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Full text of "Opuscules chimiques"

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PUSCULES 

CHIMIQUES. 

TOME  SECOND. 


OPUSCULES 

CHIMIQUES 

D E 

PIERRE  BAYE  K, 

M e m b re  de  ly  Institut  national  de 
France  y de  la  Société  de  Médecine  , 
et  du  collège  de  Pharmacie  de  Paris  $ 
V un  des  Inspecteurs  généraux  du 
Service  de  Santé  des  Armées  de  la 
République . 

TOME  SECOND. 


A PARIS, 

Chez  A.  J.  DUGOUR  et  DURAND, 
Libraires,  Rue  et  Hôtel  Serpente. 


An  YI  de  la  République. 


V 


/ 


ANALYLSE* 

D’UNE  MINE 

DE  FER.  SPATHIQUE, 

CONNUE  EN  ALLEMAGNE 
SOUS  LE  NOM  DE  MINE  AC  1ER. 


PREMIÈRE  PARTIE, 

Contenant  les  expériences  faites  par  la 

voie  sèche. 

La  mine  de  fer , dont  l’examen  chimique 
fait  le  sujet  de  ce  mémoire,  est  connue  des 
naturalistes  sous  le  nom  de  minera  ferri 

* Cette  Analyse  auroit  dû  précéder  les  quatre 
Nlémoires  que  j’ai  donnés  sur  les  précipités  de 
mercure,  puisqu' en  effet  on  la  trouve  citée  deux 
fois  dans  le  second , dont  la  publication  est  du  mois 
d’avril  17 y 4' 

Des  circonstances , dont  le  récit  serait  fort  inutile  > 
m’ont  empêché  de  la  faire  paroitre  dans  le  temps 
où  elle  a été  faite , c’est-à-dire  , à l’époque  où. 
la  question  de  Pair  fixe  commencoit  à occuper  tous 

Tome  IL  A 


2 


AN  A L Y S E 


alba  spathi- for  rnis  ( i ) : c’est  un  amas  de 
cristaux  en  lames  minces  , brillantes  , 
douces  au  toucher,  à demi-transparentes, 
de  couleur  grise  et  de  forme  rliomboïdale  ; 
on  y distingue  des  cristaux  de  quartz  , et 
quelquefois  des  petites  pyrites  [aunes  et 
gorge-de-pigeon  : elle  n’est  pas  très-dure, 

les  chimistes . La  première  partie  de  ce  Mémoire 
n’aura  donc  plus  le  mérite  de  la  nouveauté  ; aussi 
ai-je  eu  quelque  temps  le  dessein  d’en  supprimer 
tous  les  détails  > qu’on  pardonne  toujours  lorsqu’il 
s’agit  d’ expériences  nouvelles  , mais  qu’on  dé- 
daigne, dès  qu’ils  sont  connus.  Cependant > l’aca- 
démie qui  m’a  voit  permis  de  lui  faire  lecture  de 
cette  Analyse  y le  -i.6  juin  ayant  daigné 

l’ accueillir  y j’ ai  cru  devoir  la  présenter  au  public , 
telle  qu’elle  étoit , lorsque  j’ai  eu  l’honneur  de  la 
lire  dans  une  assemblée  de  cette  savante  compagnie . 

(1)  J’avois  rapporté  d’Allemagne,  en  1763,  divers 
échantillons  de  mines  de  fer,  parmi  lesquels  il  s’en 
trouvoit  un  de  mine  spathique,  du  poids  de  quatre 
livres  et  demie.  Ettling , célèbre  négociant  de  Franc- 
fort sur  le  Mein,  et  possesseur  d’un  riche  cabinet 
d’IIisloire  naturelle,  me  l’avoit  donné,  en  me  le  dési- 
gnant sons  le  nom  de  mine  dont  on  retire  le  meilleur 
acier.  C’est  sur  cet  échantillon,  qui  étoit  très-pur, 
que  j’ai  fait  toutes  les  expériences  qu’on  va  lire.  J’ai 
d’autres  morceaux  de  la  même  mine,  où  le  quartz  et 
les  pyrites  sont  les  parties  dominantes. 


3 


d’une  mine  de  fer  SPATIIIQUE. 

la  pointe  d’un  couteau  peut  facilement  y 
imprimer  des  traits  3 le  briquet  n’en  peut 
donc  point  tirer  d’étincelles  , à moins  que, 
par  hasard  ou  à dessein,  le  coup  ne  porte 
sur  un  grain  de  quartz  ou  sur  une  pyrite. 
Cette  mine  n’est  point  du  tout  attirable  par 
l’aimant  : si  on  en  tient  long-temps  à l’air 
un  morceau,  elle  jaunit  à sa  superficie  et 
perd  son  brillant  3 ce  qui  annonce  un  com- 
mencement de  décomposition.  Lorsqu’on 
l’expose  au  feu  en  morceaux  d’une  cer- 
taine grosseur,  ou  simplement  concassée, 
elle  décrépite  fortement  et  se  sépare  en  pe- 
tites parcelles,  qui  sont  jetées  hors  du  vase 
où  se  .fait  l’opération.  Il  n’est  donc  pas 
possible  , dans  le  travail  en  petit , de  la 
calciner,  à moins  qu’on  n’en  ait  préala- 
blement détruit  l’aggrégation  cristalline  , 
en  la  réduisant  en  poudre  assez  fine  pour 
passer  au  tamis  de  soie. 

I.  Expérience.  Ayant  exposé  au  feu  , 
dans  un  petit  creuset,  4 gros  ou  288  grains 
de  mine  pulvérisée  et  tamisée  , sa  couleur 
ne  tarda  pas  à s’altérer 5 elle  devint  brune, 
et  en  moins  de  demi -heure , elle  étoit  tout- 
à-fait  noire  3 le  feu  fut  poussé  jusqu’à  la 
faire  rougir,  et  tenu  en  cet  état  plus  d’une 

A 2 


ANALYSE 


/ 

4 

Iieure  et  demie , sans  qu’il  s’en  soit  élevé 
rien  de  sensible  à l’odorat,  ni  à la  vue;  re- 
froidie et  mise  sur  la  balance,  elle  se  trouva 
diminuée  de  90  grains,  c’est-à-dire  qu’elle 
avoit  perdu  le  tiers  de  son  poids  moins  3 
grains;  c’étoit  une  poudre  d’un  noir  foncé, 
qui  paroissoit  avoir  augmenté  de  volume  ; 
je  lui  présentai  alors  un  barreau  d’acier 
aimanté  , auquel  elle  s’attacha  avec  autant 
de  vitesse  et  en  aussi  grande  quantité  que 
l’auroit  fait  la  limaille  de  fer  la  plus  récente 
et  la  plus  pure. 

II.  Expérience.  Je  crus  devoir  répéter 
cette  expérience  dans  les  vaisseaux  fermés. 
Je  mis,  en  conséquence,  une  once  de  la 
même  mine  pulvérisée  , dans  une  petite 
retorte  de  verre  lutée  , à laquelle  j’adaptai 
un  ballon  percé:  je  lui  lis  subir  le  plus  grand 
feu , ayant  attention  d’ouvrir  de  temps  en 
temps  le  petit  trou  du  récipient  , d’où  il 
sortoit  à chaque  fois  une  quantité  d’air 
remarquable  ; il  ne  passa  rien  de  visible 
dans  le  récipient;  il  ne  s’attacha  rien  dans 
le  col  de  la  retorte,  si  ce  n’est  que  dans  le 
cours  de  l’opération  , j’avois  aperçu,  à 2, 
pouces  au-dessus  du  bec,  une  petite  rosée 
qui  disparut  bientôt.  La  cornue  s’étoit 


1 


d’une  mine  de  fer  seAtiiique.  5 

affaissée,  mais  sans  se  rompre  ; la  matière 
qu’elle  contenoit  avoit  pris  une  couleur 
noire  foncée  5 son  poids  étoit  diminué  de 
2 gros  42  grains , ne  pesant  plus  que  5 gros 
3o  grains  , en  sorte  qu’elle  avoit  perdu  , à 
très  - peu  de  chose  près  , le  tiers  de  son 
poids  ; tout  s’étoit  donc  passé  dans  les  vais- 
seaux fermés,  comme  dans  les  vaisseaux 
ouverts. 

III.  Expérience.  Je  n’avois  pas  de  vais- 
seau propre  à faire  des  distillations  pneu- 
matiques, et  j’étois  pressé  de  satisfaire  ma 
curiosité.  Je  mis  une  once  de  mine  pulvé- 
risée dans  une  petite  retorte  de  verre  lutée, 
à laquelle  j’adaptai  une  vessie  de  bœuf, 
mouillée  et  absolument  vide  d’air  : en 
moins  de  trois-quarts  d’heure  de  feu  vif, 
la  vessie  se  gonfla  si  fort , que  craignant 
l’explosion , je  supprimai  le  feu  et  laissai 
tout  refroidir  ; il  rentra  un.  peu  d’air  dans 
la  retoi  te , ce  qui  permit  de  pincer  la  vessie 
immédiatement  au-dessous  du  bec  , et  d’y 
faire  une  forte  ligature  assujétie  par  un 
nœud  coulant.  Je  détachai  alors  celle  qui 
unissoit  la  vessie  à la  cornue  , et  substi- 
tuant à cette  dernière  un  tube  de  verre  , 
long  de  4 pouces , je  devins  le  maître  de 

A 3 


6 


analyse 


transporter  le  gaz  dans  un  vaisseau  plus 
commode.  Je  choisis  une  bouteille  cylin- 
drique de  quatre  pintes  environ  , que  je 
remplis  d’eau  pure,  et  l’ayant  renversée  et 
assujétie  sur  la  surface  d’une  terrine  égale- 
ment pleine  d’eau  , je  lis  entrer  dans  son 
gouleau  le  tube  de  verre  qui  étoit  adapté 
à la  vessie  $ et  détachant  le  nœud  coulant 
qui  y fixoit  le  gaz,  je  parvins  à faire  sortir, 
par  une  pression  légère,  environ  3 pintes 
d’eau  , dont  le  gaz  occupa  la  place.  L’eau 
ne  tarda  pasà  remonter  dans  la  bouteille, 
et  par  de  légères  secousses,  l’ascension  en 
fut  accélérée  jusqu’au  moment  où  il  en 
étoit  rentré  environ  deux  pintes  ; alors  la 
bouteille  fut  fermée  et  retirée  de  la  terrine 
où  son  orifice  étoit  plongé.  En  la  débou- 
chant, il  se  fit  un  sifflement  qui  annonçoit 
que  le  gaz  étoit  encore  comprimé  ; il  s’en 
élevoit  une  odeur  que  je  ne  peux  mieux  com- 
parer qu’à  celle  du  phosphore;  je  goûtai 
l’eau,  et  je  la  trouvai  aigrelette  ; j ’en  mis  quel- 
ques onces  dans  une  petite  bouteille  où  il 
y avoit  environ  un  demi-grain  de  limaille 
de  fer , et  en  peu  de  temps  elle  eut  la  pro- 
priété de  prendre  , avec  la  poudre  de  noix 
de  gale,  une  teinture  purpurine. 


d’une  mine  de  ter  spathique:  7 

Lamine  employée  dans  cette  expérience 
ayant  été  retirée  de  la  retor  te , n’avoit  perd  a 
de  son  poids  qu’un  gros  Sy  grains,  c’est  à- 
dire  , qu’il  s’en  falloit  5 ) grains  qu’elle 
n’eût  donné  tout  le  gaz  que  la  première 
'et  seconde  expérience  nous  ont  appris  être 
contenu  dans  une  once  ; j’en  achevai  la 
calcination  à feu  ouvert , et  je  l’amenai  au 
point  de  perdre  à-peu-près  le  tiers  de  son 
poids.  L’expérience  que  je  venois  de  faire 
commeneoit  à m’instruire  ; mais  elle  ne 
remplissoit  pas  mes  vues.  Je  disposai  sur- 
le-champ  un  de  ces  appareils  chimico- 
pneuma.ticp.ies  , dont  TIales  passera  tou- 
jours pour  être  l’inventeur,  quelle  que  soit 
la  forme  que  nous  puissions  leur  donner; 
j’espérois  qu’ayant  des  instrumens  plus 
commodes  et  plus  exacts,  je  serois  en  état 
non-seulement  de  recevoir  tout  le  gaz  que 
fourniroit  une  quantité  donnée  de  notre 
mine,  mais  encore  d’en  déterminer  le  vo- 
lume , et  peut-être  même  le  poids  spécifique. 

IV.  Expérience.  Je  choisis  une  retorte 
de  verre  lutée  , qui  contenoit  un  volume 
d’air  égal  à 4 onces  un  gros  d’eau  : je  la 
chargeai  d’une  once  de  mine  tamisée  , 
j’adaptai  à son  bec  un  conducteur  ou  tube 

A 4 


8 ANALYSE 

cle  verre  recourbé  , dont  la  capacité  con- 
tenoit  un  volume  d’air  égal  à une  once  2 
gros  d’eau  , je  les  assujétis  l’un  à l’autre 
avec  du  lut  gras  et  des  bandes  de  linge 
enduites  de  chaux  et  de  blanc  d’œuf  ; 
lorsqu’elles  furent  séchées  , je  plaçai  la 
retorte  dans  le  fourneau,  et  en  l’y  assujé- 
tissant,  je  lui  donnai  une  situation  propre 
à s’unir  à l’autre  partie  de  l’appareil , qui 
consistoit  en  une  terrine  pleine  d’eau  sur- 
montée d’un  récipient  ou  bouteille  haute, 
et  cylindrique  , contenant  7 livres  9 onces 
d’eau  ; l’extrémité  recourbée  du  conducteur 
ayant  été  introduite  dans  le  col  du  récipient, 
le  feu  fut  allumé,  l’air  de  la  cornue  se  ra- 
réfia, et  il  en  passa  dans  le  récipient  une 
quantité  suffisante  pour  déplacer  2 ou  5 
onces  d’eau;  le  feu  ayant  été  augmenté, 
les  bulles  se  succédèrent  assez  vite  , l’eau 
du  récipient  se  déprimoit  sensiblement,  et 
lorsque  la  retorte  fut  échauffée  au  point 
d’étre  rouge,  la  dépression  se  fît  avec  une 
promptitude  étonnante  : l’eau  comrnençoit 
à sortir  de  la  terrine  , et  bientôt  elle  forma 
un  filet  de  la  grosseur  de  celui  qu’on  voit 
sortir  du  bec  d’un  alambic  , lorsqu’une 
distillation  se  fait  rapidement  ; ce  filet 


d’une  mine  de  FEll  spathique.  9 

étoit  l’image  de  celui  que  formoit  le  gaz 
en  sortant  du  conducteur;  l’opération  n’é- 
toit  pas  finie,  et  toute  l'eau  a voit  été  poussée 
hors  du  récipient,  le  feu  étoit  toujours  aussi 
vif  ; et  le  fluide  ne  trouvant  plus  d’eau  à 
déplacer,  se  fit  jour  à travers  celle  qui  étoit 
dans  la  terrine,  ce  qui  dura  environ  cinq 
ou  six  minutes  ; après  lequel  temps  , tout 
étant  devenu  tranquille  , je  jugeai  l’opé- 
ration finie  : mais  ne  voulant  pas  laisser 
refroidir  l’appareil  dans  l’état  où  il  étoit , 
de  peur  que  l’eau  ne  montât  dans  la  re- 
torte  , je  soulevai  légèrement  le  support  et 
le  récipient,  sans  cependant  lui  faire  quitter 
la  surface  de  l’eau  , et  je  l’écartai  du  con- 
ducteur d’environ  un  pouce;  je  fus  alors  le 
maître  d’éloigner  le  fourneau  et  toute  la 
partie  de  l’appareil  qui  en  dépendoit  ; l’eau 
ne  tarda  pas  à rentrer  dans  le  récipient  qui 
étoit  resté  en  place  ; en  moins  de  deux 
heures , il  en  étoit  remonté  plus  de  4 onces, 
et  en  douze  heures,  environ  16  ; le  lende- 
main matin , j’évaluai  ce  qui  s’y  trouva  de 
32  à 34  onces  ; je  le  fermai  à cet  instant, 
et  l’ôtant  de  dessus  son  support,  je  remar- 
quai qu’en  le  débouchant , il  se  fit  un  sif- 
flement assez  fort,  l’eau  qui  étoit  remontée 


ÎO  -ANALYSE 

avoit  absorbé  une  grande  quantité  de 
gaz  ; elle  étoit  aigrelette  , son  odeur  étoit 
forte  , et  resseinbloit  à celle  du  j^hos- 
pliore. 

La  mine  ayant  été  retirée  de  la  retorte , 
et  mise  sur  la  balance  , se  trouva  avoir 
perdu,  à 3 grains  près,  le  tiers  de  son  poids  ; 
elle  étoit , comme  dans  les  opérations  pré- 
cédentes , d’un  noir  foncé  et  entièrement 
attirable  parl’aiinant;  le  volume  de  fluide 
élastique  ou  gaz  qui  s’est  exhalé  de  l’once 
de  mine  employée  dans  cette  opération  , 
surpassoit  donc  celui  de  121  onces,  ou 
ce  qui  est  la  même  chose  , de  7 livres  9 
onces  d’eau. 

Mon  appareil  commençoit  à se  perfec- 
tionner ; mais  il  n’étoit  pas  au  point  où  je 
le  desirois  : ma  quatrième  expérience  étoit 
imparfaite \ je  n’avois  pu  évaluer  que,  par 
à-peu-près  , l’eau  déplacée,  et  le  récipient 
dont  je  m’étois  servi , étoit  trop  petit  ; il 
étoit  facile  de  remédier  au  dernier  incon- 
vénient , et  possible  de  se  garantir  du 
premier. 

Je  me  procurai  , en  conséquence  , une 
bouteille  cylindrique  , plus  grande  que 
celle  qui  m’avoit  servi  dans  l’expérience 


d’une  mine  de  fer  SPATHIQUE.'  11 

précédente  : je  collai  dessus  une  bande  de 
papier  blanc , large  de  6 à 7 lignes  , et 
assez  longue  pour  s’étendre  depuis  la  base 
jusqu’au  collet  : je  fis  avec  une  petite  bou- 
teille à orifice  étroit  , une  mesure  qui 
contenoit  4 onces  d’eau,  après  quoi,  ayant 
posé  la  bouteille  sur  une  table  bien  nive- 
lée , j’y  versai  une  mesure  , et  dès  que  le 
mouvement  communiqué  à l’eau  par  la 
cliute  , fut  passé  , je  fis  sur  la  bande  de 
papier  une  marque  à l’endroit  où  la  super- 
ficie de  l’eau  étoit  fixée  ; ce  premier  degré 
de  l’échelle  indiquoit4  onces  d’eau  - j’ajou- 
tai une  autre  mesure  d’eau,  ce  fut  le  second 
degré  qui  en  indiquoit  8 onces  ; et  conti- 
nuant ainsi  de  4 onces  en  4 onces  , je  par- 
vins à remplir  le  récipient,  dont  le  dernier 
degré  étoit  le  39e , ce  qui  fait , à 4 onces 
par  degré,  i56  onces,  ou  g livres  trois- 
quarts  d’eau  5 comme  je  connoissois  la  tare 
de  ce  vaisseau  , je  pus  vérifier  ce  poids  , 
et  je  trouvai  qu’à  un  gros  près  , il  conte- 
noit en  effet  9 livres  trois  - quarts  , ou 
i56  onces  , ce  qui  prouvoit  que  les  degrés 
de  l’échelle  que  je  venois  de  faire  étoient 
assez  justes. 

V.  Expérience.  Je  procédai  sur -le- 


12 


analyse 


cliamp  à la  cinquième  expérience  ; et 
comme  j’avois  observé  dans  les  distillations 
précédentes , qu’il  s’attachoit  constamment 
un  peu  d’eau  , sous  la  forme  d’une  rosée  , 
à la  partie  supérieure  du  col  de  la  retorte, 
je  crus  devoir  exposer  celle  dont  j’allois 
me  servir  , à un  grand  feu  , et  l’y  tenir 
assez  long- temps  pour  en  chasser  toute 
l’humidité  qu’on  auroit  pu  y soupçonner; 
je  tins  ainsi  la  mine  plus  de  deux  heures  , 
à un  degré  de  chaleur  qui  , sans  l’altérer  , 
pouvoit  en  enlever  l’humidité  , dans  le  cas 
où  elle  en  auroit  pris  de  l’atmosphère  , ce 
que  je  ne  présumois  cependant  pas  , vu 
qu’elle  étoit  gardée  dans  une  bouteille 
exactement  bouchée  ; la  retorte  étoit  en- 
core chaude  lorsque  je  la  chargeai  d’une 
once  de  mine  ; le  volume  d’air  qu’elle  con- 
tenoit  j égaloit  4 onces  2 gros  17  grains 
d’eau  , et  celui  du  conducteur  , une  once 
2 gros  ; j’appareillai  comme  dans  la  qua- 
trième expérience  , et  le  feu  fut  allumé. 

Il  étoit  dix  heures  trois-quarts  du  matin  , 
lorsque  hair  des  vaisseaux  étant  au  plus 
grand  degré  de  raréfaction,  le  gaz  com- 
mença à passer  et  à déprimer  l’eau  du  ré- 
cipient : alors  j’aperçus  , comme  dans  les 


1 


d’une  mine  de  fer  SPATIIIQUE.  l3 

expériences  précédentes  , une  petite  rosée 
ou  amas  de  gouttelettes  d’eau  dans  la 
partie  supérieure  du  col  de  la  retorte  ; 
l’opération  fut  conduite  avec  célérité  , en 
sorte  qu’en  moins  d’une  heure,  la  mine 
ayant  donné  tout  le  gaz  qu’elle'  contenoit, 
l’eau  du  récipient  se  trou  voit  fixée  au  55e 
degré  de  l’échelle  , ce  qui  indiquoit  un 
déplacement  de  140  onces. 

La  cornue,  le  conducteur  , le  fourneau 
furent  enlevés  avant  le  refroidissement  , 
et  l’eau  remonta  bientôt  dans  le  récipient 
qui  étoit  resté  sur  son  support  ; en  moins 
de  deux  heures  , elle  avoit  atteint  le  54e 
degré  , le  lendemain  le  29e , le  troisième 
jour  , elle  étoit  au  24e  ; le  quatrième  , au 
19e  5 le  cinquième  , au  i4e  et  demi  ; le  sei- 
zième , au  12e  un  quart  : à cette  époque  , 
l’ascension  n’étoit  presque  plus  sensible  ; 
Je  septième  jour  , elle  s’étoit  à peine  ex- 
haussée d’un  quart  de  degré  5 le  huitième, 
elle  me  parut  fixée  un  peu  au-dessus  du 
11e;  je  fermai  alors  le  récipient  de  son 
bouchon  , et  rayant  retiré  , je  le  posai 
sur  sa  base  ; il  ne  se  fit  point  ou  peu  de 
sifflement  en  le  débouchant  ; l’eau  qu’il 
contenoit  n’étoit  presque  pas  aigrelette  , 


\ 


V 


1 4 ANALYSE 

quoiqu’elle  eût  une  forte  odeur  de  phos- 
phore (1). 

Les  576  grains  de  mine  employés  dans 
cette  expérience  , étoient  réduits  à 3gi 
grains  , la  perte  étoit  donc  de  180  grains  , 
que  tout  nous  porte  à regarder  comme  le 
véritable  poids  du  gaz  ; mais  i85  grains  de 
gaz  n’ayant  déplacé  que  140  onces , ou 
80,640  grains  d’eau , pouvoient  m’induire  à 
croire  que  la  pesanteur  spécifique  de  ce 
fluide  singulier , n’étoit  à l’eau  que  comme 
1 à 436,  et  conséquemment,  que  son  poids 
étoit  à-peu-près  le  double  de  celui  de  l’air 
de  l’atmosphère  , dont  les  physiciens  ont 
établi  le  rapport  à l’eau  , comme  1 à 85o. 

VI.  Expérience.  Cette  différence  entre 
le  poids  de  l’air  et  celui  du  gaz , me  ht 
soupçonner  qu’une  portion  de  ce  dernier 
avoit  pu  être  absorbée  par  l’eau  du  réci- 
pient ; pour  m’en  assurer  , je  recommençai 
l’expérience,  et  j’eus  la  précaution,  cette 

(1)  L’eau  est  peu  aigrelette  , parce  qu’en  absorbant 
le  gaz  avec  lenteur,  celui-ci  s’étend  non-seulement 
clans  la  portion  qui  s’élève  dans  le  rédipiènt,  niais 
encore  dans  celle  de  la  terrine,  qui  sert  de  sup- 
port; enfin,  de  proche  en  proche,  le  gaz  finit  par 
se  confondre  avec  l’air  de  l’atmosphère* 


d’une  mine  de  fer  sfatiiique.  l5 

fois,  de  mettre  un  travers  de  doigt  d’huile 
d’olive  sur  l’eau  qui  devoit  être  déplacée  : 
j’employai  un  récipient  beaucoup  plus 
grand  que  le  précédent , mais  également 
gradué,  tout  fut  appareillé  à l’ordinaire  , 
et  après  l’opération  , la  superficie  de  la 
couche  d’huile  se  trouva  fixée  au  degré  de 
l’échelle  qui  indiquoit  192  onces,  et  l’once 
de  mine  employée  avoit  perdu  193  grains 
de  sou  poids  ; or,  193  grains  de  gaz  ayant 
déplacé  192  onces  , ou  110,592  grains 
d’eau  , il  s’en  suit  que  sa  pesanteur  se  trou- 
voit  déjà  être  en  rapport  avec  l’eau,  comme 
1 à 5<]3. 

Ce  dernier  procédé  , en  me  faisant  voir 
une  diminution  considérable  dans  la  pe- 
santeur spécifique  que  j’attribuois  au  gaz 
d’après  la  cinquième  expérience  , ine  fit 
présumer  que  je  pouvois  encore  rapprocher 
son  poids  de  celui  que  les  physiciens  ont 
tâché  d’assigner  à l’air  de  l’atmosphère. 

Mon  appareil  avoit  un  défaut  essentiel , 
qu’il  falloit  corriger  ; le  bec  recourbé  du 
conducteur  n’entroit  dans  le  col  du  réci- 
pient , que  d’environ  un  pouce  , et  le  gaz , 
en  se  dégageant  , avoit  à traverser  un 
volume  d’eau  très  considérable  ; je  crus 


l6  ANALYSE 

que  cette  eau  pouvoit  aussi  en  absorber 
une  portion  , et  j’en  fus  convaincu  d’après 
l’expérience  suivante. 

YII.  Expérience.  Je  rendis  le  récipient 
de  mon  appareil  pneumatique  propre  à 
être  rempli  par  succion  -,  je  fis  faire  un 
conducteur  de  verre  , dont  la  branche 
recourbée  pouvoit  s'élever  un  peu  au- 
dessus  du  premier  degré  de  l’échelle  j je 
mis  une  once  de  mine  dans  une  retorte  , et 
j’appareillai  à l’ordinaire  : lorsque  , par 
la  succion  , l’eau  fut  montée  et  arrêtée  au 
deuxième  degré  environ , j’introduisis  dans 
le  récipient  une  quantité  suffisante  d’huile, 
en  faisant  en  sorte  d^en  fixer  la  superficie 
vis-à-vis  le  deuxième  degré  de  l’échelle 
qui  marquoit  8 onces. 

Dans  cette  expérience  , l’once  de  mine 
employée  fournit  189  grains  de  gaz , qui 
déplacèrent  216  onces,  ou  i24,4i6  grains 
d’eau.  Cette  quantité  d’eau  déplacée  , bien* 
supérieure  à tout  ce  que  j’avois  obtenu  ci- 
devant  , me  mit  en  état  de  conclure  , sans 
prétendre  toutefois  avoir  atteint  le  véritable 
point , que  la  pesanteur  spécifique  du  gaz 
est  à l’eau  comme  1 à 658  , c’est-à-dire  , 
qu’un  volume  de  gaz , qui  seroit  égal  à 

celui 


r>''tJNE  MINE  DE  FER  SFATIII^UE.  17 

celui  d’une  once  ou  5y6  grains  d’eau  , pe- 
seroit  à-peu-près  six  septièmes  de  grain  (1). 

Dès  que  j’eus  fixé  , le  plus  exactement 
qu’il  m’étoit  possible  , le  vôlurne  du  gaz 
que  fournissoit  une  quantité  donnée  de 
mine  de  fer  spathique  , je  voulus  savoir  si 
ce  fluide  , que  les  Anglais  ont  nommé  air 
fixe  y pouyoit  être  respiré  impunément  par 
les  animaux. 

Pour  cet  effet , je  chargeai  une  retorte 
d’une  once  de  mine,  j’y  adaptai  un  con- 
ducteur 5 je  suspendis  sur  la  superficie 
d’une  terrine  pleine  d’eau  , un  de  ces 
grands  récipiens  de  machine  pneumatique, 
dans  lequel  j’avois  placé  une  alouette  jeune 
et  vigoureuse  $ je  fis  monter  , par  la  suc- 
cion , l’eau  dans  le  récipient  , jusqu’à  une 
hauteur  convenable,  pour  laisser  à l’oiseau 

(1)  Je  crois  que  le  poids  spécifique  du  gaz , seroit 
enoore  moindre  si  on  pouvoit  trouver  un  intefmède 
qui  empêchât  absolument  son  -absorption  dans  l’eau  j 
l’huile  d’olive  dont  je  me  suis  servi  , ia  retarde,  sans 
doute  5 mais  outre  qu’elle  en  absorbe  elle  même,  il  ine 

r r 

semble  qu’elle  n’empêche  pas  l’eau  et  le  ghz  de  s’unir': 
j’ai  vu  plusieurs  fois  l’eau  remonter,  en  sept  ou  huit 
jouis,  de  i5  dettes  .et  plus,  malgré  l’huile  qui  la 
recouvroit. 

Tome  II. 


B 


A N À E Y S E 


î8 

tout  l’air  nécessaire  à sa  respiration  ; îe 
fut  introduit , en  un  instant , dans 
cet  appareil , et  à-peine  l’eau  fut-elle  dé- 
primée d’un  demi-travers  de  doigt , que 
j’aperçus  l’alouette  s’inquiéter  : ses  aspi- 
rations devinrent  plus  fréquentes  , elle 
tomba  et  lit  de  foibles  efforts  pour  se  re- 
lever ; elle  tomba  de  nouveau , et  bientôt 
elle  perdit  tout  mouvement , et  paroissoit 
morte  ; je  la  retirai  promptement,  et  l’ap- 
pliquant contre  mon  corps,  en  moins  d’une 
minute  , elle  revint  à la  vie. 

Cette  expérience  prouve  que  le  gaz  > qui 
s’élève  de  notre  mine  , est  une  mofette 
suffocante  , qui  ressemble  assez  par  ses 
effets  sur  les  animaux,  à celle  de  la  Grotte 
du  Chien  en  Italie  , et  à plusieurs  autres 
que  j’ai  eu  occasion  d’observer  en  France. 

VIII.  Expérience.  Quoique  je  me  sois 
proposé  , dans  ce  mémoire  , d’écarter  tout 
ce  quipourroitparoître  étranger  à l’analyse 
de  la  mine  qui  fait  le  sujet  de  mon  tra- 
vail , je  ne  peux  cependant  m’empêcher  de 
rendre  compte  d’une  expérience  qui  peut, 
ainsi  que  quelques  autres  qui  ont  déjà  été 
publiées  , commencer  à nous  donner  des 
idées  sur  la  nature  de  cet  être  singulier , 


B*UN£  MlKE  DE  1ER  SE  ATIIIQU  £. 

que  nous  nommons  gaz  , air  fixe , fuide 
élastique  y etc. 

J’ai  cherché  à fixer  le  gaz  d’une  once  de 
mine  dans  de  l’alkali  lixe  , et  pour  cet 
effet  j'ai  chargé  une  petite  retorte  , d’une 
once  de  notre  mine  pulvérisée  • j’ai  luté  à 
son  bec  un  tube  de  verre  de  6 à 7 lignes 
de  diamètre  , et  de  i5  à 16  pouces  de  lon- 
gueur. ( Mon  dessein  étoit  d’éloigner,  au- 
tant qu’il  seroit  possible,  du  fourneau  le 
récipient  dont  j’allois  me  servir,  et  cepen- 
dant de  porter  dans  son  fond  le  gaz  qui 
s’échapperoit  de  la  mine,  lors  de  l’opéra- 
tion. ) J’ai  versé  environ  un  gros  d’eau 
distillée  , dans  un  petit  ballon  , et  en  le 
tournant  en  tous  sens  , j’ai  pu  l 'humecter 
légèrement;  après  quoi  j’y  ai  jeté  00  grains 
de  sel  de  tartre  en  poudre  , sur  la  pureté 
duquel  je  n’avois  aucun  doute  : ce  sel  ab- 
sorba l’humidité  du  ballon  , tomba  eu  de - 
liquium  , et  se  rassembla  dans  la  partie  la 
plus  déclive. 

Je  joignis  ce  ballon  au  reste  de  l’appareil , 
je  fermai  exactement  les  jointures  avec  du 
lut  gras  , recouvert  de  bandes  de  toile  , 
trempées  dans  du  blanc  d’œuf  et  de  la 
chaux.  Dans  les  premiers  instans  où  le  feu 

B 2 


80  A N A L Y S E 

i 

fut  allumé,  j’ouvrois  , de  temps  en  temps, 
la  petit  trou  du  récipient  , pour  donner 
issue  à l’air  des  vaisseaux  ; mais  me  dispo- 
sant à ne  plus  l’ouvrir  aussitôt  que  la  cha- 
leur seroit  assez  forte  pour  dégager  1 egaz, 
je  le  bouchai  exactement  avec  un  peu  de 
lut  gras  : je  pris  en  meme  teins  des  précau- 
tions contre  la  fracture  et  l’explosion  des 
vaisseaux  j j’enveloppai  le  ballon  dans  des 
linges  mouillés  , et  attachant  autour  de 
l’appareil  des  toiles  fortes  , je  ne  laissai 
qu’une  petite  ouverture  vis-à-vis  la  porte 
du  fourneau , pour  y mettre  le  charbon 
lorsque  le  besoin  le  requéroit. 

Tout  étant  ainsi  disposé  , je  poussai  le 
feu  aussi  vivement  et  aussi  long-temps  qu’il 
étoit  nécessaire  -,  je  m’attendois  , à chaque 
instant , à voir  sauter  mon  appareil , et  ce 
n’étoit  qu’en  tremblant  que  j’en  approchois 
pour  mettre  du  charbon  sous  la  cornue; 
enfin , après  une  heure  et  demie  d’un  feu 
vif,  jugeant  l’opération  finie,  je  fermai  la 
porte  du  cendrier  , et  laissai  tout  refroidir. 

Je  ne  pouvois  concevoir  que  3o  grains 
d’alkali  fixe  eussent  été  suffisants  pour 
absorber  tout  le  gaz  que  je  savois  être 
contenu  dans  une  once  de  mine  ; je  présu- 


d’une  mine  de  ter  spatiiique.  2 T 

mai  que  mes  vaisseaux  avoient  pris  air  par 
quelque  endroit  5 je  soupçonnois  sur-tout 
que  le  lut  gras,  qui  fermoit  le  petit  trou 
du  récipient , avoit  pu  être  soulevé;  rien 
Je  tout  cela  n’étoit  cependant  arrivé  , je 
trouvai  les  jointures  en  bon  état , et  le 
petit  trou  me  parut  très-bien  fermé. 

Quoi  qu’il  en  soit , le  sel  de  tartre  , que 
l'humidité  du  récipient  avoit  résout  en 
liqueur  , ainsi  que  je  l’ai  fait  remarquer  , 
s’étoit  coagulé  , et  comme  il  paroissoit 
contenir  un  peu  de  liqueur  , je  le  fis 
égoutter  en  renversant  le  récipient  sur  un 
verre  ; ce  qui  en  tomba  avoit  le  goût 
purement  alkalin , et  je  le  regardois  comme 
de  l’alkali  surabondant , qui  n’avoit  subi 
aucune  altération  ; mais  l’ayant  saturé  avec 
un  peu  d’acide  vitriolique  , je  vis  , avec 
surprise , que  le  tartre  vitriolé  qui  se  forma , 
prenoit , ainsi  que  la  liqueur,  une  couleur 
bleue  : les  vaisseaux  dont  je  m’étois  servi , 
étoient  neufs;  l’eau  que  j avois  mise  dans 
le  ballon , avoit  été  distillée  dans  le  erès 

O 

et  le  verre  ; je  ne  pouvois  avoir  de  soupçons 
sur  l’alkali  que  j’avois  employé  ; c’étoit  du 
pur  sel  de  tartre  : cependant , je  crus  de- 
voir faire  une  contre -expérience.  Je  fis 

B 3 


22  ANALYSE 

dissoudre  10  ou  12,  grains  de  ce  sel  de 
tartre , dans  24  ou  2 5 gouttes  de  la  même 
eau  distillée  j j’en  fis  la  saturation  avec  un 
peu  du  même  acide  vitriolique  ; le  sel  qui 
se  forma,  étoit  de  la  plus  grande  blancheur, 
ainsi  que  la  liqueur  qui  le  surnageoit.  Ne 
pouvant  attribuer  la  cause  de  cette  couleur, 
ni  aux  vaisseaux  , ni  aux  intermèdes  dont 
je  m’étois  servi  , je  jugeai  que,  sans  doute  , 
la  mine  sur  laquelle  je  travaillois  , conte- 
noit  du  cuivre  , et  qu’il  n’étoit  peut-être 
pas  impossible  qu’une  portion  de  ce  métal 
eut  été  volatilisée  par  le  gaz  : mais  ayant 
tenté  de  rendre  la  couleur  bleue  pius  fon- 
cée , en  versant  dans  la  liqueur  quelques 
gouttes  d’alkali  volatil  , j’abandonnai  ma 
conjecrure,  parce  que  cet  alkali,  bien  loin 
d’augmenter  la  couleur  bleue,  la  détruisit 
entièrement.  Il  étoi'.  donc  plus  naturel  d’en 
rapporter  la  cause  au  fer,  et  c’est  en  effet 
à lui  qu’est  due  cette  couleur  (1). 

Quant  au  sel  qui  étoit  resté  attaché  à 
l’endroit  du  ballon  où  il  s’étoit  formé  , ne 
voulant  point  le  déranger  , je  pris  le  parti 
de  couper  le  récipient,  ce  qui  me  donna  la 

(1)  Ainsi  que  je  m’rn  suis  convaincu  eu  le  pré- 
cipitant sous  la  forme  de  bleu  de  Prusse. 


d’ü  NE  MINE  DE  FER  SPATHIQUE.  23 

facilité  d’en  retirer  les  cristaux  qui  étoient 
blancs  et  assez  réguliers  ; ils  pesoient  22  à 
grains  j la  plupart  étoient  en  colonne 
à quatre  faces  ; leur  goût  est  celui  de  l’alkali 
très-adouci  ; si  on  en  met  un  sur  un  charbon 
ardent , il  décrépite  , ainsi  que  plusieurs 
autres  sels  ; il  perd  alors  sa  transparence  , 
et  se  change  en  une  poudre  blanche  ; enfin , 
ce  sel  est  entièrement  soluble  dans  les 
acides  ; celui  de  vitriol  le  dissout  avec 
effervescence,  et  la  vapeur  qui  s’en  élève , 
me  paroît  ne  point  différer  de  celle  qu’on 
obtient  en  saturant  un  alkali  avec  le  meme 
acide  ; l’acide  de  sel  marin  le  dissout  aussi 
entièrement  avec  effervescence  : on  en 
peut  dire  autant  de  l’acide  nitreux  et  du 
vinaigre  distillé  : je  dois  meme  faire  obser- 
ver, qu’après  l’acide  marin  , c’est  sur-tout 
dans  le  vinaigre  distillé  qu’on  doit  faire 
l’expérience  de  la  dissolution  , si  on  veut 
en  tirer  quelques  conséquences  ; car  si  on 
jette  dans  ce  dernier  acide  un  cristal  de 
ce  sel  , comme  l’effervescence  est  peu  tu- 
multueuse , on  peut , en  suivant  de  l’œil  la 
dissolution , remarquer  que  le  mouvement  , 
excité  par  l’action  du  dissolvant , ne  finit 
qu'au  moment  où  le  dernier  atome  de  sel 

B 4 


s4  analyse 

est  dissous  , ce  qui  ne  permet  pas  d’attri- 
buer l’effervescence  à l’alkali  fixe  , dont 
on  pourroit  peut-être  soupçonner  notre  sel 
d’être  mouillé  , vu  que  la  liqueur  dans 
laquelle  il  a cristallisé  ctoit  alkaline. 

Il  est  liors  de  mon  sujet  de  m’étendre 
davantage  sur  cette  matière  , qui  est  trop 
intéressante  pour  ne  pas  mériter  un  travail 
suivi  , mais  séparé  de  cette  analyse. 


SECONDE  PARTIE, 

Contenant  les  expériences  faites  par  la 

voie  humide. 

Xjorsqu’on  expose  notre -mine  spathique 
à l’action  des  acides  minéraux  , soit  crue  , 
soit  calcinée  , elle  en  est  facilement  atta- 
quée, etàl’exception  des  parties  de  quarta 
et  des  pyrites  qui  y sont  plus  ou  moins  abon- 
dantes , elle  s’y  dissout  entièrement  ; elle 
ne  résiste  même  pas  à l’acide  végétal. 

Rapport  de  la  mine  avec  V acide 
vitriolique . 

Si  on  fait  digérera  une  clialeur  douce, 
une  once  de  mine  crue  pulvérisée  , dans 


d’une  mine  de  fer  spàthique.  s5 

une  suffisante  quantité  d’acide  vitriolique, 
la  dissolution  s’en  fait  paisiblement  , et 
si  par  des  précautions  indiquées  par  l’art, 
on  est  parvenu  au  point  de  saturer  l’acide, 
en  dissolvant  tout  ce  qui  est  soluble,  il  ne 
restera  dans  la  capsule  que  quelques  grains 
de  quartz , sous  la  forme  d’un  sable  menu 
et  d’une  blancheur  parfaite  ; qu’on  mette 
la  dissolution  au  point  de  donner  des  cris- 
taux , on  obtiendra  environ  14  gros  (jle 
vitriol  martial  , et  quelque  peu  d’eau- 
mère. 

II.  Expérience.  Que  l’on  fasse  calciner 
une  once  de  la  même  mine  , pour  lui  faire 
perdre  le  gaz  qui  la  minéralisé  , on  la  ré- 
duira , à quelques  grains  près,  aux  deux 
tiers  de  son  poids  , c’est-à-dire  à environ 
5 gros  24  grains  (1). 

Que  l'on  traite  ces  5 gros  24  grains  de 
mine  calcinée  avec  de  l’acide  vitriolique  , 

(1)  En  calcinant  une  once  de  mine,  on  perd  tantôt 
plus  , tantôt  moins  5 ce  qui  reste  dans  le  têt,  pèse 
quelquefois  plus  de  5 gros  24  grains  , et  quelquefois 
moins  ; cet  accident  dépend  du  plus  ou  du  moins 
de  quartz  qui  s’y  rencontre  , circonstance  qui  fait 
ans".i  virier  le  volume  de  gaz  qu’on  retire  de  cetîe 
même  mine. 


26 


Analyse 


comme  il  a été  dit  dans  la  première  expé- 
rience , l’effervescence  sera  presqu’aussi 
forte  que  celle  qui  s’excite  avec  la  limaille 
de  fer  et  le  même  acide  ; que  l’on  mette  la 
liqueur  au  point  de  cristalliser  , on  obtien- 
dra autant  de  vitriol  martial  , qu’on  en 
auroit  obtenu  d’une  once  de  mine  non 
calcinée  , ce  qui  prouve  démonstrative- 
ment , que  tandis  que  le  fer  de  la  mine 
crue  se  cojnbine  avec  l’acide  , la  substance 
volatile , ou  le  gaz  , auquel  le  fer  devoit 
sa  forme  cristalline  , s’évapore. 

En  faisant  cristalliser  différentes  disso- 
lutions de  notre  mine  dans  l’acide  vitrio- 
lique , j’ai  eu  quelquefois  un  peu  de  sélénite 
calcaire  : et  quelquefois  je  n’en  ai  pas 
obtenu  un  atome  , ce  qui  me  porte  à con- 
clure , qu’outre  le  quartz  , cette  mine 
contient  aussi  quelques  petites  portions  de 
terre  calcaire  5 j’aurai  dans  un  instant  une 
nouvelle  occasion  de  faire  observer  l’exis- 
tence de  cette  terre  dans  notre  mine  spa- 
tliique  , d’une  manière  plus  marquée. 

III.  Expérience.  J’ai  mis  une  once  de 
mine  dans  une  petite  retorte  de  verre,  j’y 
ai  aussi  introduit , à l’aide  d’un  tube  , 2 
onces  d’acide  yitriolique , j’ai  adapté  un 


d’une  mine  de  fer  spath i que.  27 

petit  ballon  mouillé  avec  de  l’alkali  dissous  : 
le  feu  fut  poussé  assez  légèrement,  mais 
suffisamment  pour  faire  passer  un  peu  de 
liqueur  dans  le  récipient  : l’alkali  fixe 
s’étant  coagulé,  je  retirai  le  ballon  , et  à 
l’aide  d’un  peu  d’eau  distillée  , j’en  retirai 
le  sel  , que  je  fis  cristalliser  de  nouveau , 
et  que  je  reconnus  pour  être  du  tartre 
vitriolé. 

On  peut  déjà  juger  , d’après  cette  expé- 
rience , que  les  intermèdes  acides  doivent 
être  rejetés , si  on  veut  se  procurer  un  gaz 
pur. 

IV.  Expérience.  Dans  la  vue  de  décou- 
vrir si  la  mine  contenoit  quelques  portions 
de  cuivre,  j’ai  fait  dissoudre  dans  de  l’eau 
distillée  tout  le  vitriol  que  j’avois  obtenu 
en  faisant  cristalliser  différentes  dissolu- 
tions de  mine  crue  et  de  mine  calcinée  ; 
mais  ayant  tenu  j>endant  plusieurs  jours 
dans  la  liqueur,  une  lame  de  couteau  bien, 
avivée  , sans  apercevoir  la  moindre  trace 
de  cuivre  précipité , je  crois  être  en  droit 
de  conclure  que  notre  mine  ne  contient 
point  de  cuivre. 


28 


analyse 


Rapport  de  la  jnine  avec  l} acide  nitreux . 

Ire.  Expérience.  Ayant  mis  dans  un 
petit  matras  , une  once  de  mine  crue  pul- 
vérisée , j'ai  versé  dessus  6 gros  d’acide  de 
nitre  très-pur;  il  ne  se  lit  dans  les  premiers 
instans  , aucun  mouvement  ; mais  après 
quelques  minutes , il  s’établit  une  légère 
effervescence  , qui  continua  plusieurs 
jours  (1)  ; l’acide  prit,  en  se  saturant,  une 
couleur  jaune-foncée;  je  le  décantai,  et 
lui  en  substituai  d’autre  ; l’effervescence 
se  rétablit , et  dura  jusqu’à  la  dissolution 
totale  , qui  se  fit  si  lentement , qu’elle  ne 
fut  complète  que  vers  le  douzième  jour  : 
comme  la  mine  que  j’avois  employée  é toit 
fort  pure  , il  ne  resta  dans  le  matras  que  6 
grains  et  demi  de  quartz. 

J’ai  fait  évaporer  cette  dissolution  jusqu’à 
siccité  , et  je  fai  tenue  au  feu  de  calcina- 
tion , le  temps  nécessaire  pour  lui  faire 
perdre  tout  l’acide  qu’elle  contenoit  ; il 
resta  dans  la  capsule  5 gros  12  grains  de 
safran  de  mars,  d’une  couleur  rouge  tirant 
sur  le  brun. 

(1)  L’opération  se  f’aisoit  à froid  ; car  si  on  emploie 
le  feu  , la  dissolution  se  fait  beaucoup  plus  vite. 


« 


d’une  mine  de  ter  sjpathiqu e,  29 

Gette  expérience  prouve  de  plus  en  plus 
qu’une  once  de  notre  mine  la  plus  pure  , 
contient  à - peu  - près  deux  tiers  de  fer, 
et  un  tiers  d’une  substance  volatile  , 
qui  s’évapore  par  la  dissolution  dans 
un  acide  , aussi  - bien  que  par  la  cal- 
cination dans  les  vaisseaux,  ouverts  ou 
fermés. 

II.  Expérience.  Ayant  chargé  deux 
petites  retortes  de  verre  , chacune  d'une 
once  de  mine  concassée  , dans  laquelle  on 
apercevoit  quelques  grains  de  quartz , elles 
ont  été  placées  l’une  et  l’autre  sur  un  bain 
de  sable  , et  il  a été  adapté  à chaque  bec 
un  appareil  chimico  - pneumatique  , dont 
l’un  a voit  un  récipient  avec  une  couche 
d’huile  , tandis  que  l’autre  étoit  simple- 
ment rempli  d’eau.  . • 

En  vingt -quatre  heures,  l’eau  du  réci- 
pient avec  l’huile  fut  déprimée  jusqu’au 
degré  qui  indiquoit  60  onces , et  dans  le 
même  espace  de  temps,  celle  qui  étoit  dans 
le  récipient  sans  huile,  avoit  à peine  atteint 
le  degré  qui  en  indique  16  ; cependant  tout 
se  passoit  également  dans  l’une  et  l’autre 
retorte;  l’effervescence  étoit  la  même,  etltr 
procédé  se  faisait  à froid  j le  degré  de  tein- 


30  ANALYSE 

pérature  étoit  aussi  le  même  : le  quatrième 
jour  , j’échauffai  légèrement  le  bain  de 
sable  ; la  dépression  suivit  la  même  marche 
dans  l’un  et  l’autre  appareil  ; dans  l’un 
elle  étoit  peu  marquée  , dans  l’autre  elle 
étoit  très-sensible  ; en  sorte  que  le  septième 
jour  , depuis  le  commencement  de  l’opé- 
ration , la  superficie  de  l’eau  du  récipient 
avec  l’huile  , étoit  vis-à-vis  le  degré  qui 
indique  116  onces,  et  celle  du  récipient 
sans  huile  , un  peu  au  - dessous  du  degré 
qui  en  indique  21. 

A cette  époque,  l’effervescence  me  parut 
absolument  finie , et  j’en  fus  convaincu  en 
voyant  l’eau  remonter  dans  les  récipiens, 
fort  lentement  à la  vérité  , mais  suffisam- 
ment pour  annoncer  qu’il  ne  se  dégageoit 
plus  rien. 

Je  défis  les  appareils  ; le  récipient  avec 
l’huile  exhaloit  une  forte  odeur  d’acide 
nitreux;  celui  où  il  n’y  avoit  point  d’huile, 
non-seulement  répandoit  la  même  odeur  , 
mais  l’eau  dont  il  étoit  encore  presque 
plein  , avoit  un  goût  très- acide,  qui  lui 
avoit  été  communiqué  pâr  l’esprit  de  nitre  , 
qui , s’étant  élevé  avec  le  gaz , s’étoit , aussi 
bien  que  ce  dernier,  absorbé  dans  l’eau , à 


d’une  mine  de  fer  spatiiique.  3l 

mesure  qu’ils  se  dégageoient  l’im  et  l’autre  : 
il  resta  après  la  dissolution  de  a onces  de 
mine  employées  , 2 5 grains  de  quartz  de 
l’une  , et  19  grains  a de  l’autre  (1). 

On  voit  par  cette  double  expérience  , 
combien  il  est  nécessaire  d’interposer  un 
travers  de  doigt  d’huile  entre  l’eau  et  le 
gaz , quand  on  veut  mesurer  le  volume 
de  ce  dernier  $ mais  ce  qui  mérite  princi~ 
paiement  d’être  remarqué,  c’est,  sans  con- 
tredit, cette  portion  d’acide  nitreux , qui, 
s’élevant  avec  le  gaz  et  se  mêlant  à l’eau  , 
ne  peut  que  jeter  dans  l’erreur  ceux  des 
chimistes  qui , dans  leurs  recherches  sur 
la  nature  de  ce  fluide , emploieroient  des 
intermèdes  acides  pour  le  dégager. 

III.  Expérience.  Si  notre  ruine  se  dissout 
dans  l’acide  nitreux  avant  la  calcination  , 
elle  le  fait  encore  plus  facilement  et  avec 
plus  d’effervescence  , lorsqu’elle  a subi 
cette  opération  : j’en  ai  fait  dissoudre  5 
gros  21  grains,  qui  étoient  le  produit  d’une 
once  de  mine  crue  ; et  ayant  retiré,  par  la 
distillation,  tout  l’acide  nitreux,  je  lavai 

(1)  Comme  dans  cette  expérience  la  mine  n’étoit 
pas  en  poudre,  ce  quartz  étoit  en  morceaux  assez  gros 
pour  souffrir  le  coup  d’un  briquet. 


02  ANALYSE 

avec  de  l’eau  distillée , le  safran  de  mars 
qui  étoit  resté  dans  la  cornue  : l’eau  me 
parut  avoir  dissous  quelque  chose  de  salin  ; 
elle  fut  filtrée  , et  l’alkali  fixe  en  précipita 
22.  grains  d'une  terre  blanche  , que  des 
expériences  décisives  me  firent  reconnoître 
pour  être  de  nature  calcaire. 

Si  nous  ajoutons  cette  nouvelle  preuve 
à celle  que  nous  a déjà  donnée  la  sélénite 
retirée  de  la  même  mine  par  le  procédé 
avec  l’acide  vitriolique  , nous  reconnoî- 
trons  dans  cette  mine  des  portions  de  terre 
calcaire  qui , ainsi  que  le  quartz , y sont 
éparses  et  isolées. 

-,  . q 

Son  rapport  avec  V acide  de  sel  marin . 

fT 

L'acide  de  sel  marin  dissout  également 
la  mine  de  fer  spathique , soit  devant,  soit 
après  sa  calcination;  et  cet  agent  est,  aussi- 
bien  que  les  autres  acides  , un  excellent  in- 
termède pour  séparer  les  portions  de  quartz 
d’avec  celles  qui  sont  purement  métalli- 
ques; mais  comme  il  m’a  été  d’un  très- 
grand  secours  dans  cette  analyse  , et  que 
c’est  lui  qui  m’a  fait  soupçonner  que  le 
zinc  pourroit  bien  exister  dans  la  mine. 


d’une  mtne  de  fer  spathfque.  33 

je  dois  dire  un  mot  sur  la  manière  dont  il 
en  fait  la  dissolution. 

Ayant  mis  dans  un  petit  matras  demi- 
once  de  mine  crue  pulvérisée , et  une  quan- 
tité proportionnée  de  très-bon  acide  de  sel 
marin,  il  se  lit  sur  - le  - champ  une  vive 
effervescence:  lorsqu’elle  fut  rallentie,  on 
apercevoit  sur  la  partie  de  la  mine  qui 
n’étoit  pas  encore  dissoute  , quelques  cor- 
puscules noirs  qui  en  salissoient  la  blan- 
cheur: je  n’avois  rien  observé  de  semblable 
dans  les  dissolutions  parles  acides  de  vitriol 
et  de  nitre  ; je  me  rappelai  sur-le-champ 
l’elfet  de  l’acide  de  sel  marin  sur  le  zinc 
(on  sait  que  dans  la  dissolution  de  ce  demi- 
métal  par  cet  acide,  il  s’en  sépare  des  petits 
flocons  noirs  ) ; je  crus  que  ceux  que  je 
venois  d’observer  dénotoient  que  le  fer 
é toi t dans  la  mine  , uni  à une  portion  de 
zinc,  et  je  me  déterminai  aussitôt  à m’en 
convaincre  par  quelque  expérience  qui  ne 
laissât  aucun  doute. 


Tome  IL 


C 


analyse 


Procédé  par  lequel  il  est  démontré  que  la 
mine  contient  du  zinc  (i). 

Qu’on  mette  dans  un  petit  matras  une  once 
de  notre  mine  calcinée,  qu’on  y ajoute  4° 
grains  de  vitriol  martial  (2),  qu’on  verse  sur 
le  tout  6 onces  d’eau  distillée,  et  qu’on  laisse 
digérer  à froid  , pendant  dix  ou  douze 
jours,  avec  la  précaution  d’agiter  le  matras 
toutes  les  fois  que  l’occasion  s’en  présente; 

(1)  Ce  procédé,  qui  peut  être  de  la  plus  grande 
utilité  dans  certaines  occasions  , est  fondé  sur  une  loi 
des  affinités  , qui  étoit  déjà  connue  des  chimistes 
du  siècle  passé  : mais,  si  je  ne  me  trompe,  on  n’y 
a pas  trop  fait  d’attention  parmi  nous  ; 1rs  Allemands, 
au  contraire,  n’ont  pas  manqué  de  le  célébrer  dans 
leurs  écrits.  Pott , entr’autres  , en  fait  mention  dans 
sa  dissertation  sur  le  Zinc,  en  ces  termes  : Jam 
Glavbems  et  Beccherus  adverterunt , quôd  Zincuni 
ex  vitriolo  praecipitet  inh  abitans  metalium.  et  scmet 
ipsum  acido  vitriolico  associet , tanquam  corpus 
istis  solubilius  , et  cum  eo  -vitriolum  Zmcinum 
efformet . 

(2)  11  faut,  dans  cette  expérience,  employer  du 
vitriol,  martial  très- pur  ; celui  du  commerce  contient 
communément  de  la  couperose  blanche,  ce  qui  doit  le 
faire  rejeter;  aussi  me  suis -je  servi  de  celui  que 
m’avoit  donné  la  mine  spathique  en  la  vilriolisant. 


d’une  mine  de  fer  SFATHIOUE.  35 

qu’on  filtre  la  liqueur  , et  qu’on  la  fasse 
évaporer  à une  chaleur  douce;  quand  elle 
sera  réduite  à 5 ou  6 gros  au  plus  , on  la 
retirera  du  bain  de  sable  , et  on  l’aban- 
donnera à l’évaporation  spontanée  , au 
moyen  de  laquelle  on  obtiendra  une  belle 
cristallisation  de  vitriol  blanc,  dont  le  poids 
sera  de  2.5  à 26  grains. 

Cette  expérience  , que  j’ai  répétée  sur 
différens  échantillons  de  mine,  et  toujours 
avec  un  pareil  succès  , démontre  jusqu'à 
l’évidence,  que  dans  notre  mine  le  fer  est 
uni  à une  petite  portion  de  zinc. 

« 

Expériences  qui  prouvent  que  le  fer  est 
dans  la  mine  spathique  , sous  sa  forme 
métallique . 

Je  pourrois  rapporter  un  grand  nombre 
d’expériences  qui  prouvent  que  le  fer  est 
dans  notre  mine  sous  sa  forme  vraiment 
métallique;  qu’il  y est  enfin  avec  tout  son 
phlogistique  : mais  je  me  contenterai  d’en 
citer  quatre  , qui  me  paroissent  ne  rien 
laisser  à désirer  sur  ce  sujet. 

i°.  La  mine  calcinée  est  totalement  atti- 
rablc  par  l’aimant. 

C 2 


36 


ANALYSE 


2q.  EUe  se  dissout  entièrement  avec  fa- 
cilité, et  avec  une  effervescence  très-vive 
dans  l’acîde  nitreux. 

3°.  Je  m’en  suis  servi  avec  succès  pour 
revivifier  le  mercure  du  cinabre. 

4°.  Ayant  exposé  dans  les  vaisseaux  fer- 
més, un  mélange  de  minium  et  de  mine, 
le  plomb  s’est  réduit  comme  il  auroit  fait 
avec  de  la  limaille  de  fer. 

Eu  démontrant  que  le  fer  est  dans  la 
mine  calcinée  sous  sa  forme  vraiment  mé- 
tallique, je  crois  avoir  levé  tous  les  doutes 
qu’on  pouvoir  avoir  sur  l’état  où  il  se  trouve 
dans  la  mine  crue. 

CONCLUSION. 

Il  résulte  des  expériences  dont  je  viens 
de  rendre  compte  , 

i°.  Que  la  mine  spatliique  qui  en  fait  le 
sujet,  considérée  dans  son  état  de  pureté, 
est  une  combinaison  de  fer  et  de  gaz , être 
singulier  , qui  donne  au  fer  la  propriété  de 
prendre  » en  cristallisant,  laforme  que  nous 
lui  voyons  dans  cette  mine  j 

2°.  Que  dans  cette  combinaison  , le  gaz 
est  au  fer  à-peu-près  comme  î est  à 5 


d’ïTNE  MINE  UE  EEtl  ÔPATHIQUË.  $7 

3°.  Que  ce  fer  est  uni  à une  petite  por- 
tion de  zinc  $ 

4°.  Que  cette  mine  considérée  en  masse, 
se  trouve  , dans  quelques  endroits  , mé- 
langée de  quartz  et  de  spath  calcaire  (1). 

5°.  Enfin  , « si  j’ai  démontré  qu’il  est 
5)  possible  de  faire  une  analyse  complète 
>5  d’une  mine  , sans  avoir  recours  aux 
w moyens  usités  dans  l’art  des  essais,  j’ai 
33  rempli  le  but  que  je  m’étois  proposé  (2)  3>. 

(1)  On  pourroit  aussi  faire  entrer  pour  quelque 
chose  dans  la  composition  de  cette  mine  , la  petite 
portion  d’eau  qu’elle  a constamment  donnée  lor  squ’elle 
a été  exposée  au  feu  dans  les  vaisseaux  fermés  : ce 
n’est  qu’un  atome}  mais  enfin,  cet  atome  s’y  trouve, 
et  on  11e  peut  pas  douter  qu’il  ne  soit  nécessaire  à 
l’union  des  parties;  au  reste,  ce  que  j’appelle  gaz  , 
n’étant  que  V air  fixe  des  chimistes  anglais,  doit  pré- 
senter, à l’idée  du  lecteur,  un  être  qui  admet  uuo 

» 

certaine  cpiantité  d’eau  dans  sa  mixtion. 

( 2 ) Bayen  a dit  que  la  mine  de  fer  spathique  con- 
tenoit  du  zinc.  La  forme  et  la  couleur  blanche  de9 
cristaux  disséminés  parmi  ceux  de  sulfite  de  fer  ob- 
tenus , en  traitant  cette  mine  avec  l’acide  sulfurique, 
lui  ont  paru  être  du  sulfate  de  zinc  : il  se  fonde  sur 
les  lois  des  affinités  , qui  donnent  au  zinc  la  propriété 
de  cristalliser  séparément  du  sulfate  de  fer.  Mais  , 
quoique  la  forme  et  la  couleur  soient  des  caractères 


A X A Ii  Y S E 


distinctifs  des  substances  salines  , la  précision  qu’on 
apporte  aujourd’hui  dans  l’analyse  chimique  des  corps* 
exigeroit  un  examen  particulier  de  la  matière  saline 
blanche  , que  Ba yen  a nommée  vitriol  blanc  , d’après 
ses  formes  et  les  lois  des  affinités  chimiques  dont  jouit 
le  zinc.  L’analyse  des  mines  de  fer  blanches  , qie 
Bergman  nous  a donnée  dans  sa  Dissertation  IX,  tome 
2 de  ses  opuscules  chimiques,  bien  postérieure  à celle 
de  Ba  yen  , et  écrite  à une  époque  où  la  science  avoit 
acquis  beaucoup , ne  faisant  aucune  mention  de  l’exis- 
tence du  zinc  dans  les  mines  de  fer  blanches  $ et 
comme  an  contraire  il  entre  dans  des  détails  pour  y 
démontrer  le  calce  et  la  manganèse,  l’existence  du 
zinc  dans  les  mines  de  fer  analysées  antérieurement 
par  B aven  , présente  à l’esprit  beaucoup  d’incertitude. 
Personne  n’a  pris  la  peine  de  vérifier  le  fait,  et  de 
prononcer  avec  des  résultats  exacts,  sur  les  expérien- 
ces des  deux  chimistes  justement  célèbres. 

Mais  afin  d’écarter  toute  espèce  de  doute  sur  l’ana- 
lyse do  Bayen  , dont  la  manière  particulière  de  voir  et 
d’opérer  m’était  connue  , j’ai  refait  l’analyse  de  la  mine 
de  fer  blanche  sur  le  même  échantillon  qui  avait  servi 
à ce  chimiste.  5c  grammes  de  mine  de  fer  blanche  , 
en  ooudre  très  fine  , ont  été  traités  avec  cent  grammes 
d’acide  nitrique  pur.  Lorsque  l’action  de  cet  acide 
fut  épuisée  , on  en  versa  cent  nouveaux  grammes  sur 
la  matière  , et  cette  addition  d’acide  fut  répétée 
jusqu’à  quatre  cents  grammes.  La  distillation  ayant 
été  poussée  jusqu’à  siccité  , l’acide  nitrique  oxida 
tout  le  fer  , et  le  convertit  en  oxide  rouge  - brun. 


d'une  MINE  DE  EETl  SPATTIIOUE.  3() 

Ensuite  je  fis  bouillir  cet  oxide  dans  l’eau  pure  , et 
l’en  séparai  par  le  filtre-  La  liqueur  qui  passa  était 
très-claire  ; elle  avait  un  goût  salin  , le  prussiate  de 
cliaux  n’en  troubla  pas  la  transparence.  L’acide  oxa- 
lique et  l’acide  sulfurique  n’y  démontrèrent  pas  la 
présence  de  la  cliaux.  Le  carbonate  de  soude  en  pré- 
cipita une  matière  blanche  floconneuse  assez  abon- 
dante. Cette  matière  recueillie  sur  un  filtre  , bien 
lavée  et  séchée  , pésoit  cinq  grammes  , représentant 
à-peu-près  trois  grammes  de  zinc  métallique  5 elle 
étoit  d’un  blanc  parfait.  Je  la  mêlai  avec  le  double 
de  son  poids  de  charbon  en  poudre  5 et  après  l’avoir 
introduite  dans  une  très  petite  cornue  de  grès,  dont 
l’extrémité  plongeoit  dans  l’eau  , je  la  chauffai  , et 
poussai  le  feu  pendant  deux  heures  : l’appareil  re- 
froidi , on  trouva  des  molécules  de  zinc  sublimées  à 
la  partie  supérieure  de  l’extrémité  du  col  de  la 
cornue. 

Il  est  donc  matériellement  prouvé  que  la  mine 
de  fer  analysée  par  Bayen  en  1 7 7 J y contenoit  du 
zinc  , et  que  ce  chimiste  l’avoit  reconnu  par  la 
forme  des  cristaux  qu’il  avoit  obtenus.  On  sait  de 
plus  aujourd’hui,  qu’à  la  voû'e  des  fourneaux  dans 
lesquels  on  exploite  les  mines  de  fer  blanches  , il  se 
fixe  un  oxide  de  zinc,  que  Pline  le  naturaliste 
nomme  Botrillis , au  chap.  X.  Ainsi  on  est  en  droit 
de  conclure  que  Bergman  , en  passant  sous  silence 
dans  sa  dissertation  sur  les  mines  de  fer  blanches  , 
le  zinc  dont  Bayen  avoit  annoncé  l’existence  dans 
celles  qu'il  avoit  analysées,  a confondu  ce  demi-métal 


4o  A3ST  al.  d’une  mine  de  fer  RPATHTQTJE* 

avec  la  manganèse  qui  pou.voit  aussi  se  trouver  dans 
les  échantillons  examinés  par  le  ihimiste  suédois. 

Le  respect  que  je  porte  à la  mémoire  de  B .yen  , m’a 
engagé  à sai  ir  cette  occasion  pour  rendre  justice 
aux  soins  cpie  cet  homme  célèbre  a apportés  dans  son 
travail  , dont  l’exactitude  paroLsoit  avi  ir  été  con- 
tredite dans  une  analyse  postérieure  faite  par  un 
cliimiole  non  rupins  illustre.  Note  du  C.  Dizé. 

V. 


J 


A 


EXAMEN 

DE  DIFFÉRENTES  PIEPaRES,' 

PUBLIÉ  EN  i 7 7 8. 


PREMIÈRE  PARTIE. 

A vaut  Pott,  les  chimistes  ne  s’occupoient 
que  fort 'peu  , ou  plutôt  ne  s’occupoient 
point  de  l’examen  des  pierres  ; mais  la 
Lithogéognosie  de  ce  savant  et  laborieux 
auteur,  ayant  paru  parmi  nous  en  1753, 
y produisit  une  révolution  , dont  la  partie 
de  la.  physique  qui  s’occupe  de  Phistoire 
naturelle  , devoit  retirer  les  plus  grands 
avantages. 

Alors,  ceux  des  chimistes  qui  sont  em- 
portés par  le  goût  des  découvertes  et  par 
1 amour  du  travail , dirigèrent  leurs  vues 
vers  le  riche  et  important  objet  que  Pott 
venoit  de  leur  montrer.  Un  très-^rand 
nombre  de  terres  et  de  pierres  furent  sou- 
mises à l’examen  • l’histoire  naturelle  sortit 
du  chaos  où  elle  etoit  , et  ses  catalogues 


4 2 EXAMEN 

prirent  un  ordre  plus  conforme  à la  nature  , 
dont  on  vouloit  décrire  les  productions. 

On  vit  à l’époque  dont  je  parle  , toutes 
les  terres  et  pierres  qui,  au  premier  coup 
d’œil  , paroissent  si  différentes  enlr’elles, 
se  rapprocher  par  une  suite  d’expériences 
exactes  , au  point  de  ne  plus  former  que 
quatre  classes  qui , bientôt  après  , furent 
même  restreintes  à trois  : la  terre  vitres- 
cible  , la  terre  argileuse,  la  terre  calcaire.' 

La  quatrième  étoit  la  terre  gynseuse  ou 
pierre  à plâtre  $ mais  comme  on  ne  tarda 
pas  à découvrir  que  cette  pierre  étoit  elle- 
même  composée  d’acide  vitriol ique  et  de 
terre  calcaire  , on  cessa  de  la  regarder 
comme  une  terre  proprement  dite  : on  la 
rangea  parmi  les  sels. 

O11  ne  reconnut  donc  plus  que  les  trois 
autres  classes  de  pierres  dont  il  vient  d’être 
fait  mention  3 car  telle  est  la  manière  des 
chimistes,  sans  croire  à la  simplicité  d’au- 
cun des  corps  qui  frappent  nos  sens  , ils 
sont  dans  l’usage  d’envisager,  pour  le  mo- 
ment , comme  corps  simples  , tous  ceux 
qu’ils  ne  peuvent  analyser. 

Ainsi,  quoique  les  terres  propres  à faire 
le  verre , à se  durcir  au  feu,  à faire  de  la 


\ 


DE  DIFFÉRENTES  PIERRES.  4* 

chaux  , soient  aujourd’hui  les  trois  classes 
où  toutes  les  pierres  de  notre  globe  peuven  t 
être  rapportées , les  chimistes  sont  bien  éloi- 
gnés de  les  regarder  comme  des  corps  d’une 
simplicité  absolue  ; déjà  même,  quelques- 
uns  d’entr’eux  croient  que  les  terres  argi- 
leuses et  vitrescibles  sont  composées  ; et 
s’ils  parviennent  à le  démontrer  aussi  clai- 
rement que  Cronstadt  a démontré  que  le 
gypse  est  composé  d’acide  vitriolique  et 
de  terre  calcaire  , la  chimie  , déjà  si  hère 
de  ses  découvertes  , verra  luire  uri  de  ses 
plus  beaux  jours. 

En  attendant  que  de  nouvelles  expé- 
riences viennent  nous  instruire  sur  un  sujet 
aussi  important  , il  convient  de  suivre  la 
division  fort  simple,  que  la  chimie,  disons 
mieux,  que  l’évidence  a forcé  les  natura- 
listes d’adopter. 

Mais  tout  ce  que  nous  voyons  de  lapidifié 
dans  la  nature,  étant  rarement  simple  ou 
homogène  , au  contraire  , tout  étant  mé- 
langé et  combiné  de  mille  manières  diffé- 
rentes, la  chimie  a-t-elle  en  ce  genre  des 
moyens  analytiques  sûrs  ? Peut-elle  séparer 
les  trois  terres  , ainsi  que  les  autres  subs- 
tances qui  ont  concouru  à former  cette 


EXAMEN 


44 

innombrable  variété  de  pierres  que  nous 
rencontrons  ? Oui , sans  doute  , la  chimie 
possède  ces  moyens  ; et  laissant  ses  four- 
neaux trop  vantés  par  les  uns,  et  trop  dé- 
criés par  les  autres  , elle  peut  , sans  le 
secours  du  feu,  analyser  presque  tout  le 
règne  minéral,  et  même  cette  analyse  sera 
d’autant  plus  facile  , que  la  composition 
des  corps  sera  plus  compliquée. 

Le  genre  de  travail  auquel  je  me  suis 
livré  depuis  plus  de  douze  ans,  est  pour 
moi  une  preuve  convaincante  de  ce  que 
j’avance , et  je  désire  ardemment  que  d’au- 
tres veuillent  l’adopter*  l’histoire  naturelle 
ne  peut  qu’y  gagner  : les  procédés  sont  fa- 
ciles, peu  dispendieux,  et,  j’ose  le  dire, 
les  conséquences  sont  sûres,  et  peuvent 
jeter  le  plus  grand  jour  sur  la  lithologie. 

On  en  jugera  parles  mémoires  que  je  don- 
nerai successivement  sur  les  marbres,  les 
serpentines,  les  porphyres,  les  ophites,  les 
granits,  le  jaspe  , les  schistes  argileux,  etc. 

La  plupart  de  ces  p’erres  , on  le  sait  , 
passoient  pour  résister  aux  acides  ; on  les 
verra  cependant  céder  à nos  dissolvans  , 
et  subir,  par  1 ur  moyen,  tout  le  degré 
d’analyse  dont  elles  sont  susceptibles. 


DU  MARBRE  DE  C A M 1*  A N.  45 


EXAMEN 

Du  Marbre  de  Camp  an. 

Les  naturalistes  divisent  les  marbres  en 
trois  espèces  générales  : 

i°.  En  inarbre  d’une  seule  couleur,  et 
cette  première  espèce  comprend,  selon  eux, 
les  marbres  blanc,  gris,  noir,  jaune,  etc. 

2°.  En  marbre  de  diverses  couleurs  ; et 
dans  celle-ci,  ils  placent  tous  les  marbres 
dans  lesquels  011  distingue  les  couleurs  pré- 
cédentes , mélangées  et  distribuées  de  ma- 
nière à former  des  variétés  agréables. 

5°.  En  marbre  figuré  ; cette  dernière 
espèce  , moins  répandue  dans  la  nature 
que  les  deux  autres,  comprend  les  marbres 
de  Florence  et  de  Hesse,  dont  on  voit  de 
si  beaux  morceaux  dans  les  cabinets. 

Les  chimistes  qui  ne  classent  point  les 
corps  naturels  d’après  leur  forme  exte- 
jieure,  diviseroient  sans  doute  ce  genre 
de  pierre  tout  autrement  que  n’orit  fait 
les  naturalistes,  si,  par  une  suite  d’expé- 
riences , pour  ainsi  dire  docimastiques , ils 
avoient  constaté  Es  différences  de  chaque 
espèce  de  marbre  en  particulier  : en  atteu- 


EXAMEN 


46 

dant  que  ce  travail  se  fasse,  je  crois  qu’on 
pourroit  déjà  en  former  chimiquement  trois 
classes  générales,  sauf  à les  restreindre  ou 
à les  augmenter  à mesure  que  l’expérience 
éclaireroit  le  chimiste  qui  entreprendroit 
l’examen  des  différons  marbres  connus. 

La  première  classe  comprendroit  uni- 
quement les  marbres  purs,  ou  , ce  qui  est 
la  même  chose  , les  marbres  blancs,  quelle 
que  soit  leur  dureté  , quelle  que  soit  la 
forme  de  leur  grain.  Cn  sait  que  toute 
cette  classe  est  sans  mélange  de  matières 
étrangères  ; que  les  acides  la  dissolvent  en- 
tièrement , qu’elle  forme  avec  eux  divers 
sels  à base  calcaire , et  qu’étant  calcinée  , 
elle  se  convertit  en  chaux  la  plus  pure. 

On  rangerait  dans  la  seconde  classe  les 
marbres  colorés  , qui  ne  différeraient  du 
marbre  simple  et  pur  , que  par  la  petite 
portion  de  matière  colorante  qui  leur  seroit 
unie. 

J’ai  examiné  le  marbre  noir  qu’on  em- 
ploie à Paris , et  dans  2.  onces , je  n’ai  trouvé 
que  60  grains  , ou  de  matière  colorante. 
Le  reste , abstraction  faite  de  Pair  et  de 
Peau  que  donne  ce  marbre  dans  la  calci- 
nation , étoit  de  pure  terre  calcaire , dont 


I 

du  marbre  DE  C A M P A n . 47 

l’essence  est  d’être  blanche  ; aussi,  ai-je 
obtenu  , en  précipitant  la  dissolution  de 
ce  marbre  noir,  une  terre  d’une  blancheur 
parfaite.  Lorsque  la  matière  colorante  noire 
se  trouve  unie  au  marbre  blanc  en  plus  pe- 
tite quantité,  par  exemple,  elle  lui 

donne  une  couleur  intermédiaire  entre  le 
noir  et  le  blanc  , ce  qui  constitue  le  inarbre 
gris  plus  ou  moins  foncé.  Ou  en  peut  dire 
autant  des  morceaux  de  marbre  jaune  qui 
se  trouvent  dans  certaines  Ivèches,  et  que 
l’examen  in’a  appris  être  colorés  par  une 
petite  quantité  de  terre  martiale,  de  la  na- 
ture de  l’ocre. 

Ainsi,  tous  les  marbres  qui  ne  contien- 
nent d’autres  matières  étrangères  que 
celles  qui  les  colorent  , devroient  entrer 
dans  cette  classe,  sans  en  excepter  ceux 
dont  les  couleurs  sont  variées  ; on  n’en 
excluroit  même  pas  les  brèches,  lorsque 
les  f ragmens  qui  entrent  dans  leur  com- 
position , et  le  ciment  qui  les  unit,  sont 
absolument  de  nature  calcaire. 

Toute  cette  seconde  classe  est  propre  , 
sans  doute,  à faire  de  bonne  chaux 5 mais 
comme  le  fer  est  en  grande  partie  cause 
de  leur  couleur,  cette  chaux  ne  peut  êüe 


EXAMEN 

employée  avec  succès  au  blanchiment  de 
nos  maisons.  La  couleur,  quelque  blanche 
qu’elle  paroisse  au  moment  où  on  l’ap- 
plique, ne  tarde  pas  à prendre  un  ton  roux. 

On  mettroit  enfin  dans  la  troisième  classe 
ceux  qui , outre  la  matièi  e colorante , con- 
tiendraient une  quantité  remarquable  de 
terre,  ou  pierre  d’une  nature  absolument 
différente  de  celle  de  la  pierre  calcaire. 
Cette  troisième  espèce  ne  feroit  que  de 
très  - mauvaise  chaux,  sur- tout  si  la  ma- 
tière étrangère  s’y  trouvoit  dans  de  grandes 
proportions.  Ainsi,  tous  les  marbres  cal- 
caires connus  seroient  rangés  dans  un 
ordre  eniièrement  chimique,  c’est-à-dire, 
le  plus  convenable  et  même  le  plus  naturel , 
puisque,  par  une  seule  dénomination  , on 
donneroit  une  idée  juste  et  précise  de  la 
pierre  dont  on  veut  parler;  marbres  purs 
on  blanc5  ; rnar  bres  pur> , ruais  colo;  es  ; mar- 
bres mixtes  ou  mélangés  de  diverses  terres. 

cJ 

Les  naturalistes  font  entrer  dans  la  des- 
cription qu’ils  donnent  du  marbre  , une 
demi-transparence  qu’on  y remarque,  lors- 
que ses  fragmens  on  les  ouvrages  qu’on  en 
fait , n’ont  pas  trop  d’épaisseur.  C’est  sur- 
tout dans  ceux  de  la  première  classe  que 

• > , • 

1 ai 

I 


s ir  marbre  de  cAmpan.  ^ 

j’ai  appelés  simples  et  purs,  que  cette  demi- 
transparence  est  sensible  (i). 

Les  marbres  de  la  seconde  classe  ont 
d’autant  moins  la  propriété  de  trans* 
mettre  la  lumière,  que  les  matières  qui  les 
colorent  sont  plus  grossières,  plus  abon- 
dantes et  moins  fondues  dans  le  marbre 
blanc  , quelles  ternissent , quelles  trou- 
blent, pour  ainsi  dire,  ou  enfin,  qu’elles 

(i)  La  cause  de  cette  transparence  ne  peut-elle  pas 
être  rapportée  à la  cristallisation  que  subit  la  terre 
calcaire,  lorsque  l’eau  et  l’air  qu’elle  contient, 
éprouvent  avec  elle  le  degré  de  combinaison  intime 
qui  constitue  le  marbre?  Car,  quoique  je  sois  naturel- 
lement éloigné  de  tout  ce  qui  s’appelle  système , je  ne 
peux  cependant  m’empêcher  d’avouer  que  je  tiens 
pour  démontré , que  tous  les  corps  du  règne  minéral 
sont  soumis  aux  lois  de  la  cristallisation  qui  cons- 
titue les  masses  , et  que  je  la  regarde , après  la  com- 
bina,son  qui  constitue  les  mixtes , comme  une  des 
grandes  opérations  de  la  nature.  Il  ne  serait  pas  diffi- 
cile de  prouver  que  tout  ce  que  nous,  connoissons 
de  minéralisé  ou  de  lapidifié,  a pris  un  arrangement 
conforme  aux  lois  de  la  cristallisation  ; on  dit  com- 
munément, les  animaux  vivent,  les  plantes  végètent 
On  pourrait  dire  de  même,  les  minéraux  cristal. 

lisent  -,  ce  qui  exprimerait  en  un  seul  mot  leur 
maniéré  de  s’aggréger. 

Tome  II . r» 


5o 


examen 


V 


rendent  absolument  opaque  , selon  les 
proportions  où  elles  se  trouvent. 

Quant  à ceux  de  la  troisième  classe,  il 
est  impossible  que  la  lumière  puisse  les 
pénétrer;  les  corps  étrangers  avec  lesquels 
ils  sont  mélangés,  leur  communiquant  leur 
opacité , cet  accident  doit  les  faire  regarder 
comme  pierres  opaques.  Tel  est,  par  exem- 
ple , le  marbre  de  Campan  ; telles  sont  les 
pierres  de  Florence,  et  beaucoup  d’autres 
marbres  dont  je  parlerai  dans  la  suite. 

Le  marbre  connu  dans  les  ateliers.et  dans 
les  appartemens,  sous  le  nom  de  vert-cam~ 
■pan  , nous  est  apporté  de  la  partie  des 
hautes  Pyrénées  , dépendantes  du  Bigore  : 
la  carrière  dont  on  le  tire,  est  située  à très- 
peu  de  distance  de  la  rive  droite  d’un  des 
torrens  qui  forment  les  sources  de  l’Adour  \ 
ce  marbre  doit  sa  double  dénomination  , 
1 ?.  à la  vallée  de  Campan,  vers  l’extrémité 
supérieure  de  laquelle  on  trouve  la  mon- 
tagne dont  on  le  détache  ; 2Q.  à la  couleur 
verte  q paroît  faire  le  fond  de  presque 
tout  celui  qu’on  nous  apporte. 

La  couleur  rouge  est  après  la  couleur 
verte,  celle  qui  se  fait  le  plus  remarquer; 
souvent  même,  elle  y est  la  dominante,  et 


D U MARBRE  DE  CAMPA  N.  5l 


alors  on  l’appelle  rougn-campnn ; on  y ren- 
contre aussi  des  veines  de  marbre  blanc  $ 
enfin  , on  y a perçoit  quelque  Pois  des  petites 
pyrites  martiales,  jaunes  et  luisantes. 

On  y chercheroit  en  vain  des  débris  de 
coquilles,  de  madrépores,  etc.  Les  marbres, 
ainsi  que  les  autres  pierres  des  hautes  Py- 
rénées , ne  contiennent  , ou  du  moins  ne 
m’ont  paru  contenir  aucunes  productions 
du  règne  animal,  qui  fussent  reconnois- 
sables  (1). 

(1)  Il  faut  bien  distinguer  les  hautes  Pyrénées 
d’avec  les  basses  Pyrénées;  cette  distinction  ne  sera 
pas  pour  les  géographes  , mais  elle  intéresse  les  natu- 
ralistes. Dans  l’état  actuel  des  choses,  la  masse  des 
Pyrénées  ne  nous  offre  que  le  noyau  de  montagnes 
autrefois  plus  hautes  et  plus  épaisses:  les  dégrada  ions 
journalières  qu’elles  éprouvent,  nous  laissent  aperce- 
voir des  pierres  de  la  plus  am  ienne  formation  , où 
tous  les  corps  qui  ont  pu  appartenir  à la  mer  , sont 
tellement  identifiés  avec  les  pierres  qu’ils  ont  aidé 
à former,  qu’il  peut  fort  bien  n’en  plus  rester  aucun 
vestige. 

Il  n’en  est  pas  de  même  des  premières  pierres  que 
l’on  trouve  en  approchant  de  cette  chaîne,  et  que 
j’appellerois  volontiers  le  premier  échelon  de  ces 
hautes  montagnes.  En  quelques  endroits  , ce  premier 
échelon  est  de  nouvelle  formation  5 les  couches  y sont 

L>  2 


EX  A M E N 


£2 

Analyse  du  marbre  vert-  campan  par 
Vacide  nitreux . 

Tremier  procédé.  J’ai  choisi  des  frag- 
mens  de  vert-campan,  dans  lesquels  on  ne 

quelquefois  horizontales  , et  les  corps  marins  n’y  sont 
pas  rares. 

Cependant,  je  n’ose  prononcer  sur  l’existence  ou 
Ja  non  existence  des  corps  marins  dans  ces  montagnes, 
depuis  que  Palassau  , qui  travaille  avec  un  zèle  infa- 
tigable à nous  donner  une  carte  lithographique  des 
Pyrénées,  m’a  fait  voir  un  morceau  de  marbre  gris, 
dans  lequel  on  peut  distinguer  avec  facilité  un  madré- 
pore. Cette  pierre  , ce  morceau  de  marbre  , a-t-il  été 
tiré  des  hautes  Pyrénées?  Palassau  ne  manquera  pas 
de  nous  en  instruire.  Mais , je  le  répète  , j’ai  trouvé 
des  coquilles  et  des  madrépores  dans  des  pierres  de 
nouvelle  formation  , qui  avoisinent,  en  certains  en- 
droits , ces  montagnes  ; et  ces  pierres  étoient  des 
espèces  de  pierres  de  taille  , dont  on  ne  rencontre 
jamais  le  moindre  vestige,  dès  qu’on  est  entré  dans  la 
véritable  chaîne  qui  n’est  composée  , à proprement 
parler  , que  de  granits , de  marbres  et  de  schistes  , 
qui  se  présentent  les  uns  et  les  autres  avec  toutes  les 
variétés  déjà  connues  des  naturalistes. 

Si  on  veut  se  former  une  bonne  idée  de  ces  monts 
'fameux  , cpi’on  lise  l’excellent  Discours  en  forme  de 
Dissertation  sur  l’état  actuel  des  Montagnes  des 
Pyrénées,  prononcé  par  d’Arcet  , au  collège  de 
•France  , le  11  décembre  i 775. 


DU  MARBRE  DE  C À M P A N*  o5 

voyoit  absolument  point  de  marbre  rouge 
ni  de  marbre  blanc,  et  j’en  exposai  2 onces 
à l’action  de  l’acide  nitreux  étendu  d’eau 
distillée:  la  dissolution  s’en  fit  dans  le  com- 
mencement avec  assez  de  vitesse,  mais  sur 
la  fin  elle  devint  fort  lente.  Lorsque  l’acide 
employé  fut  saturé  , je  le  décantai  et  en 
substituai  d’autre  que  je  laissai  sur  la  ma- 
tière plus  de  vingt-quatre  heures  , après 
même  qu’on  n’apercevoit  plus  d’efferves- 
cence. 

La  portion  sur  laquelle  l’acide  nitreux 
n’avoit  point  agi,  étoit  partie  en  poudre 
grise  et  partie  en  morceaux  assçz  tendres, 
et  de  la  même  couleur  que  la  poudre  ; le 
tout  pesa  , après  l’édulcoration  et  la  dessic- 
cation , ù gros  et  12  grains  : la  texture  de 
cette  matière  ne  permet  pas  de  douter  de 
sa  nature  ; c’est  du  vrai  schiste. 

La  liqueur  qui  tenoit  la  terre  calcaire  de 
notre  marbre  en  dissolution,  avoitun  excès 
d’acide,  et  n’étoit  que  foiblement  colorée; 
la  noix  de  gale  ne  l’altéroit  point;une goutte 
d’alkali  fixe  versée  dessus  , y excitoit  une 
vive  effervescence  , et  il  se  formoit  une  pe- 
tité  quantité  de  précipité  rougeâtre  , qui 
étoit  sur-le-champ  redissous  ; ce  qui  se  fit 

D d 


EXAMEN 


54 

constamment,  jusqu’à  ce  qu’en  versant  de 
nouvel  alkaii,  tout  l’acide  surabondant  fût 
parvenu  au  point  d’une  saturation  parfaite, 
qui  fit  prendre  à la  dissolution  une  couleur 
de  bière  forte,  sans  cependant  la  troubler; 
je  remarquai  alors  que  la  noix  de  gale  pou- 
voit  la  teindre  en  noir-foncé,  ce  qui  n’étoit 
point  arrivé  tant  qu’il  y avoit  un  excès 
d’acide. 

La  couleur  rouge  des  premières  portions 
delà  poudre,  qui  se  séparoit  du  dissolvant 
par  Y affusion  de  quelques  gouttes  d’alkali 
fixe , me  détermina  à précipiter  en  deux 
temps  la  dissolution  , que  j’étendis  dans 
deux  liv.  d’eau  distillée.  Les  premières  por- 
tions d’alkali  que  je  versai  dessus  peu  à peu 
et  avec  précaution  , en  précipitèrent  une 
matière  rouge  qui  s’amassa  bientôt  au  fond 
du  vase  : au  moment  où  je  m’aperçus  que 
la  liqueur  avoit  perdu  sa  couleur  de  bière 
forte  , qu’elle  étoit  devenue  claire  et  lim- 
pide comme  l’eau  , enfin  qu’elle  ressem- 
bloit  parfaitement  à une  dissolution  de 
marbre  blanc  , je  suspendis  l’opération  , 
et  séparai  par  le  filtre  ce  premier  préci- 
pité , qui,  édulcoré  et  séché,  pesoit  3i 
grains.  La  couleur  foncée  de  la  liqueur, 


DU  MARBRE  DE  CAMPA  v.  55 

son  goût  martial,  sa  propriété  de  teindre 
en  noir  l’infusion  de  noix  de  gale  , la  cou- 
leur rousse  du  précipité , tout  enfin  annon- 
çoit  qu’il  étoit  de  nature  ferrugineuse  ; et 
une  simple  expérience  m’a  appris  que  c’é- 
toit  un  mélange  de  fer  et  de  terre  alumi- 
neuse. J’ai  fait  dissoudre  ce  précipité  dans 
une  suffisante  quantité  d’acide  vitriolique 
foible  : la  dissolution  qui  ayoit  un  goût 
très  - stiptique  , ayant  été  filtrée  et  aban- 
donnée à l’évaporation  insensible  , donna 
en  moins  de  cinq  jours  , des  cristaux  d’alun 
bien  caractérisés,  et  un  peu  de  vitriol  vert. 
Le  moyen  que  j’avois  employé  pour  séparer 
de  la  dissolution  de  notre  marbre , tout  ce 
qu’elle  contenoit  de  ferrugineux  et  d’alu- 
mineux m’ayant  réussi,  même  au-delà  de 
mes  espérances,  je  procédai  sur-le-champ 
à la  seconde  précipitation  de  la  liqueur , 
par  le  même  alkali,  qui  en  sépara  une  terre 
calcaire  d’une  blancheur  parfaite,  dont  le 
poids  se  trouva  être  d’une  once  et  40  grains, 
après  avoir  été  suffisamment  lavée  et  sé- 
chée. 

En  additionnantles  produits,  nous  voyons 
que  les  2 onces  de  marbre  vert  employées  * 
conten oient  ; 

i>  4 


56 


EXAMEN 


i°.  ....  5 gros  12  grains  de  schiste. 

2°.  .......  . 3i  grains  de  terre 

martiale,  mêlé  de  terre  alumineuse. 

3°.  i once  ...  4o  grains  de  terre 
calcaire. 

Total  î once  6 gros  n grains. 

La  perte,  qui  est  d’un  gros  6i  grains, 
doit  être  attribuée  à l’air  qui  s’est  échappé 
pendant  la  dissolution , et  à l’eau  qui , ainsi 
que  l’air,  s’étoit  combinée  avec  la  terre  cal- 
caire pour  former  notre  marbre;  cette  perte 
a été  même  de  beaucoup  plus  forte;  mais 
îa  précipitation  faite  par  l’alkali  fixe,  ayant 
rendu  de  l’air  et  de  l’eau  à la  terre  calcaire , 
les  choses  sont  un  peu  rapprochées  de  leur 
état  naturel  (i). 

( i ) Il  étoit  important  de  savoir  si  les  3i  grains 
de  premier  précipité  étoient  la  quantité  précise  de  fer 
et  de  terre  alumineuse  , contenue  dans  les  2 onces  de 
marbre  que  j’avois  employées  dans  mon  premier  pro- 
cédé. Pour  m’en  assurer  , je  fis  l’expérience  suivante. 

