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BASILE I'*"
EMPEREIR DE RYZANCE 867-886
F.T
L.A CIVILISATION BYZANTINE
A LA FIN DU IX" SIÈCLE
BASILE 1
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EMPEKELR DE H\ZA><CE 867-880)
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LA CIVILISATION BYZANTINE
A LA FIN DU IX^ SIECLE
Albert VOGT
PARIS
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS
LIBRAtRE DE I,A SOCIÉTÉ DE l'ÉCOLE DES CHARTES ET DES ARCHIVES NATfONALES
82, Rue Bonaparte, 82
1908
\ Monseigneur Alfred BALDRILLARÏ
Recteur de l'Institut Cattiolique de Paris
A Monsieur l'Abbk ITknry THKDENAT
Membre de l'Institut
//} memoriain prœterili, in spem fnturL
A. V
INTRODUCTION
Ce travail sur le règne de l'empereur Basile et Tadministra-
tion impériale à la fin du ix'' siècle doit sa naissance et son
achèvement aux leçons et aux conseils de M. Charles Diehl,
professeur à la Faculté des Lettres de Paris. C'est lui qui par son
enseignement a éveillé en moi, comme en plusieurs de ses
élèves, le goût des choses de la vieille Byzance et m'a initié au
dur labeur d'une préparation technique qui ne va pas sans
d'assez grandes difficultés. Aussi, arrivé au terme de cette étude
est-ce à lui que s'adresse toute ma reconnaissance, sachant bien
que vsi ce travail porte en lui quelque mérite c'est à la direction
et à l'intérêt qu'a bien voulu y prendre ce maître des études
byzantines en France que je le dois.
Le règne de Basile I" n'avait pas eu encoi^e son historien.
Moins bien partagés en cela qu'une foule de petits seigneurs
obscurs d'Occident dont nous savons^ jusque dans le détail, la
vie, la politique et rinfluence, les grands basilcis de Byzance
attendent, presque tous sans exception, un biographe qui fasse
revivre leurs règnes souvent très glorieux, toujours très civili-
sateurs. Parce qu'ils parlèrent grec et s'occupèrent de théologie,
parce qu'ils vécurent sous d'autres cieux et s'habillèrent à
l'orientale, parce qu'ils s'entretuèrent parfois d'assez brutale
façon et se livrèrent à trop d'intrigues de cour, on les a laissés
dormir en leurs sarcophages, méprisés et oubliés. Flagrante
injustice de l'histoire — une des plus grandes et des plus
inexplicables — qui pèsera longtemps encore, sans doute, sur la
mémoire des empereurs byzantins et que cependant ils n'ont
II I.NTUODUCTION
point méritée. On l'a remarqué bien souvent, en efï'et. Si l'Eu-
rope moderne est ee qu'elle est, fille de la Grèce et de Rome par
la culture intellecluelle comme par les traditions politiques,
c'est en partie aux empereurs byzantins qu'elle le doit. Sans eux,
l'Islam eût passé sur nos terres, détruisant les trésors artistiques
et littéraires de l'antiquité, imposant par la force a nos pères
une civilisation qui n'était point faite pour eux, créant pour
des siècles peut-être, en nos étals d'Europe, une société factice
dans laquelle l'Arabe eût été le maître et l'indigène l'esclave. Si
Basile P' avait été vaincu tout à la fois en Asie et en Italie,
Musulmans et Manichéens auraient infailliblement envahi une
à une toutes nos provinces d'Occident et de la civilisation chré
tienne comme de la civilisation antique il ne fût rien resté. Là
est le vrai service qu'a rendu à l'Occitlent l'Orient byzantin ; là
le véritable intérêt de cette histoire, dramatique et émouvante
à ses heures comme une vivante tragédie.
Et ce n'est pas même tout. Grâce aux efforts des Basileis,
durant neuf siècles, Rome a continUt5 à vivre, Rome avec ses
institutions, ses traditions, sa législation. Tandis que, pénible-
ment, après les invasions, l'Europe occidentale cherchait à se
reconstituer, luttant contre la barbarie, là-bas sur les rives du
Bosphore un grand empire organisé, en possession d'une très
haute civilisation et d'une sève de vie très riche, continnait à
se développer ou du moins à se maintenir, apportant à la
Russie, aux Etats balkaniques, voire même à l'Italie, à l'Alle-
magne et à la France, son art, sa science, sa jurisprudence et
sa foi religieuse, formant ainsi, bien plus tôt et bien plus direc-
tement qu'on ne le croit d'ordinaire. l'Europe du moyen âge et
celle des temps modernes. Et cependant, aujourd'hui encore,
tous ces efforts, toutes ces luttes, tous ces triomphes et tous ces
revers, sont ensevelis en de méchants textes, souvent mal
édités, quelquefois même tout à fait inédits. La France du
xvii" siècle chercha, une première fois, à faire au sein de cette
histoire inconnue une féconde expédition qui fut sans lende-
main. Il fallut le renouveau des études historiques au xix'' siècle
pour ((ue de jeunes savants en quête de thèses de doctorat
I.NTUODLCTIOX III
s'avcnlurassent en celle forêt presque vierge. Le premier fui
M. Rauibaud. Tl ue fil que passer. Ce furent MM. Sclilumbcrger
et Dielil qui. eu France, ont véritablement altaclié leur nom à
ces éludes et ont ainsi préparé la voie à leurs élèves présents et
futurs. Pour moi, disciple de l'un et de l'autre, j'ai cherché en
ce travail à retracer tout à la fois riiistoire du fondateur de la
maison macédonienne et à esquisser une étude méthodique des
institutions byzantines *à la fin du ix*" siècle, ce qui n'avait pas
encore été tenté. Sur la seconde partie de celle étude, je ne me
fais aucune illusion. Mieux que personne je sais ce qu'elle a d'in-
complet, d'incertain, d'hypothétique. Pour la mener à bien, il
eût fallu reprendre chaque institution à son point de départ et
la suivre en ses développements successifs. Néanmoins, j'ose
espérer que celte étude ne sera pas tout à fait vaine et qu'elle
pourra servir désormais de jalons en allendanl de plus décisifs
travaux. Si ce but est atteint, je me croirai sufOsamment récom-
pensé d'un travail qui fut long mais qui n'a jamais manqué ni
d'intérêt, ni d'imprévu.
LV /// jiiilU'l 1907.
A V.
ÉTUDE CRITIQUE DES SOUHCËS
Une étude très longue et très détaillée des sources qui ont
servi de base au présent travail serait ici sans objet, attendu,
d'une part, que la chose a été faite — et bien faite — dans deux
ouvrages de premier ordre : celui de M. Hirsch qui a pour titre
(( Byzantinische Studien » et dans « l'Histoire de la littérature
byzantine » de M. Krumbacher, auxquels on peut ajouter les
ouvrages de M. Rambaud « l'Empire byzantin au x" siècle,
Constantin Porphyrogénète », de M. Diehl « Etudes byzantines »
et de M. Gay (( L'Italie méridionale et l'Empire byzantin » ;
attendu, de lautre, que plusieurs sources, et non des moindres,
se trouveront étudiées au cours de ce travail en des chapitres
spéciaux : telles les sources juridiques. Il suffira donc de rap-
peler brièvement les principaux documents qui ont été le plus
fréquemment employés, d'en indiquer la date et la valeur histo-
rique, renvoyant pour plus ample discussion aux travaux que
nous venons de signaler comme à ceux que nous pourrons
indiquer au bas des pages quand l'occasion s'en présentera.
Nous pouvons grouper sous quatre chefs les principales
sources que nous avons consultées. Ce sont : i" les historiens et
les chroniqueurs ; 2" les livres juridiques ; 3" les documents
religieux ; 4" enfin les œuvres diverses des écrivains du temps,
comme les ouvrages de géographie, de stratégie, etc., auxquels
nous joindrons les sources monumentales,
l. — Historiens et Chroniqueurs
1. La première et la plus importante source de renseignements
que nous possédions se trouve être, sans contredit, l'œuvre des
historiens et des chroniqueurs. Pour l'époque qui nous occupe,
VI KTLDE CRITIQUE DES SOURCES
une œuvre de grande importance se présente tout d'abord à
nous : c'est la Vie de Basile que composa son petit fils, l'empe-
reur Constantin VII K Ecrite entre 9/|5 et 969 -, par un homme
qui fut surtout un souverain de cal^inet, car il fut historien,
artiste, littérateur et point du tout soldat, elle a pour but de
o-lorifier et de perpétuer rillustre et chère mémoire du fonda-
teur de la maison macédonienne, de la disculper de tous les
crimes qu'eu secret on lui imputait et de la donner comme une
leçon vivante cl féconde en hérilage aux fulurs l'jn})ercurs qui
naîtraient de son sang -K
Cetle vie nous est parvenue^, insérée à sa place chronologique,
dans la coUectiondes ((biographies impériales» que composa au
X'' siècle celui qui se fît le « continuateur de Théophane ». Elle
se trouve au chapitre V. Mais il n'est pas nécessaire d'une
longue et minutieuse étude pour s'apercevoir qu'elle n'est point
de la même main que les autres (( Vies ». A la différence des
notices qui l'encadrent, elle se présente à nous comme une
œuvre littéraire complète qui ne relève ni de ce qui la précède ni
de ce qui la suit. Elle a un exorde et une fin. elle contient des
récits qui ont déjà été faits dans d'autres parties de la chronique,
enfin, chose remarquable, son auteur se nomme, ce qui n'est
le cas pour aucune des œuvres similaires qui l'accompagnent.
Aussi cette vie a-t-elle un intérêt tout particulier. Par certains
cotés, elle possède, évidemment, une valeur de premier ordre
car son impérial auteur était en bien meilleure situation pour
rappeler les faits et gestes de son grand-père que les simples
historiens ou chroniqueurs. Il avait à son service les récits qui
lui furent rapportés dès sop enfance, les tradi lions qu'il put
trouver encore vivaces au Palais et malgré ses plaintes et
ses regrets sur la pauvreté des archives et sur le peu
de renseignements qu'il y trouva *, les actes olïîciels du règne
qui devaient être nombreux. Mais aussi, et précisément pour
toutes ces raisons, l'œuvre de Constantin Porphyrogenète,
doit-elle être lue avec précaution, voire même avec défiance.
Certes, il est bien renseigné, mais sa biographie esl un pané-
1. « 'laTop'.xY, 5'.'f,yT,j'(; toô ^îo'jxat twv zoiçcojv Hxa'.)^s(o'j toO i.O'.oi\xo'j ,iajiAtojî •?,</
Kor/rTavTÏvoî [îao''.A£'Jî 'l'o);jLaîwv ô to'jto'j 'j'.ojvô; ç'.Xozovoj; àzo oia'fc'pwv àftoot^a;
'.T,-;-r,;j.âTojv Tw ypâoovx'. Too^aviOcTO. »
2. Ivruinbachcr, p. 2.53.
3. 17/. Basil., cli. i. p. 2'?8.
/». Cf. HaiTibaud. o/>. cit., p. i'|i ol srq.
ETUnK CRITIOLE DES SOLUCES VII
oyriqiio. unelninnede louange à la gloire de son grand-père,
peul-étre une réponse à d'autres biographies moins bienveil-
lantes. Dès lors, il n'est pas étonnant qu'il voile certains faits,
qui! e\j)lique de façon peu véridique certains autres c\ qu'il
embellisse à plaisir les très réelles qualités de son aïeul. Sans
parler des origines fabuleuses qu'il assigne à sa famille, qu'on
cherche, par exemple, ce c[u'il dit des meurtres de Bardas et de
Michel III et l'on verra que, d'après sa version, Basile ne fut
coupable ni de l'un, ni de l'autre assassinat, qu'il n'y prit
même qu'une part très indirecte, bien mieux qu'il chercha de
tout son pouvoir à sauver la vie de son bienfaiteur. Qu'on
cherche, de même, comment est racontée la très grave affaire
du mariage de Basile et l'on trouvera qu'il n'est jamais fait
mention de Alarie. première femme du futur empereur, jamais
de son divorce et que, sous sa plume, Eudocie Ingerina devient
une épouse accomplie, aussi belle que vertueuse, véritable mère
de tous les enfants dont Basile dut se charger. Si un affreux
mystère pèse sur les origines de la famille macédonienne, si les
Empereurs qui un temps régnèrent sur Byzance eurent tous,
pour père, un bâtard, ce sont là des questions sur lesquelles il
ne faut pas aller chercher éclaircissements et solutions dans le
récit de Constantin YII. L'auteur ne pose pas de semblables
problèmes et ne paraît pas se douter que d'autres, autour de lui,
les posaient pour les résoudre contre lui. — Ceci dit, il n'en
reste pas moins que la Vie de Basile F' est un document de pre-
mière valeur par les renseignements qu'elle fournit sur un
grand nombre de questions, par les détails de tous ordres dont
elle abonde, par le souci des choses administratives qu'elle
manifeste, fait unique à cette époque S par la thèse enfin
qu'elle soutient et qui permet aux historiens de contrcMer les
récits qui sont parvenus par la plume des chroniqueurs.
II. Indépendamment de la « Vie de Basile », nous devons à
l'activité littéraire et scientifique de Constantin YII deux autres
ouvrages d'histoire : le Livre des Thèmes et celui de V Adminis-
tration de l'Empire. Certes, on a beaucoup médit de ces deux
documents. — du premier surtout — et les historiens qui les
ont étudiés, déçus dans leur attente, trompés par ce que, les
tilies semblaient leur promettre, se sont vengés en critiquant
I. Hirscli. p. 'i'i'i.
VIII ETUDE CRITIQUE DES SOUUGES
avec amertume Timpérial écrivain. Et cependant, quelles que
soient les erreurs, les ignorances et les lacunes de l'un et
l'autre livre, ils n'en sont pas moins, pour autant, les seuls
documents que nous possédions sur la géographie et l'admi-
nistration de l'Empire aux ix" et x' siècles, les seuls témoins
aussi de l'activité politique des Empereurs. Ils méritent donc,
malgré leurs défauts, une étude attentive.
Le livre des n Thèmes » a pour but, comme l'indiquent les
lignes par lesquelles il commence, de faire connaître les diverses
provinces de l'Empire, leur nom et leur histoire. Un tel essai
n'était pas, dans la littérature byzantine, une grande nouveauté.
Constantin YII avait eu des prédécesseurs qu'il connaissait, du
reste, suffisamment pour les copier, parfois servilement, au
grand dommage de la vérité : Etienne de Byzance et Hiéroklès,
On a conjecturé avec raison, ce semble -, que ce livre des
Thèmes fut un exercice d'école que Constantin composa dans sa
jeunesse. Ce qui est sûr, c'est qu'à lui seul, il n'inspirerait
aucune confiance. Trop souvent, en effet, l'auteur ne fait que
reproduire la notice de Hiéroklès, le « a-uv£xo7,ao>; )>, écrite sous
Justinien. sans s'occuper de savoir si l'état de choses existant
au VI' siècle était le même au x'' ; trop souvent, il paraît être —
chose qui serait étrange pour un souverain — d'une incroyable
ignorance sur l'organisation de son empire ; trop souvent, enfin,
ses renseignements consistentà chercher des étymologies fantai-
sistes, à fabriquer des histoires invraisemblables, à décocher des
traits malicieuxà l'adresse de certains de ses sujets : toutes choses
qu'un empereur en fonction se fût gardé de faire, apparem-
ment. Mais, heureusement, le livre des a Thèmes » trouve ail-
leurs correctifs ou confirmations. Les sceaux, les géographes
arabes, surtout le livre « de l'Administration de l'Empire » —
œuvre postérieure et plus mûrie — aident souvent, soit à com
plèter, soit à redresser les renseignements fournis par Cons-
tantin et permettent ainsi de se servir utilemcjit de son
travail.
Le livre des « Thèmes » se divise, naturellement, en deux
1. Toû ao'f wTdtTOU jâaai)v£wi;' KwvjxavTÎvo'j toO nop9'jpoysvvy,xou r.zpl twv ÔsaaTwv
TÔJV àvr.xôvTwv tt, ^aaiXsi'a twv 'Pwjj-aîwv ircjOev s't/ov xiç ôvo|xa<j£a(; xal tÎ (JT,}xa{vouaiv
ai to'jto>v Tpoo'T.YOpt'a' %al ot'. rà ijièv aùxoiv àp/atî^ouai, xà Se viav èxxfjaavxo, X"i',v
zpoo-Tvopîav. — Cf. Dichl, Études byzantines, p. 376 ot soq.
2. liambaud, op. cit., iG5-i66.
KTUDE CRITIQUE DES SOURCES IX
grandes parties, suivant la division même de l'Empire. L'une a
pour objet les thèmes d'Orient, l'autre les thèmes d'Occident. L'au-
teur passe en revue chaque province etdit cequ'il croit en savoir.
Sinivcnt c'est peu de chose. La plupart du lemi)s, le nom de la
capitale n'est pas donné et même, parmi les villes qui figurent
sur la liste propre à chaque thème, il arrive plus d'une fois
qu'il yades erreurs assez graves. Jamais l'auteur n'indique quel
est le gouvernement qui préside aux destinées de la province,
comment fonctionne l'administration provinciale, quelle est la
richesse ou l'importance de chaque partie de l'Empire. L'in-
térêt du livre des a Thèmes » réside surtout pour nous dans le
fait que, par lui, nous pouvons nous rendre compte des pro-
vinces existant au x" siècle et, par voie d'élimination, grâce aux
renseignements qu'il fournit, de celles qui n'existaient pas
encore au lx^ Pour le reste, les renseignements de Constantin
sont à peu près sans intérêt ^.
III. Il n'en va pas de même du livre de V Administration de
l'Empire. Cet ouvrage que Constantin VII composa pour son fils
(( couronné de Dieu », Romain le Jeune, âgé de quatorze ans
environ, fut probablement publié en qSS '-. L'Empereur avait
alors quarante-huit ans. Il était donc dans la pleine maturité
de l'âge ; il avait acquis l'expérience des affaires, la connais-
sance des hommes et des choses ; il pouvait instruire son fils
en môme temps que la postérité.
L'avant-propos nous renseigne, du reste, avec exactitude sur
le but et le contenu du livre. En donnant à son fils une sorte
de manuel diplomatique qu'il pût lire et apprendre dès sa jeu-
nesse, Constantin VU a voulu préparer Romain à son futur
métier de roi. Dans ces cinquante trois chapiti'cs, en effet, il
n'est guère question d'autre chose que d'administration: admi-
nistration ou politique étrangère, puisqu'il indique quels sont
les peuples en rapports avec Byzance et quel genre de rapports
entretiennent entre eux les gouvernements, quelles sont
les origines, l'histoire, les mœurs, les institutions, les vœux
de ces peuples ; administration intérieure, puisqu'il signale les
changements comme les faits qui se sont produits à la Cour et
dans l'Empire. Aussi est-ce parce que l'écrivain a voulu faire
1. Cf. Dichl, Etudes byzantines, p. 27C et seq.
2. Rambaud, Empire grec au x* siècle, p. 172,
X ETIDE CUlTIOl E DES SOL 1\CES
œuvre crédiicaloiii-, qu'à la difl'éreuco du « livre des Thèmes »
le livre de « rAdminislratiou de l'Empire » se recommaude ])ar
son exaelilude. son ordre el sa valeur historique. On sent, à le
lire. (|ue tout ici a été étudié et conirolé. Ce serait eu Aaiu
qu'on chercherait en ces pages les hors-d'œuvres sans fin, la
science rélrospeclive, livrescpie et scolaire, qui déparent le
livre (( des Thèmes ». Le (( De Admiuisti'audo » est un ouvrage
destiué à la vie prati(|ue et quotidienne. C'est pour cela qu'il
mérite à nos yeux créance el autorité.
IV . Enlin, sous le nom de Constantin VU comme auteur, nous
possédons une nas/r compilation qui a ])Our litre sur l'unique
manuscrit arrivé juscju'à nous : « 'Ev.hz'ji^ '7f^; [jy-O.zio'j Taqîco;
KtovTTavT'lvou ToO cp'.Aoyp^TTO'j xal £v a'JTO) Tw Xp'.CTw TCO auov'lw
pcf.7O.z1 py.iùÀir)-, 'j'.oO AéovTo; to-j crd'^toTaTO-j xal ki^.u,Yr^'7':ryj Jiiac-».-
A£(o; o-'jvTayjjià t». xal [jac.Ac'lo-j c-to'joy,; ovtco; çà»,ov TTO'lY,jjia '. » —
Cette œuvre, d'inie importance capitale pour l'histoire des
institutions hyzantines, fut donc composée, si l'on en croit le
titre, en partie du moins, sous le règne du petitfils de Basile,
afin de rehausser le prestige de la personne impériale aux yeux
des étrangers comme des nationaux 2. H ne saurait entrer dans
le cadre de nos recherches de discuter celle atlrihution comme
la date approximative de son apparition : aussi bien, du reste,
ces questions n'onl-elles pas pour le règne de Basile une très
grande importance. Ce qui le sei'ait beaucoup plus, assui'ément.
ce serait de pouvoir dater chacun des chapitres dont se com-
pose cette étrange encyclopédie, faite de pièces et de morceaux
de tous âges et de tous genres '^ Or. ce travail critique n'est
pas toujours très aisé*. Sans doute, il arrive que les sources
sont expressément indiquées — tels les chapitres empruntés au
patrice Pierre, par exemple — ou que les événements racontés
datent d'eux-mêmes tout un chapitre : mais, le j)lus souvent ,
nous n'avons aucun indice qui nous permette d'assignei' une
époque quelconque à tel passage qui peut être aussi bien du
I. -Migne, C\Il, p. -'a- ^^c manuscrit se trouve actuellement à Leipzig
'i. Cerem., p. 78.
[\. Le livre des Cérémonies est loin, en efTet, de nous donner unique
meni des « (A'rémoniaux » d'époques diverses. Aux chapitres de cet ordre,
se trouvent mêlés des chapitres traitarji des sujets les plus variés : guerre,
avènements d'Empereurs, lomheaux qui se trouvaient aux Saints Apôtres,
etc. (liamhaud, op. cit., p. i-iS et seq.).
\. l^iehL. Etudes byzantinca, p. 398 el seq.
KTLDE CRITIQUE DES SOURCES XI
Vf siècle que du x'' : co qui ne va pas sans de graves inconvé-
nients. Pour le règne de Basile et l'iiistoire des institutions de
son règne, nous avons, heureusement, quelques cliapitres
exactement datés. Les uns ont trait aux campagnes de l'Empe-
reur et à son retour à Byzance : d'autres à l'administration.
C'est le cas entre autre de la célèbre notice de 1' « artocline »
Philothée qui a servi de base à toule une partie de notre élude.
Cette notice fut écrite en Tan 900 — donc quatorze ans après la
mort de Basile — par Philothée à la demande de quelques-uns de
ses amis '. L'intention qui a présidé à sa composition fut de
fixer définitivement les règles à suivre pour le placement à
table des officiers impériaux. Ce travail se rattache, probable-
ment, à l'ensemble des réformes que paraît avoir tentées l'Empe-
reur Léon VI pour rendre à sa cour gloire et éclat. Mais, il ne
faut pas l'oublier ; le règne de Léon M n'est qu'un aboutissant,
une conclusion. C'est le couronnement du règne de Basile I.
Les Basiliques, par exemple, eurent leur point de départ dans
les travaux du Macédonien ; la réorganisation administrative
fut, de même, commencée par lui, aussi bien, du reste que la
réorganisation de la cour impériale. C'est dire, par consé-
quent, que la notice de Philothée, quoiqu'écrite quelques
années après 886, garde pour le règiie de Basile toute sa
valeur. On peut d'autant moins douter de ce fait que.
d'une part, l'artocline a soin d'indiquer les modifications
introduites par Léon YI et que, de l'autre, les récits des chroni-
queurs viennent confirmer l'existence des magistrats dont il
donne l'énumération. La seule réserve critique à faire porte
donc, non pas sur les renseignements qu'il fournit, mais sur la
tradition paléographique. N'ayant qu'un manuscrit, il est assez
malaisé de corriger les erreurs de lecture et de copie qui, évidem -
ment, se sont glissées dans le texte elle rendent, parfois, ou
incomplet ou incompréhensible -. Néanmoins, telle qu'elle est,
la notice de Philothée nous est d'un inappréciable secours
parce que seule, parmi les documents qui nous sont parvenus,
elle donne une énumération complète des hauts fonctionnaires
1. Elle se trouve au livre II, ch. lu, Mignc, p. 1292.
2. A quoi il faut ajouter que l'édition — la seule — que nous possédions
fut faite en un temps où Ton n'avait pas l'habitude d'un g:rand apparat
critique. Heiske en la ])ubliant et en l'nnnotanl a surtout fait œuvre de
philologue.
\II ETUDE CRITIQUE DES SOURCES
de la cour et seule, elle fait entrevoir, bien que très imparfaite-
ment, le mécanisme compliqué de l'administration byzantine
avec ses ministères variés et leur nombreux personnel.
Indépendamment de la notice de Pbilothée qui a pour nous
Tavantage d'être exactement datée, le « Livre des Cérémonies »
fournit d'autres renseignements qu'il n'est pas possible de négli-
ger. Parmi ces renseignements, les uns sont certainement pos-
térieurs à Basile I ; mais ils rapportent des faits qui se sont
passés sous son règne et fournissent des éléments d'information
souvent très précieux. C'est par le fameux chapitre sur les
« tombeaux » que nous connaissons la mère de Basile, Pankalo,
et plusieurs autres détails intéressants sur sa famille. C'est de
même par le chapitre qui a trait aux guerres de Basile que nous
pouvons avoir une idée de l'organisation de l'armée comme des
moyens slratégiquesdontondisposait au temps du Macédonien,
D'autres renseignements, au contraire, ne nous sont arrivés que
par l'intermédiaire de chapitres écrits à des époques aussi
diverses qu'indécises, ce qui infirme, à première vue, leur auto-
rité, si l'on veut s'en servir pour étudier les institutions d'une
époque déterminée. Néanmoins, il est un cas où ces renseigne-
ments peuvent être utilisés. C'est quand ils sont simplement
l'expression d'un état de choses qui n'a jamais beaucoup varié :
le cérémonial. S'il serait, en effet, souverainement dangereux
d'étudier ces passages pour y chercher des titres de fonction-
naires ou des indications d'ordre topographique, par exemple,
il n'en va plus de même quand on leur demande des détails sur
les cérémonies. Or, ces détails sont parfois d'une grande impor-
tance, car ils font mieux comprendre quelle idée Byzance se fai-
sait de ses institutions. Il est bien certain que les prières, les
exhortations, le cérémonial en un mot, dont était entourée la
promotion d'un cubiculaire, je suppose, jette un jour très lumi-
neux sur les fonctions mêmes des chambellans attachés à la per-
sonne du Basileus. Quelle que soit la date à laquelle de tels
chapitres ont été écrits, l'historien peut, je crois, s'en servir, ne
serait-ce que pour commenter d'une façon plus claire et plus
vivante les droits et les devoirs attachés à une charge dont on
connaît par ailleurs et l'existence et le rôle. Du reste une minu-
tieuse critique des passages concernant les institutions byzan-
tines montre avec évidence, qu'en règle générale, ce sont moins
les attributions dévolues aux grands dignitaires de la cour qui
KTLDE CRITIQUE DEt^ SOURCES XIII
se sont modifices dans la suite des âges, que l'existence même
de ces dignitaires. Lorsqu'une fonction tombait en désuétude
ou devenait un simple litre honorifique — ce que nous savons
presque toujours, soit par les chroniqueurs, soit par le livre
même des Cérémonies — les prérogatives attachées à cette
charge tombaient d'elles-meme ou étaient transmises à d'autres
fonctionnaires ; mais tant que durait la fonction, il ne semble
pas qu'il y ait eu d'importantes modifications dans les attribu-
tions qui lui étaient dévolues. Qu'on étudie le rôle de « l'Eparche
de la Ville » par exemple, et l'on verra que dans ses grandes
lignes, au ix" siècle comme au vi% son histoire est la même, que
ses préroratives sont les mêmes et ses obligations aussi ^ D'oii il
suit que l'essentiel, en abordant l'étude des institutions byzan-
tines, est de connaître exactement les fonctions existantes à une
époque déterminée — en quoi les chapitres non datés du livre
des Cérémonies ne sauraient être d'aucune autorité — pais
ensuite de fixer le caractère spécial de chaque fonction, dans la
mesure du possible, et en cela alors tous les renseignements du
livre, prudemment employés, peuvent être de la plus grande
utilité.
V. Aux côtés de Constantin Vil vivait à Byzance un his-
torien dont l'œuvre est arrivée jusqu'à nous. C'est Genesios. Son
ouvrage composé de quatre livres, retrace l'histoire des Empe-
reurs Léon V, Michel IL Théophile, Michel III et Basile.
Malheureusement pour nous, Genesios, petit-fils d'un logothète
de Michel IIL Constantin, n'a pas donné aux deux dernières
(( Vies » le développement quelles auraient dû avoir. Tout au
contraire. Il réunit dans son quatrième livre les deux histoires
de Michel et de Basile et résume brièvement les principaux
faits de chaque règne. C'est là une chose d'autant plus regret-
table pour la postérité que, premier historien de l'époque qui
Ta précédé, il a beaucoup utilisé, dit-il, les récits oraux et les
souvenirs qu'il a trouvés dans sa famille; mais c'est aussi, pro-
bablement, ce qui explique son silence. Ecrivain aux ordres de
l'Empereur, Genesios a dû taire ou expliquer les forfaits de
toute nature attribués à Basile L' , tâche singulièrement délicate
pour un homme qui connaissait, sans aucun doute, la vérité.
I. Cf. Le mémoire d'Ouspenskij « L'éparchc de Cple ». Mémoires de
i'Instilai archéologUiue russe de Constantinople, 1S99, I^' ^' P- 70 ^l ^^^'
XIV ETUDE CUrUOLE DES SOURCES
Ne pouvant donc être tout à la fois bon courtisan et sincère
historien. Genesios a préféré se taire et résumer rapidement deux
Aies qui s'offraient à lui pleines d'embûches et de difQcultés.
Tous les renseignements qu'il nous fournit, comme la façon
dont il les présente, se retrouvent chez Constantin Yll. Il n'y a,
par conséquent . pas lieu de nous arrêter longuement sur son
histoire des Empereurs, pour le règne de Basile. On y peut
glaner de-ci delà quelques utiles indications : elle n'est pas,
cependant, pour nous un fdon d'exploitation très riche.
B. — Les Chroniqueurs.
A certains égards, les chroniqueurs sont autrement plus inté-
ressants à consulter que les historiens, parce qu'ils sont indé-
pendants. Si les uns travaillent, comme Genesios, à la solde de
l'Empereur, d'autres — et c'est le plus grand nombre —
écrivent soit pour le plaisir d'écrire, soit pour faire œuvre
d'activité politique. Sans doute eux aussi ont leurs graves
défauts. Comme les deux historiens dont nous avons parlé, ils
se copient impudemment ; comme eux, ils sont pleins de par-
tialité ; comme eux, ils aiment le merveilleux, les présages et les
miracles. J'en sais même qui pour un peu ne se feraient pas
trop prier pour écrire de nouveau un u De morte persecu-
torum ») politique, à l'usage des amis de Basile. Mais tout cela ne
fait pas qu'ils ne soient pour nous de la plus grande .utilité. A
part la continuation de Tliéophane, les chroniqueurs sont tous
ennemis de la famille impériale. Ils représentent le parti poli-
tique qui demeura fidèle à Michel III et ne cessa de combattre
le Alacédonien. Ils sont donc les porte-voix de tous les mécon-
tents, de tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre,
boudèrent le nouveau régime ; ils sont les défenseurs attitrés de
la tradition qui faisait de Basile un tout autre personnage que
celui dont nous parle le Porphyrogénète. A ce seul titre déjà,
les Chroniqueurs seraient du plus haut intérêt. Mais ils font
mieux encore. Ils nous expliquent les contradictions, les silences,
les embarras des panégyristes de Basile. Grâce à eux, nous
devinons quelques-uns des dessous de cette politique parfois
étrange et qui déroute, quelques-unes des raisons qui expli-
quent l'incompréhensible triomphe du fondateur de la maison
macédonienne. Certes, ils ne donnent pas à Michel des qualités
KTLDl-: CMUTIOLE DES 80LUCES \V
et des verliis qu'il serait cUlFicile de lui Uouver ; mais ils
toisent Basile ù sa juste grandeur en racontant sa vie morale,
ses meurtres, son mariage et en posant, d'une faeon sutfisam-
ment nette, le }3roblème terrible de la légitimité. En\ seuls,
en effet, affirment que Léon Vl naquil, non pas de Basile,
mais de Michel et de sa concubine Eudocie Ingérina, qu'il fut,
par conséquent, bâtard ainsi que toute sa descendance.
VI. La premièi'c chronique qui se présente à nous, par ordre
d'ancienneté, est celle qui a nom o La contuuiation de Théophane » .
Elle commence avec Léon V pour se terminer avec le règne de
Romain II. C'est donc l'histoire byzantine de SiS-gGi qu'elle
déroule devant nous : précisément l'époque qui nous occupe.
Six livres composent cette chronique *. Le quatrième contient
la (( Vie de Michel » ; le cinquième la « Vie de Basile ». De ce
dernier nous n'avons rien à dire ici puisque c'est la vie même
de Basile écrite par Constantin Porphyrogénète dont nous avons
déjà parlé. Le quatrième livre nous fournit de nombreux ren-
seignements sur la vie de Michel avant l'arrivée de Basile et sur
les événements qui le marquèrent : mais ces renseignements
doivent être vérifiés. D'un bout à l'autre du livre, l'auteur, en
effet, s'efforce d'abaisser Michel, de ternir sa réputation, de
montrer ses folies afin d'exalter Basile au point d'en faire
« riiomme nécessaire )> qui seul pourra mettre un terme à
une situation déplorable et inaugurer un règne réparateur.
Bien entendu, nous retrouvons dans ce livre la tactique adoptée
par Constantin et Genesios pour légitimer la conduite et les
meurtres de Basile. Les uns comme les autres s'efforcent de
prouver son innocence et sa vertu et de montrer qu'il était
ajipelé au trône par le vœu unanime de tous les sujets.
Avec la Continuation de Théophane nous quittons les amis
et les avocats de la famille macédonienne. Les chroniqueurs
dont nous allons maintenant dire quelques mots sont tous des
ennemis déclarés de Basile et comme tels, ils ne le ménagent
point, pas plus que sa famille. C'est l'autre son de cloche que
par eux nous entendons et, en vérité, l'un et l'autre nous
donnent des dissonances assez fortes. Malheureusement ces
chroniqueurs n'ont pas toute l'autorité qu'ils semblent de
I. Les quatre premiers livres sont l'œuvre d'un conleniporain de (\ons-
tanlin MI. Le sixième est postérieur. Il date probablement du rè^ne de
T/iiniscès ou fie Hasile II ( Uambaud, p. 7^'\'^-\^\{^).
\VI ETUDE CRITIQUE DES SOURCES
prime-abord avoir. Et cela pour deux raisons. D'abord, parce
qu'il est évident qu'ils sont, eux aussi, mais en sens inverse,
d'une partialité flagrante à l'égard de Basile ; puis, parce qu'ils
se copient les uns les autres sans aucune vergogne. Tel fait qui
pourrait à première vue, paraître confirmé par plusieurs témoi-
gnages, n'est, en réalité, avancé que par un seul auteur plu-
sieurs fois recopié sous des noms diftérents. Et c'est ce qui rend
aussi toute étude critique de cette époque si difficile, pour ne
pas dire impossible. Sur quels principes s'appuyer pour rejeter
une version plutôt qu'une autre ? Nous voyons que deux tradi-
tions parallèles existent dont l'une est perpétuellement opposée
à l'autre. Entre les deux, il n'est pas toujours possible de choisir
faute de renseignements impartiaux. On est donc, parfois,
forcément amené à se contenter de simples hypothèses.
VIL Comme Théophane, le chroniqueur Georges Moine,
dit yamartolos, le pécheur, qui termine sa chronique à la
mort de Michel III, vers 863, eut au x*" siècle d'assez nombreux
continuateurs. De sa chronique, telle qu'elle est arrivée jusqu'à
nous, c'est donc \asiiite anonyme qui nous intéresse. Elle raconte,
en eiTet, les règnes de Michel 111, de Basile et des Empereurs
byzantins, jusqu'en ()^S suivant quelques manuscrits, jusqu'en
1071, 1081. 11^3 suivant d'autres. Mais la partie la plus impor-
tante de cette continuation est la première, celle qui traite des
événements écoulés entre les années 8^2 et 9/48 ^ Elle fut
écrite, suivant la tradition paléographiqiie, au début du règne
de Mcéphorc Phocas. par un logothète dont le nom ne nous
est pas connu et qu'on a parfois assimilé au logothète et magister
Syméon. Dans son état actuel, la Continuation de Georges
Moine est représentée par quatre manuscrits. Les trois pre-
miers — Paris. Moscou. Munich — ont un texte presque
semblable. Le quatrième, celui du Vatican, s'éloigne sensible-
ment des autres, non pas. en vérité, dans les parties qui rap-
portent les mêmes événements, car celles-là sont tout à fait
semblables, mais il s'en éloigne par les renseignements assez
nombreux qu'il est seul à donner. Il est donc probable que
nous possédons deux rédactions de cette Continuation dont
aucune ne répond à la rédaction originale. Aucune, non plus,
probablement, ne fut écrite pour faire suite, de propos délibéré, à
I. KiMiml)n(lH'r. liyzmil. lAlicr.. p. .S.")'! •"»•">•
ETUDE CRITIQUE DES SOURCES XVII
la Chronique de Georges Moine. Elle se trouvèrent souciées l'une
à l'autre à une époque impossible à préciser. Du reste, entre
la Chronique de Georges Moine et sa Continuation tout diffère,
et il sufTit de les parcourir pour se rendre compte, par les évé-
nements qui sont racontés comme par ceux qui sont omis que
le rédacteur s'est très peu soucié de lier dans son récit les deux
Chroniques qui ne sont unies dans les manuscrits que par un
pur hasard. Quel est maintenant l'intérêt de cette chronique?
Comme nous l'avons dit. il est tout entier dans la tournure
d'esprit et dans les sympathies du chroniqueur. Chez lui, les
choses religieuses occupent une place très restreinte. Tandis
que chez Georges Moine, les querelles religieuses, les affaires
iconoclastes, par exemple, dominent tout le récit, chez le logo-
thète. au contraire, elles jouent un rôle très secondaire. Ce
n'est pas là qu'il faut aller chercher des renseignements bien
nombreux sur Photius et le schisme. Non. L'attention du chro-
niqueur est ailleurs. Elle se porte sur les intrigues de cour, sur
les machinations qui précèdent la chute des Empereurs, sur
tous les faits qui dessinent la physionomie d'un règne ou
d'une époque. Et tout cela est écrit avec beaucoup de détails,
d'exactitude et de clarté. Sans doute, l'auteur n'aime pas
Basile et ne se gêne pas pour dire ce qu'il en sait. Volontiers, il
serait plein .d'indulgence pour Michel dont il voile les fautes
et qu'il se garde bien d'injurier. Néanmoins, il semble relati-
vement impartial et juste et si. en vérité, il s'est parfois trompé,
d'une façon générale, cependant, on peut faire fonds sur ses
dires et accepter sinon toutes ses appréciations, du moins les
faits tels qu'il nous les raconte i.
YIII. A la chronique de Georges Moine, il faut ajouter
celle de Léon le Grammairien, car l'une et l'autre sont assez
proches parentes. Comme la plupart des chroniqueurs de
cette époque. Léon, après avoir retracé l'histoire du monde,
des origines à Léon Y. raconte les règnes d des plus récents
empereurs n, c'est-à-dire, qu'il ^a de Léon Y à la mort de
Romain L'. Or si dans la première partie de sa compilation,
Léon a largement puisé dans la Chronique de Georges Moine,
dans cette seconde partie, il copie purement et simplement la
continuation du chroniqueur, parfois mot à mot. parfois en
I. !lii-<cli. Hyyinr. SlndU'ii, p. .")- et sr(|.
XVIIl ETUDE CRITIQUE DES SOURCES
l'abrégeant. Il en résulte donc qu'au point de vue historique,
cette chronique est pour nous sans grand intérêts
I\. Sous le nom de Syméon Magister nous possédons une
chronique qui s'étend de l'avènement de Léon l'Arménien à l'avè-
nement deNicéphore Phocas. et qui fut vraisemblablement écrite
sous le règne de ce prince. Cette chronique, publiée d'après un
manuscrit de Paris, n'a rien à voir avec la véritable chronique
de Syméon Magister. Celle-ci. vaste compilation qui commence
aux origines du monde, pour s'arrêter à la mort de Romain
Lécapène, n'est pas encore publiée. C'est donc à un Pseudo-
Syméon que nous avons aff'aire. Comme la chronique de Léon
le Grammairien, l'œuvre de ce Syméon est étroitement appa-
rentée aux chroniques de Théophane et de Georges Moine. Les
auteurs ont, du reste, agi de la même façon. Ils copient textuel-
lement ou abrègent leurs prédécesseurs. Cependant Syméon a
connu d'autres sources. Il fait de nombreux emprunts à la chro-
nique du logothète. continuation de celle de Georges, qui devient
pour le règne de Michel et de Basile sa source principale : il
n'ignore nullement l'histoire de Genesios qu'il utilise beaucoup
à propos du règne de Michel; quand il le peut, il recueille les
sources orales qu'il trouve sur son chemin-. Mais est-ce à dire
pour autant que cette chronique ne laisse deviner aucune trace
de {Dcrsonnalitéi^ Bien au contraire. Le caractère et les opinions
du chroniqueur se découvrent assez facilement, malgré ses
plagiats. Très vite le lecteur se rend compte qu'il a affaire à
un homme au fond assez crédule qui croit à toutes sortes de
choses mystérieuses : songes et présages et qui raconte cela
fort sérieusement. Au surplus il a des haines violentes. Photius
surtout l'exaspère, lui qui est partisan du pafriarchc Ignace;
Basile comme Michel sont, de leur côté, loin de lui plaire et par
là se trouvent assez malmenés. Aussi, bien que les erreurs et les
préjugés aient dans sa chronique une place malheureusement
trop grande, le Pseudo-Syméon mérite-t-il cependant une étude
attentive. Indépendamment des questions de dates et des faits
empruntés à des sources que nous connaissons par
ailleurs, nous trouvons parfois chez lui des renseigne-
ments nouveaux (tel le portrait de Basile) ; surtout nous décou-
1. Hirsch, Byzant. Stiidien, p. loo.
2. Sym. Mag.. 17/. Mirfi. et Théo'l.. cli. \\\i\. p. 7,'^
ETUDE CUITIQUE DES SOURCES Xl\
vrons une attitude politique assez curieuse qui fut probablement
commandée par les affaires religieuses.
X. Enfin, avant de terminer celle élude sur les chroni-
queurs, il faut encore signaler le nom de Gedrenus. Ce chroni-
queur écrivit, probablement au début du xn" siècle, sa u o-'lvo?Li.ç
Ittoqiwv » ou histoire universelle qui va jusqu'en loô-j. Cette
œuvre n'a pas pour nous un grand intérêt parce qu'elle n'est
qu'une servile copie d'autres chroniques que nous connaissons
par ailleurs. Il en va. de même, du reste, des chroniqueurs
postérieurs.
II. — Livres JURmiouEs
Il est inutile de faire ici une critique des sources juridiques
qui peuvent servir à l'histoire des institutions byzantines du
règne de Basile P'. Ce sera, en effet, l'objet d'une bonne partie
du chapitre consacré à l'œuvre législative de l'Empereur.
Pour connaître la valeur et l'histoire du Prochiron et de l'Epa-
nagoge c'est donc au deuxième chapitre consacré à l'étude de
l'administration du règne que nous renvoyons.
Indépendamment de ces deux ouvrages de droit, nous
avons un document d'ordre législatif très intéressant à
signaler. C'est le Livre du Préfet « Tô è-apy.xov ^iQAoy »
publié en 1893 par M. Mcole d'après un manuscrit de Genève.
Ce texte capital pour l'histoire des institutions comptait à
l'origine un nombre de chapitres que nous ignorons, vingt-deux
étant seuls parvenus jusqu'à nous. L'Empereur dont il est ques-
tion dans cet ouvrage n'est autre que Léon \ I. ainsi que l'a
prouvé sans aucun doute possible M. Mcole dans la préface
donnée à son texte. Quant à la date exacte de sa composition,
nous l'ignorons. Le grand intérêt de ce « Livre « réside tout
entier dans le fait qu'il nous permet de connaître assez bien
quelles étaient les attributions et fonctions de l'éparche ; com-
ment se trouvaient groupés les divers corps de métiers de la
capitale: quelles étaient enfin les lois qui régissaient le com-
merce byzantin. Nous avons là une série de renseignements
que nous pouvons considérer comme officiels et datés,, par
les années mêmes du règne de Léon \ L avec une suffisante pré-
cision.
XX ETUDE CRITIQUE DES SOURCES
III. — Documents religieux
Le texte oificic^ des deux conciles tenus sous Basile est la
source principale qui nous fait connaître la grave afTaire de la
déposition de Photius et de son rétablissement postérieur,
comme la conduite politique de Basile en cette occurrence.
Grâce aux nombreuses pièces lues en séance, grâce aux interro-
gatoires adressés aux prévenus, aux discussions qui surgissent,
nous pouvons nous faire une idée des griefs imputés au
Patriarche, de la façon dont Rome et les légats comprirent et
traitèrent le schisme, de la conduite enfin de Basile en toute
cette affaire. Les lettres des Papes comme celles des ennemis
de Pholius complètent pour nous le dossier accusateur.
Malheureusement nous n'avons pour plaider la cause du
Patriarche qui de très rares documents et encore ces documents
— telles les lettres de Pholius lui-même — sont-ils plus que
sobres en renseignements précis. Le plus souvent les lettres de
Photius sont énigmatiques. vagues ou insignifiantes quand elles
ne sont pas une longue lamentation. En somme c'est le plus
souvent de la pure rhétorique. Très rares sont les exemples
contraires. On voit, en examinant de près les pièces favorables
que Photius eut pour lui un certain nombre d'adhérents recrutés
surtout, semble-t-il, dans le haut clergé et dans la noblesse de
cour, qu'il parait même avoir comjDté en son parti des person-
nages comme S. Euthyme le Jeune, mais nulle part nous ne
pouvons découvrir les raisons qui militaient en faveur de son
innocence personnelle ou en la justice de sa cause. Tandis que
le réquisitoire dressé contre lui, se présente à nous très serré et
très accablant, aucune voix indépendante ne s'élève pour parler
en sens contraire. Bien plus, qu'on écoute Rome ou
qu'on écoute Byzance, une chose paraît assurée, c'est, qu'en
somme, les amis les plus connus de Photius, Grégoire Asbestas,
Santabarenos, par exemple, ses partisans les plus actifs. Bardas
et Michel III n'étaient guère des personnages particulièrement
recommandables, présomption toujours grave contre un accusé.
Les vies de saints, à leur tour, et en tout premier lieu le
fameux panégyrique de S' Ignace parNicetas* David, évêque
I. On a essayé en ces dernières années d'enlever à Nicetas la loalcrnité de
celle œuvre pour l'attribuer à quelque auteur de beaucoup postérieur aux
ETUDE CRITIQUE DES SOUHCES XXI
de Dadybra en Paphlagonie vers 890, sont à des titres divers de
précieuses sources d'information. Nicétas est un partisan pas-
sionné d'Ignace, un fervent de Fortliodoxie, un ennemi
déclaré de Photius et de Basile. Il écrit sa vie du Patriarche
Ignace pour faire œuvre d'édification et de piété ^ à la façon de
ses autres panégyriques, sans doute vers la fin de sa vie car il
semble bien que lorsqu'il composa son œuvre tous les héros
de son histoire étaient morts jusque et y compris Santabarenos-.
Il connaît donc pour l'avoir vécue l'histoire qu'il nous rap-
porte : on le voit bien à certaines remarques personnelles. Ce
qu'il pardonne le moins à Basile comme aux légats, c'est de
n'avoir pas en SQ() terminé d'une façon définitive l'affaire du
schisme, d'avoir louvoyé et finalement d'avoir permis le retour
futur de Photius au pouvoir. Son panégyrique plein d'informa-
tions curieuses, de faits qu'en vain nous chercherions ailleurs,
doit donc être, malgré cela, étudié avec la plus grande précau-
tion. Naturellement, il passe sous silence tout ce pourrait être
défavorable à Ignace. Il glisse rapidement sur sa famille et ne
dit rien de la guerre de Bulgarie dans laquelle fut défait
Michel Rhangabe, ce qui amena l'insurrection de Léon. Néan-
moins, ce panégyrique abonde^en traits trop précis ; il est trop
révélateur d'un état d'âme ; il évoque avec trop de vie, de
couleur et de mouvement l'époque dont il s'est fait l'historien
pour que nous puissions n'en pas faire usage. A côté d'exa-
gérations manifestes et de violences de langage poussées
parfois très loin, mieux qu'aucun autre, il nous explique
l'enchaînement chronologique des choses, nous montre les
hommes agissant et nous renseigne sur divers points d'insti-
tutions ecclésiastiques. Bien plus, en somme, le parti pris une
fois mis à part, les faits qu'il nous raconte se présentent souvent
à nous, quand nous pouvons les contrôler, comme relative-
événements. M. Papadopoulos Kcrameus s'est [fait le champion de cette
théorie qui ne semble pas avoir son point d'appui sur des raisons pure-
•iiient critiques et scientifiques. Aussi a-t-il trouvé jusque parmi ses core-
ligionnaires des contradicteurs. M. Vasiljevskij, en eflet, a repris Tétude des
arguments de Papadopoulos Kerameus pour arriver à rendre d'une façon
définitive le panégyrique à Nicetas et au ix« siècle finissant. On trouvera
un résumé complet en allemand de la discussion qui s'est poursuivie en
grec et en russe, dans la Byzant. Zeitschrifl, W, 2G8-27G, igoo.
1. Vit. Ign., 5Co-5G5.
2. Ibid., 50^.
XXII ETUDE CRITIQUE DES SOURCES
ment exacts. Que nous comparions son récit à ia Jeltre de
Stylianos, un autre violent ennemi de Photius, à la version du
Liber Pontificalis , à celle d'Anastase le Bibliothécaire et aux
lettres des Papes, aux délibérations du Concile Qt au récit
des chroniqueurs, nous finissons par reconnaître en tous ces
documents un fonds commun de faits et de jugements qui
semblent bien définitivement acquis.
Quant aux autres vies de saints, nous avons essayé d'en
faire l'usage qu'elles méritent. Gritiquement étudiées, ces
œuvres de louange et de piélé peuvent apporter à l'historien
d'instructifs détails, non pas, eu géiu''ral, sur les affaires politi-
ques et religieuses de l'époque qu'elles ignorent ou déforment,
mais sur les institutions civiles et ecclésiastiques. Il est bien
certain que lorsqu'un hagiographe nous rapporte, à l'occasion,
soit d'un miracle, soit d'un fait quelconque, le titre, la fonction
d'un personnage, lorsqu'il cite telle inslitution monacale ou
administrative, lorsqu'il souligne tel trait de mœurs pris dans
la vie quotidienne, toutes choses en soi sans corrélation avec
son but apologétique et parénétique. il y a tout lieu de croire qu'il
dit vrai et que son témoignage vaut pour l'époque où il écril.
Enfin, il est un document historico-religieux de trop grande
importance pour que nous puissions ici le passer sous silence.
C'est la fameuse préface écrite par Anastase en tête des actes dn
Concile de 869 pour éclairer le Pape. Ce document auquel il
faut joindre les notices du Liber Ponllficalis, écrites probable-
ment sous sa dictée, sinon par la plume du fameux bibliothé
caire, sont à utiliser, mais avec la réserve que comporte l'histoire
même d'Anastase. En écrivant sa Préface, en faisant composer
ses vies de Nicolas I*' et d'Hadrien II, il laisse — nous le remar-
querons — percer toutes ses préventions, il arrange les choses
à sa façon. De plus, il ne faut pas oublier que ses écrits sont
destinés à relever l'autorité et le prestige du Pape. Tout cela
fait que ces documents ne sont pas toujours très exacts et sont
toujours très partiaux.
IV. DOCLMENTS DIVERS
Parmi les documenis que nous avons utilisés le plus souvent
et ([ui onl besoin d'un éclaircissement, il en est trois à signaler.
ETUDE CRITIQUE DES SOURCES XXIU
Nous faisons plus d'une fois usage d'une pièce de vers publiée
par M. Brinkmann en tête de son texte d'Alexandre de Lyco
polis sur les Manichéens. De l'œuvre d'Alexandre, nous n'avons
rien à dire : elle paraît être du iv*' siècle^ ; mais Photius en
faisait le plus grand cas et c'est sans doute lui qui réédita
l'œuvre d'Alexandre à l'époque des guerres de Basile contre les
Pauliciens. entre 869 et 871, ety ajouta les vers qui la précèdent.
C'est une œuvre de flatterie destinée à exalter la piété, la
magnanimité, la grandeur de Basile et à le féliciter de combattre
les Manichéens-. Ces vers firent probablement partie de cette
littérature adulatrice que, durant son exil, Photius employa
comme moyen de revenir au pouvoir^.
A ce genre se rattachent les exhortations de Basile à Léon,
œuvre de piété et de savante flatterie, probablement écrites par
Photius comme tendrait à le prouver l'étroite parenté qui unit
cette œuvre à la lettre authentique du Patriarche adressée au
prince de Bulgarie. Avis, conseils, exhortations sont les mêmes,
même idée aussi de la grandeur royale, des devoirs qu'elle
impose, des droits qu'elle confère. Ces exhortations sont arri-
vées jusqu'à nous en deux recensions diff'érentes, identiques
quant au fond, mais lune plus développée que l'autre. Lapins
longue est divisée en 66 paragraphes réunis les uns aux autres
par un acrostiche.
Enfin le troisième document dont nous avons fait usage et
qui est sujet à quelque discussion est la fameuse « Taktike » de
Léon VI. Zachariae l'avait enlevée à Léon VI pour en donner la
paternité à Léon l'Isaurien. M. Mitard, dans un article de
la Byzantinische Zeitschrift très intéressant, a apporté un
certain nombre d'arguments qui paraissent assez solides en
faveur de l'attribution traditionnelle. Du reste, en soi, cela
n'est pas de grande importance. Comme le faisait remarquer
dernièrement M. Vari, les règles et ordonnances stratégiques
n'ont jamais varié dans l'essentiel de leur contenu. Ce sont
surtout les termes qui se modifiaient. Or, il semble bien, qu'en
son ensemble, la terminologie de la Taktike est semblable à
celle des autres sources du x" siècle, surtout au Livre des Céré-
monies, spécialement dans le Clétorologe.
1. BatifFol, Anciennes littéral, chrét. La littéral, grecque, p. i3i^
2. Brinkmann, vers 31.5-217.
3. Ibid., p. XXIX.
SOURCES'
Anastase le Bibliothécaire : Préface au Vll^' concile (Mansi, XVI, p. i.
Migne, P. L. CXXIX')-
Anonyme de Gombefis : Chronographica nairatio ( Anonym. Conibef. Migne,
P. G., CVIII).
Basile I. Basilii imperatoris Romanoram exhortatioimm capita sexaginta sex
ad Leonem filium {Exhort. Migne, P. (i., t. CVII).
Basilicoruni Libri LX (Ed. Ernsl Heimbach, Leipzig, 1883-70, 6 vol.).
Basilii notilia (in Georges de Chypre, Edit. Gelzcr, p. 37).
Beh.nard le Moine. Itinéraire (Molinier, Itinera Ilierosolit., 1879).
B(*:cKH. Corpus insrriptionuni grcTcariim (Inscriptiones christianœ, t. ^ ).
Brinkmann. Alexandri Lycopolitani contra Manichœi opiniones disputatio
(Leipzig, 1895).
Cedrenus. Compendium historiarum (Cedren., Migne, P. (t., CWI).
CoDiNUS. De officiis et officialibus Magnœ Ecries, et nulœ Cpolitanœ
(Migne, P. G., CLVII).
CoNSTA>TiN VII Porphyrogknète. IHstoria de vita et rébus gestis Basilii
inclyti imperatoris {Vit. Basil. Migne, P. G., CIX).
— De Cerimoniis aulœ byzantinœ (Cerem. Migne, P. G., CXII).
— De rfieniatibus (De Them. Migne, P. (i., t. CMII).
— De Adniinistrando imperio (De adm. Migne, P. G., CXIII).
Constantin le Rhodien. Description des Saints Apôtres (Ed. Legrand-Rei-
nach, Revue des Etudes grecques, IX, 1896).
Ecloga Leonis et Constantini (Ed. Zacharia? von Lingenthal, in Collectio
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Edrisi fTraduct. Jaubert, Paris, i84o).
Epanagoge legis Basilii et Leonis et Alexandri (Ed. Zacliariie von Lingen-
thal, Leipzig, 1802, in Collectio librorum juris grœco-romani inedi
torum).
Eucfiologion (Ed. Goar. Paris, 1647).
— Ed. Dniitrijevskij (Kiev, 1901).
Genesios. Historia de rébus constantinopolitanis (Gènes. Migne, P. (1., CIX).
Georges de Chypre. Descriptio orbis romani (Ed. Gelzer, Leipzig, 1890).
(lEORGEs Le Moine Continué (Georg. M. C. Migne, P. G., C\).
I. Nous iii(li(|uoiis, entre parenthèse, les abréviations les phis courantes dont
nous nous sommes servis; à moins trindicatioii contraire nous citons toujours
d'après la Patrologie de Migne. Nous traduisons les titres des ouvrages russes
consultés.
I
SOURCES XXV
Hadriani II Papœ Episiolœ (Mansi, XV, 819 et Migne, P. L., CXXII).
Heorlologion byzantinon (Ed. Gédéon, Constantinoplo, iqoS).
Ibn Houdadbi:h. Le Livre des routes et des provinces (Ed. de Gœje, Biblio-
Iheca Geographorum arabicoriim. Pars VI, Leyde, 1889) et lîarbier de
Mcynard, Journal asiatique (VP série, t. V, i865).
Joannis VIH Papœ Epistolœ (URnsi, XVIP, XVIII»; Migne, P. L., GXXVI.
Neues Archiv., t. V, 1879, Ewald, Die Papstbriefe der Brittischen Samni-
lung).
Juris ecclesiastici grœcorum monumenta (Ed. Pitra, Paris, i8/i6-i868, a vol.).
Juris orientalis libri III (Ed. Boiicfidius, Paris, 1073).
Juris grœco-romani tam canonici quant civllis tomi duo (Ed. Leunclavius,
Francfort, 1596).
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BASILE I
ET
L'EMPIRE BYZANTIN A LA FIN DU W SIECLE
LIVRE I
CHAPITRE PREMIER
LEMPlllE B\ZAMI>, DE LA MORT DE THÉOPHILE A LA RETRAITE
DE TIIÉODORA (842-846).
Le 20 janvier 84:^, un long cortège conduisait aux SS. Apôtres
les restes de l'Empereur Théophile qui venait de mourir de la
dysenterie, laissant pour unique héritier un enfant âgé de trois
ans^. Malgré ses fautes et ses erreurs, le règne de Théophile
n'avait manqué ni de grandeur, ni d'éclat. Il s'en allait laissant
à sa femme Théodora et à son fils Michel un pouvoir fort et res-
pecté, des finances prospères, une administration sage et réglée
et la paix aux frontières de TEmpire. Une seule question sérieuse
était demeurée sans solution, question toujours grosse de dilTi-
cullés et d'orages, voire même de révolutions : la question reli-
gieuse. Eranchement, ouvertement, Théophile avait été icono-
claste et, au dire des chroniqueurs, cruel dans la persécution.
Le clergé orthodoxe — les moines surtout — eut à souffrir
pour sa foi. Evêques, prêtres et religieux furent chassés de leurs
églises et de leurs monastères, envoyés en exil, torturés, mis
à mort. Sur le trône patriarcal, l'Empereur avait fait monter
un homme tout dévoué à ses croyances, intelligent et inslruil,
1. Tlicopli. Coiil., 17/. Midi., th. m., p. l'n
2 BASILE I
mais de mauvaise réputation : le patriarche Jean et tout cela,
semble-t-il, contre le vœu des populations qui restaient secrè-
tement atlacliées au culte des images. Là était pour la régente
et son fils le point noir de la situation et le véritable danger.
L'Impératrice (jui prenait, à cette heure, les rênes du gou-
vernement était une femme de tête : intelligente, capable de
grands desseins et d'audacieux projets qu'elle savait réaliser,
avant tout habile administratrice. Née d'une famille de fonc-
tionnaires paphlagoniens, elle avait épousé, peu après la mort
de Michel II d'Amorion, le jeune Empereur Théophile ^ Tout
entière à ses devoirs d'épouse et de mère, elle ne semble pas
avoir joué grand rôle politique du vivant de son mari qui, sans
doute du reste, ne l'eût pas toléré ; mais elle dut observer et,
tenace comme elle Tétait, profiter des leçons qu'elle pouvait
recueillir au fond de son gynécée impérial. Personne n'ignorait,
en effet, que Théodoia comme sa famille était restée fidèle
(( iconodoule ». Théophile lui-même savait que sa femme pos-
sédait des icônes qu'elle vénérait et baisait en secret- : il n'igno-
rait pas même qu'elle élevait avec soin ses enfants dans l'amour
du culte défendu, et qu'en cela, elle était aidée par sa belle-
mère elle-même, l'impératrice Euphrosyne. Il s'en fâchait :
interdisait les visites au monastère de Gastria -^ : jurait de punir
sévèrement les transgresseurs de ses lois ; mais c'était bien eji
vain. Les images continuaient à être honorées au palais impé-
rial, grâce à riiabileté de Théodora, qui, patiemment, attendit
des jours meilleurs.
Déjà aussi apparaissait chez l'impératrice, si du moins il faut
en croire les chroniqueurs, ce goût pour les spéculations finan-
cières et ce perpétuel souci d'augmenter sa fortune qui fut un
des traits caractéristiques de son gouvernement. La légende
rapporte même, qu'elle avait des bâtiments de commerce qui
sillonnaient les mers à son profit et qu'un jour. Théophile
apprit à son grand étonnement qu'un magnifique vaisseau qui
venait d'entrer dans le port et qu'il a\ait remarqué était la
I. Theoph. Goni., Vit. Theopli., ch. v, p. lo; ; Syiii. Mag., ibid., cli. i.
p. 685 ; Georg. Moine, col. 1008.
3. Theoph. Coni.. ibid., ch. v, p. ioA-io5 ; Syiii. Mag., ibid., ch. vi, p. 689;
Cedrenus, i, col. 988-989.
3. Theoph. Cont., ibid., ch. v, p. 10^ io5 ; Syni. \hig., ibid., cli. m, G89 ;
Cedrenus, i. col. 988-989.
i;i 1. KMPIUE BVZAMIN .>
possession de la Basilissa elle-même. Celait là pour un B\zantin
une inconcevable dérogalion à la dignilé impériale. Il se rendit
donc le lendemain au port, fît décharger le navire et ordonna,
à la grande colère de Théodora qui fut pour ce fait sévèrement
admoneslée, de melire le l'eu à la cargaison, o Jamais jusqu'ici,
dit-il, on n'avait vu un empereur romain faire métier de négo-
ciànl^ ». Vraie ou fausse, cette histoire peint en pieds l'impéra-
Irice qui allait, durant près de quinze ans, gouverner l'Empire
comme tutrice de Michel 111.
Aces rares qualités de l'intelligence, Théodora joignait aussi
celles du cœur. Très attachée à son mari qu'elle pleura et
regretta longtemps, on la vit, dès les premiers jours de son gou
vernemenl. liésiter entre la sagesse politique et les promesses
qu'elle avait faites à Théophile à l'heure de sa mort. Son souve-
nir l'accompagna au-delà de la tombe et c'est un spectacle bien
byzantin que celui de cette femme, maîtresse du plus grand
empire alors existant, s'humilier devant de pauvres moines
comme devant de puissants évéques pour obtenir de ceux a qui
détiennent sur terre les clefs du paradis » la rémission des
fautes terrestres de son impérial époux. On essaya bien, en
vérité, de jeter plus tard sur la conduite de la veuve quelques
légers soupçons ; mais quand on songe à la facilité avec
laquelle les chroniqueurs racontent tous les bruits qui circu-
laient de leur temps sur les mœurs privées des souverains,
quand on songe, par ailleurs, à la conduite de la plupart des
basilissai qui s'assirent sur le trône impérial, de la première
Théodora à Zoé en passant par Théophano. on ])eut négliger,
ce semble, ces racontages intéressés pour reconnaître, qu'en
somme, la femme de Théophile resta fidèle à la mémoire de
son époux. Du reste. Théodora était trop lière de caractère, trop
religieuse aussi pour s'abaisser ainsi à de vulgaires amours. On
le vit bien à la mort de Théoctistos, son premier ministre.
Autoritaire et vindicative, sa colère fut grande contre les meur-
triers, car elle se rendait com|)te que par derrière l'autorité du
ministre cpi'on brisait, c'était la sienne jiropre qu'on attaquait.
Comme une fois déjà, à propos du patriarche Jean, elle ne
I. Cedreiius, p. 985. Tlicopli. (.'ont. lit. Tlieoph., i\, loi-io^. Cette histoire
a un intérêt tout particulier parce qu'elle tend à montrer qu'aux débuts
du IX" s. le monopole de l'Etat sur la vente du blé élabli par Jusiinien,
élait alors tondx' en désuétude.
^ BASILE I
recula pas dc\aiit les moyens violents pour perdre son i'rère
Bardas ; mais quand elle vit qu'il était inutile de résister, elle
descendit noblement du trône, ne voulant pas troubler davan-
tage l'Empire et voir, à cause d'elle, couler le sang de ses pro-
pres sujets ^
A côté de l'Impératrice, Théophile mourant avait eu soin de
placer un conseil de tutelle. Sans doute la situation générale
était assez bonne et l'empire suffisamment affermi pour qu'on
n'eut pas à craindre les agitations révolutionnaires qui. d'ordi-
naire, troublaient si profondément à Byzance toutes les mino-
rités. ^éanmoins. Théophile avait pris ses précautions. Avant
sa mort, il avait demandé solennellement au Sénat et à tous
les grands dignitaires de la cour de reconnaître la régence de
sa femme et de respecter l'enfance de son fds, comme aussi de
continuer à proscrire les images et de maintenir Jean sur le
trône patriarcal. Mais cela ne pouvait — et à juste titre — lui
paraître suffisant. Il choisit donc son premier ministre, le
logothètc Théoctistos_, le magistros Manuel, et Bardas, frère- de
la régente, pour aider Théodora, la diriger dans le maniement
des affaires de l'Etat et l'empêcher^, comme il le pressentait, de
donner à ta politique de la maison phrygienne une nouvelle
direction. La jeune Impératrice pouvait cependant se passer de
conseillers. Elle était assez intelligente et assez habile pour gou-
Acrner toute seule. Elle le prouva bientôt. Du reste. Tliéoctistos
était un homme médiocre. Général infortuné, il n'était guère
plus heureux diplomate : mais c était un souple instrument
entre les mains de la régente. Elle le garda donc et rapidement
sa fortune alla grandissant. Fidèle à l'impératrice, celle-ci pou-
vait agir par elle-même, sûre qu'il n'entraverait pas ses des-
seins et qu'il approuverait tous ses actes ; aussi, malgré les
colères et les haines que ses défaites répétées et en Crète et en
Asie-Mineure lui avaient justement méritées à Constantinople,
Théodora conserva-t-elle son logothète et s'appuya-t-elle cons-
I. Thcoph. Coiit.j Mt. Midi, \x, p. i83 ; Sjiii. Mag., \iii, p. 720; Cedrcnus,
p. io44-
'2. Theoph. Cont., Ml. Mich., i, p. i64 ; (îcnesios et Cedrcnus ne nom-
ment pas Bardas ; mais à voir l'importance de son rôle au début du règne
de Michel, il semble bien que la continuation de Theophane a raison de le
nommer parmi les tuteurs dujeune souAcrain. LaChroni([uc dite de Siméon
Ma^nst., f.éon Granun., (leorg. Moin(^ Tonl même mourir Manuel avant
Théophile.
ET L EMPIRE BYZANTIN
tammcnt sur lui. De conseiller, il devint confident et tandis que
les autres tuteurs de Michel, plus gênants par leurs capacités
mêmes, se voyaient relégués au secoud plan, Théoctistos, lui,
entrait si bien et si à fond dans rartection de la régente que le
jourviid où sa présence continuelle à la cour fut jugée néces-
saire. Des appartements spéciaux lui furent réservés, une garde
lui fut donnée et sa faveur s'étala assez ostensiblement pour
que les méchantes langues fissent courir le bruit qu'une union
illicite s'ébauchait entre l'impératrice et son premier ministre,
prélude, évidemment, d'un mariage qui donnerait le trône à
Théoctistos au détriment du souverain légitime ^
On ne comprendrait guère cette imméritée faveur donnée à
Théoctistos par une femme aussi clairvoyante que l'était Théo-
dora sans l'hypothèse qu'elle y trouvait son avantage pour
gouverner plus librement. Car si Théoctistos était un incapable,
toujours prêt à approuver, certes il n'en allait pas de même
du magistros Manuel. Sous le règne de Théophile, il s'était
couvert de gloire dans les campagnes militaires qu'entreprit
l'Empereur contre les Perses et les Sarrasins. Par deux fois, il
avait sauvé son maître'-, grâce à sa valeur et à son énergie, et
il avait donné aussi trop de preuves de son dévouement à
l'ordre établi pour être suspecté d'ambitions impériales. Déjà
âgé quand Théophile mourut, il avait courageusement refusé
la couronne que le peuple, par ses acclamations, voulut lui
offrir^ et sa parenté avec Théodora devait, ce semble, lui ouvrir
toutes grandes les portes du palais. Ce fut cependant, le con-
traire qui arriva. Seul, il résista d'abord au désir qu'avait
l'impératrice de rétablir les images^ et, peut-être bien, faut-il
voir là la raison de sa retraite presque immédiate. Tandis que
l'influence de Théoctistos grandissait, la sienne diminuait. Le
premier, il dut quitter la cour pour aller habiter sa maison
près de la citerne d'Aspar et ne vint plus au palais que lorsque
les affaires de l'Etat le réclamaient. Sa demi-disgràce dura
jusqu'à sa mort qui précéda celle de Pétronas à très courte
distance 5.
1. Theoph. Cont., Vit. Mich., ch. xix, p. i84. Genesios, iioi.
2. Lebeau, Histoire du Bas Empire, xiv, p. 472 et 493.
3. Cedreiius, 1024. Genesios, p. 1089.
A. Cedicnus, 1024 ; Tlieoph. Cont., Vit. Mich., i, p. i04 ; Genesios, 1092.
5. Theoph. Cont., Vit. Midi., xviii, p. i84; xxv, p. i97,Cedrenus, io4o, io4i,
1049; Genesios, iioi. Il accompagna cependant Miciiel dans sa caiiipagne
b BASILE I
Mais rhommc qui. bientôt, allait devenir le Aral maître de
l'Enlpire était le frère de l'impératrice. Bardas. Par l'intelli-
gence, Bardas était supérieur à tous ceux qui l'entouraient. Ses
ennemis eux-mêmes s'accordent à reconnaître en lui ' un habile
diplomate, très versé dans les afïaires. très au fait de l'admi-
nistration, énergique et volontaire à l'égard de sa sœur. Les
qualités militaires lui manquaient, en vérité ; mais il avait pour
le servir son propre frère. Pétionas -, et plus tard son fils,
Antigone, qu'il créa domestique des scholes -^ l'un et l'autre,
sans doute, destinés à l'aider dans ses ambitieux projets. Mal-
heureusement, si brillantes que fussent ces qualités, elles étaient
gâtées et neutralisées par une com[)lète absence de sciupule
moral et c'est ce qui le perdit. De bonne heure son plan fut
probablement arrêté. Laissant à Théoctistos le soin de se perdre
en allant sur les champs de bataille i-ecueillir des défaites et à
Pétronas le soin de lui prépaier, par Tannée, le chemin du
trône, il résolut de s'insinuer dans l'espjit de son faible neveu
en flattant ses instincts mauvais et sa vanité d'adolescent. Lui
aussi fut jugé gênant au début de la régence et exilé de la cour;
mais il avait des moyens d'arriver à l'oreille de l'enfant et.
par l'intermédiaire de son ami Damianos *, il renti*a peu à peu
en faveurs et revint à la coui'. Dès lors la voie était pour lui
tout indiquée. Il fallait évincer Théoctistos et Théodora, décla-
rer Michel, majeur, et [)rendre la place delà régente pour de
là se hisser sur le trône. Peut-être l^aidas aurait-il réussi dans
son dessein si, d'une part, il n'avait trouvé sur sa route le
jeune paysan qui allait être Basile l^', et si, de l'autre, il ne
s'était pas aliéné beaucoup de sympathies par son immoralité
même. Car sa sage administration — en dehors toutefois de la
question financière — son amour de la justice^, son zèle pour
les choses de l'esprit ** ne pouvaient pas contrebalancer l'impres-
d' Asie en 858 et le sauva du uiilieu des ennoniis. (Th. Gont., ] //. Mich.,
ch. XXIV, 19S, XXV, 197.)
1. Vit. Ignat., p. 5o4.
2. Gcdrenus, lo^o et io48 ; Theopb. Coni., Vil. Mich., \vi, 181.
3. Theoph. Gont., Vit. Mich., \xv, 198 ; Sym. Mao-., xxni, 726 ; (îeorg.
Moine, 1049.
\. Sym. Mag., xui, 730 ; Léon Gramni., 1068 ; Georg. Moine, igAô.
5. Gedrenus, p. io56. Theoph. Gont., Vit. Mich., xxx, 308.
6. Gedren., p. io.'i9-io53. Geiiesios, luC) ; Theoph. Gonl., Vil. Mich., xxvi,
p. 200.
Il I KMPIRE BYZANTIN -
sion fàcheiiso que raisaioul dans tous les milieux ses relations
avec sa propre belle-tîlie, comme la persécution odieuse qu'il
souleva contre le vénéré patriarche Ignace. Néanmoins, grâce
à son habileté et à sa perfidie, au moment où Basile le Macé-
donien apparaît à la cour, Bardas est sur le chemin du trône et
sappréle à renverser sa sœur l'Impératrice de concert avec son
neveu Michel.
S'il est un reproche qu'on peut adresser à Théodora c'est bien
celui d'avoir étrangement négligé, semble-fil, l'éducation morale
de son fils. De bonne heure, elle le confia à un pédagogue taré *
qui n'eut pas de peine à éveiller tous les mauvais instincts d'un
enfant qui. naturellement déjà, n'avait guère de qualités. La
légende, en vérité, raconte bien que l'Impératrice fit venir à
Constantinople pour le donner comme compagnon à son fils,
le futur apôtre des Slaves. Constantin-Cyrille : mais outre que le
fait paraît très invraisemblable -, ce n'est pas la compagnie de
ce pieux et chaste jeune homme qui aurait pu contrebalancer
les détestables leçons de ses maîtres et les exemples plus déplo-
rables encore des jeunes gens qui entouraient Michel. De bonne
heure, en eftet, tout un groupe de « jjLaAaxo'. n s'attacha aux pas
du souverain et flatta ses plus basses passions. Faible et insou-
ciant par nature, il préférait les chevaux, les jeux, la chasse,
au dur travail qui devait le préparer à continuer l'œuvre de sa
mère-^ L'hippodrome avait pour lui des charmes tout particu-
liers et. jusqu'à son dernier jour, on put revoir à Byzance les
scènes scandaleuses qui déshonorèrent la Rome de Néron : un
empereur conduisant des chars aux cris de joie de l'assistance
et faisant des cochers et des lutteurs en renom son habituelle
compagnie. Naturellement ses mœurs privées étaient au niveau
de ses occupations favorites. Dès l'âge de quatorze à quinze ans
environ, il avait, indépendamment de son cortège de favoris,
ime maîtresse qui. plus tard, devint célèbre en montant sur le
trône : Eudocie, Ingerina. Théodora, pour rompre cette union
illicite, dut, sur l'avis de Théoctistos, marier au plus vite son
fils avec une autre jeune fille de meilleure réputation : Eudocie,
1. Thcoph. Conl., l //. Midi., \i\, i84 ; Ccdrcnus, lo'ti.
3. Kn 8^3, en ofTet, Constantin avait déjà une quinzaine d'années environ.
(Marlinov, Rev. des Quest. Ilist., juillet l88^, p. i^a, note a).
3. Cedrenus, io44 ; Geor^*^. Moine, 1087; Sym. Mag., ix. p. 710; \iv, 7'io.
Tlieoph. Cont.. } it. }firh.. wt. j). iSr)-i88. l<éon (îrannn.. ]). loCti,
BASILE
fillc (lu Décapolite ^ ; mais, pour autant. Michel ne fut pas
assagi. Ses nuits de débauche contiiiuèrent comme par le passé,
Il s'enivrait jusqu'au matin, parodiait avec ses amis Gryllos,
Théophile et autres les cérémonies religieuses qu'il transfor
mait en scènes ordurières, puis, allait courir, nuitamment, les
rues de Byzance pour effrayer de paisibles passants. Le jour
même, on le voyait parfois escorté de ceux qu'il appelait a ses
évêques et ses métropolitains » odieusement travestis, partir à
la rencontre des processions religieuses, jeter le trouble et le
scandale parmi les fidèles, disperser et maltraiter les groupes
pieux à la tête desquels se trouvait le patriarche. D'autres fois,
au contraire, il se plaisait à arrêter de pauvres femmes et « pour
faire comme le Christ » les obligeait à le recevoir à dîner ^.
Telle était cette cour de Byzance aux environs de 856. Sauf
Théoctistos qui se trouvait être un étranger, les autres membres
du gouvernement central étaient tous — chose très remarquable
— parents de Théodora. Manuel était son oncle, Bardas et Pétro-
nas, ses frères, Antigone. son neveu, Théophylitzès, un des
plus grands seigneurs de TEmpire, son cousin^. Il ne pouvait
guère se faire, dans de telles conditions, que des compétitions
nombreuses ne se produisissent pas, qui fatalement devaient
enrayer la bonne administration de l'Empire. Et c'est de fait ce
qui arriva. Dès le premier jour de la régence de Théodora, la
lutte s'engagea entre ces frères ennemis et se poursuivit jusqu'à
la retraite de l'Impératrice. Théoctistos tout-puissant n'eut rien
de plus pressé que d'éloigner Manuel, Bardas, Pétronas pour
gouverner seul avec la régente ; puis, insensiblement, les ambi-
tieux essayèrent de rentrer en grâce et Bardas, en s'appuyant
sur son neveu, tout comme Théoctistos s'appuyait sur Théo-
dora, finit par être assez puissant pour, à son tour, évincer
Théoctistos jusqu'au moment où, de la même manière, Basile
le supplantera définitivement. Cependant Théodora fut assez
forte pour brider, durant quelques années, cette anarchie inté-
1. Georg. Moine, 1087 ; Sym. Mag., ix, 716,. Léon Gramm., 1061. Nous
connaissons un questeur qui porta le même nom, Théodore Décapolite à
l'époque de Constantin Ml.
2. Vit. Ignat., p. 528 ; Vit. Basil., xx et xxi, p. 207-260 et seq., Sym. Mag.,
xvn et seq., p. 721 et seq. Le souvenir de ces débauches frappa si fort les
contemporains que le souvenir en est arrivé jusqu'au Concile de 870, can. iG
(Mansi, xvi, p. 1O9).
'^. Vit. Basil., \, 2.'|0.
Il 1 IMPIIIK inZANTIN ()
rioiiro cl. soit au dedans, soil au dehors, accomplir quelques
grandes choses.
Au-dessous du pouvoir central, leprcscjité par Tiiéodora et
son conseil, et qui était ahsolu, un seul grand corps mérite
d'elre mentionne parce que nous le voyons fonctionner assez
régulièrement à cette époque : c'est le sénat. Qu'était le sénat?
Comment se recrutait-il? Ce nest pas ici le lieu de le rechercher.
Qu'il sulïise de dire que les historiens le mentionnent assez
IVéquemment et par le rôle qu'il joue nous pouvons conjec-
turer que son influence était grande. Comme par le passé, il
devait approuver l'élection de l'Empereur et celle du patriarche ^
entériner ses ordonnances, siéger dans toutes les grandes
affaires civiles et religieuses -. Sous Théodora et Basile, il
paraît avoir eu aussi un droit de contrôle sur les finances
comme sur les dépenses de la cour "^ ; mais comme autrefois à
Rome, jamais il ne fut à Byzance assez puissant pour contre-
balancer l'absolutisme impérial quand le pouvoir était entre
de fermes mains. Le seul fait que Théodora se préoccupa dans
le rétablissement des images de l'opinion du sénat, mais pour
passer outre, prouve tout à la fois que si ce n'était point là
un corps purement honorifique, ce n'était point non plus une
institution très puissante, capable d'imposer sa volonté et, à
loccasion, de faire une révolution. De sa grandeur passée, il
gardait certains privilèges et certains honneurs, mais pas d'au-
torité effective.
II
Dès que le pouvoir de Théodora fut légalement i-cconnu par
la noble proclamai ion du magistros Manuel, au cirque, le
lendemain de la mort de Théophile, tranquillisée dès lors par
le calme momentané des esprits, ses regards se portèrent sur
1. Goncsios, 1117; Syni Ma<r., \iii, 7'io ; Georg. Moiiio, io'|8 ; Léon
Gramni., 10G9.
2. Gencsios, 1097; Georg. Moine, 1008; I^éon Granini., io'|o;Mansi,
Sacrosancta Concilia, t. \VI, 19 et 20; i34. Zonaras, Migne, 1. GXXXV,
p. II.
3. Gedrenus, loi'i ; Theoph. Gont., Vit. Mich., \\, i85 ; Vit. Basil.,
NWIH. 2-'?.
lO BASILE 1
la question religieuse qui seule divisait, à eetle heure, ses sujets.
Elle comprit bien vite que l'Empire avait besoin de repos et
d'unité morale pour faire face aux ennemis du dehors : sarra-
sins, slaves, bulgares, qui le menaçaient à l'extérieur, et conti-
nuer sa marche civilisatrice. Or, il n'y avait qu'une solution
possible au problème : c'était le rétablissement des images et
le rappel des exilés. Personnellement favorable à l'orthodoxie,
elle savait aussi que Théoctistos comme Bardas étaient gagnés
à ses vues^. Elle hésita cependant Le souvenir de son époux
et des promesses que. disait la rumeur publique, elle lui avait
faites à son lit de mort de ne jamais rétablir le culte des images
et de maintenir toujours sur le trône le patriarche Jean la
hantait, moins cependant peut-être, que l'inconnu dans lequel
elle allait se précipiter. Car si le conseil de régence que Théo-
phile lui aAait donné était favorable à ses projets, — sauf
Manuel — elle devait compter néanmoins avec le sénat, beau-
coup de hauts fonctionnaires, des évéques, le patriarche sur-
tout, adroit et tenace, qui tous attachés à l'hérésie ne céderaient
pas facilement-. Finalement, toutefois, guidée par son instinct
politique, comme par le sentiment populaire, dès le 1 1 mars 843,
elle proclama solennellement la fin du schisme et rappela les
exilés^. Cette première mesure réussit pleinement. Les troubles
qu'elle pouvait faire naître n'eurent pas lieu. Seul, Jean fut
enfermé dans un monastère j)our y finir ses jours et Théodora
lui donna un successeur en la personne de Méthode ^
Enhardie par ce premier succès qui fortifiait son pouvoir,
Théodora voulut mettre un terme à toutes les agitations reli-
gieuses qui ne cessaient de renaître sous une forme ou sous
une autre dans ses Etats. Elle décida donc la conversion par
la persuasion ou par la force des Pauliciens et des Zeliks (nou-
velle secte qui ne faisait que de naître)^. Malheureusement le
1. Gedrenus, 1024 ; Georg. Moino, 1029 ; Sym. Mag., i, 708; Gonosios, 1089;
Léon Gramm., 1061.
2. Gedrenus, I025. « xaTaTTpo^h.v tï,; Iov?,; xal rr,; |ia3iAs{a; è'v.ztoj^'.v » :
Theoph. Cont., Vit. MicJu, 11, 164.
3. De Boor, Byz. Zeit., iv, iSgS, p. 449-453.
4. Gedrenus, 1028; Georg. Moine, 1029-1032 ; Theoph. Gont., Vil. Midi., iir.
i65 ; Sym. Mag., ni, 713 ; Genesios, 1096; Léon Gramm., 1061.
5. Genesios, iioo ; Theoph. Gont., Vit. Mich.,\u, 176; Sym. Mag., m, 71G.
Peut-être n'était-ce même qu'un autre nom des Pauliciens. Gf. Art. Friedrich,
Sit:ungsl)erichte der bny. Akad., 1896, p. G-.
ET L EMPIRE BYZANTIN I l
résultat de cette croisade fut pour Théodora tout autre qu'elle
ne l'avait espéré. Les trois otïiciers impériaux qu'elle envoya
combattre les Pauliciens. hommes cupides et brutaux, trou-
vèrent plus simple de procéder par massacres épouvantables
plutôt que par douceur. Aussi, loin de ramènera l'obéissance
une secte religieuse, du reste, dangereuse et qui comptait des
adhérents, non seulement dans les campagnes, mais dans les
villes et jusqu'à la cour *, ils poussèrent ces malheureux à la
révolte ouverte et à la trahison. lo.ooo moururent dans les
supplices et leurs biens furent confisqués. Le plus grand
nombre passa en Vsie sous la domination clémente et inté-
ressée de l'émir de Mélitène, Ibn-Abd-Allah. Ils y fondèrent
plusieurs villes, entre autre Téphrice -, et aidés des Arabes
jetèrent longtemps le trouble sur les frontières de l'Empire
jusqu'au jour où Pétronas, d'abord, Basile ensuite durent leur
déclarer ouvertement la guerre -K
Cette politique religieuse eut sur l'avenir une très grande
influence. Par la proclamation de l'orthodoxie. Théodora, en
elïet, s'assurait la bienveillance de l'Eglise qui partout ren-
trait triomphante : elle faisait plus encore : elle l'assujétissait
au pouvoir impérial. Dès lors, patriarches et évêques furent
entre les mains du basileus qui les considéra comme de res-
l)ectables, mais simples fonctionnaires. Toute l'organisation
religieuse devint de plus en plus un rouage de l'Etat au même
titre que l'armée et l'administration ; il ne fut pas plus permis
au j3atriarche de s'élever contre la volonté impériale que cela
ne rétait à un stratège quelconque et ainsi une compénétra-
tion perpétuelle du double élément religieux et laïque s'opéra
dans la société byzantine au grand détriment des deux pouvoirs.
Le fait, en vérité, n'était du reste pas nouveau car dès la fon-
dation de Byzance cette tendance se manifesta, encouragée
qu'elle était par la présence même de l'Empereur. Cependant
c'est surtout à partir du ix*" siècle que l'alliance se scella plus
étroite entre le Patriarche et le Basileus, alliance tout entière,
il faut le dire, au profit de l'Empereur. Et c'est ce qui explique
lélonnement et la colère des chefs du pouvoii* quand ils ren-
1. Phot., Cont. Manich.,M[gnQ, GII, t. IV, p. 182.
•2. L'actuelle Divreky au \.-0. de Mélitène dans le Pont Méridional.
'i. Theoph. Cont., Vit. Mich., xvi, p. 180-181 ; Gedrcnus, 1087; tiertzberg,
Geschichte der Byzantiner 11. d. Osman. Reiches, p. 187.
12 BASILE I
contrèrent sur leur route de grands caractères comme Ignace
et Polyeucte, nobles successeurs des Athanase et des Chrysos-
tome, pour contrecarrer leurs desseins et leur parler le langage
de la conscience. Cette situation équiAoque ne pouvait durer
longtemps. Il fallait qu'une scission ou une capitulation inter-
vint et l'affaire de Photius en fut la première manifestation.
L'Empereur, d'une part, devait, par tous les moyens, chercher
à dominer le patriarche : il le fit son obligé par l'élection. Le
patriarche, d'autre part, devait soit se soumettre, ce qui n'était
pas possible, et cependant arriva, soit briser un joug qui l'en-
chaînait lui et son ministère. Or pour cela il n'avait que deux
chemins à prendre : ou réunir sur sa tête la double couronne
royale et religieuse, à l'exemple de son confrère de Rome,
mais alors rompre avec le pape, ou s'appuyer sur lui et recon-
naître avec toutes les autres églises sa suprématie et son autorité.
Et ce fut aussi tout le rêve de Photius d'abord, de Kerularios
ensuite. En réalité Photius rompit avec Rome non pas tant
pour des raisons personnelles et dogmatiques que dans l'espé-
rance d'acquérir pour son Eglise une plus grande liberté et
Basile, lui-même, se rendit si bien compte du danger que cette
conduite du patriarche pouvait faire courir à l'Empire, qu'un
des constants soucis de sa politique, au début de son règne,
fut de dégager l'autorité impériale des questions religieuses ^
Ce ne fut que plus tard, quand Photius eut reconquis sur
l'Empereur tout son ascendant, que les choses changèrent.
Basile alors reprit la politique de ses prédécesseurs. Il voulut
avoir le patriarche sous son autorité et pour cela ne trouva rien
de mieux que de faire entrer son fils Etienne dans les ordres.
Il devint naturellement patriarche, lors de la seconde dépo-
sition de Photius en 886. Ainsi donc, à l'heure même où
Théodora semble rendre à l'Eglise la paix et l'unité, elle
l'engage dans une impasse au fond de laquelle va se livrer un
des plus redoutables conflits de pouvoir que l'histoire ecclé-
siastique ait enregistrés. L'Empereur en sortira momentané-
ment vainqueur ; mais en réalité, malgré Basile F' qui, géné-
reusement, mit tout en œuvre pour réparer le mal, il aura
reçu une blessure dont il ne guérira pas. Si les projets d'union
depuis Kerularios sillonnent toute l'histoire de Byzance jus-
I. Voir plus bas la politique religieuse de Basile I".
ET L EMPIRE BYZANTIN lô
qu'en i/i53, ce n'est guère, on la fort bien remarqué', pour
des raisons religieuses ; mais uniquement pour des raisons
politiques. Seule, une union forte, sincère et durable avec
Rome eut pu, peut-être, sauver l'Empire byzantin de la domi-
nation turque'-.
Avec la question religieuse, une des grandes préoccupations
de ïliéodora. au cours de sa régence, fut le trésor. Malgré les
magnifiques et nombreuses constructions de Théophile. Timpé-
ratrice avait trouvé, à sa mort, outre d'innombrables richesses
artistiques que son fils se chargera de faire rapidement dispa-
raître, plusieurs centaines de kentenaria d'or ^ monnayé,
sans compter l'argent monnayé ou non. Théodora augmenta
encore le trésor de ses économies et de sa fortune personnelles
si bien que lorsqu'elle se retira la situation financière était
très prospère*, au moins pour l'époque. Malheureusement, la
régente, si énergique en général, ne sut pas s'opposer aux
folles dépenses du jeune empereur. Dès que l'âge eut éveillé
en lui les premières passions, Michel commença à dilapider
le trésor ^. Il lui fallait de l'argent pour ses chevaux, ses
cochers, ses amis et la régente comme Théoclistos le lais-
I. Nordcn, Das Papsttum iind Byzanz.
'i. Jl ne s'ensuit pas, de cette politique relioieuse de Théodora, comme
on l'a trop souvent répété, qu'elle ait arrêté tout développement et tout
essor de vie dans l'Eglise grecque. Non, malgré la main-mise de l'Etat sur
l'Eglise, cette dernière continua à lutter courageusement chaque fois que
le besoin s'en fît sentir pour réprimer les abus, réformer les mœurs et
tendre, dans la mesure du possible, \ers l'idéal religieux et moral que le
christianisme propose à ses enfants. Voir à ce sujet le fort intéressant article
de M. Dzavachov sur l'histoire des réformes ecclésiastiques dans l'ancienne
Géorgie rjoiirn. du Ministère de l'Instruction publique, février 1904).
3. Le kentenarion valait 100 litrae byzantines. Suivant Bureau delà Malle,
une titra f)esait SaG grammes 33 d'or et vaudrait environ loS.'t francs de
notre monnaie actuelle. (Cf Rambaud, Emp. byz. aux" s., p. 1074, et plus
bas, administration financière).
4. Les chroniqueurs ne sont pas absolument d'accord sur la fortune
laissée par Théodora à son départ. La 17/. Mich. (xxi, i85) donne 1090
kentenaria d'or, Cedrenus (loH) de même, ainsi que Sym. Mag. (xn , 720;
(jlenesios, iio5). Constant. Porphyr. (Vit. Basil., xwn, 2G8), donne quelques
détails. 11 dit qu'à la mort de Théophile il y avait au trésor 970 kente-
naria d'or monnayé, sans compter l'argent monnayé ou non (Cedrenus dit
qu'il y avait 3ooo kentenaria d'argent) et que Théodora y ajouta 3o kente-
naria d'or, ce qui fait 1000 kentenaria, soit environ i million 34 mille francs,
fortune bien modeste pour un Empereur byzantin.
5. Theoph. Cont., Vil. Mich., \x, i85; x\i, 188. Vil. Basil., wnu, 3G8 et
se([. Sym. Mag., m\, --h).
BASILE I
saieiil faire. Ce iic lut que le jour où il réclama pour son pré-
cepteur des dignités et des honneurs ^ qu'il reçut un refus
net : « Il ne faut, répondit Théoctistos, conférer les dignités
de l'Empire qu'à ceux qui en sont dignes et point à ceux qui
ne le sont pas-. » Ce refus allait être gros de conséquences.
Michel devenait un mécontent, enclin à recevoir et à admettre
toutes les calomnies, à nouer toutes les intrigues, à croire
tous les flatteurs. Malgré les efforts de Théodora pour gouver-
ner avec sagesse et dignité, il ne pouvait pas se faire que sa
politique ne mécontentât pas. Ambitieux éconduits, icono-
clastes froissés, parasites voluptueux vinrent donc se grouper
autour de Michel pour combattre la régente. A la tète du parti
était Bardas. Grâce à ses adulations, il ne tarda pas à avoir
l'oreille du maître et il ne lui fut pas difficile de faire entendre
à l'Empereur le langage des passions : o Les choses sont mal admi-
nistrées, lui disait-il. Théoctistos vous tient éloigné des affaires,
vous l'héritier de Théophile : il veut épouser votre mère ou
une de vos sœurs, et vous, vous aurez les yeux crevés ^. n Pures
imaginations, sans doute, mais qui pouvaient, peut être, ne pas
manquer de vraisemblance. Il est bien certain, en effet, que
dans une cour OLi tout le gouvernement, central et provincial,
se trouve confié aune seule famille, sans autre contrôle étranger
que celui de l'ambition ou de la haine de parents malheureux,
de graves négligences pouvaient être commises. Cela est, du
reste, d'autant moins étonnant que tout ce monde de grands
fonctionnaires ne paraît pas résider beaucoup dans les gou-
vernements provinciaux. Théophylitzès, par exemple, un cou-
sin de Théodora. semble bien être stratège du Péloponnèse,
mais il réside à Byzance ^. Petronas, frère de Théodora, est
stratège des Thracésiens ^. Cela ne l'empêche pas de courir
l'Empire, à la lête de troupes ramassées dans divers thèmes,
pour combattre l'ennemi et d'être souvent à Constantinople.
Bien plus, les deux pouvoirs, civil et militaire, sont si peu
distincts que non seulement dans les thèmes, mais à Byzance
1. Thcopli. Cont., \ il. Micli., \i\, p. i84 ; Ccdroiius, lo^i.
2. Theoph. Cont. Vit. Mich., xix, i84.
3. Theoph. Cont., Vit. Mich., ibid. Cedrenus. io4i ; Léon (iramm., io68 ;
Genesios, iioi ; Georg. Moine, 10/40.
4. Vit. Basil., \, •2^o ; \i, 2^1 ; xn, 244 ; Syni. Ma^?., \, 716.
5. 17/. Mich., \\v, 193 ; x\n, 189; Cedrenus, io4o.
ET l, E.MIMIU: BYZANTIN » 1 J
même, on voit ïhéoctistos, d'abord, Bardas, ensuilc. quoique
premiers ministres, prendre parfois la liante direction de l'ar-
mée et commander en chef une expédition. Et cela, en vérité,
ne devait guère être favorable à la bonne marche des affaires
dans une administration aussi compliquée que l'était forcé-
ment celle de l'Eiiipire byzantin. Ce n'est pas, cependant, ces
considérations qui semblent avoir beaucoup ému l'Empereur.
La grandeur de l'Empire et son administration l'intéressaient
fort peu : ses plaisirs étaient sa seule occupai ion. La pensée,
toutefois, d'être libre enfin de toute tutelle, si peu gênante
qu'elle fut. le remplit d'espérance et c'est pour cette raison
fpi'il autorisa le premier meurtre de son régne personnel :
celui de ïhéoctistos ^ Ce lâche assassinat entraînait forcément
avec soi la démission de Théodora et par là-même l'élévation
de Bardas. C'était en 856, époque à laquelle Basile le Macédo-
nien entrait au service de l'Empereur.
lit
Au cours de la régence de Théodora. l'iùnpire semble avoir
été assez tranquille à l'intérieur et, à en juger par quelques
puissantes familles aristocratiques de province, dans un état
de grande prospérité. Sans doute ses limites s'étaient resserrées
autour de la capitale depuis l'époque de Justinien et d'Héra-
clius. mais tel qu'il était encore au ix^ siècle et tel qu'il devint
au X' sa puissance ])araissait redoutable aux ennemis et rassu-
rante aux populations qui l'habitaient. Du reste, avec son cor-
tège de fonctionnaires civils et militaires, il semblait à tous
qu'il était bien défendu. Chaque thème, même dans les Sla-
vinies, avait son gouverneur, byzantin d'origine, comme ce
Méthode à Thessalonique qui devint célèbre dans l'histoire
religieuse du ix" siècle par la mission qu'il alla fonder avec
son frère Constantin-Cyrille en Moravie '-. Pas plus dans les
provinces que dans la capitale, l'avènement de Théodora
n'amena de révolution et l'histoire ne nous a laissé fpi'iui seul
I. Tlioopli. (]ont.. Vit. Mich., \iv cl \\, p. i85 ; S>m. Mag., \iii, 720;
(iones., iioi-iio3 ; Gedren., io4i ; Georg. Moine, io45 ; Léon Granini., ioG().
3. Lapôtro, L'Europe et le Snint-Sièfje, p. 100.
l6 • BASILE I
souvenir d'une révolte importante durant le gouvernement de
la régente : celle du Péloponnèse. Au ix^ siècle, le Pélopon-
nèse ou Achaïe faisait partie, au point de vue administratif,
des thèmes d'Europe. C'était, au dire de Conslantin Porpliy-
rogénète. le sixième en liste ^. En tous cas, il était relégué
parmi les thèmes d'Europe, c'est-à-dire parmi les thèmes
d'importance secondaire '-. Il avait à sa tête un stratège, mais
qui loin de commander sur quarante villes importantes dont
deux métropoles : Corinthe et Patras -^ pourrait bien n'avoir
régné que sur des ruines, sauf pour quelques-unes de ces
villes *. Néanmoins toute vie n'était pas éteinte dans ce pays
que Constantin Porphyrogénète semble si mal connaître ^. Le
commerce était prospère à Corinthe : la grande féodalité puis-
sante : telle cette Danielis dont nous aurons à parler plus loin.
Mais à côté de l'élément grec, depuis de longs siècles déjà, et
surtout depuis Constantin Copronyme, vivaient des Slaves,
souvent assez turbulents. Séparés du reste de la population
hellénique, les Milinges et les Ezerites — deux des plus impor-
tantes colonies slaves du Péloponnèse — étaient confinés sur
les pentes du Taygète et de là semaient la terreur sur tout le
pays. Les déprédations, le vol, l'incendie étaient leurs armes
favorites. Des régions grecques qui les avoisinaient immédiate-
ment, aux portes de Patras, ils dominaient le pays par la ter-
reur. On les voyait s'allier aux Sarrasins d'Afrique et autres
lieux ^ et malgré l'héroïque défense des habitants, parfois
aidés, suivant la légende, de saint André lui-même, ils semblaient
maîtres du pays. Sous Michel III. aux environs de 8A9, eut lieu
une de ces insurrections périodiques, peut-être celle-là plus
terrible que les autres, qui exigea une énergique répression. Le
stratège du Péloponnèse que Constantin Porphyrogénète
appelle Théoctistos Bryennios et que Zonaras identifie aA ce le
tuteur de l'Empereur, partit pour Corinthe. centre de son gou-
vernement ", emmenant avec lui des ïhraces, des Macédoniens,
1 . De Them., p. 1 34. Dans le clétorologium de Philothée qui est plus ancien,
il n'y a pas de distinction numérique.
2. Rambaud, op. cit., p. 179.
3. De Them., p. 124.
4. Kamb., op. cit., p. 167.
5. Ibid., pp. 1C7, 221, 222.
6. De Adniin.. ch. xlix et l, p. 3G(j, 370.
7. Ibid., ch. \M\. p. 30().
KT L EMPIRE BYZANTIN I7
d'autres troupes encore. Les populations slaves de la plaine
furent facilement soumises ; mais il n'en fut pas de même des
Ezérites et des Milinges qui restèrent cantonnés dans leurs mon-
tagnes. Le stratège, faute de mieux sans doute, se contenta
de leur imposer un tribut qu'ils payèrent jusqu'au règne de
l'Empereur Romain '.
C'est très probablement, à cette occasion, que le maître de
Basile. Théophylitzès. qu'il faut peut-être identifier avec le
Théoctistos de Constantin Ml, alla à Patras pour les affaires de
l'Etat, envoyé qu'il fut par Bardas, En tous cas c'est à cette
époque que le futur empereur Basile fit connaissance avec ce
pays et avec sa mère spirituelle : la veuve Daniélis -.
L'Empire était donc relativement calme à l'intérieur. Malheu-
reusement, il n'en allait pas de même à l'extérieur où plus que
jamais les deux grands ennemis de Constantinople se faisaient
menaçants : les Sarrasins et les Bulgares. D'une pari, les Sar-
rasins d'Afrique, sous leur émir Abu'l Abbas Mohammed I,
promenaient leurs ravages sur toutes les côtes de la Méditer-
ranée, de l'Italie à la Grèce. La Sicile et la Crête étaient leur
point d'attache naturel. Aussi, en 8^2. s'emparent-ils de Mes-
sine, en 845 de plusieurs autres places fortes. Déjà, en 83i,
ils avaient conquis Palerme ^. Constantinople était menacée
comme l'était vers cette même époque (844) Athènes, par ces
hordes restées barbares jusque dans leur admirable civilisation.
Pour comble de malheur, à l'ouest de l'Europe, en Espagne,
la cour de Cordoue conquérait, elle aussi, donnant la main à
leurs frères d'Afrique qui les aidaient à maintenir leur domi-
nation sur la Sardaigne et les Baléares. L'Italie, de son côté,
fléchissait, Bari tombait aux mains des Arabes en 84 1 ^ tandis
qu'à l'est, les Sarrasins d'Asie -Mineure ravageaient côtes et
terres, se rapprochant toujours davantage de Byzance et de
son territoire immédiat. Ainsi donc les Arabes, comme dans
une immense chaîne de fer enfermaient, au sud. l'Empire
byzantin et l'Europe elle-même et faisaient de la Méditerranée
leur entrepôt et leur centre de ravitaillement. Il fallait, natu-
rellement, essayer de briser cette chaîne en divers endroits,
1. De Adm. Imp., cii. l, p. 878.
2. Thcoph. Cont., Vif. Basil., ch. xi, p. a/ji.
8. (iclzcr. -Vbriss., p. 970 Fvruinbaclior. HergcMirotlier, Plmtias. t. 3'|i.
'1. ilorlzborg. op. cil., p. i.Sli. \iisilj<'\. I, p. Hi."».
2
l8 BAS1I,K 1
s'emparer de quelques places fortes, d'îles et de côles surtout,
pour couper les communications de l'ennemi et le refouler sur
ses terres tout en protégeant les rivages chrétiens. C'est ce
qu'essaya de faire Byzance. Sous Théodoia, la première pré-
occupation du gouvernement fut d'attaquer un des points stra-
tégiques les plus importants, l'île de Crête, en 8^3. que les
Arabes possédaient depuis le règne de Alichel II *. Malheureu-
sement, comme cela n'arriva que trop souvent à Byzance, au
cours de son histoire, Théoctistos. réunissant en ses mains les
pouvoirs civils et militaires, voulut aller lui-même combattre
les Sarrasins et ce fut la cause d'une épouvantable défaite. Les
Arabes, au dire des chroniqueurs, n'étaient point prêts à la
guerre. Us n'imaginèrent donc rien de mieux que de répandre,
avec beaucoup de présents, de fausses nouvelles de Constanti-
nople. On disait qu'une révolution avait éclaté, qu'un général
avait pi'is en mains le pouvoir, que Théodora abandonnait son
logothète. Bref. Théoctistos prit peur et rentra à Byzance pen-
dant que les Sarrasins accomplissaient leurs ravages habituels -.
A l'est, les choses n'allèrent guère mieux. La première ou la
seconde année de la régente, probablement en S\'2, une grande
llotle sarrasine vouhit aller attaquer Conslanlinople sous le
commandement d'Abu Dinar -^ Elle n'eut que le temps d'arri-
ver à destination, t n orage la dispersa et elle alla misérable-
ment échouer au promonloire des Kibyrrhéotes, à Chelidonia *.
C'était là un accident. Sur terre, l'émir de Mélitène. uni déjà
probablement aux Pauliciens, persécutés par Théodora, fut
plus heureux. Théoctistos qui avait voulu de nouveau comman-
der les troupes impériales se laissa battre à Mauropotamos ^, ce
qui amena léloignement de Bardas qui lui avait amèrement
reproché son échec, mais point la soumission des armées sarra-
sines (844).
Au nord, l'Empire a^ait affaire aux Bulgares et aux Slaves
de toutes contrées. Sous les règnes précédents, les Bulgares
avaient profondément troublé les frontières, ravagé, pillé et
emmené captives sur les bords du Danube de nombreuses popu-
1. Georg. Moine, ioo5. A asiljcv, I, p. i5^.
2. Georg. Moine, io3G ; Léon Granini., loGi ; Syni. Mag., vu, 716.
3. Byz. Zeit., \, 397 ; Vasiijov. donne la date de S\9., I, p. i53.
4- Georg. Moine, io33.
5. Syin. Mag., Mn, 710.
Il I. HMPIHI^ inZVM'IX 1()
lations byzantines. De ce côté, Andrinople, comme aux iv*^ et
v'^ siècles, était le centre des opérations de l'une et Fautre armée.
Dès le début de la régence de Tliéodora, les Bulgares recom-
mencèrent leurs incursions en Thrace et Macédoine *. Quelques
chroniqueurs racontent même qu'ils envoyèrent à Constanti-
nople des ambassadeurs pour déclarer ofTiciellement la guerre
à Tliéodora, ayant appris qu'une femme avait succédé à Théo-
phile -. Quoiqu'il en soit de ce fait et des belles réponses qu'on
attiibuc à l'Impératrice, Tliéodora envoya une armée châtier
les rebelles. La chronique dite de Syméon Magister laisse en-
tendre que cette répression eut lieu a ers la fin de la régence '^
et c'est probable car. vaincus et soumis à un lourd impôt *, ils
ne tardèrent pas à s'adresser à Michel III qui mit fin pour un
temps à leurs guerres incessantes.
Enfin il y avait l'Occident. Comme l'Empire byzantin, l'Italie
et la France étaient dans une mauvaise passe. La mort de
Louis le Pieux avait excité toutes les convoitises de ses fils qui
ne songeaient qu'à se tailler des royaumes dans l'empire pater-
nel et point du tout à continuer l'œuvre de leurs deux aïeux.
La grande croisade proposée contre les Sarrasins par Théophile
à Louis n'avait aucun attrait pour les nouveaux souverains et
de 8/^2 à 867 toute relation entre les deux cours semble inter-
rompue '\ En Italie, la division et l'anarchie étaient à leur
comble. Le Pape commandait à Rome, des ducs à Bénévcnt,
des consuls et des évêques à Naples. Les villes de la grande
(irècc : Amalfi, Gaèle, luttaient péniblement ainsi que la Calabre
contre les invasions des Sarrasins, tandis qu'au-dessus de toutes
ces principautés et de ces dissensions intérieures la grande et
malheureuse figure de Louis II cherche à faire reconnaître sa
])récaire autorité. Deux fois, il entre à Bénévcnt el. malgré
d'importants succès contre les Arabes, il ne peut les déloger de
Bari et de l'Italie. Dans de telles conditions que pouvait
Byzance pour faire respecter son autorité de suzeraine ? Elle
ainail dn. lout à la fois, combîdli'e Louis IL les cili's auto-
I. (ienr":. Moine, io4^ ; Loon (Jraniin., i()()8.
9.. Ceclrenus, io36; Genesios, iioo; Syni. Mag., \.\i, 7*5.
3. Syni. Mag., xir, 717 et \\i, 725. En tous cas elle eut lieu après la mort
de Méthode qui mourut le i'» juin 847.
'i. Léon (Iramm., 1068.
'). (lasquol, L'Enipirr by:. el la moiitirrhic J'nuniuc, p. 3^8.
20 BASILE I
nomes de la côle, les Sarrasins. C'en était trop pour une
femme aux prises, elle aussi, avec de graves difficultés. Il fallait
attendre, pour renouer, entre Byzance et l'Occident, des rap-
ports diplomatiques qui puissent avoir quelques conséquences
pratiques, la venue d'un homme assez fort pour lutter avec
succès à l'est et à l'ouest, sur terre et sur mer. Basile P' essaya
d'être celui-là.
C'est alors que Théodora dut abandonner le pouvoir à sou
iîls Michel. L'assassinat de Théoctistos lui signifiait son ren-
voi. Elle pouvait, du reste, s'en aller fière de son œuvre et si
l'avenir lui paraissait chargé d'orages et de luttes sanglantes,
si elle devinait que la prédiction de la vieille sorcière sarrasine
à Théophile ^, pourrait bien un jour se réaliser en faveur d'un
nouveau venu à sa cour, homme de basse naissance, mais de
grande volonté : Basile, elle se rendait le juste témoignage
qu'elle laissait l'Empire fort et riche à l'intérieur, respecté au
dehors et que les succès futurs des armes byzantines lui
devraient quelque reconnaissance par F habileté que son gou-
vernement avait su mettre à les préparer.
7. 'ilicoph. Conl., 1/7. Thco})h., wmi, i[\{j.
CHAPITRE lî
ORIGINES DE BASILE. SON HISTOIRE JUSQu'a SON AVENEMENT.
SES RAPPORTS AVEC BARDAS ET MICHEL III.
Sous le règne de Michel Rhangabe (8ii-8i3) vivait aux envi-
rons d'Andrinople une humble famille de cultivateurs dont le
nom allait être bientôt illustre grâce à l'aîné des garçons.
Personne alors ne se doutait qu'on trouverait un jour à ces
pauvres gens dont le lopin de terre était, sans doute, l'unique
avoir ^ un patrimoine de noblesse et de vertus qu'ils ne se
connaissaient point et que, sans hésitation aucune, on les ferait
descendre des Arsacides et de Constantin ! Mais ce qu'ils
savaient bien, eux, c'est qu'ils étaient pauvres, que. depuis
longtemps déjà, ils habitaient le pays et que de très modestes
alliances avec les paysans des environs - composaient toute
leur généalogie. Il est toutefois possible, et môme probable,
qu'ils aient eu, comme l'affirme Constantin VII, en leurs veines
du sang arménien mêlé, cependant à beaucoup de sang slave •^
I. Tlieoph. Cont., Vit. Basil., ch. v. p. -i'^'i.
9. Ibid., IV, p. 283.
3. Tous les chroniqueurs byzantins, à la suite de Constantin Yll, donnent
une origine arménienne à la famille de Basile. Seuls les écrivains arabes :
Hamzas, Elmacin et Maçoudi disent qu'il était Slave. Samouel d'Ani donne
même le lieu d'origne de sa famille : Thil dans la province de Taron où plus
tard Basile fit construire une église (Brosset, Collection d'historiens arméniens,
t. 11, p. 427). M. Rambaud et depuis M. de Boor {Vit. Euthymii, p. i3o) ont
opté pour l'origine arménienne et apporté leurs preuves à l'appui. A leurs
témoignages on peut en ajouter un autre: celui de la Vit. Basil., ch. xii,
2^4, où Constantin raconte que Basile, jeune homme, était lié avec le patrice
Constantin, père du patrice Thomas qui vivait à l'époque de Constantin VII
parce qu'ils étaient du même pays : Arméniens tous deux. — Le plus vrai-
semblable, à mon avis, c'est que la famille de Basile pouvait bien être armé-
nienne par ses ancêtres, mais qu'elle s'était fortement slavisée, et depuis
loriLîlcinps. i)ar suite (]o mariages avec les Slaves très nombreux dans cette
22 BASILE I
chose qui, du reste, n'avail rien créloiuiant car, à cette époque,
les Arméniens étaient nombreux dans l'Empire. Quant à les
faire descendre des rois arméniens, perses et assyriens, comme
de Philippe, d'Alexandre et de Constantin, c'était là pure
légende^ qui. sans doute, ne circula que plus tard lorsque la
dynastie macédonienne se fut solidement assise sur le trône -.
C'est dans cet humble milieu de paysans provinciaux que
naquit Basile aux environs de 812. Il eût probablement grandi
dans l'heureuse médiocrité de ses ancêtres, uniquement adonné
au travail des champs, si un événement imprévu n'avait brus-
quement arraché sa famille du sol qu'elle habitait.
L'Empire était alors en guerre avec la Bulgarie. L'empereur
Nicéphore (802-811) avait été tué dans une sanglante mêlée le
26 juillet et son fils Staurakios si gravement blessé que le pou-
voir fut confié à son beau-frère Michel Bhangabe. Byzance ne
pouvait rester sous le coup d'une telle défaite. La lutte reprit
donc, grâce à l'énergique intervention de Théodore, abbé du
monastère du Studion ^ ; mais ce fut i)our courir encore au
devant de nouveaux revers. Michel fut Aaincu à Yersinicia le
22 juillet 8i3* par le célèbre prince bulgare Krùm qui résolu-
ment marcha sur Constantinople. Dans la ville a protégée de
Dieu» la révolution, d'autre part, venait d'éclater. Le plus
grand général de l'Empire, Léon, un Arménien, profitant de la
terreur et du mécontentement de tous, avait détrôné Michel,
l'avait revêtu du froc monacal, exilé, lui et sa famille, dans un
partie do TEmpirc si bien, qu'en fait, elle était slave. Seulement Constan-
tin, qui, peut-être, copia la généalogie fabriquée par Photius pour rentrer
en grâce auprès de Basile (Sym. Mag., vu, 700) trouva qu'il était plus glo-
rieux de faire sortir sa faniille d'Arménie, pays indépendant et allié de
Byzance (Tournebize, Histoire politique et religieuse de l'Arménie, dans
VOrient Chrétien, 1908, p. 220) plutôt que des peuples slaves qui vivaient
sous l'autorité impériale, étaient pauvres et regardés par les habitants de
l'Empire conime de race inférieure. Cf. l'article tout récent de ^ asiljev
« Origine de l'Empereur Basile le Macédonien ».
1. Vit. Basil., ch. 11. On sait quelle fut la fortune de cette légende.
Quand Anne de Russie, fille de Jaroslav et petite-fille d'Anne de Byzance,
sœur de Basile II, épousa Henri T' de France, elle donna à son fils le nom
de Philippe en souvenir de sa descendance avec Philippe de Macédoine. D'où
le nom de Philippe dans la maison de France !
2. Cedrenus, 1069; Genesios, 1128; et encore Zonaras au xu" siècle ne se
fait-il pas faute de trouver plaisants les écrivains qui ont osé avancer la
chose. Zonaras, xvi, 29. — Liutprand, Antapodosis. L. I, S 8, P- 376.
3. Theoph., p. 999.
'i. Jirecek, p. i45.
ET i/f.MPIHF. byzantin 23
monastère et s'était fait proclamer Empereur. Pour Byzance
révènement n'avait rien que d'iieureux. Krùm, blessé sous les
murs de Constantinople, au faubourg pératique de S' Marnas ^
fut obligé de lever le siège et de rentrer en Bulgarie, brûlant
et saccageant tout ce qui se trouvait sur son passage. Andri-
nople qui avait vaillamment tenu tcte aux Bulgares, durant ces
guerres interminables, fut, de nouveau, assiégée et cette fois
tomba au pouvoir de l'ennemi. Les liabitants furent décimés
et réduits en esclavage. Dix à douze mille hommes, sans
compter les femmes et les enfants, furent emmenés u sur les
rives du Danube-. »
Parmi ces infortunés se trouvaient, avec l'évêque d'Andri-
nople. Manuel, les parents de Basile et l'enfant lui-même
u encore dans les langes '^. » C'est là, en terre bulgare, que
se passèrent l'enfance et la jeunesse du futur basileus. Il
grandit aux côtés de son père et de sa mère Pancalo ^, à la
façon, sans doute, des petits Bulgares, c'est-à-dire sans grande
instruction. Constantin YII raconte que son père fut son
unique précepteur et que s'il ne posséda pas, comme Achille,
de Chiron pour Téduquer, ni de maîtres comme Lycurgue et
Solon, du moins eut-il. ce qui est bien préférable, la sagesse
paternelle pour guide dans l'acquisition de toutes les vertus ^.
Et c'est probablement vrai. De culture intellectuelle, Basile en
manqua toujours. Il ne sut même jamais écrire et, plus tard,
quand sur le trône il voulut quelque peu s'instruire, comme
Charlemagne, il dut s'adonner à un travail acharné. Malheu-
reusement, l'éducation morale de ses parents, dont le zèle reli-
gieux était cependant plein d'ardeur, fut, elle aussi, sans
grande influence sur la vie de leur fils. Moralement et intellec-
tuellement l'enfant s'annonçait mal : seule, sa force physique
pouvait lui ouvrir un chemin dans le monde et c'est ce qui
arriva. La vie de ces déportés n'avait pas, du reste, que des
charmes et de longs loisirs propres au développement de la
culture littéraire. Il semble bien que pendant les premières
années qui suivirent leur exil, l'existence leur fut relativement
1. Pargoirc, Les Saints Manias de Constantinople, p. 'fX)-.
2. Georg. Moine, 980-81. — Léon Cîramm., 1064.
3. Vit. Basil., iv, sSa. A. \. S. S. .TnnNÏor, ',^1.
fi. De Ceremon., p. imo8.
'). \ if. Rasil., VI, 23(3.
Vt\ BASILE I
douce. Non seulement ils étaient libres, en plein pays païen,
de pratiquer leur religion, mais, en bons orthodoxes qu'ils
étaient, ils cherchèrent à répandre autour deux l'Evangile ^
Du vivant de Kriim. leur évêque Manuel, aidé de ses compa-
triotes, convertit beaucoup de Bulgares à la foi ; mais à l'avène-
ment d'Omortag ou Mortagon (819) - les choses changèrent.
Les progrès du christianisme indignèrent le nouveau roi et la
persécution commença. L'évéque Manuel mourut martyr avec
beaucoup d'autres Byzantins parmi lesquels Basile put compter
plusieurs de ses parents ^.
Ainsi grandissait et se développait Basile au milieu d'une
famille dont il f'tait l'aîné et qui allait sans cesse se multi-
pliant ^ tandis que sur l'Empire régnèrent successivement
Léon V*r Arménien et Michel d'Amorion ^. Cependant la situa-
tion des exilés ne pouvait toujours durer. Depuis la prise
d'Andrinople, les Basilcis avaient dû lutter sans relâche contre
les Sarrasins et dans cette lutte ils avaient probablement oublié
leurs lointains sujets captifs. Mais, heureusement pour eux, ils
allaient bientôt trouver aides et protecteurs et rentrer en
« Bomanie. » L'histoire de ce retour est, en vérité, fort obs-
cure. La 1 7/« Basilii, Cedrenus, Zonaras<^ racontent qu'à la
suite de défaites répétées, les Bulgares durent laisser partir les
Byzantins. Georges Moine et Léon le Grammairien " donnent
des détails plus précis, mais qui ne peuvent faire illusion. Leur
incohérent récit montre avec évidence qu'ils ignoraient tout de
la géographie comme de l'histoire bulgare de cette époque et
que, sans doute, ils ont utilisé, sans la comprendre, une
légende postérieure dénuée de toute réalité historique ^
1. Cedrenus, 1072.
2. Cedrenus l'appelle « KpoTiYwv » 1079.
3. Vit. Basil., iv, 282.
4. Ibid., vn, 23G.
5. Léon le Granmi., io65.
0. Vit. Basil., i\ , 282 ; Cedrenus, 1072 ; Zonaras, \vi, 29.
7. Georg. Moine, io4o; Léon le Gramni., ïoG4. Il faut noter loutefois que
le texte de l'un est la copie identique de l'autre.
8. Léon le Gramm. et Georg. Moine racontent que sous le règne de Théo-
phile (829-842) résidait en Macédoine un stratège du nom de Kordylès. Ce
stratège avait un fils Bardas qui fut chargé de gouverner en lieu et place de
son père les Macédoniens qui vivaient « au delà du Danube, zépav toj
TtoTaixoC Toû Aavou6':&j ». Plein de jeunesse et d'ardeur, Bardas demanda à
l'Empereur des vaisseaux pour ramener en leur pays les exilés, ce qui fut
accordé. Afais « Baltimer » qui régnait alors sur les Bulgares s'y refusa et
Le seul point qui paraisse eerlaiu c'est que Basile avait vingt-
cinq ans quand il revint en Macédoine '. C'était pour lui le
moment de se faire une situation d'autant plus que son père
était mort quelques huit ou dix ans auparavant 2, laissant sa
femme dans la gène et une nombreuse famille à élever.
A l'aîné '^ incombait le soin de remplacer le chef de famille.
Basile entra donc, d'abord, au service du stratège de Macé-
doine. Tzantzès ^ ; mais ce ne fut pas pour longtemps.
D'autres lieux l'attiraient. Chez le gouverneur, en effet, il ne
gagnait pas sa vie et. d'autre part, l'agriculture ne donnait
rien ^. tandis que, disait-on, à Constantinople, ceux qui ont
la guerre fut déclarée aux déportés, Les Macédoniens mirent à leur této
Kordylès et Tzantzès et leur succès fut complet. Ils tuèrent et firent pri-
sonniers beaucoup de Bulgares. D'où alliance des Bulgares et des Hongrois.
Sur ces entrefaites les Huns ou Hongrois arrivèrent et promirent aux Macé-
doniens de les laisser partir moyennant im tribut. Ce qu'ils refusèrent. Ils
durent subir un combat, mais grâce à un certain Léon de la race des
(( Gemostoi » ils purent regagner leur patrie. — Ce récit n'a évidemment
aucun sens. D'abord qu'étaient ces Macédoniens qui vivaient au delà du
Danube ? La Bulgarie d'alors s'étendait entre l'Isker et la mer d'une parf ,
le Danube et les Balkans de l'autre. Or l'autorité impériale s'arrêtait aux
frontières macédoniennes, c'est-à-dire à la montagne qui séparait les deux
Empires. Au delà du Danube, c'était le territoire des Petchenègues. De plus,
vraisemblablement, les exilés devaient être cantonnés aux environs de
Preslav, résidence habituelle du prince bulgare (Jirecek, p. i3i), si l'on en
croit la légende de la pomme que le souverain donna, un jour, au jeune
Basile (Vit. Basil., iv, 382). Du reste la Vit. Basil, fibid.) dit simplement
qu'ils furent conduits dans le pays des Bulgares fibid.). Or, même en
admettant qu'ils eussent été relégués dans la grande place forte des Bul-
gares, sur le Danube, à Drster (le moderne Silistria) — ce qui expliquerait
l'emploi des vaisseaux — on ne saisirait pas bien pour autant la raison d'un
gouverneur byzantin dans ce pays. îMais ce qui est plus grave c'est l'étrange
confusion de noms donnés aux souverains bulgares. Dans l'espace de cinq
lignes, Léon et Grégoire leur donnent deux noms ditTérents. C'est Baltimer
qu'il faut, sans doute, identifier a^ec Vladimir, père de Syméon, connue le
disent très justement Léon et Georges, mais qui régna de 8[\8 à 898 ; c'est
Michel « le Bulgare », probablement le même que Boris clont le nom fut
changé à son baptême et qui régna de 853-888. Il est vrai qu'on pourrait
discuter sur ce Michel et refuser d'y voir Boris ; mais il serait étrange qu'on
appela ainsi un autre personnage que le roi dans son propre pays. Vrai-
semblablement en Bulgarie tous les Michel étaient bulgares et si les chro-
niqueurs disent Michel « le Bulgare » c'est bien qu'ils voulaient parler du
souverain lui-même. Cf. au sujet de l'histoire de Bulgarie à cette époque, le
t. X du Bulletin de l'Inst. Arch. russe de Constantinople. Les fouilles d'Aboba.
I. Georg. Moine, io4i.
■i. Vit. Basil., vn, ^Sô.
8. Jbid.
4. Sym. Mag., xi, 717; Léon Gramm., loG.").
."1, 17/. Basil.. \ n. 280.
9J)
BASIT.E I
un peu de savoir-faire et d'habileté peuvent arriver à la for-
tune, aux honneurs, à la gloire K Pourquoi donc ne pas
quitter le sol ingrat de Macédoine? Du reste, racontent les
chroniqueurs byzantins, toujours grands amis du merveilleux,
son étoile l'y conduisait et des songes comme des signes
nombreux étaient là pour le décidera demander à sa mère ce
lourd sacrifice -. >'avait-ellc pas révélé elle-même qu'un jour,
ayant laissé son fils couché en plein soleil dans les champs,
un aigle par trois fois était venu l'ombrager de ses ailes ?
N'avait-elle pas vu, en un rêve, sortir de son sein a comme
autrefois la mère de Cyrus » un arbre d'or immense, chargé
de fleurs et de fruits d'or qui couvrait de ses rameaux la maison
tout entière, et. une autre fois, Elie le Thesbite lui prédisant
que Dieu donnerait à son « cher lils » le sceptre de l'Empire,
l'exhortant par là à le laisser partir pour Constantinople ^ ?
Basile vainquit donc les hésitations et l'amour maternels et,
un jour, prit le chemin de Byzance n'ayant pour toute fortune
que sa force, son intelligence et son ambition *. Il arriva ainsi
un dimanche soir dans la ville impériale, harassé de fatigue et
couvert de poussière. Il franchit pour la première fois la
« Porte d'Or » et s'en alla s'étendre sous le porche d'une église
quelconque pour y dormir un peu. Cette église était celle du
monastère de S^-Diomède que, plus tard, Basile devait magnifi-
quement faire restaurer en témoignage de sa reconnaissance
car ce fut là que sa fortune naquit. Continuant leurs merveil-
leux récits sur les années de jeunesse du futur Empereur, les
chroniqueurs ont, en effet, poétisé et embelli, au gré de leur
imagination, ces humbles débuts de Basile. A les en croire, le
martyr Diomède, dès les premières heures de la nuit, aurait
éveillé brusquement l'higoumène du monastère, Mcolas, pour
lui ordonner d'aller recevoir l'Empereur à la porte de l'église.
Naturellement, le moine n'en fit rien, croyant avoir rêvé, et se
rendormit profondément. Vn second appel n'eut pas plus de
succès. Le saint alors, rempli de colère, frappa durement son
serviteur qui se décida à sortir et à appeler « Basile » comme
Diomède l'avait ordonné. Basile, fort surpris de cette étrange
I. Vil. Basil,, vu, aSG.
•À.lhid., VII, 236; Gencsios, 1129; Ccdrenus, 1073.
3. Ibid., vin, 287.
'1. Ibid.
ET L FAIPIIŒ inZANTIX 37
intervention, se leva ponr répondre à riiigoumène qui
l'emmena à l'intérieur du cloître où il lui fit savoir — non sans
l'avoir honorablement traité — ce qui venait d'arriver '. La réa-
lité fut sans nul doute, beaucoup plus simple et plus banale
que celte gracieuse légende. Le plus vraisemblable est que
Basile fit d'une façon quelconque connaissance avec Thigou-
mène Nicolas qui s'intéressa à lui et, grâce à ses hautes rela-
tions, le mit, comme Basile le désirait-, au service d'un grand
seigneur, parent de l'Empereur, et peut-être stratège du Pélo-
ponnèse. Théophylitzès ^. Comme tous ses pairs. Théophylitzès
avait autour de lui une véritable petite cour, modelée sur la
cour impériale. Là. comme au Palais, on aimait les jeunes
hommes beaux et forts, grands lutteurs et bons cavaliers.
Basile ne tarda pas, dans un tel milieu, à se faire remarquer
par toutes ses qualités physiques et à devenir le (( protostrator »
chéri du maître ^. Aussi Théophylitzès le choisit-il, pour
l'accompagner dans son gouvernement quand il se rendit à
Patras '' afin de régler certaines affaires d'Etat. Dans cette
province, comme un peu partout dans l'Empire, de puissantes
maisons féodales commençaient à se former, par suite du
relâchement de l'administration centrale et des incursions
slaves de plus en plus fréquentes. Eloignées de Gonstantinople
et du gouvernement impérial qui ne pouvait que très difficile-
ment intervenir d'une façon efficace, ces maisons accaparaient
toute la richesse du pays — le sol surtout et les esclaves — et
bientôt de>inrent une véritable pépinière d'empereurs et de
révoltés, redoutables à tous, à l'Empereur constamment
menacé, à la province qu'elles appauvrissaient et réduisaient à
un état voisin du servage.
A Patras, la grande famille des u ouvà-ro'. » était celle de la
veuve d'un certain Daniélis. La fortune et la puissance de cette
femme était telle, qu'elle aurait pu marcher de pair avec toutes
les souveraines '^. Par sa situation, elle eut, sans doute, affaire
avec Théophylitzès et par là même avec Basile qui, naturelle-
I. Vit. Bas., i\. 2A0 ; Gedreiius, 1078; Syni. Mag., \i, 717; Léon Gramm.
io65.
■jt. Ibid., IV, 24U.
3. Ibid., IX, 240.
4. Ibid., i\, 340.
5. Ibid.j XI, 241.
G. Ibid., XI. 241.
•>(> BASILE I
mciil, lui plul, comme il eut riicur de plaire ù bien d'autres eu
sa vie. Il avait, du reste, assez de qualités physiques pour que
la pieuse veuve le remarqua d'elle-même sans avoir besoin,
comme le rapportent les chroniqueurs, de l'intervention d'un
pauvre moine, assis en prière dans l'église de Saint-André qui
se serait levé au passage de Basile pour le saluer — ce qu'il
n'avait jamais fait pour personne — du titre d'Empereur^. En
tous cas, que la noble matrone ait reçu une prédiction ou que
son cœur ait seul parlé, le résultat fut le même pour Basile :
elle s'éprit pour lui de la plus vive afTection. si bien que
lorsque Théophylitzès s'en retourna à Byzance. elle voulut
loger chez elle l'heureux protostrator qu'une maladie, venue à
propos empêcha de partir à la suite de son maître. Cette amitié
fut pour Basile une aubaine inattendue, Le rusé paysan com-
prit vite le parti qu'il pouvait tirer de sa familiarité avec Danielis
pour sa fortune présente et future. Tout en protestant, au nom
de son humble origine -, contre les caresses et les bontés de
celle qui voulait devenir sa mère adoptive. il accepta — ce qui
ne lui coûtait guère — de s'unir par un lien de fraternité spiri-
tuelle avec son lîls Jean -^ : il promit — ce qui ne l'engageait
pas beaucoup — de donner à sa bienfaitrice, une fois Empereur,
toute la province à titre de souveraine ; il emporta — ce qui
valait mieux pour lui — de grandes richesses de Patras : de
l'or, des esclaves, des vêtements et l'assurance d'une amitié qui
ne se démentit jamais*. Dès lors Basile était riche. 11 pouvait
commencer à faire figure dans le monde. En fils aimant, il
envoya de nombreux secours à ses parents pauvres de Macé-
doine ^ ; en homme habile, il ne se laissa pas griser par sa for-
tune naissante. 11 resta au service de Théophylitzès. Bien lui
en prit, du reste, car les événements allaient le servir au mieux
de ses intérêts et lui ouvrir enfin les portes du palais impérial.
Deux faits, de bien modeste apparence cependant, achevèrent
de le rendre célèbre à Byzance et d'asseoir sa fortune.' Sa force
herculéenne en fut seule la cause. Un jour, Antigone, fils du
César Bardas, voulut donner un grand dîner en l'honneur de
244 ; Cedron.
I.
Vit. Basil., \i
2.
Ibid,, XI, 244.
3.
Ibid.
'i.
Ibid.
5.
Ibid.
ET L EMPIIIK BV/AM IN '2^
son père. Toute la haute société byzantine, sénateurs, patrices,
parents, amis, furent conviés à la table du jeune domestique
des sclîoles. Au nombre de ceux-ci était Théophylitzès. Suivant
l'usage en honneur à Byzance, comme du reste à la cour des
rois francs, nulle grande réception n'avait lieu sans des jeux et
des combats. Antigone n'eut garde de manquer à cette habitude,
et, au cours du repas, des lutteurs bulgares firent leur entrée
avec rinsolencc qui leur était coutumière, dans la salle du festin,
Lun d'eux surtout se croyait invincible. Théophylitzès proposa
alors de faire venir son protostrator pour se mesurer avec lui :
ce qui fut accepté. La force de Basile l'emporta ; il fut vainqueur
aux acclamations de l'assistance qui crut, à n'en pas douter,
que cette journée, pour Byzance valait une bataille. « V partir de
ce jour, la renommée de Basile se répandit dans la ville et il
devint célèbre*. »
L'autre événement fut décisif. L'Empereur venait de recevoir
un cheval que nul ne pouvait dompter. Présent du stratège du
thème des Boukellaires, Nasar -, cet étalon de race était d'un
grand prix : mais dans sa fureur de ne pouvoir le monter.
Michel parlait déjà de lui couper les pieds de derrière quand
Basile s'offrit à le dompter. L'Empereur, charmé de l'adresse et
de la force de ce jeune paysan, ne voulut pas laisser plus long-
temps à Théophylitzès un tel homme, 11 le confia à son hété-
riarche André pour qu'il s'occupât des chevaux. Désormais sa
situation était faite : Basile avait franctii le seuil du palais. On
était en 850 ^.
11
Nous avons vu au chapitre précédent quelle était la situation
de l'Empire et particulièrement de la cour en cette année 856.
Le meurtre de Théoctistos laissait le champ libre à l'ambition
de Bardas et la faiblesse de son insouciant neveu semblait
devoir favoriser tous ses projets. Théodora n'allait pas tarder à
quitter la cour pour être envoyée en exil, elle et ses filles, au
I. Vit. Basil., xir, a44-45 ; Cedren., io8o ; Gènes., iiSa.
■2. Léon Gramni., io6i ; Contiii. de Georg. Moine, loôa.
3. Vit. Basil., xni, 245; Léon Gramm., io6'» ; Cedren., 1080-81 ; ConL de
Georjj^. \ïoiiH», 101^7; Gones.. ii.'^'i.
OO BASILE I
couvent de Karianos, si bien qu'aucun obstacle apparent ne se
dressait plus entre Bardas et le trône. Celui qui allait brouiller
toutes les cartes ne comptait pas encore.
Il est très curieux de constater à travers les récits des chro-
niqueurs avec quelle souplesse toute slave, Basile sut se glisser
petit à petit dans l'intimité de l'Empereur. Nul doute qu'il n'ait,
comme Bardas, tablé sur le caractère et les vices de Michel III
pour se faire une large place au soleil : mais tandis que l'oncle
s'acheminait vers le trône par l'éclat du luxe et la splendeur
impériale de son entourage *, Basile, lui, s'y achemina par une
humilité déguisée et de tous les jours qui lui donna le succès.
It était évident que dans la latte qui ne pouvait manquer de
s'engager un jour ou l'autre entre le César byzantin et le paysan
slave, le dernier mot resterait à Basile. Il semble même que
Bardas n'ait pas tardé à s'en rendre compte, confusément du
moins, et à pressentir en lui l'ennemi insaissisable et inavoué
que l'intuition devine à défaut des preuves de la raison, et qu'il
avait introduit imprudemmenl ii la cour-. Et cependant, au
début du règne personnel de Michel, au lendemain de l'assas-
sinat de Théoctistos. qui eût osé prédire qu'un simple valet
d'écurie s'attaquerait bientôt au premier personnage de l'Empire
après le Basileus? Michel, en effet, reconnaissant à son oncle de
l'avoir débarrassé d'une tutelle qu'il se figurait gênante et dan-
gereuse se jeta tout d'abord dans les bras de Bardas qu'il créa,
tout de suite, après la mort de Théoctistos ^, magister et domes-
tique des scholes, puis, peu après, au lendemain d'une conjura-
tion que Théodora essaya d'ourdir contre son frère et qui
échoua, curopalate avec toute la direction des affaires — chose
que l'Empereur trouvait trop ennuyeuse pour lui et qu'il était,
du reste, parfaitement incapable de conduire à bien. Ce fut donc
Bardas qui, durant l'espace de dix ans, devint le vrai maître de
l'Empire. Basile, de son côté, était confiné dans ses écuries. Il
ne laissait, cependant, passer aucune occasion de s'approcher de
Michel qui le prit vite en amitié et réle> a au rang déjà recher-
ché de (' protostrator «. C'est ainsi qu'un jour, par exemple, la
cour se trouA ant en chasse au lieu qu'on appelait « <I>t.Ao7:àT',ov »
un loup, tout à coup, se précipita au milieu des chasseurs qui
I. Genesios, 1117.
9. Vit. Basil., \iv, 2^18,
3. Syin. Ma<r., xiii, 7Î0; Coiil. do (ieorg. Moiiio. io'|8; Léon Gramm., 1069.
Kl L KMl'lUi; mZAMlN
se dcbaiidèreiiliMpidemcnt, effrayés par cette subite iiTiiplion.
Basile portait, suivant sa dignité, le bâton de l'Empereur. Dès
qu'il vit le désarroi général, il se précipita sur la béte et armé
du u caêoojxiov n impérial il lui fracassa la tête, aux grands
applaudissements de l'assistance '. Il n'en fallait pas tant à
Michel pour s'amouracher d'un homme, alors dans toute la
force de rûge ! Aussi est-ce bien probablement la crainte de
voir Basile trop puissant auprès de l'Empereur, grâce à ses
qualités physiques, plutôt que l'idée d'être, un jour, supplanté
par lui. qui fit dire à Bardas un de ces mots qu'on trouve géné-
ralement après coup, mais qui expriment toutefois assez exacte-
ment la pensée du moment : u Je crois bien que cet homme
sera la ruine de toute notre race 2. » Et cela est si vrai que,
quelques jours plus tard, Michel en présentant son nouveau
protégé à sa mère ne trouva rien de mieux à lui répondre pour
calmer ses alarmes — car elle aussi eut la même pensée que
Bardas et crut reconnaître en lui, disent les chroniqueurs, le
successeur de son fils, l'homme prédit à 7'héophile — que ces
simples et stupéfiantes paroles qui dépeignent celui qui les pro-
nonce : « Vous augurez mal de cet homme, ma mère ; c'est un
simple et un ignorant Iouoty,^ xal Travj àcp£A-/-ç. mais il est d'une
force prodigieuse -K »
Quoiqu'il en soit de ces histoires de chroniqueurs, un fait
paraît se dégager pourtant avec certitude : c'est que, d'une part,
Basile sut prendre assez vite un ascendant de plus en plus con-
sidérable sur l'Empereur et que de l'autre. Bardas, dès l'origine
manifesta à son égard les sentiments peu tendres que le temps
ne devait guère modifier^.
Tandis donc que Basile, dans ses obscures fonctions, prépa-
rait sa fortune à venir et s'attachait à l'Empereur, l'accompa-
gnant, comme c'était sa fonction, dans ses plaisirs du cirque et
souriant, en y prêtant la main., à ses honteuses passions^, Bar-
das gouvernait en son nom propre l'Empire byzantin. Fatale
dualité qui allait admirablement servir le rusé Macédonien !
Le premier soin de Bardas fut, naturellement, de se débarrasser
I. \U. Basil., ch. xiv, 3/|8.
■2. IbicL
3. Vit. Basil., ch. xv, 2^9; Léon (irainin., 10G8.
4. Vit. Basil., cti. xiv, 248.
;■). Voir pins bas, ch. m.
3 2 BASILE I
de sa sœur l'Impératrice et de ses nièces, ses filles, en les envoyant
en exil, au monastère de Karianos d'abord, puis ensuite à Gas-
tria^ Malheureusement pour lui, les choses n'allèrent pas sans
difficultés et, pour ne pas se rendre même peut-être exactement
compte de la portée de ses actes, il semait imprudemment, dès
son arrivée au pouvoir, les germes d'une querelle qui devait
rapidement détruire son œuvre, sa personne et sa famille.
Bardas, en efTet, arrivait au gouvernement précédé d'une détes-
table réputation : on l'accusait de relations coupables avec sa
belle-fille Eudocie-. Si la chose n'avait pas été très publique et
très certaine, l'Eglise n'eût probablement pas osé donner, par
son intervention, à un simple bruit la réalité d'un fait ; mais la
chose parut assez sérieuse au patriarche Ignace, pour qu'il ten-
tât d'abord un avertissement, puis à l'Epiphanie 858 qu'il se
résolut à frapper un grand coup en interdisant à Bardas la récep-
tion de l'Eucharistie^. Ce fut là, comme le dit Mcetas David,
(( le commencement des scandales et l'origine du trouble de
l'Eglise. )) Profitant de cet affront qui pouvait menacer jusqu'à
son pouvoir dans une société telle que celle de Byzance, il
résolut de se venger en obligeant le Patriarche à faire lui-même
ce que. sans cette heureuse circonstance, il n'aurait su com-
ment faire, c'est-à-dire à tondre l'Impératrice et ses filles de
ses propres mains et à leur ouvrir ainsi par la force les portes
du couvent. Bien entendu, Ignace refusa de concourir à un
acte que condamnaient et les canons ecclésiastiques et son
loyalisme et sa reconnaissance. Il se retrancha derrière le ser-
ment qu'il avait prêté à Théodora lorsqu'elle l'appela à gouver-
ner l'Eglise H^t attendit tranquillement l'heure du châtiment.
Il ne se fit pas longtemps attendre. Le 20 novembre 858 ^ il
1. ] //. Ignat., 5o5; Léon Granini., 1069; Sym. Mag., cli. xiii, 730.
2. IbicL, 5o4 ; Tlieoph. Contin., Vit. Mich., x\x, 208 ; Sym. Mag., ch. xwni,
p. 728. Cf. Vit. S. Eustat., 889, 33.
3. IbicL, 5o4.
4. Nous aurons occasion de revenir sur ce curieux sernienl qui éclaire
d'un jour très particulier riiistoire des rapports de l'Eglise et de l'Etat à
Byzance à cette époque.
5. Aristarch. Eisag. 2, ; llergenrôthcr, I, 372, donnent la date du 28 nov^
867 ; mais cette date ne me paraît pas possible.
En cfTet : 1° au moment des affaires d'Ignace, Bardas n'est encore que
domestique des scholes (Vif, Ignat., 5o4).
■2" Le premier pontificat d'Ignace dura onze ans (]//. Ignat., 5 12). En outre
il romoiilii sur le Irône j)alriarral le -i'À no\einhre 867 après neuf années d'evil
ET l'empire byzantin 33
était envoyé en exil dans l'île de Térébinthe, quelques semaines
seulement après la réclusion de Théodora^. Si, pour Bardas, la
situation intérieure s'éclaircissait sur un point par le départ de
l'Impératrice, elle devenait singulièrement inquiétante sur un
autre par l'exil du Pontife. Ignace, le 26 novembre, refusa
d'abdiquer le pouvoir- et peu de temps après Photius fut fait
patriarche (24-'i5 décembre). C'était le début d'une persécution
violente contre Ignace et ses tenants-^ qui s'ouvrait, persécution
qui obligea Rome à intervenir, qui fut un des principaux griefs
que Byzance n'allait pas tarder à formuler contre le gouverne-
ment et qui prépara le mécontentement général dont bénéficia
Basile.
La question religieuse, résolue ainsi par la force, permit à
Bardas de s'occuper sérieusement de l'administration et de dis-
tribuer libéralement par son activité et son intelligence quel-
ques années de réelle prospérité à l'Empire. Sous son impulsion
l'école de la Magnaure fut créée, ou tout au moins relevée^. Un
des plus grands savants du ix® siècle, Léon le Philosophe, en
prit la direction effective, assisté des hommes les plus cultivés
de son temps. L'instruction, par trop abandonnée depuis un
siècle, fut remise en honneur et prépara la brillante renais-
sance, littéraire, théologique et philosophique de l'époque qui
suivit. Grâce à la munificence de son protecteur, la nouvelle
école fut richement dotée et, grâce à sa surveillance assidue, on
y travailla^. Puis reprenant dans l'ordrejudiciaire les traditions
de Théophile, Bardas aimait à venir lui-même siéger au cirque
(\ it. IgnaL, 544). De plus, Nicetas (ôôg) dit qu'Ignace demeura un peu plus
de trente ans au pouvoir et que son second pontificat dura dix ans.
3° L'ambassade envoyée à Rome par Photius n'y arriva qu'en 860 pour en
repartir avec des lettres datées du 20 sept. (Ducli., Lih. Pontif., 168'^). II
semble qu'on aurait laissé passer bien du temps entre la déposition .d'Ignace
et cette ambassade.
II semble donc que la date du 33 nov. 858 est préférable à celle de 857.
Nous avons donc comme dates fixes : éIé^ation d'Ignace au patriarcat,
juin 847; déposition, ^3 novembre 858. Toute Terreur d'IIergenrother vient
de ce ([u'il fait mourir Méthode en 846.
I. Ml. IgnaL, 5o5. Cf. Regel, Vila Theod, Aiialeda byzanlino-riissica, p. \v
(Petersbourg, 1891).
3. Ibid., 5o5 ; Aristarch. Eisag. t,.
3. Theoph. Gonlin., Vit. Mich., ch. xxxn, p. 209; Gènes., 1130.
4. Ibid., ch. XXVI, p. 300; Vit. Ignat., 5o4.
5. Theoph. Gont., ML Micfi., ch. xxvi, 300 et 308; Cedren., io53 ;
(iencs.. 1 1 iC).
Il
3 A BASILE I
pour prendre part aux procès importants et empêcher l'injus-
tice de s'y commettre. C'était pour lui, paraît-il, un honneur
auquel il tenait beaucoup que d'être appelé uami d'une juste sen-
tence : « spao-TTj; vo[i.l>;^£a-8a!. Ta'JTr,^ Tr^ç yvwfXTjÇ cpO.OTt-iJiO'jjjLSVOç » ^.
Mais pour autant, Bardas ne s'oubliait pas. Il voulait arriver à
l'Empire et il en prenait les moyens 2. Les dignités et les hon-
neurs dont il disposait en maître absolu servirent à lui gagner
des amis de plus en plus nombreux. 11 en faisait échange pour
lui-même et pour les autres « comme un jeune fat change
d'habit, wa-^rsp v.ç véoç yaGpo; tô xal cp',a6t!.|jioç -rà.; -oLx'lAa; twv
Tzpoq Tép'^iv «TToXàç » '^ mais aussi comme un homme habile qui
veut atteindre un but. Son frère Pétronas fut créé en 863 domes-
tique des scholes * et à sa mort sa charge fut confiée à Antigone ^ ;
Symbatios, son gendre, devint, après la mort de Théoctistos,
logothète du drône^, et ce fut. sans doute, pour donnera quel-
que important personnage dont il voulait gagner l'amitié, la
fonctioji très recherchée et très influente de parakimomène,
qu'il envoya, au début de 865, son ancien ami Damianos finir
ses jours au couvent, sous le plus futile prétexte''. Lui-même,
du reste, après s'être approprié tout le pouvoir impérial^, se
fit donner le titre de César à l'époque des fêtes de Pâques 865
ou 866 •'. 11 touchait donc au faîte des honneurs; mais déjà
I. Theoph. Conl., VU. Mich., vh. \xx, 208; Gcdren., io56.
3. Vit. Basil., cli. xvi, nfuj.
3. Th. Cont., Vil. Mich., ch. xxvi, 197.
4. Th. Cont., Vit. Mich., xxv, 198.
5. Léon Gramm., 1069; Georg. Moine Cont., 1049.
6. Georg. Moine Cont., 1057.
7. Cedren., io84; Léon Granini., 1078; Vit. Basil., xvi, 2/19.
8. Gènes., 1108; Vit. Ignat., 628.
9. Cette date est très incertaine. Aristar. la place au 17 avril 86o.(Eisag.
xê), Hergenr. en 862 ou 863 (I, 4O9), (ielzer au 26 mai 866. Si le quantième
ne me paraît pas possible attendu que Bardas fut créé durant les fêtes de
Pâques, je crois que la date de 866 ou 865 est assez vraisemblable. En effet,
Pétronas reçut le titre de domestique des scholes après sa brillante campa-
gne contre l'émir de Melitène en septembre 863 (Yasiljev, 199, Vit. Mich.,
xxv, 198). C'est donc que le titre était vacant par suite de la promotion de
Bardas à la charge de curopalate. Peu après il fut fait César (Vit. Ignat.,
528). En tous cas il paraît certain que sa promotion eut lieu après la con-
version de Michel de Bulgarie en 864 (Lapôire, p. 49) et après le retour des
légats à Rome à la suite du concile réuni par Photius (Vil. Ignat., 025-537).
Or ce concile eut lieu en hiver 862-868. C'est donc après 863 et même 864
qu'il faut placer l'élévation de Bardas, (ienesios seul donne une date ferme :
à Pâques, indicL 10, ce qui reporterait l'événement à 863. Mais cette date
fait év idem m eut difïicullé.
ET L empiuj: byzantin ôo
cette étrange loi que Sociale appelait la « loi du retour des
choses » semblait s'afïirnier pour lui d'une inquiétante façon.
L'Empereur l'abandonnait pour Basile. Son premier échec eut
lieu précisément à propos de ce Damianos qu'il fit destituer,
convaincu qu'il allait pouvoir offrir la charge vacante à un
ami. Ce ne fut pas sans surprise qu'il vit l'Empereur, d'abord
peu pressé de donner un successeur à l'eunuque disgracié, éle-
ver tout à coup Basile à la fonction convoitée en le créant
patrice '. Pour Bardas le coup fut sensible. « J'ai chassé le
renard, dit-il à ses amis, mais j'ai introduit le lion. Il va tous
nous dévorer -. » Dès lors entre ces deux hommes une haine
profonde se déclara. 11 fallait que l'un ou l'autre disparut « ut.z-
êÀiTTOVTO à)j.-/;).o'jç, Ç7,to'jv':£«; t.Ck sTspo; tov 'hzpoy œd\r^ » et ce ne
pouvait être que par la violence -K
Pendant ce temps, Michel continuait à mener joyeuse vie.
Avec des comédiens et des cochers, il gaspillait le trésor ; avec
des femmes il scandalisait Byzance ^. Il n'était pas difficile d'agir
sur un esprit aussi faible. Pourvu qu'on flattât son amour
propre, qu'avec lui on fût obscène et qu'on prît plaisir à ses
amusements hippiques, on était sûr d'avoir son oreille. Basile,
à ce titre, était tout- puissant. Depuis l'heure oii il avait été fait
parakimomène, il vivait dans l'intimité du Basileus. couchait
aux pieds de son lit, suivant l'étiquette, et ne le quittait point.
