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Full text of "Basile Ier, empereur de Byzance (867-886) : et la civilisation byzantine à la fin du IX siècle"

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BASILE     I'*" 

EMPEREIR    DE    RYZANCE     867-886 

F.T 

L.A      CIVILISATION       BYZANTINE 

A      LA      FIN      DU      IX"      SIÈCLE 


BASILE   1 


e  r 


EMPEKELR    DE    H\ZA><CE     867-880) 


Eï 


LA  CIVILISATION  BYZANTINE 


A     LA     FIN     DU     IX^     SIECLE 


Albert     VOGT 


PARIS 


LIBRAIRIE     ALPHONSE    PICARD     ET    FILS 

LIBRAtRE    DE    I,A    SOCIÉTÉ     DE    l'ÉCOLE    DES    CHARTES     ET    DES    ARCHIVES     NATfONALES 

82,  Rue  Bonaparte,  82 


1908 


\     Monseigneur     Alfred     BALDRILLARÏ 

Recteur  de  l'Institut  Cattiolique  de  Paris 

A     Monsieur     l'Abbk     ITknry     THKDENAT 

Membre  de  l'Institut 
//}  memoriain  prœterili,   in  spem  fnturL 


A.    V 


INTRODUCTION 


Ce  travail  sur  le  règne  de  l'empereur  Basile  et  Tadministra- 
tion  impériale  à  la  fin  du  ix''  siècle  doit  sa  naissance  et  son 
achèvement  aux  leçons  et  aux  conseils  de  M.  Charles  Diehl, 
professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris.  C'est  lui  qui  par  son 
enseignement  a  éveillé  en  moi,  comme  en  plusieurs  de  ses 
élèves,  le  goût  des  choses  de  la  vieille  Byzance  et  m'a  initié  au 
dur  labeur  d'une  préparation  technique  qui  ne  va  pas  sans 
d'assez  grandes  difficultés.  Aussi,  arrivé  au  terme  de  cette  étude 
est-ce  à  lui  que  s'adresse  toute  ma  reconnaissance,  sachant  bien 
que  vsi  ce  travail  porte  en  lui  quelque  mérite  c'est  à  la  direction 
et  à  l'intérêt  qu'a  bien  voulu  y  prendre  ce  maître  des  études 
byzantines  en  France  que  je  le  dois. 

Le  règne  de  Basile  I"  n'avait  pas  eu  encoi^e  son  historien. 
Moins  bien  partagés  en  cela  qu'une  foule  de  petits  seigneurs 
obscurs  d'Occident  dont  nous  savons^  jusque  dans  le  détail,  la 
vie,  la  politique  et  rinfluence,  les  grands  basilcis  de  Byzance 
attendent,  presque  tous  sans  exception,  un  biographe  qui  fasse 
revivre  leurs  règnes  souvent  très  glorieux,  toujours  très  civili- 
sateurs. Parce  qu'ils  parlèrent  grec  et  s'occupèrent  de  théologie, 
parce  qu'ils  vécurent  sous  d'autres  cieux  et  s'habillèrent  à 
l'orientale,  parce  qu'ils  s'entretuèrent  parfois  d'assez  brutale 
façon  et  se  livrèrent  à  trop  d'intrigues  de  cour,  on  les  a  laissés 
dormir  en  leurs  sarcophages,  méprisés  et  oubliés.  Flagrante 
injustice  de  l'histoire  —  une  des  plus  grandes  et  des  plus 
inexplicables  —  qui  pèsera  longtemps  encore,  sans  doute,  sur  la 
mémoire  des  empereurs   byzantins  et  que  cependant  ils  n'ont 


II  I.NTUODUCTION 

point  méritée.  On  l'a  remarqué  bien  souvent,  en  efï'et.  Si  l'Eu- 
rope moderne  est  ee  qu'elle  est,  fille  de  la  Grèce  et  de  Rome  par 
la  culture  intellecluelle  comme  par  les  traditions  politiques, 
c'est  en  partie  aux  empereurs  byzantins  qu'elle  le  doit.  Sans  eux, 
l'Islam  eût  passé  sur  nos  terres,  détruisant  les  trésors  artistiques 
et  littéraires  de  l'antiquité,  imposant  par  la  force  a  nos  pères 
une  civilisation  qui  n'était  point  faite  pour  eux,  créant  pour 
des  siècles  peut-être,  en  nos  étals  d'Europe,  une  société  factice 
dans  laquelle  l'Arabe  eût  été  le  maître  et  l'indigène  l'esclave.  Si 
Basile  P'  avait  été  vaincu  tout  à  la  fois  en  Asie  et  en  Italie, 
Musulmans  et  Manichéens  auraient  infailliblement  envahi  une 
à  une  toutes  nos  provinces  d'Occident  et  de  la  civilisation  chré 
tienne  comme  de  la  civilisation  antique  il  ne  fût  rien  resté.  Là 
est  le  vrai  service  qu'a  rendu  à  l'Occitlent  l'Orient  byzantin  ;  là 
le  véritable  intérêt  de  cette  histoire,  dramatique  et  émouvante 
à  ses  heures  comme  une  vivante  tragédie. 

Et  ce  n'est  pas  même  tout.  Grâce  aux  efforts  des  Basileis, 
durant  neuf  siècles,  Rome  a  continUt5  à  vivre,  Rome  avec  ses 
institutions,  ses  traditions,  sa  législation.  Tandis  que,  pénible- 
ment, après  les  invasions,  l'Europe  occidentale  cherchait  à  se 
reconstituer,  luttant  contre  la  barbarie,  là-bas  sur  les  rives  du 
Bosphore  un  grand  empire  organisé,  en  possession  d'une  très 
haute  civilisation  et  d'une  sève  de  vie  très  riche,  continnait  à 
se  développer  ou  du  moins  à  se  maintenir,  apportant  à  la 
Russie,  aux  Etats  balkaniques,  voire  même  à  l'Italie,  à  l'Alle- 
magne et  à  la  France,  son  art,  sa  science,  sa  jurisprudence  et 
sa  foi  religieuse,  formant  ainsi,  bien  plus  tôt  et  bien  plus  direc- 
tement qu'on  ne  le  croit  d'ordinaire.  l'Europe  du  moyen  âge  et 
celle  des  temps  modernes.  Et  cependant,  aujourd'hui  encore, 
tous  ces  efforts,  toutes  ces  luttes,  tous  ces  triomphes  et  tous  ces 
revers,  sont  ensevelis  en  de  méchants  textes,  souvent  mal 
édités,  quelquefois  même  tout  à  fait  inédits.  La  France  du 
xvii"  siècle  chercha,  une  première  fois,  à  faire  au  sein  de  cette 
histoire  inconnue  une  féconde  expédition  qui  fut  sans  lende- 
main. Il  fallut  le  renouveau  des  études  historiques  au  xix''  siècle 
pour  ((ue   de  jeunes    savants  en  quête  de   thèses  de    doctorat 


I.NTUODLCTIOX  III 

s'avcnlurassent  en  celle  forêt  presque  vierge.  Le  premier  fui 
M.  Rauibaud.  Tl  ue  fil  que  passer.  Ce  furent  MM.  Sclilumbcrger 
et  Dielil  qui.  eu  France,  ont  véritablement  altaclié  leur  nom  à 
ces  éludes  et  ont  ainsi  préparé  la  voie  à  leurs  élèves  présents  et 
futurs.  Pour  moi,  disciple  de  l'un  et  de  l'autre,  j'ai  cherché  en 
ce  travail  à  retracer  tout  à  la  fois  riiistoire  du  fondateur  de  la 
maison  macédonienne  et  à  esquisser  une  étude  méthodique  des 
institutions  byzantines *à  la  fin  du  ix*"  siècle,  ce  qui  n'avait  pas 
encore  été  tenté.  Sur  la  seconde  partie  de  celle  étude,  je  ne  me 
fais  aucune  illusion.  Mieux  que  personne  je  sais  ce  qu'elle  a  d'in- 
complet, d'incertain,  d'hypothétique.  Pour  la  mener  à  bien,  il 
eût  fallu  reprendre  chaque  institution  à  son  point  de  départ  et 
la  suivre  en  ses  développements  successifs.  Néanmoins,  j'ose 
espérer  que  celte  étude  ne  sera  pas  tout  à  fait  vaine  et  qu'elle 
pourra  servir  désormais  de  jalons  en  allendanl  de  plus  décisifs 
travaux.  Si  ce  but  est  atteint,  je  me  croirai  sufOsamment  récom- 
pensé d'un  travail  qui  fut  long  mais  qui  n'a  jamais  manqué  ni 
d'intérêt,  ni  d'imprévu. 

LV  ///  jiiilU'l  1907. 

A    V. 


ÉTUDE  CRITIQUE  DES  SOUHCËS 


Une  étude  très  longue  et  très  détaillée  des  sources  qui  ont 
servi  de  base  au  présent  travail  serait  ici  sans  objet,  attendu, 
d'une  part,  que  la  chose  a  été  faite  —  et  bien  faite  —  dans  deux 
ouvrages  de  premier  ordre  :  celui  de  M.  Hirsch  qui  a  pour  titre 
((  Byzantinische  Studien  »  et  dans  «  l'Histoire  de  la  littérature 
byzantine  »  de  M.  Krumbacher,  auxquels  on  peut  ajouter  les 
ouvrages  de  M.  Rambaud  «  l'Empire  byzantin  au  x"  siècle, 
Constantin  Porphyrogénète  »,  de  M.  Diehl  «  Etudes  byzantines  » 
et  de  M.  Gay  ((  L'Italie  méridionale  et  l'Empire  byzantin  »  ; 
attendu,  de  lautre,  que  plusieurs  sources,  et  non  des  moindres, 
se  trouveront  étudiées  au  cours  de  ce  travail  en  des  chapitres 
spéciaux  :  telles  les  sources  juridiques.  Il  suffira  donc  de  rap- 
peler brièvement  les  principaux  documents  qui  ont  été  le  plus 
fréquemment  employés,  d'en  indiquer  la  date  et  la  valeur  histo- 
rique, renvoyant  pour  plus  ample  discussion  aux  travaux  que 
nous  venons  de  signaler  comme  à  ceux  que  nous  pourrons 
indiquer  au  bas  des  pages  quand  l'occasion  s'en  présentera. 

Nous  pouvons  grouper  sous  quatre  chefs  les  principales 
sources  que  nous  avons  consultées.  Ce  sont  :  i"  les  historiens  et 
les  chroniqueurs  ;  2"  les  livres  juridiques  ;  3"  les  documents 
religieux  ;  4"  enfin  les  œuvres  diverses  des  écrivains  du  temps, 
comme  les  ouvrages  de  géographie,  de  stratégie,  etc.,  auxquels 
nous  joindrons  les  sources  monumentales, 

l.  —  Historiens  et  Chroniqueurs 

1.  La  première  et  la  plus  importante  source  de  renseignements 
que  nous  possédions  se  trouve  être,  sans  contredit,  l'œuvre  des 
historiens  et  des  chroniqueurs.  Pour  l'époque  qui  nous  occupe, 


VI  KTLDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 

une  œuvre  de  grande  importance  se  présente  tout  d'abord  à 
nous  :  c'est  la  Vie  de  Basile  que  composa  son  petit  fils,  l'empe- 
reur Constantin  VII  K  Ecrite  entre  9/|5  et  969  -,  par  un  homme 
qui  fut  surtout  un  souverain  de  cal^inet,  car  il  fut  historien, 
artiste,  littérateur  et  point  du  tout  soldat,  elle  a  pour  but  de 
o-lorifier  et  de  perpétuer  rillustre  et  chère  mémoire  du  fonda- 
teur de  la  maison  macédonienne,  de  la  disculper  de  tous  les 
crimes  qu'eu  secret  on  lui  imputait  et  de  la  donner  comme  une 
leçon  vivante  cl  féconde  en  hérilage  aux  fulurs  l'jn})ercurs  qui 
naîtraient  de  son  sang  -K 

Cetle  vie  nous  est  parvenue^,  insérée  à  sa  place  chronologique, 
dans  la  coUectiondes  ((biographies  impériales»  que  composa  au 
X''  siècle  celui  qui  se  fît  le  «  continuateur  de  Théophane  ».  Elle 
se  trouve  au  chapitre  V.  Mais  il  n'est  pas  nécessaire  d'une 
longue  et  minutieuse  étude  pour  s'apercevoir  qu'elle  n'est  point 
de  la  même  main  que  les  autres  ((  Vies  ».  A  la  différence  des 
notices  qui  l'encadrent,  elle  se  présente  à  nous  comme  une 
œuvre  littéraire  complète  qui  ne  relève  ni  de  ce  qui  la  précède  ni 
de  ce  qui  la  suit.  Elle  a  un  exorde  et  une  fin.  elle  contient  des 
récits  qui  ont  déjà  été  faits  dans  d'autres  parties  de  la  chronique, 
enfin,  chose  remarquable,  son  auteur  se  nomme,  ce  qui  n'est 
le  cas  pour  aucune  des  œuvres  similaires  qui  l'accompagnent. 
Aussi  cette  vie  a-t-elle  un  intérêt  tout  particulier.  Par  certains 
cotés,  elle  possède,  évidemment,  une  valeur  de  premier  ordre 
car  son  impérial  auteur  était  en  bien  meilleure  situation  pour 
rappeler  les  faits  et  gestes  de  son  grand-père  que  les  simples 
historiens  ou  chroniqueurs.  Il  avait  à  son  service  les  récits  qui 
lui  furent  rapportés  dès  sop  enfance,  les  tradi lions  qu'il  put 
trouver  encore  vivaces  au  Palais  et  malgré  ses  plaintes  et 
ses  regrets  sur  la  pauvreté  des  archives  et  sur  le  peu 
de  renseignements  qu'il  y  trouva  *,  les  actes  olïîciels  du  règne 
qui  devaient  être  nombreux.  Mais  aussi,  et  précisément  pour 
toutes  ces  raisons,  l'œuvre  de  Constantin  Porphyrogenète, 
doit-elle  être  lue  avec  précaution,  voire  même  avec  défiance. 
Certes,    il  est  bien  renseigné,  mais  sa  biographie  esl  un  pané- 

1.  «  'laTop'.xY,  5'.'f,yT,j'(;  toô  ^îo'jxat  twv  zoiçcojv  Hxa'.)^s(o'j  toO  i.O'.oi\xo'j  ,iajiAtojî  •?,</ 
Kor/rTavTÏvoî    [îao''.A£'Jî    'l'o);jLaîwv   ô   to'jto'j    'j'.ojvô;   ç'.Xozovoj;    àzo   oia'fc'pwv  àftoot^a; 

'.T,-;-r,;j.âTojv  Tw  ypâoovx'.  Too^aviOcTO.  » 

2.  Ivruinbachcr,  p.  2.53. 

3.  17/.  Basil.,  cli.  i.  p.  2'?8. 

/».  Cf.  HaiTibaud.  o/>.  cit.,  p.  i'|i  ol  srq. 


ETUnK    CRITIOLE    DES    SOLUCES  VII 

oyriqiio.  unelninnede  louange  à  la  gloire  de  son  grand-père, 
peul-étre  une  réponse  à  d'autres  biographies  moins  bienveil- 
lantes. Dès  lors,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  voile  certains  faits, 
qui!  e\j)lique  de  façon  peu  véridique  certains  autres  c\  qu'il 
embellisse  à  plaisir  les  très  réelles  qualités  de  son  aïeul.  Sans 
parler  des  origines  fabuleuses  qu'il  assigne  à  sa  famille,  qu'on 
cherche,  par  exemple,  ce  c[u'il  dit  des  meurtres  de  Bardas  et  de 
Michel  III  et  l'on  verra  que,  d'après  sa  version,  Basile  ne  fut 
coupable  ni  de  l'un,  ni  de  l'autre  assassinat,  qu'il  n'y  prit 
même  qu'une  part  très  indirecte,  bien  mieux  qu'il  chercha  de 
tout  son  pouvoir  à  sauver  la  vie  de  son  bienfaiteur.  Qu'on 
cherche,  de  même,  comment  est  racontée  la  très  grave  affaire 
du  mariage  de  Basile  et  l'on  trouvera  qu'il  n'est  jamais  fait 
mention  de  Alarie.  première  femme  du  futur  empereur,  jamais 
de  son  divorce  et  que,  sous  sa  plume,  Eudocie  Ingerina  devient 
une  épouse  accomplie,  aussi  belle  que  vertueuse,  véritable  mère 
de  tous  les  enfants  dont  Basile  dut  se  charger.  Si  un  affreux 
mystère  pèse  sur  les  origines  de  la  famille  macédonienne,  si  les 
Empereurs  qui  un  temps  régnèrent  sur  Byzance  eurent  tous, 
pour  père,  un  bâtard,  ce  sont  là  des  questions  sur  lesquelles  il 
ne  faut  pas  aller  chercher  éclaircissements  et  solutions  dans  le 
récit  de  Constantin  YII.  L'auteur  ne  pose  pas  de  semblables 
problèmes  et  ne  paraît  pas  se  douter  que  d'autres,  autour  de  lui, 
les  posaient  pour  les  résoudre  contre  lui.  —  Ceci  dit,  il  n'en 
reste  pas  moins  que  la  Vie  de  Basile  F'  est  un  document  de  pre- 
mière valeur  par  les  renseignements  qu'elle  fournit  sur  un 
grand  nombre  de  questions,  par  les  détails  de  tous  ordres  dont 
elle  abonde,  par  le  souci  des  choses  administratives  qu'elle 
manifeste,  fait  unique  à  cette  époque  S  par  la  thèse  enfin 
qu'elle  soutient  et  qui  permet  aux  historiens  de  contrcMer  les 
récits  qui  sont  parvenus  par  la  plume  des  chroniqueurs. 

II.  Indépendamment  de  la  «  Vie  de  Basile  »,  nous  devons  à 
l'activité  littéraire  et  scientifique  de  Constantin  YII  deux  autres 
ouvrages  d'histoire  :  le  Livre  des  Thèmes  et  celui  de  V Adminis- 
tration de  l'Empire.  Certes,  on  a  beaucoup  médit  de  ces  deux 
documents.  —  du  premier  surtout  —  et  les  historiens  qui  les 
ont  étudiés,  déçus  dans  leur  attente,  trompés  par  ce  que, les 
tilies   semblaient  leur  promettre,   se  sont  vengés  en  critiquant 

I.   Hirscli.  p.  'i'i'i. 


VIII  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOUUGES 

avec  amertume  Timpérial  écrivain.  Et  cependant,  quelles  que 
soient  les  erreurs,  les  ignorances  et  les  lacunes  de  l'un  et 
l'autre  livre,  ils  n'en  sont  pas  moins,  pour  autant,  les  seuls 
documents  que  nous  possédions  sur  la  géographie  et  l'admi- 
nistration de  l'Empire  aux  ix"  et  x'  siècles,  les  seuls  témoins 
aussi  de  l'activité  politique  des  Empereurs.  Ils  méritent  donc, 
malgré  leurs  défauts,  une  étude  attentive. 

Le  livre  des  n  Thèmes  »  a  pour  but,  comme  l'indiquent  les 
lignes  par  lesquelles  il  commence,  de  faire  connaître  les  diverses 
provinces  de  l'Empire,  leur  nom  et  leur  histoire.  Un  tel  essai 
n'était  pas,  dans  la  littérature  byzantine,  une  grande  nouveauté. 
Constantin  YII  avait  eu  des  prédécesseurs  qu'il  connaissait,  du 
reste,  suffisamment  pour  les  copier,  parfois  servilement,  au 
grand  dommage  de  la  vérité  :  Etienne  de  Byzance  et  Hiéroklès, 
On  a  conjecturé  avec  raison,  ce  semble  -,  que  ce  livre  des 
Thèmes  fut  un  exercice  d'école  que  Constantin  composa  dans  sa 
jeunesse.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'à  lui  seul,  il  n'inspirerait 
aucune  confiance.  Trop  souvent,  en  effet,  l'auteur  ne  fait  que 
reproduire  la  notice  de  Hiéroklès,  le  «  a-uv£xo7,ao>;  )>,  écrite  sous 
Justinien.  sans  s'occuper  de  savoir  si  l'état  de  choses  existant 
au  VI'  siècle  était  le  même  au  x''  ;  trop  souvent,  il  paraît  être  — 
chose  qui  serait  étrange  pour  un  souverain  — d'une  incroyable 
ignorance  sur  l'organisation  de  son  empire  ;  trop  souvent,  enfin, 
ses  renseignements  consistentà  chercher  des  étymologies  fantai- 
sistes, à  fabriquer  des  histoires  invraisemblables,  à  décocher  des 
traits  malicieuxà  l'adresse  de  certains  de  ses  sujets  :  toutes  choses 
qu'un  empereur  en  fonction  se  fût  gardé  de  faire,  apparem- 
ment. Mais,  heureusement,  le  livre  des  a  Thèmes  »  trouve  ail- 
leurs correctifs  ou  confirmations.  Les  sceaux,  les  géographes 
arabes,  surtout  le  livre  «  de  l'Administration  de  l'Empire  »  — 
œuvre  postérieure  et  plus  mûrie  —  aident  souvent,  soit  à  com 
plèter,  soit  à  redresser  les  renseignements  fournis  par  Cons- 
tantin et  permettent  ainsi  de  se  servir  utilemcjit  de  son 
travail. 

Le  livre  des  «  Thèmes  »    se  divise,    naturellement,    en   deux 


1.  Toû  ao'f wTdtTOU  jâaai)v£wi;' KwvjxavTÎvo'j  toO  nop9'jpoysvvy,xou  r.zpl  twv  ÔsaaTwv 
TÔJV  àvr.xôvTwv  tt,  ^aaiXsi'a  twv  'Pwjj-aîwv  ircjOev  s't/ov  xiç  ôvo|xa<j£a(;  xal  tÎ  (JT,}xa{vouaiv 
ai  to'jto>v  Tpoo'T.YOpt'a'  %al  ot'.  rà  ijièv  aùxoiv  àp/atî^ouai,  xà  Se  viav  èxxfjaavxo,  X"i',v 
zpoo-Tvopîav.  —  Cf.  Dichl,  Études  byzantines,  p.  376  ot  soq. 

2.  liambaud,  op.  cit.,  iG5-i66. 


KTUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES  IX 

grandes  parties,  suivant  la  division  même  de  l'Empire.  L'une  a 
pour  objet  les  thèmes  d'Orient,  l'autre  les  thèmes  d'Occident.  L'au- 
teur passe  en  revue  chaque  province  etdit  cequ'il  croit  en  savoir. 
Sinivcnt  c'est  peu  de  chose.  La  plupart  du  lemi)s,  le  nom  de  la 
capitale  n'est  pas  donné  et  même,  parmi  les  villes  qui  figurent 
sur  la  liste  propre  à  chaque  thème,  il  arrive  plus  d'une  fois 
qu'il  yades  erreurs  assez  graves.  Jamais  l'auteur  n'indique  quel 
est  le  gouvernement  qui  préside  aux  destinées  de  la  province, 
comment  fonctionne  l'administration  provinciale,  quelle  est  la 
richesse  ou  l'importance  de  chaque  partie  de  l'Empire.  L'in- 
térêt du  livre  des  a  Thèmes  »  réside  surtout  pour  nous  dans  le 
fait  que,  par  lui,  nous  pouvons  nous  rendre  compte  des  pro- 
vinces existant  au  x"  siècle  et,  par  voie  d'élimination,  grâce  aux 
renseignements  qu'il  fournit,  de  celles  qui  n'existaient  pas 
encore  au  lx^  Pour  le  reste,  les  renseignements  de  Constantin 
sont  à  peu  près  sans  intérêt  ^. 

III.  Il  n'en  va  pas  de  même  du  livre  de  V Administration  de 
l'Empire.  Cet  ouvrage  que  Constantin  VII  composa  pour  son  fils 
((  couronné  de  Dieu  »,  Romain  le  Jeune,  âgé  de  quatorze  ans 
environ,  fut  probablement  publié  en  qSS  '-.  L'Empereur  avait 
alors  quarante-huit  ans.  Il  était  donc  dans  la  pleine  maturité 
de  l'âge  ;  il  avait  acquis  l'expérience  des  affaires,  la  connais- 
sance des  hommes  et  des  choses  ;  il  pouvait  instruire  son  fils 
en  môme  temps  que  la  postérité. 

L'avant-propos  nous  renseigne,  du  reste,  avec  exactitude  sur 
le  but  et  le  contenu  du  livre.  En  donnant  à  son  fils  une  sorte 
de  manuel  diplomatique  qu'il  pût  lire  et  apprendre  dès  sa  jeu- 
nesse, Constantin  VU  a  voulu  préparer  Romain  à  son  futur 
métier  de  roi.  Dans  ces  cinquante  trois  chapiti'cs,  en  effet,  il 
n'est  guère  question  d'autre  chose  que  d'administration:  admi- 
nistration ou  politique  étrangère,  puisqu'il  indique  quels  sont 
les  peuples  en  rapports  avec  Byzance  et  quel  genre  de  rapports 
entretiennent  entre  eux  les  gouvernements,  quelles  sont 
les  origines,  l'histoire,  les  mœurs,  les  institutions,  les  vœux 
de  ces  peuples  ;  administration  intérieure,  puisqu'il  signale  les 
changements  comme  les  faits  qui  se  sont  produits  à  la  Cour  et 
dans  l'Empire.  Aussi  est-ce  parce  que  l'écrivain  a  voulu  faire 


1.  Cf.  Dichl,  Etudes  byzantines,  p.  27C  et  seq. 

2.  Rambaud,  Empire  grec  au  x*  siècle,  p.  172, 


X  ETIDE    CUlTIOl  E   DES    SOL  1\CES 

œuvre  crédiicaloiii-,  qu'à  la  difl'éreuco  du  «  livre  des  Thèmes  » 
le  livre  de  «  rAdminislratiou  de  l'Empire  »  se  recommaude  ])ar 
son  exaelilude.  son  ordre  el  sa  valeur  historique.  On  sent,  à  le 
lire.  (|ue  tout  ici  a  été  étudié  et  conirolé.  Ce  serait  eu  Aaiu 
qu'on  chercherait  en  ces  pages  les  hors-d'œuvres  sans  fin,  la 
science  rélrospeclive,  livrescpie  et  scolaire,  qui  déparent  le 
livre  ((  des  Thèmes  ».  Le  ((  De  Admiuisti'audo  »  est  un  ouvrage 
destiué  à  la  vie  prati(|ue  et  quotidienne.  C'est  pour  cela  qu'il 
mérite  à  nos  yeux  créance  el  autorité. 

IV  .  Enlin,  sous  le  nom  de  Constantin  VU  comme  auteur,  nous 
possédons  une  nas/r  compilation  qui  a  ])Our  litre  sur  l'unique 
manuscrit  arrivé  juscju'à  nous  :  «  'Ev.hz'ji^  '7f^;  [jy-O.zio'j  Taqîco; 
KtovTTavT'lvou  ToO  cp'.Aoyp^TTO'j  xal  £v  a'JTO)  Tw  Xp'.CTw  TCO  auov'lw 
pcf.7O.z1  py.iùÀir)-,  'j'.oO  AéovTo;  to-j  crd'^toTaTO-j  xal  ki^.u,Yr^'7':ryj  Jiiac-».- 
A£(o;  o-'jvTayjjià  t».  xal  [jac.Ac'lo-j  c-to'joy,;  ovtco;  çà»,ov  TTO'lY,jjia '.  »  — 
Cette  œuvre,  d'inie  importance  capitale  pour  l'histoire  des 
institutions  hyzantines,  fut  donc  composée,  si  l'on  en  croit  le 
titre,  en  partie  du  moins,  sous  le  règne  du  petitfils  de  Basile, 
afin  de  rehausser  le  prestige  de  la  personne  impériale  aux  yeux 
des  étrangers  comme  des  nationaux  2.  H  ne  saurait  entrer  dans 
le  cadre  de  nos  recherches  de  discuter  celle  atlrihution  comme 
la  date  approximative  de  son  apparition  :  aussi  bien,  du  reste, 
ces  questions  n'onl-elles  pas  pour  le  règne  de  Basile  une  très 
grande  importance.  Ce  qui  le  sei'ait  beaucoup  plus,  assui'ément. 
ce  serait  de  pouvoir  dater  chacun  des  chapitres  dont  se  com- 
pose cette  étrange  encyclopédie,  faite  de  pièces  et  de  morceaux 
de  tous  âges  et  de  tous  genres  '^  Or.  ce  travail  critique  n'est 
pas  toujours  très  aisé*.  Sans  doute,  il  arrive  que  les  sources 
sont  expressément  indiquées  —  tels  les  chapitres  empruntés  au 
patrice  Pierre,  par  exemple  —  ou  que  les  événements  racontés 
datent  d'eux-mêmes  tout  un  chapitre  :  mais,  le  j)lus  souvent , 
nous  n'avons  aucun  indice  qui  nous  permette  d'assignei'  une 
époque  quelconque  à   tel  passage  qui  peut  être  aussi  bien  du 

I.  -Migne,  C\Il,  p.  -'a-  ^^c  manuscrit  se  trouve  actuellement  à  Leipzig 

'i.  Cerem.,  p.  78. 

[\.  Le  livre  des  Cérémonies  est  loin,  en  efTet,  de  nous  donner  unique 
meni  des  «  (A'rémoniaux  »  d'époques  diverses.  Aux  chapitres  de  cet  ordre, 
se  trouvent  mêlés  des  chapitres  traitarji  des  sujets  les  plus  variés  :  guerre, 
avènements  d'Empereurs,  lomheaux  qui  se  trouvaient  aux  Saints  Apôtres, 
etc.  (liamhaud,  op.  cit.,  p.  i-iS  et  seq.). 

\.  l^iehL.  Etudes  byzantinca,  p.  398  el  seq. 


KTLDE    CRITIQUE    DES    SOURCES  XI 

Vf  siècle  que  du  x''  :  co  qui  ne  va  pas  sans  de  graves  inconvé- 
nients. Pour  le  règne  de  Basile  et  l'iiistoire  des  institutions  de 
son  règne,  nous  avons,  heureusement,  quelques  cliapitres 
exactement  datés.  Les  uns  ont  trait  aux  campagnes  de  l'Empe- 
reur et  à  son  retour  à  Byzance  :  d'autres  à  l'administration. 
C'est  le  cas  entre  autre  de  la  célèbre  notice  de  1'  «  artocline  » 
Philothée  qui  a  servi  de  base  à  toule  une  partie  de  notre  élude. 
Cette  notice  fut  écrite  en  Tan  900  —  donc  quatorze  ans  après  la 
mort  de  Basile  —  par  Philothée  à  la  demande  de  quelques-uns  de 
ses  amis  '.  L'intention  qui  a  présidé  à  sa  composition  fut  de 
fixer  définitivement  les  règles  à  suivre  pour  le  placement  à 
table  des  officiers  impériaux.  Ce  travail  se  rattache,  probable- 
ment, à  l'ensemble  des  réformes  que  paraît  avoir  tentées  l'Empe- 
reur Léon  VI  pour  rendre  à  sa  cour  gloire  et  éclat.  Mais,  il  ne 
faut  pas  l'oublier  ;  le  règne  de  Léon  M  n'est  qu'un  aboutissant, 
une  conclusion.  C'est  le  couronnement  du  règne  de  Basile  I. 
Les  Basiliques,  par  exemple,  eurent  leur  point  de  départ  dans 
les  travaux  du  Macédonien  ;  la  réorganisation  administrative 
fut,  de  même,  commencée  par  lui,  aussi  bien,  du  reste  que  la 
réorganisation  de  la  cour  impériale.  C'est  dire,  par  consé- 
quent, que  la  notice  de  Philothée,  quoiqu'écrite  quelques 
années  après  886,  garde  pour  le  règiie  de  Basile  toute  sa 
valeur.  On  peut  d'autant  moins  douter  de  ce  fait  que. 
d'une  part,  l'artocline  a  soin  d'indiquer  les  modifications 
introduites  par  Léon  YI  et  que,  de  l'autre,  les  récits  des  chroni- 
queurs viennent  confirmer  l'existence  des  magistrats  dont  il 
donne  l'énumération.  La  seule  réserve  critique  à  faire  porte 
donc,  non  pas  sur  les  renseignements  qu'il  fournit,  mais  sur  la 
tradition  paléographique.  N'ayant  qu'un  manuscrit,  il  est  assez 
malaisé  de  corriger  les  erreurs  de  lecture  et  de  copie  qui,  évidem  - 
ment,  se  sont  glissées  dans  le  texte  elle  rendent,  parfois,  ou 
incomplet  ou  incompréhensible  -.  Néanmoins,  telle  qu'elle  est, 
la  notice  de  Philothée  nous  est  d'un  inappréciable  secours 
parce  que  seule,  parmi  les  documents  qui  nous  sont  parvenus, 
elle  donne  une  énumération  complète  des  hauts  fonctionnaires 


1.  Elle  se  trouve  au  livre  II,  ch.  lu,  Mignc,  p.  1292. 

2.  A  quoi  il  faut  ajouter  que  l'édition  —  la  seule  —  que  nous  possédions 
fut  faite  en  un  temps  où  Ton  n'avait  pas  l'habitude  d'un  g:rand  apparat 
critique.  Heiske  en  la  ])ubliant  et  en  l'nnnotanl  a  surtout  fait  œuvre  de 
philologue. 


\II  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 

de  la  cour  et  seule,  elle  fait  entrevoir,  bien  que  très  imparfaite- 
ment, le  mécanisme  compliqué  de  l'administration  byzantine 
avec  ses  ministères  variés  et  leur  nombreux  personnel. 

Indépendamment  de  la  notice  de  Pbilothée  qui  a  pour  nous 
Tavantage  d'être  exactement  datée,  le  «  Livre  des  Cérémonies  » 
fournit  d'autres  renseignements  qu'il  n'est  pas  possible  de  négli- 
ger. Parmi  ces  renseignements,  les  uns  sont  certainement  pos- 
térieurs à  Basile  I  ;  mais  ils  rapportent  des  faits  qui  se  sont 
passés  sous  son  règne  et  fournissent  des  éléments  d'information 
souvent  très  précieux.  C'est  par  le  fameux  chapitre  sur  les 
«  tombeaux  »  que  nous  connaissons  la  mère  de  Basile,  Pankalo, 
et  plusieurs  autres  détails  intéressants  sur  sa  famille.  C'est  de 
même  par  le  chapitre  qui  a  trait  aux  guerres  de  Basile  que  nous 
pouvons  avoir  une  idée  de  l'organisation  de  l'armée  comme  des 
moyens  slratégiquesdontondisposait  au  temps  du  Macédonien, 
D'autres  renseignements,  au  contraire,  ne  nous  sont  arrivés  que 
par  l'intermédiaire  de  chapitres  écrits  à  des  époques  aussi 
diverses  qu'indécises,  ce  qui  infirme,  à  première  vue,  leur  auto- 
rité, si  l'on  veut  s'en  servir  pour  étudier  les  institutions  d'une 
époque  déterminée.  Néanmoins,  il  est  un  cas  où  ces  renseigne- 
ments peuvent  être  utilisés.  C'est  quand  ils  sont  simplement 
l'expression  d'un  état  de  choses  qui  n'a  jamais  beaucoup  varié  : 
le  cérémonial.  S'il  serait,  en  effet,  souverainement  dangereux 
d'étudier  ces  passages  pour  y  chercher  des  titres  de  fonction- 
naires ou  des  indications  d'ordre  topographique,  par  exemple, 
il  n'en  va  plus  de  même  quand  on  leur  demande  des  détails  sur 
les  cérémonies.  Or,  ces  détails  sont  parfois  d'une  grande  impor- 
tance, car  ils  font  mieux  comprendre  quelle  idée  Byzance  se  fai- 
sait de  ses  institutions.  Il  est  bien  certain  que  les  prières,  les 
exhortations,  le  cérémonial  en  un  mot,  dont  était  entourée  la 
promotion  d'un  cubiculaire,  je  suppose,  jette  un  jour  très  lumi- 
neux sur  les  fonctions  mêmes  des  chambellans  attachés  à  la  per- 
sonne du  Basileus.  Quelle  que  soit  la  date  à  laquelle  de  tels 
chapitres  ont  été  écrits,  l'historien  peut,  je  crois,  s'en  servir,  ne 
serait-ce  que  pour  commenter  d'une  façon  plus  claire  et  plus 
vivante  les  droits  et  les  devoirs  attachés  à  une  charge  dont  on 
connaît  par  ailleurs  et  l'existence  et  le  rôle.  Du  reste  une  minu- 
tieuse critique  des  passages  concernant  les  institutions  byzan- 
tines montre  avec  évidence,  qu'en  règle  générale,  ce  sont  moins 
les  attributions  dévolues  aux  grands  dignitaires  de  la  cour  qui 


KTLDE    CRITIQUE    DEt^    SOURCES  XIII 

se  sont  modifices  dans  la  suite  des  âges,  que  l'existence  même 
de  ces  dignitaires.  Lorsqu'une  fonction  tombait  en  désuétude 
ou  devenait  un  simple  litre  honorifique  —  ce  que  nous  savons 
presque  toujours,  soit  par  les  chroniqueurs,  soit  par  le  livre 
même  des  Cérémonies  —  les  prérogatives  attachées  à  cette 
charge  tombaient  d'elles-meme  ou  étaient  transmises  à  d'autres 
fonctionnaires  ;  mais  tant  que  durait  la  fonction,  il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  eu  d'importantes  modifications  dans  les  attribu- 
tions qui  lui  étaient  dévolues.  Qu'on  étudie  le  rôle  de  «  l'Eparche 
de  la  Ville  »  par  exemple,  et  l'on  verra  que  dans  ses  grandes 
lignes,  au  ix"  siècle  comme  au  vi%  son  histoire  est  la  même,  que 
ses  préroratives  sont  les  mêmes  et  ses  obligations  aussi  ^  D'oii  il 
suit  que  l'essentiel,  en  abordant  l'étude  des  institutions  byzan- 
tines, est  de  connaître  exactement  les  fonctions  existantes  à  une 
époque  déterminée  —  en  quoi  les  chapitres  non  datés  du  livre 
des  Cérémonies  ne  sauraient  être  d'aucune  autorité  —  pais 
ensuite  de  fixer  le  caractère  spécial  de  chaque  fonction,  dans  la 
mesure  du  possible,  et  en  cela  alors  tous  les  renseignements  du 
livre,  prudemment  employés,  peuvent  être  de  la  plus  grande 
utilité. 

V.  Aux  côtés  de  Constantin  Vil  vivait  à  Byzance  un  his- 
torien dont  l'œuvre  est  arrivée  jusqu'à  nous.  C'est  Genesios.  Son 
ouvrage  composé  de  quatre  livres,  retrace  l'histoire  des  Empe- 
reurs Léon  V,  Michel  IL  Théophile,  Michel  III  et  Basile. 
Malheureusement  pour  nous,  Genesios,  petit-fils  d'un  logothète 
de  Michel  IIL  Constantin,  n'a  pas  donné  aux  deux  dernières 
((  Vies  »  le  développement  quelles  auraient  dû  avoir.  Tout  au 
contraire.  Il  réunit  dans  son  quatrième  livre  les  deux  histoires 
de  Michel  et  de  Basile  et  résume  brièvement  les  principaux 
faits  de  chaque  règne.  C'est  là  une  chose  d'autant  plus  regret- 
table pour  la  postérité  que,  premier  historien  de  l'époque  qui 
Ta  précédé,  il  a  beaucoup  utilisé,  dit-il,  les  récits  oraux  et  les 
souvenirs  qu'il  a  trouvés  dans  sa  famille;  mais  c'est  aussi,  pro- 
bablement, ce  qui  explique  son  silence.  Ecrivain  aux  ordres  de 
l'Empereur,  Genesios  a  dû  taire  ou  expliquer  les  forfaits  de 
toute  nature  attribués  à  Basile  L' ,  tâche  singulièrement  délicate 
pour  un  homme  qui  connaissait,  sans  aucun  doute,  la  vérité. 


I.  Cf.    Le  mémoire    d'Ouspenskij  «  L'éparchc  de  Cple  ».   Mémoires   de 
i'Instilai  archéologUiue  russe  de  Constantinople,   1S99,  I^'  ^'  P-  70  ^l  ^^^' 


XIV  ETUDE  CUrUOLE  DES  SOURCES 

Ne  pouvant  donc  être  tout  à  la  fois  bon  courtisan  et  sincère 
historien.  Genesios  a  préféré  se  taire  et  résumer  rapidement  deux 
Aies  qui  s'offraient  à  lui  pleines  d'embûches  et  de  difQcultés. 
Tous  les  renseignements  qu'il  nous  fournit,  comme  la  façon 
dont  il  les  présente,  se  retrouvent  chez  Constantin  Yll.  Il  n'y  a, 
par  conséquent .  pas  lieu  de  nous  arrêter  longuement  sur  son 
histoire  des  Empereurs,  pour  le  règne  de  Basile.  On  y  peut 
glaner  de-ci  delà  quelques  utiles  indications  :  elle  n'est  pas, 
cependant,  pour  nous  un  fdon  d'exploitation  très  riche. 

B.  —  Les  Chroniqueurs. 

A  certains  égards,  les  chroniqueurs  sont  autrement  plus  inté- 
ressants à  consulter  que  les  historiens,  parce  qu'ils  sont  indé- 
pendants. Si  les  uns  travaillent,  comme  Genesios,  à  la  solde  de 
l'Empereur,  d'autres  —  et  c'est  le  plus  grand  nombre  — 
écrivent  soit  pour  le  plaisir  d'écrire,  soit  pour  faire  œuvre 
d'activité  politique.  Sans  doute  eux  aussi  ont  leurs  graves 
défauts.  Comme  les  deux  historiens  dont  nous  avons  parlé,  ils 
se  copient  impudemment  ;  comme  eux,  ils  sont  pleins  de  par- 
tialité ;  comme  eux,  ils  aiment  le  merveilleux,  les  présages  et  les 
miracles.  J'en  sais  même  qui  pour  un  peu  ne  se  feraient  pas 
trop  prier  pour  écrire  de  nouveau  un  u  De  morte  persecu- 
torum  »)  politique,  à  l'usage  des  amis  de  Basile.  Mais  tout  cela  ne 
fait  pas  qu'ils  ne  soient  pour  nous  de  la  plus  grande  .utilité.  A 
part  la  continuation  de  Tliéophane,  les  chroniqueurs  sont  tous 
ennemis  de  la  famille  impériale.  Ils  représentent  le  parti  poli- 
tique qui  demeura  fidèle  à  Michel  III  et  ne  cessa  de  combattre 
le  Alacédonien.  Ils  sont  donc  les  porte-voix  de  tous  les  mécon- 
tents, de  tous  ceux  qui,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre, 
boudèrent  le  nouveau  régime  ;  ils  sont  les  défenseurs  attitrés  de 
la  tradition  qui  faisait  de  Basile  un  tout  autre  personnage  que 
celui  dont  nous  parle  le  Porphyrogénète.  A  ce  seul  titre  déjà, 
les  Chroniqueurs  seraient  du  plus  haut  intérêt.  Mais  ils  font 
mieux  encore.  Ils  nous  expliquent  les  contradictions,  les  silences, 
les  embarras  des  panégyristes  de  Basile.  Grâce  à  eux,  nous 
devinons  quelques-uns  des  dessous  de  cette  politique  parfois 
étrange  et  qui  déroute,  quelques-unes  des  raisons  qui  expli- 
quent l'incompréhensible  triomphe  du  fondateur  de  la  maison 
macédonienne.  Certes,  ils  ne  donnent  pas  à  Michel  des  qualités 


KTLDl-:    CMUTIOLE    DES    80LUCES  \V 

et  des  verliis  qu'il  serait  cUlFicile  de  lui  Uouver  ;  mais  ils 
toisent  Basile  ù  sa  juste  grandeur  en  racontant  sa  vie  morale, 
ses  meurtres,  son  mariage  et  en  posant,  d'une  faeon  sutfisam- 
ment  nette,  le  }3roblème  terrible  de  la  légitimité.  En\  seuls, 
en  effet,  affirment  que  Léon  Vl  naquil,  non  pas  de  Basile, 
mais  de  Michel  et  de  sa  concubine  Eudocie  Ingérina,  qu'il  fut, 
par  conséquent,  bâtard  ainsi  que  toute  sa  descendance. 

VI.  La  premièi'c  chronique  qui  se  présente  à  nous,  par  ordre 
d'ancienneté,  est  celle  qui  a  nom  o  La  contuuiation  de  Théophane  » . 
Elle  commence  avec  Léon  V  pour  se  terminer  avec  le  règne  de 
Romain  II.  C'est  donc  l'histoire  byzantine  de  SiS-gGi  qu'elle 
déroule  devant  nous  :  précisément  l'époque  qui  nous  occupe. 
Six  livres  composent  cette  chronique  *.  Le  quatrième  contient 
la  ((  Vie  de  Michel  »  ;  le  cinquième  la  «  Vie  de  Basile  ».  De  ce 
dernier  nous  n'avons  rien  à  dire  ici  puisque  c'est  la  vie  même 
de  Basile  écrite  par  Constantin  Porphyrogénète  dont  nous  avons 
déjà  parlé.  Le  quatrième  livre  nous  fournit  de  nombreux  ren- 
seignements sur  la  vie  de  Michel  avant  l'arrivée  de  Basile  et  sur 
les  événements  qui  le  marquèrent  :  mais  ces  renseignements 
doivent  être  vérifiés.  D'un  bout  à  l'autre  du  livre,  l'auteur,  en 
effet,  s'efforce  d'abaisser  Michel,  de  ternir  sa  réputation,  de 
montrer  ses  folies  afin  d'exalter  Basile  au  point  d'en  faire 
«  riiomme  nécessaire  )>  qui  seul  pourra  mettre  un  terme  à 
une  situation  déplorable  et  inaugurer  un  règne  réparateur. 
Bien  entendu,  nous  retrouvons  dans  ce  livre  la  tactique  adoptée 
par  Constantin  et  Genesios  pour  légitimer  la  conduite  et  les 
meurtres  de  Basile.  Les  uns  comme  les  autres  s'efforcent  de 
prouver  son  innocence  et  sa  vertu  et  de  montrer  qu'il  était 
ajipelé  au  trône  par  le  vœu  unanime  de  tous  les  sujets. 

