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in 2016 with funding from
Wellcome Library
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https://archive.org/details/b28773664_0002
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PUSCULES
CHIMIQUES.
TOME SECOND.
OPUSCULES
CHIMIQUES
D E
PIERRE BAYE K,
M e m b re de ly Institut national de
France y de la Société de Médecine ,
et du collège de Pharmacie de Paris $
V un des Inspecteurs généraux du
Service de Santé des Armées de la
République .
TOME SECOND.
A PARIS,
Chez A. J. DUGOUR et DURAND,
Libraires, Rue et Hôtel Serpente.
An YI de la République.
V
/
ANALYLSE*
D’UNE MINE
DE FER. SPATHIQUE,
CONNUE EN ALLEMAGNE
SOUS LE NOM DE MINE AC 1ER.
PREMIÈRE PARTIE,
Contenant les expériences faites par la
voie sèche.
La mine de fer , dont l’examen chimique
fait le sujet de ce mémoire, est connue des
naturalistes sous le nom de minera ferri
* Cette Analyse auroit dû précéder les quatre
Nlémoires que j’ai donnés sur les précipités de
mercure, puisqu' en effet on la trouve citée deux
fois dans le second , dont la publication est du mois
d’avril 17 y 4'
Des circonstances , dont le récit serait fort inutile >
m’ont empêché de la faire paroitre dans le temps
où elle a été faite , c’est-à-dire , à l’époque où.
la question de Pair fixe commencoit à occuper tous
Tome IL A
2
AN A L Y S E
alba spathi- for rnis ( i ) : c’est un amas de
cristaux en lames minces , brillantes ,
douces au toucher, à demi-transparentes,
de couleur grise et de forme rliomboïdale ;
on y distingue des cristaux de quartz , et
quelquefois des petites pyrites [aunes et
gorge-de-pigeon : elle n’est pas très-dure,
les chimistes . La première partie de ce Mémoire
n’aura donc plus le mérite de la nouveauté ; aussi
ai-je eu quelque temps le dessein d’en supprimer
tous les détails > qu’on pardonne toujours lorsqu’il
s’agit d’ expériences nouvelles , mais qu’on dé-
daigne, dès qu’ils sont connus. Cependant > l’aca-
démie qui m’a voit permis de lui faire lecture de
cette Analyse y le -i.6 juin ayant daigné
l’ accueillir y j’ ai cru devoir la présenter au public ,
telle qu’elle étoit , lorsque j’ai eu l’honneur de la
lire dans une assemblée de cette savante compagnie .
(1) J’avois rapporté d’Allemagne, en 1763, divers
échantillons de mines de fer, parmi lesquels il s’en
trouvoit un de mine spathique, du poids de quatre
livres et demie. Ettling , célèbre négociant de Franc-
fort sur le Mein, et possesseur d’un riche cabinet
d’IIisloire naturelle, me l’avoit donné, en me le dési-
gnant sons le nom de mine dont on retire le meilleur
acier. C’est sur cet échantillon, qui étoit très-pur,
que j’ai fait toutes les expériences qu’on va lire. J’ai
d’autres morceaux de la même mine, où le quartz et
les pyrites sont les parties dominantes.
3
d’une mine de fer SPATIIIQUE.
la pointe d’un couteau peut facilement y
imprimer des traits 3 le briquet n’en peut
donc point tirer d’étincelles , à moins que,
par hasard ou à dessein, le coup ne porte
sur un grain de quartz ou sur une pyrite.
Cette mine n’est point du tout attirable par
l’aimant : si on en tient long-temps à l’air
un morceau, elle jaunit à sa superficie et
perd son brillant 3 ce qui annonce un com-
mencement de décomposition. Lorsqu’on
l’expose au feu en morceaux d’une cer-
taine grosseur, ou simplement concassée,
elle décrépite fortement et se sépare en pe-
tites parcelles, qui sont jetées hors du vase
où se .fait l’opération. Il n’est donc pas
possible , dans le travail en petit , de la
calciner, à moins qu’on n’en ait préala-
blement détruit l’aggrégation cristalline ,
en la réduisant en poudre assez fine pour
passer au tamis de soie.
I. Expérience. Ayant exposé au feu ,
dans un petit creuset, 4 gros ou 288 grains
de mine pulvérisée et tamisée , sa couleur
ne tarda pas à s’altérer 5 elle devint brune,
et en moins de demi -heure , elle étoit tout-
à-fait noire 3 le feu fut poussé jusqu’à la
faire rougir, et tenu en cet état plus d’une
A 2
ANALYSE
/
4
Iieure et demie , sans qu’il s’en soit élevé
rien de sensible à l’odorat, ni à la vue; re-
froidie et mise sur la balance, elle se trouva
diminuée de 90 grains, c’est-à-dire qu’elle
avoit perdu le tiers de son poids moins 3
grains; c’étoit une poudre d’un noir foncé,
qui paroissoit avoir augmenté de volume ;
je lui présentai alors un barreau d’acier
aimanté , auquel elle s’attacha avec autant
de vitesse et en aussi grande quantité que
l’auroit fait la limaille de fer la plus récente
et la plus pure.
II. Expérience. Je crus devoir répéter
cette expérience dans les vaisseaux fermés.
Je mis, en conséquence, une once de la
même mine pulvérisée , dans une petite
retorte de verre lutée , à laquelle j’adaptai
un ballon percé: je lui lis subir le plus grand
feu , ayant attention d’ouvrir de temps en
temps le petit trou du récipient , d’où il
sortoit à chaque fois une quantité d’air
remarquable ; il ne passa rien de visible
dans le récipient; il ne s’attacha rien dans
le col de la retorte, si ce n’est que dans le
cours de l’opération , j’avois aperçu, à 2,
pouces au-dessus du bec, une petite rosée
qui disparut bientôt. La cornue s’étoit
1
d’une mine de fer seAtiiique. 5
affaissée, mais sans se rompre ; la matière
qu’elle contenoit avoit pris une couleur
noire foncée 5 son poids étoit diminué de
2 gros 42 grains , ne pesant plus que 5 gros
3o grains , en sorte qu’elle avoit perdu , à
très - peu de chose près , le tiers de son
poids ; tout s’étoit donc passé dans les vais-
seaux fermés, comme dans les vaisseaux
ouverts.
III. Expérience. Je n’avois pas de vais-
seau propre à faire des distillations pneu-
matiques, et j’étois pressé de satisfaire ma
curiosité. Je mis une once de mine pulvé-
risée dans une petite retorte de verre lutée,
à laquelle j’adaptai une vessie de bœuf,
mouillée et absolument vide d’air : en
moins de trois-quarts d’heure de feu vif,
la vessie se gonfla si fort , que craignant
l’explosion , je supprimai le feu et laissai
tout refroidir ; il rentra un. peu d’air dans
la retoi te , ce qui permit de pincer la vessie
immédiatement au-dessous du bec , et d’y
faire une forte ligature assujétie par un
nœud coulant. Je détachai alors celle qui
unissoit la vessie à la cornue , et substi-
tuant à cette dernière un tube de verre ,
long de 4 pouces , je devins le maître de
A 3
6
analyse
transporter le gaz dans un vaisseau plus
commode. Je choisis une bouteille cylin-
drique de quatre pintes environ , que je
remplis d’eau pure, et l’ayant renversée et
assujétie sur la surface d’une terrine égale-
ment pleine d’eau , je lis entrer dans son
gouleau le tube de verre qui étoit adapté
à la vessie $ et détachant le nœud coulant
qui y fixoit le gaz, je parvins à faire sortir,
par une pression légère, environ 3 pintes
d’eau , dont le gaz occupa la place. L’eau
ne tarda pasà remonter dans la bouteille,
et par de légères secousses, l’ascension en
fut accélérée jusqu’au moment où il en
étoit rentré environ deux pintes ; alors la
bouteille fut fermée et retirée de la terrine
où son orifice étoit plongé. En la débou-
chant, il se fit un sifflement qui annonçoit
que le gaz étoit encore comprimé ; il s’en
élevoit une odeur que je ne peux mieux com-
parer qu’à celle du phosphore; je goûtai
l’eau, et je la trouvai aigrelette ; j ’en mis quel-
ques onces dans une petite bouteille où il
y avoit environ un demi-grain de limaille
de fer , et en peu de temps elle eut la pro-
priété de prendre , avec la poudre de noix
de gale, une teinture purpurine.
d’une mine de ter spathique: 7
Lamine employée dans cette expérience
ayant été retirée de la retor te , n’avoit perd a
de son poids qu’un gros Sy grains, c’est à-
dire , qu’il s’en falloit 5 ) grains qu’elle
n’eût donné tout le gaz que la première
'et seconde expérience nous ont appris être
contenu dans une once ; j’en achevai la
calcination à feu ouvert , et je l’amenai au
point de perdre à-peu-près le tiers de son
poids. L’expérience que je venois de faire
commeneoit à m’instruire ; mais elle ne
remplissoit pas mes vues. Je disposai sur-
le-champ un de ces appareils chimico-
pneuma.ticp.ies , dont TIales passera tou-
jours pour être l’inventeur, quelle que soit
la forme que nous puissions leur donner;
j’espérois qu’ayant des instrumens plus
commodes et plus exacts, je serois en état
non-seulement de recevoir tout le gaz que
fourniroit une quantité donnée de notre
mine, mais encore d’en déterminer le vo-
lume , et peut-être même le poids spécifique.
IV. Expérience. Je choisis une retorte
de verre lutée , qui contenoit un volume
d’air égal à 4 onces un gros d’eau : je la
chargeai d’une once de mine tamisée ,
j’adaptai à son bec un conducteur ou tube
A 4
8 ANALYSE
cle verre recourbé , dont la capacité con-
tenoit un volume d’air égal à une once 2
gros d’eau , je les assujétis l’un à l’autre
avec du lut gras et des bandes de linge
enduites de chaux et de blanc d’œuf ;
lorsqu’elles furent séchées , je plaçai la
retorte dans le fourneau, et en l’y assujé-
tissant, je lui donnai une situation propre
à s’unir à l’autre partie de l’appareil , qui
consistoit en une terrine pleine d’eau sur-
montée d’un récipient ou bouteille haute,
et cylindrique , contenant 7 livres 9 onces
d’eau ; l’extrémité recourbée du conducteur
ayant été introduite dans le col du récipient,
le feu fut allumé, l’air de la cornue se ra-
réfia, et il en passa dans le récipient une
quantité suffisante pour déplacer 2 ou 5
onces d’eau; le feu ayant été augmenté,
les bulles se succédèrent assez vite , l’eau
du récipient se déprimoit sensiblement, et
lorsque la retorte fut échauffée au point
d’étre rouge, la dépression se fît avec une
promptitude étonnante : l’eau comrnençoit
à sortir de la terrine , et bientôt elle forma
un filet de la grosseur de celui qu’on voit
sortir du bec d’un alambic , lorsqu’une
distillation se fait rapidement ; ce filet
d’une mine de FEll spathique. 9
étoit l’image de celui que formoit le gaz
en sortant du conducteur; l’opération n’é-
toit pas finie, et toute l'eau a voit été poussée
hors du récipient, le feu étoit toujours aussi
vif ; et le fluide ne trouvant plus d’eau à
déplacer, se fit jour à travers celle qui étoit
dans la terrine, ce qui dura environ cinq
ou six minutes ; après lequel temps , tout
étant devenu tranquille , je jugeai l’opé-
ration finie : mais ne voulant pas laisser
refroidir l’appareil dans l’état où il étoit ,
de peur que l’eau ne montât dans la re-
torte , je soulevai légèrement le support et
le récipient, sans cependant lui faire quitter
la surface de l’eau , et je l’écartai du con-
ducteur d’environ un pouce; je fus alors le
maître d’éloigner le fourneau et toute la
partie de l’appareil qui en dépendoit ; l’eau
ne tarda pas à rentrer dans le récipient qui
étoit resté en place ; en moins de deux
heures , il en étoit remonté plus de 4 onces,
et en douze heures, environ 16 ; le lende-
main matin , j’évaluai ce qui s’y trouva de
32 à 34 onces ; je le fermai à cet instant,
et l’ôtant de dessus son support, je remar-
quai qu’en le débouchant , il se fit un sif-
flement assez fort, l’eau qui étoit remontée
ÎO -ANALYSE
avoit absorbé une grande quantité de
gaz ; elle étoit aigrelette , son odeur étoit
forte , et resseinbloit à celle du j^hos-
pliore.
La mine ayant été retirée de la retorte ,
et mise sur la balance , se trouva avoir
perdu, à 3 grains près, le tiers de son poids ;
elle étoit , comme dans les opérations pré-
cédentes , d’un noir foncé et entièrement
attirable parl’aiinant; le volume de fluide
élastique ou gaz qui s’est exhalé de l’once
de mine employée dans cette opération ,
surpassoit donc celui de 121 onces, ou
ce qui est la même chose , de 7 livres 9
onces d’eau.
Mon appareil commençoit à se perfec-
tionner ; mais il n’étoit pas au point où je
le desirois : ma quatrième expérience étoit
imparfaite \ je n’avois pu évaluer que, par
à-peu-près , l’eau déplacée, et le récipient
dont je m’étois servi , étoit trop petit ; il
étoit facile de remédier au dernier incon-
vénient , et possible de se garantir du
premier.
Je me procurai , en conséquence , une
bouteille cylindrique , plus grande que
celle qui m’avoit servi dans l’expérience
d’une mine de fer SPATHIQUE.' 11
précédente : je collai dessus une bande de
papier blanc , large de 6 à 7 lignes , et
assez longue pour s’étendre depuis la base
jusqu’au collet : je fis avec une petite bou-
teille à orifice étroit , une mesure qui
contenoit 4 onces d’eau, après quoi, ayant
posé la bouteille sur une table bien nive-
lée , j’y versai une mesure , et dès que le
mouvement communiqué à l’eau par la
cliute , fut passé , je fis sur la bande de
papier une marque à l’endroit où la super-
ficie de l’eau étoit fixée ; ce premier degré
de l’échelle indiquoit4 onces d’eau - j’ajou-
tai une autre mesure d’eau, ce fut le second
degré qui en indiquoit 8 onces ; et conti-
nuant ainsi de 4 onces en 4 onces , je par-
vins à remplir le récipient, dont le dernier
degré étoit le 39e , ce qui fait , à 4 onces
par degré, i56 onces, ou g livres trois-
quarts d’eau 5 comme je connoissois la tare
de ce vaisseau , je pus vérifier ce poids ,
et je trouvai qu’à un gros près , il conte-
noit en effet 9 livres trois - quarts , ou
i56 onces , ce qui prouvoit que les degrés
de l’échelle que je venois de faire étoient
assez justes.
V. Expérience. Je procédai sur -le-
12
analyse
cliamp à la cinquième expérience ; et
comme j’avois observé dans les distillations
précédentes , qu’il s’attachoit constamment
un peu d’eau , sous la forme d’une rosée ,
à la partie supérieure du col de la retorte,
je crus devoir exposer celle dont j’allois
me servir , à un grand feu , et l’y tenir
assez long- temps pour en chasser toute
l’humidité qu’on auroit pu y soupçonner;
je tins ainsi la mine plus de deux heures ,
à un degré de chaleur qui , sans l’altérer ,
pouvoit en enlever l’humidité , dans le cas
où elle en auroit pris de l’atmosphère , ce
que je ne présumois cependant pas , vu
qu’elle étoit gardée dans une bouteille
exactement bouchée ; la retorte étoit en-
core chaude lorsque je la chargeai d’une
once de mine ; le volume d’air qu’elle con-
tenoit j égaloit 4 onces 2 gros 17 grains
d’eau , et celui du conducteur , une once
2 gros ; j’appareillai comme dans la qua-
trième expérience , et le feu fut allumé.
Il étoit dix heures trois-quarts du matin ,
lorsque hair des vaisseaux étant au plus
grand degré de raréfaction, le gaz com-
mença à passer et à déprimer l’eau du ré-
cipient : alors j’aperçus , comme dans les
1
d’une mine de fer SPATIIIQUE. l3
expériences précédentes , une petite rosée
ou amas de gouttelettes d’eau dans la
partie supérieure du col de la retorte ;
l’opération fut conduite avec célérité , en
sorte qu’en moins d’une heure, la mine
ayant donné tout le gaz qu’elle' contenoit,
l’eau du récipient se trou voit fixée au 55e
degré de l’échelle , ce qui indiquoit un
déplacement de 140 onces.
La cornue, le conducteur , le fourneau
furent enlevés avant le refroidissement ,
et l’eau remonta bientôt dans le récipient
qui étoit resté sur son support ; en moins
de deux heures , elle avoit atteint le 54e
degré , le lendemain le 29e , le troisième
jour , elle étoit au 24e ; le quatrième , au
19e 5 le cinquième , au i4e et demi ; le sei-
zième , au 12e un quart : à cette époque ,
l’ascension n’étoit presque plus sensible ;
Je septième jour , elle s’étoit à peine ex-
haussée d’un quart de degré 5 le huitième,
elle me parut fixée un peu au-dessus du
11e; je fermai alors le récipient de son
bouchon , et rayant retiré , je le posai
sur sa base ; il ne se fit point ou peu de
sifflement en le débouchant ; l’eau qu’il
contenoit n’étoit presque pas aigrelette ,
\
V
1 4 ANALYSE
quoiqu’elle eût une forte odeur de phos-
phore (1).
Les 576 grains de mine employés dans
cette expérience , étoient réduits à 3gi
grains , la perte étoit donc de 180 grains ,
que tout nous porte à regarder comme le
véritable poids du gaz ; mais i85 grains de
gaz n’ayant déplacé que 140 onces , ou
80,640 grains d’eau , pouvoient m’induire à
croire que la pesanteur spécifique de ce
fluide singulier , n’étoit à l’eau que comme
1 à 436, et conséquemment, que son poids
étoit à-peu-près le double de celui de l’air
de l’atmosphère , dont les physiciens ont
établi le rapport à l’eau , comme 1 à 85o.
VI. Expérience. Cette différence entre
le poids de l’air et celui du gaz , me ht
soupçonner qu’une portion de ce dernier
avoit pu être absorbée par l’eau du réci-
pient ; pour m’en assurer , je recommençai
l’expérience, et j’eus la précaution, cette
(1) L’eau est peu aigrelette , parce qu’en absorbant
le gaz avec lenteur, celui-ci s’étend non-seulement
clans la portion qui s’élève dans le rédipiènt, niais
encore dans celle de la terrine, qui sert de sup-
port; enfin, de proche en proche, le gaz finit par
se confondre avec l’air de l’atmosphère*
d’une mine de fer sfatiiique. l5
fois, de mettre un travers de doigt d’huile
d’olive sur l’eau qui devoit être déplacée :
j’employai un récipient beaucoup plus
grand que le précédent , mais également
gradué, tout fut appareillé à l’ordinaire ,
et après l’opération , la superficie de la
couche d’huile se trouva fixée au degré de
l’échelle qui indiquoit 192 onces, et l’once
de mine employée avoit perdu 193 grains
de sou poids ; or, 193 grains de gaz ayant
déplacé 192 onces , ou 110,592 grains
d’eau , il s’en suit que sa pesanteur se trou-
voit déjà être en rapport avec l’eau, comme
1 à 5<]3.
Ce dernier procédé , en me faisant voir
une diminution considérable dans la pe-
santeur spécifique que j’attribuois au gaz
d’après la cinquième expérience , ine fit
présumer que je pouvois encore rapprocher
son poids de celui que les physiciens ont
tâché d’assigner à l’air de l’atmosphère.
Mon appareil avoit un défaut essentiel ,
qu’il falloit corriger ; le bec recourbé du
conducteur n’entroit dans le col du réci-
pient , que d’environ un pouce , et le gaz ,
en se dégageant , avoit à traverser un
volume d’eau très considérable ; je crus
l6 ANALYSE
que cette eau pouvoit aussi en absorber
une portion , et j’en fus convaincu d’après
l’expérience suivante.
YII. Expérience. Je rendis le récipient
de mon appareil pneumatique propre à
être rempli par succion -, je fis faire un
conducteur de verre , dont la branche
recourbée pouvoit s'élever un peu au-
dessus du premier degré de l’échelle j je
mis une once de mine dans une retorte , et
j’appareillai à l’ordinaire : lorsque , par
la succion , l’eau fut montée et arrêtée au
deuxième degré environ , j’introduisis dans
le récipient une quantité suffisante d’huile,
en faisant en sorte d^en fixer la superficie
vis-à-vis le deuxième degré de l’échelle
qui marquoit 8 onces.
Dans cette expérience , l’once de mine
employée fournit 189 grains de gaz , qui
déplacèrent 216 onces, ou i24,4i6 grains
d’eau. Cette quantité d’eau déplacée , bien*
supérieure à tout ce que j’avois obtenu ci-
devant , me mit en état de conclure , sans
prétendre toutefois avoir atteint le véritable
point , que la pesanteur spécifique du gaz
est à l’eau comme 1 à 658 , c’est-à-dire ,
qu’un volume de gaz , qui seroit égal à
celui
r>''tJNE MINE DE FER SFATIII^UE. 17
celui d’une once ou 5y6 grains d’eau , pe-
seroit à-peu-près six septièmes de grain (1).
Dès que j’eus fixé , le plus exactement
qu’il m’étoit possible , le vôlurne du gaz
que fournissoit une quantité donnée de
mine de fer spathique , je voulus savoir si
ce fluide , que les Anglais ont nommé air
fixe y pouyoit être respiré impunément par
les animaux.
Pour cet effet , je chargeai une retorte
d’une once de mine, j’y adaptai un con-
ducteur 5 je suspendis sur la superficie
d’une terrine pleine d’eau , un de ces
grands récipiens de machine pneumatique,
dans lequel j’avois placé une alouette jeune
et vigoureuse $ je fis monter , par la suc-
cion , l’eau dans le récipient , jusqu’à une
hauteur convenable, pour laisser à l’oiseau
(1) Je crois que le poids spécifique du gaz , seroit
enoore moindre si on pouvoit trouver un intefmède
qui empêchât absolument son -absorption dans l’eau j
l’huile d’olive dont je me suis servi , ia retarde, sans
doute 5 mais outre qu’elle en absorbe elle même, il ine
r r
semble qu’elle n’empêche pas l’eau et le ghz de s’unir':
j’ai vu plusieurs fois l’eau remonter, en sept ou huit
jouis, de i5 dettes .et plus, malgré l’huile qui la
recouvroit.
Tome II.
B
A N À E Y S E
î8
tout l’air nécessaire à sa respiration ; îe
fut introduit , en un instant , dans
cet appareil , et à-peine l’eau fut-elle dé-
primée d’un demi-travers de doigt , que
j’aperçus l’alouette s’inquiéter : ses aspi-
rations devinrent plus fréquentes , elle
tomba et lit de foibles efforts pour se re-
lever ; elle tomba de nouveau , et bientôt
elle perdit tout mouvement , et paroissoit
morte ; je la retirai promptement, et l’ap-
pliquant contre mon corps, en moins d’une
minute , elle revint à la vie.
Cette expérience prouve que le gaz > qui
s’élève de notre mine , est une mofette
suffocante , qui ressemble assez par ses
effets sur les animaux, à celle de la Grotte
du Chien en Italie , et à plusieurs autres
que j’ai eu occasion d’observer en France.
VIII. Expérience. Quoique je me sois
proposé , dans ce mémoire , d’écarter tout
ce quipourroitparoître étranger à l’analyse
de la mine qui fait le sujet de mon tra-
vail , je ne peux cependant m’empêcher de
rendre compte d’une expérience qui peut,
ainsi que quelques autres qui ont déjà été
publiées , commencer à nous donner des
idées sur la nature de cet être singulier ,
B*UN£ MlKE DE 1ER SE ATIIIQU £.
que nous nommons gaz , air fixe , fuide
élastique y etc.
J’ai cherché à fixer le gaz d’une once de
mine dans de l’alkali lixe , et pour cet
effet j'ai chargé une petite retorte , d’une
once de notre mine pulvérisée • j’ai luté à
son bec un tube de verre de 6 à 7 lignes
de diamètre , et de i5 à 16 pouces de lon-
gueur. ( Mon dessein étoit d’éloigner, au-
tant qu’il seroit possible, du fourneau le
récipient dont j’allois me servir, et cepen-
dant de porter dans son fond le gaz qui
s’échapperoit de la mine, lors de l’opéra-
tion. ) J’ai versé environ un gros d’eau
distillée , dans un petit ballon , et en le
tournant en tous sens , j’ai pu l 'humecter
légèrement; après quoi j’y ai jeté 00 grains
de sel de tartre en poudre , sur la pureté
duquel je n’avois aucun doute : ce sel ab-
sorba l’humidité du ballon , tomba eu de -
liquium , et se rassembla dans la partie la
plus déclive.
Je joignis ce ballon au reste de l’appareil ,
je fermai exactement les jointures avec du
lut gras , recouvert de bandes de toile ,
trempées dans du blanc d’œuf et de la
chaux. Dans les premiers instans où le feu
B 2
80 A N A L Y S E
i
fut allumé, j’ouvrois , de temps en temps,
la petit trou du récipient , pour donner
issue à l’air des vaisseaux ; mais me dispo-
sant à ne plus l’ouvrir aussitôt que la cha-
leur seroit assez forte pour dégager 1 egaz,
je le bouchai exactement avec un peu de
lut gras : je pris en meme teins des précau-
tions contre la fracture et l’explosion des
vaisseaux j j’enveloppai le ballon dans des
linges mouillés , et attachant autour de
l’appareil des toiles fortes , je ne laissai
qu’une petite ouverture vis-à-vis la porte
du fourneau , pour y mettre le charbon
lorsque le besoin le requéroit.
Tout étant ainsi disposé , je poussai le
feu aussi vivement et aussi long-temps qu’il
étoit nécessaire -, je m’attendois , à chaque
instant , à voir sauter mon appareil , et ce
n’étoit qu’en tremblant que j’en approchois
pour mettre du charbon sous la cornue;
enfin , après une heure et demie d’un feu
vif, jugeant l’opération finie, je fermai la
porte du cendrier , et laissai tout refroidir.
Je ne pouvois concevoir que 3o grains
d’alkali fixe eussent été suffisants pour
absorber tout le gaz que je savois être
contenu dans une once de mine ; je présu-
d’une mine de ter spatiiique. 2 T
mai que mes vaisseaux avoient pris air par
quelque endroit 5 je soupçonnois sur-tout
que le lut gras, qui fermoit le petit trou
du récipient , avoit pu être soulevé; rien
Je tout cela n’étoit cependant arrivé , je
trouvai les jointures en bon état , et le
petit trou me parut très-bien fermé.
Quoi qu’il en soit , le sel de tartre , que
l'humidité du récipient avoit résout en
liqueur , ainsi que je l’ai fait remarquer ,
s’étoit coagulé , et comme il paroissoit
contenir un peu de liqueur , je le fis
égoutter en renversant le récipient sur un
verre ; ce qui en tomba avoit le goût
purement alkalin , et je le regardois comme
de l’alkali surabondant , qui n’avoit subi
aucune altération ; mais l’ayant saturé avec
un peu d’acide vitriolique , je vis , avec
surprise , que le tartre vitriolé qui se forma ,
prenoit , ainsi que la liqueur, une couleur
bleue : les vaisseaux dont je m’étois servi ,
étoient neufs; l’eau que j avois mise dans
le ballon , avoit été distillée dans le erès
O
et le verre ; je ne pouvois avoir de soupçons
sur l’alkali que j’avois employé ; c’étoit du
pur sel de tartre : cependant , je crus de-
voir faire une contre -expérience. Je fis
B 3
22 ANALYSE
dissoudre 10 ou 12, grains de ce sel de
tartre , dans 24 ou 2 5 gouttes de la même
eau distillée j j’en fis la saturation avec un
peu du même acide vitriolique ; le sel qui
se forma, étoit de la plus grande blancheur,
ainsi que la liqueur qui le surnageoit. Ne
pouvant attribuer la cause de cette couleur,
ni aux vaisseaux , ni aux intermèdes dont
je m’étois servi , je jugeai que, sans doute ,
la mine sur laquelle je travaillois , conte-
noit du cuivre , et qu’il n’étoit peut-être
pas impossible qu’une portion de ce métal
eut été volatilisée par le gaz : mais ayant
tenté de rendre la couleur bleue pius fon-
cée , en versant dans la liqueur quelques
gouttes d’alkali volatil , j’abandonnai ma
conjecrure, parce que cet alkali, bien loin
d’augmenter la couleur bleue, la détruisit
entièrement. Il étoi'. donc plus naturel d’en
rapporter la cause au fer, et c’est en effet
à lui qu’est due cette couleur (1).
Quant au sel qui étoit resté attaché à
l’endroit du ballon où il s’étoit formé , ne
voulant point le déranger , je pris le parti
de couper le récipient, ce qui me donna la
(1) Ainsi que je m’rn suis convaincu eu le pré-
cipitant sous la forme de bleu de Prusse.
d’ü NE MINE DE FER SPATHIQUE. 23
facilité d’en retirer les cristaux qui étoient
blancs et assez réguliers ; ils pesoient 22 à
grains j la plupart étoient en colonne
à quatre faces ; leur goût est celui de l’alkali
très-adouci ; si on en met un sur un charbon
ardent , il décrépite , ainsi que plusieurs
autres sels ; il perd alors sa transparence ,
et se change en une poudre blanche ; enfin ,
ce sel est entièrement soluble dans les
acides ; celui de vitriol le dissout avec
effervescence, et la vapeur qui s’en élève ,
me paroît ne point différer de celle qu’on
obtient en saturant un alkali avec le meme
acide ; l’acide de sel marin le dissout aussi
entièrement avec effervescence : on en
peut dire autant de l’acide nitreux et du
vinaigre distillé : je dois meme faire obser-
ver, qu’après l’acide marin , c’est sur-tout
dans le vinaigre distillé qu’on doit faire
l’expérience de la dissolution , si on veut
en tirer quelques conséquences ; car si on
jette dans ce dernier acide un cristal de
ce sel , comme l’effervescence est peu tu-
multueuse , on peut , en suivant de l’œil la
dissolution , remarquer que le mouvement ,
excité par l’action du dissolvant , ne finit
qu'au moment où le dernier atome de sel
B 4
s4 analyse
est dissous , ce qui ne permet pas d’attri-
buer l’effervescence à l’alkali fixe , dont
on pourroit peut-être soupçonner notre sel
d’être mouillé , vu que la liqueur dans
laquelle il a cristallisé ctoit alkaline.
Il est liors de mon sujet de m’étendre
davantage sur cette matière , qui est trop
intéressante pour ne pas mériter un travail
suivi , mais séparé de cette analyse.
SECONDE PARTIE,
Contenant les expériences faites par la
voie humide.
Xjorsqu’on expose notre -mine spathique
à l’action des acides minéraux , soit crue ,
soit calcinée , elle en est facilement atta-
quée, etàl’exception des parties de quarta
et des pyrites qui y sont plus ou moins abon-
dantes , elle s’y dissout entièrement ; elle
ne résiste même pas à l’acide végétal.
Rapport de la mine avec V acide
vitriolique .
Si on fait digérera une clialeur douce,
une once de mine crue pulvérisée , dans
d’une mine de fer spàthique. s5
une suffisante quantité d’acide vitriolique,
la dissolution s’en fait paisiblement , et
si par des précautions indiquées par l’art,
on est parvenu au point de saturer l’acide,
en dissolvant tout ce qui est soluble, il ne
restera dans la capsule que quelques grains
de quartz , sous la forme d’un sable menu
et d’une blancheur parfaite ; qu’on mette
la dissolution au point de donner des cris-
taux , on obtiendra environ 14 gros (jle
vitriol martial , et quelque peu d’eau-
mère.
II. Expérience. Que l’on fasse calciner
une once de la même mine , pour lui faire
perdre le gaz qui la minéralisé , on la ré-
duira , à quelques grains près, aux deux
tiers de son poids , c’est-à-dire à environ
5 gros 24 grains (1).
Que l'on traite ces 5 gros 24 grains de
mine calcinée avec de l’acide vitriolique ,
(1) En calcinant une once de mine, on perd tantôt
plus , tantôt moins 5 ce qui reste dans le têt, pèse
quelquefois plus de 5 gros 24 grains , et quelquefois
moins ; cet accident dépend du plus ou du moins
de quartz qui s’y rencontre , circonstance qui fait
ans".i virier le volume de gaz qu’on retire de cetîe
même mine.
26
Analyse
comme il a été dit dans la première expé-
rience , l’effervescence sera presqu’aussi
forte que celle qui s’excite avec la limaille
de fer et le même acide ; que l’on mette la
liqueur au point de cristalliser , on obtien-
dra autant de vitriol martial , qu’on en
auroit obtenu d’une once de mine non
calcinée , ce qui prouve démonstrative-
ment , que tandis que le fer de la mine
crue se cojnbine avec l’acide , la substance
volatile , ou le gaz , auquel le fer devoit
sa forme cristalline , s’évapore.
En faisant cristalliser différentes disso-
lutions de notre mine dans l’acide vitrio-
lique , j’ai eu quelquefois un peu de sélénite
calcaire : et quelquefois je n’en ai pas
obtenu un atome , ce qui me porte à con-
clure , qu’outre le quartz , cette mine
contient aussi quelques petites portions de
terre calcaire 5 j’aurai dans un instant une
nouvelle occasion de faire observer l’exis-
tence de cette terre dans notre mine spa-
tliique , d’une manière plus marquée.
III. Expérience. J’ai mis une once de
mine dans une petite retorte de verre, j’y
ai aussi introduit , à l’aide d’un tube , 2
onces d’acide yitriolique , j’ai adapté un
d’une mine de fer spath i que. 27
petit ballon mouillé avec de l’alkali dissous :
le feu fut poussé assez légèrement, mais
suffisamment pour faire passer un peu de
liqueur dans le récipient : l’alkali fixe
s’étant coagulé, je retirai le ballon , et à
l’aide d’un peu d’eau distillée , j’en retirai
le sel , que je fis cristalliser de nouveau ,
et que je reconnus pour être du tartre
vitriolé.
On peut déjà juger , d’après cette expé-
rience , que les intermèdes acides doivent
être rejetés , si on veut se procurer un gaz
pur.
IV. Expérience. Dans la vue de décou-
vrir si la mine contenoit quelques portions
de cuivre, j’ai fait dissoudre dans de l’eau
distillée tout le vitriol que j’avois obtenu
en faisant cristalliser différentes dissolu-
tions de mine crue et de mine calcinée ;
mais ayant tenu j>endant plusieurs jours
dans la liqueur, une lame de couteau bien,
avivée , sans apercevoir la moindre trace
de cuivre précipité , je crois être en droit
de conclure que notre mine ne contient
point de cuivre.
28
analyse
Rapport de la jnine avec l} acide nitreux .
Ire. Expérience. Ayant mis dans un
petit matras , une once de mine crue pul-
vérisée , j'ai versé dessus 6 gros d’acide de
nitre très-pur; il ne se lit dans les premiers
instans , aucun mouvement ; mais après
quelques minutes , il s’établit une légère
effervescence , qui continua plusieurs
jours (1) ; l’acide prit, en se saturant, une
couleur jaune-foncée; je le décantai, et
lui en substituai d’autre ; l’effervescence
se rétablit , et dura jusqu’à la dissolution
totale , qui se fit si lentement , qu’elle ne
fut complète que vers le douzième jour :
comme la mine que j’avois employée é toit
fort pure , il ne resta dans le matras que 6
grains et demi de quartz.
J’ai fait évaporer cette dissolution jusqu’à
siccité , et je fai tenue au feu de calcina-
tion , le temps nécessaire pour lui faire
perdre tout l’acide qu’elle contenoit ; il
resta dans la capsule 5 gros 12 grains de
safran de mars, d’une couleur rouge tirant
sur le brun.
(1) L’opération se f’aisoit à froid ; car si on emploie
le feu , la dissolution se fait beaucoup plus vite.
«
d’une mine de ter sjpathiqu e, 29
Gette expérience prouve de plus en plus
qu’une once de notre mine la plus pure ,
contient à - peu - près deux tiers de fer,
et un tiers d’une substance volatile ,
qui s’évapore par la dissolution dans
un acide , aussi - bien que par la cal-
cination dans les vaisseaux, ouverts ou
fermés.
II. Expérience. Ayant chargé deux
petites retortes de verre , chacune d'une
once de mine concassée , dans laquelle on
apercevoit quelques grains de quartz , elles
ont été placées l’une et l’autre sur un bain
de sable , et il a été adapté à chaque bec
un appareil chimico - pneumatique , dont
l’un a voit un récipient avec une couche
d’huile , tandis que l’autre étoit simple-
ment rempli d’eau. . •
En vingt -quatre heures, l’eau du réci-
pient avec l’huile fut déprimée jusqu’au
degré qui indiquoit 60 onces , et dans le
même espace de temps, celle qui étoit dans
le récipient sans huile, avoit à peine atteint
le degré qui en indique 16 ; cependant tout
se passoit également dans l’une et l’autre
retorte; l’effervescence étoit la même, etltr
procédé se faisait à froid j le degré de tein-
30 ANALYSE
pérature étoit aussi le même : le quatrième
jour , j’échauffai légèrement le bain de
sable ; la dépression suivit la même marche
dans l’un et l’autre appareil ; dans l’un
elle étoit peu marquée , dans l’autre elle
étoit très-sensible ; en sorte que le septième
jour , depuis le commencement de l’opé-
ration , la superficie de l’eau du récipient
avec l’huile , étoit vis-à-vis le degré qui
indique 116 onces, et celle du récipient
sans huile , un peu au - dessous du degré
qui en indique 21.
A cette époque, l’effervescence me parut
absolument finie , et j’en fus convaincu en
voyant l’eau remonter dans les récipiens,
fort lentement à la vérité , mais suffisam-
ment pour annoncer qu’il ne se dégageoit
plus rien.
Je défis les appareils ; le récipient avec
l’huile exhaloit une forte odeur d’acide
nitreux; celui où il n’y avoit point d’huile,
non-seulement répandoit la même odeur ,
mais l’eau dont il étoit encore presque
plein , avoit un goût très- acide, qui lui
avoit été communiqué pâr l’esprit de nitre ,
qui , s’étant élevé avec le gaz , s’étoit , aussi
bien que ce dernier, absorbé dans l’eau , à
d’une mine de fer spatiiique. 3l
mesure qu’ils se dégageoient l’im et l’autre :
il resta après la dissolution de a onces de
mine employées , 2 5 grains de quartz de
l’une , et 19 grains a de l’autre (1).
On voit par cette double expérience ,
combien il est nécessaire d’interposer un
travers de doigt d’huile entre l’eau et le
gaz , quand on veut mesurer le volume
de ce dernier $ mais ce qui mérite princi~
paiement d’être remarqué, c’est, sans con-
tredit, cette portion d’acide nitreux , qui,
s’élevant avec le gaz et se mêlant à l’eau ,
ne peut que jeter dans l’erreur ceux des
chimistes qui , dans leurs recherches sur
la nature de ce fluide , emploieroient des
intermèdes acides pour le dégager.
III. Expérience. Si notre ruine se dissout
dans l’acide nitreux avant la calcination ,
elle le fait encore plus facilement et avec
plus d’effervescence , lorsqu’elle a subi
cette opération : j’en ai fait dissoudre 5
gros 21 grains, qui étoient le produit d’une
once de mine crue ; et ayant retiré, par la
distillation, tout l’acide nitreux, je lavai
(1) Comme dans cette expérience la mine n’étoit
pas en poudre, ce quartz étoit en morceaux assez gros
pour souffrir le coup d’un briquet.
02 ANALYSE
avec de l’eau distillée , le safran de mars
qui étoit resté dans la cornue : l’eau me
parut avoir dissous quelque chose de salin ;
elle fut filtrée , et l’alkali fixe en précipita
22. grains d'une terre blanche , que des
expériences décisives me firent reconnoître
pour être de nature calcaire.
Si nous ajoutons cette nouvelle preuve
à celle que nous a déjà donnée la sélénite
retirée de la même mine par le procédé
avec l’acide vitriolique , nous reconnoî-
trons dans cette mine des portions de terre
calcaire qui , ainsi que le quartz , y sont
éparses et isolées.
-, . q
Son rapport avec V acide de sel marin .
fT
L'acide de sel marin dissout également
la mine de fer spathique , soit devant, soit
après sa calcination; et cet agent est, aussi-
bien que les autres acides , un excellent in-
termède pour séparer les portions de quartz
d’avec celles qui sont purement métalli-
ques; mais comme il m’a été d’un très-
grand secours dans cette analyse , et que
c’est lui qui m’a fait soupçonner que le
zinc pourroit bien exister dans la mine.
d’une mtne de fer spathfque. 33
je dois dire un mot sur la manière dont il
en fait la dissolution.
Ayant mis dans un petit matras demi-
once de mine crue pulvérisée , et une quan-
tité proportionnée de très-bon acide de sel
marin, il se lit sur - le - champ une vive
effervescence: lorsqu’elle fut rallentie, on
apercevoit sur la partie de la mine qui
n’étoit pas encore dissoute , quelques cor-
puscules noirs qui en salissoient la blan-
cheur: je n’avois rien observé de semblable
dans les dissolutions parles acides de vitriol
et de nitre ; je me rappelai sur-le-champ
l’elfet de l’acide de sel marin sur le zinc
(on sait que dans la dissolution de ce demi-
métal par cet acide, il s’en sépare des petits
flocons noirs ) ; je crus que ceux que je
venois d’observer dénotoient que le fer
é toi t dans la mine , uni à une portion de
zinc, et je me déterminai aussitôt à m’en
convaincre par quelque expérience qui ne
laissât aucun doute.
Tome IL
C
analyse
Procédé par lequel il est démontré que la
mine contient du zinc (i).
Qu’on mette dans un petit matras une once
de notre mine calcinée, qu’on y ajoute 4°
grains de vitriol martial (2), qu’on verse sur
le tout 6 onces d’eau distillée, et qu’on laisse
digérer à froid , pendant dix ou douze
jours, avec la précaution d’agiter le matras
toutes les fois que l’occasion s’en présente;
(1) Ce procédé, qui peut être de la plus grande
utilité dans certaines occasions , est fondé sur une loi
des affinités , qui étoit déjà connue des chimistes
du siècle passé : mais, si je ne me trompe, on n’y
a pas trop fait d’attention parmi nous ; 1rs Allemands,
au contraire, n’ont pas manqué de le célébrer dans
leurs écrits. Pott , entr’autres , en fait mention dans
sa dissertation sur le Zinc, en ces termes : Jam
Glavbems et Beccherus adverterunt , quôd Zincuni
ex vitriolo praecipitet inh abitans metalium. et scmet
ipsum acido vitriolico associet , tanquam corpus
istis solubilius , et cum eo -vitriolum Zmcinum
efformet .
(2) 11 faut, dans cette expérience, employer du
vitriol, martial très- pur ; celui du commerce contient
communément de la couperose blanche, ce qui doit le
faire rejeter; aussi me suis -je servi de celui que
m’avoit donné la mine spathique en la vilriolisant.
d’une mine de fer SFATHIOUE. 35
qu’on filtre la liqueur , et qu’on la fasse
évaporer à une chaleur douce; quand elle
sera réduite à 5 ou 6 gros au plus , on la
retirera du bain de sable , et on l’aban-
donnera à l’évaporation spontanée , au
moyen de laquelle on obtiendra une belle
cristallisation de vitriol blanc, dont le poids
sera de 2.5 à 26 grains.
Cette expérience , que j’ai répétée sur
différens échantillons de mine, et toujours
avec un pareil succès , démontre jusqu'à
l’évidence, que dans notre mine le fer est
uni à une petite portion de zinc.
«
Expériences qui prouvent que le fer est
dans la mine spathique , sous sa forme
métallique .
Je pourrois rapporter un grand nombre
d’expériences qui prouvent que le fer est
dans notre mine sous sa forme vraiment
métallique; qu’il y est enfin avec tout son
phlogistique : mais je me contenterai d’en
citer quatre , qui me paroissent ne rien
laisser à désirer sur ce sujet.
i°. La mine calcinée est totalement atti-
rablc par l’aimant.
C 2
36
ANALYSE
2q. EUe se dissout entièrement avec fa-
cilité, et avec une effervescence très-vive
dans l’acîde nitreux.
3°. Je m’en suis servi avec succès pour
revivifier le mercure du cinabre.
4°. Ayant exposé dans les vaisseaux fer-
més, un mélange de minium et de mine,
le plomb s’est réduit comme il auroit fait
avec de la limaille de fer.
Eu démontrant que le fer est dans la
mine calcinée sous sa forme vraiment mé-
tallique, je crois avoir levé tous les doutes
qu’on pouvoir avoir sur l’état où il se trouve
dans la mine crue.
CONCLUSION.
Il résulte des expériences dont je viens
de rendre compte ,
i°. Que la mine spatliique qui en fait le
sujet, considérée dans son état de pureté,
est une combinaison de fer et de gaz , être
singulier , qui donne au fer la propriété de
prendre » en cristallisant, laforme que nous
lui voyons dans cette mine j
2°. Que dans cette combinaison , le gaz
est au fer à-peu-près comme î est à 5
d’ïTNE MINE UE EEtl ÔPATHIQUË. $7
3°. Que ce fer est uni à une petite por-
tion de zinc $
4°. Que cette mine considérée en masse,
se trouve , dans quelques endroits , mé-
langée de quartz et de spath calcaire (1).
5°. Enfin , « si j’ai démontré qu’il est
5) possible de faire une analyse complète
>5 d’une mine , sans avoir recours aux
w moyens usités dans l’art des essais, j’ai
33 rempli le but que je m’étois proposé (2) 3>.
(1) On pourroit aussi faire entrer pour quelque
chose dans la composition de cette mine , la petite
portion d’eau qu’elle a constamment donnée lor squ’elle
a été exposée au feu dans les vaisseaux fermés : ce
n’est qu’un atome} mais enfin, cet atome s’y trouve,
et on 11e peut pas douter qu’il ne soit nécessaire à
l’union des parties; au reste, ce que j’appelle gaz ,
n’étant que V air fixe des chimistes anglais, doit pré-
senter, à l’idée du lecteur, un être qui admet uuo
»
certaine cpiantité d’eau dans sa mixtion.
( 2 ) Bayen a dit que la mine de fer spathique con-
tenoit du zinc. La forme et la couleur blanche de9
cristaux disséminés parmi ceux de sulfite de fer ob-
tenus , en traitant cette mine avec l’acide sulfurique,
lui ont paru être du sulfate de zinc : il se fonde sur
les lois des affinités , qui donnent au zinc la propriété
de cristalliser séparément du sulfate de fer. Mais ,
quoique la forme et la couleur soient des caractères
A X A Ii Y S E
distinctifs des substances salines , la précision qu’on
apporte aujourd’hui dans l’analyse chimique des corps*
exigeroit un examen particulier de la matière saline
blanche , que Ba yen a nommée vitriol blanc , d’après
ses formes et les lois des affinités chimiques dont jouit
le zinc. L’analyse des mines de fer blanches , qie
Bergman nous a donnée dans sa Dissertation IX, tome
2 de ses opuscules chimiques, bien postérieure à celle
de Ba yen , et écrite à une époque où la science avoit
acquis beaucoup , ne faisant aucune mention de l’exis-
tence du zinc dans les mines de fer blanches $ et
comme an contraire il entre dans des détails pour y
démontrer le calce et la manganèse, l’existence du
zinc dans les mines de fer analysées antérieurement
par B aven , présente à l’esprit beaucoup d’incertitude.
Personne n’a pris la peine de vérifier le fait, et de
prononcer avec des résultats exacts, sur les expérien-
ces des deux chimistes justement célèbres.
Mais afin d’écarter toute espèce de doute sur l’ana-
lyse do Bayen , dont la manière particulière de voir et
d’opérer m’était connue , j’ai refait l’analyse de la mine
de fer blanche sur le même échantillon qui avait servi
à ce chimiste. 5c grammes de mine de fer blanche ,
en ooudre très fine , ont été traités avec cent grammes
d’acide nitrique pur. Lorsque l’action de cet acide
fut épuisée , on en versa cent nouveaux grammes sur
la matière , et cette addition d’acide fut répétée
jusqu’à quatre cents grammes. La distillation ayant
été poussée jusqu’à siccité , l’acide nitrique oxida
tout le fer , et le convertit en oxide rouge - brun.
d'une MINE DE EETl SPATTIIOUE. 3()
Ensuite je fis bouillir cet oxide dans l’eau pure , et
l’en séparai par le filtre- La liqueur qui passa était
très-claire ; elle avait un goût salin , le prussiate de
cliaux n’en troubla pas la transparence. L’acide oxa-
lique et l’acide sulfurique n’y démontrèrent pas la
présence de la cliaux. Le carbonate de soude en pré-
cipita une matière blanche floconneuse assez abon-
dante. Cette matière recueillie sur un filtre , bien
lavée et séchée , pésoit cinq grammes , représentant
à-peu-près trois grammes de zinc métallique 5 elle
étoit d’un blanc parfait. Je la mêlai avec le double
de son poids de charbon en poudre 5 et après l’avoir
introduite dans une très petite cornue de grès, dont
l’extrémité plongeoit dans l’eau , je la chauffai , et
poussai le feu pendant deux heures : l’appareil re-
froidi , on trouva des molécules de zinc sublimées à
la partie supérieure de l’extrémité du col de la
cornue.
Il est donc matériellement prouvé que la mine
de fer analysée par Bayen en 1 7 7 J y contenoit du
zinc , et que ce chimiste l’avoit reconnu par la
forme des cristaux qu’il avoit obtenus. On sait de
plus aujourd’hui, qu’à la voû'e des fourneaux dans
lesquels on exploite les mines de fer blanches , il se
fixe un oxide de zinc, que Pline le naturaliste
nomme Botrillis , au chap. X. Ainsi on est en droit
de conclure que Bergman , en passant sous silence
dans sa dissertation sur les mines de fer blanches ,
le zinc dont Bayen avoit annoncé l’existence dans
celles qu'il avoit analysées, a confondu ce demi-métal
4o A3ST al. d’une mine de fer RPATHTQTJE*
avec la manganèse qui pou.voit aussi se trouver dans
les échantillons examinés par le ihimiste suédois.
Le respect que je porte à la mémoire de B .yen , m’a
engagé à sai ir cette occasion pour rendre justice
aux soins cpie cet homme célèbre a apportés dans son
travail , dont l’exactitude paroLsoit avi ir été con-
tredite dans une analyse postérieure faite par un
cliimiole non rupins illustre. Note du C. Dizé.
V.
J
A
EXAMEN
DE DIFFÉRENTES PIEPaRES,'
PUBLIÉ EN i 7 7 8.
PREMIÈRE PARTIE.
A vaut Pott, les chimistes ne s’occupoient
que fort 'peu , ou plutôt ne s’occupoient
point de l’examen des pierres ; mais la
Lithogéognosie de ce savant et laborieux
auteur, ayant paru parmi nous en 1753,
y produisit une révolution , dont la partie
de la. physique qui s’occupe de Phistoire
naturelle , devoit retirer les plus grands
avantages.
Alors, ceux des chimistes qui sont em-
portés par le goût des découvertes et par
1 amour du travail , dirigèrent leurs vues
vers le riche et important objet que Pott
venoit de leur montrer. Un très-^rand
nombre de terres et de pierres furent sou-
mises à l’examen • l’histoire naturelle sortit
du chaos où elle etoit , et ses catalogues
4 2 EXAMEN
prirent un ordre plus conforme à la nature ,
dont on vouloit décrire les productions.
On vit à l’époque dont je parle , toutes
les terres et pierres qui, au premier coup
d’œil , paroissent si différentes enlr’elles,
se rapprocher par une suite d’expériences
exactes , au point de ne plus former que
quatre classes qui , bientôt après , furent
même restreintes à trois : la terre vitres-
cible , la terre argileuse, la terre calcaire.'
La quatrième étoit la terre gynseuse ou
pierre à plâtre $ mais comme on ne tarda
pas à découvrir que cette pierre étoit elle-
même composée d’acide vitriol ique et de
terre calcaire , on cessa de la regarder
comme une terre proprement dite : on la
rangea parmi les sels.
O11 ne reconnut donc plus que les trois
autres classes de pierres dont il vient d’être
fait mention 3 car telle est la manière des
chimistes, sans croire à la simplicité d’au-
cun des corps qui frappent nos sens , ils
sont dans l’usage d’envisager, pour le mo-
ment , comme corps simples , tous ceux
qu’ils ne peuvent analyser.
Ainsi, quoique les terres propres à faire
le verre , à se durcir au feu, à faire de la
\
DE DIFFÉRENTES PIERRES. 4*
chaux , soient aujourd’hui les trois classes
où toutes les pierres de notre globe peuven t
être rapportées , les chimistes sont bien éloi-
gnés de les regarder comme des corps d’une
simplicité absolue ; déjà même, quelques-
uns d’entr’eux croient que les terres argi-
leuses et vitrescibles sont composées ; et
s’ils parviennent à le démontrer aussi clai-
rement que Cronstadt a démontré que le
gypse est composé d’acide vitriolique et
de terre calcaire , la chimie , déjà si hère
de ses découvertes , verra luire uri de ses
plus beaux jours.
En attendant que de nouvelles expé-
riences viennent nous instruire sur un sujet
aussi important , il convient de suivre la
division fort simple, que la chimie, disons
mieux, que l’évidence a forcé les natura-
listes d’adopter.
Mais tout ce que nous voyons de lapidifié
dans la nature, étant rarement simple ou
homogène , au contraire , tout étant mé-
langé et combiné de mille manières diffé-
rentes, la chimie a-t-elle en ce genre des
moyens analytiques sûrs ? Peut-elle séparer
les trois terres , ainsi que les autres subs-
tances qui ont concouru à former cette
EXAMEN
44
innombrable variété de pierres que nous
rencontrons ? Oui , sans doute , la chimie
possède ces moyens ; et laissant ses four-
neaux trop vantés par les uns, et trop dé-
criés par les autres , elle peut , sans le
secours du feu, analyser presque tout le
règne minéral, et même cette analyse sera
d’autant plus facile , que la composition
des corps sera plus compliquée.
Le genre de travail auquel je me suis
livré depuis plus de douze ans, est pour
moi une preuve convaincante de ce que
j’avance , et je désire ardemment que d’au-
tres veuillent l’adopter* l’histoire naturelle
ne peut qu’y gagner : les procédés sont fa-
ciles, peu dispendieux, et, j’ose le dire,
les conséquences sont sûres, et peuvent
jeter le plus grand jour sur la lithologie.
On en jugera parles mémoires que je don-
nerai successivement sur les marbres, les
serpentines, les porphyres, les ophites, les
granits, le jaspe , les schistes argileux, etc.
La plupart de ces p’erres , on le sait ,
passoient pour résister aux acides ; on les
verra cependant céder à nos dissolvans ,
et subir, par 1 ur moyen, tout le degré
d’analyse dont elles sont susceptibles.
DU MARBRE DE C A M 1* A N. 45
EXAMEN
Du Marbre de Camp an.
Les naturalistes divisent les marbres en
trois espèces générales :
i°. En inarbre d’une seule couleur, et
cette première espèce comprend, selon eux,
les marbres blanc, gris, noir, jaune, etc.
2°. En marbre de diverses couleurs ; et
dans celle-ci, ils placent tous les marbres
dans lesquels 011 distingue les couleurs pré-
cédentes , mélangées et distribuées de ma-
nière à former des variétés agréables.
5°. En marbre figuré ; cette dernière
espèce , moins répandue dans la nature
que les deux autres, comprend les marbres
de Florence et de Hesse, dont on voit de
si beaux morceaux dans les cabinets.
Les chimistes qui ne classent point les
corps naturels d’après leur forme exte-
jieure, diviseroient sans doute ce genre
de pierre tout autrement que n’orit fait
les naturalistes, si, par une suite d’expé-
riences , pour ainsi dire docimastiques , ils
avoient constaté Es différences de chaque
espèce de marbre en particulier : en atteu-
EXAMEN
46
dant que ce travail se fasse, je crois qu’on
pourroit déjà en former chimiquement trois
classes générales, sauf à les restreindre ou
à les augmenter à mesure que l’expérience
éclaireroit le chimiste qui entreprendroit
l’examen des différons marbres connus.
La première classe comprendroit uni-
quement les marbres purs, ou , ce qui est
la même chose , les marbres blancs, quelle
que soit leur dureté , quelle que soit la
forme de leur grain. Cn sait que toute
cette classe est sans mélange de matières
étrangères ; que les acides la dissolvent en-
tièrement , qu’elle forme avec eux divers
sels à base calcaire , et qu’étant calcinée ,
elle se convertit en chaux la plus pure.
On rangerait dans la seconde classe les
marbres colorés , qui ne différeraient du
marbre simple et pur , que par la petite
portion de matière colorante qui leur seroit
unie.
J’ai examiné le marbre noir qu’on em-
ploie à Paris , et dans 2. onces , je n’ai trouvé
que 60 grains , ou de matière colorante.
Le reste , abstraction faite de Pair et de
Peau que donne ce marbre dans la calci-
nation , étoit de pure terre calcaire , dont
I
du marbre DE C A M P A n . 47
l’essence est d’être blanche ; aussi, ai-je
obtenu , en précipitant la dissolution de
ce marbre noir, une terre d’une blancheur
parfaite. Lorsque la matière colorante noire
se trouve unie au marbre blanc en plus pe-
tite quantité, par exemple, elle lui
donne une couleur intermédiaire entre le
noir et le blanc , ce qui constitue le inarbre
gris plus ou moins foncé. Ou en peut dire
autant des morceaux de marbre jaune qui
se trouvent dans certaines Ivèches, et que
l’examen in’a appris être colorés par une
petite quantité de terre martiale, de la na-
ture de l’ocre.
Ainsi, tous les marbres qui ne contien-
nent d’autres matières étrangères que
celles qui les colorent , devroient entrer
dans cette classe, sans en excepter ceux
dont les couleurs sont variées ; on n’en
excluroit même pas les brèches, lorsque
les f ragmens qui entrent dans leur com-
position , et le ciment qui les unit, sont
absolument de nature calcaire.
Toute cette seconde classe est propre ,
sans doute, à faire de bonne chaux 5 mais
comme le fer est en grande partie cause
de leur couleur, cette chaux ne peut êüe
EXAMEN
employée avec succès au blanchiment de
nos maisons. La couleur, quelque blanche
qu’elle paroisse au moment où on l’ap-
plique, ne tarde pas à prendre un ton roux.
On mettroit enfin dans la troisième classe
ceux qui , outre la matièi e colorante , con-
tiendraient une quantité remarquable de
terre, ou pierre d’une nature absolument
différente de celle de la pierre calcaire.
Cette troisième espèce ne feroit que de
très - mauvaise chaux, sur- tout si la ma-
tière étrangère s’y trouvoit dans de grandes
proportions. Ainsi, tous les marbres cal-
caires connus seroient rangés dans un
ordre eniièrement chimique, c’est-à-dire,
le plus convenable et même le plus naturel ,
puisque, par une seule dénomination , on
donneroit une idée juste et précise de la
pierre dont on veut parler; marbres purs
on blanc5 ; rnar bres pur> , ruais colo; es ; mar-
bres mixtes ou mélangés de diverses terres.
cJ
Les naturalistes font entrer dans la des-
cription qu’ils donnent du marbre , une
demi-transparence qu’on y remarque, lors-
que ses fragmens on les ouvrages qu’on en
fait , n’ont pas trop d’épaisseur. C’est sur-
tout dans ceux de la première classe que
• > , •
1 ai
I
s ir marbre de cAmpan. ^
j’ai appelés simples et purs, que cette demi-
transparence est sensible (i).
Les marbres de la seconde classe ont
d’autant moins la propriété de trans*
mettre la lumière, que les matières qui les
colorent sont plus grossières, plus abon-
dantes et moins fondues dans le marbre
blanc , quelles ternissent , quelles trou-
blent, pour ainsi dire, ou enfin, qu’elles
(i) La cause de cette transparence ne peut-elle pas
être rapportée à la cristallisation que subit la terre
calcaire, lorsque l’eau et l’air qu’elle contient,
éprouvent avec elle le degré de combinaison intime
qui constitue le marbre? Car, quoique je sois naturel-
lement éloigné de tout ce qui s’appelle système , je ne
peux cependant m’empêcher d’avouer que je tiens
pour démontré , que tous les corps du règne minéral
sont soumis aux lois de la cristallisation qui cons-
titue les masses , et que je la regarde , après la com-
bina,son qui constitue les mixtes , comme une des
grandes opérations de la nature. Il ne serait pas diffi-
cile de prouver que tout ce que nous, connoissons
de minéralisé ou de lapidifié, a pris un arrangement
conforme aux lois de la cristallisation ; on dit com-
munément, les animaux vivent, les plantes végètent
On pourrait dire de même, les minéraux cristal.
lisent -, ce qui exprimerait en un seul mot leur
maniéré de s’aggréger.
Tome II . r»
5o
examen
V
rendent absolument opaque , selon les
proportions où elles se trouvent.
Quant à ceux de la troisième classe, il
est impossible que la lumière puisse les
pénétrer; les corps étrangers avec lesquels
ils sont mélangés, leur communiquant leur
opacité , cet accident doit les faire regarder
comme pierres opaques. Tel est, par exem-
ple , le marbre de Campan ; telles sont les
pierres de Florence, et beaucoup d’autres
marbres dont je parlerai dans la suite.
Le marbre connu dans les ateliers.et dans
les appartemens, sous le nom de vert-cam~
■pan , nous est apporté de la partie des
hautes Pyrénées , dépendantes du Bigore :
la carrière dont on le tire, est située à très-
peu de distance de la rive droite d’un des
torrens qui forment les sources de l’Adour \
ce marbre doit sa double dénomination ,
1 ?. à la vallée de Campan, vers l’extrémité
supérieure de laquelle on trouve la mon-
tagne dont on le détache ; 2Q. à la couleur
verte q paroît faire le fond de presque
tout celui qu’on nous apporte.
La couleur rouge est après la couleur
verte, celle qui se fait le plus remarquer;
souvent même, elle y est la dominante, et
D U MARBRE DE CAMPA N. 5l
alors on l’appelle rougn-campnn ; on y ren-
contre aussi des veines de marbre blanc $
enfin , on y a perçoit quelque Pois des petites
pyrites martiales, jaunes et luisantes.
On y chercheroit en vain des débris de
coquilles, de madrépores, etc. Les marbres,
ainsi que les autres pierres des hautes Py-
rénées , ne contiennent , ou du moins ne
m’ont paru contenir aucunes productions
du règne animal, qui fussent reconnois-
sables (1).
(1) Il faut bien distinguer les hautes Pyrénées
d’avec les basses Pyrénées; cette distinction ne sera
pas pour les géographes , mais elle intéresse les natu-
ralistes. Dans l’état actuel des choses, la masse des
Pyrénées ne nous offre que le noyau de montagnes
autrefois plus hautes et plus épaisses: les dégrada ions
journalières qu’elles éprouvent, nous laissent aperce-
voir des pierres de la plus am ienne formation , où
tous les corps qui ont pu appartenir à la mer , sont
tellement identifiés avec les pierres qu’ils ont aidé
à former, qu’il peut fort bien n’en plus rester aucun
vestige.
Il n’en est pas de même des premières pierres que
l’on trouve en approchant de cette chaîne, et que
j’appellerois volontiers le premier échelon de ces
hautes montagnes. En quelques endroits , ce premier
échelon est de nouvelle formation 5 les couches y sont
L> 2
EX A M E N
£2
Analyse du marbre vert- campan par
Vacide nitreux .
Tremier procédé. J’ai choisi des frag-
mens de vert-campan, dans lesquels on ne
quelquefois horizontales , et les corps marins n’y sont
pas rares.
Cependant, je n’ose prononcer sur l’existence ou
Ja non existence des corps marins dans ces montagnes,
depuis que Palassau , qui travaille avec un zèle infa-
tigable à nous donner une carte lithographique des
Pyrénées, m’a fait voir un morceau de marbre gris,
dans lequel on peut distinguer avec facilité un madré-
pore. Cette pierre , ce morceau de marbre , a-t-il été
tiré des hautes Pyrénées? Palassau ne manquera pas
de nous en instruire. Mais , je le répète , j’ai trouvé
des coquilles et des madrépores dans des pierres de
nouvelle formation , qui avoisinent, en certains en-
droits , ces montagnes ; et ces pierres étoient des
espèces de pierres de taille , dont on ne rencontre
jamais le moindre vestige, dès qu’on est entré dans la
véritable chaîne qui n’est composée , à proprement
parler , que de granits , de marbres et de schistes ,
qui se présentent les uns et les autres avec toutes les
variétés déjà connues des naturalistes.
Si on veut se former une bonne idée de ces monts
'fameux , cpi’on lise l’excellent Discours en forme de
Dissertation sur l’état actuel des Montagnes des
Pyrénées, prononcé par d’Arcet , au collège de
•France , le 11 décembre i 775.
DU MARBRE DE C À M P A N* o5
voyoit absolument point de marbre rouge
ni de marbre blanc, et j’en exposai 2 onces
à l’action de l’acide nitreux étendu d’eau
distillée: la dissolution s’en fit dans le com-
mencement avec assez de vitesse, mais sur
la fin elle devint fort lente. Lorsque l’acide
employé fut saturé , je le décantai et en
substituai d’autre que je laissai sur la ma-
tière plus de vingt-quatre heures , après
même qu’on n’apercevoit plus d’efferves-
cence.
La portion sur laquelle l’acide nitreux
n’avoit point agi, étoit partie en poudre
grise et partie en morceaux assçz tendres,
et de la même couleur que la poudre ; le
tout pesa , après l’édulcoration et la dessic-
cation , ù gros et 12 grains : la texture de
cette matière ne permet pas de douter de
sa nature ; c’est du vrai schiste.
La liqueur qui tenoit la terre calcaire de
notre marbre en dissolution, avoitun excès
d’acide, et n’étoit que foiblement colorée;
la noix de gale ne l’altéroit point;une goutte
d’alkali fixe versée dessus , y excitoit une
vive effervescence , et il se formoit une pe-
tité quantité de précipité rougeâtre , qui
étoit sur-le-champ redissous ; ce qui se fit
D d
EXAMEN
54
constamment, jusqu’à ce qu’en versant de
nouvel alkaii, tout l’acide surabondant fût
parvenu au point d’une saturation parfaite,
qui fit prendre à la dissolution une couleur
de bière forte, sans cependant la troubler;
je remarquai alors que la noix de gale pou-
voit la teindre en noir-foncé, ce qui n’étoit
point arrivé tant qu’il y avoit un excès
d’acide.
La couleur rouge des premières portions
delà poudre, qui se séparoit du dissolvant
par Y affusion de quelques gouttes d’alkali
fixe , me détermina à précipiter en deux
temps la dissolution , que j’étendis dans
deux liv. d’eau distillée. Les premières por-
tions d’alkali que je versai dessus peu à peu
et avec précaution , en précipitèrent une
matière rouge qui s’amassa bientôt au fond
du vase : au moment où je m’aperçus que
la liqueur avoit perdu sa couleur de bière
forte , qu’elle étoit devenue claire et lim-
pide comme l’eau , enfin qu’elle ressem-
bloit parfaitement à une dissolution de
marbre blanc , je suspendis l’opération ,
et séparai par le filtre ce premier préci-
pité , qui, édulcoré et séché, pesoit 3i
grains. La couleur foncée de la liqueur,
DU MARBRE DE CAMPA v. 55
son goût martial, sa propriété de teindre
en noir l’infusion de noix de gale , la cou-
leur rousse du précipité , tout enfin annon-
çoit qu’il étoit de nature ferrugineuse ; et
une simple expérience m’a appris que c’é-
toit un mélange de fer et de terre alumi-
neuse. J’ai fait dissoudre ce précipité dans
une suffisante quantité d’acide vitriolique
foible : la dissolution qui ayoit un goût
très - stiptique , ayant été filtrée et aban-
donnée à l’évaporation insensible , donna
en moins de cinq jours , des cristaux d’alun
bien caractérisés, et un peu de vitriol vert.
Le moyen que j’avois employé pour séparer
de la dissolution de notre marbre , tout ce
qu’elle contenoit de ferrugineux et d’alu-
mineux m’ayant réussi, même au-delà de
mes espérances, je procédai sur-le-champ
à la seconde précipitation de la liqueur ,
par le même alkali, qui en sépara une terre
calcaire d’une blancheur parfaite, dont le
poids se trouva être d’une once et 40 grains,
après avoir été suffisamment lavée et sé-
chée.
En additionnantles produits, nous voyons
que les 2 onces de marbre vert employées *
conten oient ;
i> 4
56
EXAMEN
i°. .... 5 gros 12 grains de schiste.
2°. ....... . 3i grains de terre
martiale, mêlé de terre alumineuse.
3°. i once ... 4o grains de terre
calcaire.
Total î once 6 gros n grains.
La perte, qui est d’un gros 6i grains,
doit être attribuée à l’air qui s’est échappé
pendant la dissolution , et à l’eau qui , ainsi
que l’air, s’étoit combinée avec la terre cal-
caire pour former notre marbre; cette perte
a été même de beaucoup plus forte; mais
îa précipitation faite par l’alkali fixe, ayant
rendu de l’air et de l’eau à la terre calcaire ,
les choses sont un peu rapprochées de leur
état naturel (i).
( i ) Il étoit important de savoir si les 3i grains
de premier précipité étoient la quantité précise de fer
et de terre alumineuse , contenue dans les 2 onces de
marbre que j’avois employées dans mon premier pro-
cédé. Pour m’en assurer , je fis l’expérience suivante.