Ourdir une conjuration contre le César, dans de telles condi-
tions, n'était point malaisé, si c'était dangereux. Basile n'hésita
pas. Entre les deux ennemis qui. l'un et l'autre, se voulaient
mal de mort, les chances étaient à peu près égales. Il fallait
toutefois au Macédonien un appui auprès de l'Empereur dans la
lutte qu'il allait engager. S'il était, en effet, l'ami écouté quand
il s'agissait de jeux et de plaisirs, avec cet instinct de race qui
est propre aux rois, Michel comprenait que Bardas lui était
indispensable quand il s'agissait de gouverner l'Empire et de
gaieté de cœur il n'aurait point consenti à le sacrifier. Il impor-
tait donc de perdre le César auprès de Michel III. Par un coup
1. VU. Basil., ch. xvi, a'iy. — l'our le mariage de Basile voir plus loin.
2. Cedrenus, io84.
3. Sym. Mag., xl, 787 ; (îeorg. Moine Cont., io56 ; Léon Gramm., 1078;
Cedren., 106A et io8'|.
f\. Vit. Basil., ch. xxxvn, 2i3-2i5 ; Theoph. (]onL, \ il. Midi., ch. xxi, 188;
Syni. Mag., xi\, 720, 721 ; Odren., lo'i'j.
36 BASILE I
d'habileté incomparable, Basile s'aboucha avec le logothètc
Symbatios, gendre de Bardas et. sous la foi des plus solennels
serments, lui raconta que l'Empereur avait pour lui la plus
singulière amitié et que. sans son beau-père, il rélèverait
volontiers au rang de César. Celle pensée fut pour Symbatios
une révélation. Son titre de logothète n'allait donc pas être
vain ; il pourrait gouverner à son tour ! Il accepta d'entrer dans
la conjuration formée par Basile et tous deux se mirent en
devoir de convaincre Michel que le César en voulait à sa vie.
Tant que Basile a^ait parlé. Michel s'était con lente de rire ;
mais les confidences du propre gendre de Bardas l'efl rayèrent
et dès lors il ne songea plus qu'à se défendre*. Virtuellement
Basile était vainqueur. Mais s'il avait gagné l'Empereur, il ne
pouvait se dissimuler que Byzance et l'armée étaient pour le
César 2. En somme, à part la question religieuse. Bardas avait
admirablement gouverné. A l'intérieur, il avait fait régner la
justice et rendu à Constantinople le lustre des lettres qu'elle
avait perdu. A l'extérieur, il avait vaillamment, par son frère
Pétronas et ses généraux, combattu les Arabes et remporté
sur eux d'éclatantes victoires. Les J3ulgares aAaient conclu la
paix ; leur prince en 864 s'était fait baptiser et avait pris le
nom de Michel. Des missionnaires, comme Cyrille et Méthode,
étaient allés porter aux peuples païens la foi de l'orthodoxie
et l'amour de Byzance. La civilisation « romaine » s'était ré-
pandue et par elle le commerce avait prospéré. Tant de bien-
faits valaient au César une légitime popularité. En outre
— et c'était encore plus grave — tous les grands postes de
l'Empire étaient occupés par ses amis, depuis le Patriarcat
jusqu'aux chefs de l'armée et aux gouverneurs civils qui
comptaient bien, probablement, voir, un jour, régner leur
protecteur "^ Enfin Bardas n'ignorait rien de la conjuration qui
se tramait contre lui et à la moindre alerte il était si bien prêt
à se défendre qu'il avait fait revenir en ville Antigone avec de
nombreuses troupes. C'est pourquoi Basile résolut, de concert
avec l'Empereur, d'éloigner Bardas de Constantinople en
l'obligeant à suivre Michel III dans une expédition contre les
I, Sym. Mag.. \l, 787; Léon (rrainm.. 107O; Gcorg. Moine Cont.. 1007.
M. lind.
li. 1/7. Basil., cil. \\ II. ''.'r.i.
El I. I-AIPIUE In/\M1N Ô-y
Vrabes '. Vu fond, il semble bien que le César a\ail des crainles
plus sérieuses qu'il ne voulait le laisser paraîlre. Il se sentait
fort et sa vanité répugnait à trembler devant un parvenu.
Et cependant de noirs pressentiments le hantaient'^. Aussi
([uand il se décida, malgré le conseil de ses amis, à partir
comme chef de l'armée ^, il se rendit avec l'Empereur et Basile
à Sainte-Marie de Chalkopratia et demanda qu'on jurât devant
le Patriarche et sur le sang du Christ, de ne rien entreprendre
contre sa vie durant l'expédition *. Naturellement le serment
fut prêté : Basile n'en était pas à un scrupule près.
L'armée se mit en marche immédiatement après les fêtes de
Pâques qui tombaient en cette année 866 le 7 avril, pour le
thème des Thracésiens afin de se diriger ensuite sur la Crête ^.
Arrivée à l'embouchure du Méandre, au lieu qu'on appelait
(( Kr-.oi » les jardins ^ elle s'arrêta pour camper et se préparer
à la traversée qui devait avoir lieu le 9.- ou le 28. Deux tentes
furent élevées, l'une pour l'Empereur, l'autre pour le César. Par
un hasard, peut-être bien voulu'', la tente de l'Empereur fut
placée dans un bas-fond tandis que celle de Bardas se trouvait
sur la hauteur. Au dire de Constantin \ II, le fait fut très remar-
qué et causa une grande rumeur^. Ce qui paraît certain, c'est
que les amis de Bardas et ses serviteurs, sachant la scène qui
allait se jouer, l'avertirent du danger qu'il courait. Il ne voulut
pas tenir compte de leur dire et au matin du 21 avril, vers neuf
heures ^, il se dirigea plein de dédain, entouré d'un splendide
cortège, du côté de la lente de l'Empereur pour lui annoncer
que l'armée était prête et qu'elle pouvait, sur son ordre, faire
voile vers la Crête ^^. Basile qui avait eu soin, sous prétexte de
I. Gcorg. Moine Cont., 1057. Vasiljev, Byzance et les Arabes, I, 204.
3. Vit. Basil., ch. xyii, 202 ; Theoph. Cont., 17/. Mich., ch. xl. 217, 220;
Sym. Mag., xli, 7^0; Gènes., ii24; Cedren., io65.
3. Sym. Mag., xl, 787 ; Georg. Moine Cont., 1057; Léon Gramm., 1076.
4. Sym. Mag. ; ibid. ; ibid.
5. Theoph. Cont., V7/. Mich., ch. xl, 220; Sym. Mag., xlu, 740; Georg.
Moine Cont., 1060.
6. Vit. Basil., cli. xvn, 202 ; Gènes., 1124. Léon Gramm., 107G. Tlieoph.
Cont., Vit. Mich., xl, 220. Ramsay, p. m.
7. Cedren., io65. C'était en tous cas contraire à l'étiquette, telle du moins
qu'elle nous l'est révélée parles Takiika de Léon VI.
8. Vit. Basil., ch. xvn, 202.
9. Sym. Mag., xlii, 740 ; Vit. Basil., ch. xvn, 252 ; Theoph. Cont., T7/. Mich.,
cl». XL, 220 ; Léon Gramm., 1077.
10. Léon Grannii., 1077.
38 BASILF. I
manœuvre, de faire éloigner Antigone et ses troupes ^ était
décidé à en finir avec un jeu qu'il savait fort risqué. Dès que le
César se fut approché de Michel pour le saluer, lui-même
s'avança et sur un signe convenu, tous les conjurés s'apprê-
tèrent à frapper leur victime. Basile donna le premier coup,
après quoi chacun s'acharna sur le corps de Bardas qui fut
mis en pièces et honteusement déchiqueté -. Du César, il ne
resta rien que la mâchoire inférieure quon conserva long-
temps dans une petite urne en ce même monastère de Gastria
oii ïhéodora était religieuse et fut ensevelie^.
Basile était donc vainqueur. 11 n'avait que faire, dès lors,
d'une expédition en Crête. On rentra à Byzance ; mais ce ne fut
pas sans difficultés. L'armée, à la nouvelle du meurtre, essaya
de se révolter. Il fallut toute l'énergie du drongaire Constantin,
parent, mais ennemi de Bardas, et grand partisan de Basile^
— nous l'avons déjà vu — pour réprimer une sédition qui
pouvait être fatale à l'Empereur et à son parakimomène et
convaincre chacun que le César avait été tué légitimement à
cause de ses insolentes prétentions et de ses ambitieux projets'».
Ce fut, du reste, à partir de cet instant, la thèse de la cour et la
raison qu'elle donna du lâche assassinat de Bardas <^.
Le peuple, cependant, ne paraît pas avoir jugé de même le
meurtre qui venait d'être commis. Michel et Basile rentrèrent à
Constantinople sans triomphe, la conscience chargée d'un lourd
crime. L'Empire était privé de son j^lus habile défenseur et
plus que jamais les esprits chagrins pouvaient, à l'horizon des
choses, voir s'accumuler les sujets d'angoisse et d'inquiétude.
Aussi la population ne fut-elle pas aimable à l'égard de ses
maîtres. Des murmures accueillirent le cortège impérial et un
I. (icnes., 1 125.
•i. Vit. Basil., ch. xvii, 203; Tlieoph. Conl., Vit. Midi., ch. xl, 220; Léon
(jramm., 1077 ; Sym. Mag., xui, 7.V)-4i ; Codron., io65.
3. De Cerem., 1208.
4. Gencs., 1121, 1128.
5. Cedren., 1067; Gènes., 1 128 ; Tlieoph. Coiit., Vit. Mich., ch. xl, 221.
6. Le récit de Constantin Porphyrogénète et des chroniqueurs attachés à
la cour est évidemment tout ditrérent. Pour eux, Basile ne fut pour rien
dans le meurtre du César. La faute en doit être imputée à Symbatios seul.
La Vit. Midi, fait intervenir Basile au moment décisif, mais en remarquant
qu'il n'agit de la sorte que pour sauver l'Empereur menacé et mù unique-
ment par l'éminencc du danger et les suppliantes objurgations de Michel
(ch. XL, 220, 221). La Vit. Basil, répète la même chose (ch. xvn, 253).
D'autres chroniqueurs taisent tout simplement son nom.
ET L E^fPIlŒ BYZANTIN 09
moine se faisant Fécho des pensées de beaucoup s'écria tout à
coup : u Tu as fait un bon voyage, Basileus, tu as tué ton
propre parent. Malheur à toi pour avoir fait cela. » Sur l'heure
ce fut le moine qui fut malheureux ^ , mais sa prédiction ne
devait que trop se réaliser et sans beaucoup tarder. Le premier
soin de Michel fut, comme il l'avait fait autrefois pour Bardas,
au lendemain de l'assassinat de Théoctistos, de combler Basile
de ses faveurs. Incapable de diriger l'Empire de ses propres
mains et n'ayant pas encore d'enfants-, il résolut d'élever Basile
à la plus éminente dignité aulique en le créant « magistros et
fds adoptif » d'abord, puis bien peu de jours plus tard, le
dimanche de la Pentecôte, 26 mai, coempereur^. D'un bond
Basile était monté plus haut que Bardas. Il obtenait ce que son
ennemi avait toujours rêvé. La cérémonie fut, comme elle
devait l'être, magnifique. La veille au soir, le protovestiaire
impérial prévint Photius * de la fête qui allait avoir lieu. Immé-
diatement, à l'étonnement général, deux trônes furent dressés
à Sainte-Sophie et le lendemain, devant la foule plus curieuse
que sympathique. Michel s'avança, ayant à ses côtés Basile en
habit de parakimomène. La procession arriva ainsi à l'ico-
nostase et tandis que l'Empereur montait à l'ambon, ayant à
ses pieds Basile, un u asecretis » Léon Castor, commença à
lire la proclamation du Basileus. Il expliquait à son peuple
qu'un complot avait été machiné contre sa vie par Bardas et
que, sans ses fidèles serviteurs Symbatios et Basile, il eût été
tué. Bardas avait reçu la juste peine de son crime. Basile désor-
mais le remplacerait et allait être créé empereur. Tout le monde
applaudit et Basile reçut la couronne aux cris de u Longues
années à Michel et à Basile^ ! »
De tout cela, cependant, un homme n'était point satisfait.
C'était ce pauvre Symbatios que Basile avait si bien joué.
Furieux de voir son titre de César lui échapper, il demanda à
être nommé stratège du thème des Thracésiens *'• et abdiqua sa
1. Sym. Mag., xlii, 741 ; Goorg. Moino Cont., loCi.
2. Cedren., 1068; Thcoph. Cont., Vit. Mich., ch, xliii, 221 ; Vit. Basil.,
ch. XVIII, 253.
3. ïheopli. Cont., VU. Mich., xun, vu ; Gcorg. Moine Cont., 10O2 ; NIcc-
tas, 537 ; Gènes., ii3G.
4. Léon Gramni., 1077.
5. Syin. Mag., xliii, 741; Georg. Moine Cont., 1061 ; Léon Gramni., 1080.
('». Vit. Basil., ch. xviii, 253.
\o BASILE I
charge de logothète K puis partit avec Georges Piganis soule-
ver la province contre le nouvel Empereur. Sa révolte fut ter-
rible, mais de courte durée. Piganis fut pris le premier, Sym-
batios ensuite. Ils furent mutilés : l'un eut les yeux crevés
l'autre un œil arraché et une main amputée et la révolte put
être ainsi apaisée -.
Mais pour autant, Basile n'en était pas plus aimé. A peine
eût-il ceint le diadème que les envieux le poursuivirent de
leurs calomnies et les amis de Bardas de leur haine, De tous
côtés on fit parvenir à Michel des libelles accusant son col-
lègue de le vouloir tuer ^ et sans doute après la scène de
u Kt'TcO', )) n'en fallut-il pas beaucoup à l'Empereur pour se
défier d'un homme qui maniait si facilement l'épée et le men-
songe. Du reste, Michel était-il capable d'aimer longtemps
quelqu'un ? Le premier venu, s'il savait le flatter, était certain
de se voir honoré des familiarités impériales et de supplanter
son prédécesseur. Basile n'échappa pas à la règle. 11 put
s'apercevoir assez vite que Michel n'était plus pour lui l'ami
d'autrefois et qu'un vulgaire batelier du nom de Basiliskianos
commençait à prendre le chemin qu'il avait sui\i lui-même
pendant plusieurs années *. S'il faut en croire les panégyristes
de Basile, Michel aurait été froissé de voir son impérial associé
s'éloigner des orgies dans lesquelles ils avaient jusque-là vécu
tous les deux et des remontrances qu'il se permit d'adresser à
son bienfaiteur^. Il est bien douteux, cependant, que cela soit.
Basile, même pour soigner son prochain avènement, n'avait
pas de ces délicatesses et le dernier repas qu'il prit avec Michel
le laisse bien deviner. Tout simplement, outre une question de
ménage dont nous parlerons plus loin, l'étoile de Basile s'étei-
gnait d'elle-même, comme s'éteignent les étoiles de la chance
et du bonheur quand il n'y a pas pour les faire de nouveau
briller une énergique volonté. Basile avait cette volonté : c'est
ce qui le sauva. Quand il vit que Michel ne cherchait plus qu'une
occasion de le faire mourir ^' et qu'un soir après des courses
qui avaient été pour Michel un triomphe, pris de vin, il osa
I. Vit. Basil., ch. xviii, ^56; Georg. Moine Conl., io64.
3. Ibid., ch. xviii, 256-57.
3. Gènes., ii36.
4. Léon Gramm., io8i ; Georg. Moine Cont., to68.
5. Cedren., ioG8 ; Vit. Mich., ch. xun, 221 ; Vit. Basil., ch. xxiv, 2C4.
G. Cedren., 10O8 ; 17/. Mich.. ch. xuii, 22^1 ; Vif. Basil., ch. xxv, 265.
T [. i-Mi'iui: inzwTix
offrir ses sandales de pourpre à son nouveau favori et le présen-
ter ainsi au Sénat pour qu'il agréât ee singulier empereur',
Basile n'y tint plus. Il profita d'un dîner auquel il se trouva
invité quelques jours plus tard, à Saint-Mamas, à roccasion
d'une chasse dans laquelle — entre parenthèse il faillit être tué
sur Tordre de l'Empereur, — pour se déharrasser d'une façon
définitive de son dangereux collègue. Se levant de tahle sur la
fin du repas, il s'éloigna un instant sous un prétexte quel-
conque et pendant que Michel continuait ses libations et se
livrait à ses obscènes plaisirs, il s'en alla fausser les serrures de
la chambre impériale et revint prendre part à la fête nocturne
jusqu'au coucher de l'Empereur. Comme à l'ordinaire, il le
reconduisit lui-même à son lit et le laissa entre les mains de ses
cubiculaires, surpris et effrayés de ne pouvoir fermer la porte,
pressentant quelque sinistre événement. Chacun, toutefois, ne
tarda pas à s'endormir de ce lourd et immobile sommeil qui
suit les banquets prolongés. Pendant ce temps, Basile avait
réuni ses amis, les mêmes qui déjà avaient pris part au
meurtre de Bardas, et bientôt les abords de la chambre impé-
riale furent envahis par les conjurés : Symbatios et Marianos,
frères de Basile, Constantin Toxaras, Asyléon, son cousin et
d'autres. Basile entra le premier, suivi d'un Bulgare, Pierre.
Au bruit de leurs pas, le cubiculaire Ignace se réveilla et devi-
nant tout, voulut s'opposer par la force à l'acte qu'il voyait
déjà perpétré. Il fut vite réduit à l'impuissance, grâce à la
vigueur du Bulgare ; mais tout ce bruit réveilla à son tour
l'Empereur, complètement dégrisé : sans peine il comprit que
son heure était venue. Jean Chaldios se précipita sur lui et d'un
coup de glaive lui coupa les deux mains ; un Perse, Jacobitzès,
jeta Basiliskianos à bas de son lit. 11 ne restait qu'à achever
l'œuvre commencée. Tandis que Basile parlementait sur ce
qu'il convenait de faire, Asyléon rentra résolument dans la
chambre et sans pitié plongea son épée dans le ventre de
Michel qui, assis sur son lit, se lamentait à la vue de ses moi-
gnons ensanglantés, reprochant à Basile sa perfide ingratitude.
Les viscères impériales s'en allèrent ensanglanter les dalles de
marbre : L'Empereur était mort. Byzance qui entrait, en cette
I. Codren., 1068 ; Vit. Basil., ch. xxv, 265 ; Thooph. Cont., Vit. MicJi.
11. \r,iyr. t*?'! ; Gooro-. AloinoCont., 1068.
BASILE 1
nuit du 23 au 2^ septembre, dans l'année 8G7 recevait un nou-
veau souverain et une nouvelle dynastie ^. Michel disparaissait
à l'âge de vingt-huit ou vingt-neuf ans, après avoir régné un an
et quatre mois avec Basile.
Au dehors, pendant cette scène tragique, une violente tem-
pête faisait rage sur la mer. On était à Saint-Mamas, au bord
de la mer, de l'autre côté de Constantinople et l'essentiel, le
coup fait, était de s'emparer du palais impérial. Basile et les
conjurés se rendirent donc au plus vite au (^Ttipaijia » pour de là
traverser sur Constantinople. Ils abordèrent à la maison d'un
Perse. Eulogios. Tous ensemble escaladèrent le mur d'enceinte
du palais du côté de la mer, se firent ouvrir les portes du palais
par riiétériarche de service, Ardabasde et Basile put prendre
ainsi possession immédiate de sa nouvelle demeure. La cour,
elle, était restée à S^-Mamas. Basile la fit revenir solennel-
lement dès le lendemain, tandis qu'il envoyait un obscur
cubiculaire, Paul, ensevelir précipitamment les restes de
Michel m au monastère de Chrysopolis -. De tous les amis de
l'Empereur, personne ne lui restait fidèle en cet intant, sinon sa
mère et ses sœurs qu'il avait si cruellement outragées et si
indignement traitées. Elles seules furent là pour déposer sur sa
tombe leur pardon et leur prière '^.
III
Tels sont les faits que les chroniqueurs nous ont transmis ;
mais ces faits ne sont en réalité que le cadre extérieur de l'his-
toire et la manifestation des sentiments intimes de ceux qui les
provoquèrent. Aussi est-ce à démêler les causes véritables des
événements dont le souvenir nous est parvenu qu'il faut arri-
ver si l'on veut en saisir tout le sens et la portée. Comment donc
et pourquoi, Basile a-t-il pu accomplir la révolution qui l'a
porté au trône, lui et sa famille ? C'est la question qu'il s'agit
d*examiner.
Dix années durant. Bardas avait su, par son intelligence et
I. Vit. Ignat., o!^o.
9. L'actuelle Scutari,
3. Tieorg. Moine Goiit., 1068; Syni. Mao., \lviii, 7^48.
ET T; EMPIRE RYZAMfN /|3
son activité, faire face à tous les dangers qui menaçaient
l'Empire et lui donner le calme et la prospérité dont il avait
besoin après la rude secousse iconoclaste. Mais c'était là l'œuvre
d'un homme et l'ordre qui. grâce à lui, semblait régner par-
tout était en réalité plus superficiel que profond. L'anarchie
était toujours prête à renaître. D'abord la question religieuse
avait provoqué beaucoup de mécontentement et les esprits se
trouvaient très divisés. Dans le clergé comme parmi les digni-
taires de l'Empire, à la ville comme à la cour, il y avait deux
camps bien tranchés : les uns, partisans d'Ignace, les autres
de Photius ; puis la conduite de Michel III n'était guère faite
pour lui gagner des sympathies. Très vite, les gens de bien
furent écœurés de ses désordres et se déclarèrent contre lui K
Enfin on avait toujours à redouter les ennemis du dehors :
Arabes. Bulgares, auxquels étaient venus se joindre les Russes,
en juillet 860. Aussi, comprend-on facilement l'inquiétude
qui s'empara de Byzance à la mort du César. Son énergie et
son autorité avaient pu endiguer tous ces éléments révolution-
naires et les empêcher de détruire l'ordre établi ; mais lui dis-
paru, on pouvait craindre les pires malheurs. Michel, en effet,
était incapable de se faire respecter. Il n'essaya même pas. Dès
son retour à Byzance, il reprit sa vie accoutumée et ses plaisirs
favoris. Toujours retiré dans son palais de S'-Mamas, situé en
dehors de ville, près de son cirque privé, il continua à s'occu-
per exclusivement de ses chevaux et de ses courses et à ouvrir
largement à ses amis — cochers et courtisans — le trésor impé-
rial. Ni les désordres intérieurs, ni les bruits de guerre ne pou-
vaient parvenir jusqu'à lui. Il ne tolérait même pas qu'on vint
lui en parler '-. Et puis, à son dévergondage moral se joignait
son incrédulité bien connue et si déjà on trouvait ses compa-
gnies habituelles, scandaleuses, on lui pardonnait encore bien
moins ses parodies grossières des plus saints mystères de la
Religion et ses plaisanteries de mauvais goût sur l'Eglise et le
clergé. Constantinople, divisée sur la personne du patriarche,
ne l'était plus sur la question dogmatique et sa piété tradition-
nelle, qu'en l'occurrence, la superstition et la crainte des ven-
geances célestes venaient exalter, était toute prête à se révolter
I. Codron., 1061 ; Gènes., 1121.
■i. Odron.. ibid. ; Vit. Mich., cli. \x\v
4 A BASILE I
contre un souverain qu'elle jugeait aussi méprisable que dan-
gereux. La haine des honnêtes gens, d'une part, les malédic-
tions du clergé de l'autre, commencèrent donc à discréditer
aux yeux de chacun le gouvernement de Michel K
Mais il y avait plus. Les folles dépenses de l'Empereur avaient
ruiné le trésor. Sans compter, il distribuait à ceux qui lui plai-
saient et le flattaient des sommes considérables - qui appau-
vrirent le trésor au point que le jour vint où, n'ayant plus rien à
donner à ses amis, impuissant à faire face aux dépenses néces-
saires, il dut ordonner la fonte des objets d'art que Théophile
avait amassés au palais, des précieux habits brodés d'or qui ser-
vaient aux grandes solennités, de toutes les richesses, en un mot,
qui faisaient la gloire de Byzance et l'admiration des barbares '^.
Des réserves de Théodora et de Théophile, il ne restait plus
rien et de toutes ces prodigalités, l'Empire était seul à n'avoir
pas profité. Ces mesures, du reste, se trouvèrent promptement,
elles aussi, insuffisantes. Il fallut trouver de nouveaux expé-
dients et naturellement, comme toujours, ce furent les couvents
et les riches qui. les premiers, furent mis à contribution. Par
ordre du Basileus, on rançonna les églises et les monastères *,
voire même on les pilla. La confiscation des fortunes privées
suivit de près celle des monastères et c'est, si l'on en veut
croire Constantin YII, ce perpétuel besoin d'argent qui amena
les cruautés inqualifiables de Michel III. Dès qu'une personne
avait cessé de lui plaire, sous le plus futile prétexte, on la
mutilait et on lui saisissait ses biens. Chaque nuit d'orgie ame-
nait ainsi quelque nouvelle condamnation que parfois l'Empe-
reur lui-même regrettait au matin •''. On comprend que sous
un tel régime où seule faisait loi la capricieuse volonté d'un
jeune homme affaibli par l'intempérance et corrompu par tous
les excès, ceux qui possédaient pussent se juger en danger dans
leur vie et leurs richesses ^ et fussent très disposés à acclamer
1. Theoph. Gont., Vit. Mich., cli. xliii, 924 ; Vil. Basil., cli. xx etxi, p. 257,
2G0; Gcnes., 11 31.
2. Sym. Mag., xiv, 720-721 ; Vit. Basil., ch. xvi, p. 249.
3. Vit. Basil, ch. xxix, 272 ; Theoph. Cont., Vit. Mich., ch. xxi, i8y8 ; Sym.
Mag., XV, 721.
\, Vit. Basil., ch. xxvii, 269.
5. Gedrcn., 1068; Vit. Basil., ch, xxvii, 2G8. 269; Theoph. Conl.. ]7/.
Mich., xLiii, 22.4 ; Liutpr. Autapod., i, S 9, 27G.
6. ] il. Basil., xxvii, 268-OQ.
ET LEMPlHi: BVZ\MI\ l^b
au premier signe l'homme assez fort pour leur rendre la paix
dont ils avaient joui jusque-là. Aussi est-il assez vraisemblable,
même en faisant une large part aux exagérations de Constantin
et des apologistes de Basile, très disposés, naturellement, à
peindre le règne de Michel sous les plus noires couleurs afin
d'excuser plus facilement le nouveau Basileus, que de cet état
de choses personne ne voulait plus.
Enfin, précisément à l'heure oii tout allait au plus mal dans
le gouvernement intérieur de l'Empire, on signala tout à coup
de nouvelles agitations sarrasines aux frontières, préludes d'une
action militaire. La situation était d'autant plus grave que les
troupes qui, depuis longtemps déjà, n'avaient pas été payées,
faisaient mine de se révolter^ et que tous ces grands généraux
d'autrefois, Manuel. Pétronas, qui avaient si souvent sauvé et
l'Empire et son chef, étaient morts sans laisser derrière eux des
successeurs capables de les remplacer. Il fallut donc, en hâte,
monnayer difîérents objets pour un millier de kenlenaria et
les envoyer aux stratèges '-. A ce prix, la révolte fut évitée. Mais
un dernier caprice de l'Empereur vint mettre le comble à
l'indignation générale et augmenter les appréhensions de tous
les bons citoyens. Un télégraphe optique, très heureusement
imaginé par Léon le Philosophe sous Théophile, à l'aide de feux,
mettait en communication les frontières extrêmes de l'Empire
du côté des Arabes — la Cilicie — avec le palais impérial. Dès
qu'une invasion était annoncée, les feux s'allumaient de col-
lines en collines et arrivaient jusqu'au Phare, contigu au
Palais, où suivant l'heure à laquelle les feux avaient été allumés
on savait quel événement militaire était signalé. Or un jour —
peu de temps avant le meurtre de Michel — de grandes courses
étaient données à S*-Mamas en l'honneur de la naissance du
futur Léon VI quand un protonotaire du logothète arriva
subitement annoncer qu'on signalait les feux, que le territoire
était envahi. Lne panique générale s'en suivit. Personne ne fit
plus attention aux courses que dirigeait l'Empereur en per~
soujie. Eurieux de voir ses talents méconnus et ses plaisirs
interrompus pour si peu de choses, Michel fit détruire immé-
diatement son télégraphe sûr qu'ainsi, dit-il, pareille mésaven-
1. Sviii. Ma
•>.. Ihid.
46 BASILE 1
ture ne se reproduirait plus K Vraiment c'en était trop. Tout le
monde se révolta : sénat, principaux citoyens, fonctionnaires,
armée - et ouvertement on parla de chasser l'Empereur « parce
que les affaires des Romains étaient mal administrées et qu'il
n'y avait plus de sûreté pour personne ^. »
Cet état de choses ne pouvait évidemment durer et c'est pro-
bablement dans l'espoir d'arrêter la révolution que Michel
nomma Basile, co-empereur. Mais, comme par le passé, le
Macédonien profita de sa situation et du mécontentement de tous
pour faire à son profit la révolution que son impérial collègue
avait de justes raisons de redouter et c'est ce qui lui permit de
s'emparer sans difficultés de la ville et du gouvernement.
Aussi n'est il pas invraisemblable qu'en fait, après le coup
d'Etat du 24 septembre, comme le dit Constantin, le sénat, la
noblesse et l'armée aient sans peine acclamé le nouvel Empe-
reur *. Si son nom n'était pas populaire, si sa réputation n'était
pas sans tâche, si surtout il avait sur la conscience deux
meurtres assez lâches, on pouvait du moins espérer que ce
robuste paysan serait un bon soldat et ce rusé Slave un habile
administrateur. On était heureux, en tout cas, de voir monter
sur le trône un homme qui avait connu la pauvreté et savait
par expérience quelle dure vie était faite par les riches à tous
les humbles et les petits ; on était heureux de penser qu'il ne
permettrait plus désormais de pressurer et de faire du mal à
ceux dont il tenait par son origine même et que des réformes,
une amélioration dans l'état de choses existant, rendrait au nou-
veau gouvernement l'énergie que l'ancien avait perdue dans les
festins et l'ivrognerie ^ et c'est probablement de tout cœur que
les factions du cirque purent crier, suivant l'usage, « longue vie
à l'Empereur Basile î »
1061 ; Sym. Mag.,
1.
Si^LVI
2.
3.
Theoph. Cont., VU. Mich., xxxv, 212; Cedren.,
, 744.
Vit. Basil., 253 ; Cedren., io85.
Vit. Basil., xviii, 253-56 ; 1/7. Mich., xliii, 221, 224
4.
5.
Vit. Basil., xix, 257.
Vit. Basil., xix, 257 ; Cedren., 1088.
CHAPITRE 111
LA PERSO>NE DE LEMPEREUR. SON CARACTERE. SES IDEES,
LA FAMILLE IMPERIALE. LA COUR.
Basile avait cinquante-cinq ans environ au moment oii, par
le meurtre de Michel III, il devenait seul maître de l'Empire.
11 était donc sur le retour de l'âge, à cette époque de la vie
où le commun des hommes en a fini avec les illusions de la
jeunesse et les ambitions de la maturité et ne se laisse plus
guère prendre aux longs rêves d'avenir. Mais Basile était fils
de ces fortes races de paysans montagnards pour lesquels
l'existence parait devoir être sans terme parce que la santé, la
vigueur, l'équilibre des facultés semblent leur permettre une
verte et prolongée vieillesse. 11 avait trouvé que même à son
âge une trône vaut un assassinat et, puisqu'il l'avait obtenu,
il était bien décidé à y monter pour accomplir une grande
œuvre. Son physique, du reste, attestait qu'il pouvait compter
sur de longues années de vie. Gomme aux jours lointains
où il était en service chez ïhéophylitzès, il avait conservé sa
grande et belle stature, ses larges épaules, sa force herculéenne,
son teint foncé tout resplendissant de santé. D'épais sourcils,
se rejoignant à la naissance du nez. encadraient ses yeux légè-
rement tristes et sa figure, d'ordinaire grave, s'assombrissait
encore quand le poids et le souci des affaires venaient l'acca-
l)leri, quand aussi, peut-être, l'image de ceux qu'il avait fait
périr se dressait devant ses yeux comme un remords qu'on
n'efl'ace pas. Ce remords, Basile semble l'avoir traîné avec lui
durant tout son règne comme le forçat son boulet et sa piété,
affectée, étrange inême chez un tel homme, n'est peut-être
I. Sviii. \[a«r., I, 7'i<s.
48 BASILE 1
bien que l'expression de Teffort incessant qu'il fit pour sen
débarrasser. Aussi coriime l'écrivain romain, auteur delà Vie
du Pape Hadrien ^ est-on parfois tenté, à n'étudier que la con-
duite de Basile après son avènement, de donner presque raison
à ses panégyristes contre ses adversaires et de croire, qu'en
définitive, il put bien être innocent du double crime dont il
profita. Mais si les faits parlent assez haut contre lui pour
qu'on ne puisse s'y tromper, il n'en demeure pas moins qu'en
Basile l'Empereur nous apparaît sous un tout autre jour que
l'ancien ami de Michel III et c'est surtout ce dernier aspect
qui, naturellement, a frappé tous ses contemporains.
Dès son avènement, en effet, à l'encontre de son prédéces-
seur. Basile afficha des sentiments religieux très marqués qui
ne le quittèrent plus, Chaque jour, nous raconte son petit-fils,
il s'en allait prier le Seigneur pour le succès de ses entreprises,
prenant saint Michel et le prophète Elie comme intercesseurs-.
De retour à Constantinople. après ses campagnes militaires,
son premier soin était de visiter les églises pour rendre grâce
à Dieu de ses bienfaits et sa reconnaissance se traduisait chez
lui en constructions religieuses magnifiques qu'il ne se lassait
point de semer sur toute l'étendue de son vaste empire.
Sans doute, comme le remords, la politique dut inciter cette
dévotion subite. Basile avait eu sous les yeux l'exemple de
Michel III dont l'impopularité était allée grandissante avec son
incrédulité et il sentit, dès le premier jour, la nécessité d'ap-
puyer son autorité sur la religion de ses sujets. Pour cela il se
montra respectueux de l'orthodoxie, protecteur et ami du
clergé, propagateur de la foi chrétienne ; mais cependant,
il serait injuste, je crois, de refuser à Basile toute sincérité.
A lire, en effet, les recommandations nombreuses qu'il adresse
à son fils sur la foi, sur l'honneur à rendre aux prêtres, sur
la vertu à pratiquer, comme ses solennelles déclarations au
concile qu'il réunit, au début de son règne, en faveur d'Ignace,
on sent qu'en cet homme tout n'était pas feinte et hypocrisie
et que vraiment la religion avait fini, sur le tard, par inspirer
sa conduite. Ses relations habituelles, du reste, à défaut
d'autres preuves, seraient là pour confirmer le' changement
1. Lih. Pontif., ML llndr., p. 178.
:>.. Vil. lUmL. xi.i. -.iSS,
ET l'eMPIIIE byzantin !\^
qui s'opéra en lui. Les moines devinrent ses conseillers et ses
amis. Il se plaisait à les recevoir, à les inviter à sa table, à
leur demander le secours de leurs prières. Dès qu'il apprenait
qu'un religieux, par la sainteté de sa vie, était Tobjet de la
vénération des hommes, il le mandait à la cour pour s'entre-
tenir avec lui et le consulter'. Tout, jusqu'à ses lectures pieuses
et à celles qu'il conseille à son fils -, nous découvre les senti-
ments intimes qui l'animaient véritablement -^ Sa piété, toute-
fois, ne fut pas stérile. Elle s'épancha au dehors en œuvres
charitables qui lui valurent un étonnant renom de douceur et
de bonté. Vu lendemain de son avènement, il distribue au
peuple de nombreuses largesses* et bientôt, sous son impul-
sion, des hôpitaux, des maisons de retraite, des hôtelleries
s'ouvrirent pour les malades et les vieillards ^. Volontiers, il
répétait à son fils : « La piété consiste à soulager ceux qui sont
dans le besoin, î'jaiês'.a y, to)v osoaivwv sttI ikZ'zÔLOO'y^ç. Estime
que tuas perdu ta journée si tu n'as fait de bien à personne.
C'est le moyen d'obtenir miséricorde du souverain roi^. » Ces
sages conseils. Basile les pratiquait lui-même. Tous ceux qui
l'avaient autrefois servi et aidé, tous ceux qui lui avaient
montré quelque attachement étaient sûrs de ne pas se voir
oubliés'' et l'équité envers tous, surtout envers les pauvres et
les petits, devint la loi qu'il imposa à tous ses fonctionnaires,
comme le meilleur moyen de rendre les hommes heureux.
Nulle oppression, nulle injustice n'étaient par lui tolérées et
nous verrons à propos de ses réformes législatives et admi
nistratives quelles étaient, à cet égard, sa surveillance et sa sévé-
rité^. « Il est étonnant, disait-il, comme les sujets examinent
les affaires des princes. En observant la justice, le souverain
obtient deux avantages à la fois : il se met à couvert des
calomnies et forme, par son exemple, les hommes à la vertu-\ »
1. Vit. Basil., lxxh, o-^q.
■i. Exhort., n , B.
3. Vil. Basil., lxxii, 3-^9.
'j. Vit. Basil., xxix, p. •2-2. C'était, du rosle, rusageà iîyzancc (cf. ïlicoph.
."». G mes., II 53.
0. Exh., IX, G.
7. 1 //. Basil., Lxxni, 33-^ ; Léon (iraiiiiu., 1088-1089.
8. l //. Basil., LXXII, 33 1 ; \c, 36 1*
(j. L\rh. \\M. I).
OO BASTLK I
Aussi comprend-on facilement rentliousiusme de quelques-uns
de ses contemporains qui depuis longtemps n 'avaient au un
aussi vertueux souverain, a II est doux, bon, libéral, calme,
pacifique, sage, juste, ami du Christ, fidèle observateur de sa
loi ; il aime la paix : il est généreux pour les pauvres et pour
les villes. » dit un poète anonyme i et c'est par un magnifique
portrait de Basile que \icetas de Byzance commence sa lettre
pour réfuter un livre quelconque altribué à Mahomet. « Que
dirai je de sa façon très sage de gouverner l'Empire: de sa
conduite paisible à l'égard de l'Eglise : de son équité, de sa
patience et de sa bonté, de ses bienfaits et de sa libéralité, de
sa foi. de son zèle, à faire prêcher l'Evangile du Christ, car il
ne snpportait pas que les corps des barbares seulement fussent
mis en fuite s'il n'avait aussi divisé leurs âmes impies par la
parole à deux tranchants de la vérité-. »
Et tout cela est vrai ; mais ce n'était là quuji des côtés du
caractère de Basile, le résultat d'une volonté chez lui bien
arrêtée oîi entraient tout à la fois le besoin d'expier son
crime, l'espérance de se le faire pardonner et le légitime désir
de rendre populaire son gouvernement. C'était le coté que la
foule connaissait. L'autre était moins séduisant, aussi le dissi-
mulait-il aux legards dn public pour ne le laisser paraître
qu'à l'ombre dn palais, dans le cercle restreiid de ses fami
liers. Tandis qu'en effet, l'Empereur î^e faisait, par nécessité et
habileté politique, indulgent et bon à l'égard de ses ennemis,
magnanime pour ceux qui. comme Symbalios, Piganis, Oorv-
phas. au début de son règne. Kourkouas et ses conjurés plus
tard, cherchèrent à le faire mourir -^ il n'en fut plus de même
aACc les siens. Alors son caractère colère, violent, emporté,
apparaissait tout entier et ses antipathies le conduisaient à de
véritables injustices. Pour son fils putatif, Léon, il fut tou-
jours un mauvais père. Après l'avoir contraint par la force à
épouser Théophano*. sur un faux rapport de l'abbé Théodore,
dit Santabarenos, ami de Photius, il le fît enfermer plusieurs
mois en prison et voulu! même lui faire crever les yeux "» :
1. Anonyme. Cité par Briiikiiiami, 98 et scq., i3i, i^o, 157.
2. Mcétas de Bysancc, Refutatio, p. 670-672.
3. Vil. Basil., xviii, 257; xlv, 293. Sym. Mag., Il, 719; Brink., Anonyni.,
190 et scq.
'4. Vil. S. Eiithym., cli. vu, S 8, |). ii8 129.
ô. I.éon Cîramiii., 1092 ; 1/7. UdsiL, cli. c, |). 'M)^.
KT L EMPIKE BYZANTIN t) I
])our sa sœur Thecla il fui cruju' ii<jiLieiii' inouïe ', vl. siin^
trop approfondir la chose, il envoya en exil Nieelas qu'on
disait amoureux de l'impératrice 2. Ses meilleurs serviteurs
pouvaient toujours craindre quelque revirement dans son
amitié el un liagiof>raphe anonyme, habitué de la cour, ami de
la famille de sainte Tliéopliano. nous montre bien, à propos
de la démarche qu'essaya de faire auprès de Basile, Stylianos
Zaoulzès. son protospathaire, pour la délivrance de Léon, la
lerreur qui régiiiail autour de l'Empereur ^. Il faut dire, cepen-
dant à sa décharge, c[u'au lerme de sa vie, il ne fut peut-être
])lus entièrement responsable de tous ses actes. La mort de
son fils aîné. Constantin, lui donna un coup dont il ne se
releva pas et les agissements de Saidabarenos semblent bien
avoir, plus ou moins, égaré sa raison. Alors, tandis qu'il
s'adonnait à la magie et devenait par sa crédulité même le
jouet du moine intrigant, il se faisait vindicatif, cruel, soup-
çonneux ^ N'est-ce pas lui qui ordonnait d'enfermer le phar-
gan qui l'avait sauvé lors de la dernière chasse qui précéda sa
mort, bien que sans le courage de cet homme il eût été
perdu ^ ? Léon le Grammairien dit positivement que Basile devint
fou. u 0',à t6 cpO.Tpov OTTîp zlç a'JTov slysv £77Ààva". » Aussi Nicetas
Davi<lqui écrivit vraisemblablement peu après la mort de Basile,
ayant en mémoire les dernières années de la vie du grand
Empereur comme sous les yevix les résultats de sa politique
religieuse, ne se gêne-t-il pas pour en dire tout autant et ajouter
même qu'il était na'if. léger, vaniteux'', jugement injuste car on
n'apprécie pas tout un règne d'après quelques années de vieil-
lesse et d'affaiblissement mental.
En réalité, Basile était merveilleusement souple, intelligent
et énergique. D'instinct, il voyait le but à atleindre. la route
à suivre et. sans hésiter, quelque gi'andes que pussent être les
dilïicultés. il allait de l'avant. En lui s'unissaient à un très
haut degré les qualités et les défauts des trois races dont il élait
issu. De rVrménie, il tenait l'habileté, le sens pratique des
1. Léon Gramm., 1088; (îcorf;. Moine Cont., 1077.
2. Ibid., 1089,
3. Vit. S, Theopli., p. 11 et seq.
4. Léon Granini., 1092-93.
5. Vit. S. Eiithym., p. 2.
6. Léon Gramm., 1092.
7. Vit. Ignat., p. 549.
02 HASILK I
aflaires, la volonté de fer. un pou aussi la ruse et l'hypocrisie
(les aflaires religieuses de son règne le prouveront). De la
Slavie, cette âme fuyante, si difTicile à analyser où les plus
étranges contrastes se heurtent et se froissent, faite de douceur,
d'idéal, de honte, de religion avec de suhits retours à la vio-
lence, à la cruauté; à la hasse immoralité. De Byzance enfin
le goût du grand, du heau, Tamour de la science et de la civi-
lisation, l'esprit de conquête qui l'anima aussi hien dans ses
guerres que dans sa politique d'expansion religieuse, l'esprit
d'autorité et de gouvernement enfin qui en firent un des plus
grands et des plus complets souverains du Moyen-Age hyzantin.
Tous ces éléments divers, nous les retrouvons dans son
caractère d'une part, dans l'idée qu'il se fit du i)Ouvoir impé-
rial de l'autre. Qu'esl-ce donc que l'Empereur dans la pensée
de Basile ?
Jusqu'à son dernier jour, Byzance garda intact, comme un
héritage du passé, la conception païenne que Rome lui avait
léguée du pouvoir impérial. Le Christianisme, tout vainqueur
qu'il fût, n'aniva pas à détruire l'idée qu'on se faisait de l'Empe-
reur : dieu vivant qui prend place à sa mort par l'apothéose
parmi les divinités qu'on adore. 11 ne put que la modifier, la
transposer, l'adapter à la foi nouvelle qu'il prêchait. Si l'Empe-
reur n'est plus un dieu, c'est du moins un homme si haut
placé sur l'échelle des êtres, qu'au-dessus de lui il n'y a que
Dieu seul. Il détient en ses mains le pouvoir politique comme
l'autorité religieuse et sa mission sur terre consiste à faire res-
pecter la foi chrétienne aussi hien que la loi de l'Empire.
11 est au-dessus de toute loi car la loi n'est que l'expression de
sa propre volonté et Dieu seul peut lui demander compte des
actes qu'il commet. — Cette concei)tion fut celle de Constantin
comme de Justinien et c'est par ce dernier qu'elle s'est trans-
mise aux Empereurs hyzantins. Basile 1' la reprit à son tour,
mais pour la préciser et surtout en dégager les ohligations qui par
là incomhent à tout véritahle souverain. « Personne n'est sur
terre au-dessus de l'Empereur, écrit-il à son fils, et personne ne
te peut commander ; mais au ciel, tu as toi-même un roi : et.
de même que Dieu a soin de toute chose, ainsi loi. tu ne dois
rien négliger ^ car l'Empereur est responsahle devant Dieu des
I. Exh. \LI. H.
I r 1. i:Mi»im: inzvMiN jô
crimes qui se commet lent dans l'Empire quand ces crimes s'y
commettent par sa faute'. Bien plus, l'Empereur représente
Dieu même et son pouvoir, il le tient directement de lui 2.
Il trône dans son palais, invisible aux regards de la foule ou
ne se montre à ses sujets qu'entouré d'un immense cortège de
magistroi et de patrices qui rappellent les apôtres «^ et c'est en
toute justice, dit le poète anonyme que nous avons déjà cité,
que Basile pouvait se faire appeler « souverain de toutes choses,
Dieu et maître *. » Aussi comme Dieu, l'Empereur doit-il être
bon et bienfaisant, juste et impartial. « L'Empereur, dit Basile
au titre II de VEpanagoge, a la garde, la surveillance de la
loi. Il ne doit ni punir par antipathie, ni faire le bien j^ar affec-
tion, mais comme celui qui dans les jeux distribue les prix,
il offre simplement des récompenses à ceux qui les ont méri-
tées'». » Et dans ses exhortations il ne craint pas de dire u que
l'Empereur observe le premier la loi, car s'il la viole, il s'en
suit de graves inconvénients et l'Etat s'en va à sa perte ^^
Le meilleur roi est celui qui a de bons magistrats, capables de
préserver les sujets de toute injustice^. Aussi, parce que son
pouvoir vient de Dieu, parce que sa dignité a quelque chose de
sacerdotal, l'Empereur doit-il veiller à conserver intactes les
prescriptions de la loi de Dieu, comme les dogmes définis aux
sept conciles œcuméniques, défendre la sainte et indivisible
Trinité, les prérogatives de Jésus-Christ homme-Dieu, en un
mot être d'une orthodoxie irréprochable. Et enfin, père de son
peuple, l'Empereur doit assurer à ceux qui possèdent, la paisible
jouissance de leurs biens, il doit s'efforcer de rendre ces biens
à ceux qui les ont perdus, il doit chercher, par sa justice, sa
sagesse, son zèle, à les faire acquérir à ceux qui peinent et
travaillent^. Bien administrer l'Etat, c'est tout d'abord avoir
grand soin d'augmenter la fortune publique, force d'une
nalion. mais à la condition, toutefois, que cène soit pointaux
1. Exh. XWYII, G.
2. Vit. S. Theoph., S 2, p. ;
3. Cerem., 1181.
4. Brinkmanii, v. 137.
5. Epan., t. II, s i, n, p, C."
6. Exh. XXWII, B.
7. Ibid., XXWI, D.
8. Epan., 11, p. 65-66.
54 BASILK I
dépens de la justice, car a il ne faut point récolter dans les
larmes ^ . »
Telle est la très haute et, ainsi comprise, très chrétienne
conception que Basile se faisait de son pouvoir absolu, celle
qu'après lui Léon VI insérera dans les Basiliques - et dont les
grandes lignes se trouvaient déjà, mais dépouillées de ce carac-
tère profondément religieuv, dans l'œuvre législative de Justi-
iiien. Cependant ce n'est là, en réalité, qu'une théorie dont, en
pratique, on peut facilement se libérer. Basile l'a-t-il faiti^ Ce que
j'ai dit de son caractère prouve, je crois, que non. Parfait
orthodoxe, il l'a été ; juste et bienfaisant aussi, du moins dans
les affaires générales de l'Empire. Il a fait plus encore, car le
grand souci de son gouvernement a toujours été de relever de
toutes façons le prestige impéiial. Or, c'était par la réalisation
dans sa vie quotidienne de ce haut idéal qu'il pouvait, évidem-
ment, le mieux atteindre le but qu'il se proposait, C'est ce qu'il
n'a jamais négligé. Sans parler de la magnificence dont il
aimait à s'entourer, construisant, à son usage personnel, d'ad-
mirables palais qu'il se plaisait ensuite à embellir, rétablissant
d'anciennes coutumes propres à rendre la dignité impériale
respectable à tous, comme la prétendue loi de Constantin qui
voulait que tout Empereur fût né dans la chambre de porphyre
et donc qu'il fût porphyrogénète •* cherchant même dans de
menus détails d'étiquette l'occasion d'inculquer à ses sujets le
culte de l'Empereur*, l'exemple seul qu'il donnait de son acti-
vité administrative était bien fait, assurément, pour grandii-
aux yeux de ses contemporains la dignité impériale qu'il avait
si injustement usurpée et que Michel III avait avilie par ses
hontes et ses désordres. Chaque joui*, on pouvait voir Basile
s'en aller tour à tour écouter les procès et intervenir à l'occa
sion, recevoir les plaintes de ceux qui s'adressaient directement
à lui. surveiller ses magistrats ^. «. L'Empereur, disait-il. doit
I. Exh., WXVI, A.
9. Basil., TI, M, p. 87.
3. Liutp. Antap., I, S G et 7, p. -^70.
4. Le De Adminisirando raconte, par exemple, qu'avant Basile les sou-
verain.s se servaient pour leurs promenades en mer d'un « àyoip.ov », ou gon-
dole de pourpre. Basile, lui, se fit construire un « oooîj-wv.ov » vaisseau beau-
coup plus j^nand que râyùâv-ov et s'en servit deux fois avec majesté fDe
Adm., Li, 38jj.
5. Gedrcn,, 1089.
ET l'empire byzantin 55
veiller à ce qu'aucune injustice ne se commette car c'est en
lui seul que les sujets lésés peuAcnt avoir recours '. » Par ses
mains passaient toutes les nominations afin que « les cerfs ne
commandent pas aux lions, mais les lions aux cerfs- » et c'est
lui qui en personne allait parfois surveiller ses soldats avec les-
quels il aimait à vivre et dont, joyeusement, il supportait les
souffrances ^. Enfin, chose très remarquable pour un parvenu
et un ignorant comme lui qui ne savait pas même écrire *, il
comprit que la souveraineté n'est vraiment grande et féconde,
quels que soient, par ailleurs, ses gloires militaires et ses bien-
faits réparateurs, que lorsqu'à sa couronne brille le fleuron de
la science et de la civilisation. C'est elle, la science, qu'un empe-
reur doit prendre pour sa reine, « aj-rr, yàp xal j^ao-'Asiav xotijls^
xal TOJ.; j3a7',£jovTa; às'.jjiv/^a-TOj; y-.o'zù.tl ^ » et donner à ses sujets
car elle est nécessaire à tous, chefs et particuliers, « où txovov
poL<jC/.zù'7\y , aAAà xal lo-.wTau ^ » et c'est une honte pour un Etat
quand les enfants demeurent sans éducation : « 6 -ovy.oo'j^ xal
à-naiôcJTOj; £à)v a-ao-av TÀjV TTOA'.TîLav ào'.xsl^. » Aussi, tandis que
lui-même se plaisait, au milieu de ses nombreuses occupations,
à lire, tantôt les grands faits des généraux et des empereurs
d'autrefois, tantôt des ouvrages de morale et de spiritualité et
faisait, de sa main inexpérimentée, un choix des choses les
meilleures qu'il avait lues pour les imiter ensuite^, il traçait à
son fils tout un programme littéraire où l'étude de l'éloquence
marchait de pair avec celle des modèles qu'il jugeait les meil-
leurs à la formation d'un futur Empereur comme « Isocrate,
Salomon et Jésus fils de Sirach '^ ». On sait que ces conseils furent
suivis et que Léon YI devint orateur.
Ainsi donc Basile ne se contenta pas de formuler la théorie
du gouvernement absolu tel qu'il le comprenait avec tous ses
contemporains. Il voulut a vivre » cette théorie et la réaliser
dans son administration et sa conduite personnelle. C'est grâce
i.Ex/i.. XLIV, G.
2. Exh., XLV, B.
3. Vit. Basil., ch. xl, p. 285.
4. Ibid., ch. Lxxii, p. 329.
5. Exh., XXI. A.
6. Ibid.
7. Exh., LU, D.
8. Vit. Basil., lxxh, 329.
9. Exh., LUI, D, LV, B.
56 BASILE I
à cet effort, du reste, qu'il réussît à rendre populaires à Byzance
son nom et sa famille et parvint, pour un temps, à créer une
dynastie issue du principe d'hérédité ^
II
Basile ne fut pas seul à monter sur le trône de Byzance.
Depuis longtemps déjà, il avait une famille qui allait, par la
force des choses, profiter de la fortune de son chef. Etrange
famille, du reste, sur laquelle plane un mystère que les chroni
queurs ne parvenaient plus à éclaircir même au x*" siècle, dont
ils parlent souvent, mais pour se contredire toujours les uns
les autres, et qu'ils ont livrée aux recherches des historiens
comme une indéchiffrahle énigme. Peut-être, cependant, même
à onze siècles de distance, en réunissant avec soin les rensei-
gnements épars qui nous sont parvenus, n'est-il pas impos-
sible d'arriver à résoudre, en partie du moins, ce difficile
problème des mariages de Basile.
Tout jeune probablement, sans doute au temps où il était
encore en Bulgarie, Basile épousa une enfant de Macédoine,
Marie-. Qu'était cette jeune fille? Basile l'emmena-t-il avec lui
à Byzance? c'est ce qu'aucun choniqueur ne nous dit. Elle
n'apparaît liée au nom du futur Empereur qu'en 865, au len-
demain de la chute de Damianos, au moment où Michel créa
son favori patrice et parakimomène, et pour disparaître tout de
suite. L'élévation de Basile, en effet, semble avoir eu pour consé-
quence son divorce d'avec Marie et son mariage avec une autre.
Pourquoi? Marie était-elle de naissance trop inférieure, se con-
duisait-elle mal, avait-elle à se plaindre de son mari, ou ce second
mariage fut-il simplement caprice de souverain? C'est ce qu'il
I. Malgré \os efTorts de Basile, le principe d'hérédité n'entra jamais
dans les mœurs byzantines. Déjà Léon VI, mourant, recommande au Sénat
el à Alexandre, son fils Constantin car « il veut qu'il soit son successeur. »
Constantin, cependant, avait été couronné du vivant de son père par
Euthymios (Cedren., II, ii6o-6a).
•i. On voit par nombre de récits hagiographiques comme par les lois des
Empereurs que les Byzantins se mariaient très jeunes, entre douze et
quinze ans, 11 n'y a pas de raisons pour croire que Basile attendit même son
retour d'exil, époque à laquelle il avait vingt-cinq ans, pour se marier.
ET l'empire byzantin 67
est imj30ssible de savoir. Néanmoins un fait demeure certain :
Basile divorça et l'Empereur renvoya Marie chez ses parents
avec de l'argent. Puis Michel lui fit épouser sa propre concubine,
Eudocie Ingerina*. Mais pour agir de la sorte Basile devait
avoir non seulement un prétexte, mais une sérieuse raison,
car nulle part nous ne voyt)ns, même ses pires ennemis, même
l'Eglise, si intransigeante sur ce chapitre -, faire la moindre
allusion malveillante à ce divorce bien connu, et considérer
Eudocie autrement que comme sa femme véritable^. Tout le
monde, après la mort de Michel, tint pour légitimes les enfants
issus de cette union et, du vivant même de l'Empereur, la
seule chose qui se disait, c'est qu'Eudocie demeurait, malgré
son mariage, l'amie préférée du Basileus. Pour nous donc une
première chose nous échappe, c'est la raison de ce divorce
comme la raison pour laquelle, malgré les lois et les canons,
Basile put épouser une autre femme du vivant de la première
sans que personne n'ait protesté ni sur le moment, ni plus tard.
Quant à Eudocie, c'était une courtisane de grande famille.
Elle appartenait à cette maison des Martinakioi. illustre déjà
au temps de Théophile et qui devait bientôt compter parmi
ses membres une sainte, Théophano, première femme de
Léon VI*. Très belle, très séduisante, l'Empereur l'aima dès
avant son mariage avec l'autre Eudocie, iîlle du Décapolite que
sa mère et Théoctistos l'obligèrent à épouser pour empêcher
son union avec Eudocie Ingerina. Jusqu'à sa mort, du reste,
Eudocie vécut avec Michel sous le regard bienveillant de
Basile qui l'avait épousée en 865, donnant en échange de Ce
1. Sym. Mag., xl, 787. La Vit. Bfisil., (xvi, 2^9) ignore, naturellement, toute
cette histoire. Elle ne connaît qu'Eudocie Ingerina, femme très belle, très
noble, très vertueuse, modèle de toutes les Impératrices, épouse légitime et
unique de Basile, mère de Constantin et de Léon (xxix, 372). De même
Gènes., ii33;Cedr., 108^.
2. Nicolas I" lui-même écrit à Eudocie une lettre qui commence ainsi :
« Nihil regia. »
3. Si la législation mise en vigueur par le Prochiron existait déjà au
sujet du divorce, il ne serait pas impossible que ce fût Marie elle-même qui
eût demandé l'annulation de son mariage. Son époux était adultère par
le fait de ses relations avec Eudocie. Elle avait donc droit au divorce et qui
plus est, à une somme d'argent. Les présents de Basile, dans cette hypo-
thèse, auraient donc été un dû que son épouse était en droit de réclamer
(Proch., XI, 7, p. 76).
\. Vit. S. Theoph., p. 49, i. Cedren., 1084.
58 BASILE 1
cadeau à son impérial ami sa sœur, Thécla ^ Au soir du
23 septembre, Eudocie était encore à Saint -Mamas auprès de
l'Empereur. Aussi Basile qui avait tout toléré Tenvoya-t-il
solennellement chercher le lendemain du crime pour l'intro-
duire dans le palais impérial comme basilissa souveraine. C'est
là, désormais, quelle vécut, entourée de sa cour, peut-être aussi
légère qu'autrefois -, tandis que la femme de Michel était ren-
voyée chez ses parents '^. Eudocie Ingerina mourut peu après
le mariage de son fils Léon, c'est-à-dire vers 882 ^
Une seconde question se pose maintenant. C'est celle des
enfants. Tous les chroniqueurs, amis ou ennemis, disent qu'au
moment de son avènement, Basile avait deux fils : Constantin
et Léon^. Or, qu'étaient ces enfants P De qui étaient-iJs réel-
lement fils!*
Constantin était le plus âgé des deux. Nature généreuse et
vaillante, probablement doué d'une belle intelligence, il pro-
mettait de marcher sur les traces de son père*^ qui l'aimait à
l'exclusion de tous autres. Il ne tarda jjas à l'associer à l'Em-
pire, aux environs de 870 '', à l'emmener avec lui dans ses cam-
pagnes militaires et à rêver pour lui le plus brillant avenir.
C'est dans l'espérance d'une union entre ce fils et Irmengard
que les légats de Louis II vinrent à Byzance en 869 ^ et c'est
lui que son père voulut avoir pour compagnon en 877 dans sa
guerre contre Germanikia. Malheureusement la mort vint le
frapper vers la fin de 879 alors qu'il était dans toute la fleur
de la jeunesse : « £v Tr, àxarj T?i; vsôty.toç^ )> laissant son père
inconsolable, prêt à toutes les folies, jusqu'à faire construire une
église qui porta son nom ^*^.
De ces quelques maigres renseignements, nous pouvons con-
jecturer que Constantin naquit aux environs de 859_, peut-être
plus tôt encore, car en admettant que pour l'historiographe
1. Sym. Mag., xl, 787 ; Léon Gramm., 1076, Cf. Rambaud, p. i54 et note.
2. Sym. Mag., xn, 768. Léon Gramm,, 1089.
3. Sym. Mag., xLvni, 748.
4. Vit. S. Theoph., 7.
5. Vit. Basil., xxix, 272 ; Sym. Mag., vin, 702 ; Gènes., 1187.
6. Vit. Basil., \c\ni, 36i.
7. Son nom figure, en effet, avec celui de Basile en tête du Prochiron.
8. Gasquet, op. cit., 4 12.
9. Vit. Basil., xcvni, p. 36 1.
10. Voir plus bas : gouvernement intérieur.
ET L KAIPIUK lnZAMl^ aç)
« la fleur de la jeunesse » indiquât l'âge de i6 à 17 ans, il faut
tenir compte cependant du fait que l'Empereur emmena son
fils à la guerre, fait qui prouve évidemment que ce fils n'était
plus un enfant et qu'il devait avoir une vingtaine d'années au
moins. Mais alors en 809, il n'était point question pour Basile
d'épouser Eudocie. Marie était encore sa femme légitime et
c'est vraisemblablement elle qui fut mère de Constantin.
D'autre part, à cette époque, Michel n'avait point d'enfants et
Constantin ne peut pas davantage être fils de Michel qu'il ne le
fut d'Eudocie Ingerina, quoiqu'en disent les chroniqueurs. « La
rumeur publique » disait vrai en affirmant que Constantin
était fds de Basile ^ On comprend dès lors parfaitement la
douleur profonde de Basile lorsqu'il vit son seul et unique
enfant, celui sur lequel il comptait pour continuer sa lignée
disparaître brusquement, forçant l'assassin de l'Empereur
légitime à rendre au fils de sa victime, Léon, l'héritage pater-
nel. Aussi bien, est-ce ce qui explique la raison étrange et incom-
préhensible à première vue, pour laquelle, dès la mort de
Michel, Léon fut tonsuré'-. L'Empereur espérait, sans doute,
empêcher par là cet importun de revendiquer jamais son droit
à l'héritage jpaternel. Il n'avait pas compté sur les hasards
de la vie et de la mort -K
Peut-être est-ce aussi de ce premier mariage que naquirent
les quatre filles mystérieuses dont il est si discrètement parlé
— comme de Constantin lui-même — dans la Vie de l'Empe-
reur écrite par Constantin MI et dont le u livre des Cérémo-
nies » seul nous a laissé les noms* : Anastasie, Anne, Hélène.
Marie. Basile les relégua toutes quatre au couvent de Sainte-
Euphémie, par motif de piété, dit la Vita, sans doute aussi pour
qu'on n'en parlât pas trop. Et, en vérité, il n'y a pas mal
réussi car les chroniqueurs les ignorent totalement ''.
L'autre fils était Léon. Il naquit vraisemblablement à
1. Gcorg. Moine Gont., 1081 ; Léon Gramni., 1089; Sym. ^[ag., xvii, -53.
2. De Cerem., 11 56.
3. Du Gange, Fam. byz.. p. i.\o, avait formulé déjà, mais sans donner de
preuves bien péremptoires, l'hypoliièse que Gonstantin était fils de Marie.
4. VU. Basil., cil. XXXV, 380; Gedren,, 1092 ; Cerem., 1209.
5. L'une d'elles cependant se maria puisque Basile avait un gendre Glirys-
iophore qui fut un jour le vainqueur de Glirysochir (^Voir plus bas, les
affaires militaires).
Go nvsii.r: i
Sl-Mamas, le T' (k'cembrc 866 ^ alors que Basile était déjà
co-empereur, une année à peine avant la mort de Michel. Sur
ses origines il ne peut guère y avoir de doute. Malgré le silence
de la Vita qui ne le nomme qu'incidemment avec Constantin
comme fils de Basile et d'Eudocie -, sauf à la fin du règne et
sans faire nulle part mention de sa naissance, tous les chro-
niqueurs s'accordent à lui donner pour père Michel III et pour
mère Eudocie Ingerina -K II était donc illégitime et lîls de
l'adultère. Cela n'empêcha pas toutefois l'Empereur de fêter
joyeusement cette naissance par des jeux et des festins. Et
cependant la venue au monde de cet enfant n'avait rien de
réjouissant. Elle allait hâter pour sa part la décision des plus
graves événements. Michel, en effet, ne fit couronner Basile que
parce qu'il était sans enfants*. S'il avait voulu simplement lui
confier la direction des affaires, il aurait pu le nommer César,
comme Bardas, ou lui donner tout autre titre. Il n'avait nul
besoin de lui faire entrevoir sa propre succession. La naissance
de Léon modifia singulièrement les choses et il n'est pas
impossible qu'elle fût une des raisons qui brouillèrent les deux
souverains. L'Empereur devait tenir à ce que son fils, tout
illégitime qu'il ait pu être, régnât ; Basile pouvait espérer la
même gloire i)our le sien. Aussi la solution de la difficulté
était-elle la même pour les deux Basileis : il fallait que l'un ou
l'autre disparut. C'est ce qui arriva. \u cours de cette
année 866, Michel, comme J^asile, cherchèrent subitement le
moyen de se faire mourir. On sait que ce fut Basile qui
l'emporta. Peut-être, en vérité, n'y a-t-il là qu'une coïncidence
fortuite. Elle méritait cependant, je crois, d'être signalée. En
tous cas elle explique bien des choses. Il n'est pas étonnant,
dès lors, que Basile n'ait jamais aimé ce fils qu'il était obligé
d'adopter comme sien, d'abord, puis d'associer à son gouver-
nement. Aussi le lui fit-il bien sentir. Par la force, au cours de
l'hiver 881-882, il l'obligea à épouser une jeune fille qu'il
1. Léon Gram., 1081. Georg. .Moine, 106G. donne comme date de la nais-
sance de Léon le 1" septembre.
2. Vit. Basil., xxxiv, 280.
3. Léon Gram., 108 1 ; Georg. Moine Conl., 106G ; Zonar., xvi, 33 ; Sym.
Mag., xLvî, 744- Ce dernier chroniqueur confond la naissance de Léon avec
celle de Constantin.
4. Vit. Basil., .vvni, 253.
ET L KMPlKi: m/.AMn
ii'aiuuiit pas. Théophiiuo ' et quelques mois plus tard, sous
l'influence de Théodore dit Santabarenos. il le fit jeter en prison,
lui, sa femme et sa petite fille et parla même de lui faire crever
les yeux : tout cela, sous prétexte que Léon en voulait à sa
vie "-. Il fallut Ténergique intervention de Photius pour
empêcher l'Empereur de mettre à exécution son projet ;
il fallut, racontent lès chroniqueurs, la crainte de voir sa popu-
larilé disparaître et l'intervention des grands de la Cour pour
le décider, après trois mois de réclusion, à rendre à Léon sa
place et sa dignité -K Or, il est à remarquer rpi'à cette époque
si Constantin était mort, Basile avait de nouveau un fils légi-
time, né depuis son avènement : Alexandre. Est ce pour laisser
à cet enfant la place occupée par Léon que Basile essaya de
faire disparaître le fils de Michel ? C'est là une question impos-
sible à résoudre ; mais c'est là aussi une seconde et étrange
coïncidence qui montre qu'il y avait au sein de cette famille
un mystère qu'on essayait de cacher et que la foule ignorait.
Aussi bien est-ce sans doute le véritable motif pour lequel
Basile associa à son autorité tous ses fils, sauf Etienne, le plus
jeune, qui, né en 870, fut fait clerc et devint patriarche de
Constant inople sous le règne de Léon M à Noël 886 ^. Du
vivant de Constantin, rEmpereur pouvait donner la couronne
à Léon VI sûr qu'il était que l'aîné serait basileus et ainsi les
aj)])arences se trouvaient sauvegardées ; à la mort de ce dernier
il s'empressa de couronner Vlexandre"*. quoique tout enfant,
dans l'espérance qu'il supplanterait un jour Léon : ce qu'il
essaya, du reste, de faire lui-même, immédiatement, en l'incar-
cérant.
Une telle conduite n'est guère, ce semble, le fait d'un père,
surtout d'un souverain à l'égard de l'aîné de ses enfants. Mais
il y a même une chose plus étrange encore. C'est la conduite
de l^éon. au lendemain de son avènement. La mémoire de son
père putatif parut le préoccuper très peu, celle de Michel
beaucoup plus car la première mesure qu'il ordonna fut qu'on
I. Vif. S. Eaili,, loô et 126.
3. Cedren., iiS*?.
:>. Vit. Basil.. C, p. 364-65. Syni. Mag., \\i. -Chk
'\. Geor<ï. Moine dont., 1089.
5. ]^'Epnnn[io(ic seule, posiérieure à 87(1, porte le 110111 de Léon înec ccluî
de Basile et d'Alexandre.
b'2 HA81LE I
allât chcrclier solciiiiclk'meul le corps de l'Empereur, déposé
à Ghrysopolis. et qu'on le ramenât à Conslantinople où de
magnifiques funérailles lui furent faites aux SS''' -Apôtres,
comme s'il voulait par là manifester aux regards de tous qu'il
entendait tenir sa couronne non de Basile mais de Michel et
qu'il avait conscience de renouer une chaîne monarchique
brisée, un jour, par le grand Pparvenu.
m
Comme dans toutes les monarchies, autour de la famille
impériale se groupait, à Byzance, le monde de la Cour : hauts
fonctionnaires chargés soit d'un gouvernement, soit d'une
administration : militaires de tous ordres et de tous grades :
dignitaires auliques. admis au conseil du prince ou simple-
ment à sa suite : amis personnels du Basileus dont parfois
l'influence dépassait singulièremenl la charge ou la dignité
qu'ils possédaient. Cette immense foule anonyme composée
de seigneurs venus de tous pays, parfois de toutes conditions
sociales, où l'eunuque de basse extraction pouvait coudoyer
des rois et les u barbares » de l'Occidenl. de savants pontifes et
d'illustres généraux, fut. à Constantinople plus encore qu'ail-
leurs, un des facteurs principaux de la civilisation et de l'his-
toire byzantines. Avec l'armée qui. du reste, s'y trouvait
largement représentée, elle suscita toutes les révolutions ou
sanctionna tous les changements de dynastie : par ses repré-
sentants les plus accrédités elle gouverna, de fait, l'Empire et
lui donna toujours la direction politique qu'elle désirait. Aussi
n'est-il pas sans intérêt et sans utilité de connaître d'un peu
près son organisation et sa hiérarchie, au moins à ré])oquc où
Basile P' gouverna.
La Cour impériale ainsi que toute l'administration byzantine,
eut pour origine la Cour des Empereurs romains. Mais avec le
temps, les circonstances, les guerres civiles et politiques,
plusieurs des principaux rouages d'autrefois se trouvèrent
modifiés. De nombreuses et importantes fonctions tombèrent
en désuétude, furent totalement abolies ou devinrent de
simples dignités auliques comme celles de consul, de pro-
ET LEMl'lUK HVZAMIN (33
consuls, etc.. tiiiidis que de nouveaux emplois et de nouvelles
char<>es furent créés de toute pièce ^
\ répoque de Basile l""' les gens de cour se divisaient en deux
catégories bien distinctes : les simples dignitaires auliques,
personnages sans fonctions administratives et sans situation
officielle/honorés seulement d'un titre a àcuojjta » qui. une
fois conféré, ne pouvait plus leur être enlevé- et les dignitaires
auliques chargés, pour un temps, d'un office quelconque,
militaire ou civil (àcuôjjLaTa xal ocpcp'lx'.a) conféré par leur titre
lui-même et dont la nomination était faite par un édit (o-.à
\6^'0'j] '\ Cet office était en soi essentiellement transitoire ^
Chacune de ces deux grandes catégories se subdivisait elle-
même en plusieurs autres suivant l'importance de la charge
ou de la dignité^. En outre, comme autrefois à Rome et dans
le haut Moyen-Age byzantin, chaque famille avait son quali-
I. Le Livre des Cérémonies est, à cet égard, tout particulièrement instruc-
tif, (iràce à sa composition faite à l'aide de documents d'époques très
variées qui s'éclielonnent entre le n*" et le v*" siècle, nous retrouvons les
noms d'une foule de hauts fonctionnaires qui disparurent ou naquirent sui-
vant les événements. Tel est le cas, par exemple, pour l'augustalis d'Alexan-
drie, pour le xô[XT.<; TÔ>v àoar.siôvwv qui disparurent l'un avec la perte de l'Egypte,
l'autre avant le x" siècle, probablement vers la fin du mu". Tel est le cas
aussi, entre beaucoup d'autres, pour le litre de Basileopatoi" qui fut créé
par Léon M en faveur de son beau-père ; pour celui de sébastocrator qui
date des Comnénes (cf. Diehl, Etudes byzantines, p. 293 et seq). Une étude
comparative du Livre des Cérémonies, de l'ouvrage de Codinus et des titres
fournis par la Sigillographie fournirait les éléments d'une histoire assez
complète des principales dignités et fonctions byzantines.
:i. Ceremon., 1397. Cela est si vrai que les anciens magistroi devenus
moines continuaient à faire partie de leur classe de noblesse (ibid., i4i6).
3. La distinction entre les dignités données u oià jâpaêstwv » ou par la
remise d'un insigne et les fonctions données « Sià Aôyou » ne souffre qu'une
exception : c'est pour les clercs qui sont toujours nommés « 5'.à Xôyou » {Cere-
mon., i336).
4. Je dis <( en soi » parce que nous avons des exemples, comme on le verra
plus loin, d'enfants destinés, dans leur âge mùr, à succéder à leur père,
même dans d'importantes fonctions telles que celle de stratège. Le fait
est important parce qu'il semble indi([uer qu'il y avait dans les thèmes des
familles qui héritaient des charges de leurs ascendants. Toutefois, en
admettant même que le fait rapporté par l'hagiographe qui écrivit la vie
de Théophane soit exact, ce qui n'est pas prouvé, il ne faut pas perdre de
vue les prescriptions concernant les stratèges et que nous retrouverons plus
bas au chapitre de l'administration intérieure.
5. La catégorie des dignitaires sans fonction comprenait dix-huit titres
divisés en deux classes : l'une sénatoriale (xjyxAT.-'.xo':;, l'autre purement
aulique(-i:po:7jA£jj'.;j.a':o.) Ceremon., i3oo; l'autre catégorie comprenait soixante
députés groupés en six classes.
6fl BASILE I
ficalif propre qui ne changeait pas forcément avec les dignités
fli verses dont pouAait être revêtu chacun de ses membres.
C'est ainsi, par exemple, que les Martinakioi étaient r^zplQ.zT.-zoï
et Constantin Martinakios, père de Théophano, femme de
Léon VI. portait le titre d' « illustre » et cela, semble-t-il. avant
d'avoir été appelé à la dignité de patrice K
La Cour se composait donc de seigneurs ayant un quali
ficatif, attaché soit à leur maison, soit à une charge autrefois
remplie et une dignité quelconque, comportant ou non une
fojîclion. dignité toujours personnelle et donnée directement
par l'Empereur . Naturellement, toutes les grandes dignités
étaient entre les mains de la famille impériale ou des familles
apparentées avec elle et seuls quelques favoris de l'Empereur
pouvaient \ aspirer. Michel Rhangabe fut curopalate avant
d'être empereur ; Théodora donna aux siens plusieurs des
premières charges de l'Empire et, d'une façon générale, le titre
de César, du i-este peu fréquent dans l'histoire byzantine, fut
presque constamment octroyé à des fils d'empereur -. L'âge
souvent paraît n'avoir j^as beaucou]) importé pour l'obtention
de certaines fonctions, même militaires. C'est ainsi que l'empe-
reur Mcéphore créa son petit-fils Ignace « domestique des
Icanates )). charge qu'il n'eut jamais occasion d'exercer-^ ; et
l'on voit Antigone, fils de Bardas, à la tête d'un important
commandement militaire bien qu'encore très jeune, tout
comme Théophane. à la mort de son père, reçut, presque
enfant, confirmation pour lui du titre de son père : stratège de
la mer Egée ^ A cela il y avait plusieurs raisons. A lire, en effet,
avec attention les auteurs byzantins, il semble qu'on puisse
deviner l'existence d'une filière hiérarchique assez rigoureuse
entre les diverses dignités et fonctions. Bardas, Basile, Stylianos
Zaoutzès n'arriAèrent au plus haut degré de l'échelle sociale
qu'après avoir passé, quoique assez rapidement, par les échelons
inférieurs. Chacun, par exemple, avant d'être César, co-empe-
reur. basileopator, fut fait magistros et remplit des charges de
moindre importance à celle qu'il eut dans la suite"' et comme,
I. Vit. S. Theoph., S 2. p. 11.
•?. Dichl.. op. cit. passim.
3. Vit. Ignat., p. 492.
4. Vit. Théoph. Ed. kruinbacluT dans les Sil:iiiigs1)cricli... drr \l,a<l.
der Wissensch. zu Miinch, 1897, p. 390.
.'). Cf. p. c. |)Our Slylianos, Ml. S. EuUi.. p. 9."),
ET l'empire byzantin 65
d'autre part, certaines charges paraissent n'avoir eu qu'un seul
titulaire à la fois, il fallait de toute nécessité que la jeunesse
entrât de bonne heure dans ce « cursus honorum » qu'elle
devait parcourir. Mais il y avait plus. Chaque nouvelle dignité
était libéralement payée par celui qui la recevait, et en un
temps où les trésors impériaux s'alimentaient difficilement,
c'était pour le fisc, comme pour les fonctionnaires auliques un
moyen facile de s'enrichir en spéculant sur l'ambition
humaine. Nous savons, en effet, par Georges Moine qu'on
reprocha beaucoup à l'empereur Nicéphore, dont l'avarice était
proverbiale, d'avoir créé, pour augmenter ses ressources, de
nombreuses dignités' et à lire dans le Clétorologe de Philothée
la liste des dons innombrables que le nouvel élu devait faire à
tous les dignitaires du palais, on conçoit facilement la tentation
que pouvait avoir l'Empereur de distribuer largement, voire
même à des enfants, des titres on fonctions de tous genres.
Aussi bien est-ce à cette époque qu'on commence surtout à
trouver sur les sceaux, pour un seul personnage, la mention
de multiples titres et fonctions. En général, jusqu'au vni^ siècle
finissant, les légendes sont courtes : un nom, un titre ; mais
dès les débuts du ix'^ siècle apparaissent, timidement d'abord,
puis ensuite très ostensiblement, une foule de titres variés. Au
temps de Basile cette nouvelle habitude qui, peut-être, corres-
pond par ailleurs à une réorganisation de la Cour et à l'éclat
plus grand que lui donne le chef de la maison macédonienne,
est en universel usage et le sceau de Stylianos Zaoutzès qui
nous est parvenu se trouve ainsi libellé : u Stylianos, magistros,
anthypatos, patrice, protospathaire impérial et logothète du
drôme -. » De ce fait on pourrait citer de multiples exemples.
Déjà, du reste, Théoctistos. au dire de Genesios, était patrice,
logothète et préfet du caniclée '\ ce qui prouve bien qu'au
début du ix*" siècle la mode de porter plusieurs titres et de
posséder plusieurs fonctions à la fois, mode qui alla toujours
en s'accentuant, tendait à se généraliser *.
1. Gcorg. Moine ConL, ch. xvii, p. 976.
2. Schluniberger, SiyilL byz., p. 439.
3. Genesios, 1097.
Ce fut à l'époque des (^omnènes que la fureur des titres les plus divers
semble avoir atteint son apogée. On créa alors des protonobilissimes, des
protocuropalales, etc. Entre tous ces dignitaires il y avait vni ordre de pré-
66 BASILE 1
Ceci posé, parcourons les divers litres dont se composait la
hiérarchie byzantine. Gomme le dit Philothée dans le Clétoro-
loge, il y avait dix-huit titres n'impliquant, par soi, aucune
fonction réelle, titres purement honorifiques, donnés par
l'Empereur pour récompenser ses amis, tout comme, dans nos
cours modernes, un souverain délivre des titres de comte et de
marquis à ceux qu'il veut honorer. Le plus haut de ces titres
était celui de :
i" César. Au ix" siècle il ne fut donué qu'une fois — à Bardas
— peu avant sa mort, au moment où il allait atteindre l'Empire.
Comme autrefois à Rome, le César était toujours de famille
impériale ou allié à la famille impériale, vivant presque
sur le même pied que le Basileus « Tiapoii-oîa rrj; fi7.(T0^y,r[;
q6;t,ç » qui seul lui était supérieur. Aussi, son élection et son
sacre révétaienl-ils des formes particulièrement solennelles à
en juger par le récit des fêtes qui furent données à l'occasion
de l'élévation du fils de Constantin Y à cette dignité le 2 avril
768 ^ L'armée, comme il convenait pour l'élection et le sacre
d'un homme que la destinée pouvait conduire au trône, prit
une part active à ces cérémonies avec le sénat et le patriarche
qui pontifia ce jour-là ainsi qu'il le fit au ix*' siècle quand
Michel associa Basile à son pouvoir suprême. Jusqu'à l'époque
d'Alexis Comnène ce titre demeura le premier de la hiérarchie
aulique. Il ne descendit au troisième que par la création de
séance exactement défini et très minutieusement observé. La règle générale
était, qu'à titre égal, un fonctionnaire avait le pas sur un simple dignitaire
aulique et qu'entre gens également titrés la préséance était réglée, non
d'après l'âge ou toute autre considération, mais d'après la date de promo-
tion. (Cf. p. e. Ceremon., iS^a).
Si l'on pouvait conclure, pour le ix^ siècle, quelque chose d'un évènemen-
qui se passa au xi' siècle, et que Psellos raconte à propos de son futur
gendre, on aurait peut-être la clef de l'énigme qui nous cache l'explication
de ces titres multiples. De l'histoire de Psellos, en effet, il faut conclure
que l'élévation d'un titulaire à un grade supérieur n'entraînait pas pour lui
la perte de son grade inférieur et qu'en certaines circonstances graves, si
l'Empereur, malgré la règle générale rayait d'une dignité un membre pré-
varicateur, les grades inférieurs qu'il avait pu avoir ne lui étaient point
enlevés « ipso facto ». On comprend dès lors l'utilité pour un fonctionnaire
de mentionner tous les titres par lesquels il a passé. (Psellos, v, 204-212).
I. Ceremon., 472 et Dielil, op. cit. Il est peu probable qu'en un siècle le
rôle social du César se soit modifié. Ce que l'on sait du train de vie de Bar-
das, de son autorité, do sa puissance, permet, je crois, de regarder pour
vrai au ix'' siècle ce qui le fut au vur concernant cette institution.
ET L EMPIRE BYZANTIN 67
ceux de despote et de sébastocrator. Le litre du César daus les
acclamatious était celui d'(( sÙTjyi^TaTo; ». L'insigne qui lui était
remis par TEmpereur était la couronne sans croix. Il portait
une tunique « chrysopersique » K
•2" Le \obillssime (y, toj vwê£Ai.o-i|jLO'j àçta). Le nobilissime por-
tait, comme insigne, une tunique de pourpre et d'or (le o'.êr.Tv
s-'.ov), la clilamyde et la ceinture que l'Empereur lui remettait
solennellement à l'église le jour de son élévation '-. De droit il
s'asseyait à la table impériale en compagnie du Patriarche, du
César, du curopalate. de la patricienne à ceinture et plus tard
du Basileopator. Lui aussi, naturellement, était généralement
un membre de la famille impériale, souvent un fds d'Empe-
reur, comme Mcétas. quatrième fds de Constantin dont ilest
parlé au chapitre XLIV du livre des Cérémonies. Son titre dans
les acclamations était celui d'(( s-icpavio-TaTo; )). Les sceaux des
xn" et xuf siècles nous donnent parfois le titre de protonobi-
lissime, dignité qui, sans doute, naquit à l'époque des Com-
nènes ^ .
3" Curopalate (r, toG xo'jpoKcôÀ'zoj àç'la). Comme le nobilissime
le curopalate portait une tunique rouge et or, une clilamyde et
une ceinture. Son nom indique quelle était originairement sa
fonction. Il était grand maréchal du Palais, charge qui devint
purement honorifique et ne s'accordait, en dehors de la famille
impériale, qu'aux souverains et à quelques rares privilégiés.
C'est ainsi que sous Constantin Copronyme A rtabasdos, qui
avait épousé la sœur du basileus fut curopalate *. De même au
\x^ siècle Michel Rhangabe, Bardas, furent élevés à cette dignité.
Depuis Léon VI la charge de curopalate paraît avoir été
héréditaire dans la famille des princes d'Ibérie^ ; mais il ne
semble pas toutefois quelle ait été, dès lors, l'unique apanage
de cette famille car les sceaux nous ont livré le nom de per-
sonnages qui ne paraissent pas avoir été des princes d'Ibérie ^.
1. Léon Grannn,, p. 1080.
2. Je ne veux pas dire par là que seul le nobilissime avait le droit de por-
ter le o'.6r,TT>'ov. mais seulement que c'était son habit de cérémonie. (Cf. la
longue note de Beljajev, Byzantina, u, p. Tu et ô.-î, note i où fauteur s'etTorce
d'expliquer ce qu'était le oi6t,tt,jiov et qui avait le droit de le porter.
3. Cf. Du Cange, au mot \M^tliiîi[xoi.
4. Oeorg. Moine, gSS.
5. De Adm., xiv, p. 349 ' Rambaud, op. cit., p. 5i3.
0. SigilL, 490.
68 BASILE I
Du reste, cette dignité perdit bientôt de son éclat premier. Vers
les xn' et xni'' siècles l'on eut des protocuropulates et à l'époque
de Codinus elle était reléguée au quinzième rang dans la hié-
rarchie. La femme du curopalate s'appelait xojpoTcaXànTo-a.
4" Patricienne à ceinture (y, t/,; woja-T/jç TiaTp'.xiaç àçia). Cette
dignité était la plus haute que pouvait revêtir une femme — la
seule que l'Empereur conférait lui-même aux dames de la cour,
Lorsque Théodora épousa Théophile, sa mère Théoctista fut
créée patricienne à ceinture i. C'était la première dignitaire de la
cour de l'Impératrice oîi son rôle paraît avoir été de présider à
la toilette de la Basilissa'^. Comme les patrices, elle recevait au
jour de sa nomination les plaques divoire sur lesquelles était
inscrits son nom et sa dignité.
5" Mcigistroi {'\ tcôv £voo;oTàT(ov ijiaY'lTTpojv àç'la). Les titres qui
précèdent sont, en quelque sorle, hors cadre car ils apparte-
naient en fait à la famille impériale et à ses alliés. Aussi le pre-
mier titre à proprement aulique était-il celui de magislros. Au
ix"" siècle nous avons de nombreux exemples de seigneurs qui
le portèrent et nous voyons, par la vie même de Basile, que
s'il était le plus haut titre de la hiérarchie byzantine, celui au
delà duquel il n'y avait, en général, pour les particuliers, plus
lieu à rien prétendre, encore fallait-il que même les princes le
reçussent avant d'arriver à ceux qui leur étaient plus spéciale-
ment réservés. Bardas ne fut pas magistros dès le mariage de sa
sœui' ; Pétronas ne reçut ce titre qu'à la fin de sa vie comme
récompense de ses succès militaires et Basile n'obtint cette dis-
tinction qu'assez tardivement. On ne voit pas, au reste, que de
fort grands seigneurs soient arrivés jusque-là. Nous connais-
sons pour l'époque même de Basile, le nom de trois magistroi
dont deux siégèrent au Concile de 869. C'étaient Cliristophore
et Théodore. Le troisième était Manuel. Le nombre des magis-
troi ne paraît pas avoir été limité — du moins aucun texte grec
ne le dit — bien que Liutprand -^ fixe à vingt quatre le nombre
des magistroi présents à la distribution de cadeaux qu'il vit
I. ïhcoph. Cont., Vit. Théoph., v, io4.
a. Il y a, en efTet, discussion sur le mot « Zcojxr, »). La patricienne était-
elle ZwaTT, parce qu'elle portail une ceinture ou parce qu'elle avait pour
fonction, primitivement du moins, d'haljiller l'Impératrice ? Combefis opine
en faveur de la ijremière hypothèse. Du Cange en faveur de Ja seconde, elles
textes qu'il cite semblent bien lui donner raison (cf. Du Gange, Zto^jTf,).
3. AutapocL, 1. vi, S 10, p. 339.
i;t I. ivMPiiu-: nvzAM IN 6g
faire par l'Empereur ; ce qui semble certain, c'est qu'ils formaient
comme une classe bien distincte de noblesse, ayant à leur tête
un protomagistros et, entre eux, un ordre de préséance parfai-
tement établi 1. Leur signe distinctif était la tunique blanche
brodée d'or a o-TLyapiv '^ » et une ceinture de cuir ornée de pierres
précieuses c ^aATioiç ou '^yX'zioioy » que l'Empereur leur remet-
tait. Aux ix° et X* siècles nous voyons les magistroi faisant tou-
jours partie des cérémonies officielles comme premier corps
constitué. Il est probable enfin que la dignité de magistros était
l'une des dignités dites sénatoriales (a-uyxAr.T'.xo'l), car il est des
magistroi cités parmi les chefs du sénat ^.
6° Pî'oconsiils (r, twv àvSuTraTtov à^ta). Les proconsuls recevaient
leur titre de l'Empereur qui leur remettait un diplôme de par-
chemin teint en pourpre (xojo'lx£)Aoç), Ce diplôme, sans doute,
faisait mention de la date d'élévation de son titulaire car, dans
les réceptions. Philo thée a soin de dire qu'ils prennent place
suivant leur rang et leur promotion ^ d'après leur codicille.
Cette dignité était assez fréquemment donnée. Tous les grands
fonctionnaires de l'Empire pouvaient y prétendre après avoir
passé par le patriciat. Voilà pourquoi nous trouvons soit dans
le Clétorologe "% soit sur les sceaux, la continuelle alliance des
deux dignités : proconsul et patrice, car, suivant la règle géné-
rale, le patrice pour être fait proconsul ne perdait pas son pre-
mier titre. Naturellement les proconsuls en charge avaient le
pas sur ceux qui n'étaient honorés que du titre ; ceux-là, à leur
tour, avaient le pas sur les patrices en charge, à moins, excep-
tion unique, qu'ils ne fussent stratège des Anatoliques ou domes-
tique des scholes. Ces deux grands fonctionnaires, alors même
qu'ils n'étaient que patrices avaient le pas sur tous les procon-
suls. Il semble que cette dignité était surtout accordée aux fonc-
tionnaires militaires: cependant le Clétorologe^' mentionne
1. Nous trouvons au ix^ siècle le [titre de protomagistros plusieurs fois
mentionné (Gènes., 1097 ; Vit. Euth., 11, p. 3). De même dans le Clétorologe
à propos de certains dîners impériaux, un magistros seulement prend part
à la cérémonie et le terme de [layisTpo; [xây.TTpo; (i34i) deux fois répété équi-
vaut peut-être à protomagistros (cf. ihid., iSfio).
2. Ceremon., p. 38o, i3o/t.
3. Ibid., i36o.
4. Ibid., i344, i345.
5. p. e. Ibid., i34'i.
(j. Ibid., i3i'i. Il ne faut pas confondre, je crois, ce titre purement
70 BASILE I
quelques rares fonclionnaires civils qui peuvent en être
revêtus.
7^* Patrlces (y, twv -sp'.êyi-Twv -a-rp'.x'lwv à;'la). Comme les pro-
consuls, les patrices tenaient leur titre directement de l'Empe-
reur. Eux aussi recevaient un diplôme «écrit en forme de loi ».
dit Philothéei et renfermé dans une sorte de coffret fait de pla-
ques d'ivoire ornementées. Si le nouvel élu recevait son titre
sans aucune charge officielle il était dit « aTrpaToç » ; dans le cas
contraire il était « suTzpaToç » ou « uîTo-paTo^ » suivant que ses
fonctions étaient militaires ou civiles -. Gomme le titre de pro-
consul — et plus encore — cette dignité ainsi que les autres
dignités inférieures était très répandue. Tout haut fonction-
naire l'obtenait car nous voyons que la plupart des personnages
historiques dont les sources byzantines nous ont laissé le nom
furent honorés du titre de patrice. Les eunuques eux-mêmes,
ainsi que les étrangers recevaient le patriciat : tel, au ix' siècle,
ce Damianos que Bardas tît destituer de sa charge de paraki-
momène — et si la lecture d'une légende de sceau (Tipi) patrice
est exacte, il faudrait admettre que des ecclésiastiques aussi,
comme ce Jean, chef du clergé de l'Eglise impériale des Blacher-
nes, pouvaient prétendre à ce titre ^. Comme les magistroi, ils
semblent bien faire partie de la classe sénatoriale et l'impor-
tance donnée encore au sénat — quel qu'il fût du reste — au
vni'^ siècle dans les cérémonies de la promotion des patrices ^
tendrait à le prouver. Un patrice avait droit au titre de
S" Protospathaires (r, tcov TrptoTOT-aQapuov àç'la). Spatharocan-
c?/da/^ (t, TO)v (T-a0apoxav3ioàTO)v àE'la). Spathaires (y, tcov a-7:aQapitov
àE'la). Ces trois dignités viennent dans le Clétorologe de Philo-
thée aux huitième, dixième et onzième rangs. Je les réunis
ensemble parce qu'elles forment comme les trois degrés d'un
aulique avec la fonction de proconsul d'un lliènie, fonction d'ordre judi-
ciaire que nous retrouverons plus loin.
1. Cerem., i3o4.
2. Ibld., ooG et i436.
3. Schlumberger, Sigill., p. 149. H nie semble cependant qu'il ny a pas
de raisons pour ne pas lire «primicier ». Le titre de patrice pourrait cepen-
dant se défendre en admettant que ce prêtre ait obtenu cette dignité avant
son entrée dans les ordres. En tous cas c'est le seul exemple connu, que je
sache, d'un ecclésiastique patrice.
4. Ceremon., 5oo.
5. Epanag., xi, S 10, p. 89.
ET L EMPIRE BYZANTIN . -J I
même ordre de noblesse. L'insigne dislinctif du protospalhaire
était un collier garni de pierres précieuses et serré autour du
cou ; celui du spatharocandidat, un collier d'or orné de pierres
précieuses mais qui pendait sur la poitrine (ijLav'.àxiov xsyaAao--
tjLivov) ; celui du spathaire, enfin, une épée. D'ordre originaire-
ment militaire, cette dignité finit par être conférée aussi à de
simples civils comme à des juges, à des orphanotrophes, à des
fonctionnaires fiscaux. Les sceaux, comme les textes, prouvent
qu'elle était très libéralement octroyée à chacun. Il y avait des
protospathaires dans l'armée ; il y en avait au palais ; il y en avait
dans les provinces*. Aussi était-ce une dignité très fréquem-
ment conférée aux eunuques. D'où la distinction nettement
existante aux ix** et x*" siècles entre les protospathaires eunuques
et les autres (cJvoGyo». et ,3apêàT0'.). Comme toutes les dignités
byzantines, les spathaires, protospathaires, etc., eurent à l'ori-
gine une fonction qui bientôt ne fut plus qu'un titre honorifi-
que, donné, en général, suivant la fonction remplie. C'est
ainsi que l'on trouve, par exemple, des stratèges qui sont sim-
plement protospathaires, mais point qui soient spathaires, ni
même spatharocandidats -, dignités inférieures conférées à leurs
subalternes. Cependant, outre ce titre de noblesse, il semble
bien qu'il y avait encore au Palais, même au x'' siècle, des spa-
thaires en fonction. Ils devaient porter devant l'Empereur ses
armes : la lance et le bouclier^. Quoiqu'il en soit, c'est sans doute
le caractère nettement militaire de cette classe qui empêchait
les ecclésiastiques d'y prétendre et nous savons qu'il fallut au
clerc Ktenas toute sa richesse et les cadeaux dont il combla
Léon YI pour décider l'Empereur, qui trouvait une telle pro-
motion impossible et indigne de sa majesté, à l'élever au pro-
tospathariat et lui permettre ainsi de prendre son rang dans la
galerie du Lausiacon ^ Enfin le titre de protospalhaire semble
avoir été l'apanage de certaines fonctions déterminées. Cons-
tantin Porphyrogénète parle longuement du protospathaire, « t/^ç
cp'.àAr,;; ^' » sur lequel nous reviendrons à propos de la marine ; le
1. C'est ainsi que Basile conféra cette dignité à son frère spirituel, Jean,
lils de la veuve Danielis (Vi/. Basil., i, 74, p- 333).
2. Ceremon., i345etseq. Voir cependant quelques exceptions au chapit.,
de l'admin. provinciale.
3. Ceremon.. 109.
De Adm., p. l
Ibid., u, 388.
72 BASILE I
Clétorologe, des protospathaires u tcov [iiacr-.A'.xwv K » Le protos-
pathaire portait le qualificatif de « tjLsyaAOTrpsTry^; ».
9° Dishypatoi et hypatoi (r, twv oi^-j-aTcov àH'la ; r, twv 'j-àTojv
àç'la). Ces deux titres de noblesse sont inscrits dans le Clétorologe
aux neuvième et douzième rangs. Ils correspondent aux termes
bien connus de deux fois consul et consul. A rencontre du
spathariat, cette dignité, du reste, très rarement indiquée par
les chroniqueurs du ix'' siècle, paraît avoir été exclusivement
conférée à des civils car le dishypatos comme le consul ne
paient de gratification (o-'jvr^Qc'.ai) à aucun fonctionnaire mili-
taire. On décorait de ces titres pompeux les chefs de bureaux
des chancelleries de Byzance et des thèmes, comme les char-
tulaires. notaires^, etc. Dans les réceptions ils étaient reçus
avec la quatrième classe dont ils faisaient partie. Ce litre, cepen-
dant, pour le IX"' siècle se retrouve assez fréquemment en un
thème spécial de FEmpire : c'est en Italie. M. Schlumberger cite
plusieurs sceaux provenant soit de Sicile, soit de Sardaigne.
soit de l'Italie méridionale et qui portent mention d'une dignité
qui pour être déchue à Byzance -^ avait peut-être encore en ces
pays reculés gardé quelque chose du prestige de son ancien
éclat *.
lo) Stratores (y, t(ov o-TpaToptov àçia). Candidats (r, t(7)v xavo»,-
oaTtov àHia). Mandatoves (Tj twv ^aTiAixtov ixavôaToptov àc'la). Vesti-
tores{'f, Twv jSsTTY.TOptov à^ta) •"». Sllentiaires (y, Twvrt.AcVTiapuovàÇ'la).
Stratelates (r, toG o-TpaTr.AaTOj à;U) '\ Ce sont les plus infîmes
dignités auliques. celles qu'on donnait aux fonctionnaires de
province et aux notables terriens tout comme dans nos pays
monarchiques d'Europe se rencontrent assez fréquemment les
titres d'écuyer. de conseiller privé (Hofrath, Geheimer Hofrath),
voire même de chambellan et de camérier. Et la comparaison
me semble d'autant plus frappante qu'alors comme aujour-
1. Ccremon., iSai.
2. Ceremon., i352, 1 364. Les sceaux nous donnent aussi, pour le ix* siècle,
plusieurs exemples de commerciaires des dépôts publics portant ce titre
(SigilL, 112, 197).
3. Léon VI, Novelle, 94.
\. Par exemple, sceau de Tliéodote dishypatos, patrice, protospathaire
diœcète de Sicile (p. 2i5) ; sceau de Tliéodote, consul et duc de Sardaigne
232); sceau de Grégoire, consul et protonolaire de Sicile (p. 2i5).
."). Le terme de « Bs^TfiXwp » me paraît être, d'après les sceaux, celui qui
le plus fréquemment employé au ix" siècle.
6. Ou mieux apoéparche « àroszap/oç. »
ET l'empire byzantin -jS
d'hui ces dignités purement honorifiques répondaient à un
service de cour existant. Tandis qu'en effet il y avait dans les
provinces des stratores, des candidats, etc., qui étaient les uns
fonctionnaires civils comme ce Joseph protospathaire. candi-
dat et commerciaire de Thessalonique^. les autres à l'armée
comme ïlypatios strator impérial et turm arque de Marmarit-
zion -. les autres dans les chancelleries ou en fonction dans les
thèmes^, les autres à la tête de radministration d'une ville
comme Jean, candidat et archôn de Ghristopolis *. ou même
en passe de devenir stratège comme ïhéophane. ([ui reçut,
hien que tout enfant, à la mort de son père, avec la promesse
de lui succéder un jour comme stratège de la mer Egée, le titre
de strator^. il en était aussi qui remplissaient réellement leurs
fonctions au Palais. Les écuries impériales avaient des stra-
tores; les cérémonies, leurs silentiaires ; les troupes palatines,
leurs candidats. Quand les titulaires de province venaient à la
cour, ils avaient leur place dans les réceptions et les dîners et
peut-être avaient-ils le droit de faire effectivement le service
que leur titre indiquait. Dans ce cas ils dépendaient tous —
consuls, vestitores. silentiaires, apoéparches — d'un grand chef,
le cérémoniaire u 6 stzI Tr,^ ■aoL'zoLfj'zÔL^tM^ » ^. Ils étaient dits « o-uy-
xXy.t'-xo'I » non qu'ils fussent sénateurs, mais simplement parce
qu'ils fonctionnent au palais ''.
Tandis qu'il y avait dix-huit classes dans Tordre nobiliaire
dont les titulaires formaient, à proprement parler, la cour de
l'Empereur, dans l'ordre administratif il y avait soixante
charges ou fonctions données par rescrit de l'Empereur (ot.à
Aoyou) et se répartissant en 7 classes. C'était celles des :
i) Stratèges qui comprenait vingt-six fonctionnaires à savoir
I. Schiumberger, SigilL, p. lo;").
'.i. îbid., p. 171.
3. Ibid., p. 122.
'\. Ibid., p. ii4-
5. Vie de Théophane, éd. Krumbacher. op. cit.. p. 890. S' Eiidokinios roçiit
de la même façon le titre de candidat.
G. Cerem., p. iM\/.
7. C'est dans le même sens qu'il laut entendre, je crois, la distinction de
Philotliée entre les dignitaires TaY;j.aT'./.o(, bsaaT'.xot, auyxTvT.T'.xoî et c'est, ce me
semble, la clef du passage obscur dans lequel Pliilotliée parle de ces mêmes
dignitaires qui » t^ rjyxAf.Toi â&;j.ô!;ovTai » fCerem., i3o8). En tous ces
endroits, il ne s'agit nidlement de l'institution appelée le Sénat. (Cf. Cercm.,
p. i333).
-j[\ BASILE I
les chefs militaires des divers thèmes de l'Empire et les ol £x
Trooa-WTTO'J.
2) Domestiques qui comprenait sept fonctionnaires : le
domestique des scholes ; le domestique des excubiteurs ; le
drongaire de la veille « tt,? p^yAa^ ; » le domestique des Icanates ;
le domestique des Nombres a twv vojtjLÉpwv » ; le domestique des
optimales; le comte des murs. On les appelait tous u ocpc2',x',à-
A'-Ot.. »
3) Juges qui comprenait trois fonctionnaires : le préfet de la
ville ; le questeur ; le fonctionnaire préposé aux pétitions :
4) Secreticoi ou fonctionnaires attachés aux grandes admi-
nistrations de l'Empire, comprenant onze fonctionnaires : le
sacellaire, le logothète toj vsv'.xoj ; le logothète de l'armée ; le
logothète du drôme ; le chartulaire du sacellaire ; le chartulaire
du vestiaire ; le protoasecretis ; le fonctionnaire chargé du
trésor privé (6 to-j zIo\y.o\j) ; le grand curateur ; le curateur twv
Mayyàvwv, de Manganes ; l'orphanotrophe.
5) Démocrates comprenant deux fonctionnaires : le démarche
des Verts et celui des Bleus.
6) 5/mtorc/ie5 comprenant cinq fonctionnaires : l'hétériarche ;
le drongaire de la flotte ; le logothète des troupeaux ; le pro-
tospathaire des basiliques ; le comte toj o-Tàê)vOj.
7) La classe des fonctions personnelles (slo'.xal àçia»,) au nombre
de sept : le basileopator ; le recteur ; le syncelle ; le chartulaire
du caniclée ; le protostrator ; le cérémoniaire (6 tî^z, xaTaorào-sw?) ;
le domestique des basiliques.
Comme nous retrouverons tous ces fonctionnaires dans leur
administration propre, je crois inutile de m'arrêter ici à chacun
d'eux plus longuement. Il est cependant une chose à remar-
quer. C'est que deux des titres cités par Philothée dans le
Clétorologe : le basileopator et le recteur, sont des titres nou-
veaux que les textes antérieurs au règne de Léon YI ne con-
naissent pas. Nous savons l'origine du titre de basileopator;
mais nous ignorons celle du titre de recteur. Ce qui paraît
certain, c'est que cette dernière fonction — la plus grande de
l'Empire dès le x" siècle — est inconnue des écrivains anté-
rieurs à cette époque. L'auteur anonyme du cérémonial usité
au vin'' siècle pour la promotion des grands dignitaires de
l'Empire l'ignore complètement et les premiers textes qui en
ET L EMPIRE BYZAMI\ ^O
parlent sont contemporains d'Alexandre, frère de Léon VP.
Au x'^ siècle elle a tout son éclat. Le livre des Cérémonies lui
donne le pas sur tous les autres fonctionnaires et Liutprand la
cite avant tout autre dans la distribution des présents à laquelle
il assiste. On peut donc conclure de cela que le rectorat fut
créé par Léon VI pour honorer un personnage quelconque ; et
c'est, sans doute, le premier cérémonial usité à cette occasion
qui nous est conservé au chapitre ÏY du second livre des Céré-
monies.
Naturellement, chacun de ces grands fonctionnaires a sa
suite ou son bureau (7:002 as 'jt'.;) composé de divers fonction-
naires subalternes. Nous les indiquerons avec leurs chefs res-
pectifs aux chapitres spéciaux consacrés à l'administration
dont ils relèvent.
On peut remarquer, par l'énumération qui précède, qu'en
réalité, sauf quelques fonctionnaires de second ordre, les titu-
laires de charges uniquement antiques n'étaient pas très nom-
breux. La raison en est qu'à Byzance, comme dans toutes les
cours orientales, les offices du palais étaient aux mains d'eu-
nuques riches et puissants qui, eux aussi, se trouvaient grou-
pés en deux classes, parallèles et semblables à la double hié-
rarchie des dignitaires et fonctionnaires de l'Empire. Suivant
qu'ils avaient un titre ou fonction, l'Empereur leur donnait le
(( jâpaêswv )) ou les nommait « oCol Xôyo'j », exactement comme
il le faisait pour ses autres sujets. Entre les uns et les autres
il n'y avait qu'une différence, c'est que les eunuques accom-
plissaient les fonctions que leur titre signifiait.
Il y avait pour les eunuques huit grandes dignités :
i) Les v'/i^ia-T'.àpio'. ou v'.'l/r.rr'.àcio'., que nous pourrions appeler
les baigneurs de l'Empereur, étaient, parmi les eunuques, les
dignitaires les moins élevés. Ils recevaient, comme insigne, un
vêtement (xa^io-'.ov) de lin et une sorte de grand manteau de
soie appelé le « cp'.àX-.ov ». Dans les cérémonies, quelques-uns
d'entre eux se trouvaient à la grande porte de l'Augusteon
pour présenter à l'Empereur le bassin dans lequel il pouvait
se laver les mains -.
2) Les cubicLilaires (y, toj xojê-.xo'jAap'loj à;ia) formaient une
I. Du Gange, article PaîxTwp. La vie de S' Euthymc parle du recteur Jean
à propos de la mort d'Alexandre en 918 {VU. Euthym., XXI, p. 70).
a. Cerem., p. 121.
76 BASILE I
classe très nombreuse. C'étaient les officiers an service habituel
de l'Empereur. Leur insigne était un vêtement de soie et d'or,
le ({ TcapayaêSiov ou Ttapaya'joiov )). La cérémonie de leur pro-
motion, racontée au chapitre XXV du IP livre des Cérémonies
qui, pour être peut-être postérieure au ix" siècle, n'en garde pas
moins son intérêt pour cette époque, donne de curieux détails
sur l'importance de cette dignité et fonction. Les préposites,
— leurs chefs hiérarchiques — font, par l'intermédiaire de
l'un d'eux, de graves recommandations au nouvel élu : qu'il se
garde bien, sans l'avis de l'Empereur, de porter la main sur
un homme qui porte la barbe (iBaoêaTo;) ; qu'il ne s'adonne pas
à l'ivrognerie : qu'il ne soit ni vain, ni léger et ne s'occupe
point des choses qui ne le regardent pas : qu'il se garde bien
aussi d'avoir des relations avec les hommes pervers et désireux
de nouveautés (lisez : qui essaient de fomenter des révolutions) ;
qu'il n'aille pas répandre au dehors les secrets de l'Empereur ;
qu'il honore tous les dignitaires du palais, ceux qui lui sont
supérieurs ou égaux en dignités, tout le sénat, surtout les pré-
posites ! (( Voici, dit la formule de promotion, quelle dignité
tu reçois. Songe que la sainte porte dont la garde t'est com-
mise, tu la tiens de Dieu même ; surveille-toi toi-même afin
que jusqu'à la fin de ta vie tu observes ces avis et. qu'orné des
plus belles vertus, tu obtiennes aussi de notre Empereur de
plus hautes dignités et que tu deviennes illustre dans le sacré
couboucleion ^ »
Ces recommandations pouvaient n'être pas dépourvues
d'utilité quand on songe à l'influence qu'avaient forcément de
tels personnages et quelle facilité leur était donnée de faire
aboutir toutes les conjurations. Ce sont ces cubiculaires qu'on
désignait, suivant le palais où leurs fonctions les appelaient,
du nom générique de « ol sttI toj xo'jêo'jxAî'loj, ol st:», toj ypjo-o-
toixX'Ivoj: ol xo'.twv'.tcç -. )) En outre, chaque service impérial
avait ses cubiculaires. Les uns étaient attachés aux chaussures,
d'autres à la barbe, d'autres à la chevelure^.
1. Cerem., p. iiGo.
2. C'est ainsi, par exemple, que nous avons le sceau de Pardos cubicu-
laire et liil toO xo-.twvo; fSigilt., 5 26). Suivant la règle générale, les ennuques
attachés à tel palais déterminé, pouvaient naturellement avoir plusieurs
titres supérieurs à celui de cubiculaire. Ils pouvaient être primiciers,
patrices, etc.
3. Cerem., 1281 et note 88. Nous trouvons parfois la mention de cubi-
ET L EMPIRE BVZAXTIN 7-
o) Spatharociibiculaires (r, toj a-rraOapoxojê'.xo'jXap'loj à;'la). Ils
portaient une épée à poignée d'or et avaient au palais une
dignité d'ordre militaire, à la dilTérence des cubiculaires ordi-
naires qui étaient civils.
!\) Les osUarii (r, Tt7jv oTTiapûov à;'la) portaient un bâton dor
muni d'inie pomme enrichie de pierres précieuses. Sortes de
portiers, ils se tenaient auprès du voile (jSyjaov) et introdui-
saient, suivant leur rang, les difterentes classes de dignitaires
et de fonctionnaires.
5) Les pvim'iciers (r, twv -p'.ijL'.xY.p'lcov àc'la). Les primiciers
avaient, comme insigne distinctif, une tunique blanche et sur
les épaules un manteau brodé d'or représentant des chevaux.
Eux aussi faisaient auprès de TEmpereur un service régulier
car nous savons par le Clétorologe que la gratification n'était
point la même suivant que le nouvel élu devait avoii, ou pas,
le droit de présenter V c imation » impérial '. Comme fonc-
tionnaires, ils avaient sous leurs ordres les dietarii qui se succé-
daient chaque semaine. Tous relevaient du grand papias.
6) Les profospathaires eunuques (r, twv TrptoToo-naQapûov à;'la).
Comme les autres protospathaires. les eunuques portaient le
collier et la tunique blanche. Ils avaient souvent des fonctions
militaires ou civiles.
7) Les préposites (y, twv Àau-poTaTojv -pa'.-oo-'lTtov àcia). C'était
la grande fonction du palais. Aucune cérémonie ne se faisait,
civile ou religieuse, qu'ils ne fussent aux côtés de l'Empereur.
Aussi étaient-ils toujours soit protospathaires, soit patrices.
et c'était les plaques de palrice mais sans les codicilles que
l'Empereur leur remettait au jour de leur élévation. L'origine
de celle fonction datait de loin. Primitivement à Rome. l'Em-
pereur avait son « praepositus sacri cubiculi » qui remplissait des
fonctions analogues aux préposites du ix*^ siècle. Puis avec le
temps cette charge se dédoubla. Aux iv'^ et v" siècles, nous avons
le (( praepositus sacri palatii » et le « prœpositus cubiculi » qui
étaient tantôt eunuques, tantôt pas. Mais dès le Moyen- Age
ils sont toujours pris parmi les eunuques-. Comme cham-
CLilaires « oii -oa;oj^ -. urbains, par opposition, sans doute aux cubiculaires
qui vivaient dans d'autres palais situés en dehors de Constantinople
(Cerem., Ibid.).
1. Cerem., i330.
2. Reiske, Cerem., note i3, cli* i, p. 83.
70 BASILE I
bellans en titre de l'Empereur, ils avaient autorité sur
tous les dignitaires eunuques qui, au jour de leur élévation,
leur paient la gratification. Ce sont eux, en outre, qui trans-
mettent les ordres du Basileus à tous les dignitaires antiques
et l'eçoivent de leurs mains dans les cérémonies les divers
insignes qu'ils remettent à l'Empereur. Par exemple, ils offrent
à l'Empereur, les cierges ; ils lui mettent la couronne sur la
tête, etc. ^ Enfin quel était leur nombre ? C'est là une question
à laquelle nulle part nous ne trouvons de réponse précise.
Cependant en confrontant les différents passages du Livre des
Cérémonies on peut remarquer que. dans tous les passages qui
parlent de plusieurs empereurs, il est fait mention des prépo-
sites ; dans ceux qui parlent d'un seul empereur, nous ne
trouvons trace que d'un préposite-. D'autre part nous pou-
vons faire la même remarque pour la liiaison de l'Impératrice,
ce qui semble bien indiquer qu'il y avait un préposite par
cour, mais un seul, chef unique de chaque maison impériale,
ayant sous ses ordres tous les cubiculaires. Baanès paraît avoir
été préposite de Basile ; Théodore, préposite de Constantin ^.
8) Enfin venait pour les eunuques la grande dignité de
patrice. Alors l'Empereur leur remettait les insignes complets
de patrice : les tablettes d'ivoire et les codicilles.
Indépendamment de ces dignités réservées aux eunuques,
dignités qui leur conféraient, comme nous venons de le voir,
certains privilèges et certaines fonctions palatines, la carrière
des honneurs leur restait encore ouverte. Comme les autres
sujets de l'Empereur ils pouvaient prétendre à toutes les charges
de l'Empire, sauf, toutefois, à celles d'éparche. de domestique
et de questeur *. Cependant, il y avait, en outre, au palais
certaines grandes charges qui leur étaient généralement
réservées ^.
1. Cerem., ch. i et pp. 117, 120, 121.
2. P. e. ch. IX, p. 287 et seq. Cf. surtout le chapitre sur la promotion du
préposite p. 525. Le texte est du vni* s. Il y a deux empereurs. Or il est fait
mention d'un préposite, l'autre étant h créer. L'Empereur fait un signe :
« xiv Te TpaiTtôaiTO; STcpôç £7T'.... »
3. Mansi, XVI, p. 18.
4. Cerem., i34o.
5. Nous savons, en effet, par l'exemple des personnages que nous con-
naissons par ailleurs, connue Basile lui-même et probahlement Nicetas,
qu'il y avait à cette loi des exceptions.
C'est sans doute à cela que fait allusion Ibn Hordadbeh quand il dit
KT L KMPIRK BYZ VMIN -Q
i) Le parakimomène [6 7:apaxo',iJLCL)|jL£vo>; toO Ôco-tcÔto-j). C'était
le compagnon habituel de l'Empereur, celui qui, pour traduire
mot à mot Texpression grecque, couche à côté de l'Empereur
et avait mission de veiller sur son sommeil. Il paraît avoir
généralement porté le titre de patrice. Comme pour toutes les
fonctions occupées par des eunuques, on s'inquiétait peu en
nommant un titulaire à cette liante et importante charge, de sa
famille et de ses antécédents. On cherchait surtout un homme
de confiance, un ami de l'Empereur. C'est ainsi qu'au ix" siècle
le parakimomène de Michel III était ce Damianos que nous
connaissons bien. Il était de race slave et devait sa situation
à Bardas qui l'avait pris — et pour cause — en amitié. Quand
arriva l'heure de sa disgrâce, il fut, suivant le droit de l'Empe-
reur, déposé de sa charge qui passa au nouvel ami de Michel.
Basile' qui reçût en même temps le titre de patrice-. Nous
savons par Constantin Porphyrogénète ^ que son grand-père ne
nomma point, au cours de son règne de parakimomène. Ce fut
l'empereur Léon \I qui renoua cette tradition. Le paraki-
momène portait le scaramangion et l'épée *.
2) Le protovestiarios (6 irptoToêsa-Tiàpio^ tou oea-TcoTOu). Comme
tous les corps de fonctionnaires, les vestiarioi ou préposés à la
garde-robe impériale avaient un chef. Avec le temps, ce chef
devint un très haut personnage qui, vraisemblablement, ne
s'occupait plus du vestiaire de son maître, mais paradait à ses
côtés comme grand officier. Sa fortune alla même tellement en
grandissant que Codinus le cite au sixième rang des fonctions
auliques. Vers la fin du règne de Basile, le proto vestiaire en
charge s'appelait Procope.
3) Le chef de la table impériale (6 ItzI tyJs TpairsÇr,^ to'j oetttoto'j).
Il y avait deux eunuques préposés à la table impériale. L'un
était au service de l'Empereur, l'autre à celui de l'Impératrice.
qu'il y avait à Constantinople quatre cents « préposiles » portant des man-
teaux vert brochés or. Ces « préposites », qui étaient sans doute les cubicu-
laircs, étaient les conseillers du roi chargés d'exécuter ses ordres et ceux
des patrices. D'entre eux, on choisissait les hauts fonctionnaires de Cons-
tantinople et les chambellans du roi (Ed. de Coeje, p. 8i).
I. Ce qui prouve que cette charge était avant tout donnée à un confident
alors même qu'il n'était pas ennuque.
3. Vit. Basil., ch. xvi, 249.
3, De admin., l, p. 384-
4. Léon Cramm., 1077.
8o BASILE 1
Ils avaient sous leurs ordres tous les officiers ciiargés du service
de table du Basileus, ceux probablement que les sceaux dési •
gnent sous le nom de « oojJLsa-TLxo!. -zr^^ jTrojpyia; i » et ces
« e-^^aoTî.àp'.o', » chargés de faire apporter sur la table les immenses
pièces d'argenterie que des hommes n'eussent pu apporter et
qui faisaient ladmiration de Liutprand^. Au ix*" siècle, nous
connaissons le sceau du préfet de la table d'Eudocie. leprotos-
palhaire Nicétas que Basile, par jalousie, fil reléguer dans un
couvent.
•'4) L'échanson [6 7r'-YX£pv7,ç). Aux deux préfets de la table,
correspondaient les deux échansons dont nous savons assez
peu de choses. Ils jouaient, sans doute, le même rôle que nos
grands échansons des cours franques et allemandes du Moyen-
Age.
5) Uartocline (6 àpToxXivy,;, 6 àpTixXîvYjç). L'artocline était un
fonctionnaire qui semble d'après Philothée, artocline lui-
même, avoir eu pour charge spéciale le placement à table des
convives et l'office d'appeler, à leur tour, les dignitaires et
fonctionnaires invités par le souverain ^. V lui revenait te soin
de connaître avec précision la tabelle des grades et te nom des
personnages afin de montrer à chacun « de la main droite
avec un geste adapté » la place qu'il devait occuper. L'arto-
cline pouvait être protospathaire *. Ils étaient plusieurs fonc-
tionnaires portant ce titre. A lui revenait en outre le droit de
jeter aux factions à certaines fêtes les sacs de monnaies, les
(( aTTOxôijLêia!. n que donnait le souverain -*.
6) Enfin venaient les fonctionnaires chargés des palais
impériaux, sortes de premiers grands portiers de la cour. Le
papias (TiaTrUç). Le Clétorologe en mentionne quatre : le papias
du grand palais et son lieutenant, le deutéros ; le papias de la
Magnaure ; le papias de Daphné. Aux jours des cérémonies,
chacun avait ses attributions propres qu'il exerçait effecti-
vement. Le premier de tous ces portiers était le papias du grand
palais, chargé d'ouvrir et de fermer les portes donnant direc-
tement sur la chambre à coucher de l'Empereur. 11 avait sous
1. Sigilloyr. p. ôoi.
2. Reiske, note 45, p. 365.
3. Cerem., i3/lo.
4. Ibid., i348.
ô. Ibid., a 25;
KT L EMPIRE BYZANTIN 8l
SCS ordres tous les services intérieurs du palais et les employés
qui y étaient attachés comme les lampistes, les chaulïeurs, etc.
Le deutéros s'occupait spécialement des objets à l'usage de
l'Empereur : ameublement, vestiaire, etc *.
Indépendamment de ces fonctionnaires en titre et de ces
dignitaires auliques, l'Empereur avait auprès de lui quelques
ministres chargés d'assurer au Palais certains services impor-
tants. Les trois principaux étaient le grand maître des céré-
monies (( 6 T/^^ xaTaTTaTîtoç », le protospathaire des basiliques et
le protostrator. Le premier était une sorte d'introducteur et
de chef du protocole. Il ne paraissait en fonction qu'à cer-
taines solennités pour présenter au Basileus les premiers digni-
taires de l'Empire. Le plus souvent c'étaient les préposites qui
faisaient le service de chefs des cérémonies. Lui, du reste, était
un fonctionnaire de haut rang, ayant sa place dans la liste des
soixante grands personnages de l'Empire, sans arriver cepen-
dant — en général du moins — au patriciat. Son titre le plus
habituel était celui de protospathaire -. Sous ses ordres un
ministère était constitué, composé d'un personnel de digni-
taires auliques remplissant à la Cour des emplois divers : les
hypatoi, les vesti tores, les silenciaires, les apoeparches, les
synkletikoi. On le voit, de son autorité relevaient tous les digni-
taires de rang inférieur. Il est probable que tous les person-
nages de l'Empire qui portaient un de ces titres, venaient se
ranger autour du chef de bureau dont ils relevaient. Leurs
noms figuraient sur les registres correspondants à leur dignité
et aux jours de cérémonies ou de service chaque chef avisait
ceux qui devaient ou pouvaient être présents au palais. C'était
sans doute dans ces bureaux que s'élaboraient les nombreux
« Cérémoniaux » qui virent le jour à Byzance, comme c'était
là que se réglaient la marche des fêtes, processions, entrées
triomphales, mariages et funérailles d'Empereurs, etc., et que
se conservaient les traditions et coutumes en usage à la Cour.
Le protospathaire des basiliques (6 TrptoTOT-aQàp'.o; twv ^aTt.A'.xwv ,)
était un ministre du même genre ; mais tandis que le maître
1. Ce rein., 1 336- 1 387.
a. C'est du moins ce qui ressort du Ciétorologc. il n'est nulle part
nonuiié parmi les fonctionnaires pouvant être décoré des titres d'anthy-
patos et de patrice (p. i3Vo *' 111^^'^' 'jitjn parmi les fonctionnaires pouvant
être protospathaires fp. i3'|8).
6
8*2 iîvsilp: I
des cérémonies n'avait sous sa juridiclion ([ue les dignitaires
d'ordre civil, le protospatliaire lui. paraît n'avoir eu que des
dignitaires d'ordre militaire. Comme le maître des cérémonies,
en effet, le protospathaire préside certaines cérémonies du
palais, telles que les promotions aux dignités antiques '. C'est
lui qui, dans ce cas, introduit le nouvel élu au Chi ysotri-
clinium, lui dicte ce qu'il doit faire et le revêt de l'habit propre
à sa dignité -. Mais la preuve qu'il régit au palais les digni-
taires d'ordre militaire, c'est la composition même de son
bureau. De lui dépend le domestique des basiliques (6 oo'jléot'.xo^
Twv [jaT'Jv'.xwv) (jui avait sous ses ordres les basiliques du palais,
c'est-à-dire probablement la foule de ces fonctionnaires de
second ou troisième ordre comme les maglabites, les scribones
et autres gens d'armes, huissiers, appariteurs et massiers,
choisis pour former autour de l'Empereur le cortège d'hon-
neur-^. Il est, du reste, assez curieux de remarquer, à l'appui
de cette hypothèse que toujours dans les cérémonies, il est fait
mention de deux catégories bien distinctes de participants :
d'une part, les magistroi, les anthypaloi, les patrices et les
« autres synkletikoi » ; de l'autre, les basiliques (^aa-',À!.xol
àvOptoTTO',). Il est donc, ce semble, assez naturel d'admettre la
distinction que nous avons faite et de donner au (( Domestique
des Basiliques » la direction de ce personnel qui n'avait, du
reste, de militaire que l'apparence extérieure. Un second
bureau relevant du protospathaire des basiliques était celui
des spathaires « toj o-TzaOao'.xîoj » ou de rhi])podrome. A lui
appartenait, sans doute, la classe innombrable des spathaires
et spécialement des spathaires en fonction, ceux qui portaient
les armes de l'Empereur, lance et bouclier K Eux-mêmes, du
reste, recevaient comme insigne de leur fonction, une épée -•.
Le troisième bureau formant le ministère du protospathaire
des basiliques était celui des a candidats » (xavo-.oàTO'.) dont la
fonction était, elle aussi, militaire puisqu'ils formaient, à pied
et à cheval, comme la garde du corps de l'Empereur ^\ Leur
1. Cerein., p. 1397.
2. Ibid.
3. Ibid., pp. 350, ^jo'i.
4. Ibid., p. 109.
ô. Ibid., p, i3oi.
(3. Ibid., p. 44o.
El LE-MPIUl-: BYZANTIN 83
nom venait de l'habil blane qu'ils porlaicnl. Kntin, le dernier
bureau du protospathaire était celui des u inandatores impé-
riaux )) courriers du Basileus, chargés de porter à qui de droit
et spécialement aux stratèges, les ordres du souverain. Ils
avaient une verge comme insigne de leur fonction '. Eux aussi
paraissent bien avoir eu une sorte d'organisation militaire
comme tous les personnages relevant de ce bureau d'ordre
essentiellement aulique.
Enfin, il faut ranger parmi les grands fonctionnaires attachés
au service de la cour, le protostrator et les deux démarclies.
Le protostrator peut assez bien se comparer à notre maréchal
du haut Moyen-Age. Comme en Occident, à Byzance, le chef de
l'écurie impériale était un grand seigneur, appartenant à la
liste des soixante fonctionnaires pouvant être patrices et anthy-
patoi. Mais sa fonction n'était pas pour lors purement hono-
rifique car il avait sous ses ordres le bureau chargé du service
dont il était le chef. Néanmoins, l'Empereur pouvait toujours
lui confier momentanément d'autres fonctions, surtout des
fonctions militaires comme ce fut le cas pour ce Baïanos,
protostrator de Basile dont Constantin Yll nous raconte les
machinations contre Apostyppis, machinations qu'il paya de
sa vie -. Son ministère se composait de trois départements :
les stratores ou écuyers avaient la charge spéciale des chevaux ;
les armophylakes (àptjiocpjAaxs^) celle des voitures ; les stablo-
komites (cTTaêAGxouLYiTc»;) celle des écuries impériales. On sait que
ce fut parmi les stratores que Basile fut inscrit lorsqu'il entra
au service de l'Empereur Michel.
Quant aux démarclies (ol o/îjjiapyo',) c'étaient les chefs des deux
grandes factions du cirque, factions dans lesquelles se ran-
geaient probablement tous les habitants de Constant inople.
Au ix'^ siècle, ces deux corps étaient déjà bien déchus. D'organes
officiels du peuple qu'ils avaient été, réclamant au cirque et
dans la rue. à la face du souverain, des droits, des libertés, de
la justice, fomentant les révolutions et faisant les coups d'Etat;
d'associations régionales à caractère militaire, pouvant à l'occa-
sion défendre leur quartier, les factions étaient devenues une
institution de pure cérémonie, uniquement propre à rehausser
1. Ce rem., p. Ha'i.
2. \ it. Basil., L.wii, p. 32 1.
8\ BASILE 1
l'cclal des pompos impériales cl à iiiaiiilenir les traditions du
cirque *. Gomme déjà au vi"' siècle, il n'y avait })lus à Byzance
au ix*" siècle que deux grandes factions, commandées chacune
par un démarche, membre de la liste des 60 et pouvant revêtir
les grandes dignités auliques. la faction des Yénètes ou Bleus et
celle des Prasinoi ou Yerts. Les deux autres, en vérité, les
rouges et les blancs, existaient bien encore -. mais chacune se
rai tachait à l'un des deux grands partis existants : les rouges
marchant avec les verts, les blancs avec les bleus. De leur orga-
nisation militaire et régionale passée, les factiojis avaient
gardé quelques vestiges en la personne des archontes et des
deux gitoniarches ol ys'.Tovt.àpya!.) ou chefs de quartier •^ peut-
être aussi, dans le groupement indiqué au Livre des Céré-
monies pour le X'" siècle, en « izs.py.'ziy.oi » et en « ttoaitixo'I »
propre à chaque faction. On avait, en effet, les \ énètes « pera-
tikoi » et (' politikoi » : les Verts « pei'atikoi » et <( politikoi. »
En outre, au-dessus des démarches se trouvaient les démo-
crates, tous par ailleurs chefs militaires. Le démocrate des
Bleus était le domestique des scholes : celui des Yerts le
domestique des Excubiteurs ^. Les deux autres factions
n'avaient à leur tête que les démarches des Yerts et des Bleus.
Quant aux autres bureaux des démarches ils étaient tous d'ordre
cérémonial. Les deux démarches avaient chacun leur lieute-
nant, le « deutérevon n qui devait être, en fait, IcAéritable chef,
de la faction et l'organisateur des fêtes, le démarche étant un
grand personnage, titulaire purement honoraire. Un chartulaire
avait pour chaque faction la garde des archives : les notaires
passaient les actes tandis que le 0 poète n composait les pièces
1. Cf. à ce sujet l^ambaud. De byzantino hippodromo, et son article de la
fteviic des Deux-Mondes : « Le Sport et l'Hippodrome à Constantinople. »
M. Rambaud a nié toule influence poIiti([ue aux factions. Néanmoins, il
send)le bien que la plupart des énieides qui ensanglantèrent Constantinople
curent d'autres causes que de simples ri\ alités de cirque. Quand le peuple
était mécontent du souverain, que de gra>es injustices avaient été commises
ou que les impôts étaient Irop lourds, les factions s'agitaient et faisaient au
souverain des représentations bruyantes qui tournaient facilement en
émeute. Si, du reste, les factions n'avaient été ((ue des clubs liippiques, on
comprendrai! mal le liaul rang donné aux cbefs de faction. L'Empereur
présidait lui-même à l'élévation du démarche et de son lieutenant.
*?. Vit. Mich.. ch. xxxvi, p. r^ilî
3. Cerem., p. i436.
4. Ibid., p. 21a .-îiO.
i:r i."i;Mi'ii{i; m/.ANii\ S5
tle circonstances. Des chantres, des cochers, des protia [-zoi^ily.)
et des demotai (oT.uLOTa».) comprenant sans doute les xoàxTa». ou
héros, les uaio-Toos;, etc., complétaient le personnel propre à
chaque faction.
A côté de la cour du Basileus, il y avait celle de la Basilissa
et celle des princes, à l'occasion. Chacune de ces cours était
composée de la même façon que celle de l'Empereur. Un grand
nombre de dignitaires femmes entourait l'Impératrice et faisait
auprès d'elle un service actif. C'étaient les koitonissai, les
koubouklareai. la protovestiaria et son cortège de vestiariai, la
primikirissa. etc. En outre, elle avait son personnel d'eunuques
dont le chef était le Préfet de la table de l'Impératrice (6 ttÏs
TpaTiis^Yj^ TTiç AjvQ-j^TTT,;). Il avalt sous ses ordres le préposite, les
ostiaires, les cubiculaires, etc. Enfin tous les dignitaires de la
cour impériale qui étaient mariés aAaient droit de partager
avec leur épouse, mais a^ec leur épouse seule' le titre qu'ils
portaient. Il y avait par conséquent des magistrisai , des
patriciennes et des anthypatisai, des strategisai et des épar
chisai -, etc., que rimpératrice recevait à certains jours tandis
que l'Empereur recevait les maris. Le premier personnage de
la cour de l'Impératrice était la patricienne à ceinture -^
1. Basilic, 1. M. T. I, § i, 8. p. i^o.
2. Cerem., 260,
3. Ibid., i34i.
L] VRE II
LE GOUVERNEMENT INTERIEIR DE BASILE Y
CHAPITRE PREMIER
LES PREMIERS ACTES PUBLICS. L ADMIMSTRATIO FINANCIERE.
Au lendemain du meurtre de Michel III, Basile, maître du
Sacré Palais, n'avait plus qu'à se faire proclamer. Ce fut son
premier acte. Le préfet de la ville, Marianos, s'en alla au
Forum et, devant le peuple et l'armée assemblés, annonça que
désormais Bvzance n'avait plus qu'un seul maître en la per-
sonne de Basile'. De son côté, l'Empereur entouré du Sénat
recevait, probablement en ce même instant, les félicitations de
la cour et, l'âme subitement convertie aux choses de la Reli-
ai-ion, consacrait « au Christ-Roi » son Empire et sa personne.
Première et touchante pensée du matin après les horreurs de
la nuit'-! Ensuite, conformément à l'usage, Constantinople se
mit en devoir d'aller solennellement rendre grâce à Dieu en son
temple de Sainte Sophie. Basile, accompagné de la nouvelle
Impératrice et de ses enfants, escorté de tous les dignitaires et
fonctionnaires présents, se dirigea vers l'église, distribuant
avec la libéralité qui convient à un homme qui veut se rendre
populaire, de nombreuses sommes d'argent, don traditionnel
de joyeux avènement que les Byzantins appelaient « 'j-aTS'la »
et qu'il tira, fait remarquer son petit-fils, de sa bourse privée •\
après quoi, seul Empereur, il se mit à l'œuvre.
1. Svm. Magist., ii, 7^9 ; Léon Gramm., io85 ; (ieorg. Moine, 107a.
2, Vit. Basil., xxvni, 27a,
i). Vil. Basil., xxix, 272.
88 BASILE I
La première mesure que Basile eut à prendre, fut d'ordre
financier. On se souvient de quelle lamentable façon Michel
avait dilapidé le Trésor. Il fallait, de toute nécessité, mettre
bon ordre à cet état de choses. Basile convoqua donc son sénat
et les principaux fonctionnaires de son gouvernement — sans
doute ceux qui étaient chargés des finances — et ouvrit en
leur présence le trésor impérial, situé à Tune des extrémités de
la galerie appelée « Diabatica du Triconque^ » 11 était à peu
près vide. De toutes les richesses d'autrefois il ne restait plus
que trois kentenaria et neuf sacs de miliarisia- ! Le livre des
dépenses fut. par bonheur, retrouvé chez un vieillard, le pro-
tospathaire eunuque Basile et. grâce à cette découverte, on se
rendit compte de certaines malversations qui demandaient
une prompte réparation. Le conseil voulait que tous ceux qui,
du vivant de Michel, avaient largement et indûment puisé dans
le trésor, fussent astreints à rembourser le montant des
sommes prises. En bon prince. Basile se contenta de la moitié,
ce qui ramena immédiatement trois cents kentenaria dans les
caisses publiques -^ Puis le trésor privé de l'Empereur u to
£io!.x6v » fut, à son toui', ouvert. On y trouva de précieux
débris des richesses passées que les Basileis avaient accumulées
au Palais. Là gisaient, pêle-mêle, des restes d'or j^rovenant
des œuvres artistiques que Michel avait dû faire fondre un
jour pour payer ses soldats* : le platane, les griffons, les lions,
l'orgue, les habits impériaux, etc. Pour le nouveau Basileus
c'était la richesse. Il n'avait qu'à faire monnayer les lingots
comme le projetait Michel et sa fortune privée augmentait sur-
le-champ. C'est ce qu'il fit plus tard. Enfin, paraît-il. la Desti
née ayant décidé de gâter jusquau^bout l'heureux Macédonien,
il découvrit, caché en terre, un trésor qui le mit tout à fait à
l'aise^. Mais ce n'était là, en réalité, qu'une affaire secondaire.
Ce qu'un souverain gaspille, un autre peut l'économiser à con-
dition, toutefois, que la gestion de la fortune publique soit
sérieusement conduite. Malheureusement, tel n'était pas le cas
à Byzance.
I. Labarte. j). 71.
a. Vit. Mich., \\i, p. 188; Mt. Basil, xxix, 272; Sym. Mag., xv, 721. II
y avait encore au trésor i3 kt^itonoria au dire de ce dernier chroniqueur.
3. Vit. Basil., xxix, 272.
4 Vit. Mich., XXI, 188; Cedren., 1089.
5. Vit. Basil., xxix, 272.
Kl l/l.MPIHE BVZVMIN 89
A rav('ii(_'inrnt do Basile do graves questions se posaient qu'il
fallait essayer de résoudre sans retaicl car elles avaient, par la
force même des choses, un contrecoup funeste sur la bonne
administration financière de l'Empire. La plus importante
était la question sociale, la question des riches et des pauvres.
Nous ne connaissons aucune nouvelle de Basile à ce sujet ;
mais nous savons que la chose le préoccupa fort. En homme
avisé et pratique, il préféra, probablement, prendre de
sérieuses mesures quotidiennes plutôt que de faire des lois
toujours transgressées et qui n'apportent en général aucune
amélioration dans la société. Cependant, Constantin Porphy-
rogénète laisse entendre que son grand-père envoya dos ordres
dans toutes les provinces à ce sujet. Quoi qu'il en soit, le conflit
était grave. La féodalité s'était de toute part établie de nouveau
sur les terres de l'Empire et fondait son autorité, comme en
Occident, sur la richesse terrienne ^ La famille de Daniélis
était une do ces familles souveraines. De Patras où elle habitait
elle dominait sur une grande partie du Péloponnèse qu'elle
possédait par ses immenses propriétés assez semblables
aux anciens o latifundia » : de nombreux esclaves vivaient à
l'ombre de ses métairies. Chez elle comme autrefois à Rome,
tout se faisait dans sa maison. Elle avait des esclaves pour
chaque genre de travaux- et à lire la liste des magnifiques
cadeaux qu'elle apporta ou envoya à Byzance, on peut se
rendre compte de l'opulence d'une de ces familles féodales ^.
Quand elle mourut, elle laissa une immense fortune, mobilière
et immobilière, à l'Empereur Léon qui put, avec les innom-
brables esclaves dont il hérita, prélever trois mille d'entre eux
pour créer en Longobardie une colonie prospère *.
Evidemment c'était là pour l'Empire un danger considé-
rable. Loin du pouvoir central, ces grandes et puissantes
familles ne songeaient qu'à s'étendre, à pressurer les habitants
1. (]f. le Chapitre sur ^la civilisation [byzantine. Qu'il sulîise do rappeler
ici qu'il faut entendre le terme « d'esclave» dans un sens souvent fort
large. Le plus généralement les escla\es sont nos serfs d'Occident, paysans
attachés à la glèbe et soumis à des lois|propres.
2. Vit. Basil., ch. lxxiv, p. 333.
3. Un autre exemple des richesses incroyables jquc pou\aienl posséder les
grands seigneurs, indépendants sur leurs terres, est cekii de l'Empereur
Basile II. Cf. Schlumberger. Epopée Byzantine, i, 3io.
i. Vit. Basil., ch. lxx\ii, p. 336.
QO BASILE I
libres qui via aient sur leurs terres et à accaparer leurs biens et
leurs personnes quand ils ne pouvaient payer les redevances
convenues. De ce fait, naturellement, les plus criants abus
naissaient à l'envi et l'impôt ne pouvait plus rentrer au trésor
qui s'appauvrissait de jour en jour. Basile songea donc, comme
le tirent ses prédécesseurs et le feront ses successeurs, à régler
cette situation. Seulement, chose remarquable, il ne paraît pas
en avoir voulu à Torganisation même de la féodalité. Nous
ignorons, en vérité, s'il tint, une fois Empereur, sa parole de
jeune homme : de donner à Daniélis la pleine possession des
terres sur lesquelles elle habitait ^ ; mais en tous cas, il demeura
toujours en termes non équivoques avec cette noble matrone
qui lui céda, en bien propre, nombre de grandes propriétés"-.
Lui-même semble, du reste, s'être assimilé parfois aux sei-
gneurs féodaux et avoir agi comme eux tous. C'est ainsi, par
exemple, qu'il décida que dorénavant les palais impériaux
auraient leurs domaines et revenus propres, fruit de l'agricul-
ture et qu'ils devraient sufQre à l'entretien de la table et des
bâtiments impériaux*^. C'étaient donc des terres avec leurs
habitants que Basile incorporait à chaque nouvelle résidence
qu'il construisait ou réparait et cela pour couvrir les frais
généraux qui en résultaient. Sans doute, en publiant cette
ordonnance, l'Empereur entendait alléger les impôts qui, de
ce chef, pesaient sur les paysans et les pauvres ^ ; sans doute
encore il dut acquérir régidièrement ces domaines, s'il ne les
possédait déjà. Cependant, le fait seul d'agir de la sorte ne
couvre-t-il pas les pratiques, moins légales quant aux moyens,
identiques quant aux résultats, des maisons féodales? Dans un
cas comme dans l'autre, c'est toujours le grand seigneur qui
augmente ses territoires aux dépens de la petite propriété. Aussi,
le projet de Basile dans ses réformes financières et judiciaires,
ne va-t-il nullement à combattre la classe des « ojvaTO'l » mais
seulement, et par détour, quelques-unes de leurs pratiques
d'accaparement. Ce qu'il voulut simplement, c'est protéger le
pauvre contre le riche, le faible contre le puissant afin que
l'injustice ne se puisse plus commettre. Cette façon de faire
1. Vit. Basil.. \r, •i'iA.
2. Ibid., cil. Lxxv, 333.
3. Ibid., ch. xci, p. 353; Codroniis, 1128.
A. Ibid.
in L I^^[l>Ilu: iu/amin C)i
cvideivinieiil ne dépassait pas la limite de ce que pouvait se
permellre tout seigneur féodal. Sa conduite fut loin d'être
aussi révolutionnaire que celle de certains de ses successeurs :
Mcéphore Phocas ou Basile II par exemple. Il chercha, avant
tout, à s'assurer de bons et sérieux fonctionnaires, intègres et
zélés, u ayant les mains pures de toute tache », décidés à
faire régner partout la justice et l'équité '. Ce qu'il deman-
dait à ses agents, c'est que les riches n'opprimassent plus
les pauvres- et qu'injustement, ils ne leur infligeassent
aucune de ces amendes injustifiées qui les ruinaient pour tou-
jours ; puis, sans violente secousse, sans criminelles repré-
sailles contre les riches, qu'ils essayassent de remettre sur
pied ceux qui avaient connu des jours meilleurs et que la
pauvreté involontaire avait fait déchoir de leur situation pas-
sée-^ Pour cela, Basile n'avait qu'un moyen à prendre : celui
d'attacher le paysan à sa motte de terre et de l'en laisser pro-
priétaire. Aussi bien c'est à quoi durent tendre, tout d'abord,
les officiers impériaux et c'est à cette fin qu'il envoya dans
toutes les provinces des ordres pour interdire la « funeste
coutume d'alors », de donner à un autre la terre de ses
ancêtres ^
Ceci fait, il tenta, probablement bien en vain, de lutter
contre un second mal, non moins grave et non moins
dangereux que le premier : la mauvaise gestion des affaires
financières en réformant la perception de l'impôt — ou plus
exactement sans doute en revisant les livres cadastraux -». —
Jusque-là dans les recensements de terres, les officiers du fisc
se servaient de certains signes d'abréviation. Le chiffre de
'O'
i. Vit. Basil., ch. xx\, p. 273. Le biographe de saint Euslratios raconte à
ce sujet un fait qui éclaire d'une vive lumière les procédés des collecteurs
d'impôts et les vexations dont soulï'raient les habitants. C'était au temps
de ïhéodora. Les gens de Brousse écrasés par les impôts ne purent plus —
en grand nombre du moins — payer leurs redevances. Le dioecète, impi
tovabiemenl, les fit jeter en prison. Saint Eustratios obtint leur délivrance
momentanée en versant cent nomismes dans la caisse des fonctionnaires.
Le lendemain, Théodora ayant envoyé deux cents nomismes au saint, il
put avec cet argent payer les impôts de son couvent d'abord, des pauvres
ensuite. ( Papad. Keram., Analccla, IV, S i5, p. 378).
2. Ibid.
3. Ibid.
4. Ibid.
5. CL même chapitre, les impôts à Byzancc au ix"' siècle.
92 BASILE I
rimpôt était inscril à nioitir. au huitième, au douzième sur les
livres. Il résultait, pour les paysaus surtout, uue impossibilité
absolue de vérifier ce qu'ils devaient au trésor et ce que les
collecteurs réclamaient de leur chef. Basile fit disparaître ce
système. Il ordonna que désormais Timpôt serait inscrit sur
les registres du fisc en caractères simples, de façon à ce que
chacun put facilement le lire et que la somme à payer serait
indiquée au moyen de calculs clairs et entiers de telle sorte
que les fraudes et les exactions devinssent impossibles. Cette
réforme, naturellement, n'alla pas sans amener lui grand
désarroi dans les chancelleries. 11 fallut refaire les livres,
acheter du papier, payer des scribes. L'Empereur se chargea
de toutes les dépenses qui, pour un temps sans doute, appor-
tèrent quelque soulagement à la classe laborieuse ^ .
Si Basile exigeait de ses subordonnés des qualités peu com-
munes et un zèle sans relâche, il faut bien avouer qu'il était
le premier à leur donner l'exemple de toutes les vertus admi-
nistratives qu'il réclamait d'eux. Souvent lorsque les expédi-
lions militaires et les autres soucis du pouvoir lui laissèrent,
au cours de son règne, quelque loisir prolongé, on le vit se
diriger vers les bureaux du logothète du trésor et là examiner
avec attention les plaintes de ceux qui se croyaient être l'objet
de quelque injustice '^, décidant en dernier ressort lorsqu'il y
avait doute-' ; cherchant par tous les moyens à rétablir l'ordre
sans pressurer les populations. C'eût été, au dire de son petit-
fils, un de ses plus chers désirs que d'aller lui-même dans les
provinces lever l'impôt et rendre la justice ^ Du moins ne le
pouvant pas, il exigeait que ses mandataires fissent exactement
ce qu'il eût fait lui même. Un jour, raconte Constantin Por-
phyrogénète, le logothète du trésor lui proposa d'envoyer
dans toutes les contrées soumises à l'Empire, des inspecteurs
pour faire rentrer^u fisc l'impôt qui n'y arrivait pas toujours
régulièrement et taxer les peuples qui, nouvellement incor-
porés par suite des conquêtes, ne payaient point encore leurs
redevances. Basile parut accepter la proposition et demanda
qu'on lui soumit le nom des futurs contrôleurs. Le logothète
1. VU. Basil, XXXI, 277; Gedrenus, 1092.
2. Ibid., 276 ; Gedrenus, 1089.
3. Genesios, 1102.
Il I I.MPIRi: inZAMIN ()3
s'empressa de dresser sa liste et s'inoénia à choisir de son mieux
des hommes, capables, droits, intègres : mais ce fut en vain.
Aux noms qui furent prononcés, Basile entra en uue grande
colère, refusa son ap])robation et demanda pour une aussi
délicate niissiou qu'on choisit, dans la ville, les deux « magis-
troi » qui. par leur incontestable vertu, leur expérience et un
long maniement des affaires, fussent le plus aptes à bien rem-
plir ces fonctions. iNaturellement personne ne voulut se charger
de la chose. Les « magistroi » interrogés, parvenus au faîte
des grandeurs de ce monde, riches, tranquilles, honorés,
n'avaient nulle envie d'aller en pays lointains s'atteler à une
œuA re aussi ingrate que peu lucrative. Ils firent valoir leur
âge, la fatigue, les services passés, bref ils demandèrent la
permission de refuser cette tâche trop lourde pour leur énergie
faiblissante. Basile avait prévu la chose. Devant le refus des
seuls hommes capables de mener à bien l'affaire il ne voulut
plus en entendre parler. « Je préfère, dit-il, qu'il y ait des gens
qui profitent injustement de mon bien, plutôt que de pressurer
moi même quelqu'un et de lui faire souffrir un dommage •*. n
Quoiqu'il en soit de cette histoire, peut-être forgée à plaisir
par l'admiration filiale, il se peut que du vivant de l'Empereur
et sous son impulsion, un réel progrès se soit accompli dans
l'administration financière pour le plus grand bien du peuple.
C'est là. en général du reste, le résultat de tout glorieux règne
et le plus réel bienfait des sages monarchies. Cependant il ne
faudrait pas se laisser trop prendre à l'idyllique tableau du
Porphyrogénète. Hélas non 1 « Toute injustice ne fut pas. sur-
le-champ, abolie et la justice ne put pas parler son clair et loyal
lîuigage ; les mains rapaces, plus nombreuses que celles de
Briarée. toujours tendues pour saisir le bien d'autrui, ne se reti-
rèrent pas ; les membres affaiblis du- pauvre ne se fortifièrent
pas au tranquille travail de la terre ou de la vigne dont il était
ju'opi'iétaire... H en fut encore qui osèrent s'emparer de l'olive
et de la ligue du i)auvre et l'empêcher de se reposer à Tombre
du toit paternel-. » ^ous le savons pai* les fulminantes no-
velles des successeurs de Basile, dès les débuts du x'' siècle-* et
j)nr le ti'islc commentaire qu'en donne NîcmMms en <)oi dans une
I. \U. Basil., cil. \c. p. 3()'i ; Cedrcnus, ik^:<.
■2. Ibid., ch. XXX. p. ^73.
3. Cf. Rainbaiid, L'Empire (jrecnu\' siècle, p. :j8i.
9 4 BASILE I
oraison funèbre du patriarclic Antoine Ivauleas. Toutes les plaies
sociales que Basile avait essayé de panser s'étaient oua erles de
nouveau, si jamais elles s'étaient bien fermées. Comme aupa-
ravant « le riche arrachait au pauvre son bien : le petit aA ait à
souffrir mille dommages : le paysan ne pouvait plus tracer son
doux sillon craignant l'impôt qui rempéchait de jouir du fruit
de la terre '. n Nicétas, en vérité, affirme que Léon VI et An-
toine Kauleas remédièrent à tant de maux. L'avenir put encore
lui donner un éclatant démenti. L'œuvre de Basile avait été
passagère. Sa vieillesse, déjà, laissa faire ce que son âge mûr
n'aurait pas toléré.