Avec  la  Continuation  de  Théophane  nous  quittons  les  amis 
et  les  avocats  de  la  famille  macédonienne.  Les  chroniqueurs 
dont  nous  allons  maintenant  dire  quelques  mots  sont  tous  des 
ennemis  déclarés  de  Basile  et  comme  tels,  ils  ne  le  ménagent 
point,  pas  plus  que  sa  famille.  C'est  l'autre  son  de  cloche  que 
par  eux  nous  entendons  et,  en  vérité,  l'un  et  l'autre  nous 
donnent  des  dissonances  assez  fortes.  Malheureusement  ces 
chroniqueurs    n'ont   pas    toute    l'autorité    qu'ils  semblent  de 

I.  Les  quatre  premiers  livres  sont  l'œuvre  d'un  conleniporain  de  (\ons- 
tanlin  MI.  Le  sixième  est  postérieur.  Il  date  probablement  du  rè^ne  de 
T/iiniscès  ou  fie  Hasile  II  (  Uambaud,  p.  7^'\'^-\^\{^). 


\VI  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 

prime-abord  avoir.  Et  cela  pour  deux  raisons.  D'abord,  parce 
qu'il  est  évident  qu'ils  sont,  eux  aussi,  mais  en  sens  inverse, 
d'une  partialité  flagrante  à  l'égard  de  Basile  ;  puis,  parce  qu'ils 
se  copient  les  uns  les  autres  sans  aucune  vergogne.  Tel  fait  qui 
pourrait  à  première  vue,  paraître  confirmé  par  plusieurs  témoi- 
gnages, n'est,  en  réalité,  avancé  que  par  un  seul  auteur  plu- 
sieurs fois  recopié  sous  des  noms  diftérents.  Et  c'est  ce  qui  rend 
aussi  toute  étude  critique  de  cette  époque  si  difficile,  pour  ne 
pas  dire  impossible.  Sur  quels  principes  s'appuyer  pour  rejeter 
une  version  plutôt  qu'une  autre  ?  Nous  voyons  que  deux  tradi- 
tions parallèles  existent  dont  l'une  est  perpétuellement  opposée 
à  l'autre.  Entre  les  deux,  il  n'est  pas  toujours  possible  de  choisir 
faute  de  renseignements  impartiaux.  On  est  donc,  parfois, 
forcément  amené  à  se  contenter  de  simples  hypothèses. 

VIL  Comme  Théophane,  le  chroniqueur  Georges  Moine, 
dit  yamartolos,  le  pécheur,  qui  termine  sa  chronique  à  la 
mort  de  Michel  III,  vers  863,  eut  au  x*"  siècle  d'assez  nombreux 
continuateurs.  De  sa  chronique,  telle  qu'elle  est  arrivée  jusqu'à 
nous,  c'est  donc  \asiiite  anonyme  qui  nous  intéresse.  Elle  raconte, 
en  eiTet,  les  règnes  de  Michel  111,  de  Basile  et  des  Empereurs 
byzantins,  jusqu'en  ()^S  suivant  quelques  manuscrits,  jusqu'en 
1071,  1081.  11^3  suivant  d'autres.  Mais  la  partie  la  plus  impor- 
tante de  cette  continuation  est  la  première,  celle  qui  traite  des 
événements  écoulés  entre  les  années  8^2  et  9/48  ^  Elle  fut 
écrite,  suivant  la  tradition  paléographiqiie,  au  début  du  règne 
de  Mcéphorc  Phocas.  par  un  logothète  dont  le  nom  ne  nous 
est  pas  connu  et  qu'on  a  parfois  assimilé  au  logothète  et  magister 
Syméon.  Dans  son  état  actuel,  la  Continuation  de  Georges 
Moine  est  représentée  par  quatre  manuscrits.  Les  trois  pre- 
miers —  Paris.  Moscou.  Munich  —  ont  un  texte  presque 
semblable.  Le  quatrième,  celui  du  Vatican,  s'éloigne  sensible- 
ment des  autres,  non  pas.  en  vérité,  dans  les  parties  qui  rap- 
portent les  mêmes  événements,  car  celles-là  sont  tout  à  fait 
semblables,  mais  il  s'en  éloigne  par  les  renseignements  assez 
nombreux  qu'il  est  seul  à  donner.  Il  est  donc  probable  que 
nous  possédons  deux  rédactions  de  cette  Continuation  dont 
aucune  ne  répond  à  la  rédaction  originale.  Aucune,  non  plus, 
probablement,  ne  fut  écrite  pour  faire  suite,  de  propos  délibéré,  à 

I.   KiMiml)n(lH'r.  liyzmil.  lAlicr..  p.  .S.")'!  •"»•">• 


ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES  XVII 

la  Chronique  de  Georges  Moine.  Elle  se  trouvèrent  souciées  l'une 
à  l'autre  à  une  époque  impossible  à  préciser.  Du  reste,  entre 
la  Chronique  de  Georges  Moine  et  sa  Continuation  tout  diffère, 
et  il  sufTit  de  les  parcourir  pour  se  rendre  compte,  par  les  évé- 
nements qui  sont  racontés  comme  par  ceux  qui  sont  omis  que 
le  rédacteur  s'est  très  peu  soucié  de  lier  dans  son  récit  les  deux 
Chroniques  qui  ne  sont  unies  dans  les  manuscrits  que  par  un 
pur  hasard.  Quel  est  maintenant  l'intérêt  de  cette  chronique? 
Comme  nous  l'avons  dit.  il  est  tout  entier  dans  la  tournure 
d'esprit  et  dans  les  sympathies  du  chroniqueur.  Chez  lui,  les 
choses  religieuses  occupent  une  place  très  restreinte.  Tandis 
que  chez  Georges  Moine,  les  querelles  religieuses,  les  affaires 
iconoclastes,  par  exemple,  dominent  tout  le  récit,  chez  le  logo- 
thète.  au  contraire,  elles  jouent  un  rôle  très  secondaire.  Ce 
n'est  pas  là  qu'il  faut  aller  chercher  des  renseignements  bien 
nombreux  sur  Photius  et  le  schisme.  Non.  L'attention  du  chro- 
niqueur est  ailleurs.  Elle  se  porte  sur  les  intrigues  de  cour,  sur 
les  machinations  qui  précèdent  la  chute  des  Empereurs,  sur 
tous  les  faits  qui  dessinent  la  physionomie  d'un  règne  ou 
d'une  époque.  Et  tout  cela  est  écrit  avec  beaucoup  de  détails, 
d'exactitude  et  de  clarté.  Sans  doute,  l'auteur  n'aime  pas 
Basile  et  ne  se  gêne  pas  pour  dire  ce  qu'il  en  sait.  Volontiers,  il 
serait  plein  .d'indulgence  pour  Michel  dont  il  voile  les  fautes 
et  qu'il  se  garde  bien  d'injurier.  Néanmoins,  il  semble  relati- 
vement impartial  et  juste  et  si.  en  vérité,  il  s'est  parfois  trompé, 
d'une  façon  générale,  cependant,  on  peut  faire  fonds  sur  ses 
dires  et  accepter  sinon  toutes  ses  appréciations,  du  moins  les 
faits  tels  qu'il  nous  les  raconte  i. 

YIII.  A  la  chronique  de  Georges  Moine,  il  faut  ajouter 
celle  de  Léon  le  Grammairien,  car  l'une  et  l'autre  sont  assez 
proches  parentes.  Comme  la  plupart  des  chroniqueurs  de 
cette  époque.  Léon,  après  avoir  retracé  l'histoire  du  monde, 
des  origines  à  Léon  Y.  raconte  les  règnes  d  des  plus  récents 
empereurs  n,  c'est-à-dire,  qu'il  ^a  de  Léon  Y  à  la  mort  de 
Romain  L'.  Or  si  dans  la  première  partie  de  sa  compilation, 
Léon  a  largement  puisé  dans  la  Chronique  de  Georges  Moine, 
dans  cette  seconde  partie,  il  copie  purement  et  simplement  la 
continuation  du  chroniqueur,   parfois    mot  à  mot.  parfois  en 

I.    !lii-<cli.  Hyyinr.  SlndU'ii,   p.  .")-  et  sr(|. 


XVIIl  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 

l'abrégeant.  Il  en  résulte  donc  qu'au  point  de  vue  historique, 
cette  chronique  est  pour  nous  sans  grand  intérêts 

I\.  Sous  le  nom  de  Syméon  Magister  nous  possédons  une 
chronique  qui  s'étend  de  l'avènement  de  Léon  l'Arménien  à  l'avè- 
nement deNicéphore  Phocas.  et  qui  fut  vraisemblablement  écrite 
sous  le  règne  de  ce  prince.  Cette  chronique,  publiée  d'après  un 
manuscrit  de  Paris,  n'a  rien  à  voir  avec  la  véritable  chronique 
de  Syméon  Magister.  Celle-ci.  vaste  compilation  qui  commence 
aux  origines  du  monde,  pour  s'arrêter  à  la  mort  de  Romain 
Lécapène,  n'est  pas  encore  publiée.  C'est  donc  à  un  Pseudo- 
Syméon  que  nous  avons  aff'aire.  Comme  la  chronique  de  Léon 
le  Grammairien,  l'œuvre  de  ce  Syméon  est  étroitement  appa- 
rentée aux  chroniques  de  Théophane  et  de  Georges  Moine.  Les 
auteurs  ont,  du  reste,  agi  de  la  même  façon.  Ils  copient  textuel- 
lement ou  abrègent  leurs  prédécesseurs.  Cependant  Syméon  a 
connu  d'autres  sources.  Il  fait  de  nombreux  emprunts  à  la  chro- 
nique du  logothète.  continuation  de  celle  de  Georges,  qui  devient 
pour  le  règne  de  Michel  et  de  Basile  sa  source  principale  :  il 
n'ignore  nullement  l'histoire  de  Genesios  qu'il  utilise  beaucoup 
à  propos  du  règne  de  Michel;  quand  il  le  peut,  il  recueille  les 
sources  orales  qu'il  trouve  sur  son  chemin-.  Mais  est-ce  à  dire 
pour  autant  que  cette  chronique  ne  laisse  deviner  aucune  trace 
de  {Dcrsonnalitéi^  Bien  au  contraire.  Le  caractère  et  les  opinions 
du  chroniqueur  se  découvrent  assez  facilement,  malgré  ses 
plagiats.  Très  vite  le  lecteur  se  rend  compte  qu'il  a  affaire  à 
un  homme  au  fond  assez  crédule  qui  croit  à  toutes  sortes  de 
choses  mystérieuses  :  songes  et  présages  et  qui  raconte  cela 
fort  sérieusement.  Au  surplus  il  a  des  haines  violentes.  Photius 
surtout  l'exaspère,  lui  qui  est  partisan  du  pafriarchc  Ignace; 
Basile  comme  Michel  sont,  de  leur  côté,  loin  de  lui  plaire  et  par 
là  se  trouvent  assez  malmenés.  Aussi,  bien  que  les  erreurs  et  les 
préjugés  aient  dans  sa  chronique  une  place  malheureusement 
trop  grande,  le  Pseudo-Syméon  mérite-t-il  cependant  une  étude 
attentive.  Indépendamment  des  questions  de  dates  et  des  faits 
empruntés  à  des  sources  que  nous  connaissons  par 
ailleurs,  nous  trouvons  parfois  chez  lui  des  renseigne- 
ments nouveaux  (tel  le  portrait  de  Basile)  ;  surtout  nous  décou- 


1.  Hirsch,  Byzant.  Stiidien,  p.  loo. 

2.  Sym.  Mag..  17/.  Mirfi.  et  Théo'l..  cli.  \\\i\.  p.  7,'^ 


ETUDE    CUITIQUE    DES    SOURCES  Xl\ 

vrons  une  attitude  politique  assez  curieuse  qui  fut  probablement 
commandée  par  les  affaires  religieuses. 

X.  Enfin,  avant  de  terminer  celle  élude  sur  les  chroni- 
queurs, il  faut  encore  signaler  le  nom  de  Gedrenus.  Ce  chroni- 
queur écrivit,  probablement  au  début  du  xn"  siècle,  sa  u  o-'lvo?Li.ç 
Ittoqiwv  »  ou  histoire  universelle  qui  va  jusqu'en  loô-j.  Cette 
œuvre  n'a  pas  pour  nous  un  grand  intérêt  parce  qu'elle  n'est 
qu'une  servile  copie  d'autres  chroniques  que  nous  connaissons 
par  ailleurs.  Il  en  va.  de  même,  du  reste,  des  chroniqueurs 
postérieurs. 

II.   —  Livres  JURmiouEs 


Il  est  inutile  de  faire  ici  une  critique  des  sources  juridiques 
qui  peuvent  servir  à  l'histoire  des  institutions  byzantines  du 
règne  de  Basile  P'.  Ce  sera,  en  effet,  l'objet  d'une  bonne  partie 
du  chapitre  consacré  à  l'œuvre  législative  de  l'Empereur. 
Pour  connaître  la  valeur  et  l'histoire  du  Prochiron  et  de  l'Epa- 
nagoge  c'est  donc  au  deuxième  chapitre  consacré  à  l'étude  de 
l'administration  du  règne  que  nous  renvoyons. 

Indépendamment  de  ces  deux  ouvrages  de  droit,  nous 
avons  un  document  d'ordre  législatif  très  intéressant  à 
signaler.  C'est  le  Livre  du  Préfet  «  Tô  è-apy.xov  ^iQAoy  » 
publié  en  1893  par  M.  Mcole  d'après  un  manuscrit  de  Genève. 
Ce  texte  capital  pour  l'histoire  des  institutions  comptait  à 
l'origine  un  nombre  de  chapitres  que  nous  ignorons,  vingt-deux 
étant  seuls  parvenus  jusqu'à  nous.  L'Empereur  dont  il  est  ques- 
tion dans  cet  ouvrage  n'est  autre  que  Léon  \  I.  ainsi  que  l'a 
prouvé  sans  aucun  doute  possible  M.  Mcole  dans  la  préface 
donnée  à  son  texte.  Quant  à  la  date  exacte  de  sa  composition, 
nous  l'ignorons.  Le  grand  intérêt  de  ce  «  Livre  «  réside  tout 
entier  dans  le  fait  qu'il  nous  permet  de  connaître  assez  bien 
quelles  étaient  les  attributions  et  fonctions  de  l'éparche  ;  com- 
ment se  trouvaient  groupés  les  divers  corps  de  métiers  de  la 
capitale:  quelles  étaient  enfin  les  lois  qui  régissaient  le  com- 
merce byzantin.  Nous  avons  là  une  série  de  renseignements 
que  nous  pouvons  considérer  comme  officiels  et  datés,,  par 
les  années  mêmes  du  règne  de  Léon  \  L  avec  une  suffisante  pré- 
cision. 


XX  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 


III.  —  Documents  religieux 


Le  texte  oificic^  des  deux  conciles  tenus  sous  Basile  est  la 
source  principale  qui  nous  fait  connaître  la  grave  afTaire  de  la 
déposition  de  Photius  et  de  son  rétablissement  postérieur, 
comme  la  conduite  politique  de  Basile  en  cette  occurrence. 
Grâce  aux  nombreuses  pièces  lues  en  séance,  grâce  aux  interro- 
gatoires adressés  aux  prévenus,  aux  discussions  qui  surgissent, 
nous  pouvons  nous  faire  une  idée  des  griefs  imputés  au 
Patriarche,  de  la  façon  dont  Rome  et  les  légats  comprirent  et 
traitèrent  le  schisme,  de  la  conduite  enfin  de  Basile  en  toute 
cette  affaire.  Les  lettres  des  Papes  comme  celles  des  ennemis 
de  Pholius  complètent  pour  nous  le  dossier  accusateur. 
Malheureusement  nous  n'avons  pour  plaider  la  cause  du 
Patriarche  qui  de  très  rares  documents  et  encore  ces  documents 
—  telles  les  lettres  de  Pholius  lui-même  —  sont-ils  plus  que 
sobres  en  renseignements  précis.  Le  plus  souvent  les  lettres  de 
Photius  sont  énigmatiques.  vagues  ou  insignifiantes  quand  elles 
ne  sont  pas  une  longue  lamentation.  En  somme  c'est  le  plus 
souvent  de  la  pure  rhétorique.  Très  rares  sont  les  exemples 
contraires.  On  voit,  en  examinant  de  près  les  pièces  favorables 
que  Photius  eut  pour  lui  un  certain  nombre  d'adhérents  recrutés 
surtout,  semble-t-il,  dans  le  haut  clergé  et  dans  la  noblesse  de 
cour,  qu'il  parait  même  avoir  comjDté  en  son  parti  des  person- 
nages comme  S.  Euthyme  le  Jeune,  mais  nulle  part  nous  ne 
pouvons  découvrir  les  raisons  qui  militaient  en  faveur  de  son 
innocence  personnelle  ou  en  la  justice  de  sa  cause.  Tandis  que 
le  réquisitoire  dressé  contre  lui,  se  présente  à  nous  très  serré  et 
très  accablant,  aucune  voix  indépendante  ne  s'élève  pour  parler 
en  sens  contraire.  Bien  plus,  qu'on  écoute  Rome  ou 
qu'on  écoute  Byzance,  une  chose  paraît  assurée,  c'est,  qu'en 
somme,  les  amis  les  plus  connus  de  Photius,  Grégoire  Asbestas, 
Santabarenos,  par  exemple,  ses  partisans  les  plus  actifs.  Bardas 
et  Michel  III  n'étaient  guère  des  personnages  particulièrement 
recommandables,  présomption  toujours  grave  contre  un  accusé. 

Les  vies  de  saints,   à  leur  tour,  et  en  tout  premier  lieu  le 
fameux  panégyrique   de  S'  Ignace  parNicetas*  David,  évêque 

I.  On  a  essayé  en  ces  dernières  années  d'enlever  à  Nicetas  la  loalcrnité  de 
celle  œuvre  pour  l'attribuer  à  quelque  auteur  de  beaucoup  postérieur  aux 


ETUDE    CRITIQUE    DES    SOUHCES  XXI 

de  Dadybra  en  Paphlagonie  vers  890,  sont  à  des  titres  divers  de 
précieuses  sources  d'information.  Nicétas  est  un  partisan  pas- 
sionné d'Ignace,  un  fervent  de  Fortliodoxie,  un  ennemi 
déclaré  de  Photius  et  de  Basile.  Il  écrit  sa  vie  du  Patriarche 
Ignace  pour  faire  œuvre  d'édification  et  de  piété  ^  à  la  façon  de 
ses  autres  panégyriques,  sans  doute  vers  la  fin  de  sa  vie  car  il 
semble  bien  que  lorsqu'il  composa  son  œuvre  tous  les  héros 
de  son  histoire  étaient  morts  jusque  et  y  compris  Santabarenos-. 
Il  connaît  donc  pour  l'avoir  vécue  l'histoire  qu'il  nous  rap- 
porte :  on  le  voit  bien  à  certaines  remarques  personnelles.  Ce 
qu'il  pardonne  le  moins  à  Basile  comme  aux  légats,  c'est  de 
n'avoir  pas  en  SQ()  terminé  d'une  façon  définitive  l'affaire  du 
schisme,  d'avoir  louvoyé  et  finalement  d'avoir  permis  le  retour 
futur  de  Photius  au  pouvoir.  Son  panégyrique  plein  d'informa- 
tions curieuses,  de  faits  qu'en  vain  nous  chercherions  ailleurs, 
doit  donc  être,  malgré  cela,  étudié  avec  la  plus  grande  précau- 
tion. Naturellement,  il  passe  sous  silence  tout  ce  pourrait  être 
défavorable  à  Ignace.  Il  glisse  rapidement  sur  sa  famille  et  ne 
dit  rien  de  la  guerre  de  Bulgarie  dans  laquelle  fut  défait 
Michel  Rhangabe,  ce  qui  amena  l'insurrection  de  Léon.  Néan- 
moins, ce  panégyrique  abonde^en  traits  trop  précis  ;  il  est  trop 
révélateur  d'un  état  d'âme  ;  il  évoque  avec  trop  de  vie,  de 
couleur  et  de  mouvement  l'époque  dont  il  s'est  fait  l'historien 
pour  que  nous  puissions  n'en  pas  faire  usage.  A  côté  d'exa- 
gérations manifestes  et  de  violences  de  langage  poussées 
parfois  très  loin,  mieux  qu'aucun  autre,  il  nous  explique 
l'enchaînement  chronologique  des  choses,  nous  montre  les 
hommes  agissant  et  nous  renseigne  sur  divers  points  d'insti- 
tutions ecclésiastiques.  Bien  plus,  en  somme,  le  parti  pris  une 
fois  mis  à  part,  les  faits  qu'il  nous  raconte  se  présentent  souvent 
à  nous,    quand  nous  pouvons   les  contrôler,  comme  relative- 


événements.  M.  Papadopoulos  Kcrameus  s'est  [fait  le  champion  de  cette 
théorie  qui  ne  semble  pas  avoir  son  point  d'appui  sur  des  raisons  pure- 
•iiient  critiques  et  scientifiques.  Aussi  a-t-il  trouvé  jusque  parmi  ses  core- 
ligionnaires des  contradicteurs.  M.  Vasiljevskij,  en  eflet,  a  repris  Tétude  des 
arguments  de  Papadopoulos  Kerameus  pour  arriver  à  rendre  d'une  façon 
définitive  le  panégyrique  à  Nicetas  et  au  ix«  siècle  finissant.  On  trouvera 
un  résumé  complet  en  allemand  de  la  discussion  qui  s'est  poursuivie  en 
grec  et  en  russe,  dans  la  Byzant.  Zeitschrifl,  W,  2G8-27G,  igoo. 

1.  Vit.  Ign.,  5Co-5G5. 

2.  Ibid.,  50^. 


XXII  ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES 

ment  exacts.  Que  nous  comparions  son  récit  à  ia  Jeltre  de 
Stylianos,  un  autre  violent  ennemi  de  Photius,  à  la  version  du 
Liber  Pontificalis ,  à  celle  d'Anastase  le  Bibliothécaire  et  aux 
lettres  des  Papes,  aux  délibérations  du  Concile  Qt  au  récit 
des  chroniqueurs,  nous  finissons  par  reconnaître  en  tous  ces 
documents  un  fonds  commun  de  faits  et  de  jugements  qui 
semblent  bien  définitivement  acquis. 

Quant  aux  autres  vies  de  saints,  nous  avons  essayé  d'en 
faire  l'usage  qu'elles  méritent.  Gritiquement  étudiées,  ces 
œuvres  de  louange  et  de  piélé  peuvent  apporter  à  l'historien 
d'instructifs  détails,  non  pas,  eu  géiu''ral,  sur  les  affaires  politi- 
ques et  religieuses  de  l'époque  qu'elles  ignorent  ou  déforment, 
mais  sur  les  institutions  civiles  et  ecclésiastiques.  Il  est  bien 
certain  que  lorsqu'un  hagiographe  nous  rapporte,  à  l'occasion, 
soit  d'un  miracle,  soit  d'un  fait  quelconque,  le  titre,  la  fonction 
d'un  personnage,  lorsqu'il  cite  telle  inslitution  monacale  ou 
administrative,  lorsqu'il  souligne  tel  trait  de  mœurs  pris  dans 
la  vie  quotidienne,  toutes  choses  en  soi  sans  corrélation  avec 
son  but  apologétique  et  parénétique.  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il 
dit  vrai  et  que  son  témoignage  vaut  pour  l'époque  où  il  écril. 

Enfin,  il  est  un  document  historico-religieux  de  trop  grande 
importance  pour  que  nous  puissions  ici  le  passer  sous  silence. 
C'est  la  fameuse  préface  écrite  par  Anastase  en  tête  des  actes  dn 
Concile  de  869  pour  éclairer  le  Pape.  Ce  document  auquel  il 
faut  joindre  les  notices  du  Liber  Ponllficalis,  écrites  probable- 
ment sous  sa  dictée,  sinon  par  la  plume  du  fameux  bibliothé 
caire,  sont  à  utiliser,  mais  avec  la  réserve  que  comporte  l'histoire 
même  d'Anastase.  En  écrivant  sa  Préface,  en  faisant  composer 
ses  vies  de  Nicolas  I*'  et  d'Hadrien  II,  il  laisse  —  nous  le  remar- 
querons —  percer  toutes  ses  préventions,  il  arrange  les  choses 
à  sa  façon.  De  plus,  il  ne  faut  pas  oublier  que  ses  écrits  sont 
destinés  à  relever  l'autorité  et  le  prestige  du  Pape.  Tout  cela 
fait  que  ces  documents  ne  sont  pas  toujours  très  exacts  et  sont 
toujours  très  partiaux. 

IV.    DOCLMENTS    DIVERS 

Parmi  les  documenis  que  nous  avons  utilisés  le  plus  souvent 
et  ([ui  onl  besoin  d'un  éclaircissement,  il  en  est  trois  à  signaler. 


ETUDE    CRITIQUE    DES    SOURCES  XXIU 

Nous  faisons  plus  d'une  fois  usage  d'une  pièce  de  vers  publiée 
par  M.  Brinkmann  en  tête  de  son  texte  d'Alexandre  de  Lyco 
polis  sur  les  Manichéens.  De  l'œuvre  d'Alexandre,  nous  n'avons 
rien  à  dire  :  elle  paraît  être  du  iv*'  siècle^  ;  mais  Photius  en 
faisait  le  plus  grand  cas  et  c'est  sans  doute  lui  qui  réédita 
l'œuvre  d'Alexandre  à  l'époque  des  guerres  de  Basile  contre  les 
Pauliciens.  entre  869  et  871,  ety  ajouta  les  vers  qui  la  précèdent. 
C'est  une  œuvre  de  flatterie  destinée  à  exalter  la  piété,  la 
magnanimité,  la  grandeur  de  Basile  et  à  le  féliciter  de  combattre 
les  Manichéens-.  Ces  vers  firent  probablement  partie  de  cette 
littérature  adulatrice  que,  durant  son  exil,  Photius  employa 
comme  moyen  de  revenir  au  pouvoir^. 

A  ce  genre  se  rattachent  les  exhortations  de  Basile  à  Léon, 
œuvre  de  piété  et  de  savante  flatterie,  probablement  écrites  par 
Photius  comme  tendrait  à  le  prouver  l'étroite  parenté  qui  unit 
cette  œuvre  à  la  lettre  authentique  du  Patriarche  adressée  au 
prince  de  Bulgarie.  Avis,  conseils,  exhortations  sont  les  mêmes, 
même  idée  aussi  de  la  grandeur  royale,  des  devoirs  qu'elle 
impose,  des  droits  qu'elle  confère.  Ces  exhortations  sont  arri- 
vées jusqu'à  nous  en  deux  recensions  diff'érentes,  identiques 
quant  au  fond,  mais  lune  plus  développée  que  l'autre.  Lapins 
longue  est  divisée  en  66  paragraphes  réunis  les  uns  aux  autres 
par  un  acrostiche. 

Enfin  le  troisième  document  dont  nous  avons  fait  usage  et 
qui  est  sujet  à  quelque  discussion  est  la  fameuse  «  Taktike  »  de 
Léon  VI.  Zachariae  l'avait  enlevée  à  Léon  VI  pour  en  donner  la 
paternité  à  Léon  l'Isaurien.  M.  Mitard,  dans  un  article  de 
la  Byzantinische  Zeitschrift  très  intéressant,  a  apporté  un 
certain  nombre  d'arguments  qui  paraissent  assez  solides  en 
faveur  de  l'attribution  traditionnelle.  Du  reste,  en  soi,  cela 
n'est  pas  de  grande  importance.  Comme  le  faisait  remarquer 
dernièrement  M.  Vari,  les  règles  et  ordonnances  stratégiques 
n'ont  jamais  varié  dans  l'essentiel  de  leur  contenu.  Ce  sont 
surtout  les  termes  qui  se  modifiaient.  Or,  il  semble  bien,  qu'en 
son  ensemble,  la  terminologie  de  la  Taktike  est  semblable  à 
celle  des  autres  sources  du  x"  siècle,  surtout  au  Livre  des  Céré- 
monies, spécialement  dans  le  Clétorologe. 

1.  BatifFol,  Anciennes  littéral,  chrét.  La  littéral,  grecque,  p.  i3i^ 

2.  Brinkmann,  vers  31.5-217. 

3.  Ibid.,  p.  XXIX. 


SOURCES' 


Anastase  le  Bibliothécaire  :  Préface  au  Vll^'  concile  (Mansi,  XVI,  p.    i. 

Migne,  P.  L.  CXXIX')- 
Anonyme  de  Gombefis  :  Chronographica  nairatio  ( Anonym.  Conibef.  Migne, 

P.  G.,  CVIII). 
Basile  I.  Basilii  imperatoris  Romanoram  exhortatioimm  capita  sexaginta  sex 

ad  Leonem  filium  {Exhort.  Migne,  P.  (i.,  t.  CVII). 
Basilicoruni  Libri  LX  (Ed.  Ernsl  Heimbach,  Leipzig,  1883-70,  6  vol.). 
Basilii  notilia  (in  Georges  de  Chypre,  Edit.  Gelzcr,  p.  37). 
Beh.nard  le  Moine.  Itinéraire  (Molinier,  Itinera  Ilierosolit.,  1879). 
B(*:cKH.  Corpus  insrriptionuni  grcTcariim  (Inscriptiones  christianœ,  t.  ^  ). 
Brinkmann.    Alexandri   Lycopolitani    contra    Manichœi   opiniones    disputatio 

(Leipzig,  1895). 
Cedrenus.  Compendium  historiarum  (Cedren.,  Migne,  P.  (t.,  CWI). 
CoDiNUS.    De   officiis    et    officialibus    Magnœ    Ecries,     et    nulœ    Cpolitanœ 

(Migne,  P.  G.,  CLVII). 
CoNSTA>TiN    VII  Porphyrogknète.  IHstoria  de  vita  et    rébus    gestis   Basilii 

inclyti  imperatoris  {Vit.  Basil.  Migne,  P.  G.,  CIX). 

—  De  Cerimoniis  aulœ  byzantinœ  (Cerem.  Migne,  P.  G.,  CXII). 

—  De  rfieniatibus  (De  Them.  Migne,  P.  (i.,  t.  CMII). 

—  De  Adniinistrando  imperio  (De  adm.  Migne,  P.  G.,  CXIII). 

Constantin  le  Rhodien.  Description    des   Saints  Apôtres  (Ed.  Legrand-Rei- 
nach,  Revue  des  Etudes  grecques,  IX,  1896). 

Ecloga    Leonis   et   Constantini  (Ed.  Zacharia?    von  Lingenthal,    in   Collectio 
libroruni  juris  grœco-romani  ineditorum). 

Edrisi  fTraduct.  Jaubert,  Paris,  i84o). 

Epanagoge  legis  Basilii  et  Leonis  et  Alexandri  (Ed.  Zacliariie  von  Lingen- 
thal, Leipzig,  1802,  in  Collectio  librorum  juris  grœco-romani  inedi 
torum). 

Eucfiologion  (Ed.  Goar.  Paris,  1647). 

—  Ed.  Dniitrijevskij  (Kiev,  1901). 

Genesios.  Historia  de  rébus  constantinopolitanis  (Gènes.  Migne,  P.  (1.,  CIX). 
Georges  de  Chypre.  Descriptio  orbis  romani  (Ed.  Gelzer,  Leipzig,  1890). 
(lEORGEs  Le  Moine  Continué  (Georg.  M.  C.  Migne,  P.  G.,  C\). 

I.  Nous  iii(li(|uoiis,  entre  parenthèse,  les  abréviations  les  phis  courantes  dont 
nous  nous  sommes  servis;  à  moins  trindicatioii  contraire  nous  citons  toujours 
d'après  la  Patrologie  de  Migne.  Nous  traduisons  les  titres  des  ouvrages  russes 
consultés. 


I 


SOURCES  XXV 

Hadriani  II  Papœ  Episiolœ  (Mansi,  XV,  819  et  Migne,  P.  L.,  CXXII). 

Heorlologion  byzantinon  (Ed.  Gédéon,  Constantinoplo,  iqoS). 

Ibn  Houdadbi:h.  Le  Livre  des  routes  et  des  provinces  (Ed.  de  Gœje,   Biblio- 

Iheca  Geographorum  arabicoriim.  Pars  VI,  Leyde,  1889)  et  lîarbier   de 

Mcynard,  Journal  asiatique  (VP  série,  t.  V,  i865). 
Joannis  VIH  Papœ  Epistolœ  (URnsi,  XVIP,  XVIII»;  Migne,  P.  L.,  GXXVI. 

Neues  Archiv.,  t.  V,  1879,  Ewald,  Die  Papstbriefe  der  Brittischen  Samni- 

lung). 
Juris  ecclesiastici  grœcorum  monumenta  (Ed.  Pitra,  Paris,  i8/i6-i868,  a  vol.). 
Juris  orientalis  libri  III  (Ed.  Boiicfidius,  Paris,  1073). 
Juris  grœco-romani   tam  canonici  quant  civllis  tomi  duo  (Ed.   Leunclavius, 

Francfort,  1596). 
Jus  grœco  romanum   (Edit.    Zacharia'    von  Lingenthal,   7  partes,    Leipzig, 

1856-1884). 
KoDAMA  (Ed.  de  Gœje  à  la  snite  d'Ibn  Hordadbeh,  Bibliotheca  Geographorum 

arabicorum,  t.  VI)  et  Barbier  de  Meynard,  Journal  asiatique  (^  P  série, 

i865,  t.  V). 
Léon. VI  (le  Sage).  Tactika  (Migne,  P.  G.,  CVII). 

—  Novellœ  constitutiones  (Migne,  P.  G.,  CVII  et  Jus  grœco-romanum ,  pars  ITI). 
Léo  Grammaticus.  Chronographia  {Léo  Grani.,  Migne,  P.  G.,  G VIII), 

Liber  Pontificalis  (Ed.  Duchesne,  Paris,  1886-1892,  2  vol.). 
Livre  du  Préfet  (Ed.  Nicole,  Genève,  1893). 
LiuTPRAND.  Antapodosis. 

—  Relatio  de  legatione  Constantinopolitana   (Ed.   Monumenta  Germaniœ  histo- 

rica,  fol.  Scriptores,  t.  TII,  Hanovre,  1839). 
Louis  II.  Lettre  de  Louis  II  à  Basile  (Historiens  des   Gaules  et  de  la  France, 

t.  VII,  p.  072). 
Maçoldi.  Prairies  d'or  (Trad.  Barbier  de  Meynard,  Paris,  1861-1877). 
Mai.  Patrum  nova  Bibliotheca  (t.  IV,  Rome,  1847). 
_Ma^s[.  Sacrosancta  Concilia  (Ed.  nov.  Paris,  1902.  T.  XV,  XVI,  XVII). 
Martyribus  (De  sanctisj  Manuele,  Georgio,  Petro,  Leone,  etc.  inBulgaria(A.  A. 

S.  S.  Janvier,  II,  p.  441  )• 
Monumenta  grœca   ad  Photium  ejusque  historiam  pertinentia  (Ed.   Hergen- 

rôther,  Regensburg,  1860). 
\ea  Taktika  (in  Georges  de  Chypre,  Ed.  Gelzer). 
XicETAS  Byzantinus.  Nicetœ  refutatio  epistolœ   régis  Armeniœ  confutatio  dog- 

matum  Mahomedis  (Migne,  P.  G.,  CV). 
NiCETAS  David.  Vita  S.  Ignatii  archiepïscopi  Constantinopoli  (Vit.  Ignat.,  Migne, 

P.  G.,CV). 
Nicolai  I  Papœ  Epistolœ  (Mansi  XV.  P.  L.,  CXIX). 
Nomocanon  (Ed.  Pitra  in  Juris  eccles.  grsec.  monum.). 
Pachymère.  Œuvres  (Migne,  P.  G.,  CXLIII,  iv). 
Photius.  Contra  Manichœos  libri  quatuor  (Migne,  P.  G.,  Cil). 

—  Epistolœ  libri  très  (Migne,  P.  G.,  Cil). 

—  Ar>'0'.  xxi  rj |xiXbt  (Ed.  Xristarchos,  Constantinople,  1900,  2  vol.). 

—  Novœ  sanctœ  Dei  Genitricis  ecclesiœ  déscriptio  (Migne,  P.  G.,  Cil). 
Pierre  de  Sicile.  Historia  Manichœoruni  (Migne,  P.  G.,  CIV). 
Prochiron  Ed.  Zachariie  von  Lingenthal,  Heidelberg,  1837). 


XXVI  SOURCES 

Scriptores  originum  Constantinopolitarum  (Ed.    Preger,   Leipzig.    1901-1907, 

2  vol.). 
Stephani  V  Papœ  Epistolce  (Mansi  \\I,  XVIII.  Migne,  P.  L.,  CXXIX). 
Styllanos.  Epistola  ad  Stephauum  Papam  (Mansi,  XVI). 
Syméon  Magister.  Annales  {Syni.  May.  Migne,  P.  G.,  CIX). 
Synaxarium  Ecclesiœ  Constantinopolitanœ  (Ed.  Delehaye,  PropyLTiini  ad  A.  A. 

S.  S.  Nov.  Bruxelles,  1902). 
Theognoste.  Libellas  ad  Nicolaum  Papam  in  causa  Ignatii  archiepiscopi  Cons 

tantinopolitani  (Mansi,  XVI  ;  Migne,  P.  G.,  CV). 
Theophanes  Gontinuatus.  Chronographia  (Vit.  Theoph.,Vit.  ,\ffc/i.,  etc.,  Migne, 

P.  G.,  CIX). 
Typika  (Ed.  Dmitrijevskij,  Kiev,  1890). 
Vita  S.  Antonii  (Ed.   Papadopoulo  Keranieus,   Momimenta  grœca  et   latina 

ad  historiam  Photii  pertinentia,  I.  Pétersbourg,  1899). 
Vita  S.  Demetriani  episcopi  Chytri.  (Ed.  Grégoire,  Byz.  Zeits.,  1907,  I). 
Vita  S.  Eudokimoii  (Ed.  Loparev,  Pétersbourg,  1898). 
Vita  S.  Euthymii  (Ed.  de  Boor,  Berlin,  1888). 

Vita  S.  Euthymii  ('EitiTâ-p'-oî,  Ed.  Papadopoulo  Kerameus,  Monumenta,  I). 
Vita  S.  Euthymii  junior.  (Ed.  Petit,  Orient  Chrét.  1908,  n"'  2  et  4). 
Vita  S.    Eustratii    (Ed.    Papadopoulo  Kerameus,     'Avi).£XTa  'kpoaoAjii'.T'.xf,; 

jTa/joAoyîa;.  Pétersbourg,  189 1,  V). 
Vita  S.  Hilarionis  (Ed.  Vasiljev,  Recueil  de  la  Société  orth.   russe  de  Palest., 

1888,  t.  IV). 
Vita  S.  Ireneœ  hegumenœ  (A.  A.  S.  S.  Juillet,  VI). 
Vit.  S.  Joannicii  {A.  A.  S.  S.  Novembre,  II). 

Vit.  S.  Josephi  Hymnographii  (Ed.  Papadopoulo  Kerameus,  Monumenta,  II). 
Vit.  S.  Lucse  Stylitœ  (Ed.  A.  Vogt,  Analecta  Bollandi.  1909). 
Vit.  S.  Nicolai  Studiti  (Migne,  P.  G.,  GV). 
Vita  Sœ  Theodorœ  imperatr.  (Ed.  Regel,  Analecta  byzantino-russica  (Pctersb., 

1 891,  et  ^.  A.  S.  S.  Février,  II). 
Vita  Sœ  Theodorœ  Thessaloni.  (Ed.  Arsenij,  Yourjev,  1899). 
Vita  S.  Theodori  Edess.  (Ed.  Pomjalovski,  Pétersbourg,  1892;. 
Vita  S.   Theophani  Confess.  (Ed.  Krumbacher,   Sitzungsberichte  der  philos. 

philol.  und  der  hist.   Classe  der  K.  K.  Akademie  der  Wissensch.  :u  Mûn- 

chen,  1897,  I,  p.  371). 
Vita  Sœ   Theophano  (Ed.    Kurtz,  Zwei  griechische    Texte  iiber  die  hl.   Theo- 

phano,  die  Gemahlin  Kaisers  Léo  YI,  Pétersbourg,  1898). 
Zonaras.  Epitome  Historiarum  (Migne,  P.  G.,  CXXXV). 

WoLF  VON   Glanwell.  Kanonessummlung  des  Kardinals  Deusdedit /.  Die 

Kanonessammlung  selbst  (Paderborn,  igoô). 


Ouvrages  consultés 


Xboba,  Fouilles  publiées  par  l'Institut  archéologique  russe  de  Constanlinople. 
Anderson.  The  Campaign  of  Basil  /,  against  the  Paulicians  in  872  (The  Clas- 
sical  Revieiv,  1896,  10). 


SOIRCES  XXVII 

Aldollent.  Les  Veredarii  (Mélanges  d'archéologie  et  dliistoire  de   l'Ecole  de 

Rome,  IX,  1889). 
Bandlri.  Imperiuni  orientale  (Paris,  171 1,  2  vol.). 
Batiffol.    Anciennes  littératures  chrétiennes  ;  la   littérature  grecque  (Paris, 

1897)- 
Bayet.  L'art  byzantin  (Paris,  s.  d.). 
Beijajev.  Byzantina  (Pétersboiirg,  1898,  2  vol.,  on  russe). 

—  La    Clialkoprateia   (Annuaire   de    l'Université   impériale    russe    d'Odessa. 

Partie  byzant.,  1893,  en  russe). 

Bénéciievitcii.  La  Collection  canonique  des  XIV  titres  depuis  le  deuxième 
quart  du  \u'  siècle  jusqu'en  883.  Contribution  à  Thistoire  très  ancienne 
des  sources  juridiques  de  l'Eglise  greco-orientale  (Pétersbourg,  i8o5, 
en  russe). 

Beurlier.  Le  Chartophylax  de  la  grande  Eglise  de  Constantinople.  Compte 
rendu  du  III*^  Congrès  scientifique  international  des  Catholiques  tenu 
à  Bruxelles  du  3-8  sept.  1894.  V^  section,  Scienc.  histor.,  p.  253. 

Beylié  (de).  L'Habitation  byzantine  (Paris,   1902). 

Bock.  Die  byzant.  Zellenschmelze  der  Sammlung  A.  v.  Sioenigorodsko  (Aix-la- 
Chapelle,  1896). 

Bréhier.  Le  schisme  oriental  au  xi*  siècle  (Paris,  1899). 

BooR  (de).  Der  Angriffder  Rhôs  aufByzanz  (Byz.  Zeits.,  IV,  1895). 

hmGHTMxy,  Byzantine  impérial  coronations  (The  journal  0/  theolog.  Stiidies, 
VII,  1901). 

—  Liturgies  eastern  and  western  (Oxford,  189G). 

Brosset.  Collection  d'écrirains  arméniens  {Pcicrshourg,  1874,  t.  I). 
CoNYBEARE.  Thc  Kcy  oftruth.  A  Manuel  of  the  paulician  church  of  Armenia 

(Oxford,  1898). 
CoTELERius.  Ecclesise  grœcœ  monumenta  (Paris,  1677-1686,  3  vol.). 
CoTLARciLC.  Die  Besetzungsweise  des  Patriarchalstuhles  von  Cple  (Archiv.  f. 

Kathol.  Kirchenrecht,  1903). 
CuMONT,    Formule  grecque   de    renonciation    au  judaïsme   (Wiener   Studien, 

XXIV,  1902). 

—  La  Conversion  des  Juifs  à  Byzance  au  i\'  siècle  (Journal  du  ministr.   de 

l'Instruct.  publiq.  de  Belg.,  Bruxelles,  i9o3). 
DiEHL.  Etudes  byzantines  (Paris,  1905). 

—  L'art  byzantin  dans  l'Italie  méridionale  (Paris,  1894). 

—  Figures  byzantines  (Paris,  1905). 

—  L'illustration  du  Psautier  dans   l'art  byzantin  (Journal  des  Savants,   M. 

Juin,  1907). 
Du  Caxge.  Constantinopolis  Christiana  seu  descriptio  urbis  Cpolitanœ.  Familiir 
augustx  byzantinœ  (Historia  byzantina  duplici  commentario   illustrata, 
Paris,  1680). 

—  Glossarium  mediœ  et  infimœ  grœciiatis  (Lyon,  1688). 

Duchesne.  Les  premiers  temps  de  l'Etat  pontifical.  (Revue  d'histoire  et  de 
littéral,  relig.,  1896- 1898). 

—  Origines  du  Culte  chrétien  (Paris,  1898). 

—  Provincial  romain  au  \W  siècle  (Mélang.  d'arch.  et  d'hist.  de  l'Ecole  franc. 

de  Rome,  I,  1904). 


XXVIII  SOURCES 

DuLAUUiEU.  Recherches  sur  la  chronologie  arménienne  (ouvraoc  formant  les 
prolégomènes  do  la  collection  intitulée  :  Bibliotlièqiie  hisloriciue  armé- 
nienne, t.  I,  Paris,  1809). 

DzAVAr.Hov.  Les  réformes  ecclésiastiques  dans  l'ancienne  Géorgie  (action  reli 
gieuse  de  Georges  Svjatogorec  (Journal  du  ministère  de  l'Inslruction 
publique,  février,  1904,  S.  Pétersbourg,  en  russe). 