Je saturai avec une suffisante quantité d’acide
vitriolique , étendu de beaucoup d’eau distillée , une
demi-once de la terre calcaire que j’avois obtenue par
la deuxième précipitation : je séparai , par le moyen
du filtre , la sélénite qui s’étoit formée ; mais la
liqueur ne se trouva être ni vitriolique , ni alumi*
TtÜ MJLRBRE DE CAMPAN. 5 7
Analyse du marbre rouge de Campan par
le jnêrne acide.
^Deuxième procédé. J’ai soumis à l’ac-
tion de l’acide nitreux , 2 onces de marbre
de Campan en un seul morceau , qui
ne contencit point de marbre blanc , et
dans lequel la couleur rouge étoit domi-
nante.
4
Il se sépara , pendant la dissolution, une
poudre d’un rouge - obscur, semblable au
colcotar , ou plutôt à ce rouge -brun dont
on colore le carreau des appartemens.
En agitant l’acide nitreux et en le dé-
cantant , lorsque la saturation fut à son
point, il fut facile de retirer cette poudre
rouge , qui , lavée et séchée , pesoit 60
grains. C’étoit du fer qui avoit perdu la
propriété d’être attiré par l’aimant , mais
auquel il fut facile de la rendre , en le te-
nant quelque temps au feu dans un creuset
fermé , avec un corps qui pouvoit lui donner
du phlogistique.
neuse 5 elle ne fut point altérée* par la noix de gale :
concentrée par une évaporation lente , elle ne donna
ni alun ni vitriol.
68
EXAMEN
Lorsque je me fus assuré que toute îa
partie sur laquelle l’acide nitreux avoit de
l’action, étoit dissoute, je substituai à cet
agent quelques onces d’eau distillée , pour
laver la matière insolub'e qui , séchée exac-
tement, pesoit un gros 63 grains. Elle étoit
divisée en plusieurs morceaux fort fragiles
et percés de divers trous; sa couleur étoit
grise et tachée en certains endroits par un
peu de la poudre rouge que les lavages
n’avoient pu enlever.
En précipitant la dissolution en deux
temps , suivant la méthode indiquée ci-
dessus , j’ai obtenu un premier précipité
martial du poids de 2 ,5 grains , et un
deuxième de nature calcaire du poids de
une once 3 gros 53 grains.
Les 2 onces de marbre de Campan rouge
employées dans ce procédé , ont donc
produit :
i° 60 grains de safran
de mars, rouge-brun, qui s’est séparé de
lui-même pendant la dissolution ;
20 1 gros 63 grains de schiste ;
3° . 2 5 grains de terre
martiale et alumineuse , précipitée par les
premières portions d’alkali ;
pu marbre de cAnr an, 5 9
4°. 1 once 3 gros 53 grains de terre cal-
caire.
Total, 1 once 6 gros 5y grains.
Perte .... 1 gros 1 5 gr. (1)
Si on compare les produits de ce second
procédé avec ceux du premier , on verra
la différence qu’il y a entre les deux mor-
ceaux de marbre qui en ont été le sujet, et
on sentira les raisons qui m’ont déterminé
à travailler sur les deux échantillons aux-
quels j’ai donné la préférence. Je les ai
envisagés comme les extrêmes ; le vert ne
contenoit de marbre rouge , et le rouge ne
contenoitde marbre vert, que le moins pos-
sible.
Si on choisissoit des morceaux d’un mé-
lange différent, on trouveroit sans. doute
des proportions différentes de celles que
j’ai indiquées; et qui sait si on pourroit
jamais parvenir à rencontrer précisément
(O Pour mieux faire comprendre la cause de cetie
perte , je dois dire qu’ayant exposé au feu , pendant
deux Iiewes trois quarts, 2 onces de marbre pareil à
l’échantilion dont il est question , elles perdirent un
gros i?> grains , quoique te marbre fût encore bien
éloigné d’être réduit en chaux.
6o
EXAMEN
les mêmes. J’ai, par exemple, traité par
l'acide nitreux un morceau de notre mar-
bre, dans lequel j’avois aperçu une pyrite y
il pesoit une once : c’étoit un mélange de
marbre rouge et vert : on y distinguoit
même quelques portions de marbre blanc.
Je désirois savoir à laquelle des terres,
la calcaire ou la schisteuse , étoit attachée
la pyrite. La dissolution de la terre cal-
caire étant faite, il resta 2 gros et quelques
grains de schiste , dont un morceau se lai-
soit remarquer par sa grosseur et par une
petite excavation où on voyoit , non- seu-
lement la pyrite dont j’ai parlé, mais en-
core plusieurs autres que le marbre qui
les couvroit avoit empêché d’apercevoir.
Analyse des mêmes marbres par l’acide
vitriol} que.
T, •oisième procédé. Qu’on mette dans
une capsule de verre une certaine quan-
tité de marbre concassé, et qu’on l’humecte
avec de l'acide vitriolique foible 5 ce dissol-
vant attaquera le marbre, se desséchera,
et les fraginens seront couverts d’une in-
crustation blanche sé’éniteuse, c’est-à dire,
d’un sel vitriolique à base calcaire.
DU MARBRE DE CAllPAN, 6l
Si la matière étoit desséchée ayant que
la saturation fût au point requis, il faudi oit
l’humecteravecun peu d’eau distillée, pour
étendre de nouveau l’acide, et lui donner
plusde prise sur les corps qu’il doit dissoudre.
Dès qu’on s’apercevra que l’acide ne se
fait plus sentir, on versera dans la capsule
où se fait la dissolution , quelques onces
d’eau distillée, pour délayer la sélénite,
qu’on pourra par ce moyen retirer et re-
mettre dans un autre vase , pour y être
gardée jusqu’à la fin de l’opération ; apres
quoi on versera de nouveau sur le marbre
une pareille quantité du même acide, qui,
en se saturant , formera de nouvelle sélé-
nite , qu’on retirera et qu’on conservera
soigneusement , ainsi qu’il a été dit ; en
continuant ce travail , qui est long, mais
sûr et facile, on parvient à combiner avec
l’acide de vitriol , tout ce que le marbre
employé contient de soluble ; et par cette
sorte de vitriolisation, on forme divers sels,
beaucoup mieux caractérisés que ceux qui
résultent de l’union de l’acide nitreux avec
les mêmes matières , avantage qui , dans
ce genre de travail , doit faire préférer
l’acide yitriolique à celui du nitre.
6*
EXAMEN
En traitant, suivant la méthode que je
viens d’indiquer , 2 onces de inarbre vert-
campan séparé, autant qu’il a été possible,
des portions rouges ou blanches , j’ai ob-
tenu ÿ
i°. 1 once 6 gros 60 grains de sélénite
gypseuse, ou vitriol calcaire.
20 5 gros 63 grains de terre
schisteuse 5
3°. 1 4 onces d’une liqueur légèrement
colorée en vert-jaunâtre , et d’un goût
vitriolique , dont quelques gouttes versées
sur une infusion de noix de gale , la tei-
gnirent en noir foncé.
Lorsque, par une évaporation faite dans
un vase de verre au bain de sable , cette
liqueur fut réduite à-peu-près à 6 ou 6
onces , il s’en sépara un peu de sélénite
et une petite quantité de terre martiale :
filtrée et mise de nouveau sur le s ible, elle
fut concentrée au point de ne pas excéder
le volume d’une once et demie d’eau ; à
ce moment elle fut abandonnée à l’évapo-
ration spontanée.
Le sixième jour , on apercevoit au fond
du vase une trentaine de petits cristaux
t
du marbre de c a m r a n. 63
blancs et séparés les uns des autres ; leur
goût et leur forme octaèdre annonçoient
leur nature , c’étoit une cristallisation
d’alun très-régulière. Deux jours après ,
il se forma une seconde cristallisation du
meme sel dont les cristaux , quoique plus
petits , étoient encore très-bien caracté-
risés ; à celle-ci, il en succéda une troi-
sième plus petite encore que la précédente.
A cette époque, il commença à se former ,
sur les parois du vase , des efflorescences
salines , et , en moins de quatre jours, la
matière se coagula entièrement en une
masse de couleur verte , tirant sur le jaune,
dans laquelle il fut impossible de distin-
guer aucun sel par des caractères propres
à le faire reconnoître.
En traitant les sels vitrioliques alumi-
neux dans l’état d’eau-mère , tel qu’étoit
celui dont je parle, il n’est pas facile de
les mettre au point de donner de beaux
cristaux, à moins qu’on n’ait recours aux
alkalis fixes ou volatils, ainsi qu’on le pra-
tique dans les travaux en grand de la Halô-
thecnie ; ce ne fut donc qu’après bien des
tentatives , toutes faites sans addition
d’aucun alkali, que je parvins à retirer
64 T, X AME !Nr
encore de cette eau-mère quelques cris-
taux d’alun pur , et de vitriol de mars ;
la couleur peu foncée de ces derniers ,
et leur goût prouvoient assez que ce n’é-
toit qu’un mélange de ces deux sels , et
que l’alun même y étoit le dominant $ ce
qui me restoit de liqueur se coagula de
nouveau : je fis différons essais pour la
ramener au point de donner des cristaux ;
mais ce?,fut en vain : la matière saline
s’élevoit constamment le long des parois
du vase , sans prendre aucune forme régu-
lière. J’eus recours alors aux intermèdes ,
et 11e voulant employer ni alkali fixe , ni
alkali volatil , pour ne pas trouver un
sujet d’erreur dans les dernières cristallisa-
tions , j’étendis l’eau-mère dans 2. onces
d’eau distillée , et j’y ajoutai quelques
grains de craie en poudre 5 il se fit une
effervescence , la craie devenue sélénite
se précipita , entraînant avec elle une
petite portion de terre martiale. Cette
dernière liqueur qui, filtrée, avoit une
couleur rousse, ayant été concentrée par
une évaporation lente, donna jusqu’à la
fin des cristaux d’alun, sans qu’il me fût
possible d’apercevoir un seul cristal de
sel
DU marbre de camp an. 65
Sel de Sedlitz , autre sel vitriolique , que
je soupçonnois devoir etre dans cette
liqueur , d’après un grand nombre d’expé-
riences qui m’ont appris que les terres
alumineuse et sedlicienne se trouvent sou-
vent ensemble dans des pierres schisteuses
de différentes espèces.
Il résulte de l’analyse du marbre Campan
vert par l’acide vitriolique,
i°. Que les 2 onces employées ont fourni
à cet acide une quantité de terre calcaire
suffisante pour former une once 6 gros 60
grains de sélénite;
2°. Qu’il s’est trouvé dans ces 2 onces 7
5 gros 33 grains de schiste ;
3°. Que ce dernier a fourni une quantité
suffisante de fer pour former 12 a i3 grains
de vitriol martial , et environ 5 grains de
terre ocreuse , qui s’est séparée d’elle-
mêtne pendant l’évaporation ;
4°. Qu’il s’y est également trouvé une
quantité suffisante de terre alumineuse
pour former au moins grains d’alun.
Je n’ai rien négligé pour m’assurer que
le sel de Sedlitz n’existoit p^s dans la dis-
solution du marbre de Campan, par l’acide
vitriolique ; c’étoit le principal but de
Tome IL E
66
EXAMEN
toutes les tentatives que j’ai faites pour
mettre les dernières portions de liqueur en
état de donner d’elles- mêmes des cristaux
réguliers ; et quand enfin j’ai été contraint
d’avoir recours à un intermède , je me suis
servi de la craie qui , formant avec l’acide
vitriolique un sel peu soluble et d’ailleurs
facile à distinguer, ne in’exposoit à aucune
erreur : d’où je crois pouvoir conclure que
la terre qui fait la base du sel de Sedlitz,
n’existe pas dans le schiste qui se rencontre
dans notre marbre.
Analyse du marbre Campan j'ouge , par
l} acide vitriolique .
(Quatrième procédé . Ayant également
traité par l’acide vitriolique 2 onces de
marbre rouge de Campan, j’en ai obtenu
une once 7 gros 42 grains de vitriol cal-
caire ou sélénite de couleur blanche tirant
sur le rouge ; il est resté dans la capsule
où se faisoit l’opération 2 gros et demi de
schiste absolument décoloré et en petits
fragmens , parmi lesquels on en distin-
guoit un de la grosseur d’une petite noi-
sette , dont la surface étoit hérissée de
pyrites martiales j on en apercevoit aussi
\
DÛ MARBRE DE CA M PAN. C)J
quelques-unes dans le schiste pulvérulent,
arec lequel elles n'a voient pi us d’adhé-
rence.
Les différons arrosemens d’acide vitrio-
lique et les lavages avec l’eau distillée ,
m a voient donné 12 onces de liqueur
aluinmo vitriolique, de laquelle j’ai retiré
5/ grains d’alun et 4S grains de vitriol
vert ; il s’est séparé pendant l’évaporation
7 grains de terre martiale.
Ce quatrième procédé confirme .les diffé-
rences déjà observées dans les échantil-
lons de marbre lors de leur analyse par
1 acule nitreux; il y a constamment plus de
Schiste dans le marbre vert que dans le
marbre rouge , et plus de fer dans celui-ci
que dans le premier.
Quoiquil soit hors de mon sujet de
m’étendre sur le sel séleniteux que j’ai
obtenu en traitant le marbre de Cau.pan
avec l’acide vitriolique, je ne peux cepen-
dant m’empêcher de dire que ce sel que
■ on nomme souvent sélénite , que j'ai ap.'
pele quelquefois vitriol calcaire et qu’on
pourroit aussi nommer seigypseu*. gypse
» rajicie , ou simplement gypse, étant cuit
1 comme la pierre à plâtre, pulvérisé et
E 2
/
68 EXAMEN
gâche avec une suffisante quantité d’eau ,
a été plus de deux heures à prendre corps,
mais qu’enfin il est devenu , en moins de
douze ou quinze heures , aussi dur que
le meilleur plâtre; retardement qui n’arrive
pas toujours au gypse artificiel. Je dois aussi
faire remarquer que le sel séléniteux, fourni
par le marbre vert, perdit pendant la calci-
nation sa couleur blanche qui se changea
en rouge briqueté , effet qu’on doit attri-
buera un peu de vitriol martial et à quel-
ques portions de schiste des plus tenues,
qui étoient restées dans le sel séléniteux.
Il résulte des expériences qu’on vient
de lire , i°. que le marbre vert de Campan
est un marbre mixte ou composé ; que
c’est enfin un mélange de marbre et de
schiste ; 2°. que les parties véritablement
marbre , sont les dominantes ; 3°. que le
schiste qui les accompagne contient , ainsi
que toutes les pierres de ce genre, que j’aï
jusqu’ici examinées , une quantité remar-
quable de terre alumineuse et de fer ;
4°. que c’est au fer, minéralisé avec le
schiste , qu’est due la couleur verte qui
distingue le marbre dont je parle.
Q\x ant aux portions de marbre rouge qui
15 Ü MAHBHÏ T) E CAMPA N? c9
se rencontrent dans le marbre vert, nous
avons vu qu’elles doivent leur couleur à
un safran de mars , dispersé sous la forme
d’une poudre fine entre toutes les parties do
la terre calcaire. D’où il faut conclure que
le fer qui est uni au marbre de Campan,
s’y trouve dans deux états très-différens.
Dans le marbre vert , il est minéralisé
avec le schiste , de manière qu’il a con-
servé la propriété d’être entièrement dis-
sous par les acides , sans en excepter
même celui de nitre , qui , comme on
sait , n’a pas d’action sur le fer déplilo-
gistiqué. Dans le marbre rouge , au con-
traire , ce métal est dans un état de safran
de mars ou de chaux martiale qui , dis-
persée entre toutes les parties de la terre
calcaire , lui communique sa couleur en
y adhérant fortement , mais sans avoir
subi avec elle de combinaison intime :
ce safran de mars n’est point du tout solu-
ble dans l’acide nitreux , et par- là le chi-
miste trouve un moyen sûr et facile de le
séparer entièrement de la terre calcaire ,
sous sa forme pulvérulente et sans altérer
sa couleur, ainsi qu’il est prouvé par le se-
cond de mes procédés avec l’acide nitreux.
E 3
EXAMEN
7°
Quand on traite notre marbre rouge
avec l’acide vitriolique , il n’est pas pos-
sible de séparer et de mettre , pour
ainsi dire , à nu le safran de mars : il perd,
à la vérité, son adhérence à la terre
calcaire ; mais comme celle-ci se charge,
par sa combinaison avec l'acide , en un
sel qui cristallise à l'instant même de sa
formation , le safran de mars , recouvrant
son état pulvérulent , se mêle entre les
parties de ce nouveau corps salin , et lui
communique cette teinte rouge qu’on re-
marque dans le se 1 séléniteux , obtenu
par le quatrième procédé.
Je finirai par cette observation. Le
marbre de Campan étant une sorte de
brèche composée de marbre proprement
dit , et de schiste argileux , ne peut pas
résister long-temps aux injures de l*air j
aussi voyons nous qu’en moins d’un siècle,
celui qui a été employé dans les jardins de
Marly , est entièr ement dégradé ; les por-
tions schisteuses sont trop tendres , elles
n’ont pu tenir contre les intempéries des
saisons, et les vicissitudes de l’atmosphère.
Quand il s’agit d’élever des monumens ,
quand il s’agit de décorer des temples, des
!
BU MARBRE DE CAMPA N. 7 1
palais , on ne sauroit prendre trop de pré-
cautions pour s’assurer de la bonté , de la
solidité des matériaux qu’on veut employer,
sur-tout si ces matériaux ne sont pas
connus , ou s’ils sont tirés d’une carrière
nouvellement découverte.
Il est fâcheux de ne s’apercevoir des
mauvaises qualités d’une pierre , qu’après
qu’elle a été mise en œuvre ; qu’on ne se
laisse donc pas séduire par la beauté d’un,
nouveau marbre : l’essentiel est sa solidité,
et les architectes , jaloux de leur gloire ,
ne devroient jamais employer un marbre in-
connu, quelque beau qu’il paroisse, sans
l’avoir fait soumettre à un examen chimique.
EXAMEN
Des Pierres figurées de Florence.
La description des pierres figurées de
Florence , seroit ici fort inutile , elles
sont connues de tous ceux qui ont vu
des collections de curiosités naturelles ;
mais si la variété vraiment étonnante des
tableaux qu’elles nous offrent, leur font
occuper un rang distingué dans les cabi-
nets , on peut dire que la nature de ces
E 4
examen
72
pierres n’en est pas pour cela mieux
connue ; et si les noinenclateurs leur ont
assigné une place parmi les marbres , ce
n’est certainement que d’après l’étude des
surfaces, moyen insuffisant et trop équi-
voque , pour oser prononcer sur la nature
des corps. Aussi , se sont-ils bornés à l’ap-
peler marmor jiguratum.
Les procédés que j’ai employés pour
analyser le marbre de Campan , sont si
simples, si peu dispendieux, j’ose même
3e dire , sont si sûrs , que j’ai cru devoir y
soumettre les pierresde Florence ; et comme
ils sont déjà connus, je vais, sans entrer
dans de nouveaux détails , présenter une
analyse, d’après laquelle les naturalistes
pourront assignera ces curieux morceaux le
rangqu’ilsdoiventoccuperdansles cabinets.
Les pierres de Florence sont un mélange
de terre calcaire et de terre argileuse ,
l’une et l’autre diversement colorées par
un peu de fer ; on y découvre aussi une
petite quantité de terre alumineuse (1).
(1) Je ne parle pas de l’air et de l’eau qui entrent
aussi dans la composition de ces pierres $ on sait qu’ils
sont l’un et l’autre le vrai medium de la lapidification
de la terre calcaire.
DES PIERRES FIGUREES DE FlORENCE. jZ
Les deux premières s’y trouvent quel-
quefois, à peu de chose près, à parties
égales ; cependant, c’est toujours la terre
calcaire qui y domine ; la partie de ces
pierres qui forme les ruines , est ordinai-
rement ]>lus schisteuse et plus ferrugineuse,
tandis que celle qui forme le fond des ta-
bleaux est plus calcaire et moins ferrugi-
neuse ; quant à la terre d’alun , c’est tou-
jours à la terre schisteuse qu’elle est unie.
Voici les proportions où j’ai trouvé ces
différentes substances dans les échantillons
que j’ai examinés.
Analyse par V acide nitreux.
Un morceau de pierre de Florence for-
mant une petite tablette du poids de 5 gros
33 grains , dans laquelle la couleur grise,
tirant un peu sur le jaune , faisoit le fond
du tableau et étoit la dominante , ayant
été traité par l’acide de nitre , a donné :
69 grains de terre schisteuse,
9 grains de fer sous forme
de chaux métallique ,
4 gros 6 grains de terre calcaire
pure.
Total, 5 gros 2 grains.
Perte 3i grains.
EXAMEN
7-f
Un autre morceau pesant 3 gros 56 grains,
dans lequel la partie qui forme les ruines ,
dominoit , ayant été soumis à l’action du
meine acide , il en a été retiré ,
1 gros i4 grains de terre schisteuse,
1 1 grains de fer sous forme de chaux ,
2 gros 1 7 grains de terre calcaire pure.
Total 3 gros 41 grains.
Perte i4 grains.
D’après ces deux expériences , on voit
que , dans les pierres figurées dont je
parle , la partie des ruines contient plus
de terre schisteuse et moins de terre cal-
caire , et que c’est tout le contraire dans
3e fond des tableaux ; mais, cependant,
que dans l’une et dans l’autre , la terre
calcaire est la dominante.
Analyse par V acide vitriolique.
En vitriolisant différens morceaux de
pierres de Florence , j’ai constamment
obtenu plus de vitriol martial que d’alun ;
je ne citerai pour exemple que ce pro-
cédé.
Une petite tablette du poids de 5 gros
60 grains , dans laquelle les parties figurées
DES PT ERRES FTGURÉES DF. FLOU ENTE. 7 5
étaient à-peu-près égales à celles du fond
du tableau , aymt été saturée d’acide vi-
ti iolique , selon la méthode indiquée pour
le marbre de Campa n , a donné 10 grains
d’alun et 4 3 grains de vitriol martial.
D’après les détails que j’ai donnés ert
parlant du marbre de Carnpan , j’ai cru
devoir être fort succinct dans le compte
que je rendois de l’analyse des pierres
ligurées de Florence ; mais les résultats
que je présente aux physiciens sont plus
que sulfisans pour leur faire conclure que
ces deux pierres doivent être rangées dans
la troisième classe, que j’ai appelée celle
des marbres mixtes ou composés de diffé-
rentes terres.
SECONDE PARTIE.
Examen de quelques Marbres antiques .
L e s pierres que les Grecs appelèrent
»appapo< , étoient en très -grand nombre;
ce mot , qui signifioit dans leur langue une
pierre que le poli rend luisante, resplen-
dissante, fut adopté par les Romains, qui,
en le latinisant, y attachèrent la même idée.
EXAMEN
76
L’architecture recherche dans les ma-
tières qu’elle emploie , la solidité et la
beauté , et s’embarrasse fort peu de nos
divisions en genres ou espèces ; on donna
donc indistinctement chez ces deux peu-
ples, et on a donné long-temps parmi nous,
le nom de marbre à des pierres dont les
propriétés physiques sont d’ailleurs fort
différentes.
Caryophillus , dans son traité de Mar -
moribus antiquis , publié en 1743 , en
compte jusqu’à soixante-quinze , dont les
auteurs grecs ou latins ont fait mention •
mais de ce nombre , sont les granits , les
porphyres, l’ophite, les basaltes, la pierre
obsidienne , etc.
Nous manquions d’expressions propres
au langage des arts , lorsqu’ils reparurent
parmi nous ; et les langues modernes ne
se prêtant que difficilement à la formation
de nouveaux mots , on trouva qu’il étoit
plus facile d’adopter les termes grecs ou
latins ÿ on se les rendit donc propres , et
ceux - mêmes qui ignoroient les langues
anciennes se familiarisèrent avec des mots
grecs, et s’accoutumèrent peu -à -peu à y
attacher les idées dont les savans leur fai-
DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 77
soient part, d’après une étude profonds
des écrivains de l’antiquité.
Isidore de Séville , qui vivoit dans le
septième siècle , avoit dit dans son ou-
vrage sur les Origines , marmora dicuntur
eximii lapides , qui maculis et coloribus.
commendantur. On adopta cette définition
dans les arts : elle servit meme de règle à
ceux qui, les premiers parmi nous, cul-
tivèrent l’histoire naturelle ; on continua
donc à confondre sous le nom de marbre,
toutes les pierres susceptibles de prendre le
poli , et agréablement colorées.
La physique n’est qu’une, mais elle est
immense , et c’est beaucoup pour un homme
que d’embrasser une de ses parties ; c’est
donc dans l’étude de la nature que les se-
cours mutuels sont indispensables.
Malheureusement la chimie n’est venue
que fort tard prêter ses moyens à ceux qui
s’adonnoient à l’histoire naturelle -, aussi,
avons-nous vu de nos jours un auteur cé-
lèbre augmenter dans la lithologie la con-
fusion qui n’étoit déjà que trop grande.
Sans égard pour la signification du mot
grec, sans égard pour la définition d’Isi-
dore, qui ayoit jusqu’alors servi de règle.
7$ 33 X A M E K
ïe célèbre Linnæus donnoit , en 17 44, le
nom de marbre à la pierre à chmx la plus
commune , à la pierre à plâue , à la pierre
de touche , etc.
La Lithogéognosie de Pott , rpielles que
soient les fautes qu'on a remarquées depuis
dans cet excellent ouvrage , occasionna ,
ainsi que je l’ai déjà fait remarquer , une
révolution avantageuse dans l’histoire du
règne minéral; et d’après les principes de
cet homme, justement célèbre, on n’a plus
admis dans la classe des marbres , (pie les
pierres qui, outre la propriété de prendre
un beau poli , avoient encore celle de pou-
voir être converties en chaux vive par le
feu. On vit alors disparoître de cette classe,
le gypse, la pierre d’azur, la pierre ly-
dienne , les graniis , les porphyres , les
ophites , etc.; et les marbres, regardés
comme pierres calcaires , ne furent plus
distingués entr’eux que par leurs couleurs.
On étoit cependant encore, à quelques
égards, dans l’erreur: les marbres colorés
ne sont pas toujours de pure terre calcaire ;
il en est de mélangés, il en est enfin , qui
sont composés de différentes teires.
J’ayois eu occasion de voir plusieurs fois
DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. Jï)
la carrière de Campan ; les veines vertes
qui se rencontrent en abondance dans le
marbre qu’on en tire , et qui l’ont fait long-
temps rechercher parmi nous , me frap-
poient : je ne trouvois point dans leur
fracture le grain qui caractérise le marbre ;
je soupçonnai cette matière verte d’être
schisteuse ; l’expérience a changé mes
soupçons en certitude, ce qui m’a de nou-
veau fait conjecturer que tous les marbres
verts pouvoient bien devoir leur couleur
à la même cause , et n’être enfin que des
marbres mixtes. Le point étoit d’avoir des
échantillons d’un volume suffisant; on m’en
a donné quelques-uns; j’en ai fait venir un
grand nombre d’Autun (1). J’en ai analysé
une partie, et cette analyse est le sujet du
mémoire que je présente aujourd’hui aux
chimistes et aux naturalistes.
(1) On sait combien les Ptomains se plurent à em-
bellir cette ancienne ville. Le temps , et peut-être la
main des hommes , ont tout détruit ; on ne voit aujour-
d’hui que des débris , que des ruines sous lesquelles
on trouve les plus beaux marbres de la Gièce, les
ophites, les granits, les porphyres les plus recherchés
dans l’antiquité.
ï X A M B N
Examen d’un marbî'e antique apporté de
Home.
Le premier marbre antique que j’ai sou-
mis à l’examen, étoit une portion détachée
d’un assez gros morceau de marbre cipolin ,
venu de Rome et appartenant à Desmarest,
de l’académie, qui , voulant concourir aux
recherches que je faisois sur ce genre de
pierre, n’a point hésité à casser l’échan-
tillon, qu’il garde dans son cabinet.
Ce marbre , qui est un de ceux que les
naturalistes appellent poîizones , se fait
distinguer par de larges bandes blanches
et vertes, et ressemble parfaitement à celui
de ces belles colonnes, dont on a décoré le
maître-autel de l’abbaye de Saint Germain-
des-Prés.
Les Italiens ont donné le nom de cipolino
à cette belle pierre , à cause de sa couleur
verte ; nous lui conserverons le même nom,
quoique nom d’atelier , en attendant que
quelque naturaliste le range dans la classe
et sous la dénomination que l’examen chi-
mique doit sans contredit fixer.
La simple inspection de ce marbre ne
laisse apercevoir rien de particulier dans
les
/
DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. fil
les zones blanches, ou du moins, on ne
croit y voir que du marbre blanc ; si on
considère les zones vertes , on y distingue
des petites lames vertes parsemées de points
blancs, qu’on est porté à prendre pour des
grains de marbre ; cependant, une expé-
rience fort simple va nous convaincre que
les zones blanches ne sont pas toujours du
marbre pur. Si on frappe avec le briquet
un morceau de ce marbre , on en tire quel-
quefois des étincelles qui annoncent déjà
la présence du quartz (1); et en effet, cette
dernière substance se trouve souvent dans
ce cipolin en assez grande quantité, ainsi
que nous allons le démontrer par l’expé-
rience suivante.
J’ai soumis à l’action de l’acide nitreux
un morceau de ce marbre cipolin , dans
lequel on voyoit à-peu-près autant de
blanc que de vert ; son poids étoit de 2
onces 2 gros : l’acide fut mis en quantité
suffisante, et laissé tout le temps nécessaire
pour opérer la dissolution totale de la terre
calcaire.
Il s’est trouvé après l’opération , 5 gros
(1) Wallérius et Bomare s’en sont aperçus, et en
ont parlé dans les Mincralogies qu’ils ont publiées.
Tome IL F
I
3a 'EXAMEN
54 grains de matière , sur laquelle l’acide
nitreux n’a voit point agi ; c’étoit la por-
tion de quartz qui s’étoit rencontrée dans
réchantillon que j’examinois , ainsi que la
substance verte qui n’a voit reçu d’autre
altération que celle d’être devenue friable,
par la raison qu’ayant perdu la terre cal-
caire, et peut-être un peu de fer, qui lui
servoient de ciment, elle avoit en même-
temps perdu sa cohérence. Cette matière
verte est de nature schisteuse , et a beau-
coup de ressemblance avec ces ardoises
grises , dures et sonores , qu^on tire sur
les bords de la Meuse.
Quant au quartz , il n’ avoit également
point souffert de changement; il paroissoit
seulement corrodé dans tous les sens ; l’a-
cide avoit pénétré par-tout où il y avoit de
la terre calcaire, ce qui le faisoit paroître
comme un amas de grains de sablon , que
l’on pouvoit facilement séparer les uns des
autres. Un seul morceau remarquable par
sa grosseur ( il pesoit 39 grains ) , avoit
conservé sa contexture et sa solidité ;
c’étoit une petite masse de quartz pur
dont les parties contiguës ne recéloient
rien d’étranger.
DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 83
Un autre morceau qui pesoit à-peu-près
un gros , et dont les grains pouvoient faci-
lement se désunir , avoit un de ses cotes
couvert d’une légère couche de schiste, et
étoit traversé dans son intérieur par plu-
sieurs petites lames de la même matière ;
le reste du quartz étoit en petits fragmens,
ou sous la forme de sablorj.
La dissolution de la terre calcaire, éten-
due d’eau distillée , et la petite portion de
fer qu’elle contenoit, ayant été précipitée
par quelques gouttes d’alkali , donna en-
viron 2 grains de safran de mars.
La liqueur filtrée de nouveau , je pro-
cédai sur-le-champ à la précipitation de
la terre calcaire avec le même sel , et par
cette opération , j’obtins 10 gros 38 grains
de terre parfaitement blanche et de nature
vraiment calcaire.
En récapitulant nos produits, nous trou-
verons (pie les 18 gros de cipolin romain,
contenaient ,
y •
i°. Matière insoluble dans l’a-
cide nitreux , quartz et schiste (i). 5 gros 54 grains.
(i) Il est difficile, pour ne pas dire impossible , de
séparer entièrement la partie pulvérulente du schiste
d’avec les menus grains de quartz , mais on peut dire ,
F a
E X A M E K
2°. Fer sous forme de safran
de mars 2 grains.
3°. Terre calcaire. . . . logros grains.
Total. . 16 gros 32 grains.
Perte en gaz ou en terre
emportée par les lavages. . . i gros 4° grains.
La désunion des parties du marbre cipo-
îin , opérée par l’action de l’acide nitreux
sur la terre calcaire , ne laisse apercevoir
dans le mélange des trois terres, qui cons-
titue cette belle pierre , qu’un amas confus
dû au hasard ; ou , si l’on veut , ce sera
l’ouvrage des alluvions qui ont amoncelé
des grains de sable quartzeux , du schiste
et de la terre calcaire , sans aucun ordre
et sans aucune proportion constante -, mais
si on fait attention à l’arrangement symé-
trique qui existe entre les zones blanches
et vertes , on ne sera pas peu embarrassé,
si on veut en rechercher la cause -y et en
effet , comment concevoir qu’une masse
aussi énorme que le sont ordinairement
les carrières de marbre , ait pu , lors de
sans trop s’éloigner de la vérité , que le schiste pesoit
à peine un gros et demi , et que le reste étoit du pur
quarts.
DE QUELQUES MARBRES ANTIQUES. 83x
sa formation , recevoir par des aliuvions
alternatives , tantôt de la terre calcaire et
du quartz pour faire les zones blanches ,
tantôt de la terre schisteuse pour faire les
zones vertes.
On n’éprouveroit peut-être pas moins de
difficultés , si on vouloit rapporter la cause
de cet arrangement au poids respectif des
trois terres , qui ont formé sous l’eau dont
elles étoient imbibées , des dépôts différens,
mais toujours placés dans l’ordre de leur
pesanteur spécifique.
La chimie , qui voit dans le règne mi-
néral plus que de la pesanteur, plus que
de la juxtà- position , ne peut se contenter
de ces explications : elle voudroit quelque
chose de plus , elle voudroit une raison
plus conforme aux lois de la nature tou-
jours agissante, et toujours occupée de la
formation des corps que renferment les
trois règnes ; la chimie donc, pour rendre
raison de ce phénomène, pourroit, ce me
semble, avoir recours aux lois de la cris-
tallisation , ou , si Ton veut, de l’attraction,
lois auxquelles sont soumis tous les corps
du règne minéral. Cette opinion se confir-
mera peut-être par la suite ; mais je m’ar-
F 3
86
EXAMEN
rête , mon objet n’embrasse que l’analyse
des marbres , et point du tout le système
de leur formation.
EXAMEN
ID’un autre cipolin envoyé d’Autun .
Parmi les différens marbres que j’avois
reçus d’Autun , il s’en trouvoit un étiqueté
cipolin, et qui en effet mérite cette déno-
mination à cause de sa couleur verte. J’en
avois deux échantillons : le premier est un
fragment de corniche , dont les moulures
étoient assez bien conservées ; ce morceau,
quoique d’un volume assez considérable ,
n'avoit aucune veine blanche , et , à cet
égard, il pouvoit passer pour un marbre
zmicolor. Le second est un fragment de
tablette de six lignes d’épaisseur , traversé
de bandes blanches quelquefois fort larges,
quelquefois fort étroites, dont la direction
est en zigzag, à-peu-près comme ces bandes
différemment colorées qu’on voit sur les
tapisseries dites Point de Hongrie .
Je détachai une portion des bandes blan-
ches , et après in’étre assuré, par un essai ,
que c’étoit du marbre pur, je dirigeai mes
recherches sur la partie verte , et je n’em-
I
DES MARBRES D A U T U N . Z'J
ployai , en conséquence, dans mon travail,
que le morceau de cipoiin qui n^avoit point
de veines blanches.
Si on considère ce marbre dans ses frac-
tures , il paroît à l’œil n’étre qu’un amas
de petites lames luisantes d’un blanc ver-
dâtre 5 si on la regarde à la loupe , on ne
voit plus que des cristaux blancs et trans-
parens, qui semblent emprunter leur teinte
verte du corps étranger dont nous allons
parler dans l’instant.
Que l’on mette un petit morceau de ce
marbre dans de l’acide nitreux étendu
d’eau , la dissolution s’en fait avec viva-
cité , et à mesure qu’elle s’opère, on voit
des petits corps verdâtres et brillans se
séparer et gagner le fond du vase, ce qui
continue jusqu’à ce que la terre calcaire
soit entièrement dissoute.
Qu’on décante alors la liqueur, et qu’on
lave exactement la matière sur laquelle l’a-
cide nitreux n’a point agi , on aura la partie
qui colore notre cipoiin, sans aucune alté-
ration ; c’est une sorte de mica ( i ) dans
(i) D’Aubenton , qui a bien voulu jeter un coup-
d’œil sur cette partie de mon travail , m’a dit que cette
espèce de mica étoit le vrai talcite.
F 4
\
88
EXAMEN
lequel la loupe fait distinguer quelques
petits cristaux de quartz.
Enlin , la liqueur qui tient en dissolution
la terre calcaire , prendra avec la noix de
gale une teinte noire, ou donnera du bleu
de Prusse avec l’alkali de Dippel.
En suivant le procédé que je viens de
décrire , j’ai fait disssoudre dans l’acide
nitreux 6 onces 2 gros et demi de ce même
marbre , et le résultat de cette opératicfea
r . r
ete :
i°. Matière colorante verte
ou talcite 5 gros 69 grains.
20. Terre martiale, mêlée d’un
peu de terre calcaire 28 grains.
3°. Terre calcaire pure. . 5 onces 2 gros 18 grains.
— ■ ■■ ■ — ■ - -
Total 6 onces . . . /\b grains.
Perte gros 65 grains.
J’avois traité le marbre de Campan avec
l’acide vitriolique , et ce moyen in’avoit
parfaitement bien réussi pour y démontrer
l’existence d’une petite portion de terre
alumineuse; j’ai cru devoir aussi employer
cet intermède avec le cipolin d’Autun: j’ai
donc, pour cet effet, mis en poudre fine
DES MARBRES d’ A U T U N . 89
2 onces de ce marbre , que j’ai arrosé de
19 à 20 onces d’eau distillée rendue aigre-
lette par l’acide de vitriol : cette manière
est beaucoup plus courte que celle que
j’avois suivie en vitriolisant le marbre de
Campan : il ne m’a fallu cette fois que 24
heures au plus pour opérer la saturation
de tout ce qui étoit susceptible de s’unir
à l’acide.
La sélénite ou gypse factice ayant été
séparée de la liqueur par le moyen du
filtre , et l’évaporation en ayant été faite,
partie au bain de sable, partie à la tempé-
rature de l’atmosphère , j’ai obtenu sept
petits cristaux d’alun, et un peu de vitriol
martial. J’ai lieu de soupçonner que la terre
qui sert de base au sel de Sedlitz, s’y trouve
aussi, parce qu’au milieu du vitriol martial,
qui étoit ici sous la forme d’eau-mère , j’ai
aperçu quelques petits cristaux prismati-
ques qui avoient tous les caractères du sel
de Sedlitz, mais n’ayant pu les goûter, je
suis resté dans le doute.
En vitriolisant le marbre cipolin qui
fait le sujet de cet article, il s’est présenté
un accident que je crois ne devoir point
passer sous silence.
ÿO EXAMEN
La terre calcaire combinée avec l’acide
vitrioliqne, avoit gagné le fond du vase,
et étoit surmontée d’environ un pouce de
liqueur claire et limpide , qui , en moins
de 6 heures , se couvrit à son tour d’une
pellicule qui ressembloit à une feuille d’or ;
en versant sur le filtre la sélénite et la li-
queur dans laquelle elle s’étoit formée ,
cette pellicule dorée garda constamment
le dessus, et perdant par la filtration l’eau
qui la soutenoit , elle sc posa sur la sélé-
nitc , et y resta fixée meme après la des-
siccation parfaite, sans que la couleur d’or
ait souffert la moindre altération jusqu’à
ce jour.
Cette matière m’en imposa un instant;
mais ayant répété le procédé pour in’en
procurer une quantité suffisante , je l’ai
soumise à quelques expériences qui m’ap-
prirent que c’étoit du fer , à la vérité ,
dans un état singulier , mais que je re-
garde comme dû à l’air qui s’échappe au
moment de l’effervescence, et se combine
avéc la portion de ce métal qui se trouve
dans le marbre; enfin, je crois qu’il en est
de cette pellicule couleur d’or, comme des
cristaux noirs qui se forment à la superficie
DES MARBRES ïf A U T U N . i)l
de l’eau où on a précipité du sublimé cor-
rosif, et dont j’ai parlé dans la troisième
partie de mes Essais sur les précipités de
mercure.
Ex amen d’un troisième cipolin d’ Autan y
et connu en Italie sous le nom D’Aman-
dola (1).
De quclqu’endroit que les Romains aient
tiré le marbre qui fait le sujet de cet article,
et dont j’avois reçu plusieurs échantillons
d’Àutun, il est certain qu’il a beaucoup de
rapport avec les parties du vert de Campait ,
dans lesquelles il ne se rencontre point de
rouge.
Un morceau de ce marbre cipolin ou
amandola , du poids de 2. onces , traité
par l’acide nitreux , a donné :
i°. Matière colorante
verte qui est un vrai schiste. . . . 3 gros 12 grains.
2°. Précipité martial 9 grains.
3°. Terre calcaire parfai-
tement blanche 1 once 3 gros 68 grains.
Total once 7 gros 57 grains.
Perte 55 grains.
(1 ) Cette espèce de marbre n’est pas rare en France ,
on en trouve fréquemment dans les Pyrénées , sur-y
$2 EXAMEN
Ce marbre est de tous ceux que j’ai traités
jusqu’ici, le plus propre à démontrer l’ar-
rangement de la partie schisteuse à laquelle
est due la couleur verte qui le distingue.
L’acide qui n’a d’action que sur la terre
calcaire, en dissolvant cette dernière, laisse
subsister en entier la partie schisteuse qui
forme une sorte de tissu cellulaire , ou un
assemblage d’alvéoles , dans lesquelles la
partie calcaire se trouvoit enfermée ; or ,
c’est à ces alvéoles, ou plutôt à leurs cloi-
sons , que notre marbre doit sa variété de
couleur 5 ce sont elles qui font les hachures
vertes qu'on y remarque.
Si donc on veut se donner la satisfaction
de pouvoir considérer à son aise l’arran-
gement des cellules , il ne faut pas , en
tout dans le Couserans. J’en ai examiné plusieurs ,
et je les ai trouvés parfaitement ressemblans à celui
dont il est question dans cet article. Les Italiens lui
ont donné le nom d ' Amandola , parce que les petites
portions de marbre blanc , paroissent enfermées dans
la partie verte, comme les amandes le sont dans ces
gâteaux appelles vulgairement Nouga . C’est ainsi que
le Benjoin en masses parsemées de larmes blanches ,
est désigné dans les pharmacies sous le nom de Ben -
zoinum. Amygdaloïdes .
DES MARBRES D* AU T UN. ÿ’i
traitant ce marbre, attendre la dissolution
totale de la substance calcaire ; car alors
le schiste n’ayant plus de soutien , il est
difficile de le retirer du dissolvant sans en
détruire l’aggrégation , sans le réduire en
poudre ; il est donc à propos de ne laisser
le morceau de marbre dans l’acide, que le
temps nécessaire pour dissoudre un quart
au plus de la terre calcaire ; on peut alors
Pen retirer, le laver à plusieurs eaux, sans
craindre la désunion des cloisons.
En examinant l’ordre des cellules, on
sera peut-être conduit à dire quelque
chose de satisfaisant sur leur formation ,
que je suis toujours porté à attribuer à
la cristallisation , ou à l’attraction qui a
rassemblé le schiste en différentes couches,
lorsque le mélange des deux terres (la cal-
caire et la schisteuse ) passoit de l’état de
fluidité à celui de coagulation , de l’état
terreux à l’état pierreux (1).
(i) On trouvera, sans doute, de la difficulté à con-
ce\ oir que deux terres bien mélangées et réduites en
une sorte de boue, puissent, en se lapidifiant , se
séparer l’une de l’autre , et former des pierres de leur
propre genre; mais un exemple très-commun ne pour-
9 4
E X A M E N
Examen (T un quatrième marbre d' Autun,
connu sous le nom de Vert-antique.
Ce marbre qui présente clés couleurs
très- variées , devoit produire un grand
effet par- tout où on l’employoit. Le fond,
qui est d’un vert tendre , se trouve par-
semé de taches noires , blanches , d’un
vert foncé , d’un vert obscur , et quelque-
fois on y remarque du pourpre.
Pour peu qu’on y lasse attention , on
voit que ces couleurs ne s’étendent et ne
roit-il pas nous prouver au moins la possibilité de ce
que j’avance.
Entrons dans les laboratoires des pharmaciens , et
voyons-y des électuaires d’une consistance très-forte ,
dans lesquels cependant on découvre quelquefois
d’assez gros cristaux de sucre : voyons-y des cristaux
de sel marin et de nitre se former dans des extraits fort
solides : les pulpes , les poudres, dans les premiers ,
la substance extractive très-rapprochée , dans les se-
conds , n’ont point empêché les sels de se former et
de prendre le caractère propre à leurs cristaux 5 ces
sels , à la vérité , ne sont pas très-purs , ils se res-
sentent du milieu dans lequel ils ont été formés 5 mais
aussi-, dans les marbres amandolins dont je parle ,
le schiste participe un peu de la terre calcaire , et
celle-ci contient un peu de echiste.
DES MARBRES d' A U T U N. g5
se perdent pas dans celle qui forme le
fond ; ce sont autant de petits morceaux
détachés , ou circonscrits que l’on parvient
même à séparer des parties voisines aux-
quelles elles n’adhèrent que par juxtà-posi-
tion ; enfin , ce sont des petits corps étran-
gers; ce sontdescorpssolidesenfèrmésdans
un autre corps solide ; soiida ïntrà soli-
duîTi nata , et à cet égard notre marbre
antique se rapproche des brèches.
Si on examine ce vert-antique dans des
fractures récentes, on y aperçoit un grain
cristallisé qui ressemble plus à celui de
certains talcs , qu’à celui des marbres.
Il seroit, sans doute , intéressant d’exa-
miner en particulier chacune des diffé-
rentes petites pierres qui se rencontrent
dans le marbre dont je parle ; mais les
échantillons que j’avois , ne m’ont pas
permis de varier et d’étendre mes procédés
autant que je l’aurois désiré.
J’ai donc été obligé de me borner à dé-
tacher des petites portions de chacune des
pierres colorées , et l’expérience m’a appris
que les fragmens blancs étoient du marbre
pur ; que ceux qui sont verts obscurs ,
verts foncés, ne dévoient ces nuances
EXAMEN
96
qu’à leur masse , et que d’ailleurs ils sont
transparens ; enfin , les fragmens verts et
noirs paroissent n'être point attaqués par
l’acide nitreux. Je dis , paroissent ne point
etre attaqués, car si on les laisse dans ce
dissolvant , il agit insensiblement sur la
plupart d’entre eux , et pénètre meme
jusque dans leur centre 5 ce qui leur fait
perdre la transparence, la contiguïté et
la cohérence de leurs parties , en sorte
qu’ils deviennent pulvérulens. Leur cou-
leur est alors altérée , mais il faut beau-
coup de temps pour opérer ces change-
mens , ainsi que nous allons le voir dans
l’expérience suivante.
Ayant exposé à l’action de l’acide ni-
treux un morceau de ce vert -antique ,
dont le poids étoit d’une once , ce dissol-
vant attaqua promptement les parties blan-
ches , les parties vraiment calcaires , tandis
qu’il ne paroissoit pas toucher aux parties
vertes ; bientôt l’effervescence disparut ,
ou du moins elle ne se faisoit plus aper-
cevoir aux yeux 5 mais en approchant de
l’oreille le vase où se faisoit l’opération ,
on entendoit, de temps en temps, un
bruit léger qui annonçoit que l’acide
continuoit
97
des marbres d’au t un.
continuoit à agir sur la matière 5 la cap-
sule fut couverte d’un carton , et laissée
à la température de l’atmosphère.
Ce ne fut que le trente-quatrième jour
après l’opération commencée , que le bruit
léger dont j’ai parlé ne se faisoit plus en-
tendre ; l’acide nitreux étoit saturé , il en
lut substitue d autre , et le petit mouve-
ment de dissolution se rétablit , et ne
cessa que deux mois après.
A cette dernière époque, tout ce qui
pouvoit être dissous par l’acide nitreux ,
1 doit en effet. Je confondis les deux dis-
solutions auxquelles furent ajoutés les
lavages de la matière insoluble qui, bien
séchée , pesoit 2 gros 5a grains. Elle
étoit encore en un seul morceau et d’un
volume à-peu-près égal à celui de l’échan-
tillon , dont elle n’etoit qu’une partie ;
elle est corrodée, percée en tous sens , le
moindre attouchement la réduiten poudre,
les trous qu’on y aperçoit , sont les cellules
des parties blanches , ou pierre calcaire ;
on y découvre des vestiges des parties
colorées en vert ou en noir , mais elles
sont devenues si friables , quelles se pul-
vérisent sous les doigts.
Tome IL
G
B X A M E N
98
Cette matière insoluble , considérée à
la loupe , ne paroi t qu’un amas confus
qu’il n’est pas aisé de définir ; mais quoi-
que dans cet échantillon je trouve de la
difficulté à lui assigner la place qu’elle doit
occuper dans l’ordre de nos connoissances
lithologiques, je pense, et ceci sera dé-
montré dans un instant, qu’elle doit être
rangée avec les pierres que les naturalistes
appelent argileuses , et notamment avec
le talc connu sous le nom de craie de
Briançon.
En examinant soigneusement cette ma-
tière , j’y ai découvert une pierre ver-
dâtre , de la forme et de la grosseur d’un
petit grain de café , sur laquelle l’acide
nitreux n’a point eu d’action ; c’est , à ce
qu’il me semble , un petit fragment de talc
pur qui a conservé sa contexture, sa cou-
leur verdâtre et sa transparence.
Il en est tout autrement des parties
colorées en noir qui , à la vérité , ont
conservé leur forme et leur couleur 5 mais
l’acide y ayant rencontré une substance sur
laquelle il pouvoit agir, les a pénétrées et
rendues friables.
La dissolution de la terre calcaire ayant
DES MARBRES d’ A UT U N. 99
été filtrée et précipitée en un seul temps
par l’alkali fixe , a donné 5 gros 6 grains
de terre calcaire un peu martiale ; ajou-
tons les 2 gros 5 2 grains de matière inso-
luble , nous aurons un total de 7 gros
58 grains, et la perte sera de \\ grains.
Ayant traité par l’acide nitreux une once
du même marbre réduit en poudre fine,
la dissolution de la partie calcaire a été
achevée en moins de deux jours ; les ré-
sultats ont été d’ailleurs les mêmes, à quel-
cjues grains près.
Autre procédé par V acide vitriolique .
J’ai aussi traité 2 onces de ce marbre
réduit en poudre , avec l’acide vitriolique,
et , outre la sélénite , j’ai obtenu environ
3o grains de sel de Sedlitz pur et bien
caractérisé , ce qui prouve démonstrati-
vement que la terre qui sert de base à ce
sel , se rencontre aussi dans notre vert-
antique (1).
Les échantillons que j’avois reçus d’ Au-
tun , étoient des fragmens de tablettes ,
de 5 , 6 et 9 lignes d’épaisseur ; ils n’é-
(1) Dans ce procédé on obtient la pellicule, couleur
d’or , dont j’ai parlé.
G 2
2 00 E X A M E N
toient pas d’un beau poli ; exposés a l’air
ou enfouis pendant quinze siècles au
moins , leur surface étoit altérée ; mais
en les frottant sur un grès , je suis parvenu,
en quelques minutes „ à faire reparoître
leurs belles couleurs. En supposant que
ces différens morceaux soient sortis origi-
nairement de la même carrière, je dois
faire observer qu’ils différoient entre eux
à bien des égards. Dans les uns, les corps
colorés en noir , en yert foncé , en vert
obscur , sont les do min ans ; la matière qui
leur sert d’excipient ou de ciment , se
trouve alors en moindre quantité , tandis
qu’elle domine dans d’autres. J’ai un de
ces échantillons où l’on voit une portion
de marbre blanc d’un pouce de longueur
sur 9 lignes d’épaisseur ; au lieu que dans
les autres , le marbre blanc ne se rencontre
qu’en petits fragmens : enfin , il en est de
notre vert-antique comme de tous les mar-
bres mixtes , où on trouve rarement une
ressemblance parfaite entre des tables
tirées du même bloc.
L’examen chimique donne donc des
variétés dans les produits , et on ren-
contre dans un échantillon ce qu’on n’avoit
DES MARBRES d’ A U T U N. 101
pas trouvé dans un autre. J’en apporte
pour preuve très- convaincante l’expérience
suivante.
Un morceau de marbre vert-antique ,
qui pesoit 6 gros 66 grains , ayant été mis
dans une suffisante quantité d’acide ni-
treux , y perdit toute la terre calcaire
qu’il contenoit , et se trouva réduit à 3
gros 1 5 grains.
Cette matière insoluble est dans un état
bien différent de celui que nous avons
remarqué dans la portion insoluble ob-
tenue par le procédé dont j’ai rendu
compte au commencement de cet article?
là, c’étoit un amas pulvérulent, confus,
peu ou point caractérisé ; ici , c’est un
amas de petits cristaux réguliers qui
n’adhèrent les uns aux autres que très-
foiblement , ne se touchant , pour ainsi
dire , que par un point ; ils laissent en-
tre eux les interstices que remplissoit la
terre calcaire , enlevée par l’acide de
nitre.
Ce morceau qui offre à la loupe une de
ces raretés dignes de tenir une place dans
un cabinet d’histoire naturelle , me paroît
très- propre à confirmer ce que j’ai avancé
G 5
102 EXA3MEW
touchant le schiste qui formait les cloisons
des cellules que nous avons remarquées
en examinant le second marbre d’Autun.
Mais ce qui n’est pas moins intéressant ,
c'est que ce même morceau peut servir à
nous bien faire connoître la nature tal-
queuse de la matière insoluble , qui con-
court avec la terre calcaire à former notre
marbre, et lui donne les belles couleurs
qui l’ont fait autrefois et le font encore
rechercher.
Au reste , la quantité de pierre talqueuse
que contient le marbre vert-antique, la
portion de terre sedlicienne qui s’y ren-
contre , le rapprochent , à la vérité , des
serpentines ollaires ; mais la terre calcaire
y étant la dominante , nous sommes forcés
de lui conserver sa dénomination.
I
Examen d’un cinquième m^arbre.
J’ai examiné un autre marbre vert venu
d’Autun , qu’on m’avoit désigné sous le
nom de Vert- Africain , et j’en ai retiré
par once jusqu’à 4 gros 7 grains de matière
insoluble, 5 gros 22 grains de terre calcaire
colorée par un peu de fer. Si on le vitrio-
lise , là pellicule couleur d’or se manifeste,
s
DES MARBRES D A U T U X. lo3
et on retire quelques cristaux d’alun et
un peu de vitriol martial.
D’après ces expériences , qui toutes ont
été faites sur des marbres verts, il me sem-
ble qu’on ne peut ranger les pierres de
ce nom , que dans la classe des marbres
mixtes ; et en effet, cette espèce est si
éloignée de celle que j’ai appelée pure ,
que la plupart de ceux que j’ai examinés
pourroient être aussi bien placés dans les
schistes que dans les marbres.
Mais de tous les marbres ceux que la
couleur verte caractérise , seroient-ils les
seuls qui se feroient distinguer par un
mélange de terre schisteuse et de terre
calcaire ? Non , sans doute , et il me reste
à en présenter deux autres aux naturalistes,
l’un de copieur rouge , qui ne peut être
placé qu’avec les marbres mixtes , l’autre
de couleur noire , qui doit être rejeté
même de la classe des marbres.
Examen cT un marbre rouge envoyé
d’Autun .
Ce marbre qui est d’une belle couleur
rouge , nuancée de différentes teintes ,
faisoit partie de ceux que j’avois reçus
G 4
EXAMEN
io4
d’Autun , et étoit désigné sous le nom de
Griotte.
Exposé en masse au poids d’une once ,
à l’action de l’acide nitreux , il a fallu près
d’un mois pour opérer la dissolution de
toute la partie calcaire, et les produits
ont été :
i°. Schiste couleur de lie de vin. 2 gros 5 grains.
2°. Terre martiale 8 grains.
3°. Terre calcaire pure. ... 5 gros 23 grains.
Total . . . 7 gros 36 grains.
Perte 36 grains.
Si on réduit ce marbre en poudre line ,
et qu’on l’expose en cet état dans l’acide
nitreux , la dissolution de la terre calcaire
se fait en peu de temps , la portion inso-
luble ou schisteuse étant alors très-divisée
est d’une belle couleur de lilas, les pro-
duits sont d’ailleurs les mêmes que ceux de
l’autre procédé.
Enfin , ce marbre rouge contient aussi
un peu de cette terre qui sert de base au
sel de Sedlitz 5 j’en ai vitriolisé une once,
et j’ai obtenu 9 à 10 grains de ce sel en
cristaux bien caractérisés.
CES MARBRES d’ A U T U N. lo5
Examen d’une pierre envoyée d* A utun ,
sous le nom de Marbre noir antique.
En supposant que les Pvomains ont em-
ployé dans leurs édifices la pierre dont je
vais parler , on peut dire que leurs archi-
tectes mettoient en usage toutes celles qui
par leur couleur pouvoient contribuer à la
décoration des monurnens qu’ils étoient
chargés d’élever.
Celle-ci ayant de la disposition à se sé-
parer par couche, lorsqu’on essaie de la
rompre , pouvoit d’avance être placée dans
la classe des pierres scissiles ou schis-
i
teuses.
Elle est , à volume égal , beaucoup
moins pesante que les marbres , et quoi-
qu’elle n’ait pas leur dureté, elle ne laisse
pas d’être susceptible d’un beau poli , et
alors elle est d’un beau noir ; si, au con-
traire , on la considère dans ses fractures ,
la couleur noire est matte ; son grain n’a
d’ailleurs aucun rapport avec celui des
, marbres proprement dits.
Si on échauffe cette pierre, soit en la
frottant , soit en la pilant , elle répand une
odeur de bitume.
io6 E X A M E N
Si on en met un petit morceau sur des
charbons ardens , il s’en élève une fumée
bitumineuse , et bientôt il s’enflamme.
Si on en pulvérise une demi-once , et
qu’on la fasse digérer avec de l’esprit-de-
vin. , celui-ci se colore et acquiert la pro-
priété de blanchir avec l’eau.
J’en ai traité 2 onces dans les vaisseaux
T
fermés, et j’en ai retiré environ un gros
et demi d’huile et de phlegme.
Ce qui étoit resté dans la cornue ne pesoit
plus qu’une once 5 gros 24 grains; il s’en
étoit donc échappé environ 4 5 grains
d’air (1).
J’en ai soumis à l’action de l’acide ni-
treux une once réduite en poudre , et
par la précipitation j’en ai retiré 4 h 5
(1) Cette matière charbonneuse, restée dans la
retorte , quoique friable , a conservé une certaine
dureté qui la rend propre à former sur le papier des
traits d’un beau noir ; il seroit possible de faire avec
cette pierre de bons crayons , en en traitant au feu et
dans des vaisseaux fermés des morceaux d’une cer-
taine grosseur , qu’il seroit alors facile de débiter à la
scie : peut-être seroit-il avantageux pour les dessina-
teurs d’en retrouver la carrière qui pourroit fort bien
se trouver dans les environs d’Autun , ou du moins
dans le Morvan.
DES MARBRES d’aUTUN. 10J
grains de fer et un gros 3i grains de terre
calcaire.
La portion insoluble pesoit 6 gros 29
grains.
Enfin , j’ai yitriolisé une once de cette
même pierre, et par cette opération, j’ai
non-seulernent converti en sélénite gyp-
seuse tout ce qui s’y trouvoit de terre cal-
caire , mais encore j’ai obtenu par cristal-
lisation 42 grains d’alun , q.3 grains de
vitriol martial, enfin les dernières portions
de liqueur ont donné quelques cristaux de
sel de Sedlitz.
Cette somme d’expériences est plus que
suffisante pour faire rejeter la pierre dont
je viens de parler de la classe des marbres
mixtes , sa vraie place devant être avec
les bitumes, ou du moins avec les schistes
bitumineux.
io8
EXAMEN
TROISIÈME PARTIE.
Examen de la serpentine d’ Allemagne >
du Limousin , et de la stcatite de Corse.
M argraff, dont la réputation est si
bien établie et si justement méritée , a fait
des recherches sur la serpentine , et il y a
trouvé en abondance la terre qui fait la
base du sel cathartique amer. Il l’a égale-
ment rencontrée dans la pierre néphréti-
que, dans la pierre de Lard, dans l’amiante,
dans le talc et dans le sel marin à base
terreuse ; enfin , ce chimiste a combiné
cette même base de différentes manières ,
dans la vue d’en constater les propriétés.
J’ai répété les expériences de Margraff ,
elles sont toutes vraies (1) ; mais comme
son but n’étoit pas , ou du moins ne paroît
pas avoir été de faire une analyse , il s’en
est tenu , à l’égard de la serpentine et des
autres pierres, à des procédés purement
halotecniques , dont il a même négligé de
fixer les résultats.
(1) J’en excepterai pourtant une dans la suite , sur
laquelle j’ai môme plus que du doute.
I? E LA SERPENTINE. 109
Dans le dessein où j’étois de suivre le
travail que j’ai entrepris sur les marbres et
sur d’autres pierres , qu on a souvent con-
fondues avec les marbres , j’ai cru devoir
suppléer à ce qui me paroissoit manquer
dans l’ouvrage de Margraff, quelqu’inté-
ressant qu’il soit d’ailleurs , et ce supplé-
ment est l’objet du mémoire que je publie
aujourd’hui.
La serpentine sur laquelle j’ai travaillé ,
est cette pierre opaque , de couleur verte
obscure et différemment nuancée , qu’on
nous apporte d’Allemagne sous la forme
de pots, de boîtes , d’écritoires , de mor-
tiers, etc. et dont on trouve aussi des car-
rières en France.
t
Cette pierre , qui est susceptible du poli ,
se travaille aisément sur le tour, et les
ouvrages qu’on en fait , principalement
les mortiers, sont d’un grand débit • on les
emploie communément dans les labora-
toires allemands. Le bon marché de cette
sorte d’ustensile , m’a paru être la seule
cause du grand usage que j’en ai vu faire
au-delà du Rhin ; en France on les a re-
jetés ; ils sont trop tendres , et , quelle que
soit la différence du prix, nous leur préfé-
ïiO EXAMEN
rons , avec juste raison , les mortiers de
marbre, de porcelaine et de verre.
Mais si la facilité d’être corrodée rend
la serpentine peu propre aux usages aux-
quels l’art prétend l’amener , en en faisant
sans peine des mortiers de diverses gran-
deurs, il faut convenir que sa composition
naturelle n’en mérite pas moins d’être
connue. J’ose même croire que la curiosité
des chimistes sera piquée au point de re-
commencer quelque jour mon travail, et
de le rendre meilleur 5 il étoit fait, lors-
qu’en 1775 , Costel , qui s’occupoit de
traduire la dissertation de Margraff, m’en
parla et mêla communiqua. Je n 'étais plus
le premier qui eût traité cette matière ;
mais il étoit encore flatteur pour moi de
marcher sur les pas de Margraff, j’ai refait
mon mémoire , en tâchant de rendre à ce
chimiste toute la justice qu’il méritoit , et
en évitant avec soin de me mettre à sa
place.
Effet du feu sur la serpentine df Allema-
gne , traitée dans les vaisseaux fermés .
La serpentine , soit celle qu’on nous
apporte d’Allemagne , soit celle du Limon-
de la serpentine. 111
sin, n’est pas spécifiquement fort pesante,
et à n’en juger qu’à la main , son poids est
de beaucoup inférieur à celui du marbre ,
ce qui devoit faire conjecturer qu’elle ne
contenoit point de gaz ; pour m’en assu-
rer , j’ai pulvérisé grossièrement 4 onces
de celle qui nous vient d’Allemagne, et
je les ai soumises à la distillation pneuma-
tique. La retorte a été tenue dans l’embra-
sement pendit une heure au moins , sans
que l’eau du récipient se soit déprimée de
plus d’un degré ; chaque degré de l’échelle
représentant \ onces d’eau.
Convaincu par ce simple essai , que la
serpentine ne donnoit point , ou du moins
ne donnoit que fort peu de gaz , je séparai
le récipient pneumatique ; il s’étoit ras-
semblé dans la boule du conducteur une
quantité d’eau remarquable ; on voyoit
encore une vapeur aqueuse s’élever de la
retorte au bec de laquelle il se forma bien-
tôt une goutte de liqueur qui, reçue sur.
le doigt et portée sur la langue, y impri-
moit une sensation acide ; une autre goutte
reçue sur du papier bleu , en changea la
couleur en rouge.
Voulant tirer parti de cette expérience.
/
113 EXAMEN
/
toute imparfaite qu’elle étoit , je reçus
clans un verre les sept ou huit gouttes qui
succédèrent aux deux précédentes ; elles
furent délayées dans deux dragmes d’eau
distillée , dans laquelle il avoit été mis
une très - petite quantité de dissolution
d’argent.
Il se fit sur-le-champ un coagulum blanc
et grumelé ; on sait que ces accidens an-
noncent l’action de l’acide marin sur l’ar-
gent ; mais comme , en fait d'expériences
chimiques, ce seroit une négligence impar-
donnable de ne pas employer des moyens
plus certains que celui dont je viens de
rendre compte, je crus devoir recommencer
la distillation de la serpentine , en adaptant
à la retorte un récipient ordinaire.
Dans cette opération , 6 onces de serpen-
tine d’Allemagne pulvérisée , ont donné 5
gros 62 grains d’eau aigrelette , qui avoit
une odeur terreuse. La matière restée dans
la cornue avoit perdu un huitième de son
poids , ne pesant plus que 5 onces 2, gros ;
ce qui, à 12, grains près , faisoit la pesan-
teur de l’eau acidulé qui s’étoit trouvée
dans le récipient.
Au reste, la serpentine ainsi distillée,
perd
DE L A SERPENTINE. Il3
perd la couleur ardoisée que lui donne la
pulvérisation ; elle prend un œil rougeâtre.
Il falloit, par un procédé qui ne laissât
aucun doute, constater la nature de l’acide
qui avoit passé dans la distillation ; je me
déterminai pour celui-ci , comme le plus
simple et le plus sûr.
Je lis tomber , au moyen d’une paille ,
quelques petites gouttes d’alkali pur, dans
les 5 gros 62 grains d’eau acidulé, qui dans
le moment cessa d’altérer la couleur du
papier bleu ; la liqueur ayant été , au moyen
d’une douce chaleur, rapprochée jusqu’à
ne pas excéder le volume d’une dragme
d’eau commune , fut mise dans un verre
de montre et abandonnée à l’évaporation
spontanée ) en moins de cinq jours, il se
forma des cristaux de sel marin très dis-
tincts et très-bien caractérisés.
Ces expériences ont été répétées jusqu’à
quatre fois , sur différens échantillons de
serpentine d’Allemagne , et toujours avec
le meme succès, c’est-à-dire, que cette
pierre a constamment donné , à peu de
chose près, un huitième de son poids d’eau
acidulée par une petite quantité d’esprit
de sel marin.
Tonie II. Jl
Il 4 EXAMEN
Memes expériences faites sur la serpentine
du Limousin .
Desmarest ayant fait connoître , il y a
quelques années , la serpentine qui se trouve
dans cette province, je me contenterai de
dire ici , que cette pierre est si ressem-
blante par son extérieur à celle qui nous
vient d’Allemagne , qu’il étoit facile de
conclure qu’elle donneroità la distillation
les mêmes résultats , et c’est en effet ce
qui est arrivé ; car ayant traité 6 onces de
cette serpentine , comme je venois de
traiter celle d'Allemagne , j’en ai retiré 5
gros 6a grains d’eau légèrement acide qui,
saturée d’un peu d’alkali , s’est convertie
en cristaux cubiques.
Mêmes expériences sur la stéatite de
Corse,
Les naturalistes qui ont vu cette pierre
lui donnent quelquefois ie nom de serpen-
tine , et certainement l’erreur n’est pas
grande ; car, quoiqu’elle diffère à bien
des égards des serpentines du Limousin et
d’Allemagne , elle s’en rapproche cepen-
dant assez pour qu’on puisse , au moins ,
t
T> E T, A serpentine. il 5
la placer à coté de ces dernières. Les prin-
cipales qualités par lesquelles elle en diffère,
sont, i°. sa couleur qui est uniformément
d’un vert tendre , approchant de celui du
jade ; 2°. sa demi-transparence 5 3°. elle
est plus tendre et beaucoup plus douce au
toucher que les serpentines proprement
dites , dont elle diffère encore chimique-
ment en ce que , traitée au feu dans les
vaisseaux distillatoires , elle donne, à la
vérité , de l’eau , mais sans aucun signe
d’acidité , ce qui va être démontré par
l’expérience suivante. Sa couleur ne s’al-
tère pas au degré de feu qu’on emploie
pour en faire distiller l’eau qu’elle contient;
mais sa demi-transparence y diminue sen-
siblement.
