinée,
dontM. Gervais a proposé de faire le genre Acanthoglossus' .
L’extrémité antérieure ou externe de cet os présente deux facettes: l’une
qui forme la moitié inférieure de la surface glénoidale, et l’autre qui se
soude au scapulum. L’extrémité postérieure ou interne présente également
deux facettes : l’une postérieure, qui s’appuie sur le sternum rhomboïdal et
s’articule avec des bords correspondants de cet os ; l’autre antérieure, plus
ou moins étendue, supporte un os spécial auquel Cuvier a donné le nom
d’épicoracoïde (PI. 111, fig. 9, 10, 11, é. cr.). Cet os, provenant d’un car-
tilage continu avec celui du coracoïde, est aplati, falciforme, et se porte en
dedans et en avant avec des différences de forme suivant le genre et l’es-
pèce. Ces deux os plats chevauchent l’un sur l’autre en dépassant la ligne
médiane.
Au-dessous des extrémités internes des coracoïdes et des épicoracoïdes se
forme l’os en T si intéressant des Monotrêmes, ou véritable interclavicule
1 Paul Gervais ■. Ostéogriphie des Monotrêmes vivants et fossiles. 1877-1879.
35
très-développée, rappelant l’interclavicule des Sauriens vivants ou fossiles,
et l’inlerclavicule plus réduite des Oiseaux.
Si je ne me trompe, tous les caractères que je viens d’énumérer établissent
un très-grand rapprochement entre l’os que nous venons d’étudier et le cora-
coïde des Oiseaux et des Crocodiliens. Cet os phalangiforme, qui par une de
ses extrémités adhère au scapulum en fournissant la moitié inférieure delà
surface articulaire glénoïdienne, et qui par l’autre extrémité s’articule avec
les bords latéraux antérieurs du sternum rhomboïdal, ne peut être que le
vrai coracoïde des Oiseaux et des Crocodiles. C était du reste là l’opinion de
'Cuvier, et c’est aujourd’hui celle de Parker, dont la compétence nous est
bien connue; et j’ajoute que tout doute, s’il en existait, cesserait devant un
examen comparatif de l’épaule et du bassin de l’un des Monotrêmes. On est
immédiatement frappé, en effet, de voir combien, le scapulum représentant
l’iléon, le coracoïde possède la forme, les connexions et la direction relative
de l’ischion. 11 y a là une ressemblance qui est bien faite pour faire taire
toute hésitation.
Nous verrons, du reste, combien l’étude des muscles vient apporter un
solide appui à l’opinion qui précède, en nous montrant que les muscles qui
naissent de cet os sont des muscles coracoïdiens et non précoracoïdiens.
Mais si nous avons affaire à un os coracoïde, où sera le précoracoïde des
Monotrêmes? Ils en sont totalement dépourvus, à moins qu’avec un peu de
complaisance on ne regarde comme un rudimentdeprécoracoïdeun tubercule
très-peu prononcé, placé sur l’extrémité supérieure du coracoïde, du côté
opposé à la face articulaire glénoïdienne (PI. III, fig. 9, 10, II, p. crf). Ce
précoracoïde serait un rudiment du précoracoïde déjà très-rudimentaire des
Crocodiliens et des Oiseaux carinates.
Quant à l’épicoracoïde de Cuvier, il est sans aucun doute digne de ce nom :
il représente l’épicoracoïde des Amphibiens, des Sauriens et des Chéloniens.
Le lecteur jugera lui-même de la ressemblance considérable qu’il y a entre
l’épicoracoïde de l’Échidné de la Nouvelle-Guinée (PI. 111, fig. 9) et
l’épicoracoïde de Bnfo (PI. I, fig. 6 et 7).
Comme chez beaucoup d’Amphibiens et de Sauriens, les deux précora-
coïdes chevauchent en arrière de l’interclavicule (comparer les fig. 5, 6, 7,
PI. I, et PI. Il, fig. 2, e. cr., avec les fig. 9, 10, H de la PI. III, e. cr .)
— 86 —
Parker fait remarquer que cet épicoracoïde ectostéal, c’esl-à-dire d’un
développement autonome et d’une existence indépendante, se voit chez les
Monotrêmes pour la première et la dernière fois, mais qu’il peut se retrouver
dans quelques formes fossiles. 11 constitue, dit Parker, un fait aussi inté-
ressant et de même nature pour le morphologiste que le suprascapulum
(épiscapulum) ectostéal des Amphibiens anoures.
Je n’ai pas à insister ici sur l’os en T des Monotrêmes, que Parker a
démontré se composer dans le jeune âge d’une interclavicule et des deux
clavicules. Ce sont là des os du squelette secondaire, et qui ne sont pas
des éléments essentiels de l’épaule. Ils offrent sans doute un très-vif intérêt
comme rappelant des formes reptiliennes éteintes (Ichlhyosaures, Plésio-
saures) et des formes vivantes (Chéloniens, Lacertiliens, Crocodiliens et
Oiseaux), mais je dois me borner à les signaler sans insister, pour ne pas
trop m’écarter du cadre de mon sujet,
il ressort de l’étude que nous venons de faire de la ceinture scapulaire des
Monotrêmes, que cette partie du squelette se rapproche beaucoup plus de
celle des Oiseaux et des Reptiles que de celle des Mammifères. La forme
rétrécie du scapulum tend à se réduire à la portion axiale, comme dans ces
premiers groupes ; le coracoïde existe très-développé, comme dans ces mêmes
groupes et avec les mêmes connexions, tandis que le précoracoïde est à
peine indiqué. L’interclavicule existe et constitue, avec les clavicules, un
véritable furciilum , comme chez les îchthyosaures , Plésiosaures et
Oiseaux.
Nous savons au contraire que chez les Mammifères le précoracoïde
existe toujours, et peut être très-développé (Homme, Singe, Chéiroptères) ;
quedans tous les cas le coracoïde est très-rudimentaire; qu’enfin les clavicules
sont séparées par le sternum, et qu’il n’y a pas de véritable interclavicule.
Ce sont là des considérations qui m’ont paru présenter de l’intérêt, et sur
lesquelles j’ai insisté à dessein, car c’est la première fois, si je ne me trompe,
qu’il est démontré que le coracoïde des Monotrêmes ne représente nulle-
ment l’apophyse dite coracoïde des Mammifères. Il résulte de ces considé-
rations nouvelles la constatation d’une parenté entre les Monotrêmes et
les Sauropsidés d’Huxley, plus étroite encore qu’on ne l’avait soupçonnée
jusqu’à présent.
— 87
CEINTURE PELVIENNE DES OISEAUX.
Le bassin des Oiseaux, qui offre des formes si particulières et si caracté-
ristiques, ne pouvait être étudié qu’après celui des Reptiles et celui des
Mammifères. La suite de ce chapitre dira assez pourquoi.
Le bassin de l’Oiseau se compose de deux os iliaques très-allongés d’avant
en arrière parallèlement à la colonne vertébrale, et d’un sacrum remarqua-
ble par le nombre considérable de vertèbres qui le composent. L’une et
l’autre de ces parties ont été bien décrites, mais, me semble-t-il, mal inter-
prétées. J’espère être plus heureux dans les réflexions qui vont suivre.
Une description complète et très-détaillée du bassin d’Oiseau n’est pas
nécessaire ici , et il me suffira d’insister sur les particularités qui doivent
être spécialement utiles à l’étude présente.
L’os iliaque de l’Oiseau a été généralement considéré comme composé d’un
iléon, d’un ischion et d'un pubis, concourant à la formation d’une cavité
cotyloïde dont le fond est occupé par une large fontanelle. Mais la forme
spéciale de ces éléments est telle que leur détermination peut donner lieu
à des doutes, et a provoqué en effet quelques opinions que je dois rapporter
ici, ne serait-ce que pour montrer les diverses faces de la question, et pour
mettre les solutions que je propose en regard de celles dont la date est anté-
rieure.
L’iléon de l’Oiseau (PI. VII, fig. 1,2, 3, 4) se compose de deux ailes
placées, l’une en avant, l’autre en arrière de l’acélabulum. Je les désigne sous
le nom d 'iléon antérieur et d’iléon 'postérieur. L’iléon antérieur est assez
large et se termine en avant par une crête arrondie. Il s’unit ordinairement
en haut avec son congénère, pour former une sorte de double toit dont le
faîte correspond au sommet des apophyses épineuses des vertèbres lombai-
res, et qui recouvre entièrement ces vertèbres (PL VII, fig. 5). Le bord
antérieur arrondi et le bord supérieur de cet iléon antérieur sont recouverts
d’une sorte de bourrelet étroit ou crête qui représente l’épiiléon antérieur
(PI. VII, fig. 1, e. il. a.). L’iléon postérieur a ordinairement la forme d’un
triangle allongé dont l’angle postérieur aigu se dessine assez nettement dans
la plupart des cas (PL VII, fig. 1, il.p.). Il existe généralement entre les
12
— 88 —
iléons postérieurs une certaine dislance, qui est occupée par les vertèbres
sacrées, plus ou moins confondues en une masse osseuse (PI. VII , fig. o).
L’iléon postérieur est surmonté par un bourrelet d’une épaisseur variable,
qui est l’épiiléon. Au niveau de l’angle terminal de l’iléon postérieur,
fépiiléon acquiert plus d’importance, et l’ossification de ce point est bien
plus tardive que celle du reste de l’iléon.
Le bord inférieur de l’iléon postérieur se confond plus ou moins, chez tous
les Carinates, avec le bord supérieur de l’ischion. Chez les Ratites, au con-
traire, ces deux os restent généralement indépendants. Au point d’union des
deux iléons, antérieur et postérieur, se trouve en bas l’acétabulum (PL VIL
fig. \,acet.). Cette cavité articulaire, de forme hémisphérique, est percée
au fond d’une large fontanelle. En arrière et un peu en haut de l’acétabu-
lum se trouve une face articulaire saillante, dite éminence ou surface anti-
trochantérienne (é. a. tro.), parce qu’elle s’articule avec la face supérieure
du trochanter. Ces dispositions de l’acétabulum et de la surface antitro-
chantérienne sont très-caractéristiques du bassin de l’Oiseau. A ces dispo-
sitions correspond une conformation non moins caractéristique de l’extrémité
supérieure du fémur de l'Oiseau. On y remarque en effet une tête articu-
laire sphérique portée par un col très-court (PL YI, fig. 6, 7, 8, 9), qui
s’attache en dedans et en arrière d’un grand trochanter volumineux, dont la
face supérieure est articulaire. La tête et le trochanter sont séparés par une
gouttière peu profonde, ou gorge de poulie articulaire qui reçoit le bord coty-
loïdien. Ce sont là, je le répète, des dispositions entièrement caractéristiques
de l’Oiseau.
L’ischion est généralement assez développé. 11 est lamelleux, et souvent
déformé triangulaire, à base postérieure et à sommet aigu situé en arrière
de l’acétabulum. 11 est étroit et en forme de cylindre aplati chez les Stru-
thionides (PL VI, fig. î). Son bord supérieur est uni à l’iléon postérieur
dans sa partie postérieure, tandis qu’en avant il en est séparé par le trou scia-
tique (PL Vil, fig. 1, p. eck. scié). Chez les Strulhionides, ce trou se pro-
longe jusqu’au voisinage de l’extrémité de l’iléon postérieur en une large et
.qngue fente que ferment en arrière des ligaments iléo-ischialiques qui s’os'
sifient chez la Rhea americana.
Le pubis est toujours un os grêle (PL VII, fig. 1, 2,/w.), qui ne prend
89
qu’une très-faible part à la formation de l’acétabulum (PI. VII :Jig. 1, pu.).
11 se termine ordinairement en pointe plus ou moins mousse. Chez l’Au-
truche seule, il y a une symphyse pubienne. Le pubis est dirigé en arrière
parallèlement à l’ischion, et il y a entre les deux os une fente assez étroite
interrompue non loin de la base des deux os par la rencontre de deux
pointes, l’une pubienne et l’autre ischiatique, qui se soudent le plus sou-
vent. L’ouverture placée en avant de celte étroite jetée osseuse est l’orifice
sous-pubien. En arrière, la fente, assez variable et irrégulière, est fermée
par une membrane obturatrice, c’est-à-dire par des portions membra-
neuses ou cartilagineuses qui s’ossifient le plus souvent.
L’ischion est terminé en arrière par un épiischion cartilagineux (s. isc.),
qui reste tel pendant assez longtemps chez les Struthionides. J’en dis autant
de l’épipubis (e. pu.). La part prise par ces trois os à la formation de l’acéta-
bulum est très-inégale (PI. VI ,fig. 1). L’iléon en fournit plus de la moitié.
Les cinq sixièmes du reste appartiennent à l’ischion et le dernier sixième
au pubis.
Les parties du bassin de l’Oiseaux ont reçu de É. Geoffroy Saint-Hilaire
une détermination différente de celle que je viens d’exposer. I! en résulterait
que le pubis des Oiseaux serait, comme celui des Crocodiles, un os étranger
au bassin : ce serait un os marsupial, tandis que le vrai pubis serait formé
par ce que nous avons appelé ischion, et l’ischion serait représenté par l’iléon
postérieur. Cette opinion a été soutenue par Gratiolet, qui l’appuyait avant
tout sur des considérations musculaires.
Cuvier a objecté avec raison à cette opinion que l’os appelé pubis faisait
partie de la cavité cotyloïde. M. Alix 1 ajoute que l’opinion d’É, Geoffroy
Saint-Hilaire et de Gratiolet est inadmissible, vu la position du trou scia-
tique, et attendu aussi que l’aile postérieure de l’iléon des Oiseaux et l’aile
antérieure ne forment jamais qu’une seule pièce osseuse. « Ou doit donc
«admettre, dit M. Alix, l’ancienne détermination des os du bassin des
«Oiseaux..., telle que les premiers observateurs l’ont conçue, mais c’est à la
1 Alix ; Essai sur l'appareil locomoteur des Oiseaux (Thèses Je la Faculté des Sciences de
Paris, 1874).
— y u --
«condition d’accepter la transposition d’un certain nombre d’insertions mus
«culaires. » Dans la partie de ce travail où je m’appliquerai à confirmer les
déterminations des os des deux ceintures osseuses par l’étude des insertions
musculaires, je démontrerai que celle transposition n’a rien de réel, et que
les muscles conservent au fond, dans la série et dans les deux ceintures, des
insertions réellement comparables et d’une constance digne de remarque.
Les os du bassin de l’Oiseau étant déterminés comme nous venons de
le faire, il nous reste à examiner quelle est la signification de cet iléon si
prolongé, et quelles sont ses relations avec les iléons des groupes que nous
avons précédemment étudiés.
Comme, dans la discussion qui va suivre, il importe d’apporter une très-
grande précision, je dois prendre des points de repère bien déterminés, afin
d’enlever à la démonstration toute apparence d’arbitraire. Je le dois d’au -
tant plus que le caractère surprenant des résultats pourrait provoquer des
doutes et des hésita lions dans l’esprit du lecteur.
L’acélabulum étant le lieu de concentration des trois éléments de l’os
iliaque, je le choisis comme premier point de repère, et, pour fixer entière-
ment notre orientation par une portion déterminée de son pourtour, je prends
pour second point de repère le lieu d’union de l’iléon et de l’ischion, c’est-
à-dire la surface antilrochanlérienne, qui est, chez les Oiseaux, en arrière
eten haut de l’acétabulum proprement dit. Ces deux points fixes étant acquis,
nous pouvons considérer les diverses parties du bassin dans leur orientation
par rapport à eux.
Si nous examinons attentivement l’iléon antérieur (PI. VII, fig. 1,2, 4,
il. ax. a ), nous nous apercevrons qu’il envoie au-devant de l’acétabulum une
tige horizontale massive et compacte qui s’épanouit en avant et en haut en
une aile iliaque mince, concave extérieurement et formant une fosse iliaque
externe, et un toit au-dessus des vertèbres lombaires. C’est sur cette tige
qu’apparaît le premier point d’ossification de l’iléon. En arrière, au point où
cet iléon s’unit avec le pubis, se trouve une éminence formée à la fois par
deux sailies conjuguées et soudées des deux os. C’est une éminence iléo-pu-
bienne ( sp . il. pu.). L’axe de la tige de l’iléon antérieur forme ainsi, au-
devant de l’acétabulum, une ligne horizontale qui se poursuit en arrière de
— 9!
l’acétabulum dans l’axe de l’ischion d’une manière à peu près exacte. L’émi-
nence antitrochantérienne située au-dessus de l’acétabulum se trouve placée
au-dessus de cette ligne des axes.
L’iléon du bassin des Mammifères possède exactement les mêmes rela-
tions et une forme parfois extrêmement semblable à cet iléon antérieur des
Oiseaux. Comme lui, il est placé au-devant de l’acétabulum (PL Yî, fig. S);
comme lui, il est formé au-devant de cette cavité par une tige osseuse com-
pacte et massive, sur laquelle apparaît le premier point d’ossification de
l’iléon, tige qui s’épanouit en avant en une aile iliaque plus ou moins étendue,
et qui reproduit parfois les formes de l’iléon antérieur de l’Oiseau. Ainsi,
chez les Équidés et les Camélidés par exemple, l’iléon fournit une expan-
sion supérieure remarquable qui s’unit presque à celle du côté opposé, pour
former au-dessus des vertèbres lombaires un véritable toit à deux pentes,
comme chez les Oiseaux. Au point d’union de l’iléon et du pubis se trouve
aussi, chez les Mammifères, une éminence ou épine iléo-pubienne par-
fois assez prononcée. Nous verrons plus tard combien les relations de cet
iléon avec les vertèbres sacrées proprement dites offrent de ressemblance
frappante avec ce qui se voit chez les Oiseaux. L’axe de la tige de l’iléon de
Mammifère se poursuit enfin en arrière de l’acétabulum avec l’axe de l’is-
chion en une ligne horizontale au-dessus de laquelle se trouve une éminence
dite sus-cotyloidienne (PI. YI, fig. 1 .il.p.) ou iléo-ischiatique , qui est
exactement l’homologue de l’éminence antitrochantérienne, ainsi que le dé-
montre le plus simple examen des bassins de Mammifères (PL VI, fig. 4,
5 ; PL VII, fig. 5 et 6).
Si maintenant nous portons nos yeux sur l’iléon postérieur de l’Oiseau
(PL VI, fig. 1, il. p., PI. VII, fig. 1, 3, il. p.), nous remarquerons que
l’iléon postérieur naît pour ainsi dire de la moitié supérieure ou iliaque
de l’éminence antitrochantérienne, par une portion assez épaisse et massive
qui se dirige en haut et en arrière vers le bord supérieur de l’iléon
(PL Vil, fig. I, 3, il. ax.p.).
Cette portion massive et forte de l’iléon postérieur, qui en constitue la
partie axiale, s’élargit chez le Poulet en une plaque horizontale assez forte ;
mais chez beaucoup d’Oiseaux, les Rapaces entre autres, cette portion axiale
reste massive et prismatique.
- 92 —
Cet axe s’épanouit ordinairement en une aile triangulaire d’une faible
largeur qui se termine postérieurement par un angle aigu. Cet iléon est situé
en haut et surtout en arrière de l’acétabulum et de l’éminence antitrochan-
térienne. Sa partie antérieure se confond avec l’iléon antérieur, de telle sorte
que leur délimitation n’est pas sans difficulté. L’axe de l’iléon postérieur fait
avec l’axe de l’ischion un angle aigu ouvert en arrière.
A côté d’un bassin de Carinate (PI. VII, fig. 1), et surtout à côté d’un
bassin de Ratite (PI. VI, fig . 1), plaçons un bassin de Crocodilien, et voyons
quelles sont les conditions qui caractérisent ce dernier bassin.
La surface articulaire proprement dite du Crocodilien (PL IV, fig. 13,
cotg.) est loin de correspondre à l’acétabulum des Oiseaux. Cette dernière
cavité n’est point articulaire chez les Crocodiliens; c’est une simple fosse
osseuse percée d’une fontanelle. Elle correspond exactement à l’acétabulum
articulaire de l’Oiseau. En arrière de l’acétabulum du Crocodile se trouve la
surface articulaire proprement dite, formée par l’iléon et par l’ischion. Celte
surface articulaire est divisée en deux parts à peu près égales par la ligne
d’union cartilagineuse des deux os que je viens de nommer. En rapprochant
la fig. 13, PL IV, de la fig. Pi. VI, qui représente un bassin de Casoar
encore jeune, et chez lequel les sutures de l’iléon avec les autres os du bas-
sin ne sont pas encore effectuées, on verra clairement que la surface articu-
laire du Crocodile n’est bien exactement que la surface antitrochantérienne
de l’Oiseau. En continuant les rapprochements, on s’aperçoit que, comme
l’iléon postérieur de l’Oiseau, l’iléon du Crocodilien naît de la portion iliaque
de la surface antitrochantérienne par une partie assez massive, qui s’élargit
en une plaque triangulaire dirigée en arrière, où elle se termine par un
angle aigu dont la pointe est mousse. Sur le bord supérieur se trouve un
épiiléon rugueux qui s’épaissit en arrière et y forme le tubercule terminal
par une ossification tardive. L’axe de l’iléon du Crocodile fait avec l’axe de
l’ischion un angle ouvert en arrière; cet angle est, il est vrai, moins aigu
que chez l’Oiseau, parce que l’ischion de ce dernier a été plus fortement rejeté
en arrière; mais il y a entre les deux types une ressemblance remarquable
dans les rapports des axes de l’iléon et de l’ischion. Il n’est donc pas douteux
qu’il n’y ait, même au seul point de vue des conformations osseuses, des
rapports étroits d’homologie entre l’iléon postérieur d’Oiseau et l’iléon de
- 95 -
Crocodilien. L’étude des muscles nous fournira plus tard, de ce rapproche-
ment, une démonstration éclatante.
Mais, pour continuer la comparaison que j’ai entreprise, je dois faire remar-
quer que l’iléon du Crocodilien renferme non-seulement l’iléon postérieur
de l’Oiseau, mais encore un rudiment de l’iléon antérieur. Remarquons en
effet qu’au-devant de l’acétabulum s’avance une apophyse saillante, horizon-
tale, que j’ai nommée apophyse antérieure de l’iléon (PI. IV, fig. 13, il. a.).
Sa situation en avant de l’acètabulum, dont sa base contribue à former le
rebord antérieur; la direction horizontale de son axe, qui se confond presque
avec celui de l’ischion, et qui le ferait complètement si l’ischion des Croco-
diliens était aussi fortement rejeté en arrière que celui des Oiseaux ; toutes
ses connexions enfin, telles qu’on peut s’en rendre comparativement compte
sur la fig. 13, PI. IV, et sur les fig. 1, PI. VI, et 1, Pi. Vil, démontrent
que celle apophyse antérieure répond à la partie axiale de l’iléon an-
térieur des Oiseaux, et n’est qu’un iléon antérieur rudimentaire. C’est
aussi ce que démontrera l’élude du sacrum, que je placerai immédiatement
après ces considérations.
11 résulte de toutes les comparaisons que je viens de faire que l’iléon si
singulier de l’Oiseau représente en réalité la fusion, d’une part, de l’iléon de
Mammifère placé en avant de l’acétabulum et naissant des bords del’acétabu-
lum sur un point antérieur à la surface antitroehantèrienne et à la fontanelle,
et, d’autre part, de l’iléon de Crocodilien et de Reptile en général, dirigé en
arrière et naissant de la portion iliaque de la surface antitroehantèrienne,
au-dessus et en arrière de la fontanellle. Ces deux iléons sont confondus
et fusionnés dans les régions intermédiaires à leurs domaines respectifs, et
leur délimitation rigoureuse est impossible.
11 ne faudrait pas en effet penser que cet iléon ornithique s’est formé par
la création de deux iléons de types distincts qui ont été ensuite rapprochés
et partiellement confondus. Ce serait là une conception grossière que ne
comportent nullement les considérations qui précèdent. 11 est au contraire
rationnel de penser que chez l’Oiseau la tendance à la formation de tissus
cartilagineux et osseux s’est trouvée distribuée dans l’étendue de deux
régions voisines, dont chacune est exclusivement le lieu de formation de
tissus semblables chez les Reptiles et chez les Mammifères1. 11 est, par
suite, également rationnel de penser que les saillies antérieures de l’iléon
des Crocodiliens et les saillies postérieures de l’iléon des Mammifères corres-
pondent à des directions, à des lieus où le pouvoir ossificateur est plus actif
et plus puissant que là où se sont formés des sinus et des échancrures. Si
nous plaçons en regard l’iléon de Crocodile et l’iléon de Mammifère, nous
remarquerons quel 'épine iliaque antérieure du Crocodile (PI. IV, fig. 15,
sp. il.) et l’ épine iliaque postérieure du Mammifère, placées en regard et
mises en contact, circonscrivent une ouverture circulaire dont la demi-
circonférence antérieure appartient à la grande échancrure ischiatique du
Mammifère, et dont la demi-circonférence postérieure est formée par
l’échancrure qui est au-dessus de l’iléon antérieur rudimentaire dans le bassin
crocouilien. Cet ouverture circulaire repose sur l’iléon axial antérieur. Or
s’il est vrai, comme je viens d’essayer de l’établir, que l’iléon de l’Oiseau
soit le produit de la combinaison des pouvoirs formateurs qui ont présidé à
la constitution de l’iléon du Mammifère et de l’iléon du Reptile, on est en
droit de présumer que dans cet iléon d’Oiseau la répartition du pouvoir ossi-
ficateur s’est faite avec les degrés relatifs d’intensité qu’il a, à la fois, chez
le Mammifère et chez le Reptile. Les saillies devront donc correspondre à une
plus grande épaisseur de l’os, tandis que les bords concaves ou sinus pour-
ront correspondre à des orifices ou tout au moins à des amincissements de
la lame osseuse. Or, ce sont là des présomptions qui, dans certains cas, se
traduisent par des faits dont la signification ne m’a pas paru douteuse.
Prenons un bassin d’Oiseau, de Gallinacé par exemple (,P1. VI, fig. 2 et
5), et délimitons sur la fig. 2, par un trait plus apparent, les parties qui
semblent correspondre à l’iléon de Crocodile, c’est-à-dire à l’iléon postérieur
avec son épine antérieure, son rudiment d’iléon antérieur, d , et le bord
concave en avant, a , qui les sépare. Sur la fig. 5, entourons d’un trait
plus apparent aussi l’iléon de Mammifère, d’un Ruminant par exemple ,
avec son aile iliaque développée, avec sa grande échancrure sciatique, a , et
son épine iliaque postérieure faisant en arrière une saillie plus ou moins
1 Nous verrous plus tard que cette tendance à la formation d'un iléon antérieur et posté-
rieur chez l'Oiseau est en harmonie avec la présence de muscles correspondants.
prononcée. Si ces deux iléons sont reportés sur la même figure, comme dans la
y%. 2, il y aura, ainsi que je l’ai déjà dit, en a un espace de forme arrondie
dans lequel le pouvoir ossificateur sera affaibli, tandis qu’il sera accru dans
tout le pourtour et particulièrement en haut et en bas. C’est en effet ce qui a
lieu, et sur la plupart des Oiseaux il y a, à ce niveau, un amincissement bien
marqué de l’os, amincissement qui est assez souvent dans certains groupes,
les Gallinacés par exemple, entouré d’une sorte d’anneau de renforcement tel
que je l’ai représenté d’après nature (PI. VII, fig. 1 , g. ech. sc.) sur un iléon
de Paon, et tel qu’on peut l’observer plus ou moins accentué sur les iléons de
Poule.
11 est aisé de se rendre compte que cette portion amincie de l’iléon de
l’Oiseau correspond au sommet de la grande échancrure sciatique du Mam-
mifère, et il en résulte que l’Oiseau est dépourvu du trou sacro-sciatique
antérieur ou supérieur du Mammifère.
La grande échancrure sacro-sciatique du Mammifère est divisée en effet en
deux trous par les ligaments sacro-sciatiques. Nous avons vu que la surface
antitroehantérienne de l’Oiseau et du Reptile était représentée chez le Mam-
mifère par une saillie constante en forme de crête (PI. VI, fig. 5, ü. p.), qui
s’accentue fortement chez certains animaux, les Équidés en particulier, et
qui est désignée par lesHippotomistes sous le nom de crête sus-cotyloïdienne.
De cette crête naît le petit ligament sacro-sciatique, qui s’épanouit et se porte
sur les bords latéraux et rugueux du sacrum. Ce ligament sacro-sciatique a
des dimensions variables, selon les espèces. Chez le Cheval, il naît surtout
de la partie iliaque de la crête sus-cotyloïdienne, s’épanouit largement vers
le sacrum et atteint même les ligaments sacro-iliaques postérieurs, de ma-
nière à circonscrire avec le sommet de la grande échancrure sciatique un
trou sacro-sciatique antérieur presque circulaire et de petites dimensions.
Ces relations permettent de reconnaître dans le petit ligament sacro-
sciatique le représentant fibreux de l’iléon postérieur des Mammifères, dont
la crête sus-cotyloïdienne est le rudiment osseux, au même titre que l’apo-
physe ou tubercule antérieur de l’iléon du Crocodilien est le rudiment de
l’iléon antérieur.
Chez l’Homme, le petit ligament sacro-sciatique prend son origine, non
point seulement, comme le disent à tort bien des Traités d’anatomie, de
15
96 -
l’épine sciatique qui appartient à l’ischion, mais aussi et très-largement de
la portion iliaque de la crête sus-cotylo'idienne dont, l’épine sciatique n’est
qu’une partie. Cette origine iliaque du petit ligament sacro-sciatique s’étend
même, chez certains sujets, jusqu’au voisinage du sommet de l’échancrure
sciatique, ce qui réduit de beaucoup les dimensionsdu trou sciatique antérieur.
Il semble seulement y avoir cette différence entre l’iléon postérieur fibreux
des Mammifères et l’iléon postérieur osseux des Oiseaux, que ce dernier n’a
pour origine que la portion iliaque de l’éminence antitrochantérienne, tandis
que l’iléon postérieur des Mammifères semble émaner à la fois de la partie
iliaque et de la partie ischiatique. 11 faut d’ailleurs faire remarquer que
chez l’Oiseau, ie trou sciatique, qui n’est que la petite échancrure sciatique,
c’est-à-dire le trou sciatique postérieur ou inférieur de Mammifère, est en
partie fermé sur le frais par une lame fibreuse qui, allant de l’ischion à
l’iléon, représente exactement la portion du petit ligament sacro-sciatique du
Mammifère qui naît de l’ischion et de l’épine sciatique. Dans les deux cas,
cette lame fibreuse est continue en arrière avec l’iléon postérieur. Il peut
même arriver que la portion du petit ligament sacro-sciatique qui naît
directement de l’iléon et représente l’iléon postérieur soit transformée en un
simple tissu conjonctif à peine fibreux, de telle sorte que la portion ischia-
tique semble seule subsister. Mais on comprend que de pareils faits ne portent
aucune atteinteà la valeur des homologies précédemment établies, puisqu’on
peut observer chez les Mammifères tous les intermédiaires entre cette origine
exclusivement ischiatique en apparence du petit ligament sacro-sciatique, et
son origine a la fois iléo-ischiatique et même surtout iliaque.
En réalité, l’iléon postérieur des Mammifères, comme celui des Oiseaux,
émane de la portion iliaque de l’éminence ou crête sus-cotylo'idienne ; mais
il est, comme chez les Oiseaux, continué en arrière par une bande fibreuse
naissant de la portion ischiatique de cette crête et obturant une partie du
trou sciatique postérieur. Toute la différence consiste en ce que, chez les
Oiseaux, l’iléon postérieur ôtant osseux se distingue nettement de celte bande
fibreuse ischiatique, tandis que, chez les Mammifères, l’iléon postérieur
fibreux se continue sans ligne de démarcation avec la bande fibreuse ischia-
tique.
Il est à propos de faire remarquer ici que chez beaucoup d’Édenlés
— 97
( Orycteropus , Bradypus, Mylodon, etc.), chez quelques Marsupiaux (Wom-
bat), le bassin présente une disposition qui pourrait le faire comparer à un
bassin d’Oiseau, en ce sens que le trou sciatique est fermé en arrière par
une rencontre et même une soudure de l’ischion avec les bords du sacrum.
Mais il faut observer que la ressemblance n’est guère qu’apparente. Il n’y a
pas en effet d’iléon postérieur osseux développé, mais c’est seulement la
bande fibreuse ischiatique qui s’ossifie et qui relie le sacrum à l’ischion
et non à l’iléon postérieur.
Ainsi donc, l’iléon postérieur, qui existe, chez les Oiseaux comme chez les
Reptiles, à l’état d’os primordial ou d’os de cartilage, n’est conservé, chez
les Mammifères, qu’à l’état tout à fait rudimentaire de crête sus-cotylo'idienne,
et est remplacé dans le reste de son étendue par un ligament fibreux qui
circonscrit en arrière le trou sacro-sciatique antérieur ou supérieur. Ce trou,
situé entre l’iléon antérieur et l’iléon postérieur, correspond à la portion
amincie de l’iléon des Oiseaux (PI. VI, fig. 2, 3, a) et n’existe pas chez ces
derniers comme ouverture. Chez le Crocodile, il n’y a pas d’ouverture en-
tièrement circonscrite correspondant à ce trou sciatique. Il n’existe en effet
que son bord postérieur constitué par le bord concave antérieur de l’iléon
du Crocodilien. Le bord antérieur fait défaut, et, au lieu d’un trou, il n’y a
qu’une échancrure à concavité antérieure (PI. YI, fig. 2, a).
Quant à l’orifice sciatique du bassin de l’Oiseau (PI. VII, fig. i, p. ech.
sc.}, il représente évidemment le trou sciatique postérieur ou inférieur
des Mammifères qui est compris entre l’iléon postérieur et le grand liga-
ment sacro-sciatique. Ce grand ligament s’ossifie d’assez bonne heure chez les
Oiseaux, et finit par se confondre avec les bords latéraux de l’iléon postérieur
pour la plupart d’entre eux. Mais on peut saisir la période fibreuse de son exis-
tence, et le trouver plus tard formant des traînées osseuses ou rubans osseux,
qui relient la partie postérieure de l’ischion avec l’iléon postérieur et le sacrum,
et circonscrivent la partie postérieure du trou sacro-sciatique postérieur. Je
recommande pour cela l’examen du bassin des Ratiles et du Rhéa en particulier,
et celui des Palmipèdes en général. Chez le Crocodilien, le trou sacro-
sciatique postérieur, n’étant circonscrit en arrière ni par l’os ni par du tissu
fibreux, est remplacé par une large échancrure comprise entre l’iléon et
l’ischion.
J’ai montré les relations de l’iléon d’Oiseau avec celui de Crocodilien.
Pour élargir le sujet, il me reste à rechercher la relation qu’il y a entre
l’iléon de Crocodilien et celui des principaux groupes de Reptiles. Chez tous
les Reptiles ordinaires, comme chez les Crocodiliens, l’iléon est un iléon pos-
térieur. L’iléon du Lacertilien (PI. IV, fig. 9 et 10) est dirigé presque ho-
rizontalement en arrière; il représente un iléon de Crocodilien très-rétréci,
très-allongé et réduit à une portion axiale presque cylindrique. Il est terminé
en arrière par un épiiléon tuberculeux qui en forme le sommet et qui repré-
sente la portion terminale postérieure et épaisse de l’épiiléon des Croco-
diliens. Le rudiment de l’iléon antérieur est si faible qu’on peut le consi-
dérer comme nul. L’acélabulum est articulaire dans tonte son étendue.
L’angle ilio-ischiatique, assez ouvert chez les Lézards (PL IV, fig. 9), ne
dépasse pas chez les Iguanes (PL IV, fig. 10) la valeur d’un angle droit.
L’iléon des Caméléons (PL IV, fig. 7) rappelle celui des Lézards, et a les
mêmes relations que ce dernier avec l’iléon des Crocodiliens.
L’iléon du Chélonien représente une modification toute différente de
l’iléon du Crocodilien. Tandis que l’iléon du Lézard est un iléon de Crocodile
comprimé de haut en bas et allongé dans le sens horizontal, l’iléon de Ché-
lonien est un iléon de Crocodile comprimé d’avant en arrière et allongé dans
le sens vertical (PI, IV, fig. 11 et 12). Aussi, loin de présenter la direction
presque horizontale de l’iléon de Lacertilien, il a une direction presque ver-
ticale et légèrement oblique en bas et en avant. Son axe ne se confond pas
avec celui du pubis, comme chez les Sauriens ; mais il a une direction inter-
médiaire entre l’axe du pubis et celui de l’ischion. Prenez un iléon de
Crocodile, donnez-lui une grande longueur dans le sens de l’axe vertical, aux
dépens de l’étendue dans le sens antéro-postérieur, et vous aurez obtenu
un iléon de Chélonien.
Cela est si vrai, que cet iléon, loin de se terminer, comme chez les Lézards,
par un angle aigu, se termine par un bord supérieur élargi qui se pro-
longe un peu en arrière, rappelant assez bien le bord supérieur de l’iléon
de Crocodilien, et sur lequel repose, comme sur ce dernier, un épiiléon car-
tilagineux. Le rudiment de l’iléon antérieur a entièrement disparu comme
partie distincte et s’est confondu dans l’iléon général, mais il peut être
rationnellement considéré comme siluésur le bord antérieur de l’iléon.
— 99 —
Je ne saurais abandonner cette étude comparative sans faire remarquer
combien l'étude du bassin de ces Reptiles éteints, auxquels Huxley a donné
le nom d ’Ornithoscelida, et dont le pelviset les membres inférieurs se rap-
prochaient tant de ceux de l’Oiseau, combien, dis-je, l 'étude de leur bassin
vient apporter d’appui à l’analyse homologique que je viens de faire du bassin
de l’Oiseau. L’examen du bassin des Ornithoscelida confirme en effet l’assi-
milation de l’iléon de Crocodilien, et par suite de l’iléon de Reptile, avec l’iléon
postérieur d’Oiseau. Il montre de plus l’iléon antérieur provenant progressi-
vement de l’épanouissement en avant de ce que j’ai appelé chez le Crocodile
apophyse antérieure de l’iléon, ou apophyse préacétabulaire d’Huxley.
Les observations qui précèdent peuvent donner lieu à quelques considé-
rations intéressantes.
La première, c’est qu’il y a plus de parenté entre les Crocodiliens et les
Oiseaux qn’enlre ceux-ci et les autres groupes de Reptiles vivants. Nous
avons vu en effet que, soit dans la constitution de la ceinture scapulaire,
soit dans la constitution de la ceinture pelvienne, les affinités étaient forte-
ment prononcées.
Au thorax, même forme allongée et rétrécie du scapulum, même confor-
mation du coracoïde, mêmes rapports de cet os avec les bords antéro-laté-
raux du sternum, même atrophie du précoracoïde, même situation et même
conformation de la cavité gléno'ide, même disposition en angle ouvert en
arrière du coracoïde et du scapulum ; en un mot, similitude remarquable
pour toutes les parties essentielles de la ceinture thoracique primordiale. Au
bassin, même conformation de l’iléon postérieur, et, chez le Crocodilien,
rudiment de l’iléon antérieur de l’Oiseau. Dans les deux cas, même situation
et même conformation de l’acétabulum, même fontanelle au fond de cette
cavité; dans les deux cas aussi, surface antitrochantérienne exactement com-
parable et également articulaire. A ces preuves d’affinités, qui ne sauraient
passer inaperçues, viendront s’en ajouter d’autres, tirées de l’étude du sacrum
et de l’étude des muscles ; mais avant d’aborder ces sujets, je dois faire, à
propos de l’articulation coxo-fémorale des Crocodiliens, une remarque qui me
paraît avoir tout au moins le mérite de la nouveauté, et qui semble fournir
un caractère de plus à ce groupe déjà si remarquable de Reptiles.
100 —
Nous avons vu que la surface concave de l’acétabulum n’était point
articulaire, et que la surface anlilrochantérienne était seule recouverte d’un
cartilage d’encroûtement et en rapport de frottements avec l’extrémité supé-
rieure du fémur (PI. IV, fig. 15). Chez l’Oiseau, l’acétabulum est articu-
laire, aussi bien que la surface antitrochantérienne (PI. VI, / Ig . 1. PI. VII,
flg. 1). Or il est remarquable que, tandis que l’extrémité supérieure du
fémur de l’Oiseau est divisée en une tête articulaire qui correspond à l’acé-
tabulum, et en un trochanter qui répond à la surface antitrochantérienne,
l’extrémité supérieure du fémur du Crocodilien, au contraire, ne s’est pas
divisée en deux éléments, mais reste recouverte par une surface articulaire
assez uniforme qui correspond à la surface antitrochantérienne seule. Dans
le fémur du Crocodile, la tète ne s’est pas différenciée, et le bassin s’appuie
seulement sur la surface uniforme de l’extrémité osseuse. C’est ce qui res-
sort clairement des fig. 10 et H de la PI. VI, qui représentent des extré-
mités fémorales gauches de Y Alligator Indus et du Crocodilus biporcatus
vues par la surface articulaire supérieure. Ces extrémités et leurs surfaces
articulaires reproduisent bien exactement les trochanters des Ratites (Autru-
che, Casoar) et leurs surfaces articulaires arrondies représentés fig. 6 et 7
de la môme Planche, trochanters sur la face interne et postérieure des-
quels s’est différenciée et développée une tête plus ou moins volumineuse,
séparée du trochanter par un col plus ou moins accentué. Je crois devoir
faire remarquer en outre que le volume de la tête, relativement à celui du
trochanter, est bien plus faible chez les Ratites que chez les Carinates, ainsi
qu’on peut en juger en comparant les fig. 6 et 7 avec les fig. 8 et 9, qui
appartiennent au Pélican et à la Poule.
11 résulterait donc de ces observations que, tandis que les Crocodiliens
s’appuient sur le sommet uniforme de l’extrémité fémorale et n’ont pas de
tête du fémur distincte, les Ratites, qui sont de tous les Oiseaux les moins
éloignés du type reptilien, acquièrent une tête du fémur de petit volume,
et la dimension de celle-ci s’accroît chez les Oiseaux les plus caractérisés
comme type spécial, les plus ornithiques ' pour ainsi dire.
1 J’aurai l’occasion de développer et d’expliquer ces particularités dans un chapitre spécial
consacré à l’étude des têtes articulaires et des trochanters.
101
DU SACRUM.
L’étude analytique que je viens de faire de l'iléon de l’Oiseau m’amène
naturellement à traiter un sujet qui pourrait être considéré comme étranger
à la comparaison des deux ceintures. Mais l’étude du sacrum de l’Oiseau se
rattache de si près à celle de l’iléon, que je crois devoir me livrer à une
excursion sur ce terrain, si largement limitrophe de mon champ primitif. Je
le fais d’autant plus volontiers que j’espère jeter ainsi quelque lumière sur
cette portion si peu comprise du squelette de l’Oiseau, et qui n’a été encore
l’objet, à mon avis, d’aucune discussion vraiment rigoureuse.
Beaucoup de zoologistes se sont bornés à dire que le sacrum de l’Oiseau
était composé d’un grand nombre de vertèbres, sans chercher à se rendre
compte des difficultés présentées par la délimitation des vertèbres apparte-
nant réellement au sacrum, et par la détermination de la valeur de cette série
considérable de corps vertébraux dits sacrés, série dont le nombre étonne
d’autant plus que dans tous les autres groupes le sacrum est ordinairement
composé d’un très-petit nombre de vertèbres.
Le savant naturaliste anglais Huxley ne s’est pas dissimulé les difficultés
d’une pareille tentative. « La description des vertèbres propres, lombaires,
«sacrées, caudales antérieures dans la masse ankylosée qui constitue le sa-
crum d’un Oiseau, offre, dit-il, les plus grandes difficultés1. » Prenant
pour point de départ le sacrum du Poulet, Huxley cherche à rendre compte
de la signification des diverses parties de cette masse ankylosée, et je crois
devoir d’autant plus rapporter ici textuellement l’analyse qu’il en fait, quelle
constitue une entreprise qui me paraît avoir été rarement tentée.
« La plus antérieure des vertèbres lombaires 2 porte une large apophyse
«transverse qui correspond par la forme et la disposition avec l’apophyse
«transverse tuberculaire de la dernière dorsale (PL Vil ,fig. 2 ,v.d.). Dans
1 Huxley-, Èlém. d’anat. comp. des Anim. vert., trad. par Mme Brunei, 1875.
2 Par là, Huxley entend la première vertèbre désignée par v. I. dans la PI. VII, fig. 2 du
présent Mémoire. Je rapporte la description d'Huxiey à cette figure de mon travail, afin d’en
rendre l’intelligence plus facile.
102 —
» les vertèbres lombaires qui suivent, celte apophyse s’incline en bas, et
«dans la plus postérieure (PL VII, fig. 1,sac. a.) elle se continue du centre
«aussi bien que de l’arc de la vertèbre, et forme une large masse qui vient
»se terminer contre l’iléon. Cette apophyse pourrait très-bien être prise pour
»une côte sacrée, et sa vertèbre pour la vertèbre sacrée propre ; mais d’abord
«je n’y trouve aucun point d’ossification, et ensuite les nerfs qui sortent des
«trous intervertébraux, au-devant et en arrière de cette vertèbre, entrent
«dans le plexus lombaire, où prennent leur origine les nerfs crural et obtu-
rateur, et non dans le plexus sacré, qui est le produit des nerfs qui sortent
«des trous intervertébraux des vertèbres sacrées propres chez les autres
«Vertébrés. Derrière la dernière vertèbre lombaire {sac. a.), viennent au
«moins cinq vertèbres qui n’ont pas de côtes (int. sac.) ; mais leurs arcs
«envoient des lamelles horizontales, apophyses transverses qui s’unissent
«avec les iléons. Les nerfs qui sortent des trous intervertébraux de ces ver-
tèbres s’unissent pour former le plexus sacré, d’où sort le grand nerf scia-
tique, et je les prends pour les homologues des vertèbres sacrées des Rep-
tiles
» Si ce sont les vraies vertèbres sacrées, il en résulte que celles qui
«viennent après {sac. p. et sac. lac.) sont les caudales antérieures. Elles
«ont des apophyses transverses supérieures, comme les vertèbres sacrées
«propres; mais, de plus, trois ou quatre des plus antérieures {sac. p.) de
«ces vertèbres possèdent des côtes qui, comme les côtes sacrées propres des
«Reptiles, sont unies par sutures ou ankylosées en avant et en dedans, avec
«les arcs neuraux et le centre de leurs vertèbres, tandis qu’en arrière et en
«dehors elles s’étendent et se terminent contre l’iléon. Les vertèbres cau-
«dales soudées peuvent être désignées comme uro-sacrèes . »
La citation qui précède permet déjuger sur quelle base Huxley a appuyé
la détermination du vrai sacrum des Oiseaux. Pour lui, le sacrum est dé-
terminé par l’origine des nerfs du plexus sacré d’où sort le grand nerf scia-
tique ; et toute vertèbre dont les nerfs entrent dans le plexus lombaire, où
prennent leur origine les nerfs crural et obturateur, ne saurait appartenir au
vrai sacrum, mais fait partie de la région lombaire. Je ne crains pas d’affir-
mer que cette base de détermination manque de solidité et surtout de
rigueur. 1! est vrai que la région d’origine du nerf sciatique coïncide , dans
— 105 -
l'immense majorité des cas, avec la région sacrée, mais c’est là une coïn-
cidence qui n’a rien d’absolu, et, dans tous les cas, la délimitation de l’une
des deux régions ne saurait déterminer d’une manière rigoureuse les limites
de l’autre. Chez l’Homme, en effet, le nerf sciatique reçoit non-seulement
toute la branche antérieure de la cinquième paire lombaire, mais encore
la division inférieure de la quatrième, qui forme avec la précédente le
gros nerf lombo-sacré, et une branche de la quatrième sacrée, qui n’ap-
partient pas au sacrum proprement dit \ Chez les Oiseaux, au contraire,
le nerf sciatique ne reçoit aucun nerf que l’on puisse rationnellement
considérer comme lombaire. Chez le Lézard ocellé, le nerf sciatique est
formé par la dernière paire lombaire, une portion de l’avant-dernière, et
la paire sacrée proprement dite, passant entre les deux vertèbres du sacrum.
Chez les Chéloniens, chez les Crocodiliens, il en est de même ; de telle
sorte qu’on ne peut considérer réellement les origines du nerf sciatique
comme déterminant l’étendue et les limites de la région sacrée de la co-
lonne vertébrale.
Ce qui prouve, du reste, que la rencontre très-générale, la superposition
dirai-je, de la région sacrée et de la région des origines du sciatique n’a rien
que de très-relatif, c’est qu’il peut y avoir des nerfs sciatiques sans qu’il y
ait de sacrum distinct. C’est en effet ce que démontrent les fchthyosau-
res, où le nerf sciatique existait certainement sans qu’il y ait des vertèbres
caractérisées comme vertèbres sacrées, l’iléon étant suspendu dans les chairs.
Mais il y a plus : la région d’origine des nerfs sciatiques peut cesser de
co'incider avec la région présumable des vertèbres sacrées. Les vertèbres
sacrées, partout où elles sont distinctes et reconnaissables, partout où elles
ont des caractères réels et où elles jouent le rôle de sacrum, précèdent
immédiatement les vertèbres caudales. C’est là un fait qui ne souffre pas
d’exception. Là où finissent les vertèbres sacrées commencent les vertèbres
caudales, avec leurs caractères distinctifs. Ce fait, très-général, permet de
1 Le sacrum proprement dit ne comprend en effet que les vertèbres qui s'articulent direc-
tement avec l’iléon. Chez les Mammifères; au sacrum proprement dit formé par les vertèbres
qui s’articulent avec l’iléon et qui sont au nombre de une, le plus souvent de deux, rarement
de trois, s’ajoutent assez souvent quelques vertèbres ankylosées avec les premières, sans rap-
ports directs avec l’iléon, et qui sont en réalité des vertèbres caudales antérieures.
U
104
reconnaître ia région présumée des vertèbres sacrées, alors même que ces
vertèbres n'ont pas acquis les modifications de forme et de rapport qui en
font de vraies vertèbres sacrées. Chez les Poissons, par exemple, il y a une
délimitation très-nette des vertèbres dorsales et des vertèbres caudales, au
niveau de la région anale. Ces dernières ont en effet des caractères fort
nets, étant pourvues d’arcs inférieurs complets formant un canal pour l’ar-
tère et ia veine caudales.
On ne saurait donc refuser de considérer les dernières vertèbres pré-
caudales comme correspondant aux vertèbres sacrées des autres Vertébrés ;
et cependant les nerfs destinés aux membres abdominaux sont loin de cor-
iespondre toujours à cette légion de la colonne vertébrale. Chez tous les
Malacoptérygiens subbraehiens, les os qui représentent le bassin et les
nageoires qu’ils supportent, ont été transportés au voisinage et môme parfois
en avant des membres antérieurs ou brachiaux. Or, les nerfs qui se ren-
dent, soit aux muscles supérieurs des os du bassin (fléchisseurs et adduc-
teurs de la nageoire abdominale), soit aux muscles inférieurs (extenseurs et
abducteurs de ia nageoire), naissent des nerfs rachidiens qui correspondent
à la région où le membre se trouve placé, et par conséquent des nerfs plus
ou moins antérieurs du tronc. 11 ne viendra certainement à l’esprit de per-
sonne de transporter à ce niveau la région sacrée de la colonne vertébrale,
et d’interposer ainsi entre elle et la région ano-caudale toute une longue série
de vertèbres abdominales. L’origine des nerfs des membres n’a rien de fixe
et de déterminé quant à la portion de la colonne vertébrale de laquelle ils
proviennent. Ils peuvent appartenir à un point quelconque de la série ra-
chidienne. Là où naissent les bourgeons latéraux qui deviendront plus tard
les membres, les paires rachidiennes correspondantes leur fournissent de
petits filets collatéraux, qui, par un développement ultérieur proportionné
à celui des membres, deviennent le tronc principal.
On ne saurait donc prendre les origines des nerfs sacrés et du nerf sciati-
que comme déterminant rigoureusement les limites du sacrum, et exclure
(comme l’a fait Huxley pour la vertèbre sac. «., PI. Vil, fig. 2) de cette
région de la colonne vertébrale une vertèbre limitrophe, par celte seule
raison que les nerfs qui sortent des trous intervertébraux, en avant et en
arrière de cette vertèbre, entrent dans le plexus lombaire et non dans le
105
plexus sacré d’où sort le grand nerf sciatique. S’il est vrai que le sacrum et
l’origine du nerf sciatique coïncident généralement, il est donc tout aussi vrai
que les limites du sacrum ne peuvent être rigoureusement déterminées par
l’origine des nerfs du plexus sacré. Peuvent-elles l’être par la forme des ver-
tèbres? Pas davantage. Il y a en effet des vertèbres qui se modifient au voi-
sinage du sacrum, et qui acquièrent des formes assez semblables à celles des
vertèbres sacrées, sans faire pour cela essentiellement partie du sacrum. Nous
verrons en effet, chez les Oiseaux, au niveau de l’iléon antérieur, une série
de vertèbres dont le nombre est très-variable, qui sont ankylosées entre elles,
qui ont contracté avec l’aile de l’iléon des rapports de contact et même de
soudure, et qui pourtant ne sauraient être considérées comme étant réelle-
ment des vertèbres sacrées. Leur nombre est très-variable et dépend de la
longueur de l’aile de l’iléon antérieur (il peut y en avoir de trois à cinq et
même six); si bien que parfois les deux ou trois antérieurs (PI. Vit, fg. 4,
v. d.) portent des côtes mobiles et appartiennent en réalité à la région thora-
cique ou dorsale, tandis que les autres, v. L, sont réellement des vertèbres
lombaires.
Les caractères du sacrum sont en réalité multiples et dépendent de plu-
sieurs conditions. Le sacrum se compose en effet des vertèbres à l’aide des-
quelles la portion axiale de l’iléon se fixe sur la colonne vertébrale, et qui ont
subi une modification spéciale de forme, en rapport avec ce mode de fixation
de l’iléon, et non par suite d’une simple relation de voisinage et de contact,
soit avec l’aile de l’iléon (vertèbres lombaires des Oiseaux), soit avec les bords
postérieursde l’ischion (Édentés, quelques Marsupiaux... Phascolomys wom-
hat). La modification spéciale de forme des vertèbres sacrées est telle, qu’elle
tend à créer une large surface de contact des apophyses latérales avec l’iléon.
Pour cela, à la face inférieure de l’apophyse trahsverse, qui est supérieure,
vient s’ajouter une côte partant du corps ou centre même de la vertèbre.
L’union de ces deux tiges osseuses, soudées l’une à l’autre, constitue une
masse latérale puissante, terminée par une surface élargie qui s’unit à la
partie axiale ou massive de l’iléon.
L’examen attentif de tous les sacrums proprement dits' de Mammifères,
1 J’ai déjà expliqué à la page 103 ce qu’il faut entendre par là.
— 106 —
groupe dans lequel le sacrum est très— caractérisé et très-nettement délimité,
permet de vérifier la justesse de la caractéristique qui précède. Je puis en
dire autant du sacrum des Amphibiens et des Reptiles, ainsi que le démon
treront les considérations que je présenterai ultérieurement.
Assise sur la base que je viens d’établir, une détermination du sacrum de
l’Oiseau peut nous conduire à des résultats qui ne manquent ni d’intérêt, ni
de justesse, ni de nouveauté.
Pour donner à la démonstration qui va suivre plus de clarté, prenons
pour base l’étude du bassin de Paon, qui est représenté (PI. Vil, fig. 2), et
sur lequel nous avons suivi précédemment pas à pas les déterminations pro-
posées par Huxley.
En allant d’avant en arrière, nous trouvons d’abord une vertèbre, v. d.,
qui porte une large apophyse transverse ayant à sa base une facette capitu-
laire et à son sommet une facette tuberculaire. Cette apophyse porte une pe-
tite côte, et elle continue exactement, quant à la forme, à la disposition et
à la situation, la série des apophyses transverses dorsales. Cette première
vertèbre doit être considérée comme dorsale, v. d.
Elle est suivie de deux vertèbres, v. L, dont les apophyses transverses
sont moins proéminentes et sans relation avec une côte. Je les considère
comme de véritables vertèbres lombaires. Elles sont ici seulement au nom-
bre de deux. Mais elles peuvent être plus nombreuses chez d’autres Oiseaux.
11 y en a trois sur le bassin de Rapace (PI. Vil, fig. 4, v. L). Elles sont,
comme la première, en rapport avec l’aile de l’iléon antérieur.
Vient ensuite une quatrième vertèbre, sac. a , dont la structure a frappé
Huxley, attendu qu’elle a une large apophyse provenant aussi bien du cen-
tre de la vertèbre que de l’arc neural et formant une large masse qui vient
se terminer contre l’iléon. « Celte apophyse, dit Huxley, pourrait très-bien
«être prise pour une côte sacrée et sa vertèbre pour une vertèbre sacrée propre » .
Des deux raisons qui pour le savant anglais s’opposent à cette détermination,
il en est une, l’origine des nerfsdu plexus lombaire en avant eten arrière de
cette vertèbre, à laquelle je crois avoir suffisamment répondu. Quant à
l’absenced’un point d’ossification antérieur pour représenter la côte sacrée, je
n’hésite pas à affirmer que c’est là un fait sans importance, attendu que les
107
points d’ossification de la colonne vertébrale présentent dans la série des
Vertébrés une variabilité telle de présence ou de défaut qu’il n’en est aucun,
pas même celui du corps ou centre de la vertèbre, qui puisse être considéré
comme constant et essentiel.
La vertèbre sac. a. présente donc, de l’avis même d’Huxley, les caractè-
res de forme que l’on trouve dans les vertèbres sacrées ; mais elle pos-
sède en outre les conditions de situation de ces mêmes vertèbres, car elle
se fixe directement sur la portion axiale massive de l’iléon antérieur, et elle
lui sert réellement de point de fixation et d’appui. Je considère donc la ver-
tèbre sac. a. comme une vraie vertèbre sacrée. Elle est quelquefois suivie,
chez les Gallinacés, d’une seconde vertèbre bien plus courte, mais présentant
les mêmes caractères, et dont les masses latérales viennent se confondre
avec elle. Chez le Canard domestique, il y a à peu près deux vertèbres
d’égal volume remplissant les mêmes conditions.
Je prie maintenant le lecteur de se souvenir que nous avons considéré
l'iléon antérieur de l’Oiseau comme représentant l’iléon du Mammifère. Je dois
rappeler aussi que, chez la plus grande majorité des Mammifères, le nombre
des vertèbres sacrées (qu’il ne faut pas confondre avec les pseudo-sacrées,
qui se soudent avec elles, mais qui sont sans relation avec l’iléon) n’est que
de deux , dont l’antérieure est ordinairement très-forte, tandis que la se-
conde est plus faible et confond ses masses latérales, relativement petites,
avec celles de la vertèbre antérieure. Chez le Lièvre, par exemple, chez le
Kanguroo, les masses latérales de la deuxième vertèbre sont si réduites
qu'elles arrivent à peine au contact de l’iléon, et qu’il n’y a pour ainsi dire
qu’une vertèbre sacrée effective.
Si, en outre, on veut bien jeter les yeux sur les / îg . 4 et 15 de la
Pi. VI , et sur les fig. 5 et 6 de la PI. XVIII, où la surface de contact des
deux vertèbres sacrées avec l’iléon a été marquée par une ligne ponctuée,
on ne pourra s’empêcher de remarquer combien la ressemblance est saisis-
sante entre la vertèbre sa. a. de l’Oiseau et le sacrum de Mammifère. Non-
seulement il y a des deux parts des modifications de forme et de volume spé-
ciales aux vertèbres sacrées , mais encore ces vertèbres ont des situations
identiques par rapport à l’iléon axial et en avant de l'acêtabulum ou cavité
cotyloïde. Aussi n’hésité-je pas à considérer la vertèbre sac. a., à laquelle
108 —
je donne le nom de sacrum antérieur de l’Oiseau, comme l'homologue et le
représentant du sacrum des Mammifères. A l 'iléon antérieur, qui correspond
à l’iléon des Mammifères, correspond un sacrum antérieur , qui représente
le sacrum des Mammifères.
A ce sacrum antérieur succèdent cinq ou six vertèbres dépourvues de
côtes, int. sac., mais dont les apophyses transverses grêles sont unies les
unes aux autres par des lamelles osseuses minces, et vont s’articuler avec
le bord supérieur de l’iléon. Celte région s’étend jusqu’en arrière del’acéta-
bulum. Elle correspond à la région de l’iléon de l’Oiseau , qui est intermédiaire
ou commune à l’iléon antérieur et cà l’iléon postérieur, et par conséquent à
la région de l’acétàbulum qui est placé aux confins des deux iléons. Ce sont
ces vertèbres qu’Huxley considère à tort comme les homologues des vertèbres
sacrées des Reptiles. Nous verrons bientôt quelle est leur signification. A ces
vertèbres sans côtes succède une série de quatre vertèbres, sac. p., qui possè-
dent non-seulement des apophyses transverses, mais aussi des côtes auxquelles
Huxley reconnaît une ressemblance complète avec les côtes sacrées propres
des Reptiles. Nous savons qu’Huxley les considère néanmoins comme des
vertèbres caudales soudées.
Viennent enfin deux vertèbres, sac. lac., qui terminent cette masse an-
kylosée de vertèbres, et qui ont une forme réellement distincte chez la plu-
part des Oiseaux (PI. VU, fig. 2, 5 et 4, sac. lac.). Ces vertèbres ont des
centres larges et peu allongés qui se distinguent nettement des centres des
vertèbres précédentes, et qui ressemblent exactement aux centres des ver-
tèbres caudales proprement dites qui leur font suite. Elles sont pourvues à
la fois d’apophyses transverses et de fortes et larges côtes qui se soudent
et forment des masses latérales élargies en dehors pour adhérer à l’iléon
axial postérieur, un peu en avant de l’angle terminal postérieur de cet iléon.
Ces vertèbres sont pour ainsi dire dépourvues d’apophyses épineuses.
Aces deux vertèbres succède la série des vertèbres caudales proprement
dites, qui ne sont ni ankylosées ni appuyées sur l’iléon, dont les appendices
latéraux sont simples, lamelleux et minces, et qui sont surmontées d’apo-
physes épineuses plus ou moins saillantes.
Ces deux vertèbres, sac. lac., sont chez certains Oiseaux (Palmipè-
des, etc.,) peu distinctes des vertèbres précédentes. Mais chez beaucoup
109
d’autres, ces deux groupes sont très-nettement séparés par bien des carac-
tères que j’ai déjà signalés chez le Poulet, et qui s’accentuent encore plus
dans certains cas. Ainsi, chez les Rapaces, généralement les vertèbres sac. p.
(PI. VII, fig. 4) convergent en dehors, pour s’unir en une masse commune
et pour former un groupe très-distinct situé dans la profondeur de l’excava-
tion du bassin, tandis que les deux vertèbres ultimes, sac. lac., sont sail-
lantes et tout à fait séparées des précédentes. Il y a là deux groupes on ne
peut plus distincts et ayant chacun une individualité bien marquée.
Nous avons déterminé la signification des vertèbres antérieures, v. d.,
v. L, sac. a. ; il nous reste à rechercher la valeur des vertèbres suivantes,
sur la description desquelles j’ai dû insister, pour arriver à des comparaisons
précises et à des déterminations exactes. Toutefois, avant d’aborder les der-
niers problèmes qui me restent à résoudre, je dois appeler l’attention du lec-
teur sur le sacrum du Crocodile.
Le sacrum du Crocodile comprend deux vertèbres sacrées fortement liées
par une suture. Chacune porte sur le côté des apophyses transverses, dou -
blées inférieurement de fortes côtes dépendant des parties latérales des cen-
tres. Apophyses transverses et côtes sont ankylosées et forment des ailes
latérales qui vont se mettre en rapport avec l’iléon. Les ailes latérales de la
vertèbre antérieure sont relativement petites ; elles s’élargissent un peu à
leur extrémité externe et vont se mettre en rapport avec la face interne de
cette apophyse antérieure de l’iléon qui est le rudiment de la portion axiale
de l’iléon antérieur (PL \,fig.. 7, s. a.}. Les ailes latérales de la deuxième
vertèbre sacrée sont beaucoup plus volumineuses ; elles s’élargissent consi-
dérablement en dehors, formant ainsi une forte lame triangulaire dont l’angle
postérieur se prolonge assez fortement en arrière. Cette aile vient s’ap-
puyer par son extrémité externe sur la face interne de l’iléon postérieur des
Crocodiliens, c’est-à-dire sur la portion axiale, massive, de cet iléon, qu’elle
accompagne presque jusqu’à l’angle postérieur (PI. y, fig. 7, Sm p.).
En somme, il y a une vertèbre sacrée qui est en avant de la fontanelle de
l’acétabulum et sur laquelle se fixe l’iléon antérieur axial, et une vertèbre
postérieure à la fontanelle de l’acéta bu lum et sur laquelle se fixe l’iléon pos-
térieur axial.
L’homologie delà première vertèbre sacrée crocodilienne avec la vertèbre
- HO —
du sacrum antérieur de l’Oiseau et avec le sacrum des Mammifères, ressort
si parfaitement de l’identité des formes et des connexions, que je crois à
peine nécessaire de la faire remarquer.
Quant à la deuxième vertèbre sacrée des Crocodiliens, par sa position en
arrière de la fontanelle de l’acétabulum, par ses rapports avec l’iléon posté-
rieur, et même par sa forme générale prolongée en arrière et en dehors, elle
correspond exactement à ce groupe de vertèbres à côtes de l’Oiseau que j’ai
désignées par les lettres sac. p., et auxquelles je donne le nom de sacrum
postérieur. L’espace situé entre le sacrum antérieur et le sacrum posté-
rieur, et qui est occupé par quatre ou cinq vertèbres sans côtes, int. sac.,
représenterait l’intervalle des deux vertèbres sacrées du Crocodile, et ce serait
un intersacrum. Aussi l’ai-je désigné par les lettres int. sac.
On ne saurait faire aux déterminations qui précèdent une objection tirée du
nombre des vertèbres qui chez l’Oiseau représenteraient une seule vertè-
bre du Crocodile, et même l’intervalle de deux vertèbres. Tout anatomiste
habitué à l'étude des séries vertébrales sait bien que les mômes régions de
la colonne rachidienne sont représentées de type à type d’animaux, de genre
à genre, et parfois même d’espèce à espèce, par des groupes de vertèbres
qui ne comprennent point le même nombre de ces os. Il est môme cer-
taines régions qui, comme la région cervicale chez les Oiseaux, la région cau-
dale chez les Mammifères et chez les Reptiles, présentent des variations d’une
marge extrêmement large. Tous les groupes de vertèbres chez les Mammi-
fères (sauf la région cervicale) présentent u/ie très-grande variabilité, et il
n’y a rien de choquant à voir une vertèbre, prise chez un type, être repré-
sentée par une série de vertèbres chez un type différent.
Le fait actuel, du reste, trouve facilement son explication dans les mo-
difications de forme que présente l’iléon d’Oiseau par rapport à l’iléon cro-
codilien. L’élongation considérable des portions axiales de son iléon anté-
rieur et de son iléon postérieur rendent raison de cette distance considérable
qui sépare les deux groupes sacrés, antérieur et postérieur, en même temps
que de la multiplication des vertèbres sacrées qui sont appelées à fixer sur
la colonne vertébrale l’iléon postérieur très-allongé de l’Oiseau. Cela est si
vrai que chez les Oiseaux dont l’iléon postérieur se prolonge beaucoup en
arrière, comme chez les Palmipèdes, le nombre des vertèbres du sacrum
postérieur, sac. p., s’accroît notablement. Il est de six chez le Canard et
de neuf chez le Cygne, par exemple ; tandis que chez les Rapaces, dont
l’iléon postérieur est court, ces vertèbres sont réduites à trois (PI. VII,
fig. 4). Les Gallinacés, dont l'iléon postérieur a des dimensions moyennes,
ont généralement quatre vertèbres au sacrum postérieur.
Enfin, les deux dernières vertèbres, que désignent les lettres sac. lac.
(PI. VII, fig. 2, 5 et 4), ont une signification curieuse que je désire signa-
ler. Si le lecteur veut bien étudier avec soin le sacrum à deux vertèbres d’un
Lézard (PI. VII, ^.8, sac. lac.), il se rendra compte des caractères nom-
breux qui le rapprochent de ces deux verlèbres ultimes de l’Oiseau, auxquelles
j’applique la dénomination de sacrum lacertilien. Dans l’un comme dans
l’autre cas : centres vertébraux larges et aplatis, apophyses épineuses peu sail-
lantes, ailes latérales larges, aplaties ; forme générale de la vertèbre et de ses
apophyses très-rapprochéede celle des vertèbres caudales qui suivent, et assez
différente de celle des verlèbres qui précèdent ; enfin et surtout , rap-
ports avec l’iléon axial postérieur, fort loin en arrière de l’ acétabulum,
act., ce qui empêche toute assimilation du sacrum lacertilien avec le sacrum
crocodilien.
Les résultats qui précèdent, et qui ne laissent pas que d’être assez sur-
prenants au premier abord, se justifient pleinement quand on les rapporte
à l’analyse que nous avons faite précédemment de l’iléon si extraordinaire
de l’Oiseau. Il faut, en effet, considérer que, le sacrum étant essentiellement
destiné à fixer l’iléon, en contractant des rapports directs avec la partie mas-
sive et axiale de ce dernier, il doit en résulter que la forme et la direction
de l’iléon déterminent la forme et la situation du sacrum. A ce point de vue,
il est juste de dire que c’est Y iléon qui détermine le sacrum; et il n’y a
alors rien d’étonnant à ce que l’iléon antérieur de l’Oiseau, représentant
l’iléon antérieur du Crocodile et l’iléon du Mammifère, provoque la formation
d’un sacrum antérieur analogue à la vertèbre sacrée antérieure du Crocodile
et au sacrum du Mammifère. Il n’y a rien d’étonnant non plus à ce que
l'iléon postérieur allongé de l’Oiseau, qui reproduit l’iléon postérieur du Cro-
codile, demande la présence d’un sacrum postérieur qui rappelle la vertè-
bre sacrée postérieure du Crocodile. Enfin, il est parfaitement admissible
que l’iléon de l’Oiseau, fortement prolongé en arrière de l’acétabulum,
to
comme celui des Lacertiliens, appelle la présence d’un sacrum lacertilien
placé à une grande distance de l’acétabulum. Il y a, dans les dispositions
des éléments de cette région du squelette que l’on nomme bassin (iléon et
sacrum), des corrélations très-étroites dont la valeur et l’importance sont en
rapport avec le haut degré de développement de celte région chez l’Oiseau.
A un iléon très-considérable et réunissant un ensemble de caractères et de
conditions qui rappellent le Mammifère, le Crocodilien et le Lézard, répond
un sacrum non moins étendu et dans lequel se résument les caractères et
les conditions du sacrum dans ces trois mêmes groupes. L’iléon de l’Oiseau
étant une synthèse de l’iléon des autres Vertébrés, et surtout des Reptiles, le
sacrum de l’Oiseau est, au même litre, une synthèse du sacrum des autres
Vertébrés, et particulièrement des Reptiles.
C’est là un résultat qui ne me paraît pas douteux, et qui vient corroborer
cette donnée, de la justesse de laquelle on ne saurait aujourd’hui douter,
que le type de l’Oiseau est un type mixte, à affinités multiples sans doute,
mais à affinités surtout étroites avec le type reptilien.
J’ajoute, en terminant, que la valeur du sacrum des Chéloniens est en rap-
port avec la valeur que nous avons attribuée à leur iléon. Nous avons vu
que ce dernier n’était qu’un iléon crocodilien rétréci dans le sens antéro-
postérieur et allongé dans le sens de l’axe vertical et légèrement oblique en
avant et en bas de l’iléon de Crocodilel
Il résulte de cette transformation que le bord et l’angle antérieurs de cet
iléon représentent l’iléon antérieur du Crocodile, et sont en relation avec
une vertèbre sacrée qui correspond à la vertèbre sacrée antérieure du Croco-
dile ; tandis que l’angle et le bord postérieurs prolongés en arrière repré-
sentent l’iléon postérieur crocodilien, et sont attachés à la deuxième vertè-
bre sacrée qui représente la deuxième vertèbre sacrée crocodilienne. 11
s’ensuit que le sacrum chélonien répond exactement au sacrum crocodi-
lien, mais nullement au sacrum lacertilien, fait qui est d’accord avec ce que
l’on sait déjà des affinités étroites qui existent entre les Chéloniens et les
Crocodiliens.
DEUXIÈME PARTIE
COMPARAISON DES MUSCLES DES DEUX CEINTURES.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Dans la portion introductive de ce Mémoire, j’ai parlé d’une manière
générale des principes qui doivent présider à une bonne comparaison des
membres. Quelques-uns de ces principes ont trouvé leur application dans la
partie purement ostéologique de ce travail. Il me reste à donner à l’étude
des rapports des muscles avec les os, et à l’examen des modifications intro-
duites dans la situation des membres, toute l’importance que mérite cette
portion très-intéressante de mon sujet.
Pour ce qui a trait aux rapports des muscles avec le système osseux, je
dois commencer par établir certains principes qui sont le résultat de mes
très-nombreuses observations. Je le dois d’autant plus que ces principes, ou
bien n’ont pas encore été formulés, ou bien sont en contradiction avec les
idées reçues sur cette matière. J’aurai ainsi l’avantage d’avoir donné une
forme précise à des idées sur lesquelles l’attention sembles’être peu portée,
ou qui ont été l’objet de fausses conceptions.
J’ai, dans mon Introduction, émis ce principe : Que les os sont faits pour
les muscles plus encore que les muscles pour les os. Ce qui revenait h dire
que c’est le muscle qui fait l’os, et non l’os qui lait fe muscle »; et j’ai ajouté
quelques considérations à l’appui de cette proposition générale. Il est né-
cessaire que j’explique ma pensée à cet égard et que j’en précise la signifi-
cation et la portée.
Et d’abord, dans quel sens le muscle fait-il l’os? Est-ce à dire que l’os se
développe et se forme aux dépens du muscle?En aucune façon; mais cela si-
gnifie que c’est le muscle qui provoque, par sa présence et par ses contractions,
114
la transformation du tissu conjonctif en tissu osseux. Là où le muscle a
besoin d’un point d’insertion solide, là où son action demande un levier, là
aussi se trouve une saillie ou une tige osseuse qui sont appelées à jouer ce
rôle. Là où le muscle disparaît, là où il n’est plus nécessaire d’avoir des
insertions fixes ou mobiles, là où le défaut de mouvement ne réclame ni
point d’appui solide ni levier, là aussi l’os n’existe pas, et il est remplacé par
du tissu conjonctif fibreux, parfois résistant, parfois même lâche et délicat.
Mais une première restriction s’impose à la généralité de l’axiome ci-
dessus. Le muscle ne peut faire l’os que là où l’existence de l’os est justi-
fiée par son rôle de levier ou de point d’appui. Il est évident en effet que là
où les os servent avant tout et presque uniquement d’organes protecteurs
(ce qui du reste n’est vrai que pour des parties très-ci rconscri tes et peu nom-
breuses du système osseux), dans la région crânienne par exemple, là, dis-je,
les relations étroites, les corrélations entre le muscle et l’os n’ont pas de raison
d’être, et l’os peut exister sans le muscle. Ce sont là des exceptions à la
règle générale, mais en même temps des exceptions qui confirment la règle,
car elles ne s’appliquent qu’à une partie du squelette d’une origine spéciale,
le dérmo-squeletle ou squelette secondaire. Partout, dans le squelette pri-
mordial, qui est essentiellement le squelette de la locomotion, l’os et le
muscle ont leurs existences étroitement liées entre elles, tandis que dans le
squelette secondaire ou dermo-squelette, qui est essentiellement un sque-
lette protecteur, un squelette de recouvrement, l’os peut être et est le plus
souvent indépendant de l’existence des muscles.
Cette exception étant signalée, les conclusions qui se déduisent rigoureu-
sement du principe précédent sont que les muscles homologues s’insèrent
sur les os homologues ; que, là où les muscles homologues existent, les os
homologues existent aussi ;etque, là où les muscles homologues font défaut,
les os homologues sont atrophiés ou font également défaut.
Une seconde conséquence qui découle des principes ci-dessus, c’est que
les insertions musculaires ont une fixité, une constance remarquables. C’est
là un fait que de très-nombreuses dissections m’ont permis de constater, et
qui est en contradiction avec ce que l’on pense généralement à cet égard.
11 n’est pas raie de voir considérer comme homologues des muscles dont
les insertions diffèrent essentiellement. Des analogies de situation, des simi-
litndes d’action servent, bien à tort, de guide dans ces déterminations; et
l’on se laisse facilement aller à penser que, quand un os fait défaut pour
servir d’insertion à un muscle, il est ordinairement suppléé par un os voisin.
Nous verrons plus loin que les muscles ont ce que j’ai appelé des attaches
ou insertions consécutives , qui se font sur un autre os que leur insertion
primitive. Mais dans ce cas la disparition de l’os sur lequel se faisait l’atta-
che primitive est, non la cause, mais la conséquence de l’établissement d’une
attache consécutive sur un os différent. Les conditions dans lesquelles s’éta-
blissent ces attaches consécutives ne permettent aucun doute à cet égard, et
l’on trouve donc encore dans ce cas une démonstration de ce principe que,
là où disparaît l’attache musculaire, là aussi disparait l’os.
L’idée des transpositions d’attache est une erreur complète, à l’appui
de laquelle je n’ai pas trouvé un seul fait d’une réelle valeur, et que l’on
voit commise même par les anatomistes qui se piquent le plus d’exactitude
et de précision. C’est ainsi que dans son Essai sur l'appareil loco-
moteur des Oiseaux , M. Alix, parlant du muscle biceps crural des
Oiseaux, ajoute' : « Il est important de remarquer l’insertion de ce muscle
» sur l’aile postérieure de l’iléon. Car chez les Mammifères, y compris les
» Ornithodelphes, le biceps est un muscle de la tubérosité de l’ischion. Ce
» fait nous oblige à admettre que des muscles homologues peuvent subir
» des transpositions d'attache. »
Nous verrons dans la suite que le fait sur lequel s’appuie cette dernière
assertion est le résultat d’une fausse interprétation, et que, bien observé et
bien compris, il fournit au contraire une preuve de plus à l’appui de la fixité
des insertions musculaires. Mais, pour donner une idée des conséquences
singulières auxquelles peut conduire le principe de la mobilité des inser-
tions et des transpositions d’attache, il me suffira de dire que, pour M. Alix,
le muscle moyen pectoral de Yicq d’Azyr, chez l’Oiseau, est en réalité le
muscle sus-épineux. « Le sus-épineux, dit-il, est tellement déplacé et mo-
» difié, qu’il serait fort difficile de le reconnaître si l’on ne trouvait pas chez
» les Ornithodelphes une disposition intermédiaire qui explique parfaite-
» ment ce que l’on voit chez les Oiseaux. En effet, chez les Ornithodelphes ,
1 Alix; Essai sur l’app. loc. des Oiseaux ; Thèses de Paris, 1874.
116 -
» de même que chez les. Oiseaux, il n’existe pas de fosse sus-épineuse , et
» pourtant le muscle sus-épineux existe, mais son insertion est rejetée sur
» la face interne du col de l'omoplate. Chez l’Oiseau, le muscle, qui ac-
vquiert un développement énorme , va chercher ses insertions sur le ster
» num, sur la clavicule , sur l’os coracoïdien, et sur la membrane sterno-
» cléido-coracoidienne' .»
Laissant de côté pour le moment la proposition peu exacte relative au
sus-épineux des Ornilhodelphes, proposition sur laquelle je reviendrai du
reste à propos de ce muscle, je me borne à faire remarquer combien de tels
moyens de détermination, basés sur le principe des transpositions d’attache,
peuvent conduire à des résultats qui ne supportent pas l'examen. Le pecto-
ral moyen des Oiseaux est un véritable pectoral ayant des insertions réelle-
ment pectorales; et il est par trop irrationnel de le considérer comme un
sus-épineux sans rapports, non-seulement avec une fosse sus-épineuse, mais
même avec une portion quelconque du scapulum. En se laissant aller à de
tels procédés, on arriverait facilement à démontrer qu’un muscle coccygien
s’est peu à peu transporté à la face.
j’ai cité les exemples empruntés à l’ouvrage de M. Alix, pour montrer
jusqu’où peuvent conduire de faux principes de détermination ; j’aurais pu
1 Je tiens à citer ici . en note, encore quelques lignes de M. Alix, pour montrer à quelles
aberrations de détermihations on arrive avec des points de départ aussi faux. « Le muscle qui
» (chez les Lacertiliens) répond au sus-épineux, et par conséquent au moyen pectoral des Oi-
» seaux, se fixe à la tubérosité externe de l'humérus, au-dessous du grand pectoral ; il recou-
« vre l’épicoraco-huméral, passe sous la clavicule, contourne cet os, et va s'insérer sur la face
» superficielle de l’épi-sternal. C'est encore une nouvelle variété. Ainsi, ce muscle s’insère :
« chez les Mammifères monodelphes et didelphes, dans la fosse sus-épineuse ; chez les Orni-
» thodelphes, en dedans du col de l'omoplate ; chez les Oiseaux à sternum caréné, sur le ster-
» num ; chez l’Autruche, sur la face externe du coracoïdien; chez les Tortues, sur la face
» externe du coracoïdien, de la membrane acromio-coracoïdienne, et de l’acromion ou précora-
» coïdien (M. Alix confond à tort l’acromion et le précoracoïde) ; chez le Monitor, à la face
» superficielle de l'inter-clavicule, après s’être réfléchi sur la clavicule ; chez les Oiseaux à
» sternum caréné et chez les Mammifères didelphes et monodelphes, il traverse un trou sus-
» glénoïdien. » Voilà bien des transports et des déménagements singuliers ! Je sais bien que
la matière musculaire est, de sa nature, souple, maniable, et plastique ; mais il ne faut pas
cependant en abuser, et, en présence d'un protée pareil à ce muscle sus-épineux, on croit rêver,
et l’on se souvient involontairement de l'étymologie du mot Cheval, qui viendrait d’Equus
mais avec bien des changements sur la route.
117
en ajouter d’autres, puisés chez un très-grand nombre d’anatomistes, pris
même parmi les plus distingués et les plus célèbres, qui, sans avoir cepen-
dant, comme M. Alix, érigé en principe l’inconstance et la transposition des
insertions musculaires, se sont laissés aller à accepter des déterminations qui
prouvent qu’ils n’ont point attribué aux insertions musculaires une fixité et
une constance rigoureuses.
î.es insertions musculaires ne se transposent point, elles ne passent pas
d’un os à l’autre; et par os je désigne ici, non-seulement l’os considéré
comme un tout, comme une masse osseuse, continue, mais encore les élé-
ments importants essentiels , qui, d’abord séparés comme points d’ossifica-
tion dinstincts d’une même masse cartilagineuse, peuvent, suivant les cas,
rester distincts pendant tout le cours de la vie, ou devenir coalescents pour
constituer un os unique d’origine complexe. C’est ainsi, par exemple, qu’un
muscle qui s’insère uniquement à l’os iliaque et non au sacrum, n’est pas
représenté par un muscle qui s’insère au sacrum et non à l’iliaque, mais
encore qu’un muscle qui s’insère à l’ischion n’est représenté que par un mus-
cle ischiatique et non par un muscle pubien ou iliaquej et ainsi de suite.
Ce qui est vrai de l'homologie des muscles dans une même région considérée
chez divers représentants du type vertébré, est aussi vrai dans les rapports
qui concernent l’homotypie : ainsi, un muscle coracoïdien n’est représenté
que par un muscle ischiatique, un muscle scapulaire que par un muscle
iliaque, et un muscle précoraco'idien que par un muscle pubien.
La spécialisation des insertions sur des points particuliers et limités se
retrouve même assez souvent avec une fixité remarquable, ainsi que nous le
démontrerons dans les études qui vont suivre. Généralement, en effet, un
muscle qui s’insère sur une région bien caractérisée et bien délimitée d’un
os chez un Vertébré, se retrouve dans des conditions identiques ou très-peu
différentes chez les Vertébrés qui ne sont pas trop distants du type pris pour
point de départ. Et dans tous les cas, chez un même animal, les insertions
musculaires comparées dans deux régions homotypiques, comme la ceinture
thoracique et le membre antérieur d’une part, et la ceinture pelvienne et
le membre supérieur d’autre part, présentent toujours une ressemblance
remarquable et parfois une identité parfaite qui m’a souvent frappé et qui
a été pour moi la source et l’occasion de révélations bien inattendues. Ainsi
— 118 -
verrons-nous que les muscles qui prennent leur point fixe sur tel bord, sur
telle éminence, sur telle face, sur telle extrémité d’un os appartenant à la
ceinture thoracique, ont très-fréquemment pour homologues des muscles
s’insérant sur le bord, sur l’éminence, sur la face et sur l’extrémité homo-
types de la ceinture pelvienne.
11 est juste néanmoins de dire que dans quelques cas, assez rares pour-
tant, les attaches musculaires semblent se mouvoir à la surface du même
os, dans un rayon d’une certaine étendue, mais toujours assez limité. Je
signalerai ces cas au lecteur lorsqu’ils se présenteront à nous dans la suite de
ce travail.
Les muscles sont réellement déterminés par leurs insertions, mais ils ne
ie sont ni par leur trajet ni par leur action. On conçoit en effet que l’un et
l'autre de ces éléments de l’histoire du muscle puissent être fortement altérés
par les modifications de situation, de direction et de développement des
pièces osseuses avec lesquelles ils sont en relation, soit d’insertion, soit de
trajet. Un muscle extenseur peut devenir fléchisseur, suivant que la saillie
osseuse à laquelle il s’insère se prolonge ou ne se prolonge pas au-dessus de
l’axe des mouvements articulaires. L’action des muscles ne doit donc être
considérée que comme très-secondaire dans la détermination des homologies.
Des muscles d’action contraire sur deux membres ou chez des animaux diffé-
rents peuvent être exactement homologues l’un de l’autre. Des muscles ana-
logues par le résultat de leur action peuvent n’avoir entre eux aucune relation
d’homologie.
Quant au trajet des muscles, nous verrons par quelques exemples remar-
quables combien les inégalités ou les différences de développement entre les
pièces homologues d’une région du squelette peuvent entraîner de différences
dans le chemin parcouru par un muscle. L’occlusion d’un orifice de
passage, une saillie osseuse plus accentuée, peuvent provoquer des déviations
très-prononcées. De là résultent des différences de trajet qui sont capables
de masquer les homologies, mais non de les anéantir.
Il résulte de là que les connexions des muscles entre eux ne doivent être
que d’un intérêt secondaire dans la fixation des homologies. Les connexions
des muscles homologues peuvent varier en effet et différer parfois d'une
façon remarquable. Ces connexions sont déterminées par les relations
— H 9 —
des os entre eux , et les situations relatives des parties du squelette amè-
nent parfois des modifications importantes dans les rapports des muscles
qui en naissent. Je tiens à citer ici quelques exemples entre mille. Chez les
Mammifères, dont l’ischion et le pubis sont peu distants l’un de l’autre et se
réunissent par leurs extrémités distales pour circonscrire un trou obturateur
complet, les muscles obturateurs interne et externe ont leurs chefs contigus et
sont confondus même en une masse aplatie unique, qui tapisse la membrane
obturatrice et les portions voisines des faces correspondantes de l’ischion et
du pubis. Aucun muscle ne s’interpose donc entre les deux chefs ischiatique
et pubien de l’obturateur externe, et les muscles grand adducteur et demi-
membraneux s’insèrent sur la branche ascendante de l’ischion et la tubéro-
sité ischiatique, tout à fait en dehors de l’espace circonscrit par les insertions
de l’obturateur externe.
Il n’en est pas de même chez les Crocodiiiens, dont le pubis, fortement
porté en avant, est séparé de l’ischion par un vaste intervalle ouvert en
dedans et occupé par une membrane obturatrice fibreuse formée par des
faisceaux entre-croisés. Ici, les chefs pubiens et ischiatiques des obtu-
rateurs sont fortement écartés l’un de l’autre et séparés par un angle
largement ouvert en dedans. Dans cet angle d’écartement viennent s’insérer
sur le bord antérieur de l’ischion : d’une part, en dedans, le grand adducteur
fémoral, qui va de l’ischion à la tubérosité interne de l’extrémité inférieure
du fémur, et, d’autre part, en dehors du grand adducteur, le muscle demi-
membraneux, qui va plus tard se réunir avec le demi-tendineux en un tendon
commun qui s’applique sur la face interne de l’extrémité supérieure du tibia
et s’y insère jusqu’à la tubérosité antérieure de cet os.
11 en résulte que dans leur moitié centrale les muscles grand adducteur
et demi-membraneux sont interposés entre le chef pubien et le chef ischia-
tique de l’obturateur interne, ce qui établit des connexions bien différentes
de celles que nous avons constatées chez les Mammifères.
11 y a à ce niveau, chez l’Alligator, une modification remarquable des
connexions musculaires. En effet, tandis que chez les Mammifères les inser-
tions ischiatiques du demi-tendineux et du demi-membraneux sont contiguës
et que ces deux muscles sont appliqués l’un à l’autre dans tout leur parcours,
sans l’interposition d’un autre muscle, il en est tout autrement chez l’Alligator.
16
120 —
En effet, tandis que le demi-membraneux s’attache sur le bord antérieur
de l'ischion en dehors de l’attache du grand adducteur, le demi-tendineux
s’attache sur la tubérosité ischiatique elle-même, c’est-à-dire sur l’extrémité
postérieure de l’épiischion, et va ensuite se réunir avec le demi-membraneux
en un tendon qui s’insère sur le tibia, ainsi que nous venons de le voir. Ces
deux muscles forment donc un muscle biceps dont les deux chefs centraux
sont écartés, l’un de l’autre et entre ces deux chefs s’interpose le chef ischia-
tique de l’obturateur externe. Voilà donc des connexions nouvelles qui ne
portent aucune atteinte à la signification homologique des muscles , car
j’affirme qu’il est impossible d’attribuer aux muscles dont je m’occupe
actuellement des déterminations différentes de celles que je leur donne ici,
et qui sont le résultat de dissections et d’observations très-attentives. Les
insertions sont du reste très-précises, très-significatives, et ne permettent
aucun doute.
Un autre exemple me suffira pour démontrer combien le trajet d’un
même muscle peut varier suivant la situation des os. Le chef pubien de
l’obturateur interne passe, chez les Ampbibiens et chez les Reptiles, au-de-
vant du pubis et se réfléchit sur le bord pectinéal, pour aller s’insérer sur le
fémur. Il sort donc de la ceinture pelvienne par l’orifice antérieur de celte
ceinture. Chez les Oiseaux, ce chef pubien sort par le trou sous-pubien,
c’est-à-dire par le trou obturateur, entre le pubis et l’ischion. Chez les
Mammifères, ce même muscle sort du bassin en arrière de l’ischion par
l’échancrure sciatique, et conséquemment par l’orifice postérieur de la cein-
ture. Le chef ischiatique du même obturateur sort par l’orifice postérieur de
la ceinture chez les Reptiles et chez les Mammifères, et par le trou obtura-
teur chez les Oiseaux.
Les faits que je viens d’exposer suffisent pour démontrer que les con-
nexions des muscles entre eux, leur trajet, sont des caractères inconstants
et par suite secondaires, dont les variations n’influent pas sur la valeur
homologiquesdes muscles. Ils ne peuvent donc servir à l’établissement des
homologies. Les insertions, les attaches musculaires, ont seules le caractère
de fixité et de constance qui en font de bons critères des homologies. Voilà
pourquoi, contrairement à tout ce qui a été fait jusqu’à présent, je remplace
hardiment, dans l’étude comparée du système musculaire, le principe des
connexions par celui des insertions. Il est vrai que les insertions sont
aussi des connexions , et il y a alors lieu de reconnaître pour l’étude des
muscles une subordination des connexions, les connexions avec les os étant
de beaucoup les plus significatives et les plus importantes.
Les homologies musculaires peuvent être masquées par des différences
d’insertions osseuses qui sont purement consécutives, mais qui n’appartien-
nent pas à la distribution primitive du système musculaire. On peut en effet
établir comme règle que tout tendon qui appuie sur une saillie osseuse
sans être appelé à subir sur elle des mouvements de glissement , finit par
adhérer à cette saillie , et semble par conséquent y prendre insertion. Je
donne à ces muscles, à ces tendons la désignation de muscles ou de tendons
interrompus. Cela se produit, par exemple, lorsque le tendon passe sur une
saillie immobile par rapport à l’insertion première du muscle, comme l’est
l’ischion par rapport à l’iléon et au pubis, comme l’est une saillie, une
éminence d’un os, par rapport aux autres portions du même os. Dans ce
cas, le tendon adhère à la saillie, qui constitue pour lui une insertion con-
sécutive ou réelle, tandis que l’insertion primitive ou rationnelle perd
de son importance et peut même arriver à disparaître entièrement. Mais
il arrive dans la plupart des cas que la partie du tendon comprise entre
l’insertion primitive et l’insertion consécutive est conservée à l’état de
ligament tendu entre les deux pièces osseuses, qui ont entre elles des rap-
ports fixes. Ce sont là des faits dignes d’attention, et dont nous retrouverons
quelques exemples remarquables, exemples mal compris, considérés à tort
comme des transpositions d’attache, et qui, loin de combattre la loi de
constance des insertions, la confirment d’une manière éclatante et rendent
compte de certaines dispositions anatomiques tout à fait incomprises jusqu’à
présent.
Ce qui précède s’applique également aux rapports des muscles avec les
ligaments fixes et les aponévroses. Lorsqu’un tendon musculaire a des relations
de contact et de pression contre ces organes, sans conserver sur eux des
mouvements de glissement, il y a ordinairement adhérence du muscle avec
le ligament et avec l’aponévrose, aussi bien que dans le cas du muscle et
de la saillie osseuse sur laquelle il est appliqué.
122 —
il est un ordre de muscles qui ont pu faire croire à tort à des transposi-
tions, à des variations d’attache. Ce sont les muscles dont une des extré-
mités s’insère à la fois sur deux os ou sur deux portions distinctes du même
os; les muscles, en un mot, qui ont une double insertion. Il arrive assez sou-
vent, en recherchant les homologues de ces muscles chez des types ou des
formes animales différentes, qu’on ne trouve qu’une seule des deux inser-
tions, tantôt l’une, tantôt l’autre; et l’on serait alors disposé à considérer
ces muscles comme ayant transposé leurs insertions, si l’on ne savait que
dans leur forme primitive ces muscles ont une double attache. De ces
deux insertions, une seule a été conservée sous l’influence de causes variables
selon les cas, mais qui peuvent ordinairement être ramenées à des modifi-
cations introduites par l’adaptation et l’hérédité dans les rapports récipro-
ques des deux os qui sont le siège des deux insertions, ou bien dans les
relations de l’os porteur de la double insertion avec les os voisins et surtout
avec l’attache de l’autre extrémité du muscle.
Il ne faut pas oublier de dire en effet que les saillies osseuses qui servent
d’insertion aux muscles peuvent subir des déplacements et des déformations
notables qui sont la conséquence des changements de relation entre les
muscles qui s’y attachent. Les muscles d’une région, et en particulier les
muscles qui concourent à relier entre eux deux articles d’un membre ou ce
membre au tronc, présentent des différences très-marquées dans leur mode
de groupement, suivant la situation du membre et son adaptation à des
fondions de tel ou tel ordre. Tels muscles qui sont isolés et distincts chez un
animal ou dans l’une des deux paires de membres, deviennent plus ou moins
coalescenls et confondus en une masse commune chez un autre animal ou
dans l’autre paire de membres. De là résultent des homologies masquées
qu’il faut savoir démêler, et de fausses homologies qu’il convient de dévoiler.
De là résultent aussi des modifications frappantes dans la conformation, le
volume et le rapport des saillies destinées aux insertions musculaires.
Celles de ces saillies qui sont voisines des extrémités articulaires sont
encore fortement influencées par le sens de l’action musculaire, ou, en d’au-
tres termes, par le sens des mouvements articulaires, et par la situation, la
conformation, l’étendue et la direction des surfaces articulaires. Ces der-
nières, en effet, se forment là même où ont lieu les contacts osseux, et se
— 125 —
développent dans le sens où se font les mouvements. Elles présenlent'de ce
côté plus de saillie, ainsi qu’on peut en juger par les condyles du fémur et
par l’extrémité inférieure de l’humérus, et leur accroissement de volume
dans ce sens tend à déplacer, à repousser les saillies osseuses musculaires
qui les avoisinent.
Les différences de situation absolue et relative entre les tubérosités ou
trochanters huméraux et fémoraux, chez l’Homme et chez les Mammifères,
s’expliquent parfaitement en vertu de ces considérations. 3’aurai l’occasion
de revenir longuement sur ce sujet quand je m’occuperai de la signification
des trochanters.
Enfin, il est une catégorie très-restreinte de muscles qui pourraient faire
croire pour eux à une variation possible dans leurs insertions : je veux parler
de certains muscles réservés aux grandes articulations ginglymoidales du
coude et du genou, dont ils occupent la face de l’extension. Ces muscles,
connus sous le nom de vastes internes et de vastes externes, s’insèrent au
coude sur l’apophyse olécranienne du cubitus, tandis qu’au genou leur inser-
tion est rotulienne et par cela même tibiale. Ces muscles, dont les attaches
inférieures ne portent donc pas sur des os homotypes, sembleraient ainsi
n’avoir pas entre eux des relations d’homologie qu’il est bien difficile de
leur refuser, vu l’étendue, l’importance et la situation de leurs insertions
humérales et fémorales, qui se correspondent à tous les égards.
Or, si l’on étudie avec soin l’insertion inférieure de ces muscles, on n’a
pas de peine à s’apercevoir que ces muscles sont ce que j’appellerai des
muscles articulaires, destinés à s’insérer sur les ligaments de l’articulation
du coude et du genou, du côté de l’extension. Si ces articulations, à flexion
très-prononcée, eussent possédé du côté de l’extension des ligaments libres
et indépendants du système musculaire, ces ligaments eussent dû avoir une
longueur considérable pour permettre la flexion complète de l’article, et
eussent présenté pendant l’extension une laxité exagérée qui serait devenue
la cause de pincements douloureux, ou d’un défaut de solidité dans la demi-
flexion et dans les divers degrés de la flexion incomplète. Ces ligaments
sont très-avantageusement maintenus dans une tension suffisante par l’action
des muscles dont il s’agit ici, et dont ils sont devenus les tendons. Mais les
124
ligaments antérieurs de l’articulation du genou s’insèrent naturellement sur
le tibia, qui, chez l’Homme et beaucoup de Vertébrés, constitue par excel-
lence l’os de la jambe sur la face antérieure ou d’extension du genou ; tandis
qu’au coude les ligaments postérieurs de l’articulation s’insèrent au cubitus,
qui constitue toujours, à des degrés divers, l’os par excellence de l’articula-
tion du coude et occupe toujours la partie postérieure de celte articulation.
Les muscles ont donc des insertions homologues sur les ligaments homo-
logues ; mais ces derniers, à cause du balancement que présentent en sens
inverse les deux os de la jambe et de l’avant-bras, ont leurs attaches prin-
cipales au tibia d’une part, et au cubitus de l’autre. Néanmoins, dans bien
des cas il est possible de reconnaître'au genou des fibres péronières du triceps
crural, de même qu’au coude on peut constater que des fibres du triceps
se dirigent vers le radius. Ces remarques peuvent être surtout faites chez
les Reptiles, où le péroné et le radius ne sont pas très-inférieurs, en volume,
au’ tibia et au cubitus. Ces traces d’insertions radiales et péronières sont
des témoins non douteux d’une insertion des muscles aux deux os du se-
cond article des membres, insertion qui s’est limitée, dans les deux cas, à
l’os principal de l’articulation correspondante.
Les muscles vastes internes et vastes externes sont donc des muscles arti-
culaires qui ont deux actions différentes. Ils sont tenseurs des liga-
ments du côté de l’extension, et par cela même extenseurs de l’articulation
correspondante. Seulement, à cause môme de la prépondérance du rôle
extensif, le rôle de tenseur est devenu accessoire et secondaire.
Je me borne, pour convaincre le lecteur de l’exactitude des propositions
qui précèdent, à lui recommander la dissection attentive de ces attaches
musculaires, et à lui rappeler que parfois chez l’Homme, où la flexion du
genou est si prononcée et les tètes articulaires sont si volumineuses, il y a,
au-dessous des muscles vastes, un faisceau dit sous-crural , qui complète le
rôle articulaire de ces muscles et qui, s’insérant sur le cul-de-sac supérieur
de la synoviale, en prévient le pincement pendant l’extension de la jambe.
Le même fait se reproduit ordinairement à l’articulation du coude, où
quelques-uns des faisceaux les plus profonds des muscles vastes se détachent
du corps des muscles pour s’insérer sur la capsule synoviale de l’articulation
de manière à en prévenir le pincement pendant l’extension.
125
Je ne dois pas oublier de faire remarquer que dans certains cas les mus-
cles peuvent s’insérer sur des ligaments, des aponévroses ou des parties
fibreuses, qui dans ce cas remplacent les os d’insertion et servent pour ainsi
dire de nouveau tendon au muscle en question. C’est ainsi que les muscles
obliques et transverses de l’abdomen s’insèrent sur la ligne blanche qui rem-
place le sternum. C’est ainsi également que le long biceps fémoral, chez
l’Homme et chez les Mammifères, s’insère sur le petit ligament sacro-sciati-
que, qui représente l’iléon postérieur des Reptiles et des Oiseaux. Il en est de
même pour le petit pectoral des Mammifères non claviculés, dont l’insertion
se fait sur l’aponévrose sus-épineuse, qui remplace l’acromion non développé.
Mais il faut remarquer que ces cas se produisent surtout lorsque le muscle a
déjà acquis d’autres insertions osseuses ou insertions consécutives, en contrac-
tant des adhérences. Il en est ainsi pour les muscles larges de l’abdomen, qui
ont adhéré au bassin; pour le biceps fémoral, qui a adhéré à la tubérosité de
l’ischion; et pour le petit pectoral, qui a adhéré à l’apophyse précoracoïdienne
et à la tubérosité supérieure de l’humérus.
Il convient enfin de remarquer que les muscles disparaissent là où disparaît
la mobilité entre les os, par suite d’articulations symphysaires ou de sutures.
C’est ce que l’on voit pour les muscles qui auraient pu être appelés à mou-
voir le bassin sur la colonne vertébrale. De telle sorte que la proposition
générale: pas de muscles, pas d’os, doit être combinée avec celle-ci: pas
de mouvements, pas de muscles.
Les principes qui précèdent vont trouver à la fois leur application et leur
démonstration dans l’étude comparative que je vais faire des muscles des
deux ceintures. Pour ce travail, qui ne manque ni de complexité ni de
difficultés, je dois adopter un ordre spécial qui me servira de fil conducteur.
. Je prendrai pour point de départ la comparaison des muscles des deux cein-
tures dans l’espèce humaine, où ils sont plus généralement et plus in-
timement connus. Je discuterai soigneusement les rapports homologiques
des divers muscles, et pour cela j’appellerai à mon aide les données et les
considérations de l’anatomie comparée, qui nous seront d’un puissant secours,
et qui donneront à mes conclusions une force qu’elles ne sauraient avoir
autrement.
126 —
Les muscles des deux ceintures peuvent être divisés en plusieurs catégories :
1° ceux qui attachent la ceinture au trcnc ; 2° ceux qui unissent le premier
article du membre (bras ou cuisse) à la ceinture, ou au tronc, ou encore aux
deux à la fois; 3° ceux qui relient le second article du membre (avant-bras ou
jambe) à la ceinture; 4° à ces trois catégories, je joindrai les muscles qui relient
le premier article du membre au second, à cause des relations intimes qu’ils
contractent avec quelques-uns des muscles des trois premières catégories.
Ces catégories sont, on le voit, assez nombreuses, et si elles devaient nous
servir rigoureusement de classification dans notre étude, elles créeraient de
très-grandes difficultés. 11 arrive en effet que tel muscle, qui dans Tune des
deux ceintures relie plusieurs parties du squelette, n’est représenté dans l’au-
tre ceinture que par un muscle dont les connexions sont plus restreintes, et
qui ne correspond en réalité qu’à une portion du premier muscle. Toutefois
le groupement précédent a quelque chose d’assez naturel pour qu’on doive
le suivre, quoique de loin.
Il est du reste un autre point de vue auquel je dois me placer dans cette
étude, et qu’il faut combiner avec le précédent : c'est la considération des
éléments osseux sur lesquels s’attachent les muscles. C’est ainsi que, suivant
qu’ils s’insèrent sur telle ou telle partie de la ceinture pelvienne je serai
appelé à distinguer des muscles iliaques, épiiliaques ; des muscles ischia-
tiques, épiischia tiques ; coracoïdiens, épicoracoïdiens ; précoracoïdiens, et
épiprécoracoïdiens.
C’est en me plaçant à cedoublepoint de vue que je vais considérer succes-
sivement les divers muscles dont les homologies intéressent l’étude des deux
ceintures.
PREMIÈRE CATÉGORIE.
Muscles rattachant les deux ceintures au tronc. — Les muscles qui
rattachent les ceintures au tronc diffèrent très-notablement dans les deux
ceintures. Cela s’explique naturellement par les différences très-impor-
tantes que présentent les deux ceintures dans leur mode d’attache au
tronc. Tandis que l’épaule est simplement suspendue, et par conséquent
mobile, la ceinture pelvienne est solidement fixée. Il en résulte que les
muscles suspenseurs et moteurs doivent avoir à l’épaule un développement
notable, tandis qu’au bassin ces muscles doivent faire défaut d’une ma-
niérée omplète ou presque complète. Ils subissent le sort des muscles inu-
tiles, qui se transforment en ligaments fibreux, en aponévroses, et qui vont
jusqu’à disparaître entièrement sans laisser de trace lorsqu’ils n’ont pas
même à jouer le rôle de moyens fixateurs.
Les muscles qui rattachent au tronc la ceinture sont, chez l’Homme :
Le trapèze ;
Le rhomboïde ;
L’angulaire de l’omoplate ;
Le grand dentelé ;
L’omo-hyoïdien ;
Le petit pectoral.
Les muscles qui rattachent au tronc la ceinture pelvienne sont :
Le grand oblique de l’abdomen ;
Le petit oblique ;
Le transverse ;
Le carré des lombes ;
L’ischio-coccygien ;
Le droit antérieur et le pyramidal.
Cherchons les homologies rationnelles et non simplement apparentes qui
peuvent exister entre ces divers muscles.
Grand oblique, petit oblique, transverse de l’abdomen. — Quels sont
les muscles qui dans la ceinture thoracique correspondent aux trois muscles
abdominaux : grand oblique, petit oblique et transverse ?
ïl est à peine nécessaire de démontrer que le grand oblique est représenté
dans le thorax parles muscles intercostaux externes, le petit oblique par les
intercostaux internes, et le transverse par le triangulaire du sternum. Les
rapports des muscles avec les côtes, leur mode d’insertion, les directions des
fibres, sont identiques dans les deux cas, et les homologies ne sont pas dou-
teuses. Mais alors il est digne de remarque que, tandis qu’au bassin ces mus-
cles contractent des rapports considérables avec les os iliaques, à l’épaule
leurs homologues sont entièrement étrangers aux os de la ceinture corres-
17
1 28 -
pondante. Il convient d’expliquer ces différences considérables de relations.
Au thorax, les parois osseuses de la cavité viscérale se continuent en avant
jusqu’à la ligne médiane, et se complètent de manière à former une cage ré-
sistante et solide dans tout son pourtour. La ceinture thoracique est située
tout à fait en dehors de cette cage solide, et n’entre pour rien dans la con-
stitulion des parois proprement dites de la cavité viscérale.
Dans la région abdominale, au contraire, la portion solide et osseuse de
la cavité viscérale est limitée à une bande postérieure médiane, formée par
la colonne lombaire et par le sacrum. Les portions latérales et antérieure des
parois de la cavité sont composées de parties molles musculaires et fibreuses
qui forment inférieurement une sorled’infundibulum aponévrotique pourvu
de quelques orifices (canal inguinal, canal sous-pubien ou obturateur, orifice
pour le passage du rectum, orifice pour le passage de l’urèthre, orifices vas-
culaires, etc.). Il en résulte donc que les parties molles des parois propres
de la cavité viscérale, formées au niveau de l’abdomen par les muscles obli-
ques et transverses et leurs aponévroses, sont continuées dans la cavité pel-
vienne par une simple couche aponévrotique qui est connue sous les noms de
fascia iliaca et d’aponévrose supérieure du périnée. A ce niveau, la ceinture
correspondante vient, comme à la région thoracique, mais d’une manière
bien plus complète, embrasser non-seulement la portion solide des parois
abdominales (sacrum), mais encore les parois molles ou aponévrotiques
(aponévrose périnéale ou pelvienne supérieure). Mais, tandis que dans la ré-
gion thoracique les parois de la cavité viscérale, ayant une consistance
propre suffisante, peuvent conserver leur autonomie et rester indépendantes
de la ceinture scapulaire; à la région pelvienne, les parois molles et dé-
pourvues de solidité doivent emprunter la consistance qui leur fait défaut
aux parties osseuses de la ceinture pelvienne, sur lesquelles elles s’appuient.
Elles deviennent solidaires des os de cette ceinture. De là résultent des
adhérences sur toutes les crêtes, bords ou tubérosités qui font saillie
(crête iliaque, épines iliaques, crête pectinée, épine du pubis, détroit supé-
rieur, etc.). C’est ainsi que s’établissent entre les os de la ceinture et les
muscles et aponévroses des parois viscérales, des relations directes d’attache
et d’insertion qui n’ont rien d’analogue dans la ceinture thoracique.
Nous trouvons ici une première démonstration de cette loi que j’ai indi-
quée comme régissant les relations des saillies osseuses et fibreuses avec les
muscles qui s’appliquent sur elles sans conserver des mouvements de glisse-
ment. Des adhérences s’établissent, et les saillies osseuses deviennent secon-
dairement les points d’attache de muscles auxquels primitivement ils ne
devaient point fournir d’insertion.
On sait d’ailleurs qu’Owen* a considéré le pubis comme représentant une
côte postérieure . Les insertions des muscles larges de l’abdomen sur cette
tige osseuse sembleraient fournir une preuve importante en faveur de cette
détermination, d’ailleurs inacceptable ; mais les considérations qui précè-
dent me paraissent suffire pour expliquer à la fois la différence des rapports
que les muscles des parois viscérales contractent avec les deux ceintures, et
l’insertion de ces muscles sur la ceinture pelvienne.
Grand droit antérieur de l’abdomen et pyramidal. — Ce qui vient d’être
dit des muscles larges est également applicable aux muscles droits antérieurs
de l'abdomen et pyramidaux. Les muscles droits représentent à la région
abdominale la série de muscles médians antérieurs longitudinaux qui, com-
mençant en haut avec les muscles frontaux, pyramidaux, releveurs superficiels
delà lèvre supérieure et du nez, peaucier, génio-byoïdien, sterno-thyroïdien,
et, interrompue chez l’Homme au niveau de la région sternale, recommence
an niveau de la région abdominale, où elle forme le droit antérieur.
Au niveau de la face antérieure du sternum et des cartilages des vraies
côtes, cette bande musculaire subit la loi des muscles dont l’action est inu-
tile, et qui sont sans glissement sur les surfaces osseuses ou fibreuses. Ils
sont remplacés par une aponévrose qui adhère aux surfaces osseuses ou
fibreuses sous-jacentes. Plusieurs preuves peuvent être invoquées en faveur
de celte sériation des muscles longitudinaux médians.
i° Les muscles sterno mastoïdien et sterno-thyroïdien présentent assez
souvent des intersections aponévrotiques comparables à celles du grand droit
de l’abdomen.