Je  saturai  avec  une  suffisante  quantité  d’acide 
vitriolique  , étendu  de  beaucoup  d’eau  distillée  , une 
demi-once  de  la  terre  calcaire  que  j’avois  obtenue  par 
la  deuxième  précipitation  : je  séparai , par  le  moyen 
du  filtre  , la  sélénite  qui  s’étoit  formée  ; mais  la 
liqueur  ne  se  trouva  être  ni  vitriolique  , ni  alumi* 


TtÜ  MJLRBRE  DE  CAMPAN.  5 7 


Analyse  du  marbre  rouge  de  Campan  par 
le  jnêrne  acide. 

^Deuxième  procédé.  J’ai  soumis  à l’ac- 
tion de  l’acide  nitreux  , 2 onces  de  marbre 
de  Campan  en  un  seul  morceau  , qui 
ne  contencit  point  de  marbre  blanc  , et 
dans  lequel  la  couleur  rouge  étoit  domi- 
nante. 

4 

Il  se  sépara  , pendant  la  dissolution,  une 
poudre  d’un  rouge  - obscur,  semblable  au 
colcotar , ou  plutôt  à ce  rouge -brun  dont 
on  colore  le  carreau  des  appartemens. 

En  agitant  l’acide  nitreux  et  en  le  dé- 
cantant , lorsque  la  saturation  fut  à son 
point,  il  fut  facile  de  retirer  cette  poudre 
rouge  , qui , lavée  et  séchée  , pesoit  60 
grains.  C’étoit  du  fer  qui  avoit  perdu  la 
propriété  d’être  attiré  par  l’aimant  , mais 
auquel  il  fut  facile  de  la  rendre  , en  le  te- 
nant quelque  temps  au  feu  dans  un  creuset 
fermé , avec  un  corps  qui  pouvoit  lui  donner 
du  phlogistique. 

neuse  5 elle  ne  fut  point  altérée* par  la  noix  de  gale  : 
concentrée  par  une  évaporation  lente  , elle  ne  donna 
ni  alun  ni  vitriol. 


68 


EXAMEN 


Lorsque  je  me  fus  assuré  que  toute  îa 
partie  sur  laquelle  l’acide  nitreux  avoit  de 
l’action,  étoit  dissoute,  je  substituai  à cet 
agent  quelques  onces  d’eau  distillée , pour 
laver  la  matière  insolub'e  qui , séchée  exac- 
tement, pesoit  un  gros  63  grains.  Elle  étoit 
divisée  en  plusieurs  morceaux  fort  fragiles 
et  percés  de  divers  trous;  sa  couleur  étoit 
grise  et  tachée  en  certains  endroits  par  un 
peu  de  la  poudre  rouge  que  les  lavages 
n’avoient  pu  enlever. 

En  précipitant  la  dissolution  en  deux 
temps  , suivant  la  méthode  indiquée  ci- 
dessus  , j’ai  obtenu  un  premier  précipité 
martial  du  poids  de  2 ,5  grains  , et  un 
deuxième  de  nature  calcaire  du  poids  de 
une  once  3 gros  53  grains. 

Les  2 onces  de  marbre  de  Campan  rouge 
employées  dans  ce  procédé  , ont  donc 
produit  : 

i° 60  grains  de  safran 

de  mars,  rouge-brun,  qui  s’est  séparé  de 
lui-même  pendant  la  dissolution  ; 

20 1 gros  63  grains  de  schiste  ; 

3° . 2 5 grains  de  terre 

martiale  et  alumineuse  , précipitée  par  les 
premières  portions  d’alkali  ; 


pu  marbre  de  cAnr  an,  5 9 

4°.  1 once  3 gros  53  grains  de  terre  cal- 
caire. 

Total,  1 once  6 gros  5y  grains. 

Perte  ....  1 gros  1 5 gr.  (1) 

Si  on  compare  les  produits  de  ce  second 
procédé  avec  ceux  du  premier  , on  verra 
la  différence  qu’il  y a entre  les  deux  mor- 
ceaux de  marbre  qui  en  ont  été  le  sujet,  et 
on  sentira  les  raisons  qui  m’ont  déterminé 
à travailler  sur  les  deux  échantillons  aux- 
quels j’ai  donné  la  préférence.  Je  les  ai 
envisagés  comme  les  extrêmes  ; le  vert  ne 
contenoit  de  marbre  rouge  , et  le  rouge  ne 
contenoitde  marbre  vert,  que  le  moins  pos- 
sible. 

Si  on  choisissoit  des  morceaux  d’un  mé- 
lange différent,  on  trouveroit  sans. doute 
des  proportions  différentes  de  celles  que 
j’ai  indiquées;  et  qui  sait  si  on  pourroit 
jamais  parvenir  à rencontrer  précisément 

(O  Pour  mieux  faire  comprendre  la  cause  de  cetie 
perte  , je  dois  dire  qu’ayant  exposé  au  feu  , pendant 
deux  Iiewes  trois  quarts,  2 onces  de  marbre  pareil  à 
l’échantilion  dont  il  est  question  , elles  perdirent  un 
gros  i?>  grains  , quoique  te  marbre  fût  encore  bien 
éloigné  d’être  réduit  en  chaux. 


6o 


EXAMEN 


les  mêmes.  J’ai,  par  exemple,  traité  par 
l'acide  nitreux  un  morceau  de  notre  mar- 
bre, dans  lequel  j’avois  aperçu  une  pyrite  y 
il  pesoit  une  once  : c’étoit  un  mélange  de 
marbre  rouge  et  vert  : on  y distinguoit 
même  quelques  portions  de  marbre  blanc. 

Je  désirois  savoir  à laquelle  des  terres, 
la  calcaire  ou  la  schisteuse  , étoit  attachée 
la  pyrite.  La  dissolution  de  la  terre  cal- 
caire étant  faite,  il  resta  2 gros  et  quelques 
grains  de  schiste , dont  un  morceau  se  lai- 
soit  remarquer  par  sa  grosseur  et  par  une 
petite  excavation  où  on  voyoit  , non- seu- 
lement la  pyrite  dont  j’ai  parlé,  mais  en- 
core plusieurs  autres  que  le  marbre  qui 
les  couvroit  avoit  empêché  d’apercevoir. 

Analyse  des  mêmes  marbres  par  l’acide 

vitriol}  que. 

T,  •oisième  procédé.  Qu’on  mette  dans 
une  capsule  de  verre  une  certaine  quan- 
tité de  marbre  concassé,  et  qu’on  l’humecte 
avec  de  l'acide  vitriolique  foible  5 ce  dissol- 
vant attaquera  le  marbre,  se  desséchera, 
et  les  fraginens  seront  couverts  d’une  in- 
crustation  blanche  sé’éniteuse,  c’est-à  dire, 
d’un  sel  vitriolique  à base  calcaire. 


DU  MARBRE  DE  CAllPAN,  6l 

Si  la  matière  étoit  desséchée  ayant  que 
la  saturation  fût  au  point  requis,  il  faudi  oit 
l’humecteravecun  peu  d’eau  distillée, pour 
étendre  de  nouveau  l’acide,  et  lui  donner 
plusde  prise  sur  les  corps  qu’il  doit  dissoudre. 

Dès  qu’on  s’apercevra  que  l’acide  ne  se 
fait  plus  sentir,  on  versera  dans  la  capsule 
où  se  fait  la  dissolution  , quelques  onces 
d’eau  distillée,  pour  délayer  la  sélénite, 
qu’on  pourra  par  ce  moyen  retirer  et  re- 
mettre dans  un  autre  vase  , pour  y être 
gardée  jusqu’à  la  fin  de  l’opération  ; apres 
quoi  on  versera  de  nouveau  sur  le  marbre 
une  pareille  quantité  du  même  acide,  qui, 
en  se  saturant , formera  de  nouvelle  sélé- 
nite , qu’on  retirera  et  qu’on  conservera 
soigneusement , ainsi  qu’il  a été  dit  ; en 
continuant  ce  travail  , qui  est  long,  mais 
sûr  et  facile,  on  parvient  à combiner  avec 
l’acide  de  vitriol , tout  ce  que  le  marbre 
employé  contient  de  soluble  ; et  par  cette 
sorte  de  vitriolisation,  on  forme  divers  sels, 
beaucoup  mieux  caractérisés  que  ceux  qui 
résultent  de  l’union  de  l’acide  nitreux  avec 
les  mêmes  matières  , avantage  qui , dans 
ce  genre  de  travail  , doit  faire  préférer 
l’acide  yitriolique  à celui  du  nitre. 


6* 


EXAMEN 


En  traitant,  suivant  la  méthode  que  je 
viens  d’indiquer , 2 onces  de  inarbre  vert- 
campan  séparé,  autant  qu’il  a été  possible, 
des  portions  rouges  ou  blanches , j’ai  ob- 
tenu ÿ 

i°.  1 once  6 gros  60  grains  de  sélénite 
gypseuse,  ou  vitriol  calcaire. 

20 5 gros  63  grains  de  terre 

schisteuse  5 

3°.  1 4 onces  d’une  liqueur  légèrement 
colorée  en  vert-jaunâtre  , et  d’un  goût 
vitriolique  , dont  quelques  gouttes  versées 
sur  une  infusion  de  noix  de  gale  , la  tei- 
gnirent en  noir  foncé. 

Lorsque,  par  une  évaporation  faite  dans 
un  vase  de  verre  au  bain  de  sable  , cette 
liqueur  fut  réduite  à-peu-près  à 6 ou  6 
onces  , il  s’en  sépara  un  peu  de  sélénite 
et  une  petite  quantité  de  terre  martiale  : 
filtrée  et  mise  de  nouveau  sur  le  s ible,  elle 
fut  concentrée  au  point  de  ne  pas  excéder 
le  volume  d’une  once  et  demie  d’eau  ; à 
ce  moment  elle  fut  abandonnée  à l’évapo- 
ration spontanée. 

Le  sixième  jour  , on  apercevoit  au  fond 
du  vase  une  trentaine  de  petits  cristaux 


t 


du  marbre  de  c a m r a n.  63 

blancs  et  séparés  les  uns  des  autres  ; leur 
goût  et  leur  forme  octaèdre  annonçoient 
leur  nature  , c’étoit  une  cristallisation 
d’alun  très-régulière.  Deux  jours  après  , 
il  se  forma  une  seconde  cristallisation  du 
meme  sel  dont  les  cristaux , quoique  plus 
petits  , étoient  encore  très-bien  caracté- 
risés ; à celle-ci,  il  en  succéda  une  troi- 
sième plus  petite  encore  que  la  précédente. 
A cette  époque,  il  commença  à se  former  , 
sur  les  parois  du  vase  , des  efflorescences 
salines  , et , en  moins  de  quatre  jours,  la 
matière  se  coagula  entièrement  en  une 
masse  de  couleur  verte , tirant  sur  le  jaune, 
dans  laquelle  il  fut  impossible  de  distin- 
guer aucun  sel  par  des  caractères  propres 
à le  faire  reconnoître. 

En  traitant  les  sels  vitrioliques  alumi- 
neux dans  l’état  d’eau-mère  , tel  qu’étoit 
celui  dont  je  parle,  il  n’est  pas  facile  de 
les  mettre  au  point  de  donner  de  beaux 
cristaux,  à moins  qu’on  n’ait  recours  aux 
alkalis  fixes  ou  volatils,  ainsi  qu’on  le  pra- 
tique dans  les  travaux  en  grand  de  la  Halô- 
thecnie  ; ce  ne  fut  donc  qu’après  bien  des 
tentatives  , toutes  faites  sans  addition 
d’aucun  alkali,  que  je  parvins  à retirer 


64  T,  X AME  !Nr 

encore  de  cette  eau-mère  quelques  cris- 
taux d’alun  pur , et  de  vitriol  de  mars  ; 
la  couleur  peu  foncée  de  ces  derniers , 
et  leur  goût  prouvoient  assez  que  ce  n’é- 
toit  qu’un  mélange  de  ces  deux  sels  , et 
que  l’alun  même  y étoit  le  dominant  $ ce 
qui  me  restoit  de  liqueur  se  coagula  de 
nouveau  : je  fis  différons  essais  pour  la 
ramener  au  point  de  donner  des  cristaux  ; 
mais  ce?,fut  en  vain  : la  matière  saline 
s’élevoit  constamment  le  long  des  parois 
du  vase  , sans  prendre  aucune  forme  régu- 
lière. J’eus  recours  alors  aux  intermèdes  , 
et  11e  voulant  employer  ni  alkali  fixe  , ni 
alkali  volatil  , pour  ne  pas  trouver  un 
sujet  d’erreur  dans  les  dernières  cristallisa- 
tions , j’étendis  l’eau-mère  dans  2.  onces 
d’eau  distillée  , et  j’y  ajoutai  quelques 
grains  de  craie  en  poudre  5 il  se  fit  une 
effervescence  , la  craie  devenue  sélénite 
se  précipita  , entraînant  avec  elle  une 
petite  portion  de  terre  martiale.  Cette 
dernière  liqueur  qui,  filtrée,  avoit  une 
couleur  rousse,  ayant  été  concentrée  par 
une  évaporation  lente,  donna  jusqu’à  la 
fin  des  cristaux  d’alun,  sans  qu’il  me  fût 
possible  d’apercevoir  un  seul  cristal  de 

sel 


DU  marbre  de  camp  an.  65 

Sel  de  Sedlitz  , autre  sel  vitriolique  , que 
je  soupçonnois  devoir  etre  dans  cette 
liqueur  , d’après  un  grand  nombre  d’expé- 
riences qui  m’ont  appris  que  les  terres 
alumineuse  et sedlicienne  se  trouvent  sou- 
vent ensemble  dans  des  pierres  schisteuses 
de  différentes  espèces. 

Il  résulte  de  l’analyse  du  marbre  Campan 
vert  par  l’acide  vitriolique, 

i°.  Que  les  2 onces  employées  ont  fourni 
à cet  acide  une  quantité  de  terre  calcaire 
suffisante  pour  former  une  once  6 gros  60 
grains  de  sélénite; 

2°.  Qu’il  s’est  trouvé  dans  ces  2 onces  7 
5 gros  33  grains  de  schiste  ; 

3°.  Que  ce  dernier  a fourni  une  quantité 
suffisante  de  fer  pour  former  12  a i3  grains 
de  vitriol  martial  , et  environ  5 grains  de 
terre  ocreuse  , qui  s’est  séparée  d’elle- 
mêtne  pendant  l’évaporation  ; 

4°.  Qu’il  s’y  est  également  trouvé  une 
quantité  suffisante  de  terre  alumineuse 
pour  former  au  moins  grains  d’alun. 

Je  n’ai  rien  négligé  pour  m’assurer  que 
le  sel  de  Sedlitz  n’existoit  p^s  dans  la  dis- 
solution du  marbre  de  Campan,  par  l’acide 
vitriolique  ; c’étoit  le  principal  but  de 
Tome  IL  E 


66 


EXAMEN 


toutes  les  tentatives  que  j’ai  faites  pour 
mettre  les  dernières  portions  de  liqueur  en 
état  de  donner  d’elles- mêmes  des  cristaux 
réguliers  ; et  quand  enfin  j’ai  été  contraint 
d’avoir  recours  à un  intermède  , je  me  suis 
servi  de  la  craie  qui  , formant  avec  l’acide 
vitriolique  un  sel  peu  soluble  et  d’ailleurs 
facile  à distinguer,  ne  in’exposoit  à aucune 
erreur  : d’où  je  crois  pouvoir  conclure  que 
la  terre  qui  fait  la  base  du  sel  de  Sedlitz, 
n’existe  pas  dans  le  schiste  qui  se  rencontre 
dans  notre  marbre. 

Analyse  du  marbre  Campan  j'ouge , par 
l} acide  vitriolique . 

(Quatrième  procédé . Ayant  également 
traité  par  l’acide  vitriolique  2 onces  de 
marbre  rouge  de  Campan,  j’en  ai  obtenu 
une  once  7 gros  42  grains  de  vitriol  cal- 
caire ou  sélénite  de  couleur  blanche  tirant 
sur  le  rouge  ; il  est  resté  dans  la  capsule 
où  se  faisoit  l’opération  2 gros  et  demi  de 
schiste  absolument  décoloré  et  en  petits 
fragmens , parmi  lesquels  on  en  distin- 
guoit  un  de  la  grosseur  d’une  petite  noi- 
sette , dont  la  surface  étoit  hérissée  de 
pyrites  martiales  j on  en  apercevoit  aussi 


\ 


DÛ  MARBRE  DE  CA  M PAN.  C)J 

quelques-unes  dans  le  schiste  pulvérulent, 
arec  lequel  elles  n'a  voient  pi  us  d’adhé- 
rence. 

Les  différons  arrosemens  d’acide  vitrio- 
lique  et  les  lavages  avec  l’eau  distillée  , 
m a voient  donné  12  onces  de  liqueur 
aluinmo  vitriolique,  de  laquelle  j’ai  retiré 
5/  grains  d’alun  et  4S  grains  de  vitriol 
vert  ; il  s’est  séparé  pendant  l’évaporation 
7 grains  de  terre  martiale. 

Ce  quatrième  procédé  confirme  .les  diffé- 
rences déjà  observées  dans  les  échantil- 
lons de  marbre  lors  de  leur  analyse  par 
1 acule  nitreux;  il  y a constamment  plus  de 
Schiste  dans  le  marbre  vert  que  dans  le 
marbre  rouge  , et  plus  de  fer  dans  celui-ci 
que  dans  le  premier. 

Quoiquil  soit  hors  de  mon  sujet  de 
m’étendre  sur  le  sel  séleniteux  que  j’ai 
obtenu  en  traitant  le  marbre  de  Cau.pan 
avec  l’acide  vitriolique,  je  ne  peux  cepen- 
dant m’empêcher  de  dire  que  ce  sel  que 
■ on  nomme  souvent  sélénite  , que  j'ai  ap.' 
pele  quelquefois  vitriol  calcaire  et  qu’on 
pourroit  aussi  nommer  seigypseu*.  gypse 
» rajicie  , ou  simplement  gypse,  étant  cuit 
1 comme  la  pierre  à plâtre,  pulvérisé  et 

E 2 


/ 


68  EXAMEN 

gâche  avec  une  suffisante  quantité  d’eau  , 
a été  plus  de  deux  heures  à prendre  corps, 
mais  qu’enfin  il  est  devenu  , en  moins  de 
douze  ou  quinze  heures  , aussi  dur  que 
le  meilleur  plâtre;  retardement  qui  n’arrive 
pas  toujours  au  gypse  artificiel.  Je  dois  aussi 
faire  remarquer  que  le  sel  séléniteux,  fourni 
par  le  marbre  vert,  perdit  pendant  la  calci- 
nation sa  couleur  blanche  qui  se  changea 
en  rouge  briqueté  , effet  qu’on  doit  attri- 
buera un  peu  de  vitriol  martial  et  à quel- 
ques portions  de  schiste  des  plus  tenues, 
qui  étoient  restées  dans  le  sel  séléniteux. 

Il  résulte  des  expériences  qu’on  vient 
de  lire  , i°.  que  le  marbre  vert  de  Campan 
est  un  marbre  mixte  ou  composé  ; que 
c’est  enfin  un  mélange  de  marbre  et  de 
schiste  ; 2°.  que  les  parties  véritablement 
marbre  , sont  les  dominantes  ; 3°.  que  le 
schiste  qui  les  accompagne  contient , ainsi 
que  toutes  les  pierres  de  ce  genre,  que  j’aï 
jusqu’ici  examinées , une  quantité  remar- 
quable de  terre  alumineuse  et  de  fer  ; 
4°.  que  c’est  au  fer,  minéralisé  avec  le 
schiste  , qu’est  due  la  couleur  verte  qui 
distingue  le  marbre  dont  je  parle. 

Q\x ant  aux  portions  de  marbre  rouge  qui 


15  Ü MAHBHÏ  T)  E CAMPA  N?  c9 

se  rencontrent  dans  le  marbre  vert,  nous 
avons  vu  qu’elles  doivent  leur  couleur  à 
un  safran  de  mars , dispersé  sous  la  forme 
d’une  poudre  fine  entre  toutes  les  parties  do 
la  terre  calcaire.  D’où  il  faut  conclure  que 
le  fer  qui  est  uni  au  marbre  de  Campan, 
s’y  trouve  dans  deux  états  très-différens. 
Dans  le  marbre  vert  , il  est  minéralisé 
avec  le  schiste  , de  manière  qu’il  a con- 
servé la  propriété  d’être  entièrement  dis- 
sous par  les  acides , sans  en  excepter 
même  celui  de  nitre  , qui  , comme  on 
sait  , n’a  pas  d’action  sur  le  fer  déplilo- 
gistiqué.  Dans  le  marbre  rouge  , au  con- 
traire , ce  métal  est  dans  un  état  de  safran 
de  mars  ou  de  chaux  martiale  qui  , dis- 
persée entre  toutes  les  parties  de  la  terre 
calcaire  , lui  communique  sa  couleur  en 
y adhérant  fortement , mais  sans  avoir 
subi  avec  elle  de  combinaison  intime  : 
ce  safran  de  mars  n’est  point  du  tout  solu- 
ble dans  l’acide  nitreux  , et  par- là  le  chi- 
miste trouve  un  moyen  sûr  et  facile  de  le 
séparer  entièrement  de  la  terre  calcaire  , 
sous  sa  forme  pulvérulente  et  sans  altérer 
sa  couleur,  ainsi  qu’il  est  prouvé  par  le  se- 
cond de  mes  procédés  avec  l’acide  nitreux. 

E 3 


EXAMEN 


7° 

Quand  on  traite  notre  marbre  rouge 
avec  l’acide  vitriolique  , il  n’est  pas  pos- 
sible de  séparer  et  de  mettre  , pour 
ainsi  dire  , à nu  le  safran  de  mars  : il  perd, 
à la  vérité,  son  adhérence  à la  terre 
calcaire  ; mais  comme  celle-ci  se  charge, 
par  sa  combinaison  avec  l'acide  , en  un 
sel  qui  cristallise  à l'instant  même  de  sa 
formation  , le  safran  de  mars  , recouvrant 
son  état  pulvérulent , se  mêle  entre  les 
parties  de  ce  nouveau  corps  salin  , et  lui 
communique  cette  teinte  rouge  qu’on  re- 
marque dans  le  se  1 séléniteux  , obtenu 
par  le  quatrième  procédé. 

Je  finirai  par  cette  observation.  Le 
marbre  de  Campan  étant  une  sorte  de 
brèche  composée  de  marbre  proprement 
dit  , et  de  schiste  argileux  , ne  peut  pas 
résister  long-temps  aux  injures  de  l*air  j 
aussi  voyons  nous  qu’en  moins  d’un  siècle, 
celui  qui  a été  employé  dans  les  jardins  de 
Marly , est  entièr  ement  dégradé  ; les  por- 
tions schisteuses  sont  trop  tendres  , elles 
n’ont  pu  tenir  contre  les  intempéries  des 
saisons,  et  les  vicissitudes  de  l’atmosphère. 

Quand  il  s’agit  d’élever  des  monumens  , 
quand  il  s’agit  de  décorer  des  temples,  des 


! 


BU  MARBRE  DE  CAMPA  N.  7 1 

palais , on  ne  sauroit  prendre  trop  de  pré- 
cautions pour  s’assurer  de  la  bonté , de  la 
solidité  des  matériaux  qu’on  veut  employer, 
sur-tout  si  ces  matériaux  ne  sont  pas 
connus  , ou  s’ils  sont  tirés  d’une  carrière 
nouvellement  découverte. 

Il  est  fâcheux  de  ne  s’apercevoir  des 
mauvaises  qualités  d’une  pierre  , qu’après 
qu’elle  a été  mise  en  œuvre  ; qu’on  ne  se 
laisse  donc  pas  séduire  par  la  beauté  d’un, 
nouveau  marbre  : l’essentiel  est  sa  solidité, 
et  les  architectes  , jaloux  de  leur  gloire  , 
ne  devroient  jamais  employer  un  marbre  in- 
connu, quelque  beau  qu’il  paroisse,  sans 
l’avoir  fait  soumettre  à un  examen  chimique. 

EXAMEN 

Des  Pierres  figurées  de  Florence. 

La  description  des  pierres  figurées  de 
Florence , seroit  ici  fort  inutile  , elles 
sont  connues  de  tous  ceux  qui  ont  vu 
des  collections  de  curiosités  naturelles  ; 
mais  si  la  variété  vraiment  étonnante  des 
tableaux  qu’elles  nous  offrent,  leur  font 
occuper  un  rang  distingué  dans  les  cabi- 
nets , on  peut  dire  que  la  nature  de  ces 

E 4 


examen 


72 

pierres  n’en  est  pas  pour  cela  mieux 
connue  ; et  si  les  noinenclateurs  leur  ont 
assigné  une  place  parmi  les  marbres  , ce 
n’est  certainement  que  d’après  l’étude  des 
surfaces,  moyen  insuffisant  et  trop  équi- 
voque , pour  oser  prononcer  sur  la  nature 
des  corps.  Aussi  , se  sont-ils  bornés  à l’ap- 
peler marmor  jiguratum. 

Les  procédés  que  j’ai  employés  pour 
analyser  le  marbre  de  Campan , sont  si 
simples,  si  peu  dispendieux,  j’ose  même 
3e  dire  , sont  si  sûrs  , que  j’ai  cru  devoir  y 
soumettre  les  pierresde  Florence  ; et  comme 
ils  sont  déjà  connus,  je  vais,  sans  entrer 
dans  de  nouveaux  détails  , présenter  une 
analyse,  d’après  laquelle  les  naturalistes 
pourront  assignera  ces  curieux  morceaux  le 
rangqu’ilsdoiventoccuperdansles  cabinets. 

Les  pierres  de  Florence  sont  un  mélange 
de  terre  calcaire  et  de  terre  argileuse , 
l’une  et  l’autre  diversement  colorées  par 
un  peu  de  fer  ; on  y découvre  aussi  une 
petite  quantité  de  terre  alumineuse  (1). 

(1)  Je  ne  parle  pas  de  l’air  et  de  l’eau  qui  entrent 
aussi  dans  la  composition  de  ces  pierres  $ on  sait  qu’ils 
sont  l’un  et  l’autre  le  vrai  medium  de  la  lapidification 
de  la  terre  calcaire. 


DES  PIERRES  FIGUREES  DE  FlORENCE.  jZ 

Les  deux  premières  s’y  trouvent  quel- 
quefois, à peu  de  chose  près,  à parties 
égales  ; cependant,  c’est  toujours  la  terre 
calcaire  qui  y domine  ; la  partie  de  ces 
pierres  qui  forme  les  ruines  , est  ordinai- 
rement ]>lus  schisteuse  et  plus  ferrugineuse, 
tandis  que  celle  qui  forme  le  fond  des  ta- 
bleaux est  plus  calcaire  et  moins  ferrugi- 
neuse ; quant  à la  terre  d’alun  , c’est  tou- 
jours à la  terre  schisteuse  qu’elle  est  unie. 

Voici  les  proportions  où  j’ai  trouvé  ces 
différentes  substances  dans  les  échantillons 
que  j’ai  examinés. 

Analyse  par  V acide  nitreux. 

Un  morceau  de  pierre  de  Florence  for- 
mant une  petite  tablette  du  poids  de  5 gros 
33  grains  , dans  laquelle  la  couleur  grise, 
tirant  un  peu  sur  le  jaune  , faisoit  le  fond 
du  tableau  et  étoit  la  dominante  , ayant 
été  traité  par  l’acide  de  nitre  , a donné  : 

69  grains  de  terre  schisteuse, 
9 grains  de  fer  sous  forme 
de  chaux  métallique  , 

4 gros  6 grains  de  terre  calcaire 

pure. 

Total,  5 gros  2 grains. 

Perte  3i  grains. 


EXAMEN 


7-f 

Un  autre  morceau  pesant  3 gros 56  grains, 
dans  lequel  la  partie  qui  forme  les  ruines , 
dominoit , ayant  été  soumis  à l’action  du 
meine  acide  , il  en  a été  retiré  , 

1 gros  i4  grains  de  terre  schisteuse, 

1 1 grains  de  fer  sous  forme  de  chaux , 

2 gros  1 7 grains  de  terre  calcaire  pure. 

Total  3 gros  41  grains. 

Perte  i4  grains. 

D’après  ces  deux  expériences  , on  voit 
que , dans  les  pierres  figurées  dont  je 
parle  , la  partie  des  ruines  contient  plus 
de  terre  schisteuse  et  moins  de  terre  cal- 
caire , et  que  c’est  tout  le  contraire  dans 
3e  fond  des  tableaux  ; mais,  cependant, 
que  dans  l’une  et  dans  l’autre  , la  terre 
calcaire  est  la  dominante. 

Analyse  par  V acide  vitriolique. 

En  vitriolisant  différens  morceaux  de 
pierres  de  Florence  , j’ai  constamment 
obtenu  plus  de  vitriol  martial  que  d’alun  ; 
je  ne  citerai  pour  exemple  que  ce  pro- 
cédé. 

Une  petite  tablette  du  poids  de  5 gros 
60  grains  , dans  laquelle  les  parties  figurées 


DES  PT  ERRES  FTGURÉES  DF.  FLOU  ENTE.  7 5 

étaient  à-peu-près  égales  à celles  du  fond 
du  tableau  , aymt  été  saturée  d’acide  vi- 
ti  iolique  , selon  la  méthode  indiquée  pour 
le  marbre  de  Campa n , a donné  10  grains 
d’alun  et  4 3 grains  de  vitriol  martial. 

D’après  les  détails  que  j’ai  donnés  ert 
parlant  du  marbre  de  Carnpan  , j’ai  cru 
devoir  être  fort  succinct  dans  le  compte 
que  je  rendois  de  l’analyse  des  pierres 
ligurées  de  Florence  ; mais  les  résultats 
que  je  présente  aux  physiciens  sont  plus 
que  sulfisans  pour  leur  faire  conclure  que 
ces  deux  pierres  doivent  être  rangées  dans 
la  troisième  classe,  que  j’ai  appelée  celle 
des  marbres  mixtes  ou  composés  de  diffé- 
rentes terres. 


SECONDE  PARTIE. 

Examen  de  quelques  Marbres  antiques . 

L e s pierres  que  les  Grecs  appelèrent 
»appapo< , étoient  en  très -grand  nombre; 
ce  mot , qui  signifioit  dans  leur  langue  une 
pierre  que  le  poli  rend  luisante,  resplen- 
dissante, fut  adopté  par  les  Romains,  qui, 
en  le  latinisant,  y attachèrent  la  même  idée. 


EXAMEN 


76 

L’architecture  recherche  dans  les  ma- 
tières qu’elle  emploie  , la  solidité  et  la 
beauté  , et  s’embarrasse  fort  peu  de  nos 
divisions  en  genres  ou  espèces  ; on  donna 
donc  indistinctement  chez  ces  deux  peu- 
ples, et  on  a donné  long-temps  parmi  nous, 
le  nom  de  marbre  à des  pierres  dont  les 
propriétés  physiques  sont  d’ailleurs  fort 
différentes. 

Caryophillus  , dans  son  traité  de  Mar - 
moribus  antiquis  , publié  en  1743  , en 
compte  jusqu’à  soixante-quinze  , dont  les 
auteurs  grecs  ou  latins  ont  fait  mention  • 
mais  de  ce  nombre  , sont  les  granits  , les 
porphyres,  l’ophite,  les  basaltes,  la  pierre 
obsidienne , etc. 

Nous  manquions  d’expressions  propres 
au  langage  des  arts , lorsqu’ils  reparurent 
parmi  nous  ; et  les  langues  modernes  ne 
se  prêtant  que  difficilement  à la  formation 
de  nouveaux  mots , on  trouva  qu’il  étoit 
plus  facile  d’adopter  les  termes  grecs  ou 
latins  ÿ on  se  les  rendit  donc  propres , et 
ceux  - mêmes  qui  ignoroient  les  langues 
anciennes  se  familiarisèrent  avec  des  mots 
grecs,  et  s’accoutumèrent  peu -à -peu  à y 
attacher  les  idées  dont  les  savans  leur  fai- 


DE  QUELQUES  MARBRES  ANTIQUES.  77 

soient  part,  d’après  une  étude  profonds 
des  écrivains  de  l’antiquité. 

Isidore  de  Séville , qui  vivoit  dans  le 
septième  siècle  , avoit  dit  dans  son  ou- 
vrage sur  les  Origines , marmora  dicuntur 
eximii  lapides  , qui  maculis  et  coloribus. 
commendantur.  On  adopta  cette  définition 
dans  les  arts  : elle  servit  meme  de  règle  à 
ceux  qui,  les  premiers  parmi  nous,  cul- 
tivèrent l’histoire  naturelle  ; on  continua 
donc  à confondre  sous  le  nom  de  marbre, 
toutes  les  pierres  susceptibles  de  prendre  le 
poli , et  agréablement  colorées. 

La  physique  n’est  qu’une,  mais  elle  est 
immense , et  c’est  beaucoup  pour  un  homme 
que  d’embrasser  une  de  ses  parties  ; c’est 
donc  dans  l’étude  de  la  nature  que  les  se- 
cours mutuels  sont  indispensables. 

Malheureusement  la  chimie  n’est  venue 
que  fort  tard  prêter  ses  moyens  à ceux  qui 
s’adonnoient  à l’histoire  naturelle  -,  aussi, 
avons-nous  vu  de  nos  jours  un  auteur  cé- 
lèbre augmenter  dans  la  lithologie  la  con- 
fusion qui  n’étoit  déjà  que  trop  grande. 
Sans  égard  pour  la  signification  du  mot 
grec,  sans  égard  pour  la  définition  d’Isi- 
dore, qui  ayoit  jusqu’alors  servi  de  règle. 


7$  33  X A M E K 

ïe  célèbre  Linnæus  donnoit , en  17 44,  le 
nom  de  marbre  à la  pierre  à chmx  la  plus 
commune  , à la  pierre  à plâue  , à la  pierre 
de  touche  , etc. 

La  Lithogéognosie  de  Pott , rpielles  que 
soient  les  fautes  qu'on  a remarquées  depuis 
dans  cet  excellent  ouvrage  , occasionna  , 
ainsi  que  je  l’ai  déjà  fait  remarquer  , une 
révolution  avantageuse  dans  l’histoire  du 
règne  minéral;  et  d’après  les  principes  de 
cet  homme,  justement  célèbre,  on  n’a  plus 
admis  dans  la  classe  des  marbres  , (pie  les 
pierres  qui,  outre  la  propriété  de  prendre 
un  beau  poli , avoient  encore  celle  de  pou- 
voir être  converties  en  chaux  vive  par  le 
feu.  On  vit  alors  disparoître  de  cette  classe, 
le  gypse,  la  pierre  d’azur,  la  pierre  ly- 
dienne , les  graniis  , les  porphyres  , les 
ophites , etc.;  et  les  marbres,  regardés 
comme  pierres  calcaires  , ne  furent  plus 
distingués  entr’eux  que  par  leurs  couleurs. 

On  étoit  cependant  encore,  à quelques 
égards,  dans  l’erreur:  les  marbres  colorés 
ne  sont  pas  toujours  de  pure  terre  calcaire  ; 
il  en  est  de  mélangés,  il  en  est  enfin  , qui 
sont  composés  de  différentes  teires. 

J’ayois  eu  occasion  de  voir  plusieurs  fois 


DE  QUELQUES  MARBRES  ANTIQUES.  Jï) 

la  carrière  de  Campan  ; les  veines  vertes 
qui  se  rencontrent  en  abondance  dans  le 
marbre  qu’on  en  tire , et  qui  l’ont  fait  long- 
temps rechercher  parmi  nous  , me  frap- 
poient  : je  ne  trouvois  point  dans  leur 
fracture  le  grain  qui  caractérise  le  marbre ; 
je  soupçonnai  cette  matière  verte  d’être 
schisteuse  ; l’expérience  a changé  mes 
soupçons  en  certitude,  ce  qui  m’a  de  nou- 
veau fait  conjecturer  que  tous  les  marbres 
verts  pouvoient  bien  devoir  leur  couleur 
à la  même  cause  , et  n’être  enfin  que  des 
marbres  mixtes.  Le  point  étoit  d’avoir  des 
échantillons  d’un  volume  suffisant;  on  m’en 
a donné  quelques-uns;  j’en  ai  fait  venir  un 
grand  nombre  d’Autun  (1).  J’en  ai  analysé 
une  partie,  et  cette  analyse  est  le  sujet  du 
mémoire  que  je  présente  aujourd’hui  aux 
chimistes  et  aux  naturalistes. 

(1)  On  sait  combien  les  Ptomains  se  plurent  à em- 
bellir cette  ancienne  ville.  Le  temps  , et  peut-être  la 
main  des  hommes  , ont  tout  détruit  ; on  ne  voit  aujour- 
d’hui que  des  débris , que  des  ruines  sous  lesquelles 
on  trouve  les  plus  beaux  marbres  de  la  Gièce,  les 
ophites,  les  granits,  les  porphyres  les  plus  recherchés 
dans  l’antiquité. 


ï X A M B N 


Examen  d’un  marbî'e  antique  apporté  de 

Home. 

Le  premier  marbre  antique  que  j’ai  sou- 
mis à l’examen,  étoit  une  portion  détachée 
d’un  assez  gros  morceau  de  marbre  cipolin , 
venu  de  Rome  et  appartenant  à Desmarest, 
de  l’académie,  qui , voulant  concourir  aux 
recherches  que  je  faisois  sur  ce  genre  de 
pierre,  n’a  point  hésité  à casser  l’échan- 
tillon, qu’il  garde  dans  son  cabinet. 

Ce  marbre , qui  est  un  de  ceux  que  les 
naturalistes  appellent  poîizones  , se  fait 
distinguer  par  de  larges  bandes  blanches 
et  vertes,  et  ressemble  parfaitement  à celui 
de  ces  belles  colonnes,  dont  on  a décoré  le 
maître-autel  de  l’abbaye  de  Saint  Germain- 
des-Prés. 

Les  Italiens  ont  donné  le  nom  de  cipolino 
à cette  belle  pierre  , à cause  de  sa  couleur 
verte  ; nous  lui  conserverons  le  même  nom, 
quoique  nom  d’atelier  , en  attendant  que 
quelque  naturaliste  le  range  dans  la  classe 
et  sous  la  dénomination  que  l’examen  chi- 
mique doit  sans  contredit  fixer. 

La  simple  inspection  de  ce  marbre  ne 
laisse  apercevoir  rien  de  particulier  dans 

les 


/ 


DE  QUELQUES  MARBRES  ANTIQUES.  fil 

les  zones  blanches,  ou  du  moins,  on  ne 
croit  y voir  que  du  marbre  blanc  ; si  on 
considère  les  zones  vertes , on  y distingue 
des  petites  lames  vertes  parsemées  de  points 
blancs,  qu’on  est  porté  à prendre  pour  des 
grains  de  marbre  ; cependant,  une  expé- 
rience fort  simple  va  nous  convaincre  que 
les  zones  blanches  ne  sont  pas  toujours  du 
marbre  pur.  Si  on  frappe  avec  le  briquet 
un  morceau  de  ce  marbre , on  en  tire  quel- 
quefois des  étincelles  qui  annoncent  déjà 
la  présence  du  quartz  (1);  et  en  effet,  cette 
dernière  substance  se  trouve  souvent  dans 
ce  cipolin  en  assez  grande  quantité,  ainsi 
que  nous  allons  le  démontrer  par  l’expé- 
rience suivante. 

J’ai  soumis  à l’action  de  l’acide  nitreux 
un  morceau  de  ce  marbre  cipolin  , dans 
lequel  on  voyoit  à-peu-près  autant  de 
blanc  que  de  vert  ; son  poids  étoit  de  2 
onces  2 gros  : l’acide  fut  mis  en  quantité 
suffisante,  et  laissé  tout  le  temps  nécessaire 
pour  opérer  la  dissolution  totale  de  la  terre 
calcaire. 

Il  s’est  trouvé  après  l’opération  , 5 gros 

(1)  Wallérius  et  Bomare  s’en  sont  aperçus,  et  en 
ont  parlé  dans  les  Mincralogies  qu’ils  ont  publiées. 

Tome  IL  F 


I 


3a  'EXAMEN 

54  grains  de  matière  , sur  laquelle  l’acide 
nitreux  n’a  voit  point  agi  ; c’étoit  la  por- 
tion de  quartz  qui  s’étoit  rencontrée  dans 
réchantillon  que  j’examinois  , ainsi  que  la 
substance  verte  qui  n’a  voit  reçu  d’autre 
altération  que  celle  d’être  devenue  friable, 
par  la  raison  qu’ayant  perdu  la  terre  cal- 
caire, et  peut-être  un  peu  de  fer,  qui  lui 
servoient  de  ciment,  elle  avoit  en  même- 
temps  perdu  sa  cohérence.  Cette  matière 
verte  est  de  nature  schisteuse  , et  a beau- 
coup de  ressemblance  avec  ces  ardoises 
grises  , dures  et  sonores  , qu^on  tire  sur 
les  bords  de  la  Meuse. 

Quant  au  quartz , il  n’ avoit  également 
point  souffert  de  changement;  il  paroissoit 
seulement  corrodé  dans  tous  les  sens  ; l’a- 
cide avoit  pénétré  par-tout  où  il  y avoit  de 
la  terre  calcaire,  ce  qui  le  faisoit  paroître 
comme  un  amas  de  grains  de  sablon  , que 
l’on  pouvoit  facilement  séparer  les  uns  des 
autres.  Un  seul  morceau  remarquable  par 
sa  grosseur  ( il  pesoit  39  grains  ) , avoit 
conservé  sa  contexture  et  sa  solidité  ; 
c’étoit  une  petite  masse  de  quartz  pur 
dont  les  parties  contiguës  ne  recéloient 
rien  d’étranger. 


DE  QUELQUES  MARBRES  ANTIQUES.  83 

Un  autre  morceau  qui  pesoit  à-peu-près 
un  gros  , et  dont  les  grains  pouvoient  faci- 
lement se  désunir  , avoit  un  de  ses  cotes 
couvert  d’une  légère  couche  de  schiste,  et 
étoit  traversé  dans  son  intérieur  par  plu- 
sieurs petites  lames  de  la  même  matière  ; 
le  reste  du  quartz  étoit  en  petits  fragmens, 
ou  sous  la  forme  de  sablorj. 

La  dissolution  de  la  terre  calcaire,  éten- 
due d’eau  distillée  , et  la  petite  portion  de 
fer  qu’elle  contenoit,  ayant  été  précipitée 
par  quelques  gouttes  d’alkali  , donna  en- 
viron 2 grains  de  safran  de  mars. 

La  liqueur  filtrée  de  nouveau  , je  pro- 
cédai sur-le-champ  à la  précipitation  de 
la  terre  calcaire  avec  le  même  sel  , et  par 
cette  opération  , j’obtins  10  gros  38  grains 
de  terre  parfaitement  blanche  et  de  nature 
vraiment  calcaire. 

En  récapitulant  nos  produits,  nous  trou- 
verons (pie  les  18  gros  de  cipolin  romain, 
contenaient , 

y • 

i°.  Matière  insoluble  dans  l’a- 
cide nitreux  , quartz  et  schiste  (i).  5 gros  54  grains. 

(i)  Il  est  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible  , de 
séparer  entièrement  la  partie  pulvérulente  du  schiste 
d’avec  les  menus  grains  de  quartz  , mais  on  peut  dire  , 

F a 


E X A M E K 

2°.  Fer  sous  forme  de  safran 
de  mars 2 grains. 

3°.  Terre  calcaire.  . . . logros  grains. 

Total.  . 16  gros  32  grains. 

Perte  en  gaz  ou  en  terre 
emportée  par  les  lavages.  . . i gros  4°  grains. 

La  désunion  des  parties  du  marbre  cipo- 
îin  , opérée  par  l’action  de  l’acide  nitreux 
sur  la  terre  calcaire , ne  laisse  apercevoir 
dans  le  mélange  des  trois  terres,  qui  cons- 
titue cette  belle  pierre  , qu’un  amas  confus 
dû  au  hasard  ; ou  , si  l’on  veut , ce  sera 
l’ouvrage  des  alluvions  qui  ont  amoncelé 
des  grains  de  sable  quartzeux  , du  schiste 
et  de  la  terre  calcaire  , sans  aucun  ordre 
et  sans  aucune  proportion  constante  -,  mais 
si  on  fait  attention  à l’arrangement  symé- 
trique qui  existe  entre  les  zones  blanches 
et  vertes , on  ne  sera  pas  peu  embarrassé, 
si  on  veut  en  rechercher  la  cause  -y  et  en 
effet , comment  concevoir  qu’une  masse 
aussi  énorme  que  le  sont  ordinairement 
les  carrières  de  marbre  , ait  pu  , lors  de 

sans  trop  s’éloigner  de  la  vérité  , que  le  schiste  pesoit 
à peine  un  gros  et  demi  , et  que  le  reste  étoit  du  pur 
quarts. 


DE  QUELQUES  MARBRES  ANTIQUES.  83x 

sa  formation  , recevoir  par  des  aliuvions 
alternatives , tantôt  de  la  terre  calcaire  et 
du  quartz  pour  faire  les  zones  blanches  , 
tantôt  de  la  terre  schisteuse  pour  faire  les 
zones  vertes. 

On  n’éprouveroit  peut-être  pas  moins  de 
difficultés , si  on  vouloit  rapporter  la  cause 
de  cet  arrangement  au  poids  respectif  des 
trois  terres  , qui  ont  formé  sous  l’eau  dont 
elles  étoient  imbibées , des  dépôts  différens, 
mais  toujours  placés  dans  l’ordre  de  leur 
pesanteur  spécifique. 

La  chimie  , qui  voit  dans  le  règne  mi- 
néral plus  que  de  la  pesanteur,  plus  que 
de  la  juxtà- position  , ne  peut  se  contenter 
de  ces  explications  : elle  voudroit  quelque 
chose  de  plus  , elle  voudroit  une  raison 
plus  conforme  aux  lois  de  la  nature  tou- 
jours agissante,  et  toujours  occupée  de  la 
formation  des  corps  que  renferment  les 
trois  règnes  ; la  chimie  donc,  pour  rendre 
raison  de  ce  phénomène,  pourroit,  ce  me 
semble,  avoir  recours  aux  lois  de  la  cris- 
tallisation , ou , si  Ton  veut,  de  l’attraction, 
lois  auxquelles  sont  soumis  tous  les  corps 
du  règne  minéral.  Cette  opinion  se  confir- 
mera peut-être  par  la  suite  ; mais  je  m’ar- 

F 3 


86 


EXAMEN 


rête , mon  objet  n’embrasse  que  l’analyse 
des  marbres  , et  point  du  tout  le  système 
de  leur  formation. 

EXAMEN 

ID’un  autre  cipolin  envoyé  d’Autun . 

Parmi  les  différens  marbres  que  j’avois 
reçus  d’Autun  , il  s’en  trouvoit  un  étiqueté 
cipolin,  et  qui  en  effet  mérite  cette  déno- 
mination à cause  de  sa  couleur  verte.  J’en 
avois  deux  échantillons  : le  premier  est  un 
fragment  de  corniche  , dont  les  moulures 
étoient  assez  bien  conservées  ; ce  morceau, 
quoique  d’un  volume  assez  considérable  , 
n'avoit  aucune  veine  blanche  , et  , à cet 
égard,  il  pouvoit  passer  pour  un  marbre 
zmicolor.  Le  second  est  un  fragment  de 
tablette  de  six  lignes  d’épaisseur , traversé 
de  bandes  blanches  quelquefois  fort  larges, 
quelquefois  fort  étroites,  dont  la  direction 
est  en  zigzag,  à-peu-près  comme  ces  bandes 
différemment  colorées  qu’on  voit  sur  les 
tapisseries  dites  Point  de  Hongrie . 

Je  détachai  une  portion  des  bandes  blan- 
ches , et  après  in’étre  assuré,  par  un  essai , 
que  c’étoit  du  marbre  pur,  je  dirigeai  mes 
recherches  sur  la  partie  verte , et  je  n’em- 


I 


DES  MARBRES  D A U T U N . Z'J 

ployai , en  conséquence,  dans  mon  travail, 
que  le  morceau  de  cipoiin  qui  n^avoit  point 
de  veines  blanches. 

Si  on  considère  ce  marbre  dans  ses  frac- 
tures , il  paroît  à l’œil  n’étre  qu’un  amas 
de  petites  lames  luisantes  d’un  blanc  ver- 
dâtre 5 si  on  la  regarde  à la  loupe  , on  ne 
voit  plus  que  des  cristaux  blancs  et  trans- 
parens,  qui  semblent  emprunter  leur  teinte 
verte  du  corps  étranger  dont  nous  allons 
parler  dans  l’instant. 

Que  l’on  mette  un  petit  morceau  de  ce 
marbre  dans  de  l’acide  nitreux  étendu 
d’eau  , la  dissolution  s’en  fait  avec  viva- 
cité , et  à mesure  qu’elle  s’opère,  on  voit 
des  petits  corps  verdâtres  et  brillans  se 
séparer  et  gagner  le  fond  du  vase,  ce  qui 
continue  jusqu’à  ce  que  la  terre  calcaire 
soit  entièrement  dissoute. 

Qu’on  décante  alors  la  liqueur,  et  qu’on 
lave  exactement  la  matière  sur  laquelle  l’a- 
cide nitreux  n’a  point  agi , on  aura  la  partie 
qui  colore  notre  cipoiin,  sans  aucune  alté- 
ration ; c’est  une  sorte  de  mica  ( i ) dans 

(i)  D’Aubenton  , qui  a bien  voulu  jeter  un  coup- 
d’œil  sur  cette  partie  de  mon  travail , m’a  dit  que  cette 
espèce  de  mica  étoit  le  vrai  talcite. 

F 4 


\ 


88 


EXAMEN 


lequel  la  loupe  fait  distinguer  quelques 
petits  cristaux  de  quartz. 

Enlin , la  liqueur  qui  tient  en  dissolution 
la  terre  calcaire  , prendra  avec  la  noix  de 
gale  une  teinte  noire,  ou  donnera  du  bleu 
de  Prusse  avec  l’alkali  de  Dippel. 

En  suivant  le  procédé  que  je  viens  de 
décrire  , j’ai  fait  disssoudre  dans  l’acide 
nitreux  6 onces  2 gros  et  demi  de  ce  même 
marbre , et  le  résultat  de  cette  opératicfea 

r . r 

ete  : 

i°.  Matière  colorante  verte 
ou  talcite 5 gros  69  grains. 

20.  Terre  martiale,  mêlée  d’un 
peu  de  terre  calcaire 28  grains. 

3°.  Terre  calcaire  pure.  . 5 onces  2 gros  18  grains. 

— ■ ■■  ■ — ■ - - 

Total 6 onces  . . . /\b  grains. 

Perte gros  65  grains. 

J’avois  traité  le  marbre  de  Campan  avec 
l’acide  vitriolique  , et  ce  moyen  in’avoit 
parfaitement  bien  réussi  pour  y démontrer 
l’existence  d’une  petite  portion  de  terre 
alumineuse;  j’ai  cru  devoir  aussi  employer 
cet  intermède  avec  le  cipolin  d’Autun:  j’ai 
donc,  pour  cet  effet,  mis  en  poudre  fine 


DES  MARBRES  d’  A U T U N . 89 

2 onces  de  ce  marbre  , que  j’ai  arrosé  de 
19  à 20  onces  d’eau  distillée  rendue  aigre- 
lette par  l’acide  de  vitriol  : cette  manière 
est  beaucoup  plus  courte  que  celle  que 
j’avois  suivie  en  vitriolisant  le  marbre  de 
Campan  : il  ne  m’a  fallu  cette  fois  que  24 
heures  au  plus  pour  opérer  la  saturation 
de  tout  ce  qui  étoit  susceptible  de  s’unir 
à l’acide. 

La  sélénite  ou  gypse  factice  ayant  été 
séparée  de  la  liqueur  par  le  moyen  du 
filtre  , et  l’évaporation  en  ayant  été  faite, 
partie  au  bain  de  sable,  partie  à la  tempé- 
rature de  l’atmosphère  , j’ai  obtenu  sept 
petits  cristaux  d’alun,  et  un  peu  de  vitriol 
martial.  J’ai  lieu  de  soupçonner  que  la  terre 
qui  sert  de  base  au  sel  de  Sedlitz,  s’y  trouve 
aussi, parce  qu’au  milieu  du  vitriol  martial, 
qui  étoit  ici  sous  la  forme  d’eau-mère  , j’ai 
aperçu  quelques  petits  cristaux  prismati- 
ques qui  avoient  tous  les  caractères  du  sel 
de  Sedlitz,  mais  n’ayant  pu  les  goûter,  je 
suis  resté  dans  le  doute. 

En  vitriolisant  le  marbre  cipolin  qui 
fait  le  sujet  de  cet  article,  il  s’est  présenté 
un  accident  que  je  crois  ne  devoir  point 
passer  sous  silence. 


ÿO  EXAMEN 

La  terre  calcaire  combinée  avec  l’acide 
vitrioliqne,  avoit  gagné  le  fond  du  vase, 
et  étoit  surmontée  d’environ  un  pouce  de 
liqueur  claire  et  limpide  , qui , en  moins 
de  6 heures  , se  couvrit  à son  tour  d’une 
pellicule  qui  ressembloit  à une  feuille  d’or  ; 
en  versant  sur  le  filtre  la  sélénite  et  la  li- 
queur dans  laquelle  elle  s’étoit  formée  , 
cette  pellicule  dorée  garda  constamment 
le  dessus,  et  perdant  par  la  filtration  l’eau 
qui  la  soutenoit , elle  sc  posa  sur  la  sélé- 
nitc  , et  y resta  fixée  meme  après  la  des- 
siccation parfaite,  sans  que  la  couleur  d’or 
ait  souffert  la  moindre  altération  jusqu’à 
ce  jour. 

Cette  matière  m’en  imposa  un  instant; 
mais  ayant  répété  le  procédé  pour  in’en 
procurer  une  quantité  suffisante  , je  l’ai 
soumise  à quelques  expériences  qui  m’ap- 
prirent que  c’étoit  du  fer  , à la  vérité  , 
dans  un  état  singulier  , mais  que  je  re- 
garde comme  dû  à l’air  qui  s’échappe  au 
moment  de  l’effervescence,  et  se  combine 
avéc  la  portion  de  ce  métal  qui  se  trouve 
dans  le  marbre;  enfin,  je  crois  qu’il  en  est 
de  cette  pellicule  couleur  d’or,  comme  des 
cristaux  noirs  qui  se  forment  à la  superficie 


DES  MARBRES  ïf  A U T U N . i)l 

de  l’eau  où  on  a précipité  du  sublimé  cor- 
rosif, et  dont  j’ai  parlé  dans  la  troisième 
partie  de  mes  Essais  sur  les  précipités  de 
mercure. 

Ex  amen  d’un  troisième  cipolin  d’ Autan  y 
et  connu  en  Italie  sous  le  nom  D’Aman- 
dola  (1). 

De  quclqu’endroit  que  les  Romains  aient 
tiré  le  marbre  qui  fait  le  sujet  de  cet  article, 
et  dont  j’avois  reçu  plusieurs  échantillons 
d’Àutun,  il  est  certain  qu’il  a beaucoup  de 
rapport  avec  les  parties  du  vert  de  Campait , 
dans  lesquelles  il  ne  se  rencontre  point  de 
rouge. 

Un  morceau  de  ce  marbre  cipolin  ou 
amandola  , du  poids  de  2.  onces  , traité 
par  l’acide  nitreux  , a donné  : 
i°.  Matière  colorante 

verte  qui  est  un  vrai  schiste.  . . . 3 gros  12  grains. 

2°.  Précipité  martial 9 grains. 

3°.  Terre  calcaire  parfai- 
tement blanche 1 once  3 gros  68  grains. 

Total once  7 gros  57  grains. 

Perte 55  grains. 

(1  ) Cette  espèce  de  marbre  n’est  pas  rare  en  France  , 
on  en  trouve  fréquemment  dans  les  Pyrénées  , sur-y 


$2  EXAMEN 

Ce  marbre  est  de  tous  ceux  que  j’ai  traités 
jusqu’ici,  le  plus  propre  à démontrer  l’ar- 
rangement de  la  partie  schisteuse  à laquelle 
est  due  la  couleur  verte  qui  le  distingue. 

L’acide  qui  n’a  d’action  que  sur  la  terre 
calcaire,  en  dissolvant  cette  dernière,  laisse 
subsister  en  entier  la  partie  schisteuse  qui 
forme  une  sorte  de  tissu  cellulaire  , ou  un 
assemblage  d’alvéoles  , dans  lesquelles  la 
partie  calcaire  se  trouvoit  enfermée  ; or , 
c’est  à ces  alvéoles,  ou  plutôt  à leurs  cloi- 
sons , que  notre  marbre  doit  sa  variété  de 
couleur  5 ce  sont  elles  qui  font  les  hachures 
vertes  qu'on  y remarque. 

Si  donc  on  veut  se  donner  la  satisfaction 
de  pouvoir  considérer  à son  aise  l’arran- 
gement des  cellules , il  ne  faut  pas  , en 

tout  dans  le  Couserans.  J’en  ai  examiné  plusieurs  , 
et  je  les  ai  trouvés  parfaitement  ressemblans  à celui 
dont  il  est  question  dans  cet  article.  Les  Italiens  lui 
ont  donné  le  nom  d ' Amandola , parce  que  les  petites 
portions  de  marbre  blanc  , paroissent  enfermées  dans 
la  partie  verte,  comme  les  amandes  le  sont  dans  ces 
gâteaux  appelles  vulgairement  Nouga . C’est  ainsi  que 
le  Benjoin  en  masses  parsemées  de  larmes  blanches  , 
est  désigné  dans  les  pharmacies  sous  le  nom  de  Ben - 
zoinum.  Amygdaloïdes . 


DES  MARBRES  D*  AU  T UN.  ÿ’i 

traitant  ce  marbre,  attendre  la  dissolution 
totale  de  la  substance  calcaire  ; car  alors 
le  schiste  n’ayant  plus  de  soutien  , il  est 
difficile  de  le  retirer  du  dissolvant  sans  en 
détruire  l’aggrégation  , sans  le  réduire  en 
poudre  ; il  est  donc  à propos  de  ne  laisser 
le  morceau  de  marbre  dans  l’acide,  que  le 
temps  nécessaire  pour  dissoudre  un  quart 
au  plus  de  la  terre  calcaire  ; on  peut  alors 
Pen  retirer,  le  laver  à plusieurs  eaux,  sans 
craindre  la  désunion  des  cloisons. 

En  examinant  l’ordre  des  cellules,  on 
sera  peut-être  conduit  à dire  quelque 
chose  de  satisfaisant  sur  leur  formation  , 
que  je  suis  toujours  porté  à attribuer  à 
la  cristallisation  , ou  à l’attraction  qui  a 
rassemblé  le  schiste  en  différentes  couches, 
lorsque  le  mélange  des  deux  terres  (la  cal- 
caire et  la  schisteuse  ) passoit  de  l’état  de 
fluidité  à celui  de  coagulation  , de  l’état 
terreux  à l’état  pierreux  (1). 

(i)  On  trouvera,  sans  doute,  de  la  difficulté  à con- 
ce\ oir  que  deux  terres  bien  mélangées  et  réduites  en 
une  sorte  de  boue,  puissent,  en  se  lapidifiant , se 
séparer  l’une  de  l’autre , et  former  des  pierres  de  leur 
propre  genre;  mais  un  exemple  très-commun  ne  pour- 


9 4 


E X A M E N 


Examen  (T un  quatrième  marbre  d' Autun, 

connu  sous  le  nom  de  Vert-antique. 

Ce  marbre  qui  présente  clés  couleurs 
très- variées  , devoit  produire  un  grand 
effet  par- tout  où  on  l’employoit.  Le  fond, 
qui  est  d’un  vert  tendre  , se  trouve  par- 
semé de  taches  noires  , blanches  , d’un 
vert  foncé  , d’un  vert  obscur , et  quelque- 
fois on  y remarque  du  pourpre. 

Pour  peu  qu’on  y lasse  attention  , on 
voit  que  ces  couleurs  ne  s’étendent  et  ne 

roit-il  pas  nous  prouver  au  moins  la  possibilité  de  ce 
que  j’avance. 

Entrons  dans  les  laboratoires  des  pharmaciens  , et 
voyons-y  des  électuaires  d’une  consistance  très-forte  , 
dans  lesquels  cependant  on  découvre  quelquefois 
d’assez  gros  cristaux  de  sucre  : voyons-y  des  cristaux 
de  sel  marin  et  de  nitre  se  former  dans  des  extraits  fort 
solides  : les  pulpes  , les  poudres,  dans  les  premiers  , 
la  substance  extractive  très-rapprochée , dans  les  se- 
conds , n’ont  point  empêché  les  sels  de  se  former  et 
de  prendre  le  caractère  propre  à leurs  cristaux  5 ces 
sels  , à la  vérité  , ne  sont  pas  très-purs  , ils  se  res- 
sentent du  milieu  dans  lequel  ils  ont  été  formés  5 mais 
aussi-,  dans  les  marbres  amandolins  dont  je  parle  , 
le  schiste  participe  un  peu  de  la  terre  calcaire  , et 
celle-ci  contient  un  peu  de  echiste. 


DES  MARBRES  d'  A U T U N.  g5 

se  perdent  pas  dans  celle  qui  forme  le 
fond  ; ce  sont  autant  de  petits  morceaux 
détachés , ou  circonscrits  que  l’on  parvient 
même  à séparer  des  parties  voisines  aux- 
quelles elles  n’adhèrent  que  par  juxtà-posi- 
tion  ; enfin  , ce  sont  des  petits  corps  étran- 
gers; ce  sontdescorpssolidesenfèrmésdans 
un  autre  corps  solide  ; soiida  ïntrà  soli- 
duîTi  nata , et  à cet  égard  notre  marbre 
antique  se  rapproche  des  brèches. 

Si  on  examine  ce  vert-antique  dans  des 
fractures  récentes,  on  y aperçoit  un  grain 
cristallisé  qui  ressemble  plus  à celui  de 
certains  talcs  , qu’à  celui  des  marbres. 

Il  seroit,  sans  doute  , intéressant  d’exa- 
miner en  particulier  chacune  des  diffé- 
rentes petites  pierres  qui  se  rencontrent 
dans  le  marbre  dont  je  parle  ; mais  les 
échantillons  que  j’avois  , ne  m’ont  pas 
permis  de  varier  et  d’étendre  mes  procédés 
autant  que  je  l’aurois  désiré. 

J’ai  donc  été  obligé  de  me  borner  à dé- 
tacher des  petites  portions  de  chacune  des 
pierres  colorées  , et  l’expérience  m’a  appris 
que  les  fragmens  blancs  étoient  du  marbre 
pur  ; que  ceux  qui  sont  verts  obscurs  , 
verts  foncés,  ne  dévoient  ces  nuances 


EXAMEN 


96 

qu’à  leur  masse  , et  que  d’ailleurs  ils  sont 
transparens  ; enfin  , les  fragmens  verts  et 
noirs  paroissent  n'être  point  attaqués  par 
l’acide  nitreux.  Je  dis  , paroissent  ne  point 
etre  attaqués,  car  si  on  les  laisse  dans  ce 
dissolvant  , il  agit  insensiblement  sur  la 
plupart  d’entre  eux  , et  pénètre  meme 
jusque  dans  leur  centre  5 ce  qui  leur  fait 
perdre  la  transparence,  la  contiguïté  et 
la  cohérence  de  leurs  parties  , en  sorte 
qu’ils  deviennent  pulvérulens.  Leur  cou- 
leur est  alors  altérée  , mais  il  faut  beau- 
coup de  temps  pour  opérer  ces  change- 
mens  , ainsi  que  nous  allons  le  voir  dans 
l’expérience  suivante. 

Ayant  exposé  à l’action  de  l’acide  ni- 
treux un  morceau  de  ce  vert -antique  , 
dont  le  poids  étoit  d’une  once  , ce  dissol- 
vant attaqua  promptement  les  parties  blan- 
ches , les  parties  vraiment  calcaires  , tandis 
qu’il  ne  paroissoit  pas  toucher  aux  parties 
vertes  ; bientôt  l’effervescence  disparut , 
ou  du  moins  elle  ne  se  faisoit  plus  aper- 
cevoir aux  yeux  5 mais  en  approchant  de 
l’oreille  le  vase  où  se  faisoit  l’opération  , 
on  entendoit,  de  temps  en  temps,  un 
bruit  léger  qui  annonçoit  que  l’acide 

continuoit 


97 


des  marbres  d’au  t un. 

continuoit  à agir  sur  la  matière  5 la  cap- 
sule fut  couverte  d’un  carton  , et  laissée 
à la  température  de  l’atmosphère. 

Ce  ne  fut  que  le  trente-quatrième  jour 
après  l’opération  commencée  , que  le  bruit 
léger  dont  j’ai  parlé  ne  se  faisoit  plus  en- 
tendre ; l’acide  nitreux  étoit  saturé  , il  en 
lut  substitue  d autre  , et  le  petit  mouve- 
ment de  dissolution  se  rétablit , et  ne 
cessa  que  deux  mois  après. 

A cette  dernière  époque,  tout  ce  qui 
pouvoit  être  dissous  par  l’acide  nitreux  , 

1 doit  en  effet.  Je  confondis  les  deux  dis- 
solutions auxquelles  furent  ajoutés  les 
lavages  de  la  matière  insoluble  qui,  bien 
séchée  , pesoit  2 gros  5a  grains.  Elle 
étoit  encore  en  un  seul  morceau  et  d’un 
volume  à-peu-près  égal  à celui  de  l’échan- 
tillon , dont  elle  n’etoit  qu’une  partie  ; 
elle  est  corrodée,  percée  en  tous  sens  , le 
moindre  attouchement  la réduiten  poudre, 
les  trous  qu’on  y aperçoit , sont  les  cellules 
des  parties  blanches  , ou  pierre  calcaire  ; 
on  y découvre  des  vestiges  des  parties 
colorées  en  vert  ou  en  noir  , mais  elles 
sont  devenues  si  friables  , quelles  se  pul- 
vérisent sous  les  doigts. 

Tome  IL 


G 


B X A M E N 


98 

Cette  matière  insoluble  , considérée  à 
la  loupe  , ne  paroi t qu’un  amas  confus 
qu’il  n’est  pas  aisé  de  définir  ; mais  quoi- 
que dans  cet  échantillon  je  trouve  de  la 
difficulté  à lui  assigner  la  place  qu’elle  doit 
occuper  dans  l’ordre  de  nos  connoissances 
lithologiques,  je  pense,  et  ceci  sera  dé- 
montré dans  un  instant,  qu’elle  doit  être 
rangée  avec  les  pierres  que  les  naturalistes 
appelent  argileuses  , et  notamment  avec 
le  talc  connu  sous  le  nom  de  craie  de 
Briançon. 

En  examinant  soigneusement  cette  ma- 
tière , j’y  ai  découvert  une  pierre  ver- 
dâtre , de  la  forme  et  de  la  grosseur  d’un 
petit  grain  de  café , sur  laquelle  l’acide 
nitreux  n’a  point  eu  d’action  ; c’est , à ce 
qu’il  me  semble  , un  petit  fragment  de  talc 
pur  qui  a conservé  sa  contexture,  sa  cou- 
leur verdâtre  et  sa  transparence. 

Il  en  est  tout  autrement  des  parties 
colorées  en  noir  qui , à la  vérité  , ont 
conservé  leur  forme  et  leur  couleur  5 mais 
l’acide  y ayant  rencontré  une  substance  sur 
laquelle  il  pouvoit  agir,  les  a pénétrées  et 
rendues  friables. 

La  dissolution  de  la  terre  calcaire  ayant 


DES  MARBRES  d’  A UT  U N.  99 

été  filtrée  et  précipitée  en  un  seul  temps 
par  l’alkali  fixe  , a donné  5 gros  6 grains 
de  terre  calcaire  un  peu  martiale  ; ajou- 
tons les  2 gros  5 2 grains  de  matière  inso- 
luble , nous  aurons  un  total  de  7 gros 
58  grains,  et  la  perte  sera  de  \\  grains. 

Ayant  traité  par  l’acide  nitreux  une  once 
du  même  marbre  réduit  en  poudre  fine, 
la  dissolution  de  la  partie  calcaire  a été 
achevée  en  moins  de  deux  jours  ; les  ré- 
sultats ont  été  d’ailleurs  les  mêmes,  à quel- 
cjues  grains  près. 

Autre  procédé  par  V acide  vitriolique . 

J’ai  aussi  traité  2 onces  de  ce  marbre 
réduit  en  poudre  , avec  l’acide  vitriolique, 
et  , outre  la  sélénite  , j’ai  obtenu  environ 
3o  grains  de  sel  de  Sedlitz  pur  et  bien 
caractérisé  , ce  qui  prouve  démonstrati- 
vement que  la  terre  qui  sert  de  base  à ce 
sel , se  rencontre  aussi  dans  notre  vert- 
antique  (1). 

Les  échantillons  que  j’avois  reçus  d’ Au- 
tun  , étoient  des  fragmens  de  tablettes  , 
de  5 , 6 et  9 lignes  d’épaisseur  ; ils  n’é- 

(1)  Dans  ce  procédé  on  obtient  la  pellicule,  couleur 
d’or  , dont  j’ai  parlé. 

G 2 


2 00  E X A M E N 

toient  pas  d’un  beau  poli  ; exposés  a l’air 
ou  enfouis  pendant  quinze  siècles  au 
moins  , leur  surface  étoit  altérée  ; mais 
en  les  frottant  sur  un  grès  , je  suis  parvenu, 
en  quelques  minutes  „ à faire  reparoître 
leurs  belles  couleurs.  En  supposant  que 
ces  différens  morceaux  soient  sortis  origi- 
nairement de  la  même  carrière,  je  dois 
faire  observer  qu’ils  différoient  entre  eux 
à bien  des  égards.  Dans  les  uns,  les  corps 
colorés  en  noir , en  yert  foncé  , en  vert 
obscur  , sont  les  do  min  ans  ; la  matière  qui 
leur  sert  d’excipient  ou  de  ciment  , se 
trouve  alors  en  moindre  quantité  , tandis 
qu’elle  domine  dans  d’autres.  J’ai  un  de 
ces  échantillons  où  l’on  voit  une  portion 
de  marbre  blanc  d’un  pouce  de  longueur 
sur  9 lignes  d’épaisseur  ; au  lieu  que  dans 
les  autres , le  marbre  blanc  ne  se  rencontre 
qu’en  petits  fragmens  : enfin  , il  en  est  de 
notre  vert-antique  comme  de  tous  les  mar- 
bres mixtes  , où  on  trouve  rarement  une 
ressemblance  parfaite  entre  des  tables 
tirées  du  même  bloc. 

L’examen  chimique  donne  donc  des 
variétés  dans  les  produits  , et  on  ren- 
contre dans  un  échantillon  ce  qu’on  n’avoit 


DES  MARBRES  d’ A U T U N.  101 

pas  trouvé  dans  un  autre.  J’en  apporte 
pour  preuve  très- convaincante  l’expérience 
suivante. 

Un  morceau  de  marbre  vert-antique , 
qui  pesoit  6 gros  66  grains  , ayant  été  mis 
dans  une  suffisante  quantité  d’acide  ni- 
treux , y perdit  toute  la  terre  calcaire 
qu’il  contenoit  , et  se  trouva  réduit  à 3 
gros  1 5 grains. 

Cette  matière  insoluble  est  dans  un  état 
bien  différent  de  celui  que  nous  avons 
remarqué  dans  la  portion  insoluble  ob- 
tenue par  le  procédé  dont  j’ai  rendu 
compte  au  commencement  de  cet  article? 
là,  c’étoit  un  amas  pulvérulent,  confus, 
peu  ou  point  caractérisé  ; ici  , c’est  un 
amas  de  petits  cristaux  réguliers  qui 
n’adhèrent  les  uns  aux  autres  que  très- 
foiblement , ne  se  touchant  , pour  ainsi 
dire  , que  par  un  point  ; ils  laissent  en- 
tre eux  les  interstices  que  remplissoit  la 
terre  calcaire  , enlevée  par  l’acide  de 
nitre. 

Ce  morceau  qui  offre  à la  loupe  une  de 
ces  raretés  dignes  de  tenir  une  place  dans 
un  cabinet  d’histoire  naturelle  , me  paroît 
très- propre  à confirmer  ce  que  j’ai  avancé 

G 5 


102  EXA3MEW 

touchant  le  schiste  qui  formait  les  cloisons 
des  cellules  que  nous  avons  remarquées 
en  examinant  le  second  marbre  d’Autun. 
Mais  ce  qui  n’est  pas  moins  intéressant  , 
c'est  que  ce  même  morceau  peut  servir  à 
nous  bien  faire  connoître  la  nature  tal- 
queuse  de  la  matière  insoluble  , qui  con- 
court avec  la  terre  calcaire  à former  notre 
marbre,  et  lui  donne  les  belles  couleurs 
qui  l’ont  fait  autrefois  et  le  font  encore 
rechercher. 

Au  reste , la  quantité  de  pierre  talqueuse 
que  contient  le  marbre  vert-antique,  la 
portion  de  terre  sedlicienne  qui  s’y  ren- 
contre , le  rapprochent , à la  vérité  , des 
serpentines  ollaires  ; mais  la  terre  calcaire 
y étant  la  dominante  , nous  sommes  forcés 
de  lui  conserver  sa  dénomination. 

I 

Examen  d’un  cinquième  m^arbre. 

J’ai  examiné  un  autre  marbre  vert  venu 
d’Autun  , qu’on  m’avoit  désigné  sous  le 
nom  de  Vert- Africain  , et  j’en  ai  retiré 
par  once  jusqu’à  4 gros  7 grains  de  matière 
insoluble,  5 gros  22  grains  de  terre  calcaire 
colorée  par  un  peu  de  fer.  Si  on  le  vitrio- 
lise  , là  pellicule  couleur  d’or  se  manifeste, 


s 


DES  MARBRES  D A U T U X.  lo3 

et  on  retire  quelques  cristaux  d’alun  et 
un  peu  de  vitriol  martial. 

D’après  ces  expériences , qui  toutes  ont 
été  faites  sur  des  marbres  verts,  il  me  sem- 
ble qu’on  ne  peut  ranger  les  pierres  de 
ce  nom  , que  dans  la  classe  des  marbres 
mixtes  ; et  en  effet,  cette  espèce  est  si 
éloignée  de  celle  que  j’ai  appelée  pure , 
que  la  plupart  de  ceux  que  j’ai  examinés 
pourroient  être  aussi  bien  placés  dans  les 
schistes  que  dans  les  marbres. 

Mais  de  tous  les  marbres  ceux  que  la 
couleur  verte  caractérise  , seroient-ils  les 
seuls  qui  se  feroient  distinguer  par  un 
mélange  de  terre  schisteuse  et  de  terre 
calcaire  ? Non  , sans  doute  , et  il  me  reste 
à en  présenter  deux  autres  aux  naturalistes, 
l’un  de  copieur  rouge  , qui  ne  peut  être 
placé  qu’avec  les  marbres  mixtes  , l’autre 
de  couleur  noire , qui  doit  être  rejeté 
même  de  la  classe  des  marbres. 

Examen  cT un  marbre  rouge  envoyé 
d’Autun . 

Ce  marbre  qui  est  d’une  belle  couleur 
rouge  , nuancée  de  différentes  teintes  , 
faisoit  partie  de  ceux  que  j’avois  reçus 

G 4 


EXAMEN 


io4 

d’Autun  , et  étoit  désigné  sous  le  nom  de 
Griotte. 

Exposé  en  masse  au  poids  d’une  once  , 
à l’action  de  l’acide  nitreux  , il  a fallu  près 
d’un  mois  pour  opérer  la  dissolution  de 
toute  la  partie  calcaire,  et  les  produits 
ont  été  : 

i°.  Schiste  couleur  de  lie  de  vin.  2 gros  5 grains. 

2°.  Terre  martiale 8 grains. 

3°.  Terre  calcaire  pure.  ...  5 gros  23  grains. 

Total . . . 7 gros  36  grains. 

Perte 36  grains. 

Si  on  réduit  ce  marbre  en  poudre  line , 
et  qu’on  l’expose  en  cet  état  dans  l’acide 
nitreux  , la  dissolution  de  la  terre  calcaire 
se  fait  en  peu  de  temps , la  portion  inso- 
luble ou  schisteuse  étant  alors  très-divisée 
est  d’une  belle  couleur  de  lilas,  les  pro- 
duits sont  d’ailleurs  les  mêmes  que  ceux  de 
l’autre  procédé. 

Enfin  , ce  marbre  rouge  contient  aussi 
un  peu  de  cette  terre  qui  sert  de  base  au 
sel  de  Sedlitz  5 j’en  ai  vitriolisé  une  once, 
et  j’ai  obtenu  9 à 10  grains  de  ce  sel  en 
cristaux  bien  caractérisés. 


CES  MARBRES  d’  A U T U N.  lo5 

Examen  d’une  pierre  envoyée  d* A utun  , 

sous  le  nom  de  Marbre  noir  antique. 

En  supposant  que  les  Pvomains  ont  em- 
ployé dans  leurs  édifices  la  pierre  dont  je 
vais  parler  , on  peut  dire  que  leurs  archi- 
tectes mettoient  en  usage  toutes  celles  qui 
par  leur  couleur  pouvoient  contribuer  à la 
décoration  des  monurnens  qu’ils  étoient 
chargés  d’élever. 

Celle-ci  ayant  de  la  disposition  à se  sé- 
parer par  couche,  lorsqu’on  essaie  de  la 
rompre  , pouvoit  d’avance  être  placée  dans 
la  classe  des  pierres  scissiles  ou  schis- 

i 

teuses. 

Elle  est , à volume  égal  , beaucoup 
moins  pesante  que  les  marbres  , et  quoi- 
qu’elle n’ait  pas  leur  dureté,  elle  ne  laisse 
pas  d’être  susceptible  d’un  beau  poli  , et 
alors  elle  est  d’un  beau  noir  ; si,  au  con- 
traire , on  la  considère  dans  ses  fractures  , 
la  couleur  noire  est  matte  ; son  grain  n’a 
d’ailleurs  aucun  rapport  avec  celui  des 
, marbres  proprement  dits. 

Si  on  échauffe  cette  pierre,  soit  en  la 
frottant , soit  en  la  pilant , elle  répand  une 
odeur  de  bitume. 


io6  E X A M E N 

Si  on  en  met  un  petit  morceau  sur  des 
charbons  ardens  , il  s’en  élève  une  fumée 
bitumineuse  , et  bientôt  il  s’enflamme. 

Si  on  en  pulvérise  une  demi-once  , et 
qu’on  la  fasse  digérer  avec  de  l’esprit-de- 
vin.  , celui-ci  se  colore  et  acquiert  la  pro- 
priété de  blanchir  avec  l’eau. 

J’en  ai  traité  2 onces  dans  les  vaisseaux 

T 

fermés,  et  j’en  ai  retiré  environ  un  gros 
et  demi  d’huile  et  de  phlegme. 

Ce  qui  étoit resté  dans  la  cornue  ne  pesoit 
plus  qu’une  once  5 gros  24  grains;  il  s’en 
étoit  donc  échappé  environ  4 5 grains 
d’air  (1). 

J’en  ai  soumis  à l’action  de  l’acide  ni- 
treux une  once  réduite  en  poudre , et 
par  la  précipitation  j’en  ai  retiré  4 h 5 

(1)  Cette  matière  charbonneuse,  restée  dans  la 
retorte , quoique  friable  , a conservé  une  certaine 
dureté  qui  la  rend  propre  à former  sur  le  papier  des 
traits  d’un  beau  noir  ; il  seroit  possible  de  faire  avec 
cette  pierre  de  bons  crayons  , en  en  traitant  au  feu  et 
dans  des  vaisseaux  fermés  des  morceaux  d’une  cer- 
taine grosseur  , qu’il  seroit  alors  facile  de  débiter  à la 
scie  : peut-être  seroit-il  avantageux  pour  les  dessina- 
teurs d’en  retrouver  la  carrière  qui  pourroit  fort  bien 
se  trouver  dans  les  environs  d’Autun  , ou  du  moins 
dans  le  Morvan. 


DES  MARBRES  d’aUTUN.  10J 

grains  de  fer  et  un  gros  3i  grains  de  terre 
calcaire. 

La  portion  insoluble  pesoit  6 gros  29 
grains. 

Enfin  , j’ai  yitriolisé  une  once  de  cette 
même  pierre,  et  par  cette  opération,  j’ai 
non-seulernent  converti  en  sélénite  gyp- 
seuse  tout  ce  qui  s’y  trouvoit  de  terre  cal- 
caire , mais  encore  j’ai  obtenu  par  cristal- 
lisation 42  grains  d’alun , q.3  grains  de 
vitriol  martial,  enfin  les  dernières  portions 
de  liqueur  ont  donné  quelques  cristaux  de 
sel  de  Sedlitz. 

Cette  somme  d’expériences  est  plus  que 
suffisante  pour  faire  rejeter  la  pierre  dont 
je  viens  de  parler  de  la  classe  des  marbres 
mixtes  , sa  vraie  place  devant  être  avec 
les  bitumes,  ou  du  moins  avec  les  schistes 
bitumineux. 


io8 


EXAMEN 


TROISIÈME  PARTIE. 

Examen  de  la  serpentine  d’ Allemagne  > 
du  Limousin , et  de  la  stcatite  de  Corse. 

M argraff,  dont  la  réputation  est  si 
bien  établie  et  si  justement  méritée , a fait 
des  recherches  sur  la  serpentine  , et  il  y a 
trouvé  en  abondance  la  terre  qui  fait  la 
base  du  sel  cathartique  amer.  Il  l’a  égale- 
ment rencontrée  dans  la  pierre  néphréti- 
que, dans  la  pierre  de  Lard,  dans  l’amiante, 
dans  le  talc  et  dans  le  sel  marin  à base 
terreuse  ; enfin  , ce  chimiste  a combiné 
cette  même  base  de  différentes  manières  , 
dans  la  vue  d’en  constater  les  propriétés. 

J’ai  répété  les  expériences  de  Margraff , 
elles  sont  toutes  vraies  (1)  ; mais  comme 
son  but  n’étoit  pas  , ou  du  moins  ne  paroît 
pas  avoir  été  de  faire  une  analyse  , il  s’en 
est  tenu  , à l’égard  de  la  serpentine  et  des 
autres  pierres,  à des  procédés  purement 
halotecniques  , dont  il  a même  négligé  de 
fixer  les  résultats. 

(1)  J’en  excepterai  pourtant  une  dans  la  suite  , sur 
laquelle  j’ai  môme  plus  que  du  doute. 


I?  E LA  SERPENTINE.  109 

Dans  le  dessein  où  j’étois  de  suivre  le 
travail  que  j’ai  entrepris  sur  les  marbres  et 
sur  d’autres  pierres  , qu  on  a souvent  con- 
fondues avec  les  marbres  , j’ai  cru  devoir 
suppléer  à ce  qui  me  paroissoit  manquer 
dans  l’ouvrage  de  Margraff,  quelqu’inté- 
ressant  qu’il  soit  d’ailleurs  , et  ce  supplé- 
ment est  l’objet  du  mémoire  que  je  publie 
aujourd’hui. 

La  serpentine  sur  laquelle  j’ai  travaillé , 
est  cette  pierre  opaque  , de  couleur  verte 
obscure  et  différemment  nuancée , qu’on 
nous  apporte  d’Allemagne  sous  la  forme 
de  pots,  de  boîtes  , d’écritoires , de  mor- 
tiers, etc.  et  dont  on  trouve  aussi  des  car- 
rières en  France. 

t 

Cette  pierre  , qui  est  susceptible  du  poli , 
se  travaille  aisément  sur  le  tour,  et  les 
ouvrages  qu’on  en  fait  , principalement 
les  mortiers,  sont  d’un  grand  débit  • on  les 
emploie  communément  dans  les  labora- 
toires allemands.  Le  bon  marché  de  cette 
sorte  d’ustensile  , m’a  paru  être  la  seule 
cause  du  grand  usage  que  j’en  ai  vu  faire 
au-delà  du  Rhin  ; en  France  on  les  a re- 
jetés ; ils  sont  trop  tendres  , et , quelle  que 
soit  la  différence  du  prix,  nous  leur  préfé- 


ïiO  EXAMEN 

rons  , avec  juste  raison  , les  mortiers  de 
marbre,  de  porcelaine  et  de  verre. 

Mais  si  la  facilité  d’être  corrodée  rend 
la  serpentine  peu  propre  aux  usages  aux- 
quels l’art  prétend  l’amener  , en  en  faisant 
sans  peine  des  mortiers  de  diverses  gran- 
deurs, il  faut  convenir  que  sa  composition 
naturelle  n’en  mérite  pas  moins  d’être 
connue.  J’ose  même  croire  que  la  curiosité 
des  chimistes  sera  piquée  au  point  de  re- 
commencer quelque  jour  mon  travail,  et 
de  le  rendre  meilleur  5 il  étoit  fait,  lors- 
qu’en  1775  , Costel  , qui  s’occupoit  de 
traduire  la  dissertation  de  Margraff,  m’en 
parla  et  mêla  communiqua.  Je  n 'étais  plus 
le  premier  qui  eût  traité  cette  matière  ; 
mais  il  étoit  encore  flatteur  pour  moi  de 
marcher  sur  les  pas  de  Margraff,  j’ai  refait 
mon  mémoire  , en  tâchant  de  rendre  à ce 
chimiste  toute  la  justice  qu’il  méritoit , et 
en  évitant  avec  soin  de  me  mettre  à sa 
place. 

Effet  du  feu  sur  la  serpentine  df Allema- 
gne , traitée  dans  les  vaisseaux  fermés . 

La  serpentine  , soit  celle  qu’on  nous 
apporte  d’Allemagne  , soit  celle  du  Limon- 


de  la  serpentine.  111 

sin,  n’est  pas  spécifiquement  fort  pesante, 
et  à n’en  juger  qu’à  la  main  , son  poids  est 
de  beaucoup  inférieur  à celui  du  marbre  , 
ce  qui  devoit  faire  conjecturer  qu’elle  ne 
contenoit  point  de  gaz  ; pour  m’en  assu- 
rer , j’ai  pulvérisé  grossièrement  4 onces 
de  celle  qui  nous  vient  d’Allemagne,  et 
je  les  ai  soumises  à la  distillation  pneuma- 
tique. La  retorte  a été  tenue  dans  l’embra- 
sement pendit  une  heure  au  moins  , sans 
que  l’eau  du  récipient  se  soit  déprimée  de 
plus  d’un  degré  ; chaque  degré  de  l’échelle 
représentant  \ onces  d’eau. 

Convaincu  par  ce  simple  essai  , que  la 
serpentine  ne  donnoit  point , ou  du  moins 
ne  donnoit  que  fort  peu  de  gaz  , je  séparai 
le  récipient  pneumatique  ; il  s’étoit  ras- 
semblé dans  la  boule  du  conducteur  une 
quantité  d’eau  remarquable  ; on  voyoit 
encore  une  vapeur  aqueuse  s’élever  de  la 
retorte  au  bec  de  laquelle  il  se  forma  bien- 
tôt une  goutte  de  liqueur  qui,  reçue  sur. 
le  doigt  et  portée  sur  la  langue,  y impri- 
moit  une  sensation  acide  ; une  autre  goutte 
reçue  sur  du  papier  bleu  , en  changea  la 
couleur  en  rouge. 

Voulant  tirer  parti  de  cette  expérience. 


/ 


113  EXAMEN 

/ 

toute  imparfaite  qu’elle  étoit  , je  reçus 
clans  un  verre  les  sept  ou  huit  gouttes  qui 
succédèrent  aux  deux  précédentes  ; elles 
furent  délayées  dans  deux  dragmes  d’eau 
distillée  , dans  laquelle  il  avoit  été  mis 
une  très  - petite  quantité  de  dissolution 
d’argent. 

Il  se  fit  sur-le-champ  un  coagulum  blanc 
et  grumelé  ; on  sait  que  ces  accidens  an- 
noncent l’action  de  l’acide  marin  sur  l’ar- 
gent ; mais  comme  , en  fait  d'expériences 
chimiques,  ce  seroit  une  négligence  impar- 
donnable de  ne  pas  employer  des  moyens 
plus  certains  que  celui  dont  je  viens  de 
rendre  compte,  je  crus  devoir  recommencer 
la  distillation  de  la  serpentine , en  adaptant 
à la  retorte  un  récipient  ordinaire. 

Dans  cette  opération  , 6 onces  de  serpen- 
tine d’Allemagne  pulvérisée  , ont  donné  5 
gros  62  grains  d’eau  aigrelette  , qui  avoit 
une  odeur  terreuse.  La  matière  restée  dans 
la  cornue  avoit  perdu  un  huitième  de  son 
poids  , ne  pesant  plus  que  5 onces  2,  gros  ; 
ce  qui,  à 12,  grains  près  , faisoit  la  pesan- 
teur de  l’eau  acidulé  qui  s’étoit  trouvée 
dans  le  récipient. 

Au  reste,  la  serpentine  ainsi  distillée, 

perd 


DE  L A SERPENTINE.  Il3 

perd  la  couleur  ardoisée  que  lui  donne  la 
pulvérisation  ; elle  prend  un  œil  rougeâtre. 

Il  falloit,  par  un  procédé  qui  ne  laissât 
aucun  doute,  constater  la  nature  de  l’acide 
qui  avoit  passé  dans  la  distillation  ; je  me 
déterminai  pour  celui-ci  , comme  le  plus 
simple  et  le  plus  sûr. 

Je  lis  tomber  , au  moyen  d’une  paille  , 
quelques  petites  gouttes  d’alkali  pur,  dans 
les  5 gros  62  grains  d’eau  acidulé,  qui  dans 
le  moment  cessa  d’altérer  la  couleur  du 
papier  bleu  ; la  liqueur  ayant  été , au  moyen 
d’une  douce  chaleur,  rapprochée  jusqu’à 
ne  pas  excéder  le  volume  d’une  dragme 
d’eau  commune  , fut  mise  dans  un  verre 
de  montre  et  abandonnée  à l’évaporation 
spontanée  ) en  moins  de  cinq  jours,  il  se 
forma  des  cristaux  de  sel  marin  très  dis- 
tincts et  très-bien  caractérisés. 

Ces  expériences  ont  été  répétées  jusqu’à 
quatre  fois  , sur  différens  échantillons  de 
serpentine  d’Allemagne  , et  toujours  avec 
le  meme  succès,  c’est-à-dire,  que  cette 
pierre  a constamment  donné  , à peu  de 
chose  près,  un  huitième  de  son  poids  d’eau 
acidulée  par  une  petite  quantité  d’esprit 
de  sel  marin. 

Tonie  II.  Jl 


Il  4 EXAMEN 

Memes  expériences  faites  sur  la  serpentine 
du  Limousin . 

Desmarest  ayant  fait  connoître  , il  y a 
quelques  années , la  serpentine  qui  se  trouve 
dans  cette  province,  je  me  contenterai  de 
dire  ici , que  cette  pierre  est  si  ressem- 
blante par  son  extérieur  à celle  qui  nous 
vient  d’Allemagne  , qu’il  étoit  facile  de 
conclure  qu’elle  donneroità  la  distillation 
les  mêmes  résultats  , et  c’est  en  effet  ce 
qui  est  arrivé  ; car  ayant  traité  6 onces  de 
cette  serpentine  , comme  je  venois  de 
traiter  celle  d'Allemagne  , j’en  ai  retiré  5 
gros  6a  grains  d’eau  légèrement  acide  qui, 
saturée  d’un  peu  d’alkali , s’est  convertie 
en  cristaux  cubiques. 

Mêmes  expériences  sur  la  stéatite  de 

Corse, 

Les  naturalistes  qui  ont  vu  cette  pierre 
lui  donnent  quelquefois  ie  nom  de  serpen- 
tine , et  certainement  l’erreur  n’est  pas 
grande  ; car,  quoiqu’elle  diffère  à bien 
des  égards  des  serpentines  du  Limousin  et 
d’Allemagne  , elle  s’en  rapproche  cepen- 
dant assez  pour  qu’on  puisse  , au  moins  , 


t 


T>  E T,  A serpentine.  il  5 

la  placer  à coté  de  ces  dernières.  Les  prin- 
cipales qualités  par  lesquelles  elle  en  diffère, 
sont,  i°.  sa  couleur  qui  est  uniformément 
d’un  vert  tendre  , approchant  de  celui  du 
jade  ; 2°.  sa  demi-transparence  5 3°.  elle 
est  plus  tendre  et  beaucoup  plus  douce  au 
toucher  que  les  serpentines  proprement 
dites , dont  elle  diffère  encore  chimique- 
ment en  ce  que  , traitée  au  feu  dans  les 
vaisseaux  distillatoires  , elle  donne,  à la 
vérité  , de  l’eau , mais  sans  aucun  signe 
d’acidité , ce  qui  va  être  démontré  par 
l’expérience  suivante.  Sa  couleur  ne  s’al- 
tère pas  au  degré  de  feu  qu’on  emploie 
pour  en  faire  distiller  l’eau  qu’elle  contient; 
mais  sa  demi-transparence  y diminue  sen- 
siblement. 