Erscii  et  Gruber.  Enzyklopadle  der  Wissenschnften  (Leipzig,  1867-18G8). 

EvA>'GELLiDis.  'IjTopta  TT,?  Tpaxs^oûvToç  (Odessa,  1898). 

Fallmerayer.  Geschichte  der  Halbinsel  Morea  (Stuttgart,  i83o-36,  2  vol.). 

FicKER  (Gerhard).  Eine  Sammlung  von  Abschwôrungsformeln  (Zeits.Jur  Kir- 
chengesohichte,  190C,  IV,  t.  XXVII). 

Ferradou.  Des  biens  des  monastères  à  Byzance  (Bordeaux,  189G). 

Friedrich.  Une  lettre  d'Anastase  le  Bibliothéccnre  (Sitzungsberichle  der pJiilos. 
phil.  u.  der  Idst.  Classe  der  Aliad.  der  Wissens.  zu  Mûnclien,  1892, 
Heft  III). 

—  Der  ursprùgliche,  bis  Georgios  Monachos  nur  ttieilweise  erhaltene,  Berictit 

iiber  die  Paulitùaner  (Ibid.,  1896,  I). 
FuNK.  Die  Berûfung  der  ôlionom.  Synoden  des  Altertums  (Histor.  Jahrbucfi  der 

Gôrres  Gesellschaft,  XIII,  1892). 
Gasquet.  L'Empire  byzantin  et  la  Monarcfiie  franque  (Paris,  1888V 
Gay.  L'Italie  méridionale  et  l'Empire  byzantin  (Paris,  1904)- 
Gelzer.  Abriss  der  byzantin.  Kaisergeschichte  (Krumbacher,  Byz.  Lifter.). 

—  Die  Genesis  der  Themenverfassung  (Leipzig,  1899). 

—  Das  Vertiâltniss  von  Staat  und  Kirche  in  Byzanz  (Hist.  Zeitsch.,  t.  LXXXVI, 

1901). 
—  Ungedruckte  und  ungenung  verôjfentliclite  Texte  der  IKotitiœ  episcopatuum 

(Munich,   1901). 
Gerland.  Photios  und  der  AngriJJ  der  Russen  au f  Byzanz  18.  Juni  860  (Neue 

Jatirbiich.ftir  das  Klass.  Altertum,  1908,  XI). 
Gfrorer.  Byzant.  GescJiicliten  (Gratz,  1872-1878,  3  vol.). 
(ioETz.  Gescliichte  der  Slavenapostel  Konstantinus  u.  Metfiodius  (Gotha,  1897). 
Gn.LMANN.  Das  Ristitut  der  Chorbischofe  im  Orient  (Munich,  1908). 
GiNZEL.  Geschichte  der  Slavenapostel  Cyrill  und  Method  und  der  slavisctien 

Liturgie  (Wcnne,  1861). 
Graeven.  Frûhchristliche  und  mittelalterlictie  Elfenbeinwerke  in  ptiolograpli. 

Nacfibildung  (Rome,  1 898-; 900,  2  vol.). 
IIarnack.  Das  karolingische  und  das   byzantiniscJie  ReicJi  in   ilircn    ii^er}if<et- 

seitigen  politischen  Beziehungen  (Gôttingen,  1880). 
Héfelé-Delarc.  Histoire  des  Conciles  (Paris,  1870-1871,  t.  V  et  VI). 
Heimbach.    AvsxooTa  (Leipzig,  i838-i84o,  2  vol.). 
-^  Ersch  u.  Gra/^er  (Leipzig,  1867-18G8,  l.  Sck.  Th.  80,  p.  191). 
IIergenrother.  Ptiotius,  Patriarch  von  Kple,  sein  Leben,  seine  ScJiriJ'ten  und 

das  griech.  Sctiisma  (Regcnsburg,  18G7-O9,  3  vol.). 
Hertzberg.  Gescliichte  der  Byzanliner  und  des  osmnnischen  Reiches  (Berlin, 

i883). 
IIeyd.  Geschichte  des  Levanteliandels  im  Mittelalter  (Stuttgart,  1879,  2  vol.). 
HniscH.  Byzantin.  Studien  (Leipzig,  187G). 
Jaffé.  Regesta  poniificum  romanorum  (Leipzig,  2"  éd.,  i885,  2  voL,  l.  I). 


SOURCES  XXIX 

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J AGER.  Histoire  de  Photius  (Paris,  i854,  2^  édit.). 

Kalligas.  McXirai  xal  'kôyo'.  (Athènes,  1883). 

Kauapet  Ter  MkRTTscm  v\.  Die  PauJikianer  iiii  hyyinf.  Kfiiaerreiche  i].r[[tzig, 

1893). 
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(Paris,  1902). 
KoMx\Kov.  Miniatures  d'an  psautier  grec  du  iv"  siècle  de  la  collect.  Chludov  à 

Moscou  (Moscou,  1878,  en  russe). 
Krumbacher.  Byzantinische  LitteratihV  (Munich,  3"  éd.,  1897). 
KuRTz.  Des  Klerikers  Gregorios  Bericht  iiber  Leben,    Wunderthaten...  der  M. 

Theodora  v.  Thessalonich  (Mém.  de  VAcadém.  impériale  de  S.  Pétersb., 

VIII"  série,  t.  IV). 
Labarte.  Le  Palais  impérial  à  Conslantinople  (Paris,  1881). 

—  Histoire  des  Arts  industriels  au  Moyen-Age  (Paris,    i864-i866,    4   vol.   et 

2  albums). 
Lammer.  Papst  Mcolaus  L  and  die  byzant.  Staatskirche  (Berlin,  1857). 
I.a^glois.  Collection  des  historiens  anciens   et  modernes  de  l'Arménie  (Paris, 

18O9,  t.  II). 
Lapôtre.  L'Europe  et  le  S.  Siège  à  l'époque  carolingienne.  Le  Pape   Jean  VHI 

(Paris,  1895). 

—  De  Anastasio  bibliothecario  (Paris,  1887). 

Laler.  Le  trésor  du  Sancta  Sanctorum  au  Latran  (Mémoires   et  monuments  de 

la  fondât.  Piot  T.  XY,  f.  i  et  2,  1907). 
Lebeau.  Histoire  du  Bas-Empire  (Paris,  1757-1784,  3o  vol.). 
Lebedev.  Le  Clergé  de  l'Eglise,  du  temps  des  Apôtres  au  ix'  siècle  (Moscou, 

1905,  en  russe). 
Léger.  Cyrille  et  Méthode  (Paris,  18G8). 
Lequien.  Oriens  Christianus  (Paris,  17^0,  3  vol.). 
Lethaby  a.  SwAiNSON.  The  Church  of  Sancta  Sophia  Conslantinople  (London, 

1894). 
Lombard.  Constantin  V  (Paris,  1902). 
Lynch.  ,lr7?ie/«i« (Londres,  1901,  3  vol.). 
Marcovic.  Gli  Shwi  ed  i  Papi  (Zagabria,  1897,  3  vol.). 
Maassex.   Geschichte  der  Quellen  und  der  Litteratur  des   canon.   Rechts  iin 

Abendlande  bis  zum  Ausgange  des  Mittelalters  (Graz,  Paris,  1870). 
Marin.  Les  Moines  de  Conslantinople  depuis  la  fondation  de  la  ville  jusqu'à  hi 

mort  de  Photius  (330-898). 

—  De  Studio  cœnobio  Constantinopolitano  (Paris,  1897). 

Marquardt.   De   l'organisation  financière  chez    les    Romains  .(Trad.    franc. 

Paris,  1888,  in  :  Manuel  des  Antiquités  romaines,  t.  X). 
Marquart.  Osteuropxische  und  ostasiatische  Streifzùge  (Leipz\g,  1903). 
Majiti.nov.  La  légende  italique  des  saints  Cyrille  et  Méthode  (Revue  des  Ouest. 

hist.,  i884). 
Mnj.ET.  L'art  byzantin  (in  :  Michel,  Histoire  de  l'Art,  I,  i ). 
Mii.LiXGKN.  Byzantine  Conslantinople.  The  Walls  of  the  city  and  adjaing  his- 

torical  sites  (London,  1899). 
MiTAiii).  Etudes  sur  le  règne  de  Léon  VI  (Byz.  Zeits.  MI,  i9()3;. 


XXX  SOURCES 

MoLiMEi;.  Ilislolre  des  arts  appliqués  à  l'industrie  (Paris,  s.   d.,    \   vol.,  t.  I 

et  IV). 
MoiiDTMANN.  Esquisse  topographique  de  Constantinople  {Lille,  1892). 
MoNMER.  L'  <(  'EztêoX/j  »  {.\ouv.  Revue  histor.  de  droit  jrariç.  etétrang.,  1892, 

189^,  1895). 
MoNTFAUcoN.  Palœographla  grœctt  (Prt'is,  1708). 
---  Dibliotheca  Coislinianad^ans,  i7i5). 

MoRTREUiL.  Histoire  du  droit  byzantin  (Paris,  i843-i8^7,  3  vol.). 
MuRALT.  Essai  de  Clironologie  byzantine  (  Pétersbourg,  i855,  2  vol.). 
Xelmann.  La  situation  mondiale  de   l'Empire   byzantin    avant   les   Croisades 

(Trad.  franc.  Paris,  1905). 

—  Die  byzantin.  Marine  {Historisctie  Zeitsclirift,  1898,  t.  II). 

Nisse.n.  Die  Regelung  des  Ktosterwesens  im  Rtmmerreiche  bis  zum  Ende  des 

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—  La  propriété  rurale  à  Byzance.  La  loi  agraire  et  Its  actes  des   monastères 

(Bulletin,  IX,  i  cl  2,  1904,  en  russe). 
Pargouœ.  L'Eglise  byzantine  de  527-84r7  (Paris,  1905V 

—  Ilieria  (Bulletin  de  l'Institut  archéol.  russe  de  Constantinople,  IV.  2,  1899). 

—  Le  Monastère   de  S.  Ignace  et  les  cinq  plus  petits  îlots  de  l'Archipel  des 

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—  Les  SS.  Manias  de  Constantinople  (Ibid.,  IX,  3,  i9o'i). 

—  Les  Monastères  doubles  (Ech.  d'Orient,  Janv.  1906). 
Palmieri.  Studiosi  religiosi,  t.  I  et  II,  1900-1902. 
Paspati.  Bj!;avTtval  [xeAéTai  (Constantinople,  1877). 

Petit.  Arménie  (Dictionnaire  de  théologie  catholique  de  Vacant). 

PiciiLER.  Geschichte  der  kirch.  Trennung  zwischen  Orient  u.   Occident  (Mu 

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Ralli   et    Potli.    ÏJvTayua  twv  6c{ojv  -/.al  'cowv  xavovwv  (Athènes,     i852-i8.')9, 

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Rambaud.  L'Empire  grec  au  \''  siècle.  Constantin Porphyrogénète  (Paris,  1870). 

—  De  byzantino  hippodromo  et  circensibus  factionibus  (Paris,  1870). 

—  Le  Sport  et  V Hippodrome  à  Constantinople  (Revue  des  Deux  Mondes,  187 1, 

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Ramsay.  The  historical  Geograptiy  of  Asia  Minor  (London.  1890). 

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SOLUCES  XXXI 

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Sai.zenbeug.    Altchristliche    Boude nkmâler   von  Kple   roni  V  hh  XII   Jafirh. 

(Berlin,  iSôV). 
Sc.iiiAMBEUGEn.  Sigillographie  de  l'Empire  byzantin  (Paris,  «881). 

—  L'Epopée  byzantine  (Paris,  189G-1905,  3  vol.). 

—  Mélanges  d'archéologie  byzantine  (Paris,  1895). 

—  L'île  des  Princes  (Paris,  i884). 

SciiAiBE.  Ilnndelgeschichte  der  romanischen  \6lker  des  Mittelmergebietes  bis 

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.SciiCLz.  Der  byzantin.  Zellenschnielz  (Francfort,  1890). 
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(Gonstantinopic,  190'!  ). 
SkABALANOvic.   L'Eglisc  et  l'Empire  byzantins   au  vi"  siècle  (Pctersb.,   i88/j, 

en  russe). 
SokOusKij.  Dn  caractèreet  de  l'importance  de  l'Epanagoge  (\  iz.  Vrem.l,  189I, 

en  russe). 
SoKOLOv.  Le  droit  de  propriété  dans  l'Empire  greco-romain  (Moscou,  189O, 

en  russe). 

—  L'élection  des  Patriarches  à  Byzance,  de  ta  moitié  du  IX"  siècle  à  la  moitié 

du  XV''  (843-i45li)  (Pétersbourg,  1907,  en  russe). 
Stk/ygowsm.     Die     byzant.     Wasserbehâlter    in    Kple    (Byz.    Denkeni.,    H, 
Vienne,  1898). 

—  Die  Miniaturen  desserbischen  Psalters  der  kônigl.  Hof  und  Staatsbibliothek 

zu   Mûnchen  (Denkscliriften  der  Wiener  Akademi-^,  Ph'd.   Ilist.   Classe, 
t.  LIÏ,  II,  Th.  Wien,  1906). 

—  Ineditn  der  Architektur  und  Plasfik  aus  der  Zeit  Basilioi  I,  8t)7-S8r>  iliy:. 

Zeit.,  III,  1894). 
Testald.  Des  rapports  des  puissants  et  des  petits  propriétaires   ruraux   dans 

l'Empire  byzantin  au  V  siècle  (Bordeaux,  1898). 
TiioPDsciuAN.  Die  inneren  Zustànde  von  Arménien  unter  /{sot  /(Hall,  1904). 

—  Politische   und  Kircliengeschiclite  Arméniens    unter   Asot  1  und   Smbat  I 

(Berlin,  i9o5). 
TikkANEN.  Die  Psaller  Illustration    im  Mittelaller  {ReXs'mgïors,  1890). 
TouHNEBizE.  Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Arménie  (Revue  de   l'Orient 

chrétien,  igoS). 
Lngeu.  Quellen  der  byzant.  Kunstgesciiictite  (Mcnnc,  1878). 
^  AiLiiÉ.  Bulgarie  (Art.  du  Dictionn.  de  Théolog.  cathol.  Vacant). 

—  Constantinople  (IV"=    Concile  et  Eglise)  (Dict.  de  Tliéol.  Cath.  \  acant). 
Vari.  Zur  Ueberlieferung  mlttelgriechischer  Taktiker  (Byz.  Zeits.,  1906). 
Vasiukv  (A.).  Anecdota  grœco-byzantina,  I  (Moscou,  1898). 

—  Byzance  et  les   lra(>es  (Pétersbourg,  1900  1902,  a  vol.,  en  russe. 

—  Les  origines  de  l'Empereur  Basile  le  Macédonien  (Vizantijski  Vrcnicnik, 

t.  \lî,  1905,  en  russe). 
Vasiljevskij.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  intérieure  de  l'Empire  byzantin 
(Journ.  du  minist.  del'Inst.  publùp,  1879-1880,  vol.  202  et  210,  en  russe). 

—  Défense  de  l'auttienticité  de  la  «  Vita  Ignatii^-»,  écrite  par  un  contemporain  et 

par  JSicetas(\iz.  Vrem.  VI,  1899.  Réponse  aux  objections  de   M.  Papa- 
dopoulo  Keraineus.  en  russe». 


XXXII  SOURCES 

Wkil.  GeschicJde  der  Chalifcn  (Stuttgart,  i8'|6-i862,  5  vol.). 
ANuLFF.  Die  Koimesiskirrhe  in  Xiciia  iind  ihre  Mosaïkcn  (Strasbourg,  icfo'i). 
Zaciiari^    von  LiNGKNTHAL.    Historiœ   juris    grn^co-romani  delineatio  (Hci- 
delberg,  1889). 

—  Gesckickte  des  griechisch-rômisdien  Rechfs  (Berlin,  1893,  3  Aiifl.). 

—  Zur  Kenntniss   des   rômischen  Steuerwesens   in  der  Kaiserzeit  (Méni.  de 

l'Acad.  impér.  des  Sciences  de  Pétersb.  \I,  9,  VIP  sér.,  i863). 

—  leber  den    Verfasser  und  die  Quellen  des  (Pseudo-Photianischenj  I\omo- 

cnnon  in. XIV  Titeln  (Méni.  de  l'AccicL  des  Sciences  de  S.  Pétersb.  VIP  série, 
t.  XXXII,  16,  i885). 

—  Ziwi  MHiidrgesetz  des  Léo  (By:.  Zeits.,  11,  1893). 

ZiiisHMAN.  Die  Synoden  und  die  Episkojml  Aender  in  der  morgenlând.  Kirche 
(Vienne,  1867). 

—  Das  Slifterrechi  in  der  monjcnl.  Kirche  (\icnne,  i888j. 


l'jUNCH^Al  \    PÉHIODIOLES    UTILISÉS 


Die  Abhandhingen  der  philos,  philol.  (dnsse  der  h.  bayer.  Akndemie  der  Wii 

sensclinfl  (Munich), 
Anoh'cta  Bollandiana  (Bruxelles). 
Archir  fiir  slaviscite  PItilologie  (Berlin). 
Byzantinische  Zeilschrift  (Munich). 
Echos  d'Orient  (Constantinople). 
Joiinud  asiatique  (Paris). 

Journal  du  Ministère  de  V Instruction  publique  (Pétersbourg). 
Journal  des  Sar^ants  (Paris). 
Oriens  Cltristianus  (Rome). 
Revue  d'Arcfiéologie  (Paris). 
Revue  de  l'Orient  cfirétien  (Paris). 
Revue  des  Etudes  greccjues  (Paris). 
Revue  de  Numismatique  (Paris). 
RômiscJie  Quartal^clirift  (Rome). 

SitZungsberichte  der  k.  bayer.  Akademie  der  WissenscJtaften  (Munich). 
Recueil  de  la  Société  orthodoxe  de  Palestine  (Pétersbourg). 
Vizantijskij  Vremenik  (Pétersbourg). 


BASILE  I 

ET 

L'EMPIRE  BYZANTIN  A  LA  FIN  DU  W  SIECLE 


LIVRE      I 


CHAPITRE     PREMIER 

LEMPlllE    B\ZAMI>,    DE    LA    MORT    DE    THÉOPHILE    A    LA    RETRAITE 
DE    TIIÉODORA    (842-846). 

Le  20  janvier  84:^,  un  long  cortège  conduisait  aux  SS.  Apôtres 
les  restes  de  l'Empereur  Théophile  qui  venait  de  mourir  de  la 
dysenterie,  laissant  pour  unique  héritier  un  enfant  âgé  de  trois 
ans^.  Malgré  ses  fautes  et  ses  erreurs,  le  règne  de  Théophile 
n'avait  manqué  ni  de  grandeur,  ni  d'éclat.  Il  s'en  allait  laissant 
à  sa  femme  Théodora  et  à  son  fils  Michel  un  pouvoir  fort  et  res- 
pecté, des  finances  prospères,  une  administration  sage  et  réglée 
et  la  paix  aux  frontières  de  TEmpire.  Une  seule  question  sérieuse 
était  demeurée  sans  solution,  question  toujours  grosse  de  dilTi- 
cullés  et  d'orages,  voire  même  de  révolutions  :  la  question  reli- 
gieuse. Eranchement,  ouvertement,  Théophile  avait  été  icono- 
claste et,  au  dire  des  chroniqueurs,  cruel  dans  la  persécution. 
Le  clergé  orthodoxe  —  les  moines  surtout  —  eut  à  souffrir 
pour  sa  foi.  Evêques,  prêtres  et  religieux  furent  chassés  de  leurs 
églises  et  de  leurs  monastères,  envoyés  en  exil,  torturés,  mis 
à  mort.  Sur  le  trône  patriarcal,  l'Empereur  avait  fait  monter 
un  homme  tout  dévoué  à  ses  croyances,  intelligent  et  inslruil, 

1.  Tlicopli.  Coiil.,  17/.  Midi.,  th.  m.,  p.  l'n 


2  BASILE    I 

mais  de  mauvaise  réputation  :  le  patriarche  Jean  et  tout  cela, 
semble-t-il,  contre  le  vœu  des  populations  qui  restaient  secrè- 
tement atlacliées  au  culte  des  images.  Là  était  pour  la  régente 
et  son  fils  le  point  noir  de  la  situation  et  le  véritable  danger. 

L'Impératrice  (jui  prenait,  à  cette  heure,  les  rênes  du  gou- 
vernement était  une  femme  de  tête  :  intelligente,  capable  de 
grands  desseins  et  d'audacieux  projets  qu'elle  savait  réaliser, 
avant  tout  habile  administratrice.  Née  d'une  famille  de  fonc- 
tionnaires paphlagoniens,  elle  avait  épousé,  peu  après  la  mort 
de  Michel  II  d'Amorion,  le  jeune  Empereur  Théophile  ^  Tout 
entière  à  ses  devoirs  d'épouse  et  de  mère,  elle  ne  semble  pas 
avoir  joué  grand  rôle  politique  du  vivant  de  son  mari  qui,  sans 
doute  du  reste,  ne  l'eût  pas  toléré  ;  mais  elle  dut  observer  et, 
tenace  comme  elle  Tétait,  profiter  des  leçons  qu'elle  pouvait 
recueillir  au  fond  de  son  gynécée  impérial.  Personne  n'ignorait, 
en  effet,  que  Théodoia  comme  sa  famille  était  restée  fidèle 
((  iconodoule  ».  Théophile  lui-même  savait  que  sa  femme  pos- 
sédait des  icônes  qu'elle  vénérait  et  baisait  en  secret-  :  il  n'igno- 
rait pas  même  qu'elle  élevait  avec  soin  ses  enfants  dans  l'amour 
du  culte  défendu,  et  qu'en  cela,  elle  était  aidée  par  sa  belle- 
mère  elle-même,  l'impératrice  Euphrosyne.  Il  s'en  fâchait  : 
interdisait  les  visites  au  monastère  de  Gastria  -^  :  jurait  de  punir 
sévèrement  les  transgresseurs  de  ses  lois  ;  mais  c'était  bien  eji 
vain.  Les  images  continuaient  à  être  honorées  au  palais  impé- 
rial, grâce  à  riiabileté  de  Théodora,  qui,  patiemment,  attendit 
des  jours  meilleurs. 

Déjà  aussi  apparaissait  chez  l'impératrice,  si  du  moins  il  faut 
en  croire  les  chroniqueurs,  ce  goût  pour  les  spéculations  finan- 
cières et  ce  perpétuel  souci  d'augmenter  sa  fortune  qui  fut  un 
des  traits  caractéristiques  de  son  gouvernement.  La  légende 
rapporte  même,  qu'elle  avait  des  bâtiments  de  commerce  qui 
sillonnaient  les  mers  à  son  profit  et  qu'un  jour.  Théophile 
apprit  à  son  grand  étonnement  qu'un  magnifique  vaisseau  qui 
venait  d'entrer  dans  le  port  et  qu'il    a\ait  remarqué  était  la 


I.  Theoph.  Goni.,  Vit.  Theopli.,  ch.  v,  p.  lo;  ;  Syiii.  Mag.,  ibid.,  cli.  i. 
p.  685  ;  Georg.  Moine,  col.  1008. 

3.  Theoph.  Coni..  ibid.,  ch.  v,  p.  ioA-io5  ;  Syiii.  Mag.,  ibid.,  ch.  vi,  p.  689; 
Cedrenus,  i,  col.  988-989. 

3.  Theoph.  Cont.,  ibid.,  ch.  v,  p.  10^  io5  ;  Syni.  \hig.,  ibid.,  cli.  m,  G89  ; 
Cedrenus,  i.  col.  988-989. 


i;i     1.  KMPIUE    BVZAMIN  .> 

possession  de  la  Basilissa  elle-même.  Celait  là  pour  un  B\zantin 
une  inconcevable  dérogalion  à  la  dignilé  impériale.  Il  se  rendit 
donc  le  lendemain  au  port,  fît  décharger  le  navire  et  ordonna, 
à  la  grande  colère  de  Théodora  qui  fut  pour  ce  fait  sévèrement 
admoneslée,  de  melire  le  l'eu  à  la  cargaison,  o  Jamais  jusqu'ici, 
dit-il,  on  n'avait  vu  un  empereur  romain  faire  métier  de  négo- 
ciànl^  ».  Vraie  ou  fausse,  cette  histoire  peint  en  pieds  l'impéra- 
Irice  qui  allait,  durant  près  de  quinze  ans,  gouverner  l'Empire 
comme  tutrice  de  Michel  111. 

Aces  rares  qualités  de  l'intelligence,  Théodora  joignait  aussi 
celles  du  cœur.  Très  attachée  à  son  mari  qu'elle  pleura  et 
regretta  longtemps,  on  la  vit,  dès  les  premiers  jours  de  son  gou 
vernemenl.  liésiter  entre  la  sagesse  politique  et  les  promesses 
qu'elle  avait  faites  à  Théophile  à  l'heure  de  sa  mort.  Son  souve- 
nir l'accompagna  au-delà  de  la  tombe  et  c'est  un  spectacle  bien 
byzantin  que  celui  de  cette  femme,  maîtresse  du  plus  grand 
empire  alors  existant,  s'humilier  devant  de  pauvres  moines 
comme  devant  de  puissants  évéques  pour  obtenir  de  ceux  a  qui 
détiennent  sur  terre  les  clefs  du  paradis  »  la  rémission  des 
fautes  terrestres  de  son  impérial  époux.  On  essaya  bien,  en 
vérité,  de  jeter  plus  tard  sur  la  conduite  de  la  veuve  quelques 
légers  soupçons  ;  mais  quand  on  songe  à  la  facilité  avec 
laquelle  les  chroniqueurs  racontent  tous  les  bruits  qui  circu- 
laient de  leur  temps  sur  les  mœurs  privées  des  souverains, 
quand  on  songe,  par  ailleurs,  à  la  conduite  de  la  plupart  des 
basilissai  qui  s'assirent  sur  le  trône  impérial,  de  la  première 
Théodora  à  Zoé  en  passant  par  Théophano.  on  ])eut  négliger, 
ce  semble,  ces  racontages  intéressés  pour  reconnaître,  qu'en 
somme,  la  femme  de  Théophile  resta  fidèle  à  la  mémoire  de 
son  époux.  Du  reste.  Théodora  était  trop  lière  de  caractère,  trop 
religieuse  aussi  pour  s'abaisser  ainsi  à  de  vulgaires  amours.  On 
le  vit  bien  à  la  mort  de  Théoctistos,  son  premier  ministre. 
Autoritaire  et  vindicative,  sa  colère  fut  grande  contre  les  meur- 
triers, car  elle  se  rendait  com|)te  que  par  derrière  l'autorité  du 
ministre  cpi'on  brisait,  c'était  la  sienne  jiropre  qu'on  attaquait. 
Comme  une  fois  déjà,  à   propos  du   patriarche  Jean,   elle  ne 

I.  Cedreiius,  p.  985.  Tlicopli.  (.'ont.  lit.  Tlieoph.,  i\,  loi-io^.  Cette  histoire 
a  un  intérêt  tout  particulier  parce  qu'elle  tend  à  montrer  qu'aux  débuts 
du  IX"  s.  le  monopole  de  l'Etat  sur  la  vente  du  blé  élabli  par  Jusiinien, 
élait  alors  tondx'  en  désuétude. 


^  BASILE    I 

recula  pas  dc\aiit  les  moyens  violents  pour  perdre  son  i'rère 
Bardas  ;  mais  quand  elle  vit  qu'il  était  inutile  de  résister,  elle 
descendit  noblement  du  trône,  ne  voulant  pas  troubler  davan- 
tage l'Empire  et  voir,  à  cause  d'elle,  couler  le  sang  de  ses  pro- 
pres sujets  ^ 

A  côté  de  l'Impératrice,  Théophile  mourant  avait  eu  soin  de 
placer  un  conseil  de  tutelle.  Sans  doute  la  situation  générale 
était  assez  bonne  et  l'empire  suffisamment  affermi  pour  qu'on 
n'eut  pas  à  craindre  les  agitations  révolutionnaires  qui.  d'ordi- 
naire, troublaient  si  profondément  à  Byzance  toutes  les  mino- 
rités. ^éanmoins.  Théophile  avait  pris  ses  précautions.  Avant 
sa  mort,  il  avait  demandé  solennellement  au  Sénat  et  à  tous 
les  grands  dignitaires  de  la  cour  de  reconnaître  la  régence  de 
sa  femme  et  de  respecter  l'enfance  de  son  fds,  comme  aussi  de 
continuer  à  proscrire  les  images  et  de  maintenir  Jean  sur  le 
trône  patriarcal.  Mais  cela  ne  pouvait  —  et  à  juste  titre  —  lui 
paraître  suffisant.  Il  choisit  donc  son  premier  ministre,  le 
logothètc  Théoctistos_,  le  magistros  Manuel,  et  Bardas,  frère- de 
la  régente,  pour  aider  Théodora,  la  diriger  dans  le  maniement 
des  affaires  de  l'Etat  et  l'empêcher^,  comme  il  le  pressentait,  de 
donner  à  ta  politique  de  la  maison  phrygienne  une  nouvelle 
direction.  La  jeune  Impératrice  pouvait  cependant  se  passer  de 
conseillers.  Elle  était  assez  intelligente  et  assez  habile  pour  gou- 
Acrner  toute  seule.  Elle  le  prouva  bientôt.  Du  reste.  Tliéoctistos 
était  un  homme  médiocre.  Général  infortuné,  il  n'était  guère 
plus  heureux  diplomate  :  mais  c  était  un  souple  instrument 
entre  les  mains  de  la  régente.  Elle  le  garda  donc  et  rapidement 
sa  fortune  alla  grandissant.  Fidèle  à  l'impératrice,  celle-ci  pou- 
vait agir  par  elle-même,  sûre  qu'il  n'entraverait  pas  ses  des- 
seins et  qu'il  approuverait  tous  ses  actes  ;  aussi,  malgré  les 
colères  et  les  haines  que  ses  défaites  répétées  et  en  Crète  et  en 
Asie-Mineure  lui  avaient  justement  méritées  à  Constantinople, 
Théodora  conserva-t-elle  son  logothète  et  s'appuya-t-elle  cons- 

I.  Thcoph.  Coiit.j  Mt.  Midi,  \x,  p.  i83  ;  Sjiii.  Mag.,  \iii,  p.  720;  Cedrcnus, 
p.  io44- 

'2.  Theoph.  Cont.,  Ml.  Mich.,  i,  p.  i64  ;  (îcnesios  et  Cedrcnus  ne  nom- 
ment pas  Bardas  ;  mais  à  voir  l'importance  de  son  rôle  au  début  du  règne 
de  Michel,  il  semble  bien  que  la  continuation  de  Theophane  a  raison  de  le 
nommer  parmi  les  tuteurs  dujeune  souAcrain.  LaChroni([uc  dite  de  Siméon 
Ma^nst.,  f.éon  Granun.,  (leorg.  Moin(^  Tonl  même  mourir  Manuel  avant 
Théophile. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


tammcnt  sur  lui.  De  conseiller,  il  devint  confident  et  tandis  que 
les  autres  tuteurs  de  Michel,  plus  gênants  par  leurs  capacités 
mêmes,  se  voyaient  relégués  au  secoud  plan,  Théoctistos,  lui, 
entrait  si  bien  et  si  à  fond  dans  rartection  de  la  régente  que  le 
jourviid  où  sa  présence  continuelle  à  la  cour  fut  jugée  néces- 
saire. Des  appartements  spéciaux  lui  furent  réservés,  une  garde 
lui  fut  donnée  et  sa  faveur  s'étala  assez  ostensiblement  pour 
que  les  méchantes  langues  fissent  courir  le  bruit  qu'une  union 
illicite  s'ébauchait  entre  l'impératrice  et  son  premier  ministre, 
prélude,  évidemment,  d'un  mariage  qui  donnerait  le  trône  à 
Théoctistos  au  détriment  du  souverain  légitime  ^ 

On  ne  comprendrait  guère  cette  imméritée  faveur  donnée  à 
Théoctistos  par  une  femme  aussi  clairvoyante  que  l'était  Théo- 
dora  sans  l'hypothèse  qu'elle  y  trouvait  son  avantage  pour 
gouverner  plus  librement.  Car  si  Théoctistos  était  un  incapable, 
toujours  prêt  à  approuver,  certes  il  n'en  allait  pas  de  même 
du  magistros  Manuel.  Sous  le  règne  de  Théophile,  il  s'était 
couvert  de  gloire  dans  les  campagnes  militaires  qu'entreprit 
l'Empereur  contre  les  Perses  et  les  Sarrasins.  Par  deux  fois,  il 
avait  sauvé  son  maître'-,  grâce  à  sa  valeur  et  à  son  énergie,  et 
il  avait  donné  aussi  trop  de  preuves  de  son  dévouement  à 
l'ordre  établi  pour  être  suspecté  d'ambitions  impériales.  Déjà 
âgé  quand  Théophile  mourut,  il  avait  courageusement  refusé 
la  couronne  que  le  peuple,  par  ses  acclamations,  voulut  lui 
offrir^  et  sa  parenté  avec  Théodora  devait,  ce  semble,  lui  ouvrir 
toutes  grandes  les  portes  du  palais.  Ce  fut  cependant,  le  con- 
traire qui  arriva.  Seul,  il  résista  d'abord  au  désir  qu'avait 
l'impératrice  de  rétablir  les  images^  et,  peut-être  bien,  faut-il 
voir  là  la  raison  de  sa  retraite  presque  immédiate.  Tandis  que 
l'influence  de  Théoctistos  grandissait,  la  sienne  diminuait.  Le 
premier,  il  dut  quitter  la  cour  pour  aller  habiter  sa  maison 
près  de  la  citerne  d'Aspar  et  ne  vint  plus  au  palais  que  lorsque 
les  affaires  de  l'Etat  le  réclamaient.  Sa  demi-disgràce  dura 
jusqu'à  sa  mort  qui  précéda  celle  de  Pétronas  à  très  courte 
distance  5. 

1.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  ch.  xix,  p.  i84.  Genesios,  iioi. 

2.  Lebeau,  Histoire  du  Bas  Empire,  xiv,  p.  472  et  493. 

3.  Cedreiius,  1024.  Genesios,  p.  1089. 

A.  Cedicnus,  1024  ;  Tlieoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  i,  p.  i04  ;    Genesios,   1092. 

5.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Midi.,  xviii,  p.  i84;  xxv,  p.  i97,Cedrenus,  io4o,  io4i, 

1049;  Genesios,  iioi.  Il  accompagna  cependant  Miciiel  dans  sa   caiiipagne 


b  BASILE    I 

Mais  rhommc  qui.  bientôt,  allait  devenir  le  Aral  maître  de 
l'Enlpire  était  le  frère  de  l'impératrice.  Bardas.  Par  l'intelli- 
gence,  Bardas  était  supérieur  à  tous  ceux  qui  l'entouraient.  Ses 
ennemis  eux-mêmes  s'accordent  à  reconnaître  en  lui  '  un  habile 
diplomate,  très  versé  dans  les  afïaires.  très  au  fait  de  l'admi- 
nistration, énergique  et  volontaire  à  l'égard  de  sa  sœur.  Les 
qualités  militaires  lui  manquaient,  en  vérité  ;  mais  il  avait  pour 
le  servir  son  propre  frère.  Pétionas  -,  et  plus  tard  son  fils, 
Antigone,  qu'il  créa  domestique  des  scholes  -^  l'un  et  l'autre, 
sans  doute,  destinés  à  l'aider  dans  ses  ambitieux  projets.  Mal- 
heureusement, si  brillantes  que  fussent  ces  qualités,  elles  étaient 
gâtées  et  neutralisées  par  une  com[)lète  absence  de  sciupule 
moral  et  c'est  ce  qui  le  perdit.  De  bonne  heure  son  plan  fut 
probablement  arrêté.  Laissant  à  Théoctistos  le  soin  de  se  perdre 
en  allant  sur  les  champs  de  bataille  i-ecueillir  des  défaites  et  à 
Pétronas  le  soin  de  lui  prépaier,  par  Tannée,  le  chemin  du 
trône,  il  résolut  de  s'insinuer  dans  l'espjit  de  son  faible  neveu 
en  flattant  ses  instincts  mauvais  et  sa  vanité  d'adolescent.  Lui 
aussi  fut  jugé  gênant  au  début  de  la  régence  et  exilé  de  la  cour; 
mais  il  avait  des  moyens  d'arriver  à  l'oreille  de  l'enfant  et. 
par  l'intermédiaire  de  son  ami  Damianos  *,  il  renti*a  peu  à  peu 
en  faveurs  et  revint  à  la  coui'.  Dès  lors  la  voie  était  pour  lui 
tout  indiquée.  Il  fallait  évincer  Théoctistos  et  Théodora,  décla- 
rer Michel,  majeur,  et  [)rendre  la  place  delà  régente  pour  de 
là  se  hisser  sur  le  trône.  Peut-être  l^aidas  aurait-il  réussi  dans 
son  dessein  si,  d'une  part,  il  n'avait  trouvé  sur  sa  route  le 
jeune  paysan  qui  allait  être  Basile  l^',  et  si,  de  l'autre,  il  ne 
s'était  pas  aliéné  beaucoup  de  sympathies  par  son  immoralité 
même.  Car  sa  sage  administration  —  en  dehors  toutefois  de  la 
question  financière  —  son  amour  de  la  justice^,  son  zèle  pour 
les  choses  de  l'esprit  **  ne  pouvaient  pas  contrebalancer  l'impres- 


d' Asie  en  858  et  le  sauva  du  uiilieu  des  ennoniis.    (Th.  Gont.,    ] //.    Mich., 
ch.  XXIV,  19S,  XXV,  197.) 

1.  Vit.  Ignat.,  p.  5o4. 

2.  Gcdrenus,  lo^o  et  io48  ;  Theopb.  Coni.,  Vil.  Mich.,  \vi,  181. 

3.  Theoph.  Gont.,  Vit.  Mich.,  \xv,  198  ;    Sym.    Mao-.,   xxni,   726  ;   (îeorg. 
Moine,  1049. 

\.  Sym.  Mag.,  xui,  730  ;  Léon  Gramni.,  1068  ;  Georg.  Moine,  igAô. 

5.  Gedrenus,  p.  io56.  Theoph.  Gont.,  Vit.  Mich.,  xxx,  308. 

6.  Gedren.,  p.  io.'i9-io53.  Geiiesios,  luC)  ;  Theoph.  Gonl.,  Vil.  Mich.,  xxvi, 
p.  200. 


Il      I    KMPIRE    BYZANTIN  - 


sion  fàcheiiso  que  raisaioul  dans  tous  les  milieux  ses  relations 
avec  sa  propre  belle-tîlie,  comme  la  persécution  odieuse  qu'il 
souleva  contre  le  vénéré  patriarche  Ignace.  Néanmoins,  grâce 
à  son  habileté  et  à  sa  perfidie,  au  moment  où  Basile  le  Macé- 
donien apparaît  à  la  cour,  Bardas  est  sur  le  chemin  du  trône  et 
sappréle  à  renverser  sa  sœur  l'Impératrice  de  concert  avec  son 
neveu  Michel. 

S'il  est  un  reproche  qu'on  peut  adresser  à  Théodora  c'est  bien 
celui  d'avoir  étrangement  négligé,  semble-fil,  l'éducation  morale 
de  son  fils.  De  bonne  heure,  elle  le  confia  à  un  pédagogue  taré  * 
qui  n'eut  pas  de  peine  à  éveiller  tous  les  mauvais  instincts  d'un 
enfant  qui.  naturellement  déjà,  n'avait  guère  de  qualités.  La 
légende,  en  vérité,  raconte  bien  que  l'Impératrice  fit  venir  à 
Constantinople  pour  le  donner  comme  compagnon  à  son  fils, 
le  futur  apôtre  des  Slaves.  Constantin-Cyrille  :  mais  outre  que  le 
fait  paraît  très  invraisemblable  -,  ce  n'est  pas  la  compagnie  de 
ce  pieux  et  chaste  jeune  homme  qui  aurait  pu  contrebalancer 
les  détestables  leçons  de  ses  maîtres  et  les  exemples  plus  déplo- 
rables encore  des  jeunes  gens  qui  entouraient  Michel.  De  bonne 
heure,  en  eftet,  tout  un  groupe  de  «  jjLaAaxo'.  n  s'attacha  aux  pas 
du  souverain  et  flatta  ses  plus  basses  passions.  Faible  et  insou- 
ciant par  nature,  il  préférait  les  chevaux,  les  jeux,  la  chasse, 
au  dur  travail  qui  devait  le  préparer  à  continuer  l'œuvre  de  sa 
mère-^  L'hippodrome  avait  pour  lui  des  charmes  tout  particu- 
liers et.  jusqu'à  son  dernier  jour,  on  put  revoir  à  Byzance  les 
scènes  scandaleuses  qui  déshonorèrent  la  Rome  de  Néron  :  un 
empereur  conduisant  des  chars  aux  cris  de  joie  de  l'assistance 
et  faisant  des  cochers  et  des  lutteurs  en  renom  son  habituelle 
compagnie.  Naturellement  ses  mœurs  privées  étaient  au  niveau 
de  ses  occupations  favorites.  Dès  l'âge  de  quatorze  à  quinze  ans 
environ,  il  avait,  indépendamment  de  son  cortège  de  favoris, 
ime  maîtresse  qui.  plus  tard,  devint  célèbre  en  montant  sur  le 
trône  :  Eudocie,  Ingerina.  Théodora,  pour  rompre  cette  union 
illicite,  dut,  sur  l'avis  de  Théoctistos,  marier  au  plus  vite  son 
fils  avec  une  autre  jeune  fille  de  meilleure  réputation  :  Eudocie, 


1.  Thcoph.  Conl.,  l //.  Midi.,  \i\,  i84  ;  Ccdrcnus,  lo'ti. 

3.  Kn  8^3,  en  ofTet,  Constantin  avait  déjà  une  quinzaine  d'années  environ. 
(Marlinov,  Rev.  des  Quest.  Ilist.,  juillet  l88^,  p.  i^a,  note  a). 

3.  Cedrenus,  io44  ;  Geor^*^.  Moine,  1087;  Sym.  Mag.,  ix.  p.  710;  \iv,  7'io. 
Tlieoph.  Cont..  }  it.  }firh..  wt.  j).  iSr)-i88.  l<éon  (îrannn..  ]).  loCti, 


BASILE 


fillc  (lu  Décapolite  ^  ;  mais,  pour  autant.  Michel  ne  fut  pas 
assagi.  Ses  nuits  de  débauche  contiiiuèrent  comme  par  le  passé, 
Il  s'enivrait  jusqu'au  matin,  parodiait  avec  ses  amis  Gryllos, 
Théophile  et  autres  les  cérémonies  religieuses  qu'il  transfor 
mait  en  scènes  ordurières,  puis,  allait  courir,  nuitamment,  les 
rues  de  Byzance  pour  effrayer  de  paisibles  passants.  Le  jour 
même,  on  le  voyait  parfois  escorté  de  ceux  qu'il  appelait  a  ses 
évêques  et  ses  métropolitains  »  odieusement  travestis,  partir  à 
la  rencontre  des  processions  religieuses,  jeter  le  trouble  et  le 
scandale  parmi  les  fidèles,  disperser  et  maltraiter  les  groupes 
pieux  à  la  tête  desquels  se  trouvait  le  patriarche.  D'autres  fois, 
au  contraire,  il  se  plaisait  à  arrêter  de  pauvres  femmes  et  «  pour 
faire  comme  le  Christ  »  les  obligeait  à  le  recevoir  à  dîner  ^. 

Telle  était  cette  cour  de  Byzance  aux  environs  de  856.  Sauf 
Théoctistos  qui  se  trouvait  être  un  étranger,  les  autres  membres 
du  gouvernement  central  étaient  tous  —  chose  très  remarquable 
—  parents  de  Théodora.  Manuel  était  son  oncle,  Bardas  et  Pétro- 
nas,  ses  frères,  Antigone.  son  neveu,  Théophylitzès,  un  des 
plus  grands  seigneurs  de  TEmpire,  son  cousin^.  Il  ne  pouvait 
guère  se  faire,  dans  de  telles  conditions,  que  des  compétitions 
nombreuses  ne  se  produisissent  pas,  qui  fatalement  devaient 
enrayer  la  bonne  administration  de  l'Empire.  Et  c'est  de  fait  ce 
qui  arriva.  Dès  le  premier  jour  de  la  régence  de  Théodora,  la 
lutte  s'engagea  entre  ces  frères  ennemis  et  se  poursuivit  jusqu'à 
la  retraite  de  l'Impératrice.  Théoctistos  tout-puissant  n'eut  rien 
de  plus  pressé  que  d'éloigner  Manuel,  Bardas,  Pétronas  pour 
gouverner  seul  avec  la  régente  ;  puis,  insensiblement,  les  ambi- 
tieux essayèrent  de  rentrer  en  grâce  et  Bardas,  en  s'appuyant 
sur  son  neveu,  tout  comme  Théoctistos  s'appuyait  sur  Théo- 
dora, finit  par  être  assez  puissant  pour,  à  son  tour,  évincer 
Théoctistos  jusqu'au  moment  où,  de  la  même  manière,  Basile 
le  supplantera  définitivement.  Cependant  Théodora  fut  assez 
forte  pour  brider,  durant  quelques  années,  cette  anarchie  inté- 

1.  Georg.  Moine,  1087  ;  Sym.  Mag.,  ix,  716,.  Léon  Gramm.,  1061.  Nous 
connaissons  un  questeur  qui  porta  le  même  nom,  Théodore  Décapolite  à 
l'époque  de  Constantin  Ml. 

2.  Vit.  Ignat.,  p.  528  ;  Vit.  Basil.,  xx  et  xxi,  p.  207-260  et  seq.,  Sym.  Mag., 
xvn  et  seq.,  p.  721  et  seq.  Le  souvenir  de  ces  débauches  frappa  si  fort  les 
contemporains  que  le  souvenir  en  est  arrivé  jusqu'au  Concile  de  870,  can.  iG 
(Mansi,  xvi,  p.  1O9). 