2° La continuité de la série interrompue au niveau de la région sternale
est quelquefois rétablie dans des cas anormaux qui offrent de l’intérêt à cet
1 Owen; Recherches sur f Archétype., trad. franc., 1875.
1 ôO -
égard. Wood'a décrit chez l’Homme, sous le nom d esvpracustal, un muscle
anormal formant une bande musculo-aponévrotique verticale qui, partant,
soit du fascia cervical, soit de la première côte, recouvrait les trois ou quatre
premières côtes, près des cartilages costaux. Wood cite plusieurs cas de ce
genre qu’il a observés lui-même, et d’autres dus à Lacalister, au professeur
Turner (d’Edimbourg), au Dr Roberts, à Bochdalek et à Pye-Smith.
Mais il y a une autre forme de ce muscle anormal qui, partant du bord
supérieur du manubrium sternal, forme une bande étendue sur les trois ou
quatre premiers cartilages costaux et les portions voisines des côtes, et con-
stitue là un véritable sterno-costal. 11 se termine inférieurement par une
aponévrose qui atteint l’aponévrose des muscles abdominaux. J’ai observé
dernièrement un muscle semblable des deux côtés sur un Homme.
Boerhaave et Portai ont du reste trouvé le grand droit remontant, chez
l’Homme, derrière le grand pectoral, jusqu’à la troisième côte et jusqu’à la
deuxième.
5° L’anatomie comparée, dont ces anomalies sont des réminiscences, per-
met de saisir les rapports de continuité que je signale.
Ainsi, Turner considère le supracoslal de Wood comme l’homologue de
la prolongation thoracique du grand droit des Mammifères, qui, chez le
Chat, la Loutre , le Castor, le Porc-Épic et divers autres Mammifères,
s’étend en haut jusqu’à la première côte, et y forme le rectus thoracicus
de Turner.
L’intervalle qui, dans les anomalies citées plus haut, sépare le supra-
costal du grand droit, peut, d’après cet auteur, être considéré comme une
des intersections aponévrotiques que l’on trouve invariablement dans le
grand droit de l’Homme et d’un grand nombre de Mammifères.
Dans le Crocodile, le professeur Rolleston1 2 a décrit un faisceau muscu-
laire qui part du deuxième cartilage costal et peut être considéré comme
l'homologue du segment antérieur du droit de l’abdomen. 11 se termine par
un tendon délicat qui se perd dans le sillon coracoïde sur le sternum, et à
l’origine du grand pectoral.
1 J. Wood; On a Group of Varieties of the Muscles of the Human Neck, Schoulder ancl
Chest , etc. [Philos. Transactions. Vol, 160, Part I. pag. 83, 1870.
2 Rollestoo ; Mémoire The Homologies of certain Muscles connecled with the Shoulder -joint.
151
En réalité, le muscle grand droit de l’abdomen est, comme les muscles
larges, un muscle des parois viscérales qui adhère a l’épine du pubis et à
la crête du pubis près de Sa symphyse, comme les muscles larges ont adhéré
au pourtour du détroit supérieur du grand bassin.
Carré des lombes. — Quant au carré des lombes, c’est bien réellement
un muscle inter-transversaire très-développé latéralement et qui a atteint la
région costale. Ses congénères à la région cervicale (inter-transversaires et
scalènes) sont sans relations directes avec la ceinture thoracique. A la région
pelvienne, le carré des lombes ne prend sur le bord supérieur de l’iléon que
des insertions assez limitées, car il s’attache principalement sur une arcade
ou ceinture aponévrotique qui semble la continuation du ligament iléo-lom-
baire. Les adhérences du carré des lombes sur la crête iliaque s’expliquent
comme celles des muscles précédents, et je ne crois pas avoir besoin d’in-
sister.
Trapèze. — Le trapèze del’LIomme forme un muscle unique qui résulte
de la fusion de deux masses musculaires nettement distinctes chez les Mam-
mifères non claviculés. L’une s’insère à la crête de l’épine de l’omoplate et
de l’acromion ; l’autre est claviculaire. La portion scapulo-acromiale, la seule
dont je m’occupe actuellement, a des insertions fixes sur le sommet des
apophyses épineuses des vertèbres cervicales et de la plupart des dorsales,
et sur les ligaments inter-épineux correspondants. 11 n’est pas représenté
à la région pelvienne, ou ne l’est, dans tous les cas, que par les fibres super-
ficielles de l’aponévrose, qui recouvre la masse commune des muscles des
gouttières vertébrales à la face postérieure des régions lombaire et sacrée,
et qui se confond avec l’aponévrose d’insertion du grand dorsal. Une aponé-
vrose remplace donc le muscle trapèze, dont l’existence était rendue inutile
par la fixité de l’iléon. Le muscle faisant défaut, l’épine du scapulum fait
également défaut.
Rhomboïde. — Le rhomboïde, qui est placé immédiatement au-dessous
du trapèze, et qui, partant du sommet des apophyses épineuses des dernières
vertèbres cervicales et des quatre ou cinq premières dorsales, et des ligaments
132
inlerépineux correspondants se rend aux deux tiers inférieurs de l’épisca-
pulum, n’est également pas représenté comme muscle à la région pelvienne,
il est, comme le trapèze, virtuellement compris dans l’aponévrose d’insertion
des muscles grand dorsal et petit oblique, aponévrose qui s’étend du sommet
des apophyses épineuses des vertèbres lombaires et sacrées aux deux tiers
postérieurs de l’épiiléon. Au reste, les fibres superficielles de cette aponé-
vrose complexe présentent des directions obliques de haut en bas et de
dedans en dehors, qui rappellent la direction des fibres des deux muscles
précédents.
Angulaire de l’omoplate. — L’angulaire de l’omoplate, étendu des tuber-
cules postérieurs des apophyses transverses des trois, quatre, et quelquefois
cinq premières vertèbres cervicales, à la portion supérieure de l’épiscapn-
lum, est un muscle plat rubané, subdivisé supérieurement en digitations, et
qu’il est naturel de considérer comme un faisceau divergent et cervical du
grand dentelé, c’est-à-dire de cet ensemble de faisceaux musculaires allant du
bord spinal de l’omoplate ou épiscapulum aux appendices latéraux (apophyses
transverses ou côtes) des vertèbres cervicales et thoraciques, et dont les
digitations ont une importance et une direction qui varient avec le volume
et l’étendue de ces appendices. La relation que j’établis ici entre l’angu-
laire de l’omoplate et le grand dentelé trouve une démonstration non sans
valeur dans les cas anormaux assez nombreux où l’angulaire de l’omoplate
naît des apophyses transverses de toutes les vertèbres cervicales, et même
de la deuxième côte et de l’apophyse mastôide. 11 y a dans ces cas une cou
tinuité d’insertions remarquable qui comble l’intervalle compris ordinaire-
ment entre les deux muscles. J’exposerai du reste, à propos de l’omo-
hyoïdien, le mécanisme par lequel s’est opérée la divergence de ces muscles
cervicaux. 11 est logique de considérer l’angulaire comme ayant subi au
bassin le sort du trapèze, du rhomboïde et du grand dentelé, auquel il ap-
partient, et de penser que, devenu muscle inutile, il s’est réduit à l’état de
ligaments fibreux. Les ligaments iléo-lombaires supérieurs et inférieurs qui
vont des apophyses transverses des deux dernières lombaires à la moitié pos-
térieure de l’épiiléon, sont des angulaires fibreux dont la force, la nature et
la situation par rapport à l’épiiléon sont en harmonie avec les fonctions
qu’ils ont à remplir, et avec la position de l’iléon par rapport à la colonne
lombaire.
Omo-iiyoïdien. — L’omo- hyoïdien (étendu du bord supérieur du scapu
Inm, derrière l’échancrure coraco'idienne dans une étendue de 1 à 5 centim.,
au bord inférieur du corps de l’hyoïde en dehors du cléido-hyoïdien) est
un muscle tenseur d’aponévrose dont la force, la disposition ou le nombre
même varient assez souvent. 11 est quelquefois double, et M. Cruveilhier
cile un cas où le muscle accessoire, plus considérable que le muscle nor-
mal, naissait près de l’angle supérieur et interne du scapulum. Ce muscle
doit, à mon avis, être considéré comme un faisceau supérieur et divergent
du grand dentelé ; il faut remarquer en effet que ce dernier muscle, qui est
scapulo— costal , a une première digitation très-large qui, naissant de la pre-
mière et de la deuxième côte, va s’insérer à la face interne de l’angle posté-
rieur et supérieur de l’omoplate. Les anomalies que je viens de citer plus
haut nous font toucher du doigt la continuité à ce niveau du grand dentelé
et de l’omo-hyoidien, et nous permettent de concevoir ce dernier muscle
comme une digitation cervicale et divergente qui va s’insérer à cette côte
cervicale, qui a reçu le nom d’os hyoïde. La direction ascendante et angu-
leuse du muscle nous est du reste facilement expliquée par le mode de
développement de la région cervicale. Il est une période de la vie embryon
naire où la région cervicale est réduite à des dimensions tellement faibles
qu’elle existe plutôt virtuellement que réellement. Pour l’embryon humain,
notamment, de trente-cinq et même de quarante jours et au-delà, le cou
n’est qu’un simple étranglement indiquant la séparation entre la région
céphalique et la région thoracique. A trois mois, le cou a acquis une lon-
gueur relative qui est environ la moitié de ce qu’elle sera chez l’adulte. Ceci
nous permet de comprendre clairement : i° Que l’omo-livoïdien a pu, dans
les premières périodes embryonnaires, être une digitation supérieure du
grand dentelé, digitation parallèle et contiguë aux digitations suivantes ;
2° Comment, à mesure que la région hyoïdienne s’est éloignée de la région
thoracique, la digitation a acquis cette obliquité de parcours quelle a chez
l’adulte. La direction brisée et anguleuse du muscle s’explique par celte
circonstance, que le déplacement a été plus marqué pour la partie interne
154
ou hyoïdienne, qui, étant la plus rapprochée et la plus directement
dépendante de l'hyoïde, a suivi la migration en haut de cet os, plus que ne
l’a fait la partie externe ou scapulaire.
La digitation omo-hyoïdienne du grand dentelé n’a pu, à cause de l’im-
portance relative des parties, acquérir un développement parallèle à celui
des digitations omo-costales, et il en résulte, entre les insertions de la pre-
mière et celles des secondes, un intervalle qui est parfois comblé cà l’état
normal, et qui se comble notamment dans les cas anormaux cités plus
haut.
L’existence normale de ce faisceau divergent et cervical du grand dentelé
trouve du reste son explication et son pendant, dirai-je, dans le développe-
ment anormal, chez l’Homme, d’un faisceau divergent et cervical du rhom-
boïde. Wood a décrit en effet, sous le nom d’occipito-scapulaire, un faisceau
placé sous le trapèze, qui, partant du bord spinal de l’omoplate, au niveau
de la partie supérieure du rhomboïde, avec lequel il est confondu à ce niveau,
va s’attacher sur l’occipital en dedans du splénius et sous le trapèze. Wood
cite cinq ou six cas semblables, dont l’un existait chez un sujet des deux
côtés. On retrouve un muscle semblable chez quelques Carnivores qui sont
pourvus d’un rhomboideus major, d’un rhomboideus minor, d’un occipito-
scapularis et d’un levator anguli scapulæ inséré sur la crête mastoïdienne
de l’occipital ( Meles taxas ou Blaireau, Canis, etc.). On le trouve aussi chez
la Taupe, chez le Surmulot ( Mus decumanus ), etc. Chez les Suidés, il y a
aussi un faisceau du rhomboïde qui s’insère à la protubérance occipitale. Cet
occipito-scapulaire anormal de l’Homme et normal chez quelques animaux,
où il a été appelé rhomboideus capitis par Cuvier, rhomboideus anterior par
Meckel, levator scapulæ minor vel posteriori Douglass et Burmeister, est
pour le rhomboïde dorsal ce qu’est le muscle omo- hyoïdien pour le grand
dentelé ventral. Ce sont des languettes cervicales et divergentes des deux
muscles que l’élongation progressive du cou a détachées du bord supérieur
des muscles thoraciques, auxquels elles appartenaient.
Le muscle omo-hyoïdien, qui manque à la région cervicale chez la plupart
des Mammifères, où l’élongation démesurée du cou rendait son existence
inutile et son action impossible, n’est pas représenté à la région pelvienne
d’une manière distincte. 11 n’y a pas d’ailleurs dans cette région de raison
pour le considérer comme divergent et séparé du muscle principal, et la
recherche de son homologue sera implicitement renfermée dans l’examen
que je vais faire des parties qui pourraient, au bassin, représenter le grand
dentelé thoracique.
Grand dentelé. — Le grand dentelé est, à l’épaule, un muscle très-étendu,
et se compose de trois portions distinctes qui correspondent aux trois régions
de l’épiscapulum. La première portion, ou portion supérieure, s’insère à la face
interne de l’angle supérieur et postérieur de l’omoplate (PI. VI, fig. 12)
et va à la première et à la deuxième côte. La seconde portion, ou portion
moyenne, s’insère sur toute la longueur du bord spinal de l’omoplate et se
rend aux trois côtes suivantes. La troisième portion, ou portion inférieure,
la plus volumineuse, estformée par un gros faisceau qui s’insère sur la face
interne de l’angle inférieur de l’omoplate (PL VI, fig. 12 , surf. rvg.) et
fournit six digitations aux six côtes suivantes. C’est donc essentiellement un
muscle de la surface interne de l’épiscapulum, dont les trois insertions
peuvent se reconnaître clairement sur la / Ig . 12 de la PL VI. A ces inser-
tions correspondent des inégalités en forme de crête qui constituent, no-
tamment au niveau de l’angle inférieur et de l’insertion de la portion infé-
rieure, une surface inégale, rugueuse, de forme triangulaire, surf. rug. De
ces insertions scapulaires, le grand dentelé se porte en avant vers les côtes,
sur lesquelles il s’applique, étant situé par conséquent entre la face interne
du sous-scapulaire qui est extérieur par rapport à lui, et la face externe
des parois thoraciques qu’il recouvre.
Un muscle qui, à la région pelvienne, serait l’homologue du grand den-
telé, devrait s’insérer sur toute la longueur de la face interne de l’épiiléon,
(PL VI, fig. 13) et aurait une première portion naissant de la face interne
de l’épine iliaque antérieure et supérieure, une deuxième portion naissant
de la face interne de toute la longueur de la crête iliaque, et enfin une
troisième portion naissant de la face interne de l’angle postérieur de l’iléon
(PL VI, fig. 13, surf. rug.). Nées de ces trois insertions, les fibres muscu-
laires devraient former un plan qui, appliqué sur la face interne du muscle
iliaque et de l’os iliaque en arrière, se dirigerait vers le détroit supérieur
et la cavité du petit bassin. Mais les parois costales ne s’étendent qu’à une
18
faible distance de la colonne vertébrale pour former le sacrum. Sur le reste
du pourtour de la cavité viscérale, les parois de la cavité ne sont représentées
que par l’aponévrose pelvienne supérieure, qui recouvre le psoas iliaque et
qui adhère au détroit supérieur pour tapisser la cavité viscérale du petit
bassin. Cette partie aponévrotique de la cavité viscérale, dépourvue de toute
partie osseuse et dénuée de toute mobilité, correspond précisément aux
portions supérieure et moyenne du grand dentelé scapulaire. 11 p’est donc
pas étonnant que ces portions fassent ici entièrement défaut. Il n’y a ni os
ni mouvements possibles, il n’y a conséquemment pas démuselés. Toutefois,
vers la partie postérieure, quelques fibres ligamenteuses appartenant au
ligament sacro-iliaque supérieur, et étendues de la base du sacrum à la
portion voisine de l’épiiléon, peuvent être légitimement considérées comme
représentant une partie de la portion moyenne du muscle.
Quant à la troisième partie du grand dentelé, elle se trouve dans de tout
autres conditions. Ace niveau, l’angle postérieur de l’iléon embrasse les côtes
sacrées, et il y a place pour des moyens d’union entre les deux os. Dans
leur intervalle se trouvent situées, en effet, des fibres ligamenteuse serrées,
puissantes, qui vont de la face interne de l’angle postérieur de l’iléon à la
face externe des côtes sacrées, et qui, sous le nom de ligament inlerosseux,
remplissent l’excavation profonde comprise entre les deux os, et constituent
leur plus solide moyen d’union. Je ferai remarquer que la surface iliaque
d’insertion de ce ligament interosseux (PI. VI, fig. 13, surf, rug.) cor-
respond d’une manière très-exacte à la surface d’insertion de la portion in-
férieure du grand dentelé sur le scapulum (PI. VI, fig. 12, surf, rug.)
et que les deux saillies qui sont connues sous le nom d’épines iliaques pos-
térieures sont également représentées à la région scapulaire. Seulement,
tandis que dans le bassin s’est formé, au niveau de l’épine iliaque posté-
rieure et inférieure (PI. VI, fig 13, fac. aur. ), une surface articulaire dite
auriculaire, encroûtée de cartilage et dépourvue de ligament interosseux ;
cette modification ne s’est pas produite sur le scapulum , qui est resté
mobile sur la face interne des parois thoraciques, et qui n’a pas contracté avec
les côtes des relations de contiguïté symphysaire. La surface auriculaire
ne dépend pas d’ailleurs de l’épiiléon, mais de l’iléon axial, et appartient
par conséquent moins exactement à la région d’insertion du grand dentelé.
157
Les relations que je viens d’établir entre les ligaments interosseux sacro-
iliaques et la troisième portion du grand dentelé pectoral trouvent une
sorte de confirmation dans les dispositions du grand dentelé chez certains
Vertébrés. C’est ainsi que, chez les Ornithodelphes, le grand dentelé, né des
quatre premières côtes, va s’insérer sur l’angle postérieur de l’épiseapulum.
Or, comme on pourra facilement s’en convaincre par l’examen du squelette
de ces intéressants Mammifères, leurscapulum est la reproduction vraiment
remarquable . de l’iléon de certains Mammifères et présente de plus, par
rapport au thorax, une situation et une direction qui se rapprochent extrê-
mement de ce que l’on observe pour les os de la ceinture pelvienne.
L’homologie de l’angle postérieur de l’épiscapulum de ces animaux avec
l’angle postérieur de l’épiiléon ne saurait faire l’objet d’un doute.
Chez les Oiseaux, dont le scapulum est réduit pour ainsi dire à la por-
tion axiale, l’épiscapulum se trouve réduit aussi cà la portion qui représente
l’angle postérieur de l’épiscapulum des Mammifères. Aussi leur dentelé, pre-
nant naissance sur les deuxième, troisième et quatrième côtes, va-t-il s’in-
sérer sur la face profonde de l’angle postérieur du scapulum.
Chez les Reptiles, le grand dentelé est aussi un muscle épiscapulaire, et
l’onne peut par conséquent douter qu’il ne soit représenté au bassin parles
ligaments iléo-sacrés d’origine épiiliaque.
Petit pectoral et grand pectoral. — Le petit pectoral de l’Homme est
un muscle extrêmement intéressant, et dont les homologies demandent à être
longuement discutées. Avant d’aborder directement son étude, il est néces-
saire de faire un examen général des conditions de ce muscle dans la série
des Vertébrés et en particulier chez les Mammifères.
On trouve chez les Mammifères, au-dessous du muscle grand pectoral,
dont nous ferons plus tard l’étude, une couche musculaire plus ou moins
décomposée en digitations distinctes, qui part du sternum , des cartilages
costaux, des côtes et même de l’aponévrose abdominale antérieure, et qui se
porte en dehors, vers le sommet ou saillie de la région scapulo-humérale,
pour y contracter des attaches sur les diverses parties qui composent cette
région (scapulum , clavicule, humérus, précoracoïde, scromion, aponévroses
et muscles).
'i
De là, plusieurs muscles que l’on a considérés comme distincts, et qui ont
reçu des dénominations spéciales :
1° Un muscle sous-clavier, étendu du sternum ou du premier cartilage
costal à la face inférieure de la clavicule ;
2° Un muscle sterno-scapulaire parallèle au sous-clavier, dont il n’est pas
toujours distinct, et considéré souvent comme un second sous-clavier. 11 a
son point de départ sur le sternum (Coali, d’après Meckel), ou sur le sternum
et la première côte (Taupe, d’après Wood), ou sur la première côte ( Dasy -
pus sexcinctus ), ou sur les deux premiers cartilages costaux et sur la partie
adjacente du sternum (Fourmilier du Cap), et va s’attacher :
a. Sur l'acromion et sur le ligament acromio-claviculaire (Taupe);
b. Sur l’acromion et le fascia sus-épineux ( Dasypus sexcinctus , d’après
Gallon);
c. Par quelques fibres rares à la clavicule, et par toutes les autres fibres
qui passent sous cet os, au coracoïde, à ses ligaments, au fascia sus-
épineux, et au bord de l’acromion (Fourmilier du Cap, d’après Humphry).
Ce muscle est peu indiqué chez les Carnivores. Chez la Belette, il y a un
faisceau musculaire détaché du pectoral, qui, naissantsurle manubrium, passe
sur la tubérosité humérale et se continue sur le sus-épineux pour s’insérer
avec lui sur le bord supérieur et antérieur du scapulum. Chez le Chien,
quelques fibres du grand pectoral sont différenciées et vont s’attacher au
sus-épineux. Chez l’Hyène, il y a un muscle très-large qui va du sternum et
du premier cartilage costal au bord supérieur du scapulum.
Chez les Rongeurs, le muscle sterno-scapulaire est plus prononcé, mais
plus ou moins confondu avec le sous-clavier, le scapulo-claviculaire et le
sterno-claviculaire.
Chez le Lapin, il y a un ensemble de muscles qui ont été considérés par
Krause comme un petit pectoral, et par Cuvier comme un sous-clavier. Ce
groupe forme un muscle aplati, placé sous le grand pectoral, dont il ne se
distingue guère au voisinage de la ligne médiane. Il se compose de deux
couches, l’une superficielle et l’autre profonde.
5» La couche superficielle, triangulaire, naît du sternum et se porte à la
clavicule osseuse et au ligament claviculaire externe. C’est un gros muscle
sterno-claviculaire.
i59
4° La couche profonde naît du manubrium, du processus supra-sternal ou
présternum, et de la face inférieure du sternum» et, passant sous le ligament
claviculaire interne et sous la clavicule, va former une couche musculaire
épaisse sur le muscle sus-épineux, et s’insérer avec lui sur le bord antérieur
du scapulum et sur l’aponévrose sus-épineuse. C’est là un muscle sterno-
scapulaire très-large.
5° Du bord antérieur de la clavicule naît un muscle large qui va à l’épine
du scapulum, sur le bord supérieur de laquelle il s’insère. C’est pour ainsi
dire la continuation du sterno-claviculaire jusqu’au scapulum, et on doit le
désigner sous le nom de scapulo-claviculaire. Ce muscle est encore plus dis-
tinct chez le Surmulot ( Mus decumanus ) et chez le Cochon d’Inde (Cavia
vulgciris) .
6° et 7° En outre, se trouvent, en arrière, des bandes musculaires contiguës
avec les précédentes, et qui se portent, soit sur le trocbiter et la crête sous-
trochitérienne pour former le slerno-trochitérien, soit sur le trochin, pour
former le slerno-trochinien.
8° et 9° Quelques fibres enfin s’insèrent sur la capsule articulaire, et quel-
ques autres, rares, à l’apophyse coracoïde.
Tel est l’ensemble de faisceaux musculaires qui constituent le petit pec-
toral, ou pectoral profond du Lapin, et que l’on retrouve, avec de faibles
différences, chez le Cochon d’Inde et chez le Surmulot.
Chez 1 ’Hyrax Capensis, le sterno-scapulaire naît du sternum en avant
de l’origine du petit pectoral, et va s’insérer sur l’angle supérieur et antérieur
du scapulum.
Chez l’Agouti à crête, le sterno-scapulaire se compose de deux parties :
une large, venant du sternum, et une petite, venant du manubrium et des
premières côtes. Quelques fibres de la grande portion sont attachées à la
clavicule (sterno-claviculaire), et les autres rejoignent la petite portion, pour
s’insérer près de l’angle supérieur et antérieur du scapulum et sur le fascia
sus-épineux.
Chez le Lièvre, il y a un large sterno-scapulaire dont se détache un petit
sterno-claviculaire ou sous-clavier.
Chez l’Écureuil, il y a un sterno-scapulaire et un sterno-claviculaire.
Chez les Pachydermes et Ruminants, le sterno-scapulaire atteint le plus
140
haut degré de développement, et surtout chez l’Éléphant, l’Hippopotame,
les Peccari, le Porc, le Cheval et l’Ane. 11 forme chez ces grands animaux
un support musculaire puissant, en forme de sangle suspendue entre les
deux membres antérieurs et supportant la partie antérieure du corps.
Chez l’Hippopotame, Gratiolet décrit le muscle sterno-scapulaire comme
naissant du coracoïde, de l’acromion et du fascia sus-épineux et comme
inséré sur le manubrium et sur le premier cartilage costal. 11 le considère
comme l’homologue du sous-clavier. 11 serait plus juste de dire que cette
homologie ne se rapporte qu’à une faible partie du premier muscle.
Voici, d’après mes dissections, la disposition de ce muscle chez quelques
animaux non claviculés.
Chez le Mouton, cet ensemble de muscles se compose des deux couches
dont les fibres ont des directions différentes, se croisant obliquement. La
couche superficielle est antérieure. Elle est à peu près transversale et s’insère
sur presque toute la longueur du sternum, et sur les cartilages costaux des
quatre ou cinq premières côtes. Ces fibres s’insèrent d’autre part : 1° sur
le trochiter, la crête sous-trochitérienne, l’aponévrose brachiale et même
jusque sur le fascia sous-épineux ; et T sur le fascia sus-épineux. C’est le
muscle sterno-préscapulaire des vétérinaires.
La portion postérieure et profonde se porte plus obliquement en arrière,
s’insérant sur la partie postérieure du sternum, le xiphisternum et l’aponé-
vrose abdominale. Cette portion est plus considérable que la première. Elle
s’insère d’autre part au trochin par la plus grande partie de ses fibres et à
l’apophyse coracoïde par un beau ruban tendineux qui se confond avec le
tendon du coraco-brachial. C’est le sterno-trochinien des vétérinaires.
11 en est de même chez le Cheval, chez le Porc.
Chez le Bœuf, le muscle petit pectoral est moins étalé que chez le Mou
ton. 11 est fort nettement séparé du grand pectoral par les vaisseaux et nerfs
pectoraux. Ses insertions centrales ont lieu sur toute la longueur du sternum
et sur la partie antérieure de l’aponévrose abdominale. Ses insertions péri-
phériques se groupent en trois faisceaux. Un premier faisceau charnu super-
ficiel contourne la saillie de l 'épaule et se porte en haut, pour s’insérer sur
l’aponévrose sus-épineuse, et parla sur l’épine de l’omoplate et les bords de
la fosse sus-épineuse. Un deuxième faisceau charnu, placé en arrière du pré-
141
cèdent, s’insère sur la tubérosité trochinienne de l’humérus ; et enfin un troi-
sième faisceau se porte en haut et en arrière, formant un beau tendon large
et aplati caché sous le faisceau préscapulaire, et va s’insérer surtout le bord
interne de l’apophyse coraco'ide, en même temps que le coraco-brachial qui
le recouvre, mais dont il est parfaitement distinct. Chez le Bœuf, le muscle
est donc sterno-préscapulaire, sterno-trochinien et sterno-précoraco'idien.
J’insiste à dessein sur ces descriptions, qui me sont propres, parce que,
même dans nos meilleurs Traités d’anatomie vétérinaire, les insertions
précoracoïdiennes de ce muscle sont entièrement méconnues, quoiqu’elles
soient très-remarquables’ .
Chez les Marsupiaux, ce muscle s’insère sur le scapulum et le facia sus-
épineux. Chez le Wombat, d’après Galton, il s’étend à travers le fascia sus-
épineux, jusque sur l’épine scapulaire.
Pour résumer les diverses dispositions principales de ce groupe de muscles,
on voit que la couche de muscles allant du tronc au moignon scapulo-
huméral et placés sous le grand pectoral, se disposent de la façon suivante.
Les divers éléments peuvent être plus ou moins distincts. Mais chez les
animaux lourds, massifs et dépourvus entièrement de clavicule, ces muscles
forment une masse continue, présentant des insertions multiples sur les
régions scapulo-humérales, et englobant tous les éléments divers de la cou-
che musculaire.
Chez les autres animaux semi-claviculés ou à clavicule parfaite, les élé-
ments de la masse claviculaire se différencient plus ou moins. Le sous-clavier
peut être distinct ou être englobé dans la masse du sterno-scapulaire. Chez
certains animaux semi-claviculés, tels que le Lapin, les éléments sont encore
assez confondus ; mais chez d’antres, tels que le Surmulot, le sous-clavier
et le sterno-scapulaire sont séparés ; le scapulo-claviculaire est très-accusé,
tandis que le sterno-claviculaire semble manquer entièrement. Chez le Co-
chon d’înde, au contraire , le sterno-claviculaire, le scapulo-claviculaire et
le sterno-scapulaire, sont très-distincts.
Chez les animaux claviculés dont les pattes antérieures servent de mains,
1 Voir Chauveau et Arloing ; Traité d’anat. comp. des animaux domestiques, 1870
142 —
la distinction entre les éléments sous-clavier, sterno-claviculaire etscapulo-
claviculaire, devient encore plus prononcée.
En un mot, quand la clavicule existe, elle forme pour ainsi dire une
intersection osseuse plus ou moins complète sur le trajet de la masse mus-
culaire sterno-scapulaire des animaux non-claviculés, d’où résulte une dis-
tinction plus ou moins prononcée et plus ou moins parfaite des éléments
sus-nommés. Enfin, l’élément sterno-claviculaire prend un développement
plus prononcé chez les Mammifères fouisseurs ou volants (Chéiroptères),
Chez la Taupe et la Chauve-Souris, ce muscle est large et puissant : il s’in-
sère sur la moitié de la face externe du sternum, et va de là sur la clavi-
cule, à côté de l’origine du deltoïde.
Chez les Oiseaux, le moyen pectoral de Yicq-d’Azyr, ou second pectoral
d’Owen, s’insère sur la base de la crête du sternum et sur la partie
moyenne de la face inférieure de cet os, sur la face inférieure du coracoïde,
sur le bord externe et la face profonde de la clavicule, et sur la membrane
sterno-cléido-coracoïdienne. Parties de là, ses fibres se réunissent sur un
tendon qui contourne l’os coracoïdien, s’engage dans le trou formé par la
clavicule, l’os coracoïde et l’omoplate, et, se réfléchissant sur l’extrémité
supérieure du coracoïde, glisse sur la tête de l’humérus et va s’attacher au
tubercule supérieur de la crête pectorale ou trochilérienne. Ce muscle, que
M. Alix a considéré comme un sus-épineux , au mépris de toutes les règles
d’une méthode rationnelle de détermination, a été récemment comparé au
sous-clavier par Selenka'. Cette comparaison n’est pas absolument juste,
puisque le sous-clavier s’étend des côtes ou du sternum à la clavicule, et
non de la clavicule à l’humérus. Le sous-clavier proprement dit n’existe pas
chez, les Oiseaux. Mais le muscle que je viens de décrire correspond plus
particulièrement aux portions sterno-humérales du petit pectoral des Mam-
mifères, portions auxquelles sont venus se joindre un faisceau cléido-humé-
ral qui, chez les Mammifères, appartient au grand pectoral, et un faisceau
coraco-huméral qui ne saurait exister chez les Mammifères qui n’ont pas de
coracoïde, mais qui, chez les Mammifères à coracoïde , c’est-à-dire les
Ornithodel plies, est représenté par les faisceaux coraco- huméraux, qui ont
1 Archives Néerlandaises, 1870.
î 45
été considérés par Owen comme formant le petit pectoral et la portion anté-
rieure du deltoïde de l’Ornithorhynque.
Chez les Oiseaux, la portion sterno-costo-prècoracoïdienne du muscle
petit pectoral n’existe pas d’une manière évidente, ce qui n’a pas lieu de
surprendre, puisque le précoracoïde des Carinates est extrêmement rudi-
mentaire. Mais la portion costo -scapulaire y est représentée par un faisceau
qui, naissant du bord antérieur et de la face externe des deux premières
côtes sternales, se porte en haut et en dehors pour s’insérer sur la face in-
terne de l’omoplate, près de l’articulation. Ce faisceau, queM. Alix a englobé
dans la description du grand dentelé comme faisceau antérieur de ce muscle,
en est tout à fait distinct et séparé par un intervalle , de l’aveu même de
cet auteur, et c’est un véritable costo -scapulaire représentant exactement le
muscle sterno-costo-scapulaire des Sauriens kionocrâniens (que nous étu-
dierons plus loin), muscle séparé comme lui des dentelés par les nerfs du
plexus brachial, et faisant comme lui partie du petit pectoral.
Il existe de plus, chez les Oiseaux, un muscle court qui, partant de l’angle
antérieur et latéral du sternum, va s’insérer sur le coracoïde. Ce muscle
sterno-coracoïdien est divisé en deux parties : l’une superficielle et l’autre
profonde. Le sterno-coracoïdien superficiel part de la face externe de l’angle
antérieur et latéral du sternum, pour se rendre sur le bord externe de l’extré-
mité sternale du coracoïde. Chez la Buse [Falco buteo), où j’ai eu l’occasion
de le disséquer, ce muscle partait non -seulement de l’angle externe et anté-
rieur du sternum, qu’il recouvrait dans une certaine étendue, mais aussi des
portions sternales des quatre premières côtes. De là, les fibres convergeaient
vers la partie externe de l’extrémité sternale du coracoïde. Il en est de même
chez l’Aigle. Le sterno-coracoïdien profond s’insère sur le bord antérieur de
l’angle antéro-latéral du sternum, et s’étale en éventail sur l’espace triangu-
laire que présente en arrière la face profonde du coracoïdien.
Ces deux muscles peuvent être considérés comme un même muscle, sé-
parés par le coracoïdien très-dé veloppé. Si ce dernier os était en effet raccourci
et ne venait point s’articuler directement sur le sternum, les deux muscles
ne formeraient qu’une seule et même masse musculaire. Owen dit que ce
muscle peut être regardé comme une portion du petit pectoral ou comme
l’analogue du sous-clavier. C’est en effet une portion du petit pectoral, por-
19
144
lion sans homologue spécial chez les Mammifères dépourvus de coracoïde,
mais qui existe chez les Monotrêmes ou Mammifères à coracoïde, et que
nous retrouverons aussi plus tard chez les Reptiles , sous le nom de slerno-
coracoïdien ou costo-coracoïdien. Chez les Monotrêmes, il y a en effet un
muscle costo-coracoïdien, étendu du segment sternal de la première côte au
bord inférieur du coracoïde.
Si nous examinons le petit pectoral chez l’Homme, nous le voyons réduit
à un petit nombre des éléments que nous avons reconnus chez les Mammi-
fères.
Les origines fixes ne s’étendent pas jusqu’au sternum, mais jusqu’aux côtes
et aux cartilages costaux.
Le sous-clavier est un muscle indépendant , représentant le sous-clavier
et une partie du sterno-claviculaire des Mammifères. Un large intervalle,
occupé par l’aponévrose coraco-claviculaire, le sépare de l’autre portion du
muscle, que l’on désigne spécialement, chez l’Homme, sous le nom de petit
pectoral. Celte aponévrose, d’ailleurs forte et résistante, représente donc le
reste du muscle sterno-costo-claviculaire.
Le muscle petit pectoral proprement dit part des troisième , quatrième
et cinquième côtes et cartilages costaux par trois digitations qui se
réunissent en un tendon aplati qui va s’insérer au bord antérieur ou interne
de l’apophyse coracoïde (précoracoïde), près de son sommet. Ce muscle sem-
blerait donc ne représenter que la portion slerno-précoracoïdienne, bien déve-
loppée chez les Mammifères non claviculés. Nous avons vu en effet chez le
Mouton, chez le Cheval, etc., cette insertion au bord interne du précoracoïde
par un tendon aplati.
Mais il faut remarquer que le tendon du petit pectoral ne s’arrête pas
entièrement sur le précoracoïde, mais qu’il est partiellement continué pat-
un beau ligament fibreux qui s’étend de la face supérieure du prècoracoïde à
l’acromion , à l’aponévrose sus-épineuse, et partiellement à la capsule arti-
culaire et au tendon du muscle sus-épineux, ligament acromio-coracoïdien
qui en réalité n’est qu’une portion du tendon du petit pectoral poursuivie
au-delà du précoracoïde jusqu’à la région sus-épineuse, jusqu’à la capsule
articulaire, à l’aponévrose et au tendon sus-épineux.
Le petit pectoral de l’Homme représente donc à la fois les portions
145 —
slerno-précoracoïdienne , sterno-acromiale , sterno-épineuse , slerno-pré-
scapulaire des Mammifères. Seulement, tandis que chez ces derniers les
portions sterno-acromiale, préscapulaire, épineuse du muscle, ne con-
tractaient aucun rapport avec le précoracoïde, qui est très-court ; chez
l’Homme, elles viennent s’appuyer sur le précoracoïde, qui est très-proémi-
nent, et y contractent des adhérences
Quant aux portions trochitérienne et trochinienne du petit pectoral des
Mammifères, elles sont représentées chez l’Homme par cette aponévrose re-
marquable qui, partant du bord externe du petit pectoral, se jette sur le
tendon du coraco-brachial et de la courte portion du biceps, et enveloppe
les tubérosités humérales, sur lesquelles elle n’adhère que très-lâchement
et qu’elle sépare de la face profonde du deltoïde, ce qui lui a valu le nom
d’aponévrose deltoïdienne profonde.
1 Je trouve une démonstration très-intéressante des idées que j'ai émises ici sur les tendons
adhérents transformés en ligaments et que j’ai désignés sous le nom détendons interrompus,
dans un fait rapporté par M. Folz ( Homologie des membres ; Journal de Physiologie. 1 8 6 3 r
pag. 69). Il s’agit d’une pièce du Musée anatomique de Lyon dans laquelle le petit pectoral
d’un Homme ne s'insérait pas à l’apophyse coracoïde, mais glissait sur la face supérieure de
cette éminence, à l’aide d’une synoviale, et allait se porter vers l’insertion du sus-épineux
sur l’humérus, en confondant son tendon avec les fibres de la capsule articulaire. Dans ce
cas, le tendon du petit pectoral, s’insérant sur une partie mobile par rapport à l’apophyse co-
racoïde, était appelé à glisser sur cette éminence osseuse, et avait conservé son indépendance.
Il n’en est pas de même quand le tendon se porte à l’acromion, c’est-à-dire sur une partie
osseuse fixe, remplaçant sur un point l’aponévrose sus-épineuse.
Sur un Singe papion que j’ai disséqué dernièrement, le petit pectoral présentait une dispo-
sition à peu près semblable à celle du sujet précédent. Les faisceaux du muscle se portaient
sur la capsule articulaire et sur la tubérosité trochitérienne de l’humérus, et glissaient sur le
sommet de l’apophyse coracoïde. Un très-petit nombre de fibres s’inséraient à cette dernière.
Les Singes fournissent d’ailleurs des termes intermédiaires très-intéressants entre l'Homme
et les Mammifères. C’est ainsi que, d’après Broca {Ordre des Primates ), le petit pectoral de
l’Orang et du Gibbon est semblable à celui de l’Homme, tandis que déjà, chez le Troglo-
dytes aubryi, le tendon de ce muscle cesse de s’insérer sur le sommet de l’apophyse cora-
coïde ; il ne fait que s’y appuyer, puis se divise en deux languettes dont l’une va se fixer sur
la base de cette apophyse, tandis que l’autre, contournant la partie supérieure de l’articulation
de l’épaule, va s’insérer sur la grosse tubérosité de l’humérus. Chez le Troglodytes niger
(i Chimpanzé noir), M. Broca n’a pas retrouvé l’insertion coracoïdienne; le tendon ne se
bifurque pas et va se fixer tout entier sur la grosse tubérosité de l’humérus. Chez tous les
Singes non anthropomorphes, ou du moins chez la plupart d’entre eux, le petit pectoral ne
s'insère plus que sur l’humérus.
- U 6
Du reste, si à l’état normal les muscles sous-clavier et petit pectoral ne
représentent pas tous les éléments de la masse musculaire dont nous avons
constaté l’existence chez les Mammifères, il n’est pas rare de trouver des
cas anormaux qui reproduisent la série de dispositions diverses observées
chez les animaux.
C’est ainsi que Wood a noté la présence d’un double sous-clavier dont la
portion supérieure correspondait au sous-clavier normal, et dont l’inférieure
naissait du sternum et du premier cartilage costal, dans un cas par un
tendon distinct, et dans un autre cas par un tendon commun avec le sous-
clavier. Ils allaient s’insérer sur le tubercule basilaire de l’apopbyse cora-
coïde et sur le ligament conoïde ou coraco-claviculaire postérieur. C’étaient
donc des muscles sterno-claviculaires interrompus sur leur passage par
l’apophyse coracoïde proéminente, et continués par le ligament conoïde,
qui est leur véritable tendon d’insertion à la clavicule. Au reste, si l’on
examine avec soin les ligaments coraco-claviculaire, cono'ide et trapézoïde,
on s’aperçoit que ces ligaments forment un tendon épanoui en éventail,
dirigé de bas en haut et de dedans en dehors, qui se continue directement
par une grande quantité de ses ûbres avec l’aponévrose sous-claviculaire,
ou coraco-claviculaire, qui, comme nous l’avons vu, représente le muscle
sterno- claviculaire atrophié chez l’Homme. Les fibres profondes seules des
ligaments adhèrent au bord interne ou antérieur de l’apophyse coracoïde.
Ces ligaments sont donc en réalité le tendon du muscle sterno-costo- clavi-
culaire, devenu adhérent, sur une portion de son parcours, par la ren-
contre d’une apophyse coracoïde proéminente. C’est un nouveau cas de
muscle ou de tendon interrompu. Par là s’éclaire la signification du ligament
coraco-claviculaire comme s’est éclairée celle du ligament coraco-acromien.
Ce sont , je le répète, des tendons qui ont adhéré à une saillie osseuse,
sur un point de leur trajet, et qui relient ainsi cette saillie à l’insertion
terminale. Mais, tandis que pour le ligament acromio-coracoïdien le muscle
subsiste et est une portion du petit pectoral, pour les ligaments coraco-
claviculaires le muscle a disparu et le tendon seul est resté.
Dans un second cas observé par Wood, chez une femme, un muscle
lusiforme gauche naissait du premier cartilage costal à côté du sternum,
et s’insérait ensuite sur le ligament sus-coracoïdien du scapulum et à la
147
base de l’apophyse coracoïde. Sur ce même sujet, une bande musculaire,
naissant de la base de l’apophyse coracoïde et du ligament sus-coracoïdien,
allait s’insérer sur le tiers externe de la clavicule. Il y avaitdonc à la fois
des représentants des muscles sterno- scapulaire , scapulo-claviculaire et
sterno-claviculaire (par le ligament conoïde).
Un troisième cas semblable a été observé par Wood. R. Wagner a signalé
un muscle allant du premier cartilage costal au bord supérieur du scapulum,
près de l’échancrure coracoïdienne. Theile, Hallelt, Gruber, également.
Les faits précédents montrent chez l’Homme l’existence anormale du
sterno-scapulaire. Des exemples de scapulo-claviculaire ne font pas défaut.
Krause a décrit sous le nom de coraco-cervicalis 'une bande venant de
l’omo-hyoïdien, de la base du coracoïde et du bord supérieur du scapu-
lum, et s’insérant sur le fascia cervical, non loin de la clavicule.
Macwhinnie cite un muscle venant du bord supérieur du scapulum, en
dedans du muscle omo-hyoïdien, et s’attachant au milieu du bord supérieur
de la clavicule.
Halletl décrit un muscle allant du bord supérieur du scapulum sur la
partie supérieure de l’articulation sterno-claviculaire.
Luschka cite une bande allant de l’origine de l’omo-hyoïdien à l’extrémité
interne de la clavicule.
Hyrth rapporte un cas semblable.
Aux cas cités plus haut de sous-claviers surnuméraires représentant des
sterno-claviculaires peuvent s’en ajouter beaucoup d’autres. C’est ainsi que
Wood décrit un muscle triangulaire naissant de la face antérieure du manu-
brium, et allant s’insérer au bord inférieur de la clavicule, en dehors du
tiers moyen.
Sur les deux côtés d’un autre sujet mâle, la digitation supérieure du petit
pectoral naissant de la deuxième côte et de la première aponévrose inter-
costale, s’insérait sur l’aponévrose costo-coracoïdienne et sur la clavicule.
C’était un sterno-claviculaire produit par une différenciation des fibres du
petit pectoral, tel qu’on l’observe chez les Rongeurs.
On trouve chez Haller, chez Theile, et chez Berkeley, des exemples de
muscles naissant du premier cartilage costal, et insérés sur la portion
moyenne de la face antérieure de la clavicule.
148
Enfin, je dois ajouter qu’on a vu chez l’Homme le petit pectoral fournir
une expansion aponévrotique à la capsule scapulo-humérale, ou même s’in-
sérer tout entier à cette capsule, ou à la grosse tubérosité de l’humérus
(Folz)1, ou sur le tendon du sus-épineux, ce qui nous montre la présence
exceptionnelle, chez l’Homme, des faisceaux sterno-huméraux des Mammi-
fères et des Oiseaux.
11 résulte de l’étude que nous avons déjà faite, que le muscle petit pecto-
ral de l’Homme présente à l’état normal une portion costo-précoracoïdienne
et une portion costo-acromienne ou sus-scapulaire. Voyons maintenant
quelles sont, dans la ceinture pelvienne, les parties homologues de ce mus-
cle thoracique.
Il y a dans la cavité pelvienne un muscle très-curieux que l’on considère
à tort comme appartenant aux viscères pelviens, mais qui est essentiellement
un muscle des parois pelviennes : c’est le muscle releveurde l’anus. Ce mus-
cle s’insère : î° en avant, à la face postérieure et interne du pubis sur les
côtés de la symphyse ; 2° en arrière, au bord antérieur et à la face interne
de l’épine sciatique ; et 5° dans tout l’intervalle entre ces deux points extrê-
mes, à une arcade aponévrotique à concavité supérieure , qui adhère à
l’aponévrose du muscle obturateur interne, et par là au détroit supérieur
du bassin.
De là, ses fibres se portent toutes d’avant en arrière et de dehors en de-
dans, pour se terminer sur la ligne médiane, sur les côtés de la prostate,
de la vessie, du rectum, sur le raphé ano-coccygien et sur les côtés de la
face antérieure du coccyx et même du sacrum. Les faisceaux qui passent en
arrière du rectum, c’est-à-dire les faisceaux pré-coccygiens, coccygiens et
sacrés, sont de beaucoup les plus nombreux. Au-dessus d’eux et parallèle-
ment à eux se trouve le muscle ischio-coccygien, qui, contigu aux faisceaux
postérieurs et ischio-coccygiens du releveur de l’anus, est réellement la
continuation de ce dernier. La face supérieure de ce muscle releveur est
tapissée par l’aponévrose pelvienne, qui la sépare du péritoine et des viscères.
En cherchant à se rendre compte de la signification de ce muscle, on
s’aperçoit que, situé à la face externe des parois de la cavité viscérale re-
1 Folz ; Homologie des muscles. ( Journal de Physiologie, 1863, pag. 69.)
149 -
présentées par l’aponévrose pelvienne, le coccyx et le sacrum , il s’étend
de ces parois à l’ischion, au pubis et à une arcade aponévrotique qui relie
ces deux os. Ilne peut être représenté à la ceinture thoracique que par un
muscle s’étendant de la paroi pectorale au coracoïde et au précoracoïde.
Mais dans la ceinture thoracique des Mammifères, le coracoïde, qui est
l’homologue de l’ischion, n’étant pas développé, l’homologue du muscle re-
leveur de l’anus doit être un muscle s’étendant des parois thoraciques à
l’apophyse coracoïde qui est le précoracoïde. Ce muscle est le petit pectoral
de l’Homme. Si l’on veut, en effet, rapprocher ce dernier muscle de la por-
tion pubienne du releveur de l’anus, on verra combien les relations entre eux
sont étroites. Insertions supérieures, pour l’un sur la face interne de l’extré-
mité du précoracoïde, pour l’autre sur la face interne de l’extrémité du pu-
bis ; chez l’un et chez l’autre muscle, même direction générale en bas et en
dedans, et insertions sur les parois viscérales, qui sont les côtes pour l’un,
les parties fibreuses qui tapissent l’excavation pelvienne, le coccyx et le
sacrum pour l’autre II y a seulement cette différence apparente que, tandis
que l’un (le petit pectoral) s’insère sur des parois qui divergent inférieurement
et forment un évasement, le second, le releveur de l’anus, se porte sur des
parois qui convergent en bas, et arrivent au contact pour former un raphé
médian, le raphé périnéal interne.
La portion précoracoïdienne du petit pectoral est donc représentée par
la portion pelvienne du releveur de l’anus. Mais on peut se demander
si la portion sus-épineuse ou scapulaire de ce muscle, celle que nous
avons vue se mettre, par l’intermédiaire du ligament acromio-coracoïdien,
en relation avec le scapulum, l’acromion, l’épine du scapulum et l’apo-
névrose sus-épineuse, n’est pas également représentée dans la ceinture
pelvienne. Je crois que, sans forcer les analogies, une réponse affirma-
tive peut être donnée. De la face postérieure du pubis, au-dessus du
releveur et de l’épine du pubis, part un ligament fibreux plus ou moins
fort, connu sous le nom d’arcade crurale ou ligament de Poupart. Huxley
a voulu y voir le représentant de la clavicule pelvienne. L’étude des
muscles psoas nous démontrera qu’il est dans l’erreur. Mais on peut,
pour bien des raisons, y voir le représentant du ligament acromio-coracoï-
dien, ligament modifié par l’absence d’un acromion et d’une épine de l’o-
150 —
raoplate. Si nous supprimons, en effet, au scapuium ces deux parties, que
deviendra le ligament acromio-coracoïdien ? Une bande fibreuse étendue du
sommet de l’apophyse coracoïde à l’aponévrose sus-épineuse, et par là au
bord supérieur du scapuium, à l’angle postéro-supérieur et à la portion
sus-épineuse du bord spinal jusqu’à l’origine de l’épine. Or, le ligament de
Poupart répond fort bien à ces dispositions. Il part du sommet du pubis
pour se porter en haut et eu dehors vers l’aponévrose antérieure du moyen
fessier, que nous verrons représenter le sus-épineux, et pour s’insérer sur
l’épine iliaque antérieure et supérieure et sur la portion du bord supérieur
de l’iléon comprise entre cette épine iliaque et la saillie de la crête iliaque,
que nous savons représenter la saillie de l’épine scapulaire (PI. Y, jig. 1,
em. il.; fig. 2, em. sc.).
Il y a donc identité dans les connexions, et nous nous croyons autorisé à
considérer le ligament crural eu arcade crurale comme l’homologue mo-
difié du ligament acromio-coracoïdien (tendon du petit pectoral), et par
conséquent comme le tendon interrompu et fixé par deux de ses points
d’une portion du releveur de l’anus. Ce tendon a contracté avec les parois
de la cavité viscérale des relations intimes, et il adhère aux aponévroses ab-
dominales, en vertu des mêmes conditions et des mêmes lois qui ont établi
des adhérences intimes entre les éléments osseux de la ceinture pelvienne
et les parois aponévrotiques et musculaires de la cavité abdominale. A l’é-
paule, au contraire, tous les éléments osseux ou fibreux du tendon sont
restés étrangers aux parois thoraciques et n’ont contracté avec elles que
des relations éloignées et indirectes.
Les homologies que je viens d’établir par l’étude exacte et rigoureuse des
connexions entre le petit pectoral de l’Homme et la portion pubienne du
releveur de l’anus, trouveraient une confirmation éclatante si chez des ani-
maux où les éléments de la ceinture thoracique sont complets et ont con-
tracté avec les parois viscérales des relations comparables à celles que l’on
observe pour le bassin chez les Mammifères, si, dis-je, chez ces animaux
nous trouvions à l’épaule une reproduction exacte du releveur de l’anus des
Mammifères. Or, c’est précisément ce que l’on observe chez les Chéloniens
et chez les Sauriens.
Chez les Chéloniens, en effet, les côtes ne forment qu’un arc supérieur
151
qui ne se complète pas dans l’arc ventral de l’animal, de telle sorte que la
cavité viscérale proprement dite reste largement ouverte par la face sternale.
Sur cette face, les côtes sternales et le sternum font complètement défaut,
et les os qui contribuent à former le plastron sont des os de membranes
développés dans le tégument, d’où résulte que le segment inférieur de la
ceinture thoracique formé par le coracoïde, le précoracoïde et les mus-
cles qui leur appartiennent, se trouve, comme l’ischion, le pubis et leurs
muscles internes, en relation directe et intime avec une paroi purement
membraneuse de la cavité viscérale. Cette paroi est formée, là, par le péri-
carde, les poches pleurales et le tissu conjonctif du médiastin antérieur.
Or, à ce niveau on rencontre un muscle large et mince, une sorte de dia-
phragme appliqué sur les parois viscérales membraneuses des poches pleu-
rales. Ce muscle a été décrit à tort sous le nom d eserratus magnus par
Owen, qui en a indiqué les insertions d’une manière trop insuffisante pour
que je ne les précise pas ici.
Ce muscle s’insère : 1° sur la face profonde ou supérieure de l’extrémité
interne du coracoïde, mais surtout, suivant une ligne oblique, sur une apo-
névrose qui, naissant de l’arcade fibreuse coraco-précoracoïdienne, recou-
vre un muscle désigné par Owen comme super coracoïdeus, mais qui est en
réalité l’obturateur interne de l’épaule. Cette aponévrose présente au niveau
de l’extrémité interne du précoracoïde un épaississement qui correspond à
l'origine des fibres musculaires les plus nombreuses du prétendu serratus
magnus , ce qui fait que ce muscle s'insère surtout sur le précoracoïde
et que ses fibres convergent pour la plupart vers l’extrémité interne de
cet os.
Parties de celle ligne ou arcade fibreuse d’insertion, les fibres forment
une lame musculaire qui se porte en dehors pour s’insérer sur une partie du
bord extérieur de la première et de la deuxième plaque costale et sur le
bord interne de l’apophyse cardinale de l’hyoplastron et de la partie con-
tiguë de l’hypoplastron.
Je n’ai pas besoin d’insister sur les rapprochements à faire entre le petit
pectoral de l’Homme et des Mammifères, et ce muscle des Chéloniens qui est
coraco-précoraco-eosto-abdominal et qui ne saurait par suite être considéré
comme l’homologue du grand dentelé, muscle essentiellement costo-sca-
20
152 —
pulaire chez tous les vertébrés1. 11 renferme les portions sterno-costo-précora-
coïdienne et abdomino-précoraco'idienne du petit pectoral des Mammifères,
en même temps que le muscle sterno-costo-coracoïdien des Oiseaux.
Chez les Sauriens et chez les Crocodiliens, il y a aussi à l’épaule des dis-
positions qui reproduisent les relations de l'ischion et du pubis avec la cavité
pelvienne. Ici, en effet, les côtes n’existent que sur les bords postéro-laté-
raux du sternum rhomboïdal, de telle sorte que les coracoïdes qui viennent
se mettre en rapport avec les bords antéro-latéraux du sternum, et les pré-
coracoïdes qui arrivent au contact avec leur congénère sur la ligne médiane,
sont directement en relation avec la cavité thoracique, dont ils ne sont sé-
parés que par une lame aponévrotique qui constitue à elle seule les parois
proprement dites de la cavité viscérale. Il y a une identité remarquable de
situation de part et d’autre, qui permet de préciser les rapprochements et
d’en confirmer la justesse.
Or, précisément, parmi les muscles de l’épaule de ces animaux, il en est
qui méritent notre attention comme apportant de nouvelles preuves de l’ho-
mologie que j’ai établie entre le petit pectoral et le muscle releveur de
l’anus.
Il y a chez les Sauriens kionocrâniens un groupe de muscles allant du
sternum et de la première côte à la ceinture scapulaire. Un premier muscle
s’étend de la face interne du sternum et des extrémités contiguës des côtes
sternales à la face interne du segment ventral de la ceinture thoracique.
C’est le sterno-coracoïdien d’Humphry et de Sanders. Ce muscle, simple
chez les Platydactyles, se divise en deux faisceaux distincts chez la plupart
ues Sauriens kionocrâniens. Voici quelle est leur disposition chez le Lé-
zard ocellé : Ces deux faisceaux sont assez distincts par leurs insertions co~
racoïdiennes, mais leurs insertions sternales sont très-rapprochées et conti-
guës. Le faisceau profond qui est le plus près de la ligne médiane s’insère
largement par un corps charnu aplati sur la face interne du sternum et sur
les parties voisines des côtes sternales. C’est un faisceau plat, triangulaire,
qui se termine par un beau tendon inséré en avant sur l’épiprécoracoïde et
1 Les hyoplastron et hypoplastron sont des os du dermo-squelette qui no sauraient être as-
similés au sternum, mais à des ossifications des aponévroses abdominales et de la peau cor-
respondante. De là, la qualification d’abdeminal que j’adopte ici.
sur le précoracoïde. C’est donc un sterno-costo-précoracoïdien : le sterno-
coracoideus internus profundus de Fürbringer ' .
Le faisceau superficiel est un peu plus en dehors. Il est plus petit et plus
court, mais plus large. Il naît de la face interne de la lèvre interne du sil-
lon coracoïdien du sternum, et va s’insérer en avant, sur la face interne du
coracoïde. C’est donc un sterno-coracoïdien, sterno-coracoïdeus internus
super ficialis de Fürbringer.
Ces deux muscles, presque confondus chez le Platydactylus guttatus,
sont représentés dans leur ensemble, chez les Chamæléonides, par un petit
muscle naissant de la face interne du sternum, et insérée sur la face interne
de la partie antérieure de l’os eoraco-précoracoïdien. C’est le muscle sterno-
coracoïdeus internus de Fürbringer.
Chez les Crocodiliens, on trouve aussi un muscle qui représente les mus-
cles précédents : c’estle costo-coracoïdeus de Mivartetde Fürbringer, muscle
large qui se compose de deux portions : l’une, latérale, naît du bord anté-
rieur de la dernière côte cervicale (neuvième vertèbre) ; l’autre naît du bord
antérieur de la première côte sternale et du sternum d’après Pfeiffer, de
deux ou trois côtes d’après Rüdinger. Ces deux parties se réunissent en une
couche unique qui s’insère par un bord large surtout le bord postérieur du
coracoïde.
Outre ces muscles, il y a chez les Sauriens kionocrâniens un muscle qui
fait défaut chez les Platydactyles, chez les Chamæléonides et chez les Croco-
diles, et qui, s’insérant sur le bord antérieur de la première côte sternale en
même temps que sur le bord latéral du sternum, se jette sur un cordon
fibreux qui s’étend du bord latéral de la face interne du sternum à la face in-
terne du scapulum, et qui est désigné comme ligament sterno-scapulaire
interne. Ce ligament, qui chez le Lézard est accolé sur le bord interne du
muscle, et qui chez d’autres Sauriens devient plus indépendant et reçoit
l’insertion du muscle à angle plus ou moins aigu ouvert en arrière, ce
ligament, dis-je, doit être considéré comme un chef devenu tendineux d’un
biceps sterno-scapulaire.
1 Fürbringer ; Zur vergleichenden Anatomie der Schullermuskeln. (Ulorphologisches Jalir-
buch v. Gegenbaur , 1876.)
Ces faisceaux musculaires, qui se complètent réciproquement, forment,
pris dans leur ensemble, une lame musculaire étendue de la face interne
du sternum et des côtes sternales aux divers éléments de la ceinture pel-
vienne (coracoïde, précoracoïde et scapulum). Celte lame n’est pas réalisée à
1 état complet dans la nature, mais il est facile d’en rassembler les éléments
et de se faire une idée exacte de son ensemble. Les divers éléments qui la
composent ont été récemment déterminés par les anatomistes qui s’en sont
occupés. Je ne puis ici entrer dans une discussion approfondie de ces déter-
minations, elle m’entraînerait trop loin ; je dois me borner à quelques traits
principaux.
Les sterno-coracoïdiens internes des Sauriens kionocrâniens, des Chamæ-
léonides, et le costo-coracoïdien des Crocodiles, ont été considérés par Für-
bringer comme correspondant au muscle sous-clavier des Marsupiaux et des
Placentaires, et surtout aux variétés de ce muscle étendues au scapulum et
à l’apophyse coracoïde (M. sterno-scapularis de Wood et Pectoralis minimus
de Grüber). Cet anatomiste repousse l’assimilation de ces mêmes muscles
sterno-coracoïdiens internes et costo-coracoïdien avec le petit pectoral, assi-
milation faite par Stannius pour les Sauriens kionocrâniens, par Meckel et
Rüdinger pour les Chamæléonides, et par Dumeril, Stannius, Rüdinger
pour les Crocodiliens.
L’argumentation de Fürbringer à l’appui de ces déterminations , et ces
déterminations elles-mêmes, sont le résultat d’une confusion qu’il importe de
dissiper.
Je rappellerai d’abord ce que j’ai déjà dit et ce que démontre l’étude que
j’ai faite de l’anatomie comparée du petit pectoral et de ses anomalies, c’est-à-
dire que le sous-clavier des Mammifères et de l’Homme est en réalité une
portion plus ou moins différenciée de ce dernier muscle, et la portion la plus
antérieure, placée au voisinage de la clavicule et contractant des relations
avec cet os ou ses représentants fibreux, quand ils existent. Il ne saurait,
me semble-t-il, être légitime de considérer cette portion sous-clavière du
petit pectoral des Mammifères comme représentée par des muscles qui sont
bien réellement coracoïdiens et non claviculaires chez des animaux qui ,
comme les Lézards, sont cependant pourvus de clavicule. 11 faut donc cher-
cher plutôt les homologues de ces muscles dans les faisceaux sterno-costo-
coracoïdiens des Mammifères ; à cet égard, nous avons vu que ces faisceaux
font partie de l’ensemble musculaire qui constitue le petit pectoral de tous les
Mammifères. Ces faisceaux sterno-costo-coracoïdiens sont constants, avec des
variations de volume et d’importance, et il n’y a aucune raison pour s’opposer
à leur assimilation avec les muscles sterno-costo-coracoïdiens des Sauriens
et des Crocodiles.
Bien plus, le muscle sterno-costo-scapulaire des Sauriens kionocrâniens,
qui a été considéré par Meckel comme l’analogue du petit pectoral , doit,
pour Fürbringer, être réuni avec les sterno-coracoïdiens dans le sous-clavier
de l’Homme et des Mammifères. C’est là une opinon peu soutenable, et à
laquelle il est facile d’en opposer une bien plus rationnelle. Le muscle
sterno-costo-scapulaire a son homologue rationnel dans la portion sterno-
costo-sus scapulaire du petit pectoral que nous avons déterminée chez les
animaux non claviculés et dont nous avons retrouvé le tendon chez l’Homme,
sous la forme du ligament coraco-acromien. Il résulte de là que l’ensemble des
muscles que nous venons d’étudier chez les Reptiles est véritablement le
représentant de certaines parties les plus importantes du petit pectoral des
Mammifères, c’est-à-dire des portions précoracoïdienne et scapulaire.
Nous avons vu que chez les Mammifères monotrêmes comme chez les
Oiseaux, où le précoracoïde fait défaut, mais où existe le coracoïde, des mus-
cles sterno-coracoïdiens insérés d’une part sur les côtes sternales ou le ster-
num et d’autre part sur le coracoïde, viennent combler la lacune laissée dans
la représentation de ce groupe de muscles chez les Mammifères non
coracoïdes, et rétablir l’ensemble des faisceaux qui constituent le petit pec-
toral ou pectoral profond .
Ces déterminations sont rationnelles. Elles sont basées sur l’étude rigou-
reuse des insertions osseuses et sur les connexions générales de ces mus-
cles. Je n’ai pas à revenir sur les insertions; mais, pour ce qui regarde les
connexions, je me bornerai à signaler d’une manière toute spéciale cette
particularité que les muscles sus-désignés des Reptiles, comme le petit pecto-
ral des Mammifères, constituent une couche musculaire placée sous le grand
pectoral, et appartiennent comme lui au groupe de muscles ventraux
étendus entre le sternum, les côtes et la ceinture scapulaire, et séparés des
dentelés parle plexus brachial et ses branches.
-- 156 —
Les motifs sur lesquels s’appuie Fürbringer, après Rolleslon, pour rejeter
l’homologie de ces muscles reptiliens avec le petit pectoral des Mammifères
et le second pectoral des Oiseaux, sont tirés de ce que ces derniers muscles
sont en réalité de simples dédoublements, de pures différenciations, des dé-
pendances du grand pectoral. Il y a ici une distinction importante à faire
pour éviter toute confusion. Nous avons vu que dans le petit pectoral de
certains Mammifères, le Cheval entre autres, on pouvait distinguer deux
couches musculaires qui différaient autant par la direction de leurs fibres
que par leurs insertions : 1° Une couche superficielle et antérieure naissant
de la portion antérieure du sternum et insérée à la grande et à la petite tubé-
rosité de l’humérus, et même à la crête sous-trochitérienne en même temps
que le grand pectoral. Cette portion sterno-humérale peut, à la rigueur, être
considérée comme une dépendance du grand pectoral, dont elle est du reste,
dans certains cas, faiblement séparée et difficile à isoler : c’est elle qui re-
présente en réalité le second pectoral des Oiseaux. 2° Mais les portions sterno-
costo-coracoïdienne et scapulaire ne sauraient être considérées, ni chez
les Mammifères, ni chez les Oiseaux, comme des dépendances du grand
pectoral, différenciées pour former un petit pectoral distinct. Pour qu’il en
fût ainsi, il faudrait que dans le grand pectoral des Sauriens kionocràniens,
des Chamæléonides et des Crocodiles, qui ne présentent pas de subdivision
en pectoral superficiel et en pectoral profond, il se trouvât des faisceaux
correspondant à ces portions coracoïdiennes et scapulaires du petit pectoral
des Mammifères. Or, il n’en est rien, et le grand pectoral, dans tous ces
groupes, va s’insérer uniquement et exclusivement à l’humérus, et même à
la tubérosité latérale ou externe de l’humérus. Or, on peut affirmer qu’un
muscle exclusivement huméral ne saurait, par son dédoublement, fournir
des muscles coracoïdiens et scapulaires.
Pour résumer donc cette discussion, je dirai que le muscle petit pecto-
ral des Mammifères représente : par ses faisceaux huméraux, un dédoublement
du grand pectoral des Reptiles et le second pectoral des Oiseaux ; par ses
faisceaux coracoïdiens ' et scapulaires, il représente le sterno-costo-coracoï-
1 Me plaçant à un point de vue très-général, je ne distingue pas ici le coracoïde du préco-
racoïde, et je les considère l’un et l’autre comme représentant le segment ventral de la cein-
ture thoracique. Toutefois on peut retrouver très-nettement chez certains Mammifères l’insertion
dien des Oiseaux et des Monotrêmes, et les muscles slerno-costo-coracoï-
diens et sterno-costo-scapulaires des Reptiles.
Après cette longue analyse, il est à peine nécessaire de dire que les
muscles que nous venons d’étudier chez les Sauriens, et particulièrement les
muscles sterno-coracoïdiens internes, représentent d’une manière spéciale
le muscle petit pectoral des Chéloniens, ou sterno-costo-coraco-précora-
coïdien ou encore testo-coracoïdien de Fürbringer. L’homologie spéciale et
précise n’est pas douteuse.
Or, de même que le testo-coracoïdien des Chéloniens reproduisait une
disposition semblable au releveur de l’anus de l’Homme, les muscles repti-
liens sus-étudiés la reproduisent aussi d’une manière remarquable, et d’au-
tant plus exacte que le faisceau iliaque (ligament de Poupart) du muscle pel-
vien peut trouver ses représentants à l’épaule dans le ligament sterno-sca-
pulaire et le tendon du sterno-costo-scapulaire des Sauriens. Bien plus, de
même que chez les Chamæléonides et les Crocodiliens, ces muscles se ré-
duisent à un faisceau sterno-coracoïdien, de même aussi on trouve chez bien
des Mammifères, le Bœuf entre autres, le releveur de l’anus réduit à sa
portion ischiatique et ne formant ainsi qu'un étroit faisceau musculaire.
Mais on peut pousser plus loin les rapprochements entre le petit pectoral
et les muscles des parois internes du bassin. Nous avons vu que le muscle
ischio-coccygien était réellement une partie supérieure du releveur de l’a-
nus. Au-dessus de l’ischio-coccygien se trouve le muscle pyramidal, qui
s’insère d’une part par deux ou trois digitations à la face antérieure du sa-
crum, dans l’intervalle des gouttières qui font suite aux trous sacrés anté-
rieurs et au niveau de ces gouttières, c’est-à-dire sur les côtes sacrées, et
proprement coracoïclienne du petit pectoral. C’est ainsi que, chez le Lion, le muscle va s’insérer
sur le bord supérieur de la cavité glénoïde, et que, suivant M. Auzoux, pareille disposition se
retrouverait chez le Gorille. Or, nous savons que ce bord supérieur n’est autre chose que
le coracoïde réduit à sa portion basilaire. Chez d'autres Mammifères, des traces de ces in-
sertions coracoïdiennes doivent certainement se retrouver comme dépendances de l’aponévrose
sous-deltoïdienne. Enfin, chez l’Homme on a observé des cas anormaux reproduisant cette
insertion glénoïdienne supérieure, et par conséquent caracoïdienne du petit pectoral.
— 158 —
d’autre part par un tendon arrondi à la partie postérieure du bord supé-
rieur du grand trochanter. Les trois muscles : releveur de l’anus, ischio-
coccygien et pyramidal, peuvent être réunis en une seule lame musculaire
insérée sur les côtes sacrées et coccygiennes, et présentant une série supéro-
inférieure d’insertions proximales sur la région costale réduite au sacrum
et au coccyx, et sur le raphé fibreux pubien qui leur fait suite. Les in-
sertions distales sont trochantériennes pour les faisceaux supérieurs (py-
ramidal ) , iscbiatiq ues pour les suivants ( ischio-coccygien et faisceaux
ischiatiques du releveur), aponévrotiques et pubiennes pour les faisceaux
inférieurs (portion aponévrotique et pubienne du releveur).
Cette disposition rappelle d’une manière remarquable le muscle petit
pectoral de certains Mammifères (Cheval, Mouton, Lapin, etc.). Ce muscle
forme également une lame musculaire très-étalée dans laquelle se distin-
guent des faisceaux antérieurs (sterno-huméraux , sterno-costo-lrocbi-
niens et trochitériens), que nous avons rapportés à une dépendance, à
une différenciation du grand pectoral, et qui, quelquefois nettement dis-
tincts (Mouton), peuvent rationnellement être rapprochés du pyramidal. Les
faisceaux postérieurs du muscle, qui sont coracoïdiens et sus-scapulaires,
représentent, comme nous l’avons vu, les faisceaux ischiatiques, pubiens et
iliaques (ligament de Poupart) des muscles ischio-coccygien et releveur de
l’anus.
Les muscles grand pectoral (portion sterno-costale) et petit pectoral n’ont
pas au bassin d’autres représentants que ceux que je viens de signaler. Ou-
tre que le sternum fait défaut à la ceinture pelvienne, les côtes y présentent
un raccourcissement très-prononcé et qui s’accentue très-rapidement vers
l’extrémité de la région sacro-coccygienne. Ainsi s’explique le faible déve-
loppement de ce plan musculaire qui au thorax est dans son plus bel
épanouissement, parce que le squelette sterno-costal y possède son déve-
loppement extrême ; ainsi s’explique également au pelvis le transport de
ce plan musculaire qui a suivi le retrait en arrière des masses costales, où il
prend naissance.
Rechercher si le pyramidal représente précisément le grand pectoral ou
seulement les faisceaux qui se détachent de ce muscle pour entrer dans la
composition du petit pectoral, me paraît unequestion au fond assez oiseuse,
et, dans tons les cas, très-difficilement soluble. On peut toutefois penser
que la deuxième solution est la plus rationnelle, car la couche superficielle
des muscles pectoraux a dû disparaître la première en même temps que
le sternum et les côtes sternales. Le pyramidal serait donc particulièrement
la portion humérale du petit pectoral des Mammifères et représenterait
assez exactement au bassin le second pectoral des Oiseaux, avec lequel il a
de réelles analogies de forme et d’insertions humérales.
La portion claviculaire du grand pectoral disparaît au bassin, comme elle
disparaît à l’épaule chez les animaux non clavicules. C’est là une des preu-
ves de l’absence de clavicule au bassin. Pas de muscles, pas d’os.
Je m’arrête dans la poursuite de ces comparaisons pleines d’intérêt. Le
muscle petit pectoral, par ses particularités remarquables, a attiré longue-
ment mon attention ; mais il est temps de rechercher les homologies des au-
tres muscles des deux ceintures.
DEUXIÈME CATÉGORIE.
Muscles rattachant le premier article du membre, soit au tronc, soit
a la ceinture, soit aux deux a la fois '. — Les diverses espèces de mus-
cles comprises dans ce groupe ne sauraient être envisagées séparément
chez l’Homme, car nous verrons que tel muscle qui est destiné à relier un
membre exclusivement , soit à la ceinture correspondante, soit au tronc,
peut être représenté dans l’autre ceinture par des faisceaux appartenant à
un muscle qui embrasse à la fois ces diverses insertions.
Les muscles compris dans ce groupe sont, au bassin :
Le pyramidal 1 2 ;
Le psoas iliaque ;
Le grand fessier ;
1 Je préviens le lecteur que je considère ici les tubérosités supérieures de l’humérus et du
fémur d’une manière générale et sans chercher à préciser leur signification. Un chapitre
ultérieur de ce travail sera consacré à discuter leurs homologies et leurs valeurs relatives.
2 J’aidù, dans le chapitre précédent, m’occuper du grand pectoral et du pyramidal, pour
ne pas séparer ces muscles de ceux avec lesquels ils ont d’intimes connexions. Je répète, du
reste, qu’il n’y a rien d’absolu dans la classification que j'adopte, et que je ne la suivrai qu’au -
tant qu’elle ne nuira pas aux rapprochements utiles et naturels.
21
160
Le moyen fessier ;
Le petit fessier ;
L’obturateur interne;
L’obturateur externe ;
Le tenseur du fascia lata (?) ;
Les jumaux fémoraux ;
Le carré crural.
A l’épaule, les muscles qui correspondent aux conditions ci-dessus,
sont :
Le grand pectoral ;
Le sous-scapulaire ;
Le deltoïde ;
Le grand dorsal ;
Le grand rond ;
Le sus-épineux ;
Le sous-épineux ;
Le petit rond.
Dans la recherche des homologies qui peuvent exister entre les muscles
des deux régions, je ne puis suivre une règle uniforme et prendre con-
stamment pour point de départ de mes démonstrations les muscles de la
même ceinture. Ce sera tantôt un muscle de l’épaule et tantôt un muscle du
bassin qui deviendra le premier terme de la comparaison à établir. C’est
là un mode de procéder qui m’est imposé par les différences de développe-
ment et par les transformations des muscles d’une ceinture à l’autre. Il con-
vient, dans ces conditions, de prendre pour premier terme des rapproche-
ments à établir le muscle le plus complet et le moins modifié.
Grand et petit psoas. — Trapèze claviculaire. — Deltoïde clavicu-
laire. — Cléido- mastoïdien. — Le muscle psoas iliaque se compose de
deux muscles distincts : le psoas et l’iliaque, dont les homologies doivent
être recherchées séparément. Je commence par le muscle psoas.
Le muscle psoas s’insère: 1° sur les parties latérales du corps des cinq
vertèbres lombaires et sur la partie inférieure du corps de la douzième ver-
— 161 —
tèbre dorsale; 2° à la base des apophyses transverses des mêmes vertèbres.
Nées ainsi, les fibres charnues constituent un faisceau vertical qui va, après
un long trajet, s’insérer au petit trochanter du fémur et à la ligne de bifur-
cation qui va du petit trochanter à la ligne âpre.
Chez certains Mammifères, ce muscle s’insère aussi aux dernières côtes.
Chez le Cheval, par exemple, il s’insère à la face inférieure des deux der-
nières côtes.
L’homologue du psoas à la région thoracique serait assez difficile à re-
trouver chez l’Homme et chez les Mammifères clavieulés. C’est chez les
Mammifères non clavieulés qu’il faut d’abord le chercher. Chez eux, il
existe un ensemble de faisceaux musculaires plus ou moins distincts, parfois
confondus dans une partie notable de leur parcours, qui, partant de l’apo-
physe mastoïde et de la crête mastoïdienne, des apophyses transverses
d’une ou plusieurs vertèbres cervicales, et parfois même de l’apophyse basi-
laire de l’occipital, vont contracter inférieurement des insertions sur le sca-
pulum et sur l’humérus. Ce groupe de faisceaux peut être décomposé en
deux muscles distincts : le mastoïdo-huméral proprement dit d’une part, et
l’acromio-trachélien de Cuvier d’autre part.
Le mastoïdo-huméral proprement dit, ou masto-humérien de Cuvier, part
de l’apophyse mastoïde et de la crête mastoïdienne, et va s’insérer générale-
ment sur la crête sous-trochitérienne de l’humérus, sur la portion de la
ligne âpre humérale qui descend de l’empreinte deltoïdienne.
Le muscle acromio-trachélien est un muscle dont les insertions supé-
rieures et inférieures sont variables, et dont il serait trop long de faire ici
l’histoire complète. Renvoyant le lecteur, pour plus de détails, au Mémoire
de Wood déjà cité \ je me borne à quelques traits principaux.
Chez la plupart des animaux , ce muscle provient uniquement de l’apo-
physe transverse de l’atlas.
Chez quelques-uns, il s’insère également à l’axis, et semble représenter
les deux digitations supérieures de l’angulaire de l’omoplate.
Chez les Rongeurs, chez les Pachydermes et chez le Chat, on trouve qu’il
Wood; loc. cü. (Phil. Trans., 1870).
envoie une languette anastomotique au droit antérieur de la tête, et va par
là s’insérer avec ce dernier muscle sur l’apophyse basilaire de l’occipital.
Chez le Gorille, le Chimpanzé et l’Orang, ce muscle existe toujours, nais-
sant des apophyses transverses d’une ou deux vertèbres cervicales supérieu-
res, et va s’insérer à la clavicule, au niveau du tiers externe de cet os ; delà
sonnomde levât or claviculœ (Yood), ou de clavio-trachélien (Church). C’est
à cet état qu’on le trouve anormalement chez l’Homme, où il fait très-générale-
ment défaut, puisqu’on ne le rencontre que dans trois cas sur cent environ,
d’après Wood.
L’insertion claviculaire se retrouve chez les Chéiroptères, etc.
Mais chez l’Ours, l’Hyène, le Coati, la Genette, le Chien et le Chat, il s’in-
sère inférieurement sur l’apophyse métacromienne du scapulum, et chez
l’Oryclérope du Cap sur l’épine du scapulum.
Chez la Loutre, Haughton a décrit ce muscle comme divisé en deux parts :
l’une attachée à l’extrémité externe ou inférieure de l’épine du scapulum,
l’autreà l’extrémité interne ou supérieure.
Enfin, chez le Veau marin, d’après Humphry, il est aussi divisé en deux
parts : l’une passant avec le trapèze à la tubérosité externe de l’humérus (et
renforçant son action de muscle natateur), tandis que l’autre recouvre le
sus-épineux et s’insère sur l’angle du scapulum.
Ces quelques faits nous permettent de concevoir l’acromio-trachélien de
Cuvier comme une lame musculaire naissant de l’apophyse basilaire et des
apophyses transverses d’un nombre variable de vertèbres cervicales, pour
aller s’insérer sur tout le parcours de l’épine scapulaire, l’acromion et la
portion externe de la clavicule. Cet acromio-trachélien complet, idéal, n’est
donc qu’une doublure du trapèze, mais à insertions cervicales et non mas-
toïdiennes. Ce muscle complet n’est pas réalisé, mais il en reste des repré-
sentants partiels, variant quant à l’étendue et quant aux insertions inférieu-
res conservées. De là, les noms si variés donnés à ce muscle chez les divers
animaux ( levator claviculœ, de Wood, omo ou acromio-trachélien de Cuvier
et Meckel, acromio-basilaire de Vic-q-d’Azyr, clavio-trachélien de Church,
basio humeralis de Krause. Kopf-Arm-Muskel de Peyer, transverso-scapu-
laire de Strauss-Durckeim, omo-atlanticus de Haughton, cervico-humeral
de Humphry).
— 163 —
Quand les faisceaux antérieurs de ce muscle sont conservés, ils s’insèrent
sur la clavicule chez les animaux claviculés et forment ainsi un clavio-traché-
lien. Mais chez ceux qui sont dépourvus de clavicule ou demi-clavieulés, ce
muscle se réunit plus ou moins au muscle mastoïdo-huméral pour former un
faisceau large et plat qui s'insère sur l’humérus, ainsi que nous l’avons déjà in-
diqué. De là résulte le grand muscle mastoïdo-huméral des hippotomistes.
Ce muscle mastoïdo-huméral est en somme formé par la portion clavicu-
laire du trapèze, par le cléido-mastoïdien et par le clavio-lrachélien, qui,
n’étant plus séparés du deltoïde par une clavicule, se continuent avec la
portion claviculaire de ce dernier muscle. Ce mastoïdo-huméral, que l’on
retrouve chez le Cheval, chez le Mouton, etc., présente du reste toujours
à sa face interne une intersection aponévrotique remarquable qui est le ru-
diment delà clavicule. Ce rudiment fibreux devient partiellement osseux
chez les animaux semi-claviculés, comme le Lapin, qui constituent ainsi un
terme de transition entre les animaux à muscle mastoïdo-huméral et les
animaux à trapèze et deltoïde claviculaires.
Le muscle mastoïdo-huméral est donc propre aux animaux non claviculés.
Je n’hésite pas à voir en lui l'homologue du psoas. 11 y a, en effet, homologie
d’insertion et de parcours.
GRAND PSOAS. MASTOÏDO-HUMERAL.
Insertions.
Corps des vertèbres lombaires.
Apophyses transverses lombaires.
Petite tubérosité du fémur et bifur-
cation correspondante de la ligne
âpre.
Apophyse basilaire.
Apophyses transverses cervicales.
Crête deltoïdienne de l’humérus et
bifurcation correspondante de la
ligne âpre.
Nous verrons plus tard, quand je m’occuperai de la valeur des tubéro-
sités, combien les insertions humérales et fémorales de ces deux muscles
offrent de complète identité. Quant au parcours, j’ai à peine besoin d’attirer
l’attention sur ce qu’il a d’analogue dans les deux cas. Ces deux muscles,
en effet, naissant l’un et l’autre de régions vertébrales supérieures à la
ceinture correspondante, passent au-devant de cette ceinture, s’appliquent
sur l’articulation de la ceinture avec le premier article du membre, glissant
— 164 —
sur la capsule fibreuse de l’articulation pour se porter sur la ligne âpre de
cet article.
Le muscle petit psoas, qui part du corps de la douzième vertèbre dor-
sale et de la première et quelquefois de la deuxième lombaire, pour
s’insérera l’éminence iléo-pectinée, et surtout à la saillie peclinéale ou pu-
bienne chez les Mammifères sauteurs, doit être considéré comme un mus-
cle aponévrotique inconstant, qui n’a pas d’homologue bien précis à la région
cervicale. C’est, du reste un muscle dont la portion charnue est très-limitée, et
qui consiste surtout en un long tendon qui se perd dans le fascia iliaque et
sur le périoste de l’éminence iléo-pectinée. Chez les Mammifères sauteurs,
dont le grand psoas est très-développé, le petit psoas acquiert plus d’impor-
tance, et ses relations avec une aponévrose lombo-iliaque très-forte dé-
montrent clairement que c’est un muscle développé dans cette aponévrose,
qu’il est appelé à tendre, afin de brider le muscle psoas iliaque, et de le
maintenir accolé à la colonne lombaire et au détroit supérieur. A la région
cervicale, le petit psoas peut être considéré comme virtuellement compris
dans l’aponévrose superficielle de la région trapôzo-deltoidienne antérieure.
Les homologies que nous venons d’établir entre le grand psoas et le mas-
toïdo-huméral offrent un véritable intérêt au point de vue de l’appréciation
de la valeur morphologique du pubis. Puisque le masto'ido-huméral est un
muscle qui n’appartient qu’aux épaules non claviculées, on est en droit de
considérer le psoas comme une démonstration de l’absence de tout représen-
tant de la clavicule au bassin. Ni le pubis, soit par sa branche horizontale,
soit par sa branche descendante, comme l’ont prétendu tant d’anatomistes;
ni le ligament de Poupart, comme le pense Huxley, ne sont les représentants
au bassin de la clavicule ; car, s’il en était autrement, le grand muscle psoas
contracterait avec eux des relations analogues à celles que le cléido-mastoï-
dien, le cléido-trachélien, la portion mastoïdienne du trapèze et la portion
claviculaire du deltoïde, contractent au thorax avec la clavicule. Le défaut
de ces relations démontre l’absence de la clavicule pelvienne. C’est ainsi que
l’étude des insertions musculaires conduit d’une manière intéressante à la
détermination logique et rationnelle des éléments osseux.
En voici d’ailleurs un nouvel exemple. On sait que le plastron des Chèlo-
niens a été considéré comme représentant le sternum de ces animaux, chez
lesquels, par contre, on niait l’existence de la clavicule et de l’interclavicu-
laire. Ces idées, généralement adoptées jusque dans ces derniers temps, ont
trouvé des contradicteurs qui ont fait remarquer, avec raison, que les élé-
ments osseux du plastron n’appartenaient pas, comme le sternum, au squelette
primordial, mais bien au dermo-squelette. Parmi ces éléments, il en est trois
antérieurs, dont l’un médian impair, l’entoplastron, et les deux autres pairs
et latéraux, les épi plastrons, qui s’appuient sur ce dernier par leurs extrémités
internes. Huxley les considère comme représentant l’interclavieule et les
deux clavicules. La situation de ces os et leur origine membraneuse sont
entièrement favorables à cette appréciation. Mais on peut trouver dans l’étude
des muscles un argument de plus qui n’est pas sans valeur. Les Chèloniens
ont un véritable muscle psoas représenté par un petit faisceau musculaire
venant du corps de la neuvième vertèbre dorsale, des pleurapophyses de la
dixième, et allant s’insérer sur la tubérosité interne du fémur. S’il n’y avait
pas de clavicule, on aurait quelque raison de penser qu’il doit exister à la
ceinture thoracique un muscle homologue de l’iliaque, reliant la tête et la
colonne cervicale à l’humérus, et reproduisant la disposition du mastoïdo-
huméral des Mammifères non claviculés. 11 n’en est rien toutefois et la
disposition des muscles est plutôt celle des Mammifères claviculés, et en
particulier des Mammifères à clavicule et à interclavicule, c’est-à-dire des
Ornithodelphes.
Chez ces derniers, en effet, le grand pectoral, naissant de presque toute
la ligne blanche et de la ligne médiane du sternum, va se fixer sur presque
toute la longueur (Ornithorhynque) ou sur toute la longueur (Échidné) de la
crête pectoro-deltoïdienne de l’humérus. Ce muscle est confondu en avant
avec des faisceaux musculaires dont les fibres, parallèles aux siennes, nais-
sent de l’intercîavicule et de la clavicule, et vont s’attacher à la partie moyenne
de la crête delto'idienne, en dehors des précédentes. Ces derniers faisceaux
représentent en réalité la partie claviculaire du deltoïde.
Chez les Chèloniens, on trouve également un grand pectoral qui naît
de la face profonde du plastron, dans la région correspondant surtout à la ré-
gion médiane, c’est-à-dire à la ligne blanche, soit abdominale, soit pecto-
166 —
raie, dans cel espace resté membraneux et sans ossification chez les Chélo-
nides, et que les hyoplastrons tendent plus ou moins à envahir. De là, les
fibres convergent pour s’insérer sur le bord antérieur ou externe de la
coulisse bicipitale de l’humérus ou crête pectorale. Au-devant et au-dessus
de ce muscle, se trouve accolé un faisceau musculaire important qui naît de
la face interne de l’entoplastron et de l’épiplastron, et qui se condense en un
tendon qui va s’insérer sur la petite tubérosité de l’humérus ou tubérosité
interne.
Owen a décrit ce faisceau musculaire comme appartenant au deltoïde, et
cette détermination est en effet très-rationnelle. Il est ici réellement très-
distinct du grand pectoral, et ne saurait être confondu avec lui, attendu que
ses insertions, soit proximales, soit distales, sont différentes. On ne saurait
lui attribuer d’autre valeur que celle d’un deltoïde, et c’est alors nécesaire-
ment un deltoïde claviculaire, puisqu’il ne saurait être un deltoïde scapu-
laire, et il faut reconnaître en conséquence que les os qui lui servent d’inser-
tion , c’est-à-dire l’entoplastron et l’épiplastron, trouvent dans ce fait un
rapprochement curieux et intéressant avec l’interclavicule et la clavicule des
Monotrêmes.
Quant au muscle mastoïdo et trachélo-claviculaire, qui est représenté chez
les Mammifères ornilbodel plies par un muscle naissant, de l’atlas seulement
chez l’Ornithorhynque, de l’atlas et de l’apophyse mastoïde chez l’Échidné,
il existe également chez les Chéloniens, où on peut le reconnaître dans un
muscle grêle décrit par Owen sous le nom de sterno-mastoideus, mais qui,
naissant du mastoïde, va s’insérer sur la face interne de l’entoplastron, c’est-
à-dire de l’interclavicule. considéré à tort par Owen comme un entoslernum.
C’est ainsi, je le répète, que les déterminations ostéologiques sont puis-
samment aidées et éclairées par l’étude du système musculaire.
Iliaque. -Sous-scapulaire. — Presque tous les auteurs qui ont essayé
d’établir les homologies des muscles des deux ceintures ont été unanimes
à considérer le muscle iliaque comme reproduisant au bassin le sous- scapu-
laire de l’épaule. Les ressemblances sont on ne peut plus frappantes, les
deux muscles occupant l’un et l’autre la face interne des os homologues
et allant s’insérer également aux petites tubérosités de l’humérus et du
— 167 —
fémur. Tout, du reste, jusqu’à la forme, semble concourir à confirmer la
justesse de ce rapprochement. Je dois cependant signaler une opinion diffé-
rente, que recommande le mérite exceptionnel de ses défenseurs. Gratiolet,
et après lui Huxley, considérant l’aile de l’iléon comme l’homologue de
l’épine du scapulum, regardent conséquemment le muscle iliaque comme
représentant le muscle sus-épineux, tandis que le petit et le moyen fessier
répondraient au sous-épineux et aux muscles ronds. Le sous-scapulaire
serait dépourvu de tout muscle correspondant dans les membres inférieurs.
Dans la suite de cette étude, j’aurai maintes fois l’occasion de m’expliquer
sur ces vues particulières' .
Pour le présentée déclare accepter l’assimilation si généralement admise
de l’iliaque et du sous-scapulaire, mais avec certaines réserves et en tenant
compte de particularités intéressantes qui ont été méconnues et que je tiens
à mettre en relief. Pour cela, j’ai besoin de jeter un coup d’œil d’ensemble
sur les muscles qui vont des éléments des ceintures thoracique et pelvienne
aux grandes et petites tubérosités de l’humérus et du fémur.
Au-dessous de la couche superficielle de muscles qui recouvrent les arti-
culations de l’épaule et de la hanche (grand dorsal, grand rond, deltoïde,
d’une part ; grand fessier, tenseur du fascia lata , de l’autre), couche dont
l’étude viendra en son temps, se trouvent les muscles que nous allons
actuellement analyser. Ces muscles peuvent, au bassin (où tous les éléments
osseux de la ceinture sont développés), être considérés comme formant deux
étoiles à trois rayons, dont chaque rayon provient d’un des éléments de
l’arc pelvien. Les trois rayons de l’une des étoiles musculaires sont situés sur
la face externe des trois éléments osseux : c’est l’étoile externe. Il y a aussi
une étoile musculaire interne dont les trois rayons musculaires proviennent
de la face interne des trois éléments osseux. Les rayons des deux étoiles
viennent converger sur les tubérosités voisines de la tête du fémur. Il y a
1 Je dois également citer ici l'opinion dernièrement émise par M. Lannegrace, agrégé de la
Faculté de Médecine de Montpellier. Dans son estimable Essai sur la Myologie comparée
des membres , 1878, qui lui a servi de Thèse inaugurale, M. Lannegrace considère l’iliaque
comme représentant à la fois le sus-épineux, le sous-épineux et le petit rond, tandis que
le sous-scapulaire répondrait à l’obturateur interne ( portion iliaque ) et aux muscles moyen
et petit fessiers.
22
168
donc des muscles iléo-trochanlériens externes et internes, des muscles ischio-
Irochantériens externes et internes, et des muscles pubio-trochantériens
externes et internes. Telle est l’idée générale, à la fois simple et vraie, qu’il
faut se faire des muscles dits pelvi-lrochantériens. Voyons quels sont ces
muscles et quelles sont leur valeur et leur signification respectives. Nous
partirons ensuite de ces notions pour rechercher leurs homologues dans
l’épaule.
Le muscle iliaque, chez l’Homme, est regardé par tous les anthropotomistes
comme un muscle entièrement iléo-trochantinien interne. C’est là une
opinion trop absolue, et qui peut entraîner à des conceptions erronées. Elle
n’est du reste pas conciliable avec l’anatomie comparée. Les insertions iliaques
de ce muscle, telles que les décrivent les auteurs, sont : la fosse iliaque interne
dans ses trois quarts supérieurs ou même dans toute son étendue, les trois
quarts antérieurs de la lèvre interne de la crête iliaque, le détroit supérieur
du bassin, l’épine iliaque antérieure et supérieure, l’échancrure subjacente,
l’épine iliaque antérieure et inférieure, une cloison fibreuse qui sépare le
muscle iliaque des muscles droit antérieur de la cuisse et couturier, et même
la capsule orbiculaire de la tête du fémur.
Toutes ces insertions font de ce muscle un muscle iliaque exclusivement
interne, sans rapports avec la face externe de l’os, et situé en dedans du
tendon direct du droit antérieur fémoral.
Mais d’autre part l’anatomie comparée nous montre des variations assez
marquées dans cette situation du muscle iliaque, ainsi que dans son im-
portance. L’iliaque est en effet un muscle de l’iléon dont les dimensions
et la situation sont subordonnées à diverses conditions. Quand l’aile an-
térieure de l’iléon est largement étalée, comme chez l’Homme , chez l’Élé-
phant, les Singes, le muscle iliaque, ayant plus de surfaces d’insertion, est
par suite plus développé. Si l’aile iliaque est peu étendue et que l’iléon soit
réduit, comme chez les Ruminants, à une tige prismatique terminée par
une dilatation peu étendue presque entièrement occupée par l’articulalion
sacro-iliaque, le muscle iliaque est petit et s’insère sur la face antéro-
interne de la tige de l’iléon (PI. VI, fig. 4, m. il). 11 est en dedans du
îendon interne du muscle droit antérieur du triceps. Chez les Carnivores
— 169 —
(Chien, Loup, etc.), l’aile antérieure de l’iléon étant très-étroite et occupée
surtout par l’articulation sacro-iliaque, le muscle iliaque naît d’une petite
crête placée surlebord antérieurde l’iléon, en avant de la cavité cotyloïde.
Dans ces deux derniers cas, il n’existe pas de fosse iliaque interne ou
préaxiale, et le muscle est peu développé ; mais par contre les muscles
psoas sont forts et volumineux. liste deviennent encore davantage chez
les animaux sauteurs, tels que le grand Kanguroo (PI. Vil, fig. a) et
le Lièvre (PL VII, fig. 6). Mais de plus, chez ces animaux, l’aile iliaque
antérieure est peu étendue, et l’articulation sacro-iliaque se fait par une
large surface voisine de la cavité cotyloïde. Les muscles puissants des
gouttières vertébrales remplissent la partie postérieure considérable de la
face interne de l’iléon qui fait partie de ces gouttières, tandis que les psoas
volumineux occupent entièrement la petite portion de la face interne de
l’iléon qui se trouve au-dessous et en avant du sacrum. 11 n’y a plus place
sur cette face interne pour l’insertion du muscle iliaque , et ce dernier
s’insère alors sur le bord antérieur de l’iléon et sur une bande voisine de la
face externe de cet os, bande limitée par une petite crête sur les deux
figures ci-dessus, et marquée m. il. Ce muscle iliaque, qui est réellement
externe au lieu d’être interne, se trouverait en dehors du tendon direct du
droit antérieur si ce tendon existait sur le bord antérieur de l’iléon; mais il
se trouve en dedans du tendon réfléchi ou cotyloïdien de ce même muscle,
m. dr. a.
Chez les Chéiroptères, le muscle psoas iliaque présente des particularités
qui ont donné lieu à des appréciations diverses et occasionné des erreurs
d’interprétation. Cuvier niait à tort l’existence de ce double muscle. Meckel
en reconnaît l'existence, et dit que l’iliaque s’insère sur le fémur un peu plus
bas que le grand psoas. Macalister décrit un grand psoas et un iliaque, et
fait observer que le muscle iliaque est très-remarquable par son insertion pu-
rement externe à l’os des îles.
Le Dr Alix * fait observerqu’en dehors de l’iliaque, qu’il considère comme
iliaque interne, et comme s’insérant dans une fosse iliaque interne , on
Alix; Sur l’appareil locomoteur de la Roussette d’ Edwards. (Soc. Philom,., 3 août 1837.)
trouve un faisceau bien distinct et très-épais quis’attache largement à l’épine
iliaque antérieure et supérieure, et qui va se terminer sur la ligne âpre,
dans la longueur de plus d’un centimètre au-dessous du petit trochanter,
immédiatement en dedans du vaste interne. L’attache supérieure de ce mus-
cle, dit-il, est celle d’un couturier , maisson attache inférieure semble devoir
le faire considérer comme une partie de l’iliaque interne. Il y a là , ajoute-t-il,
une question difficile à résoudre.
Le Dr Maisonneuve, dans un travail récentet consciencieux sur la mvolo-
gie du Vespertilio murinus' , n’hésite pas à reconnaître qu’il y a chez ces
animaux deux muscles psoas iliaques, l’un interne et l’autre externe. Le
psoas iliaque interne se compose de deux portions: la portion psoas ou grand
psoas interne , qui naît des corps des troisième, quatrième et cinquième
vertèbres lombaires et des première et troisième vertèbres sacrées, et la
portion iliaque , ou muscle iliaque interne, qui s’insère sur la lèvre de la
crête iliaque et à la moitié supérieure de la fosse iliaque interne, qui est
très-étroite , et regarde en avant et en dehors. Vers la partie inférieure de
cette fosse, le muscle iliaque se réunit au grand psoas pour constituer un
seul muscle ; au niveau de l’éminence pectinèe, les fibres les plus internes
du psoas passent dans l’espèce d’échancrure située entre cette éminence, qui
est très-prononcée, et îa fosse iliaque ; puis la portion commune aux deux
muscles passe au-devant de la capsule fibreuse de l’articulation coxo-fémorale,
et y adhère parfaitement, pour se terminer enfin à la crête saillante qui fait
suite au trochanter antérieur , lequel représente le trochanter interne des
autres Mammifères.
Le psoas iliaque externe se compose également de deux portions: la
portion psoas ou grand psoas externe, qui part de la base des apophyses
transverses des trois ou quatre dernières vertèbres lombaires, et se confond
avec la portion iliaque pour aller s’insérer un peu au-dessous du trochanter
antérieur, sur la partie inférieure de la crête dont nous avons parlé, et la
portion iliaque ou muscle iliaque externe, qui est inséré à Y angle externe
de la crête iliaque et va se confondre avec le psoas externe.
1 Maisonneuve; Ostéol. et Myol. du Vespertilio murinus. (Thèses de la Faculté des Sciences
'le Poitiers, 1878.)
Les deux muscles psoas iliaques reposent en haut sur la face antérieure du
carré des lombes, et en bas sur l’articulation de la hanche et sur le triceps
crural qui les sépare du moyen fessier. Entre les deux psoas iliaques se voit
un interstice cellulaire dans lequel chemine un gros tronc nerveux.
Cette récente manière de voir mérite réfutation; elle est basée sur une
conception erronée de l’iléon des Chéiroptères. Cet iléon est prismatique,
triangulaire. De ses trois faces, d’après M. Maisonneuve, l’une est interne et
répond au sacrum, avec lequel elle s’articule : c’est la moins large ; une autre
regarde en avant et en dehors ; elle répond à la fosse iliaque interne des
autres Mammifères ; la troisième est postérieure. « La face antérieure et
externe est bien loin, dit M. Maisonneuve, de ressemblera la large fosse
iliaque interne des autres Mammifères ; elle est très-étroite, légèrement
convexe de dehors en dedans, et donne insertion au muscle iliaque.» Cette
manière d’envisager l’iléon, qui a quelque chose de spécieux, répond à l’idée
de Gratiolet et d’Huxley, qui considèrent la fosse iliaque interne comme cor-
respondant à la fosse sus-épineuse, et le muscle iliaque interne comme repré-
sentant le muscle sus-épineux. L’aile antérieure de l’iléon serait alors l’épine
de l'omoplate, c’est-à-dire le développement exagéré de cette crête arrondie
saillante que j’ai décrite sur la face externe de l’iléon du Kanguroo (PI. VII,
fig. 5), et que j’ai considérée en effet comme représentant l’épine de l’omo-
plate. Mais j’ai regardé d’autre part cette crête de l’iléon du Kanguroo comme
représentant la crête qui divise en deux la fosse iliaque externe du Ruminant
(PI. VI, fig. 5, sa. il.) de l’iléon humain (PI. V, fig, 1, sail. il.), et
de la plupart des Mammifères dont l’iléon est pourvu d’une véritable aile
iliaque. Il résulte de là que la fosse antérieure dans laquelle s’insère le
muscle iliaque du Kanguroo et du Lièvre appartient bien à la fosse iliaque
externe, et correspond à la fosse iliaque externe du squelette humain, des
Ruminants, etc. J’ai donné des preuves de ma manière de voir tirées de con-
sidérations ostéologiques et myologiques, et j’ai fait remarquer que la direc-
tion en haut et en dehors des ailes de l’iléon chez l’Homme, qui produit
l’évasement si prononcé du grand bassin et qui a pu faire penser à assi-
miler l’aile de l’iléon à l’épine de l’omoplate, est le résultat du développe-
ment de la cavité abdominale et des viscères qu’elle renferme ; car, chez
l’embryon et le fœtus, cette obliquité est à peine indiquée, et l'iléon est.
comme le scapulum, on os phalangiforme très-aplati, dont les faces offrent
des sinuosités à peine marquées. J’y ajoute cette autre preuve que le muscle
moyen fessier s’insère largement dans cette fosse antérieure du Kanguroo et
du Lièvre, dont une étroite bande antérieure seulement appartient au muscle
iliaque. Or, je ne sache pas qu’on ait encore essayé de considérer les fessiers
comme des muscles de la face interne de l’iléon ou de la fosse iliaque
interne.
Si du reste il fallait considérer l’aile de l’iléon comme l’homologue de l’épine
du scapulum, on serait en droit de demander pourquoi, parmi les muscles
qui prennent naissance sur l’épine de l’omoplate ou sur l’acromion, il n’en
est aucun qui représente le couturier ou le droit antérieur. Une pareille
différence ne saurait trouver une explication rationnelle que dans le cas où
l’épine scapulaire ne serait qu’un représentant atrophié de l’aile iliaque.
L’absence des muscles ci-dessus serait alors corrélative du faible dévelop-
pement de l’os. Mais c’est le contraire qui a lieu, l’épine du scapulum étant,
chez les Mammifères, d’une existence plus constante et d’un développement
plus accentué que l’aile antérieure de l’iléon.
Si, par suite de ces considérations, la face antéro-externe de l’iléon du
Kanguroo doit être regardée comme étant une partie de la fosse iliaque
externe, je crois qu’il est permis de considérer la face antéro-externe de
l’iléon des Chéiroptères comme ayant la même signification. Il existe en effet
de très-grands rapports de ressemblance entre ces deux bassins. Dans l’un
et dans l’autre, l’iléon est prismatique, triangulaire, et lés deux faces antéro-
externe et postérieure sont libres, tandis que la face interne est destinée à
l’articulation sacro-iliaque. Ces faces se correspondent exactement dans les
deux bassins : elles ont donc la même signification; et si la face antéro-externe
de l’iléon de Kanguroo représente, comme je crois l’avoir démontré, la por-
tion de la fosse iliaque externe qui est antérieure à la saillie iliaque (ou épine
de l’iléon), la face antéro-externe de l’iléon de Chauve-Souris doit avoir la
même signification.
Voici comment doivent être comprises, à mon avis, les relations entre les
éons prismatiques et les iléons pourvus d’ailes iliaques.
L’iléon primitif est une tige osseuse phalangiforme légèrement aplatie
— 175 —
entre ses faces interne et externe. La face interne est destinée à l’articulation
sacro-iliaque. Elle peut être plus ou moins occupée par la surface articulaire.
Sur la face externe s’élève une crête parallèle à l’axe de l’iléon, crête plus
ou moins saillante, et qui divise la face externe en deux portions : une por-
tion antéro-externe et une portion postérieure. Cette crête est la saillie iliaque
ou épine de l’iléon répondant à l’épine du scapulum. Elle porte, sur sa portion
voisine de la cavité cotylo'ide, l’insertion du tendon cotyloïdien du droit anté-
rieur du triceps crural. Les iléons de Kanguroo et de Chéiroptère rentrent
dans ce type ainsi modifié.
Sur cet iléon prismatique peuvent naître des ailes, l’une antérieure, l’au-
tre postérieure, qui élargissent ainsi les deux portions de la face externe de
l’iléon. Ces ailes ne sont que le résultat de l’extension en avant et en ar-
rière des bords antérieur et postérieur de l’iléon. 11 en résulte que, tandis
que chez le Kanguroo (PI. VII, fig. 5) et les Chéiroptères, lasur face arti-
culaire sacro-iliaque occupe tout le diamètre en largeur de la face interne de
l’iléon, dans l’iléon ailé la surface articulaire n’occupe qu’une partie de ce
diamètre élargi, et qu’il y a surtout en avant et quelquefois en arrière de
cette articulation une portion libre de la face interne. Cette portion libre
antérieure est le rudiment de la fosse iliaque interne. On trouve un pre-
mier degré de cette modification dans l’iléon de Lièvre (PI. VII, fig. 6),
et l’on voit que la saillie iliaque est toujours pourvue, comme chez le Kan-
guroo, à son extrémité cotyloïdienne, de l’insertiondu droit antérieur fémoral.
L’iléon de Ruminant présente un degré de plus (PI. VI, fig. 4, 5),
et montre l’iléon prismatique, sur lequel les ailes ne se sont développées que
sur l’extrémité supérieure. La fig. 4 montre les limites de la surface articu-
laire sacro-iliaque, surf, sac., ses relations avec les ailes iliaques antérieure
et postérieure, et par conséquent la fosse iliaque interne encore peu déve-
loppée, mais déjà bien évidente. La saillie iliaque ou épine de l’iléon {fig. 5,
sa. il.) a conservé à peu près sa situation primitive, mais s’est cependant
légèrement transportée en avant, avec l’aile antérieure. Elle porte toujours
à son extrémité cotylo'idienne l’insertion du tendon externe ou cotyloïdien
du droit antérieur fémoral. Ici commence à paraître un tendon interne ou
iliaque de ce même muscle, qui va s’attacher dans une fossette, sur le pro-
longement du bord antérieur de l’iléon.
Sur l’iléon du Cheval, les deux ailes antérieure et postérieure se pronon-
cent encore davantage et sont séparées par un large sinus ou échancure
qui occupe le bord épiiléal de l’os. L’aile antérieure est plus large et forme
une fosse iliaque interne occupée par le muscle iliaque interne. La saillie
iliaque ou épine de l’iléon, moins prononcée que chez les Ruminants, s’est
transportée plus en avant, sur l'aile iliaque antérieure. Son sommet
supérieur correspond au tubercule postérieur du bord supérieur de l’aileiliaque
antérieure. Sur son extrémité proximale se trouve la fossette destinée au
tendon externe ou colyloïdien du droit antérieur crural.
Enfin, chez l’Homme (PL Y, fig . 1), l’aile antérieure s’est encore for-
tement agrandie et élargie ; elle forme une vaste fosse iliaque externe que
divise la saillie iliaque ou épine de l’iléon, dont la position a suivi l’aile de
l’iléon dans son développement antérieur, et s’est fortement transportée en
avant, mais tout en conservant ses relations essentielles avec la cavité coty-
loide et avec l’insertion du tendon externe ou réfléchi du droit antérieur.
11 résulte de cet examen que la face antèro-externe de l’iléon, considérée
par M. Maisonneuve comme représentant la fosse iliaque interne, n’est que la
portion antérieure de la face externe, et que, par conséquent, le muscle qu’il
décrit comme iliaque in terne est en réalité iliaque externe. Chez les Chéiroptères^
ainsique l’avait bien vu Macalister, l’iliaque est bien réellement externe et
passe en dedans du tendon externe ou colyloïdien du droit antérieur fémo-
ral, qui existe seul. 11 n’y a qu’un seul muscle psoas iliaque, dont les in-
sertions sont pour le psoas ce qu’elles sont chez les autres animaux (corps
des vertèbres lombaires et apophyses transverses), et pour l’iliaque ce
qu’elles sont chez les animaux qui n’ont qu’un iliaque externe. Seulement
(et c’est ce qui a contribué à induire M. Maisonneuve en erreur) un inter-
stice cellulaire destiné au passage d’un gros nerf semble diviser en deux
muscles distincts ces faisceaux qui, en réalité, forment un seul et même
muscle. Ce rapport du muscle psoas avec un gros nerf du plexus lombaire
n’a pas du tout lieu de nous surprendre, car nous savons qu’il a lieu chez
tous les Mammifères, et que, chez l’Homme notamment, les nerfs inguinaux
interne et externe passent à travers les fibres du muscle psoas, sans qu’on
puisse penser à considérer ce muscle comme formé de deux muscles distincts.
Chez les Oiseaux, le muscle iliaque, réduit à une lame musculaire peu
— 175 —
étendue, s’insère sur une crête placée à la face externe de l’axe massif ou
col de l’iléon antérieur, et va s’insérer sur le fémur, dans un point qui cor-
respond au petit trochanter. Ce muscle passe, non plus en dedans, mais
en dehors d’un muscle grêle qui naît de l’épine iléo-pubienne, et qu’il faut
considérer (nous le démontrerons plus loin) comme un droit antérieur fémo-
ral n’ayant qu’un tendon direct. C’est que chez les Oiseaux l’aile antérieure
de l’iléon est entièrement occupée par la série des articulations sacro-ilia-
ques ; et du reste le muscle iliaque a son point de départ sur la tige mas-
sive ou portion axiale de l’iléon, en arrière de l’aile de cet os, et lui est par
conséquent étrangère.
Cette revue des dispositions diverses affectées par le muscle iliaque dé-
montre que le muscle dit iliaque interne ne mérite pas toujours cette
dénomination, puisqu’il est parfois exclusivement externe , et parfois inter-
médiaire lorsqu’il s’insère sur le bord antérieur de l’os iliaque qui sépare
la face interne de la face externe.