Ayant  soumis  à la  distillation  5 onces 
de  cette  pierre  réduite  en  poudre  grossière, 
il  a passé  dans  le  récipient  2 gros  5o  grains 
d’eau  , qui  n’a  voit  point  la  propriété  d’al- 
térer la  couleur  du  papier  bleu;  la  dernière 
goutte  , celie  qui  auroit  dû  contenir  l’acide 
le  plus  concentré , ayant  été  absorbée  par 
un  petit  morceau  de  ce  même  papier , n’y 
apporta  aucun  changement. 

La  stéatite  de  Corse  11e  contenant  pas 

II  2 


\ 


E X A Ivl  E N 


1 16 

d’acide  marin  , diffère  essentiellement  des 
serpentines  dont  nous  avons  parlé  , et  dans 
lesquelles  il  seroit , sans  doute,  intéressant 
de  découvrir  comment  cet  acide  est  com- 
biné. Est- ce  avec  le  fer,  avec  la  base  du 
sel  cathartique  amer  , ou  avec  la  terre  ar- 
gileuse , dont  nous  démontrerons  dans  un 
instant  l’existence  dans  cette  espèce  de 
pierre  ? ou  bien  y est-il  étranger  à sa  com- 
position , ainsi  qu’on  peut  le  présumer  ? 
Car  enfin  , l’expérience  nous  apprend  qu’il 
n’est  pas  d’eau  de  pluie  , de  neige  ou  de 
source  qui  ne  contienne  du  sel  marin  ; nous 
savons  aussi  que  toutes  les  pierres  , dont 
les  couches  superficielles  du  globe  sont 
formées  , ont  été  faites  sous  l’eau  (1)  ; une 
autre  vérité,  c’est  que  les  corps  , en  passant 
de  l’état  pulvérulent  ou  terreux  à l’état 
solide  ou  pierreux  , se  combinent  avec 
une  portion  du  liquide  dans  lequel  ils 
prennent  une  nouvelle  forme  , ou  ce  qui 
est  la  même  chose  , dans  lequel  ils  cris- 
tallisent. 

Or  ce  liquide  , cette  eau  est  toujours 
imprégnée  de  quelques  particules  salines- 

(i)  A l’exception  toutefois  de  celles  qui  sont  l’ou» 
vrage  des  volcans. 


DE  L A SERPENTINE. 

marines,  qui  ” à raison  de  leur  petite  quan- 
tité, ne  mettent  point  obstacle  à la  pétri- 
fication. 

On  sait,  d’un  autre  côté,  que  les  pierres  , 
sur-tout  celles  qui  n’ont  pas  une  très-grande 
dureté  , sont  toujours  humectées  tant 
qu’elles  demeurent  dans  le  sein  de  la  terre  : 
cette  humidité  , cette  eau  dont  elles  sont 
pénétrées  , vient-elle  à s’exhaler  ? les  nio* 
lécules  salines  répandues  dans  toute  la 
masse  , y restent  fixées  sans  subir  de  com- 
binaison. 

Telles  , sans  doute  , peuvent  être  les 
causes  de  l’existence  du  sel  marin  , ou  do 
son  acide  dans  nos  serpentines  ; mais,  en 
ce  cas  , on  pourroit  dire  que  ce  sel  est  un 
corps  étranger  à la  pierre  où  on  le  trouve. 
Tout  cela  mériteroit  bien  d’être  discuté  , 
non  par  des  discours  , mais  par  de  bonnes 
expériences  ; car  , je  le  répète  , il  seroit 
très-intéressant  de  connoître  la  manière 
d’être  de  l’acide  marin  dans  les  serpen- 
tines , de  savoir  enfin  quel  rôle  il  y joue. 

Effet  de  l’acide  nitreux  sur  la  serpentine 

En  traitant  la  serpentine  par  l’acide  ni- 
treux , soit  qu’on  l’ait  pulvérisée  , soh; 

H 3 


1 


llS  EXAMEN 

qu’on  l’ait  simplement  concassée , on  n’a- 
perçoit qu’un  mouvement  léger  : la  disso- 
lution s’en  fait  très  - lentement , et  elle 
demande  beaucoup  de  temps  si  on  veut 
épuiser  la  pierre  de  tout  ce  qu’elle  contient 
cle  soluble.  Lorsqu  on  y est  parvenu  , on 
trouve  qu’une  once  de  cette  pierre  contient 
4 gros  16  grains  de  matière  inso- 
luble , 

24  grains  de  fer  par  une 
première  précipitation  de  la  liqueur, 

3 gros  8 grains  d’une  terre  par- 
faitement blanche  , qu’on  obtient  par  une 
seconde  précipitation. 

Total  7 gros  48  grains. 

Perte  ....  24  grains  (1) 
enfin , si  on  sature  d’acide  vitriolique  les 

(1)  Nous  savons  déjà  qu’une  once  de  serpentine 
donne  à la  distillation  un  gros  d’eau  légèrement 
acide  ; la  perte  qui  ne  paroît  ici  que  de  24  grains  , 
devroit  donc  être  d’un  gros  au  moins  ; car  enfin  , on 
perd  réellement  quelque  cliose  dans  le  travail;  mais 
notre  étonnement  cessera  lorsque  nous  saurons  que 
cette  terre  blanche  , obtenue  par  la  seconde  précipita- 
tion , est  la  terre  qui  sert  de  base  au  sel  de  Sedlitz$ 
or  , on  sait  combien  cette  même  terre  absorbe  d’air 
lorsqu’on  la  précipite  par  un  alkali. 


DE  L A.  SERPENTINE. 

3 gros  8 grains  de  terre  blanche,  on  aura 
près  de  12  gros  d’un  sel  semblable  en  tout 
point  à celui  qu’on  nous  vend  sous  le  nom 
de  sel  de  Sedlitz  (1). 

Si  au  lieu  de  faire  la  précipitation  de  la 
liqueur  avec  1 alkali  fixe  , 011  veut , au 
contraire,  la  concentrer  au  point  requis  , 
ainsi  que  je  1 ai  fait  plusieurs  fois  , on 
obtiendra  des  cristaux  de  nitre  à base  de 
sel  cathai  tique  amer  , rjui  , au  premier 
coup-d’œii  , pourroient  être  pris  pour  du 
nitre  ordinaire  $ mais  si  on  est  parvenu  à 
se  procurer  une  cristallisation  bien  carac- 
térisée , on  remarquera  qu’ils  ont  encore 
plus  de  conformité  avec  les  cristaux  de  sel 
amer,  qu’avec  ceux  du  salpêtre  ; au  reste  , 
ce  s cristaux  sont  déliquescents. 

Margraff , qui  a fait  avant  moi  ces  cris- 
taux , en  saturant  d acide  nitreux  la  terre 
qu’il  avoit  précipitée  par  l’alkali  fixe  , ou 
du  sel  de  Sedlitz  ou  du  sel  marin  à base 
terreuse  , a remarqué  que  ce  sel  fus  oit  sur 
le  charbon , ce  qui  l’induit  à conclure  que 

(1)  Cette  quantité  de  sel  ne  doit  pas  surprendre  , 
cette  terre  absorbe  à peu-près  poids  égal  d’acide  vi- 
triolique;  d’où  il  résulte  un  sel  qui  , en  cristallisant  , 
prend  à son  tour  son  poids  d’eau. 


II  4 


Î20  E X A M E W 

cette  terre  saturée  d’acide  nitreux  forme 
une  sorte  de  nitre  qui  détone  malgré  sa 
propriété  déliquescente. 

De  toutes  les  expériences  faites  par  Mar- 
graff  sur  la  serpentine  , et  consignées  dans 
un  mémoire  , dont  la  traduction  de  Costel 
paroîtra  incessamment,  celle-ci  estla seule 
sur  laquelle  je  suis  en  contradiction  avec 
ce  célèbre  chimiste. 

En  saturant  avec  l’acide  nitreux  la  terre 
précipitée  par  l’alkali  fixe  , soit  du  sel  de 
Sedlitz  , soit  du  sel  marin  à base  terreuse , 
soit  même  du  nitre  à base  de  sel  de  Sed- 
Htz  , j’ai  , à la  vérité  , obtenu  quelquefois 
des  cristaux  qui  fusoient  légèrement  sur 
les  charbons  $ mais  je  n’en  obtins  jamais 
de  tels  , en  saturant  l'acide  de  nitre  avec 
cette  même  terre  prise  immédiatement 
dans  les  serpentines  de  France  ou  d’Alle- 
magne ; d’où  je  conclus  que  cette  terre 
précipitée  d’un  acide  quelconque  par  un 
alkali  fixe  , peut  fort  bien  retenir  une  por- 
tion du  précipitant  que  les  lavages  n’em- 
portent pas  toujours,  et  que  c’est  à cette 
portion  d’alkali  qu’on  doit  attribuer  la 
cause  de  la  détonation  que  Margraff  a 
remarquée  dans  cette  espèce  de  nitre. 


DE  E A SERPENTINE.' 


121 


"Effet  de  V acide  nitreux  sur  la  serpentine 
du  Limousin  y et  sur  la  stéatite  de 
Corse . 


Je  ne  m’arrêterai  pas  sur  les  effets  de 
l’acide  nitreux,  appliqué  à la  serpentine  du 
Limousin  : qu’il  suffise  de  faire  observer 
que  tout  se  passe  avec  celle-ci,  comme  avec 
celle  d’Allemagne , et  qu’à  des  différences 
peu  importantes , concernant  les  quantités, 
les  résultats  sont  toujours  les  memes. 

A l’égard  de  la  stéatite  de  Corse  (1) , je 
dois  entrer  dans  quelques  détails  qui  me 
paroissent  devoir  intéresser  les  chimistes 
et  ceux  des  naturalistes  qui  s’attachent 
d’une  manière  particulière  à l’étude  des 
minéraux.  L’acide  nitreux , versé  sur  la 
stéatite  de  Corse  , soit  pulvérisée  , soit  en 
masse  , n’y  agit  que  fort  lentement , et  le 
mouvement  de  la  dissolution  est  très-in- 
sensible. 

On  m’avoit  donné  un  morceau  de  cette 

(i  ) Je  n’avois  alors  , en  1 77-5  , que  Je  foibles  échan- 
till  ons  Je  cette  stéatite.  J’en  ai  fait  venir  de  Corse, 
en  1776,  une  quantité  nécessaire  aux  expériences  que 
fai  été  obligé  Je  faire  pour  bien  conncitre  la  compo- 
sition Je  cette  pierre. 


123  EXAMEN 

pierre  taillée  en  cassolette  de  pipe  , dont  le 
poids  étoit  de  2 gros  et  demi  , sa  couleur 
étoit  uniformément  verte  5 il  avoit  de  la 
transparence. 

Cette  cassolette  ayant  resté  pendant  trois 
mois  dans  l’acide  nitreux  foible  , n’a  souf- 
fert aucune  altération  dans  sa  forme , mais 
la  couleur  verte  a disparu  ; elle  est  devenue 
blanche  au  point  d’être  facilement  prise 
pour  une  pipe  ordinaire  ; enfin,  cet  échan- 
tillon qui  a acquis  la  propriété  de  s’attacher 
à la  langue,  ne  pèse  plus  qu’un  gros  61 
grains. 

L’acide  nitreux  étoit  saturé,  et  s’est  con- 
verti , après  une  évaporation  convenable  , 
en  cristaux  de  nitre  à base  de  sel  amer, 
salis  par  un  peu  de  nitre  martial  et  alumi- 
neux ; au  reste , ce  nitre  n-’avoit  pas  la  pro- 
priété de  fuser  sur  les  charbons  , ainsi  que 
■je  l’ai  dit  plus  haut  , mais  il  avoit  celle  de 
tomber  assez  vite  en  déliquiuin. 

Effet  de  V acide  vitriolique  sur  la  serpen~ 
tins  d' Allemagne. 

La  vitriolisation  de  cette  pierre  se  fait 
aisément , et  quelle  que  soit  la  manière  de 


DE  LA  SERPENTINE.  123 

lui  appliquer  l’acide  vitriolique , on  remplit 
également  son  but  (1). 

J’en  ai  vitriolisé  de  toutes  les  maniérés  , 
et  toutes  les  fois  que  la  pierre  aété  épuisée, 
j’ai  toujours  eu , à très-peu  de  différence 
près  , les  mêmes  résultats. 

Ayant  soumis  à l’action  de  l’acide  de 
vitriol  4 onces  de  serpentine  d’Allemagne  , 
cassée  en  petits  morceaux  , j’en  ai  retiré  , 
lorsque  la  pierre  a été  épuisée  , 2 onces  1 
gros  18  grains  de  matière  insoluble,  dont 
une  portion  en  poudre  grise  , pesoit  3 gros, 
et  l’autre , qui  étoit  sous  la  forme  de  menu 
gravier,  mais  qui  avoit  conservé  la  couleur 
qu’a  naturellement  la  serpentine  , pesoit 
une  once  6 gros  18  grains. 

La  dissolution  et  les  lotions  filtrées  et 
évaporées , il  s’en  est  séparé  au  premier 
feu  î/f.  grains  de  fer  , sous  la  forme  d’une 
terre  ocreuse  , et  par  différentes  cristal- 
lisations , il  en  a été  retiré  6 onces  5 gros 

(1)  J’en  excepterois  cependant  volontiers  la  manière 
adoptée  par  Margraff , qui  est  trop  embarrassante  à 
raison  de  la  quantité  surabondante  d’huile  de  vitriol 
qu’il  emploie  , et  dont  il  est  très- difficile  de  priver  le 
sel  , lorsqu’on  veut  l’amener  au  point  de  perfection 
requis. 


E X A M EN 


12^ 

de  sel  cathartique  amer , dont  la  couleur/ 
naturellement  blanche  , étoit  altérée  par 
une  teinte  verte  5 son  goût  étoit  aussi  légè- 
rement ferrugineux  , mais  en  le  faisant 
dissoudre  de  nouveau  , et  en  y versant 
quelques  gouttes  d’alkali  fixe  , on  en  pré- 
cipite entièrement  le  fer  , dont  on  se  dé- 
barrasse au  moyen  du  filtre  , et  par  une 
nouvelle  cristallisation  , on  obtient  un  sel 
très-pur , et  bien  supérieur  en  beauté  à 
celui  du  commerce. 

Les  4 onces  de  serpentine  employées  , 
paroissent  donc  avoir  fourni  à l’acide  vi- 
triolique  une  once  5 gros  5/\  grains  de  base 
pour  former  les  6 onces  5 gros  de  sel  $ je 
dis  , paroissent  avoir  fourni  , parce  que 
nous  savons  que  la  serpentine  perd  au  feu 
un  huitième  de  son  poids  en  substances  , 
qu’on  ne  peut  pas  soupçonner  de  concourir 
à la  formation  du  sel  cathartique  amer. 

Or  , 4 onces  de  serpentine  crue  ne  repré- 
sentant que  3 onces  et  demie  de  la  même 
pierre  calcinée  , il  résulte  qu’elle  n’a  pu 
donner  à l’acide  de  vitriol  qu’une  once 
2 gros  54  grains  de  base  , pour  former  avec 
lui  les  6 onces  5 gros  de  sel  amer  , obtenu 
par  le  procédé  dont  je  parle,  et  pour  lequel 


DE  LA  SERPENTINE.  1 9.5 

il  a été  employée  de  17  à 18  gros  d’iiuile 
de  vitriol  du  commerce  (1). 

(j)  J’ai  insisté  sur  le  calcul,  pour  prouver  qu’au 
besoin,  un  artiste  qui  seroit  à portée  d’avoir  la  ser- 
pentine sans  frais,  pourroit,  même  en  suivant  mon 
procédé  qui  n’est  pas  très-dispendieux  , se  procurer  à 
bon  compte  un  sel  que  nous  tirons  de  l’étranger  , 
et  dont  nous  faisons  un  grand  usage  j car  il  11e  faut  pas 
s’y  tromper  , d’un  bout  du  royaume  à l’autre  , on  n’em- 
ploie pour  sel  cathartique  amer , que  celui  qui  nous 
vient  d’Angleterre  sous  le  faux  nom  de  sel  d’Epsom  ; 
il  n’est  pas  pur  5 n’importe,  son  bas  prix  l’a  rendu 
d’un  usage  commun  par  toute  la  France,  la  seule  ville 
de  Paris  excepté,  où,  par  une  erreur  dans  le  mot  et 
dans  la  chose  , on  donne  au  public  , pour  sel  d’Epsom  , 
du  sel  de  Glauber  qu’on  prépare  dans  une  des  salines 
de  la  Franche-Comté. 

Celui  qu’on  nous  apporte  sous  le  nom  de  Sedlitz  en 
Bohême , est  le  sel  cathartique  amer  dans  toute 
sa  pureté  ; il  se  vend  plus  cher  que  celui  qu’on  dé- 
signe par  le  nom  d’Epsom  ; et  cela  doit  être,  puisque 
leur  examen  m’a  appris  que  celui  de  Sedlitz  étoit  du 
sel  cathartique  amer  pur  , et  que  celui  d’Angleterre 
étoit,  au  contraire,  un  mélange  de  sel  marin  ordi- 
naire, de  sel  marin  à base  terreuse  , et  de  sel  cathar- 
✓ 

tique  amer  proprement  dit.  Or  , il  est  facile  de 
séparer  ce  dernier  par  la  cristallisation  , ce  qui  me 
fait  présumer  que  les  sels  de  Sedlitz  et  d’Epsom  pour- 
voient fort  bien  sortir  de  la  même  fabrique , ou  du 


/ 


ÎSÔ 


E X A M £ N 


Effet  de  V acide  vitriolique  sur  la  serpen- 
tine du  Limousin» 

La  serpentine  du  Limousin  se  vitriolise 
également  bien  5 si  on  en  casse  par  petits 
morceaux  une  certaine  quantité,  et  qu’on 
les  arrose  d’acide  de  vitriol  , on  ne  tarde 
pas  à les  voir  se  couvrir  d’efflorescences 
qui  deviennent  de  jour  en  jour  plus  épais- 
ses : ils  se  gercent , ils  se  fendent , et 
finissent  par  se  réduire  en  menu  gravier. 

moins , être  préparés  en  Angleterre  et  en  Bohême , 
par  un  procédé  commun. 

Quoi  qu’il  en  soit,  cette  branche  de  commerce  , 
qui  est  certainement  à charge  à l’état , ne  pourroit- 
elle  pas  exciter  quelques-uns  de  nos  compatriotes  à 
établir  en  France  une  fabrique  d’un  sel  que  nous 
tirons  de  l’étranger  par  centaines  de  milliers?  Nous 
en  avons  déjà  une  de  sel  de  Glauber  , dont  l’usage  est 
bien  moins  étendu,  et  dont  le  plus  grand  débit  se  fait 
à Paris  sous  un  nom  emprunté. 

Le  procédé  que  j’ai  adopté  pour  vitrioliser  la  ser- 
pentine d’Allemagne  et  celle  du  Limousin  , est  pure- 
ment analytique.  Je  ne  le  propose  donc  pas  comme 
un  moyen  à suivre  dans  une  fabrique  , où  l’on  vou- 
drait préparer  en  grand  un  sel  qui  se  vend  à peine 
4o  livres  le  quintal. 


DE  LA  SERPENTINE.  lïj 

J'en  ai  vitriosé  3 onces  de  cette  manière , 
et  j’en  ai  retiré 

1 once  6 gros  S/\  grains  de  matière  in- 
soluble , 

22  grains  cle  terre  martiale  , 

4onces  7 grosclesel  cathartique  amer  pur. 
On  voit  par  cette  expérience  combien 
est  grand  le  rapport  qui  se  trouve  entre  la 
serpentine  du  Limousin  et  celle  d’Alle- 
magne : les  quantités  de  matières  solubles 
et  insolubles  sont  à peu  de  chose  près  les 
mêmes  , au  point  qu’on  pourroit  les  re- 
garder Tune  et  l’autre  comme  tirées  d’une 
même  carrière , si  on  n’étoit  pas  sûr  du 
contraire. 

Effet  de  l acide  vitrioliqiie  sur  la  stéatite 

de  Corse . 

En  traitant  de  la  manière  indiquée  3 
onces  de  stéatite  de  Corse  qui  se  vitriolise 
également  bien,  j’en  ai  retiré 

i once  7 gros  n grains  de  matière 
insoluble  , 

19  grains  de  terre  martiale  , 

5 onces  1 gros  de  sel  cathartique  amer  , 

mélangé  de  beaucoup  d’alun  et  d’une 

* 

petite  quantité  de  vitriol  martial  ; en  sorte 


ï 28  EXAMEN 

que  la  stéatite  de  Corse , qui  , comme 
nous  l’avons  déjà  vu  , diffère  à tant 
d'égards  des  serpentines  , a pourtant  de 
commun  avec  elles  , de  contenir  à-peu* 
près  le  tiers  de  matière  soluble  dans  l’acide 
vitriolique  ; matière  qui  sert  cependant 
encore  à établir  une  nouvelle  différence 
entre  notre  stéatite  et  les  serpentines  , 
puisque  ces  dernières  ne  contiennent  point 
de  terre  d’alun  , tandis  que  l’autre  en 
contient  beaucoup. 

Résultat  de  R analyse  des  serpentines  du. 

Limousin  et  d’ Aile  magne . 

D’après  les  expériences  qui  viennent 
d’être  rapportées  , et  d’après  beaucoup 
d’autres  qu’il  importe  peu  de  faire  con- 
noître  , on  ne  s’éloignera  pas  trop  de  la 
vérité , si  on  se  représente  les  serpentines 
qui  ont  été  le  sujet  de  mon  travail,  comme 
des  pierres  composées  de 

H’  de  petits  cristaux  talqueux, 

4V  de  terre  argileuse , 
di  de  fer  , 

ït  de  la  terre  qui  sert  de  base  au  sel 
amer  , 

~ d’eau, 

Et 


1 


de  la  serpentine.  l2ÿ 

Lt  une  très  - petite  quantité  d’acicle 
marin. 

Quant  a la  steatite  de  Corse  , j’aurois 
bien  désiré  de  fixer  au  juste  les  propor- 
tions daiun  et  de  sel  amer,  retirés  par 
la  vitriolisation  ; mais  je  n’ai  pu  y parvenir, 
la  cristallisation  n’ayant  pas  été  un  moyen 
suffisant.  J ai  , a la  vérité  , obtenu  jusqu’à 
4 gros  d’alun  pur  et  bien  cristallisé  , et  à- 
peu-près  autant  de  cristaux  de  sel  amer  ; 
mais  le  gros  de  la  masse  saline  a constam- 
ment refusé  de  cristalliser  distinctement: 
cependant,  en  examinant  la  chose  de 
pies  , je  crois  pouvoir  assurer  qu’au  total , 

1 alun  n est  pas  le  sel  dominant , et  que  le 
sel  amer  1 emporte  de  beaucoup  sur  lui. 

Des  différentes  terres  qui  concourent  à 
former  la  serpentine, 

Margraff  croit  que  la  terre  insoluble  qui 
se  trouve  dans  la  serpentine,  est  une  terre 
vitrifia  b le,  qui  ne  peut  en  conséquence  être 
rangée  dans  la  classe  des  pierres  argileuses 
et  il  établit  son  opinion,  jo.  sur  ce  que 
1 ayant  traitée  au  feu  avec  de  l’alkali  , elle 
s est  vitrifiée  et  a formé  un  verre  transpa- 

Tome  II,  t 


examen 


n 

1 OO 

rent , mais  coloré  à raison  du  fer  qui  s’y 
rencontre  ; 2,0.  sur  ce  que  cette  même 
terre  11e  contient  pas  la  base  de  l’alun  , 
ce  qui  , selon  lui  et  plusieurs  autres  chi- 
mistes , est  un  des  principaux  caractères 
des  argiles. 

Je  suis  bien  éloigné  de  vouloir  contre- 
dire Margraff,  ni  aucun  de  ceux  qui 
tiennent  à cette  dernière  opinion  , que 
plusieurs  expériences  m’empêchent  d’a- 
dopter  ÿ je  comtois  en  effet  des  terres 
argileuses  qui  ne  contiennent  pas  la  base 
d’alun  , mais  celle  du  sel  cathartique  amer  : 
j’en  citerai  bientôt  un  exemple. 

Quant  à la  vitrescibilité  de  la  terre  inso- 
luble que  nous  avons  séparée  de  nos  ser- 
pentines , Margraff  l’ayant  traitée  avec 
l’alkali  fixe  , je  dis  qu’il  y a des  pierres 
qui  , par  le  même  moyen  , se  changent 
en  verre  , sans  que  pour  cela  on  soit 
dans  l’habitude  de  les  ranger  dans  la 
classe  des  pierres  vitrescibles  proprement 
dites. 

Ayant  pendant  l’été  de  1772  exposé  4 
onces  de  serpentine  d’Allemagne  cassée  en 
petits  morceaux,  à l’action  spontanée  de 
l’acide  vitriolique,  et  la  matière  insoluble 


I 


DE  LA  SERPENTINE.  ]3x 

ayant  été  épuisée,  il  en  a été  retiré  3 gros 
d’une  terre  fine  et  légère  de  couleur  grise 
tirant  un  peu  sur  le  jaune  , et  une  once 
6 gros  d’une  autre  substance  , qui  étoit 
sous  la  forme  de  menu  gravier  , dans  le- 
quel on  distinguoit  des  grains  blancs  et 
cristallins  ; les  autres  paroissoient  opaques; 
mais  vus  au  microscope  , ce  sont  autant 
de  cristaux  , dont  la  transparence  est 
ternie  par  une  légère  portion  de  la  pre- 
mière terre. 

Ces  grains,  dont  quelques-uns  sont  gros 
comme  des  lentilles  , n’ont  pas  plus  de 
dureté  que  le  talc  ou  craie  de  Briançon  , 
dans  la  classe  duquel  je  les  rangerai , sauf 
1 autorité  de  Margraff  ; car  enfin  , ces 
petites  pierres  cristallines  ne  sont  ici  avec 
aucun  des  caractères  du  quartz  , du 

feldspath  , encore  moins  du  caillou  ou 
silex. 

La  propriété  qu’a  la  serpentine  d’être 
facilement  travaillée  sur  le  tour,  en  est 
une  preuve  complète  ; et  en  effet  , quel 
instrument  destiné  à travailler  une  pierre 
tendre  pourroit  résister  à des  grains  de 
quartz  ou  de  silex  disséminés  dans  cette 
même  pierre  ? Quelle  seroit  la  main  qui 

I 2 


i3s 


EXAMEN 


pourroit  soutenir  les  chocs  qu’occasion- 
neroit , dans  le  travail  d’une  pareille  ma- 
tière , le  mouvement  rapide  d'une  roue 
mise  en  action  ou  par  des  bras  vigou- 
reux , ou  ce  qui  est  encore  plus  probable  , 
par  une  chute  d’eau  ? Tout  me  porte 
donc  à conclure  , que  la  partie  qui  ré- 
siste aux  acides  dans  les  serpentines  (1)  est 
composée  de  deux  substances  ; je  regarde 
la  poudre  fine  comme  de  l’argile,  et  les 
grains  cristallins  comme  du  talc  , sorte  de 
pierre  qui  peut  être  vitrifiée  en  la  fon- 
dant avec  le  sel  alkali  , ainsi  qu’on  peut 
le  voir  dans  la  Lithogéognosie  de  Pott. 

A l’égard  de  cette  autre  terre  qui  , unie 
à l’acide  vitriolique , forme  le  sel  cathar- 
tique amer  , je  crois  , avec  Margraff  , 
qu’elle  est  nouvelle  pour  nous,  et  de  plus, 
que  c’est  faute  de  l’avoir  connue  que  le 
célèbre  Pott  soutint  toujours,  que  la  base 
du  sel  marin  n’étoit  point  un  alkali , mais 
nue  terre  , et  que  d’autres  chimistes  très- 
savans  ont  si  souvent  confondu  le  sel  de 
Glanber  avec  le  sel  amer  , erreur  dont 
on  n’est  pas  encore  tout-à-fait  revenu. 

(1)  Et  même  clans  la  stéatite  de  Corse,  dont  la 
partie  insoluble  est  aussi  sous  deux  formes  différentes. 


de  i a serpentine.  ï33 

Cette  terre  ne  peut  donc  être  mise  dans 
aucune  classe  connue , et  ainsi  que  la  base 
de  l’alun  , elle  doit  être  regardée  comme 
une  terre  d’un  genre  particulier  ; car , 
quoiqu’elle  ne  soit  pas  très  - abondante 
dans  le  globe , comparaison  faite  avec  la 
calcaire,  l’argileuse  et  la  vitrescible  , elle 
ne  laisse  cependant  pas  que  de  s’y  rencon- 
trer fréquemment  ; les  serpentines  en 
contiennent  , à peu  de  chose  près  , le  tiers 
de  leur  poids  : les  stéatites  , ainsi  que  nous 
l’ayons  vu  dans' celle  de  Corse,  en  con- 
tiennent une  quantité  remarquable  ; on  la 
trouve  encore  dans  bien  d’autres  subs- 
tances 5 j’en  ferai  connoître  quelques-unes 
dans  un  instant , et  par  la  suite  j’en  dé- 
montrerai l’existence  dans  des  pierres  où 
on  est  bien  éloigné  de  la  soupçonner  ; 
enfin  , et  cette  quantité  n’est  certainement 
pas  petite  , Margraff  a découvert  qu’elle 
faisoit  la  base  de  tout  le  sel  marin  déli- 
quescent qui  se  rencontre  dans  la  mer  et 
dans  les  puits  salans } ce  qui  peut  nous 
induire  à croire  que  le  sel  marin  déliques- 
cent , qui  fait  partie  de  l’eau-mère  du  sal- 
pêtre , a pour  base  cette  même  terre  5 on. 
sait  que  ces  eaux-mères  donnent,  par  la 

I 3 


\ 


examen 


x34 

précipitation  avec  l’alkali,  une  pondre 
blanche  qui  est  un  mélange  de  terre  cal- 
caire et  de  terre  base  du  sel  amer. 

Voici  quelques unes  de  ses  propriétés 
distinctives  ; elle  forme,  avec  l’acide  marin, 
un  sel  incristallisable  et  très-déliquescent; 
avec  l’acide  de  nitre  , un  sel  qui  cristallise 
très- bien  , quoiqu’il  ait  la  propriété  d’at- 
tirer l’humidité  de  l’air  au  point  de  se 
résoudre  entièrement  en  liqueur  ; avec 
l’acide  vitriolique  , elle  forme  un  sel  dont 
les  cristaux  ont  assez  de  conformité  avec 
ceux  du  sel  de  Glauber,  pour  avoir  long- 
temps fait  confondre  ces  deux  sels  par 
d’excellens  chimistes  (1). 

Au  reste  , ce  sel  ne  tombe  pas  en  efflo- 
rescence il  se  ternit  un  peu,  à la  vérité  , 

( i ) Ce  sel  est  connu  sous  les  différens  noms 
d’Epsom  , de  Sedlitz  , de  Canal , de  Glauber  à base 
terreuse,  et  plus  communément  sous  celui  de  sel  car- 
thar tique  amer  : comme  son  usage  a été  jusqu’ici  borné 
à la  médecine , toutes  ces  dénominations  n’ont  pas  un 
grand  inconvénient  ; on  est , heureusement  pour  le 
public,  habitué  dans  l’art  pharmaceutique  à connoître 
chaque  médicament  sous  tous  ces  noms.  Mais  si  on 
à pu,  sans  danger  , donner  différens  noms  à une 
même  substance  , il  en  a été  tout  autrement,  lorsqu’on 
en  a désigné  plusieurs  par  une  seule  dénomination. 


/; 


DE  LA  SERTENTINE.  l35 

à sa  superficie  , lorsqu’on  le  laisse  à l’air  ; 
mais  il  faut,  ainsi  qu’à  l’alun,  un  degré 
de  chaleur  assez  fort  pour  lui  faire  perdre 
son  eau  de  cristallisation,  en  cela  très-dif- 
férent du  sel  de  Glauber,  qui  la  perd  très- 
facilement  à la  température  de  l’atmos- 
phère. 

Lorsque  , par  le  moyen  d’un  alkali  on 
précipite  cette  terre  de  quelqu’acide  que 
ce  soit  , on  l’obtient  sous  la  forme  d’une 
poudre  blanche  et  légère , à laquelle  on  a 
donné  , on  ne  sait  trop  pourquoi  9 le  nom 
de  magnésie  {y). 

(i)  J’ai  donne  à cette  meme  terre  le  nom  de  base 
du  sel  cathartique  amer , ou  de  Scdlitz.  J’avoue  que 
cette  dénomination  est  un  peu  longue,  mais  au  moins  , 
elle  sauve  toute  ambiguité.  J’ai  évité  de  l’appeler 
magnésie.  Qu’est-ce,  en  effet,  que  de  la  magnésie? 
Que  l’on  consulte  les  livres  vraiment  chimiques  : l’on 
verra  à combien  de  substances  ce  nom  a été  donné. 
Chaque  alchimiste  avoit  sa  magnésie  , et  ce  mot  , 
dans  leurs  écrits  , signifie  quelque  chose  , ainsi  que 
son  étymologie  le  fait  assez  sentir. 

Ces  chercheurs  de  pierre  philosophale  , mettoient 
tout  en  œuvre  pour  arriver  à leur  but  : en  considérant 
les  terres  dont  on  avoit  extrait  le  salpêtre , ils  les  en- 
visagèrent comme  celles  qui  étoivnt  les  plus  propres  h 
attirer  de  l’air  les  principes  constituans  de  ce  sel  , eï 

I 4 


i3  6 


EXAMEN* 


v 


Il  est  à observer  que  cette  terre  , lors  de 
sa  précipitation  par  un  alkali,  s’unit  à 
celui-ci  avec  une  facilité  étonnante  ; c’est 
au  point  , qu’en  versant  sur  une  dissolu- 
tion de  sel  cathartique  amer  pur , une 
quantité  surabondante  cl’alkali,  on  n’ob- 
tient pas  de  précipité  ; Margraff  a observé 

le  nom  d’aimant  on  magnésie  fut  employé  pour  expri- 
mer cette  propriété. 

Dans  la  suite,  on  retira,  au  moyert  de  la  calcina- 
tion ou  de  la  précipitation  , une  terre  blanche  des 
eaux-mères  du  salpêtre  , et  on  ne  manqua  pas  de  la 
regarder  comme  la  terre  qui  contribuoit  le  plus  à 
attirer  de  l’air  l’acide  nitreux  5 en  conséquence  , elle 
fut  décorée  du  nom  de  magnésie  , et  l’est  encore  au- 
jourd’hui dans  nos  pharmacies. 

Enfin , la  manganèse  dont  on  fait  tant  d’usage  dans 
les  verreries  et  les  poteries  , s’appelle  aussi  magnésie  : 
Mapnesia  sic  dicta  quia  pondéré  et  colore  magnetem 
refert j dit  Merretj  ou  plutôt,  comme  dit  Césalpin  , 
quoniam  in  se  liquoreni  -vitri  quoque , ut  magnes 
ferrum , trahere  creditur.  Que  d’erreurs  dangereuses 
en  médecine,  et  de  conséquence  pour  les  arts,  ne 
peut  donc  pas  occasionner  le  nom  de  magnésie,  em- 
ployé pour  désigner  tant  de  substances  si  différentes 
entr’elles  5 erreurs  que  peut  facilement  introduire  un 
nom  donné  très  - improprement  et  très  - nial-adroite- 
ment , à la  terre  qui  sert  de  base  au  sel  cathartique 


amer. 


DE  LA  SERPENTINE.  l37 

ce  phénomène  en  employant  pour  préci- 
pitant l’alkali  volatil , et  il  a remarqué  que 
la  terre  , ainsi  dissoute  , ne  tardoit  pas  à 
se  séparer  de  la  liqueur  sous  la  forme  de 
•petits  cristaux  de  sable  très- fui  , qu’il  se 
propose  d’examiner  dans  la  suite  ( i ). 
J’mnore  si  ce  chimiste  a continué  ses  re- 

4 I 

cherches  sur  cet  objet;  mais  sans  vouloir 
le  prévenir  sur  une  matière  qui  lui  est  de- 
venue propre  , je  ne  peux  m’empêcher  de 
dire  , qu’ayant  fait  des  précipitations  de 
seJ  amer  pur , ou  ce  qui  est  la  même 
chose  , de  sel  de  Sedlitz  , avec  tous  les 
alkalis , j’ai  obtenu  les  cristaux  dont  il 
parle  , je  suis  même  parvenu  à m’en  pro- 
curer d’assez  gros,  et  j’ai  remarqué  qu’il 
est  indifférent  d’employer  l’alkali  minéral , 
végétal  ou  volatil  , qui  ne  change  en  au- 
cune manière  la  cristallisation  ; le  point 
essentiel  est  que  la  liqueur  soit  fort  étendue 

(i)  Ceux  qui  désireront  connoitre  l’ouvrage  de 
Margraff  sur  la  serpentine,  pourront,  en  attendant 
que  la  traduction,  de  Costel  paroisse  , consulter  les 
excellentes  additions  de  Parmentier , aux  récréations 
chimiques  de  Model : ils  trouveront  à la  page  iç5  et 
suiv.  du  premier  volume,  un  précis  bien  fait  du 
travail  de  Margraff. 


1^3  33  X A M E K 

et  qu’elle  soit  mise  dans  un  vase  élevé  et  à 
orilice  étroit.  Ces  cristaux  sont  autant  de 
petites  boules,  ou  groupes  composés  d’au- 
tres cristaux  prismatiques  à quatre  pans 
qui,  arrangés  syinétriquernentsur  un  centre 
commun  , s’en  élèvent  comme  autant  de 
rayons  divergeans  ; ils  ont  de  la  transpa- 
rence et  ressemblent  parfaitement  aux 
cristaux  de  sel  cathartique  amer.  La  solu- 
bilité de  cette  terre  dans  l’eau  chargée 
d’alkali  fixe  , 11e  doit  pas  être  entièrement 
attribuée  à ce  dernier  sel  5 on  sent  de  reste 
que  le  gaz  qui  s’échappe  , lors  de  la  préci- 
pitation , y a encore  plus  de  part. 

D’après  les  propriétés,  dont  je  viens  de 
faire  l’énumération , ne  pourroit-on  pas 
présumer  que  cette  terre  concourt  à for- 
mer les  alkalis  fixes,  sur  tout  le  natrum. 
Si  jamais  on  parvient  à s’en  assurer  , 
sa  dénomination  sera  alors,  à juste  titre, 
celle  que  Margraff  lui  a déjà  assignée  , en 
l’appelant  terre  alkaline. 

De  quelques  autres  pierres  ou  terres  dans 

lesquelles  on  trouve  la  base  du  sel 

amer. 

Margraff  a déjà  commencé  à nous  in- 


DE  E A SERPENTINE.  l3c) 

cliquer  plusieurs  pierres  dans  la  formation 
desquelles  la  nature  a fait  entrer  la  terre 
dont  je  traite  ici.  De  pareilles  recherches 
ne  pouvant  qu’augmenter  nos  connois- 
sances  sur  l’histoire  naturelle,  j’ai  cru,  à 
son  exemple , en  devoir  faire  connoître 
d’autres  de  notre  pays  , dans  lesquelles  la 
vitriolisation  me  l’a  fait  également  dé- 
couvrir. 

i°.  Une  pierre  que  l’on  me  montra  à la 
carrière  , comme  une  mine  de  fer  blanche 
employée  aux  forges  de  Creutz'wald  ; 
elle  ne  ressembloit  par  aucun  caractère 
extérieur  , aux  mines  de  fer  spatiques  : 
cependant , l’ayant  examinée  , j’ai  trouvé 
qu’elle  contenoit  un  quart  de  son  poids 
de  gaz  , semblable  à celui  qui  se  dégage 
de  la  mine  d’acier  du  pays  de  Nassau  , 
dont  j’ai  donné  l’analyse  il  y a trois  ans. 

Une  once  de  cette  pierre  vitriolisée  m’a 
donné  5 gros  de  sel  cathartique  amer  ou 
de  Sedlitz  , très-peu  de  vitriol  martial  , 
mais  beaucoup  de  sélénite  ; en  sorte  que 
cette  pierre  que  l’on  m’avoit  engagé  à 
voir  à la  carrière  comme  mine  de  fer  , 
ne  méritoit  point  du  tout  cette  dénomi- 
nation 5 aussi  , d’Ayange  , maître  des 


examen 


ï4o 

forges  de  CreutzwalcL , m’assura-t  il  de- 
puis , qu’il  ne  la  faisoit  employer  que 
comme  fondant  , et  que  c’étoit  enfin  une 
bonne  castine  (i). 

Comme  les  castines  sont  usitées  par-tout 
où  on  coule  le  fer  , et  que  par-tout  elles 
varient , j’ai  cru  faire  plaisir  de  donner  ici 
la  composition  de  celle-ci , qui  est  un  mé- 
lange de  terre  calcaire  , de  terre  base  du 
sel  amer,  de  terre  inattaquable  par  aucun 
des  acides  , de  nature  argileuse  , et  d’une 
petite  quantité  de  fer  : le  tout  combiné  avec 
une  quatrième  partie  de  gaz  pareil  à celui 
des  mines  de  fer  spatiques. 

2°.  Une  autre  pierre  en  géodes  pleines, 
qui , cassées  , présentent  à la  vue  une  mo- 
saïque ; c’est  une  sorte  de  ludus  helmontii 
qui  se  trouve  abondamment  au-delà  de  la 
Sarre , proche  l’abbaye  de  Tolé.  Ces 
geodes  , qui  sont  plus  ferrugineuses  que 
la  pierre  précédente , étoient  autrefois  em- 
ployées aux  forges  de  Creutzwald  comme 
fondant;  mais  l’éloignement  de  la  carrière 
a fait  donner  la  préférence  à la  pierre  de 

(1)  La  carrière  de  cette  pierre  est  située  à deux 
lieues  de  Sarre-Louis,  entre  l’Abbaye  de  Wadgass  et 
la  Baronie  d’Uberhern. 


DE  ea  serpentine.  l4l 

ŸVadgass  , qui  est  beaucoup  plus  proche 
des  fourneaux. 

Cette  pierre  de  Tolé  , soumise  à la  vitrio- 
lisalion  , a donné  du  sel  cathartique  amer, 
mais  en  moindre  quantité  que  la  précé- 
dente. 

3°.  Une  argile  de  couleur  olive  , em- 
ployée à la  fayencerie  de  la  Grange,  pro- 
che Thionville  , a donné  , par  l’intermède 
de  l’acide  yitriolique  , quelques  cristaux 
de  sel  amer  , delà  sélénite  et  point  d’alun. 

4°.  Une  autre  terre  argileuse,  dont  le 
banc  d’une  étendue  immense  traverse  le 
beau  vallon  où  est  situé  Thionville,  traitée 
de  même  , a donné  beaucoup  de  sélénite  , 
des  cristaux  de  sel  amer , un  peu  de  vitriol 
martial  , et  très-peu  d’alun. 

Ce  bancde  terre-glaise  bleuâtre  est  plein 
de  bélemnites  ; on  y voit  aussi  des  em- 
preintes de  petites  cornes  d’ammon  , et  on 
y trouve  , en  différens  endroits  , des  pierres 
calcaires  arrondies  d’un  pied  et  demi  , et 
même  quelquefois  plus  de  diamètre,  d’une 
pesanteur  énorme,  eu  égard  à leur  volume, 
et  dont  la  dureté  est  certainement  celle  du 
bon.  marbre,  si,  peut-être  , elle  ne  la  sur- 
passe. 


EXAMEN 


l42 

La  superficie  de  ces  pierres  est  souvent 
couverte  de  grands  cames  , de  pétoncles  , 
de  nautiles , le  tout  entremêlé  de  béldm- 
nites  , qui  d’ailleurs  sont  si  abondantes 
dans  différens  endroits  de  ce  banc  d’ar- 
gile , qu’elles  concourent,  en  s’en  déta- 
chant , à former  en  grande  partie  le 
gravier  d’un  petit  ruisseau  qui  traverse  ce 
banc  dans  le  voisinage  du  fief  de  Betange. 

Telles  sont  jusqu’ici  les  pierres  ou  terres 
dans  lesquelles  j’ai  trouvé  la  terre  qui  sert 
de  base  au  sel  cathartique  ; en  les  réunis- 
sant à celle  qui  en  ont  également  donné 
à Margraff , on  voit  que  cette  terre  est 
au  moins  aussi  répandue  dans  la  nature, 
que  celle  qui  sert  de  base  à l’alun  ; que 
c’est  singulièrement  dans  les  serpentines 
proprement  dites , qu’on  la  rencontre  en 
abondance.  A l’égard  des  schistes  , qui  en 
contiennent  aussi,  on  peut  consulter  la 
quatrième  partie  de  l’Analyse  des  Eaux 
minérales  de  Luchon.  Quant  à la  classe 
des  pierres  vitrescibles  , dans  quelques- 
unes  desquelles  je  l’ai  également  trouvée, 
j’en  ferai  mention  dans  un  mémoire  sur 
ce  genre  de  pierre  que  je  publierai  inces- 
samment. 


1 


DE  QUELQUES  PIERRES  YITRESCIBT.es.  l43 


QUATRIÈME  PARTIE. 

Examen  du  porphyre  , de  V opl Lite , du 
granit , et  autres  pierres  de  la  classe 
des  vitrescibles  mixtes. 

i 

L a.  pierre  vitrescible  qu’on  désigne  aussi 
sous  le  nom  de  silex  ou  de  pierre  à fusil  , 
se  présente  sous  diverses  formes;  ses  cou- 
leurs ne  sont  pas  moins  variées  que  celles 
des  marbres  calcaires;  elle  est  tantôt  plus, 
tantôt  moins  transparente  ; quelquefois 
même  elle  est  opaque.  Ici  , elle  est  en 
cristaux  réguliers  , là  , en  masses  in- 
formes; souvent  on  la  rencontre  en  bancs 
continus,  mais  souvent  aussi  on  la  trouve 
au  milieu  de  pierres  calcaires  et  argileuses 
en  blocs  isolés.  Que  de  variétés  dans  sa 
contexture  ! Tantôt  elle  forme  des  bancs 
d’une  étendue  immense  de  grès  ou  pierres 
de  sable  de  diverses  espèces  , tantôt  des 
bancs  de  granits  qui  diffèrent  les  uns  des 
autres  par  la  couleur,  par  la  grosseur  , par 
la  cohérence , et  quelquefois  même  par  la 
nature  des  grains  qui  les  composent  ; enfin  , 


-1 


144  EXAMEN 

la  pierre  vitrescible  est  souvent  mélangée, 
je  dirois  presque  combinée  avec  les  pierres 
calcaires  et  argileuses  , en  des  proportions 
qui  la  rendent  méconnoissable. 

Cette  partie  de  la  lithologie  est  donc  très- 
étendue  , et  les  moyens  employés  jusqu’ici 
pour  connoître  les  pierres,  sont  trop  in- 
certains pour  oser  se  promettre  d’en  donner 
des  catalogues  raisonnés  et  exacts  j il  nous 
manque  trop  de  faits  , et  pour  tout  dire  en 
un  mot,  la  chimie  est  bien  éloignée  d’avoir 
rempli  sur  cet  objet  la  tâche  qui  lui  est 
naturellement  imposée. 

Pott  , en  publiant  sa  lithogéognosie  , 
rendit  sans  doute  un  grand  service  à l’art  ; 
ce  célèbre  chimiste  en  exposant  à l’action 
d’un  feu  . violent  un  grand  nombre  de 
pierres  , nous  lit  connoîcre  celles  qui  se 
fondoient  et  celles  qui  ne  se  fondoient  pas  : 
il  alla  plus  loin  , et  ce  fut  une  véritable 
découverte,  il  nous  apprit  que  des  pierres 
qui,  traitées  séparément,  n’entroient  point 
en  fusion  , se  fondoient  pourtant  avec  fa- 
cilité, lorsque  réunies,  il  les  exposoit  au 
feu  de  son  fourneau. 

Cette  méthode  , qui  a été  suivie  par  de 
très-habiles  chimistes,  a,  sans  contredit. 


son 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRES  Cl  B LES»  l/^S 

son  avantage  , mais  elle  n’est  pas  analy- 
tique (1)  ; et  si  elle  nous  a fait  découvrir 
des  faits  intéressans  , ce  n’est  qu’en  imi- 
tant la  nature,  lorsqu’irritée  et  pour  ainsi 
dire  en  convulsion , elle  opère  par  la  voie 
des  volcans. 

Qu’est-ce,  en  effet,  que  cette  rivière  de 
feu  qui  découle  des  bouches  du  Vésuve? 
Qu’est-ce  que  cette  matière  autrefois  fondue 
qu’on  rencontre  si  fréquemment  et  en  si 
grande 

l’Auvergne  jusqu’aux  bords  de  la  Médi- 
terranée ? de  la  lave , de  la  ponce  , des 
scories  ; car  là  - dessus  , il  faut  nous  en 
tenir  à des  mots.  Essayons  toutefois  de 
nous  instruire  , en  imitant  la  nature  meme 
dans  ce  que  nous  prenons  pour  ses  écarts  ; 
exposons  au  feu  une  de  ces  pierres  qui 
entrent  en  fusion  sans  intermède  , par 
exemple  , du  porphyre  ou  de  l’ophite  5 
qu’obtenons  - nous  ? Une  substance  vitri- 
forme  , une  sorte  de  laitier  qui  imite,  à 
bien  des  égards  , la  lave  des  volcans  ; 
mais  la  fonte  dans  un  creuset  n’étant  pas 
même  un  commencement  d’analyse  , le 

(1)  Quoique  son  célèbre  auteur  ait  prétendu  que  la 
meilleur  de  tous  les  analystes  étoit  le  feu. 

T orne  IL  K 


abondance  depuis  la  capitale  de 


EXAMEN 


146 

porphyre  et  l’ophite  n’en  sont  pas  pour  cela 
mieux  connus  ; et  dans  l’impossibilité  de 
leur  assigner  la  place  qu’ils  doivent  occuper 
en  lithologie,  le  naturaliste  est  toujours  en 
droit  d’exiger  des  chimistes  de  lui  dire  ce 
que  c’est  que  le  porphyre,  ce  que  c’est  que 
l’ophite. 

Je  vais  essayer  de  répondre  à cette  ques- 
tion , et  pour  y parvenir , je  m’appuierai  sur 
des  expériences  analytiques,  qui,  réunies 
à celles  que  j’ai  publiées  sur  les  marbres, 
serviront  peut-être  à augmenter  le  jour 
déjà  répandu  sur  la  lithogéognosie  , par 
Pott  et  par  ceux  des  chimistes  qui  ont  suivi 
sa  méthode. 

Expériences  faites  sur  le  porphyre  an- 
tique  rouge , entremêlé  de  petits  cris- 
taux blancs  (1). 

On  a dit  avec  raison  que  le  porphyre  et 
l’opliite  étoient  des  pierres  fusibles  par  elles- 
mêmes  (2) , et  assez  dures  pour  donner  des 

(1)  Ce  porphyre  venoit  des  ruines  de  l'ancien  Autun. 

(2)  De  toutes  les  sciences  , la  chimie  est,  sans 
contredit  , celle  qui  a la  nomenclature  la  moins 
exacte.  Ses  expressions  sont  presque  toutes  équivoques. 

.On  entend  tous  les  jours  confondre  la  vitrescibiiité 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIBLES. 

étincelles  quand  on  les  frappoit  avec  le 
briquet  ; mais  on  s’est  trompé  lorsqu’on 
a ajouté  qu’elles  résistoient  à l’action  des 
acides. 

A la  vérité,  si , comme  il  n’est  que  trop 
ordinaire,  on  se  contente  de  jeter  quelques 
gouttes  d’eau-forte  sur  l’une  ou  l’autre  de 
ces  pierres  , on  n’aperçoit  point  d’efferves- 
cence mais  d’après  une  expérience  aussi 
légèrement  faite,  peut-on  conclure  qu’elles 
résistent  aux  acides?  Non,  sans  doute  • car 
si  on  met  dans  un  matras  4 ou  5 gros  de 
porphyre  concassé  ou  pulvérisé  , et  qu’on 
verse  dessus  à - peu  - près  autant  d’acide 
nitreux  de  moyenne  force,  on  obtiendra, 
après  cinq  ou  six  mois  de  digestion  faite  à 
froid  , une  liqueur  saturée  , qui  aura  la 

avec  la  fusibilité  5 la  différence  est  cependant  très- 
grande.  Les  pierres  vitrescibles  ou  vitrifîables  sont 
infusibles  par  elles-mêmes  , mais  jointes  aux  sels 
alkalis  et  aux  chaux  de  plomb  , elles  se  fondent  et 
forment  notre  beau  verre,  notre  beau  cristal.  Les 
pierres  fusibles  sont  celles  qui  n’exigent  point  d'in- 
termède pour  entrer  en  fonte  ; elles  forment  alors  un 
laitier  , une  scorie  qui  n’a  jamais  le  diaphane  le 
transparent  du  verre,  avec  lequel  on  ne  doit  jamais 
confondre  une  pareille  matière. 

K 3 


3 48 


examen 


propriété  de  teindre  en  noir  l’infusion  de 
gale , et  dont  l’alkali  fixe  précipitera  du 
fer  , de  la  terre  calcaire,  de  la  terre  alu- 
mineuse, et  de  cette  autre  terre  qui  sert 
de  base  au  sel  de  Sedlitz.  Enfin , le  por- 
phyre employé  aura  perdu  à-peu-près  le 
huitième  de  son  poids. 

Mais  si  on  veut  se  procurer  d’une  manière 
bien  marquée  les  produits  dont  je  viens  de 
parler  , c’est  à la  vitriolisation  qu’il  faut 
avoir  recours  ; en  voici  un  exemple  : 

Que  l’on  pulvérise  grossièrement  une 
certaine  quantité  de  porphyre  , qu’on  le 
mette  dans  une  capsule  de  verre,  et  qu’on 
l’arrose  d’acide  vitriolique  ( 1 ) ; on  verra 
en  moins  d’un  mois  les  petits  fragmens  se 
couvrir  d’efflorescences  : dès  qu’on  s’aper- 
çoit que  l’acide  n’y  domine  pas  , on  les  en- 
lève par  un  lavage  fait  avec  l’eau  distillée  , 
et  sur-le-champ  on  réitère  l’arrosement 
d’acide  vitriolique  ; on  continue  la  même 

(1)  En  versant  cet  acide  sur  du  porphyre  d’Autun  , 
il  s’en  est  élevé  sur-le-champ  une  odeur  de  foie  de 
soufre  qui  n’avoit  cependant  pas  la  propriété  de 
noircir  l’argent.  Je  ne  sais  si  tout  porphyre  donneroit 
une  pareille  mofette  , je  n'avois  pas  de  porphyre 
d’Tlalie,  je  n’ai  pu  constater  la  parité  ou  la  différence, 

\ ■ 


/ 


DE  QUELQUES  PIERRES'VITRESCIBLES.  l4<J 

manœuvre  jusqu’à  ce  qu’on  ait  des  preuves 
que  le  dissolvant  cesse  de  trouver  dans  la 
pierre  des  substances  auxquelles  il  peut 
s’unir  , et  on  procède  alors  à la  cristal- 
lisation des  différens  sels  contenus  dans 
la  liqueur  qu’on  a eu  soin  de  mettre  en 
réserve. 

Ayant  traité  ainsi  2 onces  de  porphyre, 
j’en  ai  retiré  : 

i°.  2 Grains  environ  de  fer  sous  la 

forme  d’ocre. 

2°.  11  Grains  de  sélénite  gypseuse. 

3°.  1 Gros  25  grains  de  sel  de  Sedlitz. 

4°.  2 Gros  9 grains  d’alun. 

5°.  6 Grains  de  vitriol  martial. 

6°.  Il  est  resté  un  peu  d’eau  - mère 
vitriolique. 

Les  2 onces  de  porphyre  employées  , se 
sont  trouvées  réduites  à une  once  6 gros 
24  grains,  en  sorte  qu’elles  a voient  fourni 
un  gros  /j 8 grains  de  différentes  substances 
qui , combinées  avec  l’acide  vitriolique  , 
ont  formé  les  sels  dont  je  viens  de  faire 
l’énumération,  et  qui,  comme  on  le  sait, 
prennent  tous,  à l’exception  de  la  sélénite, 
la  moitié  de  leur  poids  d’eau  de  cristalli- 
sation 5 or , si  nous  retranchons  encore  de 

K 3 


/ 


EXAMEN 


i5o 

chacun  de  ces  sels , considérés  dans  un  état 
de  dessiccation  parfaite , la  moitié  de  leur 
poids  pour  l’acide  vitriolique  entré  dans 
leur  composition  , nous  aurons,  à très-peu 
de  chose  près , la  quantité  de  terres  respec- 
tives qui  ont  concouru  à les  former. 

Quant  à la  substance  insoluble,  c’est  un 
mélange  de  pierre  vitrescible  et  de  pierre 
argileuse,  dont  les  proportions  ne  peuvent 
être  déterminées  5 tout  ce  qu’on  peut  dire  , 
c’est  que  la  pierre  vitrescible  ou  siliceuse  y 
domine  , et  que  c’est  à la  quantité  sura- 
bondante de  cette  dernière  qu’on  doit  rap- 
porter la  dureté  du  porphyre  et  de  l’ophite, 
dont  je  vais  parler  dans  un  instant  (i). 

Il  est  également  impossible  de  déterminer 
la  quantité  de  fer  contenue  dans  le  por- 
phyre. Ce  métal  y étant  sous  la  forme  de 
chaux  insoluble , la  chimie  se  trouve  en- 
core ici  en  défaut  : car  je  doute  qu’en 

(t)  Je  présume  que  le  fer  concourt  aussi  à donner 
de  la  dureté  à cette  pierre  , ainsi  qu’à  beaucoup  d’au- 
tres , lorsqu’il  entre  dans  leur  composition  en  petite 
quantité.  On  sait  qu’il  e t employé  dans  les  cimens  } 
et  l’expérience  prouve  qu’ils  en  deviennent  plus  durs  , 
ou  ce  qui  est  la  même  chose , que  leurs  parties  ac- 
quièrent entr’elles  plus  de  cohésion. 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITR ESCIBLES.  l5i 

traitant  cette  pierre  avec  le  sel  ammoniac, 
on  puisse,  au  moyen  de  la  sublimation,  en 
extraire  tout  le  fer  qui  la  colore  en  rouge. 

J’ai  cru  devoir  traiter  aussi  2 onces  de 
ce  porphyre  dans  un  vaisseau  distillatoire 
et  pneumatique  : il  ne  s’en  est  point  dégagé 
d’air , mais  il  a passé  dix  à douze  gouttes 
d’eau  dans  le  récipient. 

Mêmes  expériences  répétées  sur  Vophite 

antique. 

Ayant  mis  dans  un  matras  5 gros  de  cette 
pierre  concassée,  et  autant  d’acide  nitreux 
foible , il  ne  parut  aucune  effervescence  ; 
mais  après  un  mois  de  digestion  faite  à 
froid,  on  pouvoit  s’apercevoir  que  l’acide 
avoit  déjà  commencé  à agir,  et  après  un 
an  révolu , il  se  trouva  presque  saturé  j 
j’en  précipitai  alors  de  la  terre  calcaire  , 
de  la  terre  alumineuse  et  du  fer,  mais  il 
ne  me  fut  pas  possible  d’y  découvrir,  par 
ce  procédé  , la  terre  qui  sert  de  base  au 
sel  de  Sedlitz.  Les  5 gros  d’ophite  étoient 
réduits  à 4 gros  i\  grains , et  sa  couleur 
verte  avoit  disparu. 

Ayant  aussi  traité  par  l’acide  vitriolique 
différens  morceaux  d’ophite , les  produits 

K 4 


£ X A M 3E  N 


î5a 

ont  été  les  mêmes  ; ces  échantillons , dont 
les  uns  avoient  été  apportés  d’Italie  , les 
autres  d'Autun  , étoient  d’ailleurs  si  res- 
semblans  par  toutes  leurs  qualités  exté- 
rieures , que  je  les  crois  originairement 
sortis  de  la  même  carrière. 

Une  once  de  ces  pierres  soumise  à la 
vitriolisation  , a donné  : 

i°.  5 Grains  environ  de  fer  , sous  la 

forme  d’ocre. 

2°.  Un  peu  de  sélénite. 

3°.  1 Gros  56  grains  d’alun. 

4°.  65  Grains  de  vitriol  martiah 
5°.  4 ou  ^ Grains  de  sel  de  Sedlitz. 

Il  est  resté  un  peu  d’eau-mère  vitriolique. 
Enfin,  l’once  d’ophite  employée  avoit  perdu 
un  gros  i5  grains  de  son  poids. 

Mêmes  expériences  faites  sur  une  sorte 
de  granitel le  vert  de  la  vallée  d* Asp e , 
dans  les  Pyrénées. 

Pallasseau  qui , avec  des  connoissances 
profondes  et  un  zèle  peu  commun  , tra- 
vaille à la  lithographie  de  la  chaîne  des 
Pyrénées , me  remit , dans  le  courant  de 
l’année  3 777  , un  morceau  d’une  pierre 
qu’il  soupçonnoit  être  le  trapp  des  Sué- 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIBLES.  l53 

dois  : deux  chimistes  de  réputation , à qui 
il  avoit  demandé  des  éclaircissemens  sur 
cette  même  pierre  , l’avoient  l’un  et  l’autre 
traitée  suivant  la  méthode  de  Pott , et  à 
l’aide  d’un  feu  vif,  ils  étoient  parvenus  à 
la  faire  entrer  en  fusion  sans  aucun  inter- 
mède. 

Cette  pierre , qui  est  fort  dure , fait  feu 
avec  le  briquet,  et  lorsqu’on  lui  a donné 
le  beau  poli  dont  elle  est  susceptible  , elle 
présente  deux  couleurs  , l’une  d*un  vert 
clair  , l’autre  d’un  vert  obscur. 

Ces  qualités  me  la  firent  regarder  d’abord 
comme  un  ophite , dont  en  effet  elle  ne 
diffère  point  essentiellement  , puisqu’en 
ayant  soumis  2.  onces  à la  vitriolisation , 
qui  s’opère  plus  vite  que  celle  de  l’ophite 
antique  , il  en  a été  retiré  de  la  sélénite , 
de  l’alun,  du  vitriol  martial,  et  du  sel  de 
Sedlitz  qui  s’y  est  trouvé  en  plus  grande 
abondance  que  dans  la  vitriolisation  de 
l’ophite  antique;  l’alun,  le  vitriol  martial 
et  la  sélénite  étoient  d’ailleurs  à-peu-près 
dans  les  mêmes  proportions. 

Cette  pierre  qui  doit  aussi  être  regardée, 
d’après  ses  caractères  extérieurs  , comme 
une  de  celles  que  les  Italiens  appellent  gra* 


EXAMEN 


1 54 

nitelli  , et  dont  le  nôtre  ne  diffèreroit  que 
par  sa  couleur  verte  , ne  pourroit-elle  pas 
remplacer  dans  nos  édifices  l’ophite  ou 
porphyre  vert  tant  recherché  des  Grecs 
et  des  Romains  ? On  en  pourroit  ouvrir 
une  carrière  immense  : sa  beauté  , sa 
dureté  , et , ce  qui  en  est  une  suite  , sa 
solidité  , doivent  la  faire  préférer  à tous 
nos  marbres  verts  qui  se  dégradent  aisé- 
ment ; les  frais  qu’on  seroit  obligé  de  faire 
pour  l’exportation  de  cette  belle  pierre,  ne 
s’élèveroient  pas  plus  haut  que  ceux  qu’on 
fit  autrefois  pour  se  procurer  le  marbre 
de  la  vallée  de  Campan  , qui  est  même 
beaucoup  plus  éloignée  de  Bayonne  que 
celle  d 'Aspe:  c’est  aux  amateurs  des  beaux 
arts,  c’est  sur  tout  aux  architectes  chargés 
d’élever  les  grands  édifices  de  la  nation, 
à juger  si  les  vœux  que  je  fais  ici  sont  bien 
ou  mal  fondés. 

Expériences  faites  sur  des  granits  de  V an- 
cien Autun  , et  sur  celui  qui  se  trouve 
sous  la  ville  de  Sémur , en  Aux  ois. 

Il  m’avoit  été  envoyé  d’ Autun  trois  échan- 
tillons de  granits  antiques,  qui  différoient 


de  quelques  pierres  vitrescibles.  1 55 
^mtr’eux  par  la  couleur  et  la  grosseur  des 
grains. 

Le  premier  est  un  amas  de  grains  de 
quartz  : les  uns  d’un  blanc  laiteux;  c’est, 
dit-on,  le  feldspath  des  naturalistes  ; les 
autres,  gris  d’épine;  le  tout  entremêlé  de 
cristaux  d’un  vert  très -foncé  ou  presque 
noir. 

Le  second,  d’un  grain  plus  fin  , est  un 
mélange  de  quartz  blanc,  de  feldspath  et 
d’une  matière  verte  qui  en  forme  le  ciment. 

Le  troisième  ne  me  paroît  différer  du 
second  qu’en  un  seul  point.  Dans  celui-ci, 
les  fragmens  de  quartz  ou , si  l’on  veut,  de 
feldspath,  sont  blancs,  tandis  que  dans  le 
troisième  ces  mêmes  fragmens  ont  une 
teinte  verte. 

Ces  trois  granits  cassés  par  petits  mor- 
ceaux, ont  été  exposés  à l’action  de  l’acide 
vitriolique,  et  après  un  mois  révolu,  il  ont 
commencé  à se  couvrir  d’efflorescences  , 
et  au  moyen  de  nouvel  acide  que  l’on  four- 
nissoit  à mesure  que  la  saturation  parve- 
noit  à son  point,  la  vitriolisation  fut  com- 
plète dans  l’espace  d’une  année  révolue. 

En  examinant  chacune  des  efflorescences 
retirées  de  ces  trois  espèces  de  granit , le 


1 56 


EXAMEN 


résultat  a été  que  les  2 onces  du  premier 
échantillon , bien  lavées  et  bien  séchées , 
avoient  perdu  un  gros  33  grains  de  diverses 
substances  qui , unies  à l’acide  , avoient 
formé  les  sels  suivans , savoir  : 

Sélénite  gypseuse 17  grains. 

Alun 3 gros  38  grains. 

Vitriol  vert 1 gros  4 grains. 

Sel  Sedlitz 9 grains. 

Total  ? 4 gros  68  grains. 

Les  efflorescences  des  deux  autres  échan- 
tillons ont  également  donné  de  la  sélénite, 
de  l’alun,  du  vitriol , du  sel  de  Sedlitz,  et 
à quelque  chose  près,  dans  les  mêmes  pro- 
portions. 

Le  granit  de  Sémur  s’est  également  trouvé 
susceptible  de  vitriolisation,  et  a donné  les 
mêmes  sels,  à l’exception  de  celui  de  Sedlitz 
que  je  n’y  ai  pas  découvert. 

Enfin , tous  ces  granits  étant  traités  au 
feu  dans  les  vaisseaux  fermés  , fournissent 
quatre  à cinq  gouttes  d’eau  par  once. 

Il  résulte  des  expériences  dont  je  viens 
de  rendre  compte,  que  l’ophite  et  le  por- 
phyre sont  des  espèces  de  brèches  , dans 


DE  QUELQUES  PIERRES  YITRESCIELES.  1 Sj 

la  composition  desquelles  la  nature  a fait 
entrer  la  terre  vitrescible  et  une  terre  argi- 
leuse qui  contenoit  elle-mêine  du  fer,  de 
la  terre  calcaire  , de  la  terre  alumineuse  , 
et  de  la  terre  alkaline , base  du  sel  de  Sedlitz. 

La  présence  de  la  terre  vitrescible,  ou, 
si  l’on  veut , de  la  pierre  à fusil,  est  avouée 
de  tous  les  naturalistes:  en  effet,  les  yeux 
seuls,  en  se  promenant  sur  la  surface  de 
l’ophite  et  du  porphyre  , savent  la  distin- 
guer; mais  il  ne  faut  pas  s’y  tromper,  les 
cristaux  blancs  dans  celui-ci , et  les  cristaux 
verts  dans  celui-là,  ne  constituent  pas  seuls 
la  totalité  de  la  terre  vitrescible  renfermée 
dans  ces  deux  pierres  ; la  terre  argileuse 
en  a retenu  une  portion  avec  laquelle  elle 
s’est  combinée  , au  point  de  former  une 
substance  assez  dure  pour  donner  du  feu 
avec  le  briquet,  et  devenir  susceptible  d’un 
beau  poli;  propriétés  qu’elle  n’a  pas  natu- 
rellement, même  lorsqu’elle  a subi  la  lapi- 
dification. 

Le  porphyre  et  l’ophite  sont  donc  des 
pierres  qui  ne  diffèrent  entr’elles  que  par 
la  couleur;  dans  l’un,  les  cristaux  de  quartz 
sont  blancs,  et  le  ciment  rouge  ; dans  l’autre, 
ces  mêmes  cristaux  sont  d’un  vert  tendre , 


i5  8 


E X A M E N 


et  je  ciment  d’un  vert  obscur  ; mais  cette 

* 

différence,quelquegrandequ’elle  paroisse, 
n’est  pas  essentielle  , et  le  chimiste  n’en  est 
pas  surpris  , parce  qu’il  sait  que  ces  deux 
couleurs  peuvent  être  et  sont  en  effet  , 
selon  les  circonstances,  produites  parle  fer. 

Dans  la  partie  rouge  du  porphyre  , dans 
celle  que  j’appelle  le  ciment  , le  fer  se 
trouve  sous  la  forme  de  chaux  ou  de  col- 
cothar  : de  là , son  peu  de  solubilité  dans 
les  acides , et  le  peu  de  vitriol  martial  ob- 
tenu par  la  vitriolisation  de  cette  pierre. 

Or,  dans  cet  état,  le  fer  ne  se  combine 
pas  ; réduit  en  chaux  extrêmement  divisée, 
il  reste  interposé  entre  les  parties  de  la  terre 
argileuse,  et  la  fait  paroître  rouge.  Enfin  , 
si  les  petits  cristaux  de  quartz  ont  gardé 
leur  blancheur  naturelle  , c’est  encore  à 
l’état  d’insolubilité , à l’état  de  chaux  où 
s’est  trouvé  le  fer  lors  de  la  lapidification, 
qu’il  en  faut  rapporter  la  cause. 

Dans  l’ophite  , au  contraire  , ce  métal 
étoit  en  dissolution , ou  du  moins  dans  un 
état  propre  à la  dissolution , au  moment 
où  la  pétrification  s’opéroit  : susceptible 
alors  de  combinaison  , il  s’est  uni  à la 
terre  argileuse  $ et  par  une  suite  de  la 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIELES.  I 5cf 

propriété  qu’il  a dans  certaines  circons- 
tances , il  l'a  colorée  en  vert  foncé  j agis- 
sant aussi , mais  plus  foiblement  , sur  la 
terre  vitrescible , il  ne  lui  a communiqué 
que  cette  teinte  légère  qui  se  fait  remarquer 
dans  les  cristaux  prismatiques  de  Pophite. 

Mais  si  les  connoissances  que  nous  avons 
acquises  sur  les  ophites  et  les  porphyres  , 
nous  permettent  de  dire  quelque  chose  de 
vraisemblable  sur  leur  formation,  elles  ont 
encore  un  avantage  non  moins  précieux , 
je  veux  dire  celui  de  nous  mettre  en  état 
d’assigner  la  véritable  cause  de  la  fusibilité 
de  ces  pierres. 

Instruits  par  Pott  des  effets  du  feu  sur 
des  mélanges  de  diverses  terres  , et  nom- 
mément sur  celui  de  la  terre  argileuse  avec 
la  terre  calcaire  et  le  sable , nous  pouvons 
conclure  avec  certitude  que  le  porphyre  et 
Pophite  des  flrecs , Pophite  ou  granitelle 
vert  de  la  vallée  d’Aspe  , et  en  général 
tous  les  granits  ne  doivent  leur  fusibilité 
qu’à  leur  composition  qui  approche  très- 
fort  des  mélanges  artificiels  de  Pott  , si 
peut-être  elle  n’est  la  même  (1). 

(O  Pott  voulant  rendre  raison  de  la  fusibilité  du 
porphyre  et  de  l’ophite  , l’attribuoit  au  fer  qu’il  avoit 


îSo  examen 

Le  troisième  avantage  que  nous  procure 
l’analyse  des  opliites  et  des  porphyres,  est 
celui  de  mettre  le  naturaliste  à portée  de 
fixer  la  place  qu’ils  doivent  occuper  dans 
la  série  des  connoissances  que  nous  cher- 
chons à acquérir  dans  l’histoire  naturelle. 

L’expérience  prouve , en  effet,  que  dans 
la  fabrique  des  trois  principales  terres  qui 
forment  la  couche  supérieure  de  notre 
globe  , la  nature  va  toujours  du  simple 
au  composé.  Nous  avons  déjà  reconnu 
cet  ordre,  cette  marche,  dans  les  marbres 
calcaires,  et  nous  ne  l’observons  pas  moins 
dans  les  pierres  yitrescibles. 

Les  pierres  de  ce  genre  , qui  doivent 
occuper  la  première  place  dans  nos  cabi- 
nets ou  dans  nos  catalogues,  sont  le  cristal 
de  roche,  le  quartz,  le  silex  blanc,  c’est- 
à-dire,  celles  que  nous  reconnoissons  pour 
être  les  plus  pures.  De  là,  on  passeroit  à 

découvert  ou  soupçonné  dans  ces  pierres  } car  il 
n’entre  dans  aucun  détail  sur  cet  objet;  mais  une  once 
de  pierre  à fusil  et  quelques  grains  de  fer  formeroient- 
ils  un  mélange  fusible  ? Je  ne  le  crois  pas  , ou  du 
moins  je  suis  porté  à croire  que  , s’il  en  eût  exposé  un 
de  cette  nature  au  feu  de  son  fourneau  , il  ne  seroit 
pas  parvenu  à le  faire  entrer  en  fonte. 

ces 

' 


DE  QUELQUES  PIERRES  VÏTRESCIBLES.  l6l' 

ces  mômes  pierres  teintes  de  différentes 
couleurs , depuis  la  pierre  à fusil  grise  ou 
noire  la  plus  commune  , jusqu’à  l’agate 
que  nous  enchâssons  dans  l’or.  Les  jaspes 
et  les  autres  pierres  opaques  que  leur  beauté 
rend  précieuses  , quand  on  aura  découvert 
le  degré  de  leur  composition , trouveront 
peut-être  ici  leur  place  ; viendroient  en- 
suite les  pierres  grainées,  tels  que  les  grès, 
les  granits  simples,  les  granits  mélangés  et 
composés  de  matières  différentes;  on  fini- 
roit  par  les  ophites  et  les  porphyres  , qui , 
d’après  l’analyse,  sont  les  pierres  les  plus 
composées  de  toute  cette  classe. 

SUPPLÉMENT. 

Le  mémoire  qu’on  vient  de  lire  étoit  fait; 
et  quoique  je  n’eusse  tenté  aucune  expé- 
rience sur  le  jaspe  vert , j’avois  cependant 
assigné  la  place  qu’il  devoit  occuper  dans 
la  série  de  nosconnoissances  hthologiques. 
D’Aubenton  m’excita  à le  traiter  comme 
les  autres  pierres  , et  même  à soumettre 
aux  mêmes  opérations  le  jaspe  rouge , le 
jade  et  le  feldspath  ; il  eut  même  la  bonté 
de  me  procurer  des  échantillons  bien  carac- 
térisés de  ces  différentes  pierres , sur  les-: 
Tome  II,  L 

1 


l6‘2  examen 

quelles  j’ai  fait  des  expériences  dont  les 
résultats  ont  complété  le  travail  que  j’avois 
entrepris  sur  les  pierres  vilrescibles  mixtes. 

Tffet  de  l} acide  vitriol/ que  sur  les  jaspes 
ve/t  et  rouge  , sur  le  jade  et  le  feld- 
spath, etc. 

i 

Un  morceau  de  jaspe  vert  pesant  5 gros 
12  grains  , ayant  été  soumis  à l’action  de 
l’acide  vitriolique  foible,  dont  il  fut  seule- 
ment mouillé  , resta  en  cet  état  près  de 
trois  mois , sans  qu’il  parût  à sa  surface 
aucune  efflorescence.  Les  trois  mois  étant 
révolus , on  commença  à apercevoir  quel- 
ques points  d’une  boue  jaunâtre  qui  , 
augmentant  peu  à peu  en  grosseur  et  en 
nombre  , couvrirent  vers  le  sixième  mois 
toute  la  surface  de  l’échantillon  $ il  se 
forma  aussi  , vers  cette  époque  , sept 
petits  cristaux  d’alun  qui  avoient  tous 
les  caractères  propres  à ce  sel  5 vers  le 
huitième  mois,  on  en  découvrit  plusieurs 
autres  qui  s’étoient  formés  dans  la  cap- 
sule. Les  points  de  boue  jaunâtre  , dont 
j’ai  parlé,  n’avoient  pris  aucun  accrois- 
sement depuis  le  sixième  mois  ; c’étoit  au 
reste  du  vitriol  martial  avec  excès  d’acide. 


DE  QUELQUES  EIERRES  YITRESCIBLES.  l()J 

Lg  jaspe  vert  étant  une  pierre  très-dure 
et  très-coinpacte  , l'acide  dont  on  le  mouille 
ne  peut  agir  que  sur  sa  surface  , sans  ja- 
mais pénétrer  au-delà  ; aussi  le  morceau 
qui  faisoit  le  sujet  de  l’expérience  n’a  t-il 
éprouvé  aucune  altération  dans  sa  forme  , 
ni  essuyé  aucune  gerçure. 

Deux  morceaux  de  jaspe  rouge,  qui 
pesoicnt  ensemble  4 gros  \\  grains  , ont 
été  pareillement  arrosés  d’acide  vitriolique, 
au  meme  instant  que  le  jaspe  vert;  mais 
ils  n’ont  pas  été  attaqués,  et  rien  de  vitrio- 
lique ou  d’alumineux , rien  enfin  de  salin 
ne  s’est  manifesté  , meme  après  plus  de 
dix- huit  mois  d’expérience. 

Il  en  a été  de  même  d’un  morceau  de 
jade  dont  l’acide  vitriolique  n’a  pu  rien 
extraire  dans  le  même  espace  de  temps. 

Le  feldspath  , au  contraire  , soumis  à 
la  même  épreuve  , a donné  quelques  cris- 
taux d’alun  ; d’où  l’on  peut  conclure  que 
la  couleur  légèrement  laiteuse  de  cette 
dernière  pierre,  doit  être  attribuée  à 
cette  portion  de  terre  alumineuse  , qui  , 
disséminée  dans  toute  la  masse  , lui  com- 
munique de  l’opacité  ; on  peut  aussi , à 
ce  que  je  crois,  présumer  que  les  cassures 

L 2 


EXAMEN" 


1 64 

régulières  , qu’a  naturellement  le  feld- 
spath , sont  encore  un  effet  de  la  terre 
alumineuse  qui , par  son  mélange  avec  la 
pierre  quartzeuse  ou  vitrescible,  en  change 
la  contexture  : accident  qui  a engagé  les 
naturalistes  à donner  un  nom  distinctif  à 
cette  pierre  , qui  n’est , dans  le  vrai  , qu’un 
quartz  mélangé  d’un  peu  de  terre  d'alun. 
Ils  l’ont  appelée  feldspath  , dénomination 
peu  propre  à exprimer  sa  nature  , même 
pour  ceux  qui  entendent  la  langue  alle- 
mande '7  le  nom  de  Spath  scintillant  que 
lui  donnent  quelques  naturalistes  , expri- 
mant une  de  ses  propriétés,  me  paroît  plus 
convenable. 

Le  jaspe  rouge  et  le  jade  ont  l’un  et 
l’autre  résisté  à l’acide  vitriolique , quoique 
tous  deux  colorés  par  le  fer  ; ce  qui  n’éton- 
nera pas  , si , à l’égard  du  jaspe  rouge, 
on  veut  bien  se  rappeler  ce  qui  a été  dit 
sur  la  chaux  martiale  , qui  colore  en  rouge 
le  marbre  de  Campan  et  le  porphyre  an- 
tique. 

A l’égard  du  jade,  on  ne  peut  pas  em- 
ployer le  même  moyen  pour  expliquer 
sa  résistance  à l’acide  de  vitriol  5 mais  ne 
peut-on  pas  l’attribuer  non-seulement  à la 


DE  QUELQUES  TUERRES  VITRfiSClBLES.  1 65 

très  petite  quantité  de  fer  qui  le  colore  , 
mais  encore  à la  manière  intime  dont  ce 
fer  est  combiné  avec  la  pierre  vitrescible, 
qui  , couvrant  la  matière  colorante  en 
tout  sens  , l'empêche  de  se  prêter  à 
l’action  des  acides  ? 

Le  jaspe  yert  contient  de  la  terre  d’alun,' 
de  P argile  et  du  fer  , qui , en  tenant  les 
parties  de  la  pierre  vitrescible  écartées 
les  unes  des  autres  , donnent  à l’acide 
vitriolique  le  moyen  de  s’unir  à tout  ce 
qui  est  soluble,  et  de  former  de  l’alun  et 
du  vitriol  de  mars  ; car  il  est  bon  de  noter 
que,  si  dans  la  vitriolisation  du  jaspe 
yert , rapportée  ci-dessus  , je  n’ai  obtenu 
qu’une  très- petite  quantité  de  ces  deux  sels, 
on  en  doit  attribuer  la  cause  à ce  que  l’é- 
chantillon ayant  été  employé  en  un  seul 
morceau  , ne  présentoit  à l’acide  que  le 
moins  de  surface  possible.  Si  donc  on  vou- 
loit  pousser  la  vitriolisation  de  cette  pierre 
aussi  loin  qu’elle  pourvoit  aller  , je  conseil- 
lerois  de  la  réduire  en  poudre  fine  ; alors 
les  surfaces  multipliées  offriroientle  moyen 
d’en  retirer  tout  le  fer  , et  toute  la  terre 
alumineuse  qui  peuvent  y être  contenus.. 


i66 


EXAMEN 


Examen  de  deux  pierres  nouvellement 
envoyées  des  montagnes  du  Dauphiné , 
par  Villar. 

J’ai  déjà  donné  , dans  mon  deuxième 
mémoire,  l’analyse  de  deux  marbres  mé- 
langés de  schiste  et  de  pierre  vitrescible  ; 
je  vais  encore  en  citer  deux  pour  exemple, 
dont  l’un  sur-tout  a un  rapport  immédiat 
avec  les  pierres  dont  il  est  question  dans 
ce  quatrième  mémoire.  C’est  encore  d’Au- 
benton  qui  m’a  procuré  les  échantillons 
sur  lesquels  je  fais  mes  expériences  , et 
c’est  à Villar,  botaniste  très-connu,  que 
les  naturalistes  sont  redevables  de  la  décou- 
verte de  ces  deux  pierres  qui , par  la  sin- 
gularité de  leur  composition  , ne  peuvent 
manquer  d’intéresser  ceux  qui  s’occupent 
de  lithogéognosie. 

Le  travail  que  j’ai  commencé  sur  ces 
pierres  n’est  pas  encore  'porté  à sa  fin  , 
mais  il  est  assez  avancé  pour  pouvoir  pro- 
noncer sur  leur  composition. 

La  première  est  un  marbre  mixte  qui  a 
une  disposition  singulière  à se  fendre  en 
long  à la  manière  du  bois  , ce  qui  pour- 
roitla  faire  prendre  pour  du  bois  pétrifié. 


DE  QUELQUES  rïERRES  VITRESCïRLES.  l6/ 

6*i  on  ne  l’observoit  que  légèrement  : un 
Je  ces  morceaux  poli  dans  toute  sa  lon- 
gueur , offre  aux  yeux  un  marbre  rayé  de 
blanc  et  de  gris. 

Les  bandes  blanches  sont  du  marbre 
blanc  qui  contient  quelques  fragrnens  de 
quartz  $ les  bandes  grises  sont  composées 
de  schiste  , de  pierre  calcaire  et  de  menus 
cristaux  de  quartz  ; le  fer  ne  m’a  pas  paru 
jusquhci  s’y  trouver  $ les  cristaux  de  quartz 
sont  d’ailleurs  en  si  grande  abondance  dans 
la  partie  schisteuse  , qu’avant  le  poli  on  la 
prendroit,  à l’œil  et  au  tact,  pour  un  grès. 

Si  on  frappe  les  bandes  grises  avec  le  bri- 
quet , on  en  tire  fréquemment  des  étin- 
celles 5 mais  il  n’en  est  pas  de  même  des 
bandes  blanches , à moins  que  le  hasard  ne 
fasse  rencontrer  quelque  portion  de  quartz. 

Les  acides  de  nitre  et  de  sel  marin  atta- 
quent cette  pierre  avec  vivacité , et  bientôt 
les  bandes  blanches  sont  détruites  ; les 
grises  , au  contraire  , quoiqu’elles  aient 
souffert  l’action  de  l’acide  , paroissent 
subsister  dans  leur  entier  ; mais  si  on  les 
touche  , elles  se  brisent  en  se  réduisant 
partie  en  poudre  , partie  en  sablon  très- 
fin.  Si , au  contraire  , on  opère  avec  pré- 

L 4 


\ 


1 68 


EXAMEN 


caution  , et  qu’on  ait  exposé  à l’acide  un 
morceau  de  cette  pierre  , pesant  au  moins 
une  once,  on  s’apercevra  d’un  effet  assez 
remarquable  de  la  terre  schisteuse  sur  le 
squelette  de  cette  pierre  qui  , quoique 
privée  de  toute  la  terre  calcaire  dont  elle 
étoît  accompagnée,  conserve  cependant  la 
forme  d’aiguille  j usque  dans  ses  plus  petites 
divisions. 

La  partie  qui  constitue  les  bandes  grises 
a , comme  on  le  voit,  souffert  un  dérange- 
ment considérable  dans  son  aggrégation  : 
l’acide  y ayant  trouvé  de  la  terre  calcaire 
disséminée  entre  les  grains  de  quartz  et 
le  schiste,  en  a fait  la  dissolution (1)  , et 
il  n’est  resté  d’intact  que  les  deux  der- 
nières substances  qui,  foiblement  unies 
l’une  à l’autre,  conservoient  encore  la  pro- 
priété de  se  fendre  en  long,  que  nous 
avons  observée  dans  la  pierre  avant  que 
son  aggrégation  ait  été  dérangée  par  l’acide 
dont  l’action  tumultueuse  a aussi  produit 
le  déplacement  de  l’air  et  de  l’eau,  que 
nous  savons  être  l’un  et  l’autre  la  princi- 
er D’après  une  expérience  constante,  on  peut  soup- 
çonner dans  ce  schiste . de  la  terre  d’alun  et  de  sel  de 
* 7 

Sedlitz  qui  auront  également  été  dissoutes. 


DE  QUELQUES  TIEERES  VTTRESCïBLES.  î 6<) 

pale  cause  de  toute  lapidification  calcaire.’ 

La  seconde  pierre,  quoique  tirée  dans 
le  voisinage  de  la  première  , en  diffère 
cependant  à bien  des  égards.  Nous  avons 
observé  que  la  première  se  fendoit  avec 
facilité  en  longues  aiguilles  $ l’autre  , au 
contraire  , a de  la  disposition  à se  diviser 
par  lames  ; la  première  , pour  tout  dire  en 
un  mot,  est  un  marbre  mixte  , tandis  que 
la  seconde  , à en  juger  d’après  les  échan- 
tillons que  j’ai  sous  la  main,  est  d’une 
composition  si  compliquée,  que  je  ne  crois 
pas  qu’on  puisse  l’appeler  marbre  ; à la 
vérité  elle  contient,  dans  quelques-unes  de 
ses  parties , plus  de  la  moitié  de  son  poids 
de  pierre  calcaire  ; mais  aussi  il  en  est  tant 
d’autres  où  les  grains  quartzeux,  mêlés  de 
schoerl  noir  , de  schoerl  vert  et  d’un,  peu 
de  mica , s’y  rencontrent  en  si  grande 
. abondance  , qu’ils  masquent  le  peu  de  terre 
calcaire  qui  y est  disséminée , au  point  de 
ne  permettre  pas  à l’œil  de  l’observateur, 
de  faire  soupçonner  qu’elle  y soit  recélée. 

Le  mélange  des  différentes  matières  dont 
cette  pierre  est  composée , n’est  donc  pas 
uniforme  ; là  , le  schoerl  noir  se  rencontre 
abondamment  ) ici,  la  loupe  n’en  laisse 


EXAMEN 


I70 

Apercevoir  que  quelques  parcelles  j tantôt 
le  sclioerl  vert  est  le  dominant,  tantôt  c’est 
le  noir  • la  même  variété  se  rencontre  dans 
les  grains  quartzeux.  Quant  à la  terre  cal- 
caire , elle  est  quelquefois  répandue  dans 
la  pierre  en  cristaux  spatliiques,  quelque- 
fois aussi  elle  y est  rassemblée  en  masse  con- 
tinue , enfermée  entre  deux  couches  du 
mélange  précédent.  Un  échantillon  d’en- 
viron trois  pouces  de  long,  sur  un  pouce 
et  demi  de  largeur  , étoit  traversé  dans  son 
milieu  par  une  bande  de  marbre  spathique 
d’environ  trois  lignes  d'épaisseur  : on  voit 
dans  cette  portion  vraiment  calcaire  et 
colorée  en  rouge  très-léger,  quelques  petits 
cristaux  de  schoerl  vert  répandus  çà  et  là 
entre  les  cristaux  spatliiques,  qui  est  la 
forme  sous  laquelle  la  terre  calcaire  se  ren- 
contre constamment  dans  le  morceau  dont 
je  parle. 

Au  reste  , cette  pierre  se  prête  facile- 
ment à l’analyse  , et  l’acide  de  nitre  ou  da 
sel  marin  en  dissolvant  la  terre  calcaire,  le 
fer  ( car  celle-ci  en  contient) , et  les  autres 
substances  sur  lesquel! es  il  peut  agir,  sépare 
les  grains  de  quartz,  les  schoerls , et  le 
mica  5 ce  qui , sans  attendre  de  nouvelles 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIBLES.'  171 

expériences  sur  la  nature  des  autres  terres 
que  l’acide  vitriolique  nous  fera  conrioître, 
suffit  pour  nous  prouver  qu’il  y a dans  le 
globe  des  mélanges  où  les  détritus  de  granit 
. sont  confondus  avec  la  terre  calcaire  et  la 
terre  argileuse. 

CONCLUSION. 

En  analysant , par  la  voie  des  combinai- 
sons,  les  pierres  vitrescibles  mixtes,  nous 
les  voyons  composées  de  terre  vitrescible  , 
proprement  dite,  de  terre  argileuse  , de 
terre  d’alun , de  terre  de  sel  de  Sedlitz  , d’un 
peu  de  fer  et  de  terre  calcaire.  Ce  mélange  , 
diversifié  par  les  proportions  de  chacune 
des  substances  que  je  viens  de  nommer  , 
forme  les  porphyres  , les  ophites,  etc. 

Les  granits  , quoique  fort  durs  , sont 
cependant  plus  fragiles  que  l’ophite  et  le 
porphyre  5 la  raison  en  est  bien  simple, 
cette  pierre  qui  ne  contient  que  peu  ou 
point  d’argile  se  rapproche  des  grès  par  sa 
manière  d être  agglomérée  \ les  cristaux  de 
quartz  , de  feldspath,  de  sclioerl , les  pail- 
lettes <fe  mica  dont  elle  est  composée  , ne 
se  trouvant  pas  enfermés  dans  un  ciment 
lapidifié,  n’ont  point  entr’eux  cette  collé- 


EXAMEN 


172 

rence  que  l’on  remarque  entre  les  parties 
constituantes  de  l’ophite  et  du  porphyre  5 
aussi  voyons-nous  les  granits  subir  une 
décomposition  spontanée  beaucoup  plus 
prompte  que  celle  des  deux  autres  pierres  (1). 

En  effet,  dans  le  porphyre,  dans  l’ophite 
antique  , et  dans  le  granitelle  de  la  vallée 
d’Aspe  , les  portions  de  quartz , de  feld- 
spath sont  entourées  d’un  ciment  de  terre 
vitrcscible  et  de  terre  argileuse  , qui  en  se 
combinant  l’une  avec  l’autre,  ont  pris  une 
forte  consistance , ce  qui  a donné  à la 
masse  ce  plein  et  cette  cohérence  de  parties 
qui  feront  toujours  distinguer  ces  pierres 
d’avec  les  granits. 

La  matière  que  j’appelle  le  ciment  de 
l’ophite  et  du  porphyre  , a un  rapport  très- 

(1)  Cette  décomposition  aura  été  aperçue  de  tous 
ceux  qui  auront  parcouru  des  bandes  de  granits.  Lors- 
qu’on entre  dans  la  chaîne  des  Pyrénées , et  qir’on 
s’approche  des  montagnes  graniteuses , on  rencontre 
fréquemment  dans  le  fond  des  vallées  des  masses 
isolées  de  granit,  devenu  si  friable,  qu’on  peut,  en 
un  instant,  à l’aide  d’un  couteau  ou  même  d’un 
bâton,  y faire  un  trou  de  plusieurs  pieds  de  diamètre, 
et  dont  la  jrrofondeur  ne  sera  terminée  qu’à  la  ren- 
contre du  noyau  central  qui  n’a  pas  encore  éprouvé 
d’altération. 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRES  CIBLES.  Ij3 

sensible  avec  le  jaspe  vert,  qui,  s’il  étoit  par- 
semé de  cristaux  de  quartz  ou  de  feldspath, 
formeroit  un  porphyre  vert  ou  un  ophite. 