Il
Les réformes de Basile — on vient de s'en rendre compte —
n'allèrent jamais à autre chose qu'à assurer l'exact et loyal fonc-
tionnement de l'organisation qu'il avait reçue de ses prédéces-
seurs. Il ne chercha pas à tiansformer les rouages de la grande
machine administrative qui existait avant lui, à opérer une
révolution « démocratique ». à briser ces anciens cadres qui,
pour avoir eu autrefois leur raison d'être, n'en étaient pas moins
une des causes du mal dont souffrait le ix*^ siècle. Pour remé-
dier à l'état de choses existant, il aurait fallu reconstruire la
société d'alors sur de toutes autres bases et ces sortes de choses
ne sont pas au pouvoir d'im homme, si grand qu'il puisse être :
elles sont l'œuvre du temps et de l'évolution politique. Or. cette
évolution, Byzance semble l'avoir toujours plus ou moins igno-
rée. Malgré les apparences et de superficielles réformes, au reste
très éphémères, son administration dans ses grandes lignes
garda les formes que Dioelétien et Constantin lui avaient don-
nées et que Justinien accepta sans les vouloir transformer,
semblable en cela à ces figures hiératiques de l'Athos qui toutes,
parleurs traits fidèlement empruntés à un même et intangible
canon, rappellent les chefs-d'œuvre du grand Panselinos, avec
la vie en moins. Au fond ce qui changea le plus dans l'admi-
nistration byzantine - ce fut le nom des fonctionnaires et la
3. II faut faire une exception cependant en faveur de la législalion des
princes iconoclastes. Seuls ils paraissent a\o\v compris qu'il y avait pour
1;T L I.MPIlUi BV/AMI\ f).)
rci)arlilioii de leurs emplois : point le système lui-même. Ou
pourra se rendre compte de la chose par l'étude que nous allons
tenter des diverses branches du gouvernement impérial au
ix" siècle.
Toutes les affaires de IKnipiie abuulissaient et se traitaient
dans les bureaux du grand Palais. Ces bureaux « TÉxosTa »
sortes de ministères au nombre de dix', occupaiçid un nom-
breux personnel chargé des multiples travaux qu'une minu-
tieuse et compliquée chancellerie augmentait à plaisir. Tous
avaient des attributions financières, en ce sens du moins que
tous possédaient une caisse spéciale alimentée et vidée par des
revenus et des dépenses qui leur étaient propres. Trois bureaux,
cependant, avaient un caractère plus particulièrement finan-
cier : celui du logothète du Trésor, celui du préfet de rîlo'-xôv,
celui des curateurs.
Le premier des bureaux financiers était celui du logothète da
Trésor public « 6 aovqGéty,; 'zrj\) yîv.xoj » . Ce trésor — l'ancien
aerarium des Romains — avait commencé dès l'Empire à
perdre toute son importance première pour devenir aux lU' et
iv'' siècles une simple caisse municipale, celle de la ville de
Rome -. A Byzance sa fortune se releva quelque peu. Théori-
quement il garda l)ien son caractère de caisse commune de
l'Empire, mais en fait, il ne se distingua plus que d'une façon
nominale des autres trésors impériaux, pour cette raison bien
simple que les Basileis eurent sur lui plein pouvoir comme ils
l'avaient sur les deux autres caisses. Les trois Trésors conser-
vèrent une administration spéciale, alors même qu'ils ne fai-
saient qu'un dans la réalité des choses. Le bureau du logothète
eut pour mission de centraliser les impôts de toutes natures qui
se percevaient dans l'Empire, mobiliers et immobiliers, directs
et indirects, comme sans doute de recevoir le surplus des
sommes que les autres ministères ne dépensaient pas et qu'ils
louchaient à titre individuel. Aussi comprend-on facilement la
grande influence de ce personnage, véritable ministre des
eux une grande œuvre sociale à accomplir. Ils la lentèreiil. On sait qu'elle
fut de courte durée, car dès le i\' et surtout à partir des \'' et xr siècles
toute trace en fui soigneusement effacée. Nous aurons l'occasion de revenir
plus loin sur ce sujet.
I. Sauf exception que JMndi([ueiai, tous les renselgnemeiils que jimIoihic
dans cette étude sont puisés au CJétoroloye de Philothée.
'}. Marquardf, De l'organisation jinancirvc rhr: /r.v Uomniii^. p. ,'>87.
96 BASILK I
finances, indiqué au Clétorologe comme ayant le Irente-troi-
sième rang, immédiatement après le sacellaire ^ dans la hié-
rarchie byzantine. Nous connaissons par Syméon Magister^le
nom du logothèle du Trésor au début du règne de Basile. C'est
Constantin, frère de l'higoumène de Saint-Diomède, que, par
reconnaissance pour son bienfaiteur, le basileus éleva à cette
haute fonction. Le logothète auquel était confié le trésor
de l'Empereur avait, pour l'aider dans sa tâche, de nombreux
fonctionnaires sous ses ordres : les chartulaires, le protochan-
celier, les chanceliers : mais indépendamment de ces scribes
qui tenaient les registres, les écritures et accomplissaient tout
le travail que nécessite un des plus importants rouages de
Tadministration. le bureau des finances paraît avoir été subdi-
visé en plusieurs départements ayant chacun à sa tête un fonc-
tionnaire d'une certaine importance. Malheureusement, si nous
connaissons quelques-uns de ces fonctionnaires, le plus grand
nombre ne nous a laissé jusqu'à présent d'autre indication
qu'un nom impossible à identifier, mais qui, s'il pouvait l'être,
contribuerait, sans doute, à nous faire mieux connaître le fonc-
tionnement de cette caisse publique. INous verrions probable-
ment que ce Trésor, tout en devenant la propriété des Empe-
reurs, garda quelque chose de son caractère passé, qu'il resta,
par excellence, le trésor du sénat et du peuple, la grande caisse
de l'Empire où toute richesse venait aboutir. Et c'est peut-être
pour cette raison que Basile, comme nous l'avons vu, convoqua
le sénat pour ouvrir le Trésor^
Quels étaient donc les fonctionnaires qui dépendaient du
logothète du Trésor, les 0 Tajji'la'. tcov jiiaa-'.A',xà)v ypr^'^y.'zoiv d *,
comme on disait.
C'étaient, tout d'abord, les grands chartulaires ['/jj.zzo'j\^^\o^. \kz-
yocAoi Toj TExpiTOj ». les vrais chefs de ce ministère. A leur dépar-
1. Sous Basile il arrivait le trentième puisque trois fonctions furent
créées par Léon, parmi les premières de l'Empire. Ibn Hordadbeh cite le
logothète comme venant immédiatement après le « A ézir du roi et son lieu-
tenant. » (Ed. de (ioeje, p. 8^ ).
2. Sym. Mag., ch. x, 753.
3. Il est à remarquer que la plupart du temps les chroniqueurs ne font
entre les Trésors impériaux aucune distinction. Très généralement ils se
contentent de les appeler tout simplement le « Trésor, » « of.txô^'.ov » preuve
manifeste qu'en réalité il n'y avait qu'une caisse portant des noms diflé-
rents.
/j. Cedrenus, p. io44.
i:t j. I.A11M1U: byzantin C)-
ternent aboutisstiieînl, probablement, toutes les affaires finan-
cières de TEinpire, tous les comptes des autres ministères, tous
les registres des dépenses et des revenus. Personnages de grande
importance, ils appartenaient, généralement, à la classe des
spathaires.
Les chartulaives « twv àpxXwv » où des cai>ses devaient, \ rai-
semblablement. tenir reoistre de Tétat des caisses « àoxÂa', »
provinciales et autres qui existaient dans chaque thème comme
à By/ance dans les ministères, et dont l'administration était
confiée aux protonotaires des thèmes. Nous savons, eu effet,
qu'une partie des impôts tant directs qu'indirects restait dans
les provinces et servait à payer les dépenses du gouvernement.
Le reste était envoyé à Byzance. Or, il fallait, de toute nécessité,
qu'un personnel nombreux mit quotidiennement à jour cette
comptabilité compliquée pour que les finances ne souffrissent
pas de malversations trop criantes. De plus, il est assez vrai-
semblable que les comptes des différents ministères devaient
être centralisés dans un bureau unique. C'était, sans doute,
aux cliartulaires des caisses de diriger ces opérations. D'où très
probablement la distinciion du Livre des Cérémonies expri-
mée par ces mots : (( ol âcto y yo-zo'jXôioioi toj y£V',xo'j TjTO?. tcov
àoxAojv » '.
Vu bureau du logothèlc du trésor, appartenaient aussi les
inspecteurs des thèmes « È-oTTTa»,, sç'.G-wTa'l » que leur chef envoyait
dans les provinces pour vérifier la levée des impôts et fixer le
chiffre des contributions que devaient régulièrement payer les
populations, au moyen des livres préparés à l'avance dans les
bureaux du logothète. Du ix*" siècle nous avons le sceau d'un
certain Joseph Vestitor, épopte de Nicopolis et préfet du Pélopo-
nèse -. ce qui semble bien prouver que les époptes séjournaient
habituellement en province et n'avaient qu'une sorte de sur-
veillance et de contrôle sur les finances. Ils ne levaient pas
eux-mêmes les impôts ^.
I. Cerem., p. 1281.
■A. Sclilumbcrger, S'ujill., p. 180.
3. Les textes du iv siècle ne parlent pas des T:paxxop£; : mais nous savons
par des textes antérieurs et postérieurs que c'étaient les i)ercepteurs ordi-
naires. On les appc'lait aussi peut-être « cpopoVJvot ». Photius adresse une de
ses épîlres à un « iopoVJvo; .> : c'était le mot ancien. Il est possible qu'il n'y
ait là sous la plume de Pholius qu'un archaïsme. Le Patriarche était coutu
mier du fail.
7
98 BASILK I
Le service des eaux et celui des mines avaieiil de même leur
département propre avec des comtes à leur tête « x6[jiy,t£; joaTwv,
6 xotjLT,; TTÎç ).auLiaç » et des fonctionnaires dans les thèmes. Mais
de ces personnages nous ne suivons rien, ainsi que de row.o-r'.xo^;
ou clief des travaux publics et du xouL£VT!.av6ç '.
l'n des revenus les plus impoitanls du Trésor provenait des
droits qui frappaient les marchandises aux frontières comme
aux ports de lempire. Aussi y avait-il sur toute rétendue du
territoire des fonctionnaires chargés de prélever ces impôts et
de les faire parvenir au logothète du trésor. Ces impôts, payés
soit en argent, soit en nature, étaient transmis à Constaniinople
après avoir alimenté, pour une part, la caisse du protonotaire
du thème. Seuls, les impôts en nature paraissent être restés
dans les provinces où des bâtiments étaient aménagés pour les
recevoir u àTzofirîxai )> -. Les commerckdres (xo'jjjL£px',àpi.o',. xo|jl-
|jL£px',àpt.oL) étaient chargés de ces nombreuses fonctions. Ils
avaient, sans doute, sous leurs ordres des notaires occupés
à tenir les comptes de leur admijiislration. M. Schlumberger
cite un sceau qui paraît appartenir au vnr ou ix'^ siècle et qui
était la propriété d'un de ces notaires -^
Parmi les départements du ministère des finances, il en est
un dont la mention est particulièrement intéressante. C'est
celui du préfet de la curcdone (6 -rfiç xo'jpaTtop'laç). Si, comme
cela est probable, ce fonctionnaire avait pour mission de
recevoir les fonds dont disposaient les curateurs et de tenir
registre de toutes les affaires concernant les propriétés privées
de TEmpereur. on voit que le Trésor « toO yrv.xoj » portait bien
son nom et qu'il était dans la pratique le grand réservoir de la
richesse byzantine, commun à l'Empire, oui. mais aussi à
l'Empereur.
Enfin il y avait les Dioecètes (( ô',o'.xY,':aL ». Ces officiers
centralisaient à Byzance les impôts perçus dans les thèmes par
les collecteurs et les dioecètes de province. A en juger par les
sceaux, ils arrivaient à d'assez hautes dignités, comme celle
de patrice par exemple K Théophane raconte, au sujet des
1. Oly-iîT'.xôç, mieux que xi^tiv-ô; (cf. Cerem,, p. i35a).
2. La dime prélevée en nature sur les céréales, dit Ibn Hordadbeh, est
entreposée dans les greniers pour rapprovisionnemeni de rarmée. (Ed. de
Goeje, p. 83).
3. Schluniber<?er, SirjilL, ^\-;') : Zacharia\ (Irurhiclifc. \IV.
'». Schlumberger, SujiU., VjO.
ET L EMPIlUi B^ZAMIN QQ
dioecètcs, quaprcs un Ireinblcmeiit do terre qui détruisit les
murs de Constaiitinople sous le règue de Léon l'Isaurien, l'Em-
pereur promulgua un déeret ainsi conçu : « Vous êtes dans
rimpossibilité. dit-il au\ habitants, de refaire les murs. Aussi
ordonnons-nous aux dioecètcs de le faire. A cet effet ils réclame-
ront, suivant la règle, un u milliarision » par u oAoxot'Ivlv » ou
sou d'or. » De là vient, ajoute Thèophane, l'habitude de don-
ner aux dioecètcs les deux « xipaTa » '. De ce récit, comme de
riiistoire rapportée par le biographe d'Eustratios. nous pou-
vons conclure que les dioecètcs étaient chargés de centraliser
et de lever les impôts comme les « TrpàxTopsc •> et que cet argent
allait au Trésor pour servir ensuite aux dépenses d'intérêt
j)uJilic.
Le second bureau à proprement parler financier était celui
du préfet du trésor privé « 6 ztzI iryj z\rj\y.o\j »-. C'est dans la
caisse de ce fonctionnaire de haut rang qu'étaient centralisés les
revenus de l'Empereur en temps qu'Empereur. Là étaient dépo-
sés les objets de prix appartenant au Palais et nous savons que
ce fut dans les coffres de ce personnage que Basile trouva les
lingots d'oj- provenant des habits impériaux et des pièces d'or-
fèvrerie que Michel avait fait fondre ^. Ce trésor était réellement
le trésor impérial o ^aa-iA'.xov Taui^clov » commnu à tout basileus
et qu'il ne faut pas confondre, je crois, avec la cassette privée
de l'Empereur représentant la fortune de l'homme quel que soit
son nom. Le livre des « Cérémonies » permet de nous rendre
compte de l'usage qu'on faisait des sommes qui se trouvaient
dans ce trésor. Déjà, par le récit du continuateur de Thèophane
sur les dilapidations de Michel, nous pouvons conjecturer que
si une partie de cet argent servait aux plaisirs et aux frais de
représentation du Basileus. une autre était consacrée à payer la
solde des milices byzantines au service de l'Empereur ou tout
1. Tlicoph., p. 83-?. Voir à la fin do ce chapitre la valeur appio\imali\e
des monnaies byzantines.
2. VEpanagoge donne à ce personnage nn litre nii peu ditléient. Elle
l'appelle « ô èvoo;ÔTaTo? x(>[xt,ç twv ôci'wv t.ijlwv sîtooîojv. » A sa suite nous voyons
figurer le « 6 èvoo^ÔTaxoç xôjxtjÇ twv â-ravra/oO Ôctfov t,|jlwv cto'.xwv » fonctionnaire
qui nie paraît répondre au grand curateur. Ces titres spéciaux ne doivent
pas faire illusion ; TEpanagoge n'a fait que les emprunter aux textes légis-
latifs du règne de Juslinien dont elle est, en partie, comme les Basiliques,
une réplique.
3. Vil. Mich., XXI, p. i88, Vit. Basil.,'^ \\i\, 272-73.
lOO BASILE I
au moins, en lenips de guerre, les dons extraordinaires que
l'Empereur faisait à ses soldats ^ Or ce fait est contirmé par
plusieurs passages des « Cérémonies ». En campagne, en effet,
nous voyons le u préfet du trésor privé » accompagner l'Empe-
reur- et présider aux distributions de cadeaux faites par le
Basileus. C'est lui qui devait payer les dépenses que ces libéra-
lités entraînaient et elles étaient nombreuses. L'hétairie. les
« agouroi », les scholaires. les transfuges de qualité recevaient
des vêtements, des ceintures, de l'argent, suivant leur rang ou
les services rendus. C'est lui d'autre part — et cela est tout natu-
rel — qui fournissait à son maître ce dont il pouvait avoir
besoin pour son usage personnel et l'on voit que c'est cbez lui
que le drongaire de la veille pi'cnd la torclie qui doit lui ser-
vir pour les rondes de nuit qu'il fait avec les scbolaires autour
du camp ^. Enlîn c'est devant lui que s'inscrivaient' les dons
d'orge apportés à l'Empereur en cours de route « afin qu'au
retour le protonotaire et le cliartulaire du bureau de r£lot.x6v
puissent faire leurs comptes ^ » Bien plus, outre ces dépenses
générales, le trésor privé devait s'occuper, le cas échéant, de
l'appareillage de vingt vaisseaux et payer les voiles et le^ c o'.cpOz-
p'ia^ )) nécessaires. C'est aussi probablement cette caisse qui
fournissait, en temps de paix, à l'Empereur les sommes suffi-
santes pour faire à sa cour les distributions que l'on sait. Ainsi
le bureau du préfet de l'îlo'/xôv semble avoir été le lieu où se
réglaient les choses concernant la fortune impériale comme le
trésor oii elles se conservaient. C'est probablement cette caisse
qui fut laissée en si prospère état par Théophile etTliéodora,
car c'était avec cette fortune que les empereurs pouvaient faire
des économies ou des prodigalités comme c'étaient ces revenus
qui se trouvaient parfois singulièrement accrus grâce aux con-
fiscations si fréquentes àByzance^'. Ce qui donnerait, au sur-
1. C'est pourquoi Basile eaiplovalL \oloiiliers ses soldats, en temps de
paix, aux constructions dont jl était coutumier. H U(i Basil., ch. lxvui,
p. 3'2/i.) On sait que Léon VT lit de même.
•i. Cerem., 904 et seq.
3. /5id.,9i3.
4. Jbid., 91 3.
5. Jbid., 1*44.
G. 11 faut dire, cependant, que le plus souxeid nous trouvons dans les
textes le mol « otj[jlcjc'.v » simplement pour indiquer la conliscation. En
soi cela indiquerait plutôt que la conliscation était laite au bénéfice du
, 1.1 I. i:Mi'iin: inzwriN loi
plus, à croire que c'élail sur celle casseUe que se pavaient —
en partie du moins — les dépenses faites par l'Empereur pour
l'embellissement et Tentretien du « culte impérial » c'est le
département qui relevait du préfet du trésor privé et qu'on
appelait le bureau « twv spyoooa'lwv. » Outre les notaires habi-
tuels chargés des comptes et des écritures, le préfet de l's'.ouôv
avait en elîet sous ses ordres des officiers que le Clètorologe
désigne sous le nom de chefs des ergodosia. i^yo^^'zz- twv spvo-
ôoT'lcov ». Qu'étaient ces fonctionnaires !* Selon toute probabilité
leurs attributions étaient doubles : ils devaient, d'une part,
eommander et payer les objets nécessaires à l'Empereur ou
demandés par lui aux fabriques impériales, aux (( ergodosia »
et d'autre part, recevoir les revenus que ces fabriques pouvaient
fournir par la vente aux particuliers et aux étrangers de leurs
produits divers. Des u sêoouLàpio», )>, des semainiers et des <( ulîIvÔ-
Tîoo'. 0 sortes de sous-chefs dont nous ne savons rien complé-
taient le ministère. Ils étaient peut-être chargés de Tinspection
des fabriques et des revenus qu'elles rendaient car la Loi 5 du
Code Justinien parle en ce sens de Dioecètes des ergostataria.
Les « Basiliques » de leur côté mentionnent la dignité de
comte t( Tcov lo'.xtov » magistrat qui paraît être en relation avec
certains fonctionnaires de province auxquels il impose des
amendes en cas de faute ' .
Deux autres bureaux rentrent enfin dans la catégorie des
ministères d'ordre financier. Ce sont ceux des deux curateurs,
successeurs de r(( aerarium priva tum o chargés de la fortune
privée de l'Empereur, Le premier, le grand curateur u 6 uéyaç
xoupaTwp » était, comme tous ses pairs, les ministres en titre des
autres bureaux, un puissant personnage, possesseur des mêmes
distinctions que le sacellaire ou le logolhète. La surveillance et
le soin du palais, des propriétés privées de l'Empereur et,
d'une façon générale, l'administration matérielle tles biens
impériaux rentrait dans ses attributions. A titre beaucoup plus
direct que le préfet « to j sIo'.xoj » le grand curateur était, en
trésor public ; mais on'comprcndrail mal ce désintéressement de la pari,
des Empereurs qui avaient leur fortune privée à soigner comme la facililé
avec laquelle ils confisquaient les biens de leurs proches et de leurs
amis si, précisément, dans la pratique les deux trésors ne faisaient pas
qu'un.
I. Basilic, t. 111, l. i. 43, p. loO.
Ï02 BASILE I
quelque façon, Thomine (rafîaires de l'Empereur. Aussi est-ce
pour cette raison que toute une classe de sujets allait payer les
impôts à sa caisse. Tel était le cas pour les fermiers et autres
tenanciers des propriétés privées de l'Empereur, Et c'est ce qui
explique la composition de son bureau. Sous les ordres du
orand curateur, il y a les curateurs des palais « xoupàTwoî; twv
TzaAaT'lwv » en nombre assez considérable, car nous savons que
chaque palais avait le sien propre. Les sceaux du ix' siècle nous
onl laissé le souvenir de curateurs du palais d'IIormisdas, de
Pigi, etc. Seul, semble-t-il. le palais d'Eleuthère avait un fonc-
tionnaire spécial : le « lAît-vo-rspoç. » La raison en est probable-
ment que les grandes richesses qu'Irène, sa fondatrice, y avait
déposées lors de sa construction s'y trouvaient encore et exi-
geaient une administration particulière ^ De plus, nous savons
par les sceaux qu'au palais d'Eleuthère se trouvaient rattachées
des fondations pieuses -. Tout cela explique, je crois, l'excep-
tion faite pour ce palais. Les curateurs des propriétés impériales
(( xo'jpaTcopsç Ttov xTY.jjiàTcov » régissaient les domaines de l'Empe-
reur, c'est-à-dire, suivant les usages féodaux qu'ils adminis-
traient non-seulement les terres et valeurs immobilières, mais
les hommes et les animaux qui vivaient sur ces propriétés. Et
c'est pour la même raison que son collègue, le logothète du
trésor, qu'il envoyait partout où s'étendait son autorité, des
(( episkeptites, s-ia-xc-T/^Ta', » surveiller ses fonctionnaires et
contrôler leur gestion. Enfin comme trésorier des maisons
leligieuses et hospitalières dépendant de l'Empereur, il avait
sous sa juridiction immédiate les xénodoches de Sangaros, de
Nicomédie et de Pylai-^
Le second curateur était celui de Manganes u 6 xo'jpàTlop twv
Ma^'vàvwv. » Manganes, comme on le sait, était un véritable quar-
tier de Byzance s'élevant sur la Corne-d'Or en face de Galata.
Son importance Acnait du grand nombi*e de bâtiments publics
qui s'y trouvaient : l'arsenal, des églises, des monastères, etc.,
et un palais. C'est, sans doule. ])our diriger les divers services
1. Thcopli., 937.
2. Schlumbcrgcr, SigilL, i55.
3. Pylai IlJAai; se trouvait sur lo golfo Asiakinos. Son xonodocliion devait
être important parce que c'était le siège d'un des grands relais pour les
voitures qui se dirigeaient dans l'intérieur de l'Asie Mineure (Sideridos,
p. 109).
r.T ]/i:Mi»mr. in/vMi\ io3
réunis en cet endroit qu'un ministère lut consUtué. Il était
composé du même personnel que celui du grand curateur ;
mais il n'avail sous ses ordres aucune demeure hospitalière.
IIl
De même que l'Empire était divisé en thèmes, en évéchés,
en éparchies, suivant radministration impériale (militaire,
ecclésiastique ou judiciaire) dont il relevait, il paraît avoir été
divisé, au point de vue financier, en « episkepsis zT.ir7-/.i'lz\:; »*.
Si cette division territoriale est exacte, o l'È-'lTXî-iyu » aurait eu
à sa tête un inspecteur, u sTT'.a-xîTrTÎTr.c, cttô-tt,; » chargé de l'ad-
ministration générale des finances dans la province et, sous ses
ordres, un hureau composé de notaires, de scribes, de « prac-
tores » ou collecteurs, etc. Toutefois, cette division pour logique
et probable qu'elle soit, ne semble cependant pas suffisamment
prouvée par les textes pour que nous puissions la donner comme
certaine. A plus forte raison ne savons-nous rien de son orga-
nisation et de son étendue. Nous ne sommes guère mieux ren-
seignés sur les dépenses et revenus généraux de l'Empire, du
moins pour le ix^ siècle et c'est surtout par analogie, à l'aide de
quelques textes antérieurs et postérieurs, que nous pouvons nous
faire une idée de ce qu'était radministration financière à Byzance
à l'époque qui nous occupe.
i"* Les dépenses. — Dans un Empire aussi étendu que celui de
Constantinople, hiérarchisé et centralisé autant et plus que
l'Empire romain, toujours en guerre contre de multiples
ennemis qui surgissaient pour lui de tous côtés à la fois, à l'est
et à l'ouest, au nord et au midi, avec cela gardien fidèle et
parfois libéral de cette beauté artistique qu'il avait reçue en
héritage de la Grèce, qu'il entendait toujours chanter en son
âme toute pétrie d'hellénisme et qu'il pouvait, privilège assez
rare, vivifier encore chaque jour au contact des œuvres
syriennes et arabes, les dépenses de toutes? sortes devaient être,
fatalement, considérables et constituaient pour le peuple une
très lourde charge. Essayons donc de voir quelles étaient les
dépenses de l'Empire et quels ses revenus.
I. /acliaria\ Geschichte des yriechisch. rômiscJicn Redits, \1V.
I()4 BASILE I
Si Byzancc ne cou nul pas ce que uous appelons le u budget
des cultes )> les Empereurs cependant subvenaient de leurs
deniers aux frais qu'entraînaient les belles cérémonies et
l'entretien du clergé. Sainte-Sophie, comme du reste toutes les
autres églises et comme tous les monastères, avait ses propriétés
particulières, des terres, qui constituaient sa forturie assurée et
sur laquelle vivaient ses prêtres. Au \f siècle ces biens fonciers
étaient déjà considérables, car nous savons que Justinien dans
plusieurs de ses novelles en régla l'emploi d'une façon qui ne
laisse aucun doute sur l'autorité qu'il s'arrogeait en ces sortes
de matières K Mais, indépendamment de ces biens qui allèrent
toujours grandissant par suite des dons que riches et pauvres
aimaient à faire aux églises et aux monastères qu'ils affec-
tionnaient particulièrement, les Empereurs assumaient cer-
taines charges qui devaient parfois grever lourdement leur
budget. Ces charges étaient les unes volontaires, les auties
fixes. A titre de bienveillance, de charité, de dévotion, les
souverains faisaient des aumônes nombreuses et répétées. C'est
ainsi que Basile V' non seulement restaura, embellit et cons-
truisit quantité de sanctuaires, ce qui peut être le fait de tout
gouvernement soucieux de l'entretien des monuments artis-
tiques et du besoin des peuples et ne saurait entrer en compte
des charges d'ordre religieux — mais nous le voyons doter
Sainte-Sophie d'une propriété dont les revenus devaient servir
à l'entretien des lampes a qui menaçaient de s'éteindre faute
d'huile » et à celui du clergé - et donner à Saint-Diomède des
livres et de riches vêtements -'. Ces libéralités, probablement
se renouvelaient de temps à autres et, pour n'être pas fixes,
devaient correspondre néanmoins à mi chapitre prévu des
dépenses impériales.
D'autres charges, au contraire, revenaient à époques déter-
minées et la tradition les consacrant en avait fait une obligation.
C'étaient les dons que l'Empereur remettait en certaines
circonstances : à son avènement, au jour de son sacre, à son
1. Voir on particulier Aoi'e//^', Jli, \YI. i8, ii5.
2. Vit. Basil., cli. lxxiy, p. 387.
3. Ibid., Lxxiii, p. 332. Cf. le liés curieux chrysobuUo do l'Empereur
liomain daté de 924 en faveur des moines de l'Allios. Il donne une excel-
lente idée de la générosité des princes byzantins à l'égard de l'Eglise.
(Migne, GXIII, p. 1009).
Kl I. 1-MiMiu; m/ VM i\ lo.)
mariage, à roocasiou du l)a[)lemé do ses enfanis '. aux grandes
fêles de rauuée, elc. Théodora, par exemple, lit don de quinze
livres d'or au Patriarche qui lui mil la couronne siu- la tête et
le clergé en reçut autant '-. D'autre part la règle établie par le
cérémonial était qu'à certains jours l'Empereur, après s'être
rendu à Sainte-Sophie pour les offices, remettait au sortir de
l'église, une bourse pleine d'or aux dignitaires et fonctionnaires
ecclésiastiques de service, comme l'archidiacre, les « osCiarii »
ou portiers, les chantres, les « prosmonarii n ou gardiens et
aux pauvres. Puis, en se séparant du Patriarche, après avoir
reçu de ses mains les « eulogies », l'Empereur lui donnait les
« aTroxoaê'.a ». petits sacs remplis de monnaies^ qui passaient
sans doute dans la caisse privée du Patriarche et devaient par
là augmenter ses revenus. S'il faut en croire un passage du
Livre des a Cérémonies » l'apokombion contenait cent livres
d'ori.
Une seconde charge, du reste toujours couverte par des
impôts spécialement levés à cet effet, était celle concernant les
travaux publics. Nous n'avons pas, sur ce chapitre, de rensei-
gnements très nombreux. Gomme nous l'avons vu, le service
des eaux qui, sans doute, comprenait l'édification et la réfec-
tion des aqueducs et des canaux souterrains était dirigé par les
(( comtes des eaux ». fonctionnaii'cs dépendant du logothète du
trésor public. Mais nous savons d'autre part que plus d'une fois
les Empereurs — et Basile tout le premier — comme aussi des
particuliers dotèrent Byzance de citernes destinées à lui fournir
l'eau qui paraît lui avoir souvent manqué •"'. Ces citernes, géné-
ralement dépendantes d'églises, de cloîtres, de palais, servaient
à la consommation et à l'usage des gens du lieu qui pouvaient
ainsi boire une eau fraîche et pure ^^ ; mais pour une raison
que nous ignorons un certain nombre de ces puits fut comblé
j)ar les Empereurs et renq^lacé par des vergers. C'est à rendre
à leur ])]"emièr(' destination fpieU[ues -unes de ces cileines.
I. (ieorgcs Moine C^ont., 1078.
a. Hegel, Aimlecln byznntino vuxsira, p. 5. Cf. par e>:. les dépenses du
eouronnemenl de Léon l'Arménien (Anonyme de Conihcjis, Migne. CVIK,
p. loiy).
3. Cereni., p. 177.
4. Ccrem., p. 42i">-
5. 17/. Baùl., ch. xcn, p. Sôo.
0. Unyer, I, 198.
I()() BASII.1-: I
entr autres celle qui se trouvait devant la Alagnaure, que Basile
s'employa ; mais son petit-fils a négligé de nous dire si ce fut
avec son argent personnel ou avec celui du trésor qu'il effectua
ces travaux. Une autre citerne, celle d'Aspar, nous est connue
pour le ix*" siècle. C'est aux environs de ce puits, situé non loin
des anciens murs K qu'habitait le patrice Manuel. Les aque-
ducs demandaient eux aussi des dépenses considérables à en
juger par les travaux qu'entreprit au vni'' siècle Constantin
Copronyme pour la réfection de l'aqueduc de Yalens qui avait
servi jusqu'au règne d'Héraclius et que les Avars détruisirent-.
Les routes, les ponts réclamaient à leur tour de fréquentes
réparations et coûtaient fort cher à l'Empire. Comme le dit
Léon YI dans la « Tactique » c'étaient là des charges de
l'administration publique -^ Il semble bien, cependant, à lire
les chroniqueurs que ces sortes de travaux n'étaient pas tou-
jours régulièrement entrepris et nous savons que plus d'une
fois les ambassadeurs étrangers eurent à se plaindre du
mauvais état des routes ; mais il est assez difficile de savoir de
quelles routes il est question car tandis que les grandes routes
étaient à la charge du Trésor, les chemins vicinaux dépen-
daient des communes qu'ils desservaient. De plus, pour faire
ces réparations urgentes, on levait des impôts particuliers qui
n'étaient souvent que des corvées, comme 1' u àyraps-la »., le
(( 7:apavyap£'la » dont une partie était aff'eçtée au service des
routes. La u Tactique » de Léon M laisse entendre que malheu-
reusement, ces impôts ne rentraient pas avec toute l'exactitude
désirable. Il fallait alors que les soldats fissent les travaux, ce
qui ne pouAait avoir lieu que dans les rares intervalles où la
guerre ne les prenait pas. On voit par là quelles négligences
1. Unger, i, 200.
2. Theoph., p. 888. Lombard, Constantin \, p. 100. Il est probable que
Basile répara aussi la citerne de Saint-Mokios, dans le jardin appelé « Exi
Marmara », au sud des Blachernes, à l'endroit appelé aujourd'hui ïschukùr
bostàn ; et celle du palais de Hieria dont les admirables ruines se voient
encore à Phanaraki ; au dire de Strzygowski d'autres citernes doivent tMre
attribuées sinon à Basile PS du moins à la maison macédonienne. Ce sont
celles de Bodrùm am Agha jokuschù, d'Am Kadyn Sokhagy, de Bei der
Kefali Djami, d'Ini Bible House et d'Am Kjôroghlù Sokaghy près de
Nischandschy Djami (Strzygowski, Die byzantinischen Wasserbehalter in
Kple, p. 228, 229, 280, et Pargoire, Hieria (Mémoires de l'Institut archéologique
russe de Constant inople , IV, n, 1899, p. 9 et seq.)
3. Tactik., X\, 70.
1- T L HMPIUi: li^ZAMlN JOy
dcvaieiil s'inlrocluire dans ce service d'une importance pour-
tant si considérable. Il en allait de même de la réfection des
murs, autre charge d'une redoutable gravité par ces temps
d'incursions et d'attaques réitérées. Mais là, la prévoyance
impériale paraît avoir été plus vigilante car il n'est presque
aucun empereur qui n'ait réparé en quelque endroit les murs
de la \ ille • et des principales places de l'Empire. Quelques
inscriptions rappellent encore aujourd'hui que Basile fit cons-
truire une tour près de la mer et qu'il répara les murs 2. Un
impôt spécial était aussi levé à ce sujet, du moins depuis
l'époque de Léon l'Isaurien. C'était l'impôt des u deux kerata. n
Enfin les ports de l'Empire et ceux de la ville devaient réclamer
des dépenses considérables. A en juger par les restes du port
Julien ou de Sophie, à Constantinople, très visibles encore
aujourd'hui, on peut conjecturer que les Empereurs n'aban-
donnèrent jamais ces importants travaux publics. Si tous ces
impôts rentraient mal ce n'esff pas, en vérité, que le gouver-
nement ne les tint pour très importants et qu'il négligeât de
les faire rentrer car déjà du temps de Juslinien, l'Empereur
seul pouvait en dispenser ; mais c'est que les paysans sur
lesquels pesait cette effroyable machine dont chaque aspiration
venait, pour ainsi dire, saisir les derniers restes de nomismes
afin de les refouler au Trésor bu dans les poches des collecteurs
d'impôts, ne pouvant sufQre à la tâche, préféraient ne plus
ensemencer et ne plus moissonner et la machine fonctionnait
dans le vide. En somme, comme dans l'Empire romain, nous
pouvons entrevoir qu'à Byzance l'Empereur agissait de plusieurs
manières différentes pour l'entretien des travaux publics.
Tantôt il faisait exécuter les constructions ou réparations, de
ses propres deniers, tantôt et toutes les fois qu'il le pouvait,
au moyen d'impôts supplémentaires qu'il prélevait sur ses
sujets ou sur les peuples vaincus ^^, tantôt enfin en sollicitant
le concours des grands et riches seigneurs de ses provinces.
Parmi les dépenses générales qui grevaient le Trésor et se
répartissaient. d'une façon sans doute plus fictive que réelle,
sur les tiois eusses dont nous avons parlé, une des plus
i.inger, p. 2ia-:2i3; .Millingon, Byzantine Constantinople. The Walls of
Iho city and adjoiiifï liistorical silos.
•A. liocckh, IV , p. 317.
3. Ainsi fil Nicephore logôthèlc, par exemple. Theoph., p. 9G9.
OcS
BASILK I
lourdes devait être évidemment celle qui concernait radininis-
iralionK A Gonstantinople. radminislralion de la ville el du
palais, les services généraux du gouvernement réclamaient un
nombreux personnel qui, de toute nécessité, devait recevoir un
traitemejit fixe et périodique. Malheureusement, nous sommes
très mal renseignés à ce sujet. Peut-être faut-il faire une distinc-
lion entre les titulaires des grandes charges et leurs subordonnés.
Il ne serait pas impossible que les premiers n'eussent eu,
comme à Rome, aucun traitement - — exception faite pour les
stratèges. — Ils se contentaient, sans doute, des distributions
que l'Empereur faisait à certains jours et des dons obligés que
les principaux dignitaires de la couronne, nouvellement
promus, remettaient à leurs supérieurs hiérarchiques. Mais les
autres, c'est-à-dire cette foule de scribes, de notaires, de chan-
celiers, de fonctionnaires de tous genres, véritables subalternes
d'officiers pris d'ordinaire dans les hautes classes de la société,
ils devaient, eux, recevoir une allocation et. vu leur nombre,
cette allocation ne pouvait manquer de faire au Trésor une
brèche considérable. Il est vrai que le gouvernement prélcAait
un impôt spécial destiné à payer son personnel comme à
couvrir les frais qu'entraînaient pour lui les distributions de
présents^ : mais cet impôt ne devait pas suffire, vraisembla-
blemeiU, à la charge pour laquelle il avait été créé ; il fallait
donc que le Trésor concourul pour une ])art à ces lourdes
dépenses. 11 en allait de même pour les dépenses de la Cour
proprement dite. Là, en vérité, comme dans les services d'ordre
purement administratif, les dignitaires payaient d'assez fortes
sommes au jour de leur promotioji ; mais ces sommes, nous
le dirons plus loin, n'étaient qu'une sorte de capital destiné à
donner à chacun une modeste pension. Elles ne pouvaient,
en aucune manière, couvrir les frais généraux de la maison
im]3ériale. V celles-là en effet un budget spécial était affeclé :
les revenus des propriétés et de la caisse privée du Basileus.
C'est qu'elles devaient être évidemment considérables les
1. Nous trouverons au chapitre sur l'armée les dépenses concernant
l'administration militaire.
2. Sauf les traitements en nature TiTf.asiç qu'ils tenaient du trésor
(Epanag., t. VU, 2, 75).
3. Ceci ne contredit pas, je crois, la phrase de VEpanagoge : « wîzco à';xta6ov
Aaîj.6dtvciTT,vàp/f,v... » comme nous allons le voir,
EL L KMPIIU: lnzv^TIX
>9
dépenses qneiilraiiiail nu train de vie connnie eelui d'un
Empereur byzaidiu. Indépendamment des objets de luxe, et
des œuvres d'art, dont la magnificence impériale aimait à
s'entourer: indépendamment des brillants costumes d'or et de
soie à l'usage du souverain, de sa famille et des grands digni-
laires antiques, l'Empereur avait à payer tout un personnel de
domestiques inférieurs employés aux mille nécessités du palais ;
il avait à oftVir périodiquement, aux grandes fêles de l'année,
ces somptueux et immenses repas dont parle la Notice de Phir
lothée : il avait à recevoir dignement les ambassadeurs étran-
gers : il avait à faire des cadeaux à ceux qui l'entouraient. Puis
il titillait aussi compter avec les goûts personnels de chaque
souverain : chevaux, spectacles, voyages ', déplacements et
cérémonies de tous genres venaient chaque année augmenter
le cliifl're déjà très élevé des dépenses impériales, chiffre qui,
au surplus, se doublait et se triplait quand, à côté de la cour du
Maître, il y avait celles tout aussi nombreuses de l'Impératrice
et de ses enfants.
D'autres dépenses, d'ordre administratif, devaient avoir leur
place au budget des Basileis, mais de celles-là nous ne savons
rien. Tel est le cas pour les monnaies dont plusieurs établisse-
ments existaient à Byzance et dans l'Empire-, j)our l'ensei-
gnement, elc. De même, dans toutes les grandes villes, il >
avait des greniers « Tàoop'la » dirigés par un comte et que l'iùn-
pereur A'isitait de temps à autre pour s'assurer que les provi-
sions de l)lé indiquées sur les registres s'y tsouvaient réelle-
ment -^ et que le bureau préposé aux achats de grains (( to
TiTtovLTÔv '* » fonctionnait régulièrement ; mais ce blé semble
être plutôt destiné aux soldats qu'à la plèbe et nous ignorons
si Byzance continua à faire, comme Rome, de fréquentes dis-
tributions de pain, d'huile, etc. Cela est probable, du moins
en certaines circonstances. Nous savons, en elTet, que Jean
Tzimiscès, au retour de sa campagne de Russie, fit faire dans
l'hiver 97:^-973 de jiombreuses largesses au ])euple et lui
1. (]f. ÏNoiiniaiiii, Ld situation mundiate de V Empire by:antin avant les croi-
sades, p. I.").
2. Nous avons do Basile imc rnormaic (raracul IVappi'o à ?saplos. ( Sabalicr,
3. Cereni., 1289.
'\. Srhliinibcrj^cr, Sigillofjraphie, p. r)88.
lO B\81LK 1
doiiJia de grands festins ' et Basile 1'', lui-même, après sa vic-
toire de Téphrice, combla de largesses ses soldats et son
peuple. Ces dépenses rentraient, sans doute, dans le budget
des œuvres de bienfaisance qui. de son côté, n'était point
négligeable, ^ous savons déjà quels furent les efforts de Basile
pour subvenir aux misères de tous genres qui pouvaient se
rencontrer dans son Empire : il fit construire de multiples
maisons de secours qu'il dota et entretint. Mais ces charités
sont, semble-t-il, plutôt le fait d'un prince que celui d'une ins-
titution et. comme tel, le gouvernement devait avoir des libé-
ralités à distribuer aux indigents. C'est du moins ce qui paraît
ressortir d'une anecdote rapportée par le continuateur de Théo
phane. Sous Romain Lecapène un froid intense qui ne dura
pas moins de cent vingt jours se déclara subitement à partir
du :î5 décembre 928. Les pauvres mouraient en gi'and
nombre et la désolation s'étendait sur la ville comme un grand
voile de deuil. L'Empereur, pris de pitié pour tant de maux,
ordonna de fermer la partie ouverte des portiques et d'y placer
partout des sortes de troncs destinés à recevoir les générosités
particulières. Il fit faire, en outre, chaque mois de nombreuses
distributions d'argent, soit dans les églises, soit sous les por-
tiques. V la fin de l'hiver on avait donné aux pauvres douze
« chiliadai » d'argent monnayé -. Le livre des Cérémonies,
d'autre part, mentionne souvent les dons que l'Empereur fai-
sait en certaines circonstances, comme aux jours de fêtes, aux
pauvres de la ville, preuve que ce chapitre était prévu dans
les dépenses impériales. De même quand il allait visiter les
hospices et établissements de charité '■^.
Enfin l'Etat avait souvent à payer à ses ennemis. Bulgares,
Arabes et autres, des tributs de diverses sortes qui étaient pour
le Trésor une charge considérable. Ces tributs c( TràxTa » parais-
sent en effet assez lourds. Lorsque l'Empereur Mcéphore fit la
paix avec les Arabes, Aaron réclama aux ambassadeurs byzan-
tins une somme annuelle de trente mille nomismes, plus trois
nomismes à l'effîgie de l'Empereur et trois à l'efRgie de son
fils ^. D'autres fois c'était avec les Bulgares qu'il fallait compo-
I. Schlumberger, Jean Tzimiscès, p. i83. Cerem., 906.
3. Cont. deThcopli.. Vit. Rom. Lecap., xxvii, p. 436.
3. Cerem., 420-434.
4. Tlieopii., p. 945 et 9G9.
KT L l'MlMUi: inZAMIX I | |
ser. heureux encore de donner de Targenl plutôt que des pro-
vinces. Inversement, par politique, les souverains faisaient
aussi aux peuples qu'ils voulaient attirer dans leur alliance des
cadeaux nombreux et parfois de grande valeur qui peuvent
rcnlrer dans le. chapitre des dépenses impériales '. Nous en
donnerons ailleurs des exemples pour le règne même de Basile.
;> ' Hei'enus. — Pour faire face à ces dépenses de tous genres,
r Empire n'avait que trois sources principales de revenus : les
propriétés impériales, les impôts et la taxe qui frappait tout
fonctionnaire lorsqu'il entrait en fonction. Les })ropriétés
appartenant aux souverains. leui'S revenus allaient dans les
caisses du préfet de l'idikon et du curateur avec les taxes
probablement ; les impôts prélevés sur la fortune nationale,
alimentaient le trésor public. C'est de ces dernières res-
sources qu'il faut dire quelques mots en terminant ce chapitre
sur l'administration financière.
Les taxes. — Xous savons, par divers passages du Livre des
Cérémonies -, que chaque dignitaire on fonctionnaire. — peu
importait qu'il fut l'un et l'autre ou seulement l'un ou l'autre
— ^ersait au jour de sa promotion, indépendamment des
gratifications qu'il faisait aux personnages de la cour qui assis-
taient d'office à la cérémonie de son élévation -^ une somme
fixe qui variait, suivant sa dignité d'abord, suivant ensuite
qu'il émargeait ou non au budget du gonvernement. C'est
ainsi, par exemple, qu'un mandataire impérial ne payait pour
son élévation que deux livres, tandis qu'un protospathaire en
payait douze et parfois dix-huit*. Si maijitenant l'un quel-
conque des dignitaires désirait participer aux poya'. impériales,
c'est-à-dire avoir un traitement, il devait, en ontre. payer
quatre livres. Bien plus, pour faire partie de quelque corps pala-
tin, comme les chrysotriclinaires. je suppose, il fallait donner
quatre livres, indépendamment de la somme exigée pour la
dignité. Le calcul des progressions était ainsi fixé d'une
I. Georges .Moine, 1080, Vit. Basil., eh. \cv et \cm, 307 ; \cvii, 3Go.
3. Cerem., p. 1380, 1281, i285, i3oo et seq., i/t36 et seq.
3. Le personnel était naturellement d'autant plus nombreux que la
dignité était plus élevée (cf. spécialem., p. i3oo et seq.).
4- Ce qui, par parenthèse, semble bien être une eonlirmalion du fait
signalé plus haut que les Empereurs durent plus d'une fois pour alunenter
leur trésor, faire des iiromotions cpie seul le besoin d'argent légitimait.
I h'2 BASILE I
manière al)soliiiiient ferme d'après une échelle donnée. Ln
dignitaire veut-il faire partie de la grande ou delà moyenne
hétairie, du service de la chapelle impériale, entrer dans les
bureaux d'un niinislère, il paiera une certaine somme jusqu'à
concurrence de tant de (( poyoc. » : par exemple pour un traite-
ment n'excédant pas quarante nomismes. la taxe sera de seize
livres ; s'il désise voir ses annuités augmenter, il lui faudra
payer une somme proportionnelle, établie sur le tarif de une
livre par sept nomismes. Enfin un cas spécial peut se présen-
ter que le gouvernement a eu soin d'indifiuer. C'est celui d'un
dignitaire qui, par suite de ses fonctions antérieures, ayant droit
à (( l'annone » ou revenu en nature — comme c'était le cas
pour les ministres préposés à la table impériale ou au vestiaire
— se trouve, par sa promotion, attaché à un autre service ne
recevant pas ce revenu — tels les cubiculaires — quadvient-il
alors? Si ce fonctionnaire renonce à Tannone, il se contente
de verser trente nomismes : mais s'il veut conserver Tannone,
voir augmenter ses a pôya». » il doit payer ])ro])ortionijellement
il ce qu'il recevra.
Nous avons donc deux classes bien distinctes de salariés.
Les uns, simples, dignitaires, n'ont pas droit comme tels aux
libéralités impéiiales. S'ils veulent y participer, ils sont tenus
d'acquitter irne taxe de quatre livres. Les autres, fonction-
naires, reçoiAcnt un traitement fixe et périodique du souve-
rain, traitement proportionné Ji rimporlance de leur charge :
mais, comme les premiers, au jour de leur promotion, ils paient
une taxe spéciale, indépendante de celle qu'ils paient comme
dignitaires et qui varie suivant les émoluments qu'ils touchent,
si bien, qu'en somme, l'Empire paraît n'avoir payé que très
indirectement ses fonctionnaires L Tous, suivant l'ordre de
dignité ou de fonction auquel ils étaient promus, devaient
payer aux notaires de l'idikon, cinquante-cinq livres ; aux
1 Nous en avons un cvcmpie frappant pour les collecteurs d'impùls qui
étaient payés par la population même, (^oinme les autres fonctioiniaires, ils
avaient, sans cloute, en entrant en cliarge, paye leur emploi. I^e ^gouverne-
ment, en échange, les autorisait à percevoir la « (ywrfif.x » qui était d'vui
miliarision par nomisnui et 1' « rAaT'.xôv » qui était de douze « folles » pour
le fonctionnaire qui les acconqiaj^niait et qui était chargé de faire rentrer
l'impôt. (Mortreuil, lu, 109; Skabalanovic, p. 275). Cependant cette coutume
parait postérieure à Hasile ou, du moins, si elle existait de son temps, c'est
contre elle qu'il chercha à réagir. (Epan., vu, 3, 75^.
ET 1/ EMPIRE BYZ\>TI\ II.)
cluirtulaircs tcôv àoxAtov, soixante-quinze livres ; aux cliartu
laires du Irésor de l'armée, quarante livres ; aux notaires du
livsor de rarmée. vingt livres; aux notaires du sakellion,
trente livres ; aux notaires du vestiaire (le chiffre manque).
On voit par là que de trois côtés le nouveau dignitaire devait
payer de fortes sommes au moment de sa promotion et, vrai-
ment, il nesï pas croyable que la vanité humaine, si grande
qu'elle puisse être, eût été assez forte à elle seule, pour faire
accepter pareille charge, s'il n'y avait pas eu pour eux des
compensations occultes et, pour trancher, des concussions,
dans l'exercice de leurs fonctions afin de les dédommager
des frais qu'ils faisaient en y entrant.
Quant aux fonctionnaires des provinces, nous savons que
les stratèges recevaient un traitement fixe de Constantinople.
Seuls quelques-uns avaient droit de se payer sur les revenus
des douanes ^ Mais ce qui était Texceptionpour les stratèges
était la loi pour les fonctionnaires d'ordre inférieur. Leur
traitement, en argent, et en nature, était assuré par la rentrée
des impôts et les charges spéciales qui affectaient les pro-
vinces. Nous les retrouverons plus loin.
Comme dans nos états modernes, Byzance avait un double
impôt : Timpôt direct qu'on levait d'après les livres cadas-
traux et qui frappait les terres et les personnes ; l'impôt indi-
lect qui était surtout perçu par les douanes de l'Empire -.
Malheureusement, ce double impôt ne pouvait, le plus sou-
vent, suffire à couvrir les dépenses que faisait le Trésor. Il fal-
lait alors lever des impôts supplémentaires qui amenèrent la
ruine de la petite propriété, la décadence de l'agriculture et
rexteiîsion de cette classe aristocratique des « puissants »
contre lesquels luttèrent les empereurs.
A) L'impôt direct. — L'Empire Byzantin garda de la réforme
I. Cerem., 1280. — Ce sont probablement les « j.Tf.cjciç » de VEpanayoye.
•A. Zachari,!^', Geschichte des griechisch. rômisch. Redits., vrv. Il est naiii-
rellemenl impossible de sa^oir quel était, même approximativement, le
bndjjet de rEmpirc. \ons savons seulement fpi'un thème, et un des
moindres, la Dalmatie. payait ou devait payer au Trésor jusqu'aux modifi-
cations apportées par Basile, 782 livres, en comprenant Kagusc. Les Dal-
mates payaient en outre des impôts en nature comme du vin. (De Adtn.,
\xx, 280-281). D'autre part, le biographe de saint Eustratios nous apprend
que le saint satisfit aux exigences du fisc en payant pour son couvent et
pour la ville de Brousse trois cents iiomisnics (\nalecia, iv, i5, p, 378).
8
lll\ BASILE 1
commencée par César, continuée par Auguste et achevée par
Dioctétien et Constantin, le système du cadastre pour lever
l'impôt direct. Les livres cadastraux « xwo'.xs;, icroxwo'.xsç »
étaient conservés au ministère du logothète du trésor public *
qui savait, par eux, quel était le rendement de chaque pro-
vince. Primitivement, ces livres devaient être revisés chaque
quinze ans, à chaque indiction, mais il est bien peu probable
que ce travail ait eu lieu régulièrement. Cependant c'est, sans
doute, à une chose de ce genre que fait allusion Constantin
Porphyrogénète lorsqu'il raconte que Basile entreprit de faire
reviser les livres sur lesquels se trouvaient consignés les
impôts 2, ce qui améliora pour un temps la condition des
pauvres. En tous cas nous savons que Basile II travailla, de
son côté, à une revision semblable. Les livres cadastraux
devaient servir aux collecteurs d'impôts qui possédaient pour
le thème auquel ils étaient attachés une sorte d'abrégé destiné
à leur faciliter la lâche. Ces livres « àxpôo-T'.yo!., xaTao-Tt-yo". » ^
donnaient en chiffres conventionnels et abrégés le rôle des
contributions par provinces, suivant la description financière
qui était faite pour chaque terre imposable *. Ces livres
avaient force de loi pendant quinze ans et les percepteurs
devaient s'y conformer. Ils étaient établis d'après une unité
tout à la fois fictive et réelle, le u ^cjyàpiov » qui correspondait
à l'impôt payé pour un champ qu'une paire de bœufs peut
travailler en un an ^. Naturellement, d'après ce principe, on
défalquait de l'estimation, les forêts, montagnes, marais, etc.,
pour ne compter que la terre labourable, ce qui produisait
entre telle ou telle propriété des différences parfois considé-
rables. Lune pouvait avoir une superficie immense et payer
un impôt sensiblement égal à une autre de superficie beaucoup
plus réduite. C'est pourquoi tout ce que l'on peut dire c'est
que le a ^£jyàpt.ov » se composait d'un nombre plus ou moins
grand de u modii » suivant la qualité de la terre. Or cette unité
foncière se trouvait grevée d'un double impôt. L'un affectait
uniquement la terre : champs, vignes, plans d'oliviers; l'autre
I. Skabalanovic, p. 270.
3. Vit. Basil., ch. xxxi, 277.
3. Zacharifp, Jus grseco-romamim , t, ^6 ; m, 891.
4. Mortrcuil, m, p. io5.
ô. Zacharhc, Mémoires de l'Acad. de Saint-Pétersb., p. 28, Cité de Kalligas.
ET L KMPIUE BYZAMTN 110
affectait les métairies et les pâturages ^ C'était le u xaTzv.xôv n et
l' « £vv6;jL'.ov ». Longtemps ce double impôt se paya soit en
argent « ^îjyapaTixôv, » soit en nature « T',Taox'la » mais dès le
xi*" siècle nous voyons que le gouvernement, alors aux mains
du fameux Jean TOrphanotrophe, tendit à substituer de plus
en plus le premier au second -. Il y avait cependant entre le
(( Ç£jyacaT'//6v » et le « xa-vz/ôv » une différence essentielle.
Tandis que l'un était payé par ceux seulement qui possédaient
une terre, qu'ils fussent riches ou pauvres, gens d'église ou sécu-
liers, à moins qu'ils n'aient obtenu un privilège impérial, le
(( xa-v'.xôv » appelé aussi « xîcpaAaTUov » et qui n'était autre que
l'ancienne capitation, était payé par tous les sujets de l'Empire
qui faisaient partie de ce que l'on appelait autrefois « la
plebs )) '•^. C'était la taxe personnelle dont seule la plèbe de
quelques grandes villes, les mineurs, les « negotiatores » et
quelques autres étaient exemptés. Ce u xa-v/xôv » levé d'après
le nombre de feux semble avoir, dès le ix*" siècle et peut-être plus
tôt encore, remplacé l'impôt par tête ou « xscpaAaTÛov ». En tous
cas nous le trouvons mentionné par le continuateur de Théo-
phane dans sa vie de Michel d'Amorion * et c'est lui qui nous
apprend qu'il s'élcA ait alors à deux miliaresia •^. Au dire de
Cedrenus, Jean Tzimiscès l'abrogea, mais pour le remplacer
par autre chose car, à travers toute l'histoire de l'Empire
byzantin, la distinction entre ces deux impôts se retrouve
d'une manière manifeste *^^.
L'impôt foncier ne pouvait être payé, comme il est juste, que
par les sujets de l'Empire qui vivaient sur leurs terres, les tra-
vaillaient ou les faisaient travailler ; mais il est bien évident
que les habitants de Constantinople et des villes de provinces,
pour être soustraits à l'impôt personnel, étaient, à leur tour,
I. Skabalanovic, op. cil., p. :i-:i.
•A. Ibid.
3. Zacharia^, Mémoires, p. 8.
\. Theoph. Cont., Vit. Midi. Ainor., ch. xi, p. 68.
5. Theophanc en parlant des impôts que leva Léon l'Isaurien sur la
Calabre et la Sicile parle encore des « oôpoi •*.zz7.\v/.rj''. ».
G. Zacharia^, Mémoires, p. i3. Ibn. Hordadbeh résume assez clairement
le système des impositions. L'impôt foncier, dit-il, est établi par un cadastre
régulier et se paie selon le tarif de trois denars pour 200 modii dont chacun
contient trois makkouk... On prélève aussi une contribution annuelle de
0 dirbem< <ur clinquo foyor ''p. ^^3).
ï l6 BASILE I
soumis à un impôt spécial. C'étaient les « T.o^^.'ziy.ol '^Jjprj<. » ^ sur
lesquels nous n'avons aucun détail. Si depuis longtemps, en
effet, les citadins ne payaient plus rantique « capitatio
humana ». ils devaient sans doute, paver l'impôt foncier, sur
les immeubles d'abord, puis d'autres impôts sur le commerce,
l'industrie, etc. -. Lorsque l'Impératrice Irène remit, une année,
aux habitants de Byzance, l'impôt qu'ils avaient coutume de
payer, il y eut grande joie dans le peuple car, bien probable
ment, ces impôts devaient être très élevés. En outre, suivant la
remarque de M. Monnier ^, il pourrait vraisemblablement se
faire que 1' « àsp'.xôv )) fut l'impôt payé par la propriété bâtie.
Cet impôt aurait été levé à la façon de notre impôt moderne
sur les portes et les fenêtres. Enfin certaines classes de per-
sonnes payaient un impôt spécial. Les Mages et les Juifs
payaient chaque année un tribut personnel de undenar par tête,
dit Ibn Ilordadbeh K
B) Les impôts indirects et supplémentaires. — Si l'impôt fon-
cier et personnel avait été seul, quelque lourd qu'il fût, il
aurait été. sans doute, supportable : mais ce qui ruinait le
joays — surtout les campagnes — c'étaient les innombrables
charges supplémentaires qui, chaque année, pour une raison
ou pour une autre, venaient fondre sur les paysans comme un
rapace vautour. Déjà au vi*^ siècle, Justinien par la fameuse
« È-'.êo/.r] .) avait frayé ce funeste chemin que ses successeurs
n'eurent garde, sous un nom ou sous un autre, d'abandonner ;
puis au vm** siècle. l'Empereur Xicépliore trouva ou retrouva
l'impôt le plus impopulaire que jamais Byzance ait connu :
(( l'allelengyon » ^. Si au ix*" siècle cette dernière charge était
abolie, la première ne le fut pas — dans son esprit du moins
— et au cours du siècle, nous pouvons saisir en maints
endroits des traces de son existence. Pour la population de
Gonstantinople, nous avons déjà mentionné l'impôt qui frap-
pait de deux kerata chaque habitant et dont la somme devait
I. Tliooph., ]). (jôG.
•i. Monnier, ISouvelle Revue hist. du droit. 1894. p. 48ô.
3. Ibid., p. 5o8.
4. Ibn Hordadbeh, p. 83.
."). Etabli on rétabli par Nicéphorc, il lui supprimé i)cu après sa mort-
O fut Basile lî qui le remit en honneur. Cf. Du Gange au mot « iAAT.Xr.^uov »,
Sclilumbcrger, Basile IL p. 337,
ET L EMPIRE BYZANTIN
couvrir les frais de réfection et d'entretien des murs. Il y en
avait probablement bien d'autres. Dans les thèmes une des
charges les plus lourdes était l'impôt postal. Autrefois le fisc
supportait une partie des dépenses occasionnées par les postes
impériales ; mais dès l'époque de Justinien ou peu après son
règne, la charge en revint complètement aux villes et aux vil-
lages par lesquels passait ce service gouvernemental. Là. les
habitants étaient dégrevés de tous autres impôts, mais ils
devaient entretenir de leurs deniers les stations postales, les
routes et les ponts, fournir les chevaux et autres bêtes de
somme ^. Bien plus, ils devaient aux voyageurs, toujours gens
d'importance — ambassadeurs, fonctionnaires, évêques — le
gîte et le couvert, tout comme les habitants de l'Empire
devaient aux représentants de l'autorité des prestations en
nature : viandes, oiseaux, huile, pain, etc., ce qui revenait à
leur fournir, à eux aussi, le gîte et le couvert '-. Cet impôt est
appelé dans l'Epanagoge « £7:iot,[jltiT',xo'1 ».
Ces dernières charges n'enrichissaient qu'indirectement le
Trésor. Il n'en allait pas de même des impôts sur les douanes
et les marchés u 7:x^T,yJp',a ». Théophane nous apprend que
lorsque Constantin, fds d'Irène, s'en alla à Ephèse, il réduisit
l'impôt payé par cette ville à ce sujet, impôt qui s'élevait à
cent livres d'or par an '^ Sa mère en fît autant à Abydos et à
Ilieros, à la grande joie de la population qui en éprouva un
grand bien *. Ces impôts en effet étaient forcément très lourds
car il semble bien qu'ils étaient fixés par avance d'après le
tarif habituel des places commerçantes sans égard aux mille
aléas qui pouvaient survenir au cours de l'année.
1. Skabalanovic, p. 279-280. C'est ce que VEpanagoge appelle les
<- o^foiot-x'. » (Tit. VII, 8, 77).
2. Ces renseignements proviennent d'auteurs postérieurs comme Psellos
(Cf. Skabalanovic, loc. cit. et., p. 282). Néanmoins en confrontant les ren-
seignements donnés par les auteurs du xr siècle avec les rares données que
nous possédons pour des époques antérieures, j'ai pu me convaincre que
dans leurs grandes lignes ces renseignements pouvaient être vrais aussi
pour la fin du ix" siècle. Les bouleversements opérés, parfois avec raison,
par Nicéphore dans les affaires financières n'eurent aucune suite. A sa mort
les choses revinrent en l'état dans lequel il les avait trouvées à son avène-
ment et qui n'était autre que celui que Justinien avait établi et que les
Empereurs iconoclastes modifièrent en certains points.
3. Theoph., p. 9'45.
'j. Ibid., p. 950.
Il8 BASILE I
Enfin trois sources de levcniis do grande importance nous
sont bien connues — les deux premières surtout — par les
récits des chroniqueurs et les textes juridiques : la confiscation
et les amendes, l'héritage et la frap])e à bas titre des monnaies.
Basile, plus dune fois, fit usage de la confiscation pour punir
de fautes qu'il ne pardonnait pas. Tel fut, par exemple, le cas
pourThécla à la suite de ses relations avec Neacomites. Le Pro-
chiron cite, en outre, plusieurs fautes qui entraînaient la con-
fiscation. Un époux adultère voyait ses biens confisqués par le
fisc ' ; si le délit a été commis avec une esclave n ooj).r, » cette
dernière était vendue hors de leparchie et une partie du prix
allait au Trésor -. De même encore pour cause de religion, il
pouvait y avoir saisie et confiscation des biens du délinquant
au profit de l'Etat -K Le meurtre commis par un noble était puni
de l'exil et de la confiscation *. Souvent employé, ce système
devait évidemment être une bonne et facile proie pour le Trésor
qui semble, malheureusement, en avoir trop goûté la commo
dite. — L'héritage devait être moins fréqueiiL Cependant,
comme à Rome, il arrivait que de grands seigneurs léguassent
leur fortune à l'Empereur. C'est ce que fit Daiiielis lorsqu'elle
mourut et nous avons vu que Léon en profita royalement.
Toutefois, un autre cas pouvait se présenter. C'était quand un
bien tombait en déshérence par suite de la mort, sans héritier
désigné, de son propriétaire. Le Trésor, d'après une novelle
de Basile, s'appropriait la fortune mobilière ou immobilière, h
l'exception des esclaves qui devaient être mis sans retard en
liberté et jouir de tous les droits d'un homme libre \ En outre
— et c'est encore dans tous les temps une sorte d'héritage — il
paraît bien y avoir eu, à partir de Mcephore, un impôt sur les
successions ; mais nous n'avons, à ce sujet, aucun détail pré-
cis ^. Quant à la frappe des monnaies à bas titre elle ne paraît
avoir été en usage h Byzance. que dans des cas extrêmes. Lors-
I. Proch., t. XI, VII, p. 77.
a. Ibid., t. XXXIX, hx, p. a^O-
3. Ibid., t. XXXIII, \v, p. i83.
A- Leunclavius, Jus grœco-romaimm, 11, i3ô. — La peine était assez douce
pour les seigneurs puiscpie celle qu'encourait pour le même crime un
homme de basse paissance était la mort par le glaive ou par la denl des
bêtes fibidj.
5. Ibid.
6. Monnier, op. cit., 1890, p. 8G.
ET L EMPIRE BYZANTIN II9
qu'il ne restait plus rien dans les caisses, alors les Empereurs
émettaient des monnaies au-dessous du titre en monnayant
dans une livre plus de nomismes que le poids ne le permettait.
Très certainement Basile n'eut jamais recours à ce moyen car
les chroniqueurs n'eussent pas manqué de nous le dire, rien
n'étant plus antipathique à la nation que cette façon détournée
de se procurer des ressources ' .
I\
Il reste, en terminant ce chapitre sur l'administration finan-
cière de l'Empire byzajitin au ix® siècle à dire quelques mots
de la question monétaire et des deux corporations qui s'occu-
paient spécialement des affaires d'argent, les u arguropratai »
et les (( trapezitai. » Aux ix" et x* siècles, quatre sortes de mon-
naies servaient aux besoins quotidiens de la vie comme aux
paiements de ou à l'Empire : le nomisma, le miliarision, le
keraton, le foUis, toutes monnaies réelles par opposition à la
livre « A'iTpa » qui n'avait qu'une valeur de compte. C'est donc
le nomisma que l'on peut prendre comme unité pour se rendre
compte du système monétaire usité à Byzance. Or, le nomisma
ou sou d'or — il y en avait 72 à la livre et 100 livres faisaient
un (( xsvTsvap'.ov » — avait une valeur égale à douze miliarisia,
le miliarision une valeur égale à deux kereta, le keraton une
valeur égale à douze folles '-. Le nomisme pouvait être d'or ou
d'argent, mais généralement d'or ^, le miliarision était toujours
d'argent, le foUis, toujours de cuivre. Toutes ces monnaies
furent, en général, depuis Léon III, frappées à Gonstantinople ;
cependant il nous reste encore du règne de Basile, des mon-
naies frappées à Naples et à Gherson ^. Ces monnaies que
chaque Empereur faisait, à son avènement, marquer de son
effigie, n'avaient pas toujours, à l'époque de Basile, également
cours. La célèbre novelle LU de Léon VI en fait foi. Facilement,
1. Skabalanovic, p. 296.
2. Nicole, Le Livre du Préfet, i6'3 ; Théophane, 882''''; Sabatier, i, 46, 55.
3. Le nomisme d'or était probablement la même chose qne 1' « û>.oxotîv'.v. »
'». Revue Xumism., 1849, P- ^45.
20 BASILE
on rejetait les pièces ancienmes pour ne se servir que des
récentes, sans doute celles mêmes qui avaient été émises
durant le règne sous lequel on Avivait '.
Il est assez malaisé de déterminer la valeur intrinsèque,
comme la valeur commerciale des monnaies byzantines. Trop
d'éléments nous font aujourd'hui pour cela défaut. Dureaudela
Malle estimait que la livre dor pesait 826 gr. 33 et valait envi-
ron i,o34 francs. A la suite de recherches personnelles au Cabi-
net des Médailles je suis arrivé à un chiffre approximativement
semblable. Les monnaies d'or conservées à Paris, qu'elles soient
du temps de Michel, de Basile ou de Léon, pèsent toutes entre
4 gr. 37 et 4 gi". 25 et ont, invariablement, deux centimètres de
diamètre. Or, cette différence de j)oids est sans importance.
Simplement à considérer les pièces, on se rend comiDte de la
façon dont elles étaient fra])pées. Les ouvriers avaient une
barre d'or — cet or était à cette époque presque sans alliage et
de belle couleur jaune — et dans cette barre d'un poids toujours
fixe, on marquait soixante-douze nomismata avec un outil por-
tant, d'un côté, l'empreinte impériale, de l'autre, soit la figure
du Christ, soit une légende, puis on découpait plus ou moins
habilement chaque pièce de monnaie avec des ciseaux ou un
I. Il nous osl parvenu divers types de ntonnaies frappées sous Basile.
Sur les premières il est représenté avec Michel qui porte — chose à remar-
quer — le titre d' « imperator » tandis que Basile n'a que le titre de « Rex »,
fait intéressant qui montre qu'entre l'Empereur et son associé, il n'y avait
pas égalité parfaite. Seul, le Basileus pouvait se dire Empereur. On laissait
aux souverains barbares, francs et germains, le titre de « Rex » (Cf. Liut-
prand, Leg., n, p. 3^7 et la fameuse lettre de Louis II à Basile). Sur les
autres types, suivant l'époque, il y a Basile seul, avec Eudocie, avec ses fils
associés : Constantin d'abord, puis Constantin et Léon, puis Léon, enfin
Léon et Alexandre. L'Empereur est toujours représenté barbu ; parfois il
porte un diadème en forme de mitre, le u camelaucium », tantôt le diadème
ordinaire ; ses mains tiennent, en général, le globe crucigère ou le labarum
et un livre, probablement FEyangile. Quant aux légendes, jusqu'en 776
environ, elles étaient toujours en latin; seuls les chiffres étaient en grec
(Ersch et Gruber, I, p. 8G, p. 5). A cette époque elles sont frappées en grec
et cela jusqu'au règne de .Michel et Basile où nous retrouvons la légende
latine et la légende grecque. Au cours du règne personnel de Basile, nous
avons tantôt l'une ou l'autre légende. La face porte parfois « D. N. Basilius
P. F. Perpetuus » et l'envers la figure du Christ avec « IhSxOS Rex regnan-
tium » ; d'autre fois l'exergue est en grec « basil-ios sh Bso basileus Ro-
niîOh ». Toutes les pièces, cependant, ne sont pas sur ce type. Un certain
nombre porte simplement dans le champ un B et au revers une croix fleu-
ronnéo sur deux degrés et accostée de deux globules.
ET L EMPIRE BYZANTIN I •:> I
autre instrument. De là vient que les pièces ne sont jamais abso-
lument rondes, (jne leurs contours sont plus ou moins tailladés
et que certaines pièces peuvent avoir un poids légèrement infé-
rieur aux autres par suite de la conformation même de la barre
d'or.
Si maintenant on compare ce poids à nos monnaies d'or
actuelles dont ralliagc est de i pour 9, nous pouvons évaluer
leur valeur, en chiffre rond, à i5 francs. La livre d'or byzantine
aurait donc pesé entre 3o5 gr. 90 et 3i^ gr. 6 ^j et aurait valu
environ 1,080 francs^.
Mais une autre question se pose, plus intéressante à coup
sûr. C'est la valeur réelle et journalière de l'argent. Là, évi-
demment, il ne peut y avoir que des conjectures assez peu so-
lides. Si l'on prend la valeur du blé comme base de la valeur
de l'argent, nous avons quelques renseignements pour l'époque
de Basile et les époques suivantes. Gedrenus - raconte, en effet,
qu'à un certain moment, sous Basile L', par suite des vents, les
navires qui apportaient à Byzance les chargements de blé n'arri-
vèrent pas ou arrivèrent fort avariés. Le prix du blé monta
incontinent à un nomisme les deux medimnes ^. Lorsqu'il ap-
prit la chose, l'Empereur fixa le taux de la vente à un nomisme
les douze medimnes. Donc, d'après ce renseignement, le blé
aurait valu, en temps de disette, légèrement moins qu'il ne vaut
actuellement, en France, aux époques ordinaires. Or, vu qu'en
cette circonstance Basile voulut, évidemment, faire une charité,
on peut, je crois, conclure, en laissant une marge, que le blé
pouvait valoir, habituellement, un miliarision le medimne ou
I fr. 20 les cinquante deux litres et demi. Cependant, quelques
années plus tard, sous le règne de Romain IL par suite de la
famine, au dire de Syméon Magister*, le blé monta à un 110
niisme les quatre modii ; puis il redescendit au taux normal de
un nomisme pour huit modii. Ce renseignement, qui diffère à
coup sûr, et considérablement du premier, se trouve encore
1. Ou sait que iiolic |)i('cc (ic lo Iriiics (ji'sc o <jrr. •<•>!) cl noir." pii'cc d'or
do f) francs i gr. Gi3.
2. Codronus, 11, 108.
3. A l'époque romaine le medimne soit grec, soit sicilien, égalait ôa 1. 53
el correspondait à 6 modii (MarquardI, p. 92-93). Peut-être au ix'' siècle le
medinuie correspondait-il à 8 modii.
\. Sym. Mag., Vil. Rom. Consi., Porphyr. JH., ch. m. 821.
122 BASILE I
complélé par Kodâma qui fixe à 16011 17 francs l'hectolitre do
bléi.
Enfin, un troisième renseignement qui tendrait à coiiuborer
l'histoire de Cedrenus nous est donné pour les années qui pré-
cèdent le règne de Nicéphore Phocas. Trente ou quarante ans
avant l'époque qui vit monter sur le trône le glorieux général,
pour un nomisme, on avait du blé de quoi charger deux ânes.
Il semble donc, tout compte fait, que la vie ne devait pas être
très coûteuse à Byzance et on s'explique dès lors que les con-
temporaains de Théodora pouvaient, sans exagération, estimer
que le trésor était très prospère quand il recelait un million envi-
ron. Deux faits, du reste, — dont l'un, il est vrai, bien postérieur,
— tendraient cependant à corroborer tout ceci : Un hagio-
graphe en racontant l'histoire d'un paysan de Paphlagonie,
Métrios, qui vivait sous Léon Yl, estime qu'avec i,5oo no-
mismes un homme était très riche -. Au xni*" siècle, d'autre part,
après les croisades, alors que l'Empire était appauvri, que l'or
devait être plus rare, on estimait qu'un riche propriétaire pou-
vait mener une existence honorable avec quarante nomismes
par an ^. En disant donc qu'à Constantinople au ix^ siècle, on
pouvait vivre largement avec le double environ, nous aurons
chance, peut-être, d'arriver à une approximation qui ne sera
pas trop éloignée de la vérité^ d'autant plus que le Prochiron
semble confirmer tout ceci en considérant comme riche l'homme
qui, pour une faute infamante pouvait payer une livre d'or comme
punition*. Les nombreux chiffres donnés dans le livre des
Cérémonies confirment, à leur tour, — quoique, en vérité,
assez vaguement, — ces quelques renseignements. C'est ainsi
qu'un membre de la petite hétairie recevait quarante nomismes.
Faut-il considérer ce chiffre comme un revenu suffisant pour
vivre, même au Palais ? Probablement, car ces officiers faisaient
un service de garde qui n'était point un simple honneur et
avaient donc droit à un traitement ; mais, d'autre part, ce
devait être somme assez juste car nous voyons qu'ils peuvent
augmenter leurs revenus en a ersant un capital supérieur à celui
que leur procurent les seize livres qu'ils ont payées en entrant au
1. Kodâma, Barbier de Mcynard, Journal asint., i8G5, t. V, p. 2^1 '.
2. Synax. Select, dans le Synax. de l'Eglise de Cple, i*^' juin, p. 722-728.
3. Pachymère, I, ch. v.
4. Prochir., *XXXIX, G5, p. aôi.
ET l' EMPIRE BVZAMIN 123
service. Nous avons là. eu outre, uu renseignement précieux
car il nous indique, probablement, quel était l'intérêt approxi-
matif de l'argent: environ du 3 1/2 '.
Je ne me dissimule point tout ce qu'il y a de conjectural dans
ces calculs. En s'appuyant sur d'autres textes du livre des
Cérémonies il est possible qu'on puisse arriver à des calculs
peut-être différents ; de plus, il n'est pas douteux qu'en maints
endroits il y a des erreurs manifestes de chiffres provenant des
copistes et qui arrêtent toute déduction. Néanmoins, il m'a sem-
blé utile et intéressant de grouper ces quelques faits qui peuvent
au moins, à défaut d'une complète certitude, nous faire com-
prendre quelque chose du mécanisme de la vie byzantine et de
ses conditions d'existence.
Depuis longtemps déjà les ateliers monétaires répandus dans
l'Empire étaient fermés et c'était à Gonstantinople, en règle
générale, que se frappaient les monnaies d'or et d'argent-. Les
ateliers se trouvaient sur la Mesa -^ et ce n'était que là qu'il était
permis de battre monnaie. Naturellement, les monnayeurs de-
vaient se grouper en corporation et personne ne pouvait être
élu sans que le préfet en fût averti. Les u àpvupo-paTa'l » dont le
règlement policier est arrivé jusqu'à nous comptaient, proba-
blement, parmi eux les monnayeurs, les u /o'j^oyôoi » *, caries
(( àpyjpo-paTa'l 0 étaient, à proprement parler, des commerçants
d'or et d'argent. Ils achetaient des matières précieuses : or, ar-
gent, pierres, perles, etc., — sauf le cuivre et les étoffes — te-
naient boutique et, les jours de marchés, devaient demeurer
chez eux pour acheter des matières qui leur étaient offertes, afin
d'empêcher qu'elles ne sortissent de l'Empire, en avertissant le
préfet, et permettre, si elles avaient été volées, d'en retrouver le
propriétaire. La constitution qui les régissait était très sévère.
1 . Vu xi'= siècle le taux de l'argent paraît avoir un peu augmenté car un
protospathaiie payait vingt livres pour recevoii 72 nomismes de pension,
ce qui donnerait un intérêt de 5 0/0.
2. Pour les monnaies de cuivre il s'en frappait encore sous Basile à
Cherson.
3. Liv. du Pré/., II, S n, p. 2^.
!\. S'il n'y avait pas deux corporations distinctes, il y avait du moins
deux catégories de personnes dans cette corporation des « àpyjpoTzpoixoii. ».
U est remarquable, en efTet, que l'auteur du livre n'emploie ce dernier
terme que lorsqu'il s'agit de marchands ; dès qu'il s'agit de monnayeurs
ou d'orfèvres, en un mot de fondeurs d'or, il emploie le terme de
BASILF. I
Défense était faite aux « ypjToyôoi » d'acheter pour leur travail
plus d'une livre d'or non contrôlé sans avertir le président de
la corporation; défense leur était faite de fondre ou de .travailler
l'or et l'argent chez eux. Ils devaient le faire dans les ateliers
de la Mesa. Quant aux « àpyjpoTrcaTai » il leur était défendu
d'acheter, sans l'avoir déclaré au préfet, les objets destinés au
culte, qu'ils soient entiers ou brisés, sous peine de confiscation;
ils ne devaient jamais s'en aller, sous prétexte d'estimation,
sans avertir le préfet, ni se disputer les uns les autres au sujet
des estimations. Ceux qui étaient pris, contrevenant à ces ordres,
étaient battus de verges, tondus et rayés de la corporation.
Les « trapezites )) « Tpa-c^lTa», » étaient des agents de change.
Eux seuls avaient le droit de faire le change des monnaies. A
leur entrée en charge ils devaient présenter des témoins pour
affirmer qu'ils ne feraient rien de contraire aux lois, c'est-à-dire
ne couperaient, ni ne gratteraient nomismes et miliarisia,
qu'ils n'y imprimeraient aucun faux caractère et. qu'en aucun
cas. ils ne se feraient remplacer pai' d'autres dans leur négoce.
L'éparche avait sur eux un droit de surveillance et c'était,
pour les agents de change, un devoir que de lui déclarer
l'argent qu'ils avaient en banquet Eux, tout d'abord, avaient,
naturellement, à se conformer à la novelle de l'Empereur
Léon obligeant ses sujets à recevoir les monnaies, même
anciennes, frappées à d'autres effigies que la sienne pourvu
que le poids s'y trouvât. Aussi le « Livre du Préfet » exige-
t-il que les banquiers ne se livrent pas à l'agio. Ils devaient
recevoir le miliarision d'argent pour vingt-quatre folles quand
il était bon et portait véritablement la marque impériale. Dans
le cas où la pièce n'était pas authentique ils pouvaient l'esti-
mer; mais aussi, bien vite, ils devaient prévenir le préfet et
faire connaître le possesseur.
On le voit donc, le système financier de Byzance était assez
bien organisé. Si le peuple des campagnes n'eut pas été pressuré
par les impôts la situation n'aurait pas été mauvaise. Malheu-
reusement, à la base de toute cette organisation sociale, il y avait
un vice caché qui allait annihiler les plus généreux efforts et tarir
toutes les sources d'énergie comme toutes celles de la richesse ;
I. Je pense, du moins, que c'est lin lerp relation qu'on peut donner de
l'expression obscure (( 3a7.y.o'jAapiojî à'a'f avtÇciv tw j-nip/w ».
ET L EMPIUK BVZVMIN 120
la centralisation excessive. On a pu le remarquer déjà, il n'est
pas de til, si ténu soit-il, de cette immense toile qui ne converge
et n'aboutisse au centre même du gouvernement : à l'Empe-
reur. Une bureaucratie nombreuse et avide les tient entre ses
mains poin- les remettre entre celles du souverain, et le peuple,
pris de tous côtés, dans ces mailles admirablement combinées,
devait, fatalement, succomber un jour ou l'autre, vaincu
comme la mouche par le travail de l'araignée.
CHAPIÏKE 11
L OEUVRE LEGISLATIVE. L Ol\GAMS.VTIO> JUDICLVIUE.
Une nation n'est véritablement grande que lorsqu'elle pos-
sède, à l'intérieur, des finances prospères, à l'extérieur , une
armée forte et respectée. La richesse publique engendre alors la
richesse privée, seul fondement durable d'une brillante et réelle
civilisation, tandis que la tranquillité assurée aux frontières ])ar
des troupes disciplinées, fait renaître, à son tour, le calme et
la paix dans les esprits, la prospérité, par le commerce et l'indus
trie, dans les différentes classes de la société. Alais finances e(
armées, civilisation et industrie ne peuvent réellement entrer
en pleine floraison qu'autant que l'arbre social tout entier, et
jusqu'en ses derniers rameaux, se trouve nourri par une sève
abondante et riche en sucs de tous genres : la justice. Arrachez
d'une législation les principes de justice étei'nelle qui la doi-
vent régir et fatalement vous aboutirez à l'anarchie. Privez cer-
tains individus ou certaines classes d'individus du droit de se
défendre et du droit d'être vengés, laissez d'autres citoyens
opprimer leurs semblables et commettre impunément l'ini-
quité, et toute civilisation ne sera qu'un leurre, une affaire
de façade. Derrière elle il y aura des ruines et d'irréparables
fissures dans l'édifice encore debout.
Ce fait de politique générale n'échappa — il faut le recon-
naître — à l'attention d'aucun empereur byzantin. Presque
tous, au dire des chroniqueurs, même ceux qu'on détestait le
plus, s'occupèrent activement de faire régner la justice en
leurs états; et si, parfois, ils s'y prirent d'une façon passable-
ment maladroite, du moins y mirent-ils tous quelque bonne
volonté. A cet égard, Basile fut assurément le digne successeur
de cette lignéede princes qui. depuis Justinien jusqu'au dernier
empereur iconoclaste, Tliéo])liile. travaillèrent sans relâche à
I:T L KMPlHi: m/.AMIN
conserver dans l'Empire bvzanlin les anciennes traditions
romaines de justice et d'équité. Par son exemple comme par ses
travaux, il allait renouveler ou sanctionner toute la jurispru-
dence alors existante et donner aux études de droit un nouvel
et bienfaisant essor dont les étapes seront marquées, sous son
règne, par la publication du Prochiron et de l'Kpanagoge, sous
celui de son fils Léon, par les Basiliques, pour aboutir enfin
sous le règne de Constantin Monomaque à la création d'une
grande école de droit à Byzance. C'est cette réforme de la jus-
tice qu'il s'agit maintenant d'étudier.
Les réformes législatives de Basile sont contemporaines de
ses réformes financières. Dès qu'il eut pris en main le gouver-
nement impérial, il s'occupa de toutes deux à la fois comme
étant solidaires l'une de l'autre. Sa méthode fut d'ailleurs iden-
tique dans les deux cas. Comme pour les finances, son premier
soin fut de choisir de bons juges, intègres et savants, capables
de rendre équilablement justice à tous ceux qui venaient à
eux, qu'ils aient été lésés par les agents impériaux, les puissants
ou leurs égaux, peu importe. Mais ici. Constantin Porphyro-
génète donne d'intéressants détails qu'il importe de soulignera
Pour s'assurer des juges impartiaux, Basile ne craignit pas
daller les chercher partout où il avait chance d'en trouver. Si
au sein des classes dirigeantes il voyait un homme versé dans
l'élude du droit, capable d'accomplir la délicate mission qu'il
lui voulait confier, tant mieux ; mais non plus il ne faisait dif-
ficulté d'élever de modestes et pauvres citoyens à ces hautes
fonctions de juges. Alors il leur garantissait une généreuse
indépendance en leur donnant un traitement annuel et des
libéralités de toutes sortes-. C'est que, s'il exigeait des juges
de grandes qualités et une science sérieuse — lorsqu'il eut
publié le Prochiron, les juges devaient savoir par cœur les
quarante titres dont ce recueil était composé — il désirait aussi
qu'ils fussent nombreux et facilement abordables. « Il établit
des juges, dit son petit-fils, jusque dans chaque rue et dans
chaque sainte maison*^. » Puis, pour rehausser l'éclat de leur
fonction il voulut que les tribunaux d'où partaient leurs sen-
I. Vit. Basil., ch. wxi, p. 37G.
9.. (iedren... 1089.
3. (lovivcrit ou doiiHHirc hospilaliiTO. Colle assertion de (k)nslantin Nil
est probablcincMl une aniplification oratoire.
128 • BASILE 1
tences fussent dignes de la majesté d'une si grande institution.
A cette fin, il fit remettre en état le Palais de Chalcé situé aux
abords du grand Palais et désormais, là comme à l'hippodrome
et à la Magnaure, on jugea chaque jour. Enfin, tout occupé
qu'il était, Basile ne voulut pas abandonner la tradition de ses
prédécesseurs qui allaient, eux aussi, écouter les procès et rendre
la justice. Au retour de ses expéditions militaires, c'était un de
ses premiers soins ^. et lui qui ne craignait pas d'afTirmer que
l'Empereur est au-dessus des lois, il voulait montrer cependant
qu'il doit toujours agir et gouverner suivant la loi 2. Et c'est
ainsi que sa conduite se trouva illustrer les sages avertissements
qu'il donnait à son fils avant de mourir lorsqu'il lui écrivait :
« En vérité celui qui permet l'injustice est encore plus coupable
que celui qui la commet. Celui qui a été lésé place toute son
espérance en toi seul et, en te constituant vengeur de l'injustice,
il combat celui qui l'a commise -^ » Rôle admirable du souve-
rain quand il le comprend de la sorte et le joue sans défaillance !
Mais pour accomplir une réforme durable et permettre à tous
d'être librement jugés, une difficulté d'ordre matériel se présen-
tait. En fait les injustices les plus criantes étaient précisément
celles qui ne pouvaient avoir aucune sanction, car c'étaient ces
perpétuelles vexations qu'infligeaient aux pauvres et aux agri-
culteurs, les riches, les puissants, les officiers du Basileus. Com-
ment les opprimés eussent-ils obtenu justice? Loin de Byzance
ils devaient en référer aux magistrats provinciaux qui, forcé-
ment, avaient plus grand intérêt à ménager le haut seigneur de la
province, celui dont les vastes propriétés formaient presque,
dans le thème, un petit royaume, plutôt que le pauvre colon,
le serf infortuné qui venait se plaindre du vol de son lot de terre
ou de l'impôt écrasant qu'il ne pouvait payer. Et même, l'eût-il
voulu, que pouvait faire le magistrat? Rentré en possession de
son champ ou de sa vigne, dégrevé de l'impôt le paysan n'en
vivait pas moins sous la domination du maître, et, après comme
avant, l'injustice faisait son œuvre. Basile qui connaissait ces
maux pour en avoir lui-même longtemps soulTert, résolut une
fois au pouvoir, de créer une organisation d'un caractère tout
à la fois charitable et judiciaire qui mil un terme, si faire se
•I. Vit. Basil., ch. xli, p. 288.
2. Prochiron, XXV, iv, i38.
3. Exhort., p. XLiv.
FI 1, KMl'IMi; inZ\M IN
129
pouvait, à rinloliMablc audace des giands. Il installa à Byzance
un bureau qu'il dota richement afin, d'une part, que les pauvres
venant à la ville se plaindre du n puissant » y trouvassent chaque
jour une nourriture assurée, afin, de l'autre, que ceux qui
redoutaient une absence souvent inutile et toujours pernicieuse
pour leurs afîaires ou qui se trouvaient dans robligation de rentrer
chez eux avant la fin de leurs procès, eussent en ville le néces-
saire et pussent ainsi, en toute liberté, se faire rendre justice '.
Nous savons déjà que ces nombreuses mesures en coirélation
étroite avec celles qu'il prit pour la bonne marche des afîaires
iinancières n'eurent pas les résultats à longue portée que Basile
en espérait. Après, comme avant lui, le mal subsista. Il n'était
au pouvoir d'aucun homme ni d'aucune institution de le faire
disparaître.
II
L'œuvre judiciaire de Basile, considérée sous ce premier
aspect, n'était donc qu'un expédient qui ne pouvait ni ne devait
lui survivre. Aussi ne se contenta-t-il pas de ces mesures transi-
toires. Résolument il fit quelque chose de plus, et ce quelque
chose eut, sur toute Ihistoire de la civilisation byzantine, une
influence considérable et qui dura jusquen i45o. Ce fut sa
révision du Code : œuvje de génie qui. menée de front ixxec des
guerres presque toujours heureuses, put faire comparer le fon-
dateur de la maison macédonienne à cet autre soldat d'aven-
tures, comme lui tour à tour homme de guerre et de gouverne-
ment et qui a nom Bonaparte.
Depuis le vi' siècle la législatioji de Justinien avait remplacé
dajis l'Empire les nombreuses lois an(*iennes promulguées au
cours des âges, depuis l'avènement d' Vuguste. La nouvelle
jurisprudence devint dès lors pour Bvzance l'immuable canon
auquel toute la vie politique, sociale et administrative, se trouva
rattachée et, pour un temps, apporla dans rorganisalion gou-
vernementale une certaine unité. Malheureusement cet oulil de
|)récision était trop délicat pour les mains maladroites et inexpé-
rimentées auxquelles il était donné de la manier. Rapidement
I. Mt. Basil., ch. xxxi, 37I3.
lOO BASILE
faussé et mal réparc, il devin l à la longue tout à fait inutile. On
le jeta au rebut. Or. c'est à remettre en usage cet inslrument
que Basile s'appliqua avec un véritable talent de maître-ouvrier.
Bien des causes avaient contribué, non pas à l'abrogation,
mais à la désuétude des lois établies par Justinien. D'abord
elles avaient été écrites en latin, et, depuis longtemps, personne
ne savait plus cette langue. Le grec, toujours parlé dans le
peuple, le fut bientôt, dès le vr siècle, presque exclusivement
dans les classes instruites, ce qui obligea les juristes à composer,
soit sous la .surveillance des Empereurs, soit de leur autorité
privée et pour leur usage personnel, de nombreux manuels,
(( enchiridia », qui forcément prirent peu à peu le pas sur les
livres juridiques. Ceux-ci avaient de plus un grave défaut, ils
étaient trop nombreux, trop volumineux, et coûtaient par con-
séquent fort clier. Sans doute, Justinien, par les Institutes,
cherclia déjà à remédier à ce mal. mais il n'en restait pas moins,
d'une part, que les Institutes étaient écrites en latin et, de l'autre,
qu'elles furent ])ientot insuffisantes. Les commentaires, les
gloses, les versions remplacèrent donc, dans la pratique. Digeste.
Code. Institutes et ce fut sur les travaux de seconde main, tra-
ductions médiocres et parfois mal comprises, des livres juri-
diques de Justinien. que reposa, en partie, du vi"' siècle finissant
au ix*^ toute la science des juges et tout le droit byzantin.
Mais, par la force des choses, un grand Etat ne vit pas trois
siècles durant sans voir surgir en son sein de nouvelles ques-
tions qui, autrefois, ne s'étaient point posées et qu'il faut, à un
moment donné, résoudre à tout prix et souvent dans le })lus bref
délai ; il ne se perpétue pas non plus, et surtout avec une législa-
tion aussi défectueuse, sans qu'à tout instant l'autorité ne soit
obligée d'intervenir pour légiférer sur un point ou sur un autre,
fixer une coutume ou réprimer un abus. Ces actes successifs des
Empereurs, en venant faire corps avec la législation existante,
ne pouvaient manquer d'ajouter encore au trouble et à la per-
turbation premièie. On eut ainsi deux lois : l'une ancienne,
fixe, mais incomprise ; l'autre. nou\elle et se renou>elanl sans
cesse. Il fallait savoir concilier l'inie et l'autre, chose en vérité
singulièrement délicate et difficile. Aussi, malgré les eftbrts des
Empereurs iconoclastes, malgré le recueil de Léon l'Isaurien
connu sous le nom d'« Ecloga », la jurisprudence était-elle à la
merci des intei'prélations souvent divergentes des juristes qui
KT L EMIMIŒ BY7AM IN I .M
n'avaient pour les guider ni texte in(liseutal)[e. ni préeédents
confirmés. Kn de telles conjonctures, les injustices pouvaient se
donner libre cours et les juges eux-mêmes décider et agir sui-
vaid Tunique bon plaisir. C'est bien, du reste, ce qui expli(pie
l'incessante interventioii du pouvoir impérial dans les procès.
Il n'est pas probable que riiaJ)ilude. le zèle, le devoir, déci-
dèrent seuls les Basileis ou leurs représentants comme le César
Bardas, à s'en aller chaque jour entendre plaider les causes
graves. Non. mais ils sentaient que plus indépendants, plus
instruits et plus responsables que leurs subordonnés, à défaut
des lois écrites, ils étaient dépositaires d'une autre loi, claire et
simple celle-là. la loi naturelle de justice et d*é([uilé dont tout
souverain a la charge et le dépôt et qu'ils devaient la faire pré-
valoir et la faire respecter. Quel autre moyen eussent-ils eu
d'atteindre ce but que de s'improviser juges eux-mêmes?
C'est à cette lamentable décadence du droit que Constantin
Porphyrogénète fait allusion lorsqu'il parle de l'activité de son
grand-père en ce qui concerne la revision des lois. « Il (Basile)
trouva, dit-il. les lois civiles en très obscur et très confus état
par suite du mélange de choses bonnes et mauvaises, c'est-à-
diie de lois abrogées et de lois encore en vigueur, réunies sans
distinction dans un seul commun recueil. C'est pourquoi, autant
qu'il le put, il voulut mettre de l'ordre en tout ceci, relrancha
les lois abrogées et par conséquent devenues inutiles, revisa la
multitude des autres et. pour faciliter l'étude de ces dernières,
il groupa comme en un abrégé, par chapitres, leur nombre
infinie »
Pour faire une œuvre durable et apporter à l'Empire un
sérieux réconfort, Basile sentit donc qu'il ne fallait pas se con-
tenter de mesures charitables et passagères, bonnes, sans doute,
mais incapables à elles seules de donner à la société un solide
point d'appui. Il se rendit compte qu'il fallait, pour ainsi parler,
créer un nouvel ordre de choses, mettre un terme à la roidine
et fixer une tradition. Et c'est à quoi il résolut de s'appliquer en
donnant à l'Empire un nouveau code de lois.
Le premier monument législatif pTd)lié par l'Emperein' parut
en 878 ou 879-. Il portnil en susci'iption le nom de <v< (]ou\ fils,
I. 17/. Basil.. \\\iu, p. -i--.
•2. Zac'hariu', Delineatio, p. 'S' ; Geschichte der (jriesch. rôni. Redits, p. 22.
l32 BASILE 1
alors associes au pouvoir : Conslanlin ot Lcou. et comuic titre
les mots de « -pô/cipo; v6|jlo; », manuel de droit. Le but vers
lequel tend Basile ne fait pas de doute. Il veut, en donnant tout
de suite et sans plus attendre, un premier abrégé des lois qui
doivent régir l'Etat, assurer le bon fonctionnement de la justice,
(( cette première et très grande chose que Dieu honore et par
laquelle le ])euple est élevé, au dire de Salomon '. » Or, il \ a
trop de lois, par suite on ne les étudie plus et le droit en est
alléré. Aussi est-ce pour cette raison qu'il a décidé de réunir en
un manuel, divisé en chapitres, les lois qu'il veut voir observer.
Il les a traduites du latin en grec, purifiées des éléments propres
à les dénaturer « twv tc T:::Gs:-C7ro'//-,'jL£V(ov vo;ji'1|ji(ov àvaxa'.viTijLov
sOijjLcOa » et a corrigé ce qui était nécessaire pour qu'elles devins-
sent utiles. Il a fiiil plus. Il a fixé, dans sa législation, ce qui
jusqu'à ce jour ne l'était j)as. I^t c'est ce nouveau code divisé en
quarante titres qu'il présente à ses sujets pour qu'il ait désor-
mais force de loi-. En vérité, toutes les lois ne se trouvent pas
dans ce manuel. Le volume s'adressait, en effet, à tous les
sujets de l'Empire et avait simplement pour but de confirmer
les bonnes lois et de les leur faire connaître : c'est pourquoi
ceux qui s'adonnaient spécialement à l'étude du droit devaient,
suivant les prescriptions de Basile, recourir avec soin au corps
de lois u ToO vôuio'j -AaTS!. » j)récédemment revisé par lui dont une
partie est consacrée aux lois définitivement abrogées et mani-
festement inutiles et dont l'autre, divisée en soixante livres,
contient, suivant l'ordre et la division d'autrefois, celles qui ont
été maintenues -*.
Ainsi donc le premier travail de Basile que nous connaissons
fut un manuel de droit, de droit civil en grande partie, mais
aussi de droit public vers la fm de l'ouvrage, commençant par
traiter du mariage (( par quoi notre nature a reçu son origine »
pour se continuer parles obligations, les successions, les testa-
ments, les tuteurs, etc.. et finir parles lois d'ordre général comme
les constructions, les peines et le ])artage des dépouilles après
les guerres.
Mais une question se pose maintenant, étant donné l'état
dans lequel Basile trouva la législation de son temps. Quelles
I. Procli., Proeiii., p. \.
a. Proch., ibid., S i et y, p. 7 ri N.
. 3. Proch., ibuL, S 3, p. 10-
EMIMIU: BYZANTIN
i33
furent les sources de son travail? Sa pensée directrice en
cet ordre de choses fut toujours de remettre en lionneur le
droit Justinien dont rautorilé pour n'être plus guère que nomi-
nale, n'en existait pas moins. C'est pai- conséquent, dans les
ouvrages de son illustre prédécesseur qu'il dut, tout d'abord,
aller chercher les malériaux dont il avait besoin pour l'œuvre
qu'il voulait entreprendre. Et c'est précisément à quoi il fait
allusion dans son avant-propos lorsqu'il dit qu'il fit traduire les
lois du latin en grec ; mais qu'on ne s'y trompe pas. Les
légistes qui travaillèrent sous ses ordres ne recoururent pas
tant aux originaux qu'aux traductions et commentateurs grecs
du Vf siècle comme Théophile, Théodore. Thelelée. Atlianase
dont ils exploitèrent les travaux en les défigurant et en les alté-
rant^, sans jamais les transcrire tels qu'ils les avaient sous les
yeux. Par un procédé de travail qui échappe et au sujet duquel
on ne peut faire que des conjectures, c'est cette source juri-
dique qui fut seule exclusivement employée dans la première
partie du Prochiron -. Les Institutes surtout fournirent un large
appoint au travail. On utilisa aussi le Digeste, le Gode et les
Novelles. mais d'une façon plus discrète et plus rare si bien
qu'on peut presque dire que ce furent les Institutes qui servirent
de base et aussi de modèle à ces vingt et un titres.
Mais indépendamment des livres justiniens, Basile tout en
traitant fort mal u l'Ecloge » de ses prédécesseurs iconoclastes,
Léon et Constantin, u œuvre qui n'est pas un u choix n —
3xAovr^ — mais bien la destruction des bonnes lois, qui ne peut
servir de rien à l'Etat et qu'il serait stupide de conserver -^ » a,
plus d'une fois, fait usage de ce document. Trop de sages
mesures prises par ces princes étaient sans doute devenues si
populaires et si utiles qu'il n'était ni bon ni possible de les rap-
porter ^ Après donc avoir satisfait sa conscience religieuse par
un blâme motivé à l'adresse de cet « enchiridion » mal famé.
Basile se l'appropria. Il se l'appropria même si bien qu'à partir
du titre X\l. 1' « Ecloge » devint la principale source du Pro-
chiron. Sans doute les Institutes et les jNovelles servirent encore
beaucoup, moins cependant que dans les XXI premiers titres ;
1. Prochiron, cli. m, p. l\ii et seq.
2. C'est-à-dire des titres I à XXT.
S. Prochir., l^roem., S 2, p. 9.
'». Zachariae, Geschichte der gricscli.
Mortreuil, II, 33 el seq.
romisch. Redits, p. 83.
l34 BASILE I
le Code et le Digesle. eux, fui-enl à peu près eomplèlement
négligés. Et comme c'est surtout eu cette partie du Prochiron
que Basile a introduit le texte de ses novelles personnelles, il
arriva qu'on eut en un seul manuel deux tendances d'idées assez
différentes qui ne peuvent s'expliquer que par une cause exlrin-
sèque à la composition de l'ouvrage, u On dirait, dit Mortreuil.
qu'arrivés au litre XXI les rédacteurs du Prochiron se sont
hâtés de terminer leur travail qui avait été conçu et entrepris
sous une autre direction d'idées. L'histoire particulière des
liasiliques nous fournira Texplication de ce fait qui se rattache à
rensemhle des compilations législatives de Basile K »
Le Prochiron devint rapidement dans. l'Empire le manuel
populaire par excellence. Ce fut sur lui- que dès lors les juristes
s'appuyèrent, comme ce fut lui qu'on étudia dans les écoles de
droit. De Byzance il passa dans les pays soumis à l'influence
des Empereurs : en Russie, en Italie, et comme il devint dans
l'Eglise grecque une des sources du droit canonique-, il passa
de même dans les églises que la métropole convertit à la reli-
gion chrétienne.
Toutefois après la mort du jeune Constantin, sous le règne
de Basile, Léon et Alexandre, prohahlement à l'époque où Pho-
tius était de nouveau Patriarche, donc après 878 et probable-
ment vers 886 3, il fut fait une nouvelle édition du Prochiron
destinée à servir d'introduction au recueil que Basile avait
composé sous le titre de « Revision des anciennes lois, àvaxà-
OaoT'.ç Twv 7caAa',â)V vôjJicov » . Ce fut l'Epanagoge « ETavaywv-/; » •
nom donné parles manuscrits, mais qui convient exactement
à cette nouvelle édition — i*evue et augmentée ~ du Prochi-
ron. Dans la préface Basile explique l'intention qui l'a poussé
à agir. Après avoir composé sa « Revision des anciennes
I. Il ne peut entrer dans le cadre de cette étude de retracer l'histoire des
Basiliques. Ce sera la tâche de Tliislorien de Léon VI, En attendant je reii
voie pour cette question aux- travaux de Mortreuil, de Zacharitr, d'Heim-
bach dont on trouvera les titres dans la bibliographie qui est en tête do ce
volume.
y. Mortreuil, II, 87.
3. Zachariœ, édit. du Prochir., p. Lxxxni, Delineatio, p. 4o. Il n'est même
pas impossible que Photius ait été le principal ouvrier de cette seconde édi-
tion. Eneflet, outre une note marginale donnée dans le manuscrit bodleien
173 qui attribue certains chapitres au Patriarche, deux faits semblent
trahir sa»inain : d'abord celui d'appeler H>zance le « premier trône » « rowTo;
G&ôvo; .. ; puis la longue discussion initiale sur les Manichéens.
ET L EMPIRE BYZANTIN
3j
»is » divisée en quarante livres et l'avoir promulguée, il parut
bon de faire un ehoix dans ee travail et, en suivant l'ordre des
quarantes livres, de publier un manuel en un nombre égal de
titres, qui u puisse servir d'introduction aux lois que ren-
ferment les quarante livres. » C'est le fait d'avoir suivi l'ordre
de ce que l'on appelle « l'anakatharsis » qui explique que
l'Epanagoge, tout en étant la reproduction presque littérale
du Prochiron en diffère cependant sur quelques points : par
l'addition de certains titres comme ceux qui concernent l'Em-
pereur, le Patriarclie, les magistrats * ; par des interversions,
par la réunion en un seul titre de plusieurs titres du Prochi-
ron, etc. Cette seconde édition, en vérité, ne fut probablement
jamais publiée d'une façon officielle - car nous ne la voyons
nulle part mentionnée par Léon VI et elle n'eut pas, à beau-
coup près, l'influence et la renommée du Prochiron. Les nom-
breux manuscrits qui nous restent de celui-ci attestent que tou-
jours dans l'Empire, ce fut à lui qu'on se référa et non à l'Epa-
nagoge.
Reste l'Anakatharsis dont nous n'avons pas grand'chose à
dire étant donné que nous ne la connaissons que par les allu-
sions qu'en font le Prochiron et l'Epanagoge. Il est certain
que ce recueil de droit exista, composé sans doute de quarante
livres dont chacun des titres de l'Epanagoge était le dévelop-
pement. S'il fut jamais publié, ce fut entre la date de compo-
sition du Prochiron et celle de l'Epanagoge ; mais est-il même
bien certain qu'il reçut force de loi? La Prochiron, d'une part,
engage en effet les juristes à le consulter ; mais d'abord entre
les données du Prochiron et celles de l'Epanagoge il y a
une grave divergence au sujet de cet ouvrage. L'un fixe à
soixante, l'autre à quarante le nombre des livres qui le com-
posaient, ce qui oblige à admettre qu'en tous cas ce recueil
n'était pas achevé quand parut le Prochiron et que, plus tard,
lorsqu'il fut fini, on réduisit le nombre des livres à quarante ^ ;
d'autre part l'Epanagoge dit formellement que l'Anakatharsis
était promulguée ; mais qu'est-ce qui prouve que ce n'était pas
I. Titres qui sont pris littéralonicnl aux livres 'justinions et reproduits
tels quels dans les Basiliques, à l'exeeplion du t. TH « r.spl T:axpiap/ou " qui
n'a nulle part son (correspondant.
•i. Zacharia.', Geschiclite, p. •>.•>..
3. (l'est là l'opinion de Mortreuil.
l.SG BASILE I
là une simple anticipation de langage? Les auteurs ont pu, en
rédigeant l'Epanagoge qui devait servir d'introduction à leur
travail , dire qu'il était promulgué puisqu'il allait Têtre et que
l'Epanagoge en était le couronnement. Il ne s'en suit pas qu'il
l'ait été. Cette hypothèse est d'autant plus plausible, ce semble,
que tout ceci se passait vers la fin du règne de Basile. L'Empe-
reur, en mourant, léguait son œuvre à son fils qui la voulut
continuer. Le Prochiron. déjà officiellement promulgué, con-
serva son autorité tandis que l'Anakatliarsis et l'Epanagoge
passèrent à titre de documents — servirent peut-être même de
base — dans l'édition définitive que nous connaissons sous le
titre des Basiliques.
Telle est la grande œuvre législalise de Basile L'. D'un clair
regard, en arrivant au pouvoir, il aperçut l'efFroyable chaos au
milieu duquel se traînait péniblemeni la justice de l'Empire
incapable parla d'accomplir sa grande et civilisatrice mission.
Résolument. Basile se mit au travail et un peu avec les illusions
qu'auront plus tard les philosophes du wni*^ siècle, il s'ima-
gina qu'en réformant la législation il transformerait les mœurs
et la société alors que c'est peut-être le contraire ([ui est proche
de la vérité. Quoiqu'il en soit, Justinien lui apparut comme le
modèle qu'il devait suivre et c'est à l'imiter qu'il s'appliqua
courageusement en revisant la législation alors en usage.
Par l'essor ({u'il donna aux étude's de droit, par les travaux
juridiques cpiil entreprit, il essaya de remettre en honneur le
vieux droit d'autrefois et il y réussit. Grâce à son influence,
une nouvelle ère se leva pour l'Empire, une brillante renais-
sance commença à se manifester dans les lettres et dans les
arts et si, finalement, lanivre de Basile n'eut pas tout le succès
qu'il aurait été en droit d'en attendre, si les transformations
profondes qu'il put rêver dans l'ordre politique et social, ne
se produisirent pas. il est bien probable, cependant, que ses
efforts amenèrent, passagèrement, une amélioration sensible
dont bénéficièrent surtout les classes laborieuses de l'Etat. Par
là seul, ce semble. Basile P' mérite donc d'être placé au pre-
mier rang parmi les grands souverains.
Il I KMPTRE TJYZVNTIN 107
III
V la tète do radmiiiislralioji jiulioiaire se tiouve l'Empereur,
incarnation vivante du droit et de la loi. Jnger est sa fonction
première et essentielle, faire observer les ordonnances de
l'Etat est son inprescriptible devoir, car o de même que nous
ne pouvons vivre si nous ne respirons, de même aussi nous
ne pouvons être sauvés et nous bien porter — z\j slva». — si
la loi ne nous aide et ne nous guidée » Or, l'Empereur, seul,
est assez haut placé sur Téchelle des êtres pour remplir ce
sacerdoce. Choisi par Dieu et marqué de son sceau divin, il
est sur terre son lieutenant, son représentant. Il doit donc,
comme Dieu, gouverner le monde avec justice et bonté. Tache
écrasante assurément, qui demande autre chose qu'une vulgaire
nature d'homme et que jamais un souverain ne pourrait par
lui-même accomplir s'il n'avait, pour le soutenir et l'éclairer,
force et lumière en abondance. Cette force et cette lumière,
il la possède d'abord par l'orthodoxie qu'il doit défendre et
pratiquer-, et sans laquelle il n'aurait aucune autorité^ : il la
possède aussi par la tradition orale et écrite dont il est le dépo-
sitaire. Car ce n'est pas en avevigle qu'il juge. Son office,
en effet, consiste à défendre et à conserver tout ce qui est
enseigné dans la Sainte Ecriture, tout ce qui a été défini
par les u Sept saints Synodes o, enfin les lois romaines*. Et
lorsque, à propos de ces dernières, une discussion s'élève,
c'est à lui, l'Empereur, ([ue revient le droit d'interpréter la
loi, non pas certes arbitrairement, mais en tenant compte des
coutumes de la ville ou de l'éparchie"'. En fait, c'est surtout
cette interprétation de la loi qui est la principale prérogative
de l'Empereur. Sauf pour certains cas importants, comme le
meurtre de hauts dignitaires de la cour, dont le jugement
relève exclusivement de sa juridiction. l'Empereur ne juge
pas directement : son tribunal est plutôt une cour d'appel ou
1. Epaimg., Proeiii., p. 63.
2. Ibid., II, 5, p. 60.
3. Ibid., Proem., 63.
4. Epanag., II, !\, p. 66.
5. Ihid., II, 7 et 12, p. 66-67.
l38 BASU.E I
de cassation. Il intervient à la demande des parties, mais après
un premier jugement, et son verdict devient irréformable ^ .
On pouvait en appeler de trois façons au tribunal de lEm-
pereur : i" par un référé des fonctionnaires (àvacpooà, 'j-6|jlvy,t',;) .
Ce procédé avait lieu surtout quand le cas était douteux-, en
dehors de toute chicane juridique. Alors la solution était don-
née soit directement par l'Empereur, soit par l'intermédiaire
des fonctionnaires ^ ; 2" par appel (sxxAy.to;) * lorsqu'une des
parties se croyait lésée par un juge-». L'appel suppose donc que
le procès a été une fois jugé ; 3" par supplication (oér.a-!.;). Tout
chacun pouvait, sans aucun intermédiaire, présenter ses
affaires à l'Empereur pour qu'il les jugeât. Le plaignant dépo-
sait alors une supplique (ôrr.o-u) entre les mains d'un fonc-
tionnaire chargé de cet office et, suivant les cas, le tribunal
impérial ou une commission jugeait les procès. Naturellement
il n'y avait aucun recours possible contre le tribunal de l'Em-
pereur qui jugeait toujours en première et dernière instance,
tandis qu'il y en avait un contre la commission ^.
La cour impériale que l'Epanagoge appelle <( to a-jTOxcaTopi-
xov xal ^âao-Ov'.xov xpiTT^piov » '', se composait des grands fonc-
tionnaires et dignitaires de l'Empire. Un texte postérieur au
ix" siècle, la Pira, donne l'énuméralion des personnages qui
faisaient partie de ce tribunal. C'étaient : les patrices, les pro-
tospathaires, le drongaire, le vcstis, le magislros, l'éparche, le
questeur, le préfet du caniclée, le protoasecretis, l'exactor, les
juges ^. Ces juges créés par Juslinien, étaient au nombre de
douze. Il semble bien qu'ils subsistèrent à travers les modifi-
cations apportées par le temps à l'organisation judiciaire.
Trois grandes magistratures judiciaires étaient dans l'Empire
à la tête de cet important et grave ministère : l'éparche de la
ville, le questeur, le préposé aux pétitions •'.
1. Epanag., xi, 5, p. 88.
2. Zacliariae, Geschichte, p. 356.
3. Ibid., 357.
4. Au dire de VEpanagoye, il faut distinguer 1' « è'xxXt.to? « ot l' « iyxXT.ji; ».
Tout « è'vtîtXïiTOs » est une « Ivxat.t'.î » ; mais toute « r'xAT.^-.; » n'est pas
« exxXr.To; », XI, 4, P- 88.
5. Epanag., xi, 4, p. 88.
6. Zacharia^, op. cit., 358.
7. Epanag., xi, 5, p. 88.
8. Zachariap, Ibid., 307.
9. Cereni., i3i3.
ET T. EMPIRE BYZANTIN lOCj
L'oparche de la ville (6 s-rapyos Tr^^ tS/.zm:;) • est au ix'^ siècle
nu 1res puissant personnage, le dix-huitième en liste. Comme
les grands dignitaires de la couronne, il peut donc revelir les
plus hautes dignités et marcher d'égal à égal avec les stratèges
des thèmes. C'est, qu'en fait, sa fonction a une im[)orlance
considérahle. S'il est, avant tout, le premier juge de l'Empire
après le souverain, il est aussi le premier magistrat de Cons-
tantinople, et comme tel, ses attrihutions dépassent de beau-
coup les attributions ordinaires des juges. Aussi sa promotion
se fait-elle avec une solennité toute spéciale. Le Patriarche y
assiste et récite les prières ; les factions font entendre leurs
acclamations d'allégresse ; le corps judiciaire est au complet
pour lui faire cortège et recevoir celui qui devient par son
élévation « père de la ville -. » Comme juge, il a son trône au
prétoire^ et c'est de là qu'il préside désormais aux procès.
Sa compétence s'étend à tous les crimes, voire même à toutes
les affaires qui se passent à Constantinople et dans les environs
jusques à cent milles de la ville *, qu'il s'agisse d'affranchis-
sement d'esclaves^, de questions relatives aux tutelles^, de
mariages", ou de moralité publique. Aussi ses pouvoirs sont-
ils très étendus. Il peut exiler, par exemple^; il a sous ses
ordres une garde composée de soldats et destinée au maintien
de l'ordre ^; de ses décisions, on ne peut appeler qu'au tribu-
nal de l'Empereur *^. Comme premier magistrat de la ville,
il est chef de la police ^^ et sa juridiction s'étend à toutes les
corporations, depuis celle des banquiers jusqu'à celle des mar-
chands de viande ou de tissus, en passant par celle des forains.
Il peut interdire l'entrée de la ville ou de certains quartiers à
qui bon lui semble *-, car il a mission de veiller sur toutes
I. Cf. l'article de M. Ouspenskij : « L'Eparclie de Constantinople. » {Mém.
de rinst. arch. russe de Cple, 1899, iv, 2, p. 80 et seq.)
3. Cerem., 536, 538.
3. IbkL, 532.
4. Epanag., iv, i et 'j, p. 69.
5. Ibid., 2.
6. Ibid., 5.
7. Prochir., i, i3, p. 17 ; iv, a'j, p. 3i.
8. Epanag., i\ , 3, p. (iq.
9. Ihid., 8.
10. Ibid., 7.
II. Ibid.,Q et 7. Proch., wwiii, 3^i, 221.
12. Epanag., 9.
laO BASILE l
choses : sur le prix des denrées ^. comme sur la tranquillité
de la population et sur le bon ordre des spectacles -. Le souve-
rain va-t-il sortir? C'est à lui qu'en réfèrent les préposites ^
pour que la ville soit ornée et les rues nettoyées ; une récep-
tion a-t-elle lieu au Palais ? C'est lui qui est chargé de veiller à
la décoration * ; un événement grave se produit-il, une révolte,
par exemple, c'est encore lui qui est là et c'est à lui que l'Empe-
reur ordonne d'ouvrir les prisons^ ; l'Empereur veut-il adres-
ser un message à son peuple, lui apprendre son avènement;
c'est encore et toujours l'éparclie qui est chargé de la chose.
Ce fut. nous le savons, l'éparclie Marianos, fils du grand géné-
ral Pétronas qui alla au cirque, le lendemain du meurtre de
Michel m. annoncer ii tous la bonne nouvelle de l'élévation
de Basile'^. Aussi, en l'absence de l'Empereur, est-il seul
maître de la ville, administrant l'Empire de Concert avec le
premier magistros et le premier préposite '.
On conçoit sans peine qu'une tâche aussi écrasante ne pou
vail être supportée tout entière par un seul homme. Il fallait
de toute nécessité qu'un nombreux personnel vint l'aider dans
ses multiples fonctions. Crâce à la notice de Philothée, nous
connaissons la u TrpoiAcjo-',; » de l'éparclie de la ville. Elle se
composait de quatorze fonctionnaires. Le premier était le
(( a-'j[ji7rovo; ». son assesseur en titre chargé de le remplacer en
cas d'absence ou de maladie. Pour lui aussi a lieu une cérémo-
nie spéciale, lors de son élévation, dans laquelle, comme il est
juste, l'éparclie joue le premier rôle^. De rang inférieur aux
grands fonctionnaires, il appartient à cette classe des spathaires
que nous connaissons déjà et se trouve donc, par rapport à
son chef, dans une dépendance hiérarchique analogue à celle
1. Kpnnag., i\. 8, p. G9.
2. /6id., 8.
3. Cerem., p. loi.
4. Cerem., 1060.
5. Tliooph., 7^8. Ceci est conlirmé par un passage de la vie de Michel
Syncelle. Lorsque, sous le règne de Théophile, Michel fut condamné comme
iconophile, il fut incarcéré dans la prison publique « 6T,[xo7ta slpx-rf, )> « et
amené devant l'Empereur, précédé de l'éparclie, » (Gédéon, Sy//o^. grec.,
189I), p. 29, reproduit dans r'EopToXôyiov).
0. En 869, réparche était le patrice Paul (Mansi, \vi, 81).
7. Tactik., 259. Ceremon., p. 953.
8. Cerem., 54o.
Kl f/ EMPIRE inZANTIN
du chartulairo du logolhMe du Trésor, par exemple, ou des
notaires de r2io',xôv*. Dans les cérémonies, nous le voyons
figurer aA ee le logothète du prétoire, aux côtés de l'éparche, à
un rang évidemment supérieur aux autres fonctionnaires -. ïl
y a, au sujet de ce fonctionnaire, une question assez délicate à
élucider, ^*y avait-il qu'un assesseur ou étaient-ils plusieurs?
Le chapitre lvu du Livre des Cérémonies, d'une part, semble
formel. Lors de l'élévation d'un assesseur, en rabsence de
l'éparche, le préposite, sur l'ordre des Empereurs, va s'enqué-
rir si le logothète du prétoire ou un autre assesseur « r, xaU'Tspo^
o-jaTTovo: » se trouA^e présent au Palais. C'est donc, évidemment,
qu'il y a plusieurs assesseurs. De son côté, le Livre du Préjet
connaît des « c-jijLTzovot, » divers qui sont chefs des corporations ^ ;
mais d'autre part, le même passage du Livre des Cérémonies
— qu'on peut, du reste, expliquer en faisant remarquer qu'il
s'agit peut être tout simplement de l'assesseur qui vient de
sortir de charge. — et la notice de Philothée, dans les différents
endroits oii elle cite l'assesseur, mentionnent toujours ce nom
au singulier et lui donnent un rang auquel ne pouvait prétendre
à coup sur un chef de corporation et que, du reste, les autres
chefs de corporations cités par la notice et le Livre du Préfet,
n'ont pas : de plus, le chapitre lnm du Livre des Cérémonies fait
cet assesseur l'égal en dignité du logothète du prétoire ; enfin,
dans la Vie de Romain H, fils de Constantin Porphyrogénète, le
continuateur de Théophane raconte que l'Empereur donna des
assesseurs à l'éparche de la ville ; mais ces assesseurs ne furent
que deux, et l'un précisément avec le titre spécial de logothète
du prétoire*. Il faut donc admettre, je crois, qu'il y avait un
(( Tja-ovoç » en chef, chargé spécialement, près de l'éparche,
des questions judiciaires et peut-être des « tjjjl-ovoî. » secondaires,
remplissant, auprès des corporations, une fonction semblable.
Quant à dire avec M. Mcole que ce premier assesseur est le
même (pio celui f[ue Léon A 1 désigne sous le nom de « AsyaTàp'.oç »
I. L'oi<>auisatioii adinitîisliali\o se dessine ainsi clairement. A la lète de
cliaque grand service nn liant fonctionnaire pon\ant arri\er auA premières
difi^nités auliqnes; à sa snite nne lonlede fonclionnaires de rangs ditîérents,
se correspondant d'un bureau à l'autre connue titre et importance.
•2. Cerem., p. 149.
3. Le Livre du Préjet, p. 90.
\. Th«'oph. r;ont.. 17/. Rom. .lunioris, 1, 4^9. Cerem,, p. i\o\.
i;|2 BASILK 1
cela est possible, mais point certain. Pour moi. s'il fallait faire
une identification, j'inclinerais plus volontiers à faire du
(( AcvaTàp'.oç )) le synonyme de logolhète^.
Le logothète du prétoire (6 '/sj-^foHiTf^ç toO Troa'.Ttopîo-j) était l'égal
de l'assesseur « ;j.y, i'yov àxoAO'jfl'lav -/■ -ràç'.v ttasuo ^f^ sAào-Toj - » et
formait avec lui le conseil immédiat de l'éparche. fandis que
le premier s'occupait spécialement des cpiestions juridiques du
ressort de l'éparche, le logothète, lui. s'occupait des affaires de
la ville, police et administration. Il avait probablement la garde
d'une des trois prisons de Constantinople — qui relevaient
toutes de l'éparche — celle du Prétoire^.
Ainsi donc se trouvait organisé un des trois grands rouages
de la haute administration judiciaire de l'Empire et de la police
urbaine : un éparche à la tête, deux fonctionnaires égaux à ses
€Ôtés, l'un spécialement chargé des affaires de justice, l'autre
des affaires o politiques ».
A la suite de ces trois fonctionnaires venaient toute une foule
d'employés divers qu'il faut connaître pour se rendre compte
de la vie byzantine dans toutes ses manifestations. Pour ce qui
concerne .la justice, il y avait en chacune des quatorze
régions dont se composait Constantinople, des juges destinés
à entendre les causes et peut-être à faire la police du quartier K
c'étaient les « xoiTal twv psyîtovwv ». Ces juges n'étaient pas de
création récente. Ils devaient probablement compter parmi
leurs ancêtres les « curatores qui totius regionis curam gerunt )^
dont il est fait mention dès les origines de Constantinople;
mais il ne semble pas douteux non plus que ce soit bien quelque
chose comme leur résurrection dont il s'agit dans ce passage
de la 17e de Basile où il est raconté que l'Empereur établit des
juges un peu partout, dans chaque rue et dans chaque sainte
maison. Malheureusement nous en ignorons le nombre. Peut-
être cependant étaient-ils demeurés, comme à ré])oque de Jus-
1. En effet, le chapitre lmi dit que le « <76\i.r.o^jrj^ » esl nommé par l'Empe-
reur ; dans le Livre du Préfet, il l'est par le préfet avec l'agrément de l'Em-
pereur. De plus nous savons qu'il existait un a AsvaTipio; » dépendant du
chartulaire du vestiaire.
2. Cerem., p. 54o.
3. Theoph. Cont., Vit. Mich.. cli. \\n, 189. Les deux autres prisons étaient
celles de la Chalcé et des >oumeroi, cette dernière, sans doute, était prison
militaire.
4. Zacliari;e, Geschickte, ^-'6.
ET L EMPIKK BVZVMIN I \',\
tinien. au nombre de douze, avant leur centre d'affaires à
l'hippodrome ^
Le personnel de surveillance placé sous les ordres de l'éparche
était représenté par les épiskeptites, les époptes et les « ^iio-jÀ-
ÀwTaî », fonctionnaires chargés d'ap])oser lé sceau, le poinçon du
préfet, sur tout ce cpii devait en cire marqué : balances, poids,
marchandises. Des fonctions spéciales dévolues aux épiskep-
tites et aux époptes, nous ne savons rien de précis. Ils avaient,
évidemment, la charge d'iuspecter les marchés, de faire res-
pecter les lois minutieuses qu'indique le Livre du Préfet, de
surveiller l'achat et la vente des objets qui arrivaient à Cons-
tantinople ou en partaient, en un mot, ils remplissaient l'emploi
d'officiers de police, d'inspecteurs des marchés, etc. Les c [:io'jA-
AtoTa'l » n'avaient pas pour unique mission d'apposer la bulle
préfectorale sur les marchandises. Ils allaient dans les ateliers
et ailleurs examiner si les prescriptions légales étaient obser-
vées- et si les bulles étaient placées^, car les peines qui frap-
paient les délinquants étaient terribles : déportation, châtiments
corporels, envoi au couvent, etc.
Comme dans notre Moyen-Age occidental les corps de
métiers se trouvaient, à Byzance. groupés en corporations. Ces
corporations, naturellement, avaient besoin de chefs, destinés
à leur servir de conseil et à les surveiller. Pour leurs affaires
financières, elles devaient probablement, relever des commis-
saires ouautres fonctionnaires du Trésor : mais pour leur organi-
sation et leurs règlements intérieurs, elles relevaient de certains
fonctionnaires dépendant de l'éparche. Ces fonctionnaires étaient
les Exarches (Icapyo».) et les Prostates (-poo-TaTa!.). Suivant son
importance, la corporation avait un ou plusieurs chefs, parfois
même il n'y avait qu'un seul chef pour plusieurs corporations.
C'est ainsi que les marchands de vêtements syriens ou arabes,
elles (( -pavo'.o-paTa'. » avaient un exarche à leur tête, fonction-
naire nommé par l'éparche * : les marchands de porcs, les
« lyo'jo-paTa'. » avaient plusieurs (( Tipoo-TaTa», '» » : les « jjiaAaxa-
Tap'lo'. ») et les « JjjpTooi'I/a», » au contraire, n'avaient qu'un
1. Zacharia\ Geschichte, p. Sôg.
a. Livre du Préfet, viii, 3, p. 87.
3. Ibid., cf. par ex., \n, g, p. '47-
'\. Ihid., \, I, p. 29.
."). Ihid.. w o( \M. p. ."il ol ;■)■>.
l^^ BASILE I
(( -poc-TaT/lç » et dépendaient du « a-j|jL7:ovo^^ ». En somme, il est
probable que les corporations avaient toutes à leur tête un ou
plusieurs o -poo-TaTai » qui prenaient en certaines corporations
de plus grande importance le titre d'exarche. Ces chefs ser-
vaient d'intermédiaire habituel entre la corporation et l'éparclie
qui gardait sur elle une autorité directe. Seules, les corporations
de second ordre relevaient de l'assesseur. Il semble, en outre,
que les exarclies comme les prostates étaient choisis soit par
les corporations, soil plus probablement par l'éparche - et ne
restaient en fonction qu'un certain temps.
Le cenliirUm (xsvTjp'lcov). Nous savons par l'Epanagoge que
l'éparclie avait droit à un corps de troupe destiné à maintenir
Tordre dans la ville. C'est très probablement le chef de ces sol-
dats policiers qui portait le titre de centurion. Quant aux
vciToviàoya'.. nous ne savons rien. Peut-être représentent-ils le
j)ouvoir municipal de Téparche en dehors de la ville, dans la
banlieue soumise à la Juridiction de Téparche ; peut-être ya-t-il
une analogie entre ces gitoniarches et ceux que possédaient
les faclions -K
Enfin un fonctionnaire spécial, dépendant lui aussi de
réparche. résidait sur les côtes et sans doute dans les ports de
commerce. C'était le u 7:apaOa)^ao'a''lT-r,ç ». Il devait surveiller, et
probablement, en certaines circonstances, juger tous ceux qui,
suivant l'exjîression de la Piva, naviguaient « ttaéovts; tv;v
OàÀaTTav )) et ne relevaient pas des officiers d'ordre militaire*.
Naturellement, comme en toute administration considérable,
l'éparclie avait à son service pour les innombrables écritures
qui devaient émaner de sa chancellerie des protochanceliers et
des chanceliers, scribes chargés de la rédaction des actes et
autres documents du même genre,
Reste, d'après la notice de Philothée, les k vojjlixo'I ». Nous
retrouverons plus loin des o voui'.xoi » . professeurs de droit. Sont-ce
ceuv là mêmes dont il est ici question ? Autrement dit, y a-t-il
identité entre les « voaixo'l » du Livre du Préfet et les « vojjl-.xo^ »
de Philothée? M. Nicole le croit. Peut-être, cependant, n'est-il
])as impossible de Aoir en ces « vo;jl'>xo'1 » des fonctionnaires
1. Livre du PrèJ'el.. \iv. S ■>■, P- V)-
a. Cf. par ex. ibid., le cas pour les savonniers, pour les trapeziles
3. Cerem., p. 53C. Theopli., p. 5i6. Cerem., i332.
4. Zacharia:', Geschichle, p. 073.
i:i I, I.MPIIU-: BYZANTIN
chargés d'un département spécial lolcvant de réparche. celui
qui s'occupait de toutes les affaires de droit civil dont la corpo-
ration des notaires et des avocats avait la cliarire. I^e « vouixôr »
serait, dans ce cas, le chef du département ayant pour mission
de recevoir le tahuUaire nouvellement élu'. Il serait vraiment
étrange que parmi tous les fonctionnaires dépcndanis de
l'éparche, aucun ne fut spécialement commis au\ aifaiics
judiciaires, ce qui serait un fait, si les (( voa'.xoi » étaient simple-
ment des pn^fesseurs de droit.
La seconde grande magistrature Judiciaire était celle du ques-
teur (o xoiàTTcop, xJÉTTfop) dont le titulaire figure au trente-qua
trième rang parmi les hauts fonctionnaires de l'Empire, avec
les litres habituels d'anthypatos, patrice, etc. Il est, en outre,
toujours désigné par le qualificatif d'u svooHoTaTo; ». Sa promo
tion avail lieu en présence du souverain - et des officiers com-
mis à son service : antigraphes et cliancclicrs. officiers qui for-
maient son bureau et son tribunal -^ Grâce au titre tout entier
que lui consacre l'Epanagoge, nous pouvons nous faire une
idée assez exacte des attributions confiées à ce personnage K
Evidemment c'est, avant tout, un juge, mais un juge policier
auquel est spécialement remis le soin et la surveillance des
étrangers. Sa juridiction s'étend, en effet, sur tous ceux qui se
trouvent à Byzance. quelle que soit leur situation, leur condi
tion, leur sexe, leur nationalité. Qu'ils soient moines, clercs,
riches, dignitaires de l'Empire, pauvres, esclaves, romains ou
étrangers, le questeur a droit sur eux.
Dès leur arrivée, il s'enquiert de leur origine et des motifs
qui les amènent à la ville''. Sont-ils serfs ou esclaves et viennent
ils plaider contre leur maître P Le questeur les surveille, fait
régler leurs affaires dans le plus bref délai et s'interpose, ii l'oc-
casion, entre colons et seigneurs ^'. Sont-ils étrangers? l ne fois
1. Livre du PrêJ'el, i, 3, p. lô. En outre les a voji-.xoî » paraissent dans les
cérémonies impériales, ciiose qui serait assez étrangfc s'ils n'étaient pas
(( 7îxp£TUû{ » et s'ils étaient professeurs.
3. Cerem., p. 533.
;>. Zaeliaria% Geschicitte, p. 3'm, 3(i(S.
\. (Jonune nous l'avons dit, ces titres de V Epanmjoije concernant les fonc
tioiniaires sont la reproduction des litres correspondants élaborés à l'époque
de .tustinien. Mais il paraît plus (pie probable que les attribution» confiées
aux magistrats du m' s. étaient encore en vigueiuau iV.
5. EpaiKuj., y, i, p. 70.
<K Ibid., 3, p. 70.
10
1^6 lîASlLE I
l'objet de leur voyage accompli, le questeur les renvoie chez
eux-. Beaucoup de pauvres devaient, sans doute, comme en
toute grande ville, venir chercher à Byzance travail et fortune.
Cette foule de gens sans aveu, sans foyer, souvent sans occupa-
tions, était le noyau habituel autour duquel se groupaient tous
les mécontents et d'où partaient émeutes et séditions. Aussi une
rigoureuse surveillance enserrait-elle cette population flottante
à chaque heure du jour, et c'était le questeur qui en portait toute
la responsabilité. La loi. du reste, était très sévère à l'égard de
ces étrangers pauvres. Dès qu'un mendiant était aperçu, le
questeur le faisait appeler, et. s'il n'avait à Gonstantinople ni
procès ni affaires, il le renvoyait tout de suite, à son maître
quand il était serf, dans son pays quand il était libre, aux chefs
des corporations pour qu'il travaillât suivant son métier quand
il était « autochtone » - ; s'il ne voulait rien faire, on le chassait
de Constantinoj)le. Enfin — chose très intéressante — le ques-
teur paraîl avoir eu autorité sur les archontes de province car
il a droit de leur écrire et peut les traduire devant l'Empe-
reur-^
Mais, indéj)eiidamment de ces fonctions d'un caractère, en
l'éalité, assez peu judiciaire, le questeur rendait la justice et
connaissait de certains cas. C'est ainsi qu'il était juge compé-
tent dans les affaires de faux « -Aao-Toypacp'la o et par là, tout
naturellement, dans les questions de testament et de succession.
1/ ouverture et l'enregistrement des testaments se faisaient en sa
présence, et c'est devant son tribunal que se plaidaient les pro-
cès concernant les héritages, ([ue devaient se présenter les exé-
cuteurs testamentaires et que se jugeaient certaines affaires de
mariage*. Léon le Grammairien raconte une anecdote grâce à
laquelle nous pouvons nous rendre compte de ce double rôle du
questeur. C'était au temps de l'Empereur Théophile, grand ami de
la justice. In jour, une veuve vint à lui se plaindre de ce que
Pétronas. le beau-frère du basileus, avait, malgré la loi et la cou-
tume, élevé des constructions à une telle hauteur que, de chez
elle, elle ne voyait plus rien. La chose fut jugée, reconnue vraie,
et Pétronas, pour sa faute, lîattu de verges en pleine rue : puis le
1. Epanmj., \, 3, 70-71.
2. Ibid., 5, 71.
3. Ibid., 9 et 10, p. 7'K
'j. Proch., IV. -îV p. 3i. /achariiu. (ieschirhlc. 'Mn;).
i:r j. KMiMui: byzantin i ',-
questeur I -uslrathios, qui, sans doule. un ail parlicipé au juge-
mont, s'en allaavee ses antigraphes, Léon et Déinétrios, renver-
ser jusqu'en ses fondemenis la demeure de Pétronas^ : ce qui se
comprend fort bien étant donné qu'il faisait j)artie, d'une part,
du tribunal de l'Empereur, et que de rautre, ses attribidions
riaient d'ordre policier.
Le tribunal du questeur se conqjosait de six espèces de fonc-
tionnaires : un protochanceliei", des chanceliers, des scribes
pour les écritures, les comptes, les actes, etc. : puis des anti-
graphes (àvTiYpacpELç), un ekskeptor (Txi-Tfop) ou (sxTxi-Ttoo) et un
libellisios (\\^ùjJ.7'.oz). Les antigraphes étaient les subordonnés
et les aides immédiats du questeur. C'étaient eu\ qui l'accom-
])agnaient et l'assistaient dans toutes les affaires où il se trouvait
requis-, et qui. vraisemblablement, dirigeaient, sous son auto-
rité, l'administration dont il était le chef. Autrefois il y avait eu
(piatre antigraphes appelés « magistri scriniorum » préj3osés
aux quatre bureaux judiciaires -^ : mais au ix*" siècle nul texte
ne nous dit quel était leur nombre. Quant aux deux autres,
r « ÈxTxiTTTtop )) et le « Xi^z'/Jlmo:; », nous n'avons sur eux aucun
renseignement précis. Zachariap croit qu'ils n'étaient autres
que les notaires dont il est parlé dans la Pira et une novelle de
Constantin l^orphyrogénète K
Enfin, le troisième fonctionnaire indiqué par l^hilothée
comme appartenant à la classe des juges était, après l'éparche
et le questeur, le préposé aux pétitions (6 £7:1 tcov ocr^crstov), per-
sonnage de moins haut rang que les deux autres car, s'il jouit
encore des titres nobiliaires habituels aux soixante grands fonc-
tionnaires de l'Empire, il n'arrive au catalogue que le cin-
(luante-cinquième et ne paraît pas avoir eu, à Constantinople.
de subalternes à ses ordres. Nous ne voyons, en effet, nulle part
nommés les bureaux relevant de sa juridiction ou les fonction-
naires formant son entourage. La fonction essentielle du (( pré-
posé aux pétitions » fut toujours, jusqu'à la fin de l'Empire, de
centraliser à Byzance les demandes, suppliques, etc.. adressées
à l'Empereur. Il ne parait pas douteux, d'après les sceaux qui
nous ont été conservés, qu'il y ait eu dans chaque thème un de
1. Léon (iiaiiuii., io48. (Icorgcs Moine, 1012.
2. Ihid. et Cerem., 533; Pira, XIV, 11, p. 38.
3. Du Gange, au mot « àvTiYpacpôT; »
4. Zachariie, Geschichte, p. 308.
iA8
BASILE 1
ces préposés ^ Ces foiRiiojiiiaires jvcevaieni probablement les
demandes des particuliers et les transmettaient au préposé rési-
dant à Byzance qui examinait si elles étaient ou non rece-
vables et. suivant les cas, les présentait à l'Empereur ou les n^e-
tait^.
En résumé, nous avons donc à Byzance trois grands digni-
taires de l'ordre judiciaire : réparche, le questeur, le préposé
au\ pétitions. Les deux premiers magistrats ont chacun sous
leurs ordres un bureau composé dun certain nombre de fonc-
tionnaires. Si tous trois ont des attribuUons judiciaires, l'épar-
che et le questeur ont. en outre, ladministration de la police
générale de la ville el la luuUe surveillance sur les hommes et
les choses dans renceinle des murs. C'est par eux que se rend la
justice suprême : c'est i)ar leur autorité qu'agissent les juges
inférieurs, ce sont eux qui forment le trait d'union entre les
juges de pro\ ince, le peuple et l'Empereur.
Un certain nombre de questions secondaires se rapportant à
la justice méritent, en terminant ce chapitre, une rapide men-
tion. Sans avocats, il n'y a pas de procès: sans notaires, pas
d'acte légal possible. Comment se recrutaient ces deux classes
de professionnels du droit ? Sur les avocats (Tuvr^yopo».) nous
n'avons pour le ix*^ siècle aucun renseignement -^ : mais il n'en
va pas de même des notaires ou « TaêojAAap'.o'. ». Grâce au « Livre
du Préfet » nous savons qu'ils formaient à Byzance une corpo-
ration vivant sous l'autorité de Téparche et ayant à sa tête un
primicier. l ne fois ses éttides littéraires et juridiques termi-
nées, le jeune homme qui voidait devenir notaire se présentait
devant la corporation. Pour y entrer, il devait être élu par le suf-
frage du primicier et des tabidlaires qui s'assuraient auparavant
de ses qualités et de son savoir : qualités morales, cela va de soi,
qualités intellectuelles aussi. Tout d'abord, le futur notaire de
vait avoir une excellente écriture, chose importante entre toutes,
puis savoir par cœur les quarante Titres du Procliiron et con-
naître les soixante Livres des Basiliques, enfin avoir fait ses
classes « 7:a'.o£jG7,vs:!. Tf^^^ hfy.jyj.'.oy -a'IosjTiv » K Si l'examen avait
été heureux, le sylloge des notaires, ])rimicier en tête, le con-
1. SigilL, 493.
2. Zacliariir, Gescliichle, p. .'^56.
3. Cf. pour les époques snivaiiics. /;i(li,iri;i'. (,i'>;chirhlr. p. :U\-i.
4. 'Livre du Préfet, I, S a, p. 1 '1.
I.T L EMPIHi: inZVMIN 1 \ç)
(luisait auprès de répairho. Les uolaires juraieut qu'ils avaient
fait réloclion uniquemeut à cause de la scieuce. de la verlu et
des qualités du jeuue homme et point par amitié, recomman-
dation, parenté. Alors seulement conduit' au « secreton o de
réparche. il était définitivement reçu par le fonctionnaire qui
dirigeait le déparlemenl. La cérémonie civile accomplie, ou se
dirigeait vers l'église proche du domicile de l'élu où une céré-
monie religieuse avait lieu. Après quoi, il allait prendre pos-
session de son étude (xaOiopa) et le tout se terminait par de
joyeuses agapes ' et les dons habituels (o-jvr^Gs'.a',) à tous les chefs
hiérarchiques du nouvel élu : trois nomismes au primicier,
un nomisme à chaque tabullaire. six nomismes à la caisse de la
corporation -.
Cette cérémonie n'était pas une vaine parade. En réalité, elle
montre bien en quelle estime on tenait à Byzance tous ceux
qui, à un degré quelconque, s'occupaient de la justice et du
droit ; elle indique, en outre, d'une façon figurée, en quelle
étroite dépendance de l'éparche et de la corporation vivait
désormais l'élu. Le tabullaire pouvait toujours être requis pour
les processions impériales, à l'hippodrome, dans sa corpora-
tion, devant l'éparche et, sans raison, il ne devait pas s'exempter
de ces convocations sous peine d'une amende'^, voire même
d'être battu de verges ^ : mais aussi, une fois dans la corpora-
tion oii seuls vingt-quatre membres étaient élus, ayant chacun
un scribe^, il devait jouir des honneurs de sa charge. Autour
de la table, il a sa place marquée : nul ne doit l'injurier ou le
battre et s'il se rend dans l'étude de quelque confrère, celui-ci
doit aller à ses devants en signe de respect '\
Il est bien probable que si nous possédions le chapitre concer-
nant la corporation des avocats nous retrouverions à peu près,
pour eux, des prescriptions semblables à celles que nous venons
d'indiquer au sujet des tabullaires. Malheureusement nous
n'avons nulle trace de leur organisation. Ce que nous pouvons
sonlornent dire, en nous appuyant sur des documents posté-
1. Livre da Préfet, i, S 3, p- i^-
2. Ibid., i4.
3. Ibid., 4.
4. Ibid., 5.
5. Ibid., 23 el '4.
0. Ibid., 9.
l;30 BASILE I
rieurs comme la iiovelle de Coiistanlin Monomaquo « sttI tt,
àvaoîi^', xal TrooêoXr, toO oioao-xaAO'j twv vojjlwv » c'est que la corpo-
ration existait, qu'elle recevait ses nouveaux élus par élection,
à la suite d'un examen et que, probablement, les étudiants fai-
saient pour le notaiial et la carrière d'avocat les mêmes études
juridiques ^
Enfin une dernière question se pose que nous pouvons
résoudre avec les différents documents qui nous sont parvenus.
C'est celle des honoraires. Ces honoraires (sTrôpTOJAa, d'jyrfie'.ci.'.,
TuapaiJijQ'la!., £cp6o',a, £XTay!.aT'.xà) étaient, en partie, fixés par la loi
ou la coutume, en partie par le juge '-. A ce sujet, le « Livre
du Préfet » détermine avec une grande précision les cas où les
notaires peuvent recevoir un salaire. Les tabullaires recevaient
un salaire pour dresser un acte, faire un contrat, etc. Sur leurs
honoraires, ils devaient donner au scribe deux u xîpàTa »
par nomisme qu'ils touchaient. Gomme de nos jours le salaire
du notaire se calculait d'après les sommes indiquées au contrat.
Pour une affaire de cent nomismes, le Jiotaire recevait douze
kerata: pour une affaire dépassant cent nomismes, il recevait
un, deux nomismes. etc., suivant l'importance du contrat 3.
Telle était, autant que nous pouvons le savoir, l'organisation
de la justice à Byzance à l'époque de Basile. On voit par là
quelle gi*ande œuvre il entreprit en essayant de réorganiser ce
rouage administratif qui, par suite du défaut de lois écrites
indiscutables et universellement admises, pouvait, par sa com-
plexité même, devenir une effroyable machine d'oppression
entre les mains des fonctionnaires. Sans doute, Basile laissa
encore beaucoup à faire à ses successeurs dans ce vaste champ
on. jusqu'à lui. ivraie et bon grain avaient poussé en liberté,
C'est cependant un de ses plus nobles titres de gloire d'avoir
essayé d'arracher l'une pour laisser lautre plus abondamment
croître et grandir.
1. Livre du Préfet, Notes, p. 8/4, 85.
2. Zacliari.T, GeschicJUe, p. 36/».
3. Livre du Préfet, I, 20, p. 19.
CHAPITRE III
l admimstration interieure de l empire. evenements diners
d'ordre intérieur.
Une révolution comme celle qu'avait suscitée à son profit
Basile, ne pouvait pas n'avoir aucun sombre lendemain. Malgré
l'évidente bonne volonté dont il fit preuve dès le premier jour,
malgré ses efforts pour réparer le passé et améliorer l'avenir,
l'Empereur traînait derrière lui ce terrible boulet qu'étaient les
deux cadavres de Bardas et de Michel, Or, un peuple a beau
mépriser et haïr un régime, il a beau appeler de ses vœux
l'heure des suprêmes délivrances, lorsqu'il voit couler le sang,
il est pris de dégoût et il se révolte : son sauveur même lui
devient haïssable. Du reste, un gouvernement, si déshonoré
qu'il puisse être, a forcément ses adulateurs, ses parasites, ses
obligés et si toujours un certain nombre de ses partisans se
trouve prêta accomplir toutes les palinodies, à opérer tous les
ralliements, il en est d'autres qui, parce qu'ils ont eu à souffrir
du nouvel état de choses, deviennent inévitablement, a leur
tour, des révoltés. Basile n'échappa pas à cette loi. Bardas comp-
tait beaucoup d'amis ; Michel, de nombreuses créatures qui lui
devaient fortune, honneurs, fonctions. Sacrifiés par le nouveau
règne, déçus dans leurs espérances, ceux-là ne manquèrent pas
de s'insurger contre l'Empereur et de chercher à répéter pour
quelqu'un des leurs l'immorale leçon qui venait de leur être
donnée. C'est bien, au demeurant, ce qui explique, outre les
conjurations dont nous allons parler, la double et très distincte
tradition que se passèrent, d'un siècle à l'autre, les chroni-
queurs et les historiens de Byzance. Les uns sont partisans de
Basile et. à la suite de Constantin Porphyrogénète, louent à
l'envi, sa sagesse, son illustration, sa grandeur et sa bonté ;
les autres demeurent partisans de Michel et n'ont garde d'ou-
bUer les crimes, les cruautés, les faiblesses, l'ignorance et la
102 BASILE I
basse origine de leur nouveau maître : histoire secrète qu'on
se racontait sous le manteau de la cheminée et qui nous permet
à dix siècles de distance de nous faire une idée à peu près
exacte des origines de la maison macédonienne.
Ce sont là, en vérité, vengeances d'historiens qui ne durent
pas beaucoup émouvoir Basile. S'il pouvait lui être désagréable
d'entendre murmurer à ses oreilles l'histoire tragique des châ-
timents qui ne tardèrent pas à fondre sur ses amis, les meur-
triers de Michel — on racontait, en effet, que Jacobitzès ayant
un jour laissé tomber son épée à la chasse voulut descendre de
cheval pour la ramasser, que son cheval prit peur et qu'embar
rassé dans son étrier il fut traîné ainsi à travers vallées et pré-
cipices et écartelé ; que Jean Ghaldos, ayant comploté contre
l'Empereur dans son thème de Chaldée, fut crucifié par le stra-
.tilate André ; que des deux amis de l'Empereur, Asyléon et
Marianos. l'un fut tué par ses serviteurs et l'autre mourut de
la gangrène, etc. ^ — il dut se sentir plus directement atteint par
les conspirations qui s'ourdirent contre lui.
A peine Bardas était-il mort et Basile empereur que les
colères s'allumèrent contre lui. Basile, en effet, avait indigne-
ment trompé le gendre même de Bardas, Symbatios, en lui fai-
sant croire que l'Empereur voulait le couronner César et que
seul son beau-père mettait obstacle à sa fortune naissante. Il
n'en fallut pas davantage pour décider Symbatios à donner son
adhésion au projet que lui proposait Basile de faire assassiner
Bardas. C'était là pour le Macédonien unte brillante recrue.
"Symbatios était patrice et logothète du drôme et son exemple
ne manqua pas, sans doute, d'amener à la conjuration un cer-
tain nombre de seigneurs toujours en quête de fonctions à
remplir, de grades à posséder et dont, souvent, le meilleur
espoir d'avenir était de découvrir par avance l'heureux succes-
seur du Basileus régnant pour s'attachera lui. Aussi quand tout
ce monde se vit berné et dut prêter hommage au nouvel Empe-
reur, chacun put-il avoir quelque raison d'être parfaitement
mécontent. Symbatios lui, première dupe d'un valet d'écurie,
ne se contint plus. Il donna sa démission de logothète et
demanda un commandement militaire. Le thème des Thracé-
siens lui fut tout de suite accordé et c'est là, qu'avec le stratège
I. Sym. Mag., Vit.. Basil., m, 7^19.
ET L EMPIRE BYZANTIN l53
de rOpsikion, Georges Piganis, il recommença à comploter,
cette fois contre Basile. Aux cris de a longue vie à Michel, mort
à Basile » les deux stratèges brûlèrent les moissons et sacca-
gèrent les propriétés des grands seigneurs de Byzancc. Il fallut
aller réprimer la révolte avec l'armée. Symbatios et Piganis
furent pris ; on leur creva un œil et on les amputa d'une main.