'^.  Vit.  Basil.,  \,  2.'|0. 


Il      1     IMPIIIK     inZANTIN  () 

rioiiro  cl.  soit  au  dedans,   soil  au  dehors,  accomplir  quelques 
grandes  choses. 

Au-dessous  du  pouvoir  central,  leprcscjité  par  Tiiéodora  et 
son  conseil,  et  qui  était  ahsolu,  un  seul  grand  corps  mérite 
d'elre  mentionne  parce  que  nous  le  voyons  fonctionner  assez 
régulièrement  à  cette  époque  :  c'est  le  sénat.  Qu'était  le  sénat? 
Comment  se  recrutait-il?  Ce  nest  pas  ici  le  lieu  de  le  rechercher. 
Qu'il  sulïise  de  dire  que  les  historiens  le  mentionnent  assez 
IVéquemment  et  par  le  rôle  qu'il  joue  nous  pouvons  conjec- 
turer que  son  influence  était  grande.  Comme  par  le  passé,  il 
devait  approuver  l'élection  de  l'Empereur  et  celle  du  patriarche ^ 
entériner  ses  ordonnances,  siéger  dans  toutes  les  grandes 
affaires  civiles  et  religieuses  -.  Sous  Théodora  et  Basile,  il 
paraît  avoir  eu  aussi  un  droit  de  contrôle  sur  les  finances 
comme  sur  les  dépenses  de  la  cour  "^  ;  mais  comme  autrefois  à 
Rome,  jamais  il  ne  fut  à  Byzance  assez  puissant  pour  contre- 
balancer l'absolutisme  impérial  quand  le  pouvoir  était  entre 
de  fermes  mains.  Le  seul  fait  que  Théodora  se  préoccupa  dans 
le  rétablissement  des  images  de  l'opinion  du  sénat,  mais  pour 
passer  outre,  prouve  tout  à  la  fois  que  si  ce  n'était  point  là 
un  corps  purement  honorifique,  ce  n'était  point  non  plus  une 
institution  très  puissante,  capable  d'imposer  sa  volonté  et,  à 
loccasion,  de  faire  une  révolution.  De  sa  grandeur  passée,  il 
gardait  certains  privilèges  et  certains  honneurs,  mais  pas  d'au- 
torité effective. 


II 


Dès  que  le  pouvoir  de  Théodora  fut  légalement  i-cconnu  par 
la  noble  proclamai  ion  du  magistros  Manuel,  au  cirque,  le 
lendemain  de  la  mort  de  Théophile,  tranquillisée  dès  lors  par 
le  calme  momentané  des  esprits,  ses  regards  se  portèrent  sur 

1.  Goncsios,  1117;  Syni  Ma<r.,  \iii,  7'io  ;  Georg.  Moiiio,  io'|8  ;  Léon 
Gramni.,  10G9. 

2.  Gencsios,  1097;  Georg.  Moine,  1008;  I^éon  Granini.,  io'|o;Mansi, 
Sacrosancta  Concilia,  t.  \VI,  19  et  20;  i34.  Zonaras,  Migne,  1.  GXXXV, 
p.  II. 

3.  Gedrenus,    loi'i  ;    Theoph.    Gont.,    Vit.   Mich.,    \\,    i85  ;    Vit.   Basil., 

NWIH.    2-'?. 


lO  BASILE    1 

la  question  religieuse  qui  seule  divisait,  à  eetle  heure,  ses  sujets. 
Elle  comprit  bien  vite  que  l'Empire  avait  besoin  de  repos  et 
d'unité  morale  pour  faire  face  aux  ennemis  du  dehors  :  sarra- 
sins, slaves,  bulgares,  qui  le  menaçaient  à  l'extérieur,  et  conti- 
nuer sa  marche  civilisatrice.  Or,  il  n'y  avait  qu'une  solution 
possible  au  problème  :  c'était  le  rétablissement  des  images  et 
le  rappel  des  exilés.  Personnellement  favorable  à  l'orthodoxie, 
elle  savait  aussi  que  Théoctistos  comme  Bardas  étaient  gagnés 
à  ses  vues^.  Elle  hésita  cependant  Le  souvenir  de  son  époux 
et  des  promesses  que.  disait  la  rumeur  publique,  elle  lui  avait 
faites  à  son  lit  de  mort  de  ne  jamais  rétablir  le  culte  des  images 
et  de  maintenir  toujours  sur  le  trône  le  patriarche  Jean  la 
hantait,  moins  cependant  peut-être,  que  l'inconnu  dans  lequel 
elle  allait  se  précipiter.  Car  si  le  conseil  de  régence  que  Théo- 
phile lui  aAait  donné  était  favorable  à  ses  projets,  —  sauf 
Manuel  —  elle  devait  compter  néanmoins  avec  le  sénat,  beau- 
coup de  hauts  fonctionnaires,  des  évéques,  le  patriarche  sur- 
tout, adroit  et  tenace,  qui  tous  attachés  à  l'hérésie  ne  céderaient 
pas  facilement-.  Finalement,  toutefois,  guidée  par  son  instinct 
politique,  comme  par  le  sentiment  populaire,  dès  le  1 1  mars  843, 
elle  proclama  solennellement  la  fin  du  schisme  et  rappela  les 
exilés^.  Cette  première  mesure  réussit  pleinement.  Les  troubles 
qu'elle  pouvait  faire  naître  n'eurent  pas  lieu.  Seul,  Jean  fut 
enfermé  dans  un  monastère  j)our  y  finir  ses  jours  et  Théodora 
lui  donna  un  successeur  en  la  personne  de  Méthode  ^ 

Enhardie  par  ce  premier  succès  qui  fortifiait  son  pouvoir, 
Théodora  voulut  mettre  un  terme  à  toutes  les  agitations  reli- 
gieuses qui  ne  cessaient  de  renaître  sous  une  forme  ou  sous 
une  autre  dans  ses  Etats.  Elle  décida  donc  la  conversion  par 
la  persuasion  ou  par  la  force  des  Pauliciens  et  des  Zeliks  (nou- 
velle secte  qui  ne  faisait  que  de  naître)^.  Malheureusement  le 


1.  Gedrenus,  1024  ;  Georg.  Moino,  1029  ;  Sym.  Mag.,  i,  708;  Gonosios,  1089; 
Léon  Gramm.,  1061. 

2.  Gedrenus,     I025.     «    xaTaTTpo^h.v    tï,;    Iov?,;    xal   rr,;    |ia3iAs{a;    è'v.ztoj^'.v   »  : 

Theoph.  Cont.,  Vit.  MicJu,  11,  164. 

3.  De  Boor,  Byz.  Zeit.,  iv,  iSgS,  p.  449-453. 

4.  Gedrenus,  1028;  Georg.  Moine,  1029-1032  ;  Theoph.  Gont.,  Vil.  Midi.,  iir. 
i65  ;  Sym.  Mag.,  ni,  713  ;  Genesios,  1096;  Léon  Gramm.,  1061. 

5.  Genesios,  iioo  ;  Theoph.  Gont.,  Vit.  Mich.,\u,  176;  Sym.  Mag.,  m,  71G. 
Peut-être  n'était-ce  même  qu'un  autre  nom  des  Pauliciens.  Gf.  Art.  Friedrich, 
Sit:ungsl)erichte  der  bny.  Akad.,  1896,  p.  G-. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  I  l 

résultat  de  cette  croisade  fut  pour  Théodora  tout  autre  qu'elle 
ne  l'avait  espéré.  Les  trois  otïiciers  impériaux  qu'elle  envoya 
combattre  les  Pauliciens.  hommes  cupides  et  brutaux,  trou- 
vèrent plus  simple  de  procéder  par  massacres  épouvantables 
plutôt  que  par  douceur.  Aussi,  loin  de  ramènera  l'obéissance 
une  secte  religieuse,  du  reste,  dangereuse  et  qui  comptait  des 
adhérents,  non  seulement  dans  les  campagnes,  mais  dans  les 
villes  et  jusqu'à  la  cour  *,  ils  poussèrent  ces  malheureux  à  la 
révolte  ouverte  et  à  la  trahison.  lo.ooo  moururent  dans  les 
supplices  et  leurs  biens  furent  confisqués.  Le  plus  grand 
nombre  passa  en  Vsie  sous  la  domination  clémente  et  inté- 
ressée de  l'émir  de  Mélitène,  Ibn-Abd-Allah.  Ils  y  fondèrent 
plusieurs  villes,  entre  autre  Téphrice  -,  et  aidés  des  Arabes 
jetèrent  longtemps  le  trouble  sur  les  frontières  de  l'Empire 
jusqu'au  jour  où  Pétronas,  d'abord,  Basile  ensuite  durent  leur 
déclarer  ouvertement  la  guerre  -K 

Cette  politique  religieuse  eut  sur  l'avenir  une  très  grande 
influence.  Par  la  proclamation  de  l'orthodoxie.  Théodora,  en 
elïet,  s'assurait  la  bienveillance  de  l'Eglise  qui  partout  ren- 
trait triomphante  :  elle  faisait  plus  encore  :  elle  l'assujétissait 
au  pouvoir  impérial.  Dès  lors,  patriarches  et  évêques  furent 
entre  les  mains  du  basileus  qui  les  considéra  comme  de  res- 
l)ectables,  mais  simples  fonctionnaires.  Toute  l'organisation 
religieuse  devint  de  plus  en  plus  un  rouage  de  l'Etat  au  même 
titre  que  l'armée  et  l'administration  ;  il  ne  fut  pas  plus  permis 
au  j3atriarche  de  s'élever  contre  la  volonté  impériale  que  cela 
ne  rétait  à  un  stratège  quelconque  et  ainsi  une  compénétra- 
tion  perpétuelle  du  double  élément  religieux  et  laïque  s'opéra 
dans  la  société  byzantine  au  grand  détriment  des  deux  pouvoirs. 
Le  fait,  en  vérité,  n'était  du  reste  pas  nouveau  car  dès  la  fon- 
dation de  Byzance  cette  tendance  se  manifesta,  encouragée 
qu'elle  était  par  la  présence  même  de  l'Empereur.  Cependant 
c'est  surtout  à  partir  du  ix*"  siècle  que  l'alliance  se  scella  plus 
étroite  entre  le  Patriarche  et  le  Basileus,  alliance  tout  entière, 
il  faut  le  dire,  au  profit  de  l'Empereur.  Et  c'est  ce  qui  explique 
lélonnement  et  la  colère  des  chefs  du  pouvoii*  quand  ils  ren- 

1.  Phot.,  Cont.  Manich.,M[gnQ,  GII,  t.  IV,  p.  182. 
•2.  L'actuelle  Divreky  au  \.-0.  de  Mélitène  dans  le  Pont  Méridional. 
'i.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  xvi,  p.  180-181  ;  Gedrcnus,  1087;  tiertzberg, 
Geschichte  der  Byzantiner  11.  d.  Osman.  Reiches,  p.  187. 


12  BASILE    I 

contrèrent  sur  leur  route  de  grands  caractères  comme  Ignace 
et  Polyeucte,  nobles  successeurs  des  Athanase  et  des  Chrysos- 
tome,  pour  contrecarrer  leurs  desseins  et  leur  parler  le  langage 
de  la   conscience.  Cette  situation  équiAoque  ne  pouvait  durer 
longtemps.  Il  fallait  qu'une  scission  ou  une  capitulation  inter- 
vint et  l'affaire  de  Photius  en  fut  la  première   manifestation. 
L'Empereur,  d'une  part,  devait,  par  tous  les  moyens,  chercher 
à  dominer  le  patriarche  :  il  le  fit  son  obligé  par  l'élection.  Le 
patriarche,  d'autre  part,  devait  soit  se  soumettre,  ce  qui  n'était 
pas  possible,  et  cependant  arriva,  soit  briser  un  joug  qui  l'en- 
chaînait lui  et  son  ministère.  Or  pour  cela  il  n'avait  que  deux 
chemins  à  prendre  :  ou  réunir  sur  sa  tête  la  double  couronne 
royale  et  religieuse,   à   l'exemple  de  son    confrère  de    Rome, 
mais  alors  rompre  avec  le  pape,  ou  s'appuyer  sur  lui  et  recon- 
naître avec  toutes  les  autres  églises  sa  suprématie  et  son  autorité. 
Et  ce  fut  aussi   tout  le  rêve  de  Photius  d'abord,   de  Kerularios 
ensuite.   En  réalité  Photius  rompit    avec  Rome  non  pas  tant 
pour  des  raisons  personnelles  et  dogmatiques  que  dans  l'espé- 
rance d'acquérir   pour  son  Eglise  une  plus  grande  liberté  et 
Basile,  lui-même,  se  rendit  si  bien  compte  du  danger  que  cette 
conduite  du  patriarche  pouvait  faire  courir  à  l'Empire,  qu'un 
des  constants   soucis   de  sa   politique,   au  début  de  son  règne, 
fut  de  dégager  l'autorité  impériale  des  questions  religieuses  ^ 
Ce  ne  fut   que    plus  tard,   quand  Photius   eut  reconquis    sur 
l'Empereur   tout   son    ascendant,   que  les   choses  changèrent. 
Basile  alors  reprit  la  politique  de  ses  prédécesseurs.  Il  voulut 
avoir  le  patriarche  sous  son  autorité  et  pour  cela  ne  trouva  rien 
de  mieux  que  de  faire  entrer  son  fils  Etienne  dans  les  ordres. 
Il  devint   naturellement  patriarche,   lors  de  la  seconde  dépo- 
sition de  Photius   en    886.  Ainsi  donc,    à   l'heure    même  où 
Théodora    semble    rendre  à    l'Eglise    la    paix    et    l'unité,    elle 
l'engage  dans  une  impasse  au  fond  de  laquelle  va  se  livrer  un 
des  plus  redoutables  conflits   de  pouvoir  que  l'histoire   ecclé- 
siastique  ait  enregistrés.   L'Empereur  en  sortira  momentané- 
ment vainqueur  ;  mais  en  réalité,  malgré  Basile  F'  qui,  géné- 
reusement,  mit    tout   en  œuvre  pour  réparer  le  mal,   il  aura 
reçu  une  blessure  dont  il  ne  guérira  pas.  Si  les  projets  d'union 
depuis  Kerularios   sillonnent  toute  l'histoire  de  Byzance  jus- 

I.  Voir  plus  bas  la  politique  religieuse  de  Basile  I". 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  lô 

qu'en  i/i53,  ce  n'est  guère,  on  la  fort  bien  remarqué',  pour 
des  raisons  religieuses  ;  mais  uniquement  pour  des  raisons 
politiques.  Seule,  une  union  forte,  sincère  et  durable  avec 
Rome  eut  pu,  peut-être,  sauver  l'Empire  byzantin  de  la  domi- 
nation turque'-. 

Avec  la  question  religieuse,  une  des  grandes  préoccupations 
de  ïliéodora.  au  cours  de  sa  régence,  fut  le  trésor.  Malgré  les 
magnifiques  et  nombreuses  constructions  de  Théophile.  Timpé- 
ratrice  avait  trouvé,  à  sa  mort,  outre  d'innombrables  richesses 
artistiques  que  son  fils  se  chargera  de  faire  rapidement  dispa- 
raître, plusieurs  centaines  de  kentenaria  d'or  ^  monnayé, 
sans  compter  l'argent  monnayé  ou  non.  Théodora  augmenta 
encore  le  trésor  de  ses  économies  et  de  sa  fortune  personnelles 
si  bien  que  lorsqu'elle  se  retira  la  situation  financière  était 
très  prospère*,  au  moins  pour  l'époque.  Malheureusement,  la 
régente,  si  énergique  en  général,  ne  sut  pas  s'opposer  aux 
folles  dépenses  du  jeune  empereur.  Dès  que  l'âge  eut  éveillé 
en  lui  les  premières  passions,  Michel  commença  à  dilapider 
le  trésor  ^.  Il  lui  fallait  de  l'argent  pour  ses  chevaux,  ses 
cochers,    ses   amis  et  la   régente   comme  Théoclistos   le  lais- 


I.  Nordcn,  Das  Papsttum  iind  Byzanz. 

'i.  Jl  ne  s'ensuit  pas,  de  cette  politique  relioieuse  de  Théodora,  comme 
on  l'a  trop  souvent  répété,  qu'elle  ait  arrêté  tout  développement  et  tout 
essor  de  vie  dans  l'Eglise  grecque.  Non,  malgré  la  main-mise  de  l'Etat  sur 
l'Eglise,  cette  dernière  continua  à  lutter  courageusement  chaque  fois  que 
le  besoin  s'en  fît  sentir  pour  réprimer  les  abus,  réformer  les  mœurs  et 
tendre,  dans  la  mesure  du  possible,  \ers  l'idéal  religieux  et  moral  que  le 
christianisme  propose  à  ses  enfants.  Voir  à  ce  sujet  le  fort  intéressant  article 
de  M.  Dzavachov  sur  l'histoire  des  réformes  ecclésiastiques  dans  l'ancienne 
Géorgie  rjoiirn.  du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  février  1904). 

3.  Le  kentenarion  valait  100  litrae  byzantines.  Suivant  Bureau  delà  Malle, 
une  titra  f)esait  SaG  grammes  33  d'or  et  vaudrait  environ  loS.'t  francs  de 
notre  monnaie  actuelle.  (Cf  Rambaud,  Emp.  byz.  aux"  s.,  p.  1074,  et  plus 
bas,  administration  financière). 

4.  Les  chroniqueurs  ne  sont  pas  absolument  d'accord  sur  la  fortune 
laissée  par  Théodora  à  son  départ.  La  17/.  Mich.  (xxi,  i85)  donne  1090 
kentenaria  d'or,  Cedrenus  (loH)  de  même,  ainsi  que  Sym.  Mag.  (xn ,  720; 
(jlenesios,  iio5).  Constant.  Porphyr.  (Vit.  Basil.,  xwn,  2G8),  donne  quelques 
détails.  11  dit  qu'à  la  mort  de  Théophile  il  y  avait  au  trésor  970  kente- 
naria d'or  monnayé,  sans  compter  l'argent  monnayé  ou  non  (Cedrenus  dit 
qu'il  y  avait  3ooo  kentenaria  d'argent)  et  que  Théodora  y  ajouta  3o  kente- 
naria d'or,  ce  qui  fait  1000  kentenaria,  soit  environ  i  million  34  mille  francs, 
fortune  bien  modeste  pour  un  Empereur  byzantin. 

5.  Theoph.  Cont.,  Vil.  Mich.,  \x,  i85;  x\i,  188.  Vil.  Basil.,  wnu,  3G8  et 
se([.  Sym.  Mag.,  m\,  --h). 


BASILE    I 


saieiil  faire.  Ce  iic  lut  que  le  jour  où  il  réclama  pour  son  pré- 
cepteur des  dignités  et  des  honneurs  ^  qu'il  reçut  un  refus 
net  :  «  Il  ne  faut,  répondit  Théoctistos,  conférer  les  dignités 
de  l'Empire  qu'à  ceux  qui  en  sont  dignes  et  point  à  ceux  qui 
ne  le  sont  pas-.  »  Ce  refus  allait  être  gros  de  conséquences. 
Michel  devenait  un  mécontent,  enclin  à  recevoir  et  à  admettre 
toutes  les  calomnies,  à  nouer  toutes  les  intrigues,  à  croire 
tous  les  flatteurs.  Malgré  les  efforts  de  Théodora  pour  gouver- 
ner avec  sagesse  et  dignité,  il  ne  pouvait  pas  se  faire  que  sa 
politique  ne  mécontentât  pas.  Ambitieux  éconduits,  icono- 
clastes froissés,  parasites  voluptueux  vinrent  donc  se  grouper 
autour  de  Michel  pour  combattre  la  régente.  A  la  tète  du  parti 
était  Bardas.  Grâce  à  ses  adulations,  il  ne  tarda  pas  à  avoir 
l'oreille  du  maître  et  il  ne  lui  fut  pas  difficile  de  faire  entendre 
à  l'Empereur  le  langage  des  passions  :  o  Les  choses  sont  mal  admi- 
nistrées, lui  disait-il.  Théoctistos  vous  tient  éloigné  des  affaires, 
vous  l'héritier  de  Théophile  :  il  veut  épouser  votre  mère  ou 
une  de  vos  sœurs,  et  vous,  vous  aurez  les  yeux  crevés  ^.  n  Pures 
imaginations,  sans  doute,  mais  qui  pouvaient,  peut  être,  ne  pas 
manquer  de  vraisemblance.  Il  est  bien  certain,  en  effet,  que 
dans  une  cour  OLi  tout  le  gouvernement,  central  et  provincial, 
se  trouve  confié  aune  seule  famille,  sans  autre  contrôle  étranger 
que  celui  de  l'ambition  ou  de  la  haine  de  parents  malheureux, 
de  graves  négligences  pouvaient  être  commises.  Cela  est,  du 
reste,  d'autant  moins  étonnant  que  tout  ce  monde  de  grands 
fonctionnaires  ne  paraît  pas  résider  beaucoup  dans  les  gou- 
vernements provinciaux.  Théophylitzès,  par  exemple,  un  cou- 
sin de  Théodora.  semble  bien  être  stratège  du  Péloponnèse, 
mais  il  réside  à  Byzance  ^.  Petronas,  frère  de  Théodora,  est 
stratège  des  Thracésiens  ^.  Cela  ne  l'empêche  pas  de  courir 
l'Empire,  à  la  lête  de  troupes  ramassées  dans  divers  thèmes, 
pour  combattre  l'ennemi  et  d'être  souvent  à  Constantinople. 
Bien  plus,  les  deux  pouvoirs,  civil  et  militaire,  sont  si  peu 
distincts  que  non  seulement  dans  les  thèmes,  mais  à  Byzance 


1.  Thcopli.  Cont.,  \  il.  Micli.,  \i\,  p.  i84  ;  Ccdroiius,  lo^i. 

2.  Theoph.  Cont.  Vit.  Mich.,  xix,  i84. 

3.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  ibid.  Cedrenus.  io4i  ;  Léon  (iramm.,  io68  ; 
Genesios,  iioi  ;  Georg.  Moine,  10/40. 

4.  Vit.  Basil.,  \,  •2^o  ;  \i,  2^1  ;  xn,  244  ;  Syni.  Ma^?.,  \,  716. 

5.  17/.  Mich.,  \\v,  193  ;  x\n,  189;  Cedrenus,  io4o. 


ET     l,  E.MIMIU:    BYZANTIN  »  1 J 

même,  on  voit  ïhéoctistos,  d'abord,  Bardas,  ensuilc.  quoique 
premiers  ministres,  prendre  parfois  la  liante  direction  de  l'ar- 
mée et  commander  en  chef  une  expédition.  Et  cela,  en  vérité, 
ne  devait  guère  être  favorable  à  la  bonne  marche  des  affaires 
dans  une  administration  aussi  compliquée  que  l'était  forcé- 
ment celle  de  l'Eiiipire  byzantin.  Ce  n'est  pas,  cependant,  ces 
considérations  qui  semblent  avoir  beaucoup  ému  l'Empereur. 
La  grandeur  de  l'Empire  et  son  administration  l'intéressaient 
fort  peu  :  ses  plaisirs  étaient  sa  seule  occupai  ion.  La  pensée, 
toutefois,  d'être  libre  enfin  de  toute  tutelle,  si  peu  gênante 
qu'elle  fut.  le  remplit  d'espérance  et  c'est  pour  cette  raison 
fpi'il  autorisa  le  premier  meurtre  de  son  régne  personnel  : 
celui  de  ïhéoctistos  ^  Ce  lâche  assassinat  entraînait  forcément 
avec  soi  la  démission  de  Théodora  et  par  là-même  l'élévation 
de  Bardas.  C'était  en  856,  époque  à  laquelle  Basile  le  Macédo- 
nien entrait  au  service  de  l'Empereur. 


lit 


Au  cours  de  la  régence  de  Théodora.  l'iùnpire  semble  avoir 
été  assez  tranquille  à  l'intérieur  et,  à  en  juger  par  quelques 
puissantes  familles  aristocratiques  de  province,  dans  un  état 
de  grande  prospérité.  Sans  doute  ses  limites  s'étaient  resserrées 
autour  de  la  capitale  depuis  l'époque  de  Justinien  et  d'Héra- 
clius.  mais  tel  qu'il  était  encore  au  ix^  siècle  et  tel  qu'il  devint 
au  X'  sa  puissance  ])araissait  redoutable  aux  ennemis  et  rassu- 
rante aux  populations  qui  l'habitaient.  Du  reste,  avec  son  cor- 
tège de  fonctionnaires  civils  et  militaires,  il  semblait  à  tous 
qu'il  était  bien  défendu.  Chaque  thème,  même  dans  les  Sla- 
vinies,  avait  son  gouverneur,  byzantin  d'origine,  comme  ce 
Méthode  à  Thessalonique  qui  devint  célèbre  dans  l'histoire 
religieuse  du  ix"  siècle  par  la  mission  qu'il  alla  fonder  avec 
son  frère  Constantin-Cyrille  en  Moravie  '-.  Pas  plus  dans  les 
provinces  que  dans  la  capitale,  l'avènement  de  Théodora 
n'amena  de  révolution  et  l'histoire  ne  nous  a  laissé  fpi'iui  seul 

I.  Tlioopli.    (]ont..  Vit.  Mich.,   \iv  cl   \\,   p.    i85  ;  S>m.  Mag.,   \iii,  720; 
(iones.,  iioi-iio3  ;  Gedren.,  io4i  ;  Georg.  Moine,  io45  ;  Léon  Granini.,  ioG(). 
3.  Lapôtro,  L'Europe  et  le  Snint-Sièfje,  p.  100. 


l6  •  BASILE    I 

souvenir  d'une  révolte  importante  durant  le  gouvernement  de 
la  régente  :  celle  du  Péloponnèse.  Au  ix^  siècle,  le  Pélopon- 
nèse ou  Achaïe  faisait  partie,  au  point  de  vue  administratif, 
des  thèmes  d'Europe.  C'était,  au  dire  de  Conslantin  Porpliy- 
rogénète.  le  sixième  en  liste  ^.  En  tous  cas,  il  était  relégué 
parmi  les  thèmes  d'Europe,  c'est-à-dire  parmi  les  thèmes 
d'importance  secondaire  '-.  Il  avait  à  sa  tête  un  stratège,  mais 
qui  loin  de  commander  sur  quarante  villes  importantes  dont 
deux  métropoles  :  Corinthe  et  Patras  -^  pourrait  bien  n'avoir 
régné  que  sur  des  ruines,  sauf  pour  quelques-unes  de  ces 
villes  *.  Néanmoins  toute  vie  n'était  pas  éteinte  dans  ce  pays 
que  Constantin  Porphyrogénète  semble  si  mal  connaître  ^.  Le 
commerce  était  prospère  à  Corinthe  :  la  grande  féodalité  puis- 
sante :  telle  cette  Danielis  dont  nous  aurons  à  parler  plus  loin. 
Mais  à  côté  de  l'élément  grec,  depuis  de  longs  siècles  déjà,  et 
surtout  depuis  Constantin  Copronyme,  vivaient  des  Slaves, 
souvent  assez  turbulents.  Séparés  du  reste  de  la  population 
hellénique,  les  Milinges  et  les  Ezerites  —  deux  des  plus  impor- 
tantes colonies  slaves  du  Péloponnèse  —  étaient  confinés  sur 
les  pentes  du  Taygète  et  de  là  semaient  la  terreur  sur  tout  le 
pays.  Les  déprédations,  le  vol,  l'incendie  étaient  leurs  armes 
favorites.  Des  régions  grecques  qui  les  avoisinaient  immédiate- 
ment, aux  portes  de  Patras,  ils  dominaient  le  pays  par  la  ter- 
reur. On  les  voyait  s'allier  aux  Sarrasins  d'Afrique  et  autres 
lieux  ^  et  malgré  l'héroïque  défense  des  habitants,  parfois 
aidés,  suivant  la  légende,  de  saint  André  lui-même,  ils  semblaient 
maîtres  du  pays.  Sous  Michel  III.  aux  environs  de  8A9,  eut  lieu 
une  de  ces  insurrections  périodiques,  peut-être  celle-là  plus 
terrible  que  les  autres,  qui  exigea  une  énergique  répression.  Le 
stratège  du  Péloponnèse  que  Constantin  Porphyrogénète 
appelle  Théoctistos  Bryennios  et  que  Zonaras  identifie  aA  ce  le 
tuteur  de  l'Empereur,  partit  pour  Corinthe.  centre  de  son  gou- 
vernement ",  emmenant  avec  lui  des  ïhraces,  des  Macédoniens, 

1 .  De  Them.,  p.  1 34.  Dans  le  clétorologium  de  Philothée  qui  est  plus  ancien, 
il  n'y  a  pas  de  distinction  numérique. 

2.  Rambaud,  op.  cit.,  p.  179. 

3.  De  Them.,  p.  124. 

4.  Kamb.,  op.  cit.,  p.  167. 

5.  Ibid.,  pp.  1C7,  221,  222. 

6.  De  Adniin..  ch.  xlix  et  l,  p.  3G(j,  370. 

7.  Ibid.,  ch.  \M\.  p.  30(). 


KT    L  EMPIRE    BYZANTIN  I7 

d'autres  troupes  encore.  Les  populations  slaves  de  la  plaine 
furent  facilement  soumises  ;  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  des 
Ezérites  et  des  Milinges  qui  restèrent  cantonnés  dans  leurs  mon- 
tagnes. Le  stratège,  faute  de  mieux  sans  doute,  se  contenta 
de  leur  imposer  un  tribut  qu'ils  payèrent  jusqu'au  règne  de 
l'Empereur  Romain  '. 

C'est  très  probablement,  à  cette  occasion,  que  le  maître  de 
Basile.  Théophylitzès.  qu'il  faut  peut-être  identifier  avec  le 
Théoctistos  de  Constantin  Ml,  alla  à  Patras  pour  les  affaires  de 
l'Etat,  envoyé  qu'il  fut  par  Bardas,  En  tous  cas  c'est  à  cette 
époque  que  le  futur  empereur  Basile  fit  connaissance  avec  ce 
pays  et  avec  sa  mère  spirituelle  :  la  veuve  Daniélis  -. 

L'Empire  était  donc  relativement  calme  à  l'intérieur.  Malheu- 
reusement, il  n'en  allait  pas  de  même  à  l'extérieur  où  plus  que 
jamais  les  deux  grands  ennemis  de  Constantinople  se  faisaient 
menaçants  :  les  Sarrasins  et  les  Bulgares.  D'une  pari,  les  Sar- 
rasins d'Afrique,  sous  leur  émir  Abu'l  Abbas  Mohammed  I, 
promenaient  leurs  ravages  sur  toutes  les  côtes  de  la  Méditer- 
ranée, de  l'Italie  à  la  Grèce.  La  Sicile  et  la  Crête  étaient  leur 
point  d'attache  naturel.  Aussi,  en  8^2.  s'emparent-ils  de  Mes- 
sine, en  845  de  plusieurs  autres  places  fortes.  Déjà,  en  83i, 
ils  avaient  conquis  Palerme  ^.  Constantinople  était  menacée 
comme  l'était  vers  cette  même  époque  (844)  Athènes,  par  ces 
hordes  restées  barbares  jusque  dans  leur  admirable  civilisation. 
Pour  comble  de  malheur,  à  l'ouest  de  l'Europe,  en  Espagne, 
la  cour  de  Cordoue  conquérait,  elle  aussi,  donnant  la  main  à 
leurs  frères  d'Afrique  qui  les  aidaient  à  maintenir  leur  domi- 
nation sur  la  Sardaigne  et  les  Baléares.  L'Italie,  de  son  côté, 
fléchissait,  Bari  tombait  aux  mains  des  Arabes  en  84 1  ^  tandis 
qu'à  l'est,  les  Sarrasins  d'Asie -Mineure  ravageaient  côtes  et 
terres,  se  rapprochant  toujours  davantage  de  Byzance  et  de 
son  territoire  immédiat.  Ainsi  donc  les  Arabes,  comme  dans 
une  immense  chaîne  de  fer  enfermaient,  au  sud.  l'Empire 
byzantin  et  l'Europe  elle-même  et  faisaient  de  la  Méditerranée 
leur  entrepôt  et  leur  centre  de  ravitaillement.  Il  fallait,  natu- 
rellement,  essayer  de   briser  cette   chaîne  en  divers  endroits, 

1.  De  Adm.  Imp.,  cii.  l,  p.  878. 

2.  Thcoph.  Cont.,  Vif.  Basil.,  ch.  xi,  p.  a/ji. 

8.  (iclzcr.  -Vbriss.,   p.  970  Fvruinbaclior.  HergcMirotlier,  Plmtias.  t.  3'|i. 
'1.  ilorlzborg.  op.  cil.,  p.   i.Sli.  \iisilj<'\.  I,  p.  Hi."». 

2 


l8  BAS1I,K    1 

s'emparer  de  quelques  places  fortes,  d'îles  et  de  côles  surtout, 
pour  couper  les  communications  de  l'ennemi  et  le  refouler  sur 
ses  terres  tout  en  protégeant  les  rivages  chrétiens.  C'est  ce 
qu'essaya  de  faire  Byzance.  Sous  Théodoia,  la  première  pré- 
occupation du  gouvernement  fut  d'attaquer  un  des  points  stra- 
tégiques les  plus  importants,  l'île  de  Crête,  en  8^3.  que  les 
Arabes  possédaient  depuis  le  règne  de  Alichel  II  *.  Malheureu- 
sement, comme  cela  n'arriva  que  trop  souvent  à  Byzance,  au 
cours  de  son  histoire,  Théoctistos.  réunissant  en  ses  mains  les 
pouvoirs  civils  et  militaires,  voulut  aller  lui-même  combattre 
les  Sarrasins  et  ce  fut  la  cause  d'une  épouvantable  défaite.  Les 
Arabes,  au  dire  des  chroniqueurs,  n'étaient  point  prêts  à  la 
guerre.  Us  n'imaginèrent  donc  rien  de  mieux  que  de  répandre, 
avec  beaucoup  de  présents,  de  fausses  nouvelles  de  Constanti- 
nople.  On  disait  qu'une  révolution  avait  éclaté,  qu'un  général 
avait  pi'is  en  mains  le  pouvoir,  que  Théodora  abandonnait  son 
logothète.  Bref.  Théoctistos  prit  peur  et  rentra  à  Byzance  pen- 
dant que  les  Sarrasins  accomplissaient  leurs  ravages  habituels  -. 

A  l'est,  les  choses  n'allèrent  guère  mieux.  La  première  ou  la 
seconde  année  de  la  régente,  probablement  en  S\'2,  une  grande 
llotle  sarrasine  vouhit  aller  attaquer  Conslanlinople  sous  le 
commandement  d'Abu  Dinar  -^  Elle  n'eut  que  le  temps  d'arri- 
ver à  destination,  t  n  orage  la  dispersa  et  elle  alla  misérable- 
ment échouer  au  promonloire  des  Kibyrrhéotes,  à  Chelidonia  *. 
C'était  là  un  accident.  Sur  terre,  l'émir  de  Mélitène.  uni  déjà 
probablement  aux  Pauliciens,  persécutés  par  Théodora,  fut 
plus  heureux.  Théoctistos  qui  avait  voulu  de  nouveau  comman- 
der les  troupes  impériales  se  laissa  battre  à  Mauropotamos  ^,  ce 
qui  amena  léloignement  de  Bardas  qui  lui  avait  amèrement 
reproché  son  échec,  mais  point  la  soumission  des  armées  sarra- 
sines  (844). 

Au  nord,  l'Empire  a^ait  affaire  aux  Bulgares  et  aux  Slaves 
de  toutes  contrées.  Sous  les  règnes  précédents,  les  Bulgares 
avaient  profondément  troublé  les  frontières,  ravagé,  pillé  et 
emmené  captives  sur  les  bords  du  Danube  de  nombreuses  popu- 


1.  Georg.  Moine,  ioo5.  A  asiljcv,  I,  p.  i5^. 

2.  Georg.  Moine,  io3G  ;  Léon  Granini.,  loGi  ;  Syni.  Mag.,  vu,  716. 

3.  Byz.  Zeit.,  \,  397  ;  Vasiijov.  donne  la  date  de  S\9.,  I,  p.  i53. 
4-  Georg.  Moine,  io33. 

5.  Syin.  Mag.,  Mn,  710. 


Il      I.  HMPIHI^    inZVM'IX  1() 

lations  byzantines.  De  ce  côté,  Andrinople,  comme  aux  iv*^  et 
v'^  siècles,  était  le  centre  des  opérations  de  l'une  et  Fautre  armée. 
Dès  le  début  de  la  régence  de  Tliéodora,  les  Bulgares  recom- 
mencèrent leurs  incursions  en  Thrace  et  Macédoine  *.  Quelques 
chroniqueurs  racontent  même  qu'ils  envoyèrent  à  Constanti- 
nople  des  ambassadeurs  pour  déclarer  ofTiciellement  la  guerre 
à  Tliéodora,  ayant  appris  qu'une  femme  avait  succédé  à  Théo- 
phile -.  Quoiqu'il  en  soit  de  ce  fait  et  des  belles  réponses  qu'on 
attiibuc  à  l'Impératrice,  Tliéodora  envoya  une  armée  châtier 
les  rebelles.  La  chronique  dite  de  Syméon  Magister  laisse  en- 
tendre que  cette  répression  eut  lieu  a  ers  la  fin  de  la  régence  '^ 
et  c'est  probable  car.  vaincus  et  soumis  à  un  lourd  impôt  *,  ils 
ne  tardèrent  pas  à  s'adresser  à  Michel  III  qui  mit  fin  pour  un 
temps  à  leurs  guerres  incessantes. 

Enfin  il  y  avait  l'Occident.  Comme  l'Empire  byzantin,  l'Italie 
et  la  France  étaient  dans  une  mauvaise  passe.  La  mort  de 
Louis  le  Pieux  avait  excité  toutes  les  convoitises  de  ses  fils  qui 
ne  songeaient  qu'à  se  tailler  des  royaumes  dans  l'empire  pater- 
nel et  point  du  tout  à  continuer  l'œuvre  de  leurs  deux  aïeux. 
La  grande  croisade  proposée  contre  les  Sarrasins  par  Théophile 
à  Louis  n'avait  aucun  attrait  pour  les  nouveaux  souverains  et 
de  8/^2  à  867  toute  relation  entre  les  deux  cours  semble  inter- 
rompue '\  En  Italie,  la  division  et  l'anarchie  étaient  à  leur 
comble.  Le  Pape  commandait  à  Rome,  des  ducs  à  Bénévcnt, 
des  consuls  et  des  évêques  à  Naples.  Les  villes  de  la  grande 
(irècc  :  Amalfi,  Gaèle,  luttaient  péniblement  ainsi  que  la  Calabre 
contre  les  invasions  des  Sarrasins,  tandis  qu'au-dessus  de  toutes 
ces  principautés  et  de  ces  dissensions  intérieures  la  grande  et 
malheureuse  figure  de  Louis  II  cherche  à  faire  reconnaître  sa 
])récaire  autorité.  Deux  fois,  il  entre  à  Bénévcnt  el.  malgré 
d'importants  succès  contre  les  Arabes,  il  ne  peut  les  déloger  de 
Bari  et  de  l'Italie.  Dans  de  telles  conditions  que  pouvait 
Byzance  pour  faire  respecter  son  autorité  de  suzeraine  ?  Elle 
ainail  dn.    lout   à    la   fois,    combîdli'e   Louis  IL  les  cili's  auto- 


I.  (ienr":.  Moine,  io4^  ;  Loon  (Jraniin.,  i()()8. 
9..  Ceclrenus,  io36;  Genesios,  iioo;  Syni.  Mag.,  \.\i,  7*5. 
3.  Syni.  Mag.,  xir,  717  et  \\i,  725.  En  tous  cas  elle  eut  lieu  après  la  mort 
de  Méthode  qui  mourut  le  i'»  juin  847. 
'i.  Léon  (Iramm.,  1068. 
').  (lasquol,  L'Enipirr  by:.  el  la  moiitirrhic J'nuniuc,  p.  3^8. 


20  BASILE    I 

nomes  de  la  côle,  les  Sarrasins.  C'en  était  trop  pour  une 
femme  aux  prises,  elle  aussi,  avec  de  graves  difficultés.  Il  fallait 
attendre,  pour  renouer,  entre  Byzance  et  l'Occident,  des  rap- 
ports diplomatiques  qui  puissent  avoir  quelques  conséquences 
pratiques,  la  venue  d'un  homme  assez  fort  pour  lutter  avec 
succès  à  l'est  et  à  l'ouest,  sur  terre  et  sur  mer.  Basile  P'  essaya 
d'être  celui-là. 

C'est  alors  que  Théodora  dut  abandonner  le  pouvoir  à  sou 
iîls  Michel.  L'assassinat  de  Théoctistos  lui  signifiait  son  ren- 
voi. Elle  pouvait,  du  reste,  s'en  aller  fière  de  son  œuvre  et  si 
l'avenir  lui  paraissait  chargé  d'orages  et  de  luttes  sanglantes, 
si  elle  devinait  que  la  prédiction  de  la  vieille  sorcière  sarrasine 
à  Théophile  ^,  pourrait  bien  un  jour  se  réaliser  en  faveur  d'un 
nouveau  venu  à  sa  cour,  homme  de  basse  naissance,  mais  de 
grande  volonté  :  Basile,  elle  se  rendait  le  juste  témoignage 
qu'elle  laissait  l'Empire  fort  et  riche  à  l'intérieur,  respecté  au 
dehors  et  que  les  succès  futurs  des  armes  byzantines  lui 
devraient  quelque  reconnaissance  par  F  habileté  que  son  gou- 
vernement avait  su  mettre  à  les  préparer. 

7. 'ilicoph.  Conl.,  1/7.  Thco})h.,  wmi,  i[\{j. 


CHAPITRE  lî 

ORIGINES    DE    BASILE.    SON    HISTOIRE    JUSQu'a    SON    AVENEMENT. 

SES    RAPPORTS    AVEC    BARDAS    ET    MICHEL    III. 


Sous  le  règne  de  Michel  Rhangabe  (8ii-8i3)  vivait  aux  envi- 
rons d'Andrinople  une  humble  famille  de  cultivateurs  dont  le 
nom  allait  être  bientôt  illustre  grâce  à  l'aîné  des  garçons. 
Personne  alors  ne  se  doutait  qu'on  trouverait  un  jour  à  ces 
pauvres  gens  dont  le  lopin  de  terre  était,  sans  doute,  l'unique 
avoir  ^  un  patrimoine  de  noblesse  et  de  vertus  qu'ils  ne  se 
connaissaient  point  et  que,  sans  hésitation  aucune,  on  les  ferait 
descendre  des  Arsacides  et  de  Constantin  !  Mais  ce  qu'ils 
savaient  bien,  eux,  c'est  qu'ils  étaient  pauvres,  que.  depuis 
longtemps  déjà,  ils  habitaient  le  pays  et  que  de  très  modestes 
alliances  avec  les  paysans  des  environs  -  composaient  toute 
leur  généalogie.  Il  est  toutefois  possible,  et  môme  probable, 
qu'ils  aient  eu,  comme  l'affirme  Constantin  VII,  en  leurs  veines 
du  sang  arménien  mêlé,  cependant  à  beaucoup  de  sang  slave  •^ 

I.  Tlieoph.  Cont.,  Vit.  Basil.,  ch.  v.  p.  -i'^'i. 

9.  Ibid.,  IV,  p.  283. 

3.  Tous  les  chroniqueurs  byzantins,  à  la  suite  de  Constantin  Yll,  donnent 
une  origine  arménienne  à  la  famille  de  Basile.  Seuls  les  écrivains  arabes  : 
Hamzas,  Elmacin  et  Maçoudi  disent  qu'il  était  Slave.  Samouel  d'Ani  donne 
même  le  lieu  d'origne  de  sa  famille  :  Thil  dans  la  province  de  Taron  où  plus 
tard  Basile  fit  construire  une  église  (Brosset,  Collection  d'historiens  arméniens, 
t.  11,  p.  427).  M.  Rambaud  et  depuis  M.  de  Boor  {Vit.  Euthymii,  p.  i3o)  ont 
opté  pour  l'origine  arménienne  et  apporté  leurs  preuves  à  l'appui.  A  leurs 
témoignages  on  peut  en  ajouter  un  autre:  celui  de  la  Vit.  Basil.,  ch.  xii, 
2^4,  où  Constantin  raconte  que  Basile,  jeune  homme,  était  lié  avec  le  patrice 
Constantin,  père  du  patrice  Thomas  qui  vivait  à  l'époque  de  Constantin  VII 
parce  qu'ils  étaient  du  même  pays  :  Arméniens  tous  deux.  —  Le  plus  vrai- 
semblable, à  mon  avis,  c'est  que  la  famille  de  Basile  pouvait  bien  être  armé- 
nienne par  ses  ancêtres,  mais  qu'elle  s'était  fortement  slavisée,  et  depuis 
loriLîlcinps.  i)ar  suite  (]o  mariages  avec  les  Slaves  très  nombreux  dans  cette 


22  BASILE    I 

chose  qui,  du  reste,  n'avail  rien  créloiuiant  car,  à  cette  époque, 
les  Arméniens  étaient  nombreux  dans  l'Empire.  Quant  à  les 
faire  descendre  des  rois  arméniens,  perses  et  assyriens,  comme 
de  Philippe,  d'Alexandre  et  de  Constantin,  c'était  là  pure 
légende^  qui.  sans  doute,  ne  circula  que  plus  tard  lorsque  la 
dynastie  macédonienne  se  fut  solidement  assise  sur  le  trône  -. 