Nous voyons aussi que le muscle iliaque, qui passe ordinairement en
dedans du tendon direct du droit antérieur, acquiert, en devenant iliaque ex-
terne, une situation telle qu’il pourrait être extérieur à ce tendon, si ce dernier
existait sur le bord antérieur de l’iléon , et que même, chez les Oiseaux, où le
muscle droit antérieur n’a pas d’autre tendon que ce tendon direct, le mus-
cle iliaque passe réellement en dehors de lui. Ce sont là des modifications
intéressantes, qui sont faites pour frapper l’attention et pour soulever des
questions dont la solution n’est pas toujours facile, ainsi que nous l’avons
vu notamment pour la signification des diverses parties de l’iléon.
Une étude attentive de la disposition du muscle iliaque chez l’Homme,
où il atteint son plus haut degré de développement, pourra contribuer à
nous donner la clef de ces variations d’insertion et de rapports.
Chez l’EIomme, le muscle iliaque ne s’insère pas seulement sur les points
signalés précédemment, et qui appartiennent tous à la fosse iliaque interne;
mais il y a un faisceau qui eftt passé généralement inaperçu et qui existe tou-
jours plus ou moins développé. Ce faisceau provient de la partie supérieure
du sourcil cotyloidien et d’une partie de l’excavation qui est placée en dehors
de l’épine iliaque antérieure et inférieure (PI. V, fig. \,m. il.). 11 est
25
situé en dehors du tendon direct ou droit antérieur, et en dedans du tendon
réfléchi ou cotyloïdien. Il s’enfonce par conséquent dans l’intervalle des deux
tendons et est en grande partie recouvert par le tendon réfléchi. Celle situa-
tion spéciale qui le cache aux regards , ses faibles dimensions, et l’habitude
trop générale des antbropotomistes d’étudier l’anatomie de l’Homme pour
elle-même et en dehors des considérations de l’anatomie comparée, permet-
tent de comprendre qu’on ait méconnu l’existence de ce faisceau iliaque
externe. 11 a pourtant un intérêt anatomique assez grand, puisqu’il nous
permet de trouver le lien qu’il y a entre les animaux dont le muscle iliaque
est externe et ceux où il est interne.
Nous voyons en effet que chez l’Homme, où le muscle iliaque est le plus
développé, il se compose de deux parties : l’une iliaque interne, très-impor-
tante, placée en dedans du tendon direct du droit antérieur; l’autre iliaque
externe, de faible volume, placée en dehors du tendon direct et en dedans
du tendon réfléchi de ce même muscle. Chez la plupart des animaux, tels
que les Ruminants, les Solipèdes, les Carnivores, etc., il n’existe que la
portion iliaque interne, qui passe en dedans du tendon direct du droit anté-
rieur. Chez le Kanguroo, le Lièvre, les Chéiroptères, etc., et les Mammi-
fères dont la fosse iliaque interne n’existe pour ainsi dire pas ou est rem-
plie par les grands muscles psoas et par l’articulation sacro-iliaque, la por-
tion iliaque interne fait défaut; mais la portion iliaque externe prend par
compensation un volume inusité, et constitue à elle seule le muscle iliaque.
Elle se trouve, comme le faisceau iliaque externe chez l’Homme, en dehors
du bord inguinal de l’iléon, qui est le lieu théorique d’insertion du tendon
direct du droit antérieur, et est par conséquent virtuellement extérieure à ce
tendon, tandis qu’elle est placée en dedans du tendon réfléchi, qui existe
seul, et dont le lieu d’insertion, à la fois théorique et réel, est situé sur la crête
que j’ai nommée saillie iliaque et qui représente l’épine de l’omoplate.
Chez les Oiseaux, le muscle iliaque, peu développé, n’est représenté
que par la portion iliaque externe. Mais, le muscle droit antérieur ne pos-
sédant qu’un tendon direct inséré, comme toujours chez les Mammifères,
sur un point du bord antérieur ou inguinal de l’iléon, il arrive ici, comme
pour la portion iliaque externe de l’Homme, que le muscle iliaque passe en
dehors du tendon direct du droit antérieur pour aller s’insérer sur lefémur,
177
dans un point qui correspond au trochantin, en dedans du vaste interne.
Ainsi s’expliquent ces différences de situation et de rapport qui ont pu
surprendre ceux qui se sont occupés de cette question, et qui ont pu même
les conduire à des conclusions erronées1.
Si nous comparons maintenant chez l’Homme le muscle iliaque au muscle
sous-scapulaire, il nous sera facile de saisir les ressemblances et les diffé-
rences. Le muscle iliaque occupe toute la fosse iliaque interne, c’est-à-dire
toute la portion de la face interne de l’iléon qui est au-dessus de la crête
du détroit supérieur. Il n’a aucune insertion dans la portion de l’iléon qui
est au-dessous du détroit supérieur et qui fait partie du petit bassin. Il a de
plus une petite portion iliaque externe. De là, il va à la tubérosité interne
ou trochantin du fémur, et à la branche de bifurcation correspondante de
la ligne âpre.
Le sous-scapulaire occupe toute la fosse sous-scapulaire, et s’insère, non-
seulement dans toute la portion de cette fosse qui est supérieure à la crête
qui correspond au détroit supérieur de l’iléon2, mais encore dans la gout-
tière plus ou moins profonde qui est inférieure à cette crête et qui repré-
sente à l’épaule la portion iliaque de la cavité du petit bassin. Bien plus, ce
faisceau axillaire du muscle est très-dôveloppé, très-puissant . et est ren-
forcé par des fibres naissant de la face antérieure d’une aponévrose qui
sépare ce muscle du grand rond et de la longue portion du triceps brachial.
Les fibres charnues convergent de tous ces points pour venir s’insérer sur la
tubérosité interne ( ou trochin) de l’humérus, et un peu sur le bord interne
de la gouttière bicipitale3.
11 résulte de ces déterminations que le muscle sous-scapulaire manque
1 C'est ainsi que M. Lannegrace ( loc . cit.. pag. 19) dit, en parlant du droit antérieur des
Oiseaux, qu’il appelle à tort pubio-tibial : «Le muscle iliaque estplacé en dehors du pubio-tibiaL
cette seule connexion me permet d'affirmer . . . que le pubio-tibial ne répond pas au droit an-
térieur de la cuisse » .
2 Le scapulum est supposé placé comme dans la fig. 12, PI. VI, pour faciliter la compa-
raison avec l’iléon.
2 Dans la dernière partie de ce travail, quand il sera question delà signification des trochanters,
j'aurai l’occasion d’apprécier la valeur relative de l’insertion fémorale de l'iliaque et de l’inser-
tion humérale du sous-scapulaire. C'est là une question très-délicate, qu’il serait prématuré
d'aborder ici.
£
P
178
d’un faisceau scapulaire qui répondrait au petit faisceau iliaque externe,
mais qu’il représente tout le muscle iliaque interne par sa portion supé-
rieure au détroit supérieur, tandis que la portion inférieure ou axillaire nais-
sant au-dessous de la crête interne de l’omoplate ou détroit supérieur scapu-
laire n’est pas représentée dans le muscle iliaque proprement dit. Il reste à
savoir si ces faisceaux axillaires n’ont pas de représentants dans un autre
point de l’iléon, et c’est ce que j’examinerai bientôt.
Muscles obturateurs interne et externe. — Petit fessier. — Petit
rond. — Les muscles obturateurs interne et externe du bassin méritent de
fixer hautement notre attention. On peut les considérer théoriquement
comme possédant chacun trois rayons musculaires faisant partie des deux
étoiles dont le centre est formé par les tubérosités fémorales supérieures.
Je vais commencer leur étude chez l’Homme par le plus complet et le mieux
caractérisé, c’est-à-dire l’obturateur interne.
Ce muscle s’insère d’une part :
î° A la face interne du corps et de la branche descendante du pubis (chef
pubien) ;
2° A la face interne de la branche ascendante et du corps de l’ischion (chef
ischiatique) ;
o° A la face interne de toute la portion de l’iléon qui fait partie du petit
bassin, c’est-à-dire, au détroit supérieur et à toute la surface de l’iléon qui
est au-dessous de ce détroit ;
4° A la face postérieure de la membrane obturatrice et à l’aponévrose pel-
vienne qui revêt la face interne du muscle ;
5° Par ses fibres les plus inférieures, au prolongement réfléchi du grand
ligament sacro-sciatique qui est appliqué contre l’ischion.
Nées de ces diverses insertions, les fibres convergent pour former un corps
charnu qui gagne l’ouverture circonscrite, en haut par l’épine sciatique et le
petit ligament sacro-sciatique, en dedans et en bas par le grand ligament
sacro-sciatique, et en dehors par le corps de l’ischion. Ce muscle contourne
le bord de l’ischion, sur lequel il se réfléchit comme sur une poulie, et se
porte horizontalement en dehors, pour venir s’insérer an bord supérieur du
grand trochanter, au-dessus de l’obturateur externe.
179
Les insertions sur le grand ligament sacro-sciatique sont dues à des rela-
tions de contact, et doivent être rapportées au chef ischiatique, qui est de
beaucoup supérieur aux autres. C’est le chef le plus volumineux, et qui
est le représentant principal du muscle. Le chef iliaque et le chef pubien sont
moins importants.
Cherchons maintenant, dans la ceinture thoracique de l’Homme, les re-
présentants de ces divers éléments.
Le chef pubien n’est pas représenté à l’épaule, ce qui n’a pas lieu de nous
étonner, car le précoracoïde, un peu développé chez l’Homme, chez quelques
Singes, chez quelques Édentés, chez quelques Rongeurs et chez les Cétacés,
est extrêmement rudimentaire chez presque tous les autres Mammifères,
soit monodelphes, soit didelphes, soit ornithodelphes. Le chef pubien, déjà
d’une faible importance au bassin, disparaît à l’épaule, où le précoracoïde est
loin d’avoir un développement équivalent à celui du pubis.
Le chef ischiatique n’est pas non plus reproduit à l’épaule par un chef co-
racoïdien. Nous savons que le coracoïde n’est représenté que par un faible
noyau osseux. Le muscle faisant défaut, l’os correspondant a fait également
défaut.
Le chef iliaque trouve sur le scapulum une partie qui lui correspond.
C’est le faisceau axillaire du sous-scapulaire, qui naît de la face interne du
scapulum : 1° sur la crête arrondie qui représente le détroit supérieur ou
scapulum axial (PI. VI, fig. 12, dét. sup. sc. ax .) ; 2° de la surface con-
cave ou gouttière placée au-dessous de celte crête; 5° d’une aponévrose
qui, continuant le bord axillaire de l’omoplate, sépare ce muscle du grand
rond et de la longue portion du triceps brachial. Cette aponévrose n’est en
réalité qu’un prolongement fibreux du bord axillaire de l’os, et est représen-
tée par les tissus fibreux qui enveloppent les vaisseaux et nerfs fessiers à leur
sortie par la grande échancrure sciatique.
Le rapprochement entre ces deux éléments musculaires peut être d’autant
plus précis et rigoureux que non-seulement leurs insertions iliaques et
scapulaires se correspondent exactement, mais qu’encore l’un et l’autre
contractent des rapports avec la face antérieure de deux tendons dont je dé-
montrerai plus tard l’homologie : le tendon du long triceps brachial d’une
180 —
part, et le grand ligament sacro-sciatique ou tendon du long biceps crural
d’autre part.
Bans le bassin, le muscle iliaque interne passe au-dessus de l’éminence
iléo-pubienne, et par conséquent au-dessus du pubis et de l’ischion. Le chef
iliaque de l’obturateur interne passe au contraire au-dessous de l’ischion.
Ces deux muscles sont par conséquent séparés par le triangle osseux formé
par le pubis et l’ischion. Il en résulte que, l’un sortant du bassin par le dé-
troit supérieur et l’autre par le détroit inférieur, ils divergent à partir de
leurs insertions iliaques, ce qui peut donner une couleur paradoxale à cette
assimilation de ces deux muscles avec le muscle sous-scapulaire, dont tous
les faisceaux sont au contraire convergents. Mais si l’on supprime au bassin
la tubérosité de l’ischion, de manière à ramener l’os coxal aux éléments de
l’arc scapulaire, le chef iliaque de l’obturateur interne n’aura plus à se diri-
ger en arrière pour contourner le bord postérieur de l’ischion, et il pourra
seporter directement en avant et en bas pour s’insérer sur le trochanter. 11
deviendra alors parallèle au muscle iliaque, dont il ne sera séparé que par
l’épaisseur du pubis. Mais si nous supposons ici un pubis atrophié et rac-
courci, qui, n’étant plus assez long pour retenir le muscle iliaque au-dessus
de lui, lui a permis de passer au-dessous, nous aurons reproduit exactement
les conditions du précoracoïde à l’épaule, précoracoïde au-dessous duquel
passe le sous-scapulaire ; le bord inférieur de l’iliaque sera contigu et paral-
lèle au bord supérieur du chef iliaque de l’obturateur interne, et ces deux
muscles seront réunis en un seul et même muscle. Les insertions trochanté-
riennes, éloignées par l’effet de la divergence des deux muscles, se rappro-
cheront en même temps qu’eux, et le sous-scapulaire sera, dans tout son
ensemble, représenté par le muscle iliaque interne et par le chef iliaque de
l’obturateur interne.
Chez les animaux qui, comme le Cheval, ont un os iliaque pourvu d’une
tige ou portion axiale mince, la divergence des deux faisceaux musculaires
est très-faible, l’un passant au-dessus et l’autre au-dessous de cette tige os-
seuse, relativement étroite ; et l’on peut saisir clairement combien il est facile
de rendre les deux faisceaux entièrement parallèles et de les confondre en
un seul et môme muscle convergent.
Il importe d’ajouter d’ailleurs que les différences qui empêcheraient
— 181 —
d’assimiler les deux muscles en question sont uniquement des différences de
trajet et de direction ; et nous savons combien peu d’importance il faut
attacher à cet ordre de caractères dans l’établissement des homologies muscu-
laires. Les muscles obturateurs nous fourniront plus tard une preuve très-
frappante de ce fait.
Les rapprochements que je fais trouveront dans les considérations d’ana-
tomie comparée des preuves d’une certaine valeur et que je laisse de côté
pour le moment, afin de ne pas séparer l’étude de l’obturateur externe de
celle que je viens de faire de l’obturateur interne.
L’obturateur externe chez l’Homme présente, comme l’interne, la forme
d’une étoile à trois rayons ou chefs musculaires.
11 s’insère, d’une part : 1° au pourtour du trou obturateur, c’est-à-dire
à la face antérieure du corps et de la branche ascendante de l’ischion et
de la branche descendante du pubis ; 2° à la face antérieure de la membrane
obturatrice et de l’arcade aponévrotique qui complète le canal sous-pubien;
d’autre part, à la cavité digitale du grand trochanter, c’est-à-dire à une exca-
vation de la face postérieure de cette éminence.
Les insertions pubiennes de ce muscle se font seulement au voisinage du
trou obturateur. La plus grande partie des fibres charnues naissent de l’is-
chion, de l’épiischion et de l’épipubis, ainsi que la membrane obturatrice.
L’obturateur externe ainsi constitué ne présente que deux chefs : l’is-
chiatiqueet le pubien. Le chef iliaque est représenté par un muscle qui en
est séparé par un angle ouvert en dedans, angle dans lequel se logent les
tendons du pyramidal, de l’obturateur interne et des jumeaux : c’est le
muscle petit fessier. Ce dernier muscle, en effet, s’insère sur l’iléon, à la
partie externe de l’échancrure sciatique, c’est-à-dire précisément sur la por-
tion de la face externe de l’iléon qui est symétrique de la portion de la face
interne qui fait partie du petit bassin, et sur laquelle s’attache le chef iliaque
de l’obturateur interne. Seulement les insertions du petit fessier dépassent
cette -région et s’étendent à toute la portion de la fosse iliaque externe qui
est au-dessous de la ligne demi-circulaire antérieure. Le chef iliaque de l’ob-
turateur externe s’est élargi et s’est insinué sous le muscle moyen fessier ;
mais son point de départ principal est sur le bord interne de l’échancrure
— 182 —
sciatique, tandis que son insertion mobile est sur le bord antérieur de la
moitié antérieure du bord supérieur du grand trochanter.
Cette disposition étalée du petit fessier ou fessier profond est spéciale à
l’Homme et aux animaux dont l’iléon, dépourvu d’un col allongé, s’élargit
brusquement en un os plat formant une fosse iliaque externe étendue. Chez
les Mammifères dont l’iléon possède un col allongé, tels que les Solipèdes
et les Ruminants, les insertions du fessier profond reproduisent exac-
tement à l’extérieur les insertions internes du chef iliaque de l’obturateur
interne. Chez le Cheval, notamment, le fessier profond est un muscle petit,
court, épais, quadrilatère, qui part de la zone du col de l’iléon qui borde
l’échancrure sciatique, et de la crête sus-cotyloïdienne , c’est-à-dire de la
portion de la face externe de l’iléon qui correspond exactement aux inser-
tions iliaques internes de l’obturateur interne. 11 en est de même chez les
Ruminants, quoique le muscle fessier profond y soit plus développé, et l’on
peut voir en m.f. p. (PI. VI, fg. 5), sur la crête sus-cotyloïdienne, les
rugosités osseuses convergentes qui servent d’insertion au muscle fessierpro-
fond. On voit qu’ici ce muscle est exclu de la fosse iliaque externe, dans
laquelle il s’est partiellement introduit chez l’Homme et les animaux dont
l’aile iliaque antérieure s’est fortement étalée.
Nous trouverons à la ceinture thoracique un représentant de l’obturateur
externe dont la composition rappelle fidèlement celle du représentant de
l’obturateur interne. Les chefs ischiatique et pubien y font défaut, le cora-
coïde étant rudimentaire et le précoracoïde étant incomplètement déve-
loppé. Le chef iliaque trouve au contraire son homologue dans le muscle pe-
tit rond. Ce dernier muscle naît en effet d’une portion de la fosse sous-épi-
neuse (PL V, fig. 2, m. p. r.), qui est séparée du reste de la fosse par
une crête et qui est située au-dessus de la surface rugueuse d’insertion du
muscle grand rond. Cette surface d’insertion correspond exactement aux in-
sertions du petit fessier qui sont voisines de l’échancrure sciatique (PL V,
fig. 1, m. p. /.). Les relations avec le grand rond etavec la portion iliaque
du grand fessier, muscles dont je démontrerai l’homologie, sont identiques
dans les deux cas, ainsi qu’on peut en juger par le rapprochement des deux
fig. 1 et 2 de la PI. V. Enfin, le petit rond s’insère sur la portion infé-
— 185 —
rieure et postérieure du troehiter, c’est-à-dire, comme pour le petit fessier,
sur la partie la plus voisine de la tubérosité supérieure du premier article du
membre.
Chez beaucoup de Mammifères, les rapprochements entre le petit fessier
et le petitrond sont encore plus étroits que chez l’Homme. Chez le Cheval,
entre autres, et chez les Ruminants, les insertions du petit rond ont lieu sur
une bande postérieure de la fosse sus-épineuse, et par un court tendon
sur un petit tubercule situé au côté externe du sourcil de la cavité gléno'ide.
Il suit de là que ce muscle s’insère à la fois sur le bord axillaire de l’omoplate
qui répond au bord ischiatique de l’iléon , et sur la partie du scapulum où
s’insère le long triceps huméral. J’ai désigné cette partie sous le nom de sca-
pulum postérieur, et nous savons qu’elle répond àla crête sus-cotyloïdienne
de l’iléon, qui est l’iléon postérieur, et où s’insère le long biceps fémoral. On
trouve donc là des rapports étroits et, précis, qui permettent de serrer de près
les homologies'.
11 résulte de ces considérations que les muscles obturateurs interne et
externe de la ceinture pelvienne ne sont représentés à la ceinture thoracique
que par un de leurs trois chefs, le chef scapulaire, qui correspond au chef
iliaque. Seulement, tandis que le chef scapulaire interne ne se distingue que
faiblement du muscle sous-scapulaire proprement dit, le chef scapulaire ex-
terne est séparé du sous-épineux par une lame aponévrotique forte, qui sert
d’insertion par ses faces à l’un et à l’autre muscle, et n’est qu’un dévelop-
pement plus prononcé des lames aponévrotiques minces qui séparent les
fibres du sus-scapulaire.
Les chefs ischiatiques ne sont pas représentés à l’épaule, parce que le
coracoïde homologue de l’ischion est réduit à un point osseux peu étendu
de la cavité cotyloïde. Quant aux chefs pubiens, auxquels devraient corres-
pondre des chefs précoracoïdiens, ils font également défaut, ce qui ne s’ex-
plique pas de prime abord, puisque le précoracoïde atteint chez l’Homme
et chez quelques Mammifères un développement relativement grand, et que
1 Nous verrous dans la suite du travail que le long biceps fémoral est l’homologue du long
triceps brachial.
U
184
chez tous les Mammifères il est au moins représenté par une saillie osseuse
suffisante pour donner insertion à des muscles.
Nous trouverons l’explication de celte absence de chef ou rayon préco-
racoïdien dans cette observation que le précoracoïde est toujours incom-
plet, même chez les Mammifères où il est le plus développé, et que chez
ces derniers, chez l’Homme par exemple, il ne possède que sa portion
axiale supérieure, voisine de la cavité articulaire, portion qui, dans le pubis,
ne porte point les insertions des obturateurs. Celte portion du précoracoïde
appartient à d’autres muscles dont nous aurons à discuter la valeur. Au
reste, l’anatomie comparée viendra apporter ses preuves à l’appui des con-
sidérations qui précèdent, en démontrant que les chefs coracoïdiens et pré-
coracoïdiens des obturateurs sont toujours plus ou moins représentés à
l’épaule des Vertébrés dont le coracoïde et le précoracoïde ont atteint un
développement normal, et que le chef coracoïdien existe seul quand le
coracoïde seul s’est suffisamment développé. Ainsi se produira une nouvelle
confirmation du principe (que je m’efforce d’établir) de la corrélation étroite
des os et des muscles, corrélation telle que le muscle commande la formation
de l’os, et que, là où le muscle fait défaut, l’os fait également défaut. 11 en
résultera encore une nouvelle preuve de la fixité des insertions musculaires,
les muscles ne transposant pas leurs insertions et ne se fixant pas sur un
autre os, quand l’os d’insertion ordinaire fait défaut.
Ces principes vont trouver une confirmation éclatante dans l’étude que je
vais faire des muscles obturateurs chez les Vertébrés autres que les Mammi-
fères, et chez les Mammifères ornilhodelphes.
On peut dire d’une manière générale que, soit à la ceinture pelvienne,
soit à la ceinture thoracique, quand les éléments osseux sont suffisamment
développés, il existe des chefs musculaires qui appartiennent aux muscles
obturateurs, et dont l’importance est proportionnée à celle des éléments
osseux. 11 existe donc, à l’épaule comme au bassin, de véritables muscles
obturateurs, dont l’homologie n’est pas douteuse, qui représentent dans
l’une et l’autre ceinture la couche la plus profonde des muscles qui en
naissent, couche dont l’insertion mobile ou distale se fait sur les tubéro-
sités supérieures de l’os qui forme le premier article du membre. Cette
185- —
présence, à l’épaule, de véritables muscles obturateurs ne semble pas avoir
frappé l’attention des observateurs, quelque intéressante qu’elle soit au
point de vue delà comparaison des deux ceintures. Les désignations don-
nées aux muscles de l’épaule par les anatomistes ne rappellent en rien cette
conformité de structure entre les deux ceintures, et prouvent suffisamment
que l’attention des naturalistes ne s’est point portée sur ce point, d’un réel
intérêt. Je désire combler ici cette lacune regrettable, et démontrer ainsi
combien sont étroites et précises les ressemblances des deux arcs thoracique
et pelvien. Aussi vais-je rechercher dans la série des Vertébrés les muscles
obturateurs delà ceinture scapulaire en lescomparant à ceux de la ceinture
thoracique.
A. Amphibiens. — Chez les Amphibiens urodèles, dont la ceinture pel-
vienne se compose d’un iléon dorsal étroit et d’un large ischio-pubien ven-
tral, il existe un obturateur interne qui part de la face interne de l’ischion
et un peu de la portion pubienne de l’os, et qui, sortant du bassin par son
orifice postérieur, va s’insérer sur les tubérosités de l’extrémité proximale
du fémur. Le chef iliaque fait généralement défaut, ce qui est en relation
avec les faibles dimensions relatives de l’iléon chez les Urodèles.
L’obturateur externe n’est pas un muscle distinct et isolé. Il peut être
considéré comme une portion profonde de la masse des adducteurs. Ces
derniers s’insèrent en effet sur toute la face inférieure de l’ischio-pubis,
et sur le bord interne du fémur depuis la tubérosité trochantérienne jus-
qu’au condyle. Le chef iliaque est confondu avec la partie du muscle fessier
qui va de l’iléon à la partie supérieure du fémur.
Sur la ceinture pectorale des Batraciens urodèles, on peut nettement
reconnaître un obturateur interne et un obturateur externe. C’est ainsi que
chez la Salamandra maculosa j’ai trouvé un bel obturateur externe, for-
mant une couche musculaire composée de trois chefs aplatis, disposés en
éventail et convergeant vers la tubérosité supérieure de l’humérus. U y a
un chef coracoïdien large tapissant presque toute la face externe du cora-
coïde, un chef précoracoïdien dont l’étendue est proportionnée aux dimen-
sions du précoracoïde. Ces deux portions de l’obturateur externe ont été
décrites par Owen comme des portions du grand pectoral chez la Salaman-
180
dru terreslris , quoiqu’il eût reconnu leur indépendance et leur autonomie
( v but so lhat the coracoïd portion is almost a distinct muscle ' »).
Le chef scapulaire est représenté par un muscle qui naît de la face externe
du scapulum (suscapulaire des auteurs, petit rond mihi ) et correspond à ce
muscle tout entier.
L’obturateur interne est constitué par des lames musculaires qui partent
de la partie externe de la face profonde du coracoïde et du précoracoïde, et
qui s’unissent avec un chef sous-scapulaire assez réduit et contournent lebord
du coracoïde pour aller se porter sur la tubérosité proximale de l’humérus.
Chez l’Axolotl, comme chez la Salamandre, les chefs coracoïdiens et sca-
pulaire de l’obturateur interne se réunissent bientôt en un seul muscle qui
va s’insérer sur la tubérosité humérale.
Les modifications de la ceinture pelvienne, chez les Batraciens anoures,
ont leur retentissement naturel sur la disposition des muscles obturateurs.
Les plaques ischio-pubiennes sont appliquées l’une à l’autre par leur face
interne, d’où résulte l’absence des chefs ischio-pubiens de l’obturateur
interne. Quant au chef iliaque, il est difficile de le distinguer, vu la forme
anormale et rétrécie de l’iléon ; mais on peut cependant le considérer comme
confondu avec le muscle intra-iléo-fémoral, qui naît de la face interne de
la portion postérieure aplatie de l’iléon, et qui, se réfléchissant sur le bord
antérieur du pelvis, va s’insérer sur la face externe du fémur dans presque
toute son étendue.
Quant à l’obturateur externe, il est plus reconnaissable et plus complet ; ses
chefs ischio-pubiens font partie d’une masse musculaire située à la face pro-
fonde du grand adducteur, s’insérant sur la face externe de l’ischion et du
pubis, et allant s’attacher sur le tiers supérieur du bord interne du fémur.
La portion la plus antérieure de cette masse se distingue assez bien du reste
du muscle, qui est un véritable adducteur profond, et elle va s’insérer im-
médiatement au-dessous de la tête du fémur. Je crois qu’on peut, avec
raison, considérer cette portion comme représentant l’obturateur externe.
Le chef iliaque de ce muscle ne peut être distingué du muscle fessier.
1 Owen-, Anatomy of Vertebrates, I, pag. 217.
— 187 —
Les obturateurs de la ceinture scapulaire sont plus normaux et plus com-
plets que ceux de la ceinture pelvienne, ce qu’il était facile de prévoir,
vu l’état complet de développement et l’indépendance relative des éléments
de l’arc pectoral.
L’obturateur interne ( Ram esculenta ) se compose d’un chef coracoïdien
assez volumineux qui occupe la face interne du coracoïde, et d’un chef sous-
scapulaire plus important, qui, réunis en une masse commune, passent en
arrière de la ceinture thoracique et vont s’insérer sur la tubérosité de l’ex-
trémité proximale de l’humérus, dans le sillon postérieur de la crête deltoï-
dienne. Le chef précoracoïdien est réduit à quelques fibres musculaires et
semble faire à peu près défaut ; mais il est en réalité remplacé par le chef
précoracoïdien d’un muscle important que nous retrouverons dans la cein-
ture pelvienne des Lacertiliens et des Chéloniens, où Owen le désigne sous
le nom de pectineus. Ce muscle important, composé d’un chef intra-préco-
racoïdienet d’un chef sous-scapulaire, sort en avant de la ceinture thoracique,
dont il contourne le bord antérieur ou précoracoïdien, et va s’insérer
sur le trochiter et une portion des faces interne et antérieure de l’humérus.
L’obturateur externe se compose d’un chef précoracoïdien naissant de
la partie externe de la face inférieure du précoracoïde, et d’un chef coracoïdien
qui s’insère sur la moitié externe de la face inférieure du coracoïde. Le chef
coracoïdien est contigu et pour ainsi dire continu avec un muscle grand ad-
ducteur coracoïdien qui correspond à l’adducteur ischiatique. C’est là un
rapport qui doit d’autant moins nous étonner, qu’il existe dans la ceinture
pelvienne des Mammifères et même de l’Homme : la portion ischiatique des
obturateurs y est en effet continue avec le bord supérieur du carré crural,
qui n’est qu’un faisceau supérieur du grand adducteur ischiatique.
Le chef sus-scapulaire de l’obturateur externe doit être considéré comme
représenté en tout ou en partie par un muscle qui, s’insérant sur la face su-
périeure de l’épiscapulum et du scapulum, va se terminer à côté des deux
autres chefs, sur les tubérosités supérieures de l’humérus.
B. Reptiles. — Chez les Reptiles, nous retrouvons aussi et plus nette-
ment encore les obturateurs pelviens et thoraciques, avec des modifications
qui sont corrélatives de la constitution des ceintures osseuses.
— 188 —
1° Chez les Chéloniens ( Testudo mauritanica , Cistudo europœa, Chel-
l/iydra serpentina), on trouve à la ceinture pelvienne les deux obturateurs
interne et externe, plus un muscle surnuméraire, 1 epectineus d’Owen, qui
doit être rattaché aux obturateurs, et dont je rechercherai la signification.
L’obturateur interne s’insère sur toute la face interne de l’ischion, sur la
membrane obturatrice et sur le bord postérieur du pubis. A ce faisceau,
assez volumineux, qui représente les chefs ischiatiques et une partie du
chef pubien, s’unissent des fibres provenant des faces internes de l’iléon,
et des faisceaux pubiens que nous étudierons sous le nom de muscle pubien
interne, ou pectineus d’Owen.
Les fibres naissant de la face interne de l’ischion s’unissent à des fibres
naissant de la partie postérieure de la face interne de l’iléon et du bord
postérieur de cet os, et sortent par l’orifice postérieur de la ceinture pour se
rendre sur le fémur, au voisinage de la grosse tubérosité. Les fibres nais-
sant de la face interne du pubis sortent par l’orifice antérieur de la ceinture,
se réfléchissent sur le bord antérieur du pubis et s’unissent au muscle ilia-
que interne, qui naît du bord antérieur de l’iléon pour se porter vers la
petite tubérosité du fémur. 11 y a donc deux faisceaux distincts : l’un anté-
rieur et l’autre postérieur, composés chacun d’un chef ou ischiatique ou
pubien, et d’un chef iliaque, postérieur ou antérieur. C’est là une disposi-
tion qui se retrouvera à la ceinture thoracique, et qui se reproduit chez les
Sauriens et chez les Crocodiliens.
L’obturateur externe fait partie d’un faisceau musculaire volumineux
provenant de la face inférieure de l’ischion, de la face inférieure du pubis,
et de la membrane obturatrice. Les fibres pubiennes de cette masse mus-
culaire sont bien plus importantes que les fibres ischiatiques. Cette masse
musculaire est croisée à sa face inférieure par le ligament ischio-pubien
(PL IV, fig. 11, lig. isc. pu.). Owen la désigne sous le nom de triceps
adductor , dénomination qui a ceci de juste que la masse musculaire ainsi
décrite ne correspond pas seulement à l’obturateur externe, mais aussi aux
adducteurs pubiens.
Au reste, les deux muscles composants sont clairement séparés par un
sillon très-marqué qui "permet de les distinguer. Les adducteurs pubiens,
s’insérant sur le pubis et formant la partie antérieure de la masse, vonts’in-
189 —
sérer sur la partie supérieure delà ligne âpre du fémur, tandis que l’obtura-
teur externe, s’insérant un peu sur le pubis, sur la membrane obturatrice et
surtout sur l’ischion, va s’attachera la petite tubérosité ou tubérosité anté-
rieure du fémur.
Quant au chef iliaque de l’obturateur externe, il se confond avec les mus-
cles iléo-fémoraux ou fessiers profonds, qui s’insèrent également sur le
trochanter.
A ces muscles , il faut ajouter un muscle volumineux , décrit par
Owen sous le nom de pectineus , et par Bojanus sous le nom d’iliacus in-
ternus. Ce muscle, ayant son point de départ sur la face supérieure du pubis
et de l’apophyse pubienne , se réfléchit sur celte dernière pour aller s’insérer
sur la tubérosité interne ou petite tubérosité du fémur, et sur une ligne
courte qui part de cette tubérosité. Ce tendon terminal reçoit, ainsi que le
fait remarquer Owen, un petit faisceau qui, naissant du corps de la neu-
vième vertèbre dorsale et de la dixième pleurapopbyse, peut représenter le
psoas. Ce muscle n’est exactement ni un muscle pectiné proprement dit,
comme le pense Owen, et encore moins un iliaque interne, comme le pense
Bojanus. Pour combattre l’opinion de Bojanus, il suffit de faire remarquer
que ce muscle n’a aucune relation d’attache avec l’iléon. Ce n’est pas non
plus un muscle pectiné, dans le sens rigoureux du mot, à cause de ses inser-
tions sus-pubiennes et trochantériennes. Il faut le considérer comme un
muscle complexe répondant, d’une part au vrai pectiné par ses fibres externes
nées de l’apophyse pubienne et allant à la partie supérieure de la ligne âpre,
et d’autre part à un muscle pubien interne par ses fibres intra-pubiennes
et trochantériennes. Ce dernier muscle serait au chef pubien de l’obturateur
interne ce qu’est le muscle iliaque par rapport au chef iliaque de ce même
obturateur. Le muscle pubien interne , comme l 'iliaque interne , sont des
muscles de renforcements antérieurs considérables des chefs correspondants
de l’obturateur interne, renforcements dont la présence est en relation avec
un développement considérable de l’os sur lequel ils s’attachent, et qui
passent l’un et l’autre au-devant de la ceinture pelvienne.
A l’épaule des Chéloniens existent des muscles obturateurs bien dévelop-
pés et bien caractérisés.
— 1 90 —
Sur la face inférieure delà portion coraco-précoracoïdienne de la ceinture
thoracique, on trouve deux faisceaux musculaires qui ne sont séparés que
par un sillon peu profond, mais qui convergent vers la tubérosité interne
ou deltoïdienne de l'humérus, ou petite tubérosité. L’un de ces muscles est
antérieur et s’insère sur toute la face inférieure du précoracoïde et sur l’épi-
précoracoïde. Owen, qui regarde le précoracoïde comme une clavicule, est
amené par là à considérera tort ce muscle comme un faisceau du deltoïde.
Le deltoïde est toujours étranger aux éléments coracoïdiens et précoracoï-
diens de la ceinture thoracique. Il appartient à l'élément scapulaire et aux
éléments surajoutés ou de formation secondaire de cette ceinture, c’est-à-
dire la clavicule et l’intercla vieille, quand elles existent. Le second faisceau,
bien plus volumineux que l’antérieur, s’insère sur la membrane obturatrice
dans toute son étendue et sur la face inférieure du coracoïde. Il s’unit au
faisceau antérieur, au niveau de son insertion humérale sur la tubérosité in-
terne : c’est le subcoracoideus d’Owen \ M. Alix \ pour des raisons trop
subtiles et trop peu rigoureuses pour que je les discute ici, en fait un muscle
sus-épineux.
Ces deux faisceaux réunis doivent être considérés comme un véritable
obturateur externe thoracique dont les chefs précoracoïdien et coracoïdien
sont nettement et fortement développés. On pourrait peut-être ajouter que le
faisceau précoracoïdien ne correspond pas uniquement à l’un des chefs de
l’obturateur, mais qu’il représente à la fois le chef précoracoïdien de l’obtu-
rateur externe, et le précoraco-huméral (coraco-brachialdesanthropotomistes),
dont les insertions seraient limitées à la région trochantérienne de l’humérus
et ne s’étendraient pas au corps de cet os, à cause de la situation spéciale de
l’humérus, qui, chez les Chéloniens, est dirigé en avant et non en arrière,
comme chez tous les autres Vertébrés.
La face supérieure ou profonde de la portion coraco-précoracoïdienne de
la ceinture est occupée par une masse musculaire triangulaire très-volumi-
neuse, qui dépasse notablement en arrière les limites de la région osseuse,
et qui est à ce niveau séparée du bord postérieur de l’obturateur externe par
1 Owea-, Anat. of Vertebrates, I, 238.
2 Alix; Essai sur l'app. locom. des Oiseaux , pag. 422.
191
un sillon profond dans lequel se trouve logé le biceps brachial. Cette niasse
musculaire s’insère à toute la face supérieure du coracoïde, de l’épicoracoïde,
et de la membrane obturatrice sur le bord postérieur du précoracoïde ; elle
converge vers la grosse tubérosité ou tubérosité externe de l’humérus.
Avant de s’y insérer, elle s’unit avec un faisceau musculaire assez volu-
mineux, qui provient de la face interne du scapulum.
On peut distinguer dans la masse musculaire sus-coracoïdienne plusieurs
faisceaux faiblement séparés. Owen y a reconnu, chez l ’Emys europœa , un
supercoracoideus qui serait le faisceau postérieur, que je considère comme
le carré crural, et un teres minor ou petit rond, ce qui n’est point justifiable,
puisque le petit rond est proprement un muscle scapulaire et non un muscle
coracoïdien.
Il est très-rationnel de considérer cette masse musculaire comme constituée
à la fois par le chef coracoïdien très-volumineux de l’obturateur interne qui
s’unit à un chef sous-scapulaire postérieur, et par un muscle coraco-huméral
hui occupe le bord postérieur de l’obturateur interne, avec lequel il est continu ,
et qui représente un grand adducteur coraco-huméral réduit à sa portion proxi-
male ou carré huméral. Ce muscle correspondrait au carré crural, qui est la
portion proximale du grand adducteur ischio-fémoral. On sait d’ailleurs que
le carré crural (quand il existe à l’état distinct, comme chez l’Homme), ou
dans tous les cas la portion proximale du grand adducteur fémoral, sont
continus avec le bord postérieur ou inférieur de l’obturateur interne, et
même des deux obturateurs. Je rappelle que la face profonde de cet obtu-
rateur interne des Chéloniens est recouverte d’une aponévrose qui devient le
point de départ de ce muscle plat, qu’Owen a nommé serratus magnus ,
et dont je me suis longuement occupé à propos du petit pectoral.
Le chef précoracoïdien de l’obturateur interne est peu développé. C’est un
muscle naissant de la face interne du précoracoïde, sur le parcours du bord
antérieur , et qui, s’unissant à des fibres nées sur la face interne de l’extré-
milé inférieure du scapulum, va s’insérer sur la tubérosité externe de l’hu-
mérus, au-dessous de la crête deltoïdienne. C’est là un chef précoracoïdien
accompagné d’un chef scapulaire antérieur de l’obturateur interne et sortant
par l’orifice antérieur de la ceinture. Ce muscle est très-remarquable, parce
qu’il reproduit exactement à l’épaule la disposition du pectineus d’Owen au
25
192
bassin. Et puisque ce dernier a été considéré par moi comme un chef pubien
de renforcement de l’obturateur interne, il est rationnel de regarder le muscle
correspondant de la ceinture thoracique comme un chef précoracoïdien
de renforcement de l’obturateur interne. Ce chef précoracoïdien s’unit à des
faisceaux scapulaires antérieurs, et sort par l’ouverture antérieure de la cein-
ture thoracique, comme le chef pubien correspondant s’unit à des faisceaux
iliaques antérieurs pour sortir par l’orifice antérieur de l’arc pelvien.
2° Chez les Lacertiliens ( Lacerta ocellata ), il y a ci la ceinture pelvienne :
1" un obturateur interne qui s’insère sur l’ischion, sur la membrane obtu-
ratrice et sur le bord postérieur du pubis ; quelques fibres naissent de la
portion proximale de la face interne de l’iléon ; le faisceau ischiatique est de
beaucoup le plus volumineux, le faisceau pubien étant très-réduit ; 2° un
obturateur externe qui est ischio-pubien et qui, comme chez les Batraciens
et les Chéloniens, peut être considéré comme correspondant aussi aux ad-
ducteurs par ses fibres superficielles et postérieures qui, dépassant le tro-
chanter, vont à la ligne âpre ; et 5° un pubien interne très-développé ou
pectiné d’Owen, exactement comparable à celui des Chéloniens, et auquel
s’appliquent les mômes remarques.
La ceinture thoracique des Lacertiliens kionocrâniens possède aussi un
obturateur externe et un obturateur interne dont la détermination mérite
d’être discutée. L’obturateur externe est bien plus développé que l’interne.
Il est fort et large, et se compose de plusieurs faisceaux. Il est recouvert en
avant par le deltoïde claviculaire et en arrière par le muscle pectoral. Chez
le Lézard occellé, où je l’ai disséqué avec soin, ce muscle comprend un
faisceau coraco-huméral, un faisceau précoraco-huméral, et un faisceau
scapulo-huméral. Le faisceau coracoïdien est le plus volumineux ; il s’insère
sur la face inférieure du coracoïde et de lepicoracoïde dans la moitié anté-
rieure de cet os, sur le pourtour du trou obturateur, sur la membrane
obturatrice jusqu’au niveau du précoracoïde. Les fibres de ce muscle divisées
parfois en deux couches superposées, l’une superficielle et l’autre profonde
(Scincoidea, Uromastix ), convergent et vont s’attacher sur la tubérosité
latérale externe de l’humérus.
195
La signification de ce faisceau musculaire a été très-diversement comprise.
Meckel et Pfeiffer en ont fait une dépendance du muscle deltoïde, ce qui
n’est pas soutenable, attendu que le deltoïde n’est pas un muscle coracoï-
dien. D’autres lui ont donné des dénominations neutres et ne préjugeant en
rien sa signification. Mivart l’a appelé M. epicoraco-humeralis ; Rüdinger
M. coraco-brachialis proprius et proprius anterior ; Fürbringer, M. co-
raco-humeralis I et IL D’autres anatomistes, Stannius, Rolleston, lui ont
reconnu une grande ressemblance avec le second pectoral des Oiseaux, et
surtout desRatites, et l’ont considéré comme son homologue. Rolleston et
Sanders ont les premiers, dernièrement, cherché son homologue parmi les
muscles de l’Homme. Rolleston l’a comparé au muscle sous-clavier des
Mammifères, et Sanders au sus-épineux dans ses travaux sur le Platy-
dactylus et sur le Liolepis, tandis que dans son dernier travail (sur le Phry-
nosoma ) il le reconnaît comme l’homologue en partie du sus-épineux et en
partie du sous-clavier. Fürbringer, à qui j’emprunte ces détails historiques,
pencherait fort pour la première opinion de Sanders, c’est-à-dire pour la
détermination de ce muscle comme l’homologue du sus-épineux, attendu
que l’insertion humérale des deux muscles est bien réellement identique. 11
fait pourtant observer que ce serait considérer comme homologues le cora-
coïde, l’épicoracoïde et le précoracoïde des Sauriens d’une part, et la fosse
sus-épineuse des Mammifères d’autre part, ce qui n’est pas admissible. Für-
bringer s’arrête enfin à cette opinion que le muscle des Sauriens, que nous
étudions et auquel il donne le nom de supra- cor acoideus , et le sus-épineux
des Mammifères, ne sont pas homologues, que ce sont deux muscles dis-
tincts appartenant au même groupe de muscles (le système des muscles su-
pra-coracoïdien, sus-épineux et sous-épineux), mais différant trop entre eux
par leur situation et leurs insertions fixes pour qu’on puisse les considérer
comme complètement homologues. Il va sans dire qu’en vertu même du
principe de la constance des insertions musculaires, que je soutiens ici , je rejette
toute homologie directe du muscle supracoracoïdien de Fürbringer, soit avec
le sous-clavier, soit avec le sus-épineux des Mammifères. Quant à considérer,
avec Fürbringer, le supracoracoïdien et le sus-épineux comme des muscles
appartenant au même groupe, au même système, je regarde cette opinion
comme acceptable, en tant que ce groupe correspondrait à la couche pro-
194 —
fonde des muscles qui vont des divers éléments primaires de la ceinture tho-
racique aux tubérosités proximales de l’humérus1.
J’aurai du reste l’occasion de m’expliquer à cet égard lorsque je parlerai
des muscles sus et sous-épineux. Pour le moment, je fais observer que le
supracoracoïdien de Fürbringer est en réalité la réunion des chefs coracoïdien
et précoraco'idien de l’obturateur externe recouvrant la membrane obtura-
trice. La partie profonde de ce muscle, qui chez les Scinco'ides et l’Uromas-
tix nait surtout du bord antérieur du coracoïde et du précoracoïde, et se
trouve placée en avant du biceps, qui la recouvre un peu, est surtout repré-
sentée chez les Crocodiliens, où elle se développe considérablement.
Ce muscle est innervé à la fois : 1° par le nerf supra-coracoïdien, qui
passe par le trou ou foramen coracoïdien, de même que l’obturateur externe
pelvien est innervé par un nerf qui traverse le trou pubien ; et 2° par le nerf
scapulo-humèral profond, qui contourne le bord axillaire du scapulum.
Le chef scapulaire de l’obturateur externe est représenté par un muscle
qui a été décrit sous diverses dénominations. Pour Pfeiffer, Stannius,
Sanders, c’est un infraspinatus ; pour Mivart, la portion supérieure du
deltoïde-, pour Günther et Rolleslon, le deltoïde ; pour Rüdinger, un
dorsalis scapulœ ( supraspinatus , infraspinatus et teres minor ); pour Für-
bringer, un suprascapulo- humer alis s. infraspinatus et supraspinatus , ou
bien un dorsalis scapulœ, ou deltoïdes scapularis s. superior.
1 Fürbringer, qui attache une importance prédominante, dans l’établissement des homologies
musculaires, à l’origine des nerfs qui innervent les muscles, est obligé de reconnaître que
les nerfs du muscle supracoracoïdien des Sauriens et le nerf du sus-épineux des Mammi-
fères ne sauraient être considérés comme homologues. Je profite de l’occasion pour dire
que je ne pense pas qu’il faille attribuer à l’origine des nerfs musculaires une impor-
tance aussi capitale et aussi exclusive qu’on a voulu le faire pour la détermination des
muscles homologues. C’est là un caractère dont il faut tenir compte sans doute, mais non
d’une manière trop absolue. Il est possible de démontrer en effet que des muscles dont l’ho-
mologie n’est pas douteuse ont des innervations de source assez et parfois même très-différentes.
Je citerai par exemple le muscle moyen fessier chez l'Homme et les muscles sus et sous-épi-
neux, qui sont homologues, et dont les nerfs ne peuvent être mis sur la même ligne : l'un,
le fessier, étant postérieur à la ceinture pelvienne, et l’autre, le sus-scapulaire, étant antérieur
à la ceinture thoracique On pourrait également citer des nerfs que l’on est amené à rapprocher
par leur origine et par leur trajet, et qui innervent des muscles qui ne sont pas homologues,
195
Ce muscle naît de la face externe du scapulum jusqu’au voisinage de
l’épiscapulum, et forme un faisceau triangulaire aplati, qui, passant en
dehors du chef scapulaire du triceps brachial, va s’insérer sur la tubérosité
externe de l’humérus. Contigu par son bord antérieur avec la portion
scapulo-cléoïdienne du deltoïde, il a été pris par Mivart, Günther, Rolleston
et Fürbringer, pour une dépendance de ce dernier muscle; mais il en est
réellement séparé par un interstice cellulaire, et la distinction de ces deux
muscles, faiblement prononcée chez les Sauriens, s’accentue fortement chez
les Crocodiliens, ainsi que nous le verrons à propos de ces derniers.
On ne peut le considérer comme un deltoïde, puisque ce dernier muscle
est proprement un muscle du bord antérieur du scapulum, del’acromion et
parfois de l’èpiscapulum. Ce n’est pas non plus un sus ou sous-épineux, car
l’aile antérieure du scapulum, qui est le lieu d’insertion de ces muscles,
n’existe pas encore chez les Sauriens. Ces derniers n’ont qu’un scapulum
axial peu étalé, et sur lequel s’insère le muscle en question, que je considère
comme un petit rond et comme le chef scapulaire de l’obturateur externe.
En avant du supra-coracoïdien se trouve un muscle bien moins volumi-
neux, et auquel on peut reconnaître deux insertions : l’une sur la mem-
brane qui occupe la fenêtre précoraco-scapulaire et sur le précoracoïde, et
l’autre sur la face interne de la portion du scapulum voisine de la syn-
chondrose scapulo-précoracoïdienne. Les fibres nées de ces divers points
convergent pour former un faisceau charnu qui se réfléchit sur le bord
antérieur de la ceinture, s’applique sur la capsule articulaire, à laquelle il
adhère par quelques fibres profondes, et va s’insérer sur la face postérieure de
l’extrémité humérale supérieure, au voisinage de la tubérosité interne de
l’humérus. La partie terminale de ce muscle est le plus souvent recouverte
d’une bande fibreuse qui s’attache d’une manière variable, d’une part à la
capsule articulaire et à la tête de l’humérus, et d’autre part aux chefs scapu-
laire et huméral externe de l’anconé ou triceps brachial. Ce muscle est innervé
par le nerf scapulo-huméral profond, qui se distribue également au faisceau
supracoracoïdien.
La signification de ce muscle a été diversement comprise : Meckel ,
Pfeiffer, Mivart, Rüdinger, l’ont considéré comme un sus-épineux ou sous-
épineux ; Sanders et autres l’ont comparé au petit rond ; Fürbringer, qui le
196 —
désigne sous le nom de acromio- humer alis s. deltoideus ou de scapulo-
humeralis profundus , l’a regardé cômme un homologue de la partie acro-
mienne du deltoïde ; enfin, Stannius et vraisemblablement Rolleston l’ont
regardé comme une formation spéciale aux Reptiles.
Je démontrerai, à propos des muscles sus et sous-épineux, que ces mus-
cles ne sont pas spécialement représentés chez les Amphibiens, chez les
Reptiles et chez les Oiseaux ; on ne saurait donc dire que le muscle sca-
pulo-humèral profond de Fürbringer leur correspond. Il ne correspond pas
non plus au deltoïde, qui est un muscle bien développé chez les Sauriens,
et très-nettement séparé de ce muscle par son insertion humérale. Ce mus-
cle n’est point non plus une formation entièrement spéciale aux Reptiles,
puisqu’on peut l’assimiler rationnellement, en partie du moins, à des forma-
tions musculaires des Mammifères.
Il faut, pour le bien déterminer, distinguer en lui deux parties : la partie
précoracoïdienne, qui ne se trouve pas chez les Mammifères, mais qui n’est
autre chose que le chef précoracoïdien de l’obturateur interne thoracique, et
la partie scapulaire, qui correspond à un des chefs scapulaires de l’obtura-
teur interne. Ces deux parties réunies sortent par l’orifice antérieur de la
ceinture et correspondent à ce que nous avons déjà observé chez les Chélo-
niens et que nous retrouverons chez les Crocodiliens. Le muscle que nous
étudions est donc à la fois le chef précoracoïdien et le chef scapulaire antérieur
de l’obturateur interne.
Le chef coracoïdien de l’obturateur interne thoracique des Sauriens kiono-
crâniens se retrouve aussi bien que celui de l’obturateur externe , quoiqu’il
ne soit pas toujours aussi volumineux. Il fait partie d’un muscle large et
fort, placé à la face interne du coracoïde et du scapulum. Il naît de la face
interne du caracoïde (à l’exception des bords antérieur, interne et postérieur)
et de la face interne et du bord postérieur du scapulum osseux et non de
l’épiscapulum ; et lorsqu’il est très-développé, comme chez l’Uromastix, il
s’insère aussi sur la face interne du bord inférieur de l’épiscapulum, et gagne
même un peu la face externe du scapulum. Les fibres convergent fortement en
bas et en arrière, passant sur le bord interne de la capsule articulaire, sur
laquelle quelques-unes s’insèrent, tandis que la masse va s’insérer sur la
tubérosité interne de l’humérus, du côté de la face postérieure de l’os. Ce
197
muscle forme rarement une masse unique (Platydactylus) ; en général,
parsuite du développement d’un muscle sterno-costo-scapulaire, ilestdivisé
par le tendon de ce dernier en deux faisceaux qui ne sont réunis qu’au niveau
de leur insertion humérale: l’un, coracoïdien, vient du coracoïde et du bord
voisin du scapulum ; et l’autre, scapulaire, vient du scapulum et parfois de
l’épiscapulum.
La portion coraco'idienne forme tantôt une couche assez homogène {y ara-
nus), ou bien sé divise en digitations peu étendues correspondant aux diver-
ses conformations des fenêtres coraco'idiennes (deux chez les Lacerta,
Ameiva, etc., trois chez les Uromastix, etc.). Ces digitations forment donc
les chefs coracoïdien et mésocoracoïdien de l’obturateur interne. La portion
scapulaire présente des volumes variables par rapport à la portion coracoï-
dienne. Elle est, ou plus petite que cette dernière ( Trachysaurus , Lacerta ),
ou égal e (Uromastix, Iguana, Ameiva ), ou plus forte (Varams).
Ce muscle a été considéré comme un sous-scapulaire homologue de celui
des Mammifères parMeckel, Pfeiffer, Stannius, Mivart, Rüdinger, Sanders ;
comme un sous-scapulaire et un coraco-brachial interne par Rüdinger; Für-
bringer* , à qui je fais de très-nombreux emprunts pour la partie bibliogra-
phique et pour la description de ce muscle, l’appelle subcoraco-scapularis.
11 le(considère comme ayant les plus grands rapports avec le sous-scapulaire
des Mammifères, et affirme que les fibres naissant de la face interne du sca-
pulum et de l’épiscapulum ont avec ce dernier muscle des relations d’homo-
logie directe. Quant à la portion coraco'idienne, il la considère comme sans
homologue spécial chez l’Homme et les Mammifères, mais comme compa-
rable au muscle sous-coracoïdien de quelques Urodèles ( Siredon , Salaman-
dra ), et comme n’ayant des homologues directs que chez les Chamæléonides
et les Oiseaux. Je pense qu’il faut considérer le faisceau sous-scapulaire
comme représentant le chef scapulaire postérieur de l’obturateur interne et
comme l’homologue direct, non du sous-scapulaire tout entier des Mammi-
fères, mais de cette portion axillaire du sous-scapulaire qui naît, chez
eux, dans la gouttière de la fosse sous-scapulaire située au-dessous de la
1 Fürbringer ; Zur vergleich. Anat. der Schultermuskeln. (Moi'pholog. Jahrbuch v. Gegen-
baur, 1876, I B., 4 Hft.)
— 198 —
portion axiale du scapulum qui représente la saiilie du détroit supérieur
(PI. VII, jig. 12, dét. sup. sc. ax.).
Nous voyons donc que chez les Sauriens, comme chez les Chéloniens,
l’obturateur interne se compose de deux groupes -, l’antérieur, formé du chef
précoracoïdien et d’un chef sous-scapulaire antérieur, sort par l’orifice anté-
rieur de la ceinture ; tandis que le groupe postérieur, formé par le chef
coracoïdien elle chef scapulaire postérieur, sort par l'orifice postérieur de la
ceinture.
3° Chez lesChamæléonides, on trouve des dispositions comparables à celles
des Kionocrâniens. Chez le Chamæleo vulgaris , les obturateurs externe et
interne de la ceinture pelvienne sont bien développés et constituent des
muscles puissants dont la disposition et les rapports rappellent ceux des
Sauriens kionocrâniens. A la ceinture thoracique, on trouve un obturateur
externe composé également de plusieurs faisceaux, comme celui des Sau-
riens kionocrâniens : i° Le faisceau coracoïdien ( supracoracoideus de
Fürbringer) naît de la face externe du coraco-précoracoïde, surtout dans
les régions interne et antérieure, mais non sur le bord antérieur ou préco-
racoïdien, qui est occupé par le muscle coraco-huméral antérieur. Nées de
cette surface assez étendue, les fibres convergent, et, s’unissant au faisceau
sus-scapulaire ( M. suprascapularis de Fürbringer et supraspinatus de
Pfeiffer et Rolleston), vont s’insérer sur la base de la tubérosité externe de
l’humérus. Ce muscle, large, triangulaire, représente les chefs coracoïdien et
précoracoïdien du muscle obturateur externe, qui sont, comme les deux élé-
ments osseux correspondants, réunis en un même corps.
Le chef scapulaire de l’obturateur externe est formé par un muscle dorsalis
scapulœ homologue de celui des Sauriens kionocrâniens, et qui représente
un petit rond, comme le prétend Rüdinger, et non un grand rond (Meckel),
ou un infraspinatus (Pfeiffer). Le trajet de ce muscle en arrière du chef
scapulaire du triceps brachial et son origine étrangère à l’épiscapulum, ne
permettent pas de le considérer comme un grand rond ; et c’est proprement un
petit rond, à cause de la position qu'il occupe sur le scapulum réduit à sa
portion axiale. Ce muscle vas’insèrer sur la tubérosité externe de l’humérus.
Il y a sur le scapulum un faisceau {suprascapularis de Fürbringer,
supraspinatus de Pfeiffer et Rolleston, infraspinatus de Meckel et Rüdinger,
199
anterior suprascapular de Mivart) , qui naît du bord antérieur de la moitié
inférieure du scapulum. Il s’unit plus ou moins intimement avec le chef
coracoïdien de l’obturateur externe ou muscle supra coracoïdien , et va, par
ses fibres convergentes, s’insérer avec lui sur la base de la tubérosité externe
de l’humérus. Ce muscle est considéré à tort par Fürbringer comme
manquant chez les Sauriens kionocrâniens. Il correspond au chef scapulaire
du muscle que Fürbringer a appelé à tort scapulo- hunier alis profnndus
chez les Sauriens kionocrâniens, et an chef scapulaire du supra-coraco-
seapularis des Crocodiliens. C’est un chef scapulaire antérieur de l’obtu-
rateur interne, sortant, comme celui des Chéloniens, des Sauriens kiono-
crâmiens et des Crocodiliens, par l’orifice antérieur de la ceinture*.
On ne saurait, avec Meckel , Pfeiffer, Rolleston et Rüdinger, l’assimiler
exactement aux muscles sus ou sous-épineux des Mammifères, car ces mus-
cles sont pour ainsi dire des formations propres aux Mammifères, formations
qui sont en relation avec le développement exceptionnel de l’aile scapulaire
préaxiale chez ces animaux.
Quant au chef coracoïdien de l’obturateur interne thoracique, nous le re-
trouvons, chez les Chamæléonides, sous la forme d’un beau muscle formé de
deux faisceaux: un faisceau entièrement sous-scapulaire et un faisceau co-
racoïdien qui s’insère sur toute la face interne du coraco-précoracoïde. Ces
deux faisceaux, qui sont séparés par le ligament sterno-scapulaire interne,
se réunissent pour se fixer sur la tubérosité interne de l’humérus. Ce
muscle correspond exactement au muscle subcoraco-scapularis des Sauriens
kionocrâniens. C’est le subscapularis de Meckel, de Rüdinger et de Mivart,
le subcoraco-scapularis de Fürbringer. I! représente le chef coracoïdien de
1 Je dois faire remarquer, une fois pour toutes, que Fürbringer a commis une confusion de
noms qui jette beaucoup d’obscurité sur les homologies musculaires. Le scapulo-humeralis
profundus des Crocodiliens est le même muscle auquel il a donné, chez les Sauriens
kionocrâniens et chez les Chamæléonides, le nom de subcoraco-scapularis ( pars scapularis ) ;
tandis qu’il désigne chez les Sauriens kionocrâniens, sous le nom de scapulo-humeralis pro-
fundus, un muscle qui est le supracoraco-scapularis (pars scapularis ) des Crocodiliens et le
suprascapularis des Chamæléonides uni à un scapulo-humeralis profundus.
Ce que Fürbringer décrit chez les Chamæléonides sous le nom de scapulo-humeralis pro-
fundus n’est en effet qu'un faisceau très-petit du suprascapularis, faisceau que n’ont du reste
pas distingué Mivart et Rüdinger, tant il est grêle et peu distinct.
26
l’obturateur interne, réuni au chef scapulaire postérieur, formant un faisceau
qui sort par l’orifice postérieur de la ceinture.
4° Chez les Crocodiliens, les obturateurs pelviens et thoraciques se re-
trouvent également, mais à la région thoracique manque presque entièrement
l’élément osseux précoracoïdien, ce qui entraîne des modifications corres-
pondantes et des lacunes importantes dans la constitution des obturateurs
appartenant à cette ceinture.
Haughton, qui, comme nous l’avons vu, a envisagé les os du bassin des
Crocodiliens d’une manière spéciale, considérant le pubis comme un os mar-
supial, l’ischion comme un pubis et l’iléon comme un ilio-ischion, a publié
deux études : l’une sur les muscles du membre postérieur chez le Crocodile,
l’autre sur la myologie de l’Alligator du Mississipi 1 .
C’est en prenant pour point de départ les désignations renfermées dans
ces Mémoires d’un homme compétent, que je vais chercher et trouver les
éléments des obturateurs pelviens, sur lesquels l’auteur ci-dessus s’est du
reste complètement mépris. Ses déterminations, fausses en ostéologie, devaient
nécessairement l’entraîner à des appréciations peu justes et même contra-
dictoires dans la recherche des muscles. Néanmoins les faisceaux muscu-
laires sont bien décrits en eux-mêmes, ainsi que j’ai pu m’en assurer pal-
mes propres dissections, et il me suffira de redresser les désignations os-
seuses pour avoir une juste notion des masses musculaires.
Les éléments de l’obturateur externe se trouvent dans les faisceaux sui-
vants, chez le Crocodile.
1° Chef pubien. — Muscle inséré d’une part sur la face externe du
pubis, et spécialement sur l’épipubis, sur le dernier cartilage costal abdo-
minal, et d’autre part sur le sommet de la ligne inlertrochanlérienne posté-
rieure ou ligne âpre du fémur, il est rotateur du fémur. Ce muscle, désigné
par Haughton comme muscle marsupial externe, est appelé obturateur
externe par les anatomistes qui considèrent le pubis des Crocodiliens comme
un vrai pubis. Ce n’est pas en vérité tout le muscle obturateur externe, mais
1 Rev. S. Haughton; On theMuscul. Anal, of the Leg of the Crocodile (Armais and Magaz . ,
1865). — On the Muscul. Anal, of the Alligator ( Annals and Magaz., 1868).
201
seulement un chef pubien, auquel il faut ajouter peut-être un adducteur
pubien , représenté par la portion antérieure du muscle inséré sur l’aponé-
vrose abdominale inférieure et sur le dernier cartilage costal abdominal,
qui en est une dépendance. Cette portion correspondrait réellement au
pectiné des Mammifères, qui s’insère sur cette portion inférieure de l’aponé-
vrose abdominale qui forme le ligament de Gimbernat et va s’attacher sur
le bord antérieur ou crête pectinéale du pubis.
2° Chef ischiatique. — Un faisceau naissant de la portion proximale de
la face externe de l’ischion, de son bord antérieur et de l’épiiscbion, allant
s’insérer au sommet de la ligne âpre, ci côté du précédent, et confondant
ses insertions avec les siennes. Ce muscle est en réalité le chef iscbiali-
que de l’obturateur externe. C’est bien à tort que Haughton le considère
comme le pectiné des Reptiles ou muscle pubien interne. Celte erreur, pro-
venant de ce que Haughton considère l’ischion des Crocodiles comme un
pubis, est d’autant moins soutenable qu’il y a chez les Crocodiliens un vé-
ritable pectiné reptilien ou muscle pubien interne (mihi). J’ai en effet par-
faitement constaté chez l’Alligator un muscle naissant de la face supérieure
du pubis, et se dirigeant en dehors pour passer au-dessus du tendon du
petit psoas, sur lequel il se réfléchit. Après quoi ce muscle se porte en dehors
sur l’aponévrose qui recouvre les muscles vastes du triceps, et se confond
avec cette aponévrose, sur laquelle on le distingue pendant un certain par-
cours, sous forme d’un ruban fibreux plus nacré. Ce muscle est extrême-
ment grêle, ce qui ne doit pas nous suprendre; nous avons déjà vu en
effet que le muscle pubien interne, qui est au pubis ce que l’iliaque interne
est à l’iléon, avait un développement inverse de celui de l’iliaque interne.
Chez les Tortues et Sauriens, où l’iliaque interne est très-peu développé,
le muscle pubien interne ou pectineus d’Owen est d’un volume remar-
quable. Chez les Crocodiliens, au contraire, où l’iliaque interne et le grand
psoas sont puissants, le muscle pubien interne est relativement atrophié,
si bien que, tandis que son extrémité pubienne a conservé ses connexions
osseuses, quoique fort réduites, avec le pubis, l’extrémité fémorale n’a pas
conservé son individualité et s’est perdue sur l’aponévrose des muscles vas-
tes qui recouvrent le fémur.
202
5° Chef iliaque. — Muscle assez volumineux, naissant de la partie
centrale delà face externe de l’iléon postérieur, au-dessus et en arrière de
l’acétabulum, au-dessous du biceps et du grand fessier. De là, ses fibres
convergent, formant un muscle triangulaire, passant en avant du grand
nerf sciatique, et se rendant à la partie supérieure do bord externe du
fémur, et sur l’extrémité externe du chapiteau de l’os, entre le vaste
interne et le vaste externe du triceps. C’est un muscle fessier profond, que
Haughlon a décrit comme moyen fessier. I! forme le chef iliaque de l’obtu-
rateur externe.
Les éléments de l’obturateur interne se retrouvent également bien.
lu Chef pubien. — Muscle inséré sur la face interne du pubis, et regardé
par Haughton comme un marsupial interne. Ce muscle passe au-devant du
bord antérieur du pubis, sur lequel il se réfléchit, et il va s’unir au chef
pubien de l’obturateur externe pour s’insérer par un tendon commun sur la
ligne intertrochantérienne ou ligne âpre du fémur.
2° Chef ischiatique. — Muscle inséré d’une part sur la face posté-
rieure, supérieure et interne de l’ischion, près delà symphyse, et d’autre part
sur la face postérieure de la partie trochantérienne du fémur. 11 est à remar-
quer que son insertion fémorale est intimement associée à celle du chef
ischiatique de l’obturateur externe et des chefs pubiens des deux obturateurs.
Haughton prend ce muscle pour un carré fémoral chez le Crocodile, quoique
cet anatomiste considère son insertion proximale comme pubienne, et pom-
ma obturateur externe chez l’Alligator du Mississipi ' . Il pourrait être
regardé comme représentant à la fois le chef ischiatique de l’obturateur
interne et le carré crural (muscle ischiatique) ou partie supérieure du
grand adducteur ischio-fémoral. Ces deux muscles sont du reste souvent
réunis, soit à l’épaule, soit au bassin, chez divers Vertébrés.
3° Chef iliaque. — On peut rationnellement considérer comme te! un
muscle désigné par Haughton comme un obturateur externe douteux chez
1 II y a dans les deux travaux d’Haughton une confusion évidente de noms qui pourrait
embarrasser le lecteur, et que je signale. Il est clair que l'auteur appelle obturateur interne,
chez le Crocodile, le muscle qu'il décrit chez l'Alligator comme carré fémoral, et vice versa.
— 205 —
le Crocodile, et comme un carré fémoral chez l’Alligator. Dans tous les cas,
chez ce dernier, ainsi que je l’ai constaté sur un grand Alligator, ce muscle
part du bord postérieur et de la face interne de l’iléon et de l’apophyse
transverse de la vertèbre sacrée postérieure (pyramidal), s’insère sur la
saillie ou crête rugueuse (ligne âpre) qui occupe le milieu de la portion supé-
rieure de la face postérieure du fémur.
Les muscles obturateurs pelviens dont les chefs pelviens sont écartés et
isolés par suite de la conformation de la ceinture pelvienne chez les Croco-
diliens, montrent dans leurs insertions fémorales une tendance à l’association
et à la fusion qui rappelle la cohésion et l’union des éléments musculaires
des obturateurs dans d’autres types. Nous avons vu en effet que les deux
chefs pubiens se réunissent et confondent leur insertion fémorale, et qu’on
en peut dire autant des chefs ischiatiques.
Les obturateurs de la ceinture scapulaire des Crocodiliens sont moins
complets et moins bien caractérisés que chez les Sauriens, dont la ceinture
scapulaire possède tous ses éléments bien développés. Ici le précoracoïde est
simplement rudimentaire ; il est représenté, conjointement avec la mem-
brane obturatrice, par une membrane épisterno-coracoïdienne qui comble
le sinus compris antérieurement entre l’épisternum, ou inlerclavicule, et le
coracoïde. Le chef précoracoïdien des obturateurs est extrêmement réduit ,
et avec lui le précoracoïde. — Tels muscles, tels os.
De plus, les insertions des chefs coracoïdiens ont subi des modifications
qu’il conviendra de discuter et d’expliquer, ce qui exige une description préa-
lable aussi complète et aussi exacte que possible.
Les éléments qui les représentent ont été diversement décrits et diverse-
ment interprétés. Aussi ai-je dû en faire une étude très-sérieuse chez plu-
sieurs Alligators, et notamment sur un animal de 2m, SO de longueur, qui m’a
permis de me rendre compte de bien des faits qui manquent de netteté sur
les petits sujets.
1° Le chef coracoïdien de l’obturateur externe est représenté par un
muscle de moyen volume, considéré par Meckel comme une portion du grand
pectoral ; par Pfeiffer, Rüddinger, Rolleston et Fürbringer comme un coraco-
bracbial; par Stannius, comme le second pectoral des Oiseaux, et par Haughton
- 204
comme un petit pectoral. Ce muscle plat (PI. VIII, fig, 9, 1) naît de toute
la face inférieure ou extérieure du coracoïde, depuis l’angle postéro-externe
de cet os jusqu a l’insertion coraco'idienne du biceps 6, c’est-à-dire jusqu’au
foramen coraco-précoracoïdien. Il est appliqué immédiatement au-devant
du costo-coracoïdien, qui, comme nous l’avons vu, occupe le bord posté-
rieur ou externe du coracoïde. 11 s’applique directement sur l’articulation
et va s’insérer sur la face antérieure de l’extrémité supérieure de l’humérus,
entre les deux tubérosités.
Ce muscle est considéré par Fiirbringer comme l’homologue de la courte
portion du coraco-brachial des Sauriens kionocrâniens. Il y a entre ces deux
muscles quelques différences. Le coraco-brachial des Sauriens s’insère à la
face extérieure du coracoïde, surtout dans la région de l’angle postéro-
externe, tandis que chez les Crocodiliens ses insertions s’étendent à toute la
longueur de la face externe du coracoïde. Chez les Sauriens, il s’insère
moins haut sur la tête de l’humérus, et s’arrête au-dessous du niveau des
tubérosités, tandis que chez les Crocodiliens il s’insère sur la face antérieure
de l’extrémité supérieure de l’humérus dans un espace triangulaire intermé-
diaire aux deux tubérosités. Cette extension très-marquée du muscle des
Crocodiliens sur les extrémités articulaires de l’humérus et sur le coracoïde,
ainsi que le lieu de ses insertions, qui occupent toute la face extérieure du
coracoïde, me portent à considérer ce muscle comme représentant par sa
portion postérieure la partie proximale ( coraco-brachialis brebis) du
coraco-brachial des Sauriens, c'est-à-dire le carré huméral , et par sa portion
antérieure le chef coracoidien de l’obturateur externe. L’union du carré et
du chef ischialique ou coracoïde des obturateurs se retrouve souvent à
l’une ou à l’autre ceinture dans la série des Vertébrés, et nous en avons
déjà vu plusieurs exemples.
Le chef scapulaire de l’ obturateur externe est représenté par un muscle
conique qui, s’insérant à la moitié antérieure de la face externe du scapulum
(et non de l’épiscapulum), va se porter par un tendon grêle et arrondi sur
l’extrémité externe du chapiteau huméral.
Ce muscle, appelé par Fürbringer dorsalis scapulæ, est considéré par lui
comme un deltoïde scapulaire supérieur. Buttmam et Rolleston le considè-
rent comme un petit rond, Pfeiffer comme un suprascapulaire; Haugthon le
205 —
désigne comme infraspinatus chez le Crocodile, et comme supraspinatus
chez l’Alligator.
Ce muscle n’est point un deltoïde, car son tendon terminal s’enfonce sous
le vrai deltoïde ou deltoïdes scapularis inferior de Fürbringer, deltoïd de
Rolleston, pour contracter sur l’humérus des insertions toutes différentes.
Tandis que le deltoïde s’insère sur la crête delloidienne, le muscle que
j’étudie actuellement s’insère sur l’extrémité externe du chapiteau huméral.
D’ailleurs le vrai deltoïde naît du tiers inférieur du bord antérieur du scapu-
lum et de l’éminence dite acromiale, tandis que le chef scapulaire de l’obtu-
rateur externe glisse sous cette éminence et s’insère, non sur le bord du sca-
pulum, mais sur la surface externe, sans atteindre l’épiscapulum. 11 est tout
à fait étranger au deltoïde proprement dit.
Il ne saurait être non plus un sus-épineux ni un sous-épineux, car l’aile du
scapulum fait défaut chez les Crocodiles, et il n’y a proprement qu’un scapu-
lum axial dont la face externe ne saurait être occupée que par un petit rond.
Je considère donc, avec Buttmann et Rolleston, le muscle en question comme
étant un petit rond , et j’en fais conséquemment le chef scapulaire propre-
ment dit de l’obturateur externe.
L’obturateur interne présente chez les Crocodiliens une disposition excep-
tionnelle qui contribue à en masquer la nature. 11 est représenté en partie
par un muscle assez volumineux, dont il convient de déterminer la valeur
après l’avoir étudié. Ce muscle a été décrit par Fürbringer sous le nom de
supracoracoideus ou supracoraco-scapularis, de la façon suivante. Il est
composé de deux faisceaux : 1° Le faisceau coracoïdien ou inférieur, qui
est le plus volumineux, naît de toute la moitié antérieure du coracoïde, et
particulièrement de sa face externe, du bord antérieur et de la face interne
de cet os. Les fibres nées de la face interne se réfléchissent sur le bord
interne ou antérieur de l’os, et vont s’unir avec le faisceau scapulaire, pour
s’insérer sur la partie la plus élevée et la moins développée de la crête del-
to'idienne de l’humérus, c’est-à-dire sur la ligne qui réunit la crête del-
toïd ienne à la tubérosité externe du chapiteau huméral ; 2° Le faisceau
scapulaire ou supérieur est moins important. 11 est recouvert par le muscle
deltoïde scapulaire inférieur, et naît de la face externe du tiers inférieur du
— 206 —
scapulum, derrière l’épine ou acromion (lieu d’origine du deltoïde scapulaire
inférieur), et au-devant de l’origine du muscle anconé scapulaire latéral
externe et du scapulo-humèral profond ; il se réunit avec le faisceau cora-
coïdien pour s’insérer avec lui sur l’humérus.
J’ai disséqué avec grand soin ce muscle sur un Alligator de 2m,50 de
longueur et sur plusieurs petits, et je dois dire que ses insertions m’ont
paru différer notablement de celles qui lui sont attribuées dans la descri-
ption qui précède (PI. VIII, fig. 9, S).
La plus grande partie des fibres naissaient de la face interne de l’angle
inférieur du scapulum, au voisinage de son union avec le coracoïde. Un
petit nombre provenait de la face interne du coracoïde (extrémité antérieure
ou portion précoraco'idienne) et de son bord antérieur. Aucune ne naissait
de la face externe du coracoïde et du précoracoïde, dont le muscle est du
reste séparé par le tendon supérieur du biceps 6. Les fibres, naissant donc
de la face interne de la partie antérieure saillante de la ceinture, sortaient
par l’orifice antérieur de cette ceinture, se réfléchissaient sur son bord anté-
rieur, et particulièrement sur le bord du précoracoïde, et venaient se porter
en arrière et en bas pour s’insérer sur la ligne qui réunit la crête deltoï-
dienne de l’humérus à la tubérosité externe ou extrémité externe du som-
met de l’os.
En réalité, ce muscle prend ses origines sur la face interne de la cein-
ture, sur l’élément scapulaire principalement, et ensuite sur l’un des élé-
ments ventraux de la ceinture, le précoracoïde. Ses insertions externes sont
nulles , et doivent, lorsqu’elles existent, être attribuées à des adhérences
consécutives. C’est réellement un obturateur interne pectoral dont les chefs
scapulaire et précoracoïdien sortent par l’orifice antérieur de la ceinture,
au lieu de sortir par l’orifice postérieur. Cette direction et ce trajet se re-
trouvent au bassin des Crocodiliens, dont le chef pubien interne sort par
l’orifice antérieur de la ceinture en même temps que le muscle iliaque.
Un muscle tout à fait semblable existe chez les Chéloniens et chez les
Sauriens. L’obturateur interne pectoral se compose chez eux d’un chef
coracoïdien très-développé. Quant aux chefs précoracoïdien et scapulaire ,
nous avons vu qu’ils sont représentés par un muscle mince et peu volu-
mineux qui, naissant du bord antérieur de la face interne du précoracoïde,
207
et de la face interne de l’angle inférieur du scapulum, forme une lame
triangulaire dont les fibres convergent et vont s’insérer près de l’extré-
mité supérieure de l’humérus, au voisinage de la tubérosité externe,
ou petite tubérosité ou crête deltoïdienne. Ce muscle, recouvert par le del-
toïde, comme l’est le muscle correspondant du Crocodile, représente le
chef précoraco'idien et le chef scapulaire antérieur de l’obturateur interne.
Le chef précoraco'idien offre plus d’étendue que chez les Crocodiliens,
attendu que le précoracoïde est long et bien développé ; et quant au chef
scapulaire, il est accompagné chez les Tcstudo d’un second chef très-volu-
mineux, qui est comparable au sous-scapulaire des Crocodiliens, mais qui
est bien moins développé chez certains Chéloniens (Thalassites ou Potamides).
C’est du moins ce que j’ai constaté chez un grand exemplaire d’Émysaure
de Temminck, où presque toute la face interne du scapulum n’était pas
recouverte par des muscles.
Ce muscle des Crocodiliens, désigné par Fürbringer sous le nom de supra-
coracoideus ou supracoraco-scapularis , n’est pas, quoi qu’en pense l’au-
teur, l’homologue du supracoracoideus des Sauriens, qui n’est qu’un chef
précoraco'idien de l’obturateur externe. Mais il est réellement l’homologue
du muscle qu’il a désigné sous le nom de scapulo -humer alis profundus,
qui présente des dispositions très-comparables à celles du supracoracoideus
des Crocodiliens, et qui a la même signification. 11 est également l’homolo-
gue d’un muscle acromio-huméral des Anoures. Ce muscle se retrouve donc,
dans la série des Vertébrés, à la ceinture thoracique. 11 peut être interprété
dans ce sens que les muscles obturateurs internes de la ceinture se divisent
typiquement et symétriquement en deux parts : une part antérieure, formée
par la réunion du chef scapulaire antérieur et du chef précoraco'idien , et
sortant par l’orifice antérieur de la ceinture ; et une part postérieure formée
par la réunion du chef scapulaire postérieur et le chef coraco'idien, et sortant
par l’orifice postérieur de la ceinture.
Sur le bassin des Chéloniens, des Sauriens et des Crocodiliens, une disposi-
tion symétrique semblable s’observe parfaitement. Par l’orifice antérieur de la
ceinture sortent le chef pubien et un chef iliaque antérieur (muscle iliaque in-
terne), et par l’orifice postérieur sortent un chef iliaque postérieur (chef iliaque
de l’obturateur interne des Oiseaux et des Mammifères) elle chefischiatique.
27
11 résulte de là que la portion scapulaire du muscle supracoraco-scapu-
laire des Crocodiliens est l’homologue direct du muscle iliaque interne de ia
ceinture pelvienne, tandis que le sous-scapulaire proprement dit des Croco-
diliens est l’homologue direct du chef iliaque postérieur de l’obturateur
interne. Je note ces faits-là avec soin, car je les rappellerai à la mémoire du
lecteur quand je chercherai la disposition typique et primitive des muscles
des deux ceintures.
Quant au chef coraco'idien de l’obturateur interne, il n’existe pas chez les
Crocodiliens, ce qui peut être attribué à ce que leur costo-coraco'idien ,
s’étendant du bord supérieur de la première côte à tout le bord postérieur
du coracoïde, ferme l’orifice de sortie postérieur de la ceinture, Lecosto-
coracoïdien des Sauriens kionocrâniens, ou sterno-costo-scapulaire de Für-
bringer, ainsi que les sterno-coracoïdiens internes, muscles auxquels cor-
respond (en partie du moins) le costo-coracoïdien des Crocodiliens, ont des
insertions très-restreintes sur le coracoïde, et permettent à l’obturateur in-
terne de sortir par l’orifice postérieur de la ceinture.
11 faut ajouter que chez les Crocodiliens la face interne du coracoïde se
relie au sternum par un muscle large auquel on a donné improprement le
nom de transversus abdominis, et qui va s’insérer sur le bord antérieur de
la face interne du sternum et sur le bord de l’épisternum. Ce muscle tapisse
la face interne du coracoïde, quoiqu’il s’insère surtout sur le bord externe
de celte face. Il résulte de la présence et du grand développement de ce muscle
sterno-coracoïdien et du costo coraco'idien, que l’orifice postérieur de la
ceinture est entièrement fermé, et que le chef coracoïdien de l’obturateur in-
terne ne s’est pas développé, par une conséquence naturelle de la loi de
balancement. Ses lieux d’insertion et son trajet ont été occupés par d’autres
muscles qui ont prédominé et ont empêché son développement.
Le muscle dont je m’occupe, et dont je fais un chef précoracoïdien et
uri chef scapulaire antérieur de l’obturateur interne, a été considéré comme
un deltoïde ou une portion du deltoïde par Buttmann, Meckel, Pfeiffer,
Haughton, Rüdinger ; comme un épicoraco-huméral équivalent au deuxième
pectoral des Oiseaux et au sous-clavier des Mammifères, en môme temps
qu’au sus-épineux, par Rolleston. Ces opinions ne sont pas réellement
acceptables. Je ne puis m’arrêter à les discuter longuement. Je me borne
— 209 —
à rappeler les insertions internes scapulo-coracoïdiennes de ce muscle et
l’absence de clavicule chez les Crocodiliens, pour démontrer ce qu’ont d’ir-
rationnel toutes ces déterminations. Le second pectoral des Oiseaux, qui
est coracoïdien, est surtout sternal et claviculaire, et est étranger au sca-
pulum. Le sous-clavier des Mammifères s’insère aux cartilages costaux,
au sternum et à la clavicule. Le deltoïde n’est point un muscle coracoïdien,
mais un muscle claviculaire et scapulaire. D’ailleurs, le deltoïde existe très -
développé chez les Chéloniens et chez les Crocodiliens en même temps que
le muscle dont il est ici question. Quant à la dénomination d’épicoraco-
lmméral que lui donne Rolleston, elle n’est basée que sur une fausse con-
ception de l’épicoracoïde, conception due à Parker, et que j’ai suffisamment
combattue pour n’avoir pas à y revenir. On conçoit que je repousse aussi,
en vertu des insertions, la détermination de Fürbringer, qui le considère
comme proche parent des sus et sous-épineux des Mammifères.
Le muscle que nous venons d’étudier n’est en réalité qu’un obturateur
interne à direction antérieure, mais dont les chefs sont peu développés. Le
faible développement des chefs ventraux (coracoïdien et précoracoïdien) est
en relation avec les modifications extrêmement importantes de cette région
de la ceinture chez les Crocodiliens (atrophie de l’élément précoracoïdien,
absence des clavicules, développement exagéré d’antres muscles). Quant
au faisceau scapulaire, dont le volume est peu considérable, quoique su-
périeur à celui du chef ventral, il ne représente pas à lui seul tout le chef
scapulaire de l’obturateur interne. Mais il faut y ajouter un faisceau mus-
culaire important qui naît de la face interne et du bord postérieur du
scapulum. Ce gros faisceau a été considéré par Fürbringer et antres
comme composé de deux muscles distincts: 1° l’un, scapulo-humeralis
profundus de Fürbringer, scapulo-humeralis de Rolleston, ester teres major
de Stannius, naît du tiers inférieur du bord postérieur et de la portion
voisine de la face interne du scapulum, se porte sur la tubérosité interne
de l’humérus, et delà, par un tendon interrompu (PL VIII, fig. 9, 4’) à la
crête deltoïdienne ; 2° l’autre, sub-scapularis de Buttmann, Haughton,
Meckel, Pfeiffer, Stannius, Rüdinger, Fürbringer, part de la face interne du
scapulum (et non de l’épiscapulum) et va s’insérer sur une ligne qui,
continuant inférieurement les insertions du scapulo-humeralis profundus ,
J
i
— 2 10 —
va obliquement rejoindre la crête delto'idienne, en passant sous le vaste in-
terne du triceps. Cette ligne n’est en réalité que la bifurcation interne de la
ligne âpre.
Les deux muscles précédents ne forment réellement qu’un seul et même
muscle séparé du petit rond par le tendon du chef scapulaire du triceps,
et constituant le chef scapulaire postérieur de l’obturateur interne, sortant
seul (sans chef coracoïdien) par l’orifice postérieur de la ceinture.
C. Oiseaux. — Les obturateurs pelviens et thoraciques des Oiseaux mé-
ritent à plusieurs égards une étude attentive. Commençons par les obtura-
teurs pelviens.
L’obturateur interne est très-remarquable par son développement con-
sidérable et par son trajet. Il est composé de trois chefs très-distincts,
qui convergent pour former un tendon commun. ïl y a un chef pubien
très-grêle, naissant de la face interne du pubis et de la membrane obtu-
ratrice, un chef ischialique volumineux recouvert d’une belle aponé-
vrose, naissant de presque toute la face interne de l’ischion, et enfin
un chef iliaque assez fort, naissant de la face interne de l’iléon postérieur,
au-dessus et en arrière du trou iléo-ischiatique. Ce chef iliaque n’existe pas
chez tous les Oiseaux, par exemple chez le Pigeon. Mais il est bien déve-
loppé chez d’autres, et notamment chez la Poule ; aussi est-il étonnant que
Cuvier et Owen ne l’aient pas signalé. M. Alix a suivi les mômes errements.
Les fibres des trois chefs, divisées en éventail, convergent pour former un
beau tendon qui passe par l’orifice sous-pubien (portion antérieure du trou
obturateur), et va s’épanouir sur la face externe et sur tout le bord porté-
rieur du grand trochanter, ou grande tubérosité fémorale.
Ce muscle, qui est abducteur et rotateur, a été considéré, à tort, par
Vicq-d’Azyr, Wiedemann et Tiedemann, comme un iliaque interne. L’ilia-
que n’a ni insertions ischiatiques ni insertions pubiennes, et nous avons du
reste déterminé l’iliaque interne des Oiseaux. Meckel en a fait un pectiné ;
mais nous savons que le pectiné des Reptiles est exclusivement pubien, et
qu’il en est de même chez les Mammifères. Il faut ajouter que Meckel a pensé
aussi que ce pouvait être à la fois un obturateur interne et un obturateur
externe. Enfin Cuvier, et Owen après lui, en ont fait un obturateur interne.
M. Alix rejette cette opinion, parce que, dit-il, «un obturateur interne de-
vrait passer par le grand trou sciatique, en contournant l’ischion. Pour ma
«part, ajoute-t-il, il me semble évident qu’il faut voir dans ce muscle un
» obturateur externe (!) qui, par une disposition tout à fait caractéristique
»de la classe des Oiseaux, a traversé le trou obturateur pour se fixer à la
»face interne». Il est impossible de démontrer en moins de mots que l’on
attache à la fois une importance absolue et une importance nulle au trajet
des muscles pour leur détermination.
Pour moi, j’accepte l’opinion de Cuvier, malgré ce que semble avoir d’éton-
liant le trajet sous-pubien de cet obturateur interne. Je pense qu’il faut con-
sidérer le trajet des muscles comme d’un intérêt relativement secondaire
dans l’étude de leurs homologies. Les insertions osseuses constituent leur
vrai critérium. Le trajet, le parcours, la direction, sont d’autant moins im-
portants qu’ils sont souvent modifiés par la construction générale de l’animal,
la direction et la situation des membres, la conformation de certaines pièces
du squelette, etc. Les variations remarquables des obturateurs internes des
Reptiles, des Oiseaux et des Mammifères, sont du reste une puissante dé-
monstration de ce fait.
De petits jumeaux, naissant des parties du pubis et de l’ischion qui bor-
dent le trou sous-pubien, s’ajoutent au tendon de cet obturateur interne.
Le muscle que nous venons d’étudier ne saurait d’ailleurs être un ob-
turateur externe, car ce dernier muscle existe chez les Oiseaux. Il nait, en
effet, de toute la face externe de l’ischion et de la membrane obturatrice, un
muscle charnu, aplati, dont les fibres convergent sur un tendon aponévro-
tique qui s’insère à une surface rugueuse située dimmédiatement au-dessous
de la face interne du grand trochanter. Vicq-d’Azyr en a fait un carrécrural,
opinion qu’a partagée Cuvier, et que partage M. Alix. Tiedemann le regarde
avec raison comme un obturateur externe. Pour Meckel, c’est peut-être à la
fois un carré crural et un obturateur externe réunis. Ce muscle est en effet le
chef ischiatique de l’obturateur externe.
Il n’y a pas de chef pubien de l’obturateur externe chez les Oiseaux ; mais
le chef iliaque est représenté par un muscle fessier profond qui appartient
à l’iléon postérieur, et qui naît de cet iléon, au-dessous du biceps, dans la
fosse iliaque externe postérieure; recouvert par le biceps, il recouvre en
212
partie le chef ischiatique de l’obturateur externe. Ce muscle, petit, mince,
aplati, se porte en bas et en avant, et va s’insérer sur la partie supérieure de la
ligne âpre du fémur, continuant ainsi en bas les insertions du chef ischiati-
que. C'est un petit fessier, ou fessier profond de X iléon postérieur , ou petit
fessier reptilien, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir. Ce muscle est à tort
désigné par Owen sous le nom de adductor brevis femoris et adductor
longus, quoiqu’il indique son origine sur l’iléon postérieur. Nous savons que
les adducteurs proprement dits sont des muscles ischiatiques ou pubiens. Je
ferai remarquer, en faveur de la signification que je donne à ce muscle, que
les insertions à la face externe de l’iléon postérieur sont exactement symé-
triques de celles du chef iliaque de l’obturateur interne à la face interne de ce
môme iléon.
Passons à l’étude des obturateurs thoraciques chez les Oiseaux. Ces mus-
cles sont généralement très-développés.
Il y a un muscle important, décrit par Vicq-d’Azyr sous le nom de petit
pectoral, par Owen sous le nom de troisième pectoral, et qui, naissant de la
face inférieure et du bord externe du coraco'idien dans la moitié posté-
rieure de la longueur de cet os, et même de la portion de l’aponévrose qui
continue le précoracoïde rudimentaire, se termine par un beau tendon, se
porte en haut et en avant, et va s’attacher à la tubérosité interne de
l’humérus, immédiatement au-dessous du trou aérien. Ce muscle, consi-
déré à tort par M. Alix comme un coraco-brachial, est en réalité le chef
coracoïdien de l’obturateur externe thoracique. Au reste, chez les Struthio-
nides, qui ont un précoracoïde développé, il s’insère non-seulement sur le
coracoïde, mais encore sur le précoracoïde et sur la membrane coraco-pré-
coracoïdienne, de sorte qu’il représente à la fois les chefs coraco'idien et
précoracoïdien de l’obturateur externe. Il a d’ailleurs de nombreux points
de ressemblance avec la portion coracoïdienne du supracoracoïdien des
Sauriens et des Crocodiles, supracoracoïdien que nous avons considéré
comme appartenant à l’obturateur externe, et qui est, comme lui, placé sous
le grand pectoral. Son insertion humérale, qui est exclusivement céphalique et
sans rapports avec la diaphyse, ne permet pas de le considérer comme un
coraco-brachial comparable à celui des Reptiles.
— 215 —
Le chef scapulaire de l’obturateur externe est représenté par un petit
muscle qui, partant de la face postérieure ou externe de l’omoplate, au
voisinage de son extrémité antérieure ou articulaire, va s’insérer sur la
tubérosité interne de l’humérus. Owen considère ce muscle comme un
sus-épineux, et M. Alix comme un sous-épineux. Ni l’une ni l’autre de ces
opinions n’est acceptable, attendu que le scapulum de l’Oiseau est dépourvu
des régions sus et sous-épineuses proprement dites de l’omoplate, et est ré-
duit à la région axiale. Le muscle en question est réellement un petit rond.
L’obturateur interne n’est pas moins remarquable que l’externe. 11 offre
avec celui des Sauriens kionocrâniens une ressemblance frappante.
Il se compose d’un muscle qu’Owen décrit sous le nom de coraco-bra-
chial, et qui est désigné par M. Alix sous le nom d’accessoire coraco'idien du
sous-scapulaire. C’est un muscle plus grêle et plus long que le chef cora-
coïdien de l’obturateur externe. SI naît de la portion moyenne et postérieure
de la face supérieure et du bord externe du coracoïde, et se porte en avant
et en dehors, se terminant par un tendon qui passe en dehors de celui de
l’obturateur externe et va s’attacher sur la tubérosité interne de l’humérus,
au-dessus du trou aérien. Ce muscle, qui forme le chef coracoïdien de l’obtu-
rateur interne, s’unit, comme chez les Sauriens, au chef sous-scapulaire, petit
muscle naissant de la partie antérieure de la face interne et du bord infé-
rieur du scapulum. Ces deux chefs forment un tendon commun d’insertion
humérale. Le chef scapulaire, qui est appelé muscle sous-scapulaire par
Owen, et dans lequel M. Alix est tenté de reconnaître à la fois un sous-
scapulaire et un petit rond, n’est en réalité que le chef scapulaire de l’obtu-
rateur interne et ne correspond par conséquent qu’au faisceau axillaire du
sous-scapulaire des Mammifères, uni à son faisceau coracoïdien. C’est le
subcoraco-scapularis des Sauriens kionocrâniens (Fürbringer) , le scapulo-
humeralis et le subcoraco-scapularis réunis des Chamæléonides. A lui
seul il répond au subscapularis et au scapulo -humer alis profundus des
Crocodiliens. Mais le chef coracoïdien de l’obturateur interne correspond-i!
exactement à la portion coracoïdienne de ce muscle, que j'ai soigneusement
décrit chez les Crocodiliens, auquel Fürbringerdonne le nom de supracoraco-
scapularis et que j’ai considéré comme appartenant à l’obturateur interne ?
11 pourrait se faire qu’il n’en fût rien. La portion coracoïdienne de ce
214
muscle crocodilien appartient plus spécialement à la région précoracoïdienne
du coracoïde, et sort avec le sous-scapulaire antérieur ou portion scapulaire
de ce même muscle par l'orifice antérieur de la ceinture. Il répond très-
exactement (sauf le volume) au chef précoracoïdien de l’obturateur interne
des Chéloniens et des Sauriens. Son homologue précis, direct, ne se retrouve
pas chez les Oiseaux, dont le précoracoïde est on ne peut plus rudimen-
taire. Mais, par contre, les Oiseaux posséderaient un chef coracoïdien interne
assez développé dont je viens de faire l’étude, et qui ferait défaut chez les
Crocodiliens.
Cette différence entre deux groupes d7animaux qui offrent d’ailleurs tant
de points de rapprochements, n’est pas du reste aussi considérable et aussi
tranchée quelle le paraît au premier abord. Je dois faire remarquer en effet
que le chef coracoïdien de l’obturateur interne est assez variable chez les
Oiseaux. Tandis qu’il est très-développé chez les Gallinacés, où il occupe
presque toute la face supérieure du coracoïde, il est un peu moins développé
chez les Rapaces et les Nageurs ; il est d’un faible volume chez le Héron et
l’Oie, et manque entièrement chez les Struthionides, qui sont, de tous les
Oiseaux, les plus rapprochés des Reptiles.
Cette absence du chef coracoïdien interne chez les Ratites est certainement
digne de remarque et est bien propre à effacer la différence apparente que
présentent les deux groupes d’animaux par rapport à ce muscle.
Il faut remarquer du reste que le chef coracoïdien interne des Oiseaux
s’insère non- seulement sur la face supérieure du coracoïde, mais aussi sur
son bord externe ; et il est facile de comprendre que la présence du costo-
coracoïdien et du tranversus abdominis ou sterno-coracoidien sur toute
l 'étendue de ce bord et de cette face chez les Crocodiliens soit corrélative
de l’absence d’un chef coracoïdien interne.
Nous savons que le muscle dit coraco-brachial chez les Crocodiliens repré-
sente à la fois le chef coracoïdien externe et le coraco-brachialis brevis des
Sauriens ou carré huméral. Quant au coraco-brachial des Oiseaux, comme le
biceps, il a suivi le coracoïde dans son développement en avant. Ces deux
muscles, dont les insertions coracoïdiennes sont toujours contiguës chez les
Reptiles, naissent, chez les Sauriens kionocràniens, sur la face antérieure du
coracoïde au voisinage de 1 ’épicoracoïde, s’élèvent plus près de l’extrémité
*
— 215 —
antérieure du coracoïde chez les Crocodiliens, et partent enfin, chez les
Oiseaux, de l’apophyse claviculaire ou tète du coracoïde, c’est-à-dire au-
dessus du rebord glénoïdien. Seulement le coraco-brachial a cessé d’être
un muscle chez la plupart des Oiseaux, pour former un fort ligament qui,
naissant du coracoïde en même temps que le biceps, va se porter sur la
tubérosité interne ou petite tubérosité de l’humérus.
Ce ligament, ordinairement fibreux, devient, chez l’Autruche, chez l’Émeu,
chez le Pigeon, etc., un faisceau charnu aplati très-important qui rappelle
complètement, le coraco-brachial reptilien, et qui permet de restituer au
frein supérieur du biceps sa véritable signification d’adducteur coracoï-
dien, homologue du carré crural ou de la partie supérieure du grand adduc-
teur fémoral.
Au reste, cette détermination du coraco-brachial des Oiseaux, à laquelle
m’avait conduit l’étude des connexions, je la retrouve parfaitement énoncée
par Cuvier'. « Un petit muscle, dit-il, attaché à la face interne du haut de
l’os coracoïde, qui s’insère à la tubérosité interne de la tête de l’humérus
et accompagne le tendon du biceps, est évidemment le coraco-brachial ; il
rapproche le bras du tronc.»
D . Ornithodelphes . — Chez les Ornithodelphes, il y a un obturateur
externe pelvien dont les éléments ne diffèrent pas de ceux des autres Mam-
mifères. Il a un chef ischiatique, un chef pubien, et un chef iliaque repré-
senté par le petit fessier ou entogluteus d’Owen. L’obturateur interne man-
querait entièrement, d’après Owen et M. Alix, fait que nous avons déjà
observé chez les Chéiroptères.
Quant aux obturateurs thoraciques, leur étude emprunte un intérêt tout
particulier à la constitution ornithique de la ceinture thoracique de ces Mam-
mifères. Les documents me font défaut pour donner ici une description
bien complète de ces muscles, mais il m’est pourtant possible d’en retrouver
les éléments.
Il y a, chez l’Ornithorynque et l’Échidné, deux muscles désignés par Owen
1 Cuvier ; Leçons d’Anal. comparée, 2e édition, tom. I, pag. 398.
28
— 21G —
comme deux coraco-brachiaux, et dont l’un est supérieur et l’autre inférieur.
Le muscle supérieur s’attache sur la face supérieure ou profonde du cora-
coïde et de l’épicoracoïde d’une part, et d’autre part sur la tubérosité interne
de l’humérus. 11 représente d’une manière très-exacte le chef coracoidien
de l’obturateur interne de l’Oiseau.
Le muscle inférieur, ou coraco-bracbial inférieur, part du tubercule ex-
terne de l’extrémité postérieure ou interne du coracoïde, au-dessous du chef
coracoidien du biceps, et se porte sur la crête épitrochléenne (sur le tiers
inférieur seulement, chez l’Ornithorynque ; sur toute l’étendue, chez
l’Échidné). Ce muscle possède les insertions coracoïdiennes et humérales du
vrai coraco-brachial des Sauriens, des Chéloniens et des Crocodiliens. 11 a
avec l’insertion coracoïdienne du biceps les mêmes relations de voisinage que
chez ces animaux et chez les Oiseaux : c’est donc un véritable coraco-bra-
chial et non le chef coracoidien de l’obturateur externe.
Ce dernier muscle peut être reconnu dans un faisceau décrit et figuré par
Owen comme la portion antérieure du deltoïde. Ce faisceau charnu pyra-
midal naît de la face inférieure de l’extrémité antérieure du coracoïde, et va
s’insérer sur le sommet de la crête deltoïdienne de l’humérus. Ce muscle,
situé sous le pectoral et recouvrant le coracoïde, reproduit exactement les
relations du muscle supracoracoïdien des Sauriens, et peut être considéré
avec lui comme le chef coracoidien de l’obturateur externe. Il ne saurait,
dans tous les cas, être considéré comme un deltoïde, car le deltoïde n’est pas
un muscle coracoidien .
Les chefs précoracoïdiens font défaut comme l’élément osseux qui devrait
leur servir d’attache.
Quant aux chefs scapulaires, ils existent clairement pour les deux obtura-
teurs. Le chef scapulaire interne est formé par un petit muscle distinct du
sous- scapulaire et qui répond au chef scapulaire interne des Oiseaux. Il n’oc-
cupe que la face interne du col de l’omoplate et se porte vers la tubérosité
interne, où il se termine, près du sous-scapulaire. C’est, pour ainsi dire,
un petit rond interne distinct du sous-scapulaire, tandis qu’il est confondu
avec lui chez les autres Mammifères. Le chef scapulaire externe, au con-
traire, est représenté par un faisceau axillaire du sous-épineux qui ne se
différencie pas en petit rond externe.
— 217 —
11 résulte de la longue étude que je viens de faire quelques conséquences
qui peuvent être formulées de la manière suivante.
1° Il existe à la ceinture thoracique, comme à la ceinture pelvienne, des
muscles obturateurs qui ont trois chefs plus ou moins développés, corres-
pondant aux éléments osseux des deux ceintures, et constituant la couche la
plus profonde des muscles. Ces faisceaux convergent sur les tubérosités de
l’extrémité supérieure de l’humérus et du fémur;
2<> Il y a donc identité de plan et de type dans les deux ceintures, aussi
bien au point de vue musculaire qu’au point de vue osseux ;
3° Les obturateurs peuvent manquer d’un ou de plusieurs chefs ;
4° L’absence simultanée des chefs interne et externe de l’un des rayons
est toujours liée à l’absence de l’élément osseux qui lui sert d’insertion, ou
à son état imparfait de développement ;
5» Un obturateur peut faire défaut et l’autre être bien développé. L’ob-
turateur interne pelvien n’existe pas chez les Chéiroptères, dont le bassin
est très-grêle. Il paraît faire défaut chez les Monotrêmes. Mais je pense que
ce dernier point demanderait un examen plus approfondi.
Moyen fessier. — Sus-épineux et sous-épineux. — Il me reste, pour com-
pléter l’étude du groupe de muscles dont je m’occupe actuellement, à établir
les homologies du muscle moyen fessier d’une part, et des muscles sus et
sous-épineux de l’autre.
Les muscles qui nous occupent n’existent pas chez tous les Vertébrés. On
peut affirmer, en effet, qu’étant des muscles de perfectionnement, des muscles
de luxe, ils n’existent que dans certains groupes, et que, là où ils se sont
développés, le système osseux présente une conformation et un développe-
ment correspondants. C’est ainsi que les muscles sus et sous-épineux pro-
prement dits, tels qu’on les observe chez les Mammifères, n’existent que
là où l’omoplate s’est élargie pour former une aile large, sur les faces de
laquelle les insertions des muscles sus et sous-épineux et du sous-scapu- •
laire trouvent leur place. Ainsi, chez les Amphibiens, chez les Reptiles et
chez les Oiseaux, où le scapulum est réduit à sa portion axiale plus ou
moins aplatie, et où les fosses sus et sous-scapulaires font défaut, il n’y a
proprement et rigoureusement ni muscle sus-scapulaire ni muscle sous-
— 218 -
scapulaire. Les seuls muscles que l’on retrouve sont les chefs scapulaires
des obturateurs thoraciques, ou petits ronds interne et externe, et le grand
rond, que nous verrons être avant tout un muscle de l’épi-scapulum axial.
11 en est de même du moyen fessier, qui est un muscle appartenant essen-
tiellement à l’aile antérieure de l’iléon, et que nous ne retrouverons en
réalité que dans les groupes de Vertébrés dont l’iléon présentera de la
tendance au développement de l’aile iliaque. C’est ainsi que nous ne le trou-
verons nettement caractérisé et différencié que chez les Mammifères et chez
les Oiseaux.
Le moyen fessier tapisse la fosse iliaque externe comme le muscle iliaque
tapisse la fosse iliaque interne. Mais il y a cette différence que, tandis que
l’iliaque atteint le détroit supériéur du petit bassin et occupe toute la fosse
correspondante, le moyen fessier n’appartient qu’à la portion postéro-supé-
rieure de la fosse iliaque externe, la portion antéro-inférieure ou axiale de
cette fosse étant occupée par le petit fessier. Il résulte de là que le moyen
fessier ne représente à la face externe de l’iléon qu’une portion du muscle
iliaque. Examinons quelle est la signification de cette portion et du muscle
moyen fessier lui-même.
L’iliaque est en réalité un muscle de l’iléon axial qui s’étend à l’aile
antérieure de l’iléon, quand cette dernière se développe. Aussi le retrouve-
t-on sur l’iléon axial des Amphibiens et des Reptiles, où l’aile iliaque n’est
pas développée, ainsi que sur celui des Oiseaux et des Mammifères sans
aile iliaque ou à aile iliaque peu prononcée. Seulement, il est alors réduit à
un faisceau étroit , et il ne devient important et étalé que quand l’aile iliaque
se développe.
Envisagé à ce point de vue, l’iliaque interne des Mammifères peut être
considéré comme formé de deux faisceaux. L’un serait l’iliaque axial anté-
rieur, naissant de la région axiale de l’iléon et bordant le détroit supérieur.
C’est l’iliaque primitif, dont on constate la présence chez lous les Verté-
brés, où il occupe sur la région antérieure de l’iléon, soit le bord antérieur,
soit les faces interne et externe, et qui existe seul chez les Mammifères
qui n’ont pas d’aile iliaque (Lièvre, Kanguroo, Monotrêmes, etc). L’autre
faisceau, iliaque secondaire ou aléal (de l’aile) proprement dit, est un faisceau
de perfectionnement de l’iliaque primitif, dont l’existence est liée au dévelop-
— 219
pement d’une aile iliaque et d’une fosse iliaque interne dont il occupe
l’étendue.
L’iliaque axial antérieur est un muscle primitif, autonome, qui est à la face
interne de l’iléon ce qu'esta la face externe la portion antérieure du petit
fessier. C’est un chef iliaque antérieur de l’obturateur interne. Le chef
iliaque postérieur de l’obturateur interne naissant au-dessous du détroit
supérieur, constitue un iliaque axial postérieur. A lui correspond, sur la
face externe de l’iléon, la portion postérieure ou marginale du petit fessier.
L’iliaque aléal est un muscle secondaire qui est à la face interne de
l’aile iliaque ce que le moyen fessier est à la face externe.
Les iliaques axiaux antérieur et postérieur sont les homologues directs des
faisceaux axiaux du sous-scapulaire, c’est-à-dire des faisceaux insérés sur ce
bourrelet axial du scapulum que j’ai décrit comme formant le détroit supé-
rieur du bassin scapulaire (PI. VI, fig. 12, det. sup. sc. ax.).
L’illiaque axial antérieur représente proprement le chef scapulaire anté-
rieur de l’obturateur interne des Amphibienset des Reptiles, qui sort, comme
l’iliaque antérieur, par l’orifice antérieur de la ceinture. Chez les Reptiles, du
reste, l’iliaque axial antérieur est accompagné du chef pubien de l’obturateur
interne pelvien, comme le chef scapulaire antérieur est accompagné du chef
précoracoidien de l’obturateur interne thoracique.
L’iliaque axial postérieur représente proprement le chef scapulaire posté-
rieur de l’obturateur interne thoracique des Amphibiens et des Reptiles ; et,
de même que chez ces animaux l’iliaque axial postérieur s’unit au chef
ischiatique pour sortir par l’orifice postérieur de la ceinture, de môme aussi
le chef sous-scapulaire postérieur s’unit au chef coracoïdien, quand il
existe, pour sortir par l’orifice postérieur de la ceinture.
L’iliaque aléal est l’homologue direct de la portion du sous-scapulaire qui
est logée dans la fosse sous-scapulaire proprement dite.
L’iliaque axial antérieur et l’iliaque aléal n’ont pas de délimitation précise
et évidente, l’un étant pour ainsi dire une émanation de l’autre. Il en est de
même du sous-scapulaire axial et du sous-scapulaire aléal. Mais il y a ceci de
particulier que le sous-scapulaire axial des Mammifères représente probable-
ment à la fois le chef scapulaire antérieur et le chef scapulaire postérieur de
l’obturateur interne des Amphibiens et des Reptiles, tandis que l’iliaque
— no —
axial antérieur des Mammifères ne représente que le chef iliaque antérieur de
l’obturateur interne, le chef iliaque postérieur en étant toujours nettement
séparé.
Cette différence tient certainement à ce que, chez les Mammifères, la cein-
ture pelvienne conservant tous ses éléments typiques et essentiels dans un
état suffisant de développement, la ceinture thoracique s’éloigne du type pri-
mitif, par suite de l’atrophie plus ou moins complète des deux éléments ven-
traux (coracoïde et précoracoïde).
L’iliaque axial antérieur peut être marginal (Reptiles, Ruminants) ou
externe (Lièvre, Kanguroo, Monotrêmes, Oiseaux, etc.) ou à la fois interne
et externe (Homme, Singes supérieurs, etc.).
Le sous-scapulaire axial antérieur, qui est indépendant et isolé chez les Rep-
tiles et chezles Amphibiens, peut être marginal, ou interne, ou bien à la
fois interne et externe.
Chez les Mammifères, i! est forcément et exclusivement interne, attendu
que l’aile de l’omoplate qui s’élève du bord antérieur du scapulum axial lui
interdit toute relation avec la face externe du scapulum.
Quant au sous-scapulaire axial postérieur, qui est indépendant chez les
Reptiles et chez les Amphibiens, et qui semble exister seul chez les Oiseaux, il
est presque toujours interne, mais il peut être aussi marginal, et parfois même
à la fois interne et externe ( subcoraco-scapularis des Sauriens, Chéloniens,
Crocodiliens.