Je  l’ai  déjà  dit,  les  Pyrénées  çi)  ne  sont 
en  général  formées  que  de  trois  pierres, 
schiste  ou  pierre  argileuse  , marbre  ou 
terre  calcaire  , granit  ou  terre  yitrescible. 

(i)  C’est  toujours  dans  ces  montagnes  que  je  vais 
chercher  mes  preuves  ; j’ai  moins  bien  observé  les 
Alpes  françaises  , la  Haute-Auvergne  , lellouergue, 
le  Haut-Limousin  , les  Cévennes,  que  les  Pyrénées , 
pour  lesquelles  j’ai  toujours  eu  une  prédilection  qui 
me  sera  pardonnée  même  par  ceux  qui  n’auront  fait 
que  les  apercevoir.  D'ailleurs , cette  chaîne  offre  au 
naturaliste  un  morceau  , peut-être  unique  dans  le 
globe  , en  ce  que  dans  une  étendue  de  plus  de  quatre- 
vingts  lieues  , et  une  épaisseur  de  vingt,  sur  une  éléva- 
tion de  plus  de  quinze  cents  toises,  on  ne  rencontre  pas 
le  moindre  vestige  de  volcan  , et  qu’on  n’y  voit  point 
de  ces  énormes  affaissemens  qui  bouleversent  tout,  et 
ne  laissent  à l’observateur  que  le  triste  spectacle  d‘un 
chaos  où  il  ne  peut  rien  apprendre  sur  la  formation 
du  grand  édifice  dont  il  ne  voit  plus  que  les  dé  ombres. 
Je  le  répète  encore,  c’est  dans  la  chaîne  des  Pyrénées 
qu’il  faut  aller  prendre  des  leçons  sur  la  formation  des 
montagnes  ; et  peut-être  qu’après  les  avoir  bien  étu- 
diées, on  sera  tenté  d’attribuer  leur  inclinaison  à une 
toute  autre  cause  que  celle  qui  paroît  aujourd’hui 
généralement  adoptée  par  les  naturalistes. 


E X A M E K 


1 74 

Les  deux  premières,  le  schiste  (i)  et  le 
marbre  forment  alternativement  des  cou- 
ches qui  m’ont  paru  , à l’égard  du  marbre, 
avoir  quelquefois  plus  d’une  demi-lieue 
d’épaisseur. 

Or  , quelle  sera  la  partie  de  cette  épais- 
seur où  on  pourra  trouver  les  marbres  que 
j’ai  appelés  mixtes,  tels  que  les  cipolins  , 
les  amandolins  , le  campan  , etc.  r Ce  ne 
sera  ordinairement  pas  vers  le  centre  qui 
est  presque  toujours  un  marbre  simple 
ou  blanc  , ou  foiblement  coloré  ; mais  on 
sera  sur  de  les  rencontrer  vers  le  lieu  où 
les  surfaces  des  deux  couches  sont  en  con- 
tact; c’est  là  que  se  sont  faits  les  mélanges 
qui,  par  la  succession  des  temps,  ayant 
pris  la  consistance  et  la  dureté  que  nous 
connoissons  aux  marbres  mixtes,  ont, 
pour  ainsi  dire  , fait  une  soudure  qui  unit 

(i)  On  entend  communément  par  le  schiste,  toute 
pierre  qui  a la  propriété  de  se  fendre  en  lames  ou 
feuilles  , par  exemple  , les  ardoises.  Je  généralise 
davantage  ce  nom  ; je  le  donne  à toutes  les  pierres 
argileuses , soit  qu’elles  se  fendent  en  lames , soit 
qu’elles  se  fendent  en  prismes,  ou  sous  toute  autre 
forme,  pourvu  qu’elles  aient  une  régularité  constante 
dans  leurs  fractures. 


DE  QUELQUES  PIERRES  VIT RESCI BLES . 1*5 

en  beaucoup  d’endroits  la  couclie  de  schiste 
avec  la  couche  de  marbre. 

A l’égard  des  granits,  je  ne  crois  pas 
qu’on  puisse  leur  appliquer  ce  qui  vient 
d’être  dit  : tout  semble  prouver  que  dans 
les  Pyrénées  cette  pierre  est  la  base  sur  la- 
quelle les  couches  de  marbre  et  de  schiste 
se  sont  formées. 

Il  n’est  cependant  pas  rare  de  rencontrer 
des  mélanges  de  granit  et  de  schiste;  on 
trouve , en  effet , dans  les  couches  de 
cette  dernière  pierre  , des  masses  schis- 
teuses parsemées  de  grains  de  quartz  , de 
mica  , et  peut-être  aussi  , de  feldspath. 
Les  ophites  antiques  , le  granitelle  de  la 
vallée  d’Aspe , sur-tout  , sont  des  pierres 
dans  la  composition  desquelles  on  retrouve 
les  mêmes  cristaux  ; mais  ces  mélanges 
n’ont  rien  de  surprenant  , quand  on  consi- 
dère que  la  mer,  en  détruisant  les  rochers 
graniteux  qu’elle  couvroit , en  détachoit 
continuellement  les  grains  dont  ils  sont 
composés,  et  en  formoit  une  sorte  de  sable 
ou  menu  gravier  qui  ne  tardoit  pas  à se  fixer 
dans  la  boue  argileuse  , déposée  au  pied 
et  sur  le  talus  des  montagnes  de  granit. 

O O 

On  trouve  aussi  quelquefois  de  la  pierre 


176  examen 

calcaire  dans  les  mélanges  de  scliiste  et  de 
pii  rre  vitrescible  • des  détritus  de  granits 
ont  été  portés  dans  des  boues  argileuses 
et  calcaires,  ce  qui,  par  succession  de 
temps  , a formé  des  marbres  composés  de 
trois  substances  : j’ai  cité  dans  mon  second 
mémoire  sur  les  pierres  , pour  exemple  , 
un  cipolin  de  l’ancien  Autun  , un  marbre 
polizone  d’Italie,  pareil  à celui  dont  sont 
faites  les  colonnes  qui  décorent  le  maître- 
autel  de  l’église  de  Saint-Gerinain-des-Prés$ 
j’ai  ajouté  dans  ce  quatrième  mémoire  deux 
autres  exemples , l’un  d’un  marbre  schis- 
teux , dans  lequel  il  se  rencontre  beau- 
coup de  petits  cristaux  quartzeux  , l’autre 
d’un  marbre  composé  de  grains  de  quartz, 
de  schoerl , de  terre  calcaire  , etc. 

Ces  différentes  pierres , ainsi  que  les 
porphyres  , les  ophites  antiques  , le  gra- 
nitelle  de  la  vallée  d’Aspe  , sont  des 
pierres  de  seconde,  et  peut-être  même  de 
troisième  formation  ; ce  ne  sont  que  des 
mélanges  faits  , en  des  proportions  diffé- 
rentes , de  toutes  les  matières  déposées  par 
la  mer  dans  les  parties  de  son  vaste  bassin, 
que  des  circonstances  ayoient  rendues 
propres  à les  fixer, 


La 


jDE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIELES.  ï;  7 

La  mer  , quelle  que  soit  son  agitation  , 
ne  fait,  dans  son  fond  , que  glfsser  sur  les 
dépôts  terreux  que  même  elle  affermit  par 
son  poids  , tandis  qu’elle  paroî t aux  yeux 
de  celui  qui  la  contemple  , employer  toutes 
ses  forces  contre  les  rochers  qui  s’opposent 
à ses  courants  ; elle  détacha  donc  des  blocs 
de  granit  qui,  roulant  à travers  les  ondes 
sur  le  talus  de  la  montagne  dont  ils  fai- 
soient  partieun  instantaupa rayant,  ailoienC 
s’enfoncer  dans  des  dépôts  qui  nous  pa- 
roissent  aujourd'hui  très-éloignés  des  pics 
graniteux.  Or,  ces  blocs,  dont  quelques-uns 
sont  d’une  grosseur  énorme  , sont  ceux 
que  nous  rencontrons  enfermés  dans' les 
couches  schisteuses,  tantôt  plus,  tantôt 
moins  profondément,  en  raison  de  l’époque 
de  leur  chiite  (1). 

Je  finis  par  une  réflexion  sur  les  granits 
proprement  dits,  regardés  comme  pierre 
de  première  formation  , et  comme  faisant 
la  base  du  globe. 

On  a dû  être  bien  moins  étonné  de 
trouver  dans  les  granits  analysés  , le  fer 

(i)  J’ai  eu  occasion  de  voir  de  ces  blocs  enfermes 
dans  le  schiste  à des  profondeurs  de  trois  à quatre  centa 
toises. 

Tome  IL  M 


1 7 S EXAMEN 

et  les  terres  qui  servent  de  base  à l’alun 

•A 

et  au  sel  de  Sedlitz  , que  d’y  rencontrer 
la  terre  calcaire  qui,  par  sa  présence  , 
semble  contredire  le  système  adopté  sur 
l’origne  de  cette  même  terre , ou  du 
moins  celui  qu’on  a établi  sur  la  formation 
du  granit. 

J’avoue  que  les  expériences  qui  m’ont 
fait  reconnoître  la  terre  calcaire  dans  ce 
genre  de  pierres  , demandent  à être  ré- 
pétées sur  d’autres  échantillons.  Ceux  que 
j’ai  examinés  provenoient  des  ruines  de 
l’ancien  Autun.  Employés  par  les  Romains 
à la  décoration  de  leurs  grands  édifices  , 
ils  ont  été  fixés  aux  autres  pierres  par  un 
ciment  fait  avec  la  chaux  $ d’ailleurs  , en- 
fouis pendant  une  douzaine  de  siècles 
sous  des  décombres,  ils  ont  pu  s’imprégner 
de  quelques  portions  de  terre  calcaire  qui 
se  seront  introduites  dans  des  gerçures. 

A l’égard  de  celui  de  Sémur,  qui  a aussi 
donné  un  peu  de  sélénite  , on  doit  égale- 
ment avoir  quelques  doutes  sur  sa  pureté. 
Le  morceau  qui  in’a  été  donné  pou  voit  avoir 
resté  long-temps  à la  superficie  de  la  terre  , 
et  avoir  reçu  de  l’atmosphère  quelque  subs- 
tance calcaire  5 que  sait-011  ? En  fait  d’expé- 


DE  QUELQUES  PIERRES  VITRESCIBLES.  179 

rlences  , il  faut  toujours  se  tenir  sur  ses 
gardes.  Combien  de  procédés  ont  réussi 
une  , deux  et  trois  fois  , qui  n’ont  eu  aucun 
succès  à la  quatrième  > que  dis-je , a la 
dixième,  et  par  conséquent  qu’il  a fallu 
regarder  comme  nuis. 

Il  est  , sans  doute , intéressant  pour 
l’histoire  naturelle  , de  constater  si  tous 
les  granits  contiennent  de  la  terre  calcaire, 
ou  n’en  contiennent  pas  Je  souhaite  que 
des  chimistes  versés  dans  le  manuel  , 
veuillent  concourir  à vérifier  l’affirmative 
ou  la  négative  $ je  vais  , de  mon  côté  , me 
procurer  des  échantillons,  qu’on  ne  pourra 
pas  suspecter  , et  faire  tous  mes  efforts 
pour  découvrir  la  vérité  d’un  pareil  fait  (1). 

(1)  Dans  ce  mémoire  j’ai  parlé  du  schoerl , sans 
rien  dire  de  sa  composition  $ mais  puisque  l’occasion 
s’en  présente  , je  crois  devoir  annoncer  qu’ayant 
exposé  à l’action  de  l’acide  vitriolique  , 2 onces 
d’un  schoerl  du  Limousin  qui  est  d’une  couleur  noire 
foncée  , en  masse  pleine  et  parsemée  de  quartz  blanc  , 
la  vitriolisation  s’est  faite  très-aisément , et  que  par  ce 
moyen  , il  a été  retiré  7 gros  et  demi  d’alun  sali  par 
un  peu  d’ocre  , en  sorte  que  2 onces  de  ce  schoerl 
contiennent  près  de  2 gros  de  terre  alumineuse  et  une 
très-petite  portion  de  fer. 


M a 


OBSERVATIONS 


V 


180 


PROCÉDÉ 


J? ar  lequel j 3 ai  obtenu } en  1777,  de  V acide 
nitrique , en  traitant  la  manganèse  seule 
élans  les  vaisseaux  fermés , 

PREMIERE  OPÉRATION. 


Q 


u e l’on  mette  2 onces  cle  manganèse 
pulvérisée  dans  une  petite  retorte  de  verre 
lutée,  et  qn’on  y adapte  un  petit  récipient , 
bientôt  011  apercevra  des  gouttes  d’eau 
qui  se  succéderont  de  loin  en  loin  3 on 
pourra  compter  jusqu’à  60  ou  70  , entre 
la  première  et  la  seconde , et  même  la 
troisième  3 si  l’on  augmente  le  feu,  on  ne 
comptera  plus  que  5o , 4°  » 3o  , 20  , enfin 
18.  Déjà/instruit  par  mes  précédens  tra- 
vaux que  la  serpentine  ollaire  ainsi  traitée 
m’avoit  donné  des  preuves  certaines  qu’on 
pouvoir  en  tirer  de  l'acide  marin , je  rece- 
vois  de  temps  en  temps  , sur  du  papier  à 
sucre  , les  gouttes  d’eau  que  me  fournis- 
soit  la  manganèse  3 et  sur  la  fin  de  la  dis- 
tillation , j’observai  que  la  couleur  du 
papier  étoit  détruite  par  la  chute  d’une 


1 


SUR  LA  MANGANÈSE.  1 S l 

seule  goutte  d’eau  : telle  fut  ma  première 
opération. 

SECONDE  OPÉRATION. 

Ayant  introduit  dans  une  petite  retorte- 
de  verre  4 onces  de  la  même  manganèse  > 
(c’étoit  toujours  celle  du  Feliombourg  , 
dans  la  Lorraine  allemande)  ; j’adaptai  au 
bec  un  tube  de  verre,  recourbé  à-peu-près 
à angle  droit;  cet  appareil  ainsi  disposé, 
j’introduisis  dans  la  courbure  du  tube 
environ  une  demi-once  d’eau  distillée  , et 
légèrement  alkalisée  par  quelques  gouttes 
de  déliquium  d’alkali  de  tartre. 

Tout  étant  disposé  le  feu  fut  allumé  et 
poussé  au  degré  nécessaire  : le  fluide  aéri- 
forme  (car  c’est  ainsi  qu’on  l’appeloit  en 
1 777  ) passoit  ou  se  filtroit  à travers  l’eau 
alkalisée  ; l’eau  qui  distilloit  s’y  mêloit. 

Mon  objet  étant  de  saturer  l’alkali  que 
j’employois  , dès  que  je  m’aperçus  que  les 
bulles  qui  se  formoient  dans  la  liqueur  qui 
remplissoit  exactement  la  courbure  du 
tube  , ne  se  succédoient  que  de  loin  en 
loin  , je  laissai  tomber  le  feu  , et  dès  que 
l’appareil  fut  refroidi  , je  substituai  uns 
- autre  cornue  également  chargée  de  4. onces. 

Ü M 3 


i82  OBSERVATIONS 

de  manganèse,  à celle  qui  étûit  adaptée  ara 
tube  , et  j’ai  procédé  à une  nouvelle  distil- 
lation 5 j’allai  même  jusqu’à  en  faire  une 
troisième  , tant  j’avois  à cœur  de  saturer 
l’alkali  fixe  contenu  dans  la  demi -once 
d’eau  qui  est  dans  le  tube. 

Donze  onces  de  manganèse  ayant  été 
employées  dans  cette  opération  , il  ne  res- 
toit  plus  qu’à  vérifier  l’état  où  se  trouvoit 
l’alkali  qui  de  voit,  selon  moi , avoir  absorbé 
tout  l’acide  contenu  dans  les  J2  onces  de 
manganèse.  L’eau  du  tube  fut  en  consé- 
quence versée  dans  une  petite  capsule  de 
verre  ; son  goût  annonçoit  que  l’alkali 
étoit  bien  éloigné  d’être  saturé.  N’importe , 
je  procédai  sur-le  champ  à son  évaporation 
au  bain-marie , et  lorsque  je  la  jugeai  assez 
rapprochée,  je  l’abandonnai  à elle-même, 
et  vingt- quatre  heures  après  j’aperçus  sous 
la  liqueur  des  aiguilles  longues  et  minces  , 
dont  le  poids  , si  je  l’ai  bien  évalué , ne  me 
paroissoit  être  au  plus  que  de  2 ou  3 grains  j 
j’en  retirai  quelques  unes  , qui , mises  sur 
du  charbon  allumé  , fusèrent  vivement , 
et  ne  me  laissèrent  aucun  doute  sur  leur 
nature. 

J’ai  répété  cette  expérience  sur  la  man- 


1 


I 


SUR  ï.  A M A N G A N È Se.  l83 

ganèse  d’Angleterre  et  sur  celle  du  Maçon- 
nais , et  j’ai  constamment  obtenu  les  mêmes 
résultats. 

-PROCÉDÉ 

Employé  dans  la  Suabe  pour  faire  le  sel 

d’oseille . 

Le  sel  essentiel  d’oseille,  tant  qu’il  ne 
fut  employé  parmi  nous  que  pour  enlever 
les  taches  d’encre  , étoit  un  objet  de  con- 
sommation peu  important  ; mais , depuis 
une  vingtaine  d’années  qu’011  a commencé 
à en  faire  des  boissons  acidulés  , très- 
agréables  et  très-salutaires  , cette  consom- 
mation , ainsi  que  le  prix  de  ce  sel , ont 
doublé. 

Cependant  aucun  de  nos  compatriotes 
n’a  jusqu’ici  tenté  d’en  former  une  fabrique 
qui , sans  être  la  source  d’une  grande  ri- 
chesse , produiroit  du  moins  à celui  qui 
l’établiroit , un  profit  très*lionnête. 

L’Allemagne  continue  donc  à nous  four- 
nir tout  le  sel  d’oseille  que  nous  consom- 
mons 5 c’est  une  branche  de  commerce 
pour  la  Suabe  , et  principalement  pour  le 
canton  que  nous  connaissons  sous  le  nom 

M 4 


l84  P R O C à Dt  B 

de  -Foret’ Noire.  Là  , ce  sel  est  préparé  par 
de  simples  paysans  ; ce  qui  ne  nous  éton- 
nera pas,  si  nous  voulons  porter  nos  ré- 
liexions  sur  la  fabrique  de  la  plus  précieuse 
et  la  plus  recherchée  de  toutes  les  liqueurs , 
sur  le  vin. 

Leshabitans  de  la  Foret-Noire  qui  se  sont 
adonnés  à extraire  ce  sel , le  portent  à 
Laie,  ville  très-commerçante  et  située  dans 
leur  voisinage  ; ils  le  vendent  aux  maté- 
rialistes qui , à leur  tour  , nous  le  font 
passer  ; en  sorte  que  nous  l’achetons  de 
la  seconde  main  , ce  qui  augmente  encore 
le  prix. 

L’importation  de  ce  sel  en  France  n’est 
pas  pour  l'Etat  une  affaire  de  grande  con- 
séquence ; mais  , à moins  d’une  nécessité 
absolue  , peut-on  laisser  sortir  du  royaume 
la  plus  petite  somme  d’argent?  Non  sans 
doute  , et  nous  croyons  que  l’importation 
du  sel  d’oseille , ne  coûtât-elle  à la  France 
que  dix  mille  livres  par  an  , doit  être  non 
pas  prohibée  , mais  rendue  nulle  par  l’éta- 
blissement de  quelques  usines  où  on  le 
fabriqueroit. 

De  pareils  établissemens  seroient  peu 
coûteux  et  d’un  produit  assuré  , sur-tout 


du  sel  d’ o s n u e;  i85 

si  les  particuliers  qui  les  forineroient  , 
étoient  assez  sages  pour  proportionner  leur 
fabrique  à la  consommation. 

Ce  n’est  pas  aux  artistes  de  Paris  que 
j’adresse  ma  proposition  ; ils  en  sentiront 
facilement  la  raison  , en  voyant  les  détails 
du  procédé  usité  chez  les  habitans  de  la 
Forêt-Noire  ; mais  rien  ne  peut  empêcher 
les  pharmaciens  de  quelques  villes  de 
province  de  se  livrer  à ce  genre  de  travail 
qui  , ne  les  occupant  que  deux  ou  trois 
mois  de  l’année  , pourroit  cependant  leur 
ouvrir  une  petite  branche  de  commerce  , 
qui  les  aideroit  certainement  à soutenir 
les  dépenses  de  leur  maison.  C’est  sur-tout 
à quelques-uns  de  ceux  qui  sont  établis 
dans  les  environs  de  la  capitale  , ou  s’en 
fait  la  plus  grande  consommation  , qu’il 
convient  de  penser  à former  rétablisse- 
ment que  je  prends  la  liberté  de  leur  pro- 
poser. 

Tel  est  le  premier  et  principal  motif  qui 
m’engage  à faire  part  au  public  du  procédé 
que  j’annonce  ; mais  il  en  est  un  autre. 

Les  chimistes  français , ceux  sur-tout 
qui  ont  publié  depuis  peu  des  ouvrages 
sur  leur  art , ont  plus  que  des  soupçons 


l86  PROCÉDÉ 

sur  le  sel  d’oseille  que  nous  tirons  d’Alle- 
magne. Sans  doute  que  , considérant  la 
petite  quantité  de  sel  qu’ils  auront  obtenue 
avec  peine  et  grands  frais  , en  travaillant 
sur  L’oseille  cultivé  dans  nos  jardins  ou  sur 
quelques  poignées  d’oxitriphillum  ramas- 
sées dans  nos  forêts  , ils  n’ont  pu  se  per- 
suader que  le  sel  essentiel  d’oseille  qu’on 
nous  envoie  de  Suabe  , fût  extrait  des 
plantes  qui  portent  ce  nom  ; et  avec  d’au- 
tant plus  de  raison  , selon  eux  , que  le 
prix  auquel  il  se  vend  ne  répond  point  du 
tout  aux  frais  qu’on  est  obligé  de  faire  , 
lorsqu’on  essaie  d’en  fabriquer  dans  son 
laboratoire. 

Ces  réflexions  ont  donc  porté  la  plupart 
de  nos  chimistes  à regarder  le  sel  d’oseille, 
non  pas  comme  urj  produit  de  la  nature , 
mais  comme  un  ouvrage  de  Fart , enfin 
comme  une  sophistication. 

Il  seroit  très -facile  de  répondre  à ces 
objections  , mais  ce  seroit  disserter  inuti- 
lement, puisque  le  procédé  que  je  vais 
donner  , en  levant  tous  les  doutes  , nous 
fera  connoître  la  vérité. 

Mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
de  faire  observer  à notre  tour , que  la 


J 

DU  S E X D*  OSEILLE.  187 

crème  de  tartre  , ou  , ce  qui  est  la  même 
chose,  que  le  sel  essentiel  du  raisin  purifié 
que  nous  tirons  du  bas  Languedoc  à très- 
bas  prix,  ne  pourroit  être  fabriqué  dans 
nos  laboratoires  , en  le  prenant  dans  le 
raisin  même  , qu’en  dépensant  peut-être 
deux  louis  d’or  pour  en  obtenir  une  livre. 

La  chimie  doit  sans  doute  éclairer  les 
arts , mais  elle  ne  doit  jamais  conclure  pour 
les  dépenses  du  petit  au  grand. 

J’ai  cité  l’exemple  de  la  crème  de  tartre, 
parce  que  ce  sel  essentiel  du  raisin  a tant 
de  rapport  chimique  avec  le  sel  essentiel 
d’oseille  , qu’on  peut  présumer  que  la  fa- 
brique de  l’un  doit  être  celle  de  l’autre  ; et 
c’est  ce  qui  est  en  effet  , comme  nous 
l’allons  voir. 

Procédé  pour  extraire  et  purifier  le  sel 
essentiel  d’oseille  , communiqué  par 
Baunach  , pharmacien  en  chef  de  l’hô- 
pital militaire  de  Brest. 

Ce  sel  se  tire  principalement  de  l’oseille, 
connu  des  botanistes  sous  la  dénomination 
de  JRumex  acetosa  foliis  safttitis , (L'n.) 

On  la  seme  au  mois  de  mars  , dans  de 
vastes  champs  bien  disposés  par  des  la- 


lbb  PROCEDE 

bours,  à en  recevoir  la  graine.  La  plante 
croît  avec  promptitude,,  et  acquiert  assez 
de  vigueur  pour  être  coupée  au  mois  de 
juin  ; on  la  fauche  à cette  époque  , et  tout 
de  suite  elle  est  transportée  sur  des  voitures 
et  déposée  dans  la  fabrique. 

Dans  cette  fabrique  est  disposé  un  mortier 
de  bois  , de  forme  carrée  , fait  de  gros 
madriers  bien  joints  et  assujétis  par  des 
cercles  de  fer  : la  partie  inférieure  ou  le 
fond  de  ce  mortier  , est  composé  de  mor- 
ceaux de  bois  très-solides  et  très-épais  -,  on 
a pratiqué  , sur  un  des  côtés  en  joignant 
le  tout , une  ouverture , une  sorte  de  petite 
porte  qui  ferme  exactement  j nous  en  indi- 
querons l’usage  dans  un  moment  : au  reste 
la  capacité  de  cette  espèce  de  mortier  est 
telle  qu’il  peut  contenir  environ  trois  cents 
pintes  mesure  de  Paris. 

Au-dessus  de  ce  mortier  s’élève  un  s;ros 
pilon  de  bois  , de  dix  à douze  pieds  de 
long  , et  d’une  épaisseur  proportionnée  à 
la  grandeur  du  mortier  ; il  est  fait  et  dis- 
posé de  manière  à toucher  et  à écraser  la 
matière  qui  doit  être  exposée  à son  action. 

Ce  pilon  est  emmanché  à une  autre  pièce 
de  bois  de  vingt  pieds  de  long  sur  dix  à 


DU  SEL  d’0SEILLE.  ittcj 

douze  pouces  d’équarrissage  ; ce  qui  donne 
la  forme  d’un  marteau  , dont  en  effet  il 
porte  le  nom. 

Cette  pièce  de  bois  , ou  , si  l’on  veut , ce 
manche  de  marteau  est  soutenu  ver-s  son 
milieu  sur  une  colonne  de  bois  échancrée  $ 
c’est  sur  ce  point  d’appui  que  le  marteau 
se  trouve  en  quelque  sorte  en  équilibre. 

L’extrémité  du  manche  de  ce  marteau 
est  disposée  de  manière  à recevoir  l’impres- 
sion et  le  mouvement  que  doit  lui  donner 
l’arbre  d’une  roue  mue  par  l’eau  courante, 
sur  le  bord  de  laquelle  est  construis  la 
fabrique. 

Cet  arbre  est  armé  d’une  forte  cheville, 
qui , à chaque  révolution  de  roue,  s’appuie 
sur  l’extrémité  du  manche  du  marteau  , le 
fait  baisser,  et  du  meme  coup  élève  le  pilon 
qui  ne  tarde  pas  à tomber  sur  la  matière 
contenue  dans  le  mortier. 

Cet  appareil  étant  bien  disposé  , ou 
charge  • le  mortier  d’oseille  récemment 
cueillie  5 on  lève  la  vanne  du  moulin , et 
dans  l’instant  l’eau  met  la  roue  et  le  pilon 
en  jeu. 

Lorsque  l’oseille  est  suffisamment  écra- 
sée , on  arrête  la  roue , et  l’on  fait  sortir 


V n o c è d è 


Jÿo 

par  la  petite  porte  dont  nous  avons  parle  , 
le  suc  et  le  mare  de  la  plante  , qu’on  reçoit 
et  dépose  dans  des  cuves  de  bois  ; on 
remplit  le  mortier  d’oseille  , et  l’on  fait  de 
nouveau  jouer  le  pilon  , travail  qui  se 
continue  jusqu’à  ce  qu’on  ait  réduit  en 
une  sorte  de  pulpe  toute  l’oseille  récoltée. 

Le  suc  et  le  mare  obtenus  étant  mis  dans 
des  cuves  , on  y ajoute  une  certaine  quan- 
tité d’eau  fraîche , et  on  laisse  macérer 
pendant  quelques  jours  , après  lesquels  on 
soumet  le  tout  à l’action  d’un  pressoir  dont 
l’atej  er  est  muni  : ce  pressoir  ne  diffère 
point  de  ceux  qui  sont  en  usage  pour  le 
raisin. 

Le  suc  d’oseille  , quelque  abondant  qu’il 
paroisse  , ne  suffit  pas  pour  tenir  en  disso- 
lution tout  le  sel  essentiel  contenu  dans 
cette  plante  : c’est  pourquoi  nous  venons 
de  voir  que  les  fabricans  y ajoutoient  de 
l’eau  : mais,  non  contents  de  cette  première 
addition  , ils  reportent  dans  le  mortier  le 
mare  exprimé  , et  le  pilent  de  nouveau  , en 
y mêlant  à-peu-près  autant  d’eau  que 
l’oseille  verte  en  contient  naturellement  - 
ils  expriment  une  seconde  fois  , et  ne  cessent 
ces  opérations  alternatives,  que  lorsqu’ils 


B IX  SEL  B*  O S E I X X E.  I<jl  ' 

s’aperçoivent  que  le  mare  ne  contient  plus 
de  parties  extractives. 

Tout  le  suc  obtenu  par  les  expressions 
ci-dessus  mentionnées  étant  légèrement 
chauffé  et  rassemblé  dans  une  grande 
cuve  , on  y ajoute  de  l’eau  dans  laquelle 
on  a délayé  de  la  terre  argileuse  très-fine  , 
très  blanche  et  sur-tout  très-pure  ( on  met 
ordinairement  vingt  livres  de  cette  argile 
blanche , sur  douze  cents  pintes  de  suc  ) : 
on  agite  le  tout  et  on  le  laisse  en  repos  ; 
vingt  quatre  heures  suffisent  pour  clarifier 
la  liqueur  : alors  on  la  décante  ; on  jette 
sur  des  filtres  d’étoffe  de  laine  la  matière 
déposée  dans  le  fond  des  cuves  , et  on  la 
laisse  bien  égoutter. 

Ce  dépôt,  qui  est  un  mélange  de  parties 
terreuses  et  résineuses , ainsi  que  la  portion 
la  plus  tenue  du  parenchyme  de  la  plante  , 
s’il  est  bien  lavé  , ne  contient  plus  de  sel 
essentiel  $ si  on  le  brûle  , on  n’en  retire 
pas  un  atome  d’alkali  fixe. 

Le  suc  d’oseille  étant  clarifié  , ainsi  que 
nous  venons  de  le  dire  , est  porté  dans  de 
grandes  chaudières  de  cuivre  étamées  , 
dans  lesquelles  on  le  fait  bouillir  très- 
légèrement  , et  évaporer  jusqu’à  ce  l’on 


I92  Procédé 

voie  paroître  un  commencement  de  pelli- 
cule à la  surface  ; à ce  moment , on  le 
verse  dans  des  terrines  de  grès  , qui  con- 
tiennent environ  seize  pintes  ; ces  terrines 
sont  posées  dans  un  lieu  frais  , où  elles 
restent  sans  agitation  pendant  un  mois  ; 
on  décante  alors  la  liqueur  , et  l’on  trouve 
les  parois  de  ces  terrines  couvertes  d’un 
sel  irrégulièrement  cristallisé , et  d’une 
couleur  grisâtre. 

La  liqueur  décantée  , soumise  à une 
seconde  et  troisième  évaporation  , donne 
encore  des  cristaux  , on  va  même  jusqu’à 
une  quatrième  , si  on  la  croit  nécessaire  ; 
et  on  a l’attention  d’ajouter  à chaque  éva- 
poration un  peu  d’argile  délayée  , et  de 
passer  ce  suc  par  le  filtre  de  laine  dont  nous 
avons  parlé. 

Lorsque  la  liqueur  refuse  de  donner  du 
sel  essentiel , elle  se  trouve  dans  un  état 
d’eau-mère  qui  contient  une  assez  grande 
quantité  de  sel  de  Silvius  , et  un  peu  de 
tartre  vitriolé  ; elle  est  encore  acide  et 
fait  effervescence  avec  l’alkalifixe,  ainsi 
qu’avec  la  craie. 

Le  sel  obtenu  par  les  différentes  évapo- 
rations étant  réuni,  on  procède  à sa  puri- 

iication  : 


T>  U SEL  d'  OSEILLE.  I 

fication  : pour  y parvenir  , on  le  fait  dis- 
soudre clans  une  suffisante  quantité  d’eau  5 
on  fait  évaporer  , on  filtre  et  on  obtient 
un  sel  très-pur  , très-blanc  et  bien  cristal- 
lisé , tel  enfin  que  celui  que  nous  tirons  do 
la  Forêt-Noire. 

Ce  sel  peut  également  être  extrait  de 
l’oxitriphillum  ou  alléluia  • mais  quoique 
cette  plante  croisse  spontanément  dans  les 
forêts,  et  soit  assez  commune  , elle  ne  peut 
cependant  pas  suffire  à la  consommation 
qu’on  fait  du  sel  d’oseille  ; ce  qui  proba- 
blement a engagé  les  habitans  de  la  Forêt- 
Noire  à cultiver  la  plante  très-acide  appelée 
liumex  acetosa  foliis  sagittalis . 

Baunacli , qui  a suivi  avec  exactitude  le 
travail  du  sel  d’oseille  , m’assure  qu’ayant 
fait  une  pesée  de  deux  mille  livres  de  cette 
dernière  plante  , et  que  l’ayant  soumise  à 
toutes  les  opérations  dont  nous  avons  rendu 
compte  , il  en  a retiré  i5  livres  10  onces 
de  sel  essentiel  bien  pur,  io  gros  7 onces 
cle  sel  de  Silvius  , 6 gros  68  grains  de  tartre 
vitriolé,  5oo  livres  d’extrait  de  bonne  con- 
sistance , et  que  le  mare  bien  exprimé 
pesoit  mille  livres  : en  sorte  que  l’eau  de 
végétation  des  deux  mille  livres  du  r uni  ex 
Tome  II.  N 


I(j4  PROCEDE 

acetosa foliis  sagittatis  peut  être  évaluée 
à quatre  cent  quatre-vingt-quatre  livres  , 
compris  ce  que  l’extrait  et  le  mare  en 
contenoient  encore. 

Enfin  par  une  réduction  de  deux  mille 
livres  à une  livre  , il  résulte  qu’une  livre 
de  cette  plante  donne 

1 gros  de  sel  essentiel  pur  , 

4 grains  de  sel  de  Sylvius  , 

J de  grain  de  tartre  vitriolé , 

4 onces  d’extrait. 

Le  procédé  qui  vient  d’être  décrit  est 
plus  que  suffisant  pour  détromper  les  chi- 
mistes auxquels  il  resteroit  des  doutes  sur  la 
nature  du  sel  d’oseiile  , fabriqué  dans  la 
Forêt-Noire.  Je  le  répète  , ce  sont  de  bons 
et  simples  villageois  qui  le  préparent 3 toute 
sophistication  leur  est  inconnue  ; ils  cul- 
tivent la  plante  dans  un  , deux  ou  trois 
arpens  , plus  ou  moins  , suivant  leurs 
moyens  : l’un  en  fait  quinze  livres  , un 
autre  trente  livres  , uti  troisième  cinquante 
livres;  ils  ne  se  donnent  pas  tant  de  peine, 
et  n’ont  pas  des  ateliers  tels  que  celui  que 
nous  avons  décrit,  pour  faire  un  faux  sel 
d’oseille  ; les  manœuvres  de  cette  espèce 
sont  réservées  à des  gens  qui  sont  bien 


DU  SEL  d'  O S E I L L £.  X(j£ 

éloignes  de  fixer  leur  séjour  dans  des  vil- 
lages ; les  villes  seules , et  sur-tout  les 
grandes  villes  , leur  sont  bien  plus  favo- 
rables ; c’est-Ià  que  les  hommes  cupides  , 
dirigés  par  un  vil  intérêt,  peuvent  déployer 
leur  malheureux  talent  dans  tous  les  iienrcs 

O 

de  sophistication , et  tromper  le  public  de 
mille  manières. 

Mais  le  collège  de  pharmacie  , dont  les 
vues  sont  principalement  dirigées  vers  le 
bien  général , reconnoissant  pour  première 
loi  de  son  régime , celle  que  dicte  l’hon- 
neur, se  fera  toujours  un  devoir  de  dévoiler 
et  de  repousser  toute  sophistication  : c’cst 
ce  dont  nous  prions  nos  concitoyens  d’être 
bien  persuadés. 

On  parle  déjà  d’un  prétendu  sel , fait  en 
distillant  de  l’acide  nitreux  sur  du  tartre 
vitriolé  , qui,  dit-on  , peut  suppléer  le 
véritable  sel  d’oseille  : j’ignore  ce  que 
c’cst  ; mais  le  collège  de  pharmacie  , dont 
l’ambition  sera  toujours  de  mériter  la 
Confiance  du  public  , ne  présumera  jamais 
qu’aucun  de  ses  membres  puisse  en  tenir 
de  semblable  dans  son  officine. 


j 


N 2 


LETTRE 

i 

Sur  le  Sel  d’oseille. 

P * * * veut  Lien  se  charger  de  vous 
remettre  la  dissertation  sur  le  sel  essentiel 
d’oseille , que  vous  m’avez  communiquée. 
J’y  ai  joint  le  procédé  dont  je  vous  ai  parlé 
avant  mon  départ  de  Paris  , et  que  j’ai 
promis  de  vous  donner  aussitôt  que  j’au- 
rois  un  moment  de  loisir. 

Les  bornes  d’une  lettre  ne  me  permettant 
pas  de  m’étendre  sur  l’éloge  que  mérite 
Savary  , auteur  de  cette  dissertation  , je 
me  contenterai  de  vous  indiquer  les  deux 
paragraphes  qui  ont  donné  lieu  au  procédé 
dont  je  vous  fais  part,  et  que  je  soumets  à 
votre  jugement. 

Savary  ayant  traité  de  différentes  ma- 
nières le  sel  essentiel  d’oseille , soit  celui 
qu’il  avoit  tiré  lui-même  de  P oxitriphiLlum  , 
soit  celui  du  commerce  qui  se  fabrique  en 
Suabe  et  en  Suisse,  sa  patrie,  nous  apprend 
que  c’est  à tort  que  nous  soupçonnons  ce 
dernier  d’être  sophistiqué  ; il  nous  assure, 
au  contraire,  qu’il  est  yrai  etpur  sel  d’oseille. 


^LETTRE  SUR  ER  SEL  D’OSEILLE.'  1 

S ...  a distillé  le  sel  d’oseille  ; et  ce  qui 
resta  dans  la  cornue  étoit  un  pur  alkali  vé- 
gétal qui  , laissé  à l’air  libre  , tombe  en 
deliquium  (§.  X,  pag.  1 4)* 

Il  a aussi  traité  ce  sel , comme  Duliamel 
et  Grosse  avoient  traité  la  crème  de  tartre 
en  1752  ( voyez  Académie  des  sciences  , 
volume  de  1702  , pag.  54o  ) ; c’est-à-dire, 
qu’il  l’a  exposé  à l’action  de  l’acide  vitrio- 
lique  et  de  l’acide  nitreux  ; mais  ces  acides 
n’ont  point  opéré  la  décomposition  du  sel 
d^oseille  , comme  ils  opèrent  celle  de  la 
crème  de  tartre  : il  n’a  eu  ni  tartre  vitriolé, 
ni  salpêtre  régénéré  5 il  a , au  contraire  , 
retiré  son  sel  essentiel  pur  et  sans  altéra- 
tion : car  il  n’ose  , dit-il , donner  le  nom 
de  tartre  vitriolé  à quelques  cristaux  qu’il 
a obtenus  par  une  seconde  cristallisation  , 
malgré  le  goût  amer  qu’ils  imprimoient  sur 
la  langue  5 non  plus  que  le  nom  de  nitre  à 
ceux  que  luif  ournit  également  la  seconde 
cristallisation  du  procédé  avec  l’air  nitreux, 
quoiqu’en  versant  dessus  un  peu  d’acide 
vitriolique  concentré,  il  s’en  soit  élevé  des 
vapeurs  rouges  ( §.  XI , pag.  16  ). 

D’après  ces  expériences  et  plusieurs 
autres  , S . . . conclut  que  Palkali  fixe  qu’il 

N o 


lettre 


198 

a tiré  du  sel  d’oseille , a été  l’ouvrage  du 
feu.  Permettez-moi  une  réflexion. 

S . . . dont  la  langue  allemande  est  sa 
langue  naturelle,  n’a  sans  doute  pas  connu 
la  dissertation  de  Margraff  , imprimée 
en  allemand  depuis  plusieurs  années  , la- 
quelle a pour  titre  : Expériences  qui 
démontrent  que  l’ alkali  fixe  peut  être 
séparé  du  tartre  du  vin  par  le  moyen 
des  acides  et  sans  le  secours  du  feu.  Il 
y auroit  appris  que  ce  savant  apothicaire 
de  Berlin  a traité  le  sel  d’oseille  avec  l’acide 
nitreux , et  qu’il  en  a retiré,  par  ce  moyen, 
un  vrai  nitre  régénéré.  A la  vérité  , le 
célèbre  chimiste  allemand  a trouvé  plus 
de  difficultés  à décomposer  le  sel  d’oseille, 
qu’il  n’en  avoit  trouvé  lui -même,  et  que 
n’en  avoient  trouvé  avant  lui  Duhamel  et 
Grosse  , en  décomposant  la  crème  de  tartre 
par  le  même  acide.  Il  avoue,  §.  XIX, 
qu’ayant  traité  le  sel  d’oseille  avec  partie 
égale  d’acide  nitreux , il  a eu , par  une  pre- 
mière cristallisation  , du  vrai  sel  d’oseille 
non  décomposé  5 et  que  ce  n’a  été  qu’à  la 
seconde  qûhl  a obtenu  des  cristaux  de 
nitre,  mais  en  fort  petite  quantité.  Enfin, 
Margraff  dit  que  le  seul  moyen  d’avoir 


SUR  LU  SEL  d’  OSEILLE.  I99 

une  décomposition  de  ce  sel  un  peu  plus 
marquée  , c'est  d'en  traiter  une  partie 
avec  deux , quatre , et  même  six  parties 
d’acide  nitreux.  / 

Il  y a donc  très  - grande  apparence  que 
les  cristaux  que  S ...  a obtenus  par  les 
dernières  cristallisations , étoient  du  véri- 
table tartre  vitriolé  et  du  vrai  nitre.  Je  ne 
peux  m’empêcher  de  le  répéter  : si  S...  eût 
connu  le  travail  de  Margraff,  il  auroit  été 
rassuré  par  le  seul  nom  du  chimiste  de 
Berlin  , et  il  auroit  donné  à ses  derniers 
cristaux  la  dénomination  qui  devoit  leux 
être  assignée. 

J’ai  répété  ces  expériences  ; j’ai  fait 
digérer  du  sel  d’oseille  avec  les  acides  de 
nitre  et  de  sel  marin  , et  j’ai  appris  , par 
mon  propre  travail  , que  ce  sel  essentiel 
ne  se  laisse  attaquer  que  foiblement  par 
ces  acides.  J’ai  retiré  de  l’un  et  de  l’autre 
procédé  presque  tout  le  sel  d’oseille  , tel 
que  je  l’avois  employé  : je  n’ai  eu  que  des 
atomes  de  nitre  et  de  sel  marin.  Je  désirois 
un  succès  pins  complet  : j’étois  persuadé 
que  les  alkalis  fixes  n’étoient  point  l’ou- 
vrage du  feu  : les  expériences  de  Lémery 
fils  , années  1717,  17/9,  1720  ; Bourdelin, 

N 4 


I 


200  X.  E T T R 33 

1728$  Duhamel  et  Grosse,  1702  et  1783,' 
ne  doivent  laisser  aucun  doute  sur  l’exis- 
tence de  ce  sel  tout  formé  dans  les  végé- 
taux. Je  tentai,  en  conséquence,  sur  le 
sel  d’oseille  un  procédé  différent  de  celui 
que  Duhamel  et  Grosse  avoient  employé 
pour  décomposer  la  crème  de  tartre  par 
l’acide  nitreux;  ce  procédé  , qui  m’a  par- 
faitement réussi  , est  celui  que  je  vous 
envoie  : il  est  fondé  sur  les  doubles  affi- 
nités. Ce  seroit  vous  en  dire  trop  , si  je 
Vous  le  proposois  comme  problème  chi- 
mique. 

Procédé  par  lequel  on  régénère  en  nitre 
parfait  tout  l’alkali fixe  qui  entre  natu- 
rellement dans  la  composition  du  sel 
essentiel  d’oseille . 

J’ai  pris  2 gros  de  sel  essentiel  d’oseille 
purifié  , que  j’avois  tiré  moi -même  de 
l’oseille  potagère  , autosa  rotundi  - fiolia 
hortensis  ; je  l’ai  fait  dissoudre  à une 
chaleur  de  cinquante  degrés  dans  un  vase 
de  verre,  avec  16  onces  d’eau  distillée: 
la  liqueur  étoit  claire  et  limpide  ; j’ai 
versé  dessus  peu  - à - peu  une  suffisante 
quantité  de  dissolution  de  mercure  dans 


l’acide  nitreux:  il  s’est  formé  un  précipité 
de  la,  plus  grande  blancheur.  La  liqueur 
devenue  claire  par  le  repos,  et  décantée, 
a été  exposée  à la  chaleur  du  bain  de  sable  : 
elle  s’est  un  peu  troublée  ; je  l’ai  filtrée  ; et 
l'évaporation  continuant  à se  faire,  il  s’est 
formé  une  petite  quantité  de  sel  résultant 
de  l’union  de  l’acide  végétal  de  l’oseille  , 
avec  une  portion  du  mercure  précipité. 
J’ai  versé  dans  un  autre  vase  la  liqueur 
surnageante  , qui  , par  une  évaporation 
suffisante  , ayant  été  rapprochée  au  point 
de  cristallisation  , donna , par  le  repos , 
53  grains  de  nitre  régulièrement  cristallisé 
en  longues  aiguilles  ; et  par  une  seconde 
cristallisation  , j’en  ai  encore  obtenu  7 
grains  et  demi  , ce  qui  fait  en  tout  envi- 
ron 60  grains.  J’ai  répété  ce  procédé  sur 
du  sel  d’oseille  que  j’avois  rapporté  d’Alle- 
magne , où  il  avoit  été  préparé  avec  l’oseille 
connue  des  botanistes,  sous  les  noms  d’oxi - 
triphillum  , d’ acetosella , et  qu’on  appelle 
en  François  alléluia.  J’ai  eu  le  même  succès, 
et  je  me  suis  assuré  par  - là  de  la  vérité  de 
ma  première  opération. 

Je  ne  dois  plus  rien  dire  sur  les  suites 
de  ce  procédé  : l’objet  que  je  m’étois  pro- 


202  LETTRE  SUR  LE  SEL  D’OSEILLE.' 

posé  , est  rempli  ; je  me  suis  convaincu 
qu’on  pouvoit  décomposer  le  sel  d’oseille 
par  l’acide  nitreux  , et  former  avec  tout 
le  sel  alkali  qui  s’y  trouve  naturellement, 
un  vrai  nitre  régénéré. 

Je  suis,  etc. 


!2o3 


LETTRE 

Sur  l’analyse  du  Techstein  de  Menil - 

Montant. 

ij  n donnant  au  public  , par  la  voie 
du  journal  de  Physique,  année  1779, 
l’examen  de  la  pierre  ollaire,  vulgairement 
appelée  serpentine,  j’ai,  à l’imitation  de 
Margraff,  fait  connoître  différentes  terres 
ou  pierres  de  notre  pays , à la  formation 
desquelles  la  nature  a employé  la  terre 
qui , combinée  avec  l’acide  vitriolique  , 
constitue  le  sel  Sedlitz  ou  d’Epsom.  J’ai, 
depuis  cette  époque  , travaillé  sur  diffé- 
rentes pierres  ou  terres  des  environs  de 
Paris,  à dessein  d’y  trouver  la  base  du 
meme  sel  ; mais , à cet  égard  , mes  recher- 
ches ont  été  infructueuses  ; les  argiles  qui 
nous  avoisinent  m’ont  constamment  donné 
de  l’al  un  mêlé  de  vitriol  martial , sans 
qu’il  m’ait  été  possible  d’en  tirer  du  sel 
de  Scdlitz  , quoique  ces  sortes  de  terres 
n’en  soient  pas  toujours  dépourvues  , 
ainsi  que  je  l’ai  démontré  dans  le  mé- 
moire cité. 


Lettre 


2o4 

Les  carrières  de  Ménil-Montant  recë» 
loient  cependant  la  pierre  que  je  désirois; 
mais  c’étoit  à Quinquet  et  à Delarbre  qu’il 
étoit  réservé  de  la  trouver.  V ers  la  lin  du 
mois  d’août  , le  premier  m’en  montra  un 
morceau  , et  la  curiosité  me  lit  désirer  d’en 
posséder  un  échantillon.  Celui  qui  me  fut 
apporté,  étoit  long  et  mince;  il  étoit  mam- 
meloné  , terminé  par  deux  branches  dont 
l’intervalle  étoit  rempli  d'une  terre 'grise , 
fortement  adhérente  à la  langue,  et  qui, 
vue  à la  loupe  , ne  me  paroisscit  pas  avoir 
tous  les  caractères  que  cet  instrument  fait 
connoître  dans  les  argiles  ordinaires. 

J’en  détachai  sur-le-champ  trois  ou 
quatre  fragmens  , chacun  de  la  grosseur 
d’une  lentille , sur  lesquels  il  fut  versé 
quelques  gouttes  d’eau  dont  ils  furent 
bientôt  imbibés  , sans  cependant  se  bour- 
soufler , ni  perdre  leur  forme  ; ils  ont 
conservé  la  dureté  qu’a  naturellement  la 
terre  dont  ils  avoientété  détachés;  et,  cou- 
verts d’eau  plusieurs  jours  de  suite  , ils 
ont  constamment  opposé  à la  pointe  d’un 
canif  la  résistance  qu’oppose  la  terre  elle- 
même  dans  son  état  de  siccité.  Cette  simple 
expérience,  jointe  à l’aspect  de  cette  terre 


SUR  LE  PBCHSTEIIÎ.  2o5 

ou  pierre  tendre , me  lit  juger  que,  grâces 
aux  recherches  de  Delarbre  et  Quinquet  , 
je  tenoisenhnun  fossile  qui  donneroit  par 
la  vitriolisation  du  sel  de  Sedlitz. 

Je  ne  perdis  pas  un  instant;  j’avois 
reçu  mon  échantillon  de  pechstein  de 
Ménil- Montant,  le  premier  septembre,  sur 
les  dix  heures  du  matin,  et  avant  midi, 
un  morceau  de  la  terre,  du  poids  de  260 
grains,  étoit déjà  imbibé  d’acide  vitriolique 
foible  ; et  tout  de  suite  il  fut  mis  dans  une 
petite  capsule  de  verre  , un  fragment  du 
pechstein  lui-même  détaché  de  l’intérieur 
de  mon  échantillon.  Celui-ci  pesoit  55 
grains;  il  ne  fut  pas  pénétré  par  l’acide  , 
mais  simplement  mouillé. 

Tout  resta  tranquille  jusqu’au  quatrième 
jour,  que  j’aperçus  les  rudimens  de  quel- 
ques cristaux  sur  les  bords  anguleux  du 
morceau  de  terre  qui , dès  ce  moment  , 
parut  disposée  à se  gercer.  Le  6 du  même 
mois  , l’exfoliation  étoit  décidée  ; le  10  , 
les  lames  se  séparèrent  facilement  les  unes 
des  autres;  le  sel  étoit  devenu  plus  abon- 
dant, et,  à la  simple  vue,  011  pouvait 
déjà  caractériser  les  cristaux;  l’acide  étant 
saturé,  le  goût  mq  fit  connoître  que  c’étoit 


20  6 


Lettre 


vraiment  du  sel  de  Sedlitz.  Je  pris  alors  le 
parti  de  verser  de  l’eau  distillée  pour  em- 
porter tout  le  sel  qui  s’étoit  formé  : la  terre 
édulcorée  et  bien  égouttée  fut  de  nouveau 
arrosée  d’acide  vitriolique.  Le  i8  , il  se 
forma  d’autres  cristaux,  mais  en  bien 
moins  grande  quantité  que  la  première 
fois.  L’acide  étoit  dominant  , et  je  crus 
m’apercevoir,  les  jours  suivans  , que  les 
cristaux  n’augmentoient  ni  en  nombre  , ni 
en  volume. 

Tandis  que  la  vitriolisation  de  la  terre 
qui  accompagnoit  mon  échantillon  de 
péchstein  se  faisoit  , celle  du  pechstein 
lui- même  s’opéroit  avec  un  peu  plus  de 
lenteur  ; mais  enfin  dès  le  dixième  jour  , 
c’est-à-dire  Je  11  septembre,  on  pouvoit 
déià  voir  la  partie  supérieure  couverte  de 
sept  ou  huit  petits  cristaux  qui  , vers  le 
20  , avoient  tous  les  caractères  du  sel  de 
Sedlitz  Ce  fragment  que  je  garde,  est, 
aujourd’hui  9 octobre  , entièrement  cou- 
vert du  même  sel  : les  cristaux  grossiront 
sans  doute  ; mais  le  temps  est  , depuis 
plus  de  quinze  jours  , si  humide  , et  par 
conséquent  si  peu  propre  à mon  opération, 
que  je  suis  obligé  de  le  laisser  en  e&pé- 


SUR  LE  PECIISTEIN.  207 

rience  tout  le  temps  nécessaire  pour  dé- 
couvrir si , dans  la  suite  , le  petit  morceau 
de  peclistein  se  délitera , s’exfoliera  , ce 
qui  est  assez  ordinaire  aux  fossiles  sus- 
ceptibles de  la  vitriolisation. 

En  attendant , il  est  bien  démontré  que 
la  terre  qui  accompagne  le  peclistein  de 
Ménil-Montant,  et  ce  peclistein  lui- même, 
contiennent  la  terre  alkaline  qui  , unie  à 
l’acide  vitriolique  , constitue  le  sel  de 
Sedlitz  ou  d’Epsom;  ce  qui  rapproche  un 
peu  cette  pierre  des  sinectiqties , des  ser- 
pentines ollaires  et  des  stéatites. 

Le  sel  connu  sous  les  noms  de  Sedlitz 
et  d’Epsom  est  d’un  grand  usage  parmi 
nous  ; le  malheur  est  que  nous  sommes 
contraints  de  le  tirer  de  l'étranger.  Et 
pourquoi , me  direz* vous  , n’en  pas  fabri- 
quer en  France  ? Je  faisois  des  vœux  , en 
177 9 , pour  qu’on  s’en  occupât,  je  les  fais 
encore  aujourd’hui  ; s’ils  étoient  exaucés  , 
nous  emploierions  , pour  l’usage  de  la 
médecine,  un  sel  auquel  nous  pourrions 
donner  , à notre  tour  , le  nom  d’une 
source  minérale  qui  le  contiendroit , aussi 
bien  que  celles  de  Sedlitz  et  d’Epsom. 
Mais  non  , il  nous  faut  des  étoffes  étran- 


• i 


t E T T R E 


2oS 


gères  , des  eaux  minérales  , etc.  etc.  Nous 
tirons  , à grands  frais,  des  eaux  de  Sedlitz 
et  de  Spa  ; et  nous  oublions  que  la 
source  de  Spa  est  à Pougues,  près  Nevers, 
et  sur  la  rive  de  la  riche  Loire  , et  que 
celles  de  Secllitz  sont  à Crausad  , sur  le 
bord  de  la  Dordogne. 

Mais  pourquoi  , dira-t-on  , nous  forcer 
d’user  d’un  sel  factice  , tandis  que  nous 
pouvons  nous  en  procurer  de  naturel  ? 
Allons , puisqu’il  le  faut , révélons  donc 
le  secret  à ceux  qui  l’ignorent  : la  vérité 
est  que  les  sels  d’Epsom , de  Sedlitz , 
qu’on  vend  par-tout  en  France,  sont  des 
sels  factices  , qui  se  font  en  traitant  avec 
l’acide  vitriolique  les  eaux-mères  du  sel 
marin.  Or,  ayant  chez  nous,  depuis  plu- 
sieurs années  , des  manufactures  d’acide 
vitriolique  , dans  chacune  desquelles  on 
fait  bien  au-delà  do  ce  que  les  arts  cultivés 
parmi  nous  en  peuvent  consumer,  ne  se- 
roit-il  pas  utile  de  diriger  l’emploi  de  cet 
excédent  vers  l’objet  que  je  propose  depuis 
dix  ans  ? Déjà  l’on  fabrique  de  l’alun,  en 
traitant  une  terre  argileuse  avec  cet  acidq; 
eh  bien,  la  serpentine  ollaire,  si  on  l’avoit 
sous  la  main , pourroit  avec  avantage 

être 


SUR  1=  E pechstein.  209 

être  travaillée  comme  les  argiles.  Celle  du 
Limousin  m’a  donné  , ainsi  que  celle  de 
l’ Allemagne  , livre  pour  livre  de  sel  de 
Sedlitz  , débarrassé  de  tout  son  fer.  Au 
défaut  de  la  serpentine  ou  des  autres  pierres 
de  ce  genre , ayons  , ainsi  que  les  Anglais* 
recours  aux  eaux-mères  du  sel  marin.  Je 
présume  que  la  Basse- Normandie  , où  on 
prépare  un  sel  qu’en  langage  de  la  ferme 
on  appelle  quart  de  bouillon , fourniroit 
abondamment  le  sel  de  Sedlitz  et  d’Epsom. 

N etes-vous  pas  bien  étonné  de  ce  qu’en 
parlant  de  la  base  du  sel  de  Sedlitz  , je 
parois  éviter  avec  affectation  d’employer 
le  mot  de  magnésie  , sous  lequel  on  pré- 
tend, depuis  quelques  années,  la  désigner, 
et  que  tout  îecemment  quelques  clnmistes 
d un  ordre  supérieur  ont  en  quelque  9orte 
consacré  en  l’adoptant  dans  la  nouvelle 
nomenclature  qu’ils  viennent  de  publier. 

Je  le  suis  bien  davantage  , en  voyant  les 
chimistes,  qui  ont  fait  main- basse  sur 
l’ancienne  nomenclature  chimique  , faire 
grâce  au  mot  magnésie.  Eh  ! qu’a  donc  de 
commun  la  terre  qui  fait  la  base  du  sel  de 
Sedlitz  avec  la  pierre  magnétique  ? Car 
on  ne  peut  pas  supposer  que  cette  même 
Tome  IL  O 


210  LETTRE 

pierre  prenne  son  nom  d’un  canton  de 
Macédoine  , appelé  Magnésie  , dont , au 
rapport  de  Pline,  on  tiroit  d’excellente 
pierre  magnétique  ou  aimant. 

D’un  autre  côté  , pourquoi  donc  conser- 
ver , dans  une  nouvelle  nomenclature  , 
des  mots  équivoques  ? Entrez  dans  une 
Pharmacie  de  Paris  , vous  y trouverez  de 
la  magnésie  anglaise  , de  la  magnésie  ni- 
treuse ; la  première  aura  été  distraite  par  la 
précipitation  du  sel  de  Sediitz  , l’autre  par 
précipitation  ou  calcination  des  eaux- 
mères  de  nitre. 

Il  est  encore  une  autre  substance  qui 
porte  le  même  nom  , à la  vérité  un  peu 
corrompu  par  les  verriers  et  potiers  , qui 
l’appellent  dans  leur  jargon  la  manganèse, 
mais  dont  le  nom  latin  a toujours  été 
7nagnesict , et  a constamment  désigné  une 
substance  minérale  , qui  n’a  nul  rapport 
avec  les  magnésies  anglaises  et  nitreuses 
dont  l’emploi  n’est  connu  qu’en  médecine. 

Les  auteurs  de  la  nouvelle  nomencla- 
ture se  sont  bien  aperçus  qu’il  étoit  néces- 
saire d’éviter  l’équivoque  -,  et,  pour  y par- 
venir , ils  disent,  dans  leur  dictionnaire 
français  et  latin  , que  magnesia  signifiera 


SUR  LE  ÏECHSTEIN.  211 

dorénavant  la  magnésie  , ou  ce  qui  est  la 
même  chose  , la  terre  base  du  sel  de 
Sedlitz,  et  que  magnésium  signifiera  la 
manganèse  ; c’est-à-dire,  la  magnésie  ou 
la  manganèse  de  verriers  ; en  sorte  que , 
suivant  le  nouveau  dictionnaire  , suljas 
magnesiae  signifie  le  sel  de  Sedlitz , et 
sulfas  magnesii , le  vitriol  de  manganèse. 

Je  ne  déciderai  pas  si  les  désinences 
masculines  et  neutres  pour  le  latin  , si  les 
mots  masculins  et  féminins  pour  le  français 
suffisent  pour  repousser  l’équivoque,  mais 
on  peut  au  moins  en  douter. 

Au  reste  , la  dispute  sur  ce  mot  ne  peut 
durer  long- temps  , et  elle  seroit  finie  , ou 
plutôt  n’auroit  point  eu  lieu  , si  un  chi- 
miste, très- versé  dans  l’art  des  expériences, 
m’avoit  permis  d’en  citer  une  qui  lui  étoit 
propre  , et  par  laquelle  il  réduisoit  le 

natrum  en  terre  alkaline  ; sa  modestie  m’ern- 

\ 

pêcha  d’en  faire  usage  , et  il  fallut  me 
contenter  de  terminer  mon  mémoire  surfa 
serpentine  , par  ces  quatre  lignes  : 

« D’après  les  propriétés  de  la  pierre  qui 
sert  de  base  au  sel  de  Sedlitz  , ne  pour- 
55  roit-on  pas  présumer  que  cette  même 
>3  terre  concourt  à former  les  sels  alkalis 

O 2. 


312  LETTRE  S TT R LE  EECHSTEITÎ’.' 

fixes  , sur- tout  le  natrum  ? Si  jamais  on 
» parvient  à s’en  assurer , sa  dénomina- 
» tion  sera  alors  , à juste  titre  , celle  que 
» Margraff  lui  a déjà  assignée  , en  l’ap- 
>3  pelant  terre  alkaline.  33 

Aujourd’hui  que  je  n’ai  presque  plus  de 
doute  à cet  égard  , j’ose  espérer  que  vous 
serez  assez  indulgent  pour  me  pardonner 
l’aversion  que  j’ai  contre  le  mot  magnésie  ; 
aversion  qui  , dans  l’exacte  vérité  , n’est 
fondée  que  sur  l’équivoque  , qui , en  fait 
de  médicamens,  ne  sauroit  être  repoussée 
avec  trop  de  chaleur. 


t 


2i3 


RECHERCHES 

SUR  L’ÉTAI  3ST- 

INTRODUCTION. 

Xj’étain  est  depuis  très-long-temps  d’un 
usage  presque  universel.  Il  en  est  fait  men- 
tion dans  le  troisième  livre  du  Pentateuque. 
Après  la  défaite  des  Madianites  , les  Juifs 
rentrèrent  dans  leur  camp , chargés  d’un 
butin  immense,  que  leur  saint  et  inspiré 
conducteur  ordonna  de  purifier  , soit  par 
le  feu  , soit  par  l’eau.  Voici  les  paroles  du 
texte  sacré  : 

« Vous  purifierez  tout  le  butin  , les  vête- 
^ mens  , les  vaisseaux,  et  tout  ce  qui  peut 
55  être  à quelque  usage,  soit  qu’il  soit  fait 
55  de  peaux,  ou  de  poils  de  chèvre,  ou  de 
55  bois. 

55  Que  l’or  , l’argent , l’airain , le  fer , le 
55  plomb  et  l’étain  , et  tout  ce  qui  peut 
5»  passer  par  les  flammes  , soit  purifié  par 
5>  le  feu  5 et  tout  ce  qui  ne  peut  souffris 

O 3 


314  INTRODUCTION. 

^ le  feu  , soit  sanctifié  par  l’eau  d’ex- 
piation (1)  ». 

Il  ne  paroît  pas  que  Salomon  ait  fait 
employer  l’étain  dans  le  temple  qu’il  édifia 
au  Seigneur,  l’an  quatre  cent  quatre-vingt 
depuis  la  sortie  d’Egypte  ; mais  on  n’en 
sera  pas  surpris  si  l’on  considère  que,  sous 
son  règne  , l’or  étoit  devenu  si  commun 
dans  la  Judée  , que  l’argent  même  n’étoit 
plus  un  métal  recherché,  ce  Tous  les  vases 
33  ouïe  roi  Salomon  buvoit,  (est- il  dit  au 
39  troisième  livre  des  rois  ) étoient  aussi 

d’or  ; et  toute  la  vaisselle  de  la  maison 
39  du  bois  du  Liban  , étoit  d’or  très-pur. 
3j  L’argent  n’étoit  plus  considéré  , et  on 
33  n’en  tenoit  aucun  compte  sous  le  règne 
39  de  Salomon  (2)  93. 

(1)  Et  de  omjii  praedâ  , sive  vestimentum  fuerit 3 
sive  vas,  et  aîiquid  iji  utensilia praeparatum , de 
capran/m  pellibus  , et  pilis , et  ligno  , expiabitur „ 
Numcr.  cap.  XXXI,  vers.  20. 

ylurum  et  argentum  , et  acs  , et  ferrvm  , et  pluni- 
bum , et  stannum , et  omne  quod  potest  transire 
per  flammas  , igné  purgabitur  : quidquid  auteni 
igneni  non  potest  sustinere  , aqud  expialionis  sanc - 
tijîcabitur.  Ibid.  vers.  22  et  a3. 

(2)  Sed  et  omnia  vasa  qnibus  potabat  Rex  Salo- 
mon , erant  aurca , et  universa  supellex  domûs 


INTRODUCTION.  2i5 

Ce  n’est  ([ne  dans  des  temps  postérieurs 
à ce  règne  brillant , que  nos  livres  saints 
font  de  nouveau  mention  de  l’étain  , soit 
dans  un  sens  propre  , soit  dans  un  sens 
figuré.  Isaïe  s’adressant  au  peuple  juif,  lui 
dit  au  nom  du  Seigneur  : « J’étendrai  ma 
» main  sur  vous  ; je  vous  purifierai  de 
» toute  votre  scorie  par  le  feu  ; j’dterai 
» tout  l’étain  qui  est  en  vous  (1)  ». 

Le  Seigneur  parlant  à Ezéchiel  , dit  : 
« Fils  de  l’homme,  la  maison  d’Israël  s’est 
» changée  pour  moi  en  scorie  ; ils  sont 
» tous  comme  de  l’airain  , de  l’étain  , du 
» fer  et  du  plomb  au  milieu  du  fourneau  , 
» et  ils  sont  devenus  comme  la  scorie  de 
55  l’argent  (2). 

Le  même  prophète  s’adressant  à la  ville 


Saltûs  Libani , de  ai/ro  purissimo  : non  crat  argen- 
tum  ,*  nec  alievjus  pretii  putabatur  in  diebus  Salo - 
monis.  Reg.  lit».  III,  cap.  X,  vers.  21. 

(1)  lit  ccnvertam  manum  meani  ad  te , et  exco • 
quant  ad  purum  scoriani  tuam  , et  auferam  ornne 
stannum  tuum.  Isaïæ,  cap.  I,  vers.  2 5. 

(2)  Fili  ho  mi  ni  & , versa  est  mihi  domus  Israël  in 
scoriam  : omnes  isti  œs  , et  stannum , et  ferrum  , et 
plumbum  in  medio  fornacis  , scoria  argenti  facti 
sunt.  Ezech.  cap,  .XXII 3 vers.  18. 

o 4 


ai  6 INTRODUCTION. 

de  Tyr  , dont  il  annonce  la  destruction  ^ 
s’exprime  ainsi  : ce  Les  Carthaginois  trafi- 
>5  quoient  avec  vous , en  vous  apportant 
» toutes  sortes  de  richesses , et  remplis- 
>5  soient  vos  marchés  d’argent  , de  fer  , 
:»  d’étain  et  de  plomb  (î)  ». 

Si  , d’après  ces  passages  , on  ne  peut 
pas  conclure  absolument  que  le  peuple  juif 
et  ses  voisins  aient  , à ces  époques  , fait 
usage  de  la  vaisselle  d’étain  , il  en  résulte 
au  moins  que  ce  métal  étoit  devenu  plus 
commun  au  temps  d’Ezéchiel , parce  qu’a- 
lors  les  Carthaginois  , en  sortant  de  la  Mé- 
ditérannée , se  rendoient  dans  la  Grande- 
Bretagne  , où  l’étain  se  trouvoit  , et  se 
trouve  encore  aujourd’hui  en  abondance. 

Si  nous  consultons  les  auteurs  de  l’anti- 
quité profane  , nous  verrons  que  l’étain 
étoit  également  connu  des  Grecs  au  temps 
d’Homère.  Ce  prince  des  poètes  nous 
apprend  que  les  héros  qui  détruisirent  la 
ville  de  Troie , ornoient  de  plaques  d’étain 
la  tête  des  chevaux  attelés  à leurs  chars  de 

(i)  Carthaginenses  negotiatores  tui , à multitudine 
cunctarum  divitiarum  , argento  , ferro , stanno  plum - 
boque  repleverunt  nundinas tuas . Ezech.  cap,  XXVII* 


vers.  13. 


INTRODUCTION.  21/ 

bataille  , et  que  Vulcain  fît  entrer  ce  métal 
clans  la  composition  des  armes  d’Acliille  : 
la  haie  qui  entoure  la  vigne  si  artisteinent 
ciselée  sur  l’admirable  bouclier  du  fils  de 
Tliétis,  est  d’étain  ; et  l’incomparable  for- 
geron l’emploie  encore  pour  faire  l’armure 
qui  de  voit  couvrir  et  défendre  les  jambes 
de  ce  héros. 

Mais  à en  juger  d’après  Homère , il  ne 
paroît  pas  démontré  que  les  Grecs  , du 
temps  de  l’expédition  de  Troie  , se  soient 
servis  de  l’étain  sur  leurs  tables  , ou  dans 
leurs  cuisines.  Ce  fidèle  peintre  des  mœurs 
et  de  la  nature  nous  parle  des  chaudrons 
d’airain  dans  lesquels  capitaines  et  soldats 
faisoient  cuire  leurs  viandes  ; et  il  ne  dit 
pas  un  mot  de  Pétain  , qu’il  n’auroit  cer- 
tainement pas  oublié  , si , meme  de  son 
temps  , ce  métal  eût  été  employé  à de 
pareils  usages. 

Il  est  donc  probable  que  l’éclat  de  l’étain, 
qui  approche  de  celui  de  l’argent  , le  fît 
rechercher  des  Grecs  , mais  que  sa  rareté 
fut  cause  qu’ils  ne  l’employèrent  que  dans 
les  ouvrages  de  pur  agrément , jusqu’au 
temps  où  le  commerce  des  Carthaginois 
avec  les  Bretons  l’ayant  rendu  plus  coin- 


2lb  introduction. 

mun  , ils  le  firent  entrer  dans  la  composi- 
tion du  bronze  , dont  ils  érigèrent  des 
statues  en  l’iionneur  des  dieux  et  des 
héros  ; et  peut-être  qu’alors  seulement,  ils 
s’en  servirent  pour  faire  de  la  vaisselle. 

Ce  que  je  viens  de  dire  des  Grecs  , doit 
s’entendre  également  des  Romains  , du 
moins  jusqu’au  temps  où  César  ayant  fait 
la  conquête  des  Gaules , se  trouva  en  état 
de  passer  dans  la  Grande-Bretagne.  Ce 
métal , devenu  alors  un  objet  de  commerce 
pour  tout  l’empire  , étoit , au  rapport  de 
Diodore  de  Sicile  , déposé  dans  l’île  de 
Wicli,  où  les  marchands  étrangers  alloient 
racheter  et  le  faisoient  transporter  dans 
la  Gaule  , où  ils  le  cliargeoient  sur  des 
chevaux  rjui  , en  trente  jours,  la  traver- 
soient  depuis  les  côtes  qui  regardent  l’An- 
gleterre , jusqu’à  l’embouchure  du  Rhône. 

Cette  manière  de  se  procurer  l’étain  avec 
facilité  et  en  abondance  , en  rendit  à Rome 
et  dans  toute  l’Italie  l’usage  plus  commun  : 
et  en  supposant  que  les  Romains  ne  se 
soient  pas  servis  de  ce  métal  sur  leurs 
tables  ou  dans  leurs  cuisines  , avant  leur 
entrée  dans  la  partie  des  Gaules  qui  avoi- 
sine l’Angleterre,  il  est  du  moins  prouvé 


INTRODUCTION.  21 9 

qu’à  cette  époque  , ils  apprirent  des  Gau- 
lois Celtes  ou  Belges  à en  faire  usage. 

Pline  nous  apprend  que  de  son  temps  on 
étamoit  les  vaisseaux  d’airain  , pour  les 
préserver  du  verdet  et  des  mauvaises  qua- 
lités que  l’expérience  avoit  depuis  long- 
temps fait  découvrir  dans  ce  métal  : Stan - 
num  illitum  cieneis  vasis  , saporem  gratio- 
rem  facit , et  compescit  aeruginis  virus . 
Et  peu  après  il  ajoute  que  les  Gaulois 
avoient  trouvé  l’art  de  l’unir  si  parfaitement 
au  cuivre  , qu’il  étoit  difficile  de  ne  pas  le 
prendre  pour  de  l’argent  : Vlumbum  album 
incoquitur  acreis  operibus  , Galliarum  in - 
vento,  itciutvix  discerni  queat  ab  argento . 

Sans  faire  de  plus  amples  recherches  , on 
peut , d’après  ce  que  dit  Pline  , conclure 
avec  certitude  que  l’étain  est  employé  en 
vaisselle  depuis  près  de  deux  mille  ans  ; 
époque  que  l’on  pourroit  faire  remonter 
de  quatorze  cents  ans  plus  haut , en  s’ap- 
puyant sur  le  passage  du  livre  des  Nombres 
rapporté  ci-dessus. 

Les  mines  d’Angleterre  fournissant  con- 
tinuellement de  l’étain  à toute  l’Europe  , 
et  celles  d’Allemagne  en  versant  aussi 
dans  les  cantons  qui  les  avoisinent,  la 


22.0  INTRODUCTION. 

masse  employée  de  ce  métal  augmentoit  de 
jour  en  jour. 

D’un  autre  côté  , les  navigateurs  euro- 
péens s’étant  frayés  une  route  aux  Indes 
en  doublant  la  pointe  méridionale  de  l’Afri- 
que, les  mines  de  ces  riches  contrées,  qui,  * 
par  le  moyen  du  commerce  établi  par  les 
Phéniciens  sur  la  Mer  rouge,  fournissoient 
autrefois  tout  l’étain  qu’on  employoit , soit 
dans  la  Perse  , soit  dans  la  Grèce , furent 
ouvertes  pour  nous  ; et  l’étain  que  nous  en 
tirâmes,  ajouté  à celui  que  nous  possédions 
déjà , rendit  ce  métal  si  commun  , que  l’on 
vit  les  buffets  des  habitans  des  villes  et  les 
dressoirs  des  habitans  de  la  campagne  , 
chargés  d’aiguières  , de  plats  , d’assiettes  , 
de  salières  , de  pots  et  de  gobelets  d’étain. 
Aussi  dans  le  siècle  dernier  , les  commu- 
nautés des  maîtres  potiers  d’étain , si  dé- 
chues aujourd’hui,  étoient  elles  très- riches. 

Cependant  cette  vaisselle  , si  recherchée 
de  nos  pères  , touchoit  au  moment  d’être 
bannie  de'presque  tous  nos  ménages  ; non 
qu’onla  soupçonnâtd’être  dangereuse,  mais 
parce  que  l’industrie  trouva  le  moyen  de 
tirer  un  meilleur  parti  de  l’étain,  en  le  vitri- 
fiant et  en  l’appliquant  sur  la  terre  cuite. 


INTRODUCTION.  321 

L’art  de  Pémailleur  est  très-ancien  : les 
Egyptiens , les  Perses , et  sans  doute  les 
autres  peuples  de  l’Asie  , le  cultivèrent  et 
le  communiquèrent  aux  Grecs  , qui  l’ap- 
prirent aux  Romains  ; et  si  les  peuples  du 
Nord  , qui  renversèrent  l’empire  de  ces 
derniers,  nous  semblent  aujourd’hui  avoir 
fait  tous  leurs  efforts  pour  détruire  les  arts 
et  tout  ce  qu’ils  avoient  produit , il  est 
cependant  à présumer  que  l’émail  continua 
à être  préparé  par  quelques  habitans  de 
l’Italie  , et  que  le  procédé  s’en  perpétua 
obscurément  jusques  vers  le  seizième 
siècle  , où  , prenant  un  essor  brillant  et 
encore  plus  utile  , des  Toscans  , cherchant 
peut-être  à imiter  la  porcelaine  que  les  na- 
vigateurs apportoient  de  la  Chine,  trou- 
vèrent le  moyen  d’émailler  la  terre  cuite, 
et  de  faire  ce  que  nous  appelons  aujour- 
de  la  fayence. 

Ce  nouvel  art  commençoit  à gagner  de 
la  célébrité  dans  Pltalie  $ mais  il  étoit  in- 
connu en  France.  Vers  Pan  1 555,  le  hasard 
offre  à un  homme  d’un  génie  peu  commun 
une  coupe  de  terre  , tournée  et  émaillée  ; 
il  l’admire  , sa  tête  s’exalte  ; il  prétend 
Jf  imiter,  Rien  ne  peut  l’arrêter  : il  se  ruine  $ 


222  INTRODUCTION. 

manquant  clebois,  il  sacrifie  le  plancher 
de  sa  maison  , et  le  brûle  ; il  essuie  les 
railleries  de  ses  voisins,  les  reproches  de 
sa  femme  ; il  est  endetté  en  plusieurs  lieux  , 
ne  peut  plus  subvenir  aux  besoins  de  ses 
enfans  ; mais  constant  dans  sa  résolution  , 
que  quinze  ans  de  peines  et  de  traverses  ne 
ralentissent  pas  , Palissy  arrive  à son  but, 
et  montre  à ses  concitoyens  de  la  fayence 
faite  en  France.  Alors  la  paix  revient  dans 
sa  maison  , les  railleurs  se  taisent , la  for- 
tune de  cet  homme  étonnant  se  rétablit  , 
parce  que  l’art  qu’il  venoit  de  créer  , se 
perfectionnant  entre  ses  mains  , il  trouva 
de  1 ^encouragement  : et  bientôt  l’architec- 
ture , qui  flottoit  alors  entre  le  bon  et  le 
mauvais  goût , adoptant  les  briques  émail- 
lées et  diversement  coloriées  de  Palissy  , 
les  fit  entrer  clans  la  décoration  des  grands 
édifices  qui  furent  élevés  à cette  époque. 

C’est  donc  à Palissy  que  nous  devons 
rapporter  , sinon  l’invention,  du  moins  la 
première  imitation  qui  se  soit  faite  chez 
nous  de  la  fayence,  sorte  de  vaisselle  qui, 
s’étant  de  jour  en  jour  perfectionnée,  a été 
substituée  à celled’étain  dans  presque  toutes 
nos  maisons.  La  beauté  de  cette  matière. 


/ 


I ïv  T n o d tir  c t i o k.  220 

et  sur-tout  sa  propreté  , qui  n’exige  que 
très-peu  de  6oins  pour  être  entretenue  , 
lui  ont  mérité  , malgré  sa  fragilité  , la 
préférence  sur  l’étain  , quoiqu’on  lût  fort 
éloigné  , ainsi  qu’il  a déjà  été  dit , de  lui 
attribuer  , de  lui  soupçonner  même  au- 
cune qualité  nuisible  à l’économie  animale. 

Aussi  voyons-nous  que  les  médecins  du 
dernier  siècle  le  prescrivoient  en  limaille 
line  à de  fortes  doses  , dans  les  maladies  du 
foie  et  de  la  matrice  3 et  que  le  célèbre 
Schulz  reconnoît  même  son  innocuité  dans 
sa  fameuse  dissertation  publiée  en  1722, 
et  connue  de  tous  les  gens  de  l’art , sous  la 
dénomination  de  Mors  in  ollâ  (1). 

Ce  savant  et  sage  médecin , en  avertissant 
ses  compatriotes  , et  en  même  temps  l’Eu- 
rope entière , des  dangers  auxquels  on 
s’expose  en  employant  dans  les  cuisines  ou 
sur  les  tables,  les  vaisseaux  d’argent  de  bas 
aloi , ou  de  cuivre  mal  étamé,  le  fait  avec 
prudence,  et  se  garde  bien  de  jeter  l’alarme 
dans  le  sein  de  ceux  qu’il  veut  instruire. 

1 

( 1 ) Son  véritable  titre  est  : Dissertatio  medica  , 
in  quâ  metallicuni  contagium  in  ciborum  > potuum. 
st  medicamentorum  prœparatione  ac  asservationc 
cavcndum  indicatar  : seu  Alors  in  ollâ . 


2^4  INTRODUCTION, 

Parle -t- il  de  l’étain?  il  commence  par 
avouer  que  ce  métal  n’est  pas  malfaisant 
par  lui- même 3 que  les  mineurs  qui  le  tirent 
des  entrailles  de  la  terre  , que  les  ouvriers 
qui  le  fondent  et  le  mettent  en  œuvre,  ne 
sont  jamais  attaqués  des  maladies  ordi- 
naires à ceux  qui  travaillent  d’autres  mé- 
taux. Ecoutons-le  lui-même  à la  fin  de  son 
vingt-sixième  paragraphe.  « Loin  de  jeter 
33  ici  quelques  soupçons  sur  la  bonté  d’un 
» métal  aussi  généralement  mis  en  usage  , 
3>  je  veux  au  contraire  en  publier  liait  te- 
» ment  la  salubrité  , pourvu  toutefois  qu’il 
33  soit  bien  pur  et  nullement  altéré.  3> 
Quare  tanthm  abest  ut  quotidiano  usu. 
tantoperè  frequentatum  metallum  in  sus - 
picionem  nunc  demum  adducere  velimus , 
ut  p o dus  salubritateni  ejus  extra  dubium 
reponamus  j modo  purum  illud , nec  adul - 
teratum  sit. 

La  dissertation  de  Schulz  fut  inconnue 
en  France  jusqu’au  temps  où  l’illustre  Guil- 
laume Rouelle  commença  à la  citer  dans 
ses  leçons  de  chimie  ; et  c’étoit  même 
d’après  cette  dissertation  qu’il  ne  cessoit 
de  déclamer  contre  le  plomb  et  le  cuivre, 
dont  les  pernicieux  effets  sont  si  bien 


reconnus. 


INTRODUCTION;  £25 

reconnus.  Mais  on  n’entendit  jamais  ce 
savant  chimiste  décrier  l’étain  • on  sait  au 
contraire  que  sur  cet  objet  il  pensoit 
comme  le  médecin  allemand. 

En  1708  j Geolfroy  lut  à l’Académie  un 
mémoire  sur  l’.étain  , auquel  il  attribua  un 
soufre  brûlant  et  arsenical.  Cependant, 
comme  ce  chimiste  ne  s’étaya  sur  aucun  fait 
bien  constaté,  son  mémoire  fut  imprimé, 
et  ne  fit  aucune  sensation  sur  les  esprits,  re- 
lativement a l’emploi  de  la  vaisselle  d’étain. 

L’Academie  de  Berlin  publia,  en  iy46 
et  1747,  deux  mémoires  de  Margraff  sur  le 
meme  sujet , dont  le  premier  a pour  but  de 
prouver  que  certains  étains  contiennent  et 
recèlent  de  l’arsenic  (1).  On  eut  alors  des 
cloutes  sur  ce  métal  , sans  pourtant  cesser 
d’en  faire  usage  , sur- tout  en  Allemagne, 
ou  , malgré  les  expériences  de  Margraff 
et  sa  grande  réputation  en  chimie  , la 
vaisselle  d’étain  a toujours  la  plus  grande 


(O  Henckel,  autre  chimiste  très-célèbre,  avait 
découvert  la  présence  de  l’arsenic  dans  l’étain  avant 
Margraff  j mais  l’ouvrage  où  il  en  parle  n’ayant  pas 
ete  traduit  en  notre  langue,  ses  expériences  étoient 
inconnues  en  France,  et  le  seroient  encore,  si  Mar- 
groÜ  ne  les rapportoitpas dans  saDissertation  sur  l’ètain. 
Tome  11.  j) 


22Ô  INTRODUCTION. 

vogue  , tandis  que  parmi  nous  elle  étoit 
rejetée  de  nos  tables,  long -temps  avant 
qu’on  nous  eût  donné,  avec  raison  ou  sans 
raison,  l’alarme  sur  les  mauvaises  qualités 
qu’on  voudroit  lui  attribuer  aujourd’hui. 

Mais  si  on  ne  se  sert  que  rarement  parmi 
nous  de  plats,  d’assiettes  et  de  soupières 
d’étain  ; si  les  pots  à l’eau  faits  de  ce  métal 
sont  à peine  connus  chez  les  personnes  de  la 
plus médiocre  fortune,  on  ne  laisse  pas  ce- 
pendant que  d’en  employer  dans  la  fabrique 
d’un  grand  nombre  d’ustensiles  auxquels 
il  faudroit  absolument  renoncer , s’il  étoit 
bien  constaté  que  ce  métal  fût  pernicieux. 

On  voit  dans  les  offices  et  dans  les  cui- 
sines des  riches  , chez  tous  ceux  qui  pré- 
parent et  vendent  des  comestibles  prêts  à 
être  servis  , chez  les  confiseurs , chez  les 
limonadiers  , etc.  etc.  de  grands  bassins 
d’étain  , des  mouilloirs  de  différentes  gran- 
deurs, des  sorbetières,  etc.  etc.  Bien  des 
particuliers  ont  des  fontaines  d’étain  : 
toutes  les  parties  intérieures  des  alambics 
et  leurs  serpentins  en  sont  également  fabri- 
qués, ainsi  que  toutes  les  mesures  em- 
ployées pour  la  vente  des  liquides.  Il  n’est 
pas  rare  de  voir  dans  les  grandes  maisons  , 


INTRODUCTION.  227 

dans  les  palais  même  de  nos  rois , de  gros 
flacons  d'étain  , servant  à transporter  l’eau 
destinée  à la  boisson  journalière  : les  mai- 
sons religieuses , les  habitans  de  nos  cam- 
pagnes se  servent  encore  de  plats  et  d’as- 
siettes d’étain.  Enfin  ce  métal  recouvre 
toute  la  vaisselle  de  cuivre  à l’usage  des 
cuisines  ; et,  à l’aide  d’une  légère  couclie 
du  premier  , on  se  croit  à l’abri  des  mau- 
vaises qualités  du  second. 

Ce  n’étoit  donc  pas  une  chose  inutile 
que  d’examiner  un  métal  qui  a toujours 
été  regardé , sinon  comme  salubre  , au 
moins  comme  incapable  de  nuire,  mais  sur 
lequel  on  venoit  tout  récemment  de  jeter 
des  soupçons,  sans  avoir  fait  la  moindre 
expérience  pour  les  vérifier  , sans  même 
s’être  donné  la  peine  de  répéter  le  procédé 
par  lequel  Margraff  disoit  avoir  retiré  de 
l’étain  une  quantité  notable  d’une  substance 
minérale  dont  le  nom  seul  est  effrayant. 

Un  objet  qui  intéresse  la  santé  des 
citoyens  de  tous  états  , est  sans  contredit 
de  la  plus  grande  importance  : aussi  le 
sage  magistrat  , qui  veille  à la  sûreté 
publique  , n’a  pas  cru  devoir  se  ^dispenser 
de  le  prendre  en  considération.  Afin  d’é- 

P 2 


228  introduction. 

claircir  les  soupçons  , eussent-ils  été  jetés 
meme  inconsidérément  sur  l’étain , M.  le 
lieutenant-général  de  police  a chargé  le 
collège  de  Pharmacie  de  faire  toutes  les 
expériences  nécessaires  pour  constater  si 
véritablement  l’étain  étoit  ou  n’étoit  pas 
dangereux,  ou,  ce  qui  est  la  même  chose  , 
s’il  étoit  ou  n’étoit  pas  indifférent  de 
l’employer  dans  les  usages  économiques. 

Pour  répondre  à la  confiance  dontM.  Le 
Noir  l’honoroit , le  collège  de  pharmacie 
a nommé  trois  de  ses  membres,  MM. 
Rouelle , Cliarlard  et  moi  , pour  faire 
toutes  les  expériences  et  toutes  les  recher- 
ches chimiques  propres  à remplir  les  vues 
d’un  magistrat  dont  toutes  les  pensées  , 
dont  toutes  les  actions  sont  dirigées  vers 
le  bien  public. 

Honorés  d’être  choisis  par  notre  collège 
pour  faire  ces  recherches  , flattés  de 
trouver  l’occasion  de  pouvoir  être  utiles  à 
nos  concitoyens , nous  n’avons  pas  été 
effrayés  par  l’aperçu  d’une  infinité  d’expé- 
riences longues,  peut-être  même  dange- 
reuses , que  nous  serions  obligés  de  faire. 
Le  travail  que  nous  allions  entreprendre  , 
devoit  être  utile  au  public  , et  il  étoit  pour 


INTRODUCTION.'  52^9 

ainsi  dire  neuf  ; double  motif  pour  nous  le 
rendre  agréable. 

IL  étoit,  hélas,  commencé  ce  travail, 
lorsque  la  mort  enleva  un  de  nos  coopéra- 
teurs. Hilaire  Marin  Rouelle  avoit  terminé 
différentes  opérations,  qui  l’occupoient  au 
moment  où  nous  fumes  chargés  de  l’exa- 
men de  l’étain.  Devenu  libre  , il  alloit  s’y 
livrer  ; et  c’est  à ce  moment  même  où  nous 
le  perdons.  Ce  savant  chimiste  a été  géné- 
ralement regretté  ; mais  personne  n’a  plus 
que  moi  ressenti  la  perte  qu’on  venoit  de 
faire. 

Quel  collègue  ! quel  coopérateur  n’au- 
rois-je  pas  eu  enM.  Rouelle!  Privé  de  ses 
idées  , de  ses  conseils  , ne  pouvant  être 
aidé  dans  mes  opérations  par  ce  chimiste 
d’une  sagacité  rare;  pénétré  de  douleur, 
mes  larmes  ont  coulé  sur  la  tombe  d’un 
ami  ; mais  mes  travaux  n’ont  point  été  sus- 
pendus , et  , joignant  a ma  tâche  celle 
qu’Hilaire-Marin  Rouelle  s’étoit  imposée, 
j’ai  porté  l’examen  de  l’étain  aussi  loin  que 
mes  forces  me  l’ont  permis. 

Je  vais  rendre  compte  de  mes  expé- 
riences. J’ose  me  flatter  que  si  j’ai  réussi 
ù les  bien  exposer , elles  seront  propres  ù 

P 3 


2 3 o introduction. 

faire  connoître  la  nature  des  différens 
étains  non  ouvrés  , que  nous  tirons  de 
l’étranger  , ainsi  que  de  ceux  qui  nous 
sont  vendus  sous  toutes  sortes  de  formes 
par  les  maîtres  potiers  d’étain. 

Ces  étains  une  fois  connus,  je  hasarderai 
de  dire  ce  que  je  pense  sur  l’usage  de  ce 
métal  • mais  ce  sera  sans  aucune  pré- 
tention. 

La  matière  que  je  traite  intéresse  les 
citoyens  de  tous  les  ordres.  C’est  donc  à 
ceux  qui  cultivent  la  chimie  et  la  physique 
par  état  ou  par  goût , qu’il  convient  de 
prononcer  sur  les  expériences  que  je  mets 
sous  leurs  yeux  , et  sur  les  conséquences 
que  j’en  tire.  Déterminé  à ne  regarder  mes 
recherches  comme  finies  qu’au  moment  où 
le  public  leur  aura  donné  son  approbation, 
je  les  soumets  à la  critique  des  chimistes 
et  des  physiciens , en  les  priant  de  me  faire 
part  de  leurs  observations  , même  de  me 
redresser  si,  en  répétant  quelques-unes  de 
mes  expériences,  ils  en  trouvoient  de  peu 
exactes  ; ou  de  me  demander  des  éclaircis- 
semens  si  , faute  de  m’être  bien  exprimé  , 
ils  ne  réussissoient  pas  à obtenir  les  résul- 
tats que  j’annonce. 


2,3 1 

RECHERCHES 

SUR  L’ÉTAIN. 


PREMIÈRE  SECTION. 

S-  Ier- 

Des  différens  Etains . 

J?our  donner  une  idée  exacte  de  mon 
travail  , et  mettre  les  résultats  de  mes 
expériences  à portée  d’être  sentis  par  le 
public  et  appréciés  par  les  chimistes , je 
crois  devoir  exposer  préliminairement  le 
tableau  des  différens  étains  qui , tirés  des 
pays  étrangers  , remplacent  parmi  nous 
celui  que  l’usage  journalier  détruit , et  que 
certaines  manufactures  consomment  sans 
retour. 