C'est  dans  cet  humble  milieu  de  paysans  provinciaux  que 
naquit  Basile  aux  environs  de  812.  Il  eût  probablement  grandi 
dans  l'heureuse  médiocrité  de  ses  ancêtres,  uniquement  adonné 
au  travail  des  champs,  si  un  événement  imprévu  n'avait  brus- 
quement arraché  sa  famille  du  sol  qu'elle  habitait. 

L'Empire  était  alors  en  guerre  avec  la  Bulgarie.  L'empereur 
Nicéphore  (802-811)  avait  été  tué  dans  une  sanglante  mêlée  le 
26  juillet  et  son  fils  Staurakios  si  gravement  blessé  que  le  pou- 
voir fut  confié  à  son  beau-frère  Michel  Bhangabe.  Byzance  ne 
pouvait  rester  sous  le  coup  d'une  telle  défaite.  La  lutte  reprit 
donc,  grâce  à  l'énergique  intervention  de  Théodore,  abbé  du 
monastère  du  Studion  ^  ;  mais  ce  fut  i)our  courir  encore  au 
devant  de  nouveaux  revers.  Michel  fut  Aaincu  à  Yersinicia  le 
22  juillet  8i3*  par  le  célèbre  prince  bulgare  Krùm  qui  résolu- 
ment marcha  sur  Constantinople.  Dans  la  ville  a  protégée  de 
Dieu»  la  révolution,  d'autre  part,  venait  d'éclater.  Le  plus 
grand  général  de  l'Empire,  Léon,  un  Arménien,  profitant  de  la 
terreur  et  du  mécontentement  de  tous,  avait  détrôné  Michel, 
l'avait  revêtu  du  froc  monacal,  exilé,  lui  et  sa  famille,  dans  un 

partie  do  TEmpirc  si  bien,  qu'en  fait,  elle  était  slave.  Seulement  Constan- 
tin, qui,  peut-être,  copia  la  généalogie  fabriquée  par  Photius  pour  rentrer 
en  grâce  auprès  de  Basile  (Sym.  Mag.,  vu,  700)  trouva  qu'il  était  plus  glo- 
rieux de  faire  sortir  sa  faniille  d'Arménie,  pays  indépendant  et  allié  de 
Byzance  (Tournebize,  Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Arménie,  dans 
VOrient  Chrétien,  1908,  p.  220)  plutôt  que  des  peuples  slaves  qui  vivaient 
sous  l'autorité  impériale,  étaient  pauvres  et  regardés  par  les  habitants  de 
l'Empire  conime  de  race  inférieure.  Cf.  l'article  tout  récent  de  ^  asiljev 
«  Origine  de  l'Empereur  Basile  le  Macédonien  ». 

1.  Vit.  Basil.,  ch.  11.  On  sait  quelle  fut  la  fortune  de  cette  légende. 
Quand  Anne  de  Russie,  fille  de  Jaroslav  et  petite-fille  d'Anne  de  Byzance, 
sœur  de  Basile  II,  épousa  Henri  T'  de  France,  elle  donna  à  son  fils  le  nom 
de  Philippe  en  souvenir  de  sa  descendance  avec  Philippe  de  Macédoine.  D'où 
le  nom  de  Philippe  dans  la  maison  de  France  ! 

2.  Cedrenus,  1069;  Genesios,  1128;  et  encore  Zonaras  au  xu"  siècle  ne  se 
fait-il  pas  faute  de  trouver  plaisants  les  écrivains  qui  ont  osé  avancer  la 
chose.  Zonaras,  xvi,  29.  —  Liutprand,  Antapodosis.  L.  I,  S  8,  P-  376. 

3.  Theoph.,  p.  999. 
'i.  Jirecek,  p.  i45. 


ET    i/f.MPIHF.    byzantin  23 

monastère  et  s'était  fait  proclamer  Empereur.  Pour  Byzance 
révènement  n'avait  rien  que  d'iieureux.  Krùm,  blessé  sous  les 
murs  de  Constantinople,  au  faubourg  pératique  de  S'  Marnas  ^ 
fut  obligé  de  lever  le  siège  et  de  rentrer  en  Bulgarie,  brûlant 
et  saccageant  tout  ce  qui  se  trouvait  sur  son  passage.  Andri- 
nople  qui  avait  vaillamment  tenu  tcte  aux  Bulgares,  durant  ces 
guerres  interminables,  fut,  de  nouveau,  assiégée  et  cette  fois 
tomba  au  pouvoir  de  l'ennemi.  Les  liabitants  furent  décimés 
et  réduits  en  esclavage.  Dix  à  douze  mille  hommes,  sans 
compter  les  femmes  et  les  enfants,  furent  emmenés  u  sur  les 
rives  du  Danube-.  » 

Parmi  ces  infortunés  se  trouvaient,  avec  l'évêque  d'Andri- 
nople.  Manuel,  les  parents  de  Basile  et  l'enfant  lui-même 
u  encore  dans  les  langes  '^.  »  C'est  là,  en  terre  bulgare,  que 
se  passèrent  l'enfance  et  la  jeunesse  du  futur  basileus.  Il 
grandit  aux  côtés  de  son  père  et  de  sa  mère  Pancalo  ^,  à  la 
façon,  sans  doute,  des  petits  Bulgares,  c'est-à-dire  sans  grande 
instruction.  Constantin  YII  raconte  que  son  père  fut  son 
unique  précepteur  et  que  s'il  ne  posséda  pas,  comme  Achille, 
de  Chiron  pour  Téduquer,  ni  de  maîtres  comme  Lycurgue  et 
Solon,  du  moins  eut-il.  ce  qui  est  bien  préférable,  la  sagesse 
paternelle  pour  guide  dans  l'acquisition  de  toutes  les  vertus  ^. 
Et  c'est  probablement  vrai.  De  culture  intellectuelle,  Basile  en 
manqua  toujours.  Il  ne  sut  même  jamais  écrire  et,  plus  tard, 
quand  sur  le  trône  il  voulut  quelque  peu  s'instruire,  comme 
Charlemagne,  il  dut  s'adonner  à  un  travail  acharné.  Malheu- 
reusement, l'éducation  morale  de  ses  parents,  dont  le  zèle  reli- 
gieux était  cependant  plein  d'ardeur,  fut,  elle  aussi,  sans 
grande  influence  sur  la  vie  de  leur  fils.  Moralement  et  intellec- 
tuellement l'enfant  s'annonçait  mal  :  seule,  sa  force  physique 
pouvait  lui  ouvrir  un  chemin  dans  le  monde  et  c'est  ce  qui 
arriva.  La  vie  de  ces  déportés  n'avait  pas,  du  reste,  que  des 
charmes  et  de  longs  loisirs  propres  au  développement  de  la 
culture  littéraire.  Il  semble  bien  que  pendant  les  premières 
années  qui  suivirent  leur  exil,  l'existence  leur  fut  relativement 


1.  Pargoirc,  Les  Saints  Manias  de  Constantinople,  p.  'fX)-. 

2.  Georg.  Moine,  980-81.  — Léon  Cîramm.,  1064. 

3.  Vit.  Basil.,  iv,  sSa.  A.  \.  S. S.  .TnnNÏor,  ',^1. 
fi.  De  Ceremon.,  p.  imo8. 

').   \  if.   Rasil.,  VI,  23(3. 


Vt\  BASILE    I 

douce.  Non  seulement  ils  étaient  libres,  en  plein  pays  païen, 
de  pratiquer  leur  religion,  mais,  en  bons  orthodoxes  qu'ils 
étaient,  ils  cherchèrent  à  répandre  autour  deux  l'Evangile  ^ 
Du  vivant  de  Kriim.  leur  évêque  Manuel,  aidé  de  ses  compa- 
triotes, convertit  beaucoup  de  Bulgares  à  la  foi  ;  mais  à  l'avène- 
ment d'Omortag  ou  Mortagon  (819)  -  les  choses  changèrent. 
Les  progrès  du  christianisme  indignèrent  le  nouveau  roi  et  la 
persécution  commença.  L'évéque  Manuel  mourut  martyr  avec 
beaucoup  d'autres  Byzantins  parmi  lesquels  Basile  put  compter 
plusieurs  de  ses  parents  ^. 

Ainsi  grandissait  et  se  développait  Basile  au  milieu  d'une 
famille  dont  il  f'tait  l'aîné  et  qui  allait  sans  cesse  se  multi- 
pliant ^  tandis  que  sur  l'Empire  régnèrent  successivement 
Léon  V*r Arménien  et  Michel  d'Amorion  ^.  Cependant  la  situa- 
tion des  exilés  ne  pouvait  toujours  durer.  Depuis  la  prise 
d'Andrinople,  les  Basilcis  avaient  dû  lutter  sans  relâche  contre 
les  Sarrasins  et  dans  cette  lutte  ils  avaient  probablement  oublié 
leurs  lointains  sujets  captifs.  Mais,  heureusement  pour  eux,  ils 
allaient  bientôt  trouver  aides  et  protecteurs  et  rentrer  en 
«  Bomanie.  »  L'histoire  de  ce  retour  est,  en  vérité,  fort  obs- 
cure. La  1 7/«  Basilii,  Cedrenus,  Zonaras<^  racontent  qu'à  la 
suite  de  défaites  répétées,  les  Bulgares  durent  laisser  partir  les 
Byzantins.  Georges  Moine  et  Léon  le  Grammairien  "  donnent 
des  détails  plus  précis,  mais  qui  ne  peuvent  faire  illusion.  Leur 
incohérent  récit  montre  avec  évidence  qu'ils  ignoraient  tout  de 
la  géographie  comme  de  l'histoire  bulgare  de  cette  époque  et 
que,  sans  doute,  ils  ont  utilisé,  sans  la  comprendre,  une 
légende  postérieure  dénuée  de  toute  réalité  historique  ^ 

1.  Cedrenus,  1072. 

2.  Cedrenus  l'appelle  «  KpoTiYwv  »  1079. 

3.  Vit.  Basil.,  iv,  282. 

4.  Ibid.,  vn,  23G. 

5.  Léon  le  Granmi.,  io65. 

0.  Vit.  Basil.,  i\ ,  282  ;  Cedrenus,  1072  ;  Zonaras,  \vi,  29. 

7.  Georg.  Moine,  io4o;  Léon  le  Gramni.,  ïoG4.  Il  faut  noter  loutefois  que 
le  texte  de  l'un  est  la  copie  identique  de  l'autre. 

8.  Léon  le  Gramm.  et  Georg.  Moine  racontent  que  sous  le  règne  de  Théo- 
phile (829-842)  résidait  en  Macédoine  un  stratège  du  nom  de  Kordylès.  Ce 
stratège  avait  un  fils  Bardas  qui  fut  chargé  de  gouverner  en  lieu  et  place  de 
son  père  les  Macédoniens  qui  vivaient  «  au  delà  du  Danube,  zépav  toj 
TtoTaixoC  Toû  Aavou6':&j  ».  Plein  de  jeunesse  et  d'ardeur,  Bardas  demanda  à 
l'Empereur  des  vaisseaux  pour  ramener  en  leur  pays  les  exilés,  ce  qui  fut 
accordé.  Afais   «  Baltimer  »  qui  régnait  alors  sur  les  Bulgares  s'y  refusa  et 


Le  seul  point  qui  paraisse  eerlaiu  c'est  que  Basile  avait  vingt- 
cinq  ans  quand  il  revint  en  Macédoine  '.  C'était  pour  lui  le 
moment  de  se  faire  une  situation  d'autant  plus  que  son  père 
était  mort  quelques  huit  ou  dix  ans  auparavant  2,  laissant  sa 
femme  dans  la  gène  et  une  nombreuse  famille  à  élever. 
A  l'aîné  '^  incombait  le  soin  de  remplacer  le  chef  de  famille. 
Basile  entra  donc,  d'abord,  au  service  du  stratège  de  Macé- 
doine. Tzantzès  ^  ;  mais  ce  ne  fut  pas  pour  longtemps. 
D'autres  lieux  l'attiraient.  Chez  le  gouverneur,  en  effet,  il  ne 
gagnait  pas  sa  vie  et.  d'autre  part,  l'agriculture  ne  donnait 
rien  ^.   tandis  que,  disait-on,    à  Constantinople,  ceux  qui  ont 

la  guerre  fut  déclarée  aux  déportés,  Les  Macédoniens  mirent  à  leur  této 
Kordylès  et  Tzantzès  et  leur  succès  fut  complet.  Ils  tuèrent  et  firent  pri- 
sonniers beaucoup  de  Bulgares.  D'où  alliance  des  Bulgares  et  des  Hongrois. 
Sur  ces  entrefaites  les  Huns  ou  Hongrois  arrivèrent  et  promirent  aux  Macé- 
doniens de  les  laisser  partir  moyennant  im  tribut.  Ce  qu'ils  refusèrent.  Ils 
durent  subir  un  combat,  mais  grâce  à  un  certain  Léon  de  la  race  des 
((  Gemostoi  »  ils  purent  regagner  leur  patrie.  —  Ce  récit  n'a  évidemment 
aucun  sens.  D'abord  qu'étaient  ces  Macédoniens  qui  vivaient  au  delà  du 
Danube  ?  La  Bulgarie  d'alors  s'étendait  entre  l'Isker  et  la  mer  d'une  parf , 
le  Danube  et  les  Balkans  de  l'autre.  Or  l'autorité  impériale  s'arrêtait  aux 
frontières  macédoniennes,  c'est-à-dire  à  la  montagne  qui  séparait  les  deux 
Empires.  Au  delà  du  Danube,  c'était  le  territoire  des  Petchenègues.  De  plus, 
vraisemblablement,  les  exilés  devaient  être  cantonnés  aux  environs  de 
Preslav,  résidence  habituelle  du  prince  bulgare  (Jirecek,  p.  i3i),  si  l'on  en 
croit  la  légende  de  la  pomme  que  le  souverain  donna,  un  jour,  au  jeune 
Basile  (Vit.  Basil.,  iv,  382).  Du  reste  la  Vit.  Basil,  fibid.)  dit  simplement 
qu'ils  furent  conduits  dans  le  pays  des  Bulgares  fibid.).  Or,  même  en 
admettant  qu'ils  eussent  été  relégués  dans  la  grande  place  forte  des  Bul- 
gares, sur  le  Danube,  à  Drster  (le  moderne  Silistria)  —  ce  qui  expliquerait 
l'emploi  des  vaisseaux —  on  ne  saisirait  pas  bien  pour  autant  la  raison  d'un 
gouverneur  byzantin  dans  ce  pays.  îMais  ce  qui  est  plus  grave  c'est  l'étrange 
confusion  de  noms  donnés  aux  souverains  bulgares.  Dans  l'espace  de  cinq 
lignes,  Léon  et  Grégoire  leur  donnent  deux  noms  ditTérents.  C'est  Baltimer 
qu'il  faut,  sans  doute,  identifier  a^ec  Vladimir,  père  de  Syméon,  connue  le 
disent  très  justement  Léon  et  Georges,  mais  qui  régna  de  8[\8  à  898  ;  c'est 
Michel  «  le  Bulgare  »,  probablement  le  même  que  Boris  clont  le  nom  fut 
changé  à  son  baptême  et  qui  régna  de  853-888.  Il  est  vrai  qu'on  pourrait 
discuter  sur  ce  Michel  et  refuser  d'y  voir  Boris  ;  mais  il  serait  étrange  qu'on 
appela  ainsi  un  autre  personnage  que  le  roi  dans  son  propre  pays.  Vrai- 
semblablement en  Bulgarie  tous  les  Michel  étaient  bulgares  et  si  les  chro- 
niqueurs disent  Michel  «  le  Bulgare  »  c'est  bien  qu'ils  voulaient  parler  du 
souverain  lui-même.  Cf.  au  sujet  de  l'histoire  de  Bulgarie  à  cette  époque,  le 
t.  X  du  Bulletin  de  l'Inst.  Arch.  russe  de  Constantinople.  Les  fouilles  d'Aboba. 

I.  Georg.  Moine,  io4i. 

■i.   Vit.  Basil.,  vn,  ^Sô. 

8.  Jbid. 

4.  Sym.  Mag.,  xi,  717;  Léon  Gramm.,  loG."). 

."1,    17/.  Basil..  \  n.  280. 


9J) 


BASIT.E    I 


un  peu  de  savoir-faire  et  d'habileté  peuvent  arriver  à  la  for- 
tune, aux  honneurs,  à  la  gloire  K  Pourquoi  donc  ne  pas 
quitter  le  sol  ingrat  de  Macédoine?  Du  reste,  racontent  les 
chroniqueurs  byzantins,  toujours  grands  amis  du  merveilleux, 
son  étoile  l'y  conduisait  et  des  songes  comme  des  signes 
nombreux  étaient  là  pour  le  décidera  demander  à  sa  mère  ce 
lourd  sacrifice -.  >'avait-ellc  pas  révélé  elle-même  qu'un  jour, 
ayant  laissé  son  fils  couché  en  plein  soleil  dans  les  champs, 
un  aigle  par  trois  fois  était  venu  l'ombrager  de  ses  ailes  ? 
N'avait-elle  pas  vu,  en  un  rêve,  sortir  de  son  sein  a  comme 
autrefois  la  mère  de  Cyrus  »  un  arbre  d'or  immense,  chargé 
de  fleurs  et  de  fruits  d'or  qui  couvrait  de  ses  rameaux  la  maison 
tout  entière,  et.  une  autre  fois,  Elie  le  Thesbite  lui  prédisant 
que  Dieu  donnerait  à  son  «  cher  lils  »  le  sceptre  de  l'Empire, 
l'exhortant  par  là  à  le  laisser  partir  pour  Constantinople  ^  ? 

Basile  vainquit  donc  les  hésitations  et  l'amour  maternels  et, 
un  jour,  prit  le  chemin  de  Byzance  n'ayant  pour  toute  fortune 
que  sa  force,  son  intelligence  et  son  ambition  *.  Il  arriva  ainsi 
un  dimanche  soir  dans  la  ville  impériale,  harassé  de  fatigue  et 
couvert  de  poussière.  Il  franchit  pour  la  première  fois  la 
«  Porte  d'Or  »  et  s'en  alla  s'étendre  sous  le  porche  d'une  église 
quelconque  pour  y  dormir  un  peu.  Cette  église  était  celle  du 
monastère  de  S^-Diomède  que,  plus  tard,  Basile  devait  magnifi- 
quement faire  restaurer  en  témoignage  de  sa  reconnaissance 
car  ce  fut  là  que  sa  fortune  naquit.  Continuant  leurs  merveil- 
leux récits  sur  les  années  de  jeunesse  du  futur  Empereur,  les 
chroniqueurs  ont,  en  effet,  poétisé  et  embelli,  au  gré  de  leur 
imagination,  ces  humbles  débuts  de  Basile.  A  les  en  croire,  le 
martyr  Diomède,  dès  les  premières  heures  de  la  nuit,  aurait 
éveillé  brusquement  l'higoumène  du  monastère,  Mcolas,  pour 
lui  ordonner  d'aller  recevoir  l'Empereur  à  la  porte  de  l'église. 
Naturellement,  le  moine  n'en  fit  rien,  croyant  avoir  rêvé,  et  se 
rendormit  profondément.  Vn  second  appel  n'eut  pas  plus  de 
succès.  Le  saint  alors,  rempli  de  colère,  frappa  durement  son 
serviteur  qui  se  décida  à  sortir  et  à  appeler  «  Basile  »  comme 
Diomède  l'avait  ordonné.  Basile,  fort  surpris  de  cette  étrange 

I.    Vil.  Basil,,  vu,  aSG. 

•À.lhid.,  VII,  236;  Gencsios,  1129;  Ccdrenus,  1073. 

3.  Ibid.,  vin,  287. 

'1.   Ibid. 


ET    L  FAIPIIΠ    inZANTIX  37 

intervention,  se  leva  ponr  répondre  à  riiigoumène  qui 
l'emmena  à  l'intérieur  du  cloître  où  il  lui  fit  savoir  —  non  sans 
l'avoir  honorablement  traité  —  ce  qui  venait  d'arriver  '.  La  réa- 
lité fut  sans  nul  doute,  beaucoup  plus  simple  et  plus  banale 
que  celte  gracieuse  légende.  Le  plus  vraisemblable  est  que 
Basile  fit  d'une  façon  quelconque  connaissance  avec  Thigou- 
mène  Nicolas  qui  s'intéressa  à  lui  et,  grâce  à  ses  hautes  rela- 
tions, le  mit,  comme  Basile  le  désirait-,  au  service  d'un  grand 
seigneur,  parent  de  l'Empereur,  et  peut-être  stratège  du  Pélo- 
ponnèse. Théophylitzès  ^.  Comme  tous  ses  pairs.  Théophylitzès 
avait  autour  de  lui  une  véritable  petite  cour,  modelée  sur  la 
cour  impériale.  Là.  comme  au  Palais,  on  aimait  les  jeunes 
hommes  beaux  et  forts,  grands  lutteurs  et  bons  cavaliers. 
Basile  ne  tarda  pas,  dans  un  tel  milieu,  à  se  faire  remarquer 
par  toutes  ses  qualités  physiques  et  à  devenir  le  ((  protostrator  » 
chéri  du  maître  ^.  Aussi  Théophylitzès  le  choisit-il,  pour 
l'accompagner  dans  son  gouvernement  quand  il  se  rendit  à 
Patras ''  afin  de  régler  certaines  affaires  d'Etat.  Dans  cette 
province,  comme  un  peu  partout  dans  l'Empire,  de  puissantes 
maisons  féodales  commençaient  à  se  former,  par  suite  du 
relâchement  de  l'administration  centrale  et  des  incursions 
slaves  de  plus  en  plus  fréquentes.  Eloignées  de  Gonstantinople 
et  du  gouvernement  impérial  qui  ne  pouvait  que  très  difficile- 
ment intervenir  d'une  façon  efficace,  ces  maisons  accaparaient 
toute  la  richesse  du  pays  —  le  sol  surtout  et  les  esclaves  —  et 
bientôt  de>inrent  une  véritable  pépinière  d'empereurs  et  de 
révoltés,  redoutables  à  tous,  à  l'Empereur  constamment 
menacé,  à  la  province  qu'elles  appauvrissaient  et  réduisaient  à 
un  état  voisin  du  servage. 

A  Patras,  la  grande  famille  des  u  ouvà-ro'.  »  était  celle  de  la 
veuve  d'un  certain  Daniélis.  La  fortune  et  la  puissance  de  cette 
femme  était  telle,  qu'elle  aurait  pu  marcher  de  pair  avec  toutes 
les  souveraines '^.  Par  sa  situation,  elle  eut,  sans  doute,  affaire 
avec  Théophylitzès  et  par  là  même  avec  Basile  qui,  naturelle- 

I.  Vit.  Bas.,  i\.  2A0  ;  Gedreiius,  1078;  Syni.  Mag.,  \i,  717;  Léon  Gramm. 
io65. 

■jt.  Ibid.,  IV,  24U. 

3.  Ibid.,  IX,  240. 

4.  Ibid.,  i\,  340. 

5.  Ibid.j  XI,  241. 
G.  Ibid.,  XI.  241. 


•>(>  BASILE    I 

mciil,  lui  plul,  comme  il  eut  riicur  de  plaire  ù  bien  d'autres  eu 
sa  vie.  Il  avait,  du  reste,  assez  de  qualités  physiques  pour  que 
la  pieuse  veuve  le  remarqua  d'elle-même  sans  avoir  besoin, 
comme  le  rapportent  les  chroniqueurs,  de  l'intervention  d'un 
pauvre  moine,  assis  en  prière  dans  l'église  de  Saint-André  qui 
se  serait  levé  au  passage  de  Basile  pour  le  saluer  —  ce  qu'il 
n'avait  jamais  fait  pour  personne  — du  titre  d'Empereur^.  En 
tous  cas,  que  la  noble  matrone  ait  reçu  une  prédiction  ou  que 
son  cœur  ait  seul  parlé,  le  résultat  fut  le  même  pour  Basile  : 
elle  s'éprit  pour  lui  de  la  plus  vive  afTection.  si  bien  que 
lorsque  Théophylitzès  s'en  retourna  à  Byzance.  elle  voulut 
loger  chez  elle  l'heureux  protostrator  qu'une  maladie,  venue  à 
propos  empêcha  de  partir  à  la  suite  de  son  maître.  Cette  amitié 
fut  pour  Basile  une  aubaine  inattendue,  Le  rusé  paysan  com- 
prit vite  le  parti  qu'il  pouvait  tirer  de  sa  familiarité  avec  Danielis 
pour  sa  fortune  présente  et  future.  Tout  en  protestant,  au  nom 
de  son  humble  origine  -,  contre  les  caresses  et  les  bontés  de 
celle  qui  voulait  devenir  sa  mère  adoptive.  il  accepta  —  ce  qui 
ne  lui  coûtait  guère  —  de  s'unir  par  un  lien  de  fraternité  spiri- 
tuelle avec  son  lîls  Jean  -^  :  il  promit  —  ce  qui  ne  l'engageait 
pas  beaucoup  —  de  donner  à  sa  bienfaitrice,  une  fois  Empereur, 
toute  la  province  à  titre  de  souveraine  ;  il  emporta  —  ce  qui 
valait  mieux  pour  lui  —  de  grandes  richesses  de  Patras  :  de 
l'or,  des  esclaves,  des  vêtements  et  l'assurance  d'une  amitié  qui 
ne  se  démentit  jamais*.  Dès  lors  Basile  était  riche.  11  pouvait 
commencer  à  faire  figure  dans  le  monde.  En  fils  aimant,  il 
envoya  de  nombreux  secours  à  ses  parents  pauvres  de  Macé- 
doine ^  ;  en  homme  habile,  il  ne  se  laissa  pas  griser  par  sa  for- 
tune naissante.  11  resta  au  service  de  Théophylitzès.  Bien  lui 
en  prit,  du  reste,  car  les  événements  allaient  le  servir  au  mieux 
de  ses  intérêts  et  lui  ouvrir  enfin  les  portes  du  palais  impérial. 
Deux  faits,  de  bien  modeste  apparence  cependant,  achevèrent 
de  le  rendre  célèbre  à  Byzance  et  d'asseoir  sa  fortune.'  Sa  force 
herculéenne  en  fut  seule  la  cause.  Un  jour,  Antigone,  fils  du 
César  Bardas,  voulut  donner  un  grand  dîner  en  l'honneur  de 


244  ;  Cedron. 


I. 

Vit.  Basil.,  \i 

2. 

Ibid,,  XI,  244. 

3. 

Ibid. 

'i. 

Ibid. 

5. 

Ibid. 

ET    L  EMPIIIK     BV/AM  IN  '2^ 

son  père.  Toute  la  haute  société  byzantine,  sénateurs,  patrices, 
parents,  amis,  furent  conviés  à  la  table  du  jeune  domestique 
des  sclîoles.  Au  nombre  de  ceux-ci  était  Théophylitzès.  Suivant 
l'usage  en  honneur  à  Byzance,  comme  du  reste  à  la  cour  des 
rois  francs,  nulle  grande  réception  n'avait  lieu  sans  des  jeux  et 
des  combats.  Antigone  n'eut  garde  de  manquer  à  cette  habitude, 
et,  au  cours  du  repas,  des  lutteurs  bulgares  firent  leur  entrée 
avec  rinsolencc  qui  leur  était  coutumière,  dans  la  salle  du  festin, 
Lun  d'eux  surtout  se  croyait  invincible.  Théophylitzès  proposa 
alors  de  faire  venir  son  protostrator  pour  se  mesurer  avec  lui  : 
ce  qui  fut  accepté.  La  force  de  Basile  l'emporta  ;  il  fut  vainqueur 
aux  acclamations  de  l'assistance  qui  crut,  à  n'en  pas  douter, 
que  cette  journée,  pour  Byzance  valait  une  bataille.  «  V  partir  de 
ce  jour,  la  renommée  de  Basile  se  répandit  dans  la  ville  et  il 
devint  célèbre*.   » 

L'autre  événement  fut  décisif.  L'Empereur  venait  de  recevoir 
un  cheval  que  nul  ne  pouvait  dompter.  Présent  du  stratège  du 
thème  des  Boukellaires,  Nasar  -,  cet  étalon  de  race  était  d'un 
grand  prix  :  mais  dans  sa  fureur  de  ne  pouvoir  le  monter. 
Michel  parlait  déjà  de  lui  couper  les  pieds  de  derrière  quand 
Basile  s'offrit  à  le  dompter.  L'Empereur,  charmé  de  l'adresse  et 
de  la  force  de  ce  jeune  paysan,  ne  voulut  pas  laisser  plus  long- 
temps à  Théophylitzès  un  tel  homme,  11  le  confia  à  son  hété- 
riarche  André  pour  qu'il  s'occupât  des  chevaux.  Désormais  sa 
situation  était  faite  :  Basile  avait  franctii  le  seuil  du  palais.  On 
était  en  850  ^. 


11 


Nous  avons  vu  au  chapitre  précédent  quelle  était  la  situation 
de  l'Empire  et  particulièrement  de  la  cour  en  cette  année  856. 
Le  meurtre  de  Théoctistos  laissait  le  champ  libre  à  l'ambition 
de  Bardas  et  la  faiblesse  de  son  insouciant  neveu  semblait 
devoir  favoriser  tous  ses  projets.  Théodora  n'allait  pas  tarder  à 
quitter  la  cour  pour  être  envoyée  en  exil,  elle  et  ses  filles,  au 

I.   Vit.  Basil.,  xir,  a44-45  ;  Cedren.,   io8o  ;  Gènes.,  iiSa. 
■2.  Léon  Gramni.,  io6i  ;  Contiii.  de  Georg.  Moine,  loôa. 
3.    Vit.  Basil.,  xni,  245;  Léon  Gramm.,  io6'»  ;  Cedren.,  1080-81  ;  ConL  de 
Georjj^.  \ïoiiH»,  101^7;  Gones..  ii.'^'i. 


OO  BASILE    I 

couvent  de  Karianos,  si  bien  qu'aucun  obstacle  apparent  ne  se 
dressait  plus  entre  Bardas  et  le  trône.  Celui  qui  allait  brouiller 
toutes  les  cartes  ne  comptait  pas  encore. 

Il  est  très  curieux  de  constater  à  travers  les  récits  des  chro- 
niqueurs avec  quelle  souplesse  toute  slave,  Basile  sut  se  glisser 
petit  à  petit  dans  l'intimité  de  l'Empereur.  Nul  doute  qu'il  n'ait, 
comme  Bardas,  tablé  sur  le  caractère  et  les  vices  de  Michel  III 
pour  se  faire  une  large  place  au  soleil  :  mais  tandis  que  l'oncle 
s'acheminait  vers  le  trône  par  l'éclat  du  luxe  et  la  splendeur 
impériale  de  son  entourage  *,  Basile,  lui,  s'y  achemina  par  une 
humilité  déguisée  et  de  tous  les  jours  qui  lui  donna  le  succès. 
It  était  évident  que  dans  la  latte  qui  ne  pouvait  manquer  de 
s'engager  un  jour  ou  l'autre  entre  le  César  byzantin  et  le  paysan 
slave,  le  dernier  mot  resterait  à  Basile.  Il  semble  même  que 
Bardas  n'ait  pas  tardé  à  s'en  rendre  compte,  confusément  du 
moins,  et  à  pressentir  en  lui  l'ennemi  insaissisable  et  inavoué 
que  l'intuition  devine  à  défaut  des  preuves  de  la  raison,  et  qu'il 
avait  introduit  imprudemmenl  ii  la  cour-.  Et  cependant,  au 
début  du  règne  personnel  de  Michel,  au  lendemain  de  l'assas- 
sinat de  Théoctistos.  qui  eût  osé  prédire  qu'un  simple  valet 
d'écurie  s'attaquerait  bientôt  au  premier  personnage  de  l'Empire 
après  le  Basileus?  Michel,  en  effet,  reconnaissant  à  son  oncle  de 
l'avoir  débarrassé  d'une  tutelle  qu'il  se  figurait  gênante  et  dan- 
gereuse se  jeta  tout  d'abord  dans  les  bras  de  Bardas  qu'il  créa, 
tout  de  suite,  après  la  mort  de  Théoctistos  ^,  magister  et  domes- 
tique des  scholes,  puis,  peu  après,  au  lendemain  d'une  conjura- 
tion que  Théodora  essaya  d'ourdir  contre  son  frère  et  qui 
échoua,  curopalate  avec  toute  la  direction  des  affaires  —  chose 
que  l'Empereur  trouvait  trop  ennuyeuse  pour  lui  et  qu'il  était, 
du  reste,  parfaitement  incapable  de  conduire  à  bien.  Ce  fut  donc 
Bardas  qui,  durant  l'espace  de  dix  ans,  devint  le  vrai  maître  de 
l'Empire.  Basile,  de  son  côté,  était  confiné  dans  ses  écuries.  Il 
ne  laissait,  cependant,  passer  aucune  occasion  de  s'approcher  de 
Michel  qui  le  prit  vite  en  amitié  et  réle>  a  au  rang  déjà  recher- 
ché de  ('  protostrator  «.  C'est  ainsi  qu'un  jour,  par  exemple,  la 
cour  se  trouA  ant  en  chasse  au  lieu  qu'on  appelait  «  <I>t.Ao7:àT',ov  » 
un  loup,  tout  à  coup,  se  précipita  au  milieu  des  chasseurs  qui 

I.  Genesios,  1117. 

9.   Vit.  Basil.,  \iv,  2^18, 

3.   Syin.  Ma<r.,  xiii,  7Î0;  Coiil.  do  (ieorg.  Moiiio.  io'|8;  Léon  Gramm.,  1069. 


Kl     L  KMl'lUi;     mZAMlN 


se  dcbaiidèreiiliMpidemcnt,  effrayés  par  cette  subite  iiTiiplion. 
Basile  portait,  suivant  sa  dignité,  le  bâton  de  l'Empereur.  Dès 
qu'il  vit  le  désarroi  général,  il  se  précipita  sur  la  béte  et  armé 
du  u  caêoojxiov  n  impérial  il  lui  fracassa  la  tête,  aux  grands 
applaudissements  de  l'assistance '.  Il  n'en  fallait  pas  tant  à 
Michel  pour  s'amouracher  d'un  homme,  alors  dans  toute  la 
force  de  rûge  !  Aussi  est-ce  bien  probablement  la  crainte  de 
voir  Basile  trop  puissant  auprès  de  l'Empereur,  grâce  à  ses 
qualités  physiques,  plutôt  que  l'idée  d'être,  un  jour,  supplanté 
par  lui.  qui  fit  dire  à  Bardas  un  de  ces  mots  qu'on  trouve  géné- 
ralement après  coup,  mais  qui  expriment  toutefois  assez  exacte- 
ment la  pensée  du  moment  :  u  Je  crois  bien  que  cet  homme 
sera  la  ruine  de  toute  notre  race 2.  »  Et  cela  est  si  vrai  que, 
quelques  jours  plus  tard,  Michel  en  présentant  son  nouveau 
protégé  à  sa  mère  ne  trouva  rien  de  mieux  à  lui  répondre  pour 
calmer  ses  alarmes  —  car  elle  aussi  eut  la  même  pensée  que 
Bardas  et  crut  reconnaître  en  lui,  disent  les  chroniqueurs,  le 
successeur  de  son  fils,  l'homme  prédit  à  7'héophile  —  que  ces 
simples  et  stupéfiantes  paroles  qui  dépeignent  celui  qui  les  pro- 
nonce :  «  Vous  augurez  mal  de  cet  homme,  ma  mère  ;  c'est  un 
simple  et  un  ignorant  Iouoty,^  xal  Travj  àcp£A-/-ç.  mais  il  est  d'une 
force  prodigieuse  -K  » 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  histoires  de  chroniqueurs,  un  fait 
paraît  se  dégager  pourtant  avec  certitude  :  c'est  que,  d'une  part, 
Basile  sut  prendre  assez  vite  un  ascendant  de  plus  en  plus  con- 
sidérable sur  l'Empereur  et  que  de  l'autre.  Bardas,  dès  l'origine 
manifesta  à  son  égard  les  sentiments  peu  tendres  que  le  temps 
ne  devait  guère  modifier^. 

Tandis  donc  que  Basile,  dans  ses  obscures  fonctions,  prépa- 
rait sa  fortune  à  venir  et  s'attachait  à  l'Empereur,  l'accompa- 
gnant, comme  c'était  sa  fonction,  dans  ses  plaisirs  du  cirque  et 
souriant,  en  y  prêtant  la  main.,  à  ses  honteuses  passions^,  Bar- 
das gouvernait  en  son  nom  propre  l'Empire  byzantin.  Fatale 
dualité  qui  allait  admirablement  servir  le  rusé  Macédonien  ! 

Le  premier  soin  de  Bardas  fut,  naturellement,  de  se  débarrasser 

I.   \U.  Basil.,  ch.  xiv,  3/|8. 
■2.  IbicL 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  xv,  2^9;  Léon  (irainin.,  10G8. 

4.  Vit.  Basil.,  cti.  xiv,  248. 
;■).  Voir  pins  bas,  ch.  m. 


3  2  BASILE    I 

de  sa  sœur  l'Impératrice  et  de  ses  nièces,  ses  filles,  en  les  envoyant 
en  exil,  au  monastère  de  Karianos  d'abord,  puis  ensuite  à  Gas- 
tria^  Malheureusement  pour  lui,  les  choses  n'allèrent  pas  sans 
difficultés  et,  pour  ne  pas  se  rendre  même  peut-être  exactement 
compte  de  la  portée  de  ses  actes,  il  semait  imprudemment,  dès 
son  arrivée  au  pouvoir,  les  germes  d'une  querelle  qui  devait 
rapidement  détruire  son  œuvre,  sa  personne  et  sa  famille. 
Bardas,  en  efTet,  arrivait  au  gouvernement  précédé  d'une  détes- 
table réputation  :  on  l'accusait  de  relations  coupables  avec  sa 
belle-fille  Eudocie-.  Si  la  chose  n'avait  pas  été  très  publique  et 
très  certaine,  l'Eglise  n'eût  probablement  pas  osé  donner,  par 
son  intervention,  à  un  simple  bruit  la  réalité  d'un  fait  ;  mais  la 
chose  parut  assez  sérieuse  au  patriarche  Ignace,  pour  qu'il  ten- 
tât d'abord  un  avertissement,  puis  à  l'Epiphanie  858  qu'il  se 
résolut  à  frapper  un  grand  coup  en  interdisant  à  Bardas  la  récep- 
tion de  l'Eucharistie^.  Ce  fut  là,  comme  le  dit  Mcetas  David, 
((  le  commencement  des  scandales  et  l'origine  du  trouble  de 
l'Eglise.  ))  Profitant  de  cet  affront  qui  pouvait  menacer  jusqu'à 
son  pouvoir  dans  une  société  telle  que  celle  de  Byzance,  il 
résolut  de  se  venger  en  obligeant  le  Patriarche  à  faire  lui-même 
ce  que.  sans  cette  heureuse  circonstance,  il  n'aurait  su  com- 
ment faire,  c'est-à-dire  à  tondre  l'Impératrice  et  ses  filles  de 
ses  propres  mains  et  à  leur  ouvrir  ainsi  par  la  force  les  portes 
du  couvent.  Bien  entendu,  Ignace  refusa  de  concourir  à  un 
acte  que  condamnaient  et  les  canons  ecclésiastiques  et  son 
loyalisme  et  sa  reconnaissance.  Il  se  retrancha  derrière  le  ser- 
ment qu'il  avait  prêté  à  Théodora  lorsqu'elle  l'appela  à  gouver- 
ner l'Eglise  H^t  attendit  tranquillement  l'heure  du  châtiment. 
Il  ne  se   fit  pas    longtemps  attendre.  Le  20   novembre  858  ^  il 

1.  ] //.  Ignat.,  5o5;  Léon  Granini.,  1069;  Sym.  Mag.,  cli.  xiii,  730. 

2.  IbicL,  5o4  ;  Tlieoph.  Contin.,  Vit.  Mich.,  x\x,  208  ;  Sym.  Mag.,  ch.  xwni, 
p.  728.  Cf.  Vit.  S.  Eustat.,  889,  33. 

3.  IbicL,  5o4. 

4.  Nous  aurons  occasion  de  revenir  sur  ce  curieux  sernienl  qui  éclaire 
d'un  jour  très  particulier  riiistoire  des  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  à 
Byzance  à  cette  époque. 

5.  Aristarch.  Eisag.  2,  ;  llergenrôthcr,  I,  372,  donnent  la  date  du  28  nov^ 
867  ;  mais  cette  date  ne  me  paraît  pas  possible. 

En  cfTet  :  1°  au  moment  des  affaires  d'Ignace,  Bardas  n'est  encore  que 
domestique  des  scholes  (Vif,  Ignat.,  5o4). 

■2"  Le  premier  pontificat  d'Ignace  dura  onze  ans  (]//.  Ignat.,  5 12).  En  outre 
il  romoiilii  sur  le  Irône  j)alriarral  le  -i'À  no\einhre  867  après  neuf  années  d'evil 


ET  l'empire  byzantin  33 

était  envoyé  en  exil  dans  l'île  de  Térébinthe,  quelques  semaines 
seulement  après  la  réclusion  de  Théodora^.  Si,  pour  Bardas,  la 
situation  intérieure  s'éclaircissait  sur  un  point  par  le  départ  de 
l'Impératrice,  elle  devenait  singulièrement  inquiétante  sur  un 
autre  par  l'exil  du  Pontife.  Ignace,  le  26  novembre,  refusa 
d'abdiquer  le  pouvoir-  et  peu  de  temps  après  Photius  fut  fait 
patriarche  (24-'i5  décembre).  C'était  le  début  d'une  persécution 
violente  contre  Ignace  et  ses  tenants-^  qui  s'ouvrait,  persécution 
qui  obligea  Rome  à  intervenir,  qui  fut  un  des  principaux  griefs 
que  Byzance  n'allait  pas  tarder  à  formuler  contre  le  gouverne- 
ment et  qui  prépara  le  mécontentement  général  dont  bénéficia 
Basile. 

La  question  religieuse,  résolue  ainsi  par  la  force,  permit  à 
Bardas  de  s'occuper  sérieusement  de  l'administration  et  de  dis- 
tribuer libéralement  par  son  activité  et  son  intelligence  quel- 
ques années  de  réelle  prospérité  à  l'Empire.  Sous  son  impulsion 
l'école  de  la  Magnaure  fut  créée,  ou  tout  au  moins  relevée^.  Un 
des  plus  grands  savants  du  ix®  siècle,  Léon  le  Philosophe,  en 
prit  la  direction  effective,  assisté  des  hommes  les  plus  cultivés 
de  son  temps.  L'instruction,  par  trop  abandonnée  depuis  un 
siècle,  fut  remise  en  honneur  et  prépara  la  brillante  renais- 
sance, littéraire,  théologique  et  philosophique  de  l'époque  qui 
suivit.  Grâce  à  la  munificence  de  son  protecteur,  la  nouvelle 
école  fut  richement  dotée  et,  grâce  à  sa  surveillance  assidue,  on 
y  travailla^.  Puis  reprenant  dans  l'ordrejudiciaire  les  traditions 
de  Théophile,  Bardas  aimait  à  venir  lui-même  siéger  au  cirque 

(\  it.  IgnaL,  544).  De  plus,  Nicetas  (ôôg)  dit  qu'Ignace  demeura  un  peu  plus 
de  trente  ans  au  pouvoir  et  que  son  second  pontificat  dura  dix  ans. 

3°  L'ambassade  envoyée  à  Rome  par  Photius  n'y  arriva  qu'en  860  pour  en 
repartir  avec  des  lettres  datées  du  20  sept.  (Ducli.,  Lih.  Pontif.,  168'^).  II 
semble  qu'on  aurait  laissé  passer  bien  du  temps  entre  la  déposition  .d'Ignace 
et  cette  ambassade. 

II  semble  donc  que  la  date  du  33  nov.  858  est  préférable  à  celle  de  857. 

Nous  avons  donc  comme  dates  fixes  :  éIé^ation  d'Ignace  au  patriarcat, 
juin  847;  déposition,  ^3  novembre  858.  Toute  Terreur  d'IIergenrother  vient 
de  ce  ([u'il  fait  mourir  Méthode  en  846. 