Le muscle petit rond des Mammifères est à la face externe du scapulum
axial ce qu’est à la face interne le sous-scapulaire axial. C’est dire par consé-
quent que les muscles sus et sous-épineux sont, à la face externe du scapu-
lum, les représentants de la portion aléale du muscle sous-scapulaire. Il y a
entre ces derniers muscles des relations de même ordre que celles qui relient
le moyen fessier à l’iliaque aléal'.
Les muscles sus et sous-épineux ne doivent point être considérés comme
deux muscles distincts. C’est un seul et même muscle, le sus-scapulaire,
1 Dans la dernière partie de ce travail, quand j'essayerai de systématiser les muscles des
deux ceintures et d'en retrouver le type général et primitif, j'aurai l'occasion de compléter
mes vues à ce sujet.
— 221
dont un des nombreux interstices cellulaires est occupé dans une étendue
variable par une lamelle osseuse, l’épine scapulaire, qui ne se développe que
tard, comme un plissement de la surface externe du scapulum cartilagineux
et sans point d’ossification spécial.
Cet interstice osseux existe aussi à la face externe de l’iléon, sous la
forme d’une saillie verticale que j’ai décrite sous le nom de saillie iliaque ,
qui n’est qu’un rudiment d’épine, et qui ne parvient pas à séparer en deux
muscles distincts les faisceaux du moyen fessier. J’ai déjà réfuté l’opinion de
M. Sappey, qui assimile l’épine du scapulum à la ligne demi-circulaire an-
térieure ou ligne de séparation du petit et du moyen fessier. L’étude des
muscles vient aussi combattre cette vue peu philosophique et démontrer
que cette ligne demi-circulaire antérieure correspond en réalité à la ligne de
séparation du sous-épineux et du petit rond.
Le moyen fessier, en effet, est exactement, au bassin, l’homologue des
muscles sus et sous-épineux de l’épaule. Il y a similitude d’insertions à la
face externe des ailes iliaque et scapulaire et sur les grandes tubérosités du
fémur et de l’humérus : similitude d’action, puisqu’ils sont tous rotateurs en
dehors ; et similitude de connexions, étant l’un et l’autre placés entre les
muscles petit fessier et petit rond qui sont homologues, et les muscles
grand fessier et grand rond, dont je me réserve de démontrer l’homologie.
De l’étude des muscles du scapulum et de leur présence ou de leur
absence, on peut déduire quelques considérations intéressantes sur la compo-
sition du scapulum dans les divers groupes de Vertébrés. Chez les Amphi-
biens, chez les Reptiles et chez les Oiseaux, le scapulum, manquant des
muscles sus et sous-scapulaire proprement dits, se trouve réduit à sa por-
tion axiale. L’aile du scapulum, c’est-à-dire le lieu d’insertions des sus et
sous-épineux et du sous-scapulaire proprement dit, ne se développe que
chez les Mammifères, et constitue une disposition du squelette de l’épaule
propre à ce groupe de Vertébrés. C’est là un résultat de l’étude du système
osseux en lui-même; mais c’est un résultat aussi de l’étude des muscles et
une conséquence de ce principe dont je poursuis la démonstration, et qui
subordonne l’appareil osseux à l’appareil musculaire. L’os existe parce que
le muscle en a provoqué la formation, et, par suite, l’os fait défaut là où man-
que le muscle. — Pas de muscles, pas d’os.
222
Gegenbaur a établi que chez les Mammifères l'adaptation aux fondions
des membres antérieurs détermine l’élargissement de l’extrémité dorsale de
l’omoplate (base du scapulum) et conduit à la forme qui existe chez les
Singes et chez l’Homme. Mais je tiens à faire remarquer que l’examen des
os eux-mêmes montre que cet élargissement ne se fait pas également
dans tous les sens, et que c’est la partie antérieure à l’axe du scapulum, ou
scapulum axial, qui se développe fortement pour former l’aile du scapulum.
Le scapulum reptilien et surtout le scapulum d’Oiseau sont réduits à la
portion axiale ; le scapulum de Mammifère s’en distingue par le développe-
ment en avant d’une aile antérieure plus ou moins considérable, tandis
que la portion axiale constitue la zone axillaire de l’omoplate.
Avant de clore ce sujet, je dois rappeler que nous avons trouvé chez les
Monotrêmes un muscle sus-épineux que l’on a considéré comme naissant de
la face interne du col de l’omoplate (Alix; loc. cit.). C’est là une erreur. Ce
muscle naît d’une fosse sus-épineuse formée par une vraie épine de l’omo-
plate, que surmonte un acromion.il manque à cette fosse sus-épineuse sa
paroi interne ou scapulaire proprement dite, qui la séparerait de la fosse
sous-scapulaire. Ces vues sont démontrées par l’étude du muscle sus-épi-
neux, qui existe comme muscle distinct du sous-scapulaire, et qui tire un
caractère non douteux de son insertion sur la grosse tubérosité de l’humérus.
L’existence indépendante d’un muscle sus-épineux bien caractérisé confirme
donc l’existence d’une apophyse scapulaire. C’est là encore une application
du principe ci-dessus.
Grand dorsal. — Grand rond. — Deltoïde. — Grand fessier. — Tenseur
du fascia lata. — Le moignon de l’épaule, chez l’Homme, est recouvert par
une couche continue et superficielle de muscles et d’aponévroses. On trouve
d’abord en arrière le grand dorsal, puis le grand rond, puis une aponévrose
qui tapisse la face externe du sous-épineux et qui atteint le bord postérieur
du deltoïde, pour former, en se dédoublant, l’aponévrose enveloppante de ce
dernier muscle. La saillie de la région trochantérienne, qui représente pour
le membre inférieur le moignon de l’épaule, est également recouverte par une
couche continue et superficielle de muscles et d’aponévroses qui sont exacte-
225 —
ménl comparables à ceux du moignon de l’épaule et qui en sont exactement
les homologues. Ce sont, d’arrière en avant, le muscle grand fessier, l’aponé-
vrose du moyen fessier et le muscle tenseur du fascia lata ; je vais en
établir les homologies.
Le muscle grand dorsal s’insère, d’une part : 1° su ries apophyses épineuses
des six ou sept dernières vertèbres dorsales et des vertèbres lombaires et
sacrées ; 2° au tiers postérieur de la crête iliaque ; 5° aux trois ou quatre
dernières côtes ; d’autre part, dans le fond de la coulisse bicipitale de l’hu-
mérus.
Le muscle grand rond naît : i°de la fosse sous-épineuse, dans l’étendue
d’une surface rugueuse (PI. V, fig. 2, surf, rug.) qui occupe la partie infé-
rieure et externe de cette fosse, en dehors du muscle sous-épineux; 2° de
l’aponévrose qui le sépare du muscle sous-épineux. Il va s’insérer à la lèvre
postérieure de la coulisse bicipitale de l’humérus. Il est à remarquer que les
fibres du grand dorsal et celles du grand rond présentent un certain degré
de torsion vers leur insertion humérale, et que le grand dorsal contourne
le bord inférieur du grand rond et vient se placer au-devant de lui. Il ré-
sulte de là que ces deux muscles, qui paraissent tout à fait distincts, se
réunissent en une grande masse musculaire tordue, qui forme en réalité
une masse unique à partir de l’angle inférieur de l’omoplate. Cela est si
vrai qu’il existe souvent un faisceau simple ou double, naissant de l’angle
inférieur de l’omoplate, allant se joindre aux fibres du grand dorsal et témoi-
gnant des tendances à la fusion des deux muscles. Cette disposition, excep-
tionnelle chez l’Homme, est constante chez l’Échidné, dont le grand rond
envoie toujours au grand dorsal. un faisceau qui va, avec ce muscle, s’at-
tacher immédiatement au-dessus de la trochlée. Chez les Reptiles, les deux
muscles dont il est ici question se confondent vers leur extrémité humérale
et ont une insertion commune.
Enfin je dois noter que du tendon du grand dorsal part une expansion
fibreuse qui se continue avec l’aponévrose brachiale. Cette aponévrose de-
vient même parfois musculaire et constitue alors, chez l’Homme, un véri-
table muscle anormal qui, partant du bord inférieur du grand dorsal, va
s’insérer à l'olécrane.
L’homologue pelvien des deux muscles que nous venons d’étudier et
29
224 —
dont je désignerai l’ensemble, -pour abréger, sons le nom de groupe grand
rond-dorsal, se retrouve d’une manière très-exacte dans le muscle grand
fessier. Quelles sont en effet les insertions de ce muscle? II est, comme le
groupe grand rond-dorsal, le plus superficie! des muscles de la région pos-
lérieurede la ceinture correspondante, il s’insère, d’une part: 1° sur la crête
sacrée ou apophyses épineuses des vertèbres sacrées ; 2° quelquefois aux
tubercules sacrés latéraux ou apophyses transverses des vertèbres sacrées,
et aux bords du coccyx ; 5° au ligament sacro-iliaque vertical et au bord
externe de l’aponévrose commune des muscles spinaux postérieurs ; 4° à la
face postérieure du grand ligament sacro-sciatique ; 5° a la face postérieure
de l’aponévrose du moyen fessier ; et 6U à la ligne demi-circulaire posté-
rieure de l’os coxal et à toute la portion rugueuse de la fosse iliaque externe
qui est située en arrière de cette ligne (PI. V, fig. 1, surf, rug.)
D’autre part, le grand fessier s’attache à la division externe et supérieure
de la ligne âpre.
Les insertions des deux muscles sont frappantes par leur identité. 11
faut, en effet, faire abstraction pour l’un et pour l’autre des insertions que
j’appellerai consécutives et accidentelles, pour ne considérer que les insertions
essentielles et primitives. Les insertions consécutives et accidentelles sont,
pour le grand dorsal de l’Homme, les insertions sur la crête iliaque. L’in-
sertion iliaque est due au passage de l’aponévrose superficielle de muscles
lombaires postérieurs sur cette crête, où elle contracte des adhérences. Ces
insertions iliaques, obtenues par l’intermédiaire de cette large aponévrose,
n’ont jamais lieu chez les Mammifères.
Les insertions costales n’existent pas toujours chez les Mammifères.
Elles manquent chez le Cheval, existent chez le Porc, chez le Chien, etc.
Elles font défaut chez les Chéiroptères et chez l’Échidné, et se trouvent chez
l’Ornithorynque. Elles ont lieu chez les Oiseaux, chez beaucoup de Sau-
riens kionocrâniens ( Uromastix , Varanus), chez les Chamæléonides, et
manquent choz les Crocodiliens. Elle sont donc peu constantes, mais peuvent
cependant être regardées comme des attaches sur les appendices latéraux
des vertèbres. A ce titre, elles sont représentées, pour le grand fessier,
par les insertions sur les tubercules latéraux, ou apophyses transverses des
vertèbres sacrées, insertions qui ne sont du reste pas constantes.
225 —
Pour le grand fessier, les insertions accidentelles sont les insertions sur
les ligaments sacro-sciatiques. Ce sont des adhérences de voisinage et non
des insertions essentielles, puisqu’elles font complètement, défaut chez les
animaux qui, comme les Reptiles, ne présentent pas des éléments fibreux
analogues à ces ligaments dans la ceinture pelvienne.
Les insertions essentielles sont, pour les deux muscles : 1° les apophyses
épineuses des régions delà colonne vertébrale placées en arrière des cein-
tures correspondantes (régions dorsale postérieure, lombaire et sacrée pour
le grand dorsal, régions sacrée et coccygienne pour le grand fessier) ; 2° la
portion de la face externe de l’iléon et du scapulum voisine de l’angle
postérieur de ces os, région rugueuse placée en arrière du moyen fessier
et du sous-épineux, muscles homologues, et région enfin appartenant
surtout à la portion postérieure de l’épiélément (épiiléon pour le grand
fessier , épiscapulum pour le grand rond ).
Quanta l’insertion distale, elle est semblable dans les deux cas (partie
supérieure de la ligne âpre, soit au fémur, soit à l’humérus). Je dois noter
aussi pour le grand fessier un certain degré de torsion des fibres, quoique
bien moindre que dans le groupe grand rond-dorsal. Enfin, le grand fessier
présente sur l’aponévrose fascia lata ou aponévrose fémorale une inser-
tion dont il faut tenir compte et qui rappelle l’insertion du grand dorsal
sur l’aponévrose brachiale. L’un et l’autre des deux muscles tendent par là
même, chez l’Homme, à contracter des rapports directs avec le second
article du membre correspondant. Ces rapports, qui existent chez l’Homme
à l’état de vestige, présentent chez les animaux des degrés plus élevés
de développement. Chez le Chien, notamment, un faisceau se détache du
bord axillaire du grand dorsal et se porte sur l’olécrâne. Chez les Singes,
il se détache aussi de ce même bord un ruban musculaire qui va se fixer
surl’olécrâne et même sur l’épitrochlée.
Pour ce qui regarde le grand fessier, il présente chez certains Mammi-
fères des relations remarquables avec la région tibiale. C’est ainsi que chez le
Cheval il existe un muscle désigné par les vétérinaires sous le nom de
long vaste, divisé en deux portions, dont l’antérieure, insérée sur l’épine sa-
crée, le ligament sacro-sciatique, l’aponévrose d’enveloppe des muscles
coccygiens et la tubérosité ischiatique, va se terminer sur l'empreinte circu-
— 226 —
laire située derrière la crête sous-trochantérienne par une branche fibreuse
qui se détache du tendon profond, et sur la face antérieure de la rotule, en
s’unissant avec le ligament rotulien externe. Chez le Bœuf, le Mouton, ia
Chèvre, le muscle ne s’attache pas sur le fémur, mais seulement sur la
rotule, en s’unissant avec le ligament rotulien externe. La portion posté-
rieure du long vaste naît de la crête de la tubérosité ischiatique, où elle
s’unit avec l’antérieure , et son aponévrose terminale se répand sur les mus-
cles tibiaux pour constituer l’aponévrose jambière, et va s’insérer sur la crête
tibiale.
Ce muscle long vaste, dont les insertions ischiatiques sont consécutives et
résultent de l’adhérence de l’aponévrose et des fibres profondes du muscle
sur la tubérosité et la crête saillante de l’ischion1, ce muscle, dis-je, repré-
sente cette portion du grand fessier de l’Homme qui se termine sur l’apo-
névrose crurale et dont l’importance a décru chez l’Homme etchez les Singes
à mesure que la portion insérée sur le fémur prenait un développement plus
considérable. Ce muscle long vaste est du reste distinct du tenseur du fascia
lata , que nous allons retrouver et qui lui est antérieur.
J’espère avoir suffisamment établi l’homologie du grand fessier avec le
groupe grand rond-dorsal. Les différences de forme que présentent ces deux
muscles ont à peine besoin d’être expliquées. Les muscles grand rond-dorsal,
séparés à l’épaule, où le scapulum est indépendant et éloigné de la colonne
vertébrale, se réunissent pour former le grand fessier au bassin, où l’iléon
adhère solidement et largement aux vertèbres sacrées.
Le grand fessier peut du reste exceptionnellement reproduire d’une ma-
nière exacte cette bifidité du grand rond-dorsal, puisqu’on a vu les insertions
1 L'anatomie comparée prouve suffisamment cette proposition en montrant que ces insertions
ischiatiques n'existent que là où i’ischion fait une saillie considérable en arrière, et qu’elies
font défaut là où l'ischion est peu saillant, comme chez l’Homme et chez les Singes. Les muscles
fessiers, qui forment une couche superficielle, sont essentiellement des muscles de la colonne
vertébrale et de l’iléon. Je profite de cette circonstance pour insister ici sur ces insertions
consécutives des muscles, auxquelles on n’a pas prêté l’attention qu’elles méritent, et qui portent
un trouble profond dans l’étude des homologies musculaires, qu'elles masquent et obscurcissent.
Je recommande à ce sujet l’étude des muscles fessiers du Cheval et des Ruminants, sur lesquels
cette obsers’ation est propre à jeter un certain jour qui fait passablement défaut dans les traités
classiques d’anatomie vétérinaire.
inférieures (sacrum et coccyx) donner naissance à un muscle distinct ( agitator
caudæ ) dont on trouve l’homologue chez certains Mammifères, chez les
Oiseaux et chez les Reptiles.
Le grand fessier est continué en avant et en haut par l’aponévrose puis-
sante qui recouvre le moyen fessier, de même que le grand rond-dorsal est
continué en avant et en haut par l’aponévrose puissante qui recouvre le sous-
épineux.
Le bord antérieur de l’aponévrose du moyen fessier se divise en deux
lames, entre lesquelles se loge le muscle du fascia lata ; le bord antérieur de
l’aponévrose du sous-épineux reçoit dans son dédoublement les faisceaux du
deltoïde scapulaire. Le deltoïde scapulaire a pour homologue le muscle du
fascia lata. C’est ce qu’il est facile d’établir.
Le deltoïde scapulaire s’attache au bord postérieur de l’épine scapulaire
dans toute sa longueur, et au bord externe de l’acromion. L’insertion infé-
rieure du deltoïde, considérée dans son ensemble (portions scapulaire et cla-
viculaire réunies), se fait à l’empreinte deltoïdienne de l’humérus. A cette
insertion, que les anthropotomistes ont le tort de considérer comme unique,
il convient d’en ajouter une autre. Le tendon terminal du deltoïde s’unit en
effet, surtout par son bord postérieur ou scapulaire, avec l’aponévrose bra-
chiale, dont il devient le muscle tenseur.
Le tenseur du fascia lata naît de la partie antérieure de la lèvre externe
de la crête iliaque, à partir delà tubérosité ou éminence de cette crête jusqu’à
l’épine iliaque antérieure et supérieure. Or, la tubérosité de la crête iliaque ou
éminence iliaque (PL Y, fig. 1, em. i/.)est le point de départ de la saillie
de l’iléon, et est représentée par conséquent sur le scapulum par le point
de départ de l’épine du scapulum (PI. V, fig. 2, em. sc.). Les faisceaux
charnus nés de cette insertion se terminent vers le quart ou le tiers supé-
rieur de la cuisse en formant une bande fibreuse épaisse qui, unie avec
l’aponévrose fémorale, va s’insérer sur le tubercule externe de la tubérosité
antérieure du tibia.
On peut légitimement conclure de cette description que le muscle du
fascia lata représente chez l’Homine un deltoïde scapulaire réduit à la
portion qui part de la base de l’épine de l’omoplate et va s’insérer sur
l’aponévrose brachiale. L’absence d’insertions fémorales comparables aux
- 228 —
insertions humérales s’explique par le faible développement de ce muscle,
qui n’est représenté chez l’Homme que par des éléments très-réduits. Ces
insertions fémorales se retrouvent en effet chez les Mammifères dont le
muscle du fascia lata est plus complet. Chez le Cheval, notamment, qui a un
beau muscle tenseur, l’aponévrose du fascia lata ou tendon du muscle se divise
en deux feuillets superposés : l’un, superficiel, s’unit à l’aponévrose fessière
et fémorale; l’autre, profonde, s’insinue entre le long vaste externe, se réunit
au tendon termina! du fessier superficiel et s’insère au bord externe du fémur.
L’insertion du muscle du fascia lata au-devant de la tubérosité ou émi-
nence de la crête iliaque jusqu’à l’épine iliaque antérieure et supérieure n’est
pas représentée dans le deltoïde humain, qui ne s’insère pas sur le bord
interne ou épiscapuSaire de l’omoplate jusqu’à l’angle supérieur interne.
Mais ces insertions du deltoïde sur le bord épiscapulaire du scapulum
s’observent très-généralement chez les Amphibiens et chez les Reptiles, et
parfois aussi chez les Mammifères. 11 existe en effet chez les Chéiroptères,
dans le muscle deltoïde, trois portions: une claviculaire, une acromiale, et
une sous-épineuse'. Cette dernière, spinale ou sous-épineuse, signalée par
Cuvier et par Macalister, s’insère à la moitié interne de l’épine et à toute la
portion du bord interne ou spinal de l’omoplate qui se trouve au-dessous de
l’épine, et va se terminer sur la crête deltoïdienne de l’humérus. Celle portion
sous-épineuse du deltoïde rétablit la continuité de la couche formée par le
grand rond-dorsal et le deltoïde, couche interrompue chez l’Homme par la
présence de l’aponévrose sous-épineuse. Chez les Chéiroptères, cette aponé-
vrose est remplacée par une vraie couche musculaire. Chez les Sauriens,
chez les Crocodiliens, la couche grand dorsal, grand rond et deltoïde est
continue ou presque continue.
Chez les Oiseaux, la couche du grand fessier et du tenseur est pour ainsi
dire un seul et même muscle, à la fois charnu et aponévrolique.
L’élude des muscles précédents me permet d’apporter un argument de
grande valeur contre la conception de Graliolet, qui considérait l’aile ilia-
que comme représentant l’épine scapulaire, et le muscle iliaque interne
1 Maisonneuve; loc. cit., pag. 231.
— 229 —
comme le muscle sus-épineux de la ceinture pelvienne. J’ai déjà eu l’occa-
sion de combattre cette idée, si séduisante je l’avoue, que j’éprouve le
besoin de la discuter encore.
Si l’aile iliaque du bassin humain était une véritable épine scapulaire, ce
serait une épine ayant atteint un haut degré de développement. Elle devrait
être le lieu d’insertions de muscles homologues à ceux de l’épine scapulaire,
et même puissamment développés. Or, il n’en est rien. L’iliaque serait un
sus-épineux relativement médiocre. Le tenseur du fascia lata devrait s’in-
sérer à toute la crête iliaque et y représenter un muscle deltoïde puissant
et très-étendu. On ne comprendrait pas l’état rudimentaire auquel il est
réduit, et qui s’explique si bien quand on considère, ainsi que je l’ai fait,
l’iléon comme n’ayant qu’un rudiment d’épine représenté par la saillie
iliaque, saillie enfouie dans l’épaisseur des muscles fessiers et ne devenant un
lieu d’insertions pour le deltoïde ou tenseur du fascia qu’à la tubérosité de
la crête iliaque ou éminence iliaque
De plus, on aurait le droit de s’étonner de ne pas retrouver sur l’épine
scapulaire des insertions musculaires qui existent sur l’aile de l’iléon. L’a-
cromion devrait donner insertion à un couturier, l’épine scapulaire à un droit
antérieur. Or, l’épinedu scapulum ne présente rien de pareil, et nous trouve-
rons les homologues de ces muscles sur d’autres points du scapulum.
A ces raisons de ne point assimiler l’iliaque au sus-épineux, et par con-
séquent l’aile iliaque à l’épine du scapulum, vient s’ajouter la différence
remarquable que présentent les insertions mobiles des deux muscles. La
suite de ce travail démontrera en effet que le trochantin, auquel s’insère
1 La plupart des anatomistes qui se sont occupés de la question ont considéré le deltoïde
comme l’homologue du grand fessier. Ces deux muscles n'ont de commun que leur structure
fasciculée et leur volume ; mais ils diffèrent essentiellement par leurs insertions. Le deltoïde
n'est jamais un muscle naissant des vertèbres ; il est exclusivement scapulaire et cléidien, soit
chez les animaux, soit chez l’Homme, où l’on ne connaît même aucune anomalie de ce genre.
Mais, en supposant même que le deltoïde fût l’homologue du grand fessier, si l'aile de l’iléon
représentait l’épine scapulaire, on aurait le droit de s’étonner qu’un deltoïde fémoral s’insérât
uniquement sur l’iléon axial et sur l’extrémité postérieure de la base de l’épine, et n’eût pas ses
insertions étendues à toute la crête iliaque si puissante, qui représenterait la crête de l’épine
scapulaire. Les insertions si réduites du tenseur du fascia lata sont bien plus en rapport avec
l’étal rudimentaire d’une épine de l’iléon, telle que je la comprends dans ce Mémoire.
— 230 —
l’iliaque, n’est nullement une tubérosité terminale supérieure du fémur, mais
une éminence de sa diaphyse qui a pour homologue précis la crête deltoï-
dienne de l’humérus, et non le trochiter huméral, qui est une portion du
chapiteau huméral, et sur lequel s’insère le sus-épineux. Ces deux insertions,
qui sont d’une constance très-remarquable chez tous les Vertébrés, mé-
ritent qu’on attache quelque valeur aux différences qu’elles présentent.
Ces arguments, auxquels j’ajoute une grande importance, en vertu des
corrélations étroites que j’ai partout observées et établies entre les par-
ties osseuses et les parties musculaires, ne me paraissent laisser aucun
doute sur la solution d’une question très-délicate, et qui a été pour moi le
sujet de longues réflexions et de méditations prolongées.
Pectiné. — Adducteurs fémoraux. — Coraco-brachial. — La région
interne de la cuisse, chez l’Homme, comprend cinq muscles qui sont les qua-
tre adducteurs et le droit interne.
Les quatre adducteurs doivent être divisés en deux groupes très-naturels :
ie premier groupe comprend les adducteurs pubiens ayant pour point de
départ le pubis ; le second comprend les adducteurs dont le point d’attache
estsur l’ischion ou adducteurs ischiatiques.
Les adducteurs pubiens comprennent trois muscles :
1° Le pectiné ou premier adducteur superficiel part de l’épine du pubis,
de la crête pectinéale, de la surface triangulaire qui est au-devant de cette
crête, et d’une arcade aponévrotique très-forte qui fait suite au ligament de
Gimbernat. 11 s’insère d’autre part au-dessous du petit trochanter du fémur,
sur la division interne et supérieure de la ligne âpre.
2° Le deuxième adducteur superficiel est la continuation interne du plan
musculaire du pectiné. Aussi Vésale les avait-il réunis pour en faire sa
huitième paire de muscles de la cuisse. 11 part de l’épine du pubis, et s’in-
sère au tiers moyen de la ligne âpre du fémur.
5° Le petit adducteur profond naît au-dessous de l’épine et sur la bran-
che descendante du pubis, et va se terminer sur le tiers moyen de la ligne
âpre du fémur, derrière les adducteurs superficiels.
Les adducteurs ischiatiques se résument en un grand muscle, le grand
adducteur profond, que l’on pourrait aussi décomposer en plusieurs fais-
ceaux, et auxquels il faut joindre le carré fémoral.
— 251 —
Le grand adducteur profond naît de la branche ascendante de l’ischion
dans toute sa longueur, parfois un peu de la branche descendante du pubis,
et du sommet de la tubérosité de l’ischion. Il va s’insérer sur l’interstice de
la ligne âpre dans toute sa longueur, et sur le tubercule du condyle interne
du fémur.
Le carré fémoral, qui doit être considéré comme le faisceau le plus élevé
de ce muscle, naît à côté de lui, sur le bord externe de la tubérosité ischiati-
que, et va s’insérer sur la ligne qui s’étend du grand au petit trochanter,
(interstice élargi de la ligne âpre), au-dessus des insertions du grand
adducteur, qu’il continue supérieurement.
11 résulte de cette description que la masse des adducteurs pubiens s'in-
sère sur la région supérieure et surtout, moyenne de la ligne âpre du fémur,
et qu’elle ne s’étend pas beaucoup au-dessus et jamais au-dessous du tiers
moyen du corps de cet os, tandis que les adducteurs ischiatiques forment
une couche musculaire profonde dont les insertions s’étendent dans toute la
longueur de la ligne âpre, depuis le grand trochanter jusqu’au condyle in-
terne du fémur, embrassant pour ainsi dire les deux extrémités de cet. os, et
atteignant surtout l’extrémité inférieure.
Ces caractères distinctifs des adducteurs pubiens et ischiatiques ne sont
pas purement accidentels et propres à l’espèce humaine. On les trouve chez
les Solipèdes, où les deux adducteurs pubiens (pectiné et petit adducteur)
s’insèrent au niveau du tiers moyen de la face interne et de la face posté-
rieure du fémur, tandis que l’adducteur ischiatique et le carré crural occu-
pent la face postérieure du fémur, depuis le petit trochanter jusqu’au condyle
interne et au ligament fémoro-tibial interne.
Les Chéiroptères ont deux adducteurs, le pectiné et l’adducteur propre-
ment dit. C’est là l’opinion de Cuvier, de Meckel, de Blanchard. «Le pectiné
des Chauves-Souris, dit Cuvier, est long et grêle, ainsi que l’obturateur
externe. Elles n’ont qu’un adducteur de la cuisse qui vient de la symphyse
du pubis et qui s’insère à la partie du fémur qui répond à son tiers coxal
»uu supérieur’ ». M. Maisonneuve1 2, s’appuyant sur ce que Macalister dit
1 Cuvier; Leçons d’ Anat. comparée, tom. I, pag. 505, 2e édition.
2 Maisonneuve; loc.cit., pag. 270.
50
252
que dans le Pteropus Edwarsii le deuxième adducteur superficiel est double,
a distingué chez le Vespertilio murinus deux muscles adducteurs indépen-
dants du pectiné ou premier adducteur superficiel. Ce sont le deuxième
adducteur superficiel et le petit adducteur profond. Seulement M. Maison-
neuve, entraîné par des souvenirs peu fidèles d’anatomie humaine, attribue à
ce second muscle une origine ischiatique, ajoutant qu’il a cru devoir décrire
ce muscle comme muscle distinct, sous le nom de petit adducteur profond.
«D’ailleurs, ajoute le Dr Maisonneuve, ses insertions rappellent bien celles
de ce muscle en anatomie humaine ».
11 y a là une double erreur. En admettant (ce que je ne nie pas) que ce
muscle dut être considéré comme autonome et comme un petit adducteur
profond, on ne saurait lui attribuer chez les Chéiroptères une origine ischiati-
que; il s’insère en effet sur la branche descendante du pubis, près de la
symphyse, ainsi que l’avait bien vu Cuvier, et c’est aussi exactement
le cas de son homonyme en anatomie humaine. Les Chéiroptères sont
donc pourvus d’adducteurs pubiens, et manquent entièrement d’ad-
ducteurs ischiatiques. Aussi est-il intéressant de remarquer que les inser-
tions fémorales de ces muscles se font : pour le pectiné, sur le tiers supérieur
du fémur, à la crête qui fait suite au petit trochanter ; pour le deuxième
adducteur superficiel, au tiers supérieur du bord antérieur du fémur, en
arrière et un peu au-dessus de l’insertion inférieure du pectiné; et pour le
petit adducteur profond, sur le bord antérieur du fémur, immédiatement au-
dessous du muscle précédent, c’est-à-dire au point d’union du tiers supé-
rieur et du tiers moyen. Aucun donc de ces muscles n’atteint même le tiers
inférieur du fémur.
Chez les Ornithodelphes, on peut constater les mêmes relations. Le fais-
ceau pectiné va s’insérer sur le tiers supérieur et moyen du fémur ; les
faisceaux des adducteurs ischiatiques vont an tiers inférieur de la ligne
âpre et au condyle interne du fémur.
Chez les Oiseaux, il n’existe pas précisément d’adducteur pubien. Celui
des deux qu’on pourrait prendre comme tel s’insère en réalité près du bord
inférieur de l’ischion, et est par conséquent ischiatique. Les deux adducteurs
ischiatiques vont se fixer sur les deux tiers inférieurs de la ligne âpre du
fémur, et le plus interne des deux va jusqu’au condyle interne.
255 —
Chez les Sauriens kionocrâniens, il existe une masse de muscles adduc-
teurs peu distincts entre eux, et partant de toute la face antérieure de
l’ischion et du pubis. Ces fibres vont la plupart sur le trochanter, et quel-
ques-unes sur la ligne âpre, au-dessous du trochanter. Elles correspondent
au carré crural (ischiatique) et aux adducteurs pubiens.
On peut conclure de cette revue que, tout au moins chez les Vertébrés
supérieurs, les adducteurs pubiens s’insèrent surtout au voisinage du tiers
moyen du fémur et plus souvent au-dessus qu’au-dessous ; tandis que les
adducteurs ischiatiques s’insèrent depuis le grand trochanter jusqu’au
condyle interne, et présentent des insertions extrêmes par rapport à celles
des adducteurs pubiens.
Les adducteurs du membre antérieur se résument chez l’Homme en un
seul muscle, le coraco-brachial. Voyons quelles sont ses insertions. Il
s’insère d’une part au sommet de l’apophyse coracoïde , d’autre part à la
face et aux bords internes de l’humérus, vers la partie moyenne de cet os.
Son insertion coracdidienne est contiguë en dedans et même confondue
avec celle de la courte portion du biceps.
Les analogies de ce muscle avec les adducteurs pubiens et plus particu-
lièrement avec le petit adducteur profond me paraissent frappantes. Comme
ce dernier, il s’insère à la partie moyenne de l’os long et n’atteint ni les ré-
gions supérieures trochantériennes ni les régions inférieures condyliennes.
Il a donc le caractère des muscles pubiens. C’est là un fait intéressant,
puisqu’il me permet d’apporter à l’appui de la signification pubienne que
j’ai donnée à l’apophyse coracoïde des Mammifères autres quelesMonotrêmes,
une preuve déduite de l’étude du système musculaire. Si, en effet, le muscle
coraco-brachial est, de par ses insertions humérales, un muscle homologue
des muscles pubiens, il en résulte qu’il est un muscle précoracoïdien et non
coracoïdien, et que l’apophyse qui lui sert de point de départ est l’homolo-
gue du pubis, c’est-à-dire un précoracoïde. Il est du reste remarquable
combien ce muscle est presque identique au muscle petit adducteur pro-
fond. Comme lui, il naît, non de l’élément osseux, mais de l’épiélément
correspondant. Le petit adducteur pubien naissant de l’épipubis, le préco-
raco-brachial naît du point spécial d’ossification qui forme l’extrémité du
— 254 —
précoracoïde et qui représente l’épi précoracoïde ; de plus, le petit adducteur
profond naissant sur lepipubis, à côté et pour ainsi dire par une insertion
commune avec le droit ou grêle interne, le précoraco-brachial naît de l’épi-
précoracoïde, à côté et par une insertion commune avec la courte portion du
biceps brachial, que nous verrons être l’homologue du grêle interne fémoral.
Le précoraco-brachial conserve du reste, chez les Vertébrés qui le possè-
dent d’une manière assez distincte, les mêmes relations avec l’humérus que
nous lui avons reconnues chez l’Homme.
Chez le Cheval, le précoraco-brachial a deux faisceaux, dont l’un s’insère
sur la face antérieure de l’humérus, au niveau du tiers moyen, et dont
l’autre touche au tiers inférieur, mais n’atteint pas l’épitrochlée.
Les Singes ont, d’aprèsCuvier, le coraco-brachial divisé en deux portions,
dont l’inférieure règne tout le long de la face postérieure et interne de l’hu-
mérus, mais n’atteint ni les tubérosités supérieures ni l’épitrochlée. Chez
l’Ours seulement, d’après Cuvier, ce muscle aurait une portion grêle qui
irait s’insérer sur le condyle externe. Cette insertion, tout exceptionnelle ,
non-seulement quant au niveau, mais aussi quant à la face de l’os, ne me
paraît pas devoir infirmer les propositions générales que j’ai émises. Elle mé-
rite un nouvel examen et une interprétation.
Chez les Chéiroptères, le précoraco-brachial, méconnu par Cuvier, reconnu
par Méckel, Blanchard et le Dr Maisonneuve, part du sommet (épiprécora-
co'ide) du précoracoïde comparable à celui de l’Homme par sa longueur, et
va s’insérer sur la face interne du tiers supérieur et un peu du tiers moyen
de l’humérus. Il n’atteint pas les points ex trêmes d’insertions.
Voyons maintenant quelles sont les insertions humérales des adducteurs
brachiaux coracoïdiens chez les Vertébrés pourvus d’un vrai coracoïde.
Chez les Qrnithodelphes, ce muscle s’attache au tubercule externe du
coracoïde, au-dessus du chef coracoïdien du biceps, et d’autre part à la crête
sus-épitrochléenne (sur le tiers inférieur seulement chez l’Ornithorynque,
sur toute l’étendue chez l’Échidné). On voit donc que ces muscles coracoï-
diens appartiennent surtout au tiers inférieur de l’os jusqu’à l’épitrochlée.
Chez les Oiseaux , j’ai déterminé après Cuvier le vrai coraco-brachial: il
— 255 —
s’insère sur la tubérosité supérieure de la tête humérale. C’est une insertion
extrême supérieure analogue à celle du carré crural.
Chez les Sauriens kionocrâniens, le coraco-brachial est purement coracoï-
dien,etnonprécoracoïdien.llsediviseendeuxfaisceaux : l’un, coraco-brachial
court, s’insère sur les deux tiers supérieurs de l’humérus et dans le sillon
intertrochantérien ; et l’autre, coraco-brachial long, s’attache sur le tiers
inférieur du bord interne de l’humérus et sur l’épitrochlée.
Chez les Chamæléonides, le coraco-brachial est coraco'idien et non pré-
coracoidien. Aussi se divise-t-il en deux muscles : le coraco-brachial court,
qui, se portant sur les deux cinquièmes supérieurs de l’humérus et sur le
bord de la tubérosité interne, forme une sorte de carré huméral , tandis que
le coraco-brachial long s’insère sur l’épicondyle interne de l’humérus. Le
coraco-brachial des Sauriens possède donc les insertions extrêmes.
Les Chéloniens ont un coraco-brachial qui ne représente que le coraco-
brachial court et qui s’insère entre les deux tubérosités de l’humérus dans
la gouttière bicipitale : c’est un carré huméral.
Nous avons vu enfin que le coraco-brachial des Crocodiliens, réduit à la
courte portion, pouvait être considéré comme un chef coraco'idien de l’obtu-
rateur externe. Les Crocodiliens manqueraient donc de coraco-brachial, à
moins qu’on ne considérât ainsi que je l’ai proposé le muscle dont nous parlons
comme représentant à la fois le chef coraco'idien externe et le carré huméral.
11 résulte de cette revue rapide, mais suffisante, que les muscles coraco-
huméraux, comme les muscles ischio-fémoraux leurs homologues, sont
généralement caractérisés par des insertions mobiles extrêmes, tandis que
les muscles précoraco-huméraux, comme leurs homologues les muscles pubio-
fémoraux, sont généralement caractérisés par des insertions mobiles
moyennes. Ces propositions, qui n’ont pas la prétention d’être absolues, mais
qui ont une rigueur relative suffisante dans cet ordre de faits, viennent à
l’appui delà détermination de l’adducteur huméral des Mammifères et de
l’Homme en particulier comme muscle précoracoïdien, et de la déterminai ion,
par suite, de l’apophyse dite coracoïde des Mammifères autres que les
Ornithodelphes comme un vrai précoracoïde.
— 256 —
Droit interne de la clisse. — Courte portion du biceps brachial. —
L’homologie du droit ou grêle interne fémoral avec la courte portion du
biceps viendra apporter un nouvel appui à la proposition qui précède.
Le droit ou grêle interne de l’Homme s’insère, d’une part sur le côté de
la symphyse du pubis, sur l’épipubis, immédiatement en dedans de l’inser-
tion du petit adducteur profond, et d’autre part à la crête du tibia, der-
rière le tendon du couturier et au-dessus du tendon du demi-tendineux,
avec lesquels il s’unit pour constituer l’entrelacement tendineux connu sous
le nom de patte à' Oie.
La courte portion du biceps brachial s’insère sur le précoracoïde (sommet
ou épi-précoracoïde) en même temps que le coraco-brachial, et va s’unir à
la longue portion pour s’insérer sur la tubérosité bicipitale du radius.
Les deux muscles précédents ont des rapports remarquables de simili-
tude. Ils occupent l’un et l’autre la face interne du membre. Ils s’insèrent
l’un et l’autre à l’épiélément correspondant, en confondant leurs insertions
avec deux muscles qui sont homologues dans les deux membres (petit ad-
ducteur profond, précoraco-huméral). Ils s’insèrent supérieurement sur
deux os homologues, le tibia et le radius, et sur des tubérosités de ces deux
os dont je démontrerai l’homologie à propos du triceps fémoral et du biceps
brachial. Enfin, tandis que le droit interne confond ses insertions inférieures
avec celles du couturier, du demi-tendineux et même du droit antérieur,
sur la tubérosité antérieure du tibia et sur la crête qui lui fait suite, la courte
portion du biceps brachial confond ses insertions inférieures avec la longue
portion que je démontrerai être au bras le représentant de plusieurs ou de
tous les muscles fémoraux cités ci-dessus.
Chez les Chéiroptères, il s’unit inférieurement au demi-tendineux et au
demi-membraneux.
On observe chez les Reptiles des tendances à la production d’une sem-
blable disposition.
L’homologie du droit interne et de la courte portion du biceps brachial
ne me parait point douteuse, et je la considère comme un appui de plus en
faveur de ma manière d’envisager l’apophyse coracoïde des Mammifères
autres que les Ornithodelphes comme un vrai précoracoïde.
Je renvoie au chapitre suivant ce qui a trait au biceps des Ornithodelphes
— 237 —
et à celui des Mammifères chez lesquels semblent manquer la courte por-
tion du biceps.
Carré crural. — Jumeaux pelviens. — Le carré crural et les jumeaux
pelviens ne sont point représentés dans la ceinture thoracique de l’Homme
et des Mammifères. Nous avons retrouvé, au contraire, le carré huméral
chez presque tous les Reptiles, qui, comme nous l’avons vu, ont un cora-
coïde bien développé. Son absence à la région thoracique de l’Homme et des
Mammifères est une preuve déplus de l’absence du coracoïde dans ce groupe
de Vertébrés. Quant aux jumeaux, qui sont aussi des muscles ischiatiques,
on peut attribuer à leur absence à l’épaule une signification semblable, mais
cependant d’une valeur moindre, attendu que ces muscles sont plutôt des
muscles de perfectionnement que des muscles autonomes.
TROISIÈME ET QUATRIÈME CATÉGORIES.
Muscles reliant le deuxième article du membre à la ceinture et au pre-
mier article.
Ces muscles sont, au membre postérieur :
Le triceps crural ;
Le biceps crural ;
Le demi-tendineux ;
Le demi-membraneux ;
Le couturier ;
Le poplité.
Au membre antérieur se trouvent les muscles suivants:
Le triceps brachial ;
Le biceps brachial ;
Le brachial antérieur.
Les muscles dont je vais m’occuper dans ce chapitre offrent un très-vif
intérêt par leur importance, par la singularité de leurs insertions, et par
leurs homologies, qui méritent d’être discutées mieux qu’on ne l’a fait jus-
qu’à aujourd’hui. Je me propose de les étudier avec soin, et d’entrer dans
les détails, d’autant plus que les résultats auxquels m’ont conduit mes re-
258 ~
cherches diffèrent considérablement des résultats généralement admis, et
que je suis tenu d’en établir la légitimité.
Droit antérieur de la cuisse. — Long biceps brachial. — 11 existe dans
la région fémorale et dans la région humérale deux groupes de muscles aux-
quels on a donné le nom commun de triceps. Ces groupes, composés de trois
chefs, dont les tendons inférieurs se rapprochent et se confondent en une
insertion commune en apparence , ont des ressemblances extérieures de
conformation, de volume, de connexions même, telles, que la plupart des
anatomistes, pour ne pas dire tous, les ont considérés comme entièrement
homologues. Je me propose de démontrer que c’est là une opinion erronée à
certains égards. Si les chefs vaste interne et vaste externe de ces groupes
de muscles, c’est-à-dire si les chefs fémoraux et huméraux proprement dits,
peuvent être rapprochés dans une homologie rationnelle, il ne saurait en être
de même pour les chefs iliaque et scapulaire. Laissant de côté, pour le mo-
ment, l’élude des vastes interne et externe, soit de la cuisse, soit du bras, je
vais m’attacher à l’étude des chefs iliaque et scapulaire des deux triceps, et
rechercher quels sont leurs homologues rationnels.
Chez l’Homme, les insertions du droit antérieur de la cuisse ou chef ilia-
que du triceps sont dignes de remarque. Ce muscle naît de l’iléon par
deux tendons bien distincts. L’un, le tendon direct, part de l’épine iliaque
antérieure et inférieure, qu’il embrasse, et dont la saillie est proportionnelle
à la force de ce muscle; l’autre, le tendon réfléchi, nait de la portion ex -
terne du sourcil de la cavité cotyloïde et du bourrelet cotyloïdien, et va
s’unir au côté externe du tendon direct pour se confondre avec lui. L’in-
sertion iliaque de ce tendon réfléchi, souvent plus important que le tendon
direct, se trouve située à l’extrémité inférieure de la saillie iliaque (homo-
logue de l’épine scapulaire), (PI. IV, fig. 1, m. dr. a.) et présente souvent
un tubercule très-saillant (PI. VII, fig. 7, m. dr. a.) qui rappelle l’insertion
unique du droit antérieur chez certains Mammifères (PI. Vil , fig . 5, m. dr.
fig. 6, m. dr. a.). Nous avons vu que le faisceau externe du muscle
iliaque de l’Homme était situé dans l’intervalle des deux tendons.
Inférieurement, le muscle droit antérieur se termine par un tendon, qui
— 259
se confond plus ou moins avec les tendons rotuliens, sur la partie la plus
saillante et la plus inférieure de la tubérosité antérieure du tibia. Ce mus-
cle, placé sur la face antérieure de la cuisse, recouvre l’articulation coxo-
fémorale, sur laquelle il glisse. Il est extenseur de la jambe sur le fémur.
Il est presque universellement admis que le droit antérieur fémoral a
pour homologue au membre supérieur la longue portion du triceps brachial.
Bien des apparences parlent en effet pour un semblable rapprochement :
1° L’un et l’autre de ces muscles s’associent au vaste interne et vaste externe
correspondant, pour former une masse musculaire à trois chefs servant de
muscle extenseur de l’articulation moyenne du membre ;
2° Ils naissent, l’un de l’iléon, l’autre du scapulum, et par conséquent
de deux os homologues ;
3° Ils s’insèrent inférieurement, l’un à la rotule et l’autre à l’olécràne, que
bien des anatomistes considèrent, à tort il est vrai, comme une rotule
soudée.
Telles sont les raisons qui semblent militer en faveur de l’opinion que
j’expose. Mais ces raisons sont plus spécieuses que sérieuses , et il est né-
cessaire de les réduire à leur juste valeur.
La coalescence des muscles avec tel ou tel autre muscle et leur fusion à un
niveau quelconque de leur parcours ne sont nullement des caractères de dé-
termination, attendu que les muscles réunis chez un animal pour former un
biceps ou un triceps se trouvent entièrement indépendants chez un autre ani-
mal. Les faits à cet égard sont très-nombreux, et j’ai à peine besoin d’en
citer des cas. Les éléments des muscles obturateurs du bassin sont tantôt
réunis en un muscle unique, tantôt divisés en deux muscles, tantôt en trois,
ainsi que nous l’avons vu dans l’étude complète que j’ai faite de ces mus-
cles. Les adducteurs fémoraux se présentent chez l’Homme comme cinq
muscles distincts, en y comptant le carré. Il est des animaux où il n’y en a
que trois, chez le Cheval par exemple, dont le pectiné représente à la fois le
pectinè de l’Homme et le moyen adducteur, c’est-à-dire les deux adducteurs
superficiels. Chez le Bœuf, au contraire, le pectiné, simple à son extrémité
supérieure, est bifide inférieurement, tandis que le petit adducteur profond
et le grand adducteur, très-distincts chez le Cheval, se confondent presque
chez le Bœuf. Chez le Dromadaire, le court adducteur de la jambe est bifide.
51
— 240 —
Chez le Poulet, tous les adducteurs fémoraux sont réunis en un seul mus-
cle, qui est uniquement ou presque uniquement ischiatique. Chez les
Carnivores, le Cheval, les Ruminants, le fessier et le tenseur du fascia lata
sont très-larges et suivent le biceps, dont ils se distinguent difficilement.
Chez les Oiseaux, le demi-tendineux et le demi-membraneux sont confondus
en un seul muscle.
Ces différences de relation dans la fusion ou l’indépendance des muscles
se retrouvent quand on compare les muscles homologues des deux mem-
bres d'un même animal. Ainsi, le brachial antérieur (huméro-cubital) chez
l’Homme reste tout à fait indépendant, tandis que l’un de ses représentants
au membre inférieur, c’est-à-dire la courte portion du biceps (fémoro-péronéal)
s’unit avec un autre muscle, le long chef du biceps. De plus, tandis que le
brachial antérieur est un muscle fléchisseur unique à la région profonde du
coude, il est représenté à la région profonde du genou parla courte portion
du biceps et par le poplité.
Ainsi donc, des muscles peuvent être coalescents dans une longueur va-
riable de leur parcours ou entièrement distincts, sans que ces relations aient
quelque importance pour leur détermination. Les relations du droit anté-
rieur crural et du chef scapulaire du triceps avec les vastes interne et ex-
terne correspondants ne peuvent donc servir à établir les homologies de ces
muscles. Ces relations sont dues à des rapports de voisinage qui sont la
conséquence des transformations du membre, et dont je ferai comprendre
plus loin le mode de production.
Au reste, quand on étudie ces muscles dans la série animale, on s’aper-
çoit bien vite combien le degré de coalescence des chefs iliaque et scapu-
laire des triceps avec les deux autres chefs offre de grandes variations. Nous
trouverons en effet, chez les Oiseaux et chez les Crocodiliens, le droit anté-
rieur fémoral entièrement indépendant des vastes interne et externe, et
chez certains Mammifères même, tels que les Carnivores, le droit antérieur
ne s’unit aux deux vastes que sur la rotule même. Chez le Chien notamment,
le droit antérieur fémoral est très-indépendant des deux vastes jusqu'au
niveau de la rotule , et on peut voir clairement que le ligament rolulien est
bien directement dans ce cas le tendon du droit antérieur et seulement
indirectement celui des vastes interne et externe.
Ces variations de dépendance ou d’indépendance se retrouvent aussi
dans la région brachiale. Chez le Chien encore, on trouve la longue portion
du triceps brachial très-indépendante des deux vastes.
Les origines des deux muscles sur l’iléon et sur le scapulum sont extrême-
ment remarquables par la constance de leur situation, et, loin 'de permettre
de rapprocher les deux muscles, elles les distinguent nettement l’un de l'au-
tre. La situation de ces insertions mérite d’être précisée et suivie dans la
série des Vertébrés.
Pour ce qui regarde le droit antérieur fémoral, la situation de ses inser-
tions iliaques sur la partie de l’iléon qui est placée immédiatement au-
devant de h cavité cotyloïde (l’axe du corps étant considéré comme hori-
zontal) offre une constance très- remarquable. Que le tendon d’origine soit
unique, ou qu’il soit divisé en deux tendons, l’un direct et l’autre plus ou
moins réfléchi, c’est toujours au -devant de la portion cotyloïdienne de l’iléon
que s’insère le droit antérieur.
Chez les Amphibiens urodèles, le droit antérieur part du bord antérieur
de l’iléon au-devant et au-dessus de la cavité cotyloide. Ce muscle s’insère à
la face antérieure du tibia, et n’a pas de rotule. Il en est de même chez les
Anoures.
Chez les Sauriens, le droit antérieur naît de l’iléon, au-devant et au-des-
sus de Y acétabulum, d’une petite saillie qui va s’unir avec la saillie pu-
bienne pour former une éminence iléo-pubienne au-dessous de l’épine an-
térieure de l’iléon. Je fais remarquer que cette saillie correspond du reste à
l’ iléon antérieur rudimentaire des Crocodiliens. Le muscle va s’insérer in-
férieurement, sans rotule, à la face antérieure du tibia.
Chez les Chéloniens, le droit antérieur semble avoir une origine spéciale,
il paraît prendre naissance sur la face antérieure du col du fémur, et im-
médiatement sur le bord saillant de la surface articulaire de la tète. Mais il
est facile de s’apercevoir que c’est là une insertion consécutive. Le muscle,
prenant primitivement naissance sur le bord antérieur iliaque de la cavité
1 II ne faut pas confondre cette saillie peu prononcée avec {'apophyse pubienne, qui est
très-proéminente.
— 242 —
cotyloïde, s’est trouvé soulevé par la saillie de la tête fémorale, saillie exagé-
rée chez les Chéloniens par la direction spéciale du fémur. 11 est résulté de
Là uneadhérence du tendon du droit antérieur avec la capsule fibreuse de l'ar-
ticula lion, et par conséquent l’existence d’un tendon interrompu et d’une inser-
tion consécutive. Cette disposition insolite n’a pas peu contribué à jeter de
l’obscurité et de la confusion dans l’esprit des anatomistes qui se sont occu-
pés des muscles des Chéloniens. Sur les grandes Tortues, on se rend parfai-
tement compte des faits ci-dessus, et l’on peut suivre les fibres tendineuses
qui adhèrent à la face antérieure de la capsule articulaire, et qui reportent
l’insertion du droit antérieur sur un point de l’iléon exactement homologue
du point d’insertion de ce muscle chez les Sauriens. L’insertion iliaque du
droit antérieur des Crocodiliens présente d’ailleurs une disposition qui sert de
commentaire à celle des Chéloniens. Ce tendon s’insère en effet sur l’iléon,
mais contracte par sa face profonde des connexions étroites avec la capsule
articulaire coxo-fémorale.
Inférieurement, le droit antérieur des Chéloniens va s’insérer sur la face
antérieure de l’extrémité supérieure du tibia.
Chez les Crocodiliens et chez les Oiseaux, le droit antérieur présente des
dispositions remarquables qui ont inspiré quelques doutes sur la signification
de ces muscles.
Chez le Crocodile, le droit antérieur fémoral provient de l’iléon antérieur
(PI. IV, fig. 13, il. a). Son tendon, qui naît, immédiatement au-devant de
l’acétabulum, a des connexions avec les ligaments qui vont de l’iléon anté-
rieur à la tête fémorale, et constituent la portion antérieure de la capsule
articulaire. Ce muscle grêle se porte au-devant de la cuisse et se termine par
un tendon étroit qui passe sur la face antérieure du genou, qu’il croise oblique-
ment de haut en bas et de dedans en dehors. Ce tendon passe, à ce niveau,
au-dessous de l’aponévrose inférieure du grand fessier et tenseur du fascia
lata réunis en un seul muscle, au-dessous de Yagitalor caudœ de Haugbton
(que nous verrons n’êlre qu’un faisceau tibio-péronier et jambier du grand
fessier), et au-dessous du biceps. Ces muscles le brident, le maintiennent
et l’appliquent confie la face antérieure du genou.
Ce tendon va se réunir* sur la face externe de la jambe avec le tendon
postérieur de Yagitator caudœ de Haughton, pour servir de lieu d’insertion
243 —
à un muscle remarquable que Haughton a désigné sous le nom d eplantaris,
et qui, associé partiellement au gastrocnémien externe, va s’insérer par un
cordon tendineux sur le calcanéum, et par une expansion aponévrotique à la
face inférieure de l’aponévrose plantaire et sur le fléchisseur superficiel des
doigts. C eplantaris n’est du reste qu’un péronier latéral postérieur répondant
au long péronier latéral de l'Homme.
Le muscle droit antérieur fémoral se retrouve chez l’Autruche avec des
dispositions identiques aux précédentes. Chez les Carinates, il présente une
forme très-peu différente de celle qu’il a chez les Crocodiliens. C’est un muscle
grêle qui naît de l’éminence iléo-pubienne (PI. VII, jig. 1, 2, 5, e. il. p.),
c’est-à-dire immédiatement au-devant de l’acétabulum, sur toute la face
externe de l’éminence. Ce muscle, placé à la cuisse, dans le sillon qui sépare
le crural interne du crural moyen, se termine par un tendon qui, arrivé sur la
faceinterne du genou, change de direction et se porte en dehors, en glissant
au-devant du genou dans un canal fibreux, situé dans l’épaisseur du tendon
rotulien et de l’aponévrose des muscles grand fessier, tenseur du fascia lata,
immédiatement au-dessous de la rotule. Sorti de ce canal, le tendon se porte
en bas, en arrière et en dehors, glisse sur la face externe du péroné, entre cette
face et le tendon du biceps, et va se terminer dans la tête externe des fléchis-
seurs superficiels, qui se confondent plus ou moins, chez les Oiseaux, avec
les péroniers. Ce muscle, qui d’après M. Alix fait défaut chez certains
Oiseaux (Rapaces nocturnes, Passereaux chanteurs, Hérons, Cormorans,
Grèbes, Guillemots, Casoar, Émeu), a été diversement compris.
Meckel et d’autres anatomistes l’ont considéré comme un droit antérieur
fémoral; Cuvier, qui l’a nommé accessoire fémoral du fléchisseur perforé,
a adopté cette manière de voir, tout en le comparant au pectiné des Mammi-
fères. R. Owen le considère comme un pectiné; M. Alix y voit plus tôt un
couturier (faisceau peclinéal?) .
Je n’hésite pas à le considérer comme un droit antérieur fémoral. Il
est, en effet, essentiellement iliaque et accessoirement pubien. C’est ce que
démontre l’étude de l’éminence iléo-pubienne des Oiseaux, qui est avant
tout iliaque, le pubis n’v entrant que pour une faible part. C’est ce que
démontre aussi l’insertion exclusivement iliaque de ce muscle chez le Cro-
codile. L’objection tirée de ce qu’il ne s’insère pas sur la rotule disparaît
— 244 —
devant cette considération que chez les Sauriens (Monitor, Lacerta, etc.), le
muscle droit antérieur fémoral a des insertions supérieures identiques à celles
(Ju muscle que nous étudions chez les Oiseaux, puisqu’il part de l’éminence
iléo-pubienne et plus spécialement de la portion iliaque de cette éminence,
immédiatement en avant de l’acétabulum. Mais ce muscle, an lieu de glisser
inférieurement sur la rotule, comme chez les Oiseaux, ou au-devantdu genou,
comme chez les Crocodiles, se confond inférieurement, comme chez les
Mammifères, avec le vaste interne et le vaste externe.
Pour rejeter l’homologie de ce muscle avec le droit antérieur des Mammi-
fères, M. Alix, qui le nomme accessoire iliaque du fléchisseur perforé et quj
reconnaît l’identité du muscle des Oiseaux avec celui du Crocodile et du
Monitor, s’appuie sur ce que le droit antérieur des Mammifères s’attache à
l’épine iliaque antérieure et inférieure en dehors du muscle iliaque interne,
tandis que le muscle du Monitor, du Crocodile et des Oiseaux s’attache à
l’éminence iléo-pubienne, en dedans de l’iliaque interne. Ce que j’ai dit quand
je me suis occupé de muscle iliaque permet d’apprécier la valeur d’une pareille
objection. Nous savons en effet que l’iliaque des Mammifères, considéré en
général, peut être regardé comme composé de deux parties, l’une interne et
l'autre externe au tendon direct du droit antérieur; et nous avons vu que
chez les Oiseaux, chez le Crocodile et chez certains Mammifères, c’était !a
portion externe seule qui était représentée.
L’insertion supérieure du muscle de l’Oiseau et du Crocodile appartient
donc bien à un droit antérieur fémoral; quant à son insertion inférieure, elle
mérite d'être étudiée et discutée mieux qu’on ne l’a fait. 11 semblerait en
effet résulter des descriptions ci-dessus que le droit antérieur des Oiseaux et
des Crocodiles manquerait entièrement d’insertions tibiales, ce qui aurait
le droit d’étonner fortement, ce muscle étant chez les Mammifères, beaucoup
de Reptiles et les Amphibiens, un muscle essentiellement tibial.
Mais il n’en est rien, ainsi que le démontre une étude attentive. 11 faut
considérer, en effet, que le droit antérieur contracte chez les Oiseaux et
chez les Crocodiles, avec les parois de la gaine fibreuse creusée dans l’épais-
seur de l’aponévrose antérieure du genou, des adhérences conjonctives, là
ches, qui limitent son glissement. Ces adhérences peuvent du reste acqué-
rir parfois une consistance fibreuse et former de vrais ligaments tendineux
— 245 —
qui rattachent le tendon du droit antérieur au tibia et au péroné. C’est no-
tamment ce que j’ai observé chez un Coq d’un certain âge. En suivant soi-
gneusement le tendon du droit antérieur de cet animal, après sa sortie du
canal fibreux, on voyait naître de son bord interne un petit tendon aplati
qui se portait vers la tubérosité antérieure du tibia, et presqu’au même niveau
de son bord externe un petit tendon qui se portait sur la tête du péroné.
Je suis porté à penser que des dispositions semblables peuvent exister chez
les Crocodiles.
Si l’on considère du reste le long trajet de ce tendon dans sa gouttière
fibreuse, l’existence constante d’adhérences conjonctives ou fibreuses plus
ou moins lâches entre le tendon et les parois de sa gaine, et l’obliquité du
trajet du tendon dans sa gaine, obliquité qui tend à multiplier les frotte-
ments, on comprendra que chez les animaux qui, comme les Mammifères
et certains Reptiles, ont un droit antérieur plus important et un tendon
plus large, les causes d’adhérences résultant de l’étendue des surfaces de
frottement l’aient emporté sur les causes de glissement, et que le tendon
du droit antérieur se soit entièrement fixé dans sa gaine et se soit confondu
avec les tendons et les aponévroses qui vont s’insérer sur la tubérosité anté-
rieure du tibia.
On peut ajouter aussi que les insertions inférieures du droit antérieur
fémoral sont doubles chez les Mammifères, mais très-inégales; les unes, peu
importantes, se portent sur l’aponévrose jambière externe, et les autres, plus
étendues, sur le tibia. Les premières existent seules chez les Oiseaux et les
Crocodiliens, qui n’ont qu’un droit antérieur très-grêle ; les deux ordres
d’insertions existent chez les Amphibiens, Sauriens, Chéloniens et Mammi-
fères dont le droit antérieur est très-volumineux.
La difficulté résultant des insertions en apparence singulières du droit
antérieur de l’Oiseau et du Crocodile, sur les muscles de la région péro-
nière, n’est réellement pas difficile à lever, il suffit pour cela de jeter un
coup d’œil attentif sur la disposition des muscles et des aponévroses de la
région du genou chez les Mammifères et chez l'Homme en particulier. 11 est
clair en effet que le tendon rotuiien et l’aponévrose fémorale sont continus
avec la partie supérieure de l’aponévrose jambière antérieure qui se porte
sur la tête du péroné et qui donne insertion par sa face interne aux péro-
- 246 —
xiiers latéraux, c’est-à-dire aux représentants du plantaris d’Haughton et de la
portion péronière des fléchisseurs superficiels des Oiseaux1. Celte continuité,
très-exacte et très-directe, permet de comprendre que le muscle droit anté-
rieur des Mammifères ne diffère de celui des Oiseaux et des Crocodiles qu'en
ce sens, qu’au lieu de glisser dans un canal fibreux préarticulaire, il s’est
uni avec les ligaments antérieurs de l’articulation et l’aponévrose jambière
antérieure, qui est comme un tendon d’insertion supérieur des péroniers la-
téraux.
Cette étude comparée des droits antérieurs des divers groupes de Verté-
brés nous permet de nous faire une juste idée de ce muscle et d’établir les
proposition suivantes.
1° Le droit antérieur, chez les Amphibiens, chez les Reptiles, chez les Oi-
seaux et chez les Mammifères, est un muscle dont l’insertion, placée immé-
diatement en avant de l’acétabulum, appartient toujours à ce que j’ai dé-
signé sous le nom d 'iléon antérieur.
2° Quant à ses insertions inférieures, le droit antérieur n’est pas exclu-
sivement un muscle rotulien, puisqu’il peut glisser au-devant de la rotule
(Oiseaux). 11 est tibial ('tubérosité antérieure du tibia); il est péronier et
aponévrotique (aponévrose jambière externe ou péronière, et parla muscles
péroniers externes).
5° Dans la plupart des cas, le tendon inférieur du droit antérieur s’unit
aux muscles rotuliens (vaste interne et vaste externe, et parfois au fessier).
C’est là le cas des Mammifères, des Sauriensetdes Chéloniens, chez lesquels,
par suite, le droit antérieur est surtout un muscle tibial et s’insérant sur la
tubérosité antérieure du tibia. Mais il peut rester indépendant de ces mus-
cles rotuliens (Crocodiles et Oiseaux), et il est digne de remarque que ce
dernier fait ne se produit que là où le droit antérieur est un muscle grêle
dont le tendon, en lanière ou presque filiforme, a conservé facilement ses
mouvements de glissement, tandis que là où le muscle plus développé a
t Chez le lapin notamment, le tendon rotulien envoie nu ruban fibreux très-distinct qui
s'insère sur la saillie antérieure de la tête du péroné, et qui s’épanouit sur l'aponévrose jam-
iuère externe ou péronéale.
247
eu un tendon large, et ou les surfaces de frottement, et avec elles les résis-
tances, ont été accrues, les adhérences se sont produites.
4° La rotule n’est pas nécessairement dépendante du droit antérieur, mais
bien des muscles vaste interne et vaste externe, grand fessier, tenseur du
fascia lata, etc., et le droit antérieur ne s’y insère que lorsqu’il a acquis des
dimensions assez grandes pour ajouter à ses insertions aponévrotiques jam-
bières des insertions rotuliennes et tibiales.
Telles sont les conclusions que je me crois en droit de tirer de l’étude
qui précède.
J’aurai terminé l’étude du droit antérieur fémoral après avoir rappelé
que les deux ten dons direct et réfléchi que nous avons décrits chez l’Homme
ne se trouvent pas chez tous les Mammifères, et qu’il en est chez lesquels le
tendon réfléchi seul existe (Rongeurs, Kanguroo , etc.) (PI. VII, fig. 5 et
6, m. dr. a.). Mais ayant déjà eu l’occasion d’exposer ces faits à propos
du muscle iliaque interne, je ne crois pas devoir y revenir ici.
Étudions maintenant la longue portion du triceps brachial. La situation et
les insertions de ce muscle offrent une constance qui peut être qualifiée
d’absolue. Chez tous les Vertébrés, en effet, dont les membres antérieurs
sont complets, les insertions de ce muscle se rapprochent singulièrement de
celles qu’on lui trouve chez l’Homme, et qui sont les suivantes.
Ce muscle s’insère, d’une part, sur le scapulum par un tendon aplati qui
s’attache sur le bord axillaire, immédiatement en arrière de la cavité glé-
noïde, tendon adhérent à la partie postérieure de la capsule articulaire et
même au bourrelet glénoïdien. Cette insertion a toujours lieu sur la portion
du bord axillaire de l’omoplate qui touche à la cavité glénoïde (PI. VI,
fig. 12, sc. p. ). Elle se fait donc, chez les Mammifères, sur cette partie de
l’omoplate qui se trouve au-dessous et en arrière du bourrelet arrondi qui
représente à l’épaule le détroit supérieur du bassin, dét. sup. sc. ax. Je fais
remarquer que cette région du scapulum représente exactement la portion
de l’iléon qui, chez les Oiseaux, constitue la surface antitrochantérienne et
chez les Mammifères la crête sus-cotyloïdienne (PI. VI, fig. 12, sc. p.;
fig. 13, il. p. fig. 5, il. p.).
52
— 248 —
On peut donc donner à cette région du scapulum le nom de scapulum
postérieur , par analogie avec le nom dé iléon postérieur que j’ai donné à la
région correspondante de l’iléon. L’insertion de la longue portion du triceps
brachial se fait donc sur le scapulum postérieur, toujours très- rudimentaire ,
et le lieu de cette insertion peut être considéré comme représentant, avec la
crête axillaire qui lui fait suite, la totalité du scapulum postérieur.
Inférieurement, le muscle se termine par une aponévrose, et va s’insérer
par une grosse masse fibreuse à la partie postérieure et supérieure de l’ olé-
crane, en s’unissant intimement à l’aponévrose postérieure du vaste externe.
Il y a une capsule articulaire entre ce tendon et l’olécrâne.
Les insertions de cette longue portion du triceps sont extrêmement con-
stantes dans tous les groupes de Vertébrés. Partout, chez les Amphibiens,
chez les Reptiles, chez les Oiseaux, la longue portion du triceps brachial a
son point de départ scapulaire sur la portion du bord axillaire de l’omoplate
qui avoisine immédiatement la cavité et l’articulation glénoïdienne. Partout
aussi elle va s’insérer inférieurement à l’olécrâne. C’est donc un muscle appar-
tenant essentiellement au scapulum postérieur et à la région olécranienne
du cubitus.
Seulement, chez les Sauriens kionocrâniens, il s’ajoute au chef scapulaire
proprement dit un chef coraco'idien qui naît du bord postérieur de la face
interne du coracoïde, aussi bien que de la face interne de l’angle latéral
du sternum, par l’intermédiaire du ligament sterno-scapulaire interne, et
qui vient s’unir bientôt avec le chef scapulaire, pour se confondre avec
lui. Chez le Platydaclyle, où le ligament n’existe pas comme formation
indépendante, le chef coracoïdien du triceps naît de l 'angle postérieur du
coracoïde, à côté de l’origine du muscle coraco-brachial long (grand adduc.
teur huméral).
Chez les Chamæléonides, ce chef coraco'idien fait entièrement défaut.
Chez les Crocodiles (PI. VIII, fig. 9), ce chef, qui est indépendant supé-
rieurement du chef scapulaire proprement dit, ou portion scapulaire externe
du triceps brachial de Duméril, naît par deux rubans tendineux distincts
du bord postérieur du scapulum immédiatement au-dessus de la portion
scapulaire externe, et du bord postérieur du coracoïde en dedans du costo-
coracoïdien. Il constitue la portion scapulaire interne du triceps brachial de
— 249 —
Duméril. C’est le triceps n° 2 de Haughton chez le Crocodile, et le triceps
longus secundus ( accessorius ) du même auteur chez l’Alligator, 1 ’externum
caput musculi tricipitis de Buttmann, Yinnerer langer Kopf des dreïkop-
figen Streckers de Meckel, le zweiter langer Kopf des Triceps de
Pfeiffer, et 1 ’erster abducirender von Schultergerüst entstehender Kopf des
Strechnuskels der Vorderarms de Stannius.
On retrouve chez les Urodèles un ligament qui peut être considéré comme
l’homologue de ce chef coracoïdien des Sauriens, mais ce muscle fait défaut
chez les Anoures et chez la plupart des Chéloniens.
Après 1 etude que nous venons de faire du droit antérieur fémoral et de
la longue portion du triceps huméral, est-il permis de considérer ces deux
muscles comme homologues? Si nous remarquons que, tandis que l’un est
constamment iléal antérieur et tibial , l’autre est constamment scapulaire
postérieur et cubital, nous trouverons extrêmement étonnant que l’on ait si
généralement pensé à considérer ces muscles comme homologues. On n’est
arrivé à un semblable résultat qu’en faisant, d’une part, jouer un rôle prin-
cipal à des conditions essentiellement secondaires et contingentes, telles que
l’union de leurs extrémités inférieures avec les muscles vastes interne et
externe et leur action extensive, et en reléguant au dernier plan les condi-
tions essentielles et vraiment déterminantes , c’est-à-dire les insertions
osseuses. Nous savons qu’il ne saurait en être logiquement ainsi , et par
conséquent nous repoussons toute homologie entre le droit antérieur fémoral
et la longue portion du triceps brachial. Si telle est la vérité, il me reste à
rechercher quels sont les homologues de l’un et de l’autre muscle dans le
membre auquel ils n’appartiennent pas.
Voyons d’abord quel est, chez l’Homme, l’homologue brachial du droit
antérieur de la cuisse. Nous examinerons ensuite si les autres Mammifères
d’abord et les autres Vertébrés ensuite justifient notre détermination.
Il y a, à la région brachiale, un muscle très-remarquable qui va du scapu-
lum à la région antibrachiale, et qui a reçu le nom de biceps. Ce muscle,
très-important et d’une existence constante chez les Vertébrés, mérite une
étude spéciale pour laquelle l’Homme nous servira de point de départ. Je
m’occuperai d’abord delà longue portion du biceps. La courte portion a déjà
été étudiée (pag. 236).
— 250
Les insertions supérieures de ce muscle méritent detre mieux analysées
qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.
On sait que son tendon pénètre chez l’Homme dans la cavité de l’articula-
I ion scapulo-liumérale, pour se porter sur la partie supérieure du rebord de la
cavité glénoïde. Le tendon, arrivé à ce niveau, se confond avec le bourrelet
glénoidien et le renforce en dehors en se jetant particulièrement sur le bord
externe de la cavité glénoïde, de manière à s’insérer largement sur un ren-
dement osseux formé en dehors par le rebord glénoïdien (PL Y, fig. 2,
m. bi.). Il y a là quelque chose d’exactement comparable à la disposition du
tendon réfléchi du droit antérieur fémoral, qui se jette sur la capsule et sur le
bourrelet colyloïdien pour atteindre le tubercule ou la surface rugueuse d’in-
sertion placée sur le côté externe (PL V, fig. 1. m. dr.a .) du rebord
colyloïdien. Nous pourrons donc reconnaître là un tendon réfléchi du biceps
comparable au tendon réfléchi du droit antérieur ; mais nous verrons
qu’il y a plus encore. Dans le lieu d’insertion du biceps, en effet, il y a
non-seulement le scapulum, sur lequel se font la très-grande majorité des
attaches, mais nous savons aussi que le tiers supérieur de la surface glénoï-
dienne est occupé par un point d’ossification mince et peu volumineux qui
est compris entre le scapulum et le précoracoïde, et dans lequel nous avons
reconnu un coracoïde rudimentaire (PL V, fig. 2 et 4, cr.; PL VI, fig.
12, cr.). 11 est donc légitime déconsidérer le long biceps comme composé
d’un élément musculaire scapulaire très-important et d’un élément cora-
coïdien rudimentaire dont je déterminerai plus tard la valeur.
L’élément scapulaire correspondant au tendon réfléchi du droit antérieur
fémoral, on peut se demander ce qu’est devenu le tendon direct. Existe-t-il
ou a-t-il été supprimé? Il existe, mais transformé de telle sorte que l’on n’a pas
songé à signaler sa présence. Le ligament dit sus-coracoïdien (PL V, fig.
2, lïg. s. cr.-, PL VI, fig. 12) n’est autre chose, en effet, que ce tendon
direct qui, se portant vers la saillie du bord supérieur du scapulum ou méso-
scapulum qui correspond à l’épine iliaque antérieure et inférieure, s’applique
sur la partie externe saillante du scapulum qui supporte la base du pré-
coracoïde (pubis) et y contracte des adhérences très-étendues avec le périoste,
adhérences qui lui enlèvent son indépendance primitive et le transforment
en un ligament tendu entre deux saillies fixes d’un même os, c’est-à-dire
— 251
en un tendon interrompu. C’est là une nouvelle application de cette loi que
j’ai dite présider aux relations des tendons avec les saillies osseuses sur les-
quelles elles appuient sans glissement, application heureuse, puisqu’elle
permet d’établir une homologie très-intéressante entre deux insertions mus-
culaires en apparence très-différentes, et puisqu’elle permet aussi de com-
prendre l’existence de ce ligament sus-coracoïdien, dont rien n’expliquait
d’une manière satisfaisante la valeur et la fonction.
J’ajoute du reste qu’un examen attentif de cette région sur un sujet bien
musclé permet de reconnaître que les fibres supérieures du biceps se jet-
tent sur le périoste de la face externe et supérieure du col du scapulum, et
que de ce même périoste part un bouquet de fibres tendineuses qui, for-
mant le ligament sus-coracoïdien, se dirigent en dedans, pour s’épanouir en
une sorte d’épâtement qui embrasse l’éminence du bord supérieur du sca-
pulum d’une manière remarquablement comparable à la disposition du grand
droit antérieur sur l’épine iliaque antérieure et inférieure.
D’ailleurs, les connexions de ce ligament sus-coracoïdien avec le mus-
cle sous-scapulaire sont identiques aux connexions du tendon direct du
droit antérieur et du couturier avec le muscle iliaque, qui est l’homologue
du sous-scapulaire. Le bord supérieur du muscle sous-scapulaire s’applique
par sa face profonde sur le ligament coracoïdien, sur la saillie du bord su-
périeur du scapulum (homologue de l’épine iliaque antérieure et inférieure),
sur l’aponévrose qui continue le bord supérieur du scapulum et réunit
la saillie sus-nommée à l’angle supérieur interne du scapulum (homologue
de l’épine iliaque antérieure et supérieure). 11 prend même des insertions
étendues sur les saillies et sur l’aponévrose. Le bord supérieur du muscle
iliaque présente des dispositions semblables, car il s’applique, par sa face
profonde, sur le tendon direct du droit antérieur, sur l’épine iliaque an-
térieure et inférieure, et sur une cloison fibreuse qui réunit le tendon du
droit antérieur et le couturier. 11 prend aussi des insertions très-évidentes
sur l’épine iliaque antérieure et inférieure, sur la supérieure et sur la cloison
fibreuse qui réunit ces deux saillies. Les rapports sont identiques dans les
deux cas.
Il résulte donc, de l’analyse qui précède, que les origines supérieures de la
longue portion du brachial chez l’Homme, par l’existence des deux tendons
— 252 -
et par les régions précises où ces tendons s'attachent, reproduisent fidèle-
ment les origines supérieures du droit antérieur fémoral.
Les rapports ultérieurs des tendons d’origine sont du reste très-com-
parables dans les deux cas. Pour les deux muscles, en effet, les tendons
naissant au-dessus de la cavité articulaire viennent passer sur les têtes de
l’humérus et du fémur, pour se réfléchir sur leur saillie et les appliquer
pour ainsi dire contre la cavité articulaire correspondante. Les différences qui
semblent résulter de l’introduction du tendon du biceps dans la cavité de
l’articulation scapulo-humérale ne sont que des différences apparentes et
consécutives.
Dans un travail très-intéressant sur la migration du tendon du biceps
dans la cavité articulaire de l’épaule, Hermann Welcker* a établi en effet :
i° Que chez certains Mammifères le tendon du biceps était placé en
dehors de la capsule de l’articulation de l’épaule. Il en est ainsi chez le
Tapir, le Cheval, et peut-être chez l’Hippopotame et le Chameau. Chez la
Taupe, le tendon très-long du biceps ne pénètre pas dans l’articula-
tion, mais reste libre dans sa partie supérieure, et traverse ensuite deux
petits tunnels successifs, l’un osseux et l’autre ostéo-fibreux, placés sur
la crête antérieure et interne de l’humérus, sans pénétrer dans l’intérieur de
l’articulation.
2° Que l’on trouve chez les Mammifères divers degrés de pénétration du
tendon du biceps dans l’intérieur de l’articulation. A. Que le tendon peut être
compris entre la capsule fibreuse et la synoviale, placé ainsi en dehors de la
la cavité articulaire et ne proéminant pas dans l’articulation (la plupart
des Chauves-Souris) ; B. Qu’il peut soulever à divers degrés la synoviale et en
être plus ou moins revêtu, d’où résulte : a, ou bien que le tendon est attaché
à la paroi articulaire par un véritable mésotendon dont les feuillets peuvent
être appliqués l’un contre l’autre, ou rester écartés et former une sorte
d’arrière-cavilé dans laquelle se trouve le tendon (Chien, Atèles) ; b , ou bien
que le mésotendon se résorbe et que le tendon reste dans la cavité articulaire,
1 Hermann Welcker , Die Einwanderuug lier Bicepssehne in dus Schultergelenk. (4 rcliiv
für Anat. u Enlwicklungsc/iischte. Leipsig, 1878, Heft 1, pag. 20.)
— 255
libre et revêtu d’une enveloppe synoviale (Homme, beaucoup de Rongeurs,
Bœuf, Chats, etc.).
5^ Enfin, qu’en étudiant le développement de l’articulation de l’épaule
aux divers âges d’un animal dont le tendon est libre dans l’intérieur
de la capsule dans l’état adulte, on constate la succession des diverses
phases de la migration du tendon de l’extérieur à l’intérieur de la cavité de
la synoviale.
Les conclusions qui précèdent anéantissent toute différence réelle entre
les tendons supérieurs du droit antérieur crural et du long biceps brachial.
Ces deux tendons peuvent être considérés comme glissant l’un et l’autre en
avant ou au-dessus de la capsule articulaire correspondante , et ils offrent
ce rapprochement de plus, que l’un et l’autre, quand ils sont extra-capsu-
laires, sont pourvus d’une bourse synoviale qui favorise leurs glissements
sur la saillie de l’articulation.
Les deux muscles nés de points rigoureusement homologues de l’iléon
et du scapulum ont donc avec l’articulation correspondante des relations
exactement semblables. La première portion, ou portion supérieure de leur
trajet, offre par suite de grandes ressemblances. Inférieurement, ils s’insè-
rent sur le tibia et sur le radius, qui sont des os exactement homologues
dans les deux membres. Mais leurs situations diffèrent, l’un occupant la
face de l’extension du genou, et l’autre gagnant la face de la flexion du coude.
Ensuite l’un atteint la tubérosité antérieure et supérieure du tibia, l’autre
la tubérosité dite bicipitale du radius, qui est plutôt interne. Du plus, l’un
de ces muscles est extenseur du genou (droit antérieur) etl’autre fléchisseur du
coude (biceps). On voit donc que si les conditions de la portion supérieure
des deux muscles offrent une grande similitude et forcent les rapproche-
ments hômologiques, on ne saurait en dire autant des conditions de la por-
tion inférieure des deux muscles. Voyons s’il y a lieu d’attacher une
réelle importance à ces différences de disposition et d’action, et s’il n’est
pas possible de les expliquer et de les convertir en motifs de rapprochement
et d’assimilation.
Nous devons nous reporter ici à la manière dont nous avons expliqué la
situation définitive des membres, par le transport du fémur en avant et sur
— 254 —
les côtés de l’abdomen et de l’humérus, en arrière et sur les côtés du thorax.
Je reviens sur ce sujet, que je n’ai fait qu’indiquer d’une manière très-générale
et très-sommaire, qui mérite cependant et exige un examen plus explicite
et plus approfondi.
En faisant celte étude, il nous sera possible d’observer ce que deviennent
les muscles qui m’occupent actuellement, pendant que s’opèrent ces trans-
formations.
Le passage du membre antérieur de sa situation primitive, telle qu’elle
existechez l’embryon, et telle qu’elle a existé chez les grands Reptiles éteints,
par exemple les Ichlhyosaures et les Plésiosaures, son passage, dis-je, à sa
situation définitive exige des modifications très-complexes dans la position
et les connexions réciproques des os qui composent le membre.
Les deux membres sont primitivement deux palettes portées sur une tige,
palettes placées sur les côtés du corps, parallèles à l’axe vertébro-sternal et
parallèles entre elles. L’humérus est placé alors de telle sorte que sa face
convexe, sur laquelle s’insèrent les vastes du triceps, regarde en dehors et est
dorsale ; tandis que sa ligne âpre ou bord antérieur est ventral. Pour acquérir
la position définitive que cet os occupe chez les Mammifères, non-seule-
ment son extrémité inférieure se porte en arrière en décrivant un arc dont
l’extrémité supérieure est le centre; mais à ce mouvement de trans-
lation vient se joindre un mouvement de révolution ou de rotation de l’hu-
mérus sur son axe, mouvement de dedans en dehors et d’avant en
arrière, et tel que la face dorsale devient postérieure et le bord ventral anté-
rieur. 11 résulte de ces mouvements combinés que l’axe de l’extrémité
inférieure de l’humérus devient transversal, et la flexion du coude se fait
en avant, sa saillie étant postérieure.
Mais, dans la position primitive du membre, les deux os de l’avant-bras
sont placés côte à côte dans un même plan parallèle au plan vertébro-sternal.
le radius étant antérieur et le cubitus postérieur. La nouvelle situation de
l’humérus place le radius en dehors et le cubitus en dedans ; le dos de la
main est postérieur et la paume est antérieure. Pour que l’animal puisse
poser sur le sol la paume de la main ou de la patte antérieure, il faut que
l’avant-bras soit mis dans un état de pronation plus ou moins accentuée. Ce
mouvement comporte dans la situation des deux os de l’avant-bras, dans
“2 oo
leurs rapports avec l’humérus et dans leurs rapports entre eux, des modifi-
cations très-importantes, et que je dois analyser.
Les deux os, placés d’abord côte à côte dans un même plan qui passe par
l’axe de l’extrémité inférieure de l’humérus, tendent à acquérir une situation
telle qu’ils se trouvent dans un plan perpendiculaire à l’axe de cette extrémité
inférieure, le radius étant antérieur et le cubitus postérieur. Cette situation
peut même être dépassée (Ruminants, Solipèdes, Pachydermes), et le radius
devenir antérieur et interne , le cubitus étant postérieur et externe. Mais
entre les deux situations extrêmes se trouvent tous les degrés intermédiaires
qui permettent de suivre pas à pas le processus et le mécanisme de cette
transformation .
Les deux os de l’avant-bras y prennent une part très-inégale, et le radius est
celui qui subit les mouvements les plus importants. Dans un premier degré,
celui de l’Homme et des Singes supérieurs, l’extrémité supérieure du radius
reste externe et conserve ses rapports primitifs avec l’humérus et le cubitus;
mais son extrémité inférieure décrit une courbe autour de l’extrémité infé-
rieure du cubitus, de manière à devenir interne. Le radius subit pour cela à
la fois un mouvement de translation dont la forme est un cône ayant le cubitus
pour axe, et un mouvement de rotation sur son propre axe en vertu duquel
sa face antérieure devient postérieure, sa face externe devient antérieure et
interne, et sa face postérieure devient antérieure et externe.
Le cubitus reste à peu près immobile dans le premier degré de pronation,
et ses relations avec l’humérus ne sont pas changées.
Les deux os de l’avant-bras s’entre-croisent comme les deux branches
d’un X très-allongé, le radius étant externe supérieurement et interne infé-
rieurement.
Les progrès vers la pronation extrême sont marqués par un transport de
plus en plus prononcé du corps du radius en avant et en dedans du cubitus,
et une rotation plus accentuée sur son axe. L’extrémité supérieure du radius
quitte progressivement sa situation primitive externe pour devenir de plus en
plus antérieure, et même enfin antérieure et interne dans les cas extrêmes.
En même temps, le cubitus a subi des mouvements en sens inverse, mais
d’une bien moindre importance. Son extrémité supérieure, en effet, s’est
légèrement déplacée en dehors, tandis que celle du radius se déplaçait en
55
25G
dedans; son extrémité inférieure s’est également portée en dehors. La totalité
dn corps de l’osa subi un mouvement de translation, mais sans rotation mani-
feste sur son axe.
Les traces et les preuves de ces mouvements divers se trouvent nettement;
non-seulement dans l’examen de la situation des os de l’avant-bras, mais
encore dans l’étude des surfaces articulaires huméro-antibrachiales. Sur un
coude de Ruminant (PL IX, fig . 5) ou de Pachyderme, on remarque no-
tamment que le cubitus a successivement abandonné la trochlée humérale,
qui était son domaine primitif, pour faire place au radius, qui en occupe toute
la largeur et toute la face antérieure, le cubitus s’étant relégué en arrière.
C’est là le résultat du changement de relations des extrémités supérieures des
deux os par rapport à l’humérus. Le radius est devenu antérieur et le cubitus
postérieur.
Mais.de plus, le cubitus entre en relation postérieurement avec une petite
portion de la surface condylienne de l’humérus qui était primitivement le
domaine exclusif du radius; c’est là une preuvedu transport du cubitus, non-
seulement en arrière, mais aussi un peu en dehors.
Ce sont là les traces et les preuves du mouvement de translation des deux os
de l’avant-bras ; quant aux preuves du mouvement de rotation qui a déplacé
les faces du radius, et qui va jusqu’à 180 degrés, on les trouve clairement
dans l’examen des insertions musculaires, attendu que la face du radius qui
donne insertion aux muscles fléchisseurs des doigts, face qui était antérieure
dans la situation primitive de l’avant-bras par rapport à l’humérus, c’est-
à-dire en supination, devient réellement postérieure, et ainsi des autres faces.
Tels sont les transformations et les changements que présente le squelette
du membre antérieur. Ceux que subit le squelette du membre postérieur
sont du même ordre, mais de sens inverse. Quelques mots suffiront pour les
faire comprendre.
Le fémur est primitivement placé comme l’humérus, de telle sorte que sa
face convexe est dorsale et externe , tandis que sa ligne âpre est interne et
ventrale. Pour acquérir la situation qu’il a chez les Quadrupèdes et chez la
plupart des Vertébrés, le fémur porte son extrémité inférieure en avant et
en dedans (mouvement de translation). La saillie du genou qui était externe
devient antérieure, et la face de flexion qui était interne devient postérieure.
— 237
Dans la situation primitive, les deux os de la jambe étaient placés côte à
côte dans un même plan parallèle au plan vertébro-sternal. Le tibia était anté-
rieur et répondait au radius, le péroné était postérieur et représentait le
cubitus. Le fémur ayant acquis sa nouvelle position, le tibia est devenu interne
et le péroné externe. Le pied ou patte postérieure repose sur le sol par sa
face plantaire, naturellement et sans qu’un changement considérable ait à
s’opérer dans les relations des os de la jambe. Seulement, si les deux os
conservaient exactement leur situation primitive par rapport au fémur, la
pointe du pied regarderait en avant et un peu en dedans, ce qui serait peu
favorable à la solidité de la station et ce qui contribuerait à rendre la
marche difficile et embarrassante. La pointe du pied se porte légèrement
en dehors, et ce mouvement, inverse de celui que nous avons vu à la main,
mais d’un degré infiniment moindre, produit également dans les os de la
jambe des mouvements de sens contraires à ceux que nous avons observés
dans l’avant-bras, mouvements du reste modérément accentués. Le tibia se
porte légèrement en avant et en dehors, le péroné légèrement aussi en ar-
rière et en dedans. Néanmoins le tibia reste interne mais un peu antérieur,
et le péroné reste externe mais un peu postérieur' : ce qui constitue un état
de supination extrême.
Les deux os sont aussi le siège d’un léger mouvement de rotation
sur leur axe, mais peu prononcé, et sur lequel je n’insiste pas. 11 est du
reste facile à comprendre que le degré du mouvement de rotation est propor-
tionné au degré du mouvement de translation. L’un est ici corrélatif de
l’autre.
Quand les seconds articles des deux membres ont subi ces transforma-
tions, il se trouve que la situation des os est identique dans les deux cas, le
tibia et le radius étant antérieurs et internes, le péroné et le cubitus étant
postérieurs et externes. Il en eût été tout autrement sans les mouvements
considérables dont les os de l’avant-bras ont été le siège, car alors le radius
eût été directement externe et le cubitus directement interne. La nécessité
1 Ce transport du péroné en arrière ne peut être attribué, du moins dans sa totalité, à
l'atrophie relative de cet os, car il est très-accentué chez des Mammifères, où le péroné a
conservé un volume considérable, chez les Monotrêmes par exemple.
— 25S -
de faire reposer sur le sol la plante des extrémités dans les deux membres a
forcément conduit les os des seconds articles à se placer dans des situations
semblables, afin que les extrémités fussent elles-mêmes dans des positions
semblables. Et ce qu’il y a de remarquable, c’est que plus les deux membres
ont acquis des fonctions identiques, plus la situation des os est devenue iden-
tique dans les seconds articles des deux membres. Avec le rapprochement
des fonctions s’accentue parallèlement le rapprochement des situations et des
rapports.
Cette étude préliminaire des modifications du squelette des deux membres
étant terminée, nous pouvons aborder avec fruit l’étude des modifications des
muscles qui leur appartiennent.
Prenons le membre postérieur d’un Mammifère quadrupède dans sa dis-
position actuelle, et voyons ce que deviendrait le droit antérieur si ce mem-
bre était transformé en membre antérieur.
Pour cela, le fémur devrait être reporté en arrière, de manière à faire un
angle aigu, ouvert en arrière avec la colonne vertébrale. La convexité du
genou serait alors postérieure ; la jambe étant en supination, le tibia serait
externe comme son homologue le radius dans un avant-bras en supination,
et le péroné serait interne comme le cubitus ; mais la pointe du pied
serait dirigée en arrière et devrait être ramenée en avant, comme pour le
membre antérieur. Les os de la jambe devraient pour cela être mis en
état de pronation extrême, ce qui, pour être fidèle au parallèle établi entre
les deux membres, aurait pour résultat de faire effectuer au tibia (le fémur
et le péroné restant fixes) une rotation sur son axe longitudinal et une
translation autour de l’extrémité inférieure du péroné, dans une direction
telle que l’extrémité inférieure du tibia deviendrait interne, d’externequ’elle
était, et que la tubérosité antérieure du tibia, qui était dirigée en arrière,
serait portée en avant, c’est-à-dire dans le sens de la flexion. On voit donc
que dans ce mouvement de transformation, le droit antérieur fémoral, qui
dans la situation normale vient s’insérer sur le tibia dans le sens de l’ex-
tension du.genou, se trouve transporté dans le sens de la flexion et devient
un vrai muscle fléchisseur en s’enroulant plus ou moins sur l’extrémité su-
périeure du tibia. Il est donc exactement comparable au biceps brachial,
— 259
et la tubérosité antérieure du tibia représente assez exactement la tubéro-
sité bicipitale du radius.
Si nous faisons l’opération inverse, c’est-à-dire si nous transformons le
membre antérieur en membre postérieur, nous obtenons un résultat qui con-
firme le précédent. L’humérus est transporté en avant et la saillie du coude
devient antérieure. Mais alors, si le membre antérieur conservait sa prona- ' !
tion, qui est normale chez les Quadrupèdes, l’extrémité des doigts serait di-
rigée en arrière, et, pour reproduire la situation du membre postérieur, il
est nécessaire de reporter cette extrémité en avant, cequi exige une supina-
tion extrême des os de l’avant-bras.
Dans ce mouvement de supination, le radius effectue des mouvements de
rotation sur son axe et de translation autour du cubitus tels que le tubercule
d’insertion du biceps devient interne et antérieur, c’est-à-dire se porte
dans le sens de l’extension. 11 en résulte encore que le biceps prend infé-
■
rieurement la direction et la situation du droit antérieur crural, qu’il est
comme lui un muscle extenseur et lui est comparable.
1
Cette situation du tubercule bicipital du radius sur la face antérieure et
interne de l’os, alors que ce dernier a acquis la position du tibia, est digne
d’être notée, car nous verrons que le biceps brachial considéré dans ses
deux chefs répond à la fois au droit antérieur fémoral, au demi-tendineux,
au demi-membraneux, au grêle interne et au couturier, tous muscles dont
l’insertion tibiale occupe à la fois les tubérosités interne et antérieure
du tibia.
On voit donc que les différences qui semblent séparer le droit antérieur
et le biceps sont le résultat des transformations que les membres ont su-
bies pour devenir membre antérieur ou membre postérieur ; mais que les
deux muscles, qui sontsi rapprochés l'un de l’autre par leurs origines supé-
rieures, ne le sont pas moins au fond par leurs insertions inférieures.
La longue portion du biceps s’unit vers la portion moyenne du bras avec
la courte portion dont le tendon supérieur se confond avec celui du coraco-
brachial, pour s’attacher sur le-sommet du précoracoïde ou épiprécoracoïde,
Le biceps humain considéré dans son ensemble a donc à la fois des ori-
gines scapulaires, coracoïdiennes et précoracoidiennes. Les deux premières
260 —
donnent naissance à la longue portion du biceps, la troisième à la courte
portion du même muscle. C’est là un point qu’il importait d’établir nette-
ment pour la détermination des vrais homologues de ce muscle dans la ré-
gion crurale.
J’ai dit plus haut que le long biceps brachial ne représente pas seule-
ment le droit antérieur fémoral. Il me reste à rechercher quels sont les au-
tres muscles cruraux qu’il représente simultanément, et c’est à celte fin que
je vais faire, dans la série des Vertébrés, un examen de ce muscle très-
intéressant.
Chez les Amphibiens urodèles, chez la Salamandra maculosa en parti-
culier, le biceps est un faisceau musculaire qui naît de la face inférieure du
coracoïde, au voisinage de la cavité glénoïde. Ce muscle se confond au ni-
veau du bras avec un faisceau musculaire naissant de la face antérieure de
l’humérus, et va avec lui s’insérer sur les deux os de l’avant-bras. Cette union
du biceps avec le brachial antérieur masque assez la disposition du biceps
pour que certains anatomistes aient cru qu’il n’existait pas.
Chez les Batraciens anoures, le biceps, placé immédiatement au-dessous
du grand pectoral, s’insère sur la portion la plus interne du précoracoïde et
du coracoïde. La plupart des fibres viennent du coracoïde. Ce muscle forme
un triangle dont le sommet, placé sur la tête de l’humérus, donne naissance
à un long tendon grêle qui glisse dans la coulisse bicipitale, où il est bridé par
une expansion fibreuse. Au niveau de l’extrémité supérieure de l’avant-bras,
le tendon s’élargit, pour s’insérer sur le radius et le cubitus soudés en un
seul os.
Chez les Reptiles, le biceps présente les dispositions suivantes, qui offrent
assez de diversité.
Chez les Cbéloniens, le biceps s’insère sur le coracoïde, loin de la cavité
glénoïdienne. Il part de l’angle postérieur et interne de la face inférieure
du coracoïde, etparconséquentdu coracoïde etdel’épicoracoïde, et constitue
un corps charnu conique et assez grêle qui suit la face inférieure du cora-
coïde, situé dans une gouttière qui sépare l’obturateur externe pectoral
du grand adducteur coracoïdien. Arrivé au niveau de l'articulation glénoï-
dienne, il devient tendineux et se réfléchit dans la gorge d’une poulie formée
par les deux tubérosités humérales. Ce tendon Ion? et grêle se porte vers
l’avant-bras et se bifurque, pour s’insérer d’une part sur le radius et d’autre
part sur le cubitus. Owen considère le tendon cubital comme plus fort-
que le tendon radial. Il en est ainsi sur YEmys europœa , qu’Owen décrit
plus particulièrement. Je puis ajouter que chez la Testudo mauritanica, le
tendon cubital est aussi supérieur au tendon radial. Le biceps fournit encore
une expansion aponévrotique à la gaine de l’avant-bras dans la région épi-
trochléenne.
Le biceps brachial des Chéloniens est donc essentiellement et unique-
ment coracoïdien et épicoracoïdien, et inférieurement il s’insère sur les deux
os de l’avant-bras. Il mérite donc le nom de coraco-antibracbial.
Chez les Sauriens kionocrâniens, le muscle présente généralement les
dispositions suivantes : il naît de la face inférieure du coracoïde au voisi-
nage du bord sternal ou épicoracoïdien de cet os, par deux têtes distinctes,
dont la postérieure naît de l’angle externe ou tubérosité coracoïdienne. Ces
deux têtes se réunissent au niveau de l’articulation de l’épaule, pour former
un corps charnu commun. Le tendon terminal se bifurque en deux bandes
fibreuses à peu près égales qui s'insèrent sur l’extrémité proximale des fa-
ces antérieures du radius et du cubitus. En général, le tendon cubital est le
plus fort. Chez les Iguaniens, cette différence est très-prononcée (Mivart) ;
mais chez d’autres Sauriens, et par exemple chez les Scincoïdes, le tendon
radial est aussi fort et même plus fort que le cubital (Fürbringer). Le ten-
don commun fournit, comme chez les Chéloniens, une expansion aponévro-
tique à la gaine de l’avant-bras.
Chez le Hatteria, d’après Günlher, le muscle biceps serait composé de
deux muscles entièrement séparés : le premier, interne, naissant du bord
sternal du coracoïde, s’insérerait sur l’extrémité supérieure du cubitus et
représenterait la courte portion du biceps humain; le second, externe, serait
l’homologue de la longue portion de ce même biceps et s’insérerait sur l’ex-
trémité supérieure du radius ; son origine supérieure présenterait ceci de
remarquable qu’elle aurait lieu sur la grosse tubérosité de l’humérus. Mais
cette origine ne serait qu’apparente, et le tendon du muscle, interrompu seu-
lement par des adhérences à la tubérosité humérale, serait continué supé-
rieurement par un fort ligament étendu de cette tubérosité au scapulum.
— 26 2
Une bandelette musculaire grêle qui accompagne ce tendon s’étend sans
interruption du radius ait ligament sus-désigné, et représente également,
d’après Günther, la longue portion du biceps humain'.
Le biceps du Hatteria présente un double intérêt , en ce sens qu’il
offre un exemple remarquable ue ce que j’ai appelé les muscles interrompus,
et en ce sensaussi qu’il montre pour la première fois chez les Reptiles l’in-
troduction de l’élément scapulaire dans le biceps. Cette introduction est un
fait intéressant au point de vue de l'anatomie comparée de ce muscle. 11 est
certain, en effet, que chez aucun autre Reptile on ne retrouve un sembla-
ble élément. Néanmoins, je ne saurais approuver les homologies établies
par Günther, et je renvoie à plus tard la démonstration de ce fait, que les
deux muscles du Hatteria correspondent par leur ensemble, non aux deux
chefs du biceps humain, mais seulement à la longue portion. Je dirai éga-
lement que le point de vue généralement adopté par les anatomistes (Rüdin-
ger entre autres) qui considèrent les deux tètes du biceps des Sauriens kio-
nocrâniens comme représentant les deux chefs du biceps humain, manque
tout à fait de base. L’origine des deux chefs des Sauriens sur le même os, le
coracoïde, est absolument contraire à cette assimilation. C’est là ce que fait
remarquer avec raison Fürbringer, qui ajoute que la position du biceps des
Sauriens dans le sillon intertuberculaire de l’humérus, qui est l’homologue de
la coulisse bicipitale de l’Homme, permet de penser que c’est chez les Mam-
mifères qu’apparaît pour la première fois une courte portion détachée du
coraco-brachial et placée en dehors de la coulisse bicipitale. J’ajoute que le
biceps des Sauriens ne représente pas tout le long chef du biceps humain,
mais seulement une portion, la portion coracoïdienne, dont nous détermi-
nerons plus loin la signification.
1 Je ne dois pas laisser passer ce fait sans faire remarquer combien il se rapproche de ce
que j'ai avancé p;ur le droit antérieur crural des Chéloniens. J’ai soutenu en effet que le
muscle qui prenait son origine effective sur l’extrémité supérieure du fémur, était au fond un muscle
interrompu dont l’insertion primitive se faisait sur l’iléon. Nous sommes également, chez le
Hatteria, en présence d’un biceps brachial qui semble prendre naissance sur l’extrémité supé-
rieure de l’humérus, mais dont le tendon peut être suivi jusqu’au scapulum. Nous trouverons
plus tard, chez les Oiseaux, une insertion humérale du biceps qui est également consécutive.
Ces faits s’éclairent réciproquement.
— 265
Le muscle que nous étudions chez les Sauriens n’est donc pas rigoureu-
sement un représentant du biceps des anthropotomistes , et c'eût là ce qui
justifie les dénominations indifférentes de coraco-radialis et de coraco-anti-
brachialis que lui ont donné Stannius et Fürbringer ' .
Le biceps des Chamæléonides diffère peu de celui des Sauriens kiono-
crâniens. Plus grêle que ce dernier, il naît du bord interne ou sternal de
la face inférieure du précoraco-coracoïde, dans la région coracoïdienne de
cet os, par un tendon grêle et long (PL 11, fig. 1, m. bic.) auquel suc-
cède un corps charnu qui se sépare en deux chefs à une hauteur variable,
mais en général vers le milieu du bras. De ces deux chefs inférieurs, l’un
s’insère sur la face antérieure de l’extrémité proximale du radius, et l’autre
s’attache sur la partie correspondante du cubitus, et envoie même quelques
fibres à l’épitrochlée de l’humérus. Ce chef cubital s’unit généralement avec
le brachial inférieur ou huméro-antébrachial1 2, qu’il recouvre.
L’origine supérieure du biceps des Crocodiliens (PL VIII, fig. 9, 3)
ressemble beaucoup à ce que nous avons vu chez les Chamæléonides. Ce muscle
naît de la face inférieure du coracoïde par un tendon grêle et rubané, auquel
fait suite un muscle plat qui s’unit inférieurement avec le muscle brachial
inférieur. De ces deux muscles réunis naît un tendon large qui se bifurque
bientôt en deux bandes qui s’insèrent sur les extrémités proximales du
cubitus et du radius.
Une particularité que présente ce muscle, et sur laquelle j’insiste, c’est
que son insertion coracoïdienne ne se fait plus, comme chez les Sauriens
kionocrânienset les Chamæléonides, au voisinage du bord sternal de l’os, mais
sur un point éloigné de ce bord, et voisin au contraire de l’extrémité anté-
rieure ou glénoïdienne du coracoïde. C’est là une disposition qui nous con-
1 Fürbringer s'appuie, pour repousser une homologie étroite entre le biceps humain et le
muscle des Sauriens, sur cette double raison que les deux chefs de ce dernier muscle naissent
du coracoïde, et que son tendon inférieur s'insère à la fois sur le radius et sur le cubitus. La
première raison est bonne ; mais la seconde est sans valeur, attendu que le biceps humain
est réellement et exactement l’homologue, du biceps de bien des Mammifères, qui s'insère à
la fois sur les deux os de l’avant-bras.
2 Ce muscle brachial inférieur s’insère, ou bien seulement au cubitus (Ch. Parsonii), ou
bien surtout au cubitus, et par quelques rares fibres au radius (Ch. dilepis, vulgaris). Für-
bringer, loc. cit.
34
— 264
duira à l’insertion tout à fait antérieure du biceps chez les Oiseaux, et à
l’insertion sus-glénoïdienne (coraco'idienne) des Mammifères.
Le biceps brachial des Oiseaux mérite d’être étudié avec plus d’attention
qu’on ne lui en a prêtée jusqu’à présent.
Ce muscle semble présenter plusieurs insertions supérieures. L’une, cora-
coïdienne, se fait sur la tête même de l’apophyse claviculaire ou tête du cora-
coïde. Elle montre à son degré extrême le transport de l’insertion coraco'i-
dienne du biceps, vers l’extrémité glénoïdienne de cet os. Tandis que chez
certains Sauriens, les Monitor, les Lacerta, le biceps a, outre une insertion
sur le bord sternal ou interne du coracoïde, une seconde insertion sur
l’angle postérieur du coracoïde ou tubérosité coraco'idienne, chez d’autres
Sauriens kionocrâniens, tels que les Uromastix, celte insertion postérieure
fait défaut et le biceps s’insère uniquement sur la portion antérieure du
bord sternal et de la face inférieure du coracoïde, c’est-à-dire en dedans et
au niveau de la cavité glénoïdienne. Chez les Crocodiliens, nous avons vu
l’origine du biceps près de l’extrémité antérieure du coracoïde et en avant
de la cavité glénoïdienne. Enfin, chez les Oiseaux, l’insertion bicipitale s’est
transportée plus en avant avec le développement en apophyse claviculaire
saillante de l’extrémité antérieure du coracoïde. C’est ainsi que l’origine co-
raco'idienne du biceps, qui est son origine primordiale, fondamentale et
constante, s’est déplacée sur l’étendue de l’os, mais ne s’est pas transposée,
c’est-à-dire n’est pas passée sur un autre os.
Nous avons vu que cette origine coraco'idienne du biceps avait, chez les
Oiseaux, des rapports de contiguïté et même d’union très-prononcés avec le
ligament coraco-brachial, dont nous avons précédemment déterminé la va-
leur comme représentant le muscle coraco-brachial court des Sauriens kio-
nocràniens (pag. 215). Ces deux muscles naissent du coracoïde par un
tendon commun. Le biceps recouvre ce ligament coraco-brachial, auquel il
adhère dans une certaine étendue. Ce sont là des rapports qui rappellent
exactement les rapports de ces muscles chez les Sauriens. 11 est vrai que
chez ces derniers les deux muscles restent indépendants, mais leurs inser-
tions coracoïdiennes sont entièrement contiguës et le biceps recouvre le
coraco-brachial court dans presque toute l’étendue de ce dernier muscle.
■ La seconde origine du biceps des Oiseaux a été mal observée et mal
— 265 —
interprétée. Cuvier \ parlant du biceps ou long fléchisseur de l’avant-bras
chez les Oiseaux, dit que ce muscle a une attache coracoïdienne tendi-
neuse longue, et une humérale très-courte sous la tubérosité inférieure
(ou interne). M. Alix affirme aussi que le corps du muscle biceps reçoit un
faisceau accessoire qui se détache de la face antérieure de l’humérus immé-
diatement au-dessus de la tubérosité interne. Il appelle ce faisceau la tête
humérale du biceps, et le compare à la tête fémorale du biceps crural.
Il y a là une erreur qu’il importe de détruire. J’affirme, malgré l’autorité
de Cuvier, que le biceps brachial des Oiseaux ne possède réellement pas de
chef huméral. Cette prétendue insertion du biceps sur l’humérus n’est qu’un
nouvel exemple remarquable de muscle incomplètement interrompu. Une
portion du tendon coracoïdien du biceps, la portion interne, frottant contre
la tubérosité interne de l’humérus, y a, dans certains cas seulement, con-
tracté des adhérences partielles très-lâches et permettant même quelques
glissements, adhérences qui en ont imposé à un examen rapide et superficiel,
et ont été prises pour une insertion réelle. Le plus souvent, notamment
chez le Poulet, il suffit de soulever le chef interne du biceps avec des pinces
pour le détacher de la tubérosité interne, et l’on voit toujours très-claire-
ment la continuité du muscle et du tendon coracoïdien. Parfois même les
adhérences du tendon sont nulles , et il n’y a pas la moindre interruption
apparente.
Inférieurement, le biceps des Oiseaux se termine, comme celui des Reptiles,
par une double insertion. Le tendon se bifurque et s’insère sur les faces
antérieures du radius du cubitus, au voisinage de l'articulation du coude.
Le tendon cubital est ordinairement plus important que le radial, ce qui
explique que Cuvier ait considéré ce muscle comme s’insérant seulement sur
le cubitus.
Ainsi donc, le muscle biceps des Oiseaux est un muscle essentiellement
reptilien. Comme le biceps des Amphibiens et des Reptiles, il prend son
origine uniquement sur le coracoïde et s’insère inférieurement sur le
cubitus et sur le radius. C’est donc un vrai muscle coraco-antibrachial.
L’étude de ce muscle méritait de nous arrêter, et elle offre un véritable
1 Cuvier; Leçons d’Anat. comp., 2e édition, tom. I, pag. 415.
— 2G6 —
intérêt au point de vue de la détermination des os de la ceinture thoracique.
J’ai déjà combattu, au nom de l’ostéologie, l’opinion d’Huxley, que la tête
ou apophyse claviculaire du coracoïde des Oiseaux pourrait bien représenter
le précoracoïde. Des considérations d’ordre myologique viennent donner
un nouvel appui à ma manière de voir. Pour que la tête du coracoïde des
Oiseaux, où le biceps prend son origine, fût un précoracoïde, il faudrait sup-
poser que le biceps, si essentiellement , si uniquement et si universellement
coracoidien des Amphibiens et des Reptiles, eût cessé de conserver ce
caractère chez les Oiseaux pour devenir précoracoïdien ; or, c’est là une sup-
position inadmissible en présence des innombrables points de ressemblance
et de contact que présentent l’organisation des Oiseaux et celle des Reptiles,
et en présence de ce fait, qu’on ne saurait admettre, que le coracoïde si im-
portant, si volumineux , si développé des Oiseaux a cessé de devenir le
lieu d’origine d’un muscle qui chez tous les ancêtres de l’Oiseau, sans excep-
tion , est exclusivement un muscle coracoïdien. Ce sont là des considéra-
tions dont un anatomiste et zoologiste de la valeur d’Huxley ne peut refuser
de tenir grand compte.
Les Mammifères ornithodelphes reproduisent les dispositions lacerti-
liennes du biceps brachial.
Chez l’Ornilhorhynque, le muscle présente deux têtes centrales nettement
distinctes : l’une antérieure, s’insère sur l’extrémité postérieure et interne de
l’épicoracoide; l’autre, postérieure, sur le tubercule postérieur ou tubérosité
du coracoïde. Le tendon inférieur s’insère sur la portion moyenne delà face
palmaire du radius.
Chez l’Échidné, les deux faisceaux sont moins distincts et plus rappro-
chés, mais leurs insertions coracoïdiennes reproduisent fidèlement celles
de l’Ornithorhynque. De sa face profonde se détacherait, d’après M. Alix,
un tendon destiné à la petite crête du cubitus, immédiatement au-dessous
du brachial antérieur. Le tendon principal, large, se porte vers le tiers
moyen du radius et se fixe sur une tubérosité située à la face palmaire, sur
le côté de l’os qui limite l’espace interosseux. Il s’insère aussi sur le cubitus.