Basile aurait pu les faire mettre à mort, mais il avait trop
besoin d'affermir son autorité, il avait trop de crainte encore de
voir tous ses plans échouer pour n'agir pas avec condescen-
dance. Il se contenta de ce supplice et envoya ses ennemis en
exil *.
La leçon était dure pour Basile. 11 comprenait que c'était à
son autorité qu'en voulaient ses ennemis et que plutôt que de le
supporter, s'ils ne pouvaient rendre à Michel et à sa famille son
pouvoir impérial, ils étaient décidés à lui susciter un autre pré
tendant, usurpateur comme lui. C'est pourquoi, dès qu'il fut
maître de l'Empire par l'assassinat de Michel, s'empressa-t-il
d'associer au trône ses deux fils, Constantin et Léon, « afin, dit
son petit-fils, d'enlever toute espérance et de donnera son pou-
voir des racines plus nombreuses et plus fortes -. n Et cela lui
réussit. Toutefois, pour autant, ses ennemis ne désarmèrent
pas. Au lendemain du meurtre de Michel, l'amiral Oryphas se
mit ouvertement à la tête du parti de l'Empereur défunt et ne
songea qu'à le venger. Il fallut qu'habilement Basile le gagnât
à sa cause 3.
Sur la fin de sa vie enfin, peut être l'année qui précéda sa
mort*, le domestique des Icanates. Jean Kourkouas. releva de
nouveau l'étendard de la révolte. Soixante-six conjurés, presque
tous hauts fonctionnaires ou membres du sénat, se groupèrent
autour de Léon qu'ils savaient fils de Michel et ourdirent une
nouvelle conjuration. Comme la première elle fut découverte.
Kourkouas eut les yeux crevés, les autres furent frappés de
verges, tous furent envoyés en exiP. Cette fois encore Basile
1. Vit. Basil., ch. xvii et wiii, p. ijôa, aôf] ; cli. vwiv, p. 380; Sviii.
Mag., ch. xLiv, p. 7^1 ; Georges Moine, p. io64.
2. Vit. Basil., ch. xxxiv, p. 280.
3. Sym. Mag., ch. 11, p. 749.
4. Sym. Mag., ch. xxii, p. 761.
5. Vit. Basil., ch. xlv, p. 298 ; Sym. Mag., ch. xxii,p.76i ; LéonGramm.,
1093; Georges Moine, p. 1088.
l54 BASILE I
n'osa aller plus loin dans la voie de la répression. C'est qu'il
sentait que cette nouvelle conjuration était un châtiment. Si
elle réunissait, après dix-neuf ans de règne, tous les anciens
partisans de Michel, si elle avait pour drapeau son fils putatif
Léon, il l'avait bien voulu. C'était son injustice, son impré-
voyance, sa faiblesse el sa crédulité qui en étaient cause. Voici
comment :
L'Empereur si énergique, si clairvoyant, si droit, quand il
s'agissait des affaires de l'Etat, était tout autre dans sa vie intime
et familiale. Tant que Constantin, son véritable fils, vécut, les
choses allèrent à peu près bien. Basile avait la certitude qu'il
régnerait et, par conséquent, pouvait négliger le fils de Michel.
11 avait été obligé de l'associer à l'Empire puisqu'il le faisait
passer pour son fils, mais cela n'engageait pas l'avenir. Cons-
tantin seul devait régner. Aussi la mort du jeune homme,
espoir et joie de son père, porta-t-elle à Basile un coup dont il
ne se releva pas. Mcétas, l'auteur delà } ie de saint Ignace, dit
formellement que l'Empereur devint fou et, malgré les préven-
tions et les antipathies de l'hagiographe, à examiner la con-
duite de Basile en certaines circonstances, on peut se demander
si Nicétas n'a pas raison *, d'autant que d'autres comme Léon le
Grammairien et Georges le Moine l'affirment-. Or. c'est peu
après la mort de Constantin, entre 880 et 881, alors que Basile
était très abattu par le malheur qui l'avait frappé, que Pho-
tius lui présenta le fameux Théodore, dit Santabarenos. Cet
homme venu de Santabaris en Phrygie, aux jours de sa jeu-
nesse 3. paraît avoir été manichéen ou paulicien el fils de mani-
chéens, et c'est peut-être pour cette raison qu'il avait eu des
difficultés avec le gouvernement de Bardas. Quoiqu'il en soit, le
César l'avait fait enfermer au Stoudion où il passa une partie
de son existence. Là il devint prêtre et fit connaissance avec
Photius qui le nomma higouniène du monastère, charge qu'il
dut résigner lors de la première abdication de son protecteur, à
la grande joie des moines *. Comme tous ses coreligionnaires,
Théodore avait un goût marqué pour les sciences occultes. Il
s'occupait de magie et de sorcellerie et savait en user au mieux
I. Vit. Ignat., p. 549-
3. Léon (rramm., p. 1092 ; Georges Moine, p. 108^4.
3. Vit. S. Theoph., xii, p. 7 ; note 10, p. 53.
\. Sym. Magist.. ch. xvîii, 706.
ET L EMPIRE BYZA.MIN 1 ."),">
de SCS intérêts. Miracles et prophéties, philtres et impostures
de tous genres avaient sur l'imagination byzantine trop d'em-
pire et d'attrait pour, qu'en habile homme, il ne profitât pas
de ses connaissances auprès de ceux qui voulaient bien s'y lais-
ser prendre. Basile était de ceux-là. Lorsque Photius eut retrouvé
grâce auprès de l'Empereur, il lui présenta son ami Théodore
qui ne tarda pas à être compté parmi les familiers du palais.
Bientôt même l'ascendant de Sanlabarenos sur l'esprit malade
de l'Empereur fut si complet qu'il se crut assez fort pour jouer
la grande comédie qui devait, dans sa pensée, assurer pour
toujours son influence et sa réputation : il proposa à l'Empereur
de lui faire voir son fils Constantin. Un jour donc, il entraîna
Basile, sous prétexte de chasse, dans un bois et se mit en
mesure d'accomplir sa promesse. La scène avait été préparée
d'avance. Basile, convaincu du pouvoir magique de Théodore,
attendait avec joie l'instant où il pourrait embrasser son fils
quand, tout à coup, à quelque distance, Constantin apparut à
ses regards. Troublé, ému, Basile voulut courir vers son fds,
mais il avait disparu avant que son père n'eût eu le temps de le
rejoindre. La pièce, néanmoins, était jouée. Elle avait produit
son effet. Sur l'emplacement miraculeux, Basile fit construire
une église et un monastère dédié à saint Constantin. 11 était
prêt à accepter tout ce que Théodore pourrait lui dire, à faire
tout ce qu'il pourrait lui demander, même à disgracier ses
meilleurs serviteurs comme le domestique des scholes André,
favorable à Léon ^ .
C'est que toutes ces impostures et toutes les calomnies qui les
accompagnaient avaient leur raison d'être et concouraient à un
plan déterminé : celui de faire disparaître Léon pour qu'à la
mort de Basile un autre lui succédât. Et c'est ici que se laissent
deviner, par un côté, les plans cachés de Photius. Le Patriarche
tenait par alliance à l'ancienne famille impériale. Dans son
âme il pouvait retrouver quelques-uns des traits caractéris-
tiques qui font l'iiomme de gouvernement, S'il avait accepté
une première fois le trône patriarcal et engagé la lutte avec
Kome. c'est qu'il espérait bien être, un jour, maître du pouvoir.
L'Empereur Michel, par sa conduite et son impopularité, pou-
vait servir ses rêves ambitieux : l'Empereur Basile les avait
I. Loon (Irninm., logS ; Goorgos Moine. i(»8'i : Smii. \I.iv..(Ii. wii. 7."',;.
150 Ii\SlI,E I
brisés d'un seul coup en lo destituant. Du reste ce n'était pas
avec un tel homme comme souverain que Pliotius avait cliance
de réaliser ses projets. Aussi ne trouva-t-il rien de mieux,
lorsque la faveur impériale lui permit de rentrer au Palais, que
de conspirer poui* perdre Léon. L'heure était propice. L'Empe-
reur malade n'avait plus son énergie d'autrefois : de plus il
détestait son fils. Tout pouvait donc servir les desseins du
Patriarche. Théodore fut chargé de mettre le plan à exécution.
Il commença par circonvenir Léon — qui le haïssait et ne se
faisait point faute de le traiter devant son père comme il le
méritait' — et l'engagea, maintenant qu'il était d'âge à le faire,
à porter dans ses bottes un poignard dont l'utilité pourrait
être gi'ande à l'Empereur, soit à la chasse, contre les bétes
sauvages, soit contre ses ennemis'-. Le conseil plut à Léon qui
ne se méfia pas de ce grossier piège. Il ne se doutait pas que
Théodore le représentait à Basile comme un factieux, comme le
chef du parti de Michel, comme prêt à tuer son père et qu'il
donnait, pour preuve incontestable de la vérité de ses dires, le
poignard dans les bottes de Léon. V son tour, une fois de plus,
l'Empereur se laissa prendre. Peut-être, du reste, était-il heu-
reux de trouver ce motif pour définitivement écarter du trône
le fils de sa Aictime et laisser le pouvoir à Alexandre, son Aéri-
table fils. En tous cas Léon fut convaincu de vouloir attenter à
la vie de son père et, pour ce fait, enfermé lui, sa femme Théo-
phano et son petit enfant dans une étroite prison -K L'Empereur
parla même de lui crever les yeux. Il fallut, pour l'en empê-
cher, l'intervention de Photius et de Stylianos, futur beau-père
de Léon ^ Théodore était donc arrivé à ses fins. La place était
libre car Alexandre était encore un enfant. Malheureusement
Photius et ses amis avaient compté sans le parti de Michel. Au
cours des tiois mois que dura l'internement de Léon eut lieu la
révolte de Kourkouas dont le but était la délivrance du prince
héritier. Elle échoua, en vérité, mais l'opinion publique
remuée obtint ce que la conspiration ne put gagner. Au cours
d'un dîner auquel la cour assistait, on entendit un perroquet,
1. « TùT,; xai à-rza-rewv ». Vita Basil., cti. c, p. 3G5.
2. Ibid.
3. Vit. S. Théoph., S 12, p. 8.
4. Ibid., S 16 et seq., p. 11 et seq. ; Vit. Basil., ch. c. p. 365 ; Georges
Moine, p. 1084 ; Sym. Mag., ch. xxi, p. 760.
Il I I.MI'IRI:; m/VMl\ 1.)-
savamnienl rdiKiué. jvclamer l'élargissement de Léon. Chacun
donna raison à l'oiseau, tort au souverain et, devant l'unanime
volonté des grands, racontent les chroniqueurs, les sages aver-
tissements de Stylianos. dit l'anonyme auteur de la \ ie de sniiilc
Théophano. Basile rendit à Léon sa liberté et ses droits '. Pour
une fois Théodore était battu. Il comprit qu'il n'avait qu'à fuir.
Sacré évéque d'tluchaïte dans le Ponl, durant le second ponti
ficatde Photius, il s'en alla dans son diocèse avec l'espoir d'y
trouver la sécurité '-. Malheureusement pour lui ses projets ne
lardèrent pas à être dévoilés. Aussi dès que Basile eut evpiré,
un tribunal, sur l'ordre du nouvel Empereur, se réunit-il pour
juger Photius et Santabarenos. Sans ambages, ils étaient accu-
sés d'avoir voulu susciter à Léon un compétiteur dans la per-
sonne d'un parent de Photius. Le Patriarche fut. de nouveau,
destitué et s'en alla mourir, exilé dans un couvent ; Théodore,
frappé de verges et aveuglé, fut envoyé en Asie, puis à Athènes.
11 mourut sous le règne de Constantin et de Zoé à Constanti-
nople, où, longtemps après son avènement. Léon l'avait rap-
pelé-^ Si le procès qui fut fait à Photius et à Théodore ne parvint
pas à démontrer juridiquement que le but qu'ils poursui-
vaient était la destruction de la maison macédoniennne. l'opi
nion publique, elle, n'en resta pas moins convaincue de la
réalilé du complot, à tel point que Stylianos, évéque de Néo
Césarée. écrivait formellement au pape Etienne peu après l'avè
nement de Léon, que le projet de Photius et de Santabarenos
avait été d'éloigner l'héritier afin de pouvoir prendre eu mains
l'Empire et. soit par eux-mêmes, soit par un autre, toute l'admi
nistration, « a-jTO', xa^sçojT», tt.v j^aT'.ÀS'lav r, o[ sa-jTwv, r, o». £T£pO'j,
Basile, cependant, aucours de son règne n'eut [)as (pie des
sujets d'angoisse et de tristesse. Bien des jouis vinrenl. parfois,
éclairer d'un soudain et gai rayon le ciel si sou\enl Irisie cl
menaçant de son existence et lui faire oublier, par un inslani
de bonheur, de quel prix il payait la réalisation de .ses rêves
ambitieux. Ce furent les joies orgueilleuses du souverain
faisant sa triompliale enliée à B\zance après avoir xaincii ses
I. ] il. li(mL, ch. r.i, p. [S()^ ; Sym. \[ajr., eh. \vi, j). 7O0.
:>.. VU. Siv Thcoph., 16, p. 11.
'.\. î^éon Graimii., 1097,
\. Siylinn, Mansi. \VI, j). \X\.
l58 BASILE I
ciiiicmis ' ; ce furent les bonheurs plus iuliuics de la famille,
par la naissance successive de ses deux fds légitimes. Alexandre
et Etienne et le mariage qu'il imposa à Léon avec S**" Théo-
phano : ce furent aussi les douces satisfactions de l'amitié lors
du fameux voyage de Daniélis à Byzance.
Ce voyage de l'illustre et puissante veuve semble avoir occupé
singulièrement limagination byzantine. C'était, cependant,
chose bien naturelle que cette femme âgée, qui avait connu
autrefois l'Empereur dans la plus modeste condition et avait aidé
de sa fortune les débuts de sa carrière, vint lui rendre visite
maintenant que toutes les prédictions auxquelles elle avait cru
se trouvaient réalisées. Il est probable que si les contemporains
tirent aussi giand état de ce voyage, c'est surtout à cause du
luxe qui fut déployé en ces jours de fête. Du fond de sa province.
Daniélis se fit transporter en litière par trois cents jeunes gens à
son service, jusqu'à Constantinople. Elle était suivie d'un
immense cortège d'esclaves, porteurs de présents si magnifiques
et si nombreux qu'ils firent l'étonnement de tous. L'Empereur
reçut solennellement à la Magnaure sa bienfaitrice d'hier et d'au-
jourd'hui, accepta tous ses cadeaux et lui en fit à son tour, la
combla d'honneurs et de dignités et ce fut, plus puissante
encore que par le passé, qu'elle rentra dans le Peloponèse,
après un long séjour auprès de l'Empereur -. Ceci se passait un
peu avant 88 1. époque de la consécration de la u Nouvelle
Eglise » car Constantin Porphyrogenète nous rapporte que
lorsque la pieuse veuve vint à Constantinople l'édifice se cons-
truisait et était suffisamment avancé pour qu'elle en put faire
mesurer l'intérieur afin d'envoyer de ses fabriques, des tapis
et autres objets. Du reste ce qui ne permet pas de placer beau-
coup plus tôt le voyage de Daniélis. c'est qu'âgée déjà, du
Aivant. de Basile, elle put revenir encore une fois à Byzance
sous le règne de Léon. C'est donc aux environs de 880 qu'il
faut placer cet événement qui fit dans Constantinople autant et
plus de bruit que l'ariivée d'un souvoiaiii.
1. Cf. plus bas. los affaires militaires.
2. Mf. Basil., (h. i.\\i\ cl lwn, p. 333.
i:i I. KMIMlli: mZANTIN
II
Unpixn Ici' ^^ilupk'HK'nl les ivcils si sumcnl naïfs cl cnranliiis
(les chioniqucurs à ])ropos (Vim règne serait, ee seinl)le. d'assez
inédioere intérêt et de portée bien ])eu eonsidérable : mais
lorsqn'ils sont remis dans le cadre général des institntions
d'une époque, ces récils d'abord insigniiiants se revêtent
soudain de vie et de lumière. Ils deviennent plus compré-
hensibles, ils se font plus instructifs et ce n'est point cliose
rare qu'ils ouvrent le chemin fermé qui conduit à l'entière
vérité. Il me semble donc utile de continuer, à propos des évé-
nements dont il vient d'être question, l'étude plus large et |)lus
féconde des institutions byzantines au temps de F3asile l". en
essayant, après avoir parlé des institutions financières et judi-
ciaires, de décrire, dans la mesure du possible, le mécanisrne
du gouvernement intérieur de l'Empire soit à Constantinople,
soit dans les provinces.
L'administration générale de l'Empire aboutissait, comme
nous l'avons dit déjà, dans les dix bureaux ou ministères qui se
trouvaient à Conslantinople. Nous connaissons quatre de ces
« sécréta » ceux dont les attributions étaient spécialement
financières ; nous retrouverons, en nous occupant de l'armée,
d'autres bureaux militaires. Ce qu'il s'agit d'étudier ici ce sont
les ministères de l'Intérieur et leur fonctionnement.
\ la tête de l'administration générale de l'Empire se trouvait
le sacella'ive (6 craxsÀAapw;), personnage important qui pouvait
être patrice. proconsul, etc.', et posséder même, à côté de sa
fonction de sacellaire. une charge antique. A l'époque de
Léon VI il était inscrit au trente-deuxième rang dans les listes
de la noblesse impériale ; mais à l'époque de Basile il devait
être sans doute le vingt-neuvième. Tels étaient, par exemple.
Baanès et Etienne au iv'^ siècle que les u Cérémonies » et les
actes du Concile de 869 désignent l'un comme patries, l'autre
comme patrice, préposite et sacellaire. Nous connaissons par la
« Vita Basilii 0 comme parles actes du Concile de S69 l'activité
I. Ccrem., iHVi-
l6() BASILE I
et rinflueiice de Baanès sous le règne de Basile '. Le sacellaire
a va il ])ovir mission de snrveiller les affaires qui se traitaient
dans tons les bureaux. Le notaire de chaque u secreton » lui
apportait les registres (>:aTaypa!pal) qu'il vérifiait, et c'est lui,
sans doute, qui adressait au souverain les rapports concernant
l'administration générale- tant de la ville que des thèmes, tant
des services militaires que des impôts et des hospiceg. En
somme, c'était le premier personnage dé l'Empire en ce qui
concernait l'administration générale. Il n'avait la charge spé-
ciale d'aucun ministère, il les dirigeait tous, ce qui ne a eut pas
dire, toutefois, qu'il était premier ministre. Cette charge n'exis-
tait pas toujours et quand l'Empereur faisait choix d'un premier
ministre, il le choisissait où bon lui semblait. Généralement
il prenait le logolhète. Tel ïhéoctistos. sous ïhéodora.
Chaque ministère se composait d'un chef suprême, le plus
souvent grand seigneur et toujours, par sa fonction même,
j)ersonnage d'impoitance. A ses côtés travaillait toute une foule
de scribes et de fonctionnaires de second ordre qui se parta-
geaient l'écrasante besogne des affaires courantes. Psellos nous
a laissé un amusant tableau de la vie intérieure d'un de ces
ministères dont il fit partie durant sa jeunesse et qui ne diffère
pas beaucoup de certains autres plus rapprochés de nous. Un
travail énorme accablait les malheureux employés qui n'avaient
guèie de stimulant pour le joyeusement accomplir. Bien au
contraire. Partout c'étaient des intrigues qui s'ourdissaient
entre fonctionnaires et c'était à qui damerait le pion à l'autre.
L'un meltaiten avant son ancienneté, un autre cherchait à se
distinguer par sa rapidité à écrire ou par ses connaissances
variées, un troisième avait l'oreille d'un chef et en profitait
pour faire de faux rapports. Parce qu'il fallait beaucoup de zèle
et de science si l'on voulait percer, parce que, facilement, on
était menacé de renvoi ou grondé, la jalousie et l'animositc
régnaient en maîtresses dans ces lieux <( qui ne sont pas
j)référables à la géhenne -^ »
Tandis qu'aux affaires financières se raltachaient les minis-
tères du logothète du Trésor, du préfet de l'idikon et des cura
leurs, aux affaires militaires les ministères du logothète de
I. Cerem., gSS. Maiisi, XVI. 8i.
3. Ibid., iSao.
3. PscUos, V, 2 '48-953,
ET l'empire byzantin i6i
l'armco, aux affaires intérieures se rattachaient spécialement
cinq ministères : ceux du charlulaire du sakkellion, du logothète
du drome. du cliartulaire du vesliaire, du grand chancelier et
de lorphanotrophe auxquels on peut ajouter, bien qu'il n'ail
pas eu de bureau spécial, le cliartulaire du caniclée.
Le sacellaire n'avait pas à proprement parler de bureau,
étant inspecteur général de tous les ministères. C'est ce qui
explique que le sakkellion (a-axxÉÀXiov) avait à sa tête un simple
charlulaire (6 yoLp':o'j\'xp<,o:; -zo'j o-axxîXX'lou) du reste, personnage
de haut rang, le quarante-cinquième dans la hiérarchie byzan-
tine, pouvant être honoré des titres nobiliaires les plus enviés.
Lorsque Basile monta sur le trône, il nomma à cette importante
dignité un frère de Ihigoumène Nicolas, PauU. Comme son
nom l'indique, le cliartulaire du sakkellion était un fonction-
naire d'ordre financier. Mais qu'était cette bourse (TaxxsAA'.ov)?
Les textes ne le disent pas très clairement et les attributions
réservées aux officiers établis sous les ordres du cliartulaire,
souvent utiles pour se rendre compte de Torganisation de
chaque ministère, ne nous donnent cette fois aucun renseigne-
ment bien précis. Cependant il me semble qu'on ne s'éloigne-
rait pas beaucoup de la vérité en considérant le « sakkellion »
comme le bureau du u sacellaire » que le charlulaire dirigeait.
Là, aboutissait en dernier ressort toute l'administration byzan-
tine, non pas au point de vue de l'expédition des affaires, mais
uniquement au point de vue de la surveillance générale de
tous les rouages gouvernementaux, spécialement des rouages
financiers. On conçoit facilement, en effet, que la tache du
sacellaire eût été impossible s'il n'avait eu, pour le seconder,
des fonctionnaires chargés de se partager le lourd fardeau qu'il
assumait. Aussi bien est-ce ce que nous pouvons conjecturer,
avec quelques chances de dire vrai, par la composition même
du bureau du chartulaire. Quels sont, en effet, les officiers que
nous trouvons mentionnés comme faisant partie du u sakkel-
lion » '?
C'est tout d'abord, — avec le cortège habituel composant
les bureaux de grande importance et exigeant beaucoup
d'écritures : protochancelier, notaires, chanceliers, — les pro-
I. Léon Gramm., 1089.
11
l62 BASILE I
tonolaires des thèmes (TrocoTovoTâoio!, twv OsjjiàTcov). Ces person-
nages civils nous sont assez bien connus. Comme tous les
fonctionnaires en résidence dans les thèmes, les protonotaires
n'avaient qu'un rang nobiliaire assez inférieur et leurs fonc-
tions étaient uniquement financières. Ils ne paraissent pas,
cependant, avoir jamais levé directement les impôts ou rempli
les fonctions dépopte et de dioecèle. Non. Ils dirigeaient
l'administration civile du thème de concert avec le stratège,
recevaient de « l'î'.o'.xôv » l'argent nécessaire pour payer les
soldats, les frais de table de l'Empereur, les envois de vivres
et de munitions nécessaires à l'armée : ils s'occupaient de
la colonisation de leur province et centralisaient les impôts
perçus par leurs inférieurs ^ En un mot ils étaient, comme
dit Léon VI, les chefs de l'administration civile-, les pre-
miers représentants civils des thèmes. Ils avaient la surveil-
lance de l'administration et détenaient les clefs du trésor pro-
vincial que le stratège lui-même ne pouvait ouvrir sans leur
consentement. On conçoit qu'un tel fonctionnaire ne devait
pas relever du logothète du Trésor mais bien du bureau du
sacellaire, ministère de surveillance générale puisqu'en fait une
de ses plus importantes fonctions était de surveiller les subal-
ternes du logothète -^ Un de ses privilèges paraît avoir été de
communiquer directement avec l'Empereur*.
2" Les xénodoehes et girocomes, les chartulaires des (saintes
maisons [^zyooh'/o'., vr,pox6jJLOi., yapTO'jAap'.o', twv ol'xtov). A pre-
mière vue il est assez étrange de trouver ces sortes de fonc-
tionnaires dans le bureau du sacellaire. Cependant eux aussi
avaient des attributions administratives d'ordre général et de
première importance. Les xénodoehes et girocomes étaient les
représentants officiels de l'assistance publique partout où s'éle-
vaient maisons hospitalières et conventuelles. Les unes et les
autres, en effet, étaient nombreuses à Constantinople et nous
savons par Constantin Porphyrogénète, que son grand-père en
I. Cereni., 84o. Rainbaud. op. cit., -ioo aoi.
•i. Tnctik., livre IV, 3i.
3. Ce sont, sans doute, les successeurs des procurateurs romains et des
deux « tabularii » qui, sous Justinien, s'occupaient dans les éparchies des
affaires financières (BasUik., M, xxxv, pp. 287, 288).
4. Rambaud, p. 200.
i;i i/i;mpire byzantin iG3
lit construire un <»'rand nombre — une centaine environ —
pour les pauvres (TrrtoyoToocps^a), les étrangers (çcvcovcç), les
malades (voToxouLc^a) et les vieillards (yr,poxo[Ji£^a) '. Or tous ces
asiles émargeaient au budget suivant le principe de droit
byzantin que le fondateur d'un monastère ou d'un hospice,
qu'il fût particulier, Patriarche, Empereur, du moment qu'il
avait planté la croix (TTajpo-y^y.ov) était tenu de subvenir à son
entretien comme de l'administrer. On comprend que c'était là
pour le basileus une lourde charge et que, sans une surveillance
continuelle des fonctionnaires grands et petits dont les œuvres
charitables relevaient, les finances eussent bien vite été par
trop obérées. Il en allait de même des monastères (les saintes
maisons) et des établissements de bienfaisance répandus sur
tout le territoire de l'Empire. Mais si hospices et couvents
avaient part aux libéralités du basileus, les uns comme les
autres devaient, à leur tour, payer des redevances et accepter
des corvées spéciales qu'il fallait exiger et faire respecter. Aussi
bien était-ce le rôle de ces fonctionnaires dépendant du chartu-
laire. Tous les monastères, au reste, paraissent avoir eu un
tuteur laïque chargé de l'administration matérielle du couvent.
Il est bien probable que c'étaient eux qui faisaient l'olfice
d'intermédiaire entre la communauté et le chartulaire.
3" Le zigostate et les métrites ( vjyo TTàTY.ç, aîTOTitai). Si nous
avons des données assez certaines sur les fonctionnaires qui
précèdent, nous sommes obligés pour ces derniers de nous en
tenir à de pures conjectures. Que pouvaient être ces fonction-
naires ? Aucun texte, que je sache, ne nous le dit, ni même ne
l'insinue. C'étaient, probablement, les gardiens et vérificateurs
des étalons divers : d'or, d'argent ou d'autre métal, conservés à
Constantinople et dans chaque église de province afin de
permettre le contrôle des poids et mesures emph)yés pour la
perception des impots -. Ils avaient, sans doute, aussi la cliarge
de vérifier dans toutes les grandes villes, par le pesage ofiiciel.
les matières et monnaies d'or en ciiculation. au moyen de
« l'exagium solidi ».
Enfin reste à nommer le domestique de la scène (oojjlétt'.xo;
I. Vit. Basil., \r,in, 350.
1. Cf. SchUimher gcr, Méla/ujes d'arcliéolog. byzantine, p. -u ci 3i.'). Saba-
ticr, [. r)3.
lO'l BASILK I
TT^ç h'j<.xi\;\z). personnage sur les i'nnelions duquel nous ne
savons rien ^
Le lotjothète du drame (6 Aoyc/fliTY.ç toj opô|j.oj) (Hait le chef des
postes impériales. \ Tépoqne qui noiis^ occupe il n'avait pas
encore acquis limmense imporlance qu'il eut dans la suite,
mais déjà on la peut deviner. Vu iv'' siècle il nesl que l'égal
de lous les grands fonctionnaires de l'Iùiipire. le l\-j'' dans les
listes olficielles. revêtu des dignités habituellement conférées à
ses pairs-. Ses attributions, sans jdoute, sont tout d'abord la
surveillance de la poste et de Tadministration que ce service
réclame: mais elles commencent à s'élargir insensiblement et
c'est à supplanter tous les autres ministres qu'il lend d'une
façon, du reste, probablement très inconsciente. Le jour n'est
pas éloigné où. de son titre, les derniers mots tomberont pour
ne laisser subsister que le premier et, dès le x' siècle, il ne
s'appelle plus que le logothètc tout court. C'est que ce sont ses
allributions mêmes qui le poussent au rang suprême et finirent
par le créer premier ministre '\ La poste impériale, en effet,
qu'étail-elle donc sinon le véhicule obligé de loute la vie poli-
tique? Elle transporte la correspondance olïîciellc aussi bien
que les fonctionnaires: elle amène les ambassadeurs étrangers
comme elle emporte les exilés. Par la force des choses, le
fonctionnaire chargé d'un aussi grand service doit arjivej-
à un haut rang et s'imposer à l'attention du prince. Aussi
voyez-le. Son office le met. avant tout autre, en relations
avec les ambassadeurs. A l'avance, il sait qu'ils doivent venir
rendre Aisite au souverain et il leui" expédie voitures et che-
vaux rapides: il donne des ordres à toutes les stations* pour
les bien recevoir, et quand ils arrivent à Constantinople, c'est
lui. tout naturellement, ([ui ^ient à leur rencontre. Dès lors,
les connaissant déjà, la charge lui revieni de les présenter au
I. 11 ne serait pas éloiiiiaul ({iTil > ail ou dans le luaimscrit faute de
copiste ou de lecture. Cf. le chartulaire du vestiaire et ses subalternes.
'i. Le sceau de Stylianos porte bien le titre de niagistros, mais ce n'est pas
vraisemblablement parce qu'il était logotliète qu'il eut ce titre, mais à cause
de sa grande situation personnelle dans l'Knipire (Scblumberfier, Sigil-
hg., 53;^).
3. Tbéoctistos, sous Tbéodora, Stvlianos, à la tin du rè<rne de lîasile, soîiI,
tout à la fois, logothètes du drôme et premiers ministres.
4. Ce sont les « ot,;xÔ!J'.oi ïr-.rf. » et les <( ^rxOjxo' » dont [)ailç Cedrenus
(Cedren.. iiôa).
i:i I. i:mi'ii',i: \\\ /. wi in iOj
Basileiis. el d\Hre entre lim cl laiilrc riiilcrinédiaire habituel.
De là à devenir ministre des affaires étrangères il n'> a qu'un
pas. D'autre part, il signe les ordres inipérauv qui partent
pour les provinces et il les fait exécuter. Chaque jour, sauf le
dimanche, il se rend au Palais pour les affaires courantes ^
Comment, dans de telles conditions, ne serait-il pas conduit à
devenir ministre de l'intérieur? Et c'est de fait ce qui ne tarda
pas à arriver. Pour le ix" siècle, cependant, il semble bien que
la fonction de logothète n'entraînait pas encore forcément celle
de premier ministre. Nous savons en effet ([ue si Théoctistos fut
logothète el premier ministre. Symbatios ne dirigea en rien les
affaires publiques, ni non plus son successeur Gumer-, ni non
plus le patrice Jean qui fut logothète du drôme sous Basile.
Le livre des Cérémonies parle beaucoup du logothète de la
course et, grâce à lui, nous pouvons nous faire une idée assez
exacte de ce qu'était ce personnage. Par sa situation adminis-
trative, le logothète fait partie de l'entourage immédiat de
l'Empereur. Il est un des premiers à saluer l'Empereur, le
matin, avant tous les autres dignitaires, et, s'il ne vit pas
dans la familiarité de l'Empereur, au sens étymologie du mot,
comme le préposite et les chambellans, on se rend fort bien
compte qu'il tient une place à part entre ceux-ci et la foule des
grands personnages qui ont droit de réception^. Aussi doit-il
suivre l'Empereur partout oii il a a, dans les processions *
comme à la guerre, car partout le souverain a besoin de sa
présence. Mais c'est surtout dans les relations de l'Empire
avec les étrangers que le logothète joue un rôle considérable.
Quels que soient les légats qui arrivent à Byzance. qu'ils viennent
de Syrie, de Rome, de Bulgarie ou d'Allemagne, c'est lui qui
les reçoit et les présente à son maîtres Un protocole rigou-
I. Cerem., 980.
•2. La raison on est du roslo livs simple. CCsl (inalors deux puissantes
individualités gouvernaient l'Empire : Bardas d'abord, Basile ensuite. Dès
la fin du règne de Basile, Slylianos se retrouve logothète et premier
ministre. A\ant Théoctistos, les logolhètes Mcéphore et Slaurakios avaient
été premiers ministres et administraient tout TEmpiie. iTheoph., 920.
Mansi, xvi, 18).
3. Cerem., 120, lyi.
4. Ibid., io32.
.'1. Ibid., 1049, iioo. Liutprand raconte que lors de sa légation à Constan-
tinople, il fut introduit en présence de Léon, curopalale et logothète.
{Legatio, u, p. 347).
lG6 BASILE I
rcu\ règle les questions quil doit leur adresser' et c'est devant
lui que se traitent toutes les affaires pour lesquelles ils ont été
envoyés.
Par ces deux fonctions bien distinctes du logothète s'explique
la composition de son ministère. A en croire les sceaux le
bureau du logothète ou logothésion se serait divisé en deux
grandes administrations, l'une pour l'Occident, l'autre pour
l'Orient-. La chose est en effet possible, vu la différence com-
plète qui existait dans la façon d'administrer l'une et l'autre
partie de l'Empire. De plus, il est bien vraisemblable que les
mêmes fonctionnaires ne pouvaient être également au courant
des choses très embrouillées qui concernaient Rome et la Bul-
garie, je suppose, et de celles ([ui concernaient les Vrabes ou les
Arméniens. Toutefois aucun texte ne corrobore la mention
u d'Orient et d'Occident ^) rencontrée sur les sceaux. Quoiqu'il
en soit de ce fait, le logothète avait sous sa juridiction deux sortes
de fonctionnaires : les uns au service des postes, les autres au
service des affaires étrangères. Le prototwtaire du drôme et 1rs
charfidaircs du drame s'occupaient de tout ce qui avait rapport
à la chancellerie du ministère, expédiaient les ordres et la cor-
respondance, et tenaient registre des innombrables affaires qui
passaient par les bureaux. A leur suite venaient les épiskeptites
(sTrî.cxsTtTiTa».) dont la mission devait, sans doute, consister à
faire les rapports concernant les ambassades comme à sur-
veiller, soit à Byzance, soit dans les provinces, les voyages des
légats et autres personnages officiels. Des interprètes (epuLr,-
vcj-.aî) étaient à la disposition du logothète pour les affaires qui
se traitaient en langues étrangères; enfin \q curateur de l'apo-
krisiarion (xojoàTwp toO aTOxp'.a-t.ap'.s'lo'j) avait probablement la
charge de veiller à l'entretien des ambassadeurs pendant leurs
séjours à Byzance : frais de table et de plaisirs, fonctionnaires
les accompagnant dans leurs courses et leurs visites, etc
Quant au service postal, il était représenté dans les bureaux du
logothète par les « o'-aTpr/ovTs: o ou courriers, vraisemblable-
ment les successeurs des « veredarii -^ » d'autrefois et par les
1. Cerem., i250.
2. Sciiluinber<^er, Sigillographie, 484-
3. Audollent : les veredarii fMêhing. d'ArrJi. et d'hist. de l'Ecole franc, de
Rome, i.v, 1889).
ET l'empiiu: b\zamin 1G7
mandatores chargés de porter dans les provinces les ordres
impériaux.
Ainsi donc, nous sommes dans ce bureau, au centre même
de Tadministration intérieure de l'Empire. C'est là que viennent
affluer toutes les affaires, c'est de là que partent tous les
ordres qui régissent des millions d'hommes. Si la politique
extérieure et intérieure de Byzance ne s'y traite ni ne s'y décide
pas, du moins elle s'y élabore et s'y exécute, et l'on comprend
aisément que son chef suprême tende assez facilement à deve-
nir seul premier ministre, et, au nom d'un souverain en titre,
à administrer tout l'Empire.
Le ministère dont le chef était le chartukdre du vestiaire
[6 yapTO'jAâpLoç toO Jiis(rTt.apio'j) n'a pas pour nous des attributions
aussi claires et précises que le précédent. Ce devait être, très
probablement, quelque chose d'assez semblable à ce qu'était
dans l'ancienne monarchie, le'chef de la maison du roi, au moins
en certaines de ses attributions. Le vestiaire (to ji£a":',àp!.ov) était
tout d'abord, en un premier sens, l'endroit où l'on serrait les
multiples objets nécessaires aux cérémonies du Palais : voiles
et tentures, mobilier, habits royaux, vêtements des grands
dignitaires ^ œuvres d'art, etc. Il se trouvait non loin delà
chambre à coucher de l'Empereur et avait pour sa garde et son
entretien un nombreux personnel de vestitores avec un pri-
micier et, à leur tête, le protovestiarios- ; mais le vestiaire
était aussi, par extension, le bureau qui s'occupait de ce service,
autrement dit, de l'administration intérieure du Palais. Le
chartulaire en avait la direction. Peut-être ne portait-il ce
titre qui peut paraître inférieur que parce qu'il dépendait en
tout ou en partie du fonctionnaire eunuque dont nous avons
parlé, (( le protovestiarios ». En tous cas, c'était, lui aussi, un
personnage important. Son nom figure sur les listes au qua-
rante-sixième rang parmi les soixante grands fonctionnaires
de l'Empire et, comme eux, il pouvait aspirer aux premières
dignités de proconsul et de patrice.
Le bureau du chartulaire se composait, indépendamment
des notaires impériaux, d'un ken ta relie (xivTapyo;), officier
peut-être militaire, chargé d'assurer quelque service d'ordre
I. Cerem., \ii.
■i. Cerem., 808.
iG8
BASILE
au Palais; d'un legalaiios (AsyaTàpio^;), d'un trésorier (àpytov Tf.z
yasay/lç), d'un exartiste (scaoTio-Tr^ç) dont la fonction nous est
inconnue, mais qui peut-être présidait aux achats et com-
mandes concernant d'une manière spéciale, l'habillement et le
mobilier de la cour: d'un chartulaire ou archiviste, de plu-
sieurs curateurs chargés de l'entretien et du soin du vestiaire ;
de chosba'ites (yoTêaYÎTa'.) sur lesquels nous n'avons aucun ren-
seignement^ ; de protomandatores, comme tous leurs sem-
blables, destinés à transmettre, soit les ordres de l'Empereur,
soit ceux du chartulaire du vestiaire et enfin du domestique de
la scène (o gouég-tixoc tt,; Oj;j.iA7,ç) dont la mention est placée
dans la notice de Philotliée — par eneur je crois — parmi les
fonctionnaires du chartulaire du sakellion, mais dont les attri-
butions revenaient au ministère qui actuellement nous occupe 2.
On le voit : nous ne savons presque rien de ce bureau
d'ordre administratif; mais le peu que nous en devinons
laisse bien voir, ce me semble, qu'il avait été institué pour le
Palais, le service de l'Empereur et de la Cour.
Enfin, comme bureau s'occupant des affaires intérieures,
nous avons la chancellerie proprement dite. Sans doute,
chaque ministère avait eji son sein des chanceliers chargés de
rédiger les actes concernant radminisiralion dont ils rele-
vaient ; mais ces actes étaient purement d'ordre privé, en ce
sens que les chanceliers des a sécréta » prenaient simplement
copie et enregistraient les pièces qui passaient entre leurs
mains, pour être placées dans leurs archives respectives. A la
chancellerie impériale, au contraire, revenait le soin de dres-
ser les actes publics, ceux que l'Empereur signait et auxquels
était apposé un sceau. C'étaient les lettres envoyées aux cours
étrangères, les chartes délivrées aux couvents, aux églises,
I. Dans un passage du Livre des Cérémonies (p. \8g) antérieur au
IV' siècle, nous les voyons signalés connue devanl garder la salle dans
laquelle le trône a été élevé.
3. Le domestique de la scène fait partie, en etîet, dans l'édition de
Reiske, du ministère dn chartulaire du Sakkellion. Or il est évident qu'un
tel fonctionnaire n'a rien à faire dans ce bureau et que sa place naturelle
se trouve parmi les fonctionnaires du cliartulaire du vestiaire. Cette attri-
bution paraîtra d'autant pins Maisemblable qne dans la notice de Philotliée
la mention du bureau du chartulaire du Sakkellion précède inunédiatement
celle du bureau du chartulaire. Il est probable qu'il y a eu erreur de
copiste on de lecture et simple ij-iterversion de ligne.
I
Il I. l.MPlKi; in/VMIN l()()
aux jHMsoiiiu's t"a\()risiV's do quokfue <^ràce, los diplômes ou
codicilles conférés aux dignitaires el toneliomiaii'es. lors de
leur promotion.
Comme tout ministère, la chancellerie était présidée par un
grand seigneur — ainsi Pholius avant son pontificat, ainsi,
probablement, Marin sous Basile' — leprotoasecretis (TzptoToa'r/;-
xpYiTw). l'égal des autres soixante premiers fonctionnaires de
l'Empire. Avec le logothète du drôme et le maître des requêtes,
le protoasecretis devait suivre habituellement le souverain
partout où il allait- afin de recevoir ses oidres et de les faire
exéculei'. Il avait sous sa direction des scribes (àc-r.xpf.Ta'.)-^.
des notaires et un doyen (osxavô^), chargés du travail et qui
composaient tout son personnel. Il est possible que ce soit à ce
bureau — qui parait avoir eu son centre aux environs du
cirque^ — quêtait employé Psellos car. évidemment, là plus
qu'ailleurs, on avait besoin de gens sachant écrire vite et
bien.
L'organisation intérieure de la chancellerie impériale ne
nous est pas connue. Il est probable qu'au ix*' comme au vf et
au vif siècles elle se divisait en divers u scrinia » (o-xpivia) sui-
vant les nations qui se trouvaient en relations avec l'Empire.
On avait le u o-xp'.vlov twv jbapêàptov », comme on devait avoir le
scrinion de Rome ou de Bulgarie. Le décanos était vraisembla-
blement le fonctionnaire chargé de diriger ces scrinia. Byzance,
en effet, héritière des traditions romaines, avait une chancel-
lerie parfaitement organisée, munie de formulaires bien défi-
nis et de règles qui ne variaient point. Suivant le personnage
auquel les lettres étaient destinées, le scribe employait telle
formule ou telle autre et l'acte était scellé de telle manière
plutôt que de telle autre. Pour le Pape, par exemple, la chan-
cellerie devait apposer une bulle d'or («jLovoo-oXoia) c'est-à-dire,
probablement, d'une valeur égale à un nomisme et employer
une formule déterminée. Il en allait de même pour chacun des
augustes correspondante en relations avec Byzance. Ces for-
1. Mansi, \VI, 81.
:i. Cerem., loiG, 10-20.
3. Les asocretis olaioiit chargés de lire dans les cérémonies publiques
les actes émanant de la cliancellerie. Vu Concile de SOg Théodore asecretis
lit répnnaiznoslicoM. Léon Castor lut au peuple le message (le Micliel fil (pii
conférait à Basile le titre d'Empereur.
'1. Tiieoph. Conl., T {/. Midi., ch. \i\, p. 184.
BASILE
mules dont on trouvera la mention détaillée en appendice à ce
travail ont pour nous plus qu'un intérêt de « diplomatique ».
Elles nous montrent quel rayonnement avait alors la civili-
sation byzantine. Partout où son commerce pouvait s'étendre,
partout où son influence pouvait s'exercer. Byzance entretenait
avec les souverains de ces contrées parfois lointaines, des rela-
tions officielles qui, des bords de l'Atlantique à ceux de l'Océan
Indien, en passant par l'Italie, les plaines de Germanie, les
steppes de Russie et les montagnes d'Arménie, racontaient à
ces peuples souvent encore assez barbares, les grandeurs et les
gloires de la nouvelle Rome.
A l'administration de la Chancellerie peut se rapporter
une autre fonction, distincte de celle du chancelier, mais de
même nature. C'est celle du chartalaire ou préfet du caniclée
(6 •^apTO'jAap'.oç TOJ xav',xA£'lo'j ; o £7:1 tou xav^xAsiou). Cet officier
était préposé à l'encrier impérial, autrement dit, à la signature.
Il faisait partie de la haute hiérarchie byzantine, des soixante
grands fonctionnaires de l'Empire et pouvait obtenir les pre-
miers titres de noblesse antique. Sa fonction paraît avoir été
surtout honoraire car, tandis que nous le voyons dans les céré-
monies parader en compagnie du logothète du drôme et de
quelques autres, Philothée, au Clétorologe, nous déclare qu'il
n'a pas de ministère sous ses ordres parce qu'il peut accomplir
seul le travail qu'il a à faire. Son plus important office était pro-
bablement d'écrire. et de faire signer les fameux codicilles qui
nommaient les hauts dignitaires de l'Empire. C'est pourquoi
un patrice, par exemple, lui payait, au jour de son élévation, les
(( coutumes ». C'est, sans doute, la raison pour laquelle certains
personnages, comme Théoctistos, sous Théodora, put être tout
à la fois préfet du caniclée et logothète ' . A ces ministères pré-
posés au gouvernement intérieur et civil de l'Empire, il faut
ajouter, en terminant, la mention d'un bureau spécial de très
grande importance : celui de l'assistance publique de la ville.
Cette branche de l'administration était aux mains de Vorphano-
trophe (6 op'^oLyo'zp6z>o:;) . Ce personnage, bien qu'au nombre des
soixante premiers fonctionnaires de l'Empire, était, vraisembla-
blement, le plus souvent, un ecclésiastique. Les deux orphano-
trophes que nous connaissons pour l'époque qui nous occupe,
I. Syin. M;'.-.. 1/7. Tlieod. vlMicli., I. 708.
ET L EMPJRE mZAMIX I7I
rétaient en lous cas. L'an avait nom Mcéphore et fut métropo-
lite de Nicée * ; Tautre s'appelait George, et était diacre. Ce der-
nier nous est connu par la correspondance de Photius-. C'est
par le ministère de l'orphanotrophe que passait toute l'admi-
nistration de l'orphanotrophion de Constantinople, institution
considérable qui comptait non seulement hospices, asiles, re-
fuges, mais écoles, ateliers, etc. ^. Sous ses ordres se trouvaient
quatre bureaux. Les chartulaires a toj oixo'j » administraient
probablement la partie matérielle de l'orphanotrophion, tandis
que les chartulaires u toj gt^oj » en avaient l'administration
morale, religieuse et intellectuelle. C'est là, du reste, une pure
conjecture car nous n'avons sur ces bureaux et sur leurs titu-
laires aucun renseignement précis. Des curateurs attachés au
ministère, surveillaient et dirigeaient les divers établissements
qui composaient l'orphanotrophion ; un arkarios (6 kpy,7.^io<;)
ou trésorier gérait la caisse de cet important ministère.
Tel est le mécanisme qui, placé au cœur de l'Empire, faisait
mouvoir ce formidable organisme, enserrant de ses multiples
ramifications tous les thèmes byzantins d'Orient et d'Occident
afin d'y promouvoir toute vie et toute richesse. Mais à cette
organisation savante, constituée dans la capitale, sous le regard
impérial et sous la surveillance des premiers fonctionnaires de
l'Etat, répondait une autre organisation semblable dont chaque
chef-lieu de province était le centre. C'est donc l'administration
provinciale qu'il s'agit d'étudier pour se rendre mieux compte
du gouvernement intérieur de l'Empire au ix'' siècle finissant.
1. Vit. Ignat., 073.
2. Photius distinguo toujours les ^evoSô^oi, de l'orphanotrophe. C'est ce
qui fait croire que ce George était bien le grand orphanotrophe, car autre-
ment il lui eût donné comme aux autres le titre de |£vo8d/o;.
3. Cf. à ce sujet Schluniberger, Sigillog., p. 377. Ce qui donne à supposer
que l'orphanotrophe n'avait que l'administration du grand orphanotro-
phion, c'est d'une part le singulier du substantif qui accompagne le titre
de chartulaire ; c'est de l'autre que les xenodochia de provinces ainsi que
certains autres de la ville relevaient, comme nous l'avons dit, soit du char-
tulaire du sakkellion, soit du grand curateur.
BASIT.i: 1
II
A cette époque le sourd et lent travail qui avait peu à peu,
sous la pression des événements, modifié l'organisation territo-
riale de l'Empire, créé en lieu et place des anciennes provinces
romaines des « thèmes » ou gouvernements tout à la fois mili-
taires et civils et donné à l'armée une importance considérable,
n'était point encore achevé. L'origine de ces transformations
politiques et sociales remontait à l'époque où l'Empereur Mau-
rice créa les deux exarchats d'Italie et d'Afrique pour faire face
aux dangers multiples qui menaçaient l'Empire : mais ce fut
sous Héraclius que le système se généralisa, quand, de toutes
parts, Arabes. Bulgares. Slaves, se jetèrent sur les terres impé-
riales pour les ravager et s'en saisir. Dès lors, suivant les
besoins et les événements du jour, on traça, d'une façon sou-
vent fort arbitraije, des frontières à l'intérieur comme aux
limites de l'Empire, on forma des gouvernements nouveaux,
on en supprima qui n'avaient plus d'utilité, presque toujours
et uniquement pour mieux se défendre contre d'incessantes atta-
ques ou réparer, par la création d'autres Etats frontières, la perte
d'anciennes provinces qui jusque là avaient servi à protéger
l'Empire. Ces territoires ainsi tracés à l'intérieur des provinces,
représentaient avant tout, un corps d'armée avec ses chefs et
ses divisions, ses cadres et son organisation. Dans le thème
ainsi compris, le stratège était le maître. Au ix" siècle il aA ait
en mains tous les services do la province, finances, justice,
armée et commandait aussi bien fonctionnaires et habitants que
soldats et ofticiers. Aussi n'est- il pas étonnant que ces géné-
raux-gouverneurs soient devenus dans l'Empire des person-
nages de tout premier rang et qu'aux époques de paix relative
on ait parfois songé à créer des thèmes uniquement pour récom-
penser la valeur de quelques soldats particulièrement coura-
geux '. Le moyen était tro]) commode pour qu'on n'en usât
pas.
Quand Basile monta sur le trône, la division territoriale
i. De Them., p. 97.
ET L EAIIMRK m/.VMIN I70
qu'Héracliu^ et ses sucresseius immédiats avaient eréée s'était
singulièrement modiiiéc. Des sept grands commandements
mililaiies institués au vu'' siècle, quelques-uns, en effet, n'exis-
taient déjà plus pour l'Empire, comme les exarchats d'Italie et
d'Afrique, tandis que d'autres avaient surgi ou s'étaient trans-
formés au gré des événements. Entre le vir et le ix*" siècle le
nombre des thèmes monta ainsi jusqu'à vingt-cinq et même
vingt-six et après les conquêtes de Basile, lorsque Léon YI éri-
gea en thèmes les territoires gagnés sur l'ennemi, ce nombre
augmenla encore *. Les vingt-six thèmes pour lors constitués
sous le règne de Basile se trouvaient très inégalement répartis
en deux grandes divisions, non point géographiques, mais hié-
rarchiques-, les thèmes d'Orient (àvaToA'.xà BéuLa-ra) et les thèmes
d'Occident (al Tr^ç oja-eco^ TTpaTT.ra'l). A la classe des thèmes
d'Orient appartenaient tous les grands commandements mili-
taires, toutes les provinces qui jouaient dans l'Empire le rôle
de défenseur et de pourvoyeur du territoire et de la ville. Ceux-
là étaient riches, bien pourvus de tout, admirablement con-
iHis de l'administration byzantine et des ennemis, le solide
point d'appui et la force de l'Empire ; les autres étaient beau-
coup moins estimés: l'administration les négligeait, les voya
geurs les passaient souvent sous silence et Constantin Porphy-
rogénète lui-même ne paraît a\ oir sur ces petits gouvernements
que des notions assez confuses, \ussi n'est-il pas très facile de
faire une étude détaillée des provinces de l'Empire. Les inces-
sants changements qui élèvent ou font disparaître subitement
les thèmes, la négligence des auteurs byzantins à nous ren-
seigner sur le gouvernement de leur pays, les contradictions
manifestes qui parsèment les ouvrages des historiens et des
géographes, obscurcissent beaucoup à nos yeux ce côté de
l'administration byzantine. Néanmoins, en combinant des
indications glanées à droite et à gauche, on peut arriver, je
crois, à dessiner les grandes lignes d'une géographie historique
de rEm]nre au ix'' siècle comme à se rendre compte de l'orga-
nisation et du fonctionnement de la vie provijiciale.
1. - Au dire de l'Arabe Ibn Hordadbeh et de son copiste Koda-
ma. aux environs de 84o-84r3, Byzance et son territoire immédiat
1. ibii Hordadboh généralement très bien renseigné ne cite que quatorze
provinces-. H ignore l'existence delà plupart des thèmes d'Occident.
2. Rambaud, p. i7().
I-'l HASILK I
formaient une province spéciale, dont la mention, en vérité,
n'apparaît nulle part chez les historiens byzantins njais qui
peut bien, en réalité, avoir existé sans avoir, toutefois, porté
le titre de thème : c'est celle qu'ils appellent Tafia, Talaka,
Tafra. Ses limites, dit Ibn Hordadbeh, sont à l'orient, le dé-
troit jusqu'à son embouchure dans la mer de Syrie et, à l'occi-
dent, la muraille qui s'étend depuis la mer des Khasares (mer
Noire) jusqu'à la mer de Syrie et dont la longueur est de quatre
journées de marche. Ce mur se trouve à deux journées de
marche de Constantinople. Les autres limites sont, au midi, la
merde Syrie; au nord, la mer des « Khasares ». Et Masoudi
complétant le renseignement d'ibn Hordadbeh, ajoute: «La
majeure partie de cette province consiste en villages apparte-
nant au roi et aux patrices et en pâturages pour le bétaiP. )>
Des affirmations aussi nettes seraient assez étranges si une cir-
conscription spéciale n'avait pas. de fait, existé, englobant
Byzance et son territoire. Oii donc le géographe arabe, en géné-
ral si bien renseigné sur les thèmes importants de l'Empire,
eût-il pris ces détails? Aussi est-il probable que ce territoire,
distinct des thèmes de Thrace, existait réellement, sinon sous le
règne même de Basile, du moins au temps de sa jeunesse, sous
le règne de Théophile. M. Gelzer croit qu'il fût réuni au grand
thème de Thrace par Léon VI -, à moins que ce changement
n'ait eu lieu, précisément à l'époque où Ibn Hordadbeh écri
vait, quand l'Empire dût se défendre contre les terribles attaques
de Krum et de ses hordes bulgares. En tous cas Constantin VH
au début de son second livre sur les « Thèmes » ne semble plus
connaître ce thème qui s'était confondu depuis une trentaine
d'années au moins avec son voisin le thème de Thrace. De la
petite province de Tafra cependant, certains vestiges paraissent
s'être perpétués à travers l'histoire byzantine, comme la place
de l'éparche, au catalogue, parmi les grands fonctionnaires
d'ordre militaire, ses hautes prérogatives, sa garde et ses fonc-
tions en l'absence de l'Empereur. De même il est bien vraisem-
blable que c'est de cette époque et de ce régime dont l'origine
remonte à une date inconnue, que naquit le comte des murs
I. Cité par Gelzer, p. 82-86. Nous avons deux sceau v d'un slralè^je dont
le thème n'est connu d'aucun auteur, c'est le thème du Bosphore. Y
aurait-il corrélation entre les deux noms ?
•t.. (Jelzer, Die Genesis der Tlienienverfassiing. p. 88.
ET L EMPIRE BYZANTIN l'y 5
(xô|jLY,ç) OU (aoycov T(I)v T£',ywv) cité/ lui aussi, parmi les grands
fonctionnaires de l'Empire,
II. — Le thème de Thrace était donc l'immédiat voisin du petit
gouvernement de Byzance. Il commençait au grand mur à l'est et
s'arrêtait à la Macédoine au sud ; à l'ouest, il touchait aux Bul-
gares. La mer Noire le baignait au nord-est. « La province de
Thrace a quinze journées de marche en long, dit ïbn Hoidad-
beh, sur trois journées en large. On y compte dix places forti-
fiées ^ )) L'origine de ce thème n'était, probablement, pas très
ancienne. 11 s'était constitué à l'époque où les Bulgares com-
mencèrent à franchir le Danube pour se répandre dans l'Em-
pire. Il fallait alors établir sur cette frontière, comme en Orient
sur la frontière arabe, un solide gouvernement militaiie qui
pût arrêter les envahisseurs. Ce fut le rôle du thème de Thrace
et la raison de l'établissement, à l'époque de (Constantin Pogo-
nat, d'un stratège dans ce pays qui, jusque-là, n'en avait pas
eu. Dès lors ce thème qui comprenait une dizaine de places
fortifiées, fut classé dans la troisième classe des thèmes. Son
stratège avait le dixième rang parmi ses collègues'-.
III. — La Macédoine touchait à la grande muraille, du côté
de l'est : à la mer de Syrie au sud ; au pays des Slaves à l'ouest ;
aux Bulgares au nord. Sa longueur était de quinze journées de
marche, sa largeur de cinq. 11 y avait trois places fortifiées ^.
Ce thème, formé à la fin du wv" siècle * pour lutter, comme le
thème de Thrace, contre les Bulgares et le« Slaves qui s'enfon-
çaient chaque jour plus profondément sur ces terres d'Empire,
les dépouillaient ou les faisaient passer sous leur domination,
était aussi le seul qui eut en Europe, comme son voisin le
thème de Thrace, quelque importance pour l'Empire. Comme
la Thrace, la Macédoine appartenait à la troisième classe des
thèmes et son stratège venait de suite après celui de Thrace. Ce
dernier résidait tantôt à Andrinople, tantôt à Philippopolis '". Sou-
vent un seul stratège gouvernait les deux thèmes de Macédoine et
de Thrace. C'est ainsi que sous Irène, le patrice Aetius qui com-
mandait les thèmes des Anatoliques et de l'Opsikioïi, fit nom
I. Cité par Gelzer, p. 82.
'2. Cerem., i3i3.
3. Gelzer, p. 82.
'4. Gelzer, 90.
5. Schlumberger, Sigilloy., ii5.
1-6 BASILE I
mer son frère Léon, monostratège de Thrace et Macédoine^;
pour le ix^ siècle nous connaissons deux stratèges de Macédoine.
Tzàntzès qui travailla au retour des Macédoniens emmenés cap
tifs en Bulgarie-, et Bardas, patrice et stratège de Macédoine,
correspondant de Photius ^.
Une des plus importantes villes de ce thème était Develtos,
port de commerce très fréquenté sur la mer Noire. Christopolis
sur la mer Egée paraît aussi avoir appartenu à ce tiième.
Il est à remarquer que ces deux thèmes, pour être en terre
d'Europe, n'en comptaient pas moins, cependant, parmi les
grands thèmes d'Orient. Si Constantin VII les place au début
de son second Livre sur les Thèmes — celui qui traite des
thèmes d'Occident — c'est là une innovation. A l'époque de
Basile et de Léon Yl, ils se rattachaient encore à l'Asie et, par
conséquent, trouvaient ici même leur place naturelle.
lY. — De l'autre côté du détroit, faisant face à Byzance, s'éten-
dait l'ancien thème de l'Opsikion divisé, au ix" siècle, en quatre
thèmes distincts. Le plus rapproché était VOptimate. Le détroit
le limitait à l'occident, la mer des Khasares au nord, la Paphla-
gonie à l'est et le thème de l'Opsikion au sud*. Cette province
renfermait u trois forteresses et la ville actuellement ruinée de
Nicomédie"'. » Ces trois forteresses étaient peut-être quelques
unes des villes citées par le Porphyrogénète : Hélénopolis,
Prainetos, Parthénopolis, Astakos. Malgré le silence de Philo-
thée et les réclamations de Constantin VII, les étrangers consi-
déraient donc cette province comme un thème. Pourquoi cette
différence P C'est que, probablement, Byzance ne voulait recon-
naître comme thème qu'un pays ayant un corps d'armée avec
ses divisions habituelles et un stratège. Or, l'Optimale avait
simplement un domestique à sa tête et point de divisions infé-
rieures (tourmes et dronges). De plus les soldats de ce corps,
composé de Bithvniens, de Tharsiates, de Phrygiens, servaient
desimpies valets aux troupes en campagne^. Il pouvait donc
sembler au géographe arabe qu'il y avait là un thème véritable
1. Theoph., 957.
2. Syni. Magist., Vit. Mich. et Theod., xi, p.
3. Pliotius, Migne, CH, 944.
4. Kodama, p. 197.
5. Ibn Hordadbeh, Gelzer, p. 83.
6. De Them., 88.
ICI L KM PI HE liVZAMlN I77
quand il n'\ avait, en vérité, qu'un rassemblement de soldats
secondaires. Cependant, pour inférieure que puisse paraître à
première vue et sur les dires du Porphyrogénète, la dignité du
domestique de l'Optimate, comparée à celle des autres stratèges,
il ne faudrait pas croire quelle fut à peu près nulle. Bien au
contraire. En fait, le domestique de TOptimate gouvernait dans
sa province à la façon d'un stratège. Parfois même il en portait
le titre '.Il avait sa place marquée, au quatrième rang, parmi
les grands fonctionnaires de l'Empire et pouvait obtenir les
dignités de proconsul et de patrice. Sous ses ordres, se trouvait
un topotérète, des comtes et un chartulaire -. La véritable rai-
son de l'infériorité relative dans laquelle on le tenait, doit
probablement venir de sa proximité d'avec Byzance. Quand on
songe que son gouvernement touchait, pour ainsi dire, Cons-
tantinople, que probablement même quelques-unes de ses villes
étaient considérées comme des faubourgs de Byzance ^^. on nest
pas étonné de l'infériorité dans laquelle on cherchait à tenir un
tel homme. — L'origine de ce thème remontait au règne de
Constantin \ ^
V . — Le thème de UOpsikion s'étendait le long de la Propontide
qui le bornait au nord. V l'est, il touchait au thème Optimale ; à
l'ouest, aux thèmes de la mer Egée et de Samos : au sud aux
deux thèmes des Thracésiens et des Anatoliques. Les soldats
qui se trouvaient cantonnés dans cette partie de l'ancienne
Bithynie avaient un rang et un service à part dans l'armée car
ils avaient pour mission de toujours précéder l'P^mpereur afin
de lui ouvrir le chemin et de lui préparer ses haltes \ Leur
chef n'avait, au ix*^ et aux débuts du x'^ siècle, comme le domes-
tique du thème Optimale et, sans doute, pour la même raison,
qu'un titre inférieur : celui de comte, ce qui ne l'empêchait pas
de s'intituler déjà parfois stratège^'. La situation du comte de
rOpsikion, du reste, était grande. Son thème, organisé peut-
être dès les environs de 626 '. était de deuxième classe et sa per-
I. Schluniberger, Sujillog., p. aU-
:i. (Serein., i.'Ug, i3oi.
'i. Sigillufj., m4A-
4. Dichl, Byz. Zeil., I\, G77.
5. De Theni, 84 et 85.
G. Schlunibcrgcr. SUjillog., 348. (]e titre paraît lui avoir été octroyé
(judciues années plus tard, cf. la première liste des cérémonies.
7. Dichl, Byz. Zeil,, I\, 077.
12
l;^ BASILE I
somie avait le quatrième rang parmi les autres stratèges. Sous
ses ordres vivait et agissait un personnel aussi complet que
celui dont pouvait disposer le stratège des Arméniaques ou des
Anatoliques. Sa capitale était Nicée : les grandes villes de son
territoire : Kotiaion, Dorylée — point stratégique important —
Midaion. Meros, Kadoi. Alalagina — autre point stratégique
important — Le mont Dindymos servait probablement de
frontière entre ce thème et celui des Anatoliques ^ Ethno-
graphiquement, ce thème se composait d'éléments assez divers.
Y vivaient des Mysiens. des Phrygiens, des Dardaniens, des
Bithyniens, puis une colonie militaire de Slaves sous le com-
mandement d'un chef spécial le « Catepan » des Slaves de l'Op-
sikion -. C'est de l'Opsikiou que l'ennemi do Basile I, Piganis.
était stratège-*.
VI. — Mais le plus grand thème créé dans l'ancien Opsikion
était, assurément, celui des BoukeUalres (GsaaTO xaAo'juEvovTwv Bo-j-
xîAAap'lojv). un des cinq grands thèmes d'Asie, 1' « al Bokallar »
d'ibn Ilordadbeh. Par le nord, il touchait à la mer Noire ainsi
qu'au thème de Paphlagonie, au nord^est. A l'est il était borné par
le thème des Vrméniaques, au sud-est par celui de Gharsian. Les
thèmes de Gappadoce et des Anatoliques le bordaient au sud,
tandis qu'à l'ouest sa frontière était celle des thèmes de l'Opsi-
kiou et de l'Optimale. Sa métropole paraît avoir été Ancyre. Il
comptait treize forteresses dont trois : Verinopolis, Stavros,.
Myriokephaloi, formaient la turme de Saniana, possession de
ce thème jusqu'aux environs de 890 ^ lléraclée du Pont, Glau-
diopolis, Prusias en étaient les villes principales. \ous con-
naissons, en outre, quatre districts de ce thème : Baréta. Balba-
don, Aspona, Akarkous ^. Les habitants de ce thème étaient
les uns Galates. les autres Bithyniens etMariandini ^\ Son stra-
tège avait le cinquième rang parmi les autres stratèges. Ainsi
que le thème de Paphlagonie, ce thème datait de Gonstantin V.
Nous connaissons un stratège des Boukellaires qui vivait sous
Michel IlL Nazar.
1. Ramsay, lôi.
2. Schlumber^er, Sigillog.. 2^8.
3. Tlicoph. dont.. Vit. Midi., wiii, mô6.
4. Ramsay. 2^»8.
;■). Ihid., 21O.
0. De The m.. 8().
i:t l i'>[Piiii: Hv/.AMiN 1-9
vu. — Le Ihèine de Paphlagonie formail rextrème limilc, à Test,
de l'ancien Opsikion. La mer Noire le longeait au nord sur toute
S(^n étendue : à Test, il rencontrait le grand thème des Vrmé-
niaques : au sud et a l'ouest, celui des Boukellaires. S'il faut en
croire Constantin MI les habitants de ce thème avaient assez
mauvaise réputation, ce qui n'empêchait pas de le considérer
comme important. Son stratège passait avant ceux de Thrace et
de Alacédoine et avait le neuvième rang. 11 commandait sur
cinq places fortes dont la métropole Gangres, puis Vmastris,
Sora. Dadybra^ lonopolis. Pompeiopolis.
\ III. — Au sud de l'Opsikion s'étendait, au vu'' siècle, d'une mer
à l'autre, le thème des Anatoliques, divisé plus tard en trois puis
en quatre thèmes. C'était, d'abord, le grand thème des Thnieé-
siens, un des principaux de l'Empire. Au dire de Ivodàma il
allait, à l'ouest, jusqu'au détroit 1 : au sud, jusqu'à la mer de
Syrie : à l'est il touchait au thème des Anatoliques-. La métro-
pole en était, peut-être, Sardes. Le thème des Thracésiens était
de première classe et son stratège qui commandait des troupes
de cavalerie avait le troisième rang parmi ses pairs, ce qui
s'explique par L'importance de la province qu'il gouvernait. Les
armées du thème des Thracésiens sont, en cfTet. maintes fois
nommées par les chroniqueurs et, sans doute, elles dcAaient
être parmi les plus nombreuses. C'est de là que les troupes de
Michel s'embarquèrent pour la Crète lors de l'assassinat de Bar-
das. Les principales villes de ce thème étaient Sardes, Hiérapo
lis, Laodicée, Ghonae. etc. Pétronas, frère de Théodora. fut
stratège du thème des Thracésiens et après lui Symbatios.
gendre de Bardas.
l\. — Le thème des Anatoliques. le premier en liste soit dans les
(( Cérémonies )>, soit chez le Porphyrogénèle, était aussi dans
l'estime des étrangers la première province de l'Empire, u C'est
la plus grande province de l'Empire romain, dil Ibn liordad-
heh^. )) Elle renfermait plusieurs forteresses et la ville d'Amo-
rion. que le géographe arabe appelle ^^ \mmuria », c ville dont
I. En fait, il avait à l'Est le thème de Sainos, sauf probablement sur un
point, du côté de Képos par lequel il touchait à la mer. Du reste, il est cer-
tain qu'il devait toucher à la mer puisqu'il y avait un turmarque du littoral
« xf.î TapaXîo'j. »
3. Kodàma, p. i()7.
3. Ibn llordadbeh, (îelzer, p. 83.
j8o BASILE I
les tours sojil au uombrc de quaiaii le quatre. » Le thème des
Auatoliques touchait aux thèmes des Thracésieus et de lOpsi-
kion à Touest : au sud, il était borné ])ar le thème de Séleucie
et par la mer ; à l'orient par celui de Cappadoce. Au nord, il
rencontrait la frontière de l'Opsikion et des Boukellaires. Natu-
rellement, vu ses dimensions considérables, son armée, sa
richesse, ce Ihème était de première classe et son siralège venait
le premier en liste. 11 résidait vraisemblablement à Amorion.
devenu depuis le ix- siècle, métropole ecclésiastique de la pro-
vince. Ibn Ilordadbeh ci le parmi les villes for les de TAnato-
lique. Al Alamain, Alarg'as Sahm, Borgut. Al-Miskanin. « Au
nombre de ses dépendances on compte encore Al Bitin et Al-
Mosbatalin. » Sa population était en majorité composée de
Phrygiens, de Lycaoniens. de Pisidiens. Les villes les plus
connues étaient : Kudokias. Saint-Agapetos. Aphrazeia'et
Kaborkion *. Nous connaissons un stratège des Anatoliques
sous le règne de ïhéodora : c'est Tliéodote Mélissinos '-. et un
autre sous le règne de Basile. Léon Phocas"^.
X. — Deux autres thèmes de beaucoup moindre importance,
au moins quant à leur étendue, fui-eiit taillés à l'est dans l'an-
cien Anatolique. C'étaient celui de Cappadoce et celui de Séleu
cie.
Le thème de Cappadoce était entouré au nord par le thème des
Boukellaires. à l'est ])ar le thème de Charsian, à l'ouest par le
thème des Anatoliques : mais au sud il touchait la frontière
arabe dont il était séparé par les montagnes du Taurus. C'était
donc un thème de combat. Aussi n'est-il pas étonnant que les
Arabes le connaissent bien. Ibn Hordadbeh cite les nombreuses
places fortes dont il était parsemé, entre autre la montagne Du'l
Kila qui était couronnée de forteresses * et Edrisi nous avertit
qu'il s'étendait de ïarsos à l'Halys '\ Ce thème qui n'est men-
tionné qu'incidemment dans le Livre des Thèmes, au chapitre
sur le thème des Arméniaques ^, avait à sa tête un stratège dont
le nom figurait au sixième rang parmi ses pairs. Le thème lui
1 . Kaiiisa.N . -iiC».
2. Tlieoph. Coiil., 17/. Midi., wi, i8o.
3. Cerem., iib-].
f\. Tbn Ilordnclboh, Clelzer, p. S\.
r>. I'>lrisi, irad. Jauhorl, ii, ^o.").
0. Raiiibaiid, op. cil.. 177.
KT l'eMPMIE HVZAMiX l8l
même était de troisième classe. Sous le règne de Michel III,
comme sous celui de Basile ^ il est fait mention d'un stratège
de Cappadoce. Nous ignorons quelle était la métropole de ce
thème. Jusqu'en 890 le district de Kases en faisait partie'-.
Le thème de Séleucie n'est pas mentionné" par les listes du
Livre des Cérémonies. Seuls les écrivains arabes en parlent.
Suivant Ibn Hordadbeh, il se trouvait u du côté de la mer de
Syrie ayant pour limites ïarsus et la rivière d'Al-Lames. Le
gouverneur de cette province est chargé de la surveillance des
défilés (Pyla^ Cilica?). On y compte Salukija et six autres
places fortes -^ » Et Kodâma ajoute qu'à l'ouest, il touchait à
l'Anatolique. au nord au thème des Thracésiens : ce qui ne
semble pas très exact, attendu que l'Anatolique le bornait au
nord et qu'il était séparé du thème des Thracésiens par le
thème des Kibyrrhéotes. En réalité, le thème de Séleucie ne fut
créé que sous la régence de Romain Lécapène ^. Auparavant, ce
n'était qu'une simple clisure. mais clisure de grande impor-
tance car elle défendait les passages du ïaurus, comptait de
grandes villes dans son ressort et par son voisinage a^ec les
Arabes servait de province frontière. C'est probablement ce
qui explique que les géographes étrangers la comptèrent parmi
les stratégies grecques bien avant qu'elle n'en eût le titre. A
l'époque de Constantin VII, la clisure — alors thème de Séleu
sie, — avait Séleucie pour métropole et se divisait en deux cir-
conscriptions distinctes : l'une maritime, s'étendait le long de
la mer, et l'autre, la Séleucie supérieure, « Ta avto lîAcjxsia; xal
jjLEToyaia » s'appelait aussi Décapote à cause des dix villes qui
se trouvaient sur son territoire et dont la principale était Ger-
manicopolis 5. Le chef de la clisure était le clisurarche. Il avait,
pour l'ordinaire, les titres de protospathaire ou de spathaire.
Parmi les sept grands commandements d'autrefois, il reste à
examiner le thème des Arméniaques : immense piovince qui
s'étendait le long de la mer du Aord. de Sinope aux extrémités
de l'Empire byzantin, c'est-à-dire aux royaumes des Ibères,
1. Cerem., iiô-.
2. Ramsay, 356.
3. Ibn Hordadbeh, Geizor, 8^.
\. lîaiiibaud, 17C; De Themal., p. 100. Sous Michel, III, Séleucie est for-
mellemenl inenlionnée à titre de clisure (Théoph. Gonl., Vit.Mich., xxv, 196).
5. De Tfiem., p. 100.
l82 BASILE l
d'Arménie et des terres sarrasines. et touchait, à l'ouest, aux
tlièmes des Boukellaires et à l'Aiiatolique. Sous le règne de
Basile, cet ancien thème 'dont l'origine paraît remonter aux
débuts du \if siècle (environs de 626). se divisait en quatre
thèmes de dimensions plus restreintes.
XI. — Au centre se trouvait le thème des Arméniaqiies qui
comprenait Kolunij a (Colonée), dit Ibn Hordadbeh'. ce qui est
inexact puisque un thème spécial portait alors ce nom. Le
thème des Arméniaques touchait, au nord, à la mer >oire à
partir de Sinope ; il s'étendait, à l'ouest, le long du thème de
Paphlagonie et des Boukellaires ; puis toute, une ceinture de
thèmes frontières le garantissait contre les invasions arabes du
côté de l'ennemi. C'étaient : au sud, les thèmes de Gharsian ; à
l'est, ceux de Colonée et de Chaldée. Il ne paraît avoir confiné
aux territoires ennemis que du côté de Sébastée qui probable-
ment devait être une simple clisure. En tous cas. sa frontière
ne dépassait pas les trois villes fondées par les Pauliciens sous
Tlîéodora : Argaous, Amaia et Téphrice. Ce thème des Armé-
niaques était de toute première importance. Il vient dans les
listes et dans le Livre des Thèmes au second rang et comptait
parmi les trois grands thèmes de première classe. Sa métro-
pole paraît avoir été Amasie. Au bord de la mer, Sinope se trou-
vait sur son territoire. Dazimon était un des grands relais du
thème. Le patrice et stratège des Arméniaques, Théophylacte,
est un des correspondants de Photius -.
XIL — A l'est, pour servir de frontière au thème des Armé-
niaques, se trouvait le thème de Chaldée. La mer Noire le lon-
geait au nord, tandis qu'à l'est et au sud, il n'avait pour limite
que celle de l'Empire. Au delà venaient les royaumes d'Ibérie
et d'Arménie. C'était dans l'ordre des préséances le derniei' des
thèmes orientaux. Son stratège venait le douzième en liste après
ceux de Thrace et de Macédoine. Sa métropole était probable-
ment Trébizonde sur la mer. alors port militaire et commercial
important '-K Dans l'intérieur des terres sq trouvait la place forte
de Théodosiopolis. On y comptait aussi Keltzene. La position
de ce thème au bord de la mer Noire paraît lui avoir donné une
certaine imporfance commerciale, car nous voyons son stratège
I. Ibii lloidadboh, Golzor, p. 8'|.
a. Migno, en, p. 929.
3. Evangollidis : « 'I^Too-a rr,; Tpa-îtoûvTOî » (Odessa 1898), p. 33-o4-
ET l'eMPIUE IiV/,V>TI\ 1 83
toucher d'office lo livres sur les marchandises qui, soit y arri-
vaient, soit en partaient ^ Jean Chaldos fut stratège de ce thème.
\1II. — Au sud du thème de Ghaldée venait celui de Colonée
ayant, à lest, les thèmes des Arméniaques et de Gharsian, au
sud, les terres sarrasines. Il tirait son nom de la ville forte de
Colonée qui, pour être petite, n'en était pas moins, paraît-il,
admirablement défendue, « xào-Toov oyjpwTaTov xal xor,ijLvù)0£^ »
dit Constantin YII '-. Sa frontière, jusqu'aux victoires de Basile
sur Chrysochir de Téphrice, devait passer près de cette ville.
Après la défaite des Pauliciens, Téphrice devint terre d'Empire.
Le thème de Colonée existait déjà à Tépoque de Michel IIP. Il
ne serait pas étonnant qu'il eut été créé pour lutter contre les
Pauliciens. En tous cas les Arabes ne le connaissaient pas ou
plutôt le confondaient avec le thème des Arméniaques. Le
dixième dans l'énumération de Constantin YII, il vient dans la
deuxième liste des Cérémonies au huitième rang,
Enfin venait, mais seulement depuis Léon VI, le thème de
Charsian que limitaient, au nord le thème des Boukellaires, à
l'est le thème des Arméniaques. à l'ouest le Ihème de Cappa-
doce. Au sud. il était thème frontière ayant pour voisins les
Arabes, u Outre le chef-lieu Harsana, on y trouve quatre forte-
resses, » dit Ibn Hordadbeh. C'est dans ce thème que se trou-
vaient la route et le défilé de Malatia qui reliaient Arabes et
Byzantins et la ville d'Hypscla souvent mentionnée dans les
guerres contre les Arabes. C'est probablement ce qui a fait croire
à Ibn Hordadbeh que le Charsian était érigé en thème. En
réalité, à l'époque probable où il écrivait, ce n'était qu'une cli-
sure. L'auteur de la (( Yita Michaelis » le cite comme tel* et nous
savons que ce fut Léon YI qui l'érigea en thème. Sous Basile, le
Charsian n'était donc qu'un commandement de second ordre.
Constantin Yll, en vérité, dans la vie qu'il écrivit de son
grand-père, cite bien le thème de Charsian et son stratège,
mais il parlait probablement le langage ^administratif en usage
de son temps lorsqu'il donne ce renseignement qui n'infirme
donc pas les autres témoignages ^.
I. Cerem., laSâ.
3. De Them., p. 98.
:i. Thooph. Corit., Vit. Mich., \\v, 196.
'». Thooph. Gonl., VU. Mich., xxv, p. 196.
5. S( lihiniborgor, Sigillog., •i8'\. Mt. Basil., \u, p. -288.
l8\ BASILF I
Toile paraît être la géograpliie historique de l'Orient byzantin
à répoque dn fondateur de la maison macédonienne, Reste à
étudier maintenant les thèmes d'Occident qui relevaient de
Byzanee.
Gomme nous l'avons dit, la répartition des thèmes, pour géo-
graphique qu'elle paraisse, ne l'était pas en réalité. Indépen-
damment des thèmes que nous venpns d'étudier et qui rentraient
tous dans la classe dite orientale, l'Asie Mineure comptait
quelques provinces placées au nombre des thèmes d'Occident.
Cette répartiliou surprendra peut-être moi us si l'on remarque
qu'en fait, étaient provinces d'Occident tous les thèmes mari-
times qui dessiuaient les contours de la mer Egée ou se
trouvaient disséminés sur la mer Ionienne. Sauf en effet la cli-
sure de Séleucie et le thème de Macédoine, sur un point, tous
les thèmes que nous allons parcourir touchent à l'une des deux
mers et sont dits occidentaux'. Thèmes secondaires aussi, si
l'on veut, car que pouvaient bien être ces thèmes d'Occident,
provinces souvent très petites, éloignées de Byzanee, sans grande
défense contre leurs terribles voisins, aux populations très
mêlées où Grecs. Slaves. Bulgares, chrétiens et païens vîa aient
ensemble comme des frères ennemis? Sans doute, elles s'appe
laient u thèmes » et avaient à leur tête un stratège : mais les
troupes qui les protégeaient devaient être bien peu nombreuses
puisque c'est à peine si l'administration impériale les connais-
sait 2. Presque jamais elles n'étaient appelées à défendre l'Em-
pire de concert avec les vraies armées, celles d'Orient, et tout
ce qu'on leur demandait le j)lus souvent, c'était de fournir des
lances, des épées, etc., aux troupes régulièrement préparées
pour la guerre. En réalité, îlots isolés au milieu d'empires bar-
bares puissants, ces thèmes ([ue la nécessité érigeait en com-
mandements militaires n'avaient d'autre mission que de défen-
dre de leur mieux les villes situées sur leur territoire et par là
1. Si collo ronîanjuo a tjMolquo valour, on ])onl fairo observer qiio io
llièiiie de Maeédoine pomait être considéré comme oriental, car il toncbail
en sa [)lns fjrande étendue à la Propontide. Quant à la clisure de Séleucie,
loisqu'elle fut érigée en thème, la division du rx"" siècle n'existait plus.
Constantin VIT connaît un autre groupement plus véritablement géogra-
phique.
•i. Je fais exception, évidemment, pour les thèmes proches de Conslanti-
nople, importants ceux-là, parce que c'étaient les lieux de résidence de la
llolle iiupéiiale.
ET t/ EMPIRE BYZANTIN iS')
la civilisation byzantine. Livrés à eux-mêmes, leurs stratèges se
débarrassaient, pratiquement, de la |tutelle administrative de
l'Empire, vivaient à leur guise et n'avaient plus avec Byzance
que des rapports lointains et une soumission purement nomi-
nale. Aussi, ces thèmes — sauf ceux, évidemment, qui se
trouvaient dans la sphère immédiate d'influence de Byzance —
ne sont-ils guère connus que de nom. Si déjà pour nous, le
régime des thèmes d'Orient est plein d'incertitude, à plus forte
raison en va t-il de même des thèmes d'Occident que Constan-
tin YII lui-même paraît totalement ignorer. Pour ceux-là donc
nous ne pouvons guère donner en général qu'une nomencla-
ture.
XI Y. — Le thème des Kihyrrhéotes s'étendait de la clisure de
Séleucie à l'est, jusqu'à la frontière du thème de Samos à l'ouest.
Par le nord, il touchait au thème des Thracésiens et des Ana-
toliques. Son nom lui venait, disait-on, de la ville de kibyrrha
dont la réputation était assez mauvaise. Son stratège avait le
troisième rang parmi les stratèges d'Occident. Il gouvernait les
villes d'Halicarnasse, Myra. Perge, Milet, etc., ainsi que les
îles de Rhodes, Cos, Leros et autres îlots de moindre impor-
tance. Sauf une colonie de Mardaïtes ayant un catepan à sa
tête, la population, composée des habitants de l'ancienne Lydie,
Pamphylie. Carie, n'était guère aimée des Empereurs. On la
trouvait trop remuante et trop insoumise aux ordres impé-
riaux. Les ports les plus connus de cette province étaient
Laryma et celui qu'on appelait le (( Paleos », l'ancien. C'était,
avec les thèmes de Samos, de la mer Egée et d'Hellade, le grand
thème maritime byzantin. Lors de l'expédition de Crète sous
Léon Yl son armée s'élevait à 6.760 hommes, les chefs com-
pris ' .
XY. — Au nord du thème des Kihyrrhéotes venait le thème de
Samos. Il longeait la mer jusqu'au détroit où il rencontrait le
thème Optimale. A l'est, il était borné par le thème des Thra-
césiens. Ce thème était d'assez médiocre dimension, \ussi son
stratège n'arri^ait-il ({ue le neuvième en liste. L'île de Samos
formait le centre du tlième avec les petites îles d'Icari(\ de Pat-
mos. etc. Sur la cote, il semble qu'il comptait quelques grandes
villes commerçantes comme Ephèse, Smyrne. Tralles, Per-
l8G BASILK I
game, Adramylte. etc., appartenaient à cette circonscription. Le
thème était probablement divisé en deux turmes : Eplièse et
Adramytte. Smyrne était sans doute la métropole de la pro-
vince. Il est plus que probable que ce thème avait une grande
importance commerciale, Là, arrivaient les marchands d'Occi-
dent ; là, les produits divers qui nourrissaient une partie de
l'Empire, car les marchés d'Ephèse étaient parmi les plus impor-
tants de l'Orient ; là aussi venaient en pèlerinage tous les dévots
byzantins. La grotte des Sept dormants', à Ephèse, attirait
beaucoup de monde ; le temple dédié à Saint Michel archange
à Colosse, de même ; enfin le souvenir de saint Jean planait en
tous ces lieux et d'autres que le fils de l'Impératrice Irène
venaient y accomplir leurs aœux et faire leurs dévotions. Tout
cela, évidemment, devait amener un commerce actif, la richesse
et, partant, l'importance du thème.
XYI. — Le centre de la mer Egée avec ses îles formait un
thème spécial : le thème de la mer Egée ou des u Douze îles »
dont la métropole paraît avoir été Chio -. Les îles incluses dans
cette stratégie étaient les Cyclades, puis Mytilène, Chio, Lem-
nos ; mais sur terre, le thème avait des possessions nombreuses
importantes. Toute la côte depuis le cap Lekton jusqu'à la
Propontide, les îles de Proconnèse, la presqu'île de Gallipoli
jusqu'à l'Ilexamilion, appartenaient à ce thème qui comman-
dait ainsi les embouchures de ITIellespont. Bien que ce thème
ne vienne qu'en assez bas rang dans la liste des Cérémonies la
plus ancienne, puisqu'il est le dixième sur douze, il dut avoir,
vraisemblablement, une grande importance. La flotte y séjour-
nait en temps ordinaire ; c'est à l'intérieur de ses frontières que
se trouvaient les douanes impériales de l'Hellespont et c'est ce
thème qui, tout naturellement, défendait Constantinople proté-
gée, à l'entrée de la Méditerranée, par une chaîne qui en fermait
l'accès aux vaisseaux musulmans*^. Les villes les plus impor-
tantes étaient assurément Cyzique, Abydos, Gallipoli.
WII. — Vu fond de la mer Egée, ayant à l'est le thème de
Macédoine, à l'ouest et au sud, celui de Thessalonique, se trou-
vait le petit Ihème du Strymon, le sixième sur la plus ancienne
I. Ibn Hordadbolî, (îolzor, 83. Le géograplio nrnbo. copondanl, place
Ephèse dans le llième des Thracésiens,
•i. SebUiiiiber^ror, Sigillo(j., 198.
3. Ibn Hordadbeli, p. 7O.
ET L EAriMRI- B^ZVNTIN 1(8"
lislo du Livre des Cérémonies. On a beaucoup discuté au sujet
des limites de ce tlième sans avoir pu, jusqu'ici, se mettre
pleinement d'accord i. Ce qui paraît certain, c'est qu'il était de
fort restreintes dimensions, ne toucliait peut-être pas même à
la mer, entouré qu'il était par le thème de Tliessalonique. Sa
population se composait de Scythes et de Slaves, turbulents,
toujours en guerres ou prêts à se jeter sur Tliessalonique. Ce
gouvernement militaire semble surtout avoir été créé pour
tenir en bride les habitants de ces montagneuses contrées et
protéger la grande ville occidentale contre les attaques qui,
sans cesse, la menaçaient. Aussi n'est-il pas étonnant que plus
plus d'une fois les deux thèmes aient été réunis sous une seule
administration -.
WIII. — I.e thème de Thessaloniqae qui comprenait la grande
ville de ce nom et une partie de l'ancienne Macédoine, touchait
par l'est elle nord au thème du Strymon, parle sud àceluid'Iiel-
lade. Ses côtes étaient baignées au sud parla mer, tandis qu'au
nord et à l'ouest il était borné par le royaume bulgare. C'était
dans ce gouvernement que se trouvait la Chalcidique et qu'au
x*^ siècle saint Athanase jeta les bases du premier monastère
connu de l'Athos. Son stratège, malgré l'importance de la ville
qu'il commandait, n'avait que le septième rang, preuve mani-
feste que ce n'était pas d'après la richesse, l'étendue, le com-
merce, les voisins même du tjiènie que s'établissait son impor-
tance, mais d'après les troupes qui l'habitaient, d'après leur
nombre et les services qu'elles pouvaient rendre : organisation
toute militaire, destinée surtout à protéger les possessions
impériales et la civilisation byzantine, mais qui ne tenait
probablement qu'un compte relatif de la civilisation même du
pays.
\ï\. — La Crèce proprement dite était divisée en deux
thèmes. Du côté de la mer Egée, le thème de Hellade ; du côté
de la mer lonieiiue, le thème de Mcopolis. Le premier, dont
l'existence est déjà mentionnée sous le règne de Justin ien 11
par la présence du stratège Léontios •^ était borné au nord par
le royaume bulgare : il ne touchait que par une étroite bande
I. Rambaud, p. a6(3.
■>.. Sclilninbergcr. Sujillog., p. 109.
'S. TIjooph., 7^8. (jelzer croit copoiidaiil que co llièino no fiil créé qu'à la
fin du \Mi' sicclo ou au dcbiil du i\' (P- <)')•
88
msii,E
de iorrc au thème de Thessaloniqne. Déniétriade appartenait
encore à ce thème. A l'ouest il était horné par le thème de
Xicopolis ; au sud par le golfe de Gorinthe et Fisthme. Ce
thème venait le quatrième en liste. Il comprenait, outre la'
Grèce continentale, une partie de la Thessalie, l'Eubée et Egine
aACc les villes de Larisse, Ghalcis. Thèbes, Vthènes, etc. Nous
connaissons par les lettres de Photius un stratège de Hellade
du nom de Jean ^
XX. — A l'ouest, sur la côte de la mer Ionienne, se trouvait
le thème de Nicopolis, borné au nord par le royaume de Bulga
rie et au sud par le golfe de Gorinthe. Il avait le second rang
parmi les thèmes d'Occident. Sa métropole était probablement
Xicopolis. Son territoire s'élendait sur une partie de l'ancienne
Epire. La création de ce thème est attribuée à Basile lui-même.
M. Pancenko a publié dans le Bulletin de l'Institut russe d'arcliéo-
logie les sceaux de deux stratèges de Xicopolis. L'un remonte au
ix'^ siècle : c'est celui de Léon, spatharocandidat, stratège de
Xicopolis '-.
XXL — L'antique presqu'île du Péloponnèse formait le tfihne
du Péloponnèse, le premier des thèmes d'Occident. Une popula-
tion composée de Mardaïtes etde Slaves autant que de Grecs se
partageait le territoire, les Slaves, plus spécialement sur les
rivages et dans les plaines, les Grecs dans les villes fortes d'Ar-
kadia, de Lacédémone et dans qi#elques villes côtières comme
Patras, Gorinthe. Menembasie. Argos. Xauplie, etc. La métro-
pole de ce thème était le Xouveau-Gorinthe (( Kào-Tcov Kopiv9ov ».
Photius adresse une de ses lettres à un protospathaire et stra-
tège du Péloponnèse du nom de Jean. Ge Jean pourrait bien être
le même qui, plus tard, avec le titre de patrice, s'en alla gou-
verner l'Hellade, car le sujet des deux lettres est identique ^.
Xous connaissons en outre sous Michel III, le stratège Théoc
tistos.
XX IL — Une étroite bande de terre longeant la côte est de
l'Adriatique et bornée, au nord, par le territoire de la Serbie
diocléenne, à l'est par l'Empire bulgare, au sud par le thème de
Xicopolis, formuii le petit ttième de DyiTaetiion ayec les villes de
Dyrracliion, d'Antibari, de Dulcigno. Ge thème, perdu en plein
1. MigTio, Cil, p. 9 il.
2. Bulletin VIII, igoS, 2o3-2o4.
3. Migno, Cil, p. 9a8.
i:t i/kmpiki: in/.AMr\ 189
pavs slave. cMilouré de Serbes et de Bulgares, ne pouvail guère
eompter pour l'Empire. Avec Constantinople. nul autre moyen
de communications que par mer : avec les thèmes grecs, pas
de secours possibles contre des envahisseurs trop nombreux,
autour, el même à Tintérieur des possessions byzantines. Aussi,
sauf Dyrrachion. bien défendue par ses murailles, ce thème ne
laida-t-il pas à tomber aux mains de l'étranger. Son stratège
venait en huitième rang.
WIIT. — Enfin, plus au nord, sur cette même mer Adria-
lique se trouvait le thème bien abandonné de Dalniatie. Les
invasions slaves le conquirent d'assez bonne heure, refoulant
la population grecque dans les îles de la côte. A l'avènement
de Basile, il n'y avait même plus là, pour elle, de sécurité, Il
fallut abandonner les îles et chercher refuge sur le continent
alors habité par les Croates. C'est sur le refus de ceux-ci que
la po])ulation grecque s'adressa à Basile peu après son avène-
ment. ( n accord eut lieu entre le Basileus et ses lointains su-
jets. L'impôt payé par les -Dalmates au stratège le fut dès lors
aux Slaves ; la population grecque eut le droit de s'administrer
elle-même en élisant son stratège et ses archontes. En échange
de ces concessions, et comme signe de soumission à l'Empire,
les Dalmates payèrent au stratège un léger impôt'. En 998 ce
thème, que déjà Constantin YII ne mentionne plus dans le
Livre « des Thèmes » tomba, définitivement, au pouvoir des
\ énitiens. Raguse, Tetrangurium (ïrau), Diadora (Zara). Opsara
(Absari). Aspalato, Arbi, Yécla (Veglia) étaient les principaux
centix^s de cette province perdue.
\\l\ . — De l'autre côté de la mer Ionienne se trouvait le
thème de Sicile avec ses annexes, le duché de Calabre, la terre
d'Otrantc, les villes restées byzantines éparses sur le territoire
de l'ancienne (irande-rirèce. comme Naples. Caëte, Amalfi. Le
stratège de cette province, le cinquième des stratèges d'Occi-
dent, résidait à Syracuse, et de là gouvernait, par les fonction-
naires de son choix, les populations grecques : mais déjà la
Sicile entière n'appartenait plus à l'Empire. Depuis 83 1 les
Arabes avaient un fort établissement à Païenne. En 861 ils
occupèrent près de trente villes et la majeure partie de l'île, à
l'exception de Taormine. Syracuse et quelques autres villes,
I. Deadmin,. WIX, 3. "):?-:? 53 ; \\\, -iSo,
ICfO BASILK 1
tandis que, sur le contiiieiil, Luiiibards el Bénévcntins luttaient
de concert avec leurs alliés contre la domination des Empe-
reurs, au grand profit des Arabes. Dès 84o les ducs de Naples
se détachent du stratège et se tournent vers l'Empereur franc si
bien, qu'en fait, jusqu'aux conquêtes de Basile en Italie, l'auto-
rité du stratège ne s'exerça plus que sur un assez faible terri-
toire ^ La Calabre, en vérité, vrai centre de la domination
byzantine en Italie, relève bien encore, théoriquement, du
stratège de Sicile ; mais dès le règne de Basile. Otrante pos-
sède un fonctionnaire spécial qui lient ses pouvoirs directe-
ment de l'Empereur, le stratège Cirégoire, « bajulus » impérial.
Lorsque celui-ci prendra possession du thème de Longobardie,
le stratège de Sicile, chassé de Taormine (902), ira s'installer à
Beggio, et c'est de là qu'il gouvernera les restes de son thème
de Sicile-. En somme, à l'époque de Basile, il y a encore un
stratège de Sicile et un fonctionnaire spécial en Calabre. Si ce
dernier territoire ne porte pas le titre oflRciel de stratégie, en
fait, cependant, son chef, aussi puissant que le vérilable stra-
tège, commande souverainement un pays plus étendu et ])lus
homogène que la Sicile, presque tout entière musulmane.
XW. — l\este. d'après le Livre des Cérémonies, un petit
thème tout à fait isolé, seule possession byzantine sur les côtes
Scythe et slave : celui de Cherson, dans la Crimée actuelle. Il
est dernier en liste et ne paraît guère avoir eu qu'une impor-
tance commerciale. Les Petchnègues et les Khazares l'envelop-
paient de tous les côtés, et. certainement, contre une inva-
sion, le stratège n'eut pu tenir tête aux ennemis"^. Du reste, ce
territoire byzantin n'était devenu stratégie que depuis peu de
temps. Il datait du règne de Théophile, de l'année 833.
XXYI. — Au cours du règne de Basile, Chypre revint, quel-
ques années durant, possession d'Empire. Tombée aux mains
des Arabes, depuis l'époque d'Héraclius, Basile réussit à y en-
voyer un stratège d'illustre origine, Alexis qui y demeura sept
années. Après quoi l'île retomba aux mains de l'ennemi*. U
semble même qu'il y ait eu. momentanément, une organisation
assez complète puisque nous savons par Photius qu'il y avait
1. C.ay, p. Go.
2. Ibid., 168, 169.
3. Voir plus bas les rapi)Oi"ls do Hyzancc a\ec les popolalions barbares.
'4: De The m., io5.
j:t j . i:m v ï n k m z v m i n i q i
1111 foiictioiiiiairo du nom de Slaurakios, spalharocandidat et
éparclie ^ .
IV
Si. à l'époque qui nous occupe, la géographie administrative
et militaire de l'Empire est encore en voie de formation, cepen-
dant, dès le ix" siècle, le principe sur lequel repose cette nou-
velle divi'sion territoriale est universellement admis et pratiqué.
Les anciennes provinces avec leurs cités font partout place aux
thèmes, gouvernements militaires, plus ou moins étendus et
arhitrairement créés, sans relations ethnographiques avec les
habitants qui les peuplent, et dont toute la mission est d'assu-
rer h l'Empire paix et sécurité. Aussi par la force même des
choses, une permutation des pouvoirs administratifs suivit-elle
cette transformation géographique. Quand, aux vu' et vur siè-
cles, les stratèges avec leur armée entrèrent dans la province
qui leur était assignée, ils y trouvèrent, eu effet, un gouverneur
civil qu'on ne songea pas à faire disparaître au bénéfice du
gouverneur militaire. Chacun vécut d'abord juxtaposé l'un à
l'autre, remplissant les fonctions pour lesquelles il a\;iil été
créé -. I^eu à peu cependant, classez vite, cet état de choses se
modifia. L'élément militaire tendit à s'assimiler l'élément ci\ il :
l'union des pouvoirs entre les mains du stratège se fit de plus
en plus complète, si bien qu'au ix" siècle, sur toute l'étendue
de l'Empire, il n'y eut plus que des gouvernements militaires. Le
gouvernement civil, en vérité, ne disparut pas complètement: il
exista toujours : mais de sa grandeur passée il ne lui resta rien.
vSes représentants furent, ou entre les mains du stratège ou entre
celles des grands officiers du I^alais. Ils descendirent sur
l'échelle sociale de plusieurs degrés, et c'est à un très modeste
rang que nous allons les retrouver. S'il n'est pas possible de
fixer par une date précise le point de départ de ces transforma-
lions, parce qu'en réalité il n'y en a pas. nous savons du moins
à quel moment fut achevée cette nouvelle organisation admi-
nistrative. Léon \ I, dans deux de ses novelles, nous le dit : c'est
1. miolius, cil, p. 98i
■A. Diehl, Etudes Byzant., 288, 292.
192 R ASILE I
SOUS son rèo-nc que les derniers vestiges d'un gouvernement
civil autonome dans les proAinces furent effacés^. Par Tune de
ses lois il abrogea les curies et les décurions parce que désor-
mais un autre ordre de choses a fait place à l'ancien et que tout
dépend de la sollicitude impériale 2; par l'autre, en abrogeant
le sénat, il supprima les trois prêteurs qui. à Constantinople,
le représentaient et les stratèges ^ qui, dans les autres villes,
étaient nommés par les décurions *. Désormais, sur toute la
surface de TEmpire, la chose f)ublique fut directement admi-
nistrée par TEmpereur, représenté daus les provinces par les
stratèges d'ordre militaire. 11 n'en resta pas moins que dans le
langage de la chancellerie, la province continua à s'appeler
éparchie quand on l'envisageait au point de vue civil ; elle ne
s'appela thème qu'au point de vue militaire. Les fonctionnaires
qui l'administraient furent de deux sortes : les uns militaires,
les autres civils, tous ayant à leur tête le stratège commandant
en chef du thème et gouverneur de l'éparchie.
Le stratège, dans l'organisation générale de l'Empire, était
an sommet de la hiérarchie. Il passait avant tous les autres
fonctionnaires et seul jusqu'à Léon \ I, le syncelle avait le pas
sur lui. quelque thème qu'il gouvernât. La dignité dont il était
habituellement revçtu était la première de l'Empire, celle de
patrice •^, et toujours, au moins, il se vit conférer le titre de
protospathaire ••. Dans les cérémonies il marchait avec les
grands dignitaires de la cour : magistroi. patrices, etc.. et une
fois sorti de charge, il gardait son titre d'ancien stratège,
(( hi-o'7':zTzr^'^/rj- ». Mais c'était surtout dans sa province, naturel
lement, que le stratège était tout-puissant. Là, vrai maître du
I. Comme presque toujours à B\zance, ces vestiges ne disparurent que
pour rcnailre. Dès le règne de Romain Lecapène, nous retrouvons des com-
munes et un gouvernement communal dans les provinces. (Cf. Mortreuil,
m, 77 et seq.),
•i. ... -povôatciv Oc To:; Jîo'JAsuTT.pîo'.î TzapsT/ov âp/wv t-.vo^v TcpoSoAf,; y.al O'.o'.v.t.tswç
y.jit'lrj'j'S'.rrj -ZMV TJJXtiov. 01 vûv. OT'. -pô; iTspav xaTâjTac'.v ta zoA'.T'.xà tAETa-êTOÎT.Ta'.
-piY;A3tTa... (Zacliariip, Jus Grœco, III. nov. \LVI, p. 189).
3. « ()■>/ oiO'Jî -fi vjv oîÔE TTpaTf.Y'.xT, iy/f^. » ^0\. \LV1I, p. 1 '|0.
4. Novelle \LVII, p. 189, i4o'.
5. Je dis la première parce que celle de magislros était trop rare pour
compter parmi les dignités habituelles.
' 6. Les cas où Ton trouve sur les sceaux le titre de spathaire sont très peu
fréquents. On a aussi quelques rares mentions de stratèges qui ne sont que
spalharocandidats. Tel est le cas du stratège Léon, sous Basile l'^Pancenko,
vni, 1908, p. 2o4).
ET L KMIMUK HVZWTIN IQ.)
pays, il ne Felcvail de personne sinon de TEmperenr, el la dua
lilé des ponvoirs mis en ses mains Ini donnait une force et
une autorité à ludlc autre comparable. Aussi, comme dans
l'Empire romain, la législation dut-elle fixer, pour éviter de
trop grands inconvénients, certaines prescriptions auxquelles
tout magisirat. mais le stratège en particulier, était tenu d'obéir.
D'abord il est vraisemblable que l'Empereur ne devait pas lais-
ser longtemps le stratège séjourner à la tête de son thème.
C'eut été pour le souverain un trop dangereux compétiteur si
par malheur il avait manqué de loyalisme. Mais indépendam-
ment de cela, défeuj^e était faite au stratège, comme du reste à
tous les magistrats de réparchie. d'épouser une jeune fille de
la province qu'il administrait, au moins pendant la durée de
son mandat, et cette défense s'étendait à toute sa maison : fils,
fdles. parents, domestiques' ; défense aussi lui était faile
d'acheter des biens meubles ou immeubles, directement ou par
personnes interposées -, de consti'uire une maison, d'accepter
des cadeaux, même spontanément ofterts-^ Le gouvernement
central faisait aux stratèges, du moins aux plus importants
d'entre eux. un large traitement. Tous avaient droit, en outre,
aux « 'yjy'ffiv.7.', » en nature : c'était à eux d'ordonner leurs
dépenses d'après leurs revenus. Ces règles générales, du reste,
ne parurent pas encore suffisantes aux Empereurs pour couper
court à tous abus de pouvoirs comme à toute exaction. Ils vou-
lurent, comme Basile 1"'. protéger de leur mieux les sujets de
l'Empire et complétèrent ces défenses par des sanctions parfois
très sévères. Un stratège ou un de ses subordonnés venait-il à
faillir, l'éveque et les premiers d'entre les citoyens * devaient
adresser une supplique à TEmpereur indiquant la faule com-
I. Proe/t.,II, vii[, 22; Xovelle de LéoaVI. WUt, p. loi. Toute (TUcléjiisIa
lion concernant les magistrats pour juste qu'elle fut, ne semble pas cepen-
dant avoir été toujours scrupuleusement obserAée. En preuve un acte de 882
{[ui nous montre une famille Kâcrza; à Tliessalonique en possession d'un
assez grand nombre d'emplois. L'un est stratélate de Tliessalonicfue, un autre
è-l TT.î o'.Xc'.xxf.r TpaTÉÎlT,;. UU troisième tgo; tt,; -Ôott,; HcSSaAovîxr,; et cliartu-
lairc du tlième, un quatrième, épopte, un dernier enfin juge du tlième (cf.
Vkant. Vremcnik 1898, p. 'i85j.
'i. llnd., XIV, u, 88.
'S. Jusqu'au règne de Léon VI, ces défenses valaient même pour les magis-
trats en fonctions à Byzance. Léon VI abrogea la loi pour ceux-ci, mais
pour ceux-ci seulement, Xovel. L\ \\1\ , p. 180.
'\. a T(Tj 6îO'.5'.XcO"câTo) i-:7y.ô~(<) xal toÎ; iv Tfj '/mot. r.pwTsûouiT'.. » {Epcill., \il, 5,
P- -Ah
13
1()'| liASILE 1
mise. CeJui-ci en\(^\ail alors un fonctionnaire juger ialï'aire et
punir le coupable ^ Bien plus, tout magistrat en sortant de
cliarge était tenu de rester cinquante jours dans la i)rovince
pour que ceux qui avaient quelque plainte à porter contre lui
puissent le faire. S'il s'en allait avant les cinquante jours écou-
lés, les plaignants devaient se rendre auprès de l'évêque de la
métropole qui recevait leur plainte -. Enfin, pour éviter aux
provinciaux des impols inuliles, aucun magistrat, qu'il fnt
d'ordre civil ou militaire (a-TpaTUi)T'.xal xal rSjj.-z^y.ol) jic ]iouvait
recevoir, sous prétexte de coutumes, quoi que ce fût. Il devait
se contenter de ce qui lui était assuré par le Trésor (Trpoo-AaiJiêàvE',
Te Tiapà ToO GY.jjLOT'lo'j Tot^ (ji'Z'f^'jzi:;) 'K De même, et pour la même
raison, il n'avait pas le droit de sortir de sa province sans
nécessité ^ et, s'il était obligé de le faire, il devait payer toutes
choses, pour lui comme pour sa suite, de sa fortune privée.
Par conséquent nul n'était tenu de lui payer ces taxes onéreuses
qui s'appelaient les « àvyapîla». » et les « £7zioy,jj.y,t'-xo'1 » que les
habitants de la province payaient aux fonctionnaires en voyages
olficiels ^. C'est par de telles mesures que le gouvernement cen-
tral put restreindre, dans la mesure oii la chose était nécessaire,
la trop grande puissance des fonctionnaires provinciaux et sur-
tout des stratèges. C'est qu'en elfet, elle était à peu près^ sans
limites l'autorilé de ces « archontes » dans leur gouvernement.
En dehors des frontières dn thème, il est vrai, et sauf à Cons-
tantinople, le stratège n'était qu'un particulier (•-o'xot/,^) ; mais à
l'intérieur il avait 1' « Ècoja-ia » l'autorité^'*, la plus grande après
celle de l'Empereur", car toutes choses, militaires, privées,
publiques^, étaient de son ressort'-^. Dans l'ordre civil, il peut
appeler à son tribunal toutes les causes : vols, meurtres, atten-
tats aux mœurs, car il doit procurer à tous le repos et la sécu-
rité ; dans l'ordre administratif, il a mission de promouvoir le
commerce honnête, d'empêcher les affaires illicites, en un mot
I. Epanag., VJI, 5 p. 7O.
•2. Ihid., 6, p. 7G.
3. Epanag., s, 76.
4. l lie seule exception était faite à la loi. Le inap:istral pomait sortir
pour raisons de pieté et encore ne devait-il pas découcher. Clbid., VI, 10, -!\).
5. Ibid., VU, 8, p. 77.
6. Ibid., M, a, p. 78.
7. Ibid., 3.
8. Léon VI, ractlc, I, 12, 080.
f). Epanag,, VI. 7. 7.S.
ET LKMPlUi: inZAMlN IqS
de favoriser de tout sou pouvoir le bieu-etre et la prospérité *
cl. si l'on eu croit uu passage des Basiliques-, sou autorité
s'étendait même aux métropolites et aux affaires religieuses. Il
devait, en effet, surveiller les évcques pour qu'une fois l'an au
moins — en juin ou septembre — ils se réunissent en synodes
provinciaux. Si les évoques ne le faisaient pas. ordre était donné
aux gouverneurs de la province d'en référer à l'Empereur.
L'Epanagoge. au titre VT. § 6, contient une prescription qui
mieux que toute autre chose montre, ce me semble, tout à la
fois quelle était l'autorité absolue du stratège dans sa province
et quelles nombreuses tribulations s'abattaient, périodiquement,
sur les pauvres. \ous retrouvons bien, dans cet article de code,
l'esprit de justice qui présida à toutes les réformes des Basileis
byzantins -^ L'archôn, dans l'espèce le stratège, doit punir les
injustices commises par les soldats ; il doit empêcher que, sous
prétexte d'impôts, les fonctionnaires ne pressurent injustement
les habitants (xioX'jstoj £v TrooTyr^uaT'. oYiIjlotuov cla-rrpàcî'.; yJk'^i'zo'jç
Y^v£c-8a'.) ; il doit veiller à ce que les pauvres ne soient pas sou-
mis à des surcharges injustes, soit à l'arrivée des magistrats,
soit à celle des soldats (r, o',à Tcaoojc-'lav ocscs'.xûov t ^Tpa^uoTtov
ào'.xîicBa', TOj; TTÉvrja;). N'avons-nous pas là. vraiment, eu rac-
courci et d'une façon clairement exprimée, le tableau de tous les
abus que commettaient dans l'Empire, les puissants contre les
pauvres, les (( o'JvaTol » contre les « -ivY.Ta», ». et au sujet desquels
les Basileis durent énergiquemeut sévir? Aussi est-ce bien le
fonctionnaire tel que Basile le pouvait rêver que l'Epanagoge
peint en deux mots quand elle dit après le Digeste : « que l'ar-
chôn soit d'un abord facile {z'jyjp'riç 'zol:^ 7zpoa-!.oja-!.v) et qu'il ne
soit pas méprisable, mais aussi qu'il ne fréquente pas ses
subordonnés d'égal à égal et qu'il ne se montre avec eux ni
miséricordieux, ni colère » (xal (jly, oyiAo-jto) Tr, o'iz'. îAswv r,
opY'.v6;jL3voç) S c'est-à-dire qu'il soit juste avec tous.
Si le stratège ne relevait que de l'Empereur quant à ses pou-
1. Epanag., VI, 5, 70.
2. Basilic, livre III, 1. I, S 17 et 19, pp. 97, 98.
3. Ce titre est pris aux Livres justiniens el se trouve reproduit clans les
Basiliques. Il est done contemporain de Justinien ; mais Basile en le copiant
dans le Digeste (I. 18, 6, S 3, /», 5) l'a rendu plus général et ainsi a pu-
l'appliquer à son temps où ces sortes d'abus, nous le savons par ailleurs,
étaient très nombreux.
4. Epaiiay., VI, ii, p. 7^.
196 BASILE I
voirs. il semble hicn. cependant, quenlre l'un et l'autre il y
avail, le cas échéant, un trait d'union. >>ous venons de voir
qu'en certaines circonstances Tévéque pouvait, momenta-
nénienl, recevoir les j)laintes des provinciaux et les porter à
l'Empereur : mais ce n'était là qu'une exception. Gomme nous
l'avons déjà remarqué, c'était le questeur c[ui était chargé
d'assurer les rapports ordinaires entre le stratège dans sa pro-
vince et le gouvernement central. Sous ce rapport, l'P^panagoge
est très catégorique. T.e questeur peut appeler et amener devant
l'Empereur les archontes de la province et faire le nécessaire
pour qu'ils soient jugés en toute justice ' : il a droit d'user de
lettres publiques à l'adresse des « higoumènes des éparchies n,
c'est à-dire des magistrats, afin que ceux qu'il envoie ainsi
dans les provinces y demeurent en sécurité, et s'il leur manque
le secours de la loi poui* accomplir leur mission, qu'il puisse le
leur donner : néanmoins, ce fait établi, on peut dire que,, d'une
façon générale, le stratège ne relève que de l'Empereur et com-
munique directement avec lui.
Il est, cependant, un autre personnage dont parle la Notice
de l^hilothée et sur lequel nous n'avons pas de renseignements
bien précis, mais qui paraît avoir joué un certain rôle dans les
rapports entre le pouvoir central et les provinces. Ce sont les
« ol VA 7zprj'7Ô)-rj'j Tojv fj^aaTcov - », Ics représciitants des thèmes.
Ces fonctionnaires d'ordre militaire, catalogués parmi les
stratèges, faisant partie de la liste des soixante, pouvant être
patrices et antliypatoi. étaient probablement en résidence habi-
tuelle à Byzance. L'Empereur, comme il arriva sous Léon VI,
les envoyait en cas de nécessité dans les thèmes pour y remplir
l'office de stratège. Ils prenaient rang alors dans la proéleusis
impériale, suivant le rang du thème qu'ils administraient. Il
serait assez curieux de savoir si ces « ol £x -poo-tô-oj » n'avaient
pas une fonction habituelle à Byzance. Peut-être — mais c'est
là une simple conjecture — appuyée seulement sur le jiassage
du Livre des Cérémonies, nous représentant ces fonctionnaires
passant avec le rang de leur thème — étaient-ils chargés dé
représenter le thème auprès de l'Empereur:^ Nous aurions ainsi,
à Constanlinople. des ofticiers supérieurs, chacun très au fait
1 . l^ixiiKKj.. lilrc. \ . (). p. -■>..
■>.. i'A', ;i ce sujet, Milard. r>y:'iiit.. Zcilsrlirift. \U, 1900. p. înyj.
dos choses de leur thème respectif, instruisant I Empereur de
ce ([ui se passe dans la province, connaissant la langue du
pays, la répartition ethnographique des populations et en cas
de difficulté, aptes à aller représenter utilement le souverain
dans la contrée qui leur était assignée et à prendre en mains
le gouvernement du thème. Ces hauts fonctionnaires, en tous
cas. n'avaient pas à Constantinople de subordonnés.
Comme tous les grands fonctionnaires en résidence à Cons-
tantinople. le stratège a sa « -poéAt'jrriç », son ministère ; ce
ministère, en vérité, paraît être tout militaire ; aussi le retrou-
verons-nous plus loin en parlant de l'armée ; mais à côté du
thème, il y a l'administration civile de la province et, si elle
relève du stratège, elle est cependant distincte de l'adminis-
tration militaire. En combinant un certain nombre de textes,
et grâce surtout aux monuments figurés qui nous sont
parvenus, comme les sceaux, nous pouvons arriver à nous
représenter ce qu'était le gouvernement provincial au i\' siècle
et aux débuts du x' .
Une organisation assez analogue à celle qui fonctionnait à
Byzance semble bien avoir existé dans les provinces au triple
point de vue financier, judiciaire, administratif, car nous
trouvons dans chaque éparchie un certain nombre de fonction-
naires attachés à l'une de ces trois grandes divisions. Tous
s'appelaient « archontes » (to toO apyovTO^ ovoaa yîvaov so-t». xal
'jf'j.y.iyz'. xal o-TsaT/.vov xal àv8'j-aT0V xal TzàvTac Toù; s—aoyiwv
o'.o'.xY.Tocç) 1 et tous recevaient leur autorité de l'Empereur
assisté, semble-t-il, d'un conseil de grands fonctionnaires : le
questeur, l'éparche de la ville, le comte des largesses (6 xouly.ç
îlo-oo'lwv), le comte des biens privés (6 xoijly,; sloixtov) de l'Em-
pereur et, à l'occasion, du cliartulaire du vestiaire, suivant,
sans doute, l'administration dont relevait chaque fonctionnaire.
11 est assez curieux d'observer que le logothète u 'zo\) ysv.xoO »
ne paraît pas faire partie de ce conseil administratif. Serait-ce
que le protonotaire du thème ne relevait pas, sous Basile, de ce
fonctionnaire mais d'un des deux autres ministres des finances .^
C'est ce qu'il est impossible de dire -.
En tête de l'administration financière de la province se
1. Epanag., VI, i, 73.
2. Epanag., VII, i, 74.
198 BASILE I
trouvait le pvoionokùrc du lliPmc dont nous avons déjà parlé.
C'était lui qui avait la garde du trésor et présidait aux levées
d'impôts. Ce protoiiotaire du thème, nous le retrouvons men-
tionné sur les sceaux de presque tous les thèmes et toujours
avec d'assez modestes titres nobiliaires, tels que ceux de spa-
tliaire. spatliarocandidat, hypatos, vestite, etc. ; quelquefois,
cependant, il paraît réunir en ses mains plusieurs fonctions
financières, et c'est probablement ce qui explique que nous
connaissons un protonotaire des Boukellarioi qui est proto-
spathaire parce qu'il est aussi préfet des domaines impériaux
dans le thème ^ ; d'autrefois il est commerciaire en même
temps que protonotaire - : il peut même arriver que, par
hasard, et sans doute pour récompenser une action quel-
conque, le protonotaire porte k' titre de patrice ; mais ce sont
là des cas très rares et qui n'ont jamais fait loi. Autour du
protonotaire se gioupaient les divers officiers d'ordre financier
en résidence dans le thème : les époples ou épiskeptites, les
dioecètes, les commerciaires, les practores, les préposés au\
domaines impériaux, les a horrearii » ou préposés aux greniers
publics comme à Panorme. auxquels il faut ajouter les direc-
teurs d'établissements de bienfaisance qui, probablement,
devaient être comptés parmi les fonctionnaires financiers,
^ous avons en effet des sceaux où les deux fonctions se
trouvent réunies. C'est ainsi que Manuel est inspecteur des
domaines impériaux et xénodoche de Mcée. Peut-être aussi les
anagraphes (àvaypacpsl;) étaient-ils des fonctionnaires d'ordre
financier. \ous avons des sceaux mentionnant ces personnages
au i\^ siècle. L'un est anagraphe des Douze Iles, l'autre du
Péloponèse -K Tous ces fonctionnaires avaient eux aussi des
titres nobiliaires, mais modestes, comme le protonotaire. Ils
étaient liApatos, spathaires, couvouklisios, Acstite. etc. Cepen-
dant, certains — et toujours d'après le même principe que le
titre est indépendant de la fonction — possédaient pour des
raisons personnelles des lilres ])lus élevés. Nous connaissons
1. Vucuii sceau, à ma connaissance, ne donne mention d'nne union des
})Ouvoirs judiciaires et financiers entre les mains du protonotaire. 11 est
probable qu'il ne laut pas accorder une trop frrande valeur à la glose des
Basiluiues citée par Kambaud, p. 200.
2. Scblumberffer. Mèlamjcs, p. 21 5.
3. Siyillufj., 181, ly'i.
ET T. EMPIRF BVZ \NT1\ 1 99
un commerciairc de Thessalonique qui est protospathaire, un
dioecète de Sicile qui est patrice, etc. Tous ces fonctionnaires
relevaient des grands officiers de la couronne en résidence
à Byzance : du logothète du Trésor public ou du chartulaire
du sakellion ; mais un lien de subordination les unissait-il
aussi au protonotaire ? c'est ce que nous ne pouvons dire.
Il est probable que non, pour cette double raison, qu'ils possé-
daient tous des titres analogues et paraissent dans les céré-
monies marcher sur un pied d'égalité ; surtout qu'ils relevaient
du stratège, et, puisqu'on avait à dessein abaissé les proto-
notaires en faveur des chefs militaires du thème, ce n'était pas
pour donner au représentant civil du pouvoir une sorte de
(( 7:poéA£jT!,; )) qui l'eût grandi et rendu plus fort en face de son
supérieur. Seulement — et cela est à noter — entre les divers
protonotaires du thème, il y avait une hiéraVchie et cette
hiérarchie était précisément celle des thèmes. Un protonotaire
des Anatoliques ou des Arméniaques avait le pas sur un
protonotaire de Paphlagonie ou de Charsian et il est probable
qu'il en allait de même des autres fonctionnaires répandus dans
les thèmes. Tous, en effet, ne résidaient pas dans la métropole.
Chaque ville, comme le prouvent les sceaux, avait ses dioecètes,
ses épiskeptites, etc.
L'administration judiciaire se trouvait représentée dans le
thème par le tribunal de la métropole à la tête duquel se
trouvaient les juges du thème (GsuaT'.xol xo^Ta'l) avec, proba-
blement, un juge supérieur, rcmthypatos ^ du thème. Ces juges
avaient, en général, un rang nobiliaire plus élevé que les
protonotaires. Ils étaient souvent protospathaires. V leurs côtés
travaillait un certain nombre de magistrats que les Basiliques -
appellent « higoumènés » et qui avaient une charge plus ou
moins importante. 11 y avait des higoumènés « [j.3uojç » et
d'autres « sAaTTOj^- ». Leur mission consistait à veiller à l'exé-
cution des lois, à juger des procès, à faire respecter la justice;
ils avaient droit de s'immiscer dans la vie privée des individus
quand les circonstances l'exigeaient. Ainsi c'était à l'archonte,
c'est-à-dire probablement au juge de donner son avis dans les
questions de maiiages lors([ue les parents des jeunes gens
!. linsHic. I, l. l, îi 'M), p. A^,
200 BASILE l
étaient fous ' . De leurs décisions on pouvait en appeler au
jugement de l'Empereur, du Patriarche, de l'éparche ou du
questeur, suivant le cas 2. Comme le stratège, le juge de pro-
vince portait une ceinture (^wv/,), symbole de son autorité.
V cette catégorie de fonctionnaires se rattachait le u préposé
aux pétillons »> (o kizi twv osr^crscov) qui paraît avoir existé dans
chaque thème. Parfois le même fonctionnaire était préposé aux
pétitions et juge du thème ^.
Enfin, il y avait dans les thèmes des éparches. Nous ne les
connaissons que par la mention qu'en donne le Livre des
Cérémonies^; il est probable qu'ils avaient des attributions
assez analogues à l'éparche de Constantinople, mais avec une
autorité bien moindre puisqu'elle se trouvait "directement
limitée par celle du stratège. Il est possible quils n'aient eu
entre les mains qu'une autorité policière. Nous connaissons
par Plîolius le nom d'un éparche de Chypre, Staurakios •''.
A côté de tous ces fonctionnaires qui venaient de Byzance
ou étaient nommés par le gouvernement Central, il faut proba-
blement ajouter le conseil municipal qui, sans doute, fonction-
nait dans chaque commune ('/wpa) jusqu'à la novelle de Léon
les supprimant. 11 est très vraisemblable que c'est à ce sénat
municipal que l'Epanagoge fait allusion (juand elle ordonne à
l'évêque et aux (( p rote voûtes )> de dénoncer les archontes
prévaricateurs.
Enfin il y avait probablement dans chaque ville une sorte de
garde municipale, une «Taç^ » destinée à faire la police du lieu.
Cette taxis avait sa caisse et son organisation propre, mais
paraît avoir été assez mal famée, car on y inscrivait d'office le
clerc qui se mariait après son ordination ou le moine qui pour
la seconde fois s'échappait de son monastère *\
Ainsi donc cliaquc province reflétait assez bien limage de la
grande ville, capitale de l'Empire, quant à l'organisation civile
qui s'y trouvait établie. Il fallait un gouvernement miUtaire
foi't et respecté : la province l'avait par son thème et son
1. Proch., I, 1."^. p. 17.
2. Epanag., XI, 9, 89.
A, Siyillog., .493.
\. Cérém., 241, 260.
5. Migne, Cil, 984.
G. Basilic, III, t. I, s 27 ; IV, t. I, s i4, p. 100 et 116,
ET i; EMPIRE BVZWTIN î:>OI
siratège ; il fallait pour sauvegarder les intérêts particuliers et
emi)ècher une omnipotence qui aurait pu elre fatale aux
citoyens et à l'Empire, un gouvernement civil assez bien orga-
nisé i)our remplir sa mission, assez modeste pour ne pas
annihiler l'autorilé militaire et s'ériger en puissance rivale de
la sienne; elle Teut par ces officiers subalternes de rang moins
élevé que' les anciens fonctionnaires de l'Empire^ mais dont
l'ulilité fut tout aussi grande, heureuse et profonde.
CHAPIÏHE 1\
ADMIMSTUATION DE L EGLISE
En s'occupant de finances, de justice et d'administration,
Basile essayait de réparer, dans la mesure du possible, des maux
qui n'étaient pas chose nouvelle à Byzance. Plaintes contre
r aggravation des impôts, la rapacité des riches, l'avidité brutale
des agents du fisc, on les avait entendues monter nombreuses
et répétées vers le souverain, dès le jour où Constantinople fut
fondée ; loyaux et sincères efforts des Basileis pour faire régner
en leur Empire un peu de justice et d'équité, on les trouvait
inscrits en lettres ineffaçables sur presque chacune des pages
législatives que tracèrent de leurs mains si souvent malhabiles
Justinien et ses nombreux successeurs. En cet ordre de choses,
Basile n'innovait donc pas. 11 ajoutait seulement avec éclat un
nouvel anneau à la chaîne de traditions qu'il avait trouvée dans
le patrimoine de ses prédécesseurs. En allait il être de même de
la question autrement plus grave qui dût, dès le premier jour,
solliciter son attention : la question religieuse ? C'est ce qu'il
faut maintenant étudier ^
A l'avènement de Basile, la situation religieuse de l'Empire
était singulièrement complexe. L'Eglise sortait à peine d'une
lutte aussi longue que douloureuse, lorsque l'affaire de Photius
vint de nouveau agiter les esprits et diviser les âmes. Deux
camps se reformèrent sur l'heure comme aux plus beaux jours
de l'iconoclasme et la guerre fut une seconde fois déclarée. Elle
devait durer longtemps.
I . n est presque inutile de rappeler que je n'ai pas à faire ici l'histoire
eoniplète du seliisnie de Photius. Ce que je dois montrer, c'est la conduite
de Basile P' dans les affaires religieuses. Je ne rappellerai donc que les faits
essentiels et leur enchaînement, chose nécessaire ])onr hien comprendre la
situation rehgieuse du moment et hi politique de rKmpcreur.
i-yr i/empihe iuzamin 9.00
Tant que Michel vécut, Photius resta le maître de l'état de
choses qu'il avait, sinon créé, du moins accepté. Le patriarche
Ignace, son prédécesseur, fut exilé et honteusement persé-
cuté ; ses adhérents durent quitter évêchés ou fonctions et,
comme si toute cette révolution s'était accomplie d'après les
règles canoniques, Rome fut requise pour en sanctionner le
résultat, l^hotius, en effet, suivant l'usage, expédia — hien
qu'assez tard et nous allons voir pourquoi — à Mcolas V\ une
lettre pleine de respect contenant sa profession de foi, l'annonce
de son élévation au trône pontifical et la demande d'un Concile
pour mettre tin à l'hérésie des iconoclastes. Si Photius s'imagi-
nait lléchir par cette démarche tardive et de pure déférence, la
rigueur d'un Pontife comme Mcolas P' , il se trompait étrange-
ment. 11 fallait bien peu connaître le Pape régnant, son carac-
tère et ses idées pour croire qu'il laisserait passer sans mot dire
une si belle occasion d'affirmer sa souveraine autorité.
Quoi qu'il en soit, une année après l'avènement de Photius,
Constantinople décida d'envoyer à Rome une ambassade solen-
nelle, chargée d'aller porter à Nicolas P' avec de riches présents,
la lettre du Patriarche. Cette ambassade se composait de
Méthode, métropolitain de Gangres, de Samuel, évêque de
Chonae ' et de deux autres prélats déposés par Ignace : Zacharie
et Théophile d'Amorion-, auxquels on avait adjoint un laïque,
le protospathaire Arsavir^. Tous étaient partisans convaincus
de Photius. Ainsi choisie, la légation partit de Constantinople
vers la fin de 859 et arriva à Rome en 860 ^ Elle avait pour mis-
sion officielle de demander au Pape des représentants pour le
Concile qu'on voulait tenir, afin de terminer définitivement la
([uerelle iconoclastique ; pour niissio/i officieuse de faire recon-
naître Pliotius "'. Malheureusement pour Byzance, les choses ne
marchèrent pas comme elle aurait pu l'espérer. Le Çape était-il
])révenu par ailleurs des irrégularités qui s'étaient commises
lors de l'élection de Photius et des graves événements qui
s'étaient accomplis au cours de l'année écoulée ^ Les ambassa-
I . Clioiiao élail un simple évoché de la province ecclésiastique de Lao-
dicéc. Photius éleva Samuel à la dignité d'archevêque. (Vit. Ignat.,
]). 5iG).
•i. Vil. Ignai., p. 016.
3. Liber Pontif. VU. NicoL. u. p. i:>'i et 1G8. note i4.
/». Und., noie i3.
5. Lih. Poiilif. Vil. XicoL. p. 1 .'),'».
30'| B\SII,E T
deurs laissèrent-ils trop clairement lire clans leur jeu^ P^ul ne
le sait. Ce. qui est certain, c'est que Mcolas P' promit d'envoyer
des légats, mais se réserva l'affaire de Photius qui devait être
simplement instruite devant ses représentants lors, du futur
concile -.
La mission byzantine avail donc échoué. Elle emportait pour
toute réponse deux lettre.s datées du 25 septembre •^ l'une pour
l'Empereur et l'autre pour son Patriarche. Dans chacune, Nico-
las s'élevait contre la prétention qu'avait eue un synode privé
de déposer, sans son consentement, le pontife Ignace, et surtout
d'élever au souverain pouvoir, sans les épreuves préalables, un
simple laïque, si savant qu'il put être.
Une telle réponse était une fin de non-recevoii\ adroitement
déguisée. Nicolas, en effet, se rendait très bien compte de la
situation, s'il ne la connaissait pas. 11 était peu naturel qu'un
vieillard dont le gouvernement depuis douze ans avait toujours
été ferme et sage, sinon aimable et doux, et dont la haute per-
sonnalité n'avait jamais été atteinte par l'ombre même d'un
soupçon, homme de discipline et d'austérité, saint de vieille et
dure roche, fut subitement déposé, envoyé en exil et prompte-
ment remplacé, si derrière l'affaire religieuse ne s'agitait pas
une affaire politique. Aussi, tout en refusant de confirmer,
avant tout procès canonique, une aussi extraordinaire déchéance.
Nicolas ne voulut-il pas prendre parti. Ignace pouvait avoir
-- et c'était probable — ses sympathies personnelles ; mais
il se garda bien d'en rien laisser voir. Très canoniquement, il
réunit à Kome un synode pour le choix des légats qui devaient
prendre part au concile et exposa les instructions qu'il allait
leur donner. Les ambassadeurs désignés, Rodoald et Zacharie,
devaient continuer à traiter Ignace en évéque et Photius en
laïque, terminer le schisme iconoclastique et simplement réu-
nir les pièces du procès en cours au sujet de l'élection patriar-
cale. Lui seul, Nicolas, déciderait en dernier ressort sur ce qu'il
convenait de faiie ^.
1. Les ambassadeurs étaient chargés do dire au I^ape qu'Ignace vieilli
avait abdiqué et s'était retiré dans un nionaslère où tous les égards dus à
son rang lui étaient assurés. (\U. Jgn., 5i6).
2. Mansi, xv, p. i65. Lettre IL Liber Pontif., p. i58.
3. Jatré, 2682-2683.
4. Mansi. \v, 165-17 1. Lib. Ppntif., i58.
ET L KMPIKl!: m/. VNTIX 200
C/étail là. cvidemment. la meilleure solution provisoire.
D'une part, en effet, malgré toutes les appareuces et certains
faits contraires*, on imputait à Ignace divers crimes. Les uns
disaienl ([iiil avait été l'élu de la puissance séculière -, les autres
([u'il se portait accusateur du patriarche Méthode; Photius le
traitait de détracteur de la mémoire du pontife défunt et disait
(ju'on devait le regarder comme un véritable parricide -^ D'autres
raccusaient même — et la chose pouvait ne pas manquer de
V raisemblance aux yeux de certains, vu les origines dlgnace —
de faire de l'agitation politique. Enfin — et c'était le motif véri-
table — on lui reprochait son autorité, son excessive raideur,
ses idées de réformes et sa sévérité *. Or. ces attaques, ces irré-
gularités, ces fautes, réelles ou prétendues. Ignace devait les
réfuter et les expliquer. Quant à Photius, il se trouvait en très
j)eu canonifjue posture. Contrairement à tous les usages, il
avait subitement et sans transition, passé de la vie séculière —
et d'une vie séculière qui n'était pas exemple de tous reproches ^
— à la vie épiscopale. et cela uniquement grâce au souverain ;
il avait accepté un siège régulièrement occupé : il avait usé de
violence pour obtenir l'abdication de son prédécesseur: enfin,
chose plus grave, c'était un évê([ue plusieurs fois condamné :
par un sxnode, j)ar Ignace et jiar le Pape, Grégoire Asbeslas,
([ui l'avait sacré. Comment dès lors, en présence d'un tel con-
flit, agir autrement qu'en convoquant un concile dans lequel,
des deux côtés, on exposerait les faits, on expliquerait les évé-
nements, on se justifierait. Malheureusement, l'affaire déjà par
elle-même assez compliquée, se trouvait encore obscurcie par
la division extrême des partis. Ignace avait pour lui — et ce
de>ait élre aux vqux du Pape mie bonne note — les moines qui
défendaient dans le Patriarche un des leiu's. Le Stoudion, à sa
voix, s'était levé pour sa défense, et son higoumène, Nicolas,
avait souffert la persécution à cette occasion •'. Le moine Théo-
gnoste. de son côté, dès 86 1 ", était parti pour Rome et dans la
délégation byzaidine que le Pape ne tarda pas à appeler à son
I . Maiisi, w . 171.
a. Ibid.
3. Anasiase, prêt", au Mli"^^ concile, Mansi, \m, S.
\. l //. lijn.. .")o:^.
."). Mansi, \v, p. 194 cl 35(). \it. hjiiaL, 5i2.
6. \ it. \icol. Migne, CV, p. 908-909.
7. LU). Ponlif'.. p. 1S7. Il" 3(), Afaiisi, \m, 3()().
206 BASILK I
Irihiiiial se trouvaienl plusieurs religieux ^ l^ien j)lus. le haut
clergé lui-même paraît avoir été, au début de l'affaiie. partisan
du vieil Ignace. Quelques membres du synode « twv s-'.g-xô-ojv
01 voiJi'.vôjjLîvo', Aoyàoîç » ])rélals de cour et de iîdélité douteuse -,
se rangèrent bien, en vérité, dès la première heure, du côté de
Photius et s'en allèrent <(. h cause du malheur des temps )>
demandera Ignace une prompte abdication ; mais ce fut l'evcep-
tion. La majorité des évêques et le peuple, tout d'abord, lui
restèrent fidèles •'. Les uns et les autres réclamèrent le retour
du Patriarche et la cessation des tourments qu'on lui faisait
subir. Le synode alla même, paraît il. jusqu'à refuser de recon-
naîtra Photius et présenta à sa place trois autres candidats ^,
Malheureusement la résistance fut de courte durée. De conces-
sions en concessions, gagnés par des faveurs on brisés par la
crainte, les évêques, à l'exception de cinq^, acceptèrent tour à
tour le fait accomj)li. à une condition cependant : ils exigeaient
qu'Ignace vécût honoré, qu'on ne fit rien contre sa volonté et
qu'on ne le molestât d'aucune façon ^^ Photius donna sa parole
et l'accord se trouva ainsi réalisé quelques semaines durant".
Mais, sans doute, sous la poussée de l'opinion populaire toujours
peu favorable à Photius^, le nouveau Patriarche, dans l'espé-
rance de vaincre les dernières résistances, imagina de réunir
un concile, aux Saints-Apôtres. Les Pères, habilement choisis
et circonvenus, firent ce qui leur fut commandé : ils déposè-
rent Ignace et l'anathématisèrent. Peine perdue ! Tandis que
Métrophane et quelques amis se détachaient définitivement de
Photius et le déposaient à leur tour dans un concile tenu par
eux à Sainte-Irène, la population continuait de se prononcer en
1. Mansi, \v, an.
2. ] it. IgnaL, p. 5o5.
3. Anastdse,préL au Vllh coiitile. Mansi, vvi, 4-
\. Mansi, xvi, 4i5.
5. Nicolas I*^' en comptait siv : Anloinc de Cyzicpie, Basile de Thessalo-
nique, Constantin de Larissa, Théodore de Syracuse, Métropliane de
Sniyrne, Paul d'Héraclée du Pont (Mansi, xv, 2ji). Cependant à' la pre-
mière session du Concile de 8G9 on trouve un chiffre légèrement supérieur.
Il fut décidé que seuls auraient droit de siéger ipso facto ceux qui avaient
soutfert pour Ignace. Les autres, ceux qui faiblirent, furent introduits
plus tard. Or nous avons à la première séance 5 métropolitains et 7 évêques
(Mansi, xvi, p. 18).
0. I if. Ifjii., p. 5i3,
7. (Quarante Jours an dire de Théognoste. (Mansi, wi-, 3oo).
N. Anasiase. Marisi, wi. \.
ET L E-NIlMUi: BYZANTIN
faveur d'Ignace. C'est alors que partit de Constantinople l'am-
bassade de 859 conduite par Méthode'.
\iusi donc quand les ambassadeurs de Nicolas T ' arrivèrent à
leur tour à Constantinople, la situation était très tendue. Pho-
tius ne se maintenait au pouvoir que grâce à l'appui de Michel
et de Bardas. Ignace élait dans les fers, honteusement traité,
irrégulièrement déposé et les gens d'Eglise comme le peuple se
partageaient en deux obédiences : l'une momentanément vie
time de sa fidélité au Patriarche, l'autre victorieuse et récom-
pensée de sa complaisance par les grandes dignités que IMio-
tins lui octroyai l.
Les légats romains, Rodoald de Porto et Zacharie d'Vnagni,
arrivèrent à Constantinople vers le mois de février 861, porteurs
de lettres et d'instructions précises. La conduite qu'ils avaient à
suivre était donc assez simple si elle n'était pas très aisée. En
demandant à Rome des légats, Photius voulait prouver à
l'Orient tout entier qu'il était, non seulement en communion
avec le chef incontesté de l'Eglise, mais encore qu'il était offi-
ciellement reconnu par lui comme Patriarche de Constanti-
nople. Aussi la colère fut-elle grande au Palais comme au
Patriarcheion quand on apprit quelle était la mission confiée
aux légats. Immédiatement circonvenus, ils furent tenus à vue.
afin de les empêcher de communiquer avec le parti des « Igna-
tiens »-: on les flatta, on les menaça, on leur donna même de
l'argent -^ dans l'espérance de les faire céder. Et c'est ce qui
arriva. Loin de leur patrie, en pays dont ils ne connaissaient
sans doute ni la langue ni les usages, enserrés dans un réseau
d'affaires qu'il leur était impossible de débrouiller, les légats
n'eurent pas de peine à comprendre que, s'ils voulaient revoir
la campagne romaine, leur petit évéché suburbicaire, leur
famille et leurs amis, ils n'avaient qu'à prendre le parti du
plus fort. Peut-être même les convainquit-on réellement des
droits de Photius. En tout cas, quelle que soit la cause qui les
ait fait agir, contrairement aux ordres reçus, ils firent réunir
le concile pour lequel ils avaient été envoyés.
Le « nouveau brigandage » s'ouvrit aux Saints-Apôtres en
mai 8()i. Trois cvn\ dix-huit membres y assistaient, tous choisis
1 . Man.si. \vi, |i() l'I so([.
:>. Mansi, w, p. -a8G.
3. lAb. Ponl'if., i.")."). Mansi, \v , mi) cl \vi, 4-^9-
2o8 ' BASILE 1
davaiicc ' et parmi des gens qui n'auraient pas dû figurer au
nombre des Pères. Aucun Patriarche n'était là pour présider les
séances -. Ignace, sommé de comparaître comme simple
moine ^, était jugé d'avance ^ De tous les giiefs formulés contre
lui. on en retint un seul et on lui appliqua le canon XXXI
des constitutions apostoliques : « Quiconque aura obtenu une
dignité ecclésiastique au moyen des dépositaires du pouvoir
civil devra être déposé. » 11 fut donc honteusement dégradé
comme « indigne. » Par la force on lui fit tracer une croix sur
un acte d'abdication auquel on ajouta : « Moi, très indigne
Ignace de Constantinople, je reconnais être devenu évêque sans
élection « à'i;Y,cp'l7T0)^ ». et j'avoue également avoir gouverné,
non pas d'une manière sainte, mais d'une façon tyrannique •''. »
Puis on chercha à s'en débarrasser '• en lui faisant crever les
yeux". 11 ne fallut, paraît il, rien de moins qu'un long tremble-
ment de terre de quarante jours au mois d'août pour rendre au
vieux Patriarche un peu de répit ^.
L'affaire d'Ignace ainsi réglée, le concile termina son œuvre,
en édictant quelques canons de saveur toute romaine, destinés
à adoucir le Pape, et les légats s'en allèrent, laissant TEglise
byzantine encore plus profondément divisée qu'elle ne l'avait
été jusque-là. Ils rentrèrent vers la fin de l'année 86i ''.
Bardas, le véritable instigateur du concile, avait espéré, en
faisant anathématiser Ignace, que le peuple se détacherait tout
à fait de son Patriarche. Ce fut en vain. « Ignace restait tou-
jours le Patriarche du peuple : Théophile, celui de l'Empereur ;
Photius, celui de Bardas '^\ o A cette date, Basile ne comptait
pas encore. 11 n'avait nulle qualité pour intervenir dans lous
ces graves débats. Tandis qu'autour de lui la lutte continuait de
plus en plus âpre et acharnée, que jusqu'aux amis de Photius,
chacun commençait à trouver que toute cette affaire tournerait
1. Mansi, \v, 19a. Tlicopli. Coiiliii., 1/7. Mich, x.wii, 309.
2. Mansi, 179-202.
3. Mansi, xvi, 296.
4. \\olfvon (ilanvell, Die KanoncssainmhuKj des hardi/ial JJeusdedU, IV,
(h. cccc.v.vviii, p. 6o3.
5. Vit. Ignat., 52 1.
(). Ibid., 5i3.
7. Jbid., 521-524.
8. Ibid., 521.
9. Héfcic-Dclarc, V, 45o el scq.
i<». I //. lynat, 028.
ET L EMPlHi: BYZANTIN 2 OC)
à mal pour ceux qui Tavaient laucée ^ lui grandissait dans
l'ombre et, un jour, on apprit que de favori il était passé
maître. Il est impossible qu'ambitieux comme il Tétait, en
situation de jouer d'un instant à l'autre le rôle qu'il ne tarda
pas en effet à remplir, il ait pu ignorer le litige et ne pas pren-
dre parti. Cependant, c'est assez tard que son nom apparaît
tout à coup dans la mêlée. Le i3 novembre 866. après cinq
années de longue agitation durant lesquelles, de part et d'autre,
synodes, lettres, ambassades, dépositions et anatlièmes se mul-
tiplièrent sans pour autant faire avancer les choses, Nicolas I"
voulut adresser un suprême appel à l'Eglise comme à l'Etat
byzantins. Il expédia par l'intermédiaire de nouveaux légats,
toute une série de missives destinées à divers grands person
nages de l'Empire : à Michel, à Photius, à Bardas 2, à Ignace, à
Théodora, à Eudocie, aux archevêques, au sénat. A Basile il ne
songea pas ! Quelques semaines plus tard, cependant, en mai
866, Basile montait sur le trône de Byzance comme associé de
Michel.
Subitement sa position changeait. Il ne pouvait plus se faire
que sa personne restât encore étrangère au débat religieux, si
toutefois elle y était jusque-là demeurée. En tous cas, Photius
rencontrait sur sa route une nouvelle puissance avec laquelle il
allait avoir à compter. Gomme le disait Nicolas P' dans sa lettre
à Bardas, l'état aigu où en étaient arrivées les choses était l'œu-
vre personnelle du César. Pour se venger d'un affront très justi-
fié, il avait jeté l'Eglise et l'Etat dans les pires aventures et sou-
tenu de tout le prestige de son autorité le nouveau Patriarche.
Lui mort. qu"allait-il advenir? Basile, que la question d'ordre
privé n'intéressait nullement, continuerait-il cependant à
défendre la créature de celui qu'il venait d'assassiner.^ Evidem-
ment non — à moins que cette créature ne lui fût nécessaire à
son tour. La situation devait donc, par la force des choses, se
trouver modifiée, à partir de l'avènement de Basile. Photius le
comprit vite. Il était trop intelligent pour s'imaginer, quoiqu'il
l'ait écrit plus tard, qu'il allait acquérir sur Basile une influence
quelconque par le fait seul qu'il l'avait sacré et avait participé
avec lui aux saints mystères -^ Non, jusqu'à la mort de Michel,
I. Vit. Ignat., 021.
3. Iloiiir ipfnorait encore, à cette date, la mort de Bardas.
3. Vholïxis, Lettre à Basile, Mignel^II, Lettre XYI, p. 765.
14
2IO BASILE J
le nouvel Empereur, vraisemblablement aussi peu soucieux des
choses religieuses qu'il l'était des choses morales, ne fît pas
difficulté de se ranger à l'avis de son impérial associé. D'un côté
comme de l'autre, c'était pure flatterie et simple habileté qui ne
préjugeaient pas de sa conduite à venir. Aussi quand Photius,
pour répondre aux synodes romains comme aux anathèmes et
aux dépositions que Nicolas avait lancés contre sa personne et
ses tenants S décida de réunir un nouveau concile dont la mis-
sion serait d'anathématiser et de déposer à son tour le Pape
régnant, Basile et Michel y assistèrent-ils -, et leur nom figura
même, parmi les partisans de Photius, au bas des documents
que Rome ne tarda pas à recevoir. Après la mort de Michel,
Basile, il est vrai, protesta bien auprès du Souverain Pontife
contre l'abus que fit de son nom le Patriarche déchu ; mais qui
disait la vérité de Photius ou de Basile ? Nul ne pourrait le dire :
la moralité des deux accusés n'étant pas à coup sûr un plus
sérieux garant de leur parole que le fait contesté. En tous cas,
une chose est certaine, c'est que Basile, au lendemain de son
avènement, s'empressa d'envoyer un homme de confiance à la
recherche de Zacharie en route pour Rome ^, avec Tordre for-
mel de rentrer à Constantinople.
En attendant, du vivant de Michel, assez curieuse était la con-
duite de ces deux hommes subitement placés par les événe-
ments en face l'un de l'autre. Officiellement, ils semblaient
unis; mais en sous-main chacun préparait l'avenir. Photius,
adroit courtisan, n'avait pas manqué de s'apercevoir assez vite
du changement qui s'opérait au cours de l'année 866-867 dans
les relations réciproques des deux empereurs. Et il en profitait.
Ignorant la façon dont les choses tourneraient et désireux
d'avoir en toute hypothèse un protecteur dans le souverain
futur, il flattait tour à tour Michel et Basile et, s'il faut en croire
le panégyriste d'Ignace, ne se faisait nullement faute d'aller de
l'un à l'autre semer entre eux la discorde et la haine *. Malgré
1. Btblioth. Casin., IV, p. 359.
2. (>c concile sur lequel nous avons très peu de renseijïnetnents et qui ne
se tint peut-être môme pas, doit se placer entre le mois de mai et le mois
de septembre 8G7. On soupçonna toujours Photius d'avoir fabriqué pièces
et signatures. Mais cela n'est pas prouvé. Lib. Pontif., II, 179. Vit Ign.,
p. 537.
3. Vit. Ignat., 5/io.
!\. Ibid., 537.
ET L EMPIRE BYZANTIN 2 1 t
ses faiblesses et ses crimes. Basile iiainiail pas la u fourberie de
ce sage » '. Si sa vie morale était faite de bien des hontes et si
son ambition l'entraînait à bien des compromissions, il avait
du moins pour lui le souci de la justice et la conduite de Pho-
tius le révoltait. En agissant de la sorte, Photius se perdait
d'avance. Comment Basile aurait-il pu soutenir un homme qui
trahissait sans le moindre scrupule ses plus fidèles amis, qui
n'avait pas trouvé un mot pour protester contre le meurtre
de Bardas, pas un pour s'élever contre les vices inqualifiables
de l'empereur Michel "^^ Basile, en vérité, aurait peut-être passé
encore sur de semblables délicatesses si, du moins, Photius
avait pu lui servir. Il aurait alors agi avec lui comme avec ses
autres ennemis par la crainte ou la faveur : malheureusement
pour le Patriarche, sa personne, tout au contraire, était un obs-
tacle, une gêne, un danger pour Basile, et forcément il n'allait
pas manquer de le sacrifier.
Qu'importait-il, en effet, avant tout au Basileus pour l'ac-
complissement de ses rêves ambitieux? C'était de s'attacher le
peuple resté fidèle à Ignace. Son retour en fit foi. En rappelant
le vieillard persécuté et en exilant son implacable ennemi,
Basile, par ce seul acte, se faisait pardonner le meurtre de
Michel et mettait un terme à la longue agitation religieuse du
règne précédent ^. C'était déjà chose appréciable. Mais il y avait
mieux. Le rétablissement d'Ignace attirait sur la personne de
Basile la sympathie du Pape qui pouvait, comme l'avenir Fallait
prouver, lui être utile, voire même nécessaire ; il brisait, pour
toujours, un ambitieux dont les projets ne concordaient guère
avec ceux que. nouveau parvenu, l'Empereur formait pour sa
future maison : il le débarrassait d'un agitateur habile duquel
chacun avait tout à craindre ; il le dotait enfin d'un Patriarche
énergique et tenace, évidemment, mais vieux, usé par la souf-
france et la lutte et dont l'inespéré retour à la tête de l'Eglise allait
faire un ami fidèle et un chaud partisan du trône qui s'élevait.