Ainsi  je  diviserai  tout  l’étain  qui  se 
trouve  dans  le  commerce  intérieur  du 
royaume  : 

i°.  En  étain  pur , ou  sans  aucun  mélange 
artificiel , tel  enfin  qu’il  sort  des  fonderies  ; 

P 4 


202  RECHERCHES 

2°.  En  étain  allié  clans  les  fonderies 
même  avec  d'autres  métaux  , à des  titres 
prescrits  par  l’usage  ou  par  les  lois  du  pays 
où  sont  les  mines  de  ce  métal  $ 

3°.  En  étain  ouvragé  par  la  communauté 
des  potiers  , qui  sont  tenus  à se  conformer 
dans  tout  ce  qu’ils  font  concernant  leur 
art,  à des  réglernens  anciennement  établis, 
et  aujourd’hui  trop  peu  suivis. 

L’étain  pur  ou  sans  mélange  artificiel 
pourroit  nous  venir  d’Angleterre,  si,  à 
ce  qu’on  assure  , l’exportation  n’en  étoit 
pas  prohibée  par  les  lois  du  pays.  Au 
défaut  cle  celui  d’Angleterre,  il  nous  en 
est  apporté  en  assez  grande  quantité  des 
Indes  , soit  par  les  Elollanclais  , soit  par 
ceux  de  nos  négocians  qui  arment  pour 
ces  contrées.  Ce  dernier  se  trouve  dans  le 
commerce  sous  les  deux  dénominations  de 
Banca  et  de  Malaca  , ou  simplement  de 
JSlalac . Celui-ci  nous  arrive  de  l’Inde  en 
petits  lingots  pesant  une  livre,  et  qui , à 
cause  de  leur  forme  , ont  été  appelés  petits 
chapeaux  ou  écritoires . 

L’étain  qui  se  vend  sous  le  nom  de 
Banca  , se  fait  distinguer  du  précédent  , et 
par  la  forme  de  ses  lingots  qui  sont  oblongs. 


SUR  l’^TAIN.  2.33 

et  par  leur  poids  qui  est  de  quarante  cinq 
à cinquante  livres  , et  même  au-dessus. 
Du  reste  ces  lingots  de  Banca  et  de  Malaca 
n’ont  point  l’éclat  ordinaire  à l’étain  ; ils 
sont  recouverts  d’une  sorte  de  rouille  grise 
ou  crasse  d’autant  plus  épaisse  , qu’ils 
ont  séjourné  plus  long-temps  dans  le  fond 
des  vaisseaux  dont  ils  faisoient  vraisem- 
blablement le  lest. 

Quant  à l’étain  pur  d’Angleterre,  il  ne 
m’a  pas  été  facile  dé  m’en  procurer  : il  a. 
fallu  attendre  long  temps  et  employer  bien 
des  moyens.  Rouelle  s’étoit  chargé  de  m’en 
faire  venir , et  il  y a réussi. 

Cet  étain  m’est  arrivé  en  petits  morceaux 
ou  échantillons  pesant  chacun  entre  4 et  5 
onces.  Leur  aspect  annonce  qu’ils  ont  été 
détachés  d’une  grosse  masse  à l’aide  du. 
ciseau  et  du  marteau  : on  voit  distincte- 
ment l’impression  de  l’instrument  qui  a 
opéré  la  section  en  deux  coups  , ce  qui  a 
fait  prendre  à l’échantillon  une  forme  à- 
peu  près  triangulaire  , dont  les  deux  côtés 
internes  ont  conservé  l’éclat  métallique  , 
tandis  que  le  côté  ou  la  superficie  externe 
est  mainmeîonnée  et  couverte  d’une  pelli- 
cule dorée  , qui  offre  assez  fréquemment 


s34  ïi  e C H E R C H E S 

les  différentes  couleurs  de  la  gorge  de 
pigeon. 

Tous  ces  échantillons  sont  numérotés, 
et  paroissent  avoir  été  détachés  de  très- 
gros  lingots , à l’effet  ou  d’être  employés  à 
l’essai , ou  de  rester  dans  quelque  bureau  , 
connue  témoins  de  la  pureté  des  masses 
d’étain  dont  ils  ont  été  tirés  ; masses  qui , 
sans  doute  , portent  un  numéro  pareil  à 
celui  de  l’échantillon. 

Mais  quels  que  soient  les  motifs  qui  ont 
déterminé  les  Anglais  à détacher  ces  mor- 
ceaux du  poids  de  4 à 5 onces , il  me  suffit 
de  savoir  qu’en  me  les  envoyant  sous  cette 
forme  , on  a eu  intention  de  me  procurer 
l’étain  le  plus  pur.  Or  , c’étoit  le  seul  point 
qui  m’intéressoit  (1). 

Tandis  que  Rouelle  se  donnoit  beaucoup 
de  peine  pour  me  procurer  l’étain  dont  je 
viens  de  parler  ; j’allois  chez  tous  les  mar- 
chands qui  font  le  commerce  de  ce  métal, 

(1)  On  Toit  dans  les  cabinets  d’Histoire  naturelle, 
de  Pétain  d’Angleterre,  qu’on  regarde  comme  très- 

t ^ 

pur.  On  l’appelle  JEtain  en  larmes  : cette  forme  peut 
s’imiter  et  induire  en  erreur.  J’ai  examiné  deux 
de  ces  larmes  5 l’une  é toi r pure  , l’autre  contenoit  du 


cuivre. 


S U Tl  L 9 i T A I K.  235 

dans  le  dessein  de  prendre  des  renseigne- 
rnens  sur  les  moyens  d’en  avoir  d’Angle- 
terre, sans  aucune  sorte  d’alliage.  Un  seul 
me  dit  en  avoir,  et  il  m’en  vendit  en  effet 
sous  le  nom  d’ étain  doux. 

Celui-ci  étoit  sous  la  forme  de  petits 
chapeaux , qui  pesoient  chacun  deux  livres. 

Cet  étain  venoit-il  d’Angleterre  , ou  n’en 
venoit-il  pas  ? Son  éclat  prouvoit  qu’il  avoit 
été  fondu  récemment  , et  par  conséquent 
à Paris  : mais  je  sais  que  les  marchands 
sont  dans  l’habitude  de  réduire  les  gros 
lingots  en  petits,  pour  se  faciliter  le  détail 
de  l’étain  ; et  je  ne  pouvois  concevoir  quel 
intérêt  pouvoit  déterminer  celui  qui  me  le 
vendoit  > à m’induire  en  erreur  sur  le  lieu 
d’où  il  l’avoit  tiré  (1). 

Au  reste  , cet  étain  se  trouvant  dans  le  * 
commerce  sous  une  dénomination  qui  me 
le  rendoit  intéressant  à connoître  , je  n’ai 
pas  hésité  à en  faire  emplette  , et  Inexpé- 
rience m’a  appris  cju’il  ne  différoit  en  rien 
de  celui  qui  m’avoit  été  envoyé  d’Angle- 
terre en  petits  échantillons. 

(1)  Si  cet  étain  venoit  réellement  d’Angleterre,  la 
loi  qui , selon  Geoffroy  , en  défend  la  sortie  , est  sans 
doute  abrogée. 


/ 


20  6 R echbrciies 

Tels  sont  les  ë tains  qui  passent  dans  le 
commerce  pour  être  les  plus  purs  , ou  , ce 
qui  est  la  même  chose  , pour  n’avoir  reçu 
artificiellement  aucun  alliage.  Je  les  appel- 
lerai dans  la  suite  de  ce  mémoire  , tantôt 
è tains  purs  , tantôt  étains  primitifs  , et 
souvent  je  leur  conserverai  le  nom  du  pays 
dont  ils  ont  été  importés. 

J’ai  fait  bien  des  tentatives  pour  me 
procurer  de  l’étain  de  Saxe  et  de  Bohême, 
dans  l’état  où  il  est  lorsqu’il  sort  des  fon- 
deries : mais  toutes  mes  peines  ont  été 
inutiles  \ on  m’a  répondu  de  toutes  parts 
qu’il  étoit  défendu  d’en  exporter  , même 
le  plus  foible  échantillon.  Au  reste,  comme 
cet  étain  n’est  point  en  usage  parmi  nous  , 
et  que  même  toute  la  partie  de  l’Allemagne 
qui  borde  le  Rhin  , dans  le  grand  usage 
qu’elle  fait  de  ce  métal , n’en  emploie  pas 
d’autre  que  celui  qu’elle  tire  d’Angleterre 
ou  des  Indes  par  la  voie  de  la  Hollande  , 
j’ai  cru  devoir  négliger  l’examen  des  étains 
de  Saxe  et  de  Bohême  , pour  m’en  tenir 
à celui  des  seuls  étains  connus  et  employés 
chez  nous. 

La  seconde  classe  des  étains  que  j’exami- 
nerai, comprend  celui  que  nous  tirons  en 


SUR  l’ÉTAIX.  207 

très-grande  quantité  de  l’Angleterre  , d’où 
on  110ns  l’envoie  en  lingots  d’environ  trois 
cents  livres  : nous  les  appelons  gros  sau- 
mons. Cet  étain  est  d’un  grand  usage  parmi 
nous,  et  il  se  débite  aux  diffère  ns  ouvriers 
en  petites  baguettes  triangulaires  , de  neuf 
à dix  lignes  de  pourtour  , et  d’environ  un 
pied  et  demi  de  long  ; en  sorte  que  l’étain 
en  gros  saumons  et  l’étain  en  baguettes  , 
lorsqu’ils  sortent  du  magasin  d’un  honnête 
marchand  , ne  diffèrent  entre  eux  que  par 
la  forme  que  la  lingotière  leur  a donnée. 
Ils  11c  sont  pas  purs  5 ils  ont  reçu  eu  An- 
gleterre même  l’alliage  prescrit  par  la  lui 
du  pays  (1). 

A l’égard  de  la  troisième  classe  , elle 
renferme , comme  je  l’ai  dit,  tous  les  étains 
ouvragés  et  vendus  par  les  potiers  d’étain 
sous  toutes  sortes  de  formes. 

(1)  Je  parle  d’après  Geoffroy  cpii , dans  un  mémoire 
imprimé  dans  le  volume  de  l’Académie  de  l’année 
1738,  nous  donne  en  abrégé  l’histoire  de  l’étain 
d’après  les  transactions  philosophiques  ; mais  il  est 
assez  indifférent  que  cetétafn  en  gros  saumons  doive 
son  alliage  à la  nature  ou  à l’art  5 il  nous  suffit  de 
savoir  que  celui  qu’on  nous  apporte  en  gros  saumons 
n’est  pas  pur  *,  ce  que  je  démontrerai  dani  la  suite. 


s38  recherches 

Le  premier  en  rang  est  celui  qu’ils  ven- 
dent sous  la  marque  d’étain  fin  ; le  second 
sous  celle  d’étain  commun  , et  le  troisième 
sous  le  nom  de  claire  étoffe  , ou  simple- 
ment de  claire. 

Les  potiers  d’étain  sont  tenus  , à l’égard 
des  deux  premiers  , de  se  conformer  à des 
réglemens  dont  j’aurai  occasion  de  faire 
sentir  l’importance  , lorsque  je  rendrai 
compte  de  mes  recherches  sur  les  ouvrages 
destinés  aux  usages  économiques  ; quant 
à celui  qu’ils  appellent  claire  étoffe , ou 
simplement  claire , je  ferai  connoître,  en 
l’examinant,  jusqu’où  peuvent  se  porter 
les  abus. 

§.  I I. 

Caractères  extérieurs  des  étains  de  la 
première  classe , c’est-à-dire  y des  étains 
primitifs . 

Les  étains  de  Banca  , de  Malaca  , celui 
qu’on  in’a  vendu  à Paris  , sous  le  norn 
d’étain  doux  , ainsi  que  celui  que  j’ai  reçu 
d’Angleterre  en  petits  échantillons  de  4 à 
5 onces,  ont  tous  le  plus  grand  éclat,  et 
peuvent  rester  long-temps  à l’air  sans  se 


ternir  ; il  sont  les  uns  et  les  autres  si  doux 
et  si  malléables  que  , sans  être  fort  adroit 
à donner  les  coups  de  marteau  , on  peut 
les  réduire  sur  un  tas  en  feuilles  minces 
comme  le  plus  lin  papier,  sans  y faire  la 
moindre  gerçure. 

O à 

Si  on  les  coule  en  petits  lingots  ronds  et 
d’une  ligne  de  diamètre  sur  six  pouces  de 
longueur  , on  pourra  , sans  les  rompre  , 
les  plier  subitement  en  sens  contraire 
jusqu’à  quatre-vingts  fois,  en  formant  à 
chaque  fois  un  angle  droit. 

Ces  étains  ont  d’ailleurs  un  cri  différent 
de  celui  qu’ont  les  étains  appelés  aîgres  , 
aussi  sont  - ils  très -estimés  des  potiers 
d’étain,  qui  ne  manquent  jamais  de  nom- 
mer l’étain  de  Banca  ou  de  JVIalaca  pour 
donner  une  haute  idée  de  leurs  ouvrages. 

Enfin  ces  quatre  étains,  à volume  égal, 
sont  exactement  du  même  poids  ; ce  dont 
je  me  suis  assuré  par  des  expériences 
souvent  répétées , et  dont  je  rendrai  compte 
lorsque  j’examinerai  les  étains  exposés  en 
vente  chez  les  potiers  d’étain. 


RECHERCHES 


2.4° 

§.  III. 

Effets  du  feu  appliqué  aux  étains 
primitifs. 

Les  effets  du  feu  appliqué  à l’étain  mis 
dans  un  têt  ou  creuset,  étant  connus  de 
tous  les  chimistes,  je  crois  ne  devoir  entrer 
à cet  égard  dans  aucun  détail,  me  conten- 
tant cle  renvoyer  les  lecteurs  au  mémoire 
de  Geoffroy,  qui  a très-bien  observé  les 
phénomènes  de  la  calcination , qui,  comme 
on  le  sait,  convertit  l’étain  pur  en  une 
chaux  blanche  appelée  potée  d’étain. 

Ce  chimiste  a , le  premier , aperçu  la 
propriété  qu’a  ce  métal  de  s’allumer,  lors- 
que le  feu  est  poussé  jusqu’à  un  certain 
point  , et  de  jeter  une  flamme  , à la  vérité 
moins  considérable  , mais  aussi  vive  et 
aussi  brillante  que  celle  qui  sort  du  zinc 
dans  les  mêmes  circonstances  ; il  a égale- 
ment bien  remarqué  que  l’étain  fumoit 
avant  que  de  s’enflammer,  s’élevoit  et  se 
condensoit  sous  la  forme  d’une  poudre 
blanche  que  les  chimistes  sont  dans  l’usage 
d’appeler  fleurs  : enfin  la  couleur  rouge 
que  prennent  quelques  portions  de  la  chaux 

ou 


SUE. 


L’  É T A I N.  2 4t- 

OU  potée  d’étain  n’a  point  échappé  aux 
remarques  de  cet  habile  chimiste. 

> J'ai  répété  sur  mes  quatre  étains  l’expé- 
rience de  la  calcination  dans  les  vaisseaux 
ouverts  , et  j’ai  constamment  observé  tous 
les  phénomènes  décrits  par  Geoffroy  ; mais 
n’ayant  découvert  dans  ces  ^différentes 
opérations  rien  de  ce  qui  pouvoit  me  con- 
duire vers  mon  but,  je  me  suis  déterminé 
a traiter  au  feu  les  memes  étains  enfermés 
dans  des  vaisseaux,  et  par  conséquent  privés 
de  toute  communication  avec  l’air  atmos- 
phérique. 

5-  I V. 


Effets  du  feu  sur  les  étains  pr unit/ fs  traités 
uans  las  vaisseaux  fermés . 

J ai  introduit  dans  une  retorte  de  verre 
lutée  , H onces  d’étain  de  Banca  , au  mo- 
ment où  il  venoït  d’être  coulé  en  petits 
lingots  ronds,  d’une  ligne  de  diamètre, 
coupés  en  petits  morceaux  longs  de  quatre 
à cinq  lignes  , et  tout  de  suite  la  retorte  a 
etc  placée  dans  un  fourneau  à dôme  , et 
adaptée  à un  récipient  proportionné  Io 
leu  a été  allumé  et  la  retorte  tenue  dans 
1 embrasement  pendant  huit  heures. 

Tonie  II.  ( ) 


24s  RECHERCHES 

Tout  étant  refroidi  et  le  lut  enlevé  , oit 
apercevoit  dans  le  col  une  petite  portion 
de  matière  blanche  sublimée  qui  pouvoit 
à peine  être  évaluée  à un  quart  de  grain. 

La  retorte  , que  le  feu  avoit  déformée, 
ayant  été  séparée  de  son  col  qui  contenoit 
la  matière  sublimée  , le  culot  d’étain  fut 
mis  sur  la  balance  et  se  trouva  à peine 
diminué  d’un  grain  ; il  étoit  couvert  à la 
partie  supérieure  d’une  couche  blanche  et 
mince  5 c’étoit  un  peu  de  chaux  ou  potée 
qui  adhéroit  presque  par-tout  à la  super- 
ficie de  l’étain , et  dans  les  endroits  où 
elle  pouvoit  se  soulever  , on  trouvoit  une 
petite  chambre  ou  cavité  dont  l’intérieur 
présentoit  à la  vue  une  surface  dorée  , qui 
réfléchissoit  la  lumière  avec  toutes  les  va- 
riétés de  la  gorge  de  pigeon. 

Ces  petites  grottes  ou  cavités  sont  dues 
au  refroidissement  du  métal  dont  les  parties 
en  se  figeant  avec  lenteur,  se  sont  arrangées 
selon  les  lois  de  la  cristallisation.  Au  reste 
la  couleur  d’or  que  Ton  y remarquoit,  est 
un  de  ces  phénomènes  assez  communs  ? 
mais  dont  les  causes  sont  peu  connues. 
J’ai  déjà  fait  observer  que  les  échantillons 
d’étain  pur  que  j’ayois  reçus  d’Angleterre 


sur  l’étain.  z/j'i 

ëtoient  dorés  sur  une  de  leurs  surfaces  ; 
on  sait  que  le  plomb  , le  zinc  et  le  bismuth 
sont  des  substances  métalliques  également 
susceptibles  de  prendre  cette  couleur  su- 
perficielle qui  en  a souvent  imposé  , même 
à des  chimistes  qu’on  est  bien  éloigné 
de  ranger  parmi  les  chercheurs  de  pierre 
philosophale. 

L’expérience  à laquelle  j’avois  soumis 
l’étain  de  Banca , a été  répétée  sur  celui 
de  Malaca  , au  poids  de  1 2 onces  , sur  celui 
d’Angleterre  , appelé  doux  , au  poids  de 
16  onces,  et  sur  celui  des  échantillons, 
appelé  pur,  au  poids  de  12  onces  5 et  c es 
trois  étains  m’ont  exactement  donné  les 
mêmes  résultats  : mais  je  dois  faire  observer, 
i°.  qu’il  est  assez  indifférent  de  charger 
la  retorte  de  plus  ou  moins  d’étain  , et  que 
8 onces  de  ce  métal  m’ont  paru  avoir  donné 
autant  de  sublimé  que  les  16  onces  em- 
ployées dans  l’expérience  faite  sur  l'étain 
doux  ; 2°.  que  la  substance  volatile  ne 
s’élevoit  que  dans  les  premiers  temps  de 
l’expérience  , c’est-à-dire , au  moment  où 
la  couche  superficiel  le  du  métal  se  convertit 
en  chaux  ou  potée  ; 3°.  enfin  , que  j’espé- 
rois  inutilement  obtenir  une  plus  grande 

Q * 


î?44  RECHERCHES 

quantité  de  sublimé,  en  tenant  pendant 
huit  -heures  au  moins  mes  étains  exposés 
à un  feu  violent. 

S-  V. 

Il x amen  de  la  matière  sublimée . 

Il  étoit  d’autant  plus  essentiel  de  déter- 
miner la  nature  du  sublimé  obtenu  dans 
les  expériences  précédentes,  queMargraff, 
qui  avoit  fait  avant  moi  une  pareille  opé- 
ration , soupçonne  cette  matière  d’être  de 
l’arsenic  $ car  ce  chimiste  avoue  qu'il  en 
avoit  trop  peu  retiré  pour  qu’il  lui  fut 
possible  de  la  soumettre  à aucune  expé - 
rie  ne  e. 

La  quantité  est  petite,  sans  doute  \ mais 
enfin  la  centième  partie  d’un  grain  d’arse- 
nic mise  sur  un  charbon  ardent  étant  suffi- 
sante pour  faire  reconnoître  , sans  aucune 
équivoque  , cette  substance,  je  crus  devoir 
faire  tous  mes  efforts  pour  changer  les 
soupçons  de  Margraff  en  certitude  ; et  si , 
par  hasard  , il  me  devenoit  impossible  de 
décider  par  des  expériences  certaines  de 
ciuelle  nature  étoit  le  sublimé  , du  moins 
ne  devois-je  rien  négliger  pour  m’assurer 


SUR  ï.’  ETAIN*.  245 

s’il  étoit  ou  non  de  l’arsenic  , et  par  cela 
même  , lever  les  doutes  de  Margraff. 

J’avois  quatre  cols  de  retorte  dans  lesquels 
ce  sublimé  occupoit  une  place  d’environ 
demi -pouce.  C’étoit  une  nubécule  d’une 
volatilité  peu  commune;  approclioit  - on 
un  charbon  ardent  de  la  superficie  externe 
du  verre  , il  s’exlial oit  sur-le-champ  une 
sorte  de  fumée  , qui , reçue  sur  le  même 
charbon,  disparoissoit  sans  donner  aucune 
odeur  caractéristique.  Le  sublimé  qui  fut 
employé  à cette  première  expérience  , étoit 
celui  que  j’avois  tenu  de  l’étain  de  Banca. 

Pour  constater  , par  le  sens  de  l’odorat, 
qu’une  chaux  métallique  est  arsenicale  , il 
faut  absolument  la  mettre  en  contact  avec 
un  charbon  embrasé  ; je  pris  en  consé- 
quence le.  parti  d’introduire  dans  le  col 
auquel  étoit  attaché  le  sublimé  de  Pétain 
de  Malaca  , un  fil- de-fer  dont  l’extrémité 
fut  aplatie  en  forme  de  petite  spatule  un 
peu  recourbée.  Cet  instrument  fut  promené 
en  tout  sens  sur  la  surface  du  col  où  étoit 
fixé  le  sublimé , et  je  réussis  à l’en  charger 
d’une  manière  assez  marquée  ; ayant  posé 
l’extrémité  de  ce  petit  grattoir  sur  un  char- 
bon allumé  , il  s’en  éleva  une  fumée  bien. 

Q 3 


246  RECHERCHES 

apparente,  mais  qui  n’avoit  point  du  tout 
l’odeur  arsenicale  , odeur , comme  on  le 
sait , si  facile  à reconnoître.  Les  sublimés 
retirés  de  l’étain  d’Angleterre  en  échantil- 
lons et  de  l’étain  doux , subirent  aussi  le 
même  essai,  et  la  fumée  blanche  qui  s’éleva 
de  l’un  et  de  l’autre  ne  fut  pas  plus  arse- 
nicale que  la  précédente. 

C’étoit  déjà  quelque  chose  , mais  je 
n’étoispas  satisfait;  j’exposai  une  nouvelle 
portion  des  mêmes  étains  à la  sublimation  , 
qui  me  fournit  quatre  nouveaux  cols  de 
retorte , chargés , comme  la  première  fois , 
d’une  couche  légère  de  poudre  blanche  , 
que  je  ramassai  avec  un  peu  de  mie  de  pain 
tendre,  qui,  sur-le-champ,  fut  avalée  par 
un  très-petit  chien , sans  que  cet  animal 
ait  eu  aucun  signe  de  maladie  ; son  appétit, 
sa  gaîté  ont  été  les  mêmes  , et  sa  soif  n’a 
pas  paru  augmentée  , ce  à quoi  je  prenois 
une  attention  particulière  ; or  une  pareille 
dose  d’arsenic,  c’est-à-dire  un  grain,  n’au- 
roit  pas  manqué  d’éprouver  ce  petit  animal 
d’une  manière  très-marquée,  et  peut-être 
même  que  la  mort  s’en  seroit  suivie. 

Tell  es  furent  les  expériences  auxquelles 
je  soumis  les  sublimés  des  quatre  étains 


SUR  l’eTAIN.  247 

primitifs  ; la  petite  quantité  qu’on  en  ob- 
tient lorsqu’on  les  traite  dans  les  vaisseaux 
fermés,  ne  permet  pas  en  effet  de  les  pousser 
plus  loin  ; et  je  suis  d’ailleurs  bien  persuadé 
que  les  lecteurs  chimistes  me  rendront  la 
justice  de  croire  que  s’il  avoit  été  possible 
d’accumuler  les  sublimations  , je  n’aurois 
pas  manqué  de  les  faire  succéder  les  unes 
aux  autres  , jusqu’au  point  d’avoir  formé 
une  couche  assez  épaisse  de  la  matière  vo- 
latile. J1  auroit  donc  fallu  imaginer  des 
vaisseaux  d’une  toute  autre  construction 
que  celle  des  retortes  : mais  un  pareil  tra- 
vail tenant  aux  recherches  qu’on  pourroit 
faire  sur  la  nature  particulière  des  métaux 
qui,  exposés  au  feu  , y acquièrent  la  pro- 
priété de  s’élever  en  partie  sous  la  forme 
de  fleurs  , me  devenoit  en  quelque  façon 
étranger  (1) , ou  du  moins  m’éloignoit  trop 

(1)  L’étain , le  plomb  , le  bismuth  , le  régule  d’an- 
timoine et  le  zinc  ( celui-ci  avant  son  inflammation) 
sont  des  substances  métalliques  et  semi-métalliques , 
lesquelles  échauffées  jusqu’à  un  certain  point , s’élèvent 
en  fumée  qui  , condensée,  est  connue  en  chimie  sous 
le  nom  de  fleurs  ; cette  matière  n’a  été  que  bien  foi- 
blement  examinée  , et  cependant  elle  a été  le  suieï 
de  brillantes  théories» 


240  recherches 

de  111011  but,  qui  é toi t de  constater  si  la 
matière  sublimée  étoit  ou  n’étoit  pas  de 
l’arsenic  • or  je  crois,  à cet  égard  , avoir 
satisfait  à mes  engagemens  , par  les  expé- 
riences très  -probantes  dont  je  viens  de 
rendre  compte. 

§.  V I. 

, « « f • 

Examen  des  quatre  étains  primitifs  par  la 

voie  des  dissolvans. 

Le  point  essentiel  du  travail  que  j’avois 
entrepris  étoit  de  constater  par  des  expé- 
riences sûres  , si  mes  quatre  étains  conte- 
ïioient  de  Parsème  ou  n’en  contenoient 
pas.  Rien  ne  me  paroissoit  plus  aisé  ; car 
j’étois  bien  éloigné  de  soupçonner  toutes 
les  difficultés  que  j’ai  rencontrées  , en 
m’obstinant  à vouloir  suivre  le  procédé 
indiqué  par  Margraff  ; mais  la  réputation 
méritée  dont  jouit  ce  chimiste,  m’entraîna 
malgré  moi,  et  rejetant  sur  moi- même 
mon  manque  de  succès  , j’ai  employé  huit 
mois  à répéter  sur  mes  quatre  étains  le 
procédé  si  exactement  décrit  par  l’homme 
célèbre  que  j’avois  pris  pour  guide. 

Mais  si  je  n’ai  pas  retiré  de  mes  premières 


SUR  L ’ É T A I E\ 

tentatives  tout  le  fruit  que  je  devois  natu- 
rellement en  attendre  , elles  n’ont  cepen- 
dant pas  été  entièrement  perdues  , puis- 
qu’elles m’ont  fait  apercevoir  la  route  qu’il 
convenoit  de  prendre  pour  arriver  au  point 
de  décider  la  question  , d’après  des  expé- 
riences sûres  que  je  rendrai  faciles  à répéter, 
et  conséquemment  propresàêtre  constatées 
par  ceux  des  chimistes  qui  sont  bien  con- 
vaincus que  c’est  par  des  faits  , et  non  par 
des  raisonnemens , qu’on  prouve  quelque 
chose  dans  leur  art. 

Dans  le  compte  que  je  vais  rendre  , je 
me  suis  fait  la  loi  de  sauver  aux  lecteurs , 
autant  qu’il  sera  possible  , l’ennui  des 
détails  ; mais  comme  il  faut  pourtant  les 
mettre  à portée  de  juger,  je  crois  devoir 
exposer  sous  leurs  yeux  le  procédé  de 
Margraff,  parce  que  la  question  dont  il 
s’agit , mise  ainsi  dans  tout  son  jour , ils 
pourront  plus  facilement  prononcer  sur 
mes  travaux  et  sur  leur  résultat. 


RECHERCHES 


250 


§.  VII. 

Procédé  de  Margraff pour  démontrer  par 
l’eau  légale  la  présence  de  l’arsenic 
dans  l’ étain. 

Margraff  , après  avoir  exposé  les 
motifs  qui  l’ont  déterminé  à s’écarter  du 
procédé  indiqué  par  le  célèbre  Henckel , 
qui  avoit  aussi  avant  lui  employé  l’eau 
régale  pour  retirer  l’arsenic  de  l’étain  , 
donne  la  manière  de  préparer  l’acide  ni- 
treux destiné  à faire  son  eau  régale  qu’il 
compose,  en  ajoutant  à chaque  once  de 
son  acide  , une  demi-dragme  de  sel  ammo- 
niac, après  quoi  il  s’exprime  ainsi  : « Je 
» yerse  4 onces  de  mon  eau  régale  dans 
33  un  verre  qui  ne  se  trouve  par-là  rempli 
» qu’à  la  moitié  ; j’y  jette  à diverses  re- 
» prises,  comme  à un  demi- quart  d’heure 
>3  d’intervalle  , un  demi-scrupule  d’étain  y 
33  et  je  recouvre  aussitôt  l’orifice  du  verre 
33  avec  un  papier  ; alors  l'étain  se  dissout 
33  avec  force , et  il  tombe  au  fond  une 
33  poudre  blanche  qui  présente  l’arsenic 
» désiré  ; mais  , en  ajoutant  une  nouvelle 
33  quantité  d’étain , il  se  fait  une  nouvelle 


SUR  I ’ £ T À I N.  2.5 1 

33  solution  claire  , sans  sédiment.  Si  l’on. 
>3  sépare  la  poudre  blanche  susdite  du 
>5  liquide  qui  surnage  , et  qu’on  la  fasse 
^ dissoudre  dans  l’eau  et  un  peu  évaporer 
35  cette  solution  , il  faut  moins  de  temps 
>5  pour  trouver  l’arsenic  renfermé  dans 
l’étain  , mais  on  dépense  plus  d’eau- 
33  forte. 

>3  Qu’on  verse  cette  solution  d’étain  dans 
33  un  vase  de  verre  dont  l’orifice  soit  ample , 
33  en  sorte  que  le  liquide  remplisse  à-peu- 
3>  près  le  tiers  du  verre  , qu’on  le  couvre 
33  d’un  papier  gris , mais  sans  l’ajuster  fort 
33  étroitement  , et  qu’on  mette  ce  verre 
33  sur  du  sable  chaud  , et  qu’on  se  serve 
33  d’une  chaleur  douce  , de  manière  que 
33  le  liquide  puisse  pourtant  s’évaporer  ; 
33  si  cette  évaporation  se  fait  ainsi  de  la 
33  manière  la  plus  douce  qu'il  soit  possible, 
33  outre  les  parties  aqueuses , il  s’élèvera 
33  quelques  vapeurs  blanches  , et  quand 
33  elles  paroissent  , il  faut  bien  prendre 
33  garde  de  ne  pas  trop  augmenter  le  feu. 
3»  En  procédant  ainsi  pendant  la  durée  de 
33  l’évaporation  , il  paroîtra  des  cristaux  ; 
33  alors  il  faut  d’abord  ôter  le  verre  du  feu , 
33  et  le  placer  dans  un  lieu  médiocrement 


s5  2 RECHERCHES 

33  froid  , après  quoi  les  cristaux  désirés  se 
^ formeront  en  plus  grande  quantité.  Au 
33  bout  de  quelques  jours  on  peut  faire 
33  la  décantation  du  liquide,  et  mettre  sé- 

cher  les  cristaux  sur  un  papier  plié  en 
33  dou  ble. 

33  De  cette  manière  , une  demi  - once 
3>  d’étain  de  Malaca  vous  donnera  à-peu- 
» près  une  demi -dragme  de  ces  cristaux;  et 
33  les  autres  espèces  d’étain  , celui  de  Saxe 
33  sur-tout,  en  fournissent  encore  davan- 
33  tage.Ces  cristaux,  à dire  la  vérité,  ne  sont 
33  que  l’arsenic  tout  pur  ; car  j’en  ai  dis- 
D3  tillé  une  drachme  dans  une  petite  retorte 
33  de  verre  , en  y appliquant  le  récipient , 
33  et  en  augmentant  le  feu  jusqu’à  l’incan- 
>3  descence  : alors  tout  s’est  élevé  dans  le 
33  col  de  la  retorte  , de  manière  qu’il  n’y 
33  en  est  demeuré  que  très  peu.  J’ai  distillé 
33  de  nouveau  ce  sublimé  mêlé  avec  une 
33  quatrième  partie  de  sel  de  tartre  , en  y 
33  donnant  un  feu  violent  ; alors  l'arsenic 
33  s’est  élevé  sous  une  forme  blanche  trans- 
33  parente  , et  ce  sel  de  tartre  avoit  entière- 
33  ment  absorbé  les  sels  acides  qui  lui 
33  étoient  encore  attachés  33. 

Le  reste  du  paragraphe  XXIII  de  la  dis- 


SUR  l’  É T A I N.  253 

sertation  de  Margraff  est  employé  à des 
expériences  qui  prouvent  que  ce  sublimé 
étoit  de  pur  arsenic  ; et  dans  le  XXIVe , ce 
chimiste  dit  qu’ayant  répété  toutes  les 
opérations  qu’on  vient  de  lire  sur  de  l’étain 
tiré  des  plus  purs  minéraux,  il  n’y  avoit 
pas  découvert  un  atome  de  cette  redoutable 
substance. 

Tel  est  le  procédé  que  Margraff  donne 
comme  propre  à retirer  l’arsenic  de  l’étain  ; 
le  point  étoit  de  se  familiariser  avec  lui, 
en  le  répétant  plusieurs  fois  sur  chacun  de 
mes  quatre  étains  primitifs  ; mais  pour  y 
parvenir  , combien  n’a- 1- il  pas  fallu  faire 
de  tentatives  ? j’ai  été  long-temps  avant 
de  m’apercevoir  que  l’on  ne  réussissoil  à 
obtenir  la  poudre  blanche  dont  parle  ce 
chimiste  , qu’en  employant  une  eau  régale 
très -affaiblie.  Je  sauverai  donc  bien  des 
difficultés  à ceux  qui  voudroient  répéter 
l’expérience  de  Margraff,  ou  celles  que 
j’indiquerai  dans  un  moment,  en  les  pré- 
venant qu’ils  réussiront  constamment  s’ils 
ont  la  précaution  d’affoiblir  leur  eau  régale, 
en  y ajoutant  une  , deux  et  quelquefois 
même  trois  parties  d’eau  distillée  , c’est-à- 
dire  , en  amenant , par  des  essais  , ce  dis- 


254  RECHERCHES 

solvant  au  point  d’agir  sur  l’étain  lentement 
et  sans  s’échauffer. 

Lors  de  mes  premières  expériences  , 
l’eau  régale  , quoique  préparée  à la  façon 
de  Margraff,  se  trouvoit  trop  forte  ; elle 
attaquoit  l’étain  avecvivacité  et  contractoit 
un  degré  de  chaleur  qui  opéroit  la  disso- 
lution de  la  poudre  blanche  à mesure 
qu’elle  se  formoit. 

J’aurai  dans  la  suite  plus  d’une  fois 
occasion  de  faire  sentir  combien  il  importe 
de  n’employer  que  des  acides  foibles  dans 
certaines  opérations. 

$.  VII  I. 

Effets  du  procédé  de  Margraff  sur  les 
quatre  étains. 

Pour  opérer  comme  Margraff,  j’ai 
préparé  une  grande  quantité  d’acide  ni- 
treux , qui , après  avoir  été  précipité  et 
distillé  de  nouveau  , étoit  en  pesanteur  à 
l’eau  distillée,  comme  vingt -cinq  est  à 
dix  • neuf.  Cet  acide  avoit  d’ailleurs  été 
retiré  du  nitre  pur  par  l’intermède  de  la 
terre  argileuse,  intermède  que  je  préfère 
à l’acide  Yitriolique  , et  même  au  vitriol. 


sur  l'étain.  255 

Une  once  de  cet  acide  pur  et  3 6 grains 
de  sel  ammoniac  purifié,  forment  ce  que 
j’appelle  mon  eau  régale  forte.  Veux-je 
l’affbiblir , j’y  ajoute  une  , deux  , et  même 
quelquefois  trois  parties  d’eau  distillée. 

Muni  d’une  grande  quantité  de  cette  eau 
régale  , et  suivant  avec  la  plus  grande 
exactitude  tous  les  détails  prescrits  par 
Margraff  , j’ai  procédé  sur  mes  quatre 
étains  primitifs  , sans  qu’il  m’ait  été  pos- 
sible d’y  découvrir  le  moindre  vestige 
d’arsenic.  J’avois  cependant  aperçu  dans 
ces  quatre  opérations  tous  les  phénomènes 
annoncés  parce  chimiste; la  poudreblanche 
s’étoit  formée  , tandis  que  l’eau  régale  atta- 
quoit  les  petites  lames  d’étain,  et  la  liqueur 
qui  la  recouvroit  ayant  été  retirée  et  bien 
égouttée  , la  poudre  séchée  et  examinée  , 
cette  poudre  ou  plutôt  ce  sel  ( car  c’en 
est  véritablement  un  soluble  dans  l’eau  et 
résultant  de  la  combinaison  de  l’acide  ré- 
gale avec  l’étain)  ne  se  trouva  point  du 
tout  être  arsenical.  Je  me  suis  aussi  pro- 
curé les  cristaux  annoncés  par  l’auteur  , et 
je  les  ai  traités  , ainsi  qu’il  l’indique  , par 
une  première  sublimation  , qui  , réitérée  , 
en  y mêlajU  du  sel  de  tartre  , m’en  a donné 


2.56 


Il  E C I I E R C H E S 


une  seconde  peu  volumineuse , à la  vérité  , 
mais  pourtant  suffisante  pour  pouvoir 
constater  qu’elle  n’étoit  aucunement  ar- 
senicale. 

Tel  fut  mon  résultat,  en  exécutant  pour 
la  première  fois  le  procédé  de  Margraff 
sur  mes  quatre  étains.  Je  ne  me  découra- 
geai point,  et  cette  expérience  fut  répétée 
jusqu’à  huit  fois  sur  chaque  étain  , mais 
toujours  infmctueuseme  t. 

On  est  cruellement  tourmenté,  lorqu’en 
suivant  un  chimiste  tel  que  Margraff, 
on  ne  parvient  pas  à obtenir  les  résultats 
qu’il  annonce.  Je  crus  donc  devoir  répéter 
encore  deux  fois  le  même  travail  sur  l’étain 
de  Malaca , que  cet  homme  célèbre  dit  lui 
avoir  fourni  une  quantité  notable  d’arsenic, 
sans  cependant  la  fixer  ; mais  ces  deux  nou- 
velles opérations  ne  m’apprirent  rien  , et 
elles  furent  aussi  inutilement  tentées  que 
l’a  voient  été  les  premières. 

Il  étoit  naturel  de  conclure  que  mes 
quatre  étains  ne  m’avoient  point  donné 
d’arsenic,  par  la  raison  qu’ils  n’en  con- 
tenoient  pas  ; ruais  cette  conclusion  me 
paroissant  trop  précipitée  , je  ne  pouvois 
me  résoudre  à abandonner  mes  recherches 


sur 


sur  l’étain.  2A7 

sur  un  objet  aussi  important.  Ainsi  donc, 
sans  même  présumer  que  l’arsenic  n’exis- 
toit  pas  clans  ces  étains  , je  crus  devoir 
recourir  à des  expériences  comparatives, 
en  prenant  pour  cet  effet  le  parti  d’intro- 
duire dans  ces  mêmes  étains  de  l’arsenic 
à des  doses  connues  et  graduées  depuis  un 
seizième  jusqu’à  un  douze  centième  , et 
d’aller  même  encore  plus  loin  s’il  étoit 
nécessaire. 

§.  I X. 

Alliage  d'étain  et  d’arsenic. 

En  général  les  chaux  métalliques  ne  con- 
tractent point  d’union  avec  les  métaux  , à 
moins  qu’elles  ne  rencontrent  dans  la  fonte 
une  matière  propre  à opérer  leur  réduction. 
Margraff  avoit  cependant  cherché  à unir 
l’étain  à l’arsenic  proprement  dit  , c’est- 
à-dire  , à une  chaux  métallique  ; et  soit 
qu’il  n’ait  pas  soupçonné,  l’impossibilité  de 
cette  union  , soit  qu’il  ait  connu  d’avance 
le  résultat  d’un  pareil  mélange  , il  s’est 
déterminé  pour  ce  procédé.  Ce  chimiste 
a introduit  demi-once  d’étain  de  Malaca , 
et  autant  d’arsenic  blanc  dans  une  retorte 
Tome  IL  R 


258  R E CHERCHES 

de  verre  munie  de  son.  récipient  , et  a 
exposé  le  tout  à un  très-grand  feu  , dans 
la  vue  d’unir  ces  deux  substances  par  la 
fonte. 

Dans  cette  opération  l’arsenic  s’est  con- 
verti en  régule  et  l’étain  en  chaux  , c’est- 
à-dire,  que  ce  dernier  a perdu  sa  forme 
métallique , et  que  le  premier  a recouvré 
la  sienne  , en  sorte  que  l’auteur  a trouvé 
dans  le  col  de  la  retorte  deux  dra^mes  et 
demie  de  régule  d’arsenic  , et  dans  le  fond 
du  même  vaisseau  , cinq  dragmes  et  demie 
de  cendrée  blanchâtre,  dont  il  a été  obligé 
de  faire  la  réduction  pour  se  procurer  un 
étain  artificiellement  arseniqué. 

Un  pareil  procédé  ne  pouvoit  convenir 
à mes  vues,  qui  étoient  bien  différentes  de 
celles  qui  avoient  déterminé  Margraff  à 
l’adopter  ; il  me  falloir  absolument  fixer 
au  juste  la  quantité  d’arsenic  introduite 
dans  une  quantité  donnée  d’étain,  et  pour 
y parvenir,  il  étoit  essentiel  d’éviter  la  cal- 
cination du  métal  , ce  qui  ne  pouvoit  se 
faire  en  employant  la  chaux  d’arsenic  , 
ainsi  que  je  l’ai  éprouvé  en  répétant  le 
procédé  de  Margraff  : procédé  que  j’ai 
çru  devoir  abandonner  , en  lui  en  subs- 


SUR. 


l’étain. 


tituant  un  plus  conforme  aux  principes  de 
la  saine  chimie;  or,  pour  arriver  au  but 
que  je  me  proposois  , j’ai  donne  la  préfé- 
rence à celui-ci. 

Premier  alliage.  Que  l’on  introduise 
dans  une  petite  retorte  de  verre  lutée  , 
d’abord  2 gros  de  régule  d’arsenic  réduit 
en  poudre  grossière , ensuite  3 onces  6 gros 
d’un  des  rpiatre  étains  primitifs  ; qu’on  place 
la  retorte  dans  un  fourneau  convenable  , 
qu’on  y adapte  un  récipient  proportionné, 
et  que  le  feu  y soit  appliqué  jusqu’à  la  faire 
rougir;  il  s’élèvera  à peine  2 grains  d’ar- 
senic dans  le  col  , et  après  le  refroidis- 
sement , on  trouvera  dans  le  fond  un 
culot  métallique  , sur  lequel  on  n’aper- 
cevra qu’une  très-légère  portion  de  crasse 
et  point  du  tout  de  chaux  parfaite  ; il 
pesera  4 onces  , la  portion  sublimée  étant 
trop  petite  pour  être  sensible. 

Ce  culot  d’étain  qui  contient  ~ de  régule 
d’arsenic  , offre  un  alliage  cristallisé  en 
grandes  facettes  à- peu  près  comme  le  bis- 
muth ; sa  fragilité  est  plus  grande  que  celle 
du  zinc;  lorsqu’on  le  remet  en  fusion  , il 
exige  plus  de  feu  que  l’étain  ; il  commence 
par  se  ramollir;  si  on  le  Touche  alors  avec 

R a 


2,6o  recherches 

une  baguette  de  fer  , on  entend  un  crî 
occasionné  par  les  cristaux  qui  se  frottent 
les  uns  contre  les  autres  ; le  feu  étant  aug- 
menté , la  fusion  devient  parfaite  ; on  voit 
ce  métal  fumer  et  répandre  l’odeur  propre 
à l’arsenic.  Si  on  veut  le  couler  dans  une 
lingotière,  on  n'y  parvient  que  très-impar- 
faitement ; cette  fonte  étant  pâteuse  , et 
conséquemment  peu  coulante. 

L’odeur  d’arsenic  qui  s’élève  d’un  pareil 
alliage  mis  en  fusion  , sa  lentescence  , la 
dimension  de  ses  cristaux,  son  peu  de  duc- 
tilité , tout  enfin  m’annonçoit  que  la  pro- 
portion du  régule  d’arsenic  étoit  de  beau- 
coup trop  forte. 

Secojid  alliage.  J’ai , en  conséquence  , 
pris  2,  onces  de  la  masse  ou  culot  ci-dessus , 
que  j’ai  fait  fondre  avec  autant  du  même 
étain  pur , ce  qui  m’a  donné  un  nouveau 
produit , où  le  régule  d’arsenic  se  trouvoit 
dans  la  proportion  dY* . Celui-ci  étoit  en- 
core très-fragile  , les  facettes  étoient  aussi 
brillantes  , mais  cependant  moins  grandes 
que  celles  du  précédent. 

Troisième  alliage.  J’ai  fait  fondre  2, 
onces  du  second  alliage,  avec  partie  égale 
du  même  étain  pur,  ce  qui  m’en  a procuré 


\ 

SUR  L ’ E T A I W.  2 6î 

un  troisième  dans  la  proportion  d’A-,  qui 
coininençoit  à avoir  moins  de  fragilité  ; 
mais  son  peu  de  ductilité  me  détermina  à 
diminuer  encore  le  régule  de  moitié. 

Quatrième  alliage.  J’ai  en  conséquence 
fait  fondre  2 onces  du  troisième  alliage 
avec  2 onces  d’étain  pur  , ce  qui  nfen  a 
procuré  un  quatrième  , dans  lequel  le 
régule  étoit  dans  la  proportion  dVIV*  Ce 
quatrième  alliage  commençoit,  à la  vérité, 
à avoir  de  la  ductilité  ; mais  il  avoit  encore 
tant  de  dureté  et  de  roideur  , que  coulé  en 
lingots  de  six  pouces  de  long  , sur  une 
ligne  * d’épaisseur,  on  ne  parvenoit  à les 
plier  qu’avec  effort;  ils  pouvoient  d’ailleurs 
se  rompre  en  les  pliant  quatre  ou  cinq  fois 
de  suite  en  sens  contraire. 

Cinquième  alliage.  La  dureté  du  qua- 
trième alliage  , son  peu  de  flexibilité  , son 
aigreur  enfin  l’éloignant  encore  beaucoup 
de  mes  étains  primitifs , je  crus  devoir  en 
fondre  2 onces  avec  partie  égale  de  nouvel 
étain  pur  ; ce  qui  me  donna  un  cinquième 
alliage  dans  la  proportion  dVh"  de  régule 

d’arsenic.  * 

Celui-ci  devenu  plus  doux  et  plus  duc- 
tile , quoique  comparaison  faite  avec  mes 

Il  3 


262 


RECHERCHES 


quatre  étains,  il  fût  encore  un  étain  très- 
aigre  et  hors  d’état  de  pouvoir  être  employé 
par  les  ouvriers  , je  pris  cependant  le  parti 
de  m’ariêter  pour  quelque  temps  à cette 
proportion,  et  de  traiter  par  l’eau  régale 
les  cinq  alliages  dont  je  viens  de  parler, 
bien  assuré  que  les  expériences  compara- 
tives que  j’allois  faire  , jeteroient  le  plus 
grand  jour  sur  le  problème  que  je  voulois 
résoudre. 

S-  X. 

Effet  de  Veau  régale  sur  les  alliages 

Ayant  allié  3 onces  6 gros  d’étain  de 
Banca  à 2 gros  de  régule  d’arsenic  dans 
les  proportions  ci-dessus  énoncées,  j’avois 
12  onces  d’étain  impur  divisé  dans  l’ordre 
suivant  5 

S a v o 1 r : 

2 onces 

2 . . . 

3 . . . 

2 . . . 

4.  • - 


à tï. 

à tï* 

> » 

a 

t 

a ...  . 'h 
à . . . * -rh. 


S U 11 


l’ÉTAIN.  2.63 

Le  premier  ne  pouvant  s’étendre  sous 
le  marteau  , a été  cassé  en  petits  firagmens, 
qui , mis  au  poids  de  3 6 grains  dans  deini- 
once  d’eau  régale  ( pareille  à celle  qui 
m’avoit  servi  dans  les  expériences  précé- 
dentes), me  présenta  sur-le-champ  un  phé- 
nomène bien  différent  de  celui  que  j’avois 
remarqué  lors  de  mes  tentatives  sur  l’étain 
pur  de  Banca,  dont  les  lames  attaquées  par 
le  même  dissolvant,  sans  perdre  leur  éclat, 
se  précipitoient  au  fond  du  vase,  sous  l’ap- 
parence d’une  poudre  blanche  ; ici,  au  con- 
traire , les  petits  morceaux  d’étain  arseniqué 
sont  à peine  touchés  par  l’eau  régale,  qu’ils 
se  ternissent,  deviennent  noirs,  et  se  con- 
vertissent en  une  poudre  de  la  même  cou- 
leur. 

Cette  poudre  séparée  par  décantation 
de  la  liqueur  surnageante  , n’a  pas  besoin 
d’être  traitée  par  des  cristallisations  et 
sublimations  répétées  , elle  n’exige  même 
pas  qu’on  en  absorbe,  par  un  alkali  fixe, 
l’acide  qui  lui  est  uni  5 pour  manifester  sa 
nature  , il  suffit  de  la  laver  une  ou  deux 
fois  avec  un  peu  d’eau  distillée,  qui,  dis- 
solvant le  sel  formé  par  la  combinaison 
de  l’étain  avec  l’acide  légalisé,  laissera  au 

R 4 


264  RECHERCHES 

fond  du  vase  environ  2 grains  d’une  poudre 
noire,  qui , séchée  et  portée  sur  un  charbon 
ardent,  s’élèvera  en  une  fumée  blanche, 
dont  l’odeur  fera  sur-le-champ  connoître 
qu’elle  est  de  l’arsenic  pur  ; enfin  , par  ce 
procédé  j’ai  retiré  de  l’étain  tout  le  régule 
d’arsenic  qui  y avoit  été  introduit. 

Cette  expérience  a été  répétée  sur  les 
deuxième  , troisième  et  quatrième  alliages^ 
et  à la  quantité  près  de  la  poudre  noire  qu’ils 
fournissoient  , tout  s’est  passé  comme  il 
vient  d’être  rapporté  , c’est-à-dire  , qu’il 
a été  retiré  de  chacun  d’eux  la  totalité  du 
régule  d’arsenic  dont  je  les  avois  impré- 
gnés 5 enfin  36  grains  de  notre  cinquième 
alliage  , de  celui  ou  le  régule  d’arsenic 
étoit  dans  la  proportion  d’-^r  ayant  pu 
s’étendre  sous  le  marteau,  furent  réduits 
en  une  lame  qui,  mise  dans  une  demi-once 
de  la  même  eau  régale , devint  noire  en  un 
instant  , et  il  s’en  détacha  une  quantité 
innombrable  de  petits  corpuscules  noirs  , 
qui , se  mêlant  à la  poudre  blanche  que 
fournit  l’étain  , lui  communiquèrent  une 
couleur  brune  foncée  j cette  poudre  dis- 
soute dans  une  suffisante  quantité  d’eau 
distillée  , offroit  une  liqueur  blanche  et 


sur  l’étain.  h65 

limpide,  sous  laquelle  on  voyoit  une  pous- 
sière noire,  qui  n’étoit  autre  chose  que  le 
régule  d’arsenic  entré  dans  l’alliage. 

s.  X I. 

Effets  de  Veau  régale  sur  des  alliages  oit 
il  entre  beaucoup  moins  de  régule  d'ar- 
senic que  dans  les  précédens. 

Un  deux  cent  cinquante-sixième  d’ar- 
senic recelé  dans  une  masse  d’étain  , pou- 
vant en  être  retiré  et  rendu  palpable  , j’ai 
cru  devoir  pousser  encore  mes  recherches 
plus  loin  ; et  diminuant  toujours  la  pro- 
portion du  dangereux  minéral  , je  me 
suis  procuré  des  alliages  de  toute  sorte  de 
nuances  depuis  x\r  jusqu’à  i^V8 , et  répétant 
sur  chacun  d’eux  l’expérience  avec  l’eau 
régale  , j’ai  observé  , 

i°.  Que  depuis  -r  jusqu’à  la  cou- 
leur de  la  poudre  noire  se  dégrade  insen- 
siblement ; mais  cependant  qu’en  opérant 
séparément  sur  seize  demi-gros  du  dernier 
alliage,  et  en  réunissant  les  produits,  on 
parvenoit  à retirer  tout  le  régule  d’arsenic 
que  l’on  y qvoit  introduit  ; 

2°.  Que  depuis  la  proportion  dyrï-  jusqu’à 


266  RECHERCHES 

celle  dY/ii  , les  lames  d'étain  exposées  a 
l’action  de  l’eau  régale.,  se  brunissent  de 
moins  en  moins  , et  qu’à  mesure  qu’on 
approche  de  ce  dernier  terme,  on  ne  voit 
plus  que  quelques  corpuscules  noirs  se  dé- 
tacher de  l’étain  et  flotter  dans  la  liqueur 
à laquelle  ils  communiquent  encore  une 
légère  couleur  brune  ; 

3°.  Qu’en  allant  toujours  peu  à peu  jus- 
qu’à îtV*  y l’arsenic  se  manifestait  encore, 
et  quelque  petite  qu’en  fût  la  proportion  , 
on  pouyoit , tandis  que  le  dissolvant  agis- 
soit,  distinguer  , à l’aide  d’une  loupe,  les 
corpuscules  arsenicaux  qui  flottoient  quel- 
ques instans  dans  le  dissolvant , et  dispa- 
roissoient  bientôt  , parce  qu’en  se  mêlant 
à la  poudre  blanche  que  fournissoit  l’étain, 
ils  ne  pouvoient , par  leur  petite  quantité, 
en  altérer  sensiblement  la  couleur. 

Je  n’entrerai  pas  dans  de  plus  grands 
détails  sur  cette  expérience,  quelque  inté- 
ressante qu’elle  paroisse  ; quhl  suffise  de 
prévenir  les  lecteurs  que  les  étains  de 
Malaca  , d’Angleterre  , doux  et  en  petits 
échantillons  , ont  été  alliés  avec  le  ré- 
gulé d’arsenic  aux  mêmes  proportions,  et 
qu’ayant  été  traités  par  l’eau  régale  , ils 


SUR  U ’ ÉTAIN.  267 

m’ont  présenté  absolument  les  mêmes  phé- 
nomènes ; mais  ne  pouvant  me  dispenser 
de  donner  quelques  éclaircissemens  sur  leur 
cause,  qui  seroit  d’autant  moins  sentie,  que 
le  rapport  des  acides  , et  singulièrement  de 
l’eau  régale  avec  le  régule  d’arsenic  , est 
assez  peu  connu  , je  renvoie  ines  lecteurs 
au  dernier  paragraphe  de  la  seconde  sec- 
tion , où  je  donnerai  des  éclaircissemens 
sur  ce  sujet.  Je  me  contenterai  donc  ici 
de  faire  observer  qu’en  traitant  mes  der- 
niers alliages  , ceux  où  l’arsenic  se  trouvoit 
depuis  jusqu’à  r’n  > je  fuisois  toujours 
une  double  opération,  c’est-à-dire,  que 
j’avois  sous  les  yeux  deux  capsules  qui  con- 
tenoient , la  première  , une  lame  d’étain 
pur  , la  seconde  , une  lame  d’étain  arse- 
niqué  , et  que  l’eau  régale  é toit  versée  dans 
l’une  et  dans  l’autre  au  même  instant:  cette 
manière  d’opérer  me  mettoit  à même  de 
saisir  la  plus  petite  nuance  qui  se  présen- 
toit  dans  la  dissolution  d'un  étain  pur  , et 
celle  d’un  étain  allié  d^JV*  d’arsenic  (1). 

(1)  Dans  la  crainte  qu’on  ne  m’objectât  que  dans 
mes  expériences  comparatives  j’avois  employé  un  étain 
allié  avec  le  régule  d’arsenic,  tandis  qu’il  auroit  peut- 
être  fallu  faire  ces  expériences  sur  un  étain  allié  avec 


268 


recherches 


s.  XII. 

Réflexions  sur  le  procédé  de  Margraff, 

Cette  manière  de  découvrir  un  atome 
de  régule  d’arsenic  caché  et  disséminé  dans 

la  chaux  d’arsenic  , j’ai  recommencé  mon  travail  sur 
un  alliage  fait  à la  façon  de  Margraff,  en  tâchant 
néanmoins  d’éviter  la  calcination  totale  de  l’étain  qui 
arrivera  toujours  tant  qu’on  s’obstinera  à vouloir  com- 
biner parties  égales  d’étain  et  d’arsenic  blanc.  Voici 
celui  que  j’avois  adopté.  Ayant  introduit  dans  une 
retorte  de  verre  l.utée  quatre  onces  d’étain  de  Malaca  , 
et  demi-once  d’arsenic  blanc,  le  feu  a été  allumé  et 
soutenu  pendant  près  de  deux  heures. 

Les  produits  de  cette  opération  ont  été  , 
i°.  2 gros  d’arsenic  blanc  sublimé, 

2°.  4 grains  de  régule  d’arsenic  sublimé  , 

3°.  6 gros  64  grains  de  chaux  d’étain  recouvrant  le 
culot. 

4®.  3 onces  3 gros  d’étain  à grandes  facettes. 

Total.  4 onces  3 gros  68  grains. 

Cet  étain  ainsi  arseniqué  paroissoit  à ses  larges 
facettes  et  à son  aigreur  pouvoit  contenir  ~ à-peu- 
près  de  régule  d’arsenic.  Dans  cette  opération  , une 
partie  de  la  chaux  d’arsenic  a éprouvé  la  réduction  , 
ce  qui  l’a  rendue  propre  à s’unir  à l’étain  5 une  autre 
partie  s’est  sublimée  sous  la  forme  de  chaux  sans  se 
réduire  $ mais  on  n’en  sera  pas  surpris , si  on  fait 


\ 


sur  l ’ étain.  269 

rétain  , me  rassuroit  sur  mes  premières 
expériences  , et  je  commençois  à acquérir 
des  preuves  démonstratives  de  la  non  exis- 
tence de  l’arsenic  dans  mes  quatre  étains 
primitifs. 

Les  faits  avancés  par  Margraff , à l'égard 
de  deux  étains,  l’un  dit  de  Malaca  , l’autre 
d’Angleterre  , qui , à l’entendre  , lui  ont 
fourni  une  quantité  notable  d’arsenic  , ne 
m’ernbarrassoient  plus  si  fort  • car  enfin 
l’étain  qui  lui  a été  donné  pour  du  Malaca 
étoit-il  du  vrai  et  pur  Malaca  ? Quelle 

précaution  ce  chimiste  a-t-il  prise  pour 

\ 

attention  à la  volatilité  de  cette  substance  , qui  est 
telle  qu’elle  peut  se  sublimer  avant  même  que  l’étain 
entre  en  fonte.  Trois  ou  quatre  grains  seulement  se 
sont  élevés  sous  la  forme  de  régule  d’arsenic  ; si  le 
feu  eût  été  plus  long-temps  continué  , on  en  auroit 
obtenu  une  plus  grande  quantité  } mais  mon  objet 
n’étant  que  de  me  procurer  un  étain,  traité  avec  la 
chaux  d’arsenic  , se  trouvoit  rempli  par  les  3 onces 
3 gros  qui  se  sont  trouvés  dans  le  fond  de  la  retorte. 

Cet  alliage  ayant  été  gradué  par  des  additions  suc- 
cessives d’étain  pur  au  point  de  ne  contenir  plus 
qu’~ j de  régule  d’arsenic,  et  même  beaucoup  moins, 
ne  différoit  point  du  tout  des  étains  que  j’avois  précé- 
demment alliés  au  régule  d’arsenic  5 l’eau  régale  le 
dissolvoit,  en  laissant  apercevoir  la  poudre  noire  , etc. 


2JO  RECHERCHES 

s’eri  assurer  ? la  forme  des  petits  lingots 
dits  éciitoircs,  ou  petits  chapeaux,  peut 
s’imiter  par-tout  ; j’en  ai  eu  souvent  la 
preuve.  L’étain  de  Malaca  que  Margraff 
a employé  , avoit  peut-être  été  mélangé 
d’un  étain  de  Saxe,  tel  que  celui  dont  il 
m’assure  avoir  retiré  tant  d’arsenic  ; mal- 
gré ma  méfiance,  j'avois  plus  d’une  fois 
été  trompé.  Mais  j’en  demande  pardon  à 
Margraff’;  que  penser  de  cette  expérience 
dans  laquelle  , selon  lui  , une  demi  once 
d’étain  de  Malaca  lui  a donné  à-peu  près 
une  demi-dragme  de  cristaux  qui  ne  sont, 
dit  il  , que  de  l’arsenic  tout  pur?  Manière 
de  parler  sans  doute;  car  un  peu  plus  bas, 
ce  chimiste  ajoute  que  l’alkali  fixe  mêlé  à 
ces  cristaux  , en  a absorbé  entièrement  les 
acides , ce  qui  certainement  a diminué 
d'autant  la  demi-dragme,  et  doit  l’avoir 
réduite  aune  quantité  que  cet  auteur  au- 
roit  bien  dû  indiquer.  Piéduisons  la  donc 
cette  demi-dragme  à moitié  ; allons  plus 
loin  encore  : réduisons- la  à 12  grains;  ce 
n’est  pas  assez  , réduisons-la  à 6 grains,  et 
tâchons  d’allier  la  mollesse,  la  flexibilité 
qu’a  naturellement  l’étain  de  Malaca  avec 
la  roideur  que  6 grains  de  régule  d’arsenic 


L * B T A I N. 


S U IV 


271 


donneroient  à demi  - once  d’étain.  : un 
pareil  mélange  seroit  aussi  fragile  que  le 
zinc  ; enfin  un  étain  qui  contiendroit  na- 
turellement une  aussi  grande  proportion 
d’arsenic,  c’est-à-dire  A-,  de  quelque  pays 
qu’il  vînt,  ne  pourroit  jamais  être  employé 
sous  la  dénomination  d’étain  ; son  aigreur, 
les  grandes  facettes  qu’il  présenteroit  dans 
ses  fractures  , et  même  à sa  surface  , l’au- 
roicnt  depuis  long- temps  fait  mettre  au 
rang  des  demi-métaux  ; et  qui  sait  com- 
bien de  siècles  se  seroient  écoulés  avant 
que  l’art  fût  parvenu  à bien  connoître  sa 
composition,  à lui  enlever  toute  la  subs- 
tance arsenicale  , enfin  à l’amener  au 
point  de  pouvoir  être  compté  parmi  les 
métaux  ? 

Quant  à l’étain  d’Angleterre  dont  Mar- 
oraff  dit  avoir  également  retiré  de  Parsenic. 
comme  il  y en  a deux  espèces  , et  que  ce 
chimiste  ne  désigne  pas  celle  qu’il  a soumise 
à l’expérience  , j’ai  cessé  de  me  trouver  en 
contradiction  avec  lui , et  je  démontrerai 
bientôt  qu’il  n’y  a d’autre  erreur  en  ceci  , 
que  d’avoir  appliqué  à l’étain  d’Angleterre 
en  général  , ce  qui  ne  devoit  l’être  qu’à 
une  espèce  particulière. 


recherches 


272 


s.  XIII. 


Effet  de  V acide  marin  sur  V étain  en 

général. 

K 1 e n sans  doute  ne  paroît  mieux  prou- 
ver que  l’arsenic  n’existe  pas  dans  mes 
quatre  étains  primitifs,  que  les  expériences 
comparatives  faites  avec  l’eau  régale  sur 
les  uns  et  les  autres,  soit  devant  , soit 
après  leur  alliage  avec  le  régule  d’arsenic  5 
mais  comme  il  est  des  cas  où  ces  expé- 
riences ne  peuvent  être  que  difficilement 
employées  ; par  exemple,  celui  où  il  s’agi- 
roit  d’examiner  un  étain  allié  avec  les 
substances  métalliques  dont  je  parlerai 
dans  la  suite  , il  étoit  nécessaire  de  tenter 
différens  moyens  pour  tâcher  de  découvrir 
un  procédé  qui  pût  s’appliquer  générale- 
ment à toutes  sortes  d’étains,  non-seule- 
ment dans  la  vue  d’éprouver  s’ils  conte- 
noient  ou  ne  contenoient  pas  de  Parsème, 
mais  encore  de  constater  la  quantité  posi- 
tive de  ce  dernier  5 ce  qui  me  paroissoit 
d’autantplus  essentiel,  que  souvent  il  suffit 
de  prononcer  le  nom  de  cette  substance 
salino-métallique  pour  imprimer  la  terreur  : 

or 


l’étain. 


SCJR  l’ÉTAin.  27  3 

or  ce  moyen  , je  l’ai  rencontré  dans  l’acide 
marin,  ainsi  qu’on  va  le  voir  (1). 

L’acide  marin  , d’une  moyenne  force 
dissout  parfaitement  l’étain  , mais  la  ma- 
nière dont  il  exerce  son  énergie  sur  ce 
métal  , est  bien  différente  de  celle  que 
j’ai  observée  dans  l’eau  régale  ; celle-ci  n’a 
pas  besoin  , pour  en  faire  la  dissolution  , 
d’être  aidée  de  la  chaleur,  tandis  que  l’on 
croit  communément  que  l’acide  marin 
n’agit  sur  l’étain  d'une  manière  bien  mar- 
quée , qu’autant  qu’il  est  entretenu  très- 
chaud. 

La  manière  de  procéder  à cette  disso- 
lution est  décrite  dans  tous  les  livres  élé- 
mentaires modernes  ; mais  faute  d’avoir 


(1)  L’acide  du  sel  marin  que  j’ai  employé  dans  mes 
opérations  étoit  retiré  de  sa  base  par  l’intermède 
de  l’argile,  et  purifié  par  une  seconde  distillation  qui 
le  dégage  d’une  petite  portion  de  terre  et  de  fer  dont  il 
se  charge  constamment  dans  la  première.  La  rectifica- 
tion fait  perdre  à cet  acide  sa  couleur  jaune  , et  en 
dégage  une  assez  grande  quantité  de  gaz  qui  devien- 
droit  incommode,  si  on  n’einployoit  pas  un  récipient 
pneumatique.  Au  reste  mon  acide,  quoique  privé  de 
sa  couleur  jaune  , et  par  conséquent  très- blanc,  fumoit 
encore  et  étoit  d’une  bonne  force 5 il  étoit  en  rapport 
avec  l’eau  distillée,  comme  81  est  à 72, 

Tome  II. 


S 


2 74  RECHERCHES 

bien  distingué  les  différens  étains  , leurs 
auteurs  n’ont  rien  dit  que  de  vague  sur  les 
phénomènes  qui  se  présentent  pendant  et 
après  l’opération.  Les  uns  ont  observé 
qu’il  se  déposoit  au  fond  du  inatras  une 
petite  quantité  de  matière  noire  qu’ils  ont 
présumé  eWequelque  matière phlogis tique , 
d’autres  ont  dit  que  cette  matière  étoit  ar- 
senicale 5 mais  qu’ils  eussent  des  doutes 
sur  sa  nature  , ou  qu’ils  n’en  eussent  pas  , 
ils  n’ont  pas  jngé  à propos  d’insister  sur 
un  procédé  dont  probablement  ils  n’ont 
pas  senti  toute  l’importance  ; quelques- 
uns  n’ont  pas  vu  cette  matière  , ou  s’ils 
l’ont  vue  , ils  ont  négligé  d’en  parler  ; 
enfin  , on  a dit  que  la  dissolution  d’étain 
par  l’acide  marin  exhale  , tandis  qu’elle 
s’opère  , une  forte  odeur  d’ail  ou  d’arse- 
nic , et  on  a généralisé  cette  assertion  au 
point  de  jeter  dans  l’erreur  ceux  des  chi- 
mistes qui  trouvent  plus  de  satisfaction  , et 
sans  doute  plus  de  facilité  à établir  des 
théories  sur  des  faits  douteux  , qu’à  s’oc- 
cuper d’expériences.  Puissent  celles  dont 
je  vais  rendre  compte,  jeter  du  jour  sur  un 
fait  que  les  circonstances  rendent  très-im- 
portant ! 


sur.  l’étain.  27S 

s.  XIV. 

Effets  de  l’acide  marin  sur  les  quatre 
étains  primitifs. 

I l a été  mis  dans  uri  matras  , à très- 
long  col  , 4 onces  d’étain  de  Banca  la- 
miné et  coupé  en  très-petits  filets,  sur  les- 
quels on  a versé  12  onces  d’acide  de  sel 
marin  pur  ; le  matras  fermé  d’un  bouchon 
fait  avec  un  quadruple  papier  , a été  posé 
sur  un  bain  de  sable  , que  l’on  a échauffé 
et  entretenu  au  degré  qui  excitoit  entre 
l’acide  et  le  métal  une  effervescence  assez 
vive.  Le  feu  a été  continué  pendant  deux 
jours  entiers  , et  tout  ce  temps  a été  né- 
cessaire pour  opérer  entièrement  la  dis- 
solution, qui  étoit  claire  , limpide,  et , ce 
qu’il  faut  bien  remarquer  , sans  aucun  dé- 
pôt de  matière  noire  ; enfin  la  vapeur  qui 
se  répandoit  pendant  que  cette  dissolution 
se  faisoit,  et  que  j’augmentois  quelquefois 
à dessein  , en  échauffant  davantage  la 
liqueur , avoit  une  odeur  forte  et  peu 
agréable  5 mais  elle  ne  ressembloit  point  du 
tout  à celle  de  l’ail  ou  de  l’arsenic  (1). 

(1)  Il  est  assez  indifférent  d’interrompre  le  feu  ; il 

S 2 


RECHERCHES 


J’ai  egalement  traité  par  l’esprit  de  sel 
4 onces  d’étain  de  Malaca,  d’Angleterre 
doux  et  d’Angleterre  en  petits  échantil- 
lons , et  aucun  n’a  laissé  au  fond  du 
matras  le  moindre  vestige  de  matière 
noire. 


J’ai  pris  quatre  matras  dans  chacun  des- 

» 

importe  peu  que  cette  dissolution  se  fasse  en  deux,  en 
quatre  ou  en  six  jours  : ce  seroit  donc  inutilement 
que,  sous  prétexte  de  l’accélérer,  on  voudroit  aug- 
menter le  feu.  Comme  j’ai  recommandé  de  se  servir 
d’un  matras  à long  col , on  sera  assuré  que  l’opération 
est  bien  conduite,  si,  en  portant  de  temps  en  temps 
la  main  au-dessus  de  la  partie  moyenne  du  col , on  la 
trouve  froide  , quoique  le  mouvement  d’effervescence 
soit  assez  vif  pour  faire  paroitre  des  bouillonnemens 
dans  le  matras  ; une  chaleur  plus  forte  que  celle  que 
j’indique  ne  tarderoit  pas  à se  communiquer  jusqu’à 
l’orifice  du  matras  , qu’il  seroit  alors  impossible  de 
toucher  ; et  si  elle  ne  devenoit  pas  absolument  con- 
traire au  succès  de  l’opération  , elle  seroit  au  moins 
superflue  , puisqu’elle  diminueroit  la  quantité  pres- 
crite d’acide  marin  dont  une  portion  s’élèveroit  en 
pure  perte  hors  du  matras. 


S.  X V. 


fets  de  V acide  maria  sur  les  quatre 
étains  primitifs  artfciellement  alliés 
avec  le  régule  d’arsenic. 


sur  l’étain.  277 

quels  il  a été  introduit  12  onces  d’acide 
marin  pur  et  4 onces  de  petits  filets  de 
chaque  étain  primitif  allié  d’-nv  de  régulé 
d’arsenic  , et  le  tout  a été  tenu  au  degré 
de  chaleur  qui  excite  le  mouvement  d’ef- 
fervescence , tout  le  temps  nécessaire  pour 
opérer  la  dissolution  totale  de  l’étain  em- 
ployé. 

Vers  le  milieu  de  l'opération,  onpouvoit 
déjà  remarquer  que  les  filets  de  l’alliage 
avoient  perdu  leur  éclat  , et  qu’ils  com- 
rnençoient  à se  couvrir  d’une  poussière 
noire.  Tout  mouvement  d’effervescence 
ayant  cessé  , il  resta  dans  chaque  matras 
une  poudre  noire  que  l’acide  refusoit  de 
dissoudre. 

En  agitant  et  en  versant  tout-à-coup  la 
dissolution  dans  une  capsule  de  verre , 
cette  poudre  fut  entraînée  et  gagna  bien- 
tôt le  fond  du  nouveau  vaisseau  ; ce  qui 
offrit  le  moyen  de  la  retirer  de  dessous  la 
liqueur  surnageante,  d’étre  lavée  et  séchée. 

Cette  matière  pulvérulente  et  noire  , 
mise  sur  la  balance  , se  trouva  égale  en 
poids  dans  les  quatre  matras  de  chacun 
desquels  il  en  fut  retiré  entre  17  et  18 
grains.  C’étoit,  à très-peu  de  chose  près, 

S 3 


RECHERCHES 

la  quantité  de  régule  d’arsenic  introduit 
dans  chaque  étain  3 et  pour  en  reconnoître 
la  nature  , il  suffisoit  d’en  jeter  un  quart  de 
grain  sur  un  charbon  ardent. 

La  même  expérience  ayant  été  répétée 
sur  les  mêmes  étains  alliés  avec  jyg-  de  ré- 
gule d’arsenic,  c’est  à-dire,  un  grain  par 
once  , j’en  ai  egalement  retiré  et  rendu 
palpable  ce  grain  arsenical  3 enfin  ayant 
aussi  procédé  sur  des  étains  dans  lesquels 
il  n’avoit  été  introduit  qu’un  quart  de  grain 
par  once  , je  suis  parvenu  à retirer  cette 
quantité  qui , quoique  dVîo+  , n’a  point 
échappé  à l’expérience  3 mais  il  faut  noter 
que  j’opérois  alors  sur  une  livre  d’alliage. 

J’ose  croire  que  le  procédé  que  je  viens 
d’indiquer  sera  regardé  comme  très-propre 
à opérer  le  départ  du  régule  d’arsenic 
allié  à l’étain  3 départ  qui  se  fait  d’autant 
plus  sûrement  , que  l’acide  marin  ayant 
sous  forme  liquide,  une  très-grande  affi- 
nité avec  l’étain , paroît  sous  la  même 
forme  n’en  avoir  qu’une  très-foible  avec  le 
régule  d’arsenic,  ainsi  que  je  le  démon- 
trerai à la  fin  de  la  seconde  section. 

Ce  que  je  viens  d’exposer  dans  ce  para- 
graphe prouve  incontestablement  que  j’ai 


sur  l’étain.  279 

eu  raison  de  dire  que  de  tous  les  dissol  vans, 
l’acide  marin  étoit  celui  qui  fournissoit  le 
plus  sûr  moyen  de  démontrer  non-seulement 
si  l’arsenic  existoit  ou  non  dans  l’étain , 
mais  encore  d’en  déterminer  la  proportion 
lorsque  ce  demi- métal  s’y  rencontroit. 

En  traitant  mes  quatre  étains  primitifs 
par  l’acide  marin,  sans  obtenir  le  moindre 
atome  de  poudre  noire  , je  crois  avoir 
acquis  la  preuve  la  plus  certaine  qu’ils  ne 
contiennent  absolument  point  d’arsenic. 

Je  crois  ne  devoir  pas  finir  ce  paragra- 
phe , sans  faire  observer  qu’en  tenant  l’acide 
de  sel  marin  et  l’étain  à un  degré  de  cha- 
leur qui  paroît  faire  bouillir  le  dissolvant , 
mon  intention  n’a  pas  été  d’insinuer  que 
cet  acide  n’a  point  d’action  sur  l’étain , 
lorsqu’on  abandonne  l’opération  à la  tem- 
pérature de  l’atmosphère  ; ce  qui  pour- 
roit  être  présumé  , si  on  s’en  tenoit  à ce 
qu’on  trouve  dans  les  auteurs  qui  ont 
parlé  de  la  dissolution  de  l’étain  dans  l’a- 
cide marin  (1). 

(1)  J’en  excepterai  Cadet  qui,  dans  un  mémoire 
imprimé,  volume  de  l’Académie,  année  1772  , nous 
apprend  qu’il  faisoit  dissoudre  l’ctain  dans  l’acide 
marin  sans  le  secours  de  la  chaleur. 

S 4 


2^0  RECHERCHES 

J’affirmerai  au  contraire  que  mon  acide, 
sans  être  fort  concentré,  agit  très-bien  à 
froid  sur  ce  métal  qu’il  dissout  parfaite- 
ment, et  que  cette  manière  d’opérer  auroit 
même  été  la  seuie  que  j’aurois  indiquée, 
comme  la  plus  exacte  pour  constater  si  un 
étain  contient  ou  ne  contient  pas  d’arsenic: 
mais  comment  proposer  une  expérience 
qui  exige  au  moins  cinq  ou  six  mois  pour 
être  terminée  ? Qui  voudroit  la  répéter  ? 
Ce  seroit  même  en  vain  que  j’insisterois  sur 
le  peu  de  soin  qu’elle  demande  de  la  part  . 
du  chimiste  ; je  ne  persuaderois  personne. 

Je  n’ai  cependant  pas  cru  pouvoir  me  dis- 
penser d’en  faire  mention  comme  d’un 
procédé  bon  à connoître  , et  peut-être  le 
seul  qu’il  faudroit  adopter  malgré  sa  lon- 
gueur. 

Que  l’on  mette  dans  un  matras  5 onces 
d’un  bon  acide  de  sel  marin  bien  pur  , et 
qu’on  y ajoute  24  grains  de  très-petits  filets 
d’étain  de  Eanca  , de  Malaca  , ou  autre 
étain  pur  ; que  l’on  ferme  négligemment 
le  matras  avec  urî  bouchon  de  liège  , et 
qu’on  laisse  le  tout  à la  température  de 
l’atmosphère , en  huit  ou  dix  jours  au  plus 
la  dissolution  sera  faite  5 et  si  on  a été 


SUR 


L ’ É T A T N.  201 

attentif,  on  aura  remarqué  qu’elle  ne  s’o- 
péroit  pas  sans  un  petit  rriouvementd’effer- 
vescence.  On  fournira  de  nouveau  24  grains 
de  petits  fils  du  même  étain  dont  la  disso- 
lution se  fera  également  ; et  en  continuant 
ainsi  , on  parviendra  à faire  dissoudre  une 
once  de  ce  métal  dans  la  quantité  d’acide 
indiquée  , sans  employer  d’autre  degré 
de  chaleur  que  celui  de  l’atmosphère. 
J’ai  fait  cette  opération  pendant  les  six 
premiers  mois  de  l’année  1779  , sur  mes 
quatre  étains  primitifs  , et  sur  ces  mêmes 
étains  alliés  à éü  de  régule  d’arsenic,  les 
premiers  se  sont  dissous  entièrement,  et 
les  seconds  ont  laissé  un  grain  de  poudre 
brune,  qui  étoit  la  quantité  de  régule  uni 
à l’once  d’étain  soumise  à l’expérience. 

§.  XVI. 

Effets  de  V acide  nitreux  sur  l’étain  en 

général. 

% 

Les  acides  , en  agissant  sur  les  corps  , 
ont  chacun  une  manière  particulière  de 
s’unir  avec  eux  5 par  combien  de  phéno- 
mènes ne  peut  - on  pas  distinguer  une 


282  RECHERCHES 

substance  exposée  à l’action  d’un  acide 
quelconque  ? tantôt  l’odeur , tantôt  la  cou- 
leur, souvent  le  goût  dévoilent  le  mystère 
d’une  opération  ; là  un  métal  entre  avec 
l’acide  en  dissolution  parfaite  , ici  l’acide 
agit  avec  une  vivacité  étonnante  , sans  pa- 
roître  pour  cela  contracter  d’union  avec  la 
substance  qu’il  sembloit  dévorer.  Il  y a 
telle  matière  sur  laquelle  un  acide  n’agit 
qu’autant  qu’il  est  bouillant , et  telle  autre 
dont  la  dissolution  ne  se  fait  bien  qu’à  la 
température  de  l’atmosphère  • mais  toutes 
les  preuves  qu’un  chimiste  peut  tirer  de 
pareils  phénomènes  et  de  beaucoup  d’au- 
tres de  cette  espèce  , ne  sont  rien  en  com- 
paraison de  celles  que  lui  fournit  le  résul- 
tat de  ces  acides  combinés  avec  les  subs- 
tances soumises  à leur  action.  Quipourroit 
en  effet  méconnoitre  le  fer  et  le  zinc  unis 
à l’acide  vitriolique,  le  mercure  , le  plomb 
et  l’argent  à l’acide  marin  ou  à l’acide  de 
nitre  , l’étain  au  même  acide  ou  à l’eau 
régale  ? etc.  Quelle  ressource  ne  nous 
offre  donc  pas  dans  les  analyses  la  voie 
des  combinaisons  ? aussi  lui  ai-je  donné  la 
préférence  dans  tous  mes  travaux  ; et  si 
quelquefois  i’ai  employé  le  feu  seul,  on 


SUR  Jj*  B T A ï N.  283 
a déjà  pu  s’apercevoir  combien  peu  cet 
agent  111’a  été  utile. 

L’action  vive  de  l’acide  nitreux  sur  l’é- 
tain est  connue  ; on  sait  même  que  ce 
puissant  agent,  en  paroissant  dévorer  ce 
métal  , ne  le  dissout  cependant  pas  , qu’au 
contraire  il  le  calcine  et  le  réduit  en  une 
sorte  de  potée  blanche.  Comme  ce  procédé 
n’a  pas  été  poussé  plus  loin , c’est  à-peu- 
près  tout  ce  qu’on  trouve  dans  les  auteurs 
qui  en  ont  parlé  (1).  Il  étoit  cependant  à 

(1)  Deux  frères  célèbres  à qui  la  chimie  française 
doit  tant , ont  dit  l’un  et  l’autre  d’après  Kunckel , 
qu’il  étoit  possible  de  dissoudre  l’étain  dans  l’acide 
nitreux  : ils  ont  même  donné  les  détails  du  procédé 
qu’il  falloit  suivre  pour  réussir  5 un  chimiste  d’une 
réputation  bien  méritée  , Beaumé  , a nié  le  fait , fondé 
sur  ce  qu’ayant  employé  tous  les  moyens  que  la 
chimie  peut  suggérer , il  n’est  pas  parvenu  à en 
faire  la  dissolution.  ' 

Quoique  cette  expérience  ne  soit  pas  d’une  très- 
grande  importance,  j’ai  pourtant  cru  devoir  la  répé- 
ter, et  suivant  de  point  en  point  le  procédé  que  j’ai 
■vu  souvent  pratiquer  à Rouelle , c’est-à-dire , en  affai- 
blissant beaucoup  l’acide  nitreux , et  en  ne  lui  fournis- 
sant à chaque  fois  qu’un  très-mince  filet  d’étaiir  pur  , 
dont  le  poids  n’excédoit  pas  un  demi-grain  , je  suis 
parvenu  à en  dissoudre  6 grains  dans  2 gros  d’acide 
nitreux  pur,  affoibli  par  4 gros  d’eau  distillée.  Le 


t 

284  RECHERCHES 

présumer  qu’on  pouvoit  tirer  parti  de  cette? 
opération , et  qu’en  la  suivant  , autant 
qu’il  seroit  nécessaire , elle  devoit  me 
fournir  le  vrai  moyen  de  reconnoître  les 
différentes  substances  métalliques  et  sémi- 
métalliques  que  les  ouvriers  sont  dans 
l’usage  d’introduire  dans  l’étain;  et  c’est 
en  effet  à quoi  je  suis  parvenu  , ainsi  qu’on 
le  verra  bientôt. 

S.  XVII. 

Fffets  de  V acide  nitreux  sur  les  quatre 
étains  primitifs. 

J’a  1 choisi  quatre  matras  de  pinte , dans 
chacun  desquels  il  a été  mis  6 onces  de 

point  essentiel  est  d’opérer  lentement  , et  sur-tout 
d’empêcher  que  l’acide  ne  s’échauffe;  j’ai  quelquefois 
manqué  l’opération  , lorsque  je  la  faisois  pendant 
l’été;  mais  elle  m’a  toujours  réussi  en  y procédant 
pendant  l’hiver  , et  singulièrement  lorsqu’il  geloit. 
Si  on  vouloit  fournir  à l’acide  une  plus  grande  quan- 
tité d’étain  que  celle  que  j’indique , on  verroit  sur-le- 
champ  la  liqueur  se  troubler,  et  tout  le  métal  dissous 
se  précipiter.  Au  reste  cette  dissolution  ne  se  cou- 
serve  pas  très- long-temps  ; l’étain  abandonne  peu-à- 
peu  l’acide , ce  qui  prouve  que  ces  deux  corps  adhèrent 
très-foiblement  l’un  à l’autre. 


sur  l’étain.  ü85 

bon  esprit  de  nitre  purifié  (1)  , et  sur-le- 
champ  , j’ai  commencé  à y projeter  2.0 
grains  de  mes  quatre  étains  laminés  et 
coupés  en  petites  bandes.  L’effervescence  a 
été  des  plus  vives,  la  liqueurs’estéchauffée, 
et  en  une  demi-heure  au  plus  le  métal  a 
été  réduit  en  une  poudre  blanche  5 tout 
étant  devenu  calme , il  a été  fait  une  sem- 
blable projection  à laquelle  il  en  succéda 
une  troisième , et  ainsi  de  suite  de  deux 
heures  en  deux  heures  ; enfin  dans  l’es- 
pace de  quinze  jours,  j’ai  converti  en  une 
sorte  de  caillé  blanc  et  épais  2 onces  et 
demie  de  chacun  des  étains  primitifs. 

A cette  époque,  l’acide  nitreux  se  faisoit 
encore  un  peu  sentir  au  moment  où  l’on 
jetoit  l’étain  ; mais  la  matière  étoit  devenue 
si  épaisse,  que  le  peu  d’acide  existant  n’avoit 
plus  la  liberté  de  circuler  et  de  se  porter 
vers  le  métal , même  en  agitant  fortement 
les  matras  : ce  qui  me  détermina  à mettre 
lin  aux  projections. 

En  introduisant , à plusieurs  reprises  , 
dans  chaque  matras  quatre  livres  d’eau 

(O  L’esprit  de  nitre  que  j’ai  employé  a voit  été 
précipité  et  distillé  de  nouveau  ; il  étoit  pareil  à celui 
qui  m’avoit  servi  à faire  l’eau  régale. 


286  RECHERCHES 

distillée , on  parvint  à retirer  la  chaux 
d’étain  qui,  étantbien  lavéeet  bien  égouttée 
sur  des  filtres  , fut  divisée  en  petites  par- 
ties et  séchée  avec  les  précautions  requises; 
ce  qui  forma  autant  de  petites  masses  demi- 
transparentes,  qui,  parleur  couleur,  res- 
seinbloient  à l’écaille  appelée  blonde. 

L’étain  de  Banca  en  a donné  3 onces  6 gros  i4  grains. 

de  Malaca 3...  6 ..  21 

d’Angl.  en  échantil.  3 ...  6 . . 8 

d’Angleterre  doux.  . 3 . . . 6 . . 17. 

La  différence  entre  ce  s quantités  se  ré- 
duit, comme  on  le  voit,  à très-peu  de 
chose  ; et  on  ne  peut  l’attribuer  qu’à  la 
perte  plus  ou  moins  grande  qu’on  essuie 
nécessairement  pendant  le  travail,  et  peut- 
être  aussi  à un  peu  plus  ou  moins  de  des- 
siccation. 

Ces  chaux  exposées  séparément  dans  les 
vaisseaux  fermés  à un  degré  de  feu  assez 
fort,  ont  perdu  leur  transparence  ; leur 
couleur  blanche  s’est  aussi  un  peu  altérée  ; 
elles  sont  devenues  d’un  gris  léger  ; elles 
ont  perdu  demi-once  de  leur  poids,  et  cette 
perte  n’étoit,  pour  ainsi  dire,  que  de  l’eau 
pure  ; car  je  ne  peux  pas  évaluer  à plus  de 


i. 


sur  l’  étain.  287 

4 à 5 grains  Pacide  nitreux  qui  passa  sur 
ia  fin.  de  la  distillation. 

Tandis  que  la  dessiccation  des  chaux 
s’opéroit  , je  m’occupois  de  l’examen  des 
eaux  quiavoient  été  employées  à les  laver; 
elles  étoient  très- limpides  , et  leur  acidité 
presquq  nulle.  Mises  chacune  séparément 
en  évaporation  au  bain-marie , elles  ont 
été  réduites  à 4 onces  , sans  rien  perdre 
de  leur  transparence  ; leur  acidité  étoit 
augmentée  ; on  commençoit  aussi  à sentir 
l’odeur  propre  à l’esprit  de  nitre  ; poussées, 
toujours  au  bain-marie  , jusqu’à  ne  repré- 
senter qu’un  volume  d’eau  de  4 à.  5 gros, 
la  vapeur  acide  étoit  plus  forte  ; et  pour  la 
dissiper  entièrement  , l’évaporation  fut 
continuée  jusqu’à  siccité  , avec  la  précau- 
tion cependant  de  ne  pas  faire  bouillir  le 
bain  ; il  se  trouva  alors  dans  les  capsules 
un  sel  blanc  dont  le  poids  étoit  dans  l’ordre 
suivant  : 

S A V O I R ï 


iota  in  de  Banca.  y5  grains 

de  Malaca 7^  f 

d’Angleterre  en  échantillons.  . . . 70. 

d’Angleterre  doux y3  (1). 


(1  ) Cette  petite  quantité  de  sel  stanno-nitreux  , le 


2.88  RECHERCHES 

Si  l’on  met  un  grain  de  ces  sels  sur  un 
charbon  ardent  , il  se  boursoufle  , perd 
toute  son  humidité  et  s’allume,  en  fusant, 
comme  le  nitre.  Deux  ou  trois  grains  , 
jetés  dans  un  têt  bien  échauffé  , s’y  allu- 
ment , brûlent  d’une  manière  assez  ap- 
prochante du  phosphore  , et  donnent  une 
flamme  blanche  et  épaisse  qui , étant  finie  , 
laisse  apercevoir  un  peu  de  poudre  grise 
que  la  continuité  de  la  chaleur  fait  dispa- 
roître  en  un  instant , en  sorte  qu’il  ne  reste 
dans  le  têt  d’autre  vestige  des  sels  em- 
ployés , qu’un  cercle  jaunâtre  représentant 
le  champ  qu’ils  occupoient  en  se  boursou- 
flant et  en  fusant.  Ces  sels  n’ont  donc  pas 
besoin,  pours’enflammer,  d’être  en  contact 
avec  le  charbon  , puisqu’il  leur  suffit  d’être 
échauffés  jusqu’à  un  certain  point}  car  il 
faut  noter  que  mon  têt  n’étoit  pas  tout-à- 
fàit  rouge,  lorsque  les  sels  y ont  été  pro- 
jetés. 

Dix  grains  ayant  été  exposés  au  feu  dans 
les  vaisseaux  fermés,  mais  non  lûtes  , on 

peu  d’acide  qu’il  contenoit  par  surabondance  avant  sa 
dessiccation  , les  quatre  à cinq  grains  du  même  acide 
retiré  de  la  chaux  , tout  prouve  que  dans  l’opération 
l’acide  de  nitre  se  décompose  presqu’en  entier. 

entendit 


entendit  bientôt  un  petit  bruit  excité  par 
le  boursouflement  ; il  passa  deux  gouttes 
d’un  phlegme  acidulé  , le  bruit  cessa  , et 
tout-à-coup  il  parut  une  vapeur  blanche  et 
épaisse  qui,  sortant  avec  rapidité,  remplit 
en  un  instant  le  récipient  d’un  nuage  opa- 
que , qui  avoit  l’odeur  propre  à l’acide 
nitreux  ; enfin  tout  se  passoit  ici  , à la  dif- 
férence de  l’acide  près , comme  dans  la 
distillation  de  la  liqueur  fumante  de  Liba- 
vius.  Il  se  trouva  dans  le  col  de  la  retorte 
une  petite  portion  de  matière  blanche  qui, 
mise  sur  un  charbon  ardent , s’y  alluma; 
c’étoit  un  peu  de  sel  qui  s’étoit  élevé  sans 
doute  pendant  le  boursouflement.  Il  ne  se 
trouva  dans  le  fond  de  la  cornue  qu’une 
petite  tache  jaunâtre. 