Ayant soumis à la distillation 5 onces
de cette pierre réduite en poudre grossière,
il a passé dans le récipient 2 gros 5o grains
d’eau , qui n’a voit point la propriété d’al-
térer la couleur du papier bleu; la dernière
goutte , celie qui auroit dû contenir l’acide
le plus concentré , ayant été absorbée par
un petit morceau de ce même papier , n’y
apporta aucun changement.
La stéatite de Corse 11e contenant pas
II 2
\
E X A Ivl E N
1 16
d’acide marin , diffère essentiellement des
serpentines dont nous avons parlé , et dans
lesquelles il seroit , sans doute, intéressant
de découvrir comment cet acide est com-
biné. Est- ce avec le fer, avec la base du
sel cathartique amer , ou avec la terre ar-
gileuse , dont nous démontrerons dans un
instant l’existence dans cette espèce de
pierre ? ou bien y est-il étranger à sa com-
position , ainsi qu’on peut le présumer ?
Car enfin , l’expérience nous apprend qu’il
n’est pas d’eau de pluie , de neige ou de
source qui ne contienne du sel marin ; nous
savons aussi que toutes les pierres , dont
les couches superficielles du globe sont
formées , ont été faites sous l’eau (1) ; une
autre vérité, c’est que les corps , en passant
de l’état pulvérulent ou terreux à l’état
solide ou pierreux , se combinent avec
une portion du liquide dans lequel ils
prennent une nouvelle forme , ou ce qui
est la même chose , dans lequel ils cris-
tallisent.
Or ce liquide , cette eau est toujours
imprégnée de quelques particules salines-
(i) A l’exception toutefois de celles qui sont l’ou»
vrage des volcans.
DE L A SERPENTINE.
marines, qui ” à raison de leur petite quan-
tité, ne mettent point obstacle à la pétri-
fication.
On sait, d’un autre côté, que les pierres ,
sur-tout celles qui n’ont pas une très-grande
dureté , sont toujours humectées tant
qu’elles demeurent dans le sein de la terre :
cette humidité , cette eau dont elles sont
pénétrées , vient-elle à s’exhaler ? les nio*
lécules salines répandues dans toute la
masse , y restent fixées sans subir de com-
binaison.
Telles , sans doute , peuvent être les
causes de l’existence du sel marin , ou do
son acide dans nos serpentines ; mais, en
ce cas , on pourroit dire que ce sel est un
corps étranger à la pierre où on le trouve.
Tout cela mériteroit bien d’être discuté ,
non par des discours , mais par de bonnes
expériences ; car , je le répète , il seroit
très-intéressant de connoître la manière
d’être de l’acide marin dans les serpen-
tines , de savoir enfin quel rôle il y joue.
Effet de l’acide nitreux sur la serpentine
En traitant la serpentine par l’acide ni-
treux , soit qu’on l’ait pulvérisée , soh;
H 3
1
llS EXAMEN
qu’on l’ait simplement concassée , on n’a-
perçoit qu’un mouvement léger : la disso-
lution s’en fait très - lentement , et elle
demande beaucoup de temps si on veut
épuiser la pierre de tout ce qu’elle contient
cle soluble. Lorsqu on y est parvenu , on
trouve qu’une once de cette pierre contient
4 gros 16 grains de matière inso-
luble ,
24 grains de fer par une
première précipitation de la liqueur,
3 gros 8 grains d’une terre par-
faitement blanche , qu’on obtient par une
seconde précipitation.
Total 7 gros 48 grains.
Perte .... 24 grains (1)
enfin , si on sature d’acide vitriolique les
(1) Nous savons déjà qu’une once de serpentine
donne à la distillation un gros d’eau légèrement
acide ; la perte qui ne paroît ici que de 24 grains ,
devroit donc être d’un gros au moins ; car enfin , on
perd réellement quelque cliose dans le travail; mais
notre étonnement cessera lorsque nous saurons que
cette terre blanche , obtenue par la seconde précipita-
tion , est la terre qui sert de base au sel de Sedlitz$
or , on sait combien cette même terre absorbe d’air
lorsqu’on la précipite par un alkali.
DE L A. SERPENTINE.
3 gros 8 grains de terre blanche, on aura
près de 12 gros d’un sel semblable en tout
point à celui qu’on nous vend sous le nom
de sel de Sedlitz (1).
Si au lieu de faire la précipitation de la
liqueur avec 1 alkali fixe , 011 veut , au
contraire, la concentrer au point requis ,
ainsi que je 1 ai fait plusieurs fois , on
obtiendra des cristaux de nitre à base de
sel cathai tique amer , rjui , au premier
coup-d’œii , pourroient être pris pour du
nitre ordinaire $ mais si on est parvenu à
se procurer une cristallisation bien carac-
térisée , on remarquera qu’ils ont encore
plus de conformité avec les cristaux de sel
amer, qu’avec ceux du salpêtre ; au reste ,
ce s cristaux sont déliquescents.
Margraff , qui a fait avant moi ces cris-
taux , en saturant d acide nitreux la terre
qu’il avoit précipitée par l’alkali fixe , ou
du sel de Sedlitz ou du sel marin à base
terreuse , a remarqué que ce sel fus oit sur
le charbon , ce qui l’induit à conclure que
(1) Cette quantité de sel ne doit pas surprendre ,
cette terre absorbe à peu-près poids égal d’acide vi-
triolique; d’où il résulte un sel qui , en cristallisant ,
prend à son tour son poids d’eau.
II 4
Î20 E X A M E W
cette terre saturée d’acide nitreux forme
une sorte de nitre qui détone malgré sa
propriété déliquescente.
De toutes les expériences faites par Mar-
graff sur la serpentine , et consignées dans
un mémoire , dont la traduction de Costel
paroîtra incessamment, celle-ci estla seule
sur laquelle je suis en contradiction avec
ce célèbre chimiste.
En saturant avec l’acide nitreux la terre
précipitée par l’alkali fixe , soit du sel de
Sedlitz , soit du sel marin à base terreuse ,
soit même du nitre à base de sel de Sed-
Htz , j’ai , à la vérité , obtenu quelquefois
des cristaux qui fusoient légèrement sur
les charbons $ mais je n’en obtins jamais
de tels , en saturant l'acide de nitre avec
cette même terre prise immédiatement
dans les serpentines de France ou d’Alle-
magne ; d’où je conclus que cette terre
précipitée d’un acide quelconque par un
alkali fixe , peut fort bien retenir une por-
tion du précipitant que les lavages n’em-
portent pas toujours, et que c’est à cette
portion d’alkali qu’on doit attribuer la
cause de la détonation que Margraff a
remarquée dans cette espèce de nitre.
DE E A SERPENTINE.'
121
"Effet de V acide nitreux sur la serpentine
du Limousin y et sur la stéatite de
Corse .
Je ne m’arrêterai pas sur les effets de
l’acide nitreux, appliqué à la serpentine du
Limousin : qu’il suffise de faire observer
que tout se passe avec celle-ci, comme avec
celle d’Allemagne , et qu’à des différences
peu importantes , concernant les quantités,
les résultats sont toujours les memes.
A l’égard de la stéatite de Corse (1) , je
dois entrer dans quelques détails qui me
paroissent devoir intéresser les chimistes
et ceux des naturalistes qui s’attachent
d’une manière particulière à l’étude des
minéraux. L’acide nitreux , versé sur la
stéatite de Corse , soit pulvérisée , soit en
masse , n’y agit que fort lentement , et le
mouvement de la dissolution est très-in-
sensible.
On m’avoit donné un morceau de cette
(i ) Je n’avois alors , en 1 77-5 , que Je foibles échan-
till ons Je cette stéatite. J’en ai fait venir de Corse,
en 1776, une quantité nécessaire aux expériences que
fai été obligé Je faire pour bien conncitre la compo-
sition Je cette pierre.
123 EXAMEN
pierre taillée en cassolette de pipe , dont le
poids étoit de 2 gros et demi , sa couleur
étoit uniformément verte 5 il avoit de la
transparence.
Cette cassolette ayant resté pendant trois
mois dans l’acide nitreux foible , n’a souf-
fert aucune altération dans sa forme , mais
la couleur verte a disparu ; elle est devenue
blanche au point d’être facilement prise
pour une pipe ordinaire ; enfin, cet échan-
tillon qui a acquis la propriété de s’attacher
à la langue, ne pèse plus qu’un gros 61
grains.
L’acide nitreux étoit saturé, et s’est con-
verti , après une évaporation convenable ,
en cristaux de nitre à base de sel amer,
salis par un peu de nitre martial et alumi-
neux ; au reste , ce nitre n-’avoit pas la pro-
priété de fuser sur les charbons , ainsi que
■je l’ai dit plus haut , mais il avoit celle de
tomber assez vite en déliquiuin.
Effet de V acide vitriolique sur la serpen~
tins d' Allemagne.
La vitriolisation de cette pierre se fait
aisément , et quelle que soit la manière de
DE LA SERPENTINE. 123
lui appliquer l’acide vitriolique , on remplit
également son but (1).
J’en ai vitriolisé de toutes les maniérés ,
et toutes les fois que la pierre aété épuisée,
j’ai toujours eu , à très-peu de différence
près , les mêmes résultats.
Ayant soumis à l’action de l’acide de
vitriol 4 onces de serpentine d’Allemagne ,
cassée en petits morceaux , j’en ai retiré ,
lorsque la pierre a été épuisée , 2 onces 1
gros 18 grains de matière insoluble, dont
une portion en poudre grise , pesoit 3 gros,
et l’autre , qui étoit sous la forme de menu
gravier, mais qui avoit conservé la couleur
qu’a naturellement la serpentine , pesoit
une once 6 gros 18 grains.
La dissolution et les lotions filtrées et
évaporées , il s’en est séparé au premier
feu î/f. grains de fer , sous la forme d’une
terre ocreuse , et par différentes cristal-
lisations , il en a été retiré 6 onces 5 gros
(1) J’en excepterois cependant volontiers la manière
adoptée par Margraff , qui est trop embarrassante à
raison de la quantité surabondante d’huile de vitriol
qu’il emploie , et dont il est très- difficile de priver le
sel , lorsqu’on veut l’amener au point de perfection
requis.
E X A M EN
12^
de sel cathartique amer , dont la couleur/
naturellement blanche , étoit altérée par
une teinte verte 5 son goût étoit aussi légè-
rement ferrugineux , mais en le faisant
dissoudre de nouveau , et en y versant
quelques gouttes d’alkali fixe , on en pré-
cipite entièrement le fer , dont on se dé-
barrasse au moyen du filtre , et par une
nouvelle cristallisation , on obtient un sel
très-pur , et bien supérieur en beauté à
celui du commerce.
Les 4 onces de serpentine employées ,
paroissent donc avoir fourni à l’acide vi-
triolique une once 5 gros 5/\ grains de base
pour former les 6 onces 5 gros de sel $ je
dis , paroissent avoir fourni , parce que
nous savons que la serpentine perd au feu
un huitième de son poids en substances ,
qu’on ne peut pas soupçonner de concourir
à la formation du sel cathartique amer.
Or , 4 onces de serpentine crue ne repré-
sentant que 3 onces et demie de la même
pierre calcinée , il résulte qu’elle n’a pu
donner à l’acide de vitriol qu’une once
2 gros 54 grains de base , pour former avec
lui les 6 onces 5 gros de sel amer , obtenu
par le procédé dont je parle, et pour lequel
DE LA SERPENTINE. 1 9.5
il a été employée de 17 à 18 gros d’iiuile
de vitriol du commerce (1).
(j) J’ai insisté sur le calcul, pour prouver qu’au
besoin, un artiste qui seroit à portée d’avoir la ser-
pentine sans frais, pourroit, même en suivant mon
procédé qui n’est pas très-dispendieux , se procurer à
bon compte un sel que nous tirons de l’étranger ,
et dont nous faisons un grand usage j car il 11e faut pas
s’y tromper , d’un bout du royaume à l’autre , on n’em-
ploie pour sel cathartique amer , que celui qui nous
vient d’Angleterre sous le faux nom de sel d’Epsom ;
il n’est pas pur 5 n’importe, son bas prix l’a rendu
d’un usage commun par toute la France, la seule ville
de Paris excepté, où, par une erreur dans le mot et
dans la chose , on donne au public , pour sel d’Epsom ,
du sel de Glauber qu’on prépare dans une des salines
de la Franche-Comté.
Celui qu’on nous apporte sous le nom de Sedlitz en
Bohême , est le sel cathartique amer dans toute
sa pureté ; il se vend plus cher que celui qu’on dé-
signe par le nom d’Epsom ; et cela doit être, puisque
leur examen m’a appris que celui de Sedlitz étoit du
sel cathartique amer pur , et que celui d’Angleterre
étoit, au contraire, un mélange de sel marin ordi-
naire, de sel marin à base terreuse , et de sel cathar-
✓
tique amer proprement dit. Or , il est facile de
séparer ce dernier par la cristallisation , ce qui me
fait présumer que les sels de Sedlitz et d’Epsom pour-
voient fort bien sortir de la même fabrique , ou du
/
ÎSÔ
E X A M £ N
Effet de V acide vitriolique sur la serpen-
tine du Limousin»
La serpentine du Limousin se vitriolise
également bien 5 si on en casse par petits
morceaux une certaine quantité, et qu’on
les arrose d’acide de vitriol , on ne tarde
pas à les voir se couvrir d’efflorescences
qui deviennent de jour en jour plus épais-
ses : ils se gercent , ils se fendent , et
finissent par se réduire en menu gravier.
moins , être préparés en Angleterre et en Bohême ,
par un procédé commun.
Quoi qu’il en soit, cette branche de commerce ,
qui est certainement à charge à l’état , ne pourroit-
elle pas exciter quelques-uns de nos compatriotes à
établir en France une fabrique d’un sel que nous
tirons de l’étranger par centaines de milliers? Nous
en avons déjà une de sel de Glauber , dont l’usage est
bien moins étendu, et dont le plus grand débit se fait
à Paris sous un nom emprunté.
Le procédé que j’ai adopté pour vitrioliser la ser-
pentine d’Allemagne et celle du Limousin , est pure-
ment analytique. Je ne le propose donc pas comme
un moyen à suivre dans une fabrique , où l’on vou-
drait préparer en grand un sel qui se vend à peine
4o livres le quintal.
DE LA SERPENTINE. lïj
J'en ai vitriosé 3 onces de cette manière ,
et j’en ai retiré
1 once 6 gros S/\ grains de matière in-
soluble ,
22 grains cle terre martiale ,
4onces 7 grosclesel cathartique amer pur.
On voit par cette expérience combien
est grand le rapport qui se trouve entre la
serpentine du Limousin et celle d’Alle-
magne : les quantités de matières solubles
et insolubles sont à peu de chose près les
mêmes , au point qu’on pourroit les re-
garder Tune et l’autre comme tirées d’une
même carrière , si on n’étoit pas sûr du
contraire.
Effet de l acide vitrioliqiie sur la stéatite
de Corse .
En traitant de la manière indiquée 3
onces de stéatite de Corse qui se vitriolise
également bien, j’en ai retiré
i once 7 gros n grains de matière
insoluble ,
19 grains de terre martiale ,
5 onces 1 gros de sel cathartique amer ,
mélangé de beaucoup d’alun et d’une
*
petite quantité de vitriol martial ; en sorte
ï 28 EXAMEN
que la stéatite de Corse , qui , comme
nous l’avons déjà vu , diffère à tant
d'égards des serpentines , a pourtant de
commun avec elles , de contenir à-peu*
près le tiers de matière soluble dans l’acide
vitriolique ; matière qui sert cependant
encore à établir une nouvelle différence
entre notre stéatite et les serpentines ,
puisque ces dernières ne contiennent point
de terre d’alun , tandis que l’autre en
contient beaucoup.
Résultat de R analyse des serpentines du.
Limousin et d’ Aile magne .
D’après les expériences qui viennent
d’être rapportées , et d’après beaucoup
d’autres qu’il importe peu de faire con-
noître , on ne s’éloignera pas trop de la
vérité , si on se représente les serpentines
qui ont été le sujet de mon travail, comme
des pierres composées de
H’ de petits cristaux talqueux,
4V de terre argileuse ,
di de fer ,
ït de la terre qui sert de base au sel
amer ,
~ d’eau,
Et
1
de la serpentine. l2ÿ
Lt une très - petite quantité d’acicle
marin.
Quant a la steatite de Corse , j’aurois
bien désiré de fixer au juste les propor-
tions daiun et de sel amer, retirés par
la vitriolisation ; mais je n’ai pu y parvenir,
la cristallisation n’ayant pas été un moyen
suffisant. J ai , a la vérité , obtenu jusqu’à
4 gros d’alun pur et bien cristallisé , et à-
peu-près autant de cristaux de sel amer ;
mais le gros de la masse saline a constam-
ment refusé de cristalliser distinctement:
cependant, en examinant la chose de
pies , je crois pouvoir assurer qu’au total ,
1 alun n est pas le sel dominant , et que le
sel amer 1 emporte de beaucoup sur lui.
Des différentes terres qui concourent à
former la serpentine,
Margraff croit que la terre insoluble qui
se trouve dans la serpentine, est une terre
vitrifia b le, qui ne peut en conséquence être
rangée dans la classe des pierres argileuses
et il établit son opinion, jo. sur ce que
1 ayant traitée au feu avec de l’alkali , elle
s est vitrifiée et a formé un verre transpa-
Tome II, t
examen
n
1 OO
rent , mais coloré à raison du fer qui s’y
rencontre ; 2,0. sur ce que cette même
terre 11e contient pas la base de l’alun ,
ce qui , selon lui et plusieurs autres chi-
mistes , est un des principaux caractères
des argiles.
Je suis bien éloigné de vouloir contre-
dire Margraff, ni aucun de ceux qui
tiennent à cette dernière opinion , que
plusieurs expériences m’empêchent d’a-
dopter ÿ je comtois en effet des terres
argileuses qui ne contiennent pas la base
d’alun , mais celle du sel cathartique amer :
j’en citerai bientôt un exemple.
Quant à la vitrescibilité de la terre inso-
luble que nous avons séparée de nos ser-
pentines , Margraff l’ayant traitée avec
l’alkali fixe , je dis qu’il y a des pierres
qui , par le même moyen , se changent
en verre , sans que pour cela on soit
dans l’habitude de les ranger dans la
classe des pierres vitrescibles proprement
dites.
Ayant pendant l’été de 1772 exposé 4
onces de serpentine d’Allemagne cassée en
petits morceaux, à l’action spontanée de
l’acide vitriolique, et la matière insoluble
I
DE LA SERPENTINE. ]3x
ayant été épuisée, il en a été retiré 3 gros
d’une terre fine et légère de couleur grise
tirant un peu sur le jaune , et une once
6 gros d’une autre substance , qui étoit
sous la forme de menu gravier , dans le-
quel on distinguoit des grains blancs et
cristallins ; les autres paroissoient opaques;
mais vus au microscope , ce sont autant
de cristaux , dont la transparence est
ternie par une légère portion de la pre-
mière terre.
Ces grains, dont quelques-uns sont gros
comme des lentilles , n’ont pas plus de
dureté que le talc ou craie de Briançon ,
dans la classe duquel je les rangerai , sauf
1 autorité de Margraff ; car enfin , ces
petites pierres cristallines ne sont ici avec
aucun des caractères du quartz , du
feldspath , encore moins du caillou ou
silex.
La propriété qu’a la serpentine d’être
facilement travaillée sur le tour, en est
une preuve complète ; et en effet , quel
instrument destiné à travailler une pierre
tendre pourroit résister à des grains de
quartz ou de silex disséminés dans cette
même pierre ? Quelle seroit la main qui
I 2
i3s
EXAMEN
pourroit soutenir les chocs qu’occasion-
neroit , dans le travail d’une pareille ma-
tière , le mouvement rapide d'une roue
mise en action ou par des bras vigou-
reux , ou ce qui est encore plus probable ,
par une chute d’eau ? Tout me porte
donc à conclure , que la partie qui ré-
siste aux acides dans les serpentines (1) est
composée de deux substances ; je regarde
la poudre fine comme de l’argile, et les
grains cristallins comme du talc , sorte de
pierre qui peut être vitrifiée en la fon-
dant avec le sel alkali , ainsi qu’on peut
le voir dans la Lithogéognosie de Pott.
A l’égard de cette autre terre qui , unie
à l’acide vitriolique , forme le sel cathar-
tique amer , je crois , avec Margraff ,
qu’elle est nouvelle pour nous, et de plus,
que c’est faute de l’avoir connue que le
célèbre Pott soutint toujours, que la base
du sel marin n’étoit point un alkali , mais
nue terre , et que d’autres chimistes très-
savans ont si souvent confondu le sel de
Glanber avec le sel amer , erreur dont
on n’est pas encore tout-à-fait revenu.
(1) Et même clans la stéatite de Corse, dont la
partie insoluble est aussi sous deux formes différentes.
de i a serpentine. ï33
Cette terre ne peut donc être mise dans
aucune classe connue , et ainsi que la base
de l’alun , elle doit être regardée comme
une terre d’un genre particulier ; car ,
quoiqu’elle ne soit pas très - abondante
dans le globe , comparaison faite avec la
calcaire, l’argileuse et la vitrescible , elle
ne laisse cependant pas que de s’y rencon-
trer fréquemment ; les serpentines en
contiennent , à peu de chose près , le tiers
de leur poids : les stéatites , ainsi que nous
l’ayons vu dans' celle de Corse, en con-
tiennent une quantité remarquable ; on la
trouve encore dans bien d’autres subs-
tances 5 j’en ferai connoître quelques-unes
dans un instant , et par la suite j’en dé-
montrerai l’existence dans des pierres où
on est bien éloigné de la soupçonner ;
enfin , et cette quantité n’est certainement
pas petite , Margraff a découvert qu’elle
faisoit la base de tout le sel marin déli-
quescent qui se rencontre dans la mer et
dans les puits salans } ce qui peut nous
induire à croire que le sel marin déliques-
cent , qui fait partie de l’eau-mère du sal-
pêtre , a pour base cette même terre 5 on.
sait que ces eaux-mères donnent, par la
I 3
\
examen
x34
précipitation avec l’alkali, une pondre
blanche qui est un mélange de terre cal-
caire et de terre base du sel amer.
Voici quelques unes de ses propriétés
distinctives ; elle forme, avec l’acide marin,
un sel incristallisable et très-déliquescent;
avec l’acide de nitre , un sel qui cristallise
très- bien , quoiqu’il ait la propriété d’at-
tirer l’humidité de l’air au point de se
résoudre entièrement en liqueur ; avec
l’acide vitriolique , elle forme un sel dont
les cristaux ont assez de conformité avec
ceux du sel de Glauber, pour avoir long-
temps fait confondre ces deux sels par
d’excellens chimistes (1).
Au reste , ce sel ne tombe pas en efflo-
rescence il se ternit un peu, à la vérité ,
( i ) Ce sel est connu sous les différens noms
d’Epsom , de Sedlitz , de Canal , de Glauber à base
terreuse, et plus communément sous celui de sel car-
thar tique amer : comme son usage a été jusqu’ici borné
à la médecine , toutes ces dénominations n’ont pas un
grand inconvénient ; on est , heureusement pour le
public, habitué dans l’art pharmaceutique à connoître
chaque médicament sous tous ces noms. Mais si on
à pu, sans danger , donner différens noms à une
même substance , il en a été tout autrement, lorsqu’on
en a désigné plusieurs par une seule dénomination.
/;
DE LA SERTENTINE. l35
à sa superficie , lorsqu’on le laisse à l’air ;
mais il faut, ainsi qu’à l’alun, un degré
de chaleur assez fort pour lui faire perdre
son eau de cristallisation, en cela très-dif-
férent du sel de Glauber, qui la perd très-
facilement à la température de l’atmos-
phère.
Lorsque , par le moyen d’un alkali on
précipite cette terre de quelqu’acide que
ce soit , on l’obtient sous la forme d’une
poudre blanche et légère , à laquelle on a
donné , on ne sait trop pourquoi 9 le nom
de magnésie {y).
(i) J’ai donne à cette meme terre le nom de base
du sel cathartique amer , ou de Scdlitz. J’avoue que
cette dénomination est un peu longue, mais au moins ,
elle sauve toute ambiguité. J’ai évité de l’appeler
magnésie. Qu’est-ce, en effet, que de la magnésie?
Que l’on consulte les livres vraiment chimiques : l’on
verra à combien de substances ce nom a été donné.
Chaque alchimiste avoit sa magnésie , et ce mot ,
dans leurs écrits , signifie quelque chose , ainsi que
son étymologie le fait assez sentir.
Ces chercheurs de pierre philosophale , mettoient
tout en œuvre pour arriver à leur but : en considérant
les terres dont on avoit extrait le salpêtre , ils les en-
visagèrent comme celles qui étoivnt les plus propres h
attirer de l’air les principes constituans de ce sel , eï
I 4
i3 6
EXAMEN*
v
Il est à observer que cette terre , lors de
sa précipitation par un alkali, s’unit à
celui-ci avec une facilité étonnante ; c’est
au point , qu’en versant sur une dissolu-
tion de sel cathartique amer pur , une
quantité surabondante cl’alkali, on n’ob-
tient pas de précipité ; Margraff a observé
le nom d’aimant on magnésie fut employé pour expri-
mer cette propriété.
Dans la suite, on retira, au moyert de la calcina-
tion ou de la précipitation , une terre blanche des
eaux-mères du salpêtre , et on ne manqua pas de la
regarder comme la terre qui contribuoit le plus à
attirer de l’air l’acide nitreux 5 en conséquence , elle
fut décorée du nom de magnésie , et l’est encore au-
jourd’hui dans nos pharmacies.
Enfin , la manganèse dont on fait tant d’usage dans
les verreries et les poteries , s’appelle aussi magnésie :
Mapnesia sic dicta quia pondéré et colore magnetem
refert j dit Merretj ou plutôt, comme dit Césalpin ,
quoniam in se liquoreni -vitri quoque , ut magnes
ferrum , trahere creditur. Que d’erreurs dangereuses
en médecine, et de conséquence pour les arts, ne
peut donc pas occasionner le nom de magnésie, em-
ployé pour désigner tant de substances si différentes
entr’elles 5 erreurs que peut facilement introduire un
nom donné très - improprement et très - nial-adroite-
ment , à la terre qui sert de base au sel cathartique
amer.
DE LA SERPENTINE. l37
ce phénomène en employant pour préci-
pitant l’alkali volatil , et il a remarqué que
la terre , ainsi dissoute , ne tardoit pas à
se séparer de la liqueur sous la forme de
•petits cristaux de sable très- fui , qu’il se
propose d’examiner dans la suite ( i ).
J’mnore si ce chimiste a continué ses re-
4 I
cherches sur cet objet; mais sans vouloir
le prévenir sur une matière qui lui est de-
venue propre , je ne peux m’empêcher de
dire , qu’ayant fait des précipitations de
seJ amer pur , ou ce qui est la même
chose , de sel de Sedlitz , avec tous les
alkalis , j’ai obtenu les cristaux dont il
parle , je suis même parvenu à m’en pro-
curer d’assez gros, et j’ai remarqué qu’il
est indifférent d’employer l’alkali minéral ,
végétal ou volatil , qui ne change en au-
cune manière la cristallisation ; le point
essentiel est que la liqueur soit fort étendue
(i) Ceux qui désireront connoitre l’ouvrage de
Margraff sur la serpentine, pourront, en attendant
que la traduction, de Costel paroisse , consulter les
excellentes additions de Parmentier , aux récréations
chimiques de Model : ils trouveront à la page iç5 et
suiv. du premier volume, un précis bien fait du
travail de Margraff.
1^3 33 X A M E K
et qu’elle soit mise dans un vase élevé et à
orilice étroit. Ces cristaux sont autant de
petites boules, ou groupes composés d’au-
tres cristaux prismatiques à quatre pans
qui, arrangés syinétriquernentsur un centre
commun , s’en élèvent comme autant de
rayons divergeans ; ils ont de la transpa-
rence et ressemblent parfaitement aux
cristaux de sel cathartique amer. La solu-
bilité de cette terre dans l’eau chargée
d’alkali fixe , 11e doit pas être entièrement
attribuée à ce dernier sel 5 on sent de reste
que le gaz qui s’échappe , lors de la préci-
pitation , y a encore plus de part.
D’après les propriétés, dont je viens de
faire l’énumération , ne pourroit-on pas
présumer que cette terre concourt à for-
mer les alkalis fixes, sur tout le natrum.
Si jamais on parvient à s’en assurer ,
sa dénomination sera alors, à juste titre,
celle que Margraff lui a déjà assignée , en
l’appelant terre alkaline.
De quelques autres pierres ou terres dans
lesquelles on trouve la base du sel
amer.
Margraff a déjà commencé à nous in-
DE E A SERPENTINE. l3c)
cliquer plusieurs pierres dans la formation
desquelles la nature a fait entrer la terre
dont je traite ici. De pareilles recherches
ne pouvant qu’augmenter nos connois-
sances sur l’histoire naturelle, j’ai cru, à
son exemple , en devoir faire connoître
d’autres de notre pays , dans lesquelles la
vitriolisation me l’a fait également dé-
couvrir.
i°. Une pierre que l’on me montra à la
carrière , comme une mine de fer blanche
employée aux forges de Creutz'wald ;
elle ne ressembloit par aucun caractère
extérieur , aux mines de fer spatiques :
cependant , l’ayant examinée , j’ai trouvé
qu’elle contenoit un quart de son poids
de gaz , semblable à celui qui se dégage
de la mine d’acier du pays de Nassau ,
dont j’ai donné l’analyse il y a trois ans.
Une once de cette pierre vitriolisée m’a
donné 5 gros de sel cathartique amer ou
de Sedlitz , très-peu de vitriol martial ,
mais beaucoup de sélénite ; en sorte que
cette pierre que l’on m’avoit engagé à
voir à la carrière comme mine de fer ,
ne méritoit point du tout cette dénomi-
nation 5 aussi , d’Ayange , maître des
examen
ï4o
forges de CreutzwalcL , m’assura-t il de-
puis , qu’il ne la faisoit employer que
comme fondant , et que c’étoit enfin une
bonne castine (i).
Comme les castines sont usitées par-tout
où on coule le fer , et que par-tout elles
varient , j’ai cru faire plaisir de donner ici
la composition de celle-ci , qui est un mé-
lange de terre calcaire , de terre base du
sel amer, de terre inattaquable par aucun
des acides , de nature argileuse , et d’une
petite quantité de fer : le tout combiné avec
une quatrième partie de gaz pareil à celui
des mines de fer spatiques.
2°. Une autre pierre en géodes pleines,
qui , cassées , présentent à la vue une mo-
saïque ; c’est une sorte de ludus helmontii
qui se trouve abondamment au-delà de la
Sarre , proche l’abbaye de Tolé. Ces
geodes , qui sont plus ferrugineuses que
la pierre précédente , étoient autrefois em-
ployées aux forges de Creutzwald comme
fondant; mais l’éloignement de la carrière
a fait donner la préférence à la pierre de
(1) La carrière de cette pierre est située à deux
lieues de Sarre-Louis, entre l’Abbaye de Wadgass et
la Baronie d’Uberhern.
DE ea serpentine. l4l
ŸVadgass , qui est beaucoup plus proche
des fourneaux.
Cette pierre de Tolé , soumise à la vitrio-
lisalion , a donné du sel cathartique amer,
mais en moindre quantité que la précé-
dente.
3°. Une argile de couleur olive , em-
ployée à la fayencerie de la Grange, pro-
che Thionville , a donné , par l’intermède
de l’acide yitriolique , quelques cristaux
de sel amer , delà sélénite et point d’alun.
4°. Une autre terre argileuse, dont le
banc d’une étendue immense traverse le
beau vallon où est situé Thionville, traitée
de même , a donné beaucoup de sélénite ,
des cristaux de sel amer , un peu de vitriol
martial , et très-peu d’alun.
Ce bancde terre-glaise bleuâtre est plein
de bélemnites ; on y voit aussi des em-
preintes de petites cornes d’ammon , et on
y trouve , en différens endroits , des pierres
calcaires arrondies d’un pied et demi , et
même quelquefois plus de diamètre, d’une
pesanteur énorme, eu égard à leur volume,
et dont la dureté est certainement celle du
bon. marbre, si, peut-être , elle ne la sur-
passe.
EXAMEN
l42
La superficie de ces pierres est souvent
couverte de grands cames , de pétoncles ,
de nautiles , le tout entremêlé de béldm-
nites , qui d’ailleurs sont si abondantes
dans différens endroits de ce banc d’ar-
gile , qu’elles concourent, en s’en déta-
chant , à former en grande partie le
gravier d’un petit ruisseau qui traverse ce
banc dans le voisinage du fief de Betange.
Telles sont jusqu’ici les pierres ou terres
dans lesquelles j’ai trouvé la terre qui sert
de base au sel cathartique ; en les réunis-
sant à celle qui en ont également donné
à Margraff , on voit que cette terre est
au moins aussi répandue dans la nature,
que celle qui sert de base à l’alun ; que
c’est singulièrement dans les serpentines
proprement dites , qu’on la rencontre en
abondance. A l’égard des schistes , qui en
contiennent aussi, on peut consulter la
quatrième partie de l’Analyse des Eaux
minérales de Luchon. Quant à la classe
des pierres vitrescibles , dans quelques-
unes desquelles je l’ai également trouvée,
j’en ferai mention dans un mémoire sur
ce genre de pierre que je publierai inces-
samment.
1
DE QUELQUES PIERRES YITRESCIBT.es. l43
QUATRIÈME PARTIE.
Examen du porphyre , de V opl Lite , du
granit , et autres pierres de la classe
des vitrescibles mixtes.
i
L a. pierre vitrescible qu’on désigne aussi
sous le nom de silex ou de pierre à fusil ,
se présente sous diverses formes; ses cou-
leurs ne sont pas moins variées que celles
des marbres calcaires; elle est tantôt plus,
tantôt moins transparente ; quelquefois
même elle est opaque. Ici , elle est en
cristaux réguliers , là , en masses in-
formes; souvent on la rencontre en bancs
continus, mais souvent aussi on la trouve
au milieu de pierres calcaires et argileuses
en blocs isolés. Que de variétés dans sa
contexture ! Tantôt elle forme des bancs
d’une étendue immense de grès ou pierres
de sable de diverses espèces , tantôt des
bancs de granits qui diffèrent les uns des
autres par la couleur, par la grosseur , par
la cohérence , et quelquefois même par la
nature des grains qui les composent ; enfin ,
-1
144 EXAMEN
la pierre vitrescible est souvent mélangée,
je dirois presque combinée avec les pierres
calcaires et argileuses , en des proportions
qui la rendent méconnoissable.
Cette partie de la lithologie est donc très-
étendue , et les moyens employés jusqu’ici
pour connoître les pierres, sont trop in-
certains pour oser se promettre d’en donner
des catalogues raisonnés et exacts j il nous
manque trop de faits , et pour tout dire en
un mot, la chimie est bien éloignée d’avoir
rempli sur cet objet la tâche qui lui est
naturellement imposée.
Pott , en publiant sa lithogéognosie ,
rendit sans doute un grand service à l’art ;
ce célèbre chimiste en exposant à l’action
d’un feu . violent un grand nombre de
pierres , nous lit connoîcre celles qui se
fondoient et celles qui ne se fondoient pas :
il alla plus loin , et ce fut une véritable
découverte, il nous apprit que des pierres
qui, traitées séparément, n’entroient point
en fusion , se fondoient pourtant avec fa-
cilité, lorsque réunies, il les exposoit au
feu de son fourneau.
Cette méthode , qui a été suivie par de
très-habiles chimistes, a, sans contredit.
son
DE QUELQUES PIERRES VITRES Cl B LES» l/^S
son avantage , mais elle n’est pas analy-
tique (1) ; et si elle nous a fait découvrir
des faits intéressans , ce n’est qu’en imi-
tant la nature, lorsqu’irritée et pour ainsi
dire en convulsion , elle opère par la voie
des volcans.
Qu’est-ce, en effet, que cette rivière de
feu qui découle des bouches du Vésuve?
Qu’est-ce que cette matière autrefois fondue
qu’on rencontre si fréquemment et en si
grande
l’Auvergne jusqu’aux bords de la Médi-
terranée ? de la lave , de la ponce , des
scories ; car là - dessus , il faut nous en
tenir à des mots. Essayons toutefois de
nous instruire , en imitant la nature meme
dans ce que nous prenons pour ses écarts ;
exposons au feu une de ces pierres qui
entrent en fusion sans intermède , par
exemple , du porphyre ou de l’ophite 5
qu’obtenons - nous ? Une substance vitri-
forme , une sorte de laitier qui imite, à
bien des égards , la lave des volcans ;
mais la fonte dans un creuset n’étant pas
même un commencement d’analyse , le
(1) Quoique son célèbre auteur ait prétendu que la
meilleur de tous les analystes étoit le feu.
T orne IL K
abondance depuis la capitale de
EXAMEN
146
porphyre et l’ophite n’en sont pas pour cela
mieux connus ; et dans l’impossibilité de
leur assigner la place qu’ils doivent occuper
en lithologie, le naturaliste est toujours en
droit d’exiger des chimistes de lui dire ce
que c’est que le porphyre, ce que c’est que
l’ophite.
Je vais essayer de répondre à cette ques-
tion , et pour y parvenir , je m’appuierai sur
des expériences analytiques, qui, réunies
à celles que j’ai publiées sur les marbres,
serviront peut-être à augmenter le jour
déjà répandu sur la lithogéognosie , par
Pott et par ceux des chimistes qui ont suivi
sa méthode.
Expériences faites sur le porphyre an-
tique rouge , entremêlé de petits cris-
taux blancs (1).
On a dit avec raison que le porphyre et
l’opliite étoient des pierres fusibles par elles-
mêmes (2) , et assez dures pour donner des
(1) Ce porphyre venoit des ruines de l'ancien Autun.
(2) De toutes les sciences , la chimie est, sans
contredit , celle qui a la nomenclature la moins
exacte. Ses expressions sont presque toutes équivoques.
.On entend tous les jours confondre la vitrescibiiité
DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES.
étincelles quand on les frappoit avec le
briquet ; mais on s’est trompé lorsqu’on
a ajouté qu’elles résistoient à l’action des
acides.
A la vérité, si , comme il n’est que trop
ordinaire, on se contente de jeter quelques
gouttes d’eau-forte sur l’une ou l’autre de
ces pierres , on n’aperçoit point d’efferves-
cence mais d’après une expérience aussi
légèrement faite, peut-on conclure qu’elles
résistent aux acides? Non, sans doute • car
si on met dans un matras 4 ou 5 gros de
porphyre concassé ou pulvérisé , et qu’on
verse dessus à - peu - près autant d’acide
nitreux de moyenne force, on obtiendra,
après cinq ou six mois de digestion faite à
froid , une liqueur saturée , qui aura la
avec la fusibilité 5 la différence est cependant très-
grande. Les pierres vitrescibles ou vitrifîables sont
infusibles par elles-mêmes , mais jointes aux sels
alkalis et aux chaux de plomb , elles se fondent et
forment notre beau verre, notre beau cristal. Les
pierres fusibles sont celles qui n’exigent point d'in-
termède pour entrer en fonte ; elles forment alors un
laitier , une scorie qui n’a jamais le diaphane le
transparent du verre, avec lequel on ne doit jamais
confondre une pareille matière.
K 3
3 48
examen
propriété de teindre en noir l’infusion de
gale , et dont l’alkali fixe précipitera du
fer , de la terre calcaire, de la terre alu-
mineuse, et de cette autre terre qui sert
de base au sel de Sedlitz. Enfin , le por-
phyre employé aura perdu à-peu-près le
huitième de son poids.
Mais si on veut se procurer d’une manière
bien marquée les produits dont je viens de
parler , c’est à la vitriolisation qu’il faut
avoir recours ; en voici un exemple :
Que l’on pulvérise grossièrement une
certaine quantité de porphyre , qu’on le
mette dans une capsule de verre, et qu’on
l’arrose d’acide vitriolique ( 1 ) ; on verra
en moins d’un mois les petits fragmens se
couvrir d’efflorescences : dès qu’on s’aper-
çoit que l’acide n’y domine pas , on les en-
lève par un lavage fait avec l’eau distillée ,
et sur-le-champ on réitère l’arrosement
d’acide vitriolique ; on continue la même
(1) En versant cet acide sur du porphyre d’Autun ,
il s’en est élevé sur-le-champ une odeur de foie de
soufre qui n’avoit cependant pas la propriété de
noircir l’argent. Je ne sais si tout porphyre donneroit
une pareille mofette , je n'avois pas de porphyre
d’Tlalie, je n’ai pu constater la parité ou la différence,
\ ■
/
DE QUELQUES PIERRES'VITRESCIBLES. l4<J
manœuvre jusqu’à ce qu’on ait des preuves
que le dissolvant cesse de trouver dans la
pierre des substances auxquelles il peut
s’unir , et on procède alors à la cristal-
lisation des différens sels contenus dans
la liqueur qu’on a eu soin de mettre en
réserve.
Ayant traité ainsi 2 onces de porphyre,
j’en ai retiré :
i°. 2 Grains environ de fer sous la
forme d’ocre.
2°. 11 Grains de sélénite gypseuse.
3°. 1 Gros 25 grains de sel de Sedlitz.
4°. 2 Gros 9 grains d’alun.
5°. 6 Grains de vitriol martial.
6°. Il est resté un peu d’eau - mère
vitriolique.
Les 2 onces de porphyre employées , se
sont trouvées réduites à une once 6 gros
24 grains, en sorte qu’elles a voient fourni
un gros /j 8 grains de différentes substances
qui , combinées avec l’acide vitriolique ,
ont formé les sels dont je viens de faire
l’énumération, et qui, comme on le sait,
prennent tous, à l’exception de la sélénite,
la moitié de leur poids d’eau de cristalli-
sation 5 or , si nous retranchons encore de
K 3
/
EXAMEN
i5o
chacun de ces sels , considérés dans un état
de dessiccation parfaite , la moitié de leur
poids pour l’acide vitriolique entré dans
leur composition , nous aurons, à très-peu
de chose près , la quantité de terres respec-
tives qui ont concouru à les former.
Quant à la substance insoluble, c’est un
mélange de pierre vitrescible et de pierre
argileuse, dont les proportions ne peuvent
être déterminées 5 tout ce qu’on peut dire ,
c’est que la pierre vitrescible ou siliceuse y
domine , et que c’est à la quantité sura-
bondante de cette dernière qu’on doit rap-
porter la dureté du porphyre et de l’ophite,
dont je vais parler dans un instant (i).
Il est également impossible de déterminer
la quantité de fer contenue dans le por-
phyre. Ce métal y étant sous la forme de
chaux insoluble , la chimie se trouve en-
core ici en défaut : car je doute qu’en
(t) Je présume que le fer concourt aussi à donner
de la dureté à cette pierre , ainsi qu’à beaucoup d’au-
tres , lorsqu’il entre dans leur composition en petite
quantité. On sait qu’il e t employé dans les cimens }
et l’expérience prouve qu’ils en deviennent plus durs ,
ou ce qui est la même chose , que leurs parties ac-
quièrent entr’elles plus de cohésion.
DE QUELQUES PIERRES VITR ESCIBLES. l5i
traitant cette pierre avec le sel ammoniac,
on puisse, au moyen de la sublimation, en
extraire tout le fer qui la colore en rouge.
J’ai cru devoir traiter aussi 2 onces de
ce porphyre dans un vaisseau distillatoire
et pneumatique : il ne s’en est point dégagé
d’air , mais il a passé dix à douze gouttes
d’eau dans le récipient.
Mêmes expériences répétées sur Vophite
antique.
Ayant mis dans un matras 5 gros de cette
pierre concassée, et autant d’acide nitreux
foible , il ne parut aucune effervescence ;
mais après un mois de digestion faite à
froid, on pouvoit s’apercevoir que l’acide
avoit déjà commencé à agir, et après un
an révolu , il se trouva presque saturé j
j’en précipitai alors de la terre calcaire ,
de la terre alumineuse et du fer, mais il
ne me fut pas possible d’y découvrir, par
ce procédé , la terre qui sert de base au
sel de Sedlitz. Les 5 gros d’ophite étoient
réduits à 4 gros i\ grains , et sa couleur
verte avoit disparu.
Ayant aussi traité par l’acide vitriolique
différens morceaux d’ophite , les produits
K 4
£ X A M 3E N
î5a
ont été les mêmes ; ces échantillons , dont
les uns avoient été apportés d’Italie , les
autres d'Autun , étoient d’ailleurs si res-
semblans par toutes leurs qualités exté-
rieures , que je les crois originairement
sortis de la même carrière.
Une once de ces pierres soumise à la
vitriolisation , a donné :
i°. 5 Grains environ de fer , sous la
forme d’ocre.
2°. Un peu de sélénite.
3°. 1 Gros 56 grains d’alun.
4°. 65 Grains de vitriol martiah
5°. 4 ou ^ Grains de sel de Sedlitz.
Il est resté un peu d’eau-mère vitriolique.
Enfin, l’once d’ophite employée avoit perdu
un gros i5 grains de son poids.
Mêmes expériences faites sur une sorte
de granitel le vert de la vallée d* Asp e ,
dans les Pyrénées.
Pallasseau qui , avec des connoissances
profondes et un zèle peu commun , tra-
vaille à la lithographie de la chaîne des
Pyrénées , me remit , dans le courant de
l’année 3 777 , un morceau d’une pierre
qu’il soupçonnoit être le trapp des Sué-
DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES. l53
dois : deux chimistes de réputation , à qui
il avoit demandé des éclaircissemens sur
cette même pierre , l’avoient l’un et l’autre
traitée suivant la méthode de Pott , et à
l’aide d’un feu vif, ils étoient parvenus à
la faire entrer en fusion sans aucun inter-
mède.
Cette pierre , qui est fort dure , fait feu
avec le briquet, et lorsqu’on lui a donné
le beau poli dont elle est susceptible , elle
présente deux couleurs , l’une d*un vert
clair , l’autre d’un vert obscur.
Ces qualités me la firent regarder d’abord
comme un ophite , dont en effet elle ne
diffère point essentiellement , puisqu’en
ayant soumis 2. onces à la vitriolisation ,
qui s’opère plus vite que celle de l’ophite
antique , il en a été retiré de la sélénite ,
de l’alun, du vitriol martial, et du sel de
Sedlitz qui s’y est trouvé en plus grande
abondance que dans la vitriolisation de
l’ophite antique; l’alun, le vitriol martial
et la sélénite étoient d’ailleurs à-peu-près
dans les mêmes proportions.
Cette pierre qui doit aussi être regardée,
d’après ses caractères extérieurs , comme
une de celles que les Italiens appellent gra*
EXAMEN
1 54
nitelli , et dont le nôtre ne diffèreroit que
par sa couleur verte , ne pourroit-elle pas
remplacer dans nos édifices l’ophite ou
porphyre vert tant recherché des Grecs
et des Romains ? On en pourroit ouvrir
une carrière immense : sa beauté , sa
dureté , et , ce qui en est une suite , sa
solidité , doivent la faire préférer à tous
nos marbres verts qui se dégradent aisé-
ment ; les frais qu’on seroit obligé de faire
pour l’exportation de cette belle pierre, ne
s’élèveroient pas plus haut que ceux qu’on
fit autrefois pour se procurer le marbre
de la vallée de Campan , qui est même
beaucoup plus éloignée de Bayonne que
celle d 'Aspe: c’est aux amateurs des beaux
arts, c’est sur tout aux architectes chargés
d’élever les grands édifices de la nation,
à juger si les vœux que je fais ici sont bien
ou mal fondés.
Expériences faites sur des granits de V an-
cien Autun , et sur celui qui se trouve
sous la ville de Sémur , en Aux ois.
Il m’avoit été envoyé d’ Autun trois échan-
tillons de granits antiques, qui différoient
de quelques pierres vitrescibles. 1 55
^mtr’eux par la couleur et la grosseur des
grains.
Le premier est un amas de grains de
quartz : les uns d’un blanc laiteux; c’est,
dit-on, le feldspath des naturalistes ; les
autres, gris d’épine; le tout entremêlé de
cristaux d’un vert très -foncé ou presque
noir.
Le second, d’un grain plus fin , est un
mélange de quartz blanc, de feldspath et
d’une matière verte qui en forme le ciment.
Le troisième ne me paroît différer du
second qu’en un seul point. Dans celui-ci,
les fragmens de quartz ou , si l’on veut, de
feldspath, sont blancs, tandis que dans le
troisième ces mêmes fragmens ont une
teinte verte.
Ces trois granits cassés par petits mor-
ceaux, ont été exposés à l’action de l’acide
vitriolique, et après un mois révolu, il ont
commencé à se couvrir d’efflorescences ,
et au moyen de nouvel acide que l’on four-
nissoit à mesure que la saturation parve-
noit à son point, la vitriolisation fut com-
plète dans l’espace d’une année révolue.
En examinant chacune des efflorescences
retirées de ces trois espèces de granit , le
1 56
EXAMEN
résultat a été que les 2 onces du premier
échantillon , bien lavées et bien séchées ,
avoient perdu un gros 33 grains de diverses
substances qui , unies à l’acide , avoient
formé les sels suivans , savoir :
Sélénite gypseuse 17 grains.
Alun 3 gros 38 grains.
Vitriol vert 1 gros 4 grains.
Sel Sedlitz 9 grains.
Total ? 4 gros 68 grains.
Les efflorescences des deux autres échan-
tillons ont également donné de la sélénite,
de l’alun, du vitriol , du sel de Sedlitz, et
à quelque chose près, dans les mêmes pro-
portions.
Le granit de Sémur s’est également trouvé
susceptible de vitriolisation, et a donné les
mêmes sels, à l’exception de celui de Sedlitz
que je n’y ai pas découvert.
Enfin , tous ces granits étant traités au
feu dans les vaisseaux fermés , fournissent
quatre à cinq gouttes d’eau par once.
Il résulte des expériences dont je viens
de rendre compte, que l’ophite et le por-
phyre sont des espèces de brèches , dans
DE QUELQUES PIERRES YITRESCIELES. 1 Sj
la composition desquelles la nature a fait
entrer la terre vitrescible et une terre argi-
leuse qui contenoit elle-mêine du fer, de
la terre calcaire , de la terre alumineuse ,
et de la terre alkaline , base du sel de Sedlitz.
La présence de la terre vitrescible, ou,
si l’on veut , de la pierre à fusil, est avouée
de tous les naturalistes: en effet, les yeux
seuls, en se promenant sur la surface de
l’ophite et du porphyre , savent la distin-
guer; mais il ne faut pas s’y tromper, les
cristaux blancs dans celui-ci , et les cristaux
verts dans celui-là, ne constituent pas seuls
la totalité de la terre vitrescible renfermée
dans ces deux pierres ; la terre argileuse
en a retenu une portion avec laquelle elle
s’est combinée , au point de former une
substance assez dure pour donner du feu
avec le briquet, et devenir susceptible d’un
beau poli; propriétés qu’elle n’a pas natu-
rellement, même lorsqu’elle a subi la lapi-
dification.
Le porphyre et l’ophite sont donc des
pierres qui ne diffèrent entr’elles que par
la couleur; dans l’un, les cristaux de quartz
sont blancs, et le ciment rouge ; dans l’autre,
ces mêmes cristaux sont d’un vert tendre ,
i5 8
E X A M E N
et je ciment d’un vert obscur ; mais cette
*
différence,quelquegrandequ’elle paroisse,
n’est pas essentielle , et le chimiste n’en est
pas surpris , parce qu’il sait que ces deux
couleurs peuvent être et sont en effet ,
selon les circonstances, produites parle fer.
Dans la partie rouge du porphyre , dans
celle que j’appelle le ciment , le fer se
trouve sous la forme de chaux ou de col-
cothar : de là , son peu de solubilité dans
les acides , et le peu de vitriol martial ob-
tenu par la vitriolisation de cette pierre.
Or, dans cet état, le fer ne se combine
pas ; réduit en chaux extrêmement divisée,
il reste interposé entre les parties de la terre
argileuse, et la fait paroître rouge. Enfin ,
si les petits cristaux de quartz ont gardé
leur blancheur naturelle , c’est encore à
l’état d’insolubilité , à l’état de chaux où
s’est trouvé le fer lors de la lapidification,
qu’il en faut rapporter la cause.
Dans l’ophite , au contraire , ce métal
étoit en dissolution , ou du moins dans un
état propre à la dissolution , au moment
où la pétrification s’opéroit : susceptible
alors de combinaison , il s’est uni à la
terre argileuse $ et par une suite de la
DE QUELQUES PIERRES VITRESCIELES. I 5cf
propriété qu’il a dans certaines circons-
tances , il l'a colorée en vert foncé j agis-
sant aussi , mais plus foiblement , sur la
terre vitrescible , il ne lui a communiqué
que cette teinte légère qui se fait remarquer
dans les cristaux prismatiques de Pophite.
Mais si les connoissances que nous avons
acquises sur les ophites et les porphyres ,
nous permettent de dire quelque chose de
vraisemblable sur leur formation, elles ont
encore un avantage non moins précieux ,
je veux dire celui de nous mettre en état
d’assigner la véritable cause de la fusibilité
de ces pierres.
Instruits par Pott des effets du feu sur
des mélanges de diverses terres , et nom-
mément sur celui de la terre argileuse avec
la terre calcaire et le sable , nous pouvons
conclure avec certitude que le porphyre et
Pophite des flrecs , Pophite ou granitelle
vert de la vallée d’Aspe , et en général
tous les granits ne doivent leur fusibilité
qu’à leur composition qui approche très-
fort des mélanges artificiels de Pott , si
peut-être elle n’est la même (1).
(O Pott voulant rendre raison de la fusibilité du
porphyre et de l’ophite , l’attribuoit au fer qu’il avoit
îSo examen
Le troisième avantage que nous procure
l’analyse des opliites et des porphyres, est
celui de mettre le naturaliste à portée de
fixer la place qu’ils doivent occuper dans
la série des connoissances que nous cher-
chons à acquérir dans l’histoire naturelle.
L’expérience prouve , en effet, que dans
la fabrique des trois principales terres qui
forment la couche supérieure de notre
globe , la nature va toujours du simple
au composé. Nous avons déjà reconnu
cet ordre, cette marche, dans les marbres
calcaires, et nous ne l’observons pas moins
dans les pierres yitrescibles.
Les pierres de ce genre , qui doivent
occuper la première place dans nos cabi-
nets ou dans nos catalogues, sont le cristal
de roche, le quartz, le silex blanc, c’est-
à-dire, celles que nous reconnoissons pour
être les plus pures. De là, on passeroit à
découvert ou soupçonné dans ces pierres } car il
n’entre dans aucun détail sur cet objet; mais une once
de pierre à fusil et quelques grains de fer formeroient-
ils un mélange fusible ? Je ne le crois pas , ou du
moins je suis porté à croire que , s’il en eût exposé un
de cette nature au feu de son fourneau , il ne seroit
pas parvenu à le faire entrer en fonte.
ces
'
DE QUELQUES PIERRES VÏTRESCIBLES. l6l'
ces mômes pierres teintes de différentes
couleurs , depuis la pierre à fusil grise ou
noire la plus commune , jusqu’à l’agate
que nous enchâssons dans l’or. Les jaspes
et les autres pierres opaques que leur beauté
rend précieuses , quand on aura découvert
le degré de leur composition , trouveront
peut-être ici leur place ; viendroient en-
suite les pierres grainées, tels que les grès,
les granits simples, les granits mélangés et
composés de matières différentes; on fini-
roit par les ophites et les porphyres , qui ,
d’après l’analyse, sont les pierres les plus
composées de toute cette classe.
SUPPLÉMENT.
Le mémoire qu’on vient de lire étoit fait;
et quoique je n’eusse tenté aucune expé-
rience sur le jaspe vert , j’avois cependant
assigné la place qu’il devoit occuper dans
la série de nosconnoissances hthologiques.
D’Aubenton m’excita à le traiter comme
les autres pierres , et même à soumettre
aux mêmes opérations le jaspe rouge , le
jade et le feldspath ; il eut même la bonté
de me procurer des échantillons bien carac-
térisés de ces différentes pierres , sur les-:
Tome II, L
1
l6‘2 examen
quelles j’ai fait des expériences dont les
résultats ont complété le travail que j’avois
entrepris sur les pierres vilrescibles mixtes.
Tffet de l} acide vitriol/ que sur les jaspes
ve/t et rouge , sur le jade et le feld-
spath, etc.
i
Un morceau de jaspe vert pesant 5 gros
12 grains , ayant été soumis à l’action de
l’acide vitriolique foible, dont il fut seule-
ment mouillé , resta en cet état près de
trois mois , sans qu’il parût à sa surface
aucune efflorescence. Les trois mois étant
révolus , on commença à apercevoir quel-
ques points d’une boue jaunâtre qui ,
augmentant peu à peu en grosseur et en
nombre , couvrirent vers le sixième mois
toute la surface de l’échantillon $ il se
forma aussi , vers cette époque , sept
petits cristaux d’alun qui avoient tous
les caractères propres à ce sel 5 vers le
huitième mois, on en découvrit plusieurs
autres qui s’étoient formés dans la cap-
sule. Les points de boue jaunâtre , dont
j’ai parlé, n’avoient pris aucun accrois-
sement depuis le sixième mois ; c’étoit au
reste du vitriol martial avec excès d’acide.
DE QUELQUES EIERRES YITRESCIBLES. l()J
Lg jaspe vert étant une pierre très-dure
et très-coinpacte , l'acide dont on le mouille
ne peut agir que sur sa surface , sans ja-
mais pénétrer au-delà ; aussi le morceau
qui faisoit le sujet de l’expérience n’a t-il
éprouvé aucune altération dans sa forme ,
ni essuyé aucune gerçure.
Deux morceaux de jaspe rouge, qui
pesoicnt ensemble 4 gros \\ grains , ont
été pareillement arrosés d’acide vitriolique,
au meme instant que le jaspe vert; mais
ils n’ont pas été attaqués, et rien de vitrio-
lique ou d’alumineux , rien enfin de salin
ne s’est manifesté , meme après plus de
dix- huit mois d’expérience.
Il en a été de même d’un morceau de
jade dont l’acide vitriolique n’a pu rien
extraire dans le même espace de temps.
Le feldspath , au contraire , soumis à
la même épreuve , a donné quelques cris-
taux d’alun ; d’où l’on peut conclure que
la couleur légèrement laiteuse de cette
dernière pierre, doit être attribuée à
cette portion de terre alumineuse , qui ,
disséminée dans toute la masse , lui com-
munique de l’opacité ; on peut aussi , à
ce que je crois, présumer que les cassures
L 2
EXAMEN"
1 64
régulières , qu’a naturellement le feld-
spath , sont encore un effet de la terre
alumineuse qui , par son mélange avec la
pierre quartzeuse ou vitrescible, en change
la contexture : accident qui a engagé les
naturalistes à donner un nom distinctif à
cette pierre , qui n’est , dans le vrai , qu’un
quartz mélangé d’un peu de terre d'alun.
Ils l’ont appelée feldspath , dénomination
peu propre à exprimer sa nature , même
pour ceux qui entendent la langue alle-
mande '7 le nom de Spath scintillant que
lui donnent quelques naturalistes , expri-
mant une de ses propriétés, me paroît plus
convenable.
Le jaspe rouge et le jade ont l’un et
l’autre résisté à l’acide vitriolique , quoique
tous deux colorés par le fer ; ce qui n’éton-
nera pas , si , à l’égard du jaspe rouge,
on veut bien se rappeler ce qui a été dit
sur la chaux martiale , qui colore en rouge
le marbre de Campan et le porphyre an-
tique.
A l’égard du jade, on ne peut pas em-
ployer le même moyen pour expliquer
sa résistance à l’acide de vitriol 5 mais ne
peut-on pas l’attribuer non-seulement à la
DE QUELQUES TUERRES VITRfiSClBLES. 1 65
très petite quantité de fer qui le colore ,
mais encore à la manière intime dont ce
fer est combiné avec la pierre vitrescible,
qui , couvrant la matière colorante en
tout sens , l'empêche de se prêter à
l’action des acides ?
Le jaspe yert contient de la terre d’alun,'
de P argile et du fer , qui , en tenant les
parties de la pierre vitrescible écartées
les unes des autres , donnent à l’acide
vitriolique le moyen de s’unir à tout ce
qui est soluble, et de former de l’alun et
du vitriol de mars ; car il est bon de noter
que, si dans la vitriolisation du jaspe
yert , rapportée ci-dessus , je n’ai obtenu
qu’une très- petite quantité de ces deux sels,
on en doit attribuer la cause à ce que l’é-
chantillon ayant été employé en un seul
morceau , ne présentoit à l’acide que le
moins de surface possible. Si donc on vou-
loit pousser la vitriolisation de cette pierre
aussi loin qu’elle pourvoit aller , je conseil-
lerois de la réduire en poudre fine ; alors
les surfaces multipliées offriroientle moyen
d’en retirer tout le fer , et toute la terre
alumineuse qui peuvent y être contenus..
i66
EXAMEN
Examen de deux pierres nouvellement
envoyées des montagnes du Dauphiné ,
par Villar.
J’ai déjà donné , dans mon deuxième
mémoire, l’analyse de deux marbres mé-
langés de schiste et de pierre vitrescible ;
je vais encore en citer deux pour exemple,
dont l’un sur-tout a un rapport immédiat
avec les pierres dont il est question dans
ce quatrième mémoire. C’est encore d’Au-
benton qui m’a procuré les échantillons
sur lesquels je fais mes expériences , et
c’est à Villar, botaniste très-connu, que
les naturalistes sont redevables de la décou-
verte de ces deux pierres qui , par la sin-
gularité de leur composition , ne peuvent
manquer d’intéresser ceux qui s’occupent
de lithogéognosie.
Le travail que j’ai commencé sur ces
pierres n’est pas encore 'porté à sa fin ,
mais il est assez avancé pour pouvoir pro-
noncer sur leur composition.
La première est un marbre mixte qui a
une disposition singulière à se fendre en
long à la manière du bois , ce qui pour-
roitla faire prendre pour du bois pétrifié.
DE QUELQUES rïERRES VITRESCïRLES. l6/
6*i on ne l’observoit que légèrement : un
Je ces morceaux poli dans toute sa lon-
gueur , offre aux yeux un marbre rayé de
blanc et de gris.
Les bandes blanches sont du marbre
blanc qui contient quelques fragrnens de
quartz $ les bandes grises sont composées
de schiste , de pierre calcaire et de menus
cristaux de quartz ; le fer ne m’a pas paru
jusquhci s’y trouver $ les cristaux de quartz
sont d’ailleurs en si grande abondance dans
la partie schisteuse , qu’avant le poli on la
prendroit, à l’œil et au tact, pour un grès.
Si on frappe les bandes grises avec le bri-
quet , on en tire fréquemment des étin-
celles 5 mais il n’en est pas de même des
bandes blanches , à moins que le hasard ne
fasse rencontrer quelque portion de quartz.
Les acides de nitre et de sel marin atta-
quent cette pierre avec vivacité , et bientôt
les bandes blanches sont détruites ; les
grises , au contraire , quoiqu’elles aient
souffert l’action de l’acide , paroissent
subsister dans leur entier ; mais si on les
touche , elles se brisent en se réduisant
partie en poudre , partie en sablon très-
fin. Si , au contraire , on opère avec pré-
L 4
\
1 68
EXAMEN
caution , et qu’on ait exposé à l’acide un
morceau de cette pierre , pesant au moins
une once, on s’apercevra d’un effet assez
remarquable de la terre schisteuse sur le
squelette de cette pierre qui , quoique
privée de toute la terre calcaire dont elle
étoît accompagnée, conserve cependant la
forme d’aiguille j usque dans ses plus petites
divisions.
La partie qui constitue les bandes grises
a , comme on le voit, souffert un dérange-
ment considérable dans son aggrégation :
l’acide y ayant trouvé de la terre calcaire
disséminée entre les grains de quartz et
le schiste, en a fait la dissolution (1) , et
il n’est resté d’intact que les deux der-
nières substances qui, foiblement unies
l’une à l’autre, conservoient encore la pro-
priété de se fendre en long, que nous
avons observée dans la pierre avant que
son aggrégation ait été dérangée par l’acide
dont l’action tumultueuse a aussi produit
le déplacement de l’air et de l’eau, que
nous savons être l’un et l’autre la princi-
er D’après une expérience constante, on peut soup-
çonner dans ce schiste . de la terre d’alun et de sel de
* 7
Sedlitz qui auront également été dissoutes.
DE QUELQUES TIEERES VTTRESCïBLES. î 6<)
pale cause de toute lapidification calcaire.’
La seconde pierre, quoique tirée dans
le voisinage de la première , en diffère
cependant à bien des égards. Nous avons
observé que la première se fendoit avec
facilité en longues aiguilles $ l’autre , au
contraire , a de la disposition à se diviser
par lames ; la première , pour tout dire en
un mot, est un marbre mixte , tandis que
la seconde , à en juger d’après les échan-
tillons que j’ai sous la main, est d’une
composition si compliquée, que je ne crois
pas qu’on puisse l’appeler marbre ; à la
vérité elle contient, dans quelques-unes de
ses parties , plus de la moitié de son poids
de pierre calcaire ; mais aussi il en est tant
d’autres où les grains quartzeux, mêlés de
schoerl noir , de schoerl vert et d’un, peu
de mica , s’y rencontrent en si grande
. abondance , qu’ils masquent le peu de terre
calcaire qui y est disséminée , au point de
ne permettre pas à l’œil de l’observateur,
de faire soupçonner qu’elle y soit recélée.
Le mélange des différentes matières dont
cette pierre est composée , n’est donc pas
uniforme ; là , le schoerl noir se rencontre
abondamment ) ici, la loupe n’en laisse
EXAMEN
I70
Apercevoir que quelques parcelles j tantôt
le sclioerl vert est le dominant, tantôt c’est
le noir • la même variété se rencontre dans
les grains quartzeux. Quant à la terre cal-
caire , elle est quelquefois répandue dans
la pierre en cristaux spatliiques, quelque-
fois aussi elle y est rassemblée en masse con-
tinue , enfermée entre deux couches du
mélange précédent. Un échantillon d’en-
viron trois pouces de long, sur un pouce
et demi de largeur , étoit traversé dans son
milieu par une bande de marbre spathique
d’environ trois lignes d'épaisseur : on voit
dans cette portion vraiment calcaire et
colorée en rouge très-léger, quelques petits
cristaux de schoerl vert répandus çà et là
entre les cristaux spatliiques, qui est la
forme sous laquelle la terre calcaire se ren-
contre constamment dans le morceau dont
je parle.
Au reste , cette pierre se prête facile-
ment à l’analyse , et l’acide de nitre ou da
sel marin en dissolvant la terre calcaire, le
fer ( car celle-ci en contient) , et les autres
substances sur lesquel! es il peut agir, sépare
les grains de quartz, les schoerls , et le
mica 5 ce qui , sans attendre de nouvelles
DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES.' 171
expériences sur la nature des autres terres
que l’acide vitriolique nous fera conrioître,
suffit pour nous prouver qu’il y a dans le
globe des mélanges où les détritus de granit
. sont confondus avec la terre calcaire et la
terre argileuse.
CONCLUSION.
En analysant , par la voie des combinai-
sons, les pierres vitrescibles mixtes, nous
les voyons composées de terre vitrescible ,
proprement dite, de terre argileuse , de
terre d’alun , de terre de sel de Sedlitz , d’un
peu de fer et de terre calcaire. Ce mélange ,
diversifié par les proportions de chacune
des substances que je viens de nommer ,
forme les porphyres , les ophites, etc.
Les granits , quoique fort durs , sont
cependant plus fragiles que l’ophite et le
porphyre 5 la raison en est bien simple,
cette pierre qui ne contient que peu ou
point d’argile se rapproche des grès par sa
manière d être agglomérée \ les cristaux de
quartz , de feldspath, de sclioerl , les pail-
lettes <fe mica dont elle est composée , ne
se trouvant pas enfermés dans un ciment
lapidifié, n’ont point entr’eux cette collé-
EXAMEN
172
rence que l’on remarque entre les parties
constituantes de l’ophite et du porphyre 5
aussi voyons-nous les granits subir une
décomposition spontanée beaucoup plus
prompte que celle des deux autres pierres (1).
En effet, dans le porphyre, dans l’ophite
antique , et dans le granitelle de la vallée
d’Aspe , les portions de quartz , de feld-
spath sont entourées d’un ciment de terre
vitrcscible et de terre argileuse , qui en se
combinant l’une avec l’autre, ont pris une
forte consistance , ce qui a donné à la
masse ce plein et cette cohérence de parties
qui feront toujours distinguer ces pierres
d’avec les granits.
La matière que j’appelle le ciment de
l’ophite et du porphyre , a un rapport très-
(1) Cette décomposition aura été aperçue de tous
ceux qui auront parcouru des bandes de granits. Lors-
qu’on entre dans la chaîne des Pyrénées , et qir’on
s’approche des montagnes graniteuses , on rencontre
fréquemment dans le fond des vallées des masses
isolées de granit, devenu si friable, qu’on peut, en
un instant, à l’aide d’un couteau ou même d’un
bâton, y faire un trou de plusieurs pieds de diamètre,
et dont la jrrofondeur ne sera terminée qu’à la ren-
contre du noyau central qui n’a pas encore éprouvé
d’altération.
DE QUELQUES PIERRES VITRES CIBLES. Ij3
sensible avec le jaspe vert, qui, s’il étoit par-
semé de cristaux de quartz ou de feldspath,
formeroit un porphyre vert ou un ophite.