N'était-ce pas là des raisons plus que suffisantes pour décider
Basile? Il le pensa et ne se trompa point. Aussi, deux mois après
son élévation, le dimanche 23 novembre 867, Ignace remontait-
il sur le trône patriarcal de Byzancc pour n'en plus redescendre.
1. Vit. lynaL, 0^0.
2. Ibid,, 538.
3. Mansi, xvi, p. 18.
212 BASILE 1
Photius était envoyé au couvent de Skcpi ^ La lutte avait duré
neuf années -.
Cette subite disgrâce de Photius équivalait à un véritable coup
d'Etat, dans l'ordre des choses religieuses. De toute évidence,
Basile voulait être seul maître de l'Empire et il en prenait les
moyens, qu'il s'agit de l'Etat, qu'il s'agit de l'Eglise. Mais, dans
un cas comme dans l'autre, il ne pouvait manquer de faire,
avec beaucoup d'heureux, beaucoup de mécontents. Aussi n'est-
il pas étonnant que sa conduite religieuse ait été assez diverse-
ment jugée par les contemporains. Les uns affirmèrent que
Basile n'avait chassé Photius que parce qu'il lui avait refusé la
communion au lendemain du meurtre de Michel '■^. Les autres,
comme Constantin YII, ne voulurent voir en cette affaire qu'une
question de justice, sans corrélation aucune avec les antipa-
1. vit. Ignat., 5'»o.
2. /6id., 544.
3. C'est la version du continuateur de Georges le Moine et des clironi-
queurs qui le copient ou s'en inspirent : Syniéon Magister, Géncsios, Léon.
Tous prétendent qu'au lendemain du meurtre de Michel, Photius chassa
Basile de l'Eglise comme indigne : k >.ï ttt.v xal cpovia», dit Syniéon — et
qu'irrité par cette injure l'Empereur déposa le Patriarche et réintégra
Ignace, ^lais cette histoire n'est pas admissible. D'abord, elle est en contra-
diction avec le caractère de Photius, qui n'avait pas, à l'égard des puissants,
de ces périlleuses audaces ; elle l'est avec les autres sources historiques qui
donnent à la conduite de Basile de très ditTérentes raisons ; elle l'est sur-
tout, ce qui est plus grave, avec les dires mêmes de Photius. En exil, le
Patriarche déchu écrivit à l'Empereur. Dans sa lettre que nous possédons,
il lui rappelle les liens indissolubles qui les unissent : sa consécration et
l'ïlucharislie. Nulle part, Photius ne fait la plus légère allusion à un événe-
ment qui, s'il avait été réel, était d'une telle gravité qu'il n'aurait pu le
passer ainsi sous silence. Le moins qu'il eût pu faire, c'eût été de l'expli-
quer, d'en donner les raisons ou encore de s'humilier poiu' implorer son
pardon. Or, nous ne découvrons rien de semblable dans la correspondance
de Photius. La vérité est, probablement, beaucoup plus simple et ne doit
pas même être cherchée dans les antipathies de certains chroniqueurs à
l'endroit de Basile. 11 eût été, en elTet, à peu près impossible de lancer dans
le public luie histoire aussi in\raisendDlable, alors que chacun devait savoir
la vérité à ce sujet. En réalité, cette version nous est parvenue par suite
d'une confusion. Qu'on remarque, d'abord, que Syméon, après avoir
raconté cette anecdote, n'en continue pas moins de dire que c'est Photius
qui baptisa le jeune Etienne à la Noël 867 — chose impossible, puisqu'il
était certainement chassé — mais qu'on remarque aussi que le chroniqueur
n'a pas parlé de la déposition d'Ignace et de sa protestation contre Bardas,
et l'on aura, je crois, le mot de l'énigme. Il est très probable, à mon sens,
qu'un chroniqueur postérieur a mêlé les deux noms et, par conséquent,
les deux événements et créé ainsi, sans le vouloir, la légende du courage
inopiné de Photius.
ET L EMPIRE BYZANTIN 210
thies secrètes ou avouées de l'Empereur qui resta, dit son petit-
fils, Tami de Pliotius, et lui confia même l'éducation de ses
enfants ^ ; d'autres enfin, comme les Romains, s'efforcèrent, par
la plume dun des leurs, de montrer que Basile n'agit, en l'oc-
currence, que pour se conformer à la justice et aux décisions
du Saint-Siège. Suivant Anastase, en effet, l'Empereur, dès qu'il
fut proclamé, entreprit une sérieuse enquête sur les droits réci-
proques des deux Patriarches et rechercha les jugements de
Rome -. Ce fut alors qu'il chassa Photius pour rappeler Ignace.
En fait, Basile n'avait pas besoin de ces multiples raisons
pour prendre parti. Deux mois après son avènement, il avait
exilé Photius tout simplement, parce qu'il y était déjà décidé
dès avant le meurtre de Michel. Aussi est-ce en toute vérité que
Nicétas put dire, dans son panégyrique d'Ignace, que Photius
fut disgracié au u lendemain » même de l'arrivée de Basile au
pouvoir. Ce qui paraît bien certain, en tous cas, c'est que Basile
voulut donner à cette déposition la valeur d'un acte juridique
et l'apparence d'une complète soumission aux jugements de
Rome. Parla déposition de Photius et le rétablissement d'Ignace,
Basile ne préjugeait pas la question. Il obéissait — ou feignait
d'obéir — simplement à la volonté du Pape, qui avait ordonné
dès 86 1 de rétablir les choses dans l'état oii elles se trouvaient
avant la déchéance d'Ignace et il lui remettait, suivant son
désir, le soin de trancher le débat. C'est pourquoi, lorsque
Ignace rentra solennellement à Constantinople, accompagné
du drongaire Hélias, l'Empereur exigea que, momentanément, le
Patriarche irait habiter son palais paternel de Mangana^ et non
le Patriarcheion. Pour la même raison, il rappela sur leurs sièges
épiscopaux et à la tête de leurs couvents tous ceux qui avaient
été chassés et remplacés par Photius * et, tandis qu'en son parti-
culier, il recevait solennellement Ignace à la Magnaure ^, le
comblait de prévenances et le laissait en grande pompe se ren-
dre à Sainte-Sophie ^', officiellement, il'envoyait à Rome le spa-
1. Il pst bon d'observer que Constantin fait le panégyrique de son grand
père. Or, à la mort d'Ignace, Basile rendit le pouvoir à Photius : ce qu'il
fallait expliquer par une constante et secrète fidélité. Vit. Basil., xxxiv, 292.
2. Mansi, \vi, p. 6.
3. Vit. Ign., 54o.
4. Vit. S' Nicol., Migne, t. GV, p. 918.
5. Vit. Ignat., 544-
6. Ibid., 544.
2T'4 BASILE I
tliaire Euthymios informer le Pape de ce qu'il avait fait ', puis
Tannée suivante, en 868 2, des légats chargés de représenter
auprès du Saint Siège les deux partis opposés ^. Cette ambas-
sade composée du métropolitain de Sylaeum, Jean, autrefois
évêque de Pergi, pour le parti d'Ignace et de Pierre, évêque de
Sardes, pour celui de Photius *, avait mission de faire connaître
au Souverain Pontife ce qui s'était fait à Gonstantinople depuis
l'avènement de Basile, de demander des représentants pour pré-
sider le futur concile réclamé par Ignace lui-même ^ et d'obte-
nir miséricorde pour les partisans de Photius. Un spathaire
impérial, Basile, apportait à Nicolas P' une nouvelle lettre de
FEmpereur. Ce ne fut pourtant pas le pape Nicolas qui reçut
l'ambassadeur byzantin. Il était mort le i3 novembre 867 et,
dès le mois de décembre, il avait un successeur dans la per-
sonne du pape Hadrien.
Ce changement de règne ne pouvait, en aucune façon,
modifier tout d'abord la ligne de conduite que Rome s'était
tracée. Dès l'origine du conflit, la Papauté avait agi canoni-
quement. Elle n'avait donc qu'à maintenir ses positions, tout
en accueillant hommes et choses qui semblaient à celte heure
se tourner vers elle et lui faciliter la solution du problème
religieux. Aussi, dès qu'Hadrien, par l'entremise d'Euthymios,
eut reçu notification des changements survenus à B^^zance,
s'empressa-t-il d'écrire à Basile et à Ignace. A l'un comme à
l'autre, il affirme qu'il maintiendra, quoi qu'on en ait pu dire,
les décisions de son prédécesseur et recommande à tous deux
le moine Théognoste, l'ami d'Ignace durant les mauvais jours ^.
Malgré ces protestations d'IIadrien, de trop graves événements
s'étaient passés à Byzance. cependant, pour que la situation du
nouveau Pape fut exactement la même que celle de Nicolas el.
par conséquent, pour qu'il agît tout à fait de semblable façon.
D'abord Ignace était réintégré. Hadrien n'avait donc plus qu'à
juger le différend. Ensuite et surtout une nouvelle question se
posait — très grave celle-là pour Rome — le soi-disant concile
1. Mansi, xvi, 123.
2. Héfelé-Delarc, V, 692.
3. Lib. Pontif., II, 178.
4. Mansi, XVI, 6,
5. Vit Ign., 544-
6. Mausi, XVI, 120.
ET L EMPIRE BYZANTIN 2 I O
de Constantinople, qui avait aiiathématisé le Pape et compromis
Basile. Il y avait, enfin, une question bulgare, posée depuis
peu, qui agitait les esprits et mettait aux prises avec une acuité
particulièrement vive, les deux autorités religieuses d'Orient
et d'Occident. Qu'allait donc faire Hadrien d'une part et Basile,
de l'autre ?
L'ambassade envoyée par Basile au Souverain Pontife arriva
à Rome vers la fin de l'année 868 ' , en nombre singulièrement
réduit -. Dès que les affaires en cours le permirent, Hadrien
réunit un synode dans l'église S'-Pierre pour discuter la ques-
tion grecque ^. Tout de suite, comme il fallait s'y attendre, on
s'occupa du concile de Constantinople, qui avait anathématisé
le pape Nicolas. Rome avait hâte de le condamner et Byzance,
par son représentant impérial, Basile, avait non moins hâte de
dégager l'Empereur de la compromettante solidarité que sa
signature — vraie ou fausse — créait entre lui et Photius. On
fut donc, de part et d'autre, très expéditif. On s'expliqua rapi-
dement sur la part qu'avait pu prendre Basile à ce soi-disant
concile. Puis, après un ou deux discours, le Pape se leva pour
prononcer sa sentence : le concile de 867 était condamné, les
livres relatifs à cette affaire et qu'on avait trouvés chez Photius
devaient être brûlés ; Basile fut déclaré pieux et orthodoxe
empereur ; Photius, ce u nouveau Dioscore » et ses partisans
furent anathématisés, déposés et réduits, en cas de repentir,
à la simple communion laïque ; enfin des légats partiraient
pour Byzance afin d'y rétablir la paix ^.
On le voit donc, malgré les protestations d'Hadrien, il y avait
quelque chose de changé dans la conduite du Pape. Par ce
synode, Hadrien, contrairement à ce qu'avait toujours dit son
prédécesseur Mcolas. terminait le débat en condamnant
Photius sans l'avoir entendu ; il absolvait Ignace sur le rapport
1. Héfelé-Delarc, V, 092.
2. L'histoire du voyage de cette ambassade est des plus étranges. Les
représentants d'Ignace et de Photius, en effet, partirent séparément. Sur
l'un des bateaux se trouvait l'évêque Jean et le spathaire Basile; sur l'autre,
Pierre de Sardes et quelques moines qui l'accompagnaient. Arrivé en vue
des côtes dalmates, le navire qui portait les partisans de Photius fit nau-
frage. Le légat et sa suite périrent, à l'exception d'un seul, le moine Métho-
dius que, dédaigneusement, \nastase appelle « monacliulus » {Lib. Pontif.,
Vit. Hadr., n, 178 ; Vit. Ignat., 54/1)-
3. Mansi, xvi, 5o. Héfelé-Delarc, V, 094 .
'\. Mansi, \m, 129.
2l6 BASILE I
de ses seuls partisans ; il délivrait à Basile un certificat d'ortho-
doxie et d'innocence qui allait rendre le nouvel Empereur
maître de la situation. Ainsi, à la faveur de cette sentence,
chacun gagnait ou espérait gagner quelque chose. Indépen-
damment de l'impression morale qu'allait faire sur les esprits
le rôle joué par Rome dans l'affaire du schisme, le Pape faisait
reconnaître à toute l'Eglise hyzantine son ahsolue autorité^
et s'attachait par des liens de reconnaissance le Patriarche et
l'Empereur qu'il comptait bien utiliser à bref délai. Basile était
absous ; Ignace recouvrait son trône et Photius lui-même, tout
sacrifié qu'il fût, pouvait lire entre les lignes qui le condam-
naient la promesse d'une sentence future qui le réhabiliterait.
Tel fut le rôle, très habilement joué par le pape Hadrien
dans ce premier acte consacré à la solution du conflit religieux.
Désormais, pour un temps, la scène se transporte à Byzance et
c'est naturellement Basile qui tiendra le premier rang. Voyons
donc quelle fut son attitude.
Dès que le concile romain se trouva terminé, l'ambassade
byzantine reprit le chemin de Byzance; mais cette fois-ci, elle
n'était plus seule comme à l'aller. Les légats du Pape faisaient
route avec elle, emportant lettres et instructions en vue de leur
nouvelle mission-. La caravane, composée des Grecs, de deux
évéques latins, Etienne de Népi et Donat d'Ostie et d'un diacre,
Marin, partit aux environs du lo juin 869 ^. Après d'innom-
brables difficultés, ils arrivèrent à Thessalonique où un envoyé
impérial les reçut au nom de l'Empereur. De là, ils se diri-
gèrent sur Gonstantinople en passant par Selymbria et Gastrum
Rotundum ^ A Selymbria, ce fut tout un cortège qui les vint
1. Le Pape, en effet, dans les deux lettres qu'il expédia le 10 juin 869 à
Ignace et à Basile, fixe certaines dispositions très avantageuses pour son
autorité. Les prélats ordonnés par Pliotius pourront être graciés s'ils signent
le Liber satisfactionis apporté par les légats ; les signataires du conciliabule
de 867 ne pourront être réintégrés que par le Pape ; Ignace devra s'em^
ployer à faire signer par tous les évoques les Capitula du synode romain et
exiger leur dépôt dans toutes les archives épiscopales. (Mansi, xvi, 5o ;
Héfelé-Delarc, V, 599).
2. Hadrien fit remettre à ses légats les lettres de Nicolas, les siennes
propres, plus un conimonitoriam que tout évêque devait signer avant de
rentrer en possession de son siège {Lib. Pontif., II, 180).
3. Les lettres du Pape sont, en effet, datées du 10.
4. Castrum Rotundum était situé à environ dix milles de Byzance, près
de San Stefano (Lib. Pontif., 187, note, 3i).
ET L EMPIRE BYZANTIN 2 I 7
saluer. Le protospathaire Sisinnios était là avec le fameux
higoumène Tliéognosle et un nombreux personnel pour les
servir. Quarante chevaux des écuries impériales transportaient
la vaisselle d'argent et tous les objets nécessaires au service des
ambassadeurs. Vraiment, Basile faisait royalement les choses.
Il voulait par là s'attirer la sympathie des représentants du
Pape et, sans doute, empêcher par cet excès de déférence, qu'ils
ne crussent trop facilement les méchants bruits qu'ils ne tar-
deraient pas à entendre sur son compte. A Castrum Rotun-
dum, où ils arrivèrent un samedi, ils s'arrêtèrent pour le repos
du soir et le lendemain, dimanche 25 septembre, ils firent leur
entrée solennelle à Constantinople par la Porte d'or. Là les
attendaient tous les dignitaires civils et religieux, revêtus des
insignes de leur ordre, à la tête desquels se trouvaient le char-
tophylax Paul, le skevophylax Joseph, le sacellaire de Basile.
Ils saluèrent les légats au nom du Patriarche et la procession,
composée dune grande foule portant des cierges et des flam-
beaux, se mit en marche pour les accompagner jusqu'à leur
demeure, où les deux dignitaires chargés de leur service les
reçurent^.
La première entrevue entre Basile et les ambassadeurs
romains eut lieu le mardi suivant ^, au Chrysotriclinium et
tout de suite l'Empereur se mit à jouer son rôle de fils soumis
et respectueux du Pape. Au dire du « Liber Pontificalis-^ » dont
le récit paraît très véridique, composé qu'il fut probablement
par des témoins oculaires, Basile prit lui-même les lettres
d'Hadrien, et les baisa avec respect, s'enquil, comme c'était
l'usage, de la santé du Pape et des grands dignitaires de
l'Eglise et les congédia après les avoir embrassés. Le lendemain,
nouvelle entrevue et nouvelles déclarations de Basile. L'Eglise
de Rome est pour lui u la mère de toutes les autres Eglises »,
à elle de terminer définitivement le procès de Photius « afin que
l'unité et la tranquillité si longtemps désirées soient enfin
rétablies suivant le décret du très saint pape Nicolas*. » Il y a
dans ces mots tout le programme que dut se tracer Basile au
début de son règne et qu'il remplit officiellement jusqu'au
1. Lib. Pontif., p. i8o.
2. Byzance fêtait le lundi aG le « natale » de l'Empereur.
3. Lih. Pontif., II, vu.
4. Lih. Pontif., II, i8i,
2l8 BASILE I
moment où Faffaire des Bulgares el, peut-être, les incitations de
Photius le décidèrent à modifier ouvertement la conduite qu'il
s'était imposée, jusqu'au moment aussi où il s'aperçut que les
ordres donnés par Rome aux légats étaient en complet désac-
cord avec sa propre nnanière de voir. Il serait, en effet, assez
puéril de s'imaginer avec les Latins du ix*" siècle que Basile agit
en toute cette affaire d'une façon absolument désintéressée et
ne se laissa guider que par des motifs d'ordre purement reli-
gieux. D'abord, une telle conception des choses ne pouvait
entrer dans l'esprit d'un Basileus byzantin, si pieux qu'il fût.
Entre Rome et Gonstanlinople il y avait trop de rivalités et trop
de méfiance pour qu'un empereur allât s'humilier devant un
Pape sans regrets et sans calculs ; Basile, ensuite, n'était pas
homme à sacrifier ses droits et ses prérogatives à la légère et
par scrupule religieux. Bien d'autres idées et bien d'autres
projets hantaient alors son esprit. Non ; en réalité, la politique
ecclésiastique de Basile fut tout autre que ne le crurent et Hadrien
et les légats. OUiciellement il voulut être irréprochable, soumis
et conciliant durant tout le concile ; mais en secret il agissait,
et c'est surtout par la conduite et la parole de ses délégués que
nous pouvons, je crois, saisir sa véritable politique.
Le concile s'ouvrit solennellement le 5 octobre 869 et se
termina le 28 février 870. Il devait compter dix sessions. Outre
les légats, on pouvait y voir le patriarche Ignace, Thomas,
métropolite de Tyr, représentant du défunt patriarche d'An-
tioche, Elie, prêtre et syncelle, représentant du patriarche de
Jérusalem, Théodose, une commission laïque ayant à sa tête le
patrice Baanès, les évêques restés fidèles à Ignace, ceux qui,
après avoir communiqué avec Photius. avaient signé le
c( Libellus satisfactionis » apporté de Rome par les légats ',
enfin, à partir de la seconde session, ceux qui furent absous par
le concile. Aux sixième, septième, huitième et dixième sessions
l'Empereur lui-même fut présent, et à la dernière session du
28 février, chacun put voir les ambassadeurs de Louis II ayant
à leur tête le fameux Anastase.
Dès avant l'ouverture du concile, ce « Libellus satisfactio-
nis » avait soulevé certaines diflicultés. Malgré son désir d'être
I. Mansi, \vi, 18. Lo « libellus » confirmait la dcposilioii de Pholius, la
condamnation dos synodes tenus contre Ignace et Nicolas I^'*^ et alTirmait
l'autorité du Pape.
ET L EMPIRP: B^ ZAM'IN
219
agréable aux k'gats, Basile n'avait pas pu s'empêcher de
demander quelques explications sur cette 0 nouveauté ^ » et
avait voulu qu'il fut traduit en grec ; mais il n'alla pas plus
loin, parce qu'en somme le Libelle était conforme à ses
désirs et qu'ensuite il avait à son service, le cas échéant, la
commission laïque pour faire prévaloir sa volonté. Néanmoins,
ce premier acte était significatif. Il devait, du reste, par la
suite, avoir son épilogue. Dès que les Pères furent réunis, au
début de la première session, l'asecretis Théodore lut un mes-
sage (( epanagnosticon » de Basile. Dans ce document l'Empe-
reur se montra tel qu'il voulait le laisser paraître, fils soumis de
l'Eglise et plein de zèle pour la foi. Il rappela que son premier
soin, avant même de s'occuper des choses politiques, fut pour
les affaires religieuses et que son plus grand désir, en saluant les
légats et les Pères assemblés en concile, était de voir l'ordre et la
tranquillité rétablis dans l'Empire. Puis, très diplomatiquement,
il leur donna quelques conseils de sagesse et de modération 2.
Ces paroles faisaient partie du rôle officiel de Basile. Pour
autant, il n'allait pas se désintéresser de la marche des affaires
et, tout de suite, par l'intermédiaire de sa commission, il le fit
voir. A la grande surprise des légats, en effet, Baanès se leva
et demanda aux ambassadeurs romains comme aux Orientaux
de prouver leur mission, d'indiquer l'étendue de leurs
pouvoirs et de faire part à tous des lettres dont ils étaient
porteurs. C'était là chose inouïe. Pour calmer les envoyés du
Pape, il fallut leur expliquer ([ue l'exemple de Zacharie et de
Rodoald avait mis en défiance et qu'il ne s'agissait nullement,
en l'occurrence, de faire une injure au trône apostolique « et
nos propter inhonorantiam apostoli throni non dicimus hoc^. »
Le coup n'en était pas moins porté et pour la seconde fois la
volonté de Basile apparaissait, dictant à ses représentants la
conduite qu'ils devaient suivre, imposant à tous une procédure
régulière dans les affaires qui allaient se traiter.
Cette secrète action de l'Empereur se manifesta une troisième
fois encore dans cette première séance. Ce fut à l'occasion de
Photius. Les vicaires orientaux avaient à peine achevé d'établir
qu'ils étaient en parfaite union avec Rome au sujet du schisme,
1. Lib. Pontif., II, 181
2. Mansi, \vi, 19, .
3. Ihid.
2 20 BASILE I
condamnant ce que le Pape avait condamné, approuvant ce
qu'il avait approuve, que, tout à coup, à brûle-pourpoint,
Baanès posa aux légats la plus forte objection qu'on pût faire
à Hadrien — celle autour de laquelle toute la politique de
Basile allait pivoter : comment avait-on pu condamner Photius
alors qu'il était absent ? Les apocrisiaires romains esquissèrent
une réponse qui nous paraît assez embarrassée et qui dut
l'être, en vérité, car l'affaire fut de nouveau disculée à la qua-
trième séance et d'une façon plus orageuse. Pour l'heure,
Baanès s'en contenta et la séance fut levée. Cette première
session avait donc été tout entière consacrée à prendre contact
et à régler de pures questions de forme et de protocole. Rien de
sérieux n'avait encore été fait et cependant tout esprit perspi-
cace pouvait deviner, sans beaucoup de peine, à quelles irré-
ductibles oppositions on allait se heurter.
Si les deux réunions suivantes n'eurent pas un beaucoup plus
grand intérêt du point de vue où nous nous plaçons — la poli-
tique religieuse de Basile ^ — il n'en va pas de même de la qua-
trième qui compte parmi les plus importantes du concile, et dans
laquelle nous saisissons à merveille le rôle occulte de Basile.
Cette session eut lieu le i3 octobre. Il s'agissait de savoir ce qu'il
convenait de décider au sujet de deux prélats bien connus :
Théophile et Zacharie, ceux-là même qui avaient été envoyés à
Rome par Photius après son avènement. Leur situation était,
en effet, spéciale. Ordonnés autrefois par le Patriarche légitime,
Méthode, ils avaient passé au schisme. Forts de leur ambassade
auprès du Pape, ils répandirent partout le bruit que Nicolas
avait reconnu Photius. C'était là chose grave, parce qu'elle
avait trompé beaucoup de monde. De plus, ils refusaient de se
détacher de la communion du Patriarche déposé. Baanès pro-
posa donc de les introduire devant le Concile pour qu'ils fussent
I. Il n'y a d'intéressant à noter pour l'histoire générale de l'Eglise byzan-
tine à cette époque, que la réconciliation, au cours de la deuxième session,
des évoques et autres clercs autrefois ordonnés par Méthode et Ignace,
mais qui passèrent ensuite au schisme. Nicélas a beaucoup blâmé cette
indulgence du concile. Il rend responsable des malheurs qui suivirent —
c'est-à-dire le retour de Photius au pouvoir — les légats et l'empereur qui
auraient dû exiger une définitive déposition. Au lieu de se conformer aux
canons on a, dit le biographe d'Ignace, préféré donner une place au
synode à ces évoques tombés et c'est grâce à eux que Photius put revenir
au pouvoir. Nous allons voir que Basile joua, en celte dernière affaire, un
rôle beaucoup plus important que les évoques.
ET L EMPIRE BYZANTIN 221
jugés une seconde fois * ; mais les légats s'y opposèrent. Sur
leur demande, une commission fut choisie pour les aller inter-
roger et leur demander s'ils rompaient avec Photius. Leur
réponse fut négative. Aussi les Pères déclarèrent-ils qu'ils
seraient jugés comme Photius : « Sit portio Theophili et Zacha-
riae cum Photio ». C'est alors que Baanès se leva et commença
le plus curieux discours qui soit. Insensiblement il laisse devi-
ner toute la politique cachée de Basile et le point faible sur
lequel va porter toute la discussion : le jugement prononcé par
Rome en l'absence des accusés. Sans ambages Baanès confessa
qu'il était envoyé au concile ainsi que ses collègues — « c'est ce
qu'on appelle le Sénat - » — pour être les auditeurs sévères des
choses qui s'y font « ut simus districti eorum quse geruntur
auditores » . Si donc les Pères veulent que le saint synode soit
sanctionné par la signature des empereurs, il faut que Photius
et les évêques coupables entendent leur jugement et puissent se
défendre à l'occasion. En cas contraire, il sera inutile de deman-
der des signatures : (( Si hoc autem factum non fuerit, scimus
quia nostri non egetis ad scribendum in fine a vobis gesto-
rum ^. )) Ce que Basile voulait donc, c'était et une seconde dis-
cussion et un second jugement. Or, il savait très bien qu'à cela
il y avait de graves difficultés et que les légats n'allaient pas
revenir sur le jugement porté par le Pape. Néanmoins, par con-
descendance, les apocrisiaires acceptèrent la demande de Baa-
nès, non sans faire marquer de quelle hypocrisie toute cette
affaire était empreinte : (( Excusationem qua?runt, .) dirent-ils,
ils cherchent une excuse, ils veulent fuir le jugement « fugere
volunt judicium ». Etal semble bien, en effet, qu'il y avait
quelque chose de fondé dans cette observation. En tous cas,
toute la scène paraît avoir été arrangée d'avance, car dès que
les deux évêques se trouvèrent devant le concile et qu'on leur
eut parlé du « Libellus » ils se récrièrent : a Nous ne désirons
pas entendre la lecture du Libelle, dirent-ils. et nous ne vou-
lions pas venir ici. L'Empereur nous a ordonné de nous rendre
au palais et en sa présence, et c'est ainsi que nous nous trou-
vons ici*. » Baanès leur répondit alors : « N'avez-vous pas dit
1. Mansi, \vi, 54
2. Ibid,, XVI, 55.
3. Ibid.
\. Ibid.. p. 58.
2'2'2 BA81LK I
au palais que vous pouviez prouver que vous aviez ofïicié « com-
ministravimus n comme prêtres avec le très saint pape Nico-
las ? » C'était — il importe de le remarquer — changer la ques-
tion première. Cette fois, il ne s'agissait plus des bruits qu'ils
avaient pu répandre sur les rapports du Pape etdePhotius,
mais bien d'eux-mêmes. Naturellement ils maintinrent leur
affirmation et les légats la repoussèrent. Il fallut lire les deux
lettres du Pape Nicolas à l'Empereur Michel — celles de sep-
tembre 860 et de mars 861 — pour rendre évidente aux yeux du
concile l'erreur des deux évêques. Il n'y avait pas, en effet,
grand'chose à répondre aux deux lettres. Comme Théodore de
Carie le fit remarquer à Théophile : du moment que le Pape
appelait Photius » adultère » c'était bien la preuve qu'il ne
l'avait pas reçu. Quant à eux, quelles preuves pouvaient-ils allé-
guer en faveur de leur dire ? Théophile ne répondit pas à la
question, mais, chose étrange, il en appela à l'Empereur. Si
celui-ci l'autorisait, par écrit, à parler, il le ferait avec clarté'.
N'était-ce pas avouer la complicité de Basile en toutes ces ter-
giversations ? Aussi, les légats ne s'y laissèrent-ils pas prendre
et, profitant de l'effet produit par la lecture des lettres sur un
certain nombre d'assistants comme Théodore, métropolitain
de Carie, s'empressèrent-ils d'afïîrmer que Photius, déjà traité
de « moechum et invasorem » par le Pape, n'ayant pas écouté
sa voix, avait été suspendu (obligatus). repoussé et réprouvé-.
Le coup portait droit. Baanès posa encore quelques ques-
tions, demanda quelques éclaircissements, avant de lever la
séance: en fait, il était battu. Pour la première fois, il n'approuva
pas de sa parole le langage des apocrisiaires. Une gêne évidente
s'aperçoit du côté des sénateurs, même au travers des actes
assez secs du concile.
Durant ces quatre premières séances, Photius n'était point
venu au concile et personne n'avait songé à le demander. C'est
alors que l'Empereur lui-même l'envoya chercher pour qu'il se
rendit au synode 3, et qu'il y fût jugé. Là encore apparaît donc
la main cachée, mais vigilante de Basile, et sa volonté bien
arrêtée. Au fond, l'Empereur — et peut-être avec justice —
voulait un jugement en règle. Il comprenait à merveille que
1, Mansi, p. 68 et 78.
2. Ibid., xvr, 78.
8. Ibid., 75.
ET LEMPIUE BYZANTIN 2 23
rien ne serait terminé tant que Photius et ses adeptes pour-
raient alléguer quelque faute de procédure ^ Et à tout prix il
désirait en finir avec cette affaire. C'est pourquoi il avait exigé
que les principaux chefs du schisme, Photius, Zacharie, Théo-
phile, fussent appelés au concile. Les légats, d'autre part, esti-
maient qu'ils n'avaient pas à rouvrir un déhat et à juger une
seconde fois un procès terminé par le Pape. En venant en
Orient, ils aA^aient pour unique mission de faire connaître à tous
le jugement d'Hadrien II et d'absoudre, à certaines conditions,
ceux qui se repentaient. Cette double conception des choses fut
une des causes de l'échec réel du concile et une des causes du
profond mécontentement de Basile, qui ne devait pas tarder à
se manifester-. La cinquième séance tenue le 20 octobre fut
donc consacrée à interroger, mais en vain, Photius. Le Patriarche
resta muet. Tous les efforts tentés pour le faire parler demeu-
rèrent inutiles et ce fut, sans qu'il se soit défendu, qu'il enten-
dit sa condamnation. Les légats, par la voix de l'asecretis
Théodore, affirmèrent qu'ils ne jugeaient pas de nouveau la
cause « nos ergo non novum aliquod vel recens judicium judi-
cabimus aut introducemus » mais publiaient le jugement for-
mulé longtemps auparavant par Mcolas et confirmé par Hadrien.
Photius était anathématisé. On lui laissait un certain temps
pour revenir à de meilleurs sentiments et accepter la décision
du souverain pontife. De cette séance, les légats sortaient donc
apparemment Aainqueurs: mais chacun sentait bien que l'affaire
n'était pas terminée. D'abord, il fallait exécuter la sentence
romaine, puis, en supposant qu'elle pût ramener à l'Eglise les
partisans du Patriarche déchu, il n'en demeurait pas moins
qu'un recours était toujours possible contre elle, puisqu'en fait
Photius pourrait arguer en sa faveur qu'il ne fut pas jugé. Néan-
moins, pour l'heure, la situation s'éclaircissait. Ignace était
définitivement reconnu et Photius expulsé.
A partir de ce moment, Basile vint lui-même présider les
dernières séances du concile. C'est, qu'en fait, la mission
1. Mansi, 55.
2. Il est très remarquable que le Liber Ponlificalis passe avec une étonnante
rapidité sur les afFaires du Concile. Il ne fait aucune allusion au second
procès que Basile voulait instruire en présence de Photius et des évêques
incriminés et du refus des légats : ce qui me semble être cependant le
nœud de toute l'agitation religieuse du moment.
2 2a BASILE I
occulte qu'il s'était donnée avait pris fin. Tant que dura la con-
frontation des accusés et des témoins et qu'un jugenient n'avait
pas été émis, il avait voulu garder aux yeux de tous une stricte
neutralité et ne faire prévaloir sa façon d'envisager les choses
que par d'autres ; il ne fallait pas qu'on pût mettre en doute son
esprit de justice. Mais désormais la situation changeait. Contre
son gré les légats avaient refusé déjuger la cause. A moins de
remettre tout en question et de prolonger, en l'augmentant, le
trouble général, force lui était d'accepter momentanément le
fait accompli et d'en tirer le meilleur parti possible. Cette
seconde attitude de Basile est très visible dans la sixième séance
qui eut lieu le 20 octobre. Faute de mieux, il s'ingénia, par tous
les moyens, h faire accepter les décisions romaines aux princi-
paux partisans de Pholius. Lui-même se mit à discuter avec les
évêques schismatiques comme Euthymios de Césarée, Zacharie
de Chalcédoine. Eulampios d'Apamée. quitte à se faire rappeler
à l'ordre par les légats ^ qui craignaient toujours une reprise du
procès -. Puis, dans un long « epanagnosticon » il exhorta
chacun à revenir au (( bercail » car son plus grand désir était
de voir toutes les brebis sauvées. Si cependant les évêques ne
voulaient pas écouter sa voix, ils devaient revenir sept jours plus
tard pour entendre leur jugement.
Le 29 octobre, Photius et ses partisans revinrent, en effet, au
concile, de nouveau présidé par Basile. Les mêmes scènes
recommencèrent. Les évêques voulaient un nouveau jugement;
les légats s'y opposaient. Us n'avaient pas compris que l'Empe-
reur se trouvait dans l'impossibilité de les défendre plus long-
temps. Aussi est-ce sans succès qu'ils en appelèrent à Basile.
Ils purent bien affirmer que ce dernier leur avait promis qu'ils
pourraient parler librement — ce qui était sans doute vrai —
rien n'y fit. L'anathème fut porté contre Photius et ses adhé-
rents et, dans la session suivante, tenue le 5 novembre, tous
les documents fabriqués par Photius ou qu'il fit signer de force,
furent détruits par le feu.
Pratiquement, le concile était donc terminé et Rome sortait,
pour un temps, victorieuse de la lutte que Photius avait enga
gée contre elle. Son succès était même, peut-être, trop complet.
I. Mansi. xvi, p. 88.
•>. //'/'/.. \M. p. 89.
ET l'eMPIKI: BVZVMIN 2 25
Tant au point de vue de la paix que pour en finir avec l'agita-
tion, il eût été sans doute préférable de suivre les désirs de
Basile et de recommencer le procès. En agissant comme ils
l'avaient fait, les légats mécontentaient l'Empereur, blessaient
les partisans de Photius et avivaient contre le Pape une haine
qui n'était point de date récente dans l'Eglise grecque. C'est bien
ce que les événements allaient mettre en relief.
Après la huitième session du 5 novembre, il fallait une nou-
velle réunion pour terminer certaines affaires secondaires et
clore officiellement le concile. Or, cette séance qui fut suivie
d'une dixième et dernière, n'eut lieu que trois mois plus tard,
le 12 février. Pourquoi? Il est probable que c'est au sortir de la
huitième séance, après la condamnation de Photius, qu'éclata
dans le clergé le mécontentement qui devait forcément se pro-
duire contre les légats. Déjà, beaucoup avaient vu de mauvais
œil le (( Libellus » apporté par les ambassadeurs du Pape ; mais
quand le jugement contre Photius fut rendu public, la colère
des partisans du Patriarche ne connut plus de bornes. Ils se
rendirent auprès de l'Empereur et lui reprochèrent amèrement
sa condescendance et sa faiblesse qui rendaient, disaient-ils,
l'Eglise grecque dépendante de l'Eglise romaine. Peut-être s'avi-
sèrent-ils aussi qu'il serait prudent, en vue d'événements
futurs, toujours possibles, de ne pas laisser de traces compro-
mettantes de leur conduite présente. Quoiqu'il en soit, un cer-
tain nombre d'évêques et de prêtres demandèrent qu'on s'em-
parât des exemplaires du Libellus sur lesquels leur nom figurait.
L'Empereur, mécontent des légats, heureux, sans doute, de se
ménager des amis pour le jour où ses intérêts lui commande-
raient une autre politique, acquiesça à la demande qui lui était
faite et, sans vergogne, par les domestiques grecs des légats fit
reprendre, en secret, tous les exemplaires qui se trouvaient en
la possession des Romains '.
Une telle conduite n'avait rien de très noble. Si elle montrait
avec évidence combien mécontent était l'Empereur, elle prou-
vait aussi qu'il était capable de ne reculer devant aucun moyen
pour arriver à ses fins et que la loyauté n'était pas la première
de ses qualités. L'affaire, naturellement, fit grand bruit et, sans
doute, les légats n'auraient à eux seuls et malgré toute leur élo-
I. Lib. Ponilf., Vit. Uad., 11, 183. Maiisi, xvi, p. 29.
15
2 26 BASILK I
quence, obtenu qu'un refus de rendre les précieux papiers,
si Anastase le bibliothécaire ne s'était trouvé fort à propos à
Constantinople, à la tête de l'ambassade qui a enait conclure un
mariage entre Constantin et la fille de Louis IL Les légats firent
immédiatement intervenir les ambassadeurs auprès de Basile et
ce fut grâce à eux — car il y allait pour l'Empereur, de sa
loyauté et du succès des négociations — que les signatures fu-
rent rendues. x\nastase en reçut le dépôt et les emporta à Rome
avec le texte du concile ' mais ce ne fut pas sans encourir la
colère de Basile ^ qui le lui fit payer peu de temps après.
Le concile prit donc officiellement fin le 28 février 870. Cha-
cun se montra extérieurement satisfait de la solution donnée
aux affaires pendantes. Basile combla tout le monde d'éloges,
adressa de chaleureux remerciements aux évêques, leur promit
sa protection et témoigna de nouveau aux légats égards et res-
pect. Il pouvait d'ailleurs se montrer d'autant plus empressé
auprès de leur personne qu'il avait déjà en main sa vengeance
toute préparée. Un dernier incident vint marquer la fin du
concile et montra aux yeux les plus obstinément fermés ce
qu'il y avait d'arrière-pensées dans toute la conduite de Basile.
Les légats depuis l'affaire des papiers se tenaient en juste
défiance à l'égard du pouvoir impérial. Ils avaient compris
que l'astuce grecque n'était pas un Aain mot. Aussi s'empres-
sèrent-ils de remettre aux mains d' Anastase les libelles signés
des évêques et de lui demander de bien vouloir confronter les
1, Anastase raconte ces évènemenls dans une note assez courte insérée
dans les actes de la première session à l'occasion du Libelle (Mansi, xvi,
p. 39) mais il ne s'ensuit pas pour autant qu'ils aient eu lieu à ce moment.
L'intervention d' Anastase qui ne put s'exercer qu'à la fin du Concile suffirait
à le prouver. D'autre part, le Liber Pontijicalis (II, p. 182) place ces événe-
ments à la fin du Concile à propos des signatures des légats ; mais la dernière
séance eut lieu peu après la neuvième, le 28 février, et connue la fameuse
clause : Usqiie ad voluntatem (Cf. pour cette clause, Héfelé-Delarc, V, 612')
souleva beaucoup de difficultés (Lt7>. Pontif., 11, i84, note 4i), il est probable
que le protocole avait déjà été soumis avant la dixième et dernière séance.
Du reste, au début du (Concile, Basile n'amait jamais agi de la sorte avec
les légats. Je crois donc qu'il faut placer cette bistoire entre la buitième et
la neuvième session. Elle explique bien l'arrêt momentané des séances et la
conduite de Basile alors très profondément blessé de l'attitude intransi-
geante des légats.
2. Quibus diverso modo, non sine magno laboris periculo, imminen-
tibus, libellos quidem vix tandem recipiunt, sed imperatoris iram pro
nimia districtioile fidei veliementer incurrunt (Lib. Pontif., II, 182).
ET L EMPIRE BY/VNTIN 227
actes o^rocs et latins du concile avant qu'ils n'y apposassent
leur signature'. Précaution utile à coup sûr. Anastase très au
fait des deux langues examina donc les procès- verbaux et remar-
qua qu'une lettre d'Hadrien avait été mutilée à l'endroit où le
Pape faisait l'éloge de Louis II. Les légats se récrièrent et vou-
lurent refuser leur signature. Les Grecs insistèrent sous prétexte
qu'un concile ne devait célébrer que les louanges de Dieu. Les
Romains finirent par céder; mais une fois encore on put sur-
prendre, cacliée pour agir, la main de Basile. N'était-il pas
étonnant, en effet, qu'un concile ([ui d'un bout à l'autre de sa
durée avait lancé à tous les échos du monde la gloire et les ver-
tus d'un souverain meurtrier refusât sous le vain prétexte de
religion de rapporter en entier la lettre d'un Pape qui acciden-
tellement louait un autre roi ! La vérité est que Basile, indépen-
damment de sa volonté de porter seul le titre d'Empereur, avait
fait, en réunissant cette assemblée générale des Eglises, avant
tout, œuvre politique. Il avait voulu, d'une part, que son usur-
pation fût universellement et solennellement reconnue; il avait
voulu, de l'autre, que son règne, apportât à tous les esprits
l'union dont il avait besoin pour ses futurs projets. Le résultat
de ses efforts n'était pas aussi complet qu'il eût pu le désirer.
Néanmoins, un apparent accord allait régner dans l'Eglise et
ainsi dans l'Etat sous l'autorité indiscutée de Basile. Pour un
temps l'Empire était donc tranquille.
Ces menus incidents, pour signilicatifs qu'ils fussent, n'étaient
rien cependant, en comparaison de l'événement capital qui
suivit à trois jours de distance- la clôture du concile. Une
fois délivré des soucis que le concile lui avait donnés, Basile
voulut reprendre en mains, ouvertement et fermement, la direc-
tion des affaires ecclésiastiques. Si, par respect pour la chose,
même, à son avis, mal jugée, et pour le repos de l'Empire
il envoya de nouveau Photius en exil et sembla user de quelque
rigueur à l'endroit des prélats rebelles -^ il ne toléra pas non
plus de la part des légats et de Rome ce qu'il croyait être une
atteinte à l'intégrité du territoire et à celle de sa juridiction.
Les affaires bulgares le prouvèrent. Pour Basile, du reste,
cette affaire était une véritable aubaine. Mécontent des légats,
I. Lib. Pontif., II, 181,
3. LU). Pontij., Il, p. 182.
3. Mignc, Cil, Lettre de Pliolias à Basile, xvi, 766.
228 BASILE 1
elle allait lui permettre d'humilier ces Romains qui mainte-
nant ne pouvaient plus lui servir ; compromis auprès d'un
grand nombre de ses sujets par sa trop grande docilité à
l'égard des volontés pontificales, elle allait lui permettre de
reconquérir la popularité dont il avait besoin.
Dans les premiers mois de 865, Boris, roi de Bulgarie, avait
reçu le baptême ^ L'Empereur Michel avait été son parrain. En
lutte continuelle avec Byzance, Boris avait appris naturel-
lement à connaître la n grande ville » et tout vainqueur qu'i
fût des armées byzantines, le prestige, la puissance, le culte
dont était entouré le Basileus avaient tourné la tête à ce Slave
encore mal dégrossi. Sa conversion n'avait probablement pas
été sans quelques visées politiques : sûrement la vanité y avait
été pour quelque chose. Boris espérait bien avoir tout de suite
une cour et une église modelées sur celles de Constantinople et
se hisser par l'une et par l'autre au rang de son impérial
voisin. C'est en rêvant à ces belles choses qu'il envoya au len-
demain de son baptême, une ambassade à Photius pour lui
demander un archevêque, des évêques et des prêtres. Il comp-
tait bien que le jour où il aurait un Patriarche pour le cou-
ronner et lui offrir l'encens, il serait Empereur, Photius, peut-
être sur l'ordre de son gouvernement, se contenta d'envoyer
des missionnaires. Ce n'était point l'affaire de Boris qui se
tourna alors vers Rome. Nicolas P% lui. accepta les offres du
Bulgare et une mission partit bientôt pour les bords du
Danube avec deux évêques à sa tête : Formose de Porto et Paul
de Papulania. Les choses marchèrent à merveille en Bulgarie.
Dès 869 le rite latin était partout établi et les foules, en masse,
abjuraient le paganisme pour adopter la religion chrétienne.
Mais Boris pour autant n'avait pas un Patriarche. En vain il
réclama Formose puis le diacre Marin. L'un et l'autre lui furent
refusés. C'est alors que, profitant du concile de 869, il envoya
à Constantinople une ambassade pour demander qu'on
tranchât définitivement la question de savoir à quelle Eglise
appartenait la Bulgarie. Une réunion extra-conciliaire fut donc
immédiatement convoquée trois jours après la clôture du
concile, à laquelle prirent part les légats, Ignace, les repré-
I. Vailhé. Vrticlc « Bulgarie ». Dictionnaire de théologie catholique,
U II, p. 1179.
ET L EMPIRE BYZANTIN
229
sentants des sièges orientaux et les députés bulgares. Basile se
vengea tout de suite des menées antérieures d'Anastase en le
laissant en dehors de ces. affaires et en ne l'invitant pas à faire
partie de cette assemblée, ce qui l'humilia profondément*.
C'était là, du reste, chose d'autant plus fâcheuse que la plus
grande confusion de langues paraît avoir régné au sein de ce
petit concile, si du moins il faut en croire Anastase lui-même.
« Les légats d'Orient et les ambassadeurs bulgares ne com-
prenaient pas ce que disaient les Romains et, à leur tour, les
Romains et les Bulgares n'entendaient rien à ce que disaient
les Orientaux-. » Pour étrange que tout cela paraisse, ce qui
l'est plus encore c'est qu'on ait oublié de convoquer des inter-
prètes. Un seul se trouvait dans la salle conciliaire par l'ordre
de Basile et celui-là n'était point un Anastase, mais un simple
fonctionnaire de l'Empereur 3. Malgré tout cependant les légats
comprirent parfaitement ce qu'on voulait d'eux et ils ne s'y
prêtèrent pas. Aux demandes des ambassadeurs bulgares et aux
réponses des Orientaux, ils opposèrent une fin de non-recevoir
énergique. Avec raison ils refusèrent de trancher la question,
alléguant qu'ils n'avaient pour ce faire aucun mandat du Pape.
Néanmoins ils donnèrent rapidement les raisons qui obli-
geaient les Bulgares à accepter la souveraineté de Rome,
répliquèrent aux Orientaux que le siège apostolique n'avait
aucun jugement à recevoir de ses inférieurs et adjurèrent
Ignace de ne pas sacrer d'évêque pour la Bulgarie. Peine
perdue ; Basile voulait garder une suzeraineté effective sur les
Bulgares et ne pouvant prétendre exercer sur eux l'autorité
civile et politique, il entendait du moins y conserver par
1. Préface au VHP Concile, Mansi, xvi, 11.
2. Ibid.
3. Il paraît assez inadmissible que les légats bulgares ne comprissent pas
le latin puisque, au dire du Lib. Pontif., ils remercièrent au début de la
réunion, les légats d'avoir écrit à Michel de Bulgarie lors de leur voyage en
Orient (II, 182). De plus, il est certain que Joseph d'Alexandrie et Hélie de
Jérusalem savaient le grec. Mais ce qui paraît surtout invraisembable,
c'est qu'il n'y ait pas eu d'autres interprètes à cette réunion que celui de
Basile. Les ambassadeurs et les légats devaient, évidemment, avoir leurs
truchements comme au Concile. Comment admettre que puisque les
Romains avaient Théodore au Concile, ils ne l'aient pas réclamé pour cette
insolite réunion. Eux qiii se défiaient si fort des Grecs auraient-ils accepté
ainsi, sans interprètes, de figurer dans l'afTaire bulgare ? En réalité, cette
histoire paraît tout simplement avoir été arrangée par Anastase de dépit,
pour charger l'Empereur et aigrir le Souverain Pontife.
23o BASILE I
l'influence religieuse de l'Eglise byzantine une autorité morale
sans doute mais réelle et efficace au besoin. Ignace, pris entre
deux feux, ne sachant comment faire pour n'être pas désa-
gréable aux légats et à Hadrien II qui toujours l'avaient sou-
tenu et venaient de le rétablir sur son siège, pour être en
même temps agréable à Basile auquel il devait le même
bienfait, se réfugia dans un prudent et momentané silence et
s'empressa, une fois les légats partis, de consacrer un pontife
pour la Bulgarie. Mais tout cela avait fini d'irriter Basile:
u Imperialis commotio, licet spem fronte simularet, augmentum
suscepit ^ », dit l'auteur de la vie d'Hadrien II. Les légats
allaient en savoir quelque chose et, pour un temps, les
relations entre Rome et Byzance devinrent on ne peut plus
tendues. On se sépara donc très mécontents les uns des autres.
Basile, cependant, invita les apocrisiaires à dîner, leur remit
des cadeaux et les fît escorter jusqu'à Dyrrachium par le spa-
thaire Théodose. Mais leur retour fut loin d'être aussi triomphal
que leur arrivée. Basile s'était fort peu soucié du sort qui
pourrait leur être réservé en voyage. Aussi, tandis qu'Anastase
regagnait Rome par Bénévent, les légats, faisant voile sur
An cône, ne tardèrent pas à être arrêtés par des pirates slaves.
Ils perdirent tous les documents qu'ils portaient avec eux et,
chose plus grave, la liberté et presque la vie-. Par bonheur pour
eux quelques personnages de leur suite purent s'échapper et,
grâce aux lettres de l'Empereur et du Pape, Domagoi relâcha
sa proie. Les légats arrivèrent à Rome le 22 décembre 870.
Ils avaient mis environ neuf mois pour accomplir leur voyage.
De leur mission il ne leur restait rien, sinon un livre concer-
nant les affaires d'Ignace (librum actionis Ignatii) et des
« libelli » sans doute ceux que les évêques signèrent en entrant
au concile ^. Heureusement qu'Anastase avait emporté les actes
du concile et les papiers que les Grecs volèrent, sans quoi
Rome eût été singulièrement en peine de savoir ce qui s'était
passé au cours de ce concile passablement mouvementé.
Tel était donc l'état des choses à la fin de l'année 870
Photius était exilé, Ignace rétabli ; mais entre Rome et Byzance
les rapports s'étaient singulièrement modifiés. Basile, affermi
1. Lih. Pontif., II, iS'i.
2. Ibid., p. 182.
3. Ibid., p. 18/1.
KT l'empire byzantin 23i
sur son trône par la recoiuiaissancc que tous, au moins taci-
tement, avaient faite de son usurpation et par sa politique à
regard des Bulgares, pouvait désormais consacrer son temps,
ses efforts et son génie à l'administration de son Empire et
aux guerres qu'il allait avoir à entreprendre. Il s'était assuré-
ment brouillé avec le Pape ; mais, pour uii temps, la question
religieuse était liquidée. Photius, du fond de sa retraite, pouvait
exhaler en pure perte ses plaintes amères. Ses amis, maintenus
par la crainte d'un pouvoir fort, n'osaient plus bouger et ne
pouvaient plus rien pour lui. Le patriarche Ignace se trouvait
lié à l'Empereur et agissait suivant ses ordres. C'était tout ce
que désirait Basile. En somme, vaincu juridiquemennt par
Rome, il se trouvait vainqueur et Rome, victorieuse en appa-
rence, avait perdu la partie. Qui plus est, contre toute attente
et toute prévision, elle se voyait diminuée d'une Eglise jeune et
nouvelle pour laquelle elle avait dépensé sans compter et la
science de ses théologiens et le zèle apostolique de ses prêtres.
Pour autant toutefois, le dernier mot de toute cette affaire
n'était dit ni d'un côté ni de l'autre. La mort du patriarche
Ignace devait, neuf ans plus tard, rouvrir les débats. En atten-
dant Rome se tint sur l'expectative tandis que Photius allait
rentrer en scène.
Le malheureux retour des légats toucha vivement le Pape.
C'était un manque d'égards qui l'atteignait directement. Après
les pénibles événements qui marquèrent les derniers jours du
concile, il n'avait plus d'illusions à se faire sur la conduite et
les vues de l'Empereur. On allait évidemment tout droit à une
rupture. Néanmoins u la conversation » entre les deux souve-
rains continua. Quelques mois après le départ des apocrisiaires,
Basile et Ignace écrivirent à Hadrien, demandant au Pontife
des nouvelles des légats et certains adoucissements aux peines
canoniques promulguées en concile pour quelques anciens
partisans de Photius. L'un et l'autre joignirent à leurs lettres
que l'higoumène, ami d'Ignace, Théognoste, apportait à Rome
de riches et nombreux présents ^ Mais Hadrien était profon-
dément blessé. Indépendamment de tous les sujets de plaintes
qu'il pouvait formuler par ailleurs il avait un nouveau grief à
faire valoir conlre le Patriarche. Ignace, pour lequel Rome
I. Mansi, wr, 203-205.
232 BASILE I
avait tant travaillé, n'avait pas craint, malgré les pressantes
exhortations des légats, de sacrer nn archcAeque pour la
Bulgarie. C'était tout à la fois outrager le siège apostolique et
porter atteinte à ses droits. Cette fois c'en était trop ; Hadrien
répondit à Basile par une lettre datée du lo novembre 871^
dans laquelle après lui avoir adressé quelques compliments
d'usage, il lui reprochait amèrement son inconcevable négli-
gence à l'égard des légats et blâmait énergiquement l'usur-
pation d'Ignace, en Bulgarie-, puis, avec une sévérité peut-être
excessive, refusait tout pardon pour ceux en faveur de qui
l'Empereur et Ignace avaient intercédé. Un acte de clémence
qui aurait eu du reste des précédents ^ eût été sans doute plus
habile car il aurait eu l'avantage de briser le parti de Photius ;
mais Rome était froissée, elle voulait le laisser voir. Pendant ce
temps Basile agissait énergiquement à Byzance. Il avait exilé
Photius dans un couvent du Bosphore à Skepi ^ et. s'il faut en
croire les lettres du Patriarche déposé, la vie qui lui était faite
aurait été dure pour lui. Et cela est possible. Basile voulait à
tout prix en finir avec l'agitation religieuse. Il pouvait espérer
qu'en traitant durement un chef que, du reste, il n'aimait pas,
ses partisans rentreraient dans le devoir. Cette politique, sans
doute, aurait eu un plein succès sans la réponse de Rome qui
rejetait, bon gré mal gré, les schismatiques dans les bras de
Photius et empêchait toute union définitive. Et c'est ce dont
l'habile Patriarche sut profiter. Tandis qu'Ignace reprenait en
d'assez mauvaises conditions son bâton pastoral, Photius
agissait. D'abord il écrivit à ses amis pour les encourager, les
affermir et les préparer à des jours meilleurs ^ ; puis il chercha
par mille moyens à gagner ses pires adversaires. Par deux fois,
il écrivit à Basile pour lui exposer sa situation, lui demander
des adoucissements, lui rappeler les liens mystiques qui,
ensemble, les unissaient^'. Bien plus. Photius, très habilement,
se remit en relations avec Rome. Hadrien était mort en 872 et
son successeur, Jean VIII. n'aurait peut-être pas les mêmes
1. Jaffé, I, 374.
2. Mansi, xvi, 206.
3. Héfelé Delarc, VI, p. 2.
A. Mansi, xvi, 43 1. Sym. Mag., VU, 7^9.
5. Lettre XV, Migne, Cil, p. 764.
6. Lettres XVI et XVII, p. 765 et seq.
ET l'empire byzantin ^33
raisons que son prédécesseur de tenir rigueur à l'exilé. Par
l'intermédiaire d'Anastase ', Photius se ménagea donc quelques
sympathies à Rome et, s'il faut en croire un fragment de lettre
au bibliothécaire, tout un plan aurait été conçu pour rendre
à Photius le trône dont il était dépossédé 2. En tout cas, une
chose est certaine : c'est que, dès avant la mort d'Ignace,
Photius était rentré à Constantinople.
Le biographe dlgnace, Nicétas, et la Chronique dite de
Syméon Magister, ont raconté l'un et l'autre par quel stratagème
le Patriarche exilé rentra en grâce auprès de son auguste maître ^,
Photius aurait, paraît -il, composé une généalogie fantaisiste
sur la famille de Basile. Sans vergogne il l'aurait fait des-
cendre des Arsacides, de Tiridate, premier roi chrétien d'Ar-
ménie. Sous forme de prophétie écrite en caractères alexan-
drins sur un très vieux papier et reliée avec la couverture
d'un ancien codex, il racontait par avance les gloires de la
famille et de ses membres. Arrivé au père de Basile il pro-
phétisait que de lui naîtrait un grand prince du nom de
« Beclas » qui serait grand et heureux. Beclas était un ana-
gramme représentant la première lettre de chacun des noms
de la famille impériale: Basile, Eudocie, Constantin, Léon,
Alexandre, Stéphane. La prophétie, une fois composée, fut pla-
cée secrètement dans la bibliothèque impériale par un ami de
Photius, le clerc Théophane, qui se chargea d'attirer l'attention
de Basile sur le mystérieux ouvrage, tout en lui faisant rema-
rquer que seul Photius. avec sa grande science, serait sans
doute en mesure de le déchiffrer. Basile, intrigué, envoya tout
de suite l'ouvrage au Patriarche qui déclara que la prophétie
se rapportant directement à Basile, il ne pouvait la lire que
devant lui. Photius vint donc au palais et y lut son propre tra-
vail à la grande joie de l'Empereur. Aussi sa récompense ne
1. Cette intervention subite d'Anastase est assez curieuse après sa con-
duite à l'égard de Photius. A oici, en réalité, ce qui dut probablement se
passer. On sait que Photius avait noué de bonne heure des relations assez
intimes avec Louis IL 11 chercha même à l'associer à sa campagne contre
Nicolas I". Or, Anastase était, lui aussi, en excellents termes avec l'Empe-
reur franc et ne manquait aucune occasion de lui être agréable. Il est pro-
bable que c'est à l'instigation de Louis II, ou, du moins, pour lui faire
plaisir, qu'Anastase essaya de s'entremettre en faveur de Photius (Cf. Du-
chesne, Origines du pouvoir pontif. Revue d'Histoire et de Litt. relig., I, 820).
2. Lettre LWI, p. 877.
3. Vit. Ignat., 565 ; Sym. Mag., VII, 752.
2 34 BASILE I
se fit-elle pas longtemps attendre. Il revint à Constantinople,
fut chargé de l'éducation des enfants princiers et rentra en
grâce auprès de Basile, tandis que Tliéophane recevait le prix
de ses services par rarcheveclié de Césarée en Gappadoce.
Cette histoire de Mcétas appelle quelques remarques. Généra-
lement on Ta rejetée comme une fable créée pour exj)liquer le
subit revirement de Basile. Je crois cependant qu'au contraire
elle a un fond tout à fait véridique. D'abord la Chronique de
Syméon la reproduit, chose assez remarquable, parce que les
deux sources sont absolument indépendantes. C'est même un
des rares endroits ori elles se rencontrent. La plupart des faits
racontés par Nicétas ne se trouvent pas dans la Chronique et
réciproquement. On en peut donc conclure au moins que le
stratagème de Pliotius était connu à Byzance et qu'on en parlait.
Mais de plus, ce qui donnerait créance à cette histoire, c'est
qu'elle a été adoptée par les historiens de la maison macédo-
nienne. Que dit Constantin YII des origines de sa famille sinon,
précisément, avec quelques développements qui peut-être, du
reste, se trouvaient dans le livre, ce que rapporte iSicétas? Je
crois donc qu'on peut admettre le récit et voir, en cette affaire,
la première cause du retour de Photius au Palais. L'Empereur,
en parvenu qu'il était, devait être heureux de cette découverte
qui jetait un lustre inespéré sur sa couronne et légitimait
encore son usurpation ; très désireux aussi de donner une nou-
velle impulsion aux arts et aux sciences, aimant à s'entourer
de savants, il dut, sans doute, trouver dommage de laisser dans
l'ombre un talent comme celui de Photius et tout naturelle-
ment il le retint à Constantinople et le donna comme précep-
teur à ses fils. Quant à l'année exacte où se passa l'événement
elle est impossible à fixer. D'une part tous les enfants de Basile
étaient nés et Constantin n'était pas mort ; d'autre part il est
peu probable que ce fut immédiatement après son exil que
Photius entreprit cette supercherie : les deux lettres à Basile
suffiraient à le prouver. Je crois donc qu'il faut placer cet inci-
dent et le retour de Photius à Constantinople entre 875 et 876.
Une fois rentré à Constantinople, Photius eut beau jeu pour
recommencer ses intrigues. Entouré d'un parti puissant il
n'avait qu'à profiter de la situation pour ressaisir le pouvoir
qu'il avait perdu. Ignace, en eff'et, était vieux et cassé par les
longues épreuves dont sa vie avait élé tissée. D'un instant à
ET l'empire byzantin 235
l'autre on pouvait s'attendre à le voir disparaître et c'est pour
ce moment qu'il fallait être prêt. Puis, les rapports entre Rome
et Byzance étaient tels qu'ils permettaient à Pliotius tout espoir
de retour. Le Pape réclamait plus que jamais la Bulgarie et
menaçait d'excommunier Ignace s'il persévérait dans sa con-
duite à l'égard de cette Eglise K L'Empereur, de son côté, n'en-
tendait pas raison sur cette affaire, pour lui plus politique que
religieuse. Comme par le passé, il voulait bien rétablir la paix
confessionnelle, mais sans rien sacrifier de ses droits réels ou
prétendus. Du reste, il avait toujours présent à la mémoire la
conduite des légats romains, son échec au concile, et tout cela
n'était guère fait pour le porter à ménager le Souverain Pontife.
La situation était donc bonne pour Photius. Il suffisait de savoir
en profiter. Il semble bien que par lui-même l'ancien Patriarche,
de retour à Gonstantinople, n'ait pas immédiatement et direc-
tement agi. Rentré au Palais comme précepteur des fds de
Basile -, il s'appliqua, sans doute, avant toute chose, à gagner la
confiance des enfants, celle du père, celle de l'entourage impé-
rial, à se ménager des sympathies et à reconquérir son influence.
En tous cas, nous ne savons rien de précis sur la vie de Photius
et sur ses rapports avec Basile avant son second pontificat.
Un de ses pires ennemis, Stylianos, écrivant à Etienne V,
successeur de Jean VIII, raconte bien, en vérité, que dès son
retour, Photius créa les plus grands embarras au patriarche
Ignace, chercha à reconquérir par la force, son siège perdu,
fit même, un jour, irruption dans l'église de Sainte-Sophie
pendant un office présidé par le Patriarche en personne et tenta
de mettre fin aux jours du vieil Ignace^ ; mais ces histoires ont
tout l'air d'être mensongères ou, du moins singulièrement
amplifiées ^. Lorsque Stylianos écrivit à Etienne V, Photius
était de nouveau en complète disgrâce, exilé, condamné par les
1. Lettre de Jean VITI à Basile de 87A ou 875 Ewald (Neiies Archiu., t. V,
p. 309, Lettre 87) JatTé, 2999.
2. Vit. Basil., ch. \liv, p. 292.
3. Mansi, xvi, 429.
4. Cependant il est une chose qu'il faut remarquer : c'est, qu'en général,
la lettre de Stylianos est très exacte. Elle résume les faits dans leur ordre
chronologique tels que nous les connaissons par ailleurs et sans les exagé-
rer. Evidemment, ses appréciations sont parfois discutables parce que tou-
jours passionnées; mais je ne crois pas qu'on puisse rejeter les faits qu'il est
seul à raconter car ceux qui nous sont parvenus par d'autres sources et que
nous pouvons contrôler sont tous véridiques. Cette lettre écrite après la
2 36 BASILE I
tribunaux civils pour de graves raisons politiques. Du reste, les
événements étaient déjà bien loin, et comme personne n'irait à
Rome contredire un récit plus ou moins fantaisiste que nul,
au surplus, ne pourrait connaître, il n'y avait pas d'inconvé-
nient à charger son ennemi et à lui faire expier ses torts et ses
injustices passées. Et c'est ce que fait Slvlianos. Mais, ses allé-
gations tombent, ce semble, devant la déclaration même de
Photius au concile qu'il tint en 879 * : on ne s'imagine pas
très bien Photius osant affirmer de telles choses devant tous ses
contemporains, dont beaucoup restaient ses irréductibles enne-
mis, si véritablement sa conduite avait été aussi repréhensible
que Stylianos veut bien nous le dire.
Mais, en fait, si Photius n'agissait guère par lui même, il
avait un ami qui lui était tout dévoué : Théodore Santabarenos.
Cet homme allait se trouver à point nommé pour seconder les
plans de Photius. Nous savons quelles relations existaient
depuis longtemps déjà entre le Patriarche et le moine. Si Stylia-
nos s'est probablement trompé en attribuant à Théodore le
retour de Photius au pouvoir, il ne s'est point trompé en l'as-
sociant aussi intimement qu'il l'a fait à sa destinée. Le jour
n'était pas éloigné où tous deux, profitant des circonstances,
ourdiront leur audacieuse et dernière intrigue 2. C'est sur ces
entrefaites qu'enfin Ignace mourut le jour de la Saint Jacques
mort de Basile, sous le rogne de Léon VI (Mansi, xvi, 434). probable-
ment dès 886 ou 887, a pour but de demander au Pape le pardon officiel du
peuple de Byzance. En réalité, son auteur veut informer le nouveau Pape
tant de ce qui s'est passé au sujet de Photius avant son avènement, que des
raisons de sa définitive déposition. Nous avons vraisemblablement là un
écho du procès intenté à Photius au lendemain de la mort de Basile.
1. « Tant qu'a vécu le bienheureux Ignace nous n'avons voulu d'aucune
façon recouvrir notre siège bien que beaucoup nous y exhortassent. » (Mansi,
XVI, 424).
2. Nicetas (VU. Ignat., 569) prétend que Théodore travailla auprès de Basile
au retour de Photius ; de même Stylianos. La chose est cependant peu pro-
bable. Basile avait été dur pour les amis de Photius et les avait impitoya-
blement éloignés. Théodore, moins que tout autre, ne dût pas faire excep-
tion. En tous cas, il n'aurait pas permis qu'un aussi fidèle ami, tenant du
Patriarche déchu, eût grande autorité à la cour. Il est beaucoup plus pro-
bable que ce fut après la mort de Constantin que Théodore acquit • sur
l'esprit de Basile la grande autorité que nous savons. Néanmoins, il est bien
sûr que Basile connaissait Tliéodore dès avant 880-881. Le moine avait été
évêque de'Patras, archevêque d'Euchaites, ambassadeur de Photius à Rome
fVit. Ignat., 573), trop de choses importantes pour que Basile ne connut
pas ce personnage.
ET l'empire byzantin 287
20 octobre 877, à l'âge de quatre-vingts ans ^ Il fut enterré
solennellement dans l'église du monastère de Saint-Michel qu'il
avait fait construire - et, trois jours plus lard, Photius remon-
tait sur le trône patriarcal^. En vérité, on comprend bien à
ces étranges et successifs retours de fortune, les plaintes amères
qu'exhalèrent tous les ennemis du nouveau Patriarche. Nicétas
se montre très scandalisé de tant d'incohérence dans le gou-
vernement de l'Eglise. Soit à l'occasion du pardon accordé par
le Concile de 869 à ceu^L qui avaient faibli durant la persécu-
tion dirigée par Photius contre Ignace, soit quand il arrive, dans
son récit, à l'heure qui nous occupe, il blâme cette trop facile
indulgence. Il peint Photius des plus noires couleurs qu'il
trouve sur sa palette*, et lui attribue tous les crimes. Basile,
non plus, n'échappe pas à sa colère et c'est de simple et de sot,
(( aTiXoTT,?, l'va jjLT, ÂÉYoj xouooTT,;; ^ », qu'll le traite. En cela,
du reste. Nicétas ne faisait qu'une erreur de date. Quand l'Em-
pereur se décida à réintégrer l'ancien Patriarche — toujours
dans l'espérance de terminer l'agitation religieuse — il n'avait
point encore perdu son fils Constantin et son esprit était très
lucide. S'il pouvait lui coûter, peut-être, de faire volte-face et de
se déjuger ainsi publiquement à l'heure même 011 son pouvoir
n'était plus contesté, déjà tout auréolé qu'il était de gloire mili-
taire, il comprenait parfaitement que c'était la stabilité de sa
maison qu'il assurait par cet acte. Vieux de soixante-cinq ans,
il pouvait espérer que chacun se rallierait à une politique qui
avait partagé le différend et, somme toute, rendre justice à
chacun des deux adversaires et qu'ainsi, sur ce point, Cons-
tantin n'aurait pas, un jour, les graves difficultés qu'il avait
trouvées à son avènement. Très habilement, du reste, il avait
de son côté, depuis quelque temps, préparé le retour de Photius
au pouvoir en aidant de sa flotte — et cela dès 877 — le Pape
à lutter contre ses ennemis^'. C'était un premier pont jeté entre
1. Cf. sur cette date Ilergenrother, II, 386 et seq. Nous avons donc pour
la vie de saint Ignace les dates suivantes : naissance 797 ; élévation au
patriarcat, juillet 847; déposition, novembre 858; exil 858-23 novonv
bre 867 ; mort le 28 octobre 877 (Nicétas*, VU, Ignat., 5i2, 544, 56o).
2. Pargoire, Les monastères de saint Ignace, 190.1, VII, i, p. 69.
3. Vit. Ignat., 569.
4. Vit. Ignat., 548, 549, 569.
5. Ibid., 549.
6. Lettre de Jean VIII à Grégoire du 17 avril 877. Mansi, xvii, 42.
2 38 BASILE 1
Rome et Byzanoc eu vue duue récoucilialiou future et déjà à
lire la lettre du Pape au primicier Grégoire ou saisit bien le
changement qui s'est fait à Rome en faveur de Basile.
C'est, à ce moment, qu'arrivèrent à Constanlinople deux
légats du Pape, Paul d'Ancône et Eugène d'Ostie, porteurs de
lettres datées du 26 février et du 26 avril 878^. Lorsqu'elles
furent écrites, on ignorait encore à Rome la mort du patriarche
Ignace car l'une d'elles lui est adressée ; mais on avait reçu
deux lettres de l'Empereur demandant des légats pour termi-
ner, s'il était possible, la lutte qui avait repris de plus belle au
reloiu^ de Photius^. Les lettres de Basile malheureusement
sont perdues et la réponse du Pape est trop vague pour laisser
deviner ce qu'elles pouvaient contenir. Ce qui est certain c'est
que le rapprochemcjit s'était opéré entre les deux souverains et
qu'on ne désespérait pas de s'entendre. On peut même deviner
sur quelles bases devait se faire l'accord et saisir la raison pour
laquelle Jean VIII ne tardera pas à reconnaître Photius. Dans
sa seconde lettre à Basile, en effet, le Pape expose le triste état
dans lequel se trouve le Saint-Siège par suite des incursions
sarrasines. Il le prie, en conséquence, de vouloir bien le secou-
rir. Dans sa lettre au clergé grec de Bulgarie, d'autre part,
après avoir sommé les prêtres ignatiens de rentrer en leur pays,
il promet un évêché à tous ceux qui obéiront à ses ordres.
C'était là. probablement, la double clause du traité. En échange
le Pape devait, sans doute, promettre de reconnaître Photius
soit après la mort d'Ignace, soit tout de suite dans le cas 011 les
légats auraient à déposer Ignace pour son entêtement dans la
question l)ulgare -^ Quoi qu'il en soit, quand les légats arrivè-
rent à Byzance, Photius était de nouveau sur le trône patriar-
cal et les rôles d'hier encore une fois intervertis. Il semble bien,
en effet, que Photius essaya de se venger et voulut rétablir en
1. Jaffé, 3ii8 et 3i35. JafTé maintient la double lecture de « IV. Kalendas
Martii » pour l'une et « d'avril » pour l'autre. Cette dernière a pour simple
date « Indictione XI » et fait partie des lettres datées du 16 avril 878. Il est
probable qu'elle était écrite quand arriva la lettre de Basile, aujourd'hui
perdue. Elle répondait vraisemblablement à l'une des deux lettres de l'Em-
pereur. Toutes deux partirent en même temps car par l'une le Pape répond
au sujet de la Bulgarie ; par l'autre au sujet des troubles de l'Eglise
byzantine.
2. Mansi, xvu, 69.
3. IhicL, 67.
ET l'kMPIKE BY/AM1\ S^Q
leurs situations ceux qu'il avait consacrés à sou premier pas-
sage au pouvoir. Mais à quoi eût alors servi la nouvelle poli-
tique de Basile si elle n'avait d'autres conséquences que de
perpétuer au sein de l'Eglise un interminable conflit? Du reste,
Kome acceplerait-elle pareille entorse aux canons comme à son
autorité? C'est pourquoi l'Empereur qui tenait Photius en sa
main ne se gena-t-il pas pour le blâmer et réprouver sa con-
duite'. Le Patriarche dut peut-être se contenter de consacrer
une seconde lois ceux d'entre les évêques qui voulurent bien se
prêter à cette indigne comédie et, pour satisfaire sa vanité,
bénit en son particulier des vêtements épiscopaux dont il fit
don aux prélats consacrés par Ignace. Entre temps, il s'amu-
sait à continuer autour du tombeau de son prédécesseur la
guerre qu'il n'avait cessé de lui faire vivant'-. Mais tandis qu'il
agissait ainsi à Constantinople, il avait, avec une habileté con-
sommée, une toute autre politique à l'égard de Rome. Adop-
tant une conduite diamétralement opposée à celle d'Ignace
dans l'affaire de Bulgaiie, il se garda pour l'heure, d'agir en
contradiction avec les volontés et les droits du Pape et ne con-
sacra aucun évêque au pays de Boris -^ C'était tout ce que
demandait Jean VllI au Patriarche de Constantinople. \ ces
conditions, il était prêt à reconnaître Photius.
Les légats romains furent assez empruntés devant la situation
qu'ils trouvèrent à Bvzance. Stylianos, dans sa lettre à Etienne,
les accuse violemment de s'être laissés corrompre par Photius et
Basile. Au dire de l'évêque de Néo-Césarée, ils auraient affirmé
publiquement qu'ils étaient envoyés pour anathématiser Ignace
et reconnaître Photius ^, ce qui pouvait être vrai dans le cas où
le Patriarche défunt refuserait d'obtempérer aux ordres du Pape,
au sujet de la Bulgarie. Mais Ignace était mort et leurs instruc-
tions, de ce fait, se trouvaient singulièrement embarrassantes ^.
C'est probablement l'incertitude des légats qui décida Photius
à envoyer Théodore Santabarenos à Rome pour demander à
Jean YIII confirmation de son retour au pouvoir^». Basile, de
I. VU. Ignat., 672.
•2. Vit. Ignat. , 565.
3. Lapôtre, Jean VIII, p. O2 et note 4.
4. Mansi, xvi, 432.
5. Mansi, xvii, i48.
(>. Mt. Ignat., 5-9..
2aO BASILE I
son côté, par ses lettres et ses ambassades, appuya la demande
du Patriarche ^ et nous voyons par deux lettres de Jean YIII au
primicier Grégoire datées des 3 avril et 6 mai 879 -, avec quelle
bienveillance, il attend les Byzantins qui arrivaient à Rome par
Bénévent et Capoue. Dix-huit mois s'étaient ainsi écoulés
depuis la mort de saint Ignace. L'ambassade byzantine n'eut
pas de peine à promptement régler, de la façon la plus avanta-
geuse pour Photius, les affaires pour lesquelles elle avait été
envoyée. Dès la fin du mois d'août, elle repartait pour Byzance.
Un diacre, le prêtre Pierre, l'accompagnait, porteur de cinq
lettres et d'un u Commonitorium » du Pape, lettres adressées à
l'Empereur, aux évêques de la Province de Constantinople et
à ceux des Patriarches d'Orient, Jérusalem, Antioche, Alexan-
drie, à Photius, aux chefs de l'opposition contre le patriarche
et aux légats ^, comme des conditions du Pape à la réintégration
du Patriarche ^. Que dit, en effet, Jean VllI dans sa lettre à
Basile u Inter claras »? i" Après avoir affirmé la suprême autorité
1. Il est difficile de savoir quel cas il faut faire des histoires que racontent
Nicetas et Stylianos au sujet des sourdes et louches menées de Photius à
Rome pour remonter sur le trône patriarcal (Nicet., 672 ; Stylianos, Mansi,
XVI, 43 1). Je crois qu'il ne faut pas y donner une trop grande attention.
Indépendamment du fait que l'un et l'autre écrivent après les événements
et après la nouvelle déposition de Photius, il semble que le Patriarche avait,
à cette date, suffisamment d'atouts dans son jeu pour gagner sa cause sans
qu'il ait eu besoin de recourir à des faux et aux mesquineries que lui prêtent
ses deux adversaires.
2. Mansi, xvii, ii5.
3. Jafîé, 3271 à 3370.
4. Ce sont les fameux documents falsifiés par Photius (Pour la discussion
de ces textes cf. Héfelé-Delarc, vi, 21 et seq. Hergenrôther, n, 383-396).
Grâce aux lettres latines authentiques de Jean VIII que nous possédons, il
est facile de confronter les pièces et de discerner les arrangements et cou-
pures qu'y apporta Photius. A remarquer que la lettre du Pape porte men-
tion de « Basile, Constantin, Alexandre >>, tandis que l'apocryphe de Photius
donne « Basile, Léon, Alexandre ». Pour expliquer cette différence, pas
n'est besoin de recourir à une faute de copiste (Héfelé-Delarc, vi, 22'). La
vérité est que lorsque Jean VIII écrivit, en août 879, Constantin n'était point
mort. Basile avait relégué dans l'ombre le fils de Michel et les ambassa-
deurs ne firent probablement connaître au Pape que le nom des enfants
légitimes de Basile, bien que Léon ne fût pas un inconnu puisque le Con-
cile de 869 le mentionne dans ses acclamations à côté de ses frères et que
les lettres de Basile à Rome datées de cette t^poque le signalent elles aussi.
Quand, au contraire, Photius falsifia la pièce, Constantin était mort et
force était bien à Byzance d'indiquer la personnalité de Léon qu'on n'avait
pas encore songé à évincer par le stratagème de Théodore que l'on sait
(cf. infra, 1. 1, ch. m).
ET L EMPIRE BYZAM'IN
du Saint-Siège et rappelé la demande de Basile en faveur de
Photius, le Pape agrée la réintégration àe son confrère d'Orient
atin que l'Eglise de Dieu ne soit plus divisée et troublée par le
scandale « ne ecclesiam Dei tanto jam tempore pertubatam pa-
teremur amplius nianere divisam scandaloque commotam » vu
que le patriarclie Ignace est mort, a Ignatium pise memoriae
patriarcham de presenti vita jam migrasse cognoscimus », et
à cause des circonstances, « temporis ratione perspecta^ », bien
qu'il ait usurpe sans l'assentiment de notre siège la charge qui lui
avait été interdite, a hoc modo decernimus ad veniam pertinere
quod nuper de ipso Photio, licet ipse absque consultu sedis nos-
trae officium sibi interdictum usurpaverit » ; 2" à cette réintégra-
tion demandée par les patriarcliats d'Orient et les églises de
Constantinople, Jean YIII met deux conditions : à savoir que
Photius demande pardon devant un synode et dans la manière
accoutumée, et qu'il satisfasse pour sa conduite antérieure,
« eumdem Photium satisfaciendo, miscricordiam coram synodo
secundum consuetudinem postulantem... recipimus » ; 3" «à la
mort de Photius, on ne choisira pas un laïc ou un dignitaire
pour lui succéder, mais bien un cardinal-prétre ou un diacre
de Constantinople; 4" enfin la réintégration de Photius n'a lieu
qu'à la condition qu'il ne se permettra aucun acte dejuridiction
ecclésiastique sur la Bulgarie, qu'il n'ordonnera aucun évêque
et n'enverra aucun pallium -.
Telles sont les conditions essentielles mises par Jean YIII
au retour de Photius au pouvoir. On le voit donc, c'est une
sorte de concordat ou de traité de paix passé entre les deux
cours, un « donnant donnant » profitable aux deux pouvoirs. Il
me semble difficile, après cela, d'incriminer, comme on l'a trop
souvent fait, Jean VIlI pour sa conduite. Cette politique était
habile de part et d'autre et, en fait, eut pour l'Eglise d'heureux
résultats puisqu'elle ramena, momentanément, l'union. Les
événements du xi^ siècle qui brisèrent pour toujours l'œuvre
de Jean YIII n'eurent pas de points d'attaches directs dans
cette mesure de clémence et de sagesse. Que fut-il advenu si le
Pape, sourd aux demandes de Basile, point ijiquiété par de
I. C'est-à-dire, d'une part les incursions sarrasincs et, de l'autre, les
affaires de Bénévent.
3. Mansi, xvii, 187-139. Je n'ai indiqué que les conditions d'ordre géné-
ral, celles qui ont une importance réelle et politique.
16
BASILE I
dangereux voisins, eut refusé loflïe de l'Empereur? C'est là.
assurément, une question oiseuse puisqu'elle rentre dans l'infinie
eatégorique des « futurs possibles » ; mais serait-il téméraire de
croire que la scission des deux Eglises, au lieu d'avoir été retar-
dée se fut accomplie dès le ix'' siècle? Du reste, est-il bien juste
de faire porter à Jean YllI la responsabilité d'événements pos-
térieurs qu'il ne pouvait prévoir et. par conséquent, conjurer?
Ce qui paraît certain, en tous cas. c'est la parfaite loyauté du
Souverain Pontife en toute cette afl'aire. Non seulement, aucun
acte de son pontificat ne contredit ou ne rétracte les conditions
posées au retour de Photius. mais lui-même, dans ses autres
lettres, confirme ces conditions et pousse la condescendance
jusqu'à écrire aux ennemis de Pbotius pour les réconcilier
avec leur Patriarclie '. Peine perdue, on le sait; car si, sous la
menace d'une excommunication, Stylianos se rappiocha de
Pbotius. du vivant de Jean VIII, il se dédommagea au cours
des Pontificats suivants, en écrivant le terrible réquisitoire
qu'il envoya à Etienne.
Le résultat de ces faciles et lieureuses négociations dans l'ordre
religieux ne tarda pas à se manifester dans le domaine des
choses politiques. Tandis qu'à Byzance. Photius était ofïîcielle-
ment reconnu par les légats du Souverain Pontife, en Italie,
les dromons de Basile venaient au secours du Pape et battaient
les Sarrasins. La lettre de Jean YIII au spathaire Grégoire, datée
du 19 octobre 879-, laisse bien deviner sa joie et la reconnais-
sance qui devait être sienne en contemplant l'œuvre de sa poli-
tique. Aussi est-ce vraisemblablement, sans grande inquiétude
qu'il vit s'ouvrir en novembre de cette même année le singu-
lier concile qui allait, ofïîciellement, réhabiliter Photius.
Mais un grave événement, dont l'influence devait être considé-
rable sur toute la fin du règne de Basile, venait, précisément, de
se produire à Constantinople. Constantin, fils aîné de Basile,
était mort peu de temps avant l'ouverture du Concile. Cette
mort, en arrachant à Basile tout sérieux espoir de se survivre à
lui-même dans le fils qu'il aimait tant, anéantissait du même
coup tous les rêves d'avenir que le rude paysan de Macédoine
avait longtemps caressés pour sa véritable et légitime famille.
1. Mansi, xvii, 153. I.otlre 102,
2. Jairé, ;53o3.
Il I. IvMPlKi: BYZANTIN l^^ô
Par elle, tous les effoils de sa vie el tous les résultats de ses
crimes se trouvaient doue valus. C'était au fils de sa victime, à
Léon, que le sceptre allait passer. Cette catastrophe. Basile ue la
supporta pas. Sou esprit, jusque-là si lucide, s'obscurcit soudain
et sa volonté si tenace s'aiVaiblit rapidement. A partir de ce jour,
Basile ne fut plus lui-même, et désormais ce sont des intri-
gants, des criminels ou des habiles qui gouverneront en son
nom. Kn de telles conjonctures. Photius avait beau jeu pour agir à
sa guise. D'emblée, il devenait le chef tout-puissant de l'Eglise
et toutes les ambitions lui dcA enaient permises. Le Concile s'ou-
vrit et se ferma sans que Basile y parut, sans même qu'il y fut
représenté comme au Concile de 869 ^ chose qui serait faite
pour surprendre et deviendrait inexplicable si l'on n'admettait
pas la suprême. importance que nous donnons à la mort de
Constantin. Photius n'était pas homme à laisser échapper une
occasion aussi favorable à la réalisation de ses plans. Patriarche,
il l'était donc. Rome, l'Orient, Constantinople, l'Empereur, tout
le monde le reconnaissait. Le concile n'était plus, par consé-
quent, pour lui, que l'instrument dont il devait user pour son
exaltation personnelle. En cela encore, les légats le servirent à
souhait. Ignorant le grec, ayant besoin d'interprètes, d'une
intelligence très mesurée, à ce qu'il semble, les deux évêques
latins et le cardinal Pierre se laissèrent circonvenir — s'il faut
en croire les actes grecs et si l'on admet, ce qui paraît dilficile.
qu'ils ne furent pas falsifiés — et acceptèrent tout ce que Pho-
tius voulut. Or, non seulement, au cours du concile, le Pa-
triarche n'accomplit aucune des formalités canoniques exigées
par Jean YIII et refusa de prendre les engagements solennels
que le Pape lui demandait au sujet de la Bulgarie et de l'éléva-
tion possible, à l'avenir, d'un laïc au trône patriarcal, mais, de
I. Les ados do ce concile où riircril lus les lettres et les documents falsi-
fiés par Pholius portenl uiention de sept séances qui s'échelonnent entre
novembre 879 et mars 880. De ces sept réunions, cinq seulement paraissent
réellement avoir été tenues. I.es deux dernières sont probablement apo
cryphes (Hcfelé-Delarc, vi, 5o). Elles furent composées après coup par Pho-
tius pour léfiitimcr ses controverses dogmatiques sur le « Filioquc ». Le
Patriarche fait présider la première de ces deuv dernières séances par l'Em-
pereur et lui fait tenir un discours sans importance dans lequel il s'excuse
de n'avoir pas pris part au concile. Il importe, du reste, de remarquer que
les légats signèrent les actes à la fin de la cinquième sos><<ioii. Oiinnf à
Basile, sa signature ne se trouve nulle part.
BA8ILE
concert avec ses amis * et par leur intermédiaire -, très résolu-
ment, il rejeta la suprême autorité du siège apostolique, fit
annuler et anatliématiser les actes de Nicolas et d'Hadrieu ainsi
que le VHP Concile œcuménique, celui de 869, et sur les
ruines de la puissance romaine ainsi définitivement brisée,
exalté par le concile pour ses vertus et ses mérites, fièrement,
il éleva sa propre gloire en se faisant reconnaître comme le
premier de tous u uàAÀov oà Tioor/tov sx Gsoj o); aoyupsùc [xiyirs'zo:; ».
ayant pouvoir lier et de délier -^ C'est le premier pas de Pho-
tius sur cette voie qui allait le mener loin, c'est-à-dire jusqu'à
la fameuse conjuration ourdie par lui contre l'Empereur, dans
l'espérance de prendre tout à la fois en mains et la crosse et le
sceptre.
Nous ne savons ({uel fut exactement l'accueil que le Pape
réserva aux légats. Les lettres de Jean Ylll postérieures au con-
cile semblent montrer qu'il ne connut jamais complètement ce
qui s'était fait à Constantiuople ; mais, visiblement, il se dou-
tait de quelque chose, car les deux lettres qui nous sont parve-
nues signées de son nom et datées du i3 août 880 sont pleines
de restrictions. Dans l'une, adressée à Pliotius, il se plaint que
ses ordres n'ont pas été accomplis* ; aussi, ne ratifie-t-il les
actes du synode constantinopolitain que d'une façon toute con-
ditionnelle : « Et si fortasse nostri legati in eadem synodo
contra apostolicam pra^ceptionem egerunt, nos nec recipimus,
nec judicamus alicujus existere firmitatis 0, preuve évidente
qu'il n'a pas eu sous les yeux les actes du concile. Dans l'autre,
adressée à la même date à l'Empereur, tout en le remerciant
de ses secours militaires, de la restitution faite à l'Eglise ro-
maine du couvent de Saint-Serge à Byzance et de la recon-
naissance de l'autorité romaine en Bulgarie, il ajoute, comme
dans sa missive à Photius. qu'il ne confirme les décisions prises
à Constantiuople lors du concile, qu'autant qu'elles sont en
accord avec les ordres donnés à ses légats. Du reste, à leurre-
tour, les légats eurent le sort de ceux qui. les premiers, s'occu-
1 . Ses deux principaux ad\cisaircs, Stylianos cl Mclrophaiics, n'apparurent
pas au concile.
2. Cf. par ex. le discours de Zachariede Chalcédoine à la première session.
Mansi, xvii, p. 38^.
3. Mansi, xvn, ooo.
4. Ibid., p. i85.
AMIN
ièrent, sous Nicolas I'^', dos affaires de Photius. Ils furent cet
sures publiquement et ce fut Marin, son futur successeur, que
Jean VIII chargea de porter à Constantinople les deux lettres
dont nous venons de parler. L'histoire ne dit pas quelle récep-
tion fui faite au légat, mais ce qui paraît certain c'est que l'ac-
cord, un instant réalisé, fut de courte durée. Probablement, à
l'instigation de Photius, et pour répondre, sans doute, à la nou-
velle politique du Pape, Basile écrivit une fois encore à Ha-
drien III une lettre très violente aujourd'hui perdue. Etienne V,
en 885, lui répondit à son tour S mais quand la lettre arriva à
Constantinople, Basile n'était plus. Un autre avait déjà pris sa
place et s'apprêtait à venger Rome, en se vengeant lui-même
de l'homme qui, durant sept années, fut par son grand prestige
et son audacieuse fermeté le véritable maître de l'Eglise et de
l'Etat. C'est, en effet, à partir de l'époque où Basile eut perdu
Constantin, que Photius et Théodore organisèrent le complot
qui devait porter le Patriarche, ou à son défaut un de ses pa-
rents, au souverain pouvoir. Dès le Concile de 879, Photius
avait acquis, comme nous l'avons marqué, l'omnipotence reli-
gieuse au détriment de Rome. Fort de ce premier triomphe, il
marcha à la conquête du second, qui pouvait lui paraître, vu
les circonstances, plus aisé à tous égards. Il eût alors réalisé le
véritable but de sa vie : celui de créer en Orient un autre Etat
pontifical dans lequel il aurait été en même temps Pape et roi.
Il échoua, en vérité ; mais pour autant son idée ne fut pas per-
due. Deux siècles plus tard, Michel Kerularios essaya de la
reprendre. S'il ne fut pas plus heureux au point de vue poli-
tique que son prédécesseur, il réussit, du moins, au point de
vue religieux, à constituer une Eglise autonome dont il devint
le chef incontesté. Mais, à son tour, il ne pouvait prévoir que
le jour viendrait, dans la longue suite des temps, où son
exemple serait suivi et que, de son Eglise, péniblement délivrée
de l'autorité romaine, d'autres Eglises se détacheraient, qui
revendiqueraient à leur tour avec autant de raison, leur auto-
nomie et leur liberté.
I. La lettre d'Etienne V à Basile, datée de 885, est très obscure. Le Pape
y parle de mauvais traitements endurés par Marin lors de son séjour à
Byzance ; mais à lire attentivement le texte, on peut se demander si le fait
ne se rapporte pas au prciuier voyage de Marin en 8(39, car dans tout le pas-
sage il s'agit de Nicolas I" et des premiers événements qui suivirent le con-
cile. (Mansi, p. .424 ad fin.).
2^6 BASILE I
Telle fut donc l'œuvre religieuse de l'Empereur Basile. Plus
qu'aucune autre, elle occupa son activité, parce qu'aucune
n'avait pour lui une importance plus considérable. Par elle,
surtout, ce semble, nous pouvons juger ce que fut riiomme et
ce que fut le roi. Incontestablement, il essaya de terminer axec
justice le conflit qu'il trouva à son avènement; incontestable-
ment aussi, il essaya d'imposer avec loyauté la paix à son
Eglise. Son amour de la justice et de la paix ne saurait donc
lui être équitablement refusé. Mais si grand que fut son désir
de conciliation, si sincères que furent ses efforts pour y parve-
nir, il ne consentit jamais à leur sacrifier et son autorité et ses
prérogatives. Homme de gouvernement avant tout, Basile cher-
cha, comme c'était son droit, à faire plutiM œuvre politique que
religieuse, d'où parfois ses revirements, ses prétendues fai-
blesses et son activité cachée.
Il
Les événements que nous venons de relater font date dans
l'histoire byzantine, non seulement par leur importance et leur
durée, mais aussi et surtout par les idées qu'ils éveillèrent et les
habitudes qu'ils engendrèrent. Désormais la vie intérieure de
l'Eglise orientale, qu'elle soit byzantine, russe ou bulgare, sera
dominée tout entière par cette double conception qui a ses ori-
gines premières dans le schisme de Photius, à savoir que
l'Empereur, suivant ses convenances politiques, fait et défait
les Patriarches, c'est-à-dire, pratiquement, qu'il est maître de
l'Eglise et véritable Patriarche, et. en second lieu, que Rome
n'a pas à intervenir en ces sortes de conflits, n'ayant sur l'en-
semble de l'Eglise, aucun pouvoir judiciaire, aucune primauté
effective. Quels genres de rapports existe-t-il donc à l'époque
de Basile, soit entre le Patriarcat et le Palais d'une part, soit
entre le Pape et l'Empereur, de l'autre, c'est la double question
qu'il s'agit d'examiner. Commençons par la seconde de ces
deux questions, ^ous retrouverons la première un peu plus
bas, en étudiant l'organisation de l'Eglise séculière.
Lorsque s'ouvre la lutte entre Ignace et Photius. il peut
paraître, à première vue. que l'union la plus complète règne
ET L EMPIRE BYZANTIN 24 7
entre l'Eglise de Rome et celle de Constaiitinople. La primauté
du Pape est recounue par maints témoignages ' et la conduite
que tiennent Patriarches, moines et empereurs, en toutes
circonstances, semble confirmer par des faits les textes les
plus précis. Cependant il ne faudrait pas s'y trop laisser
prendre. D'abord, ce furent surtout les moines qui se mon-
trèrent résolus partisans de la primauté pontificale, et cela pour
conserver leur indépendance vis-à-vis de l'Empereur comme
vis-à-vis du Patriarche. S. Théodore de Stoudion, comme
Ignace et ïhéognoste s'adressent au Pape, non pas peut-être
tant parce que leur foi religieuse leur faisait un devoir d'en
appeler au souverain Juge, que parce qu'ils savaient fort bien
qu'à Rome seulement ils trouveraient appui et protection dans
la lutte engagée en faveur du dogme de tous admis. Puis,
incontestablement, le côté politique des choses joua toujours
un grand rôle à Byzance. Les uns allaient au Pape parce que
les autres s'en séparaient, parce qu'il représentait la seule
autorité vraiment forte qu'on pût opposer à l'Empereur, parce
qu'enfin il vivait loin de tous et qu'ainsi sa personnalité n'était
point trop gênante. En fait, dès la fondation de Byzance, la
primauté romaine fut attaquée avec violence et amertume ;
jamais l'Eglise grecque, dans son ensemble, ne la voulut
pleinement et franchement admettre. Néanmoins, ce n'est
qu'au ix*' siècle, à l'époque précise, comme on l'a remarqué ^,
où commence véritablement au point de vue politique le
« byzantinisme » que la scission s'opère et que les bases du
schisme sont à tout jamais posées. L'époque de Photius est
donc encore une période de transition où, plus ouvertement
que par le passé, les deux tendances — unioniste et séparatiste
— se combattent et s'afQchent. Oificlellement, en effet, la
primauté romaine est encore respectée. Le Patriarche notifie
au Pape son élection et lui envoie le symbole de sa foi. A cette
règle, Photius ne manqua pas^; mais c'est bien en vain qu'on
chercherait en sa longue lettre le moindre témoignage de
subordination. D'un bout à l'autre de l'épître, Photius se place
sur le même rang que le Pontife de Rome, et s'il lui envoie le
symbole de sa foi, c'est uniquement, comme il le dit lui-même,
1. Pargoiro, Eglise byzantine, p. 289,
2. Rrumbacher, Byzant. Litter., p. 5.
3. Mignc, Cil, p. 585 ol soq. Lettre I.
2^8 BASILE I
afin que a nous nouions avec votre sainteté un nœud pur et
indissoluble'. » Vutrement plus intéressante, à ce sujet, est
la seconde lettre qu'il écrivit au Pape après le Concile présidé
par Rodoald et Zacharie en 86 1. Très nettement Photius met
les canons ecclésiastiques au-dessus de toute autre autorité.
Si Rome a des règles — telle, par exemple, la loi qui interdit
à un laïc d'être immédiatement ordonné évêque — que Cons-
tantinople ne reçoit pas, Gonstantinople n'est pas tenue de les
observer - . Seuls sont applicables en tous lieux , les canons
établis dans les conciles œcuméniques et confirmés par le suf-
frage des évêques^^ Le principe établi, Photius fait alors quelques
concessions. Il veut bien se soumettre à la charité paternelle
(( du pape )) (( £V Trâo-'. oà 10 T.vJW^y^oy t'?, TraTO'.xr, -ji/wv avaTrrj *
et reconnaître l'intégrité de l'Eglise romaine point divisée par
les schismes « oAoxAYjOo; y, 'PwtjLauov 'ExxAY,a-La a-'jvTcT'/jpY.Ta».,
0-yj.o- aaTixalç où |j.£piÇo[JL£VY, |jLav'la!.? '\ » Il eût même sanctionné
tous les canons établis par le Pape sans l'Empereur qui l'en
empêcha ^. Mieux encore, il confesse la primauté du Souverain
Pontife'' en deux mots u £v ajTO^.; tojtoivJ izoùKtùt'.y Aayojo-'.v »,
mais, pour se venger tout de suite en donnant au Pape des
conseils de justice et d'équité ^ qui ne cadrent guère avec le
respect qu'un inférieur doit à son supérieur. Néanmoins le
mot est dit. Sur les lèvres de Photius, il a plus de valeur, ce
semble, que sur celles d'Ignace et des religieux qui lui étaient
dévoués. On pourrait, du reste, trouver d'autres textes assez
probants qui tous confirment la foi byzantine en la primauté
de Rome^, mais qui. replacés dans le cadre général de l'histoire,
montrent aussi que nous sommes à une époque de transition
I.
Mign
e, Cil, p.
58cf
2.
Ibid.,
600-601.
3.
Ibid.,
604.
4.
Ibid.,
609.
5.
Ibid.,
. 6i3.
6.
Ibid.
7. Cette seconde lettre a été publiée par Jager d'après le « Tôtxo; /ocpaç »
édité à Bucharest en 1705. Elle s'arrête précisément à ce passage sur la
primauté. La dernière partie de la lettre n'existe qu'en traduction latine.
Cf. Mai Biblioth. nov., IV, p. 5o.
8. Migne, Cil, 617,
9. N'est-ce pas Basile lui-même qui écrivit ces mots significatifs : « quia
in sede apostolica immaculata est semper catliolica reservata religio, et
sancta celebrata doctrina » (Mansi, xvi, p. 27).
ET L EMPIRE BYZANTIN
transition où lentement s'élabore sur le vieux fonds reçu une
doctrine nouvelle.
Mais l'autorité du Pape se manifeste de façon plus claire
encore à cette époque à propos de la réunion des conciles et de
leur confirmation. Dès le début des luttes religieuses qui nous
occupent, l'Empeur et Photius demandent à Rome des légats
pour ouvrir le concile. Bien visiblement, on constate qu'à
Byzance comme ailleurs, chacun a le sentiment qu'aucune
assemblée conciliaire ne peut être générale sans l'approbation
du Pape ^ On se passe à la rigueur des représentants de Jéru-
salem et d'Alexandrie : du Souverain Pontife, jamais. De plus,
les légats du Pape (apocrisiaires, topoterètes) sont reçus avec
un honneur spécial : ils dirigent les délibérations du concile et
signent les premiers. Qu'il s'agisse de Rodoald et de Zacharie,
d'Etienne, de Donat et de Marin, même du cardinal Pierre,
au synode schismatique de 879, toujours nous trouvons les
ambassadeurs romains à la présidence du concile -, passant,
quel que soit leur rang hiérarchique, avant les évêques,
l'Empereur, le l^atriarche ^. Enfin Rome se réserve invariable-
ment la confirmation des faits et des canons décrétés en
séances. \on seulement les légats de 869 font accepter aux
évêques la clause qui accompagne leur signature, par laquelle
ils en réfèrent au Pape ; non seulement nous savons avec quelles
restrictions, plusieurs fois exprimées, Jean YIII confirma le
concile de 879, mais nous voyons qu'en 861, Photius mit tout
en œuvre pour obtenir des légats confirmation de la déchéance
d'Ignace, preuve manifeste, ce semble, du pouv^oir reconnu au
Pape par l'Eglise byzantine*.
Cette reconnaissanee de la suprématie pontificale n'inclut
pas, toutefois, la reconnaissance de tous les droits du l^ape. En
fait, il faut bien remarquer que l'époque oii Photius parle avec
respect et soumission de Rome, correspond à un moment de
son histoire où il espère voir son élection confirmée. Pour com-
plaire au Pape dont il a besoin, il a accepté quelques-uns de
1. Quand, du rosto, par hasard, Constantinople oublie ce priiieipe,
Rome se charge de le lui rappeler (Lettre de Nicolas à Michel VIIÎ.
Mansi, xv p. 162).
2. C'est mèine une condition qu'impose Hadrien II (Mansi, wi. p. 22).
3. En 8G9, Marin, simple diacre de l'Eglise romaine, signe avant Ignace
et les empereurs. De même les légats en 879 (Mansi, xviii, 50-).
4. Mansi, xvi, !i.
'iôO BASILE T
ses décrets et c'est pour atteindre ses fins qu'il lui écrit sa
seconde lettre, œuvre très habile, destinée à faire ratifier les
décisions prises à Byzance. Plus tard, il ne parleia plus de
même et bien évidemment en 879, il souscrit à toutes les vio-
lences de langage de son ami Zacharie de Chalcédoine. Mais
l'opinion de Photius et de ceux qui le suivent, pourrait paraître
insuffisante à qui veut se rendre compte des relations qui
unissent l'Orient et l'Occident à cette époque. Bien autrement
lumineuse est, à cet égard, la question de Bulgarie. Ici, les
rôles se trouvent intervertis et c'est un ami de la papauté, son
obligé, Ignace, qui non seulement va parler, mais agir. Le
patriarche Ignace, en effet, reconnaît la suprématie pontificale:
t( Eorum vulnerum atque livorum qui in membris hominis
consistunt multos medicos protulit ars... eorum membris sunt
Christi et Dei salvatoris, omnium nostrum capitis, et sponsse
catholica'et apostolica^ ecclesite unum et singularem praecelleiitem
atque cathollcissimum medicum ipse princeps suminus et fortis-
simus sermo, et ordinator et ciirator et sotus ex toto magister
Deus omnium produxit, vldelicet iuam fraternam sanctitatem et
pateniam almitatem ^ . »
Lui-même, du reste, fait, sans doute, mémoire à l'olfice, de
certains pontifes romains, comme S* Martin u archevêque, de
la sainte, catholique et apostolique Eglise de Rome - » pour
manifester l'union qui existe entre les deux Eglises ; mais il ne
faut rien lui demander de plus. Tandis que Photius s'abstient
de toute juridiction sur territoire romain ou revendiqué comme
tel, en Bulgarie, tandis qu'il écrit à Nicolas l'^' : « Dans l'intérêt
de la paix je voudrais rendre aux autres ce qui leur appartient
de droit... quel plaisir n'aurais-je pas à rendre, si personne ne
s'y opposait, ce qui appartient légitimement à un autre, princi-
palement à un Père comme vous^. » Ignace lui, dès sa réinté-
gration, envoie contre l'ordre de Rome, des évêques en Bul-
garie et les maintient jusqu'à sa mort. Rien ne l'arrête ; ni
les observations du Pape, ni ses ordres, ni ses menaces d'ex-
communication. On dirait qu'après avoir rendu un plato-
nique témoignage de déférence au Pape tant qu'il a besoin de
lui, dès qu'il est redevenu maître de son Eglise, il ne se soucie
1. Mansi, \vi, 47-
2. Dmitriovskij, Typica, p. 6.
3. Migno, CIT. Lettre II, p. 0i3-Ci5.
ET I. EAIPIllE BYZANTIN •>.)l
plus d'une autorité religieuse supérieure : il s'appuie tout entier
sur l'Empereur seul. Je sais bien que son panégyriste, Nicétas,
dit qu'il ne pouvait pas faire tout ce qu'il aurait voulu ', que
l'Empereur était là pour lui dicter ses ordres et cela est possible.
N'est-ce pas précisément ce que Photius vient de dire lui aussi
au Souverain Pontife? Mais si vraiment les droits du Pape
avaient été universellement reconnus, Ignace, si énergique
d'ordinaire, aurait-il fléchi dans une affaire aussi grave? C'est
peu probable. La vérité est qu'on tenait essentiellement à
Byzance, à ne pas confondre les choses. Si, les catholiques
accordaient à Rome une primauté d'honneur, celle dont nous
trouvons trace dans les différents canons du concile de 869 -;
si, en cas de litige, ils s'adressaient au Pape de préférence à
tout autre ; néanmoins, à des degrés divers, ils ne voulaient
plus reconnaître sa primauté de juridiction. Déjà l'Empereur
avait remplacé le pontife romain dans les conceptions reli-
gieuses de beaucoup, et s'il y a encore à cette époque fluctua-
tion et variabilité, c'est que nous sommes à une période de
crise et que le dénouement n'a pas encore eu lieu ^. Aussi,
n'est-il pas étrange que Rome, consciente du péril, fasse tous
ses efforts pour maintenir son droit. Chacune des lettres ponti-
ficales revient sur la doctrine de l'autorité conférée à Pierre et
à ses successeurs u pour paître les brebis et les agneaux », c'est-
à-dire pour gouverner toutes les Eglises de la terre. Les Papes
le disent aux Bulgares comme ils le disent aux Byzantins.
Nicolas P' et Hadrien lll interdisent aux Eglises déjuger Rome.
Jean VIII écrit à Basile * : u . . . sollicitudo clementiœ vestrte
spiritu Dei incitata. demonstrat quae in catholica ecclesia
misericordem per auctoritatem et judicium sedis apostolicae
quae Christo Domino delegante, totius ecclesiœ retinet princi-
patum », rien n'y fait. Le jour vient où Byzance écoutera, pour
l'approuver, la voix des évéques schismatiques du concile de
879 : u Nous n'avons qu'un seul pasteur, le très saint seigneur
et Patriarche œcuménique Photius. » u Pour tout dire en un
1. Vit. Ignat., p. 55o.
2. Marisi, \vi, p. 161 et seq. Initia, Jus eccles., II, \\ et seq.
3. C'est ainsi que Stylianos, dans sa lettre au pape Etienne, dit formelle-
ment encore: « Nous savons que nous devons être «jouNernés el conduits
par votre siège apostolique. » (Mansi, vvi, 434
4. Ma II si, \vn. p. 186.
202 BASILE I
mot, l'Eglise romaine est cause de tous les maux qui ont fondu
sur notre Eglise ^. »
Ainsi donc, entre 85- et 886, la primauté d'honneur est
encore reconnue au Souverain Pontife par l'Eglise byzantine;
mais déjà sa primauté de juridiction tend à disparaître. Les
affaires de Photius précipitent le mouvement. Bien rares sont
ceux qui vraiment agissent et pensent en catholiques. Sur les
ruines du pouvoir pontifical l'Empereur édifie sa propre autorité
religieuse, aidé qu'il est par nombre d'évêques, le Patriarche
en tête. Tandis que les gens d'Eglise disputent autour de
questions secondaires, Basile revendique une autorité plus
haute et qui ne lui appartient pas : celle de délimiter les dio-
cèses. Et tout le concile de 879 lui accorde ce droit. Vraiment,
l'heure n'est pas éloignée où le Basileus tout-puissant sera
maître absolu de l'Eglise comme il l'est de l'Etat, et où le « césa-
ropapisme » régnera sans contre-poids. Aussi est-ce parce qu'ils
voient nettement le danger qui menace TEglise orientale que
les Souverains Pontifes d'alors, comme iNicolas P' et Etienne V,
s'élèvent avec vigueur contre l'union des deux pouvoirs : « Il
y a eu dans l'antiquité des rois qui étaient aussi prêtres, dit
Nicolas - ; plus tard les empereurs païens ont été aussi en même
temps u pontifices maximi ». Mais le christianisme a séparé les
deux pouvoirs. Les empereurs ont besoin des pontifes pour
la vie éternelle et les pontifes n'ont besoin des empereurs que
u pro cursu temporalium rerum », et Etienne V dit de même à
Basile -^ : (( Bien que sur terre, vous ayez avec le Christ une
très grande ressemblance quant au commandement, vous ne
devez avoir cependant que le souci des choses de ce monde. De
même, en effet, que vous tenez de Dieu le pouvoir de com-
mander aux corps, nous, par le coryphée Pierre, nous com-
mandons aux âmes. »
Mais si l'autorité du Pape en matière religieuse tend à dispa-
raître au détriment surtout de l'Eglise byzantine, grande est
encore cependant l'attraction qui attire vers Bome les pèlerins
et les fidèles. Le Pape possédait à Byzance une Eglise latine :
Saint-Serge ; mais il est peu probable que ce centre romain
ait eu une véritable influence religieuse et politique ; si le Pape
1. Mansi, xvii, p. 385.
2. Cité par Héfelé-Delarc, v, 556.
3. Mansi, xvi, 421.
ET l'empire byzantin '^53
paraît généralement bien renseigné, s'il a, malgré tout, des
chrétiens qui lui demeurent attachés, c'est surtout grâce aux
nombreuses personnes qui venaient à Rome. Nicolas P' le dit
formellement à l'empereur Michel ^ : (( Beaucoup de monde
venait au tombeau des Apôtres, d'Alexandrie, de Jérusalem, de
Gonstantinople, du Mont Olympe. » Ces pèlerins comme Théo-
gnoste étaient pour les Souverains Pontifes de précieux auxi-
liaires. Vussi, pas plus les empereurs que Photius ne voyaient-
ils avec plaisir ces déplacements pleins de danger pour leur
autorité. Michel s'en plaint avec amertuiTie et réclame du Pape
le renvoi de ces moines à Byzance pour qu'ils y soient punis 2,
et Photius, avec plus de diplomatie, met en garde son confrère
de Rome contre ceux qui viennent à lui, en un passage très
curieux de sa seconde lettre à ?sicolas : u C'est pourquoi votre
Béatitude prenant soin de faire observer la discipline ecclésias-
ti([ue et suivant la droite ligne des canons, ne doit pas recevoir
indistinctement ceux qui partant d'ici, s'en vont à Rome sans
lettres de recommandation, pas plus que, sous prétexte d'hos-
pitalité, elle ne doit permettre qu'ils jettent des germes de dis-
corde. Certes, il m'est très agréable et c'est chose avant tout
respectable, que de vouloir aller auprès de votre paternelle
sainteté et de jouir de la trace vénérable de ses pas, mais cela
ne doit pas se faire à notre insu et sans lettres de recommanda-
tion, car ce n'est chose bien reçue ni par nous, ni par les
canons, ni par votre jugement impartial ^. » N'est-ce pas avouer
le déplaisir causé à tous par ces voyages si propres à éclairer
le Pape? Mais n'est-ce pas aussi une preuve que toute foi
romaine n'était pas morte encore au cœur des Byzantins du
ix'' siècle P Ces faits expliquent bien, ce me semble, d'une part,
qu'après la chute définitive de Photius^ l'union ait pu être réta
blie sans trop de peine; mais, d'autre part, qu'il ne fallut pas
au xf siècle un effort gigantesque de la part de Kerularios pour
briser, irrémédiablement cette fois, le fil ténu qui reliait entre
elles les deux Eglises d'Orient et d'Occident. Du reste, cette
longue querelle eut sur les rapports de Rome avec Byzance un
autre contre-coup : elle aigrit les esprits, les rendit méfiants, et
la haine venant s'ajouter à tant d'autres griefs, diplomatiques
1. Lettre VIII. Mansi, \v, 208.
2. Ihid., ibid., p. 307.
3. Lettre II, p. 617.
204 BASILE I
et disciplinaires, devait fatalement aboutir à la rupture que
nous savons.
Pour être complet, il faut, en terminant ce paragraphe, ajou-
ter quelques mots sur les relations qui unissaient Byzance
aux autres patriarcats : c'est-à-dire aux Eglises d'Antioche, de
Jérusalem et d'Alexandrie. Là, bien plus qu'à Rome, l'Empe-
reur semble maître des communautés chrétiennes. Toutes, en
effet, se trouvent être sous la domination musulmane et c'est,
par l'intermédiaire des princes arabes que le Basileus est en
rapport avec les chefs ecclésiastiques. Dès que Basile arriva au
pouvoir, il envoya des présents à l'émir de Syrie, et écrivit ^
pour le prier de bien vouloir laisser partir des représentants de
ses divers sujets chrétiens, afin qu'ils réglassent à Byzance des
questions d'ordre ecclésiastique. Les Eglises orientales jouis-
saient à cette époque d'une certaine liberté. Sous le couvert
d'une mission politique, Aclimed fit droit à la demande de l'Em-
pereur et envoya à Constantinople Elie, syncelle du Patriarche
de Jérusalem et Thomas, archevêque de Tyr, puis, plus tard
Joseph, représentant de Michel, patriarche d'Alexandrie. Mais
déjà la domination arabe avait singulièrement affaibli le cou-
rage de ces pauvres Patriarches. En 868 comme en 879, ils
font triste figure à côté de leurs confrères grecs et latins. Us sen-
taient que sur eux les menaces de persécutions étaient toujours
suspendues et bien plus que les intérêts religieux, ce sont leurs
intérêts propres qu'ils viennent plaider en concile. Achmed, en
autorisant ses sujets à s'embarquer pour Constantinople, avait
demandé la délivrance des prisonniers sarrasins retenus en
terre byzantine. Aussi est-ce surtout vers ce résultat que tendent
tous leurs efforts. Qu'on leur accorde ce que réclame leur
maître, qu'on leur donne de l'argent et ils signeront tout ce que
les conciles exigeront -. Us votent contre Photius parce qu'ils
savent que l'Empereur est contre lui ; ils a otent pour lui lors-
qu'ils voient le Patriarche tout-puissant ; ils votent contre les
légats dans l'affaire de Bulgarie, parce qu'ils savent que tel est
le désir de Basile. Et pouvait-il bien en aller autrement? Pour
eux, l'Empereur est leui* seul appui. Le mécontenter, c'est
mécontenter l'Emir qui commande alors en Syrie et en Egypte.
1. Vit, Ignai., p. 644.
2. Mansi, xvi et xvii. Conciles de SCxj cl de 879.
ET L EMPIUi: BVZVMIN 23,)
et par là alliicr sur leur chétive Eglise de rudes représailles.
Rome est trop loin et pour eux ne peut rien. Byzance, au con-
traire, est proche. Leur prince est en rapports constants — belli-
queux: ou pacifiques — avec l'Empereur. C'est donc du côté de
la nouvelle Rome qu'il faut tourner les yeux ; c'est là qu'il faut
aller chercher le mot d'ordre et l'union protectrice, et voilà
pourquoi nous voyons, malgré les lettres des Papes et les pèle-
rinages de ces Eglises aux tombeaux des Apôtres, les Patriarches
graviter autour de Byzance. accepter sa discipline et sa théolo-
gie, marcher dans son sillage et suivre sa fortune ^.
11
C'est surtout par son côté extérieur que nous avons jusqu'ici
étudié l'Eglise byzantine. Ses luttes, sa politique, ses rapports,
avec les puissances qui l'entourent — civiles et religieuses —
appartiennent à l'histoire générale ; mais pour la plus complète-
ment connaître, il faut pénétrer à l'intérieur du sanctuaire,
examiner sa constitution intime et noter les manifestations de
la A'ie qui l'anime. C'est ce qu'il reste à faire en étudiant l'or-
ganisation séculière et régulière de l'Eglise, le droit qui la régit,
la liturgie et la discipline qu'elle observe comme aussi les mis-
sions qu'elle dirige pour accomplir son œuvre apostolique.
A la tête de l'Eglise byzantine se trouve le Patriarche — le
Pape de la u nouvelle Rome ». Il est dans l'ordre des choses
religieuses ce qu'est l'Empereur dans l'ordre des choses tempo-
relles. (( l'image Aivante et animée du Christ, exprimant par
ses œuvres et ses paroles, la vérité-. » A lui revient l'obligation
par sa piété et la sainteté de sa vie de garder les âmes que Dieu
lui a confiées, comme de ramener à l'union et à la foi les héré-
tiques, comme de convertir les infidèles ^. Aussi doit-il être
apte à enseigner, juste et bon envers tous, doux dans ses juge-
2. On trouvera d'intcressants détails sur riiisloire inlérioiire de l'Eglise
de Jérusalem au ix" siècle dans la vie de saint Théodore d'Edesse pidiliée
par M. Pomialovskij ; dans Bernard le Moine qui voyagea en Palestine en 870
et dans le récit du inoine Epipliane publié dans la Soc. orthodoxe de Pales-
tine, VI, 188O.
2. Kpanag., t. III, § i, p. ()7.
3. Ibid., § 2.
256 BASILE I
ments, plein de zèle pour corriger les désobéissants, courageux
quand il s'agit de la défense de la vérité, fier devant les Empe-
reurs ^ car c'est lui seul, le Patriarche qui doit interpréter les
lois ecclésiastiques et juger en ces sortes de matières '^. Mais,
parce que telle est sa fonction, parce que, comme l'Empereur,
il doit veiller à la conservation de la paix et du bonheur des
sujets, il doit y aA oir concorde et harmonie entre les deux pou-
voirs 3, ce sans quoi la société est bouleversée et l'union com-
promise : on ne le savait que trop à Byzance, Dès lors, rien
d'étonnant que le cérémonial ait placé à peu près sur le même
rang l'Empereur et le Patriarche. Si tous deux ont leur demeure
terrestre près de celle de Dieu dont ils sont les représentants
ici-bas, tous deux se rencontrent quand il s'agit d'honorer « la
très sainte Trinité. » \ toutes les fêtes religieuses, basileus et
Patriarche sont présents à Sainte-Sophie pour pontifier suivant
la liturgie. Rien ne se fait sans l'intime collaboration des deux
pouvoirs. Si l'Empereur a sa place déterminée et ses fonctions
réelles à l'office, le Patriarche a la sienne dans les cérémonies
profanes. L'un nomme aux grandes charges et l'autre consacre,
confirme par ses prières l'œuvre du premier. Qu'il s'agisse du
couronnement impérial, de l'élection d'un César, d'un nobilis-
sime ou d'un patrice, toujours et partout nous voyons appa-
raître les deux représentants de Dieu. Aussi le cérémonial byzan-
tin a-t-il eu soin de donner au Patriarche une place à part dans
les grandes fêtes du Palais. A la table impériale, seul il a le droit
de s'asseoir à côté et avant le césar, le nobilissime. le curo-
palate, le basileopator et la patricienne à ceinture *. Chaque fois,
il est invité officiellement par l'intermédiaire du cubiculaire et
du silentiaire de service '\ et jamais l'un n'aborde l'autre offi-
ciellement sans lui donner un fraternel baiser. Mais cette
intime collaboration des deux pouvoirs se manifeste autrement
que par de simples formes extérieures. De même que l'Empe-
reur s'occupe activement des affaires religieuses, le Patriarche,
de son côté, s'occupe des affaires civiles. Il prend part aux con-
seils d'Etat qui traitent de choses purement laïques N'est-ce
i. Epanay., t. III, S 3.
3. Ibid., S A, 6.
-d. Ibid., S 8, p. 67-68.
A. Cerem., iS^i.
5. Cerem., 3o8.
i:i I, KMPIUK BVZAM 1\ liJ'J
pas Michel Rhaiigabe qui convoqua le Patriarche pour savoir
s'il convenait de taire la paix avec les Bulgares ' ? Il juge dans
les grands procès quand il s'agit de crimes d'importance'- :
lorsque Basile se crut trahi par son fds Léon, Photius assista
comme juge au procès qui lui fut intenté. Il fait souvent partie
du conseil de tutelle, lorsque l'Empereur, en mourant, laisse
des enfants mineurs. Ce fut. entre autre, le cas à la mort
d'Alexandre, fils de Basile. Le patriarche Nicolas fut appelé au
conseil et eut sa part dans l'administration de l'Empire -K Mais
cette autorité du Patriarche, même en matière civile, n'était
qu'une conséquence assez naturelle de l'autorité qu'il avait
comme chef de l'Eglise. Là, en effet, l'évêque de Constanti-
nople était souverain absolu. L'Epanagoge ^ a longuement
détaillé les droits du Patriarche au point de vue religieux, droits
que le concile de 869 avait déjà précisés. Seul, le Patriarche a
mission d'interpréter en dernier ressort la jurisprudence ecclé-
siastique, car il est juge''. Les plus graves affaires doivent être
portées devant son tribunal et, dans les assemblées synodales,
il est toujours le premier^. Non seulement il a le soin et la solli-
citude des métropoles, des évêchés et des monastères qui relè-
vent de sa juridiction, et là, évidemment, il a le droit de juge-
ment et de condamnation, mais encore il peut exercer ces
mêmes droits déjuge dans les autres provinces qui ne dépendent
pas de lui et dans lesquelles la « stauropigie » ne lui appartient
pas ''. Enfin, suivant la prescription formelle du concile de 869,
c'est devant le Patriarche seul, et non devant les métropolitains
et évêques voisins, que doivent se juger les affaires en litige
concernant tel métropolitain ou évoque'^.
Tant de pouvoir et d'autorité de la part du Patriarche n'allaient
pas sans d'assez graves inconvénients. Par la force même des
choses, des empiétements de juridiction étaient à craindre aussi
I. Thcoph., 999.
•.i. Syiii. ^^af,^, ch. \\r, p. 7(50.
3. Ccdrenus, i, ii05. Léon (iraniiii., iiai.
4. Tout le litre III est consacré à ce sujet.
5. Epancuj., t. III, § 5 et G, pp. 67, (38.
6 IhicL, S 6.
7. Ibid., S 10. La stauropiffie « aTaj&orr.y'.a » est le droit (ju'acquiert un
évêque sur une église ou vin monastère du fait (pi'il plante la croix sur
le lieu où s'élèvera l'édifice.
8. Cuu. WVI. \fansi. xvi, 177.
17
358 BASILE I
bien de la part de l'Empereur dans le domaine religieux que de
celle du Patriarche dans le domaine temporel, et c'est ce qui
arriva précisément à l'époque de Pliotius. Son histoire n'est,
en réalité, comme nous l'avons remarqué, qu'un épisode de la
sourde lutte engagée entre les deux autorités pour se mutuelle-
ment supplanter. C'est, du reste, dans l'espérance d'éviter ce
danger qu'on essaya, mais bien en vain, d'élever quelques fra-
giles barrières entre les deux pouvoiis. A son couronnement,
l'Empereur doit signer un chirographe par lequel il promet
de ne rien entreprendre contre l'Eglise et les dogmes fixés par
les SS. Pères ^ parce qu'il est établi tout d'abord pour conserver
la doctrine définie par les conciles-. De son côté, à son élection
le Patriarche, en un acte solennel, jure par écrit de respecter
l'autorité civile. « En prenant en mains les rênes de l'Eglise,
dit S. Ignace, j'ai fait, par écrit, le serment de ne jamais médi
ter contre votre Empire de trames ni de dommages •^. » Jamais
non plus il ne devait donner de mauvais conseils sur ce délicat
sujets Mais évidemment, le meilleur moyen pour l'Empereur
d'éviter tout danger était encore d'avoir la haute main sur les
élections. Malheureusement pour lui, jusqu'au x" siècle, les
règles canoniques étaient trop fixes, sa participation au choix
patriarcal, trop nettement définie pour qu'il pût être sans con-
teste maître de l'élection. Sans doute, l'Empereur avait bien à
son service la force : un coup d'audace lui était toujours pos-
sible. Seulement c'était chose dangereuse. Invariablement de
telles élections préparaient pour l'avenir des troubles religieux.
Mieux valait les éviter. Aussi — surtout après le schisme de
Photius — les empereurs préférèrent-ils prendre un autre che-
min. Ils s'arrangèrent à faire élire des membres de leur famille,
des hommes, par conséquent, qui, par leur entourage, leurs tra-
ditions, leurs intérêts même, étaient aisément maniables. Ce fut
le cas lors de la déposition de Photius. Léon VI s'empressa de
faire nommer patriarche son frère Etienne, fils cadet de Basile.
Plus tard il en ira de même de Théophylacte et de bien d^autres.
Ce résultat obtenu, les empereurs jmrent alors, vers la fin du
1. .1/10. de Combefis, Migne, C\ III, p. 1016,
2. Epaiiag., t. II, S A, p. 67-
3. Vit. lynat., 5o5.
4. Ibid., 5o5.
ET L EMPIRE BYZANTIN 20g
x" siècle, faire moHifirr n leur profit le modo d'élection du
Patriarche.
L'élection patriarcale devait donc être le grand souci du
basileus, comme c'était pour l'Eglise un des événements les
plus graves de sa vie habituelle. Depuis Tavènement de Pho-
tius, il était interdit de choisir un laïc. Seul un clerc pouvait
être désigné et encore devait-il avoir franchi tous les degrés de
a hiérarchie et y avoir fait ses preuves. Cette règle, du reste,
était plus ancienne, même à Byzance, que Photius, puisque
nous savons qu'à l'avènement de Nicéphore, au début du
ix*' siècle, les deux fameux ascètes de l'Olympe, Platon et Théo-
dore, rompirent tout rapport avec lui précisément parce qu'il
était laïc ^ bien que, d'autre part, il eût été régulièrement
élu. Jusqu'à la seconde déposition de Photius, les règles cano-
niques pour l'élection patriarcale étaient très simples. Nicétas
David nous a raconté comment S. Ignace fut nommé-. \ la
mort de Méthode, l'impératrice Théodora envoya consulter
St-Joannice à l'Olympe sur le choix du futur Patriarche. Celui-
ci désigna Ignace et les évêques comme le peuple l'élurent. Ce
récit doit être véridique, car il cadre tout à fait avec ce que
nous savons des différents facteurs qui concouraient à l'élec-
tion. Partout et toujours quand l'élection se fait régulièrement,
nous voyons intervenir à cette époque les prêtres, le peuple et
l'Empereur. Ce fut le cas pour Nicéphore ^, comme ce fut le cas
pour Ignace, et au début du x- siècle pour Antoine Kauleas *.
Nicolas I. dans sa lettre à l'Empereur Michel, le dit, du reste,
positivement. Personne ne peut recevoir la charge patriarcale
« sine ecclesiasticae plebis consensu atquc imperiali suffra-
gio ^. » Mais quelle était la composition de ces divers éléments
et quelle était leur importance ? L'élection de Nicolas Kauleas
1. Theoph., p. 968.
2. Vit. Ignat., 5o3.
3. Cedrenus, 917 ; Theoph., 968.
4. Migne, t. CXI, p. 190. Papadopoulo Kerameus, Sbornik, t. I, 12^^.
5. Mansi, xv, 171. En 861, cette règle était encore en vigueur, car au
Concile de Gonstantinople de cette année-là, leprotospathaire Jean explique
aux légats qu'à la mort du Patriarche, l'Empereur convoquait tous les
évêques, prêtres, abbés et diacres pour leur donner l'ordre de choisir celui
que Dieu leur suggérerait d'élire Patriarche et l'ordre de lui apporter le
décret d'élection. Celle-ci faite, ils l'annoncent à l'Empereur qui accepte
l'élu et ceux-ci, à leur tour, le reçoivent (VVolf von (jlanvell, 1. IV.
ch. CGccxxvui, p. 6o4).
26o BASILE I
nous l'apprend. Le groupe des prêtres/ qui faisait vraiment
rélection, était forme des évêques, des prêtres et des moines ;
le groupe du peuple, qui paraît surtout avoir eu un rôle con-
sultatif, était représenté par le sénat ^ ; l'Empereur intervenait
pour confirmer l'élection.
Ces règles étaient celles que l'Eglise universelle avait toujours
admises. Elles sauvegardaient tous les intérêts. Mais après les
événements religieux du ix*" siècle, en présence des empiéte-
ments tentés par Photius, les empereurs, comme nous l'avons
remarqué, cherchèrent, sans violence, à augmenter leur pou-
voir au sein du (( conclave » qui nommait le Patriarche. Déjà,
dans sa lettre à Nicolas 1, Photius avoue qu'il a été élu par le
clergé, évêques et métropolitains et « avant eux, mais avec eux »
par l'Empereur-. Toutefois, le véritable témoin de cette trans-
formation canonique est le chapitre du Livre des « Cérémonies »
qui traite de l'élection patriarcale. Ce chapitre appartient vrai-
semblablement au x^ siècle ^. Il fixe une procédure tout à fait
différente de celle que nous venons d'étudier. Dès que le
Patriarche est mort, l'Empereur ordonne aux métropolitains de
choisir trois candidats. Les métropolitains se réunissent à S'^-
Sophie dans la partie réservée aux catéchumènes, élisent les
trois sujets et font connaître leur choix à l'Empereur. Celui-ci
les reçoit au Palais. On lui remet par écrit les noms des candidats
et si le choix des évêques est tombé sur celui que l'Empereur
veut voir Patriarche, on procède à la consécration. Dans le cas
contraire, le basileus impose son candidat : « 'Evw tôv (6 onva)
HiUû YcvÉo-Ba'.. » Les métropolitains accèdent alors à la volonté
de l'Empereur et l'on s'en va en procession à la Magnaure avec
les métropolitains, le sénat, les dignitaires ecclésiastiques, le
clergé et les moines. Là, l'Empereur en présence de tous pro-
nonce la formule : « H hdy. y^ào»,; xal s; aJTr|ç Baa-O.sia -r.^txov
1. L'Impératrice Irène, à la mori du patriarche Paul, réunit /o«/ le peuple
à la Magnaure et lui demanda conseil. Tous proposèrent Tarasius (Theoph.,
924). On reconnaîtra facilement le Sénat dans cette assemblée de la
Magnaure. De même sous Léon l'Arménien, lors de l'élection de Théodote
Kassiteras, on avait proposé d'abord un certain Jean ; ce furent les patrices
qui s'opposèrent à cette élection, parce que Jean était trop jeune et de trop
vulgaire naissance « à'f avri? ». Ils demandèrent un fils d'illustre famille
{Anon. de Combefis, io36).
2. Photius, Epit. II, p. 588.
3. Cerem., 1. II, ch. xiv, p. io4o.
ET I/EMPIRE BYZA\TI\ 9.f5l
izpo^ÔLWfzoLi TGV îJAaêio-TaTOv toOtov TzaTpLàpyr.v Ko)VTTavTt.vou'7t6-
Aîioç. )) Puis, les présentations faites, on conduit solennelle-
ment le nouveau Patriarche dans le palais et le dimanche, ou
le jour de fête suivant, il est consacré à S'^-Sophie, en général
par l evêque d'Héraclée ^.
On le voit donc ; entre le ix*' et le x" siècle, l'ancien mode
d'élection est tombé en désuétude. L'Empereur, tout en laissant
faire un simulacre de choix, accapare à son profit le premier
rôle et désormais, peut-être parla faute de Photius, le Patriarche
devient la créature du basileus. C'est là une des premières con-
séquences de la crise politico-religieuse que nous avons signalée
plus haut.
La haute situation du Patriarche dans l'Empire lui faisait une
obligation d'avoir autour de lui, comme l'Empereur, une véri-
table cour et, pour l'administration des choses ecclésiastiques,
un nombreux personnel d'employés de tous genres. Auprès du
Patriarche se trouvait, en effet,, autrefois comme aujourd'hui,
le synode. Ce synode permanent « T'jyooo:; £vo7,u.o*JTa » dont
Nicetas appelle les membres « ol Aoyàoî; » '^ était composé de
métropolitains et d'archevêques '^. Il dirigeait les affaires ecclé-
siastiques, jugeait dans les plus grandes causes canoniques,
donnait son avis au Patriarche. C'est lui, sans doute, qui avait,
avant la réglementation des élections pontificales au x'' siècle,
la part prépondérante dans le choix du premier évêque
d'Orient*. Ce conseil, du reste, n'était pas de date récente. Dès
l'époque d'Honorius et de Théodore il est mentionné dans les
textes juridiques et fonctionnait comme tribunal suprême dans
les affaires d'ordre législatifs Comme les dignitaires romains
qui forment autour du Pape le Sacré-Collège, les évêques
qui composent le synode doivent jurer par écrit fidélité au
Patriarche ^. S'ils lui promettent, en effet, conseil et assistance,
1. Cf. Cotlarciuc, Die Besotzungsweise des schismatischon Patriarchal-
stuhles von Kple (Arch. fiir kathol. Kirchenrecht, lwxiii, 1908, 26 et seq.).
2. Vit. Ignat., 5o5. Cerem., i38i.
3. Cerem., p. 997. Il semble que le synode comptait douze membres, y eom
pris le Patriarcbe et le syncelle, sans doute en souvenir des douze apùlres
{Vit. Basil., cb. xxi, p. 260 ; Cerem., i38i). Cf. à ce sujet Zbisbman. Dit>
Synoden unddie Episcopal Amter in der morgent. Kirche.
4. Cf. Brehier, p. 63.
5. Code, I, S 2, I. 6, p. 12. Cf. Vailbé, Eglise de Cple, col. 1827 et seq.
6. Vit. Ignat., 5o5.
26'i BASILE T
ils lui promettent surtout respect et fidélité ^ 11 est impossible
de savoir exactement qui faisait partie du synode. Peut-être
étaient-ce les évêques de la province, ceux qui, au dire du
Nomocanon-, devaient se réunir une fois l'an, en juin ou sep-
tembre, autour du Patriarche pour Constantinople, autour des
métropolitains dans les provinces, afin de s'occuper des affaires
ecclésiastiques ; peut-être étaient-ce les métropolitains les plus
proches de Byzance : peut-être enfin des évêques sans juridic-
tion épiscopale, vivant à Constantinople autour du Patriarche.
Aucun texte ne nous donne à cet ég-ard de lenseioiiements
précis.
Le premier personnage ecclésiastique après le Patriarche
était le syncelle (6 o-jyxsAAo;). Bien que nous ayons à son sujet,
pour l'époque qui nous occupe, très peu de renseignements
précis, nous pouvons cependant, d'après l'étymologie du mot 3,
conjecturer qu'il remplissait auprès du Patriarche le rôle que
jouait auprès de l'Empereur, le parakimomène. Le syncelle,
dont le titre est honorifique et ne correspond très probablement
à aucune charge définie, est le premier après le Patriarche. Il
passe avant tous les métropolitains et archevêques ^ ; il a sa place
marquée dans les grandes cérémonies civiles tout de suite après
le recteur, c'est-à-dire avant les plus hauts personnages de
l'Empire ^. Si nous savons qu'il existait, bien avant le ix*" siècle,
des syncelles ^, c'est à cette date toutefois — et plus exactement
sous le règne de Léon VI — que le syncelle semble grandir en
dignité. C'est à cette époque, en effet, qu'il prend place au
nombre des grands fonctionnaires de l'Empire. Seul, parmi les
ecclésiastiques, il est nommé au Clétorologe et, à en juger par
les cérémonies de sa promotion, on peut se rendre compte de
son importance. Il est probable, du reste, que sa fortune corres-
pond aux transformations que subit au x'" siècle le mode d'élec-
tion du Patriarche. Tant que celles-ci furent relativement libres,
le syncelle resta dans l'ombre. Sa situation était analogue à celle
de ses confrères d'Egypte, de Jérusalem et d'Vntioche ; mais
1. Vit. Ignat., p, 5o.5.
2. Nomocan, t. YIII, viii, oaO.
3. Du Gange, vide « a!:yx£)v>.oî >>. Cf. Vit. Eiiihy., éd. do Boor, IV, p. ii
4. Cerem., p. 1G9.
5. Ibid., p. i345.
6. Pargoirc, op. cit., p. Oi.
ET i/eMPIRE byzantin 263
quand les empereurs eurent accaparé à leur profit les élections,
le" syncelle devint comme le représentant de l'Empereur auprès
du Patriarche, son homme de confiance auquel plus ou moins
la succession était réservée. Tel fut le cas pour Etienne, fils de
Basile. Avant d'être patriarche, il fut syncelle. Peut-être même
est-ce bien un peu pour lui qu'on fit passer cette dignité au
premier plan comme on le fit pour celle du Basileopotor, à la
même époque. Chose très remarquable, en tous cas, la promo-
tion du syncelle rappelle en plus d'un point l'élection du
patriarche. L'Empereur le nomme par la formule : « EttI ovo-
aaTO;; IlaTpo^;, VloO xal àyio-j nv£'j|jLaTO^, -poêaAAîTa'. y, £x Oîoj Bac-'.Asîa
Y,uLwv TjvxîAAov'. )) Puis les chambellans le conduisent auprès
du Patriarche auquel on annonce la promotion par ces mots :
{( Il BaT'.A£Îa TULcôv -pOc^aAsTO tojtov 7>'xîaaov -. » Alors, le Pon-
tife bénit (o-cppayl^si) le nouvel élu et fait part de la chose aux
métropolites et aux archevêques présents à Constantinople par
cette autre formule : <( 0 Bao-'.Asj^ t.ijlwv 6 ay^o; OôoOsv oo'r^yrJkU
TOJTOv -poSjSàAîTO o-jyxîAAov. » Si les formules expriment quelque
chose, c'est bien, ce semble, l'absolue dépendance de ce per-
sonnage à l'égard de l'Empereur. Dès lors, que le Basileus ait le
droit de désigner le Patriarche, qu'il choisisse, en général, le
syncelle pour cette haute fonction, et tout naturellement l'arche-
vêque de Constantinople se trouvera être la créature de son
impérial bienfaiteur. Aussi, des honneurs spéciaux sont-ils
décernés au syncelle. Il passe avant les métropolites, s'asseoit
sur un siège séparé et assiste au conseil du Patriarche^. Il est
probable que le syncelle de Constantinople était, au moins,
archevêque. Du moins avons-nous, du xi*' siècle, le sceau d'un
syncelle, métropolite de Chalcédoine*. Cependant, les deux syn-
celles d'Orient qui vinrent à Constantinople lors des afTaires de
Photius, Joseph d'Alexandrie et Elle de Jérusalem, n'étaient point
évêques. L'un était archidiacre et l'autre prêtre '\ Mais la haute
situation faite un instant aux syncelles semble avoir été d'assez
courte durée. Dès le xi" siècle, l'illustration attachée à ce titre
1. Cerem., p. 996.
2. Ibid.
3. Ibid., 997.
4. Schlumberjîcr, Su/illotjr., p. \i^.
.'). Vit. Jgnat., 54/|. Les souscriptions du concile do 8G9 donnent cepen-
dant à Josepli le titre de diacre (Mansi, XVI, 190).
264 BASILE I
décline et Constantin Ducas explique que ce Ji'est qu'au palais
qu'ils jouissent des prérogatives attachées à leur rang. Codinus
ne les cite même plus. Si tous ces renseignements sont de
quelques années postérieures au règne de Basile, il n'en est pas
moins certain, cependant, que même à son avènement, la
charge de syncelle était déjà parmi les premières dans l'Eglise.
Lorsque l'Empereur voulut récompenser ses plus fidèles amis, il
leur donna à tous de très hautes dignités. Mais s'il fit tant déjà
pour ceux qui le servirent d'une façon en somme assez secon-
daire, on peut conjecturer qu'il sut faire plus encore pour le
premier artisan de sa fortune future, pour le fameux higoumène
de S. Diomède. Nicolas. Or, précisément, il ne trouva rien de
mieux que de nommer son bienfaiteur, tout à la fois syncelle et
économe de S'^'-Sophie^ D'où il suit que déjà à cette époque le
syncelle était nommé par l'Empereur et que ce titre de grande
distinction, quoique tout honorifique, pouvait être donné con-
jointement avec une charge importante.
Au point de vue strictement ecclésiastique, l'archidiacre est
le premier fonctionnaire après le Patriarche. C'est vraisembla-
blement sur lui que repose toute l'administration du diocèse. Il
accompagne le Pontife dans toutes les cérémonies religieuses,
mais non, semble-t-il, dans les cérémonies civiles. Il porte
l'Evangile que baise l'Empereur 2, reçoit de lui aux grandes
fêtes des présents comme certains fonctionnaires d'ordre secon-
daire ^ et l'encense avant le Patriarche*. Il est très reniarquable
que l'archidiacre ne soit nulle part nommé dans les cérémo-
nies de la Cour. Peut-être comme le Chartophylax et d'autres
dont les fonctions étaient surtout d'ordre administratif n'avait-il
pas droit, comme tel, de figurer parmi les dignitaires ayant
leurs entrées au Palais.
Ainsi que dans l'administration civile, les affaires religieuses
passaient par des « sécréta » ou bureaux au sujet desquels nous
n'avons aucun détail. Le livre des « Cérémonies » cite les « tzcltA-
oî; to'j» o-sxpsTO'j •• » du Patriarche et les sceaux nous donnent
divers titres relatifs à cette administration, tel celui de notaire
1. Georg. Moine, 1080.
2. Cerem., p. 157.
3. Ibid., p.
4. Ibid., p. 169.
5. Cerem., p. i38i
ET l'empire byzantin 9.6b
du Patriarche^ et celui de chef du o secreton, s-l to-j r.oL-zf.oLzyiY.o\)
o-£xpiTOJ » -. C'étaient évidemment des prêtres employés dans
ces ministères. Toutefois sur l'un de ces bureaux nous sommes
un peu mieux renseignés. C'est celui des « archives » qui pro-
bablement faisait fonction de chancellerie. Les archives du
Palriarcat étaient assez considérables. Elles contenaient les
pièces originales concernant le Patriarcat : procès-verbaux
des Conciles, lettres des Papes et des évéques. professions de
foi des évêques. constitutions impériales, etc. -K A la tête de ce
bureau se trouvait le Chartophylax (6 yap-rocpjAa;) — tel ce Bla-
sios si dévoué à son patriarche Ignace* ; tel aussi le Chartophy-
lax Paul au Concile de 869. Ce personnage avait la garde des
archives ; mais aussi celle des droits épiscopaux de son Maître
conservés par écrit dans ses bureaux. Chaque pièce émanée de
son ministère portait sa signature et son sceau comme preuve
d'authenticité'"'. Mais ces pouvoirs allaient plus loin. Bien que
généralement diacre, c'est à lui que revenait le droit de présen-
ter clercs et évêques au Patriarche et au Concile, de même que
c'est par lui qu'arrivaient au Patriarche les lettres des évêques.
Bien plus, il avait un droit de contrôle sur les élections épisco-
pales et c'est lui qui devait faire l'enquête canonique sur la
dignité de vie des candidats. Enfin il a^ait un tribunal qui
jugeait de toutes les causes matrimoniales pour les fidèles, de
tous les délits religieux, civils ou criminels pour le clergé. Un
peu comme l'éparche au sujet des étrangers, il avait droit de
surveillance sur les prêtres qui venaient à Constantinople, les
autorisait adiré la Messe, et s'ils étaient religieux, leur donnait
le pouvoir d'entendre les confessions. Le Chartophylax avait
sous ses ordres des u secretikoi » et des « hypomnématographes » .
C'était enfin dans les bureaux du Chartophylax que s'élabo-
raient de temps à autre ces listes épiscopales, ces uTactika»
dont nous allons parler un peu plus bas. La « taxis » de Léon YI
est formelle à cet égard, La liste épiscopale était exactement
semblable à celle qui se trouvait «au saint chartophylakeion ))•'.
1. SUjillogr. byz., p. 127.
2. Ibid.
3. Mansi, xvi, i3.
4. VU. Ignat , 5i3.
5. Voir pour ce qui concerne le Chartophylax, Beurher, le Chartophylax de
la Grande Eglise, p. 207 et seq.
6. Gclzer, Texte iind Notitiœ episcopatiium, p. 55o.
'?M
BASILK
D'autres bureaux nous sont connus de nom. C'est le u o-x£jocsj-
Àaxciov » ou trésor. Là se trouvaient, outre les vases sacrés, les
objets de prix et les ornements précieux, servant à la cour pon-
tificale, les livres richement reliés K qu'on ne voulait pas lais-
ser dans la Bibliothèque. A la tête du trésor, se trouvait un
chartulaire - ayant pour chef honorifique le u c-xsjocpjAa; », un
des grands dignitaires de l'Eglise. Les chroniqueurs comme
Théophane^, nous parlent aussi du sacellaire probablement
chef du bureau financier du Patriarche. Le référendaire était de
même un assez important personnage. Sa mission parait avoir
été surtout d'être le représentant otïiciel du Patriarche auprès
de l'Empereur. C'est par lui, en effet, que ])assent les commu-
nications entre les deux pouvoirs. Auxjoursdeféte, le Patriarche
envoie le référendaire au palais avec un u (jiavoàTov », un avis
contenant les prescriptions liturgiques du jour *, de même qu'aux
jours de promotions civiles l'Empereur fait prévenir le Patriarche
par le référendaire ^\ Puis à l'Eglise lorsque les deux souverains
se rencontrent, il joue un peu le rôle de Cérémoniaire. C'est
lui, par exemple, qui présente le Clergé au Basileus '\ Enfin il
faut citer le protonotaire du Patriarche'', sorte de lecteur officiel;
l'économe particulier du Patriarche^ ; le castrisios (xaa-TpTja-io;)^
et des cubiculaires ^^.
Comme « archevêque de Constantinople » le Patriarche avait
autour de lui le nombreux personnel de Sainte-Sophie, église
métropolitaine, et le clergé des autres Eglises de Constanti-
nople ^^ Justinien avait fixé, dès le iv*" siècle, le nombre des prê-
tres, diacres et autres clercs subalternes qui devaient faire par-
I. Beurlier, op. cit., p. 256.
, 2. Cerein., p. 208.
3. Theoph., p. 972.
!{. Cerein., p. 120.
5. Ibid., p. 480. n est intéressant de noter que le premier passage du
Livre des Cérém. est du x" sièele, le second, probablement du vni'' ; d'où
l'on peut facilement conclure qu'au ix*" siècle la fonction de référendaire
n'avait pas changé.
6. Ihid., p. 171 et 196.
7. Ihid., p. 1389,
8. Ihid., 1391.
9. Ihid., p. 192 ; p. i443.
10. Ihid., p. 1349.
II. Ces Eglises avaient un clergé organisé avec un « primicier » à leur tête.
C'était, du moins, le cas pour les Blachernes et la Néa (Seblumb., Sigilloy.,
i35, 137).
ET L EMPIRE BVZA-MTN ^G"
tic du clergé de la « Grande Eglise » '. Ce nombre ne varia sans
doute pas beaucoup car les ressources n'étaient pas illimitées
Cependant, au iV siècle, le Concile de 869 dut prendre de nou-
velles mesures pour éviter les abus prévus par Justinien-.
Défense était faite d'élever à quelque honneur «ceux du dehors»
ou les prêtres qui occupaient des fonctions séculières auprès des
princes. C'est que Constantinople attirait forcément un grand
nombre de clercs. Si on avait voulu donner une place à tous les
étrangers, le clergé serait devenu trop nombreux et les anciens
n'eussent pas eu d'avancement. C'est, du reste, probablement
pour faire observer ces ordonnances assez justes que les Empe-
reurs se réservèrent le droit de nommer aux grandes charges
ecclésiastiques comme celle d'économe de la grande Eglise ^.
Cependant, à relever les noms des fonctionnaires ecclésias-
tiques fournis par le Livre des Cérémonies on s'aperçoit que leur
nombre était encore considérable. Indépendamment des clercs
attachés au service du Palais, les u êao-'.A'.xo'l », prêtres*, diacres,
sous-diacres et clercs ^, le clergé de Sainte-Sophie et des autres
Eglises se composait de prêtres, de diacres, de sous-diacres,
de clercs-portiers, lecteurs, chantres, prosmonaires ou gar-
diens, de dioecètes, d'écdiques ou défenseurs, d' 0 s-'.o-xcTTîiavo'. )>
ou surveillants*^^ et de diaconesses, ayant tous à leur tête
quelques grands dignitaires comme le skevophylax et surtout
le grand Econome. Au surplus, chaque ordre paraît avoir eu
ses chefs : les prêtres avaient à leur tête un » TzptoTOTrpco-êjTîpoç » ",
les diacres » le diacre de la grande Eglise » probablement ])rêtre
si l'on en croit les sceaux^, mais remplissant les fonctions de
diacre.; les acolytes un u devteron »^. L'Econome de la grande
1. Pargoire, op. cit., 60, 61.
2. Canon XIII, Mansi, \vi, p. 167.
3. Léon Granim., lodg.
/i, Cerem., p. 980.
5. Ibid., p. 1349, i352, i38i. Lo clergé du Palais paraît avoir subi une
transformation à la mort de Léon l'Arménien. Après le crime qui ensan-
glanta la chapelle impériale dans la nuit de Noël, le clergé dut porter
l'habit ecclésiastique « comme maintenant ». De plus, il fut tenu d'habiter
le palais, tandis qu'auparavant il n'y venait que pour les ofTices, Le clergé
avait à sa tète un éparche {Vit. Léon., ch. xxv, p. Sa).
6. Parmi ces fonctionnaires quelques-uns étaient laïques connue les
maglabites de S'^'-Sophie qui faisaient fonction de bedeaux.
7. Le livre des Gérêin., p. 170, parle aussi du xpoiTo-i-azâî de S''" Sophie.
8. Schlumberger, Siyilloy., p. 1^7.
(). Schlumberger. Sigillogr., p. 390 et 4o8.