Ce  sel  étant  une  de  ces  nouveautés  que 
souvent  l’art  fait  naître  entre  les  mains  des 
chimistes,  je  me  contente  de  l’annoncer 
comme  objet  digne  de  recherches  , sur 
lequel  je  reviendrai  peut  - être  quelque 
jour  ; mais  dans  ce  moment  un  pareil  tra- 
vail me  devient  en  quelque  sorte  étranger, 
ou  du  moins  il  m’éloigneroit  trop  de  mon 
objet;  qu’il  suffise  donc  de  faire  observer 
que  la  base  de  ce  sel  stanno-nitreux  n’an- 
Tome  IL  T 


29°  RECHERCHES 

nonce  rien  qui  puisse  le  faire  suspecter  5 
elle  n’est  pas  arsenicale  , je  m’en  suis  bien 
assuré  ; elle  n’a  d’ailleurs  aucun  rapport 
avec  les  autres  métaux  et  demi-métaux 
connus  ; je  crois  qu’elle  a été  fournie  à 
l’acide  par  l’étain  , comme  étain  considéré 
sans  aucun  alliage , soit  naturel  , soit 
artificiel.  On  sait  que  ce  métal  a des  pro- 
priétés très-singulières  ; on  connoît  soneffet 
sur  l’or  dans  le  précipité  de  Cassius  et  sur 
la  partie  colorante  de  la  cochenille  , dans 
la  teiutnre  écarlate;  on  nhgnore  pas  que 
c’est  de  l’étain  , bien  plus  encore  que  de 
l’esprit  de  sel  , que  la  liqueur  fumante  de 
Libavius  emprunte  sa  dénomination  et  son 
caractère. 

D’après  tout  ce  que  je  viens  de  dire  9 
relativement  aux  effets  de  l’acide  nitreux 
sur  l’étain  , on  pourroit  croire  que  je  n’ai 
pas  tiré  un  grand  parti  de  cet  agent  , si  je 
ne  prévenois  pas  les  lecteurs  que  ce  même 
acide  me  sera  de  la  plus  grande  utilité  , 
lorsque  j’examinerai  les  différens  alliages 
de  l’étain  du  commerce  ; et  si , en  traitant 
avec  lui  mes  quatre  étains  primitifs,  il  n’en 
a rien  été  extrait  de  particulier,  à l’excep- 
tion de  cette  petite  portion  de  matière  qui 


sur.  l’étain.  2yl 

fait  la  base  du  sel  dont  je  viens  de  parler, 
c’est  la  preuve  la  plus  complète  que  ces 
étains  sont  purs  , ou  , ce  qui  est  la  meme 
chose  , que  toutes  les  parties  qui  consti- 
tuent leur  masse  sont  vraiment  de  l’étain 
homogène  ; ce  qui  avoit  déjà  été  constaté 
par  les  expériences  précédemment  faites 
avec  l’acide  marin  et  l’eau  régale. 

S.  XVIII. 

Effets  de  V acide  vitriolique  et  du  vinaigre 
distillé  sur  les  quatre  étains . 

L’acide  vitriolique  à demi- concentré 
et  échauffé  jusqu’au  degré  bouillant,  agit 
sur  l’étain  ; pendant  que  cette  dissolution 
se  fait  , il  s’élève  de  l’acide  sulfureux 
volatil  , et  il  se  sublime  du  soufre  ; l’opé- 
ration finie,  la  liqueur  qui  est  claire  et  très- 
limpide  tandis  qu’elle  est  chaude  étant 
versée  dans  une  capsule  de  verre  , forme 
en  se  refroidissant,  une  masse  gélatineuse 
demi- transparente  , qui  attire  l’humidité 
de  l’air  à raison  de  l’acide  surabondant 
qu’elle  contient.  Ce  deliquium  contient 
une  petite  quantité  d’étain  , ce  dont  je  me 
suis  assuré , en  en  faisant  la  précipitation 

T 3 


292  RECHERCHES 

par  l’alkali  fixe.  La  masse  salino* gélati- 
neuse , qui  contenoit  encore  un  excès 
d’acide  , ayant  été  délayée  dans  de  l’eau 
distillée  , ne  s’y  est  pas  dissoute  , meme  à 
l’aide  du  feu  ; elle  a formé  , comme  aupa- 
ravant, une  liqueur  laiteuse  et  épaisse, 
qui  a été  très-long-temps  gardée  sans  s’é- 
claircir ; en  sorte  que  si  l’on  veut  obtenir 
le  dépôt  de  l’étain  , sous  la  forme  blanche 
et  pulvérulente  que  l’acide  vitrioîique  lui 
fait  prendre  , il  faut  ajouter  à la  liqueur 
laiteuse  une  très-grande  quantité  d’eau , 
qui  , la  délayant  de  plus  en  plus,  la  dis- 
posera à se  précipiter  au  fond  du  vase. 

Cette  dernière  eau  , devenue  claire  , soit 
par  le  repos , soit  par  la  filtration,  contient 
l’acide  vitrioîique  à nu  ; du  moins  en  la 
saturant  d’alkali  fixe  , ne  se  trouble-t-elle 
pas  , tandis  que  j’ai  vu  le  même  alkali  pré- 
cipiter une  quantité  remarquable  d’étain 
resté  en  dissolution  dans  l’acide  qui  sur- 
nageoit  la  matière  gélatineuse. 

On  voit  par  ce  que  je  viens  de  dire, 
que  l’acide  vitrioîique  a la  propriété  de 
tenir  l’étain  en  dissolution , tant  qu’il  est 
bouillant  ; mais  qu’en  se  refroidissant , il 
abandonne  le  métal  qui  se  précipite  sous 


Süïl  l’ÉTAIK.  593 

la  forme  d’une  chaux  blanche  : tout  se 
passe  donc  dans  cette  opération  faite  avec 
l’acide  vitriolique  affoibli  , à-peu-près 
comme  dans  celle  que  l’on  fait  avec  l’acide 
nitreux. 

Quant  à l’effet  du  vinaigre  sur  nos  étains 
purs  , je  me  contenterai  de  dire  que  cet 
acide  végétal  distillé  ou  non  distillé  a sur 
eux  une  action  , lente  à la  vérité  , mais 
enfin  il  les  corrode  et  finit  par  les  convertir 
en  une  chaux  blanche  dont  il  retient  même 
une  petite  quantité  en  dissolution.  Voici 
un  exemple  de  cette  opération. 

J’ai  mis  dans  quatre  matras  une  once  de 

chacun  de  nos  étains  coupés  en  petits  filets 

sur  lesquels  il  a été  versé  une  livre  de 

vinaigre  distillé  et  d’une  bonne  qualité  5 le 

tout  a resté  en  digestion  pendant  tout  un 

été  e'c  une  automne  à la  température  de 

l’atmosphère.  Après  ces  six  mois  révolus , 

j’ai  retiré  les  petits  fils  d’étain  qui,  lavés 

et  séchés  , se  sont  trouvés  avoir  perdu 

27  à 00  grains  de  leur  poids.  Les  chaux 

qui  s’étoient  formées  , et  qui  avoient  été 

séparées  avec  précaution  , pesoient  de  12 

à i4  grains  , les  différences  entre  ces 

produits  n’étant  que  de  très  - peu  chose* 

T 3 


( 


2^4  RECHERCHES 

Enfin  les  vinaigres  employés  au  poids  d’une 
livre  sur  chacun  des  étains  , ayant  été  mis 
en  évaporation  au  bain-marie  dans  quatre 
capsules  différentes , ont  donné  chacun 
12.  à io  grains  d’une  matière  saline  blanche 
qui,  exposée  à l’air  libre  , s’est  entièrement 
desséchée , et  a perdu  la  sapidité  acéteuse 
qui  s’y  faisoit  remarquer  avant  la  dessic- 
cation. C’étoit  cependant  encore  une  subs- 
tance saline  dont  le  goût  étoit  un  peuamer. 
On  a long-temps  disputé  sur  la  possibilité 
de  faire  un  sel  d’étain  acéteux  , en  traitant 
immédiatement  ce  métal  avec  le  vinaigre 
distillé  ; les  uns  soutenoient  l’affirmative  , 
les  autres  la  négative  : ce  que  je  viens  de 
dire  prouve  qu’à  peu  de  chose  près  on 
a voit  raison  de  part  et  d’autre.  -Au  reste, 
la  base  de  ce  sel  acéteux  ne  m’ayant  rien 
présenté  qui  puisse  la  faire  regarder  comme 
étrangère  à l’étain  , j’en  resterai  là  , me 
réservant  toutefois  de  faire  voir  dans  la 
suite  , qu’on  peut  tirer  un  grand  parti  de 
l’acide  du  vinaigre  lorsqu’on  examine  des 
étains  alliés  de  plomb. 


SUR 


l'  É T Al  îf. 


295 

S.  XIX. 

Récapitulation  et  conclusion  de  la  première 

section . 

Tout  m’a  prouvé  que  l’étain  que  j’avois 
reçu  d’Angleterre  comme  pur,  et  sous  la 
forme  d’échantillons  détachés  de  très- 
grosses  masses  , ne  difiëroit  en  rien  de 
celui  que  j’avois  acheté  à Paris  sous  le 
nom  d’étain  d’Angleterre  doux  ; je  com- 
mencerai donc  à n’en  plus  compter  que 
trois  sous  la  dénomination  d’étain  pur  5 

s a v o 1 r : 

L^étain  de  Eanca, 
de  Malaca  , 
d’Angleterre  doux. 

1Q.  Ces  trois  étains  sont  égalemeut  doux, 
et  il  faut  long-temps  les  plier  en  sens  con- 
traire , avant  que  de  parvenir  à les  rompre  ; 
or  cette  flexibilité,  cette  mollesse  , ils  la 
possèdent  à un  point  si  éminent,  qu’aucun 
étain  allié  avec  la  plus  petite  quantité  d’ar- 
senic ne  peut  leur  être  comparé. 

2°.  Ces  étains  , exposés  au  feu  dans  les 

T 4 


296  RECHERCHES 

vaisseaux  fermés  , laissent  échapper  une 
très-petite  quantité  de  poudre  blanche  qui 
se  fixe  dans  le  col  de  la  retorte , et  que 
Margraff  a soupçonné  être  arsenicale  ; j’ai, 
par  des  expériences  sûres  , détruit  les 
soupçons  de  ce  célèbre  chimiste  , et  j’ai 
démontré  que  cette  même  poudre  subli- 
mée n’étoit  point  du  tout  de  l’arsenic. 

3°.  En  traitant  ces  différens  étains  par 
l’acide  nitreux  , j’ai  eu  la  preuve  cer- 
taine qu’ils  ne  contiennent  aucun  des 
métaux  ou  demi-métaux  avec  lesquels  la 
loi  ordonne  de  les  allier,  ni  aucun  de  ceux 
que  les  ouvriers  se  permettent  d’y  intro- 
duire. 

4°.  En  les  soumettant  à l’action  de  l’eau 
régale,  il  est  impossible  d’en  extraire  un 
atome  d’arsenic  , tandis  que  dans  des  al- 
liages artificiellement  faits  , on  peut  dé- 
montrer la  présence  dV»V*  de  cette  subs- 
tance minérale. 

6e.  Ces  étains  exposés  à l’action  de  l’acide 
marin  bien  purifié  s’y  dissolvent  entière- 
ment , sans  qu’il  reste  un  atome  de  poudre 
noire  5 tandis  que  par  le  même  procédé  , 
fait  sur  des/»alliages  où  l’arsenic  n’avoit  été 
introduit  [qu’à  la  proportion  d ’ifü  > je  suis 


SUR  X.  ’ É T A X K.  297 

parvenu  à retirer  et  à rendre  palpable 
cette  petite  quantité  d’rê^. 

Je  crois  donc  pouvoir  conclure  que  les 
étains  de  Banca  , de  Malaca  et  d’Angle- 
terre doux  , lorsqu’ils  sortent  du  magasin 
d’un  honnête  marchand  , sont  purs  ou 
privés  de  tout  alliage  naturel  ou  artificiel  5 
qu’ils  sont  parfaitement  égaux  entre  eux  , 
c’est-à-dire  , qu’ils  sont  l’un  à l’égard  de 
l’autre  , comme  de  l’or  à vingt- quatre 
karats,  ou  de  l’argent  à douze  deniers,  tirés 
d’une  mine  d’Europe  , seroient  à de  l’or  ou 
de  l’argent  aux  mêmes  titres  , tirés  des 
mines  de  l’Amérique  méridionale. 

Cependant  ces  étains  si  purs  ne  peuvent 
être  d’aucune  utilité  dans  nos  ménages  ; 
leur  mollesse  , leur  flexibilité  y met  un 
obstacle  insurmontable  ; il  faut  donc  que 
l’art  leur  dQnne  une  certaine  roideur , un 
certain  degré  de  solidité  qui  les  rendent 
propres  non  à prendre , mais  à conserver 
toutes  les  formes  que  la  nécessité  ou  les 
circonstances  obligent  le  potier  à donner 
à ce  métal  ; or,  pour  parvenir  à ce  but,  on 
a eu  recours  aux  différens  alliages  dont  je 
parlerai  dans  la  troisième  section. 


RECHERCHES 


SECONDE  SECTION. 

§.  Ier. 

Contenant  V examen  de  V Etain  anglois , 
connu  dans  le  commerce  sous  le  nom  de 
gros  saumons  et  de  baguettes . 

X-i  étain  pur  d’Angleterre  n’entre  points 
ou  du  moins  n’entre  que  très  - rarement 
dans  les  ateliers  de  nos  potiers  d’étain  $ 
tandis  qu’au  contraire , ils  font  un  très- 
grand  usage  de  celui  qui  nous  est  apporté 
de  cette  contrée  en  lingots  ou  saumons 
du  poids  de  trois  cents  livres  au  moins.  Ces 
gros  saumons  étant  fondus  de  nouveau  , 
soit  en  Angleterre  , soit  en  France  , sont 
coulés  dans  des  lingotières  qui  font  prendre 
à l’étain  la  forme  de  petites  baguettes  trian- 
gulaires , et  quelquefois  de  petites  pyra- 
mides tronquées  ou  petits  chapeaux  ; ce 
qui  donne  au  marchand  une  grande  faci- 
lité pour  débiter  ce  métal  à divers  ouvriers, 
et  sur -tout  aux  chaudronniers,  qui,  ne 
voulant  ou  ne  pouvant  acheter  des  masses 
d’étain  de  trois  à quatre  quintaux , se  con- 


SUR  L ETAin.  299 

tentent  de  s’en  procurer  livre  à livre,  à 
mesure  du  besoin. 

L’étain  dit  en  gros  saumons  , et  celui 
dit  en  baguetttes , méritoient  donc  la  plus 
grande  attention.  Les  précautions  que  l’on 
prend  en  Angleterre  , à ce  qu’on  dit,  pour 
ne  permettre  l’exportation  de  cet  étain  , 
qu’après  avoir  subi  un  alliage  , me  le 
rendoient  suspect  , et  les  recherches  de 
Geoffroy  sur  les  travaux  des  mines  d’é- 
tain d’Angleterre,  fortifîoient  encore  mes 
soupçons.  « Lorsque  la  mine  d’étain,  dit  ce 
35  chimiste  , a reçu  toutes  les  préparations 
33  qui  doivent  la  disposer  à être  fondue, 
3>  on  procède  à cette  dernière  opération 
33  dans  un  fourneau  de  l’espèce  de  ceux 
33  que  l’on  nomme  vulgairement  fourneaux 
33  à manche  ; les  ouvriers  l’appellent  mai - 
33  son,  le  minerai  entre  en  fonte  et  coule 
33  par  un  trou  pratiqué  au  fond  de  la  mai - 
33  son , dans  une  grande  ange  de  pierre; 
33  la  cendre  et  les  scories  nagent  dessus  et 
33  se  durcissent  en  un  instant. 

33  On  refond  cet  étain  qui  est  en  gâteaux , 
33  pour  le  couler  dans  des  moules  carrés  et 
33  oblongs  , de  pierres  dites  de  marais  , et 
33  c’est  ce  qu’on  appelle  saumons. . ..  Ces 


3oo  recherches 

» saumons  sont  plus  ou  moins  fins,  suivant 
35  les  endroits  d’où  l’on  en  coupe  pour  en 
33  faire  des  épreuves  : le  dessus  ou  la  crème 
33  du  saumon  est  très-douce,  et  si  pliante, 
33  qu’on  ne  peut  la  travailler  seule  ; on  est 
33  obligé  d’y  mêler  du  cuivre  dont  elle  peut 
33  porter  jusqu’à  trois  livres  sur  cent,  et 
33  quelquefois  jusqu’à  cinq  livres. Le  milieu 
33  du  saumon  est  plus  dur,  et  ne  peut  por- 
33  ter  que  deux  livres  de  cuivre,  et  le  fond 
33  est  si  aigre  qu’il  y faut  joindre  du  plomb 
33  pour  le  travailler.  L’étain  ne  sort  point 
33  d’Angleterre  dans  sa  pureté  naturelle, 
3>  ou  tel  qu’il  a coulé  dans  le  fourneau  ; il 
33  y a des  défenses  très -rigoureuses  de  le 
33  transporter  dans  les  pays  étrangers  , 
33  avant  qu’il  ait  reçu  l’alliage  porté  par 
33  la  loi  (î). 

Ce  passage  de  Geoffroy  laisse  sans  doute 
beaucoup  à désirer  $ on  voudroit  avoir  plus 
de  renseignemens  sur  ces  gros  saumons  de 
la  seconde  fonte , qui  donnent  trois  étains 
si  différons  l’un  de  l’autre  j les  Anglois 

(i)  Les  réglemens  auroient-ils  changés  , ou  l’étain 
doux  qu’on  m’a  vendu  à Paris,  en  m’assurant  qu’il 
venoit  d’Angleterre,  n’en  venoit-il  pas?  et  me  vendoît- 
on  l’étain  des  Indes  sous  un  faux  nom  ? 


3 oi 


SUR  l’  É T A I R". 

n’ont -ils  d’autre  moyen  de  se  procurer 
l’étain  pur  qu’en  séparant  la  couche  supé- 
rieure de  ces  gros  saumons?  et  est-ce  pour 
masquer , autant  qu’il  est  possible , la  défec- 
tuosité de  la  seconde  et  de  la  troisième, 
qu’ils  ont  pris  le  parti  de  l’allier  au  cuivre, 
et  même  au  plomb,  comme  le  dit  l’auteur 
que  je  cite  ? Cette  dépuration  spontanée 
opérée  par  le  dépôt  d’une  substance,  qui, 
spécifiquement  plus  pesante  que  l’étain,  se 
précipite  au  fond  des  moules , n’exigeoit- 
elle  pas  quelques  détails  ? car  enfin  ne 
peut-on  pas  présumer  qu’il  faut  du  temps 
pour  opérer  cette  espèce  de  départ,  et  que 
sans  doute  on  est  obligé  de  tenir  les  moules 
à un  certain  degré  de  chaleur  qui,  prolon- 
geant l’état  fondu  du  métal,  permet  à îa 
substance  hétérogène  et  pesante  d’aban- 
donner tout-à-fait  la  couche  supérieure , 
et  en  partie  la  couche  moyenne,  pour  aller 
se  fixer  dans  celle  qui  occupe  le  fond  des 
moules  ? 

Geoffroy  a extrait  des  transactions  phi- 
losophiques , tout  ce  qui  , dans  son  mé- 
moire , a rapport  à l’histoire  des  mines 
d’étain  de  Cornouailles  ; les  auteurs  qu’il 
a consultés  , auront  sans  doute  négligé  les 


# 


3oa  recherches 

détails  qui  concernent  cette  dépuration  ; 
ou  peut-être  auront -ils  cru  qu’il  étoit  de 
l’intérêt  de  leur  nation  de  ne  pas  trop  écrire 
sur  une  substance  que,  de  temps  immémo- 
rial , elle  est  en  possession  de  vendre  à toute 
l’Europe.  Il  faut  donc  me  contenter  de  ce 
qu’ils  ont  bien  voulu  m’apprendre  , et  re- 
garder la  séparation  spontanée  des  divers 
étains  qui  se  trouvent  constamment  dans 
les  saumons  de  première  fonte  , comme 
un  fait  qui,  n’ayant  rien  de  merveilleux, 
annonce  seulement  que  l’étain  de  Cor- 
nouailles, si  vanté  dans  nos  ateliers,  n’est 
pas  un  métal  homogène  , et  que  dans  le 
cas  où  les  mines  de  ce  métal , exploitées 
dans  les  Indes  Orientales  , ne  présente- 
roient  pas  le  même  phénomène  dans  la 
fonte,  on  devroit,  par  cette  raison  seule, 
en  préférer  l’étain  à celui  d’Angleterre  (1). 

(i)  Je  suis  bien  éloigné  d’avoir  des  doutes  sur  cette 
précipitation  de  matière  pesante  qui  se  fait  spontané- 
ment dans  les  fonderies  de  Cornouailles  5 j’ai  moi- 
mème  tenu  en  une  fonte  tranquille  pendant  douze 
heures,  différens  étains,  et  j’ai  constamment  remarqué 
que  tous  ceux  qui  étoient  alliés  au  cuivre,  au  bismuth 
et  au  plomb  , otfroient  au  moins  deux  qualités  d’étain  ; 
la  partie  supérieure  ne  conseryoit  que  peu  d’alliage  , 


sur  l’étain.  3o3 

Maïs  comme  mon  objet  principal  est 
d’examiner  l’étain  dans  l’état  où  il  nous 
est  apporté  et  vendu  aux  ouvriers  qui  le 
mettent  en  œuvre , je  dois  faire  en  quelque 
sorte  abstraction  de  tout  ce  qui  a trait  à 
Phistoire  assez  peu  connue  de  ce  métaï  , 
et  m’occuper  entièrement  de  l’examen  de 
Pétain  avec  alliage,  que  les  Anglais  nous 
vendent  en  grande  quantité  sous  la  forme 
de  gros  saumons,  et  que  nos  marchands 
revendent  aux  ouvriers  sous  la  forme  de 
baguettes. 

S.  I i. 

Effets  du  feu  sur  V étain  dit  en  gros  sau~ 
mons  et  en  baguettes , traité  dans  les 
vaisseaux  fermés . 

Ayant  exposé  à un  grand  feu  quatre 
livres  d’étain  pris  dans  un  gros  saumon,  et 

tandis  que  l’inférieure  en  contenoit  beaucoup.  Les  ou- 
vriers que  j’ai  consultés  à ce  sujet,  m’ont  tous  assuré 
qu’il  leur  arrivoit  quelquefois  de  rencontrer  à la  fin 
d’une  fonte  un  peu  considérable  , quelques  livres 
d’étain  si  aigre,  qu’ils  ne  pouvoient  l’employer;  or 
c’est  pour  éviter  cette  séparation  , qu’en  coulant  ils 
ont  attention  d’agiter  de  temps  en  temps  et  légèrement 
l’étain  avec  la  cuiller  de  fer  dont  ils  se  servent  pour 
le  puiser  et  le  jeter  dans  le  moule. 


I 


3o4  RECHERCHES 

tenu  en  fonte  dans  une  retorte , pendant 
plus  de  huit  heures , il  s’est  élevé  dans  le 
col  une  petite  quantité  de  matière  blanche 
et  pulvérulente , qui  pouvoit  à peine  être 
évaluée  à un  quart  de  grain  ; cette  matière 
parfaitement  semblable  à celle  que  j’avois 
déjà  obtenue  , en  traitant  de  même  mes 
quatre  étains  primitifs  , n’étoit  point  du 
tout  arsenicale. 

Cette  expérience  répétée  sur  quatre  livres 
d'étain  pris  dans  un  autre  saumon  , m’a 
également  donné  une  petite  sublimation 
blanche  et  pulvérulente  , et  nullement 
arsenicale  ; enfin  des  étains  de  la  même 
espèce,  saumons  ou  baguettes,  pris  chez 
divers  marchands  , et  traités  de  même  , 
m'ont  tous  donné  des  atomes  de  poudre 
sublimée  mais  point  du  tout  d’arsenic  ; 
aussi  en  l’enlevant  avec  un  peu  de  mie 
de  pain  tendre  , ai-je  pu  la  faire  prendre 
impunément  au  petit  chien  qui  avoit  pré- 
cédemment avalé  celle  que  j’avois  retirée 
de  mes  quatre  étains  purs. 

Les  masses  ou  culots  d’étain  retirés  des 
cornues  , étoient  tous  recouverts  d’une 
légère  couche  de  chaux  ou  potée  , sous 
laquelle  on  voyoit,  comme  dans  les  étains 

purs  , 


SUR  L * Û T A I N.  3o5 

purs  , des  petites  cavités  dont  les  parois 
dorées  réfléchissoient  la  lumière  comme 
la  gorge  de  pigeon» 

D’après  ces  expériences  multipliées,  on 
peut  conclure  que  l’étain  avec  alliage  que 
nous  tirons  d’Angleterre  , donne,  en  l’ex- 
posant au  feu  dans  les  vaisseaux  fermés, 
une  très-petite  quantité  de  fleurs  métalli- 
ques, qui  ne  diffèrent  point  de  celles  que 
l’on  retire,  parle  même  procédé,  de  l’étain 
sans  alliage. 

§.  III. 

Effets  de  l’acide  nitreux  sur  l’étain  d’ An- 
gleterre en  gros  saumons  et  celui  en 
baguettes . 

J’ai  traité  ces  divers  étains  avec  l’acide 
de  nitre  purifié,  et  en  suivant  exactement 
tous  les  détails  indiqués  dans  la  première 
section,  §.  XVII,  je  suis  parvenu  à les 
réduire  en  une  cliaux  blanche  , dont  les 
lavages  faits  avec  quatre  livres  d’eau  dis- 
tillée , m’ont  présenté  un  moyen  sûr  de 
reconnoître  , et  même  de  retirer  tout  le 
cuivre  qui  peut  avoir  été  introduit  dans 
un  étain  quelconque. 

Ayant  mis  en  évaporation  au  bain-marie, 
Tome  //,  Y 


5o6  recherches 

l’eau  qui  avoit  servi  à édulcorer  les  chaux 
que  j’avois  obtenues  de  l’étain  en  saumon 
ou  en  baguettes  , et  la  liqueur  étant  réduite 
à huit  onces  environ  , j’aperçus  qu’elle 
prenoit  une  teinte  bleue,  dont  l’intensité 
augmentoit  à mesure  que  la  concentration 
se  faisoit  ; enfin  , rapprochée  au  point  de 
cristalliser,  elle  donna  le  sel  stanno-nitreux 
dont  j’ai  parlé  §.  XVII,  et  qui  ne  différoit 
de  celui  que  j’avois  retiré  des  étains  purs, 
que  par  la  couleur  bleue  que  lui  commu-  ! 
niquoit  la  dissolution  de  cuivre  au  milieu  | 
de  laquelle  il  s’étoit  formé. 

J’ai  examiné  ces  deux  sels  de  nitre,  l’un  jj 
à base  d’étain,  l'autre  à base  de  cuivre,  et 
je  n’y  ai  pas  découvert  le  nitre  à base  de  i 
plomb  , sorte  de  sel  d’ailleurs  si  aisé  à 
reconnoître,  et  dont  je  parlerai  fréquent-  H 
ment  lorsque  je  traiterai  les  étains  ou-  U 
yragésj  mais  je  crois  avoir  aperçu  le  nitre  fl 
à base  de  zinc,  demi-métal  qui  entre  sou-  U 
vent  , quoiqu’en  petite  dose  , dans  les  a 
alliages  de  l’étain  , comme  étant  très-  ü. 
propre  non-seulement  à lui  donner  de  la  | 
roideur,  mais  encore  à lui  rendre  l’éclat  r 
argentin  que  le  cuivre  rouge  lui  fait  perdre, 
ou  du  moins  qu’il  altère  considérablement  j li 


SUR 


l’étain.  007 

en  sorte  que  je  suis  porté  à croire  que  les 
fondeurs  des  mines  de  Cornouailles , en 
alliant  , ainsi  que  l’assure  Geoffroy  , le 
cuivre  à leur  étain,  emploient  le  laiton, 
, et  non  pas  la  rosette  j mais  comme  j’aurai 
bientôt  occasion  de  m’étendre  davantage 
sur  ce  sujet  , je  vais  passer  à des  expé- 
riences d’un  autre  ordre  et  d’une  plus 
grande  importance. 

§.  I V. 

Effets  de  Veau  régale  sur  Vétaia  d’ An~ 
gleterre  y tant  en  gros  saumons  qu’en 
baguettes. 

En  traitant  par  l’eau  régale  les  divers 
étains  de  Banca,  de  Malaca,  d’Angleterre 
doux  , et  d’Angleterre  en  petits  échantil- 
lons , j’ai  fait  observer  que  cet  acide  mixte , 
en  agissant  sur  eux , n’en  ternissoit  pas  la 
surface , qu’on  ne  voyoit  aucun  corpuscule 
noir  s’en  détacher , et  que  la  poudre , ou 
plutôt  le  sel  qui  se  précipitoit  pendant 
l’opération  , étoit  parfaitement  blanc  ; 
tandis  qu’au  contraire  , en  soumettant  à 
la  même  expérience  ces  étains  alliés  avec 
des  atomes  de  régule  arsenical , leur  sur- 

Y a 


3oS 


RECHERCHES 


face  se  ternissoit  • des  corpuscules  noirs 
s’en  détachoient,  et  communiquoient  leur 
couleur  à la  pondre  ou  sel  d’étain  qui 
s’amasse  au  fond  des  vases  où  se  fait  la 
dissolution , sel  qui  naturellement  est  d’un  • 
blanc  de  neige. 

J’annonçai  alors  cette  expérience  comme 
propre  à faire  reconnoître  en  très -peu  de 
temps  , si  un  étain  contenoit  ou  non  de 
l’arsenic  ; mais  comine  la  couleur  noire 
de  la  poudre  ne  seroit  pas  une  raison 
suffisante  pour  prononcer  sur  sa  nature, 
j’insistai  sur  la  nécessité  de  la  laver  pour 
dissoudre  tout  le  sel  d’étain  qu’elle  con- 
tient , et  de  porter  sur  un  charbon  allumé 
la  petite  portion  insoluble  , qui  seule  est 
douée  de  la  couleur  noire.  Cette  dernière 
expérience,  toute  simple  qu’elle  est , suffit 
pour  instruire  le  chimiste  et  le  faire  pro- 
noncer avec  certitude  que  cette  matière 
est  ou  n’est  pas  de  l’arsenic.  J’insiste  de 
nouveau  sur  cette  remarque  , car  je  verrai 
bientôt  l’étain  allié  avec  d’autres  substances 
sémi  - métalliques  , donner  aussi  , en  le 
traitant  avec  l’eau  régale  , une  poudre 
noire  qu’il  faut  bien  se  garder  de  prendre 
à la  simple  inspection  pour  de  l’arsenic. 


Ceci  posé  , voyons  la  manière  dont  se 
comportera  dans  l’eau  régale  l’étain  d’An- 
gleterre en  gros  saumons  ou  en  baguettes, 
dont  nous  faisons  en  France  une  grande 
consommation,  et  qu’en  conséquence,  il 
est  très-intéressant  de  bien  connoître. 

Ayant  disposé  seize  petites  capsules  de 
verre,  dans  chacune  desquelles  il  a voit  été 
mis  une  demi-drachme  d’étain  en  gros  sau- 
mons de  première  qualité,  réduit  en  une 
lame  mince,  et  quatre  drachmes  d’une  eau 
régale  ammoniacale  très-foible;  l’action 
du  dissolvant  a été  lente  ( ce  qui  est  bien 
essentiel  si  on  veut  réussir  dans  cette  expé- 
rience) ; en  quatre  minutes  la  superficie  des 
lames  étoit  absolument  noire,  et  peu-à-peu 
on  vit  dans  chaque  vase  une  poudre  de  la 
même  couleur  s’amasser  et  occuper  le  fond  ; 
en  quatre  ou  cinq  heures  les  lames  n’exis- 
toient  plus;  à cet  instant  les  liqueurs  et  les 
poudres  noires  contenues  dans  les  seize 
capsules,  furent  réunies  dans  une  seule, 
et  tout  resta  tranquille  un  jour  entier  pour 
donner  le  temps  à la  poudre  de  gagner  le 
fond , et  à la  liqueur  de  se  clarifier. 

Arrivée  à ce  point  , cette  liqueur  fut 
decantée  , autant  qu’il  fut  possible  de  le 

V 3 


5lO  RECHERCHES 

faire , parce  qu’il  falloit  éviter  de  perdre 
quelque  portion  de  la  poudre  , et  on  lui 
substitua  sur-le-champ  environ  4 onces 
d’eau  distillée,  qui  opérèrent  en  un  ins- 
tant la  dissolution  de  la  plus  grande  partie 
du  sel  d’étain  : cette  dissolution  , devenue 
claire,  fut  retirée  à son  tour,  et  remplacée 
à différentes  fois  par  6 onces  de  la  même 
eau , en  sorte  qu’il  en  fut  employé  pour 
l’édulcoration  environ  10  onces. 

Le  résultat  de  ces  lotions  à été  que  la 
partie  saline , c’est-à-dire  , celle  qui  s’étoit 
formée  par  la  combinaison  de  l’acide  régale 
avec  l’étain  , a été  entièrement  dissoute,  et 
qu’il  n’est  resté  que  les  trois  quarts  d’un 
grain  d’une  poudre  noire  vraiment  arse- 
nicale , qui , mise  sur  un  charbon  , s’est 
entièrement  exhalée  en  répandant  l’odeur 
propre  à cette  substance  sémi-métallique. 

J’ai  répété  cette  expérience  jusqu’à  quatre 
fois  sur  de  l’étain  pris  dans  le  même  sau- 
mon , et  j’ai  eu  constamment  le  même 
résultat. 

L’étain  en  baguettes  traité  suivant  le 
même  procédé  , m’a  également  donne 
environ  les  trois  quarts  d’un  grain  de 
régule  d’arsenic. 


S TJ  R 


x’rtaik.  3 il 

Mais  pour  mettre  de  la  variété  dans  mon 
travail , et  m’assurer  que  je  n’opérois  pas 
toujours  sur  le  même  étain  , j’ai  acheté 
chez  divers  marchands  , et  en  différens 
temps,  clu  gros  saumon,  des  baguetttes  , 
et  un  autre  étain  qui  se  vend  chez  les 
potiers  sous  la  forme  de  petits  chapeaux 
et  sous  la  dénomination  d’étain  de  Cor- 
nouaiPes  ; ces  divers  étains  , au  nombre 
de  qi  înze  , m’ont  également  donné  une 
petite  quantité  de  régule  d’arsenic  , sans 
qu’il  m’ait  cependant  été  possible  de  par- 
venir à en  retirer  un  grain  entier  par  cha- 
que once  de  ce  métal. 

J'ai  donc  enfin  trouvé  des  étains  qui 
contiennent  de  l’arsenic,  et  ces  étains  que 
nous  tirons  d’Angleterre,  sont  précisément 
ceux  dont  nous  faisons  le  plus  grand  em- 
ploi ; mais  comme  il  ne  suffit  pas  de  dire 
que  le  régule  d’arsenic  est  recélé  dans  tel 
ou  tel  étain,  et  qu’il  est,  au  contraire, 
très  - essentiel  de  constater  la  proportion 
où  cette  redoutable  substance  s’y  trouve 
combinée , je  vais  traiter  ces  mêmes  étains 
avec  l’acide  marin  qui  peut  seul , ainsi  que 
je  l’ai  dit  plusieurs  fois  , me  faire  atteindre 
ce  but. 

Y 4 


3 12 


recherches 


§.  V. 


Effets  de  l’acide  marin  sur  les  étains 
précédens. 


A y an t mis  dans  deux  matras  à très- 
longs  cols  , 4 onces  de  petits  filets  d’étain 
en  baguettes  dans  l’un,  et  la  même  quan- 
tité de  petits  filets  d’étain  , dit  gros  sau- 
mons dans  l’autre  ; il  a été  versé  sur  chacun 
d’eux  12  onces  d’acide  marin  très-pur,  et 
à l’aide  d’un  bain  de  sable , le  tout  a été 
échauffé  jusqu’au  degré  qui  excitoit  une 
effervescence  , une  sorte  de  bouillonne- 
ment, modéré  cependant,  afin  de  ne  pas 
dissiper  trop  d’acide.  Voyez  ce  qui  a été 
dit  à ce  sujet  y Ire.  sect,  5.  XV. 

La  dissolution  des  deux  étains  s’est 
opérée  en  cinq  jours  ( sa  durée  dépend 
de  l’attention  qu’on  a d’entretenir  plus  ou 
moins  exactement  le  degré  de  feu  requis)  ; 
la  liqueur  étoit  limpide  et  sans  couleur:  on 
apercevoit  dans  le  fond  de  chaque  matras 
une  petite  quantité  de  poudre  noire  qui , 
retirée  avec  précaution  , édulcorée  et 
séchée  , pesoit  , savoir  : celle  de  l’étain 
en  baguettes  6 grains , celle  de  l’étain  en 


SUR 


l>étxin.  3i3 

gros  saumons  un  peu  moins  de  4 grains. 
Celle-ci  étoit  de  pur  régule  d’arsenic,  tandis 
que  Pautre  contenoit  encore  près  de  3 grains 
d’étain  mélangé  de  cuivre  , ce  dont  je  me 
suis  assuré  , en  l’exposant  au  feu  , qui  lui 
a fait  perdre  un  peu  plus  de  3 grains  d’une 
matière  volatile  qui  s’élevoit  en  vapeurs 
blanches  avec  la  forte  odeur  d’ail , et  se 
condensoit  en  une  poudre  blanche  sur  les 
parois  d’un  verre  conique  qu’on  lui  avoit 
présenté.  Il  resta  dans  le  têt  où  se  faisoit 
l’opération  , 2 grains  trois  quarts  d’une 
substance  grise  qui , jetée  dans  de  l’alkali 
volatil , ne  tarda  pas  à s’y  dissoudre  pres- 
qu’en  entier  , en  lui  communiquant  une 
couleur  bleue  foncée.  On  voit  par-là  que 
je  m’étois  trop  pressé  de  retirer  du  feu  le 
matras  qui  contenoit  l’étain  en  baguettes, 
mais  ce  n’est  pas  la  seule  fois  que  j’ai  fait 
cette  faute.  En  examinant,  par  le  même 
procédé,  4 onces  d’un  autre  étain  en  gros 
saumons , il  resta  dans  le  matras  i5  grains 
et  demi  d’une  poudre  couleur  d’ardoise  , 
dont  un  demi -grain  jeté  sur  un  charbon 
ardent,  donna  à peine  l’odeur  arsenicale  ; 
les  1 5 grains  restans  ayant  été  exposés  au 
feu  , ne  perdirent  pas  au-  delà  de  2 grains 


3l4  RECHERCHES 

et  demi  de  leur  poids  ; ce  qui  demeura  fixe 
dans  le  têt,  se  trouva  être  du  cuivre  mêlé 
d’un  peu  d’étain.  Je  rends  compte  de  cet 
accident,  qu’il  est  difficile  d’éviter  en  tra- 
vaillant sur  de  l’étain  artificiellement  allié 
à d’autres  substances  métalliques , afin  de 
prévenir  ceux  des  chimistes  qui , comme 
je  le  désire  bien  sincèrement,  voudroient 
constater  la  vérité  de  mes  expériences  , 
d’être  sur  leurs  gardes  dans  l’examen  qu’ils 
fieront  de  la  poudre  noire  qu’ils  auront 
obtenue,  et  sur-tout  de  n’employer  qu’un 
acide  marin  bien  purgé  par  une  nouvelle 
distillation  , du  fer  et  de  la  terre  qu’il 
contient  presque  toujours  , lorsqu’il  a été 
préparé  avec  l’argile. 

S.  V I. 

Mêmes  expériences  répétées  sur  différens 
étains  d>  Angleterre. 

Les  expériences  dont  je  viens  de  rendre 
compte  , ont  été  répétées  sur  les  divers 
étains  en  gros  saumons  , en  baguettes  et 
en  petites  pyramides  tronquées,  appelées 
petits  chapeaux  , que  j’avois  déjà  soumis 
à l’action  de  l’eau  régale  , et  tous  m'ont 


SUR  1 ’ É T A I N.  3l5 

donné  un  peu  de  régule  d’arsenic;  la  seule 
différence  que  j’aie  remarquée  entre  eux, 
consistoit  dans  les  proportions  de  ce  même 
régule  ; quelquefois  j’en  ai  retiré  un  grain 
par  once , le  plus  souvent  trois  quarts  de 
grain  ; il  y a tel  gros  saumon  , dont  \ onces 
ne  m’ont  donné  que  2,  grains  et  demi;  en 
sorte  que  d’après  des  expériences  réité- 
rées jusqu’à  quatre  fois,  sur  quinze  échan- 
tillons achetés  sous  différentes  formes  et 
sous  différentes  dénominations  , je  puis 
assurer  que  la  plus  grande  proportion  où 
j’aie  trouvé  le  régule  d’arsenic  , a été  de 
v'r>  la  plus  petite  de  ,-fsT  et  la  moyenne  drr* 
Il  est  donc  bien  constaté  que  l’étain  que 
nous  tirons  d’Angleterre,  sous  la  dénomi- 
nation de  gros  saumons  , de  baguettes  et 
de  petits  chapeaux  , contient  réellement 
une  petite  quantité  de  régule  d’arsenic,  et 
de  plus,  que  le  vrai  moyen  d’en  bien  con- 
noître  la  proportion  , est  de  faire  dissoudre 
cet  étain  dans  de  l’acide  marin  très -pur. 
Ne  reste-t-il  rien  lorsque  la  dissolution  est 
faite?  l’étain  est  sans  arsenic.  Reste -t- il 
un  peu  de  poudre  noire  ? qu’011  la  sépare 
avec  soin,  qu’elle  soit  lavée,  séchée,  pesée, 
et  qu’on  en  jette  un  quart  de  grain  sur  un 


3i6 


UE  CHERCHES 


cliarbon  ardent  , pour  reconnoître  si  elle 
est  arsenicale  ou  non.  L’est  - elle  ? qu’on 
l’expose  à un  degré  de  feu  capable  d’opérer 
la  sublimation  de  l’arsenic  ; si  elle  s’exhale 
en  entier,  elle  est  de  pur  régule  d’arsenic. 
S’il  reste  un  peu  de  poudre  dans  le  têt  de 
verre  ou  de  grès  employé  à l’opération  , 
qu’on  le  pèse , s’il  est  possible  , ou  qu’on 
l’évalue  , et  on  saura  ce  qu’une  quantité 
donnée  d’un  étain  quelconque,  contient 
réellement  d’arsenic  sous  forme  réguline. 

Je  n’ai  jusqu’ici  donné  aucun  éclaircis- 
sement sur  l’ætiologie  de  cet  intéressant 
départ,  parce  que  je  n’ai  pas  cru  devoir 
interrompre  la  série  de  mes  expériences  , 
et  que  d’ailleurs  il  m’a  paru  convenable 
de  ne  l’établir  qu’après  avoir  trouvé  de 
l’étain  naturellement  arseniqué:  or,  comme 
on  vient  de  le  voir,  cet  étain  n’est  pas  rare. 
Je  vais  donc  remplir  les  engagemens  que 
j’ai  pris  , première  section , §.  XII.  Mais  ne 
voulant  mettre  en  ceci  aucune  prétention, 
je  me  contenterai  d’exposer  quelques  expé- 
riences qui  , ayant  un  rapport  immédiat 
avec  celles  qu’on  vient  de  lire,  serviront  à 
faire  sentir  la  cause  du  départ  de  l’arsenic, 
ou  plutôt  du  régule  d’arsenic  d’avec  l’étain. 


SUR  L’  É T A i N.  3 1 7 

lorsqu’on  en  traite  l’alliage  par  les  acides 
simples  ou  mixtes. 

S.  VIL 

Ætiologie  du  dé n art  du  régule  d’arsenic 
d’avec  l’étain  , ou  effets  des  acides  sur 
ce  même  régule. 

Les  auteurs  qui  ont  traité  en  général  de 
toutes  les  parties  de  la  chimie,  ont  parlé  de 
l’arsenic  et  de  ses  rapports  avec  les  acides  $ 
mais  à l’exception  de  Baumé  , je  n’en  con- 
nois  aucun  qui  ait  porté  ses  vues  sur  le 
même  arsenic  ramené  par  la  réduction  à 
son  état  sérni  - métallique  ; c’est  - à - dire  , 
qu’on  s’est  beaucoup  exercé  sur  l’examen 
de  la  chaux , et  qu’on  a entièrement  négligé 
le  demi-métal  qui  la  fournissoit. 

J’ai  précédemment  démontré  de  la  ma- 
nière la  plus  évidente  , que  la  chaux  d’ar- 
senic ne  pouvoit  se  combiner  avec  l’étain, 
tandis  qu’au  contraire  son  régule  s’y  unis- 
soit  avec  la  plus  grande  facilité  ; et  cette 
première  démonstration  a été  suivie  d’un 
nombre  infini  d’expériences  , qui  toutes 
ont  prouvé  que  dans  les  divers  étains  où 
on  découvrent  de  l’arsenic,  cette,  substance 


3 1 8 RECHERCHES 

y étoit  toujours  sous  forme  réguline  , et 
jamais  sous  forme  de  cliaux. 

Les  rapports  de  l’eau  régale , de  l’acide 
marin  , et  même  de  l’acide  nitreux  avec  la 
chaux  arsenicale  , ou,  ce  qui  est  la  même 
cliose  , avec  l’arsenic  proprement  dit , me 
devenoient  donc  assez  indifférens  ; tandis 
que  les  rapports  de  ces  mêmes  acides  avec 
le  régule  d'arsenic  , étoient  si  importans  , 
que  je  ne  pouvois  me  dispenser  de  faire 
des  recherches,  dans  la  vue  d’acquérir  à 
cet  égard  des  connoissances  dont  on  ne 
pouvoit  absolument  se  passer,  si  on  vou- 
loit  établir  l’ætiologie  du  départ  de  quel- 
ques atomes  de  ce  demi- métal  recèles  dans 
l’étain. 

S.  VIII. 

Effets  de  V acide  nitreux  sur  Ig  régule 

d’ arsenic. 

Que  l’on  mette  dans  un  matras  soixante 
grains  de  régule  d’arsenic  concassé,  et  une 
once  d’acide  nitreux  d’une  bonne  force  ; 
qu'on  laisse  le  tout  à la  température  de 
l’atmosphère  , l’acide  agira  peu- à-peu  sur 
le  demi-métal,  et  ne  tardera  pas  à prendre 
une  teinte  verte  ; il  s’élèvera  de  temps  en 


SUR  L’ÉTAIN.  3lO 

temps  des  bulles  qui  annoncent  faction 
lente  , mais  continue  du  dissolvant.  En 
huit  ou  dix  jours  les  soixante  grains  seront 
dissous  et  la  couleur  verte  aura  disparu. 
La  durée  de  l’opération  est  plus  ou  moins 
longue,  suivant  la  température  de  l’atmos- 
phère. 

Si  on  fait  cette  dissolution  en  tenant  le 
matras  sur  un  bain  de  sable  chaud  , elle 
s’opère  fort  vite  et  avec  une  vive  efferves- 
cence, qui  ne  laisse  pas  le  temps  d’aper- 
cevoir la  couleur  verte. 

Ainsi  donc  , l’acide  de  nitre  ayant,  soit 
à froid,  soit  à chaud,  la  propriété  de  dis- 
soudre le  régule  d’arsenic  , ne  peut  être 
employé  pour  opérer  avec  avantage  le 
départ  de  cette  substance  d’avec  l’étain  ; 
car  quoique  ce  dernier  soit  réduit  en  chaux 
par  le  même  acide  , il  y en  reste  cependant 
une  petite  portion  en  parfaite  dissolution, 
qui  donne , ainsi  que  je  l’ai  dit , des  cristaux 
susceptibles  de  s’enflammer,  lorsqu’on  les 
échauffe  à un  certain  point.  Or  , par  quel 
moyen  retireroit-on  de  4 à.  5 onces  de  chaux 
d’étain  ainsi  préparée  , 2 ou  3 grains  d’ar- 
senic que  l’on  pourroit  tout  au  plus  y 
supposer?  Enfin  , quand  bien  même  l’eau 


320  RECHERCHES 

employée  à édulcorer  cette  chaux  d’étain  / 
contiendroit,  comme  il  est  à présumer,  ce 
peu  d’arsenic  , ori  ne  pourroit  pas  encore 
se  promettre  de  le  séparer  du  sel  stcirino - 
nitreux  , qui  ne  peut  être  exposé  au  feu 
sans  s’allumer, 

$.  I X. 

Effets  de  V acide  de  sel  marin  sur  le  régule 

d*  arsenic  - 

J’ai  mis  dans  un  inatras  un  gros  et  demi 
de  régule  d’arsenic  grossièrement  pulvé- 
risé, et  2 onces  de  bon  acide  marin  purifié  ; 
le  tout  est  resté  pendant  près  de  six  semaines 
exposé  à la  température  de  l’atmosphère  , 
sans  qu’il  ait  été  possible  de  remarquer  le 
moindre  signe  d’effervescence  ou  de  disso- 
lution , aussi  Je  régule  retiré,  lavé  et  séché, 
se  trouva  - 1 - il  n’avoir  rien  perdu  de  son 

J’ai  tenté  la  même  expérience  en  tenant 
le  matras  sur  le  sable  échauffé  , au  point 
de  faire  bouillir  l’acide  pendant  dix  - huit 
heures,  avec  la  précaution  de  remplacer, 
en  différentes  fois  , celui  qui  s’évaporoit , 
sans  que  j’aie  pu  remarquer  à l’oeil  que  le 

régule 


SUR  L’ETAIN.  321 

régule  ait  été  attaqué  ; mais  l’ayant  retiré , 
lavé  et  séché  avec  les  précautions  requises, 
il  se  trouva  sur  la  balance  diminué  de  près 
de  2,  grains. 

O 

L’acide  qui  a voit  servi  à l’opération  ayant 
été  évaporé  jusqu’à  siccité  à la  douce  cha- 
leur d’un  bain-marie,  il  est  resté  dans  la 
capsule  de  verre  environ  2 grains  d’une 
matière  jaunâtre  et  saline,  qui,  mise  sur 
un  charbon  ardent,  fut  à l’instant  reconnue 
pour  être  arsenicale. 

Ainsi  , quoique  d’après  cette  dernière 
expérience  faite  à l’aide  de  la  chaleur  , 
on  ne  puisse  pas  regarder  l’insolubilité  du 
régule  d’arsenic  dans  l'acide  marin  , comme 
absolue  , il  n’en  est  pas  moins  vrai  que  ces 
deux  corps  ( l’acide  et  le  demi-métal)  n’ont 
l’un  vers  l’autre  qu’une  très  - foible  ten- 
dance , et  que  dans  un  procédé  ou  il  s’agit 
de  départir  une  quantité  quelconque  de 
régule  d’arsenic  recelé  dans  l’etaiu  , cette 
foible  tendance  est  rendue  absolument 
nulle  , par  la  très  - grande  affinité  qui 
existe , au  contraire , entre  ce  même  acide 
et  l’étain. 

Or,  c’est  cette  énorme  différence  de  rap- 
ports qui , dès  la  première  section,  m’a  fait 
Tome  II.  X 


522  RECHERCHES 

avancer  que  de  tous  les  dissolvans , l’acide 
marin  étoit  celui  qui  offroit  le  moyen  de 
plus  sûr  , non-seuleinent  pour  démontrer 
l’existence  ou  la  non- existence  de  l’arsenic 
dans  l’étain  , mais  encore  pour  déterminer 
la  proportion  où  il  s’y  trouvoit. 

t 

S-  X. 

Effets  de  Veau  régale  sur  le  régule 
d’arsenic . 

L’eaü  régale  a aussi  sa  manière  d’agir 
sur  le  régule  d’arsenic , et  quoiqu’on  puisse 
également  employer  celle  qui  est  préparée 
avec  les  deux  acides  , il  n’est  cependant 
pas  indifférent  de  les  y faire  entrer  en  toutes 
sortes  de  proportions;  danstoutes  mes  expé- 
riences sur  l’étain , je  me  suis  constamment 
servi  d’une  eau  regale  faite  avec  le  sel  am- 
moniac et  l’acide  nitreux,  et  c’est  celle-là 
même  que  j’ai  employée  dans  les  expé- 
riences qui  me  restoient  à faire  sur  le 
régule  d’arsenic. 

Il  est  une  autre  chose  bien  importante 
à observer , c’est  le  degré  de  force  de  cet 
acide  mixte.  J'ai  déjà  vu  que  pour  bien 


\ 


\ 


SUR  L’ÉTAIN.  323 

réussir  à extraire  le  régule  d’arsenic  recelé 
dans  l’étain  , il  falloir  employer  une  eau 
régale  très  affoiblie  : les  expériences  sui- 
vantes en  vont  faire  sentir  les  raisons. 

Que  l’on  mette  dans  un  petit  matras  36 
grains  de  régule  d’arsenic  grossièrement 
pulvérisé  , et  environ  2.  gros  d'eau  régale 
ammoniacale  d’une  bonne  force,  on  verra 
bientôt  un  mouvement  d’effervescence  s’é- 
tablir entre  ces  deux  corps  ^ et  en  moins 
de  douze  heures  les  36  grains  de  régulé 
auront  perdu  leur  couleur  noire,  et  seront 
changés  en  une  poudre  blanche  ou  chaux 
arsenicale,  dont  une  portion  restera  pour- 
tant unie  au  dissolvant  ( 1 ).  Si  on  faisoit 
chauffer  le  matras  , le  régule  seroit  entiè- 
rement dissous  en  moins  d’un  demi-quart 
d’heure  j mais  si  au  lieu  d’une  eau  regale 

(1)  En  disant  que  cette  calcination  de  trente- six 
grains  de  régule  par  la  voie  humide  s’opéroit  en  moins 
de  douze  henres , notre  intention  est  de  donner  une 
idée  de  la  concentration  de  notre  eau  régaie  ; car  si 
on  en  employait  une  plus  forte,  la  calcination  exige- 
geroit  moins  de  temps  : le  degré  de  chaleur  excité  par 
l’effervescence  étant  alors  plus  fort,  on  risqueroit  de 
ne  pas  obtenir  de  chaux,  mais  une  dissolution  totale 
du  régule  d’arsenic. 


X 2 


324  RECHERCHES 

forte  , on  en  emploie  une  affoiblie  par 
deux  et  même  trois  parties  d’eau  distillée, 
on  aura  des  phénomènes  bien  différens  des 
précédens;  ce  dissolvant  agira  alors  avec 
la  plus  grande  lenteur  sur  le  demi-métal  , 
et  ce  ne  sera  qu’après  -plus  de  huit  jours 
qu’on  commencera  à apercevoir  un  peu 
de  poudre  blanche  déposée  autour  du 
régule  , et  après  deux  mois  révolus  , on 
pourra  à peine  évaluer  à 8 ou  10  grains 
la  quantité  de  chaux  d’arsenic  qui  se 
sera  formée  dans  ce  long  espace  de  temps. 
Cependant  cette  même  eau  régale  qui  avoifc 
si  peu  d’action  sur  le  régule  d’arsenic  , 
a voit  encore  , quoique  très- affoiblie,  assi  z 
de  force  pour  dissoudre  en  quelques  heures 
l’étain  pur  , et  le  réduire  en  une  poudre 
blanche  et  saline,  et  les  étains  arseniqués, 
en  une  poudre  noire. 

Cette  différence  remarquable  entre  l’ac- 
tion d’une  eau  régale  forte  , et  d’une  eau 
régale  foible , l’une  et  l’autre  appliquée  au 
régule  d’arsenic,  me  donne  l’éthiologie  du 
procédé  par  lequel  Margraff  a retiré  de 
certains  étains  , l’arsenic  sous  la  forme 
d’une  poudre  blanche , et  de  celui  par 
lequel  je  retire  constamment  cette  même 


S TT  R L ’ E T A I N.  325» 

substance  sous  la  forme  d’une  poudre  noire 
ou  de  régule. 

Que  se  passe-t-il  dans  le  procédé  de  Mar- 
graff ? Ce  chimiste  emploie  une  eau  régale  , 
qui , quoiqu’affoiblie  , a pourtant  encore 
assez  de  force  pour  agir  sur  le  régule  d’ar- 
senic, et  le  réduire,  ainsi  que  l’étain,  en 
une  poudre  blanche  qu’il  faut  triturer  avec 
un  alkali  fixe  , et  exposer  à un  degré  de 
chaleur  capable  d’opérer  la  sublimation 
de  la  substance  arsenicale  qui  peut  y être 
recelée.  Dans  mon  procédé  , je  me  sers  au 
contraire  d’une  eau  régale  tellement  affoi* 
blie  , que  sans  avoir  perdu  la  propriété  de 
dissoudre  l’étain  , elle  n’a  plus  d’action 
sur  le  régule  d’arsenic  ; d’où  il  résulte  que 
ce  dernier  se  fait  apercevoir  dans  l’instant 
même  où  la  dissolution  d’un  étain  arseniqué 
commence  ; et  en  effet , si  l’on  est  attentif 
à l’opération , on  ne  tarde  pas  à voir  des 
corpuscules  noirs  se  séparer,  signe  presque 
certain  de  la  présence  de  l’arsenic  , et  au- 
quel il  ne  manque,  pour  être  une  démons- 
tration , que  de  mettre , par  les  moyens 
que  j’ai  indiqués  , ces  mêmes  corpuscules, 
en  état  d’être  portés  sur  un  charbon  ardent 
qui,  dans  le  moment  même,  fera  connoitr&< 

X 3 


326  RECHERCHES 

s’ils  sont  arsenicaux",  ou  s’ils  ne  le  sont  pas. 

Ce  que  je  viens  de  dire  sur  l’action  des 
acides  de  nitre  , de  sel  marin  , et  de  l’eau 
régale  sur  le  régule  d’arsenic  , étant  plus 
que  suffisant  pour  faire  connoître  la  cause 
du  départ  de  cette  substance  d’avec  l’étain 
auquel  elle  se  trouve  quelquefois  alliée  , 
j’en  resterai  là  , pour  passer  à l’examen  de 
l’étain  ouvragé  et  exposé  en  vente  sous 
toutes  sortes  de  formes. 


sur  i*  étain. 


TROISIÈME  SECTION. 

$.  Ier. 

Examen  de  V étain  mis  en  œuvre , et  vendu 
sous  toutes  sortes  de  formes  par  les 
maîtres  potiers  d'étain . 

J’ai  déjà  dit  que  l’étain  d’Angleterre, 
appelé  gros  saumons,  étoit  d’un  usage  fré- 
quent chez  nos  ouvriers  , que  c’étoit  meme 
presque  toujours  celui  qui  suppléoit  au 
déchet  inévitable  dans  les  refontes  , et  à 
la  perte  occasionnée  parle  fréquent  écu- 
rage qu’on  est  obligé  de  faire  subir  à ce 
métal  converti  en  vaisselle. 

D’un  autre  côté,  je  sais  que  l’Angleterre 
a constamment  fourni  à nos  marchands 
tout  l’étain  nécessaire  à notre  consomma- 
tion , jusqu’à  l’époque  où  nos  armateurs 
ont  commencé  à en  importer  des  Indes  , et 
même  que  depuis  cette  époque  on  n’a  pas 
discontinué  d’en  tirer  d’Angleterre  , ce 
qu’on  ne  cessera  pas  de  faire  tant  que 
l’étain  des  Indes  se  vendra  dans  les  maga-* 

X 4 


3s8  recherches 

sins  de  nos  villes  maritimes  plus  clier  que 
celui  de  Cornouailles. 

Ainsi  nous  pouvons  regarder  la  masse 
d’étain  ouvragé „ qui  se  trouve  actuelle- 
ment dans  le  royaume , comme  étant , à 
peu  de  chose  près , de  l’étain  provenu  des 
mines  d’Angleterre  $ ce  qui  peut  faire  pré- 
sumer que  tous  les  ustensiles  d’étain  qui  se 
trouvent  dans  le  royaume , contiennent 
quelques  atomes  de  régule  d’arsenic.  N’en- 
trant donc  à cet  égard  dans  aucun  détail , 
je  dirai  simplement  qu’ayant  examiné  divers 
étains  mis  en  œuvre  , j’y  ai  trouvé  cette 
petite  portion  de  régule  , toutes  les  fois  que 
les  alliages  dont  je  parlerai  bientôt  , m’ont 
permis  de  pouvoir  la  mettre  à nu  : mais 
je  ne  dois  pas  laisser  ignorer  , qu’ayant 
soumis  aux  expériences,  soit  avec  l’acide 
marin , soit  avec  l’eau  régale  , des  assiettes 
achetées  à Londres  , et  faites  d’un  étain 
bien  supérieur  à tout  ce  qu’on  pourroit 
acheter  à Paris  en  ce  genre  , j’y  a.i  cons- 
tamment trouvé  le  régule  d’arsenic  dans 
la  proportion  d’environ  trois  quarts  de 
grains  par  once  , ou  ce  qui  est  la  meme 
chose,  ^5  tandis  que  le  plus  souvent  je 
n’en  ai  découvert  dans  les  divers  étains 


travaillés  à Paris  qu’^-,  ce  qui  ne  paroîtra 
pas  étonnant , si  on  fait  attention  que  les 
assiettes  achetées  à Londres  étoient  faites 
de  gros  saumons  , auquel  le  potier  d’étain 
anglais  avoit  seulement  ajouté  un  peu  de 
bismuth , alliage  bien  différent  de  celui  que 
font  nos  ouvriers.  * 

J’ai  trouvé  du  plomb  , et  même  souvent 
en  très  - grande  quantité  , dans  les  étains 
ouvragés  chez  nous  ; tandis  que  les  assiettes 
de  Londres  ne  m’en  ont  pas  fourni  un 
atome.  Or  le  plomb  introduit  dans  la  pro- 
portion de  huit , dix  , douze  et  même 
quinze  et  vingt  livres  par  quintal  d’étain  , 
en  augmentant  la  masse  , diminue  d’autant 
la  proportion  du  régule  d’arsenic,  que  j’ai 
découvert  dans  tout  l’étain  qui  m’est  ap- 
porté d’Angleterre  , sous  la  forme  de  gros 
saumons. 

J’ajouterai  encore  que  nos  potiers  étant 
forcés  , lorsque  l’étain  d’x4.ngleterre  leur 
manque  , d’employer  celui  des  Indes  , que 
je  sais  être  pur*  il  se  fait  entre  leurs  mains 
un  nouveau  mélange , qui,  par  les  refontes, 
s’incorpore  peu- à -peu  dans  notre  étain 
ouvré  , et  concourt  par-là  à diminuer  en- 
core la  proportion  du  régule  d’arsenic , 


53o  recherches 

dont  la  masse  d’étain  existante  chez  nous* 
a pu  être  légèrement  imprégnée. 

S-  I I. 

Des  différentes  substances  que  Von  est 
dans  r usage  d’allier  à l’étain. 

Je  pourrois  mettre  facilement  les  chi- 
mistes et  les  physiciens  en  état  de  prononcer 
sur  l’innocuité  ou  sur  les  dangers  de  la 
vaisselle  d’étain  que  fabriquent  nos  ou- 
vriers , si  toute  celle  qu’ils  vendent  étoit 
faite  d’un  seul  et  même  alliage  $ mais  il 
s’en  faut  de  beaucoup  que  les  choses  se 
passent  ainsi , chaque  maître  ayant  sa  ma- 
nière de  voir  les  défauts  de  ce  métal  , et 
conséquemment  sa  manière  de  les  corriger. 

La  loi  a essayé  de  prononcer  sur  les 
qualités  que  doit  avoir  l’étain  ouvragé  , 
mais  comme  elle  n’a  rien  dit  de  positif , 
chaque  potier  d’étain  a cru  devoir  suivre 
sa  méthode  , et  a constamment  ajouté  à 
l’étain  qu’il  alloit  employer  tout  ce  qui 
pouvoit  le  rendre  propre  à ses  vues.  Ecou- 
tons les  XIII  et  XIV  articles  des  ordon- 
nances concernant  les  maîtres  potiers  d’é- 
tain de  la  Yille  et  faubourgs  de  Paris. 


SUR  L*  É T A I N.  33 1 

Art.  XIII.  « Pourront  tous  lcsdits  maî- 
» très  de  ladite  ville  et  autres  étant  dans 
33  ladite  prévôté  et  vicomté  , faire  toutes 
33  sortes  d’ouvrages  de  bon  fin  étain  son- 
33  nant,  aloyé  de  fin  cuivre  et  d’étain  de 
33  glace  , selon  qu’il  est  accoutumé  de 
33  faire  3*. 

Art.  XIV.  « Pourront  pareillement  faire 
>3  toutes  sortes  d’ouvrages  de  bon  étain 
33  commun  et  bien  aloyé  , de  telle  sorte 
33  qu’il  puisse  venir  à la  rondeur  de  l’essai 
33  avec  la  blancheur  requise  et  accoutumée 
33  de  tous  temps  et  ancienneté  3>. 

Tels  sont  les  deux  seuls  articles  pro- 
noncés parles  ordonnances  sur  l’alliage  de 
l’étain  soit  fin  , soit  commun.  A la  vérité 
l’article  XIII  nomme  le  cuivre  et  l’étain  de 
glace,  c’est-à-dire  le  bismuth,  comme  les 
seules  subtfiances  qui  doivent  être  alliées 
avec  l’étain , pour  fabriquer  l’étain  fin  et 
sonnant;  mais  les  proportions  du  métal  et 
du  demi- métal  n’ont  pas  été  prescrites  par 
la  loi. 

A l’égard  de  l’étain  commun  , il  est  or- 
donné , par  l’article  XIV  , aux  maîtres  de 
le  faire  bon  et  bien  aloyé  , en  sorte  qu’il 
puisse  venir  à la  rondeur  de  l’essai , avec 


33^. 


RECHERCHES 


la  blancheur  requise.  Mais  la  matière  de 
l’aloi  n’est  pas  désignée.  i 

Les  potiers  d’étain  sont  donc  positive- 
ment autorisés  par  la  loi , à faire  entrer 
dans  l’étain  fin  le  cuivre  et  le  bismuth  ; 
mais  ils  ne  s’en  tiennent  pas  là.  Fondé  sur 
ce  que  dans  le  commerce  il  se  rencontre 
des  étains  de  qualités  très-différentes  , les 
uns  trop  doux  , les  autres  trop  aigres, 
chaque  maître  se  croit  en  droit  de  corriger 
ces  défauts  par  des  moyens  qui  lui  sont 
particuliers  ou  communs  avec  ses  con- 
frèies. 

La  différence  des  étains  n’est  pas  le  seul 
inconvénient  qu’éprouvent  les  ouvriers  ; 
tel  étain  peut  avoir  été  amené  au  titre  de 
bon  étain  fin  , et  par-là  être  très-propre  à 
faire  toute  sorte  de  pièces  de  vaisselle  de 
bon  aloi , sans  qu’il  soit  possible  de  l’em- 
ployer à faire  certains  ustensiles  , par 
exemple , des  moules  de  chandelles  : il  est 
donc  des  cas  où  la  forme  que  doit  prendre 
l’étain  , oblige  l’ouvrier  à se  servir  de  tel 
ou  tel  alliage  , et  à cet  égard  , il  faut  bien 
s’en  rapporter  à ceux  d’entre  les  maîtres 
qui  raisonnent  sur  leur  métier  d’une  ma- 
nière assez  éclairée  et  d’après  une  expé^ 


sur  l>étain.  353 

rience  constante.  Au  reste,  peu  importent 
les  motifs  qui  déterminent  les  ouvriers  à se 
servir  de  tout  autre  alliage  que  de  celui 
qui  est  prescrit  par  les  ordonnances  ; le 
point  essentiel  est  de  savoir  quelles  sont 
les  matières  qu’ils  emploient,  et  sur-tout  , 
d’en  bien  connoître  les  proportions  , si  nous 
voulons  en  apprécier  les  effets  ayec  cer- 
» titude. 

Or  ces  matières  sont  : 
iQ.  Le  cuivre  rouge  ou  rosette  ; 

2,°.  Le  bismuth  ou  étain  de  glace  ; 

3°.  Le  zinc,  ou  seul , ou  uni  au  cuivre 
rouge  , ce  qui  forme  le  laiton  ou 
cuivre  jaune; 

4°.  Le  plomb  ; 

5 Le  régule  d’antimoine  (1).  I 

Si  l’étain  étoit  constamment  pur  , ou  si,' 
une  foisaîtéré  par  quelque  mélange  naturel 
ou  a r tificiel  , il  pouvoit  ctre  ramené  , sans 
grands  frais  , à son  premier  degré  de 

(1)  Geoffroy  , dans  le  mémoire  que  j’ai  cité,  a 
très -l>i  n connu  ces  alliages,  et  même  il  en  assigne  les 
propo  ti  ns,  à-peu-près  pourtant,  parce  que  dépen- 
dantes de  la  qualité  de  l’étaiu  que  les  ouvriers  vont 
employer,  il  est  impossible  de  le  faire  d’une  autre 
manière. 


334  recherches 

pureté,  rien  n’empêcheroit  de  fixer  par  une 
loi  la  proportion  des  matières  qui  doivent 
lui  être  alliées  ; mais  si  on  en  excepte  l'étain 
des  Indes , dont  nos  ouvriers  se  passent 
même  toutes  les  fois  qu’ils  peuvent  avoir 
du  gros  saumon  anglais",  et  ils  en  man- 
quent rarement , on  peut  dire  qu’il  n’y  a 
point  d’étain  pur  ; ajoutons  que  ces  gros 
saumons  étant  eux-mêmes  à des  degrés 
différents  d’aigreur  et  de  mollesse  , il  s’en- 
suit que  les  potiers  d’étain  sont  continuel- 
lement obigés  de  varier  les  proportions  de 
leurs  alliages. 

Ce  n'est  pas  tout  encore  , la  vieille  vais- 
selle leur  revient  de  temps  à autre  ; et 
comme  elle  est  à des  titres  qui  souvent  ne 
conviennent  pas  à l’emploi  qu’ils  en  veulent 
faire,  ils  sont , dans  cette  circonstance, 
jforcés  à y faire  quelque  addition  ou  quelque 
soustraction. 

Lorsqu’un  étain  est  surcliargé  de  l’un  ou 
l’autre  des  alliages  ci-dessus  , la  chimie 
peut  bien  l’en  débarrasser  ; mais  par  des 
procédés  qui  exigeroient  beaucoup  trop  de 
frais.  Une  livre  d’étain  , qui  contiendroit 
une  once  de  plomb , un  gros  de  cuivre  , et 
un  demi-gros  de  zinc , par  exemple  , pour- 


SUR  u'tTA  i N.  335 

roît  donc  être  ramenée  au  degré  de  pureté 
absolue  ; mais  pour  départir  ces  trois  der- 
nières substances  , il  faudroit  dépenser  au 
moins  six  francs  , et  pour  cette  somme  on 
obtiendroit  à peine  12  onces  d’étain  pur, 
qui  , en  cette  qualité  , valent  au  plus  dix- 
neuf  sous.  Cette  purification  de  l’étain  est 
donc  une  expérience  chimique  purement 
curieuse  , qui  ne  peut  avoir  lieu  qu’à 
l’égard  d’un  métal  précieux , tel  que  l’or 
ou  l’argent. 

Que  fera  donc  un  potier  qui  aura  une 
masse  d’étain  à un  titre  inférieur  ? Il  y 
ajoutera  de  l’ét^in  pur  , dans  les  propor- 
tions qu’il  jugera  nécessaires  , et  par-là  il 
diminuera  d’autant  l’alliage  introduit  en 
trop  grande  quantité  dans  l’étain  qu’il  veut 
mettre  en  .œuvre  : or  cette  opération  est 
précisément  ce  que  nous  entendons  par  le 
mot  soustraction  d'alliage. 

S.  iii. 

Proportion  du  cuivre. 

Pour  me  former  une  bonne  idée  de  la 
quantité  de  cuivre  que  l’on  est  dans  la  né- 
cessité de  faire  entrer  dans  l’étain  , pour 


336  recherches 

lui  donner  la  solidité  qu’il  n’a  pas  dans  son! 
état  naturel  , et  sans  laquelle  on  ne  peut 
l’employer  dans  les  usages  économiques  , 
je  supposerai  un  ouvrier  qui  auroit  inten- 
tion de  mettre  en  œuvre  un  quintal  d’étain 
pur  , tel  que  celui  qu’on  nous  apporte  de 
l’Inde  sous  les  noms  de  Banca  etdeMalaca. 
Que  fera-t-il  ? S’il  veut  se  conformer  à l’ar- 
ticle XIII  des  ordonnances  concernant  son 
art,  il  ajoutera  à cet  étain  du  fin  cuivre , 
c’est  à dire,  de  la  rosette  et  du  bismuth  ou 
étain  de  glace. 

Une  livre  et  demie  de  cuivre  rouge  ajouté 
à quatre-vingt-dix-huit  livres  et  demie  d’é- 
tain de  Banca  ou  de  Malaca  , donneront 
déjà  à cet  étain  une  solidité  très -remar- 
quable j on  l’augmentera , s’il  est  nécessaire, 
en  portant  le  cuivre  à deux  livres  et  même 
à deux  livres  et  demie  , mais  rarement 
au-delà.  Voilà  donc  les  deux  termes  de 
l’alliage  de  cuivre  connus  : le  minimum 
est  d’une  livre  par  quintal  d’étain  pur , et 
le  maximum  deux  livres  et  demie. 


S-  IV. 


\ 


SUR  R5  ET  Al  N.  ZZj 

/ §.  IV* 

Vroportions  du  bismuth . 

Mais  comme  le  cuivre  rouge,  allié  à 
l’étain  , en  altère  la  couleur  argentine  , on 
est  obligé  d’avoir  recours  à deux  demi- 
métaux  qui  possèdent  la  double  propriété 
de  faire  reparoître  cette  couleur  avec  tout 
son  éclat , et  d’augmenter  la  solidité  que 
l’étain  a déjà  reçu  du  cuivre. 

Or  ces  derni-métaux  sont  le  bismutli  et 
le  zinc  : le  premier  est  prescrit  par  la  loi  , 
comme  la  seule  substance  qui  , avec  le 
cuivre  rouge  , doit  entrer  dans  les  ouvrages 
que  les  potiers  d’étain  nous  vendent  sous 
le  nom  d’étain  fin  et  sonnant.  Il  pourroit 
entrer  à la  proportion  d’une  livre  , une 
livre  et  demie  au  plus , sur  cent  livres  d’un 
étain  déjà  allié  d’une  livre  ou  d’une  livre  et 
demie  de  cuivre  rouge  ; mais  il  faut  être 
très- réservé  sur  l’emploi  de  ce  demi- métal, 
dont  la  quantité  ne  peut  être  déterminée 
que  par  des  essais  qui  exigent  de  la  sagacité 
et  sur-tout  beaucoup  d’habitude  de  la  part 
de  l’ouvrier. 

Le  bismuth  qui  est  naturellement  fort 
Tome  IL  Y 


338 

/RECHERCHES 

sec  , donne  beaucoup  de  roideur  à l’étain  , 
et  en  le  rendant  très- blanc,  très  brillant , 
il  contribue , ainsi  que  le  cuivre , à faire  un 
alliage  bien  sonnant  ; cependant  malgré 
ces  belles  qualités , les  potiers  d’étain  n’em- 
ploient cette  substance  demi -métallique 
que  le  moins  qu’ils  peuvent,  par  la  raison, 
disent-ils , qu’il  rend  l’étain  trop  sec  et  trop 
cassant  ; à la  bonne  heure  , mais  on  peut 
en  soupçonner  une  autre  , dont  ils  ne 
conviennent  cependant  pas  5 c’est  que  le 
bismuth  étant  plus  cher  que  l’étain  , et 
pouvant  très- bien  être  remplacé  par  le 
zinc  , autre  demi- métal  qui  se  vend  beau- 
coup moins  cher , ds  donnent  toujours  la 
préférence  à ce  dernier  $ mais  en  supposant 
que  la  cupidité  les  porte  à donner  quelque- 
fois l’exclusion  au  premier , il  faut  leur 
pardonner  j car,  sans  le  savoir,  ils  rendent 
service  à leurs  concitoyens  : parce  que  le 
bismuth  , dont  on  connoît  déjà  quelques 
mauvais  effets  , lorsqu’on  l’applique  exté- 
rieurement , a beaucoup  trop  de  rapports 
chimiques  avec  le  plomb  , pour  qu’on  ne 
puisse  pas  le  soupçonner  de  partager  quel- 
ques-unes de  ses  mauvaises  qualités. 


I 


SUR  L ’ ÉTAIN. 


S.  V. 


Proportions  du  zinc . 

On  a long- temps  employé  le  zinc  sans  le 
connoître.  Les  anciens  peuples  de  l’Asie , 
de  l’Egypte  , les  Grecs  , les  Romains  fai- 
soient  un  grand  usage  du  métal  mixte  , 
que  nous  appelons  cuivre  jaune  ou  laiton  ; 
et  quoiqu’on  ne  trouve  dans  les  anciens 
auteurs  que  très-peu  de  détails  sur  la  ma- 
nière dont  les  fondeurs  grecs  s’y  prenoient 
pour  faire  leur  auricalcum  , on  voit  cepen- 
dant qu’ils  y faisoient  entrer  la  cadmie  des 
fourneaux  et  la  cadmie  naturelle  que  nous 
nommons  calamine.  Or  ces  cadmies  em- 
ployées dans  l’antiquité  pour  convertir  le 
cuivre  rouge  en  cuivre  jaune  , et  dont  nos 
fondeurs  se  servent  encore  aujourd’hui 
pour  opérer  le  même  effet , ne  sont  autre 
chose  que  du  zinc  ; sorte  de  demi- métal 
que  les  modernes  n’ont  commencé  à bien 
connoître  que  vers  le  milieu  du  dix-septième 
siècle,  époque  à laquelle  les  cornmerçans 
européens  en  apportèrent  une  grande 
quantité  des  Indes  orientales.  Devenu  alors 
très-commun  , les  chimistes  le  soumirent 

Y a 


i 


/*• 


34o  RE  'CHERCHES 

à différentes  expériences,  qui  leur  apprirent 
bientôt,  qu’en  le  faisant  fondre  avec  le 
cuivre  rouge  , on  obtenoit  constamment 
du  cuivre  jaune  plus  ou  moins  foncé.  On 
avoit  jusque-là  méconnu  la  substance  que 
les  cadmies  fournissoient  dans  l’opération 
pratiquée  pour  la  fabrique  du  laiton  : les 
yeux  s’ouvrirent  , la  cadmie  fossile  ou 
calamine  qu’on  avoit  toujours  régardée 
comme  une  pierre  non  métallique  , fut 
mise  , avec  juste  raison  , au  rang  des 
mines  , et  jugée  pour  être  celle  du  zinc  $ 
tandis  que  la  cadmie  des  fourneaux  , qui 
n’étoit  pour  les  naturalistes  qu’une  suie 
métallique  , fut  reconnue  pour  être  une 
vraie  chaux  de  ce  demi- métal , qui  n’est 
pas  le  seul  de  sa  classe  que  les  anciens 
aient  employé  sans  en  connoître  la  forme 
métallique. 

Le  zinc  a , selon  les  ouvriers , la  propriété 
de  blanchir  l’étain , et  de  le  dégraisser  ; c’est 
leur  terme  : mais  comme  il  est  important 
pour  eux  de  ne  pas  aller  au-delà  du  point 
requis  , ils  sont  très-circonspects  dans  l’ad- 
dition de  ce  demi-métal , et  rarement  vont- 
ils  jusqu’à  demi-livre  par  cent , même  en 
supposant , comme  nous  faisons  ici , qu’ils 


SUR  X.  ’ É T Al  K.  3^1 

ont  à mettre  en  œuvre  un  étain  aussi  mou 
que  celui  qui  nous  est  apporté  des  Indes. 

Les  potiers  d’étain  ont  différentes  ma- 
nières d’employer  le  zinc;  les  uns  fondent 
ensemble  sept  livres  d’étain  et  une  livre  de 
zinc  , ce  qui  leur  donne  une  masse  dont 
ils  prennent , selon  le  besoin  , des  portions 
plus  ou  moins  grandes , pour  les  ajouter 
à une  quantité  donnée  d’un  étain  qu’ils 
jugent  en  avoir  besoin  ; d’autres  décapent 
une  lame  de  cuivre  rouge  qu’ils  étament 
fortement  de  zinc  : méthode  qui  a du 
rapport  avec  la  suivante.  Enfin  d’autres 
emploient  le  laiton  ou  cuivre  jaune  , que 
nous  savons  être  un  mélange  de  cuivre 
rouge  et  de  zinc  (1). 

Mais  quelle  que  soit  la  méthode  adoptée 
pour  introduire  du  zinc  dans  l’étain  , je  le 
répète  , le  point  essentiel  est  de  ne  l’em- 
ployer qu’avec  sagesse  ; l’expérience  et 
mieux  encore  les  essais  , pouvant  seuls  en 
déterminer  la  proportion. 

(1)  Je  ne  parle  pas  de  la  limaille  d’épingles  , dont 
se  servent  quelques  potiers  d’étain , parce  que  cette 
limaille  n’est  autre  chose  que  du  laiton. 


Y 3 


34  2 


recherches 


S.  V I. 

Proportions  du  plomb. 

L e plomb  est  une  substance  métallique 
qui  , selon  les  ordonnances  , ne  doit  point 
être  alliée  à Pétain  fin  , et  que  l’usage  seul 
autorise  à faire  entrer  dans  les  ouvrages 
qui  se  vendent  sous  le  nom  d’étain  com- 
mun et  sans  que  la  loi  en  fasse  mention. 
Cependant,  comme  elle  n’a  permis  la  vente 
d’un  étain  commun  , que  pour  donner  au 
citoyen  peu  aisé  , la  facilité  de  se  procurer 
à meilleur  marché  , la  vaisselle  dont  il  a 
besoin  dans  son  petit  ménage  , on  a cru 
sans  doute  ne  pouvoir  remplir  cette  vue 
qu’en  ajoutant  du  plomb  à l’étain. 

Mais  la  loi  , en  permettant  dans  ce  cas 
d’employer  comme  alliage  cette  substance 
métallique  , a prescrit  des  bornes  que  le 
potier  d’étain  ne  peut  franchir  sans  se 
rendre  coupable $ elle  veut,  cette  sage  loi  , 
que  l’étain  commun  soit  bien  aloyé , de 
telle  sorte  qu’il  puisse  venir  à la  j'on- 
deur  de  l’essai  avec  la  blancheur  requise 
et  accoutumée  de  tout  temps  et  ancienneté. 
Je  me  suis  adressé  à divers  maîtres  potiers 


sur  l’étain.  343 

d’étain,  honnêtes-gens  , très-instruits  dans 
leur  art  ; et  j’ai  appris  d’eux  que  pour  faire 
l’étain  commun , l’ancien  usage  étoit  d’a- 
jouter à un  quintal  d’étain  fin,  sept  ou  huit 
livres  de  plomb , mais  qu’à  cet  égard  les 
choses  a voient  bien  changé  , ainsi  que  je 
le  démontrerai  dans  la  suite. 

S-  VII. 

Des  proportions  du  régule  d’antimoine . 

& 

J’ai  mis  le  régule  d’antimoine  au  nombre 
des  substances  qui  s’allient  à l’étain  j mais 
je  crois  , d’après  différens  essais  que  j’ai 
faits,  que  les  potiers  d’étain  n’en  font  point 
entrer  dans  la  vaisselle  , et  que  s’ils  eu 
emploient  quelquefois  , c’est  avec  bien  de 
la  réserve. 

Le  régule  d’antimoine  rend  l’étain  aigre 
et  cassant , et  les  potiers  ne  se  servent 
guère  de  ce  mélange  que  pour  faire  des 
cuillers  très-fragiles , qui  se  vendent  sous 
le  nom  de  cuillers  d’étain  ou  de  métal. 


544 


recherches 


s.  VIII. 


De  V étain  Jin  et  de  l’étain  commun. 


Actuellement  que  je  counois  les  dif- 
férentes matières  que  les  maîtres  potiers 
sont  dans  l’habitude  d’ajouter  à l’étain 
pour  le  rendre  propre  aux  usages  auxquels 
on  le  destine , je  pourrois  facilement  me 
former  une  idée  assez  juste  de  ce  qu’ils 
appellent  étain  , s’ils  n’ayoient  à mettre  en 
œuvre  que  de  l’étain  de  Banca  et  de  Ma- 
laca.  Cent  livres  de  l’un  ou  de  l’autre  , 
deux  livres  ou  deux  livres  et  demie  de 
cuivre  , quelques  onces  de  zinc  ou  de 
bismuth,  point  de  plomb,  tel  seroit  l’étain 
qu’on  nous  vendroit  sous  la  marque  d’é- 
tain fin. 

Mais  pour  parvenir  à ce  point  de  perfec- 
tion , il  faudroit  que  nos  ouvriers  n’eussent 
d’autre  étain  à mettre  en  œuvre  que  celui 
qui  leur  seroit  apporté  des  Indes  ; car  tant 
qu’ils  auront  le  gros  saumon  d’Angleterre , 
à meilleur  compte  que  l’étain  de  Banca  et 
de  Malaca  , ils  lui  donneront  toujours  la 
préférence.  Or  ces  saumons  nous  arrivent 


sur  n ’ étain.  345 

déjà  alliés  à du  cuivre  , et  même  , selon 
Geoffroy  , souvent  à du  plomb  , quoique 
nous  n’en  n’ayons  pas  rencontré  de  cette 
dernière  espèce.  Les  premiers  peuvent  donc 
être  employés,  tels  que  nous  les  recevons, 
à faire  de  la  vaisselle  , sauf  à l’ouvrier 
d’augmenter  la  roideur  de  cette  sorte 
d’étain  , en  y ajoutant  un  peu  de  bismuth  , 
ou  même  un  peu  de  cuivre  jaune  : enfin 
nous  devons  regarder  les  gros  saumons  qui 
n’ont  point  reçu  de  plomb  , comme  étant , 
à peu  de  chose  près  , au  titre  de  Pétain  fin  , 
abstraction  faite  du  cinq  cent  soixante- 
seizième  de  régule  d’arsenic , qui  est  la  plus 
grande  proportion  où  j’aie  trouvé  cette 
substance. 

Quant  à l’étain  commun,  le  travail  n’en 
seroit  pas  plus  compliqué  ; l’honnête  ou- 
vrier jugeroit  ce  que  l’étain  fin  qu’il  auroit 
fait  avec  les  étains  de  Banca  ou  de  Malaca  , 
ou  même  avec  le  gros  saumon  anglais  , 
pourroit  porter  de  plomb  , ce  qui  iroit 
depuis  six  jusqu’à  liuit  livres  au  plus,  et 

les  faisant  fondre  ensemble  , il  en  obtien- 

\ 

droit  une  matière  propre  à être  convertie 
en  toutes  sortes  d’ustensiles  et  pièces  de 
vaisselle , qu’il  pourroit  vendre  sous  le 


3/(6  recherches 

titre  d’étain  commun , à meilleur  marché 
que  l’étain  fin. 

Tel , à peu  de  chose  près  , seroit  l'étain 
fin  et  commun  que  nous  voyons  étalé  sous 
toutes  sortes  de  formes  dans  les  boutiques  , 
si  les  maîtres  n avoient  que  de  l'étain  pur 
et  même  du  gros  saumon  de  bonne  espèce 
à mettre  en  œuvre  ; mais  pour  l’ordinaire 
c’est  le  vieux  étain  qu’ils  emploient  en  le 
faisant  refondre. 

S-  I X. 

4 

Du  vieux  étain . 

Qu  oique  l’usage  de  l’étain  soit  devenu 
chez  nous  beaucoup  moins  fréquent  qu’au- 
trefois  , la  quantité  qui  s’en  trouve  dans  le 
royaume  ne  laisse  pas  que  d’être  encore 
très-forte.  Les  maisons  religieuses  de  l’un 
et  l’autre  sexe  , les  collèges  , la  plupart  des 
communautés  , les  hôpitaux  n’emploient 
pas  d’autre  vaisselle  : il  est  peu  de  ventes 
après  décès  où  il  ne  s’en  trouve  , sinon  en 
vaisselle  de  tables  , du  moins  en  ustensiles 
de  cuisine  et  d’office  : combien  ne  faut- il 
pas  , dans  une  ville  telle  que  Paris,  et  dans 
un  royaume  tel  que  la  France , de  mesures 


SUR  -L’ETAIN.  347 

pour  les  liquides.  Or  toutes  ces  mesures, 
depuis  le  pot  jusqu’à  la  roquille  , sont 
d’étain , les  sorbetières  pour  les  glaces  , les 
chapiteaux  d’alambics  , les  cucurbites  à 
bain-marie  , les  serpentins  sont  également 
de  ce  métal  ; enfin  on  voit  chez  les  citoyens 
qui , dans  cette  capitale  et  dans  les  autres 
villes  du  royaume  , acquièrent  par  leur 
travail  une  petite  aisance,  quelque  peu  de 
vaisselle  d’étain,  et  il  s’en  trouve  beaucoup 
chez  les  habitans  de  nos  campagnes. 

Ainsi  l’étain  ouvré  qui  se  trouve  dans 
toute  l’étendue  delà  France,  forme  encore 
aujourd’hui  une  masse  très-considérable  de 
vaisselle  et  d’ustensiles  que  l’usage  habituel 
oblige  de  temps  en  temps  de  reporter  à la 
fonte  , ou  que  des  circonstances  forcent  de 
vendre  à chaque  renouvellement  de  géné- 
ration. 

Le  vieux  étain  est  toujours  acheté  parles 
maîtres-ouvriers  , et  ils  font  grand  cas  de 
celui  qu’ils  reconnoissent  pour  être  de  la 
fin  du  dernier  siècle  ou  du  commencement 
de  celui-ci,  parce  que  ce  métal,  alors  fort 
à la  mode  , n’étoit  acheté  par  nos  pères  que 
sous  un  bon  titre  , et  qu’à  cette  époque  les 
ordonnances  étoient  suivies  , le fin  cuivre  , 


348 

RECHERCHES 

V étain  de  glace  et  peut-être  un  peu  de  zinc 
étoient  les  seuls  alliages  employés  ; tout  ce 
qui  portoit  le  titre  d’étain  lin  ne  contenoit 
pas  un  atome  de  plomb  ; et  si  un  maître 
potier  d’etain  étoit  convaincu  d’y  en  avoir 
introduit,  les  jurés  de  sa  communauté  le 
saisissoient , et  les  juges  prononçoient  une 
amende. 

Les  choses  ont  bien  changé  ; à mesure 
que  l’étain  est  devenu  d’un  usage  moins 
fréquent  parmi  nous  , la  communauté  des 
maîtres  potiers  d’étain  s’est  beaucoup  relâ- 
chée , et  le  public  étant  moins  difficile  , 
moins  plaignant  , la  police  est  devenue 
moins  sévère  sur  le  fait  de  l’étain  ouvragé. 
Depuis  soixante  ans  la  qualité  de  l’étain  lin 
et  commun  a baissé  de  jour  en  jour  , au 
point  qu’en  examinant  diverses  pièces  de 
vaisselle  achetées  chez  différens  maîtres, 
sous  le  titre  d’étain  lin  , j’y  ai  trouvé  cinq  , 
six  , sept  et  huit  livres  de  plomb  par  quin- 
tal , et  quinze , vingt  et  vingt-cinq  livres 
par  quintal  d’étain  commun  : cette  dernière 
proportion  est  énorme  , sur-tout  lorsqu’on 
saura  que  je  l’ai  rencontrée  dans  les  mesures 
de  pinte  , de  chopine  , de  demi-setier  , 
dans  les  grands  bassins  dont  les  marchands 


i 


de  vin  se  servent  fréquemment  , dans  les 
sorbetières,  etc.  etc.  D’où  l’on  peut  con- 
clure qu’au  jourd’hui  notre  étain  fin  est  à 
peine  au  titre  de  l’étain  commun  du  siècle 
dernier  , et  que  notre  étain  commun  tient 
trois  fois  plus  de  plomb  que  celui  qui,  à la 
même  époque , se  vendoit  sous  le  même 
nom.  En  un  mot , l’abus  est  si  grand  , qu’il 
n’est  pas  rare  de  trouver  de  la  poterie 
d’étain  de  si  bas  aloi,  qu’on  pourroit  faci- 
lement la  prendre  pour  de  la  claire  étoffe, 
sorte  d’alliage  qu’il  nous  reste  à faire  con- 
noître. 

S.  X. 

De  la  claire-  étoffe. 

On  trouve  chez  les  potiers  d’étain  un 
mélange  fait  à-peu-près  à parties  égales  de 
plomb  et  d’étain  , qu’ils  nomment  claire- 
étoffe  ou  simplement  claire  ; tous  assurent 
que  cette  composition  n’est  j amais  employée 
à faire  des  ustensiles  de  cuisine  ou  de  table  • 
qu’ils  en  font , à la  vérité  , des  moules  de 
chandelles  , mais  qu’ils  n’en  vendent  en 
détail  que  comme  soudure.  J’avouerai 
qu’ayant  examiné  un  grand  nombre  de 


35o  RECHERCHES 

pièces  d’étain  , je  n’en  ai  rencontré  aucune 

d’aussi  bas  aloi  ; mais  dans  quelle  classe 

les  potiers  d’étain  eux-mêmes  rangeroient- 

ils  des  ustensiles  de  ménage  , vendus 

comme  bon  étain , dans  lesquels  j’ai  trouvé 

depuis  vingt , jusqu’à  vingt-cinq  livres  de 

plomb  par  quintal  ? Si  un  pareil  alliage 

n’est  pas  de  leur  claire  - étoffe  , il  faut 

avouer  qu’il  n’en  est  pas  très- éloigné , et 
% 

il  prouve  incontestablement  qu’à  cet  égard 
l’abus  a été  porté  à son  comble  par  la  cu- 
pidité des  vendeurs  , et , peut-être  aussi  , 
car  il  faut  tout  dire  , par  la  lésine  des 
acheteurs  , qui  , peu  attentifs  à la  qualité  9 
recherchent  singulièrement  le  bon  marché. 