Je l’ai déjà dit, les Pyrénées çi) ne sont
en général formées que de trois pierres,
schiste ou pierre argileuse , marbre ou
terre calcaire , granit ou terre yitrescible.
(i) C’est toujours dans ces montagnes que je vais
chercher mes preuves ; j’ai moins bien observé les
Alpes françaises , la Haute-Auvergne , lellouergue,
le Haut-Limousin , les Cévennes, que les Pyrénées ,
pour lesquelles j’ai toujours eu une prédilection qui
me sera pardonnée même par ceux qui n’auront fait
que les apercevoir. D'ailleurs , cette chaîne offre au
naturaliste un morceau , peut-être unique dans le
globe , en ce que dans une étendue de plus de quatre-
vingts lieues , et une épaisseur de vingt, sur une éléva-
tion de plus de quinze cents toises, on ne rencontre pas
le moindre vestige de volcan , et qu’on n’y voit point
de ces énormes affaissemens qui bouleversent tout, et
ne laissent à l’observateur que le triste spectacle d‘un
chaos où il ne peut rien apprendre sur la formation
du grand édifice dont il ne voit plus que les dé ombres.
Je le répète encore, c’est dans la chaîne des Pyrénées
qu’il faut aller prendre des leçons sur la formation des
montagnes ; et peut-être qu’après les avoir bien étu-
diées, on sera tenté d’attribuer leur inclinaison à une
toute autre cause que celle qui paroît aujourd’hui
généralement adoptée par les naturalistes.
E X A M E K
1 74
Les deux premières, le schiste (i) et le
marbre forment alternativement des cou-
ches qui m’ont paru , à l’égard du marbre,
avoir quelquefois plus d’une demi-lieue
d’épaisseur.
Or , quelle sera la partie de cette épais-
seur où on pourra trouver les marbres que
j’ai appelés mixtes, tels que les cipolins ,
les amandolins , le campan , etc. r Ce ne
sera ordinairement pas vers le centre qui
est presque toujours un marbre simple
ou blanc , ou foiblement coloré ; mais on
sera sur de les rencontrer vers le lieu où
les surfaces des deux couches sont en con-
tact; c’est là que se sont faits les mélanges
qui, par la succession des temps, ayant
pris la consistance et la dureté que nous
connoissons aux marbres mixtes, ont,
pour ainsi dire , fait une soudure qui unit
(i) On entend communément par le schiste, toute
pierre qui a la propriété de se fendre en lames ou
feuilles , par exemple , les ardoises. Je généralise
davantage ce nom ; je le donne à toutes les pierres
argileuses , soit qu’elles se fendent en lames , soit
qu’elles se fendent en prismes, ou sous toute autre
forme, pourvu qu’elles aient une régularité constante
dans leurs fractures.
DE QUELQUES PIERRES VIT RESCI BLES . 1*5
en beaucoup d’endroits la couclie de schiste
avec la couche de marbre.
A l’égard des granits, je ne crois pas
qu’on puisse leur appliquer ce qui vient
d’être dit : tout semble prouver que dans
les Pyrénées cette pierre est la base sur la-
quelle les couches de marbre et de schiste
se sont formées.
Il n’est cependant pas rare de rencontrer
des mélanges de granit et de schiste; on
trouve , en effet , dans les couches de
cette dernière pierre , des masses schis-
teuses parsemées de grains de quartz , de
mica , et peut-être aussi , de feldspath.
Les ophites antiques , le granitelle de la
vallée d’Aspe , sur-tout , sont des pierres
dans la composition desquelles on retrouve
les mêmes cristaux ; mais ces mélanges
n’ont rien de surprenant , quand on consi-
dère que la mer, en détruisant les rochers
graniteux qu’elle couvroit , en détachoit
continuellement les grains dont ils sont
composés, et en formoit une sorte de sable
ou menu gravier qui ne tardoit pas à se fixer
dans la boue argileuse , déposée au pied
et sur le talus des montagnes de granit.
O O
On trouve aussi quelquefois de la pierre
176 examen
calcaire dans les mélanges de scliiste et de
pii rre vitrescible • des détritus de granits
ont été portés dans des boues argileuses
et calcaires, ce qui, par succession de
temps , a formé des marbres composés de
trois substances : j’ai cité dans mon second
mémoire sur les pierres , pour exemple ,
un cipolin de l’ancien Autun , un marbre
polizone d’Italie, pareil à celui dont sont
faites les colonnes qui décorent le maître-
autel de l’église de Saint-Gerinain-des-Prés$
j’ai ajouté dans ce quatrième mémoire deux
autres exemples , l’un d’un marbre schis-
teux , dans lequel il se rencontre beau-
coup de petits cristaux quartzeux , l’autre
d’un marbre composé de grains de quartz,
de schoerl , de terre calcaire , etc.
Ces différentes pierres , ainsi que les
porphyres , les ophites antiques , le gra-
nitelle de la vallée d’Aspe , sont des
pierres de seconde, et peut-être même de
troisième formation ; ce ne sont que des
mélanges faits , en des proportions diffé-
rentes , de toutes les matières déposées par
la mer dans les parties de son vaste bassin,
que des circonstances ayoient rendues
propres à les fixer,
La
jDE QUELQUES PIERRES VITRESCIELES. ï; 7
La mer , quelle que soit son agitation ,
ne fait, dans son fond , que glfsser sur les
dépôts terreux que même elle affermit par
son poids , tandis qu’elle paroî t aux yeux
de celui qui la contemple , employer toutes
ses forces contre les rochers qui s’opposent
à ses courants ; elle détacha donc des blocs
de granit qui, roulant à travers les ondes
sur le talus de la montagne dont ils fai-
soient partieun instantaupa rayant, ailoienC
s’enfoncer dans des dépôts qui nous pa-
roissent aujourd'hui très-éloignés des pics
graniteux. Or, ces blocs, dont quelques-uns
sont d’une grosseur énorme , sont ceux
que nous rencontrons enfermés dans' les
couches schisteuses, tantôt plus, tantôt
moins profondément, en raison de l’époque
de leur chiite (1).
Je finis par une réflexion sur les granits
proprement dits, regardés comme pierre
de première formation , et comme faisant
la base du globe.
On a dû être bien moins étonné de
trouver dans les granits analysés , le fer
(i) J’ai eu occasion de voir de ces blocs enfermes
dans le schiste à des profondeurs de trois à quatre centa
toises.
Tome IL M
1 7 S EXAMEN
et les terres qui servent de base à l’alun
•A
et au sel de Sedlitz , que d’y rencontrer
la terre calcaire qui, par sa présence ,
semble contredire le système adopté sur
l’origne de cette même terre , ou du
moins celui qu’on a établi sur la formation
du granit.
J’avoue que les expériences qui m’ont
fait reconnoître la terre calcaire dans ce
genre de pierres , demandent à être ré-
pétées sur d’autres échantillons. Ceux que
j’ai examinés provenoient des ruines de
l’ancien Autun. Employés par les Romains
à la décoration de leurs grands édifices ,
ils ont été fixés aux autres pierres par un
ciment fait avec la chaux $ d’ailleurs , en-
fouis pendant une douzaine de siècles
sous des décombres, ils ont pu s’imprégner
de quelques portions de terre calcaire qui
se seront introduites dans des gerçures.
A l’égard de celui de Sémur, qui a aussi
donné un peu de sélénite , on doit égale-
ment avoir quelques doutes sur sa pureté.
Le morceau qui in’a été donné pou voit avoir
resté long-temps à la superficie de la terre ,
et avoir reçu de l’atmosphère quelque subs-
tance calcaire 5 que sait-011 ? En fait d’expé-
DE QUELQUES PIERRES VITRESCIBLES. 179
rlences , il faut toujours se tenir sur ses
gardes. Combien de procédés ont réussi
une , deux et trois fois , qui n’ont eu aucun
succès à la quatrième > que dis-je , a la
dixième, et par conséquent qu’il a fallu
regarder comme nuis.
Il est , sans doute , intéressant pour
l’histoire naturelle , de constater si tous
les granits contiennent de la terre calcaire,
ou n’en contiennent pas Je souhaite que
des chimistes versés dans le manuel ,
veuillent concourir à vérifier l’affirmative
ou la négative $ je vais , de mon côté , me
procurer des échantillons, qu’on ne pourra
pas suspecter , et faire tous mes efforts
pour découvrir la vérité d’un pareil fait (1).
(1) Dans ce mémoire j’ai parlé du schoerl , sans
rien dire de sa composition $ mais puisque l’occasion
s’en présente , je crois devoir annoncer qu’ayant
exposé à l’action de l’acide vitriolique , 2 onces
d’un schoerl du Limousin qui est d’une couleur noire
foncée , en masse pleine et parsemée de quartz blanc ,
la vitriolisation s’est faite très-aisément , et que par ce
moyen , il a été retiré 7 gros et demi d’alun sali par
un peu d’ocre , en sorte que 2 onces de ce schoerl
contiennent près de 2 gros de terre alumineuse et une
très-petite portion de fer.
M a
OBSERVATIONS
V
180
PROCÉDÉ
J? ar lequel j 3 ai obtenu } en 1777, de V acide
nitrique , en traitant la manganèse seule
élans les vaisseaux fermés ,
PREMIERE OPÉRATION.
Q
u e l’on mette 2 onces cle manganèse
pulvérisée dans une petite retorte de verre
lutée, et qn’on y adapte un petit récipient ,
bientôt 011 apercevra des gouttes d’eau
qui se succéderont de loin en loin 3 on
pourra compter jusqu’à 60 ou 70 , entre
la première et la seconde , et même la
troisième 3 si l’on augmente le feu, on ne
comptera plus que 5o , 4° » 3o , 20 , enfin
18. Déjà/instruit par mes précédens tra-
vaux que la serpentine ollaire ainsi traitée
m’avoit donné des preuves certaines qu’on
pouvoir en tirer de l'acide marin , je rece-
vois de temps en temps , sur du papier à
sucre , les gouttes d’eau que me fournis-
soit la manganèse 3 et sur la fin de la dis-
tillation , j’observai que la couleur du
papier étoit détruite par la chute d’une
1
SUR LA MANGANÈSE. 1 S l
seule goutte d’eau : telle fut ma première
opération.
SECONDE OPÉRATION.
Ayant introduit dans une petite retorte-
de verre 4 onces de la même manganèse >
(c’étoit toujours celle du Feliombourg ,
dans la Lorraine allemande) ; j’adaptai au
bec un tube de verre, recourbé à-peu-près
à angle droit; cet appareil ainsi disposé,
j’introduisis dans la courbure du tube
environ une demi-once d’eau distillée , et
légèrement alkalisée par quelques gouttes
de déliquium d’alkali de tartre.
Tout étant disposé le feu fut allumé et
poussé au degré nécessaire : le fluide aéri-
forme (car c’est ainsi qu’on l’appeloit en
1 777 ) passoit ou se filtroit à travers l’eau
alkalisée ; l’eau qui distilloit s’y mêloit.
Mon objet étant de saturer l’alkali que
j’employois , dès que je m’aperçus que les
bulles qui se formoient dans la liqueur qui
remplissoit exactement la courbure du
tube , ne se succédoient que de loin en
loin , je laissai tomber le feu , et dès que
l’appareil fut refroidi , je substituai uns
- autre cornue également chargée de 4. onces.
Ü M 3
i82 OBSERVATIONS
de manganèse, à celle qui étûit adaptée ara
tube , et j’ai procédé à une nouvelle distil-
lation 5 j’allai même jusqu’à en faire une
troisième , tant j’avois à cœur de saturer
l’alkali fixe contenu dans la demi -once
d’eau qui est dans le tube.
Donze onces de manganèse ayant été
employées dans cette opération , il ne res-
toit plus qu’à vérifier l’état où se trouvoit
l’alkali qui de voit, selon moi , avoir absorbé
tout l’acide contenu dans les J2 onces de
manganèse. L’eau du tube fut en consé-
quence versée dans une petite capsule de
verre ; son goût annonçoit que l’alkali
étoit bien éloigné d’être saturé. N’importe ,
je procédai sur-le champ à son évaporation
au bain-marie , et lorsque je la jugeai assez
rapprochée, je l’abandonnai à elle-même,
et vingt- quatre heures après j’aperçus sous
la liqueur des aiguilles longues et minces ,
dont le poids , si je l’ai bien évalué , ne me
paroissoit être au plus que de 2 ou 3 grains j
j’en retirai quelques unes , qui , mises sur
du charbon allumé , fusèrent vivement ,
et ne me laissèrent aucun doute sur leur
nature.
J’ai répété cette expérience sur la man-
1
I
SUR ï. A M A N G A N È Se. l83
ganèse d’Angleterre et sur celle du Maçon-
nais , et j’ai constamment obtenu les mêmes
résultats.
-PROCÉDÉ
Employé dans la Suabe pour faire le sel
d’oseille .
Le sel essentiel d’oseille, tant qu’il ne
fut employé parmi nous que pour enlever
les taches d’encre , étoit un objet de con-
sommation peu important ; mais , depuis
une vingtaine d’années qu’011 a commencé
à en faire des boissons acidulés , très-
agréables et très-salutaires , cette consom-
mation , ainsi que le prix de ce sel , ont
doublé.
Cependant aucun de nos compatriotes
n’a jusqu’ici tenté d’en former une fabrique
qui , sans être la source d’une grande ri-
chesse , produiroit du moins à celui qui
l’établiroit , un profit très*lionnête.
L’Allemagne continue donc à nous four-
nir tout le sel d’oseille que nous consom-
mons 5 c’est une branche de commerce
pour la Suabe , et principalement pour le
canton que nous connaissons sous le nom
M 4
l84 P R O C à Dt B
de -Foret’ Noire. Là , ce sel est préparé par
de simples paysans ; ce qui ne nous éton-
nera pas, si nous voulons porter nos ré-
liexions sur la fabrique de la plus précieuse
et la plus recherchée de toutes les liqueurs ,
sur le vin.
Leshabitans de la Foret-Noire qui se sont
adonnés à extraire ce sel , le portent à
Laie, ville très-commerçante et située dans
leur voisinage ; ils le vendent aux maté-
rialistes qui , à leur tour , nous le font
passer ; en sorte que nous l’achetons de
la seconde main , ce qui augmente encore
le prix.
L’importation de ce sel en France n’est
pas pour l'Etat une affaire de grande con-
séquence ; mais , à moins d’une nécessité
absolue , peut-on laisser sortir du royaume
la plus petite somme d’argent? Non sans
doute , et nous croyons que l’importation
du sel d’oseille , ne coûtât-elle à la France
que dix mille livres par an , doit être non
pas prohibée , mais rendue nulle par l’éta-
blissement de quelques usines où on le
fabriqueroit.
De pareils établissemens seroient peu
coûteux et d’un produit assuré , sur-tout
du sel d’ o s n u e; i85
si les particuliers qui les forineroient ,
étoient assez sages pour proportionner leur
fabrique à la consommation.
Ce n’est pas aux artistes de Paris que
j’adresse ma proposition ; ils en sentiront
facilement la raison , en voyant les détails
du procédé usité chez les habitans de la
Forêt-Noire ; mais rien ne peut empêcher
les pharmaciens de quelques villes de
province de se livrer à ce genre de travail
qui , ne les occupant que deux ou trois
mois de l’année , pourroit cependant leur
ouvrir une petite branche de commerce ,
qui les aideroit certainement à soutenir
les dépenses de leur maison. C’est sur-tout
à quelques-uns de ceux qui sont établis
dans les environs de la capitale , ou s’en
fait la plus grande consommation , qu’il
convient de penser à former rétablisse-
ment que je prends la liberté de leur pro-
poser.
Tel est le premier et principal motif qui
m’engage à faire part au public du procédé
que j’annonce ; mais il en est un autre.
Les chimistes français , ceux sur-tout
qui ont publié depuis peu des ouvrages
sur leur art , ont plus que des soupçons
l86 PROCÉDÉ
sur le sel d’oseille que nous tirons d’Alle-
magne. Sans doute que , considérant la
petite quantité de sel qu’ils auront obtenue
avec peine et grands frais , en travaillant
sur L’oseille cultivé dans nos jardins ou sur
quelques poignées d’oxitriphillum ramas-
sées dans nos forêts , ils n’ont pu se per-
suader que le sel essentiel d’oseille qu’on
nous envoie de Suabe , fût extrait des
plantes qui portent ce nom ; et avec d’au-
tant plus de raison , selon eux , que le
prix auquel il se vend ne répond point du
tout aux frais qu’on est obligé de faire ,
lorsqu’on essaie d’en fabriquer dans son
laboratoire.
Ces réflexions ont donc porté la plupart
de nos chimistes à regarder le sel d’oseille,
non pas comme urj produit de la nature ,
mais comme un ouvrage de Fart , enfin
comme une sophistication.
Il seroit très -facile de répondre à ces
objections , mais ce seroit disserter inuti-
lement, puisque le procédé que je vais
donner , en levant tous les doutes , nous
fera connoître la vérité.
Mais nous ne pouvons nous empêcher
de faire observer à notre tour , que la
J
DU S E X D* OSEILLE. 187
crème de tartre , ou , ce qui est la même
chose, que le sel essentiel du raisin purifié
que nous tirons du bas Languedoc à très-
bas prix, ne pourroit être fabriqué dans
nos laboratoires , en le prenant dans le
raisin même , qu’en dépensant peut-être
deux louis d’or pour en obtenir une livre.
La chimie doit sans doute éclairer les
arts , mais elle ne doit jamais conclure pour
les dépenses du petit au grand.
J’ai cité l’exemple de la crème de tartre,
parce que ce sel essentiel du raisin a tant
de rapport chimique avec le sel essentiel
d’oseille , qu’on peut présumer que la fa-
brique de l’un doit être celle de l’autre ; et
c’est ce qui est en effet , comme nous
l’allons voir.
Procédé pour extraire et purifier le sel
essentiel d’oseille , communiqué par
Baunach , pharmacien en chef de l’hô-
pital militaire de Brest.
Ce sel se tire principalement de l’oseille,
connu des botanistes sous la dénomination
de JRumex acetosa foliis safttitis , (L'n.)
On la seme au mois de mars , dans de
vastes champs bien disposés par des la-
lbb PROCEDE
bours, à en recevoir la graine. La plante
croît avec promptitude,, et acquiert assez
de vigueur pour être coupée au mois de
juin ; on la fauche à cette époque , et tout
de suite elle est transportée sur des voitures
et déposée dans la fabrique.
Dans cette fabrique est disposé un mortier
de bois , de forme carrée , fait de gros
madriers bien joints et assujétis par des
cercles de fer : la partie inférieure ou le
fond de ce mortier , est composé de mor-
ceaux de bois très-solides et très-épais -, on
a pratiqué , sur un des côtés en joignant
le tout , une ouverture , une sorte de petite
porte qui ferme exactement j nous en indi-
querons l’usage dans un moment : au reste
la capacité de cette espèce de mortier est
telle qu’il peut contenir environ trois cents
pintes mesure de Paris.
Au-dessus de ce mortier s’élève un s;ros
pilon de bois , de dix à douze pieds de
long , et d’une épaisseur proportionnée à
la grandeur du mortier ; il est fait et dis-
posé de manière à toucher et à écraser la
matière qui doit être exposée à son action.
Ce pilon est emmanché à une autre pièce
de bois de vingt pieds de long sur dix à
DU SEL d’0SEILLE. ittcj
douze pouces d’équarrissage ; ce qui donne
la forme d’un marteau , dont en effet il
porte le nom.
Cette pièce de bois , ou , si l’on veut , ce
manche de marteau est soutenu ver-s son
milieu sur une colonne de bois échancrée $
c’est sur ce point d’appui que le marteau
se trouve en quelque sorte en équilibre.
L’extrémité du manche de ce marteau
est disposée de manière à recevoir l’impres-
sion et le mouvement que doit lui donner
l’arbre d’une roue mue par l’eau courante,
sur le bord de laquelle est construis la
fabrique.
Cet arbre est armé d’une forte cheville,
qui , à chaque révolution de roue, s’appuie
sur l’extrémité du manche du marteau , le
fait baisser, et du meme coup élève le pilon
qui ne tarde pas à tomber sur la matière
contenue dans le mortier.
Cet appareil étant bien disposé , ou
charge • le mortier d’oseille récemment
cueillie 5 on lève la vanne du moulin , et
dans l’instant l’eau met la roue et le pilon
en jeu.
Lorsque l’oseille est suffisamment écra-
sée , on arrête la roue , et l’on fait sortir
V n o c è d è
Jÿo
par la petite porte dont nous avons parle ,
le suc et le mare de la plante , qu’on reçoit
et dépose dans des cuves de bois ; on
remplit le mortier d’oseille , et l’on fait de
nouveau jouer le pilon , travail qui se
continue jusqu’à ce qu’on ait réduit en
une sorte de pulpe toute l’oseille récoltée.
Le suc et le mare obtenus étant mis dans
des cuves , on y ajoute une certaine quan-
tité d’eau fraîche , et on laisse macérer
pendant quelques jours , après lesquels on
soumet le tout à l’action d’un pressoir dont
l’atej er est muni : ce pressoir ne diffère
point de ceux qui sont en usage pour le
raisin.
Le suc d’oseille , quelque abondant qu’il
paroisse , ne suffit pas pour tenir en disso-
lution tout le sel essentiel contenu dans
cette plante : c’est pourquoi nous venons
de voir que les fabricans y ajoutoient de
l’eau : mais, non contents de cette première
addition , ils reportent dans le mortier le
mare exprimé , et le pilent de nouveau , en
y mêlant à-peu-près autant d’eau que
l’oseille verte en contient naturellement -
ils expriment une seconde fois , et ne cessent
ces opérations alternatives, que lorsqu’ils
B IX SEL B* O S E I X X E. I<jl '
s’aperçoivent que le mare ne contient plus
de parties extractives.
Tout le suc obtenu par les expressions
ci-dessus mentionnées étant légèrement
chauffé et rassemblé dans une grande
cuve , on y ajoute de l’eau dans laquelle
on a délayé de la terre argileuse très-fine ,
très blanche et sur-tout très-pure ( on met
ordinairement vingt livres de cette argile
blanche , sur douze cents pintes de suc ) :
on agite le tout et on le laisse en repos ;
vingt quatre heures suffisent pour clarifier
la liqueur : alors on la décante ; on jette
sur des filtres d’étoffe de laine la matière
déposée dans le fond des cuves , et on la
laisse bien égoutter.
Ce dépôt, qui est un mélange de parties
terreuses et résineuses , ainsi que la portion
la plus tenue du parenchyme de la plante ,
s’il est bien lavé , ne contient plus de sel
essentiel $ si on le brûle , on n’en retire
pas un atome d’alkali fixe.
Le suc d’oseille étant clarifié , ainsi que
nous venons de le dire , est porté dans de
grandes chaudières de cuivre étamées ,
dans lesquelles on le fait bouillir très-
légèrement , et évaporer jusqu’à ce l’on
I92 Procédé
voie paroître un commencement de pelli-
cule à la surface ; à ce moment , on le
verse dans des terrines de grès , qui con-
tiennent environ seize pintes ; ces terrines
sont posées dans un lieu frais , où elles
restent sans agitation pendant un mois ;
on décante alors la liqueur , et l’on trouve
les parois de ces terrines couvertes d’un
sel irrégulièrement cristallisé , et d’une
couleur grisâtre.
La liqueur décantée , soumise à une
seconde et troisième évaporation , donne
encore des cristaux , on va même jusqu’à
une quatrième , si on la croit nécessaire ;
et on a l’attention d’ajouter à chaque éva-
poration un peu d’argile délayée , et de
passer ce suc par le filtre de laine dont nous
avons parlé.
Lorsque la liqueur refuse de donner du
sel essentiel , elle se trouve dans un état
d’eau-mère qui contient une assez grande
quantité de sel de Silvius , et un peu de
tartre vitriolé ; elle est encore acide et
fait effervescence avec l’alkalifixe, ainsi
qu’avec la craie.
Le sel obtenu par les différentes évapo-
rations étant réuni, on procède à sa puri-
iication :
T> U SEL d' OSEILLE. I
fication : pour y parvenir , on le fait dis-
soudre clans une suffisante quantité d’eau 5
on fait évaporer , on filtre et on obtient
un sel très-pur , très-blanc et bien cristal-
lisé , tel enfin que celui que nous tirons do
la Forêt-Noire.
Ce sel peut également être extrait de
l’oxitriphillum ou alléluia • mais quoique
cette plante croisse spontanément dans les
forêts, et soit assez commune , elle ne peut
cependant pas suffire à la consommation
qu’on fait du sel d’oseille ; ce qui proba-
blement a engagé les habitans de la Forêt-
Noire à cultiver la plante très-acide appelée
liumex acetosa foliis sagittalis .
Baunacli , qui a suivi avec exactitude le
travail du sel d’oseille , m’assure qu’ayant
fait une pesée de deux mille livres de cette
dernière plante , et que l’ayant soumise à
toutes les opérations dont nous avons rendu
compte , il en a retiré i5 livres 10 onces
de sel essentiel bien pur, io gros 7 onces
cle sel de Silvius , 6 gros 68 grains de tartre
vitriolé, 5oo livres d’extrait de bonne con-
sistance , et que le mare bien exprimé
pesoit mille livres : en sorte que l’eau de
végétation des deux mille livres du r uni ex
Tome II. N
I(j4 PROCEDE
acetosa foliis sagittatis peut être évaluée
à quatre cent quatre-vingt-quatre livres ,
compris ce que l’extrait et le mare en
contenoient encore.
Enfin par une réduction de deux mille
livres à une livre , il résulte qu’une livre
de cette plante donne
1 gros de sel essentiel pur ,
4 grains de sel de Sylvius ,
J de grain de tartre vitriolé ,
4 onces d’extrait.
Le procédé qui vient d’être décrit est
plus que suffisant pour détromper les chi-
mistes auxquels il resteroit des doutes sur la
nature du sel d’oseiile , fabriqué dans la
Forêt-Noire. Je le répète , ce sont de bons
et simples villageois qui le préparent 3 toute
sophistication leur est inconnue ; ils cul-
tivent la plante dans un , deux ou trois
arpens , plus ou moins , suivant leurs
moyens : l’un en fait quinze livres , un
autre trente livres , uti troisième cinquante
livres; ils ne se donnent pas tant de peine,
et n’ont pas des ateliers tels que celui que
nous avons décrit, pour faire un faux sel
d’oseille ; les manœuvres de cette espèce
sont réservées à des gens qui sont bien
DU SEL d' O S E I L L £. X(j£
éloignes de fixer leur séjour dans des vil-
lages ; les villes seules , et sur-tout les
grandes villes , leur sont bien plus favo-
rables ; c’est-Ià que les hommes cupides ,
dirigés par un vil intérêt, peuvent déployer
leur malheureux talent dans tous les iienrcs
O
de sophistication , et tromper le public de
mille manières.
Mais le collège de pharmacie , dont les
vues sont principalement dirigées vers le
bien général , reconnoissant pour première
loi de son régime , celle que dicte l’hon-
neur, se fera toujours un devoir de dévoiler
et de repousser toute sophistication : c’cst
ce dont nous prions nos concitoyens d’être
bien persuadés.
On parle déjà d’un prétendu sel , fait en
distillant de l’acide nitreux sur du tartre
vitriolé , qui, dit-on , peut suppléer le
véritable sel d’oseille : j’ignore ce que
c’cst ; mais le collège de pharmacie , dont
l’ambition sera toujours de mériter la
Confiance du public , ne présumera jamais
qu’aucun de ses membres puisse en tenir
de semblable dans son officine.
j
N 2
LETTRE
i
Sur le Sel d’oseille.
P * * * veut Lien se charger de vous
remettre la dissertation sur le sel essentiel
d’oseille , que vous m’avez communiquée.
J’y ai joint le procédé dont je vous ai parlé
avant mon départ de Paris , et que j’ai
promis de vous donner aussitôt que j’au-
rois un moment de loisir.
Les bornes d’une lettre ne me permettant
pas de m’étendre sur l’éloge que mérite
Savary , auteur de cette dissertation , je
me contenterai de vous indiquer les deux
paragraphes qui ont donné lieu au procédé
dont je vous fais part, et que je soumets à
votre jugement.
Savary ayant traité de différentes ma-
nières le sel essentiel d’oseille , soit celui
qu’il avoit tiré lui-même de P oxitriphiLlum ,
soit celui du commerce qui se fabrique en
Suabe et en Suisse, sa patrie, nous apprend
que c’est à tort que nous soupçonnons ce
dernier d’être sophistiqué ; il nous assure,
au contraire, qu’il est yrai etpur sel d’oseille.
^LETTRE SUR ER SEL D’OSEILLE.' 1
S ... a distillé le sel d’oseille ; et ce qui
resta dans la cornue étoit un pur alkali vé-
gétal qui , laissé à l’air libre , tombe en
deliquium (§. X, pag. 1 4)*
Il a aussi traité ce sel , comme Duliamel
et Grosse avoient traité la crème de tartre
en 1752 ( voyez Académie des sciences ,
volume de 1702 , pag. 54o ) ; c’est-à-dire,
qu’il l’a exposé à l’action de l’acide vitrio-
lique et de l’acide nitreux ; mais ces acides
n’ont point opéré la décomposition du sel
d^oseille , comme ils opèrent celle de la
crème de tartre : il n’a eu ni tartre vitriolé,
ni salpêtre régénéré 5 il a , au contraire ,
retiré son sel essentiel pur et sans altéra-
tion : car il n’ose , dit-il , donner le nom
de tartre vitriolé à quelques cristaux qu’il
a obtenus par une seconde cristallisation ,
malgré le goût amer qu’ils imprimoient sur
la langue 5 non plus que le nom de nitre à
ceux que luif ournit également la seconde
cristallisation du procédé avec l’air nitreux,
quoiqu’en versant dessus un peu d’acide
vitriolique concentré, il s’en soit élevé des
vapeurs rouges ( §. XI , pag. 16 ).
D’après ces expériences et plusieurs
autres , S . . . conclut que Palkali fixe qu’il
N o
lettre
198
a tiré du sel d’oseille , a été l’ouvrage du
feu. Permettez-moi une réflexion.
S . . . dont la langue allemande est sa
langue naturelle, n’a sans doute pas connu
la dissertation de Margraff , imprimée
en allemand depuis plusieurs années , la-
quelle a pour titre : Expériences qui
démontrent que l’ alkali fixe peut être
séparé du tartre du vin par le moyen
des acides et sans le secours du feu. Il
y auroit appris que ce savant apothicaire
de Berlin a traité le sel d’oseille avec l’acide
nitreux , et qu’il en a retiré, par ce moyen,
un vrai nitre régénéré. A la vérité , le
célèbre chimiste allemand a trouvé plus
de difficultés à décomposer le sel d’oseille,
qu’il n’en avoit trouvé lui -même, et que
n’en avoient trouvé avant lui Duhamel et
Grosse , en décomposant la crème de tartre
par le même acide. Il avoue, §. XIX,
qu’ayant traité le sel d’oseille avec partie
égale d’acide nitreux , il a eu , par une pre-
mière cristallisation , du vrai sel d’oseille
non décomposé 5 et que ce n’a été qu’à la
seconde qûhl a obtenu des cristaux de
nitre, mais en fort petite quantité. Enfin,
Margraff dit que le seul moyen d’avoir
SUR LU SEL d’ OSEILLE. I99
une décomposition de ce sel un peu plus
marquée , c'est d'en traiter une partie
avec deux , quatre , et même six parties
d’acide nitreux. /
Il y a donc très - grande apparence que
les cristaux que S ... a obtenus par les
dernières cristallisations , étoient du véri-
table tartre vitriolé et du vrai nitre. Je ne
peux m’empêcher de le répéter : si S... eût
connu le travail de Margraff, il auroit été
rassuré par le seul nom du chimiste de
Berlin , et il auroit donné à ses derniers
cristaux la dénomination qui devoit leux
être assignée.
J’ai répété ces expériences ; j’ai fait
digérer du sel d’oseille avec les acides de
nitre et de sel marin , et j’ai appris , par
mon propre travail , que ce sel essentiel
ne se laisse attaquer que foiblement par
ces acides. J’ai retiré de l’un et de l’autre
procédé presque tout le sel d’oseille , tel
que je l’avois employé : je n’ai eu que des
atomes de nitre et de sel marin. Je désirois
un succès pins complet : j’étois persuadé
que les alkalis fixes n’étoient point l’ou-
vrage du feu : les expériences de Lémery
fils , années 1717, 17/9, 1720 ; Bourdelin,
N 4
I
200 X. E T T R 33
1728$ Duhamel et Grosse, 1702 et 1783,'
ne doivent laisser aucun doute sur l’exis-
tence de ce sel tout formé dans les végé-
taux. Je tentai, en conséquence, sur le
sel d’oseille un procédé différent de celui
que Duhamel et Grosse avoient employé
pour décomposer la crème de tartre par
l’acide nitreux; ce procédé , qui m’a par-
faitement réussi , est celui que je vous
envoie : il est fondé sur les doubles affi-
nités. Ce seroit vous en dire trop , si je
Vous le proposois comme problème chi-
mique.
Procédé par lequel on régénère en nitre
parfait tout l’alkali fixe qui entre natu-
rellement dans la composition du sel
essentiel d’oseille .
J’ai pris 2 gros de sel essentiel d’oseille
purifié , que j’avois tiré moi -même de
l’oseille potagère , autosa rotundi - fiolia
hortensis ; je l’ai fait dissoudre à une
chaleur de cinquante degrés dans un vase
de verre, avec 16 onces d’eau distillée:
la liqueur étoit claire et limpide ; j’ai
versé dessus peu - à - peu une suffisante
quantité de dissolution de mercure dans
l’acide nitreux: il s’est formé un précipité
de la, plus grande blancheur. La liqueur
devenue claire par le repos, et décantée,
a été exposée à la chaleur du bain de sable :
elle s’est un peu troublée ; je l’ai filtrée ; et
l'évaporation continuant à se faire, il s’est
formé une petite quantité de sel résultant
de l’union de l’acide végétal de l’oseille ,
avec une portion du mercure précipité.
J’ai versé dans un autre vase la liqueur
surnageante , qui , par une évaporation
suffisante , ayant été rapprochée au point
de cristallisation , donna , par le repos ,
53 grains de nitre régulièrement cristallisé
en longues aiguilles ; et par une seconde
cristallisation , j’en ai encore obtenu 7
grains et demi , ce qui fait en tout envi-
ron 60 grains. J’ai répété ce procédé sur
du sel d’oseille que j’avois rapporté d’Alle-
magne , où il avoit été préparé avec l’oseille
connue des botanistes, sous les noms d’oxi -
triphillum , d’ acetosella , et qu’on appelle
en François alléluia. J’ai eu le même succès,
et je me suis assuré par - là de la vérité de
ma première opération.
Je ne dois plus rien dire sur les suites
de ce procédé : l’objet que je m’étois pro-
202 LETTRE SUR LE SEL D’OSEILLE.'
posé , est rempli ; je me suis convaincu
qu’on pouvoit décomposer le sel d’oseille
par l’acide nitreux , et former avec tout
le sel alkali qui s’y trouve naturellement,
un vrai nitre régénéré.
Je suis, etc.
!2o3
LETTRE
Sur l’analyse du Techstein de Menil -
Montant.
ij n donnant au public , par la voie
du journal de Physique, année 1779,
l’examen de la pierre ollaire, vulgairement
appelée serpentine, j’ai, à l’imitation de
Margraff, fait connoître différentes terres
ou pierres de notre pays , à la formation
desquelles la nature a employé la terre
qui , combinée avec l’acide vitriolique ,
constitue le sel Sedlitz ou d’Epsom. J’ai,
depuis cette époque , travaillé sur diffé-
rentes pierres ou terres des environs de
Paris, à dessein d’y trouver la base du
meme sel ; mais , à cet égard , mes recher-
ches ont été infructueuses ; les argiles qui
nous avoisinent m’ont constamment donné
de l’al un mêlé de vitriol martial , sans
qu’il m’ait été possible d’en tirer du sel
de Scdlitz , quoique ces sortes de terres
n’en soient pas toujours dépourvues ,
ainsi que je l’ai démontré dans le mé-
moire cité.
Lettre
2o4
Les carrières de Ménil-Montant recë»
loient cependant la pierre que je désirois;
mais c’étoit à Quinquet et à Delarbre qu’il
étoit réservé de la trouver. V ers la lin du
mois d’août , le premier m’en montra un
morceau , et la curiosité me lit désirer d’en
posséder un échantillon. Celui qui me fut
apporté, étoit long et mince; il étoit mam-
meloné , terminé par deux branches dont
l’intervalle étoit rempli d'une terre 'grise ,
fortement adhérente à la langue, et qui,
vue à la loupe , ne me paroisscit pas avoir
tous les caractères que cet instrument fait
connoître dans les argiles ordinaires.
J’en détachai sur-le-champ trois ou
quatre fragmens , chacun de la grosseur
d’une lentille , sur lesquels il fut versé
quelques gouttes d’eau dont ils furent
bientôt imbibés , sans cependant se bour-
soufler , ni perdre leur forme ; ils ont
conservé la dureté qu’a naturellement la
terre dont ils avoientété détachés; et, cou-
verts d’eau plusieurs jours de suite , ils
ont constamment opposé à la pointe d’un
canif la résistance qu’oppose la terre elle-
même dans son état de siccité. Cette simple
expérience, jointe à l’aspect de cette terre
SUR LE PBCHSTEIIÎ. 2o5
ou pierre tendre , me lit juger que, grâces
aux recherches de Delarbre et Quinquet ,
je tenoisenhnun fossile qui donneroit par
la vitriolisation du sel de Sedlitz.
Je ne perdis pas un instant; j’avois
reçu mon échantillon de pechstein de
Ménil- Montant, le premier septembre, sur
les dix heures du matin, et avant midi,
un morceau de la terre, du poids de 260
grains, étoit déjà imbibé d’acide vitriolique
foible ; et tout de suite il fut mis dans une
petite capsule de verre , un fragment du
pechstein lui-même détaché de l’intérieur
de mon échantillon. Celui-ci pesoit 55
grains; il ne fut pas pénétré par l’acide ,
mais simplement mouillé.
Tout resta tranquille jusqu’au quatrième
jour, que j’aperçus les rudimens de quel-
ques cristaux sur les bords anguleux du
morceau de terre qui , dès ce moment ,
parut disposée à se gercer. Le 6 du même
mois , l’exfoliation étoit décidée ; le 10 ,
les lames se séparèrent facilement les unes
des autres; le sel étoit devenu plus abon-
dant, et, à la simple vue, 011 pouvait
déjà caractériser les cristaux; l’acide étant
saturé, le goût mq fit connoître que c’étoit
20 6
Lettre
vraiment du sel de Sedlitz. Je pris alors le
parti de verser de l’eau distillée pour em-
porter tout le sel qui s’étoit formé : la terre
édulcorée et bien égouttée fut de nouveau
arrosée d’acide vitriolique. Le i8 , il se
forma d’autres cristaux, mais en bien
moins grande quantité que la première
fois. L’acide étoit dominant , et je crus
m’apercevoir, les jours suivans , que les
cristaux n’augmentoient ni en nombre , ni
en volume.
Tandis que la vitriolisation de la terre
qui accompagnoit mon échantillon de
péchstein se faisoit , celle du pechstein
lui- même s’opéroit avec un peu plus de
lenteur ; mais enfin dès le dixième jour ,
c’est-à-dire Je 11 septembre, on pouvoit
déià voir la partie supérieure couverte de
sept ou huit petits cristaux qui , vers le
20 , avoient tous les caractères du sel de
Sedlitz Ce fragment que je garde, est,
aujourd’hui 9 octobre , entièrement cou-
vert du même sel : les cristaux grossiront
sans doute ; mais le temps est , depuis
plus de quinze jours , si humide , et par
conséquent si peu propre à mon opération,
que je suis obligé de le laisser en e&pé-
SUR LE PECIISTEIN. 207
rience tout le temps nécessaire pour dé-
couvrir si , dans la suite , le petit morceau
de peclistein se délitera , s’exfoliera , ce
qui est assez ordinaire aux fossiles sus-
ceptibles de la vitriolisation.
En attendant , il est bien démontré que
la terre qui accompagne le peclistein de
Ménil-Montant, et ce peclistein lui- même,
contiennent la terre alkaline qui , unie à
l’acide vitriolique , constitue le sel de
Sedlitz ou d’Epsom; ce qui rapproche un
peu cette pierre des sinectiqties , des ser-
pentines ollaires et des stéatites.
Le sel connu sous les noms de Sedlitz
et d’Epsom est d’un grand usage parmi
nous ; le malheur est que nous sommes
contraints de le tirer de l'étranger. Et
pourquoi , me direz* vous , n’en pas fabri-
quer en France ? Je faisois des vœux , en
177 9 , pour qu’on s’en occupât, je les fais
encore aujourd’hui ; s’ils étoient exaucés ,
nous emploierions , pour l’usage de la
médecine, un sel auquel nous pourrions
donner , à notre tour , le nom d’une
source minérale qui le contiendroit , aussi
bien que celles de Sedlitz et d’Epsom.
Mais non , il nous faut des étoffes étran-
• i
t E T T R E
2oS
gères , des eaux minérales , etc. etc. Nous
tirons , à grands frais, des eaux de Sedlitz
et de Spa ; et nous oublions que la
source de Spa est à Pougues, près Nevers,
et sur la rive de la riche Loire , et que
celles de Secllitz sont à Crausad , sur le
bord de la Dordogne.
Mais pourquoi , dira-t-on , nous forcer
d’user d’un sel factice , tandis que nous
pouvons nous en procurer de naturel ?
Allons , puisqu’il le faut , révélons donc
le secret à ceux qui l’ignorent : la vérité
est que les sels d’Epsom , de Sedlitz ,
qu’on vend par-tout en France, sont des
sels factices , qui se font en traitant avec
l’acide vitriolique les eaux-mères du sel
marin. Or, ayant chez nous, depuis plu-
sieurs années , des manufactures d’acide
vitriolique , dans chacune desquelles on
fait bien au-delà do ce que les arts cultivés
parmi nous en peuvent consumer, ne se-
roit-il pas utile de diriger l’emploi de cet
excédent vers l’objet que je propose depuis
dix ans ? Déjà l’on fabrique de l’alun, en
traitant une terre argileuse avec cet acidq;
eh bien, la serpentine ollaire, si on l’avoit
sous la main , pourroit avec avantage
être
SUR 1= E pechstein. 209
être travaillée comme les argiles. Celle du
Limousin m’a donné , ainsi que celle de
l’ Allemagne , livre pour livre de sel de
Sedlitz , débarrassé de tout son fer. Au
défaut de la serpentine ou des autres pierres
de ce genre , ayons , ainsi que les Anglais*
recours aux eaux-mères du sel marin. Je
présume que la Basse- Normandie , où on
prépare un sel qu’en langage de la ferme
on appelle quart de bouillon , fourniroit
abondamment le sel de Sedlitz et d’Epsom.
N etes-vous pas bien étonné de ce qu’en
parlant de la base du sel de Sedlitz , je
parois éviter avec affectation d’employer
le mot de magnésie , sous lequel on pré-
tend, depuis quelques années, la désigner,
et que tout îecemment quelques clnmistes
d un ordre supérieur ont en quelque 9orte
consacré en l’adoptant dans la nouvelle
nomenclature qu’ils viennent de publier.
Je le suis bien davantage , en voyant les
chimistes, qui ont fait main- basse sur
l’ancienne nomenclature chimique , faire
grâce au mot magnésie. Eh ! qu’a donc de
commun la terre qui fait la base du sel de
Sedlitz avec la pierre magnétique ? Car
on ne peut pas supposer que cette même
Tome IL O
210 LETTRE
pierre prenne son nom d’un canton de
Macédoine , appelé Magnésie , dont , au
rapport de Pline, on tiroit d’excellente
pierre magnétique ou aimant.
D’un autre côté , pourquoi donc conser-
ver , dans une nouvelle nomenclature ,
des mots équivoques ? Entrez dans une
Pharmacie de Paris , vous y trouverez de
la magnésie anglaise , de la magnésie ni-
treuse ; la première aura été distraite par la
précipitation du sel de Sediitz , l’autre par
précipitation ou calcination des eaux-
mères de nitre.
Il est encore une autre substance qui
porte le même nom , à la vérité un peu
corrompu par les verriers et potiers , qui
l’appellent dans leur jargon la manganèse,
mais dont le nom latin a toujours été
7nagnesict , et a constamment désigné une
substance minérale , qui n’a nul rapport
avec les magnésies anglaises et nitreuses
dont l’emploi n’est connu qu’en médecine.
Les auteurs de la nouvelle nomencla-
ture se sont bien aperçus qu’il étoit néces-
saire d’éviter l’équivoque -, et, pour y par-
venir , ils disent, dans leur dictionnaire
français et latin , que magnesia signifiera
SUR LE ÏECHSTEIN. 211
dorénavant la magnésie , ou ce qui est la
même chose , la terre base du sel de
Sedlitz, et que magnésium signifiera la
manganèse ; c’est-à-dire, la magnésie ou
la manganèse de verriers ; en sorte que ,
suivant le nouveau dictionnaire , suljas
magnesiae signifie le sel de Sedlitz , et
sulfas magnesii , le vitriol de manganèse.
Je ne déciderai pas si les désinences
masculines et neutres pour le latin , si les
mots masculins et féminins pour le français
suffisent pour repousser l’équivoque, mais
on peut au moins en douter.
Au reste , la dispute sur ce mot ne peut
durer long- temps , et elle seroit finie , ou
plutôt n’auroit point eu lieu , si un chi-
miste, très- versé dans l’art des expériences,
m’avoit permis d’en citer une qui lui étoit
propre , et par laquelle il réduisoit le
natrum en terre alkaline ; sa modestie m’ern-
\
pêcha d’en faire usage , et il fallut me
contenter de terminer mon mémoire surfa
serpentine , par ces quatre lignes :
« D’après les propriétés de la pierre qui
sert de base au sel de Sedlitz , ne pour-
55 roit-on pas présumer que cette même
>3 terre concourt à former les sels alkalis
O 2.
312 LETTRE S TT R LE EECHSTEITÎ’.'
fixes , sur- tout le natrum ? Si jamais on
» parvient à s’en assurer , sa dénomina-
» tion sera alors , à juste titre , celle que
» Margraff lui a déjà assignée , en l’ap-
>3 pelant terre alkaline. 33
Aujourd’hui que je n’ai presque plus de
doute à cet égard , j’ose espérer que vous
serez assez indulgent pour me pardonner
l’aversion que j’ai contre le mot magnésie ;
aversion qui , dans l’exacte vérité , n’est
fondée que sur l’équivoque , qui , en fait
de médicamens, ne sauroit être repoussée
avec trop de chaleur.
t
2i3
RECHERCHES
SUR L’ÉTAI 3ST-
INTRODUCTION.
Xj’étain est depuis très-long-temps d’un
usage presque universel. Il en est fait men-
tion dans le troisième livre du Pentateuque.
Après la défaite des Madianites , les Juifs
rentrèrent dans leur camp , chargés d’un
butin immense, que leur saint et inspiré
conducteur ordonna de purifier , soit par
le feu , soit par l’eau. Voici les paroles du
texte sacré :
« Vous purifierez tout le butin , les vête-
^ mens , les vaisseaux, et tout ce qui peut
55 être à quelque usage, soit qu’il soit fait
55 de peaux, ou de poils de chèvre, ou de
55 bois.
55 Que l’or , l’argent , l’airain , le fer , le
55 plomb et l’étain , et tout ce qui peut
5» passer par les flammes , soit purifié par
5> le feu 5 et tout ce qui ne peut souffris
O 3
314 INTRODUCTION.
^ le feu , soit sanctifié par l’eau d’ex-
piation (1) ».
Il ne paroît pas que Salomon ait fait
employer l’étain dans le temple qu’il édifia
au Seigneur, l’an quatre cent quatre-vingt
depuis la sortie d’Egypte ; mais on n’en
sera pas surpris si l’on considère que, sous
son règne , l’or étoit devenu si commun
dans la Judée , que l’argent même n’étoit
plus un métal recherché, ce Tous les vases
33 ouïe roi Salomon buvoit, (est- il dit au
39 troisième livre des rois ) étoient aussi
d’or ; et toute la vaisselle de la maison
39 du bois du Liban , étoit d’or très-pur.
3j L’argent n’étoit plus considéré , et on
33 n’en tenoit aucun compte sous le règne
39 de Salomon (2) 93.
(1) Et de omjii praedâ , sive vestimentum fuerit 3
sive vas, et aîiquid iji utensilia praeparatum , de
capran/m pellibus , et pilis , et ligno , expiabitur „
Numcr. cap. XXXI, vers. 20.
ylurum et argentum , et acs , et ferrvm , et pluni-
bum , et stannum , et omne quod potest transire
per flammas , igné purgabitur : quidquid auteni
igneni non potest sustinere , aqud expialionis sanc -
tijîcabitur. Ibid. vers. 22 et a3.
(2) Sed et omnia vasa qnibus potabat Rex Salo-
mon , erant aurca , et universa supellex domûs
INTRODUCTION. 2i5
Ce n’est ([ne dans des temps postérieurs
à ce règne brillant , que nos livres saints
font de nouveau mention de l’étain , soit
dans un sens propre , soit dans un sens
figuré. Isaïe s’adressant au peuple juif, lui
dit au nom du Seigneur : « J’étendrai ma
» main sur vous ; je vous purifierai de
» toute votre scorie par le feu ; j’dterai
» tout l’étain qui est en vous (1) ».
Le Seigneur parlant à Ezéchiel , dit :
« Fils de l’homme, la maison d’Israël s’est
» changée pour moi en scorie ; ils sont
» tous comme de l’airain , de l’étain , du
» fer et du plomb au milieu du fourneau ,
» et ils sont devenus comme la scorie de
55 l’argent (2).
Le même prophète s’adressant à la ville
Saltûs Libani , de ai/ro purissimo : non crat argen-
tum ,* nec alievjus pretii putabatur in diebus Salo -
monis. Reg. lit». III, cap. X, vers. 21.
(1) lit ccnvertam manum meani ad te , et exco •
quant ad purum scoriani tuam , et auferam ornne
stannum tuum. Isaïæ, cap. I, vers. 2 5.
(2) Fili ho mi ni & , versa est mihi domus Israël in
scoriam : omnes isti œs , et stannum , et ferrum , et
plumbum in medio fornacis , scoria argenti facti
sunt. Ezech. cap, .XXII 3 vers. 18.
o 4
ai 6 INTRODUCTION.
de Tyr , dont il annonce la destruction ^
s’exprime ainsi : ce Les Carthaginois trafi-
>5 quoient avec vous , en vous apportant
» toutes sortes de richesses , et remplis-
>5 soient vos marchés d’argent , de fer ,
:» d’étain et de plomb (î) ».
Si , d’après ces passages , on ne peut
pas conclure absolument que le peuple juif
et ses voisins aient , à ces époques , fait
usage de la vaisselle d’étain , il en résulte
au moins que ce métal étoit devenu plus
commun au temps d’Ezéchiel , parce qu’a-
lors les Carthaginois , en sortant de la Mé-
ditérannée , se rendoient dans la Grande-
Bretagne , où l’étain se trouvoit , et se
trouve encore aujourd’hui en abondance.
Si nous consultons les auteurs de l’anti-
quité profane , nous verrons que l’étain
étoit également connu des Grecs au temps
d’Homère. Ce prince des poètes nous
apprend que les héros qui détruisirent la
ville de Troie , ornoient de plaques d’étain
la tête des chevaux attelés à leurs chars de
(i) Carthaginenses negotiatores tui , à multitudine
cunctarum divitiarum , argento , ferro , stanno plum -
boque repleverunt nundinas tuas . Ezech. cap, XXVII*
vers. 13.
INTRODUCTION. 21/
bataille , et que Vulcain fît entrer ce métal
clans la composition des armes d’Acliille :
la haie qui entoure la vigne si artisteinent
ciselée sur l’admirable bouclier du fils de
Tliétis, est d’étain ; et l’incomparable for-
geron l’emploie encore pour faire l’armure
qui de voit couvrir et défendre les jambes
de ce héros.
Mais à en juger d’après Homère , il ne
paroît pas démontré que les Grecs , du
temps de l’expédition de Troie , se soient
servis de l’étain sur leurs tables , ou dans
leurs cuisines. Ce fidèle peintre des mœurs
et de la nature nous parle des chaudrons
d’airain dans lesquels capitaines et soldats
faisoient cuire leurs viandes ; et il ne dit
pas un mot de Pétain , qu’il n’auroit cer-
tainement pas oublié , si , meme de son
temps , ce métal eût été employé à de
pareils usages.
Il est donc probable que l’éclat de l’étain,
qui approche de celui de l’argent , le fît
rechercher des Grecs , mais que sa rareté
fut cause qu’ils ne l’employèrent que dans
les ouvrages de pur agrément , jusqu’au
temps où le commerce des Carthaginois
avec les Bretons l’ayant rendu plus coin-
2lb introduction.
mun , ils le firent entrer dans la composi-
tion du bronze , dont ils érigèrent des
statues en l’iionneur des dieux et des
héros ; et peut-être qu’alors seulement, ils
s’en servirent pour faire de la vaisselle.
Ce que je viens de dire des Grecs , doit
s’entendre également des Romains , du
moins jusqu’au temps où César ayant fait
la conquête des Gaules , se trouva en état
de passer dans la Grande-Bretagne. Ce
métal , devenu alors un objet de commerce
pour tout l’empire , étoit , au rapport de
Diodore de Sicile , déposé dans l’île de
Wicli, où les marchands étrangers alloient
racheter et le faisoient transporter dans
la Gaule , où ils le cliargeoient sur des
chevaux rjui , en trente jours, la traver-
soient depuis les côtes qui regardent l’An-
gleterre , jusqu’à l’embouchure du Rhône.
Cette manière de se procurer l’étain avec
facilité et en abondance , en rendit à Rome
et dans toute l’Italie l’usage plus commun :
et en supposant que les Romains ne se
soient pas servis de ce métal sur leurs
tables ou dans leurs cuisines , avant leur
entrée dans la partie des Gaules qui avoi-
sine l’Angleterre, il est du moins prouvé
INTRODUCTION. 21 9
qu’à cette époque , ils apprirent des Gau-
lois Celtes ou Belges à en faire usage.
Pline nous apprend que de son temps on
étamoit les vaisseaux d’airain , pour les
préserver du verdet et des mauvaises qua-
lités que l’expérience avoit depuis long-
temps fait découvrir dans ce métal : Stan -
num illitum cieneis vasis , saporem gratio-
rem facit , et compescit aeruginis virus .
Et peu après il ajoute que les Gaulois
avoient trouvé l’art de l’unir si parfaitement
au cuivre , qu’il étoit difficile de ne pas le
prendre pour de l’argent : Vlumbum album
incoquitur acreis operibus , Galliarum in -
vento, itciutvix discerni queat ab argento .
Sans faire de plus amples recherches , on
peut , d’après ce que dit Pline , conclure
avec certitude que l’étain est employé en
vaisselle depuis près de deux mille ans ;
époque que l’on pourroit faire remonter
de quatorze cents ans plus haut , en s’ap-
puyant sur le passage du livre des Nombres
rapporté ci-dessus.
Les mines d’Angleterre fournissant con-
tinuellement de l’étain à toute l’Europe ,
et celles d’Allemagne en versant aussi
dans les cantons qui les avoisinent, la
22.0 INTRODUCTION.
masse employée de ce métal augmentoit de
jour en jour.
D’un autre côté , les navigateurs euro-
péens s’étant frayés une route aux Indes
en doublant la pointe méridionale de l’Afri-
que, les mines de ces riches contrées, qui, *
par le moyen du commerce établi par les
Phéniciens sur la Mer rouge, fournissoient
autrefois tout l’étain qu’on employoit , soit
dans la Perse , soit dans la Grèce , furent
ouvertes pour nous ; et l’étain que nous en
tirâmes, ajouté à celui que nous possédions
déjà , rendit ce métal si commun , que l’on
vit les buffets des habitans des villes et les
dressoirs des habitans de la campagne ,
chargés d’aiguières , de plats , d’assiettes ,
de salières , de pots et de gobelets d’étain.
Aussi dans le siècle dernier , les commu-
nautés des maîtres potiers d’étain , si dé-
chues aujourd’hui, étoient elles très- riches.
Cependant cette vaisselle , si recherchée
de nos pères , touchoit au moment d’être
bannie de'presque tous nos ménages ; non
qu’onla soupçonnâtd’être dangereuse, mais
parce que l’industrie trouva le moyen de
tirer un meilleur parti de l’étain, en le vitri-
fiant et en l’appliquant sur la terre cuite.
INTRODUCTION. 321
L’art de Pémailleur est très-ancien : les
Egyptiens , les Perses , et sans doute les
autres peuples de l’Asie , le cultivèrent et
le communiquèrent aux Grecs , qui l’ap-
prirent aux Romains ; et si les peuples du
Nord , qui renversèrent l’empire de ces
derniers, nous semblent aujourd’hui avoir
fait tous leurs efforts pour détruire les arts
et tout ce qu’ils avoient produit , il est
cependant à présumer que l’émail continua
à être préparé par quelques habitans de
l’Italie , et que le procédé s’en perpétua
obscurément jusques vers le seizième
siècle , où , prenant un essor brillant et
encore plus utile , des Toscans , cherchant
peut-être à imiter la porcelaine que les na-
vigateurs apportoient de la Chine, trou-
vèrent le moyen d’émailler la terre cuite,
et de faire ce que nous appelons aujour-
de la fayence.
Ce nouvel art commençoit à gagner de
la célébrité dans Pltalie $ mais il étoit in-
connu en France. Vers Pan 1 555, le hasard
offre à un homme d’un génie peu commun
une coupe de terre , tournée et émaillée ;
il l’admire , sa tête s’exalte ; il prétend
Jf imiter, Rien ne peut l’arrêter : il se ruine $
222 INTRODUCTION.
manquant clebois, il sacrifie le plancher
de sa maison , et le brûle ; il essuie les
railleries de ses voisins, les reproches de
sa femme ; il est endetté en plusieurs lieux ,
ne peut plus subvenir aux besoins de ses
enfans ; mais constant dans sa résolution ,
que quinze ans de peines et de traverses ne
ralentissent pas , Palissy arrive à son but,
et montre à ses concitoyens de la fayence
faite en France. Alors la paix revient dans
sa maison , les railleurs se taisent , la for-
tune de cet homme étonnant se rétablit ,
parce que l’art qu’il venoit de créer , se
perfectionnant entre ses mains , il trouva
de 1 ^encouragement : et bientôt l’architec-
ture , qui flottoit alors entre le bon et le
mauvais goût , adoptant les briques émail-
lées et diversement coloriées de Palissy ,
les fit entrer clans la décoration des grands
édifices qui furent élevés à cette époque.
C’est donc à Palissy que nous devons
rapporter , sinon l’invention, du moins la
première imitation qui se soit faite chez
nous de la fayence, sorte de vaisselle qui,
s’étant de jour en jour perfectionnée, a été
substituée à celled’étain dans presque toutes
nos maisons. La beauté de cette matière.
/
I ïv T n o d tir c t i o k. 220
et sur-tout sa propreté , qui n’exige que
très-peu de 6oins pour être entretenue ,
lui ont mérité , malgré sa fragilité , la
préférence sur l’étain , quoiqu’on lût fort
éloigné , ainsi qu’il a déjà été dit , de lui
attribuer , de lui soupçonner même au-
cune qualité nuisible à l’économie animale.
Aussi voyons-nous que les médecins du
dernier siècle le prescrivoient en limaille
line à de fortes doses , dans les maladies du
foie et de la matrice 3 et que le célèbre
Schulz reconnoît même son innocuité dans
sa fameuse dissertation publiée en 1722,
et connue de tous les gens de l’art , sous la
dénomination de Mors in ollâ (1).
Ce savant et sage médecin , en avertissant
ses compatriotes , et en même temps l’Eu-
rope entière , des dangers auxquels on
s’expose en employant dans les cuisines ou
sur les tables, les vaisseaux d’argent de bas
aloi , ou de cuivre mal étamé, le fait avec
prudence, et se garde bien de jeter l’alarme
dans le sein de ceux qu’il veut instruire.
1
( 1 ) Son véritable titre est : Dissertatio medica ,
in quâ metallicuni contagium in ciborum > potuum.
st medicamentorum prœparatione ac asservationc
cavcndum indicatar : seu Alors in ollâ .
2^4 INTRODUCTION,
Parle -t- il de l’étain? il commence par
avouer que ce métal n’est pas malfaisant
par lui- même 3 que les mineurs qui le tirent
des entrailles de la terre , que les ouvriers
qui le fondent et le mettent en œuvre, ne
sont jamais attaqués des maladies ordi-
naires à ceux qui travaillent d’autres mé-
taux. Ecoutons-le lui-même à la fin de son
vingt-sixième paragraphe. « Loin de jeter
33 ici quelques soupçons sur la bonté d’un
» métal aussi généralement mis en usage ,
3> je veux au contraire en publier liait te-
» ment la salubrité , pourvu toutefois qu’il
33 soit bien pur et nullement altéré. 3>
Quare tanthm abest ut quotidiano usu.
tantoperè frequentatum metallum in sus -
picionem nunc demum adducere velimus ,
ut p o dus salubritateni ejus extra dubium
reponamus j modo purum illud , nec adul -
teratum sit.
La dissertation de Schulz fut inconnue
en France jusqu’au temps où l’illustre Guil-
laume Rouelle commença à la citer dans
ses leçons de chimie ; et c’étoit même
d’après cette dissertation qu’il ne cessoit
de déclamer contre le plomb et le cuivre,
dont les pernicieux effets sont si bien
reconnus.
INTRODUCTION; £25
reconnus. Mais on n’entendit jamais ce
savant chimiste décrier l’étain • on sait au
contraire que sur cet objet il pensoit
comme le médecin allemand.
En 1708 j Geolfroy lut à l’Académie un
mémoire sur l’.étain , auquel il attribua un
soufre brûlant et arsenical. Cependant,
comme ce chimiste ne s’étaya sur aucun fait
bien constaté, son mémoire fut imprimé,
et ne fit aucune sensation sur les esprits, re-
lativement a l’emploi de la vaisselle d’étain.
L’Academie de Berlin publia, en iy46
et 1747, deux mémoires de Margraff sur le
meme sujet , dont le premier a pour but de
prouver que certains étains contiennent et
recèlent de l’arsenic (1). On eut alors des
cloutes sur ce métal , sans pourtant cesser
d’en faire usage , sur- tout en Allemagne,
ou , malgré les expériences de Margraff
et sa grande réputation en chimie , la
vaisselle d’étain a toujours la plus grande
(O Henckel, autre chimiste très-célèbre, avait
découvert la présence de l’arsenic dans l’étain avant
Margraff j mais l’ouvrage où il en parle n’ayant pas
ete traduit en notre langue, ses expériences étoient
inconnues en France, et le seroient encore, si Mar-
groÜ ne les rapportoitpas dans saDissertation sur l’ètain.
Tome 11. j)
22Ô INTRODUCTION.
vogue , tandis que parmi nous elle étoit
rejetée de nos tables, long -temps avant
qu’on nous eût donné, avec raison ou sans
raison, l’alarme sur les mauvaises qualités
qu’on voudroit lui attribuer aujourd’hui.
Mais si on ne se sert que rarement parmi
nous de plats, d’assiettes et de soupières
d’étain ; si les pots à l’eau faits de ce métal
sont à peine connus chez les personnes de la
plus médiocre fortune, on ne laisse pas ce-
pendant que d’en employer dans la fabrique
d’un grand nombre d’ustensiles auxquels
il faudroit absolument renoncer , s’il étoit
bien constaté que ce métal fût pernicieux.
On voit dans les offices et dans les cui-
sines des riches , chez tous ceux qui pré-
parent et vendent des comestibles prêts à
être servis , chez les confiseurs , chez les
limonadiers , etc. etc. de grands bassins
d’étain , des mouilloirs de différentes gran-
deurs, des sorbetières, etc. etc. Bien des
particuliers ont des fontaines d’étain :
toutes les parties intérieures des alambics
et leurs serpentins en sont également fabri-
qués, ainsi que toutes les mesures em-
ployées pour la vente des liquides. Il n’est
pas rare de voir dans les grandes maisons ,
INTRODUCTION. 227
dans les palais même de nos rois , de gros
flacons d'étain , servant à transporter l’eau
destinée à la boisson journalière : les mai-
sons religieuses , les habitans de nos cam-
pagnes se servent encore de plats et d’as-
siettes d’étain. Enfin ce métal recouvre
toute la vaisselle de cuivre à l’usage des
cuisines ; et, à l’aide d’une légère couclie
du premier , on se croit à l’abri des mau-
vaises qualités du second.
Ce n’étoit donc pas une chose inutile
que d’examiner un métal qui a toujours
été regardé , sinon comme salubre , au
moins comme incapable de nuire, mais sur
lequel on venoit tout récemment de jeter
des soupçons, sans avoir fait la moindre
expérience pour les vérifier , sans même
s’être donné la peine de répéter le procédé
par lequel Margraff disoit avoir retiré de
l’étain une quantité notable d’une substance
minérale dont le nom seul est effrayant.
Un objet qui intéresse la santé des
citoyens de tous états , est sans contredit
de la plus grande importance : aussi le
sage magistrat , qui veille à la sûreté
publique , n’a pas cru devoir se ^dispenser
de le prendre en considération. Afin d’é-
P 2
228 introduction.
claircir les soupçons , eussent-ils été jetés
meme inconsidérément sur l’étain , M. le
lieutenant-général de police a chargé le
collège de Pharmacie de faire toutes les
expériences nécessaires pour constater si
véritablement l’étain étoit ou n’étoit pas
dangereux, ou, ce qui est la même chose ,
s’il étoit ou n’étoit pas indifférent de
l’employer dans les usages économiques.
Pour répondre à la confiance dontM. Le
Noir l’honoroit , le collège de pharmacie
a nommé trois de ses membres, MM.
Rouelle , Cliarlard et moi , pour faire
toutes les expériences et toutes les recher-
ches chimiques propres à remplir les vues
d’un magistrat dont toutes les pensées ,
dont toutes les actions sont dirigées vers
le bien public.
Honorés d’être choisis par notre collège
pour faire ces recherches , flattés de
trouver l’occasion de pouvoir être utiles à
nos concitoyens , nous n’avons pas été
effrayés par l’aperçu d’une infinité d’expé-
riences longues, peut-être même dange-
reuses , que nous serions obligés de faire.
Le travail que nous allions entreprendre ,
devoit être utile au public , et il étoit pour
INTRODUCTION.' 52^9
ainsi dire neuf ; double motif pour nous le
rendre agréable.
IL étoit, hélas, commencé ce travail,
lorsque la mort enleva un de nos coopéra-
teurs. Hilaire Marin Rouelle avoit terminé
différentes opérations, qui l’occupoient au
moment où nous fumes chargés de l’exa-
men de l’étain. Devenu libre , il alloit s’y
livrer ; et c’est à ce moment même où nous
le perdons. Ce savant chimiste a été géné-
ralement regretté ; mais personne n’a plus
que moi ressenti la perte qu’on venoit de
faire.
Quel collègue ! quel coopérateur n’au-
rois-je pas eu enM. Rouelle! Privé de ses
idées , de ses conseils , ne pouvant être
aidé dans mes opérations par ce chimiste
d’une sagacité rare; pénétré de douleur,
mes larmes ont coulé sur la tombe d’un
ami ; mais mes travaux n’ont point été sus-
pendus , et , joignant a ma tâche celle
qu’Hilaire-Marin Rouelle s’étoit imposée,
j’ai porté l’examen de l’étain aussi loin que
mes forces me l’ont permis.
Je vais rendre compte de mes expé-
riences. J’ose me flatter que si j’ai réussi
ù les bien exposer , elles seront propres ù
P 3
2 3 o introduction.
faire connoître la nature des différens
étains non ouvrés , que nous tirons de
l’étranger , ainsi que de ceux qui nous
sont vendus sous toutes sortes de formes
par les maîtres potiers d’étain.
Ces étains une fois connus, je hasarderai
de dire ce que je pense sur l’usage de ce
métal • mais ce sera sans aucune pré-
tention.
La matière que je traite intéresse les
citoyens de tous les ordres. C’est donc à
ceux qui cultivent la chimie et la physique
par état ou par goût , qu’il convient de
prononcer sur les expériences que je mets
sous leurs yeux , et sur les conséquences
que j’en tire. Déterminé à ne regarder mes
recherches comme finies qu’au moment où
le public leur aura donné son approbation,
je les soumets à la critique des chimistes
et des physiciens , en les priant de me faire
part de leurs observations , même de me
redresser si, en répétant quelques-unes de
mes expériences, ils en trouvoient de peu
exactes ; ou de me demander des éclaircis-
semens si , faute de m’être bien exprimé ,
ils ne réussissoient pas à obtenir les résul-
tats que j’annonce.
2,3 1
RECHERCHES
SUR L’ÉTAIN.
PREMIÈRE SECTION.
S- Ier-
Des différens Etains .
J?our donner une idée exacte de mon
travail , et mettre les résultats de mes
expériences à portée d’être sentis par le
public et appréciés par les chimistes , je
crois devoir exposer préliminairement le
tableau des différens étains qui , tirés des
pays étrangers , remplacent parmi nous
celui que l’usage journalier détruit , et que
certaines manufactures consomment sans
retour.