268 BASILE I
Eglise (6 olxovôaoç t?[; MsyàÂY,; 'ExxAY.o-'la;) était un des grands
dignitaires dont la nomination était réservée à l'Empereur. Aussi
est-ce pour cette raison, sans doute, qu'il fait partie descc^-émo-
nies de la cour, comme le syncelle et les liigoumènes des cou-
vents impériaux *, tandis que les autres dignitaires nommés par
le Patriarche en paraissent exclus. Du reste, c'était toujours un
personnage de marque qui occupait cette place. Souvent, elle
était donnée à quelque haut fonctionnaire qu'on avait obligé,
pour une raison ou pour une autre, à entrer au couvent et qu'on
récompensait de cette façon. Ce fut entre autres le cas pour le
« préfet de la table » Nicétas que la rumeur publique accusait
de relations coupables avec l'Impératrice Eudocie. Il fut tondu
et plus tard devint économe de Sainte-Sophie '-. Avant lur, mais
pour de toutes autres raisons. Nicolas, higoumène de Saint-
Diomède, fut créé par Basile- P"^ tout à la fois syncelle et éco-
nome^. L'Econome avait la charge de l'administration finan-
cière de l'Eglise, Aussi, dès l'origine, son pouvoir fut-il
considérable. Son nom revient souvent dans les ordonnances
de Justinien et la novelle GXXIIl du chapitre ix, reproduite au
IIP Livre des Basiliques, t. I, § i6, enjoint à l'Econome de sus-
pendre en certains cas, sur l'ordre de l'Empereur, le traitement
du Patriarche. D'autre part, pour éviter toute malversation dans
son administration financière, des lois sévères étaient-elles
faites à son usage. Défense lui était intimée sous les peines les
plus graves, de louer les biens ecclésiastiques, de prendre sur
eux des hypothèques, etc, *. On voit donc bien pourquoi le
Basileus tenait à avoir un tel personnage en sa main. Par lui
encore, il avait prise sur le Patriarche et pouvait, en le privant
d'argent, l'amener à seconder sa politique. Ce ne fut que plus
tard^ sous les Comnènes, que l'Empereur donna au Patriarche
le droit de nommer l'Econome.
Au-dessous du Patriarche se trouvaient, dans l'Eglise byzan-
tine, les métropolitains, les archevêques et les évêques. Les
premiers, chefs d'éparcliies religieuses, avaient un certain
nombre d'évêques sous leur autorité ; les seconds étaient auto-
céphales, n'avaient pas de suffragants et relevaient directement
1. Cerem., p. i345.
2. Georg. Moine, io8o.
3. Ibid.
A. Proch.
ET l'empire BYZA>TI>' 269
du Patriarche. Naturellement, les circonscriptions diocésaines
varièrent avec le temps, suivant les pertes et les acquisitions
du Patriarcat. 11 suffit pour s'en rendre compte de jeter un
coup d'œil sur les différentes listes épiscopales qui nous sont
parvenues. Du ix*" siècle et du commencement du x® nous en
avons quatre. La première, la plus ancienne, vit probablement
le jour aux environs de 8io : la seconde fut composée par Basile
l'Arménien vers 829 ' : la troisième a pour nom « Nea Tactika-» ;
la quatrième date du règne de Léon Yl De ces quatre listes,
une seule nous intéresse, la troisième. On a souvent attribué les
« Nea Tactika » à l'époque de Léon Vl. Cependant, en compa-
rant ce document aux listes conciliaires de 869 et de 879. on ne
tarde pas à remarquer que seuls les « Nea Tactika » répondent
exactement à l'ordre de choses exprimé par les listes. Ni la
notice de Basile, ni celle qui fut composée sous le règne de
Léon ne concordent avec la Géographie ecclésiastique telle
qu'elle ressort des souscriptions^. C'est ainsi, par exemple, que
pour les métropoles, le Concile de 869 cite parmi ces dernières
Smyrne, indication conforme aux « Nea Tactika » et à la liste
de Léon, mais pas à celle de Basile qui en fait un siège autocé-
phale *. Nakolia est archevêché en 869 et indiqué comme tel
dans les « Nea Tactika », tandis que Basile en fait encore un
évêché dépendant de Synade en Phrygie. 11 en va de même de
Garella, de Rousion ^. de Kamachos, et d'autres. Les métropoles
qui relevaient autrefois du patriarcat romain comme Thessa-
lonique. Athènes, Corinthe, Patras, Reggio sont en 869 et dans
les Nea officiellement enregistrées avec leurs suffragants parmi
r. Pargoire, op. cit., p. 398.
2. Elle est publiée dans l'édition de Georges de Chypre do (îelzer.
3. Cependant, il faut utiliser chaque liste avec une extrême réserve.
Chacune vaut pour l'heure où elle a été écrite uniquement. Publiée par le
Chartophylakeion, elle exprime simplement Yétat du moment des sièges et
point du tout l'état canonique des choses. Un évêché peut parfaitement
bien exister et n'être pas, pour autant, porté sur les listes parce qu'il n'a
pas au moment de la publication de la liste de titulaire en fonction. C'est
le cas d'Anchialos, par exemple.
4. Le siège d'Euchaïte est donné comme archevêché en 869 et dans
Basile, comme métropole dans les Nea. Il est probable que cette divergence
vient du fait de son titulaire Théodore Santabarenos.
5. Rousion de Thrace, dans la province de Rhodope, est devenu archevêché
par suite de la disparition de Maximianopolis, l'ancienne métropole de la
contrée. Cf. Oriens Christianus, 1, p. 1199.
370 BASILE I
les sièges relevant de Byzance tandis que Basile les rejetait
encore à la fin de sa liste et ne mentionnait point les suflra-
gants. Enfin, des sièges se sont créés que Basile ne paraît pas
connaître, mais dont les listes et les Nea nous fournissent les
noms. C'est par exemple Pyrgon, c'est Maïna. etc. Inversement
les Nea Tactika, comme les listes conciliaires, ne connaissent
pas certaines transformations. Kios, par exemple, archevêché
en 869, comme il l'était en 829. ne se trouve plus dans la liste
de Léon. Mais ces divergences sont rares — probablement
accidentelles et temporaires — et déjà les Nea Tactika. comme
les listes de 869 et de 879, se rapprochent beaucoup delà Notice
de Léon. Si donc nous prenons pour base les Nea Tactika,
nous remarquons qu'elles mentionnent cinquante-deux métro-
poles au lieu de trente-quatre données par Basile et de cinquante
et une par Léon. Cette difîorence considérable entre la liste
de 829 et les Nea Tactika s'explique par le fait, d'une part,
qu'on compte les métropoles qui autrefois relevaient de Rome,
et de l'autre, qu'un certain nombre d'archevêchés sont deve-
nus métropoles et que deux métropoles, Phasis et Markianopo-
lis, n'existent plus. Si Mélitène d'Arménie P^ se trouve encore
sur les deux premières listes, elle ne se retrouve pas à l'époque
de Léon ^. Séleucie apparaît dans les Nea Tactika et dans Léon
ainsi que Trapézonte, Philippe, Dyrrachion. Kamachos,
Kotyaion, Mitylène ; enfin les Nea Tactika donnent en même
temps Vmastris et Chonae parmi les métropoles et les arche-
vêchés, sans doute sous l'influence du schisme : mais ce n'est
qu'un fait passager car dans la liste de Léon elles reprennent
leur place parmi les archevêchés. Pour les archevêchés, Basile
en compte quarante et un, tandis que les Nea Tactika en comp-
tent cinquante et Léon quarante-neuf. Depuis 829, en eff'et, plu-
sieurs archevêchés ont disparu comme Odyssos, Tomis, Anchia-
los ; d'autres sont devenus métropoles. Cependant, en 869, la
liste s'est augmentée. Thèbes apparaît ainsi que Rousion,
Otrante, Garella, Corcyre et autres. Certains archevêchés, du
reste, disparaîtront rapidement. Kordé ne se trouve que dans les
Nea Tactika. Kios et Apros vont faire place à de nouveaux sièges
comme Rinôn et Sebastopolis. Quant aux évêchés, ils devien-
nent dans la seconde moitié du ix" siècle beaucoup plus nom-
I. Elle reparaît cependant dans les listes postérieures.
11 1 IMIMIU-: BYZANTIN
brciix par le faitque dès lors Byzaiice coinplc non plus seule-
ment les métropoles annexées mais aussi leurs sufFragants. Du
reste, nombreux sont les changements de circonscriptions à
cette époque. Si les anciens diocèses demeurent intangibles,
d'autres, plus récents, se font et se défont. Mélitène qui va être
supprimé sous Léon, compte déjà dans les Nea Tactika un suf-
fragant de moins qu'en 829. Les deux évêchés d' Vriarathis et de
ïveomanôn disparaissent et, en place, les Nea signalent Lipôn.
Phasis avec ses quatre évêchés n'est plus, ainsi que Markianou-
polis et ses cinq suffragants. En revanche, nous voyons appa-
raître Smyrne avec quatre évêchés : Kamachos d'Arménie avec
cinq : Kotyaion de Phrygie avec trois ; Mitylène avec cinq. Au
surplus, la liste des sièges suffragants s'est, en général, pour
chaque métropole, singulièrement augmentée. Même les
anciennes métropoles comme Césarée sont en progression. De
cinq évêques qu'elle avait sous sa juridiction, elle en a huit dans
les Nea Tactika. Héraclée, qui avait, elle aussi, cinq suffragants,
en a quinze, etc. En résumé les trente-quatre métropoles de
Basile qui comprenaient en tout trois cent soixante-douze évê-
chés. nombre auquel il faut ajouter quarante et un archevêchés
pour avoir l'ensemble de lépiscopat byzantin en 829 sont deve-
nues à la fin du ix'' siècle cinquante-deux (ou cinquante-quatre si
l'on compte Amastris et Chonae) avec cinq cent trois évêchés et
cinquante — ou quarante-huit — archevêchés : au total 6o5 pon-
tifes en union avec le Patriarche.
Ces Eglises, qu'elles soient métropoles, archevêchés ou évê-
chés. avaient une organisation assez seml)lable à celle de
l'Eglise mère. Entre elles existaient, du reste, de nombreux
liens qui les mettaient en communion directe avec Byzance ^
et. par le fait même, sous la dépendance du Patriarche et de
l'Empereur. Comme à Constantinople, la principale question
qui toujours agitait les Eglises était celle de l'élection pontifi-
cale en cas de vacances. Là, comme ailleurs, les évêques étaient
tenus avant leur élection de passer par tous les degrés de la
hiérarchie et d'y faire leurs preuves -. Les affaires de Photius
obligèrent encore à préciser ces règles. Le Concile de 869
exigea, en effet, que le candidat passerait dorénavant, une
I, Canon XIII, Concile dos SS. Apôtres (Mansi, \vi, 546). Canon X, de
SHc). (^[ansi, \vi, 166).
?.. Canon XVIÏ. Mansi, \vi, 5'|8.
2'J'2 BASILE i
année comme lecteur, deux ans comme sou8-diacre, trois ans
comme diacre et quatre ans comme prêtre', avant d'être élu ;
puis au moment de l'élection, que les puissants (principes,
ojvaTO'l) ne s'ingéreraient pas dans ces choses d'ordre ecclésias-
tique'-. Le Prochiron *^ de son côté a exposé la législation en
vigueur pour les élections provinciales. Les clercs et les pre
miers citoyens de la ville votent en présence des Evangiles sur
une liste de trois noms et c'est le meilleur des trois élus qui est
sacré*. Les deux corps électoraux doivent jurer que leur choix
n'est dicté ni par suite de dons reçus ni par suite de sympathies
personnelles, mais parce qu'ils savent que leur candidat appar-
tient à la foi catholique, qu'il a une vie honnête et respec-
table, qu'il est âgé de plus de trente ans, qu'il ne possède ni
femme ni enfants ou, du moins, que s'il a été marié, il ne l'a
été qu'une fois et à une vierge. Le fait d'avoir épousé une
divorcée ou une veuve était un cas d'irrégularité. De son côté
l'élu, après avoir présenté son libelle attestant sa foi. devait
jurer de n'avoir rien donné ni rien promis pour être élu. La
marche suivie pour les élections épiscopales nous est, du reste,
racontée en détail dans la vie de saint Théodore d'Edesse. Si ce
siège ne dépendait pas de celui de Constantinople. les forma-
lités cependant devaient être probablement les mêmes dans les
deux patriarcats. L'hagiographe nous raconte donc qu'au
moment des fêtes de Pâques le patriarche d'Antioche vint à
Jérusalem avec les évêques qui étaient sous sa juridiction. 11 y
eut à cette occasion un synode })résidé parles deux Patriarches.
Profitant de la circonstance, un certain nombre d'habitants
d'Edesse, prêtres et laïques de distinction, vinrent à Jérusalem
demander avec insistance un évêque. Le patriarche d'Antioche
de qui relevait l'Eglise d'Edesse, exhorté par son confrère de
Jérusalem, proposa le moine Théodore, ce que le Concile
approuva, ainsi que les délégués. Alors eut lieu l'élection et,
tout de suite après, le Jeudi-Saint, la consécration par le
Patriarche métropolitain d'Antioche •"'. Telle était donc au
ix"" siècle la première partie d'une élection épiscopale ; mais
I. Canon V. Mansi, p. i63.
a. Canon XII. Ibid.
3. Proch., t. XXV m, p. i55 i56.
\. Epanag., vni, S 3, p. 77.
5. 1 il. Theod. Edess., xli, \lu, 35-38.
ET l'empire byzantin 2-3
ce n'était pas tout, Après l'élection et la consécration venait
l'intronisation. Arrivé à Edesse, saint Théodore fut reçu solen-
nellement à l'entrée de la ville par les plus illustres personnages
des deux ordres. On le conduisit à l'Eglise cathédrale, (r, xa9o Aixr,
£xxAr,!7'la) et après avoir prié, il donna la paix à son nouveau
peuple. On lui fit ensuite visiter les saints lieux et les autres
Eglises de la ville, et, finalement, on lui remit le palais épisco-
pal (£-'.Txo7:£Îov). Le lendemain, dimanche, l'Evêque ofïîcia. on
l'intronisa sur son siège et à la fin de la messe il parla au
peuple '.
Ces cérémonies, racontées par un témoin oculaire, devaient
se reproduire un peu partout dans les diocèses et inspirer aux
chrétiens un grand respect pour leur Pontife. C'est que dans
le thème, l'Evêque est avec le stratège le principal person-
nage. Il a puissance absolue, dit l'Epanagoge -, sur le prêtre,
le diacre, le lecteur, le chantre et le moine. Certaines affaires
civiles peuvent lui être soumises, surtout les affaires de
mariage^ et de justice ^. Du fait de son ordination, il est
exempt de beaucoup de charges. Il est, par exemple, immé-
diatement soustrait à la puissance paternelle^, car il représente
dans la ville la plus haute autorité qui soit. Mais aussi, pour
cette même raison, il a de graves obligations. S'il peut dis-
poser, comme il Tentend. de la fortune privée qu'il possédait
avant d'être évêque. il ne peut plus, une fois consacré, disposer
des biens qu'il a acquis. Ceux-ci appartiennent à l'Eglise^.
La loi est pour lui très dure dès qu'il s'agit d'argent '^ parce
que, ce que l'on veut surtout, c'est éviter toute simonie et
tout danger de gaspillage dans la fortune de l'Eglise. Du reste,
parce qu'il a charge d'âme, l'Evêque doit être le premier à
donner l'exemple de toutes les vertus. Sa vie extérieure sera
uniquement occupée par le ministère ecclésiastique et point
I. II/. Theo<L Edess,,\L\, p. 4o-4i.
a. Epanag., viii, S i, p. 77-
3. Prochir., I, S i3, p. 17.
4. Epanag., vu, S 6, p. 7G.
5. Prochir., XXVI, 8, p. i4ô. Les Basilupies (1. 111, l. 1, i3 et i4) repro-
duisent le texte de Justinicn donnant aux évêques le privilège de ne pas
comparaître devant les tribunaux sans un ordre exprès de rEnipereui\ Les
magistrats devaient, à l'occasion, se rendre chez eux pour leur demander
le serment.
G. Prochir., XXIV, s i, p. i33.
7. Epanag., vin, S i5, p. 80.
18
!2 74 BASILE 1
parles soucis humains. Aussi, défense lui est-elle faite d'être
tuteur ou curateur de qui que ce soit K de s'occuper de choses
terrestres et civiles, comme de la levée des impôts- ou de lagestion
des fortunes particulières ^ car u on ne peut servir à la fois deux
maîtres. » N'est-ce pas assez pour lui d'être obligé de répondre
de l'administration financière des économes, xenodoches,
nosocomes. ptocholrophes et administrateurs des « saintes
maisons » qui dépendent de son autorité^? Pour cette même
raison. l'Evêque ne devra pas quitter son Eglise et s'en aller
dans d'autres éparchies. S'il y est obligé par nécessité, il devra
avoir des lettres du patriarche ou de son métropolitain ou un
ordre impérial. En tous cas son séjour hors de son Eglise ne
pourra dépasser une année ^. L'Evêque qui arrivait à Constan-
tinople devait immédiatement se présenter chez le Patriarche
qui. lui-même, le présentait à l'Empereur. En cas de violation
de la loi, l'économe de l'Eglise était tenu de refusera l'Evêque
tout subside, ses confrères devaient le rappeler dans son
diocèse et s'il différait de se rendre, le déposer sur le jugement
de son métropolitain ^'. La vie privée de l'Evêque sera, elle
aussi, conforme à la sainteté de sa vocation. Pas plus que les
clercs qui depuis leur enfance ne mangeaient point de viande,
il ne doit rompre l'abstinence '^. Ses vêtements seront simples.
S'il est religieux il gardera l'habit monacal ^, et s'il a l'hon-
neur d'être revêtu de l'omophorion il se gardera bien de le
porter en dehors des circonstances fixées par la coutume '*^.
Avec les grands, stratèges et autres fonctionnaires du thème,
l'Evêque devra éviter tout acte d'inconvenante bassesse.
Défense lui est faite par le Canon XIV du Concile de 869 '^
d'aller au-devant des hauts fonctionnaires civils, loin de son
1. Epanag., i\, S i, p. 80.
2. Ibid., S 3.
3. Ibid.
4. Ibid., S 9, P- 82.
5. Le synode tenu par Pholius aux SS. Apôtres fixe même le délai à
6 mois sauf lecas d'empêchement m,njeur((]an. Wl. .\fansi, xvi, 547). ^'^- ^ ^^
sujet les plaintes de Pholins à Nicolas I". Heaucoup. dit-il. vont à Rome
sans lettres testimoniales.
0. Epanag., vm, S 4, P- 78.
7. Anonym. de Coinbefis, Mi<i:iie, (^Vlll, p. io3(i.
8. Pitra, Jus ecdes., II, \[v, p. \\m.
9. Ibid.
10. Mansi. \vi, i08.
i:r L EMPIUI^ liVZA.NTlN 2~0
église, de descendre à leur approche de cheval ou de mule,
de se prosterner devant eux, de s'asseoir à leur table. En un
mot TEveque, pour garder son ascendant religieux, pouvoir
corriger les abus et dénoncer les fautes de ses fidèles avec
succès, doit vivre en dehors du monde séculier et s'occuper
uniquement de ses aftaires religieuses.
Indépendant et maître dans son diocèse. l'Evéque est en
communion directe avec son métropolitain. Deux fois l'an, ce
dernier avait, dans l'Eglise byzantine, l'habitude de réunir en
synode ses divers sulïragants pour s'occuper, de concert avec
eux, des choses intéressant la métropole. Mais cette coutume
n'allait pas sans d'assez graves difficultés et d'assez grands
abus. Profitant de cette raison, les métropolitains se dispen-
saient d'assister le Patriarche de leurs conseils et de paraître à
ses côtés lors de ses propres synodes * . Aussi le Concile de
869-. sans condamner ces assemblées provinciales, déclara-t-
il cependant que les synodes patriarcaux étaient beaucoup
plus utiles que les premiers et décréta-t-il des peines très
graves contre les métropolitains qui ne répondraient pas à leur
convocation. Inversement, le Concile refusa de reconnaître le
droit de visite que s'arrogeaient certains métropolitains ou
archevêques sur l'Eglise de leurs suffragants. Il arrivait, en
effet, que ces visites n'avaient souvent d'autre but que l'argent.
Le métropolitain s'en allait chez son inférieur, vivait des
revenus de son Eglise et cela au grand détriment des pauvres.
A partir de 869 l'Evêque ne fut plus obligé qu'au devoir géné-
ral de l'hospitalité et le métropolitain n'eut plus le droit d'exi-
ger quoi que ce fût s'il tenait à passer par le diocèse d'un de
ses confrères •''. Du reste, il parait bien que vers cette date les
liens de dépendance qui unissaient les sièges suffragants à leur
métropole se relâchent de toutes parts. Le droit de visite en
disparaissant fît abroger aussi d'autres coutumes. Primitive-
ment, le métropolitain, supérieur eft'ectif de son suffragant,
pouvait appeler ce dernier en certaines circonstances dans sa
ville épiscopale pour le remplacer dans les fonctions reli-
I. Mansi, v\i, p. 171. Caii. XVII. Le I^alriarche avait le droit de convo-
quer tous les métropolitains qu'il avait ordonnés ou auxquels il avait
envoyé \c pallium.
'>.. Ilnd.
;^. /6tV/. Can. \I\, p. 173.
276 BASILE I
gieuses. De là des abus qui durent être corrigés. Le Concile
profita sans doute des événements pour interdire à l'avenir
aux métropolitains de traiter les évêques comme de simples
clercs. Défense leur fut faite de se faire remplacer sous peine
de déposition 1. Tant de modifications diverses au droit exis-
tant ne brisèrent pas, toutefois, le lien primitif qui rattachait,
dès les origines chrétiennes, Tévêque à son métropolitain: le
droit de juger. Le Concile de 869 le sanctionna formellement
par le Canon XX VL Tout prêtre et tout diacre pouvait toujours
en appeler du tribunal de l'Evêque au tribunal du métropo-
litain, de môme que l'Evêque pouvait en appeler du métropo-
litain au Patriarche. La seule chose défendue était d'en appe-
ler à une juridiction égale : métropolitain à métropolitain,
évêque à évêque. Cette dépendance donc assez théorique,
sauf sur ce dernier point, entre métropolite et évêque, s'ex-
primait dans roffice divin par le nom du Supérieur qu'on
insérait dans les « Mémoires ». C'était le signe de la commu-
nion religieuse. Le Patriarche, nous l'avons vu plus haut,
lisait le nom du Pape; le métropolitain, celui du Patriarche;
l'Evêque, celui du Métropolitain; le prêtre, celui de l'Evêque.
Rayer ce nom de l'office liturgique, c'était faire schisme. Nul
n'avait le droit de s'arroger un tel pouvoir sans qu'une
sentence canonique ait été portée contre le Supérieur. C'était
un cas de déposition pour celui qui agissait de la sorte. 11 y a
là, évidemment, un soutenir très précis des luttes qui, en ce
moment même, agitait l'Eglise entre partisans d'Ignace et
partisans de Photius.
Telles étaient, à la fin du ix*' siècle, les conditions qui régis-
saient le haut clergé ; telle était l'organisation de l'Eglise. Les
troubles engendrés par le schisme de Photius purent, en
vérité, ébranler cette solide charpente ecclésiastique, créée par
les siècles passés ; ce fut même un des principaux soucis des
Conciles sous Basile P' de la consolider de nouveau. Mais, il
faut le remarquer. C'est précisément parce que l'Eglise byzan-
tine était puissamment hiérarchisée, et fortement centralisée,
parce que, entre le sommet et la base, il n'y avait pas, comme
en Occident, de solutions de continuité que le schisme fut si
I. Can. XXIV, p. 176.
3. Canon des SS. Apôtres, XIII, XIV, XV. Mansi, \vi, 5^0-547.
T L KMPIRE B\/.AM1\
//
rapide, que runion se fit un iustant sous le ferme gouverne-
ment de Basile et que, plus tard, la rupture s'accomplit sans
espoir de retour. Tout ordre parti de Constantinople était
promptement transmis dans les provinces et quelques unités
indépendantes comme un métropolite de Smyrne ou un
archevêque de Néo-Gésarée ne pouvaient rien contre l'en-
semble d'un épiscopat toujours prêt à écouter son Patriarche
et à suivre ses ordonnances.
La législation qui régissait le bas clergé, n'était à Byzance,
ni moins précise, ni moins sévère que celle qui gouvernait
Patriarche, métropolitains et évêques. D'eux aussi, au ix*' siècle,
les Conciles et les textes de lois se sont fort occupés, plus,
en général, pour combattre des abus que pour relever leur
condition en leur concédant des droits dont ils n'avaient que
faire. Si, autour du Patriarche se groupait à Byzance le nom-
breux clergé que nous connaissons, prêtres du palais (jBaa-!.A',xo()
et prêtres de la ville (7toXt,Tt.xoi), grands dignitaires et grands
fonctionnaires, administrateurs laïques et religieux, dans les
provinces se retrouvait une organisation assez semblable.
L'Evêque avait auprès de lui ses économes, ses skevophylakes,
ses chartulaires, ses nosocomes, ses orphanotrophes, etc., puis
son clergé proprement dit : prêtres, diacres, sous-diacres,
chantres, lecteurs. La loi ecclésiastique comme la loi civile
fixait un âge déterminé pour l'entrée dans les ordres : trente ans
pour les prêtres, vingt-cinq ans pour les diacres, vingt ans
pour les sous-diacres ^ Les chantres et les lecteurs étaient
nommés à terme. Tous, à l'exemple de leur éA^êque, devaient
mener une vie édifiante. Les prêtres, diacres et sous-diacres
étaient tenus de vivre dans le célibat s'ils recevaient les ordres
n'étant pas encore mariés'- et s'ils étaient mariés, ils ne devaient
avoir ou n'avoir eu qu'une femme et une femme tout à fait
respectable : enfin il fallait qu'ils fussent désintéressés dans les
questions d'argent -K A eux aussi la simonie était sévèrement
interdite sous les peines les plus graves *, de même que l'entrée
1. Cette limite, naturellement,- était une limite inférieure, car à tout à^c
on pouvait entrer dans les ordres. Le père de S. Etienne le Jeune était
marié quand il fut ordonné (Syna.r. de Cple, 9 décembre ^9:^).
2. Prochir., t. V, S 2, p. 35.
3. Epanag., viii, 7-10, pp. 78-79.
4. Ibid., i3-i5, p. 79,
2-8 BASILE
dans les services publics ou privés K N'était-ce pas une honte
que de voir des clercs régisseurs de propriétés et curateurs
de biens seigneuriaux? Peut-on servir deu\ Maîtres : Dieu et
Mammon - ? Et qu'un clerc n'essaie pas, une fois dans les
ordres, d'abandonner son Eglise et de retourner à la vie laïque
dans l'espérance d'obtenir une charge civile ou militaire, car
il ne l'aura jamais. Gomme les païens, les Juifs, les hérétiques,
il est déclaré impropre à tout emploi^. En revanche, le clerc,
à quelque ordre qu'il appartienne, devient intangible, surtout
dans l'exercice de ses fonctions. Les supplices, l'exil, la mort
sont les peines encourues par ceux qui injurient ou frappent les
clercs et troublent la synaxe ^ Le clergé se recrutait dans la pro-
vince même. Personne ne pouA ait se faire inscrire et ordonner
dans un autre diocèse que le sien contre l'aWs de son propre
évêque ou du métropolitain ^. S'il le faisait, il devait être
chassé et rendu à son Ordinaire, s'il n'avait reçu aucun ordre au
sein de l'Eglise usurpée. Si, au contraire, il y avait été ordonné,
il était privé pendant trois ans de l'exercice de son pouvoir litur-
gique. Après quoi, son Evêque jugeait ce qu'il convenait de
faire ^. Le Canon XIII du Concile de 869, bien que ne s'occu-
pant que du clergé de Sainte-Sophie devait être probablement
valable pour les diocèses de l'Empire. Les clercs, entrant parfois
très jeunes au service de l'Eglise — Saint- Etienne le Jeune fut
tonsuré et inscrit au catalogue de Sainte-Sophie encore enfant ;
il accompagnait son père dans ses fonctions ; à dix-huit ans,
il prit place officiellement dans le clergé '^ — étaient élevés
sur place, d'une dignité inférieure à une autre supérieure au
fur et à mesure des besoins religieux de l'Eglise ^. C'est, du
reste, sans doute pour leur ôter toute tentation de passer d'une
église à l'autre, qu'il leur était interdit de célébrer la liturgie en
dehors de la paroisse pour laquelle ils avaient été désignés par
leur Evêque^, comme c'était pour les empêcher d'être induits
I. Epanay., ix, 3, p. 80.
3. Gan. Xï, SS. Apôtres. Mansi, \vi, 54^.
3. Epanag., ix, i3-i4, P- 83.
4. Epanag., ix, 16.
5. Ihid., 5, p. 81.
6. Ihid., 5.
7. Synax. de Cple, p. 292.
8. Mansi, xvi. Can. XIII, 1C7.
9. Ibid. Can. XIII, p. 173.
ET L EMPIRE BYZANTIN '.i-jÇf
en tentation de s'occuper d'aflaires trop séculières qu'il leur
était aussi défendu de célébrer les mystères dans les chapelles
privées qui se trouvaient à l'intérieur des maisons ^.
Au nombre des clercs d'une Eglise, il importe de signaler les
diaconesses dont l'existence est attestée par de nombreux
témoignages. Le «Livre des Cérémonies » les signale- ; Photius
en parle dans une de ses lettres ^ ; des Vies des Saints * nous
racontent leurs vertus; les Basiliques"^ et le Nomocanon
éditent, en les adoucissant, les textes législatifs que Justinien
avait élaborés à leur sujet et, comme plus tard, des cano-
nistes tel que Mathieu Blastarès, s'occuperont de ces saintes
femmes, on peut être certain de leur existence à l'époque que
nous étudions. Les diaconesses, en entrant au service des
autels, devaient être veuves ou vierges, avoir quarante ans au
moins et n'avoir pas été deux fois mariées ^. Justinien fixa,
dans sa célèbre noyelle sur le clergé de la grande Eglise, le
chiffre des diacones&es à vingt ; mais Héraclius l'éleva à qua-
rante ', chiffre qui probablement ne varia plus guère. L'ad-
mission de la diaconesse dans l'Eglise revêtait une forme très
solennelle. Au jour de son ordination, elle se présentait à
l'autel, la tête recouverte du maphorion. Le Pontife récitait sur
elle des prières, lui imposait les mains et l'étole et lui faisait
la transmission du calice^. Elle portait un vêtement spécial, le
(( o'-axGV!.xov Mpy.pioy », qu'elle attachait autour du cou et qui
retombait sur la poitrine ^. Elle avait le privilège de commu-
nier après les diacres. Mais pour autant, cette cérémonie ne
lui conférait pas un « ordre » au sens théologique du mot.
La preuve en est dans les fonctions mêmes qu'elle avait à rem-
plir et dans certaines défenses des canons ^^*. En fait, le rôle
I. Mansi, xvi. Can. XII, p. 546.
3. Cerem., p. 420.
3. Photius,. livre I, p. 780.
4. St« Iren. A A. SS. Juli, VI, p. 610.
5. Basilic, 1. III, t. I, S 46, p. 107. La peine de mort est supprimée pour
les diaconesses qui prévariquaient. La limite d'âge — 45 ans au lieu de 5o —
est avancée,
6. Basilic, 1. III, t. I, S 25. p. 99.
7. Nomocan, t. I, xx\, ^178.
8. Goar, p. 263-a64.
9. Ibid.
10. Nomocan, l. I, xxxvn, p. 48i.
28o BASILE I
essentiel de la diaconesse et la raison pour laquelle de très
bonne heure cet ordre fut institué, consistait à administrer le
baptême aux femmes. L'Eglise grecque donnait, comme encore
aujourd'hui, le baptême par « immersion » ; on dépouillait de
ses vêtements le récipiendaire et après l'avoir plongé dans l'eau,
on l'oignait d'huile. 11 est facile de comprendre que les prêtres
ne pouvaient, en de telles conditions, baptiser les femmes.
Ce soin était dévolu aux diaconesses qui, en outre, avaient
mission d'instruire les catéchumènes de leur sexe. Par excep-
tion, sans doute. — car elles n'avaient pas le droit de distri-
buer le précieux sang ' — elles pouvaient, en outre, apporter
la communion aux chrétiens enfermés dans les demeures des
Sarrasins -. Elles employaient le temps qui leur restait à la
prière et aux soins du sanctuaire. S'il faut en croire les Basi-
liques ^. elles recevaient pour leur service des émoluments.
Tout le clergé d'une Eglise vivait, comme nous l'avons re-
marqué, sur les biens de cette Eglise. 11 fallait donc que la
fortune ecclésiastique fût sagement administrée pour n'entraî-
ner pas de regrettables égarements de la part d'un clergé
exposé à mourir de faim. De là toute une législation ecclé-
siastique dont il faut dire quelques mots en terminant ce
paragraphe.
Du moment que le budget des cultes n'existait pas à Gons-
tantinople, force était à l'Eglise de se créer une fortune. Com-
ment s'y prenait-elle pour cela? D'abord, elle recevait des
dons. En principe, tout fondateur d'Eglise devait pourvoir au
traitement du clergé ^ ; mais parfois, à en croire certaines
novelles impériales des empereurs du x*" siècle, il n'en faisait
rien ou donnait une somme insuffisante pour elle. Heureuse-
ment les Eglises avaient d'autres ressources que le capital
premier apporté par le bienfaiteur de l'édifice. Elle avait d'une
part la générosité des fidèles et de l'autre la munificence impé
riale. Si la loi en effet frappait les propriétés ecclésiastiques de
l'impôt foncier, elle les dégrevait de toutes charges civiles et
1. Goar, p. 368-264.
2. Photius, Lettres, livre I, p. 780.
3. Basitic, 1. III, t. I, S 46. p. 107.
4. Zhisliman, Das Stifterrecht in der morgendland. Kirche 28 et seq.
47 et seq.
ET l'empire byzantin 28 1
extraordinaires'. Elles n'étaient pas soumises à 1" u èrj.Qolr^ »
et si, à certaines époques, elles souffrirent de Tallelengyon, il
est probable qu'à l'époque de Basile, cet impopulaire tribut
n'existait pas, car nulle mention n'en est faite-. C'était là un
premier bénéfice net. Une seconde source de revenus leur
venait de certaines dispositions légales. C'est ainsi, par
exemple, que le Prochiron attribue aux Eglises de villes les
biens d'un captif mort sans que ses héritiers naturels ou autres
aient cherché à le délivrer -^ De même si les enfants de clercs
sont hétérodoxes, les biens paternels doivent. aller aux Eglises*.
Il est probable que ces faits étaient assez fréquents puisqu'ils
firent l'objet de mesures législatives. On en peut donc conclure
que. pour l'Eglise comme pour l'Etat, la confiscation, sous un
prétexte ou sous un autre, était une source considérable de
revenus. Enfin, les Empereurs et les grands donnaient à
certaines églises qu'ils affectionnaient particulièrement, des
privilèges et des dons. Ces biens, après trente ans, ne pou-
vaient plus être repris ; ils faisaient partie du patrimoine ecclé-
siastique ^. Néanmoins, tout ce monde ecclésiastique ne devait
guère être très bien payé, puisqu'à Sainte-Sophie même, il y
avait des clercs qui ne touchaient que trois miliaresia de trai-
tement et d'autres moins encore ^. On comprend, dès lors, la
tentation qu'avait le clergé de vendre ou de céder sous formes
d'emphythéose, domaines et a ases sacrés. En certaines années
de disette, quand le blé était cher, il fallait vivre et, pour cela,
on prenait un emploi quelconque ou l'on faisait argent des
biens religieux. Contre l'un et l'autre de ces abus, le Concile
de 869 protesta et les Empereurs légiférèrent. Le Canon XV
défend formellement de vendre les objets servant au culte,
— sauf quand il s'agit de racheter les captifs — de donner en
emphythéose les salaires ou de vendre les propriétés « nec tra
dere salaria ecclesiarum in emphyteutica pacta, nec alios rus-
ticas possessiones venumdare " », car, outre l'inconvenance de
la chose, c'était, en général, une perte pour l'Eglise. Celui qui
I. "lo'.wT'.x.f, àyyapsia t'.to'. oouAsîa. o'jtî or.ixosLdc (Epan., ix, i6, p. 83).
3. Monnier, op. cit., 1892, p. 017 et seq.
3. Proch., t. XXXIII, \ et xi, p^ 176-177.
4. Ibid., XV, p. 182.
5. Gan. XVIII. Mansi, xvi, 172.
6. Cerem., p. 1288.
7. Mansi, xn, 168.
282 BASILE T
avait reçu ces biens à bail, ne payant point ses redevances, il
fallait l'attaquer, d'où scandale et parfois injustice ^
Toutefois, l'eniphx théose est encore autorisée par Basile - à
certaines conditions. Tel le cas, par exemple, 011 une église ne
peut plus payer l'impôt ^. Devant le métropolitain, les évêques
et le clergé, on doit alors porter la question et c'est l'assemblée
qui décide ce qu'il conviendra de faire. En tous cas, jamais
un économe, un orphanotrophe. un administrateur n'a le
droit — sauf le cas de nécessité — de faire une opération ilnan-
cière quelconque sur les biens ecclésiastiques. S'il le fait, il
encourt lui et les siens les peines les plus graves ^. Il fallait
probablement toutes ces menaces pour empêcher des abus qui
devaient d'autant plus facilement se répéter que l'impôt tou-
jours écrasant nécessitait parfois de semblables indélicatesses.
IV
En marge du clergé séculier vivait à Byzance le clergé régu
lier, les moines, dont l'influence de plus en plus considérable
tendait à reléguer au second plan le clergé des églises -*. Depuis
le règne de Théodora, en eff'et. l'autorité s'était faite très douce
pour eux. On eût dit qu'elle voulait réparer les injustices pas-
sées, celles de la période iconoclaste. Le peuple, de son côté,
témoignait à ses religieux le plus grand respect et tous, puis-
sants et petits, s'en allaient volontiers de temps à autres faire
un pèlerinage auprès des solitaires célèbres comme aux cou-
vents illustres^. Le règne de Basile, à son tour, ne leur fut pas
I. Can. XX. Mansi, xvi, p. 178.
a. Prochir., \\, s i, p. 92.
3. La Constitution XVI, titre IX de ÏEpanag.. p. 83, ne contredit pas
cette loi. D'abord, elle fait une réserve pour le cas de nécessité, ensuite il
est probable qu'il s'agit ici de l'impôt foncier.
4. Prochir., xv, S 6, p. 94.
5. Le plus souvent, on choisissait des moines pour l'épiscopat. Tous les
patriarches orthodoxes dont nous connaissons la vie furent moines, et
l'on sait que cette tradition fondée sur le célibat ecclésiastique est encore
observée aujourd'hui dans l'Eglise grecque et dans l'Eglise russe. Cf. Soko-
lov, Izbranie patriarkhov, avec la liste des patriarches d'après leur condi-
tion sociale et leur rang dans le clergé.
6. Vit. Joann., p. 3/ii.
ET i/eMPIRK mZAMIN s:>83
moins faA orable. Une fois sur le trône, il aima à s'entourer de
moines et à intervenir personnellement pour appeler dans sa
capitale les personnalités les plus vénérées de son temps,
comme ce Saint Pierre de Galatie qu'il alla chercher à l'Olympe
pour lui confier le monastère de Saint-Phocas K Aussi, le
monachisme, en ces jours de paix, refleurit-il richement. De
toutes parts, des fondations nouvelles apparaissent, de pieuses
restaurations s'accomplissent. Le temps n'est plus où les cou-
vents voyaient leurs habitants se disperser tristement pour ne
plus revenir, les uns parce que la persécution les avait chassés
au loin et qu'ils ne voulaient plus rentrer à Constantinople ;
les autres parce que la mort les avait accueillis avant le retour
désiré -. Couvents de femmes et couvents d'hommes se repri-
rent donc, dès 843, à vivre et à essaimer pour donner à tous
l'exemple de leurs vertus. Mais, par le fait même de leur grand
nombre, de leurs richesses et de leur influence, le pouvoir
ecclésiastique ainsi que le pouvoir laïque fut obligé de compter
avec eux. Au ix*" siècle, comme à toutes les époques de l'Empire
byzantin, nous voyons la législation intervenir fréquemment
pour régler leur situation, préciser leurs droits et empêcher
les abus. Il importe donc d'étudier rapidement l'organisation
de ce clergé ^.
Sous le règne de Basile, nous connaissons quelques centres
importants de monachisme. La capitale compte de nombreux
couvents ; les environs immédiats et lointains en possèdent
aussi beaucoup. L'Italie byzantine, comme la Grèce, la Macé-
doine, la Palestine, l'Egypte sont riches en monastères grecs ^ ;
mais le véritable foyer de la vie religieuse à cette époque est,
sans contredit, l'Olympe de Bithynie. Là, vivent ou par là pas-
sent tous les grands saints connus. Sainte Irène, en allant à
1. Synax. Constant., p. 120,
2. Vit. Sanctœ Ireneœ. A. A. S. S., juillet, VI, p. 6o5.
3. J'insiste seulement dans ce chapitre sur les points nettement mis en
lumière par la législation de Basile et quelques textes hagiographiques.
Pour l'organisation privée et intérieure des couvents, des origines mona-
chiques à Photius Cf. Marin, les Moines de Constantinople.
4. A. S. Sabhas comme à S. Ghariton il y avait encore des moines. En
Egypte, S. Macaire compte mille pères et mille « kellia ». S. Syméon près
d'Antioche, est toujours en pleine efflorescence. Du reste, la plupart des
lieux consacrés par la tradition, possédaient, au ix*" siècle, au moins un
monastère (Vasiljev, p. 35'», ]it. S'. Theod. d'Edess., S lo/j, p. 112.
284 BASILE I
Gonstantinople chercher la couronne impériale qu'elle n'y
trouva pas, s'y arrête et reçoit de saint Joannice la prédiction
qu'elle ne sera pas épouse de Michel III mais qu'elle ira relever
un monastère de femmes qui l'attend à Gonstantinople : celui
de Ghrysobalantos ^. Saint Joannice, saint Luc, saint Eus-
thatios, bien d'autres, sont fils de l'Olympe. 11 n'est pas de
moines, jusqu'aux Géorgiens, qui ne viennent visiter leurs
frères de Bithynie -. Sur les pentes de la montagne, sur les
rivages de la mer, aux environs de Brousse, comme au loin
dans la montagne, toute une elflorescence de maisons reli-
gieuses se manifeste au ix" siècle. Là, les uns vivent en com-
munauté, sous la direction immédiate d'un higoumène ; les
autres se retirent, après un stage fait au couvent, dans la soli-
tude. On peut, en réalité, répartir les moines en trois grands
groupes. Il y a les cénobites ; ce sont ceux qui habitent en
commun et se livrent à la prière, au travail, à l'éducation. Il
y a les anachorètes ; ce sont ceux qui vivent à quelque dis-
tance des monastères, seuls ou par petits groupes de deux ou
trois et sont uniquement contemplatifs ; enfin il y a les itiné-
rants que nous trouvons sur toutes les grandes routes de l'Em-
pire, passant un an, deux ans, parfois moins encore, tantôt
dans un couvent, tantôt dans l'autre, tantôt dans les grottes et
tantôt dans les villes. Geux-là, pour l'ordinaire, sont les moins
respectés et parfois les moins respectables. Ils sont sales, men-
dient, se mêlent à la foule et, à l'occasion, manifestent avec
elle ^. Toutefois, parmi eux, il y a aussi de saintes gens qui
courent le monde pour faire des pèlerinages et s'en vont, aux
heures de crise, apporter à leurs supérieurs les nouvelles et les
renseignements qui leur seront utiles. Examinons chacun de
ces groupes.
Le couvent était chez les Grecs du ix* siècle ce qu'il est resté
encore aujourd'hui au mont Athos : un groupement d'individus,
unis par une règle commune, sous la surveillance d'un supé-
rieur ou higoumène. Les constructions qui abritent ces reli-
gieux sont très généralement situées en pleine campagne, sur
une montagne ou aux abords des villes, ce qui ne veut pas
dire qu'à l'intérieur des remparts qui défendaient les cités, il
1. A. A. S. S., juillet, VI, 6o4.
2. Vit. S. Hilar., Vasiljev, Soc, orth. russe de Palest., t. IV, p. 4o. i888,
3. Sym. Mag., ch. xlii, p. -j^i.
ET l'empire byzantin 285
n'y ait pas eu de monastères K Constantinople comptait un
nombre respectable de monastères dont l'origine était presque
toujours la même : la conversion d'un personnage qui transfor-
mait son immeuble en couvent. Tel fut le cas de Théophane,
d'Aspar et de bien d'autres au ix*" siècle. Ces transformations
étaient même à cette époque si fréquentes que les Conciles
durent lutter contre les abus. Pour une raison ou pour une
autre, on élevait une maison religieuse, puis, un jour, on
reprenait la fortune qu'on avait apportée, on vendait le bien
du couvent ou on le léguait à d'autres ^ et les religieux se trou-
vaient ainsi dans de cruelles nécessités. Abroger de telles
coutumes était un devoir auquel le Concile dit (( prima
secunda o travailla, sans, du reste, y réussir. Mais l'abus
était plus dangereux encore quand il prenait fantaisie à deux
époux de se faire moines et de fonder un couvent dans leur
propre immeuble. On avait alors un u monastère double »,
c'est-à-dire composé d'hommes et de femmes séparés seulement
les uns des autres par de faibles barrières. Le danger était si
grand que l'Eglise n'attendit pas le ix" siècle pour s'élever
contre de telles habitudes, et, en vérité, elle paraît avoir été
plus heureuse sur ce point que sur le premier, car nous n'avons
pas, pour le règne même de Basile, de preuves certaines de
leur existence ; mais leur disparition n'était, en tous cas, pas
ancienne^. Pour l'ordinaire, l'érection d'un couvent se faisait
en dehors de ville, dans une propriété qu'on affectait au ser-
vice des religieux. Là, le fondateur érigeait une église centrale,
autour de laquelle venaient, avec le temps, se grouper d'au-
tres chapelles ou oratoires* : la demeure du donateur devenait
le couvent et, comme par le passé, fermes et dépendances
(uLSToyla) servaient au travail des champs et à d'autres usages,
comme à la réception des étrangers et à la formation intellec-
tuelle et morale des enfants (xaTaywvî.ov) ^. Si chacun de ces
couvents vivait sous la direction d'un higoumène, le plus sou-
vent, les couvents d'une même contrée formaient entre eux
1. Cf. pour toute cette question la thèse de M. Fenadou, « Des biens des
monastères à lîyzance. »
2. Canon I. Mansi, \vi, p. 530.
3. Cf. Pargoire, Les Monastères doubles. Echos d'Orient, Janvier 1906.
\, Vit. S. Theod. Edess., S 29. p. 32.
5. Vit. Nicol. Stnd., M igné, CV, p. 8O9,
286 BASILE J
une véritable fédération, ayant à sa tète un higoumène en chel.
Nous connaissons, par exemple, un <( chef de monastères de la
Propontide » qui vivait sous le pontificat de saint Ignace ^ et
le fameux Thcognoste s'intitulait lui même « archimandrite
de l'ancienne Rome et exarche de Constantinople ^^, » ce qui
paraît signifier qu'il gouvernait à la fois les monastères de
l'Italie méridionale et ceux de Constantinople. Peut-être même
tous les couvents du Patriarcat avaient-ils un chef unique,
résidant à Constantinople car il semble, d'après une lettre de
Nicolas P' que l'autorité de Théognoste s'étendait à tous les
monastères grecs ^. En toiis cas, sa situation était telle qu'il se
trouvait sous Basile, tout à la fois higoumène de Pigi et skevo-
phylax de Sainte-Sophie ^, charge qui évidemment n'était pas
donnée à un religieux quelconque, mais nous ignorons tout
de ses fonctions et de son autorité au point de vue monacal, à
l'époque qui nous occupe'^. Ce ({ui paraît certain, en tous cas.
c'est qu'il ne devait pas être en son pouvoir d'acycorder entre
eux les différents groupes de monastères sur lesquels il avait
autorité. Le Stoudion et rOlympc avaient peut-être un higou-
mène en chef commun, ils ne s'en aimaient pas davantage
pour autant et, à lire les amabilités que le moine Pierre s'amuse
à écrire sur les studitcs dans sa vie de saint Joannice, on peut
être édifié sur leurs relations mutuelles ^\
L'histoire de ces saintes maisons était toujours ajjproxima-
tivement la même. Un jour, un bienfaiteur quelconque, pour
une raison ou pour une aulre. se décidait à créer un monastère.
A cette fin, suivant la législation en vigueur à partir du
premier pontificat de Pholius, il devait demander et obtenir
l'autorisation de l'évêque du lieu qui seul avait droit de bénir
la première pierre. La cérémonie faite, l'évêque et le bienfai-
teur dressaient un acte indiquant les biens qui désormais
appartiendront au couvent. Cet acte était déposé dans les
archives épiscopales et ainsi le monastère vivait. Religieux et
Religieuses venaient alors rapidement se placer sous la direc-
1. « "Ap/ojv Twv jxovaaxTiptojv Twv xaTàj npoTiovTÎSa. » lit. Ignat., 53a.
2. -Mansi, xvi, 298,
3. LU). Pontif., II, p. 187, note 3o.
A. Mansi, \vi, 2o3.
5, Pour le vi'= siècle, il existe une novelle de Justinien assez détaillée sur
les prérogatives de ce personnage (Cf. Marin, op. cit., 170.
C). \ it. S. Joami., ]). ^»3i.
ET L KMPIHE lîVZAMIN 287
lion de rhigoumène, dont le signe distinclif était le bâton
pastoral, et la communauté était fondée. Le choix de l'higou-
mène se faisait de manières assez diverses dans les couvents,
suivant les droits du fondateur,, de l'évêque ou des moines.
Le « typicon » indiquait, en général, la loi à ce sujet K En tous
cas. depuis le concile de 80 1, il fut interdit à Tévéque de se
nommer lui-même higoumène ou de placer quelqu'un d'autre
à sa place K pas plus qu'il ne lui fut permis de fonder de nou-
veaux monastères avec l'argent de son évêché. C'était, en effet,
pour un évêque peu soucieux de ses devoirs, un moyen com-
mode de s'enrichir aux dépens d'autrui. L'évêque. tout en
restant évêque, fondait un monastère, il en devenait l' higou-
mène et l'argent de son évêché comme du monastère, de cette
façon, lui revenait. C'était la ruine des fortunes épiscopales.
chose lamentable que le Concile dut interdire.
Cette exclusion indiquée, qui pouvait élire et être élu ? Si le
couvent était libre, les religieux nommaient eux-mêmes leur
supérieur. On choisissait, en général, un des dignitaires de
l'ordre et plus d'une fois les Yies de saints nous apprennent
qu'à son lit de mort, entouré de ses fils, Ihigoumène désignait
son successeur au choix des religieux '-. Si le couvent, au
contraire, se trouvait sous la dépendance de quelqu'un, que
ce fut le Patriarche, le Basileus, un Evêque ou un particulier,
l'élection devait être au moins approuvée par celui-là, quand
il n'avait pas droit de présenter ou de choisir ^. De cette
seconde façon de faire, nous avons plusieurs exemples pour
le IX'' siècle qui semblent éclairer le procédé en usage. Lorsque
sainte Théodora de Thessalonique se trouva trop âgée pour
diriger sa communauté, l'archevêque de Thessalonique,
Théodore, présenta à sa place {KpotS\rfir^) la fdle d'une pieuse
femme, Théopiste, au choix des archimandrites flilarion et
I. Le typicon pouvait ùlrc de deux sortes. (Tétait soit renseiublc des règles
d'un couvent, soit l'enscniblc des rèj^les liturgiques qui conuuandaient les
otTices de l'année. L'élection de riiigouniène se trouvait dans les typica de la
première classe. Du reste, au point de vue de la règle, en général, toutes se
ramenaient à deux chefs principaux : à celle de S. Hasile ou à celle de
S. Pacôme. On sait, par exemple, qu'au xi" siècle, le monastère fondé par
Alexis Conmène « "^oj -.p'.XavOpwrou Xpi's'zoîj » vivait sous la seconde de ces
régies (S ig m. byz., p. iSg). La règle de S. Basile était la plus généralement
pratiquée. Au Sinaï les moines vivaient sous la règle de S. Antoine.
9.. Analcda holl.. IV, 37!^
3. VU. II Jonnn., \9.-.
288 BASILE 1
Dorothée ainsi qu'à celui de l'ancienne supérieure et de toute
la communauté, ce qui fut accepté K On le voit, il y a là deux
choses bien distinctes : le droit de présentation qui appartient,
dans ce cas, à l'archevêque de Thessalonique et l'élection. A
cette élection prennent part les archimandrites — probable-
ment le supérieur général des couvents grecs de cette contrée
et le supérieur local — et la communauté. Il en alla de même
lors de l'élection de sainte Irène. A la mort de l'ancienne
supérieure, les religieuses s'en allèrent à l'église du couvent et
de là chez le Patriarche pour qu'il leur donnât de sa main une
abbesse qu'elles paraissent avoir auparavant désignée et qui
était Irène -. C'est donc la même procédure, dans l'un et
l'autre cas. Il y avait toujours élection de la communauté,
élection accompagnée d'une présentation ou d'une approbation,
suivant le personnage qui avait fondé le couvent ^.
Une fois nommé, l'higoumène jouissait d'une entière liberté
dans l'administration du monastère. L'autorité ecclésiastique
n'intervenait plus guère que dans les cas d'une certaine gra-
vité. Le Patriarche conservait, en effet, sur tous les couvents,
quels que soient leurs titres de fondation, un droit de surveil-
lance et de correction. Cependant, pour les monastères libres,
il ne pouvait pénétrer à l'intérieur de la clôture que s'il y avait
eu infraction grave commise par un religieux *. En temps
ordinaire la discipline était faite par l'higoumène lui-même.
Néanmoins, à l'époque de Photius, l'autorité épiscopale se fit
un instant sentir plus lourdement sur les couvents. Le Concile
de 86 1 conféra à l'Evêque des droits qu'il n'avait pas eus
jusqu'à ce jour, soit sur les années de noviciat, soit sur les
déplacements des moines ''. Mais il ne semble pas que ces pres-
criptions soient demeurées longtemps en vigueur.
Le moine, en entrant au couvent, devait faire un noviciat
de trois années. Ce noviciat, d'après les prescriptions du
Concile de 86i, pouvait être abrégé pour de graves raisons et
réduit à six mois ^ ; mais c'était une exception sans doute fort
rare. C'est que la vie religieuse exigeait une longue préparation
1. Vit. S. Theod., S 87, p. 21.
2. A. A. S. S., Juillet, VI, 609.
3. Cf. Zhishman, p. 47 et seq.
4. Monnier, op. cit., p. 525.
5. Marin, p. 208-309.
G. Caii. V. Mansi, xvi, p. 54o.
ET l'empire byzantin 289
et de solides vertus et que chacun n'était pas apte à la mener
saintement. Bien entendu, on entrait à tout âge au couvent. A
côté de très jeunes gens, on voyait de temps à autre apparaître
des hommes mûrs et des vieillards, parfois de grands digni-
taires de l'Empire. Ils venaient chercher dans le cloître le
repos, la liberté, souvent aussi le châtiment de quelques fautes
graves. Ceux-là, au moins les plus illustres d'entre eux. parais-
sent n'avoir pas perdu tout contact avec le monde car le Livre
des Cérémonies leur donne une place en certaines grandes
circonstances. L'artocline Philotée les appelle « kr^o uLaylo-Tpcov
{jLOvao'.xoi» ^. Mais c'était, évidemment, une exception. Le plus
souvent, le moine entrait jeune au couvent. S'il était enfant,
comme saint Mcolas Studite ou Antoine Kauléas, on l'en-
voyait à l'école du monastère jusqu'à ce qu'il eût l'âge d'être
reçu au nombre des moines, car c'était une pratique assez
habituelle à Byzance d'ofïrir à Dieu l'un de ses enfants. Saint
iSicolas avait dix ans quand il vint de Crête à Constantinople
pour entrer au Stoudion et sainte Théodora n'avait que
six ans lorsque ses parents la portèrent dans un couvent de
femmes, dirigé par une parente, pour qu'un jour elle fut reli-
gieuse ^. Si, au contraire, il avait l'âge requis par les canons et
par la loi, on l'admettait au noviciat. Durant les trois années
de probation, le postulant gardait l'habit laïque et, sous la
direction d'un religieux éprouvé, le u katigitis )), se livrait aux
saints exercices de l'ascétisme, apprenait les trente psaumes et
le tropaire ^ et vaquait aux travaux manuels exigés par son
supérieur dont il était, tout à la fois, et le compagnon et le
serviteur ^. Sa vocation assurée, on le conduisait devant l'hi-
goumène^, qui lui coupait les cheveux, lui donnait l'habit et
faisait sur lui une onction ''. D'après les prescriptions du
Concile de 86 1, l'higoumène seul avait le droit de présider
cette cérémonie, car il paraît que des abus s'étaient introduits
1 . (^l'fcm., p. i4i6.
2. 17/. Sanctœ Theod., i\, p. 5. Il paraît même que parfois l'on faisait
mieux encore caria Vie de S. Lucie Jeune parle de peines sévères qui
furent portées contre ceux qui enlevaient les enfants pour les faire entrer
au couvent (A. A. S. S., février, II, p. 86).
3. Vit. Joann., 34o, 342.
4. Vit. S. Theod., xx, p. i5.
5. Can. II. Mansi, xvi, p. 537.
(). Vit. Joann., 34o ; Vit. Iren., p. 6o4.
19
2 go BASILE I
dans la vie religieuse d'alors et que, plus d'une fois, le moine
n'avait de son état que la tonsure. Pour remédier à un état de
choses fâcheux, le Concile exigea que le futur religieux reçût
de son supérieur lui-même et l'habit et la tonsure comme
marque de sujétion et d'obéissance. Ainsi entré dans la vie
monacale, le religieux ne s'appartenait plus. Son temps était
partagé entre la prière, les travaux manuels, l'étude. Elle était,
du reste, très dure l'existence pour le moine fidèle. Sa nour-
riture se composait de pain et d'eau, d'olives et de quelques
légumes cuits à l'eau ^ : souvent même, il jeûnait plus rigou-
reusement encore. Et, cependant, les offices de jour et de nuit^
se répétaient à intervalles fixes, longs et pénibles, accom-
pagnés parfois de grandes mortifications ^, et cependant les
travaux des champs ou ceux du monastère devaient aussi s'ac-
complir. Ces travaux, naturellement, étaient confiés à chaque
moine suivant ses aptitudes. Les uns écrivaient, copiaient les
manuscrits ou lisaient les Ecritures et les Pères* ; d'autres
allaient conduire les bœufs et cultiver les terres ^ ; d'autres
enfin s'occupaient à fabriquer de menus objets qu'on vendait
ensuite à la ville la plus proche. Saint Théodore avait auprès
de lui un parent qui tressait des joncs et faisait des paniers ^.
L'auteur de la vie de saint Théodore d'Edesse nous a tracé
le programme quotidien de son héros. C'est un tableau qui
nous fait saisir sur le A'if l'existence d'un moine au ix^ siècle.
Dès que le soleil était couché, saint Théodore commençait
sa prière qu'il prolongeait jusque vers la onzième heure, au
lever du soleil. Il s'en allait prendre alors une ou deux heures
de sommeil, puis se relevait, faisait de nouveau une prière
et jusqu'à la troisième heure travaillait à copier les Livres
saints. A la sixième et à la neuvième heure, il récitait les
hymnes et les prières propres à chacun de ces moments ;
successivement il chantait vêpres et matines (Ajyv'.xoc Ouvoç ;
vjxTcG'.val tpoa'l) et recommençait sa veillée de prière (àvpjTr^'la) ''.
1. Vit. S. Theod., S 89, p. 32.
2. « .NuxTspivà xal jxeeT.jxep-.và oo;o)voyta )> {Vit. Theod., S 9, p. 9). Vit. Ireil.,
loc. cit., p. 61 3.
3. Vit. Theod., S 9, p- 8.
4. Vit. Iren., loc. cit., p. C07.
5. Vit. S. Eiistath. Anal., IV, s 9, p. 877.
0. Vit. Theod., S 20, p. i5.
7. Ibid., S 16, p. i3.
HT L i:mpiiu: bv/vntix :^()i
A peu de choses près, ce programme était celui de tous les
moines. On comprend qu'il exigeait une certaine préparation
pour le bien remplir et un temps d'épreuve pour se demander
si l'on serait toute sa vie capable d'y être fidèle. Chaque
monastère comptait trois sortes de moines : les prêtres, les
frères et les serviteurs. Lorsqu'un religieux avait passé un
assez long temps parmi les frères et si sa vie avait été irrépro-
chable, l'higoumène. probablement sur le préavis des autres
prêtres *. pouvait lui imposer le sacerdoce. On l'envoyait alors
dans la ville épiscopale la plus proche pour qu'il reçut
des mains de l'évêque l'ordination'-. De ce fait sa situation
grandissait dans le couvent. Il pouvait aspirer à devenir
higoumène. en attendant l'heure où il irait reposer avec ses
prédécesseurs dans le caveau du couvent '^. Naturellement, une
telle vie ne pouvait convenir à tous. Sans doute, il y avait bien
de temps à autres quelque honnête distraction — somme toute
assez peu récréative — et encore c'était rare. Qu'on en juge.
Le biographe de saint Théodore d'Edesse raconte qu'à certains
jours de fêtes la communauté s'en allait en promenade visiter
dans leur solitude les pieux ermites. Une année, à l'Annon-
ciation, elle alla voir saint Théodore. Dès qu'on fut arrivé au
lieu du pèlerinage, on fit la prière, on s'embrassa, puis chacun
s'assit pour entendre la parole du saint. Après quoi un prêtre
célébra la messe et la visite se termina par un frugal repas de
carême. La communauté rentra au couvent, tandis que quel-
ques-uns, sans doute plus zélé, et plus anciens *. restèrent
auprès du saint qui continua pour eux son instruction.
C'est bien cette austérité de vie qui explique, à n'en pas dou-
ter, le perpétuel besoin qu'avaient certains moines plus actifs
de sortir de leurs cloîtres. Ceux-là s'en allaient, tantôt à pied,
tantôt à cheval, visiter leurs confrères ou les lieux saints. Saint
Eustathios était toujours sur les grandes routes, accompagné
d'un autre moine. 11 allait visiter saint Joannice. les couvents
des alentours, Gonstantinople ^ et nous savons, par la vie de
saint Euthyme et de saint Joannice combien ces grands servi-
1. Vit. S. Joseph. Hymnogr.
2. Vit. Anton. Papacl. Kerani., Monamenta, I, p. 8.
3. (( Tâcpoî Twv «ruvaj-/co'jTwv ». Vit. Sanctœ Theod. Tlicssal, S 'jô, p. :>.C).
\. Le texte les appelle «èyxpiTO'.».
r>. Vit. S. Eustath. n'« lo, i'a, i5, p. 874-378.
292 BASILE 1
leurs de Dieu se déplaçaient facilement. Du reste, l'habitude de
ces courses perpétuelles devint si fréquente que le Concile de
861 dut prendre des mesures pour arrêter ce u flot fougueux,
psOtjLa oua-xà8îXT0v. » S'il reconnaît qu'il y a parfois de justes et
pieuses raisons d'abandonner le couvent et autorise même les
évêques à choisir des religieux pour certains ministères, il n'en
constate pas moins que ces continuelles allées et venues
troublent la paix du cloître et affaiblissent l'obéissance. En con-
séquence, il excommunie le moine qui quitte son couvent pour
se rendre dans un autre ou chez des laïques jusqu'à ce qu'il
rentre d'où il était parti K
V Byzance, comme partout ailleurs, la vie monacale, par sa
complexité même, autant que par son influence, sa richesse et
son indépendance, intéressait l'Etat au premier chef. Légiférer
à ce sujet fut toujours une de ses particulières préoccupations
et nous savons jusqu'à quel point il se laissa entraîner à un
certain moment, sous le règne de iSicéphore Phocas. Basile, tout
« philomonache » qu'il fût, s'empressa de porter, de son côté,
certaines lois civiles destinées à confirmer et à sanctionner
l'œuvre des conciles. Deux choses, du reste, regardaient spé-
cialement, à cette époque, le pouvoir laïque, et qu'il lui était
impossible d'ignorer : la question de fortune et la question de
l'état social du religieux. Le concile de 861 '^ rappelle sévère-
ment aux religieux la loi de la pauvreté. Ils ne doivent rien
avoir en propre : tout appartient au couvent. Mais avant leur
entrée en religion, liberté leur était donnée de disposer à leur
gré de leur fortune. Etait-ce là une règle récente? Assurément
non. La pauvreté était chose obligatoire dès les origines du
monachisme 3. Néanmoins, elle ne paraît pas avoir été toujours
complètement pratiquée et, aux environs de 861, il semble
bien que les moines s'en exemptaient plus ou moins facile-
ment. Le canon VI du Concile de 861 suffirait à le prouver;
mais nous avons d'autres preuves encore de ce relâchement.
1. Can. l\. -Mansi, \vi, p. 587. .le ne crois pas (pTil faille, avec l'abbé
Marin, attribuer à Photiiis de trop machiavéliques calculs quand il lit
élaborer ces canons, Les abus que nous constatons jusque chez les saints
dont nous connaissons la vie, font supposer qu'ils devaient être singuliè-
remcnt répandus parmi les moines moins vertueux. Cela semble suiFire à
l'explication de ces règles.
2. Can. YI. Mansi, xvi, 54o.
3. Marin, op. rit.. 119, lao.
i:t i.'empiuk byzantin 993
Un jour, un excellent moine du nom de Thomas s'en alla visi-
ter saint Joannice. Au moment de partir le u bienheureux
Père )), en guise de salut, lui prédit sa fm prochaine. Thomas,
plein de foi en la parole du saint, distribua tous ses biens aux
pauvres et mourut quinze jours plus tard K De son côté,
lorsque Théophane se fit moine, il se dépouilla de tous ses
biens, chose assez remarquable pour que son biographe le rap-
porte -. L'antique discipline avait donc, semble-t-il, besoin
d'être restaurée. C'est ce que fit le Concile et ce que sanctionna
Basile '^. Celui qui voulait entrer au couvent, devait auparavant
mettre ordre à ses affaires, car, une fois moine, il n'était plus
le maître de ses biens. La loi, cependant, pour formelle qu'elle
paraisse, connaissait des exceptions. La preuve en est que si le
religieux avait des enfants, il pouvait, même après son entrée
en religion, partager son avoir entre ceux-ci. Bien plus. Dans
le cas où il mourait intestat, la loi reconnaissait à ses héritiers
naturels leur part légitime *. Il gardait même si bien quelque
chose comme la propriété de sa fortune que s'il quittait son
monastère, il était privé de ce qu'il possédait ^ : ce qui paraît
indiquer, qu'en somme, le religieux gardait la nue-propriété
de sa fortune. Seul l'usufruit, de son vivant, appartenait au
monastère. C'était là, du reste, une des grandes sources de
richesse du monastère. Parmi les moines, il y avait des riches
et toujours, sur leur fortune, une part devait être faite pour le
monastère, de même que chez les femmes, il semble bien qu'on
exigeait une dot ♦^. Ces ressources n'empêchaient pas pour autant
les couvents d'être souvent dans la gêne. Il leur arrivait même
de ne pouvoir payer régulièrement les impôts. Le biographe de
saint Eust'athios raconte qu'une année les choses fussent allées
mal pour le monastère olympien dont il était le chef si de
riches particuliers n'étaient venus à son secours '^. Quant à
l'état social du futur moine, Basile ne paraît pas s'en être direc-
tement occupé. Ce sera l'œuvre de son successeur Léon, de
régler cette délicate question qui pouvait mettre aux prises, en
1. Vit. S. Joann., 11, p. \:i-.
2. Vit. Theoph., Migne, GVIII, p. 29.
3. Prochir., xxiv, § 2, p. i33.
^. Ibid., S 3.
•"i. Ibid., S 4. Ferradou, op. cit., i3i et seq.
G. Vit. Sandds Theod. Thessal., S 20, p. 12.
7. Vit. S. Eustath. p. 3-8.
294 BASILE I
certaines circonstances, l'esclave devenu moine et son maître
légitime.
A côté et au-dessus de la vie cénobitique, nous avons dit
qu'il y avait, dans la vie religieuse, Tétat solitaire. Auix" siècle,
nombreux étaient les moines qui s'en allaient dans les lieux
déserts mener une existence plus dure et plus recueillie encore
qu'ils n'auraient pu le faire au couvent. Autour des monas-
tères, cachés dans les montagnes, les solitaires s'adonnaient
tout entier h l'oraison et a la pénitence. A cette époque, les
stylites étaient beaucoup moins nombreux. Le plus célèbre,
saint Luc, dont la colonne s'élevait tout près de Chalcédoine,
au quartier d'Eutrope, paraît déjà une exception. La coutume
était plutôt d'aller « de montagnes en montagnes )> comme
saint Joannice, chercher la solitude et peut-être un peu de
liberté K Là, les anachorètes - habitaient de très modestes
u xéÀAat. » faites de feuilles sèches ou formées par une grotte et
ils y passaient de longues années, ne descendant que rarement
au monastère et pour de graves raisons. Mais pour pouvoir
mener cette vie retirée et toute « angélique » d'une façon régu-
lière, il fallait auparavant faire, comme les autres moines, son
noviciat au couvent car c'était là, uniquement, que le futur
reclus pouvait apprendre ce qu'il devait savoir : l'hymnodie,
c'est-à-dire le psautier en tout ou en partie, l'ordre des orai-
sons pour les diverses heures du jour et de la nuit, la façon de
lutter contre les esprits mauvais, autrement dit, la spiritua-
lité ^. Alors on pouvait s'en aller vivre loin du commerce des
hommes.
Tout au contraire des solitaires, les moines itinérants recher-
chaient la société du monde ; mais si les uns agissaient de la
sorte par relâchement ou indépendance, les autres le faisaient
par vertu. Les premiers n'avaient du moine que l'extérieur,
les chevevix courts et probablement l'habit. S'ils étaient riches,
ils vivaient dans leur famille et leur maison comme de simples
laïques *. S'ils étaient pauvres, ils s'en allaient sur les routes
et dans les villes mendier et compromettre la sainteté de leur
1. Vit. S. Joann. Ménol., p. 3ii.
2. Le biographe de S. Théodore fait très nelteuicnt la distinction entre
les anachorètes et les moines (r.Tj/aaxaO. fVit- S. Theod., $ 28, p. 82).
3. Vit. S. Joann., p. SSg-S^o.
4. Can. II. Mansi, xvi, p. 537.
ET L EMPIRE liVZANÏIN 290
profession. Les seconds, au contraire, étaient souvent des sain I s
et des hommes apostoliques. Saint Pierre de Galatie qui vivait
sous Basile l^' partit un jour de l'Ohmpe pour de longs pèleri-
nages. Il s'en alla en Terre Sainte, à Chypre, à Laodicée, à
Attalie. De là, il rentra à l'Olympe^ Saint Hilarion fit de
même. Né en Géorgie, fils de noble et riche famille, il s'en vint
à Constantinople, visita l'Olympe, la Palestine, Rome, e( mou-
rut à Thessalonique. De pieux moines, ses compatriotes, alors
en résidence à l'Olympe, vinrent chercher son corps pour le
ramener à Constantinople. Basile, toujours charitable, leur
donna un monastère avec des terres, des fermes, des villages
et des forets. Ce fut le u couvent géorgien - ». Plus tard, en
io65, le grand réformateur de l'Eglise géorgienne, saint
Georges Cvjatogorec, après avoir vaillamment travaillé dans sa
patrie, ira mourir à Constantinople, en route pourl'Athos^.
D'autres moines, enfin, comme saint Antoine, et avant lui
saints Cyrille et Méthode, étaient missionnaires. Ils s'en allaient
partout évangéliser les populations. Le biographe de saint
Antoine nous dit que son héros avait un tel zèle qu'il ne vou-
lait limiter son apostolat à aucune ville, mais qu'il voulait aller
partout où brille le soleil. Il évangélisa les Scythes, les Thraces,
les Mysiens^
C'est qu'à l'époque qui nous occupe, l'histoire de l'Eglise est
marquée par un fait très remarquable : le renouveau d'esprit
apostolique, par la lutte, d'une part, contre l'hérésie ; par
l'expansion religieuse, de l'autre, au moyen des missions.
Les hérétiques étaient nombreux dans l'Empire byzantin.
Sans parler des communautés juives et païennes sur lesquelles
nous reviendrons, les textes nous ont laissé le souvenir d'une
multitude de sectes chrétiennes en rupture de ban avec le
Credo orthodoxe. Car étaient hétérodoxes tous ceux qui ne
1. Synax. Constant., p. m. Synax. sélect., 121, 126, 12G.
>.. Yasiljev, Soc. orth. palestin., t. IV, 1888, p. 4o.
S. Dzavachov, Journ. du Minist. de VInst. puhl., février, i()(»'t.
4. Vit. S. Anton. Papad. Keram., Moniim., p. 11.
296 BASILE I
confessaient pas la foi orthodoxe en communion avec les
patriarches et n'acceptaient pas les sept saints synodes K
C'étaient, parmi beaucoup d'autres, les monophysites, les nes-
toriens, les acéphales, les jacobites, les monothélites, les icono-
maches- ; c'étaient surtout les pauliciens, les plus redoutables,
à cause de leur nombre, de leur force, de leurs alliances poli-
tiques et de leur prosélytisme. On comprend, sans peine, que
Basile ne devait guère respecter l'indépendance et la liberté de
ces dissidents. Les ramener à l'unité était pour lui une néces-
sité politique aussi pressante que d'en finir avec le schisme.
Tous, à un degré quelconque, étaient pour lui de dangereux
sujets, prêts à la révolte et à l'insurrection, comme les pauli-
ciens le lui prouvèrent plus d'une fois. Evidemment, la lutte
était assez facile quand il ne s'agissait que de s'attaquer aux
plus faibles de ces sectes. Il lui suffît, sans doute, de les priver
du droit de tester et d'hériter, pour ramener, au moins exté-
rieurement, un grand nombre d'adeptes à la foi orthodoxe. Du
reste, ces communautés, nestoriennes, acéphales, jacobites,
monothélites, se trouvaient surtout groupées dans la vallée du
Tigre et de l'Euphrale, vivaient sous la domination arabe, ne
faisaient pas grand bruit et n'étaient guère dangereuses. Si saint
Théodore d'Edesse s'en occupa pour les anathématiser une fois
de plus, c'est que, lui, avait juridiction sur ces pays de Syrie
et que là, plus nombreuses que dans l'Empire proprement dit.
elles pouvaient exercer sur les âmes une action directe et
néfaste. Pour Byzance, probablement, des lois d'exception à
l'égard de ceux qui vivaient sur ses terres, à Constantinople,
dans les thèmes asiatiques ou en Thrace, eurent sans doute
plus d'effet que les prédications que Photius paraît leur avoir
adressées dès le mois de juin 8bg^. — Il n'en allait déjà plus
tout à fait de même des iconoclastes. L'autorité de Théodora en
843 put bien, en vérité, proclamer la fête de l'orthodoxie et arrê-
ter dans son ensemble le mouvement hérétique ; il lui fut plus
difficile de convaincre les très nombreux partisans de la doc-
1. ("csi-à-dire le i" do Nicéo, r' de Constantinople. i"' d'Ephèse, (^lialcé-
doine, 2' et 3^ de Constantinople, 2" Nicée (Proch., xxxui, S i3, p. 179). Vit.
S. Theod. Edess., xlvu, p. /»5.
3. Procliir., wxiii, S i4. P- 180. — Vit S. Theod. Edess., xlviii, p. /17 et
seq.
3. Aristarch., Eisagog., xx.
ET L EMPIRE BYZANTIX 297
Irine. Ceux-ci continuèrent à rejeter le culte des iconesetà faire
des adeptes. La preuve en est que Piiotius. lors de l'ambassade
de 861. mit en avant ce prétexte pour réclamer de Rome des
légats et un synode^ et que Basile, huit ans plus tard, fit appe-
ler au Concile le chef iconoclaste Théodore Crithinus pour
qu'il y entende sa solennelle condamnation ainsi que celle de
ses adhérents-. A partir de ce moment, Basile ne rencontra
plus, sans doute, de difficultés sérieuses de la part des icono-
clastes. Leur nom s'en alla tomber dans l'oubli. Les uns se
soumirent, les autres fusionnèrent avec les diverses commu-
nautés hétérodoxes de l'Empire.
La secte qui lui créa le plus de difficultés fut, sans contredit,
celle des Pauliciens ou Manichéens. Théodora, fîère de sa vic-
toire sur l'iconoclasme. rêva un jour, nous l'avons vu, de con-
vertir à l'orthodoxie une secte religieuse qui vivait sur ses Etats.
C'étaient les Pauliciens, « les Zeliks », comme les appelle
Syméon Magister*^ La persécution fut à ce point violente et
maladroite, morts et confiscations se firent si nombreuses
qu'un de leurs chefs, Karbeas, protomandator du stratège des
Anatoliques, se révolta, entraîna à sa suite cinq mille de ses
coreligionnaires et s'en alla se réfugier chez l'émir de Mélitène
qui les reçut avec honneur. Là, aux frontières mêmes de l'Em-
pire, ils fondèrent plusieurs villes, entre autre Téphrice * et,
d'accord avec les Arabes, commencèrent contre l'Empire une
lutte implacable. C'étaient dès lors non plus des hétérodoxes,
mais des révoltés et des ennemis qu'il fallait châtier par la
guerre. Nous les retrouverons au livre suivant. Toutefois tous
les Pauliciens ne semblent pas avoir quitté l'Empire. Beaucoup
restèrent à Constantinople et ceux-là furent évangélisés. Pho-
tius, en effet, dit qu'il convertit beaucoup de Pauliciens ^, ce
qui est possible car les moyens qu'on employait pour les rame-
ner à l'orthodoxie étaient de ceux qui sont, pour l'ordinaire,
suivis d'elTets immédiats.
1. Lettre IX. Mansi, xv, p. 219.
2. Mansi, xvi, p. i^i.
3. Sym. Magist., Vit. Mich. et Theod,, vi, p. 716. Grcgoirn Asbestas dit
iiottement que les deux noms qualifiaient la môme secte.
\. Theoph. Cont., Vit. Mich., xvi, i8o ; xxui, 192. Pholius, Contra Munich.,
1. 1, xwi, p. 81. Pierre de Sicile, Hist. des Manich., i3oi.
9.()S BASILE î
Le biographe de saint Eustratios nous raconte que si la dis-
cussion pouvait être de mise chez quelques missionnaires zélés,
la dénonciation, la prison étaient, pour le plus grand
nombre, les mesures habituelles, parce que très expéditives^
Il est vrai que le gouvernement avait un intérêt majeur et poli-
tique à ramener sous son autorité des hérétiques dont
quelques-uns avaient dans l'Empire une certaine situation
sociale-, dont les doctrines jetaient au sein des familles et de
l'Etat, la corruption, le trouble et la division ^ et qui pouvaient
singulièrement faciliter les succès militaires de leurs frères
d'Arménie. Ceux-ci, du reste, luttaient contre l'Empire, non
seulement par les armes, mais par leurs missionnaires. Dès
que la Bulgarie se fut ouverte au christianisme, les Pauliciens,
pour faire pièce à l'influence byzantine, dépêchèrent sur les
rives du Danube des hommes de confiance qui travaillaient
pour la foi manichéenne*. Leur succès fut grand, il fut dange-
reux pour les Empereurs qui ne durent pas chercher à ménager
chez eux d'aussi redoutables ennemis. Si l'on ajoute à ces
raisons d'ordre extérieur, l'immoralité qui paraît avoir régné
au sein de ces communautés séparées, on ne s'étonnera pas trop
de la rigueur des lois qui les régissaient et des efforts, même
violents, qui furent employés pour essayer de les convertir. Le
Prochiron nous a conservé le souvenir de la législation qu'on
leur appliquait et, par surcroît, nous laisse deviner quelle place
ils occupaient dans la société d'alors. Punis de la peine de mort,
les manichéens qui, devenus chrétiens, retournaient à leurs
erreurs ou qui, fréquentant leurs anciens coreligionnaires, ne
les livraient pas aux magistrats -K Punis de la peine de mort
aussi les chefs de l'armée et de l'administration qui, quoique
orthodoxes, ne livraient pas aux autorités ceux qui se glissaient
parmi eux. En outre aucun parent, même orthodoxe, d'un pau-
licien ne pouvait hériter de lui. Ses biens allaient au fisc. 11
n'y avait d'exception que pour ses propres enfants et encore à
condition que l'enfant soit orthodoxe ^\ Néanmoins, ces mesures
1. Vit. Eiistrnt., \xii, p. 382.
2. Ibid.
3. Pierre de Sicile, op. cit., p. 1293.
4. Lapôtre, p. io4 ; Hertzbeig, p. i^i
5. Procliir., t. WXIX, S 28, p. 239.
6. Ibid.,$ 29.
KT L EMPIRE inZANTIN 1^()9
énergiques ' n'étaient pas seules. Toute une littérature dogma-
tique et polémique naquit, sous le règne de Basile, pour con-
fondre les récalcitrants et les ramener au bercail de l'ortho-
doxie. L'ouvrage de Pierre de Sicile - en est une preuve aussi
bien que les travaux mêmes de Photius. Tous s'efforcent de
montrer par l'histoire de la secte comme par son dogme et sa
morale, la fausseté et la perversité de son action et de sa doc-
trine ; mais, fils de leur temps, forts, sans doute, des peines
juridiques dont ils sentent appuyée leur argumentation, ils
n'oublient qu'une chose dans leurs écrits, la parole de charité
et de douceur qui seule va au cœur pour le toucher et le con-
vertir. Ce trait de mœurs, du reste, nous le retrouvons à peu
près dans tout l'effort apostolique de cette époque. Il était, en
vérité, assez difQcile aux missionnaires orthodoxes d'agir avec
quelque efficacité auprès des Pauliciens pour cette raison bien
simple qu'ils étaient des ennemis politiques autant et plus que
des hérétiques ; néanmoins notre idéal religieux moderne pro-
teste contre cette absence d'amour. Il protesterait davantage
encore si Pierre de Sicile n'était là pour nous dire que Byzance,
dans le secret du sanctuaire, employait une arme plus évangé-
lique pour la propagation de la foi : la prière, a Le dogme des
Pauliciens était ignoré de presque tous les hommes, poison
délétère qui se cachait; aujourd'hui ces choses sont connues,
grâce aux prières, aux veilles, aux incessants efforts et au gou-
vernement très habile de nos pacifiques, orthodoxes et grands
Empereurs ^. »
Cette politique violente à l'égard des Pauliciens n'était plus
tout à fait de mise à l'égard des Juifs et des païens qui vivaient
sur le territoire de l'Empire ; plus de mise non plus à l'égard
des nations étrangères, barbares ou civilisées, qui avoisinaient
la u Bomanie ». Là, l'œuvre du clergé grec fut plus féconde.
Sans doute de part et d'autre, il y eut calcul et intérêt, presque
toujours, dans l'offre et l'acceptation de la foi ; du moins ne
se heurtait-on pas à des haines qu'aucun zèle ne pouvait
I. Il est impossible de savoir si les lois juslinicnnes reproduites au 1. 1,
titre I, des Basiliques étaient encore en vi<ji:ueur à l'époque de Basile. Si
elles l'étaient, la vie ne devait pas être facile pour les hérétiques. Ils
n'avaient que deux solutions possibles à envisager : l'exil ou la conversion,
3. Migne, CIV, p. i2'»i et seq.
3. Ibid., p. 127O.
3oO BASILE I
étouffer. Comme ses prédécesseurs, Basile ne négligea pas les
missions ^ et, sous son règne, l'activité religieuse fut grande 2.
Tandis que les prêtres partaient de Byzance et s'en allaient prêcher
l'Evangile en tous lieux, lui. l'Empereur, se faisait généreux
pour seconder leurs efforts. Les convertis étaient sûrs de trou-
ver auprès de sa personne faveurs et distinctions. Riches pré-
sents, titres auliques, situations administratives, exemptions
d'impôts étaient la récompense qu'il accordait aux individus
comme aux nations nouvellement chrétiennes ^. Aussi, sous
son règne, le succès des missionnaires fut-il grand. En toute
vérité, Photius pouvait comparer Byzance à un lieu élevé qui
envoie partout les sources de la foi orthodoxe et arrose les âmes
desséchées par l'impiété *. Du reste, il faut bien le dire, si le
résultat des missions fut appréciable à cette époque, la cause
en est due pour beaucoup aux succès militaires de l'Empereur.
Dès ([u'une nation était vaincue, on lui imposait le baptême par
la force, moyen qui semblait efficace pour contenir les foules
dans l'obéissance, créer entre elle et l'Empire un indissoluble
lien 5 et leur imprimer par là le sceau de la puissance romaine.
Malheureusement, les conversions ne se commandent pas. Le
danger d'un tel sytème tout à la fois politique et religieux était
grand et c'est de quoi on s'aperçut plus tard. A la mort de
Basile, et même de son vivant, si nombreux furent ceux qui
retournèrent à leurs anciennes croyances qu'il fallut faire ou
renouveler des lois contre ces apostats. Tel fut, par exemple, le
cas des Dalmates, des Croates et des Russes ^. Cependant, en
dehors de toute influence politique, au seul point de vue
apostolique, il est une chose assez intéressante à noter et qui
n'a point été suffisamment relevée : c'est la merveilleuse sou-
plesse de cette Eglise qu'on se représente généralement comme
figée dans une orthodoxie étroite et dans un formalisme rigide
et sans vie, à se plier à toutes les nécessites du ministère apos-
tolique, à s'adapter à toutes les habitudes qu'elle rencontrait
1. Brinkmann, xxviii.
2. Pierre de Sicile, op. cit., 1276.
3. Lapôtre, op., cit., p. io3.
4. Pholius. Epit. encycl., p. 721.
5. Sym. Mag., Vit. Mich. et TheocL, ch. xxv, p. 728. Il était en outre inter-
dit sur le territoire de l'Empire d'offrir des sacrifices païens fProchir., xxxix,
20, 3o, 33, pp. 237-240).
6. Vit. Basil, ch. uv, p. 292.
ET l'empire byzantin 3oi
au sein des pays qu'elle voulait évangéliser. Là, naturellement,
le laïque avait de larges permissions pour baptiser, le cas
échéant ; mais, chose plus remarquable, jamais Byzance ne
connut les craintes de l'Eglise romaine à l'égard de la langue.
Dès que ses missionnaires arrivaient en un endroit, ils
déployaient aux regards des barbares les magnificences du
culte et la richesse des costumes religieux, — cela pour étonner
leurs yeux et frapper leur imagination ; ils adoptaient la langue
nationale, — cela pour se faire comprendre d'eux et prendre
racine dans le pays ; ils formaient enfin tout de suite un
clergé indigène — cela pour empêcher la foi d'être traitée
comme une puissance étrangère *. L'Evangile et les Livres
liturgiques étaient ainsi répandus dans le peuple, venant com-
pléter les instructions orales des missionnaires jusqu'au
moment où, suffisamment éclairés, on baptisait le roi et les
chefs de la nation. Le reste venait ensuite assez vite. Entre
temps, les missionnaires aimaient à reproduire un peu partout,
comme le moine Lazare en Bulgarie, des portraits de vierges et
des scènes religieuses afin qu'à son tour, le pinceau fut un pré-
dicateur de la foi chrétienne. Cette façon de faire fut suivie par
saints Cyrille et Méthode en Moravie, par les missionnaires ano-
nymes qui évangélisèrent les Russes, comme par ceux qui con-
vertirent les Bulgares. Mais une fois le baptême donné, l'œuvre
des missionnaires n'était pas achevée. 11 fallait affermir la foi
dans les âmes, il fallait former à la vertti les cœurs frustres et
barbares. C'est ce que faisait, non seulement le clergé itinérant,
mais surtout le clergé de l'Empire, moins absorbé par la vie
active. Le meilleur exemple en est assurément la longue lettre
de Photius à Michel de Bulgarie dans laquelle le Patriarche
décrit jusque dans le détail, tous les devoirs du véritable chré-
tien et s'efforce de faire de ce néophyte illustre, un roi très
orthodoxe.
Ce genre d'apostolat, toutefois, n'était pas le seul. La foi de
Byzance arrivait aussi aux oreilles des nations par d'autres
voies. Gens très religieux et très fiers de leur incontestable civi-
lisation, les Grecs propageaient tout naturellement le Credo de
Sainte-Sophie par le seul fait qu'ils se trouvaient en terre
païenne ou que les païens venaient chez eux. Quand les parents
I. Lapôtre, p. 107-109.
,)02 BASILE I
de Basile — on se le rappelle — furent exilés sur les bords du
Danube, ils annoncèrent leur foi et firent des conversions ;
quand la sœur de Bogoris fut faite prisonnière à Byzance ',
quand des otages étaient amenés en captivité - ou quand des
ambassadeurs étrangers venaient à Constantinople, le premier
souci des Byzantins était d'enseigner à chacun la religion
orthodoxe. On conduisait à Sainte-Sophie tous ces barbares
émerveillés et ils se convertissaient ou, tout au moins, comme
les Russes, rentraient dans leur pays et y parlaient de ce qu'ils
avaient vu et entendu. Tout cela créait des liens entre les
peuples et l'Empire et préparait la voie aux missionnaires
futurs. C'était pour l'Eglise une œuvre pie en même temps que
pour l'Empire une œuvre de haute civilisation et de sage
politique.
La conversion des hérétiques, tels qu'ils se trouvaient orga-
nisés sous le règne de Basile, était une affaire plus politique que
religieuse. Il importait donc, ce semble, de nettement distin-
guer ce mouvement du véritable élan apostolique que nous
remarquons sous le règne de Michel et sous le sien propre. A
en croire Constantin Porphyrogénète, Basile aurait favorisé
trois importantes missions et vu, de son vivant, naître à la vie
deux églises dont la puissance allait être grande : l'Eglise bulgare
et l'Eglise russe -^ La première mission fut prêchée à des sujets
de son gouvernement : aux Juifs. Constantin n'en indique pas la
date pour la raison bien simple que le clergé n'avait pas
attendu Basile pour commencer cet apostolat ^ Au cours de la
querelle iconoclaslique, Israël avait trouvé auprès des empe-
reurs bienveillance et appui ^. 11 s'en suivit que tout naturelle-
1. \ it. S. Theodorœ Imper. A. A. S. S., février, ii, p. 562.
2. Le synaxaire de Constantinople raconte Fliistoire des martyrs byzan-
tins Beliar et Pierre qui vivaient à la cour des Arabes d'Afrique. Eux aussi
prêchèrent l'Evangile et subirent le martyre en punition de leur apostolat.
Le fait se passait sous le règne de Basile fSynax. de Cple, p. 72).
3. Vit. Basil., ch. xcv-xcvui, p. 357 et seq.
4. Sym. Magister seul dit que cette mission cul lieu au cours de la sep-
tième et huitième année du règne de Basile (ch. x, p. 762. Cf. Georg.
Moine, p. 1080 et Léon Gramm., 1088). La seule chose qui paraît certaine
c'est que cette mission eut lieu avant le retour de Photius.
5. Michel d'Amorion, en particulier, fut très bienveillant pour eux. Il h\s
exempta d'impôts. Peut-être était-il lui-même né de parents juifs, de ceux
qu'on appelait, en Phrygie, les « 'Ae-^^avoi ». Theoph. Cont., Vit. Mich.,
Amor., ch. m, p. 56. Pargoire, o/>. cit., 282.
KT L KMPIIU: BYZANTIN ÔOO
ments les Juifs entreprirent dans l'Empire une importante
campagne de prosélytisme*. Aussi le clergé redoubla-t-il de
zèle — et rénergique action du patriarche Nicéphore en 812 eu
est une preuve — pour lutter contre l'ennemi héréditaire du
nom chrétien. Il paraît, du reste, l'avoir fait en usant plus
volontiers de la violence que de la douceur tant était aIvc la
haine des Byzantins contre les Juifs. Basile ne fit que suivre
l'exemple qu'il avait sous les yeux et sa méthode évangélique
fut celle de l'intérêt. C'est en quoi il favorisa très vraisembla-
blement les missionnaires. Constantin, du reste, nous le dit
formellement. Dès les premières lignes de son récit -, assez
brutales à l'égard des Juifs, il explique la façon dont s'y prit
son grand-père pour ramener cette fraction de son peuple à
l'obéissance du Christ. On devait tout d'abord discuter, puis
présenter la doctrine chrétienne, enfin on baptisait, offrant à
ceux qui se convertiraient des dignités, des honneurs, des
exemptions d'impôts. Il n'en fallait pas davantage, on le con-
çoit, pour amener beaucoup de Juifs à l'Eglise. Les conversions,
paraît-il, furent nombreuses, mais sans durée. Et c'était fatal.
Il suffît, au surplus^ de lire les quelques morceaux apologé-
tiques qui nous sont restés de cette époque pour se rendre
compte du ton de ces écrits. Nous possédons encore un frag-
ment d'ouvrage que Basile de Néo Patras composa contre les
Juifs ^. Peut-être l'argumentation était-elle bonne : en tous cas,
elle devait singulièrement perdre, aux yeux des Israélites, de sa
valeur, par les injures qu'ils pouvaient y lire à l'adresse de leur
nation. Et l'exemple de Basile n'est pas unique. Photius, tout
dégagé de certains préjugés qu'il nous paraisse, avait lui aussi
la haine invétérée du Juif et il le dit dans sa lettre à Michel de
Bulgarie *. Or, de traditionnelles et historiques antipathies suf-
fisent-elles à expliquer ce fait ? Il ne le semble pas. Si les Byzan-
tins orthodoxes ont si fort détesté les Juifs et cherché par tous
moyens à les détacher de leurs erreurs, il y avait une autre rai-
son que Photius donne à Michel de Bulgarie : c'est, qu'en fait,
les Israëlites avaient une assez curieuse conduite à Byzance.
Entourés de chrétiens, ils n'osaient guère, paraît-il, renier
I. Rambaud, op. cil., p. 372 et scq.
3. Vit. Basil., ch. xcv, p. l^^)-.
.S. Migne, CXI. p. lia.
'i. Mijrno. Cil, p. (\rio,.
3o4 BASILE I
ouvertement le Christ. Pour le combattre, ils prenaient donc un
moyen détourné qui n'était pas sans habileté. Ils se joignaient
à tous les hérétiques et luttaient avec eux. C'est ainsi qu'ils
firent campagne avec les iconoclastes et s'attirèrent par ces
louches manœuvres, à un double titre, la haine de tous les
vrais chrétiens. Aussi les formules pour la réception d'un Juif
au christianisme sont-elles à ce sujet très précises. Après avoir
juré qu'il ne se convertissait pour aucune raison humaine et
qu'il abandonnait toutes les cérémonies rituelles de la synagogue,
le Juif devait dire « anathème » non seulement à la doctrine
israëlite, mais encore à toutes les doctrines hérétiques qui en
sont sorties ^ preuve manifeste qu'à travers tous les âges on
imputait aux enfants d'Israël le crime de s'associer à toutes les
hétérodoxies. Mais le fait le plus curieux concernant les Juifs au
ix"" siècle est assurément la relative douceur de la législation à
leur égard. Basile ne parle pas des peines qui attendent les
Juifs apostats. Il ne paraît pas avoir édicté à leur usage des lois
aussi sévères que pour les Manichéens hérétiques. 11 se contente
de prévenir leur zèle religieux en les empêchant de faire de la
propagande. D'après le Procliiron, le Juif n'était puni de mort
qu'en deux circonstances : s'il imposait la circoncision à son
esclave chrétien et s'il cherchait à détourner delà foi orthodoxe 2.
Sauf ces deux cas les lois d'exception ne paraissent pas les
avoir atteints.
La seconde mission, attribuée à Basile par son petit-fils
Constantin, est celle de Bulgarie. Evidemment, il ne saurait
être ici question d'une u mission » dans le sens habituel du mot.
Les Bulgares étaient convertis à la foi depuis 865 et vivaient
sous la juridiction romaine; mais il y eut mission en un sens
tout à la fois politique et religieux, Constantin VU nous dit, en
effet, — et la chose est plus que probable — que les Bulgares
n'étaient pas solidement affermis dans la foi ^. L'Empereur les
exhorta à la persévérance, leur envoya des cadeaux et les enga-
gea à recevoir un archevêque comme à avoir dans le pays un
certain nombre d'évêques. Or, il est de toute évidence que cette
démarche est la suite naturelle des décisions qui furent prises
en 869. Boris, à cette date, se « convertit » à l'orthodoxie pour
1. Migne, I, i456.
2. Prochir., titre XXXIX, 3i et 82, p. a'io.
3. Vit. Basil, ch. xcvi, p. Sô;.
ET L E.Miniu: mZVMIN
les raisons que nous avons dites et To-nace envoya en Bulgarie
dès 870, des moines, une dizaine d'éveques et un archevêque.
Joseph ^ Ceux-ci devaient y rester jusqu'au retour de Photius
au pouvoir en 879. On le voit donc, il y eut bien vraiment, en
un sens, mission byzantine en Bulgarie sous le règne de Basile:
mais mission qui n'était nullement inspirée par le zèle aposto-
lique. La politique seule agit en cette affaire.
La mission chez les Russes- est encore plus discutable. Cette
nation 0 cruelle et impie ». comme dit Constantin, avait fait
son apparition à Byzance, de terrible manière 3, en juin ou juil-
let 860*. L'émoi fut grand dans la capitale à la nouvelle qu'un
peuple barbare encore inconnu se ruait inopinément sur ses
frontières. Il le fut d'autant plus que Michel, à cette date, s'en
était allé guerroyer contre les Sarrasins. Photius, alors au pou-
voir, neut d'autre ressource que d'aller en procession aux Bla-
chernes chercher le manteau de la \ ierge. le fameux u mapho-
rion » pour, dit la légende, le tremper dans la mer. L'effet fut
soudain. Un vent subit se leva; la mer devint houleuse; la
flotte russe fut ruinée. L'ennemi dut rentrer chez lui sur les
quelques vaisseaux qui lui restaient^. Cette irruption était trop
grave pour que désormais Byzance pût continuer à ignorer ce
dangereux voisin. Comme de coutume « peu après » elle envoya
des missionnaires. L'auteur de la Continuation de Théophane
dit. en vérité, que ce sont les Russes qui vinrent à Constanti-
nople demander le baptême ; mais ne confond-il pas avec
l'ambassade russe dont parle une glose du De administrando
et qui est postérieure au règne de Basile? Il est bien plus pro-
bable, en effet, que Byzance s'empressa de traiter avec ces
nouveaux voisins en leur envoyant des ambassadeurs et
des missionnaires. Une chose est, en tous cas, certaine :
c'est qu'entre cette date de 860 et celle de 866, une mission
partit pour la Russie envoyée qu'elle était par Photius lui-
I. Vailhé, o/>. ci/., col. 1180.
3. Vil. Basil., ch. xc.vn, p. '6ïnj.
3. V il. lynai., p. 5i6.
4. Vasiljev, Byzance el les Arabes, p. iGi ; Aristarcli., H, 17. Cf. (jorlaiid,
Pkotios und (1er AwjriJJ'. der Riissen auf Byzanz , 18 juin 800 (Neue Jahrbii-
c lier fur das Klassische Altertam , 1908, xi, p. 71801 sc(|.). Marquart place
celte incursion en 865 (p. xiv), ce qui est peu probable.
5. Sym. Mag., Vit. Mich. et Theod., ch. xxxvii et\xx\ni, j). 7iU). Tlieopli.
(Jont., Vit. Mick., ch. xxxiii et xxxiv, p. 309 aia,
20
3u6 BASILE I
même^ Que maintenant, selon le témoignage de Constantin
Porphyrogénètc, une autre mission soit allée en Russie sous
le patriarcat d'Ignace et le gouvernement de Basile, la chose
est possible. Il n'en est pas moins vrai que c'est au grand
mouvement d'expansion religieuse du règne de Michel que
datent les débuts de révangélisation russe -.
En réalité, Constantin attribue à son grand-père ces diverses
missions parce qu'il savait fort bien qu'un effort avait été fait
sous son règne pour hâter la conversion des peuples païens,
voisins de Byzance et qu'il trouvait plus glorieux de parler de
la Bulgarie et de la Russie que des >arentans, dés Dalmates,
des Serbes ou des Maïnotes. Les uns étaient soumis à l'Empire,
les autres étaient alors d'assez obscures peuplades. Il suffisait,
lui semblait-il, de mentionner, comme il l'a fait, leur baptême
à l'occasion de leurs défaites •', réservant à de plus dignes
qu'eux une mention spéciale dans le chapitre qu'il écrivit sur
les missions. C'est, en effet, du vivant de Basile que s'opéra
la conversion des païens qui habitaient, dans le Péloponèse,
la ville de" Maïna, les Maïnotes. A la différence des Milinges
et des Erzérites, les Maïnotes. paraît-il. n'étaient point Slaves,
mais Grecs ^ Us adoraient encore les dieux de leurs ancêtres
quand, sous le règne de Basile, ils se convertirent à la foi. Leur
ville fut érigée en éveché dépendant de Corinthe. Son nom se
trouve déjà dans les Nea Tactika.
Sur les côtes de Dalmatie et dans la partie avoisiuante de
l'ancien lUyricum, se trouvaient, à l'époque de Basile, des Slaves
convertis autrefois à la foi chrétienne quand Héraclius leur
permit de s'installer sur les terres d'Empire. C'étaient les
Serbes elles Croates. Les Narentans. leurs voisins, eux, n'avaient
I. I^hotius, Lettre encyclîq., p. 73G,
3. Cf. Palmiori,. S/Hdiosf religiosi, t. 1 ot II, igoo-1903. Cependant, n'avons-
nous pas affaire peut-être en toute cette liistoire à une confusion volon-
taire ou non des ctironiqueurs!* Au lendemain de l'invasion russe, en elîet,
partit de Byzance une mission que dirigeait S. (Cyrille. Elle s'en alla chez
les Chazares qui habitaient sur les rives de la mer Azov. Or cette mission
paraît dater de 861 ou SG-i (Ginzel, p. 253). Lq»^ Cliazares, du reste, étaient
déjà baptisés. Ils réclamaient des prêtres pour les aiTermir dans leur foi et
arrêter la propagande juive et sarrasine. Que delà au royaume de Kiev,
des missionnaires soient allés, rien de plus probable, mais nous n'en
avons cependant pas la preuve.
3. Vit. Basil., ch. liv, p. 3o8.
4. De Adinin., cti. i„ p. 3-0,
KT L KMPlUi: BVZAMIN ,^0'
jamais reçu le baptême. Malheureusement, la faiblesse crois-
sante de Byzance, au cours du vin^ siècle, et surtout au début
du ix% avait détaché ces peuples de la métropole. Ils vivaient
indépendants dans ces contrées éloignées el. comme le dit
Constantin, la plupart avait abjuré le baptême u afin de
n'avoir plus aucun gage d'amitié et de dépendance à l'égard de
Home » '. Aussi, lorsque Basile, par ses vicloires, eut reconquis
sur la Dalmatie les droits de ses prédécesseurs, Serbes et
Croates revinrent-ils à l'orthodoxie. Sur leur demande, dit le
biographe de Basile, mais plus probablement par la force des
choses, une mission partit de Constantinople avec des prêtres
et un délégué impérial -, pour réapprendre à ces Slaves indo-
ciles la foi chrétienne et l'obéissance politique. Tous reçurent
le baptême et acceptèrent le joug <( romain » ^. Ceci se passait
un peu après 867. Quelques années plus tard, en 879, les
Croates comme les villes dalmates, faisaient leur soumission à
Rome K
Par une singulière exception qui doit sevpliquer, sans
doute, par la géographie du pays qu'ils habitaient, les Naren-
tans n'avaient pas encore été évangélisés. Us vivaient non loin
des côtes dalmates dans cette partie de la Croatie montagneuse,
d'abords difficiles, à cause de ses escarpements, la Croatie rouge •'.
Les Byzantins les appelaient « 'ApsvTavo'l » :dans la langue slave,
on les nommait a -ayàvo*. », nom qu'ils méritaient bien, si l'on en
veut croire l'étymologie de Constantin qui nous apprend qu'en
slave (( Trayàvo; » veut dire « àêà7r:!.a-To; » non baptisé. Ebranlés
sans doute par le mouvement de retour à la foi de leurs pères,
les Croates et les Serbes, visités peut-être à cette époque par
quelque missionnaire plus zélé, demandèrent eux aussi le bap-
tême, ce qui leur fut naturellement accordé ^.
Cette activité apostolique pouvait avoir pour excitant une
I. VU. Basil., ch. 1,11, p. oo5. Celle phrase est à retenir: elle est du plus
haut intérêt car elle montre dans sa brièveté quels étroits liens existaient
soit dans la pensée des peuples, soit dans celle de Byzance, entre l'accep-
lation du baptême et racceptalion de l'autorité impériale. Les deux choses
élaienl connexes.
:>.. <( Baj'.A'.vcô; àvOpwTo;. "
3. VU. BasU., ch. i.iv, p. 3o8.
/i. Revue Orieiis Christ., I, 189G, iG.
.5. De Admiii., \xi\, aSa.
0. De Adnun., \\i\, aoa.
3o8 BASILE I
cause politique. Elle n'en était pas moins cependant très réelle-
ment religieuse. On comprend fort bien, en effet, que les Empe-
reurs aient trouvé commode de mettre au service de leur gou-
vernement ce merveilleux outil de civilisation et d'unité : mais
les missionnaires ne bornèrent pas leurs efforts auv limites de
l'Empire. Comme cet Antoine qui évangélisa, dit son biographe,
« les Thraces, les Mysiens et les Scythes » K le prêlre byzantin
avait l'ambition de prêcher TEvangile à toute créature et c'est
en quoi son apostolat fut vraiment religieux. La preuve en est
dans les missions extérieures qui furent entreprises au cours du
ix** siècle. Des travaux apostoliques de Cyrille et Méthode chez
les Chazares et en Moravie, nous n'avons rien à dire car leur
histoire est antérieure au règne de Basile. C'est vers 859 que
Constantin-Cyrille partit pour la Chersonèse ; c'est en 862 ou
863 qu'avec son frère Méthode, il entreprit le voyage de Mora-
vie 2, à la demande de Rastiz. Désormais, ce fut surtout avec
Rome et T Allemagne que les missionnaires eurent affaire.
Byzance se trouva reléguée à l'arrière-plan. Ce n'est pas en
vérité que Basile se désintéressait de cette grande œuvre. Bien
au contraire, puisqu'il fit venir Méthode à Constantinople pour
qu'il l'entretint de ses travaux ^. Mais, que pouvait-il dans la
lutte acharnée qui s'était engagée autour de son ancien fonc-
tionnaire sinon le recevoir avec honneur et lui offrir des pré-
sents ^ C'est donc d'un autre côté que, sous son règne, les mis-
sions se développèrent. Déjà au temps de Micliel III, (^.yrille
était allé prêcher l'Evangile sur les terres du calife de Bagdad,
Mutawakkil ^, et c'était là chose importante. Les Sarrasins, en
effet, comme les orthodoxes, cherchaient partout à faire des
prosélytes. Il fallait donc arrêter leur propagande et tacher de
les convertir, Mais les Arabes n'étaient pas des barbares. Au
sein de cette merveilleuse civilisation musulmane, des phi-
losophes et des savants étaient nés et seule la discussion pou-
vait avoir prise sur eux. Aussi est-ce surtout par une activité
intellectuelle et apologétique sans cesse renouvelée que Byzance
s'efforça d'entamer l'Islam. Et c'est ce qui explique les produc-
I. Papad. Kcraiii., Monum., 1, p. ii.
'2. f^ejcr, Cyrille et Métlwde, p. 83; Lapôtio, p. (ii-i),").
3. Ginizcl, 17e de Méthode, p. 3o.
4. Ibîd.
5. Lapôtrc, op. cit., p. 98.
ET l'empire byzantin Soq
lions littéraires du ix^ siècle, ^icétas de Byzance le dit, du reste,
formellement. Parce que Basile cherchait à propager la foi en
Arabie, sur son ordre et, pour coopérer à cette mission, il l'en-
gagea à écrire un traité contre Mahomet^. C'était pour jNicétas
chose d'autant plus aisée que déjà Michel III lui avait demandé
un service analogue. Aussi, se mit-il à l'ouvrage tant pour plaire
à l'Empereur qui « n'eût pas été satisfait de mettre en déroute
les corps des barbares, s'il n'avait du même coup partagé en
deux leurs âmes impies par le glaive à double tranchant de la
vérité » que pour convertir ces mécréants. Son œuvre compo-
sée de surates choisies du Coran et de quelques thèses de la théo-
logie arabe qu'il s'efforce de réfuter, n'eût sans doute pas grand
succès, mais elle demeure comme un témoin des elîorts évangé-
liques que tenta l'Empereur pour gagner par tous moyens,
même par celui de la religion, ses plus irréductibles ennemis.
Quant aux musulmans établis sur le Vardar par Théophile, leur
conversion eut lieu au ix'' siècle par les moyens habituellement
employés à l'égard des sujets de l'Empire. On leur donna des
terres et on les amena au christianisme par la force autant que
par la persuasion '-.
Entre Byzance et l'Arménie, les rapports religieux étaient
tout différents. Là, l'orthodoxie n'avait plus affaire à des païens
ou à des non-chrétiens ; elle se trouvait en présence d'une Eglise
constituée, puissante, mais schismatique. Originairement unie
à Constantinople, l'Arménie avait rompu avec son orthodoxe
voisine dès le milieu du vi" siècle, a ers 552, puis, définitivement,
en 593 : épilogue fatal des luttes qui se livrèrent autour du
concile de Chalcédoine. Aussi, l'Eglise de Constantinople cher-
cha-t-elle par tous les moyens à renouer, au cours des siècles,
ses anciennes relations avec cette Eglise sœur. 11 en alla dès lors
de l'Arménie comme plus tard de Rome : toute l'activité reli-
gieuse du patriarcat se tourna du côté de chimériques projets
d'union, un jour réalisés, abandonnés le lendemain. Sous
Héraclius, sous Constantin II, sous Justinien II, l'accord fut
maintes fois proclamé — on craignait les Arabes — puis, tout
de suite après, rompu. L'Arménie jouait donc exactement, à
l'égard de Byzance, le même jeu que celle-ci à l'égard de Rome.
1. Migne, GV, 670-673.
2. Rambaud. op. cit., 2i5 cl j-ij.
3lO BASILE I
Quand la nécessité pressait, vite on s'unissait ; dès que le danger
était passé, les difficultés surgissaient et la brouille recommen-
çait. Les efforts tentés au ix*" siècle pour arriver à une récon-
ciliation durable ne sont donc qu'un épisode de cette fasti-
dieuse histoire. Alors l'Arménie se relevait de ses ruines passées;
une restauration politique s'accomplissait, pleine de promesses
pour l'avenir ; une rénovation religieuse se manifestait déjà
riche en œuvres de piété. Comment Byzance n'aurait-elle pas
profité de cet heureux état de choses pour chercher dans
l'union religieuse la force nécessaire dont elle avait besoin pour
combattre l'islamisme ? Photius écrivit donc successivement à
Zacharie, catholicos d'Arménie, afin de l'engager à revenir à la
foi de Chalcédoine et à Aschod, mais sans succès. La rupture
était bien définitive, elle ne devait jamais se renouer '.
VI
Si la foi d'un peuple se mesure jusqu'à^ un certain point aux
œuvres qu'il entreprend pour la faire connaître et la faire
adopter, elle se mesure aussi à la façon dont elle est pratiquée
par ses fidèles. Lorsque le culte, sous ses formes les plus
diverses, est vivant, lorsqu'il est populaire, il y a chance que
la religion soit active et, par conséquent, efficace. Le culte
extérieur est donc pour l'historien un phénomène social et
religieux qu'il ne peut négliger. Cette étude pour Byzance a
été dernièrement tentée par le P. Pargoire jusqu'à la période
qui s'étend des origines à l'année 8A7. H n'y a donc pas lieu de
la refaire, mais, simplement de la compléter peut être, à l'aide
de quelques détails.
1. Catéchumènes et Baptême. — Au ix*^ siècle, l'institution des
catéchumènes existe encore dans l'Eglise grecque -, et pour rece-
voir ces néophytes, comme au temps passé, il y a toute une
liturgie. C'est que, — chose assez singulière — certaines
anciennes coutumes ont continué à être adoptées. Si on porte
I. Petit Diction, de théolog. cathoL, art. Arménie, l. col. 1901,
jt. Piorrc de Sicile, op. cit., p. i.'iG'i.
ET l'fmpiiœ a^ZA^TI^- .Sri
l'enfant à l'église assez vite après sa naissance, ce n'est pas,
forcément, pour Ty faire baptiser. Saint Théodore d'Edesse,
par exemple, fut conduit à l'église le quarantième jour après sa
naissance. Il fut consacré à Dieu, mais point baptisé. Cette
cérémonie eut lieu deux années plus tard '.
De là, pour de plus attardés encore, la raison et la nécessité
de cette classe de fidèles. Mais, souvent aussi la cérémonie du
baptême était jointe à celle de la réception des catéchumènes.
Alors, après les interrogations d'usage, la profession de foi,
les exorcîsmos par insufflation et les signes de croix sur la poi-
trine-, avait lieu le baptême. Le prêtre, revêtu de l'étole blanche
et des manchettes (s-t.aàvî.xa), encensait la piscine {xoX'j^&rfi^oL)
tandis que le diacre faisait une longue prière que le prêtre con-
tinuait à voix basse. Celle-ci achevée, le prêtre soufflait sur l'eau,
la bénissait trois fois du doigt et poursuivait sa prière, com-
mentaire parlé du rite qu'il accomplissait. Après cette première
cérémonie sur l'eau en venait une seconde semblable sur
l'huile, puis l'ofliciant versait l'huile dans l'eau par trois fois
en forme de croix, tout en chantant avec la foule Valleluia.
Lorsque c'était l'évêque qui officiait, un des prêtres lui présen-
tait à ce moment le catéchumène que le prêtre oignait sur le
front, la poitrine et le dos, de l'huile bénite, puis les diacres
achevaient en lui oignant tout le corps. L'évêque ou le patriarche,
à ce moment, s'avançait pour baptiser le néophyte, debout,
tourné a ers l'orient, en récitant les paroles sacramentelles :
Ba-TivSTat. 6 oojAoçTOJ Bsoj (6 Oîwa) » ^. Puis on revêtait le réci-
piendaire d'une tunique et la cérémonie du baptême était ainsi
achevée. Immédiatement après, l'Eglise grecque confirmait le
nouveau baptisé en traçant sur son front, ses yeux, ses narines,
ses oreilles et ses pieds le signe de la croix avec le saint chrême *
et ainsi finissait la cérémonie.
La messe. — La messe au ix'^ siècle est dite suivant les litur-
o^ies attribuées à saint Basile et à saint Jean Chrvsostome. A la
I. 17/. Theod. Edess., S ^, p. \.
•i. Dniitriewskij, Eucliologe, p. i. Goar, p. 334-
3. On roniarquoia que l'Eglise grecque employait habituellenienl la for-
mule imprécalive. Cf. rependant Goar, p. 357.
4. L'Eurhologe du i\' siècle édité par Dniitriewskij parle seulement du
front, des veux, des narines, des oreilles, du dos. D'autres parlent aussi
des mains, p. 3 et note li.
3l2 BASILE I
description donnée par Mgr Duchesne et le P. Pargoire S nous
n'avons pas grand'chose à ajouter sinon que lors des stations,
l'Evangile était lu en latin et en grec -. symbole de l'union des
deux Eglises qui a persisté dans TEglise latine lorsque le Pape
pontifie solennellement, Comme en Occident aussi, le prêtre
ne pouvait célébrer la messe qu'une fois par jour et une seule
fois sur le même autel -^ Ajoutons enfin qu'on se servait de pain
ordinaire pour consacrer et point de pain azyme, c Le pain
azyme, dit Photius, est le propre de l'Ancien Testament*, o
Les habits ecclésiastiques différaient au ix^ siècle de ceux
employés dans l'Eglise latine. Ils étaient de laine d'une seule
couleur et non de soie ^. Le rouge pourpre servait en temps de
carême ; le blanc les autres jours *\
Tous les grands événements de la vie avaient naturellement
leur consécration à l'Eglise. Aussi les Euchologes ont-ils des
prières pour chaque circonstance : prières pour les fiançailles
et pour le mariage, prières pour les malades et pour les morts,
prières pour les relevailles et l'oblation des enfants au Sei-
gneur.
Pénilences. — Une des pratiques les plus habituelles de la vie
religieuse à Byzance était les jeûnes. Il y en avait beaucoup
et ils étaient sérieux. Comme tous ses semblables, Photius y
attachait la plus grande importance et les pratiques latines plus
douces le scandalisaient fort. S'il n'admettait pas qu'on pût
jeûner le samedi ~. qu'on mangeât du fromage et qu'on bût du
lait durant la première semaine de carême ^, il trouvait fort
mauvais que les Latins ne jeûnassent pas durant tout le temps
prescrit et ne s'abstinssent pas de certaines viandes^ défendues.
Les enfants eux-mêmes devaient être sevrés de lait et d'œufs et
c'était pour lui un abus intolérable que le Jeudi-Saint on put
manger du fromage et des œufs, qu'on put boire du lait ^^. Une
1. Duchesne, Orig. du cul le chrél., p. 77. Pargfoire, op, cit., p. 343.
2. Nicolas P', lettre Vlll. Mansi, \v, p. 191.
3. Photius, Monumcnta, p. 11.
4. Ibid., p. 64, 'i et 189, 1.
5. Ibid., p. 6G, i3.
6. Ibid., p. 66, i3.
7. Ihid., \, p. 64. 4-
<S. Ibid., p. 64. (1.
9. Monumenln, (iô, i-^.
10. Ibid., 64, 7.
ET l'empire byzantin 3i3
autre marque de pénitence était de s'abstenir de prendre des
bains les mercredi et vendredi *.
Enfin, le concile de 86g nous a laissé quelques traces de péni-
tences extraordinaires infligées pour certaines causes graves.
Ceux qui rendirent un faux témoignage contre Ignace au cours
de ses persécutions, furent condamnés à une pénitence de sept
années. Durant deux ans, ils devaient faire partie de la dernière
classe des pénitents ; durant deux ans, ils étaient assimilés aux
catéchumènes, n'étaient pas, par conséquent, admis à tout le
service divin et, en outre, ne devaient manger de viande et ne
boire de vin que le dimanche et les fêtes du Seigneur. Durant
trois années, ils demeuraient dans les rangs des fidèles s'ils
étaient prêtres et devaient s'abstenir de vin et de viande les
lundi, mercredi et vendredi. Ils ne pouvaient communier qu'aux
grandes fêtes.
I. Photius, Epist. ad Bulg.
LIVRE III
POLITIQUE EXTERIEURE RE BASILE
CHAPITRE PREMIER
i 1
LES GUERRES
L'effort constant et généreux de l'habile parvenu que fut
Rasile P". pour rendre, à l'intérieur, un peu de calme et de cohé-
sion à son Empire, avait sa cause véritable dans les affaires
extérieures de Ryzance pour lors assez compromises. Sans
doute, ses réformes financières et administratives, sa politique
religieuse et civile s'expliquent déjà par l'état même des
choses à son arrivée au pouvoir. Bon souverain, il voulait
l'être en rendant un peu d'ordre aux finances dilapidées, un peu
d'humanité à la justice méconnue, un peu de tranquillité à
l'Eglise divisée; mais cette œuvre qui fut, du reste, celle de
tout son règne, il l'accomplit aussi — et surtout peut-être —
afin de réaliser le plus urgent devoir de sa charge : la lutte à
outrance contre les Musulmans.
Si la situation intérieure de l'Empire était assez troublée à
l'avènement de Basile, la situation extérieure, par contre,
était relativement bonne et singulièrement propice à la poli
1. Les guerres de Basile sont la chose la plus connue et la mieux étudiée
de son règne. Sans parler des travaux antérieurs, aujourd'hui négligeables,
nous avons pour ce chapitre deux ouvrages fondamentaux que je n'ai fait
que suivre. L'un, de M. (iay, traite des guerres de Basile et de sa politique
en Occident ; l'autre, de M. Vasiljev, étudie, à l'aide surtout des sources
arabes, toutes les campagnes de Basile en Occident et en Orient. C'est à ces
deux travaux, dont le second est écrit en russe, que nous renvoyons une fois
pour toutes.
v3l6 BASILE 1
tiqiic que méditait l'Empereur. Avec l'Arménie, en effet, les
relations étaient très courtoises. Aschod P' Pagratide. créé
u prince des princes » en 809 par le calife MotaAvakkel-Billah ^
était, personnellement, en excellents termes avec Basile et
l'Empereur ne fut pas étranger à l'avènement d' Aschod comme
roi en 870. comptant bien pouvoir, par lui, plus aisément
surveiller la politique arabe et empêcher l'influence des
califes de devenir trop prépondérante sur cet état, frontière de
son Empire-, De son côté. Aschod ne tardera pas à se tourner
vers Constantinople et à demander à Basile l'investiture pour
ses états ^.
En Russie, l'Empereur cherchait, par les missions et de riches
présents, à entretenir de pacifiques rapports avec ces tribus
encore passablement sauvages*. En Bulgarie, son influence
grandissait de toute celle que perdait Rome. La question reli-
gieuse était pour lui un excellent trait d'union entre les deux
peuples et une trop belle assurance de paix pour qu'il la laissât
échapper. En Grèce, enfin, les Slaves, vaincus sous le règne
précédent, étaient unis à l'Empire. Les Erzerites et les Milinges
eux-mêmes semblent traverser une ère pacifique. Bien plus, les
Slaves illyriens, Serbes, Croates. Dalmates, menacés à cette
époque par les Arabes d'Occident, déjà maîtres d'une partie
de la Sicile, commencent, dès l'avènement de Basile, à se
repentir d'avoir trop vite, au vni*^ et au début du ix" siècle,
secoué le joug impérial et profité de l'affaiblissement de
Byzance pour rejeter le baptême chrétien^. L'heure ne va pas
tarder où ces populations elles-mêmes viendront redemander
à Basile aide et protection : suprême revanche des choses dont
il se gardera bien de ne pas profiter ! C'est en Italie, qu'en fait,
la situation est la plus grave vers 866. Au cours du ix'' siècle,
Venise, d'une part, s'est déclarée indépendante de Byzance et
cette grande place commerciale et stratégique est perdue pour
l'Empire. Les Carolingiens, d'autre part, sous le gouverne-
ment de Louis II ont pris possession du sol italien. Relégué
au delà des monts par ses frères, le petit-lîls de Charlemagne
1. Tournebize, p. 318. Brosset, Collect. d'Iiistor. arméniens, 1. 1.
2. Vasiljev, 11, p. 6. Tournebize, 219.
3. Rambaud, op. cit., p. 5oo-5oi.
4. Vit. Basil., \c\ii, p. 36o.
5. Vit. Basil., lu, p. 3o4-
ET L EMPIRE BYZANTIN 3l7
entend, du moins, être maître de cet état qui désormais lui
appartient et. ce qu'il cherclie surtout, au cours de son règne,
c'est à faire respecter son autorité suzeraine. Gliasser les
Musulmans, protéger les rives de la Méditerranée, c'est donc
là pour lui un devoir auquel il ne peut se soustraire et pour
raccomplissement duquel il lui faudra le secours de son con-
frère oriental K Mais ce dernier aussi a des intérêts dans Fltalie
méridionale : il y a encore des possessions comme la Galabre
et la terre d'Olrante ; il y avait des provinces et des villes qu'il
a perdues, mais qu'il espère reconquérir: il y a surtout la
Sicile qu'il ne veut, ni ne peut abandonner. Cette dualité
d'intérêts va créer entre les deux souverains de perpétuels con-
llits que les princes lombards comme les ducs de Naples se
chargeront d'exploiter à leur plus grand profit. Si jamais le
contlit n'alla jusqu'à la guerre, il n'en est pas moins vrai —
on le verra bieiitôt — qu'il a singulièrement affaibli l'un et
l'autre souverain.
Si donc, en somme. Basile, à son avènement, est en excel-
lente posture, pour commencer la lutte contre l'Islam, c'est
pour lui chose très heureuse, car le danger devient de plus en
plus menaçant. Vers 866 l'Asie, en vérité, est relativement
calme "-. Byzance a maintenu depuis l'Empereur Théophyle ses
positions extrêmes et les Pauliciens qui, pour lors, s'orga-
nisent, ont pu commettre déjà de vastes déprédations, ils
n'ont encore rien arraché d'essentiel aux frontières orientales.
Mais il n'en va pas de même en Occident. Là, les pertes de
l'Empire byzantin sont considérables. La Sicile, à l'exception
de Syracuse, de Taormine et de quelques autres places, est aux
mains des Arabes qui ont établi leur quartier général à Palerme.
Dans l'Italie méridionale, la situation n'est pas meilleure.
Depuis la prise de Palerme par les Arabes, la mer Tyrrhénienne
est perdue pour les Byzantins et. faute de secours, leurs anciens
vassaux du littoral campanien se sont tournés du côté de l'Em-
pereur franc. Mais, d'autre part, on peut saisir, vers cette
époque, dans l'histoire arabe certains traits qui indiquent un
état de crise intérieure. Les califes, en effet, n'ont plus le haut
prestige des temps passés. Les dynasties se succèdent avec
I. Gay, p. -\.
a. Léon Graiiiiii., 1072.
Ol8 BASILE I
rapidité : les gouverneurs, comme Touloun crEgyptc. tendent
à devenir indépendants et font la guerre à leurs frères des
provinces voisines ^ Arabes d'Egypte et Aglabites d'Afrique
luttent entre eux; Aglabites et Berbères se font de même la
guerre ; les Omniades d'Espagne en fièvre de conquêtes et
d'organisation intérieure ne prennent qu'une part assez indi-
recte aux incursions musulmanes en Sicile et en Italie. Ce
sont là des faits qui vont faciliter la tâche de Basile I'"'.
Affaires d Italie (867-871). — Lorsque l'Empereur monte sur
le trône, les Arabes, déjà maîtres de Bari, étaient en train de
s'implanter solidement sur les côtes dalmates. Leur flotte com-
mandée par Mupharih Ibn Salim Kalphun et Saba - avait con-
quis sous le règne de Michel IIL Cattaro, Youtora. Bôsa^ et, en
cette année 866 867. elle commençait l'attaque de Raguse. Si la
ville tombait entre les mains de l'ennemi, c'en était fait de la
Dalmatie. Aussi, la résistance fut-elle acharnée. Elle dura
quinze mois, jusqu'au jour où, à bout de forces, les habitants
se tournèrent vers Basile pour lui demander secours et protection.
C'était en 867 ^. Quelques mois plus tard, probablement au début
de 868, cent « chelandia » commandés par le patrice et dron-
gaire Nicétas Oryphas, arrivaient dans les eaux d'Occident.
Devant ce renfort inattendu, les Arabes durent lever le siège.
L'intervention ofQcielle de Basile, en cette année, allait singuliè-
rement changer, pour ini temps, la politique méditerranéenne
des peuples riverains ^,
Pendant que ces graves événements se passaient sur la côte
dalmate. en Italie, la situation se compliquait déplus en plus.
D'une part, l'anarchie la plus complète régnait au sein des
petits Etats italiens. Chacun luttait pour ou contre quelqu'un,
donnant ainsi aux Arabes toute facilité de s'emparer ou de
dévaster les pays qui leur agréaient^. D'autre part, dès l'été de
867, Louis 11. confiné en Italie par ses frères, s'empressa de
1. \asiljcv, II, p. i'}..
a. IhkL, p. i3 et note 3. ML Basil., lui. p. 3o5 : « Soidanos, Samba. Kal-
phos. »
3. L'actuelle Budua. Uosa encore aujourd'hui.
4. Ibid., p. i-'i. Vit. Basil., lui, p. 3o5.
5. Ibid. Cf. pour la critique des sources sur loule cette période, (Jay, op.
cit., p. 91 et seq.
5. 17/. Basil., l\, p, 3o8.
Kl L EMPIRE B\ZVMIN
,) I ()
répoiiclic il la demande de secours que lui adressèrent les
Italiens et lui-même s'en vint, personnellement, lutter contre
les Musulmans, maîtres de Bari. Plusieurs échecs successifs
lui firent aisément comprendre qu'il n'agirait avec fruit qu'au-
tant qu'une Hotte attaquerait de son coté la citadelle musul-
mane. Aussi, en 868. les relations longtemps interrompues
reprirent-elles entre les cours franque et byzantine pour abou-
tir à un accord qui faillit engendrer la guerre K Basile, en
effet, se rendait bien compte de son côté que pour arrêter les
progrès des Arabes il fallait des troupes nombreuses, armée et
flotte. Aussi prit-il lui-même l'initiative de l'alliance dans
laquelle devaient entrer le Pape. Louis 11 et lui-même. Les
Slaves furent immédiatement réquisitionnés pour soutenir la
guerre -. Malheureusement l'armée promise par Basile arriva
devant Bari trop tard pour servir au Carolingien qui s'était
retiré déjà du côté de Yenosa ne voulant pas affronter avant
l'hiver les chances d'un définitif assaut. L'Empereur byzantin
fut, naturellement, assez mécontent de la chose. L'amiral
Mcétas s'en alla dans les eaux de Corinthe. sans doute pour
être à proximité de la Sicile, furieux de son infructueuse tenta-
tive 'K Néanmoins la rupture ne fut pas consommée. L'alliance
allait même se raffermir quelques mois plus tard. Pendant ce
temps, les Musulmans de Sicile s'agitaient plus que jamais.
Si Basile P' n'était point satisfait de la conduite de son collègue
d'Occident et, moins encore, de ses progrès en Italie, il ne
pouvait songer à l'attaquer, car tout son effort devait tendre à
arrêter les conquêtes arabes en Sicile. C'est même, probable-
ment, autant pour venir secourir les Grecs de l'île que pour
aider Louis lia Bari que sa flotte arriva au mois de mars 868
en Occident. Défaite une première fois du côté de Syracuse
par le gouverneur arabe Kaphadja, la flotte byzantine assista
encore au printemps de 869, impuissante, à l'attaque de Syra-
cuse. Mais la ville, heureusement, tint bon. Le i5 juin, elle
était sauvée grâce à la mort de Kaphadja qui tombait, assas-
siné par un Arabe payé, probablement, par les Grecs*. Son
fils. Mohamed, lui succéda et régna deux années durant : à son
I. (îay. op. cil., S\).
:>.. Vit. Basil., ch. lv. p. 3<k).
3. (lay, o/>. cil., p. 89.
'4. \aslIjov. II. p. ■>.>..
320 BASILE I
tour, il fut tué par ses eunuques, le 27 mai 871. Si son règne
n'avait pas été aussi brillant que celui de son père, cependant,
c'est sous son gouveinement que le 29 août 870 Malte, à son
tour, tomba aux mains des Arabes, privant ainsi Byzance du
seul point de ravitaillement solide qui lui restât pour appro-
cher de la Sicile'. En de telles conjonctures. Basile et Louis II
n'avaient qu'une politique à suivre : celle de l'alliance. Les
pourparlers interrompus en 868 reprirent donc sur les mêmes
bases, mais, semble-t-il, avec plus de solennité. Une ambas-
sade fut envoyée par Louis II à Basile. Elle avait à sa tête Anas-
tase le Bibliothécaire. On sait en quelle fâcheuse disposition
elle trouva l'Empereur pour lors déjà presque brouillé avec les
légats romains, assez triste complice, au surplus, d'une indé-
cente violation des archives pontificales. Néanmoins, la mis-
sion occidentale avait trop d'importance aux yeux de Basile
pour qu'il ne lit pas taire tous ses ressentiments et rendre
justice aux légats. Il était, de plus, indispensable qu'on ne pût
pas douter en d'aussi graves affaires de la parole du Basileus -.
— Que voulait, en eflet, Louis II en envoyant à Constantinople
ses ambassadeurs:' Peut-être — ce qui n'est pas sûr — désirait-
il sincèrement le mariage de Constantin et de sa fdle, Irmin-
garde ; ce qui l'est beaucoup plus c'est qu'il tenait à expliquer
sa conduite devant Bari-^ pour éviter une rupture et à sceller
une alliance dans laquelle entreraient le Pape, le Basileus et lui-
même et que Basile avait le premier sollicitée *. Malheureuse-
ment, ces pourparlers diplomatiques furent sans lendemain.
La fin agitée du concile, l'aventure des légal s à leur retour en
1. \asiljev, 11, p. 24.
2. On Yoit ici de très claire façon tout l'encliainemcnt logique des événe-
ments. Basile et Louis ont besoin l'un de l'autre en ces années. Basile veut
reprendre pieds en Italie ; Louis veut y gouverner en maître. Pour arrivera
ses fins — comme pour les raisons que nous avons dites au chapitre précé-
dent — l'Empereur de Byzance tient à être en excellents termes avec le
Pape. Le Concile s'ouvre. Pholius est condannié. ("est sur ces entrefaites
qu'arrive la mission franque présidée par Anastase. Pour sceller leur union,
les deux souverains ^ont marier leurs enfants ; mais les événements d'Italie
arrêtent bientôt les négociations. On comprend donc bien pourquoi Anas
lase fait sonner très haut, après le vol des papiers, que la loyauté du Basi-
leus est en jeu. 11 s'agit, en réalité*, d'une question plus gra\e que de docu
ments détournés. Il s'agit de savoir si l'on peut conqiter sur la parole du
souverain byzantin,
3. (iay, op. cit., p. go.
4. VU. Basil., ch. i,ui-ia. p. ;m.ô-.So8. (ia>. o/;. cil., ibid.
ET l'empire byzantin 321
Ilalic, les défaites de la flotte grecque en Sicile, peut-être,
eiiliu, les menaces d'une prochaine guerre en Orient, et sur-
tout la question du titre impérial qu'avait pris Louis II, ame-
nèrent la rupture des fiançailles projetées et retardèrent de
plusieurs années l'action décisive rêvée par Basile.
Ces événements n'empêchèrent pas pour autant Louis II
de continuer ses campagnes en Italie. En cette même
année 870 il est de nouveau sous les murs de Bari tandis
qu'il envoie à la Calabre septentrionale menacée, une petite
armée que défit l'Emir d'Aman tea *. Mais le grand fait
militaire de toute cette période est la prise de Bari et de
son émir par les troupes impériales (2 février 871). Ce succès
eut un grand retentissement en Orient aussi bien qu'en Occi-
dent. 11 préparait la délivrance de l'Italie et apprenait aux
chrétiens à ne plus craindre riiifidèle. Mais pour achever et
rendre complète la victoire, il importait que Tarente aussi fut
reprise aux Musulmans et, pour cela, Louis II n'avait pas de
flotte. Les seuls vaisseaux qui sillonnaient la mer étaient ceux
du patrice Georges, trop peu nombreux pour attaquer par mer
une ville qui était en rapports constants avec les Arabes de
Sicile. Il fallut donc essayer de renouer les relations byzan-
tines interrompues depuis la fin du concile et ce fut Louis II
qui, cette fois, fit la première avance ; mais Basile avait pour
lors d'autres soucis. Très mécontent d'Anastase — on se le
rappelle, — et de son ingérence dans les affaires ecclésias-
tiques, il était par là peu disposé déjà à écouter de nouvelles
ouvertures de la part des Francs ; les conquêtes de Louis II en
Calabre, les succès qu'il avait remportés sans le secours de
Byzance n'étaient point faits non plus pour l'amener à prêter
assistance à cet Occidental qui, seul, avait des chances d'en
profiter ; enfin, chose plus grave, à cette date, la polémique de
Basile et de Louis au sujet du titre impérial battait son 'plein.
Au lendemain du concile, probablement. Basile envoya, peut-
être par l'intermédiaire d'Anastase, une lettre aujourd'hui
perdue à son confrère d'Occident pour lui interdire de porter le
litre d' « Empereur des Bomains » que Photius, habile cour-
tisan, lui avait décerné dans l'espérance de l'attirer à son
parti et de lui faire prêter la main à la déchéance du Pape qu'il
■i\
32 2 BASILE I
avait, comme on sait, solennellement prononcée ^ L'affaire
avait eu son écho au concile : elle avait même contribué à
envenimer les rapports entre les cours franque et byzantine et
c'est pour répondre à tout ce qui s'était dit et fait que Louis II
expédia immédiatement après la prise de Bari, en 87 1 , sa fameuse
réponses Basile'-. On conçoit dès lors que cette lettre, œuvre
plutôt de controverse que de politique, ne dut guère agréer à
l'Empereur. Elle nétait point faite pour préparer une alliance.
Du reste, indépendamment de tout cela, Byzance ne pouvait
consentir au partage que proposait Louis 11. Donner la mer
aux Grecs et l'Italie aux Francs, en échange de quoi ces der-
niers aideraient les troupes byzantines à recouvrer la Sicile,
c'était là un rêve qu'il était loisible à l'Empereur d'Occident
de faire, mais que l'Orient ne sanctionnerait pas. Si Basile
combattait en Italie, c'était, évidemment, pour rester en pos-
session non seulement de la Sicile, mais des provinces d'Italie
qu'il n'entendait point abandonner au profit de son rival,
presque son ennemi.
Mais ces motifs d'ordre privé n'étaient pas les seuls. Le vou-
lût-il, il eût été difficile à Basile d'aider efficacement Louis II en
Occident. Précisément en cette année, un ennemi plus proche
et autrement redoutable, le chef des Pauliciens, Chrysochir.
venait, en effet, d'envoyer à Byzance un ultimatum qui était
pour Basile un véritable outrage^. 11 fallait de toute nécessité
concentrer au plus vite politique et armées en Orient. De l'Italie,
il ne pouvait plus être question. Seule une flotte, sans doute
celle du thème, demeura dans les eaux byzantines laissant
Louis II aux prises avec les pires difficultés.
Basile elles Pauliciens. — C'est, en effet, quelques mois après
la prise de Bari, au printemps de 871, que Basile dut entrer en
campagne contre les Pauliciens. Cette secte religieuse avait
voué à l'Empire une haine implacable depuis l'époque où
Théodora avait cherché à les convertir en les faisant massa-
1. riay, p. 86-88. Xcamnoins ce ne dut être évidemmeni qu'après le sacre
de Louis par Hadrien 11 à Rome que le roi franc dut vouloir porter un
litre que son frère lui avait laissé en mourant. On sait, en tous cas, par ce
que nous avons dit au chapitre précédent, que les lettres d'Hadrien II, lues
au Concile, donnaient à Louis le titre d'Empereur.
2. Ibid. Cf. pour le texte de la lettre Hlst. de la France, t. Vil, p. 578.
3. Vasiljev, 11, 28.
ET l'empire byzantin 323
crcr. Ils s'en étaient allés en grand nombre au delà des fron-
tières byzantines, avaient fondé plusieurs villes, entr' autres
Tephrice, et aidés des Arabes avec lesquels ils avaient con-
tracté alliance, dévalisaient les thèmes-frontières, attaquaient les
forteresses extrêmes de l'Empire et semaient partout sur leur
passage la ruine et la désolation, Au début du règne de Basite I",
le chef des Pauliciens, Ghrysochir, gendre et neveu de karbeas
tué par les Grecs en 863', envahit le territoire byzantin, s'en
vint jusqu'à Mcomédie et à Nicée, aux portes de Byzance, s'en
alla par le thème des ïhracésiens jusqu'à Ephèse, ruinant tout,
sans, nulle part, trouver de résistance sérieuse-. Ces incur-
sions répétées décidèrent Basile à envoyer dès 869 Pierre de
Sicile à Tephrice pour essayer de conclure la paix avec Ghryso-
chir ■'. Gette ambassade dura neuf mois. En 870, Pierre de Sicile
était de retour à Gonstantinople, apportant à l'Empereur la certi-
tude que les Pauliciens faisaient en Bulgarie une active propa-
gande religieuse ^ et une réponse insolente aux propositions de
paix de Basile. Gelle-ci. en effet, n'était autre que le démembre-
ment de l'Empire. Ghrysochir réclamait pour lui toute l'Asie
Mineure"". Gette proposition était un affront à la majesté impé-
riale. Basile comprit qu'il n'avait plus qu'à commencer la
guerre. Dès le printemps de 87a, laissant de côté les affaires
d'Italie, il partait en personne à la tête d'une grande armée
contre les Pauliciens et se dirigeait sur Tephrice. Il estimait,
dit son petit- fils, qu'il était de son devoir de souverain
d'aller lui-même au devant du danger qui menaçait son
peuple '•. Le succès de cette première campagne fut lamen-
table pour Basile. Battu par les Pauliciens, il n'échappa à la
1. \asiljev, i, 202. Cf. Sur Ghrysochir, le Contra Munich. Patrol., cii, p. 84-
2. (icnesios, 11 45. ^ asiljcv, 11, p. 26.
3. L'ambassade del^ierrc de Sicile comme ton le l'histoire des Pauliciens à
cette époque, nous est connue par la continuation de Georges llarmatole,
par l'histoire de Pierre de Sicile, l'ouvrage de Photius sur les Manichéens et
le fragment de l'Escurial publié par Friedrich. L'autorité de ces diverses
sources a été vigoureusement attaquée par Karapet Ter-Mrkttschian et Frie-
drich et défendue par Conybeareet Ehrhardt. Les arguments donnés par ces
deux derniers érudils paraissent, sinon absolument probants, du moins suf-
fisamment solides, pour (|ue, juscpi'à plus ample informé, on continue à
utiliser ces documents et à tenir pour authentique la mission de Pierre de
Sicile chez les Pauliciens. Cf. \ asiljcv, 11, 27 et seq.
\. Migne, VA\ , p. 1242.
5. Vasiljev, n, 28-29. Genesios, ii48.
6. Vit. Basil., ch. xwvu, p. 381.
32 4 BASILE I
captivité que grâce à ïhéophylacte. père du futur Empereur
Romain^. Tout le résultat de cette première guerre consista
dans la destruction de quelques forteresses comme Avara,
Spathi, Koptos ^ et, l'année suivante, dans une nouvelle
attaque de Chrysochir qui s'aA ança jusqu'à Ancyre détruisant
tout sur sa route. Il rentra dans ses Etats avec de grandes
dépouilles 3. L'Empereur comprit qu'il n'avait point de temps
à perdre. Tandis qu'à Gonstantinople, il s'occupait des affaires
de l'Empire et s'en allait dans les Eglises prier Dieu et ses saints
qu'il ne mourût pas avant d'avoir vu la mort de Chrysochir et
« d'avoir eu la joie de lui planter trois flèches dans sa tête
impure »*, il envoyait dès 872 son gendre, le domestique des
scholes, Christophore '^, contre son ennemi. Celui-ci, comme
précédemment Basile, s'avança jusqu'à Tephrice ; mais cette
fois il fut plus heureux que son maître. Il remporta sur les
Pauliciens une éclatante victoire. Tephrice fut prise et détruite
jusques en ses fondements. D'autres forteresses^ à leur tour,
subirent le même sort. La puissance paulicienne était sérieuse-
ment atteinte. Le grand mérite de Christophore, en cette déci-
sive campagne, fut de comprendre que rien de durable ne serait
accompli en Orient tant que l'Empereur ne serait pas maître
de Chrysochir lui-même. C'est pourquoi profitant de l'avantage
que lui donnait la victoire, il se décida à poursuivre les der-
niers restes de l'armée ennemie. Chrysochir était entré dans le
thème de Charsian et campait à Agrana, tandis que le domes-
tique des scholes, avec le gros de ses troupes, s'était cantonné
à Siboron*\ Le plan de Christophore fut rapidement conçu.
Ordre fut donné aux stratèges des Arméniaques et de Charsian
de poursuivre Chrysochir jusqu'à Bathyrrhax, puis de revenir
s'il s'enfuyait au delà". Si, au contraire, il attaquait les fron-
tières, ils devaient immédiatement en avertir le domestique.
Grecs et Pauliciens se rencontrèrent dans la plaine située au
pied du Zôgoloenos ^. Là, au milieu de la nuit, seize cents
I. Sym. Mag., viii, 70^^. (ieorges Moine, 1076.
3. Vit. Basil. , xxxvii, p. 28^.
3. Genesios, 11 48.
4. Vit. Basil., ch. xli, p. 288.
5. Sym. Mag., viii, 702. Vit. Basil., ch. xLi, p. 288.
6. Genesios, 11 48.
7. Vit. Basil., xli, p. 288.
ET l'empire byzantin 320
hommes choisis parmi les doux armées byzantines, atta(| lièrent
subitement les troupes de Clirysochir. Les Pauliciens ignorant
le nombre des combattants, prirent peur et s'enfuirent, pour-
suivis parles Grecs jusque près de Sébaste*. La déroute était
complète. Elle fut définitive grâce au hasard qui permit à un
Grec du nom de Pouladis. captif depuis la défaite de Teplirice,
de s'approcher de Ghrysochir et de le percer de sa lance-. Mal-
gré les efforts d'un de ses compagnons, plus tard célèbre comme
défenseur de l'Empire, Diaconitzès, le chef paulicien ne put
être délivré. Les Byzantins s'en emparèrent, le décapitèrent et
l'envoyèrent à Basile -^
La victoire de Ghristophore n'était pas l'œuvre de Basile.
Celui-ci, cependant, soit pour frapper l'imagination des foules,
soit par vanité personnelle, se décerna tous les honneurs du
triomphe. Quand il apprit la a ictoire du domestique, il était à
Petrion auprès de ses tilles*. Tout de suite, il revint au palais
de Hieria et s'apprêta à faire dans sa capitale une entrée solen-
nelle. On était à l'automne de 872.
Basile et les Arabes. — L'immense succès des armées byzan-
tines eut, naturellement, en Orient, le plus douloureux reten-
tissement. C'était la première fois depuis de bien longues années
que les Basileis étaient si complètement vainqueurs. Les Arabes
pouvaient, à juste titre, se demander quel sort leur était réservé.
Par les victoires de Basile, en effet, parla destruction deTephrice
et des autres places pauliciennes, la limite de l'Empire s'éten-
dait désormais jusqu'au haut Euphrate. Les Grecs n'allaient-ils
pas profiter des révolutions qui affaiblissaient l'Empire arabe
pour prendre l'offensive et ruiner l'autorité déjà très affaiblie du
califat? Cette perspective resserra les liens qui unissaient Arabes
et Pauliciens, et décida effectivement Basile à commencer immé-
diatement la guerre contre les Arabes. L'Empire, en effet,
ne pouvait être en sécurité tant que les Musulmans tien-
draient la ville de Mélitène qui marquait la limite extrême
de l'Empire du côté de l'Orient. Profitant donc des discordes
qui divisaient les Abbassides, Basile entra en campagne dès
1. Vit. Basil., xlii, p. 289.
2. Ibid., \Lin, p. 289.
3. Ibid., xLiii, p. 292,
4. Ibid., XLiii, p. 292.
326 BASILE I
873. Comme en 871, il prit la direction des armées et se dirigea
sur Mélitène. Le plan stratégique de l'Empereur était très sage.
Sachant qu'à Mélitène la résistance serait acharnée, il résolut de
commencer par s'assurer certains points importants pour s'en
servir comme d'une base solide d'opération. Zapetra, au sud-
ouest de Mélitène, fut d'abord conquise par une partie de
l'armée. Les Grecs y délivrèrent beaucoup de chrétiens captifs
et remportèrent un grand butina De là, on se dirigea contre
Samosate qui fut enlevée aux Arabes et l'on franchit l'Euphrate -.
Basile n'avait pas pris part à ces premiers exploits. Il était resté
à Keramision. Partant alors avec toutes ses troupes, il se porta
directement sur Mélitène. On était en plein été. La chaleur était
torride et les eaux du fleuAC très hautes. Il fallut rapidement
construire un pont. L'Empereur, paraît-il, travailla comme les
autres soldats, portant lui-même sur ses larges et solides
épaules de très lourds fardeaux -^ Tout d'abord les efforts de
Basile furent couronnés d'un plein succès. Kapsakion, dans le
voisinage de Mélitène, fut pris à l'ennemi ainsi que quelques
autres forteresses du côté de l'Euphrate que conquirent les
thèmes de Ghaldée et de Colonée. Les Grecs firent un grand
butin et beaucoup de captifs tombèrent en leurs mains ; mais
contre Mélitène, Basile ne put rien. Il fut battu par Achmed Ibn
Muhammed al Kabuc qui lui tua même un de ses premiers géné-
raux. Pour voiler sa défaite, Basile, à son retour, envahit de
nouveau le territoire paulicien, détruisit quelques forteresses,
paya généreusement ses soldats et fit une seconde entrée triom-
phale à Gonstantinople *. Mais, en vérité, Basile n'était pas heu-
reux quand il voulait agir par lui-même !
Halle et Sicile. — Ces événements, avec leurs alternatives de
revers et de succès, avaient trop constamment occupé Basile
pour qu'il pût, même de loin, songer aux choses d'Italie. Et
cependant, la situation devenait de plus en plus grave, aussi
bien pour l'Empereur byzantin que pour son collègue l'Empe-
reur d'Occident. Celui-ci, en effet, malgré ses victoires sur l'es
Arabes et les services qu'il avait rendus par là à tous les princes
1. Vit. Basil., ch. xxxix, p. 284.
2. Ibid.
3. Ibid., XL, p. 285.
4. Ibid., XL, p. a88.
ET L EMPIRE BYZANTIN 827
chrétiens, ne tarda pas à se trouver en très critique posture par
suite des excès ((ue commettaient en Italie son armée et son
gouvernement. Les princes de Bénévent, deSpolète, de Salerne,
de Naples, presqu'au lendemain de la victoire de Bari s'insur-
gèrent contre leur suzerain. En août 871, Louis II, tout victo-
rieux qu'il fût, était pris à Bénévent comme dans un piège. 11
était captif d'Adelchis. On devine l'impression que fit en Italie et
chez les \rabes une pareille affaire. Le résultat en fut, immédia-
tement, une nouvelle attaque des Sarrasins contre l'Italie. L'Em-
pereur y gagna, en vérité, la liberté, mais entre lui et son vas-
sal de Bénévent la rupture était consommée. Adelchis n'eut plus
d'autre ressource que de se tourner vers Byzance pour lui
demander secours et protection. Gela se passait en 878. Le coup
était fatal pour Louis II. Par là, malgré son triomphe de Bari,
toute la politique du Carolingien avait échoué. Du reste, l'heure
de sa mort n'était plus éloignée. Le 12 août 875 il s'éteignait à
Brescia, tandis que Basile, profitant des circonstances,
envoyait le patrice Grégoire comme stratège à Otrante pour y
surveiller le cours des événements.
Durant l'année 872, Basile tout occupé par la guerre contre
les Pauliciens avait singulièrement négligé ses possessions de
Sicile. Les Arabes, heureusement pour lui, se débattaient dans
d'inextricables difficultés civiles dont, régulièrement, les gou-
verneurs payaient les frais en se faisant assassiner. Cet état de
choses explique bien pour quelles raisons les Grecs siciliens
vécurent en une paix relative et ne perdirent aucune des villes
qui se trouvaient encore en leur pouvoir. Mais, si les Arabes
siciliens n'agirent guère alors, ceux de Tarse et de Crête, par
contre, plus forts et plus unis que les autres, reparurent dans
l'Adriatique. Dès qu'un centre arabe se croyait assez fort, on
était sûr de voir son gouvernement se lancer dans quelque
aventure. Tel fut, par exemple, le cas de l'Emir de Tarse. Osman
ou Esman ('Eo-ijLâv) ' qui, vers cette époque, profitant des pre-
miers succès arabes en Illyrie. s'en vint assiéger à l'improviste
les côtes de la Grèce. En mai 872, en effet, les Arabes dévas-
taient les côtes d'Illyrie et s'avançaient jusqu'à l'île de Brazza.
au sud de Spalato. En rentrant chez eux, pourtant, une désa-
gréable surprise les attendait. Subitement, ils se trouvèrent en
I. F/7. Basil., li\, p. 3i3.
328 BASILE I
présence de la flotte de Nicetas Oryphas qui, probablement^
était demeurée sur les côtes de Grèce depuis l'année précédente.