Le biceps des Ornithodelphes conserve donc fidèlement le caractère ex-
clusivement coracoïdien du biceps des Amphibiens, des Reptiles et des
— 267 —
Oiseaux. Chez l’Échidné est aussi conservée la double insertion radio-
cubitale, qui serait simplement radiale chez l’Ornithorhynque. Le lieu de
ces insertions coraco-épicoracoïdiennes du biceps se fait , comme chez les
Chéloniens, au voisinage du tubercule postérieur du coracoïde et de répi-
coracoïde. Ces insertions sont donc essentiellement coracoïdiennes et
épicoraco'idiennes, comme celles du biceps des Chéloniens. Elles con-
firment un rapprochement étroit entre le coracoïde reptilien et le coracoïde
des Ornithodelphes, et démontrent que le coracoïde de ces derniers n’est
point un précoracoïde comme l’apophyse dite coracoïde des autres Mammi-
fères. Nous verrons en effet ultérieurement, en passant en revue les
dispositions du biceps des Mammifères autres que les Ornithodelphes,
que, s’il est des cas où l’un de chefs du biceps fait défaut, ce n’est jamais le
chef sus-glénoïdien ou coracoïdien, mais bien le chef précoracoïdien, d’où i!
résulte que le chef coracoïdien est d’une constance remarquable chez tous
les Vertébrés, et que sa présence seule suffit à déterminer la nature cora-
coïdienne de l’os qui lui sert de point d’attache.
Le biceps des Mammifères autres que les Ornithodelphes présente quel-
ques variations et quelques particularités dignes d’être signalées et expli-
quées. Le biceps perd son caractère de muscle simple et purement coracoï-
dien ; des éléments nouveaux s’y ajoutent et deviennent même prédomi-
nants. Si nous prenons le biceps humain pour point de départ, nous
pouvons dire que les trois éléments coracoïdien, scapulaire et précoracoïdien
du biceps de l’Homme se reconnaissent aisément chez la plupart des
Mammifères , mais qu’il est un certain nombre de ces amimaux où l’un
des éléments semble faire défaut, et que chez d’autres, enfin, cet élément
manque réellement. Cet élément, qui est le plus infidèle ou le moins con-
stant, est l'élément précoracoïdien.
Chez les Marsupiaux qui n’ont pas de clavicule, tels que le Perameles et le
Çhœropus, le biceps brachial serait, d’après Owen', un muscle puissant,
quoique la petite tète naissant de l’apophyse coracoïde (précoracoïde) soit
supprimée. Le long chef a les origines et les relations ordinaires avec l’ar-
ticulation du coude ; son tendon est très-épais et court.
1 Ôwen ; Aiiat. of. Vertebrates, tom. III, pag. 12.
La portion charnue se bifurque en deux muscles penniformes distincts;
le tendon du muscle externe s’urdt à celui du brachial antérieur pour aller
s’insérer ensemble à la face antérieure de l’extrémité proximale du cubitus ;
il est uniquement fléchisseur de l’avant-bras sur le bras. Le tendon du
muscle interne, qui semble la prolongation directe quoique partielle du
biceps, est inséré sur le tubercule ordinaire du radius. Il est à la fois flé-
chisseur et pronateur.
Ce biceps des Didelphes offre donc une insertion supérieure à la fois cora-
coïdienne et scapulaire, au-dessus de la cavité glénoïde; l’insertion précora-
coïdienne ferait défaut, d’après Owen. L’insertion inférieure est à la fois
cubitale et radiale, comme chez les Oiseaux, et présente une certaine union
avec le brachial antérieur, que nous avons déjà retrouvée chez les Chamæ-
léonides et les Crocodiliens.
Chez les autres Marsupiaux qui sont claviculés, le biceps aurait, d’après
Owen, sa double origine habituelle, c’est-à-dire son chef scapulo-coraco'i-
dien et son chef précoracoïdien .
Nous retrouvons chez les Mammifères monodelphes des dispositions du
biceps qui rappellent les précédentes.
Chez les Carnivores, et notamment le Chien et le Chat, le biceps n’a qu’une
tête supérieure, qui naît du bord de l’extrémité supérieure de la cavité glé-
noïde. Le tendon terminal se bifurque et s’insère à la fois sur le cubitus et
sur le radius. Le tendon cubital est môme plus fort que le radial.
Chez les Ruminants, et notamment le Veau, le Mouton, le biceps est éga-
lement unicipital. On remarque cependant chez le Veau une ligne longitu-
dinale peu profonde qui semble diviser le ventre musculaire en deux por-
tions. Chez le Dromadaire, d’après Chauveau et Arloing1, cette division s’ac-
centue, et le ventre musculaire est décomposable en deux corps charnus
distincts, dont l’un s’insère sur le radius, et l’autre également par un tendon
bifurqué sur le radius et sur l’extenseur antérieur du carpe ou radial ex-
terne. En outre, d’après Owen, le biceps du Dromadaire naîtrait supé-
rieurement par deux tendons rapprochés et renfermant un sésamoïde sclé-
reux au niveau de la tête de l’humérus.
Chauveau et Arloing ; Traité d’Anat. comp. des Anim domest., 2me édition; Paris, 1870.
\
«
— 269 —
Ces deux tendons proviendraient de l’extrémité supérieure de la cavité
glénoïde et de la base de l’apophyse précoracoïdienne.
Le tendon inférieur du biceps, chez les Ruminants, s’insère fortement sur
la face antérieure du radius, qui occupe le bord antérieur de l’avant-bras.
Ce tendon fournit une langue tendineuse qui glisse sur la face interne du ra-
dius et va se fixer sur la face interne du cubitus, vers la base de l’olécrâne. Le
tendon radial est beaucoup plu- fort que le cubital, ce qui est en rapport
avec la prédominance du radius dans l’avant-bras de ces animaux.
Chez le Porc, on trouve des dispositions semblables à celles des Rumi-
nants.
Chez les Solipèdes, le biceps naît sur la base de l’apophyse coracoïde par
un tendon unique très-fort qui glisse sur la coulisse bicipitale de l’humérus
sans être enfermé dans la cavité articulaire. Son insertion inférieure se fait
sur la tubérosité interne et supérieure du radius (tubérosité bicipale),
et quelques fibres s’unissant au ligament capsulaire de l’articulation se
portent en arrière vers le cubitus, qui ne possède cependant pas de tendon
spécial. Avec l’importance de l’os disparait l’importance de l’insertion
musculaire.
Chez les Chéiroptères, le biceps possède ses deux chefs supérieurs dis-
tincts, l’un précoracoïdien, l’autre coraco-scapulaire. Inférieurement, il
s’insère uniquement sur l’extrémité supérieure du radius, ou du moins dans
une excavation formée par la soudure du radius et du cubitus.
Chez les Lémuriens, ou tout au moins chez les Indrisinés, qui en sont la
famille la plus élevée, le biceps brachial a deux têtes distinctes dans la moitié
supérieure du muscle: l'une, scapulo-coracoïdienne, naît du bord supérieur
de la cavité glénoïde dans l’interieur de l’articulation, l’autre naît de l’apo-
physe précoracoide. En bas, le muscle devient aponévrotique, se tord pour
ainsi dire sur lui-même et s’insère à la partie inférieure de la tubérosité
bicipitale du radius, sur laquelle il glisse à l’aide d’une synoviale1.
Chez les Singes, le muscle est construit sur le même type, avec cette diffé-
rence qu’il est plus allongé, moins charnu, et que les deux chefs se
réunissent plus haut que dans le groupe des Indrisinés.
1 A. Milne Edwards et A. Grandidier, loc. cit.
270
Nous voyons donc que chez les Mammifères autres que les Monotrêmes.
le biceps présente deux types très-distincts en apparence, l’un n’ayant qu’un
chef supérieur ou type unicipital, et l’autre ayant deux chefs ou type bicipital.
Peut-on affirmer que dans le type unicipital le chef précoracoïdien fasse défaut,
comme le pense Owen à propos des Marsupiaux non clavicules, et comme le
pensent d’autres anatomistes ? Je ne le crois pas. Il est possible que dans les
cas cités par Owen, c’est-à-dire chez le Perameles lagotis , il en soit réelle-
ment ainsi. Je n’ai pas d’observation personnelle à opposer à cette opinion.
Mais je dois faire remarquer que certainement, dans un très-grand nombre
de cas de biceps unicipital, les deux chefs musculaires ont été rapprochés et
cpnfondus par suite du raccourcissement et de l’atrophie du précoracoide,
qui parfois ne forme qu’un tubercule peu saillant à l’extrémité supérieure
de la cavité glénoïde. On peut se rendre parfaitement compte de ce phéno-
mène de fusion des deux chefs chez le Cheval, où le précoracoide surmonte
directement le bord supérieur delà cavité glénoïde, et donne insertion au
tendon du biceps, aussi bien que ce bord lui-même, qui est formé par
l’élément coracoidien réduit à un mince point d’ossification et par l’élément
scapulaire. Ce rapprochement et celte fusion des deux tètes du biceps se
saisissent encore plus nettement et plus clairement chez le Tapir, dont
l’apophyse précoracoide, relevée en forme de crochet tourné en arriére et en
haut, donne naissance au chef précoracoïdien, à un centimètre au moins au-
dessus du bord de la cavité glénoïdienne et de l’origine glénoïdienne du
tendon, de telle sorte que ces deux tendons, réunis immédiatement après
leur naissance, passent au-dessus de la capsule de l’articulation glénoïdienne
sans pénétrer dans l’intérieur de l’articulation. Il y a là une sorte de bifidité
très-courte, qui passe inaperçue pour un observateur non prévenu, et qui
témoigne de la double origine de ce muscle, en apparence unicipital.
Chez le Lièvre et chez le Lapin, dont le coracoïde et le précoracoïde
forment deux, saillies bien distinctes, on voit nettement le tendon unique
d’origine du biceps s’élargir supérieurement pour s’attacher à la fois sur le
coracoïde et sur le précoracoïde. Les deux insertions tendineuses sont con-
fondues et semblent ne représenter qu’un seul chef, tandis qu’en réalité
elles représentent les deux chefs réunis.
Au reste, la bifidité plus ou moins indiquée du tendon supérieur chez le
271
Veau, chez le Cheval, et surtout chez le Dromadaire, peuvent témoigner en
faveur de cette fusion des deux chefs supérieurs du biceps.
11 est en outre remarquable que les Mammifères qui ont une longue apo-
physe précoracoïde, comme les Marsupiaux claviculés, les Chéiroptères, les
Lémuriens, les Singes et l’Homme, aient un biceps à deux têtes supérieures
bien distinctes ; et c’est là une observation qui permet de comprendre en
quoi la différence des biceps unicipitaux et bicipitaux des Mammifères est
plus apparente que réelle.
Néanmoins il est possible qu’il y ait des biceps chez lesquels un des
chefs fasse défaut, et il est alors à noter que c’est toujours le chef précora-
coïdien qui semble manquer.
Nous avons attribué chez l’Homme au ligament sus-coracoïdien une signi-
fication spéciale, puisque nous l’avons considéré comme le tendon direct
du biceps (homologue du tendon direct du droit antérieur fémoral), tendon
interrompu par son adhérence sur la saillie externe du col du scapulum.
Cette signification trouve sa confirmation dans l’étude des autres Mammi-
fères. Chez ceux qui, comme le Tapir, ont un mésoscapulum (homologue du
mésoiléon ou épine iliaque antérieure et inférieure) bien développé, on voit
une disposition semblable à celle de l’Homme, et l’on peut saisir la continuité
des fibres superficielles du ligament suscoracoïdien avec le tendon d’origine
du biceps. Seulement ici le tendon a été interrompu par la rencontre du
précoracoïde très-saillant et du bord externe tuberculeux de la cavité glénoïde.
Chez les Mammifères dont le mésoscapulum ne s’est pas développé, tels
que le Cheval, le Lapin, les Ruminants, le bord antérieur ou cervical de
l’omoplate présente, non une échancrure sus-coracoïdienne, mais une conca-
vité générale peu prononcée dont le sinus est occupé par une bande
fibreuse qui s’étend de l’angle cervical du scapulum à la saillie du coracoïde
et du précoracoïde. Cette bande fibreuse, dont les fibres forment comme
les cordes de l’arc dessiné par le bord antérieur du scapulum, ne laisse
qu’un faible orifice pour le passage d’une artère et d’une veine susscapu-
laire ; le nerf passe au-dessus Cette bande va adhérer sur la face externe
1 II est à remarquer que le contraire a lieu chez l’Homme pour l'échancrure suscoracoi-
dienne. Le nerf la traverse, tandis que l’artère et la veine passent au-dessus du ligament
coracoïdieu.
55
— 272
baillante du coracoïde et sur le bord de la cavité glénoïde, au voisinage
du lieu de naissance du tendon du biceps. Dans ce cas, le tendon inter-
rompu du biceps semble naître de tout le bord cervical ou antérieur de
l’omoplate. Nous verrons combien cette disposition se rapproche de celle
du muscle droit antérieure ural chez beaucoup de Mammifères.
Après cette revue déjà longue des dispositions du muscle biceps, il con-
vient de résumer les caractères généraux de ce muscle et de déterminer
quelle est sa valeur exacte.
Nous avons vu :
lu Que chez les Batraciens, les Reptiles, les Oiseaux et les Ornilhodelphes,
le biceps était un muscle essentiellement et uniquement coracoïdien ;
2° Que chez les Mammifères didelphes et monodelphes, ce muscle avait
à la fois des origines : a, scapulaires, b , coraco'idiennes, et c, précoracoï-
diennes ;
5° Que les origines scapulaires et coracoïdiennes étaient constantes, et
que les précoraco'idiennes pourraient bien faire parfois défaut ;
4° Que chez beaucoup de Mammifères le biceps possédait un tendon
réfléchi scapulaire s’insérant sur le rebord glénoïdien, et un tendon
direct scapulaire s’attachant sur le mésoscapulum (épine iliaque anté-
rieure et inférieure; et s’étendant d’une manière plus ou moins évidente
jusqu’à l’angle cervical de l’omoplate (épine iliaque antérieure et supé-
rieure) ;
5° Que chez certains Reptiles le muscle biceps coracoïdien présentait une
tendance à la bifidité supérieure ;
G" Que chez certains Mammifères dont le biceps semblait unicipital, il y
avait également tendance à une division supérieure ;
7° Que les insertions inférieures du biceps étant généralement et pri-
mitivement à la fois radiales et cubitales, les relations d’importance de ces
deux insertions dépendent de l’importance relative et du rôle des deux os de
l’avant-bras ;
8° Que le tendon bicipital ne devient uniquement radial que chez les
Mammifères qui, comme l’Homme et le Singe, ont des mouvements de pro-
nation et de supination.
275
La comparaison des origines du biceps chez les Amphibiens, les Sau-
ropsidés d’Huxley (Reptiles et Oiseaux) et les Monotrêmes d’une part, et
chez les Mammifères ordinaires d’autre part, montre suffisamment que ces
deux muscles ne sont pas rigoureusement équivalents. Voyons quelle est la
valeur de ces muscles dans les deux cas.
Long biceps brachial des mammifères. — Demi-tendineux. — Demi-
membraneux. — Droit antérieur de la cuisse. — Le muscle biceps des
Mammifères se compose, avons-nous vu, de trois éléments : a , l’élément
coracoïdien ; b , l’élément scapulaire ; c, l’élément précoracoïdien.
a. L’élément coracoïdien , qui est ordinairement plus important que les
autres, et qui chez certains Mammifères, tels que le Cheval, le Lapin, etc.,
est de beaucoup le plus important, est l’homologue du biceps des Amphi-
biens, des Sauropsidés et des Monotrêmes. Si l’on cherche à la ceinture
pelvienne l’homotype de cet élément, on le trouve dans les muscles demi-
tendineux et demi-membraneux. Ces deux muscles, qui sont généralement
distincts, sont tellement riches en connexions communes et si étroitement
associés l’un à l’autre, qu’on peut les considérer comme le dédoublement
d’un seul et même muscle. Celte tendance au dédoublement peut du reste
se manifester encore d’une manière plus complète, puisque le muscle
demi-membraneux lui-même se décompose parfois chez l’Homme en deux
muscles.
Cette disposition à se décomposer en deux faisceaux parallèles trouve
parfois sa répétition dans le biceps coracoïdien des Amphibiens, des Rep-
tiles, des Oiseaux et des Monotrêmes. Nous avons signalé en effet les
Sauriens kionocrâniens, les Chamæléonides, les Oiseaux et les Monotrêmes,
où le biceps coracoïdien avait des traces plus ou moins profondes de dé-
doublement. On peut pousser encore plus loin les rapprochements en fai-
sant remarquer que, tandis que le demi-membraneux est un muscle de
l’ischion, le demi-tendineux est un muscle de l’èpiischion; de même que
chez les Sauriens et les Monotrêmes, le biceps possède un faisceau du
coracoïde et un faisceau de l’épicoracoïde.
Pour ce qui concerne les insertions inférieures des muscles, nous savons
que pour le biceps coracoïdien des Amphibiens, des Sauropsidés et des
— 274 —
Monotrômes, elles sont à la fois radiales et cubitales. Or, chez les Amphibiens
anoures et chez les Grenouilles en particulier, le muscle qu’on peut consi-
dérer comme un demi-membraneux s’insère à la fois sur la tubérosité interne
du tibia et sur la partie postérieure de la tête pèronéale. 11 en est de même
chez les Chéloniens, chez les Lacertiliens kionocrâniens, les Chamæléonides
et les Crocodiliens.
Chez la plupart des Mammifères et même chez l’Homme, les insertions
des demi-tendineux et demi-membraneux réunis représentent sur les faces
interne et postérieure du genou un épanouissement tendineux bien com-
parable à celui du muscle biceps sur la face de flexion du coude. Le tendon
du demi-membraneux s’épate en trois branches au moins, dont l’interne et
la moyenne sont destinées au tibia et dont l’externe, parcourant horizonta-
lement la surface des ligaments articulaires postérieurs, avec lesquels elle se
confond, va se jeter en partie sur la tête du péroné. Seulement ici, l’im-
portance du péroné étant relativement très-faible par rapport au tibia, les
insertions péronières perdent de leur importance au même litre que les in-
sertions cubitales du biceps à mesure que le cubitus se subordonne au radius.
Ainsi donc, la portion coracoidienne du biceps huméral peut être considérée
comme l’homotype des demi-membraneux et demi-tendineux fémoraux.
b. L’élément scapulaire est complexe. J’ai assez insisté sur les rapproche-
ments à faire entre cet élément et le droit antérieur fémoral ; il faut seu-
lement ajouter que chez certains Mammifères où le tibia n’a pas acquis
par rapport au péroné une importance exagérée, le tendon rotulien du
droit antérieur fémoral fournit au dehors une languette aponévrotique qui
s’attache en partie sur la saillie antérieure de la tête du péroné, et qui
se jette en 'partie sur l’aponévrose de la région péronière. Cette dispo-
sition remarquable, que l’on peut observer très-nettement chez le Lapin,
rappelle le tendon radio-cubital du biceps et son expansion aponévrotique
à la région cubitale. Cette disposition rappelle également, quoique avec
quelques modifications, les insertions aponévrotiques péronières du muscle
droit antérieur fémoral des Crocodiliens et des Oiseaux, dont l’étude a
été déjà faite, et sur lequel je reviendrai dans un chapitre ultérieur ; et
ce rapprochement peut servir à fixer la signification de ce muscle des
Crocodiles et des Oiseaux, qui est jusqu’à présent très-disculée.
.
— 275 —
Mais l’élément scapulaire ne représente pas seulement le droit antérieur,
il correspond également au muscle couturier. Pour établir cette opinion, j’ai
besoin de faire remarquer que chez l’Homme et chez tous les Mammifères
où le droit antérieur possède un tendon direct inséré sur une épine iliaque
antérieure et inférieure ou mésoiléon, le tendon direct est continué par une
bande aponévrotiquequise porte sur l’épine iliaque antérieure et supérieure,
et réunit ainsi l’insertion iliaque du droit antérieur et celle du couturier,
de telle sorte que ces deux muscles semblent avoir ainsi une insertion
commune qui s’étend d’une épine iliaque à l’autre. Cette disposition est
extrêmement évidente chez les Lémuriens de la famille des Indrisinés1 .
Chez ces Animaux, les deux épines iliaques antérieures, très-saillantes, sont
séparées par une échancrure profonde qui est fermée en avant par une bande
fibreuse qui semble un prolongement du tendon du droit antérieur jusqu’à
l’épine iliaque antérieure et supérieure. L’insertion du couturier se fait sur
l’épine iliaque antérieure et supérieure et sur presque toute l’étendue de la
bande fibreuse; il vient ainsi se mettre en contact et pour ainsi dire se con-
tinuer avec le tendon du droit antérieur, qui occupe l’épine iliaque inférieure
et la portion inférieure delà bande. 11 résulte de là que les deux tendons
musculaires aplatis forment deux rubans naissant d’une même bande fi-
breuse. Si l’on considère que le droit antérieur, aussi bien que le couturier,
vient aboutir à la tubérosité antérieure du tibia et contracter des rela-
tions avec l’aponévrose jambière, on sera naturellement porté à considérer
ces deux muscles comme un dédoublement de la même masse musculaire.
Au reste, ces deux muscles sont en connexion intime l’un avec l’autre dans
presque toute leur étendue, et chez les Carnivores et les Rongeurs ils
forment une masse compacte qui constitue le tranchant antérieur de la
cuisse et qui se termine sur la rotule , pour l’un comme pour l’autre
muscle.
Chez le Chien notamment, le couturier naît non-seulement de l’épine
iliaque antérieure et supérieure, mais du bord antérieur de l’iléon jusqu’au
voisinage du droit antérieur, auquel il est relié par une partie fibreuse. En
1 A. Milne Edwards et A. Grandidier ; Hist.phys. nat., et polit, de Madagascar. — Ilist.
nat. des Mammifères.
— 276 —
bas, il s 'insère par une partie de son tendon à la rotule, et par l’autre partie
aux tubérosités interne et antérieure du tibia.
Si nous rapprochons maintenant les dispositions des tendons supérieurs
des muscles coulurier et droit antérieur, de la lame aponévrotique, que j’ai
démontrée occuper le bord cervical de l’omoplate chez les Mammifères, nous
trouvons des ressemblances considérables sur lesquelles je n’ai pas be-
soin d’insister. Ces bandes fibreuses occupent les bords homologues des deux
os et s’attachent aux mêmes saillies. Elles servent l’une et l’autre de point
d’attache à des muscles homologues (coulurier et droit antérieur d’une part,
biceps scapulaire d’autre part).
Nous voyons que chez les Mammifères, par l’intermédaire de son tendon
scapulaire interrompu, le biceps représente un élément qui fait défaut dans
le biceps reptilien et ornithique, et même ornilhodelphique.
Les considérations qui précèdent nous montrent donc que, au membre
antérieur chez les Amphibiens, les Reptiles, les Oiseaux et les Monotrô
mes, les muscles couturier et droit antérieur ne sont pas représentés. C’est là
un fait qui n’a pas lieu de nous étonner, car ces deux muscles cruraux sont
eux-mêmes d’une existence assez inconstante dans ces divers groupes. Nous
avons vu en effet à quel état rudimentaire était réduit le droit antérieur fé-
moral, soit chez les Oiseaux, soit chez les Crocodiliens. Nous savons également
que chez les Sauriens, les Chéloniens et les Crocodiliens, le couturier n’est pour
ainsi dire pas représenté ; et l’on ne saurait trouver étonnante la disparition
au membre antérieur de muscles qui sont déjà rudimentaires et même in-
constants au membre postérieur, dont cependant la musculature est très-
généralement plus complète et plus puissante.
c. L'élément précoracoïdien est constitué par la courte portion du biceps.
J’ai déjà établi dans une autre portion de ce travail (pag. 25ô ) que ce
chef précoraco-radial avait pour homotype le grêle interne ou droit interne
fémoral, qui est pubio-tibial. Le chef précoracoïdien est un chef de perfec-
tionnement qui n’apparaît d’une manière bien nette que chez les Mammi-
fères. 11 fait défaut chez tous les autres Vertébrés, et son homotype crural
est du reste aussi un muscle assez inconstant.
Le muscle biceps des Mammifères est donc un muscle synthétique formé
277 —
par la fusion au membre antérieur d’éléments restés distincts au membre
postérieur. C’est là un genre de disposition que nous avions déjà remarqué
en comparant les adducteurs fémoraux à l’adducteur huméral. Le membre
postérieur est celui (les Cétacés, les Oiseaux, et quelques Mammifères ex-
ceptés, etc.) où siège particulièrement la force de progression; aussi le sys-
tème musculaire y est-il multiplié et renforcé ; il est au contraire plus
simple et plus synthétique dans le membre antérieur et plus spécialement
dans le premier segment du membre, qui ne saurait jouer qu’un faible rôle
dans la préhension et le toucher, qui tendent à devenir de plus en plus les
fonctions dominantes de ce membre.
Quant à la fusion, à la coalescence des quatre muscles dont l’ensemble
constitue le biceps, son mécanisme s’explique facilement. Le couturier et le
droit antérieur, qui forment le tranchant antérieur de la cuisse, sont séparés
et éloignés des demi-tendineux et demi-membraneux, qui en forment le tran
chant postérieur, parce que l’extrémité de l’ischion ou tubérosité qui est
leur point d’origine est séparée par un intervalle considérable des insertions
iliaques des deux autres muscles. Mais si l’ischion se réduisait à un petit
tubercule osseux placé à la partie supérieure de la cavité cotyloïde, au voisi-
nage des insertions du droit antérieur, les insertions des muscles demi-
tendineux et demi-membraneux sur l’ischion viendraient forcément s’ap-
poser aux insertions des muscles droit antérieur et couturier, et la fusion
serait rendue facile. Or c’est précisément ce qui se passe à l’épaule, où le
coracoïde rudimentaire ne constitue qu’un point osseux au sommet de la
cavité glénoide et à côté des insertions scapulaires du biceps.
Long biceps crural. — Long triceps brachial. — Si le biceps brachial
n’a point pour homotype le biceps crural, il me reste à chercher quel est
au membre antérieur le représentant de ce dernier muscle, et c’est ce que
je vais maintenant examiner.
Le biceps crural se compose, chez l’Homme, de deux têtes : l’une fémorale
courte et l’autre isebiatique ou longue. Il ne sera question pour le moment
que de la tête isebiatique ou longue portion.
Le biceps crural est un muscle très-remarquable par sa constance et par
la fixité de ses insertions. On en retrouve presque toujours les éléments.
278
soit distincts, soit pins on moins confondus avec d’autres muscles, et notam-
ment avec le grand fessier, qui le recouvre et le masque parfois, mais en per-
mettant toujours de le retrouver.
Pour ne pas me perdre dans des détails inutiles, je puis résumer de
la façon suivante la disposition du biceps dans les divers groupes de Ver-
tébrés :
Chez les Ampbibiens urodèles, le biceps s’insère sur la portion postérieure
de l'iléon d’une part, et sur la tête du péroné d’autre part.
Chez les Ampbibiens anoures, il s’insère également sur la tubérosité
postérieure de l’iléon d’une part, et sur la tubérosité de l’os de la jambe, qui
représente la tète du péroné.
Chez les Chéloniens, il s’insère également sur l’extrémité postérieure de
l’iléon d’une part, et sur la portion moyenne de la face externe du péroné
d’autre part.
Parmi les Sauriens, chez les Lacertiliens kionocrâniens, le biceps, aplati
dans sa partie supérieure et formant un muscle triangulaire isocèle à base
supérieure, s’insère par cette base sur une ligne horizontale placée immédiate-
ment au-dessous de la crête iliaque externe de l’iléon, en arrière de l’acétabu-
lum. Chez le Lézard ocellé, son tendon inférieur élargi et rubané s’enroule
d’arrière en avant et de dehors en dedans autour de la tête et du col du
péroné, sur lequel il s’insère. Il passe en dedans et au-dessous du jumeau
externe.
Chez les Chamæiéonides, le biceps s’étend également de l’iléon au tiers
supérieur de la face externe du péroné.
Chez les Crocodiliens, dont le biceps sera étudié plus loin avec détail, ce
muscle forme un triangle isocèle dont la base s’insère sur le bord supérieur
de l’iléon en arrière de l’acétabulum, et qui se termine inférieurement par
un tendon qui fournit trois languettes : l’une destinée au col du péroné,
l’autre servant d’insertion aux fibres du long péronier latéral, l’autre se
jetant sur l’aponévrose jambière postérieure.
Chez les Oiseaux, le biceps forme comme chez les Crocodiliens un triangle
isocèle dont la base s’insère au-dessous de la crête supérieure de l’iléon
postérieur, et parfois en avant jusqu’à la portion commune des deux iléons ;
inférieurement, ce muscle se termine par un tendon étroit qui se réfléchit sur
if
»
— 279 -
une anse fibreuse dépendant de la double origine du jumeau externe, et
va s’insérer sur un tubercule spécial de la face externe et du bord postérieur
du péroné, un peu au-dessous du genou.
Les conclusions générales à tirer de l’étude du biceps crural chez les
Amphibiens, chez les Reptiles et chez les Oiseaux, c’est que :
1° Ce muscle naît constamment de l’iléon et précisément de la portion de
l’iléon qui est en arrière de l’acétabulum, c’est-à-dire de ce que j’ai appelé
l’iléon postérieur ;
2° Qu’il s’insère toujours inférieurement sur le péroné, mais à des
hauteurs variables depuis la tête jusqu’au tiers moyen de cet os;
5° Qu’il fournit parfois des expansions aponévrotiques aux régions péro-
nière et jambière ;
4° Qu’il est constamment placé immédiatement au-dessous de la portion
iliaque du muscle grand fessier, c’est-à-dire de la portion de ce muscle qui,
naissant de l’épiiléon, se rend, soit au fémur, soit à l’aponévrose fémorale et
jambière, soit même à la rotule et au tibia.
Chez les Mammifères, ce muscle semble différer très-notablement du biceps
des Amphibiens, des Reptiles et des Oiseaux, par son origine supérieure. En
effet, soit chez les Ornithodelphes, soit chez tous les autres Mammifères, le
biceps crural, au lieu d’être un muscle de l’iléon, semble naître de la tubéro-
sité de l’ischion. Il est très-généralement regardé par les anatomistes comme
un muscle ischiatique, et par suite comme un exemple des plus concluants
de transposition d’attache, de changement d’insertion des muscles. « Ce fait,
dit M. Alix, nous oblige à admettre que des muscles homologues peuvent
subir des transpositions d’attache* ».
Eh bien ! il n’en est rien, et, malgré l’opinion généralement admise, les
muscles ne transposent pas leurs attaches, et le biceps crural pas plus que
les autres. La loi de la fixité des attaches trouve au contraire dans ce muscle
une remarquable démonstration, et il n’est que juste de répéter à propos
de lui le proverbe bien connu et d’une application si fréquente dans la
science : l’exception confirme la règle.
Les insertions inférieures du biceps des Mammifères présentent aussi des
1 Alix -, loc. cit., pag. 441 .
56
— 2S0 —
modifications dignes d’être notées. Tandis que chez les Reptiles et chez les
Oiseaux, le biceps crural est un muscle exclusivement péronier (Amphibiens,
Chéloniens, Sauriens, Oiseaux) ou à la fois destiné au péroné et ii l’aponé-
vrose de la région péronière (Crocodiliens), chez les Mammifères le biceps
devient à la fois péronier et tibial, une portion de son tendon inférieur se
portant vers la tubérosité et la crête du tibia, sur l’aponévrose jambière tibiale
et parfois même vers la rotule. Chez les Ornithodelphes, celte portion tibiale
du biceps est très-remarquable et très-étendue. Elle atteint la rotule, la
tubérosité antérieure et le bord antérieur du tibia, ainsi que l’aponévrose
jambière.
Nous avons vu à propos des Amphibiens, des Reptiles et des Oiseaux, que
le biceps fémoral, placé à la partie postérieure et à la face profonde du grand
fessier, avait avec ce dernier muscle des relations extrêmement étroites. Ces
relations sont conservées et même plus accentuées chez un grand nombre
de Mammifères. Chez beaucoup d’entre eux en effet, Solipèdes, Ruminants,
Camélidés, Suidés, Carnassiers, le biceps est constitué par un faisceau pos-
térieur du long vaste de Bourgelat, faisceau postérieur plus ou moins
confondu avec le faisceau antérieur qui représente la portion du grand fessier
qui a pour origine la région sacrée et le ligament sacro-sciatique. Chez les
Singes et chez l’Homme, le biceps s’est individualisé et s’est nettement
séparé du grand fessier, avec lequel il a cependant conservé dans sa partie
supérieuredes connexions de contiguïté très-constantes. Mais, contrairement
à ce que nous avons vu chez les Amphibiens, les Reptiles et les Oiseaux,
les insertions inférieures du biceps proprement dit sont, chez les Mammi-
fères, non-seulement péronières, mais aussi tibiales. Elles sont même exclu-
sivement tibiales chez les animaux qui, comme les Solipèdes, les Ruminants,
ont un péroné très-incomplètement développé'.
1 Chez les Chéiroptères, dont le péroné n’est développé que dans sa portion inférieure, le
biceps paraît manquer. C’était l’opinion de Meckel et de Cuvier. M. Blauchard désigne sous le
nom de biceps un muscle qui se rend de l'ischion à la tubérosité interne du tibia. Ce muscle
est plutôt un demi-membraneux accompagné d’un demi-tendineux. M. Maisonneuve [loc. cit.,
pag. 275) pense, avec Meckel et Cuvier, que le biceps n'existe pas chez les Chéiroptères; il
repousse cette détermination pour les deux muscles ci-dessus désignés. Malheureusement, les
raisons qu’il en donne ne sont pas les bonnes. « Ce serait, dit-il, un biceps réduit à une seule
281
L’insertion inférieure du biceps serait aussi exclusivement tibiale chez
certains Lémuriens, d’après MM. A. Milne Edwards et Grandidier'.C’eslainsi
que chez YIndris brevicaudus , le biceps s’insérerait inférieurement par une
large aponévrose sur une crête située en avant du bourrelet de la tubéro-
sité externe du tibia et disposée presque srjmétriquement par rapport au
tubercule d’insertion du demi-membranéux. La partie inférieure de cette
aponévrose irait se jeter sur l’aponévrose jambière et sur la lèvre externe
de la crête antérieure du tibia.
J’avoue que cette absence d’insertion péronière du biceps, chez un animal
où le péroné est relativement développé, a quelque lieu d’étonner, et l’on
pourrait penser que l’insertion péronière, très-peu importante, aura pu
échapper à l’observation des auteurs de la belle monographie des
Mammifères de Madagascar. Cette insertion peut d’autant plus être passée
inaperçue que chez 1 ’Indris brevicaudus le plateau supérieur du tibia est
très-élargi et forme en dehors une voûte très-étendue sous laquelle est entiè-
rement cachée la tête du péroné. Quoiqu’il en soit, il n’en est pas moins
vrai que chez bien des Mammifères les insertions tibiales du biceps l’em-
portent plus ou moins sur les insertions péronières; et même chez l’Homme,
où l’on est un peu trop habitué à considérer le biceps comme un muscle
exclusivement péronier, le tendon aplati du biceps se divise en trois faisceaux,
dont l’antérieur récurrent se jette sur la tubérosité externe du tibia, où il se
confond avec le fascia lata, dont le moyen se porte sur l’aponévrose jambière
antérieure, où, adhérant au fascia lata, elle va s’insérer sur la lèvre externe de
la crête tibiale et dont le troisième postérieur s’insère sur la tête du péroné et
particulièrement sur la saillie postérieure de cette tête qui en représente
tête.» Mais il n’y a rien détonnant à cela, car le fait se reproduit ehez les Lémuriens, dont le
muscle biceps a une signification qui ne prête à aucun doute. «La tête du péroné, ajoute-t-il,
faisant défaut, ce muscle ne peut avoir son insertion normale. » Mais c’est là le cas des Rumi-
nants, Solipèdes, etc.
La vraie raison à donner est que ces muscles ischio-tibiaux des Chéiroptères se rendent tous
sur la tubérosité interne de l’extrémité supérieure du tibia; or cela n'a jamais lieu pour le
biceps, et cela a toujours lieu pour les demi-membraneux et tendineux. Les Chéiroptères
paraissent donc manquer de biceps crural, ce qui est peu étonnant, vu la réduction du membre
postérieur chez ces animaux.
1 Milne-Edwards et Grandidier, loc. cit.
— 282 —
l’olécrâne. Les deux parties antérieure et moyenne reproduisent rigoureuse-
ment les insertions tibiales du biceps fémoral de 1 ’Indris brevicaudus.
11 résulte de l’étude précédente que le biceps des Mammifères n’est pas
le représentant strict du biceps des Reptiles et des Oiseaux, qui est exclu-
sivement péronier, mais qu’il représente aussi une portion iléo-tibiale du
grand fessier, qui s’est séparée plus ou moins complètement de ce dernier
muscle pour s’unir au biceps.
Nous trouverons chez les Crocodiliens un fait intéressant qui sera analysé
plus loin, mais que je me borne à signaler ici. Chez ces Animaux, l’enve-
loppe extérieure musculaire de la cuisse se compose, d’arrière en avant :
1° d’un tenseur du fascialata rudimentaire; 2° d’un grand fessier iléo- tibial
qui se porte sur la tubérosité antérieure du tibia; 5° d’un muscle iléo-libial
qui se porte sur la tubérosité externe du tibia et n’a que quelques fibres
péronières : c’est le muscle très-improprement nommé agitator caudæ par
Hauglilon ; 4° enfin, en arrière, se trouve le vrai biceps recou vert supérieure-
ment par Y agitator caudæ et par la partie postérieure du grand fessier. Le
biceps des Mammifères en général correspond à la fusion du biceps croco-
dilæis et de Y agitator caudæ tandis que chez les Oiseaux et chez les Sauriens
ordinaires Y agitator caudæ demeure attaché au grand fessier.
Il me reste à démontrer que le biceps crural des Mammifères est, comme
celui des Ampbibiensel des Sauropsidés, un muscle de l’iléon postérieur et non
un muscle de l’ischion. C’est ce qui résultera de l’élude attentive du biceps
chez l’Homme. Si l’on observe la région ischiatique chez ce dernier, on voit
que le muscle demi-membraneux s’insérant sur l’ischion un peu au-des-
sus de la tubérosité, le demi-tendineux s’insère immédiatement au-dessous
en confondant ses insertions avec celles dubiceps, qui est plus superficiel que
lui. Le tendon du biceps proprement dit est même si superficiel que
la plupart de ses fibres passent sur la tubérosité de l’ischion sans s’y at-
tacher, les profondes seules y contractant quelques adhérences. Les fibres
du tendon se continuent directement avec le grand ligament sacro-sciatique,
qui s’élargit supérieurement pour s’insérer sur l’extrémité postérieure de
la crête iliaque, sur la face externe du petit ligament sacro-sciatique, et sur
le bord de ce ligament qui adhère an sacrum. — Or, j'ai longuement éta-
bli dans la partie ostéologique de ce travail que le petit ligament sacro-scia-
tique des Mammifères était le représentant de l’iléon postérieur des Oiseaux.
Il résulte donc du fait précédent que le biceps des Mammifères, et de
l’Homme en particulier, placé comme celui des Oiseaux et des Reptiles
au-dessous et en arrière du grand fessier, s’élargit supérieurement pour former
un triangle isocèle dont la base s’insère exactement, comme chez les Oiseaux
et d’une manière remarquablement identique, sur le bord supérieur de
l’iléon postérieur et de la portion commune aux deux iléons au-dessus de
la cavité cotyloïde.
Le biceps crural humain est donc un exemple remarquable démuselé
interrompu par son adhérence partielle à la tubérosité de l’ischion , et il
n’est nullement besoin d’invoquer pour lui une transposition d’atta-
ches. 11 faut ajouter que les dispositions ainsi décrites chez l’Homme se re-
trouvent d’une manière très-évidente chez beaucoup de Mammifères où les
deux ligaments sacro-sciatiques sont bien développés; mais que chez beau-
coup d’autres, ces ligaments étant remplacés par du tissu conjonctif lâche
et délicat, l’insertion iliaque du biceps est conséquemment masquée. Il y a
alors, non pas transposition d’attaches, mais atrophie de la portion terminale,
du tendon interrompu 1 .
Concluons cette ètudedu biceps crural par les réflexions générales suivantes:
'Le Dr Lannegrace, qui dans sa Thèse inaugurale a émis quelques réflexions sur le change-
ment d’insertion du biceps, qui d’iliaque qu’il est chez les Vertébrés devient ischiatique chez
les Mammifères, a cherché à comprendre cette migration. Il a eu l’heureuse pensée de donner
les fibres du graud ligament sacro-sciatique qui relient l’épine iliaque postérieure à l'ischion
comme pouvant être considérées comme le vestige de la portion du biceps qui était primitive-
ment comprise entre l'ischion et l’iléon ; mais M. Lannegrace s’est mépris, je le crois, en consi-
dérant le grand ligament sacro-sciatique de l’Homme comme représentant l’iléon postérieur
de l’Oiseau (pag. 16, note) et en regardant aussi le biceps comme un muscle dont l’insertion
a subi des migrations successives, passant de l’iléon des Reptiles sur la crête ischiatique de
l’iléon des Oiseaux, et de là sur la tubérosité des Mammifères.
« Dans les Oiseaux, dit-il, nous avons vu l’inserlion supérieure de l’iléo-fémoral se faire
sur la crête ischiatiqu'-, et cette nouvelle situation du muscle pouvait déjà nous faire pressentir
qu’il allait, chez les Mammifères, passer sur l’ischion. » Je crois avoir démontré que ces mi-
grations d’attache n’ont pas lieu. Le biceps a conservé ses insertions, et le grand ligament
sacro-sciatique est sou tendon supérieur, représentant fidèlement la large aponévrose d’in-
sertion iliaque du biceps de l’Oiseau.
284 —
1° Le biceps crural appartient au revêtement musculaire externe de l’ori-
gine du membre postérieur, revêtement constitué d’avant en arrière par le
tenseur du fascia lata, le grand fessier et le biceps. Ces muscles peuvent
être plus ou moins indépendants ou confondus.
2° Le biceps appartient chez tous les Vertèbres à la portion postérieure
de l’iléon, et spécialement à l’iléon postérieur, là où cet élément de l’os s’est
formé et caractérisé.
o° Le biceps s’attache inférieurement sur le péroné, chez tous les Am-
phibiens, Reptiles et Oiseaux. Chez quelques Reptiles, et spécialement chez
les Crocodiliens, le tendon inférieur du biceps donne quelques fibres tendi-
neuses à l’aponévrose jambière. Chez les Mammifères, à l’insertion péronière,
qui est plus ou moins importante, s’ajoute l’insertion tibiale, par suite d'un
emprunt au muscle grand fessier.
Nous avons suffisamment étudié les caractères du biceps crural pour être
en mesure de rechercher son homologue dans la région brachiale.
L’homologue de la longue portion du biceps crural est la longue portion
du triceps brachial. La démonstration en sera, je l’espère, concluante. Je
n’ai pas à reproduire ici l’étude que j’ai faite de ce dernier muscle (pag. 247
et suivantes). Il me suffira d’y renvoyer le lecteur et d’en rappeler les prin-
cipales conclusions, en comparant les caractères de ce muscle avec ceux de la
longue portion du biceps crural.
1° Le long triceps brachial, avons-nous vu, est un muscle qui appar-
tient essentiellement au scapulum postérieur. Il naît en arrière et au voi-
sinage de la cavité glénoide ' . Nous savons que le long biceps crural est
1 Chez les Solipèdes, les Ruminants, le long triceps brachial se compose de deux parties :
1° L’une, le gros extenseur de V avant-bras ou grand scapulo-olécrdnicn, nah du bord
axillaire du scapulum au voisinage de la cavité glénoide et se rend au sommet de l'olécrane.
Il représente le long triceps brachial de l'Homme et de tous les Vertébrés ;
2° L'autre, le long extenseur de l’avant-bras ou long scapulo-olécrânien, s'insère sur le
reste du bord axillaire du scapulum et se porte à la partie interne de l'olécrane.
Ou voit que ces portions du long triceps ont leur insertion scapulaire sur cette région du
scapulum qui est postérieure au scapulum axial et qui correspond à la portion basilaire ou
origine du scapulum postérieur. A cet égard, les deux portions du long triceps représentent
bien le biceps crural des Reptiles et surtout celui des Oiseaux, qui s’insère sur presque toute la
longueur de l'iléon postérieur.
285 —
semblablement un muscle de l’iléon postérieur naissant en arrière et au
voisinage de la cavité cotyloïde. C’est là un premier point remarquable de
ressemblance entre les deux muscles.
2° Le long triceps brachial est un muscle essentiellement cubital et
s’insérant généralement sur l’extrémité supérieure du cubitus et sur l’apo-
physe olécranienne. Le long biceps crural est un muscle primitivement et
essentiellement péronéal et s’insérant généralement sur la partie supérieure
du péroné, et fréquemment même sur la tête du péroné. Il est à remarquer
même que là où la tête du péroné est bien développée, chez l’Homme et les
Singes, le triceps s’insère surtout sur une éminence postérieure qui peut
légitimement être considérée comme un olécrane rudimentaire. Cet olé-
crane péronier devient remarquable et très-important chez les Ornitho-
delphes, et le biceps y prend de larges et puissantes insertions \ Nous ver-
rons au reste plus loin à quoi tient la constance du niveau (olécrane cubi-
tal) auquel se font les insertions du long triceps brachial, et la possibilité
de variation de niveau des insertions péronières du long biceps crural.
5° Chez les Mammifères et l’Homme, les insertions scapulaires du long
triceps brachial ont, avec les insertions des muscles deltoïde et grand rond,
des relations constantes qui sont la reproduction exacte des relations, con-
stantes aussi, des insertions iliaques du long biceps crural (grand ligament
sacro-sciatique), du grand fessier et du fascia lata. En comparant, en effet,
les fg. \ et 2 de la Planche V, on voit que les insertions du triceps bra-
chial (fîg. 2, sc. p.) et les insertions du biceps crural ( fig . \, il.p.) sont
voisines de l’extrémité articulaire des bords homologues du scapulum et de
l’iléon ; que ces insertions sont séparées des insertions homologues du
1 M. Alix, dans sa description du système musculaire de l’Échidné d’Australie, ne signale
pas d'insertion du biceps à l'olécrane péronier. On est en droit d'affirmer, par analogie, que
c'est là une erreur. Chez l’Ornithorhynque, les insertions du biceps à l'olécrane du péroné sont
très -importantes; et il y a tant de ressemblance dans l'organisation de ces deux animaux
qu'il serait bien étonnant qu’il n’en fût pas de même chez l’Échidné. Au reste, l'olécrâne péro-
néal de l’Échidné est aussi développé que celui de l’Ornithorhynque, et l'on ne compren-
drait pas l’existence de cette saillie osseuse sans une insertion musculaire correspondante et
dirigée dans le sens de la saillie. Jusqu'à' plus ample informé, je considère donc le biceps
de l’Échidné comme aussi bien pourvu que celui de l'Ornithorhynque d'insertions péronières
olécrâniennes.
— 286 —
grand rond [fiq. 2, m.g.r.) et du grand fessier [fig. i, m. g. /.) par les
insertions homologues du petit rond (/%. 2, m. p. r.) et du petit fessier
{fig. \,m.p. f.) ; quedes insertions de l’aponévrose fascia lata et celles de
l’aponévrose du sous-épineas et du deltoïde scapulaire ont les mêmes rela-
tions avec les deux muscles respectifs que nous comparons, etc., etc. 11 y a
seulement cette différence de connexions entre les deux muscles que, tan-
dis que le muscle long triceps brachial passe dans son trajet ultérieur en
avant du deltuide et en arrière du long dorsal et du grand rond, le long bi-
ceps crural passe en avant à la fois du grand fessier et du fascia lata. Nous
savons combien ces différences de connexion ont peu d’importance dans la
détermination de la valeur des muscles, et nous avons vu qu’elles sont dé-
terminées par des différences dans les conformations du système osseux des
deux ceintures et des membres, et par les nécessités de l’action des mus-
cles. Dans le cas actuel, si les muscles grand rond et grand dorsal fussent
passés en arrière du muscle triceps, ces deux muscles, s’insérant à la ligne
âpre de l’humérus, qui d’interne est devenue antérieure par suite de la
rotation de cet os sur son axe, il en serait résulté que ces deux muscles eus-
sent soulevé fortement le long triceps et l’eussent transporté en avant avec
le scapulum à chacune de leurs contractions. Ce changement de situation
réciproque des muscles peut être légitimement considéré comme une consé-
quence par adaptation des changements survenus dans la situation de
l’humérus par rapport à la ceinture thoracique et au tronc.
4° Nous avons vu quelles étaient les relations du long biceps crural avec
le grand fessier et le fascia lata, relations telles que le long biceps semblait
être une émanation profonde du grand fessier. On retrouve pour le long
triceps brachial des relations semblables, en ce sens que chez l’Homme
une arcade fibreuse qui part du tendon du grand dorsal (portion du grand
fessier) va se jeter sur le tendon d’origine du long triceps brachial, et relie
ces deux muscles de telle sorte qu’une portion du grand dorsal semble être
une des origines du long triceps. Chez les Lémuriens ou tout au moins chez
YIndris brevicaudus ', le triceps brachial a un chef postérieur (dorso-épitro-
chéal de Mûrie et Mivart) naissant du grand dorsal. C’est un accessoire du
‘A. Milne-Edwards et A. Grandidier, loc. cit.
— 287
grand dorsal qui s’insère inférieurement sur l’aponévrose anlibrachiale et
sur le bord postérieur du cubitus, près de l’extrémité de l’olécrâne. C’est là
un chef parallèle au long triceps, et qui, chez l’Homme, s’est réduit à l'ar-
cade fibreuse que nous venons de voir. Chez le Porc et chez le Chien, on trouve
également un gros faisceau qui, naissant de la face externe du grand dorsal,
va se porter à lolécrâne. Ce faisceau, que l’on considère dans les Traités d’ana-
tomie des animaux domestiques* comme un long extenseur de l’avant-bras ,
n’est autre chose qu’un accessoire du grand dorsal comparable à celui des
Indrisinés. Nous avons déjà vu, à proposdu grand fessier (pag. 224), que ce
ruban musculaire existe aussi chez les Singes.
Ce chef accessoire n’est, au point de vue bomoîogique strict, que le repré-
sentant de la portion du grand fessier des Mammifères, Oiseaux et Reptiles
qui se rend au péroné et à l’aponévrose jambière. Il représente notamment,
chez le Cheval, un faisceau de fibres naissant de l’épine sacrée et se rendant
à l’aponévrose jambière, faisceau qui est considéré à tort par les hippoto-
mistes* comme une branche du demi-tendineux, et qui n’est en réalité
qu’une portion sacrée du grand fessier (grand dorsal de l’épaule).
Néanmoins, l’intimité des relations du long triceps brachial avec les mus-
cles de l’épaule qui représentent le grand fessier et le fascia lata, est moins
évidente dans la série des Vertébrés que l’intimité des relations du long
biceps crural et du grand fessier, ce qui peut s’expliquer par le faible déve-
loppement à l’épaule de la portion qui représente l’iléon postérieur. Il en
résulte, en effet, que l’origine du long triceps brachial, loin de correspondre
à la région postérieure de la ceinture, s’est trouvée située en avant et séparée
par un long intervalle des origines du grand rond et du grand dorsal, qui
représentaient le grand fessier ; tandis que le long biceps crural, naissant
d’un iléon postérieur plus ou moins développé, s’est trouvé immédiatement
en relation avec la face inférieure et le bord postérieur du grand fessier.
Ajoutons d’ailleurs que la situation du long triceps brachial entre le del-
toïde d’une part, le grand rond et le grand dorsal de i’autre, c’est-à-dire son
1 Chauveau et Arloing; Traité d’Anat. comparée des Anim. domest., première partie,
pag. 275.
2 Chauveau et Arloing; Traité d’anat. comparée des Anim. domest., 1870.
37
- 288 —
enclavement entre ces trois muscles qui constituent un même groupe
(muscles de revêtement superficiel postérieur de la ceinture thoracique)
doit nous porter logiquement à trouver son homologue dans un muscle
qui, comme le long biceps crural, a des rapports intimes et des relations
de dépendance avec les muscles qui forment le groupe de revêtement super-
ficiel postérieur de la ceinture pelvienne (grand fessier, fascia lata et son
tenseur).
Pour n’oublier aucun des points importants du parallèle que j’établis ici
entre le long triceps brachial et le long biceps crural, il convient peut-être
de dire un mot du chef coracoidien de l’anconé des Sauriens kionocrâniens
et des Crocodiliens. Ce chef n’existe pas chez les Mammifères, et l’on
ne peut considérer que comme un analogue, mais non comme un vrai homo-
logue, un chef du triceps que l’on a vu naître, chez l’Homme, de l’apophyse
précoracoïde. C’est là un muscle suppléant plutôt qu’un représentant direct.
Peut-on dire qu’à la ceinture pelvienne le chef coracoidien de l’ancorie
brachial des Sauriens kionocrâniens n’est pas également représenté? Ce serait
peut-être là une conclusion téméraire, car on pourrait être en droit de consi-
dérer les fibres profondes du tendon du long biceps crural des Mammifères,
c'est-à-dire celles qui n’étant pas directement continues avec le grand ligament
sacro-sciatique adhèrent à la tubérosité ischialique et semblent en naître; ou
pourrait, dis-je, être en droit de les considérer comme des insertions ischia-
tiques (coracoïdiennes) du biceps, et comme étant le point de départ du chef
ischialique (coracoidien) du biceps crural. Mais celle vue toute théorique n’esl
point justifiée par l’anatomie comparée des animaux où le biceps est purement
et strictement ilôo-péronéal, c’est-à-dire les Amphibiens, les Sauriens, les
Chéloniens, les Crocodiliens et les Oiseaux. On ne trouve pas en effet chez
ces animaux, à la ceinture pelvienne, un vrai représentant ischio-péronéa 1
du chef coraco-cubilal de l’anconé. L’absence de ce muscle à la ceinture
pelvienne qui est très-complète, et chez des animaux où le muscle coraco-
cubital est très-souvent développé à la ceinture thoracique, cette absence,
dis-je, est une puissante présomption en faveur de l’absence de tout chef
ischio-péronéal du long biceps à la ceinture pelvienne des Mammifères.
J’espère que les considérations précédentes auront jeté quelque lumière
289
sur l’homologie du long triceps brachial et du long biceps crural. 11 me reste
à expliquer les différences de situation et d’action des deux muscles par
rapport aux articulations du coude et du genou.
J’ai, dans l’Introduction et dans le cours de ce travail, exposé la manière
dont s’était déterminée la situation définitive des membres et démontré que
la pronation exagérée de l’avant-bras était la conséquence de la position du
membre antérieur, comme la supination éxtrême était la suite de la confor-
mation du membre postérieur. Il résulte, de ces faits, que dans le membre
antérieur le radius a décrit autour du cubitus un mouvement de translation
de dehors en dedans et d’arrière en avant, tandis que le cubitus se trans-
portait en arrière et même en dehors du radius. Le cubitus devient posté-
rieur au radius, et forme par son extrémité supérieure la partie la plus
saillante en arrière du squelette de l’avant-bras. 11 s’ensuit que le long
triceps, qui s’insère sur l’extrémité supérieure du cubitus, est nécessairement
transporté et maintenu sur la face postérieure du bras, et, l’extrémité supé-
rieure du cubitus occupant le côté de l’extension de l’articulation, le long
triceps est nécessairement un muscle extenseur. Le développement de l’olé-
cràne est une conséquence de ce rôle du muscle et de sa puissance, qui est
elle-même liée à l'importance de son action. D’autre part, le long triceps étant
devenu un muscle essentiellement postérieur à l’articulation du coude et au
cubitus, ne saurait s’insérer autre part qu’au sommet, et à la face postérieure
de l’olécrâne, car si on le supposait pour un moment inséré à un niveau
inférieur, son tendon appliqué à la face postérieure de l’os contracterait, comme
les tendons interrompus, des adhérences avec cette face postérieure jusqu’à
son sommet supérieur, qui est l’olécrâne. Au-dessous de ce point culminant,
le tendon se confondrait avec le périoste et s’atrophierait comme tendon.
C’est là ce qui a, du reste, lieu pour le tendon inférieur du long biceps
brachial chez les animaux où la supination est impossible. Les variations
de relation du tendon et de l’os produits par les mouvements de supination
disparaissant, la partie enroulée du tendon perd sa synoviale, adhère à la
tubérosité bicipitale et finit par se confondre sur ce point avec le périoste,
de telle sorte que le biceps ne s’insère plus en arrière de la face interne du
radius, mais sur la face antérieure. La partie intermédiaire du tendon s’est
supprimée par adhérence. Ainsi s’explique par des condilions de situation
— 290 —
des os, la position du long triceps brachial sur la face de l’extension du
coude, son rôle de muscle extenseur et la constance de niveau de son inser-
tion au sommet et à la face postérieure de l’olécrâne.
Le long biceps crural se trouve dans des conditions toutes différentes.
Tandis que le cubitus tend à se placer de plus en plus sur la face de l’exten-
sion, en se portant d’avant en arrière et de dedans en dehors, le péroné tend
à se placer de plus en plus sur la face de la flexion du genou, en se portant
d’avant en arrière et de dehors en dedans.
La tète du péroné et la partie supérieure de cet os deviennent de plus en
plus postérieures au tibia; aussi en résulte-t-il que l’insertion inférieure du
long biceps est fortement portée en arrière, et que ce muscle se trouve, par
le fait, placé de plus en plus dans le sens de la flexion, et devient de plus en
plus un fléchisseur. Ce changement de situation et d’action peut être constaté
en quelque sorte quand on considère le biceps crural chez les Mammifères.
Soit en effet que le biceps se présente comme un faisceau postérieur du
long vaste ou grand fessier, soit qu’il ait acquis une existence indépendante,
comme chez l’Homme, le biceps a conservé, nous l’avons vu, des insertions
sur l’aponévrose jambière antérieure et sur la lèvre externe de la tubérosité
et de la crête antérieures du iibia. insertions qui feraient facilement de ce
muscle un muscle extenseur du genou, si le péroné, au lieu de se trouver
reporté en arrière, où il entraîne avec lui l’ensemble du muscle, eût conservé
sa situation en avant au niveau du tibia. 11 fauta ces causes de transformation
du long biceps d’extenseur en fléchisseur en ajouter une autre : c’est son ori-
gine sur l’iléon postérieur, et sa réflexion et son adhérence chez les Mammi-
fères sur la tubérosité de l’ischion. L’iléon postérieur, qui existe comme élé-
ment osseux ou comme ligament, est toujours étendu à une assez grande
distance en arrière de l’acélabulum, et porte ainsi l’origine du long biceps
dans le sens de la flexion du genou. Si, comme à l’épaule, l’iléon postérieur
et l’ischion étaient rudimentaires, et si le long biceps n’était éloigné de l’acé-
tabulum ni par son lieu d’origine ni par sa réflexion, ce muscle, au lieu d’être
déjà postérieur à son extrémité supérieure, fût resté simplement latéral
externe et fût demeuré plus étranger à la face de flexion du genou.
Une autre cause de transformation du long biceps, c’est l’absence d’olé-
crâne péronier développé et la situation de la tête de l’os et de l’insertion
— 291
du muscle au-dessous du niveau de l’interligne articulaire du genou. On
comprend en effet que si le péroné était surmonté d’un olécrane saillant
au-devant du genou et transformant cet os en levier du premier genre, le
muscle biceps, inséré au sommet de ce bras de levier supérieur, pourrait agir
comme le long triceps sur l’olécrâne et le cubitus, et produire l’extension.
Toutefois cette action ne serait réellement produite avec une certaine effica-
cité qu’à la condition que le péroné ne fût pas transporté trop en arrière du
tibia, c’est-à-dire vers la face de flexion du membre. Or, c’est ce qui n’a
jamais lieu. Dans ce cas, le biceps doit être plutôt un muscle rotateur en
dehors et abducteur de la jambe et du membre inférieur, et j’estime que
telle doit être son action chez l’Ornithorhynque et chez l’Échidné, où le
péroné, quoique pourvu d’un olécrane péronier très-remarquable, est aussi
fortement déjeté en arrière du tibia.
La situation du péroné et du long biceps étant donnée, on comprend que
le niveau de l’insertion de ce dernier muscle puisse varier dans une assez
grande mesure. Le tendon inférieur du long biceps s’éloignant à chaque
contraction et dans toute sa longueur de la portion du péroné qui est supé-
rieure à son insertion , il est impossile que des adhérences s’établissent sur
le parcours de ce tendon et qu’il soit ainsi toujours ramené, comme le long
triceps brachial, à avoir son insertion à l’extrémité supérieure de la tête
de l’os.
Les considérations qui précèdent me semblent capables de dissiper les
doutes sur l’homologie du long triceps brachial et du longr biceps crural.
Pour ceux de nos lecteurs qui pourraient conserver encore quelque hésita-
tion, je résumerai l’ensemble des faits précédents en une considération géné-
rale qui les condense et les renferme pour ainsi dire toutes. Les membres
antérieur et postérieur étant donnés dans leur situation primitive et paral-
lèle, telle qu’elle existe chez l’embryon et telle que nous l’avons détermi-
née dans l’Introduction de ce travail, prenons deux muscles naissant de la
portion postérieure de chacune de ces ceintures, occupant par conséquent
le bord postérieur des membres primitifs et s’insérant sur deux os (cubitus
et péroné) qui occupent ce bord postérieur. Dans le membre antérieur,
la saillie du coude, c’est-à-dire le côté de l’extension, devient postérieure et
formée parle cubitus qui se transporte en arrière; aussi le muscle reste-t-il
— 292 —
postérieur et devient-il extenseur. Dans le membre postérieur, le côté de
la flexion du genou devient postérieur et occupé surtout par le péroné, d’où
il résulte que le muscle reste postérieur et devient fléchisseur.
Ce sont là, me paraît-il, des déductions d’une logique rigoureuse et d’une
valeur sérieuse, et c’est par elles que je termine cette étude des muscles
long biceps crural et long triceps brachial'.
Vastes interne et externe huméraux. — Vastes externe et interne
fémoraux. — Brachial antérieur. — Court biceps fémoral. — Poplité.
— 11 me reste, pour en finir avec les homologies des muscles des ceintures,
à étudier quelques muscles qui n’ont pas avec les arcs osseux des rapports
directs, et qui ne se rattachent à ces derniers que parce qu’ils ont des
connexions plus ou moins intimes avec des muscles appartenant réellement
aux deux ceintures. Je veux désigner par là les vastes internes et externes
1 Je tiens à prévenir une objection qu’on pourrait faire à l’explication que je donne des
changements de situation et d’action du biceps brachial des Mammifères et du long triceps
brachial. On pourrait m’objecter en effet que chez les Chéloniens dont l’humérus a acquis une
position comparable à celle du fémur des autres Vertébrés, le long triceps brachial est resté
néanmoins extenseur et le biceps brachial est resté fléchisseur.
Quant au biceps des Chéloniens et des Reptiles, je ferai remarquer qu’il ne représente pas
exactement le biceps brachial des Mammifères, puisque l’élément scapulaire lui fait défaut. Le
biceps des Reptiles est un muscle de la face de flexion du membre et ne répond qu’aux demi-
membraneux et demi-tendineux. Le biceps brachial des Mammifères formé par la synthèse des
éléments qui représentent au bras le droit antérieur, le couturier et les demi- tendineux et
membraneux, se trouve transporté sur le bord antérieur ou radial du membre, d’où il peut
être ensuite facilement transporté sur la face de flexion.
Mais en outre il faut observer que la direction de l’humérus des Chéloniens est une
direction consécutive résultant d'une adaptation secondaire et tardive du membre antérieur des
Reptiles. Les insertions musculaires fixées par l’hérédité du type reptilien y ont été conservées; ce
qui devait d’autant plus se produire que, si l’humérus a acquis une position exceptionnelle, les
os de l’avant-bras n’en ont pas moins conservé par rapport à lui une situation identique à
celle qu'ils ont chez les autres Reptiles, chez les Oiseaux et chez les Mammifères. Cela est
si vrai que les Tortues ont l'avant-bras en pronation plus ou moins prononcée, et s’appuient
pour ainsi dire sur le dos de la main ; ce qui n'eut point eu lieu si les deux os de l’avant-
bras avaient contracté avec l’humérus, dirigé en avant, des rapports semblables à ceux des
os de la jambe avec le fémur. Cette pronation a suffi pour transporter en arrière l’extrémité
supérieure du cubitus et le long triceps, et pour faire de ce dernier un véritable extenseur.
— 295 —
brachiaux et fémoraux, le brachial antérieur, le court biceps fémoral et le
poplité. Quelques mots suffiront pour établir les homologies de ces muscles,
qui ne paraissent pas donner matière à de grandes difficultés.
Les vastes interne et externe brachiaux s’insèrent l’un et l’autre sur
l’humérus, et les vastes interne et externe fémoraux sur le fémur. A cet
égard, l’homologie de ces muscles dans les deux ceintures est évidente.
Mais la différence d’insertions inférieures, les unes se faisant sur le cubitus
et les autres sur le tibia, pourrait paraître un argument, soit en faveur
du défaut d’homologie de ces muscles, soit en faveur de la théorie des
transpositions d’attache et de leur faible valeur dans la détermination des
homologies musculaires. C’est en effet sur ce cas des muscles vastes qu’in-
siste surtout M. Lavocat', directeur de l’École vétérinaire de Toulouse, pour
appuyer ses vues sur les variations possibles et fréquentes des insertions
musculaires.
« En pareille matière (détermination des homologies), dit-il, si les
attaches musculaires doivent être prises en considération, il ne faut pas
exagérer leur signification : elle n’ont pas une valeur absolue. L’observation
montre qu’elles peuvent varier, et ce n’est que par une longue pratique
qu’on parvient à une juste interprétation de ces changements. »
A cela je réponds qu’il est possible d’affirmer que les différences d’atta-
ches inférieures des vastes externe et interne huméraux et fémoraux sont
susceptibles d’une explication toute autre que celles qu’on a voulu leur donner,
et à la fois plus rationnelle et plus conforme aux faits. ^
J’ai déjà, dans l’introduction à l’étude des homologies musculaires, présenté
quelques considérations à cet égard et donné à ces muscles la signification de
muscles articulaires , c’est-à-dire de muscles attachés sur les ligaments du
côté de l’extension en dehors de toute distinction d 'éléments osseux. A ces
considérations, je dois ici en ajouter d'autres qui ne sont du reste pas sans
relations avec les premières. Il importe de remarquer que les muscles
vastes constituent à eux seuls la couche musculaire qui appartient essen-
tiellement à la face de l’extension des membres au niveau du premier seg-
ment. Nous avons vu en effet que le droit antérieur, aussi bien que le long
1 Lavocat ; Discussion sur le parallèle des membres thoraciques et pelviens , Toulouse, 1867.
triceps brachial, n étaient pas primitivement et essentiellement des muscles
extenseurs. La masse musculaire de l’extension s’est originairement insérée
comme les ligaments extenseurs et par leur intermédiaire sur l’ensemble
du squelette général du second article , c’est-à-dire, pour le bras sur le
cubitus et le radius, pour la jambe sur le tibia et le péroné. Mais au mem-
bre supérieur le cubitus est resté seul comme os de l’extension; au membre
inférieur, au contraire, c’est le tibia qui a joué ce rôle, le péroné s’atrophiant
et se portant de plus en plus en arrière. Les insertions des muscles exten-
seurs ne peuvent, pour leur liberté d’action, rester attachés qu’aux os situés du
côté de l’extension, et qui seuls président essentiellement à ce mouvement.
De là résulte l’insertion des vastes huméraux au cubitus seul, et l’insertion
des vastes fémoraux au tibia.
Les vastes sont donc des muscles à doubles insertions primitives sem-
blables dans les deux membres, qui n’ont conservé au bras et à la jambe
qu’une seule de leurs insertions, et précisément une insertion différente pour
chacun des membres. Il n’est donc pas nécessaire d’invoquer, pour établir
leurs homologies, le principe des transpositions d’attaches, pas plus qu’on
n’est en droit de les considérer comme des preuves à l’appui de ce principe.
Les muscles vastes cruraux sont donc les homologues des muscles vastes
huméraux, avec cette différence cependant que le vaste interne brachial
représente le vaste externe crural, et réciproquement. Cela ressort clairement
de la manière dont se sont disposés les membres, qui de transversaux sont
devenus parallèles au plan vertébro-sternal. Le vaste interne brachial et le
vaste externe crural étaient l’un et l’autre postérieurs et rigoureusement
homologues dans la situation primitive et non transformée des membres.
J’ai dit que les muscles extenseurs généraux du genou et du coude ont du
primitivement s’attacher à l'ensemble du squelette du second article et pos-
séder une double insertion inférieure. La démonstration de cette proposition
peut résulter de l’examen des insertions des vastes cruraux chez un grand
nombre de Vertébrés, et plus particulièrement chez les Amphibiens et les
Reptiles. Chez beaucoup d’entre eux, en effet, le tendon inférieur des vastes
cruraux s’insère non-seulement sur la face antérieure du tibia, mais aussi par-
tiellement sur l’extrémité supérieure du péroné, en s’unissant avec le fascia
lata et le tendon du grand fessier.
— 295 —
Mais il est en faveur de celte double insertion primitive des extenseurs
directs et profonds, un argument qui, pour être indirect el basé sur l’ana-
logie, ne manque pourtant pas de valeur. Les muscles vastes interne et
externe des deux membres constituent une couche profonde de muscles
étendus directement du premier article des membres au second article,
couche placée sur la face du membre qui correspond à l’extension. Cette
couche occupe dans la situation primitive des membres la face dorsale
du premier article. Sur la face ventrale de cet article se trouve dans
certains cas une couche profonde de muscles étendus aussi directe-
ment du premier article des membres au second article. Cette couche
ventrale, qui est formée par les fléchisseurs profonds et directs, peut être
très-légitimement considérée comme symétrique de la couche dorsale, et
comme en étant pour ainsi dire la reproduction sur la face opposée du mem-
bre. Il n’y a rien que de très-logique dans un rapprochement de ces deux
couches symétriques et dans l’extension de l’une à l’autre par analogie des
considérations et des observations qui ont trait à l’une d’entre elles.
Étudions donc cette couche de fléchisseurs directs et profonds sur les
deux membres, et voyons quelle est sa disposition par rapport aux deux os
du second article.
Examinons d’abord ce qui a trait au membre antérieur. Ici cette couche
profonde est représentée généralement par un muscle unique qui s’étend
de l’humérus à l’avant-bras, muscle appliqué directement sur la face de
flexion du coude, et qui est connu sous le nom de brachiabantérieur, bra-
chial inférieur, brachial interne, huméro-antibrachial, etc. Chez les Amphi-
biens urodèles et anoures, chez les Chéloniens, chez les Sauriens kiono-
crâniens, chez les Chamæléonides et chez les Crocodiliens, la disposition
générale de ce muscle est de naître supérieurement sur une partie plus
ou moins étendue de la face antérieure ou de flexion de l’humérus, et le
plus souvent sur toute cette face antérieure au-dessous des insertions du
pectoral et du supracoracoïdien, et de s’insérer inférieurement par un
tendon bifurqué à la fois sur le cubitus et sur le radius.
Chez les Chamæléonides, l'insertion cubitale est plus importante que la
radiale. Elle subsiste même seule chez certains d’entre eux, Chamœleo
Parsonii par exemple.
58
296
Chez les Crocodiliens, il ss décompose en deux muscles qui sont con-
fondus à leur origine supérieure sur l’humérus. L’un se comporte exacte-
ment comme le brachial antérieur des Sauriens kionocrûniens et s’unit
inférieurement avec le biceps, pour s’insérer avec lui sur le cubitus et le
radius; l’autre, décrit par Haughton sous le nom de brachialis extsrnus
chez le Crocodile, a été considéré par lui comme une portion du bra-
chialis externus chez l’Alligator, et va s’insérer au radius, d’où le nom
de humero-radialis que lui donne Fürbringer. Ce dernier auteur con-
sidère ce muscle comme une partie aberrante différenciée du deltoïde
scapulaire, parce qu’il reçoit ses filets nerveux du nerf axillaire. Sans
entrer dans la discussion approfondie de celle détermination et de la base
théorique très-discutable sur laquelle elle s’appuie, je déclare me ranger
entièrement à l’opinion de Haugthon, et considérer ce muscle comme
une portion externe ou vaste externe du fléchisseur profond direct. Il ré-
sulte de ce fait que chez les Crocodiliens les fléchisseurs directs du coude
sont représentés par deux faisceaux distincts , l’un interne et antérieur,
l’autre externe, qui seraient les deux faisceaux symétriques des vastes in-
terne et externe du triceps extenseur.
Une autre disposition générale du brachial antérieur dans les groupes
sus-désignés. c’est son union inférieure avec le biceps, qui, nous le savons,
a une double insertion radio-cubitale.
11 faut remarquer, de plus, que le développement de ce muscle est tou-
jours en raison inverse de celui du biceps. 11 y a là une sorte de balance-
ment qui est une explication satisfaisante de son grand développement et
de l’apparition de son faisceau externe chez les Crocodiliens, où le biceps
est bien plus réduit que chez aucun Sa u rien ou Chélonien.
Chez les Oiseaux, même balancement et mêmes rapports d'union avec le
biceps. Ce dernier étant très-développé, le brachial antérieur est un muscle
très-court et très-grêle, parlant seulement de l’extrémité inférieure de la face
interne de l’humérus et de l’épitrochlée. Aussi ce muscle réduit au faisceau
interne est-il uniquement cubital.
Parmi les Mammifères,, le brachial antérieur est simplement cubital chez
ceux dont le cubitus joue le rôle capital et presque unique dans la flexion du
coude. Tels sont l’Homme, les Singes, les Carnivores, les Monotrêmes, dont
— 297 —
le cubitus, très-développé, forme la plus grande partie de la surface arti-
culaire de l’avant-bras au coude, et atteint la face de flexion de l’avant-bras,
à ce niveau, par son apophyse coracoïde. Mais chez beaucoup de Mam-
mifères non claviculés, tels que le Cheval, les Ruminants, les Rongeurs, chez
lesquels le cubitus perd de son importance et est retiré en arrière, abandonnant
la face de flexion du coude pour la céder au radius , le brachial antérieur
s’insère sur le radius en même temps que sur le cubitus, et même parfois
principalement sur le radius.
Cette revue générale nous montre d’une manière remarquable que le
fléchisseur profond direct de l’avant-bras est primitivement inséré sur les
deux os de cet article, et qu’il peut s’insérer tantôt aux deux os et surtout au
radius, tantôt seulement au cubitus, selon l’os qui occupe plus particuliè-
rement la face de flexion de l’avant-bras et qui préside aux mouvements du
coude.
Les fléchisseurs profonds et directs de la jambe peuvent donner lieu à des
réflexions semblables.
Chez l’Homme, ces fléchisseurs sont au nombre de deux, la courte portion
du biceps et le poplité; le premier est fémoro-péronéal ; le second, fémoro-
tibial.
Chez presque tous les Mammifères et même chez les Singes , d’après
Cuvier, la courte portion du biceps ou le muscle fémoro-péronéal fait défaut.
Pourtant, chez l’Orang-Ontang ce muscle existe, mais il est distinct et
indépendant de la longue portion du biceps ; il naît de la partie moyenne du
bord externe du fémur et passe obliquement sous la longue portion du
biceps pour se continuer avec l’aponévrose jambière.
L’Aï et le Fourmilier didactyle, d’après Cuvier, présentent la même parti-
cularité, et chez ce dernier le muscle, partant de la moitié inférieure du
bord externe du fémur, descend par un long tendon jusqu’à la portion infé-
rieure du péroné.
Tandis que le fémoro-péronier est un muscle très-inconstant, le poplité
ou fémoro-tibial est un muscle qui existe très-généralement chez les Mammi-
fères.
Il existerait également chez les Batraciens anoures (Owen), mais il fait
défaut chez les Chéloniens, les Sauriens et les Crocodiliens, ce qui peut être
attribué au développement considérable des fléchisseurs superficiels qui
prennent leur origine sur les os du bassin.
La constance de ce muscle chez les Mammifères est en relation avec le
rôle prédominant, parfois même exclusif, que prend le tibia dans la flexion
du genou, et avec la présence constante de cet os sur la face de flexion de
l’articulation. Nous savons au contraire que le péroné tend à perdre toute
importance dans l’articulation, qu’il lui devient étranger, et s’atrophie même
dans certains cas, laissant tout le rôle d’os articulaire au tibia.
La conclusion générale à tirer de l’étude de ces fléchisseurs profonds
directs, soit de la jambe, soit de l’avant-bras, c’est que, s’insérant primitive-
ment sur les deux os du membre, ils peuvent conserver leur double inser-
tion quand la différence de rôle et de situation des deux os n’est pas trop
accentuée ; mais qu'une seule des deux insertions est conservée quand l’un
des os, s’effaçant au -profit de l’autre sur la face articulaire et sur la face de
flexion, laisse à l’autre le rôle prédominant et presque exclusif dans la
flexion de l’article. Chez l’Homme en particulier, le radius cédant le pas au
cubitus, c’est à ce dernier os seulement que s’insère le brachial antérieur.
A la jambe, le tibia devient prédominant et il y a un fort fléchisseur fémoro-
tibial poplité ; mais le péroné est encore assez important pour qu’il reste
un muscle fèmoro-péronéal, le court biceps. Ce dernier disparaît chez tous
les Mammifères, où le péroné s’efface encore davantage’.
I M. Martins considère le rond pronaleur comme représentant à l’avant-bras le poplité, de
telle sorte que les fléchisseurs profonds directs du coude seraient, chez l’Homme, à la fois
cubitaux et radiaux, comme à la jambe ils sont péroniers et tibiaux. Mais cette appréciation
des homologies du rond pronateur n’est pas acceptable. Il est vrai que ce muscle esthuméro-
radial fléchisseur, comme le poplité est fémoro-tibial fléchisseur ; mais, tandis que le second
est un fléchisseur profond direct, appliqué immédiatement sur la face de flexion de l’articula-
tion, le premier, le rond pronateur, est un muscle essentiellement superficiel. Cette différence
de situation n’est pas à elle seule une raison absolue de repousser l’homologie des deux mus-
cles, mais elle s'ajoute à des raisons vraiment importantes.
II est incontestable que le rond pronateur est un muscle de perfectionnement dépen-
dant du bord externe de la couche superficielle des muscles antérieurs de l’avant-bras.
A cet égard, il devrait, à la jambe, appartenir à la couche superficielle formée par les muscles
jumeaux et plantaire grêle, tandis que le poplité appartient à la couche profonde soléaire
formée par le jambier postérieur, le long fléchisseur commun des orteils, et le long fléchisseur
du gros orteil. Le rôle du rond pronateur est un rôle spécial qui est en rapport avec la pro-
- 299 —
Les conclusions auxquelles vient de nous conduire l’étude des fléchis-
seurs profonds directs du coude et du genou, me paraissent devoir s’appli-
quer sans hésitation aux extenseurs profonds directs de ces articulations,
c’est-à-dire aux vastes interne et externe. Au coude, où le cubitus est et
devient de plus en plus exclusivement saillant sur la face de l’extension,
les extenseurs profonds et directs s’insèrent uniquement sur le cubitus. Au
genou, où le tibia présente exactement les mêmes conditions que le cubitus,
les extenseurs profonds et directs s’insèrent uniquement au tibia. Ce n’est
là en aucune façon un cas de transposition d’attaches, c’est purement et
simplement un cas d’atrophie et de disparition de l’une des deux insertions
de ces muscles. Cette disparition porte dans les deux cas sur des insertions
différentes; de là vient que les muscles vastes ont en définitive des atta-
ches inférieures différentes dans les deux membres.
Tous ces faits trouvent leur explication satisfaisante dans les changements
qu’éprouvent les membres typiques primitifs pour devenir membre antérieur
et membre postérieur. C’est ce qui va ressortir, je l’espère, du coup d’œil
d’ensemble que je vais jeter sur les muscles des membres, que j’ai étudiés
jusqu’à présent.
Ces muscles peuvent être groupés en plusieurs catégories distinctes. Il y
a pour chaque membre parvenu à sa forme définitive des muscles fléchis-
nation. Aussi ce muscle n'existe-t-il que là où il y a faculté de prôna tion et de supination, et son
importance est en relation avec l’étendue de ces mouvements. C’est ainsi que ce muscle existe
chez l’Homme, les SingesJes Carnassiers, les Marsupiaux.
Quoique Cuvier ait prétendu le contraire, le rond pronateur existe chez les Chéiroptères,
dont le cubitus atrophié et réduit à son extrémité supérieure est soudé au radius, mais où le
radius est susceptible pendant le vol d'un mouvement de rotation de dehors en dedans de quart
de cercle, 90° environ, qui constitue réellement la pronation. Chez le Lapin, dont le mouvement
de supination et de pronation est presque nul, le rond pronateur n’existe pas, quoi qu’en dise
Cuvier. Enfin, chez l’Éléphant et le Cochon, le rond pronateur est très-faible, d’après Cuvier,
et il disparaît entièrement chez les Solipèdes et chez les Ruminants. Ce muscle se trouve chez
les Crocodiles, les Tortues de terre et d’eau douce, et les Sauriens.
On voit, d’après cela, qu'à l’avant-bras le rond pronateur disparaît avec le mouvement de
supination et de pronation. Il est légitime de penser qu'à la jambe, où les mouvements de supi-
nation et de pronation n'existent pas, ce muscle a également fait défaut, et qu’il n’est pas
représenté. Le poplité a donc une autre signification, et répond au chef radial du brachial
antérieur, qui existe dans certains cas.
seurs et des muscles extenseurs du genou et du coude. Ces deux groupes se
subdivisent à leur tour : 1° en fléchisseurs et extenseurs superficiels et in-
directs qui, passant sans contracter des adhérences sur le premier article du
membre, s’étendent de l’élément dorsal des deux ceintures au second article
du membre ; et 2° en fléchisseurs et extenseurs profonds et directs qui vont
directement du premier au second article' .
Les extenseurs superficiels et indirects sont :
Pour le bras, le long triceps brachial ;
Pour la jambe, le droit antérieur.
Les fléchisseurs superficiels et indirects sont :
Pour le bras, le long biceps ;
Pour la jambe, le long biceps.
Les extenseurs profonds et directs sont :
Pour le bras, le vaste interne et le vaste externe du triceps ;
Pour la jambe, le vaste interne et le vaste externe du triceps.
Les fléchisseurs profonds et directs sont :
Pour le bras, le brachial antérieur ;
Pour la jambe, le poplité et le court biceps.
Telle est la disposition et la fonction des muscles lorsque les membres ont
acquis leur position consécutive.
Mais remarquons que le fléchisseur superficiel de l’avant- bras nait d’une
portion du scapulum qui est antérieure à la cavité glénoïde, tandis que l’ex-
tenseur superficiel appartient au scapulum postérieur. 11 est facile de com-
prendre que lorsque le membre était dans sa situation primitive, le fléchis-
seur superficiel ou long biceps en occupait le bord antérieur , tandis que
l’extenseur superficiel ou long triceps en occupait le bord postérieur.
Le long biceps tendait à porter le bras en avant et était un muscle pré-
moteur, le long triceps tendait à le porter en arrière et était rétromoteur.
Le rôle de la flexion et de l’extension de l’avanl-bras était particulièrement
dévolu aux fléchisseurs et extenseurs profonds.
Quand le membre s’est placé dans sa situation consécutive, l’humérus
— 301
s’est porté en arrière et en dedans, et a subi un mouvement de rotation sur
son axe longitudinal tel, que l’épicondyle, qui était antérieur, est devenu
externe, et l’épitrochlée est devenue interne.
En même temps le radius et le cubitus ont accompli ce mouvement de
révolution réciproque autour l’un de l’autre, tel que le radius, d’externe
qu’il eût été dans la nouvelle situation de l’humérus, devient de plus en plus
antérieur.
Les divers changements de situation des os font clairement comprendre que
l’extrémité inférieure du muscle prémoleur ou long biceps glisse avec le
radius en avant de l’articulation du coude et devient fléchisseur, tandis que
le muscle rétromoteur ou long triceps se transporte parallèlement avec le
cubitus en arrière de cette articulation et devient extenseur. Les extrémités
supérieures des muscles restent fixées aux parties antérieure et posté-
rieure du scapulum, et conservent leurs relations primitives par rapport au
membre ; mais les extrémités inférieures sont entraînées par un mou-
vement de rotation qui, leur faisant décrire un angle de 90°, transforme le
prémoteur en fléchisseur et le rétromoteur en extenseur. Cette rotation
imprime du reste aux corps des muscles long biceps et long triecps une tor-
sion dont les traces sont très-manifestes et n’ont pas échappé aux observateurs.
Au membre inférieur se passent des phénomènes de même ordre, mais en
sens inverse, attendu que le fémur se porte en avant et non en arrière, et
que le sens de la rotation des deux os de la jambe est l’inverse de celui des
deux os de l’avant-bras. Tandis en effet que dans la situation définitive
des membres, le radius décrit par rapport au cubitus un mouvement de
translation d’arrière en avant et de dehors en dedans , le mouvement de
translation réciproque des deux os de la jambe est tel au contraire que le
péroné décrit autour du tibia un mouvement de translation d’avant en
arrière et de dehors en dedans. Dans la situation primitive du membre, le
droit antérieur naissant de l’iléon antérieur en avant de la cavité cotylo'ide
était un muscle prémoteur, le long biceps naissant de l’iléon postérieur en
arrière de la cavité cotylo'ide était un muscle rétromoteur. Le fémur se por-
tant en avant et en dedans, et les deux os de la jambe chevauchant l’un
autour de l’autre, de manière à ce que le tibia se porte en avant et le péroné
en arrière, il en résulte que l’extrémité inférieure du muscle prémoteur ou
302 —
droit antérieur, qui eût été interne, glisse d’arrière en avant avec le tibia et se
porte sur la face de l’extension, tandis que l’extrémité inférieure du muscle
rétromoteur ou long biceps, qui eût été externe, se porte avec le péroné
d’avant en arrière sur la face de flexion du membre. Néanmoins ce dernier
muscle conserve encore quelque chose de sa situation primitive et reste
externe et abducteur de la jambe, ce qui a d’autant moins lieu de nous
étonner que le mouvement de révolution des deux os de la jambe n’atteint pas
l’étendue et l’importance qu’il acquiert pour les os de l'avant-bras.
Ces phénomènes se comprennent admirablement lorsqu’on se représente
que dans le mouvement qui produit la situation consécutive des membres,
l’élément dorsal de chacune des deux ceintures (scapulum, iléon) sur lequel
s’insèrent les extenseurs et les fléchisseurs superficiels restant fixe, l’os du
premier article subit un mouvement de rotation sur son axe, dont le sens
est inverse du sens dans lequel s’établit la translation des deux os du se-
cond article l’un autour de l’autre, translation qui équivaut à une rotation
si l’on considère les deux os comme n’en formant qu’un. L’humérus,
par exemple, roulant sur son axe d’avant en arrière et de dehors en de-
dans, l’avant-bras roule sur son axe en sens inverse, c’est-à-dire d’ar-
rière en avant .et de dehors en dedans. 11 y a donc là une vraie torsion
du membre dont l’interligne de l’articulation du coude est le lieu, mais qui
ne porte point sur les os eux-mêmes et n’a pas d’autre influence sur eux
que celle de changer la direction des muscles et par suite celle des saillies
osseuses. C’est, cette influence qui a produit sur l’humérus ces crêtes d’in-
sertions musculaires contournées en spirale autour de l’os qui ont donné
naissance à l’idée delà torsion de l’humérus. Il y a torsion , c’est vrai, mais
torsion dans l’interligne articulaire, et par suite torsion articulaire et mus-
culaire, dont les muscles de la région permettent de saisir des traces on
ne peut plus probantes.
Dans cette torsion articulaire dont les signes sont bien moindres au mem-
bre inférieur qu’au membre supérieur, attendu que le degré de torsion-
yest lui-même bien moins prononcé, les extenseurs et les fléchisseurs pro-
fonds étendus directement de l’os du premier article aux os du second
article ne peuvent changer de face d’insertion ni de rôle, et conservent leur
situation, mais avec des traces de torsion évidente à divers degrés. C’est ce
— 305 —
que l’on observe pour les vastes brachiaux et même fémoraux, pour le bra-
chial antérieur, le poplité et le court biceps fémoral.
Les autres groupes de muscles, les abducteurs, adducteurs, fléchisseurs
et extenseurs du premier article, présentent tous des traces des change-
ments de situation de l’humérus et du fémur et de leur rotation sur leurs axes.
Sans entrer dans de longs détails à cet égard, je ferai simplement remarquer
que le grand pectoral, le grand rond, le grand dorsal, ont acquis, outre
leur pouvoir primitif d’adduction, une action rotatrice du bras en dedans qui
tient à la cause précitée.
Je fais également observer que les adducteurs fémoraux, les fessiers, les
obturateurs, le carré crural, ont au contraire acquis une action rotatrice de
la cuisse en dehors, qu’ils doivent à la rotation du fémur en dedans lors de
la transformation du membre. De là vient qu’au membre supérieur les rota-
teurs en dedans sont de beaucoup les plus nombreux et les plus puissants,
tandis qu’au membre inférieur c’est aux rotateurs en dehors qu’appartient
la prédominance. Au membre supérieur, bien des muscles adducteurs ou
abducteurs de l’humérus ont acquis l’action rotatrice en dedans ; au mem-
bre inférieur, ces mêmes muscles ont acquis l’action rotatrice en dehors.
Ainsi se comprennent bien des faits généraux ayant trait au système
musculaire, et pour l’intelligence desquels on s’est souvent contenté d’invo-
quer des tendances générales et des explications vagues qui n’expliquent
rien.
Je clos là l’étude des homologies du système musculaire des deux cein-
tures.
Avant de tirer de cette élude, déjà longue, les conclusions quelle com-
porte, j’ai jugé utile de placer ici une comparaison des muscles naissant de
l’iléon chez les Oiseaux, chez les Grocodiliens et chez les Mammifères.
Cette partie de mon travail est le corollaire obligé de l’examen analyti-
que que j’ai fait de l’iléon de l’Oiseau. Elle est appelée à en confirmer les
résultats et à fournir un solide appui aux conceptions que j’ai à cœur
d’établir sur la nature des rapports du système osseux et du système mus-
culaire, et sur la constance de ces rapports.
39
504
COMPARAISON DES MUSCLES NAISSANT DE L’ILÉON, CHEZ LES
OISEAUX, CHEZ LES CROCODILES, ET CHEZ LES MAMMIFÈRES.
Dans la partie ostéologique de ce travail j’ai établi, sur l’examen des
formes et des connexions de éléments squelettiques :
1° Que l’iléon des Crocodiliens était composé d’un iléon postérieur très-
développé et placé en arrière de l’acétabulum, et d’un iléon antérieur rudi-
mentaire placé en avant de l’acétabulum et réduit à l’état de tubercule an-
térieur ou apophyse antérieure ( épine antérieure de l’iléon de Haughton).
2U Que l'iléon des Mammifères état au contraire composé d’un iléon
antérieur très-développé, placé en avant de l’acétabulum et constituant
l’iléon proprement dit, et d’un iléon postérieur très-rudimentaire comme
élément osseux, et représenté surtout par des tissus fibreux (partie iliaque
de la crête sus-trochantérienne et petits ligaments sacro-sciatiques).
5° Que ces deux types opposés de développement des iléons étaient
réunis et comme synthétisés dans l’iléon des Oiseaux, dont la portion anté-
rieure représentait l’iléon antérieur des Mammifères, et la portion posté-
rieure l’iléon des Reptiles et plus particulièrement des Crocodiliens.
Ces rapprochements, établis seulement sur des considérations ostéogra-
phiques, méritaient d’être examinés au point de vue de la disposition du
système musculaire. Cette étude comparative avait un double avantage. Elle
devait d’abord, en vertu des principes que j’ai soutenus dans le cours de ce
travail (principe de la subordination du système osseux au système mus-
culaire, et principe de la fixité des insertions musculaires), elle devait,
dis-je, permettre de juger de la justesse et de la vérité des conclusions
basées sur l’étude exclusive du squelette, et en second lieu, par une réac-
tion légitime dont l’édification de la vérité scientifique fournit un continuel
exemple, les principes invoqués devaient trouver une nouvelle confirma-
tion dans l’accord des résultats fournis chez les trois groupes de Vertébrés
désignés ci-dessus par l’étude isolée du système osseux d’une part et du
système musculaire de l’autre.
J’ai fait une analyse très-sérieuse des muscles qui s’insèrent sur l’iléon,
soit en tenant compte des descriptions déjà données par des anatomistes au-
torisés, soit surtout en m’appuyant sur des dissections personnelles faites
505
avec beaucoup de soin et d’attention ; et je suis arrivé à des résultats qui
me paraissent concluants, et que je soumets du reste à l’appréciation du
lecteur, en le prévenant que le besoin de préciser les homologies muscu-
laires au point de vue de la détermination des régions osseuses a nécessité la
répétition de certaines comparaisons déjà faites des muscles de ces régions.
L’iléon des Oiseaux donne insertion à un grand nombre de muscles qui,
à cause même de leur multiplicité, ont embarrassé les descriptions et sur-
tout les déterminations. L’analyse que je vais en faire dissipera, je l’espère,
les obscurités et les indécisions qui résultaient nécessairement d’une concep-
tion imparfaite de l’iléon des Oiseaux. Je vais prendre pour point de départ
les muscles de l’Oiseau, et rechercher successivement leurs homologues, soit
chez les Crocodiliens, soit chez les Mammifères.
Couturier. — Tenseur du fasgia lata. — Grand fessier. — Les faces
interne et antérieure de la cuisse sont recouvertes, chez les Oiseaux, par un
plan charnu et aponévrotique que l’on peut, avec Yicq-d’Azyr, Cuvier et
Meckel, considérer comme constitué par trois muscles qui seraient d’avant
en arrière les représentants du couturier, du tenseur du fascia lata et du
grand fessier.
Le Couturier naît, chez le Poulet, du bord antérieur de l’iléon antérieur et
de son angle inférieur et externe qui répond à l’épine iliaque antérieure et
supérieure. De là ce muscle, en forme de ruban musculaire, se porte en bas
et en dedans, croisant obliquement le bord antérieur de la cuisse, dont il
dessine le tranchant, et va se terminer en partie sur l’aponévrose du triceps
crural et sur la rotule, en partie sur la crête interne ou antérieure du tibia.
Ce muscle est considéré comme un vrai couturier par Yicq-d’Azyr, par
Cuvier, Meckel, Tiedemann, OwenL II reproduit avec beaucoup d’exactitude
la disposition du couturier des Mammifères. Ce dernier muscle naît, chez
1 M. Alix accepte cette détermination, tout en faisant remarquer combien les insertions de
ce couturier diffèrent de celles du couturier des Mammifères. Il est vrai que pour lui le coutu-
rier des Oiseaux s'insère aussi aux apophyses épineuses de la dernière ou des deux dernières
dorsales, et parfois un peu aux côtes des vertèbres prélombaires. On peut se borner à répondre
que ces insertions vertébro-costales sont secondaires, font souvent défaut, et qu’elles sont
même représentées chez les Mammifères par l’aponévrose abdominale, qui peut être considérée
comme prolongeant jusqu’aux côtes et aux vertèbres les attaches du couturier.
30G
l’Homme et les Carnivores, sur l’iléon antérieur de l’épine iliaque antérieure
et supérieure et suit un trajet oblique sur le bord antérieur de la cuisse, dont
il dessine le tranchant, surtout chez les Carnivores; il se rend, chez l’Homme,
à la crête du tibia au-dessous du ligament rotulien, et chez les Carnivores à la
l'ace interne du tibia. Chez les Ruminants et chez lesSolipèdes, ce muscle nait
du fascia iliaqueet, par son intermédiaire, de l’angle externe de l’iléon, et
s’attache sur le ligament rotulien interne, qui lui sert d’insertion tibiale. Le
couturier est donc un muscle de l’iléon antérieur bien représenté chez les
Mammifères et chez les Oiseaux. L’est-il également chez les Crocodiliens ?
Il existe, chez l’Alligator du Mississipi , un très-petit faisceau musculaire
qui naît de ce que j’ai désigné sous le nom d’épine iliaque (PI. IY, fig. 13,
sp. il.), et qui va se perdre sur l’aponévrose de la face interne de la cuisse
ou aponévrose dp muscle crural, vers le milieu de la longueur de ce segment
du membre. Ce muscle est considéré par Haughton comme un couturier et
désigné par lui sous le nom de sartorius, chez l’Alligator1.
Cette détermination n’est rien moins que certaine. Le muscle ainsi dési-
gné par Haughton chez l’Alligator existe chez le Crocodile, mais Haughton
l’y a décrit sous le nom de glutœus minimus ou petit fessier2, tandis qu’il
décrit lui-même chez le Crocodile, sous le nom de sartorius, un tout autre
muscle que celui qu’il a désigné de ce môme nom chez l’Alligator3.
Tandis que le sartorius de l’Alligator naît, d’après lui, de l’épine anté-
rieure de i’iléon, celui du Crocodile naîtrait en arrière et en dedans de l’ori-
gine du droit crural, au point de jonction de l’iléon et de l’os mursupial
(pubis). Ce dernier muscle, qui est réellement le représentant du pectineus
des Chéloniens et des Sauriens (Owen), (muscle pubien interne, Mihi)
existe du reste fort bien chez l’Alligator, où Haughton le décrit sous le nom
d e tensor vaginœ femoris. La confusion est donc impossible, et il y a lieu
de s’étonner qu’elle ait été commise par l’anatomiste anglais.
1! résulte donc de cet examen que le pectineus existe à la fois chez
l’Alligator et chez le Crocodile, ainsi que le muscle auquel Haughton a donné
1 Haughton; On lhe Muscular Anatomy of the Alligator. (Annals and. Mag 1868, pag. 283.)
- Ibid., pag. 329.
Haughton; On the Muscular Anatomy of the Leg of lhe Crocodile. ( Annals and Mag ,
18G5, pag. 330.)
507 —
le nom de sartorius chez l’Alligator, et de glulæus minimus chez le Croco-
dile. Ce muscle, qui est rudimentaire et grêle dans les deux cas, n’est réel-
lement pas un couturier et ne saurait être comparé au couturier des Mam-
mifères, avec lequel il n’a que des ressemblances très-éloignées. Son exis-
tence est corrélative du développement de l’épine iliaque des Crocodiliens.
Mais cette épine ne représente nullement l'épine iliaque antérieure des
Mammifères et des Oiseaux ; elle correspond à une portion de la crête su-
périeure de l’iléon des Oiseaux, qui est commune à l’iléon antérieur et à
l’iléon postérieur, ainsi que permettent de le reconnaître les fig. 2 et 5 delà
Planche VI. Or nous allons voir quel est le muscle auquel donne insertion
cette portion commune de la crête de l’iléon des Oiseaux.
De cette portion commune naît, chez l’Oiseau, un muscle large et mince,
qui, musculaire au niveau de ces insertions supérieures, devient bientôt
aponévrotique, forme une belle lame fibreuse nacrée, et va se perdre sur
les aponévroses du muscle crural ou triceps. Les homologies de ce muscle
avec le petit muscle de l’Alligator et du Crocodile me semblent vraiment
rigoureuses : origine d’un même point de l’iléon, insertion sur une même
aponévrose, l’aponévrose du muscle crural. Il n’y a de différence que pour
le volume, différence du reste facile à comprendre quand on la rapproche
de la différence de surface des parties de l’iléon qui servent de points de
départ aux muscles dans les deux cas. Il résulte de là que le sartorius
de l’Alligator de Haughton n’est pas le représentant du couturier des Oi-
seaux, mais bien le représentant de ce muscle fibro-charnu assez étendu,
qui est situé immédiatement en arrière du couturier, et dont il convient de
déterminer la valeur.
Ce muscle, surtout tendineux, est continu en arrière avec un plan
charnu triangulaire important (grand abducteur d’Owen), qui naît de la
portion postcotyloïdienne de la crête supérieure de l’iléon, jusqu’au voisi-
nage de l’extrémité ou tubérosité postérieure de l’iléon, en même temps que
de la crête sacrée, par l’intermédiaire de l’aponévrose des gouttières sacrées.
De là ses fibres se portent, les antérieures sur l’aponévrose du muscle fibro-
charnu que je viens de décrire, et par son intermédiaire sur le muscle cru-
ral ; les autres vont se terminer sur la crête externe du tibia, sur la tête
du péroné et sur l’aponévrose jambière externe.
- 508 —
Les deux portions de la couche musculaire que je viens de décrire, et qui
forment un plan charnu continu sur la face externe de la cuisse de l’Oiseau,
sont bien évidemment les représentants de la couche continue fibro-apoué-
vrotique qui se compose, chez les Mammifères, du tenseur du fascia lata
et du grand fessier. Les insertions sont exactement comparables, puis-
que chez les Mammifères elles ont pour siège, d’une part l’épiiléon, le
sacrum, l’aponévrose des muscles des gouttières vertébrales et les ligaments
sacro-sciatiques (iléon postérieur) dans le voisinage du sacrum, et d’autre
part l’aponévrose fémorale, et par son intermédiaire le tibia, la tète du pé-
roné, l’aponévrose jambière.
On trouve chez les Crocodiliens, en arrière du petit muscle que Haughton
a pris à tort pour un couturier, un muscle important qui s’insère sur les
deux tiers antérieurs et convexes de l’épiiléon, et qui, formant un plan
charnu assez large sur la face externe de la cuisse, va s’insérer sur l’apo-
névrose qui recouvre en avant et en dehors l’articulation du genou. Ce
muscle est évidemment le représentant de la portion musculaire et posté-
rieure du plan flbro-charnu que nous venons de décrire chez l’Oiseau.
C’est, à proprement parler, un grand fessier , d’où il résulterait que le petit
faisceau qui lui est antérieur, ou sartorius d’Haughton, est un tenseur rudi-
mentaire du fascia lata.
A ce grand fessier de l’Alligator, il faut réunir un petit muscle qui se
détache de l’épiiléon immédiatement derrière lui et qui recouvre en partie
le biceps. Ce muscle, auquel Haughton donne, je ne sais trop pourquoi, le
nom d ’agitator caudæ , forme un ruban charnu qui est contigu au bord
postérieur du grand fessier, et se termine d’une manière assez complexe.
Haughton le décrit de la façon suivante chez le Crocodile et chez l’Alligator.
Origine: delà crête iliaque, derrière l’origine du grand fessier. — Insertion :
par un double tendon , dont l’un passe sur le côté externe du genou dans
une poulie formée par le tendon du biceps au moment où il gagne son in-
sertion fibulaire et va s’insérer sur la tête du muscle plantaire', et) dont
1 Le muscle plantaire naît, d'après Haughton, du droit autérieur et de ïagitator caudæ, et,
se confondant partiellement avec le gastrocnémien externe, va s’insérer sur le calcanéum et
à la face inférieure de l'aponévrose plantaire.
C'est un péronien latéral postérieur (long péronien latéral des anthropotomistes).
309 —
l’autre se porte sur la tête et la face antérieure du tibia ; ce second tendon
sert à brider et à maintenir le tendon du droit antérieur.
Cette description n’est pas entièrement exacte, ainsi que j’ai pu m’en as-
surer dans mes dissections, et je dois la rectifier.
Le muscle dont il est question semble réellement faire partie du grand
fessier, dont il n’est séparé que par une interligne de tissu conjonctif.
Son tendon inférieur s’étale en une aponévrose qui se confond en avant avec
l’aponévrose terminale du grand fessier, pour se terminer avec lui sur la tête
et la partie supérieure du tibia. En arrière, le tendon de Xagitator caudæ
se porte sur la tête du péroné et sur l’aponévrose jambière, d’où naît en ce
point le plantaire d’Haughton, qui n’est qu’un vrai muscle péronier latéral.
11 résulte de là que le muscle agitator caudæ répond à la partie posté-
rieure du grand fessier de l’Oiseau, puisqu’elle possède les mêmes rapports
avec le grand fessier et avec le tendon du droit antérieur et les mêmes in-
sertions iliaques, tibiales, péronières et aponévroliques.
Seulement ce faisceau, qui acquiert chez les Crocodiliens une existence
distincte, est confondue, chez les Oiseaux, avec le grand fessier. C’est là du
reste un fait que nous avons retrouvé pour le tenseur du fascia lata. Ces
trois muscles, indépendants chez le Crocodile (tenseur, grand fessier et agita-
tor caudæ), sont confondus en une même lame fibro-aponévrotique chez
l’Oiseau. Nous avons vu, chez les Mammifères, Y agitator caudæ contracter
des rapports différents et se détacher du grand fessier, pour se confondre
plus intimement avec le biceps.
En arrière du grand fessier naît, chez le Poulet, de l’extrémité ou tu-
bérosité postérieure de l’iléon, un muscle fusiforme qui se termine inférieu-
rement par un long tendon et se porte vers la jambe, où il se jette, chez le
Poulet, sur la face externe du jumeau interne et se réunit au tendon de ce
dernier muscle. Parvenu au-dessous du genou, il envoie en avant un tendon
aplati qui s’applique sur la face externe du tendon plat du demi-tendineux
et demi-membraneux, se confond avec ce tendon et va s’insérer avec lui
à la face interne de l’extrémité supérieure du tibia.
Ce muscle est bien à tort considéré par Owen, Vicq-d’Azyr, Cuvier,
comme un demi-tendineux. M. Alix accepte cette détermination. Il y voit
une démonstration de ce fait que,le demi-tendineux des Oiseaux est un mus-
- 510 —
clés de l’iléon au lieu d’être un muscle de l’ischion, comme il l’est chez les
Mammifères, et il considère ce fait comme un nouvel exemple de trans-
position d’attaches.
Ce muscle n’est point un demi-tendineux, dont il n’a pas les insertions
supérieures. L’insertion tibiale n’est que partielle et lui est commune avec un
muscle qui lui est accolé, et que nous retrouverons plus tard comme vrai
demi-tendineux et demi-membraneux.
La preuve que le muscle en question n’est pas un demi-tendineux, c’est
qu'il se retrouve chez les Crocodiliens, où il est même décomposé en deux
faisceaux et plus complet. Or, ces animaux ont d’autre part un demi-ten-
dineux et un demi-membraneux distincts et d’une origine purement ischia-
tique. Le muscle en question est en réalité une dépendance du grand fessier;
un faisceau postérieur de ce muscle, naissant sur la tubérosité de l’iléon
postérieur et auquel s’ajoutent, chez les Gallinacés, des fibres musculaires
venant des apophyses transverses des vertèbres caudales, ou portion sacrée
proprement dite du grand fessier. Chez l’Alligator, de cette même tubérosité
de l’iléon postérieur naissent deux muscles appliqués l’un à l’autre, ou muscle
à deux chefs, dont l’un, externe, à forme conique, se rétrécit inférieurement
en un long tendon qui gagne la face postérieure de la jambe, où il se jette
sur le tendon du muscle gastrocnémien. Ce muscle est décrit chez le Cro-
codile et chez l’Alligator, par Haugthon, comme un demi-tendineux. Mais il
nefaut pas oublier que l’anatomiste anglais le fait naître de l’extrémité pos-
térieure de ce qui pour lui est la tubérosité de l’ischion , mais qui pour
nous est certainement l’extrémité postérieure de l’iléon ou tubérosité iliaque .
L’autre chef, ou chef interne, forme un ruban appliqué à la face interne
du premier et qui va s’insérer à la face interne de l’extrémité supérieure du
tibia par un tendon qui lui est commun avec le demi-tendineux et avec le
demi-membraneux. Ce chef interne est à tort considéré par Haughton comme
un demi-membraneux, par suite de la même erreur ostéologique qui lui
a fait prendre le chef externe pour un demi-tendineux.
On voit donc que le muscle qui naissant, chez les Oiseaux, delà tubé-
rosité postérieure de l’iléon postérieur présente deux insertions inférieures,
l’une à la tête du tibia par un tendon commun avec le demi-tendineux et le
demi-membraneux, et l’autre sur le tendon du gastrocnémien, se décompose
chez les Crocodiliens en deux chefs accolés, dont l’un, interne, se porte sur
le tibia par un tendon commun avec le demi-tendineux et le demi- membra-
neux, et dont l’autre, externe, se porte sur le tendon du gastrocnémien.
Les Crocodiliens nous ont offert dans cette même région un autre exemple
de dédoublement d’un muscle de l’Oiseau, puisque les muscles demi-tendi-
neux et demi-membraneux (ischio-tibiaux), réunis en un seul et même
muscle chez l’Oiseau, présentent chez les Crocodiliens un tendon tibial
commun sur lequel s’attachent deux chefs ischiatiques distincts.
Biceps. — Au-dessous du grand fessier naît chez l’Oiseau, sur X iléon
'postérieur, dans une grande partie de la longueur de l’épiiléon, un biceps
aplati qui forme un triangle allongé. Ce muscle se dirige vers le genou et se
termine par un tendon qui se fixe sur le bord postérieur et la face externe du
péroné, à une certaine distance du genou. Ce muscle se réfléchit sur une
anse fibreuse dont les deux extrémités sont fixées, l’une au fémur et l’autre
au fémur et au péroné, et qui dépend du muscle gastrocnémien externe, au-
quel il fournit un lieu d’attaches. 11 en résulte que le biceps, recouvert en
grande partie par le grand fessier, s’enfonce entre les deux faisceaux supé-
rieurs du jumeau externe pour aller trouver le péroné.
Le biceps des Crocodiliens présente avec celui des Oiseaux des rapports
très-remarquables. 11 naît de l’épiiléon au-dessous du grand fessier et du
prétendu agitator caudæ, et plus particulièrement au-dessous de ce dernier;
et formant un muscle plat et étroit qui se porte en bas en dehors du genou,
il se termine par un tendon aponévrotique qui s’étale en une sorte de patte
d’oie dont le tendon antérieur s’insère sur la face externe du péroné, un
peu au-dessous de la tête, dont le tendon moyen se jette sur l’aponévrose
d’origine du plantaris ou péronier latéral postérieur (long péronier latéral des
antbropotomistes), et dont le tendon postérieur, sous forme d’expansion
aponévrotique, se jette sur l’aponévrose jambière postérieure qui tapisse le
jumeau externe. Au-dessous des deux tendons antérieurs passe le tendon du
droit antérieur, qui va s’unir au péronier latéral postérieur. Ces insertions
si complexes du biceps des Crocodiliens se ramènent facilement à celles du
biceps des Oiseaux. L’insertion fîbulaire, qui est la principale, est du reste
la même , et les insertions aponévrotiques du Crocodile sont la reproduction
40
512 —
de la poulie fibreuse de l’Oiseau, sur laquelle les glissements ne se sont pas
encore produits. Ce sont, de part et d’autre, des relations plus ou moins mo-
difiées avec l'aponévrose jambière externe.
Droit antérieur. — Je n’ai pas à insister sur ce muscle, qui a été longue-
ment décrit et étudié dans le chapitre de ce travail qui a trait à la recherche
de son homologue dans la ceinture thoracique. Je ne puis pourtant me dis-
penser de faire remarquer combien ce muscle présente d’étroites ressem-
blances, chez les Oiseaux et chez lesCrocodiliens, par son insertion directe-
ment précotyloïdienne, par son faible volume, par ses rapports, et d’une ma-
nière encore plus frappante par le trajet si remarquable et si prolongé de son
tendon dans une coulisse oblique creusée au niveau du genou dans l’épaisseur
des aponévroses réunies des muscles crural, tenseur du fascia lata , fessier
et biceps. 11 y a là une similitude complète qui permet de préciser la valeur
de la partie précotyloïdienne de l’iléon du Crocodile comme rudiment de
la portion axiale de l’iléon antérieur de l’Oiseau.