Ainsi je diviserai tout l’étain qui se
trouve dans le commerce intérieur du
royaume :
i°. En étain pur , ou sans aucun mélange
artificiel , tel enfin qu’il sort des fonderies ;
P 4
202 RECHERCHES
2°. En étain allié clans les fonderies
même avec d'autres métaux , à des titres
prescrits par l’usage ou par les lois du pays
où sont les mines de ce métal $
3°. En étain ouvragé par la communauté
des potiers , qui sont tenus à se conformer
dans tout ce qu’ils font concernant leur
art, à des réglernens anciennement établis,
et aujourd’hui trop peu suivis.
L’étain pur ou sans mélange artificiel
pourroit nous venir d’Angleterre, si, à
ce qu’on assure , l’exportation n’en étoit
pas prohibée par les lois du pays. Au
défaut cle celui d’Angleterre, il nous en
est apporté en assez grande quantité des
Indes , soit par les Elollanclais , soit par
ceux de nos négocians qui arment pour
ces contrées. Ce dernier se trouve dans le
commerce sous les deux dénominations de
Banca et de Malaca , ou simplement de
JSlalac . Celui-ci nous arrive de l’Inde en
petits lingots pesant une livre, et qui , à
cause de leur forme , ont été appelés petits
chapeaux ou écritoires .
L’étain qui se vend sous le nom de
Banca , se fait distinguer du précédent , et
par la forme de ses lingots qui sont oblongs.
SUR l’^TAIN. 2.33
et par leur poids qui est de quarante cinq
à cinquante livres , et même au-dessus.
Du reste ces lingots de Banca et de Malaca
n’ont point l’éclat ordinaire à l’étain ; ils
sont recouverts d’une sorte de rouille grise
ou crasse d’autant plus épaisse , qu’ils
ont séjourné plus long-temps dans le fond
des vaisseaux dont ils faisoient vraisem-
blablement le lest.
Quant à l’étain pur d’Angleterre, il ne
m’a pas été facile dé m’en procurer : il a.
fallu attendre long temps et employer bien
des moyens. Rouelle s’étoit chargé de m’en
faire venir , et il y a réussi.
Cet étain m’est arrivé en petits morceaux
ou échantillons pesant chacun entre 4 et 5
onces. Leur aspect annonce qu’ils ont été
détachés d’une grosse masse à l’aide du.
ciseau et du marteau : on voit distincte-
ment l’impression de l’instrument qui a
opéré la section en deux coups , ce qui a
fait prendre à l’échantillon une forme à-
peu près triangulaire , dont les deux côtés
internes ont conservé l’éclat métallique ,
tandis que le côté ou la superficie externe
est mainmeîonnée et couverte d’une pelli-
cule dorée , qui offre assez fréquemment
s34 ïi e C H E R C H E S
les différentes couleurs de la gorge de
pigeon.
Tous ces échantillons sont numérotés,
et paroissent avoir été détachés de très-
gros lingots , à l’effet ou d’être employés à
l’essai , ou de rester dans quelque bureau ,
connue témoins de la pureté des masses
d’étain dont ils ont été tirés ; masses qui ,
sans doute , portent un numéro pareil à
celui de l’échantillon.
Mais quels que soient les motifs qui ont
déterminé les Anglais à détacher ces mor-
ceaux du poids de 4 à 5 onces , il me suffit
de savoir qu’en me les envoyant sous cette
forme , on a eu intention de me procurer
l’étain le plus pur. Or , c’étoit le seul point
qui m’intéressoit (1).
Tandis que Rouelle se donnoit beaucoup
de peine pour me procurer l’étain dont je
viens de parler ; j’allois chez tous les mar-
chands qui font le commerce de ce métal,
(1) On Toit dans les cabinets d’Histoire naturelle,
de Pétain d’Angleterre, qu’on regarde comme très-
t ^
pur. On l’appelle JEtain en larmes : cette forme peut
s’imiter et induire en erreur. J’ai examiné deux
de ces larmes 5 l’une é toi r pure , l’autre contenoit du
cuivre.
S U Tl L 9 i T A I K. 235
dans le dessein de prendre des renseigne-
rnens sur les moyens d’en avoir d’Angle-
terre, sans aucune sorte d’alliage. Un seul
me dit en avoir, et il m’en vendit en effet
sous le nom d’ étain doux.
Celui-ci étoit sous la forme de petits
chapeaux , qui pesoient chacun deux livres.
Cet étain venoit-il d’Angleterre , ou n’en
venoit-il pas ? Son éclat prouvoit qu’il avoit
été fondu récemment , et par conséquent
à Paris : mais je sais que les marchands
sont dans l’habitude de réduire les gros
lingots en petits, pour se faciliter le détail
de l’étain ; et je ne pouvois concevoir quel
intérêt pouvoit déterminer celui qui me le
vendoit > à m’induire en erreur sur le lieu
d’où il l’avoit tiré (1).
Au reste , cet étain se trouvant dans le *
commerce sous une dénomination qui me
le rendoit intéressant à connoître , je n’ai
pas hésité à en faire emplette , et Inexpé-
rience m’a appris cju’il ne différoit en rien
de celui qui m’avoit été envoyé d’Angle-
terre en petits échantillons.
(1) Si cet étain venoit réellement d’Angleterre, la
loi qui , selon Geoffroy , en défend la sortie , est sans
doute abrogée.
/
20 6 R echbrciies
Tels sont les ë tains qui passent dans le
commerce pour être les plus purs , ou , ce
qui est la même chose , pour n’avoir reçu
artificiellement aucun alliage. Je les appel-
lerai dans la suite de ce mémoire , tantôt
è tains purs , tantôt étains primitifs , et
souvent je leur conserverai le nom du pays
dont ils ont été importés.
J’ai fait bien des tentatives pour me
procurer de l’étain de Saxe et de Bohême,
dans l’état où il est lorsqu’il sort des fon-
deries : mais toutes mes peines ont été
inutiles \ on m’a répondu de toutes parts
qu’il étoit défendu d’en exporter , même
le plus foible échantillon. Au reste, comme
cet étain n’est point en usage parmi nous ,
et que même toute la partie de l’Allemagne
qui borde le Rhin , dans le grand usage
qu’elle fait de ce métal , n’en emploie pas
d’autre que celui qu’elle tire d’Angleterre
ou des Indes par la voie de la Hollande ,
j’ai cru devoir négliger l’examen des étains
de Saxe et de Bohême , pour m’en tenir
à celui des seuls étains connus et employés
chez nous.
La seconde classe des étains que j’exami-
nerai, comprend celui que nous tirons en
SUR l’ÉTAIX. 207
très-grande quantité de l’Angleterre , d’où
on 110ns l’envoie en lingots d’environ trois
cents livres : nous les appelons gros sau-
mons. Cet étain est d’un grand usage parmi
nous, et il se débite aux diffère ns ouvriers
en petites baguettes triangulaires , de neuf
à dix lignes de pourtour , et d’environ un
pied et demi de long ; en sorte que l’étain
en gros saumons et l’étain en baguettes ,
lorsqu’ils sortent du magasin d’un honnête
marchand , ne diffèrent entre eux que par
la forme que la lingotière leur a donnée.
Ils 11c sont pas purs 5 ils ont reçu eu An-
gleterre même l’alliage prescrit par la lui
du pays (1).
A l’égard de la troisième classe , elle
renferme , comme je l’ai dit, tous les étains
ouvragés et vendus par les potiers d’étain
sous toutes sortes de formes.
(1) Je parle d’après Geoffroy cpii , dans un mémoire
imprimé dans le volume de l’Académie de l’année
1738, nous donne en abrégé l’histoire de l’étain
d’après les transactions philosophiques ; mais il est
assez indifférent que cetétafn en gros saumons doive
son alliage à la nature ou à l’art 5 il nous suffit de
savoir que celui qu’on nous apporte en gros saumons
n’est pas pur *, ce que je démontrerai dani la suite.
s38 recherches
Le premier en rang est celui qu’ils ven-
dent sous la marque d’étain fin ; le second
sous celle d’étain commun , et le troisième
sous le nom de claire étoffe , ou simple-
ment de claire.
Les potiers d’étain sont tenus , à l’égard
des deux premiers , de se conformer à des
réglemens dont j’aurai occasion de faire
sentir l’importance , lorsque je rendrai
compte de mes recherches sur les ouvrages
destinés aux usages économiques ; quant
à celui qu’ils appellent claire étoffe , ou
simplement claire , je ferai connoître, en
l’examinant, jusqu’où peuvent se porter
les abus.
§. I I.
Caractères extérieurs des étains de la
première classe , c’est-à-dire y des étains
primitifs .
Les étains de Banca , de Malaca , celui
qu’on in’a vendu à Paris , sous le norn
d’étain doux , ainsi que celui que j’ai reçu
d’Angleterre en petits échantillons de 4 à
5 onces, ont tous le plus grand éclat, et
peuvent rester long-temps à l’air sans se
ternir ; il sont les uns et les autres si doux
et si malléables que , sans être fort adroit
à donner les coups de marteau , on peut
les réduire sur un tas en feuilles minces
comme le plus lin papier, sans y faire la
moindre gerçure.
O à
Si on les coule en petits lingots ronds et
d’une ligne de diamètre sur six pouces de
longueur , on pourra , sans les rompre ,
les plier subitement en sens contraire
jusqu’à quatre-vingts fois, en formant à
chaque fois un angle droit.
Ces étains ont d’ailleurs un cri différent
de celui qu’ont les étains appelés aîgres ,
aussi sont - ils très -estimés des potiers
d’étain, qui ne manquent jamais de nom-
mer l’étain de Banca ou de JVIalaca pour
donner une haute idée de leurs ouvrages.
Enfin ces quatre étains, à volume égal,
sont exactement du même poids ; ce dont
je me suis assuré par des expériences
souvent répétées , et dont je rendrai compte
lorsque j’examinerai les étains exposés en
vente chez les potiers d’étain.
RECHERCHES
2.4°
§. III.
Effets du feu appliqué aux étains
primitifs.
Les effets du feu appliqué à l’étain mis
dans un têt ou creuset, étant connus de
tous les chimistes, je crois ne devoir entrer
à cet égard dans aucun détail, me conten-
tant cle renvoyer les lecteurs au mémoire
de Geoffroy, qui a très-bien observé les
phénomènes de la calcination , qui, comme
on le sait, convertit l’étain pur en une
chaux blanche appelée potée d’étain.
Ce chimiste a , le premier , aperçu la
propriété qu’a ce métal de s’allumer, lors-
que le feu est poussé jusqu’à un certain
point , et de jeter une flamme , à la vérité
moins considérable , mais aussi vive et
aussi brillante que celle qui sort du zinc
dans les mêmes circonstances ; il a égale-
ment bien remarqué que l’étain fumoit
avant que de s’enflammer, s’élevoit et se
condensoit sous la forme d’une poudre
blanche que les chimistes sont dans l’usage
d’appeler fleurs : enfin la couleur rouge
que prennent quelques portions de la chaux
ou
SUE.
L’ É T A I N. 2 4t-
OU potée d’étain n’a point échappé aux
remarques de cet habile chimiste.
> J'ai répété sur mes quatre étains l’expé-
rience de la calcination dans les vaisseaux
ouverts , et j’ai constamment observé tous
les phénomènes décrits par Geoffroy ; mais
n’ayant découvert dans ces ^différentes
opérations rien de ce qui pouvoit me con-
duire vers mon but, je me suis déterminé
a traiter au feu les memes étains enfermés
dans des vaisseaux, et par conséquent privés
de toute communication avec l’air atmos-
phérique.
5- I V.
Effets du feu sur les étains pr unit/ fs traités
uans las vaisseaux fermés .
J ai introduit dans une retorte de verre
lutée , H onces d’étain de Banca , au mo-
ment où il venoït d’être coulé en petits
lingots ronds, d’une ligne de diamètre,
coupés en petits morceaux longs de quatre
à cinq lignes , et tout de suite la retorte a
etc placée dans un fourneau à dôme , et
adaptée à un récipient proportionné Io
leu a été allumé et la retorte tenue dans
1 embrasement pendant huit heures.
Tonie II. ( )
24s RECHERCHES
Tout étant refroidi et le lut enlevé , oit
apercevoit dans le col une petite portion
de matière blanche sublimée qui pouvoit
à peine être évaluée à un quart de grain.
La retorte , que le feu avoit déformée,
ayant été séparée de son col qui contenoit
la matière sublimée , le culot d’étain fut
mis sur la balance et se trouva à peine
diminué d’un grain ; il étoit couvert à la
partie supérieure d’une couche blanche et
mince 5 c’étoit un peu de chaux ou potée
qui adhéroit presque par-tout à la super-
ficie de l’étain , et dans les endroits où
elle pouvoit se soulever , on trouvoit une
petite chambre ou cavité dont l’intérieur
présentoit à la vue une surface dorée , qui
réfléchissoit la lumière avec toutes les va-
riétés de la gorge de pigeon.
Ces petites grottes ou cavités sont dues
au refroidissement du métal dont les parties
en se figeant avec lenteur, se sont arrangées
selon les lois de la cristallisation. Au reste
la couleur d’or que Ton y remarquoit, est
un de ces phénomènes assez communs ?
mais dont les causes sont peu connues.
J’ai déjà fait observer que les échantillons
d’étain pur que j’ayois reçus d’Angleterre
sur l’étain. z/j'i
ëtoient dorés sur une de leurs surfaces ;
on sait que le plomb , le zinc et le bismuth
sont des substances métalliques également
susceptibles de prendre cette couleur su-
perficielle qui en a souvent imposé , même
à des chimistes qu’on est bien éloigné
de ranger parmi les chercheurs de pierre
philosophale.
L’expérience à laquelle j’avois soumis
l’étain de Banca , a été répétée sur celui
de Malaca , au poids de 1 2 onces , sur celui
d’Angleterre , appelé doux , au poids de
16 onces, et sur celui des échantillons,
appelé pur, au poids de 12 onces 5 et c es
trois étains m’ont exactement donné les
mêmes résultats : mais je dois faire observer,
i°. qu’il est assez indifférent de charger
la retorte de plus ou moins d’étain , et que
8 onces de ce métal m’ont paru avoir donné
autant de sublimé que les 16 onces em-
ployées dans l’expérience faite sur l'étain
doux ; 2°. que la substance volatile ne
s’élevoit que dans les premiers temps de
l’expérience , c’est-à-dire , au moment où
la couche superficiel le du métal se convertit
en chaux ou potée ; 3°. enfin , que j’espé-
rois inutilement obtenir une plus grande
Q *
î?44 RECHERCHES
quantité de sublimé, en tenant pendant
huit -heures au moins mes étains exposés
à un feu violent.
S- V.
Il x amen de la matière sublimée .
Il étoit d’autant plus essentiel de déter-
miner la nature du sublimé obtenu dans
les expériences précédentes, queMargraff,
qui avoit fait avant moi une pareille opé-
ration , soupçonne cette matière d’être de
l’arsenic $ car ce chimiste avoue qu'il en
avoit trop peu retiré pour qu’il lui fut
possible de la soumettre à aucune expé -
rie ne e.
La quantité est petite, sans doute \ mais
enfin la centième partie d’un grain d’arse-
nic mise sur un charbon ardent étant suffi-
sante pour faire reconnoître , sans aucune
équivoque , cette substance, je crus devoir
faire tous mes efforts pour changer les
soupçons de Margraff en certitude ; et si ,
par hasard , il me devenoit impossible de
décider par des expériences certaines de
ciuelle nature étoit le sublimé , du moins
ne devois-je rien négliger pour m’assurer
SUR ï.’ ETAIN*. 245
s’il étoit ou non de l’arsenic , et par cela
même , lever les doutes de Margraff.
J’avois quatre cols de retorte dans lesquels
ce sublimé occupoit une place d’environ
demi -pouce. C’étoit une nubécule d’une
volatilité peu commune; approclioit - on
un charbon ardent de la superficie externe
du verre , il s’exlial oit sur-le-champ une
sorte de fumée , qui , reçue sur le même
charbon, disparoissoit sans donner aucune
odeur caractéristique. Le sublimé qui fut
employé à cette première expérience , étoit
celui que j’avois tenu de l’étain de Banca.
Pour constater , par le sens de l’odorat,
qu’une chaux métallique est arsenicale , il
faut absolument la mettre en contact avec
un charbon embrasé ; je pris en consé-
quence le. parti d’introduire dans le col
auquel étoit attaché le sublimé de Pétain
de Malaca , un fil- de-fer dont l’extrémité
fut aplatie en forme de petite spatule un
peu recourbée. Cet instrument fut promené
en tout sens sur la surface du col où étoit
fixé le sublimé , et je réussis à l’en charger
d’une manière assez marquée ; ayant posé
l’extrémité de ce petit grattoir sur un char-
bon allumé , il s’en éleva une fumée bien.
Q 3
246 RECHERCHES
apparente, mais qui n’avoit point du tout
l’odeur arsenicale , odeur , comme on le
sait , si facile à reconnoître. Les sublimés
retirés de l’étain d’Angleterre en échantil-
lons et de l’étain doux , subirent aussi le
même essai, et la fumée blanche qui s’éleva
de l’un et de l’autre ne fut pas plus arse-
nicale que la précédente.
C’étoit déjà quelque chose , mais je
n’étoispas satisfait; j’exposai une nouvelle
portion des mêmes étains à la sublimation ,
qui me fournit quatre nouveaux cols de
retorte , chargés , comme la première fois ,
d’une couche légère de poudre blanche ,
que je ramassai avec un peu de mie de pain
tendre, qui, sur-le-champ, fut avalée par
un très-petit chien , sans que cet animal
ait eu aucun signe de maladie ; son appétit,
sa gaîté ont été les mêmes , et sa soif n’a
pas paru augmentée , ce à quoi je prenois
une attention particulière ; or une pareille
dose d’arsenic, c’est-à-dire un grain, n’au-
roit pas manqué d’éprouver ce petit animal
d’une manière très-marquée, et peut-être
même que la mort s’en seroit suivie.
Tell es furent les expériences auxquelles
je soumis les sublimés des quatre étains
SUR l’eTAIN. 247
primitifs ; la petite quantité qu’on en ob-
tient lorsqu’on les traite dans les vaisseaux
fermés, ne permet pas en effet de les pousser
plus loin ; et je suis d’ailleurs bien persuadé
que les lecteurs chimistes me rendront la
justice de croire que s’il avoit été possible
d’accumuler les sublimations , je n’aurois
pas manqué de les faire succéder les unes
aux autres , jusqu’au point d’avoir formé
une couche assez épaisse de la matière vo-
latile. J1 auroit donc fallu imaginer des
vaisseaux d’une toute autre construction
que celle des retortes : mais un pareil tra-
vail tenant aux recherches qu’on pourroit
faire sur la nature particulière des métaux
qui, exposés au feu , y acquièrent la pro-
priété de s’élever en partie sous la forme
de fleurs , me devenoit en quelque façon
étranger (1) , ou du moins m’éloignoit trop
(1) L’étain , le plomb , le bismuth , le régule d’an-
timoine et le zinc ( celui-ci avant son inflammation)
sont des substances métalliques et semi-métalliques ,
lesquelles échauffées jusqu’à un certain point , s’élèvent
en fumée qui , condensée, est connue en chimie sous
le nom de fleurs ; cette matière n’a été que bien foi-
blement examinée , et cependant elle a été le suieï
de brillantes théories»
240 recherches
de 111011 but, qui é toi t de constater si la
matière sublimée étoit ou n’étoit pas de
l’arsenic • or je crois, à cet égard , avoir
satisfait à mes engagemens , par les expé-
riences très -probantes dont je viens de
rendre compte.
§. V I.
, « « f •
Examen des quatre étains primitifs par la
voie des dissolvans.
Le point essentiel du travail que j’avois
entrepris étoit de constater par des expé-
riences sûres , si mes quatre étains conte-
ïioient de Parsème ou n’en contenoient
pas. Rien ne me paroissoit plus aisé ; car
j’étois bien éloigné de soupçonner toutes
les difficultés que j’ai rencontrées , en
m’obstinant à vouloir suivre le procédé
indiqué par Margraff ; mais la réputation
méritée dont jouit ce chimiste, m’entraîna
malgré moi, et rejetant sur moi- même
mon manque de succès , j’ai employé huit
mois à répéter sur mes quatre étains le
procédé si exactement décrit par l’homme
célèbre que j’avois pris pour guide.
Mais si je n’ai pas retiré de mes premières
SUR L ’ É T A I E\
tentatives tout le fruit que je devois natu-
rellement en attendre , elles n’ont cepen-
dant pas été entièrement perdues , puis-
qu’elles m’ont fait apercevoir la route qu’il
convenoit de prendre pour arriver au point
de décider la question , d’après des expé-
riences sûres que je rendrai faciles à répéter,
et conséquemment propresàêtre constatées
par ceux des chimistes qui sont bien con-
vaincus que c’est par des faits , et non par
des raisonnemens , qu’on prouve quelque
chose dans leur art.
Dans le compte que je vais rendre , je
me suis fait la loi de sauver aux lecteurs ,
autant qu’il sera possible , l’ennui des
détails ; mais comme il faut pourtant les
mettre à portée de juger, je crois devoir
exposer sous leurs yeux le procédé de
Margraff, parce que la question dont il
s’agit , mise ainsi dans tout son jour , ils
pourront plus facilement prononcer sur
mes travaux et sur leur résultat.
RECHERCHES
250
§. VII.
Procédé de Margraff pour démontrer par
l’eau légale la présence de l’arsenic
dans l’ étain.
Margraff , après avoir exposé les
motifs qui l’ont déterminé à s’écarter du
procédé indiqué par le célèbre Henckel ,
qui avoit aussi avant lui employé l’eau
régale pour retirer l’arsenic de l’étain ,
donne la manière de préparer l’acide ni-
treux destiné à faire son eau régale qu’il
compose, en ajoutant à chaque once de
son acide , une demi-dragme de sel ammo-
niac, après quoi il s’exprime ainsi : « Je
» yerse 4 onces de mon eau régale dans
33 un verre qui ne se trouve par-là rempli
» qu’à la moitié ; j’y jette à diverses re-
» prises, comme à un demi- quart d’heure
>3 d’intervalle , un demi-scrupule d’étain y
33 et je recouvre aussitôt l’orifice du verre
33 avec un papier ; alors l'étain se dissout
33 avec force , et il tombe au fond une
33 poudre blanche qui présente l’arsenic
» désiré ; mais , en ajoutant une nouvelle
33 quantité d’étain , il se fait une nouvelle
SUR I ’ £ T À I N. 2.5 1
33 solution claire , sans sédiment. Si l’on.
>3 sépare la poudre blanche susdite du
>5 liquide qui surnage , et qu’on la fasse
^ dissoudre dans l’eau et un peu évaporer
35 cette solution , il faut moins de temps
>5 pour trouver l’arsenic renfermé dans
l’étain , mais on dépense plus d’eau-
33 forte.
>3 Qu’on verse cette solution d’étain dans
33 un vase de verre dont l’orifice soit ample ,
33 en sorte que le liquide remplisse à-peu-
3> près le tiers du verre , qu’on le couvre
33 d’un papier gris , mais sans l’ajuster fort
33 étroitement , et qu’on mette ce verre
33 sur du sable chaud , et qu’on se serve
33 d’une chaleur douce , de manière que
33 le liquide puisse pourtant s’évaporer ;
33 si cette évaporation se fait ainsi de la
33 manière la plus douce qu'il soit possible,
33 outre les parties aqueuses , il s’élèvera
33 quelques vapeurs blanches , et quand
33 elles paroissent , il faut bien prendre
33 garde de ne pas trop augmenter le feu.
3» En procédant ainsi pendant la durée de
33 l’évaporation , il paroîtra des cristaux ;
33 alors il faut d’abord ôter le verre du feu ,
33 et le placer dans un lieu médiocrement
s5 2 RECHERCHES
33 froid , après quoi les cristaux désirés se
^ formeront en plus grande quantité. Au
33 bout de quelques jours on peut faire
33 la décantation du liquide, et mettre sé-
cher les cristaux sur un papier plié en
33 dou ble.
33 De cette manière , une demi - once
3> d’étain de Malaca vous donnera à-peu-
» près une demi -dragme de ces cristaux; et
33 les autres espèces d’étain , celui de Saxe
33 sur-tout, en fournissent encore davan-
33 tage.Ces cristaux, à dire la vérité, ne sont
33 que l’arsenic tout pur ; car j’en ai dis-
D3 tillé une drachme dans une petite retorte
33 de verre , en y appliquant le récipient ,
33 et en augmentant le feu jusqu’à l’incan-
>3 descence : alors tout s’est élevé dans le
33 col de la retorte , de manière qu’il n’y
33 en est demeuré que très peu. J’ai distillé
33 de nouveau ce sublimé mêlé avec une
33 quatrième partie de sel de tartre , en y
33 donnant un feu violent ; alors l'arsenic
33 s’est élevé sous une forme blanche trans-
33 parente , et ce sel de tartre avoit entière-
33 ment absorbé les sels acides qui lui
33 étoient encore attachés 33.
Le reste du paragraphe XXIII de la dis-
SUR l’ É T A I N. 253
sertation de Margraff est employé à des
expériences qui prouvent que ce sublimé
étoit de pur arsenic ; et dans le XXIVe , ce
chimiste dit qu’ayant répété toutes les
opérations qu’on vient de lire sur de l’étain
tiré des plus purs minéraux, il n’y avoit
pas découvert un atome de cette redoutable
substance.
Tel est le procédé que Margraff donne
comme propre à retirer l’arsenic de l’étain ;
le point étoit de se familiariser avec lui,
en le répétant plusieurs fois sur chacun de
mes quatre étains primitifs ; mais pour y
parvenir , combien n’a- 1- il pas fallu faire
de tentatives ? j’ai été long-temps avant
de m’apercevoir que l’on ne réussissoil à
obtenir la poudre blanche dont parle ce
chimiste , qu’en employant une eau régale
très -affaiblie. Je sauverai donc bien des
difficultés à ceux qui voudroient répéter
l’expérience de Margraff, ou celles que
j’indiquerai dans un moment, en les pré-
venant qu’ils réussiront constamment s’ils
ont la précaution d’affoiblir leur eau régale,
en y ajoutant une , deux et quelquefois
même trois parties d’eau distillée , c’est-à-
dire , en amenant , par des essais , ce dis-
254 RECHERCHES
solvant au point d’agir sur l’étain lentement
et sans s’échauffer.
Lors de mes premières expériences ,
l’eau régale , quoique préparée à la façon
de Margraff, se trouvoit trop forte ; elle
attaquoit l’étain avecvivacité et contractoit
un degré de chaleur qui opéroit la disso-
lution de la poudre blanche à mesure
qu’elle se formoit.
J’aurai dans la suite plus d’une fois
occasion de faire sentir combien il importe
de n’employer que des acides foibles dans
certaines opérations.
$. VII I.
Effets du procédé de Margraff sur les
quatre étains.
Pour opérer comme Margraff, j’ai
préparé une grande quantité d’acide ni-
treux , qui , après avoir été précipité et
distillé de nouveau , étoit en pesanteur à
l’eau distillée, comme vingt -cinq est à
dix • neuf. Cet acide avoit d’ailleurs été
retiré du nitre pur par l’intermède de la
terre argileuse, intermède que je préfère
à l’acide Yitriolique , et même au vitriol.
sur l'étain. 255
Une once de cet acide pur et 3 6 grains
de sel ammoniac purifié, forment ce que
j’appelle mon eau régale forte. Veux-je
l’affbiblir , j’y ajoute une , deux , et même
quelquefois trois parties d’eau distillée.
Muni d’une grande quantité de cette eau
régale , et suivant avec la plus grande
exactitude tous les détails prescrits par
Margraff , j’ai procédé sur mes quatre
étains primitifs , sans qu’il m’ait été pos-
sible d’y découvrir le moindre vestige
d’arsenic. J’avois cependant aperçu dans
ces quatre opérations tous les phénomènes
annoncés parce chimiste; la poudreblanche
s’étoit formée , tandis que l’eau régale atta-
quoit les petites lames d’étain, et la liqueur
qui la recouvroit ayant été retirée et bien
égouttée , la poudre séchée et examinée ,
cette poudre ou plutôt ce sel ( car c’en
est véritablement un soluble dans l’eau et
résultant de la combinaison de l’acide ré-
gale avec l’étain) ne se trouva point du
tout être arsenical. Je me suis aussi pro-
curé les cristaux annoncés par l’auteur , et
je les ai traités , ainsi qu’il l’indique , par
une première sublimation , qui , réitérée ,
en y mêlajU du sel de tartre , m’en a donné
2.56
Il E C I I E R C H E S
une seconde peu volumineuse , à la vérité ,
mais pourtant suffisante pour pouvoir
constater qu’elle n’étoit aucunement ar-
senicale.
Tel fut mon résultat, en exécutant pour
la première fois le procédé de Margraff
sur mes quatre étains. Je ne me découra-
geai point, et cette expérience fut répétée
jusqu’à huit fois sur chaque étain , mais
toujours infmctueuseme t.
On est cruellement tourmenté, lorqu’en
suivant un chimiste tel que Margraff,
on ne parvient pas à obtenir les résultats
qu’il annonce. Je crus donc devoir répéter
encore deux fois le même travail sur l’étain
de Malaca , que cet homme célèbre dit lui
avoir fourni une quantité notable d’arsenic,
sans cependant la fixer ; mais ces deux nou-
velles opérations ne m’apprirent rien , et
elles furent aussi inutilement tentées que
l’a voient été les premières.
Il étoit naturel de conclure que mes
quatre étains ne m’avoient point donné
d’arsenic, par la raison qu’ils n’en con-
tenoient pas ; ruais cette conclusion me
paroissant trop précipitée , je ne pouvois
me résoudre à abandonner mes recherches
sur
sur l’étain. 2A7
sur un objet aussi important. Ainsi donc,
sans même présumer que l’arsenic n’exis-
toit pas clans ces étains , je crus devoir
recourir à des expériences comparatives,
en prenant pour cet effet le parti d’intro-
duire dans ces mêmes étains de l’arsenic
à des doses connues et graduées depuis un
seizième jusqu’à un douze centième , et
d’aller même encore plus loin s’il étoit
nécessaire.
§. I X.
Alliage d'étain et d’arsenic.
En général les chaux métalliques ne con-
tractent point d’union avec les métaux , à
moins qu’elles ne rencontrent dans la fonte
une matière propre à opérer leur réduction.
Margraff avoit cependant cherché à unir
l’étain à l’arsenic proprement dit , c’est-
à-dire , à une chaux métallique ; et soit
qu’il n’ait pas soupçonné, l’impossibilité de
cette union , soit qu’il ait connu d’avance
le résultat d’un pareil mélange , il s’est
déterminé pour ce procédé. Ce chimiste
a introduit demi-once d’étain de Malaca ,
et autant d’arsenic blanc dans une retorte
Tome IL R
258 R E CHERCHES
de verre munie de son. récipient , et a
exposé le tout à un très-grand feu , dans
la vue d’unir ces deux substances par la
fonte.
Dans cette opération l’arsenic s’est con-
verti en régule et l’étain en chaux , c’est-
à-dire, que ce dernier a perdu sa forme
métallique , et que le premier a recouvré
la sienne , en sorte que l’auteur a trouvé
dans le col de la retorte deux dra^mes et
demie de régule d’arsenic , et dans le fond
du même vaisseau , cinq dragmes et demie
de cendrée blanchâtre, dont il a été obligé
de faire la réduction pour se procurer un
étain artificiellement arseniqué.
Un pareil procédé ne pouvoit convenir
à mes vues, qui étoient bien différentes de
celles qui avoient déterminé Margraff à
l’adopter ; il me falloir absolument fixer
au juste la quantité d’arsenic introduite
dans une quantité donnée d’étain, et pour
y parvenir, il étoit essentiel d’éviter la cal-
cination du métal , ce qui ne pouvoit se
faire en employant la chaux d’arsenic ,
ainsi que je l’ai éprouvé en répétant le
procédé de Margraff : procédé que j’ai
çru devoir abandonner , en lui en subs-
SUR.
l’étain.
tituant un plus conforme aux principes de
la saine chimie; or, pour arriver au but
que je me proposois , j’ai donne la préfé-
rence à celui-ci.
Premier alliage. Que l’on introduise
dans une petite retorte de verre lutée ,
d’abord 2 gros de régule d’arsenic réduit
en poudre grossière , ensuite 3 onces 6 gros
d’un des rpiatre étains primitifs ; qu’on place
la retorte dans un fourneau convenable ,
qu’on y adapte un récipient proportionné,
et que le feu y soit appliqué jusqu’à la faire
rougir; il s’élèvera à peine 2 grains d’ar-
senic dans le col , et après le refroidis-
sement , on trouvera dans le fond un
culot métallique , sur lequel on n’aper-
cevra qu’une très-légère portion de crasse
et point du tout de chaux parfaite ; il
pesera 4 onces , la portion sublimée étant
trop petite pour être sensible.
Ce culot d’étain qui contient ~ de régule
d’arsenic , offre un alliage cristallisé en
grandes facettes à- peu près comme le bis-
muth ; sa fragilité est plus grande que celle
du zinc; lorsqu’on le remet en fusion , il
exige plus de feu que l’étain ; il commence
par se ramollir; si on le Touche alors avec
R a
2,6o recherches
une baguette de fer , on entend un crî
occasionné par les cristaux qui se frottent
les uns contre les autres ; le feu étant aug-
menté , la fusion devient parfaite ; on voit
ce métal fumer et répandre l’odeur propre
à l’arsenic. Si on veut le couler dans une
lingotière, on n'y parvient que très-impar-
faitement ; cette fonte étant pâteuse , et
conséquemment peu coulante.
L’odeur d’arsenic qui s’élève d’un pareil
alliage mis en fusion , sa lentescence , la
dimension de ses cristaux, son peu de duc-
tilité , tout enfin m’annonçoit que la pro-
portion du régule d’arsenic étoit de beau-
coup trop forte.
Secojid alliage. J’ai , en conséquence ,
pris 2, onces de la masse ou culot ci-dessus ,
que j’ai fait fondre avec autant du même
étain pur , ce qui m’a donné un nouveau
produit , où le régule d’arsenic se trouvoit
dans la proportion dY* . Celui-ci étoit en-
core très-fragile , les facettes étoient aussi
brillantes , mais cependant moins grandes
que celles du précédent.
Troisième alliage. J’ai fait fondre 2,
onces du second alliage, avec partie égale
du même étain pur, ce qui m’en a procuré
\
SUR L ’ E T A I W. 2 6î
un troisième dans la proportion d’A-, qui
coininençoit à avoir moins de fragilité ;
mais son peu de ductilité me détermina à
diminuer encore le régule de moitié.
Quatrième alliage. J’ai en conséquence
fait fondre 2 onces du troisième alliage
avec 2 onces d’étain pur , ce qui nfen a
procuré un quatrième , dans lequel le
régule étoit dans la proportion dVIV* Ce
quatrième alliage commençoit, à la vérité,
à avoir de la ductilité ; mais il avoit encore
tant de dureté et de roideur , que coulé en
lingots de six pouces de long , sur une
ligne * d’épaisseur, on ne parvenoit à les
plier qu’avec effort; ils pouvoient d’ailleurs
se rompre en les pliant quatre ou cinq fois
de suite en sens contraire.
Cinquième alliage. La dureté du qua-
trième alliage , son peu de flexibilité , son
aigreur enfin l’éloignant encore beaucoup
de mes étains primitifs , je crus devoir en
fondre 2 onces avec partie égale de nouvel
étain pur ; ce qui me donna un cinquième
alliage dans la proportion dVh" de régule
d’arsenic. *
Celui-ci devenu plus doux et plus duc-
tile , quoique comparaison faite avec mes
Il 3
262
RECHERCHES
quatre étains, il fût encore un étain très-
aigre et hors d’état de pouvoir être employé
par les ouvriers , je pris cependant le parti
de m’ariêter pour quelque temps à cette
proportion, et de traiter par l’eau régale
les cinq alliages dont je viens de parler,
bien assuré que les expériences compara-
tives que j’allois faire , jeteroient le plus
grand jour sur le problème que je voulois
résoudre.
S- X.
Effet de Veau régale sur les alliages
Ayant allié 3 onces 6 gros d’étain de
Banca à 2 gros de régule d’arsenic dans
les proportions ci-dessus énoncées, j’avois
12 onces d’étain impur divisé dans l’ordre
suivant 5
S a v o 1 r :
2 onces
2 . . .
3 . . .
2 . . .
4. • -
à tï.
à tï*
> »
a
t
a ... . 'h
à . . . * -rh.
S U 11
l’ÉTAIN. 2.63
Le premier ne pouvant s’étendre sous
le marteau , a été cassé en petits firagmens,
qui , mis au poids de 3 6 grains dans deini-
once d’eau régale ( pareille à celle qui
m’avoit servi dans les expériences précé-
dentes), me présenta sur-le-champ un phé-
nomène bien différent de celui que j’avois
remarqué lors de mes tentatives sur l’étain
pur de Banca, dont les lames attaquées par
le même dissolvant, sans perdre leur éclat,
se précipitoient au fond du vase, sous l’ap-
parence d’une poudre blanche ; ici, au con-
traire , les petits morceaux d’étain arseniqué
sont à peine touchés par l’eau régale, qu’ils
se ternissent, deviennent noirs, et se con-
vertissent en une poudre de la même cou-
leur.
Cette poudre séparée par décantation
de la liqueur surnageante , n’a pas besoin
d’être traitée par des cristallisations et
sublimations répétées , elle n’exige même
pas qu’on en absorbe, par un alkali fixe,
l’acide qui lui est uni 5 pour manifester sa
nature , il suffit de la laver une ou deux
fois avec un peu d’eau distillée, qui, dis-
solvant le sel formé par la combinaison
de l’étain avec l’acide légalisé, laissera au
R 4
264 RECHERCHES
fond du vase environ 2 grains d’une poudre
noire, qui , séchée et portée sur un charbon
ardent, s’élèvera en une fumée blanche,
dont l’odeur fera sur-le-champ connoître
qu’elle est de l’arsenic pur ; enfin , par ce
procédé j’ai retiré de l’étain tout le régule
d’arsenic qui y avoit été introduit.
Cette expérience a été répétée sur les
deuxième , troisième et quatrième alliages^
et à la quantité près de la poudre noire qu’ils
fournissoient , tout s’est passé comme il
vient d’être rapporté , c’est-à-dire , qu’il
a été retiré de chacun d’eux la totalité du
régule d’arsenic dont je les avois impré-
gnés 5 enfin 36 grains de notre cinquième
alliage , de celui ou le régule d’arsenic
étoit dans la proportion d’-^r ayant pu
s’étendre sous le marteau, furent réduits
en une lame qui, mise dans une demi-once
de la même eau régale , devint noire en un
instant , et il s’en détacha une quantité
innombrable de petits corpuscules noirs ,
qui , se mêlant à la poudre blanche que
fournit l’étain , lui communiquèrent une
couleur brune foncée j cette poudre dis-
soute dans une suffisante quantité d’eau
distillée , offroit une liqueur blanche et
sur l’étain. h65
limpide, sous laquelle on voyoit une pous-
sière noire, qui n’étoit autre chose que le
régule d’arsenic entré dans l’alliage.
s. X I.
Effets de Veau régale sur des alliages oit
il entre beaucoup moins de régule d'ar-
senic que dans les précédens.
Un deux cent cinquante-sixième d’ar-
senic recelé dans une masse d’étain , pou-
vant en être retiré et rendu palpable , j’ai
cru devoir pousser encore mes recherches
plus loin ; et diminuant toujours la pro-
portion du dangereux minéral , je me
suis procuré des alliages de toute sorte de
nuances depuis x\r jusqu’à i^V8 , et répétant
sur chacun d’eux l’expérience avec l’eau
régale , j’ai observé ,
i°. Que depuis -r jusqu’à la cou-
leur de la poudre noire se dégrade insen-
siblement ; mais cependant qu’en opérant
séparément sur seize demi-gros du dernier
alliage, et en réunissant les produits, on
parvenoit à retirer tout le régule d’arsenic
que l’on y qvoit introduit ;
2°. Que depuis la proportion dyrï- jusqu’à
266 RECHERCHES
celle dY/ii , les lames d'étain exposées a
l’action de l’eau régale., se brunissent de
moins en moins , et qu’à mesure qu’on
approche de ce dernier terme, on ne voit
plus que quelques corpuscules noirs se dé-
tacher de l’étain et flotter dans la liqueur
à laquelle ils communiquent encore une
légère couleur brune ;
3°. Qu’en allant toujours peu à peu jus-
qu’à îtV* y l’arsenic se manifestait encore,
et quelque petite qu’en fût la proportion ,
on pouyoit , tandis que le dissolvant agis-
soit, distinguer , à l’aide d’une loupe, les
corpuscules arsenicaux qui flottoient quel-
ques instans dans le dissolvant , et dispa-
roissoient bientôt , parce qu’en se mêlant
à la poudre blanche que fournissoit l’étain,
ils ne pouvoient , par leur petite quantité,
en altérer sensiblement la couleur.
Je n’entrerai pas dans de plus grands
détails sur cette expérience, quelque inté-
ressante qu’elle paroisse ; quhl suffise de
prévenir les lecteurs que les étains de
Malaca , d’Angleterre , doux et en petits
échantillons , ont été alliés avec le ré-
gulé d’arsenic aux mêmes proportions, et
qu’ayant été traités par l’eau régale , ils
SUR U ’ ÉTAIN. 267
m’ont présenté absolument les mêmes phé-
nomènes ; mais ne pouvant me dispenser
de donner quelques éclaircissemens sur leur
cause, qui seroit d’autant moins sentie, que
le rapport des acides , et singulièrement de
l’eau régale avec le régule d’arsenic , est
assez peu connu , je renvoie ines lecteurs
au dernier paragraphe de la seconde sec-
tion , où je donnerai des éclaircissemens
sur ce sujet. Je me contenterai donc ici
de faire observer qu’en traitant mes der-
niers alliages , ceux où l’arsenic se trouvoit
depuis jusqu’à r’n > je fuisois toujours
une double opération, c’est-à-dire, que
j’avois sous les yeux deux capsules qui con-
tenoient , la première , une lame d’étain
pur , la seconde , une lame d’étain arse-
niqué , et que l’eau régale é toit versée dans
l’une et dans l’autre au même instant: cette
manière d’opérer me mettoit à même de
saisir la plus petite nuance qui se présen-
toit dans la dissolution d'un étain pur , et
celle d’un étain allié d^JV* d’arsenic (1).
(1) Dans la crainte qu’on ne m’objectât que dans
mes expériences comparatives j’avois employé un étain
allié avec le régule d’arsenic, tandis qu’il auroit peut-
être fallu faire ces expériences sur un étain allié avec
268
recherches
s. XII.
Réflexions sur le procédé de Margraff,
Cette manière de découvrir un atome
de régule d’arsenic caché et disséminé dans
la chaux d’arsenic , j’ai recommencé mon travail sur
un alliage fait à la façon de Margraff, en tâchant
néanmoins d’éviter la calcination totale de l’étain qui
arrivera toujours tant qu’on s’obstinera à vouloir com-
biner parties égales d’étain et d’arsenic blanc. Voici
celui que j’avois adopté. Ayant introduit dans une
retorte de verre l.utée quatre onces d’étain de Malaca ,
et demi-once d’arsenic blanc, le feu a été allumé et
soutenu pendant près de deux heures.
Les produits de cette opération ont été ,
i°. 2 gros d’arsenic blanc sublimé,
2°. 4 grains de régule d’arsenic sublimé ,
3°. 6 gros 64 grains de chaux d’étain recouvrant le
culot.
4®. 3 onces 3 gros d’étain à grandes facettes.
Total. 4 onces 3 gros 68 grains.
Cet étain ainsi arseniqué paroissoit à ses larges
facettes et à son aigreur pouvoit contenir ~ à-peu-
près de régule d’arsenic. Dans cette opération , une
partie de la chaux d’arsenic a éprouvé la réduction ,
ce qui l’a rendue propre à s’unir à l’étain 5 une autre
partie s’est sublimée sous la forme de chaux sans se
réduire $ mais on n’en sera pas surpris , si on fait
\
sur l ’ étain. 269
rétain , me rassuroit sur mes premières
expériences , et je commençois à acquérir
des preuves démonstratives de la non exis-
tence de l’arsenic dans mes quatre étains
primitifs.
Les faits avancés par Margraff , à l'égard
de deux étains, l’un dit de Malaca , l’autre
d’Angleterre , qui , à l’entendre , lui ont
fourni une quantité notable d’arsenic , ne
m’ernbarrassoient plus si fort • car enfin
l’étain qui lui a été donné pour du Malaca
étoit-il du vrai et pur Malaca ? Quelle
précaution ce chimiste a-t-il prise pour
\
attention à la volatilité de cette substance , qui est
telle qu’elle peut se sublimer avant même que l’étain
entre en fonte. Trois ou quatre grains seulement se
sont élevés sous la forme de régule d’arsenic ; si le
feu eût été plus long-temps continué , on en auroit
obtenu une plus grande quantité } mais mon objet
n’étant que de me procurer un étain, traité avec la
chaux d’arsenic , se trouvoit rempli par les 3 onces
3 gros qui se sont trouvés dans le fond de la retorte.
Cet alliage ayant été gradué par des additions suc-
cessives d’étain pur au point de ne contenir plus
qu’~ j de régule d’arsenic, et même beaucoup moins,
ne différoit point du tout des étains que j’avois précé-
demment alliés au régule d’arsenic 5 l’eau régale le
dissolvoit, en laissant apercevoir la poudre noire , etc.
2JO RECHERCHES
s’eri assurer ? la forme des petits lingots
dits éciitoircs, ou petits chapeaux, peut
s’imiter par-tout ; j’en ai eu souvent la
preuve. L’étain de Malaca que Margraff
a employé , avoit peut-être été mélangé
d’un étain de Saxe, tel que celui dont il
m’assure avoir retiré tant d’arsenic ; mal-
gré ma méfiance, j'avois plus d’une fois
été trompé. Mais j’en demande pardon à
Margraff’; que penser de cette expérience
dans laquelle , selon lui , une demi once
d’étain de Malaca lui a donné à-peu près
une demi-dragme de cristaux qui ne sont,
dit il , que de l’arsenic tout pur? Manière
de parler sans doute; car un peu plus bas,
ce chimiste ajoute que l’alkali fixe mêlé à
ces cristaux , en a absorbé entièrement les
acides , ce qui certainement a diminué
d'autant la demi-dragme, et doit l’avoir
réduite aune quantité que cet auteur au-
roit bien dû indiquer. Piéduisons la donc
cette demi-dragme à moitié ; allons plus
loin encore : réduisons- la à 12 grains; ce
n’est pas assez , réduisons-la à 6 grains, et
tâchons d’allier la mollesse, la flexibilité
qu’a naturellement l’étain de Malaca avec
la roideur que 6 grains de régule d’arsenic
L * B T A I N.
S U IV
271
donneroient à demi - once d’étain. : un
pareil mélange seroit aussi fragile que le
zinc ; enfin un étain qui contiendroit na-
turellement une aussi grande proportion
d’arsenic, c’est-à-dire A-, de quelque pays
qu’il vînt, ne pourroit jamais être employé
sous la dénomination d’étain ; son aigreur,
les grandes facettes qu’il présenteroit dans
ses fractures , et même à sa surface , l’au-
roicnt depuis long- temps fait mettre au
rang des demi-métaux ; et qui sait com-
bien de siècles se seroient écoulés avant
que l’art fût parvenu à bien connoître sa
composition, à lui enlever toute la subs-
tance arsenicale , enfin à l’amener au
point de pouvoir être compté parmi les
métaux ?
Quant à l’étain d’Angleterre dont Mar-
oraff dit avoir également retiré de Parsenic.
comme il y en a deux espèces , et que ce
chimiste ne désigne pas celle qu’il a soumise
à l’expérience , j’ai cessé de me trouver en
contradiction avec lui , et je démontrerai
bientôt qu’il n’y a d’autre erreur en ceci ,
que d’avoir appliqué à l’étain d’Angleterre
en général , ce qui ne devoit l’être qu’à
une espèce particulière.
recherches
272
s. XIII.
Effet de V acide marin sur V étain en
général.
K 1 e n sans doute ne paroît mieux prou-
ver que l’arsenic n’existe pas dans mes
quatre étains primitifs, que les expériences
comparatives faites avec l’eau régale sur
les uns et les autres, soit devant , soit
après leur alliage avec le régule d’arsenic 5
mais comme il est des cas où ces expé-
riences ne peuvent être que difficilement
employées ; par exemple, celui où il s’agi-
roit d’examiner un étain allié avec les
substances métalliques dont je parlerai
dans la suite , il étoit nécessaire de tenter
différens moyens pour tâcher de découvrir
un procédé qui pût s’appliquer générale-
ment à toutes sortes d’étains, non-seule-
ment dans la vue d’éprouver s’ils conte-
noient ou ne contenoient pas de Parsème,
mais encore de constater la quantité posi-
tive de ce dernier 5 ce qui me paroissoit
d’autantplus essentiel, que souvent il suffit
de prononcer le nom de cette substance
salino-métallique pour imprimer la terreur :
or
l’étain.
SCJR l’ÉTAin. 27 3
or ce moyen , je l’ai rencontré dans l’acide
marin, ainsi qu’on va le voir (1).
L’acide marin , d’une moyenne force
dissout parfaitement l’étain , mais la ma-
nière dont il exerce son énergie sur ce
métal , est bien différente de celle que
j’ai observée dans l’eau régale ; celle-ci n’a
pas besoin , pour en faire la dissolution ,
d’être aidée de la chaleur, tandis que l’on
croit communément que l’acide marin
n’agit sur l’étain d'une manière bien mar-
quée , qu’autant qu’il est entretenu très-
chaud.
La manière de procéder à cette disso-
lution est décrite dans tous les livres élé-
mentaires modernes ; mais faute d’avoir
(1) L’acide du sel marin que j’ai employé dans mes
opérations étoit retiré de sa base par l’intermède
de l’argile, et purifié par une seconde distillation qui
le dégage d’une petite portion de terre et de fer dont il
se charge constamment dans la première. La rectifica-
tion fait perdre à cet acide sa couleur jaune , et en
dégage une assez grande quantité de gaz qui devien-
droit incommode, si on n’einployoit pas un récipient
pneumatique. Au reste mon acide, quoique privé de
sa couleur jaune , et par conséquent très- blanc, fumoit
encore et étoit d’une bonne force 5 il étoit en rapport
avec l’eau distillée, comme 81 est à 72,
Tome II.
S
2 74 RECHERCHES
bien distingué les différens étains , leurs
auteurs n’ont rien dit que de vague sur les
phénomènes qui se présentent pendant et
après l’opération. Les uns ont observé
qu’il se déposoit au fond du inatras une
petite quantité de matière noire qu’ils ont
présumé eWequelque matière phlogis tique ,
d’autres ont dit que cette matière étoit ar-
senicale 5 mais qu’ils eussent des doutes
sur sa nature , ou qu’ils n’en eussent pas ,
ils n’ont pas jngé à propos d’insister sur
un procédé dont probablement ils n’ont
pas senti toute l’importance ; quelques-
uns n’ont pas vu cette matière , ou s’ils
l’ont vue , ils ont négligé d’en parler ;
enfin , on a dit que la dissolution d’étain
par l’acide marin exhale , tandis qu’elle
s’opère , une forte odeur d’ail ou d’arse-
nic , et on a généralisé cette assertion au
point de jeter dans l’erreur ceux des chi-
mistes qui trouvent plus de satisfaction , et
sans doute plus de facilité à établir des
théories sur des faits douteux , qu’à s’oc-
cuper d’expériences. Puissent celles dont
je vais rendre compte, jeter du jour sur un
fait que les circonstances rendent très-im-
portant !
sur. l’étain. 27S
s. XIV.
Effets de l’acide marin sur les quatre
étains primitifs.
I l a été mis dans uri matras , à très-
long col , 4 onces d’étain de Banca la-
miné et coupé en très-petits filets, sur les-
quels on a versé 12 onces d’acide de sel
marin pur ; le matras fermé d’un bouchon
fait avec un quadruple papier , a été posé
sur un bain de sable , que l’on a échauffé
et entretenu au degré qui excitoit entre
l’acide et le métal une effervescence assez
vive. Le feu a été continué pendant deux
jours entiers , et tout ce temps a été né-
cessaire pour opérer entièrement la dis-
solution, qui étoit claire , limpide, et , ce
qu’il faut bien remarquer , sans aucun dé-
pôt de matière noire ; enfin la vapeur qui
se répandoit pendant que cette dissolution
se faisoit, et que j’augmentois quelquefois
à dessein , en échauffant davantage la
liqueur , avoit une odeur forte et peu
agréable 5 mais elle ne ressembloit point du
tout à celle de l’ail ou de l’arsenic (1).
(1) Il est assez indifférent d’interrompre le feu ; il
S 2
RECHERCHES
J’ai egalement traité par l’esprit de sel
4 onces d’étain de Malaca, d’Angleterre
doux et d’Angleterre en petits échantil-
lons , et aucun n’a laissé au fond du
matras le moindre vestige de matière
noire.
J’ai pris quatre matras dans chacun des-
»
importe peu que cette dissolution se fasse en deux, en
quatre ou en six jours : ce seroit donc inutilement
que, sous prétexte de l’accélérer, on voudroit aug-
menter le feu. Comme j’ai recommandé de se servir
d’un matras à long col , on sera assuré que l’opération
est bien conduite, si, en portant de temps en temps
la main au-dessus de la partie moyenne du col , on la
trouve froide , quoique le mouvement d’effervescence
soit assez vif pour faire paroitre des bouillonnemens
dans le matras ; une chaleur plus forte que celle que
j’indique ne tarderoit pas à se communiquer jusqu’à
l’orifice du matras , qu’il seroit alors impossible de
toucher ; et si elle ne devenoit pas absolument con-
traire au succès de l’opération , elle seroit au moins
superflue , puisqu’elle diminueroit la quantité pres-
crite d’acide marin dont une portion s’élèveroit en
pure perte hors du matras.
S. X V.
fets de V acide maria sur les quatre
étains primitifs artfciellement alliés
avec le régule d’arsenic.
sur l’étain. 277
quels il a été introduit 12 onces d’acide
marin pur et 4 onces de petits filets de
chaque étain primitif allié d’-nv de régulé
d’arsenic , et le tout a été tenu au degré
de chaleur qui excite le mouvement d’ef-
fervescence , tout le temps nécessaire pour
opérer la dissolution totale de l’étain em-
ployé.
Vers le milieu de l'opération, onpouvoit
déjà remarquer que les filets de l’alliage
avoient perdu leur éclat , et qu’ils com-
rnençoient à se couvrir d’une poussière
noire. Tout mouvement d’effervescence
ayant cessé , il resta dans chaque matras
une poudre noire que l’acide refusoit de
dissoudre.
En agitant et en versant tout-à-coup la
dissolution dans une capsule de verre ,
cette poudre fut entraînée et gagna bien-
tôt le fond du nouveau vaisseau ; ce qui
offrit le moyen de la retirer de dessous la
liqueur surnageante, d’étre lavée et séchée.
Cette matière pulvérulente et noire ,
mise sur la balance , se trouva égale en
poids dans les quatre matras de chacun
desquels il en fut retiré entre 17 et 18
grains. C’étoit, à très-peu de chose près,
S 3
RECHERCHES
la quantité de régule d’arsenic introduit
dans chaque étain 3 et pour en reconnoître
la nature , il suffisoit d’en jeter un quart de
grain sur un charbon ardent.
La même expérience ayant été répétée
sur les mêmes étains alliés avec jyg- de ré-
gule d’arsenic, c’est à-dire, un grain par
once , j’en ai egalement retiré et rendu
palpable ce grain arsenical 3 enfin ayant
aussi procédé sur des étains dans lesquels
il n’avoit été introduit qu’un quart de grain
par once , je suis parvenu à retirer cette
quantité qui , quoique dVîo+ , n’a point
échappé à l’expérience 3 mais il faut noter
que j’opérois alors sur une livre d’alliage.
J’ose croire que le procédé que je viens
d’indiquer sera regardé comme très-propre
à opérer le départ du régule d’arsenic
allié à l’étain 3 départ qui se fait d’autant
plus sûrement , que l’acide marin ayant
sous forme liquide, une très-grande affi-
nité avec l’étain , paroît sous la même
forme n’en avoir qu’une très-foible avec le
régule d’arsenic, ainsi que je le démon-
trerai à la fin de la seconde section.
Ce que je viens d’exposer dans ce para-
graphe prouve incontestablement que j’ai
sur l’étain. 279
eu raison de dire que de tous les dissol vans,
l’acide marin étoit celui qui fournissoit le
plus sûr moyen de démontrer non-seulement
si l’arsenic existoit ou non dans l’étain ,
mais encore d’en déterminer la proportion
lorsque ce demi- métal s’y rencontroit.
En traitant mes quatre étains primitifs
par l’acide marin, sans obtenir le moindre
atome de poudre noire , je crois avoir
acquis la preuve la plus certaine qu’ils ne
contiennent absolument point d’arsenic.
Je crois ne devoir pas finir ce paragra-
phe , sans faire observer qu’en tenant l’acide
de sel marin et l’étain à un degré de cha-
leur qui paroît faire bouillir le dissolvant ,
mon intention n’a pas été d’insinuer que
cet acide n’a point d’action sur l’étain ,
lorsqu’on abandonne l’opération à la tem-
pérature de l’atmosphère ; ce qui pour-
roit être présumé , si on s’en tenoit à ce
qu’on trouve dans les auteurs qui ont
parlé de la dissolution de l’étain dans l’a-
cide marin (1).
(1) J’en excepterai Cadet qui, dans un mémoire
imprimé, volume de l’Académie, année 1772 , nous
apprend qu’il faisoit dissoudre l’ctain dans l’acide
marin sans le secours de la chaleur.
S 4
2^0 RECHERCHES
J’affirmerai au contraire que mon acide,
sans être fort concentré, agit très-bien à
froid sur ce métal qu’il dissout parfaite-
ment, et que cette manière d’opérer auroit
même été la seuie que j’aurois indiquée,
comme la plus exacte pour constater si un
étain contient ou ne contient pas d’arsenic:
mais comment proposer une expérience
qui exige au moins cinq ou six mois pour
être terminée ? Qui voudroit la répéter ?
Ce seroit même en vain que j’insisterois sur
le peu de soin qu’elle demande de la part .
du chimiste ; je ne persuaderois personne.
Je n’ai cependant pas cru pouvoir me dis-
penser d’en faire mention comme d’un
procédé bon à connoître , et peut-être le
seul qu’il faudroit adopter malgré sa lon-
gueur.
Que l’on mette dans un matras 5 onces
d’un bon acide de sel marin bien pur , et
qu’on y ajoute 24 grains de très-petits filets
d’étain de Eanca , de Malaca , ou autre
étain pur ; que l’on ferme négligemment
le matras avec urî bouchon de liège , et
qu’on laisse le tout à la température de
l’atmosphère , en huit ou dix jours au plus
la dissolution sera faite 5 et si on a été
SUR
L ’ É T A T N. 201
attentif, on aura remarqué qu’elle ne s’o-
péroit pas sans un petit rriouvementd’effer-
vescence. On fournira de nouveau 24 grains
de petits fils du même étain dont la disso-
lution se fera également ; et en continuant
ainsi , on parviendra à faire dissoudre une
once de ce métal dans la quantité d’acide
indiquée , sans employer d’autre degré
de chaleur que celui de l’atmosphère.
J’ai fait cette opération pendant les six
premiers mois de l’année 1779 , sur mes
quatre étains primitifs , et sur ces mêmes
étains alliés à éü de régule d’arsenic, les
premiers se sont dissous entièrement, et
les seconds ont laissé un grain de poudre
brune, qui étoit la quantité de régule uni
à l’once d’étain soumise à l’expérience.
§. XVI.
Effets de V acide nitreux sur l’étain en
général.
%
Les acides , en agissant sur les corps ,
ont chacun une manière particulière de
s’unir avec eux 5 par combien de phéno-
mènes ne peut - on pas distinguer une
282 RECHERCHES
substance exposée à l’action d’un acide
quelconque ? tantôt l’odeur , tantôt la cou-
leur, souvent le goût dévoilent le mystère
d’une opération ; là un métal entre avec
l’acide en dissolution parfaite , ici l’acide
agit avec une vivacité étonnante , sans pa-
roître pour cela contracter d’union avec la
substance qu’il sembloit dévorer. Il y a
telle matière sur laquelle un acide n’agit
qu’autant qu’il est bouillant , et telle autre
dont la dissolution ne se fait bien qu’à la
température de l’atmosphère • mais toutes
les preuves qu’un chimiste peut tirer de
pareils phénomènes et de beaucoup d’au-
tres de cette espèce , ne sont rien en com-
paraison de celles que lui fournit le résul-
tat de ces acides combinés avec les subs-
tances soumises à leur action. Quipourroit
en effet méconnoitre le fer et le zinc unis
à l’acide vitriolique, le mercure , le plomb
et l’argent à l’acide marin ou à l’acide de
nitre , l’étain au même acide ou à l’eau
régale ? etc. Quelle ressource ne nous
offre donc pas dans les analyses la voie
des combinaisons ? aussi lui ai-je donné la
préférence dans tous mes travaux ; et si
quelquefois i’ai employé le feu seul, on
SUR Jj* B T A ï N. 283
a déjà pu s’apercevoir combien peu cet
agent 111’a été utile.
L’action vive de l’acide nitreux sur l’é-
tain est connue ; on sait même que ce
puissant agent, en paroissant dévorer ce
métal , ne le dissout cependant pas , qu’au
contraire il le calcine et le réduit en une
sorte de potée blanche. Comme ce procédé
n’a pas été poussé plus loin , c’est à-peu-
près tout ce qu’on trouve dans les auteurs
qui en ont parlé (1). Il étoit cependant à
(1) Deux frères célèbres à qui la chimie française
doit tant , ont dit l’un et l’autre d’après Kunckel ,
qu’il étoit possible de dissoudre l’étain dans l’acide
nitreux : ils ont même donné les détails du procédé
qu’il falloit suivre pour réussir 5 un chimiste d’une
réputation bien méritée , Beaumé , a nié le fait , fondé
sur ce qu’ayant employé tous les moyens que la
chimie peut suggérer , il n’est pas parvenu à en
faire la dissolution. '
Quoique cette expérience ne soit pas d’une très-
grande importance, j’ai pourtant cru devoir la répé-
ter, et suivant de point en point le procédé que j’ai
■vu souvent pratiquer à Rouelle , c’est-à-dire , en affai-
blissant beaucoup l’acide nitreux , et en ne lui fournis-
sant à chaque fois qu’un très-mince filet d’étaiir pur ,
dont le poids n’excédoit pas un demi-grain , je suis
parvenu à en dissoudre 6 grains dans 2 gros d’acide
nitreux pur, affoibli par 4 gros d’eau distillée. Le
t
284 RECHERCHES
présumer qu’on pouvoit tirer parti de cette?
opération , et qu’en la suivant , autant
qu’il seroit nécessaire , elle devoit me
fournir le vrai moyen de reconnoître les
différentes substances métalliques et sémi-
métalliques que les ouvriers sont dans
l’usage d’introduire dans l’étain; et c’est
en effet à quoi je suis parvenu , ainsi qu’on
le verra bientôt.
S. XVII.
Fffets de V acide nitreux sur les quatre
étains primitifs.
J’a 1 choisi quatre matras de pinte , dans
chacun desquels il a été mis 6 onces de
point essentiel est d’opérer lentement , et sur-tout
d’empêcher que l’acide ne s’échauffe; j’ai quelquefois
manqué l’opération , lorsque je la faisois pendant
l’été; mais elle m’a toujours réussi en y procédant
pendant l’hiver , et singulièrement lorsqu’il geloit.
Si on vouloit fournir à l’acide une plus grande quan-
tité d’étain que celle que j’indique , on verroit sur-le-
champ la liqueur se troubler, et tout le métal dissous
se précipiter. Au reste cette dissolution ne se cou-
serve pas très- long-temps ; l’étain abandonne peu-à-
peu l’acide , ce qui prouve que ces deux corps adhèrent
très-foiblement l’un à l’autre.
sur l’étain. ü85
bon esprit de nitre purifié (1) , et sur-le-
champ , j’ai commencé à y projeter 2.0
grains de mes quatre étains laminés et
coupés en petites bandes. L’effervescence a
été des plus vives, la liqueurs’estéchauffée,
et en une demi-heure au plus le métal a
été réduit en une poudre blanche 5 tout
étant devenu calme , il a été fait une sem-
blable projection à laquelle il en succéda
une troisième , et ainsi de suite de deux
heures en deux heures ; enfin dans l’es-
pace de quinze jours, j’ai converti en une
sorte de caillé blanc et épais 2 onces et
demie de chacun des étains primitifs.
A cette époque, l’acide nitreux se faisoit
encore un peu sentir au moment où l’on
jetoit l’étain ; mais la matière étoit devenue
si épaisse, que le peu d’acide existant n’avoit
plus la liberté de circuler et de se porter
vers le métal , même en agitant fortement
les matras : ce qui me détermina à mettre
lin aux projections.
En introduisant , à plusieurs reprises ,
dans chaque matras quatre livres d’eau
(O L’esprit de nitre que j’ai employé a voit été
précipité et distillé de nouveau ; il étoit pareil à celui
qui m’avoit servi à faire l’eau régale.
286 RECHERCHES
distillée , on parvint à retirer la chaux
d’étain qui, étantbien lavéeet bien égouttée
sur des filtres , fut divisée en petites par-
ties et séchée avec les précautions requises;
ce qui forma autant de petites masses demi-
transparentes, qui, parleur couleur, res-
seinbloient à l’écaille appelée blonde.
L’étain de Banca en a donné 3 onces 6 gros i4 grains.
de Malaca 3... 6 .. 21
d’Angl. en échantil. 3 ... 6 . . 8
d’Angleterre doux. . 3 . . . 6 . . 17.
La différence entre ce s quantités se ré-
duit, comme on le voit, à très-peu de
chose ; et on ne peut l’attribuer qu’à la
perte plus ou moins grande qu’on essuie
nécessairement pendant le travail, et peut-
être aussi à un peu plus ou moins de des-
siccation.
Ces chaux exposées séparément dans les
vaisseaux fermés à un degré de feu assez
fort, ont perdu leur transparence ; leur
couleur blanche s’est aussi un peu altérée ;
elles sont devenues d’un gris léger ; elles
ont perdu demi-once de leur poids, et cette
perte n’étoit, pour ainsi dire, que de l’eau
pure ; car je ne peux pas évaluer à plus de
i.
sur l’ étain. 287
4 à 5 grains Pacide nitreux qui passa sur
ia fin. de la distillation.
Tandis que la dessiccation des chaux
s’opéroit , je m’occupois de l’examen des
eaux quiavoient été employées à les laver;
elles étoient très- limpides , et leur acidité
presquq nulle. Mises chacune séparément
en évaporation au bain-marie , elles ont
été réduites à 4 onces , sans rien perdre
de leur transparence ; leur acidité étoit
augmentée ; on commençoit aussi à sentir
l’odeur propre à l’esprit de nitre ; poussées,
toujours au bain-marie , jusqu’à ne repré-
senter qu’un volume d’eau de 4 à. 5 gros,
la vapeur acide étoit plus forte ; et pour la
dissiper entièrement , l’évaporation fut
continuée jusqu’à siccité , avec la précau-
tion cependant de ne pas faire bouillir le
bain ; il se trouva alors dans les capsules
un sel blanc dont le poids étoit dans l’ordre
suivant :
S A V O I R ï
iota in de Banca. y5 grains
de Malaca 7^ f
d’Angleterre en échantillons. . . . 70.
d’Angleterre doux y3 (1).
(1 ) Cette petite quantité de sel stanno-nitreux , le
2.88 RECHERCHES
Si l’on met un grain de ces sels sur un
charbon ardent , il se boursoufle , perd
toute son humidité et s’allume, en fusant,
comme le nitre. Deux ou trois grains ,
jetés dans un têt bien échauffé , s’y allu-
ment , brûlent d’une manière assez ap-
prochante du phosphore , et donnent une
flamme blanche et épaisse qui , étant finie ,
laisse apercevoir un peu de poudre grise
que la continuité de la chaleur fait dispa-
roître en un instant , en sorte qu’il ne reste
dans le têt d’autre vestige des sels em-
ployés , qu’un cercle jaunâtre représentant
le champ qu’ils occupoient en se boursou-
flant et en fusant. Ces sels n’ont donc pas
besoin, pours’enflammer, d’être en contact
avec le charbon , puisqu’il leur suffit d’être
échauffés jusqu’à un certain point} car il
faut noter que mon têt n’étoit pas tout-à-
fàit rouge, lorsque les sels y ont été pro-
jetés.
Dix grains ayant été exposés au feu dans
les vaisseaux fermés, mais non lûtes , on
peu d’acide qu’il contenoit par surabondance avant sa
dessiccation , les quatre à cinq grains du même acide
retiré de la chaux , tout prouve que dans l’opération
l’acide de nitre se décompose presqu’en entier.
entendit
entendit bientôt un petit bruit excité par
le boursouflement ; il passa deux gouttes
d’un phlegme acidulé , le bruit cessa , et
tout-à-coup il parut une vapeur blanche et
épaisse qui, sortant avec rapidité, remplit
en un instant le récipient d’un nuage opa-
que , qui avoit l’odeur propre à l’acide
nitreux ; enfin tout se passoit ici , à la dif-
férence de l’acide près , comme dans la
distillation de la liqueur fumante de Liba-
vius. Il se trouva dans le col de la retorte
une petite portion de matière blanche qui,
mise sur un charbon ardent , s’y alluma;
c’étoit un peu de sel qui s’étoit élevé sans
doute pendant le boursouflement. Il ne se
trouva dans le fond de la cornue qu’une
petite tache jaunâtre.