La légère défaite que leur fit subir le commandant des forces
byzantines, n'était pas pour les décourager. Au lieu de s'en aller
sur les côtes d'Ulyrie, les Arabes, commandés par un certain
Photius^ se précipitèrent sur celles de Péloponèse '-. Fatras.
Pylos, Gorinthe souffrirent de leurs déprédations. Mcetas était
alors établi à Genchrée^. Par une heureuse inspiration, au lieu
de tourner la presqu'île pour rejoindre la flotte sarrasine au cap
Malée où se trouvait son point d'attache, il fit clandestinement
passer troupes et vaisseaux par terre et, tout à coup, se pré-
senta devant l'ennemi*. Les Arabes furent vaincus. Leur flotte
fut ou brûlée ou coulée, l'équipage décimé, la Grête dut payer
pendant dix ans tribut à l'Empereur. Pour heureuse qu'eût été
cette expédition, elle n'en était pas moins la preuve certaine du
danger qui ne cessait de menacer les Byzantins de Grèce, d'Ita-
lie, de Sicile. En fait, la Méditerranée était au pouvoir des
Arabes et toujours on pouvait craindre de nouvelles surprises.
Aussi, dès que Basile, entre 874 et 876, eut terminé sa campagne
d'Orient, songea-t-il à tirer parti de la situation pour prendre
solidement pied dans la Méditerranée et se garder contre toute
nouvelle insurrection des Arabes de Grète. Une île mi-grecque,
mi-arabe» parut lui offrir le point stratégique qu'il désirait.
G'était Ghypre. Nous n'avons aucun détail précis sur la façon
dont il occupa l'île et sur l'époque exacte de la campagne mili-
taire qui la lui fit gagner ; nous savons seulement que, durant
sept années, il put y établir un stratège. Malheureusement, les
Ghypriotes grecs ne secondèrent d'aucune façon les efforts de
Basile. Assez heureux sous la domination arabe, ils sentaient
peu le besoin de changer de régime. Ghypre retomba donc au
pouvoir des Sarrasins jusqu'à l'époque de Nicéphore Phocas '\
Sur la côte d'Italie, àOtrante, Basile P' eut aussi, à cette même
date, une heure de brillant succès. Il avait été très heureux
dans la nomination du patrice Grégoire comme (( bajulus » et
1. Vit. Basil, lx, p. 3i6.
2. Ibid.
3. Ibid., Lxi, p. 3i6.
4. Ibid.
5. Cf. pour l'histoire do Chypre à celle époque ; Grégoire, Vit. S. Deme-
triani.
ET l'empire byzantin 829
stratège du thème. C'était un homme actif, entreprenant et
fort habile diplomate. Une fois dans son gouvernement, après
avoir reçu la soumission dWdelchis, il réussit, les incursions
arabes aidant, à réveiller autour de lui les anciennes sympa-
thies byzantines et à ramener dans son orbite les Lombards
d'Apulie. Ceux-ci. à l'exemple d'Adelchis, firent leur soumis-
sion à Byzance et ouvrirent au stratège les portes de Bari. Ces
faits se passaient en 876, probablement le 25 décembre K Cette
pacifique prise de possession était pour Byzance d'une haute
importance. Le stratège en venant s'installer à Bari, qu'il
fortifia tout de suite, commandait par sa flotte et son armée
l'Adriatique et l'Italie méridionale. La soumission des Slaves
illyriens, de l'autre côté de la mer, achevait de faire de l'Adria-
tique presque « un lac byzantin ». Malheureusement, ce succès
pouvait-il à peine être enregistré à Constantinople que déjà, il
fallait annoncer au Basileus de nouveaux et irréparables
malheurs .
Après la mort de Louis II, les Arabes de Sicile commen-
cèrent à se réveiller. L'instant leur parut sans doute favorable
pour tenter de reprendre l'action offensive qui leur avait
jusqu'ici assez bien réussi. ïarente leur restait en Italie comme
point stratégique important. Leur gouverneur, Osman, partit
donc en campagne, sans doute dès la fin de 876 et ravagea
épouvantablement le pays-. £11876, la situation devint tout à
coup très grave par suite de la conduite d'Adelchis qui, pour
garder son indépendance, joua avec Grégoire le même jeu
qu'avec Louis IL Abandonnant Byzance, il se tourna du côté
des Arabes et fit la paix avec ces derniers. De ce fait l'Italie
entière, à commencer par Rome, était menacée. Jean VIII, en
présence du danger, s'empressa d'écrire à Charles le Chauve
pour le supplier de venir à son secours et à celui des chrétiens.
Les deux lettres datées de 87G et 877 qui nous sont parvenues
font un tableau navrant des massacres, des incendies, des
déprédations de toutes sortes qu'eurent à subir les habitants
au cours de ces années ^. Malheureusement, pour agir avec effi-
cacité, il aurait fallu de l'union et c'était la chose qui existait
le moins entre les principautés chrétiennes de la presqu'île.
I. Gay, op. cit., p. 1 10 et note 3.
'i. Gay, op. cit., p. 109 et seq.
3. Gay, op. cit., p. 117.
332 BASILE I
onnemis de Byzance, Pauliciens et Arabes, de la puissance des
armées de Basile, Du reste, d'autres et plus importants triom-
phes attendaient les généraux byzantins entre 878 et 879 sur le
sol de rOrient, après la chute de Syracuse. Profitant peut-être
du désastre d'Occident, un chef arabe du nom d'Abdalah Ibn-
llachid Ibn-kaous envahit avec quatre mille hommes le sud
de la Cappadoce. Il ravagea le pays, à la façon des Arabes, mais
ne put prendre aucune forteresse. Bien plus, rentrant chez lui
avec un fort butin, il fut tout à coup attaqué par une petite
armée composée de soldats de Séleucie, de Karydion, de Char-
sian et de deux autres forteresses appelées par les Arabes
Koura et Kaoukaba. Le général André qui paraît avoir com-
mandé ces troupes s'empara d'Abdalah et l'envoya comme
prisonnier à l'Empereur qui le rendit bientôt au gouverneur
de Tarse Achmed Ibn-Touloun. C'était un premier gage de
meilleure fortune ^
Ces succès enhardirent les stratèges grecs. Dès le mois
de janvier 879 ils partirent pour Adana et pour Al Musala
avec 3o.ooo soldats, combattirent les Arabes auxquels ils
firent subir des pertes sérieuses et emmenèrent captif le gou-
verneur du pays. Basile, malgré ces éclatants triomphes, n'était
que médiocrement satisfait. Le rôle assez effacé qu'il jouait ne
lui plut sans doute guère, d'autant que pour un parvenu de
date assez récente, il y avait quelque danger à laisser d'autres
hommes se couvrir de gloire sans que lui-même y prît part 2.
C'est pourquoi Basile en personne, suivi de son fils Constantin,
reparut tout à coup en Asie, sans doute, comme le croit
Vasiljev ^, pour aller rejoindre l'armée des cinq stratèges. Cette
campagne aux frontières de Syrie fut un véritable triomphe.
Sous les coups des soldats byzantins plusieurs forteresses, occu-
pées par les Arabes, retombèrent au pouvoir de Basile. Succes-
sivement Psilocastellon et Paramocastellon furent prises et
détruites, Phalacron capitula d'elle-même ; l'émir d'Anazarbe
Apabdele chercha à se sauver ; Endelekhone, Katasamas,
Andala, Erimosykea furent détruites*; enfin un des plus
1. Vasiljev, op. cit., p. G9.
2. Vit. Basil., xlvi, p. 298.
3. Vasiljev, op. cit., p. 71.
4. Ibid., p. 296. Psilocastellon ou Xylocastron ; Paramocastellon ou Phy-
rocastron ; Karba ou Endelekhone ; Ardala ou Andala (Ramsay, op. cit., 276).
ET L EMPIRE BYZANTIN oSo
redoutables adversaires de l'Empire, Simas. fameux par
ses attaques aux frontières de l'Empire, vint se réfugier
auprès de Basile'. Ln chef paraît surtout s'être distingué en
cette brillante campagne : ce fut André. Pour ses services,
il reçut de l'Empereur le titre de patrice.
Malheureusement, comme ce fut toujours le sort de Basile en
sa longue vie. il paya ses plus légitimes succès par de cruels
retours de fortune. Rentré vers la fin de 879 à Constantinople
pour y jouir du prix de son triomphe, il eut la douleur de
perdre Constantin dont plus jamais il ne se consola. Désor-
mais l'Orient aussi bien que l'Occident l'intéressèrent beaucoup
moins. A l'exception de quelques campagnes passagères, ses
soldats n'iront plus remporter de belles victoires sur terre et
sur mer et ce seront d'autres qui bénéficieront de ses patients
efforts et de sa sage politique. Au premier moment, du reste,
les exploits de ses généraux en Asie ne furent pas arrêtés par
la mort de Constantin, puisqu'au cours de 879-880 nous trou-
vons son armée en Mésopotamie combattant avec succès les
Arabes : mais ces victoires n'eurent aucun résultat pratique.
M en Syrie, ni en Mésopotamie où Grecs et Arabes subirent
de grandes pertes. l'Empire ne gagna de sérieux accroisse-
ments de frontières. Tout ce qu'il obtint ce fut une paix de
deux années. Le plus clair de tant d'efforts fut ilonc. sans doute,
de prouver aux ennemis que Byzance comptait toujours et qu'elle
avait un basileus qui. malgré ses défaites en Occident, était
de taille à tenir en échec tous ceux qui tenteraient d'entre-
prendre à son détriment quelque audacieux coup de main. Les
Arabes purent s'en rendre compte encore une fois en 883. Bien
que miné par le chagrin qui allait plus ou moins lui enlever
l'usage de la raison et le goût des affaires, comme au début de
son règne. Basile voulut retourner en personne guerroyer
contre Mélitène. Cette forteresse, indispensable pour lui en
tous temps, l'était plus encore depuis sa victoire contre les
Pauliciens. car c'était par elle surtout qu'il pouvait défendre et
organiser la conquête -. Mais pas plus en 88i> qu'en 870 Basile
1. Ibkl., ch. \LM, p. lîpti. Cf. Vasiljev. op. cit., p. 78 et Hirsch. op. cit.,
p. :î5i.
2. C'est bien ce que comprenaient aussi les Vrabes. Kodama nous dit. en
etTet : u C'est la seule forteresse qui pénètre bien avant dans le pays ennemi :
car tandis que les autres en sont sépai'ées par un défilé ou un col. Mclitène
332 BASILE I
ennemis de Byzance, Pauliciens et Arabes, de la puissance des
armées de Basile. Du reste, d'autres et plus importants triom-
phes attendaient les généraux byzantins entre 8-8 et 879 sur le
sol de l'Orient, après la chute de Syracuse. Profitant peut-être
du désastre d'Occident, un chef arabe du nom d'Abdalah Ibn-
Bachid Ibn-Kaous envahit avec quatre mille hommes le sud
de la Gappadoce. Il ravagea le pays, à la façon des Arabes, mais
ne put prendre aucune forteresse. Bien plus, rentrant chez lui
avec un fort butin, il fut tout à coup attaqué par une petite
armée composée de soldats de Séleucie, de Karydion, de Ghar-
sian et de deux autres forteresses appelées par les Arabes
Koura et Kaoukaba. Le général André qui paraît avoir com-
mandé ces troupes s'empara d'Abdalah et l'envoya comme
prisonnier à l'Empereur qui le rendit bientôt au gouverneur
de Tarse Achmed Ibn-Touloun. C'était un premier gage de
meilleure fortune ^.
Ces succès enhardirent les stratèges grecs. Dès le mois
de janvier 879 ils partirent pour Adana et pour Al Musala
avec 3o.ooo soldats, combattirent les Arabes auxquels ils
firent subir des pertes sérieuses et emmenèrent captif le gou-
verneur du pays. Basile, malgré ces éclatants triomphes, n'était
que médiocrement satisfait. Le rôle assez effacé qu'il jouait ne
lui plut sans doute guère, d'autant que pour un parvenu de
date assez récente, il y avait quelque danger à laisser d'autres
hommes se couvrir de gloire sans que lui-même y prît part 2.
C'est pourquoi Basile en personne, suivi de son fils Constantin,
reparut tout à coup en Asie, sans doute, comme le croit
Vasiljev ^, pour aller rejoindre l'armée des cinq stratèges. Cette
campagne aux frontières de Syrie fut un véritable triomphe.
Sous les coups des soldats byzantins plusieurs forteresses, occu-
pées parles Arabes, retombèrent au pouvoir de Basile. Succes-
sivement Psilocastellon et Paramocastellon furent prises et
détruites, Phalacron capitula d'elle-même ; l'émir d'Anazarbe
Apabdele chercha à se sauver ; Endelekhone, Katasamas,
Andala, Erimosykea furent détruites * ; enfin un des plus
1. Vasiljev, op. cit., p. 69.
2. Vit. Basil., xlvi, p. 298.
3. Vasiljev, op. cit., p. 71.
^. Ibid., p. 296. Psilocastellon ou Xylocaslron ; Paramocastellon ou Phy-
rocastron ; Karba ou Endeleklionc ; Ardala ou Andala (Ramsay, op. cit., 276).
ET l'empire byzantin 333
redoutables adversaires de l'Empire, Si mas, fameux par
ses attaques aux frontières de l'Empire, vint se réfugier
auprès de Basile ^ Un chef parait surtout s'être distingué en
celte brillante campagne : ce fut André. Pour ses services,
il reçut de l'Empereur le titre de patrice.
Malheureusement, comme ce fut toujours le sort de Basile en
sa longue vie, il paya ses plus légitimes succès par de cruels
retours de fortune. Rentré vers la fin de 879 à Constantinople
pour \ jouir du prix de son triomphe, il eut la douleur de
perdre Constantin dont plus jamais il ne se consola. Désor-
mais l'Orient aussi bien que l'Occident lïntéressèrent beaucoup
moins. A rexception de quelques campagnes passagères, ses
soldats n'iront plus remporter de belles victoires sur terre et
sur mer et ce seront d'autres qui bénéficieront de ses patients
efforts et de sa sage politique. Au premier moment, du reste,
les exploits de ses généraux en Asie ne furent pas arrêtés par
la mort de Constantin, puisqu'au cours de 879-880 nous trou-
vons son armée en Mésopotamie combattant avec succès les
Arabes ; mais ces victoires n'eurent aucun résultat pratique.
Ni en Syrie, ni en Mésopotamie où Grecs et Arabes subirent
de grandes pertes. l'Empire ne gagna de sérieux accroisse-
ments de frontières. Tout ce qu'il obtint ce fut une paix de
deux années. Le plus clair de tant d'efforts fut donc, sans doute,
de prouver aux ennemis que Byzance comptait toujours et qu'elle
avait un basileus qui, malgré ses défaites en Occident, était
de taille à tenir en échec tous ceux qui tenteraient d'entre-
prendre à son détriment quelque audacieux coup de main. Les
Arabes purent s'en rendre compte encore une fois en 882. Bien
que miné par le chagrin qui allait plus ou moins lui enlever
l'usage de la raison et le goût des affaires, comme au début de
son règne. Basile voulut retourner en personne guerroyer
contre Mélitène. Cette forteresse, indispensable pour lui en
tous temps, l'était plus encore depuis sa victoire contre les
Pauliciens, car c'était par elle surtout qu'il pouvait défendre et
organiser la conquête -. Mais pas plus en 882 qu'en 873 Basile
1. IbicL, ch. xLvi, p. 396. Cf. Vasiljev, op. cit., p. 78 cl Hirscli, op. cit.,
p. aSi.
2. C'est bien ce que comprenaient aussi les Arabes. Kodama nous dit. en
effet : « C'est la seule forteresse qui pénètre bien avant dans le pays ennemi ;
car tandis que les autres en sont séparées par un défilé ou un col, Vïelilène
33/i BASILE I
ne put réduire Mélitène. II fut obligé de lever le siège et pour-
suivi par les Arabes jusqu'à Sirica. C'étaient surtout les habi-
tants de Germanikia qui avaient aidé Mélitène à lutter contre
l'Empereur. Basile voulut se venger. En été de cette même
année, il franchit le Saros et s'en vint occuper Koukousos K
De là par des chemins qu'il fallait faire au fur et à mesure que
l'armée avançait, il se dirigea sur Germanikia qu'il voulait
punir et sur Adata. Mais il ne put se rendre maître ni de
l'une ni de l'autre ville. Il dut se contenter de ravager le pays
et, l'hiver arrivant, de rentrer à Constantinople par Césarée -.
Néanmoins, cette campagne quelque malheureuse qu'elle ait
été, eut cependant un résultat. Les Arabes demandèrent la
paix 'K On pouvait espérer que pour un temps chacun serait
tranquille. Il n'en fut rien. L'année suivante compta même
parmi les plus tristes du règne. Dès l'été de 883 le gouverneur
arabe de la frontière syrienne envahit le territoire byzantin.
Après une lutte acharnée, les Grecs durent se retirer non sans
avoir subi de lourdes pertes. Après les victoires de 878 c'était
là une grande humiliation. On s'en prit au meilleur général
qui commandait les troupes d'Orient, André. Les uns l'accu-
saient de n'avoir pas occupé Tarse, alors que ses victoires le
lui permettaient; les autres, comme Santabarenos, l'attaquaient
auprès de Basile, le lui dépeignant tout dévoué à Léon *. L'es-
prit affaibli de Basile ne sut pas résister à la cabale. 11 destitua
André pour donner sa place à un certain Kesta Stippiotis qui
promettait de courir à la conquête de Tarse •'. Il partit, en
effet, au mois de septembre 883 avec 100.000 hommes ; mais ce
fut pour ne pas revenir. Cerné de nuit par les troupes de
l'Arabe Yasaman à Chrysoboullon ^, non loin de Tarse, il fut
complètement défait et périt dans la mêlée avec les stratèges
de Cappadoce et des Anatoliques. Les Arabes emportèrent du
champ de bataille un riche butin.
(Malatia) est située sur un mcnic terrain luii et contigu au territoire
ennemi. » (De Goeje, Biblioth., VI, p. 194).
I. Vit. Basil., cli. xlviu, p. 396. Cf. Ramsay, op. cit., 276.
3. Ibid., xLVHi, p. 297; xLix, p. 3oo. Cf. sur la prédiction racontée par
Constantin Ml lors de cette campagne. Ilirsch, op. cit., p. aô 1-353.
3. Ibid., xLix, p. 3oo. Vasiljev, p. 79.
4. Georg. Moine, p. io85.
5. Vit. Basil., L, p. 3oi.
6. Ibid., Li, p. 3o4. Vasiljev. op. cit., p. 8i-8a.
ET l'empire byzantin 335
C'est sur ce désastre que se termine tristement en Asie le
règne de Basile. André fut rétabli dans sa situation première K
En 885 Yasaman fit bien une nouvelle incursion sur le terri-
toire byzantin, mais Basile ne paraît pas y avoir directement
répondu. Comme au début de son règne, il chercha plutôt à
contracter alliance pour lutter contre le péril arabe. Cette fois
il se tourna du côté de l'Arménie. C'est vers cette époque, entre
la fin de 885 et le commencement de 886, qu'il traita avec Achod
(( son très aimé fils » en lui envoyant la couronne que déjà le
calife venait de son côté de lui conférer -.
Les incontestables succès de Nasar en Occident ne pouvaient
en aucune façon compenser la perte de Syracuse, i^a chute de
cette ville marquait la fin de la domination byzantine en Sicile.
Il ne restait plus aux Grecs que Taormine et quelques ports de
secondaire importance. L'essentiel était donc désormais de pro-
téger les possessions byzantines en Italie et de tirer profit de la
prise de possession de la Calabre et de Bari. C'est à quoi Nasar
s'employa à partir de 880. Reprendre Tarente, tel fut le plan de
Basile et de son général. Une armée composée de soldats pris
dans les thèmes d'Occident sous le commandement de Pro-
cope '^ et des légions de Thrace et de Macédoine sous celui de
Léon Apostypos, fut envoyée en Calabre. Cette armée compre-
nait probablement environ 35, 000 hommes *. Les débuts de la
campagne furent heureux pour Byzance. Nasar remporta une
première victoire sur les Sarrasins d'Afrique à Stilo^. Mal-
heureusement la mésintelligence se glissa vite entre Léon et
Procope. Dans un engagement qui eut lieu aux environs de
Tarente, Léon laissa écraser son collègue qui fut défait et tué.
Le désastre, cependant, ne fut pas irréparable car Léon, seul
chef des troupes, put entrer à Tarente et y installer une garnison
byzantine. Néanmoins, son crime fut dénoncé à Constanti-
nople. Il fut puni et exilé. On était en 880. Malgré ces légers
succès, la situation des Sarrasins dans l'Italie méridionale res-
tait solide. Ils conservaient en Calabre quelques places fortes
et, ce qui valait mieux encore pour eux, l'amitié des princes
1. (leo^<,^ Moine, p. io8ô.
2. Vasiljev, p. 83.
3. Léon Gramin., 1093.
!\. (jay, op. cit., ii2-ii3.
5. Ibid.
336 BASILE I
italiens. Depuis plusieurs années, en effet, Sarrasins et sei-
gneurs campaniens vivaient en bonne intelligence. C'était là
une heureuse circonstance que les Arabes ne laissèrent pas
perdre. En 877 ils en profitèrent pour s'avancer jusqu'à l'em-
bouchure du Tibre, menaçant ainsi les Etats pontificaux.
Jean VlU essaya bien tout d'abord de secouer la torpeur des
princes et de les enrôler dans sa croisade contre l'Islam ; mais,
il n'eut pas de peine à s'apercevoir assez vite qu'il n'avait -pas
grand'chose à attendre des uns et des autres. Seul, à Bari, le
stratège Grégoire était décidé à la lutte. Aussi est-ce à lui que le
Pape s'adressa pour combiner une action commvme contre les
Sarrasins. Mais livré à lui-même le bajulus ne pouvait pas
grand'chose. ^C'est pourquoi, le 2G février 878, le Pape se
décida à écrire à Basile pour lui demander le secours d'une
armée. Les relations, très tendues depuis 870 entre les deux
souverains se trouvèrent par cette démarche singulièrement
améliorées. En 880, la question religieuse aidant, elles étaient
redevenues à ce point cordiales qu'elles finirent par inquiéter
le nouveau roi d'Italie. Charles le Gros'. Déjà le Pape avait
obtenu des secours de l'Empereur en échange de la bonne
volonté qu'il apportait à liquider l'affaire de Photius, quand en
882 ou 883 une nouvelle armée partit pour l'Italie commandée
par Etienne Maxentios ; mais vaincu dcA ant Amantea et sur-
tout à Santa Severina, Etienne fut rappelé et en 885 Mcéphore
Phocas arriva prendre le commandement des troupes byzan-
tines. Avec lui, au déclin de ce règne assombri par tant de
revers et de tristesses, un dernier et fugitif rayon de gloire vint
de nouveau se poser sur la tète de Basile comme pour lui rap-
peler les triomphes de sa vie passée et dans l'amertume du pré-
sent lui donner le gage d'un meilleur avenir.
jNicéphore Phocas arrivait, en effet, avec de nouA elles forces
en Italie. Il amenait avec lui des soldats orientaux et une
troupe de manichéens commandée par Diaconitzès, l'ancien
ami de Chrysochir. Son premier soin fut de s'installer solide-
ment en Calabre et de commencer sans larder le siège de Santa
Severina. Pendant ce temps, un autre corps de troupes atta-
quait \mantea. Bientôt toutes les forteresses sarrasines de
Calabre furent reprises. Amantea, Tropea, Santa Severina
1. Gay, op. cit., 12a.
ET L EMPIRE BYZANTIN 337
virent des garnisons byzantines s'installer dans leurs murs.
Reprenant alors le plan, une fois déjà ébauché, de relier ces
places à Tarente reconquise et à Bari occupée, Nicéphore se mit
à organiser la conquête en gagnant à sa cause les Lombards :
« Xon seulement il sut les soumettre par des campagnes habile-
ment dirigées, mais il usa de modération et de clémence. Il se
montra juste, bienveillant et leur accorda la liberté et l'exemp-
tion des impôts K ))
Ainsi donc au moment où meurt Basile, la conquête byzan-
tine a fait de grands progrès en Italie. Oublié des princes et des
populations à l'avènement du Macédonien, le gouvernement de
Byzance en 886 joue de nouveau un rôle important dans la
presqu'île occidentale. S'il a perdu la Sicile, sauf quelques
bandes de terrain au bord de la mer, il a reconquis Bari,
Trente, la Calabre, u toute la région qui s'étend de la vallée du
Crati aux environs de Tarente ainsi que la Lucanie orientale avec
les vallées du Sinni et du Bradano au moins dans leur cours
inférieur "-. » Son influence se fait sentir par ses fonctionnaires et
son clergé — on fonde de nouveaux évécliés — comme par les
princes qui viennent se ranger sous son autorité et reconnaître
sa suzeraineté, Guaimar de Salerne, Guy de Spolète. l'évêque de
Naples lui-même, le plus récalcitrant de tous, Athanase. En 88 1
il reçoit avec honneur le fils de Iladelgarius, prince de Béné
vent, Gaideris, qui s'élait enfui de prison et s'était donné aux
Byzantins. En S^\ ou 885 il lui confie le gouvernement de la
ville d'Oria ^. Basile vieilli put donc mourir en paix. Il avait
accompli en Orient comme en Occident une très grande œuvre
militaire qui fut aussi une œuvre civilisatrice; il laissait l'ï^m-
pire plus fort et plus respecté qu'il ne l'avait reçu. Il ne dépen-
dra que de ses successeurs de mener à bien l'entreprise si
vigoureusement commencée par le fondateur de la maison
macédonienne et de l'achever pour raffermir définitivement
l'Empire byzantin ébranlé par les armées musulmanes.
I. Gay, op. cit., i35.
•i. (îay, op. cit., p. i3G.
3. lljid., p. lAi.
CHAPITRE II
L ADMLMSTRATION MILITAIRE
Ce n'est pas sans peine que Basile l" obtint de son armée
l'effort nécesssaire pour accomplir la grande œuvre de libéra-
tion nationale qu'il ne cessa de tenter au cours de son règne.
Michel lïl lui avait légué, en cela comme en tout le reste, des
services militaires désorganisés, des troupes indisciplinées et
mal exercées, des soldats mécontents parce qu'ils n'étaient plus
payés. Une fois déjà, avant la mort de Michel, cet état de choses
avait amené un semblant de révolte que le Basileus s'empressa
de calmer en distribant de l'argent qu'on lit en hâte fondre et
monnayer ; mais ce n'était là qu'un expédient. H fallait réorga-
niser l'armée aussi bien que la justice, les finances, l'adminis-
tration civile et c'est ce que fît Basile. Là, comme ailleurs, il
paraît avoir apporté un grand nombre d'améliorations que son
sens pratique et sa claire intelligence jugèrent bien vite néces-
saires ^ .
I. Il n'est pas très aisé de savoir avec exactitude ce qui fut transformé,
abandonné et innové au cours du règne de Basile I". A part quelques ren-
seignements épars qu'on pourra glaner dans la Vita Basilii ; les cha-
pitres du II« appendice du Livre des Cérémonies composés à l'aide de
sources du ix" siècle et dont beaucoup sont du temps même de Basile ;
un certain nombre de passages du IP Livre des Cérémonies écrits à Tépoque
de Léon VI ; quelques textes des Taktika de ce même Empereur, nous
n'avons pas d'autres données précises sur la part que prit Basile à la
reconstitution de l'armée. Nous possédons, grâce aux géographes arabes.
Ibn Hordadbeh et Kodama, un état de l'armée telle qu'elle existait entre
830 et 849 ; nous en possédons un autre quelque peu différent dans
le Clétorologe. Il est plus que probable que ces changements dont la
caractéristique se trouve être du même ordre que ceux que nous avons
observés aux chapitres précédents — une augmentation du nombre de fonc-
tionnaires par rapport à l'époque précédente — remontent en partie à
Basile. Le fondateur de la dynastie macédonienne a préparé et commencé
dans toutes les branches de l'administration impériale les réformes que
Léon VI termina. Il n'est donc nullement nécessaire de récuser le témoi-
gnage des géographes arabes ainsi ([ue le fait M. Lspenskij, sous prétexte
ET l'empire byzantin 339
Ainsi que nous l'apprend Constantin VII, l'armée, à Tavène-
ment de Basile, était en très fâcheuse posture. Les largesses habi
luclles, les « rogai », les distributions de blé ', avaientété suspen-
dues et. de ce fail, l'armée s'était trouvée airaiblLe et désorganisée.
Il fallut donc réformer les cadres en appelant sous les aigles
byzantines de nouvelles recrues - et, pour cela, leur distribuer ce
qui leur était nécessaire. Le recrutement de l'armée se faisait de
deux manières : par des engagements volontaires et par des enga-
ments forcés^, imposésauxpropriétaires de biens-fonds militaires
car ceux-là seuls, suivant l'ancienne tradition romaine, étaient
tenus au service *. Dans chaque province, en eftet. il y avait un
certain nombre de familles en possession de terres militaires
(o-TpaTuoT'.xà xTrl[JiaTa). Leur nom était inscrit sur un registre spé-
cial, le (( G-ToaTuoT'.xo; y.y.zylo^fo; », terme qui revient souvent
dans les récits hagiographiques ^ et dont la garde était confiée
à un fonctionnaire spécial, chargé de le tenir à jour comme de
faire les inspections nécessaires *^. Sur ces registres figurait la
mention des biens militaires avec le nom des possesseurs et
ceux-là seuls étaient appelés sous les armes dont les noms
étaient inscrits sur les registres. Ces biens militaires une fois
entrés dans une famille, se transmettaient avec leurs charges,
par voie d'héritage, étaient exempts de certaines redevances, le
service militaire obligatoire tenant lieu d'autres impôts, et
étaient insaisissables. On avait ainsi des familles de soldats,
par conséquent une caste spéciale, formée de pères en fils, au
métier des armes (6 o-TpaT'.coT'.xô:, 6 -oA'.t'.xo; oIy.o;). et, sauf d'assez
rares exceptions, peu de civils {-oW-zyj.) venaient s'y mêler '^.
que leurs dires ne concordent pas avec ceux de (]onslanlin VII. L'historien
russe ne paraît pas s'être aperçu qu'entre 8A2 et Tannée indécise du \*= siècle
en laciuelle écrit Constantin \U, de grandes transformations se sont opé-
rées. Pour conn^iîtredonc autant que faire se peut l'organisation de l'armée
à l'époque de Basile, la plus sûre méthode me parait être de prendre comme
base le Clétorologe de Philothéo qui est daté avec précision en le confron-
•tant avec les écri\ains arabes.
I. Vit. Basil., ch. \x\vi, p. :i8i.
3. o'.i vcwv juXXoyr,? xe xai èyCkoy7^; àvszAr'.pwTâv. lit. Basil. Ibid.
3. C'est ce qu'entend Constantin Ml par les mots i-Ako^rf^ et juaXo-;'-/,.
'\. Monnier, op. cil., 1890, p. f)'i. llambaud, op. cit., p. 387. Cf. p, e. Vit.
S. Luc, S 5.
ô. Cf. Papadopoulo kerameus, Ml. S.Eutliyni., i,3 et Petit, S.Euthyme le
Jeune, v, p. 172.
0. \icelas, Panèg. d'Antoine Kauleas, cf. Papadopoulo Kerameus. \\. 17.
7. Skabalanovic, ch. vu, p. 3oo et seq.
34o BASILE I
Mais, naturellement, tous ces biens militaires n'étaient pas
d'égale valeur. Aussi entraînaient-ils après eux, suivant Tim-
portance de la terre, des obligations assez diverses. Une parcelle
de terre de quatre à cinq livres, par exemple, obligeait au ser-
vice personnel dans la cavalerie ', tandis qu'une parcelle de
valeur infime obligeait simplement le propriétaire à se cotiser
avec d'autres tenanciers de sa classe pour équiper un soldat-.
Ou comprend dès lors aisément, d'après ce système, la néces-
sité qui contraignit Basile de mettre immédiatement un peu
d'ordre dans les registres militaires et qui lui fit exiger la pré
sence de certains soldais sous les armes. S'il ordonne, au sur-
plus, une levée de volontaires c'est que, sans doute, comme le
dit son petitfils, durant d'assez longues années on ne distribua
plus de terres et plus d'argent et qu'ainsi l'armée allait s'aflai-
blissant sans cesse. Basile, du reste, eut toujours au cours de
son gouvernement la constante préoccupation d'augmenter son
armée et l'on peut être sûr que les terres qu'il dojinait aux
convertis, aux Sarrasins, à d'autres encore, étaiciit toutes des
fiefs militaires entraînant l'obligation du service militaire^.
Nous ne savons pas à quel âge le jeune bomme entrait au
service. Saint Joannice se fit inscrire à dix-neuf ans dans le
corps des excubiteurs; mais nous ignorons s'il le fit par obli-
gation ou par goût S donc si dix neuf ans était Fâge légal.
Léon YI de son côté, dans les 7>/A7/7.'« dit simplement de ne
choisir pour l'armée ni vieillards Jii enfants "* et les géographes
arabes que les « Romains admettent dans le rôle de l'armée les
jeunes gens imberbes ^.
Mais cette première réforme n'était pas suffisante. Après
avoir, suivant la tradition, comme chaque année, prêté ser-
ment à l'Empereur"^, les soldats durent se mettre à l'étude de
leur métier, à l'exercice quotidien de l'obéissance, à la pratique
de la discipline militaire *"'. Sur l'ordre de l'Empereur, on
1. Cerem., p. 1384.
2. Ibid.
3. Rambaud, op. cit., p. ^SS.
4. A. A. S. S. >ov. 11, p. X\'i. Saint Lue parlit pour la fiucrre à 18 ans
{VU. S. Luc, S 5).
5. Tactika, IV, 1, 700.
6. De Gœjc, Biblioth. geogr. arnb., \. W, p. 85.
7. Thooph., ()3r».
8. 1/7. Badl., \\\M. p. j8i.
ET l'empire byzantin 3^1
mélangea troupes anciennes et nouvelles, on les aguerrit, on
leur donna des présents ' et ainsi, très rapidement, Basile eut
urke armée assez instruite et forte pour partir en campagne.
L'armée byzantine, en sa totalité, était formée par les tagmes
d'une part, les thèmes de l'autre. C'étaient, pour ainsi dire, deux
armées difFérentes. Le tagme était très probablement l'armée
en résidence à Gonstantinople ; le thème, l'armée de province-,
la véritable force de l'Empire. Comme nous l'avons déjà remar-
qué, à l'époque qui nous occupe, le mot de o thème » tend de
plus en plus à prendre la signification qu'il gardera définitive-
ment plus tard : celui de corps de troupes et de province. Il
s'en suit donc qu'il \ avait un corps de troupes par province érigée
en thème. En outre, certains pays — généralement aux fron-
tières de l'Empire — avaient eux aussi une organisation mili-
taire et civile, mais simplifiée et sans doute plus exclusivement
militaire, c'était la clisure. Ces clisures devenaient souvent avec
le temps, lorsque la conquête était affermie et l'administration
complétée, des thèmes, semblables aux autres. Chacune de
ces provinces avait à sa tête un stratège ou clisurarche, chef
d'une double administration, civile et militaire-^.
A l'époque où écrivait Hordadbeh, l'armée comptait environ
1 20.000 hommes S que se partageaient les stratèges. Chacun
avait 10. 000 hommes sous son commandement, groupés, comme
de nos jours, en un certain nombre de subdivisions. Les
troupes tenaient garnison non seulement dans la capitale
du thème, mais aussi en différentes villes. Pour l'ordinaire,
le corps d'armée se composait de deux divisions principales ou
(( tourmes » comprenant 5.ooo hommes chacune, ayant à sa
tête un tourmarche^. Ce tourmarche était généralement décoré
du titre de spatharocandidat ou de spathaire et appartenait, de
ce fait, à une des classes de la noblesse. Sa hiérarchie dans la
1. Vit. Basil., vwvi, p. a8i.
2. Uspcnskij, p. 157.
3. I^our tout ce qui concerne la personne même du stratège, cl". Tadininis-
tration civile.
4. Journal asialinae, i8(35, VI" série, t. V, p. ^80 ; de (iœje, Biblloth. geogr.
arab., VI, p. 84 ; (ielzer, Die Genesis der Tlienieiwerfassung, étude des textes
arabes.
5. Ce chiffre cependant ne paraît pas être absolument rigoureux. Le
thème de Thrace semble avoir eu trois tourmes ; le thème de Macédoine, une
(l spenskij, p. i63).
3^2 BASILE I
label le des honneurs était celle du thème auquel il appartenait.
Il n'avait au-dessus de lui, dans sa propre classe, que quelques
grands gouverneurs militaires dont les provinces n'étaient pas
encore élevées au rang de thème, les clisurarches et le tour-
marche de Lycaonie et de Pamphylie et le topotérète des scholes.
Peut-être le thème-province était-il divisé comme le thème-
armée en deux grandes circonscriptions appelées elles aussi
0 tourmes » ayant à leur tête un tourmarche comme le stratège
était à la tête du thème ; mais nous n'avons pas de ce fait de
mention certaine. La seule chose qui paraisse indiscutable, c'est
que les chefs de la tourme habitaient généralement les villes du
thème. Si nous connaissons le nom de très peu de villes ayant
eu rang de tourme, les quelques mentions faites par les histo-
riens et chroniqueurs peuvent suffire à prouver que la tourme
ne résidait pas dans la capitale, mais bien dans ui>e ville du
thème de moindre importance. Dans le thème des Anatoliques,
par exemple, il y a une tourme à u Ta KojjLjjLaTa » ^ ; dans celui de
Macédoine, il y en a une à Visa. Là, le tourmarche était le maître.
Il recevait ses ordres du stratège et les communiquait à ses
(( drongarocomites •) - qui les exécutaient. Si les chifl'res donnés
par Ibn Hordadbeh sont exacts, le tourmarche aurait eu sous
son commandement cinq o bandes n do i.ooo hommes chacune.
Malheureusement, il est impossible de vérifier les dires du géo-
graphe arabe. M. Uspenskij cherche à lui enlever toute auto-
rité, mais sans apporter de preuves bien décisives. Entre les
affirmations très nettes et très précises d'ibn Hordadbeh et les
textes de Léon YI et de Constantin VU toujours assez flous, je
crois qu'on peut donner jusqu'à nouvelle découverte la préfé-
rence aux Arabes.
Les mérarches sont inconnus des géographes arabes et, chose
curieuse, tandis qu'ils se trouvent encore au début de la Notice
de Philothée sous la rubrique générale indiquant les officiers
I. Ramsay. 21G, ^27. La forinalion de celle tourme est racontée au ch. 1
du De Adinini>ifrnndo, p. 877. Le renseignement est intéressant el vaut d'être
noté. Pour créer cette tourme, on fit venir quatre bandes du thème des
Boukellaires et trois de celui des Anatoliques, bandes auxquelles Constan-
tin MI donne le nom de « lopolérisie ». D'autre part, pour former la
tourme de Saniana, on ne déplaça que cinq bandes, d'où l'on peut conclure
que bande = topotérisie d'une part, et que de l'autre une tourme est for-
mée d'un nombre de bandes très variables.
■i. Ce rem., p. qSO.
ET l'empire byzantin v343
qui, dans chaque thème, se trouvent sous l'autorité du stratège,
ils ne se trouvent plus dans l'énumération générale de l'arto-
cline quand il groupe tous les officiers byzantins d'après leur
rang hiérarchique. Comment expliquer cette anomalie P Quelle
que soit, par ailleurs, la date qu'onpuisse assigner aux «Taklika »
de Léon Vi, ceux-ci semblent, cependant, dans le cas présent,
nous donner l'explication de l'énigme. La constitution lY
revient en plusieurs endroits* sur le mérarche, mais toujours
pour redire que c'est le même officier — qu'on appelle aussi
stratilate — qu'actuellement on appelle u tourmarche »
K Mîpàpva'., ol Aî^'O'jLîvo'l tzotî xal oroaTTAiTa'.. vùv xal tt. o-Jvr.Bî'la
xaAojtjLîvo'. To-JouLàoya', », A l'époque , qui nous occupe les mérar-
ches ont donc pratiquement disparu. Il n'y a plus, comme le
disent les Arabes, que des stratèges et des tourmarches,
Le comte de la tente (6 xojjlt.c ttÎ; xopTr,;). Ainsi que le fait
comprendre la Notice de Philothée, tandis qu'il y a plusieurs
tourmarches par thème, il n'y a pour la même province mili-
taire qu'un comte de la tente. C'est un officier de moins haut
railg. Il n'est que spathaire et appartient comme tel à. la troi-
sième classe de noblesse. S'il n'est pas nommé parmi les officiers
par les géographes arabes, c'est qu'il n'avait pas de troupes
sous ses ordres. Il vivait dans les bureaux comme nos officiers
de l'intendance et n'avait d'autre mission que de diriger le
personnel chargé de fournir à l'armée les provisions et le
fourrage dont elle avait besoin.
Le chartulaire du thème (6 yaoTouAàp'.o; to-j U^oL'zoq) est le chef
de la chancellerie du stratège. 11 dcAait, sans doute, comme
tous les autres chartulaires, tenir les écritures, faire les actes,
conserver pour chaque thème le rôle des soldats et la liste des
familles qui devaient le service militaire. Il était chargé, enfin,
dénoter les redevances et les cadeaux faits à l'armée et à l'Empe-
reur lors des expéditions militaires. Comme le comte de la
tente, il pouvait être spathaire et faire partie de la troisième
classe de noblesse.
Le domestique du thème (6 oouLi(7T'-xo; to-j OÉ-j-aToc) lui, n'appar-
tenait qu'à la quatrième classe de noblesse. Comme les deux
derniers officiers dont il vient d'être question, il était aussi
chargé de la partie malériollo do l'ai'inéo. Ses fonctions précises
I. Tavlika, S M, VIII, \L1II, \L\ , p. 701 et soq.
.'^44 BASILE I
ne nous sont pas connues. Il ne serait peut-être pas absolument
téméraire de conjecturer cependant, à laide d'un texte de
Godinos^ que le domestique s'occupait des finances du thème.
Godinos nous dit, en effet, qu'autrefois le domestique avait le
soin et le souci u twv toù otiUlot'Ioj 7rpay|i.àTtov ». Or, l'on sait
que ce terme avait généralement à Byzance une signification
financière. G'est là, en vérité, un simple indice. Il a néanmoins,
en l'absence de tout autre renseignement, son importance.
Au service actif appartenaient par contre les drongaires des
bandes (ooo-jwàp'.oO. Geux-là avaient un commandement. Au
dire d'Ibn Hordadbeh, chaque tourmarche a sous ses ordres
cinq drongaires, commandant chacun mille hommes — d'où
aussi leur nom, livré par une glose des Basiliques deyO.'laoyo;. —
Ges drongaires résident toujours en province. Ils font partie
théoriquement de la quatrième classe de noblesse, mais comme
ils ne vont jamais officiellement avec leurs troupes à Gonstan-
tinople, ils n'ont pas. étant de service, l'occasion de prendre
rang parmi les dignitaires de la cour. G'est pourquoi la INotice
de Philothée a grand soin, en les nommant, de faire remarquer
qu'ils ne sont plus en service (opo'jyyàp',ot. à-paToO. Malgré cela,
bien que revenus à une vie quasi-civile, ils gardent à la cour le
rang qu'il avaient autrefois au service, rang établi suivant la
dignité du thème et la dignité du dronge qu'ils commandaient.
A leur suite venaient les comtes (xouly.t^ç) de même rang nobi-
liaire que les drongaires. Ils commandaient deux cents
hommes, dit Ibn Hordadbeh. Ghaque drongaire avait cinq
comtes sous ses ordres.
Le KsvTapyo; Ttov TTraOaoicov. Le kentarche, suivant les rensei-
gnements arabes, a le commandement de quarante hommes.
Ghaque comte avait cinq kentarches et par conséquent deux cents
hommes à ses ordres. Le kentarche, à son tour, commandait
quatre dékarches à la tête chacun de dix hommes. La ^otice de
Philothée indique encore, tout à la fin de sa liste les kentarches
des bandes. Elle ne parle plus de dékarches, sans doute parce
que ce sont ceux qu'elle appelle du nom plus général de u ol
OToaTriwTa', » les soldats et qui clôturent la liste.
A cette nomenclature corroborée par celle des géographes
arabes, la Notice de Philothée ajoute un titre sur lequel nous ne
I, Godinos, v, 6i.
ET l'empire byzantin []^î^
pouvons faire que des conjectures. Cest le comte de ihctérie. 6
xojjLY,; T?i; £Ta',p£'la;. Cet officier ne se retrouve pas avec son litre
dans la tabelle des titres. H est probalîle, comme l'indique le
nom d'iiétérie, qu'il était à la tête des soldats, fédérés ou autres,
adjoints à titre d'auxiliaires, soldats de races diverses et qu'on
ne confondait pas avec ceux du thème, considérés eux comme
autochtones puisque leurs biens militaires se trouvaient dans le
thème auquel ils appartenaient.
In protochancelier et un protoinandator, tous deux chefs de
bureaux, l'un des bureaux administratifs, l'autre des bureaux
ayant mission de transmettre aux officiers subalternes les ordres
du stratège, terminent la liste de Philothée et complètent ainsi
la description du thème telle que nous pouvons la connaître à
la fin du ix*^ siècle.
On le voit. Il ne faudrait pas, ce semble, comme l'a fait
M. Uspenskij, faire trop grand état de certaines lacunes des
sources arabes pour rejeter les renseignements qu'elles peuvent
nous donner. En fait, les deux listes sont moins en désaccord
qu'elles ne le paraissent tout d'abord. Seulement, tandis que
Philothée nous donne la composition complète du thème, les
Arabes ne nous donnent que le nom des officiers effectifs, ceux
qui avaient un commandement véritable. De la combinaison
de ces deux listes nous pouvons donc dresser le tableau suivant
pour chaque thème.
STUATliGE.
2 tOLirmarchcs (mérarchcs) . . . Comte de la tente.
I
5 droiigaires Chartulah'e du thème.
I
5 comtes . . . . , Domestique au thème.
I
5 kcnlarches Protochancelior.
I
Zj dékarches Protomandator.
I
Le comte de l'hétérie.
Si maintenant on considère l'armée, au point de vue, non
plus du corps des officiers, mais de sa division intérieure, on
aura, probablement, le groupement qui suit en chaque thème:
346 BASILE I
2 tourmes commandées chacune par im tourmaclie.
5 dronges — — drongaire*
5 bandes — — comte.
5 spatharia — — kentarche.
4 dékarchies — — dékarche.
Ainsi composée l'armée était fortement groupée et le com-
mandement pouvait s'exercer rapidement. « Tout soldat, comme
le dit Kodama, qui éprouve quelque dommage en fait rapport
à son supérieur, c'est-à-dire au dékarche, celui ci à son supé-
rieur et ainsi de suite jusqu'au roi. Par ce moyen le roi est mieux
instruit qu'aucun autre de tout ce qui se passe dans l'armée et
si quelqu'un vient à mourir, on peut le remplacer sans délai ^))
Le thème, cependant, n'était qu'une partie de l'armée.
La réunion même de tous les thèmes ne formait pas toute
l'armée. C'étaient les troupes de provinces, celles qui défen-
daient le territoire et tout d'abord se battaient. L'autre partie de
l'armée était casernée à Gonstantinople et composait à propre-
ment parler l'armée impériale. Elle était employée au service
de la ville et de la cour et n'allait en guerre que lorsque l'Empe-
reur s'y rendait en personne. C'étaient les « tagmata » par oppo-
sition aux « themata » . Kodama en parle ainsi : « Quant au nombre
des armées, celle qui se trouve à Constantinople, la résidence du
roi, compte 24.000 hommes, dont t 6.000 cavaliers et 8.000 fan-
tassins. Les cavaliers sont divisés en quatre corps. Le premier,
fort de 4.000 hommes, est celui des Scholarioi, sous le comman-
dement du grand domestique (al-Domestik) qui en même temps
est commandant en chef de toute l'armée et chargé d'ordon-
ner les levées. Le deuxième corps, fort également de
4.000 hommes, porte le nom de Taxis. Le troisième, les Excou-
bites, également de 4.000 hommes, sous le commandement
d'un drungaire (trungar), est destiné aux corps de garde. Le
quatrième, les Skoutarioi, comptant aussi 4.000 hommes,
accompagne le roi dans ses voyages. Les fantassins forment
deux corps, chacun de 4.000 hommes, l'un appelé Optimates,
l'autre Noumera-. »
Cette précision de termes, cependant, ne doit pas faire illu-
sion. M, Gelzer a parfaitement montré qu'il y avait dans cette
1, De Gœje, Bibliolh., vi, p. 19C et Gelzer, op. cit., p. 11 4-
2. De Gœje, Bibliolh., vi, p. 196 et seq. Gelzer, op. cil., p. 17.
ET l'empire BYZANTm 3^7
transcription de noms propres des erreurs évidentes. Les Arabes
ont reproduit, comme ils l'ont pu, avec leurs caractères, les
sons grecs. Les éditeurs ont dû s'adjoindre orientalistes et byzan
tinisants pour arriver à découvrir le terme le plus conforme à
la philologie et à l'histoire : d'où des difficultés dont il faut tenir
compte. Néanmoins, si les corrections adoptées par Gelzer sont
exactes, nous avons chez les géographes arabes des renseigne-
ments à peu près conformes à ceux que nous donne Cons
tan tin.
Nous avons donc quatre corps de cavaliers :
l. — Les Scholarioi axec quatre mille hommes. Ce sont les
cavaliers que la Notice place sous le commandement du Domes-
tique des seholes (6 oo|jl£c7t'-xoç tcov T/oXCy/). S'ils étaient restés au
i\' siècle — chose du reste assez probable — ce qu'ils étaient au
vi*" siècle, nous aurions à leur sujet quelques renseignements
intéressants dans Agathias. A cette époque, les Scholarioi étaient
surtout chargés du service de jour et de nuit au palais. Inscrits
comme militaires, ils vivaient cependant en simples citoyens.
Ils portaient un habillement magnifique et leur service était
surtout affaire de parade. Aussi les recrutait-on dans les grandes
familles de l'aristocratie et leur chef, généralement proconsul et
patrice, marchait en tête des grands officiers de la couronne,
tout de suite après le stratège du thème des Anatoliques et avant
tous les autres stratèges d'Orient. C'est, du reste, précisément
parce que les seholes étaient surtout des trouj^es de parade et
aristocratiques que leur chef était si haut placé, qu'on donna
parfois le titre de domestique à des enfants comme on le fît
pour le fils de Bardas, Antigone, lorsque son père, lui aussi
domestique des seholes, devint César '. Avant eux. sous le règne
de Théodora, Pétronas fut revêtu de cette haute dignité-, et
sous Basile, ce fut son gendre Christophore, le vainqueur de
ïéphrice, qui la possédait. Une salle était réservée à ce corps
d'élite, à l'intérieur du Palais. C'était le « Tp'lxMvo; twv SyoÀcov »,
les « scholai », qui se trouvait immédiatement après le vestibule
de la Chalcé -*.
Nous n'avons sur le nombre des seholes au ix^ siècle aucun
I. Georg. Moine, Cont., p. lo^g.
3. Cedrenus, [, 10^9. Vit. Basil., ch. xli, p. iSS.
3. Labartc. op. r'd.. 1 1^.
348 BASILE I
renseignement. Un passage du livre des Cérémonies ' nous
apprend seul que sous Justinien il y avait sept scholes. Il est
probable que ce nombre était encore le même sous le règne de
Basile '^.
Indépendamment du domestique des scholes. la Notice de
Philothée cite un certain nombre d'officiers qui dépendaient
de lui. C'était tout d'abord le topotérète (6 -zo-rj-z-r^yr^-J^-) ou lieu-
tenant du domestique. Il faisait partie de la troisième ou
quatrième classe de noblesse, étant spatharocandidat ou spa-
thaire. Un manuscrit de Vienne, cité par Uspenskij -^ sans date,
dit que le tagme des scholaires se divisait en deux corps, l'un
commandé par le topotérète avec quinze bandes sous ses ordres,
l'autre par le chartulaire des scholes avec le même nombre de
bandes, ce qui n'a rien que de très probable. Il est, en effet, une
chose assez curieuse à noter, c'est que si l'on retient le chiffre
de 6.000 hommes donné en un endroit par Ibn Hordadbeh^.à
l'exclusion de ^.ooo donné par Kodama, les trente bandes des
scholes donneraient à raison de 6.000 hommes par schole,
exactement deux cents hommes par bande, ce qui est juste le
chiffre donné par les Arabes eux-mêmes pour chaque bande de
thème.
Au dessous du topotérète, il y avait, au dire de la Notice de Phi-
lothée. deux comtes sur lesquels nous ne savons rien. Si les
scholes se trouvaient groupées en deux bandes ayant le topo-
térète à leur tête, les comtes auraient été les commandants de
chaque bande ; jTiais nous n'avons à ce sujet aucun renseigne-
ment précis. Le Manuscrit de Vienne connaît lui aussi plusieurs
comtes. Le camp des scholes avait la forme d'une croix grecque
formée par deux routes transversales. Au bas de la route prin-
cipale, à gauche et à droite, les comtes avaient leurs tentes:
huit de chaque côté avec leurs a domestiques ». Dans la route
transversale qui allait de l'Orient à l'Occident, se trouvaient les
autres tentes des comtes, au nombre de sept de chaque côté.
Ceci porterait donc le nombre des comtes à trente, exactement
1. Append. I, p. g^o.
2. Cependant ou c'est le nombre de 7 qui est fautif ou c'est le total des
hommes. Il fallait évidemment qu'un même nombre d'hommes fût groupé
sous chacune des divisions militaires,
3. Uspenskij, op. cit., p. 171, note 5.
ET l'empire byzantin 3^9
un par bande puisque le manuscrit donne précisémeut le chiffre
de trente pour les bandes de ce tagine '.
Comme tout corps constitué, les scholes avaient lenr charlu-
laire, chef de la chancellerie des scholes.
Aux côtés des comtes, se trouvaient dans le tagme, les domes-
tiques (ol oojjLSTTixo',). Ces officiers faisaient partie de la qua-
trième classe de noblesse. Us avaient sans doute le commande-
ment d'une subdivision de la bande. Dans les audiences de
l'Empereur, ils étaient les derniers officiers reçus, au u huitième
voile ;) ■-.
Le Proeximos (-posçY.jjLoç) devait probablement, à examiner
son lôle dans les Cérémonies, être le chef des mandatores que
la Notice indique parmi les officiers de la TzzrAli'j^iç du domes-
tique des scholes. Il servait d'intermédiaire entre le comman-
dant en chef des scholes et ses subordonnés. Il apparaît, dit
M. l spenskij. comme exécuteur des commandements du
maître.
Les Protictores (-^^ot'Ixtoosç) ne nous sont connus que par cette
mention. C'étaient sans doute des chefs subalternes, comman-
dant de groupes militaires restreints.
Les Eiitiichoplioroi (E'jTjyoç>6poi) paraissent être les porte-
drapeaux des scholes, quelque chose comme des enseignes. Le
livre des Cérémonies ^ les place avec les u Bavoocsopo'. » des autres
tagmes.
Des skeptrophoroi{rTy,r,-':zryfôpoi) et des axiomatikoi{k^iLù\ky.':\-/.ol)
nous ne savons rien.
Le fait le plus important à signaler au sujet de ce tagme des
scholaires est le rapport qui existe entre son chef et les habi-
tants de Constantinople. Comme le domestique des Excubiteurs,
le domestique des Scholes. en effet, est à la tête d'une des fac-
tions de la ville, celle des Bleus : c'est donc qu'il existe quelque
lien entre les scholaires et cette faction. Nous avons déjà
remarqué que les scholaires ne sont pas à proprement parler
des soldats. Ils ne vont en guerre que lorsque l'Empereur y
va. Pour l'ordinaire, ils résident à Constantinople et font un
service de parade. Or, il peut se faire que l'on ne choisissait les
scholaires que parmi la faction des bleus et c'est ce qui expli-
I. Lspcnskij, op. cit., p. 17S.
•?. Ce rem., p. '>.\^^.
3. Ihid., i3.")H.
35o BASILE I
querait le rôle du domestique. M. Lspeuskij a imaginé une
assez curieuse hypothèse pour rendre compte de ce fait. Elle
est intéressante et mériterait d'être plus solidement étayée. Il
croit que le peuple, dans le sens où nous l'avons employé à
propos de la question financière, se trouvait groupé, politique-
ment, comme il l'était économiquement, en corporations ou
factions. En certaines circonstances, aux grandes processions,
aux jeux du cirque, le peuple était ofTiciellement présent, repré-
senté qu'il était parles chefs de sa faction et, tout d'abord, par
le démarche, domestique des Scholes, « porte-parole des droits
politiques de sa faction. » D'auti-e part, ces factions eurent, de
temps à autres, comme sous l'Empereur Maurice, une sorte
d'organisation militaire. Elles eurent sous le règne de cet
Empereur à défendre un instant, en l'absence des tagmes, la
ville et ses habitants. 11 n'est donc pas impossible qu'aux i\^ et
x'' siècles cette organisation se soit maintenue et cette hypothèse
rendrait assez bien compte de la présence du domestique des
Scholes à la tête d'une des grandes factions de la ville'.
II. — Le second tagme. composé lui aussi de cavaliers, était
celui des Excahileurs. Son chef, le domestique des Excubiteurs.
était, en même temps, démocrate des Prasinoi. Gomme les
Scholaires, les Excubiteurs faisaient le service du Palais dont
ils avaient spécialement la garde-. D'après la Vie de saint Joan-
nice^, le tagme des Excubiteurs était divisé en dix-huit bandes.
Ainsi que tous les grands ofTiciers de la couronne, le domes-
tique pouvait avoir les titres de proconsul et de patrice. et,
semble-t-il. d'après la Notice de Philothée *, celui de stratège :
(( 6 àvô'jTcaTOç, TaTp'lx'.o; xal a-TpaTr.yo; xal ooaia^T'.xo; Ttov s^o-xo'jê'.TO-
(jLoy ». Il marchait dans les cérémonies après les stratèges
d'Orient, mais avant ceux d'Occident. Sa « proeleusis » était à
peu près semblable à celle du domestique des scholes. Comme
lui, il avait sous ses ordres des topotérètes, des chartulaires,
des mandatores. Les seuls titres qui différaient étaient ceux de
protomandatores — remplacés chez lui par le proeximos, —
de scribones qui devaient correspondre aux domestiques, de
1. Uspenskij, op. cit., p. 170.
2. De Boor, JSiceph. Patri. op. hist., xwiii.
3. A. A. S. S. >ov. H, 334.
4. Cerem., p. l'^^'^.
ET l'empire byzantin 35 1
draconarioi, de skeuophoroi, de signophoroi et de sinatores,
termes sans doute correspondants à ceux de protiktores, d'eutu-
chophoroi, de skeptrophoroi, d'axiomatikoi et qui devaient
désigner vraisemblablement les commandants des diverses divi-
sions militaires du tagme. \ous connaissons pour l'époque qui
nous occupe le nom de deux domestiques des Excubiteurs,
tous deux patrices, Léon et Palatinos K
111. — Le troisième tagme est désigné par les Arabes sous un
terme qu'on a cru pouvoir assimiler aux « cpo'.ocpaTO', »"-. C'est
sans doute celui que la Notice de Pbilothée et les sources
grecques appellent généralement les « Aritlimi n o[ Ap'/j|Jiot. Ce
tagme avait à sa tête, non pas un domestique, mais un dron-
gaire, celui là même qui est souvent désigné dans la Notice •'
sous le titre de drongaire de la veille « t^; BiyXr.ç n ^. Lui aussi,
comme ses collègues, peut être proconsul et patrice ; mais il
semble de rang un peu inférieur car il ne marche dans les céré-
monies qu'après les stratèges d'Occident. Nous connaissons le
nom de deux drongaires de la veille à l'époque de Basile. C'est
celui de Constantinos qui était en fonction à la mort de Bardas *>
et celui de Jean, frère de l'higoumène Nicolas que Basile éleva
à cette dignité lors de son avènement*^. Les fonctions du dron-
gaire nous sont assez bien connues. C'est lui qui a la surveillance
générale des rondes de nuit au palais ou au camp, lui qui
accompagne la cour partout où elle va. Il était, en effet, parmi
les rares officiers privilégiés qui avaient jusqu'à l'époque de
Basile le droit de monter avec l'Empereur sur le yacht privé du
souverain '^. En campagne, il ne s'éloignait jamais du camp
impérial. Il avait sous ses ordres les conducteurs « 6or^yoi n de
chaque thème et les représentants (( TrapajjLova»! » des stratèges car
c'était par lui que l'Empereur donnait ses ordres aux stratèges ^.
Chaque soir il allait chercher chez l'idikos le « cpaTA'lov » ou
i.Mansi, Concil., l. \\i, p. i8 cl i58.
3. (îclzor, op. cit., p. 19.
3. Cereni., p. i344.
4. « opowvyipioç Toû àp'.OijLoij T.TOi xf,î ^aT'.X'.xf.î |3{yAf,î », dit Gciicsios, p. iog3.
Cf. Cereni., p. 11 12.
5. Thcoph. Gont., Vit. Mich., cli. \i, p. 321.
G. Léon (iranim., 1089.
7. De Adniin., ch. li, p. 385.
8. Cerem., 84o.
352 BASILE I
flambeau qui servait à ses rondes. Avec les cent hommes qu'il
avait sous ses ordres, en possession du mot de passe donné par
l'Empereur lui-même, il faisait les rondes à l'extérieur du camp
et tout le monde lui était soumis. Quelqu'un voulait-il sortir du
camp, il devait en avoir connaissance et c'était lui qui avait
mission de faire rapport à l'Empereur de toutes les irrégularités
qui pouvaient être commises à ce sujet i.
La constitution de sa « proelcusis » était sensiblement la
même que celle des autres domestiques. 11 a sous ses ordres
des topotérètes, un chartulaire, un acolouthos sur lequel nous
n'avons aucun détail, des comtes, des kentarches, des bando-
phoroi, des labourisioi, des semeiophoroi, des doukiniatores,
des mandatores.
lY. — Enfin le dernier tagme à cheval de Constanlinople
était celui des Icanaies. C'était un corps de cavaliers qui avait
été créé par le général Mcéphore et avait lui aussi, pour but,
le service de garde du Palais, et de la personne impériale. Le pre-
mier domestique en fut, sans doute, le petit-fils de Nicéphore,
devenu empereur, Nicétas, qui fut élevé à cette dignité à Tâge
de dix ans. On sait que ce Nicétas n'est autre que le futur
patriarche Ignace. En 869 cette charge avait pour titulaire le
protospathaire Oreste -. La « proelcusis » du domestique des
Icanates était la même que celle des autres domestiques. Il avait
sous ses ordres des topotérètes, un chartulaire, des comtes, un
prolomandator, des kentarches, des bandophoroi, des douki-
niatores, des semeiophoroi, des mandatores.
I. Parmi les tagmes de fantassins, Ibn Hordadbeh cite les
Optimates et les Noumeroi. La liste de Philothée ajoute la
Garde des murs. Les Optimates avaient, on le sait, rang de
thème, mais leur organisation était en tout semblable à celle
d'un tagme ordinaire. Ils avaient à leur tête un domestique
dont la « proelcusis » était absolument semblable à celle de ses
confrères de la cavalerie. Les Optimates, nous dit Constan-
tin YII au Livre des Thèmes, servaient de valets aux soldats
des scholes, des icanates et autres tagmes impériales en cam-
pagne. Il y avait alors un optimale par cavalier. Mais, comme
1. Cercm., p. 920.
'i. Maiisi, \vi, 18.
ET l'empiue byz\.mi\ 353
les tagmcs n'allaient en guerre que lorsque l'Empereur y allait,
ce corps pouvait être considéré lui aussi comme une troupe
impériale K C'est, du reste, une question de savoir s'il est tout à
fait légitime de placer les Optimates parmi les troupes de pied.
Sans doute le géographe arabe le fait. Cependant, il faut remar-
quer que la Notice donne à ces troupes une organisation de
cavalerie. Auprès du domestique des Optimates point d'officiers
ayant caractère de fantassin comme nous allons en rencontrer
auprès du domestique des \oumeroi et des Murs.
11. Les Aoumeroi sont commandés par un domestique comme
les autres tagmes. Moins que les cavaliers, les fantassins pa-
raissent avoir été créés pour la parade. C'était bien à eux
que revenait le soin de protéger la ville et ses habitants, de
veiller à la sûreté de l'enceinte du côté de la mer aussi bien que
du côté de la terre. Ils avaient, en outre, à Constantinople, la
garde de la prison des Noumeroi. Il n'est- pas bien sûr, au sur-
plus, que leur rôle se soit uniquement borné à défendre le
territoire de la ville. Si c'était là leur principal office, tellement
que lorsque les tagmes s'en allaient avec l'Empereur, Noumeroi
et Gardes des Murs demeuraient à Constantinople, ils parais-
sent bien aussi avoir été employés dans des affaires d'ordre
politique. Durant le premier pontificat de Photius, il y avait un
domestique des Noumeroi, Léon Lalacôn, qui fut connu pour sa
brutalité à l'égard du patriarche Ignace -. Enfin, il est une
chose à remarquer, c'est que parfois la charge de u comte ou
domestique des Murs "^ » pouvait être donnée au domestique des
Noumeroi qui ainsi cumulait les deux commandements. Théo-
philitzès qui fut stratège du Péloponèse à l'époque où Basile
était encore à son service, était « comte des iNoumeroi et des
Murs )) *. Naturellement, ce personnage pouvait être décoré des
premiers titres de l'Empire. Il marchait de pair avec les grands
officiers de la couronne. Sa proeleusis était un peu diflérente
de celle des commandants de troupes à pied. S'il avait, comme
1. De Thani., p. 85.
2. Vit. Ign., p. 5i3.
3. La liste des ofîiciers qui peuvent être « proconsuls et patrices », ch. ii,
p. i344 delà Notice de PhiJothée, porte aussi nienlion du lilrede « xôiat.î xwv
Tc'./ÉOJV».
_^4. Twv No-jij.c'&i.jv TÔTe xal TO'j Tît/o'j; %ôtj.T,î (Syni. -Mag., \it. Theod. et Micli.^
cil. \. p. 716.
2:.i
35^ BASILE I
eux, à son service, des topotérètes, un chartulaire, un proto-
mandator, et des mandatores, trois classes d'officiers lui sont
propres : ce sont les tribuni (Tpiêojvo!.), les vicarii (,3',xàp!.o',) et
les portarioi (ropTapt.o',) qui devaient comme les comtes, les
domestiques, les enseignes, commander des détachements de
la cohorte,
m. Le comte ou domestique des Murs n'est pas cité par les
géographes arabes. Cette omission s'explique sans doute par le
fait que sa fonction étant la garde des grands murs qui entou-
raient la ville, il a été pris par Ibn Hordadbeh pour le chef du
thème qu'il appelle Tafra et qui n'était autre que celui de Cons-
tantinople. Que ce thème comme thème ait véritablement
existé, c'est là — on le sait — une question. Ce qui est certain,
c'est que le domestique des Murs et sa cohorte, eux, existaient.
Cette cohorte était organisée comme celle des Noumeroi. Elle
comptait les mêmes officiers.
A ces officiers, il importe de joindre l'Hétériarche (sTa-.ps'.àp-
'//,;). Qu'était ce personnage ? Nous remarquons tout d'abord
que le Clétorologe ne lui donne aucun ministère et ne le
compte pas au nombre des grands dignitaires de la couronne.
Nulle part nous ne voyons qu'il ail une proeleusis et des titres
de noblesse, même de troisième ou quatrième classe, accordés
cependant à tous ceux qui avaient une fonction officielle. Est-
ce une lacune, un oubli ? La chose est assez difficile à admettre.
Cependant, d'autre part. M. Schlumberger a publié quelques
sceaux d'hçtériarches qui portent mention de la dignité de
spatharocandidat et de spathaire. Mais, il faut remarquer que
ces sceaux sont d'une époque postérieure (x" ou xi" siècle),
époque précisément oij grandit la dignité de l'hétériarche. C'est
sous Constantin Porphyrogénète qu'il est fait mention pour la
première fois du titre de « grand hétériarche ». On voit alors ce
personnage décoré du titre de magistros. Il est vrai que ce fut
en faveur de Romain Lécapène '. Et pourtant, malgré ce silence
d'une liste officielle, nous savons par les chroniqueurs et les
historiens que le rôle de l'hétériarche était grand dans l'Em-
pire. Plus d'une fois il fut mêlé aux révolutions de Palais et
parfois, comme Romain Lécapène. arriva au pouvoir. Basile
I. Léon Grainni.. ii33.
ET l'empire mZAMTN 355
lui-même, au sortir du service qu'il faisait chez Théophilit-
zès. fut iuscril parmi les subordouués de riiétériarche. En
fait, la raison piobable du silence de la source officielle, c'est
que riiétériarche était chef d'un tagme d'étrangers. Ibn Hor-
dadbeli compte parmi les quatre tagmes à cheval les « skou-
tarioi », qu'on a mieux lu u cpo'.ospàTO'. », les fédérés, garde qui
« accompagnait l'Empereur dans ses voyages, » dit l'auteur
arabe. L'hétériarche était le chef suprême de cette garde étran-
gère qui se divisait probablement en trois : la grande, la
moyenne, la petite hétérie et comptait un certain nombre de
païens', ^ous savons, contrairement au dire du géographe
arabe, par le Livre des Cérémonies ([ue riiétériarche avait
une fonction déterminée au Palais, avec les maglabites qui
étaient probablement des civils et le papias ou grand portier.
Pour se rendre compte de la chose, il suffit de parcourir le
chapitre i du IP Livre des Cérémonies- dans lequel toute la
fonction de l'hétériarche est longuement expliquée. Nous
voyons qu'il a sous ses ordres des u archontes » ou officiers,
lesquels avaient à leur tour, sous leur autorité, des « sêootjLàpt.o'. »
ou soldats chargés du service pendant la semaine et de
(( -apcêoouàp'^o'-. » Dès que Foffice du matin, l'opOpo;, était achevé,
l'hétériarche et le papias allaient ouvrir les portes du Palais et
chacun, avec ses subalternes — l'hétériarche avec les gens de
la moyenne et de la grande hétérie — occupait sa place. Ce
passage nous fait donc voir que l'hétérie était une sorte de
tagme militaire ayant au Palais un service de garde. Un autre
passage du même Livre '\ postérieur, il est vrai, à l'époque de
Basile puisqu'il est daté du règne de Constantin Porphyrogé-
nète, complète ces renseignements en nous apprenant que la
grande et moyenne hétérie étaient composées de Macédoniens,
de Fargans et de Chazares. Ces soldats portaient épée et bou-
clier d'or et d'argent*. On remarquera que ces données, quoique
I. Cf. Sclilumbcrger, Sigillo. 347- Ces « 9otO£pâTO'. » sont nommés parmi
les soldats par le Prochiron (xi, 19, p. 81). Le livre des Cérémonies, p. 916, a
l'air de dire qu'il y avait 200 hommes dans l'hétérie et 100 païens. En tous
cas, il y avait des païens. En dehors de cette mention les sceaux suffisent
à le prouver.
■A. Cerem., 97G. Cf. neljajev, n, 7.
3. Cerem., p. 107a.
4. D'où, sans doute, le nom de Skoutarioi donné par les Arabes à ce
corps.
356 BASILE I
tardives pour nous, répondent cependant assez bien aux détails
de riiistoire de Basile tels que nous les ont transmis les chro-
niqueurs comme Symcon Magister et le continuateur de Georges
Moine *. L'un et lautre. en effet, ne nous disent-ils pas que c'est
tout d'abord dans riictérie commandée alors par un certain
André que lui, Iksile, Macédonien de naissance, entra au sor-
tir de chez Théophilitzès et que là il eut à s'occuper spéciale-
ment de l'écurie impériale, alors quen fait, s'il avait été byzan-
tin il eût été sous l'autorité du protostrator. Enfin le récit de
Constantin VU sur le « navire impérial ^ », confirme tous ces
renseignements en nous montrant riiétériarche seul admis
avec ceux qui ont du service direct auprès de l'Empereur sur
la galère de Basile. Ce service, en outre, était fait aussi bien en
campagne qu'en ville. A Ihétérie revenait l'obi igation de
monter la garde à lintérieur du camp et près de la tente impé-
riale^.
(( Thèmes », troupes de province, « tagmes », troupes de
Constantinople, telles étaient donc les deux grandes divisions
de l'armée byzantine. Certains thèmes fournissaient surtout la
cavalerie, d'autres surtout l'infanterie. Des six tagmes, quatre
étaient des troupes de cavalerie, deux des troupes d'infanterie.
Mais entre ces deux divisions de l'armée, il n'y avait pas,
semble-t-il. séparation complète. 11 est assez difficile, en vérité,
de savoir s'il existait, comme le suppose M. 1 spenskij, dans
chaque thème des tagmes organisées sur le modèle de celles
de Constantinople. Ce qui est, en tous cas, certain, c'est que
thèmes et tagmes se rencontraient lorsque TEmpereur allait
lui-même en campagne et qu'à chaque division de l'armée une
place fixe était assignée, suivant sa dignité *.
Comme pour toutes les autres administrations, les affaires
militaires avaient leur centre à Constantinople. Là, sous la
surveillance de l'Empereur, quelques hauts fonctionnaires
dirigeaient les ministères où venait converger tout ce qui
avait trait à l'armée. La chancellerie de l'armée était aux mains
1. Sym. Mag., ch. x, p. 717 ; Georg. Moine, Gont., 1087.
2. De Adm., cli. li, p. 385. Cf. plus bas « la Marine »
3. Cerem., p. 920.
4. D'où, évidemment, entre ces deux armées, des jalousies et des haines
invétérées. .Tusqu'en face de rennemi iJ y avait parfois des disputes vio-
lentes sur les mérites respectifs des uns et des autres, thèmes contre thèmes,
thèmes contre tagmes (Gl\ 17/. Basil., ch. xlu, p. 288-289).
ET i; EMPIRE BYZANTIN 357
du lofjothèle de l'avinée (6 AoyoOiTY.çTOj TTcaTuoTixoG). Qe fonction-
naire avait un très haut rang. Il venait le 35*^ dans la liste de
Léon, par conséquent le Si*^ du vivant de Basile et pouvait por-
ter les grands titres de noblesse habituelle. Marin, logothète de
larméeen 869, est, en effet, patrice '. Son bureau était naturelle-
ment composé comme pouvait l'être une chancellerie faisant
en même temps fonction de bureau des finances pour l'armée.
Il avait sous ses ordres les chartulaires (( toj tsxoétoj », c'est-à-
dire, on le sait, les chanceliers propres à chajjue ministère ;
puis des chartulaires des thèmes, chargés de conserver les actes
faits par l'autorité du stratège dans sa province, d'envoyer et de
signer les pièces nombreuses concernant chaque corps mili-
taire, de garder et de vérifier les comptes de l'armée ; des char-
tulaires des tagmes, chargés des mêmes obligations pour les
cohortes de Gonstantinople ; des legatarioi (AsyaTaoïo!.) qui
allaient dans les provinces examiner l'administration du stra-
tège et porter aux chanceliers particuliers les ordres de la
chancellerie générale et se mettre ainsi constamment au cou-
rant de l'état du thème. C'est la raison pour laquelle une
femme, mariée à un soldat, doit s'adresser à lui ou aux « tri-
buni )) de l'infanterie pour savoir si son mari est mort ou encore
vivant. Sur le rapport du legatarios on dresse alors, s'il y a lieu,
un acte authentique de décès qui permettra à cette femme de se
remarier -. Quant aux optiones (ot:t(ovî;), ils paraissent avoir
été chargés de l'administration financière de la chancellerie -^
Enfin un protochancelier et des chanceliers complétaient ce
bureau.
Nous ne savons pas si le logothète de l'armée était un mili-
taire ou un civil. Il était, en tous cas, compté dans la classe des
u secretikoi )> avec le grand chancelier de l'Empire et les hauts
fonctionnaires d'ordre financier, comme le sacellaire et les logo-
tlîètes des trésors*. Les autres ministères de farmée, par contre,
étaient, eux, en tous cas, confiés à des militaires, à des « stra-
tarches », comme dit le Livre des Cérémonies. Ces ministères
étaient au nombre de cinq. Indépendamment du ministère de
la marine que'nous retrouverons plus bas, de l'hétériarche et du
I. Mansi, wi, p. lôS.
3. Proch., XI, \x, p. 81.
3. Cf. Du Gange, au mot ôttIwv.
4. Cerem., p. i3i3.
358 BASILE I
protospathaire des basiliques, que nous avons cru devoir placer
plus logiquement parmi les officiers en chef des tagmes, rési-
daient à Constantinople :
1° Le logothète -rtov àysAwv ou des troupeaux et 2" le eomle
TOJ o-TaêAO'j ou de rétable. Ces personnages, tous deux du nom-
bre des soixante grands fonctionnaires de l'Empire, paraissent
avoir dirigé les services généraux d'intendance. Une lacune du
manuscrit de Leipzig, le seul exemplaire que nous possédions
du Livre des Cérémonies, nous empêche de savoir de quelle
façon était organisé le miuistère du comte de Tétable. Cet offi
cier était très probablement chargé de la direction générale des
haras impériaux et devait avoir sous ses ordres les « àpyovTs;
Ttov cTàê)aov », comme le chartulaire de retable ^ : mais, à son
sujet, nous n'avons pas d'autre détail. C'est seulement par le
ministère du logothète des troupeaux que nous pouvons con-
jecturer quels pouvaient être ses officiers. Ce ministre avait,
en effet, un bureau parfaitement adapté aux nécessités de son
commandement. Deux grands chefs de bureaux se partageaient
le travail. C'étaient tout d'abord les protonotaires d'Asie et de
Phrygie chargés du personnel occupé à ces nombreux trou
peaux dont parle Kodama'-; puis les diœcctes des stations
(jjLSTaTa) dans lesquels l'armée s'arrêtait pour se reposer et s'ad-
joindre les contingents de certains thèmes. Nous connaissons
le nom de ces stations : Malagina, Dorylée, Kaborkion, Kolo-
née, Césarée, Dazimon ^. Dès que la guerre était déclarée, le
logothète devait, d'après une juste répartition et un exposé
public, établir ce que les chefs des stations d'Asie et de Phrygie
étaient obligés de fournir comme contribution de guerre, c'est-
à-dire en général 200 mulets valant chacun i5 nomismes et
200 chevaux de la valeur de 12 nomismes : ce qui faisait
54îi4 nomismes, soit 76 livres d'or*. C'étaient naturellement les
protonotaires qui avaient mission d'établir les calculs et de
I. .Cerem., p. 802.
3. De Gœje, Biblioth., vi, 199-200.
3. Cerem., p. 825. A Malagina se trouvaioiil « les écuries du roi, les dépôts
de munitions et les magasins d'approvisionnement », dit Ibn Hordadbeh.
(Biblioth., VI, p. 86). Chacune de ces villes avait sans doute, comme Mala-
gina, un stratopédarche ou chef de l'intendance militaire à sa tète, lequel
portait parfois le titre de duc. (Cf. Sceau de Manuel Lykaïles, stratopé-
darche et duc de Malagina, Ech. d'Ori., 1901-02, 162.)
4. Ibid., p. 849.
ET l'empire byzantin Sôq
transmellro aux intéressés la cole de l'impôt. Des comtes et des
épisckeptiles ou inspecteurs étaient enfin attachés au bureau du
logothète et visitaient les stations.
Telle était donc, autant que nous pouvons le savoir, l'orga-
nisation générale de l'armée à l'époque de Basile P". Voyons,
maintenant comment fonctionnait ce système. C'était évidem-
ment l'Empereur, qui seul pouvait déclarer la guerre et décider
s'il y prendrait part ou non. Les Byzantins avaient pour
exprimer la chose un verbe spécial « c5'ja-a"aTî'j£',v » et un signal
que chacun devait bien connaître et qui remontait à Basile lui-
même. On suspendait au sommet des portes de la Chalcé une
cuirasse, une épée et un bouclier K Immédiatement le logothète
des troupeaux et celui de l'étable étaient avertis ainsi que le
protovestiaire et on se mettait à faire les préparatifs nécessaires.
Lorsque l'Empereur n'allait pas lui-même en campagne, un
stratilate, chef de tous les thèmes et de tous les stratèges, était,
en général, nommé -. Lorsque tout était prêt, que la garde de
la ville et l'administration de l'Empire étaient confiées à qui de
droit, l'Empereur avec ses tagmes et l'effroyable suite de ses
bagages, franchissait le Bosphore pour s'en aller à Chalcédoine
prendre la grande et magnifique route que l'on voit encore
aujourd'hui et qui le conduisait à Malagina ^. Chaque thème
averti et sous les armes avait ordre de rejoindre l'Empereur à la
station la plus voisine de son cantonnement afin que les soldats
et les bêtes ne se fatiguassent pas inutilement. A Malagina,
l'Empereur trouvait le domestique des Scholes et le stratège de
rOpsikion ; à Dorylée. celui des Thracésiens; à Kaborkion,
celui des Anatoliques et celui de Séleucie. Ce point stratégique
était probablement la dernière étape qu'on faisait, quelle que
fût la guerre entreprise. De là, suivant l'ennemi qu'on voulait
atteindre, Pauliciens ou Arabes, on prenait une route différente
et les stations étaient autres. Allait-on guerroyer contre Tarse ?
Les stratèges de Cappadoce, de Charsian, des Boukellaires
1. Cerem., p. 848.
2. Cedrenus, i, ii37-ii'4i. L'Empereur était grand chef de l'armée. Il don
nait le commandement suprême à qui bon lui semblait, sans s'occuper
du titre que pouvait porter le futur stratilate. Les principaux généraux en
chefs de l'armée sous Basile, furent son gendre Christophore, domestique
des sclioles, le stratège André qui était Scythe ; le protovestiairc Procope,
enfin Nicéphore Phocas.
3. Cerem., 82b.
36o
BASILE
rejoignaient l'Empereur à Colonée : les stratèges dV'Vrméniaque,
de Paplilagonie et de Sébaste à Césarée. Allait-on, au contraire,
combattre les Pauliciens à Téphrice, les troupes de l'Armé
niaque seules, en général, levées, trouvaient l'Empereur à
Yathy-Ryax^
A chaque station, il y avait pour recevoir l'Empereur tout
un cérémonial. L'armée du thème qui venait rejoindre son
souverain, se tenait à une petite distance de la route. Dès que
le Basileus était arrivé, le stratège, le protonotaire du thème,
les officiers de la proeleusis se présentaient à lui ; puis, accom-
])agné de ces chefs, il passait en revue les troupes en marchant
devant le front du thème. Les officiers secondaires mettaient
pied à terre, tandis que les soldats restaient à cheval -.
Le repos achevé, le Basileus reprenait sa marche en avant. Il
se plaçait en tête de l'armée, à la distance d'un u triple vol de
flèche ». L'armée suivait derrière d'après un ordre déterminé.
Le centre était occupé par les tagmes, suivant leur ordre de
dignité — la plus noble formant exactement le milieu de l'ar-
mée. Sur les côtés se trouvaient les thèmes, eux aussi placés
suivant leur ordre « xaTa Ta fjsjjiaTa ajTwv ». dit le Livre des Céré-
monies, les plus élevés près des tagmes ^^ Nous connaissons
par plusieurs passages du Livre des Cérémonies l'ordre de
dignité des tagmes. L'un d'eux entre autres est intéressant. Il
expose quel doit être l'ordre adopté quand l'armée passe un
pont ou une rivière. Les tagmes marchaient les premiers,
ensuite les thèmes ; mais parmi les tagmes, les scholes avaient
le pas sur tous les autres ; les excubiteurs, les aritlimoi et les
icanates suivaient*. On arrivait ainsi, généralement, en un
endroit central, à proximité relative de l'ennemi. On dressait
alors le camp en ayant soin de placer autant que possible la
tente impériale sur un lieu élevé et les stratèges attendaient l'or-
dre de l'Empereur. U était rare que celui-ci prit une part plus
active aux opérations, surtout quand il s'agissait d'aller assiéger
une ville.
Nous savons que Basile restait au ([uartier général et envoyait
les troupes à l'assaut. C'était ce ((ui s'appelait aller à la guerre.
1. (jolzor, op. cit., p. 108-109.
2. Lspcnsklj, op. cil., p. i5(3.
3. Ibid.
4. Cerem., p. 8!iO.
ET l'empire BYZWTIN 36 1
Néanmoins, le fait n'est pas rare dans les annales byzantines de
voir l'Empereur prendre plus directement part à la guerre en
payant de sa personne. Plusieurs fois, les basileis manquèrent
d'être pris ; plusieurs fois il y en eut qui trouvèrent une mort
honorable sur le champ de bataille.
Le retour de l'Empereur s'effectuait sansdoutecomme à l'aller.
Après la guerre, il revenait à Gonstantino])le recevoir les hon-
neurs du triomphe. C'étaient toujours pour Byzance de grandes
journées, d'autant plus joyeuses que son souverain était plus
véritablement vainqueur. Le Livre des Cérémonies nous a
conservé la description des fêtes qui furent données lors du
retour de Basile à Constantinople après la victoire de ses géné-
raux sur Téphrice ^ Ces fêtes se reproduisirent plusieurs fois :
en. 872 après Téphrice; en 878 après la campagne de Méli-
tène ; en 882 après la seconde campagne de Basile contre
Mélitène. Le récit du Livre des Cérémonies correspond très
probablement aux fêtes de 872. L'Empereur se trouvait au
Palais d'Hieria sur la côte d'Asie, en face de Constantinople. Il
revint immédiatement dans sa capitale et descendit à l'Hebdo-
mon. Là, toute la ville l'attendait portant des couronnes de
roses. Il fut reçu par le sénat et, après les compliments habi-
tuels, le cortège se dirigea vers l'église du Prodrome où eut
lieu la prière. On alluma les cierges et Basile, accompagné de
Constantin revêtu du u scaramangion » et monté sur un cheval
de parade, s'en alla à l'église des Abramites dédiée à la Très
Sainte Mère de Dieu, précédé du sénat et du peuple. Là, après
une courte prière, le cortège s'arrêta. Par ordre du préfet de
la ville, la cité, de la Porte d'Or à la Chalcé, était brillamment
décorée de lauriers, de romarin, de tamaris, de roses et autres
fleurs ainsi que d'étoffes précieuses et de lustres (polykandala).
Les rues, soigneusement nettoyées, étaient jonchées de tleurs.
Au delà de la Porte d'Or se trouvaient les prisonniers de marque
pris aux ennemis avec les plus riches dépouilles de la guerre,
armes et autres objets, toutes choses dignes de paraître au
triomphe qui allait suivre la « ijlsoy, », le grand corso byzantin.
V un moment donné les battants de la Porte d'Or s'ouvrirent et
le cortège impérial se remit en marche. Les Empereurs ayant
quitté le scaramangion. revêtus, Basile du manteau impérial
I. Cerem., p. 942.
362 BASILE I
— l'imaiion — brodé d'or et de perles du plus haut prix, l'épée
au côté, le diadème (xa'.Tap'lx',ov) en tête. C.onstantin portant
une cuirasse d'or (xAiêàviov). l'épée et les souliers d'or, tenant à
la main une lance d'or, enrichie de perles, la tête ceinte d'un
bonnet (cpaxioAov) blanc et or et sur le front une couronne d'or,
montèrent sur deux chevaux blancs, magnifiquement harna-
chés. Au couvent des Abramites les deux démarches et leurs
factions en habits de fête vinrent recevoir et complimenter les
souverains. Les acclamations d'usage « gloire à Dieu, gloire à
la Très Sainte Trinité » retentirent chantées parles deux factions
du cirque, tandis que le cortège se rendait à la Porte dorée.
L'éparche de la ville et ses ministres s'y trouvaient déjà. Dès
que l'Empereur fut arrivé, ils se jetèrent h genoux pour l'adorer
et lui présenter des couronnes d'or et d'autres de laurier que
Basile reçut en remettant à l'éparche une belle somme d'argent.
Cette cérémonie achevée, le cortège se dirigea d'abord vers le
Sigma et de là à l'Exokionion pour rejoindre la « Méa-r, », par le
Xérolophos, au forum d'Arcadius. Suivant dès lors la voie triom-
phale, le cortège passa par le Forum bovis, le Capitole, le Phila
delphion, le Forum Tauri, l'Artopoleion, pour aboutir enfin au
forum de Constantin, non loin de Sainte-Sophie. Là, les Empe-
reurs descendirent de cheval et entrèrent dans l'église de la
Mère de Dieu où se trouvaient le patriarche et tout le clergé de
Sainte-Sophie. On alluma les cierges et, après une rapide prière,
on se remit en marche, non sans avoir changé d'habits. Les
costumes militaires firent place aux costumes impériaux civils,
manteau, chlamyde, diadème et c'est dans ce nouvel appareil
que précédé des troupes ' , des dépouilles prises aux Arabes et
de la croix, le cortège arriva au milliaire d'or situé sur le
Forum Augusteuîn en face de Sainte-Sophie. Pénétrant alors
à l'intérieur de la « belle porte » (wpaia tîjXy,) les Empereui'S
déposèrent leur couronne et entrèrent dans le narthex par la
porte centrale, celle qui conserve encore aujourd'hui sur son
tympan une mosaïque représentant très vraisemblablement
Basile. Ils tenaient un cierge allumé à la main et avaient à leur
côté le patriarche. La liturgie solennelle se déroula alors. Une
fois achevée, les Empereurs rentrèrent au Palais avec le cérémo-
nial des grands jours. Ln dîner fut servi dans le triclinium de
I. Nous retrouvons là rénumération des divers groupements militaires
cités plus haut : skeuai, labouroi, signoi, bandes, etc.
ET l'empire byzantin 363
Justinien et après diverses réjouissances, Basile, heureux de
rincomparable spectacle qu'il avait donné à sou peuple, distri-
bua aux membres du Sénat argent et riches habits.
Mais, comme en tous temps, une armée coûte cher à la nation
et la guerre est toujours chose fort onéreuse. Gomment à
Byzance payait-on les soldats, par quels impôts faisait-on face
aux nombreuses dépenses qu'entraînaient les longues cam-
pagnes, les triomphaux retours, les généreuses largesses de
l'Empereur ^ ? Le bien-fonds donné aux familles de soldats
n'était pas seulement destiné à obliger ces familles à fournir
l'armée de recrues nouvelles. Sur les revenus de la terre, elles
devaient aussi entretenir le soldat, c'est-à-dire l'équiper et le
nourrir. Si la parcelle de terre était de trop maigre rendement,
le propriétaire se cotisait avec d'autres pauvres pour armer le
soldat ; mais jamais le trésor ne se chargeait de la chose. C'est
ce qu'explique fort bien un auteur arabe : « Il n'y a pas de
marché dans le camp romain. Chaque soldat est obligé d'ame-
ner de chez lui, le biscuit, l'huile, le vin et le fromage dont il
aura besoin -. » Mais, s'il n'est ni équipé, ni entretenu, le sol-
dat reçoit, indépendamment de certaines gratifications excep-
tionnelles et de sa part de dépouilles, une paie dont Ibn Hor-
dadbeh nous donne en gros le résumé : « La paie des officiers
est, au maximum, de 4o livres d'or ; elle descend à 36, à 2^, à
12, à 6 et jusqu'à i livre. La paie des soldats varie entre i8 et
12 dinares par an. Mais ordinairement elle n'a lieu que tous les
trois ans. Il arrive même qu'on paie en une fois la somme
représentant quatre, cinq ou six années de service ))^. Une autre
source arabe, nous donne encore à ce sujet quelques ren-
seignements : « Une personne qui connaît très bien le pays
des Romains dit que la paie des officiers varie entre 3 et
I livre d'or. Or, chaque livre vaut go mithkâl. Les Romains
admettent dans le rôle de leur armée les jeunes gens imberbes.
Ceux-ci reçoivent i dinare la première année, 2 dinares la
seconde, 3 la troisième et ainsi de suite jusqu'à leur douzième
année de service, lorsqu'ils touchent la paie complète de 12 di-
nares » *. Dans leur ensemble, ces données correspondent assez
I. Cerem., p. 920.
•2. Cité par (ielzer, op. cit., ii5.
3. De (îœjo, Biblioth., p. S\. (iolzor, op. cil., ii'j.
4. Gclzer, op. cit., p. ii5.
364 BASILE 1
bien avec ce que nous dit le Livre des Cérémonies ^ A l'époque
de Léon \ I, en eflet, les stratèges des Anatoliques, des Thra-
césiens, des Arniéniaques, recevaient quarante livres d'or.
C'étaient les stratèges de première classe. Les stratèges de
rOpsikion, des Boukellaires, de Macédoine en recevaient trente :
ils étaient de seconde classe. A la troisième classe, avec 20 livres,
appartenaient les stratèges de Cappadoce, de Charsian, de
Paphlagonie, de ïhrace, de Colonée. Le stratège de Chaldée ne
recevait que 10 livres ; mais, comme nous l'avons dit, il touchait
10 autres livres sur le commerce qui se faisait dans sa province.
C'était, on s'en souvient, le dernier thème d'Orient. Les stra-
tèges des Kibyrrhéotes, de Samos, de la mer Egée qui apparte-
naient tous aux thèmes d'Occident, ne touchaient que 10 livres ;
ceux qui faisaient réellement partie de l'Occident ne touchaient
rien. Ils vivaient du droit de « coutumes » que leur payait,
chaque année, la province. On le voit donc, les chiffres donnés
par Ibn Hordadbeh et l'auteur anonyme du chapitre l sont à
peu près concordants. Sous Basile, comme sous Léon, les béné-
ficiers de la dernière classe, ceux qui touchaient 5 livres étaient,
sans doute, les clisurarches. Les autres oificiers, dans chaque
thème, devaient recevoir des annuités allant de 5 à i livre l'an.
Nous pouvons, d'autre part, tirer un certain nombre de ren-
seignements intéressants de la solde fournie par Léon VI aux
ofQciers inférieurs et aux soldats lors de l'expédition entreprise
en 910 contre la Crète. Nous voyons qu'un tourmarche des
Mardaïtes, par exemple, était payé 36 nomismes, c'est-à-dire
1/2 livre ou 44o francs à peu près; un drongaire, 12 nomismes;
un comte, 6 ; un soldat, [\. Par contre, s'il n'y a pas d'erreurs
de chiffres dans l'unique manuscrit que nous possédons, un
tourmarche de Sébastc, au thème d'Arménie, n'avait que 12 no-
mismes, un drongaire, 6, un comte, 5, un soldat, 4^- Ces
chiffres pris isolément ne donnent pas par eux mêmes une
idée suffisante des dépenses qu'occasionnait l'armée, surtout
en temps de guerre. Le récit des distributions d'argent que
dut faire l'Empereur Léon, lors de son expédition en Crète en
910, est peut-être plus suggestif parce qu'il nous présente un
1. Cerem., cli. l, p. 128G. Le texte date du règne de Léon VI, ce qui
prouve que les choses n'avaient pas changé entre l'époque où écrivait
Ibn Hordadbeh et celle où écrivait l'auteur de ce chapitre.
2. Cerem., p. 1212-1217.
ET l'empire BYZ.VNTIX 365
tableau d'ensemble des sommes fournies aux soldats. La flotte
reçut 29 kentenarla, i3 livres, 66 nomismes, ce qui représente
une somme de 3,i47,33o francs. L'armée de terre, beaucoup
moins nombreuse en cette expédition maritime, reçut 439,890
fraucs : ceci pour une seule expédition et sans compter les
(V rogai » habituelles des stratèges et soldats qui ne prirent pas
part à l'expédition. Or, ces rogai montaient à un chiffre encore
assez élevé puisque Théophane nous raconte ^ que sous Nicé-
phore, par exemple, le stratège des àrméniaques, Léon, fut un
jour arrêté alors qu'il apportait en son thème la solde des sol-
dais cl que cette solde se montait à i.3oo livres, c'est-à-dire
432,000 francs. Une autre fois ce furent les Bulgares qui arrêtè-
rent le porteur. Les rogai montaient à 1,100 livres -.
C'était là la paie ordinaire des armées byzantines. Mais
parfois, ofiîciers et soldats avaient des suppléments. Lorsque
la guerre avait été heureuse, qu'on avait enlevé aux ennemis un
nombreux butin, les thèmes en profitaient. On prélevait un
sixième en faveur du fisc ; le reste était partagé également
entre les chefs et les soldats ^. Même la sixième partie réservée
au fisc pouvait être donnée par les stratèges, en certaines cir-
constances, à un chef qui s'était particulièrement fait remar-
quer pour sa bravoure pendant la guerre K
Les géographes arabes, on l'a remarqué, nous donnent un
détail qui, lui aussi, se trouve confirmé par les sources byzan-
tines. Us nous disent que la paie n'aA ait lieu que tous les trois
ans. (( Il arrive même qu'on paie en une fois la somme l'cpré-
sentant quatre, cinq ou six années de service. » Or, l'appen-
dice n du Livre des Cérémonies •', nous relate le même fait. La
seule différence que nous puissions relever entre les deux
sources est de peu d'importance. Tandis que les Arabes répar-
tissent sur trois années la paie des soldats, a l'ancien mode »
byzantin, le « 7zaA:.'.oç tj-o; n le réparlissait sur quatre. Au cours
de la première année de ce cycle financier, on payait les thèmes
des Analoliques, des Arméniaques, des ïhracésiens ; au cours
du second l'Opsikion, les Boukellaires, la Cappadoce ; au cours
1. Thcoph., p. 981.
2. Ibid., p. 973.
3. Prochir.. \l, s Ii "î^ï^.
4. Ibid.
n. (lerrm., [). (j'M).
366 BASILE I
du troisième, le Charsian, Colonée, la Paphlagonie: au cours du
quatrième, la Thrace, la Macédoine, Chaldée. Les stratèges,
pjobablement. s'en allaient à B\zance chercher l'argent que les
fonctionnaires financiers du thème réi3artissaient ensuite, sui-
vant la liste établie dans leurs bureaux.
C'étaient là, on le comprend, de très lourdes charges pour le
trésor. Aussi y avait-il pour faire face à tant de dépenses, des
impôts spéciaux affectés à la guerre. D'abord, en temps de
guerre, toutes les provinces de l'Empire, par l'intermédiaire de
leur stratège, étaient tenues de fournir les choses essentielles à
l'armée. 11 en allait de même de tous les titulaires de hautes
charges. C'est ainsi, d'une part, que les stratèges des Anato-
liques, des Arméniaques, de Thrace, de l'Opsikion, des Boukel-
laires donnaient chacun cinq mulets à l'Empereur ; les autres,
trois ou un, suivant leur rang; de même, le domestique des
scholes donnait cinq mulets, tandis que les autres domestiques
n'en fournissaient qu'un. D'autre part, le comte de l'étable, par
exemple, devait quatre mulets et quatre chevaux ; l'éparche un
mulet, le sacellaire deux, etc. ^ Les métropolitains, les arche
vêques, les monastères eux-mêmes, étaient mis à contribution -.
C'est que tous ces troupeaux de chevaux. et de mulets, les uns
marqués, les autres non, ne servaient pas seulement à l'armée.
Ils étaient donnés à l'Empereur qui en faisait l'usage qu'il vou-
lait et souvent les ofTrait en cadeaux à des gens qu'il voulait
gagner ou récompenserai D'autres charges pesaient souvent, en
outre, sur les stratèges. L'auteur anonyme qui nous a laissé le
récit de l'expédition d'Himerius en Crète sous Léon le Sage, le
montre très bien. Certains thèmes étaient chargés de fournir
des flèches, d'autres du bois de vaisseaux, en un mot, toutes
choses nécessaires à Tarmée. C'était donc là une source de reve-
nus assez importante et qui permettait d'alléger le budget de la
guerre. De plus, il y avait des impôts militaires qui, se payant
en nature, étaient prélevés sur tous les habitants, riches et
pauvres, comme sur tous les lieux, villes et villages. C'étaient
les redevances en blé, en victuailles, connues sous le nom
d'o'!>tovt.ov, de o-'.TY.piT'.ov, primitivement de tuvcÔvy, et qui étaient
données aux soldats et aux officiers par les habitants des lieux
1. Cerem., 849-853.
2. Ibld., 857.
3./birf.,856.
ET l'empire byzantin 36"
où passait l'armée ; le jASTaTov ou droit de gite qui était imposé,
autrefois comme aujourd'hui, aux gens du pays ; l'obligation
de prêter aide et secours pour la construction des camps
(xaTTpoxT'.a-'la). des ponts et Tentretien des routes ' ; enfin, si la
contrée était maritime, l'obligation de contribuer à la construc-
tion des vaisseaux (xaTEpyoxT'.a-'la) '-.
L'armée impériale, enfin, se composait d'une flotte dont lim
portance était grande pour la défense de l'Empire et de ses
possessions maritimes. A cette époque lointaine, Byzance était
même à peu près seule, avec les Arabes, à avoir des vaisseaux
qui s'en allaient partout sur la Méditerranée, défendre ses droits,
ses sujets, ses possessions. De cette marine, elle avait droit
d'être lière : « Navigantium fortitudo mihi soli inest », fait dire
Liutprand à Mcéphore Phocas, et c'était vrai '^. Pour longtemps
encore la flotte restera la gloire de la u Roman ie » 0 o-toaoç sttI
Comme pour l'armée, deux flottes composaient la marine
byzantine : la flotte impériale et les flottes provinciales aux-
quelles il faut ajouter la flottille privée de l'Empereur. Le Livre
des Cérémonies est, à ce sujet, très formel et corrobore en tous
points ce que nous savons par ailleurs. Lors de l'expédition de
Crête sous Léon YI, il est question d'abord de la flotte impé-
riale « To jî>aT',Mxov ttAwVuov )) , puis des flottes de provinces '\ Ces
provinces maritimes — ces thèmes — étaient organisés sur le
modèle des autres thèmes militaires. Situés sur les côtes de la
mer Méditerranée, ils donnaient tout naturellement des marins,
comme les autres donnaient des soldats. C'étaient les thèmes des
Kibyrrhéotes, de la mer Egée, de Samos et de Grèce. Chacun
avait sa flotte qui se recrutait ainsi que l'armée de terre. Des
biens-fonds étaient distribués à certaines familles, en échange
de quoi ces familles devaient le service sur mer. Comme les
autres fonds de terre^ les propriétés des marins étaient d'iné-
gales valeurs et donnaient des droits, prescrivaient des devoirs
difl'érents. C'est ainsi qu'un fonds de 3 livres était requis pour
faire partie de la flotte impériale^. La marine byzantine se com-
1. Tactika, xx, 71. p. 1082.
2. Skabalanovic, op. cit., p. 276.
3. Cité par Neumann, Die byzantinische Marine, p. 3.
4. Ibid., p. 22.
5. Cerem., iai3.
6. Ibid., 1284.
368 BASILE I
posait, elle aussi, de divers éléments. Il y avait d'abord les
marins du thème, puis les Mardaïles de Grèce qui paraissent
avoir eu une organisation spéciale, enfin des soldats étrangers,
à la solde de l'Empire. Au x"" siècle, quand des' relations ami-
cales uniront Byzance et les Russes, ces derniers prendront
souvent part aux expéditions maritimes des empereurs.
Le commandant en chef de chaque flotte provinciale était le
stratège. Il avait sous ses ordres les mêmes officiers que les stra-
tèges de Tarmée de terre, avec en plus, des kentarches et des pro-
tokaraboi (TrptoToxàGaêoi) ^ Le commandant de la flotte impé-
riale était le drongaire ( 6 opojyyàoioç twv tt Aottjnov) . Ce dron-
gaire des flottes faisait naturellement partie des 60 grandes
dignités de FEmpire et pouvait être patrice. Il était assimilé, à
l'époque de Léon YI, aux 5 stralarches. Les stratèges des thèmes
maritimes avaient donc le pas sur lui : mais, chose curieuse, la
composition même de son ministère est bien plutôt celle d'un
domestique des tagmes que d'un oflicier d'intendance. Il a.
comme tout commandant en chef, sous ses ordres, des topoté-
rètes, un chartulaire, un protomandator. des comtes, des ken-
tarches, des mandatores. Il a, en outre, comme les stratèges, des
comtes de l'hétérie à la tête des détachements étrangers. Il est
probable, par conséquent, qu'il n'y avait pas de ministère de la
marine à proprement parler. Les afl'aires matérielles des thèmes
maritimes étaient de la compétence des bureaux de l'armée. —
^ous connaissons le nom du drongaire de la flotte impériale à
l'avènement de Basile. C'était le protospathaire Elie, celui-là
même qui fut chargé de ramener le patriarche Ignace à Cons-
tantinople. Un autre drongaire nous est connu ])our cette
époque, le patrice ^asar.
Le rôle de la flotte impériale paraît avoir été le même que
celui des tagmes. Sans doute, elle allait en guerre, même quand
l'Empereur restait à Constantinople, — telle la flotte qui partit
pour la Crête. — Néanmoins, il est bien sûr qu'elle était mise à
contribution surtout et tout d'abord pour défendre la ville et
faire la police de la mer, pour être au service immédiat de l'Em-
pereur, peut-être même pour les cérémonies impériales. Le
Livre de V Administration de l'Empire- nous apprend, en eff*et,
1. Cerem., i3i6.
2. De Adniiii., u. p. 385.
ET l'empire byzantin oÔQ
qu'entre le Palais et la Corne d'Or, au IlÉpaaa, il y avait toujours
une dizaine de chelandia montés par des marins spéciaux.
C'étaient les stationnaires de l'Empereur. Ils lui permettaient,
en cas d'émeute, de prendre le large ; ils devaient aussi, proba-
blement, surveiller, du côté de la mer, les entrées du Palais. Rien
d'étonnant dès lors que le drongaire prît place dans l'habi-
tuelle proeleusis de l'Empereur lorsqu'il se rendait dans ses
Palais de la cote d'Asie, à Hieria, à Bryas ou ailleurs. Il y avait
doublement droit, comme chef de la marine et comme chef des
marins chargé, au même titre que le domestique des scholes, de
la garde du Basileus.
Quant il la flottille impériale, son organisation se trouva
modifiée pour la première fois précisément à l'époque de Basile.
Primitivement, les vaisseaux qui composaient cette flotte réu-
nies à Constantinople, étaient de modeste dimension. On les
appelait des ày^àpia. Il y en avait des rouges et des noirs. Les
uns étaient au service de l'Empereur, les autres au service de
l'Impératrice. Trirèmes ou dromons étaient uniquement
employés pour la flotte proprement dite. Basile, le premier, au
cours de ses voyages, commença à abandonner ces agraria
pour se servir du dromon plus commode et plus solennel. Il fit
faire le service par les marins attachés aux chaloupes impé-
riales et par les marins du Stenon qui montaient les chelandia.
Après lui, cet usage se généralisa. Léon VI ordonna de cons-
truire à son usage des dromons et abandonna tout à fait 'les
anciens bateaux *.
A la tète de cette flottille se trouvait le protospathaire de la
phiale (6 -pwToa--a9àpt.o; tt|ç cp'.aAT.ç). Il avait sous ses ordres tous
les marins de la ville, sauf ceux de l'Impératrice qui avaient
pour chef l'intendant de la table '-. Au protospathaire delà phiale
revenait le droit de juger chaque jour les marins et de leur
donner les ordres convenables. Il avait son bureau — son tribu-
nal — près de la Phiale du grand Palais : d'où son nom. Sous
Léon VI sa situation ne se trouva pas changée du fait de la
transformation de son service. Au lieu des matelots des agraria,
il eut sous ses ordres les matelots des dromons.
Naturellement, faire partie de la tlotte impériale devait être le
I. De Adinin., ch. li, pp. 385 et scq.
;^. [hirl.. p. :^HH.
24
370 BASILE I
plus grand désir de tous les marins. Nous en avons une preuve
dans ce môme chapitre li du De administrando dans lequel
Constantin nous raconte l'ascension progressive de deux pro-
tospathaires de laphiale. Ils étaient « protélates », c'est à-dire les
premiers des matelots, chefs d'équipes sous les ordres de
Nasar, drongaire de la flotte ^ ; ils s'appelaient Podarôn et Léon.
Au cours du règne de Basile, ils passèrent, à cause de leur habi-
leté, de la flotte, sur les yachts impériaux, avec le même grade.
Puis, sous Léon YI, lors de la création des dromons, il fallut
un personnel plus nombreux. L'Empereur eut un équipage
semblable à celui des stratèges. Les deux protélates devinrent
donc (( protokaraboi )> ou chefs des timoniers. C'est alors
qu'en 902 éclata la guerre de Sicile. La flotte impériale, com-
mandée par le drongaire Eustathe, avait besoin de matelots.
L'Empereur ordonna donc que tous les marins iraient prendre
du service sur les chclandia, les protokaraboi en tête. Podarôn,
à son retour, fut créé protospathaire de la phiale. Etant illettré,
on lui adjoignit pour juger un juge de Thippodrome.
Mais, cependant, pour honorable que fut cette dignité, elle
ne pouvait marcher de pair avec les grandes charges de l'Em-
pire. Un protospathaire de la phiale n'avait pas rang, semble-
t-il, parmi les officiers qui allaient à la cour. Aussi, pour
avancer, fallait-il rentrer dans le service actif. De protospathaire
de^la phiale Podarôn et Léon furent nommés topotérètes de la
flotte impériale, charge beaucoup plus importante. Le premier
acheva sa carrière comme stratège des Kibyrrhéotes -.
Cet exemple le montre donc. Il y avait, en réalité, à Byzance,
trois flottes : la flotte des thèmes, la flotte impériale, la flotte
privée de l'Empereur. Cette dernière était la plus brillante. Les
marins pouvaient arriver à de hautes situations. A grades égaux
avec les marins des autres flottes, ils passaient les premiers ;
puis venaient les marins de la flotte impériale, enfin ceux des
thèmes. Le (( curriculum honoris » est donc bien nettement
défini. D'un grade quelconque de la flotte ordinaire, on passait
au grade correspondant dans la flottille impériale ; puis, on
rentrait dans la flotte impériale avec un grade supérieur ; enfin
de la flotte impériale on s'en allait dans celle d'un thème
1. Nous connaissons aussi des « dcutcroélatcs », tel ce Michel qui remplis-
sait cette fonction sur l'agrarion de Basile. (Ibid., 'Sc^'i).
2. De Adniin., ch. li, p. 893. ,
ET l'empire BVZAMIN S'I
prendre un grand commandement. Aux grades de la flottille
correspondaienl. évidemment, des tilres nobiliaires. Un protélate
pouvait être candidat, strator. spatliaire, même spatharocan-
didat, mais c'était rare K car un protokarabos n'était guère
élevé, à l'époque de Basile, à une plus haute dignité que celle
de spalhaire-.
Ces quelques renseignements sur la flottille impériale nous
permettraient déjà à eux seuls de nous rendre compte de ce
qu'était l'organisalion de l'unité navale, le dromon. Mais, heu-
reusement, nous avons, pour mieux connaître la mariue byzan-
tine entre la fin du ix" siècle et le commencement du x% une
autre source importante : les Taklika de Léon VI. Les Taktika
nous apprennent, en effcL ce qu'était le dromon. C'était un vais-
seau d'assez grande dimension. S'il ne devait pas être trop lourd
et trop diificile à manœuvrer, il ne devait pas être non plus telle-
ment rapide et léger qu'un premier choc pût le mettre hors
de service -K II devait être muni à double de tous les engins
nécessaires aux manœuvres comme aux combats. Il y avait des
timons de rechange, des avirons, des rames, des cordes et des
agrès de tous genres. En outre, le dromon devait porter toujours
du bois de construction en abondance, de l'étoupe, de la poix,
tout ce qui était nécessaire à la construction et à la réparation
du vaisseau. Un constructeur de vaisseau se trouvait à bord *.
La proue d'avant était munie d'un instrument que les Byzantins
appelaient « siphon, 6 c-i'^tov » et qui était recouvert de bronze.
Il servait à jeter sur l'ennemi ce feu qu'Arabes et Occidentaux
redoutèrent tant. Au-dessus du siphon se trouvait une sorte de
plancher mobile ('i/sjoo-àr.ov) sur lequel se tenaient pour com-
battre soldats et matelots-». Les plus grands dromons portaient
au milieu du pont une sorte de tour en bois d'où l'on jetait
sur l'ennemi des projectiles : pierre, fer, etc., et qui faisaient
beaucoup de mal aussi bien aux vaisseaux qu'aux soldats qui
1. Le prolospailiairc de la pliiale était naturellement protospathalre;
mais ce n'était pas là chose obligée. Sous liomain Lérapènc il y eut un
protospathalre de la phiale qui ne lut protospathalre qu\iprès avoir été
nommé à cette charge. De Adni., cli. u, p. 'Sq-i.
2. Ibid., 393.
3. TacÂika,\\\, s'i-, p- og**.
4. Ihid., S 5.
5. lhid.,% 6.
372 BASILE I
se trouvaient dessus ^ Le dromon, lui-même, de forme longue
était à deux bancs de rameurs superposés, les uns à droite, les
autres à gauche-. En général, il y avait vingt-cinq bancs à
chaque étage, c'est-à-dire donc cinquante places pour les mate-
lots chargés du service des rames. Cinquante soldats pouvaient
également prendre ])lace sur les dromons. Le commandement
du dromon était conlié à un kcntarche. Il avait sous ses ordre?^,
outre les rameurs, un porte-enseigne, deux timoniers — les
prolokaraboi — un « siphonator n et un soldat préposé à
l'ancre du vaisseau.
Tous les dromons de la flotte n'étaient pas, cependant, exac-
tement faits sur le même modèle. Il y avait quelques vaisseaux
de plus grande importance pouvant porter deux cents
hommes. D'autres, au contraire, étaient plus légers, à un seul
banc de rameurs et servaient aux courses rapides '^. Enfin, la
flotte comptait pour le service d'intendance un certain nombre
de vaisseaux destinés aux provisions, aux bagages, aux chevaux
quand la guerre devait être faite en partie sur terre comme ce
fut le cas en Sicile et en Crête.
Au-dessus du kcntarche. chef d'un dromon. se trouvait le
(( comte» qui commandait plusieurs vaisseaux, trois ou cinq ^.
C'était, pour la flotte impériale, l'équivalent de ce qu'était dans
le thème maritime, le drongaire^, tandis que les topotérètes cor-
respondaient aux tourmarclies.
Le stratège et le drongaire de la flotte avaient à leur service
un (( vaisseau-amiral », le « 7:àtj.cp'jAov » plus grand et plus rapide
que les autres^. Au sommet d'une haute lance, flottait le pavil-
lon de l'amiral, a cpoiv-xLv" » qui faisait les signaux nécessaires
pour le commandement.
Les armes hgbituelles aux marins étaient les mêmes que celles
dont faisaient usage les soldats de terre : tous avaient des lances,
des boucliers, des javelots.
I. Tadika, S 7.
3. Ihid., S 7 et 8.
3. IhuL, S 9 et 10, p. 993,
4. Ibid., S 22, p. 997.
5. Ibid., S 23.
6. Ihid,, S 37, p. loo'i.
7. Ibid., s Ai.
ET l'empire byzantin 3-3
Telle était rorganisation de l'armée et de la marine au
ix" siècle, à Byzance. On voit que tout était fixé avec autant de
précision que d'intelligence. Ce système dont, évidemment,
les origines doivent aller se chercher à Rome et à l'époque
impériale, s'est développé et modifié au cours des siècles. En
somme, il pouvait se mesurer sans paraître démodé et sans
infériorité, avec les systèmes plus jeunes, et plus souples peut-
être, de l'Empire arabe et de l'Empire d'Occident.
LIVRE IV
LA CIVILISATION BYZANTINE
CHAPITRE PREMIER
LA CONDITION DES TERRES. ESCLAVES ET AFFRANCHIS
Trois choses semblent essentiellement caractériser la civilisa-
tion byzantine aux ix*" et x^ siècles : l'organisation sociale de
l'Empire, la renaissance artistique et littéraire du moment,
l'expansion commerciale, enfin. L'étude de ces trois éléments
distincts de la vie byzantine achèvera de nous donner une idée
de ce que pouvait être la u Romanie » sous l'autorité du pre-
mier des Macédoniens.
Gomme nous l'avons remarqué déjà au chapitre concernant
les finances de l'Empire, à l'époque oii vivait Rasile P% une
grave question se posait alors qu'il fallait essayer de résoudre
au plus vite, la question des riches et des pauvres, la question
sociale. Xous avons vu les remèdes que l'Empereur essaya d'ap-
porter au mal qui ruinait la société et qui restèrent insuffisants.
Il faut maintenant examiner sur quelles bases reposait cette
société. A Ryzance, comme partout au Moyen- Age, c'est la
terre qui donne à ceux qui la possèdent fortune, puissance.
De l'organisation du régime des terres dépend donc la forme
dont se revêt la civilisation. Si elle est morcelée, la petite pro-
priété, très répandue, d'acquisition facile, permettra à l'homme
de vivre librement sur son bien, sans beaucoup se soucier de
son puissant voisin ; si, au contraire, elle ne se répartit qu'entre
de grands seigneurs très riches, si elle forme les vastes latifun-
dia de l'époque impériale, forcément les hommes libres de la
classe moyenne tendront à disparaître, à devenir serfs ou vas-
376 BASILE I
saux et l'esclavage sera tout naturellement une des formes
caractéristiques de celte civilisation. Or, c'est précisément ce
que nous remarquons à Byzance au temps qui nous occupe. La
grande propriété un instant désagrégée et appauviie par le
régime de la responsabilité des curiales, se reforma dès que ce
régime fut abandonné ^ et nous voyons, sous le règne de Basile,
de grands propriétaires comme Danielis vivre dans l'Empire sur
un pied tout royal. Qu'est, en effet, cette femme, maîtresse
d'une fortune territoriale immense? C'est une véritable souve-
raine. Elle a en pleine propriété des champs, des villes, des
esclaves en grand nombi'c. Sur ses terres, on travaille à tous
les métiers. Elle a des paysans pour la culture, elle a des
ouvriers pour tisser les belles étoffes qu'elle envoie à Basile ; elle
a des esclaves pour son service personnel. Or, Danielis, n'est
pas seule de son espèce. Les parents de saint Eutliyme le Jeune
paraissent bien avoir eu, eux aussi, une fort grande situation à
Ancyre^. Dès lors, une question se pose. Quelle est dans cet état
social la situation de ceux qui ne sont pas grands propriétaires ?
Gomment la propriété est-elle organisée P
Nous n'avons pas, à ce sujet, pour le règne personnel de
Basile, de renseignements précis. Ce que nous connaissons le
mieux par le Procliiron, c'est la condition légale des esclaves.
On dirait, à première vue, que le législateur macédonien a pris
à tâche de nous cacher toute la législation sociale de son temps.
Or. à ce fait, il y a une raison qui n'a peut-être pas encore été
donnée. La voici : Jusqu'à l'époque de l'avènement des Isauriens,
il existait à Byzance deux sortes de paysans. Les uns vivaient
dans les villages en propriétaires communs du sol ; les autres
étaient établis sur des biens seigneuriaux 3. Les premiers
(y topba!.) étaient des gens libres, payant leur cote-part de l'impôt
fixé pour la commune, pouvant avoir recours à la justice civile.
Suivant une ancienne coutume, cette commune (y/op^a sàsjOs-
pLxà) avait son patron, choisi parmi les dignitaires de l'Empire,
homme de haute situation et de grande influence, chargé de
représenter la commune et de la défendre à l'occasion ^, quand
il ne profitait pas de son patronage pour commettre lui aussi
1. Ilambaud, op cit., p. 280.
2. Vit. Euthym., p. 170.
3. Zacharirc von Lingenthal, Geschichte, p. 218.
4. Ibid., p. 219.
ET l'empire Byzantin 877
d'injustes usurpations ^ Les seconds liabitaient sur des terres
seigneuriales appartenant soit à l'Empereur, soit à des grands
dignitaires de la cour, soit surtout à des particuliers, ecclésias-
tiques ou laïques -. C'étaient les vrais cultivateurs du sol. A
l'époque de Justinien, ils se divisaient en deux classes : d'une
part les colons libres (|jL!.G-Oto-:o'l), de l'autre les colons qui ne
l'étaient pas (sva-Troypacpo',), et dont la condition était très voisine
du servage-^. Les colons libres étaient des fermiers qui, avec
leurs propres ressources, faisaient fructifier des terres qu'ils
affermaient contre un droit en nature ou en argent. Un contrat
d'une durée déterminée sanctionnait la location et liait les
parties contractantes jusqu'à complète échéance. Naturellement,
ces paysans avaient la charge de toutes les corvées et ne pou-
vaient quitter la propriété avant la fin du bail ; mais sur cette
terre ils étaient libres et disposaient de leur fortune person-
nelle. Toute autre était la condition des u svaTcoypacpo'. )). A
l'origine c'étaient des hommes libres. La pauvreté les avait
obligés à se remettre entre les mains d'un propriétaire foncier
qui les avait installés sur ses terres qu'ils travaillaient avec
l'argent de ce propriétaire. Dès lors, leur situation devint assez
semblable à celle des serfs, à quelques différences près. Ainsi,
par exemple, s'ils sont liés à la terre et si toujours le seigneur
peut les y ramener, le propriétaire de son côté, n'a pas le droit
de les arracher de la terre pour les transplanter ailleurs: ce
qu'il peut faire pour les esclaves *. De plus, à la différence des
colons, ils n'ont rien en propre. Leurs biens et leur gain reve-
naient au propriétaire qui leur donnait l'habitation et l'entre-
tien en échange d'un travail qui devait être, en principe, exclu-
sivement agricole ^. Cette absence de tout bien constituait la
véritable caractéristique de leur état. Cette situation juridique
resta telle, oiriciellement. jusqu'à l'avènement des Isauriens.
Mais correspondait-elle encore à un état social en vigueur ou
les choses avaient-elles changé, de fait, sinon de droit? C'est ce
qu'il est impqssible de savoir. La seule chose pour nous cer-
taine, c'est que les Empereurs iconoclastes modifièrent com-
1. Rambaud, op. cit., ^. 278.
2. Zacharifr, op. cit., p. 226.
3. Ibid., 220, 221.
4. Ibid., p. 323.
5. Ibid., p. 226.
378 BASILE 1
plètement le droit byzantin d'alors et. par Tu 'ExAoyy] » et le
(( Nouioç ystopyixoç » sanctionnèrent une législation nouvelle qui
supprimait tout servage et ne reconnaissait que deux sortes de
personnes, les libres et les esclaves K Mais si, documentairement,
cette transformation olTicielle est la seule chose que nous puis-
sions saisir avec certitude, la raison même de cette révolution
— car c'en fut bien une — se laisse cependant conjecturer. La
chose a son importance, parce qu'elle explique les efforts de
Basile. Il est certain, en effet, que la législation isaurienne fut
de courte durée. Dès le x*' siècle et jusqu'à la fin de l'Empire
byzantin, nous retrouvons un état social assez semblable à celui
qu'avait sanctionné Justinien. Si les Empereurs du vm*" siècle
et du commencement du ix'' modifièrent un instant le droit sur
un point aussi essentiel que la question sociale, c'est qu'ils
avaient pour cela une raison autre que la simple confirmation
d'une réforme devenue nécessaire. Cette raison était tout sim-
plement la lutte iconoclastique qu'ils avaient entreprise. Pour
s'assurer une popularité dont ils avaient besoin, pour briser
l'influence de l'Eglise et des moines, tous grands propriétaires,
ils essayèrent de créer un nouvel état social dans lequel les liens
de servage n'existeraient plus. Qu'il y eût encore des esclaves,
c'est ce qu'il leur était impossible d'empêcher dans l'état des
choses d'alors, mais en supprimant la condition des paysans
et en leur rendant leur liberté, ils abattaient du coup la puis-
sance territoriale de l'Eglise. De là l'idée de toute la législation
isaurienne et la raison pour laquelle Basile — nous l'avons vu
— la maltraita si fort. Comme le fait remarquer Zachariae, en
effet, celte révolution juridique peut se caractériser en deux
mots : suppression du servage et droit de libre établissement 2.
Désormais, il ne devait donc plus y avoir sur les terres
d'Empire, en dehors des esclaves, que des paysans, libres de
s'établir pour leur travail ori ils le désiraient, libres aussi des
corvées et des devoirs attachés au servage. Cette législation eut
les résultats que les Empereurs en attendaient. Elle fit baisser
les revenus des grands propriétaires, les appauvrit et les gêna.
Aussi, dès que l'orthodoxie fut proclamée, de nouveau, maîtres
de l'Etat, églises et monastères commencèrent à travailler pour
I. Zacliarhc von Lingenllial, Geschichte, p. aoi. C'est aussi ta doctrine
du Prochiron, xxxiv, p. nji.
2^ Ibid., p. 201.
ET l' EMPIRE BYZANTIN .379
faire retirer les lois impies qui les avaient si gravement
atteints ^ Michel ne fit pas grand'chose en ce sens : il n'en avait
pas le temps ; mais Basile P'. dans un esprit de justice et de
conciliation, se mit à l'œuvre et au commencement du x^ siècle,
avec l'apparition des Basiliques, avec les Novelles de Romain
Lécapène et celles de Constantin Porphyrogénète, nous voyons
([ne les efTorts de Basile pour remettre en vigueur le droit justi-
iiien n'ont pas été vains et que la situation est redevenue ce
qu'elle était avant l'apparition des lois isauriennes. De tout cela
nous pouvons donc tirer une conclusion : c'est que, pratique-
ment, à l'avènement de Basile, la condition des terres et celle
des paysans étaient encore définies par ï « Ecloga » et le u Nomos
georgicos ». Or, c'est précisément ce que confirme, par son
silence même, le Prochiron '2. Si le manuel de Basile connaît
bien la condition des esclaves, il ne souffle mot de celle des
paysans. Nulle part, il n'est fait mention de serfs u sva-oypacpoi »
et nulle part nous ne voyons indiquées les charges et obligations
qui liaient les fermiers aux propriétaires. Bien plus, le passage
de la Vie de Basile ^ que nous avons déjà cité, nous montre avec
évidence un peu partout les grands propriétaires tendant à
revenir au système social primitif, bien plus avantageux pour
leurs intérêts que celui qu'avaient mis en vigueur les auteurs
du I\omos georgicos. Basile chercha à ménager les intérêts de
tous. S'il travailla, d'une part, au rétablissement du droit justi-
nien, il entendit, de l'autre, laisser au paysan la liberté dont il
avait besoin. La Vita Basilii est, à ce sujet, très claire. Quand
elle dit que Basile s'efforça de faire que chaque paysan pût
cultiver sa propre motte de terre et jouir du fruit de sa propre
vigne, interdisant à quiconque d'oser s'emparer de l'huile ou
de la figue du pauvre, elle est, tout à la fois, en parfait accord
avec les lois des Empereurs iconoclastes et avec les tendances
nouvelles de la grande propriété qui, plus fortes que tous les
palliatifs, rétablirent au x'' siècle l'ancien système féodal.
Cette longue explication était nécessaire, ce semble, pour faire
comprendre pourquoi le règne de Basile fut une époque de
1. Zacliariae von Lingenlhal, Geschichle, p. 257;
2. Morirouil, T, p. 308, croit que co silence vient uniquement du fait que
le droit coutuniier régissait la condition des serfs. Cette explication paraît
peu probable et bien insulïisante.
3. Vil. Basil., ch. xxx, p. 273.
38o BASILE I
transition au point de vue social. La période ([ui précéda son
avènement avait été un temps de révolution sociale et religieuse.
Arrivé au souverain pouvoir grâce un peu à cet état de choses,
son premier devoir était naturellement de rétablir Tordre en
s'inspirant du passé tout en conservant du présent ce qui lui
paraissait légitime. Et c'est ce qu'il fit.
Ainsi donc, d'après les quelques rares renseignements que
nous avons sur ce sujet, nous pouvons dire qu'à cette époque,
la terre, source de toute richesse, était la propriété de deux
grands seigneurs : la commune et le puissant. La commune
était la réunion des habitants d'un lieu. Cette commune avait
la terre qu'elle habitait en pleine propriété. Lorsque les Slaves,
dès le vn^ siècle, vinrent s'établir sur le territoire de l'Em
pire avec leurs femmes et leurs enfants ; lorsqu'au vni" et au
ix^ siècle, les- Grecs, chassés de leur patrie par les guerres
et l'invasion arabe, se réfugièrent sur les terres d'Empire
inhabitées et incultes ; lorsque les Empereurs voulurent
coloniser de vastes étendues de terre en friche et délais-
sées, chaque fois ce fut la u commune » qui prit officiellement
possession du pays. Les chefs de famille se partagèrent la terre
en parties égales. Chacun eut une parcelle, une « [i-spU » qu'il
put cultiver en toute liberté. Ce fut une des formes de la pro-
priété, une de celles qui avant comme après les Iconoclastes,
demeurèrent toujours dans l'Empire byzantin. Mais, comme
nous venons de le voir, la grande innovation législative des
Empereurs hérétiques fut celle qui modifia la condition du
paysan qui travaillait sur la terre d'autrui, du fermier en un
mot. L'(( 'ExAoyr, » connaît, en eff'et, des fermages à prix fixes
et annuels ^ On mettait en location soit une propriété entière,
soit des parcelles séparées, comme des vignes. Ces fermiers
étaient de deux sortes : ou bien ils cultivaient la terre du sei-
gneur avec leurs instruments et leur argent : c'étaient les
(( ^op-zizoLi )). Ils devaient, dans ce cas. le dixième delà récolte au
propriétaire (une gerbe sur dix)-, ou bien ils cultivaient la terre
avec l'argent et les outils du seigneur : c'étaient les u Y,|ji',a-£!.ao-Ta'l »
fermiers qui devaient à leurs propriétaires la moitié des revenus
qu'ils récoltaient ^. On comprend que ce système n'était pas
I. Zachariae von Lingcnthal, op. cit., 255.
^. Ibid. Skabalanovic, op. cit., 24 1.
3. Ibid., 256; ibid., 24i.
ET l'empire byzantin 38 1
fait pour enrichir les grands propriétaires. Le mince revenu
payé par le colon à sou seigneur suffisait à peine à ce dernier
poiu* raccpiitlemeut de Timpot. Bien plus. Il y eut désormais
dans la localion de la terre de grands aléas. Le colon pouvait
clianger de domicile et laisser, par conséquent, les terres du
seigneur en friche : grave préjudice pour lui puisqu'il était
toujours obligé de payer l'impôt. Ce fut la raison de la lutte
entreprise dès le rétablissement de l'orthodoxie par les « puis-
sants » pour le recouvrement de leurs anciens privilèges, lutte
qui se trahit à l'époque de Basile, au travers des quelques textes
dont nous avons parlé et qui, dès le début du x^ siècle, arrive
à la victoire enregistrée dans les Basiliques par la reprise du
Code justinien et qui peut se caractériser par ces deux faits : on
essaya, de nouveau, de lier le colon à la terre du seigneur ; on
essaya d'élever les revenus agricoles. Les Basiliques et les textes
juridiques, contemporains et postérieurs, en effet, connaissent
de nouveau deux sortes de paysans, souvent appelés « Tzàpoixoi » :
ceux qui sont libres et paient l'impôt et ceux qui dépendent
d'un seigneur '. A son tour, le u patrocinium » reparaît dans
une novelle de Romain Lécapène et dès lors l'Empire byzantin
vivra plusieurs siècles encore sur le droit justinien plus ou moins
modifié ou altéré.
Telle était donc dans la seconde moitié du ix*^ siècle la situa-
tion du paysan par rapport à son seigneur. Reste à dire com-
ment la terre se trouvait répartie. La couronne possédait, nous
l'avons vu. des domaines considérables. Basile, par achats et
confiscations, augmenta encore les revenus soit du fisc, soit de
sa cassette privée et contribua, sans peut-être s'en rendre bien
compte, à hâter la lente disparition de la petite propriété privée.
Mais ce furent surtout les églises et les couvents qui accapa-
rèrent les plus grands lots de terre. Des donations nombreuses
leur étaient faites; souvent les moines en entrant au couvent
remettaient à leur nouveau supéiieur la fortune qu'ils tenaient
de leurs parents ; les misères du temps aussi — famines, guerres,
maladies — favorisèrent d'injustes empiétements et permirent
aux églises et couvents la constitution de fortunes foncières
tellement considérables que la petite propriété privée en eut
beaucoup à souffrir. De leur côté, grands et puissants seigneurs
i. ZacliariiP v. Liii^enthal, op. <•//., 260.
382 BASILE I
imitaient ce qu'ils voyaient faire à l'Empereur et aux églises et
par d'incessantes rapines augmentaient au détriment du pauvre
leurs grandes propriétés. Enfin, il y avait des terres soumises à
deux sortes de régime foncier : les terres des soldats et celles
des communes libres. Toutes ces terres, qu'elles fussent à l'Em-
pereur, aux moines, aux grands, étaient cultivées par les
(( paroikoi », les fermiers, et souvent, sur les terres d'églises,
par les moines, ou bien elles étaient louées en emphyteuse à
de petits propriétaires qui, un jour, faute de pouvoir payer et
le fisc et le propriétaire, ne pouvant plus cultiver ce qu'ils ont
loué, passeront au rang de serfs. Quant à la petite propriété
libre, dès l'époque de Basile, elle tend à se faire de plus en plus
rare. Leurs tenanciers étaient les (( -évy.tî; » lôs pauvres, ceux
qui, suivant le I^roclliron^ n'avaient pas cinquante nomismata
de fortune.
Au dernier degré de l'échelle sociale se (rouvaient les esclaves
(ol ôo'jXol). Ce n'est pas. dit pompeusement Basile, la nature qui
a créé l'esclavage. La nature ne fait que des liommes libres ;
mais c'est la guerre qui engendre l'esclavage parce que la loi de
la guerre veut que les vaincus soient la chose (xTrjjjia) du vain-
queur-. Dès lors, ne pouvaient être esclaves que ceux qui, en
guerre, tombaient aux mains du vainqueur et ceux qui, dans la
suite, naissaient d'esclaves devenus domestiques -^ Mais c'était
là de la théorie. Il suffît, en effet, de parcourir les règles que
Basile décrète au sujet de l'état légal auquel doit appartenir
un enfant à sa naissance pour se rendre compte qu'en fait, on
pouvait devenir esclave, même en temps de paix. Sans doute,
par ces règles *, il entend favoriser l'enfant et invariablement
il le déclare libre ; mais qu'on examine les hypothèses qu'il
établit et l'on verra par quelles fluctuations la condition des
parents pouvait passer. Libre sera l'enfant né d'une mère libre
et d'un père esclave ; libre, l'enfant qui naît d'une mère libre
au moment de la conception et qui devient esclave avant la
naissance^ ; libre enfin l'enfant qui naît d'une mère redevenue
esclave si au temps de la conception elle était affranchie ^. Entre
1. Prochiron, xxvii, S 22, p. 102.
2. Ibid., XXXIV, S 2, 193.
3. Ibid.y S 3.
4. Ibid., S 5, 6, 7, p. 194, 195.
5. Ibid., S 6.
6. Ibid., s 7.
ET LEMPIIIE BYZANTIN 383
esclaves, il n'y avait pas déclasse. « L'esclavage est indivisible. »
Par conséquent, ils ne ponvaient être pins on moins en servi-
Inde ' snivanl lenrs qnalilés on lenrs talents. Néanmoins, si c'est
là la lettre de la loi, il est assez diiïicile d'admettre qne dans la
pratiqne ancnne différence ne séparait le panvre esclave domes-
li([ne, de l'esclave de Inxeqn'on avait payé très cher qni rappor-
tait beancoup à son maître on qni remplissait quelqne impor-
tante fonction. Car le prix de vente des esclaves Ini aussi était
fixé par la loi. Le Prochiron nous en donne plusieurs exemples
assez intéressants. Un ouvrier ordinaire, par exemple, se payait
vingt nomismes, s'il avait plus de dix ans ; dix nomismes s'il
était moins âgé. Un ouvrier habile coûtait trente nomismes.
Suivant les fonctions de l'esclave les prix montaient davantage
encore. Un notaire se payait jusqu'à cinquante nomismes ; un
médecin jusqu'à soixante ; un eunuque sachant un métier valait
soixante-dix nomismes-. De tels esclaves, on le voit, pouvaient
parfois représenter un capital important. C'était, en outre d'un
excellent rendement, car ce que gagnait l'esclave appartenait au
maître. Toutefois, il semble bien que l'esclave avait le droit de
se constituer une petite fortune. C'était son u pécule, tzîxojA'.ov »
que le maître pouvait, du reste, toujours revendiquer puisque
le fait d'acheter un esclave ne comportait pas pour autant la
propriété du pécule -K Cependant, il est probable, qu'en règle
générale, le pécule était laissé à l'esclave. Nous voyons, en effet,
que la loi attribue au a patron » d'un affranchi qui meurt intes-
tat et sans enfant ainsi qu'à ses héritiers, même collatéraux
jusqu'au cinquième degré, le tiers de l'avoir du défunt*, preuve
qu'elle reconnaissait au maître un droit permanen t quoiqu'inem-
ployé sur la fortune d'un esclave même après son affranchisse-
ment. D'autre part, l'esclave ne semble jamais avoir perdu le
droit de posséder du fait seul de sa situation légale puisqu'il
peut hériter *.
Nous n'avons pas de renseignements précis sur la façon dont
1. Prochiron, \xxiv, S 3, p. 198.
2. Ibid., S II, p. 196. Il serait imprudent de prendre ces chiffres à la
lettre attendu que le § est pris tout simplement, comme beaucoup d'autres,
au Code, VII, 7. Const. I. Mais il montre bien que la distinction entre esclaves
subsistait au ix* siècle malgré les dires de Basile. (Cf. id., xxxvii, 8, p. 194)-
3. Ibid., XIV, S 7, p. 90.
4. Ibid., XXIII, S 2 et 3, p. i33.
5. Ibid., XXX, S 20, 21, 22, p. 164.
38/| BASILE I
les esclaves étaient traités. Il est probable qu'au ix*" siècle leur
condition matérielle devait s'être sensiblement améliorée et que,
de l'autorité du maître telle qu'on l'avait autrefois conçue, il ne
restait guère au patron que la libre disposition de son esclave,
c'est-à-dire le droit de le vendre comme de l'envoyer oii bon
lui semblait ^. C'est, on le sait, ce que fit Léon VI lorsqu'il hérita
des nombreux esclaves de Danielis. Il les envoya en Italie colo-
niser d'immenses domaines-. Mais si les mœurs se sont adou-
cies à l'égard des esclaves qui se conduisent bien, la loi est
particulièrement dure pour eux quand ils commettent quelque
crime, surtout si le crime est commis sur la personne du patron.
Qu'un esclave ne s'avise pas, par exemple de favoriser le rapt
de sa maîtresse parce que la peine qu'il encourt est le feu ^ ; qu'il
ne s'avise pas non plus d'attenter à la vie de ses maîtres parce qu'il
sera brûlé *. Dans un autre ordre de choses, plus intime celui-là,
la loi n'est pas moins sévère pour l'esclave. S'il se laisse aller à
avoir de coupables relations avec sa maîtresse encore mariée,
il est puni du glaive tandis qu'on roue de coups sa maîtresse,
qu'on lui coupe les cheveux, le nez et qu'on la chasse de la
ville sans aucune espèce de ressources''. Si sa maîtresse est veuve
et qu'elle n'a pas eu d'enfants de son commerce avec lui, on se
contente de frapper l'esclave, de le tondre et de le vendre.
L'argent revenait au fisc ^.
A côté des esclaves, Byzance connaissait les affranchis
(àTTSÀsjGcpo!.). L'afïranchissement, à l'époque de Basile, paraît
avoir été grandement facilité. Il était, en effet, permis d'affran-
chir sans nombreuses formalités, à l'église, par devant les
magistrats, entre amis, par lettres, par testament '^. En outre
certains faits accomplis par un esclave l'affranchissaient : tel
le fait d'entrer dans l'armée avec le consentement de son
1. L'Epanagogc déclare que le maître qui frappe son esclave ou lui fait
subir de mauvais traitements entraînant la mort de resclave doit être
regardé et traité comme homicide {Epanag., xl, 8i, 217).
2. Vil. Basil., ch. lxxvii, p. 387.
3. Prochiron, xxxix, S 36, p. 24ï-
4. Ibid., S 37. — C'est ce qui arriva aux esclaves d'Asyleon, frère de Basile.
La cruauté du maître avait, paraît-il, suscité une révolte des esclaves. Ils
tuèrent Asvleon. L'Empereur alla les châtier, 11 les fit prendre, couper en
morceaux et brûler (Sym. Mag., III, p. 749)-
5. Ibid., S 43, p. 244-
G. Ibid., S 44, p. 245.
7. Ibid., XXXIV, S 8, p. 195.
ET l'empire byzantin 385
mciîtrc ' : k'I celui (reatrer, sous la même réserve, au couvent.
Etait atlVanclii aussi tout esclave dont héritait le fisc par suite
de la mort sans teslament diin j)atron. à condition que celui-
ci n"eùt pa?^ d'hérilier-. Bien plus, le Procliiron facilite si bien
ranVancliissement qu'en certains cas, il devenait obligatoire.
En voici un assez curieux. Un esclave pouvait être la propriété
de plusieurs maîtres à la fois. Chaque propriétaire avait donc
sur l'esclave une part donnée. Or, si l'un des maîtres voulait
aft'ranchir son serviteur, les autres patrons ne pouvaient s'y
opposer. La loi les obligeait à vendre leur part, soit à celui qui
voulait affranchir, soit à son héritier, si l'affranchissement était
fait à la mort du propriétaire. Et l'affranchissement avait lieu
même au cas oii les co-propriétaires refusaient de vendre leur
part. Ils n'avaient droit dans ce cas qu'à leur part du pécule ^.
L'affranchissement ne détruisait pas tout lien entre le patron
et son esclave. Vraisemblablement, comme autrefois à Rome,
l'aflranchi restait dans la maison de son maître, continuant en
toute liberté de remplir les fonctions qu'il exerçait esclave ;
mais si. par le fait de son affranchissement, il pouvait, théori-
quement, jouir de tous les droits d'un homme né libre, prati-
quement, la loi l'empêchait de faire certains actes. Ainsi jamais
un affranchi ne pouvait témoigner en justice contre son
patron ou le fils de celui-ci*, pas plus qu'il n'était reçu qu'il
épousât la veuve de son ancien maître'', tant.il est vrai que
l'affranchissement ne brisait pas tous les liens passés. On com-
prend bien dès lors que favorisant d'aussi large façon l'affran-
chissement, le législateur ait été sévère à l'égard de ceux qui
perpétuaient l'esclavage en vendant comme serfs des gens de
condition libre. Si un esclave, un affranchi, voire inéinè un
homme libre, se permettait de faire ce commercé, il était pris,
rasé et amputé de la main ^.
I. Prochinm, wviv, S i5, p. 30o. — Epanag., ,x\\vii, S lo. p. 1.95,
•i. Ibld., \\\iv, S 17, 200. — Celle disposition ne se relrouvc plus dans
les lîasiliqnes.
3. Ib'id., S 9, P- 195.
\. IbuL, WMi, S 23, p. l'ô'i.
,5. Ibid.. VH, S 30, p. p6.
(i. Ibid., xxxix, §. 5, p, 334 ; S :^^, P- 237.
CHAPITRE II
LE COMMERCE A BYZANCE AU IX" SIECLE
Si la révolution sociale que nous entrevoyons à travers les
textes semble avoir au vni^ siècle el durant la première moitié
du ix" singulièrement modifié la condition des classes pauvres ;
si l'incurie du gouvernement de Michel lit perdre à l'Empire
quelque chose de son prestige extérieur, ce ne fut pas, sans
doute, le commerce qui souffrit le plus de cet état d'abaisse-
ment momentané. Déjà très (( internationalisé » il n'avait
guère que deux ennemis redoutables : la mer el les pirates.
Aussi voyons-nous par les rares allusions des chroniqueurs et
le récit des géographes arabes, que malgré les agitations reli-
gieuses et politiques de Byzance, le commerce ne chôma pas
entre TOrient et l'Occident.
Nous savons déjà que les douanes continentales et maritimes
étaient une des grandes ressources financières de l'Empire.
Commises à la surveillance des (( commerciaires )> qui pouvaient
être revêtus de titres de noblesse ^ elles servaient tout d'abord
à alirnenter la caisse provinciale, parfois à payer le stratège, plus
généralement à subvenir aux multiples nécessités de l'adminis-
tration du thème. Le reste allait dans les caisses de l'Empire.
L'impôt qui se payait ainsi paraît avoir été du dixième sur la
valeur des marchandises-.
Les douanes les plus importantes se trouvaient, naturellement,
à l'entrée de l'Hellespont d'une part, pour le commerce venant
d'Occident ; à l'entrée du Bosphore de Thrace, du côté du Pont,
d'autre part, pour le commerce venant d'Orient -^ Les princi-
1. Nous avons, par exemple, le sceau d'un conunerciaire qui est « can-
didat ». Schlumherger, S igillog., p. ii4-
2. Ibn Hordadbeh, de Goeje, Biblioth., ii5, ii6.
3. Schlumberger, Sigillog., ly-'S.
ET l'empiré byzantin 387
paiix centres des <( douanes de rHellespont » étaient Tiallipoli.
Cyzique. Abvdos ' : les douanes du Pont avaient leur centre au
pied du Hiereion, en face de Rouméli-Kavak actuel-. Indépen
damment de ces douanes maritimes qui commandaient le grand
commerce international, il y avait aux frontières du pays,
comme aux ports de l'Empire, d'autres douanes de moindre
importance pour le commerce qui se faisait par terre et pour
rexporfation. Là aussi, il y avait des commerciaires qui, comme
ceux des grandes douanes, apposaient la bulle de plomb aux
marchandises au moment de leur entrée et de leur sortie ^.
Enfin, de province à province, il existait des douanes intérieures,
sorte d'octrois sans doute, destinées à favoriser le commerce à
l'intérieur de la province comme à augmenter les revenus
municipaux.
I^e grand marché de TEmpire était naturellement Byzance.
C'est là qu'arrivaient par le Pont et le Bosphore les marchands
de Gherson. Ils apportaient de leur pays de la pourpre, des
ceintures, des étoffes de soie, des vêtements brodés, du poivre,
des peaux*. Les Russes, à leur tour, vinrent prendre place, à
cette époque, sur le marché byzantin. Eux aussi apportaient les
peaux destinées à faire des fourrures, peaux de castor et de
renard noir très recherchées à cause de leur rareté et de
leur aspect soyeux. Ils vendaient aussi des épées, du miel,
etc-^. Les marchands russes étaient établis dans le quartier de
S.-Mamas6 ; des règlements très sévères fixaient le temps de leur
séjour à Constantinople, l'époque de leur arrivée, comme celle
de leur retour en Russie. — Alors, comme aujourd'hui, les Juifs
de tous pays faisaient avec Byzance un commerce actif. Ces
marchands, nous dit Ibn Hordadbeh. parlent l'arabe, le persan,
le « romain », — c'est-à-dire le grec et le latin — les langues
franque, espagnole et slave. Ils voyagent de l'Occident en Orient
et de l'Orient en Occident, tantôt par terre, tantôt par mer. Ils
apportent de l'Occident des eunuques, des esclaves femelles,
des garçons, du brocard, des peaux de castor, des pelisses de
1. Schlumberger, Sigillog., 196.
2. Ibid., 198.
3. Ihid., p. 1 1.
4. De Admin., ch. vi, p. 166.
5. Ibn tlordadbeh, de Gœje, Bibliothera, ii5.
6. Hoyd, Gesrhirhte des LevnnieïuuvleU. p. 79.
388 BASILE I
martre et antres pelleteries et des épées. Ils s'embarquent dans
le pays de Firandja (France) sur la mer occidentale et se diri-
gent A ers Al-Faramâ ; là. ils chargent leurs marc'handises sur
le dos des chameaux et se rendent par terre à Al Kolzom, à une
distance de 2 5 parasanges. Ils s'embarquent sur la mer orientale
et se rendent d'Al Kolzom, à Al-Djâr (le port de Médine) et à
Djodda (le port de la Mecque), puis ils vont au Sind, au Hind
et à la Chine. A leur retour de la Chine, ils se chargent de
musc, de bois d'aloès, de camphre, de cannelle et des autres
productions des contrées orientales... Quelques uns font voile
pour Constantinople afin d'y vendre leurs marchandises aux
Romains, d'autres se rendent à la résidence du roi des Francs
pour y placer leurs articles ^ .
On comprend qu'il devait être, en effet, difficile à ces mar-
chands au long cours d'éviter Byzance. La grande ville était
tout à la fois pour eux, une escale commode au milieu de leur
voyage, un excellent débouché pour leurs marchandises, un
lieu de repos et d'approvisionnement. Là ils trouvaient tout ce
qu'ils pouvaient désirer et si les règlements sur l'exportation
étaient sévères, il est bien probable cependant qu'habiles comme
Tétaient les Juifs, ils pouvaient arriver à se procurer ces mar
chandises prohibées, — telles les belles étoffes de soie — que les
souverains d'Occident aimaient à porter-.
Byzance, toutefois, n'était pas la seule place commerçante de
l'Empire. Nicée, par exemple, était un centre important.
C'était par là qu'arrivaient les légumes qui approvisionnaient
la ville ^ ; par là aussi qu'arrivaient au Stratégion et au ïauros,
les animaux de boucherie que les [jiaxs^vàpio!., les bouchers, les
yo'.p£|jL-6po'., les charcutiers, achetaient pour l'approvisionnement
de la grande cité*. Plus loin dans les terres, Adana était une
grande ville industrielle •'» ; Tarse avec son port sur la Méditerra-
née, Trapézonte avec son trafic sur le Pont. Thessalonique, la
seconde ville de l'Empire, comptaient parmi les lieux de com-
1. Ibn Ilordadbeli, de Gœjc, Bibliotheca, p. ii4-
2. Schluinberger, Sigillog., p. ii. Cf. à ce sujet l'histoire racontée
par Liutprand sur les ennuis de douane qu'il eut lors de son départ à
cause des riclics étoffes qu'il avait reçues ou achetées et qu'il ne put pas
passer. Heyd, op. cit., I, p. 63.
3. Ibn Hordadbeh, de Ctobjc, Bibliotheca, p. -^. Edrisi. II, 3oa.
oo.
5. Edrisi, II, i3'|,
ET LE^rPIRE BYZANTIN 38g
merce les plus hnporlanls do rEiiipire, eu rclalious coustanles
avec les grau ds uiareUésd'AulioeheetdAlexaudrie, D'aulre part,
uous savons par les dons que Danielis offrit à Basile qu'on fabri-
quai! sur ses terres des soieries, des draps d'or, des tapis de soie.
Coriuthe brillait encore d'un grand éclat. Son commerce de soie
élail actif. Vu surphis. il y avait dans lePéloponèse des fabriques
de parchemins et d'armes, des teintureries de pourpre ' : à Thes-
salouique comme eu Proconèse et dans la vallée du Sangarios
on travaillait le marbre-, toutes choses qui prouvent combien
aciif était alors le commerce byzantin. C'est qu'en effet dans la
Byzance des ix** et x" siècles, le luxe, celui de la table, des
demeures, des habillemenls était très grand elles produits étran-
gers 1res recherchés. Il fallait pour les cérémonies olïiciellcs,
civiles et religieuses, des bois de senteur (cjAa ivo'.xà) qui venaient
de rOrieul musulman : il fallait, pour le service, des esclaves,
qu'on faisait venir des pays étrangers ; puis, sous l'influence des
Arabes, la médecine s'était développée et c'était chez eux qu'on
se prociuaitles remèdes elles recettes qu'ensuite on employait^.
Naturellement, les marchands étaient groupés en corpora-
tions sous la haute juridiction de l'éparche et des lois très
spéciales leur étaient imposées. Le Livre du Préfel uous montre
bien quels étaient les principaux commerces établis à Byzance
et quelles précautions on prenait pour éviter que ces étrangers
venus de tous pays ne fomentassent ni révoltes, ni dangers.