Iliaque et obturateur interne. — Les Crocodiliens ayant un muscle pu-
bien supérieur (pectineus d’Owen, tensor vaginæ femoris d’Haughton)
rudimentaire, possèdent au contraire un muscle iliaque interne très-dèveloppé.
Ce muscle naît de tout le bord antérieur du rudiment de l’iléon antérieur, qui
présente une surface à la fois antérieure et un peu interne. Il constitue un
muscle charnu qui s’amincit beaucoup, pour se terminer par une extrémité
aiguë au-dessous de la tubérosité interne de l’extrémité supérieure du fémur.
Chez l’Oiseau, le muscle iliaque peut être considéré comme composé de
deux portions contiguës et pourtant distinctes, mais toujours situées en
avant de l’acétabulum. Il y a un iliaque postérieur grêle et aplati qui part
seulement de la crête externe de l’iléon axial antérieur et qui, allant sur un
point delà faceinlernedu fémur situéau-dessous du col, représente exactement
l’iliaque des Crocodiliens. Mais au-devant de ce muscle se trouve un muscle
plus important, triangulaire, qui a été considéré parVicq-d’AzyretWiedemann
comme un iliaque antérieur, tandis que Tiedemann et Owen en font un
moyen fessier, et Merrem, Cuvier et Meckel un petit fessier. Ce muscle,
naissant sur toute la partie du bord inférieur de l’iléon antérieur qui est
au-devant des insertions de l’iliaque postérieur, va s’insérer sur la face
interne du fémur suivant une ligne qui continue inférieurement les inser-
tions de l’iliaque postérieur. Les insertions de ce muscle ne rappellent ni
celles du moyen, ni celles du petit fessier des Mammifères, le premier
appartenant proprement à la fosse iliaque externe, et le second à la portion
de l’iléon qui est inférieure au détroit supérieur du petit bassin, et qui peut
être rattachée à l’iléon postérieur. Mais, par contre, il rappelle d’une manière
remarquable l’iliaque d’un très-grand nombre de Mammifères, et plus parti-
culièrement celui des Rongeurs. C’est réellement un muscle iliaque, et je
lui conserve le nom d’iliaque antérieur, que lui a donné Vicq-d’Azyr. 11 appar-
tient à la portion ailée de l’iléon antérieur, qui n’existe pas chez les Croco-
diliens ; aussi fait-il entièrement défaut chez ces derniers.
Enfin le muscle que j’ai décrit chez les Crocodiliens comme chef iliaque
postérieur de l’obturateur interne, et qui, partant de la face interne et du bord
postérieur de l’iléon postérieur, va s’insérer sur la saillie supérieure de la ligne
âpre du fémur, est représenté chez les Oiseaux par le chef iliaque de l’obtura-
teur interne qui occupe la face interne de l’iléon postérieur, mais dont le tra-
jet est modifié par la soudure de l’iléon postérieur et de l’ischion, et par le
transport en arrière de l’ischion, du pubis et du trou sous-pubien. Nous
savons en effet que ce muscle des Oiseaux vient sortir du bassin par le trou
sous-pubien, que les nouvelles relations des os placent dans le voisinage
très-immédiat de l’échancrure sciatique par où passe le muscle chez les
Crocodiliens.
Moyen fessier. — 11 y a, chez l’Oiseau, un muscle puissant, volumineux,
triangulaire, formant une masse charnue qui remplit la fosse iliaque externe
de l’iléon antérieur, dans presque toute l’étendue de laquelle il s’insère. Ce
muscle forme en bas un tendon plat qui glisse sur la face externe du grüs
trochanter et s’insère sur cette face externe suivant une diagonale oblique
de haut en bas et d’arrière en avant. Vicq-d’Azyr, Cuvier et Meckel l’ont
considéré comme un moyen fessier; Owen le regarde comme un fessier
externe ou grand fessier parce qu’il s’insère chez l’Aptéryx à un pouce
au-dessous du grand trochanter. Merrem et Tiedemann le regardent aussi
comme un grand fessier. La détermination de Vicq-d’Azyr est certainement
la vraie. Ce muscle n’a nullement les insertions iliaques du grand fessier, qui
— 514
sont épiiliaques. II présente au contraire les insertions caractéristiques du
moyen fessier des Mammifères. Ce dernier muscle, en effet, est essentielle-
ment le muscle de la fosse iliaque externe de l’iléon antérieur. 11 occupe
toujours cette fosse, et la remplit presque exclusivement, attendu que le petit
fessier n’y prend quelques insertions que par extension secondaire. Le moyen
fessier des Oiseaux est d'ailleurs, comme le moyen fessier des Mammifères,
recouvert par le couturier et le tenseur du fascia lata. En outre, les inser-
tions trochanlériennes de ce muscle sur la face externe de cette apophyse,
insertions qu’on observe généralement chez les Mammifères, sont fidèlement
reproduites chez les Oiseaux, et on est en droit de considérer l’appréciation
d’Owen comme erronée, pour s’être appuyée sur le cas exceptionnel de
l’Aptéryx.
Le muscle en question, qui appartient essentiellement à l’aile de l’iléon
antérieur on iléon des Mammifères, est donc un moyen fessier.
Ce muscle fait entièrement défaut chez les Crocodiliens, et on n’en trouve
aucune trace, car il sera facile de démontrer que le muscle désigné par
Haughlon chez les animaux sous le nom de moyen fessier correspond h un
tout autre muscle de l’Oiseau et mérite une autre dénomination.
Petit fessier. — On trouve chez l’Oiseau, au-dessous du biceps, un mus-
cle que Vicq-d’Azyr a comparé au carré crural des Mammifères et auquel
Cuvier a attribué la même valeur. Meckel y a vu à la fois un obturateur
externe et un carré crural.
Cette masse musculaire mince et large occupe la fosse formée par l’iléon
postérieur et l’ischion, en arrière de l’acétabulum. Elle mérite d’être étudiée
de près et soigneusement analysée, pour qu’on puisse en comprendre toute
la valeur.
On peut y reconnaître deux couches superposées, qui se distinguent par
la direction de leurs fibres, et qui, quoique étroitement appliquées l’une
sur l’autre, sont pourtant séparées par une couche de tissu conjonctif dans
leurs portions postérieures.
La couche superficielle, très-mince, est disposée en éventail, de telle sorte
que les fibres antérieures sont verticales et les postérieures de plus en plus
obliques en haut et en arrière. Toutes ces fibres ont une origine iliaque et
prennent naissance sur la partie de l’iléon postérieur qui n’est occupée ni
par le grand fessier ni par le biceps, depuis la saillie qui surmonte la sur-
face antitrochantérienne jusqu’au voisinage de la tubérosité iliaque posté-
rieure. De ces insertions, les fibres convergent vers un tendon plat qui se
fixe sur la face externe du fémur suivant une ligne comprenant le bord in-
férieur et postérieur du grand trochanter et le quart supérieur de la ligne
âpre.
Cette couche superficielle peut elle-même être divisée en deux parties très-
inégales qui sont séparées l’une de l’autre par le passage des vaisseaux et
nerfs sciatiques. La partie antérieure, très-petite, naît surtout de la saillie
antitrochantérienne et de la portion de l’iléon antérieur qui est au-dessus et
en avant du trou sciatique. Vicq-d’Azyr, Cuvier et Tiedemann lui ont donné
à tort le nom de muscle pyramidal, ce qui n’est point heureux, puisque
l’origine du pyramidal des Mammifères a lieu sur le sacrum et non sur l’iléon.
Meckel la regarde comme un jumeau supérieur, ce qu’on ne saurait admettre
davantage, puisque le jumeau supérieur est un muscle naissant de l’ischion.
L’autre portion, plus considérable et plus étendue, s’insère sur la partie
postérieure de l’iléon postérieur. Owen a décrit ces deux portions du muscle
chez l’Aptéryx, la première sous le nom d ’adductor brevis femoris , la seconde
sous le nom d ’adductor longus , et en faisant observer qu’elles ne sont sépa-
rées que par les vaisseaux et nerfs sciatiques, et qu’elles s’insèrent sur le
fémur par un tendon commun.
Cette couche superficielle, considérée dans son ensemble, est réellement
l’homologue du petit fessier ou fessier profond des Mammifères, que nous
avons vu appartenir à l’iléon postérieur, border l’échancrure ischiatique,
et n’atteindre que par extension l’iléon antérieur. Comme tel, ce muscle
représente le chef iliaque de l’obturateur externe, ainsi que nous l’avons vu
à propos de l’étude de ce muscle dans la série. Pour préciser ses homolo-
gies, nous lui distinguerons une portion présciatique et une portion postscia-
tique.
Au-dessous de la couche superficielle se trouve une couche musculaire
appliquée sur la face externe de l’ischion qui lui sert de lieu d’attaches, et
dont la direction est à peu près horizontale. Ce muscle se confond bientôt
avec le précédent pour s’insérer sur le bord postérieur du grand trochanter.
— 516 —
Owen lui donne à tort le nom de pyramidalis, qui ne lui convient point,
à cause de son origine ischialique et nullement sacrée.
Il ne mérite pas non plus la dénomination de carré, que lui ont donnée
Vicq-d’Azyr et Cuvier ; ce n’est point qu’il diffère du muscle de ce nom,
comme l’avance M. Alix, parce qu’il est complètement isolé de l’obturateur
externe' et par son mode d’insertion fémorale. Ce muscle est au contraire
lui-même le chef ischialique de l’obturateur externe, dont il possède les
insertions sur la face externe de la portion élargie de l’ischion, tandis que le
carré des Mammifères, qui n’est autre chose qu’un faisceau supérieur du
grand adducteur ou adducteur ischialique, a des insertions limitées sur la
tubérosité de l’ischion, et ne tapisse point largement la face externe de
l’ischion, qui est réservée à l’obturateur. Quant à son mode d’insertion
fémorale, elle diffère assez pieu de celle du carré des Mammifères pour quelle
ne dût en rien s’opposer à son assimilation à ce muscle, si cette assimilation
était d’autre part justifiée.
Il résulte de l’analyse qui précède que la masse musculaire profonde post-
cotyloidienne comprend superficiellement un muscle petit fessier ou fessier
profond appartenant à l’iléon postérieur et formant le chef iliaque de l’obtu-
rateur externe, et profondément un muscle ischio-trochantérien qui est
le chef ischialique de ce même obturateur.
Trouverons-nous les homologues de ces muscles chez les Crocodiliens ?
11 existe, chez le Crocodile, un muscle assez volumineux qui prend nais-
sance sur la partie centrale de la face externe de l’iléon postérieur au-dessus
et en arrière de l’acétabulum, au-dessous du biceps et du grand fessier, et
dont les fibres convergent en bas et avant sur un tendon qui passe sur la
tubérosité externe du fémur pour aller s’insérer sur cette tubérosité, et sur une
ligne qui occupe la moitié supérieure environ du bord externe du fémur
entre les deux chefs supérieurs du vaste externe.
Ce muscle, qui appartient exclusivement à l’iléon postérieur ou iléon cro-
codilien, ne saurait être méconnu comme l’homologue du fessier profond ou
petit fessier de l’iléon postérieur de l’Oiseau. Il ne diffère de ce dernier
1 Nous avons vu que M. Alix donne à l'obturaleur interne de l'Oiseau le nom d'obturateur
externe.
— 517
muscle que par ses relations avec les nerfs et vaisseaux sciatiques. Tandis
que chez l’Oiseau ces nerfs traversent le muscle et le divisent en deux
portions, l’une présciatique et l’autre postscialique, ici les mêmes nerfs
sortent en arrière du muscle, de telle sorte que ce dernier est réduit à sa
portion présciatique, tandis que la portion postsciatique fait défaut. Cette
disposition, qui est en rapport avec le moindre allongement en arrière de
l’iléon postérieur chez le Crocodile, est compensée par un développement re-
lativement considérable de la portion présciatique du muscle. Ce dévelop-
pement est en rapport de son côté avec l’agrandissement, chez le Crocodile,
de la largeur et de la surface de l’iléon postérieur.
Le muscle que nous étudions et que Haughton décrit comme moyen
fessier est donc en réalité un profond ou petit fessier homologue de la por-
tion présciatique du petit fessier des Oiseaux, et appartient comme elle
à l’iléon postérieur. Mais il y a encore cette différence entre ce muscle et
celui des Oiseaux que, tandis que chez ces derniers le petit fessier ou
chef iliaque de l’obturateur externe s’applique et se soude sur le chef ischia-
tique de ce même obturateur, ces deux chefs restent parfaitement indépen-
dants chez les Crocodiliens, où les portions élargies, ailées de l’iléon et de
l’ischion, loin de se souder comme chez les Oiseaux, restent au contraire fort
éloignées et séparées l’une de l’autre par un angle très-ouvert. Le chef ischia-
tique de l’obturateur externe tapisse et occupe la face externe de l’ischion,
chez les Crocodiliens comme chez les Oiseaux; mais il reste indépendant et
éloigné du chef iliaque ou petit fessier, pour ne s’en rapprocher que par
les insertions fémorales, qui même sont voisines mais non confondues.
La discussion à laquelle je viens de me livrer sur la valeur et l’homologie
des muscles de l’iléon chez l’Oiseau, chez les Mammifères et chez les Croco-
diles,m’a conduit à des résultats d’un vif intérêt i» plusieurs égards.
La vérité et la justesse des vues que j’ai émises plus haut sur les relations
qui existent entre l’iléon osseux de ces trois groupes d’animaux, ont trouvé
dans les éludes myologiques une éclatante confirmation, dont je désire
faire ressortir la portée en résumant les résultats obtenus.
Nous avons vu en effet que: 1° l’iléon postérieur de l’Oiseau possède
exactement tous les muscles de l’iléon postérieur du Crocodile ou iléon
— 318 —
reptilien proprement dit, avec des rapports identiques et les mêmes
insertions iliaques fémorales et jambières. C’est ainsique nous trouvons dans
l’un et l’autre cas : un grand fessier décomposé en deux portions, un biceps
et un petit fessier ou fessier profond qui forment trois couches superposées.
Nous trouvons également à la face interne un chef iliaque postérieur de
l’obturateur interne.
2° L’iléon antérieur de l’Oiseau ou iléon du Mammifère porte sur sa
portion axiale immédiatement précotyloïdienne un muscle droit antérieur
et un iliaque postérieur qui sont également représentés, chez le Crocodile,
avec des ressemblances très-remarquables dans leur disposition, leur trajet
et leurs rapports ; ces muscles existent également chez les Mammifères. 11
ressort de cette disposition commune que l’apophyse préacétabulaire de
l’iléon du Crocodile est le représentant rudimentaire de l’iléon antérieur de
de l’Oiseau et du Mammifère.
3° L’iléon antérieur de l’Oiseau possède sur sa portion ailée trois mus-
cles puissants : le couturier, l’iliaque antérieur et le moyen fessier, qui font
défaut chez le Crocodile, mais qui existent chez le Mammifère.
4° La portion de la crête iliaque qui est commune à l’iléon antérieur et à
l’iléon postérieur de l’Oiseau, et la crête de l’iléon antérieur, donnent nais-
sance à un muscle tenseur du fascia lata et à son aponévrose, qui ont une
grande extension. Chez le Crocodile, il n’y a qu’un tenseur du fascia lata
atrophié, qui naît de l’épine antérieure de l’iléon du Crocodile ; or cette
dernière partie n’est évidemment qu’un rudiment de la portion commune
de la crête des deux iléons de l’Oiseau.
On voit donc que, tant au point de vue myologique qu’au point de vue
ostéologique, l’iléon de l’Oiseau est la synthèse de l’iléon du Mammifère et
de l’iléon du Crocodile; que les portions osseuses développées dans les trois
cas donnent toujours naissance aux mêmes muscles; et que là où le muscle
fait défaut ou est rudimentaire, la portion osseuse fait également défaut ou
est peu développée. 11 y a donc corrélation étroite entre le système osseux
et le système musculaire.
Le lecteur a pu juger de la confusion qui règne dans les déterminations
des muscles de la région iliaque chez les Oiseaux et chez les Crocodiliens.
519
Cetle confusion tient à une cause que j’ai déjà signalée : à l’admission du
principe des transpositions d’attaches des muscles. Il suffit de lire les auteurs
pour voir le peu de précision qui régne à cet égard ; ce qui ne saurait éton-
ner, car, dès qu’on abandonne le principe de la fixité des insertions, on
est livré, pour la détermination des muscles, aux indications essentiellement
trompeuses de la similitude des formes et des ressemblances indécises et
variables dans les rapports. On peut dire sans exagération que la déter-
mination des muscles du bassin chez les Oiseaux est réellement abandonnée
au caprice de chaque anatomiste, et la cause de ce chaos est bien celle que
je signale. « La détermination des autres muscles qui vont du tronc et du
» bassin à la cuisse, dit M. Alix, offre encore plus de difficulté que celle des
» muscles que nous venons de décrire, et cette difficulté est d’autant plus
» grande qu’il y a des transpositions d’attache. »
J’espère, par l’analyse rigoureuse que je viens de faire des muscles de
l’iléon dans trois groupes de Vertébrés, avoir démontré pratiquement qu’en
s’appuyant sur le principe de la fixité des insertions il est possible d’arri-
ver, dans la détermination des homologies, à une précision vraiment scienti-
fique qui laisse à l’esprit la satisfaction de résultats positifs et appuyés sur une
base solide.
La conception que j’ai donnée du bassin des Oiseaux, comme étant une
synthèse du bassin des Mammifères et du bassin reptilien, et plus spécia-
lement crocodilien, trouve dans l’étude des muscles une heureuse confirma-
tion. Mais elle jette sur la valeur et la signification des muscles de l’iléon
de l’Oiseau une lumière éclatante, en donnant la clef de leur nombre et de leur
situation, qui embarrassent fort quand on est privé de ce fil conducteur.
Le bassin de l’Oiseau possède à la fois les muscles de l’iléon des Mammifères
et les muscles de l’iléon des Crocodiliens, ce qui s’explique aisément
quand on connaît la nature complexe de leur double iléon.
Voici un tableau qui résume l’état des muscles de l’iléon dans ies trois
groupes de Vertébrés que je viens d’étudier.
41
520 —
Tableau comparatif des .Muscles de l'Iléon chez le Mammifère, / Oiseau
et le Crocodile.
MAMMIFÈRE.
OISEAU.
CROCODILE.
I. Iléon antérieur.
A Iléon axial précotyloïdien.
Droit antérieur
1
1
1
Iliaque
2
2
1
B Aile de l’iléon.
Fessier moyen
1
1
0
C Epiiléon antérieur.
Couturier
1
1
0
Tenseur du fascia lata
1
1
1
II. Iléon postérieur.
D Epiiléon (portion commune aux
deux iléons.)
Grand fessier
1
1
(rudimentaire.)
1
E Epiiléon postérieur.
Biceps
1
1
1
F Fosse iliaque postérieure.
Petit fessier (chef iliaque de l’ob-
turateur externe)
1
1
1
G Chef iliaque de l’obturateur interne
1
1
1
Tableau comparatif des homologies des muscles des deux ceintures
CHEZ l’homme ET CHEZ LES MAMMIFÈRES SUPÉRIEURS.
Première catégorie. — Muscles rattachant les deux ceintures au tronc.
Ceinture pelvienne.
Grand oblique de l’abdomen
Petit oblique
Transverse
Grand droit antér. et pyramidal....
Carré des lombes
0. Aponévrose superficielle de la masse
commune
0. Aponévrose superficielle de la masse
commune
0. Ligaments iléo-lombaires supérieurs
et inférieurs
0. Ligaments interosseux de l'articula-i
tion sacro-iliaque (
Portion aponévrotique et , pubienne
du releveur de l’anus et ischio-
coccygien
Portion ischiatique du releveur de
l’anus
Ceinture thoracique.
Muscles intercostaux externes.
— intercostaux internes.
Triangulaire du sternum.
0. Aponévrose présternale. ( Muscle
supracoslalis de Wood, sternocostal.)
Intertransversaires cervicaux et sca-
lènes.
Trapèze.
Rhomboïde.
Angulaire de l'omoplate.
Omo-hyoïdien.
Grand dentelé.
Petit pectoral.
0. Aponévrose sous-deltoïdienne (part.)
Deuxième catégorie. — Muscles rattachant le premier article du membre , soit au
tronc , soit à la ceinture, soit aux deux à la fois.
Pyramidal
Grand psoas
Petit psoas
Iliaque . . . .
Grand pectoral.
/ Trapèze claviculaire.
Deltoïde claviculaire.
Cleïdo-mastoïdien.
(Mastoïdo-huméral des Mammifères
' non claviculés).
0. Aponévrose cervicale superficielle
(partim).
Sous-scapulaire ( portion comprise
dans la fosse duscapulum antérieur.)
322 —
Obturateur interne.
Chef ischiatique. .
— pubien
— iliaque
Obturateur externe.
/ Chef ischiatique. .
\ — pubien
j — iliaque (Petit
ï fessier)
Moyen fessier
^ Grand fessier
I Tenseur du fascia lata
I). Aponévrose superficielle du moyen
fessier
0
Pectine
Deuxième adducteur superficiel
Petit adducteur profond. ....
Grand adducteur
Carré crural.
0.
0.
Sous-scapulaire (portion du scapu-
lum postérieur).
0.
0.
Petit rond.
Sus-épineux.
Sous-épineux.
Grand dorsal.
Grand rond.
Deltoïde (partirn).
Deltoïde (portion sous-épineuse).
Deltoïde (portion spinale).
Précoraco-brachial.
0.
Troisième catégorie. Muscles rattachant le second article du membre à la ceinture.
Grêle interne Court biceps brachial.
Long biceps fémoral Long triceps brachial.
Droit antérieur crural \
Couturier / r . . . , . ,
^ > Long biceps brachial.
Demi-tendmeux \
Demi-membraneux
Quatrième catégorie. — Muscles rattachant le second article du membre au
premier article.
Vaste interne crural Vaste externe brachial.
— externe — — interne —
Court biceps crural Brachial antérieur.
Poplité 0. Chez l'homme ; portion radiale du
brachial antérieur des Mammifè-
res, etc.
- 523 —
CONCLUSIONS DE L’ÉTUDE DU SYSTÈME MUSCULAIRE DES
DEUX CEINTURES.
Je viens de consacrer de longues pages à une discussion sérieuse des
muscles des deux ceintures. Cette étude, qui pourra sembler trop étendue
au gré de quelques-uns, ne le sera pourtant pas si elle a pu, comme je l’es-
père, nous conduire à des résultats de quelque valeur. Le système muscu-
laire est certainement, à cause de la multiplicité de ses parties, à cause de
Leurs variations de forme, de leurs connexions réciproques, un des systèmes
dont l’étude prête le plus aux confusions et exige le plus un examen at-
tentif et circonspect. On a beaucoup trop souvent pris les muscles pour
des appareils essentiellement plastiques, malléables, prêts à se porter in-
différemment d’un os à l’autre. Or, il se trouve que ce prétendu protée est
un appareil à insertions définies et extrêmement fidèle dans ses connexions
avec le système osseux. 11 en résulte que l’étude des muscles, qui était le plus
souvent privée d’un fondement solide, trouve dans la détermination des inser-
tions musculaires une base précise qui est de nature à transformer l'étude des
homologies et à supprimer les rapprochements bizarres et les comparaisons
singulières et parfois ridicules.
L’étude présente aura peut-être contribué à établir ce résultat, qui me
parait digne d’intérêt. Il me semble en effet que, des considérations et des faits
nombreux qu’elle renferme, il résulte que c’est le muscle qui provoque la
formation de l’os; que par conséquent le muscle détermine l’os, et récipro-
quement que l’os, c’est-à-dire l’insertion du muscle sur l’os, détermine le
muscle. La conséquence de ces propositions, c’est que deux muscles ne
sauraient être considérés comme homologues ou comme homotypes que s’ils
s’insèrent sur des os homologues ou homotypes. L 'insertion musculaire sur
l’os est donc le critérium par excellence de la valeur et de la signification
des muscles, et c’est sur cette base fixe et solide qu’il faut asseoir l’étude
de l’anatomie comparée du système musculaire.
Mais si l’os détermine le muscle, le muscle, avons-nous dit aussi, déter-
mine l’os ; et ceci nous conduit à l’examen d’une question que j’ai posée dès
le début de ce travail, question à laquelle j’ai donné une solution puisée
dans l’étude seule des os, et pour laquelle j’ai annoncé une confirmation
— 524 —
résultant de l’examen des muscles. Quels sont, me suis-je demandé, les
éléments osseux homotypes dans les deux ceintures chez les Mammifères?
Quels sont les éléments qui subsistent? Quels sont ceux qui font défaut ou
sont atrophiés et condensés? C’est ce que l’examen comparatif des muscles
peut clairement nous indiquer.
Si nous cherchons à l’épaule les représentants des muscles ischialiques,
nous verrons que les adducteurs ischialiques (grand adducteur et carré) font
défaut, que les chefs ischialiques des obturateurs font également défaut, que
les demi-tendineux et demi-membraneux sont absents ou confondus dans le
long biceps brachial avec le droit antérieur et le couturier; si, en outre, nous
cherchons à l’épaule les représentants des muscles pubiens, nous voyons que
les adducteurs pubiens sont représentés par le coraco-brachial , que le grêle
interne est représenté par la courte portion ou portion coracoidienne du
biceps, que les chefs pubiens des obturateurs font défaut.
De ces données, plusieurs conséquences peuvent être légitimement tirées.
1° A l’épaule des Mammifères, le représentant de l’ischion, c’est-à-dire le
coracoïde, doit être atrophié et réduit à un tubercule placé au-devant de la
cavité glènoide, tubercule sur lequel ne s’insèrent que les muscles les plus
voisins de la base de l’ischion et les plus voisins de la cavité cotyloïde (demi-
tendineux et demi-membraneux), muscles réduits, atrophiés et confondus
avec le droit antérieur et le couturier pour former le biceps brachial, comme
le tubercule ischiatique (coracoïdien) se confond avec l’insertion iliaque
(scapulaire) de ce même droit antérieur (long biceps brachial). L'ischion est
donc représenté par le point osseux supérieur de la cavité glénoïde, qui est
conséquemment le vrai coracoïde.
2° L’apophyse dite coracoïde de l’arc thoracique est le représentant du
pubis et non de l’ischion, et est donc un précoracoïde.
3° L’étude des muscles peut démontrer également que l’iléon manque
d’une véritable épine comparable à l’épine de l’omoplate, puisque le deltoïde
scapulaire n’est représenté que par un tenseur du fascia lata qui n’est que la
portion du deltoïde naissant de la base de l’épine de l’omoplate ou éminence
scapulaire au niveau du bord spinal de cet os.
4° L’étude des muscles permet encore d’établir qu’à la ceinture pelvienne
la clavicule fait entièrement défaut et qu’elle n’est pas représentée par le
— 325 —
ligament de Poupart (ainsi que le pense Huxley), puisque le psoas représente
le mastoïdo-huméral, muscle des Mammifères non claviculés.
Il serait facile de multiplier de telles applications des principes que nous
avons posés, et des études consciencieuses qui leur ont servi de base ; mais
ces applications ont trouvé leur place dans le cours de ce travail, et je crois
ne pas devoir les reproduire ici. Je mets fin aux considérations ayant trait au
système musculaire. Il me reste, pour terminer celte longue élude, à discuter
une question pleine d’intérêt, c’est-à-dire la théorie de la torsion de l'humé-
rus et la détermination de la valeur des trochanters. J’ai déjà, en passant,
touché à ces questions1, mais elles sont d’un si haut intérêt qn’il convient de
les examiner très-sérieusement.
TROISIÈME PARTIE
COMPARAISON DU MEMBRE ANTÉRIEUR ET DU MEMBRE
POSTÉRIEUR.
Quand j’ai entrepris l'élude comparée des deux ceintures, je comptais ne
pas dépasser le cadre que les deux premières parties de ce travail ont été ap-
pelées à remplir. Mais, ainsi que le lecteur a pu s’en .apercevoir, l’élude des
muscles m’a nécessairement conduit à empiéter sur les deux premiers arti-
cles des membres, attendu que les muscles qui ont pourpoint de départ les
ceintures s’étendent pour la plupart au premier article, quelques-uns, moins
nombreux au deuxième article, et quelques-uns même, mais assez rares, au
troisième article, c’est-à-dire à la main et surtout au pied, comme nous l’avons
vu en particulier chez les Sauriens, les Crocodiliens et les Oiseaux. J’ai donc
été amené à m’occuper des premiers et des deuxièmes articles des membres,
et à toucher aux théories qui ont été mises en avant pour établir entre eux
des comparaisons plus ou moins satisfaisantes.
Les difficultés, en effet, ne font pas défaut quand on veut mettre la main
à l’œuvre et arriver à une assimilation exacte et rigoureuse de deux mem-
bres qui ont subi des modifications si contraires, si opposées, qu’on a quel-
que peine à les rapprocher l’un de l’autre, quoiqu’on ait l’impression très-
profonde de leurs homologies et de leurs ressemblances fondamentales.
L’examen critique des conceptions et des théories émises à ce sujet suffirait
à démontrer que la question n’est pas sans difficultés et sans périls.
Je n’ai pas l’intention de donner ici un historique complet de la question ;
ce serait du reste revenir sur ce qui a été déjà si bien fait par le professeur
Martins dans sa Nouvelle comparaison des membres pelviens et thoraci-
ques'. Renvoyant le lecteur à ce remarquable travail, je me bornerai à
1 Ch. Martins ; Nouvelle comparaison des membres pelviens et thoraciques chez l’Homme et
chez les Mammifères , dêdnitede la torsion de l’humérus ( Mémoires de l'Académie des Sciences
et Lettres de Montpellier, tom. III, 1857).
— 327
rappeler seulement les comparaisons les plus frappantes et les plus dignes
d’attention.
Yicq-d’Azyr, à qui revient l’honneur d’avoir abordé sérieusement cette
question, prit le squelette d’un bras d’homme et le plaça dans une situation
analogue à celle d’un membre inférieur du même côté, c’est-à-dire l’olé-
crâne et la saillie du coude en avant, et les deux os de l’avant-bras en su-
pination, la paume de la main reposant sur le sol. 11 vit que dans celte si-
tuation les axes du col de l’humérus et du col du fémur n’étaient pas pa-
rallèles, celui du fémur se dirigeant en dedans et celui de l’humérus en
dehors. Cette observation le conduisit à comparer le membre supérieur
d’un côté au membre inférieur du côté opposé. Par cet artifice, les cols de
l’humérus et du fémur étaient ramenés au parallélisme, et le radius en
supination, étant externe, devenait l’homologue du péroné, tandis que le cu-
bitus représentait le tibia. Ce dernier résultat, adopté pour l’Homme et les
Singes, ne lui parut pourtant pas applicable aux quadrupèdes à canons, chez
lesquels l’évidence lui démontra que le cubitus, os styloïde, répondait au pé-
roné; «que l’avant-bras et la jambe étaient formés par deux' os très-
» considérables, qui sont le radius et le tibia, et par deux os styloïdes dont
»l’un a une grosse apophyse (l’olécràne) que l’on ne remarque pas dans
»l’autre, et qui paraît avoir été transportée au-devant pour former la ro-
»tule. »
Je n’ai pas besoin d’insister sur ce qu’a d’inacceptable la théorie de
Vicq-d’Azyr. j’ai suffisamment établi dans la première partie de ce travail
que les homologies devaient être recherchées entre parties appartenant au
même côté du corps. J’ai même été plus loin, et (il n’est pas inutile de le
rappeler à propos de la question actuelle) j'ai démontré que les homolo-
gies devaient être recherchées entre les parties suivant un ordre de succes-
sion unique, régulier et continu, allant de l’extrémité antérieure à l’extré-
mité postérieure de la colonne vertébrale, et non suivant des relations in-
verses et symétriques par rapport à un prétendu plan de symétrie perpen-
diculaire à l’axe de la colonne, ou par rapport à une symétrie quelconque
portant sur les diverses zones du corps. 11 y a succession et non symétrie.
Quant au parallèle que fait Yicq-d’Azyr des os du bras et de la jambe, il
42
— 528 -
renferme une distinction inadmissible entre les Mammifères et l’Homme.
Ces deux articles des membres sont construits sur le même type dans la sé-
rie des Vertébrés. Remarquons en outre que Vicq-d’Azyr, après Winslow,
accepte cette opinion que la rotule n’est qu’un olécrane détaché et trans-
porté au tibia. Nous aurons à revenir sur ces diverses questions.
L’assimilation entre deux membres appartenant à des côtés opposés du
corps présentait une difficulté particulière. Du transport du bras droit à côté
du membre inférieur gauche, la saillie du coude étant en avant, il résultait
en effet que le pouce était externe et correspondait au petit orteil. Le gros
orteil représentait le petit doigt. A cette difficulté un peu embarrassante,
il a été répondu par deux hypothèses : 1° l’hypothèse du croisement, due
à Bourgery, nettement formulée par Cruveilhier, et d’après laquelle aucun
os de la jambe ne représente à lui seul un os de l’avant-bras, et chacun des
os de la jambe. a des caractères qui appartiennent, les uns au cubitus, les au-
tres au radius. Le radius, par exemple, est un péroné par sa partie supé-
rieure et un tibia par sa partie inférieure ; le cubitus est au contraire un tibia
par la partie supérieure et un péroné inférieurement. 11 n’y a rien d’embar-
rassant dans ce cas à ce que, lorsqu’on place parallèlement les deux membres
appartenant à des côtés opposés, le pouce soit externe, tandis que le gros
orteil est interne. L’un et l’autre de ces doigts suivent fidèlement l’extrémité
osseuse qui leur correspond, c’est-à-dire, pour la main, l’extrémité inférieure
du radius, qui représente en réalité l’extrémité inférieure du tibia. Les doigts
conservent aux deux membres des connexions exactement semblables avec
les extrémités inférieures des os de la jambe et avec les extrémités inférieu-
res correspondantes des os de l’avant-bras.
2° La seconde hypothèse est celle de M. Folz\ Je ne la cite qu’à cause de
son caractère bizarre, car elle a à peine besoin d’être discutée. Pour le
Professeur de Lyon, le pouce correspond à la coalescence des quatrième et
cinquième orteils, et le gros orteil est formé par la fusion des quatrième et
cinquième doigts. 11 n’y a alors rien d’étonnant à ce que le pouce soit externe,
comme les quatrième et cinquième orteils, et ainsi de suite.
Lesanalomistes qui ont suivi Vicq-d’Azyr dans sa comparaison croisée plus
1 Folz; loc. cil.
— 529 —
ou moins modifiée sont extrêmement nombreux. Je n’ai pas l’intention d’en
dresser ici la liste. Je considère ce genre de comparaison comme absolument
jugé et condamné, et l’on ne doit pas perdre un temps précieux à le combat-
tre. Mieux vaut s’arrêter sur les comparaisons portant sur les deux membres
d’un même côté. Celles-ci ont un point de départ rationnel et vrai qui leur
donne plus de valeur et qui autorise à leur consacrer une étude et une dis-
cussion plus prolongées.
En 1858, Flourens publia un parallèle des deux membres du même côté,
l’avant-bras étant en pronation. 11 s’attacha à établir les concordances et les
discordances. Les concordances résident dans la direction semblable des
deux cols vers la colonne vertébrale, et dans la situation identique de la
main et du pied, le pouce et le gros orteil étant internes. Les discordances
portent : 1° sur les directions opposées de la flexion des articulations du
coude et du genou, la trocblée humérale étant tournée en avant et les con-
dyles fémoraux en arrière; et 2° sur le croisement en X des deux os de l’avant-
bras, tandis que les os de la jambe restent parallèles.
Les données renfermées dans la comparaison de Flourens sont parfaite-
ment exactes, mais elles ne sont pas une solution de la question qu’il s’agit
de résoudre. Flourens expose ce qui est ; il constate les faits, les ressemblan-
ces et les différences, mais il ne les explique pas. Le problème reste tout
entier, et il faut encore après lui chercher à comprendre comment deux mem-
bres qui appartiennent si bien au même type morphologique présentent des
différences si prononcées, et particulièrement une opposition complète dans
le sens de la flexion et une inversion complète des faces de l’humérus et du
fémur, que les origines musculaires démontrent être réellement homologues
(ligne âpre et face convexe de l’un et de l’autre os).
Il ne suffit pas, en effet, de dire avec M. Lavocat’, qui s’associe du reste
aux vues de Flourens, que « pour que la progression puisse régulièrement
» s’accomplir chez un quadrupède, il faut que le bras se fléchisse en arrière
» et l’avant-bras en avant, tandis que la flexion de la cuisse a lieu en avant
» et celle de la jambe en arrière», et que « cette opposition combinée des
1 Lavocat ; Discussion sur le parallèle des membres thoraciques et pelviens . Toulouse, 1867.
330 —
» a clés locomoteurs est produite par V inversion méthodique des muscles
» spéciaux qui se correspondent d’un membre à l’autre», ce qui produit
« une répétition en matière inverse qui n’exclut pas l’analogie», et que si
les surfaces articulaires inférieures de l’humérus et du fémur sont disposées
en sens contraire, «il y a là une simple modification ayant pour but
» de permettre l’exécution en sens contraire des mouvements de la jambe sur
» la cuisse et de l’avant-bras sur le bras». «Nous avons vu, ajoute l’auteur,
» que dans ce parallèle il ne fallait pas tenir compte de la configuration
» modifiée des surfaces articulaires inférieures (de l’humérus et du fé-
» mur).... Ce ne sont que des apparences qui ont contribué à fausser les
» appréciations et ont amené des explications controuvées.»
Ajoutons queM. Lavocat s’élève contre les comparaisons des deux mem-
bres qui portent exclusivement, ou tout au moins d’une manière prédomi-
nante, sur le squelette humain. Pour lui, la situation de l’avant-bras humain
en supination, le radius n’étant en rapport qu’avec la partie externe ou con-
dylienne du plan articulaire de l’humérus, tandis que le cubitus s’articule
avec tout le reste de celte surface, n’est qu’un fait particulier établi chez
l’Homme et les Singes etc., dans le but spécial de la mobilité du radius
et delà main. La construction de l’avant-bras des Quadrupèdes au con-
traire, chez lesquels le radius sert d’appui à toutes les surfaces humérales, tan-
dis que le cubitus, relégué en arrière, est un simple complément de l’arti-
culation, la construction, dis-je, de l’avant-bras des Quadrupèdes reproduit
exactement pour M. Lavocat, entre le radius et l’humérus, les connexions
du tibia avec le fémur. Elle doit, dit l’auteur, être considérée « comme type
» général et comme preuve évidente de la répétition du radius par le tibia
»et du cubitus par le péroné ».
La réfutation des nombreuses conceptions erronées, et des points de vue
par trop restreints et circonscrits que renferme la théorie que j’analyse ici,
ressortira clairement des considérations d’anatomie comparée qui précèdent
et qui suivent, et auxquelles j’ai donné une base autrement large que
l'examen isolé des Mammifères dits quadrupèdes. Je ne m’arrête donc pas
à combattre tout ce qu’il y a d’imaginaire, d’arbitraire, et de peu juste
dans les conceptions que je viens d’analyser. La suite de ce travail s’en
chargera suffisamment, et les idées, ingénieuses sans doute, que je viens
d’exposer, s’évanouiront devant des faits plus nombreux et mieux inter-
prétés.
La publication de M. Lavocat, parue en 1867. était destinée à combat-
tre unethéoriedu parallèle des membres qui a eu et a encore un grand reten-
tissement, et sur laquelle je crois devoir longuement insister, tant à cause de
la valeur de son auteur que du crédit général dont elle jouit parmi les ana-
tomistes les mieux qualifiés ; je veux parler de la théorie de la Torsion de
l’Humérus, du professeur Ch. Martins*.
Théorie de la torsion df l’humérus. — Je vais d’abord exposer avec
quelques détails la théorie de Martins, et les perfectionnements qu’elle doit
à Gegenbaur et à Broca. La discussion et la critique viendront après.
Voici comment Martins formule sa théorie : «L’humérus de l’Homme, dit-
» il, est un os tordu, sur son axe, de 180°. Le fémur est un os droit sans
»torsion. — L’humérus est l’homologue du fémur, mais il en diffère en
« ce qu’il est tordu, sur son axe, de 180° environ, tandis que le fémur est
»un os cylindrique dont les génératrices sont parallèles entre elles. Cette
» torsion a été signalée par la plupart des anatomistes L’humérus
«étant un fémur tordu, si l’on veut comparer ces deux os, il faut avant
«tout détordre l’humérus; le résultat de cette opération est de placer l’épi—
» trochlée en dehors et l’épicondyle en dedans. Cela fait, la comparaison
«des membres n’offre plus aucune difficulté : en effet, le col de l’humérus
«est dirigé en dedans , comme celui du fémur. La partie postérieure ou
«tricipitale de l’os du bras se trouve en avant, comme la partie convexe
-> et tricipitale de l'os de la cuisse. Les deux os sont donc semblables ; leurs
«condyles articulaires se contournent en arrière ; l’olécrâne est en avant
«comme la rotule ; déplus, elle est attachée à la portion antérieure et interne
1 Martins (Charles) ; Nouvelle comparaison des membres pelviens et thoraciques chez
l'Homme et chez les Mammifères , déduite de la torsion de l’Humérus ( Mémoires de l’Acad.
des Sciences et Lettres de Montpellier, Médecine, III, pag. 471, 1857 ; et Annales des Sciences
naturelles ; Zoologie, 4me série, tom. VIII, pag. 47. — Ostéologie comparée des articulations
du coude et du genou chez les Mammifères, les Oiseaux et les Reptiles ( Mémoires de l'Acadé-
mie des Sciences et Lettres de Montpellier, tom. III, pag. 355, 1862, et Annales des Sciences
naturelles-, 4me série, XVII, pag. 244, 1862). Article Comparaison des membres du Diction-
naire encyclopédique des Sciences médicales, 2mc série, tom. VI, pag. 484, 1873.
— 552
«de la tête du tibia, qui représente la portion olécranienne de la tète du
«cubitus, soudée et confondue avec celle du radius. Pour se convaincre de
«la réalité de la torsion de l’humérus, il suffit de suivre sur un humérus
«d’homme ou de quadrupède la ligne âpre qui part de l’épicondyle, se
» dirige obliquement vers la face postérieure, la contourne en longeant la
«gouttière de torsion du nerf radial, et vient aboutir à la partie la plus
«marquée du col, au-dessous de la tête de l’humérus.
'< La torsion n’est point une disposition particulière à l’humérus humain ;
«elle est générale dans les trois premières divisions des Animaux vertébrés,
«Mammifères, Oiseaux et Reptiles vivants ou fossiles.
Quant à la torsion de l’humérus chez l’Homme et chez les Mammifères
terrestres et aquatiques, « elle est d’une demi-circonférence ou de 180° en-
«viron. Mais chez l’Homme et les Singes anthropomorphes, l’axe du col
«de l’humérus étant dirigé de dehors en dedans, la torsion porte tout en-
» tière sur le corps de l’humérus. Le mouvement de circumduction du bras
«est possible, et ce caractère est un de ceux qui distinguent le groupe an-
«tbropoïde de tous les autres groupes de Mammifères, comme Cari Vogt
«l’a fait remarquer. En effet, à partir des Singes catarrhiniens supérieurs,
«tel que le Nasique, l’axe du col de l'humérus n’est plus dirigé de dehors
«en dedans, mais d’avant en arrière ; le mouvement de circumduction
«est aboli et réduit à un mouvement dans un plan parallèle au plan ver-
«tébro-sternal. La torsion de l’humérus de 180° se décompose dans tous les
«Mammifères , l’Homme et les Singes anthropomorphes exceptés, en deux
«torsions; celle du col de 90°, et celle du corps également de 90°; c’est une
«vérité que Broca a mise en pleine lumière dans son parallèle anatomique
«de l’Homme et des Singes.»
La torsion de l’humérus dans les Chéiroptères, les Oiseaux et les Reptiles
«est de 90°, ou moins de 90° seulement. L’axe du col de l’humérus est di-
«rigé comme chez l’Homme : mais le corps de l’humérus n’étant tordu que
«de 90°, la trochlée est tournée en dehors et non en avant ; aussi la
«flexion de l’avant-bras sur le bras se fait-elle en dehors dans un plan per-
«pendiculaire ou plan vertébro-sternal. Une Chauve-Souris, un Oiseau,
«déploient leurs ailes en dehors ; un Reptile étend son avant-bras perpen-
«diculairement à l’axe de son corps. La torsion de 90° est une des condi-
— 355
» lions ostéologiques du vol et de la reptation — Sur le Caméléon, au con-
'» traire, l’humérus est tordu de 180°, car le Caméléon est un Reptile qui
»ne rampe pas; il marche comme un quadrumane, en fléchissant son
«avant-bras en avant. Son ventre ni sa queue ne traînent à terre. Comme
» les Singes, il saisit les branches avec ses quatre doigts, et enroule sa
»queue prenante autour des branches qui lui servent de support. Dans les
»Chéloniens, la torsion n’est visible que dans les grandes Tortues terrestres
»et fluviatiles, et dans les Batraciens sur les Crapauds et les grosses Gre-
nouilles. Cette torsion de l’humérus de 90°, commune aux Reptiles et aux
>'Oiseaux, est un trait de plus à ajouter aux nombreuses ressemblances
» organiques qui rapprochent ces deux classes.»
A propos de la mesure, de l’origine et des causes de la torsion, M. Mar-
tins ajoute, dans l’article du Dictionnaire déjà cité :
«Lorsque je publiai mon Mémoire, en 1857, je considérai la torsion de
» l’humérus comme virtuelle, c’est-à-dire ne s’étant jamais opérée, quoique
»la forme de l’os et la disposition des parties molles fussent telles qu’elles
«eussent été si cette torsion s’était mécaniquement accomplie. Les tra-
vaux de M. Gegenbaur et les considérations de MM. Guérin et Durand
»(de Gros) ont modifié mes idées. Le premier a d’abord mesuré l’angle
«de torsion de l’humérus de trente-six sujets adultes , en se servant de
«l’appareil dioptrique imaginé par le Dr Lucæ Les mesures faites par
«Gegenbaur sur trente-six humérus d’Européens adultes de l’un et l’autre
«sexe prouvent que ces axes (l’axe du col de l’humérus et l’axe de la
«trochlée) font entre eux un angle moyen de 12°, ce qui donne pour l’an-
«gle de torsion de l’humérus une moyenne de 168° et varie de 178° à
«148° Un autre résultat important, c’est que sur huit humérus frais de
«jeunes enfants âgés de trois mois à neuf mois, l’angle de torsion s’est
«trouvé n’êlre plus que de 146°, et sur huit fœtus âgés de douze à seize
«semaines, il se réduit à 120». Ainsi donc, la torsion de l’humérus n’est
«pas uniquement virtuelle, comme je l’aurais cru ; elle se continue réelle-
«ment dans l’état fœtal, infantile et adulte, et, d’après les mesures de Ge-
«genbaur, celte torsion complémentaire, observée par lui, serait de 47° à
«partir du huitième mois jusqu’à l’âge adulte. Je persiste néanmoins à
«considérer comme virtuelle la torsion initiale de l’humérus. Ainsi, chez
— 554 —
»un fœtus de huit mois, l’os est tordu de 121°, et depuis cet âge jusqu’à
» i’âge adulte il se tord effectivement de 47°, mais auparavant il est tordu
» virtuellement et non mécaniquement d’un certain nombre de degrés. En
«effet, du jour où le membre antérieur apparaît sur un fœtus âgé de quel-
»ques semaines, le bras est fléchi en avant et la main est en demi-pro-
y>nation ; une torsion s’est donc déjà opérée , mais l’os n’en porte aucune
»trace, puisqu’il se montre sous la forme d’une palette aplatie et identi-
que, sauf la grandeur, à celle du fémur. Mais, par suite de l’adaptation
«fonctionnelle héréditaire, l’avanl-bras se fléchit déjà en avant, tandis que
»la jambe se fléchit en arrière. De l’état fœtal à l’état adulte, la torsion se
«complète et s’achève.
«Ces observations sont confirmées par d’autres qui, d’après les idées
«darwiniennes, sont du même genre. Ainsi, on pouvait dire d’avance que
«chez le Nègre la torsion doit être moindre que chez l’Européen ; c’est
«ce qui semble résulter de l’observation de cinq sujets examinés par
«Welcker, Lucæ et Gegenbaur. L’angle moyen qu’ils ont trouvé est de
«154°, au lieu de 1G8° comme chez l’Européen.
»Ces faits mettent à néant la principale objection que MM. Humphry
«(de Cambridge) et Burt-Wilder (de Boston) ont faite à la torsion de l’hu-
«mérus, celle torsion étant non-seulement virtuelle , mais réelle
«Enfin, je demanderai toujours pourquoi l’humérus est le seul os du
«squelette qui paraisse évidemment tordu, et le seul que des nerfs et des
«vaisseaux contournent en décrivant une hélice. Nous savons maintenant
«qu’il se tord effectivement , et la démonstration est complète. »
J’ai tenu à citer longuement, pour laisser à la théorie de la torsion toute sa
véritable portée, ce que je ne pouvais mieux faire qu’en lui conservant l’ex-
pression originale et claire que lui a donnée son auteur.
Une explication qui a eu l’approbation de Cruveilhier, Ch. Robin ,
Ch. Rouget, Brown-Sequard, J. Pictet, Hugh Falconer, Yogt, P. Broca,
E. Hœckel et C. Gegenbaur, mérite d’être envisagée de près et traitée avec
grande considération.
La théorie de la torsion a cependant trouvé des adversaires ; Folz ' lui a
1 Folz ;.loc cil. Journal de Physiologie, 1863.)
— 555 —
opposé un argument qui n’est pas sans valeur. « La torsion de l’humérus,
«dit-il, admise par quelques anatomistes, n’existe réellement pas en tant
«que torsion. Je n’en veux pour preuve que la possibilité de suivre le bord
«antérieur de l’humérus depuis la coulisse bicipitale, où il commence, jus-
«qu’à la cavité coronoïde, où il finit. Ce qu’on a appelé torsion n’est qu’une
«gouttière creusée obliquement sur la partie externe de l’os pour le pas-
«sage de l’artère humérale profonde et du nerf radial. » M. Folz rejette
donc la théorie de la torsion ; mais nous avons vu que ce n’était pas pour
faire mieux, puisqu’il en est resté à la comparaison croisée de Vicq-d’Azyr,
quelque peu modifiée.
L’usage assigné par Folz à la gouttière de torsion de l’humérus avait déjà
été généralement considéré comme une explication suffisante de la disposi-
tion de l’humérus par beaucoup d’anatomistes. Je citerai Humphry et Burt-
Wilder, qui ont fait à la théorie de la torsion cette objection que la torsion
n’est qu’apparente et non réelle. M. Lavocat,de Toulouse, n’accepte pas non
plus la torsion de l’humérus. « Malgré le talent et la science que M. Mar-
» tins, dit-il, a déployés pour soutenir cette thèse, la torsion de l’humérus
«est loin d’être démontrée... Selon nous, elle est imaginaire. C’est une
«hypothèse inacceptable... »
Sans citer tous les auteurs qui ont opposé des arguments de valeurs di-
verses à la théorie de M. Martins, je vais rendre compte ici de l’un des
derniers, et peut-être du dernier travail publié sur la matière. 11 appartient à
un jeune naturaliste auquel je me plais à rendre justice.
Le Mémoire de M. Alexis Julien sur 1 ’Homotypie des membres thoraci-
ques et abdominaux ' a pour épigraphe : « L’humérus n’est pas un fémur
retourné». L’auteur reconnaît que, « de toutes les hypothèses (et elles
«sont nombreuses) qu’on a imaginées pour obtenir la solution du pro-
«blème de l’homolypie des membres thoraciques et abdominaux, celle qui
«a donné les meilleurs résultats est sans contredit celle de M. le profes-
«seur Charles Martins». Mais il fait à la théorie de la torsion quelques ob-
jections qui sont d’inégale valeur.
1 A Julien ; De V Homotypie des membres thoraciques et abdominaux ( Mém . de la Société
d' Anthropologie, 1878).
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Il lui reproche de faire dépendre uniquement de l’angle de torsion la
direction et l’attitude générale du membre thoracique. A tel angle de
torsion doivent, d’après elle, correspondre telle situation et telle fonction du
membre. «Chez les Chéiroptères, les Oiseaux et les Reptiles, dit M. Martins,
»la torsion est de 90°, la trochlée est tournée en dehors et non en avant ;
«aussi la flexion de l’avant-bras se fait-elle en dehors dans un plan
«perpendiculaire à l’axe vertébro-sternal. Une Chauve-Souris, un Oiseau,
«déploient leurs ailes au dehors ; un Reptile étend son avant-bras per-
pendiculairement à l’axe du corps. La torsion de 90u est donc une des
«conditions ostéologiques du vol et de la reptation.»
Ce n’est pas de l’angle de torsion, répond M. Julien, que dépendent la
direction et l’attitude générale du membre thoracique. En effet, chez les
Reptiles et les Oiseaux, où cet angle à une valeur de 90°, les membres tho-
raciques regardent presque « en sens inverse par leurs faces homologues ;
«tandis que, 'pendant la flexion , la région pleurale (c’est-à-dire la face de
«flexion) de l’humérus du Crocodile regarde en bas, en avant et en de-
«dans, elle regarde tout à fait en dehors chez l’Albatros; chez l’Homme,
«au contraire, où la torsion est de 180°, celte même région est dirigée un
«peu en dedans et surtout en avant. »
Le reproche de M. Julien est fondé ; l’argument par lequel il l’appuie est
moins heureux. En effet, si au lieu déconsidérer l’attitude des membres
pendant la flexion , ainsique l’indiquent les mots que j’ai soulignés à des-
sein, on les considère pendant l’extension, les observations de M. Martins ont
ceci de fondé que la face pleurale ou de flexion de l’humérus de l’Oiseau
regarde fort bien en avant, en bas et en dedans, comme chez le Crocodile.
Or, il ne faut pas oublier que le membre antérieur de l’Oiseau ne saurait
être rapproché du membre correspondant du Crocodile que dans la position
qu’il affecte pendant l’activité du membre, c’est-à-dire pendant le vol. L’at-
titude repliée de l’aile au repos est tout à fait spèciale et propre à l’Oiseau, et
ne saurait être rapprochée rigoureusement de l’attitude du membre anté-
rieur de Crocodile même au repos et à l’état de flexion. Ce dernier membre,
même alors , sert d’appui et de soutien au corps, et est dans une activité re-
lative, tandis que l'aile repliée est dans une inactivité absolue qui lui permet
de prendre une situation pour ainsi dire anormale et sans analogue. On ne
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saurait même la comparer à l’attitude du membre antérieur des Ptérodac-
tyles et des Chéiroptères, qui, quoique étant un organe du vol, sert aussi à
la station et à la progression quadrupèdes. Le seul rapprochement ra-
tionnel à faire aurait peut-être lieu entre l’aile fléchie de l’Oiseau et le
membre antérieur replié des Dinosauriens bipèdes et de l’Archéoptéryx, qui
est le plus ornithoïde des Reptiles connus.
Mais si la valeur de l’argument de M. Julien n’est point inattaquable, le
reproche qu’il adresse à la théorie de la torsion n’en est pas moins très-
fondé; j’aurai l’occasion, dans la suite, d’en fournir des preuves aussi soli-
des que nombreuses, et de démontrer que ce n’est pas à la torsion humérale,
mais à de tout autres conditions que tiennent la direction et l’attitude
générale du membre.
Un second reproche mérité que formule M. Julien, c’est d’avoir considéré
le membre abdominal des Vertébrés terrestres comme un membre typique,
comme un membre non transformé, auquel devrait être ramené le membre
thoracique pour l’établissement des homotypies.il est certain que M. Martins
n’a cherché l’explication des différences qui séparent les deux membres que
dans des modifications du membre thoracique. Ce dernier est, d’après lui, le
seul qui ait subi des transformations, des déviations, des torsions, auxquelles
sont dues les différences de divers degrés qui l’ont éloigné delà forme restée
constante du membre postérieur. Or, c’est là une opinion erronée, que
l’on est d’autant plus étonné de trouver sous la plume du Professeur de
Montpellier, qu’il a écrit lui-même : « Le membre inférieur se montre
«aussi (comme le membre supérieur) d’abord sous la forme d’une palette
«parallèle au plan vertébro-sternal, comme la nageoire ventrale des Pois-
»sons ; mais dans tous les animaux terrestres, vivants et fossiles, elle
»se retourne ensuite vers le sol , et se maintient dans cette position. »
11 résulte évidemment de ce passage, comme le fait justement remarquer
M. Julien, que la position du membre abdominal de tous les Vertébrés ter-
restres est une position acquise et non point primordiale. Il y a eu modifica-
tion du membre postérieur aussi bien que du membre antérieur, quoique
peut-être à un degré différent et dans une autre direction.
M. Julien explique la différence de situation et de forme des membres
antérieur et postérieur par un changement dans leur situation primitive,
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changement consistant dans un mouvement de rotation de 90° de l’humé-
rus et du fémur en sens inverse, au niveau des articulations scapulo-humé-
rale et coxo-fémorale. « A la suite de ce mouvement, la face externe (con-
»vexe) de l’humérus devient postérieure, le radius et le pouce se placent
»en dehors. D’un autre côté, la face externe (convexe) du fémur devient
«antérieure, le tibia et le gros orteil se placent en dedans. De là résulte la
«différence de 180° qui existe dans la direction des faces homotypiques
«des membres thoraciques et abdominaux
...» L’humérus n’est donc pas un fémur retourné, et le membre abdomi-
«nal ne peut être considéré comme le membre type, car sa position eslac-
«quise aussi bien que celle du membre thoracique.
» Pour établir Thomotypie des deux membres, il suffira donc de les rame-
«ner à leur position embryonnaire primordiale, en faisant subir à chacun
«d’eux, au niveau désarticulations scapulo-humérale et coxo-fémorale, un
«mouvement de 90 en sens inverse de celui qu'ils ont subi depuis leur
«apparition. »
Telles sont les vues de M. Julien. Toutefois l’auteur prévoit quelques ob-
jections auxquelles il oppose des réponses.
Dans l’hypothèse de la torsion, la grosse tubérosité de l’humérus (trochi-
ter) représente le grand trochanter du fémur ; la petite tubérosité (trochin)
représente le petit trochanter (trochanlin). Dans l’hypothèse de M. Julien,
au contraire, la grosse tubérosité de l’humérus (céphalique) correspond au
petit trochanter (céphalique ou antérieur), tandis que le trochin huméral
(caudal) correspond au grand trochanter (caudal).
A cela, M. Julien répond qu’eu morphologie le volume aussi bien que
la forme et la fonction n’ont aucune valeur : une seule chose importe, ce
sont les connexions. Or, a cet égard (et c’est la seule objection que M. Ju-
lien considère comme sérieuse), on pourrait lui objecter que les muscles qui
vont au trochiter (sus et sous-épineux), sont, d’après l’hypothèse deM. Mar-
tins, homotypes de ceux qui vont au grand trochanter (moyen et petit fes-
sier), aussi bien parleurs insertions initiales que par leurs insertions termi-
nales. Il en est de même du sous- scapulaire et de l’iliaque, qui vont au trochin
et au trochanlin. Dans l'hypothèse de M. Julien, ces muscles ne se corres-
pondraient que par leurs insertions initiales. A cette difficulté, M. Julien ré-
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pond en citant M. Martins lui-même : « Les points d’attaches musculaires (dit
M. Martins) ne sont point immuables et nous enseignent qu’il ne faut pas
adonner une importance exagérée aux insertions musculaires, pour la dé-
termination des parties osseuses correspondantes ». M. Julien cite à l’ap-
pui de cette opinion, quil accepte pleinement, le fait que le long flé-
chisseur propre du pouce, qui est par son insertion terminale l’homotype du
long fléchisseur propre du gros orteil, diffère entièrement de ce dernier par
son insertion supérieure. Le fléchisseur propre du pouce naissant de la face
antérieure du radius, celui du gros orteil naît de la face postérieure du péroné,
qui est l’homotypedu cubitus et non du radius.
Je ne puis laisser passer ici sans réflexion la réponse de M. Julien. Elle
aurait pu être plus heureuse, ainsi que je le montrerai plus tard. Pour le mo-
ment, je me borne à protester encore une fois contre la doctrine des transpo-
sitions d’attaches que l’on retrouve à chaque pas, et je m’appuie pour cela
sur l’exemple que M. Julien a énoncé en faveur même de cette doctrine. Le
fléchisseur propre du pouce s’attache en effet, non-seulement à la face anté-
rieure du radius, mais encore à l’aponévrose interosseuse et à l’apophyse
coronoïde du cubitus. C’est donc un muscle à la fois radial et cubital, qui n’a
conservé qu’une insertion cubitale très-réduite, parce que la face antérieure
du cubitus est largement occupée par les insertions du fléchisseur profond
des doigts, si important et si volumineux. Les insertions radiales sont
devenues très-étendues par balancement. Au membre inférieur, les inser-
tions péronières (cubitales) du fléchisseur propre du gros orteil ont au
contraire seules subsisté et ont pris une importance compensatrice de la
disparition des insertions tibiales, la face postérieure du tibia étant entière-
ment occupée par les insertions du poplité, du soléaire, du long fléchisseur
commun des orteils et du tibial postérieur. 11 n’y a pas eu transposition d’at-
taches, mais seulement inégalité par balancement, dans leur répartition,
entre les deux os du deuxième article du membre.
Les deux muscles fléchisseurs propres du pouce et du gros orteil appar-
tiennent originairement à la fois aux deux os des deux articles, ce qui n’a pas
lieu de nous surprendre, attendu que, pour le fléchisseur du pouce, les faits
sont là pour le prouver, et, pour le fléchisseur du gros orteil, il est plus que
légitime de penser qu’à part des insertions péronières, ce muscle a dû avoir
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des origines tibiales puisqu’il est destiné au plus interne, c’est-à-dire au plus
tibial des orteils. Au reste, ces muscles sont des muscles de perfectionne-
ment qui ne sont que des différenciations de l’un des faisceaux des muscles
fléchisseurs communs profonds, c’est-à-dire d’une masse musculaire qui
appartient à la fois aux deux os du deuxième article. Ainsi, chez le Cheval,
le fléchisseur profond des phalanges, ou perforant, està la fois cubital et radial.
11 en est de même chez le Bœuf, chez le Dromadaire, chez le Porc, chez
les Carnassiers.
Le fléchisseur profond des phalanges du membre postérieur est égale-
ment inséré au tibia, au péroné et au ligament interosseux, chez le Cheval,
chez les Ruminants, chez le Dromadaire et chez les Carnassiers ; tandis que
le fléchisseur oblique, dont le tendon se confond avec le sien, s’insère en ar-
rière delà tubérosité interne du tibia. Chez les Singes anthropoïdes, la dé-
pendance du long fléchisseur du pouce vis-à-vis du fléchisseur profond est
tout à fait évidente. Chez le Gorille, par exemple, ce muscle n’existe pas, à
proprement parler, comme muscle indépendant. Mais un tendon grêle se dé-
tache du bord externe du tendon volumineux que le fléchisseur commun en-
voie à l’index, et va se rendre au pouce. Chez le Chimpanzé, ce tendon est
plus grêle encore. Chez l’Orang et les Gibbons, ce muscle fait tout à fait dé-
faut '. D’autre part, au membre postérieur, la dépendance du fléchisseur
commun et du fléchisseur propre du gros orteil se démontre par leur iné-
gale distribution et leur suppléance, suivant les types. Ainsi, le long fléchis-
seur du gros orteil du Gorille et du Chimpanzé envoie aussi des tendons au
troisième et au quatrième orteil, et le long fléchisseur commun en fournit
au deuxième, au quatrième et au cinquième.
Chez l’Orang, le long fléchisseur du gros orteil fait défaut, et chez les Pi-
théciens, le gros orteil reçoit deux tendons: l’un perforant et l’autre perforé,
provenant des fléchisseurs communs.
Ces faits prouvent surabondamment que les longs fléchisseurs propres,
soit du pouce, soit du gros orteil, appartiennent à la masse commune des flé-
chisseurs profonds, qui est appliquée contre les faces de flexion des deux os
du second article des membres, et qui ne s’en différencient que chez les
1 Broca; Les Primates, loc. cit., pag. 320.
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Anthropoïdes et chez l’Homme, en acquérant du reste des degrés variés
d’indépendance et de force qui expliquent suffisamment le départ inégal
des insertions entre les deux os.
M. Julien prévoit encore une autre objection, au sujet de la direction des
cols de l’humérus et du fémur.
Après que l’on a, par le procédé de M. Martins, fait subir à l’humérusune
détorsion de 180°, le col de cet os continue à regarder en dedans comme
celui du fémur. Quand, au contraire, en dehors de l’hypothèse de la torsion,
les deux os sont ramenés à leur position primitive, le col de l’humérus re-
garde en arrière et le col du fémur en avant.
Ce fait de la direction en sens inverse des cols de l’humérus et du fémur,
lorsque ces deux os du même côté sont placés dans des situations parallèles,
a joué un très-grand rôle dans les hypothèses proposées pour établir une
comparaison entre les deux membres. C’est à lui, en effet, que sont dues les
comparaisons croisées, depuis celle de Vicq-d’Azyr jusqu’à celle de M. Folz.
C’est à lui qu’est due la théorie de la torsion. Jl faut encore rapportera
ce fait l’origine de la théorie de Flourens, acceptée et défendue par
M. Lavocat; dans cette hypothèse, en effet, l’humérus est comparé au fémur
du même côté, la main ôtant en pronation naturelle, et sans qu’il y ait à re-
tourner le membre. Dans cet état de choses, les têtes articulaires sont, il est
vrai, dirigées l’une et l’autre en dedans; mais les lignes âpres et les faces con-
vexes des deux os ne se correspondent pas , et l’exactitude des homologies
des faces des deux os est entièrement sacrifiée à l’identité de direction des
cols et des têtes. «Ce sont là, dit M. Lavocat, des détails secondaires ,
» qui ne peuvent rompre l’analogie U y a une répétition en matière
» inverse qui n’exclut pas l’analogie. »
Nous savons ce qu’il faut penser de ces répétitions en matière inverse .
Elles n’existent que dans l’imagination de ceux qui créent des théories , et
elles s’expliquent en vérité par des retournements réels dans les organes.
Si nous en jugeons par l’influence considérable qu’a eue sur l’esprit des
anatomistes cette direction inverse des cols de l’humérus, l’objection qu’exa-
mine M. Julien est de quelque valeur et mérite d’être considérée de près.
Voici la réponse qu’il y fait : « Deux organes homologues perdent-ils leurs
» homologie par cela seuls qu’il sont inclinés en sens inverse ? Évidem-
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» ment non.» Et à l'appui de ce fait, M. Julien cite cette observation de
M. Broca : que les apophyses épineuses des fausses vertèbres dorsales ou
vertèbres à côtes flottantes sont, chez les Quadrupèdes, inclinées vers la
tète ou en antéversion, tandis que les apophyses des vraies vertèbres dor-
sales, c’est-à-dire de celles qui sont unies au sternum par des côtes, sont
obliquement inclinées vers le sacrum, ou en post-version. Or, personne n’a
jamais songé à mettre en doute l’homologie deces deux groupes d’apophyses.
La réponse de M. Julien est judicieuse sans doute, mais elle est insuffi-
sante et n’est pas assez complète pour dissiper tous les doutes et toutes les
obscurités qu’a jetés sur l’homologie des membres la direction inverse des
têtes de l’humérus et du fémur du même côté. 11 n’est ni dans l’ordre ni
dans les lois de la nature que des parties homologues soient dirigées en sens
inverse et présentent de grandes différences de direction, sans qu’il ail existé
des causes capables de produire de telles déviations. Il ne suffit pas de
dire que telles parties sont homologues, quoiqu’elles soient dirigées en sens
inverse ; mais il convient à la science de démontrer que telles parties,
quoique inversement dirigées, sont cependant homologues, parce que telle
est la cause qui a déterminé leur inversion.
Pour le cas des apophyses épineuses, par exemple, M. Broca a fort bien
établi que leur direction est déterminée par l’action musculaire, et que
leurs directions inverses chez les Quadrupèdes proviennent de ce que, chez
eux, les forces extensives prennent leur point fixe alternativement du côté
de l’épaule et du côté du bassin.
Or, il convient aussi pour les têtes de l’humérus et du fémur de recher-
cher les causes de leurs directions inverses, afin que, une explication ration-
nelle et solide de celte disposition une fois trouvée, il n’y ait plus aucune
difficulté sérieuse à établir les homologies de l’humérus et du fémur du
même côté. C’est ce que j’essaierai de faire dans la suite de ce travail.
J’ai donné au travail de M. Alexis Julien une place importante dans
celte revue des hypothèses destinées à faciliter la comparaison des membres.
Je l’ai fait pour plusieurs motifs : parce que ce travail m’a paru renfermer
des réflexions judicieuses sur la théorie de la torsion de l’humérus, parce
qu’il présentait une théorie rationnelle de la comparaison des membres basée
sur l’embryogénie et sur les modifications consécutives de leur situation,
543
et enfin parce que l’auteur de ce Mémoire, qui a bien voulu m’en com-
muniquer le contenu et les conclusions avant sa publication, a fortement
contribué à attirer mon attention sur la valeur réelle et le degré d’impor-
tance qu’il faut attribuer à la direction inverse des cols de l’bumérus et
du fémur dans l’édification d’une comparaison des membres.
Le travail deM. Julien étant d’une publication très-récente, et peut-être la
plus récenLe sur la matière, j’ai cru devoir, pour cette raison aussi, lui con-
sacrer un assez long examen. Mais après l’avoir traité avec justice, il convient
aussi d’être juste envers tout le monde, et de « rendre à César ce qui appar-
tient à César». La comparaison des membres, telle que l’a faite M. Julien, a
pour point de départ la situation embryonnaire ou primitive des membres
et leur rotation en sens inverse d’un angle de 90° au niveau des ar-
ticulations scapulo-humérale et coxo-fémorale. Avant de connaître les
idées de M. Julien, j’étais arrivé aussi à des idées semblables , telles du
reste que je les ai déjà exposées dans plusieurs parties de ce travail, et no-
tamment dans les pages ( 15 à 18) et (255 à 258;. Seulement, tandis que
M. Julien s’était dégagé de toute préoccupation ayant trait à la direction en
sens inverse des cols et des têtes de l’humérus et du fémur, je n’avais pas
encore franchi ce pas, et j’inclinais à penser que, les membres devant leurs
situations inverses à un mouvement en sens opposé de 90° dans les articu-
lation supérieures, l’inversion des cols n’en était pas moins due à un cer-
tain degré de torsion. Je n’étais déjà plus, on le voit, le disciple fidèle de
M. Martins. L’auteur distingué de la théorie de la torsion considère en
effet comme constantes les relations de l’humérus avec la cavité glénoïde,
et attribue entièrement à la torsion de l’os la situation de son extrémité
trochlèenne. Pour moi, j’attribuais à des changements de relations de l’hu-
mérus avec la cavité glénoide la situation de cette extrémité trochlèenne,
tandis que je rapportais seulement à la torsion la direction de l’axe du col
de l’humérus. Je l’ai déjà dit et je le répète, les idées de M. Julien ont at-
tiré mon attention sur la valeur réelle de la direction des cols , et, en pro-
voquant mes réflexions et mes observations, m’ont conduit aux résultats
que je formulerai plus loin.
Je tiens à dire que cette digression, qui a une apparence toute personnelle,
m’est dictée cependant par des motifs de probité scientifique, et à ce
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point de vue je ne la regrette pas. Mais elle a encore un autre but , c’est
celui de rapporter à son premier auteur une théorie qui, en réalité, n’ap-
partient ni à M. Julien ni à moi, quoique nous y ayons été conduits
l’un et l’autre séparément par nos propres observations, ce qui est peut-être
une présomption de plus en faveur de sa vérité.
Huxley, en effet, sans se préoccuper en rien des axes des cols, et envisa-
geant la question à un point de vue très-général, a, bien avant nous, for-
mulé celte théorie de la rotation articulaire d’une manière très-nette
sinon très-étendue. Les Éléments d' anatomie comparée des animaux Ver-
tébrés, traduits en français dès 1875', renferment en effet les passages
suivants, sous la rubrique : Position des Membres : «Dans leur position
«primitive, les membres sont droits et tombent en dehors à angles droits,
«suivant l’axe du corps. Mais à mesure que le développement s’avance,
«ils s’infléchissent de telle sorte que la partie médiane (avant-bras et
«jambe) se courbe au-dessous et vers la ligne médiane sur la division supé-
rieure, tandis que la partie inférieure (main et pied) prend une cour-
«bure opposée sur la division médiane. Ainsi, l’aspect ventral de l’avant-
»bras et de la jambe est tourné en dedans, le côté dorsal en dehors,
«tandis que l’intérieur de la main et du pied se trouve en bas, le dos
«au-dessus.
«Quand la position des membres n’a pas subi d’autres altérations, le ra-
«dius de l’avant-bras et le tibia de la jambe sont tournés en avant et vers
«la tête, le cubitus et le péroné en arrière ou vers l’extrémité caudale.
«En regardant ces parties par rapporta l’axe du membre lui-même, le
«radius et le tibia sont dans une position préaxiale ou en avant de l’axe,
«tandis que le cubitus et le péroné sont dans une direction post-axiale on
«en arrière de l’axe. Le même axe traverse le doigt médian. Il y a en consé-
«quence deux doigts au-devant de l’axe, dans la région radiale ou tibiale,
«et deux doigts derrière l’axe, dans la région du cubitus ou du péroné
«pour chaque membre,
«Chez beaucoup d’Amphibiens et de Reptiles, les membres des adultes
«ne s’éloignent pas beaucoup de cette position primitive.
‘Huxley; Élém. cL’anat. comp . des Ferf.,trad. del'uuglais par Mnie Brunet, 1875, pag. 35. etc.
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«Mais, chez les Oiseaux et chez les Mammifères, de plus grands change-
ments surviennent. Ainsi, chez tous les Quadrupèdes ordinaires, le bras
i)se tourne en arrière et la cuisse en avant , de manière que le coude et
»le genou se trouvent rapprochés du corps; de même l’avant-bras se
«fléchit sur le bras, et la jambe sur la cuisse. Chez l’Homme, un plus grand
«changement encore arrive. Dans la station naturelle, l’axe du bras et
»de la jambe est parallèle à l’axe du corps au lieu de lui être perpendicu-
laire. La surface propre ventrale du bras regarde en avant, celle de la cuisse
«en arrière, tandis que la surface dorsale de cette dernière regarde en
«avant. La surface dorsale de l’avant-bras regarde en dehors et en arrière,
«celle de la jambe directement en avant. La surface dorsale de la main
«est externe, celle du pied supérieure. Pour résumer, le dos du bras cor-
«respond au-devant de la jambe, et le côté externe de la jambe au
«côté interne du bras dans la station verticale.»
Nous ne saurions donc, ni M. Julien ni moi, douter des droits de prio-
rité de Huxley en ce qui a trait au mouvement de rotation et de transport
des membres comme déterminant leur position définitive, et comme expli-
quant la direction opposée de la flexion du coude et du genou. M. Julien
a eu le mérite de la formuler avec plus de précision et de détails; et s’il
m’est permis de revendiquer une part dans cette conception, je ferai re-
marquer que j’y ai été conduit, non pas seulement par des considérations
ostéologiques, mais aussi et surtout par l’étude des muscles.
C’est ainsi que j’ai été amené, en comparant le système musculaire des
membres, à considérer comme homologues les faces des os qui donnaient
insertion à des muscles évidemment homologues. Les faces d’insertion des
vastes interne et externe du triceps brachial, dont l’homologie avec les vas-
tes interne et externe du triceps fémoral ne saurait être niée par personne,
ne pouvaient qu’être des faces homologues, et avaient dû, avant toute
transformation et déformation du membre , constituer des faces de même
conformation , de même direction et de même valeur. Ces faces corres-
pondaient évidemment au sens de l’extension des articulations du coude et
du genou ; et pour que ces deux articulations se trouvassent, chez l’adulte,
dirigées dans des sens diamétralement opposés, il fallait que les membres
eussent été déviés et eussent subi une rotation plus ou moins directe sur
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leur axe général. Il s’agissait de déterminer dans quel sens celte rotation
s’était opérée. Pour cela, l’élude des muscles était d’un puissant secours
et ne permettait pas d’hésitation pour formuler une réponse.
On est frappé en effet de voir combien, au membre antérieur, les muscles
rotateurs en dedans l’emportent fortement sur les rotateurs en sens inverse.
Le grand pectoral, le petit pectoral huméral des Singes et des Quadrupè-
des, le coraco-brachial lui-même, le sous-scapulaire, le grand dorsal, le
grand rond, sont tous, à des degrés divers, rotateurs de l’humérus en avant
et en dedans, tandis que le sous-épineux et le petit rond sont les seuls mus-
cles rotateurs en sens contraire. La disposition générale de ces muscles
par rapport à l’humérus, et en particulier le mode d’enroulement du grand
dorsal et du grand rond autour de l'os, prouvent suffisamment que le
bord antérieur de cet os, c’est-à-dire sa ligne âpre, a été primitivement in-
terne, et que l’os a dû subir un mouvement de rotation sur son axe en
arrière et en dedans, qui a rendu antérieur ce bord, d’interne qu’il était.
Les muscles qui étaient d’abord directement adducteurs, tels que grand pec-
toral, petit pectoral, coraco-brachial, grand dorsal, grand rond, sont deve-
nus à la fois adducteurs et rotateurs en avant et en dedans. Le mouvement
de rotation de l’humérus, tel que je viens de l’indiquer, a donc transporté en
avant la ligne âpre de l’os et la saillie de la trochlée, c’est-à-dire le sens de
la flexion du coude.
Au membre inférieur ou postérieur, au contraire, on est frappé de la pré-
dominance des muscles rotateurs de la cuisse en dehors. 11 y a en effet, parmi
ces derniers, les muscles grand fessier, tenseur du fascia, moyen et petit
fessiers, psoas iliaque, obturateurs interne et externe, jumeaux, carré crural,
pyramidal, les quatre adducteurs, le droit interne, le couturier, le demi-ten-
dineux et le demi-membraneux, le biceps; tandis que les rotateurs de la
cuisse en dedans ne comptent guère que lesfibres antérieures du moyen fes-
sier. Il y a là une preuve que le fémur a transformé par son déplacement
un grand nombre de muscles prémoteurs, rétromoteurs, adducteurs et
même abducteurs en rotateurs en dehors, et il résulte évidemment, de l’exa-
men des muscles insérés sur la ligne âpre, que cette ligne a été primitive-
ment interne et qu’elle est devenue postérieure par suite d’un mouvement de
rotation en avant et en dedans du fémur sur son axe. L’enroulement des
547 —
obturateurs, et en particulier de l’obturateur externe, sur le col du fémur,
ne permet point de douter de ce changement de situation de l’os.
D’ailleurs, l’établissement de ces relations des muscles avec l’humérus et
le fémur peut se suivre pas à pas depuis les Reptiles et les Ampbibiens, où
les membres ont conservé une situation voisine de la situation primitive, jus-
qu’aux Mammifères, où la transformation et le déplacement des membres ont
atteint leur plus haut degré. 11 est remarquable, en effet, que l’effet rotateur
des muscles sus-désignés est d’abord nul ou peu important, que la plupart
d’entre eux sont purement ou adducteurs, ou abducteurs, ou prémoteurs,
ou rétromoleurs des membres, et que les enroulements autour des cols et
autour des corps des os n’acquièrent une véritable importance qu’en appro-
chant des animaux chez lesquels le déplacement des membres a atteint un
degré notable.
A ces indications importantes, fournies par le système musculaire, du
sens dans lequel se sont opérés les déplacements et les rotations du premier
article des deux membres pour diriger la saillie du coude en arrière et la
saillie du genou en avant, viennent s’ajouter des indications très-intéres-
santes ayant trait aux déplacements subis par les os du second article des
membres dans la constitution de la forme définitive des membres. A propos
des homologies du droit antérieur de la cuisse et du long biceps brachial
( partim ) son homologue d’une part, du long biceps crural et du long triceps
brachial d’autre part, j’ai suffisamment insisté sur les relations très-remar-
quables qu’il y avait entre les dispositions de ces muscles et les modifica-
tions apportées dans les relations des os du second article, soit entre eux,
soit par rapport à l’os du premier article. Nous avons vu que des muscles
évidemment homologues par leurs insertions, tels que le long biceps bra-
chial et le droit antérieur fémoral, tels aussi que le long triceps brachial et le
long biceps fémoral, occupaient cependant des situations très-différentes,
appartenaient à des faces opposées des deux membres et produisaient des
mouvements entièrement différents et même contraires. Ces différences
très-remarquables ne s’expliquent que par des modifications dans la posi-
tion, dans la situation des os, dans leurs connexions réciproques. Elles nous
conduisent ci suivre avec sûreté, et sans crainte de nous égarer, les modifica-
tions subies par le squelette de l’avant-bras et de la jambe considérés, soit
— 548 -
en eux-mêmes, soit par rapporta l’humérus et au fémur. Ainsi, l’étude des
muscles nous a permis d’établir : iü Que l’avant-bras des Quadrupèdes avait
été porté à un état de pronation forcée par une forte translation du
radius en avant et en dedans, par sa rotation très-prononcée en dedans sur
son axe, par la translation du cubitus en arrière et en dehors , et par sa
rotation très- faible en dedans sur son axe ; 2° Que la jambe des Quadrupè-
des et des Bipèdes avait été placée dans un état de supination exagérée, par
la translation accentuée du péroné en arrière et en dedans , et par sa
rotation assez prononcée en dehors, en même temps que par la translation
modérée du tibia en avant et en dehors, et sa rotation très-faible aussi en
dehors sur son axe. Je ne reviens pas sur tous ces points, que j’espère avoir
mieux analysés, mieux précisés, qu’on ne l’avait fait jusqu’à présent, et dé-
montrés par une tout autre voie que celle qui avait été jusqu’ici em-
ployée.
L’étude des modifications imprimées par les actions musculaires sur les
surfaces articulaires nous ramènera d’ailleurs plus tard sur ce terrain.
Je ne saurais toutefois l’abandonner sans apprécier les critiques que
M. Martins a cru devoir adresser aux idées d’Huxley et à la théorie de la
rotation de l’humérus et du fémur telle que je viens de la faire connaître.
Cette théorie, qui se passe de toute considération de torsion humérale
pour expliquer la direction des membres, ne pouvait rester sans réfu-
tation de la part de l’auteur de la théorie de la torsion. « M. Huxley,
«dit M. Martins, professe l’opinion que la comparaison des membres doit
«reposer principalement sur l’embryologie, qu’elle seule amènera dèfiniti-
» veinent la solution du problème. Ce n’est pas mon opinion. Les mem-
»bres antérieurs et postérieurs étant identiques dans l’embryon, leurs dif-
«férences morphologiques et anatomiques ne s’accentuent que par la suite
»à la fin de la vie intra-utérine, dans l’enfance et dans la jeunesse. La corn-
«paraison des membres doit donc reposer principalement sur l’anatomie
«comparée des animaux sortis de l’œuf. En effet, il n’y a rien à comparer
«quand les parties sont identiques, et elles le sont à l’origine. Les diffé-
rences ne s’accentueront que plus tard. On peut voir dans Hœckel deux
«planches destinées à montrer que les embryons de l’Homme à un mois,
«du Chien et de la Tortue au même âge, et du Poulet au huitième jour, se
— 549 —
«ressemblent complètement : les membres antérieurs et postérieurs sont
«identiques entre eux et d’un animal à l’autre ; c’est plus tard qu’ils se dif-
férencient d’un animal à l’autre et dans le même animal. Pour moi, c’est
«sur la morphologie et l’anatomie comparées que repose principalement la
«comparaison des membres, tout en reconnaissant que leur développe-
«rnent, à partir de l’état embryonnaire, peut donner les indications les
«plus utiles. La torsion effective de l’humérus, qui s’achève à partir de la
«période fœtale, découverte par Gegenbaur, en est la meilleure preuve. »
Les principes émis par M. Marlins dans les lignes qui précèdent sont
trop en opposition avec ceux que j’ai développés dans l’Introduction de ce
travail et que j’ai appliqués dans la suite, pour que je me taise à leur
égard. Je me borne à poser la question suivante : Lequel vaut le mieux ?
Prendre pour point de départ d’une comparaison les parties, avant que
leurs différences morphologiques se soient accentuées , pour suivre la
production progressive de ces différences; ou bien comparer de prime abord
des parties profondément modifiées par les phases du développement
et transformées par des adaptations très-diverses ? Laquelle des deux mé-
thodes expose-t-elle à la plus grande somme d’erreurs? Laquelle est la plus
sûre? Je ne crois pas qu’il y ait un anatomiste de sang-froid qui puisse
hésiter dans sa réponse. Il n’est pas douteux en effet que la morphogénie,
c’est-à-dire l’étude du développement des formes, ne soit la meilleure base
de la morphologie. Une comparaison poursuivie depuis le moment où les
parties sont identiques jusqu’au moment où elles ont atteint leur plus haut
degré de différenciation, est seule dans les conditions de certitude exigées
par la science ; il n’est du reste pas juste de dire qu’il n'y a rien à compa-
rer quand les parties sont identiques , puisque la reconnaissance même de *
l’identité des parties suppose déjà une comparaison préalable : et l’on peut
ajouter qu’il est bien plus possible d’établir une comparaison entre parties
semblables qu’entre parties dissemblables.
La théorie de la torsion, à cause même du crédit scientifique dont jouit
son auteur et dont elle jouit elle-même, mérite que je ne me borne point à
l’examen des critiques qui lui ont été adressées par quelques-uns des au-
teurs qui ont écrit sur la matière. Je dois en faire moi-même un examen
— 550
approfondi, afin d’établir les raisons pour lesquelles je la repousse; je vais
pour cela passer en revue les diverses propositions de M. Martins.
La torsion de l’humérus serait démontrée par l’existence de la crête de
torsion. Chez l’Homme, dit M. Martins, ou un Quadrupède quelconque,
on voit la ligne âpre qui part de l’épicondyle se diriger obliquement vers la
face postérieure, la contourner en longeant la gouttière de torsion du nerf
radial, se continuer avec la face d'insertion de la portion interne du triceps,
et venir aboutir à la partie la plus marquée du col, au-dessous de la tête de
l’humérus, point situé à l’autre extrémité du diamètre transversal de l’os.
La torsion est donc de 180° on d’une demi-circonférence.
Après avoir examiné avec beaucoup de soin l’humérus d’un grand nom-
bre de squelettes, soit d’Hommes, soit de Mammifères, je n’ai pu être entiè-
rement d’accord avec M. Martins sur la direction et l’étendue de cette crête
de torsion de l’humérus. Chez tous les sujets, y compris l’Homme, j’ai con-
staté que la crête partant de l’épicondyle se dirigeait obliquement vers la
face postérieure, et qu'arrivée là, c’est-à-dire après avoir décrit un angle
de torsion de 90“ au maximum , elle s'effaçait entièrement pour ne laisser
que la face piano-convexe de la partie postérieure et supérieure de l’humérus.
J’ai vu également que si l’on divise l’humérus en deux moitiés égales, l’une
inférieure et l’autre supérieure (comme l’a fait M. Martins dans la pièce des-
tinée à représenter artificiellement l’humérus détordu), la moitié supérieure
ne présente en réalité aucune trace de torsion. La torsion de la moitié
supérieure n’est donc établie par aucune preuve, par aucune apparence
même.
Quant à la torsion de la moitié inférieure, pour qu’elle fût réelle, pour
qu’on ne pût la mettre en doute, il faudrait en trouver des traces, non-seu-
lement sur le bord externe de l’humérus, mais aussi sur le bord antérieur
et sur le bord interne, car on ne saurait admettre la torsion d’un prisme
triangulaire dont les trois angles dièdres ne présenteraient pas tous des tra-
ces de torsion. On ne saurait l’admettre à fortiori , si l’un des angles avait
des signes de torsion tandis que les deux autres auraient conservé leur di-
rection rectiligne. Or, c’est le cas pour l’humérus, dont le côté ou angle anté-
rieur, c’est-à-dire la ligne âpre, est à peu près rectiligne et vertical chez
l’Homme et les Mammifères. Chez les Mammifères, tels que le Lapin, les
— 551
Ruminants, etc., ce bord antérieur est légèrement oblique en haut et en de-
hors; mais l’angle décrit par lui, étant un angle de 45° au maximum, ne
saurait correspondre à une torsion du corps de l’os ni de 180°, ni même
de 90°.
D’ailleurs, le bord interne de l’humérus est parfaitement rectiligne chez
l’Homme et chez les Mammifères. Si donc, sur trois angles du prisme, un
seul est réellement et évidemment tordu, il est logique d’attribuer ces appa-
rences de torsion, c’est-à-dire l’obliquité spirale de son parcours, à d’autres
causes qu’a une torsion du prisme. Nous verrons en effet que c’est à des
insertions musculaires qu’est due la crête oblique externe de l’humérus, et
que c’est à la rotation et à la translalion des os de l’avant-bras dans la pro-
nation qu’est due l’obliquité de cette ligne d’insertions musculaires.
De plus, en admettant la torsion de l’humérus, s’il est vrai, comme le
pensent M. Broca et M. Martins, que chez les Mammifères la torsion du corps
n'est que de 90°, tandis que chez l’Homme et chez les Anthropoïdes elle est
de 180°, c’est-à-dire deux fois plus forte, il serait rationnel de trouver sur la
moitié inférieure de l’humérus (la seule sur laquelle les traces de torsion
sont réellement évidentes), il serait, dis-je, rationnel de trouver que l’angle de
torsion est moitié moindre chez les Mammifères que chez l’Homme et les
Anthropoïdes. Or il n’en est rien : l’angle de torsion est absolument le
même , il est de 90°, ce qui permet de penser que la déviation oblique de
la crête humérale externe lient à toute autre cause qu’à un degré de torsion
qui, d’après M. Martins, varierait du simple au double.
Si le corps de l’humérus était réellement tordu, les insertions muscu-
laires porteraient des traces de cette torsion. Or, chez l’Homme, où la torsion
est très-considérable puisqu’elle est de ISO0, les insertions musculaires ne
présentent d’autres traces de ce genre que la gouttière du nerf radial située
entre le vaste interne et le vaste externe. Or, cette gouttière n’occupe qu’une
partie de la face externe, le bord externe et la moitié latérale externe de la
face postérieure, c’est-à-dire environ un angle de 90°. Le trajet spiral de la
gouttière dépasse à peine le niveau du milieu de la hauteur de l’humérus.
Au-dessus, 1 intervalle qui sépare le vaste interne du vaste externe s’élève
verticalement, sans obliquité, sans trace de spirale, jusqu’au-dessous de
l’insertion du petit rond, ur, il est remarquable que la gouttière qui sépare
45
— 352 —
les deux vastes n’acquière une direction oblique et spirale qu’à partir du
point où elle est occupée par le nerf radial et l’artère humérale profonde.
Au-dessus, l’intervalle inter-musculaire devient rectiligne, ce qui permet de
présumer que l’obliquité de la gouttière n’est que le résultat de l’obliquité
des insertions musculaires, qui elles-mêmes doivent leur disposition à la
direction oblique du grand nerf radial et de l’artère.
Mais alors, dira-t-on, le trajet spiral du nerf radial n’est-il pas une preuve
delà torsion de l’humérus? M. Martins le considère ainsi. « A la cuisse, dil-
»il, tous les nerfs principaux restent dans le plan où ils se trouvaient à
» leur origine. Au bras, au contraire, le médian et le cubital obéissent à
» cette loi, tandis que le radial quitte le plan interne dès le quart supé-
rieur du membre, se dirige en arrière, contourne l’humérus en hélice
^suivant sa ligne de torsion, y laisse l’empreinte de son passage, et ressort
«sur la face radiale de l’os, pour se distribuer aux muscles qui s’y insèrent.
«Tous les anatomistes ont été frappés de la singularité de ce trajet, qui ne
«s’explique, ni par des conditions de symétrie ni par des adaptations fonc-
«lionnelles , car, pour gagner les muscles de la partie externe du bras, le
«chemin le plus court du nerf était de passer entre le biceps et le bra-
nchial antérieur
El plus loin : « Enfin je demanderai toujours pourquoi l’humérus est le
nseul os du squelette qui paraisse évidemment tordu, et le seul que des
nnerfs et des vaisseaux contournent en décrivant une hélice. Nous sa-
vons maintenant qu’il se tord effectivement, et la démonstration estcom-
» pl été.»
Eh bien ! pour moi, je demanderai toujours comment il se fait que, des
cinq grands nerfs terminaux du plexus brachial, le nerf radial soit le
seul qui présente un trajet en hélice autour de l’humérus. Si l’hu-
mérus avait subi une torsion effective, non-seulement le radial, mais le cu-
bital, le médian, le musculo-cutané et le brachial cutané interne, devraient
présenter un trajet en hélice, dont le pas serait proportionné à l’angle de
torsion de l’os. Mais il n’en est rien, et M. Martins reconnaît lui-même que
sur trois gros nerfs, deux, le médian et le cubital, restent dans le plan où
ils se trouvaient à leur origine. C’est là un fait que je déclare entièrement
inexplicable si l’on admet la théorie de la torsion.
— 353 —
Il y a plus encore. M. Martins trouve avec raison que « pour gagner les
» muscles de la partie externe du bras, le chemin le plus court du nerf ra-
» dial était de passer entre le biceps et le brachial antérieur.» Mais il y a
précisément un nerf qui, destiné à la peau de la région externe du bras,
suit exactement le trajet tracé par M. Martins, et vient, au niveau du coude,
rejoindre le radial et se placer à côté de lui. C’est le nerf musculo-culané
ou perforant. Comment se fait-il que la torsion de l’humérus ait dévié l’un
des deux nerfs de son trajet direct et primitif, tandis qu’elle a respecté le
trajet de l’autre nerf ? Je ne vois, pour ma part, aucune réponse à cette
objection. Le trajet des deux nerfs, l’un en avant et l’autre en arrière de
l’humérus, de manière à embrasser cet os dans une sorte de boutonnière,
s’explique facilement, au contraire, sans faire intervenir la torsion humérale.
En plaçant en effet le membre dans sa situation primitive, il est facile de con-
cevoir et de constater que les nerfs émanant du plexus brachial, qui occu-
pent la face interne de la racine du membre, se portaient, les uns sur la face
interne du bras, les autres sur la face externe. Le cubital occupait le bord
postérieur de la face interne, le nerf médian le milieu de cette même face;
le musculo-cutané se portait d’arrière en avant sur le bord antérieur de cette
même face interne. Quant au nerf radial, il se portait de dedans en dehors,
passait derrière l’humérus et gagnait la face externe du bras et de l’avant-
bras. L’humérus se portant en arrière de manière à ce que sa face ex-
terne primitive devînt postérieure, on comprend que le cubital, le médian et
le brachial antérieur soient restés sur la face interne du bras devenant face
antérieure, tandis que le radial seul s’est trouvé sur la face postérieure et
sur le bord externe. Mais la torsion imprimée aux muscles long supinateur,
court supinateur, radial externe, par la pronation de l’avant-bras, et par
leur transport en avant, ont accru la direction spiralée du nerf qui s’y dis-
tribue. 11 n’y a dans cette explication rien que de très-simple et de très-ra-
tionnel. Peut-on en dire autant de celle qui repose sur la torsion humérale ?
Des cinq nerfs terminaux du plexus brachial, un seul, le radial, a un trajet
en hélice, les quatre autres ont un trajet rectiligne, savoir : le cubital, le
radial, le musculo-cutané et le brachial cutané interne. 11 y a donc là une
preuve irréfutable du défaut absolu de torsion de l’os. 11 n’est donc pas juste
de dire, avec M. Martins : «Tout, dans le bras, est disposé comme si la
— 354 —
» torsion s’était physiquement effectuée : les muscles, les artères, les nerfs ,
» ont suivi le mouvement de rotation de l’extrémité cubitale de l’humérus ».
Quant aux muscles, les considérations que je viens de présenter pour les
nerfs s’appliquent à eux avec un degré de plus de force. Si l’humérus était
tordu, les muscles qui s’insèrent sur un parcours assez étendu de sa longueur
devraient présenter des surfaces d’insertion en hélice, et, l’angle de torsion
étant chez l’Homme de 180 degrés, on verrait des insertions musculaires
enlacer l’humérus et passer de la face postérieure aux faces antérieures, et
réciproquement. Or, il n’en est rien , et l’on peut dire qu’il n’y pas un seul
muscle, non pas même les deux vastes du triceps, dont les insertions portent
la trace d’une vraie direction en hélice. Le muscle brachial antérieur , qui
embrasse les deux tiers inférieurs environ de la longueur de l’humérus,
occupe régulièrement les deux faces antérieures de l’humérus, et ne sort
point de ses limites pour atteindre la face postérieure. Le vaste interne occupe
presque toute la face postérieure convexe de l’humérus, et n’atteint par
aucun de ses points les faces anterieures. Le vaste externe a également une
insertion presque rectiligne et verticale, suivant le tiers supérieur du bord
interne de l’humérus. Entre ces deux muscles se trouve supérieurement un
interstice vertical occupé par du tissu conjonctif, et inférieurement un inter-
stice légèrement oblique en bas et en dedans, où se loge le nerf radial
jusqu’au bord interne de l'humérus. Cet interstice ressemble à cet
égard à mille autres interstices obliques destinés au passage des vais-
seaux et des nerfs. Les muscles long supinateur, radiaux externes et épi-
condyliens s’insèrent sur une crête légèrement contournée en hélice;
mais, outre que cette courbe n’occupe que le tiers inférieur de l'humérus,
nous savons aussi quelle est le résultat, et exclusivement le résultat,
delà pronation de l’avant-bras, puisqu’elle ne se produit ontogénétiquement
et phylogénétiquement que lorsque l’avant-bras est placé ou peut se placer,
comme chez l’Homme, dans une pronalion extrême.
Ainsi donc, les muscles qui occupent presque toute ou même toute la
longueur des faces du bras, tels que le brachial antérieur et les vastes du
triceps, restent fidèlement cantonnés sur une des faces de l’humérus, et ne
présentent en aucune façon l’extension d’attaches d’une face à l’autre, qui
serait la conséquence nécessaire de la torsion de l’humérus. La disposition
du système musculaire du bras, comme celle du système nerveux, est donc
en opposition formelle , absolue, avec l’existence d’une torsion de l’hu-
mérus.
11 me serait facile de démontrer que rien dans le système vasculaire ne
présente la moindre trace de torsion. L’artère humérale suit en effet un trajet
rectiligne; et si l’on pouvait conclure quelque chose des dispositions si va-
riables, si mobiles, et par suite si peu significatives, du système vasculaire,
c’est pour le membre inférieur qu’il faudrait parler de torsion, puisque, soit la
fémorale profonde, soit la superficielle, contournent le fémur en hélice, et
d’antérieures deviennent internes et postérieures. Il n’y a rien au bras de sem-
blable dans le trajet de l’humérale, et la collatérale externe seule, artère de
petit calibre, présente un trajet oblique et contourné qui n’a rien de bien
frappant quand on pense aux inflexions bien autrement marquées des artères
sus et ‘sous-scapulaires, cervicale profonde, vertébrale, radiale, cubitale,
palmaires, obturatrice, épigastrique, fessières, honteuse interne, etc., pour
lesquelles on ne songe pas à invoquer des conditions de torsions osseuses.
Il y a plus encore. En prétendant que l’humérus est le seul os du sque-
lette qui paraisse évidemment tordu , et le seul que des nerfs et des vais-
seaux contournent en décrivant une hélice , M. Marlins oublie qu’il
existe dans le squelette humain un os pour lequel la torsion est au moins
aussi évidente que dans l’humérus, où elle est même beaucoup mieux
démontrable par les insertions musculaires, et qui est contourné en hélice
par des nerfs et des vaisseaux. Cet os, c’est le péroné. Qu’il me suffise de
citer la courte discription qu’en donnent Beaunis et Bouchard.1 «Le corps
» du péroné, prismatique, triangulaire, présente une torsion de ses faces,
» parallèle à l’ enroulement des muscles , qui d’externes deviennent posté-
» rieurs par rapport à l’os ; chacune des trois faces change ainsi de direc-
» lion , la face externe devenant postérieure en bas, la face postérieure
» interne, la face interne antérieure. Les trois bords , antérieur, externe
» et interne, très-tranchés , subissent la même déviation.» De plus, le pê-
1 Beaunis et Bouchard ; Nouveaux Éléments d'anatomie descriptive, 1873, 2e édition. (Il
y a dans le texte une confusion de termes, la face interne étant désignée comme externe, et réci-
proquement )
— 556 —
l oné est, clans sa partie supérieure, contourné en hélice par le nerf sciatique
poplité externeet parses branches, quide postérieures deviennent antérieures
et internes, décrivant ainsi un angle de torsion de 180° au moins. Or, il se
trouve précisément que ce nerf n’est autre chose au membre inférieur que
l’homologue de cette portion du nerf radial qui, contournant le bord
externe de l’humérus, vient se distribuer au long supinateur, aux ra-
diaux externes, aux extenseurs des doigts. Le sciatique poplité externe
se distribue en effet au tibial antérieur et aux extenseurs des orteils.
Faudra-t-il considérer aussi le péroné comme ayant subi une torsion
réelle ou même virtuelle ? Les traces et les preuves de cette torsion abondent
en effet, mais il n’est jamais venu à la pensée d’aucun anatomiste de consi-
dérer le péroné comme tordu. 11 est vrai que cette conception n’avait pas,
comme celle de l’humérus, une signification théorique de quelque importance.
D’ailleurs, fût-elle née dans le cerveau de quelque ingénieux théoricien natu-
raliste ou philosophe, elle n’eût eu qu’une bien éphémère durée. 11 eût fallu
en effet décider dans quel sens avait lieu la torsion du péroné. Or, si l’on
consulte les saillies osseuses et les insertions musculaires, on ne peut douter
que la torsion ne se soit opérée d'avant en arrière et de dehors en dedans
(l’extrémité supérieure étant considérée comme fixe). L’examen de l’hélice
décrite par le nerf sciatique poplité externe et ses vaisseaux démontre au
contraire que l’os a été tordu d 'arrière en avant et de dehors en dedans.
A laquelle des deux preuves de torsion faut-il donner la préférence ? Quel
parti laul-il prendre? Le plus sage et le plus rationnel est évidemment
de n’attacher à ces deux ordres de faits aucune signification et aucune im-
portance comme signes d’une torsion de l’os. Les déviations des surfaces
osseuses tiennent ici à des déviations musculaires de môme ordre que celles
que nous avons constatées pour l’humérus. De même que la main, en se
portant dans une pronation extrême, avait attiré les radiaux en avant
et dévié leur crête d’insertion; de môme le pied, en se plaçant dans une
supination exagérée, a entraîné en arrière les muscles péronéaux et dévié
leurs crêtes d’insertions.
Quant au trajet en hélice du nerf sciatique poplité externe et de ses
branches autour du péroné, il n’a pas lieu de nous surprendre. Il a eu les
mêmes causes que le trajet du radial. 11 contourne, comme ce dernier nerf,
— 557
le bord postérieur du membre postérieur placé dans sa situation primitive ;
mais à cause de son union prolongée avec le grand nerf sciatique, au lieu de
contourner le fémur, il ne se dévie que plus bas et contourne le péroné.
Si, dans le bras, le radial n’acquérait pas son indépendance presque dès son
origine et restait uni au médian, il contournerait également le cubitus, qui
est l’homologue du péroné, et reproduirait fidèlement la disposition du sciati-
que poplité externe à la jambe.
Je ne crois pas trop présumer en concluant, de ces considérations, que ni
les crêtes en hélice, ni les gouttières spirales, ni les nerfs contournés en
hélice, ni les déviations musculaires, n’ont une valeur réelle comme preuves
de la torsion d'un os, et par conséquent de l’humérus.
M. Martins, qui avait d’abord considéré la torsion de l’humérus comme
virtuelle, c’est-à-dire ne s'étant jamais opérée , a modifié ses idées sous
l’influence des travaux de Gegenbaur’. Il persiste à considérer comme vir-
tuelle la torsion initiale de l’humérus ; mais cette torsion se continue réel-
lement l’état fœtal , infantile et adulte, et serait, d’après Gegenbaur,
de 47° à partir du huitième mois jusqu'à l’âge adulte. « Auparavant
» l’humérus est tordu virtuellement et non mécaniquement , d’un certain
» nombre de degrés», puisque, « du jour où le membre antérieur apparaît
» sur un fœtus âgé de quelques semaines, le bras est fléchi en avant et la
» main est en demi-pronation.»
Ainsi donc, la seule et unique preuve de la torsion virtuelle primitive de
l’humérus est la flexion du bras en avant. M. Martins avoue en effet que l’os
ne porte aucune trace de cette torsion primitive et qu’il se montre sous la
forme d’une palette aplatie et identique , sauf la grandeur, à celle du fémur.
Nous lisons du reste, quelques pages plus loin, que chez les embryons de
l’Homme à un mois, du Chien et de la Tortue au même âge, et du Poulet au
huitième jour, les membres antérieurs et postérieurs sont identiques entre
eux, et d’un animal à l’autre. Ces derniers faits sont exacts, mais je conteste
qu’on puisse en dire autant de l’attitude que M. Martins prête au membre
antérieur du jour où il apparaît ; ce membre u’est pas alors fléchi en avant ,
1 Gegenbaur; Jenaische Zeitschrift, Bd. 4. « Il s’opère donc pendant la vie une torsion
réelle de l’humérus autour de l’axe dn corps du l’os. »
— 558 —
pas plus que la jambe n’est fléchie en arrière. Ils sont l’un et l’autre fléchis
en dedans, parallèles et identiques. Or, comment admettre que de deux
os identiques de forme, de situation, et l’on peut même ajouter de gran-
deur, l’un soit tordu de 140° environ, et l’autre n’ait éprouvé aucune tor-
sion. Où sont les preuves d’un phénomène si étrange? Y en a-t-il quelques
traces ?L’os, dit M. Marlins, ri en porte aucune trace. 11 est évident que l’hy-
pothèse de la torsion primitive de l’humérus n’a d’autre raison d’être que le
besoin d’expliquer la flexion du coude en avant , tandis que le genou se
fléchit en arrière. Mais cette flexion du coude en avant n’existe pas primiti-
vement ; elle ne se produit que plus tard, et même alors on n’a pas le droit,
pour l’expliquer, d’avoir recours à une hypothèse aussi gratuite, aussi dé-
nuée de toute apparence de preuves que la torsion primitive de l’humérus ;
on n’a pas, dis-je, ce droit, à moins que, toute autreexplication faisant défaut,
on veuille donner à l’esprit une satisfaction momentanée et temporaire,
comme on donne à l’estomac un de ces aliments insuffisants qui trompent la
faim. Or, nous l’avons vu, la rotation de l’humérus en dehors et son
transport en arrière suffisent à merveille pour rendre compte de la flexion
du coude en avant, et n’exigent le recours à aucune hypothèse.
On ne saurait donc admettre la torsion virtuelle primitive de l’humérus.
Elle n’est appuyée sur aucune preuve extérieure ; rien dans le bras du fœtus
(et j ajouterai de l’adulte) n’est « disposé comme si elle s'était physiquement
effectuée », et aucune de ses a conséquences n’existe». De plus, elle n'est
nullement necessaire comme explication du sens de la flexion. Ce dernier
s’explique physiologiquement par un mécanisme accessible à l’observation
extérieure, suivant un processus qui tombe complètement sous les sens, et
il n’est nul besoin, pour le comprendre, de pénétrer de force sur le « do-
maine de la métaphysique » , domaine nuageux pour lequel, soit dit sans
indiscrétion, M. Marlins n’a qu’une médiocre estime, et où il n’a mis le
pied que parce que les contradictions et les impossibilités de la théorie l’y
ont violemment rejeté.
Mais si la torsion virtuelle ne laisse aucune trace sur l’humérus du fœtus
humain, la torsion effective, réelle, qui lui succède, a-t-elle des signes plus
évidents? Si les mesures (dont je suis loin de contester l’exactitude) prises
— 559 —
par Gegenbaur1 sur des fœtus de différents âges sont réellement appelées
à prouver une torsion effective de l’humérus dès les premières semaines de
la vie fœtale, il devrait se former à cet âge, sur le corps de l’humérus, de
vrais signes de torsion. Remarquons d’ailleurs que, d’après les mesures
de Gegenbaur, la torsion complémentaire de l’humérus serait de 47° depuis
le huitième mois de la vie fœtale jusqu’à l’âge adulte, ce qui représente
une période de 20 à 25 ans environ, tandis que du troisième ou quatrième
mois au neuvième de la vie fœtale, c’est-à-dire dans l’espace de quatre ou
cinq mois seulement, l’angle de torsion croîtrait de 25°. Si l’on considère la
rapidité relativement très-considérable de croissance de l’angle de torsion
pendant la vie fœtale, et si l’on réfléchit d’autre part que cette torsion porte
sur un os dont la longueur est à cette époque très-petite et où par consé-
quent un même angle de torsion doit produire un effet matériel et des tra-
ces autrement prononcées que sur un os déplus grande longueur; si, dis-je,
on réfléchit à toutes ces considérations, on sera autorisé à rechercher sur le
corps de l’humérus du fœtus et de l’enfant des signes de torsion plus mar-
qués encore que chez l’adulte. Or, j’ai examiné avec le plus grand soin, à
cet égard, la riche et nombreuse collection de squelettes de fœtus et d’enfants
de tous les âges de la Faculté de Médecine de Montpellier, et voici les résul-
tats de mon très-sérieux examen.
Chez les fœtus de tout âge, et jusqu’à l’époque de la naissance, le corps
de l’humérus (abstraction faite de ses épiphyses articulaires) est un os
identique , pour la forme, au corps du fémur. C’est un os phalangiforme ré-
gulier, légèrement aplati d’avant en arrière, et ne présentant absolument
aucune trace de torsion, ni sur ses faces ni sur ses bords. Il y a entre
les deux os cette seule différence que la face convexe de l’humérus est plus
ou moins postérieure, tandis que celle du fémur est plus ou moins anté-
rieure. Jusqu’à l’âge de deux ans, l’humérus reste identique au fémur,
sauf l’inversion des faces. 11 n’y a aucune différence de formes ; les si-
tuations relatives seules diffèrent. Chez l’enfant de six ans même, la crête
de torsion n’existe pas encore; à peine commence-t-elle à paraître à huit
ans, sur le quart inférieur environ du bord externe de l’humérus.
1 Gegenbaur ; loc. cit.
46
- 560 —
Ces faits portent avec eux leur conclusion. L’humérus ne se tord pas chez
le fœtus et l’enfant ; la torsion effective n’existe pas plus que la virtuelle,
et les saillies qui se produisent dans une direction oblique et en hélice sur
le bord externe de l’humérus doivent être attribuées à une tout autre cause
que la torsion de l’os. Le développement des muscles externes de l’avant-
bras (long supinateur, radiaux, etc. ) explique suffisamment et rationnel-
lement le développement de la crête , et l’accentuation de la pronalion de
l’avant-bras nous donne la raison logique et naturelle de la disposition en
hélice de la crête d’insertion .
11 y a d’ailleurs, dans les propositions de M. Mar tins, des obscurités et des
contradictions qui tiennent à leur nature même, et qui sont loin de plaider
en faveur de leur certitude.