Ce sel étant une de ces nouveautés que
souvent l’art fait naître entre les mains des
chimistes, je me contente de l’annoncer
comme objet digne de recherches , sur
lequel je reviendrai peut - être quelque
jour ; mais dans ce moment un pareil tra-
vail me devient en quelque sorte étranger,
ou du moins il m’éloigneroit trop de mon
objet; qu’il suffise donc de faire observer
que la base de ce sel stanno-nitreux n’an-
Tome IL T
29° RECHERCHES
nonce rien qui puisse le faire suspecter 5
elle n’est pas arsenicale , je m’en suis bien
assuré ; elle n’a d’ailleurs aucun rapport
avec les autres métaux et demi-métaux
connus ; je crois qu’elle a été fournie à
l’acide par l’étain , comme étain considéré
sans aucun alliage , soit naturel , soit
artificiel. On sait que ce métal a des pro-
priétés très-singulières ; on connoît soneffet
sur l’or dans le précipité de Cassius et sur
la partie colorante de la cochenille , dans
la teiutnre écarlate; on nhgnore pas que
c’est de l’étain , bien plus encore que de
l’esprit de sel , que la liqueur fumante de
Libavius emprunte sa dénomination et son
caractère.
D’après tout ce que je viens de dire 9
relativement aux effets de l’acide nitreux
sur l’étain , on pourroit croire que je n’ai
pas tiré un grand parti de cet agent , si je
ne prévenois pas les lecteurs que ce même
acide me sera de la plus grande utilité ,
lorsque j’examinerai les différens alliages
de l’étain du commerce ; et si , en traitant
avec lui mes quatre étains primitifs, il n’en
a rien été extrait de particulier, à l’excep-
tion de cette petite portion de matière qui
sur. l’étain. 2yl
fait la base du sel dont je viens de parler,
c’est la preuve la plus complète que ces
étains sont purs , ou , ce qui est la meme
chose , que toutes les parties qui consti-
tuent leur masse sont vraiment de l’étain
homogène ; ce qui avoit déjà été constaté
par les expériences précédemment faites
avec l’acide marin et l’eau régale.
S. XVIII.
Effets de V acide vitriolique et du vinaigre
distillé sur les quatre étains .
L’acide vitriolique à demi- concentré
et échauffé jusqu’au degré bouillant, agit
sur l’étain ; pendant que cette dissolution
se fait , il s’élève de l’acide sulfureux
volatil , et il se sublime du soufre ; l’opé-
ration finie, la liqueur qui est claire et très-
limpide tandis qu’elle est chaude étant
versée dans une capsule de verre , forme
en se refroidissant, une masse gélatineuse
demi- transparente , qui attire l’humidité
de l’air à raison de l’acide surabondant
qu’elle contient. Ce deliquium contient
une petite quantité d’étain , ce dont je me
suis assuré , en en faisant la précipitation
T 3
292 RECHERCHES
par l’alkali fixe. La masse salino* gélati-
neuse , qui contenoit encore un excès
d’acide , ayant été délayée dans de l’eau
distillée , ne s’y est pas dissoute , meme à
l’aide du feu ; elle a formé , comme aupa-
ravant, une liqueur laiteuse et épaisse,
qui a été très-long-temps gardée sans s’é-
claircir ; en sorte que si l’on veut obtenir
le dépôt de l’étain , sous la forme blanche
et pulvérulente que l’acide vitrioîique lui
fait prendre , il faut ajouter à la liqueur
laiteuse une très-grande quantité d’eau ,
qui , la délayant de plus en plus, la dis-
posera à se précipiter au fond du vase.
Cette dernière eau , devenue claire , soit
par le repos , soit par la filtration, contient
l’acide vitrioîique à nu ; du moins en la
saturant d’alkali fixe , ne se trouble-t-elle
pas , tandis que j’ai vu le même alkali pré-
cipiter une quantité remarquable d’étain
resté en dissolution dans l’acide qui sur-
nageoit la matière gélatineuse.
On voit par ce que je viens de dire,
que l’acide vitrioîique a la propriété de
tenir l’étain en dissolution , tant qu’il est
bouillant ; mais qu’en se refroidissant , il
abandonne le métal qui se précipite sous
Süïl l’ÉTAIK. 593
la forme d’une chaux blanche : tout se
passe donc dans cette opération faite avec
l’acide vitriolique affoibli , à-peu-près
comme dans celle que l’on fait avec l’acide
nitreux.
Quant à l’effet du vinaigre sur nos étains
purs , je me contenterai de dire que cet
acide végétal distillé ou non distillé a sur
eux une action , lente à la vérité , mais
enfin il les corrode et finit par les convertir
en une chaux blanche dont il retient même
une petite quantité en dissolution. Voici
un exemple de cette opération.
J’ai mis dans quatre matras une once de
chacun de nos étains coupés en petits filets
sur lesquels il a été versé une livre de
vinaigre distillé et d’une bonne qualité 5 le
tout a resté en digestion pendant tout un
été e'c une automne à la température de
l’atmosphère. Après ces six mois révolus ,
j’ai retiré les petits fils d’étain qui, lavés
et séchés , se sont trouvés avoir perdu
27 à 00 grains de leur poids. Les chaux
qui s’étoient formées , et qui avoient été
séparées avec précaution , pesoient de 12
à i4 grains , les différences entre ces
produits n’étant que de très - peu chose*
T 3
(
2^4 RECHERCHES
Enfin les vinaigres employés au poids d’une
livre sur chacun des étains , ayant été mis
en évaporation au bain-marie dans quatre
capsules différentes , ont donné chacun
12. à io grains d’une matière saline blanche
qui, exposée à l’air libre , s’est entièrement
desséchée , et a perdu la sapidité acéteuse
qui s’y faisoit remarquer avant la dessic-
cation. C’étoit cependant encore une subs-
tance saline dont le goût étoit un peuamer.
On a long-temps disputé sur la possibilité
de faire un sel d’étain acéteux , en traitant
immédiatement ce métal avec le vinaigre
distillé ; les uns soutenoient l’affirmative ,
les autres la négative : ce que je viens de
dire prouve qu’à peu de chose près on
a voit raison de part et d’autre. -Au reste,
la base de ce sel acéteux ne m’ayant rien
présenté qui puisse la faire regarder comme
étrangère à l’étain , j’en resterai là , me
réservant toutefois de faire voir dans la
suite , qu’on peut tirer un grand parti de
l’acide du vinaigre lorsqu’on examine des
étains alliés de plomb.
SUR
l' É T Al îf.
295
S. XIX.
Récapitulation et conclusion de la première
section .
Tout m’a prouvé que l’étain que j’avois
reçu d’Angleterre comme pur, et sous la
forme d’échantillons détachés de très-
grosses masses , ne difiëroit en rien de
celui que j’avois acheté à Paris sous le
nom d’étain d’Angleterre doux ; je com-
mencerai donc à n’en plus compter que
trois sous la dénomination d’étain pur 5
s a v o 1 r :
L^étain de Eanca,
de Malaca ,
d’Angleterre doux.
1Q. Ces trois étains sont égalemeut doux,
et il faut long-temps les plier en sens con-
traire , avant que de parvenir à les rompre ;
or cette flexibilité, cette mollesse , ils la
possèdent à un point si éminent, qu’aucun
étain allié avec la plus petite quantité d’ar-
senic ne peut leur être comparé.
2°. Ces étains , exposés au feu dans les
T 4
296 RECHERCHES
vaisseaux fermés , laissent échapper une
très-petite quantité de poudre blanche qui
se fixe dans le col de la retorte , et que
Margraff a soupçonné être arsenicale ; j’ai,
par des expériences sûres , détruit les
soupçons de ce célèbre chimiste , et j’ai
démontré que cette même poudre subli-
mée n’étoit point du tout de l’arsenic.
3°. En traitant ces différens étains par
l’acide nitreux , j’ai eu la preuve cer-
taine qu’ils ne contiennent aucun des
métaux ou demi-métaux avec lesquels la
loi ordonne de les allier, ni aucun de ceux
que les ouvriers se permettent d’y intro-
duire.
4°. En les soumettant à l’action de l’eau
régale, il est impossible d’en extraire un
atome d’arsenic , tandis que dans des al-
liages artificiellement faits , on peut dé-
montrer la présence dV»V* de cette subs-
tance minérale.
6e. Ces étains exposés à l’action de l’acide
marin bien purifié s’y dissolvent entière-
ment , sans qu’il reste un atome de poudre
noire 5 tandis que par le même procédé ,
fait sur des/»alliages où l’arsenic n’avoit été
introduit [qu’à la proportion d ’ifü > je suis
SUR X. ’ É T A X K. 297
parvenu à retirer et à rendre palpable
cette petite quantité d’rê^.
Je crois donc pouvoir conclure que les
étains de Banca , de Malaca et d’Angle-
terre doux , lorsqu’ils sortent du magasin
d’un honnête marchand , sont purs ou
privés de tout alliage naturel ou artificiel 5
qu’ils sont parfaitement égaux entre eux ,
c’est-à-dire , qu’ils sont l’un à l’égard de
l’autre , comme de l’or à vingt- quatre
karats, ou de l’argent à douze deniers, tirés
d’une mine d’Europe , seroient à de l’or ou
de l’argent aux mêmes titres , tirés des
mines de l’Amérique méridionale.
Cependant ces étains si purs ne peuvent
être d’aucune utilité dans nos ménages ;
leur mollesse , leur flexibilité y met un
obstacle insurmontable ; il faut donc que
l’art leur dQnne une certaine roideur , un
certain degré de solidité qui les rendent
propres non à prendre , mais à conserver
toutes les formes que la nécessité ou les
circonstances obligent le potier à donner
à ce métal ; or, pour parvenir à ce but, on
a eu recours aux différens alliages dont je
parlerai dans la troisième section.
RECHERCHES
SECONDE SECTION.
§. Ier.
Contenant V examen de V Etain anglois ,
connu dans le commerce sous le nom de
gros saumons et de baguettes .
X-i étain pur d’Angleterre n’entre points
ou du moins n’entre que très - rarement
dans les ateliers de nos potiers d’étain $
tandis qu’au contraire , ils font un très-
grand usage de celui qui nous est apporté
de cette contrée en lingots ou saumons
du poids de trois cents livres au moins. Ces
gros saumons étant fondus de nouveau ,
soit en Angleterre , soit en France , sont
coulés dans des lingotières qui font prendre
à l’étain la forme de petites baguettes trian-
gulaires , et quelquefois de petites pyra-
mides tronquées ou petits chapeaux ; ce
qui donne au marchand une grande faci-
lité pour débiter ce métal à divers ouvriers,
et sur -tout aux chaudronniers, qui, ne
voulant ou ne pouvant acheter des masses
d’étain de trois à quatre quintaux , se con-
SUR L ETAin. 299
tentent de s’en procurer livre à livre, à
mesure du besoin.
L’étain dit en gros saumons , et celui
dit en baguetttes , méritoient donc la plus
grande attention. Les précautions que l’on
prend en Angleterre , à ce qu’on dit, pour
ne permettre l’exportation de cet étain ,
qu’après avoir subi un alliage , me le
rendoient suspect , et les recherches de
Geoffroy sur les travaux des mines d’é-
tain d’Angleterre, fortifîoient encore mes
soupçons. « Lorsque la mine d’étain, dit ce
35 chimiste , a reçu toutes les préparations
33 qui doivent la disposer à être fondue,
3> on procède à cette dernière opération
33 dans un fourneau de l’espèce de ceux
33 que l’on nomme vulgairement fourneaux
33 à manche ; les ouvriers l’appellent mai -
33 son, le minerai entre en fonte et coule
33 par un trou pratiqué au fond de la mai -
33 son , dans une grande ange de pierre;
33 la cendre et les scories nagent dessus et
33 se durcissent en un instant.
33 On refond cet étain qui est en gâteaux ,
33 pour le couler dans des moules carrés et
33 oblongs , de pierres dites de marais , et
33 c’est ce qu’on appelle saumons. . .. Ces
3oo recherches
» saumons sont plus ou moins fins, suivant
35 les endroits d’où l’on en coupe pour en
33 faire des épreuves : le dessus ou la crème
33 du saumon est très-douce, et si pliante,
33 qu’on ne peut la travailler seule ; on est
33 obligé d’y mêler du cuivre dont elle peut
33 porter jusqu’à trois livres sur cent, et
33 quelquefois jusqu’à cinq livres. Le milieu
33 du saumon est plus dur, et ne peut por-
33 ter que deux livres de cuivre, et le fond
33 est si aigre qu’il y faut joindre du plomb
33 pour le travailler. L’étain ne sort point
33 d’Angleterre dans sa pureté naturelle,
3> ou tel qu’il a coulé dans le fourneau ; il
33 y a des défenses très -rigoureuses de le
33 transporter dans les pays étrangers ,
33 avant qu’il ait reçu l’alliage porté par
33 la loi (î).
Ce passage de Geoffroy laisse sans doute
beaucoup à désirer $ on voudroit avoir plus
de renseignemens sur ces gros saumons de
la seconde fonte , qui donnent trois étains
si différons l’un de l’autre j les Anglois
(i) Les réglemens auroient-ils changés , ou l’étain
doux qu’on m’a vendu à Paris, en m’assurant qu’il
venoit d’Angleterre, n’en venoit-il pas? et me vendoît-
on l’étain des Indes sous un faux nom ?
3 oi
SUR l’ É T A I R".
n’ont -ils d’autre moyen de se procurer
l’étain pur qu’en séparant la couche supé-
rieure de ces gros saumons? et est-ce pour
masquer , autant qu’il est possible , la défec-
tuosité de la seconde et de la troisième,
qu’ils ont pris le parti de l’allier au cuivre,
et même au plomb, comme le dit l’auteur
que je cite ? Cette dépuration spontanée
opérée par le dépôt d’une substance, qui,
spécifiquement plus pesante que l’étain, se
précipite au fond des moules , n’exigeoit-
elle pas quelques détails ? car enfin ne
peut-on pas présumer qu’il faut du temps
pour opérer cette espèce de départ, et que
sans doute on est obligé de tenir les moules
à un certain degré de chaleur qui, prolon-
geant l’état fondu du métal, permet à îa
substance hétérogène et pesante d’aban-
donner tout-à-fait la couche supérieure ,
et en partie la couche moyenne, pour aller
se fixer dans celle qui occupe le fond des
moules ?
Geoffroy a extrait des transactions phi-
losophiques , tout ce qui , dans son mé-
moire , a rapport à l’histoire des mines
d’étain de Cornouailles ; les auteurs qu’il
a consultés , auront sans doute négligé les
#
3oa recherches
détails qui concernent cette dépuration ;
ou peut-être auront -ils cru qu’il étoit de
l’intérêt de leur nation de ne pas trop écrire
sur une substance que, de temps immémo-
rial , elle est en possession de vendre à toute
l’Europe. Il faut donc me contenter de ce
qu’ils ont bien voulu m’apprendre , et re-
garder la séparation spontanée des divers
étains qui se trouvent constamment dans
les saumons de première fonte , comme
un fait qui, n’ayant rien de merveilleux,
annonce seulement que l’étain de Cor-
nouailles, si vanté dans nos ateliers, n’est
pas un métal homogène , et que dans le
cas où les mines de ce métal , exploitées
dans les Indes Orientales , ne présente-
roient pas le même phénomène dans la
fonte, on devroit, par cette raison seule,
en préférer l’étain à celui d’Angleterre (1).
(i) Je suis bien éloigné d’avoir des doutes sur cette
précipitation de matière pesante qui se fait spontané-
ment dans les fonderies de Cornouailles 5 j’ai moi-
mème tenu en une fonte tranquille pendant douze
heures, différens étains, et j’ai constamment remarqué
que tous ceux qui étoient alliés au cuivre, au bismuth
et au plomb , otfroient au moins deux qualités d’étain ;
la partie supérieure ne conseryoit que peu d’alliage ,
sur l’étain. 3o3
Maïs comme mon objet principal est
d’examiner l’étain dans l’état où il nous
est apporté et vendu aux ouvriers qui le
mettent en œuvre , je dois faire en quelque
sorte abstraction de tout ce qui a trait à
Phistoire assez peu connue de ce métaï ,
et m’occuper entièrement de l’examen de
Pétain avec alliage, que les Anglais nous
vendent en grande quantité sous la forme
de gros saumons, et que nos marchands
revendent aux ouvriers sous la forme de
baguettes.
S. I i.
Effets du feu sur V étain dit en gros sau~
mons et en baguettes , traité dans les
vaisseaux fermés .
Ayant exposé à un grand feu quatre
livres d’étain pris dans un gros saumon, et
tandis que l’inférieure en contenoit beaucoup. Les ou-
vriers que j’ai consultés à ce sujet, m’ont tous assuré
qu’il leur arrivoit quelquefois de rencontrer à la fin
d’une fonte un peu considérable , quelques livres
d’étain si aigre, qu’ils ne pouvoient l’employer; or
c’est pour éviter cette séparation , qu’en coulant ils
ont attention d’agiter de temps en temps et légèrement
l’étain avec la cuiller de fer dont ils se servent pour
le puiser et le jeter dans le moule.
I
3o4 RECHERCHES
tenu en fonte dans une retorte , pendant
plus de huit heures , il s’est élevé dans le
col une petite quantité de matière blanche
et pulvérulente , qui pouvoit à peine être
évaluée à un quart de grain ; cette matière
parfaitement semblable à celle que j’avois
déjà obtenue , en traitant de même mes
quatre étains primitifs , n’étoit point du
tout arsenicale.
Cette expérience répétée sur quatre livres
d'étain pris dans un autre saumon , m’a
également donné une petite sublimation
blanche et pulvérulente , et nullement
arsenicale ; enfin des étains de la même
espèce, saumons ou baguettes, pris chez
divers marchands , et traités de même ,
m'ont tous donné des atomes de poudre
sublimée mais point du tout d’arsenic ;
aussi en l’enlevant avec un peu de mie
de pain tendre , ai-je pu la faire prendre
impunément au petit chien qui avoit pré-
cédemment avalé celle que j’avois retirée
de mes quatre étains purs.
Les masses ou culots d’étain retirés des
cornues , étoient tous recouverts d’une
légère couche de chaux ou potée , sous
laquelle on voyoit, comme dans les étains
purs ,
SUR L * Û T A I N. 3o5
purs , des petites cavités dont les parois
dorées réfléchissoient la lumière comme
la gorge de pigeon»
D’après ces expériences multipliées, on
peut conclure que l’étain avec alliage que
nous tirons d’Angleterre , donne, en l’ex-
posant au feu dans les vaisseaux fermés,
une très-petite quantité de fleurs métalli-
ques, qui ne diffèrent point de celles que
l’on retire, parle même procédé, de l’étain
sans alliage.
§. III.
Effets de l’acide nitreux sur l’étain d’ An-
gleterre en gros saumons et celui en
baguettes .
J’ai traité ces divers étains avec l’acide
de nitre purifié, et en suivant exactement
tous les détails indiqués dans la première
section, §. XVII, je suis parvenu à les
réduire en une cliaux blanche , dont les
lavages faits avec quatre livres d’eau dis-
tillée , m’ont présenté un moyen sûr de
reconnoître , et même de retirer tout le
cuivre qui peut avoir été introduit dans
un étain quelconque.
Ayant mis en évaporation au bain-marie,
Tome //, Y
5o6 recherches
l’eau qui avoit servi à édulcorer les chaux
que j’avois obtenues de l’étain en saumon
ou en baguettes , et la liqueur étant réduite
à huit onces environ , j’aperçus qu’elle
prenoit une teinte bleue, dont l’intensité
augmentoit à mesure que la concentration
se faisoit ; enfin , rapprochée au point de
cristalliser, elle donna le sel stanno-nitreux
dont j’ai parlé §. XVII, et qui ne différoit
de celui que j’avois retiré des étains purs,
que par la couleur bleue que lui commu- !
niquoit la dissolution de cuivre au milieu |
de laquelle il s’étoit formé.
J’ai examiné ces deux sels de nitre, l’un jj
à base d’étain, l'autre à base de cuivre, et
je n’y ai pas découvert le nitre à base de i
plomb , sorte de sel d’ailleurs si aisé à
reconnoître, et dont je parlerai fréquent- H
ment lorsque je traiterai les étains ou- U
yragésj mais je crois avoir aperçu le nitre fl
à base de zinc, demi-métal qui entre sou- U
vent , quoiqu’en petite dose , dans les a
alliages de l’étain , comme étant très- ü.
propre non-seulement à lui donner de la |
roideur, mais encore à lui rendre l’éclat r
argentin que le cuivre rouge lui fait perdre,
ou du moins qu’il altère considérablement j li
SUR
l’étain. 007
en sorte que je suis porté à croire que les
fondeurs des mines de Cornouailles , en
alliant , ainsi que l’assure Geoffroy , le
cuivre à leur étain, emploient le laiton,
, et non pas la rosette j mais comme j’aurai
bientôt occasion de m’étendre davantage
sur ce sujet , je vais passer à des expé-
riences d’un autre ordre et d’une plus
grande importance.
§. I V.
Effets de Veau régale sur Vétaia d’ An~
gleterre y tant en gros saumons qu’en
baguettes.
En traitant par l’eau régale les divers
étains de Banca, de Malaca, d’Angleterre
doux , et d’Angleterre en petits échantil-
lons , j’ai fait observer que cet acide mixte ,
en agissant sur eux , n’en ternissoit pas la
surface , qu’on ne voyoit aucun corpuscule
noir s’en détacher , et que la poudre , ou
plutôt le sel qui se précipitoit pendant
l’opération , étoit parfaitement blanc ;
tandis qu’au contraire , en soumettant à
la même expérience ces étains alliés avec
des atomes de régule arsenical , leur sur-
Y a
3oS
RECHERCHES
face se ternissoit • des corpuscules noirs
s’en détachoient, et communiquoient leur
couleur à la pondre ou sel d’étain qui
s’amasse au fond des vases où se fait la
dissolution , sel qui naturellement est d’un •
blanc de neige.
J’annonçai alors cette expérience comme
propre à faire reconnoître en très -peu de
temps , si un étain contenoit ou non de
l’arsenic ; mais comine la couleur noire
de la poudre ne seroit pas une raison
suffisante pour prononcer sur sa nature,
j’insistai sur la nécessité de la laver pour
dissoudre tout le sel d’étain qu’elle con-
tient , et de porter sur un charbon allumé
la petite portion insoluble , qui seule est
douée de la couleur noire. Cette dernière
expérience, toute simple qu’elle est , suffit
pour instruire le chimiste et le faire pro-
noncer avec certitude que cette matière
est ou n’est pas de l’arsenic. J’insiste de
nouveau sur cette remarque , car je verrai
bientôt l’étain allié avec d’autres substances
sémi - métalliques , donner aussi , en le
traitant avec l’eau régale , une poudre
noire qu’il faut bien se garder de prendre
à la simple inspection pour de l’arsenic.
Ceci posé , voyons la manière dont se
comportera dans l’eau régale l’étain d’An-
gleterre en gros saumons ou en baguettes,
dont nous faisons en France une grande
consommation, et qu’en conséquence, il
est très-intéressant de bien connoître.
Ayant disposé seize petites capsules de
verre, dans chacune desquelles il a voit été
mis une demi-drachme d’étain en gros sau-
mons de première qualité, réduit en une
lame mince, et quatre drachmes d’une eau
régale ammoniacale très-foible; l’action
du dissolvant a été lente ( ce qui est bien
essentiel si on veut réussir dans cette expé-
rience) ; en quatre minutes la superficie des
lames étoit absolument noire, et peu-à-peu
on vit dans chaque vase une poudre de la
même couleur s’amasser et occuper le fond ;
en quatre ou cinq heures les lames n’exis-
toient plus; à cet instant les liqueurs et les
poudres noires contenues dans les seize
capsules, furent réunies dans une seule,
et tout resta tranquille un jour entier pour
donner le temps à la poudre de gagner le
fond , et à la liqueur de se clarifier.
Arrivée à ce point , cette liqueur fut
decantée , autant qu’il fut possible de le
V 3
5lO RECHERCHES
faire , parce qu’il falloit éviter de perdre
quelque portion de la poudre , et on lui
substitua sur-le-champ environ 4 onces
d’eau distillée, qui opérèrent en un ins-
tant la dissolution de la plus grande partie
du sel d’étain : cette dissolution , devenue
claire, fut retirée à son tour, et remplacée
à différentes fois par 6 onces de la même
eau , en sorte qu’il en fut employé pour
l’édulcoration environ 10 onces.
Le résultat de ces lotions à été que la
partie saline , c’est-à-dire , celle qui s’étoit
formée par la combinaison de l’acide régale
avec l’étain , a été entièrement dissoute, et
qu’il n’est resté que les trois quarts d’un
grain d’une poudre noire vraiment arse-
nicale , qui , mise sur un charbon , s’est
entièrement exhalée en répandant l’odeur
propre à cette substance sémi-métallique.
J’ai répété cette expérience jusqu’à quatre
fois sur de l’étain pris dans le même sau-
mon , et j’ai eu constamment le même
résultat.
L’étain en baguettes traité suivant le
même procédé , m’a également donne
environ les trois quarts d’un grain de
régule d’arsenic.
S TJ R
x’rtaik. 3 il
Mais pour mettre de la variété dans mon
travail , et m’assurer que je n’opérois pas
toujours sur le même étain , j’ai acheté
chez divers marchands , et en différens
temps, clu gros saumon, des baguetttes ,
et un autre étain qui se vend chez les
potiers sous la forme de petits chapeaux
et sous la dénomination d’étain de Cor-
nouaiPes ; ces divers étains , au nombre
de qi înze , m’ont également donné une
petite quantité de régule d’arsenic , sans
qu’il m’ait cependant été possible de par-
venir à en retirer un grain entier par cha-
que once de ce métal.
J'ai donc enfin trouvé des étains qui
contiennent de l’arsenic, et ces étains que
nous tirons d’Angleterre, sont précisément
ceux dont nous faisons le plus grand em-
ploi ; mais comme il ne suffit pas de dire
que le régule d’arsenic est recélé dans tel
ou tel étain, et qu’il est, au contraire,
très - essentiel de constater la proportion
où cette redoutable substance s’y trouve
combinée , je vais traiter ces mêmes étains
avec l’acide marin qui peut seul , ainsi que
je l’ai dit plusieurs fois , me faire atteindre
ce but.
Y 4
3 12
recherches
§. V.
Effets de l’acide marin sur les étains
précédens.
A y an t mis dans deux matras à très-
longs cols , 4 onces de petits filets d’étain
en baguettes dans l’un, et la même quan-
tité de petits filets d’étain , dit gros sau-
mons dans l’autre ; il a été versé sur chacun
d’eux 12 onces d’acide marin très-pur, et
à l’aide d’un bain de sable , le tout a été
échauffé jusqu’au degré qui excitoit une
effervescence , une sorte de bouillonne-
ment, modéré cependant, afin de ne pas
dissiper trop d’acide. Voyez ce qui a été
dit à ce sujet y Ire. sect, 5. XV.
La dissolution des deux étains s’est
opérée en cinq jours ( sa durée dépend
de l’attention qu’on a d’entretenir plus ou
moins exactement le degré de feu requis) ;
la liqueur étoit limpide et sans couleur: on
apercevoit dans le fond de chaque matras
une petite quantité de poudre noire qui ,
retirée avec précaution , édulcorée et
séchée , pesoit , savoir : celle de l’étain
en baguettes 6 grains , celle de l’étain en
SUR
l>étxin. 3i3
gros saumons un peu moins de 4 grains.
Celle-ci étoit de pur régule d’arsenic, tandis
que Pautre contenoit encore près de 3 grains
d’étain mélangé de cuivre , ce dont je me
suis assuré , en l’exposant au feu , qui lui
a fait perdre un peu plus de 3 grains d’une
matière volatile qui s’élevoit en vapeurs
blanches avec la forte odeur d’ail , et se
condensoit en une poudre blanche sur les
parois d’un verre conique qu’on lui avoit
présenté. Il resta dans le têt où se faisoit
l’opération , 2 grains trois quarts d’une
substance grise qui , jetée dans de l’alkali
volatil , ne tarda pas à s’y dissoudre pres-
qu’en entier , en lui communiquant une
couleur bleue foncée. On voit par-là que
je m’étois trop pressé de retirer du feu le
matras qui contenoit l’étain en baguettes,
mais ce n’est pas la seule fois que j’ai fait
cette faute. En examinant, par le même
procédé, 4 onces d’un autre étain en gros
saumons , il resta dans le matras i5 grains
et demi d’une poudre couleur d’ardoise ,
dont un demi -grain jeté sur un charbon
ardent, donna à peine l’odeur arsenicale ;
les 1 5 grains restans ayant été exposés au
feu , ne perdirent pas au- delà de 2 grains
3l4 RECHERCHES
et demi de leur poids ; ce qui demeura fixe
dans le têt, se trouva être du cuivre mêlé
d’un peu d’étain. Je rends compte de cet
accident, qu’il est difficile d’éviter en tra-
vaillant sur de l’étain artificiellement allié
à d’autres substances métalliques , afin de
prévenir ceux des chimistes qui , comme
je le désire bien sincèrement, voudroient
constater la vérité de mes expériences ,
d’être sur leurs gardes dans l’examen qu’ils
fieront de la poudre noire qu’ils auront
obtenue, et sur-tout de n’employer qu’un
acide marin bien purgé par une nouvelle
distillation , du fer et de la terre qu’il
contient presque toujours , lorsqu’il a été
préparé avec l’argile.
S. V I.
Mêmes expériences répétées sur différens
étains d> Angleterre.
Les expériences dont je viens de rendre
compte , ont été répétées sur les divers
étains en gros saumons , en baguettes et
en petites pyramides tronquées, appelées
petits chapeaux , que j’avois déjà soumis
à l’action de l’eau régale , et tous m'ont
SUR 1 ’ É T A I N. 3l5
donné un peu de régule d’arsenic; la seule
différence que j’aie remarquée entre eux,
consistoit dans les proportions de ce même
régule ; quelquefois j’en ai retiré un grain
par once , le plus souvent trois quarts de
grain ; il y a tel gros saumon , dont \ onces
ne m’ont donné que 2, grains et demi; en
sorte que d’après des expériences réité-
rées jusqu’à quatre fois, sur quinze échan-
tillons achetés sous différentes formes et
sous différentes dénominations , je puis
assurer que la plus grande proportion où
j’aie trouvé le régule d’arsenic , a été de
v'r> la plus petite de ,-fsT et la moyenne drr*
Il est donc bien constaté que l’étain que
nous tirons d’Angleterre, sous la dénomi-
nation de gros saumons , de baguettes et
de petits chapeaux , contient réellement
une petite quantité de régule d’arsenic, et
de plus, que le vrai moyen d’en bien con-
noître la proportion , est de faire dissoudre
cet étain dans de l’acide marin très -pur.
Ne reste-t-il rien lorsque la dissolution est
faite? l’étain est sans arsenic. Reste -t- il
un peu de poudre noire ? qu’011 la sépare
avec soin, qu’elle soit lavée, séchée, pesée,
et qu’on en jette un quart de grain sur un
3i6
UE CHERCHES
cliarbon ardent , pour reconnoître si elle
est arsenicale ou non. L’est - elle ? qu’on
l’expose à un degré de feu capable d’opérer
la sublimation de l’arsenic ; si elle s’exhale
en entier, elle est de pur régule d’arsenic.
S’il reste un peu de poudre dans le têt de
verre ou de grès employé à l’opération ,
qu’on le pèse , s’il est possible , ou qu’on
l’évalue , et on saura ce qu’une quantité
donnée d’un étain quelconque, contient
réellement d’arsenic sous forme réguline.
Je n’ai jusqu’ici donné aucun éclaircis-
sement sur l’ætiologie de cet intéressant
départ, parce que je n’ai pas cru devoir
interrompre la série de mes expériences ,
et que d’ailleurs il m’a paru convenable
de ne l’établir qu’après avoir trouvé de
l’étain naturellement arseniqué: or, comme
on vient de le voir, cet étain n’est pas rare.
Je vais donc remplir les engagemens que
j’ai pris , première section , §. XII. Mais ne
voulant mettre en ceci aucune prétention,
je me contenterai d’exposer quelques expé-
riences qui , ayant un rapport immédiat
avec celles qu’on vient de lire, serviront à
faire sentir la cause du départ de l’arsenic,
ou plutôt du régule d’arsenic d’avec l’étain.
SUR L’ É T A i N. 3 1 7
lorsqu’on en traite l’alliage par les acides
simples ou mixtes.
S. VIL
Ætiologie du dé n art du régule d’arsenic
d’avec l’étain , ou effets des acides sur
ce même régule.
Les auteurs qui ont traité en général de
toutes les parties de la chimie, ont parlé de
l’arsenic et de ses rapports avec les acides $
mais à l’exception de Baumé , je n’en con-
nois aucun qui ait porté ses vues sur le
même arsenic ramené par la réduction à
son état sérni - métallique ; c’est - à - dire ,
qu’on s’est beaucoup exercé sur l’examen
de la chaux , et qu’on a entièrement négligé
le demi-métal qui la fournissoit.
J’ai précédemment démontré de la ma-
nière la plus évidente , que la chaux d’ar-
senic ne pouvoit se combiner avec l’étain,
tandis qu’au contraire son régule s’y unis-
soit avec la plus grande facilité ; et cette
première démonstration a été suivie d’un
nombre infini d’expériences , qui toutes
ont prouvé que dans les divers étains où
on découvrent de l’arsenic, cette, substance
3 1 8 RECHERCHES
y étoit toujours sous forme réguline , et
jamais sous forme de cliaux.
Les rapports de l’eau régale , de l’acide
marin , et même de l’acide nitreux avec la
chaux arsenicale , ou, ce qui est la même
cliose , avec l’arsenic proprement dit , me
devenoient donc assez indifférens ; tandis
que les rapports de ces mêmes acides avec
le régule d'arsenic , étoient si importans ,
que je ne pouvois me dispenser de faire
des recherches, dans la vue d’acquérir à
cet égard des connoissances dont on ne
pouvoit absolument se passer, si on vou-
loit établir l’ætiologie du départ de quel-
ques atomes de ce demi- métal recèles dans
l’étain.
S. VIII.
Effets de V acide nitreux sur Ig régule
d’ arsenic.
Que l’on mette dans un matras soixante
grains de régule d’arsenic concassé, et une
once d’acide nitreux d’une bonne force ;
qu'on laisse le tout à la température de
l’atmosphère , l’acide agira peu- à-peu sur
le demi-métal, et ne tardera pas à prendre
une teinte verte ; il s’élèvera de temps en
SUR L’ÉTAIN. 3lO
temps des bulles qui annoncent faction
lente , mais continue du dissolvant. En
huit ou dix jours les soixante grains seront
dissous et la couleur verte aura disparu.
La durée de l’opération est plus ou moins
longue, suivant la température de l’atmos-
phère.
Si on fait cette dissolution en tenant le
matras sur un bain de sable chaud , elle
s’opère fort vite et avec une vive efferves-
cence, qui ne laisse pas le temps d’aper-
cevoir la couleur verte.
Ainsi donc , l’acide de nitre ayant, soit
à froid, soit à chaud, la propriété de dis-
soudre le régule d’arsenic , ne peut être
employé pour opérer avec avantage le
départ de cette substance d’avec l’étain ;
car quoique ce dernier soit réduit en chaux
par le même acide , il y en reste cependant
une petite portion en parfaite dissolution,
qui donne , ainsi que je l’ai dit , des cristaux
susceptibles de s’enflammer, lorsqu’on les
échauffe à un certain point. Or , par quel
moyen retireroit-on de 4 à. 5 onces de chaux
d’étain ainsi préparée , 2 ou 3 grains d’ar-
senic que l’on pourroit tout au plus y
supposer? Enfin , quand bien même l’eau
320 RECHERCHES
employée à édulcorer cette chaux d’étain /
contiendroit, comme il est à présumer, ce
peu d’arsenic , ori ne pourroit pas encore
se promettre de le séparer du sel stcirino -
nitreux , qui ne peut être exposé au feu
sans s’allumer,
$. I X.
Effets de V acide de sel marin sur le régule
d* arsenic -
J’ai mis dans un inatras un gros et demi
de régule d’arsenic grossièrement pulvé-
risé, et 2 onces de bon acide marin purifié ;
le tout est resté pendant près de six semaines
exposé à la température de l’atmosphère ,
sans qu’il ait été possible de remarquer le
moindre signe d’effervescence ou de disso-
lution , aussi Je régule retiré, lavé et séché,
se trouva - 1 - il n’avoir rien perdu de son
J’ai tenté la même expérience en tenant
le matras sur le sable échauffé , au point
de faire bouillir l’acide pendant dix - huit
heures, avec la précaution de remplacer,
en différentes fois , celui qui s’évaporoit ,
sans que j’aie pu remarquer à l’oeil que le
régule
SUR L’ETAIN. 321
régule ait été attaqué ; mais l’ayant retiré ,
lavé et séché avec les précautions requises,
il se trouva sur la balance diminué de près
de 2, grains.
O
L’acide qui a voit servi à l’opération ayant
été évaporé jusqu’à siccité à la douce cha-
leur d’un bain-marie, il est resté dans la
capsule de verre environ 2 grains d’une
matière jaunâtre et saline, qui, mise sur
un charbon ardent, fut à l’instant reconnue
pour être arsenicale.
Ainsi , quoique d’après cette dernière
expérience faite à l’aide de la chaleur ,
on ne puisse pas regarder l’insolubilité du
régule d’arsenic dans l'acide marin , comme
absolue , il n’en est pas moins vrai que ces
deux corps ( l’acide et le demi-métal) n’ont
l’un vers l’autre qu’une très - foible ten-
dance , et que dans un procédé ou il s’agit
de départir une quantité quelconque de
régule d’arsenic recelé dans l’etaiu , cette
foible tendance est rendue absolument
nulle , par la très - grande affinité qui
existe , au contraire , entre ce même acide
et l’étain.
Or, c’est cette énorme différence de rap-
ports qui , dès la première section, m’a fait
Tome II. X
522 RECHERCHES
avancer que de tous les dissolvans , l’acide
marin étoit celui qui offroit le moyen de
plus sûr , non-seuleinent pour démontrer
l’existence ou la non- existence de l’arsenic
dans l’étain , mais encore pour déterminer
la proportion où il s’y trouvoit.
t
S- X.
Effets de Veau régale sur le régule
d’arsenic .
L’eaü régale a aussi sa manière d’agir
sur le régule d’arsenic , et quoiqu’on puisse
également employer celle qui est préparée
avec les deux acides , il n’est cependant
pas indifférent de les y faire entrer en toutes
sortes de proportions; danstoutes mes expé-
riences sur l’étain , je me suis constamment
servi d’une eau regale faite avec le sel am-
moniac et l’acide nitreux, et c’est celle-là
même que j’ai employée dans les expé-
riences qui me restoient à faire sur le
régule d’arsenic.
Il est une autre chose bien importante
à observer , c’est le degré de force de cet
acide mixte. J'ai déjà vu que pour bien
\
\
SUR L’ÉTAIN. 323
réussir à extraire le régule d’arsenic recelé
dans l’étain , il falloir employer une eau
régale très affoiblie : les expériences sui-
vantes en vont faire sentir les raisons.
Que l’on mette dans un petit matras 36
grains de régule d’arsenic grossièrement
pulvérisé , et environ 2. gros d'eau régale
ammoniacale d’une bonne force, on verra
bientôt un mouvement d’effervescence s’é-
tablir entre ces deux corps ^ et en moins
de douze heures les 36 grains de régulé
auront perdu leur couleur noire, et seront
changés en une poudre blanche ou chaux
arsenicale, dont une portion restera pour-
tant unie au dissolvant ( 1 ). Si on faisoit
chauffer le matras , le régule seroit entiè-
rement dissous en moins d’un demi-quart
d’heure j mais si au lieu d’une eau regale
(1) En disant que cette calcination de trente- six
grains de régule par la voie humide s’opéroit en moins
de douze henres , notre intention est de donner une
idée de la concentration de notre eau régaie ; car si
on en employait une plus forte, la calcination exige-
geroit moins de temps : le degré de chaleur excité par
l’effervescence étant alors plus fort, on risqueroit de
ne pas obtenir de chaux, mais une dissolution totale
du régule d’arsenic.
X 2
324 RECHERCHES
forte , on en emploie une affoiblie par
deux et même trois parties d’eau distillée,
on aura des phénomènes bien différens des
précédens; ce dissolvant agira alors avec
la plus grande lenteur sur le demi-métal ,
et ce ne sera qu’après -plus de huit jours
qu’on commencera à apercevoir un peu
de poudre blanche déposée autour du
régule , et après deux mois révolus , on
pourra à peine évaluer à 8 ou 10 grains
la quantité de chaux d’arsenic qui se
sera formée dans ce long espace de temps.
Cependant cette même eau régale qui avoifc
si peu d’action sur le régule d’arsenic ,
a voit encore , quoique très- affoiblie, assi z
de force pour dissoudre en quelques heures
l’étain pur , et le réduire en une poudre
blanche et saline, et les étains arseniqués,
en une poudre noire.
Cette différence remarquable entre l’ac-
tion d’une eau régale forte , et d’une eau
régale foible , l’une et l’autre appliquée au
régule d’arsenic, me donne l’éthiologie du
procédé par lequel Margraff a retiré de
certains étains , l’arsenic sous la forme
d’une poudre blanche , et de celui par
lequel je retire constamment cette même
S TT R L ’ E T A I N. 325»
substance sous la forme d’une poudre noire
ou de régule.
Que se passe-t-il dans le procédé de Mar-
graff ? Ce chimiste emploie une eau régale ,
qui , quoiqu’affoiblie , a pourtant encore
assez de force pour agir sur le régule d’ar-
senic, et le réduire, ainsi que l’étain, en
une poudre blanche qu’il faut triturer avec
un alkali fixe , et exposer à un degré de
chaleur capable d’opérer la sublimation
de la substance arsenicale qui peut y être
recelée. Dans mon procédé , je me sers au
contraire d’une eau régale tellement affoi*
blie , que sans avoir perdu la propriété de
dissoudre l’étain , elle n’a plus d’action
sur le régule d’arsenic ; d’où il résulte que
ce dernier se fait apercevoir dans l’instant
même où la dissolution d’un étain arseniqué
commence ; et en effet , si l’on est attentif
à l’opération , on ne tarde pas à voir des
corpuscules noirs se séparer, signe presque
certain de la présence de l’arsenic , et au-
quel il ne manque, pour être une démons-
tration , que de mettre , par les moyens
que j’ai indiqués , ces mêmes corpuscules,
en état d’être portés sur un charbon ardent
qui, dans le moment même, fera connoitr&<
X 3
326 RECHERCHES
s’ils sont arsenicaux", ou s’ils ne le sont pas.
Ce que je viens de dire sur l’action des
acides de nitre , de sel marin , et de l’eau
régale sur le régule d’arsenic , étant plus
que suffisant pour faire connoître la cause
du départ de cette substance d’avec l’étain
auquel elle se trouve quelquefois alliée ,
j’en resterai là , pour passer à l’examen de
l’étain ouvragé et exposé en vente sous
toutes sortes de formes.
sur i* étain.
TROISIÈME SECTION.
$. Ier.
Examen de V étain mis en œuvre , et vendu
sous toutes sortes de formes par les
maîtres potiers d'étain .
J’ai déjà dit que l’étain d’Angleterre,
appelé gros saumons, étoit d’un usage fré-
quent chez nos ouvriers , que c’étoit meme
presque toujours celui qui suppléoit au
déchet inévitable dans les refontes , et à
la perte occasionnée parle fréquent écu-
rage qu’on est obligé de faire subir à ce
métal converti en vaisselle.
D’un autre côté, je sais que l’Angleterre
a constamment fourni à nos marchands
tout l’étain nécessaire à notre consomma-
tion , jusqu’à l’époque où nos armateurs
ont commencé à en importer des Indes , et
même que depuis cette époque on n’a pas
discontinué d’en tirer d’Angleterre , ce
qu’on ne cessera pas de faire tant que
l’étain des Indes se vendra dans les maga-*
X 4
3s8 recherches
sins de nos villes maritimes plus clier que
celui de Cornouailles.
Ainsi nous pouvons regarder la masse
d’étain ouvragé „ qui se trouve actuelle-
ment dans le royaume , comme étant , à
peu de chose près , de l’étain provenu des
mines d’Angleterre $ ce qui peut faire pré-
sumer que tous les ustensiles d’étain qui se
trouvent dans le royaume , contiennent
quelques atomes de régule d’arsenic. N’en-
trant donc à cet égard dans aucun détail ,
je dirai simplement qu’ayant examiné divers
étains mis en œuvre , j’y ai trouvé cette
petite portion de régule , toutes les fois que
les alliages dont je parlerai bientôt , m’ont
permis de pouvoir la mettre à nu : mais
je ne dois pas laisser ignorer , qu’ayant
soumis aux expériences, soit avec l’acide
marin , soit avec l’eau régale , des assiettes
achetées à Londres , et faites d’un étain
bien supérieur à tout ce qu’on pourroit
acheter à Paris en ce genre , j’y a.i cons-
tamment trouvé le régule d’arsenic dans
la proportion d’environ trois quarts de
grains par once , ou ce qui est la meme
chose, ^5 tandis que le plus souvent je
n’en ai découvert dans les divers étains
travaillés à Paris qu’^-, ce qui ne paroîtra
pas étonnant , si on fait attention que les
assiettes achetées à Londres étoient faites
de gros saumons , auquel le potier d’étain
anglais avoit seulement ajouté un peu de
bismuth , alliage bien différent de celui que
font nos ouvriers. *
J’ai trouvé du plomb , et même souvent
en très - grande quantité , dans les étains
ouvragés chez nous ; tandis que les assiettes
de Londres ne m’en ont pas fourni un
atome. Or le plomb introduit dans la pro-
portion de huit , dix , douze et même
quinze et vingt livres par quintal d’étain ,
en augmentant la masse , diminue d’autant
la proportion du régule d’arsenic, que j’ai
découvert dans tout l’étain qui m’est ap-
porté d’Angleterre , sous la forme de gros
saumons.
J’ajouterai encore que nos potiers étant
forcés , lorsque l’étain d’x4.ngleterre leur
manque , d’employer celui des Indes , que
je sais être pur* il se fait entre leurs mains
un nouveau mélange , qui, par les refontes,
s’incorpore peu- à -peu dans notre étain
ouvré , et concourt par-là à diminuer en-
core la proportion du régule d’arsenic ,
53o recherches
dont la masse d’étain existante chez nous*
a pu être légèrement imprégnée.
S- I I.
Des différentes substances que Von est
dans r usage d’allier à l’étain.
Je pourrois mettre facilement les chi-
mistes et les physiciens en état de prononcer
sur l’innocuité ou sur les dangers de la
vaisselle d’étain que fabriquent nos ou-
vriers , si toute celle qu’ils vendent étoit
faite d’un seul et même alliage $ mais il
s’en faut de beaucoup que les choses se
passent ainsi , chaque maître ayant sa ma-
nière de voir les défauts de ce métal , et
conséquemment sa manière de les corriger.
La loi a essayé de prononcer sur les
qualités que doit avoir l’étain ouvragé ,
mais comme elle n’a rien dit de positif ,
chaque potier d’étain a cru devoir suivre
sa méthode , et a constamment ajouté à
l’étain qu’il alloit employer tout ce qui
pouvoit le rendre propre à ses vues. Ecou-
tons les XIII et XIV articles des ordon-
nances concernant les maîtres potiers d’é-
tain de la Yille et faubourgs de Paris.
SUR L* É T A I N. 33 1
Art. XIII. « Pourront tous lcsdits maî-
» très de ladite ville et autres étant dans
33 ladite prévôté et vicomté , faire toutes
33 sortes d’ouvrages de bon fin étain son-
33 nant, aloyé de fin cuivre et d’étain de
33 glace , selon qu’il est accoutumé de
33 faire 3*.
Art. XIV. « Pourront pareillement faire
>3 toutes sortes d’ouvrages de bon étain
33 commun et bien aloyé , de telle sorte
33 qu’il puisse venir à la rondeur de l’essai
33 avec la blancheur requise et accoutumée
33 de tous temps et ancienneté 3>.
Tels sont les deux seuls articles pro-
noncés parles ordonnances sur l’alliage de
l’étain soit fin , soit commun. A la vérité
l’article XIII nomme le cuivre et l’étain de
glace, c’est-à-dire le bismuth, comme les
seules subtfiances qui doivent être alliées
avec l’étain , pour fabriquer l’étain fin et
sonnant; mais les proportions du métal et
du demi- métal n’ont pas été prescrites par
la loi.
A l’égard de l’étain commun , il est or-
donné , par l’article XIV , aux maîtres de
le faire bon et bien aloyé , en sorte qu’il
puisse venir à la rondeur de l’essai , avec
33^.
RECHERCHES
la blancheur requise. Mais la matière de
l’aloi n’est pas désignée. i
Les potiers d’étain sont donc positive-
ment autorisés par la loi , à faire entrer
dans l’étain fin le cuivre et le bismuth ;
mais ils ne s’en tiennent pas là. Fondé sur
ce que dans le commerce il se rencontre
des étains de qualités très-différentes , les
uns trop doux , les autres trop aigres,
chaque maître se croit en droit de corriger
ces défauts par des moyens qui lui sont
particuliers ou communs avec ses con-
frèies.
La différence des étains n’est pas le seul
inconvénient qu’éprouvent les ouvriers ;
tel étain peut avoir été amené au titre de
bon étain fin , et par-là être très-propre à
faire toute sorte de pièces de vaisselle de
bon aloi , sans qu’il soit possible de l’em-
ployer à faire certains ustensiles , par
exemple , des moules de chandelles : il est
donc des cas où la forme que doit prendre
l’étain , oblige l’ouvrier à se servir de tel
ou tel alliage , et à cet égard , il faut bien
s’en rapporter à ceux d’entre les maîtres
qui raisonnent sur leur métier d’une ma-
nière assez éclairée et d’après une expé^
sur l>étain. 353
rience constante. Au reste, peu importent
les motifs qui déterminent les ouvriers à se
servir de tout autre alliage que de celui
qui est prescrit par les ordonnances ; le
point essentiel est de savoir quelles sont
les matières qu’ils emploient, et sur-tout ,
d’en bien connoître les proportions , si nous
voulons en apprécier les effets ayec cer-
» titude.
Or ces matières sont :
iQ. Le cuivre rouge ou rosette ;
2,°. Le bismuth ou étain de glace ;
3°. Le zinc, ou seul , ou uni au cuivre
rouge , ce qui forme le laiton ou
cuivre jaune;
4°. Le plomb ;
5 Le régule d’antimoine (1). I
Si l’étain étoit constamment pur , ou si,'
une foisaîtéré par quelque mélange naturel
ou a r tificiel , il pouvoit ctre ramené , sans
grands frais , à son premier degré de
(1) Geoffroy , dans le mémoire que j’ai cité, a
très -l>i n connu ces alliages, et même il en assigne les
propo ti ns, à-peu-près pourtant, parce que dépen-
dantes de la qualité de l’étaiu que les ouvriers vont
employer, il est impossible de le faire d’une autre
manière.
334 recherches
pureté, rien n’empêcheroit de fixer par une
loi la proportion des matières qui doivent
lui être alliées ; mais si on en excepte l'étain
des Indes , dont nos ouvriers se passent
même toutes les fois qu’ils peuvent avoir
du gros saumon anglais", et ils en man-
quent rarement , on peut dire qu’il n’y a
point d’étain pur ; ajoutons que ces gros
saumons étant eux-mêmes à des degrés
différents d’aigreur et de mollesse , il s’en-
suit que les potiers d’étain sont continuel-
lement obigés de varier les proportions de
leurs alliages.
Ce n'est pas tout encore , la vieille vais-
selle leur revient de temps à autre ; et
comme elle est à des titres qui souvent ne
conviennent pas à l’emploi qu’ils en veulent
faire, ils sont , dans cette circonstance,
jforcés à y faire quelque addition ou quelque
soustraction.
Lorsqu’un étain est surcliargé de l’un ou
l’autre des alliages ci-dessus , la chimie
peut bien l’en débarrasser ; mais par des
procédés qui exigeroient beaucoup trop de
frais. Une livre d’étain , qui contiendroit
une once de plomb , un gros de cuivre , et
un demi-gros de zinc , par exemple , pour-
SUR u'tTA i N. 335
roît donc être ramenée au degré de pureté
absolue ; mais pour départir ces trois der-
nières substances , il faudroit dépenser au
moins six francs , et pour cette somme on
obtiendroit à peine 12 onces d’étain pur,
qui , en cette qualité , valent au plus dix-
neuf sous. Cette purification de l’étain est
donc une expérience chimique purement
curieuse , qui ne peut avoir lieu qu’à
l’égard d’un métal précieux , tel que l’or
ou l’argent.
Que fera donc un potier qui aura une
masse d’étain à un titre inférieur ? Il y
ajoutera de l’ét^in pur , dans les propor-
tions qu’il jugera nécessaires , et par-là il
diminuera d’autant l’alliage introduit en
trop grande quantité dans l’étain qu’il veut
mettre en .œuvre : or cette opération est
précisément ce que nous entendons par le
mot soustraction d'alliage.
S. iii.
Proportion du cuivre.
Pour me former une bonne idée de la
quantité de cuivre que l’on est dans la né-
cessité de faire entrer dans l’étain , pour
336 recherches
lui donner la solidité qu’il n’a pas dans son!
état naturel , et sans laquelle on ne peut
l’employer dans les usages économiques ,
je supposerai un ouvrier qui auroit inten-
tion de mettre en œuvre un quintal d’étain
pur , tel que celui qu’on nous apporte de
l’Inde sous les noms de Banca etdeMalaca.
Que fera-t-il ? S’il veut se conformer à l’ar-
ticle XIII des ordonnances concernant son
art, il ajoutera à cet étain du fin cuivre ,
c’est à dire, de la rosette et du bismuth ou
étain de glace.
Une livre et demie de cuivre rouge ajouté
à quatre-vingt-dix-huit livres et demie d’é-
tain de Banca ou de Malaca , donneront
déjà à cet étain une solidité très -remar-
quable j on l’augmentera , s’il est nécessaire,
en portant le cuivre à deux livres et même
à deux livres et demie , mais rarement
au-delà. Voilà donc les deux termes de
l’alliage de cuivre connus : le minimum
est d’une livre par quintal d’étain pur , et
le maximum deux livres et demie.
S- IV.
\
SUR R5 ET Al N. ZZj
/ §. IV*
Vroportions du bismuth .
Mais comme le cuivre rouge, allié à
l’étain , en altère la couleur argentine , on
est obligé d’avoir recours à deux demi-
métaux qui possèdent la double propriété
de faire reparoître cette couleur avec tout
son éclat , et d’augmenter la solidité que
l’étain a déjà reçu du cuivre.
Or ces derni-métaux sont le bismutli et
le zinc : le premier est prescrit par la loi ,
comme la seule substance qui , avec le
cuivre rouge , doit entrer dans les ouvrages
que les potiers d’étain nous vendent sous
le nom d’étain fin et sonnant. Il pourroit
entrer à la proportion d’une livre , une
livre et demie au plus , sur cent livres d’un
étain déjà allié d’une livre ou d’une livre et
demie de cuivre rouge ; mais il faut être
très- réservé sur l’emploi de ce demi- métal,
dont la quantité ne peut être déterminée
que par des essais qui exigent de la sagacité
et sur-tout beaucoup d’habitude de la part
de l’ouvrier.
Le bismuth qui est naturellement fort
Tome IL Y
338
/RECHERCHES
sec , donne beaucoup de roideur à l’étain ,
et en le rendant très- blanc, très brillant ,
il contribue , ainsi que le cuivre , à faire un
alliage bien sonnant ; cependant malgré
ces belles qualités , les potiers d’étain n’em-
ploient cette substance demi -métallique
que le moins qu’ils peuvent, par la raison,
disent-ils , qu’il rend l’étain trop sec et trop
cassant ; à la bonne heure , mais on peut
en soupçonner une autre , dont ils ne
conviennent cependant pas 5 c’est que le
bismuth étant plus cher que l’étain , et
pouvant très- bien être remplacé par le
zinc , autre demi- métal qui se vend beau-
coup moins cher , ds donnent toujours la
préférence à ce dernier $ mais en supposant
que la cupidité les porte à donner quelque-
fois l’exclusion au premier , il faut leur
pardonner j car, sans le savoir, ils rendent
service à leurs concitoyens : parce que le
bismuth , dont on connoît déjà quelques
mauvais effets , lorsqu’on l’applique exté-
rieurement , a beaucoup trop de rapports
chimiques avec le plomb , pour qu’on ne
puisse pas le soupçonner de partager quel-
ques-unes de ses mauvaises qualités.
I
SUR L ’ ÉTAIN.
S. V.
Proportions du zinc .
On a long- temps employé le zinc sans le
connoître. Les anciens peuples de l’Asie ,
de l’Egypte , les Grecs , les Romains fai-
soient un grand usage du métal mixte ,
que nous appelons cuivre jaune ou laiton ;
et quoiqu’on ne trouve dans les anciens
auteurs que très-peu de détails sur la ma-
nière dont les fondeurs grecs s’y prenoient
pour faire leur auricalcum , on voit cepen-
dant qu’ils y faisoient entrer la cadmie des
fourneaux et la cadmie naturelle que nous
nommons calamine. Or ces cadmies em-
ployées dans l’antiquité pour convertir le
cuivre rouge en cuivre jaune , et dont nos
fondeurs se servent encore aujourd’hui
pour opérer le même effet , ne sont autre
chose que du zinc ; sorte de demi- métal
que les modernes n’ont commencé à bien
connoître que vers le milieu du dix-septième
siècle, époque à laquelle les cornmerçans
européens en apportèrent une grande
quantité des Indes orientales. Devenu alors
très-commun , les chimistes le soumirent
Y a
i
/*•
34o RE 'CHERCHES
à différentes expériences, qui leur apprirent
bientôt, qu’en le faisant fondre avec le
cuivre rouge , on obtenoit constamment
du cuivre jaune plus ou moins foncé. On
avoit jusque-là méconnu la substance que
les cadmies fournissoient dans l’opération
pratiquée pour la fabrique du laiton : les
yeux s’ouvrirent , la cadmie fossile ou
calamine qu’on avoit toujours régardée
comme une pierre non métallique , fut
mise , avec juste raison , au rang des
mines , et jugée pour être celle du zinc $
tandis que la cadmie des fourneaux , qui
n’étoit pour les naturalistes qu’une suie
métallique , fut reconnue pour être une
vraie chaux de ce demi- métal , qui n’est
pas le seul de sa classe que les anciens
aient employé sans en connoître la forme
métallique.
Le zinc a , selon les ouvriers , la propriété
de blanchir l’étain , et de le dégraisser ; c’est
leur terme : mais comme il est important
pour eux de ne pas aller au-delà du point
requis , ils sont très-circonspects dans l’ad-
dition de ce demi-métal , et rarement vont-
ils jusqu’à demi-livre par cent , même en
supposant , comme nous faisons ici , qu’ils
SUR X. ’ É T Al K. 3^1
ont à mettre en œuvre un étain aussi mou
que celui qui nous est apporté des Indes.
Les potiers d’étain ont différentes ma-
nières d’employer le zinc; les uns fondent
ensemble sept livres d’étain et une livre de
zinc , ce qui leur donne une masse dont
ils prennent , selon le besoin , des portions
plus ou moins grandes , pour les ajouter
à une quantité donnée d’un étain qu’ils
jugent en avoir besoin ; d’autres décapent
une lame de cuivre rouge qu’ils étament
fortement de zinc : méthode qui a du
rapport avec la suivante. Enfin d’autres
emploient le laiton ou cuivre jaune , que
nous savons être un mélange de cuivre
rouge et de zinc (1).
Mais quelle que soit la méthode adoptée
pour introduire du zinc dans l’étain , je le
répète , le point essentiel est de ne l’em-
ployer qu’avec sagesse ; l’expérience et
mieux encore les essais , pouvant seuls en
déterminer la proportion.
(1) Je ne parle pas de la limaille d’épingles , dont
se servent quelques potiers d’étain , parce que cette
limaille n’est autre chose que du laiton.
Y 3
34 2
recherches
S. V I.
Proportions du plomb.
L e plomb est une substance métallique
qui , selon les ordonnances , ne doit point
être alliée à Pétain fin , et que l’usage seul
autorise à faire entrer dans les ouvrages
qui se vendent sous le nom d’étain com-
mun et sans que la loi en fasse mention.
Cependant, comme elle n’a permis la vente
d’un étain commun , que pour donner au
citoyen peu aisé , la facilité de se procurer
à meilleur marché , la vaisselle dont il a
besoin dans son petit ménage , on a cru
sans doute ne pouvoir remplir cette vue
qu’en ajoutant du plomb à l’étain.
Mais la loi , en permettant dans ce cas
d’employer comme alliage cette substance
métallique , a prescrit des bornes que le
potier d’étain ne peut franchir sans se
rendre coupable $ elle veut, cette sage loi ,
que l’étain commun soit bien aloyé , de
telle sorte qu’il puisse venir à la j'on-
deur de l’essai avec la blancheur requise
et accoutumée de tout temps et ancienneté.
Je me suis adressé à divers maîtres potiers
sur l’étain. 343
d’étain, honnêtes-gens , très-instruits dans
leur art ; et j’ai appris d’eux que pour faire
l’étain commun , l’ancien usage étoit d’a-
jouter à un quintal d’étain fin, sept ou huit
livres de plomb , mais qu’à cet égard les
choses a voient bien changé , ainsi que je
le démontrerai dans la suite.
S- VII.
Des proportions du régule d’antimoine .
&
J’ai mis le régule d’antimoine au nombre
des substances qui s’allient à l’étain j mais
je crois , d’après différens essais que j’ai
faits, que les potiers d’étain n’en font point
entrer dans la vaisselle , et que s’ils eu
emploient quelquefois , c’est avec bien de
la réserve.
Le régule d’antimoine rend l’étain aigre
et cassant , et les potiers ne se servent
guère de ce mélange que pour faire des
cuillers très-fragiles , qui se vendent sous
le nom de cuillers d’étain ou de métal.
544
recherches
s. VIII.
De V étain Jin et de l’étain commun.
Actuellement que je counois les dif-
férentes matières que les maîtres potiers
sont dans l’habitude d’ajouter à l’étain
pour le rendre propre aux usages auxquels
on le destine , je pourrois facilement me
former une idée assez juste de ce qu’ils
appellent étain , s’ils n’ayoient à mettre en
œuvre que de l’étain de Banca et de Ma-
laca. Cent livres de l’un ou de l’autre ,
deux livres ou deux livres et demie de
cuivre , quelques onces de zinc ou de
bismuth, point de plomb, tel seroit l’étain
qu’on nous vendroit sous la marque d’é-
tain fin.
Mais pour parvenir à ce point de perfec-
tion , il faudroit que nos ouvriers n’eussent
d’autre étain à mettre en œuvre que celui
qui leur seroit apporté des Indes ; car tant
qu’ils auront le gros saumon d’Angleterre ,
à meilleur compte que l’étain de Banca et
de Malaca , ils lui donneront toujours la
préférence. Or ces saumons nous arrivent
sur n ’ étain. 345
déjà alliés à du cuivre , et même , selon
Geoffroy , souvent à du plomb , quoique
nous n’en n’ayons pas rencontré de cette
dernière espèce. Les premiers peuvent donc
être employés, tels que nous les recevons,
à faire de la vaisselle , sauf à l’ouvrier
d’augmenter la roideur de cette sorte
d’étain , en y ajoutant un peu de bismuth ,
ou même un peu de cuivre jaune : enfin
nous devons regarder les gros saumons qui
n’ont point reçu de plomb , comme étant ,
à peu de chose près , au titre de Pétain fin ,
abstraction faite du cinq cent soixante-
seizième de régule d’arsenic , qui est la plus
grande proportion où j’aie trouvé cette
substance.
Quant à l’étain commun, le travail n’en
seroit pas plus compliqué ; l’honnête ou-
vrier jugeroit ce que l’étain fin qu’il auroit
fait avec les étains de Banca ou de Malaca ,
ou même avec le gros saumon anglais ,
pourroit porter de plomb , ce qui iroit
depuis six jusqu’à liuit livres au plus, et
les faisant fondre ensemble , il en obtien-
\
droit une matière propre à être convertie
en toutes sortes d’ustensiles et pièces de
vaisselle , qu’il pourroit vendre sous le
3/(6 recherches
titre d’étain commun , à meilleur marché
que l’étain fin.
Tel , à peu de chose près , seroit l'étain
fin et commun que nous voyons étalé sous
toutes sortes de formes dans les boutiques ,
si les maîtres n avoient que de l'étain pur
et même du gros saumon de bonne espèce
à mettre en œuvre ; mais pour l’ordinaire
c’est le vieux étain qu’ils emploient en le
faisant refondre.
S- I X.
4
Du vieux étain .
Qu oique l’usage de l’étain soit devenu
chez nous beaucoup moins fréquent qu’au-
trefois , la quantité qui s’en trouve dans le
royaume ne laisse pas que d’être encore
très-forte. Les maisons religieuses de l’un
et l’autre sexe , les collèges , la plupart des
communautés , les hôpitaux n’emploient
pas d’autre vaisselle : il est peu de ventes
après décès où il ne s’en trouve , sinon en
vaisselle de tables , du moins en ustensiles
de cuisine et d’office : combien ne faut- il
pas , dans une ville telle que Paris, et dans
un royaume tel que la France , de mesures
SUR -L’ETAIN. 347
pour les liquides. Or toutes ces mesures,
depuis le pot jusqu’à la roquille , sont
d’étain , les sorbetières pour les glaces , les
chapiteaux d’alambics , les cucurbites à
bain-marie , les serpentins sont également
de ce métal ; enfin on voit chez les citoyens
qui , dans cette capitale et dans les autres
villes du royaume , acquièrent par leur
travail une petite aisance, quelque peu de
vaisselle d’étain, et il s’en trouve beaucoup
chez les habitans de nos campagnes.
Ainsi l’étain ouvré qui se trouve dans
toute l’étendue delà France, forme encore
aujourd’hui une masse très-considérable de
vaisselle et d’ustensiles que l’usage habituel
oblige de temps en temps de reporter à la
fonte , ou que des circonstances forcent de
vendre à chaque renouvellement de géné-
ration.
Le vieux étain est toujours acheté parles
maîtres-ouvriers , et ils font grand cas de
celui qu’ils reconnoissent pour être de la
fin du dernier siècle ou du commencement
de celui-ci, parce que ce métal, alors fort
à la mode , n’étoit acheté par nos pères que
sous un bon titre , et qu’à cette époque les
ordonnances étoient suivies , le fin cuivre ,
348
RECHERCHES
V étain de glace et peut-être un peu de zinc
étoient les seuls alliages employés ; tout ce
qui portoit le titre d’étain lin ne contenoit
pas un atome de plomb ; et si un maître
potier d’etain étoit convaincu d’y en avoir
introduit, les jurés de sa communauté le
saisissoient , et les juges prononçoient une
amende.
Les choses ont bien changé ; à mesure
que l’étain est devenu d’un usage moins
fréquent parmi nous , la communauté des
maîtres potiers d’étain s’est beaucoup relâ-
chée , et le public étant moins difficile ,
moins plaignant , la police est devenue
moins sévère sur le fait de l’étain ouvragé.
Depuis soixante ans la qualité de l’étain lin
et commun a baissé de jour en jour , au
point qu’en examinant diverses pièces de
vaisselle achetées chez différens maîtres,
sous le titre d’étain lin , j’y ai trouvé cinq ,
six , sept et huit livres de plomb par quin-
tal , et quinze , vingt et vingt-cinq livres
par quintal d’étain commun : cette dernière
proportion est énorme , sur-tout lorsqu’on
saura que je l’ai rencontrée dans les mesures
de pinte , de chopine , de demi-setier ,
dans les grands bassins dont les marchands
i
de vin se servent fréquemment , dans les
sorbetières, etc. etc. D’où l’on peut con-
clure qu’au jourd’hui notre étain fin est à
peine au titre de l’étain commun du siècle
dernier , et que notre étain commun tient
trois fois plus de plomb que celui qui, à la
même époque , se vendoit sous le même
nom. En un mot , l’abus est si grand , qu’il
n’est pas rare de trouver de la poterie
d’étain de si bas aloi, qu’on pourroit faci-
lement la prendre pour de la claire étoffe,
sorte d’alliage qu’il nous reste à faire con-
noître.
S. X.
De la claire- étoffe.