I.  Ml.  IgnaL,  5o5.  Cf.  Regel,  Vila  Theod,  Aiialeda  byzanlino-riissica,  p.  \v 
(Petersbourg,  1891). 

3.  Ibid.,  5o5  ;  Aristarch.  Eisag.  t,. 

3.  Theoph.  Gonlin.,  Vit.  Mich.,  ch.  xxxn,  p.  209;  Gènes.,  1130. 

4.  Ibid.,  ch.  XXVI,  p.  300;  Vit.  Ignat.,  5o4. 

5.  Theoph.  Gont.,  ML  Micfi.,  ch.  xxvi,  300  et  308;  Cedren.,  io53  ; 
(iencs..  1 1  iC). 

Il 


3 A  BASILE    I 

pour  prendre  part  aux  procès  importants  et  empêcher  l'injus- 
tice de  s'y  commettre.  C'était  pour  lui,  paraît-il,  un  honneur 
auquel  il  tenait  beaucoup  que  d'être  appelé  uami  d'une  juste  sen- 
tence :  «  spao-TTj;  vo[i.l>;^£a-8a!.  Ta'JTr,^  Tr^ç  yvwfXTjÇ  cpO.OTt-iJiO'jjjLSVOç  »  ^. 
Mais  pour  autant,  Bardas  ne  s'oubliait  pas.  Il  voulait  arriver  à 
l'Empire  et  il  en  prenait  les  moyens  2.  Les  dignités  et  les  hon- 
neurs dont  il  disposait  en  maître  absolu  servirent  à  lui  gagner 
des  amis  de  plus  en  plus  nombreux.  11  en  faisait  échange  pour 
lui-même  et  pour  les  autres  «  comme  un  jeune  fat  change 
d'habit,  wa-^rsp  v.ç  véoç  yaGpo;  tô  xal  cp',a6t!.|jioç  -rà.;  -oLx'lAa;  twv 
Tzpoq  Tép'^iv  «TToXàç  »  '^  mais  aussi  comme  un  homme  habile  qui 
veut  atteindre  un  but.  Son  frère  Pétronas  fut  créé  en  863  domes- 
tique des  scholes  *  et  à  sa  mort  sa  charge  fut  confiée  à  Antigone  ^  ; 
Symbatios,  son  gendre,  devint,  après  la  mort  de  Théoctistos, 
logothète  du  drône^,  et  ce  fut.  sans  doute,  pour  donnera  quel- 
que important  personnage  dont  il  voulait  gagner  l'amitié,  la 
fonctioji  très  recherchée  et  très  influente  de  parakimomène, 
qu'il  envoya,  au  début  de  865,  son  ancien  ami  Damianos  finir 
ses  jours  au  couvent,  sous  le  plus  futile  prétexte''.  Lui-même, 
du  reste,  après  s'être  approprié  tout  le  pouvoir  impérial^,  se 
fit  donner  le  titre  de  César  à  l'époque  des  fêtes  de  Pâques  865 
ou  866  •'.  11  touchait   donc  au  faîte  des   honneurs;    mais  déjà 

I.  Theoph.  Conl.,  VU.  Mich.,  vh.  \xx,  208;  Gcdren.,  io56. 
3.   Vit.  Basil.,  cli.  xvi,  nfuj. 

3.  Th.  Cont.,  Vil.  Mich.,  ch.  xxvi,  197. 

4.  Th.  Cont.,  Vit.  Mich.,  xxv,  198. 

5.  Léon  Gramm.,  1069;  Georg.  Moine  Cont.,  1049. 

6.  Georg.  Moine  Cont.,  1057. 

7.  Cedren.,  io84;  Léon  Granini.,  1078;  Vit.  Basil.,  xvi,  2/19. 

8.  Gènes.,  1108;  Vit.  Ignat.,  628. 

9.  Cette  date  est  très  incertaine.  Aristar.  la  place  au  17  avril  86o.(Eisag. 
xê),  Hergenr.  en  862  ou  863  (I,  4O9),  (ielzer  au  26  mai  866.  Si  le  quantième 
ne  me  paraît  pas  possible  attendu  que  Bardas  fut  créé  durant  les  fêtes  de 
Pâques,  je  crois  que  la  date  de  866  ou  865  est  assez  vraisemblable.  En  effet, 
Pétronas  reçut  le  titre  de  domestique  des  scholes  après  sa  brillante  campa- 
gne contre  l'émir  de  Melitène  en  septembre  863  (Yasiljev,  199,  Vit.  Mich., 
xxv,  198).  C'est  donc  que  le  titre  était  vacant  par  suite  de  la  promotion  de 
Bardas  à  la  charge  de  curopalate.  Peu  après  il  fut  fait  César  (Vit.  Ignat., 
528).  En  tous  cas  il  paraît  certain  que  sa  promotion  eut  lieu  après  la  con- 
version de  Michel  de  Bulgarie  en  864  (Lapôire,  p.  49)  et  après  le  retour  des 
légats  à  Rome  à  la  suite  du  concile  réuni  par  Photius  (Vil.  Ignat.,  025-537). 
Or  ce  concile  eut  lieu  en  hiver  862-868.  C'est  donc  après  863  et  même  864 
qu'il  faut  placer  l'élévation  de  Bardas,  (ienesios  seul  donne  une  date  ferme  : 
à  Pâques,  indicL  10,  ce  qui  reporterait  l'événement  à  863.  Mais  cette  date 
fait  év  idem  m  eut  difïicullé. 


ET  L  empiuj:  byzantin  ôo 

cette  étrange  loi  que  Sociale  appelait  la  «  loi  du  retour  des 
choses  »  semblait  s'afïirnier  pour  lui  d'une  inquiétante  façon. 
L'Empereur  l'abandonnait  pour  Basile.  Son  premier  échec  eut 
lieu  précisément  à  propos  de  ce  Damianos  qu'il  fit  destituer, 
convaincu  qu'il  allait  pouvoir  offrir  la  charge  vacante  à  un 
ami.  Ce  ne  fut  pas  sans  surprise  qu'il  vit  l'Empereur,  d'abord 
peu  pressé  de  donner  un  successeur  à  l'eunuque  disgracié,  éle- 
ver tout  à  coup  Basile  à  la  fonction  convoitée  en  le  créant 
patrice  '.  Pour  Bardas  le  coup  fut  sensible.  «  J'ai  chassé  le 
renard,  dit-il  à  ses  amis,  mais  j'ai  introduit  le  lion.  Il  va  tous 
nous  dévorer  -.  »  Dès  lors  entre  ces  deux  hommes  une  haine 
profonde  se  déclara.  11  fallait  que  l'un  ou  l'autre  disparut  «  ut.z- 
êÀiTTOVTO  à)j.-/;).o'jç,  Ç7,to'jv':£«;  t.Ck  sTspo;  tov  'hzpoy  œd\r^  »  et  ce  ne 
pouvait  être  que  par  la  violence  -K 

Pendant  ce  temps,  Michel  continuait  à  mener  joyeuse  vie. 
Avec  des  comédiens  et  des  cochers,  il  gaspillait  le  trésor  ;  avec 
des  femmes  il  scandalisait  Byzance  ^.  Il  n'était  pas  difficile  d'agir 
sur  un  esprit  aussi  faible.  Pourvu  qu'on  flattât  son  amour 
propre,  qu'avec  lui  on  fût  obscène  et  qu'on  prît  plaisir  à  ses 
amusements  hippiques,  on  était  sûr  d'avoir  son  oreille.  Basile, 
à  ce  titre,  était  tout- puissant.  Depuis  l'heure  oii  il  avait  été  fait 
parakimomène,  il  vivait  dans  l'intimité  du  Basileus.  couchait 
aux  pieds  de  son  lit,  suivant  l'étiquette,  et  ne  le  quittait  point. 
Ourdir  une  conjuration  contre  le  César,  dans  de  telles  condi- 
tions, n'était  point  malaisé,  si  c'était  dangereux.  Basile  n'hésita 
pas.  Entre  les  deux  ennemis  qui.  l'un  et  l'autre,  se  voulaient 
mal  de  mort,  les  chances  étaient  à  peu  près  égales.  Il  fallait 
toutefois  au  Macédonien  un  appui  auprès  de  l'Empereur  dans  la 
lutte  qu'il  allait  engager.  S'il  était,  en  effet,  l'ami  écouté  quand 
il  s'agissait  de  jeux  et  de  plaisirs,  avec  cet  instinct  de  race  qui 
est  propre  aux  rois,  Michel  comprenait  que  Bardas  lui  était 
indispensable  quand  il  s'agissait  de  gouverner  l'Empire  et  de 
gaieté  de  cœur  il  n'aurait  point  consenti  à  le  sacrifier.  Il  impor- 
tait donc  de  perdre  le  César  auprès  de  Michel  III.  Par  un  coup 


1.  VU.  Basil.,  ch.  xvi,  a'iy.  —  l'our  le  mariage  de  Basile  voir  plus  loin. 

2.  Cedrenus,  io84. 

3.  Sym.  Mag.,  xl,  787  ;  (îeorg.  Moine  Cont.,  io56  ;  Léon  Gramm.,  1078; 
Cedren.,  106A  et  io8'|. 

f\.   Vit.  Basil.,  ch.  xxxvn,  2i3-2i5  ;  Theoph.  (]onL,  \  il.  Midi.,  ch.  xxi,  188; 
Syni.  Mag.,  xi\,  720,  721  ;  Odren.,  lo'i'j. 


36  BASILE    I 

d'habileté  incomparable,  Basile  s'aboucha  avec  le  logothètc 
Symbatios,  gendre  de  Bardas  et.  sous  la  foi  des  plus  solennels 
serments,  lui  raconta  que  l'Empereur  avait  pour  lui  la  plus 
singulière  amitié  et  que.  sans  son  beau-père,  il  rélèverait 
volontiers  au  rang  de  César.  Celle  pensée  fut  pour  Symbatios 
une  révélation.  Son  titre  de  logothète  n'allait  donc  pas  être 
vain  ;  il  pourrait  gouverner  à  son  tour  !  Il  accepta  d'entrer  dans 
la  conjuration  formée  par  Basile  et  tous  deux  se  mirent  en 
devoir  de  convaincre  Michel  que  le  César  en  voulait  à  sa  vie. 
Tant  que  Basile  a^ait  parlé.  Michel  s'était  con lente  de  rire  ; 
mais  les  confidences  du  propre  gendre  de  Bardas  l'efl rayèrent 
et  dès  lors  il  ne  songea  plus  qu'à  se  défendre*.  Virtuellement 
Basile  était  vainqueur.  Mais  s'il  avait  gagné  l'Empereur,  il  ne 
pouvait  se  dissimuler  que  Byzance  et  l'armée  étaient  pour  le 
César  2.  En  somme,  à  part  la  question  religieuse.  Bardas  avait 
admirablement  gouverné.  A  l'intérieur,  il  avait  fait  régner  la 
justice  et  rendu  à  Constantinople  le  lustre  des  lettres  qu'elle 
avait  perdu.  A  l'extérieur,  il  avait  vaillamment,  par  son  frère 
Pétronas  et  ses  généraux,  combattu  les  Arabes  et  remporté 
sur  eux  d'éclatantes  victoires.  Les  J3ulgares  aAaient  conclu  la 
paix  ;  leur  prince  en  864  s'était  fait  baptiser  et  avait  pris  le 
nom  de  Michel.  Des  missionnaires,  comme  Cyrille  et  Méthode, 
étaient  allés  porter  aux  peuples  païens  la  foi  de  l'orthodoxie 
et  l'amour  de  Byzance.  La  civilisation  «  romaine  »  s'était  ré- 
pandue et  par  elle  le  commerce  avait  prospéré.  Tant  de  bien- 
faits valaient  au  César  une  légitime  popularité.  En  outre 
—  et  c'était  encore  plus  grave  —  tous  les  grands  postes  de 
l'Empire  étaient  occupés  par  ses  amis,  depuis  le  Patriarcat 
jusqu'aux  chefs  de  l'armée  et  aux  gouverneurs  civils  qui 
comptaient  bien,  probablement,  voir,  un  jour,  régner  leur 
protecteur "^  Enfin  Bardas  n'ignorait  rien  de  la  conjuration  qui 
se  tramait  contre  lui  et  à  la  moindre  alerte  il  était  si  bien  prêt 
à  se  défendre  qu'il  avait  fait  revenir  en  ville  Antigone  avec  de 
nombreuses  troupes.  C'est  pourquoi  Basile  résolut,  de  concert 
avec  l'Empereur,  d'éloigner  Bardas  de  Constantinople  en 
l'obligeant  à  suivre  Michel  III  dans  une  expédition  contre  les 


I,  Sym.  Mag..  \l,  787;  Léon  (rrainm..  107O;  Gcorg.  Moine  Cont..  1007. 

M.  lind. 

li.   1/7.  Basil.,  cil.  \\  II.  ''.'r.i. 


El      I.  I-AIPIUE     In/\M1N  Ô-y 

Vrabes  '.  Vu  fond,  il  semble  bien  que  le  César  a\ail  des  crainles 
plus  sérieuses  qu'il  ne  voulait  le  laisser  paraîlre.  Il  se  sentait 
fort  et  sa  vanité  répugnait  à  trembler  devant  un  parvenu. 
Et  cependant  de  noirs  pressentiments  le  hantaient'^.  Aussi 
([uand  il  se  décida,  malgré  le  conseil  de  ses  amis,  à  partir 
comme  chef  de  l'armée  ^,  il  se  rendit  avec  l'Empereur  et  Basile 
à  Sainte-Marie  de  Chalkopratia  et  demanda  qu'on  jurât  devant 
le  Patriarche  et  sur  le  sang  du  Christ,  de  ne  rien  entreprendre 
contre  sa  vie  durant  l'expédition  *.  Naturellement  le  serment 
fut  prêté  :  Basile  n'en  était  pas  à  un  scrupule  près. 

L'armée  se  mit  en  marche  immédiatement  après  les  fêtes  de 
Pâques  qui  tombaient  en  cette  année  866  le  7  avril,  pour  le 
thème  des  Thracésiens  afin  de  se  diriger  ensuite  sur  la  Crête  ^. 
Arrivée  à  l'embouchure  du  Méandre,  au  lieu  qu'on  appelait 
((  Kr-.oi  »  les  jardins  ^  elle  s'arrêta  pour  camper  et  se  préparer 
à  la  traversée  qui  devait  avoir  lieu  le  9.-  ou  le  28.  Deux  tentes 
furent  élevées,  l'une  pour  l'Empereur,  l'autre  pour  le  César.  Par 
un  hasard,  peut-être  bien  voulu'',  la  tente  de  l'Empereur  fut 
placée  dans  un  bas-fond  tandis  que  celle  de  Bardas  se  trouvait 
sur  la  hauteur.  Au  dire  de  Constantin  \  II,  le  fait  fut  très  remar- 
qué et  causa  une  grande  rumeur^.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est 
que  les  amis  de  Bardas  et  ses  serviteurs,  sachant  la  scène  qui 
allait  se  jouer,  l'avertirent  du  danger  qu'il  courait.  Il  ne  voulut 
pas  tenir  compte  de  leur  dire  et  au  matin  du  21  avril,  vers  neuf 
heures  ^,  il  se  dirigea  plein  de  dédain,  entouré  d'un  splendide 
cortège,  du  côté  de  la  lente  de  l'Empereur  pour  lui  annoncer 
que  l'armée  était  prête  et  qu'elle  pouvait,  sur  son  ordre,  faire 
voile  vers  la  Crête  ^^.  Basile  qui  avait  eu  soin,  sous  prétexte  de 

I.  Gcorg.  Moine  Cont.,  1057.  Vasiljev,  Byzance  et  les  Arabes,  I,  204. 
3.   Vit.  Basil.,  ch.  xyii,  202  ;  Theoph.  Cont.,  17/.  Mich.,  ch.  xl.  217,  220; 
Sym.  Mag.,  xli,  7^0;  Gènes.,  ii24;  Cedren.,  io65. 

3.  Sym.  Mag.,  xl,  787  ;  Georg.  Moine  Cont.,  1057;  Léon  Gramm.,  1076. 

4.  Sym.  Mag.  ;  ibid.  ;  ibid. 

5.  Theoph.  Cont.,  V7/.  Mich.,  ch.  xl,  220;   Sym.  Mag.,  xlu,  740;  Georg. 
Moine  Cont.,    1060. 

6.  Vit.  Basil.,  cli.  xvn,  202  ;  Gènes.,  1124.  Léon  Gramm.,  107G.  Tlieoph. 
Cont.,  Vit.  Mich.,  xl,  220.  Ramsay,  p.  m. 

7.  Cedren.,  io65.  C'était  en  tous  cas  contraire  à  l'étiquette,  telle  du  moins 
qu'elle  nous  l'est  révélée  parles  Takiika  de  Léon  VI. 

8.  Vit.  Basil.,  ch.  xvn,  202. 

9.  Sym.  Mag.,  xlii,  740  ;  Vit.  Basil.,  ch.  xvn,  252  ;  Theoph.  Cont.,  T7/.  Mich., 
cl».  XL,  220  ;  Léon  Gramm.,  1077. 

10.  Léon  Grannii.,  1077. 


38  BASILF.    I 

manœuvre,  de  faire  éloigner  Antigone  et  ses  troupes  ^  était 
décidé  à  en  finir  avec  un  jeu  qu'il  savait  fort  risqué.  Dès  que  le 
César  se  fut  approché  de  Michel  pour  le  saluer,  lui-même 
s'avança  et  sur  un  signe  convenu,  tous  les  conjurés  s'apprê- 
tèrent à  frapper  leur  victime.  Basile  donna  le  premier  coup, 
après  quoi  chacun  s'acharna  sur  le  corps  de  Bardas  qui  fut 
mis  en  pièces  et  honteusement  déchiqueté  -.  Du  César,  il  ne 
resta  rien  que  la  mâchoire  inférieure  quon  conserva  long- 
temps dans  une  petite  urne  en  ce  même  monastère  de  Gastria 
oii  ïhéodora  était  religieuse  et  fut  ensevelie^. 

Basile  était  donc  vainqueur.  11  n'avait  que  faire,  dès  lors, 
d'une  expédition  en  Crête.  On  rentra  à  Byzance  ;  mais  ce  ne  fut 
pas  sans  difficultés.  L'armée,  à  la  nouvelle  du  meurtre,  essaya 
de  se  révolter.  Il  fallut  toute  l'énergie  du  drongaire  Constantin, 
parent,  mais  ennemi  de  Bardas,  et  grand  partisan  de  Basile^ 
—  nous  l'avons  déjà  vu  —  pour  réprimer  une  sédition  qui 
pouvait  être  fatale  à  l'Empereur  et  à  son  parakimomène  et 
convaincre  chacun  que  le  César  avait  été  tué  légitimement  à 
cause  de  ses  insolentes  prétentions  et  de  ses  ambitieux  projets'». 
Ce  fut,  du  reste,  à  partir  de  cet  instant,  la  thèse  de  la  cour  et  la 
raison  qu'elle  donna  du  lâche  assassinat  de  Bardas  <^. 

Le  peuple,  cependant,  ne  paraît  pas  avoir  jugé  de  même  le 
meurtre  qui  venait  d'être  commis.  Michel  et  Basile  rentrèrent  à 
Constantinople  sans  triomphe,  la  conscience  chargée  d'un  lourd 
crime.  L'Empire  était  privé  de  son  j^lus  habile  défenseur  et 
plus  que  jamais  les  esprits  chagrins  pouvaient,  à  l'horizon  des 
choses,  voir  s'accumuler  les  sujets  d'angoisse  et  d'inquiétude. 
Aussi  la  population  ne  fut-elle  pas  aimable  à  l'égard  de  ses 
maîtres.  Des  murmures  accueillirent  le  cortège  impérial  et  un 

I.  (icnes.,  1 125. 

•i.  Vit.  Basil.,  ch.  xvii,  203;  Tlieoph.  Conl.,  Vit.  Midi.,  ch.  xl,  220;  Léon 
(jramm.,  1077  ;  Sym.  Mag.,  xui,  7.V)-4i  ;  Codron.,  io65. 

3.  De  Cerem.,  1208. 

4.  Gencs.,  1121,  1128. 

5.  Cedren.,  1067;  Gènes.,  1 128  ;  Tlieoph.  Coiit.,  Vit.  Mich.,  ch.  xl,  221. 

6.  Le  récit  de  Constantin  Porphyrogénète  et  des  chroniqueurs  attachés  à 
la  cour  est  évidemment  tout  ditrérent.  Pour  eux,  Basile  ne  fut  pour  rien 
dans  le  meurtre  du  César.  La  faute  en  doit  être  imputée  à  Symbatios  seul. 
La  Vit.  Midi,  fait  intervenir  Basile  au  moment  décisif,  mais  en  remarquant 
qu'il  n'agit  de  la  sorte  que  pour  sauver  l'Empereur  menacé  et  mù  unique- 
ment par  l'éminencc  du  danger  et  les  suppliantes  objurgations  de  Michel 
(ch.  XL,  220,  221).  La  Vit.  Basil,  répète  la  même  chose  (ch.  xvn,  253). 
D'autres  chroniqueurs  taisent  tout  simplement  son  nom. 


ET    L  E^fPIlΠ   BYZANTIN  09 

moine  se  faisant  Fécho  des  pensées  de  beaucoup  s'écria  tout  à 
coup  :  u  Tu  as  fait  un  bon  voyage,  Basileus,  tu  as  tué  ton 
propre  parent.  Malheur  à  toi  pour  avoir  fait  cela.  »  Sur  l'heure 
ce  fut  le  moine  qui  fut  malheureux  ^ ,  mais  sa  prédiction  ne 
devait  que  trop  se  réaliser  et  sans  beaucoup  tarder.  Le  premier 
soin  de  Michel  fut,  comme  il  l'avait  fait  autrefois  pour  Bardas, 
au  lendemain  de  l'assassinat  de  Théoctistos,  de  combler  Basile 
de  ses  faveurs.  Incapable  de  diriger  l'Empire  de  ses  propres 
mains  et  n'ayant  pas  encore  d'enfants-,  il  résolut  d'élever  Basile 
à  la  plus  éminente  dignité  aulique  en  le  créant  «  magistros  et 
fds  adoptif  »  d'abord,  puis  bien  peu  de  jours  plus  tard,  le 
dimanche  de  la  Pentecôte,  26  mai,  coempereur^.  D'un  bond 
Basile  était  monté  plus  haut  que  Bardas.  Il  obtenait  ce  que  son 
ennemi  avait  toujours  rêvé.  La  cérémonie  fut,  comme  elle 
devait  l'être,  magnifique.  La  veille  au  soir,  le  protovestiaire 
impérial  prévint  Photius  *  de  la  fête  qui  allait  avoir  lieu.  Immé- 
diatement, à  l'étonnement  général,  deux  trônes  furent  dressés 
à  Sainte-Sophie  et  le  lendemain,  devant  la  foule  plus  curieuse 
que  sympathique.  Michel  s'avança,  ayant  à  ses  côtés  Basile  en 
habit  de  parakimomène.  La  procession  arriva  ainsi  à  l'ico- 
nostase et  tandis  que  l'Empereur  montait  à  l'ambon,  ayant  à 
ses  pieds  Basile,  un  u  asecretis  »  Léon  Castor,  commença  à 
lire  la  proclamation  du  Basileus.  Il  expliquait  à  son  peuple 
qu'un  complot  avait  été  machiné  contre  sa  vie  par  Bardas  et 
que,  sans  ses  fidèles  serviteurs  Symbatios  et  Basile,  il  eût  été 
tué.  Bardas  avait  reçu  la  juste  peine  de  son  crime.  Basile  désor- 
mais le  remplacerait  et  allait  être  créé  empereur.  Tout  le  monde 
applaudit  et  Basile  reçut  la  couronne  aux  cris  de  u  Longues 
années  à  Michel  et  à  Basile^  !  » 

De  tout  cela,  cependant,  un  homme  n'était  point  satisfait. 
C'était  ce  pauvre  Symbatios  que  Basile  avait  si  bien  joué. 
Furieux  de  voir  son  titre  de  César  lui  échapper,  il  demanda  à 
être  nommé  stratège  du  thème  des  Thracésiens  *'•  et  abdiqua  sa 

1.  Sym.  Mag.,  xlii,  741  ;  Goorg.  Moino  Cont.,  loCi. 

2.  Cedren.,  1068;  Thcoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  ch,  xliii,  221  ;  Vit.  Basil., 
ch.  XVIII,  253. 

3.  ïheopli.  Cont.,  VU.  Mich.,  xun,  vu  ;  Gcorg.  Moine  Cont.,  10O2  ;  NIcc- 
tas,  537  ;  Gènes.,  ii3G. 

4.  Léon  Gramni.,  1077. 

5.  Syin.  Mag.,  xliii,  741;  Georg.  Moine  Cont.,  1061  ;  Léon  Gramni.,  1080. 
('».    Vit.  Basil.,  ch.  xviii,  253. 


\o  BASILE    I 

charge  de  logothète  K  puis  partit  avec  Georges  Piganis  soule- 
ver la  province  contre  le  nouvel  Empereur.  Sa  révolte  fut  ter- 
rible, mais  de  courte  durée.  Piganis  fut  pris  le  premier,  Sym- 
batios  ensuite.  Ils  furent  mutilés  :  l'un  eut  les  yeux  crevés 
l'autre  un  œil  arraché  et  une  main  amputée  et  la  révolte  put 
être  ainsi  apaisée  -. 

Mais  pour  autant,  Basile  n'en  était  pas  plus  aimé.  A  peine 
eût-il  ceint  le  diadème  que  les  envieux  le  poursuivirent  de 
leurs  calomnies  et  les  amis  de  Bardas  de  leur  haine,  De  tous 
côtés  on  fit  parvenir  à  Michel  des  libelles  accusant  son  col- 
lègue de  le  vouloir  tuer  ^  et  sans  doute  après  la  scène  de 
u  Kt'TcO',  ))  n'en  fallut-il  pas  beaucoup  à  l'Empereur  pour  se 
défier  d'un  homme  qui  maniait  si  facilement  l'épée  et  le  men- 
songe. Du  reste,  Michel  était-il  capable  d'aimer  longtemps 
quelqu'un  ?  Le  premier  venu,  s'il  savait  le  flatter,  était  certain 
de  se  voir  honoré  des  familiarités  impériales  et  de  supplanter 
son  prédécesseur.  Basile  n'échappa  pas  à  la  règle.  11  put 
s'apercevoir  assez  vite  que  Michel  n'était  plus  pour  lui  l'ami 
d'autrefois  et  qu'un  vulgaire  batelier  du  nom  de  Basiliskianos 
commençait  à  prendre  le  chemin  qu'il  avait  sui\i  lui-même 
pendant  plusieurs  années  *.  S'il  faut  en  croire  les  panégyristes 
de  Basile,  Michel  aurait  été  froissé  de  voir  son  impérial  associé 
s'éloigner  des  orgies  dans  lesquelles  ils  avaient  jusque-là  vécu 
tous  les  deux  et  des  remontrances  qu'il  se  permit  d'adresser  à 
son  bienfaiteur^.  Il  est  bien  douteux,  cependant,  que  cela  soit. 
Basile,  même  pour  soigner  son  prochain  avènement,  n'avait 
pas  de  ces  délicatesses  et  le  dernier  repas  qu'il  prit  avec  Michel 
le  laisse  bien  deviner.  Tout  simplement,  outre  une  question  de 
ménage  dont  nous  parlerons  plus  loin,  l'étoile  de  Basile  s'étei- 
gnait d'elle-même,  comme  s'éteignent  les  étoiles  de  la  chance 
et  du  bonheur  quand  il  n'y  a  pas  pour  les  faire  de  nouveau 
briller  une  énergique  volonté.  Basile  avait  cette  volonté  :  c'est 
ce  qui  le  sauva.  Quand  il  vit  que  Michel  ne  cherchait  plus  qu'une 
occasion  de  le  faire  mourir  ^'  et  qu'un  soir  après  des  courses 
qui  avaient  été  pour  Michel  un  triomphe,  pris  de  vin,  il  osa 

I.  Vit.  Basil.,  ch.  xviii,  ^56;  Georg.  Moine  Conl.,  io64. 

3.  Ibid.,  ch.  xviii,  256-57. 

3.  Gènes.,  ii36. 

4.  Léon  Gramm.,   io8i  ;  Georg.  Moine  Cont.,  to68. 

5.  Cedren.,  ioG8  ;  Vit.  Mich.,  ch.  xun,  221  ;  Vit.  Basil.,  ch.  xxiv,  2C4. 
G.  Cedren.,  10O8  ;  17/.  Mich..  ch.  xuii,  22^1  ;  Vif.  Basil.,  ch.  xxv,  265. 


T  [.  i-Mi'iui:  inzwTix 


offrir  ses  sandales  de  pourpre  à  son  nouveau  favori  et  le  présen- 
ter ainsi  au  Sénat  pour  qu'il  agréât  ee  singulier  empereur', 
Basile  n'y  tint  plus.  Il  profita  d'un  dîner  auquel  il  se  trouva 
invité  quelques  jours  plus  tard,  à  Saint-Mamas,  à  roccasion 
d'une  chasse  dans  laquelle  —  entre  parenthèse  il  faillit  être  tué 
sur  Tordre  de  l'Empereur,  —  pour  se  déharrasser  d'une  façon 
définitive  de  son  dangereux  collègue.  Se  levant  de  tahle  sur  la 
fin  du  repas,  il  s'éloigna  un  instant  sous  un  prétexte  quel- 
conque et  pendant  que  Michel  continuait  ses  libations  et  se 
livrait  à  ses  obscènes  plaisirs,  il  s'en  alla  fausser  les  serrures  de 
la  chambre  impériale  et  revint  prendre  part  à  la  fête  nocturne 
jusqu'au  coucher  de  l'Empereur.  Comme  à  l'ordinaire,  il  le 
reconduisit  lui-même  à  son  lit  et  le  laissa  entre  les  mains  de  ses 
cubiculaires,  surpris  et  effrayés  de  ne  pouvoir  fermer  la  porte, 
pressentant  quelque  sinistre  événement.  Chacun,  toutefois,  ne 
tarda  pas  à  s'endormir  de  ce  lourd  et  immobile  sommeil  qui 
suit  les  banquets  prolongés.  Pendant  ce  temps,  Basile  avait 
réuni  ses  amis,  les  mêmes  qui  déjà  avaient  pris  part  au 
meurtre  de  Bardas,  et  bientôt  les  abords  de  la  chambre  impé- 
riale furent  envahis  par  les  conjurés  :  Symbatios  et  Marianos, 
frères  de  Basile,  Constantin  Toxaras,  Asyléon,  son  cousin  et 
d'autres.  Basile  entra  le  premier,  suivi  d'un  Bulgare,  Pierre. 
Au  bruit  de  leurs  pas,  le  cubiculaire  Ignace  se  réveilla  et  devi- 
nant tout,  voulut  s'opposer  par  la  force  à  l'acte  qu'il  voyait 
déjà  perpétré.  Il  fut  vite  réduit  à  l'impuissance,  grâce  à  la 
vigueur  du  Bulgare  ;  mais  tout  ce  bruit  réveilla  à  son  tour 
l'Empereur,  complètement  dégrisé  :  sans  peine  il  comprit  que 
son  heure  était  venue.  Jean  Chaldios  se  précipita  sur  lui  et  d'un 
coup  de  glaive  lui  coupa  les  deux  mains  ;  un  Perse,  Jacobitzès, 
jeta  Basiliskianos  à  bas  de  son  lit.  11  ne  restait  qu'à  achever 
l'œuvre  commencée.  Tandis  que  Basile  parlementait  sur  ce 
qu'il  convenait  de  faire,  Asyléon  rentra  résolument  dans  la 
chambre  et  sans  pitié  plongea  son  épée  dans  le  ventre  de 
Michel  qui,  assis  sur  son  lit,  se  lamentait  à  la  vue  de  ses  moi- 
gnons ensanglantés,  reprochant  à  Basile  sa  perfide  ingratitude. 
Les  viscères  impériales  s'en  allèrent  ensanglanter  les  dalles  de 
marbre  :  L'Empereur  était  mort.   Byzance  qui  entrait,  en  cette 


I.  Codren.,    1068  ;  Vit.  Basil.,   ch.  xxv,    265  ;   Thooph.  Cont.,  Vit.  MicJi. 
11.  \r,iyr.  t*?'!  ;  Gooro-.  AloinoCont.,  1068. 


BASILE    1 


nuit  du  23  au  2^  septembre,  dans  l'année  8G7  recevait  un  nou- 
veau souverain  et  une  nouvelle  dynastie  ^.  Michel  disparaissait 
à  l'âge  de  vingt-huit  ou  vingt-neuf  ans,  après  avoir  régné  un  an 
et  quatre  mois  avec  Basile. 

Au  dehors,  pendant  cette  scène  tragique,  une  violente  tem- 
pête faisait  rage  sur  la  mer.  On  était  à  Saint-Mamas,  au  bord 
de  la  mer,  de  l'autre  côté  de  Constantinople  et  l'essentiel,  le 
coup  fait,  était  de  s'emparer  du  palais  impérial.  Basile  et  les 
conjurés  se  rendirent  donc  au  plus  vite  au  (^Ttipaijia  »  pour  de  là 
traverser  sur  Constantinople.  Ils  abordèrent  à  la  maison  d'un 
Perse.  Eulogios.  Tous  ensemble  escaladèrent  le  mur  d'enceinte 
du  palais  du  côté  de  la  mer,  se  firent  ouvrir  les  portes  du  palais 
par  riiétériarche  de  service,  Ardabasde  et  Basile  put  prendre 
ainsi  possession  immédiate  de  sa  nouvelle  demeure.  La  cour, 
elle,  était  restée  à  S^-Mamas.  Basile  la  fit  revenir  solennel- 
lement dès  le  lendemain,  tandis  qu'il  envoyait  un  obscur 
cubiculaire,  Paul,  ensevelir  précipitamment  les  restes  de 
Michel  m  au  monastère  de  Chrysopolis  -.  De  tous  les  amis  de 
l'Empereur,  personne  ne  lui  restait  fidèle  en  cet  intant,  sinon  sa 
mère  et  ses  sœurs  qu'il  avait  si  cruellement  outragées  et  si 
indignement  traitées.  Elles  seules  furent  là  pour  déposer  sur  sa 
tombe  leur  pardon  et  leur  prière  '^. 


III 


Tels  sont  les  faits  que  les  chroniqueurs  nous  ont  transmis  ; 
mais  ces  faits  ne  sont  en  réalité  que  le  cadre  extérieur  de  l'his- 
toire et  la  manifestation  des  sentiments  intimes  de  ceux  qui  les 
provoquèrent.  Aussi  est-ce  à  démêler  les  causes  véritables  des 
événements  dont  le  souvenir  nous  est  parvenu  qu'il  faut  arri- 
ver si  l'on  veut  en  saisir  tout  le  sens  et  la  portée.  Comment  donc 
et  pourquoi,  Basile  a-t-il  pu  accomplir  la  révolution  qui  l'a 
porté  au  trône,  lui  et  sa  famille  ?  C'est  la  question  qu'il  s'agit 
d*examiner. 

Dix  années  durant.  Bardas  avait  su,  par  son  intelligence  et 

I.   Vit.  Ignat.,  o!^o. 

9.  L'actuelle  Scutari, 

3.  Tieorg.  Moine  Goiit.,  1068;  Syni.  Mao.,  \lviii,  7^48. 


ET    T;  EMPIRE    RYZAMfN  /|3 

son  activité,  faire  face  à  tous  les  dangers  qui  menaçaient 
l'Empire  et  lui  donner  le  calme  et  la  prospérité  dont  il  avait 
besoin  après  la  rude  secousse  iconoclaste.  Mais  c'était  là  l'œuvre 
d'un  homme  et  l'ordre  qui.  grâce  à  lui,  semblait  régner  par- 
tout était  en  réalité  plus  superficiel  que  profond.  L'anarchie 
était  toujours  prête  à  renaître.  D'abord  la  question  religieuse 
avait  provoqué  beaucoup  de  mécontentement  et  les  esprits  se 
trouvaient  très  divisés.  Dans  le  clergé  comme  parmi  les  digni- 
taires de  l'Empire,  à  la  ville  comme  à  la  cour,  il  y  avait  deux 
camps  bien  tranchés  :  les  uns,  partisans  d'Ignace,  les  autres 
de  Photius  ;  puis  la  conduite  de  Michel  III  n'était  guère  faite 
pour  lui  gagner  des  sympathies.  Très  vite,  les  gens  de  bien 
furent  écœurés  de  ses  désordres  et  se  déclarèrent  contre  lui  K 
Enfin  on  avait  toujours  à  redouter  les  ennemis  du  dehors  : 
Arabes.  Bulgares,  auxquels  étaient  venus  se  joindre  les  Russes, 
en  juillet  860.  Aussi,  comprend-on  facilement  l'inquiétude 
qui  s'empara  de  Byzance  à  la  mort  du  César.  Son  énergie  et 
son  autorité  avaient  pu  endiguer  tous  ces  éléments  révolution- 
naires et  les  empêcher  de  détruire  l'ordre  établi  ;  mais  lui  dis- 
paru, on  pouvait  craindre  les  pires  malheurs.  Michel,  en  effet, 
était  incapable  de  se  faire  respecter.  Il  n'essaya  même  pas.  Dès 
son  retour  à  Byzance,  il  reprit  sa  vie  accoutumée  et  ses  plaisirs 
favoris.  Toujours  retiré  dans  son  palais  de  S'-Mamas,  situé  en 
dehors  de  ville,  près  de  son  cirque  privé,  il  continua  à  s'occu- 
per exclusivement  de  ses  chevaux  et  de  ses  courses  et  à  ouvrir 
largement  à  ses  amis  —  cochers  et  courtisans  —  le  trésor  impé- 
rial. Ni  les  désordres  intérieurs,  ni  les  bruits  de  guerre  ne  pou- 
vaient parvenir  jusqu'à  lui.  Il  ne  tolérait  même  pas  qu'on  vint 
lui  en  parler  '-.  Et  puis,  à  son  dévergondage  moral  se  joignait 
son  incrédulité  bien  connue  et  si  déjà  on  trouvait  ses  compa- 
gnies habituelles,  scandaleuses,  on  lui  pardonnait  encore  bien 
moins  ses  parodies  grossières  des  plus  saints  mystères  de  la 
Religion  et  ses  plaisanteries  de  mauvais  goût  sur  l'Eglise  et  le 
clergé.  Constantinople,  divisée  sur  la  personne  du  patriarche, 
ne  l'était  plus  sur  la  question  dogmatique  et  sa  piété  tradition- 
nelle, qu'en  l'occurrence,  la  superstition  et  la  crainte  des  ven- 
geances célestes  venaient  exalter,  était  toute  prête  à  se  révolter 


I.  Codron.,  1061  ;  Gènes.,  1121. 

■i.  Odron..  ibid.  ;  Vit.  Mich.,  cli.  \x\v 


4  A  BASILE     I 

contre  un  souverain  qu'elle  jugeait  aussi  méprisable  que  dan- 
gereux. La  haine  des  honnêtes  gens,  d'une  part,  les  malédic- 
tions du  clergé  de  l'autre,  commencèrent  donc  à  discréditer 
aux  yeux  de  chacun  le  gouvernement  de  Michel  K 

Mais  il  y  avait  plus.  Les  folles  dépenses  de  l'Empereur  avaient 
ruiné  le  trésor.  Sans  compter,  il  distribuait  à  ceux  qui  lui  plai- 
saient et  le  flattaient  des  sommes  considérables  -  qui  appau- 
vrirent le  trésor  au  point  que  le  jour  vint  où,  n'ayant  plus  rien  à 
donner  à  ses  amis,  impuissant  à  faire  face  aux  dépenses  néces- 
saires, il  dut  ordonner  la  fonte  des  objets  d'art  que  Théophile 
avait  amassés  au  palais,  des  précieux  habits  brodés  d'or  qui  ser- 
vaient aux  grandes  solennités,  de  toutes  les  richesses,  en  un  mot, 
qui  faisaient  la  gloire  de  Byzance  et  l'admiration  des  barbares  '^. 
Des  réserves  de  Théodora  et  de  Théophile,  il  ne  restait  plus 
rien  et  de  toutes  ces  prodigalités,  l'Empire  était  seul  à  n'avoir 
pas  profité.  Ces  mesures,  du  reste,  se  trouvèrent  promptement, 
elles  aussi,  insuffisantes.  Il  fallut  trouver  de  nouveaux  expé- 
dients et  naturellement,  comme  toujours,  ce  furent  les  couvents 
et  les  riches  qui.  les  premiers,  furent  mis  à  contribution.  Par 
ordre  du  Basileus,  on  rançonna  les  églises  et  les  monastères  *, 
voire  même  on  les  pilla.  La  confiscation  des  fortunes  privées 
suivit  de  près  celle  des  monastères  et  c'est,  si  l'on  en  veut 
croire  Constantin  YII,  ce  perpétuel  besoin  d'argent  qui  amena 
les  cruautés  inqualifiables  de  Michel  III.  Dès  qu'une  personne 
avait  cessé  de  lui  plaire,  sous  le  plus  futile  prétexte,  on  la 
mutilait  et  on  lui  saisissait  ses  biens.  Chaque  nuit  d'orgie  ame- 
nait ainsi  quelque  nouvelle  condamnation  que  parfois  l'Empe- 
reur lui-même  regrettait  au  matin  •''.  On  comprend  que  sous 
un  tel  régime  où  seule  faisait  loi  la  capricieuse  volonté  d'un 
jeune  homme  affaibli  par  l'intempérance  et  corrompu  par  tous 
les  excès,  ceux  qui  possédaient  pussent  se  juger  en  danger  dans 
leur  vie  et  leurs  richesses  ^  et  fussent  très  disposés  à  acclamer 


1.  Theoph.  Gont.,  Vit.  Mich.,  cli.  xliii,  924  ;  Vil.  Basil.,  cli.  xx  etxi,  p.  257, 
2G0;  Gcnes.,  11 31. 

2.  Sym.  Mag.,  xiv,  720-721  ;  Vit.  Basil.,  ch.  xvi,  p.  249. 

3.  Vit.  Basil,  ch.  xxix,  272  ;  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  ch.  xxi,  i8y8  ;  Sym. 
Mag.,  XV,  721. 

\,   Vit.  Basil.,  ch.  xxvii,  269. 

5.  Gedrcn.,  1068;    Vit.  Basil.,  ch,  xxvii,  2G8.   269;  Theoph.  Conl..  ]7/. 
Mich.,  xLiii,  22.4  ;  Liutpr.  Autapod.,  i,  S  9,  27G. 

6.  ]  il.  Basil.,  xxvii,  268-OQ. 


ET    LEMPlHi:    BVZ\MI\  l^b 

au  premier  signe  l'homme  assez  fort  pour  leur  rendre  la  paix 
dont  ils  avaient  joui  jusque-là.  Aussi  est-il  assez  vraisemblable, 
même  en  faisant  une  large  part  aux  exagérations  de  Constantin 
et  des  apologistes  de  Basile,  très  disposés,  naturellement,  à 
peindre  le  règne  de  Michel  sous  les  plus  noires  couleurs  afin 
d'excuser  plus  facilement  le  nouveau  Basileus,  que  de  cet  état 
de  choses  personne  ne  voulait  plus. 

Enfin,  précisément  à  l'heure  oii  tout  allait  au  plus  mal  dans 
le  gouvernement  intérieur  de  l'Empire,  on  signala  tout  à  coup 
de  nouvelles  agitations  sarrasines  aux  frontières,  préludes  d'une 
action  militaire.  La  situation  était  d'autant  plus  grave  que  les 
troupes  qui,  depuis  longtemps  déjà,  n'avaient  pas  été  payées, 
faisaient  mine  de  se  révolter^  et  que  tous  ces  grands  généraux 
d'autrefois,  Manuel.  Pétronas,  qui  avaient  si  souvent  sauvé  et 
l'Empire  et  son  chef,  étaient  morts  sans  laisser  derrière  eux  des 
successeurs  capables  de  les  remplacer.  Il  fallut  donc,  en  hâte, 
monnayer  difîérents  objets  pour  un  millier  de  kenlenaria  et 
les  envoyer  aux  stratèges  '-.  A  ce  prix,  la  révolte  fut  évitée.  Mais 
un  dernier  caprice  de  l'Empereur  vint  mettre  le  comble  à 
l'indignation  générale  et  augmenter  les  appréhensions  de  tous 
les  bons  citoyens.  Un  télégraphe  optique,  très  heureusement 
imaginé  par  Léon  le  Philosophe  sous  Théophile,  à  l'aide  de  feux, 
mettait  en  communication  les  frontières  extrêmes  de  l'Empire 
du  côté  des  Arabes —  la  Cilicie  — avec  le  palais  impérial.  Dès 
qu'une  invasion  était  annoncée,  les  feux  s'allumaient  de  col- 
lines en  collines  et  arrivaient  jusqu'au  Phare,  contigu  au 
Palais,  où  suivant  l'heure  à  laquelle  les  feux  avaient  été  allumés 
on  savait  quel  événement  militaire  était  signalé.  Or  un  jour  — 
peu  de  temps  avant  le  meurtre  de  Michel  —  de  grandes  courses 
étaient  données  à  S*-Mamas  en  l'honneur  de  la  naissance  du 
futur  Léon  VI  quand  un  protonotaire  du  logothète  arriva 
subitement  annoncer  qu'on  signalait  les  feux,  que  le  territoire 
était  envahi.  Lne  panique  générale  s'en  suivit.  Personne  ne  fit 
plus  attention  aux  courses  que  dirigeait  l'Empereur  en  per~ 
soujie.  Eurieux  de  voir  ses  talents  méconnus  et  ses  plaisirs 
interrompus  pour  si  peu  de  choses,  Michel  fit  détruire  immé- 
diatement son  télégraphe  sûr  qu'ainsi,  dit-il,  pareille  mésaven- 


1.    Sviii.  Ma 
•>..  Ihid. 


46  BASILE    1 

ture  ne  se  reproduirait  plus  K  Vraiment  c'en  était  trop.  Tout  le 
monde  se  révolta  :  sénat,  principaux  citoyens,  fonctionnaires, 
armée  -  et  ouvertement  on  parla  de  chasser  l'Empereur  «  parce 
que  les  affaires  des  Romains  étaient  mal  administrées  et  qu'il 
n'y  avait  plus  de  sûreté  pour  personne  ^.  » 

Cet  état  de  choses  ne  pouvait  évidemment  durer  et  c'est  pro- 
bablement dans  l'espoir  d'arrêter  la  révolution  que  Michel 
nomma  Basile,  co-empereur.  Mais,  comme  par  le  passé,  le 
Macédonien  profita  de  sa  situation  et  du  mécontentement  de  tous 
pour  faire  à  son  profit  la  révolution  que  son  impérial  collègue 
avait  de  justes  raisons  de  redouter  et  c'est  ce  qui  lui  permit  de 
s'emparer  sans  difficultés  de  la  ville  et  du  gouvernement. 
Aussi  n'est  il  pas  invraisemblable  qu'en  fait,  après  le  coup 
d'Etat  du  24  septembre,  comme  le  dit  Constantin,  le  sénat,  la 
noblesse  et  l'armée  aient  sans  peine  acclamé  le  nouvel  Empe- 
reur *.  Si  son  nom  n'était  pas  populaire,  si  sa  réputation  n'était 
pas  sans  tâche,  si  surtout  il  avait  sur  la  conscience  deux 
meurtres  assez  lâches,  on  pouvait  du  moins  espérer  que  ce 
robuste  paysan  serait  un  bon  soldat  et  ce  rusé  Slave  un  habile 
administrateur.  On  était  heureux,  en  tout  cas,  de  voir  monter 
sur  le  trône  un  homme  qui  avait  connu  la  pauvreté  et  savait 
par  expérience  quelle  dure  vie  était  faite  par  les  riches  à  tous 
les  humbles  et  les  petits  ;  on  était  heureux  de  penser  qu'il  ne 
permettrait  plus  désormais  de  pressurer  et  de  faire  du  mal  à 
ceux  dont  il  tenait  par  son  origine  même  et  que  des  réformes, 
une  amélioration  dans  l'état  de  choses  existant,  rendrait  au  nou- 
veau gouvernement  l'énergie  que  l'ancien  avait  perdue  dans  les 
festins  et  l'ivrognerie  ^  et  c'est  probablement  de  tout  cœur  que 
les  factions  du  cirque  purent  crier,  suivant  l'usage,  «  longue  vie 
à  l'Empereur  Basile  î  » 


1061  ;    Sym.   Mag., 


1. 