Voici d'abord les « vesliopratai » u êso-T'-orcpàTat. ». Ce sont les
marchands qui. font le commerce des étoffes de soie. A ceux-là
il est interdit de faire un autre commerce que le leur, par
exemple déti'c en même temps marchands d'étoff'es et mar-
chands de soie ^ Ils ne peuvent vendre aux étrangers les
étoffes de ])ourpre de grande dimension •*, pas plus que cer-
taines sortes d"hal)its h moins que ce ne soit pour leur usage
personnel et encore, faut-il que les habits ainsi achetés par
les hôtes de Constantinople aient été faits à Constantinople ^.
Bien plus, lorsque les marchands eux-mêmes achètent ces
I. liaiiibaiid, op. cit., -l'ôS.
•i. Cereni., 1 201. Tliessaloniqiio avait en outre de llorissantes fabriques
de verrerie (Labarte, H'ist. des arts indastrieh.W. y.U}).
.'). Heyd, op. cit., I, p. 60.
4. Livre du Préfet, iv, § 7, p. aS.
5. Ibid., S I, p. 27.
G. Ibid., S 8, p. 28.
SgO BASILE I
sortes d'étoffes pour une somme supérieure à dix nomismes,
ils doivent en avertir l'éparche ^ et une chose leur est toujours
défendue, c'est de passer à un autre commerçant le surplus de
leurs marchandises 2.
A une autre corporation appartenaient les u prandiopratai,
TcpavÔLOTipàTa', » marchands d'étolïes provenant de Syrie. Ces mar-
chands-là étaient probablement des Arabes et comme tels étaient
soumis à des règlements très sévères, car il ne fallait pas que,
sous prétexte de commerce, ils s'introduisissent en espions dans
la ville. Aussi vivaient-ils à Gonstantinople sous l'autorité d'un
exarche nommé par l'éparche^. Ils semblent avoir été partagés
en deux classes : ceux qui habitaient Gonstantinople et résidaient
à l'Embolon * et ceux qui apportaient les marchandises de leur
pays. Ces derniers ne devaient pas demeurer plus de trois mois
à Gonstantinople^. A l'arrivée comme au départ, ils étaient
tenus de faije à réparche déclaration de leurs marchandises.
Quant à ceux qui vivaient à Gonstantinople, défense leur était
faite d'exercer le métier de vestiopratai. Ils ne pou^ aient faire
que le trafic des étoffes et des soies venues de Syrie et de Séleu-
cie ^. Dès que leur marchandise était arrivée, elle devait être
déposée dans un seul entrepôt. Là, les commerçants se réunis-
saient et se partageaient les ballots '^. On faisait de même pour
les étoiles de diverses sortes qui arrivaient de Bagdad ainsi que
pour les parfums qui venaient (TArabie, choses que les Arabes
avaient le droit de vendre eux aussi ^. Distincte des deux pre-
mières corporations était celle des marchands d'écheveaux de
soie (jjLSTa^OTrpaTa'.). Ge commerce devait être fait au grand jour
et en un lieu déterminé 9. De minutieux règlements lui étaient
imposés, très jalousement surveille qu'il était à Byzance. G'est
ainsi, par exemple, que les metaxopratai ne pouvaient employer
un ouvrier que pendant un mois ; ils ne devaient lui donner
que le travail qu'un ouvrier peut accomplir en trente jours et ne
I.
Livre du Préfet, iv, S 2, p. 27
2.
Ibid., S 9. p. 28.
3.
Ibid., V, S I, P- 29.
4.
Ibid., S 2, p. 3o.
5.
Ibid., V, S 5, p. 3o.
6.
Ibid., S I, P- 29.
7*
Ibid., S 2.
8.
Ibid., S /», p. 3o.
9-
Ibid., VI, S I et i3, p. 3i, 33.
ET l'empire byzantin Sgi
le payer qu'en conséquence ^. Défense leur était faite, en outre,
d'embaucher un nouvel ouvrier avant d'avoir payé le premier 2.
Des taxes spéciales étaient levées sur ces marchandises et comme
on pouvait facilement tromper en ces matières, les marchands
ne devaient se servir que de poids et de balances approuvés
par l'éparche qui y mettait son poinçon ^. La vente des éche-
veaux était, naturellement; étroitement surveillée et des peines
sévères étaient infligées à ceux qui transgressaient les ordon-
nances de l'éparche : c'étaient le renvoi de la corporation, les
lourdes amendes, les verges, etc. Gomme pour les autres corpo-
rations, il était défendu aux métaxopratai de faire un autre
commerce que le leur. Le règlement était à cet égard si sévère
qu'ils ne pouvaient même pas se servir de leurs écheveaux pour
un autre usage que celui de l'achat et de la vente ^ et encore,
interdiction leur était-elle faite de livrer leur marchandise aux
Juifs et aux marchands qui pourraient aller la revendre hors
de la ville *.
A côté des marchands de soie brute, se trouvaient ceux qui
utilisaient les écheveaux pour divers usages. C'étaient les
« xaTapTàp!.ot. ». Ils u confectionnaient » la soie brute qui leur
arrivait du dehors^ ou, s'ils étaient pauvres, l'achetaient des
métaxopratai^. Mais, il ne leur était pas loisible d'acheter à
leur gré leur marchandise. Bien au contraire. Ils devaient pour
cela s'entendre avec les métaxopratai ^ et les uns et les autres
s'en tenir au prix fixé. Chose assez curieuse : les catartarii ne
pouvaient pas être esclaves et les gens tout à fait pauvres
n'avaient pas le droit de faire ce commerce regardé comme
très aristocratique. Aussi, les bavards, les turbulents, les gens
de peu de considération ne pouvaient-ils entrer dans la corpo-
ration ou. s'ils y étaient déjà, ils devaient en être chassés^.
Défense était faite à tous de broquanter la soie.
Enfin, parmi ceux qui faisaient commerce de soie, il faut
mentionner les u a-Y.pixàp'.o'. » ou tisserands en soie. Pour eux.
I,
Livre du Préfet, vi, Sa.
2.
Ibid., S 3.
3.
Ibid., S 4.
4.
Ibid., S i5et 16, p. 33.
5.
Ibid., VII, S I, p. 34.
6.
Ibid., S 2.
7-
Ibid., s 4.
8.
Ibid., S 5 et 6, p. 35.
392 BASILE 1
les prescriptions deviennent draconiennes car il s'agit d'em-
pêcher la confection de ces manteaux et habits de pourpre,
symbole du souverain pouvoir, dont l'usage était réservé à
l'Empereur ' et qui se tissaient dans les ateliers impériaux. Les
tisserands ne pouvaient confectionner que des soies où la
pourpre s'unissait à des couleurs variées, et encore la dimension
des étoffes était-elle rigoureusement fixée. Aussi le u liojAAwTTj; »
impérial chargé de l'examen des marchandises et surtout de la
yérification des mesures, le 0 a'-iorr^ç » ou inspecteur des ate-
liers de tissage ont-ils toujours le droit d'aller contnMer le
travail et. à vouloir empêcher l'un quelconque de ces fonction-
naires d'accomplir son mandat, on risquait les verges et la ton-
sure-, comme on risquait sa main à essayer de vendre au
dehors les étoffes fabriquées à Gonstantinople -^ Quant à la
matière première, obligation était faite aux u siricarii » de
l'acheter aux métaxopratai à Te^chision de tous autres commer-
çants étrangers ^ On le voit donc. L'industrie de la soie tenait à
Byzance le haut de l'échelle commerciale et un protectionnisme
à outrance commandait ce genre de marchandise.
11 n'en allait plus de même, heureusement, des autres genres
d'étolTes. Le Lh're du Préfet nous apprend que le lin, le fil, les
étoffes de toile, la lingerie, en un mot, a enait spécialement du
Pont, du Strymoïi, de Kérasonte^ et que souvent les Bulgares
eux-mêmes en importaient avec du miel *^, échangeant leurs
produits contre ceux qu'ils trouvaient sur le marché, spéciale-
ment les vêtements de pourpre^. Toutes ces marchandises con-
fectionnées à Byzance. se vendaient aux jours de foire sur la
place. Il était interdit, en effet, aux u othoniopratai » de rendre
en magasin ou d'étaler leurs tissus sur des tables. Comme les
forains orientaux d'aujourd'hui, ils devaient porter leius mar-
chandises sur le dos ^.
Après la soie, un des commerces les plus importants de
Byzance était celui des parfums. Sur les bancs des parfumeurs
1. Livre du Préfet, viii, S i et 2, p. 35. 36.
2. IbicL, S 3, p. 37.
3. Ibid., S 4, p. 37.
4. Ibid., S 8, p. 37.
5. Ibid., Tx, S I, P- 39.
6. Ibid., S 6, p. 4o
7. Ibid.,$ 6.
8. Ibid., s 7.
ET LEMPIUE BYZANTIN Sqo
qui s'échelonnaient enliv la Chaleé et le Milliaire — le seul
endroit où pouvaient se vendre les parfums parce qu'il conve-
vail M ([u'ils enibauniassenl de bonne odeur l'image du Christ
de la Chaleé et qu'ils donnassent un nouvel agrément aux
palais impériaux ' » — les clients houvaient ces mille produits
qui arrivaient spécialement par Trébizonte et le thème de
Chaldée, de l'Orient musulman et de la Russie : le poivre, le
cinname. l'aloès, l'ambre, le musc, l'encens, la myrrhe, le
baume, l'hysope, etc '-. Et parce que ces matières venaient des
terres arabes, Byzance eut grand soin d'exiger que les mar-
chands ne restassent pas plus de trois mois en ville ^. Les parfu-
meurs, de leur côté, vu le grand usage des parfums, devaient
acheter ce dont ils avaient besoin pour leur commerce immé-
diat et ne pas faire de grandes provisions pour ensuite hausser
les prix d'une façon exagérée ^. A la parfumerie se rattache la
fabrication de la cire et du savon," D'après le Livre du Préfet, ces
produits jiaraissent avoir été surtout fabricfués à Byzance. Il y
avait, entre autres, des fabriques de cire près'de Sainte-Sophie^.
Des règlements de police fixaient la distance qui devait séparer
les ateliers entre eux, sans doute à cause de la concurrence,
mais peut-être plus encore à cause des dangers d'incendie que
cette fabrication occasionnait. La preuve en est que des règle-
ments analogues régissaient les boulangers « o>',à t^,v aJTtov
£j-c7,7Tov jÀTiV'' ». Les matières qui servaient à fabriquer cire et
savon se trouvaient sur place. Les marchands pouvaient ache-
ter au dehors leurs produits, si cela leur convenait, mais comme
ils avaient le droit de faire emplette dhuile, de cire, etc. dans
les églises ", il est probable que le commerce avec le dehors ne
devait pas être considérable.. Il faut noter qu'il était interdit de
faire de la cire et du savon avec de la graisse d'animal^.
Le livre du Préfet nous donne enfin quelques renseignements
curieux sur le petit commerce à Byzance. Sur toutes les places,
dans toutes les rues, il y avait des boutiques d'épiciers (craAoa-
1. Livre du Préfet, x, S i. 4i, 42.
2. IbicL, X, s I.
3. Ibid.. s 2.
\. Ibid., S 3.
."). Ibid., \i, S I» 43.
0. Ibid., XVIII, S 3, p. 54.
7. IbUL, XI, S 3, p. 44.
8. Ibid., XI, S 4 ; XII, S 8, p. 47.
Sg^ BASILE I
ijLàp',0',) où l'on trouvait tout ce qui était nécessaire dans la vie
journalière : viande, poissons, fromage, huile, miel, légumes,
beurre, voire même de la ficelle, des clous, etc. Il était seule-
ment interdit aux épiciers de vendre les savons, les parfums, le
vin et tout ce qui relevait spécialement de corporations établies
pour un commerce exclusif^. Naturellement les poids et
mesures de ces commerçants étaient soigneusement vérifiés et
des peines sévères leur étaient infligées quand ils contrevenaient
aux règlements de leur corporation'^. Doux de ces règlements
sont particulièrement intéressants : l'un ^ défend de faire les
dimanches et jours de fêtes un étalage devant la boutique ;
l'autre * ordonne de ne pas gagner plus de deux miliarisia par
nomisme sur la chose vendue.
Au commerce des épiciers correspond celui des marchands
de vin, des c( xa7r'/-Àoi o. Pour la vente, les cafetiers avaient deux
mesures, le o-TaGtJiov, qui valait trente livres, la mine ([J^^-'a), qui
en valait trois'*. L'assesseur de l'éparche et le chef de la corpo-
ration présidaient, lors de l'arrivée des vins, à leur vente et à la
vérification des mesures^'. Le principal règlement de la corpo-
ration était celui qui fixait l'heure d'ouverture et de fermeture
des cafés. Les dimanches et jours fériés, il était défendu d'ouvrir
les débits pour vendre du vin ou des aliments avant huit
heures ({xéypi.; ^P'//i^ ovjzîool; topa; t/J; Y,u.£pa;). Le soir, on dcA^ait
fermer à la même heure ".
1. Livre du Pvéfet, \u\, Si, p. '{"].
3. Ihid., S 2, et 3, p. 48.
3. Ibid., S 3.
4. Ibid., S 5.
5. Ibid., XIX, I, p. 55.
6. Ibid., Si et 4.
7. Ibid., S 3.
CHAPITRE III
ART A BYZANCE SOUS LE GOUVERNEMENT DE BASILE
A tout grand règne correspond forcément dans chaque pays
une renaissance artistique et littéraire d'autant plus brillante et
d'autant plus féconde qu'elle est plus encouragée par le souve-
rain lui-même. Cette renaissance devient alors un des traits dis-
tinctifs du moment ; elle travaille à un renouveau de civilisa-
tion et se présente ainsi comme un des facteurs importants de
l'évolution historique d'une race et d'une nation. Plus durable
que la puissance militaire, plus influente sur l'âme d'un peuple
que la diplomatie et la législation, elle seule, en vérité, marque
aux empires leur place définitive dans l'histoire générale du
monde. Le règne de Basile, tout à la fois pacifique et guerrier,
succédant à une époque de troubles et d'agitation peu favorable
aux arts, allait renouer la tradition ancienne et faire éclore sur
les terres u romaines » et particulièrement à Byzance, une très
riche production arfistique qu'il nous faut donc étudier, en exa-
minant,tour à tour, l'art religieux, l'art civil et les arts mineurs.
Le règne de Michel III, comme, du reste, tous ceux qui
l'avaient précédé au cours du ix^ siècle, avait été assez pauvre en
constructions nouvelles dans l'ordre des monuments religieux^.
Les empereurs iconoclastes étaient occupés à trop d'autres
choses pour trouver le temps et l'argent nécessaires à l'édifica-
tion de somptueuses églises. Les luttes intérieures, les consé-
quences pratiques de leur théologie, les guerres bulgares aussi,
leur défendaient de se livrer à ces coûteux et esthétiques plai-
sirs. S'ils favorisèrent parfois les arts, comme Théophile, ce ne
fut pas l'art religieux qui profita de leurs libéralités. Celui-là
I. L'église de la Mère de Dieu, appelée « xo KapaôtT^tv », date probable-
ment du règne de Michel (Cf. Du Gange, 1. IV, p. aô ; Ricliter, Quellen der
byz. Kunstgeschichte, 221.
39 G BASILE I
riait pour eux hop entaché d'idolâtrie. Ce fut l'art civil el sur-
loul les arts secondaires : l'orfèvrerie et l'ivoirie. Aussi, quand
Basile monta sur le trône, se trouva-t-il en présence dune
œuvre immense à accomplir. La vétusté, l'intempérie des sai
sons, les tremblements de terre ^ avaient fort endommagé les
édifices existants. Il fallut tout d'abord les réparer. Api es quoi,
du reste, Basile s'empressa d'en élever de nouveaux, <( l'abîme
de sa générosité n'étant jamais à sec'-. »>
Il serait fastidieux et inutile de relever ici le nom de tous les
édifices que Basile, au dire de Constantin, fit réparer ou cons-
truire. Le plus souvent, le panégyriste se contente de raconter
que l'église était en mauvais état et que Basile lui rendit sa pre-
mière splendeur, sans nous donner les détails qui pourraient
nous faire entrer plus avant dans la connaissance de l'architec-
ture byzantine. Cependant, il est quelques travaux qu'il importe
de signaler.
Sainte-Sophie faisait toujours, tout à la fois, la gloire et le
désespoir des architectes. Le moindre aiïaissement du sol, le
])lus légei' tremblement de terre risquait d'ébranler la prodi
gieuse coupole aérienne et de la faire crouler. A tout instant, il
fallait renforcer les contre-forts et surveiller les fissures. A
l'époque de Basile, c'était l'arc occidental sur lequel reposait un
des points de l'immense coupole qui menaçait ruine ^. L'empe-
reur le fit refaire et le décora d'une mosaïque représentant la
Viergetenantsur ses genoux son divin Fils, entourée des apôtres
Pierre et Paul K
De ces réfections de temples, le nombre fut considérable.
Tantôt l'empereur faisait consolider l'édifice, les fondements
1. Au début (lu ivgne de lîasile il y eut un grand tremblement de terre
qui détruisit nombre d'églises et de demeures privées. 11 avait été si violent
: — quarante jours et quarante nuits, dit Syméon Magisler — qu'on le rap-
pelait le 9 janvier dans le S\iiaxaire (Syn., p. 38o ; Syin. Mag., ch. v, 7^9).
2. Vit. Basil., ch. Lx\vn[,p. 387. Brinckmann, op. cit., iGo, i63. 11 est inté-
ressant de noter que les constructions religieuses de Basile avaient, elles
aussi, un caractère philanthropique. C'est autant pour donner un abri aux
gens qui venaient du dehors et qui n'avaient pas où aller que pour les
besoins religieux de son peuple qu'il fait, par exemple, construire une
église au Forum dédiée à la mère de Dieu (Vit. Basil., ch. xcni, p. 353.
3.56).
3. Ihid., ch. Lxxix, p. 337 ' ^^^ Câuge, Const. christ., 1. U\. p. '^7; Lethabv
a. Swainson, p. 128 ; Salzenberg, xxx, pi. WXII.
4. Ibid.
ET l'empire byzantin Sq"
oii les murs, tantôt il en améliorait les matériaux: le plus sou-
vent, il les décorait somptueusement. Beaucoup d'églises
avaient encore au ix'' siècle leur toiture de bois. C'était non seu-
lement pour rédifice. mais pour la ville, un graNC danger en
cas d'incendie. Aussi l'empereur s'efforça t-il de remplacer
le bois par la pierre. C'est ce qu'il fît entre autres à Sainte-
\nastasie*. La charpente disparut pour faire place sans doute
à une toiture d'un tout autre aspect. Une couverture de bois
suppose, en eft'et. une église de forme basilicale-, sans voûtes,
sans coupoles, sans lanternes. Or, il est peu probable, d'après
les rares exemples de constructions du ix*" siècle qui soient par-
venus jusqu'à nous, que transformant la toiture, on ait simple-
ment recouvert en pierre l'ancienne église. On la modifia très
vraisemblablement, suivant le type adopté depuis l'érection de
Sainte-Sophie, en la dotant d'une ou de plusieurs coupoles telles
qu'il en existe encore, par exemple à Saint-André et à la Chal-
koprateia, toutes deux également refaites par Basile. Ces trans-
formations avaient, du reste, leur raison d'être. De telles
églises étaient, en efïet, très sombres. L'empereur en modifia
donc l'architecture. Il fit construire de tous côtés, comme à la
Chalkoprateia, des « apsides -). c'est-à-dire des arcs destinés à
soutenir une toiture beaucoup plus élevée qui permit de donner
plus de jour à l'église*^. C'est là. évidemment, l'histoire de la
coupole du ix'^ siècle. Mais cette coupole n'est plus la large et
haute demi-sphère de l'époque de Justinien. Si elle n'a pas
encore la grâce, la délicatesse et la fine ornementation des
petites coupoles du xn*" et du xur siècle qui sont presque de
vastes lanternes, elle se rappioche déjà néanmoins de celles-ci.
Plus large et plus massive que ces dernières, encore très sur-
baissée, généralement sans les hauts et sveltes tambours des
époques suivantes, elle est encerclée à sa base par un mur épais
qui lui sert tout à la fois de point d'appui et de contrefort, percé
de fenêtres à formes régulières qui l'entourent comme d'une
couronne et par où passe la lumière. C'est au ix'= siècle, à
1. VU. Basil., ch. lxwii, p. '6'\o.
2. On trouvera un exemple d'une de ces basiliques reproduit d'après le
man. de saint Grégoire de Nazianze (Parisinus 5io) dans Beylié^ /'//a6t7.
byzant., p. 82.
3. Vit. Basil., ch. xcni, p. 356. Cf. Beljajev. Annuaire de l'iniversifé impé-
riale russe d'Odessa. Partie byzantine, p. 85-io6. Année 189-2. \\ ultT. Die
Koiniesiskirrhe in \icaa, p. 109 et iio et note 109-^
398 BASILE I
l'époque même de Basile, que cette architecture semble avoir
été adoptée, intermédiaire entre la grande coupole de Sainte-
Sophie et les lanternes postérieures >. Ine autre innovation,
que .lustinien ne connut pas. fut aussi en usage à cette date.
Ce sont les toits dorés comme à Saint-Elic le Thesbite -. Malheu-
reusement cette décoration ne pouvait être de longue durée et
déjà, au x" siècle, les neiges, les pluies, le froid avaient endom-
magé considérablement d'aussi délicats travaux.
Mais la grande œuvre de Basile, celle qui frappa surtout les
contemporains, fut la construction de l'église dédiée à saint
Michel -^ à Elie le Thesbite, à la Theotokos et à saint Nicolas et
qu'on appela de bonne heure la a Nea ». Située dans l'enceinte
du palais, à l'est de la demeure impériale, non loin de la mer,
elle résumait à elle seule toute la magnificence de l'époque qui
la vit construire. C'est que Basile avait toujours les yeux fixés
sur son grand modèle, Justinien. Comme lui il voulut avoir sa
Sainte Sophie, qui perpétuerait à travers les âges le souvenir de
son nom et de sa splendeur. Peut-être aussi chercha-t-il à effa-
cer la tache originelle qui souillait les débuts de son règne,
comme à remercier cet Elie le Thesbite qui avait si bien prédit
son avenir. Quoi qu'il en soit des raisons qui décidèrent Basile
à commencer cette fastueuse construction, aujourd'hui malheu-
reusement disparue, il est certain qu'il atteignit le but qu'il
s'était proposé, celui d'étonner ses contemporains et ses suc-
cesseurs. Commencée en 876, elle fut consacrée solennellement
le I" mai 880*. Comme il était d'usage alors, l'empereur pilla
pour sa construction les anciennes églises, voire même les
maisons privées, fondant d'anciennes pièces d'orfèvrerie, arra-
1. Cf. p. e. les reproductions de Saint-André in Crisi, Sainte-Anastasie et
Skripù (l^aspali, 3 18, 364 ; Slrzygowski, Byz. Zelt. III, i8()4, taf. I, p. 16).
2. Vil. Basil., lxxwii, p. 3^5.
3. Le texte reçu de Constantin VII porte « (Gabriel » ; mais c'est là une
erreur de transcription. Le clief de la milice angélique, rarchislrategos
était saint Michel.
4. Sym. Mag., xvi, p. 753. Tous les chroniqueurs donnent la date du
i*^*^ mai. Il ne peut y avoir doute que pour l'année. Hergenrôther (Photius,
II, 58i) opine pour 881. Je crois cependant (pie 880 est préférable, d'abord
parce que les chroniqueurs byzantins paraissent dire que ce fut très peu
de temps après la mort de Constantin et ensuite parce que, vraisemblable-
ment, une telle solennité dut avoir lieu un dimanche. Or le 1*''^ mai 880
était précisément un dimanche. — On sait déjà que ce fut pour cette cons-
truction que Basile, un instant, réquisitionna flotte et armée (Contin. de
(jeorg. Moine, p. 1080^ Cedrenus, 11 20).
ET l'empire byzantin 899
chant à leur primitive destination les colonnes, les pierres et
les marbres'. Dans les fondements de rédifice. il fit jeter,
paraît-il, une statue de Salomon comme symbole de l'offrande
qu'il faisait de sa personne à Dieu ^. On sait aussi que la vieille
Danielis se plut à enrichir cette église qu'elle put admirer déjà
à moitié construite lors de son séjour à Gonstantinople ^ et
sans doute, elle ne fut pas seule dans l'empire à rivaliser de
générosité avec l'empereur lui même pour enrichir et orner
ce temple magnifique. Aussi est-ce en toute vérité que Cons-
tantin pouvait dire de la « Nea » que « l'art et la richesse, la
foi ardente et la plus généreuse volonté s'unirent pour créer
cette merveille ^ ».
La (( Nea » fut construite sur l'emplacement qui servait jus-
que-là aux exercices hippiques de l'empereur, le « T(^ojxav',a--
Tf^p'.ov '^ ». C'était un édifice à cinq coupoles, orienté comme
toute église grecque, du côté de l'orient^. Le narthex se trou-
vait donc situé à l'occident. On y accédait en traversant un
atrium (-poajA'.a) décoré de deux fontaines ou « phiales », ornées
de leurs traditionnelles pommes de pin. L'une — celle qui se
trouvait du côté sud — était faite de marbres d'Egypte. Des dra-
gons sculptés ornaient l'extérieur du bassin, tandis qu'autour
de la pomme de pin des colonnettes à chapiteaux envoyaient
l'eau dans le bassin par un jeu que nous nous figurons aisé-
ment. L'autre phiale, celle du nord, était en pierre de Sanga-
ros. Sur le bassin se trouvaient des coqs, des boucs, des béliers
de bronze, lançant avec la pomme, mais en sens inverse, l'eau
dans le bassin "^. Tout autour, on avait placé des coupes dans
lesquelles jaillissait, à certains jours de fêtes, du vin que pou-
vaient boire les passants. Cet atrium était entouré de portiques
(7zpoT'jÂa',a) qui, probablement, partaient du narthex et se trou-
vaient sans doute continués par les galeries dont nous allons
parler, si du moins il faut traduire par « portiques » le passage
1. Sym. Mag., xi et xii, p. 753. \
2. Salomon était pour les Empereurs byzantins, bâtisseurs d'églises, le
grand modèle qu'ils voulaient imiter et surpasser. Justinieii, déjà, se flattait,
en contemplant Sainte-Sophie, d'avoir éclipsé Salomon.
3. Vit. Basil., lxxvi, p. 336.
fi. Ibid., Lxxxni, p. 34 1 •
5. Vit. Theoph., xlhi, p. 157.
6. Vit. Basil., lxxxvi, p. 344. Cerem., p. 348. Cf. Labarte, op. cit., p. aoo.
7. Vit. Basil., lxxxv, p. 344-
400 BASILE I
de Photiiis déciivanl Ion liée delà basilique'. Du eôté noid
comme du côté sud, l'édifice était flanqué de deux promenoirs
de forme cylindrique, égaux entre eux, ayant chacun une porte
qui donnait directement dans l'édifice. Le promenoir sudabou-
lissait sur une place du palais siluée à Test de l'église. Celte
pjace terminait probablement les domaines impériaux et
par là devait passer sans doute renceinte du palais. Au-delà
se trouvaieni des maisons privées appartenant à l'aristo-
cratie byzantine. L'empereur acliela ces maisons, fit niveler la
place et construisit le « Tafxulov » et F « rjlY,rjyo\xz\nv » de son.
église 2. Les deux promenoirs d'égale longueur formaient dér-,
rièie labside de la basilique un long espace rectangulaire. C'est
là que l'empereur fit planter « un nouvel Eden »,( un paradis
aux arbres et aux plantes variés, à l'eau abondante, le « Mésoki-
pion ».
De l'atrium, on pénétiait dans l'église par le narihex. vaste
vestibule où, aux. grands jours de fêles, la cour recevait l'empe-
reur. Lu escalier intérieur pcrmellait de monter sur la terrasse
(Y,A!.ax6v) formée par le. haut du narihex. Cette terrasse était len
relation directe avec le palais. L'église elle-même devait proba-
blement avoir la forme d'une croix aux branches égales enfer-
mée dans un carré. Vu centre de la croix s'élevait la grande cou-
pole. Quaire autres coupoles ])lus petites entouraient cette,
coupole cenirale. mais nous ignorons de quelle façon elles,
étaient placées : aux extrémités des bras de la croix ou dans. les:
carrés formés par les bras. Le fond de l'édifice était, comme de
coutume, caché aux regards des fidèles par l'iconostase derrière
lequel se trouvait le sanctuaire. Gélûi-ci foriiiail comme trois
chapelles de forme absidiale ayant chacune son autel, dédié à
l'un des patrons de l'église. Une porte spéciale pouvait très pro-
bablement conduire des nefs latérales à l'intérieur du chœur..
L'église ne paraît pas avoir eu d'élage supérieur. Le u gynécée »
se trouvait, suivant l'usaoe d'alors, du côté nord-'.
2. Migne, en, p. 568. Le pa.ssage, en elTet, peut fort bien être entendu
dans un sens plus général. Les « zpjr.ûAa'.a » de Photius ne seraient alors
que les zpoaj.A.a de Constantin dont nous avons parlé.
3. Vit. Basih,^ch. Lx.?£?f.V;i^ p. 3fi4
/i. Labarte, op.cti., croitv -a^ contraire, ([ue le. gynécée se trouvait au
premier étage comme à Sainte-Sophie. Jl appuie son dire sur ces mots du
Liiu^e des Céréni., p. 352 : << eljép/ov'ca'. èv tw sxsttrc.TrpoîTc'j/aoîa), xàxsîôôvéxCaî-
vovTSî tU Tôv -rjjs Tr,v OâAaTjav vâoOr./a ». Mais l'argument ne paraît pas
ET L EMPIRE BYZANTIN
/ioi
Ce qui faisait rincomparable beauté de ce monument, c'était
sa décoration tant intérieure qu'extérieure. C'étaitbicn vraiment,
comme le disait Constantin : « Une belle fiancée tout ornée de
perles, d'or et d'argent, de marbres aux mille couleurs, de
mosaïques et de tissus de soie, qui s'avançait vers son immortel
Epoux, le Christ » K Les galeries dont nous avons parlé, avaient
leur plafond tapissé de fresques « è; hjùXor/ ypacpwv y.y.zr^'^XyXcr^i-
vo^ TÀ.v opo'-sriy » ^ représentant les combats des martyrs, tandis
que les parois avaient un revêtement de marbre blanc agencé
avec tant d'art que la juxtaposition des plaques et la jonction
des côtés étaient tout à fait dissimulées et faisaient croire — chose
que Photius trouve incomparable — à une seule pierre sillon-
née de lignes droites. L'intérieur de l'église ne le cédait naturel-
lement en rien à l'extérieur. A l'éblouissante dorure des coupoles
qu'on voyait de partout au dehors, correspondaient au dedans
dans ces mêmes calottes l'or et la couleur des icônes en mosaï-
que. La coupole centrale était ornée d'une image du Christ
(( Pantocrator ». « On dirait, dit Photius, que le Christ regarde
le monde et qu'il en médite l'ordonnance elle gouvernement ».
Tout autour de cette mosaïque, l'artiste avait placé une foule
d'anges ^. Quant aux parois du temple, elles étaient revêtues
d'une décoration de marbres polychromes, alternant soit avec
des placages d'or et d'argent, soit avec des mosaïques.
Ces mosaïques faisaient probablement le tour des parois de
l'édifice à la façon d'une frise, car Photius dit qu'elles rem-
plissaient le temple. Elles formaient un grand ensemble
représentant le chœur des apôtres, des martyrs, des prophètes
et des patriarches avec, sans doute, des inscriptions tirées de
l'Ecriture et adaptées à la sainteté du lieu ^ Mais l'œuvre admi-
probant car d'une pari on ne dit en nul endroit que les souverains soient
montés pour parvenir à l'oratoire et, de l'autre, l'expression « £K6a{vovTc<: »
semble la même que la nôtre lorsque nous disons : « ils descendirent du
sanctuaire dans le narlhex, en bas de l'église. »
I. VU. Basil., ch. lxxxih, p. 34 1.
a. Ibid., ch. lxxxvi, p. 344-
3. Photius, op. cit., p. 672.
4. Photius, ibid., dit que ces personnages, tout en se taisant, criaient des
paroles bien connues, par exemple : « qu'elles sont aimables les tentes, Sei-
gneur des puissances. » On a donc ici une disposition que nous allons
retrouver plus loin au Kenourgion. Les fresques ne commencent qu'à une
certaine hauteur, \u-dessous d'elles, faisant soubassement, des revêtements
de marbres polychromes.
26
4o2 BASILE I
rable par excellence était le sanctuaire. Les colonnes de lïconos-
lase, comme rarchitrave qui les unissait, étaient d'or et
d'argent rehaussé de pierres précieuses et de perles. Il en allait
de même des portes, des sièges qui se trouvaient à l'intérieur du
sanctuaire, des degrés placés devant eux^ des tables qui servaient
à la préparation du sacrifice. Quant à l'autel surmonté d'un
ciborium à colonnes d'argent doré il était fait d'une matière
plus précieuse que l'or. Il était probablement enrichi d'émaux
et de pierres précieuses. Comme nous l'avons dit, il semble
que le sanctuaire était composé de trois absides. Chacune était
vraisemblablement décorée de fresques. Néanmoins Photius ne
nous parle que de l'abside centrale au fond de laquelle resplen-
dissait l'image de la Vierge « étendant sur nous ses mains
pures et donnant à l'Empereur le salut et la victoire sur ses
ennemis. »
De son côté, le pavement de l'église était lui aussi une véri-
table œuvre d'art, fait de plaques de marbres aux mille nuances,
représentant des animaux et autres choses diverses enfermés
dans des compartiments habilement agencés. Des bandes de
mosaïques à dessins \ariés formaient la bordure extérieure
de l'ornementation. En somme ce devait être un travail assez
analogue au magnifique pavement du Louvre rapporté par
Renan. C'est ce pavement qui faisait dire à Constantin qu'on
eût dit un tapis de soie ou un travail de Sidon ^.
Enfin, du haut des voûtes descendaient de nombreux u poly-
kandela » d'argent ciselé dont à certains jours et en cer-
taines circonstances on ornait le palais impérial. Ces lustres
éblouissants devaient admirablement compléter l'ornementation
de l'église.
Le « Livre des Cérémonies » - en nous conservant le souvenir
des fêtes qui se célébraient chaque année au jour anniversaire
de la Dédicace de la « nouvelle église » nous apprend qu'il y
avait à l'intérieur du temple plusieurs sanctuaires. L'un était
dédié à saint Elie. L'Empereur, une fois l'an, y venait faire ses
dévotions. Après avoir baisé les portes saintes, il entrait dans
le sanctuaire, baisait l'autel et vénérait la relique du prophète.
En sortant, il passait devant les autres u i3T,|jiàTa », allumait un
I. Vit. Basil., lxxxiii, p. 3'4i
a> Cerem., 345, 348.
ET L EMPIRE BYZANTIN
4o3
cierge devant chacun, baisait la couverture de l'autel et se
dirigeait de là par le gynécée jusqu'à l'image de l'empereur
Basile auprès de laquelle il allumait des cierges. Que faut-il
conclure de là? Il est peu probable que la nouvelle basilique
ait eu, comme en Occident, des chapelles distinctes. Cet usage
était tout à fait inconnu des Grecs d'autrefois, comme il Test
encore des Grecs modernes. Dans les églises, il n'y avait qu'un
autel sur lequel on célébrait la messe. Le plus vraisemblable,
c'est que le sanctuaire de la u Nea » comptait outre l'autel cen-
tral, plusieurs autels secondaires — probablement deux —
servant pour l'ordinaire à la préparation liturgique. Chacun
était, sans doute, dédié à l'un des saints sous le vocable desquels
se trouvait l'église et comme l'autel de saint Elie possédait une
relique qu'on vénérait beaucoup, le manteau du prophète Elie,
une fête spéciale avait été instituée à ce sujet *. L'empereur,
ainsi que tout le peuple, venait y faire ses dévotions. En par-
tant, il passait devant le maître-autel et l'autre table sainte
pour gagner le gynécée et le narthex. Rien ne permet donc
de supposer plusieurs sanctuaires indépendants les uns des
autres.
Un autre temple construit par Basile dans l'enceinte du grand
palais et dont Constantin Porphyrogénète nous a donné la
description - achève de nous faire connaître avec quelle
incroyable richesse l'empereur ornait les églises qu'il construi-
sait : l'oratoire du Saint-Sauveur. 11 se trouvait directement au-
dessous du grand palais, vers l'est, près du sanctuaire de
Saint-Elie et de Saint-Clément. Comme à la Nea, l'or, l'argent,
les pierres précieuses avaient été répandus à profusion dans
l'édifice. Le pavé tout entier était d'argent massif travaillé au
marteau. Les parois des murs, à droite et à gauche, elles aussi,
étaient recouvertes de plaques d'oret d'argent, ornées de pierres
précieuses et de perles. Les colonnes de l'iconostase étaient
d'argent comme leur soubassement, tandis que l'architrave
était d'or pur. L'image du Christ « Théandrique » se voyait en
plusieurs endroits exécuté u ;jL£Tà yjaîja-ctoç », c'est-à-dire en
1. On sait ([n'aujotird'liui encore, sans doute par tradition, chaque
année le sulta[i s'en va \énérer au vieux Serai le manteau du prophète. Seul
le nom a changé. Autrefois c'était Elie, aujourd'hui c'est Mahomet,
2. Vil. Basil., ch. lxwvh, p. 3^0.
4o4 BASILE I
émail ^ ce qui convenait à merveille à une pareille œuvre d'or-
fèvrerie.
Enfin il semble bien que ce sont les grandes restaurations
entreprises par Basile aux Saints-Apôtres que Constantin le
Rhodien a racontées dans son poème sur les merveilles de cette
église. Les Saints-Apôtres, en effet, étaient un lieu particulière-
ment vénérable pour les Basileis, puisque c'était là que la plupart
d'entre eux dormaient leur dernier sommeil. Basile lui-même y
devait être enterréun jour et ce fut là qu'il conduisit la dépouille
mortelle de sa femme et de son fils Constantin. Et cependant,
cette église si resplendissante de beauté à l'époque où Justinien
et Théodora la construisirent était tombée dans le plus complet
délabrement. La solidité laissait beaucoup à désirer ; certaines
parties étaient même détruites ; partout elle portait des traces
de la plus grande vétusté -. Basile la fit donc réparer de fond en
comble. Il consolida les parties qui menaçaient ruine, recons-
truisit celles qui avaient disparu et lui jcndit tout son éclat pre-
mier '^ Or, il se trouve que la description enthousiaste de
Constantin le Rhodien est en parfait accord avec tout ce que
nous connaissons des habitudes, du goût et du style artistique
du règne de Basile. L'église, comme la Nea et le Kenourgion
dont nous allons parler, était tapissée de mosaïques. Elles pre-
naient à une certaine hauteur au-dessus du sol, l'espace laissé
libre entre le pavé et les mosaïques étant occupé par une déco-
ration de marbres polychromes, et garnissaient les cinq cou-
poles. Dans le dôme central, rartisle avait représenté la figure
du Christ et autour de lui, la Vierge et les Apôtres *. Dans les
coupoles secondaires et sur les pendentifs ^, d'autres mosaïques
à fond d'or resplendissaient magnifiquement. Les murs enfin
étaient ornés de tableaux (fjajjjiaTa) représentant, comme d'usage
à cette époque, des sujets religieux à allure historique. C'était
la vie terrestre du Christ qui se déroulait sous les yeux du
spectateur depuis l'Annonciation jusqu'à la Passion. 11 y avait
sans doute dix à douze tableaux de ce genre ^ groupés proba-
1. Labartc, op. cit., p. 92.
2. Vit. Basil., ch. l\X\, p. 387.
3. Vit. Basil., ch. lxxx, p. 887, 3^o.
4. Constantin le Rhod., v, 789, p. 58.
5. Ibid., 744, p. 58.
6. Ihid., p. 98 et secj.
ET L EMPIRE BYZANTIN' 400
blement d'une façon symétrique de manière à orner loules les
parties de l'édifice.
Mallieureusement. de toutes ces richesses artistiques il ne
reste plus rien aujourd'hui et Gonstantinople ne possède plus
une seule église datée avec certitude du règne de Basile. Pour
trouver un monument de l'art religieux élevé à celle époque,
c'est en Grèce qu'il faut aller, à deux heures et demie de Liwadhia,
au village de Skripù '. L'église du petit couvent est, en eft'et.
datée de 873 à S-z'j. \ ce moment, sous l'impulsion artistique
donnée par la capitale, par suite de la conversion des peuples
encore païens, après les dévastations iconoclastiques, l'empire,
et spécialement la Grèce, se couvrirent de monastères et d'églises
qui devinrent rapidement des centres de civilisation. Cons-
truites sur des hauteurs abruptes ou à l'entrée des gorges, soli-
dement fortifiées pour résister aux attaques du dehors, ces
(( saintes maisons » furent dès leur fondation le lieu de rendez-
vous des populations. C'est là qu'on venait prier, se réfugier
en cas de danger, chercher aide et protection. Aussi, Basile, au
lendemain de la querelle iconoclastique, à l'heure oii il rêvait
de grouper autour de son trône tout l'Orient chrétien et d'inau-
gurer une grande politique religieuse et militaire, avait-il
intérêt à ménager les moines, à les favoriser et à travailler à
leur établissement. De là l'origine de la plupart des couvents du
ix" siècle signalés en Grèce, comme celui de Pyrsos. fondé en
Etoile par Théophane, ceux de Béotie fondés par Basile -.
Actuellement, du couvent de Skripii il ne reste que l'église.
Cet édifice d'assez modeste allure a cependant pour l'archéo-
logue aussi bien que pour l'historien un grand intérêt. Les trois
inscriptions qui en décorent l'intérieur nous apprennent que
cette église fut construite entre 878 et 874 par le protospathaire
Léon. Evidemment nous n'avons pas de renseignements pré-
cis sur ce personnage. Toutefois, l'une des trois inscriptions
publiées par M. Slrzygowski donne en dernière ligne une
curieuse indication. Léon était un « dunatos » possesseur du
territoire d'Orchomène. Or, ce Léon^ protospathaire, assez
riche pour construire une grande église, maître de ce pays
1. Pour tout ro qui suit, cf. Strzygowski. Inedila des Architektur und
Plastik ans der Zeii Basilics 1. (Byz. Zeit., III, 189^. pp. 1-16, avec les
planches).
2. Strzygowski, op. cit., p. 3.
4o6 BASILE I
d'Orchomène. était peut-être quelque parent de Daniélis, en
tous cas un assez orand seigneur.
[^église qu'il construisit se ressent 1res visiblement des
influences anciennes et nouvelles qui agissaient sur l'art de
cette époque. Comme toujours, la construction fut faite de
matériaux pris à d'anciennes constructions. M. Strzygowski a
compté au-dessus de la première frise extérieure 87 morceaux
de colonnes encastrés dans le mur et recouverts de maçon-
nerie. Les pierres de taille qui forment la première assise exté-
rieure de l'église furent elles aussi, de leur côté, prises à des
monuments plus anciens. Le plan de l'église lui-même est
conçu tout à la fois d'aj^rès les traditions du vi'' siècle et d'après
les modificatiojis que les architectes du ix" siècle apportaient
pour lors dans la construction des monuments religieux. L'église
de Skripù, en effet, a la forme d'une croix dite latine. Au centre
de la croix, à l'intersection des deux nefs centrales, s'élève,
portée sur une voûte en berceau, l'unique coupole de pierre.
Celle-ci est déjà construite sur le modèle de celles de Constan-
linople. La demi-calotte repose, à l'extérieur, sur un lambour
de forme polygonale comptant seize côtés, lambour peu
élevé et de base assez large comme celui qui décore l'église
de Saint- André-in-Crisi, par exemple, et qui est probablement
son contemporain. Vue de l'intérieur, la coupole est ronde.
D'autre part. ici. comme dans les églises de la ville construites
par Basile, nous avons des chapelles latérales avec leur table
sainte pour le service de l'autel. Tandis que la nef centrale,
terminée par une abside, est dédiée à la Panaghia et à son
divin Fils, de chaque côté de la nef nous avons une nef latérale
plus étroite et plus basse que la nef centrale, terminée elle aussi
par une petite abside. L'une est dédiée à l'apôtre saint Paul,
l'autre à l'apôtre saint Pierre ^ Au devant des trois nefs,
s'ouvre le narthexavec ses trois portes, chacune correspondant
à un des u naoi ». Si maintenant, de la construction elle-même
nous passons aux ornements qu'elle conserve, nous retrouvons
des influences analogues. Les frises qui. à l'extérieur et à
l'intérieur, la décorent, ont gardé de l'époque iconocl astique
un caractère c laïque » assez déterminé. Ce sont des bandes
I. Chacun des deux « naoi » conserve encore aujourd'hui son inscription
dédicatoire.
KT l'empire byzantin \0']
de briques bordées en haut et en bas d'une décoration de
perles. Le champ de la frise est rempli par des dessins régu-
liers représentant des palmes, des feuillages, des rubans entre-
lacés. La frise extérieure de l'abside centrale porte dans des
rosaces à feuillages assez grossiers, alternant avec d'autres
rosaces à dessins géométriques, des animaux, lion à tête
humaine passant sur un quadrupède plus petit, vautour cou-
rant derrière un cerf. Les frises intérieures portent, de même,
des palmes, des oiseaux, des raisins. Aux angles des piliers
qui soutiennent la coupole, au lieu des anges et des saints que
d'autres époques peignent, il y a ici des aigles aux ailes
éployées K Les murs sont aujourd'hui simplement blanchis.
Nulle trace de peintures antérieures. Il est probable, cependant,
qu'il dut y en avoir car, à l'époque de Basile, la décoration
intérieure des églises reprit une grande importance. Nous avons
vu déjà ce qu'il fît pour certaines églises de sa ville impériale.
Il est très vraisemblable que la mode dut passer en province
et que Skripù posséda des mosaïques représentant quelques
sujets d'allure tout à la fois historique et dogmatique comme les
aimait le premier Macédonien et comme les demandait
l'Eghse 2.
L'activité artistique de Basile ne resta pas seulement confinée
au sein de l'art religieux Elle s'étendit à l'art profane et créa
les merveilles un peu lourdes peut-être, mais incontestable-
ment somptueuses qu'abritait le grand Palais. Constantin VU
nous a raconté avec d'abondants détails les constructions que
son grand-père entreprit et qu'il orna ensuite avec splendeur.
Par là Basile continuait l'œuvre de ses prédécesseurs, particu-
lièrement de l'empereur Théophile, dont en pleine crise icono-
clastique l'effort artistique fut considérable.
Le Palais impérial situé à l'intérieur d'une enceinte spéciale,
n'était pas une construction unique composée d'un corps de
bâtiment central réservé au souverain et accompagné de
demeures accessoires pour le service et les gens de la cour.
1. Cf. sur l'évolution de ces motifs. Millet, Art byzantin, p. 102, i53.
2. L'Eglise, en effet, demanda par le S'' canon du Concile de 870 que l'on
recommençât à faire de la peinture dogmatique. « De même que par les
paroles qui sont renfermées dans le livre (Evangile) tous obtiennent le
salut, de môme par le travail des images en couleur, tous, sages et illet-
trés, tirent profit. » (Mansi, \vi, 161).
4o8 BASILE I
C'était bien plutôt un ensemble d'édifices de diverses époques,
construits au fur et à mesure des goûts et des besoins du jour,
quelque chose comme un Kremlin solidement fortifié, vraie
ville au sein de la ville K Une des plus magnifiques demeures
que Basile y fit construire fut le Kenourgion-. Ce Palais tou-
chait au Chrysotriclinium ou salle du trône par l'abside méri-
dionale^. C'était la demeure privée de Basile. Il comprenait
plusieurs salles dont deux, le salon et la chambre à coucher,
sont longuement décrites par Constantin. Le salon, grande et
merveilleuse pièce voûtée, à coupoles * par où, sans doute, passait
la lumière, était orné de seize colonnes. Huit étaient en marbre
vert de Thessalie, six en onyx. La décoration de ce salon,
telle que nous le rapporte Constantin VII, est très intéressante.
Les chapiteaux des colonnes étaient de même style que celui
des églises. Comme à Skripii, les artistes représentèrent des
ceps de vigne au milieu desquels couraient des animaux de
toutes espèces. Seuls, les chapiteaux des deux dernières
colonnes étaient ornés différemment, de stries obliques. Les
murs, la voûte et la coupole orientale étaient revêtus de
mosaïques représentant des sujets historiques. Sur les murs,
Basile trônant au milieu de ses généraux qui lui présentent les
villes qu'il a prises ; sur la voûte les grands faits de la vie du
prince, surtout ses faits d'armes. Une décoration du même
genre, à tendance nettement historique et didactique, se retrou-
vait dans la chambre à coucher de Basile séparée seulement du
salon par un petit vestibule. Là, contre les murs, étaient repré-
sentés sur fond d'or, Basile et Eudocie en grands costumes
impériaux ainsi que leurs enfants eux aussi en costumes de
cour. Princes et princesses tenaient en leurs mains des livres
religieux, sans doute l'Evangile, pour indiquer, nous dit Cons-
tantin, que si Basile u à cause des vicissitudes de sa vie, n'a pu
s'adonner de bonne heure aux lettres, il a voulu du moins que
sa progéniture reçut la sagesse en partage ». Le pavement
1. <( Gonslantinopolitanum palatium non pulcritudinc solom, verum
etiam fortitudine omnibus, quîc umquam perspexerim, munitionibus
prseslat, quod etiam iugi niililum slipatione non minima observalur. »
Liutpr., Antap., III, 21, SSa).
2. Vit. Basil., lxxmx, p. 348.
3. Labarte, op. cit., 77.
4. Il semble bien qu'il devait y avoir au moins deux coupoles puisque
Constantin parle de la coupole orientale.
ET L EAIPIRE BYZANTIN 4o9
de cette chambre était particulièrement remarquable. \u milieu
du sol s'étalait un paon magnificjue^ renfermé dans un cercle
de marbre de Carie. Des rayons du même marbre formaient
au dehors un second cercle plus grand d'oii partaient
({ quatre ruisseaux » de marbre vert de Thessalie s'en allant
aux quatre angles de la pièce. Dans les compartiments formés
par ces ruisseaux se trouvaient quatre aigles admirables et
d'une imitation si parfaite qu'on les eût dit vivants et prêts à
s'envoler. Les soubassements des murs représentaient, en
mosaïques, des fleurs variées. Le plafond, enfin, qui était de
forme carrée était probablement en bois tout lamé d'or. Au
milieu la croix gemmée en verre de couleur verte, entourée
d'étoiles et l'Empereur au milieu de sa famille, dans la position
d' u orant », avec diverses inscriptions pieuses.
Indépendamment de ces constructions affectées à son usage
personnel, Basile fît encore, à l'intérieur du grand Palais,
élever d'autres édifices dont nous ne connaissons pas l'ordon-
nance, comme le trésor impérial, le garde meuble, les bains
du Palais - et un triclinium près des galeries de Marcien, le Pen-
tacoubouklon. Il fit enfin réparer la Chalcé tombée en ruine,
l'orna magnifiquement et installa dans ce nouveau palais le
tribunal « beaucoup plus auguste que l'Aréopage et l'Héliée^ ».
De même, en dehors de la ville, il reconstruisit et embellit
d'autres demeures impériales, à Mangana, à Pigi, à Hieria.
Mais sur tous ces travaux, nous n'avons d'autre détail que la
brève mention qu'en fait Constantin VIP. Malgré ces lacunes,
on le voit donc, l'œuvre artistique de Basile a été immense.
Prenant l'art au point où l'avaient laissé les princes icono-
clastes, il lui a donné une nouvelle impulsion. De l'époque
qui précéda son avènement, il garda les sujets d'ornementation
profane que cette époque avait créés pour remplacer les motifs
purement religieux, mais sous son influence, là comme ailleurs,
la religion rentra triomphante et unit bientôt son inspiration
propre à celle qu'elle rencontrait. L'inspiration profane, loin de
disparaître, donna tout au contraire naissance aux grands sujets
d'histoire qui s'en iront orner les demeures impériales et parti-
I. On sait que le paon était le symbole de l'immortalité.
3. VU. Basil., ch. xc, p. 35 3.
3. IhicL, ch. XXXI, p. 376.
\. Ibid., ch. xci-xcii, p, 353.
/ilO BASILE I
culières de l'Empire, tandis que l'inspiration religieuse, profi-
tant de la leçon, reproduira dans les églises et dans les
monastères, avec les scènes de la vie du Christ, celles de la
Vierge et des saints. Au point de vue du développement archi-
tectural, le règne de Basile est aussi une époque importante. De
plus en plus on va abandonner la forme basilicale avec son toit
de bois pour adopter Téglise à coupoles qui restera dans l'his-
toire de l'art la caractéristique de l'art proprement byzantin.
Mais cette renaissance artistique qui aura son plein développe-
ment au x" siècle ne s'est pas fait seulement sentir en archi-
tecture et en peinture. Elle a agi sur les arts mineurs dont, en
terminant, il faut dire quelque chose.
Un des plus beaux exemples de la miniature du ix" siècle est
le fameux manuscrit de saint Grégoire de Naziance auquel on
peutajouter un manuscrit du même Père qui se trouve à Milan,
un Psautier en onciale daté de 862 actuellement à Pétersbourg,
ainsi qu'un manuscrit des opuscules ascétiques de saint Basile
daté de 880 et conservé dans la Bibliothèque du saint Synode à
Moscou ^ . Le premier est orné de quarante-six pages illustrées
4ont quelques-unes, malheureusement, sont aujourd'hui fort
endommagées. Sur ces quarante six pages, dix sont illustrées en
forme de tableaux tenant toute la page. C'est tout d'abord le
Christ triomphant assis sur un trône et « donnant sa paix « ;
c'est ensuite Eudocie avec Léon Alexandre. « Comme au
Kenourgion, les jeunes princes tenaient à la main le rouleau
des lettres saintes-. » C'est Basile avec Elie et Gabriel. L'empe-
reur était, sans doute, peint suivant les méthodes en usage chez
les mosaïstes. Il porte une longue tunique de violet pourpre et
le manteau impérial, le loron d'or, enrichi de pierreries et
de perles. Ses pieds sont chaussés des brodequins rouges,
signes de la toute puissance ^ ; sa tête porte le stemma. La
parenté des compositions du Parisinus et des mosaïques du
Kenourgion paraît donc ici comme assez probable. L'auteur
1. Parisinus, 5io ; Ambrosianus, 49-00 (Porphyre, 31C ; Amphil., 2-3. —
354 (ccxLi) Sabas 5 ; Amphil., 4-8. )Cf. Montfaucon, Paléogr. grecq., viii, aôo ;
Labarte, Histoire des Arts industriels au Moyen-Age, m, 35 et scq. Omont,
Fac-similés des miniatures des plus anciens manuscrits grecs de la Biblioth.
nationale ; Tikkanen, Die Psalter Illustration ini Miltelalter.
2. Millcl, op. cit., p. 240.
3. L'héritier présomptif avait le droit de porter une bottine rouge et
l'autre noire (Ibn Hordadbeh, p. 81).
ET L EMPARE BYZANTIN 4ÎI
s'est sans doute inspiré de ces peintures fameuses pour com-
poser ses portraits. — Indépendamment des tableaux en pleine
|)age, le Parisiims porte au début de cliaque sermon, avant le
lexle. une miniature qui se déroule en plusieurs compartiments,
formant ainsi ii8 compositions 1res diverses. Les sujets ont
toujours quelque attache plus ou moins saisissable avec le
texte publié et là aussi, comme dans les mosaïques, les nou-
velles tendances artistiques sont parfois très nettement
marquées ^. Le miniaturiste a voulu peindre en historien les
scènes qu'il illustre : historien de la vie de S' Grégoire, histo-
rien des faits les plus saillants de l'Ancien et du Nouveau
Testament. Certaines de ces miniatures, comme la Tiansfigura-
tionetla Pentecôte, semblent, au dire de M. Millel -, coj)iées sur
des mosaïques ou des icônes et corroborent par là l'idée qu'on
peut se faire de la peinture au ix^ siècle.
■ En tous cas, une chose est iiors de doute : c'est la merveil-
leuse venue de quelques-uns de ces grands tableaux. Si les
j)ortrails du début sont trop effacés pour que nous puissions
juger convenablement de l'expression que l'auteur avait su
leur donner, du moins telle page comme la Transfiguration,
ou le tableau de Moïse frappant de sa verge le rocher sont d'un
grand effet. Nous sommes loin ici des traditionnelles attitudes
hiératiques tant reprochées aux Byzantins. Par la noblesse,
l'élégance, le naturel de certains maintiens, par la beauté et la
vivacité des couleurs — tel un guerrier portant superbement
son manteau rouge flottant au vent — nous sommes obligés
d'admettre, ou que l'artiste a copié avec le plus grand talent
une œuvre antérieure appartenant à une époque plus classique,
— ce qui serait peu probable — ou que les traditions du
grand art sans cesse vivifiées au contact de la nature n'étaient
point complètement perdues à la fin du ix^ siècle.
Au point de vue du « métier » ce manuscrit a, en outre, un
très grand intérêt, car nous saisissons sur le vif, grâce aux
1. Il faut, dans réliidc do ce manuscrit, bien distinguer les artistes qui
ont travaillé à Tenluininure. L'un, le plus habile, un véritable artiste,
s'inspire visiblement de modèles antérieurs, nous Talions voir ; l'autre ou
les autres ont moins de science, de finesse et de talent, mais paraissent
plus attentifs à copier ce qu'ils voient autour d'eux : costumes, meu-
bles, etc.
'}.. Millel. op. cil., p. a^ii.
ai 2 BASILE I
dégradations actuelles des images, la façon de travailler des
miniaturistes byzantins. L'artisie qui peignit le S' Grégoire
avait, en efîel, commencé par coller sur le parchemin une
feuille d'or et sur cette feuille qui devenait ainsi le fond de son
tableau, il avait d'abord dessiné corps el figures à la plume,
puis les avait ensuite peints à la gouache. C'est ainsi, par
exemple, que le corps du Christ dans la scène de la crucifixion
fut dessiné, au pinceau, avec une couleur brun rouge très
légère avant d'être revêtu de sa hinique violette. Enfin, chose
intéressante, l'inspiration de certaines pages semble nettement
avoir ses origines dans l'art syriaque du vi*" siècle. On sait qu'il
existe actuellement une grave question : celle de savoir si tout
l'art byzantin ne dérive pas de l'art oriental. M. Strzygowski
s'est fait dernièrement encore, à propos du Psautier serbe de
Munich, l'ardent défenseur de c<"tte théorie ^ Sans entrer dans
la discussion de cette difficile question, on peut remarquer,
néanmoins, qu'au ix"" siècle, l'artiste qui peigjiit le Parisinus
5io s'inspire visiblement de cette tradition. La crucifixion
semble, en effet, une réplique, à quelques détails près, de la
crucifixion du manuscrit cyriaque du vi^ siècle conservé
actuellement à la Laurentienne à Florence. Dans lune et
l'autre œuvre, le Christ est vêtu d'une longue tunique violette
qui lui descend jusqu'au milieu des jambes : les bras sont dans
la même position horizontale et Longin porte le même vêtement
rouge. Seuls certains détails ont changé. Les pieds du Christ,
par exemple, reposent, dans le Parisinus, sur une tablette, tandis
que dans le manuscrit syriaque, ils pendent sans appui, cloués
directement sur le bois de la croix. La Vierge et S* Jean sont,
de même, dans une position légèrement différente : ils se
trouvent de chaque côté de la croix. Ces détails étaient, ce
semble, curieux à noter. Ils montrent bien, je crois, les ressem-
blances fondamentales qui existent entre la conception des deux
œuvres et les modifications que les habitudes et les traditions
iconographiques apportèrent en l'espace de trois siècles-.
De la tendance que nous avons signalée, de faire de la pein-
ture d'histoire, tendance qui a, sans nul doute, son origine
i. Strzygowski, Die Miniature n des serbisclien Psalter s; cf. Diehl. L'illus-
tration du Psautier dans l'Art byzantin, écrit à ce sujet.
2. Labartc, Hist. des Arts industr., m. 87 et seq. Albuin, Jl, L\\\,
LXXXL
ET l'empire bvzvntix 4i3
dans les prohibitions et les essais de l'art iconoclaslique, nous
avons, en miniatures, d'autres exemples parvenus jusqu'à
nous. Le manuscrit de Paris 928 du ix" siècle qui est un recueil
de morceaux choisis et de parallèles des Pères de l'Eglise,
reproduit, à côté de sujets religieux, des scènes de genre, comme
le travail du médecin ou du peintre, des exercices athlétiques,
etc. Mais l'exemple le plus curieux est assurément le Psautier
dit Chludov conservé aujourd'hui à Moscou* et sur lequel,
l'auteur, avec un pinceau très alerte, une verve parfois très
comique, a esquissé « sans fond, ni sol » au hasard d'un espace
blanc, de caractéristiques silhouettes, pleines de vie et de
mouvement qui rappellent, à côté de scènes religieuses,
quelques faits d'histoire contemporaine : le pseudo-Concile de
810 ; Léon l'Arménien faisant couvrir de chaux une image du
Christ; le patriarche iNicéphore triomphant qui foule du pied
le chef des Iconoclastes ; le faux patriarche Jean, etc-. Dans ce
Psautier d'aspect et de but tout religieux, les haines, les
idées, les partis d'un jour s'entrechoquent et combattent
comme en pleine vie et en pleine réalité. Or, cet exemple si
curieux n'est pas unique. Nicétas nous raconte, en effet, dans
son panégyrique de S' Ignace qu'on trouva chez Photius, après
sa déposition, des livres admirablement reliés en soie avec des
ornements d'or et d'argent. Ecrits en superbes lettres, ces livres
relataient les sept sessions apocryphes du Concile qui condamna
Ignace. L'œuvre était de la main du fameux Grégoire Asbestas
de Syracuse, et devait être, sans doute, exécutée comme les
miniatures du Psautier Chludov. Asbestas avait représenté, en
couleur, le patriarche Ignace sous divers aspects. A la première
session répondait une miniature figurant le patriarche pris et
frappé de verges. Au-dessus, le peintre avait écrit « 6 O'.àêoAo; »
le diable. A la seconde session, on voyait Ignace couvert de
crachats et tiré violemment, avec cette sentence : « Com-
mencement du péché. » A la troisième, Ignace était jeté à bas
de son trône, avec cette mention : « Fils de perdition » et
airtsi pour chaque session -l Là donc, comme au Psautier pré-
1. Le Psautier Chludov est reproduit intégralement dans la collection
des Hautes Etudes.
2. Bayet, Art byzantin, p. ii3-
3. Vit. Ign., p. 54o-54i. De ce genre historique et humoristique on peut
rapprocher les amusantes illustrations du manuscrit de Skylitzès conservé
UI!\ BASILE I
cèdent, nous avons une œuvre d'histoire contemporaine,
traitée par un homme de parti qui dut, sans doute, unir le ridi-
cule à la haine et composer ainsi quelque chose de très vivant
et de très personnel, qualités que les peintres des âges suivants
oublièrent trop vite.
Toutes ces miniatures u par les formes pleines, les carna-
tions riches, les larges têtes aux yeux bien fendus, au nez
droit, sans recherche du caractère » trahissent souvent, comme
nous Favons remarqué déjà, rinfluence de plus anciens
modèles*. C'est que la Renaissance du ix*" siècle, dans les
meilleurs morceaux parvenus jusqu'à nous, semble, par
certains côtés, s'être déjà retrempée, par delà le vi*" siècle,
aux sources de l'art antique, tout comme le fera chez nous,
plus tard, la Renaissance du xv*^ siècle. A Thèbes, par exemple,
nous avons, sculptés sur le marbre, des motifs antiques bien
connus, comme les deux colombes buvant dans une coupe ; à
Skripù, ce sont des paons accostés près d'un vase d'où sort
une tige, motif que connaît l'art chrétien des catacombes-. Cette
analogie, nous la retrouvons aussi, dans les miniatures.
Le Parisinus 5io, traite par exemple, le motif de la multipli-
cation des pains comme le firent les peintres des catacombes
d'Alexandrie^. Bien plus, dans le S' Grégoire de Naziance de
l'Ambrosienne, à côté de scènes de l'ancien et du nouveau
Testament, à côté de scènes tirées de l'histoire de l'Eglise, nous
avons des illustrations de la mythologie et de la poétique
païenne*, qui, en vérité, se rapportent au texte même, mais
laissent deviner jusque dans leurs transformations, la connais-
sance des modèles anciens. Enfin, cette influence de l'anti-
quité, nous pouvons la saisir maintes fois dans l'ordonnance
des scènes, dans certains types, dans l'attitude des person-
nages, dans les costumes, souvent plus romains que byzan-
tins, dans les encadrements enfin de certaines peintures du
Parisinus comme celle qui illustre, par exemple, le cha-
pitre xxxvn d'Ezéchiel
à Madrid et dont la Collection des Haules-Etudes possède des reproduc-
tions. (Cf. Beylié, l'Habitation byzantine).
I. Millet, op. cit., 242-243.
3. Strzygowski, op. cit., planche 111.
3. Millet, op. cit., 243.
4. Ibid., 343.
ET l'empire BYZAMI> ^| 1 5
Les arts graphiques ne furent pas la seule spécialité des
artistes byzantins. Si la peinture et la miniature eurent un
assez grand succès à Gonstantinople parce que, sans doute,
elles furent des arts volontiers cultivés dans les cloîtres, nous
savons assez, par les richesses de la cour impériale, que Torfè-
vrerie. la sculpture, le tissage eurent aussi un grand dévelop-
pement. Les ateliers de Gonstantinople. de Corinthe et d'ail-
leurs dont nous avons parlé, fabriquaient, au ix^ siècle, les
« vêla » des grandes réceptions, les tapisseries historiées avec
leurs lions affrontés ou fantastiques imités peut-être de la Perse
et de l'art arabe, leurs oiseaux stylisés, leurs grands sujets
représentant des chasses ou des courses *, les parements
d'église comme ceux qui furent envoyés à Rome par Michel III,
comme ceux qui servaient à S^'-Sophie et au Palais. La des-
cription des riches présents offerts à Nicolas I nous montre
bien, en effet, quel art toujours un peu chargé, mais singu-
lièrement riche, possédait alors Gonstantinople. Il y avait,
entre autres choses, un tapis d'autel orné de bandes d'or et
de pierres précieuses « d'une grandeur et d'une beauté merveil-
leuse, » dont les broderies racontaient l'histoire du Sauveur
et représentaient les apôtres Pierre et Paul et autres, ainsi que
des plantes et des roses 2.
L'orfèvrerie, de même, était artistiquement travaillée à
Byzance. Au Palais impérial, tout était d'or : la table sur
laquelle l'Empereur prenait ses repas, le siège sur lequel il
s'asseyait, la vaisselle dans laquelle il mangeait 3. On a
souvent raconté, à la suite de Liutprand, les merveilles d'art
que décrit dans 1' « Antapodosis » l'évêque de Grémone. Il
alla à la cour byzantine, en effet, à une époque particulière-
ment brillante, alors que sur le trône était assis un artiste
habile, Gonstantin VII ; mais le récit de Liutprand ne doit pas
faire oublier que ce luxe inouï était déjà connu au siècle précé-
dent*. Au « velamen » qu'il envoyait au Pape, Michel III ajouta
1. Millet, op. cit., 206.
2. Cf. Héfelé-Delarc, V, 446, note i. On sait que M. Lauer a découvert au
Sancta Sanctorum du Latran, parmi divers objets dont quelques-uns
remontent probablement au ix" siècle, une soie représentant sur fond
pourpre une scène de la Nativité (Lauer, Monuments et Mémoires de la fon-
dation Piot, XV, fasc. I et 2).
3. Cercm. passim. Cf. par exemple, 809.
4. M. Molinier, dans son ou^ragc sur l'Histoire des Arts appliqués à
4l6 BASILE I
des objets d'orfcA rerie : une patène en or, enrichie de brillants,
d'énieraudes, d'hyacinthes, avec le calice, lui aussi, en or et
entouré de pierres précieuses et portant des hyacinthes atta-
chées à des fils d'or ; deux éventails (pi-izloioL) en forme de queues
de paons et ornés, pour imiter les yeux, de diamants et
d'hyacinthes. Et ces cadeaux n'étaient pas rares. Lorsque
S' Théodore d'Edesse alla à Gonstantinople, sous le règne de
ïhéodora et de Michel, l'Empereur, à son départ, lui remit une
boîte en or, garnie de pierres précieuses et de perles, avec une
clef en or ^ Sainte-Sophie, elle aussi, reçut de Michel III de
somptueux cadeaux. N'est-ce pas lui qui offrit un jour, à la
vénérable église, un calice et une patène d'une beauté, d'une
élégance et d'une richesse incomparables ainsi qu'un polykan-
delon d'or 2 ? De même, eniîn, à la mort de Michel III, quand
Basile fit ouvrir le trésor, il trouva les restes d'œuvres d'art
admirables que l'Empereur a\ait fait fondre : un platane d'or,
deux griffons et deux lions d'or, travaillés au marteau, un
orgue en or, de la vaisselle plate ^. On connaît, par ailleurs,
les fameux lustres d'argent qui servaient, tour à tour, aux
cérémonies religieuses de la Nea et aux fêtes profanes du Palais,
comme le célèbre pavement de S*-Paul en mosaïques de
marbres aux compartiments bordés d'argent.
De son côté la joaillerie était très en honneur. On faisait
grand usage de bagues, de bracelets, de médailles de dévotion
chez les Byzantins de toutes les époques et pour le ix^ siècle
quelques spécimens sont arrivés jusqu'à nous. M. Schlumberger
croit même posséder une fort belle bague ayant appartenu à
Basile, bague en or, enchâssant une pâte verte sur laquelle est
gravée la tête de face du Christ crucigère. Les deux monogrammes
bien connus formant les mots KYRIE BOH0EI sont gravés
sur l'anneau, entourés de rinceaux tînement travaillés. Ce bijou
serait, par l'inscription qui entoure la tête du Christ, de l'époque
où Basile était parakimomène. Deux autres bagues de la coUec-
V industrie, t. IV, p. 45, nie la réalité de tout ce luxe et spécialement l'exis-
tence des fameux lions d'or. Cependant tous ces objets, pour pouvoir être
monnayés, devaient forcement être d'un autre métal que de bronze et
d'une autre matière que de bois doré.
1. Vit. S. Theod. Edess., lxxxv, p. 89.
2. Vit. Mich., xLiv, \LV, p. 225.
3. Vit. Basil, xxix, p. 372 ; Sym. Mag. Vit. Midi, et Theod., xv, p. 721.
ET l'empire byzantin /j I 7
tion Schlumberger et publiées par ce savant ^ nous peuvent
donner une assez bonne idée de ce genre de travail byzantin. Le
trésor de Saint-Marc à Venise, enfin, possède une couronne d'or
votive qui selon toute probabilité fut commandée par Léon VL
Cette couronne, formée d'un bandeau circulaire orné de deux
rangées de perles, porte quatorze médaillons représentant des
bustes de saints, en émail cloisonné. L'un de ces médaillons est
le portrait de Léon VI ^. Elle est surmontée de paons. C'est que
vers cette époque, à la joaillerie s'unit, avec éclat, l'art de faire
les émaux (£pYayjijL£jTi.xà). Déjà au vr siècle, Justinien employa
rémail uni à l'or pour l'autel de Sainte-Sophie et aujourd'hui
encore, nous avons à Saint-Ambroise de Milan un bel exemple
de l'art du ix° siècle commençant ; mais ce fut surtout entre
85o et l'an looo que l'émaillerie eut son plus brillant apogée ^.
Basile en fît grand usage. A l'oratoire du prophète Elie, il
donna une image en émail du Sauveur. A la Nea il orna l'archi-
trave d'or d'émaux représentant des sujets religieux *.
Un des luxes les plus répandus à Byzance était celui des
objets en ivoire. On se servait de l'ivoire pour confectionner ces
coffrets et ces boîtes conservés en si grand nombre dans nos
musées d'Europe ; on s'en servait comme reliures de livres,
comme plaques patriciennes, probablement aussi comme meu-
bles. Malheureusement, très peu nombreux sont les objets datés
avec certitude de la fin du ix" siècle qui sont parvenus jusqu'à
nous. Un des plus sûrs monuments de cette époque est l'ivoire
publié par M. Schlumberger ^ et qui représente le couronne-
ment de Léon VI. D'un côté se trouve l'empereur recevant de
la Vierge, assistée de l'archange Gabriel, la couronne inçipé-
riale. De l'autre côté se trouve le Christ bénissant, entouré des
apôtres Pierre et Paul. Ce travail encore dur, avec ses person-
nages secs, mais expressifs, revêtus d'habits sculptés à grands
traits, sans beaucoup de finesse et de recherche, nous fait
assister aux efforts tentés vers la fin du ix^ siècle pour rendre à
1. Schlumberger, Mélanges cVarchéol. byz., p. 89, 4o, 42 et 68.
2. Labarte, Histoire des arts industriels, II, 79 et 80. Molinier, op. cit.,
IV, 42.
3. Schulz, Der byzant. Zellenschmelz ; Millet, op. cit., 276; Bock, Die
byzant. Zellenschmelze der Sammlimy Alex. v. Sweniyorodsko.
4. Millet, op. cit., 275.
5. Schlumberger, Mélanges d'archéol. byz., p. m.
27
^Jl8 BASILE I
Tivoirerie comme aux autres arts leur éclat d'autrefois. \ com-
parer cet ivoire avec celui du Louvre publié lui aussi par
M. Schlumberger^ et qui date de la seconde moitié du x^ siècle,
on s'aperçoit aisément du progrès accompli. Avec une technique
et une composition en réalité identiques, mais singulièrement
plus tiabiles, les deux artistes, à cent ans de distance, ont créé
deux œuvres dont l'une est le brillant couronnement de l'autre -.
— Nous possédons, en outre, trois plaques d'ivoire qui paraissent
ap])artenirà cette époque et qui représentent les bustes du Christ,
l'ange de saint Mathieu et l'aigle de saint Jean, d'un travail
assez analogue mais qui semble plus fini, plus délicat déjà que
l'ivoire dcM. Schlumberger. Un encadrement de feuillage du plus
joli effet complète la sculpture ^. Enfin deux couvertures de livres
sont généralement attribuées à l'art byzantin du ix** siècle. L'une
de ces plaques d'ivoire appartient à la Bibliothèque nationale ^.
Elle porte en son milieu un Chiist en pied, bénissant de la main
droite, tenant l'évangile de la gauche. Un joli portique, com-
posé de deux colonnettes cannelées, encadre le Christ. De chaque
côté de l'arcade reliant les deux colonnettes se trouve un paon,
le tout du plus gracieux efFet. Là aussi, du reste, comme dans
l'ivoire de M. Schlumberger, il y a encore beaucoup de dureté. Les
plis de la robe sont droits, sans grâce et sans flexibilité. Pieds et
mains sont grossièrement traitas ; mais l'ensemble de l'œuvre
dénote un véritable effort. La sculpture qui recouvre le sacra-
mentaire de la cathédrale de Monza ^, elle, ne reproduit aucun
sujet. Ce sont des entrelacs entourant une croix qui se trouve
au centre de la plaque d'ivoire, sur l'un des deux ais; des enrou-
lements finement travaillés au milieu desquels se jouent des
animaux, sur l'autre ais. A comparer ces sculptures avec celles
de Skripù. on voit de suite la ressemblance. Les motifs sont les
mêmes, l'inspiration est identique. A ces différents exemples,
nous pouvons ajouter une plaque d'ivoire conservée aujourd'hui
au musée civique de Bologne. Cette plaque devait sans doute
I. Sclilu m berger. Mélanges d'archéol. byz., p. 71-7^.
'i. Cependant, il pourrait se faire, comme le remarque M. Alolinier, que
te travail n'ait pas été exécuté à Constantinople, mais bien en province
par un artiste obscur et moins habile que ceux qui travaillaient dans la
capitale.
3. Mol i nier, op. cit., 1, 8(3.
\. Labarte, Alham, I, pi. VII.
5. Ibid., pi. Mil.
ET l'eMPIHE byzantin f^l^
servir à ornemenlcr une petite boîte de bois. Ce dessin est
d'ordre religieux. 11 représente Moïse revêtant Aaron et ses fils
de l'habit sacerdotal — c'est du moins ee que nous dit l'ins-
cription. — Là comme dans les autres exemples de l'art du
ix*" siècle que nous avons signalés nous trouvons unis à une
certaine gaucherie de composition toute de symétrie quelques-
unes des qualités artistiques qui distingueront l'époque sui-
vante. Le centre de la plaque est occupé par un des fils
d' Varon auquel Mo'ïse remet le manteau. Le geste de ce dernier
accrochant le vêlement est déjà plein de naturel comme l'ex-
pression de celui qui le reçoit est pleine de vie et de mouve-
ment *.
Quant aux coffrets deux spécimens qui paraissent bien appar-
tenir au ix'^ siècle sont arrivés jusqu'à nous. L'un se trouve au
musée du Louvre. Il représente sur sa face antérieure, au dire
de Labarlhe. Hérode en présence des rois mages. Le bas-relief
du côté gauche est plus clair. C'est l'Annonciation. Au côté
droit, la Visitation. La face postérieure nous retrace deux scènes :
la Nativité et la Présentation. Tous ces sujets sont traités avec
aisance. Les personnages ont de l'expression, une attitude sou-
vent vraie. Le feuillage qui encadre ces scènes a beaucoup
d'analogie avec celui qui entoure l'ange de saint Mathieu. On
sent, à n^en pas douter, une main qui travaille d'après des
motifs souvent reproduits et qu'elle a Fhabitude de traiter -.
L'autre coffret, beaucoup plus intéressant, appartient à la col-
lection kircher à Rome, et est attribué par Graeven à la fin du
ix*" siècle et par M. Schlumberger, qui le premier l'a décrit, au
ix*" ou x*^ siècle. Les parois de ce coffret, présent de mariage fait
à une basilissa. sont divisées en deux séries longitudinales. Sauf
deux exceptions, les sujets se rapportent tous à l'histoire de
David, de son enfance à sa mort. Les quatre arêtes du coffret
sont décorés de rinceaux, d'arabesques et de fruits. Le som-
met du couvercle, formé d'un petit panneau long, représenteen
son centre le Christ bénissant le couple impérial en grands
habits de cérémonies. Au-dessous, dans un petit compartiment,
deux personnages en prière, sans doute l'Empereur et son
épouse.
.'). (Iracven, II, photogr. i.
(j. Labarthc, Album, pi. i\.
/i20 BASILE I
Ce coffret est très curieux. L'art est le même que celui des
autres plaques dïvoire. S'il y a, comme le remarque M. Schlum-
berger. beaucoup de vie et de relief dans les scènes, les person-
nages restent courts et trapus, les diverses scènes sont encore
souvent gauchement composées quoique singulièrement vives
et variées ; mais déjà on saisit le progrès constant et, ce qui
parait plus intéressant, des procédés pris à l'antique. Le coffret,
en effet, porte encore des traces de peinture faites sans doute
pour donner plus d'éclat et de relief à la sculpture; c'était la
méthode hellénistique. — A qui appartint ce royal bijou ?
M. Schlumberger a essayé de faire plusieurs hypothèses qu'il a
lui-même abandonnées. Serait-il téméraire de supposer que ces
scènes de David, intentionnelles à coup sûr, furent sculptées
pour Basile qui, lui aussi, de pâtre devint roi, lutta victorieu-
sement contre ses ennemis et dut combattre avant d'être
reconnu par Israël, la maison de Saûl ^ ?
Cet art de Tivoirerie si répandu à Byzance, a eu dans l'Italie
méridionale au ix'' siècle d'assez nombreux imitateurs dont les
œuvres sont représentées aujourd'hui, entre autres, par quelques
beaux coffrets de la collection Carrand au Bargello à Florence.
Plusieurs de ces coffrets sont de véritables œuvres d'art, par la
composition, la fantaisie, l'imagination qu'a su déployer l'ar-
tiste comme par la façon souvent très finie avec laquelle les
sujets sont rendus. Sur l'un, par exemple ^, l'artiste a repré-
senté Marie au sépulcre et sur le tombeau vide l'ange lui annon-
çant la grande nouvelle de la Résurrection. Celte œuvre fait
déjà penser, parla vie, la simplicité et la grandeur du tableau,
à la fresque assez semblable que quelques siècles plus tard
l'Angclico peindra dans l'une des cellules de Saint-Marc. Sur
un autre coffret ^, nous avons une ascension aussi superbement
enlevée que finement travaillée et qui prouve bien l'heureux et
rapide développement de l'art byzantin au ix*^ siècle jusque
dans ces pays d'Italie et de Sicile pourtant si troublés et si pro-
fondément bouleversés *. •
t. Schlumberger, In coffret byzantin d'ivoire du musée Kircher à Rome
(Monuments Piot, i. VI, 2. l^aris, 1900).
2. N" 3G.
3. N° 37.
\. Cet ivoire est reproduit par Labarle, Album I, pi. I\.
CONCLUSIO?s
FIN DU REGNE DE BASILE
Depuis la mort de Constantin en 879, la vie de Basile ne
fut plus qu'une longue souffrance. Brisé par ce coup du sort
qui lui enlevait son véritable enfant et allait permettre à
Léon YI, le fils de Michel III. sa victime, de régner et de
cueillir les fruits de ses persévérants efforts, vieilli et usé par
les fatigues qu'ii avait assumées, Basile se laissa circonvenir
par Photius et Santabarenos et il perdit la raison. Les souvenirs
du passé, de ce passé maculé de tant de taches, reprenaient à
ses yeux corps et vie et semblaient se lever devant lui comme
un spectre pour kii rappeler ses crimes d'autrefois et les lui
faire expier. Les conjurations de Photius et de Santabarenos,
comme celle du domestique des Icanates Jean Kourkouas,
étaient là. du reste, pour donner à ses craintes l'apparence trop
fondée de la réalité. Se croyant entouré d'ennemis, prêt à
succomber sous leurs coups, Basile redevint l'homme violent
et cruel qu'il avait été à certaines heures de sa vie. Léon, un
instant compromis dans une imaginaire révolte, fut rudement
châtié ; les partisans de Kourkouas furent tondus et exilés.
L'affaire de Léon eut. du moins, un épilogue. Les plans de
Photius et de Santabarenos ayant échoué, ce dernier dut
s'exiler dans son évêché et Photius perdit le peu d'autorité qui
lui restait. A leur place, dans la confiance de Basile, un habile
homme vint se glisser. C'était le futur beau-père de Léon VI,
Slylianos Zaoulzès. Déjà, grâce à son intervention, Basile avait
pardonné à son futur successeur et lui avait rendu la liberté.
Quand Santabarenos se fut retiré, Slylianos devint tout puis-
sant. Il était Arménien comme Basile, rusé comme tous les
gens de sa race; il avait, peut-être après Photius, été pré-
42 2 BASILE I
ceptcur d'Alexandre et d'Etienne ^ Il n'en fallait pas davantage
pour que l'esprit affaibli de l'Empereur acceptât cette seconde
tutelle. C'était pour le grand parti aristocratique, resté fidèle à
la mémoire de Michel, la définitive victoire. Désormais, il était
sûr de voir Léon VI régner après Basile. C'est ce qui ne tarda
pas à arriver,
L'Empereur, rongé par l'inquiétude, la souffrance, la tris-
tesse, passait son temps à chasser et c'est là que la mort vint,
un jour, le chercher. Le 20 août 886, il se trouvait, en effet,
dans une résidence impériale, à Apamée, non loin de
Rhegion-, pour y courir le cerf. Il était accompagné de Sty-
lianos, du prolovestiaire Procope-' et d'un certain nombre de
personnages de la cour. La chasse avait débuté sans incidents
quand, tout à coup, un cerf d'une grandeur exlraordinaire
apparut. L'Empereur, à cheval, voulut se précipiter à sa suite.
Il était seul. En entendant le bruit du cavalier, le cerf qui
buvait à une source se retourna subitement et de ses bois
accrocha la lance de l'Empereur et la fit tomber. Basile, à ce
moment, fit-il un mouvement pour rattraper sa lance? c'est ce
qu'il est impossible de savoir. Ce qui est certain, c'est que les
bois du cerf vinrent se loger dans sa ceinture, l'arrachèrent de
son cheval et le portèrent, paraît-il, jusqu'à Katasyrtae, tandis
que le cheval revint seul au milieu des chasseurs. Aussitôt,
naturellement, on se mit à la recherche de l'Empereur. Finale-
ment, après bien des battues inutiles, un phargan de Thétérie
aperçut le cerf, put le rejoindre et couper de son épée la ceinture
de l'Empereur qui tomba par terre inanimé. Mal en prit au
pauvre soldat. Sa noble conduite ne fut guère récompensée car.
revenu à lui, Basile, convaincu qu'il avait été l'objet d'un
complot — et cela peut-être non sans raisons — ordonna de
faire enfermer son sauveur et de le décapiter ^ sous prétexte
qu'il avait voulu non le sauver, mais le tuer î L'Empereur n'en
était pas moins irrémédiablement condamné. Transporté à
Constantinople, il vécut encore neuf jours dans les plus hor-
ribles souffrances, perdant son sang, en proie à la fièvre et au
délire, accusant Photius et Santabarenos de l'avoir éloigné de
I. Vit. Euthym., p. 3.
a. Ibid. p. I et 3o.
3. Ibid., p. I.
.''1. Sym. Mag., xxiii. p. 7G1.
ET l'faipiue byzantin /|tj3
Dieu ot de sou devoir^. U laissait en mourant la direction
générale des affaires tant politiques qu'ecclésiastiques à
Stylianos ([ui devenait, par sa volonté, tuteur de ses enfants.
C'était le 29 août 886. Son règne avait duré dix-neuf ans. I^
avait environ soixante-quatorze ans d'âge.
Dès qu'il eut expiré, suivant l'antique usage, Basile fut con-
duit au Triclinium des dix-neuf lits pour y être exposé aux*
regards de tous, revêtu des insignes de la toute-puissance :
couronne, tunique d'or, débetesion. Clergé et dignitaires auli-
ques entrèrent alors, chantèrent l'office et lorsque la cérémonie
fut achevée, le maître des cérémonies s'avançant répéta par trois
fois la parole d'usage : « Sors, Empereur, le Roi des Rois et le
Seigneur des Seigneurs t'appelle ». Les basiliques, à ce com-
mandement, prirent le corps sur leurs épaules pour le trans-
porter à la Chalcé où dignitaires et fonctionnaires ecclésiasti-
ques et civils vinrent le baiser et le saluer une dernière fois.
Après quoi le maître des cérémonies ayant de nouveau répété
l'ordre de Dieu, les protospathaires impériaux s'approchèrent,
enlevèrent le corps et le cortège se mit en marche, par la Mesé,
jusqu'aux Saints-Apôtres où l'Empereur devait reposer pour
toujours dans un sarcophage de marbre vert-, aux côtés d'Eu-
docie et de son fils Constantin. Arrivé à l'église, le cortège
s'arrêta. On dit les dernières prières et lorsque l'ofTice fut
achevé, une fois encore le maître des cérémonies s'approcha du
corps en disant : « Entre. Empereur, le Roi des Rois et le
Seigneur des Seigneurs t'appelle. Dépose la couronne de ta
tête ». Et aussitôt ayant pris la couix)nne, le préposite coiffa
d'un simple bonnet de pourpre celui qui avait été Basile le
Macédonien^. Tout était fini. Quelques jours plus tard, Léon
se souvenant qu'il était fils de l'Empereur Michel III et voulant
renouer par un acte officiel et public la tradition dynastique,
un instant brisée, lit ramener de Chrysopolis le corps de son
malheureux père et l'enterra solennellement aux SS^^-Apôtres
dans un sarcophage qui avait autrefois servi à l'Empereur
Justin *. La mémoire de Basile subissait en ce jour l'outrage qui
I. 17/. Euihym.y :>. cl 3.
'2. Cerem., 119O.
3. Cerem., 041 et scq. Cf. Tlioopli. Cont., VU. Conslanl. Porpliyr., ch. lu,
p. ',85.
\. Cerem., 1198. Il osl, on offot. plus probable, coiiinie le croit Reisko,
1x2 k BASILE 1
attend à travers tous les âges, les parvenus impériaux si grands
qu'ils aient pu être. Morts, la postérité les oublie pour ne se
souvenir que de ceux qu'ils ont dépossédés.
Arrivé au ternie de cette longue étude sur la vie de l'Empe-
reur Basile et sur le gouvernement impérial vers la fin du
ix" siècle, il est possible, ce me semble, de dégager sans trop
de peine, une conclusion assez intéressante. En somme,
Basile I — tout comme Napoléon — a été l'homme d'un
moment. A l'heure où il s'empara du pouvoir la Bévolution
iconoclastique venait d'expirer. Celle-ci n'avait point été,
comme on le croit trop aisément, une simple querelle Ihéolo-
gique, non pas même une simple lutte politique. Ce fut une
véritable révolution, tout à la fois religieuse, politique et
sociale qui naquit, comme tous les grands mouvements histo-
riques, d'une idée et d'un besoin. Malheureusement, cette Révo-
lution, ainsi que beaucoup d'autres, avait détruit d'un seul
coup les anciens cadres dans lesquels se mouvait la société
d'alors et n'avait pas su les remplacer. Au lieu d'une lente
transformation des choses, elle avait essayé d'un brusque boule-
versement et par là, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, jeté
l'Empire dans les plus redoutables aventures. Aussi quand
Basile monta sur le trône, dut-il, pour faire œuvre durable,
chercher avant tout à rattacher le nouveau régime à l'ancien,
faisant revivre les traditions passées tout en gardant de la
période révolutionnaire ce qui pouvait et devait être gardé. Ce
fut toute la raison de son retour au gouvernement de Justinien.
Mais cela seul eût été encore insulfisant. La Révolution avait
faussé tous les rouages administratifs, jeté dans les esprits le
trouble et l'inquiétude, laissé grandir partout l'arbitraire et
l'illégalité et fait péricliter au dehors l'honneur du nom romain.
Malgré le règne, à certains égards bienfaisant du dernier Icono-
claste, Théophile, malgré les efforts de Théodora, il restait une
œuvre immense à accomplir, Ce fut le but que s'assigna
que ce fut le sarcopliage do .Inslin que celui de Jnsfmien qui servit de
dernière demeure à Michel.
ET L EMPIRE BYZANTIN ^20
Basile. Par la réforme des finances et du droit, par la solution
du conflit religieux et la sévère administration de son gouver-
nement, il rendit à l'Empire le calme et le bien-être dont il avait
besoin. Par l'organisation militaire cpi'il imposa à ses sujets et
les victoires qu'il remporta, il rétablit le prestige extérieur
de Byzance. Par l'impulsion nouvelle, enfin, qu'il imprima au
développement artistique de son temps, il ajouta un nouvel
anneau à la chaîne qui unit, par delà les siècles et les transfor-
mations politiques et sociales, la civilisation antique à la civili
sation moderne. Sur un seul point son œuvre fut vaine et ses
efforts stériles : ce fut son œuvre personnelle. Il paya le crime
qu'il commit pour arriver au pouvoir, de la vie de Constantin,
son fils unique. Par là s'éteignait sa véritable famille ; par là
Byzance, durant deux siècles, allait avoir pour la gouverner,
une maison impériale fondée sur un bâtard.
APPENDICE
LA CHANCELLERIE IMPERIALE
Il m'a paru utile de résumer en cet appendice les divers
renseignements diplomatiques que nous possédons sur les
habitudes de la Chancellerie impériale aux ix*' et x" siècles,
renseignements, malheureusement, assez incomplets par suite
du peu de diplômes, chartes et actes qui nous sont jusqu'ici
parvenus.
Il importe, tout d'abord, de distinguer nettement les docu-
ments d'ordre administratif, tels que novelles, diplômes, chry-
sobulles, etc., des lettres officielles adressées aux souverains en
relations avec Byzance. Tandis qu'à la confection des pre
miers il ne semble pas qu'un formulaire de chancellerie, fixe
et intangible, ait présidé, il n'en va pas de même de la corres-
pondance impériale. Celle-là a ses règles, ses formules, ses
usages qui nous sont connus par le Livre des Cérémonies.
Cependant, il ne paraît pas douteux que certains éléments,
toujours les mêmes, n'entrassent aussi dans la confection des
documents d'ordre législatif. En tous cas, nous les retrouvons
à peu près constamment.
A) Novelles et documents législatifs. — Ces documents
portent, généralement ;
i" une suscription composée de trois parties :
aj Lne invocation : u £v ovôjjiaT'. 'zo'j Trâo-iv àvGoco-o'.; vouio9£T'/;Tav-
TO; Ta TtUTAipLa Xp'.TTO'J TO'J cÙ.'ffiv^OJ BîO'J Y.IJLWV*... £V OVOUOfT'.
TO'j oîT-oTOj 'Ir.TOj Xg'.tto'j -ZO'J Bîoj 7,|jLcôv- » par exemple ;
1. Nov. de Léon VI, Zachari.T, Jus grceco. roman., III, G7.
2. Suscript. du Prochiron.
428 , BASILE I
h) Une indication du nom de l'Empereur : u 'AjToxpàTwo
xaio-ap <I>Aà|3i,o; Aétov, c'ja-£[ir,ç î'jt'J'/TjÇ £voo;o? vixy.tÀ,; Tco-a'.o'jyoç
àsio-éêaa-To; auvo-Jo-To; 7Z',a-T0«; Jïiaa-iAs'jç i. ))
c) Une adresse, s'il y a lieu : u Z^TJAiavw, tw Tîp'.c:;ava'7TàTw
ULav'la":o(o tcov Ocitov occoixitov y.uicov -. »
kilt I t M
2" L/î préambule le plus souvent à allure religieuse au début,
puis explicatif des raisons qui font édicter la loi.
3" Le dispositif. 11 est tout à fait remarquable que dans ces
sortes de documents la date est rarement indiquée. Peut-être,
l'était-elle, originairement, à la fin de la pièce, mais cela n'est
pas certain. Quand la date est indiquée, en effet, elle l'est plutôt
au début, comme dans l'Ecloge. Si donc le texte de l'adresse
nous est parvenu sans date, c'est que, probablement, elle ne
figurait pas dans l'original.
B) Doeuments d'ordre privé. — Les chrysobulles qui, jus-
qu'ici, ont été publiés, donnent une idée plus complète de la
forme des actes byzantins. En général, ils forment un tout
qui révèle davantage le travail de chancellerie et sont, par là,
plus instructifs pour nous que les novelles. Du règne de
Basile P' on a signalé l'un ou l'autre chrysobulle conservé à
l'Athos, mais jusqu'ici aucun document de cette nature n'a été
publié. Cependant, nous avons de l'année 92/1 un excellent
exemple de chrysobulle qui nous renseigne sufQsamment sur
les habitudes de la Chancellerie. Il est de Romain Lécapène.
Le document débute par une a) invocation : « zU to ovojjia to'j
-aTpo^ xal TO'ji 'j'.ryj xal toO àylo-j TT^sjuiaTo; » et la b) siiscription :
(( 'Pwpiavo; Tr'.a-To; jBaa-'.As'jç xal a-JTOxpaTwp 'Ptojjiaiajv. » Puis, le
texte commence avec un long c) préambule théologique que
continue d) V exposé dont les premiers mots sont : « Aià Ta'JTa
0T( xal Y, c'jTîJBrjÇ fiaTiAc'la jjloj. » g; Le dispositif termine le corps
1. Nov. de Léon II cl Prochiron. — Il ne faudrait pas conclure, je crois,
du fait que l'adresse n'existe pas ou se trouve incomplète dans nos éditions,
qu'elle n'existait pas dans l'original. Il est bien probable que les copistes
auxquels nous devons, le plus souvent, ces documents, les laissèrent
tomber ou, de leur autorité propre, ajoutèrent des textes explicatifs qui
ne se trouvaient pas dans la pièce quand elle fut expédiée. Il sufTit. pour
se rendre compte de la cbose, de parcourir les novelles des Empereurs
du x'= siècle, publiées par Zacbariie, avec les notes qui les illustrent.
2. Nov. de Léon VI.
ET l'empire byzantin ^29
même du texte. Il est suivi de/j clauses comminatoires en forme
danathème et d'imprécation et le tout est validé par^' la date.
— mois, indiction, année du monde, — h} la sigiiatarc de la
pièce : u Pcoaavoç £v Xpia-T(j) tw 9c w tc'.oto^ JjaT'.Aîù^; xal a'JTOxoaTwo
'P(ou.aûov » ' et la bulle d'or qui y appendait.
C) Le5 lettres. — Les formules de lettres employées par la
Chancellerie et qui nous sont parvenues sont d'un autre et
plus général intérêt parce qu'elles nous montrent bien distinc-
tement deux choses : quels étaient les souverains le plus
habituellement en relation avec Byzance et de quelle façon
Byzance comprenait ces relations. Il y a dans ces formules
toute une gamme de nuances très curieuses à observer. Le
mieux, pour s'en rendre compte, est de mettre en parallèle
les formules qui nous sont parvenues eh les classant suivant
un ordre méthodique.
A) LETTRES A DES SOUVERAINS DORDRE ECCLÉSIASTIQUE
Pape de Rome.
'Ev ovouaT'. TO'j -a-rpoç xal toO uIo'j xal to'j àylo'j Tr-^î-JuiaTO^; zoij
£vo; xal ijLovoj à).7,8'.vo'j BcOJ Y,ijLc5v (6 Oîiva) tottoç £v aUTto tw Bew
l^aTiXcùç 'Pojuaiojv 7:00; (6 oswa) cov ayiwTaTOV 7rà-av 'PtojjLr,; xal
-vî'jijLaT'.xov r,[AWv TiaTÉpa.
Bulle d'or d'une valeur égale à un nomisme, puis probablement à l'époque de
Constantin et Romain bulle d'or d'une valeur égale à deux nomismes, « [jLOvo3'o)»o{a »
6'.3oAo(a-.
Pape d'Alexandrie. — Archevêques dWntioche ^ et Jéruscdem.
Même formule à l'exception de Trvî-jaaT'.xov Y.awv T.cL-zioy..
Bulle tl'or « Tp'.(roAoia ».
Catholicos d'Arménie, — d'Ibérie, — Albanie K
KsAî'jo-u £x Ttôv 3t.Aoy picTwv oîttcotwv Trpoç (6 oslva) tov £'j).aê£7-
1,11 I
L'indication du poids de la bulle n'est pas indiquée.
1. Zâcharhr, Jus grirco, roman., III, wml
•?. Cereni., 11, ch. xlviii, p. 127a,
H. /feiV/., p. 1264.
't. Ibkl.^ pt Ï2694
436 BASILE I
B; LETTRES AUX SOUVERAINS ARABES
Khalife de Bagdad.
La formule adressée au khalife de Bagdad était très solen-
nelle. Elle se composait de deux adresses, l'une extérieure,
l'autre intérieure. Au khalife de Bagdad, appartenait le titre de
(( TTpwToo-ûtjiêouXo^ » et vraisemblablement, tant parce que chef
de la famille arabe que parce que voisin redoutable de l'Empire,
les Basileis avaient pour lui de particuliers égards. « Tw jjLîya-
A07:p£7i£a-TàTW c'jycVîorTàTG) xal 7:£p',êA£7rT(o (6 oeiva) TrptoTOT'jijLêo'JAco
xal oiaTaxTOC!. twv. 'AvaoY,vtôv aTzo (6 oîlva xal 6 Oîlva) Ttov -'.o-Ttov
a'JTOxoaTOGOJV Auvo-jcTtov uLîvaAtov SaTt-Ascov 'Pwuiaûov. — Puis à
t I » tir i
rintérieur : (6 ov.vy, xal 6 oslva) 7:!.ttoI £V Xp'.o-Tto tw Hîw a-JTOxpà-
Tops; Auvo-jo-TO', jjLîyaAo', j^ao-'.Aîl; PtoijLauoy tw jjLcyaAOTrpîTZîTTàTW
S'jvîVcO-TaTW xal TZcpiêAsTTTW (6 oîlva) TrpcoToa-'j'JLêo'jAto xal o'.aTaxTop!.
Tcov 'AyapT,v(i)v. »
Bulle d'or « TcTpxToXoia ».
Khalife (( em//* » d'Afrique.
(( ('0 otlva, xal 6 Oîlva) tilo-toI £v Xp',a-:w tw (-)£(i) a'jTOxpàTOp£^ A'j-
yoja-TO'- aîviAo', jîiaTiAcî.; PcjjjLauov, 7:p6^ tov evoo^OTaTOV xal £'jy£V£a--
Ta.TOv £ÇG'ja-'.aa-rV'' tcov Mo'Jto'jAt.jjiltwv. »
Bulle d'or «. oiîoXoia ».
« Emir )> d'Egypte.
« ('0 o£lva xal 6 Oclva) £v XpiTTo^ £'ja-£ê£l; a'JTOxpàTop£^ uLîyaAo',
•j'i/r,Aol A'jyo'jcTO'. ^aa-',A£l; Ptojjiauov, Tipo^ tov T.yûc-Y.uivov Y,acôv
CpÎAOV TGV £'jy£V£aTaTOV 'Au.Y,pâv AlyjTTtO'J. »
Sous Conslantin et Romain on apposa une bulle de quatorze « £;i-;".a », plus tard
on mît une bulle « TSTpaTOAoîa ».
C) LETTRES AUX SOUVERAINS d'aRMÉ.ME
Deux de ces souverains avaient le titre d'apyiov tcov àpyovTcov*.
Aussi la chancellerie leur adressait-elle ses lettres avec une
formule spéciale. C'était rarchonte des archontes de la
I. Le prince des princes de l'Arménie avait celle dignité depuis 809.
ET t/ EMPIRE BYZANTIN 43 I
grande Arménie et l'archonte des archontes de Yaspouracan
(Ba7-asaxàv). Le premier reçoit, en outre, un titre spécial :
t( KojvTTavTV/oç xal 'Ptouavoç, tcittoI £v X^ttÙ) tw Bîw a-JTOXcàTOOîç
A'jvo'JTTGL asvaAO', SaTiAî^ç Ptomaîtov, 71:^0;; (6 Oîlva) tov t.zzv^'X'À'J-
'~,':tr.Vé — stjTOv Tr,ç uL£"à).T,ç AouîV'laç xal 7ry£;'j'JLaT'//.ov r.uwv tsxvov ».
L'autre n'obtient qu'une adresse plus brève : u ... 7:po^ (6 Ociva)
TGV TzîG'.cpavio-TaTOv àpyovTa to)v àpyôvTtov. » Tous deux ont une
bulle d'or « Tp',ToAo'la ».
En outre sept princes arméniens, vassaux de l'Empire, sont
en relations avec Byzance. A tous la Chancellerie consacre la
même adresse : (( KlAc-ja-u sx twv cp',Aoy p'la-:(ov oîo-totwv ttoo^ tov
(6 oîlva) àpyovTa tojoc. » Ces princes sont les archontes de
Kogovit (Koxoê'lT), de Dâron (Taot.V), de Moex (Mtosç), d'Autzoun
(A'jT^Iav), de Siounie (-jv/;), de Vetzor (Ba'.TvWo, peut-être Sisa-
gan), de Khatchen (XaT^UvY,^). Enfin à ces archontes d'Arménie
il faut peut-être rattacher les trois archontes a twv ïscêoTî-wv »
ou Serbotes qui recevaient la même suscription.
D LETTRES AUX SOUVERAINS d'ibÉRIE
Comme les souverains d'Arménie les souverains d'Ibérie
étaient vassaux de l'Empire. Ils avaient à leur tête le Curopalate
d'Ibérie, personnage de marque à la cour de Byzance. A ce
titre les lettres qui lui étaient adressées étaient scellées d'une
bulle (( o'.ToAoia », mais aussi parce que davantage sous la
dépendance du Basileus qui lui avait conféré, à titre honori-
fique, une des plus hautes dignités du palais, la suscription
qu'il recevait était ainsi libellée : u Kéaîjt'.; £x twv cpiAoyp'la--
Ttov OcTTOTcôv TTOo; (6 oîlva) TGV ÈvOoEoTaTOv xo'jpoTcaXaT/jV », tandis
que les quatre princes soumis à sa juridiction, les archontes
de Bsp'.aa-ày , de KapvaTa-A-c, de Kojsa et d'AT^apà n'avaient droit
qu'à une formule plus simple : c KsAîja-'.; sx twv cpiAoyp'lcxTwv
oîo-TGTcTjv (6 oîlva). »
E} LETTRES ALX SOUVERAINS DU CAUCASE
En Caucasie le plus important souverain, vassal de Byzance,
était r (( ÈçojT'.oxcaTOJp » d'Alanie. La bulle qui scellait ses
lettres était « o'.o-oAoia » et la suscription complète : « 'Kv ovôjjiaT'.
TO'j TraTpoç xal to'j 'jIo'j xal -.ryj àvlo'j Ttvî'jtjLaTO^, toO £vàç xal aovoj
432 BASILE
aAT.fl'.vo'j ("^îoù Y.utov, K(.)VT7avT^voç xal 'Pto'jiavo; -'.ttoI £v a-jTw tw
(■)î(o ^:ia7'.Aî^; Ptouaitov, -ooç (6oîi!va)TOv sço'jo-'.aTTV''^ AAavîaç xal
TT^Î'jaaTlXOV Y.'JLtOV T£XVOV. »
L'exousiaste dAbasgie avait aussi droit à une bulle « oio-o/-
oloL » mais la formule est plus courte et plus impérative :
(( KSASUO-'.Ç £X TWV Cp!.A0yp'la-TCOV Oc77:0Tt7)V TZpOÇ (6 Osliva) TOV TTSClCpaV^
« s^O'Jo-'.aa-TTjV 'Aêao-vLaç. »
Quant aux autres, aux archontes des Krébats (KpeêaTàoiov), de
Kidonia (Kr.ôtovLa), de Tzanarie (T^avapiaç), de Sarban (Sapêàv),
d'Asie ('A^îa), de Vretza (BpsT^a), de Chnsa (Xpjo-a) et de
Môkan (Mtoxâv), la suscription est des plus simples : « KiAs-jTi;
£x Twv cp!,Aoypt(7T(ov osT—OTtôv 7ZZ0Z (6 0£llva) TGV àpy OVTa Tr,a-o£ . »
F/ LETTRES ALX SOUVERAINS d'oCCIDENT
La chancellerje byzantine était en lelation avec cinq rois
d'Occident. A chacun elle donne la même suscription avec
sans doute une bulle d'or dont on n'a pas indiqué le poids.'
Ce sont les rois de Saxonie, de Bavière, de Gaule, de Germanie
et de Francie : « Ev ovôaaT'. toj TraTpôç xal to'j jIo'J xal to'J àvio'j
7ry£'j[jLaTo;, TO'J £Vo; xal ij.6vo'J à"AT,6',vo'J ('•)Erj'j y.uLwv, Ktovo-TavTlvoc xal
'Ptouiavo^, TwiTTol £v aÙTW Tw B£G) paa-'.A£l^ Pwjjiauov, Tcpoç (6 S£Lva)
TGV TtSTrGBr.aÉvov 7tV£'ja.aT!.xov àoîAoov tgv 7r£p'lê).£7rrov p"rva. » Le
roi de France, cependant, a une formule encore plus solen-
nelle. Elle commence de même jusqu'à £v ajTw tw C-)£a), puis
elle s'allonge : u 'j'i/TiÀol A^vg-jo-tg'. ajTGxpaTGpsç uL£yàAG'. j^ao-L^îl;
'Ptoaauov, tw TvaTrruivw, 7:£7:G9T!jt.£VW xal TT^î'ju.aT'.xà) tulcjv aG£Ac£w
(6 Oclva) Tw £*jy£V£7Tà':io 7:£p',[iiA£7cTcp pr.v'l <ï)pavy'laç », preuve de
l'estime particulière en laquelle on tenait ce souverain. Pour
le roi d'Italie nous n'avons pas la suscription.
Quant aux nombreux princes vassaux d'Italie la suscription
était très brève : <( KsAs'jo-u £x twv cpO.oypia-Ttov gettigtwv 7rpo>;
TGV àpy GVTa. » Elle était employée pour les archontes de Sardaigne,
d'Amalfi et de Gaëte, pour les princes (7:plyx',6) de Capoue et
de Salerne, pour les ducs de Venise et de Naples. Un seul faisait
exception, à cause de sa grande et indépendante situation :
c'est le prince de Rome. A lui on envoie une lettre cachelée
I. On trouve les deux expressions u îçûJi.oxpaTwp £^ojjtaffTf,î ».
ET l'empire byzantin 433
d'une bulle u o'.ToAota » avec cette suscription : (( KwvTTavTivoç
xal Pcouavô;... t.oo^ (6 oslva) tov £VGo;ÔTaTOV Tzcîvx'.-na "Ptôur,;. »
Eiilin un souverain avait une formule toute particulière.
C'était le roi de Bulgarie. Juscju'au moment où Byzance se
décida, par la force des choses, à reconnaître son titre de
jîaT'/Ac'j;. la formule fut la suivante : u Ev ovôuaT'. toj TraTco; xal
TO'j 'jIo'j xal TO'j ày'lo'j Tcvî'jijLaTO^, to'j svoc xal jjlovo-j OL/.rfi'.yoù HsoG
T.acôv, KcjVTTavTlvo; xal Pajuiavo;, 7T',a-Tol £v a'JTOJ tw Hsco fiaT'.Aîl;
'Pw[jLa'la)v 7:00^ tov — £T:of|T,u.£vov xal 7r^£'j|jLaT'.xov r.piwv tÉxvov xal
£x Beo'J àoyovTa toj yp'-TT'.av'.xojTaTOj ÈGvojc twv Bo'jAyàpwv. » Plus
tard, elle fut légèrement modifiée. On ajouta le titre de ^ol^iazÙ;
en laissant subsister le u ';:v£j'jLaT'.xov t£xvov. »
RUSSES ET SCYTHES
Parmi les chefs scythes en rapports avec Byzance, un seul le
u chagan » (yayàvo;) de Ghazarie avait droit à une formule
développée. De plus ses lettres étaient scellées d'un sceau
« Tot,!70Aola ». La formule était du type solennel : u 'Ev ovôixaTi...
upo; (6 oîlva) £'jv£V£0-':aTOv Trîpicpavéa-TaTOv yayàvov XaÇapîa^. » Les
trois autres, l'archonte de Russie, les archontes des u Turcs »
ou magyars et les archontes des Patzinakitoi ou Petchenègues
avaient droit à une bulle u oLTOAoia » et à une formule un peu
spéciale : u rpàau.aTa KcovTTavT'lvoj xal Pwaavoj tojv cpiAoyp'lTTwv
jiaT'.AÉcjv 'Pojuaiojv -po; tov àpyovTa 'Pwo-'la;, Toûpxwv, llaT^-^^tx'!-
TOJV . ))
CROATES ET SERBES
Les (( archontes » de Croatie, de Serbie, de Zachlumie, de
Kanalé, de ïerbunie, de Dioclée et de Moravie ne recevaient
que la formule impérative : « K£A£jt!.; ex twv cpiAoyp'lo-Tojv
o£<T7ioTà)v TTpo;; TOV (6 oElva") TOV àpy ovTa (t7^o-o£) ; mais cette keleusis
était scellée d'une bulle « o'.ToAoia ».
SOUVERAINS ORIENTAUX
Enfin deux souverains indépendants étaient en relations
avec Byzance. C'était le « y.ùo'.o:; » de l'Inde et le u x'jz'.o; » de
l'Arabie Heureuse (6 x'joitùijjy tt;; Eùoa'lu.ovoç Apaê'la;). Pour
tous deux la formule était à peu près semblable : u KwvTTavTÏvo;;
28
434 BA8ILE I
xal 'Poju.avô; tz'.o-toI £V XcittÔ) tw Beô) u.£yàAo'. aÙTOxpaTOps; ^aTLAsi;
Tcov PtoiJiauov 7:00; (6 0£Lva) tov 'j-epÉyovTa xjolov -r?|; Ivo'laç tov
7,va7rr,a£V0v r.utov '^'Iaov ou ... ttcoç (0 o£lva) tov x'jo'.£jovTa tt,^
'AoaêLaç. »
Telles sont les formules qui nous sont parvenues de la Chan-
cellerie byzantine pour une époque, en vérité, postérieure au
IX* siècle, mais qui cependant nous font bien voir avec quel
soin étaient établis les rapports diplomatiques et avec quelle
minutie étaient indiqués les rapports plu5 ou moins étroits qui
unissaient les divers états du monde à Byzance. Nul doute
qu'au ix*" comme au x" siècle ce protocole n'existât déjà et ne
se trouvât le même.
L'empereur signait toujours les pièces émanant de la Chan-
cellerie ; mais comme tous — tel Basile — n'avaient pas eu
d'instruction et ne savaient ])as écrire, ainsi qu'en Occident, il
leur arrivait de signer simplement avec une croix ^. Croix ou
signature impériale se faisait à l'encre rouge- et si le Basileus
était en tutelle c'était le tuteur qui signait mais avec de l'encre
verte ^. Quant au sceau, il pouvait être d'or {yp'ja-6êojA).ov), de
plomb (aoAjêooêojAAov) ou de cire (xr.poêo'jÀAov) K II arrivait
même, qu'en certaines circonstances, l'empereur faisait écrire
des lettres en caractères d'or. Ce fut le cas de Michel III pour
la lettre qu'il écrivit au roi de Perse et qui fut remise à saint
Théodore d'Edesse"».
1. Anon. de Combefis, cviii, p. 1024, loaô.
2. C'était le cinabre (xLwijiapiç).
3. Mont faucon, p. 3.
4. Ibid., p. 379.
5. Vit. Theod., S 86, p. 90.
IXDEX ALPHABÉTIQUE
Abasgio (cxousiasto). 482.
Abdalali Ibn Uacliid Ibn-Kaous,
332.
Abramites, 36 1, 362.
Abu'l Abbas Mohammed I, 17.
Abu Dinar, 18.
Abydos, 117, 186, 387.
Achmct Ibn Touloiin, 25'i, 3i8,
332.
Achmed Ibn Muhammod al Ka-
buc, 326.
Adana, 332, 388.
Adata, 334.
Adelchis, 327, 829.
Adramytle, 186.
Aetius, 175.
Agapetos (S*), 180.
Agrana. 324-
Akarkous, 178.
AI-AIamain, 180.
Alanie (èçojcj'.o/paTtop , 43i.
AI Djàr, 388.
Alexandre (de Macédoine), 22.
Alexandre, (fils de Basile I). 56, 61,
75, 120, i34, i56, i58, 207, 4io, 432.
Alexandre de Lvcopolis XXIII.
Alexandrie, 889.
Alexis, (stratège de Chypre), 190.
Alexis Comnène, 66.
Al Faramâ, 388.
AI Kolzom, 388.
AI Lames, 181.
Al Musala, 332.
Amalfi, 19, 189, 33o, 432.
Amantea, 336.
Amara, 182,
Amasie, 182.
Amastris, 179, 270, 271.
Ambroise (S') (Eglise de Milan),
417.
Amorion, 179, 180.
Anastase (le bibliothécaire), xxii,
2i3, 218, 226, 229, 280, 820. 821.
Anastasie, (fille de Basile I), 59.
Anastasie (Eglise S'"), 398.
Anatoliques (Thème et stratège
des), 69, 175, 177, 178, 179, 180, 181,
182, i85, 199, 297,334, 342, 347, 359,
364, 366.
Anchialos, 269, 270.
Ancyre, 178, 876.
Andala, 882.
André, (domestique des scholes),
i55, 359.
André (stratilate), i52.
André (hétériarche), 29.
André (patrice), 833, 334, 335.
Saint-André (Eglise), 28, 897, 898,
4o6.
Andrinople, 19, 21, 24, 175.
Anne, (fille de Basile I), 59.
Anne de Byzance, 22.
Anne de Russie, 2a.
Antibari, 188.
Antigone (domestique des scholes),
6,8, 28, 29, 34, 86,38, 64, 847.
Antioche, 889.
Antoine (saint), 296.
Apabdèle (émir d'Anazarbe), 332.
436
BASILE
Apamcc, ^aa.
Aphrazeia, i8o.
Apôtres (SS.), i, 62, ao6, 207,
Aposlyppis, 83, 835.
Arcadius (forum d'), 862,
Apros, 270,
Ardabasde (hétériarche), 42.
Argaous, 183.
Argos, 188.
Arkadia, 188.
Ariarathis, 271.
Arméniaques (Thème et stratège
des), 178, 179, 181, 182, i83, 199,
324, 36o, 364, 366.
Artopoleion, 862,
Aschod P% 3io, 3i6, 335.
Arsacides, 22, 233.
Arsavir, (protospathaireV 2o3.
Artabasdos, 67.
Asie (Arclionte), 432.
Aspalato, 189.
Aspar (citerne à Cple), 5, 106.
Aspona, 178.
Aslakos, 176.
Asyléon, 4i, i52, 384.
Atlianase (juriste), i33.
Attianase (évoque de Xaples), 387.
Athanase (S^), 187.
Atlîènes, 17, 157, 188, 2G9.
Athos, 187, 284, 428.
Attalic, 295.
Avara, 824.
Autzoun (Archonte d'), 43i.
Baanès, 78, iSg, 160, 218, 219,
220, 222.
Bagdad, 890.
Baïanos, (protostrator do Basile),
83.
Balbadon, 178.
Baléares, 17.
Baltimer, 24, 25.
Bardas, (stratège de Macédoine),
176.
? Bardas (César), vu, \x, 4, 6, 7, 8,
10, i4, i5, 17, 29, 3o, 3i, 82, 33, 34,
35, 36, 87, 38, 89, 4o, 4i, 42, 60, 64,
67, 68, 70, 79, i3i, loi, i52, i54, i65'
179, 207, 209, 211, 212, 847, 35 1.
Baréta, 178.
Bargello (musée de Florence), 420.
Bari, 17, 19, 3 18, 819, 820,821, 827,
829, 885, 386, 887.
Basile II, 22, 89, 91, ii4, 116, i83,
188, 189, 209, 210, 211, 212, 218.
Basile, (protospathaire eunuque),
88.
Basile (Saint), 3ii.
Basile (de Néo-Patras), 3o8.
Basiliskianos, 4o, 4i-
Bathyrrhyax, 824.
Bavière (roi de), 482.
Beclas, 288.
Bénévent, 19, 827, 83o, 887.
Béotie, 4o5.
Blachernes, 70, 106.
Blasios, 265.
Bologne, 4 18.
Boris, 25, 228, 804.
Bosphore (Thème du), 174, 859.
Boukellaires (Thème et stratège
des), 29, 178, 179, 180, 182, 188, 198,
359, 364, 366.
Bradano, 887.
Brazza, 827.
Brescia, 827.
Brousse, 91, 118, 284-
Bryas, 869.
Bulgarie, 188, 3o6, 433.
Calabre (Duché de), 189, 335, 887.
Capitole, 862.
Gapoue, 432.
Cappadoce, 178, 180. 181,882, 384,
359.
Carrand (Collection), 420.
Carie, i85.
Cattaro, 3 18.
Cedrenus, xix.
i
ET L EMPIRE BYZANTIN
437
Cenchrée, '62S.
(lésarée, 371, 33/i.
Chaicé (prison), i\2.
Cîhalcé (palais), 138, 8^7, 35<), 36 1,
393, .133.
Chalcédoine ((ioncile et ville), 309,
3io, 359.
Chalcidique (la), 187.
Ghalris, 188.
Ghaldée (Thème et stratège de),
183, i83, 336, 364, 366.
Chaldos (Jean), 4i, 103, i83.
Charsian, (Thème et stratège de),
178, 180, 183, i83, 199, 334,333,359,
634, 366.
(Ihazarie (Chagan de), 433.
Chelidonia, i8.
Cherson, 119, i33, 190, 387.
Chine, 388.
Chio, 186.
Chludov (psautier). 4i3.
Chonae, 370, 371.
Ghristophore, (gendre de Basile i).
59, 334 330, 359.
Ghristophore, (magistros), 68.
Ghristopolis, 73, 176.
Ghrysa (Archonte de), 433.
Ghrysobalantos, 384.
Ghrysoboullon, 334-
Ghrysochir, i83, 333, 334, 335, 336.
Ghrysopolis (monastère), 42, 63.
Ghrysostome (S'-Jean), 3ii.
Ghypre et Chypriotes, 395, 338.
Glaudiopolis, 178.
Glément (S'), 4o3,
Golonée, i83, 358, 36o, 364, 366.
Colosse, 186.
Constantin (Empereur), 32, 9I,
1 14, 309.
Constantin IV. Pogonat, 175.
Constantin \, Copronyme, 16, 67,
106, i33, 177, 178.
Constantin M, 117.
Constantin MI, Porphyrogènète,
VI, vu, MU, i\, \, 56, 157, i83, i85,
189, 234, 3o3, 3o3, 3o4, 3o6, 33g,343,
354, 355, 379, 4o3, 4o6, 4o8, 4i5.
Constantin IX, Monomaque, 127.
Constantin, (fils aîné de Basile I;,
5i, 56, 08, 59, 60, 61, 78, 120, i32,
i3'i, 143, i53, ib\, i55, 333, 333.
Constantin (drongaire), 38.
Constantin, (logothète du Trésor
public), 96.
Constantin Martinakios, 64-
Constantin (patrice), 31.
Constantin Toxaras, 4i-
Constantin le Rhodien, 4o4.
Corcyre, 370.
Cordoue, 17.
Corinthe, 16, 188, 269, 3^8, 389.
Gos, i85.
Grati, 337.
Crête, 4, 17, 18, 37, 38, 179. 18.'),
337, 328, 364.
Croates, 3o6, 307, 3 16.
Croatie (Archonte de), 433.
Gvjatogorec (Georges), 290.
Cyclades, 186.
(Cyrille et Méthode (Saints), 7, i5,
36, 295, 3oi, 3o8.
Cyzique, 186, 387.
Dadybra, \\i, 179.
Dal mates, 3o6, 3 16.
Dalmatie, ii3, 189,318.
Damianos, 6, 34, 35, 56, 70, 79.
Daniélis, 16, 17, 37, 71, 89, 90,
118, i58, 376, 384, 389, 399, 4o6.
Daphné (palais), 80.
Dàron ( \rchonte de), 43 1.
Dazimon, 183.
Démet riade, 188.
Démétrios (antigraphe), 147-
Déveltos, 176.
Diaconitzès, 325, 336.
Diadora (Zara), 188.
Dindymos (Mont;, 178.
Diocléc (arclionte), 433.
Dioctétien, 94, ii4-
Diomède (S'). 36. lo'».
Divreky, 1 1 .
438
BASILE I
Djodda, 388.
Doniagoi, 280.
Donal d'Ostio, a 16, 2^9.
Dorothée (archimandrite), 288.
Dorylée, 178, 358, Sôg.
Drster, 20.
Ûulcigno, 188.
Dyrrachion (Thème de), 188, 189,
270.
Egée (Thème et stratège de la Mer),
177, i85, 186, 187, 367.
Egine, 188.
Eleutlière (Palais d'), 102.
Eiie lé Thesbite, 26.
Elle (S'), 398, 4o3.
Elie (prêtre et syncelle du Patri-
arche de Jérusalem), 218, 2;V't, 263.
Ehc (protospathaire et drongaire
de la flotte impériale), 368.
Embolon, 390.
Endelekone, 332.
Ephèse, 117, i85, 186.
Epire, 188.
Erimosykea, 332.
Etienne V, 157, 235, 245, 202.
Etienne, (fils de Basile 1, patriarche
de Cple), 12, 61, i58, 2^9, 2O3, 422.
Etienne de Byzance, vui.
Etienne le Jeune (S'), 278.
Etienne Maxenlios, 336.
Etienne de Nepi, 216.
Etienne (sacellaire), 109.
Etolie, 4o5.
Eubée, 188.
Euchaïte, 157, 286, 269.
Eudocie (belle-fiUe de Bardas), 82.
Eudocie (femme de Michel III). 7,
57, 209.
Eudocie ingerina ^impératrice,
femme de Basile I), vn, xv, 7, 07. 58,
59, 60, 80, 120, 268, 4o8, 4ii, 428.
Eudokias, 180.
Eugène d'Ostie, 288.
Eulampiosd'Apamée(évèqueschis-
matique), 224.
Eulogios, 42.
Euphémic (S*"), monastère, 59.
Euphrosyne (mère de Théodora), 2.
Eustathe (drongaire), 870.
Eustrathios, (questeur), 147.
Eustratios (S*), 91, 99, ii3, 284,
291. 298, 298.
Eutliyme (Saint), xx, 291, 876.
Euthyinios de Césarée (évoque
schismatique), 224.
Euthymios (patriarche de Cple),
56, 2i4.
Euthymios (spathaire), 21 4,
Exokionon, 863.
Ezérites, 16, 17, 3o6, 3i6.
Exi Marmara, 106.
Firandja, 888.
Florence (la Laurentienne), 4 12.
Formose, 228.
Francie (roi de), 482.
Gaètc, 19, 189, 482.
(laideris, 887.
Gallipoh. 186, 887.
Gangres, 179,
Garella, 269, 270.
(lastria (couvent de Gple), 2, 82,
88.
Gaule (roi de), 482.
Genesios, xui, xvui.
Georges Le Moine, xvi, xvu, xvni.
Georges, (Orphanotrophe, 171).
Georges Piganis, 4o, 5o, i58, 178.
Germanicopolis, 181.
Germanie (roi de), 432.
Germanikia, 58, 334.
Grèce (Thème de), 867.
Grégoire Asbestas, xx, 200, 297.
4i3.
(irégoire de Naziance (S*), '|io,
4i I, 4 12, 4i4-
Grégoire, (protonotaire de Sicile),
72, 190.
ET L EMPIRE BYZANTIN
'*39
("i régo i r 0 . ( baj 11 1 u s c l s l ra t ège ) , 3 a 7 ,
028, 33o, 336.
Gryllos, 8.
(iuaimar de Salerne, 337.
Guiner, (logothètedii drôme), i6ô.
(îiiy de Spolèle. 337.
H
Hadrien H, wii, ai'i, 210, 21 (3,
217, 218, 220, 223, 23o, 232, '2[\'\, 322.
Hadrien HI, 2^5, 2.11.
Hadrien, 33o, 33 1.
Halys, 180.
Halicarnasse, i85.
Harsana, i83,
Hebdonion, 36 1.
Hellade (Thème d'), i85, 187.
Hélène, (fille de Basile I), 59.
Hélias (drongaire), 2i3.
Helenopolis, 176.
Henri I de France, 22.
Héraclée du Pont, 178, 271.
Héraclius, i5, 106, 172, 173. 179,
1 90, 3o6, 309.
Hexainilion. 186.
Hierapolis, 179.
Hiereion, 387.
Hieria, 106, 325, 369, 409.
Hieroklès, vni.
Hieros, 117.
Hilarion (archimandrite), 286, 290.
Himerius, 366.
Hind, 388.
Hormisdas (Palais d'), 102.
Hypatios,(stralorettonrmarche de
Marmaritzion), 73.
lafac Ibn Muhamed, 33o.
Ibn- \bd- Ulah, (?:mir de Mélitène),
1 1. 182.
Ibrahim Ibn Vchmed. 33o.
Icarie, i85.
Ignace(patriarche), vvm, \\i. 7, 12,
32, 33, '43, 48,6'!, 2o3, 2o4, 2o5, 206,
207, 208, 209, 211, 312, 2l3, 2l4, 216. •
218, 223, 228, 23o, 23i, 335, 336, 338,
24i, 246, 2^7, 248, 249, 25o, 35o, 35l,
258, 259, 365, 286, 3o6, 352, 353, 4i3.
Ignace, (cubiculaire), !\i.
lonopolls, 179.
Irène, (impératrice), 102, 116, 170,
186, 260, 383.
Irène (S'^), 306.
Irmengard, 58.
Isker, 25.
Italie (roi d'). 432.
Jacobitzès, 4i, i52.
Jaroslav, 22.
Jean YIIl, 232, 235, 238, 240, 241,
242, 243, 244, 245, 249, 25i, 329, 33o,
336.
Jean, (métropolitain de Sylaeum,)
Jean, (candidat et arciiôn de(Miris-
topolls), 73.
Jean, (chef du clergé des Hla-
chernes), 70.
Jean, (logolhète du drôme), i65.
Jean, (l'Orpiianotrophe), ii5.
Jean (protospathaire, fils de Da-
niélis), 28, 71, 188.
Jean (protospathaire), 259.
Jean (patriarche hérétique 1, 1, 3.
4, 10.
Jean (higoumène), 35 1.
Jean, (stratège de Hellade), 188.
Joannice (S'), 259, 284, 286, 291,
293, 340, 35o.
Joseph, (protospathaire, candidat
et conmiercîaire de Thessalonif[ue ,
73.
Joseph, (veslitor, épopte de .Mco
polis et préfet du Péloponèse), 97.
Joseph, (représentant du Patriarche
d'Alexandrie), 254, 263.
Julien (port), 106.
Justin (empereur), 423.
44o
BASILE
Juslinicri Mil, 3, i.ï, 03. 9^, io:i,
107, 116, 117, 126, 139, i3o, i33, i36,
i'j3, l'iô, ifia, 187, 266, 268, 273, 279,
309, 377, 378, 397, 398, 399, ^o4, 4i7-
M.
Juslinien 11, 187.
K
Kaborkion, 358, 309.
Kamachos, 269, 270, 271.
Ivadoi, 178.
kaiialé (archonte). ''»33.
Kaphadja, 319.
lvapa6.T(t;'.v (Eglise de la mère de
Dieu), 395.
Karbeas (protomandator;, 297,
323.
Karianos (couvent), 3o, 32.
Karydion, 332.
Kases, 181.
Katasyrlae, 422.
Katabatala, 33 1.
Katasamas, 332.
Khatchen (Archonte de), 43 1 .
Kauleas (Antoine), patriarche de
Cple, 9I, 259, 289.
Kenourgion, 4o8, 4 10.
(( Kt'.-kO'. ». 37, 4o, 179.
Keoinanôn, 271.
Kerasonte, 392.
Keroularios (patriarche de Cple),
12, 3 '(5, 2,53.
Resta Stippiotis, 334.
Keraniision, 336.
Kiborkion, 180".
kibyrrha, i85.
Kibvrrhéotes, 18, 181, i85, 36'). 367,
370.
Kios, 370.
Kidonia (Vrchonte de), 433.
Kircher (Collection Rome), 419.
Kogovit (Archonte de), 43 1 .
Koptos, "^24.
Kordé. 370.
Kordylès, 24, 20.
Ivotyaion. 178, 270, 371.
Koukousos, 334.
Karba, 333.
Koura, 332.
Kaoukaba, 333.
Kourkouas, 5o, i53, i5(3, 421
Krébats (Archonte des), 432,
Krum, 22, 23, 24, i74-
Ktenas, (clerc), 71.
Lacédémone, 188.
Laodicée, 179, 290.
Larisse, 188.
Laryma, i85.
Lausiacon (galerie), 71.
Lazare (Le Moine), 3oi.
Lekton, 186.
Lemnos, 186.
Léon m risaurien, 99, 107, ii5,
119, i3t, i33.
Léon V r Arménien, xm, xv, xvn,
22, 24, io5, 4i3.
Léon VI (Emper.), xi, xv, xxni, 45,
5o, 55, 56, 58, 59, 61, 64, 67, 71, 75,
89, 94. 96, 118, 119, 120, 122, 124,
127, i32, i34, i35, i53, i54, i55, i56,
157, i58, 173, 174, i83, 190, 192, 196,
258, 262, 265, 269, 270, 271, 393, 338,
340, 342, 343, 364, 367, 368, 369, 370,
384, 4io, 417, 421, 422.
Léon (antigraphe), 147.
Léon C]astor, 39, 169.
Léon (Grammairien), xvn, xvni.
Léon Lalacôn, 353.
Léon, (logothète du drôme), i65.
Léon, ^monostratège de Thracc et
Macédoine), 176.
Léon (protospathaire d'Orcho-
mène), 4o5.
Léon (protélate), 370.
Léon, (le philosophe), 33, 45.
Léon Phocas, 180.
Léon, (stratège de Mcopolis). 188.
Léontios. 187.
Leros, i85.
Lipari, 33 1.
ET L EMPIRE BYZANTIN
44l
Lipôn. 371.
Liutprand, M]-, \ih.
Longobardie, 89, 190.
Louis le Pieux, 19.
Louis II, 19, 58, 318, 326, 3i6, 3i8,
819, 330, 331, 323, 337, 339.
Loulon. 33 1.
Louvre (^Musce du». 419.
Lydie, i85.
M
Macédoine, (thème de), 176, 179,
186. 3134 .
Malée, 328.
-Magnaure, 80, 106, 128. i58, 2i3,
2t3o.
Maïna, 370, 3o6.
Maïnotes, 3o6.
Malagina, 178, 358, 359.
Malatia, i83.
Marnas (St), 33, 4i, 42, 43, 45, 58,
60, 387.
Mangana, 102, 2i3, 409.
Manuel (évêque d'Andrinople), 33,
24.
-Manuel ( magistros). 4- •">. 8, 9,
10, 45, 68, 106.
Manuel (xénodoche de Nicée). 198.
Marc (S') (de \enise), 4i7-
Marcien (Les galeries de), 409.
Mardaïtes, i85, 188, 364, 368.
Marianos, (éparche de Cple), i4o,
102.
Marianos (frère de Basile), 4i, 87.
Marie (fille de Basile I), 59.
Marie (première femmede Basile I),
\ii, 56, 57, 59.
Marie (8"=) de Chalkopratia, 37,
Marin (logothète), 357.
Marin (protoasecretis), 169.
Marin (diacre), 228, 245, 249, 292.
Markianoupolis, 370, 271.
Marmaritzion, -73.
Martin (S'), 25o.
M.'irtinakioi. 57, 64-
Mathieu Blastarès, 379.
Maurice (empereur), 173, 35o.
-Mauropotamos, 18.
Maximianopolis, 269.
Mélilène 11, 18, 34, 370. 371, 297,
335, 336, 333, 334, 36i.
Melouos (Mélistt'pé). 33 1.
Menembasie, r88,
Meros, 178.
Messine, 17, 33o.
Méthode. Cf. Cyrille.
Méthode (patriarche), 10. 19, 33,
2o5, 220, 259.
Méthode (métropolitain de Gan-
gres), 2o3, 2o5, 207.
Metrios, 122.
Métrophane, 206, 244-
Michel II d'\morion (empereur),
xni, 2, 18. 24.
Michel III (empereur), vu, xiu,
XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XX, I, 3, 5, 6,
7, i3, i4, 16, 19, 20, 29, 3o, 3i, 35,
36, 38, 39, 4o, 4i, 42, 43, 44, 45,46,
47, 48, 53, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62,
66, 87,88,99, 119, i4o, i5i, i53, i53,
i54, i55, i56, 169, 179, 180, 181, i83,
188, 207, 209, 210, 211, 212, 3l3, 322,
228, 253, 259, 284, 3o3,3o8, 309, 3i8,
338, 379, 386, 395, 4x5, 4x6, 43x, 422,
434.
Michel de Bulgarie, 25, 36. 3oi,
3o3.
Michel (deuteroclate), 370.
Michel (patriarche d'Alexandrie),
254-
Michel Rhangabe, xxi, 31, 32, 64,
67, 257.
Michel (syncelle), x 4o.
Midaion, 178.
Milan, 4xo.
Milet, i85.
Milinges, 16, 17. 3 16.
Mitylène, 270, 271.
Moex (Archonte de), 43i.
Môkan (Archonte de), 432.
Mokios (S'), (citerne), 106.
Monza, 4x8.
kkl
BASILE I
Moravie (Archonte de), 433.
Mortagon, i!\.
Moscou (S'-Synode de), ^lo, 4i3.
Motawakkel Billah, ou Mutawak-
kil, 3o8, 3i6.
Mupharih Jbn Sali m Kalphun, 3 18.
Myra, i85.
Myriokephaloi, 178.
N
•Nakoiia, 269.
Naples, 19, 119, 189, 190, 33o, 432.
Nauplie, 188.
Narenlans, 3o6, 807.
\asar, 29, 178, 33 1, 335, 368, 370.
>ea (Nouvelle Eglise), 108, 398,
/io3, 4o4, 4 16, 417-
Neaconiites, 118.
Néo-Ces a rée, 157.
Nicée, 178, 388.
Nicéphore (Empereur^, 22, 64, 65,
iio, 116, 117, 118, 259, 352, 365.
Nicéphore Phocas, vvi, \vni, 91,
122, 328, 336, 337, 359, 367.
Nicéphore (Patriarche), 259, 4i3.
Nicéphore, (logothète du drôme),
i65.
Nicéphore, (Orphanotrophe), 171.
Nicétas, 67.
Nicétas David, xx.
Nicétas Oryphas, 5o, i53, 3 18,
319, 328.
Nicétas, (préfet de la table impé-
riale), 5i, 80, 268.
Nicolas \" , xxii, 2o3, 2o4, 200,
207, 209, 3IO, 2i4, 2i5, 217. 218,
220, 222, 228, 244, 245, 200, 201, 252,
253, 259, 260, 286, 4i5.
Nicolas (higoumène), 26, 27, 161,
264, 268, 35 1.
Nicolas (patriarche), 257.
Nicolas Stoudite (Saint), 289.
Nicomédie, 176.
Nicomédie (xénodoche), 102.
Nicopohs (Thème de), 188.
Noumeroi (prison), i42.
Nouveau Corinthc (Kâjxpov KooîvOov).
i88.
Odyssos, 270.
Olympe (1'), 259, 283, 284, 286,
295.
Omniades d'Espagne, 3 18.
Omortag, 24.
Opsara (Absari), 189.
Opsikion, (thème et stratège) i53,
175, 177, 178, 179, 180,359,364,366.
Optimale (Thème et stratège), 176,
177, 178, i85, 346, 352, 353.
Oria, 337.
Osman, émir de Tliarse, 827, 329.
Otrante, 189, 190, 270, 328.
Paleos(Le), i85.
Palerme, 17, 189, 33 1.
Pamphyhe, i85.
Pankalo, xu, 28.
Pansélinos, 94.
Paphlagonie (Thème et stratège^,
178, 179, 182, 199, 36o, 364, 366.
Paramocastellon, 332.
Pardos, 76.
Parthenopolis, 176.
Patmos, i85.
Patras, 16, 17, 27, 89, 188, 269, 328.
Patrinus, 33o.
Paul d'Ancône, 238.
Paul (patriarche), 260.
Paul (chartul. du sacellaire), 161.
Paul, (cubiculaire), 42.
Paul, (éparche de la Ville), i4o.
Paul (chartophylax), 265.
Pauliciens, 10, 11, 18, i83, 297, 299,
317, 322, 323, 324, 325, 327, 332,
333, 359, 36o.
Péloponèse (Thème et stratège
du), i4, 16, 27, 188,328.
Pentacoublouklon, 409.
Pergame. 186.
Pergé, i85.
ET L EMPIRE BYZANTIN
443
Petchenègues, 433.
Pctronas, 5, 6, 8, ii. i/j, 34, 36,
45, 68. i4o. i46, i47, i79-
Phalacron, 332.
Phanaraki, io6.
Phasis, 370, 371.
Phiale du Grand Palais, 369.
Philadelphie, 179.
Philadelphion, 363.
Philippe de Macédoine, 22.
Philippe, 270.
Philippopolis, 175.
Philothée (notice de) xi.
Photius, XVII, XVIII, XX, xxi, xxii,
XXIII, 12, 22, 33, 39, 43, 5o, 61, 97,
i34, i54, i55, i56, 167, 169, 188, 190,
aoo, 2o3, 2o4, 2o5, 206, 207, 208, 209,
210, 211, 2X3, 2X4, 2X5, 2x8, 2x9, 230,
221, 222, 223, 224, 225, 227, 228, 23o,
23i, 332, 233, 234, 335, 236, 237, 338,
239, 340, 24i, 343, 243, 344, 245, 246,
247, 248, 249, 25o, 25x, 203, 253, 254,
257, 258, 260, 276, 286, 288, 296, 297.
3oo, 3oi, 3o2, 3o3, 3xo, 3x2, 33o, 32i,
336, 353, 4oo, 4oi, 4o2, 4i3, 431, 422.
Photius, 328.
Pierre, (bulgare au service de
Basile), 4i.
Pierre de Galatie (Saint), 283, 295.
Pierre (moine de l'Olympe), 386.
Pierre (évêque de Sardes), 2x4.
Pierre de Sicile, 299, 323.
Pigi, X02, 286, 409.
Platon (ascète de l'Olympe), 269.
Podaron, 370.
Polyeucte (patriarche de Cple), X2.
Pompeiopolis, 179.
Pouladis, 325.
Prainetos, 176.
Preslav, 25.
Prétoire (prison), i'|2.
Proconèse, 186, 389.
Procope (protovestiairede Basile I),
79, 335, 359,
Propontide, 186, 286.
Prusias, 178.
Psilocastellon, 332.
Psellos, x6o, 169.
Pyhe-Cilicfe, 181,
Pylai (xénodoche), 102.
Pylos, 328.
Pyrgon, 270.
Pyrsos, 4o5.
Radelgarius, 337.
Raguse, ii3, 189, 3x8.
Rapsakion, 326.
Rastiz, 3o8.
Reggio, X90, 269.
Rhodes, x85.
Rinôn, 270.
Rodoald (évêque de Porto), 2o4,
307, 3x9, 348, 349.
Romain I, xvii, 17, io4, no, i8x,
354, 37X, 379, 38x, 428.
Romain II, ix, xv, isx, x4i.
Rome (prince de), 432.
Rosà, 3x8.
Rouméli-Kavak, 387.
Roussion, 269, 270.
Saba, 3x8.
Salerne, 33o, 432.
Samos (Thème et stratège de), 177,
179, x85.
Samuel (évêque de Chonac), 2o3,
Sangaros (xénodoche). 102.
Saniana (tourme), 178, 342.
Santabarenos (Cf. Théodore).
Sarban (Archonte de), 433.
Sardaigne, 17, 73, 433..
Sardes, 179.
Saros, 334-
Sauveur (S'). 4o3.
Saxonie (roi de), '|33.
Sébastée, 183, 364-
Sebastopolis, 370.
Séleucie (clisure), i85.
Séleucie (Thème et stratège de),
180, i8x, x85, 332, 359, 390.
Séleucie, 270.
U4
BASILE
Serbotes (archonte des), A3i.
Serge (S*), 202.
Sevcrina Santa , 336.
Sigma, 362.
Sinni, 337.
Siounie (Archonte de;, 43 1.
Sirica, 334.
Silistria, 20.
Sicile, 17, 72, 189, 190.
Sind, 388.
Sinope, 181, 183.
Sisinnios (protospathaire;, 217.
Skepi (Couvent de), 232.
Skripii (Couvent), 398, 4o5,
4o6, 407, 4o8, 4i4, 4i8.
Smyrne, i85, 271.
Sophie (S*''), io4, io5, 2i3, 235.
256. 260, 261, 264, 266, 267, 278, 281,
286, 3oi, 3o2, 33i, 362, 393, 396, 397,
398, 399, 4oo, 4i5, 4i6, 417.
Sophie (Port), 106.
Sora, 179.
Spathi, 324.
Staurakios (spatliarocandidat et
éparche), 191, 200.
Staurakios (logothète du drôme),
i65.
Staurakios (Emper.), 22.
Stavros, 178.
Stilo, 335.
Strategion, 388.
Strymon (Thème et stratège du),
186, 392.
Stoudion,
104.
Stylianos (évêque de Néo-Césarée),
xxn, 157, 235, 236, 24o, 244-
StyUanos Zaoutzès, 5i,64,65, i56,
157, 164, i65, 421, 422^ 423.
Syllion (tourme), 179.
Symbatios, 34, 36, 38, 39, 4o, 5o,
i52, i53, i65, 179.
Symbatios (frère de Basile), 4i-
Syméon, 25, 233.
Syméon Magister, xvi, xvui.
Synade, 269.
Syracuse, 189, 317, 33o, 33i, 332,
335.
Tafla, Tafra, Talaka, 174, 35 '4.
Taormine, 189, 190, 317, 33o, 335.
Tarasius (patriarche), 260.
Tarente, 329, 335, 337.
Tarse, 327, 33i, 334, 359, 388.
Tauri (forum), 362, 388.
Téphrice, 11, iio, 182, i83, 297,
323, 324,^325, 33i, 347, 36o, 36i.
Terbunie (Archonte de), 433.
Térébinthe (Ile), 33.
Thèbes, 270, 4i4-
Thécla (sœur de Basile Ij, 5i, 58,
118.
Théiélée, i33.
Théoctista (mère de Théodora), 68.
Théoctistos (logothète), 3, 4, 5, 6,
7, 8, 10, i3, i4, i5, 18, 20, 29, 3o,
34, 39, 57, 65, 160, 164, i65, 170.
Théoctistos Bryennios, 16, 17.
Théoctistos (stratège), 188.
Théodora (impératrice, femme de
Justinien), 3, 4o4.
Théodora (Impératrice), i, 2, 3, 4,
5, 6, 7, 8, 9, 10, II, 12, i3, i4, i5,
18, 19, 20, 29, 32, 33, 38, 44, 64, 68,
91, 100, io5, 122, 160, 164, 182, 209,
259, 282, 296, 322, 347, 4i6.
Théodora (S"') de Thessalonique,
286, 289.
Théodore (asecretis), 169, 219.
Théodore de Carie (métropolitain),
222.
Théodore Crithinus, 297.
Théodore d'Edesse (Saint), 272,
273, 291, 296, 3ii, 4i6, 434.
Théodore (juriste), i33.
Théodore (magistros), 68.
Théodore (ascète de l'Olympe), 259.
Théodore (préposite), 78.
Théodore Santabarenos, xx, 5o, 5i,
61, i54, i55, i56, 157, 236, 239, 269.
334, 421.
Théodore (abbé de Stoudion), 22,
ET L EMPIRE BYZANTIN
445
Théodore (archevêque de Thessa-
lonique), 286.
Tlu'odose (patriarche do Jérusa-
lem), a 18.
Théodose (spathaire), aSo.
Théodote Mélissenos, 180.
Théodote. diœcète de Sicile, 72.
Théodote, duc de Sardaigne, 72.
Théodote Kassiteras (patriarche),
260.
Théognoste(higoumène), 217, 281,
247, 28O.
Théophane (Continuation de), xv,
XVIII.
Théophane (Le clerc), 233, 234,
293, 365.
Théophane (stratège de la mer
Egée), 64, 73.
Théophano (impératrice), 3.
Théophano (S'"), 5o, 07, 61, 64,
i56, i58.
Théophile d'Amorion, 2o3.
Théophile, 220, 221, 222, 228.
Théophile, 8.
Théophile, (juriste), i33.
Théophile (Empereur), xiii, i, 2,
3, 4, 5, 9, 10, i3, i4, 19, 20, 3i, 33,
44, 45, 68, 100, 126, i4o, i46, 174,
809, 317, 395, 407, 424.
Théophylacte, (stratège des Armé-
niaques), 182, 258, 824.
Théophylitzès, 8, i4, 17, 27, 28,
29, 47, 353, 355.
Théopiste, 287.
Thessalie, 188.
Thessalonique (Thème et Ville).
186, 187, 188, 388, 889.
Tetrangurium (Trau), 189.
Thomas (patrice), 21.
Thomas (archevêque de Tyr), 218,
254.
Thomas (moine), 298.
Tomis, 270.
Thrace (Thème et stratège de), 174,
175, 178, 364, 366.
Thracésiens (Thème et stratège
des), i4, 87, 89, i52, 177, 179, 180,
181, i85, 359, 364.
Tiridate, 288.
Tralles, i85.
Trapézonte, 270, 888.
Tropea, 336.
Turos (Archonte des), 488.
Tzanarie (archonte de), 482.
Tzantzès (stratège de Macédoine),
25, 176.
Tzoukanisterion, 899.
Tzimiscès (Jean), 109, ii5.
Valens (aqueduc), 106.
Vaspouracan (Archonte de), 43 1
Vaty-Rhyax, 36o.
Vecla (Veglia), 189.
Venise, 432.
Venosa, 819.
Verinopolis, 178.
Versinicia, 22.
Vetzor (Archonte de), 43 1.
Vladimir, 25.
Voutora, 818.
Vretza (Archonte de), 432,
X
Xérolophos, 862.
Y
Yasaman, 884, 835.
Zacharied'Amorion, 208, 204,207,
3IO, 219, 220, 221, 228, 248, 249.
Zacharie d'Anagni, 204.
Zacharie de Chalcédoine (évêque
schismatique), 224, 25o.
Zacharie (catholicos d'Arménie),
810.
Zachlumie (Archonte de), 438.
Zapetra, 826.
Zeliks, 10, 297.
Zoé (impératrice), 8.
Zôgoloenos, 324-
CORRECTIONS ET ADDITIONS
Pages 25, (note), lire: 888.
Chaldos.
Oryphas.
silenliaires.
harinophylakes
novelle.
des.
des.
Nasar.
Euchaïle.
Théodose.
agitaient.
Elle avait.
zélés.
Eustratios.
Eustratios.
tout entiers.
Ezérites.
Léger.
Ginzel.
Ezérites.
Bathyrrhyax.
Apostyppis.
de la seconde, de la troisième, de la qua-
trième.
» 4i2, (note i), ajouter: A ces travaux on peut joindre le tout
récent article de M. Millet: « Byzance et non l'Orient », paru dans la
Revue archéologique de Mars-Avril 1908.
4i,
ligne 28,
5o,
» a6,
81,
» 21,
83,
» 24,
89,
6,
i3i.
(note 2),
i33,
(note 4),
178,
ligne 34,
236,
(note 2),
261,
» 26,
276,
» 26,
280,
» 3i,
29I'
» 26,
291.
» 32,
293,
» 29,
29^'
» 9,
3o6,
)♦ 20,
3o8,
(note 2),
3o8,
(note 3),
3i6,
ligne 19,
324,
» 29,
335,
ligne 22,
365,
» 35,
TABLE DES MATIÈRES
Introduction i
Etude critique des Sources y
Sources et Bibliographie xxiv
LIVRE I
Chapitre I. — L'Empire byzantin, de la mort de Théophile à la
retraite de Théodora (S\9.-8\C)) i
Chapitre II. — Origines de Basile. — Son histoire jusqu'à son avè-
nement. — Ses rapports avec Bardas et Michel III 21
Chapitre III. — La personne de l'Empereur. — Son caractère. —
Ses idées. — La famille impériale. — La cour \-
LIVRE II
Le gouvernement intérieur de Basile I"^
Chapitre I. — Les premiers actes publiques. — L'administration
financière 87
Chapitre IL — L'œuvre législative. — L'organisation judiciaire ... 12G
Chapitre 111. — L'administration intérieure de l'Empire. — Evéne-
ments divers d'ordre intérieur i5i
Chapitre IV. — Administration de l'égUse 202
LIVRE III
Politique extérieure de Basile.
Chapitre I. — Les guerres 3i5
Chapitre IL — L'administration militaire 338
LIVRE IV
La Civilisation byzantine.
Chapitre I. — La condition des terres. — Esclaves et affranchis . . 376
Chapitre II. — Le commerce à Byzance au ix" siècle 38G
Chapitre III. — L'art à Byzance sous le gouvernemenl de Basile . . 390
Conclusion, ~ Fin du règne de Basile 421
Appendice. — La chancellerie impériale 427
Corrections et Additions 446
Abbeyille. — Imprimerie F. Paillart.
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