§.  X I. 

Des  divers  moyens  qu’on  peut  employer 
pour  reconnoître  les  substances  alliées  à 
L’étain  et  en  faire  le  départ. 

Il  est  peu  de  chimistes  qui  ne  se  soient 
exercés  à ramener  l’or  et  l’argent  à leur 
degré  de  pureté  absolue  , que  l’orfèvre  et 
le  monnoyeur  sont  obligés  d’altérer  toutes 
les  fois  qu’ils  veulent  les  mettre  en  œuvre. 
Rien  de  plus  curieux  et  sur- tout  de  plus 


SUR 


l’étain.  35 1 

important  que  l’affinage  des  deux  métaux 
qui , depuis  un  grand  nombre  de  siècles  , 
semblent  tenir  lieu  de  tout  chez  les  hommes  ; 
aussi , à quel  point  de  perfection  l’art  des 
essais  n’est-il  pas  arrivé  ? Mais  avouons- 
le  , le  haut  prix  de  l’or  et  de  l’argent  a, 
bien  plus  que  la  curiosité  , et  même  que 
le  désir  d’étendre  les  connoissances,  excité 
les  chimistes  à sacrifier  leurs  veilles  à ce 
genre  de  travail;  aussi  voyons  nous  qu’ayant 
tout  fait  pour  les  précieux  métaux,  ils  ne  se 
sont  presque  pas  occupés  de  la  purification 
des  métaux  imparfaits  , dont  le  prix  et 
l’importance  qu’on  y attache  ,ne  répondent 
point  du  tout  à leur  utilité.  / 

Les  frais  qu’on  est  obligé  de  faire  pour 
affiner  l’or  et  l’argent,  sont  compensés  par 
la  valeur  de  l’un  et  l’autre  métal , avantage 
qui  ne  peut  se  trouver  à l’égard  de  l’étain  , 
dont  une  livre  alliée  au  cuivre  ou  au  plomb 
exigeroit , pour  être  ramenée  à son  degré 
de  pureté  absolue  , une  dépense  qui  excé- 
deroit  sept  à huit  fois  sa  valeur. 

Des  circonstances  telles  que  celles  où  je 
me  suis  trouvé  , pouvoient  donc  seules 
m’engager  à chercher  les  moyens  de  séparer 
de  ce  métal  les  diverses  substances  qu’on 


35  2 RECHERCHES 

est  dans  l’usage  d’y  ajouter  pour  le  rendre 
propre  à être  converti  en  vaisselle.  Ces 
recherches  , que  j’ai  été  obligé  de  faire 
pour  compléter  mon  travail , ont  exigé  et 
du  temps  et  des  peines  , dont  j’ai  été  am- 
plement récompensé  par  une  foule  de 
phénomènes  très  - intéressans  , qui,  jus- 
qu’ici , n’avoient  point  été  aperçus  des 
chimistes. 

Je  vais  rendre  compte  de  ceux  qui  peu- 
vent servir  à faire  reconnoître  la  nature  et 
les  proportions  des  alliages  ; mais  , dans  la 
crainte  de  trop  écarter  les  lecteurs  de  ce 
but  , je  passerai  sous  silence  ceux  qui  ne 
seroient  propres  qu’à  satisfaire  la  curiosité. 

Geoffroy  , dans  le  mémoire  indiqué  , a 
tâché  de  répandre  du  jour  sur  les  essais  de 
l’étain  , en  traitant  ce  métal  par  la  calci- 
nation j mais  ses  efforts  ont  été  vains  , ou 
du  moins  , ils  se  sont  réduits  à faire  con- 
noître  que  l’étain  pur  donnoit  une  chaux 
très-blanche,  tandis  que  celles  qu’il retiroit 
des  étains  fin  et  commun  , ainsi  que  du 
gros  saumon  , ce  prenoient  des  teintes  qui 
3>  s ’éloign oi en t du  blanc  parfait , à pro- 
» portion  de  V alliage  qui  , se  calcinant 
33  avec  le  véritable  étain  , le  salit  de  la 

33  couleur 


V 


sur  u’étath.  353 

% , - r 

4>»  couleur  que  cet  alliage  prendroit  s’il 
>3  étoit  calciné  seul ».  C’e>t  ainsi  que  s’ex- 
prime ce  chimiste  , ù la  page  122  des 
rué  ni.  de  V académie  roy . des  sciences  , 
vol.  1738. 

J’ai  calciné  de  l’étain  pur  et  de  l’étain 
allié  de  toutes  les  manières  ; mais  n’ayant 

» 1 \ 

en  effet  remarqué  dans  leurs  chaux  que  les 
nuances  des  différentes  teintes  annoncées 
par  Geoffroy,  j’ai  abandonné  ce  procédé 
qui  me  donnoit  beaucoup  de  peines  • et  le 
regardant,  avec  juste  raison  , comme  très- 
dispendieux  et  très  inutile  , j’ai  eu  recours 
aux  acides  qui  ont  absolument  rempli  mes 
vues.  C’est  ce  dont  il  me  reste  à rendre 
compte. 

$.  XII. 

Départ  du  cuivre  d'avec  l’étain , par  l’eau 
régale  et  V acide  marin. 

C> 

■ • - -1  . - -y 

Le  départ  des  métaux  parfaits  ou  impar- 
faits est  fondé  sur  le  plus  ou  moins  de 
rapport  qu’ils  ont  avec  les  diffère  ns  acides 
dans  certaines  circonstances,  c’est-à  dire, 
suivant  le  degré  d’ appropriation  qui  se 
trouve  naturellement  entre  eux,  ou  que 
l’art  parvient  à leur  donner. 

110016  IL  & 


i 


3 54  r ECHERCIIES 

Si  dans  une  dissolution  de  enivre  par 
l’eau  régale  , par  l’acide  marin  , et  même 
par  celui  du  vitriol,  on  introduit  une  lame 
d’étain , on  précipitera  en  peu  temps  , sous 
sa  couleur  naturelle  , tout  le  cuivre  uni  à 
ces  acides» 

On  voit  par-là, que  le  chimiste  a des 
moyens  sûrs  pour  retrouver  une  quan- 
tité quelconque  de  cuivre  recélée  dans 
une  masse  d’étain.  J’en  vais  citer  deux 
exemples. 

Que  l’on  prenne  ïoo  grains  d’une  masse 
d’étain  pur  allié  à une  livre  et  demie  de 
cuivre  par  quintal  , qu’ils  soient  réduits 
en  une  lame  très-mince  que  l’on  divisera 
en  trois  portions  à peu  près  égales. 

La  première  étant  mise  dans  une  capsule 
de  verre  , chargée  de  3 gros  d’une  bonne 
eau  régale  , l’on  ne  tardera  pas  à voir  un 
mouvement  d’effervescence  qui , augmen- 
tant tout-à-coup,  la  fera  disparoître  en  un 
instant.  On  ajoutera  la  seconde  qui  , ainsi 
que  la  première  , se  dissolvera  en  très-peu 
de  temps  ; à cette  seconde  on  fera  suc- 
céder la  troisième  qui,  étant  entièrement 
dissoute  , laissera  apercevoir  une  liqueur 
•verte  , mais  très-limpide  , parce  que  l’acide 


5 tr  R 1*  É T A I T*;  355 

y domine  ; si  , dans  cette  liqueur  verte,  on 
introduit  l’extrémité  d’une  laine  d’étain, 
pur  , on  la  verra  bientôt  se  couvrir  d’une 
pellicule  cuivreuse , que  l’on  détachera  en 
portant  et  en  agitant  l’extrémité  de  cette 
même  lame  dans  un  verre  d’eau  , ce  qu’on, 
répétera  jusqu’à  ce  qu’il  cesse  de  s’y  atta- 
cher du  cuivre  : on  en  obtiendra  un  grain 
et  demi  , c’est-à-dire,  la  quantité  précise 
qui  a été  introduite  dans  les  100  grains 
d’étain. 

Si,  au  lieu  d’eau  régale  forte,  on  en  em- 
ploie la  même  qui ntité  , en  y ajoutant 
3 gros  d’eau  distillée,  la  dissolution  des 
laines  d’étain  se  faisant  lentement  et  sans 
chaleur  sensible  , l’étain  seul  se  dissolvera 
et  le  cuivre  demeurant  intact  , paroîtra 
sous  la  forme  d’une  poudre  presque  noire, 
qui  , édulcorée  et  séparée  de  tout  le  sel 
d'étain,  offiira  également  le  grain  et  demi 
de  métal  entré  dans  l’alliage. 

On  réussira  également  bien  à faire  ce 
départ , si  au  lieu  d’eau  régale  , on  emploie 
l’acide  du  sel  marin  , soit  à froid  , soit  à 
chaud  , par  la  raison  que  ce  dissolvant  a 
bien  plus  d’affinité  avec  l’éiain  qu’avec  le 
cuivre. 

Z % 


l56  RECHERCHES 

Si  donc  on  expose  à son  action  100  grains 
de  la  masse  d’etain  allié  comme  je  l’ai  indi- 
qué dans  le  précédent  exemple  , on  peut 
être  assuré  que  l’étain  se  dissoudra  entière- 
ment , et  que  le  cuivre  restera  intact  sous 
forme  de  poudre  grise. 

Le  point  essentiel  pour  bien  réussir  est, 
i°.  de  ne  pas  employer  une  trop  grande 
quantité  d’acide  :^ans  l’opération  ; zQ.  de 
procéder  à froid,  quoiqu’avec  de  la  pré- 
caution , on  puisse  arriver  au  même  but 
en  posant  le  matras  sur  du  sable  chaud  ; 
3°.  il  faut  tâcher  de  saisir  avec  le  plus  de 
précision  qu’on  pourra  , le  moment  où  l’a- 
cide cesse  de  rencontrer  de  l’étain,  parce 
que  si  la  quantité  de  l’acide  étoit  par  trop 
surabondante  , son  action  pourroit , quoi- 
que lentement , se  porter  sur  le  cuivre  , et 
à la  longue  finir  par  en  dissoudre  entière- 
ment le  grain  et  demi , qui  est  l’objet  de  la 
recherche. 

S.  XIII. 

"Départ  du  bismuth  et  du  zinc. 

Ce  que  je  viens  de  dire  sur  le  départ  du 
cuivre,  peut  s’appliquer  au  bismuth  , qui 


sur.  i/etatist.  35  f 

étant  dissous  dans  l’eau  régale  forte,  en  peut 
être  précipité  par  l’étain  en  une  poudre 
noire. 

Que  l’on  mette  dans  une  capsule  de  verre 
3 gros  d’une  eau  régale  de  bonne  force  et 
qu’on  y ajoute  en  trois  terns  100  grains 
d’étain  allié  à rhr  de  bismuth  , la  dissolu- 
tion , quoique  retardée  par  la  présence 
de  ce  dernier,  se  fera  cependant  très-bien  j 
elle  sera  très-limpide , et  on  pourra  , par  le 
moyen  d’une  lame  d’étain  pur  , en  préci- 
piter le  demi-métal  sous  la  forme  d’une 
poudre  noire  ; enfin  si , à de  l’eau  régale 
forte  , on  substitue  de  l’eau  régale  affoiblie 
avec  la  moitié  de  son  poids  d’eau  distillée , 
l’étain  entrera  seul  en  dissolution , et  le  bis* 
inuth  notant  pas  touché  restera  au  fond  du 
vase  en  poudre  très-noire. 

Ce  moyen  de  départ  est  fondé  sur  ce 
que  le  bismuth  ne  se  dissout  pas  facilement 
dans  l’eau  régale  , sur-tout  lorsqu’on  opère 
comme  je  fais , sans  le  secours  du  feu  • 
aussi  se  présente -t- il  dans  la  dissolution 
d’un  alliage  de  ce  demi-métal  avec  l’étain, 
un  phénomène  que  je  crois  devoir  faire 
connoître. 

L’eau  régale  forte  agit  , même  à froid  P 

Z 3 


358 


recherches 


sur  l’étain  pur  en  un  instant , et  le  mouve- 
ment est  si  vil , que  la  main  en  peut  à 
peine  supporter  le  degré  de  chaleur  : l’eau 
l’égale  affoiblie  de  partie  égale  d’eau  dis- 
tihee,  agit  sur  ce  même  étain  pur  avec 
lenteur  j l’effervescence  est  sensible  , mais 
elle  se  fait  sans  chaleur  apparente  , tel- 
lement que  5o  grains  d’étain  qui  peuvent 
être  dissous  en  moins  de  deux  minutes 
dans  l’eau  régale  forte  , exigeroit  plu- 
sieurs heures  pour  l’être  dans  l’eau  régale 
affoiblie. 

Mais  les  choses  se  passeront  bien  diffé- 
remment , si  au  lieu  d’opérer  sur  de  l’étain, 
pur,  on  opère  sur  un  étain  allié  à tLt  de 
bismuth.  L’eau  régale  forte , la  même 
enfin  que  celle  qui  dissout  si  vite  l’étain 
pnr,  agira  sur  l’alliage  avec  une  lenteur 
vraiment  surprenante. Leslames  ne  tardent 
pas  à devenir  noires , mais  le  mouvement 
d’effervescence  est  à peine  sensible  j aussi 
emploiera  t-on  au  moins  quatre  ou  cinq 
heures  pour  obtenir  la  dissolution  totale 
de  3o  grains  d’un  étain  allié  à ^ de  bis- 
muth. Si,  pour  opérer  la  dissolution  de  ces 
mêmes  3o  grains  ,on  emploie  au  contraire 
de  l’eau  régale  affoiblie,  l’étain  seul  sera 


dissous  vers  le  quatrième  jour,  et  le  bis- 
muth demeurant  intact  pourra  facilement 
être  retiré  5 phénomène  et  résultat  qui  doi- 
vent déterminer  le  chimiste  à donner  la 
préférence  à ce  dernier  procédé. 

D’après  la  propriété  bien  reconnue,  qu’a 
l’étain  de  précipiter  le  cuivre  et  le  bismuth 
dissous  dans  l’eau  régale  ou  l’acide  marin, 

il  seroit  assez  naturel  de  regarder  ces  acides 

< 

comme  les  plus  propres  à départir  ces  deux 
substances  d’avec  l’étain  qui  se  vend  sous 
toutes  sortes  de  forme  chez  nos  potiers 
d’étain  • mais  il  se  présente  trop  de  diffi- 
cultés pour  que  j’ose  conseiller  d’employer 
ce  moyen , qui  ne  réussiroit  qu’à  demi  hors 
des  laboratoires  de  chimie,  et  même  entre 
les  mains  de  simples  amateurs  qui  vou- 
droient  essayer  de  l’étain  ouvré  , dans 
lequel  sont , pour  l’ordinaire  , rassemblées 
toutes  les  substances  métalliques  et  sémi- 
métalliques  qu’on  est  dans  l’habitude 
d’allier  à ce  métal  ; ce  qui  met  la  masse 
dans  un  état  d’ appropriation  peu  conve- 
nable au  départ  qu’on  voudroit  en  faire 
par  l’acide  marin  ou  par  l’eau  régale. 

Cependant  si  on  examine  un  étain  fin , 
allié  au  titre  de  la  loi,  c’est-à-dire,  au 

Z 4 


36o  RECHERCHES 

cuivre  et  au  bismuth,  et  qu’on  procède} 
ainsi  que  je  l’indique  , par  l’eau  régale  ou 
l’esprit  de  sel,  on  peut  être  sûr  que  la 
petite  portion  de  poudre  qu’on  obtiendra,1 
contient  le  métal  et  le  demi-métal  qui  font 
l’objet  de  la  recherche  , et  qu’on  parvien- 
dra à les  séparer  très-exactement,  en  ver- 
sant sur  la  poudre  édulcorée  et  séchée, 
une  quantité  suffisante  d’alkali  volatil 
liquide , qui  se  saisira  du  cuivre  , sans  tou- 
cher au  bismuth.  Un  instant  d’évapora- 
tion suffira  pour  dissiper  tout  le  sel  volatil 
et  faire  paroître  le  cuivre  sous  la  forme 
de  chaux  , en  sorte  que  ces  deux  subs- 
tances pourront  séparément  être  soumises 
à la  balance. 

A l’égard  du  zinc  , n’y  ayant  pas  entre 
lui  ét  l’étain  une  très-grande  différence  de 
rapport  avec  ces  acides,  il  s’ensuit  que  ce 
demi-métal  ne  se  prête  pas  au  départ  dont 
je  parle  ; ce  qui  devient  assez  peu  impor- 
tant , parce  que  je  sais  que  le  zinc  ne  peut 
être  introduit  dans  l’étain  que  dans  une 
très-foible  proportion  , et  de  plus  que  l’on 
a déjà  acquis  des  connoissances  sur  son 
innocuité  dans  l’économie  animale. 


SUR  ï/ÉTAl  Xï  36 1 


$.  XIV. 

Trocédé  pour  dépanir  le  plomb  d'avec 

l} étain. 

Le  plomb  dont  on  fait  un  grand  usage 
dans  cette  capitale,  et  dont  en  effet  on 
ne  peut  se  passer  dans  mille  circonstances, 
ne  devroit  jamais  entrer  comme  alliage 
dans  l’étain  employé  à fabriquer  la  vaisselle 
ou  tous  autres  ustensiles  destinésà  préparer 
ou  à conserver  nos  alimens.  Mais  une 
foible  analogie  entre  les  caractères  exté- 
rieurs de  ces  deux  métaux  , et  sur- tout  le 
bas  prix  du  premier  ont  tenté  la  cupidité  ; 
le  désordre  s’en  est  suivi  , et  le  plomb  a été 
introduit  dans  l’étain  à des  proportions  qui 
peuvent  rendre  ce  mélange  dangereux  pour 
l’économie  animale  ; ajoutons  à cela  que 
c’est  un  vol  manifeste  fait  au  public,  à qui 
on  vend  , sous  le  nom  de  bon  étain  , une 
grande  quantité  de  plomb  , à raison  de 
quarante  et  quarante- cinq  sous  la  livre, 
tandis  que  cette  même  livre  en  vaut  à 
peine  six.  On  sent  donc  combien  il  étoit 
important  de  trouver  un  moyen  propre  à 
constater  , selon  les  règles  d’une  dociinas- 


3 6%  RECHERCHES 

tique  exacte , la  quantité  réelle  de  ce  vil  et 
dangereux  métal,  introduite  dans  un  étain 
quelconque. 

L’eau  régale  n’est  pas  un  dissolvant  con- 
venable pour  départir  le  plomb  d’avec 
l’étain  5 car  quoiqu’elle  ne  paroisse  pas 
avoir  une  action  bien  marquée  sur  le  pre- 
mier de  ces  deux  métaux  , même  au  degré 
de  chaleur  qui  la  fait  bouillir  , elle  en 
opère  cependant  fort  vite  la  dissolution , 
lorsqu’il  est  uni  à trois  parties  d’étain  : 
phénomène  très  remarquable  dont  je  ne 
puis  m’empêcher  de  donner  un  exemple. 

J’avois  exposé  plusieurs  fois  à l’action 
de  l’eau  régale  , tantôt  forte  , tantôt  affoi- 
blie  , cent  grains  d’un  étain  pur  allié  à 
vingt-cinq  livres  de  plomb  par  quintal,  et 
la  dissolution  totale  s’en  étoit  toujours  faite 
avec  facilité,  soit  à froid,  soit  à chaud. 

D’un  autre  côté  , j’ai  essayé  de  faire  dis- 
soudre dans  de  la  même  eau  régale  forte, 
3 grains  seulement  de  plomb  ; le  matras 
étant  sur  du  sable  très-chaud  , bientôt  il 
s’excita  un  mouvement  d’ébullition  qui  me 
parut  d’abord  être  celui  d’une  efferves- 
cence ; mais  après  trois  heures  de  feu  , les 
petits  filets  de  plomb  ne  me  paroissant  ni 


sur.  l’état  N.  363 

diminues,  ni  corrodés,  je  pris  le  parti 
d’inlroduit  e dans  le  matras  9 grains  d’étain 
pur  , qui  , ainsi  que  les  3 grains  de  plomb  , 
furent  dissous  en  un  instant. 

Cette  expérience  , que  j’avois  répétée 
avec  succès,  tantôt  à froid  , tantôt  à chaud, 
tantôt  avec  l’eau  régale  affoibiie,  sur  2 5 
grains  de  plomb  , et  grains  d’étain  pur, 
présente  un  fait  très-intéressant  ; elle  me 
fait  voir  un  métal  peu  soluble  dans  l’eau 
régale,  le  devenir  éminemment  à l’aide 
d’un  autre  métal  ; mais  elle  prouve  , ainsi 
que  je  l’ai  annoncé  , que  ce  dissolvant  ne 
peut  être  employé  pour  séparer  avec  pré- 
cision le  plomb  d’avec  l’étain. 

L’acide  marin  ayant  la  propriété  de  dis- 
soudre le  plomb,  même  dans  son  aggré- 
gation  métallique,  et  de  former  avec  lui 
un  sel  qui  cristallise  dès  que  la  liqueur  se 
refroidit  » pourroit  servir  à faire  le  départ 
dont  je  parle  ; mais  la  réduction  de  ce 
sel  présentant  quelques  diflicultés,  je  crois 
devoir  donner  un  procédé  qui  me  paroît 
mériter  la  préférence  sur  tous  ceux  que  je 
viens  de  décrire , parce  que  seul  il  peut 
opérer  la  séparation  de  toutes  les  subs- 
tances métalliques  et  sémi-métalliques  qui 


364  R E CHERCHES 

peuvent  avoir  été  introduites  dans  l’étain. 
Or  ce  procédé  est  celui  qui  s’exécute  avec 
l’acide  nitreux. 

Je  dois  rappeler  à mes  lecteurs  qu’en 
traitant  les  divers  étains  purs  , ou  des 
Indes  ou  d’Angleterre  , j’ai  fait  observer, 
i°.  que  l’acide  nitreux  les  attaquoit  avec 
une  vivacité  étonnante  , et  que  sans  les 
dissoudre  , il  les  convertissoit  en  une 
chaux  blanche  qui  , parfaitement  lavée 
et  égouttée  , formoit  , en  se  séchant  , 
une  sorte  de  gelée  demi  - transparente  ; 
2°.  qu’en  faisant  évaporer  l’eau  des  lavages, 
j’avois  obtenu  une  petite  quantité  d’un  sel 
que  j’ai  appelé  stanno-nitreux  , et  que  j’ai 
dit  avoir  la  propriété  de  s’allumer  , lors- 
qu'on l’échauffe  jusqu’à  un  certain  point  ; 
3°.  qu’en  traitant  également  avec  le  même 
acide  l’étain  qui  nous  vient  d’Angleterre 
en  gros  saumons,  en  faisant  évaporer  l’eau 
qui  avoit  servi  à laver  les  différentes  chaux, 
j’avois  obtenu  un  peu  de  sel  stanno-nitreux, 
et  que  j’étois  parvenu  àinettreà  nu  tout  le 
cuivre  qui  se  trouvoit  allié  à cette  sorte 
d’étain  5 4°*  enfin  j’ai  fait  remarquer  que 
les  gros  saumons  ou  baguettes  que  j’avo-is 
traités  par  ce  procédé,  ne  m’avoient  pas 


SUR 


L ’ É T A I K.  365 

donné  un  atome  de  nitre  à base  de  plomb  , 
d’où  j’ai  dès-lors  conclu  que  ce  dernier 
métal  n’y  avoit  pas  été  introduit. 

Ce  que  je  vais  dire  des  divers  étains 
convertis  en  vaisselle  par  nos  ouvriers  , va 
mettre  le  sceau  à la  démonstration  de  cette 
vérité. 

S.  X V. 

il lanière  de  s’assurer  de  la  quantité  de 
plomb  qui  aura  été  introduite  dans  un 
étain . 

Veut- o n s’assurer  de  la  quantité  de 
plomb  introduit  dans  un  étain  que  le 
simple  aspect  ou  la  pesanteur  spécifique 
annoncent  être  de  mauvais  aloi  ? il  suffira 
d’en  traiter  2 onces  avec  5 onces  d’un  bon 

i» 

acide  nitreux  : le  point  essentiel  est  que 
celui-ci  soit  bien  pur. 

La  chaux  d’étain  qu’on  obtiendra,  sera 
lavée  avec  quatre  livres  au  moins  d’eau 
distillée  , que  l’on  conservera  avec  soin. 
Cette  eau  tient  en  dissolution  le  cuivre  , le 
zinc  et  le  plomb  qui  ont  pu  être  alliés  à 
l’étain , le  seul  bismuth  a échappé  ; car 
quoiqu’il  ait  la  propriété  de  se  dissoudre 
dans  l’acide  nitreux , il  n’y  reste  cependant 


/ 


3 66  recherches 

pas  fortement  attaché  , et  l’on  sait  que 
pour  en  opérer  en  très-grande  partie  la 
séparation  , il  suffit  d’ajouter  à sa  disso- 
lution une  certaine  quantité  d’eau.  Mais 
comme  les  potiers  d’étain  ne  peuven  t abuser 
ni  du  bismuth,  ni  du  cuivre  , et  encore 
moins  du  zinc,  quoique  celui-ci  soit  à plus 
bas  prix  que  l’étain  , c’est  au  plomb  seul 
que  l’on  doit  ici  faire  attention  , le  but 
étant  de  bien  constater  la  quantité  qui 
en  a été  introduite  dans  l’étain  qu’on 
examine. 

Pour  y parvenir,  on  fera  évaporer  à la 
clialeur  du  bain-marie  , l’eau  qui  a servi  à 
laver  la  chaux  d’étain  , et  on  la  rapprochera 
jusqu’au  point  de  la  cristallisation  qui  , 
faite  à plusieurs  reprises  , donnera  plus 
ou  moins  de  nitre  à base  de  plomb. 

En  procédant  ainsi  sur  2 onces  de  dif- 
férées étains  , les  uns  m’ont  donné  3 gros 
et  demi  de  ce  sel , les  autres  4 gros  2 
scrupules;  quelques-uns  111’en  ont  fourni 
jusqu’à  6 gros , un  seul  en  a donné  8 gros 
et  demi. 

Pour  savoir  ce  que  chacun  de  ces  sels 
contenoit  de  plomb  , j’ai  pris  le  parti  de  les 
calciner,  et  par-là  les  priver  de  tout  l’acide 


SUR  l’  I T A I N.  36/ 

nitreux  qui  leur  ctôit  uni  ; cette  opération 
qui  peut  réduire  le  plomb  eu  massicot  et 
même  en  litharge , si  on  augmente  le  feu  , 
fit  perdre  à ces  divers  sels  la  moitié  de 
leur  poids 5 en  sorte  que  lésa  onces  d’étain 
q uim’avoient  donné  8 gros  et  demi  de  nitre 
saturnin  , contenoient  4 gros  io  grains  de 
plomb  ; mais  laissant  ces  18  grains  en  dé- 
falcation du  sel  stanno- nitreux  qui  se  sera 
trouvé  dans  le  nitre  saturnin,  et  d’un 
autre  côté  compensant  la  perte  qu'onessuie 
malgré  soi  dans  le  travail,  par  l’augmen- 
tation qu’éprouve  le  plomb  , en  se  conver- 
tissant en  litharge  , je  n’ai  compté  que  sur 
4 gros  ; d’où  il  résulte  que  l’étain  qui 
avoit  fourni  8 gros  et  demi  de  sel , conte- 
noit  vingt-cinq  livres  de  plomb  par  quintal  ; 
et  que  celui  dont  je  n’avois  retiré  que  6 
gros  du  même  sel  ne  contenoit  que  îtt  de 
ce  vil  métal. Or  c es  deux  derniers  exemples 
pris  dans  l’étain  commun  , me  font  con- 
noître  à quel  point  les  abus  ont  été  portés. 

Quant  à ceux  dont  j’ai  retiré  du  nitre 
saturnin  en  moindre  quantité  , ils  m’a- 
voient  été  vendus  pour  être  des  étains 
fins  , et  cependant  j’ai  eu  la  preuve  que 
celui  qui  étoit  le  moins  chargé  de 


368 


RECHERCHES 


plomb,  en  contenoit  environ  dix  livre» 
par  quintal. 

Ce  que  je  viens  de  dire  sera  suffisant 
pour  les  chimistes,  qui  seuls  ont  le  droit 
d’apprécier  la  méthode  que  je  propose  pour 
retirer  tout  le  plomb  qui  peut  avoir  été 
introduit  dans  un  étain  quelconque  ; quant 
à ceux  des  physiciens  qui  ne  sont  pas  versés 
dans  le  manuel  des  opérations  chimiques, 
je  leur  proposerai  de  recourir  à la  pesan- 
teur spécifique  des  deux  métaux  , moyen 
très  connu  des  potiers  d’étain  établis  dans 
les  provinces  : à l’égard  des  maîtres  de 
Paris  , ceux  que  j’ai  interrogés  m’ont 
paru  donner  la  préférence  à un  essai  qu’ils 
appellent  à la  pierre.  Je  vais  présenter  une 
esquisse  de  ces  deux  procédés. 

§.  XVI. 

Des  deux  essais  usités  chez  les  potiers 
d’étain  y V un  appelé  à la  Pierre,  l’autre 
à la  balle,  ou  à la  médaille. 

L’essai  à la  pierre  tire  sa  dénomination 
d’une  sorte  de  pierre  lirgotière  , faite  avec 
une  pierre  que  l’on  tire  des  environs  de 
Tonnerre  , et  que  les  ouvriers  regardent 

comme 


SUR  l’étais.  3 69 

comme  la  seule  propre  à bien  faire  leur 
essai. 

Cette  pierre  est  taillée  en  forme  de  brique 
d’environ  quatre  pouces  et  demi  de  lon- 
gueur, deux  pouces  et  demi  de  largeur  sur 
un  pouce  et  demi  d’épaisseur  ; on  a creusé 
sur  un  des  larges  côtés  , un  alvéole  hémi- 
sphérique de  quatorze  lignes  de  diamètre  , 
et  de  huit  à dix  lignes  de  profondeur,  de 
laquelle  il  part  une  petite  rigole  triangu- 
laire de  vingt  à vingt-deux  lignes  de  lon- 
gueur, sur  une  ligne  de  profondeur. 

Un  ouvrier  veut -il  essayer  une  masse 
d’un  étain  quelconque  ? Ayant  posé  cette 
pierre  sur  un  plan  solide  et  bien  nivelé  , 
il  fait  fondre  dans  une  cuiller  de  fer  , 4 h 
5 onces  de  son  étain , et  en  verse  à l’extré- 
mité de  la  rigole  , la  quantité  nécessaire 
pour  remplir  l’alvéole  : après  quoi  , les 
yeux  constamment  fixés  sur  l’essai  , il 
observe  exactement  tout  ce  qui  se  passe 
à la  superficie  du  métal,  au  moment  où  il 
se  fige,  et  comparant  ce  qu’il  voit  avec  ce 
qu’il  a vu  mille  fois  , en  traitant  de  même 
des  étains  de  toutes  sortes  de  qualités  , il 
juge  du  titre  de  celui  qu’il  a sous  les  yeux  : 
il  en  observe  la  couleur,  il  fait  attention  à 

Tome  IL  A a 


oyo  RECHERCHES 

la  rondeur  que  prend  la  superficie  du  mé- 
tal , il  considère  la  dépression  qu’éprouve 
cette  rondeur  dans  son  point  central , où 
il  se  forme  constamment  une  petite  cavité 
plus  ou  moins  hérissée  de  cristaux  d’étain, 
si  celui  dont  il  fait  l’essai  se  trouve  aigre. 

Après  le  refroidissement  total , l’ouvrier 
plie  à diverses  reprises  la  queue  de  l’essai, 
c’est-à-dire  la  petite  portion  d’étain  qui  s’est 
figée  dans  la  rigole,  il  en  écoute  le  cri,  et 
est  très-attentif  à une  sorte  de  subressaut 
qui  se  communique  aux  doigts  à chaque 
fois  qu’il  plie  le  métal  5 enfin  , d’après  ce 
qu’il  a vu  et  senti,  le  potier  d’étain  pro- 
nonce sur  la  qualité  de  la  masse  qu’il  avoit 
à examiner. 

Cette  manière  d’essayer  et  de  prononcer 
stir  la  qualité  d’un  étain , est  fondée  sur 
l’habitude  que  les  ouvriers , qui  ont  de  la 
sagacité  , contractent  nécessairement , en 
voyant  par  tous  les  sens  et  sous  toutes  sortes 
de  points,  les  matières  qu’ils  mettent  jour- 
nellement en  œuvre.  Mais  quoi  qu’en  disent 
les  maîtres  de  Paris,  un  pareil  essai  11e  peut 
tout  au  plus  que  leur  faire  présumer  le  titre 
de  l’étain,  et  si,  à cet  égard,  il  peut  être 
de  quelque  utilité  dans  leurs  ateliers , il 


SUR  L*  È T A I %yt 

devient  absolument  nul  pour  les  particu- 
liers qui  , en  achetant  de  l’étain  fin  ou 
commun  converti  en  ustensiles  de  ménage. 

r>  f 

seroient  bien  aises  de  savoir  que  les  tnarqrn  s 
qui  eu  indiquent  le  titre,  y ont  été  apposées 
d’après  des  preuves  plus  certaines  que  celles 
de  l’essai  à la  pierre . 

s.  X V I. 

De  Vessai  à la  balle. 

Quant  à la  seconde  manière  de  faire 
l’essai  que  les  ouvriers  de  province  ont 
adoptée  , et  que  ceux;  de  Paris  nous  ont 
paru  dédaigner , je  ne  peux  me  dispenser 
de  dire  que  c’est  la  seule  dont  le  public 
peut  tirer  quelqu’avantage. 

Fondé  sur  la  pesanteur  spécifique  qui 
distingue  si  bien  les  métaux  les  uns  des 
autres  , cet  essai  se  fera  d’une  manière 
assez  exacte  , si  ayant  une  fois  bien  cons- 
taté le  poids  d’un  volume  donné  d’étain  fin 
ou  commun  , l’un  et  l’autre  loyalement 
alliés  , on  part  des  deux  points  connus  , 
pour  comparer  à volume  égal  différens 
étains  dont  on  voudroit  faire  emplette 
sous  les  mêmes  titres.  Or  c’ebt  ce  que  font 

A a*  2, 


i 


37“2  RECHERCHES 

les  ouvriers , toutes  les  fois  qu’ils  ont  re- 
cours à l’essai  qu’ils  appellent  la  balle  ou 
la  médaille , selon  la  forme  que  le  moule 
a donnée  à l’étain  , qui  est  le  sujet  de  leur 
épreuve  (1). 

Pour  l’ordinaire  , c’est  dans  un  moule  à 
balle  que  les  potiers  coulent  l’étain  qu’ils 
veulent  essayer,  et  le  poids  de  la  balle  qui 
en  provient , est  comparé  avec  celui  qu’ils 
connoissent  à une  pareille  balle  faite  avec 
un  étain  lin  ou  commun , l’un  et  l’autre  à 
un  bon  titre. 

J’ai  fait  de  cette  manière  quelques  essais 
que  je  crois  devoir  faire  connoître  , pour 
donner  à mes  lecteurs  une  idée  de  la  diffé- 
rence de  poids  que  j’ai  aperçue  dans  quel- 
ques étains  mis  en  œuvre. 

(1)  La  forme  donnée  au  volume  d’étain  qui  sert  de 
point  de  comparaison,  est  indifférente  : l’essentiel  est 
que  le  volume  de  l’étain  que  l’on  va  comparer  soit 
absolument  égal  à celui  de  l’étalon  ; cependant  la 
forme  circulaire  et  plate  de  la  médaille  peut  fort  bien 
être  préférable  à la  forme  sphérique  de  la  balle.  C’est 
aux  ouvriers  à juger  si  l'étain  se  coule  mieux  dans  un 
moule  à médaille  que  dans  un  moule  à balle. 


Sun.  U * É T A r.  N.  373 
Poids  des  balles  que  m’a  donné  le  moi  de 


dont  je  me  suis  servi . 
Etain  de  Banca 3 gros 

3 gv; 

de  Malaca.  ...  * 

3 

3 

doux  d’Angleterre 

3 

3 

en  petits  échantillons.  . . . 

3 

3 

en  gros  saumons  d’Angleterre. 

3 

4f 

en  baguettes  d’Angleterre.  . 

3 

41 

mesure  de  pinte 

3 

23 

anse  de  la  meme  mesure.  . . 

3 

23 

assiette  de  Londres 

3 

4 

assiette  commune  de  Stras- 
bourg 

3 

*7 

de  Banca  allié  à ~ de  plomb. 

3 

1 3. 

Ces  exemples  qui , faute  d’habitude  de 
notre  part,  n’ont  peut-être  pas  toute  la 
précision  , toute  la  justesse  qu’il  seroit 
possible  de  donner  à cette  sorte  d’essai , 
suffisent  cependant  pour  faire  entendre 
que  Pétain  étant  la  plus  légère  des  subs- 
tances métalliques  , il  est  impossible  de 
Pallier  avec  la  plus  petite  quantité  d’un 
métal  ou  demi  - métal  quelconque  , sans 
augmenter  sa  pesanteur  spécifique;  pesan- 
teur qui  s’éloignera  d’autant  plus  de  celle 
que  nous  lui  connoissons  dans  son  état  de 
pureté,  que  la  matière  de  l’alliage  y aura  été 

A a 3 


introduite  en  plus  grande  quantité.  Nous 
savons  que  le  plomb  est  la  seule  substance 
métallique  dont  les  ouvriers  peuvent  abu- 
ser ; nous  venons  de  voir  combien  de 
plomb  allié  à une  masse  d’étain  pur  , en 
augmente  la  pesanteur  spécifique  : il  est 
donc  évident  que  la  balance  peut  nous 
faire  connoître  jusqu’à  un  certain  point  la 
quantité  de  ce  vil  métal  introduite  dans  un 
étain  quelconque  (1). 

(1)  Le  point  essentiel  dans  cette  sorte  d’essai  est 
d’obtenir  une  balle  ou  médaille  bien  pleine,  ce  qui 
n’est  pas  si  aisé  qu’on  pourroit  le  croire.  La  plus  petite 
soufflure  interne  ou  externe  occasionne  des  erreurs  que 

j’ai  tâché  d’éviter,  en  coulant  de  suite  quatre  balles 

* 

du  même  étain  , et  en  les  comparant  entre  elles,  avec 
la  précaution  de  les  fondre  de  nouveau  dès  que  j’y 
apereevois  la  moindre  différence.  Les  autres  métaux 
pouvant  aussi  bien  que  l’étain  éprouver  des  soufflures  , 
il  est  à craindre  qu’on  ne  parvienne  jamais  à donner 
une  table  exacte  de  leur  pesanteur  spécifique. 


SUR 


L ’ É T A I N. 


RÉCAPITULATION 

Ow  Précis  des  première  , deuxième  et 
troisième  Sections. 

X l résulte  de  tout  ce  qui  a été  dit  dans  la 
première  partie  de  nos  recherches  , que 
Pétain  qui  nous  est  apporté  des  différens 
pays  où  se  trouvent  les  mines  de  ce  métal  y 
est  de  deux  espèces. 

La  première  contient  l’étain  pur  ou  sans 
alliage  , soit  naturel  , soit  artificiel.  Cet 
étain  nous  est  apporté  des  Indes  , et  tous 
les  ouvriers  conviennent  de  ses  bonnes 
qualités.  On  le  connoît  dans  le  commerce , 
sous  les  noms  de  Banca  et  de  Malaca  ; on 
pourroit  appeler  le  dernier , etain  de  Slam  , 
et  c’est  même  sous  cette  dénomination  qu  il 
est  désigné  dans  une  ordonnance  de  la  fin 

O 

du  rèïme  de  Louis  XIV . 

O 

Les  expériences  sans  nombre  que  j ai 
faites,  et  dont  les  plus  essentielles  ont  été 
mises  sous  les  yeux  des  lecteurs  , ont  prouvé 
que  c’étoit  à juste  titre  que  cet  étain  étoit 
célébré  dans  les  ateliers  où  ce  métal  est 
mis  en  œuvre.  Quelques  recherches  que 

A a 4 


\ 

876  11 

ECHEHCHE9 

j’aie  faites  sur  un  très- grand  nombre  d’é- 
chantillons d’étain  des  Indes,  achetés  en 
différens  temps  et  chez  divers  marchands, 
il  m’a  été  impossible  d’y  découvrir  le  moin- 
dre atome  de  substance  étrangère. 

L’Angleterre  , si  riche  en  étain  , n’est 
pas  absolument  dépourvue  d’étain  pur  : 
on  m’en  a envoyé  de  Londres  en  échan- 
tillons , du  poids  de  4^5  onces  : tous 
étoient  numérotés  et  avoient  été  pris  dans 
de  grosses  masses.  On  m’en  a vendu  à 
Paris , sous  le  nom  d’étain  doux , en  m’as- 
surant qu’il  venoit  des  mines  d’Angleterre  : 
or  celui  que  j’ai  reçu  de  Londres,  et  celui 
que  j’ai  acheté  à Paris,  ayant  été  soumis 
à,  toutes  les  épreuves  que  j’avois  fait  subir 
à l’étain  des  Indes,  se  sont  trouvés  l’un  et 
l’autre  parfaitement  homogènes  ; et  pour 
faire  sentir  la  parité  qui  exisfcoit  entre  l’é- 
tain pur  d’Angleterre  et  l'étain  des  Indes, 
j’ai  dit  qu’ils  étoient  l’un  à l’autre,  ce  que 
de  l’or  à vingt -quatre  karats,  tiré  d’une 
mine  d’Europe , est  à de  l’or  du  même  titre, 
tiré  d’une  mine  de  l’Asie  ou  de  l’Amérique. 
Mais  soit  que  l’Angleterre  ne  puisse  pas 
tirer  de  ses  mines  une  grande  quantité 
d’étain  pur , soit  qu’elle  ne  puisse  le  faire 


SUR  L’ÉTAIS. 


O77 

qu’avec  beaucoup  de  soin  et  de  peine , ou 
ce  qui  est  la  même  chose,  à très  - grand 
frais  , il  est  certain  que  presque  tout  celui 
qui*  nous  vient  de  ce  royaume  , contient 
des  substances  hétérogènes  , et  ne  peut  par 
conséquent  être  rangé  parmi  les  étains  de 
première  qualité. 

La  seconde  espèce  comprend  tout  étain 
qui  a contracté  , dans  le  sein  de  la  terre 
même,  quélqu’impureté  dont  le  triage,  le 
lavage  , le  rôtissage  et  la  fonte  du  minerai 
n’ont  pu  le  débarrasser  entièrement.  Tel 
est  celui  qu’on  nous  envoie  d’Angleterre  en 
gros  lingots  appelés  saumons  , qui  pèsent 
de  trois  à quatre  cents  livres  , et  que  nos 
marchands  convertissent  en  petites  ba- 
guettes pour  la  facilité  du  débit  qu’ils  en 
font  à différens  ouvriers. 

Cet  étain  en  gros  saumons  , dont  nos 
maîtres  potiers  font  un  grand  usage,  parce 
qu’il  se  vend  moins  cher  que  l’étain  des 
Indes,  n’est  pas  pur;  il  est  naturellement, 
selon  les  uns,  et  artificiellement,  selon  les 
au  très,  allié  à une  petite  portion  de  cuivre  (1). 

(1)'  Geoffroy  , dans  un  mémoire  de  l’Académie 
royale  des  Sciences,  imprimé  en  1738,  en  faisant 
THistoire  de  l’étain  d’Angleterre  , dit , d’après  les 


^7^  Recherches 

J ai  examine  scrupuleusement  un  grand  • 
nombre  d’échantillons  de  cette  sorte  d’é- 
tain j tous  m’ont  donné  du  cuivre  , mais 
en  assez  foible  proportion,  une  demi-livre 
au  plus  par  quintal  , et  le  plus  souvent 
moins  d’une  demi-livre. 

Je  n’ai  pas  trouvé  de  plomb  dans  les 
gros  saumons  que  j’ai  soumis  à l’expé- 
rience , mais  tous  ont  donné  des  atomes 
de  régule  d’arsenic  ; les  uns  -V-,  d’autres 
la  moitié  moins,  ~/5î. 

Les  expériences  multipliées  que  j’ai  faites 
à cet  égard  , et  dont  je  n’ai  pu  me  dispenser 
de  rendre  un  compte  très-détaillé,  sont  à 
la  portée  de  tous  ceux  qui  cultivent  la 
chimie  : qu’on  daigne  prendre  la  peine  de 

transactions  philosophiques  , que  les  lois  du  pays  ne 
permettent  pas  l’exportation  de  ce  métal  tel  qu’il  sort 
des  fonderies  , et  qu’on  y ajoute  toujours  une  certaine 
quantité  de  cuivre  et  même  quelquefois  du  plomb  5 
d’un  autre  côté  M.  le  Baron  de  Dietrich  vient  de  nous 
apprendre  par  la  voie  du  Journal  de  Physique  , mai 
1780,  que  les  mines  d’étain  de  Cornouaille  sont 
toutes,  ou  presque  toutes,  mélangées  de  mine  de 
cuivre  , et  que  malgré  l’attention  des  ouvriers  à séparer 
cette  dernière,  il  en  échappe  toujours  quelque  petite 
portion  qui,  fondue  avec  la  mine  d’étain,  y porte  1® 
cuivre  qui  se  trouve  dans  l’étain  d’Angleterre. 


les  répéter,  leur  véracité  en  deviendra  plus 
authentique  ; elles  sont  utiles  ces  expé- 
riences , puissant  motif  pour  engager  les 
chimistes  à les  répéter:  il  en  est  un  autre, 
la  curiosité  ; l’art,  en  effet,  n’offre  rien  de 
plus  piquant  que  les  procédés  que  j’ai  indi- 
qués, non-seulement  pour  démontrer,  mais 
encore  pour  retirer  en  entier  un  grain  , un 
seul  grain  d’arsenic  intimement  uni  à 4 
onces  d’étain  , et  formant  avec  lui  un 
tout  , dont  les  plus  petites  parties  sont 
imprégnées  de  la  substance  arsenicale 
dans  la  proportion  dV,~j. 

Les  chimistes  tiennent  pour  axiome 
qu’une  chaux  métallique  ne  peut  s’unir 
à un  métal,  tant  qu’elle  conserve  son  état 
calciforme  : cependant  on  entend  tous  les 
jours  confondre  l’arsenic  avec  son  régule, 
c’est- à-  dire  une  chaux  métallique  avec  le 
demi-métal  dont  elle  est  faite;  mais  ce  n’est 
pas  la  chaux  d’arsenic  qu’il  faut  chercher 
dans  l’étain  d’Angleterre  qui  occupe  cette 
deuxième  classe  : c’est  son  régule  , son 
demi-métal , et  si  on  opère  comme  il  con- 
vient , on  sera  sûr  de  le  démontrer  , et 
même  de  le  retirer , quelque  petite  qu’en 
soit  la  proportion. 


«58o  recherches 

Margraff,  en  parlant  des  différer  s était  s 
où  il  a trouvé  cette  substance  , se  sert  tou 
jours  de  la  première  expression  et  jamais  de 
la  seconde,  parce  que  dans  son  procédé  il 
employoit  une  eau  régale  qui,  quoiqu’af- 
foiblie  par  de  l’eau  qu’il  y ajoutoit,  étoit 
encore  assez  forte  pour  calciner  la  petite 
quantité  de  régule  d’arsenic  uni  à l’étain  , 
en  sorte  que  cette  substance  sémi- métal- 
lique s’offroit  toujours  aux  yeux  de  ce  chi- 
miste, sous  la  forme  de  chaux. 

S’il  étoit  permis  de  faire  un  reproche  à 
Margraff,  ce  seroit  sans  doute  celui  de 
n’avoir  pas  déterminé  en  quelle  propor- 
tion se  trouvoit  l’arsenic  dans  les  différons 
étains  qui  lui  en  donnoient;  mais  quel  est 
l’hommë  qui  peut  tout  apercevoir  ? Quel 
est  l’homme  qui  peut  tout  faire  ? Aidé  du 
rayon  de  lumière  que  ce  savant  chimiste 
avoit  jeté  sur  la  question  , je  me  suis  ha- 
bitué à traiter  l’étain  avec  l’eau  régale , en 
répétant  cent  fois  le  procédé  qu’il  indique  ; 
et  le  résultat  de  mes  expériences  y de  mes 
observations,  a été  que  l’arsenic,  lorsqu’il 
se  rencontroit  dans  l’étain , y étoit  toujours 
sous  forme  réguline. 

Margraff  m’avoit  frayé  la  route  j il  étoit 


S TT  R L*  É T A I N.  38 1 

donc  naturel  que  j’allasse  plus  loin  que 
lui  , et  le  public  étoit  même  en  droit  de 
l’attendre  de  mes  efforts. 

Il  f alloit  trouver  un  procédé  sûr , pour 
faire  le  départ  de  tout  ce  qu’une  quantité 
donnée  d’étain  pouvoit  contenir  de  matière 
arsenicale  , c’étoit  le  point  essentiel , et  si 
j ^ le  manquois , il  m’étoit  impossible  de 
mettre  les  chimistes  et  les  physiciens  en 
état  de  prononcer  sur  la  question  impor- 
tante qui  m’a  été  proposée. 

Or  je  l’ai  trouvé  ce  procédé  , qui  fut 
long-temps  l’objet  de  mes  recherches , et 
en  en  rendant  compte , je  suis  entré  dans 
tous  les  détails  qui  m’ont  paru  necessaires 
pour  appla  îir  les  difficultés  qu’on  ne  man- 
que pas  de  rencontrer  toutes  les  fois  qu’on 
veut  s’habituer  à faire  une  expérience  nou- 
velle ou  peu  connue. 

L’étain  d’Angleterre  , appelé  gros  sau- 
mons , que  nous  voyons  souvent  chez  nos 
marchands,  refondu  et  coulé  en  baguettes 
ou  en  petites  pyramides  tronquées , qu'ils 
nomment  petits  chapeaux  , n’occuperoit 
pas  seul  la  classe  de  l’étain  arseniqué , si 
j’avois  pu  soumettre  à l’expérience  l’étain 
de  Saxe,  dont  Margraff  assure  avoir  retiré 


582 


RECHERCHES 

de  l’arsenic^  mais  considérant  que  cet  étain 
n’étoit  d’aucun  usage  parmi  nous,  et  qu’il 
étoit  même  inconnu  de  nos  ouvriers  , j’ai 
cru  devoir  abandonner  les  recherches  que 
jefaisois,  pour  tâcher  de  m’en  procurer, 
et  je  m’en  suis  tenu  uniquement  à l’examen 
des  différons  étains  , qui,  tirés  ou  des  Indes 
ou  d’Angleterre  , sont  les  seuls  mis  en 
œuvre  par  nos  potiers  , sous  la  dénomi- 
nation générale  d’étain  neuf. 

Mais  la  grande  flexibilité  qu’a  naturelle- 
ment ce  métal , ne  permettantpas  de  l’em- 
ployer dans  son  état  de  pureté,  le  potier 
est  contraint  de  lui  donner  un  certain 
degré  de  solidité  , une  certaine  roideur 
qui  le  rende  propre  à conserver  les  diffé- 
rentes formes  que  l’art  sait  lui  faire  prendre 
au  moyen  des  moules  et  du  tour. 

L’étain  seroit  donc  un  métal  dont  on 
n’auroit  jamais  pu  faire  usage  en  vaisselle 
de  table  ou  de  cuisine  , si  l’on  n’avoit  pas 
trouvé  le  moyen  de  lui  donner  de  la  soli- 
dité , en  l’alliant  à diverses  substances 
métalliques  ou  sérni-métalliques , qui  sont 
le  cuivre  , le  bismuth  , le  zinc  , le  plomb, 
quelquefois  le  régule  d’antimoine. 

Les  potiers  d’étain  sont  autorisés  par  la 


SUR  l’  Ê T A I K.  383 

loi  à fabriquer  et  vendre  tous  les  ouvrages 
de  leur  ressort  à deux  différens  titres  , 
l’un  d’étain  fin,  l’autre  d’étain  commun. 

A l’égard  du  premier  , cette  même  loi 
leur  ordonne  d’allier  l’étain  avec  le  cuivre 
rouge  et  le  bismuth  ; mais  n’ayant  pu  leur 
en  prescrire  les  proportions  , elle  les  a 
laissés  maîtres  de  les  chercher  parle  tâton- 
nement et  de  les  varier  à leur  volonté  , ce 
qui  peut  se  faire  sans  aucun  préjudice 
pour  les  particuliers,  parce  que  le  cuivre 
et  le  bismuth  étant  d’un  prix  égal  et  même 
supérieur  à celui  de  l’étain  , on  ne  doit 
pas  craindre  que  jamais  le  potier  d’étain 
commette  d’abus  à cet  égard , et  que 
d'un  autre  coté  ces  deux  substances,  em- 
ployées même  à petites  doses , donnant  une 
grande  dureté  à l’étain,  l’ouvrier  ne  les 
allie  à ce  dernier  , qu’avec  la  plus  grande 
circonspection.  Il  est  donc  des  bornes 
qu’il  ne  peut  franchir  ; trop  de  cuivre  , 
trop  de  bismuth  gâteroit  sa  fonte  , et  pour 
la  ramener  au  point  requis,  il  seroit  con- 
traint d’y  ajouter  de  l’étain  pur,  ce  que 
son  intérêt  lui  fait  éviter  avec  soin. 

L’étain  fin  doit  , aux  termes  de  la  loi , 
ctre  allié  à une  petite  quantité  de  cuivre 


RECHERCHES 


384 

et  de  bismuth  , et  jamais  le  plomb  n’y  doit 
être  introduit  ; quant  à l’étain  commun  , 
la  loi , sans  le  nommer,  autorise  cependant 
le  potier  à faire  entrer  le  plomb  dans  les 
ouvrages  qu’il  fabrique  et  vend  sous  ce 
titre  5 mais  malheureusement  elle  n’en  a 
pas  prescrit  la  proportion  : aussi  à quel 
point  l’abus  n’a-t  il  pas  été  porté  à cet 
égard  ? Sept  livres  de  plomb  ajoutées  à 
quatre-vingt-treize  livres  d’étain  fin,  for- 
moient  dans  le  siècle  dernier  tout  l’étain 
commun  qui  se  vendoit  à Paris  et  dans  les 
provinces  : les  choses  ont  bien  changé. 
On  s’est  permis  d’abord  d’introduire  du 
plomb  dans  l'étain  fin  , et  par  la  suite 
d’en  faire  entrer  vingt  à vingt-cinq  livres 
par  quintal  dans  l’étain  commun  ; abus 
dont  nous  avons  vu  gémir  quelques-uns 
des  maîtres  potiers  d’étain  de  Paris. 

Il  étoit  donc  essentiel  de  trouver  des  pro- 
cédés sûrs  pour  constater  cette  fraude  • or 
ceux  que  j’ai  indiqués  me  paroissent  avoir 
cet  avantage. 

Fondé  sur  la  justesse  et  la  précision  de 
leurs  résultats,  j’ose  croire  qu’ils  seront 
bien  reçus  des  chimistes  ; mais  comme 
ils  exigent  une  grande  habitude  dans  le 

manuel 


SUR  L ’ É T A I K.1  385 

manuel  que  les  amateurs  de  l’art  n’ont 

pas  toujours  , j’ai  proposé  une  autre 

épreuve  , moins  exacte  à la  vérité  , mais 

d’une  exécution  facile  pour  tous  ceux 
% 

qui  ont  du  goût  pour  la  physique  expé- 
rimentale. 

Ce  moyen,  très -connu  des  potiers 
d’étain,  consiste  à comparer  le  poids  spé- 
cifique d’un  volume  d’étain  suspecté  , avec 
un  pareil  volume  d’un  étain  loyalement 
allré. 

Jè  finirai  ici  mon  précis  , ce  que  je  viens 
d’exposer  étant  plus  que  suffisant  pour 
mettre  ceux  qui  n’auroient  pas  voulu  me 
suiv/re  dans  les  détails  où  j’ai  été  obligé 
d’entrer  , à portée  d’apprécier  ce  qui  me 
reste  à dire  de  l étain  et  de  ses  usages. 


ADDITION. 

Procédé  pour  départir  l’arpent  d’avec 

l’étain . 

Ij  e s chimistes  qui  se  sont  appliqués  à 
l’art  des  essais  , savent  que  l’étain  pré- 
sente dans  la  coupellation  des  obstacles 
insurmort  ibles,  et  que  les  résultats  de  cette 
Tome  //.  33  b 


i 


386  RECHERCHES 

opération  , toujours  justes  et  exacts  à 
l’égard  du  cuivre  , sont  toujours  faux  lors- 
qu’il s’agit  d’y  soumettre  un  mélange  d’ar- 
gent et  d’étain  ; aussi  a-t-on  grand  soin 
d’éloigner  ce  dernier  de  la  partie  du 
laboratoire  destinée  aux  essais  ou  aux 
affinages. 

On  peut  cependant  rencontrer  quelque- 
fois un  alliage  de  cette  espèce  , fait  à 
dessein  ou  produit  par  un  accident,  tel 
que  seroit  un  incendie  ; un  chimiste  peut 
donc  être  requis  de  prononcer  sur  la  quan- 
tité d’argent  introduit  par  quelque  cause 
que  ce  soit  , dans  une  masse  d’étain.  Je 
viens  de  me  trouver  dans  ce  cas. 

Dans  le  courant  du  mois  de  septembre 
I780,  on  me  présenta  de  l’étain,  qu’on 
assuroit  être  allié  à - d’argent  fin  , et  l’on 
me  chargea  de  vérifier  le  fait.  Ayant  pour 
principe  qu’on  ne  doit  en  chimie  em- 
ployer le  feu  que  quand  toutes  les  autres 
ressources  manquent  , on  présume  déjà 
que  rejetant  cet  agent,  j’ai  eu  recours  aux 
dissolvans  , c’est-à-dire , au  départ  par  la 
voie  humide., 

J’avois  à choisir  entre  l’acide  nitreux  et 
i’acide  marin  5 le  premier  auroit  réduit 


sur  l’étain;  58/ 

rétain  en  chaux  er  tenu  l’argent  en  disso- 
lution 5 mais  faisant  réflexion  sur  les  dif- 
ficultés qui  se  présenteroient  , lorsqu’il 
faudroit  séparer  la  liqueur  d’avec  la  chaux, 
et  sur  la  nécessité  où  je  serois  d’employer 
la  filtration  qui  occasionne  nécessairement 
de  la  perte  ; convaincu  d’ailleurs  par  mes 
précédens  travaux,  que  l’acide  nitreux 
retient  toujours  une  petite  portion  d’étain, 
qui  ne  manqueroit  pas  de  me  jeter 
dans  l’erreur  , je  pris  le  parti  de  me 
servir  de  l’acide  marin  pour  faire  le  départ 
dont  on  venoit  de  me  charger*  Cet  acide 
devoit , selon  moi  , dissoudre  l’étain  , et 
laisser  l’argent  intact  ; comme  ce  pro- 
cédé m’a  parfaitement  réussi , je  me  fais 
lin  devoir  d’en  rendre  compte. 

J’ai  mis  dans  un  petit  matras  72  grains 
de  l’alliage  en  question,  laminés  et  coupés 
en  fils  très-délies  sur  lesquels  il  a été  verse 
2 gros  et  demi  d’acide  marin  et  un  demi- 
gros  d’eau  distillée  ; le  tout  a été  posé  sur 
le  sable  chaud , et  en  moins  de  vinr>t  heures 
le  dissolvant  ne  me  paroisSant  plus  avoir 
d’action  sur  une  portion  de  poudre  qui 
étoit  au  fond  du  matras  , je  procédai  avec 
les  précautions  requises  , à la  séparer 

B b 2 


388 


RECHERCHES 


d’avec  la  liqueur,  à la  bien  édulcorer  et 
sécher;  cette  poudre  parut  alors  avec  la 
couleur  propre  à l’argent,  son  poids  étoit 
de  19  grains. 

D’un  autre  côté,  j’avois  également  chargé 
un  inatras  d’un  gros  de  cet  alliage  coupé 
en  petits  fils  , de  2 gros  et  demi  du  même 
acide  et  demi-gros  d’eau  distillée,  et  le  tout 
avoit  été  laissé  à la  température  de  l’at- 
mosphère : vers  le  huitième  jour  n’aperce* 
yant  plus  de  bulles  , en  agitant  le  matras  , 
1a.  poudre  qui  avoit  résisté  à l’action  du 
dissolvant  , fut  séparée  , édulcorée  et  sé- 
chée ; elle  avoit  également  la  couleur 
brillante  de  l’argent , son  poids  étoit  de 
19  grains  foibles.  Ces  poudres  furent  l’une 
et  l’autre  soumises  à la  coupellation. 
Racle  , essayeur  de  la  monnoie  , et  comme 
l’on  sait  , très -versé  dans  son  art  , se 
chargea  de  cette  opération,  dont  le  résultat 
fut  que  la  poudre  départie  de  l'étain,  en 
employant  la  chaleur,  ainsi  que  celle  que 
j’avois  obtenue  en  faisant  la  dissolution 
à froid,  me  donnèrent  chacune  un  bouton 
pesant  18  grains  , c’est-à-dire  , la  quantité 
juste  du  métal  fin  qu’on  assuroit  avoir  été 
introduite  dans  l’étain. 


strn  l’étaïn*;  38^ 

Si  on  vouloit  opérer  sur  une  plus  petite 
quantité  de  cet  alliage  ; il  faudroit  procéder 
avec  bien  de  la  précaution  , le  point  essen- 
tiel seroit  même  d’étudier  son  acide 
marin  , et  de  tacher  de  découvrir  par  des 
essais  préliminaires  , la  quantité  juste 
d’étain  qu’il  peut  dissoudre , afin  d’éviter* 
autantqu’il  seroit  possible,  lasurabondance 
de  ce  dissolvant  que  l’on  étendroit,  ainsi 
que  je  l’ai  fait,  avec  un  peu  d’eau  distillée* 
si  on  le  jugeoit  trop  concentré. 

En  répétant  mon  opération  sur  12  grains 
de  mon  alliage  , je  n’ai  pas  toujours  réussi 
à retirer  les  3 grains  de  fin  , par  la  raison 
que  l’acide  marin,  lorsqu’il  est  avec  excès, 
finit  par  agir  sur  l’argent  5 car  il  ne  faut 
pas  s’y  tromper  * cet  acide  agit  sur  ce  métal 
avec  lenteur,  mais  enfin  il  peut  le  dissou- 
dre , même  dans  son  état  d’aggrégation  ; 
ce  dont  je  me  suis  convaincu  , en  soumet- 
tant à son  action  douze  feuilles  d’ar- 
gent qui  pesoient  ensemble  4 grains  ; l’a- 
cide dont  la  quantité  étoit  de  3 onces  , fut 
exposé  à une  chaleur  qui  le  faisoit  légère- 
ment bouillir,  et  en  trois  ou  quatre  jours, 
les  feuilles  perdirent  3 grains  et  demi  de 
leur  poids. 


B b 3 


RECHERCHES 


390 

Je  n’en  dir  à pas  davantage  sur  ce  de- 
part  fait  par  l'acide  marin  , laissant  aux 
chimistes  qui  font  une  étude  particulière 
de  l’art  des  essais  , le  soin  de  perfectionner 
cette  opéiation  , qui  peut,  dans  certaines 
occasions  , devenir  de  la  plus  grande 

utilité. 

* 


SUR  X ’ E T A ï 


QUATRIÈME  SECTION, 

Contenant  la  réponse  à la  question 

proposée . 

Il  est  résulté  de  mes  longues , et  j’ose  le 
le  dire  , de  mes  pénibles  recherches  sur 
l’étain,  deux  faits  bien  simples,  savoir 
qu’il  existe  de  l’étain  pur  ou  sans  mélange 
d’aucune  matière  étrangère  , et  de  l’étain 
uni  à une  très-petite  quantité  de  substance 
arsenicale  (1). 

(1)  Henckel  et  Margrafï  avoient  déjà  constaté  cette 
vérité  5 mais  si  nous  en  jugeons  par  le  grand  usage 
que  l’on  fait  encore  de  la  vaisselle  d’étain  dans  l’Alle- 
magne, on  peut  dire  que  cette  démonstration  n’a  pas 
inquiété  leurs  compatriotes.  Les  choses  se  sont  passées 
chez  nous  bien  différemment 5 tant  que  les  expériences 
de  ces  deux  célèbres  chimistes  n’ont  été  connues  en 
France  que  par  le  très-petit  nombre  de  personnes  qui 
y cultivent  la  chimie  , elles  ne  firent  pas  *plus  de 
sensation  chez  nous,  qu’elles  en  avoient  faite  chez  les 
Allemands  5 mais  les  ouvrages  de  Margraff  ayant  été 
traduits  et  publiés  sous  un  format  qui  les  mettoit  à la 
portée  d’un  plus  grand  nombre  de  lecteurs  v produi- 
sirent sur  quelques  esprits  un  tout  antre  effet  ; bientôt 
en  entendit  parler  de  l’étain  et  de  l’arsenic  qu’il  con- 

B b 4 


✓ 


fiyz  RECHERCHES 

Cette  variété  dans  l’étain  m’oblige  à di- 
viser la  question  qui  m’est  proposée , et  par 
conséquent  à examiner  : 

tenoit,  et  tel  qui  n’avoit  pas  lu  les  Dissertations  de 
Margraff,  les  citoit  en  répétant  sans  cesse  qu*il  falloit 
bannir  un  inétal  vicié  par  une  aussi  redoutable 
substance. 

Mais  comme  il  n’est  pas  aussi  aisé  de  se  passer 
d’étain  qu’on  pourvoit  le  croire  , ces  mêmes  per- 
sonnes ne  voyant  ce  métal  que  dans  l’étamage,  pro- 
posèrent de  lui  substituer  le  zinc  , autre  substance 
sémi-métallique  que  nous  tirons  des  Indes. 

Si  l’étain  eut  des  détracteurs  , il  eut  aussi  des  apo- 
logistes : on  discuta  d’abord  la  matière  avec  tranquil- 
lité 5 mais  aussitôt  que  le  zinc  parut  appliqué  sur  le 
cuivre,  les  tètes  s’échauffèrent , et  quelques  partisans 
de  l’étain  quittant  la  décence  et  la  modération  , prirent 
le  parti  violent  de  donner  un  démenti  à Margraff , et 
dirent  tout  haut  qu’il  n’étoit  pas  vrai  que  ce  métal 
contînt  de  l’arsenic. 

Celte  manière  singulière  d’éclaircir  des  faits  , en 
tranchant  la  difficulté  sans  faire  la  moindre  expé- 
rience , est,  il  faut  l’avouer,  la  moins  pénible  de 
toutes  5 mais  elle  a deux  défauts  bien  essentiels, 
qui  sont  de  ne  rien  prouver  et  de  n’être  pas  honnête  ; 
car  quoi  qu’on  en  dise  , il  faut  peu  respecter  la  vérité, 
pour  avoir  recours  à un  pareil  procédé  dans  une  ques- 
tion toute  chimique. 

Je  suis  parvenu  à confirmer  par  un  grand  nombre 
d’expériences  la  vérité  annoncée  par  Henckel  et  Mar- 


Sun  l^étain;  393 

10.  Si  rétain  , considéré  dans  son  état 
de  pureté  absolue,  possède  ou  non  des 
qualités  nuisibles  à l’économie  animale. 

20.  Dans  le  cas  où  il  sera  démontré  qu’en 
cet  état  ce  métal  n’est  point  dangereux  , il 
convient  de  faire  toutes  les  expériences 
possibles  , pour  tâcher  de  découvrir  si 
celui  dans  lequel  on  peut  démontrer  la 
présence  d’une  matière  arsenicale  , en 
contient  assez  pour  ne  pouvoir  être  em- 
ployé en  vaisselle  de  table  ou  de  cuisine  , 
sans  mettre  ceux  qui  en  feroient  usage  , 
en  danger  d’altérer  leur  santé. 

3°.  Comme  l’étain  est  naturellement  fort 
mou  , et  qu’en  conséquence  on  ne  peut 
s’en  servir  pour  faire  delà  vaisselle  ou  tout 
autre  ustensile > sans  y introduire  quelques 
substances  métalliques  ousémi-mctalliques 
pour  lui  communiquer  du  la  dureté  , de  la 
roideur  , j’examinerai  si  les  alliages  que 
les  potiers  d’étain  sont  dans  l’habitude  de 

graff;  puissent  mes  travaux  et  la  manière  dont  j’en 
rends  compte,  prouver  aux  chimistes  allemands  qu’on 
révère  en  France  Ja  mémoire  du  premier,  ainsi  que 
les  talens  et  la  véracité  du  second , qui , même  dans 
lin  âge  très-avancé,  ne  cesse  de  nous  instruire  par  ses 
précieuses  découvertes# 


RECHERCHES 


3gi 

faire,  peuvent  rendre  dangereux  l’usage  de 
la  vaisselle  d’étain. 

4°.  Le  fer  blanc  et  le  cuivre  étainé  étant 
l’un  et  l’autre  fréquemment  employés  dans 
les  cuisines  , j’entrerai  à leur  égard  dans 
quelques  détails  qui  m’ont  paru  nécessaires 
pour  fixer  le  degré  de  confiance  qu'on  peut 
donner  à la  vaisselle  qu’on  fait  avec  ces 
deux  matières. 


S TT  R 


ï.  9 É T X I N,  595 

/ 

— «i 

PREMIÈRE  QUESTION. 

Z*’ étain  considéré  dans  son  état  dé  pureté  > 
est-il  un  métal  dangereux  ? 

L’e  x pÉRiENCECt  l’observation  peuvent 
seules  nous  faire  connoître  les  propriétés 
des  corps  les  uns  à l’égard  des  autres  : ce 
n’est  qu’einpiriquemcnt  que  nous  connois- 
sons  la  vertu  des  médicamens  , que  nous 
savons  discerner  les  bons  fruits  d’avec  les 
mauvais  , les  plantes  propres  à notre  nour- 
riture , d’avec  celles  qui  peuvent  altérer 
notre  santé  et  même  nous  donner  la  mort. 
Toutes  les  spéculations , tous  les  raisonne- 
mensdela  plus  saine  philosophie,  ne  peu- 
vent à cet  égard  être  d’aucune  utilité  (1)  ; 
nous  le  répétons  , c’est  au  seul  empirisme 
que  nous  sommes  redevables  de  ces  sortes 
de  découvertes  , dont  plusieurs  datent  du 
berceau  du  monde  , mais  qui  toutes  faites 
successivement,  se  transmettent  des  pères 

( 1 ) Sola  experientia  docet  ea  quae  prosunt , 

quaequt  nocent.  Gai.  L.  1. 


KECH.ER.CHES 


3 96 

aux  enfans,  pour  passer , d’âge  en  âge  , à 
la  postérité  la  plus  reculée. 

Les  mauvaises  qualités  du  cuivre  et  du 
plomb  étoient  connues  dans  l’antiquité  , 
et  déjà  elles  étoient  bien  appréciées , 011 
faisoit  grand  usage  de  ces  deux  métaux  ; le 
cuivre  rouge,  et,  plus  souvent  encore  , le 
laiton  , étoient  employés  à faire  des  vases 
pour  cuire  les  alimens  $ on  laminoit  le 
plomb  , et  on  en  faisoit  des  tuyaux  pour 
conduire  les  eaux  ; mais  en  se  servant  de 
ces  métaux  on  s’en  méfioit  : on  savoit  [que 
les  vaisseaux  de  cuivre  exigcoient  une 
grande  propreté,  et  qu’iL  ne  falloit  pas  y 
laisser  refroidir  les  alimens  qu’on  y avoit 
préparés.  A l’égard  du  plomb  , on  ne  l’ein- 
ployoit  pour  la  conduite  des  eaux  que  dans 
les  circonstances  qui  ne  permettoient  pas 
de  se  servir  de  tuyaux  d’argile  cuite,  ou 
d’arbres  perforés. 

On  savoit  donc  dans  ces  temps  éloignés 
évaluer  les  mauvaises  qualités  du  cuivre  et 
du  plomb  ; et  comme  le  premier  , dont 
l’utilité  étoit  bien  reconnue  , ne  devient 
dangereux  que  dans  certaines  circons- 
tances , l’expérience  avoit  appris  à les  pré- 
voir, à les  éviter  , et  les  vaisseaux  d’airain 


furent  et  sont  encore,  moyennant  quelques 
précautions  , employés  avec  sécurité  à la 
cuisson  des  alimens. 

A l’égard  du  plomb  , on  l’a  toujours  re- 
gardé, ainsi  que  ses  préparations  , comme 
très-dangereux.  Dioscoride  met  la  litharge 
ainsi  que  la  céruse  au  nombre  des  poisons  : 
l’on  connoît  depuis  long-temps  les  cruelles, 
maladies  dont  sont  affectés  les  ouvriers  qui 
travaillent  ce  métal,  maladies  beaucoup 
plus  fréquentes  aujourd’hui,  qu’elles  ne 
l’étoient  dans  les  siècles  antérieurs  à l’in- 
vention de  la  peinture  à l’huile. 

Les  ouvriers  qui  coulent  le  plomb  sur 
le  sable  , et  lui  font  prendre  toutes  les 
formes  que  le  besoin  exige  , les  potiers  de 
terre  qui  le  calcinent  pour  le  rendre  propre 
à faire  ce  verre  tendre  dont  , sous  le  nom 
de  vernis  , ils  couvrent  leurs  ouvrages  5 les 
ouvriers  qui  préparent  le  cuir  blanc,  dont 
les  talons  de  la  chaussure  des  dames  sont 
couverts  ; ceux  qui  broient  les  couleurs  à 
l’huile  , presque  toutes  composées  de 
chaux  de  plomb,  et  les  peintres  qui  les  em- 
ploient dans  les  bâtimens;  enfin  tous  ceux 
qui  mettent  journellement  en  œuvre  , de 
quelque  manière  que  ce  soit,  ce  métal  ou 


39B  recherches 

ses  différentes  préparations,  sont  sujets  à 
une  maladie  épouvantable  et  souvent  mor- 
telle , que  l’on  désigne  sous  le  nom  de 
colique  des  peintres  , des  potiers,  et  que 
les  ouvriers  appellent  tout  simplement  le 
plomb. 

Les  potiers  d’étain  , au  contraire  , ne 
sont  exposés  à aucun  genre  de  maladie 
qu’on  puisse  attribuer  au  métal  qu’ils 
mettent  en  œuvre  : c’est  ce  que  le  savant 

' JL 

auteur  de  la  dissertation  appelée  Mors  in 
ollâ,  a très-bien  remarqué.  J’ai  de  mon 
côté  interrogé  un  grand  nombre  de  potiers 
d’étain  et  un  plus  grand  nombre  encore  de 
leurs  compagnons;  tous  m’ont  dit  ne  con- 
noître  d’autres  maladies  que  celles  qui  sont 
communes  aux  autres  hommes , et  que 
jamais  ils  n’étoient  attaqués  du  plomb  , ni 
du  tremblement  des  membres,  auquel  sont 
exposés  les  doreurs  en  or  moulu  , et  les 
ouvriers  qui  font  le  plomb  à giboyer. 

On  sait  (pie  les  pères  delà  Charité  reçoi- 
vent dansleur  maison  de  Paris , et  y traitent 
avec  succès  , les  gens  attaqués  de  la  colique 
de  plomb  ; je  les  ai  prié  de  me  dire  si , dans 
le  grand  nombre  le  plombiers  , de  cor- 
donniers j de  broyeurs  de  couleurs  , de 


sur  l'étain.  399 

peintres  en  bâtimens  qu’ils  traitent  chaque 
année  , il  se  rencontrent  quelquefois  des 
potiers  d’étain  ; ils  m’ont  assuré  que  non. 

Cependant  si  on  se  transporte  dans  les 
ateliers  des  potiers  d’étain  et  des  plom- 
biers, on  verra  que  les  premiers  ne  sont 
pas  moins  exposés  que  les  derniers  à absor- 
ber, soit  par  la  voie  de  la  déglutition  et  de 
la  respi ration  , soit  parles  pores  de  la  peau  , 
une  égale  quantité  du  métal  qu’ils  mettent 
respectivement  en  œuvre  , les  plombiers 
avec  là  triste  perspective  d’une  maladie 
cruelle  , et  les  potiers  d’étain  avec  la  plus 
grande  sécurité. 

En  général  l’homme  est  fort  peu  occupé 
des  objets  dont  il  n’a  rien  à craindre, 
tandis  qu’il  porte  la  plus  grande  attention  , 
sur  ceux  qu’il  sait  être  contraires  à sa  con- 
servation. Dioscoride  parle-t  il  du  plomb  ? 
il  le  met,  ainsi  que  lalitharge  et  la  céruse,  au 
nombre  des  poisons  ; mais  il  garde  le  plus 
profond  silence  sur  l’étain , qui  cependant 
étoit  de  son  temps  un  métal  très-commun 
et  très-usité  : tous  les  auteurs  qui,  depuis 
ce  médecin  , ont  écrit  sur  la  nature  des 
choses,  n’ont  pas  manqué  de  consigner  dans 
leurs  ouvrages  , les  mauvais  effets  du 


4oO  RECHERCHES 

plomb  ; mais  tous  se  sont  également  tus 
sur  les  effets  de  l’étain , lors  même  qu’ils  ont 
parlé  de  ce  métal,  dont  i's  rcgardoient 
l’usage,  sinon  comme  salubre,  du  moins 
comme  indifférent  à la  santé  de  leurs  con- 
temporains, et  sur  lequel  ils  rassuroient  la 
postérité  , même  par  le  silence  qu’ils  gar- 
doient  à son  égard. 

Ceque  nous  savons  de  l’histoire  ancienne 
de  l’Asie  , par  le  petit  nombre  de  fragmens 
qui  ont  échappé  aux  ravages  du  temps  , 
nous  fait  ordinairement  regarder  cette 
partie  du  globe  , comme  le  berceau  des 
arts  et  des  sciences.  Cette  vaste  région  s’é- 

O 

tendant  soirs  toutes  sortes  de  latitudes  , 
a sur  l’Europe  des  avantages  immenses  $ 
constamment  peuplée  d’hommes  indus- 
trieux , les  arts  y furent  toujours  cultivés , 
et  malgré  la  mollesse  tant  reprochée  à ses 
habitans  , les  durs  travaux  de  la  métal- 
lurgie en  occupèrent  une  partie.  Les  mines 
d’étain  qui  se  trouvent  dans  quelques  unes 
des  contrées  méridionales  de  l’Asie,  furent 
donc  exploitées  j et  le  métal  qu’on  en  tira, 
se  répandit  jusque  sur  les  bords  de  la  Mé- 
ditérannée. 

Les  Phéniciens  qui  avoient  établi  une 

navigation, 


sur  l’étain.  401 

navigation  régulière  sur  la  mer  ronge  , 
se  rencloient  aux  Indes  , d’où  ils  appor- 
taient de  l’étain  , qu’ils  versoient  dans 
l’Egypte,  dans  l’Asie  mineure  et  même 
dans  la  Grèce. 

Cet  étain  de  l’Inde  était  alors  probable- 
ment le  seul  qui  fût  connu  des  Grecs  ; aussi 
étoit-il  pour  eux  un  métal  rare  qu’ils  em- 
ployoient , ainsi  que  je  l’ai  déjà  remarqué, 
à l’ornement  des  chevaux  et  des  chars  de 
bataille.  Mais  dans  la  suite  les  Cartha- 
ginois , plus  rapprochés  des  colonnes 
d’Hcrcule  les  ayant  doublées,  se  portèrent 
sur  les  côtes  occidentales  de  l’Espagne  et 
des  Gaules  , et  se  frayèrent  un  chemin 
jusque  dans  la  Grande-Bretagne  , d’où  ils 
tiroientune  si  grande  quantité  d’étain  que, 
selon  l’expression  du  prophète  Ezéchiel  , 
ils  en  remplissoient  les  marchés  de  la  ville 
de  Tyr  leur  métropole. 

A cette  époque,  l’étain  d’Angleterre,  ex- 
posé en  vente  sur  la  place  de  Tyr,  ne  tarda 
pas  à se  mêler  à celui  de  l’Inde,  peut-être 
même  le  repoussa-t-il , et  qu’il  fut  dès-lors 
le  seul  que  reçurent  les  Grecs  et  les  autres 
peuples  qui  habitent  les  côtes  orientales  de 
la  Méditerranée  ; car  outre  qu’il  était 
Tome  IL  C c 


402  recherches 

beaucoup  plus  facile  aux  Carthaginois  de 
se  rendre  à l’île  de  Wight,  qu’il  ne  l’étoit 
aux  Phéniciens  de  se  rendre  dans  les  Indes, 
il  est  très-probable  qu’un  peuple  riche  tel 
que  les  Indiens , vendoit  son  étain  plus  cher 
aux  Phéni  ciens  que  les  Bretons,  quiétoient, 
ainsi  que  les  autres  peuples  de  l’Europe  , 
très-pauvres , ne  le  vendoient  aux  Cartha- 
ginois. 

Carthage  n’étoit  plus  : cette  république 
de  négocians  avoit  succombé  sous  les  coups 
des  Romains,  mais  son  commerce  ne  périt 
pas  avec  elle  ; les  vainqueurs  s’en  empa- 
rèrent, et  1 Italie  continua  à tirer  par  rner 
l’étain  de  la  Grande-Bretagne  , jusqu’au 
temps  où  , Jules  César  ayant  fait  la  con- 
quête des  Gaules  , on  trouva  qu’il  étoit 
plus  court  de  le  transporter  par  terre, 
depuis  les  côtes  occidentales  de  la  Gaule , 
jusqu’à  l’embouchure  du  Rhône  , où  de 
nouveaux  vaisseaux  le  prenoient  et  le 
portaient  par- tout  où  le  besoin  le  re- 
quéroit. 

La  niasse  de  l’étain  augmentoit  chaque 
jour  , et  son  usage  se  répandoit  par  tout  : 
on  en  faisoit  des  vases  de  toutes  espèces; 
on  avoit  trouvé,  peut-être  déjà  depuis  plu- 


sur  l’étain.  4o3 

sieurs  siècles  , l’art  de  l’appliquer  sur  le 
cuivre  ; car  Pline  , en  parlant  de  l’étamage, 
s’exprime  de  manière  àfaire  entendre  que 
ce  n’étoit  pas  de  son  temps,  une  invention 
nouvelle. 

Or,  du  temps  de  Pline  les  médecins  Grecs 
qui  exerçoient  leur  art  dans  toute  l’éten- 
due de  l’Empire  et  principalement  dans  la 
capitale,  étoient,  on  ne  peut  pas  en 
douter  , de  très -bons  observateurs,  qui 
connoissoient  bien  les  mauvais  effets  du 
cuivre  et  du  plomb  5 ceux  de  l’étain  , si 
ce  métal  en  eût  eu  de  dangereux,  leur 
auroient-ils  échappé?  on  ne  sauroit  le 
présumer. 

Galien  , qui  vivoit  sous  Mar-Aurèle  et 
sous  Commode  , recommande  , il  est  vrai , 
de  ne  pas  conserver  les  trochisques  de 
vipères  dans  des  vaisseaux  d’étain  , ni 
même  d’argent , parce  que  , dit  ce  célèbre 
médecin,  on  a coutume  d’altérer  le  premier 
en  y mêlant  du  plomb  , et  que  le  second  est 
allié  de  manière  à contracter  promptement 
à sa  surface  une  rouille  contagieuse  ; il 
veut  ce  médecin  d’un  siècle  riche  , que  l’on 
emploie  à cet  effet  des  boîtes  d’or  ou  de 
verre  , qui  de  son  temps  étoit  une  matière 

C c 2 


4o4  RECHERCHES 

précieuse,  dont  on  faisoit  sur  le  tour  des 
vases  qui  iinitoient  ceux  de  cristal  de  roche. 
Le  luxe  de  son  siècle  permettoit  sans  doute 
à Galien  de  pareilles  substitutions  ; mais 
enfin  , ce  savant  médecin  , en  proscrivant 
les  vases  d’étain  , n’inculpe  pas  ce  métal  , 
ce  qu’il  n’auroit  pas  manqué  de  faire,  si 
quelque  observation  lui  avoit  fait  soup- 
çonner le  moindre  danger  dans  son  usage. 
S'il  veut  qu’on  ne  s’en  serve  pas  pour  garder 
les  trochisques  de  vipères  , c’est  parce  que 
de  son  temps,  la  cupidité  avoit  porté  les 
ouvriers  à mélanger  l’étain  avec  le  plomb , 
dont  les  mauvaises  qualités  étoient  bien 
avérées  (1). 

(i)  La  méthode  de  conserver  les  médicamens  dans 
des  vases  d’étain  déjà  introduite  du  tems  de  Galien  , 
est  encore  en  vogue  dans  quelques  villes  d’Allemagne  , 
où  j’ai  eu  occasion  de  voir  de  riches  pharmacies  qui 
dévoient  leur  belle  décoration  à un  grand  nombre  de 
boîtes  d’étain  artistement  élaboré  et  d’un  éclat  surpre- 
nant } mais  cet  étain  prétendu  étoit  une  sorte  de  com- 
position que  nous  n’aurions  jamais  osé  employer  à un 
pareil  usage  ; aussi  Schulz  qui  la  connoissoit,  n’a-t-il 
pas  manqué  de  la  condamner  : cependant  les  maîtres 
de  ces  pharmacies,  hommes  très-instruits  dans  leur 
art,  m’assuroient , ainsi  que  les  médecins  de  ces  mêmes 
villes,  que  les  médicamens  s’y  conscrvoient  très-bien. 


SUR  l’Étain.'  /\o5 

Ainsiles  motifs  qui  déterminèrent  Galien 
à proscrire  les  boîtes  d’étain,  loin  de  rendre 
ce  métal  suspect , déposent  au  contraire  en 
sa  faveur. 

L’étain  11e  fut  pas  moins  employé  depuis 
la  chute  de  l’empire  romain , qu’il  l’avoit 
été  sous  les  empereurs  : le  voisinage  de 
l’Angleterre  le  rendoit  même  plus  commun 
en  France  que  par-tout  ailleurs.  Cependant 
quelque  profonde  qu’on  suppose  l’igno- 
rance qui  caractérise  dans  notre  histoire, 
les  trois  ou  quatre  siècles  qui  ont  succédé 
à celui  de  Charlemagne  , il  n’est  pas  à pré- 
sumer que  nos  pères  aient  pu  un  instant, 
être  assez  indifférenssur  leur  conservation, 
pour  employer  à la  préparation  et  au  ser- 
vice de  leurs  alimens  , un  métal  dange- 
reux ; d’ailleurs  ce  n’etoit  pas  chez  les  serfs, 
c’est-à-dire,  chez  les  quatre-vingt-dix-neuf 
centièmes  de  la  nation  qu’on  trouvoit 
des  vases  d'étain  : un  plat  de  terre  , et 
plus  souvent  un  plat  de  bois , et  des  cuillers 
de  la  même  matière , coinposoient  toute 

et  sans  contracter  aucune  mauvaise  qualité  : à la 
bonne  heure,  mais  tant  que  nous  aurons  de  la  belle 
fayence  et  du  beau  verre,  il  n’y  a pas  à craindre  qu’un 
pareil  usage  s’introduise  en  France. 


C c 5 


4û6  RECHERCHES 

la  vaisselle  de  cette  classe  nombreuse 
et  indigente  : c’étoit  dans  les  châteaux 
qu’étoient  étalés  les  aiguières  , les  plats  et 
assiettes  d’étain  , c’étoit-là  que  le  vin  se 
servoit  et  se  buvoit  dans  des  vases  du  même 
métal  (i). 

Or,  dans  ces  temps  éloignés  , les  posses- 
seurs deterre  vivoientdans  une  aisance  qui 
devoit  leur  rendre  la  vie  précieuse  , et  par 
conséquent  diriger  leur  attention  sur  tout 
ce  qui  pouvoit  altérer  leur  santé  ; d’où  l’on 
doit  conclure  que  la  vaisselle  d’étain  étoit 
employée  dans  les  maisons  dont  je  parle 
avec  la  plus  grande  sécurité.  On  alla  plus 
loin  dans  la  suite  , non  content  de  regarder 
Pétain  comme  un  métal  dont  on  n’avoit 
rien  à redouter , on  lui  attribua  des  vertus 
médicinales. 

La  chimie  , ainsi  que  la  plupart  des  arts 
qui  rendent  aujourd’hui  l’Europe  si  bril- 


(1)  Cet  usage  n'est  pas  aboli  par-tout,  il  subsiste 
dans  beaucoup  de  communautés  religieuses  , et  il  est 
des  provinces  où  les  habitans  de  la  campagne  sont 
enfin  parvenus  à se  servir  d’une  vaisselle  que  leurs 
ancêtres  avoient  vue,  avec  admiration,  reluire  chez 
le  seigneur  de  leur  village. 


sur  l’étain.  4°7 

îante  , ne  commença  à y être  cultivée  qu’à 
l’époque  des  croisades  (1). 

Les  opérations  chimiques  sont  autant  de 
transmutations  de  la  matière  , pour  ceux 
qui  ne  les  approfondissent  pas;  aussi  quel 
parti  n’espéra-t-on  pas  tirer  d’un  art  aussi 
étonnant  ? Les  premiers  chimistes,  passant 
de  prodiges  en  prodiges  , crurent  bientôt 
pouvoir  parvenir  à faire  de  l’or  , et  à pro- 
longer la  vie  beaucoup  au-delà  des  bornes 
ordinaires  : folie  qui  a tourné  bien  des 

(1)  On  a beaucoup  critiqué  ces  pieuses  émigrations 
de  gens  d’armes  et  de  pèlerins  : et  il  seroit  en  effet 
très-difficile  d’en  faire  l’apologie  , si  on  ne  les  considé- 
roit  pas  comme  une  crise  avantageuse  , qui  lit  sortir 
nos  ancêtres  de  l’ignorance  profonde  où  ils  étoient 
plongés  relativement  aux  sciences  et  aux  arts , dont 
ils  allèrent  prendre  le  goût  et  les  élémens  chez  les 
Grecs  , et  chez  le3  Arabes. 

Quelque  recherche  que  l’on  veuille  faire , on  ne 
parviendra  pas  , du  moins  je  le  présume  , à prouver 
qu’avant  l’époque  des  Croisades,  on  connaissoit  dans 
les  parties  septentrionales  et  occidentales  de  l’Europe , 
les  acides  minéraux,  l’esprit-de-vin,  enfin  la  distilla- 
tion et  tout  ce  qui  en  est  la  suite , le  nitre  et  ses  ter- 
ribles effets,  etc.  etc.  et  combien  d’autres  arts  n’ont 
paru  chez  nous  qu’au  commencement  du  treizième 
siècle  et  à la  fin  du  douzième. 


c c 4 


4° 8 recherches 

têtes , et  dont  on  n’est  pas  tout  à fait  revenu 
dans  notre  siècle , si  jriche  en  science  et 
encore  plus  riche  en  or,  dont  la  possession, 
fait  désirer  une  longue  vie. 

L’or  ne  fut  cependant  pas  le  seul  métal 
dont  on  chercha  à tirer  parti , relative- 
ment à la  santé  : le  fer  , le  mercure  , l'an- 
timoine furent  tourmentés  de  toutes  les 
manières,  et  on  en  tira  en  effet  de  bons 
médicamens.  L’étain  eut  son  tour  , il  fut; 
vanté  comme  un  excellent  remède  dans 
les  affections  du  foie  et  de  la  matrice  ; on 
le  prescrivit  aussi  contre  les  vers  j et , ce 
qui  est  à remarquer  , c’est  que  l’étain 
d’Angleterre  étoit  toujours  celui  qui  étoit 
recommandé.  Ces  prétendues  vertus  se 
sont  évanouies  , ainsi  que  celles  de  l’or  : 
mais  du  moins  il  en  résulte  qu’on  étoit 
bien  éloigné  de  regarder  ce  métal  comme 
dangereux. 

J’ai  dit  , et  c’est  une  vérité  incontes- 
table , que  l’expérience  et  l’observation 
étoient  les  seuls  moyens  qui  pouvoient 
nous  faire  connoître  les  propriétés  des 
corps  : or  une  expérience  de  trente  siècles 
est  assurément  suffisante  pour  nous  tran- 
quilliser sur  l’usage  de  l’étain  considéré  dans 


son  état  de  pureté  , sur-tout  si  nous  faisons 
attention  que  pendant  ce  long  espace  de 
temps  , on  compte  différentes  époques  où 
il  existoit  de  bons  observateurs  grecs  , 
latins  et  arabes,  qui , s’ils  eussent  aperçu  , 
soupçonné  même  quelque  mauvaise  qua- 
lité dans  ce  métal , n’auroient  pas  man- 
qué d’en  avertir  leurs  contemporains  et 
d’en  prévenir  la  postérité  , en  en  faisant 
mention  dans  leurs  écrits  , et  dès-lors  la 
vaisselle  d’étain  annoncée,  avec  vérité  , 
comme  préjudiciable  à la  santé,  auroit  été 
bannie  des  tables  et  des  cuisines , pour  n’y 
reparoître  jamais. 