On trouve chez les potiers d’étain un
mélange fait à-peu-près à parties égales de
plomb et d’étain , qu’ils nomment claire-
étoffe ou simplement claire ; tous assurent
que cette composition n’est j amais employée
à faire des ustensiles de cuisine ou de table •
qu’ils en font , à la vérité , des moules de
chandelles , mais qu’ils n’en vendent en
détail que comme soudure. J’avouerai
qu’ayant examiné un grand nombre de
35o RECHERCHES
pièces d’étain , je n’en ai rencontré aucune
d’aussi bas aloi ; mais dans quelle classe
les potiers d’étain eux-mêmes rangeroient-
ils des ustensiles de ménage , vendus
comme bon étain , dans lesquels j’ai trouvé
depuis vingt , jusqu’à vingt-cinq livres de
plomb par quintal ? Si un pareil alliage
n’est pas de leur claire - étoffe , il faut
avouer qu’il n’en est pas très- éloigné , et
%
il prouve incontestablement qu’à cet égard
l’abus a été porté à son comble par la cu-
pidité des vendeurs , et , peut-être aussi ,
car il faut tout dire , par la lésine des
acheteurs , qui , peu attentifs à la qualité 9
recherchent singulièrement le bon marché.
§. X I.
Des divers moyens qu’on peut employer
pour reconnoître les substances alliées à
L’étain et en faire le départ.
Il est peu de chimistes qui ne se soient
exercés à ramener l’or et l’argent à leur
degré de pureté absolue , que l’orfèvre et
le monnoyeur sont obligés d’altérer toutes
les fois qu’ils veulent les mettre en œuvre.
Rien de plus curieux et sur- tout de plus
SUR
l’étain. 35 1
important que l’affinage des deux métaux
qui , depuis un grand nombre de siècles ,
semblent tenir lieu de tout chez les hommes ;
aussi , à quel point de perfection l’art des
essais n’est-il pas arrivé ? Mais avouons-
le , le haut prix de l’or et de l’argent a,
bien plus que la curiosité , et même que
le désir d’étendre les connoissances, excité
les chimistes à sacrifier leurs veilles à ce
genre de travail; aussi voyons nous qu’ayant
tout fait pour les précieux métaux, ils ne se
sont presque pas occupés de la purification
des métaux imparfaits , dont le prix et
l’importance qu’on y attache ,ne répondent
point du tout à leur utilité. /
Les frais qu’on est obligé de faire pour
affiner l’or et l’argent, sont compensés par
la valeur de l’un et l’autre métal , avantage
qui ne peut se trouver à l’égard de l’étain ,
dont une livre alliée au cuivre ou au plomb
exigeroit , pour être ramenée à son degré
de pureté absolue , une dépense qui excé-
deroit sept à huit fois sa valeur.
Des circonstances telles que celles où je
me suis trouvé , pouvoient donc seules
m’engager à chercher les moyens de séparer
de ce métal les diverses substances qu’on
35 2 RECHERCHES
est dans l’usage d’y ajouter pour le rendre
propre à être converti en vaisselle. Ces
recherches , que j’ai été obligé de faire
pour compléter mon travail , ont exigé et
du temps et des peines , dont j’ai été am-
plement récompensé par une foule de
phénomènes très - intéressans , qui, jus-
qu’ici , n’avoient point été aperçus des
chimistes.
Je vais rendre compte de ceux qui peu-
vent servir à faire reconnoître la nature et
les proportions des alliages ; mais , dans la
crainte de trop écarter les lecteurs de ce
but , je passerai sous silence ceux qui ne
seroient propres qu’à satisfaire la curiosité.
Geoffroy , dans le mémoire indiqué , a
tâché de répandre du jour sur les essais de
l’étain , en traitant ce métal par la calci-
nation j mais ses efforts ont été vains , ou
du moins , ils se sont réduits à faire con-
noître que l’étain pur donnoit une chaux
très-blanche, tandis que celles qu’il retiroit
des étains fin et commun , ainsi que du
gros saumon , ce prenoient des teintes qui
3> s ’éloign oi en t du blanc parfait , à pro-
» portion de V alliage qui , se calcinant
33 avec le véritable étain , le salit de la
33 couleur
V
sur u’étath. 353
% , - r
4>» couleur que cet alliage prendroit s’il
>3 étoit calciné seul ». C’e>t ainsi que s’ex-
prime ce chimiste , ù la page 122 des
rué ni. de V académie roy . des sciences ,
vol. 1738.
J’ai calciné de l’étain pur et de l’étain
allié de toutes les manières ; mais n’ayant
» 1 \
en effet remarqué dans leurs chaux que les
nuances des différentes teintes annoncées
par Geoffroy, j’ai abandonné ce procédé
qui me donnoit beaucoup de peines • et le
regardant, avec juste raison , comme très-
dispendieux et très inutile , j’ai eu recours
aux acides qui ont absolument rempli mes
vues. C’est ce dont il me reste à rendre
compte.
$. XII.
Départ du cuivre d'avec l’étain , par l’eau
régale et V acide marin.
C>
■ • - -1 . - -y
Le départ des métaux parfaits ou impar-
faits est fondé sur le plus ou moins de
rapport qu’ils ont avec les diffère ns acides
dans certaines circonstances, c’est-à dire,
suivant le degré d’ appropriation qui se
trouve naturellement entre eux, ou que
l’art parvient à leur donner.
110016 IL &
i
3 54 r ECHERCIIES
Si dans une dissolution de enivre par
l’eau régale , par l’acide marin , et même
par celui du vitriol, on introduit une lame
d’étain , on précipitera en peu temps , sous
sa couleur naturelle , tout le cuivre uni à
ces acides»
On voit par-là, que le chimiste a des
moyens sûrs pour retrouver une quan-
tité quelconque de cuivre recélée dans
une masse d’étain. J’en vais citer deux
exemples.
Que l’on prenne ïoo grains d’une masse
d’étain pur allié à une livre et demie de
cuivre par quintal , qu’ils soient réduits
en une lame très-mince que l’on divisera
en trois portions à peu près égales.
La première étant mise dans une capsule
de verre , chargée de 3 gros d’une bonne
eau régale , l’on ne tardera pas à voir un
mouvement d’effervescence qui , augmen-
tant tout-à-coup, la fera disparoître en un
instant. On ajoutera la seconde qui , ainsi
que la première , se dissolvera en très-peu
de temps ; à cette seconde on fera suc-
céder la troisième qui, étant entièrement
dissoute , laissera apercevoir une liqueur
•verte , mais très-limpide , parce que l’acide
5 tr R 1* É T A I T*; 355
y domine ; si , dans cette liqueur verte, on
introduit l’extrémité d’une laine d’étain,
pur , on la verra bientôt se couvrir d’une
pellicule cuivreuse , que l’on détachera en
portant et en agitant l’extrémité de cette
même lame dans un verre d’eau , ce qu’on,
répétera jusqu’à ce qu’il cesse de s’y atta-
cher du cuivre : on en obtiendra un grain
et demi , c’est-à-dire, la quantité précise
qui a été introduite dans les 100 grains
d’étain.
Si, au lieu d’eau régale forte, on en em-
ploie la même qui ntité , en y ajoutant
3 gros d’eau distillée, la dissolution des
laines d’étain se faisant lentement et sans
chaleur sensible , l’étain seul se dissolvera
et le cuivre demeurant intact , paroîtra
sous la forme d’une poudre presque noire,
qui , édulcorée et séparée de tout le sel
d'étain, offiira également le grain et demi
de métal entré dans l’alliage.
On réussira également bien à faire ce
départ , si au lieu d’eau régale , on emploie
l’acide du sel marin , soit à froid , soit à
chaud , par la raison que ce dissolvant a
bien plus d’affinité avec l’éiain qu’avec le
cuivre.
Z %
l56 RECHERCHES
Si donc on expose à son action 100 grains
de la masse d’etain allié comme je l’ai indi-
qué dans le précédent exemple , on peut
être assuré que l’étain se dissoudra entière-
ment , et que le cuivre restera intact sous
forme de poudre grise.
Le point essentiel pour bien réussir est,
i°. de ne pas employer une trop grande
quantité d’acide :^ans l’opération ; zQ. de
procéder à froid, quoiqu’avec de la pré-
caution , on puisse arriver au même but
en posant le matras sur du sable chaud ;
3°. il faut tâcher de saisir avec le plus de
précision qu’on pourra , le moment où l’a-
cide cesse de rencontrer de l’étain, parce
que si la quantité de l’acide étoit par trop
surabondante , son action pourroit , quoi-
que lentement , se porter sur le cuivre , et
à la longue finir par en dissoudre entière-
ment le grain et demi , qui est l’objet de la
recherche.
S. XIII.
"Départ du bismuth et du zinc.
Ce que je viens de dire sur le départ du
cuivre, peut s’appliquer au bismuth , qui
sur. i/etatist. 35 f
étant dissous dans l’eau régale forte, en peut
être précipité par l’étain en une poudre
noire.
Que l’on mette dans une capsule de verre
3 gros d’une eau régale de bonne force et
qu’on y ajoute en trois terns 100 grains
d’étain allié à rhr de bismuth , la dissolu-
tion , quoique retardée par la présence
de ce dernier, se fera cependant très-bien j
elle sera très-limpide , et on pourra , par le
moyen d’une lame d’étain pur , en préci-
piter le demi-métal sous la forme d’une
poudre noire ; enfin si , à de l’eau régale
forte , on substitue de l’eau régale affoiblie
avec la moitié de son poids d’eau distillée ,
l’étain entrera seul en dissolution , et le bis*
inuth notant pas touché restera au fond du
vase en poudre très-noire.
Ce moyen de départ est fondé sur ce
que le bismuth ne se dissout pas facilement
dans l’eau régale , sur-tout lorsqu’on opère
comme je fais , sans le secours du feu •
aussi se présente -t- il dans la dissolution
d’un alliage de ce demi-métal avec l’étain,
un phénomène que je crois devoir faire
connoître.
L’eau régale forte agit , même à froid P
Z 3
358
recherches
sur l’étain pur en un instant , et le mouve-
ment est si vil , que la main en peut à
peine supporter le degré de chaleur : l’eau
l’égale affoiblie de partie égale d’eau dis-
tihee, agit sur ce même étain pur avec
lenteur j l’effervescence est sensible , mais
elle se fait sans chaleur apparente , tel-
lement que 5o grains d’étain qui peuvent
être dissous en moins de deux minutes
dans l’eau régale forte , exigeroit plu-
sieurs heures pour l’être dans l’eau régale
affoiblie.
Mais les choses se passeront bien diffé-
remment , si au lieu d’opérer sur de l’étain,
pur, on opère sur un étain allié à tLt de
bismuth. L’eau régale forte , la même
enfin que celle qui dissout si vite l’étain
pnr, agira sur l’alliage avec une lenteur
vraiment surprenante. Leslames ne tardent
pas à devenir noires , mais le mouvement
d’effervescence est à peine sensible j aussi
emploiera t-on au moins quatre ou cinq
heures pour obtenir la dissolution totale
de 3o grains d’un étain allié à ^ de bis-
muth. Si, pour opérer la dissolution de ces
mêmes 3o grains ,on emploie au contraire
de l’eau régale affoiblie, l’étain seul sera
dissous vers le quatrième jour, et le bis-
muth demeurant intact pourra facilement
être retiré 5 phénomène et résultat qui doi-
vent déterminer le chimiste à donner la
préférence à ce dernier procédé.
D’après la propriété bien reconnue, qu’a
l’étain de précipiter le cuivre et le bismuth
dissous dans l’eau régale ou l’acide marin,
il seroit assez naturel de regarder ces acides
<
comme les plus propres à départir ces deux
substances d’avec l’étain qui se vend sous
toutes sortes de forme chez nos potiers
d’étain • mais il se présente trop de diffi-
cultés pour que j’ose conseiller d’employer
ce moyen , qui ne réussiroit qu’à demi hors
des laboratoires de chimie, et même entre
les mains de simples amateurs qui vou-
droient essayer de l’étain ouvré , dans
lequel sont , pour l’ordinaire , rassemblées
toutes les substances métalliques et sémi-
métalliques qu’on est dans l’habitude
d’allier à ce métal ; ce qui met la masse
dans un état d’ appropriation peu conve-
nable au départ qu’on voudroit en faire
par l’acide marin ou par l’eau régale.
Cependant si on examine un étain fin ,
allié au titre de la loi, c’est-à-dire, au
Z 4
36o RECHERCHES
cuivre et au bismuth, et qu’on procède}
ainsi que je l’indique , par l’eau régale ou
l’esprit de sel, on peut être sûr que la
petite portion de poudre qu’on obtiendra,1
contient le métal et le demi-métal qui font
l’objet de la recherche , et qu’on parvien-
dra à les séparer très-exactement, en ver-
sant sur la poudre édulcorée et séchée,
une quantité suffisante d’alkali volatil
liquide , qui se saisira du cuivre , sans tou-
cher au bismuth. Un instant d’évapora-
tion suffira pour dissiper tout le sel volatil
et faire paroître le cuivre sous la forme
de chaux , en sorte que ces deux subs-
tances pourront séparément être soumises
à la balance.
A l’égard du zinc , n’y ayant pas entre
lui ét l’étain une très-grande différence de
rapport avec ces acides, il s’ensuit que ce
demi-métal ne se prête pas au départ dont
je parle ; ce qui devient assez peu impor-
tant , parce que je sais que le zinc ne peut
être introduit dans l’étain que dans une
très-foible proportion , et de plus que l’on
a déjà acquis des connoissances sur son
innocuité dans l’économie animale.
SUR ï/ÉTAl Xï 36 1
$. XIV.
Trocédé pour dépanir le plomb d'avec
l} étain.
Le plomb dont on fait un grand usage
dans cette capitale, et dont en effet on
ne peut se passer dans mille circonstances,
ne devroit jamais entrer comme alliage
dans l’étain employé à fabriquer la vaisselle
ou tous autres ustensiles destinésà préparer
ou à conserver nos alimens. Mais une
foible analogie entre les caractères exté-
rieurs de ces deux métaux , et sur- tout le
bas prix du premier ont tenté la cupidité ;
le désordre s’en est suivi , et le plomb a été
introduit dans l’étain à des proportions qui
peuvent rendre ce mélange dangereux pour
l’économie animale ; ajoutons à cela que
c’est un vol manifeste fait au public, à qui
on vend , sous le nom de bon étain , une
grande quantité de plomb , à raison de
quarante et quarante- cinq sous la livre,
tandis que cette même livre en vaut à
peine six. On sent donc combien il étoit
important de trouver un moyen propre à
constater , selon les règles d’une dociinas-
3 6% RECHERCHES
tique exacte , la quantité réelle de ce vil et
dangereux métal, introduite dans un étain
quelconque.
L’eau régale n’est pas un dissolvant con-
venable pour départir le plomb d’avec
l’étain 5 car quoiqu’elle ne paroisse pas
avoir une action bien marquée sur le pre-
mier de ces deux métaux , même au degré
de chaleur qui la fait bouillir , elle en
opère cependant fort vite la dissolution ,
lorsqu’il est uni à trois parties d’étain :
phénomène très remarquable dont je ne
puis m’empêcher de donner un exemple.
J’avois exposé plusieurs fois à l’action
de l’eau régale , tantôt forte , tantôt affoi-
blie , cent grains d’un étain pur allié à
vingt-cinq livres de plomb par quintal, et
la dissolution totale s’en étoit toujours faite
avec facilité, soit à froid, soit à chaud.
D’un autre côté , j’ai essayé de faire dis-
soudre dans de la même eau régale forte,
3 grains seulement de plomb ; le matras
étant sur du sable très-chaud , bientôt il
s’excita un mouvement d’ébullition qui me
parut d’abord être celui d’une efferves-
cence ; mais après trois heures de feu , les
petits filets de plomb ne me paroissant ni
sur. l’état N. 363
diminues, ni corrodés, je pris le parti
d’inlroduit e dans le matras 9 grains d’étain
pur , qui , ainsi que les 3 grains de plomb ,
furent dissous en un instant.
Cette expérience , que j’avois répétée
avec succès, tantôt à froid , tantôt à chaud,
tantôt avec l’eau régale affoibiie, sur 2 5
grains de plomb , et grains d’étain pur,
présente un fait très-intéressant ; elle me
fait voir un métal peu soluble dans l’eau
régale, le devenir éminemment à l’aide
d’un autre métal ; mais elle prouve , ainsi
que je l’ai annoncé , que ce dissolvant ne
peut être employé pour séparer avec pré-
cision le plomb d’avec l’étain.
L’acide marin ayant la propriété de dis-
soudre le plomb, même dans son aggré-
gation métallique, et de former avec lui
un sel qui cristallise dès que la liqueur se
refroidit » pourroit servir à faire le départ
dont je parle ; mais la réduction de ce
sel présentant quelques diflicultés, je crois
devoir donner un procédé qui me paroît
mériter la préférence sur tous ceux que je
viens de décrire , parce que seul il peut
opérer la séparation de toutes les subs-
tances métalliques et sémi-métalliques qui
364 R E CHERCHES
peuvent avoir été introduites dans l’étain.
Or ce procédé est celui qui s’exécute avec
l’acide nitreux.
Je dois rappeler à mes lecteurs qu’en
traitant les divers étains purs , ou des
Indes ou d’Angleterre , j’ai fait observer,
i°. que l’acide nitreux les attaquoit avec
une vivacité étonnante , et que sans les
dissoudre , il les convertissoit en une
chaux blanche qui , parfaitement lavée
et égouttée , formoit , en se séchant ,
une sorte de gelée demi - transparente ;
2°. qu’en faisant évaporer l’eau des lavages,
j’avois obtenu une petite quantité d’un sel
que j’ai appelé stanno-nitreux , et que j’ai
dit avoir la propriété de s’allumer , lors-
qu'on l’échauffe jusqu’à un certain point ;
3°. qu’en traitant également avec le même
acide l’étain qui nous vient d’Angleterre
en gros saumons, en faisant évaporer l’eau
qui avoit servi à laver les différentes chaux,
j’avois obtenu un peu de sel stanno-nitreux,
et que j’étois parvenu àinettreà nu tout le
cuivre qui se trouvoit allié à cette sorte
d’étain 5 4°* enfin j’ai fait remarquer que
les gros saumons ou baguettes que j’avo-is
traités par ce procédé, ne m’avoient pas
SUR
L ’ É T A I K. 365
donné un atome de nitre à base de plomb ,
d’où j’ai dès-lors conclu que ce dernier
métal n’y avoit pas été introduit.
Ce que je vais dire des divers étains
convertis en vaisselle par nos ouvriers , va
mettre le sceau à la démonstration de cette
vérité.
S. X V.
il lanière de s’assurer de la quantité de
plomb qui aura été introduite dans un
étain .
Veut- o n s’assurer de la quantité de
plomb introduit dans un étain que le
simple aspect ou la pesanteur spécifique
annoncent être de mauvais aloi ? il suffira
d’en traiter 2 onces avec 5 onces d’un bon
i»
acide nitreux : le point essentiel est que
celui-ci soit bien pur.
La chaux d’étain qu’on obtiendra, sera
lavée avec quatre livres au moins d’eau
distillée , que l’on conservera avec soin.
Cette eau tient en dissolution le cuivre , le
zinc et le plomb qui ont pu être alliés à
l’étain , le seul bismuth a échappé ; car
quoiqu’il ait la propriété de se dissoudre
dans l’acide nitreux , il n’y reste cependant
/
3 66 recherches
pas fortement attaché , et l’on sait que
pour en opérer en très-grande partie la
séparation , il suffit d’ajouter à sa disso-
lution une certaine quantité d’eau. Mais
comme les potiers d’étain ne peuven t abuser
ni du bismuth, ni du cuivre , et encore
moins du zinc, quoique celui-ci soit à plus
bas prix que l’étain , c’est au plomb seul
que l’on doit ici faire attention , le but
étant de bien constater la quantité qui
en a été introduite dans l’étain qu’on
examine.
Pour y parvenir, on fera évaporer à la
clialeur du bain-marie , l’eau qui a servi à
laver la chaux d’étain , et on la rapprochera
jusqu’au point de la cristallisation qui ,
faite à plusieurs reprises , donnera plus
ou moins de nitre à base de plomb.
En procédant ainsi sur 2 onces de dif-
férées étains , les uns m’ont donné 3 gros
et demi de ce sel , les autres 4 gros 2
scrupules; quelques-uns 111’en ont fourni
jusqu’à 6 gros , un seul en a donné 8 gros
et demi.
Pour savoir ce que chacun de ces sels
contenoit de plomb , j’ai pris le parti de les
calciner, et par-là les priver de tout l’acide
SUR l’ I T A I N. 36/
nitreux qui leur ctôit uni ; cette opération
qui peut réduire le plomb eu massicot et
même en litharge , si on augmente le feu ,
fit perdre à ces divers sels la moitié de
leur poids 5 en sorte que lésa onces d’étain
q uim’avoient donné 8 gros et demi de nitre
saturnin , contenoient 4 gros io grains de
plomb ; mais laissant ces 18 grains en dé-
falcation du sel stanno- nitreux qui se sera
trouvé dans le nitre saturnin, et d’un
autre côté compensant la perte qu'onessuie
malgré soi dans le travail, par l’augmen-
tation qu’éprouve le plomb , en se conver-
tissant en litharge , je n’ai compté que sur
4 gros ; d’où il résulte que l’étain qui
avoit fourni 8 gros et demi de sel , conte-
noit vingt-cinq livres de plomb par quintal ;
et que celui dont je n’avois retiré que 6
gros du même sel ne contenoit que îtt de
ce vil métal. Or c es deux derniers exemples
pris dans l’étain commun , me font con-
noître à quel point les abus ont été portés.
Quant à ceux dont j’ai retiré du nitre
saturnin en moindre quantité , ils m’a-
voient été vendus pour être des étains
fins , et cependant j’ai eu la preuve que
celui qui étoit le moins chargé de
368
RECHERCHES
plomb, en contenoit environ dix livre»
par quintal.
Ce que je viens de dire sera suffisant
pour les chimistes, qui seuls ont le droit
d’apprécier la méthode que je propose pour
retirer tout le plomb qui peut avoir été
introduit dans un étain quelconque ; quant
à ceux des physiciens qui ne sont pas versés
dans le manuel des opérations chimiques,
je leur proposerai de recourir à la pesan-
teur spécifique des deux métaux , moyen
très connu des potiers d’étain établis dans
les provinces : à l’égard des maîtres de
Paris , ceux que j’ai interrogés m’ont
paru donner la préférence à un essai qu’ils
appellent à la pierre. Je vais présenter une
esquisse de ces deux procédés.
§. XVI.
Des deux essais usités chez les potiers
d’étain y V un appelé à la Pierre, l’autre
à la balle, ou à la médaille.
L’essai à la pierre tire sa dénomination
d’une sorte de pierre lirgotière , faite avec
une pierre que l’on tire des environs de
Tonnerre , et que les ouvriers regardent
comme
SUR l’étais. 3 69
comme la seule propre à bien faire leur
essai.
Cette pierre est taillée en forme de brique
d’environ quatre pouces et demi de lon-
gueur, deux pouces et demi de largeur sur
un pouce et demi d’épaisseur ; on a creusé
sur un des larges côtés , un alvéole hémi-
sphérique de quatorze lignes de diamètre ,
et de huit à dix lignes de profondeur, de
laquelle il part une petite rigole triangu-
laire de vingt à vingt-deux lignes de lon-
gueur, sur une ligne de profondeur.
Un ouvrier veut -il essayer une masse
d’un étain quelconque ? Ayant posé cette
pierre sur un plan solide et bien nivelé ,
il fait fondre dans une cuiller de fer , 4 h
5 onces de son étain , et en verse à l’extré-
mité de la rigole , la quantité nécessaire
pour remplir l’alvéole : après quoi , les
yeux constamment fixés sur l’essai , il
observe exactement tout ce qui se passe
à la superficie du métal, au moment où il
se fige, et comparant ce qu’il voit avec ce
qu’il a vu mille fois , en traitant de même
des étains de toutes sortes de qualités , il
juge du titre de celui qu’il a sous les yeux :
il en observe la couleur, il fait attention à
Tome IL A a
oyo RECHERCHES
la rondeur que prend la superficie du mé-
tal , il considère la dépression qu’éprouve
cette rondeur dans son point central , où
il se forme constamment une petite cavité
plus ou moins hérissée de cristaux d’étain,
si celui dont il fait l’essai se trouve aigre.
Après le refroidissement total , l’ouvrier
plie à diverses reprises la queue de l’essai,
c’est-à-dire la petite portion d’étain qui s’est
figée dans la rigole, il en écoute le cri, et
est très-attentif à une sorte de subressaut
qui se communique aux doigts à chaque
fois qu’il plie le métal 5 enfin , d’après ce
qu’il a vu et senti, le potier d’étain pro-
nonce sur la qualité de la masse qu’il avoit
à examiner.
Cette manière d’essayer et de prononcer
stir la qualité d’un étain , est fondée sur
l’habitude que les ouvriers , qui ont de la
sagacité , contractent nécessairement , en
voyant par tous les sens et sous toutes sortes
de points, les matières qu’ils mettent jour-
nellement en œuvre. Mais quoi qu’en disent
les maîtres de Paris, un pareil essai 11e peut
tout au plus que leur faire présumer le titre
de l’étain, et si, à cet égard, il peut être
de quelque utilité dans leurs ateliers , il
SUR L* È T A I %yt
devient absolument nul pour les particu-
liers qui , en achetant de l’étain fin ou
commun converti en ustensiles de ménage.
r> f
seroient bien aises de savoir que les tnarqrn s
qui eu indiquent le titre, y ont été apposées
d’après des preuves plus certaines que celles
de l’essai à la pierre .
s. X V I.
De Vessai à la balle.
Quant à la seconde manière de faire
l’essai que les ouvriers de province ont
adoptée , et que ceux; de Paris nous ont
paru dédaigner , je ne peux me dispenser
de dire que c’est la seule dont le public
peut tirer quelqu’avantage.
Fondé sur la pesanteur spécifique qui
distingue si bien les métaux les uns des
autres , cet essai se fera d’une manière
assez exacte , si ayant une fois bien cons-
taté le poids d’un volume donné d’étain fin
ou commun , l’un et l’autre loyalement
alliés , on part des deux points connus ,
pour comparer à volume égal différens
étains dont on voudroit faire emplette
sous les mêmes titres. Or c’ebt ce que font
A a* 2,
i
37“2 RECHERCHES
les ouvriers , toutes les fois qu’ils ont re-
cours à l’essai qu’ils appellent la balle ou
la médaille , selon la forme que le moule
a donnée à l’étain , qui est le sujet de leur
épreuve (1).
Pour l’ordinaire , c’est dans un moule à
balle que les potiers coulent l’étain qu’ils
veulent essayer, et le poids de la balle qui
en provient , est comparé avec celui qu’ils
connoissent à une pareille balle faite avec
un étain lin ou commun , l’un et l’autre à
un bon titre.
J’ai fait de cette manière quelques essais
que je crois devoir faire connoître , pour
donner à mes lecteurs une idée de la diffé-
rence de poids que j’ai aperçue dans quel-
ques étains mis en œuvre.
(1) La forme donnée au volume d’étain qui sert de
point de comparaison, est indifférente : l’essentiel est
que le volume de l’étain que l’on va comparer soit
absolument égal à celui de l’étalon ; cependant la
forme circulaire et plate de la médaille peut fort bien
être préférable à la forme sphérique de la balle. C’est
aux ouvriers à juger si l'étain se coule mieux dans un
moule à médaille que dans un moule à balle.
Sun. U * É T A r. N. 373
Poids des balles que m’a donné le moi de
dont je me suis servi .
Etain de Banca 3 gros
3 gv;
de Malaca. ... *
3
3
doux d’Angleterre
3
3
en petits échantillons. . . .
3
3
en gros saumons d’Angleterre.
3
4f
en baguettes d’Angleterre. .
3
41
mesure de pinte
3
23
anse de la meme mesure. . .
3
23
assiette de Londres
3
4
assiette commune de Stras-
bourg
3
*7
de Banca allié à ~ de plomb.
3
1 3.
Ces exemples qui , faute d’habitude de
notre part, n’ont peut-être pas toute la
précision , toute la justesse qu’il seroit
possible de donner à cette sorte d’essai ,
suffisent cependant pour faire entendre
que Pétain étant la plus légère des subs-
tances métalliques , il est impossible de
Pallier avec la plus petite quantité d’un
métal ou demi - métal quelconque , sans
augmenter sa pesanteur spécifique; pesan-
teur qui s’éloignera d’autant plus de celle
que nous lui connoissons dans son état de
pureté, que la matière de l’alliage y aura été
A a 3
introduite en plus grande quantité. Nous
savons que le plomb est la seule substance
métallique dont les ouvriers peuvent abu-
ser ; nous venons de voir combien de
plomb allié à une masse d’étain pur , en
augmente la pesanteur spécifique : il est
donc évident que la balance peut nous
faire connoître jusqu’à un certain point la
quantité de ce vil métal introduite dans un
étain quelconque (1).
(1) Le point essentiel dans cette sorte d’essai est
d’obtenir une balle ou médaille bien pleine, ce qui
n’est pas si aisé qu’on pourroit le croire. La plus petite
soufflure interne ou externe occasionne des erreurs que
j’ai tâché d’éviter, en coulant de suite quatre balles
*
du même étain , et en les comparant entre elles, avec
la précaution de les fondre de nouveau dès que j’y
apereevois la moindre différence. Les autres métaux
pouvant aussi bien que l’étain éprouver des soufflures ,
il est à craindre qu’on ne parvienne jamais à donner
une table exacte de leur pesanteur spécifique.
SUR
L ’ É T A I N.
RÉCAPITULATION
Ow Précis des première , deuxième et
troisième Sections.
X l résulte de tout ce qui a été dit dans la
première partie de nos recherches , que
Pétain qui nous est apporté des différens
pays où se trouvent les mines de ce métal y
est de deux espèces.
La première contient l’étain pur ou sans
alliage , soit naturel , soit artificiel. Cet
étain nous est apporté des Indes , et tous
les ouvriers conviennent de ses bonnes
qualités. On le connoît dans le commerce ,
sous les noms de Banca et de Malaca ; on
pourroit appeler le dernier , etain de Slam ,
et c’est même sous cette dénomination qu il
est désigné dans une ordonnance de la fin
O
du rèïme de Louis XIV .
O
Les expériences sans nombre que j ai
faites, et dont les plus essentielles ont été
mises sous les yeux des lecteurs , ont prouvé
que c’étoit à juste titre que cet étain étoit
célébré dans les ateliers où ce métal est
mis en œuvre. Quelques recherches que
A a 4
\
876 11
ECHEHCHE9
j’aie faites sur un très- grand nombre d’é-
chantillons d’étain des Indes, achetés en
différens temps et chez divers marchands,
il m’a été impossible d’y découvrir le moin-
dre atome de substance étrangère.
L’Angleterre , si riche en étain , n’est
pas absolument dépourvue d’étain pur :
on m’en a envoyé de Londres en échan-
tillons , du poids de 4^5 onces : tous
étoient numérotés et avoient été pris dans
de grosses masses. On m’en a vendu à
Paris , sous le nom d’étain doux , en m’as-
surant qu’il venoit des mines d’Angleterre :
or celui que j’ai reçu de Londres, et celui
que j’ai acheté à Paris, ayant été soumis
à, toutes les épreuves que j’avois fait subir
à l’étain des Indes, se sont trouvés l’un et
l’autre parfaitement homogènes ; et pour
faire sentir la parité qui exisfcoit entre l’é-
tain pur d’Angleterre et l'étain des Indes,
j’ai dit qu’ils étoient l’un à l’autre, ce que
de l’or à vingt -quatre karats, tiré d’une
mine d’Europe , est à de l’or du même titre,
tiré d’une mine de l’Asie ou de l’Amérique.
Mais soit que l’Angleterre ne puisse pas
tirer de ses mines une grande quantité
d’étain pur , soit qu’elle ne puisse le faire
SUR L’ÉTAIS.
O77
qu’avec beaucoup de soin et de peine , ou
ce qui est la même chose, à très - grand
frais , il est certain que presque tout celui
qui* nous vient de ce royaume , contient
des substances hétérogènes , et ne peut par
conséquent être rangé parmi les étains de
première qualité.
La seconde espèce comprend tout étain
qui a contracté , dans le sein de la terre
même, quélqu’impureté dont le triage, le
lavage , le rôtissage et la fonte du minerai
n’ont pu le débarrasser entièrement. Tel
est celui qu’on nous envoie d’Angleterre en
gros lingots appelés saumons , qui pèsent
de trois à quatre cents livres , et que nos
marchands convertissent en petites ba-
guettes pour la facilité du débit qu’ils en
font à différens ouvriers.
Cet étain en gros saumons , dont nos
maîtres potiers font un grand usage, parce
qu’il se vend moins cher que l’étain des
Indes, n’est pas pur; il est naturellement,
selon les uns, et artificiellement, selon les
au très, allié à une petite portion de cuivre (1).
(1)' Geoffroy , dans un mémoire de l’Académie
royale des Sciences, imprimé en 1738, en faisant
THistoire de l’étain d’Angleterre , dit , d’après les
^7^ Recherches
J ai examine scrupuleusement un grand •
nombre d’échantillons de cette sorte d’é-
tain j tous m’ont donné du cuivre , mais
en assez foible proportion, une demi-livre
au plus par quintal , et le plus souvent
moins d’une demi-livre.
Je n’ai pas trouvé de plomb dans les
gros saumons que j’ai soumis à l’expé-
rience , mais tous ont donné des atomes
de régule d’arsenic ; les uns -V-, d’autres
la moitié moins, ~/5î.
Les expériences multipliées que j’ai faites
à cet égard , et dont je n’ai pu me dispenser
de rendre un compte très-détaillé, sont à
la portée de tous ceux qui cultivent la
chimie : qu’on daigne prendre la peine de
transactions philosophiques , que les lois du pays ne
permettent pas l’exportation de ce métal tel qu’il sort
des fonderies , et qu’on y ajoute toujours une certaine
quantité de cuivre et même quelquefois du plomb 5
d’un autre côté M. le Baron de Dietrich vient de nous
apprendre par la voie du Journal de Physique , mai
1780, que les mines d’étain de Cornouaille sont
toutes, ou presque toutes, mélangées de mine de
cuivre , et que malgré l’attention des ouvriers à séparer
cette dernière, il en échappe toujours quelque petite
portion qui, fondue avec la mine d’étain, y porte 1®
cuivre qui se trouve dans l’étain d’Angleterre.
les répéter, leur véracité en deviendra plus
authentique ; elles sont utiles ces expé-
riences , puissant motif pour engager les
chimistes à les répéter: il en est un autre,
la curiosité ; l’art, en effet, n’offre rien de
plus piquant que les procédés que j’ai indi-
qués, non-seulement pour démontrer, mais
encore pour retirer en entier un grain , un
seul grain d’arsenic intimement uni à 4
onces d’étain , et formant avec lui un
tout , dont les plus petites parties sont
imprégnées de la substance arsenicale
dans la proportion dV,~j.
Les chimistes tiennent pour axiome
qu’une chaux métallique ne peut s’unir
à un métal, tant qu’elle conserve son état
calciforme : cependant on entend tous les
jours confondre l’arsenic avec son régule,
c’est- à- dire une chaux métallique avec le
demi-métal dont elle est faite; mais ce n’est
pas la chaux d’arsenic qu’il faut chercher
dans l’étain d’Angleterre qui occupe cette
deuxième classe : c’est son régule , son
demi-métal , et si on opère comme il con-
vient , on sera sûr de le démontrer , et
même de le retirer , quelque petite qu’en
soit la proportion.
«58o recherches
Margraff, en parlant des différer s était s
où il a trouvé cette substance , se sert tou
jours de la première expression et jamais de
la seconde, parce que dans son procédé il
employoit une eau régale qui, quoiqu’af-
foiblie par de l’eau qu’il y ajoutoit, étoit
encore assez forte pour calciner la petite
quantité de régule d’arsenic uni à l’étain ,
en sorte que cette substance sémi- métal-
lique s’offroit toujours aux yeux de ce chi-
miste, sous la forme de chaux.
S’il étoit permis de faire un reproche à
Margraff, ce seroit sans doute celui de
n’avoir pas déterminé en quelle propor-
tion se trouvoit l’arsenic dans les différons
étains qui lui en donnoient; mais quel est
l’hommë qui peut tout apercevoir ? Quel
est l’homme qui peut tout faire ? Aidé du
rayon de lumière que ce savant chimiste
avoit jeté sur la question , je me suis ha-
bitué à traiter l’étain avec l’eau régale , en
répétant cent fois le procédé qu’il indique ;
et le résultat de mes expériences y de mes
observations, a été que l’arsenic, lorsqu’il
se rencontroit dans l’étain , y étoit toujours
sous forme réguline.
Margraff m’avoit frayé la route j il étoit
S TT R L* É T A I N. 38 1
donc naturel que j’allasse plus loin que
lui , et le public étoit même en droit de
l’attendre de mes efforts.
Il f alloit trouver un procédé sûr , pour
faire le départ de tout ce qu’une quantité
donnée d’étain pouvoit contenir de matière
arsenicale , c’étoit le point essentiel , et si
j ^ le manquois , il m’étoit impossible de
mettre les chimistes et les physiciens en
état de prononcer sur la question impor-
tante qui m’a été proposée.
Or je l’ai trouvé ce procédé , qui fut
long-temps l’objet de mes recherches , et
en en rendant compte , je suis entré dans
tous les détails qui m’ont paru necessaires
pour appla îir les difficultés qu’on ne man-
que pas de rencontrer toutes les fois qu’on
veut s’habituer à faire une expérience nou-
velle ou peu connue.
L’étain d’Angleterre , appelé gros sau-
mons , que nous voyons souvent chez nos
marchands, refondu et coulé en baguettes
ou en petites pyramides tronquées , qu'ils
nomment petits chapeaux , n’occuperoit
pas seul la classe de l’étain arseniqué , si
j’avois pu soumettre à l’expérience l’étain
de Saxe, dont Margraff assure avoir retiré
582
RECHERCHES
de l’arsenic^ mais considérant que cet étain
n’étoit d’aucun usage parmi nous, et qu’il
étoit même inconnu de nos ouvriers , j’ai
cru devoir abandonner les recherches que
jefaisois, pour tâcher de m’en procurer,
et je m’en suis tenu uniquement à l’examen
des différons étains , qui, tirés ou des Indes
ou d’Angleterre , sont les seuls mis en
œuvre par nos potiers , sous la dénomi-
nation générale d’étain neuf.
Mais la grande flexibilité qu’a naturelle-
ment ce métal , ne permettantpas de l’em-
ployer dans son état de pureté, le potier
est contraint de lui donner un certain
degré de solidité , une certaine roideur
qui le rende propre à conserver les diffé-
rentes formes que l’art sait lui faire prendre
au moyen des moules et du tour.
L’étain seroit donc un métal dont on
n’auroit jamais pu faire usage en vaisselle
de table ou de cuisine , si l’on n’avoit pas
trouvé le moyen de lui donner de la soli-
dité , en l’alliant à diverses substances
métalliques ou sérni-métalliques , qui sont
le cuivre , le bismuth , le zinc , le plomb,
quelquefois le régule d’antimoine.
Les potiers d’étain sont autorisés par la
SUR l’ Ê T A I K. 383
loi à fabriquer et vendre tous les ouvrages
de leur ressort à deux différens titres ,
l’un d’étain fin, l’autre d’étain commun.
A l’égard du premier , cette même loi
leur ordonne d’allier l’étain avec le cuivre
rouge et le bismuth ; mais n’ayant pu leur
en prescrire les proportions , elle les a
laissés maîtres de les chercher parle tâton-
nement et de les varier à leur volonté , ce
qui peut se faire sans aucun préjudice
pour les particuliers, parce que le cuivre
et le bismuth étant d’un prix égal et même
supérieur à celui de l’étain , on ne doit
pas craindre que jamais le potier d’étain
commette d’abus à cet égard , et que
d'un autre coté ces deux substances, em-
ployées même à petites doses , donnant une
grande dureté à l’étain, l’ouvrier ne les
allie à ce dernier , qu’avec la plus grande
circonspection. Il est donc des bornes
qu’il ne peut franchir ; trop de cuivre ,
trop de bismuth gâteroit sa fonte , et pour
la ramener au point requis, il seroit con-
traint d’y ajouter de l’étain pur, ce que
son intérêt lui fait éviter avec soin.
L’étain fin doit , aux termes de la loi ,
ctre allié à une petite quantité de cuivre
RECHERCHES
384
et de bismuth , et jamais le plomb n’y doit
être introduit ; quant à l’étain commun ,
la loi , sans le nommer, autorise cependant
le potier à faire entrer le plomb dans les
ouvrages qu’il fabrique et vend sous ce
titre 5 mais malheureusement elle n’en a
pas prescrit la proportion : aussi à quel
point l’abus n’a-t il pas été porté à cet
égard ? Sept livres de plomb ajoutées à
quatre-vingt-treize livres d’étain fin, for-
moient dans le siècle dernier tout l’étain
commun qui se vendoit à Paris et dans les
provinces : les choses ont bien changé.
On s’est permis d’abord d’introduire du
plomb dans l'étain fin , et par la suite
d’en faire entrer vingt à vingt-cinq livres
par quintal dans l’étain commun ; abus
dont nous avons vu gémir quelques-uns
des maîtres potiers d’étain de Paris.
Il étoit donc essentiel de trouver des pro-
cédés sûrs pour constater cette fraude • or
ceux que j’ai indiqués me paroissent avoir
cet avantage.
Fondé sur la justesse et la précision de
leurs résultats, j’ose croire qu’ils seront
bien reçus des chimistes ; mais comme
ils exigent une grande habitude dans le
manuel
SUR L ’ É T A I K.1 385
manuel que les amateurs de l’art n’ont
pas toujours , j’ai proposé une autre
épreuve , moins exacte à la vérité , mais
d’une exécution facile pour tous ceux
%
qui ont du goût pour la physique expé-
rimentale.
Ce moyen, très -connu des potiers
d’étain, consiste à comparer le poids spé-
cifique d’un volume d’étain suspecté , avec
un pareil volume d’un étain loyalement
allré.
Jè finirai ici mon précis , ce que je viens
d’exposer étant plus que suffisant pour
mettre ceux qui n’auroient pas voulu me
suiv/re dans les détails où j’ai été obligé
d’entrer , à portée d’apprécier ce qui me
reste à dire de l étain et de ses usages.
ADDITION.
Procédé pour départir l’arpent d’avec
l’étain .
Ij e s chimistes qui se sont appliqués à
l’art des essais , savent que l’étain pré-
sente dans la coupellation des obstacles
insurmort ibles, et que les résultats de cette
Tome //. 33 b
i
386 RECHERCHES
opération , toujours justes et exacts à
l’égard du cuivre , sont toujours faux lors-
qu’il s’agit d’y soumettre un mélange d’ar-
gent et d’étain ; aussi a-t-on grand soin
d’éloigner ce dernier de la partie du
laboratoire destinée aux essais ou aux
affinages.
On peut cependant rencontrer quelque-
fois un alliage de cette espèce , fait à
dessein ou produit par un accident, tel
que seroit un incendie ; un chimiste peut
donc être requis de prononcer sur la quan-
tité d’argent introduit par quelque cause
que ce soit , dans une masse d’étain. Je
viens de me trouver dans ce cas.
Dans le courant du mois de septembre
I780, on me présenta de l’étain, qu’on
assuroit être allié à - d’argent fin , et l’on
me chargea de vérifier le fait. Ayant pour
principe qu’on ne doit en chimie em-
ployer le feu que quand toutes les autres
ressources manquent , on présume déjà
que rejetant cet agent, j’ai eu recours aux
dissolvans , c’est-à-dire , au départ par la
voie humide.,
J’avois à choisir entre l’acide nitreux et
i’acide marin 5 le premier auroit réduit
sur l’étain; 58/
rétain en chaux er tenu l’argent en disso-
lution 5 mais faisant réflexion sur les dif-
ficultés qui se présenteroient , lorsqu’il
faudroit séparer la liqueur d’avec la chaux,
et sur la nécessité où je serois d’employer
la filtration qui occasionne nécessairement
de la perte ; convaincu d’ailleurs par mes
précédens travaux, que l’acide nitreux
retient toujours une petite portion d’étain,
qui ne manqueroit pas de me jeter
dans l’erreur , je pris le parti de me
servir de l’acide marin pour faire le départ
dont on venoit de me charger* Cet acide
devoit , selon moi , dissoudre l’étain , et
laisser l’argent intact ; comme ce pro-
cédé m’a parfaitement réussi , je me fais
lin devoir d’en rendre compte.
J’ai mis dans un petit matras 72 grains
de l’alliage en question, laminés et coupés
en fils très-délies sur lesquels il a été verse
2 gros et demi d’acide marin et un demi-
gros d’eau distillée ; le tout a été posé sur
le sable chaud , et en moins de vinr>t heures
le dissolvant ne me paroisSant plus avoir
d’action sur une portion de poudre qui
étoit au fond du matras , je procédai avec
les précautions requises , à la séparer
B b 2
388
RECHERCHES
d’avec la liqueur, à la bien édulcorer et
sécher; cette poudre parut alors avec la
couleur propre à l’argent, son poids étoit
de 19 grains.
D’un autre côté, j’avois également chargé
un inatras d’un gros de cet alliage coupé
en petits fils , de 2 gros et demi du même
acide et demi-gros d’eau distillée, et le tout
avoit été laissé à la température de l’at-
mosphère : vers le huitième jour n’aperce*
yant plus de bulles , en agitant le matras ,
1a. poudre qui avoit résisté à l’action du
dissolvant , fut séparée , édulcorée et sé-
chée ; elle avoit également la couleur
brillante de l’argent , son poids étoit de
19 grains foibles. Ces poudres furent l’une
et l’autre soumises à la coupellation.
Racle , essayeur de la monnoie , et comme
l’on sait , très -versé dans son art , se
chargea de cette opération, dont le résultat
fut que la poudre départie de l'étain, en
employant la chaleur, ainsi que celle que
j’avois obtenue en faisant la dissolution
à froid, me donnèrent chacune un bouton
pesant 18 grains , c’est-à-dire , la quantité
juste du métal fin qu’on assuroit avoir été
introduite dans l’étain.
strn l’étaïn*; 38^
Si on vouloit opérer sur une plus petite
quantité de cet alliage ; il faudroit procéder
avec bien de la précaution , le point essen-
tiel seroit même d’étudier son acide
marin , et de tacher de découvrir par des
essais préliminaires , la quantité juste
d’étain qu’il peut dissoudre , afin d’éviter*
autantqu’il seroit possible, lasurabondance
de ce dissolvant que l’on étendroit, ainsi
que je l’ai fait, avec un peu d’eau distillée*
si on le jugeoit trop concentré.
En répétant mon opération sur 12 grains
de mon alliage , je n’ai pas toujours réussi
à retirer les 3 grains de fin , par la raison
que l’acide marin, lorsqu’il est avec excès,
finit par agir sur l’argent 5 car il ne faut
pas s’y tromper * cet acide agit sur ce métal
avec lenteur, mais enfin il peut le dissou-
dre , même dans son état d’aggrégation ;
ce dont je me suis convaincu , en soumet-
tant à son action douze feuilles d’ar-
gent qui pesoient ensemble 4 grains ; l’a-
cide dont la quantité étoit de 3 onces , fut
exposé à une chaleur qui le faisoit légère-
ment bouillir, et en trois ou quatre jours,
les feuilles perdirent 3 grains et demi de
leur poids.
B b 3
RECHERCHES
390
Je n’en dir à pas davantage sur ce de-
part fait par l'acide marin , laissant aux
chimistes qui font une étude particulière
de l’art des essais , le soin de perfectionner
cette opéiation , qui peut, dans certaines
occasions , devenir de la plus grande
utilité.
*
SUR X ’ E T A ï
QUATRIÈME SECTION,
Contenant la réponse à la question
proposée .
Il est résulté de mes longues , et j’ose le
le dire , de mes pénibles recherches sur
l’étain, deux faits bien simples, savoir
qu’il existe de l’étain pur ou sans mélange
d’aucune matière étrangère , et de l’étain
uni à une très-petite quantité de substance
arsenicale (1).
(1) Henckel et Margrafï avoient déjà constaté cette
vérité 5 mais si nous en jugeons par le grand usage
que l’on fait encore de la vaisselle d’étain dans l’Alle-
magne, on peut dire que cette démonstration n’a pas
inquiété leurs compatriotes. Les choses se sont passées
chez nous bien différemment 5 tant que les expériences
de ces deux célèbres chimistes n’ont été connues en
France que par le très-petit nombre de personnes qui
y cultivent la chimie , elles ne firent pas *plus de
sensation chez nous, qu’elles en avoient faite chez les
Allemands 5 mais les ouvrages de Margraff ayant été
traduits et publiés sous un format qui les mettoit à la
portée d’un plus grand nombre de lecteurs v produi-
sirent sur quelques esprits un tout antre effet ; bientôt
en entendit parler de l’étain et de l’arsenic qu’il con-
B b 4
✓
fiyz RECHERCHES
Cette variété dans l’étain m’oblige à di-
viser la question qui m’est proposée , et par
conséquent à examiner :
tenoit, et tel qui n’avoit pas lu les Dissertations de
Margraff, les citoit en répétant sans cesse qu*il falloit
bannir un inétal vicié par une aussi redoutable
substance.
Mais comme il n’est pas aussi aisé de se passer
d’étain qu’on pourvoit le croire , ces mêmes per-
sonnes ne voyant ce métal que dans l’étamage, pro-
posèrent de lui substituer le zinc , autre substance
sémi-métallique que nous tirons des Indes.
Si l’étain eut des détracteurs , il eut aussi des apo-
logistes : on discuta d’abord la matière avec tranquil-
lité 5 mais aussitôt que le zinc parut appliqué sur le
cuivre, les tètes s’échauffèrent , et quelques partisans
de l’étain quittant la décence et la modération , prirent
le parti violent de donner un démenti à Margraff , et
dirent tout haut qu’il n’étoit pas vrai que ce métal
contînt de l’arsenic.
Celte manière singulière d’éclaircir des faits , en
tranchant la difficulté sans faire la moindre expé-
rience , est, il faut l’avouer, la moins pénible de
toutes 5 mais elle a deux défauts bien essentiels,
qui sont de ne rien prouver et de n’être pas honnête ;
car quoi qu’on en dise , il faut peu respecter la vérité,
pour avoir recours à un pareil procédé dans une ques-
tion toute chimique.
Je suis parvenu à confirmer par un grand nombre
d’expériences la vérité annoncée par Henckel et Mar-
Sun l^étain; 393
10. Si rétain , considéré dans son état
de pureté absolue, possède ou non des
qualités nuisibles à l’économie animale.
20. Dans le cas où il sera démontré qu’en
cet état ce métal n’est point dangereux , il
convient de faire toutes les expériences
possibles , pour tâcher de découvrir si
celui dans lequel on peut démontrer la
présence d’une matière arsenicale , en
contient assez pour ne pouvoir être em-
ployé en vaisselle de table ou de cuisine ,
sans mettre ceux qui en feroient usage ,
en danger d’altérer leur santé.
3°. Comme l’étain est naturellement fort
mou , et qu’en conséquence on ne peut
s’en servir pour faire delà vaisselle ou tout
autre ustensile > sans y introduire quelques
substances métalliques ousémi-mctalliques
pour lui communiquer du la dureté , de la
roideur , j’examinerai si les alliages que
les potiers d’étain sont dans l’habitude de
graff; puissent mes travaux et la manière dont j’en
rends compte, prouver aux chimistes allemands qu’on
révère en France Ja mémoire du premier, ainsi que
les talens et la véracité du second , qui , même dans
lin âge très-avancé, ne cesse de nous instruire par ses
précieuses découvertes#
RECHERCHES
3gi
faire, peuvent rendre dangereux l’usage de
la vaisselle d’étain.
4°. Le fer blanc et le cuivre étainé étant
l’un et l’autre fréquemment employés dans
les cuisines , j’entrerai à leur égard dans
quelques détails qui m’ont paru nécessaires
pour fixer le degré de confiance qu'on peut
donner à la vaisselle qu’on fait avec ces
deux matières.
S TT R
ï. 9 É T X I N, 595
/
— «i
PREMIÈRE QUESTION.
Z*’ étain considéré dans son état dé pureté >
est-il un métal dangereux ?
L’e x pÉRiENCECt l’observation peuvent
seules nous faire connoître les propriétés
des corps les uns à l’égard des autres : ce
n’est qu’einpiriquemcnt que nous connois-
sons la vertu des médicamens , que nous
savons discerner les bons fruits d’avec les
mauvais , les plantes propres à notre nour-
riture , d’avec celles qui peuvent altérer
notre santé et même nous donner la mort.
Toutes les spéculations , tous les raisonne-
mensdela plus saine philosophie, ne peu-
vent à cet égard être d’aucune utilité (1) ;
nous le répétons , c’est au seul empirisme
que nous sommes redevables de ces sortes
de découvertes , dont plusieurs datent du
berceau du monde , mais qui toutes faites
successivement, se transmettent des pères
( 1 ) Sola experientia docet ea quae prosunt ,
quaequt nocent. Gai. L. 1.
KECH.ER.CHES
3 96
aux enfans, pour passer , d’âge en âge , à
la postérité la plus reculée.
Les mauvaises qualités du cuivre et du
plomb étoient connues dans l’antiquité ,
et déjà elles étoient bien appréciées , 011
faisoit grand usage de ces deux métaux ; le
cuivre rouge, et, plus souvent encore , le
laiton , étoient employés à faire des vases
pour cuire les alimens $ on laminoit le
plomb , et on en faisoit des tuyaux pour
conduire les eaux ; mais en se servant de
ces métaux on s’en méfioit : on savoit [que
les vaisseaux de cuivre exigcoient une
grande propreté, et qu’iL ne falloit pas y
laisser refroidir les alimens qu’on y avoit
préparés. A l’égard du plomb , on ne l’ein-
ployoit pour la conduite des eaux que dans
les circonstances qui ne permettoient pas
de se servir de tuyaux d’argile cuite, ou
d’arbres perforés.
On savoit donc dans ces temps éloignés
évaluer les mauvaises qualités du cuivre et
du plomb ; et comme le premier , dont
l’utilité étoit bien reconnue , ne devient
dangereux que dans certaines circons-
tances , l’expérience avoit appris à les pré-
voir, à les éviter , et les vaisseaux d’airain
furent et sont encore, moyennant quelques
précautions , employés avec sécurité à la
cuisson des alimens.
A l’égard du plomb , on l’a toujours re-
gardé, ainsi que ses préparations , comme
très-dangereux. Dioscoride met la litharge
ainsi que la céruse au nombre des poisons :
l’on connoît depuis long-temps les cruelles,
maladies dont sont affectés les ouvriers qui
travaillent ce métal, maladies beaucoup
plus fréquentes aujourd’hui, qu’elles ne
l’étoient dans les siècles antérieurs à l’in-
vention de la peinture à l’huile.
Les ouvriers qui coulent le plomb sur
le sable , et lui font prendre toutes les
formes que le besoin exige , les potiers de
terre qui le calcinent pour le rendre propre
à faire ce verre tendre dont , sous le nom
de vernis , ils couvrent leurs ouvrages 5 les
ouvriers qui préparent le cuir blanc, dont
les talons de la chaussure des dames sont
couverts ; ceux qui broient les couleurs à
l’huile , presque toutes composées de
chaux de plomb, et les peintres qui les em-
ploient dans les bâtimens; enfin tous ceux
qui mettent journellement en œuvre , de
quelque manière que ce soit, ce métal ou
39B recherches
ses différentes préparations, sont sujets à
une maladie épouvantable et souvent mor-
telle , que l’on désigne sous le nom de
colique des peintres , des potiers, et que
les ouvriers appellent tout simplement le
plomb.
Les potiers d’étain , au contraire , ne
sont exposés à aucun genre de maladie
qu’on puisse attribuer au métal qu’ils
mettent en œuvre : c’est ce que le savant
' JL
auteur de la dissertation appelée Mors in
ollâ, a très-bien remarqué. J’ai de mon
côté interrogé un grand nombre de potiers
d’étain et un plus grand nombre encore de
leurs compagnons; tous m’ont dit ne con-
noître d’autres maladies que celles qui sont
communes aux autres hommes , et que
jamais ils n’étoient attaqués du plomb , ni
du tremblement des membres, auquel sont
exposés les doreurs en or moulu , et les
ouvriers qui font le plomb à giboyer.
On sait (pie les pères delà Charité reçoi-
vent dansleur maison de Paris , et y traitent
avec succès , les gens attaqués de la colique
de plomb ; je les ai prié de me dire si , dans
le grand nombre le plombiers , de cor-
donniers j de broyeurs de couleurs , de
sur l'étain. 399
peintres en bâtimens qu’ils traitent chaque
année , il se rencontrent quelquefois des
potiers d’étain ; ils m’ont assuré que non.
Cependant si on se transporte dans les
ateliers des potiers d’étain et des plom-
biers, on verra que les premiers ne sont
pas moins exposés que les derniers à absor-
ber, soit par la voie de la déglutition et de
la respi ration , soit parles pores de la peau ,
une égale quantité du métal qu’ils mettent
respectivement en œuvre , les plombiers
avec là triste perspective d’une maladie
cruelle , et les potiers d’étain avec la plus
grande sécurité.
En général l’homme est fort peu occupé
des objets dont il n’a rien à craindre,
tandis qu’il porte la plus grande attention ,
sur ceux qu’il sait être contraires à sa con-
servation. Dioscoride parle-t il du plomb ?
il le met, ainsi que lalitharge et la céruse, au
nombre des poisons ; mais il garde le plus
profond silence sur l’étain , qui cependant
étoit de son temps un métal très-commun
et très-usité : tous les auteurs qui, depuis
ce médecin , ont écrit sur la nature des
choses, n’ont pas manqué de consigner dans
leurs ouvrages , les mauvais effets du
4oO RECHERCHES
plomb ; mais tous se sont également tus
sur les effets de l’étain , lors même qu’ils ont
parlé de ce métal, dont i's rcgardoient
l’usage, sinon comme salubre, du moins
comme indifférent à la santé de leurs con-
temporains, et sur lequel ils rassuroient la
postérité , même par le silence qu’ils gar-
doient à son égard.
Ceque nous savons de l’histoire ancienne
de l’Asie , par le petit nombre de fragmens
qui ont échappé aux ravages du temps ,
nous fait ordinairement regarder cette
partie du globe , comme le berceau des
arts et des sciences. Cette vaste région s’é-
O
tendant soirs toutes sortes de latitudes ,
a sur l’Europe des avantages immenses $
constamment peuplée d’hommes indus-
trieux , les arts y furent toujours cultivés ,
et malgré la mollesse tant reprochée à ses
habitans , les durs travaux de la métal-
lurgie en occupèrent une partie. Les mines
d’étain qui se trouvent dans quelques unes
des contrées méridionales de l’Asie, furent
donc exploitées j et le métal qu’on en tira,
se répandit jusque sur les bords de la Mé-
ditérannée.
Les Phéniciens qui avoient établi une
navigation,
sur l’étain. 401
navigation régulière sur la mer ronge ,
se rencloient aux Indes , d’où ils appor-
taient de l’étain , qu’ils versoient dans
l’Egypte, dans l’Asie mineure et même
dans la Grèce.
Cet étain de l’Inde était alors probable-
ment le seul qui fût connu des Grecs ; aussi
étoit-il pour eux un métal rare qu’ils em-
ployoient , ainsi que je l’ai déjà remarqué,
à l’ornement des chevaux et des chars de
bataille. Mais dans la suite les Cartha-
ginois , plus rapprochés des colonnes
d’Hcrcule les ayant doublées, se portèrent
sur les côtes occidentales de l’Espagne et
des Gaules , et se frayèrent un chemin
jusque dans la Grande-Bretagne , d’où ils
tiroientune si grande quantité d’étain que,
selon l’expression du prophète Ezéchiel ,
ils en remplissoient les marchés de la ville
de Tyr leur métropole.
A cette époque, l’étain d’Angleterre, ex-
posé en vente sur la place de Tyr, ne tarda
pas à se mêler à celui de l’Inde, peut-être
même le repoussa-t-il , et qu’il fut dès-lors
le seul que reçurent les Grecs et les autres
peuples qui habitent les côtes orientales de
la Méditerranée ; car outre qu’il était
Tome IL C c
402 recherches
beaucoup plus facile aux Carthaginois de
se rendre à l’île de Wight, qu’il ne l’étoit
aux Phéniciens de se rendre dans les Indes,
il est très-probable qu’un peuple riche tel
que les Indiens , vendoit son étain plus cher
aux Phéni ciens que les Bretons, quiétoient,
ainsi que les autres peuples de l’Europe ,
très-pauvres , ne le vendoient aux Cartha-
ginois.
Carthage n’étoit plus : cette république
de négocians avoit succombé sous les coups
des Romains, mais son commerce ne périt
pas avec elle ; les vainqueurs s’en empa-
rèrent, et 1 Italie continua à tirer par rner
l’étain de la Grande-Bretagne , jusqu’au
temps où , Jules César ayant fait la con-
quête des Gaules , on trouva qu’il étoit
plus court de le transporter par terre,
depuis les côtes occidentales de la Gaule ,
jusqu’à l’embouchure du Rhône , où de
nouveaux vaisseaux le prenoient et le
portaient par- tout où le besoin le re-
quéroit.
La niasse de l’étain augmentoit chaque
jour , et son usage se répandoit par tout :
on en faisoit des vases de toutes espèces;
on avoit trouvé, peut-être déjà depuis plu-
sur l’étain. 4o3
sieurs siècles , l’art de l’appliquer sur le
cuivre ; car Pline , en parlant de l’étamage,
s’exprime de manière àfaire entendre que
ce n’étoit pas de son temps, une invention
nouvelle.
Or, du temps de Pline les médecins Grecs
qui exerçoient leur art dans toute l’éten-
due de l’Empire et principalement dans la
capitale, étoient, on ne peut pas en
douter , de très -bons observateurs, qui
connoissoient bien les mauvais effets du
cuivre et du plomb 5 ceux de l’étain , si
ce métal en eût eu de dangereux, leur
auroient-ils échappé? on ne sauroit le
présumer.
Galien , qui vivoit sous Mar-Aurèle et
sous Commode , recommande , il est vrai ,
de ne pas conserver les trochisques de
vipères dans des vaisseaux d’étain , ni
même d’argent , parce que , dit ce célèbre
médecin, on a coutume d’altérer le premier
en y mêlant du plomb , et que le second est
allié de manière à contracter promptement
à sa surface une rouille contagieuse ; il
veut ce médecin d’un siècle riche , que l’on
emploie à cet effet des boîtes d’or ou de
verre , qui de son temps étoit une matière
C c 2
4o4 RECHERCHES
précieuse, dont on faisoit sur le tour des
vases qui iinitoient ceux de cristal de roche.
Le luxe de son siècle permettoit sans doute
à Galien de pareilles substitutions ; mais
enfin , ce savant médecin , en proscrivant
les vases d’étain , n’inculpe pas ce métal ,
ce qu’il n’auroit pas manqué de faire, si
quelque observation lui avoit fait soup-
çonner le moindre danger dans son usage.
S'il veut qu’on ne s’en serve pas pour garder
les trochisques de vipères , c’est parce que
de son temps, la cupidité avoit porté les
ouvriers à mélanger l’étain avec le plomb ,
dont les mauvaises qualités étoient bien
avérées (1).
(i) La méthode de conserver les médicamens dans
des vases d’étain déjà introduite du tems de Galien ,
est encore en vogue dans quelques villes d’Allemagne ,
où j’ai eu occasion de voir de riches pharmacies qui
dévoient leur belle décoration à un grand nombre de
boîtes d’étain artistement élaboré et d’un éclat surpre-
nant } mais cet étain prétendu étoit une sorte de com-
position que nous n’aurions jamais osé employer à un
pareil usage ; aussi Schulz qui la connoissoit, n’a-t-il
pas manqué de la condamner : cependant les maîtres
de ces pharmacies, hommes très-instruits dans leur
art, m’assuroient , ainsi que les médecins de ces mêmes
villes, que les médicamens s’y conscrvoient très-bien.
SUR l’Étain.' /\o5
Ainsiles motifs qui déterminèrent Galien
à proscrire les boîtes d’étain, loin de rendre
ce métal suspect , déposent au contraire en
sa faveur.
L’étain 11e fut pas moins employé depuis
la chute de l’empire romain , qu’il l’avoit
été sous les empereurs : le voisinage de
l’Angleterre le rendoit même plus commun
en France que par-tout ailleurs. Cependant
quelque profonde qu’on suppose l’igno-
rance qui caractérise dans notre histoire,
les trois ou quatre siècles qui ont succédé
à celui de Charlemagne , il n’est pas à pré-
sumer que nos pères aient pu un instant,
être assez indifférenssur leur conservation,
pour employer à la préparation et au ser-
vice de leurs alimens , un métal dange-
reux ; d’ailleurs ce n’etoit pas chez les serfs,
c’est-à-dire, chez les quatre-vingt-dix-neuf
centièmes de la nation qu’on trouvoit
des vases d'étain : un plat de terre , et
plus souvent un plat de bois , et des cuillers
de la même matière , coinposoient toute
et sans contracter aucune mauvaise qualité : à la
bonne heure, mais tant que nous aurons de la belle
fayence et du beau verre, il n’y a pas à craindre qu’un
pareil usage s’introduise en France.
C c 5
4û6 RECHERCHES
la vaisselle de cette classe nombreuse
et indigente : c’étoit dans les châteaux
qu’étoient étalés les aiguières , les plats et
assiettes d’étain , c’étoit-là que le vin se
servoit et se buvoit dans des vases du même
métal (i).
Or, dans ces temps éloignés , les posses-
seurs deterre vivoientdans une aisance qui
devoit leur rendre la vie précieuse , et par
conséquent diriger leur attention sur tout
ce qui pouvoit altérer leur santé ; d’où l’on
doit conclure que la vaisselle d’étain étoit
employée dans les maisons dont je parle
avec la plus grande sécurité. On alla plus
loin dans la suite , non content de regarder
Pétain comme un métal dont on n’avoit
rien à redouter , on lui attribua des vertus
médicinales.
La chimie , ainsi que la plupart des arts
qui rendent aujourd’hui l’Europe si bril-
(1) Cet usage n'est pas aboli par-tout, il subsiste
dans beaucoup de communautés religieuses , et il est
des provinces où les habitans de la campagne sont
enfin parvenus à se servir d’une vaisselle que leurs
ancêtres avoient vue, avec admiration, reluire chez
le seigneur de leur village.
sur l’étain. 4°7
îante , ne commença à y être cultivée qu’à
l’époque des croisades (1).
Les opérations chimiques sont autant de
transmutations de la matière , pour ceux
qui ne les approfondissent pas; aussi quel
parti n’espéra-t-on pas tirer d’un art aussi
étonnant ? Les premiers chimistes, passant
de prodiges en prodiges , crurent bientôt
pouvoir parvenir à faire de l’or , et à pro-
longer la vie beaucoup au-delà des bornes
ordinaires : folie qui a tourné bien des
(1) On a beaucoup critiqué ces pieuses émigrations
de gens d’armes et de pèlerins : et il seroit en effet
très-difficile d’en faire l’apologie , si on ne les considé-
roit pas comme une crise avantageuse , qui lit sortir
nos ancêtres de l’ignorance profonde où ils étoient
plongés relativement aux sciences et aux arts , dont
ils allèrent prendre le goût et les élémens chez les
Grecs , et chez le3 Arabes.
Quelque recherche que l’on veuille faire , on ne
parviendra pas , du moins je le présume , à prouver
qu’avant l’époque des Croisades, on connaissoit dans
les parties septentrionales et occidentales de l’Europe ,
les acides minéraux, l’esprit-de-vin, enfin la distilla-
tion et tout ce qui en est la suite , le nitre et ses ter-
ribles effets, etc. etc. et combien d’autres arts n’ont
paru chez nous qu’au commencement du treizième
siècle et à la fin du douzième.
c c 4
4° 8 recherches
têtes , et dont on n’est pas tout à fait revenu
dans notre siècle , si jriche en science et
encore plus riche en or, dont la possession,
fait désirer une longue vie.
L’or ne fut cependant pas le seul métal
dont on chercha à tirer parti , relative-
ment à la santé : le fer , le mercure , l'an-
timoine furent tourmentés de toutes les
manières, et on en tira en effet de bons
médicamens. L’étain eut son tour , il fut;
vanté comme un excellent remède dans
les affections du foie et de la matrice ; on
le prescrivit aussi contre les vers j et , ce
qui est à remarquer , c’est que l’étain
d’Angleterre étoit toujours celui qui étoit
recommandé. Ces prétendues vertus se
sont évanouies , ainsi que celles de l’or :
mais du moins il en résulte qu’on étoit
bien éloigné de regarder ce métal comme
dangereux.
J’ai dit , et c’est une vérité incontes-
table , que l’expérience et l’observation
étoient les seuls moyens qui pouvoient
nous faire connoître les propriétés des
corps : or une expérience de trente siècles
est assurément suffisante pour nous tran-
quilliser sur l’usage de l’étain considéré dans
son état de pureté , sur-tout si nous faisons
attention que pendant ce long espace de
temps , on compte différentes époques où
il existoit de bons observateurs grecs ,
latins et arabes, qui , s’ils eussent aperçu ,
soupçonné même quelque mauvaise qua-
lité dans ce métal , n’auroient pas man-
qué d’en avertir leurs contemporains et
d’en prévenir la postérité , en en faisant
mention dans leurs écrits , et dès-lors la
vaisselle d’étain annoncée, avec vérité ,
comme préjudiciable à la santé, auroit été
bannie des tables et des cuisines , pour n’y
reparoître jamais.