Si^LVI 
2. 

3. 

Theoph.  Cont.,    VU.   Mich.,   xxxv,   212;   Cedren., 
,  744. 
Vit.  Basil.,  253  ;  Cedren.,  io85. 
Vit.  Basil.,  xviii,  253-56  ;  1/7.  Mich.,  xliii,  221,  224 

4. 

5. 

Vit.  Basil.,  xix,  257. 

Vit.  Basil.,  xix,  257  ;  Cedren.,  1088. 

CHAPITRE  111 

LA    PERSO>NE    DE    LEMPEREUR.    SON    CARACTERE.    SES    IDEES, 

LA    FAMILLE    IMPERIALE.    LA    COUR. 


Basile  avait  cinquante-cinq  ans  environ  au  moment  oii,  par 
le  meurtre  de  Michel  III,  il  devenait  seul  maître  de  l'Empire. 
11  était  donc  sur  le  retour  de  l'âge,  à  cette  époque  de  la  vie 
où  le  commun  des  hommes  en  a  fini  avec  les  illusions  de  la 
jeunesse  et  les  ambitions  de  la  maturité  et  ne  se  laisse  plus 
guère  prendre  aux  longs  rêves  d'avenir.  Mais  Basile  était  fils 
de  ces  fortes  races  de  paysans  montagnards  pour  lesquels 
l'existence  parait  devoir  être  sans  terme  parce  que  la  santé,  la 
vigueur,  l'équilibre  des  facultés  semblent  leur  permettre  une 
verte  et  prolongée  vieillesse.  11  avait  trouvé  que  même  à  son 
âge  une  trône  vaut  un  assassinat  et,  puisqu'il  l'avait  obtenu, 
il  était  bien  décidé  à  y  monter  pour  accomplir  une  grande 
œuvre.  Son  physique,  du  reste,  attestait  qu'il  pouvait  compter 
sur  de  longues  années  de  vie.  Gomme  aux  jours  lointains 
où  il  était  en  service  chez  ïhéophylitzès,  il  avait  conservé  sa 
grande  et  belle  stature,  ses  larges  épaules,  sa  force  herculéenne, 
son  teint  foncé  tout  resplendissant  de  santé.  D'épais  sourcils, 
se  rejoignant  à  la  naissance  du  nez.  encadraient  ses  yeux  légè- 
rement tristes  et  sa  figure,  d'ordinaire  grave,  s'assombrissait 
encore  quand  le  poids  et  le  souci  des  affaires  venaient  l'acca- 
l)leri,  quand  aussi,  peut-être,  l'image  de  ceux  qu'il  avait  fait 
périr  se  dressait  devant  ses  yeux  comme  un  remords  qu'on 
n'efl'ace  pas.  Ce  remords,  Basile  semble  l'avoir  traîné  avec  lui 
durant  tout  son  règne  comme  le  forçat  son  boulet  et  sa  piété, 
affectée,    étrange    inême  chez  un  tel    homme,    n'est  peut-être 

I.  Sviii.  \[a«r.,  I,  7'i<s. 


48  BASILE    1 

bien  que  l'expression  de  Teffort  incessant  qu'il  fit  pour  sen 
débarrasser.  Aussi  coriime  l'écrivain  romain,  auteur  delà  Vie 
du  Pape  Hadrien  ^  est-on  parfois  tenté,  à  n'étudier  que  la  con- 
duite de  Basile  après  son  avènement,  de  donner  presque  raison 
à  ses  panégyristes  contre  ses  adversaires  et  de  croire,  qu'en 
définitive,  il  put  bien  être  innocent  du  double  crime  dont  il 
profita.  Mais  si  les  faits  parlent  assez  haut  contre  lui  pour 
qu'on  ne  puisse  s'y  tromper,  il  n'en  demeure  pas  moins  qu'en 
Basile  l'Empereur  nous  apparaît  sous  un  tout  autre  jour  que 
l'ancien  ami  de  Michel  III  et  c'est  surtout  ce  dernier  aspect 
qui,  naturellement,  a  frappé  tous  ses  contemporains. 

Dès  son  avènement,  en  effet,  à  l'encontre  de  son  prédéces- 
seur. Basile  afficha  des  sentiments  religieux  très  marqués  qui 
ne  le  quittèrent  plus,  Chaque  jour,  nous  raconte  son  petit-fils, 
il  s'en  allait  prier  le  Seigneur  pour  le  succès  de  ses  entreprises, 
prenant  saint  Michel  et  le  prophète  Elie  comme  intercesseurs-. 
De  retour  à  Constantinople.  après  ses  campagnes  militaires, 
son  premier  soin  était  de  visiter  les  églises  pour  rendre  grâce 
à  Dieu  de  ses  bienfaits  et  sa  reconnaissance  se  traduisait  chez 
lui  en  constructions  religieuses  magnifiques  qu'il  ne  se  lassait 
point  de  semer  sur  toute  l'étendue  de  son  vaste  empire. 

Sans  doute,  comme  le  remords,  la  politique  dut  inciter  cette 
dévotion  subite.  Basile  avait  eu  sous  les  yeux  l'exemple  de 
Michel  III  dont  l'impopularité  était  allée  grandissante  avec  son 
incrédulité  et  il  sentit,  dès  le  premier  jour,  la  nécessité  d'ap- 
puyer son  autorité  sur  la  religion  de  ses  sujets.  Pour  cela  il  se 
montra  respectueux  de  l'orthodoxie,  protecteur  et  ami  du 
clergé,  propagateur  de  la  foi  chrétienne  ;  mais  cependant, 
il  serait  injuste,  je  crois,  de  refuser  à  Basile  toute  sincérité. 
A  lire,  en  effet,  les  recommandations  nombreuses  qu'il  adresse 
à  son  fils  sur  la  foi,  sur  l'honneur  à  rendre  aux  prêtres,  sur 
la  vertu  à  pratiquer,  comme  ses  solennelles  déclarations  au 
concile  qu'il  réunit,  au  début  de  son  règne,  en  faveur  d'Ignace, 
on  sent  qu'en  cet  homme  tout  n'était  pas  feinte  et  hypocrisie 
et  que  vraiment  la  religion  avait  fini,  sur  le  tard,  par  inspirer 
sa  conduite.  Ses  relations  habituelles,  du  reste,  à  défaut 
d'autres    preuves,   seraient  là   pour  confirmer  le' changement 


1.  Lih.  Pontif.,  ML  llndr.,  p.  178. 
:>..  Vil.  lUmL.  xi.i.  -.iSS, 


ET    l'eMPIIIE    byzantin  !\^ 

qui  s'opéra  en  lui.  Les  moines  devinrent  ses  conseillers  et  ses 
amis.  Il  se  plaisait  à  les  recevoir,   à  les  inviter  à  sa   table,    à 
leur  demander  le  secours  de  leurs  prières.   Dès  qu'il  apprenait 
qu'un    religieux,  par  la  sainteté   de  sa   vie,  était  Tobjet  de  la 
vénération  des  hommes,  il  le  mandait  à  la  cour  pour  s'entre- 
tenir avec  lui  et  le  consulter'.  Tout,  jusqu'à  ses  lectures  pieuses 
et  à  celles  qu'il  conseille  à  son  fils  -,  nous  découvre  les  senti- 
ments intimes  qui  l'animaient  véritablement -^   Sa  piété,  toute- 
fois, ne  fut  pas  stérile.  Elle   s'épancha   au  dehors  en  œuvres 
charitables  qui  lui  valurent  un  étonnant  renom  de  douceur  et 
de  bonté.    Vu  lendemain    de  son  avènement,    il    distribue  au 
peuple  de  nombreuses  largesses*  et  bientôt,   sous  son  impul- 
sion, des  hôpitaux,    des  maisons   de  retraite,    des  hôtelleries 
s'ouvrirent  pour  les  malades   et  les  vieillards  ^.  Volontiers,  il 
répétait  à  son  fils  :   «  La  piété  consiste  à  soulager  ceux  qui  sont 
dans  le   besoin,   î'jaiês'.a  y,  to)v  osoaivwv   sttI  ikZ'zÔLOO'y^ç.   Estime 
que  tuas  perdu  ta  journée  si  tu  n'as  fait  de  bien  à  personne. 
C'est  le  moyen  d'obtenir  miséricorde  du  souverain  roi^.  »  Ces 
sages  conseils.  Basile   les  pratiquait  lui-même.  Tous  ceux  qui 
l'avaient  autrefois   servi   et   aidé,    tous   ceux    qui  lui    avaient 
montré  quelque  attachement  étaient   sûrs   de  ne   pas   se  voir 
oubliés''  et  l'équité  envers  tous,  surtout  envers  les  pauvres  et 
les  petits,  devint  la  loi  qu'il  imposa  à  tous  ses  fonctionnaires, 
comme   le    meilleur  moyen    de  rendre  les  hommes  heureux. 
Nulle  oppression,   nulle  injustice  n'étaient   par  lui  tolérées    et 
nous  verrons  à  propos   de  ses  réformes  législatives    et   admi 
nistratives  quelles  étaient,  à  cet  égard,  sa  surveillance  et  sa  sévé- 
rité^.  «  Il  est  étonnant,  disait-il,    comme  les  sujets  examinent 
les  affaires  des  princes.  En  observant  la  justice,  le  souverain 
obtient  deux    avantages   à   la  fois  :    il    se  met  à  couvert   des 
calomnies  et  forme,  par  son  exemple,  les  hommes  à  la  vertu-\  » 


1.  Vit.  Basil.,  lxxh,  o-^q. 

■i.  Exhort.,  n  ,  B. 

3.  Vil.  Basil.,  lxxii,  3-^9. 

'j.  Vit.  Basil.,  xxix,  p.  •2-2.  C'était,  du  rosle,  rusageà  iîyzancc  (cf.  ïlicoph. 

."».  G  mes.,  II 53. 
0.  Exh.,  IX,  G. 

7.  1  //.  Basil.,  Lxxni,  33-^  ;  Léon  (iraiiiiu.,  1088-1089. 

8.  l //.  Basil.,  LXXII,  33 1  ;  \c,  36 1* 
(j.  L\rh.  \\M.  I). 


OO  BASTLK    I 

Aussi  comprend-on  facilement  rentliousiusme  de  quelques-uns 
de  ses  contemporains  qui  depuis  longtemps  n 'avaient  au  un 
aussi  vertueux  souverain,  a  II  est  doux,  bon,  libéral,  calme, 
pacifique,  sage,  juste,  ami  du  Christ,  fidèle  observateur  de  sa 
loi  ;  il  aime  la  paix  :  il  est  généreux  pour  les  pauvres  et  pour 
les  villes.  »  dit  un  poète  anonyme  i  et  c'est  par  un  magnifique 
portrait  de  Basile  que  \icetas  de  Byzance  commence  sa  lettre 
pour  réfuter  un  livre  quelconque  altribué  à  Mahomet.  «  Que 
dirai  je  de  sa  façon  très  sage  de  gouverner  l'Empire:  de  sa 
conduite  paisible  à  l'égard  de  l'Eglise  :  de  son  équité,  de  sa 
patience  et  de  sa  bonté,  de  ses  bienfaits  et  de  sa  libéralité,  de 
sa  foi.  de  son  zèle,  à  faire  prêcher  l'Evangile  du  Christ,  car  il 
ne  snpportait  pas  que  les  corps  des  barbares  seulement  fussent 
mis  en  fuite  s'il  n'avait  aussi  divisé  leurs  âmes  impies  par  la 
parole  à  deux  tranchants  de  la  vérité-.  » 

Et  tout  cela  est  vrai  ;  mais  ce  n'était  là  quuji  des  côtés  du 
caractère  de  Basile,  le  résultat  d'une  volonté  chez  lui  bien 
arrêtée  oîi  entraient  tout  à  la  fois  le  besoin  d'expier  son 
crime,  l'espérance  de  se  le  faire  pardonner  et  le  légitime  désir 
de  rendre  populaire  son  gouvernement.  C'était  le  coté  que  la 
foule  connaissait.  L'autre  était  moins  séduisant,  aussi  le  dissi- 
mulait-il aux  legards  dn  public  pour  ne  le  laisser  paraître 
qu'à  l'ombre  dn  palais,  dans  le  cercle  restreiid  de  ses  fami 
liers.  Tandis  qu'en  effet,  l'Empereur  î^e  faisait,  par  nécessité  et 
habileté  politique,  indulgent  et  bon  à  l'égard  de  ses  ennemis, 
magnanime  pour  ceux  qui.  comme  Symbalios,  Piganis,  Oorv- 
phas.  au  début  de  son  règne.  Kourkouas  et  ses  conjurés  plus 
tard,  cherchèrent  à  le  faire  mourir -^  il  n'en  fut  plus  de  même 
aACc  les  siens.  Alors  son  caractère  colère,  violent,  emporté, 
apparaissait  tout  entier  et  ses  antipathies  le  conduisaient  à  de 
véritables  injustices.  Pour  son  fils  putatif,  Léon,  il  fut  tou- 
jours un  mauvais  père.  Après  l'avoir  contraint  par  la  force  à 
épouser  Théophano*.  sur  un  faux  rapport  de  l'abbé  Théodore, 
dit  Santabarenos,  ami  de  Photius,  il  le  fît  enfermer  plusieurs 
mois   en   prison  et  voulu!  même   lui   faire  crever  les  yeux  "»  : 

1.  Anonyme.  Cité  par  Briiikiiiami,  98  et  scq.,  i3i,  i^o,  157. 

2.  Mcétas  de  Bysancc,  Refutatio,  p.  670-672. 

3.  Vil.  Basil.,  xviii,  257;  xlv,  293.   Sym.  Mag.,  Il,  719;  Brink.,  Anonyni., 
190  et  scq. 

'4.  Vil.  S.  Eiithym.,  cli.  vu,  S  8,  |).  ii8  129. 

ô.  I.éon  Cîramiii.,  1092  ;  1/7.  UdsiL,  cli.  c,  |).  'M)^. 


KT    L  EMPIKE    BYZANTIN  t)  I 

])our  sa  sœur  Thecla  il  fui  cruju'  ii<jiLieiii'  inouïe  ',  vl.  siin^ 
trop  approfondir  la  chose,  il  envoya  en  exil  Nieelas  qu'on 
disait  amoureux  de  l'impératrice  2.  Ses  meilleurs  serviteurs 
pouvaient  toujours  craindre  quelque  revirement  dans  son 
amitié  el  un  liagiof>raphe  anonyme,  habitué  de  la  cour,  ami  de 
la  famille  de  sainte  Tliéopliano.  nous  montre  bien,  à  propos 
de  la  démarche  qu'essaya  de  faire  auprès  de  Basile,  Stylianos 
Zaoulzès.  son  protospathaire,  pour  la  délivrance  de  Léon,  la 
lerreur  qui  régiiiail  autour  de  l'Empereur  ^.  Il  faut  dire,  cepen- 
dant à  sa  décharge,  c[u'au  lerme  de  sa  vie,  il  ne  fut  peut-être 
])lus  entièrement  responsable  de  tous  ses  actes.  La  mort  de 
son  fils  aîné.  Constantin,  lui  donna  un  coup  dont  il  ne  se 
releva  pas  et  les  agissements  de  Saidabarenos  semblent  bien 
avoir,  plus  ou  moins,  égaré  sa  raison.  Alors,  tandis  qu'il 
s'adonnait  à  la  magie  et  devenait  par  sa  crédulité  même  le 
jouet  du  moine  intrigant,  il  se  faisait  vindicatif,  cruel,  soup- 
çonneux ^  N'est-ce  pas  lui  qui  ordonnait  d'enfermer  le  phar- 
gan  qui  l'avait  sauvé  lors  de  la  dernière  chasse  qui  précéda  sa 
mort,  bien  que  sans  le  courage  de  cet  homme  il  eût  été 
perdu  ^  ?  Léon  le  Grammairien  dit  positivement  que  Basile  devint 
fou.  u  0',à  t6  cpO.Tpov  OTTîp  zlç  a'JTov  slysv  £77Ààva".  »  Aussi  Nicetas 
Davi<lqui  écrivit  vraisemblablement  peu  après  la  mort  de  Basile, 
ayant  en  mémoire  les  dernières  années  de  la  vie  du  grand 
Empereur  comme  sous  les  yevix  les  résultats  de  sa  politique 
religieuse,  ne  se  gêne-t-il  pas  pour  en  dire  tout  autant  et  ajouter 
même  qu'il  était  na'if.  léger,  vaniteux'',  jugement  injuste  car  on 
n'apprécie  pas  tout  un  règne  d'après  quelques  années  de  vieil- 
lesse et  d'affaiblissement  mental. 

En  réalité,  Basile  était  merveilleusement  souple,  intelligent 
et  énergique.  D'instinct,  il  voyait  le  but  à  atleindre.  la  route 
à  suivre  et.  sans  hésiter,  quelque  gi'andes  que  pussent  être  les 
dilïicultés.  il  allait  de  l'avant.  En  lui  s'unissaient  à  un  très 
haut  degré  les  qualités  et  les  défauts  des  trois  races  dont  il  élait 
issu.  De  rVrménie,   il   tenait   l'habileté,    le  sens  pratique  des 

1.  Léon  Gramm.,  1088;  (îcorf;.  Moine  Cont.,  1077. 

2.  Ibid.,  1089, 

3.  Vit.  S,  Theopli.,  p.  11  et  seq. 

4.  Léon  Granini.,  1092-93. 

5.  Vit.  S.  Eiithym.,  p.  2. 

6.  Léon  Gramm.,  1092. 

7.  Vit.  Ignat.,  p.  549. 


02  HASILK    I 

aflaires,  la  volonté  de  fer.  un  pou  aussi  la  ruse  et  l'hypocrisie 
(les  aflaires  religieuses  de  son  règne  le  prouveront).  De  la 
Slavie,  cette  âme  fuyante,  si  difTicile  à  analyser  où  les  plus 
étranges  contrastes  se  heurtent  et  se  froissent,  faite  de  douceur, 
d'idéal,  de  honte,  de  religion  avec  de  suhits  retours  à  la  vio- 
lence, à  la  cruauté;  à  la  hasse  immoralité.  De  Byzance  enfin 
le  goût  du  grand,  du  heau,  Tamour  de  la  science  et  de  la  civi- 
lisation, l'esprit  de  conquête  qui  l'anima  aussi  hien  dans  ses 
guerres  que  dans  sa  politique  d'expansion  religieuse,  l'esprit 
d'autorité  et  de  gouvernement  enfin  qui  en  firent  un  des  plus 
grands  et  des  plus  complets  souverains  du  Moyen-Age  hyzantin. 

Tous  ces  éléments  divers,  nous  les  retrouvons  dans  son 
caractère  d'une  part,  dans  l'idée  qu'il  se  fit  du  i)Ouvoir  impé- 
rial de  l'autre.  Qu'esl-ce  donc  que  l'Empereur  dans  la  pensée 
de  Basile  ? 

Jusqu'à  son  dernier  jour,  Byzance  garda  intact,  comme  un 
héritage  du  passé,  la  conception  païenne  que  Rome  lui  avait 
léguée  du  pouvoir  impérial.  Le  Christianisme,  tout  vainqueur 
qu'il  fût,  n'aniva  pas  à  détruire  l'idée  qu'on  se  faisait  de  l'Empe- 
reur :  dieu  vivant  qui  prend  place  à  sa  mort  par  l'apothéose 
parmi  les  divinités  qu'on  adore.  11  ne  put  que  la  modifier,  la 
transposer,  l'adapter  à  la  foi  nouvelle  qu'il  prêchait.  Si  l'Empe- 
reur n'est  plus  un  dieu,  c'est  du  moins  un  homme  si  haut 
placé  sur  l'échelle  des  êtres,  qu'au-dessus  de  lui  il  n'y  a  que 
Dieu  seul.  Il  détient  en  ses  mains  le  pouvoir  politique  comme 
l'autorité  religieuse  et  sa  mission  sur  terre  consiste  à  faire  res- 
pecter la  foi  chrétienne  aussi  hien  que  la  loi  de  l'Empire. 
11  est  au-dessus  de  toute  loi  car  la  loi  n'est  que  l'expression  de 
sa  propre  volonté  et  Dieu  seul  peut  lui  demander  compte  des 
actes  qu'il  commet.  —  Cette  concei)tion  fut  celle  de  Constantin 
comme  de  Justinien  et  c'est  par  ce  dernier  qu'elle  s'est  trans- 
mise aux  Empereurs  hyzantins.  Basile  1'  la  reprit  à  son  tour, 
mais  pour  la  préciser  et  surtout  en  dégager  les  ohligations  qui  par 
là  incomhent  à  tout  véritahle  souverain.  «  Personne  n'est  sur 
terre  au-dessus  de  l'Empereur,  écrit-il  à  son  fils,  et  personne  ne 
te  peut  commander  ;  mais  au  ciel,  tu  as  toi-même  un  roi  :  et. 
de  même  que  Dieu  a  soin  de  toute  chose,  ainsi  loi.  tu  ne  dois 
rien  négliger ^  car  l'Empereur  est  responsahle  devant  Dieu  des 

I.  Exh.  \LI.  H. 


I  r  1.  i:Mi»im:   inzvMiN  jô 

crimes  qui  se  commet  lent  dans  l'Empire  quand  ces  crimes  s'y 
commettent  par  sa  faute'.  Bien  plus,  l'Empereur  représente 
Dieu  même  et  son  pouvoir,  il  le  tient  directement  de  lui 2. 
Il  trône  dans  son  palais,  invisible  aux  regards  de  la  foule  ou 
ne  se  montre  à  ses  sujets  qu'entouré  d'un  immense  cortège  de 
magistroi  et  de  patrices  qui  rappellent  les  apôtres  «^  et  c'est  en 
toute  justice,  dit  le  poète  anonyme  que  nous  avons  déjà  cité, 
que  Basile  pouvait  se  faire  appeler  «  souverain  de  toutes  choses, 
Dieu  et  maître  *.  »  Aussi  comme  Dieu,  l'Empereur  doit-il  être 
bon  et  bienfaisant,  juste  et  impartial.  «  L'Empereur,  dit  Basile 
au  titre  II  de  VEpanagoge,  a  la  garde,  la  surveillance  de  la 
loi.  Il  ne  doit  ni  punir  par  antipathie,  ni  faire  le  bien  j^ar  affec- 
tion, mais  comme  celui  qui  dans  les  jeux  distribue  les  prix, 
il  offre  simplement  des  récompenses  à  ceux  qui  les  ont  méri- 
tées'». »  Et  dans  ses  exhortations  il  ne  craint  pas  de  dire  u  que 
l'Empereur  observe  le  premier  la  loi,  car  s'il  la  viole,  il  s'en 
suit  de  graves  inconvénients  et  l'Etat  s'en  va  à  sa  perte  ^^ 
Le  meilleur  roi  est  celui  qui  a  de  bons  magistrats,  capables  de 
préserver  les  sujets  de  toute  injustice^.  Aussi,  parce  que  son 
pouvoir  vient  de  Dieu,  parce  que  sa  dignité  a  quelque  chose  de 
sacerdotal,  l'Empereur  doit-il  veiller  à  conserver  intactes  les 
prescriptions  de  la  loi  de  Dieu,  comme  les  dogmes  définis  aux 
sept  conciles  œcuméniques,  défendre  la  sainte  et  indivisible 
Trinité,  les  prérogatives  de  Jésus-Christ  homme-Dieu,  en  un 
mot  être  d'une  orthodoxie  irréprochable.  Et  enfin,  père  de  son 
peuple,  l'Empereur  doit  assurer  à  ceux  qui  possèdent,  la  paisible 
jouissance  de  leurs  biens,  il  doit  s'efforcer  de  rendre  ces  biens 
à  ceux  qui  les  ont  perdus,  il  doit  chercher,  par  sa  justice,  sa 
sagesse,  son  zèle,  à  les  faire  acquérir  à  ceux  qui  peinent  et 
travaillent^.  Bien  administrer  l'Etat,  c'est  tout  d'abord  avoir 
grand  soin  d'augmenter  la  fortune  publique,  force  d'une 
nalion.  mais  à  la  condition,  toutefois,  que  cène  soit  pointaux 


1.  Exh.  XWYII,  G. 

2.  Vit.  S.  Theoph.,  S  2,  p.  ; 

3.  Cerem.,  1181. 

4.  Brinkmanii,  v.  137. 

5.  Epan.,  t.  II,  s  i,  n,  p,  C." 

6.  Exh.  XXWII,  B. 

7.  Ibid.,  XXWI,  D. 

8.  Epan.,  11,  p.  65-66. 


54  BASILK    I 

dépens  de  la  justice,  car  a  il  ne   faut  point  récolter  dans  les 
larmes  ^ .  » 

Telle  est  la  très  haute  et,  ainsi  comprise,  très  chrétienne 
conception  que  Basile  se  faisait  de  son  pouvoir  absolu,  celle 
qu'après  lui  Léon  VI  insérera  dans  les  Basiliques  -  et  dont  les 
grandes  lignes  se  trouvaient  déjà,  mais  dépouillées  de  ce  carac- 
tère profondément  religieuv,  dans  l'œuvre  législative  de  Justi- 
iiien.  Cependant  ce  n'est  là,  en  réalité,  qu'une  théorie  dont,  en 
pratique,  on  peut  facilement  se  libérer.  Basile  l'a-t-il  faiti^  Ce  que 
j'ai  dit  de  son  caractère  prouve,  je  crois,  que  non.  Parfait 
orthodoxe,  il  l'a  été  ;  juste  et  bienfaisant  aussi,  du  moins  dans 
les  affaires  générales  de  l'Empire.  Il  a  fait  plus  encore,  car  le 
grand  souci  de  son  gouvernement  a  toujours  été  de  relever  de 
toutes  façons  le  prestige  impéiial.  Or,  c'était  par  la  réalisation 
dans  sa  vie  quotidienne  de  ce  haut  idéal  qu'il  pouvait,  évidem- 
ment, le  mieux  atteindre  le  but  qu'il  se  proposait,  C'est  ce  qu'il 
n'a  jamais  négligé.  Sans  parler  de  la  magnificence  dont  il 
aimait  à  s'entourer,  construisant,  à  son  usage  personnel,  d'ad- 
mirables palais  qu'il  se  plaisait  ensuite  à  embellir,  rétablissant 
d'anciennes  coutumes  propres  à  rendre  la  dignité  impériale 
respectable  à  tous,  comme  la  prétendue  loi  de  Constantin  qui 
voulait  que  tout  Empereur  fût  né  dans  la  chambre  de  porphyre 
et  donc  qu'il  fût  porphyrogénète  •*  cherchant  même  dans  de 
menus  détails  d'étiquette  l'occasion  d'inculquer  à  ses  sujets  le 
culte  de  l'Empereur*,  l'exemple  seul  qu'il  donnait  de  son  acti- 
vité administrative  était  bien  fait,  assurément,  pour  grandii- 
aux  yeux  de  ses  contemporains  la  dignité  impériale  qu'il  avait 
si  injustement  usurpée  et  que  Michel  III  avait  avilie  par  ses 
hontes  et  ses  désordres.  Chaque  joui*,  on  pouvait  voir  Basile 
s'en  aller  tour  à  tour  écouter  les  procès  et  intervenir  à  l'occa 
sion,  recevoir  les  plaintes  de  ceux  qui  s'adressaient  directement 
à  lui.  surveiller  ses  magistrats  ^.  «.  L'Empereur,  disait-il.  doit 


I.  Exh.,  WXVI,  A. 
9.  Basil.,  TI,  M,  p.  87. 

3.  Liutp.  Antap.,  I,  S  G  et  7,  p.  -^70. 

4.  Le  De  Adminisirando  raconte,  par  exemple,  qu'avant  Basile  les  sou- 
verain.s  se  servaient  pour  leurs  promenades  en  mer  d'un  «  àyoip.ov  »,  ou  gon- 
dole de  pourpre.  Basile,  lui,  se  fit  construire  un  «  oooîj-wv.ov  »  vaisseau  beau- 
coup plus  j^nand  que  râyùâv-ov  et  s'en  servit  deux  fois  avec  majesté  fDe 
Adm.,  Li,  38jj. 

5.  Gedrcn,,  1089. 


ET  l'empire  byzantin  55 

veiller  à  ce  qu'aucune  injustice  ne  se  commette  car  c'est  en 
lui  seul  que  les  sujets  lésés  peuAcnt  avoir  recours  '.  »  Par  ses 
mains  passaient  toutes  les  nominations  afin  que  «  les  cerfs  ne 
commandent  pas  aux  lions,  mais  les  lions  aux  cerfs-  »  et  c'est 
lui  qui  en  personne  allait  parfois  surveiller  ses  soldats  avec  les- 
quels il  aimait  à  vivre  et  dont,  joyeusement,  il  supportait  les 
souffrances  ^.  Enfin,  chose  très  remarquable  pour  un  parvenu 
et  un  ignorant  comme  lui  qui  ne  savait  pas  même  écrire  *,  il 
comprit  que  la  souveraineté  n'est  vraiment  grande  et  féconde, 
quels  que  soient,  par  ailleurs,  ses  gloires  militaires  et  ses  bien- 
faits réparateurs,  que  lorsqu'à  sa  couronne  brille  le  fleuron  de 
la  science  et  de  la  civilisation.  C'est  elle,  la  science,  qu'un  empe- 
reur doit  prendre  pour  sa  reine,  «  aj-rr,  yàp  xal  j^ao-'Asiav  xotijls^ 
xal  TOJ.;  j3a7',£jovTa;  às'.jjiv/^a-TOj;  y-.o'zù.tl  ^  »  et  donner  à  ses  sujets 
car  elle  est  nécessaire  à  tous,  chefs  et  particuliers,  «  où  txovov 
poL<jC/.zù'7\y ,  aAAà  xal  lo-.wTau  ^  »  et  c'est  une  honte  pour  un  Etat 
quand  les  enfants  demeurent  sans  éducation  :  «  6  -ovy.oo'j^  xal 
à-naiôcJTOj;  £à)v  a-ao-av  TÀjV  TTOA'.TîLav  ào'.xsl^.  »  Aussi,  tandis  que 
lui-même  se  plaisait,  au  milieu  de  ses  nombreuses  occupations, 
à  lire,  tantôt  les  grands  faits  des  généraux  et  des  empereurs 
d'autrefois,  tantôt  des  ouvrages  de  morale  et  de  spiritualité  et 
faisait,  de  sa  main  inexpérimentée,  un  choix  des  choses  les 
meilleures  qu'il  avait  lues  pour  les  imiter  ensuite^,  il  traçait  à 
son  fils  tout  un  programme  littéraire  où  l'étude  de  l'éloquence 
marchait  de  pair  avec  celle  des  modèles  qu'il  jugeait  les  meil- 
leurs à  la  formation  d'un  futur  Empereur  comme  «  Isocrate, 
Salomon  et  Jésus  fils  de  Sirach  '^  ».  On  sait  que  ces  conseils  furent 
suivis  et  que  Léon  YI  devint  orateur. 

Ainsi  donc  Basile  ne  se  contenta  pas  de  formuler  la  théorie 
du  gouvernement  absolu  tel  qu'il  le  comprenait  avec  tous  ses 
contemporains.  Il  voulut  a  vivre  »  cette  théorie  et  la  réaliser 
dans  son  administration  et  sa  conduite  personnelle.  C'est  grâce 

i.Ex/i..  XLIV,  G. 

2.  Exh.,  XLV,  B. 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  xl,  p.  285. 

4.  Ibid.,  ch.  Lxxii,  p.  329. 

5.  Exh.,  XXI.  A. 

6.  Ibid. 

7.  Exh.,  LU,  D. 

8.  Vit.  Basil.,  lxxh,  329. 

9.  Exh.,  LUI,  D,  LV,  B. 


56  BASILE    I 

à  cet  effort,  du  reste,  qu'il  réussît  à  rendre  populaires  à  Byzance 
son  nom  et  sa  famille  et  parvint,  pour  un  temps,  à  créer  une 
dynastie  issue  du  principe  d'hérédité  ^ 


II 


Basile  ne  fut  pas  seul  à  monter  sur  le  trône  de  Byzance. 
Depuis  longtemps  déjà,  il  avait  une  famille  qui  allait,  par  la 
force  des  choses,  profiter  de  la  fortune  de  son  chef.  Etrange 
famille,  du  reste,  sur  laquelle  plane  un  mystère  que  les  chroni 
queurs  ne  parvenaient  plus  à  éclaircir  même  au  x*"  siècle,  dont 
ils  parlent  souvent,  mais  pour  se  contredire  toujours  les  uns 
les  autres,  et  qu'ils  ont  livrée  aux  recherches  des  historiens 
comme  une  indéchiffrahle  énigme.  Peut-être,  cependant,  même 
à  onze  siècles  de  distance,  en  réunissant  avec  soin  les  rensei- 
gnements épars  qui  nous  sont  parvenus,  n'est-il  pas  impos- 
sible d'arriver  à  résoudre,  en  partie  du  moins,  ce  difficile 
problème  des  mariages  de  Basile. 

Tout  jeune  probablement,  sans  doute  au  temps  où  il  était 
encore  en  Bulgarie,  Basile  épousa  une  enfant  de  Macédoine, 
Marie-.  Qu'était  cette  jeune  fille?  Basile  l'emmena-t-il  avec  lui 
à  Byzance?  c'est  ce  qu'aucun  choniqueur  ne  nous  dit.  Elle 
n'apparaît  liée  au  nom  du  futur  Empereur  qu'en  865,  au  len- 
demain de  la  chute  de  Damianos,  au  moment  où  Michel  créa 
son  favori  patrice  et  parakimomène,  et  pour  disparaître  tout  de 
suite.  L'élévation  de  Basile,  en  effet,  semble  avoir  eu  pour  consé- 
quence son  divorce  d'avec  Marie  et  son  mariage  avec  une  autre. 
Pourquoi?  Marie  était-elle  de  naissance  trop  inférieure,  se  con- 
duisait-elle mal,  avait-elle  à  se  plaindre  de  son  mari,  ou  ce  second 
mariage  fut-il  simplement  caprice  de  souverain?  C'est  ce  qu'il 

I.  Malgré  \os  efTorts  de  Basile,  le  principe  d'hérédité  n'entra  jamais 
dans  les  mœurs  byzantines.  Déjà  Léon  VI,  mourant,  recommande  au  Sénat 
el  à  Alexandre,  son  fils  Constantin  car  «  il  veut  qu'il  soit  son  successeur.  » 
Constantin,  cependant,  avait  été  couronné  du  vivant  de  son  père  par 
Euthymios  (Cedren.,  II,  ii6o-6a). 

•i.  On  voit  par  nombre  de  récits  hagiographiques  comme  par  les  lois  des 
Empereurs  que  les  Byzantins  se  mariaient  très  jeunes,  entre  douze  et 
quinze  ans,  11  n'y  a  pas  de  raisons  pour  croire  que  Basile  attendit  même  son 
retour  d'exil,  époque  à  laquelle  il  avait  vingt-cinq  ans,  pour  se  marier. 


ET    l'empire    byzantin  67 

est  imj30ssible  de  savoir.  Néanmoins  un  fait  demeure  certain  : 
Basile  divorça  et  l'Empereur  renvoya  Marie  chez  ses  parents 
avec  de  l'argent.  Puis  Michel  lui  fit  épouser  sa  propre  concubine, 
Eudocie  Ingerina*.  Mais  pour  agir  de  la  sorte  Basile  devait 
avoir  non  seulement  un  prétexte,  mais  une  sérieuse  raison, 
car  nulle  part  nous  ne  voyt)ns,  même  ses  pires  ennemis,  même 
l'Eglise,  si  intransigeante  sur  ce  chapitre -,  faire  la  moindre 
allusion  malveillante  à  ce  divorce  bien  connu,  et  considérer 
Eudocie  autrement  que  comme  sa  femme  véritable^.  Tout  le 
monde,  après  la  mort  de  Michel,  tint  pour  légitimes  les  enfants 
issus  de  cette  union  et,  du  vivant  même  de  l'Empereur,  la 
seule  chose  qui  se  disait,  c'est  qu'Eudocie  demeurait,  malgré 
son  mariage,  l'amie  préférée  du  Basileus.  Pour  nous  donc  une 
première  chose  nous  échappe,  c'est  la  raison  de  ce  divorce 
comme  la  raison  pour  laquelle,  malgré  les  lois  et  les  canons, 
Basile  put  épouser  une  autre  femme  du  vivant  de  la  première 
sans  que  personne  n'ait  protesté  ni  sur  le  moment,  ni  plus  tard. 
Quant  à  Eudocie,  c'était  une  courtisane  de  grande  famille. 
Elle  appartenait  à  cette  maison  des  Martinakioi.  illustre  déjà 
au  temps  de  Théophile  et  qui  devait  bientôt  compter  parmi 
ses  membres  une  sainte,  Théophano,  première  femme  de 
Léon  VI*.  Très  belle,  très  séduisante,  l'Empereur  l'aima  dès 
avant  son  mariage  avec  l'autre  Eudocie,  iîlle  du  Décapolite  que 
sa  mère  et  Théoctistos  l'obligèrent  à  épouser  pour  empêcher 
son  union  avec  Eudocie  Ingerina.  Jusqu'à  sa  mort,  du  reste, 
Eudocie  vécut  avec  Michel  sous  le  regard  bienveillant  de 
Basile  qui  l'avait  épousée  en  865,  donnant  en  échange  de  Ce 


1.  Sym.  Mag.,  xl,  787.  La  Vit.  Bfisil.,  (xvi,  2^9)  ignore,  naturellement,  toute 
cette  histoire.  Elle  ne  connaît  qu'Eudocie  Ingerina,  femme  très  belle,  très 
noble,  très  vertueuse,  modèle  de  toutes  les  Impératrices,  épouse  légitime  et 
unique  de  Basile,  mère  de  Constantin  et  de  Léon  (xxix,  372).  De  même 
Gènes.,  ii33;Cedr.,  108^. 

2.  Nicolas  I"  lui-même  écrit  à  Eudocie  une  lettre  qui  commence  ainsi  : 
«  Nihil  regia.  » 

3.  Si  la  législation  mise  en  vigueur  par  le  Prochiron  existait  déjà  au 
sujet  du  divorce,  il  ne  serait  pas  impossible  que  ce  fût  Marie  elle-même  qui 
eût  demandé  l'annulation  de  son  mariage.  Son  époux  était  adultère  par 
le  fait  de  ses  relations  avec  Eudocie.  Elle  avait  donc  droit  au  divorce  et  qui 
plus  est,  à  une  somme  d'argent.  Les  présents  de  Basile,  dans  cette  hypo- 
thèse, auraient  donc  été  un  dû  que  son  épouse  était  en  droit  de  réclamer 
(Proch.,  XI,  7,  p.  76). 

\.  Vit.  S.  Theoph.,  p.  49,  i.  Cedren.,  1084. 


58  BASILE    1 

cadeau  à  son  impérial  ami  sa  sœur,  Thécla  ^  Au  soir  du 
23  septembre,  Eudocie  était  encore  à  Saint -Mamas  auprès  de 
l'Empereur.  Aussi  Basile  qui  avait  tout  toléré  Tenvoya-t-il 
solennellement  chercher  le  lendemain  du  crime  pour  l'intro- 
duire dans  le  palais  impérial  comme  basilissa  souveraine.  C'est 
là,  désormais,  quelle  vécut,  entourée  de  sa  cour,  peut-être  aussi 
légère  qu'autrefois  -,  tandis  que  la  femme  de  Michel  était  ren- 
voyée chez  ses  parents  '^.  Eudocie  Ingerina  mourut  peu  après 
le  mariage  de  son  fils  Léon,  c'est-à-dire  vers  882  ^ 

Une  seconde  question  se  pose  maintenant.  C'est  celle  des 
enfants.  Tous  les  chroniqueurs,  amis  ou  ennemis,  disent  qu'au 
moment  de  son  avènement,  Basile  avait  deux  fils  :  Constantin 
et  Léon^.  Or,  qu'étaient  ces  enfants  P  De  qui  étaient-iJs  réel- 
lement fils!* 

Constantin  était  le  plus  âgé  des  deux.  Nature  généreuse  et 
vaillante,  probablement  doué  d'une  belle  intelligence,  il  pro- 
mettait de  marcher  sur  les  traces  de  son  père*^  qui  l'aimait  à 
l'exclusion  de  tous  autres.  Il  ne  tarda  jjas  à  l'associer  à  l'Em- 
pire, aux  environs  de  870  '',  à  l'emmener  avec  lui  dans  ses  cam- 
pagnes militaires  et  à  rêver  pour  lui  le  plus  brillant  avenir. 
C'est  dans  l'espérance  d'une  union  entre  ce  fils  et  Irmengard 
que  les  légats  de  Louis  II  vinrent  à  Byzance  en  869  ^  et  c'est 
lui  que  son  père  voulut  avoir  pour  compagnon  en  877  dans  sa 
guerre  contre  Germanikia.  Malheureusement  la  mort  vint  le 
frapper  vers  la  fin  de  879  alors  qu'il  était  dans  toute  la  fleur 
de  la  jeunesse  :  «  £v  Tr,  àxarj  T?i;  vsôty.toç^  )>  laissant  son  père 
inconsolable,  prêt  à  toutes  les  folies,  jusqu'à  faire  construire  une 
église  qui  porta  son  nom  ^*^. 

De  ces  quelques  maigres  renseignements,  nous  pouvons  con- 
jecturer que  Constantin  naquit  aux  environs  de  859_,  peut-être 
plus  tôt  encore,  car  en  admettant  que  pour  l'historiographe 


1.  Sym.  Mag.,  xl,  787  ;  Léon  Gramm.,  1076,  Cf.  Rambaud,  p.  i54  et  note. 

2.  Sym.  Mag.,  xn,  768.  Léon  Gramm,,  1089. 

3.  Sym.  Mag.,  xLvni,  748. 

4.  Vit.  S.  Theoph.,  7. 

5.  Vit.  Basil.,  xxix,  272  ;  Sym.  Mag.,  vin,  702  ;  Gènes.,  1187. 

6.  Vit.  Basil.,  \c\ni,  36i. 

7.  Son  nom  figure,  en  effet,  avec  celui  de  Basile  en  tête  du  Prochiron. 

8.  Gasquet,  op.  cit.,  4 12. 

9.  Vit.  Basil.,  xcvni,  p.  36 1. 

10.  Voir  plus  bas  :  gouvernement  intérieur. 


ET    L  KAIPIUK    lnZAMl^  aç) 

«  la  fleur  de  la  jeunesse  »  indiquât  l'âge  de  i6  à  17  ans,  il  faut 
tenir  compte  cependant  du  fait  que  l'Empereur  emmena  son 
fils  à  la  guerre,  fait  qui  prouve  évidemment  que  ce  fils  n'était 
plus  un  enfant  et  qu'il  devait  avoir  une  vingtaine  d'années  au 
moins.  Mais  alors  en  809,  il  n'était  point  question  pour  Basile 
d'épouser  Eudocie.  Marie  était  encore  sa  femme  légitime  et 
c'est  vraisemblablement  elle  qui  fut  mère  de  Constantin. 
D'autre  part,  à  cette  époque,  Michel  n'avait  point  d'enfants  et 
Constantin  ne  peut  pas  davantage  être  fils  de  Michel  qu'il  ne  le 
fut  d'Eudocie  Ingerina,  quoiqu'en  disent  les  chroniqueurs.  «  La 
rumeur  publique  »  disait  vrai  en  affirmant  que  Constantin 
était  fds  de  Basile  ^  On  comprend  dès  lors  parfaitement  la 
douleur  profonde  de  Basile  lorsqu'il  vit  son  seul  et  unique 
enfant,  celui  sur  lequel  il  comptait  pour  continuer  sa  lignée 
disparaître  brusquement,  forçant  l'assassin  de  l'Empereur 
légitime  à  rendre  au  fils  de  sa  victime,  Léon,  l'héritage  pater- 
nel. Aussi  bien,  est-ce  ce  qui  explique  la  raison  étrange  et  incom- 
préhensible à  première  vue,  pour  laquelle,  dès  la  mort  de 
Michel,  Léon  fut  tonsuré'-.  L'Empereur  espérait,  sans  doute, 
empêcher  par  là  cet  importun  de  revendiquer  jamais  son  droit 
à  l'héritage  jpaternel.  Il  n'avait  pas  compté  sur  les  hasards 
de  la  vie  et  de  la  mort  -K 

Peut-être  est-ce  aussi  de  ce  premier  mariage  que  naquirent 
les  quatre  filles  mystérieuses  dont  il  est  si  discrètement  parlé 
—  comme  de  Constantin  lui-même  —  dans  la  Vie  de  l'Empe- 
reur écrite  par  Constantin  MI  et  dont  le  u  livre  des  Cérémo- 
nies »  seul  nous  a  laissé  les  noms*  :  Anastasie,  Anne,  Hélène. 
Marie.  Basile  les  relégua  toutes  quatre  au  couvent  de  Sainte- 
Euphémie,  par  motif  de  piété,  dit  la  Vita,  sans  doute  aussi  pour 
qu'on  n'en  parlât  pas  trop.  Et,  en  vérité,  il  n'y  a  pas  mal 
réussi  car  les  chroniqueurs  les  ignorent  totalement  ''. 