Chez l’Homme et chez les Mammifères terrestres et aquatiques, la torsion
de l'humérus serait d’une demi-circonférence, ou 180° environ. Mais chez
l’Homme et les Singes anthropomorphes, l’axe du col de l’humérus étant
dirigé de dehors en dedans, la torsion porterait tout entière sur le corps
de l’humérus. Chez tous les autres Mammifères, la torsion de l’humé-
rus, de 180°, se décomposerait en deux torsions : celle du col, de 90°, et
celle du corps , également de 90°. M. Marlins attribue à M. Brocala mise en
pleine lumière de cette vérité dans son parallèle anatomique de l'Homme et
des Singes.
Sur ce sujet, je me trouve encore en opposition avec M. Martins. S’il est
vrai (en se plaçant, bien entendu, au point de vue de la théorie de la tor-
sion); s’il est vrai, dis-je, qu’on puisse considérer l’humérus de l’Homme et
des Anthropoïdes comme tordu de 180°, on ne saurait en faire autant poul-
ies autres Mammifères terrestres et aquatiques. Sur tous ces animaux, en
effet, l’axe de la tête humérale est dirigé directement en arrière, tandis que
l’axe de la trochlée est transversal ; d’où il suit que les deux axes sont
perpendiculaires l’un à l’autre et ne sont séparés que par un angle de 90u
environ. Je n’ai trouvé absolument aucune exception à cette règle. Pour
expliquer ce fait, M. Marlins avait, lors de la publication de son premier Mé-
moire, supposé que chez ces Mammifères, « X extrémité inférieure de 1 'hu-
mérus ayant accompli une révolution de 180° (comme chez l’Homme et les
— 5G1 •
Anthropoïdes), la supérieure, au lieu de rester fixe, comme chez l’Homme,
était elle-même tordue de 90°, ou d’un angle droit ». Mais il faut convenir que
ce mode de procéder de la nature a quelque chose de singulièrement com-
pliqué et recherché. Il est à remarquer, en effet, que la torsion de l’extrémité
supérieure, telle que la comprenait M. Martins, se fait dans un sens parallèle
à celui de la torsion de 180° subie par l’extrémité inférieure. La résultante
de ces deux torsions n’est donc autre chose que leur différence, c’est-à-dire
180° — 90°= 90°. On a le droit de demander pourquoi la nature n’a point
simplement et directement tordu l’humérus de 90° au lieu de le tordre de 1 80°
d’une part, pour en retrancher 90° d’autre part. C’est là une complication
de processus qui n’est guère en harmonie avec les lois naturelles et avec
la simplicité qui caractérise généralement les processus organiques.
D’ailleurs il est impossible, tout à fait impossible, de reconnaître sur la
partie supérieure et sur le col de l’humérus la plus faible trace de torsion.
Chez la plupart des Mammifères, ce col n’existe réellement pas, et la tête
forme un chapiteau écrasé et légèrement dévié, qui se confond insensible-
ment avec le corps de l’humérus. Où trouver là les traces d’un col et la
place nécessaire pour une torsion de 90° ?
Dans son dernier travail (article du Dictionnaire encyclopédique), M. Mar-
tins a modifié ses vues à cet égard, et pense que « la torsion de l’humérus
de 180° se décompose dans tous les Mammifères, l’Homme et les Singes an-
thropomorphes exceptés, en deux torsions: celle du col , de 90°, et celle du
corps, également de 90°». Je n’ai pas besoin de répéter à propos de la torsion
du col ce que je viens d’en dire ; je me borne à mettre au défi les partisans
de cette torsion d’en démontrer la plus faible trace. Au reste, il faudrait
bien d’abcrd qu’il y eût entente entre eux sur ce point, car les caractères
obscurs et indécis de celte torsion ont amené nécessairement quelque con-
fusion sur la matière. La lucidité d’esprit et d’exposition de MM. Martins et
Broca, qui sont justement et légitimement proverbiales, ont eu quelque chose
à souffrir de leur contact avec une donnée si peu lumineuse
M. Martins, en effet, se croit fort de l’assentiment de M. Broca', et d’autre
1 Broca; L'Ordre des Primates ( Bulletin de ta Société d' Anthropologie , 1869, pag. 302
et suivantes).
— 562
part M. Broca croit être l’interprète fidèle de M. Martins, alors qu’il n’y a
rien de moins évident que l’accord de leurs opinions. « L’angle de 180°,
dit M. Martins, se décompose chez les Mammifères, l’Homme excepté, en
deux torsions : celle du col , de 90°, et celle du corps , également de 90° ;
c’est une vérité , ajoute-t-il, que Broca a mis zen pleine lumière dans son
parallèle anatomique de l’Homme et des Singes».
Mais que dit d’autre part M. Broca' ? Je cite textuellement : «Mais où
»s’eiïeclue, dans le membre thoracique, cette torsion de deux angles droits
«qui est commune à tous les Mammifères terrestres ou amphibiens? Il
»y a deux types essentiellement différents, dont l’un s’observe chez les
«quadrupèdes et l’autre chez les bipèdes. Dans l'un et l’autre cas, une
«large gouttière obliquement étendue de la face antérieure du corps de
«l’humérus à la face postérieure, et connue depuis longtemps sous le
»nom d e gouttière de torsion, indique que le corps de cet os est réel-
lement tordu , tandis que celui du fémur ne présente rien de sem-
»blable. Mais, chez les quadrupèdes, cette torsion intrinsèque du corps
y de ï humérus nest que d'un quart de cercle ou d'un angle droit ; le
y>reste de la torsion, qui est d'un second angle droit , s’effectue au-dessus
y de ï humérus, par suite de la position de l’omoplate, dont la cavité glénoïde
«regarde en bas et en avant , au lieu de regarder en bas et en dehors,
«comme la cavité cotyloïde de l’os iliaque. Chez les bipèdes, au contraire,
«la cavité glénoïde de l’omoplate regarde en dehors, comme la cavité coty-
«loide; l’ articulation de l'épaule ne prend donc aucune part ( ou pres-
«que aucune part) à l’inversion du membre, laquelle s’effectue tout entière
y, dans le corps de l'humérus L’humérus du quadrupède peut
y>donc être considéré comme un fémur dont le corps aurait subi une tor-
y)sion d'un quart de cercle L'humérus humain est semblable à un
» fémur dont le corps aurait subi une torsion d'un demi-cercle . Et l’on
«conçoit effectivement que si un premier quart de cercle de torsion amène,
«comme chez les quadrupèdes, la face antérieure ou rolulienne du coude
«au-dessous de la tète humérale, un second quart de cercle de torsion doit,
«chez les bipèdes, l’amener en arrière et compléter l’inversion du membre.
1 Broca loc. cit., pag. 303.
— 565 —
»M. Charles Marlins, à qui l’on doit la découverte de ce fait important ,
»l’a ramené à des termes plus simples en déterminant la direction de l’axe
»de la tête de l’humérus, c’est-à-dire de l’articulation de l’épaule par rap-
»portà l’axe, toujours tranversal et sensiblement horizontal, de l’articulation
»du coude
»U n’est donc pas tout à fait exact de dire que l’insertion des mem-
bres antérieurs des bipèdes soit due exclusivement à la torsion de l’hu-
vmérus-, elle est due, pour une faible part, à la direction de l’omoplate,
» dont la cavité glénoïde ne regarde pas tout à fait rigoureusement en dehors,
» mais regarde aussi un peu en avant. Il n’en reste pas moins certain,
» après cette légère rectification, que le degré de torsion de l'humérus con-
« stitue, entre les bipèdes et les quadrupèdes , une différence énorme , qui
» est en moyenne chez les adultes d’environ 75 degrés. »
. . .Et page 506 : « Chez le bipède, où la torsion est de près de deux
» angles droits, la tête humérale est tournée en dedans et les tubérosités
» voisines (trochiter et trochin) sont tournées en dehors. . . Mais chez les
» Quadrupèdes, où la torsion de l'humérus n'est que d'un seul angle droit ,
» la tète humérale, au lieu d’être dirigée en dedans, est dirigée en arrière.
» Les tubérosités sur lesquelles s’insèrent nos muscles rotateurs sont placées
» en avant. ...»
Les citations précédentes montrent assez clairement les contradictions
inconscientes qui séparent les deux opinions. PourM. Martins, l'humérus de
Quadrupède est tordu de 180°, comme celui de Bipède. PourM. Broca, l’hu-
mérus de Quadrupède n’est tordu que de 90°. Seulement il y a une seconde
torsion de 90° ; mais quel est son siège? Dans le col , dit Martins. — Au-
dessus de l’humérus , dans l’articulation scapulo- humérale, dit Brcca.
Or, si nous faisons abstraction de l’angle de torsion de 90°, queM. Broca
place au-dessus de l’humérus, c’est-à-dire dans l’interligne inter-articulaire,
et qui est tout à fait indépendant de la torsion intrinsèque de l’os, nous
voyons que pour M. Broca la torsion de l’humérus chez les Quadrupèdes n’est
réellement que de 90°. On peut, je le pense, considérer cette addition de
90° de torsion articulaire, faite par M. Broca, comme le résultat d’un entraî-
nement théorique et comme une concession inconsciente à la proposition
passée sans critique suffisante à l’état d’axiome, et en vertu de laquelle la
torsion de l'Homme et des Mammifères terrestres et aquatiques serait de
180°. 11 est du reste digne de remarque que celte torsion articulaire de9ü°,
que M. Broca portait à l’actif de l’angle de 180°, doive en réalité être
portée à son passif, car elle se fait dans un sens 'parallèle à la prétendue
torsion de l’humérus, par suite du transport de l’omoplate de dedans en
dehors et d’avant en arrière.
Il reste donc clairement établi que chez tous les Mammifères terrestres et
aquatiques, le prétendu angle de torsion de l’humérus n’est que de 90°. C’est
là du reste le résultat auquel reviennent au fond les données de M. Broca et
même celles de M. Mai lins dans son premier Mémoire, puisque, comme nous
l’avons vu, l’angle de torsion de l’humérus se réduirait pour lui, chez les
Mammifères, à 180° — 90°, c’est-à-dire à 90°.
D’ailleurs Gegenbaur, qui a cependant prêté àla théorie de la torsion l’ap-
pui de sa haute compétence, n’a pas accepté sans hésitation les vues de
M. Marlinssur la torsion de l’humérus chez les Mammifères autres que les
Anthropomorphes. « Suivant M. Martins, dit-il, le col serait tordu de 90°,
»ce qui résulte du parallélisme de ce col avec le plan médian, et de la
» position des tubérosités qui bordent la coulisse bicipitale. Cette proposition
» me laisse quelques scrupules, car il faut dans ce cas examiner la position
» de l’humérus par rapport au squelette tout entier, tenir compte de celle
Dde l’omoplate, et peut-être la torsion n’est-elle pas plus forte que dans
» les Reptiles » Je me borne à ajouter qu’on ne vil jamais des scrupules
plus légitimes, et de peut-être plus inopportun.
«...Chez les Chéiroptères, chez les Oiseaux et chez les Reptiles, dit
» M. Martins, la torsion de l’humérus est de 90° ou moins de 90° seulement. .
» La torsion de 90° est donc une des conditions ostéologiques du vol et de
» la reptation. . . . Sur le Caméléon, au contraire, l’humérus est tordu de
» 180° , car le Caméléon est un reptile qui ne rampe pas ; il marche comme
» un quadrumane, en fléchissant son avant-bras en avant Dans les
» Chéloniens, la torsion n’est visible que sur les grandes Tortues terrestres
t Gegenbaur; Sur la torsion de l’humérus. Jenaische Zeitschrift, BU. 4. Traduit par
M. Martins.
- 565 —
» et fluviatiles , et , dans les Batraciens, sur les Crapauds et les grosses
» Grenouilles.»
Les Chéiroptères peuvent donner lieuàdesconsidéralions très-importantes
sur la valeur de la théorie de la torsion. Chez eux, comme le dit fort bien
M. Martins, l’axe du col de l’humérus est perpendiculaire à l’axe de la tro-
chlée, et la torsion (si torsion il y a) n’est que de 90°. Il est seulement juste de
faire remarquer que l’humérus des Chéiroptères, et même des grandes
Roussettes, est un os dont le corps cylindrique ne présente aucune trace de
torsion, et que le tiers, et parfois même presque la moitié supérieure de son
bord externe ou ligne âpre, qui correspond au sens de la flexion du coude,
est occupé par une crête verticale assez saillante, dont la direction entière-
ment rectiligne se concilie peu avec une torsion effective du corps de l’os.
Mais supposons pour un instant que l’humérus ait été tordu réellement
de 90°, et comparons-le au fémur du même animal. Plaçons les deux os l’un
à côté de l’autre, de manière à ce que la saillie des condyles fémoraux cor-
responde à la saillie de la trochlée. En opérant ainsi sur un squelette humain
ou sur une squelette de Mammifère quadrupède, il y aurait discordance
dans la direction des axes des cols de l’humérus et du fémur, et c’est cette
discordance même qui a tourmenté le cerveau des anatomistes et a provoqué
l’enfantement de toutes les hypothèses et théories destinées à opérer l’assi-
milation du membre antérieur avec le membre postérieur. La tête du fémur
est, chez l’Homme et chez lesMammifères, si généralement dirigée en dedans,
de manière à faire un angle ouvert en dedans avec le bord interne de l’os,
que les anatomistes ont accepté cette disposition comme absolument typique
et immuable. C’est une des raisons pour lesquelles M. Martins a été con-
duit à considérer le fémur comme un os non modifié, et présentant chez tous
les Mammifères (Homme, xâmthropoïdes, Chéiroptères, etc., etc., Oiseaux,
Reptiles, Batraciens) une disposition identique et primordiale. C’est du
reste aussi la même pensée qui a dicté à M. Broca les lignes suivantes’.
« La tête du fémur , dans toute la série , est toujours placée sur le côté
» interne de l’os, et parconséquent au-dessus du condyle interne du genou.
» Si maintenant nous prenons l’humérus d’un quadrupède, d’un Cheval
1 Broca, loc. cit., pag. 303.
— 566 —
» par exemple, nous trouvons que la tête de l’humérus est placée sur le
» prolongement de la face postérieure de cet os, etpar conséquent au-dessus
» de la cavité olécranienne, qui occupe la face postérieure du coude. »
Le fémur des Chéiroptères parmi les Mammifères et le fémur de pres-
que tous les Reptiles, se chargeront de renverser ces attributs immuables
gratuitement accordés au fémur.
Plaçons en effet l’humérus d’un Chéiroptére à côté de son fémur (PI. IX,
fig. 16 et 17), et nous constaterons que la tête du fémur est située sur
le 'prolongement de la face convexe (et non sur le côté interne de l'os), et
par conséquent au-dessus delà coulisse rotulienne qui occupe la face d’ex-
tension du genou, et qui correspond exactement à la cavité olécranienne
de l’humérus. Quelle différence y a-t-il donc à cet égard entre l’humérus et
le fémur des Chéiroptères? Aucune : le parallélisme des deux os est parfait,
et la situation de la tête est identique dans les deux cas, ainsi qu’on peut
en juger par les fig. 16' et 17', PI. IX, qui représentent les extrémités su-
périeures de l’humérus et du fémur d’un Vespertilio vues dans le sens de
l’axe des os, les deux os étant placés dans des situations identiques par
rapport à l’axe et à la direction des extrémités trochléenne et condylienne.
Donc, si l’on admet que l’humérus a subi une torsion de 90°, il faut de
toute nécessité accorder la même faveur au fémur. La conclusion est forcée;
elle est môme brutale, comme le fait sur lequel elle repose. Mais les partisans
de la torsion de l’humérus reconnaissent eux-mêmes, et avec raison, qu’il
n’y a dans le fémur aucune trace de torsion, et puisqu’ils sont les défenseurs
de la fixité de forme du fémur, on est autorisé à leur dire : Si le fémur n’est
pas tordu, de quel droit considérez-vous l’humérus comme l’étant ?
Ce fait, qui n’est certes pas isolé, porte avec lui plusieurs enseigne-
ments. Je me borne à en formuler deux pour le moment, réservant les au-
tres pour la suite de cette étude :
1° La forme du fémur n’est point fixe, invariable, relativement à la direction
de l’axe de sa tête. Le fémur est susceptible d’être modifié aussi bien que
l’humérus et de la même manière;
2° La déviation de l’axe du col de l’humérus, par rapport à l’axe de la
trochlée, n’est nullement une preuve de sa torsion, et il faut chercher à cette
déviation du col une cause plus conforme aux faits et à la vérité.
(
- 367 -
L’humérus des Oiseaux et des Reptiles est-il tordu de 90° ? C’est ce que
je vais examiner.
L'humérus de l’Oiseau (PL XIX, jig. 10 et 12) est un os cylindrique dans
sa partie moyenne, comprimé d’avant en arrière à ses deux extrémités,
et présentant deux inflexions en sens inverse qui lui donnent la forme d’une
S à courbures très-ouvertes. Je n’y ai, pour ma part, trouvé aucun signe,
aucune trace de torsion. C’est un os doublement infléchi, mais nullement
tordu.
Voyons du reste de quelle manière M. Martins conçoit et mesure la tor-
sion de l’humérus chez les Oiseaux. Ainsi que l’on peut en juger sur la
fig. 10 de la PI. I qui accompagne son premier Mémoire. M. Martins consi-
dère comme col de l’humérus la portion aplatie qui surmonte la crête del-
toïdienne ou pectoro-deltoïdienne, et qui se porte en arrière lorsque l’aile
est étendue. Un axe passant par c ^prétendu col de l’humérus se trouve dans
un plan perpendiculaire au plan qui passe par l’axe de la trochlée. L’axe du
col d’une part, et l’axe de la trochlée d’autre part, étant perpendiculaires l’un
à l’autre, il en résulterait que l’humérus serait tordu de 90°.
Les prémisses et la conclusion que le savant Professeur de Montpellier
veut en tirer sont également attaquables, ainsi que je le démontrerai bien-
tôt. Mais d’ailleurs, en admettant même que la tête de l’humérus fasse avec
l’axe de la trochlée un angle de 90°, quelle preuve en déduira-t-on d’une
torsion qui n’a laissé aucune trace apparente? La clavicule humaine possède,
comme l’humérus de l’Oiseau, une double inflexion en sens inverse, et res-
semble comme lui à une S très-ouverte. Bien plus, le grand axe de ses ex-
trémités articulaires se trouve occuper des plans perpendiculaires l’un à
l’autre. L’extrémité externe a son grand axe à peu prés horizontal, tandis
que celui de l’extrémité interne est plutôt vertical. Il y a là une forme compa-
rable à celle de l’humérus de l’Oiseau et bien plus comparable encore à celle
de l’humérus du Crocodile; il n’est cependant jamais venu à la pensée de per-
sonne de considérer pour cela la clavicule humaine comme ayant subi une
torsion de 90°. Je ne vois pas qu’on ait plus de raison pour le faire à l’égard
de l'humérus d’Oiseau.
Mais examinons si cequeM. Martins a considéré comme un col de l'humérus
chez l’Oiseau mérite réellement cette qualification, et demandons-nous ce
47
— 368 -
que c’est qu’un col et une tête, dans le sens qu’on attache à ce mot lorsqu’on
parle de l'humérus et du fémur.
L’humérus et le fémur se terminent supérieurement par une extrémité
renflée qui se J compose généralement de trois parties : la tête et les
tubérosités d’insertion des muscles. Néanmoins la tête peut faire défaut,
ainsi que nous le verrons. Quand elle existe, elle peut être sessile, c’est-
à-dire confondue par sa base avec les tubérosités et l’extrémité de la dia—
physe ou corps de l’os; ou bien elle est reliée au corps par une portion plus
ou moins allongée et rétrécie qu’on appelle col.
Les caractères du col sont : 1° detre placé entre les tubérosités et la
tête, et par conséquent d’être au-dessus des tubérosités et indépendant
d’elles dans une certaine mesure ; 2° d’être en rapport, sur une étendue
plus ou moins grande, avec les insertions de la capsule articulaire; 5° de ne
pas présenter d’insertions musculaires; 4° d’avoir une direction variable sui-
vant les cas par rapport à l’axe du corps de l’os.
Les caractères des tubérosités sont, au contraire : 1° d’être largement con-
fondues par leur base avec le corps de l’os; 2° d’être la continuation directe
et l’épanouissement supérieur du corps de l’os ; 5° d’être en dehors des inser-
tions de la capsule articulaire; 4° detre couvertes d’insertions musculaires.
Pour l’humérus et le fémur, ces tubérosités sont généralement en rapport,
l’une avec les muscles extérieurs de la région scapulaire ou iliaque, et l’au-
tre avec les muscles intérieurs de ces mêmes régions.
11 résulte de là que le col, quand il existe, commence au point où finis-
sent les insertions musculaires, c’est-à-dire au-dessus des véritables tubéro-
sités trochantériennes. Ce qui est au-dessous des insertions musculaires
trochantériennes ne saurait donc être légitimement considéré comme col.
Enfin les caractères de la tête osseuse sont : 1° d’être une saillie osseuse
plus ou moins arrondie, plus ou moins saillante, plus ou moins indépen-
dante de l’extrémité supérieure de l’os ; 2° d’être sessile ou portée par un
col; 5° de ne donner place ni à des insertions ligamenteuses ni à des
insertions musculaires; 4° d’être recouverte d’un cartilage de glissement.
Ce sont là des caractères dont on ne saurait nier l’exactitude chez tous
les animaux où fine peut y avoir de doute sur l’existence et la valeur d’une
tète, d’un col et de tubérosités.
— 569 —
Or, en étudiant à la lumière de ces caractères incontestables l’extrémité
supérieure de l’humérus de l’Oiseau (PI. VIH, fig. 10 et 12), on voit que
la portion supérieure aplatie et infléchie qui est bordée en dehors par la
crête pectoro-deltoïdienne est la partie supérieure du corps de l’os. Cette
partie élargie est surmontée d’une tête articulaire T, formant une portion
d’ellipsoïde (PI. IX, fig. 14) dont la base se confond avec l’extrémité su-
périeure du corps de l’os. Il n’y a réellement pas de col anatomique. L’ex-
trémité externe de cette tête se confond presque (tant le col est absent !)
avec une tubérosité peu prononcée qui se continue inférieurement avec la
crête pectoro-deltoïdienne A. C’est la tubérosité externe ou trochiter C. Sur
elle, s’insèrent les muscles petit rond (chef scapulaire de l’obturateur ex-
terne) et le second pectoral, tout à fait au voisinage de la tête articulaire.
L’extrémité interne D de la tête humérale, plus saillante, plus arrondie,
est séparée de la tubérosité interne ou trochin par une fosse profonde (faible
indice de col anatomique) (PI. IX, / ïg . 14) dans laquelle s’engage, quand
l’aile se replie, la portion scapulaire du rebord glénoïdien. La tubérosité interne
ou trochin D bien plus volumineux que l’externe, donne insertion aux chefs
coraco'idiens des obturateurs interne et exerne et au chef scapulaire de l’obtu-
rateur interne ou sous-scapulaire des Oiseaux. Au-dessous de ces 'insertions
commence le corps de l’os, dont la direction infléchie forme là une courbure
analogue à celle de la partie inférieure du corps, mais en sens inverse.
II résulte de là que la tête humérale, entourée immédiatement des tubé-
rosités et des attaches musculaires qui leur appartiennent, est dépourvue de
col, et qu’on ne saurait considérer l’axe de l’extrémité supérieure de l’humé-
rus comme étant l’axe du col et de la tête, pas plus qu’on n’est autorisé à
regarder l’extrémité externe de la clavicule humaine comme possédant une
tête et un col.
La tête de l’humérus est donc sessile, dépourvue de col, et ce n’est
pas en ayant égard à l’axe d’un col qui n’existe pas qu’on peut arriver
à déterminer l’axe de la tête. Toutefois cette tête a réellement un axe, mais
tout diffèrent de celui que lui attribue M. Martins. Cette tête ovoïde (PI. IX,
fig. 14) T, est beaucoup plus renflée et saillante vers son extrémité interne que
vers son extrémité externe, de sorte qu’elle est légèrement inclinée vers le
bord interne de l’os. Elle a un axe dirigé transversalement, qui se confond à
— 370 —
peu près avec le grand diamètre de l’ellipsoïde, qu’elle représente. Le mode de
détermination de cet axe ne saurait être considéré comme arbitraire, attendu
qu’il est identique au mode de détermination de l’axe de la tète de l’humérus
de la plupart des Mammifères. Chez la très-grande majorité de ces derniers,
en effet, la tête de l’humérus est sessile, dépouvue de col anatomique, et son
axe n’est déterminé, en l'absence de col, que par deux conditions qui sont
corrélatives : 1° le sens de la plus grande saillie excentrique de la tête;
2° le sens des mouvements les plus étendus de l’articulation scapulo-humè-
rale. M. Martins, M. Broca et les autres partisans de la torsion humérale n’ont
pas eu d’autres bases de détermination. Or, chez l’Oiseau, la direction que
j’attribue à l’axe de la tête de l’humérus est appuyée très-solidement sur
celte double base. La tête, de forme allongée, présente sa plus grand saillie
à l’extrémité interne de l’axe de l’ellipsoïde, et les grands mouvements de
l’épaule pendant le vol ont lieu dans le sens de ce même axe. La tête hu-
mérale est donc dirigée chez l’Oiseau, comme chez quelques Mammifères,
vers le bord interne de l’os. Il résulterait de là que l’axe de la tête se trou-
verait dans le même plan que l’axe de la trochlée, et que l’humérus des
Oiseaux serait, comme celui de l’Homme et des Anthropoïdes, tordu, non
de 90°, mais de 180°.
Voyons maintenant ce qu’il faut penser de la torsion chez les Reptiles.
Considérons d’abord les Crocodiliens. Leur humérus (PI. VIII, fig. 7 et 8)
a la plus grande ressemblance avec l’humérus d’Oiseau. Il présente aussi une
double inflexion, et la partie qui est supérieure à la crête pectoro-deltoïdienne
A, a été également considérée par M. Martins comme pouvant représenter le
col huméral. Je ferai remarquer, comme pour les Oiseaux, que l’humérus
des Crocodiliens ne présente aucune trace de torsion ; il est aplati et inflé-
chi sur ses deux faces antérieure et postérieure. Son extrémité supérieure,
aplatie et élargie, est digne d’attention. Comparée à celle de l’Oiseau, elle
présente ceci de remarquable, qu’elle se termine par une surface articu-
laire très-oblongue, convexe, occupant toute l’extrémité supérieure de l’os,
s’étendant d’une tubérosité à l’autre, et ne se distinguant de ses tubérosités,
qui sont peu accentuées, ni par un sillon ni par une saillie plus prononcée;
de telle sorte que non-seulement le col anatomique fait entièrement défaut,
— 571
mais encore la lête humérale elle-même. L’extrémité supérieure de l’humérus
est ainsi représentée par une surface terminale très-allongée, cartilagineuse,
dont les deux angles terminaux ne sont autre chose que les tubérosités.
En effet, les insertions musculaires se font sur ces angles terminaux : l’externe
C, peu prononcé, recevant l’insertion du sus-scapulaire ou dorsalis scapulm,
qui représente plus particulièrement le petit rond.
La tubérosité interne D est bien plus accentuée, c’est-à-dire que l’extré-
mité humérale se développe plus sur le bord interne que sur le bord externe
et fait de ce côté une saillie assez prononcée. Sur cette saillie s’insèrent le
muscle sou&-scapulaire proprement dit et le scapulo-huméral profond, qui
est le chef scapulaire de l’obturateur interne de l’épaule.
J’ai déjà établi, quand j’ai étudié le bassin des Oiseaux, que le fémur des
Crocodiles était dépourvu d’une tête proprement dite, et que ces animaux
reposaient sur toute l’extrémité supérieure du fémur, sur les trochanters.
On peut en dire autant de l’humérus. 11 n’y a pas de tête humérale pro-
prement dite ; mais la surface de l’extrémité supérieure de l’humérus,
c’est-à-dire des tubérosités, ou, plus exactement, la surface qui réunit les deux
tubérosités, offre une convexité très-peu accentuée qui joue le rôle de
surface articulaire. En somme, l’extrémité supérieure de l’humérus de Cro-
codile représente l’extrémité supérieure de l’humérus d’Oiseau, dont la lête,
déjà peu accentuée , aurait encore perdu de sa saillie, c’est-à-dire ne se serait
pas différenciée'. Mais, dans les deux cas, les surfaces articulaires sont de
forme elliptique très- allongée (plus allongée même et plus étroite chez le
Crocodile), et s’étendant bien plus vers le bord interne de l’os que vers le
bord externe. Il résulte de là que chez les Crocodiliens, comme chez les
Oiseaux, l’axe de la tête de i’humérus est réellement transversal et dans le
même plan que l’axe de la trochlée, d’où il faudrait conclure que l’humérus
de Crocodile est tordu de 180 degrés.
M. Martins a considéré le Caméléon comme une exception très-frappante
chez les Reptiles, et comme un exemple remarquable de la relation qu’il y
1 Je dois faire remarquer cependant que la portion moyenne de la surface articulaire de l'hu-
mérus chez le Crocodile forme une légère saillie sur le reste de la surface articulaire. Cette
saillie est le rudiment de la tête articulaire de l’Oiseau qui commence à se différencier.
— 372 —
a entre la torsion de l’humérus et la fonction du membre. Pour M. Mnrtins,
l’humérus de Caméléon serait tordu de 180 degrés, parce que le Caméléon
« est un Reptile qui ne rampe pas, qui marche comme un quadrumane, en
«fléchissant son avant-bras en avant, etc. »
Dire que l’humérus de Caméléon est tordu de 180 degrés, c’est dire en
d’autres termes que l’axe de la tête est dans le même plan que celui de la
trochlée, et que la tête humérale fait saillie sur le bord interne de l’os. A ce
point de vue, je ne puis que confirmer la description donnée par M. Martins :
la tète de l’humérus du Caméléon a en effet un axe transversal (PI. IX,
fig. 18). Mais je ferai remarquer qu’au point de vue de la conformation et de
la direction de l’axe de la tête, l’humérus de Caméléon est une reproduction
fidèle de ce que nous venons de signaler chez les Crocodiliens et chez les
Oiseaux ; si donc on considère que son humérus est tordu de 180 degrés,
on doit aussi considérer l’humérus d’Oiseau et de Crocodile comme ayant
subi une torsion de même angle que lui.
Considérons maintenant les Sauriens kionocrâniens, et les Lacertiliens en
particulier. On pourra leur appliquer les mêmes réflexions. La tête humérale
(PI. IX, fig. 19), légèrement saillante, forme une portion d’ellipsoïde ayant
les tubérosités à ses deux extrémités. Seulement les deux tubérosités sont
presque égales, et la tête humérale, au lieu de se rapprocher plus du bord
interne que du bord externe, comme cela avait lieu chez les Oiseaux, les
Crocodiliens et les Caméléons, est placée symétriquement comme une légère
saillie terminale sur le prolongement de l’axe de l’humérus, et entre les
deux tubérosités. Cette tête est absolument sessile, et on ne saurait y recon-
naître un col. Mais sa forme ellipsoïdale permet d’y reconnaître un axe qui
est transversal, situé dans le même plan que l’axe de la trochlée ; et nous
devrions considérer l’humérus des Sauriens comme tordu de 180 degrés, si,
comme M. Martins, nous regardions les directions de ces axes comme dues
à des degrés variables de torsion de l’os.
Les Oiseaux. et les Reptiles que j’ai étudiés jusqu’à présent posséderaient
donc un angle de torsion de 1 80 degrés. Mais les Chéloniens feraient exception
à celle règle. Sur une Tortue terrestre (nous parlerons plus tard des Tortues
aquatiques), l’humérus (PI. VIII, fig. 5) présente une tète saillante qui cor-
respond, non plus an bord interne de l’os, mais à la face convexe , c’est-à-
dire à la face de l’extension du coude. A cet égard, l’humérus de Tortue
reproduit exactement la disposition de l’humérus des Quadrupèdes. Le plan
qui passe par l’axe de la tête et du col coupe perpendiculairement Y axe de
la trochlée. L’humérus serait donc tordu de 90 degrés. Mais voici une objection
qui me semble d’un grand poids. Considérez le fémur du même animal, et
vous trouverez aussi que Taxe de la tête et du col se trouve dans un plan
perpendiculaire à l’axe de l’extrémité condylienne. Placez en outre l’humérus
et le fémur à côté l’un de l’autre, de manière à ce que les laces d’extension du
coude et du genou soient, non opposées, mais parallèles, et vous serez frappé
de l’identité des deux os (PI. VIII, fig. 5 et 6). Les rapports des axes sont
identiques dans les deux cas ; et si l’on admet pour l’humérus une torsion
de 90 degrés, il faudra bien l’admettre aussi pour le fémur. Mais celte der-
nière proposition n’est autre chose que la négation absolue de la théorie de
la torsion, puisque cette théorie se résume ainsi : l’humérus est un fémur
tordu, et le fémur est un humérus détordu.
Quant aux Amphibiens sur les Crapauds de grande taille (PI. VIII, fig. )
et sur la grande Grenouille d’Amérique ( Rana mugiens ) (PI. VIII, fg. 5).
j’ai pu constater de la manière la plus certaine que leurs humérus ne pré-
sentaient aucune trace de torsion.
Du reste, la crête pectorale A, qui occupe la moitié supérieure de leur
longueur, est d’une rectitude parfaite. Le reste de l’os est cylindrique, et,
quant à la tête, elle est sessile et forme à l'extrémité supérieure de l’humé-
rus une sphère terminale dont le diamètre se confond symétriquement avec
l’axe de l’os, et à laquelle on ne saurait reconnaître un axe spécial. Il n’y
a donc là ni les traces de la torsion, ni même la possibilité de trouver les
points de repère sur lesquels s’appuient les partisans de la torsion pour
en déterminer le sens et pour en mesurer le degré.
Si maintenant nous jetons un coup d’œil rétrospectif sur les résultats qui
ressortent des observations qui précèdent, nous verrons que, même en ad-
mettant la torsion de l’humérus, il y a des diversités considérables dans le
degré de l’angle, diversités bien inattendues pour la théorie. En effet :
— 374
L’Homme et les Anthropoïdes auraient un angle
Les Quadrupèdes — —
Les Chéiroptères — —
Les Oiseaux , — —
Les Crocodiliens — —
Les Chamæléonides — —
Les Sauriens — —
Les Chéloniens — —
Les Batraciens — —
de ISO0
90°
90°
180°
180°
180°
180°
90°
Oo
Ces faits-là sont loin d’ètre d’accord avec les vues doctrinales de la théorie
de la torsion : suivant elle, en effet, le degré de la torsion déterminerait la
direction de la trochlée humérale, et par conséquent le plan dans lequel s’opô-
rentles mouvements de l’avant-bras. Aussi la torsion de 180° serait-elle l’apa-
nage de l’Homme, des Anthropoïdes et des aminaux marcheurs, tandis
que « la torsion de 90° serait une des conditions ostéologiques du vol et de
reptation».
Je laisse au lecteur le soin de décider jusqu’à quel point ces vues sont en
harmonie avec les résultats ci-dessus énoncés.
Nous avons, vu chez les Chéiroptères et chez les Chéloniens, deux groupes
très-éloignés l’un de l’autre, mais où les membres postérieurs offrent des
conditions communes que je déterminerai plus tard; nous avons, dis-je, vu
que l’axe de la tète du fémur formait un angle de 90° avec l’axe de l’ex-
trémité condylienne de l’os. C’est là un fait significatif à un haut degré, et
qui, dans ces deux cas, se présente avec des caractères très-accentués.
Mais il est des cas moins prononcés qui démontrent aussi ce que vaut cette
doctrine, ce dogme de l’immutabilité fémorale. En comparant des fémurs ap-
partenant à divers groupes, nous trouverons des différences remarquables
dans la situation de la tête fémorale. Chez les Ruminants, chez le Mouton,
la tète fémorale est dirigée en dedans , mais aussi en avant. Elle dépasse en
avant le plan de la face convexe du fémur, de telle sorte que s’il existait
aussi une doctrine de la torsion du fémur, nous dirions que le fémur est
tordu de 150°. Chez le Lièvre, au contraire, la tête fémorale se trouve
exactement sur le prolongement du bord interne de l’os. Elle est dirigée
— ô75 —
précisément en dedans, de telle sorte que nous pourrions considérer le fé-
mur comme tordu de 180°. Chez les Oiseaux , la tête fémorale s’est trans-
portée fort en arrière et dépasse le plan de la face postérieure du fémur ;
son axe est dirigé en dedans et en arrière, de telle sorte que la torsion
peut être portée à plus de 180°, à 210° environ.
Chez les Chéloniens et les Chéiroptères, la torsion serait de 90% et enfin,
chez les Batraciens anoures, la tête du fémur étant terminale, la torsion ne
saurait être mesurée et pourrait se réduire à 0°.
On voit donc que la tête fémorale, comme la tête humérale, est susceptible
de se transporter et de modifier sa direction, et l’on ne saurait attribuer
après cela à la torsion de l’humérus des déplacements qui se reproduisent,
à des degrés même plus prononcés, chez un os que l’on considère comme
ne s’étant jamais tordu, et comme représentant le type non modifié du pre-
mier article des membres.
Comme dernière observation critique à adresser à la théorie de la torsion,
je ferai remarquer qu’il est admis parmi ses adeptes que « dans les Ché-
loniens la torsion n’est visible que sur les grandes Tortues terrestres et
fluviatiles», et quel’humérusest «d’abord sans torsion dans l’ A rchégosaurus,
les Ichthyosaures et les Plésiosaures, et actuellement encore dans lesProtées
et les Cétacés*. 11 résulterait de tous ces faits, d’après M. Durand (de Gros)1,
aux idées duquel s’associe d’ailleurs M. Martins, que le défaut de torsion
serait l’indice d’une disposition primitive en relation avec le milieu aqua-
tique, et que la torsion apparue plus tard ■ « serait une adaptation fonction-
nelle à un nouveau milieu».
Ces idées sont en contradiction avec les faits et avec les données de
la Paléontologie.
Voici d’abord la part des faits.
Les humérus de Tortue marine, de Cétacés, de Protée, ne sont pas plus
dépourvus de traces de torsion que les humérus d’Oiseau, de Reptile, et
même de beaucoup de Mammifères. Il n’y a pas, comme du reste sur
1 Durand (de Gros) ; Les origines animales de l’Homme éclairées par la physiologie et l’ana-
tomie, 1871. — La torsion de l'humérus et les origines animales de l'Homme. (Bull, de la
Soc. d’Anthrop., 2e sér. tom. III, 1868.)
48
— 57G —
ces derniers, de gouttière et de crête de torsion; mais chez les Tortues
marines la tête de l’humérus a un col dont l’axe, bien déterminé, se porte
en dedans. Cet axe se trouve dans le môme plan que celui de la trochlée,
et indiquerait par conséquent une torsion de 180°. On peut en dire autant
de l’humérus des Baleines, des Dauphins, des Marsouins, etc. C’est à
cette direction du col huméral que s’adresse la théorie de la torsion pour
mesurer l’étendue de l’angle de torsion , et, dans l’immense majorité
des cas, cette direction du col est à la fois le point de repère de la
torsion et sa seule et unique preuve. On ne saurait donc négliger cette
direction de l’axe du col dès qu’il s’agit d’animaux où il serait heureux
pour la théorie qu’on pût retrouver la forme primitive et non tordue de
l’humérus.
11 y a du reste, dans l’humérus de ces animaux essentiellement aquati-
ques, auxquels nous pouvons ajouter les Pingouins parmi les Oiseaux; il
y a, dis-je, un caractère général qui a empêché de les considérer comme
tordus. Ces os, par suite d’une vraie adaptation à la vie aquatique, se trou-
vent fortement aplatis et présentent ainsi deux faces planes parallèles,
ce qui exclut brutalement toute idée de torsion.
Si les traces de torsion y font défaut, c’est que les mouvements de l’arti-
culation du coude sont presque nuis chez ces animaux, et les os de l’avant-bras
sont placés parallèlement l’un à côté de l’autre, sans pronation. 11 en résulte
que les muscles moteurs proprement dits de l’articulation du coude sont
relativement peu développés, et que les saillies d’insertion plus ou moins
obliques, que l’on a considérées comme des crêtes de torsion et des preuves
de torsion, font entièrement défaut. Voilà, à mon a\is, l’explication logique,
simple et naturelle de celte absence absolue de prétendues traces de torsion
sur le corps de l’os.
Voyons maintenant en quoi les idées que je critique sont en opposition
avec les données paléontologiques. Je ne parle pas des Ichthyosaures et
des Plésiosaures, auxquels peuvent s’appliquer les considérations qui pré-
cèdent, chez lesquels les humérus sont aplatis, sans tête humérale,
et où les mouvements du coude sont absents. Ces animaux représentent
bien, comme l’avancent MM. Martins et Durand (de Gros), une disposi-
tion simple et primitive des membres. Mais il résulterait des propositions
ci-dessus que les Cétacés seraient dans le même cas, et que l’absence de
torsion de leur humérus serait une disposition primitive qui aurait ensuite
disparu chez les Reptiles, les Oiseaux et les Chéiroptères, pour faire place
à une torsion de 90°, et de 180° chez les Mammifères terrestres et amphi-
bies.
C’est là une opinion que contredisent les données paléontologiques.
11 est en effet conforme aux faits actuellement connus de considérer les
Cétacés comme une forme consécutive, comme une forme dégradée prove-
nant d’une adaptation au milieu aquatique chez des animaux à vie terrestre.
C’est là ce qu’établit si bien M. Gaudry dans son beau travail sur les en-
chaînements des Mammifères tertiaires.
Il faudrait donc, pour être fidèle à la théorie de la torsion, considérer
l’humérus des Cétacés, non pas comme un os qui n’a pas subi la torsion,
mais comme un os qui, après avoir été tordu, a subi une détorsion par
suite d’une adaptation au milieu. On voit, j’espère, clairement tout ce qu’une
semblable conception a de compliqué, d'arbitraire et d’artificiel.
Dans tous les cas, même en l’acceptant, on pourrait demander comment
il se fait que les Sirénides, dont la vie est aussi exclusivement aquatique,
ont conservé les traces d’une torsion de 90°, le plan du col étant perpendi-
culaire à celui de la trochlée, et la crête épicondylienne de torsion étant
manifeste jusqu’à un certain point. Si la vie aquatique devait supprimer
la torsion, pourquoi a-t-elle persisté chez des animaux exclusivement aqua-
tiques qui, aussi bien que les Cétacés proprement dits, manquent de membres
postérieurs ? Il n’y a à cela qu’une explication rationnelle : c’est que ces
animaux, qui sont des herbivores adaptés à la vie aquatique, ont conservé
la même direction du col de l’humérus que leurs ancêtres terrestres, et que
si la crête dite de torsion est plus ou moins manifeste sur l’os, c’est que,
les mouvements du coude étant bien conservés chez eux et les os de
l’avant-bras étant en pronation, les insertions humérales des muscles
épicondyliens ont dessiné une crête oblique sur le côté externe et la face
postérieure de l’os.
Je ne veux pas prolonger outre mesure cette critique. Quand une théorie
a rencontré parmi les savants les plus autorisés un accueil et un crédit aussi
— 578 —
marqués que l'a fait la théorie de la torsion, il vaut la peine de l’examiner
sous toutes ses faces et d’en peser tous les litres. J’ai été, dans ma modeste
sphère, un des partisans de la torsion humérale, ce que je devais en partie
à ce que celte théorie porte avec elle de solutions séduisantes et de satis-
lactions intellectuelles entraînantes. L’ardeur de mon adhésion tenait aussi,
je ne puis en douter, à tout ce qu’un contact presque journalier inspire
de confiance légitime dans les vues d’un savant dont nous pouvons apprécier
la généralité des connaissances et la hardiesse des conceptions. Mais à
mesure que j’ai regardé de près cette théorie séduisante, des doutes sont
nés dans mon esprit, et mes études ultérieures n’ont fait que les appro-
fondir. Parvenu à la conviction la plus entière que la torsion de l’humérus
n’était qu’une trompeuse apparence en contradiction avec les faits, et que
l’explication quelle permet de donner de la situation des membres était
purement artificielle, j’ai cru devoir exposer les objections qui m’avaient le
plus frappé.
Mais si j’ai le regret de combattre ainsi une des conceptions les plus chères
de l’un de mes anciens Maîtres, j’ai pourtant aussi la satisfaction de lui
rendre la justice qu’elle mérite. La théorie de la torsion a eu une très-
heureuse influence sur les idées qu’on a apportées depuis elle dans la
comparaison des membres. Elle a détourné les bons esprits des comparaisons
croisées, qui ne sont plus pardonnables depuis qu’on fait sérieusement de
l’anatomie comparée ; elle a provoqué des éludes importantes sur la situa-
tion des membres, sur leurs transformations suivant les fonctions qu’ils ont
à remplir ; elle a poussé les anatomistes à faire des rapprochements très-intéres-
sants entre des groupes plus ou moins éloignés jusque-là et à signaler des
différences entre des groupes que l’on avait jusqu’alors rapprochés. Elle a
enfin joué le rôle de ces hypothèses qui, à un moment donné, embrassent
et synthétisent tous les faits connus, pour les réduire en formules et lois gé-
nérales, hypothèses qui restent vraies jusqu'à ce qu’une hypothèse plus
générale les remplace, mais qui, en disparaissant devant les objections, n’en
ont pas moins eu le mérite de représenter la vérité relative à un moment
donné, et de servir de point d’appui pour poser une nouvelle assise de l’édi-
fice scientifique. Tel a été le rôle et le mérite delà théorie de la torsion de
l’humérus, el je me plais ici à rendre hommage à son inventeur.
— 579 —
Si, comme j’espère l’avoir établi, la théorie de la torsion n’est qu’une hypo-
thèse non conforme à la réalité et à l’ensemble des faits, il convient de cher-
cher une explication meilleure, plus rationnelle, plus naturelle, dirais-je, de
la position des membres, explication capable d’embrasser tous les faits
connus, et à l’abri des objections sérieuses. C’est ce que je vais tenter ici.
Théorie articulaire ou théorie de la rotation. — Têtes et cols
de l’humérus et du fémur. — Trochanters ou turérosités. — J’ai déjà, à
plusieurs reprises, et notamment dans l’Introduction et aux pag. 15 à 18,
exposé et développé suffisamment l’explication de la situation et de la con-
formation des membres que je considère comme la vraie. J’ai en particulier,
aux pages 255 à 258, insisté sur le mécanisme qui préside aux modifi-
cations des membres, et analysé les phases successives par lesquelles
passent les membres du fœtus pour devenir membres de l’adulte. De ces
considérations, il résulte que les membres antérieur et postérieur commen-
cent par être identiques chez l’embryon, étant placés perpendiculairement
à l’axe vertébral et étant parallèles entre eux ; qu’à celte époque, la saillie
du coude et celle du genou sont également dirigées en dehors, tandis que
les faces palmaires de la main et du pied regardent en dedans. Plus tard
et progressivement, le membre antérieur subit un mouvement de rotation
en dehors dans l’articulation scapulo-humérale, et le membre postérieur un
mouvement de rotation en dedans, dans l’articulation coxo-fémorale. En
même temps, un mouvement de pronation progressif de l’avant-bras amène
l’extrémité de la main en avant, tandis qu’un mouvement de supination
beaucoup moins prononcé de la jambe amène l’extrémité du pied légè-
ment en dehors.
Par suite de ces mouvements, que j’ai soigneusement analysés dans
ces pages antérieures, la saillie du coude se trouve en arrière, tandis
que la saillie du genou est en avant; l’humérus et le fémur se regardent par
leurs faces convexes, qui étaient primitivement externes, et qui sont réel-
lement des faces homologues.
Telle est l’explication que je me borne à résumer ici très-succinctement
avant d’aborder l’examen des objections quelle pourrait soulever. De ces
objections, il en est une que j’ai déjà énoncée en même temps que la ré-
- 5$0 —
ponsequ’y a faite M. Julien. 11 s’agit de la direction opposée des cols de
l’humérus et du fémur quand ces deux os sont placés parallèlement l’un
à l’autre, dans leur position primitive. Le col de l’humérus est alors dirigé
en arrière chez l’Homme , celui du fémur est dirigé au contraire en avant.
Celte opposition dans la direction des deux cols a été la grande pierre d’a-
choppement de la plupart des comparaisons des membres, et a provoqué
l’origine de la grande majorité des théories qui ont présidé à cette com-
paraison. Il me suffit de citer les comparaisons croisées de diverses sortes
(Vicq-d’Azyr, Bourgery, Folz, Auzias-Turenne, etc.) et la théorie de la
torsion.
A cette objection, M. Julien a donné une réponse qui, pour être juste,
n’est cependant pas entièrement satisfaisante : « Deux organes homologues,
» a-t-il dit, ne perdent pas leur homologie par cela seuls qu’ils sont in-
» clinés en sens inverse » . Quand deux organes homologues sont inclinés
en sens inverse, il y a une raison de cette inversion ; et cette raison, il faut
la trouver, sous peine de laisser subsister quelque obscurité et planer quel-
ques doutes sur la réalité de l’homologie des deux organes. Il convient,
pour conserver à la théorie de la rotation le caractère de certitude auquel
elle a droit, de dissiper ces doutes et ces obscurités en donnant de la di-
rection en sens inverse des deux cols une explication rationnelle, physio-
logique, et pleinement scientifique.
A l’objection tirée de la direction en sens inverse des cols et des têtes de
l’humérus et du fémur, quand les deux os sont placés parallèlement, vient
s’en ajouter une autre relative à la situation des trochanters. Avec la théorie
de la torsion, la grosse tubérosité de l'humérus outrochiter répond à la grosse
tubérosité du fémur ou trochanter, et la petite tubérosité de l’humérus ou
trochin répond à la petite tubérosité du fémur ou trochantin. Avec la théorie
de la rotation, au contraire, quand les deux os sont placés parallèlement,
le grand trochanter répond au trochin et le trochiler ail trochantin.
11 faut considérer de plus que les muscles qui vont au trochiter (sus et sous-
épineux) sont homologues du moyen fessier, qui va au trochanter, et que le
muscle qui va au trochin (sous-scapulaire) est homologue de l’iliaque, qui
se rend au trochantin. Ce sont là des dispositions qui peuvent embarrasser
et jeter quelque obscurité sur la valeur intrinsèque de la théorie de la rota-
»
— 581
tion.M. Julien a essayé d’y pareren faisant remarquer : «1° que le volume
des tubérosités, aussi bien que la forme et la fonction, n’ont aucune valeur
en morphologie ; 2° que, les muscles pouvant changer de points d'atta-
ches, ceux qui vont se terminer sur les tubérosités basilaires de l’humérus
et du fémur, doivent être ajoutés aux groupes des muscles qui ne sont ho-
motypes que par une de leurs insertions » .
Ces réponses sont entièrement insuffisantes et ne sauraient satisfaire aux
exigences ligitimes d’une science sévère et qui se pique d’exactitude. Les
objections précitées conserveront leur valeur tant qu’on ne leur opposera
que des réponses aussi générales, aussi élastiques, dirais-je, et qu’on per-
mettra au jugement de s’égarer par l’examen superficiel de formes dont
on n’aura pas approfondi et déterminé la valeur réelle et la signification. Il
ne suffit pas de dire que la forme n’a aucune valeur en morphologie, il
faut encore et surtout déterminer avec précision le foni que recouvre la
forme, et en dévoiler la nature. C’est que je vais faire dans les pages sui-
vantes.
Pour résoudre la question qui se présente à nous, il convient de recher-
cher de quelle manière et par quel processus se forment les têtes articulaires
de l’humérus et du fémur.
En prenant pour point de départ des animaux chez lesquels l’humérus
s’est nettement différencié, mais avec sa forme la plus simple, c’est-à-dire
les Ichthyosaures et les Plésiosaures, nous remarquerons que les humérus
et les fémurs sont des os phalangiformes réguliers très-semblables entre
eux, et qui sont, à leurs extrémités centrales, terminés par une surface ar-
ticulaire légèrement convexe, de forme oblongue, circonscrite par un
bord légèrement saillant. 11 n’y a là ni tête ni tubérosités distinctes. La
surface supérieure de l’extrémité un peu aplatie de l’os est la surface
articulaire elle-même. Tout autour et sur le bord légèrement saillant
que je viens de signaler s’inséraient les muscles moteurs de l’humé-
rus et du fémur. J’appellerai, pour la facilité du discours, cette partie, c’est-
à-dire la surface convexe articulaire et le bord légèrement saillant qui la
circonscrit, le chapiteau de l’humérus et du fémur, et je dirai que dans
l’état le plus simple, le plus élémentaire, le chapiteau de l’humérus et du
332
fémur forme un plateau régulier à surface convexe uniforme, qui constitue
la surface articulaire, circonscrite par la crête d’insertion des muscles ;
la surface articulaire occupe toute la face supérieure du chapiteau, de
telle sorte qu’il n’y a ni tête ni tubérosités ou trochanters distincts.
Les Crocodiliens présentent un degré de mcdiücalion immédiatement
supérieur. Il n’y a encore ici ni tête ni tubérosités distinctes. Mais, tandis
que les deux membres étaient, chez les Ichthyosaures et Plésiosaures, exac-
tement parallèles et semblables, n’ayant subi aucune relation, mais ayant
conservé leur situation primitive, les membres des Crocodiliens présentent
un degré assez prononcé de déplacement en sens inverse, de manière à ce
que la flexion du coude devienne un peu antérieure et la flexion du genou
postérieure; il résulte de là que l’humérus a subi un mouvement de rota-
tion en dehors, qui a rendu interne son bord postérieur primitif, tandis
que pour le fémur, qui a tourné en sens inverse, c’est le bord antérieur
primitif qui est devenu interne. Il résulte de là que les deux os regardent
le plan médian du corps par des bords qui étaient opposés l’un à l’autre
dans la position primitive des membres. Ce changement de situation a
produit des modifications très-sensibles dans les extrémités supérieures des
os. Toute la face supérieure du chapiteau est restée articulaire, légèrement
saillante; mais la forme générale a perdu sa régularité et sa symétrie.
L’extrémité supérieure de l’humérus étant en rapport avec la surface
glénoïdienne étroite et semi-lunaire, plus par la partie interne de sa surface
que par la partie externe, le chapiteau s’est prolongé vers le bord interne
de l’os (bord postérieur primitif) et est devenu bien plus saillant et plus
large de ce côté. Il y a rupture de la symétrie primitive, il y a prédomi-
nance de l’extrémité interne du chapiteau ; mais il n’y a pas encore de dis-
tinction possible entre une tête humérale et des trochanters ou tubérosités.
On peut en dire autant pour le fémur : il se forme également une saillie plus
prononcée et un léger renforcement de l’extrémité interne du chapiteau de
cet os ; mais il y a celte différence que pour le fémur le côté interne repré-
sente le bord antérieur primitif de l’os, tandis que le côté interne de
l’humérus en représentait le côté postérieur primitif . Il résulte de là que
si nous plaçons le fémur et l’humérus dans leurs positions primitives, et si
nous les regardons parallèlement par leurs faces homologues, par la face de
585 —
flexion ou face interne primitive, par exemple, comme dans les fig. 7 et S,
PI. VIII, il arrivera que les saillies latérales des plateaux supérieurs des
deux os auront des directions diamétralement opposées.
II s’ensuit que le déplacement des deux os suivant des mouvements
de rotation en sens inverse a produit sur leurs chapiteaux supérieurs des
saillies dirigées en sens inverse , chacune de ses saillies correspondant à la
partie de la surface articulaire du chapiteau sur laquelle s’ opèrent surtout
les mouvements de glissement sur les surfaces articulaires correspondantes
des ceintures. Le fémur et l’humérus sont dirigés en bas et en dehors, et per-
pendiculairement aux surfaces articulaires des ceintures; les ligaments arti-
culaires sont assez imparfaits et lâches, de telle sorte que les mouvements
ne sont pas circonscrits. Il en résulte que toute la face supérieure du
chapiteau est articulaire, et qu’il n’y a pas de tête distincte. C’est dans ce
sens que j’ai dit, à propos du fémur des Crocodiliens, que, cet os étant dé-
pourvu de tête, ces animaux s’appuyaient sur leur trochanter. Il eût été
plus juste de dire sur tout le chapiteau ou toute l’extrémité terminale
supérieure de l’os. Ce que je dis du fémur s’applique aussi à l’humérus, et
c’est là une particularité de ces animaux qui est liée à la forme et à la con-
stitution des surfaces articulaires des ceintures. Nous savons en effet que,
soit à l’épaule, soit au bassin, il n’y a pas à proprement parler de cavités arti-
culaires, mais de simples gouttières articulaires, formées à l'épaule par le
coracoïde et le scapulum, et au bassin par l’iléon et l’ischion. L’acétabulum
pelvien proprement dit n’est pas articulaire. Le fémur n’est en rapport
qu’avec une surface très-restreinte correspondant à la surface antitrochan-
térienne des Oiseaux ; aussi n’y a-t-il pas de tête fémorale distincte et auto-
nome, tandis que l’acétabulum articulaire des Oiseaux répond à une tête
fémorale qui s’est différenciée de la surface trochanlérienne.
Il importe beaucoup aussi de faire remarquer que les articulations sca-
pulo-humérale et coxo-fémorale présentent chez les Crocodiliens une grande
étendue de mouvements dans tous les sens, et permettent une circumduction
assez étendue. Les ligaments articulaires sont longs et les liens fibreux re-
lativement lâches. Il en résulte entre les ceintures et les premiers articles des
membres un défaut remarquable de précision dans les relations et dans les
mouvements. Les surfaces de contact restent vagues et étendues sur lescba-
49
— 584 —
pileaux osseux, et il ne saurait y avoir de têtes circonscrites, qui sont tou-
jours l'indice de mouvements précis et bien centrés.
Les Sauriens, quoique différant peu des Crocodiliens, présentent pourtant
quelques modifications. Les chapiteaux articulaires de l’humérus et du fé-
mur présente™ un commencement de différenciation. Sur l’humérus >XP1. IX,
fig. 19), on distingue une surface articulaire convexe, oblongue, terminale,
plus saillante et plus arrondie que celle des Crocodiliens, circonscrite chez
les Lézards par un sillon peu prononcé et ayant une petite tubérosité au
côté interne et postérieur, et une plus faible encore au côté externe et
antérieur. 11 y a donc ici commencement de différenciation du chapiteau en
tête articulaire et tubérosité. Au fémur, les dispositions sont à peu près
semblables : la tête est plus saillante, plus arrondie; elle est limitée et cir-
conscrite à la partie interne et antérieure du chapiteau, et le reste forme une
tubérosité externe et postérieure.
Ainsi, les têtes commencent à se différencier chez les Lézards, ce qui tient
au resserrement des liens articulaires, qui a pour modification corrélative
la circonscription, la limitation des surfaces de frottement. Ajoutons pour
le fémur qu’il est mis en relation avec un acétabulum complet, mais trop
évasé, d’un rayon trop grand pour le volume du fémur, ce qui s’oppose à la
formation d’une tête nettement sphérique. D’ailleurs, ici comme chez les
Crocodiliens, les têtes sont terminales, c’est-à-dire dirigées suivant l’axe
même de la diaphyse de l’os; elles se sont circonscrites et développées,
comme chez les Crocodiliens, sur les portions internes des chapiteaux,
c’est-à-dire sur les points où l’humérus et le fémur subissent le plus de
frottements contre les ceintures.
Chez le Caméléon (PI. IX, fig. 18), les caractères sont identiques, avec
cette différence que les tubérosités qui se trouvent aux extrémités du grand
axe de la tète humérale sont plus prononcées, l’interne surtout, ce qui a pu
induire M. Marlins en erreur lorsqu’il a présenté la tête de l’humérus des
Caméléons comme ayant une direction bien différente de celle des autres
Sauriens. Ici donc la tête humérale est seulement mieux circonscrite, et les
tubérosités ont acquis une plus grande part relative dans la différenciation
dont le chapiteau est le siège. Cet état est certainement lié à un resserre-
ment des liens articulaires et à un accroissement dans la précision des mon-
385
vements des membres, qui chez le Caméléon sont prenants et non pas
seulement rampants.
Jusqu’à présent, nous n'avons vu que des têtes terminales, c’est-à-dire
placées comme un chapiteau sur le sommet de la diaphyse de l’os, avec ou
sans saillie plus ou moins prononcée d’un des points de leur circonférence.
Cet état est dû, avons-nous dit, à la laxité générale des ligaments articulaires.
Mais à celte cause il faut en ajouter une autre très-importante: c’est la di-
rection de l’axe de l’humérus et du fémur suivant une ligne qui est perpen-
diculaire ou presque perpendiculaire au plan général des cavités articulaires
des ceintures. Pour expliquer ma pensée, je dis que le fémur des Sauriens a
son axe passant comme un diamètre par le centre de l’hémisphère de l’acé-
tabulum. Toutes les fois que cette condition sera remplie, les têtes ou les
surfaces articulaires seront exactement terminales. C’est là ce que Ton peut
constater nettement chez les Batraciens anoures, qui ont un acétabulum tho-
racique aussi bien qu’un acétabulum pelvien. La tête humérale (PI. VIII,
/ ig . 1) est exactement terminale et forme un hémisphère sans col, qui coiffe
symétriquement la diaphyse de l’os. Il en est de même au fémur (PI. VIII,
fuj. 2). C’est que ces deux os viennent s’articuler dans les cavités corres-
pondantes, suivant Taxe central de ces cavités.
Au contraire, dès qu’une déviation a lieu, dès que le membre subit un
certain déplacement par rapporté Taxe de la cavité, la surface articulaire de
l’humérus et du fémur subit un déplacement correspondant et se constitue
là où, pendant le mouvement du membre, c’est-à-dire pendant son rôle
actif , s’opèrent en réalité les frottements de l’os contre la cavi'é articulaire
de la ceinture. Cette proposition générale est X explication vraie, simple ,
naturelle de tous les déplacements des têtes osseuses de l’humérus et du
fémur, et résout toutes les difficultés qui ont été soulevées par la direction
en sens inverse de ces têtes.
Les surfaces articulaires se constituent et se développent là où les
frottements inter-osseux ont leur centre d'activité. Telle est la formule géné-
rale, qui est appuyée par les faits étudiés ici, en même temps qu’elle les
explique parfaitement.
Cette première formule conduit logiquement à cette seconde : La situa -
586 —
lion et la direction des surfaces articulaires supérieures de l'humérus et
du fémur dépend de la situation respective de ces deux os par rapport
aux surfaces articulaires des ceintures .
La théorie de la torsion suppose que les tètes articulaires ont une di-
rection déterminée et fixe, et explique par la torsion de l’humérus les dif-
férences de direction de l’axe de la trochlèe, et par suite du plan dans lequel se
meut l’avant-bras. Or, si la solution vraie est toute contraire, la direction de
l’axe de la trochlèe étant constante par rapport à l’humérus, le plan dans
lequel se meut l’avant-bras est déterminé par les variations de la situa-
tion de l’humérus par rapport à la ceinture scapulaire ; et cette situation de
l’humérus est la cause déterminante des différences et des variations que
l’on observe dans la direction delà tète de l’humérus. La théorie de la tor-
sion prend pour la constante ce qui en réalité est la variable , et pour la
variable ce qui est la constante. La trochlèe varie de direction, dit-elle, par
rapport à l’humérus, tandis que la direction de la tête est constante par rapport
a cet os. Telle est la formule de la théorie de la torsion. 11 faut la renverser
et dire : La trochlèe a une direction constante par rapport à l’humérus, mais
la situation de la tôle humérale varie.
>
11 y a du reste encore une autre variable dont M. Marlins a d’ailleurs tenu
compte: c’est celle de la situation elle-même de la ceinture et de la direc-
tion de la cavité glénoidale.
Or, les deux variables sont corrélatives l'une de l’autre, et l’on peut dire
pour l’humérus comme pour le fémur que la situation de la tète dépend de
la direction de l’os par rapport à la direction de la cavité articulaire de la
ceinture. Les faits qui précèdent, aussi bien que ceux qui vont suivre, démon-
trent largement celte proposition.
Chez les Batraciens, où les deux os sont perpendiculaires au plan de la
cavité glônoide, les surfaces articulaires sont terminales.
Chez les Crocodiliens, dont les membres présentent un léger degré
d’obliquité par rapport aux cavités des ceintures, les surfaces articulaires
restent terminales, mais reçoivent un développement excentrique exagéré
du côté où s’établissent surtout les rapports des os pendant le mouve-
ment, c’est-à-dire en dedans. On peut en dire autant des Sauriens.
— 587
Les Chéloniens fournissent une très-remarquable preuve du fait que
j’avance. En effet, chez les Tortues terrestres et palustres, l’humérus et le
fémur présentent des têtes bien développées, pourvues d’un col assez
distinct et dont la direction par rapport à l’axe de la trochlée ou de l’ex-
trémité condylierme est à peu près identique dans les deux os. C’est que,
ainsi que je l’ai signalé dans mon fntroduction, les Chéloniens présentent
ce fait remarquable que les membres antérieur et postérieur ont des situa-
tions très-peu différentes, l’antérieur se portant en avant, de manière à
présenter la saillie du coude en avant comme celle du genou ; et le pos-
térieur se rapprochant un peu de la situation de l’antérieur. Il résulte
de là que les deux membres sont presque parallèles, ainsi qu’on peut
en juger par l’examen des fig. 5 et 6 (PI. VIII), qui représentent ces deux
membres dans leurs rapports entre eux et avec les ceintures. Mais, en
outre, les deux cavités articulaires des ceintures ayant des directions à peu
près semblables, l’humérus et le fémur se mettent en rapport avec elles par
le môme point de leur chapiteau terminal, point primitivement externe et
un peu antérieur, c’est-à-dire à peu près par la face externe primitive ou
face convexe de ces os. En outre, les cavités des ceintures présentant une
excavation assez prononcée, parce qu’elles sont formées pour l’une et pour
l’autre, par le concours des trois éléments de la ceinture, il en résulte que
la tête est saillante, sphérique et pourvue d’un col. En somme, pour les deux
os, la tête s’est formée sur les mêmes points du chapiteau et dans une direc-
tion perpendiculaire à l’axe des extrémités inférieures. La tête est ici limitée
à une portion du chapiteau, portion antérieure primitive, tandis que la por-
tion primitive postérieure D. D' reste à l’état de trochanter ou tubérosité
d’insertion des muscles. A peine s’il reste en avant, bordant le col une pe-
tite crête saillante E, E', servant à l’insertion des ligaments et des muscles.
En résumé, chez les Chéloniens, les deux os, ayant pris des directions et
contracté des rapports semblables relativement aux cavités articulaires
des ceintures, ont des têtes articulaires dont les directions sont parallèles.
Nous avions vu au contraire, chez les Crocodiliens, les surfaces articulaires
qui commençaient à acquérir des développements en sens inverse, parce
que l’humérus et le fémur avaient modifié leurs relations avec les ceintures
dans des directions opposées.
5S8
Les Oiseaux fournissent un type intermédiaire à certains égards entre les
Chéloniens, les Sauriens et les Crocodiliens. Regardés par leurs faces de
flexion, l’humérus et le fémur présentent des chapiteaux ayant subi une trans-
formation dans leur forme générale qui rappelle celle des Crocodiliens. Ils
offrent en effet une saillie excentrique du côté du bord interne de l’os, et
par conséquent de direction opposée quand les os sont placés parallèlement,
comme aux fig. 10 et 11, 12 et 15, (PI. VIH). Mais les chapiteaux diffèrent
deceux des Crocodiliens en ce que les surfaces articulaires sont limitées, n’oc-
cupent pas toute la face supérieure du chapiteau, et que la répartition des
chapitaux en surface articulaire et en tubérosité est très-différente sur
l’humérus et sur le fémur. Ce résultat est merveilleusement d’accord avec les
principes que je démontre ici, et est une preuve importante de leur valeur,
attendu que les membres antérieur et postérieur d’Oiseau contractent avec les
ceintures correspondantes des rapports extrêmement différents entre eux.
L’humérus, dans la situation qui correspond au moment de l'activité
du membre, est dans une direction presque transversale et légèrement obli-
que en arrière qui rappelle la situation de l’humérus des Crocodiliens. Il
est perpendiculaire au plan de la cavité gléno'ide et glisse librement sur
elle, lui étant relié par des ligaments lâches et étendus qui suppléent
avantageusement les muscles de la région. 11 eu résulte que la surface
articulaire est terminale , elle occupe la face supérieure du chapiteau ; mais
ici, comme chez les Lacertiliens et surtout les Chamæléonides, ii s’est formé
une saillie demi-ovoïde articulaire qui occupe les deux tiers externes ou
antérieurs primitifs du chapiteau, tandis que le tiers interne ou postérieur
primitif reste à l’état de tubérosité à insertions musculaires, séparée de la
tète par un sillon qui reçoit le rebord saillant de la cavité glénoïde scapu-
laire, et représente par conséquent un rudiment de col R (PI. IX, /07.U).
À l’extrémité antérieure de la tête se trouve un bord légèrement saillant
qui sert d’insertions musculaires C (PI. IX, fig. 14).
Le fémur présente une disposition bien différente (PI. IX, fig. 15). La
surface supérieure du chapiteau est devenue presque toute articulaire, sauf
l’angle externe D; mais, déplus, la conformation articulaire, dirai-je, s’est
étendue, non-seulement à la face supérieure de la saillie interne du fémur
de Crocodilien, mais â ses faces latérales et à la face inférieure ou tout à
— 589
fait interne de celte saillie, de telle sorte que cette extrémité est devenue
une tête sphérique à surface articulaire. Celle portion du chapiteau a non-
seulement acquis la forme sphérique, mais s’est encore hypertrophiée de
manière à exagérer sa saillie (Comparez PI. VIII, fig. 8, avec fig. fl).
Cette conformation est due à ce que le fémur d'Oiseau, loin de rester perpen-
diculaire ou à peu près perpendiculaire par rapport au plan de la cavité articu-
laire, comme l’est celui du Crocodile, s’est rapproché du plan vertébro-sternal,
de manière à devenir parallèle au plan de cette cavité. 11 en est résulté que le
chapiteau ne s’est plus trouvé en relation avec l’acétabulum que par son
extrémité interne, qui y a pénétré tout entière, est devenue articulaire,
et a gagné en développement, comme toutes les parties qui sont le siège
d’un accroissement de fonctions; mais en môme temps le reste de la surface
du chapiteau est sorti pour ainsi dire de l’acétabulum et lui est devenu étranger
pour former la tubérosité externe ou trochanter D' (PI. IX, fig . 15).
11 suit de là que la portion externe du chapiteau aurait dû rester à
l’état de tubérosité; mais comme elle se trouve en contact avec la saillie
anlilrochantérienne, elle conserve encore la conformation articulaire sur la
portion correspondante de sa surface, c’est-à-dire en dehors et en arrière de
la tête, tandis que la portion antérieure et externe présente l’état de tubé-
rosité. La tête est séparée du reste de l’os par un col dû aux frottements
du rebord de l’acétabulum. Le col est articulaire dans sa moitié supérieure,
il est rugueux dans sa moitié inférieure, ce qui prouve bien que la confor-
mation articulaire n’est pas quelque chose de primordial, mais quelle se
transporte et se produit là où il y a des frottements interosseux. 11 résulte de
là ce fait important, sur lequel j’insiste, que la tôle du fémur de l’Oiseau
n’est pas une production osseuse spéciale nouvelle, distincte du reste de l’os,
et appartenant à un plan spécial de construction de l’os, mais quelle n’est
simplement qu’un angle du chapiteau qui a acquis une conformation articu-
laire et un développement plus prononcé, parce que cet angle s’est trouvé
être le point du fémur sur lequel s’opéraient les frottements entre cet os et
l acétabulum de la ceinture.
Une preuve intéressante et, je crois, non encore signalée, de la vérité de
ce que j’avance, se trouve dans l’existence du ligament rond ou ligament
interne de l’articulation. Ce ligament, qui part de l’extrémité de la tête du
590 —
fémur, va réellement s’unir aux ligaments périarliculaires, et n'est qu’un
faisceau du ligament périarliculaire attaché à l’angle interne du chapiteau, et
qui, d’abord extérieur à la cavité articulaire (Crocodilien), est devenu intérieur
parce que cet angle interne du chapiteau, s’étant enfoncé dans l’acétabulum,
a acquis toutautour du ligament, c’est-à-dire même à la face inférieure du
chapiteau, la conformation articulaire. Il est remarquable en effet que ni les
Amphibiens, ni les Sauriens, ni les Chéloniens, ni les Crocodiliens, ne pré-
sentent un semblable ligament, tandis que nous le trouvons chez tous les
Oiseaux et chez tous les Mammifères. C’est que, chez les premiers, la
surface supérieure seule du chapiteau devient articulaire en formant une
saillie qui varie de situation, d’étendue, de développement et même de direc-
tion, tandis que chez les derniers la conformation articulaire dépasse le
sommet de la saillie interne du chapiteau pour envahir même une portion
de la face inférieure et déborder ainsi la zone des insertions ligamen-
teuses.
Au reste, l’on trouve chez les Crocodiliens une preuve irréfutable de ce
qui précède. On sait en effet que chez ces animaux le fond et la portion
antérieure de l’acétabulum ne sont pas articulaires. Or, c’est dans le
secteur antéro-inférieur de celte portion non articulaire de l’acétabulum que
s’insèrent des ligaments capsulaires qui se rendent à l’extrémité antérieure du
chapiteau fémoral. Mais précisément les ligaments ronds des Mammifères
et des Oiseaux émanent de l’arrière-fond osseux ou membraneux de la cavité
cotyloide, qui représente exactement le secteur sus-désigné de la portion
non articulaire de l’acétabulum des Crocodiliens. Il y a donc identité d’origine
et de destination entre le ligament rond du fémur de Mammifère et d’Oiseau
et les ligaments antérieurs de l’articulation coxo-fémorale de Crocodile.
D’ailleurs Welcker 1 a démontré que chez le fœtus, soit de l’Homme, soit
des Mammifères, le ligament rond est relié à la capsule articulaire par un
véritable repli mésentérique de la synoviale, repli qui disparaît de très-
bonne heure dans l’embryon humain, qui existe chez certains animaux, le
Tapir par exemple, jusqu’à l’époque de la naissance, et qui persiste chez le
Phoque, même à l’état adulte. Le ligament rond n’est donc qu’un faisceau
II. Welcker; Arcltiv. fvr Anat. v. Entiviclel. von His u. Braune. I87S, HH I
591
ligamenteux plus saillant à l’intérieur de la capsule articulaire, faisceau qui
devient intérieur par suite de l’extension de la surface articulaire au-delà de
la limite des insertions ligamenteuses. Ce fait me parait avoir une importance
signalée pour la détermination de la valeur des surfaces articulaires et tro-
chantériennes.
Avant d’abandonner le fémur d’Oiseau, je tiens à faire remarquer que,
tandis que chez les Chéloniens la direction de la tête fémorale correspondait
à la face d’extension ou face convexe de l’os, chez l’Oiseau la direction de
la tête correspond au bord interne et postérieur de l’os, c’est-à-dire presque
à la face de flexion. Cela vient de ce que le fémur d’Oiseau s’est mis en
relation avec l’acétabulum par sa face interne et un peu postérieure, c’est-
à-dire que le membre postérieur d’Oiseau, en exécutant une rotation en de-
dans, s’est rapproché du plan vertébro-sternal, auquel il est devenu parallèle,
tandis que le fémur des Chéloniens a conservé une situation presque trans-
versale.
Les changements de situation et de direction de la tête du fémur dans
la série animale dépendent donc des variations que les déplacements
consécutifs de l’os apportent dans ses relations avec la cavité de la ceinture.
Chez les Mammifères, la même loi se confirme dans tous les cas. Le fé-
mur, ayant subi une rotation sur son axe de 90° environ pour porter en
avant la saillie du genou, se trouve en contact avec la cavité cotyloïde par
l’extrémité antérieure primitive du chapiteau. Cette extrémité, modifiée et
développée en surface articulaire, constitue une tête dirigée en dedans et
dont l’axe se trouve dans le même plan que l’axe de l’extrémité condy-
lienne (PI. VIH, fig. 15, 15'; PI. IX, fig. 2, 4, 5, 8, 10, 13). La con-
formation articulaire, s’étendant au-dessous de l’extrémité interne du cha-
piteau, englobe le ligament interne, qui devient ligament rond. L’extrémité
externe du chapiteau reste à l’état de tubérosité et forme ce qu’on
appelle le grand trochanter. Cette conformation se trouve chez tous les
Mammifères, avec des degrés plus ou moins marqués d’allongement du
col suivant que la cavité cotyloïde est plus ou moins profonde. C’est que
chez tous les Mammifères le fémur se met en rapport avec l’os iliaque par
la même portion de son chapiteau terminal.
Quant à l’humérus, il y a chez les Mammifères des variations assez pronon-
50
— 5 92 —
çées quant à la situation de la tête. Ces différences ne tiennent nullement à
un degré plus ou moins considérable de torsion de l’humérus, mais simple-
ment à la nature des relations de l'humérus et de l’omoplate. L’humérus
conservant chez tous les Mammifères une même situation absolue telle que,
l’axe de la trochlée étant transversal, la saillie du coude se trouve postérieure,
c’est la situation de l’omoplate qui varie par rapport à l’humérus. Chez
l’Homme et chez les Anthropoïdes, le plan de l’omoplate est à peu près
parallèle au plan transversal du corps, et la cavité glénoïde regarde en de-
hors. Il en résulte que l'humérus, étant compris dans un plan parallèle au
plan verlébro-sternal, ne peut se mettre en relation avec la cavité glénoïde
que par la partie interne du chapiteau. La tête de l’humérus est donc dirigée
en dedans et est formée par la portion interne du chapiteau, tandis que
la portion externe forme la tubérosité ou grand trochanter (PL IX, fig. 6,
1 1). La portion inlerneest plus considérable que la portion externe. De plus,
cette portion interne, qui forme la tête, n’est autre que X extrémité postérieure
primitive du chapiteau, tandisque pour le fémur la tête est formée par l'extré-
mité antérieure primitive. Le mouvement de rotation en sens opposé subi
par les deux os rend parfaitement compte de ce fait. Il n’y a donc rien d’éton-
nant à ce que les deux têtes osseuses soient dirigées en sens inverse lorsque
les deux os sont placés parallèlement l’un à l’autre, c’est-à-dire dans
leur situation réciproque primitive.
Mais, tandis que dans le fémur les deux portions du chapiteau se sépa-
raient nettement et en portion égales : portion capitulaire et portion luber-
culaire, la division dans l’humérus se fait inégalement et comprend pour
la portion la moins étendue la grande tubérosité, et pour l’autre part, plus
considérable, la tête et la petite tubérosité (PL IX, fig. 10 et 1 1). Je don-
nerai plus tard l’explication de ce fait. Mais il est un autre fait qui demande
aussi une explication. Pourquoi n’y a-t-il pas de ligament rond interarticu-
laire dans l’articulation scapulo-humérale? L’examen delà tête de l’humérus,
dont la surface articulaire atteint la surface inférieure du chapiteau, pourrait
autoriser à penser qu’un ligament rond aurait dû exister. II est vrai que Wel-
cker’ a signalé sur la face interne de la capsule articulaire une bride fibreuse
Loc cil.
393 —
saillante, étendue de l’extrémité supérieure de la cavité glénoïde à la partie infé-
rieure du col anatomique de l’os, et qui pourrait représenter là le ligament
rond. Cela peut être admis; il n’en reste pas moins à expliquer pour-
quoi ce ligament n’est point resté intra-articulaire, et il me semble qu’on
peut trouver une première raison de ce fait dans l’étendue très-grande en tous
sens des mouvements de l’humérus, étendue bien supérieure à celle du
fémur, qui chez tous les Mammifères est surtout appelé à se mouvoir dans un
plan parallèle au plan vertébro-sternal. Une seconde raison, et d’une valeur
incontestable, peut êlre tirée de ce que la tête humérale est loin de repré-
senter, par rapport à la sphère, une surface articulaire aussi étendue que la
tête du fémur, et qu’on peut penser avec raison que la conformation articu-
laire n’a point dépassé inférieurement la limite d’insertion des ligaments.
Enfin, une troisième raison non moins valable doit être déduite de ce que
la cavité glénoïde est loin de représenter un acétabulum aussi profond que
la cavité cotyloide, et aussi susceptible d’englober un faisceau saillant des
ligaments articulaires.
Il est en effet à remarquer que chez beaucoup d’animaux (Tapir. Cheval)
le ligament rond s’insère sur la tête du fémur dans une fossette non articu-
laire qui se relie avec la face inférieure du col par une gouttière également
non articulaire, qui est parfois d’une largeur considérable (PI. IX, fig. 2,8).
Cette gouttière représente une partie non encore envahie par la modification
articulaire de la surface du chapiteau. Elle se rétrécit et disparaît progres-
sivement selon les espèces, et est, chez les petits Ruminants et chez l’Homme,
entièrement effacée et réduite à la fossette d'insertion du ligament rond. On
est ainsi conduit, par degrés, de la situation périphérique et capsulaire du liga-
ment rond à sa situation centrale et intra-capsulaire, et on retrouve là des
témoins et des preuves de l’englobement progressif de la zone d’insertion des
ligaments dans la cavité articulaire. Ces témoins n’existent pas pour l’hu-
mérus et indiquent par leur défaut que cette zone n’a point été envahie
et dépassée sur cet os par la marche progressive des surfaces d’articulation.
Chez les Singes non anthropoïdes et chez les Mammifères quadrupèdes,
l’omoplate est descendue sur les côtés de la cage thoracique ; son plan est
devenu parallèle au plan vertébro-sternal, et la cavité glénoïde regarde en
bas et en avant. L’humérus, ayant conservé sa situation générale parallèle
— 394 —
au plan vertébro-sternal, ne peut être en contact avec elle que par une tête
regardant en haut et en arrière , c’est-à-dire perpendiculaire à l’axe de la
trocldée, qui est transversal. Elle ne répond plus, comme chez l’Homme,
au bord interne de l’humérus, mais à sa face postérieure et convexe. La tête
est formée, comme chez l’Homme, par la portion postérieure primitive du
chapiteau, mais elle se développe plus que chez l’Homme sur la région pour
ainsi dire intermédiaire du chapiteau, entre les deux extrémités (PI. IX,
fig . 1, 5, 7, 9, 12). La portion postérieure primitive du chapiteau forme la
petite tubérosité ou trochin D, plus la plus grande partie de la tête; la portion
antérieure répond à la grande tubérosité plus le reste de la tête C.
Si nous comparons donc l’humérus au fémur, chez l’Homme et chez les
Mammifères, nous voyons que le trochanter du fémur répond au trochin de
l’humérus, plus une portion variable , mais très-importante, de la tête, et
que la tête du fémur représente le trochiter, plus une portion variable, mais
très-faible, de la tête de l’humérus (PI. IX, fig. 5 et 6, 11 et 10, 1 et 2,
5 et 4, 7 et 8, 9 et 10, 12 et 15). La différence entre l’Homme et les
Mammifères à cet égard consiste dans les différences des parts de la tête
humérale qui correspondent au grand trochanter on à la tête du fémur.
Chez l’Homme (PL IX, fig. 3 et 6, 1 1 et 10), la part de la tête humérale
répondant au trochanter fémoral est plus considérable que chez les Qua-
drupèdes en général (PL IX, fig. 1 et 2, 5 et 4, 9 et 10, 12 et 15), et
l’on peut même dire que la tête humérale appartient tout entière au tro-
chanter fémoral. Il y a, du reste, des différences notables à cet égard entre
les divers Mammifères eux-mêmes. On peut en juger en comparant les fig.
14, 14' PL VIII avec les fig. 9 et 12. Cela tient à ce que la tête humérale,
se développant sur un point du chapiteau qui est intermédiaire aux deux
extrémités, empiète plus ou moins sur l’une de ces extrémités suivant que
l’humérus se met en rapport avec la cavité glénoïde par tel ou tel point du
bord externe primitif de son chapiteau.
Chez les Chéiroptères (PL IX, fig. 1 6 , 16' et 17, 17'), la tête de l’hu-
mérus comme celle du fémur se développent sur la région médiane du
chapiteau et correspondent l’une et l’autre à la face convexe de l’humérus et
du fémur. Les têtes, étant développées sur la partie médiane du chapiteau,
se trouvent placées entre les deux extrémités du chapiteau qui constituent
— 595 -
des tubérosités. 11 résulte de là que les têtes sont exactement homologues,
tandis que les tubérosités se correspondent inversement, l’antérieure de
l’humérus représentant la postérieure du fémur, et réciproquement.
Dans tous les cas, la partie de l’humérus qui porte la surface articulaire
se développe dans le sens des mouvements et devient volumineuse ; aussi
arrive-t-il chez les Mammifères dont le scapulum est placé verticalement,
dont la cavité glénoïde regarde directement en bas et dont les mouvements
articulaires sont peu étendus, que la tête humérale est réellement terminale et
ne présente pas pour ainsi dire de direction déterminée et de développement
excentrique; c’est ce que l’on observe, par exemple, chez les Éléphants, qui
ont des mouvements assez bornés dans l’articulation scapulo humérale.
Enfin, non-seulement les surfaces articulaires se déplacent suivant l’ani-
mal que l’on considère, mais elles subissent encore des changements de
situation avec lage et les progrès du développement; leur situation et leur
direction dépendent complètement de la position réciproque des deux os
articulés. Ainsi, chez le fœtus humain, dont le scapulum est, par rapport à
l'humérus, dans une situation intermédiaire entre ce que l’on observe chez
l’Homme adulte et chez les Mammifères quadrupèdes, la tête humérale se
rapproche beaucoup de la face convexe de l’humérus. A cet âge, d’ailleurs,
le bras n’a subi qu’incomplétement le mouvement de rotation qui porte la
saillie du coude en arrière, et ce n’est qu’à mesure que l’angle de rotation
s’accroît, qu a mesure que l’humérus se porte sur les parties latérales du thorax
et que l’omoplate se retire dans la région dorsale et devient transversale ; ce
n’est, dis-je, qu’à mesure que s’opèrent ces divers changements que la tête
humérale se développe de plus en plus vers le côté interne de l’os, qui de-
vient le seul côté par lequel l’humérus puisse être en contact avec une cavité
glénoïde qui regarde directement en dehors.
C’est ainsi que s’expliquent d’une manière toute simple, toute naturelle et
toute physiologique, ces différences et ces variations dans la direction de
l’axe de la tête de l’humérus, différences et variations dont la réalité n’est
point douteuse, et qui, constatées et mesurées par Gegenbaur, ont paru
fournir à la théorie de la torsion son argument le plus sérieux et le moins
métaphysique.
C’est encore par des considérations semblables que s’explique facilement
— 59G —
la différence de situation de la tète humérale chez le nègre et chez le
blanc.
11 me serait facile de donner des preuves nombreuses de ces déplacements
des surfaces articulaires avec les changements de situation des os en pré-
sence. Je me bornerai à en rapporter quelques-uns seulement. Je citerai
d’abord les déformations elles déplacements de la trochlée humérale, suivant
les changements de situation des deux os de l’avant-bras par rapport à l’hu-
mérus.
Chez l’Homme (PI. IX, fig. 6) et la plupart des Singes, dont le cubitus
est placé au niveau de l’articulation du coude en dedans du radius, et t,ur
le même plan, le fond de la gorge de la trochlée est situé en dedans d'un
plan antéro-postérieur qui passerait par l’axe de l’humérus. La lèvre interne
de la trochlée est étroite et tranchante. Le condyle destiné au radius est
large et étendu.
Chez les Carnivores, dont les os de l’avant-bras sont dans une pronation
modérée et dont la tête du radius devient légèrement antérieure à l’extré-
mité supérieure du cubitus, le fond de la gorge de la trochlée est à peu près
dans le plan antéro-postérieur passant par l’axe de l’humérus; la lèvre in-
terne de la trochlée s’est élargie et le condyle est encore assez développé.
Chez l’Ours, dont les deux os de l’avant-bras sont dans une pronation
moins prononcée que chez les Carnivores proprement dits, la disposition
des surfaces articulaires est intermédiaire entre celle de l’Homme et celle de
ces derniers animaux. Ainsi, le fond delà trochlée est encore un peu en
dedans du plan passant par l’axe de l’humérus.
Chez les Pachydermes tels que le Tapir (PI. IX, fig. 1), où le déplace-
ment des os de l’avant-bras s’est accentué dans le sens de la pronation, de
telle sorte que le radius est devenu antérieur et le cubitus postérieur, le fond
de la gorge est en dehors du plan passant par l’axe de Los. La lèvre interne
de la trochlée s’est fortement élargie et forme une surface cylindrique des-
tinée à la tubérosité ou condyle interne du radius. La surface condylienne
de l’humérus a perdu sa saillie et est devenue fort étroite; elle n’est plus
en rapport qu’avec la tubérosité externe du radius.
Chez les Ruminants (PL IX, fuj. 5) et les Solipèdes, où le radius est de-
venu antérieur et même interne par rapport au cubitus, la trochlée est
— 397 —
devenue externe. La lèvre interne s’est fort élargie et la surface condylienne
de l’humérus est très-rélrécie et presque effacée.
Ces faits sont susceptibles de démontrer que les surfaces articulaires se
modifient, se transportent, s’effacent, s’accroissent suivant la situation réci-
proque des os qu’elles relient.. La lèvre interne de la trochlôe, d’abord étroite
et tranchante quand elle est en rapport avec le cubitus, s’élargit et prend une
forme cylindrique quand elle se trouve en présence du radius. Elle devient
alors X analogue et non l 'homologue du condyle huméral de l’Homme, des
Singes et des Carnivores, tout en restant située sur le côté opposé au condyle
de l’extrémité humérale.
Ces faits pourraient démontrer encore que les portions articulaires des
os acquièrent un volume proportionné à l'activité et à l’étendue des mou-
vements dont ils sont le siège. Mais il est des preuves plus frappantes de ce
phénomène. Il est remarquable en effet que, pour une même articulation,
le sens des saillies articulaires est toujours en rapport avec le sens des plus
grands mouvements : la saillie postérieure descondyles fémoraux et la saillie
antérieure des éminences trochléennes du coude le montrent suffisamment.
Mais, de plus, l’examen de la même saillie articulaire considérée chez divers
représentants de la série animale, conduit aux mêmes résultats. Ainsi, chez
l’Éléphant, l’articulation du genou n’est le siège que d’une flexion modérée
pendant la marche, ces animaux ayant des membres en colonne , dont les
mouvements se passent surtout dans l’articulation coxo-fémorale. Aussi
remarque- t-on que les saillies condyliennes postérieures du fémur sont à
peu prèsnulles.
Chez les Cétacés, où les mouvements du coude sont supprimés, les saillies
trochléennes sont absentes ; mais, par contre, la tête humérale forme une
saillie considérable, parce que c’est l’articulation scapulo-humérale qui est
le siège exclusif des mouvements du membre.
Chez les Sirénides (Dugong, Lamantin), on trouve une disposition des os
du bras et de l’avant-bras intermédiaire entre celle qu’on observe chez les
Cétacés et celle des Mammifères terrestres ordinaires. Les mouvements du
coude existent, mais à un faible degré; les mouvements de l’articulation
scapulo-bumérale sont très-étendus. Aussi y a-t-il une tête humérale très-
volumineuse et presque aussi sphérique que celle du fémur des Mammifères
- 598 -
terrestres, tandis que la saillie antérieure de l’extrémité iroehléenne de
l’humérus est à peine indiquée.
Tous ces faits et bien d’autres encore viennent appuyer les considérations
et les principes à l’aide desquels j’ai éclairé le mode de formation des têtes
humérale et fémorale. Ils nous permettent d’établir :
1° Que les surfaces articulaires se forment et se développent sur les
points où les os sont en contact et changent par conséquent de position quand
les os changent de situation réciproque ;
2° Que les saillies articulaires se forment et se développent dans le sens
des mouvements articulaires et en proportion de l’importance et de l’étendue
de ces mouvements ;
5° Que la tête du fémur et la tête de l’humérus doivent se trouver dans
des points différents des deux os et affecter des directions différentes quand
les deux os se trouvent en rapport avec les ceintures par des points et dans
des directions différentes;
4° Que les surfaces articulaires prennent la forme de têtes arrondies par
suite d’un développement exagéré de la substance osseuse ; elles se trouvent
rattachées à l’os et au reste du chapiteau par des portions d’os qui, n’étant
pas articulaires, n’ont point participé au développement exagéré de la tête.
Ces portions étroites et plus ou moins longues constituent les cols.
Ce mode de formation des têtes articulaires de l’humérus et du fémur nous
conduit à une conception spéciale de ce que l’on désigne sous le nom de
trochanters. Les trochanters ou tubérosités supérieures de ces os sont les
portions du chapiteau qui ont été laissées en dehors des surfaces articu-
laires et des cols. Ces trochanters ont une surface rugueuse, mamelonnée,
sur laquelle s’insèrent les tendons des muscles périar ticulaires. Il résulte des
différences déjà établies entre les lieux d’implantation des cols et de la
tête dans l’humérus et le fémur, que les trochanters ne correspondent pas
dans les deux os à des portions identiques des chapiteaux. Le grand tro-
chanter de l’humérus correspond en effet à la portion antérieure primitive
du chapiteau ; le grand trochanter du fémur, au contraire, représente la
portion postérieure primitive. Ces deux saillies ne sont donc pas réellement
homologues; mais comme les insertions des muscles périarticulaires sont
refoulées, repoussées des surfaces qui deviennent articulaires et se réfugient
— 599 —
pour ainsi dire sur les trochanters, il en résulte que les muscles homologues
des deux ceintures s’insèrent sur des tubérosités qui sont analogues, mais
non homologues. Ceci explique pourquoi, dans l’élude du système muscu-
laire, quand je me suis occupé de la comparaison des muscles trochanlé-
riens des deux ceintures, je me suis servi, pour désigner leurs insertions,
du terme général de tubérosités.
11 y a du reste une autre raison à cette manière de procéder. On distin-
gue en anatomie deux trochanters pour l’humérus: le grand ou trochiter, et le
petit ou trochin ; on distingue également au fémur deux trochanters : le
grand ou trochanter proprement dit, et le petit ou trochantin. Deux opi-
nions régnent sur les homologies de ces trochanters entre eux. Pour les
uns, le trochanter est l’homologue du trochiter, le trochantin est l’homolo-
gue du trochin. Les anatomistes qui partagent cette manière de voir la basent
généralement sur les considérations de forme, de volume et surtout sur les
insertions musculaires. Sur les grands trochanters des deux os s’insèrent
en effet des muscles homologues (fessiers d’une part, sus et sous-épineux,
petit rond de l’autrej. Sur les petits trochanters s’insèrent aussi des muscles
considérés comme homologues (iliaque d’une part, sous-scapulaire de l’autre).
Pour d’autres anatomistes, le grand trochanter de l’humérus représente
le petit trochanter du fémur, et réciproquement. C’est ià l’opinion professée
dans la Thèse de M. Lannegrace, que j’ai déjà eu l’occasion de citer. Cette
manière de voir se base, comme la première, sur la considération des inser-
tions musculaires. Pour M. Lannegrace, dans la série des Vertébrés, ce
sont toujours des muscles 'parfaitement similaires qui s’insèrent sur les
tubérosités de l’humérus et du jémur. Je dois ajouter que pour notre
jeune et distingué confrère l’iliaque répond aux muscles sus-épineux, sous-
épineux et petit rond, tandis que la masse des muscles moyen et petit fes-
siers se retrouve dans une partie du sous-scapulaire. Sans m’arrêter à discu-
ter ces assimilations, que M. Lannegrace avoue d’ailleurs devoir paraître un
peu étonnantes , examinons quelle est la valeur et la signification relative des
trochanters de l’humérus et du fémur.
Je n’ai nul besoin de revenir sur les grands trochanters. Nous savons bien
qu’ils ne sont pas homologues, mais seulement analogues. Mais voyons ce
qu’il faut penser des petits trochanters, c’est-à-dire du trochin d’une part et
51
— 400 -
du trocliantin de l’autre. C’est ici le cas de relever une erreur consacrée,
comme dans bien des cas, par un terme impropre qui a jeté sur ce sujet
une grande confusion.
Disons-le dès l’abord, le petit trochanter du fémur ou trochantin n’est
pas un trochanter, et n’est nullement ni l’homologue ni l’analogue de ce que
l’on désigne de ce nom dans l’humérus. Recherchons quelle est sa signifi-
cation.
Si nous examinons l’humérus et le fémur d’un Batracien, du Bufo tigri-
«î/s (PI. Vlll, fig. 1 et 2), par exemple, ou de la Rana mugiens (PI. VIII,
fig. 5 et 4), nous voyons que sur la face antérieure de l’humérus et sur la
face postérieure du fémur, c’est-à-dire sur les faces internes primitives des
deux os, s’élève une crête rectiligne AA', qui, naissant au-dessous du cha-
piteau, appartient au corps de l’os et s’étend sur le milieu de la face corres-
pondante jusqu’à la moitié ou au tiers inférieur de sa longueur. C’est là la
ligne âpre de l’humérus et du fémur, c’est-à-dire une crête longitudinale
d’insertion pour les muscles adducteurs et rotateurs du membre. Celte crête
est plus ou moins prononcée, suivant l’espèce, mais elle est toujours recon-
naissable.
Chez les Crocodiliens, on constate les mêmes faits. L’humérus a sur sa face
antérieure ou de flexion, face interne primitive, au niveau du tiers supérieur,
une crête importante A (PI. VIII, fig. 7), désignée quelquefois, à tort,
comme la grande tubérosité de l’humérus. Celte crête, très-saillante, n’ap-
partient en rien, comme les tubérosités proprement dites ou trochanters,
au chapiteau de l’os ; elle est une dépendance de la diaphyse, et c’est sur elle
que s’insèrent les muscles adducteurs et rotateurs du membre (grand pecto-
ral, obturateurs coracoïdiens et scapulaires, etc.). Elle ne diffère de la crête
médiane des Batraciens qu’en ce qu’elle est devenue latérale et s’est portée
en dehors, c’est-à-dire vers le bord antérieur primitif du membre, par sa
portion supérieure, tandis qu’elle se dirige en bas vers la ligne médiane. Je
donnerai plus loin l’interprétation de ce fait.
La face postérieure du fémur ou face de flexion, face interne primitive de
l’os, présente au niveau du tiers supérieur de l’os une saillie longitudinale
rugueuse A' (PL VIII, fig. 8), donnant insertion à des muscles importants
— 401
(muscles iliaques, psoas, fessiers, etc.), et qui représente la crête médiane du
fémur des Batraciens, avec cette différence aussi que cette crête se porte en
dedans, c’est-à-dire vers le bord antérieur primitif de l’os par son extrémité
proximale, tandis qu’elle se reporte inférieurement sur la ligne médiane.
Ces deux crêtes d’insertion occupent donc sur l’humérus et sur le fémur
de Crocodile des situations identiques, appartiennent l’une et l’autre à la
même région de la diaphyse des os, et sont réellement homologues de par
l’inspection seule des conformations osseuses.
Les Sauriens présentent une disposition exactement comparable à celle
des Crocodiliens. Chez eux, l’humérus et le fémur possèdent sur leur face
de flexion une saillie ou crête longitudinale qui, partant en bas de la ligne
médiane de la face, se dirige vers le bord antérieur primitif de l’os, c’est-à-
dire vers le bord externe de l’humérus et vers le bord interne du fémur.
Chez les Oiseaux, même disposition avec de faibles modifications. Sur
l’humérus, crête puissante A (PI. VIII, fig. 10), située sur le bord externe
de la partie supérieure de la face de flexion de l’os. Cette crête, dont le dé-
veloppement considérable est en relation avec la puissance des muscles du
vol, donne insertion aux muscles grand pectoral et deltoïde: c’est la crête
pectoro-deltoïdienne. Inférieurement, elle se dirige vers la ligne médiane de
l’os.
Sur le fémur, il n’y a pour ainsi dire pas de crête correspondante ; elle
est remplacée par une insertion musculaire rugueuse de peu d’étendue
A' (PI. VIII, fig. 1 1), placée sur le bord interne de la face de flexion de l’os.
C’est l’insertion du muscle iliaque, muscle rudimentaire chez les Oiseaux.
Aux muscles puissants de la crête humérale correspond une crête puissante;
aux muscles faibles de la crête fémorale correspond une crête effacée.
Chez les Mammifères, on retrouve des dispositions exactement compara-
bles aux précédentes. Sur l’humérus (PI. IX, fig. 1 et 3), on trouve sur
la face de flexion et vers le bord externe (bord antérieur primitif) une crête
saillante A, dirigée obliquement en haut et en dehors: c’est la crête ou em-
preinte pectoro-deltoïdienne, sur laquelle une saillie plus prononcée est des-
tinée spécialement au deltoïde.
Sur le fémur (PI. IX, 2, 4, 5, PI. VIII, fig. 15), on trouve également sur
la face de flexion et vers le bord interne ou antérieur primitif de l’os une
— 402
saillie oblique eu haut et en dedans, dont une portion forme supérieurement
une saillie plus prononcée A'. Celte saillie est spécialement destinée à l’inser-
tion du grand psoas et de l’iliaque: elle est connue sous le nom de petit
trochanter du fémur ou trochantin. Mais l’élude qui précède suffit à démon-
trer que Celle éminence n’appartient pas au chapiteau de l’os, qu’elle dépend
du corps ou diaphyse de l’os, qu’elle ne saurait être assimilée au trochanter ;
mais qu’elle est réellement X homologue direct de la crête deltoïdienne de
! humérus.
Chez l’Homme, même disposition, mais avec celte modification que la
crête deltoïdienne est simplement remplacée par une simple empreinte
A (PI. IX, fig. 6).
Le petit trochanter fémoral n’est donc pas un trochanter, et il faut rejeter
celte dénomination, qui n’a pas peu contribué, comme tous les noms im-
propres, à créer des confusions et à provoquer des assimilations fausses et
trompeuses. Il convient de lui donner plutôt le nom d 'empreinte ou crête
du psoas-iliaque, de même que son homologue sur l’humérus se nomme
empreinte ou crête deltoïdienne ou pectoro-deltoïdienne.
La similitude du petit trochanter du fémur avec la crête deltoïdienne de l’hu-
mérus est extrêmement frappante lorsque, débarrassé des idées préconçues
causées par la fausse dénomination de trochantin, on place un humérus et
un fémur parallèlement l’un à l’autre, vus, soit par leur face de flexion ou
faces internes primitives, comme en fig. 1 et 2, 5 et 4- (PI. IX), soit par leurs
faces antérieures primitives, comme fig. 7 et 8. Dans ce dernier cas, la forme
en Y des deux empreintes A, A', a quelque chose de très-identique dans les
deux os, l’ouverture du V étant tournée en haut et embrassant, pour le fémur,
l’origine du col et delà tête, et, pour l’humérus, la base du grand trochanter
et une portion de la tête, qui sont, nous l’avons déjà vu, les homologues de
la tête et du col fémoral.
Les Chéloniens apportent aux propositions qui précèdent un appui d’une
très-grande valeur. Nous avons constaté que ces animaux présentent cette
particularité que leurs membres antérieur et postérieur diffèrent très-peu
l’un de l’autre, le membre antérieur se rapprochant par sa direction et sa
disposition d’un membre postérieur, tandis que le membre postérieur
présente des points de ressemblance avec les membres antérieurs. Nous avons
— 405
aussi vu que l’humérus et le fémur se mettaient en contact avec les cavités
articulaires des ceintures par des points identiques de leurs chapiteaux.
11 en résulte qu’en comparant ces deux os (PI. Y11I, fig. 5 et 6), la tête C
de l’humérus formée par la portion antérieure primitive du chapiteau est
homologue de la tête C' du fémur, et que la tubérosité D de l’humérus, qui
n’est autre chose que la portion postérieure primitive du chapiteau, est l’ho-
mologue de la tubérosité D' du fémur, qui n’est autre chose également que
la portion postérieure primitive du chapiteau. Celte portion D' correspond en
définitive au grand trochanter fémoral des Mammifères, dont le chapiteau
fémoral est exactement divisé en deux portions: l’une antérieure ou tête, et
l’autre postérieure ou tubérosité. La tubérosité D de l’humérus ne corres-
pond donc exactement ni au trochin ni au trochiler des Mammifères, mais
au trochin et à une portion de la tête du Mammifère, tandis que la tête
humérale du Chélonien représente le trochiter plus le reste de la tête
humérale du Mammifère. En définitive, celte tubérosité D forme pour l’hu-
mérus, chez les Chéloniens, une tubérosité unique comparable au grand
trochanter du fémur.
Mais sur le fémur de Tortue se trouve une crête dont le niveau est im-
médiatement au-dessous du chapiteau, et qui correspond au bord antérieur
primitif de l’os. Elle est désignée par la lettre A' (PI. VIII, fig. 6). Cette
crête représente rigoureusement le trochantin du petit trochanter du fémur
des Mammifères. Or, quand on recherche son homologue sur l’humérus de
Tortue, on trouve qu’elle répond d’une manière remarquablement fidèle et
pour la situation et pour la forme, non point à un trochanter huméral, mais
à la crête pccloro-delloïdienne A (PI. VIII, fig. 5). Ici, aucun doute n’est
permis quant aux assimilations à faire. Les parties à comparer sont presque
d’une identité absolue à tous égards, et l’esprit est frappé avec les yeux par
l’évidence des faits.
De tout ce qui précède, il me semble très-légitime de tirer les conclusions
suivantes :
1° Le petit trochanter du fémur ou trochantin n’est pas un trochanter
et ne correspond pas aux trochanters de l’humérus.
2° 11 n’appartient pas au chapiteau terminal, mais à la diaphyse de l’os, et
représente sur le fémur la crête pectoro-deltoïdienne de l’humérus.
404 —
An reste, l’homologie de ces deux empreintes ou crêtes n’est point seule-
ment démontrée par l’examen des pièces osseuses; elle l’est encore et d’une
manière fort intéressante par les insertions musculaires. La démonstration
de ce fait me conduira à rechercher et à trouver quelle est la signification du
petit trochanter huméral ou trochin.
Le sujet que j’aborde est d’une extrême difficulté. 11 s’agit en effet de dé-
terminer quel est le groupement primitif et typique des muscles qui vont des
ceintures thoracique et pelvienne aux extrémités supérieures de l’humérus
et du fémur. Nous ne saurions, dans cette étude, prendre pour guides les
Mammifères, chez lesquels les transformations des membres, leurs change-
ments de situation, ont produit des modifications importantes dans la distri-
bution des insertions musculaires autour des extrémités supérieures de
l’humérus et du fémur.
Les déplacements des surfaces articulaires sur les chapiteaux, causés par
le mouvement en sens inverse des deux membres, ont refoulé sur des points
différents des chapiteaux les insertions des muscles, et ont produit par là
des migrations d’insertion, en provoquant, soit des adhérences tendineuses
totales par enroulement sur les tubérosités, soit des interruptions de tendon
par adhérences partielles. On ne peut douter que, primitivement, chez les
animaux dont les membres antérieur et postérieur étaient parallèles et iden-
tiques, ces membres n'aient possédé un système musculaire parfaitement
semblable; il est même légitime de penser que les deux ceintures présentant
une forme régulière et symétrique composée d’un rayon suspenseur supé-
rieur et de deux rayons inférieurs, vis à vis desquels l’os du membre (humé-
rus et fémur) était symétriquement placé; il est, dis-je, légitime de penser
que les muscles dirigés de la ceinture à l’os du membre présentaient aussi
une disposition régulière et symétrique. Les membres étant d’ailleurs sus-
pendus régulièrement et perpendiculairement de chaque côté de la colonne
vertébrale, on peut présumer aussi que les muscles qui reliaient les ceintures
et les premiers os des membres à la colonne vertébrale étaient symétrique-
ment disposés en avant et en arrière de la racine de chacun des membres.
Telle devait être la disposition primitive du système musculaire, alors que
les membres, conservant leur situation et leur direction première, que nous
retrouvons encore aujourd’hui chez l’embryon, n’avaient point altéré par des
— 405
rolations et des déviations consécutives la symétrie et la disposition régulière
du système musculaire.
Aujourd’hui nous ne saurions retrouver exactement cette distribution
régulière et primitive des muscles, ni chez l’embryon ni chez les Vertébrés
à membres peu modifiés. Chez l’embryon, outre que les différenciations
musculaires sont encore trop imparfaites à l’âge où les membres n’ont pas
encore été déviés, la disposition primitive des musles est déjà altérée et
masquée par les influences combinées et de l’adaptation de l’hérédité. Parmi
les Vertébrés peu modifiés, les Poissons ne nous permettent de saisir que les
traits les plus généraux, et ne nous fournissent pas des données suffisantes
pour nous conduire à des groupements assez bien circonscrits et assez précis.
Nous ne pouvons parvenir à une systématisation rationnelle et scientifique
des muscles qui relient le tronc au premier article des membres, qu’en
faisant une étude comparée de ces muscles dans les divers types et en coor-
donnant les résultats de manière à constituer un ensemble rationnel. En
étudiant avec soin les types les moins modifiés, tels que les Amphibiens
et les Reptiles; en y joignant l'examen attentif des types plus modifiés,
Oiseaux et Mammifères, nous pourrons parvenir à ressaisir les éléments
épars et inégalement développés et distribués des groupes sur lesquels nous
fixons actuellement notre attention. Tel muscle ou tel groupe absent ou peu
développé dans un type animal se retrouvera dans des conditions plus favora-
bles de développement dans un autre type. Tel groupe de muscles, modifié
et transformé dans l’un des types animaux, aura conservé dans un autre
type une forme plus rapprochée de la forme primitive et la rappelant plus
fidèlement.
C’est en m’inspirant de ces principes que je vais essayer de présenter un
groupement méthodique des muscles qui relient le tronc au premier arti-
cles des membres.
Le squelette primodial du tronc se compose de deux parties essentielles ;
1° le système vertébral et ses appendices; 2° le système des ceintures.
Dans l’état primitif, le système vertébral représentant un axe rectiligne, les
ceintures constituent des éléments cartilagineux ou osseux en forme d’Y
renversé, dont l’axe général est perpendiculaire à l’axe vertébral. Les
— 406 -
axes des deux ceintures sont par conséquent parallèles entre eux. Les mem-
bres appliqués sur les parties latérales du tronc ont une face interne ou face
de flexion, et une face externe ou face d’extension. Sur la ligne médiane
de la face interne ou face de flexion de l’os du premier article, c’est-à-dire
de l’humérus et du fémur, se trouve une crête longitudinale qui a reçu le
nom de ligne âpre. Elle existe déjà à l’état de crête médiane légèrement
évasée supérieurement chez les Ichthyosaures et chez les Plésiosaures.
Nous l’avons également vue sous celte forme chez les Amphibiens anoures.
Telle est sa forme chez les Vertébrés dont l’humérus et le fémur ne présen-
tent pas un aplatissement prononcé des extrémités. Mais chez ceux où les
extrémités des os s’aplatissent et s’élargissent, et dont les chapiteaux termi-
naux prennent une forme elliptique prononcée, la ligne âpre s’élargit et se
bifurque en haut et en bas, de manière à présenter deux lèvres ou subdivi-
sions et un interstice, formant ainsi un X très-allongé. Les deux branches
inférieures appartiennent aux muscles qui s’étendent de l’humérus et du
fémur aux articles suivants des membres. Je ne m’en occupe pas ici, et je
limite mon attention à la bifurcation supérieure de la ligne âpre.
La partie supérieure de la ligne âpre est un lieu d’insertions musculaires
pour certains muscles qui relient l’os du premier article à certains éléments
de la ceinture et au système vertébral. Je vais examiner quels sont ces
muscles chez les Crocodiliens et les Chéloniens, etje préviens le lecteur que
dans le cours de celte élude je considérerai toujours les membres comme
placés dans leur position primitive.