On m’objectera peut-être que les géné-
rations qui nous ont précédés, ont pu em-
ployer avec sécurité cette vaisselle , parce
que dans les temps passés, on n’avoit que
de l’étain des Indes qui , même encore de
nos jours , ne se trouve vicié par aucune
matière étrangère , et qu’à l’égard de celui
d’Angleterre dont on ne commença à se
servir que vers le temps où les Carthagi-
nois débouquèrent pour la première fois
le détroit de Gades , on peut présumer
que les mines de Cornouaille fournissoîent
alors un étain aussi pur que celui des
4l° recherches
Indes; que moins approfondies , elles n’é-
toient peut-être pas , comme aujourd’hui ,
accompagnées de mundick , sorte de pyrite
arsenicale que tout l’art et toutes les pré-
cautions des mineurs et fondeurs anglais ,
ne peuvent empêcher d’altérer le métal
qu’on en retire actuellement ; et qu’en
conséquence nos ancêtres ont pu , sans
danger, se servir de vaisselle d’étain , tandis
que nous ne pouvons peut-être pas le faire ,
sans courir les risques d’altérer notre
santé.
Je ne ferai pas remarquer la foiblesse de
cette objection , j’accorderai même, si l’on
veut, que les mines d’Angleterre n’ont
commencé à fournir de l’étain impur que
vers le temps où Henckel et Margraff ont
découvert qu’il contenoit réellement une
petite portion de matière arsenicale. Je
ne discuterai donc pas les raisons qu’on
prétendroit avoir de douter, de présumer,
etc. parce que la réponse qu’on peut
faire à cette objection est précisément
celle qui convient à la seconde question
proposée.
sur l’étain.
4n
SECONDE QUESTION.
Un Etain qui contient quelques atomes
de matière arsenicale , peut-il être dan-
gereux ?
P our répondre à cette seconde question ,
je rappellerai ici quelques faits bien cons-
tatés dans la première partie de mes recher-
ches. Le premier est que l’étain dans lequel
j’ai trouvé une substance arsenicale , 11’en
contient pas au-delà d’un grain par once,
c’est-à-dire j-g , et que souvent il ne s’en
rencontre même quAV* > mais quelquefois
aussi ,-yg , en sorte qu’en prenant ces trois
termes sur un pied moyen , on pourroit
considérer la masse d’étain importée d’An-
gleterre en France , comme contenant rh
de cette substance, quantité qui est encore
beaucoup diminuée par le mélange qui se
fait de l’étain des Indes avec l’étain d’An-
gleterre ; mais laissant de côté toute frac-
tion , je calculerai au plus fort, et je sup-
poserai pour le moment que toute la masse
d’étain ouvré, qui est actuellement dans le
4*3 recherches
royaume , contient ?f-4 , c’est - à - dire un
grain par once de substance arsenicale.
Le second fait est que cette substance,
en quelque petite ou grande quantité qu’elle
soit , n’est jamais unie à Pétain sous forme
de cliaux, mais toujours sous forme semi-
métallique , c’est-à-dire qu’une once d’étain
contient, non pas un grain d’arsenic, mais
un grain de son régule , ce qu’il est très-
essentiel de remarquer, parce que dans ce
dernier état , la substance arsenicale est
précisément au degré d’ appropriation qui
convient à la combinaison intime, que l’art
ou la nature lui font subir en l’unissant
avec l’étain.
Le troisième fait, est que le grain de
régule d’arsenic se trouve disséminé dans
toutes les parties de l’once d’étain , d’une
manière si égale, que chacun des 5y6 grains
dont l’once est composée , peut idéalement
être subdivisé en 5y6 parties , qui , toutes
prises séparément, contiennent du régule
d’arsenic, dans la proportion d\-fs de leur
petite niasse.
Il est un quatrième fait avoué de tous les
chimistes ; c’est que le régule d’arsenic ,
quoique substance redoutable, l’est cepen-
sur l'étain. 4*3
dant beaucoup moins que l’arsenic propre-
ment dit.
Ceci posé , voyons jusqu’à quel point de
l’étain auquel on aura ajouté de régule
d’arsenic , peut être nuisible à l’économie
animale.
Il y avoit deux manières de faire cette
recherche : la première étoit de commencer
les expériences que je me proposois de faire
sur des animaux , par leur donner de l’étain
allié avec le régule d’arsenic, dans la pro-
portion d’rf6 , et d'augmenter cette pro-
portion selon que le besoin l’exigeroit; la
seconde consistoit à employer d’abord un
étain beaucoup plus chargé de substance
arsenicale , dont on diminueroit la propor-
tion si on y étoit contraint. Quoiqu’il me
parût assez indifférent d’adopter l’une ou
l’autre manière , je me décidai cependant
pour la seconde. En conséquence , je fis
fondre dans les vaisseaux fermés , 2 gros
de régule d’arsenic , et i5 onces 6 gros
d’étain des Indes , ce qui me donna une
livre d’un alliage où la substance arseni-
cale se trouvoit dans la proportion de —■ ,
ou 9 grains par once , c’est-à-dire, qu’elle
étoit neuf fois plus forte que celle où se
4i4 recherches
trouve la même substance dans l’étain
d’Angleterre, qui en est naturellement le
plus chargé.
Une portion de cet alliage fut coulée en
une lame de trois pouces en carré , sur une
ligne environ d’épaisseur ; je dirai tout à
l’heure l’usage que j’en voulois faire.
Je m’étois pourvu d’un de ces chiens
vagabons qui cherchent leur nourriture
dans les rues : cet animal , maigre et
affamé , paroissoit avoir au plus six mois
d’âge.
Le 22 mai 1778 , on fit cuire une livre
de viande au roux , l’assaisonnement n’y
fut pas épargné; et comme un pareil ragoût
ne pouvoit se faire dans un vase d’étain ,
nous y suppléâmes, en mettant dans le pot
de terre , dès le commencement de la cuis-
son , la lame d’étain dont nous avons parlé,
et deux cuillerées de fort vinaigre.
Cette lame resta toute la nuit dans cette
espèce de fricassée, qui, dans la journée
du a3 , fut dévorée par le chien ; ce même
j our on en fit cuire une autre , dans laquelle
la lame d'étain séjourna jusqu’au lende-
main , celle-ci fut sa nourriture du 24.
Comme cet animal ne paroissoit pas se
sur l’étain. 4i 5
trouver mal de cet ordinaire , on ajouta à
son ragoût du 2 5 , seize grains du même
alliage réduit en limaille fine.
Le 26, il en prit 16 grains le matin et
autant le soir.
Le 27 idem.
Le 28 idem.
Ce chien n’étoit nourri que de viande
cuite avec la lame d'étain , et saupoudrée
avec 82 grains de mon alliage^, dont je
me proposois d’augmenter la dose , parce
qu’il me paroissoit s’accoutumer au régime
auquel je l’avois condamné , mais je n’en
eu pas le temps ; le 29 du même mois, cet
animal accoutumé à courir les rues , se
souciant peu des caresses qu’il recevoit et
de la bonne nourriture qu’on lui donnoit,
s’échappa de la maison, et fut perdu pour
moi.
Ce jeune chien n’a été que six jours au
régime dont je viens de parler, mais comme
il ne s’en est pas trouvé mal , et que sa gaîté
a toujours été la même, je pou vois au moins
conclure que l’étain allié à —• de régule
d’arsenic , étoit vraiment le point d’où je
pouvois partir dans les expériences que je
ferois dans la suite.
s
4l6 RECHERCHES
Je me procurai une petite chienne épa-
gneule, de l’âge d’environ trois ans: elle
étoit habituée à ne pas sortir de la chambre,
sa nourriture ordinaire étoit une pâtée de
viande et de mie de pain : elle mangeoit
aussi quelques petits morceaux de sucre.
N’ayant pas voulu changer sa manière de
vivre, je lui ai continué la même pâtée,
dans laquelle on mettoit de la limaille
d’étain, en augmentant la dose du régule
dans l’ordre suivant.
Le i5 juin , la petite chienne a com-
mencé à prendre dans sa pâtée 1 6 grains
d’étain allié à de régule d’arsenic , ce
qui a été continué tous les jours jusqu’au
525 du même mois, c’est-à-dire onze jours,
pendant lesquels elle a pris îyé^grains d’é-
tain allié à 2 grains trois quarts de régule
d’arsenic.
Le 26, on lui a fait prendre 16 grains
d’un nouvel alliage, dans lequel le régule
se trouvoit à la proportion d’,V»
Le 27 idem.
Le 28 idern.
Le 29 idem.
Le 3 o idem.
Au total , cinq jours , pendant lesquels
elle
sur l’étain. 4 17
elle a pris 8o grains d’étain , et par consé-
quent 2, grains et demi de régule.
Depuis le ier. juillet jusqu’au 11 inclu-
sivement, on a suspendu le régime de la
petite chienne qui a été nourrie avec sa
pâtée ordinaire, quelques gimblettes et uil
peu de sucre. Dans cet intervalle , elle s’est
très bien portée , et n’a rien perdu de sa
gaîté, scs fonctions stercorales se faisoient
toujours bien, ses excrcmens étoient durs
et moulés , tels enfin que les rendent les
chiens en bonne santé ; on la fit promener,
et la première fois elle mangea du chien-
dent qui la fit vomir , son embonpoint aug-
mentait et son appétit redoubloit.
Le 12 juillet, elle recommença à prendre
dans sa pâtée 1 6 grains d’un autre alliage $
celui qu’elle avoit pris jusqu’au 5o juin ,
était fait avec l’étain des Indes, c’est-à-dire
avec l’étain pur ; celui que nous lui don-
nâmes ce jour - là était composé d’étain
d’Angleterre, qui contenoit naturellement
de régule d’arsenic, et auquel il en fut
encore ajouté ,V-
Du 12 juillet au 2.5 du même mois, elle
prit constamment chaque jour 16 grains
* de ce dernier alliage , ce qui fait en tout
Tome IL D d
4*8 RECHERCHES
pour ces quatorze jours, 224 grains d’é-
tain et 7 grains de régule.
Enfin , voulant pousser encore plus loin
cette expérience , j’allai jusqu’à lui faire
prendre le même étain allié à ~ de régule
d’arsenic.
Le 26, elle en prit 1 6 grains.
Le 28 idem .
Le 3o idem.
En tout 43 grains d’étain et 3 grains de
régule. Ce fut le point où je m’arrêtai.
J’ai gardé la petite chienne pendant tout
le mois d’août , et je puis assurer que loin
de s’être mal trouvée du régime auquel elle
avoit été astreinte , elle a , au contraire ,
pris un embonpoint très-remarquable.
Cette expérience me paroissant suffi-
sante, je passerai sous silence toutes celles
qui ont été faites sur d’autres animaux,
chiens ou chats, auxquels j’ai donné de
l’étain allié au régule en différentes pro-
portions , depuis ~ jusqu’à i , sans qu’au-
cun d’eux en ait éprouvé de mauvais effets.
Je me contenterai donc de faire remarquer
que la petite chienne a pris, dans l’espace
de trente - trois jours, JaS grains d’étain
allié à J 5 grains et un quart de régule, et
\
sur l’étain. 4*9
Sur-tout que dans les trois derniers jours,
la proportion de cette dernière substance
a voit été portée à ~~ non Compris rîr que
je savois se trouver naturellement dans
rétain qu'elle prenoit à cette époque. Une
pareille quantité d’étain et de régule est
énorme , et ne peut en aucune manière
soutenir la comparaison qu’on voudroit
en faire avec tout autre étain, même avec
celui qui en contient 5*r, et bien moins
encore avec celui qui n’en tient quY,V*.
Efforçons-nous cependant de la faire cette
comparaison , et assurons - nous , s’il est
possible . de la quantité d’étain qui se mêle
aux aliincns préparés ou servis dans des
yases faits avec ce métal 5 l’expérience sui-
vante peut m’être d’un grand secours dans
cette recherche.
J’ai pris une de ces assiettes achetées à
Londres , dans lesquelles mes expériences
m’avoient fait découvrir - de grains de
régule d’arsenic par once , et je m’en suis
servi l’espace de deux ans , pour manger
tantôt le potage , tantôt le bouilli , ou tout
autre mets ; enfin il se passoit peu de jours
où elle ne fût mise en usage ; ce qu’il est
bien essentiel de remarquer, c’est que dans
D d 5?
42 0 R E C n E R c II E s
cet espace de temps , elle n’a pas été écurée
une seule fois, et qu’on avoit même l’atten-
tion de la laisser sécher d’elle-même, lors-
qu’on la lavoit.
Après les deux ans révolus , cette assiette
a été mise sur des balances , que 4 grains
faisoient trébucher fortement , sans qu’elle
parût avoir rien perdu de son poids , qui
se trouva, ainsi qu’auparavant, être d’une
livre 3 onces 3 gros et demi.
Ne voulant cependant pas conclure de
cette expérience que la vaisselle d’étain ne
pourroit en aucuns cas fournir quelques
atomes de sa substance aux aliinens qu’on
y prépareroit ou qu’on y serviroit, je sup-
poserai que dans l’espace de deux ans, des
plats et assiettes d’étain mis journellement
en usage dans un ménage composé de cinq
personnes , pourroient au plus perdre 5
gros de leur poids , par le seul contact ou
frottement des alimens, et abstraction faite
du déchet occasionné par l’écurage, ou tout
autre frottement relatif à la propreté.
Dans cette supposition , chaque individu
de la famille, qui me sert d’exemple, ava-
leroit réellement dans l’espace d’une année,
36 grains d’étain, ce qui feroït 3 grains par
4
SUR L* RT A.IN. 4 21
mois , et *- de grain par jour. Or ce dixième
de grain , en calculant au plus fort , peut à
peine contenir la cinq mille sept cent soixan-
tième partie d’un grain de régule d’arsenic.’
Et quels mauvais effets a-t-on à craindre
d’une aussi petite quantité d’un métal qui,
allié à ér » à. fr» & —■ du même régule, a pu
sans aucun accident, être avalé journelle-
ment par une petite chienne , à la dose de
16 grains , ce qui , en trente - trois jours ,
en a porté le total à 5 28 grains, dont 1 5 et
un quart étoientdu régule d’arsenic, quan-
tité qui paroîcra énorme , si on fait attention
que dans les trois derniers jours , ce petit
animal a pris 48 grains d’étain et 5 grains
de régule.
Jusqu’ici j’ai considéré l’étain qui m’est
apporté d’Angleterre , comme naturelle-
ment allié à yf6 de régule d’arsenic , mais
on doit se rappeler que très - souvent ce
mèmè étain n’en contient qu’~r« > et que
cette petite quantité est encore diminuée,
par l’introduction fréquente de l’étain des
Indes , que j’évalue à un tiers dans celui
de Cornouaille ; en sorte qu’on ne s’éloi-
gnera pas de la vérité , si on regarde la
masse de l’étain existant dans le royaume *
D d 3
V
422 RECHERCHES
comme ne contenant pas au-delà dVrr* du
régule en question, c’est-à-dire qu’un
homme qui n’emploieroit sur sa table que
de la vaisselle d’etain , ne pourroit avaler
un grain de régule , qu’autant qu’il pren-
droit, avec ces alimens , 6 onces d’étain ,
ce qu’il pourroit à peine faire dans l’espace
de quarante-huit années.
Une expérience de vingt siècles ne prouve-
t- elle pas en effet que l’étain de Cornouaille
tant recherché par nos pères , peut être
employé en vaisselle sans aucune espèce de
danger P Et ne voyons -nous pas que les
chimistes eux-mêmes, tout en parlant d’un
soufre arsenical , qu’ils prétendoient faire
partie de ce métal , s’en servoient dans
leur ménage ? Henckel et Margraff ont
rendu palpable l’arsenic de l’étain , sans
même en avoir fait connoître les propor-
tions ; cependant leurs compatriotes n’ont
pas pour cela rejeté ce métal , et la vaisselle
d’étain a toujours la plus grande vogue en
Allemagne , ainsi qu’en Hollande : mais
que dirons - nous des Anglais qui conti-
nuent à faire usage de cette même vais-
selle , quoique les ouvrages de Margraff
leur soient bien connus, et qu’ils n’igno-
423
SUR u’ ET AI K.
rent pas que , malgré les précautions qu’ont
les ouvriers , d’éloigner des fonderies le
mundick , et leur attention à épurer par le
feu le minerai de toute la substance arse-
nicale que lui communique cette pyrite, il
en reste toujours quelque micule intime-
ment unie à l’étain dont ils se servent eux-
mêmes, témoin ces assiettes apportées de
Londres , qui m’en ont donnée ou ? de
grain par once.
Il faut l'avouer, de pareilles micules , de
pareils atomes ne doivent pas nous donner
d’inquiétude sur le sort de ceux qui , par
nécessité ou par habitude , emploient la
vaisselle , ou tous autres ustensiles faits
avec l’étain d’Angleterre.
Mais ce n’est pas seulement d’après la
petitesse de ces atomes de substance arse-
nicale, que je prétends prouver que l’étain
qui les contient, peut, sans aucun risque,
être mis en usage dans nos cuisines et sur
nos tables ; je veux encore démontrer que
cette même substance , une fois unie à
l’étain , ne jouit plus de ses propriétés
individuelles , et singulièrement de celle
qui la rend si redoutable dans l’économie
animale.
D d 4
4-)4 RECHERCHES
Je l’ai dit, je le répéterai encore, les
chaux métalliques , de quelque nature
qu’elles soient , ne peuvent s’unir aux
métaux. Ce seroit donc en vain qu’on
voudroit unir l’arsenic à l’étain. Le pre-
mier peut être considéré comme un sel ,
ou comme une chaux métallique ; mais
sous quelque point de vue qu’on le con-
sidère , l’art ni la nature ne peuvent en
faire la combinaison avec les substances
métalliques.
Ainsi par tout où on rencontre un métal
uni à l’arsenic , on peut être sûr qu’au
moment où leur union s’est opérée , ils
étoient l’un dans son état métallique ,
l’autre dans son état sémi-métallique (1),
sans quoi ils ri’auroient pu se pénétrer ,
se combiner pour constituer un corps par-
( j ) Il ne s’agit pas ici des mines où le métal
est sous forme de chaux , mais de celles où il se
trouve sous forme métallique , et ce sont les plus
communes.
On lit dans le Journal de Physique , année 1773,
second volume , une dissertation de Monnet sur les
effets de l’arsenic dans les mines , qui confirme ce
que je dis ici. Cette dissertation a été couronnée par
l’Académie de Berlin.
S TT R. l’ £ T À I N*. 425
tieulier , qui , ne possédant plus les pro-
priétés distinctives du métal et du demi-
métal dont il est formé , en a acquis de
nouvelles qui le constituent corps de son
propre genre. C'est ainsique , dans le cina-
, bre, Je soufre et le mercure sont tellement
combinés , tellement pénétrés l’un par
l’autre , qu’il est impossible de les séparer
autrement que par des secrets long -temps
cacliés dans le sein de la nature , mais
qu’enfin les chimistes, à force de travail.,
sont parvenus à lui dérober.
L’antimoine est dans le même cas que
le cinabre : qui pourroit reconnoître ,
soupçonner même les propriétés de sa
partie sémi- métallique ? Elles sont absolu-
ment rendues nulles , ainsi que celles du
mercure , par la combinaison de ces deux
substances avec le soufre. Beaucoup de
chimistes ignorent que le bismuth qui
paroît si homogène , recèle pourtant encore
quelques atonies de soufre qu’on ne par-
vient à séparer qu’en dissolvant ce demi-
métal dans l’acide nitreux ; et combien
d’exemples de ce genre ne pourrois-je pas
citer ?
Au reste l’étain n’est pas le seul corps
4'2Ô recherches
de la nature, qui puisse sans aucun risque
être employé et même avalé , malgré la
petite portion de régule d'arsenic qui y
reste fixée $ je connois une autre substance
minérale que , dans bien des cas , la mé-
decine prescrit avec succès à des doses assez
fortes, et dans laquelle cependant on peut
démontrer l’existence de quelques atomes
d’arsenic.
Tels sont les effets de cette combinaison
intime, que les physiciens, bien éloignés
de nous passer le terme de pénétration s
regardent encore comme un simple mé-
lange , mais que les chimistes qui savent
en faire la différence, ont toujours vue
comme la plus variée et la plus fréquente
des opérations de la nature , une de celles
enfin dont elle est sans cesse occupée.
Trois raisons , dont une seule pourroit
suffire, doivent donc nous rassurer sur les
prétendus mauvais effets qu’on voudroit
attribuer à l’étain , sous prétexte qu’il
contiendroit de l’arsenic.
La première est que cette substance s’y
trouve en très- petite quantité.
La seconde , que cette petite quantité ,
ces atomes y sont toujours sous forme
réguline, ce qui en mitige beaucoup la pro-
priété délétère.
La troisième, que ces mêmes atomes
de régule d’arsenic , sont intimement
combinés avec l’étain , ce qui rend ab-
solument nulle la qualité délétère ou vé-
néneuse.
Ainsi tout nous force de conclure que
des micules , telles qu’ riu et même df6 de
régule d’arsenic qui se rencontrent ou
peuvent se rencontrer dans l’étain , sont
hors d’état d'en rendre l’usage dangereux ,
et que l’on peut en toute sûreté se servir ,
si on le juge à propos, de toutes sortes
d’ustensiles d’étain , même de ceux où il
seroit entré de l’étain de Cornouaille , à
condition , cependant , qu’ils auront été
fabriqués au titre de la loi.
Les trois - quarts de la somme totale
d’étain ouvré qui se trouve actuellement
dans le royaume , provenant des mines de
Cornouaille, j’aurai atteint mon but, si
j’ai rassuré ceux de mes concitoyens qui
emploient dans leur ménage de la vais-
selle faite avec ce métal. Mais en prouvant
que l’étain de Cornouaille ne pouvoit en
aucune façon nuire à l'économie animale.
>
428
recherches
malgré la petite portion , ou plutôt la
micble de substance arsenicale que j’y ai
constamment trouvée , il s’en faut bien
que je lui donne la préférence sur l’étain
des Indes ; je crois au contraire qu’il 11e
peut aller de pair avec ce dernier.
L’étain n’étant pas une production de
notre sol , celte seule considération devoit
faire désirer que nous pussions nous en
passer , ou du moins qu’il ne fût employé
chez nous qu’autant qu’on y seroit néces-
sité, et c’est à-peu-près l’état où les choses
en sont aujourd’hui.
Cependant comme l’emploi de ce métal ,
généralement parlant , ne laisse pas que
d’ètre encore considérable , reste à savoir
si nos négocians peuvent en tirer des Indes
ou de la Hollande toute la quantité néces-
saire à notre consommation : et dans le cas
où ils pourroientle faire , il faut considérer
s’ils seront dans la possibilité de nous en
approvisionner au meme prix que celui de
Cornouaille $ car la différence du prix , ne
fut-elle que de cinq et même moins de
cinq pour cent en faveur de l’étain anglais,
ouvrira toujours l’entrée du royaume à ce
dernier , malgré toute loi prohibitive :
\
S U R L * h T A I K-. 429
croire le contraire , c’est se faire illusion ,
c’est 11e pas connoître les ressources de la
cupidité mercantille.
Louis XI V défendit , au mois de septem-
bre 1701 , l’entrée de tout étain d’Angle-
terre ouvré ou non .ouvré , et permit aux
Hollandois de nous apporter l’étain de
Siam. A cette époque , l’étain anglais se
vendoit quarante florins le quintal, et celui
de Siam quarante-cinq. Que devoit occa-
sionner cette différence de prix ? de nous
faire acheter l’étain de Cornouaille sous le
nom de Siam , en nous le faisant peut-être
payer aussi cher ; car à quels signes les
préposés des douanes pouv oient- ils recon-
noître ces deux espèces d’étain ? à la forme
des lingots , à la rouille ou crasse qui re-
couvre celui des Indes r Mais tout cela
peut s’imiter : aussi la loi prohibitive ne
subsista-t-elle pas long temps.
Il n’est donc pas aussi facile qu’on le
croiroit , d’empêcher l’étain d’Angleterre
d’entrer dans nos ports ; mais en supposant
qu’on y réussisse , n’est-il pas à craindre
que nos manufactures de fer-blanc n’en
souffrent ? On sait que de pareils établis -
semons ont besoin de la protçction du gou-
43o RECHERCHES
vernement pour se soutenir : or ceux que
nous avons chez nous , sont encore si
éloignés de pouvoir nous fournir toutes les
especes de fer-blanc nécessaires à notre
consommation , que nous sommes con-
traints d’en tirer d’Angleterre: or défen-
dre l’importation de l’étain de Cornouaille,
sous prétexte qu’il contiendroit une subs-
tance arsenicale , en permettant celle du
fer-blanc anglais, ne seroit-ce pas en quel-
que sorte se contredire.
SUR
L’ É T A i N. 43l
TROISIÈME QUESTION.
Les métaux ou demi-métaux qu’on est
dans l’ habitude d’allier à l’ étain pour
lui donner de la dureté y peuvent- ils en
rendre l’usage dangereux ?
C’est un fait reconnu et sur lequel j’ai
insisté , que l’étain pur ne peut être em-
ployé seul à la fabrique de la vaisselle. Ce
métal est trop mou , trop flexible , et les
pièces qu’on prétend roit en faire, man-
quant d’une certaine roideur , perdroient
bientôt la forme que le moule et le tour
leur auroient donnée.
J’ai fait connoître , dans la troisième
Section , quels étoient les métaux ou demi-
métaux que les ouvriers allioient à ce
métal pour lui donner de la dureté , de
la solidité $ et en parlant de l’étain appelé
fin y j’ai rapporté le texte de la loi, qui
leur ordonne de 11’y faire entrer que du
cuivre rouge et du bismuth , sans cepen-
dant en prescrire les proportions -, mais
j’ai observé qu’à cet égard les potiers
X
43 2, RECHERCHAS
d'étain ne pouvoient commettre aucun
abus , et qu’ils étoient très- réservés sur
l’emploi de ces deux substances. Enfin
pour fixer l’idée qu’on doit se former de
l’étain fin allié au titre de la loi , j’ai dit
que quatre- vingt -dix -sept livres d’étain
pur , deux livres ou deux livres et demie
de cuivre rouge et une livre de bismuth (î),
forment un mélange dont on peut faire de
très-belle vaisselle d’étain fin et sonnant,
qui approcheroit très-fort de celui dont
sont fabriquées les assiettes que j’ai re-
çues de Londres , si peut être il n’est le
même.
Un alliage tel que celui qui vient d’être
indiqué, est conforme aux ordonnances
qui furent promulguées dans un temps où
la vaisselle d’étain étoit pour nos pères un
objet de luxe, et faisoit une grosse partie
de leur mobilier. Or est- il à présumer que
le législateur seseroit déterminé à permettre
l’introductiondu cuivre et du bismuth dans
l’étain , si une expérience de plusieurs
siècles n’avoit pas convaincu qu’on pouvoit
( O Ces proportions varieront d’une boutique à
l’autre, mais rarement iront. elles au-delà de celles
que j’indique.
le
sur l’étain/ 433
lu faire sans aucun risque ? Et en effet, que
peut-on craindre de deux livres ou deux
livres et demie de cuivre et d’une livre de
bismuth • alliées à quatre-vingt-dix-sept
livres d'étain ? Nous savons que le premier
ne devient dangereux qu’en se changeant
en vert-de-gris , et qu’il ne peut subir cette
métamorphose tant qu’il sera mêlé à l’étain
dans la proportion d’J- ou même dVr» Ea
vaisselle d’argent au titre de Paris en con-
tient ,y , et assurément on n’en redoute
pas l’usage (1)5 or si vingt-trois parties
( 1 ) Ce n’est pas que l’on n’entende dire assez sou-
vent que la vaisselle d’argent est susceptible de se
verdegriser : mais on ne fait pas attention , en tenant
ce propos, qu’il s’introduit dans le royaume et même
à Paris de l’argenterie d’Allemagne , qui communé-
ment est au plus bas titre. Combien n’avons - nous
pas vu d’officiers français se munir de couverts d^ar-
gent à la foire de Francfort , ou chez des orfèvres
établis dans d’autres villes. En vain leur représentions-
nous les inconvéniens d’une pareille vaisselle; séduits
par le bon marché , ils faisoient leur emplette, et ne
tardoient pas à s’en repentir. Malgré la sévérité des
lois , il peut se fabriquer dans le royaume de l’argen-
terie à un titre inférieur à celui de Paris. Or c’est
sur de pareille vaisselle qu’on pourra voir le vert-
de-gris se former ; mais on n’a pas à craindre cet
Tojne IL E e
434 RECHERCHES
d’argent masquent une partie de cuivre au
point de la priver entièrement de ses mau-
vaises qualités, je puis croire que cinquante
et même quarante parties d’étain l’en pri-
veront encore plus sûrement.
J’en dirai autant du bismuth, dont les
qualités relatives à l’économie animale sont
assez peu constatées , mais qui pourtant
possède quelques propriétés trop analogues
à celles du plomb, pour ne pas me porter
à le tenir au moins comine suspect. Cepen-
inconvénient , en se servant d’une vaisselle alliée au
titre que j’indique ; si ce n’est qu’on pourroit quelque-
fois apercevoir de petites taches noires autour des
baguettes, qui sont ordinairement appliquées aux
assiettes et aux plats, à l’aide d’une soudure forte ,
dans la composition de laquelle il entre une assez
grande quantité de cuivre. Le mieux seroit donc
d’avoir de la vaisselle plate unie ; mais on ne se
contente pas des belles formes que l’orfévre donne à
ses ouvrages , on veut encore des baguettes à belles
moulures. IL est un autre cas où on pourroit aussi
apercevoir sur de la vaisselle neuve quelques taches ,
ce seroit celui où le planeur ayant aperçu sur la pièce
qu’il travaille, de petites gerçures, seroit contraint
de les ragréer avec un peu de soudure; ce qu’il no
faut cependant pas regarder comme quelque chose des
fort redoutable.
345
SUR U ’ É T A X n;
dant on sera rassuré sur le compte cle ce
demi-métal, si on considère qu’il n’en
peut pas entrer dans cent livres d’étain
beaucoup au-delà d’une livre , et que cette
petite quantité perd entièrement toutes
ses propriétés , en se combinant avec le
métal.
Je ne puis donc m’empêcher de conclure
que la vaisselle d etain fin , allié au cuivre
et au bismuth , selon le prononcé des
ordonnances , ne peut , en aucune manière,,
être dangereuse.
Mais avons-nous de cette vaisselle d’étain
fin , allié au titre de la loi ? J’ose assurer
que non , et s’il en existe encore dans
quelque coin du royaume, elle date cer-
tainement de l’autre siècle.
Depuis que l’étain. , repoussé par la
fayence , a été banni de presque toutes les
tables , les potiers d’étain ne trouvant plus
un aussi grand débit de leurs ouvrages „
voulant balancer la perte que leur occasion-
noit le défaut de vente , ont pris le parti
d’introduire du plomb, même en assez
grande quantité, dans l’étain fin , et d’en
mettre outre mesure dans Pétain commun.
D’un autre côté, ceux qui continuèrent
E e 3
436 RECHERCHES
à se servir cle vaisselle cl’étain , formant
une classe qui malheureusement est néces-
sitée à faire plus d’attention au bon mar-
ché qu’à la beauté de la matière , en accé-
lèrent encore la dégradation ; en sorte que
le titre de l’étain baissant de jour en jour,
les acheteurs se trouvèrent bientôt, faute
de pièces de comparaison , dans le cas de
prendre pour de Pétain lin , ce qui auroit
à peine passé pour de l’étain commun , il
y a cent ans. Je le dis avec confiance, bien
persuadé que je ne serai pas désavoué
par les potiers d’étain, dont j’ai vu un
grand nombre gémir sur les abus in-
troduits dans leur art , et qui , tout en
réclamant l’exécution des ordonnances ,
in’avouoient de bonne fois , qu’entraînés
•
par le torrent , ils commettoient la même
faute.
Ce n’est ni du cuivre ni du bismuth , en-
core bien moins du zinc et du régule d’an-
timoine (1) que les potiers d’étain peuvent
(i) Le zinc dont on se sert quelquefois, étantàpeu-
près reconnu pour ne posséder aucune qualité nuisible
à l’économie animale , son introduction dans l’étain
est d’autant plus indifférente , que nous sommes pré-
venus que les ouvriers sont très-réservés dans l’emploi
SUR
I. ’ Ê T A I K.
abuser ; la dureté , la fragilité même que
ces substances donneroient à l’étain , les
de ce demi-métal , dont quelques onces de trop se*
roient capables de gâter une fonte de plusieurs quin-
taux.
Quant au régule d’antimoine , on est dans l’habitude
de le faire entrer en très -petites proportions dans
l’étain destiné à la fabrication des cuillers , sorte de
petit ustensile qui , à cause de sa longueur et de son
peu d’épaisseur , a besoin de plus de roideur qu’aucun
autre.
On est très-embarrassé sur le choix de la matière
propre à faire ce petit instrument aussi nécessaire au
pauvre qu’au riche. Il n’y a d’intermédiaire entre
l’argent et l’étain que le bois. En vain a ton présenté
aux citoyens peu aisés des cuillers de cuivre jaune
ou potin argentées 5 ils les ont rejetées avec juste
raison , et s’en sont tenus à celles qu’on leur vend sous
le nom de cuillers de métal , c’est-à-dire, d’étain allié
avec un peu de régule d’antimoine.
Ce demi métal , il est vrai , possède une propriété
qui le distingue de toutes les autres substances de sa
classe : pris intérieurement à la dose de six à sept
grains , il excite le vomissement , sans pouvoir être
pour cela regardé comme un poison : on sait au con-
traire combien il est utile en médecine 5 mais on sera
bien rassuré sur cet effet , lorsqu’on fera attention
qu’introduit dans l’étain à de très-petites proportions ,
il subit avec ce métal une combinaison qui le priva
de toute son émet ici te.
E e 3
438 RECHERCHES
obligent à ne les y faire entrer qu’en de
très-petites proportions ; et d’ailleurs ce
ne seroit pas un moyen propre à satis-
faire la cupidité , je l’ai déjà fait observer.
Le plomb, ce vil métal, qui, quoiqu "im-
porté des pays étrangers , se vend à peine
chez nous quatre sols la livre , étoit la
seule matière dont on pouvoit faire abus ;
aussi les potiers d’étain ne l’ont-ils pas
ménagé. La loi leur permet d’exposer en
vente toutes sortes de marchandises fabri-
quées en étain commun , bien aloyé et
'venant à la rondeur de l’essai avec la
blancheur requise : termes vagues , même
pour ceux qui sont dans l’habitude de faire
Y essai à la pierre , car c’est celui-ci dont
l’ordonnance entend parler.
J’ai fait remarquer combien peu l’on
doit compter sur un pareil essai , que plu-
sieurs potiers d’étain 111’ont assuré n’être
bien pratiqué que par un très-petit nom-
bre d’entre les maîtres de Paris, et être à-
peu-près inconnu 'à ceux des provinces.
Kejetant donc cette manière d’éprouver le
titre de l’étain , j’ai indiqué un procédé
chimique par lequel on peut retirer tout
le plomb introduit dans ce métal , et j’aî
fait mention de telle pièce de vaisselle où
il en étoit entré jusqu’à vingt-livres par
quintal. Pour terminer mes expériences,
je vais en mettre une sous les yeux des
lecteurs, qui prouve qu’une pareille quan-
tité de plomb introduit dans l’étain pour-
roit en rendre l’usage dangereux.
Ayant acheté une mesure de pinte chez
un maître potier d'étain , qui me la vendit
pour être de très-bon étain commun , je
l’ai tenue pleine de vinaigre distillé et
d’une moyenne force, pendant les mois
de mai et juin 1779 ; ce temps expiré , j’ai
agité la liqueur qui , tout de suite, a été
versée dans un vase de verre, au fond
duquel il s’est déposé une poudre blanche
qui, lavée et séchée, pesoit de i4 à 1 5
grains : c’étoit de la chaux d’étain.
Le vinaigre , qui étoit limpide et sans
couleur , ayant été évaporé au bain-marie ,
au point de représenter à-peu-près le
volume d’une once d’eau , fut abandonné
à l’évaporation insensible , au moyen de
laquelle j’ai obtenu 11 grains et demi de
sel de saturne.
Non content de cette expérience , j’ai
traité par l’acide nitreux 4 onces de cette
E e 4
même mesure ; et suivant exactement le prai
cédé que j’ai indiqué pour départir le
plomb d’avec l’etain, j’ai eu la certitude
qu’il étoit entré dans l’alliage dont la
pinte avoitété faite, vingt livres de plomb
-par quintal.
On voit par-là combien il seroit dange-
reux de garder du vin , ou toute autre
liqueur acidulé dans de pareils vaisseaux,
qui malheureusement ne sont que trop
communs , puisqu’ayant un jour témoigné
à un maître potier d’étain mon étonnement
sur la grande quantité de plomb que je
îrouvois dans certaines pièces , et lui ayant
cité pour exemple , des mesures qui en con-
tenoient jusqu’à vingt livres par quintal ;
sa réponse fut , que si j’avois fait mon
emplette dans certaines boutiques , j’en
aurois trouvé plus de vingt-cinq livres.
Cet abus est énorme , il est non-seule-
ment dangereux , relativement à l’économie
animale $ mais c’est encore , ainsique je l’ai
déjà dit, un véritable vol fait aux parti-
culiers , à qui on vend du plomb pour de
l’étain. Il étoit de mon devoir de le faire
connoître 5 mais c’est aux magistrats qui
yeillent à la sûreté des citoyens , qu’il est
Sun h * £ T A I nV 44 i
réservé de détruire un pareil abus , en
rappelant les potiers d’étain à l’exécution
des ordonnances.
Si l’étain étoit pour nous un objet de
luxe , on pourroit se déterminer à le pros-
crire , avec d'autant plus de raison , que
n’en possédant aucune mine , ce n’est qu’à
prix d’argent que la France peut se le pro-
curer. Mais comme il est bien démontré
que nous ne pouvons nous passer de ce
métal , il s’ensuit qu’on ne doit en aucune
manière s’occuper de sa proscription.
J’ai déjà dit qu’il nous falloit de l’étain
pour nos fayenceries et nos ferblanteries :
j’ajouterai que ce métal entre dans la com-
position du bronze , ainsi que dans celle
de la soudure tendre , dont certains ou-
vriers, sur-tout les plombiers et fontainiers,
font une grande consommation. Quelle
sera la substance métallique dont on fera
les parties intérieures des alambics ? Re-
tournerons-nous au cuivre , rejeté depuis
long- temps , avec juste raison ? Et avec
quoi couvrira-t-on ce même cuivre pour
le préserver du verdet ? Avec le zinc ; mais
ée demi-métal ne se trouve pas chez nous ,
et il auroit en outre tous les défauts de
44 2 RECHERCHES
l’étain. Avec quelle matière fabriquera-t-on
les mesures pour les liquides ? avec le
verre , le grès , la fayence ? non , ces ma-
tières sont trop fragiles ; et d’ailleurs com-
ment parvenir à leur donner , à peu de
frais , la justesse prescrite par la loi, ou
ce qui est la même chose , à les rendre
conformes à l’étalon , si religieusement
conservé chez tous les peuples policés ? Il
est donc beaucoup d’ustensiles qu’on ne
peut faire qu’en étain.
Mais , s’il est des cas où ce métal ne peut
que difficilement être suppléé par un autre
( car je ne présume pas qu’on me citera
l’argent ) , il en est d’autre où son utilité
est si grande , qu’il devient en quelque
sorte nécessaire $ par exemple , dans com-
bien de circonstances n’est-on pas forcé de
faire usage de la vaisselle d’étain? Voya-
geons en Allemagne , en Hollande , nous
n’en trouverons pas d’autre dans les au-
berges et dans les maisons des particuliers.
De quels plats , de quelles assiettes se ser-
vira-t-on dans les armées ? voudroit-on ,
comme les Perses du temps de Xerxès et
de Darius , traîner à sa suite une immense
et conséquemment très - embarrassante
sur. l’btatn. 44'3
argenterie? Les événemens delà guerre s’y
opposeront toujours ; nous en avons eu
plus d’une fois l’expérience : mais en sup-
posant que les généraux veuillent le faire ,
quelle sera la vaisselle dont les officiers se
pourvoiront ? En est-il de plus commode
et de moins chère que celle d’étain , ou ce
qui revient au même , de fer-blanc ? Elle
peut être employée aux usages de la table ,
sans aucun danger, je l’ai prouvé : elle
coûte peu ; il ne faut pas la renouveler
souvent : lorsqu’elle est de bon aloi , elle
a une couleur argentine que l’on peut
entretenir avec facilité , en l’écurant deux
ou trois fois par mois : lorsqu’on veut s’en
défaire, on n’essuie d’autre perte que celle
de la façon ; le point essentiel est qu’elle
soit loyalement fabriquée , et que le plomb
n’en fasse jamais partie. Elle n’est plus de
mode dans nos villes , et même les habitans
aisés de la campagne commencent à la
rejeter, ils font très-bien; moins on fabri-
quera de cette vaisselle en France , moins
il en sortira d’argent pour se procurer
l’étain des Indes ou d’Angleterre.
O
Je suis donc bien éloigné de chercher à
rendre à l’étain son ancienne célébrité , et
444 recherches'
gu insistant sur son innocuité , relativement,
à l'économie animale , je n’ai d’autre but
que de dissiper les alarmes , que quelques
personnes ont assez inconsidérément ré-
pandues chez ceux de nos concitoyens qui
sont habitués ou nécessités à se servir
d’ustensiies d’étain.
S II U
L’ÉTAIN'.' 445
OBSERVATIONS
Sur le cuivre étamé et sur le fer-blanc .
L’jemploi des vaisseaux de cuivre pour
Ja préparation des alimens , remonte à La
plus haute antiquité. Moïse nous apprend
que Tubalcain , septième homme depuis
Adain , étoit un habile ouvrier en cuivre
et en fer , qui étoient probablement alors
les seuls métaux connus , mais certaine-
ment les seuls qui pouvoient être utiles aux
premiers habitans de la terre.
Les auteurs grecs et latins font souvent
mention des marmites et chaudrons de
cuivre , dont on se servoitpour la cuisson
des alimens ; il est en effet des circonstances
où les vaisseaux de terre cuite , soit à cause
de leur fragilité , soit parce que leur capa-
cité est très-bornée , ne pouvant pas être
employés , l’on est forcé de se servir des
vaisseaux de cuivre \ et , sans sortir de la
France , combien n’y voyons-nous pas
d’ustensiles de cuisine et autres faits avec
ce métal.
L’emploi du cuivre est , à la vérité ,
y"
446 recherches
beaucoup diminué chez nous, depuis que
les marmites de fer se sont généralement
répandues dans les provinces , où les gens
aisés sont les seuls qui fassent usage des
marmites de terre cuite. Celles de cuivre
sont absolument rejetées par le plus grand
nombre de nos concitoyens ; et s’il s’en
trouve encore dans la capitale, ce n’est
que dans les maisons des riches, qui, fa-
miliarisés avec les casseroles, ne redoutent
pas les marmites de cuivre , ou dans ces
cuisines publiques où l’on prépare des
alimens pour un grand nombre d’hommes.
Les pharmaciens se sont défaits de leurs
alambics de cuivre , et n’emploient aujour-
d’hui que ceux dont toutes les parties in-
ternes sont faites avec l’étain.
îl n’y a pas trente ans que toute l’eau
nécessaire à la consommation journalière
d’une maison de Paris , étoit déposée dans
des fontaines de cuivre , qui , malgré
l’étamage se tapissoient bientôt intérieure-
ment d’une couche de verdet. B.ouellô
l’aîné , fut un des premiers à donner
l’alarme sur cet objet important , et l’on
s’empressa de substituer les fontaines de
grès à celles de cuivre : ce fut un bien
sur l’étain. 447
réel , mais la révolution n’a pas été com-
plète , et il est encore des maisons où l’an-
cien usage s’est maintenu.
Il s’en faut bien que j’ajoute foi à tons les
événemens tragiques que l’on met sur le
compte du cuivre , et que souvent l’on se
plaît à exagérer j mais je ne peux m’em-
pêcher de dire qu’il seroit à souhaiter
qu’aucun de nous ne conservât l’eau , des-
tinée à la boisson ou à la préparation des
alimens , dans des vaisseaux métalliques ,
et singulièrement dans ceux qui sont faits
avec le cuivre.
Lorsqu’une armée est prête d’entrer en
campagne , l’usage est de distribuer par
chambrée une marmite qui , jusque dans
ces derniers temps, étoit de cuivre étamé ;
depuis trois ans , on ne donne plus aux
soldats que des marmites de fer battu. Ce
changement étoit important 5 il est à sou-
haiter qu’on le soutienne..
Mais si les vaisseaux de cuivre ne sont
plus aussi fréquemment employés parmi
nous , qu’ils le furent autrefois , il en reste
cependant encore un assez grand nombre ,
qui , sous le nom de casseroles , garnissent
les cuisines de ceux qui, par état ou pour
44° recherches
cause de fortune, tiennent ce qu’on appelle
vulgairement une bon?ie table (1).
Toutes les confitures sèches et liquides ,
les dragées de toutes espèces , enfin toutes
les préparations de sucre se font dans des
bassines de cuivre non étamé , et il scroit
très-difficile , pour ne pas dire impossible,
d’amener les confiseurs à changer leur
méthode.
C’est avec le cuivre qu’on a toujours fait
les grandes chaudières dans lesquelles on
prépare le bouillon destiné aux malades
qui sont traités dans les hôpitaux , et ce
n’est que depuis six ou sept ans qu’on a
commencé à introduire dans les hôpitaux
militaires de Flandre, des chaudières de
fer , de pareille grandeur. Il est à desirer
que cette méthode particulière à la Flandre,
soit généralement adoptée dans tous les
hôpitaux sédentaires, mais elle seroit diffi-
(1) Le luxe et la crainte des mauvais effets du cuivre
ont tenté d’introduire dans ces cuisines, l’un les casse-
roles d’argent, l’autre les casseroles de fer battu; les
cuisiniers les ont ropoussées , sous prétexte que l’argent
s’échauffe trop et garde trop long temps sa chaleur,
et que le fer battu noircit les sauces et donne aux
ragoûts une saveur ferrugineuse.
cilement
cilement pratiquée dans les hôpitaux qui
marchent avec ies armées.
Il est encore d’autres vaisseaux d’une
énorme capacité, que l’on ne peut faire
qu’avec le cuivre , telles sont les chaudières
employées dans les brasseries et dans les
rafineries de sucre.
Il est donc des circonstances où l’on est
contraint de faire usage du cuivre, malgré
les mauvaises qualités qu’on lui a de tous
les temps attribuées , -mais qu’on exagère
un peu trop aujourd’hui.
Ce métal exige , à la vérité , une grande
propreté et une attention scrupuleuse de la
part de celui qui en fait usage ; le jus de
citron , le vinaigre , les groseilles , etc. le
corrodent et font , avec le temps , paroître
à sa surface une rouille dangereuse, qu’on
appelle verdet ou vert-de-gris; mais ce
sont les corps gras dont il faut principale-
ment se méfier : le beurre , l’huile , le lard ,
la graisse de volaille , etc. agissent sur ce
métal avec une promptitude étonnante , et
le vert-de-gris qu’ils en tirent et tiennent
en dissolution , a une toute autre énergie
que celui qui seroit fait par les acides végé-
taux , dont je viens de faire mention.
Tome II. F f
RECHERCHES
On a observé depuis long-temps que les
vaisseaux de cuivre ne communiquoient
aucune mauvaise qualité à l’aliment qu’on
y faisoit cuire , tant qu’ils restoient sur le
feu ; et cette opération, qui est vraie à
beaucoup d’égards , a toujours rendu les
cuisiniers et les cuisinières très- attentifs à
ne point laisser refroidir les mets dans les
casseroles ou marmites qui avoient servi à
leur préparation.
Cependant, malgré toute l’attention et
l’exactitude qu’on pourroit supposer à la
personne chargée de préparer les alimens ,
il est certain que les accidens fâcheux sans
doute , mais rarement mortels , dont on
est quelquefois témoin, seroient beaucoup
plus communs , si l’industrie n’avoit pas ,
depuis un grand nombre de siècles , trouvé
l’art d’appliquer l’étain sur le cuivre con-
verti en batterie de cuisine.
Il seroit peut-être intéressant pour la
physique de rechercher si les hommes qui
ont vécu avant l’invention de l’étamage, ou
ceux qui dans des siècles postérieurs , se
sont servis de vaisseaux de cuivre non
étamés , ont éprouvé de l’altération dans
leur santé ; si leur vieillesse a été préma-
I
sur l’étain. 45i
turée et leur vie abrégée ; ou si accoutumés
dès leur bas- âge à se nourrir de mets pré-
parés dans le cuivre, ce inétal cessoit bientôt
d’être pour eux une matière dangereuse :
ce cjui , d’après un grand nombre d’expé-
riences que l’on a souvent sous les yeux ,
peut au moins être présumé.
Mais comme une pareille discussion
seroit absolument étrangère à l’objet qui
nous occupe , j’adopterai le sentiment de
Pline , et je dirai avec lui : stannuni illitiun
aeneis vasis saporem gratiorem facit et
compescit aeruginis virus. L’étain appliqué
sur les vaisseaux de cuivre , les préserve du
verdet ou du moins retarde sa formation ,
et empêche les alimens qu’on y prépare
de contracter une saveur métallique très-
désagréable , qui prévient sur le danger
auquel s’exposeroit quiconque prétendroit
en faire son repas.
Je regarderai donc l’étamage comme
une découverte d’autant plus précieuse ,
qu’étant, dans mille circonstances, forcé
d’employer le cuivre , on ne pourroit le
faire sans inquiétude, si on vouloit se servir
de vaisselle non étamée.
Il n’est point de physicien qui ne sache
F f 2
402 RECHERCHES
comment les chaudronniers procèdent à
l’étamage ; ainsi , sans entrer dans aucun
détail à cet égard , je ferai observer que
si ces ouvriers pouvoient être une fois bien
convaincus de l’importance de cette opéra-
tion , que les réglemens de police leur ont
confiée à l’exclusion de tous autres , ils
apporteroient la plus grande attention à ce
que la surface de la pièce qu’ils vontétaincr
soit parfaitement disposée à recevoir , dans
tous ses points, l’étain dont elle doit être
recouverte ; c’est un article tres-essentiel.
Il en est un autre qui ne l’est pas moins ,
c’est qu’ils ne devroient jamais employer
pour cette opération que de l’étain des
Indes , parce qu’il est pur et le seul de cette
qualité qu’ils peuvent se procurer avec
facilité.
Toute autre espèce d’étain doit être re-
jetée; celui d’Angleterre , sous quelque
forme qu'on le débite , en baguettes , en
petits chapeaux , n'est pas pur ; celui qui se
vend à Paris sous le nom d’étain fin , est allié
au cuivre , au bismuth , et le plus souvent
il est falsifié avec du plomb. Je le répète ,
toute la batterie de cuisine ne devroit être
étamée qu’avec de l’étain des Indes ; il se
SUR,
l’étain. 453
vend pins cher que celui d’Angleterre , ce
qui est assez peu important , parce que le
particulier entendra raison et paiera volon-
tiers cette légère augmentation de prix 5
mais en ce cas , le chaudronnier doit se
garder de le tromper ou d’être trompé lui-
inême , en achetant livre à livre de Pétain
des Indes , dans lequel il aura été introduit
un quart et quelquefois plus de vieux étain
à un très- bas titre : j’ai souvent reconnu
cette fraude.
La couche d’étain , qui couvre le vais-
seau de cuivre le mieux étamé , est si mince
qu’il n’est pas rare d’entendre dire aux
chaudronniers , que l’étain appliqué au
cuivre dans l’opération de l’étamage , n’en
augmente pas le poids. Ce passage de Pline
mal entendu 11’auroit-il pas donné lieu à
ce préjugé ? Sternum illitum uenels vasis ,
saporern gratiorern facit et compescit aeru -
ginis virus , mirumque pondus non auget .
La physique moderne a su se procurer
des balances plus exactes que celles que l’on
faisoit au temps de Pline , et elle a trouvé
que le cuivre éprouvoit dans l’étamage une
augmentation de poids proportionnée à la
quantité d’étain qui s’y attachoit; mais il
F f 3
• / *.
RECHERCHES
454
faut l’avouer , cette quantité forme une
couche si mince que son poids ne peut être
découvert par des balances ordinaires.
J’ai fait étamer une casserole de neuf
pouces de diamètre et de trois pouces trois
lignes de profondeur : pesée au moment
où elle étoit disposée à recevoir l’étain ,
et repesée après l’opération sur les mêmes
balances qui étoient très-exactes , elle ne
se trouva augmentée en pesanteur que de
vingt-un grains.
Pour m’assurer de ce fait , j’ai eu recours
aune contre-expérience que je crois devoir
rapporter ici. On connoît ces feuilles d’étain
qui nous sont apportées d’Allemagne en
petits livrets , et que l’on nous vend sous
le nom d ’ argent faux. Ces feuilles ont à-
peu-près trois pouces neuf ligues de lon-
gueur , sur trois pouces quatre lignes de
largeur 5 elles pesent chacune deux grains.
J’en ai employé onze pour recouvrir par-
faitement , à l’aide d’un mordant , la cas-
serole de l’expérience précédente : tout
ce qui ne s’étoit point attaché au mordant
ayant été ramassé avec une barbe de
plume , pesoit un peu plus d’un grain et
demi , en sorte que vingt grains et demi de
sur l’étain. 455
cet étain en feuilles , ayoient suffi pour
couvrir exactement toute la surface inté-
rieure du vaisseau ; ce qui prouve que la
couche d’étain , appliquée sur celte même
casserole , dans l’opération de l’étamage
faite par le chaudronnier , étoit d’une
épaisseur égale à celle qu’ont les feuilles
de faux argent , dont je parle.
Mais , dira-t-on , pourquoi ne pas faire
entrer plus d’étain dans l’étamage ? Pour-
quoi ne pas rendre la couche de ce métal
plus épaisse ? Ne seroit-ce pas le plus sûr
moyen de se mettre à l’abri des mauvais
effets du cuivre ?
Il est des ustensiles de cuisine sur lesquels
on pourroit tenter d’augmenter la couche
d’étain autant qu’il seroit possible ; tels
sont ceux qui seroient uniquement destinés
à faire bouillir l’eau dans lacpielle on cuit
les légumes , et dont le degré de chaleur
n’est pas capable de fondre l’étain ; mais
ce seroit inutilement qu’on chercheroit le
moyen d’en appliquer une plus grande
quantité sur des casseroles , qui , souvent
exposées à iin degré de chaleur de beau-
coup supérieur à Peau bouillante , per-
droient bientôt leur étain , que l’on verroit
456 v RECHERCHES
couler et s’amasser dans le fond , sous la
forme de larmes , en sorte qu’il en resteroit
à peine sur les endroits dont il se seroit
détaché , la quantité précise que l’ouvrier
auroit dû y appliquer.
Le peu d’épaisseur de la couche d’étain
qui recouvre le cuivre , ne doit pas nous
effrayer; une expérience journalière prouve
à tous ceux qui ont des batteries de cuisine
faites avec le cuivre étamé , qu’on peut s’en
servir sans aucun risque : mais cette légère
couche doit, en revanche , nous rendre
attentifs à faire souvent renouveler l’éta-
mage , qui ne peut résister long- temps à
l’agitation des viandes, et sur -tout au
mouvement que l’on donne fréquemment
avec la cuiller de bois , au beurre , au
lard ou à tout autre corps gras dans les-
quels on fait roussir les oignons ou autre
assaisonnement. Les graisses , de quelque
nature qu’elles soient, n’ont aucune action
sur l’étain , et si celui de l’étamage disparoît
bientôt , c’est aux frottemens réitérés de
cette cuiller que l'on doit en rapporter la
cause.
De toutes les substances métalliques ,
l’étain étoit, sans contredit, la seule qui
sur l’ étain. 4 5j
pouvoit être appliquée sur les ustensiles de
cuisine , avec le double avantage de nous
mettre à l’abri des mauvaises qualités du
cuivre , sans nous constituer en grande
dépense. Il y avoit plus de deux mille ans
qu’on étarnoit ; et quoiqu’on ait toujours
été assez peu difficile sur le choix de l’étain
qu’on employoit pour faire cette opération ,
personne n’avolt réclamé contre l’étainage,
lorsqu’au grand étonnement des chimistes ,
quelques personnes répandirent dans le
public que ce métal devoit être proscrit.
Un physicien , très - peu versé dans la
chimie , publia , par la voie du Journal
de Physique , de prétendues expériences ,
par lesquelles il tâchoit d’insinuer que Pé-
tain étoitun véritable poison ; il lecroyoit,
sans doute, car c’étoit un honnête homme;
et pour dédommager le public de l’étain
qu’il venoit de condamner , il lui proposa
des casseroles étamées avec le zinc. Le
public n’est pas un aussi mauvais juge
qu’on le croit communément ; sans se
douter que le physicien s’étoit trompé dans
ses expériences , il refusa les casseroles
couvertes de zinc, et il fit très-bien.
Si l’art d’étamer le cuivre fut une décou-
458 RECHERCHES
verte heureuse , celui d’étamer le fer en fut
une très-utile ; la première nous rassure
contre les mauvais effets du cuivre , et la
seconde met , jusqu’à un certain point, le
fer-blanc à l’abri d’une rouille , qui , sans
être dangereuse , est cependant très-désa-
gréable.
J’ai déjà observé que les chaudières et
les marmites de fer fondu , en s’introdui-
!
sant dans nos campagnes et dans nos villes ,
avoient singulièrement contribué à dimi-
nuer parmi nous l’usage du cuivre. J’ajou-
terai ici que l’art d’étamer la tôle de fer ,
en nous fournissant une matière saine et
%
commode pour faire une quantité de menus
ustensiles de cuisine , avoit tellement re-
poussé ceux de cuivre , qu’à l’exception
des grandes maisons de la capitale , on
n’en voyoit presque point dans le reste du
royaume. Les écumoires , les passoires ,
les cuillers - à- pot , les cafetières, les
bouillotes , les marabous , etc. étoient
autrefois de cuivre , aujourd’hui tous ces
petits meubles sont de fer-blanc.
C’est sur-tout dans les armées que cette
matière est devenue , en quelque sorte ,
necessaire : on en fait des soupières , des
N
sur l’étain. 45p
plats , des assiettes pour les officiers , des
gamelles et des bidons pour les soldats ;
cette vaisselle est légère et par conséquent
commode pour les gens de guerre \ elle
coûte peu , et l’on s’en procure par-tout ;
l’expérience prouve qu’elle est saine ; enfin
pour la maintenir dans un état de propreté ,
il suffit de l’écurer avec le sablon; ce qu’on
peut faire sans courir le risque de mettre
le fer à nu , parce que , dans l’opération
de l’étamage du fer , qui se fait par im-
mersion , l’étain a pénétré de part en part
les feuilles de tôle destinées à faire cette
vaisselle (1).
Mais s’il est un grand nombre de circons-
tances où l’on peut employer le fer-blanc
avec avantage , il en est aussi où il est im-
possible de s’en servir.
Le fer , quelque bien couvert, d’étain
qu’il paroisse , ne l’est cependant pas au
point d’avoir perdu les propriétés qui le
caractérisent ; les acides les plus foibles
(1) Je distingue, comme on voit , le fer-blanc d’avec
le fer battu étamé : dans celui-ci, les feuilles de tôle
ont trop d’épaisseur pour que la pénétration de l’étain
puisse être aussi complète que dans le fer - blanc
proprement dit.
46o RECHERCHES SUR l’^TAlN.
agissent sur lui et le dissolvent 5 l’humidité
même suffit pour faire naître la rouille sur
le fer-blanc.
On ne peut donc se flatter de conserver
un jour entier du vin, du vinaigre ou toute
autre liqueur acidulé, dans des cantines et
bidons de fer-blanc : en moins de vingt-
quatre heures , le vin subiroit un commen-
cement de décomposition , et contracteroit
une saveur d’encre , qui , comme on sait ,
est- très-désagéable : le vinaigre , dans le
même espace de temps , se combineroit
avec le fer , et , formant avec lui une sorte
de sel, son acidité, qui le rend si précieux,
disparoîtroit, en sorte qu’on ne trouveroit
dans le vase de fer-blanc qu’un liquide
d’une saveur rebutante.
L’usage du fer-blanc a donc des bornes ;
mais il est un si grand nombre de cas où
l’on peut l’employer avec sécurité sur les
tables et dans les cuisines , que nous devons
nous féliciter de son invention, et sur-tout
d’en avoir vu quelques manufactures s’éta-
blir en France.
Fia du second et dernier Volume.
46 1
T A B L E
De ce qui est contenu clans le second
Volume.
PREMIÈRE PARTIE,
%
Contenant les expériences Eûtes par la voie
sèche , 1
SECONDE PARTIE,
Contenant les expériences faites par la voie hu-
mide , 24
Rapport de la mine avec l’acide vitriolique, ibid.
Rapport de la mine avec l’acide nitreux , 28
Son rapport avec l’acide de sel marin , 3a
Procédé par lequel il est démontré que la mine
contient du zinc , 34
Expériences qui prouvent que le fer est dans la mine
spathique , sous sa forme métallique , 35
Conclusion , 36
Examen de différentes Pierres .
PREMIÈRE PARTIE.
Examen du marbre de Campan , 4 5
Tome IL G g
T A B L E.
462
Analyse du marbre vert Campan , par l’acide ni-
treux , Page 5a s
Analyse du marbre rouge de Campan , par le même
acide , Sy
Analyse des mêmes marbres , par l’acide vitrio-
lique , 60
Analyse du marbre Campan rouge , par l’acide vitrio-
lique , 66
Examen des pierres figurées de Florence, 71
Analyse par l’acide nitreux , y3
Analyse par l’acide vitriolique , 74
SECONDE PARTIE.
Examen de quelques marbres antiques , 75
Examen d’un marbre antique rapporté de Rome , 80
Examen d’un autre cipolin envoyé d’Autun , 86
Examen d’un troisième cipolin d’Autun , connu en
Italie sous le nom d’ Amandola , 91
Examen d’un quatrième marbre d’Autun , connu sous
le nom de Vert antique ,
94
Autre procédé par l’acide vitriolique ,
99
Examen d’un cinquième marbre ,
102
Examen d’un marbre rouge d’Autun ,
j o3
Examen d’une pierre envoyée d’Autun ,
sous le nom
de marbre Noir antique ,
io5
T A B Z. S.
463
TROISIÈME PARTIE.
Examen de la serpentine d’ Allemagne , du Limousin
et de la stéatite de Corse. P âge 108
Effet du feu sur la serpentine d’Allemagne , traitée
dans des vaisseaux fermés , no
Memes expériences faites sur la serpentine du Li-
mousin , 1 14
Memes expériences sur la stéatite de Corse, ibicl.
Effet de l’acide nitreux sur la serpentine , 117
— Sur la stéatite de Corse , 12 1
Effet de l’acide vitriolique sur la serpentine d’Alle-
magne , 122
— - Sur celle du Limousin, 126
— < Sur la stéatite de Corse , 12 7
Résultat de l’analyse des serpentines , 1 28
Des différentes terres qui concourent à former la
serpentine , 129
De quelques autres terres ou pierres dans lesquelles
on trouve la base du sel amer , i38
QUATRIÈME PARTIE.
Examen du porphyre , de l’ophite , du granit et autres
pierres de la classe des vitrescibles mixtes, i4-3
Expériences faites sur le porphyre antique rouge ,
entremêlé de petits cristaux blancs.
Mêmes expériences sur l’ophite antique , i5i
G g 2
T A B L E.
464
Mêmes expériences sur une sorte de granitelle vert
de la vallée d’Aspe, dans les Pyrénées , Rage i52
Expériences sur les granits de l’ancien Autun , et
sur celui qui se trouve sous la ville de Semur , en
Auxois , i54
Supplément , 161
Effet de l’acide vitriolique sur les jaspes vert et
rouge, sur le jade et le feldspath, etc. 162
Examen de deux pierres nouvellement envoyées des
montagnes du Dauphiné, par Villar , 166
Conclusion, 171
Procédé par lequel j’ai obtenu en 1771 de l’acide
nitrique , en traitant la manganèse seule dans des
vaisseaux fermés , 180
Seconde opération , 181
Procédé employé dans la Suabe , pour faire le sel
d’oseille, i83
Procédé pour extraire et purifier le sel essentiel
d’oseille , 187
Lettre sur le sel d’oseille , 196
Procédé par lequel on régénère en nitre parfait tout
l’alkali fixe qui entre naturellement dans la compo-
sition du sel essentiel d’oseille , 200
Lettre sur l’analyse du pechstein de Ménil - mon-
tant , 2o3
R E CHERCHES SUR Z* È T A I H .
Cl3
Introduction ,
table.
465
PREMIÈRE SECTION.
$.ïer. Des différens étains , ^ age 23i
§. II. Caractères extérieurs des étains de la première
classe , c’est-à-dire des étains primitifs. 238
§. III. Effets du feu appliqué aux étains primitifs, 240
§. IV. Effets du feu sur les mêmes , traités dans des
vaisseaux fermés ,
§. V. Examen de la matière sublimée , 244
§. VI. Examen des quatre étains primitifs , par la
voie des dissolvans , 248
§. VII. Procédé de Margraff pour démontrer par
l’eau régale la présence de l’arsenic dans l’étain , 25o
§. VIII. Effets du procédé de Margraff sur les quatre
étains , 254
§. IX. Alliage d’étain et d’arsenic , 257
§. X. Effets de l’eau régale sur les alliages précédens, 262
$. XI. Effets de l’eau régale sur des alliages où il
entre beaucoup moins de régule d’arsenic que dans
les précédens , 265
§. XII. Réflexions sur le procédé de Margraff, 268
§. XIII, Effets de l’acide marin sur l’étain en gé-
néral , 272
§. XIV. Effets de l’acide marin sur les quatre étains
primitifs , 275
§. XV. Effets sur les mêmes , artificiellement alliés
avec le régule d’arsenic , 276
4 66
T A B JL 33.
§. XVI. Effets de l’acide nitreux sur l’étain en gé-
néral , P âge 281
§. XVII. Effets sur les quatre étains primitifs , 284
§. XVIII. Effets de l’acide vitriolique et du vinaigre
distillé sur les quatre étains , 291
§. XIX. Récapitulation et conclusion de la première
Section , 295
SECONDE SECTION.
§. Ier. Contenant l’examen de l’étain anglais ,
connu sous le nom de gros saumons et de ba-
guettes , 298
§. II. Effets du feu sur l’étain , dit en gros saumons
et en baguettes , traité dans les vaisseaux fer-
més y 3o3
§. III. Effets de l’acide nitreux sur l’étain d’Angle-
terre , en gros saumons et celui en baguettes , 3o5
§. IV. Effets de l’eau régale sur l’étain d’Angleterre ,
tant en gros saumons qu’en baguettes 7 307
§. V. Effets de l’acide marin sur les étains précé-
dons , 3 1 2
§. VI. Mêmes expériences répétées sur les étains
d’Angleterre , 3i4
§. VII. AEthioIogie ou départ du régule d’arsenic
d’avec l’étain 7 ou effet des acides sur ce meme
régule , 3i7
§. VIII, Effets de l’acide nitreux sur le régule d’ar-
senic . 3iS
sente ,
TABLE. 467
§. IX. Effets de l’acide de sel marin sur le régule
d’arsenic , Page 320
§. X. Effets de l’eau régale sur le régule d’arsenic , 322
TROISIÈME SECTION.
§. Ier. Examen de l’étain mis en œuvre et vendu sous
toutes sortes de formes par les maîtres potiers
d’étain , 327
§. II. des différentes substances que l’on est dans
l’usage d’allier à l’étain , 33o
§. III. Proportions du cuivre , 335
§. IV. Proportions du bismuth , 337
§. V. Proportions du zinc , 339
§. VI. Proportions du plomb , 342
§. VII. Proportions du régule d’antimoine , 343
§. VIII. de l’étain fin et de l’étain commun, 344
§. IX. Du vieux étain , 3/±6
§. X. de la claire étoffe , 349
'§. XI. Des divers moyens qu’on peut employer
pour reconnoître les substances alliées à l’étain,
et en faire le départ , 35o
§. XII. Départ du cuivre d’avec l’étain par l’eau ré-
gale et l’acide marin , 333
§. XIII. Départ du bismuth et du zinc , 356
§. XIV. Procédé pour départir le plomb d’avec
l’étain , 36 1
§. XV. Manière de s’assurer de la quantité de
plomb qui aura été introduite dans un étain , 365
T A B IL E.
468
§. XVI. Des deux essais usités chez les potiers
d’étain , l’un appelé à la pierre , l’antre à la
balle ou à la médaille , Page 368
§. XVI Zus. De l’essai à /a balle , 371.
Poids des balles que m’a donné le moule dont je me
suis servi , 373
Récapitulation ou précis des première, deuxième et
troisième Sections , 375
Addition. Procédé pour départir l’argent d’avec
l’étain , 385
QUATRIÈME SECTION,
Contenant la réponse à la question proposée , 3^1
PREMIÈRE QUESTION.
L’étain considéré dans son état de pureté est-il un
métal dangereux ? 3^5
1
SECONDE QUESTION.
Un étain qui contient quelques atomes de matière
arsenicale, peut-il être dangereux? 411
TROISIÈME QUESTION.
Les métaux ou demi-métaux qu’on est dans l’habi-
tude d’allier à l’étain pour lui donner de la dureté,
peuvent-ils en rendre l’usage dangereux ? Ifîi
Observations sur le cuivre étamé et sur le fer-
blanc , 445
Fin de la Table ,
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