On  m’objectera  peut-être  que  les  géné- 
rations qui  nous  ont  précédés,  ont  pu  em- 
ployer avec  sécurité  cette  vaisselle  , parce 
que  dans  les  temps  passés,  on  n’avoit  que 
de  l’étain  des  Indes  qui  , même  encore  de 
nos  jours  , ne  se  trouve  vicié  par  aucune 
matière  étrangère  , et  qu’à  l’égard  de  celui 
d’Angleterre  dont  on  ne  commença  à se 
servir  que  vers  le  temps  où  les  Carthagi- 
nois débouquèrent  pour  la  première  fois 
le  détroit  de  Gades , on  peut  présumer 
que  les  mines  de  Cornouaille  fournissoîent 
alors  un  étain  aussi  pur  que  celui  des 


4l°  recherches 

Indes;  que  moins  approfondies , elles  n’é- 
toient  peut-être  pas  , comme  aujourd’hui , 
accompagnées  de  mundick , sorte  de  pyrite 
arsenicale  que  tout  l’art  et  toutes  les  pré- 
cautions des  mineurs  et  fondeurs  anglais , 
ne  peuvent  empêcher  d’altérer  le  métal 
qu’on  en  retire  actuellement  ; et  qu’en 
conséquence  nos  ancêtres  ont  pu  , sans 
danger,  se  servir  de  vaisselle  d’étain , tandis 
que  nous  ne  pouvons  peut-être  pas  le  faire  , 
sans  courir  les  risques  d’altérer  notre 
santé. 

Je  ne  ferai  pas  remarquer  la  foiblesse  de 
cette  objection  , j’accorderai  même,  si  l’on 
veut,  que  les  mines  d’Angleterre  n’ont 
commencé  à fournir  de  l’étain  impur  que 
vers  le  temps  où  Henckel  et  Margraff  ont 
découvert  qu’il  contenoit  réellement  une 
petite  portion  de  matière  arsenicale.  Je 
ne  discuterai  donc  pas  les  raisons  qu’on 
prétendroit  avoir  de  douter,  de  présumer, 
etc.  parce  que  la  réponse  qu’on  peut 
faire  à cette  objection  est  précisément 
celle  qui  convient  à la  seconde  question 
proposée. 


sur  l’étain. 


4n 


SECONDE  QUESTION. 

Un  Etain  qui  contient  quelques  atomes 
de  matière  arsenicale , peut-il  être  dan- 
gereux ? 

P our  répondre  à cette  seconde  question , 
je  rappellerai  ici  quelques  faits  bien  cons- 
tatés dans  la  première  partie  de  mes  recher- 
ches. Le  premier  est  que  l’étain  dans  lequel 
j’ai  trouvé  une  substance  arsenicale  , 11’en 
contient  pas  au-delà  d’un  grain  par  once, 
c’est-à-dire  j-g  , et  que  souvent  il  ne  s’en 
rencontre  même  quAV*  > mais  quelquefois 
aussi  ,-yg  , en  sorte  qu’en  prenant  ces  trois 
termes  sur  un  pied  moyen  , on  pourroit 
considérer  la  masse  d’étain  importée  d’An- 
gleterre en  France , comme  contenant  rh 
de  cette  substance,  quantité  qui  est  encore 
beaucoup  diminuée  par  le  mélange  qui  se 
fait  de  l’étain  des  Indes  avec  l’étain  d’An- 
gleterre ; mais  laissant  de  côté  toute  frac- 
tion , je  calculerai  au  plus  fort,  et  je  sup- 
poserai pour  le  moment  que  toute  la  masse 
d’étain  ouvré,  qui  est  actuellement  dans  le 


4*3  recherches 

royaume  , contient  ?f-4 , c’est  - à - dire  un 
grain  par  once  de  substance  arsenicale. 

Le  second  fait  est  que  cette  substance, 
en  quelque  petite  ou  grande  quantité  qu’elle 
soit , n’est  jamais  unie  à Pétain  sous  forme 
de  cliaux,  mais  toujours  sous  forme  semi- 
métallique  , c’est-à-dire  qu’une  once  d’étain 
contient,  non  pas  un  grain  d’arsenic,  mais 
un  grain  de  son  régule  , ce  qu’il  est  très- 
essentiel  de  remarquer,  parce  que  dans  ce 
dernier  état  , la  substance  arsenicale  est 
précisément  au  degré  d’ appropriation  qui 
convient  à la  combinaison  intime,  que  l’art 
ou  la  nature  lui  font  subir  en  l’unissant 
avec  l’étain. 

Le  troisième  fait,  est  que  le  grain  de 
régule  d’arsenic  se  trouve  disséminé  dans 
toutes  les  parties  de  l’once  d’étain  , d’une 
manière  si  égale,  que  chacun  des  5y6  grains 
dont  l’once  est  composée  , peut  idéalement 
être  subdivisé  en  5y6  parties  , qui , toutes 
prises  séparément,  contiennent  du  régule 
d’arsenic,  dans  la  proportion  d\-fs  de  leur 
petite  niasse. 

Il  est  un  quatrième  fait  avoué  de  tous  les 
chimistes  ; c’est  que  le  régule  d’arsenic  , 
quoique  substance  redoutable,  l’est  cepen- 


sur  l'étain.  4*3 

dant  beaucoup  moins  que  l’arsenic  propre- 
ment dit. 

Ceci  posé  , voyons  jusqu’à  quel  point  de 
l’étain  auquel  on  aura  ajouté  de  régule 
d’arsenic  , peut  être  nuisible  à l’économie 
animale. 

Il  y avoit  deux  manières  de  faire  cette 
recherche  : la  première  étoit  de  commencer 
les  expériences  que  je  me  proposois  de  faire 
sur  des  animaux , par  leur  donner  de  l’étain 
allié  avec  le  régule  d’arsenic,  dans  la  pro- 
portion d’rf6  , et  d'augmenter  cette  pro- 
portion selon  que  le  besoin  l’exigeroit;  la 
seconde  consistoit  à employer  d’abord  un 
étain  beaucoup  plus  chargé  de  substance 
arsenicale , dont  on  diminueroit  la  propor- 
tion si  on  y étoit  contraint.  Quoiqu’il  me 
parût  assez  indifférent  d’adopter  l’une  ou 
l’autre  manière  , je  me  décidai  cependant 
pour  la  seconde.  En  conséquence  , je  fis 
fondre  dans  les  vaisseaux  fermés  , 2 gros 
de  régule  d’arsenic  , et  i5  onces  6 gros 
d’étain  des  Indes  , ce  qui  me  donna  une 
livre  d’un  alliage  où  la  substance  arseni- 
cale se  trouvoit  dans  la  proportion  de  —■ , 
ou  9 grains  par  once  , c’est-à-dire,  qu’elle 
étoit  neuf  fois  plus  forte  que  celle  où  se 


4i4  recherches 

trouve  la  même  substance  dans  l’étain 
d’Angleterre,  qui  en  est  naturellement  le 
plus  chargé. 

Une  portion  de  cet  alliage  fut  coulée  en 
une  lame  de  trois  pouces  en  carré , sur  une 
ligne  environ  d’épaisseur  ; je  dirai  tout  à 
l’heure  l’usage  que  j’en  voulois  faire. 

Je  m’étois  pourvu  d’un  de  ces  chiens 
vagabons  qui  cherchent  leur  nourriture 
dans  les  rues  : cet  animal  , maigre  et 
affamé  , paroissoit  avoir  au  plus  six  mois 
d’âge. 

Le  22  mai  1778  , on  fit  cuire  une  livre 
de  viande  au  roux  , l’assaisonnement  n’y 
fut  pas  épargné;  et  comme  un  pareil  ragoût 
ne  pouvoit  se  faire  dans  un  vase  d’étain  , 
nous  y suppléâmes,  en  mettant  dans  le  pot 
de  terre , dès  le  commencement  de  la  cuis- 
son , la  lame  d’étain  dont  nous  avons  parlé, 
et  deux  cuillerées  de  fort  vinaigre. 

Cette  lame  resta  toute  la  nuit  dans  cette 
espèce  de  fricassée,  qui,  dans  la  journée 
du  a3 , fut  dévorée  par  le  chien  ; ce  même 
j our  on  en  fit  cuire  une  autre , dans  laquelle 
la  lame  d'étain  séjourna  jusqu’au  lende- 
main , celle-ci  fut  sa  nourriture  du  24. 

Comme  cet  animal  ne  paroissoit  pas  se 


sur  l’étain.  4i  5 

trouver  mal  de  cet  ordinaire  , on  ajouta  à 
son  ragoût  du  2 5 , seize  grains  du  même 
alliage  réduit  en  limaille  fine. 

Le  26,  il  en  prit  16  grains  le  matin  et 
autant  le  soir. 

Le  27  idem. 

Le  28  idem. 

Ce  chien  n’étoit  nourri  que  de  viande 
cuite  avec  la  lame  d'étain , et  saupoudrée 
avec  82  grains  de  mon  alliage^,  dont  je 
me  proposois  d’augmenter  la  dose  , parce 
qu’il  me  paroissoit  s’accoutumer  au  régime 
auquel  je  l’avois  condamné  , mais  je  n’en 
eu  pas  le  temps  ; le  29  du  même  mois,  cet 
animal  accoutumé  à courir  les  rues  , se 
souciant  peu  des  caresses  qu’il  recevoit  et 
de  la  bonne  nourriture  qu’on  lui  donnoit, 
s’échappa  de  la  maison,  et  fut  perdu  pour 
moi. 

Ce  jeune  chien  n’a  été  que  six  jours  au 
régime  dont  je  viens  de  parler,  mais  comme 
il  ne  s’en  est  pas  trouvé  mal , et  que  sa  gaîté 
a toujours  été  la  même,  je  pou  vois  au  moins 
conclure  que  l’étain  allié  à —•  de  régule 
d’arsenic  , étoit  vraiment  le  point  d’où  je 
pouvois  partir  dans  les  expériences  que  je 
ferois  dans  la  suite. 


s 


4l6  RECHERCHES 

Je  me  procurai  une  petite  chienne  épa- 
gneule, de  l’âge  d’environ  trois  ans:  elle 
étoit  habituée  à ne  pas  sortir  de  la  chambre, 
sa  nourriture  ordinaire  étoit  une  pâtée  de 
viande  et  de  mie  de  pain  : elle  mangeoit 
aussi  quelques  petits  morceaux  de  sucre. 
N’ayant  pas  voulu  changer  sa  manière  de 
vivre,  je  lui  ai  continué  la  même  pâtée, 
dans  laquelle  on  mettoit  de  la  limaille 
d’étain,  en  augmentant  la  dose  du  régule 
dans  l’ordre  suivant. 

Le  i5  juin  , la  petite  chienne  a com- 
mencé à prendre  dans  sa  pâtée  1 6 grains 
d’étain  allié  à de  régule  d’arsenic  , ce 
qui  a été  continué  tous  les  jours  jusqu’au 
525  du  même  mois,  c’est-à-dire  onze  jours, 
pendant  lesquels  elle  a pris  îyé^grains  d’é- 
tain allié  à 2 grains  trois  quarts  de  régule 
d’arsenic. 

Le  26,  on  lui  a fait  prendre  16  grains 
d’un  nouvel  alliage,  dans  lequel  le  régule 
se  trouvoit  à la  proportion  d’,V» 

Le  27  idem. 

Le  28  idern. 

Le  29  idem. 

Le  3 o idem. 

Au  total , cinq  jours , pendant  lesquels 

elle 


sur  l’étain.  4 17 

elle  a pris  8o  grains  d’étain  , et  par  consé- 
quent 2,  grains  et  demi  de  régule. 

Depuis  le  ier.  juillet  jusqu’au  11  inclu- 
sivement, on  a suspendu  le  régime  de  la 
petite  chienne  qui  a été  nourrie  avec  sa 
pâtée  ordinaire,  quelques  gimblettes  et  uil 
peu  de  sucre.  Dans  cet  intervalle  , elle  s’est 
très  bien  portée  , et  n’a  rien  perdu  de  sa 
gaîté,  scs  fonctions  stercorales  se  faisoient 
toujours  bien,  ses  excrcmens  étoient  durs 
et  moulés  , tels  enfin  que  les  rendent  les 
chiens  en  bonne  santé  ; on  la  fit  promener, 
et  la  première  fois  elle  mangea  du  chien- 
dent qui  la  fit  vomir  , son  embonpoint  aug- 
mentait et  son  appétit  redoubloit. 

Le  12  juillet,  elle  recommença  à prendre 
dans  sa  pâtée  1 6 grains  d’un  autre  alliage  $ 
celui  qu’elle  avoit  pris  jusqu’au  5o  juin  , 
était  fait  avec  l’étain  des  Indes,  c’est-à-dire 
avec  l’étain  pur  ; celui  que  nous  lui  don- 
nâmes ce  jour  - là  était  composé  d’étain 
d’Angleterre,  qui  contenoit  naturellement 
de  régule  d’arsenic,  et  auquel  il  en  fut 
encore  ajouté  ,V- 

Du  12  juillet  au  2.5  du  même  mois,  elle 
prit  constamment  chaque  jour  16  grains 
* de  ce  dernier  alliage  , ce  qui  fait  en  tout 
Tome  IL  D d 


4*8  RECHERCHES 

pour  ces  quatorze  jours,  224  grains  d’é- 
tain et  7 grains  de  régule. 

Enfin  , voulant  pousser  encore  plus  loin 
cette  expérience  , j’allai  jusqu’à  lui  faire 
prendre  le  même  étain  allié  à ~ de  régule 
d’arsenic. 

Le  26,  elle  en  prit  1 6 grains. 

Le  28  idem . 

Le  3o  idem. 

En  tout  43  grains  d’étain  et  3 grains  de 
régule.  Ce  fut  le  point  où  je  m’arrêtai. 

J’ai  gardé  la  petite  chienne  pendant  tout 
le  mois  d’août , et  je  puis  assurer  que  loin 
de  s’être  mal  trouvée  du  régime  auquel  elle 
avoit  été  astreinte  , elle  a , au  contraire  , 
pris  un  embonpoint  très-remarquable. 

Cette  expérience  me  paroissant  suffi- 
sante, je  passerai  sous  silence  toutes  celles 
qui  ont  été  faites  sur  d’autres  animaux, 
chiens  ou  chats,  auxquels  j’ai  donné  de 
l’étain  allié  au  régule  en  différentes  pro- 
portions , depuis  ~ jusqu’à  i , sans  qu’au- 
cun d’eux  en  ait  éprouvé  de  mauvais  effets. 
Je  me  contenterai  donc  de  faire  remarquer 
que  la  petite  chienne  a pris,  dans  l’espace 
de  trente  - trois  jours,  JaS  grains  d’étain 
allié  à J 5 grains  et  un  quart  de  régule,  et 


\ 


sur  l’étain.  4*9 

Sur-tout  que  dans  les  trois  derniers  jours, 
la  proportion  de  cette  dernière  substance 
a voit  été  portée  à ~~  non  Compris  rîr  que 
je  savois  se  trouver  naturellement  dans 
rétain  qu'elle  prenoit  à cette  époque.  Une 
pareille  quantité  d’étain  et  de  régule  est 
énorme  , et  ne  peut  en  aucune  manière 
soutenir  la  comparaison  qu’on  voudroit 
en  faire  avec  tout  autre  étain,  même  avec 
celui  qui  en  contient  5*r,  et  bien  moins 
encore  avec  celui  qui  n’en  tient  quY,V*. 
Efforçons-nous  cependant  de  la  faire  cette 
comparaison  , et  assurons  - nous  , s’il  est 
possible  . de  la  quantité  d’étain  qui  se  mêle 
aux  aliincns  préparés  ou  servis  dans  des 
yases  faits  avec  ce  métal 5 l’expérience  sui- 
vante peut  m’être  d’un  grand  secours  dans 
cette  recherche. 

J’ai  pris  une  de  ces  assiettes  achetées  à 
Londres , dans  lesquelles  mes  expériences 
m’avoient  fait  découvrir  - de  grains  de 
régule  d’arsenic  par  once  , et  je  m’en  suis 
servi  l’espace  de  deux  ans , pour  manger 
tantôt  le  potage  , tantôt  le  bouilli , ou  tout 
autre  mets  ; enfin  il  se  passoit  peu  de  jours 
où  elle  ne  fût  mise  en  usage  ; ce  qu’il  est 
bien  essentiel  de  remarquer,  c’est  que  dans 

D d 5? 


42 0 R E C n E R c II  E s 

cet  espace  de  temps , elle  n’a  pas  été  écurée 
une  seule  fois,  et  qu’on  avoit  même  l’atten- 
tion de  la  laisser  sécher  d’elle-même,  lors- 
qu’on la  lavoit. 

Après  les  deux  ans  révolus , cette  assiette 
a été  mise  sur  des  balances , que  4 grains 
faisoient  trébucher  fortement , sans  qu’elle 
parût  avoir  rien  perdu  de  son  poids , qui 
se  trouva,  ainsi  qu’auparavant,  être  d’une 
livre  3 onces  3 gros  et  demi. 

Ne  voulant  cependant  pas  conclure  de 
cette  expérience  que  la  vaisselle  d’étain  ne 
pourroit  en  aucuns  cas  fournir  quelques 
atomes  de  sa  substance  aux  aliinens  qu’on 
y prépareroit  ou  qu’on  y serviroit,  je  sup- 
poserai que  dans  l’espace  de  deux  ans,  des 
plats  et  assiettes  d’étain  mis  journellement 
en  usage  dans  un  ménage  composé  de  cinq 
personnes  , pourroient  au  plus  perdre  5 
gros  de  leur  poids , par  le  seul  contact  ou 
frottement  des  alimens,  et  abstraction  faite 
du  déchet  occasionné  par  l’écurage,  ou  tout 
autre  frottement  relatif  à la  propreté. 

Dans  cette  supposition  , chaque  individu 
de  la  famille,  qui  me  sert  d’exemple,  ava- 
leroit réellement  dans  l’espace  d’une  année, 
36  grains  d’étain,  ce  qui  feroït  3 grains  par 


4 


SUR  L*  RT  A.IN.  4 21 

mois , et  *-  de  grain  par  jour.  Or  ce  dixième 
de  grain  , en  calculant  au  plus  fort , peut  à 
peine  contenir  la  cinq  mille  sept  cent  soixan- 
tième partie  d’un  grain  de  régule  d’arsenic.’ 
Et  quels  mauvais  effets  a-t-on  à craindre 
d’une  aussi  petite  quantité  d’un  métal  qui, 
allié  à ér  » à.  fr»  & —■  du  même  régule,  a pu 
sans  aucun  accident,  être  avalé  journelle- 
ment par  une  petite  chienne , à la  dose  de 
16  grains  , ce  qui  , en  trente  - trois  jours  , 
en  a porté  le  total  à 5 28  grains,  dont  1 5 et 
un  quart  étoientdu  régule  d’arsenic,  quan- 
tité qui  paroîcra  énorme  , si  on  fait  attention 
que  dans  les  trois  derniers  jours  , ce  petit 
animal  a pris  48  grains  d’étain  et  5 grains 
de  régule. 

Jusqu’ici  j’ai  considéré  l’étain  qui  m’est 
apporté  d’Angleterre  , comme  naturelle- 
ment allié  à yf6  de  régule  d’arsenic  , mais 
on  doit  se  rappeler  que  très  - souvent  ce 
mèmè  étain  n’en  contient  qu’~r«  > et  que 
cette  petite  quantité  est  encore  diminuée, 
par  l’introduction  fréquente  de  l’étain  des 
Indes  , que  j’évalue  à un  tiers  dans  celui 
de  Cornouaille  ; en  sorte  qu’on  ne  s’éloi- 
gnera pas  de  la  vérité  , si  on  regarde  la 
masse  de  l’étain  existant  dans  le  royaume  * 

D d 3 


V 


422  RECHERCHES 

comme  ne  contenant  pas  au-delà  dVrr*  du 
régule  en  question,  c’est-à-dire  qu’un 
homme  qui  n’emploieroit  sur  sa  table  que 
de  la  vaisselle  d’etain , ne  pourroit  avaler 
un  grain  de  régule  , qu’autant  qu’il  pren- 
droit,  avec  ces  alimens , 6 onces  d’étain  , 
ce  qu’il  pourroit  à peine  faire  dans  l’espace 
de  quarante-huit  années. 

Une  expérience  de  vingt  siècles  ne  prouve- 
t-  elle  pas  en  effet  que  l’étain  de  Cornouaille 
tant  recherché  par  nos  pères  , peut  être 
employé  en  vaisselle  sans  aucune  espèce  de 
danger  P Et  ne  voyons -nous  pas  que  les 
chimistes  eux-mêmes,  tout  en  parlant  d’un 
soufre  arsenical , qu’ils  prétendoient  faire 
partie  de  ce  métal  , s’en  servoient  dans 
leur  ménage  ? Henckel  et  Margraff  ont 
rendu  palpable  l’arsenic  de  l’étain  , sans 
même  en  avoir  fait  connoître  les  propor- 
tions ; cependant  leurs  compatriotes  n’ont 
pas  pour  cela  rejeté  ce  métal , et  la  vaisselle 
d’étain  a toujours  la  plus  grande  vogue  en 
Allemagne  , ainsi  qu’en  Hollande  : mais 
que  dirons  - nous  des  Anglais  qui  conti- 
nuent à faire  usage  de  cette  même  vais- 
selle , quoique  les  ouvrages  de  Margraff 
leur  soient  bien  connus,  et  qu’ils  n’igno- 


423 


SUR  u’  ET  AI  K. 

rent  pas  que , malgré  les  précautions  qu’ont 
les  ouvriers  , d’éloigner  des  fonderies  le 
mundick , et  leur  attention  à épurer  par  le 
feu  le  minerai  de  toute  la  substance  arse- 
nicale que  lui  communique  cette  pyrite,  il 
en  reste  toujours  quelque  micule  intime- 
ment unie  à l’étain  dont  ils  se  servent  eux- 
mêmes,  témoin  ces  assiettes  apportées  de 
Londres , qui  m’en  ont  donnée  ou  ? de 
grain  par  once. 

Il  faut  l'avouer,  de  pareilles  micules , de 
pareils  atomes  ne  doivent  pas  nous  donner 
d’inquiétude  sur  le  sort  de  ceux  qui , par 
nécessité  ou  par  habitude  , emploient  la 
vaisselle  , ou  tous  autres  ustensiles  faits 
avec  l’étain  d’Angleterre. 

Mais  ce  n’est  pas  seulement  d’après  la 
petitesse  de  ces  atomes  de  substance  arse- 
nicale, que  je  prétends  prouver  que  l’étain 
qui  les  contient,  peut,  sans  aucun  risque, 
être  mis  en  usage  dans  nos  cuisines  et  sur 
nos  tables  ; je  veux  encore  démontrer  que 
cette  même  substance  , une  fois  unie  à 
l’étain  , ne  jouit  plus  de  ses  propriétés 
individuelles  , et  singulièrement  de  celle 
qui  la  rend  si  redoutable  dans  l’économie 
animale. 


D d 4 


4-)4  RECHERCHES 

Je  l’ai  dit,  je  le  répéterai  encore,  les 
chaux  métalliques  , de  quelque  nature 
qu’elles  soient  , ne  peuvent  s’unir  aux 
métaux.  Ce  seroit  donc  en  vain  qu’on 
voudroit  unir  l’arsenic  à l’étain.  Le  pre- 
mier peut  être  considéré  comme  un  sel , 
ou  comme  une  chaux  métallique  ; mais 
sous  quelque  point  de  vue  qu’on  le  con- 
sidère , l’art  ni  la  nature  ne  peuvent  en 
faire  la  combinaison  avec  les  substances 
métalliques. 

Ainsi  par  tout  où  on  rencontre  un  métal 
uni  à l’arsenic  , on  peut  être  sûr  qu’au 
moment  où  leur  union  s’est  opérée  , ils 
étoient  l’un  dans  son  état  métallique  , 
l’autre  dans  son  état  sémi-métallique  (1), 
sans  quoi  ils  ri’auroient  pu  se  pénétrer  , 
se  combiner  pour  constituer  un  corps  par- 

( j ) Il  ne  s’agit  pas  ici  des  mines  où  le  métal 
est  sous  forme  de  chaux , mais  de  celles  où  il  se 
trouve  sous  forme  métallique  , et  ce  sont  les  plus 
communes. 

On  lit  dans  le  Journal  de  Physique  , année  1773, 
second  volume  , une  dissertation  de  Monnet  sur  les 
effets  de  l’arsenic  dans  les  mines  , qui  confirme  ce 
que  je  dis  ici.  Cette  dissertation  a été  couronnée  par 
l’Académie  de  Berlin. 


S TT  R.  l’  £ T À I N*.  425 

tieulier  , qui  , ne  possédant  plus  les  pro- 
priétés distinctives  du  métal  et  du  demi- 
métal  dont  il  est  formé  , en  a acquis  de 
nouvelles  qui  le  constituent  corps  de  son 
propre  genre.  C'est  ainsique  , dans  le  cina- 
, bre,  Je  soufre  et  le  mercure  sont  tellement 
combinés  , tellement  pénétrés  l’un  par 
l’autre , qu’il  est  impossible  de  les  séparer 
autrement  que  par  des  secrets  long -temps 
cacliés  dans  le  sein  de  la  nature  , mais 
qu’enfin  les  chimistes,  à force  de  travail., 
sont  parvenus  à lui  dérober. 

L’antimoine  est  dans  le  même  cas  que 
le  cinabre  : qui  pourroit  reconnoître  , 
soupçonner  même  les  propriétés  de  sa 
partie  sémi-  métallique  ? Elles  sont  absolu- 
ment rendues  nulles  , ainsi  que  celles  du 
mercure  , par  la  combinaison  de  ces  deux 
substances  avec  le  soufre.  Beaucoup  de 
chimistes  ignorent  que  le  bismuth  qui 
paroît  si  homogène  , recèle  pourtant  encore 
quelques  atonies  de  soufre  qu’on  ne  par- 
vient à séparer  qu’en  dissolvant  ce  demi- 
métal  dans  l’acide  nitreux  ; et  combien 
d’exemples  de  ce  genre  ne  pourrois-je  pas 
citer  ? 

Au  reste  l’étain  n’est  pas  le  seul  corps 


4'2Ô  recherches 

de  la  nature,  qui  puisse  sans  aucun  risque 
être  employé  et  même  avalé  , malgré  la 
petite  portion  de  régule  d'arsenic  qui  y 
reste  fixée  $ je  connois  une  autre  substance 
minérale  que , dans  bien  des  cas  , la  mé- 
decine prescrit  avec  succès  à des  doses  assez 
fortes,  et  dans  laquelle  cependant  on  peut 
démontrer  l’existence  de  quelques  atomes 
d’arsenic. 

Tels  sont  les  effets  de  cette  combinaison 
intime,  que  les  physiciens,  bien  éloignés 
de  nous  passer  le  terme  de  pénétration  s 
regardent  encore  comme  un  simple  mé- 
lange , mais  que  les  chimistes  qui  savent 
en  faire  la  différence,  ont  toujours  vue 
comme  la  plus  variée  et  la  plus  fréquente 
des  opérations  de  la  nature  , une  de  celles 
enfin  dont  elle  est  sans  cesse  occupée. 

Trois  raisons  , dont  une  seule  pourroit 
suffire,  doivent  donc  nous  rassurer  sur  les 
prétendus  mauvais  effets  qu’on  voudroit 
attribuer  à l’étain , sous  prétexte  qu’il 
contiendroit  de  l’arsenic. 

La  première  est  que  cette  substance  s’y 
trouve  en  très- petite  quantité. 

La  seconde  , que  cette  petite  quantité  , 
ces  atomes  y sont  toujours  sous  forme 


réguline,  ce  qui  en  mitige  beaucoup  la  pro- 
priété délétère. 

La  troisième,  que  ces  mêmes  atomes 
de  régule  d’arsenic  , sont  intimement 
combinés  avec  l’étain  , ce  qui  rend  ab- 
solument nulle  la  qualité  délétère  ou  vé- 
néneuse. 

Ainsi  tout  nous  force  de  conclure  que 
des  micules , telles  qu’ riu  et  même  df6  de 
régule  d’arsenic  qui  se  rencontrent  ou 
peuvent  se  rencontrer  dans  l’étain  , sont 
hors  d’état  d'en  rendre  l’usage  dangereux  , 
et  que  l’on  peut  en  toute  sûreté  se  servir , 
si  on  le  juge  à propos,  de  toutes  sortes 
d’ustensiles  d’étain  , même  de  ceux  où  il 
seroit  entré  de  l’étain  de  Cornouaille  , à 
condition  , cependant , qu’ils  auront  été 
fabriqués  au  titre  de  la  loi. 

Les  trois  - quarts  de  la  somme  totale 
d’étain  ouvré  qui  se  trouve  actuellement 
dans  le  royaume  , provenant  des  mines  de 
Cornouaille,  j’aurai  atteint  mon  but,  si 
j’ai  rassuré  ceux  de  mes  concitoyens  qui 
emploient  dans  leur  ménage  de  la  vais- 
selle faite  avec  ce  métal.  Mais  en  prouvant 
que  l’étain  de  Cornouaille  ne  pouvoit  en 
aucune  façon  nuire  à l'économie  animale. 


> 


428 

recherches 

malgré  la  petite  portion , ou  plutôt  la 
micble  de  substance  arsenicale  que  j’y  ai 
constamment  trouvée  , il  s’en  faut  bien 
que  je  lui  donne  la  préférence  sur  l’étain 
des  Indes  ; je  crois  au  contraire  qu’il  11e 
peut  aller  de  pair  avec  ce  dernier. 

L’étain  n’étant  pas  une  production  de 
notre  sol  , celte  seule  considération  devoit 
faire  désirer  que  nous  pussions  nous  en 
passer  , ou  du  moins  qu’il  ne  fût  employé 
chez  nous  qu’autant  qu’on  y seroit  néces- 
sité, et  c’est  à-peu-près  l’état  où  les  choses 
en  sont  aujourd’hui. 

Cependant  comme  l’emploi  de  ce  métal  , 
généralement  parlant , ne  laisse  pas  que 
d’ètre  encore  considérable , reste  à savoir 
si  nos  négocians  peuvent  en  tirer  des  Indes 
ou  de  la  Hollande  toute  la  quantité  néces- 
saire à notre  consommation  : et  dans  le  cas 
où  ils  pourroientle  faire  , il  faut  considérer 
s’ils  seront  dans  la  possibilité  de  nous  en 
approvisionner  au  meme  prix  que  celui  de 
Cornouaille  $ car  la  différence  du  prix  , ne 
fut-elle  que  de  cinq  et  même  moins  de 
cinq  pour  cent  en  faveur  de  l’étain  anglais, 
ouvrira  toujours  l’entrée  du  royaume  à ce 
dernier  , malgré  toute  loi  prohibitive  : 


\ 


S U R L * h T A I K-.  429 

croire  le  contraire  , c’est  se  faire  illusion  , 
c’est  11e  pas  connoître  les  ressources  de  la 
cupidité  mercantille. 

Louis  XI  V défendit , au  mois  de  septem- 
bre 1701  , l’entrée  de  tout  étain  d’Angle- 
terre ouvré  ou  non  .ouvré  , et  permit  aux 
Hollandois  de  nous  apporter  l’étain  de 
Siam.  A cette  époque  , l’étain  anglais  se 
vendoit  quarante  florins  le  quintal,  et  celui 
de  Siam  quarante-cinq.  Que  devoit  occa- 
sionner cette  différence  de  prix  ? de  nous 
faire  acheter  l’étain  de  Cornouaille  sous  le 
nom  de  Siam  , en  nous  le  faisant  peut-être 
payer  aussi  cher  ; car  à quels  signes  les 
préposés  des  douanes  pouv oient- ils  recon- 
noître  ces  deux  espèces  d’étain  ? à la  forme 
des  lingots , à la  rouille  ou  crasse  qui  re- 
couvre celui  des  Indes  r Mais  tout  cela 
peut  s’imiter  : aussi  la  loi  prohibitive  ne 
subsista-t-elle  pas  long  temps. 

Il  n’est  donc  pas  aussi  facile  qu’on  le 
croiroit , d’empêcher  l’étain  d’Angleterre 
d’entrer  dans  nos  ports  ; mais  en  supposant 
qu’on  y réussisse  , n’est-il  pas  à craindre 
que  nos  manufactures  de  fer-blanc  n’en 
souffrent  ? On  sait  que  de  pareils  établis - 
semons  ont  besoin  de  la  protçction  du  gou- 


43o  RECHERCHES 

vernement  pour  se  soutenir  : or  ceux  que 
nous  avons  chez  nous , sont  encore  si 
éloignés  de  pouvoir  nous  fournir  toutes  les 
especes  de  fer-blanc  nécessaires  à notre 
consommation , que  nous  sommes  con- 
traints d’en  tirer  d’Angleterre:  or  défen- 
dre l’importation  de  l’étain  de  Cornouaille, 
sous  prétexte  qu’il  contiendroit  une  subs- 
tance arsenicale  , en  permettant  celle  du 
fer-blanc  anglais,  ne  seroit-ce  pas  en  quel- 
que sorte  se  contredire. 


SUR 


L’  É T A i N.  43l 


TROISIÈME  QUESTION. 

Les  métaux  ou  demi-métaux  qu’on  est 
dans  l’ habitude  d’allier  à l’ étain  pour 
lui  donner  de  la  dureté  y peuvent- ils  en 
rendre  l’usage  dangereux ? 

C’est  un  fait  reconnu  et  sur  lequel  j’ai 
insisté  , que  l’étain  pur  ne  peut  être  em- 
ployé seul  à la  fabrique  de  la  vaisselle.  Ce 
métal  est  trop  mou  , trop  flexible  , et  les 
pièces  qu’on  prétend roit  en  faire,  man- 
quant d’une  certaine  roideur  , perdroient 
bientôt  la  forme  que  le  moule  et  le  tour 
leur  auroient  donnée. 

J’ai  fait  connoître  , dans  la  troisième 
Section , quels  étoient  les  métaux  ou  demi- 
métaux  que  les  ouvriers  allioient  à ce 
métal  pour  lui  donner  de  la  dureté , de 
la  solidité  $ et  en  parlant  de  l’étain  appelé 
fin  y j’ai  rapporté  le  texte  de  la  loi,  qui 
leur  ordonne  de  11’y  faire  entrer  que  du 
cuivre  rouge  et  du  bismuth  , sans  cepen- 
dant en  prescrire  les  proportions  -,  mais 
j’ai  observé  qu’à  cet  égard  les  potiers 


X 


43  2,  RECHERCHAS 

d'étain  ne  pouvoient  commettre  aucun 
abus  , et  qu’ils  étoient  très- réservés  sur 
l’emploi  de  ces  deux  substances.  Enfin 
pour  fixer  l’idée  qu’on  doit  se  former  de 
l’étain  fin  allié  au  titre  de  la  loi  , j’ai  dit 
que  quatre- vingt -dix -sept  livres  d’étain 
pur  , deux  livres  ou  deux  livres  et  demie 
de  cuivre  rouge  et  une  livre  de  bismuth  (î), 
forment  un  mélange  dont  on  peut  faire  de 
très-belle  vaisselle  d’étain  fin  et  sonnant, 
qui  approcheroit  très-fort  de  celui  dont 
sont  fabriquées  les  assiettes  que  j’ai  re- 
çues de  Londres  , si  peut  être  il  n’est  le 
même. 

Un  alliage  tel  que  celui  qui  vient  d’être 
indiqué,  est  conforme  aux  ordonnances 
qui  furent  promulguées  dans  un  temps  où 
la  vaisselle  d’étain  étoit  pour  nos  pères  un 
objet  de  luxe,  et  faisoit  une  grosse  partie 
de  leur  mobilier.  Or  est- il  à présumer  que 
le  législateur  seseroit  déterminé  à permettre 
l’introductiondu  cuivre  et  du  bismuth  dans 
l’étain  , si  une  expérience  de  plusieurs 
siècles n’avoit  pas  convaincu  qu’on  pouvoit 

( O Ces  proportions  varieront  d’une  boutique  à 
l’autre,  mais  rarement  iront. elles  au-delà  de  celles 
que  j’indique. 


le 


sur  l’étain/  433 

lu  faire  sans  aucun  risque  ? Et  en  effet,  que 
peut-on  craindre  de  deux  livres  ou  deux 
livres  et  demie  de  cuivre  et  d’une  livre  de 
bismuth  • alliées  à quatre-vingt-dix-sept 
livres  d'étain  ? Nous  savons  que  le  premier 
ne  devient  dangereux  qu’en  se  changeant 
en  vert-de-gris  , et  qu’il  ne  peut  subir  cette 
métamorphose  tant  qu’il  sera  mêlé  à l’étain 
dans  la  proportion  d’J-  ou  même  dVr»  Ea 
vaisselle  d’argent  au  titre  de  Paris  en  con- 
tient ,y , et  assurément  on  n’en  redoute 
pas  l’usage  (1)5  or  si  vingt-trois  parties 

( 1 ) Ce  n’est  pas  que  l’on  n’entende  dire  assez  sou- 
vent que  la  vaisselle  d’argent  est  susceptible  de  se 
verdegriser  : mais  on  ne  fait  pas  attention  , en  tenant 
ce  propos,  qu’il  s’introduit  dans  le  royaume  et  même 
à Paris  de  l’argenterie  d’Allemagne  , qui  communé- 
ment est  au  plus  bas  titre.  Combien  n’avons  - nous 
pas  vu  d’officiers  français  se  munir  de  couverts  d^ar- 
gent  à la  foire  de  Francfort  , ou  chez  des  orfèvres 
établis  dans  d’autres  villes.  En  vain  leur  représentions- 
nous  les  inconvéniens  d’une  pareille  vaisselle;  séduits 
par  le  bon  marché  , ils  faisoient  leur  emplette,  et  ne 
tardoient  pas  à s’en  repentir.  Malgré  la  sévérité  des 
lois  , il  peut  se  fabriquer  dans  le  royaume  de  l’argen- 
terie à un  titre  inférieur  à celui  de  Paris.  Or  c’est 
sur  de  pareille  vaisselle  qu’on  pourra  voir  le  vert- 
de-gris  se  former  ; mais  on  n’a  pas  à craindre  cet 

Tojne  IL  E e 


434  RECHERCHES 

d’argent  masquent  une  partie  de  cuivre  au 
point  de  la  priver  entièrement  de  ses  mau- 
vaises qualités,  je  puis  croire  que  cinquante 
et  même  quarante  parties  d’étain  l’en  pri- 
veront encore  plus  sûrement. 

J’en  dirai  autant  du  bismuth,  dont  les 
qualités  relatives  à l’économie  animale  sont 
assez  peu  constatées  , mais  qui  pourtant 
possède  quelques  propriétés  trop  analogues 
à celles  du  plomb,  pour  ne  pas  me  porter 
à le  tenir  au  moins  comine  suspect.  Cepen- 

inconvénient , en  se  servant  d’une  vaisselle  alliée  au 
titre  que  j’indique  ; si  ce  n’est  qu’on  pourroit  quelque- 
fois apercevoir  de  petites  taches  noires  autour  des 
baguettes,  qui  sont  ordinairement  appliquées  aux 
assiettes  et  aux  plats,  à l’aide  d’une  soudure  forte , 
dans  la  composition  de  laquelle  il  entre  une  assez 
grande  quantité  de  cuivre.  Le  mieux  seroit  donc 
d’avoir  de  la  vaisselle  plate  unie  ; mais  on  ne  se 
contente  pas  des  belles  formes  que  l’orfévre  donne  à 
ses  ouvrages  , on  veut  encore  des  baguettes  à belles 
moulures.  IL  est  un  autre  cas  où  on  pourroit  aussi 
apercevoir  sur  de  la  vaisselle  neuve  quelques  taches  , 
ce  seroit  celui  où  le  planeur  ayant  aperçu  sur  la  pièce 
qu’il  travaille,  de  petites  gerçures,  seroit  contraint 
de  les  ragréer  avec  un  peu  de  soudure;  ce  qu’il  no 
faut  cependant  pas  regarder  comme  quelque  chose  des 
fort  redoutable. 


345 


SUR  U ’ É T A X n; 

dant  on  sera  rassuré  sur  le  compte  cle  ce 
demi-métal,  si  on  considère  qu’il  n’en 
peut  pas  entrer  dans  cent  livres  d’étain 
beaucoup  au-delà  d’une  livre  , et  que  cette 
petite  quantité  perd  entièrement  toutes 
ses  propriétés , en  se  combinant  avec  le 
métal. 

Je  ne  puis  donc  m’empêcher  de  conclure 
que  la  vaisselle  d etain  fin  , allié  au  cuivre 
et  au  bismuth  , selon  le  prononcé  des 
ordonnances , ne  peut , en  aucune  manière,, 
être  dangereuse. 

Mais  avons-nous  de  cette  vaisselle  d’étain 
fin  , allié  au  titre  de  la  loi  ? J’ose  assurer 
que  non  , et  s’il  en  existe  encore  dans 
quelque  coin  du  royaume,  elle  date  cer- 
tainement de  l’autre  siècle. 

Depuis  que  l’étain.  , repoussé  par  la 
fayence , a été  banni  de  presque  toutes  les 
tables  , les  potiers  d’étain  ne  trouvant  plus 
un  aussi  grand  débit  de  leurs  ouvrages  „ 
voulant  balancer  la  perte  que  leur  occasion- 
noit  le  défaut  de  vente  , ont  pris  le  parti 
d’introduire  du  plomb,  même  en  assez 
grande  quantité,  dans  l’étain  fin  , et  d’en 
mettre  outre  mesure  dans  Pétain  commun. 

D’un  autre  côté,  ceux  qui  continuèrent 

E e 3 


436  RECHERCHES 

à se  servir  cle  vaisselle  cl’étain  , formant 
une  classe  qui  malheureusement  est  néces- 
sitée à faire  plus  d’attention  au  bon  mar- 
ché qu’à  la  beauté  de  la  matière , en  accé- 
lèrent encore  la  dégradation  ; en  sorte  que 
le  titre  de  l’étain  baissant  de  jour  en  jour, 
les  acheteurs  se  trouvèrent  bientôt,  faute 
de  pièces  de  comparaison  , dans  le  cas  de 
prendre  pour  de  Pétain  lin  , ce  qui  auroit 
à peine  passé  pour  de  l’étain  commun  , il 
y a cent  ans.  Je  le  dis  avec  confiance,  bien 
persuadé  que  je  ne  serai  pas  désavoué 
par  les  potiers  d’étain,  dont  j’ai  vu  un 
grand  nombre  gémir  sur  les  abus  in- 
troduits dans  leur  art  , et  qui , tout  en 
réclamant  l’exécution  des  ordonnances , 

in’avouoient  de  bonne  fois  , qu’entraînés 

• 

par  le  torrent , ils  commettoient  la  même 
faute. 

Ce  n’est  ni  du  cuivre  ni  du  bismuth  , en- 
core bien  moins  du  zinc  et  du  régule  d’an- 
timoine (1)  que  les  potiers  d’étain  peuvent 

(i)  Le  zinc  dont  on  se  sert  quelquefois,  étantàpeu- 
près  reconnu  pour  ne  posséder  aucune  qualité  nuisible 
à l’économie  animale  , son  introduction  dans  l’étain 
est  d’autant  plus  indifférente  , que  nous  sommes  pré- 
venus que  les  ouvriers  sont  très-réservés  dans  l’emploi 


SUR 


I.  ’ Ê T A I K. 


abuser  ; la  dureté  , la  fragilité  même  que 
ces  substances  donneroient  à l’étain  , les 


de  ce  demi-métal , dont  quelques  onces  de  trop  se* 
roient  capables  de  gâter  une  fonte  de  plusieurs  quin- 
taux. 

Quant  au  régule  d’antimoine , on  est  dans  l’habitude 
de  le  faire  entrer  en  très -petites  proportions  dans 
l’étain  destiné  à la  fabrication  des  cuillers  , sorte  de 
petit  ustensile  qui , à cause  de  sa  longueur  et  de  son 
peu  d’épaisseur  , a besoin  de  plus  de  roideur  qu’aucun 
autre. 

On  est  très-embarrassé  sur  le  choix  de  la  matière 
propre  à faire  ce  petit  instrument  aussi  nécessaire  au 
pauvre  qu’au  riche.  Il  n’y  a d’intermédiaire  entre 
l’argent  et  l’étain  que  le  bois.  En  vain  a ton  présenté 
aux  citoyens  peu  aisés  des  cuillers  de  cuivre  jaune 
ou  potin  argentées  5 ils  les  ont  rejetées  avec  juste 
raison  , et  s’en  sont  tenus  à celles  qu’on  leur  vend  sous 
le  nom  de  cuillers  de  métal  , c’est-à-dire,  d’étain  allié 
avec  un  peu  de  régule  d’antimoine. 

Ce  demi  métal  , il  est  vrai  , possède  une  propriété 
qui  le  distingue  de  toutes  les  autres  substances  de  sa 
classe  : pris  intérieurement  à la  dose  de  six  à sept 
grains  , il  excite  le  vomissement , sans  pouvoir  être 
pour  cela  regardé  comme  un  poison  : on  sait  au  con- 
traire combien  il  est  utile  en  médecine  5 mais  on  sera 
bien  rassuré  sur  cet  effet , lorsqu’on  fera  attention 
qu’introduit  dans  l’étain  à de  très-petites  proportions  , 
il  subit  avec  ce  métal  une  combinaison  qui  le  priva 
de  toute  son  émet  ici  te. 


E e 3 


438  RECHERCHES 

obligent  à ne  les  y faire  entrer  qu’en  de 
très-petites  proportions  ; et  d’ailleurs  ce 
ne  seroit  pas  un  moyen  propre  à satis- 
faire la  cupidité  , je  l’ai  déjà  fait  observer. 

Le  plomb,  ce  vil  métal,  qui,  quoiqu "im- 
porté des  pays  étrangers  , se  vend  à peine 
chez  nous  quatre  sols  la  livre  , étoit  la 
seule  matière  dont  on  pouvoit  faire  abus  ; 
aussi  les  potiers  d’étain  ne  l’ont-ils  pas 
ménagé.  La  loi  leur  permet  d’exposer  en 
vente  toutes  sortes  de  marchandises  fabri- 
quées en  étain  commun , bien  aloyé  et 
'venant  à la  rondeur  de  l’essai  avec  la 
blancheur  requise  : termes  vagues  , même 
pour  ceux  qui  sont  dans  l’habitude  de  faire 
Y essai  à la  pierre , car  c’est  celui-ci  dont 
l’ordonnance  entend  parler. 

J’ai  fait  remarquer  combien  peu  l’on 
doit  compter  sur  un  pareil  essai , que  plu- 
sieurs potiers  d’étain  111’ont  assuré  n’être 
bien  pratiqué  que  par  un  très-petit  nom- 
bre d’entre  les  maîtres  de  Paris,  et  être  à- 
peu-près  inconnu  'à  ceux  des  provinces. 
Kejetant  donc  cette  manière  d’éprouver  le 
titre  de  l’étain , j’ai  indiqué  un  procédé 
chimique  par  lequel  on  peut  retirer  tout 
le  plomb  introduit  dans  ce  métal , et  j’aî 


fait  mention  de  telle  pièce  de  vaisselle  où 
il  en  étoit  entré  jusqu’à  vingt-livres  par 
quintal.  Pour  terminer  mes  expériences, 
je  vais  en  mettre  une  sous  les  yeux  des 
lecteurs,  qui  prouve  qu’une  pareille  quan- 
tité de  plomb  introduit  dans  l’étain  pour- 
roit  en  rendre  l’usage  dangereux. 

Ayant  acheté  une  mesure  de  pinte  chez 
un  maître  potier  d'étain  , qui  me  la  vendit 
pour  être  de  très-bon  étain  commun  , je 
l’ai  tenue  pleine  de  vinaigre  distillé  et 
d’une  moyenne  force,  pendant  les  mois 
de  mai  et  juin  1779  ; ce  temps  expiré  , j’ai 
agité  la  liqueur  qui , tout  de  suite,  a été 
versée  dans  un  vase  de  verre,  au  fond 
duquel  il  s’est  déposé  une  poudre  blanche 
qui,  lavée  et  séchée,  pesoit  de  i4  à 1 5 
grains  : c’étoit  de  la  chaux  d’étain. 

Le  vinaigre , qui  étoit  limpide  et  sans 
couleur , ayant  été  évaporé  au  bain-marie  , 
au  point  de  représenter  à-peu-près  le 
volume  d’une  once  d’eau  , fut  abandonné 
à l’évaporation  insensible , au  moyen  de 
laquelle  j’ai  obtenu  11  grains  et  demi  de 
sel  de  saturne. 

Non  content  de  cette  expérience  , j’ai 
traité  par  l’acide  nitreux  4 onces  de  cette 

E e 4 


même  mesure  ; et  suivant  exactement  le  prai 
cédé  que  j’ai  indiqué  pour  départir  le 
plomb  d’avec  l’etain,  j’ai  eu  la  certitude 
qu’il  étoit  entré  dans  l’alliage  dont  la 
pinte  avoitété  faite,  vingt  livres  de  plomb 
-par  quintal. 

On  voit  par-là  combien  il  seroit  dange- 
reux de  garder  du  vin  , ou  toute  autre 
liqueur  acidulé  dans  de  pareils  vaisseaux, 
qui  malheureusement  ne  sont  que  trop 
communs  , puisqu’ayant  un  jour  témoigné 
à un  maître  potier  d’étain  mon  étonnement 
sur  la  grande  quantité  de  plomb  que  je 
îrouvois  dans  certaines  pièces , et  lui  ayant 
cité  pour  exemple , des  mesures  qui  en  con- 
tenoient  jusqu’à  vingt  livres  par  quintal  ; 
sa  réponse  fut  , que  si  j’avois  fait  mon 
emplette  dans  certaines  boutiques , j’en 
aurois  trouvé  plus  de  vingt-cinq  livres. 

Cet  abus  est  énorme  , il  est  non-seule- 
ment dangereux  , relativement  à l’économie 
animale  $ mais  c’est  encore  , ainsique  je  l’ai 
déjà  dit,  un  véritable  vol  fait  aux  parti- 
culiers , à qui  on  vend  du  plomb  pour  de 
l’étain.  Il  étoit  de  mon  devoir  de  le  faire 
connoître  5 mais  c’est  aux  magistrats  qui 
yeillent  à la  sûreté  des  citoyens  , qu’il  est 


Sun  h * £ T A I nV  44  i 

réservé  de  détruire  un  pareil  abus , en 
rappelant  les  potiers  d’étain  à l’exécution 
des  ordonnances. 

Si  l’étain  étoit  pour  nous  un  objet  de 
luxe  , on  pourroit  se  déterminer  à le  pros- 
crire , avec  d'autant  plus  de  raison  , que 
n’en  possédant  aucune  mine  , ce  n’est  qu’à 
prix  d’argent  que  la  France  peut  se  le  pro- 
curer. Mais  comme  il  est  bien  démontré 
que  nous  ne  pouvons  nous  passer  de  ce 
métal , il  s’ensuit  qu’on  ne  doit  en  aucune 
manière  s’occuper  de  sa  proscription. 

J’ai  déjà  dit  qu’il  nous  falloit  de  l’étain 
pour  nos  fayenceries  et  nos  ferblanteries  : 
j’ajouterai  que  ce  métal  entre  dans  la  com- 
position du  bronze  , ainsi  que  dans  celle 
de  la  soudure  tendre  , dont  certains  ou- 
vriers, sur-tout  les  plombiers  et  fontainiers, 
font  une  grande  consommation.  Quelle 
sera  la  substance  métallique  dont  on  fera 
les  parties  intérieures  des  alambics  ? Re- 
tournerons-nous au  cuivre  , rejeté  depuis 
long- temps  , avec  juste  raison  ? Et  avec 
quoi  couvrira-t-on  ce  même  cuivre  pour 
le  préserver  du  verdet  ? Avec  le  zinc  ; mais 
ée  demi-métal  ne  se  trouve  pas  chez  nous , 
et  il  auroit  en  outre  tous  les  défauts  de 


44  2 RECHERCHES 

l’étain.  Avec  quelle  matière  fabriquera-t-on 
les  mesures  pour  les  liquides  ? avec  le 
verre  , le  grès  , la  fayence  ? non  , ces  ma- 
tières sont  trop  fragiles  ; et  d’ailleurs  com- 
ment parvenir  à leur  donner  , à peu  de 
frais  , la  justesse  prescrite  par  la  loi,  ou 
ce  qui  est  la  même  chose , à les  rendre 
conformes  à l’étalon  , si  religieusement 
conservé  chez  tous  les  peuples  policés  ? Il 
est  donc  beaucoup  d’ustensiles  qu’on  ne 
peut  faire  qu’en  étain. 

Mais  , s’il  est  des  cas  où  ce  métal  ne  peut 
que  difficilement  être  suppléé  par  un  autre 
( car  je  ne  présume  pas  qu’on  me  citera 
l’argent  ) , il  en  est  d’autre  où  son  utilité 
est  si  grande  , qu’il  devient  en  quelque 
sorte  nécessaire  $ par  exemple  , dans  com- 
bien de  circonstances  n’est-on  pas  forcé  de 
faire  usage  de  la  vaisselle  d’étain?  Voya- 
geons en  Allemagne  , en  Hollande  , nous 
n’en  trouverons  pas  d’autre  dans  les  au- 
berges et  dans  les  maisons  des  particuliers. 
De  quels  plats  , de  quelles  assiettes  se  ser- 
vira-t-on dans  les  armées  ? voudroit-on  , 
comme  les  Perses  du  temps  de  Xerxès  et 
de  Darius , traîner  à sa  suite  une  immense 
et  conséquemment  très  - embarrassante 


sur.  l’btatn.  44'3 

argenterie?  Les  événemens  delà  guerre  s’y 
opposeront  toujours  ; nous  en  avons  eu 
plus  d’une  fois  l’expérience  : mais  en  sup- 
posant que  les  généraux  veuillent  le  faire  , 
quelle  sera  la  vaisselle  dont  les  officiers  se 
pourvoiront  ? En  est-il  de  plus  commode 
et  de  moins  chère  que  celle  d’étain  , ou  ce 
qui  revient  au  même  , de  fer-blanc  ? Elle 
peut  être  employée  aux  usages  de  la  table  , 
sans  aucun  danger,  je  l’ai  prouvé  : elle 
coûte  peu  ; il  ne  faut  pas  la  renouveler 
souvent  : lorsqu’elle  est  de  bon  aloi , elle 
a une  couleur  argentine  que  l’on  peut 
entretenir  avec  facilité  , en  l’écurant  deux 
ou  trois  fois  par  mois  : lorsqu’on  veut  s’en 
défaire,  on  n’essuie  d’autre  perte  que  celle 
de  la  façon  ; le  point  essentiel  est  qu’elle 
soit  loyalement  fabriquée  , et  que  le  plomb 
n’en  fasse  jamais  partie.  Elle  n’est  plus  de 
mode  dans  nos  villes , et  même  les  habitans 
aisés  de  la  campagne  commencent  à la 
rejeter,  ils  font  très-bien;  moins  on  fabri- 
quera de  cette  vaisselle  en  France  , moins 
il  en  sortira  d’argent  pour  se  procurer 
l’étain  des  Indes  ou  d’Angleterre. 

O 

Je  suis  donc  bien  éloigné  de  chercher  à 
rendre  à l’étain  son  ancienne  célébrité  , et 


444  recherches' 

gu  insistant  sur  son  innocuité , relativement, 
à l'économie  animale  , je  n’ai  d’autre  but 
que  de  dissiper  les  alarmes  , que  quelques 
personnes  ont  assez  inconsidérément  ré- 
pandues chez  ceux  de  nos  concitoyens  qui 
sont  habitués  ou  nécessités  à se  servir 
d’ustensiies  d’étain. 


S II  U 


L’ÉTAIN'.'  445 


OBSERVATIONS 

Sur  le  cuivre  étamé  et  sur  le  fer-blanc . 

L’jemploi  des  vaisseaux  de  cuivre  pour 
Ja  préparation  des  alimens  , remonte  à La 
plus  haute  antiquité.  Moïse  nous  apprend 
que  Tubalcain  , septième  homme  depuis 
Adain  , étoit  un  habile  ouvrier  en  cuivre 
et  en  fer  , qui  étoient  probablement  alors 
les  seuls  métaux  connus  , mais  certaine- 
ment les  seuls  qui  pouvoient  être  utiles  aux 
premiers  habitans  de  la  terre. 

Les  auteurs  grecs  et  latins  font  souvent 
mention  des  marmites  et  chaudrons  de 
cuivre  , dont  on  se  servoitpour  la  cuisson 
des  alimens  ; il  est  en  effet  des  circonstances 
où  les  vaisseaux  de  terre  cuite  , soit  à cause 
de  leur  fragilité  , soit  parce  que  leur  capa- 
cité est  très-bornée , ne  pouvant  pas  être 
employés  , l’on  est  forcé  de  se  servir  des 
vaisseaux  de  cuivre  \ et , sans  sortir  de  la 
France  , combien  n’y  voyons-nous  pas 
d’ustensiles  de  cuisine  et  autres  faits  avec 
ce  métal. 

L’emploi  du  cuivre  est , à la  vérité  , 


y" 


446  recherches 

beaucoup  diminué  chez  nous,  depuis  que 
les  marmites  de  fer  se  sont  généralement 
répandues  dans  les  provinces  , où  les  gens 
aisés  sont  les  seuls  qui  fassent  usage  des 
marmites  de  terre  cuite.  Celles  de  cuivre 
sont  absolument  rejetées  par  le  plus  grand 
nombre  de  nos  concitoyens  ; et  s’il  s’en 
trouve  encore  dans  la  capitale,  ce  n’est 
que  dans  les  maisons  des  riches,  qui,  fa- 
miliarisés avec  les  casseroles,  ne  redoutent 
pas  les  marmites  de  cuivre  , ou  dans  ces 
cuisines  publiques  où  l’on  prépare  des 
alimens  pour  un  grand  nombre  d’hommes. 

Les  pharmaciens  se  sont  défaits  de  leurs 
alambics  de  cuivre  , et  n’emploient  aujour- 
d’hui que  ceux  dont  toutes  les  parties  in- 
ternes sont  faites  avec  l’étain. 

îl  n’y  a pas  trente  ans  que  toute  l’eau 
nécessaire  à la  consommation  journalière 
d’une  maison  de  Paris  , étoit  déposée  dans 
des  fontaines  de  cuivre  , qui  , malgré 
l’étamage  se  tapissoient  bientôt  intérieure- 
ment d’une  couche  de  verdet.  B.ouellô 
l’aîné  , fut  un  des  premiers  à donner 
l’alarme  sur  cet  objet  important , et  l’on 
s’empressa  de  substituer  les  fontaines  de 
grès  à celles  de  cuivre  : ce  fut  un  bien 


sur  l’étain.  447 

réel  , mais  la  révolution  n’a  pas  été  com- 
plète , et  il  est  encore  des  maisons  où  l’an- 
cien usage  s’est  maintenu. 

Il  s’en  faut  bien  que  j’ajoute  foi  à tons  les 
événemens  tragiques  que  l’on  met  sur  le 
compte  du  cuivre  , et  que  souvent  l’on  se 
plaît  à exagérer  j mais  je  ne  peux  m’em- 
pêcher de  dire  qu’il  seroit  à souhaiter 
qu’aucun  de  nous  ne  conservât  l’eau  , des- 
tinée à la  boisson  ou  à la  préparation  des 
alimens  , dans  des  vaisseaux  métalliques  , 
et  singulièrement  dans  ceux  qui  sont  faits 
avec  le  cuivre. 

Lorsqu’une  armée  est  prête  d’entrer  en 
campagne  , l’usage  est  de  distribuer  par 
chambrée  une  marmite  qui  , jusque  dans 
ces  derniers  temps,  étoit  de  cuivre  étamé  ; 
depuis  trois  ans  , on  ne  donne  plus  aux 
soldats  que  des  marmites  de  fer  battu.  Ce 
changement  étoit  important  5 il  est  à sou- 
haiter qu’on  le  soutienne.. 

Mais  si  les  vaisseaux  de  cuivre  ne  sont 
plus  aussi  fréquemment  employés  parmi 
nous , qu’ils  le  furent  autrefois , il  en  reste 
cependant  encore  un  assez  grand  nombre  , 
qui , sous  le  nom  de  casseroles  , garnissent 
les  cuisines  de  ceux  qui,  par  état  ou  pour 


44°  recherches 

cause  de  fortune,  tiennent  ce  qu’on  appelle 

vulgairement  une  bon?ie  table  (1). 

Toutes  les  confitures  sèches  et  liquides  , 
les  dragées  de  toutes  espèces  , enfin  toutes 
les  préparations  de  sucre  se  font  dans  des 
bassines  de  cuivre  non  étamé , et  il  scroit 
très-difficile  , pour  ne  pas  dire  impossible, 
d’amener  les  confiseurs  à changer  leur 
méthode. 

C’est  avec  le  cuivre  qu’on  a toujours  fait 
les  grandes  chaudières  dans  lesquelles  on 
prépare  le  bouillon  destiné  aux  malades 
qui  sont  traités  dans  les  hôpitaux  , et  ce 
n’est  que  depuis  six  ou  sept  ans  qu’on  a 
commencé  à introduire  dans  les  hôpitaux 
militaires  de  Flandre,  des  chaudières  de 
fer  , de  pareille  grandeur.  Il  est  à desirer 
que  cette  méthode  particulière  à la  Flandre, 
soit  généralement  adoptée  dans  tous  les 
hôpitaux  sédentaires,  mais  elle  seroit  diffi- 

(1)  Le  luxe  et  la  crainte  des  mauvais  effets  du  cuivre 
ont  tenté  d’introduire  dans  ces  cuisines,  l’un  les  casse- 
roles d’argent,  l’autre  les  casseroles  de  fer  battu;  les 
cuisiniers  les  ont  ropoussées , sous  prétexte  que  l’argent 
s’échauffe  trop  et  garde  trop  long  temps  sa  chaleur, 
et  que  le  fer  battu  noircit  les  sauces  et  donne  aux 
ragoûts  une  saveur  ferrugineuse. 


cilement 


cilement  pratiquée  dans  les  hôpitaux  qui 
marchent  avec  ies  armées. 

Il  est  encore  d’autres  vaisseaux  d’une 
énorme  capacité,  que  l’on  ne  peut  faire 
qu’avec  le  cuivre  , telles  sont  les  chaudières 
employées  dans  les  brasseries  et  dans  les 
rafineries  de  sucre. 

Il  est  donc  des  circonstances  où  l’on  est 
contraint  de  faire  usage  du  cuivre,  malgré 
les  mauvaises  qualités  qu’on  lui  a de  tous 
les  temps  attribuées  , -mais  qu’on  exagère 
un  peu  trop  aujourd’hui. 

Ce  métal  exige  , à la  vérité  , une  grande 
propreté  et  une  attention  scrupuleuse  de  la 
part  de  celui  qui  en  fait  usage  ; le  jus  de 
citron  , le  vinaigre  , les  groseilles  , etc.  le 
corrodent  et  font , avec  le  temps  , paroître 
à sa  surface  une  rouille  dangereuse,  qu’on 
appelle  verdet  ou  vert-de-gris;  mais  ce 
sont  les  corps  gras  dont  il  faut  principale- 
ment se  méfier  : le  beurre  , l’huile  , le  lard , 
la  graisse  de  volaille  , etc.  agissent  sur  ce 
métal  avec  une  promptitude  étonnante  , et 
le  vert-de-gris  qu’ils  en  tirent  et  tiennent 
en  dissolution  , a une  toute  autre  énergie 
que  celui  qui  seroit  fait  par  les  acides  végé- 
taux , dont  je  viens  de  faire  mention. 

Tome  II.  F f 


RECHERCHES 

On  a observé  depuis  long-temps  que  les 
vaisseaux  de  cuivre  ne  communiquoient 
aucune  mauvaise  qualité  à l’aliment  qu’on 
y faisoit  cuire  , tant  qu’ils  restoient  sur  le 
feu  ; et  cette  opération,  qui  est  vraie  à 
beaucoup  d’égards  , a toujours  rendu  les 
cuisiniers  et  les  cuisinières  très- attentifs  à 
ne  point  laisser  refroidir  les  mets  dans  les 
casseroles  ou  marmites  qui  avoient  servi  à 
leur  préparation. 

Cependant,  malgré  toute  l’attention  et 
l’exactitude  qu’on  pourroit  supposer  à la 
personne  chargée  de  préparer  les  alimens  , 
il  est  certain  que  les  accidens  fâcheux  sans 
doute  , mais  rarement  mortels  , dont  on 
est  quelquefois  témoin,  seroient  beaucoup 
plus  communs  , si  l’industrie  n’avoit  pas  , 
depuis  un  grand  nombre  de  siècles  , trouvé 
l’art  d’appliquer  l’étain  sur  le  cuivre  con- 
verti en  batterie  de  cuisine. 

Il  seroit  peut-être  intéressant  pour  la 
physique  de  rechercher  si  les  hommes  qui 
ont  vécu  avant  l’invention  de  l’étamage,  ou 
ceux  qui  dans  des  siècles  postérieurs  , se 
sont  servis  de  vaisseaux  de  cuivre  non 
étamés  , ont  éprouvé  de  l’altération  dans 
leur  santé  ; si  leur  vieillesse  a été  préma- 


I 


sur  l’étain.  45i 

turée  et  leur  vie  abrégée  ; ou  si  accoutumés 
dès  leur  bas- âge  à se  nourrir  de  mets  pré- 
parés dans  le  cuivre,  ce  inétal  cessoit  bientôt 
d’être  pour  eux  une  matière  dangereuse  : 
ce  cjui , d’après  un  grand  nombre  d’expé- 
riences que  l’on  a souvent  sous  les  yeux , 
peut  au  moins  être  présumé. 

Mais  comme  une  pareille  discussion 
seroit  absolument  étrangère  à l’objet  qui 
nous  occupe  , j’adopterai  le  sentiment  de 
Pline , et  je  dirai  avec  lui  : stannuni  illitiun 
aeneis  vasis  saporem  gratiorem  facit  et 
compescit  aeruginis  virus.  L’étain  appliqué 
sur  les  vaisseaux  de  cuivre  , les  préserve  du 
verdet  ou  du  moins  retarde  sa  formation  , 
et  empêche  les  alimens  qu’on  y prépare 
de  contracter  une  saveur  métallique  très- 
désagréable  , qui  prévient  sur  le  danger 
auquel  s’exposeroit  quiconque  prétendroit 
en  faire  son  repas. 

Je  regarderai  donc  l’étamage  comme 
une  découverte  d’autant  plus  précieuse  , 
qu’étant,  dans  mille  circonstances,  forcé 
d’employer  le  cuivre  , on  ne  pourroit  le 
faire  sans  inquiétude,  si  on  vouloit  se  servir 
de  vaisselle  non  étamée. 

Il  n’est  point  de  physicien  qui  ne  sache 

F f 2 


402  RECHERCHES 

comment  les  chaudronniers  procèdent  à 
l’étamage  ; ainsi  , sans  entrer  dans  aucun 
détail  à cet  égard  , je  ferai  observer  que 
si  ces  ouvriers  pouvoient  être  une  fois  bien 
convaincus  de  l’importance  de  cette  opéra- 
tion , que  les  réglemens  de  police  leur  ont 
confiée  à l’exclusion  de  tous  autres  , ils 
apporteroient  la  plus  grande  attention  à ce 
que  la  surface  de  la  pièce  qu’ils  vontétaincr 
soit  parfaitement  disposée  à recevoir  , dans 
tous  ses  points,  l’étain  dont  elle  doit  être 
recouverte  ; c’est  un  article  tres-essentiel. 
Il  en  est  un  autre  qui  ne  l’est  pas  moins  , 
c’est  qu’ils  ne  devroient  jamais  employer 
pour  cette  opération  que  de  l’étain  des 
Indes , parce  qu’il  est  pur  et  le  seul  de  cette 
qualité  qu’ils  peuvent  se  procurer  avec 
facilité. 

Toute  autre  espèce  d’étain  doit  être  re- 
jetée; celui  d’Angleterre  , sous  quelque 
forme  qu'on  le  débite  , en  baguettes  , en 
petits  chapeaux , n'est  pas  pur  ; celui  qui  se 
vend  à Paris  sous  le  nom  d’étain  fin , est  allié 
au  cuivre , au  bismuth  , et  le  plus  souvent 
il  est  falsifié  avec  du  plomb.  Je  le  répète  , 
toute  la  batterie  de  cuisine  ne  devroit  être 
étamée  qu’avec  de  l’étain  des  Indes  ; il  se 


SUR, 


l’étain.  453 

vend  pins  cher  que  celui  d’Angleterre  , ce 
qui  est  assez  peu  important  , parce  que  le 
particulier  entendra  raison  et  paiera  volon- 
tiers cette  légère  augmentation  de  prix  5 
mais  en  ce  cas  , le  chaudronnier  doit  se 
garder  de  le  tromper  ou  d’être  trompé  lui- 
inême  , en  achetant  livre  à livre  de  Pétain 
des  Indes  , dans  lequel  il  aura  été  introduit 
un  quart  et  quelquefois  plus  de  vieux  étain 
à un  très- bas  titre  : j’ai  souvent  reconnu 
cette  fraude. 

La  couche  d’étain  , qui  couvre  le  vais- 
seau de  cuivre  le  mieux  étamé  , est  si  mince 
qu’il  n’est  pas  rare  d’entendre  dire  aux 
chaudronniers  , que  l’étain  appliqué  au 
cuivre  dans  l’opération  de  l’étamage  , n’en 
augmente  pas  le  poids.  Ce  passage  de  Pline 
mal  entendu  11’auroit-il  pas  donné  lieu  à 
ce  préjugé  ? Sternum  illitum  uenels  vasis , 
saporern  gratiorern  facit  et  compescit  aeru - 
ginis  virus  , mirumque  pondus  non  auget . 

La  physique  moderne  a su  se  procurer 
des  balances  plus  exactes  que  celles  que  l’on 
faisoit  au  temps  de  Pline  , et  elle  a trouvé 
que  le  cuivre  éprouvoit  dans  l’étamage  une 
augmentation  de  poids  proportionnée  à la 
quantité  d’étain  qui  s’y  attachoit;  mais  il 

F f 3 


• / *. 


RECHERCHES 


454 


faut  l’avouer , cette  quantité  forme  une 
couche  si  mince  que  son  poids  ne  peut  être 
découvert  par  des  balances  ordinaires. 

J’ai  fait  étamer  une  casserole  de  neuf 
pouces  de  diamètre  et  de  trois  pouces  trois 
lignes  de  profondeur  : pesée  au  moment 
où  elle  étoit  disposée  à recevoir  l’étain  , 
et  repesée  après  l’opération  sur  les  mêmes 
balances  qui  étoient  très-exactes  , elle  ne 
se  trouva  augmentée  en  pesanteur  que  de 
vingt-un  grains. 

Pour  m’assurer  de  ce  fait , j’ai  eu  recours 
aune  contre-expérience  que  je  crois  devoir 
rapporter  ici.  On  connoît  ces  feuilles  d’étain 
qui  nous  sont  apportées  d’Allemagne  en 
petits  livrets  , et  que  l’on  nous  vend  sous 
le  nom  d ’ argent  faux.  Ces  feuilles  ont  à- 
peu-près  trois  pouces  neuf  ligues  de  lon- 
gueur , sur  trois  pouces  quatre  lignes  de 
largeur  5 elles  pesent  chacune  deux  grains. 
J’en  ai  employé  onze  pour  recouvrir  par- 
faitement , à l’aide  d’un  mordant  , la  cas- 
serole de  l’expérience  précédente  : tout 
ce  qui  ne  s’étoit  point  attaché  au  mordant 
ayant  été  ramassé  avec  une  barbe  de 
plume , pesoit  un  peu  plus  d’un  grain  et 
demi , en  sorte  que  vingt  grains  et  demi  de 


sur  l’étain.  455 
cet  étain  en  feuilles  , ayoient  suffi  pour 
couvrir  exactement  toute  la  surface  inté- 
rieure du  vaisseau  ; ce  qui  prouve  que  la 
couche  d’étain  , appliquée  sur  celte  même 
casserole  , dans  l’opération  de  l’étamage 
faite  par  le  chaudronnier  , étoit  d’une 
épaisseur  égale  à celle  qu’ont  les  feuilles 
de  faux  argent , dont  je  parle. 

Mais  , dira-t-on  , pourquoi  ne  pas  faire 
entrer  plus  d’étain  dans  l’étamage  ? Pour- 
quoi ne  pas  rendre  la  couche  de  ce  métal 
plus  épaisse  ? Ne  seroit-ce  pas  le  plus  sûr 
moyen  de  se  mettre  à l’abri  des  mauvais 
effets  du  cuivre  ? 

Il  est  des  ustensiles  de  cuisine  sur  lesquels 
on  pourroit  tenter  d’augmenter  la  couche 
d’étain  autant  qu’il  seroit  possible  ; tels 
sont  ceux  qui  seroient  uniquement  destinés 
à faire  bouillir  l’eau  dans  lacpielle  on  cuit 
les  légumes  , et  dont  le  degré  de  chaleur 
n’est  pas  capable  de  fondre  l’étain  ; mais 
ce  seroit  inutilement  qu’on  chercheroit  le 
moyen  d’en  appliquer  une  plus  grande 
quantité  sur  des  casseroles  , qui  , souvent 
exposées  à iin  degré  de  chaleur  de  beau- 
coup supérieur  à Peau  bouillante  , per- 
droient  bientôt  leur  étain  , que  l’on  verroit 


456  v RECHERCHES 

couler  et  s’amasser  dans  le  fond  , sous  la 
forme  de  larmes  , en  sorte  qu’il  en  resteroit 
à peine  sur  les  endroits  dont  il  se  seroit 
détaché  , la  quantité  précise  que  l’ouvrier 
auroit  dû  y appliquer. 

Le  peu  d’épaisseur  de  la  couche  d’étain 
qui  recouvre  le  cuivre  , ne  doit  pas  nous 
effrayer;  une  expérience  journalière  prouve 
à tous  ceux  qui  ont  des  batteries  de  cuisine 
faites  avec  le  cuivre  étamé  , qu’on  peut  s’en 
servir  sans  aucun  risque  : mais  cette  légère 
couche  doit,  en  revanche  , nous  rendre 
attentifs  à faire  souvent  renouveler  l’éta- 
mage , qui  ne  peut  résister  long- temps  à 
l’agitation  des  viandes,  et  sur -tout  au 
mouvement  que  l’on  donne  fréquemment 
avec  la  cuiller  de  bois  , au  beurre  , au 
lard  ou  à tout  autre  corps  gras  dans  les- 
quels on  fait  roussir  les  oignons  ou  autre 
assaisonnement.  Les  graisses  , de  quelque 
nature  qu’elles  soient,  n’ont  aucune  action 
sur  l’étain  , et  si  celui  de  l’étamage  disparoît 
bientôt  , c’est  aux  frottemens  réitérés  de 
cette  cuiller  que  l'on  doit  en  rapporter  la 
cause. 

De  toutes  les  substances  métalliques  , 
l’étain  étoit,  sans  contredit,  la  seule  qui 


sur  l’  étain.  4 5j 

pouvoit  être  appliquée  sur  les  ustensiles  de 
cuisine  , avec  le  double  avantage  de  nous 
mettre  à l’abri  des  mauvaises  qualités  du 
cuivre  , sans  nous  constituer  en  grande 
dépense.  Il  y avoit  plus  de  deux  mille  ans 
qu’on  étarnoit  ; et  quoiqu’on  ait  toujours 
été  assez  peu  difficile  sur  le  choix  de  l’étain 
qu’on  employoit  pour  faire  cette  opération , 
personne  n’avolt  réclamé  contre  l’étainage, 
lorsqu’au  grand  étonnement  des  chimistes , 
quelques  personnes  répandirent  dans  le 
public  que  ce  métal  devoit  être  proscrit. 
Un  physicien  , très  - peu  versé  dans  la 
chimie  , publia  , par  la  voie  du  Journal 
de  Physique  , de  prétendues  expériences  , 
par  lesquelles  il  tâchoit  d’insinuer  que  Pé- 
tain étoitun  véritable  poison  ; il  lecroyoit, 
sans  doute,  car  c’étoit  un  honnête  homme; 
et  pour  dédommager  le  public  de  l’étain 
qu’il  venoit  de  condamner  , il  lui  proposa 
des  casseroles  étamées  avec  le  zinc.  Le 
public  n’est  pas  un  aussi  mauvais  juge 
qu’on  le  croit  communément  ; sans  se 
douter  que  le  physicien  s’étoit  trompé  dans 
ses  expériences  , il  refusa  les  casseroles 
couvertes  de  zinc,  et  il  fit  très-bien. 

Si  l’art  d’étamer  le  cuivre  fut  une  décou- 


458  RECHERCHES 

verte  heureuse  , celui  d’étamer  le  fer  en  fut 
une  très-utile  ; la  première  nous  rassure 
contre  les  mauvais  effets  du  cuivre  , et  la 
seconde  met , jusqu’à  un  certain  point,  le 
fer-blanc  à l’abri  d’une  rouille  , qui , sans 
être  dangereuse  , est  cependant  très-désa- 
gréable. 

J’ai  déjà  observé  que  les  chaudières  et 

les  marmites  de  fer  fondu  , en  s’introdui- 

! 

sant  dans  nos  campagnes  et  dans  nos  villes , 
avoient  singulièrement  contribué  à dimi- 
nuer parmi  nous  l’usage  du  cuivre.  J’ajou- 
terai ici  que  l’art  d’étamer  la  tôle  de  fer  , 

en  nous  fournissant  une  matière  saine  et 

% 

commode  pour  faire  une  quantité  de  menus 
ustensiles  de  cuisine , avoit  tellement  re- 
poussé ceux  de  cuivre  , qu’à  l’exception 
des  grandes  maisons  de  la  capitale  , on 
n’en  voyoit  presque  point  dans  le  reste  du 
royaume.  Les  écumoires , les  passoires  , 
les  cuillers  - à- pot  , les  cafetières,  les 
bouillotes  , les  marabous  , etc.  étoient 
autrefois  de  cuivre  , aujourd’hui  tous  ces 
petits  meubles  sont  de  fer-blanc. 

C’est  sur-tout  dans  les  armées  que  cette 
matière  est  devenue  , en  quelque  sorte  , 
necessaire  : on  en  fait  des  soupières , des 

N 


sur  l’étain.  45p 

plats  , des  assiettes  pour  les  officiers  , des 
gamelles  et  des  bidons  pour  les  soldats  ; 
cette  vaisselle  est  légère  et  par  conséquent 
commode  pour  les  gens  de  guerre  \ elle 
coûte  peu  , et  l’on  s’en  procure  par-tout  ; 
l’expérience  prouve  qu’elle  est  saine  ; enfin 
pour  la  maintenir  dans  un  état  de  propreté  , 
il  suffit  de  l’écurer  avec  le  sablon;  ce  qu’on 
peut  faire  sans  courir  le  risque  de  mettre 
le  fer  à nu  , parce  que  , dans  l’opération 
de  l’étamage  du  fer  , qui  se  fait  par  im- 
mersion , l’étain  a pénétré  de  part  en  part 
les  feuilles  de  tôle  destinées  à faire  cette 
vaisselle  (1). 

Mais  s’il  est  un  grand  nombre  de  circons- 
tances où  l’on  peut  employer  le  fer-blanc 
avec  avantage  , il  en  est  aussi  où  il  est  im- 
possible de  s’en  servir. 

Le  fer  , quelque  bien  couvert,  d’étain 
qu’il  paroisse  , ne  l’est  cependant  pas  au 
point  d’avoir  perdu  les  propriétés  qui  le 
caractérisent  ; les  acides  les  plus  foibles 

(1)  Je  distingue,  comme  on  voit , le  fer-blanc  d’avec 
le  fer  battu  étamé  : dans  celui-ci,  les  feuilles  de  tôle 
ont  trop  d’épaisseur  pour  que  la  pénétration  de  l’étain 
puisse  être  aussi  complète  que  dans  le  fer  - blanc 
proprement  dit. 


46o  RECHERCHES  SUR  l’^TAlN. 

agissent  sur  lui  et  le  dissolvent  5 l’humidité 
même  suffit  pour  faire  naître  la  rouille  sur 
le  fer-blanc. 

On  ne  peut  donc  se  flatter  de  conserver 
un  jour  entier  du  vin,  du  vinaigre  ou  toute 
autre  liqueur  acidulé,  dans  des  cantines  et 
bidons  de  fer-blanc  : en  moins  de  vingt- 
quatre  heures  , le  vin  subiroit  un  commen- 
cement de  décomposition  , et  contracteroit 
une  saveur  d’encre  , qui  , comme  on  sait , 
est-  très-désagéable  : le  vinaigre  , dans  le 
même  espace  de  temps  , se  combineroit 
avec  le  fer  , et , formant  avec  lui  une  sorte 
de  sel,  son  acidité,  qui  le  rend  si  précieux, 
disparoîtroit,  en  sorte  qu’on  ne  trouveroit 
dans  le  vase  de  fer-blanc  qu’un  liquide 
d’une  saveur  rebutante. 

L’usage  du  fer-blanc  a donc  des  bornes  ; 
mais  il  est  un  si  grand  nombre  de  cas  où 
l’on  peut  l’employer  avec  sécurité  sur  les 
tables  et  dans  les  cuisines , que  nous  devons 
nous  féliciter  de  son  invention,  et  sur-tout 
d’en  avoir  vu  quelques  manufactures  s’éta- 
blir en  France. 


Fia  du  second  et  dernier  Volume. 


46 1 


T A B L E 

De  ce  qui  est  contenu  clans  le  second 

Volume. 

PREMIÈRE  PARTIE, 

% 

Contenant  les  expériences  Eûtes  par  la  voie 
sèche  , 1 

SECONDE  PARTIE, 
Contenant  les  expériences  faites  par  la  voie  hu- 


mide , 24 

Rapport  de  la  mine  avec  l’acide  vitriolique,  ibid. 

Rapport  de  la  mine  avec  l’acide  nitreux  , 28 

Son  rapport  avec  l’acide  de  sel  marin  , 3a 

Procédé  par  lequel  il  est  démontré  que  la  mine 
contient  du  zinc  , 34 

Expériences  qui  prouvent  que  le  fer  est  dans  la  mine 
spathique  , sous  sa  forme  métallique  , 35 

Conclusion , 36 


Examen  de  différentes  Pierres . 
PREMIÈRE  PARTIE. 
Examen  du  marbre  de  Campan  , 4 5 

Tome  IL  G g 


T A B L E. 


462 

Analyse  du  marbre  vert  Campan  , par  l’acide  ni- 
treux , Page  5a s 

Analyse  du  marbre  rouge  de  Campan  , par  le  même 


acide , Sy 

Analyse  des  mêmes  marbres  , par  l’acide  vitrio- 

lique  , 60 

Analyse  du  marbre  Campan  rouge  , par  l’acide  vitrio- 
lique  , 66 

Examen  des  pierres  figurées  de  Florence,  71 

Analyse  par  l’acide  nitreux  , y3 

Analyse  par  l’acide  vitriolique  , 74 


SECONDE  PARTIE. 

Examen  de  quelques  marbres  antiques  , 75 

Examen  d’un  marbre  antique  rapporté  de  Rome  , 80 
Examen  d’un  autre  cipolin  envoyé  d’Autun  , 86 

Examen  d’un  troisième  cipolin  d’Autun  , connu  en 
Italie  sous  le  nom  d’ Amandola  , 91 

Examen  d’un  quatrième  marbre  d’Autun  , connu  sous 


le  nom  de  Vert  antique  , 

94 

Autre  procédé  par  l’acide  vitriolique  , 

99 

Examen  d’un  cinquième  marbre  , 

102 

Examen  d’un  marbre  rouge  d’Autun  , 

j o3 

Examen  d’une  pierre  envoyée  d’Autun  , 

sous  le  nom 

de  marbre  Noir  antique  , 

io5 

T A B Z.  S. 


463 


TROISIÈME  PARTIE. 

Examen  de  la  serpentine  d’ Allemagne  , du  Limousin 
et  de  la  stéatite  de  Corse.  P âge  108 

Effet  du  feu  sur  la  serpentine  d’Allemagne  , traitée 
dans  des  vaisseaux  fermés  , no 

Memes  expériences  faites  sur  la  serpentine  du  Li- 
mousin , 1 14 

Memes  expériences  sur  la  stéatite  de  Corse,  ibicl. 

Effet  de  l’acide  nitreux  sur  la  serpentine  , 117 

— Sur  la  stéatite  de  Corse  , 12 1 

Effet  de  l’acide  vitriolique  sur  la  serpentine  d’Alle- 
magne , 122 

— - Sur  celle  du  Limousin,  126 

— < Sur  la  stéatite  de  Corse  , 12 7 

Résultat  de  l’analyse  des  serpentines  , 1 28 

Des  différentes  terres  qui  concourent  à former  la 
serpentine  , 129 

De  quelques  autres  terres  ou  pierres  dans  lesquelles 
on  trouve  la  base  du  sel  amer  , i38 

QUATRIÈME  PARTIE. 

Examen  du  porphyre  , de  l’ophite  , du  granit  et  autres 
pierres  de  la  classe  des  vitrescibles  mixtes,  i4-3 

Expériences  faites  sur  le  porphyre  antique  rouge  , 
entremêlé  de  petits  cristaux  blancs. 

Mêmes  expériences  sur  l’ophite  antique , i5i 

G g 2 


T A B L E. 


464 

Mêmes  expériences  sur  une  sorte  de  granitelle  vert 
de  la  vallée  d’Aspe,  dans  les  Pyrénées  , Rage  i52 

Expériences  sur  les  granits  de  l’ancien  Autun  , et 
sur  celui  qui  se  trouve  sous  la  ville  de  Semur , en 
Auxois  , i54 

Supplément  , 161 

Effet  de  l’acide  vitriolique  sur  les  jaspes  vert  et 
rouge,  sur  le  jade  et  le  feldspath,  etc.  162 

Examen  de  deux  pierres  nouvellement  envoyées  des 
montagnes  du  Dauphiné,  par  Villar  , 166 

Conclusion,  171 

Procédé  par  lequel  j’ai  obtenu  en  1771  de  l’acide 
nitrique  , en  traitant  la  manganèse  seule  dans  des 
vaisseaux  fermés  , 180 

Seconde  opération  , 181 

Procédé  employé  dans  la  Suabe , pour  faire  le  sel 
d’oseille,  i83 

Procédé  pour  extraire  et  purifier  le  sel  essentiel 
d’oseille  , 187 

Lettre  sur  le  sel  d’oseille  , 196 

Procédé  par  lequel  on  régénère  en  nitre  parfait  tout 
l’alkali  fixe  qui  entre  naturellement  dans  la  compo- 
sition du  sel  essentiel  d’oseille  , 200 

Lettre  sur  l’analyse  du  pechstein  de  Ménil  - mon- 
tant , 2o3 

R E CHERCHES  SUR  Z*  È T A I H . 


Cl3 


Introduction  , 


table. 


465 


PREMIÈRE  SECTION. 

$.ïer.  Des  différens  étains  , ^ age  23i 

§.  II.  Caractères  extérieurs  des  étains  de  la  première 
classe , c’est-à-dire  des  étains  primitifs.  238 

§.  III.  Effets  du  feu  appliqué  aux  étains  primitifs,  240 

§.  IV.  Effets  du  feu  sur  les  mêmes  , traités  dans  des 
vaisseaux  fermés  , 

§.  V.  Examen  de  la  matière  sublimée  , 244 

§.  VI.  Examen  des  quatre  étains  primitifs , par  la 
voie  des  dissolvans  , 248 

§.  VII.  Procédé  de  Margraff  pour  démontrer  par 
l’eau  régale  la  présence  de  l’arsenic  dans  l’étain , 25o 

§.  VIII.  Effets  du  procédé  de  Margraff  sur  les  quatre 
étains  , 254 

§.  IX.  Alliage  d’étain  et  d’arsenic  , 257 

§.  X. Effets  de  l’eau  régale  sur  les  alliages  précédens,  262 

$.  XI.  Effets  de  l’eau  régale  sur  des  alliages  où  il 
entre  beaucoup  moins  de  régule  d’arsenic  que  dans 
les  précédens  , 265 

§.  XII.  Réflexions  sur  le  procédé  de  Margraff,  268 

§.  XIII,  Effets  de  l’acide  marin  sur  l’étain  en  gé- 
néral , 272 

§.  XIV.  Effets  de  l’acide  marin  sur  les  quatre  étains 
primitifs , 275 

§.  XV.  Effets  sur  les  mêmes  , artificiellement  alliés 
avec  le  régule  d’arsenic  , 276 


4 66 


T A B JL  33. 

§.  XVI.  Effets  de  l’acide  nitreux  sur  l’étain  en  gé- 
néral , P âge  281 

§.  XVII.  Effets  sur  les  quatre  étains  primitifs  , 284 

§.  XVIII.  Effets  de  l’acide  vitriolique  et  du  vinaigre 
distillé  sur  les  quatre  étains  , 291 

§.  XIX.  Récapitulation  et  conclusion  de  la  première 
Section  , 295 

SECONDE  SECTION. 


§.  Ier.  Contenant  l’examen  de  l’étain  anglais  , 
connu  sous  le  nom  de  gros  saumons  et  de  ba- 
guettes , 298 

§.  II.  Effets  du  feu  sur  l’étain  , dit  en  gros  saumons 
et  en  baguettes , traité  dans  les  vaisseaux  fer- 
més y 3o3 

§.  III.  Effets  de  l’acide  nitreux  sur  l’étain  d’Angle- 
terre , en  gros  saumons  et  celui  en  baguettes , 3o5 

§.  IV.  Effets  de  l’eau  régale  sur  l’étain  d’Angleterre  , 
tant  en  gros  saumons  qu’en  baguettes  7 307 

§.  V.  Effets  de  l’acide  marin  sur  les  étains  précé- 
dons , 3 1 2 

§.  VI.  Mêmes  expériences  répétées  sur  les  étains 

d’Angleterre  , 3i4 

§.  VII.  AEthioIogie  ou  départ  du  régule  d’arsenic 

d’avec  l’étain  7 ou  effet  des  acides  sur  ce  meme 
régule  , 3i7 

§.  VIII,  Effets  de  l’acide  nitreux  sur  le  régule  d’ar- 
senic . 3iS 


sente  , 


TABLE.  467 

§.  IX.  Effets  de  l’acide  de  sel  marin  sur  le  régule 
d’arsenic  , Page  320 

§.  X.  Effets  de  l’eau  régale  sur  le  régule  d’arsenic , 322 

TROISIÈME  SECTION. 

§.  Ier.  Examen  de  l’étain  mis  en  œuvre  et  vendu  sous 
toutes  sortes  de  formes  par  les  maîtres  potiers 
d’étain , 327 

§.  II.  des  différentes  substances  que  l’on  est  dans 


l’usage  d’allier  à l’étain  , 33o 

§.  III.  Proportions  du  cuivre  , 335 

§.  IV.  Proportions  du  bismuth  , 337 

§.  V.  Proportions  du  zinc  , 339 

§.  VI.  Proportions  du  plomb  , 342 

§.  VII.  Proportions  du  régule  d’antimoine  , 343 

§.  VIII.  de  l’étain  fin  et  de  l’étain  commun,  344 
§.  IX.  Du  vieux  étain  , 3/±6 

§.  X.  de  la  claire  étoffe  , 349 


'§.  XI.  Des  divers  moyens  qu’on  peut  employer 
pour  reconnoître  les  substances  alliées  à l’étain, 
et  en  faire  le  départ  , 35o 

§.  XII.  Départ  du  cuivre  d’avec  l’étain  par  l’eau  ré- 
gale et  l’acide  marin  , 333 

§.  XIII.  Départ  du  bismuth  et  du  zinc  , 356 

§.  XIV.  Procédé  pour  départir  le  plomb  d’avec 
l’étain  , 36 1 

§.  XV.  Manière  de  s’assurer  de  la  quantité  de 
plomb  qui  aura  été  introduite  dans  un  étain  , 365 


T A B IL  E. 


468 

§.  XVI.  Des  deux  essais  usités  chez  les  potiers 
d’étain  , l’un  appelé  à la  pierre  , l’antre  à la 
balle  ou  à la  médaille  , Page  368 

§.  XVI  Zus.  De  l’essai  à /a  balle  , 371. 

Poids  des  balles  que  m’a  donné  le  moule  dont  je  me 
suis  servi  , 373 

Récapitulation  ou  précis  des  première,  deuxième  et 
troisième  Sections  , 375 

Addition.  Procédé  pour  départir  l’argent  d’avec 
l’étain  , 385 

QUATRIÈME  SECTION, 

Contenant  la  réponse  à la  question  proposée  , 3^1 

PREMIÈRE  QUESTION. 

L’étain  considéré  dans  son  état  de  pureté  est-il  un 
métal  dangereux  ? 3^5 

1 

SECONDE  QUESTION. 

Un  étain  qui  contient  quelques  atomes  de  matière 

arsenicale,  peut-il  être  dangereux?  411 

TROISIÈME  QUESTION. 

Les  métaux  ou  demi-métaux  qu’on  est  dans  l’habi- 
tude d’allier  à l’étain  pour  lui  donner  de  la  dureté, 
peuvent-ils  en  rendre  l’usage  dangereux  ? Ifîi 

Observations  sur  le  cuivre  étamé  et  sur  le  fer- 
blanc  , 445 

Fin  de  la  Table , 


t. 


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