L’humérus de Crocodile présente sur la partie supérieure de sa face in-
terne primitive, qui deviendra la face antérieure, deux subdivisions très-iné-
gales de la ligne âpre. L’une postérieure, peu marquée, B (PL VIII, / ig . S),
se rend à l’extémité postérieure du chapiteau ou tubérosité postérieure; l’au-
tre antérieure présente sur son parcours une saillie très-prononcée en forme
de crête : c'est la crête pectoro-delloïdienne A, que nous avons déjà
étudiée, et qui se relie supérieurement à travers un intervalle assez étendu
avec l’extrémité antérieure du chapiteau ou tubérosité antérieure.
Sur celte crête s’insèrent (PL VIII, fig. 9) le muscle pectoral, qui naît de
l’inlerclavicule ou épisternum, de la face antérieure du sternum, des extrémités
sternales des six premières côtes, de tonte la côte sternale de la septième côte
et parfois de la huitième côte par une petite languette, et le muscle deltoïde,
qui naît de l’épine du scapulum. Au-dessus du pectoral s’insèrent également
des fibres appartenant au supracoracoideus , ou supracoracoscapularis de
Fürbringer. Ces fibres se composent de deux faisceaux : un faisceau sus-
coracoïdien, qui naît de la face interne et du bord antérieur du coracoïde,
(portion précoracoïdienne), et un faisceau scapulaire qui naît de la portion in-
férieure de la face interne du scapulum. Ce muscle représente un obtu-
rateur interne dont le chef précoracoïdien et le chef scapulaire sortent par
l’orifice antérieur de la ceinture et se portent à la bifurcation antérieure de la
ligne âpre'.
A ces fibres de l’obturateur interne s’ajoutent antérieurement des fibres
naissant de la face externe du scapulum en avant de la saillie acromiale, et
qui pourraient répondre à un deltoïde scapulaire. C’est le deltoïdes scapu-
laris inferior de Fürbringer, le Deltoïd de fiolleston, le Deltoïdeus supe-
rior ( supra et infra spinatus ) de Buttmann.
Sur la bifurcation postérieure de la ligne âpre se porte un tendon remar-
quable : c’est, celui du sous-scapulaire proprement dit, confondu avec celui
d’un muscle désigné par Fürbringer sous le nom de scapulo- humer alis pro-
fundus, et qui n’est réellement qu’un faisceau postérieur du sous-scapulaire,
faisceau inséré sur le bord axillaire ou postérieur du scapulum. Le muscle
sous-scapulaire 4 (PI. VI1J, fig. 9) semble au premier abord s’insérer tout
entier sur l’extrémité postérieure du chapiteau ou tubérosité postérieure
(trochin). Mais on est frappé de voir que ce muscle se continue par un tendon
très-brillant A adhèrent à l’os, et qui se dirige vers la gouttière bicipitale de
l’humérus et s’engage sous le tendon du biceps 6. Ce tendon nacré se
laisse détacher de l’os sous forme d’une forte lame aponévrotique et représente
réellement un tendon interrompu. Son adhérence à l’humérus peut s’expli-
quer par la rotation subie par l’os lorsqu’il a acquis sa situation secondaire,
1 Fürbringer considère les insertions de ce muscle sur la face interne de la ceinture comme
une adaptation secondaire des insertions du muscle, qui est corrélative du développement
considérable en avant dû coraco-brachial. Je pense au contraire que ces insertions internes sont
primitives, et que les insertions sur la face externe de la ceinture sont consécutives et résultent
de l’adhérence du muscle sur une surface osseuse nue. Cette explication est bien plus en rapport
avec ce que l’on observe dans toutes les modifications du système musculaire.
52
— 408 —
et par la pression du tendon du biceps 6, qui pendant ce mouvement glisse
à frottement dur d’avant en arrière sur les tubérosités osseuses qui se pré-
sentent à lui, et applique fortement le tendon du sous-scapulaire sur des
surfaces osseuses inégales où il acquiert des adhérences. Ce que l’on désigne
sons le nom de sous-scapulaire représente un chef scapulaire postérieur de
l’obturateur interne qui sort par l’orifice postérieur de la ceinture et se rend
à la bifurcation postérieure de la ligne âpre \
La ligne âpre humérale reçoit donc par sa bifurcation antérieure le mus-
cle pectoral et le sous-scapulaire antérieur, et par sa bifurcation postérieure
le sous-scapulaire postérieur.
Pour le fémur, nous trouvons des dispositions comparables. La ligne
âpre fémorale forme une saillie assez volumineuse qui se bifurque moins
nettement que celle de l’humérus. Néanmoins on peut y reconnaître une
bifurcation postérieure peu prononcée B', comme celle de l’humérus, et une
saillie ou bifurcation antérieure A' (PI. VIII, fig. 8) qui répond à la crête
pectorale de l’humérus. Sur la crête A' s’insère le puissant muscle psoas-
iliaque. Le muscle iliaque est un iliaque interne sortant par l’orifice anté-
rieur de la ceinture et allant à la crête ou bifurcation antérieure, qui repré-
sente ce qu’on appelle improprement le petit trochanter du fémur. Sur la
bifurcation postérieure B' viennent s’insérer : 1° des fibres musculaires nais-
sant de la face interne de l’extrémité de l’iléon postérieur et qui forment un
muscle iliaque interne sortant par l’orifice postérieur de la ceinture; 2° des
fibres naissant de la dernière vertèbre sacrée, corps et côte, et des premières
vertèbres caudales : elles représentent le muscle pyramidal; et 5° le puis-
sant muscle extensor femoris caudalis d’iïaughton, qui part des apophy-
ses transverses et de l’épine inférieure des vertèbres caudales, depuis la
troisième jusqu’à la quinzième inclusivement, et qui s’insère par un fort
tendon sur la ligne âpre et par une bifurcation aponêvrotique inférieure de
son tendon sur le condyle postérieur du fémur et sur la tête du péroné.
• Je me suis déjà expliqué sur la valeur du sous-scapulaire des Reptiles, quand j'ai traité
des homologies du sous-scapulaire des Mammifères avec l’iliaque, et j'ai établi que le sou^-
scapulaire des Reptiles ne répondait qu'à la portion axiale du sous-scapulaire des Mammiièrps.
et nou à la portion qui remplit la fosse sous-scapulaire proprement dite. Ceci étant dit pour
éviter des confusions, je continue à me servir pour les Reptiles de l’expression commode de
sous-scapulaire.
409
Si nous résumons la disposition des muscles, nous verrons que la ligne
âpre, soit de l’humérus, soit du fémur, reçoit :
1“ Par sa bifurcation antérieure :
Humérus. — 1° Un sous-scapulaire reptilien antérieur, sortant par l’orifice
antérieur de la ceinture; 2° Les muscles deltoïde et
pectoral.
Fémur. — 1° Un iliaque interne antérieur, sortant par l’orifice antérieur de
la ceinture ; 2° Le muscle psoas, le muscle pyramidal
et le muscle extenseur caudal du fémur.
2° Par sa bifurcation postérieure :
Humérus. — Un sous-scapulaire reptilien postérieur, sortant par l’orifice
postérieur de la ceinture.
Fémur. — Un iliaque interne postérieur, sortant par l’orifice postérieur de
la ceinture.
En appréciant la valeur relative de ces divers faisceaux, nous ver-
rons : 1° que la ligne âpre est appelée à fournir des insertions aux muscles
qui naissent de la face profonde de l’élément suspenseur de la ceinture : ces
muscles, symétriquement disposés, passent, les uns en avant, les autres en
arrière du point de convergence des trois éléments de la ceinture; 2° que la
ligne âpre reçoit aussi les éléments musculaires qui proviennent du corps des
vertèbres et de leurs appendices latéraux et inférieurs (apophyses transverses,
côtes, sternum, os en Y de la queue). Ces derniers muscles vertébro-humé-
raux et vertébro-fémoraux sont également disposés d’une manière symétrique
par rapport au point de convergence des éléments de la ceinture, c’est-à-dire
par rapport au point de contact et d’articulation avec l’os du premier arti-
cle. Pour la ceinture thoracique, le grand pectoral et le deltoïde, qui ont
des limites assez peu tranchées, constituent des faisceaux qui, partant de la
ligne âpre de l’humérus comme centre, rayonnent en avant et en arrière de la
ceinture et s’insèrent aux appendices latéraux et inférieurs du système verté-
bral. Pour la ceinture pelvienne également, les fibres du grand psoas, du pyra-
midal et de l’extenseur caudal du fémur, partent de la ligne âpre du fémur
comme centre, pour rayonner en avant et en arrière de la ceinture. Tous
— 410
ces faits sont d’une grande valeur au point de vue des homologies musculai-
res, ainsi que nous le verrons à propos des Mammifères.
Chez les Chèloniens, on ne trouve qu’une masse musculaire scapulaire
qui se porte à la bifurcation postérieure de la ligne âpre et atteint la tubé-
rosité humérale qui la surmonte ; mais ici, les muscles nés du scapulum sont
si mal différenciés qu’on ne saurait dire s’il n’y a qu’un muscle sous-scapu-
laire ou si les deux muscles se sont réunis en un. A la bifurcation antérieure
de la ligne âpre s’insèrent les muscles deltoïde et pectoral sur une saillie
en forme de crête, la crête pectoro-deltoïdienne A (PI. VIII, fig. 5). A la
ceinture postérieure se trouvent un muscle psoas-iliaque inséré à la bifur-
cation antérieure de la ligne âpre et un muscle iliaque interne postérieur et des
fibres représentant le pyramidal. Ces derniers muscles répondent à la bifurca-
tion postérieure de la ligne âpre. La plu part de leurs fibres ont l’air de s’insérer
sur la tubérosité D' (PI. Vllî, fuj. 6) et de ne pas franchir ce niveau. Mais
sur degrandes Tortues, et nolammentsur une Chelhydraserpenlina, j’ai pu
voir très-nettement les fibres tendineuses aponévrotiques de ces muscles
franclûr la tubérosité Dr sur laquelle elles contractaient des adhérences A', pour
se diriger vers la crête de la ligne âpre, et y converger pour ainsi dire avec
les fibres de l’iliaque antérieur. Dans ce dernier trajet, les fibres tendineuses
reprenaient leur indépendance et représentaient fort bien un tendon inter-
rompu* . Il n’est pas téméraire de penser que pareil faits’est produit au membre
antérieur pour les fibres tendineuses du sous-scapulaire, qui ont l’air de
s’insérer sur la tubérosité. Mais ici la pression considérable du biceps sur la
portion interrompue du tendon en a provoqué l’atrophie et la disparition.
1 Sur uue grande Émysaure de Temmynck de lm,40 de longueur, j’ai très-nettement con-
staté que les fibres de l’iliaque antérieur venaient se rendre à la crête antérieure ou crête de
la ligne âpre, et que les fibres de l’iliaque postérieur se réfléchissaient sur le trochanter ou
grande tubérosité, de manière à y contracter quelques adhérences, tandis que la plus grande
partie des fibres réunies sur un large tendon franchissaient librement, et en formant un
pont fibreux, la gouttière qui sépare le grand trochanter de la ligne âpre , pour venir
s’insérer sur la crête de cette dernière, eu même temps que des fibres du grand muscle
longitudinal inférieur de la queue, ou intertransversaire caudal inférieur qui représente exac-
lemeutï extcmor femoralis caudalis des Crocodiliens. L’interruption du tendon était on ne peut
plus évidente.
411
Chez les Oiseaux, les dispositions pelviennes sonl comparables à celles des
Crocodiliens, avec celte différence que le psoas fait défaut, tandis que l’ilia-
que, très réduit, se porte sur une empreinte peu prononcée qui correspond
à la bifurcation antérieure de la ligne âpre du fémur A' (PI. VIII, fig. 11).
L’iliaque interne postérieur, représenté par le chef iliaque de l’obturateur
interne, se porte sur le trochanter dans la direction de la bifurcation posté-
rieure de la ligne âpre. Cette situation trochantérienne de l’insertion de
l’iliaque postérieur établit une différence entre les Oiseaux et les Crocodi-
liens, mais elle est probablement le résultat d’une migration provenant de ce
que l’iliaque postérieur, au lieu de sortir, comme chez les Crocodiliens, par
l’ouverture postérieure de la ceinture pelvienne, sort entre l’ischion et le
pubis par le trou sous-pubien, ce qui maintient le tendon et le tire vers
l’extrémité trochantérienne de la bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C’est là un fait à rapprocher de ce que nous venons de voir chez les Ché-
loniens.
A la ceinture thoracique se trouvent, sur la face interne primitive de
l’humérus, une bifurcation antérieure de la ligne âpre sous forme d’une puis-
sante crête recevant le deltoïde elle grand pectoral A (PI. VIII, fig. 10). Le
sous-scapulaire, réduit au sous-scapulaire postérieur, semble s’insérer sur le
sommet postérieur du chapiteau D (PI. VIII, fig. 10); mais il est possible
de démontrer que cette insertion est consécutive et que le tendon se pour-
suit par des fibres aponévroliques jusqu’à la bifurcation postérieure B
(PI. VIII, ftg. 10) de la ligne âpre. Il y a eu ici, comme chez les Chéloniens,
un tendon interrompu qui, dans le mouvement de rotation de l’humérus,
s’est enroulé sur cet os dans la direction de la flèche dessinée sur la figure,
et a adhéré à la tubérosité postérieure devenue tubérosité interne. Il faut
ajouter d’ailleurs que le muscle biceps, étant placé sur le bord antérieur
primitif du membre et appuyant contre l’extrémité supérieure de l’humérus,
a dû nécessairement presser fortement sur le tendon du sous-scapulaire pen-
dant le mouvement de rotation en dehors de l’humérus, appliquer fortement
ce tendon sur la face interne de l’extrémité humérale qui deviendra la gout-
tière bicipitale, et y provoquer à la fois des adhérences du tendon sous-sca-
pulaire et l’atrophie de ce tendon interrompu.
Chez les Mammifères, les mêmes relations se retrouvent.
— 412 —
A la ceinture thoracique, une crête deltoïdienne A (PI. IX, fuj. 1, 5,
G, 7, 9, 12), destinée au deltoïde inférieurement, et supérieurement au
grand pectoral ; et d’autre part un sous-scapulaire volumineux qui semble
s’insérer sur le petit trochanter ou trochin. Mais il y a bien des raisons
pour considérer cette insertion comme consécutive. L’influence de l’en-
roulement, de l’adhérence et de la pression du biceps, que je viens d’invo-
quer chez les Oiseaux, est autrement indiquée chez les Mammifères, où le
tendon bicipital, se réfléchissant fortement sur l'extrémité humérale, creuse
un véritable sillon très-profond sur la face interne primitive de l’os. On
conçoit que ce tendon du biceps, qui exerce sur l’extrémité supérieure
humérale une pression si considérable, a dû provoquer l'adhérence pro-
gressive d’avant en arrière du tendon du sous-scapulaire, à mesure que
l’humérus, accomplissant sa rotation en dehors, glissait à flottement,
dur sous le tendon bicipital, dont la position absolue était maintenue
constante par ces insertions scapulaires. Le tendon du sous-scapulaire, pris
entre l’humérus et le tendon bicipital, a nécessairement adhéré à l’os, sur
lequel il n’a pas de glissement possible , et son insertion à la ligne âpre
s’est ainsi transformée en une insertion sur le chapiteau qui a donné lieu à
la formation du petit trochanter huméral ou trochin.
Les nombreuses formations fibreuses qui enveloppent le tendon du biceps,
qui lui constituent une gaine fibreuse d’une longueur relativement considé-
rable, s’étendant jusqu’à l’insertion delto'idienne, sont des témoins et des
restes de cette expansion tendineuse du sous-scapulaire.
Le travail que j’ai déjà eu l’occasion de citer de H. Welcker' sur les mi-
grations du tendon du biceps, établit en effet que ce tendon, primitivement
libre et extérieur à la capsule articulaire et à l’enveloppe fibreuse de la gout-
tière bicipitale, s’y est introduit progressivement, soit ontogénétiquement,
soit phylogénétiquement, et a pénétré à travers les tissus fibreux et ten-
dineux qui le séparaient de l’humérus, tissus qui se sont reformés et réunis
sur lui, l’englobant ainsi dans une véritable gaine ostéo-fibreuse. C’est là
du reste un processus dont la nature vivante nous fournit tous les jours des
exemples et dont la reproduction abonde en physiologie pathologique.
1 Arcliiv. fiir Entwickel. von His, 1878 ; erst Heft.
— 415 —
Il faut ajouter que l’existence de celte longue gaine du tendon du biceps,
gaine qui descend bien au-dessous de la capsule articulaire, est assez difficile à
expliquer en dehors du mécanisme que j’invoque ici. L’interprétation quej’en
donne est du reste d’autant plus plausible que la direction des fibres de la
gaine est parfaitement en harmonie avec celle des fibres du tendon du sous-
scapulaire, et que dans bien des cas et chez bien des animaux la continuité
de ce tendon et de la gaine du biceps est tout à fait évidente. C’est ce que j’ai
particulièrement observé sur un Hérisson dont j’ai fait récemment la dissection
et dont le large tendon du sus- scapulaire semblait se poursuivre dans les fibres
de la gaine tendineuse.
Les considérations qui précèdent nous conduisent a ce résultat que le
trochin de l’humérus n’est pas une insertion primitive, mais une insertion
consécutive du sous-scapulaire. Cette insertion, placée près de la tête humé-
rale, sur l’extrémité postérieure du chapiteau, répond à un point de la sur-
face du grand trochanter fémoral, et n’a par conséquent rien de commun
avec le trocbantin. Ces deux expressions de trochin et de trochantin, que
l’on a voulu rapprocher en leur donnant une désinence commune, ne repré-
sentent par suite qu’un rapprochement entièrement trompeur et méritent
d’être rejetées.
A la ceinture pelvienne se trouve, chez l’Homme et chez les Mammifères,
un psoas-iliaque inséré sur la crête formée par la bifurcation antérieure de la
ligne âpre ou prétendu petit trochanter. Quant à l’iliaque postérieur, re-
présenté par le chef iliaque de l’obturateur interne, et quant au pyramidal,
leurs insertions se sont transportées au sommet du grand trochanter, c’est-
à-dire sur le prolongement de la bifurcation postérieure de la ligne âpre.
Ces insertions n’ont donc pas conservé la situation primitive quelles avaient
chez les Crocodiliens, sur la ligne âpre, à côté de l’insertion du psoas-
iliaque, situation dont nous avons retrouvé des traces chez les Chéloniens.
Ce déplacement s’explique, comme chez les Oiseaux, par la différence de tra-
jet de ces muscles. Tandis que chez les Crocodiliens ces muscles sortaient
librement par l’ouverture postérieure delà ceinture et se porlaienUnmsîw-
salement en dehors vers la crête de la ligne âpre fémorale; chez les Mam-
mifères ces muscles sortent du bassin par un orifice circonscrit qui les
bride, et devraient, s’ils conservaient leur insertion primitive, se réfléchir à
— 414 -
angle droit en avant, par suite de la rotation du fémur et de son transport en
avant. Ce changement de rapports et de direction permet d'expliquer le
déplacement des tendons en haut et en arrrière, c’est-à-dire au sommet du
grand trochanter, par suite de tractions dans ce sens et d’adhérences consé-
cutives.
Au bassin des Mammifères, nous trouvons donc les deux iliaques inter-
nes, l’un antérieur et l’autre postérieur. A l’épaule, au contraire, nous ne
trouvons qu’une masse sous-scapulaire. Faut-il la considérer comme la fu-
sion des deux sous-scapuiaires , l’un antérieur et l’autre postérieur, ou
comme un sous-scapulaire postérieur très-développé par le balancement, le
sous-scapulaire antérieur faisant défaut ? C’est là une question difficile à
résoudre. On peut invoquer en faveur de cette dernière opinion que le
sous-scapulaire semble ne sortir que par l’orifice postérieur de la cein-
ture. Mais cette considération n’est pas d’une grande valeur. Nous savons
que le trajet des muscles n’a pas une importance sansappel dans leur déter-
mination. Nous avons vu, par exemple, le chef pubien de l'obturateur in-
terne sortir par l’orifice antérieur de la ceinture chez les Crocodiliens, les Ché-
loniens et les Sauriens, par le trou sous-pubien chez les Oiseaux, et par
l'orifice postérieur de la ceinture chez les Mammifères. Cela dépend des
relations des os entre eux.
Je suis, pour ma part, assez disposé à considérer le sous-scapulaire des
Mammifères comme représentant une coalescence des deux sous-scapulaires,
coalescence favorisée par l’état incomplet dn segment ventral de la ceinture,
et provoquée par les nouveaux rapports que le transport de l’humérus en
arrière et sa rotation en dehors établissent entre cet os et le scapulum. A ce
point de vue donc, le sous-scapulaire des Mammifères représenterait à la fois
l’iliaque interne ou iliaque antérieur et le chef iliaque de l’obturateur interne
ou iliaque postérieur.
Mais il ne faut pas oublier que le sous-scapulaire des Mammifères repré-
sente encore par sa portion aléale ou de l’aile du scapulum un élément de
perfectionnement et de renforcement qui n’existe pas proprement chez les
Reptiles et les Oiseaux. 11 répond par là plus directement et plus complè-
tement à l’iliaque interne ou antérieur des Mammifères dont l’aile iliaque
s’est développée et étalée.
415 —
Si nous jetons maintenant un coup d’œil très-général sur l’ensemble des
dispositions que nous venons d’étudier, nous verrons :
1° Que de la face interne de l’élément suspenseur ou dorsal de chacune
des deux ceintures naissent des fibres musculaires qui vont converger sy-
métriquement sur la ligne âpre de la face interne de l’os du premier article.
2° Que des appendices latéraux inférieurs du système vertébral naît une
une série interrompue de fibres musculaires qui constituent deux régions,
l’une antérieure et l’autre postérieure, et qui viennent converger symé-
triquement sur la ligne âpre de la face interne de l’os du premier article.
La première catégorie de muscles comprend les sous-scapulaires d’une
part, et les iliaques internes de l’autre.
La seconde catégorie comprend d’une part et pour la ceinture thoraci-
que, d’avant en arrière, le muscle cléido-masto'idien, le deltoïde clavicu-
laire (mastoïdo-huméral des Mammifères non clavicules) , le grand pectoral;
et d’autre part, pour la ceinture pelvienne, d’avant en arrière, le grand psoas,
le pyramidal ; et chez les Crocodiliens et les Vertébrés pourvus de queue ,
les grands muscles de la face inférieure des vertèbres caudales , dans une
étendue très-variable suivant les cas.
Cette systématisation, rationnelle et basée sur l’observation des muscles
étendus des appendices latéraux du système vertébral aux lignes âpres de
l’humérus et du fémur, vient apporter un appui intéressant aux homologies
que j’ai établies dans une partie antérieure de ce travail, d’une part entre le
mastoïdo-huméral et le grand psoas, et d’autre part entre le grand pectoral
et le pyramidal. Les considérations qui précèdent donnent un grand poids â
ces homologies en démontrant que ces muscles , malgré leurs différences
apparentes, s’étendent du même élément vertébral â la même face et à la
même saillie du premier article du membre antérieur et du membre posté,
rieur. Je tenais à présenter, en passant, cette nouvelle confirmation des rap-
prochements que j’ai déjà faits.
On pourrait continuer la systématisation des autres muscles qui se ren-
dent du tronc à l’extrémité supérieure du premier os des membres. Je ne
veux pourtant pas entreprendre cette lâche, qui me conduirait trop loin et
53
— 416 —
donnerait trop d’étendue à ce travail, déjà bien long. Je veux me borner à
indiquer ici les résultats généraux auxquels m’a conduit l’élude des mus-
cles chez les Amphibiens et les Reptiles, où les insertions primitives ont
été le moins masquées et modifiées.
Les muscles étendus de l’arc neural ou appendices supérieurs du système
vertébral au premier article du membre (grand dorsal, fessiers sacrés et
caudaux), s’insèrent sur la face externe primitive de l’os du premier article,
dans un point à peu près symétrique à h bifurcation supérieure de la ligne
âpre, et qui pourait constituer une ligne âpre externe. Cela se voit fort bien
chez les Amphibiens, chez les Sauriens, chez les Chéloniens et chez les
Crocodiliens, où l’insertion du grand dorsal et du grand rond se fait sur la
face postérieure (face externe primitive de l'humérus). Celle insertion se
transporte chez les Mammifères sur le bord interne de l’humérus B (PI. IX,
fig. 1, 5) parce que, dans la rotation de l’os en dehors, le tendon du grand
dorsal et du grand rond est soulevé en avant parla longue portion du triceps.
Ce soulèvement va même si loin chez l’Homme, à cause de la situation du bras
sur les parties latérales du corps, que l’insertion du grand dorsal est trans-
portée jusqu’au voisinage et au contact de la ligne âpre antérieure B (PI.
IX, fig. G).
Les fessiers sacrés et caudaux provenant des apophyses épineuses des
vertèbres correspondantes se portent également vers la face externe ou face
convexe du fémur. Parfois ils n’ont sur cet os que des insertions insigni-
fiantes ou presque nulles pour atteindre la face antérieure du genou et la
rotule; mais quand ils prennent insertion sur le fémur, comme chez les
Mammifères, le tendon du muscle s’enroule autour du fémur par suite de
la rotation en dedans de cet os, et l’insertion se transporte sur le bord
externe de l’os, au-dessous du grand trochanter B' (PL IX, fig. 2,4, 5).
D’ailleurs, le grand dorsal et le fessier sacro-caudal étant surtout compo-
sés de fibres dont l’origine est postérieure au niveau de la ceinture corres-
pondante, il n’y a rien d’étonnant à ce que leurs insertions se cantonnent
de plus en plus sur le bord postérieur de l’os correspondant, humérus et
fémur. Aussi voit-on dans les os de Tapir, de Ruminant, de Solipède, les
tubérosités d’insertion du grand fessier (portion du long vaste des Hippo-
tomistes) et du grand rond et du grand dorsal occuper des situations idenli- ’
ques sur les bords postérieurs primitifs de l’humérus et du fémur B, B'
(PI. XX, fig. 1,2, 3, 4).
Pour ce qui a trait aux muscles profonds (autres que le sous-scapulaire
et les iliaques internes), qui s’étendent de l’os de la ceinture à l’extrémité
supérieure de l’os du premier article, il est facile de comprendre que le
déplacement des têtes articulaires et des tubérosités a dû altérer considé-
rablement leur disposition primitive et masquer leur arrangement régulier
et symétrique. Néanmoins on peutencore, en ayant recours aux Ampbibiens
et aux Reptiles, arriver à formuler pour ces muscles profonds quelques
propositions générales dont je me bornerai à donner l’énoncé :
1° Les muscles externes de l’élément suspenseur des ceintures et les
muscles internes et externes c\qs deux éléments ventraux s’insèrent sur le
chapiteau de l’os du premier article et non sur la diaphyse. De là, leurs
déplacements considérables consécutifs aux variations, considérables aussi,
dans la disposition du chapiteau.
2° Les muscles externes de l’élément suspenseur (sus-scapulaires, fes-
siers profonds), s’insèrent sur la face externe primitive du chapiteau, dans
l’intervalle des deux extrémités de ce dernier, et quelquefois même jusqu’aux
extrémités.
5° Les muscles internes des éléments ventraux des ceintures (coracoïde
et précoracoïde, ischion et pubis) sortent de la cavité de la ceinture, soit
par l’orifice antérieur, soit par l’orifice postérieur, et vont s’insérer sur la
face externe du chapiteau, soit vers l’extrémité antérieure, soit vers l’extré-
mité postérieure et jusque sur l’intervalle des deux extrémités.
4° Les muscles externes des éléments ventraux des deux ceintures s’insè-
rent sur la face interne des chapiteaux, face qui leur est la plus voisine et
sur laquelle ils se portent directement.
Quant aux muscles qui s’étendent des ceintures au second article des
membres, et quant à ceux qui s’étendent du premier au second article, on
peut aussi en indiquer la disposition primitive et typique et en faire la sys-
tématisation. Voyons d’abord les muscles qui s’étendent de la ceinture au
second article des membres.
— 418 —
1° Les muscles naissant de l 'élément suspenseur de la ceinture sont, l’un
antérieur, l’autre postérieur.
A. L’antérieur naît du bord antérieur du scapulum (élément scapulaire du
biceps des Mammifères) on du bord antérieur de l’iléon (droit antérieur).
Ces deux muscles occupent le bord antérieur primitif du membre. Ils
s’insèrent d'abord et surtout sur l’extrémité supérieure de l’os antérieur
du deuxième article (radius, tibia), et ils envoient sur Los postérieur du
deuxième article (cubitus, péroné) un tendon moins important et qui dis-
paraît souvent.
Le muscle antérieur, ayant pour origine le bord antérieur du scapulum,
fait défaut chez les Amphibiens, les Reptiles et les Oiseaux. L’élément
coracoidien du biceps, qui est très- développé, le remplace en vertu de la
loi de balancement. Chez les Mammifères, le coracoïde s’atrophiant, l’élé-
ment coracoidien du biceps s’atrophie aussi, et l’élément scapulaire paraît
et se développe considérablement. Aussi faut-il considérer, ainsi que je
l’ai déjà établi, le biceps brachial des Amphibiens, des Reptiles et des
Oiseaux comme ne représentant que les demi-tendineux et demi-membra-
neux de la région fémorale.
B. Le postérieur naît du bord postérieur ou de la région postérieure du
scapulaire (longue portion du triceps brachial ) ou de l’iléon postérieur
(longue portion du biceps brachial); chacun de ces muscles occupe le bord
postérieur primitif du membre correspondant, et va s’insérer d’abord sur
l’extrémité supérieure de l’os postérieur du deuxième article (cubitus, pé-
roné) et chacun envoie secondairement et d’une manière inconstante un ten-
don vers l’os antérieur du deuxième article ( radius, tibia).
Les muscles qui précèdent occupent donc primitivement, les uns le bord
antérieur primitif, les autres le bord postérieur primitif du membre correspon-
dant. Ce n’est que par suite de la rotation de l’humérus en dehors et du
fémur en dedans d’un angle de 1)0°, que ces muscles, conservant leur situa-
tion primitive considérée d’une manière absolue, voient modifier leur situa-
tion relative vis-à-vis des os du premier article. Les muscles antérieurs res-
tent antérieurs, mais se trouvent sur la face interne primitive du membre
antérieur ou face de flexion du coude (biceps) et sur la face externe primitive
du membre postérieur ou face d’extension du genou (droit antérieur). Les
— 419
muscles postérieurs restent postérieurs, mais se trouvent placés sur la face
externe primitive du membre antérieur ou face de l’extension (long triceps
brachial) et sur la face interne primitive du membre postérieur, ou face
de la flexion (long biceps crural). Ces changements de rapports entre les
muscles et les os se comprennent facilement, puisque, les premiers restant
immobiles, les seconds subissent un mouvement de rotation de 90°
Enfin ces changements de rapports expliquent à merveille comment il se
fait que des muscles homologues et identiques dans leur disposition primi-
tive soient parvenus à avoir des actions opposées, l’un étant fléchisseur (biceps
brachial), tandis que l’autre est extenseur ( droit antérieur fémoral). Primi-
tivement, les muscles du bord antérieur primitif du membre étaient moteurs
en avant ou 'prémoteurs du membre ; les muscles du bord postérieurs
étaient rétromoteurs . Avec les changements de rapports ss sont produits
les changements d’action.
2° Les muscles qui vont des éléments ventraux des ceintures au second
article des membres naissent delà face inférieure ou externe de ces éléments, et
occupent la face interne primitive du membre, comme les obturateurs externes
qu’ils recouvrent. Ils naissent typiquement des deux éléments ventraux et
constituent ainsi des muscles coracoïdien et précoracoïdien, pubien et ischiali-
que. Ils se rendent à la face interne primitive ou face de flexion des deux os
du second article. Ce sont des fléchisseurs du coude et du genou.
Au bras, c’est le biceps reptilien , qui naît du caracoïde surtout, et parfois
aussi du précoracoïde, et qui se rend le plus souvent au cubitus et au
radius, mais surtout au cubitus. Une des deux insertions peut qu iquefois
seule subsister. Chez beaucoup de Cbéloniens, les Testudo en particulier,
il s’insère sur ies deux os; chez l’Émysaure, il est exclusivement ou presque
exclusivement cubital. Cela dépend des fonctions du membre et de sa
situation. Si le membre est en pronation fixe et très-prononcée, comme
pour la natation, l’insertion radiale devient inutile et disparaît.
Ce biceps reptilien est reproduit fidèlement chez les Amphibiens et chez
les Oiseaux. Chez les Mammifères, comme nous venons de le voir, il s’y
joint un élément scapulaire, et l’élément précoracoïdien est parfois très-
développé (Homme, Anthropoïdes, Chéiroptères, etc.).
A la cuisse, ces muscles forment les demi-tendineux et membraneux, qui
420
doivent être considérés comme un seul et même muscle représentant l’élé-
ment ischialique, et le grêle interne, qui forme l’élément pubien. Ces mus-
cles s’unissent plus ou moins en bas pour s'insérer sur les os de la jambe,
le tibia et le péroné. Chez les Chèloniens, les demi-membraneux et tendineux,
réunis en un seul muscle, se terminent par un tendon commun avec le grêle
interne. L’une de ces insertions peut disparaître et fait souvent défaut : c’est
l’insertion péronière, le péroné devenant de moins en moins volumineux et
le tibia devenant l’os par excellence de la jambe et des mouvements du
genou.
Quant au chef coracbidien du triceps des Sauriens et des Crocodiliens, il
nait du bord postérieur du coracoïde. Ce chef, qui fait défaut chez les Ché-
loniens, chez les Oiseaux et chez les Mammifères, n’est qu’un faisceau-
aberrant des muscles précédents qui a été reporté vers le bord interne du
membre et s’est uni au triceps par suite de la rotation du bras en dehors.
Les muscles qui s’étendent du premier article du membre au second arti-
cle sont d’une classification et d’une systématisation très-simple. Les uns
appartiennent à la face interne primitive du membre, les autres à la
face externe primitive. Ceux de la face interne primitive sont les muscles flé-
chisseurs du coude et du genou (brachial antérieur, court biceps huméral
et poplité). Ceux de la face externe primitive sont les muscles extenseurs
(vaste interne et vaste externe de l’humérus et du fémur). Ces muscles, par-
tant de l’os du premier article, se portent primitivement aux deux os du
second article; mais il arrive fréquemment que leurs insertions se restrei-
gnent à l’os le plus important de l’article à mouvoir (cubitus, tibia).
Le changement de situation des membres atteignant à la fois les os du
premier et du deuxième article et provoquant la direction des articulations du
coude et du genou en des sens opposés, explique suffisamment comment
les muscles qui relient le deuxième au premier article, contrairement à ce
que nous avons vu pour les muscles de la catégorie précédente, conservent
leur position relative par rapport aux os, mais voient leur position absolue
entièrement modifiée, les internes devenant antérieurs (bras) ou postérieurs
(cuisse), les externes devenant postérieurs (bras ) on antérieurs (cuisse).
Telle est la disposition typique de tous ces muscles. Les muscles sont
421
n
symétriquement et régulièrement distribués autour des ceintures et des os
des membres. J’ai cherché dans une recertaine limite les modifications et les
altérations apportées à cette disposition par les changements de situation
des membres et par les adaptations très-variées dont ils sont l’objet. Aller
plus loin et aborder les détails, constituerait une tâche trop longue et que
je laisse au lecteur le soin de remplir. Je crois avoir mis entre ses mains les
données générales que m’a fournies l'observation, de manière à ce qu’il
puisse mener la solution de ce problème à bonne fin dans la plupart des
cas. Pour les cas encore obscurs, de nouvelles recherches lui apporteront la
lumière nécessaire et lui procureront la satisfaction toujours très-grande et
très-noble d’avoir trouvé.
Bien des questions resteraient encore à aborder, telle que celle des homo-
logies des autres articles des membres, celles des nerfs, vaisseaux, etc.
11 est possible que j’y revienne dans un travail ultérieur. Je me borne pour
aujourd’hui à affirmer l’homologie du radius et du tibia, du cubitus et
du péroné. J’ajoute que je ne saurais admettre le transport de la crête du
cubitus sur l’extrémité supérieure du radius pour constituer un tibia. Tout
les faits connus et bien interprétés s’opposent à une pareille conception.
Quant à la rotule, je suis en mesure de prouver quelle n’est qu’un os sôsa-
moïde entièrement étranger à l’olécràne et ne pouvant en rien constituer son
homologue. L’embryologie et l’anatomie comparée ne me paraissent permet-
tre aucun doute à cet égard.
- 422 —
CONCLUSION GÉNÉRALE.
Avant de clore ce travail déjà long, et auquel j’ai consacré de nombreu-
ses heures de recherches laborieuses et de méditation, je me sens pressé
d’exprimer la pensée qui me paraît ressortir avec le plus de lumière et d’é-
clat de toutes les données scientifiques qui y ont été réunies. Cette pensée
peut se résumer en quelques mots.
Les Vertébrés présentent dans la constitution de leurs ceintures et de
leurs membres des témoignages éclatants d’une parenté qui leur a légué à
tous des dispositions communes et un type commun à réaliser.
L’observation attentive parvient sûrement à dévoiler ces témoignages de
consanguinité malgré les modifications parfois profondes qui résultent de
l’action combinée de l’adaptation et de l’hérédité; car si l’hérédité des for-
mes ancestrales conserve les caractères du type commun , l’hérédité des dis-
positions acquises tend de plus en plus à modifier le type primitif et à
masquer la généalogie.
EXPLICATION DES PLANCHES
DÉSIGNATIONS COMMUNES A PLUSIEURS FIGURES.
a. e., acromion.
ap. pic., apophyse pubienne.
cl., clavicule.
cost., côtes.
coty., cavité cotyloïde.
cr., coracoïde.
cr. p. cr., coraco-précoracoïde.
e. a. troch., éminence anti-trochanté-
rienne.
ecr., épicoracoïde.
e. il., épiiléon.
e. il. pu., éminence iléo-pubienne.
e. isc., épiischion.
e. p. cr., épiprécoracoïde.
e. pic., épipubis.
e. sc., épiscapulum.
e. sc. p. cr., éminence scapulo-préco-
racoïdienne.
gl., cavité glénoïde.
hu. , humérus.
i. cl., interclavicule.
il. a., iléon antérieur.
il. p., iléon postérieur.
isc., ischion.
o. si., omosternum.
p. st. présternum.
pu., pubis.
sac., sacrum.
s. a., sacrum antérieur.
s. a. troch., surface antitrochantérienne.
sc., scapulum.
sc. p., scapulum postérieur.
s. p., sacrum postérieur.
sp. il., épine iliaque.
sp. sc., épine du scapulum.
st., sternum.
st. ab., sternum abdominal.
st. pel., sternum pelvien.
t. oh., trou obturateur.
tr. cr., trou coracoïdien.
tu. cr., tubérosité coracoïdienne.
tu. il., tubérosité iliaque.
tu. isc., tubérosité ischiatique.
tu. p. cr., tubérosité précoracoïdienne.
tu. p. gl., tubérosité préglénoïdienne.
tu. pu. tubérosité pubienne.
x. st. xiphisternum.
54
424
PLANCHE1 I.
Fig. 1. Ceinture thoracique droite de Proteus anguinus ; vue par la face ventrale
(Empruntée à Parker).
Fig. 2. La même, vue par la face interne (Empruntée à Parker).
Fig. 3. Ceinture thoracique droite de Siren lacertina femelle adulte ; vue par la
face interne. (Empruntée à Parker.)
Fig. 4. Ceinture thoracique droite de Siredon pisciformis de taille moyenne ; vue
par la face externe.
Fig. 5. Ceinture thoracique de Salamandra maculosa jeune mesurant 11 cen-
timètres de longeur. Faces externe et antérieure.
Fig. 6. Ceinture thoracique de Bufo niger adulte. Face antérieure.
Fig. 7. Portion de la fig. précédente pour montrer le chevauchement des épico-
racoïdes.
Fig. 8. Ceinture thoracique de Ranci mugiens adulte.
Fig. 9. Ceinture thoracique de Systoma gibbosummh\&^àn\te (Empruntée àParker);
vue antéro-supérieure, 3 diamètres et demi.
Fig. 10. Ceinture thoracique de Systoma granosum (Empruntée à Parker) ; vue
postéro-supérieure, 3 diamètres.
Fig. 1 1 . Ceinture thoracique de Dactylethra capensis adulte.
Fig. 12. Disposition de la cavité glénoïde de cette dernière.
PLANCHE IL
Fig. 1. Ceinture thoracique droite de Chamœleon vulgaris adulte. Epaule droite;
— m. bic., muscle biceps.
Fig. 2. Ceinture thoracique droite de Lacerta ocellata adulte. Plus grande que
nature.
Fig. 3. Ceinture thoracique droite de Thalassochelys caretta adulte. Face an-
térieure.
Fig. 4. Ceinture thoracique gauche à' Alligator lucius jeune, d'un mètre de
longueur environ. Face externe.
Fig. 5. Ceinture thoracique droite de Ratite ( Rliea americana adulte). Face
externe ; — tu. p. gl ., tubérosité préglénoïdienne.
Fig. 6. Ceinture thoracique droite de Struthio camelus assez jeune. Face externe;
— tu. p. gl., tubérosité préglénoïdienne.
— 425
PLANCHE III.
Fig. 1. Ceinture thoracique droite de Pelecanus, réduite un peu plus que de moitié ;
vue par la face interne. Les ligaments ont été enlevés ; — ap. cl., apo-
physe claviculaire du coracoïde.
Fig. 2. La même sur laquelle on a conservé les ligaments ; — ap. cl., apophyse
claviculaire.
Fig. 3. Ceinture thoracique droite de Falco niger, réduite de moitié; — ap. cl.,
apophyse claviculaire.
Fig. 4. Ceinture thoracique gauche de Nisus comrmonis n’ayant encore que la
moitié de ses plumes. (Empruntée h Parker).
Fig. 5. Ceinture thoracique droite de Gallus. L’angle formé par le scapulum et le
coracoïde a été redressé; — ap. cl., apophyse claviculaire.
Fig. 6. Omoplate droite de Lepus timidus. Face interne.
Fig. 7. La même vue par l’extrémité glénoïdienne.
Fig. 8 Omoplate et humérus droits de Delphinus delphis. Face externe.
Fig. 9. Coracoïdes, épicoracoïdes, interclavicule et clavicule d 'Echidna ( Acan -
thoglossus ) Bruijnii.
Fig. 10. Id. d ' Ornithorhynchus paradoxus.
Fig. 11. Id. d ' Echidna histrix .
PLANCHE IV.
Fig. 1. Ceinture pelvienne de Siredon pisciformis de taille moyenne, vue par la
face antérieure. L’iléon droit a été ramené en avant; — sp. isc ., dési-
gnation erronée de Y épiischion.
Fig. 2. Ceinture pelvienne de Salamandra maculosa jeune. Face latérale.
Fig. 3. La même, vue par la face antérieure.
Fig. 4. Ceinture pelvienne de Rana mugiens adulte. Grandeur naturelle. Face
externe. Au-dessus de l’iléon se voit la côte sacrée.
Fig. 5. Ceinture pelvienne de Dactylethra capensis, vue par la face externe.
Fig. 6. La même, vue par la face supérieure. Par erreur, le pubis est désigné par
les lettres st.
Fig. 7. Ceinture pelvienne de Chamæleo vulgaris adulte. Vue latérale; il. pu.
tubérosité ilio-pelvienne; — m. tr., muscle triceps; — tr. ol., désignation
vicieuse du trou, obturateur .
Fig. 8. La même, vue de face.
Fig. 9. Ceinture pelvienne de Lacerta ocellata. Vue latérale; — st. pelv., sternum
pelvien.
— 426
Fig. 10. Ceinture pelvienne à'Iguana, vue par la face inférieure ; — il. sac., em-
preinte sacrée de l’iléon ; — st. pel., sternum pelvien.
Fig. 11. Ceinture pelvienne de Testudo mauritanica adulte, vue par la face in-
férieure;— lig.ise. pu., ligament ischio-pubien; — st. pel., sternum
pelvien.
Fig. 12. Ceinture pelvienne de Thalassochelys caretta, vue parla face inférieure :
— cost. sac., côtes sacrées; — e. isc., désignation de l’épiischion, auquel,
par oubli, elle n’est pas reliée par des points.
Fig. 13. Ceinture pelvienne ü Alligator lucius, vue latéralement. — fo.act., fon-
tanelle de l’acétabulum ; — ba. pu., pubis basilaire.
Fig. 14. Symphyse des ischions réduite de moitié pour montrer les épiischions.
Fig. 15. Symphyse des pubis; — Apon. abd., aponévrose abdominale.
Fig. 16. Région acétabulaire de la ceinture pelvienne d’un Crocodilus biporcatus.
Face externe; — t. coty., trou cotyloïdien ou fontanelle de l’acétabulum.
D’après de Blainville (Ostéographie).
Fig. 17. La même région chez un Alligator sclerops. D’après de Blainville.
(Ostéographie.)
Fig. 18. Clavicule droite d’un embryon humain de 2 pouces 4 lignes. — cl., cla-
vicule;— p. cr., précoracoïde; — m. sc. s., segment mésoscapulaire.
(Empruntée à Parker, dont les désignations sont conservées).
Fig. 19. Extrémité sternale grossie de la même clavicule et région sterno-clavicu-
laire. — Union de la clavicule avec le présternum; — pst., présternum ;
ost., omosternum; — per. , précoracoïde ; — cost., première côte sternale.
(Empruntée à Parker, dont les désignations sont conservées.)
PLANCHE Y.
Fig. 1 . Ceinture pelvienne d’PIomme adulte, dont l’ischion a été supprimé. Face
externe ; — l. c. p., ligne semi-circulaire postérieure ; — Le. a., ligne
semi-circulaire antérieure; — m. g. f., muscle grand fessier; — m. m. f..
muscle moyen fessier; — m. p. f., muscle petit fessier; — m. il.,
muscle iliaque; — m. dr. a., muscle droit antérieur; — s ail. il., saillie
iliaque; — em.il., éminence iliaque ; — sp. i. s., épine iliaque supé-
rieure; — sp. i. i., épine iliaque inférieure.
Fig. 2. Omoplate humaine sur laquelle l’épine a été retranchée. Face externe. —
em. sc., éminence scapulaire ; — sp. sc., épine du scapulum ; — sail.
sc., saillie scapulaire; — sp. s., épine supérieure; — sp. i. épine infé-
rieure;— lig. s. cr., ligament sus-coracoïdien ; — m. bi., muscle biceps;
— m. g. r., muscle grand rond; — m. p. r., muscle petit rond; —
m. so. e., muscle sous-épineux ; — m. s. e. muscle sus-épineux.
— 427 —
Fig. 3. La même que fig. 1. Vue par le bord inférieur et de champ.
Fig. 4. La même que fig. 2. Vue par le bord axillaire et de champ.
Fig. 5. Os iliaque de fœtus humain de huit mois environ, sur lequel l’ischion a été
séparé. Face interne; e. il. pu., éminence iléo-pubienne.
Fig. 6. Omoplate du même. Face interne.
Fig. 7. Iléon à! Alligator lucius vu par la face interne pour montrer les deux sur-
faces d’articulation avec les côtes sacrées ; — s. a., sacrum antérieur; —
s, p., sacrum postérieur; — pu. bas., pubis basilaire.
PLANCHE VI.
Fig. 1. Portion muqueuse du bassin de Casuarius galeatus non adulte. Face
externe droite.
Fig. 2. Bassin d’Oiseau. Face externe droite sur lequel on a marqué par un trait
plus fort la portion qui appartient au bassin crocodilien.
Fig. 3. La même, sur lequel le trait plus fort circonscrit la portion qui appartient
au bassin de Mammifère.
Fig. 4. Os iliaque droit de Mouton. Face interne ; — surf, sac., surface sacrée;—
m. il., muscle iliaque ; — m.f. p., muscle fessier profond; — sp. il. pu.,
épine iléo-pubienne; — sy. pu., symphyse pubienne ; — e. il. isc.,
éminence iléo-ischiatique ; — s. cot., ou sus-cotyloïdienne.
Fig. 5. La même, vue par la face externe. Mêmes indications.
Fig. G. Extrémité supérieure du fémur droit de Struthio camelus , vue par sa face
supérieure; — te., tête; — tro ., trochanter.
Fig. 7. La même de Casuarius galeatus.
Fig. 8. Extrémité supérieure du fémur gauche de Pelecamcs.
Fig. 9. La même de Gallus.
Fig. 10. Extrémité supérieure du fémur gauche à’ Alligator lucius, vue par sa face
supérieure.
Fig. 11. La même de Crocodilus biporcatus . (D’après de Blainville.)
Fig. 12. Omoplate d’Homme. Face interne; — surf, rug., surface rugueuse; —
em. sc., éminence scapulaire; — det. sup. sc. ax., détroit supérieur,
scapulum axial.
Fig. 13. Os iliaque humain. Face interne; — em. il., éminence iliaque; — surf.
rug., surface rugueuse; — fac. aur., facette auriculaire; — det. sup.
il. ax., détroit supérieur, iléon axial; — t. d. m. d., tendon direct du
muscle droit.
PLANCHE VIL
Fig. 1. Os iliaque droit de Pavo cristatus. Face externe; — e. il. p., épiiléon
postérieur; e. il. a., épiiléon antérieur; — il. ax. a., iléon axial anté-
528
rieur; — il. ax. p., iléon axial postérieur; — sp. il. a., épine iliaque
antérieure; — sp. il. p. épine ou tubérosité iliaque postérieure; — sp. il.
pu. , épine iléo-pubienne ; — g. ech. sc., grande échancrure sacro-scia-
tique ; — p. ech. isc., petite échancrure sacro-sciatique; — e. a. tro.,
éminence anti-troehantérienne; — acet., acétabulum et sa fontanelle.
Fig. 2. Le même, vu par la face inférieure ou concave; — v. d., vertèbre dorsale;
v. I., vertèbres lombaires ; — sac. a., sacrum antérieur ; — int. sac., in-
ter sacrum ; — sac. p , sacrum postérieur; — sac. lac., sacrum lacer-
tilien ; — v. c., vertèbres caudales ; — ad. acétabulum.
Fig. 3. Le même, vu par la face supérieure ou dorsale; — il. ax. a., iléon axial
antérieur; — il. ax. p., iléon axial postérieur; — sac. lac., sacrum
lacertilien.
Fig. 4. Os iliaque droit de Rapace (Vautour ?) plus petit que nature. Mêmes in-
dications que pour les figures précédentes.
Fig. 5. Os iliaque droit de Macropus giganteus. Réduit de moitié; — sa. il.,
saillie iliaque ; — surf. sac. surface sacrée; — m. dr. a., muscle droit
antérieur; — m. p. ps., muscle petit psoas ; — ap. pu., apophyse pu-
bienne ; — mars., os marsupial ; — st. pelv., sternum pelvien.
Fig. 6. Os iliaque droit de Lepus timidus. Mêmes indications que pour la jftg. 5.
Fig. 7. Os iliaque droit d’une vieille femme (Musée anatomique de la Faculté de
Médecine de Montpellier) ; — sa. il., saillie iliaque ; — lig. cru., liga-
ment crural; — m. dr. a., muscle droit antérieur.
Fig. 8. Région sacro-pubienne de Lacerta ocellata, vue par la face supérieure ;
act., acétabulum; — sac. lac., sacrum lacertilien; — v. c., vertèbres
caudales.
PLANCHE VIII.
Fig. 1. Humérus gauche du Bufo tigrinus. Face antérieure ou de la flexion du
coude.
A. Ligne âpre.
Fig. 2. Fémur gauche du même. Face postérieure ou de la flexion du genou.
A'. Ligne âpre.
Fig. 3. Humérus gauche de Rana mugiens. Face antérieure ou de la flexion du
coude.
A. Ligne âpre.
Fig. 4. Fémur gauche du même. Face postérieure ou de la flexion du genou.
A' Ligne âpre.
429 —
Fig. 5. Humérus gauche de grande Tortue terrestre d’Amérique, vu par la face
ventrale de l’animal dans ses rapports avec la ceinture thoracique.
A. Bifurcation antérieure delà ligne âpre (Crête pect.-deltoïd.).
B. Bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C. Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
D. Extrémité postérieure du chapiteau (Trochin).
E. Portion de l’extrémité antérieure du chapiteau qui n'est pas
entrée dans la constitution delà tête (Trochiter).
Fig. 6. Fémur gauche du même animal, vu par la face ventrale, dans ses rapports
avec la ceinture pelvienne. Les fig. 5 et 6 représentent les deux membres
dans leur position naturelle, l’un par rapport à l’autre.
A'. Bifurcation antérieure de la ligne âpre (Trochantin) .
B' . Bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C1. Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
B'. Extrémité postérieure du chapiteau (Trochanter).
E' . Portion de l’extrémité antérieure du chapiteau qui n’est pas
entrée dans la constitution de la tête.
Fig. 7. Humérus gauche de Crocodile (d’après Cuvier, Ossements fossiles). Face
antérieure ou de la flexion du coude.
A . Bifurcation antérieure delà ligne âpre (Crête pectoro-deltoïdienne) .
B Bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C. Extrémité antérieure du chapiteau.
D. Extrémité postérieure du chapiteau.
Fig. 8. Fémur gauche de Crocodile (d’après Cuvier). Face postérieure ou de la
flexion du genou.
A' . Bifurcation antérieure de la ligne âpre (Insertion de l’iliaque).
B' . Bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C'. Extrémité antérieure du chapiteau.
B' . Extrémité postérieure du chapiteau.
Fig. 9. Muscles de l’épaule et du bras d’un Alligator sclerops.
1. Coraco-brachial court et chef coracoïdien dQ l’obturateur externe.
2. Pectoral et deltoïde.
3. Chef précoracoïdien et chef scapulaire antérieur de l’obturateur in-
terne.
4. Sous-scapulaire postérieur.
4'. Son tendon interrompu adhérant à l’humérus.
5. Chef coracoïdien du triceps.
450
6. Biceps.
7. Vaste interne.
Fig. 10. Humérus gauche de Vautour, vu par la face antérieure ou de la flexion
du coude. L’os étant vu de face paraît droit , mnis il présente une double
incurvation en S semblable à celle de l'humérus de Crocodile de la fig. 7.
(Réduit au tiers environ.)
A . Bifurcation antérieure de la ligne âpre (Crète pectoro-deltoïdien ne' .
B. Bifurcation postérieure.
C. Extrémité antérieure du chapiteau.
D. Extrémité postérieure.
T. Tête intermédiaire entre les deux extrémités du chapiteau.
Fig. 11. Fémur gauche de Vautour, vu par la face postérieure ou de la flexion du
genou.
A'. Bifurcation antérieure de la ligne âpre (Insertion de l’iliaque) .
B'. Bifurcation postérieure.
G”. Extrémité antérieure du chapiteau ^Têtel .
B'. Extrémité postérieure (Trochanter).
Fig. 12. Humérus gauche de Vautour, vu par la face de l’extension du coude, ou
face convexe.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Extrémité antérieure du chapiteau.
D. Extrémité postérieure.
R. Gouttière formant un rudiment de col.
M. Ligne âpre de la face convexe.
Fig. 13. Fémur gauche de Vautour, vu par la face de l’extension du genou, ou face
convexe.
C'. Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
D' . Extrémité postérieure (Trochanter).
M'. Ligne âpre de la face convexe.
Fig. 14. Extrémité supérieure de l’humérus gauche de Lepus timidus non adulte,
vue par la face antérieure ou de la flexion du coude.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Portion antérieure du chapiteau (Trochiter et moitié de la Tête).
D. Portion postérieure (Trochin et moitié de la Tête).
Sur cette figure et sur la fig. 15, le chapiteau est séparé par un
sillon de l’épiphyse, à laquelle il n’est pas encore soudé.
Fig. 14'. La même, vue par la face supérieure, de manière à montrer la gouttière
— 431
qui sépare les deux portions du chapiteau malgré le développement de la
tête sur l’espace moyen de la face interne primitive du chapiteau. La
ligne ponctuée qui correspond à la gouttière indique la séparation des
deux portions du chapiteau.
C. D. Comme en fig . 14.
Fig. 15. Extrémité supérieure du fémur gauche de Lepus timidus, vue par la face
postérieure ou de flexion du genou.
A'. Bifurcation antérieure de la ligne âpre (Trochantin).
B' . Bifurcation postérieure.
C' . Portion antérieure du chapiteau (Tête).
D’ . Portion postérieure (Trochanter).
Fig. 15'. La même, vue par la face supérieure, de manière à pouvoir être comparée
à la fig. 14' et à démontrer que la gouttière de la fig . 14' correspond à
l’échancrure qui sépare la tête du trochantin dans la fig. 15'. La ligne
ponctuée sépare les deux portions du chapiteau.
A’. C'. D'. Comme dans fig. 15.
PLANCHE IX.
Nota bene. — Les fig. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16', 17', sont toutes placées
dans une position identique, telle que l’axe de la trochlée humérale et celui de
l’extrémité condylienne du fémur sont exactement transversaux, et par conséquent
parallèles entre eux.
Fig. 1. Humérus gauche de Tapir, vu par la face antérieure ou de la flexion du
coude.
A. Crête deltoïdienne (bifurcation antérieure de la ligne âpre).
B. Insertion du grand rond et du grand dorsal, qui s’est transportée
au voisinage de la bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C. Portion antérieure du chapiteau qui répond à la tête du fémur.
D. Portion postérieure du chapiteau qui répond au trochanter du
fémur.
X. Apophyse musculaire (sous-épineuse) du trochanter.
Y. Coulisse du biceps.
AO. Axe de l’os.
AT. Axe de la trochlée.
Tro. Trochlée.
Co. Condyle.
35
— 452
Fig. 2. Fémur gauche de Tapir, vu par la face postérieure ou de la flexion du genou.
A'. Insertion du psoas iliaque (Trochantin). Bifurcation antérieure de
la ligne âpre.
B1. Insertion de la portion du long vaste qui représente le grand
fessier, et qui s’est transportée au voisinage de la bifurcation pos-
térieure de la ligne âpre.
C. Portion antérieure du chapiteau (Tète fémorale).
D’. Portion postérieure du chapiteau (Trochanter!.
Fig. 3. Humérus gauche de Chèvre, vu par la face antérieure ou de la flexion du
coude.
A, B , C, D , HO, AT, Tro, Co, mêmes significations que pour \&fïg. 1.
Ra. Radius.
Fig. 4. Fémur gauche de Chèvre, vu par la face postérieure ou de la flexion du
genou.
A\ B' , C', D’ , comme pour ia fig. 2.
Fig. 5. Fémur gauche d’Homme, extrémité supérieure, vue par la face postérieure
ou de la flexion du genou.
A'. Insertion du psoas iliaque (Trochantin). Bifurcation antérieure de
la ligne âpre.
B' . Insertion du grand fessier gf. et des adducteurs ad. Bifurcation
postérieure de la ligne âpre.
C'. Extrémité interne du chapiteau (Tête du fémur).
D'. Extrémité externe (Trochanter).
Fig. G. Humérus gauche d’Homme. Extrémités supérieure et inférieure, vues par
la face antérieure ou de la flexion du coude.
A. Empreintes: 1. deltoïdienne ; 2. pectorale. Bifurcation anté-
rieure de la ligne âpre.
B. Empreintes: 1. du grand dorsal; 2. du grand rond, transportées
au voisinage de la bifurcation postérieure de la ligne âpre.
C. Portion antérieure du chapiteau (Trochanter).
1). Portion postérieure du chapiteau (Trochin et toute la Tête).
AO. Axe de l’os.
AT. Axe de latrochlée.
Fig. 7. Humérus gauche de Ruminant (Chèvre). Extrémité supérieure, vue par la
face externe ou antérieure primitive.
A. Crête deltoïdienne.
455
C. Portion antérieure du chapiteau (Trochiter et petite portion de la
Tête) .
D. Portion postérieure du chapiteau (Trochin et le reste de la Tête).
X. Gouttière de séparation des deux portions du chapiteau.
Fig. 8. Fémur gauche de Chèvre. Extrémité supérieure, vue par la face interne ou
antérieure primitive.
A'. Insertion du psoas iliaque (Trochin).
C'. Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
JD' . Extrémité postérieure (Trochanter).
Fig. 9. Humérus gauche de Tapir. Face supérieure de l’extrémité supérieure.
Y. Gouttière bicipitale.
C. Portion antérieure du chapiteau (Trochiter et petite portion de la
Tête).
D. Portion postérieure du chapiteau (Trochin et le reste de la Tête) .
Fig. 10. Fémur gauche de Tapir. Extrémité supérieure, vue par la face supérieure.
Y'. Gouttière postérieure placée entre les branches de bifurcation de
la ligne âpre et répondant à la gouttière bicipitale de l’humérus.
A1. Insertion du psoas iliaque (Trochantin) .
C'. Portion antérieure du chapiteau (Tête).
D1. Portion postérieure (Trochanter).
Cette figure peut également servir pour le fémur humain, dont elle ne
diffère que par des détails de peu d’importance ici.
Fig. 11. Humérus gauche d’Homme. Extrémité .supérieure, vue par la face supé-
rieure.
C. Portion antérieure du chapiteau (Trochiter) .
JD. Portion postérieure (Tête et Trochin).
Y. Coulisse ou gouttière du biceps.
Fig. 12. Humérus gauche de Singe. papion. Extrémité supérieure, vue par la face
supérieure.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Extrémité antérieure du chapiteau (Trochiter et petite portion de
la Tête) .
D. Extrémité postérieure du chapiteau (Trochin et le reste de la Tête) .
Y. Gouttière du biceps.
— 454 —
Fia. 13. Fémur gauche de Singe papion. Extrémité supérieure, vue par la face su-
périeure.
A'. Insertion du psoas-iliaque (Trochantin) .
C' . Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
I)' . Extrémité postérieure du chapiteau (Trochanter) .
Fig. 14. Humérus gauche de Coq. Extrémité supérieure, vue par la face supérieure.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Extrémité antérieure du chapiteau (Tubérosité externe).
I). Extrémité postérieure du chapiteau (Tubérosité interne).
T. Tête terminale, transversale, développée entre les deux tubérosités
extrêmes du chapiteau, et plus saillante en dedans, c’est-à-dire
vers l’extrémité postérieure primitive du chapiteau.
R. Rudiment de col.
Y. Gouttière du biceps.
Fig. 15. Fémur gauche' de Coq. Extrémité supérieure, vue par la face supérieure.
C'. Extrémité antérieure du chapiteau (Tête).
D' . Extrémité postérieure du chapiteau (Trochanter) .
Fig. 16. Humérus gauche de Rhynolophe, vu par la face interne ou postérieure
primitive.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Extrémité antérieure du chapiteau (Trochiter) .
D. Extrémité postérieure (Trochin).
T. Tête développée entre lesdeux tubérosités extrêmes du chapiteau.
Y. Coulisse bicipitale.
Fig. 16'. Le même os, vu par la face supérieure de l’extrémité supérieure.
Mêmes indications.
Fig. 17. Fémur gauche de Rhynolophe, vu pâr la face externe ou postérieure pri-
mitive.
A! . Point correspondant à l’insertion du psoas iliaque au-dessous de C'.
C'. Extrémité antérieure du chapiteau (Tubérosité antérieure).
D'. Extrémité postérieure (Trochanter).
Z'. Tête développée, comme pour l’humérus, entre les deux tubérosités
extrêmes du chapiteau.
L. Ligament rond interarticulaire.
— 455 —
Fig. 1?'. Le même os, vu par ]a face supérieure de l’extrémité supérieure.
Mêmes indications.
Fig. 18. Humérus gauche de Caméléon. Face postérieure ou externe primitive.
A. Crête pectoro-deltoïdienne.
C. Extrémité antérieure du chapiteau ou tubérosité externe.
D. Extrémité postérieure ou tubérosité interne.
T. Tête terminale située dans l’intervalle des deux extrémités.
Fig. 19. Humérus gauche de Lézard ocellé.
Mêmes indications.
NOTES ET ERRATA.
Page 31, ligne 19. Au lieu de préscapulum, lisez : mésoscapulum.
— 79, Note. Au lieu de précoracoïde embryonnaire, lisez : coracoïde embryon-
naire.
— 127, ligne 6, lisez: la ceinture pectorale.
— 129. Chez les Cynocéphales, le grand droit de l’abdomen s’élève plus haut que
chez l’Homme et les Anthropoïdes, et se termine supérieurement par
une longue et forte aponévrose tendineuse qui s’attache sur toute la
longueur du bord du sternum jusqu’au niveau de la première côte, et
s’insère sur le premier cartilage costal.
— 132. Je dois rappeler, à propos de l’angulaire de l’omoplate, que chez les
Primates ce muscle forme avec le grand dentelé une couche muscu-
laire continue.
— 370, ligne 22. Au lieu de fig. 7 et 8, lisez : fig. 7.
— 383, — 1 . Au lieu de fig . 7 et 8, lisez : fiçj. 8 et 7.
— 406, — 26. Au lieu de fig. 8, lisez : fig. 7.
TABLE DES MATIERES.
Introduction . . ,
PREMIÈRE PARTIE. — OstéoUogâe
Ceinture thoracique des Amphibiens 21
Ceinture thoracique des Reptiles.. 28
Ceinture pelvienne des Amphibiens 35
Ceiature pelvienne des Reptiles 39
Ceinture thoracique des Oiseaux 55
Ceintures thoracique et pelvienne des Mammifères 63
Ceintures thoracique et pelvienne des Mammifères ornithodelphes 82
Ceinture pelvienne des Oiseaux 87
Du Sacrum 101
DEUXIÈME PARTIE. — «Comparaison des Muscles des deux Ceintures 1 13
Considérations générales 113
Première Catégorie. — Muscles rattachant les deux Ceintures au tronc . 126
Grand oblique. — Petit oblique. — Transverse de l'abdomen 127
Grand droit antérieur de l’abdomen et pyramidal 129
Carré des lombes 131
Trapèze 131
Rhomboïde 131
Angulaire de l’Omoplate 132
Omo-hyoïdien 133
Grand dentelé 135
Petit pectoral Grand pectoral, — Pyramidal 137
Deuxième Catégorie. — Muscles rattachant le premier article du membre, soit au
tronc , soit à la ceinture, soit aux deux à la fois 159
Grand et petit psoas. — Trapèze claviculaire. — Deltoïde claviculaire. — Cléido-
mastoïdien 160
Iliaque. — Sous-scapulaire 166
Obturateurs interne et externe. — Petit fessier. — Petit rond 178
A. Amphibiens 185
B, Reptiles 187
1° Chéloniens 188
2“ Lacertiliens 192
— 457 —
3° Chamæléonides 198
4" Crocodiliens 200
C. Oiseaux 210
U, Ornithodelphes 215
Moyen fessier. — Sus-épineux et sous-épineux ■ 217
Grand dorsal. — Grand rond. — Deltoïde. — Grand fessier. — Tenseur du fascia
lata 222
Pectiné. — Adducteurs lémoraux. — Coraco-brachial 230
Carré crural. — Jumeaux pelviens 237
Troisième et Quatrième Catégories. — Muscles ralachant le deuxième article des
membres, soit à la ceinture, soit au premier article 237
Droit antérieur de la cuisse. — Long biceps brachial 238
Long biceps brachial des Mammifères. — Demi-tendineux. — Demi-membraneux.
— Droit antérieur de la cuisse 273
Long biceps crural. — Long triceps brachial 277
Vastes interne et externe huméraux. — Vastes externe et interne fémoraux. —
Brachial antérieur. — Court biceps fémoral. — Poplité 292
Comparaison des muscles naissant de l’iléon chez les Oiseaux, chez les Crocodiles et
chez les Mammifères. . : 304
Couturier. — Tenseur du fascia lata. — Grand fessier 305
Biceps 311
Droit antérieur 312
Iliaque et obturateur interne 312
Moyen fessier 313
Petit fessier 314
Tableau comparatif des muscles de l'Iléon chez le Mammifère, l'Oiseau et le
Crocodile 320
Tableau comparatif des homologies des muscles des deux ceintures chez l’Homme et
chez les Mammifères supérieurs 321
Conclusions de l’élude du système musculaire des deux ceintures 323
TROISIÈME PARTIE. — Comparaison dsi membre antérieur et du
membre postérieur 326
Théorie de la torsion de l’humérus 331
Théorie articulaire ou Théorie de la rotation. — Têtes et cols de l’humérus et du fémur
— Trochanters ou Tubérosités 379
Conclusion Générale 422
Explication des Planches 423
Notes et Errata 435
MONTPELLIER.
TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE BOEHM ET FIL
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Mém.del'Acad. de Montpellier (Section. desSciences)
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Mem.de l’Acad.de Montpellier ( Section des Sciences) PI. IX.
Laboratoire de Zoologie de la Faculté des Sciences de Montpellier.
4me Volume. — 1er Fascicule.
DI J MÉCANISME
LA RESPIRATION
CHEZ LES CHÉLONIENS
PAR
ARMAND SABATIER
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MONTPELLIER, LAURÉAT DE L’INSTITUT.
MONTPELLIER
CAMILLE COLLET, LIBRAIRE-ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE, DE L’ÉCOLE NATIONALE D’AGRICULTURE ET DE
L’ACADÉMIE DES SCIENCES ET LETTRES,
5, GRAND’RUE, S.
PARIS
ADRIEN DELAHAYE & E. LECROSNIER, LIBRAIRES-ÉDITEURS
Place de l’École-de-Médecine, 23
1881
Pour d’autres, les mouvements respiratoires des Tortues sont
liés aux mouvements de locomotion. Telle est l’opinion de Tauvry' .
«Quand la Tortue est en repos, dit-il, sa tête et ses pieds sont retirés
sous l’écaille supérieure, et la peau qui l’enveloppe entièrement
est plissée; mais quand l’animal marche, il pousse au dehors sa
tête et ses pieds, sa peau s’étend, puisqu’elle est tirée par ces
parties, et par conséquent elle forme intérieurement un plus
grand espace, et c’est dans cet espace vide que l’air est obligé
d’entrer.
D’autres anatomistes, tels que Pérault, considèrent l’expan-
sion du poumon ou inspiration comme due à l’élasticité de la
membrane qui forme ses cellules, et l’expiration comme pro-
duite par la compression des muscles, dont ces animaux sont
abondamment pourvus.
Cuvier n’est pas éloigné de penser, au contraire, que, tandis que
l’inspiration est due à la déglutition de l’air, l’expiration pourrait
bien être la conséquence d’une «force propre qui réside dans
le réseau tendineux qui entre dans la composition des pou-
mons».
Pour d’autres enfin, tels que Varnier, l’expiration et l’inspi-
ration sont l’une et l’autre dues au poumon, qui est pourvu d’un
réseau musculaire capable de le dilater ou de le rétrécir par lui-
même et indépendamment de l’action des autres organes.
Ces opinions, qui sont étrangères à la vérité et étrangères à la
nature des choses, sont presque toutes postérieures à la publica-
tion de la Dissertation sur la respiration des Tortues, dissertation
pleine de considérations justes et de bonnes expériences, publiée
à Goettingue en mai 1795 par Robert Townson dans ses Phy-
siological Observations on the Amphibia.
Après avoir repoussé, à l’aide d’expériences bien conduites, les
opinions citées plus haut, Townson ajoute: « Mon attention s’était
«déjà portée vers la structure et le rôle de certains muscles de
1 Tauvry ; Cité dans le Mémoire de Duverney sur le Cœur de la Tortue (Hist.
de l’Ac. des Sc., année 1699.)
»la région des flancs, que j’avais vus souvent en activité, se
«contractant et s’allongeant alternativement, et qui, quoique
«placés sur les côtés des membres inférieurs, n’avaient aucune
«action sur les mouvements de ces derniers. De plus, ces mus-
»cles étaient placés sur la terminaison et le dernier lobule des
«poumons, et paraissaient conserver très-longtemps leur irrita-
«bilité. Gela avait suffi pour me faire conjecturer que ces mus-
» clés pourraient bien être les agents de la respiration chez ces
«animaux.» Ayant enlevé la portion de la carapace qui les
recouvrait, il vit que l’un était placé à peu près verticalement,
etquel’autre, situé plus près du sternum, avait une direction hori-
zontale pour la plus grande partie. En se contractant, le premier
se retirait dans l’intérieur de ia carapace, tandis que l’autre se
portait dans une direction contraire. Le premier était un muscle
expirateur et le second un muscle inspirateur. Ces deux muscles,
adhérents l’un à l’autre par l’intermédiaire d’une couche de tissu
conjonctif, sont antagonistes. Ils compriment et dilatent alterna-
tivement les poumons. Townson vérifia par la voie expérimen-
tale la justesse de ces conjectures.
Les recherches de Townson furent, malgré leur valeur,
oubliées ou méconnues, et l’opinion que les Tortues inspiraient
par déglutition était très-généralement acceptée par tout le monde
scientifique.
Cependant Pannizza, dans un Mémoire publié en 1842 dans
les Ann. des Sc. naturelles {Observations sur la respiration chez les
Grenouilles , les Salamandres et les Tortues), démontra par une
expérience très-bien faite que l’inspiration est, chez les Tortues,
le résultat d’un appel d’air par une dilatation de la cage thora-
cique.
Enfin, en 1861, le Dr Weir Mitchell, faisant quelques expé-
riences sur la pression du sang chez la Chelydra serpentina ,
fut convaincu, sans avoir préalablement connu le travail de
Townson et celui de Pannizza, que les vues généralement admises
sur le mécanisme de la respiration des Ghéloniens étaient entière-
ment fausses. Plus tard, il publia, avecla collaboration du Dr George
6 —
R. Morehouse1, un Mémoire étendu sur la respiration des Chélo-
niens, Mémoire dans lequel sont étudiés, dans un assez grand
nombre d’espèces, la structure de l’appareil et des muscles res-
piratoires, les phénomènes externes de la respiration, la physio-
logie des muscles de la respiration et la physiologie des nerfs
respiratoires. Je me borne à analyser ici ce qui concerne l’ana-
tomie et la physiologie des muscles respiratoires.
La Tortue étant couchéesur le dos et le plastron enlevé, on trouve
immédiatement au-dessous de celui-ci une membrane aponé-
vrotique (PI. Y, fig. I, g) qui recouvre les viscères abdominaux,
estomac, intestins, foie, reins et poumons, ces derniers po étant
appliqués et fixés à la voûte de la carapace de chaque côté de la
colonne vertébrale. Cette membrane aponévrotique, composée de
fibres entre-croisées, constitue le tendon commun de deux muscles,
l’un antérieur (PL V, fig. 1, cli) et l’autre postérieur ta. Le pre-
mier (di, fig. 1 et 2) naît, chez la Chelydra serpentina, du bord
vertébral du second et troisième espace intercostal, du second arc
costal, de la seconde côte le long des deux tiers de sa longueur, et
s’attache à la carapace suivant une ligne courbe dirigée en arrière
et en dehors, depuis la troisième et la quatrième côte, au voi-
sinage de leur jonction avec les plaques marginales. Ce muscle,
queBojanus2 décrit sous le nom d q diaphragmations, neressemble
au diaphragme que d’une manière superficielle. Il est, en effet,
situé en avant des poumons (PL Y, fig. 2, po ), dont il coiffe le
sommet antérieur po ; if est traversé par la trachée et me pa-
raît plus rigoureusement devoir être considéré comme une
aponévrose destinée à séparer la région cervicale de la région
thoraco-abdominale. Ce résultat s’accorde d’ailleurs d’une ma-
nière très-heureuse avec l’absence de diaphragme dans tous les
autres groupes de reptiles actuels (Sauriens, Ophidiens, Crocodi-
liens); et nous verrons d’ailleurs que cette aponévrose, qui
1 Smithsonian Contrib., vol. XIII, 1864, n° 159. Researches upon the Anat.
and. Pliysiol. of Respir. in lhe Chclonia.
2 Bojanus; Anatomia Testudïnis europeæ. Viluæ, 1819.
(ainsi que cela se voit souvent) a acquis dans certains cas et d’une
manière accidentelle une structure musculaire, se retrouve chez
d’autres Chéloniens avec sa structure purement aponévrotique.
Le muscle postérieur (PI. Y, fig. 1, t. a.) naît du bord opposé
du fascia pelvien, du tiers antérieur de l’iléon en arrière de l’é-
pine, de la huitième vertèbre, et, par des fibres tendineuses, de
la carapace jusqu’à la sixième côte, la ligne d’origine se recour-
bant en arrière pour suivre la colonne vertébrale. Bojanus l’a
décrit sous le nom de transversus abdominis, détermination qui
me paraît suffisamment justifiée.
On conçoit que ces deux ventres musculaires, s’insérant sur
l’aponévrose abdominale qui leur sert de tendon en formant un
sac viscéral, compriment fortement par leur contraction les
viscères abdominaux contre la voûte de la carapace et chassent
conséquemment l’air contenu dans les poumons. Ce sont donc
de puissants muscles expirateurs.
Les muscles inspirateurs sont situés dans les flancs, dans
l’échancrure postérieure où les membres postérieurs sont retirés
pendant le repos. C’est une lame musculaire (PL YI, fig. 1 , o.a.),
à fibres transversales interrompues généralement , chez les
grandes Tortues, par une bande tendineuse. Ges fibres naissent
de toute la circonférence de l’espace situé entre le bord posté-
rieur du plastron et le bord postérieur de la carapace, et du
ligament de Poupart. Elles s’étalent en éventail falciforme
vers le bord de la carapace, forment une membrane musculaire
à convexité supérieure et antérieure tournée vers la cavité vis-
cérale, tandis que la face concave, regardant en bas et en arrière,
reçoit les membres postérieurs quand l’animal les retire. La
face supérieure ou interne de ce muscle adhère par une lame
de tissu conjonctif à la face superficielle du muscle expirateur
postérieur, ou transverse de l’abdomen. Pendant la contraction,
la concavité de ce muscle s’abaisse en arrière et tend à disparaî-
tre. Le muscle expirateur postérieur qui lui adhère'est entraîné
par lui, et il en résulte un agrandissement de la cavité viscérale
qui produit nécessairement l’inspiration . Je ferai remarquer que
— 8 —
l’adhérence étroite réciproque des muscles inspirateur et expi-
rateur postérieurs indique suffisamment l’alternance de l’action
de ces deux muscles, dont les actions si directement antagonistes
seraient complètement annulées si leurs périodes d’activité étaient
simultanées. Je ferai encore remarquer que cette adhérence a aussi
pour résultat de placer chacun des deux muscles, pendant sa période
de repos, dans une situation extrême de distension ou d’allonge-
ment, qui accroît l’étendue de son action quand arrive pour
lui la période de contraction.
Weir Mitchell etMorehouse démontrèrent que, sous l’influence
de la galvanisation, les muscles ci-dessus produisaient bien évi-
demment, par leurs contractions, des phénomènes d’expiration et
d’inspiration. Mais les expériences des auteurs ci-dessus ne se bor-
nèrent pas à prouver qu’il y a chez les Tortues inspiration et expi-
ration actives, elles établirent aussi que la respiration par déglu-
tition del’air ne peut avoir lieu. Sur unegrande Tortue, la trachée
fut coupée, un tube de verre fut introduit dans le bout supérieur,
et un autre semblable dans le bout inférieur; l’extrémité libre de
chacun des deux tubes fut plongée dans l’eau. Dans le bout su-
périeur, l’eau n’éprouva aucun changement de niveau ; dans le
bout inférieur, l’eau s’éleva à chaque inspiration et s’abaissa à
chaque expiration. La preuve était donc complète.
Dans ses Leçons sur la Physiologie comparée de la respiration
(1870), M. Paul Bert a confirmé expérimentalement, à l’aide des
appareils enregistreurs, les expériences de Mitchell et Morebouse.
J’ai pu, à mon tour, vérifier les recherches anatomiques et phy-
siologiques de Weir Mitchell etMorehouse sur une Chelydra ser-
pentina, sur une grande Thalassochelys caretta (caouane), sur
une grande Émysaure de Themmynk ; et dans tous ces cas la dis-
position des muscles respiratoires, ainsi quelasignification et l’im-
portance de leur action, m’ont apparu dans toute leur évidence. Je
n’ai donc rien à retrancher des résultats obtenus à cet égard par ces
honorables anatomistes. Mais il y a d’autres muscles respiratoires
que ceux qu’ils ont signalés après Tompson, et en outre il est des
Chéloniens auxquels ne sauraient s’appliquer les conclusions
émises comme des axiomes par Weir Mittchell et Morehouse.
Ces deux auteurs, après avoir étudié l’anatomie et les fonc-
tions des muscles respiratoires sur un assez grand nombre d’es-
pèces toutes plus ou moins aquatiques (la seule qu’ils indiquent
comme terrestre, la Cistudo virginea, étant une Tortue d’eau
douce et en partie aquatique), formulent des conclusions trop
absolues, puisqu’elles ne sauraient s’appliquer à tous les Chélo-
niens. « Avec l’aide de l’élasticité du poumon, disent-ils, le
muscle expirateur chasse l’air, et aucun autre muscle ne paraît
lui venir en aide pour cela » (loc. cit., pag 27, lign. 27); et
encore : «Après l’investigation la plus attentive, nous ne pouvons
découvrir d'autres muscles respiratoires (que ceux décrits ci-
dessus) dans la boîte thoracique » .
Je ne saurais souscrire à des propositions aussi exclusives, et
j’écris ce Mémoire dans le but de les corriger et de les compléter.
L’appareil musculaire respiratoire des Tortues est toujours
plus complexe que ne semblent le croire les deux auteurs déjà
cités, et dans quelques cas il présente comme type des différen-
ces remarquables.
Ayant voulu vérifier sur une Tortue entièrement terrestre et
de taille moyenne, la Testudo mauritanica, les observations pré-
cédentes, j’ai trouvé que la masse viscérale était, en effet, ren-
fermée, comme dans la Chelydra serpentina et autres, dans
une poche fibreuse ou sac viscéral formé par l’aponévrose ab-
dominale, située à la face profonde du plastron (PI. V, fig. 1, g),
et venant s’insérer par ses bords à la face interne de la voûte
de la carapace. Mais cette aponévrose, loin d’être le tendon
commun d’insertion des quatre muscles expirateurs, est entiè-
rement dépourvue de fibres musculaires à la partie antérieure, et
les quatre muscles ex pirateurs de Townson, de Mitchell et More-
house, font défaut eu avant et ne sont représentés en arrière
en t.a., fig. 1, PI. V, que par quelques fibres constituant un
muscle très-mince, fibres rares et peu susceptibles d’une action
importante.
Quant au muscle inspirateur ou obliquas abdominis de Boja-
2
— 10 —
nus, il ne fait pas défaut comme muscle distinct et capable d’une
action notable, mais il est relativement moins développé que
chez la Chelydra serpentina. Le plastron de la Testudo s’étend
fortement en arrière, et, ce muscle s’insérant sur la lèvre interne
de l’échancrure latérale postérieure du plastron, il en résulte qu’il
occupe une faible étendue comme surface. C’est une lame mus-
culaire assez courte, et par conséquent peu susceptible de pro-
duire par sa contraction un accroissement considérable de ca-
pacité de la cavité viscérale. Il y a loin de la disposition de ce
muscle à celle qu’il affecte chez la Chelydra serpentina, chez la
Tortue caouane, chez l’Émysaure, dont le plastron, presque
crucial, présente à son bord postérieur de larges et profondes
échancrures, dont le sinus est entièrement occupé par le muscle
inspirateur. Dans ces cas, les fibres musculaires sont assez longues
pour demander une interruption aponévrotique, d’où résulte
dans le centre du muscle de chaque côté une sorte de centre
phrénique ou raphé central.
En présence de ces faits, plusieurs questions peuvent être
posées.
Chez les Testudo, les mouvements respiratoires actifs sont-ils
faibles et insignifiants? S’il en était ainsi, deux cas pourraient se
présenter. Ou bien les Testudo inspirent surtout par déglutition et
expirent en vertu de l’élasticité du tissu pulmonaire; ou bien la
respiration pulmonaire des Testudo est extrêmement peu active;
l’appel de l’air est alors très-réduit, et les muscles inspira-
teurs et expirateurs sont suffisants malgré leur faible importance.
Les expériences et les observations qui vont suivre viennent
renverser toutes ces suppositions.
La Testudo onauritanica ne respire pas par déglutition. J’ai pu
m’en convaincre par l'expérience suivante : Sur une Tortue bien
vivante, le 29 octobre 1880, par une température douce, j’en-
lève le plastron et j’ouvre l’aponévrose abdominale. Parla, toule
inspiration et expiration résultant d’une dilatation ou d’un rétré-
cissement actif de la cavité viscérale sont supprimées. J’adapte
solidement à l’extrémité du museau de l’animal un entonnoir en
— 11 —
caoutchouc qui l’embrasse exactement, et qui, par un tube en
caoutchouc, communique avec une éprouvette graduée en cen-
timètres cubes, contenant de l’air et placée sur une cuve à eau.
Quoique l’animal, couché sur le dos, s’agitât de temps en temps;
quoique le cœur battît activement; quoique le plancher de la bou-
che et du pharynx fût souvent animé de ces mouvements de
soulèvement et d’affaissement successifs qui ont été considérés
comme les mouvements de déglutition de l’air, le niveau de l’eau
dans la cloche n’a pas subi la plus légère oscillation pendant plus
d’une heure que l’animal a été en observation. Cette stabilité du
niveau de l’eau ne saurait être attribuée à une occlusion spas-
modique involontaire de la glotte, car en pressant directement
sur les poumons, et en les laissant revenir, j’ai provoqué de lé-
gères oscillations du niveau du liquide. De cette expérience, je
crois pouvoir conclure que l’animal ne peut pousser de l’air dans
le poumon par déglutition.
Mais serait-il vrai alors que la respiration de la Testudo est peu
importante, et que cet animal n’introduit dans le poumon que
des quantités d’air peu considérables. C’est ce que va nous per-
mettre de mesurer l’expérience suivante : Une Tortue mauresque
bien portante est placée sur une table, tantôt couchée sur le dos,
*
tantôt dans sa station habituelle. Un entonnoir en caoutchouc
est tres-exactement fixé sur son museau , et communique
par un tube en caoutchouc avec l’intérieur d’une éprouvette
graduée placée sur une cuve à eau, et contenant de l’air.
Une seconde Tortue est placée dans les mêmes conditions. Les
animaux font de temps en temps et suivant un rhythme spécial
des inspirations et des expirations qui, pour la première Tortue,
produisent dans la cloche à air des différences de niveau de 20 à
30 centim. cubes ; la seconde Tortue, un peu plus grosse, a donné
des différences de niveau de 45 à 55 centim. cubes. Les inspi-
rations ordinaires étaient de 20 centim. cubes environ. La capa-
cité de la carapace et de la cavité viscérale de cet animal ayant été
mesurée comme correspondant à 500 centim. cubes, il en ré-
sulte que la quantité d’air introduite pendant les inspirations or-
1-2
dinaires était 1/25 de la capacité de la cavité viscérale, et pen-
dant les grandes inspirations 1/10 de cette même capacité. Chez
l’homme adulte, les inspirations ordinaires étant d’un demi-litre
d’air et les grandes respirations de 3 litres et demi environ , si
l’on évalue à peu près à 30 litres la cavité viscérale abdomino-
thoracique, on trouve que la quantité d’air correspondant aux
inspirations ordinaires est 1/60 de cette capacité, et celui des
respirations extrêmes 1/8 de cette même capacité. On peut
conclure de la comparaison de ces chiffres que la capacité respi-
ratoire des Chéloniens est double de la capacité respiratoire de
l’Homme pour les respirations ordinaires, et qu’elle est à peu
près égale à celle-ci pour les respirations extrêmes.
C’est là un résultat assez inattendu chez un animal qui, comme
la Tortue mauresque, a une boîte rigide très-étendue, et dont les
orifices antérieurs et postérieurs sont singulièrement limités par
l’extension en avant et en arrière du plastron. Il serait possible
que ces chiffres doivent être augmentés chez les Tortues à plastron
réduit et à plastron mobile. Mais, tels qu’ils sont, ils ont lieu d’éton-
ner quand on pense aux théories respiratoires qui ont fait si
longtemps de la Tortue un animal qui déglutissait l’air par petites
gorgées. Dans tous les cas, ces résultats sont faits pour nous con-
duire à rechercher des moteurs capables de produire une intro-
duction si considérable d’air, et, puisque les muscles inspirateurs
et expirateurs décrits par Tompson, Weir Mitchell et Morehouse
ne peuvent suffire à une action aussi importante, il est nécessaire
de chercher d’autres agents qui ajoutent leur action à la leur.
Il y a d’autres muscles expirateurs que le transversus abdo-
minis et le diaphragmai icus de Bojanus, que nous avons vus
servir démuselés tenseurs de l’aponévrose abdominale et qui sont
les seuls muscles expirateurs pour Tompson, Weir Mitchell et
Morehouse. Ces nouveaux muscles expirateurs sont : en avant,
le grand pectoral et le grand dorsal ; en arrière, 1 ’ attrahens pelvim
de Bojanus, que l’on doit considérer comme représentant une por-
tion des muscles obliques et le droit abdominal des Mammifères.
Il y a des muscles inspirateurs autres que Yobliquus abdominis
.
13
de Bojanus, que Tompson, Weir Mitchell et Morehouse consi-
dèrent comme le seul muscle inspirateur. Ces muscles sont : en
avant, le serratus magnus de Bojanus, d’Owen, et le retra-
liens pelvim de Bojanus en arrière. Je vais analyser la valeur
anatomique et physiologique de ces divers muscles et établir
ainsi leur rôle respiratoire.
Pour procéder avec méthode, je dois d’abord expliquer quelles
sont les relations des ceintures thoracique et abdominale par
rapport à la colonne vertébrale et à la cavité viscérale.
Les ceintures thoracique et pelvienne forment (PI. VI, fig. 2 et
3) les limites antérieure et postérieure de la cavité viscérale. Cette
dernière est enveloppée par l’aponévrose que j’ai déjà décrite, ou
sac viscéral, à laquelle s’insèrent les muscles expirateurs anté-
rieurs et postérieurs de Mitchell et Morehouse.
Chaque moitié de la ceinture thoracique (PL VI, fig. 2, T)
constitue un levier rigide formé par le scapulum, le coracoïde
et le précoracoïde, levier dont l’extrémité supérieure ou extré-
mité du scapulum est attachée à la neuvième vertèbre par des
ligaments. Ce levier peut se mouvoir d’avant en arrière de ce
point d’attache pris pour centre. Ces mouvements sontétendus,
les ligamentsétant assez lâches et permettant une grande mobilité.
La ceinture pelvienne (PL VI, fig. 2, P) est, à son tour, reliée à la
colonne vertébrale par des ligaments qui rattachent l’extrémité su-
périeure de l’iléon aux côtes sacrées. L’articulation , quoique moins
mobile que celle du scapulum, permet pourtant des mouvements
assez étendus d’avant en arrière. La cavité viscérale se trouve
donc comprise entre quatre parois, dont deux, la supérieure for-
méepar la carapace, et l’inférieure formée par le plastron, sont
fixes et non susceptibles de mouvements chez la plupart des Tor-
tues, et dont deux autres, l’antérieure et la postérieure, sont sus-
ceptibles de mouvements de rotation d’avant en arrière et d’arrière
en avant, qui peuvent allonger et raccourcir alternativementle dia-
mètre antéro-postérieur delà cavité viscérale. Cela ressort clai-
rement de l’examen des fig. 2 et 3, PL VI, qui représentent, l’une
la coupe antéro-postérieure d’une Testudo, et l’autre le schéma
14 -
des mouvements des ceintures. On voit clairement que quand la
ceinture thoracique T se porte en avant, tandis que la ceinture
pelvienne P se porte en arrière, il y a augmentation de la capa-
cité viscérale ; tandis que quand les deux ceintures T et P' se
dirigent l’une vers l’autre et vers la cavité viscérale, elles dimi-
nuent le calibre delà cavité viscérale. Le mouvement divergent
des ceintures augmente la capacité de la cavité viscérale, leur
mouvement convergent la diminue. La différence des capacités
est marquée par des triangles striés sur la fig. 3.
J’ai pu, sur une Testudo mauritanien, déterminerexpérimenta-
lement cette différence de capacité suivant la situation des cein-
tures. J’ai mis à nu l’aponévrose viscérale par l’enlèvement du
plastron, et j’y ai pratiqué une ouverture. Pendant qu’un
aide, saisissant les membres antérieurs d’une main et les posté-
rieurs de l’autre main, éloignait les ceintures l’une de l’autre,
j’ai rempli d’eau la poche viscérale. En ramenant ensuite les
deux ceintures vers la partie centrale de l’animal, il sortait de la
cavité viscérale comprimée et diminuée une certaine quantité de
liquide qui atteignait 65 centim. cubes environ, dans les cas
où l’on avait placé les deux ceintures dans les situations les plus
extrêmes. Cette cavité viscérale étant de 500 centim. cubes en-
viron, on voit que les changements de capacité étaient considé-
rables et atteignaient la voleur d’un septième.
Il résulte de ces faits que les muscles susceptibles de produire
la convergence des ceintures seront des muscles expirateurs, et
que tous ceux qui pourront amener la divergence seront des
muscles inspirateurs. Mais il en résulte en outre que, la ceinture
Ihoracique étant capable de décrire un angle bien supérieur à
celui que peut décrire la ceinture pelvienne, les muscles appelés
à agir sur cette ceinture-là auront, au point de vue de la fonction
respiratoire, plus d’importance et de pouvoir. Nous verrons en
effet que les muscles moteurs, soit en avant, soit en arrière de la
ceinture thoracique, sont plus nombreux et ont une action plus
étendue que les moteurs analogues de la ceinture pelvienne.
Les muscles prémoteurs et rétromoteurs de la ceinture pelvienne
— 15 —
sont surtout représentés par deux muscles puissants qui naissent
du pubis et plus spécialement de l’apophyse pelvienne, si déve-
loppée chez les Chéloniens, et qui de là se portent l’un en avant
et l’autre en arrière.
Le muscle antérieur, attrahens pelvim de Bojanus (PL V, fig A ;
PL VI, fig. 1, a.p.) se porte en rayonnant en avant, et va s’insérer
à la face profonde delà partie moyenne du plastron, sur la région
contiguë de l’hypoplastron et du xiphoplastron. Sa contraction a
évidemment pour effet de porter l’os iliaque en avant, en lui fai-
sant décrire un arc dont l’apophyse sacro-iliaque est le centre.
Le muscle postérieur ou retrahens pelvim de Bojanus va s’insé-
rer sur la face profonde de l’extrémité postérieure du plastron,
sur la partie postérieure du xiphoplastron. Il tend à porter l’os
iliaque en arrière. (Pl. Y, fig. 1 ; PL VI, fig. 1, r.p.)
Quand ces deux muscles se contractent en même temps, ils
servent évidemment à fixer le bassin, qui devient ainsi unpoint
d’appui solide pour le membre postérieur pendant les mouvements
forcés de ce dernier. Mais il est évident que l’action isolée de
l’ attrahens pelvim en fait un muscle compresseur des viscères,
et par conséquent un muscle expirateur, tandis que la contraction
isolée du retrahens pelvim, agrandissant la cavité viscérale , fait
de ce muscle un muscle inspirateur. L’action de ces deux muscles,
sans être très-étendue, a pourLant une importance relative qui ne
saurait être négligée, et dont il est facile de se rendre compte
sur une Tortue vivante dont on a mis le pubis à nu en enlevant
une portion du plastron.
Les muscles prémoteurs et rétromoteurs de la ceinture thora-
cique ont, comme je l’ai déjà dit, une plus grande importance.
Gomme muscle rétromoteur, je dois d’abord signaler le muscle
grand pectoral (PL Y, fig. 1, g.p.), qui s’insère d’une part sur la face
profonde de la région centrale et antérieure du plastron , et d’au-
tre part sur la tubérosité de l’extrémité centrale de l’humérus.
Ce muscle joue évidemment et d’une manière très-marquée le
rôle de rétromoteur de la ceinture thoracique, quand l’humérus
est maintenu fixe et immobile relativement à la ceinture par
16 —
les contractions des muscles scapulo-huméraux et des muscles
coraco et précoraco-huméraux, que j’ai désignés ailleurs sous le
nom de muscles obturateurs interne et externe de la ceinture tho-
racique1. Ce muscle grand pectoral forme un faisceau dont les
fibres se dirigent presque toutes directement en arrière et un peu
en dedans, et ont une longueur qui permet un raccourcissement
d’une étendue remarquable. Il n’est pas douteux que, lorsqu’il se
contracte, fine porte fortement en arrière la ceinture thoracique,
et ne diminue par là, dans de fortes proportions, la capacité de la
cavité viscérale. C’est donc un muscle expirateur puissant.
Son action se combine d’ailleurs avec celle d’un muscle qui
joue le même rôle que lui, et qui tend de plus à appliquer la
ceinture thoracique, et particulièrement la région coraco-préco-
racoïdienne, doublée de forts coussins musculaires, contre la par-
tie antérieure de la masse viscérale, qui est composée particu-
lièrement de la partie antérieure du poumon et du foie. Ce
muscle est le grand dorsal (PI. Y, fig . 1 et 2, g. d.), qui naît de
la face interne de la première plaque costale de la carapace, et
va s’insérer sur la partie supérieure du corps de l’humérus. Ses
fibres se portent en arrière et légèrement en haut, et tendent
à entraîner la ceinture thoracique dans celte direction, et par
conséquent à l’appliquer vers la voûte de la carapace. Dans ce
mouvement, la ceinture presse directement sur le sommet du
poumon (PI. V, fig. 2 ,po'.)t qui fait saillie en avant, tout en étant
recouvert par un cul-de-sac de l’aponévrose viscérale. Elle presse
également sur le foie et sur les intestins, qui transmettent cette
pression au reste du poumon. C’est donc là un muscle expirateur
puissant, qui combine probablement son action avec celle du
grand pectoral, et qui, comme ce dernier, agit à titre de muscle
respiratoire, surtout au moment où l’humérus est fixé par l'action
d’autres muscles dans l'articulation scapulo-humérale.
1 A. Sabatier; Comparaison des Ceintures et des Membres antérieurs et posté-
rieurs dans la série des Vertébrés, 1880 ; grand in-4° de 438 pages et 9 planches.
Montpellier, Coulet., libr.-édit. Paris, Adrien Delahaye, édit.
17 —
Gomme muscle inspirateur , la région thoracique possède un
muscle très-remarquable dont j’ai eu l’occasion de m’occuper
longuement dans mon travail sur la Comparaison des ceintures
et des membres précédemment cité (pag. 150, 151, 152). Ce
muscle, que Bojanus et Owen décrivent à tort comme serratus
magnus, que Fürbringer décrit sous le nom de testo-coracoïdeus ,
je l’ai particulièrement étudié et j’en ai précisé les insertions et
la signification.
Il s’insère (PL Y, fig. 1 et 2 ,p.p.) : sur la face profonde ou
supérieure de l’extrémité interne du coracoïde, mais surtout
suivant une ligne oblique sur une aponévrose (PI. Y, fig. 2,a.p.)
qui, naissant de l’arcade fibreuse coraco-précoracoïdienne, re-
couvre un muscle désigné par Owen comme supercoracoideus ,
mais qui est en réalité l’obturateur interne de l’épaule. Parties de
là, les fibres forment une lame musculaire qui se porte en dehors
pour s’insérer sur une partie du bord extérieur de la première et
de la deuxième plaque costale, et sur le bord interne de l’apo-
physe cardinale de l’hyoplastronetde la partie contiguë del’hypo-
plastron. Ce muscle, dont j’ai déterminé l’homologie comme petit
pectoral , et que j’ai démontré être l’bomotype des fibres pubien-
nes du releveur de l’anus des Mammifères, est un muscle inspi-
rateur dont l’action est très-importante.
L’action inspiratrice de ce muscle est liée à un double méca-
nisme dont les fig. 1 et 2 de la PI. V de ce Mémoire peuvent
donner une assez juste idée.
1° Si l'on examine la situation de la ceinture thoracique pendant
l’expiration, comme dans la fig. 1, PI Y, on peut facilement con-
stater que, le bord interne de la région coraco-précora-
coïdienne étant porté en arrière et en dedans, le muscle petit
pectoral p. p. se trouv ; dans l’état le plus complet d’allongement
et de relâchement de ces fibres. Si celles-ci viennent à se con-
tracter, la ceinture thoracique est nécessairement portée en avant
et en dehors, c’est-à-dire qu’elle décrit un arc de cercle dans
cette direction autour de l’extrémité vertébrale du scapulum. Il
résulte de là un agrandissement important du diamètre antéro-
3
18
postérieur de la cavité viscérale et une inspiration. L’examen de
la fig. 1 , PI. Y, permet de saisir clairement l’antagonisme d’action
respiratoire du muscle petit pectoral p. p. et du muscle grand
dorsal g. d. On voit en effet que le premier a son point d’insertion
fixe sur la carapace, en avant et en dehors de son point d’insertion
mobile sur la ceinture thoracique, tandis que le point d’insertion
fixe du grand dorsal, sur la carapace, est postérieur et externe à
son point mobile sur l’humérus. Pendant que l’animal est en ex-
piration, n. les fibres des deux muscles se croisent en X très-allongé,
comme sur la fig. 1, PL V, et présentent un antagonisme évident.
2° En second lieu, le muscle petit pectoral, lorsqu’il est à
l’état de repos, présente, par suite de ses rapports avec la partie
antérieure de l’aponévrose viscérale et avec le sommet du poumon,
une convexité postérieure dont la ftg. 2, PL V, permet de se rendre
compte, mais qui est surtout bien figurée dans la planche de
Bojanus représentant les muscles et les viscères vus par la face
latérale de l’animal. La fig. 2 du présent Mémoire permet de
saisir ces relations. La ceinture thoracique étant fortement relevée
en avant, on voit par sa face profonde le muscle p.p. naissant
de l’aponévrose ap. du muscle obturateur interne ob.i. On voit
aussi que cette face profonde est en relation immédiate dans l’état
normal avec le sommet du poumon po . , et avec l’aponévrose
viscérale di., ou sac viscéral. Il existe là une excavation très-pro-
noncée pendant l’expiration, et dans laquelle pénètre le muscle
p.p. qui adhère aux parties sus-nommées par l’intermédiaire
d’une couche de tissu conjonctif lâche qui permet des glisse-
ments. Si le muscle, qui présente une convexité postérieure pro-
noncée, vient à se contracter, le premier effet de la contraction
sera de redresser ses fibres et de transformer la surface convexe
postérieure en une surface plane. La paroi antérieure du sac vis-
céral etl’extrémité antérieure du poumon suivront nécessairement
le muscle dans ce changement de direction et de forme, et il en
résultera un accroissement delà cavité viscérale et une inspiration.
On voit donc que le muscle agira dans ces circonstances comme
un diaphragme dont la concavité est antérieure, et qu’iljouera, par
19
rapport au muscle inspirateur antérieur ou diaphragmations de
Bojanus, le même rôle que joue Yobliquus abdominis de Bojanus
ou inspirateur de W. Mitchell et Morehouse par rapport à l’expi-
rateur postérieur ou transversus abdominis de Bojanus. Il y a
‘dans l’un et dans l’autre cas deux muscles adhérant l’un à l’autre
par leurs faces convexes, et par conséquent directement antago-
nistes. La disposition de ces muscles présente donc une symé-
trie remarquable en avant et en arrière de la cavité viscérale.
Le muscle petit pectoral a donc une double action qui corres-
pond à deux moments différents de sa contraction.
1° Au début, la contraction du muscle a pour effet de trans-
former sa convexité postérieure en une surface plane, et de pro-
duire un certain degré d’inspiration qui est indépendant de tout
déplacement de la ceinture thoracique; 2° ensuite, quand les fibres
sont devenues rectilignes, elles agissent sur la ceinture pour la
porter en avant et en dehors et produire un degré plus considé-
rable d’inspiration.
Si nous résumons cette étude des muscles qui président aux
mouvements respiratoires chez les Chéloniens, nous voyons que
l’inspiration est due à des muscles dont l’un est antérieur et
les autres postérieurs.
Le muscle antérieur est le petit pectoral ou serratus magnus
de Bojanus.
Les muscles postérieurs sont Yobliquus abdominis de Bojanus
et le muscle retrahens pelvim de Bojanus.
Le muscle petit pectoral et l’oblique de l’abdomen forment,
l’un en avant et l’autre en arrière, deux lames musculaires dont les
convexités regardent vers la cavité viscérale et sont par conséquent
opposées l’une à Tartre. On comprend que leur contraction si-
multanée produise un allongement considérable du diamètre
antéro-postérieur de la cavité viscérale, et par suite une forte
inspiration. Il est dans tous les cas digne de remarque que les
deux groupes de muscles inspirateurs produisent, malgré leur
différence de composition anatomique, des actions tout à fait ana-
— 20 —
logues. En effet, il y a dans les deux régions double action inspi-
ratrice : 1° par le redressement défibrés musculaires courbes, et
2° par le déplacement de la ceinture osseuse; mais, tandis que
dans la région pelvienne ces deux actions sont dues à deux mus-
cles séparés, dans la région thoracique elles appartiennent à deux
moments distincts de la contraction d’un seul et même muscle.
L’expiration est également due à des muscles antérieurs et
postérieurs.
Les muscles antérieurs sont le grand pectoral, le grand dorsal
et le diaphragmatique de Bojanus. Les muscles postérieurs sont
Y attraliens pelvim et le transverse de l’abdomen de Bojanus.
Ces muscles se comportent de deux manières : les uns agissent
sur le sac aponévrotique viscéral; ce sont les diaphragmatiques
et les transverses, que Thompson, W. Mitchell et Morehouse ont
considérés comme étant l6s seuls muscles expirateurs des Chélo-
niens.
Les autres agissent sur les ceintures pour les faire basculer
vers la région viscérale de l’animal. Ce sont le grand pectoral et
le grand dorsal d’une part, T attrahens pelvim d’autre part. Les
muscles du sac aponévrotique, assez développés chez les grandes
Tortues, et particulièrement chez les Tortues aquatiques et à plas-
tron réduit, le sont au contraire fort peu chez d’autres Tortues,
et notamment chez la Testudo mauritanica. Chez cette dernière,
les diaphragmatiques font presque entièrement défaut, et le
transverse de l’abdomen est peu développé.
Il est d’ailleurs à remarquer que, la ceinture thoracique étant
beaucoup plus susceptible de mouvement que la ceinture pel-
vienne, c’est aussi à son niveau que se trouvent les muscles res-
piratoires les plus élendus et les plus puissants. Cela est sur-
tout vrai pour les Testudo , chez lesquels le muscle inspirateur
postérieur ou oblique de l’abdomen est relativement réduit.
Aussi ai-je constamment remarqué dans mes expériences que les
grandes inspirations étaient accompagnées de mouvements en
avant des épaules, des membres antérieurs et de la tête, tandis
— 21
que les membres postérieurs pouvaient rester immobiles et
enfermés sous la carapace.
Ce n’est pas à dire que les mouvements en avant des mem-
bres antérieurs correspondent toujours à une inspiration. Il faut
se rappeler, en effet, que les Chéloniens présentent dans l’inter-
valle des mouvements respiratoires une occlusion de l’ouverture
glottique qui s’oppose à toute entrée ou sortie de l’air. 11 est
d’ailleurs possible aux Tortues de faire saillir la tête et les
membres antérieurs, tout en laissantla ceinture thoracique immo-
bile et sans contracter le petit pectoral : il n’y a pas alors d’in-
spiration.
On comprend aussi que la contraction du petit pectoral puisse
se borner à redresser les fibres de ce muscle sans agir sur la cein-
ture. Il y a alors inspiration faible sans déplacement notable de
la ceinture thoracique. Ainsi s’explique l’expérience de Thomp-
son qui, ayant enveloppé une Tortue de manière à s’opposer à la
sortie des membres, n’en a pas moins constaté de légères respi-
rations. Mais si de faibles mouvements respiratoires sont possibles
dans ces conditions, il n’en résulte pas moins, des études qui pré-
cèdent, que les grandes respirations exigent les grands déplace-
ments des ceintures et même des membres.
Je clos là cette étude. Il était bon, je crois, d’appeler l’atten-
tention sur ce sujet encore resté dans l’ombre pour beaucoup
d’anatomistes. Il me suffira d’ailleurs, pour indiquer le chemin
que nous avons parcouru dans ce travail, de rappeler combien
nous sommes loin de ces assertions de W. Mitchell et More-
house : qu’il n’y a d’autres muscles inspirateurs que l’oblique de
l’abdomen, et d’autres muscles expirateurs que les tenseurs de
l’aponévrose viscérale ou muscles diaphragmatique et transverse.
22 -
EXPLICATION DES PLANCHES.
Planche Y.
Fig. 1. — Testudo mauritanica dont le plastron a été enlevé, et dont
la poche viscérale, ouverte du côté droit de l’animal, a été vidée de tous
les viscères, sauf les poumons et les arcs aortiques dont on aperçoit
l’anastomose abdominale.
g.p. — Muscle grand pectoral. Le gauche est dans sa position
normale; le droit a été détaché et relevé.
ob. e. — Muscle obturateur externe de l’épaule.
g.d. — Muscle grand dorsal.
p.p. — Muscle petit pectoral.
g. — Aponévrose abdominale.
di. — Muscle diaphragmatique de Bojanus.
po. — Poumon droit.
t.a. — Muscle transverse de l’abdomen de Bojanus.
a.p. — Muscle attrahens pelvim de Bojanus.
r.p. — Muscle retrahens pelvim de Bojanus.
Fig. 2. — La ceinture thoracique droite est soulevée en avant, de
manière à montrer l’excavation dans laquelle se logent cette ceinture et
le sommet du poumon.
g.p. — Muscle grand pectoral, détaché et rejeté en avant.
ob. e. — Muscle obturateur externe de l’épaule.
ob. i. — Muscle obturateur interne.
p.p. — Muscle petit pectoral vu par sa face profonde.
ap. — Aponévrose de l’obturateur interne thoracique sur laquelle
s’insère le petit pectoral.
g.d. — Muscle grand dorsal.
di. — Muscle diaphragmatique de Bojanus.
po. — Poumon. Portion abdominale.
p>o'. — Poumon. Lobe antérieur faisant saillie dans l’excava-
tion antérieure.
Planche VI.
Fig. 1. — Testudo mauritanica couchée sur le dos. Portion posté-
rieure de l’animal. Le plastron est en place, mais il est considéré comme
transparent, de manière à permettre la vue des muscles et des viscères
qu’il recouvre.
Revue des Sciences naturelles. (2-eSéne)
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Revue des Sciences naturelles (2ïeSene)
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; pl . — plastron.
ov. — Ovaires et œufs.
fo. — Foie.
est. — Estomac.
a.p. — Muscle attrahens pelvim de Bojanus.
r.p. — Muscle retrahens pelvim de Bojanus.
o. a. — Muscle oblique de l’abdomen.
Fig. 2. — Coupe schématique de la même Tortue, faite suivant un
plan vertical antéro-postérieur, placé sur les côtés de la ligne médiane
de l’animal.
car. — ■ Carapace.
T. — Ceinture thoracique.
P. — Ceinture pelvienne.
fo. — Foie.
ap. — Aponévrose du sac viscéral.
int. — Intestin.
po. — poumon abdominal.
po' . — Lobe saillant en avant du poumon.
Fig. 3. — Même coupe. Les viscères ont disparu, et les ceintures
sont représentées comme de simples leviers rectilignes attachés à la
carapace par leurs extrémités supérieures. Les triangles striés représen-
tent les secteurs décrits par les ceintures dans leurs déplacements en
avant et en arrière.
T. — Ceinture thoracique portée en avant (inspiration).
T'. — La même portée en arrière (expiration).
P. — Ceinture pelvienne portée en arrière (inspiration).
P'. — La même portée en avant (expiration).
Extrait de la Revue des Sciences Naturelles
(Mars 1881.)
Monti»eMiw. — Typogr. Boehm et Fils.
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