L'autre    fils    était    Léon.     Il    naquit    vraisemblablement    à 


1.  Gcorg.  Moine  Gont.,  1081  ;  Léon  Gramni.,  1089;  Sym.  ^[ag.,  xvii,  -53. 

2.  De  Cerem.,  11 56. 

3.  Du  Gange,  Fam.  byz..  p.  i.\o,  avait  formulé  déjà,  mais  sans  donner  de 
preuves  bien  péremptoires,  l'hypoliièse  que  Gonstantin  était  fils  de  Marie. 

4.  VU.  Basil.,  cil.  XXXV,  380;  Gedren,,  1092  ;  Cerem.,  1209. 

5.  L'une  d'elles  cependant  se  maria  puisque  Basile  avait  un  gendre  Glirys- 
iophore  qui  fut  un  jour  le  vainqueur  de  Glirysochir  (^Voir  plus  bas,  les 
affaires  militaires). 


Go  nvsii.r:  i 

Sl-Mamas,  le  T'  (k'cembrc  866  ^  alors  que  Basile  était  déjà 
co-empereur,  une  année  à  peine  avant  la  mort  de  Michel.  Sur 
ses  origines  il  ne  peut  guère  y  avoir  de  doute.  Malgré  le  silence 
de  la  Vita  qui  ne  le  nomme  qu'incidemment  avec  Constantin 
comme  fils  de  Basile  et  d'Eudocie  -,  sauf  à  la  fin  du  règne  et 
sans  faire  nulle  part  mention  de  sa  naissance,  tous  les  chro- 
niqueurs s'accordent  à  lui  donner  pour  père  Michel  III  et  pour 
mère  Eudocie  Ingerina  -K  II  était  donc  illégitime  et  lîls  de 
l'adultère.  Cela  n'empêcha  pas  toutefois  l'Empereur  de  fêter 
joyeusement  cette  naissance  par  des  jeux  et  des  festins.  Et 
cependant  la  venue  au  monde  de  cet  enfant  n'avait  rien  de 
réjouissant.  Elle  allait  hâter  pour  sa  part  la  décision  des  plus 
graves  événements.  Michel,  en  effet,  ne  fit  couronner  Basile  que 
parce  qu'il  était  sans  enfants*.  S'il  avait  voulu  simplement  lui 
confier  la  direction  des  affaires,  il  aurait  pu  le  nommer  César, 
comme  Bardas,  ou  lui  donner  tout  autre  titre.  Il  n'avait  nul 
besoin  de  lui  faire  entrevoir  sa  propre  succession.  La  naissance 
de  Léon  modifia  singulièrement  les  choses  et  il  n'est  pas 
impossible  qu'elle  fût  une  des  raisons  qui  brouillèrent  les  deux 
souverains.  L'Empereur  devait  tenir  à  ce  que  son  fils,  tout 
illégitime  qu'il  ait  pu  être,  régnât  ;  Basile  pouvait  espérer  la 
même  gloire  i)our  le  sien.  Aussi  la  solution  de  la  difficulté 
était-elle  la  même  pour  les  deux  Basileis  :  il  fallait  que  l'un  ou 
l'autre  disparut.  C'est  ce  qui  arriva.  \u  cours  de  cette 
année  866,  Michel,  comme  J^asile,  cherchèrent  subitement  le 
moyen  de  se  faire  mourir.  On  sait  que  ce  fut  Basile  qui 
l'emporta.  Peut-être,  en  vérité,  n'y  a-t-il  là  qu'une  coïncidence 
fortuite.  Elle  méritait  cependant,  je  crois,  d'être  signalée.  En 
tous  cas  elle  explique  bien  des  choses.  Il  n'est  pas  étonnant, 
dès  lors,  que  Basile  n'ait  jamais  aimé  ce  fils  qu'il  était  obligé 
d'adopter  comme  sien,  d'abord,  puis  d'associer  à  son  gouver- 
nement. Aussi  le  lui  fit-il  bien  sentir.  Par  la  force,  au  cours  de 
l'hiver  881-882,    il  l'obligea  à  épouser    une  jeune   fille   qu'il 


1.  Léon  Gram.,  1081.  Georg.  .Moine,  106G.  donne  comme  date  de  la  nais- 
sance de  Léon  le  1"  septembre. 

2.  Vit.  Basil.,  xxxiv,  280. 

3.  Léon  Gram.,  108 1  ;  Georg.  Moine  Conl.,  106G  ;  Zonar.,  xvi,  33  ;  Sym. 
Mag.,  xLvî,  744-  Ce  dernier  chroniqueur  confond  la  naissance  de  Léon  avec 
celle  de  Constantin. 

4.  Vit.  Basil.,  .vvni,  253. 


ET    L  KMPlKi:    m/.AMn 


ii'aiuuiit  pas.  Théophiiuo  '  et  quelques  mois  plus  tard,  sous 
l'influence  de  Théodore  dit  Santabarenos.  il  le  fit  jeter  en  prison, 
lui,  sa  femme  et  sa  petite  fille  et  parla  même  de  lui  faire  crever 
les  yeux  :  tout  cela,  sous  prétexte  que  Léon  en  voulait  à  sa 
vie  "-.  Il  fallut  Ténergique  intervention  de  Photius  pour 
empêcher  l'Empereur  de  mettre  à  exécution  son  projet  ; 
il  fallut,  racontent  lès  chroniqueurs,  la  crainte  de  voir  sa  popu- 
larilé  disparaître  et  l'intervention  des  grands  de  la  Cour  pour 
le  décider,  après  trois  mois  de  réclusion,  à  rendre  à  Léon  sa 
place  et  sa  dignité  -K  Or,  il  est  à  remarquer  rpi'à  cette  époque 
si  Constantin  était  mort,  Basile  avait  de  nouveau  un  fils  légi- 
time, né  depuis  son  avènement  :  Alexandre.  Est  ce  pour  laisser 
à  cet  enfant  la  place  occupée  par  Léon  que  Basile  essaya  de 
faire  disparaître  le  fils  de  Michel  ?  C'est  là  une  question  impos- 
sible à  résoudre  ;  mais  c'est  là  aussi  une  seconde  et  étrange 
coïncidence  qui  montre  qu'il  y  avait  au  sein  de  cette  famille 
un  mystère  qu'on  essayait  de  cacher  et  que  la  foule  ignorait. 
Aussi  bien  est-ce  sans  doute  le  véritable  motif  pour  lequel 
Basile  associa  à  son  autorité  tous  ses  fils,  sauf  Etienne,  le  plus 
jeune,  qui,  né  en  870,  fut  fait  clerc  et  devint  patriarche  de 
Constant inople  sous  le  règne  de  Léon  M  à  Noël  886  ^.  Du 
vivant  de  Constantin,  rEmpereur  pouvait  donner  la  couronne 
à  Léon  VI  sûr  qu'il  était  que  l'aîné  serait  basileus  et  ainsi  les 
aj)])arences  se  trouvaient  sauvegardées  ;  à  la  mort  de  ce  dernier 
il  s'empressa  de  couronner  Vlexandre"*.  quoique  tout  enfant, 
dans  l'espérance  qu'il  supplanterait  un  jour  Léon  :  ce  qu'il 
essaya,  du  reste,  de  faire  lui-même,  immédiatement,  en  l'incar- 
cérant. 

Une  telle  conduite  n'est  guère,  ce  semble,  le  fait  d'un  père, 
surtout  d'un  souverain  à  l'égard  de  l'aîné  de  ses  enfants.  Mais 
il  y  a  même  une  chose  plus  étrange  encore.  C'est  la  conduite 
de  l^éon.  au  lendemain  de  son  avènement.  La  mémoire  de  son 
père  putatif  parut  le  préoccuper  très  peu,  celle  de  Michel 
beaucoup  plus  car  la  première  mesure  qu'il  ordonna  fut  qu'on 


I.   Vif.  S.  Eaili,,  loô  et  126. 
3.  Cedren.,  iiS*?. 

:>.  Vit.  Basil..  C,  p.  364-65.  Syni.  Mag.,  \\i.  -Chk 
'\.  Geor<ï.  Moine  dont.,  1089. 

5.  ]^'Epnnn[io(ic  seule,  posiérieure  à  87(1,  porte    le  110111  de  Léon  înec  ccluî 
de  Basile  et  d'Alexandre. 


b'2  HA81LE    I 

allât  chcrclier  solciiiiclk'meul  le  corps  de  l'Empereur,  déposé 
à  Ghrysopolis.  et  qu'on  le  ramenât  à  Conslantinople  où  de 
magnifiques  funérailles  lui  furent  faites  aux  SS''' -Apôtres, 
comme  s'il  voulait  par  là  manifester  aux  regards  de  tous  qu'il 
entendait  tenir  sa  couronne  non  de  Basile  mais  de  Michel  et 
qu'il  avait  conscience  de  renouer  une  chaîne  monarchique 
brisée,  un  jour,  par  le  grand  Pparvenu. 


m 


Comme  dans  toutes  les  monarchies,  autour  de  la  famille 
impériale  se  groupait,  à  Byzance,  le  monde  de  la  Cour  :  hauts 
fonctionnaires  chargés  soit  d'un  gouvernement,  soit  d'une 
administration  :  militaires  de  tous  ordres  et  de  tous  grades  : 
dignitaires  auliques.  admis  au  conseil  du  prince  ou  simple- 
ment à  sa  suite  :  amis  personnels  du  Basileus  dont  parfois 
l'influence  dépassait  singulièremenl  la  charge  ou  la  dignité 
qu'ils  possédaient.  Cette  immense  foule  anonyme  composée 
de  seigneurs  venus  de  tous  pays,  parfois  de  toutes  conditions 
sociales,  où  l'eunuque  de  basse  extraction  pouvait  coudoyer 
des  rois  et  les  u  barbares  »  de  l'Occidenl.  de  savants  pontifes  et 
d'illustres  généraux,  fut.  à  Constantinople  plus  encore  qu'ail- 
leurs, un  des  facteurs  principaux  de  la  civilisation  et  de  l'his- 
toire byzantines.  Avec  l'armée  qui.  du  reste,  s'y  trouvait 
largement  représentée,  elle  suscita  toutes  les  révolutions  ou 
sanctionna  tous  les  changements  de  dynastie  :  par  ses  repré- 
sentants les  plus  accrédités  elle  gouverna,  de  fait,  l'Empire  et 
lui  donna  toujours  la  direction  politique  qu'elle  désirait.  Aussi 
n'est-il  pas  sans  intérêt  et  sans  utilité  de  connaître  d'un  peu 
près  son  organisation  et  sa  hiérarchie,  au  moins  à  ré])oquc  où 
Basile  P'  gouverna. 

La  Cour  impériale  ainsi  que  toute  l'administration  byzantine, 
eut  pour  origine  la  Cour  des  Empereurs  romains.  Mais  avec  le 
temps,  les  circonstances,  les  guerres  civiles  et  politiques, 
plusieurs  des  principaux  rouages  d'autrefois  se  trouvèrent 
modifiés.  De  nombreuses  et  importantes  fonctions  tombèrent 
en  désuétude,  furent  totalement  abolies  ou  devinrent  de 
simples  dignités   auliques    comme    celles   de   consul,  de   pro- 


ET    LEMl'lUK    HVZAMIN  (33 

consuls,  etc..  tiiiidis  que  de  nouveaux  emplois  et  de  nouvelles 
char<>es  furent  créés  de  toute  pièce  ^ 

\  répoque  de  Basile  l""'  les  gens  de  cour  se  divisaient  en  deux 
catégories  bien  distinctes  :  les  simples  dignitaires  auliques, 
personnages  sans  fonctions  administratives  et  sans  situation 
officielle/honorés  seulement  d'un  titre  a  àcuojjta  »  qui.  une 
fois  conféré,  ne  pouvait  plus  leur  être  enlevé-  et  les  dignitaires 
auliques  chargés,  pour  un  temps,  d'un  office  quelconque, 
militaire  ou  civil  (àcuôjjLaTa  xal  ocpcp'lx'.a)  conféré  par  leur  titre 
lui-même  et  dont  la  nomination  était  faite  par  un  édit  (o-.à 
\6^'0'j]  '\  Cet  office  était  en  soi  essentiellement  transitoire  ^ 
Chacune  de  ces  deux  grandes  catégories  se  subdivisait  elle- 
même  en  plusieurs  autres  suivant  l'importance  de  la  charge 
ou  de  la  dignité^.  En  outre,  comme  autrefois  à  Rome  et  dans 
le  haut  Moyen-Age  byzantin,   chaque  famille  avait  son   quali- 

I.  Le  Livre  des  Cérémonies  est,  à  cet  égard,  tout  particulièrement  instruc- 
tif, (iràce  à  sa  composition  faite  à  l'aide  de  documents  d'époques  très 
variées  qui  s'éclielonnent  entre  le  n*"  et  le  v*"  siècle,  nous  retrouvons  les 
noms  d'une  foule  de  hauts  fonctionnaires  qui  disparurent  ou  naquirent  sui- 
vant les  événements.  Tel  est  le  cas,  par  exemple,  pour  l'augustalis  d'Alexan- 
drie, pour  le  xô[XT.<;  TÔ>v  àoar.siôvwv  qui  disparurent  l'un  avec  la  perte  de  l'Egypte, 
l'autre  avant  le  x"  siècle,  probablement  vers  la  fin  du  mu".  Tel  est  le  cas 
aussi,  entre  beaucoup  d'autres,  pour  le  litre  de  Basileopatoi"  qui  fut  créé 
par  Léon  M  en  faveur  de  son  beau-père  ;  pour  celui  de  sébastocrator  qui 
date  des  Comnénes  (cf.  Diehl,  Etudes  byzantines,  p.  293  et  seq).  Une  étude 
comparative  du  Livre  des  Cérémonies,  de  l'ouvrage  de  Codinus  et  des  titres 
fournis  par  la  Sigillographie  fournirait  les  éléments  d'une  histoire  assez 
complète  des  principales  dignités  et  fonctions  byzantines. 

:i.  Ceremon.,  1397.  Cela  est  si  vrai  que  les  anciens  magistroi  devenus 
moines  continuaient  à  faire  partie  de  leur  classe  de  noblesse  (ibid.,  i4i6). 

3.  La  distinction  entre  les  dignités  données  u  oià  jâpaêstwv  »  ou  par  la 
remise  d'un  insigne  et  les  fonctions  données  «  Sià  Aôyou  »  ne  souffre  qu'une 
exception  :  c'est  pour  les  clercs  qui  sont  toujours  nommés  «  5'.à  Xôyou  »  {Cere- 
mon.,  i336). 

4.  Je  dis  <(  en  soi  »  parce  que  nous  avons  des  exemples,  comme  on  le  verra 
plus  loin,  d'enfants  destinés,  dans  leur  âge  mùr,  à  succéder  à  leur  père, 
même  dans  d'importantes  fonctions  telles  que  celle  de  stratège.  Le  fait 
est  important  parce  qu'il  semble  indi([uer  qu'il  y  avait  dans  les  thèmes  des 
familles  qui  héritaient  des  charges  de  leurs  ascendants.  Toutefois,  en 
admettant  même  que  le  fait  rapporté  par  l'hagiographe  qui  écrivit  la  vie 
de  Théophane  soit  exact,  ce  qui  n'est  pas  prouvé,  il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue  les  prescriptions  concernant  les  stratèges  et  que  nous  retrouverons  plus 
bas  au  chapitre  de  l'administration  intérieure. 

5.  La  catégorie  des  dignitaires  sans  fonction  comprenait  dix-huit  titres 
divisés  en  deux  classes  :  l'une  sénatoriale  (xjyxAT.-'.xo':;,  l'autre  purement 
aulique(-i:po:7jA£jj'.;j.a':o.)  Ceremon.,  i3oo;  l'autre  catégorie  comprenait  soixante 
députés  groupés  en  six  classes. 


6fl  BASILE    I 

ficalif  propre  qui  ne  changeait  pas  forcément  avec  les  dignités 
fli verses  dont  pouAait  être  revêtu  chacun  de  ses  membres. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  les  Martinakioi  étaient  r^zplQ.zT.-zoï 
et  Constantin  Martinakios,  père  de  Théophano,  femme  de 
Léon  VI.  portait  le  titre  d'  «  illustre  »  et  cela,  semble-t-il.  avant 
d'avoir  été  appelé  à  la  dignité  de  patrice  K 

La  Cour  se  composait  donc  de  seigneurs  ayant  un  quali 
ficatif,  attaché  soit  à  leur  maison,  soit  à  une  charge  autrefois 
remplie  et  une  dignité  quelconque,  comportant  ou  non  une 
fojîclion.  dignité  toujours  personnelle  et  donnée  directement 
par  l'Empereur .  Naturellement,  toutes  les  grandes  dignités 
étaient  entre  les  mains  de  la  famille  impériale  ou  des  familles 
apparentées  avec  elle  et  seuls  quelques  favoris  de  l'Empereur 
pouvaient  \  aspirer.  Michel  Rhangabe  fut  curopalate  avant 
d'être  empereur  ;  Théodora  donna  aux  siens  plusieurs  des 
premières  charges  de  l'Empire  et,  d'une  façon  générale,  le  titre 
de  César,  du  i-este  peu  fréquent  dans  l'histoire  byzantine,  fut 
presque  constamment  octroyé  à  des  fils  d'empereur  -.  L'âge 
souvent  paraît  n'avoir  j^as  beaucou])  importé  pour  l'obtention 
de  certaines  fonctions,  même  militaires.  C'est  ainsi  que  l'empe- 
reur Mcéphore  créa  son  petit-fils  Ignace  «  domestique  des 
Icanates  )).  charge  qu'il  n'eut  jamais  occasion  d'exercer-^  ;  et 
l'on  voit  Antigone,  fils  de  Bardas,  à  la  tête  d'un  important 
commandement  militaire  bien  qu'encore  très  jeune,  tout 
comme  Théophane.  à  la  mort  de  son  père,  reçut,  presque 
enfant,  confirmation  pour  lui  du  titre  de  son  père  :  stratège  de 
la  mer  Egée  ^  A  cela  il  y  avait  plusieurs  raisons.  A  lire,  en  effet, 
avec  attention  les  auteurs  byzantins,  il  semble  qu'on  puisse 
deviner  l'existence  d'une  filière  hiérarchique  assez  rigoureuse 
entre  les  diverses  dignités  et  fonctions.  Bardas,  Basile,  Stylianos 
Zaoutzès  n'arriAèrent  au  plus  haut  degré  de  l'échelle  sociale 
qu'après  avoir  passé,  quoique  assez  rapidement,  par  les  échelons 
inférieurs.  Chacun,  par  exemple,  avant  d'être  César,  co-empe- 
reur.  basileopator,  fut  fait  magistros  et  remplit  des  charges  de 
moindre  importance  à  celle  qu'il  eut  dans  la  suite"'  et  comme, 

I.   Vit.  S.  Theoph.,  S  2.  p.  11. 
•?.  Dichl..  op.  cit.  passim. 

3.  Vit.  Ignat.,  p.  492. 

4.  Vit.    Théoph.    Ed.    kruinbacluT   dans    les    Sil:iiiigs1)cricli...   drr     \l,a<l. 
der  Wissensch.  zu  Miinch,  1897,  p.  390. 

.').  Cf.  p.  c.  |)Our  Slylianos,  Ml.  S.  EuUi..  p.  9."), 


ET  l'empire  byzantin  65 

d'autre  part,  certaines  charges  paraissent  n'avoir  eu  qu'un  seul 
titulaire  à  la  fois,  il  fallait  de  toute  nécessité  que  la  jeunesse 
entrât  de  bonne  heure  dans  ce  «  cursus  honorum  »  qu'elle 
devait  parcourir.  Mais  il  y  avait  plus.  Chaque  nouvelle  dignité 
était  libéralement  payée  par  celui  qui  la  recevait,  et  en  un 
temps  où  les  trésors  impériaux  s'alimentaient  difficilement, 
c'était  pour  le  fisc,  comme  pour  les  fonctionnaires  auliques  un 
moyen  facile  de  s'enrichir  en  spéculant  sur  l'ambition 
humaine.  Nous  savons,  en  effet,  par  Georges  Moine  qu'on 
reprocha  beaucoup  à  l'empereur  Nicéphore,  dont  l'avarice  était 
proverbiale,  d'avoir  créé,  pour  augmenter  ses  ressources,  de 
nombreuses  dignités'  et  à  lire  dans  le  Clétorologe  de  Philothée 
la  liste  des  dons  innombrables  que  le  nouvel  élu  devait  faire  à 
tous  les  dignitaires  du  palais,  on  conçoit  facilement  la  tentation 
que  pouvait  avoir  l'Empereur  de  distribuer  largement,  voire 
même  à  des  enfants,  des  titres  on  fonctions  de  tous  genres. 
Aussi  bien  est-ce  à  cette  époque  qu'on  commence  surtout  à 
trouver  sur  les  sceaux,  pour  un  seul  personnage,  la  mention 
de  multiples  titres  et  fonctions.  En  général,  jusqu'au  vni^  siècle 
finissant,  les  légendes  sont  courtes  :  un  nom,  un  titre  ;  mais 
dès  les  débuts  du  ix'^  siècle  apparaissent,  timidement  d'abord, 
puis  ensuite  très  ostensiblement,  une  foule  de  titres  variés.  Au 
temps  de  Basile  cette  nouvelle  habitude  qui,  peut-être,  corres- 
pond par  ailleurs  à  une  réorganisation  de  la  Cour  et  à  l'éclat 
plus  grand  que  lui  donne  le  chef  de  la  maison  macédonienne, 
est  en  universel  usage  et  le  sceau  de  Stylianos  Zaoutzès  qui 
nous  est  parvenu  se  trouve  ainsi  libellé  :  u  Stylianos,  magistros, 
anthypatos,  patrice,  protospathaire  impérial  et  logothète  du 
drôme  -.  »  De  ce  fait  on  pourrait  citer  de  multiples  exemples. 
Déjà,  du  reste,  Théoctistos.  au  dire  de  Genesios,  était  patrice, 
logothète  et  préfet  du  caniclée  '\  ce  qui  prouve  bien  qu'au 
début  du  ix*"  siècle  la  mode  de  porter  plusieurs  titres  et  de 
posséder  plusieurs  fonctions  à  la  fois,  mode  qui  alla  toujours 
en  s'accentuant,  tendait  à  se  généraliser  *. 


1.  Gcorg.  Moine  ConL,  ch.  xvii,  p.  976. 

2.  Schluniberger,  SiyilL  byz.,  p.  439. 

3.  Genesios,  1097. 


Ce  fut  à  l'époque  des  (^omnènes  que  la  fureur  des  titres  les  plus  divers 
semble  avoir  atteint  son  apogée.  On  créa  alors  des  protonobilissimes,  des 
protocuropalales,  etc.  Entre  tous  ces  dignitaires  il  y  avait  vni  ordre  de  pré- 


66  BASILE    1 

Ceci  posé,  parcourons  les  divers  litres  dont  se  composait  la 
hiérarchie  byzantine.  Gomme  le  dit  Philothée  dans  le  Clétoro- 
loge,  il  y  avait  dix-huit  titres  n'impliquant,  par  soi,  aucune 
fonction  réelle,  titres  purement  honorifiques,  donnés  par 
l'Empereur  pour  récompenser  ses  amis,  tout  comme,  dans  nos 
cours  modernes,  un  souverain  délivre  des  titres  de  comte  et  de 
marquis  à  ceux  qu'il  veut  honorer.  Le  plus  haut  de  ces  titres 
était  celui  de  : 

i"  César.  Au  ix"  siècle  il  ne  fut  donué  qu'une  fois  —  à  Bardas 
—  peu  avant  sa  mort,  au  moment  où  il  allait  atteindre  l'Empire. 
Comme  autrefois  à  Rome,  le  César  était  toujours  de  famille 
impériale  ou  allié  à  la  famille  impériale,  vivant  presque 
sur  le  même  pied  que  le  Basileus  «  Tiapoii-oîa  rrj;  fi7.(T0^y,r[; 
q6;t,ç  »  qui  seul  lui  était  supérieur.  Aussi,  son  élection  et  son 
sacre  révétaienl-ils  des  formes  particulièrement  solennelles  à 
en  juger  par  le  récit  des  fêtes  qui  furent  données  à  l'occasion 
de  l'élévation  du  fils  de  Constantin  Y  à  cette  dignité  le  2  avril 
768  ^  L'armée,  comme  il  convenait  pour  l'élection  et  le  sacre 
d'un  homme  que  la  destinée  pouvait  conduire  au  trône,  prit 
une  part  active  à  ces  cérémonies  avec  le  sénat  et  le  patriarche 
qui  pontifia  ce  jour-là  ainsi  qu'il  le  fit  au  ix*'  siècle  quand 
Michel  associa  Basile  à  son  pouvoir  suprême.  Jusqu'à  l'époque 
d'Alexis  Comnène  ce  titre  demeura  le  premier  de  la  hiérarchie 
aulique.    Il  ne  descendit  au  troisième  que  par  la  création  de 


séance  exactement  défini  et  très  minutieusement  observé.  La  règle  générale 
était,  qu'à  titre  égal,  un  fonctionnaire  avait  le  pas  sur  un  simple  dignitaire 
aulique  et  qu'entre  gens  également  titrés  la  préséance  était  réglée,  non 
d'après  l'âge  ou  toute  autre  considération,  mais  d'après  la  date  de  promo- 
tion. (Cf.  p.  e.  Ceremon.,  iS^a). 

Si  l'on  pouvait  conclure,  pour  le  ix^  siècle,  quelque  chose  d'un  évènemen- 
qui  se  passa  au  xi'  siècle,  et  que  Psellos  raconte  à  propos  de  son  futur 
gendre,  on  aurait  peut-être  la  clef  de  l'énigme  qui  nous  cache  l'explication 
de  ces  titres  multiples.  De  l'histoire  de  Psellos,  en  effet,  il  faut  conclure 
que  l'élévation  d'un  titulaire  à  un  grade  supérieur  n'entraînait  pas  pour  lui 
la  perte  de  son  grade  inférieur  et  qu'en  certaines  circonstances  graves,  si 
l'Empereur,  malgré  la  règle  générale  rayait  d'une  dignité  un  membre  pré- 
varicateur, les  grades  inférieurs  qu'il  avait  pu  avoir  ne  lui  étaient  point 
enlevés  «  ipso  facto  ».  On  comprend  dès  lors  l'utilité  pour  un  fonctionnaire 
de  mentionner  tous  les  titres  par  lesquels  il  a  passé.  (Psellos,  v,  204-212). 

I.  Ceremon.,  472  et  Dielil,  op.  cit.  Il  est  peu  probable  qu'en  un  siècle  le 
rôle  social  du  César  se  soit  modifié.  Ce  que  l'on  sait  du  train  de  vie  de  Bar- 
das, de  son  autorité,  do  sa  puissance,  permet,  je  crois,  de  regarder  pour 
vrai  au  ix''  siècle  ce  qui  le  fut  au  vur  concernant  cette  institution. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  67 

ceux  de  despote  et  de  sébastocrator.  Le  litre  du  César  daus  les 
acclamatious  était  celui  d'((  sÙTjyi^TaTo;  ».  L'insigne  qui  lui  était 
remis  par  TEmpereur  était  la  couronne  sans  croix.  Il  portait 
une  tunique  «  chrysopersique  »  K 

•2"  Le  \obillssime  (y,  toj  vwê£Ai.o-i|jLO'j  àçta).  Le  nobilissime  por- 
tait, comme  insigne,  une  tunique  de  pourpre  et  d'or  (le  o'.êr.Tv 
s-'.ov),  la  clilamyde  et  la  ceinture  que  l'Empereur  lui  remettait 
solennellement  à  l'église  le  jour  de  son  élévation  '-.  De  droit  il 
s'asseyait  à  la  table  impériale  en  compagnie  du  Patriarche,  du 
César,  du  curopalate.  de  la  patricienne  à  ceinture  et  plus  tard 
du  Basileopator.  Lui  aussi,  naturellement,  était  généralement 
un  membre  de  la  famille  impériale,  souvent  un  fds  d'Empe- 
reur, comme  Mcétas.  quatrième  fds  de  Constantin  dont  ilest 
parlé  au  chapitre  XLIV  du  livre  des  Cérémonies.  Son  titre  dans 
les  acclamations  était  celui  d'((  s-icpavio-TaTo;  )).  Les  sceaux  des 
xn"  et  xuf  siècles  nous  donnent  parfois  le  titre  de  protonobi- 
lissime,  dignité  qui,  sans  doute,  naquit  à  l'époque  des  Com- 
nènes  ^ . 

3"  Curopalate  (r,  toG  xo'jpoKcôÀ'zoj  àç'la).  Comme  le  nobilissime 
le  curopalate  portait  une  tunique  rouge  et  or,  une  clilamyde  et 
une  ceinture.  Son  nom  indique  quelle  était  originairement  sa 
fonction.  Il  était  grand  maréchal  du  Palais,  charge  qui  devint 
purement  honorifique  et  ne  s'accordait,  en  dehors  de  la  famille 
impériale,  qu'aux  souverains  et  à  quelques  rares  privilégiés. 
C'est  ainsi  que  sous  Constantin  Copronyme  A  rtabasdos,  qui 
avait  épousé  la  sœur  du  basileus  fut  curopalate  *.  De  même  au 
\x^  siècle  Michel  Rhangabe,  Bardas,  furent  élevés  à  cette  dignité. 
Depuis  Léon  VI  la  charge  de  curopalate  paraît  avoir  été 
héréditaire  dans  la  famille  des  princes  d'Ibérie^  ;  mais  il  ne 
semble  pas  toutefois  quelle  ait  été,  dès  lors,  l'unique  apanage 
de  cette  famille  car  les  sceaux  nous  ont  livré  le  nom  de  per- 
sonnages qui  ne  paraissent  pas  avoir  été  des  princes  d'Ibérie  ^. 

1.  Léon  Grannn,,  p.  1080. 

2.  Je  ne  veux  pas  dire  par  là  que  seul  le  nobilissime  avait  le  droit  de  por- 
ter le  o'.6r,TT>'ov.  mais  seulement  que  c'était  son  habit  de  cérémonie.  (Cf.  la 
longue  note  de  Beljajev,  Byzantina,  u,  p.  Tu  et  ô.-î,  note  i  où  fauteur  s'etTorce 
d'expliquer  ce  qu'était  le  oi6t,tt,jiov  et  qui  avait  le  droit  de  le  porter. 

3.  Cf.  Du  Cange,  au  mot  \M^tliiîi[xoi. 

4.  Oeorg.  Moine,  gSS. 

5.  De  Adm.,  xiv,  p.  349  '  Rambaud,  op.  cit.,  p.  5i3. 
0.  SigilL,  490. 


68  BASILE    I 

Du  reste,  cette  dignité  perdit  bientôt  de  son  éclat  premier.  Vers 
les  xn'  et  xni''  siècles  l'on  eut  des  protocuropulates  et  à  l'époque 
de  Codinus  elle  était  reléguée  au  quinzième  rang  dans  la  hié- 
rarchie. La  femme  du  curopalate  s'appelait  xojpoTcaXànTo-a. 

4"  Patricienne  à  ceinture  (y,  t/,;  woja-T/jç  TiaTp'.xiaç  àçia).  Cette 
dignité  était  la  plus  haute  que  pouvait  revêtir  une  femme  —  la 
seule  que  l'Empereur  conférait  lui-même  aux  dames  de  la  cour, 
Lorsque  Théodora  épousa  Théophile,  sa  mère  Théoctista  fut 
créée  patricienne  à  ceinture  i.  C'était  la  première  dignitaire  de  la 
cour  de  l'Impératrice  oîi  son  rôle  paraît  avoir  été  de  présider  à 
la  toilette  de  la  Basilissa'^.  Comme  les  patrices,  elle  recevait  au 
jour  de  sa  nomination  les  plaques  divoire  sur  lesquelles  était 
inscrits  son  nom  et  sa  dignité. 

5"  Mcigistroi  {'\  tcôv  £voo;oTàT(ov  ijiaY'lTTpojv  àç'la).  Les  titres  qui 
précèdent  sont,  en  quelque  sorle,  hors  cadre  car  ils  apparte- 
naient en  fait  à  la  famille  impériale  et  à  ses  alliés.  Aussi  le  pre- 
mier titre  à  proprement  aulique  était-il  celui  de  magislros.  Au 
ix""  siècle  nous  avons  de  nombreux  exemples  de  seigneurs  qui 
le  portèrent  et  nous  voyons,  par  la  vie  même  de  Basile,  que 
s'il  était  le  plus  haut  titre  de  la  hiérarchie  byzantine,  celui  au 
delà  duquel  il  n'y  avait,  en  général,  pour  les  particuliers,  plus 
lieu  à  rien  prétendre,  encore  fallait-il  que  même  les  princes  le 
reçussent  avant  d'arriver  à  ceux  qui  leur  étaient  plus  spéciale- 
ment réservés.  Bardas  ne  fut  pas  magistros  dès  le  mariage  de  sa 
sœui'  ;  Pétronas  ne  reçut  ce  titre  qu'à  la  fin  de  sa  vie  comme 
récompense  de  ses  succès  militaires  et  Basile  n'obtint  cette  dis- 
tinction qu'assez  tardivement.  On  ne  voit  pas,  au  reste,  que  de 
fort  grands  seigneurs  soient  arrivés  jusque-là.  Nous  connais- 
sons pour  l'époque  même  de  Basile,  le  nom  de  trois  magistroi 
dont  deux  siégèrent  au  Concile  de  869.  C'étaient  Cliristophore 
et  Théodore.  Le  troisième  était  Manuel.  Le  nombre  des  magis- 
troi ne  paraît  pas  avoir  été  limité  —  du  moins  aucun  texte  grec 
ne  le  dit —  bien  que  Liutprand -^  fixe  à  vingt  quatre  le  nombre 
des  magistroi  présents  à  la  distribution  de  cadeaux  qu'il    vit 

I.  ïhcoph.  Cont.,  Vit.  Théoph.,  v,  io4. 

a.  Il  y  a,  en  efTet,  discussion  sur  le  mot  «  Zcojxr,  »).  La  patricienne  était- 
elle  ZwaTT,  parce  qu'elle  portail  une  ceinture  ou  parce  qu'elle  avait  pour 
fonction,  primitivement  du  moins,  d'haljiller  l'Impératrice  ?  Combefis  opine 
en  faveur  de  la  ijremière  hypothèse.  Du  Cange  en  faveur  de  Ja  seconde,  elles 
textes  qu'il  cite  semblent  bien  lui  donner  raison  (cf.  Du  Gange,  Zto^jTf,). 

3.  AutapocL,  1.  vi,  S  10,  p.  339. 


i;t   I.  ivMPiiu-:   nvzAM  IN  6g 

faire  par  l'Empereur  ;  ce  qui  semble  certain,  c'est  qu'ils  formaient 
comme  une  classe  bien  distincte  de  noblesse,  ayant  à  leur  tête 
un  protomagistros  et,  entre  eux,  un  ordre  de  préséance  parfai- 
tement établi  1.  Leur  signe  distinctif  était  la  tunique  blanche 
brodée  d'or  a  o-TLyapiv  '^  »  et  une  ceinture  de  cuir  ornée  de  pierres 
précieuses  c  ^aATioiç  ou  '^yX'zioioy  »  que  l'Empereur  leur  remet- 
tait. Aux  ix°  et  X*  siècles  nous  voyons  les  magistroi  faisant  tou- 
jours partie  des  cérémonies  officielles  comme  premier  corps 
constitué.  Il  est  probable  enfin  que  la  dignité  de  magistros  était 
l'une  des  dignités  dites  sénatoriales  (a-uyxAr.T'.xo'l),  car  il  est  des 
magistroi  cités  parmi  les  chefs  du  sénat  ^. 

6°  Pî'oconsiils  (r,  twv  àvSuTraTtov  à^ta).  Les  proconsuls  recevaient 
leur  titre  de  l'Empereur  qui  leur  remettait  un  diplôme  de  par- 
chemin teint  en  pourpre  (xojo'lx£)Aoç),  Ce  diplôme,  sans  doute, 
faisait  mention  de  la  date  d'élévation  de  son  titulaire  car,  dans 
les  réceptions.  Philo thée  a  soin  de  dire  qu'ils  prennent  place 
suivant  leur  rang  et  leur  promotion  ^  d'après  leur  codicille. 
Cette  dignité  était  assez  fréquemment  donnée.  Tous  les  grands 
fonctionnaires  de  l'Empire  pouvaient  y  prétendre  après  avoir 
passé  par  le  patriciat.  Voilà  pourquoi  nous  trouvons  soit  dans 
le  Clétorologe  "%  soit  sur  les  sceaux,  la  continuelle  alliance  des 
deux  dignités  :  proconsul  et  patrice,  car,  suivant  la  règle  géné- 
rale, le  patrice  pour  être  fait  proconsul  ne  perdait  pas  son  pre- 
mier titre.  Naturellement  les  proconsuls  en  charge  avaient  le 
pas  sur  ceux  qui  n'étaient  honorés  que  du  titre  ;  ceux-là,  à  leur 
tour,  avaient  le  pas  sur  les  patrices  en  charge,  à  moins,  excep- 
tion unique,  qu'ils  ne  fussent  stratège  des  Anatoliques  ou  domes- 
tique des  scholes.  Ces  deux  grands  fonctionnaires,  alors  même 
qu'ils  n'étaient  que  patrices  avaient  le  pas  sur  tous  les  procon- 
suls. Il  semble  que  cette  dignité  était  surtout  accordée  aux  fonc- 
tionnaires militaires:    cependant  le    Clétorologe^'   mentionne 


1.  Nous  trouvons  au  ix^  siècle  le  [titre  de  protomagistros  plusieurs  fois 
mentionné  (Gènes.,  1097  ;  Vit.  Euth.,  11,  p.  3).  De  même  dans  le  Clétorologe 
à  propos  de  certains  dîners  impériaux,  un  magistros  seulement  prend  part 
à  la  cérémonie  et  le  terme  de  [layisTpo;  [xây.TTpo;  (i34i)  deux  fois  répété  équi- 
vaut peut-être  à  protomagistros  (cf.  ihid.,  iSfio). 

2.  Ceremon.,  p.  38o,  i3o/t. 

3.  Ibid.,  i36o. 

4.  Ibid.,  i344,  i345. 

5.  p.  e.  Ibid.,  i34'i. 

(j.  Ibid.,  i3i'i.    Il  ne    faut    pas  confondre,  je   crois,  ce  titre  purement 


70  BASILE    I 

quelques    rares    fonclionnaires     civils     qui    peuvent  en    être 
revêtus. 

7^*  Patrlces  (y,  twv -sp'.êyi-Twv  -a-rp'.x'lwv  à;'la).  Comme  les  pro- 
consuls, les  patrices  tenaient  leur  titre  directement  de  l'Empe- 
reur. Eux  aussi  recevaient  un  diplôme  «écrit en  forme  de  loi  ». 
dit  Philothéei  et  renfermé  dans  une  sorte  de  coffret  fait  de  pla- 
ques d'ivoire  ornementées.  Si  le  nouvel  élu  recevait  son  titre 
sans  aucune  charge  officielle  il  était  dit  «  aTrpaToç  »  ;  dans  le  cas 
contraire  il  était  «  suTzpaToç  »  ou  «  uîTo-paTo^  »  suivant  que  ses 
fonctions  étaient  militaires  ou  civiles  -.  Gomme  le  titre  de  pro- 
consul —  et  plus  encore  —  cette  dignité  ainsi  que  les  autres 
dignités  inférieures  était  très  répandue.  Tout  haut  fonction- 
naire l'obtenait  car  nous  voyons  que  la  plupart  des  personnages 
historiques  dont  les  sources  byzantines  nous  ont  laissé  le  nom 
furent  honorés  du  titre  de  patrice.  Les  eunuques  eux-mêmes, 
ainsi  que  les  étrangers  recevaient  le  patriciat  :  tel,  au  ix'  siècle, 
ce  Damianos  que  Bardas  tît  destituer  de  sa  charge  de  paraki- 
momène — et  si  la  lecture  d'une  légende  de  sceau  (Tipi)  patrice 
est  exacte,  il  faudrait  admettre  que  des  ecclésiastiques  aussi, 
comme  ce  Jean,  chef  du  clergé  de  l'Eglise  impériale  des  Blacher- 
nes,  pouvaient  prétendre  à  ce  titre  ^.  Comme  les  magistroi,  ils 
semblent  bien  faire  partie  de  la  classe  sénatoriale  et  l'impor- 
tance donnée  encore  au  sénat  —  quel  qu'il  fût  du  reste  —  au 
vni'^  siècle  dans  les  cérémonies  de  la  promotion  des  patrices  ^ 
tendrait    à   le    prouver.    Un    patrice   avait    droit    au  titre    de 

S"  Protospathaires  (r,  tcov  TrptoTOT-aQapuov  àç'la).  Spatharocan- 
c?/da/^  (t,  TO)v  (T-a0apoxav3ioàTO)v  àE'la).  Spathaires  (y,  tcov  a-7:aQapitov 
àE'la).  Ces  trois  dignités  viennent  dans  le  Clétorologe  de  Philo- 
thée  aux  huitième,  dixième  et  onzième  rangs.  Je  les  réunis 
ensemble  parce  qu'elles  forment  comme  les  trois  degrés  d'un 

aulique  avec  la  fonction  de  proconsul  d'un   lliènie,  fonction  d'ordre  judi- 
ciaire que  nous  retrouverons  plus  loin. 

1.  Cerem.,  i3o4. 

2.  Ibld.,  ooG  et  i436. 

3.  Schlumberger,  Sigill.,  p.  149.  H  nie  semble  cependant  qu'il  ny  a  pas 
de  raisons  pour  ne  pas  lire  «primicier  ».  Le  titre  de  patrice  pourrait  cepen- 
dant se  défendre  en  admettant  que  ce  prêtre  ait  obtenu  cette  dignité  avant 
son  entrée  dans  les  ordres.  En  tous  cas  c'est  le  seul  exemple  connu,  que  je 
sache,  d'un  ecclésiastique  patrice. 

4.  Ceremon.,  5oo. 

5.  Epanag.,  xi,  S  10,  p.  89. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  .      -J I 

même  ordre  de  noblesse.  L'insigne  dislinctif  du  protospalhaire 
était  un  collier  garni  de  pierres  précieuses  et  serré  autour  du 
cou  ;  celui  du  spatharocandidat,  un  collier  d'or  orné  de  pierres 
précieuses  mais  qui  pendait  sur  la  poitrine  (ijLav'.àxiov  xsyaAao-- 
tjLivov)  ;  celui  du  spathaire,  enfin,  une  épée.  D'ordre  originaire- 
ment militaire,  cette  dignité  finit  par  être  conférée  aussi  à  de 
simples  civils  comme  à  des  juges,  à  des  orphanotrophes,  à  des 
fonctionnaires  fiscaux.  Les  sceaux,  comme  les  textes,  prouvent 
qu'elle  était  très  libéralement  octroyée  à  chacun.  Il  y  avait  des 
protospathaires  dans  l'armée  ;  il  y  en  avait  au  palais  ;  il  y  en  avait 
dans  les  provinces*.  Aussi  était-ce  une  dignité  très  fréquem- 
ment conférée  aux  eunuques.  D'où  la  distinction  nettement 
existante  aux  ix**  et  x*"  siècles  entre  les  protospathaires  eunuques 
et  les  autres  (cJvoGyo».  et  ,3apêàT0'.).  Comme  toutes  les  dignités 
byzantines,  les  spathaires,  protospathaires,  etc.,  eurent  à  l'ori- 
gine une  fonction  qui  bientôt  ne  fut  plus  qu'un  titre  honorifi- 
que, donné,  en  général,  suivant  la  fonction  remplie.  C'est 
ainsi  que  l'on  trouve,  par  exemple,  des  stratèges  qui  sont  sim- 
plement protospathaires,  mais  point  qui  soient  spathaires,  ni 
même  spatharocandidats  -,  dignités  inférieures  conférées  à  leurs 
subalternes.  Cependant,  outre  ce  titre  de  noblesse,  il  semble 
bien  qu'il  y  avait  encore  au  Palais,  même  au  x''  siècle,  des  spa- 
thaires en  fonction.  Ils  devaient  porter  devant  l'Empereur  ses 
armes  :  la  lance  et  le  bouclier^.  Quoiqu'il  en  soit,  c'est  sans  doute 
le  caractère  nettement  militaire  de  cette  classe  qui  empêchait 
les  ecclésiastiques  d'y  prétendre  et  nous  savons  qu'il  fallut  au 
clerc  Ktenas  toute  sa  richesse  et  les  cadeaux  dont  il  combla 
Léon  YI  pour  décider  l'Empereur,  qui  trouvait  une  telle  pro- 
motion impossible  et  indigne  de  sa  majesté,  à  l'élever  au  pro- 
tospathariat  et  lui  permettre  ainsi  de  prendre  son  rang  dans  la 
galerie  du  Lausiacon  ^  Enfin  le  titre  de  protospalhaire  semble 
avoir  été  l'apanage  de  certaines  fonctions  déterminées.  Cons- 
tantin Porphyrogénète  parle  longuement  du  protospathaire,  «  t/^ç 
cp'.àAr,;;  ^'  »  sur  lequel  nous  reviendrons  à  propos  de  la  marine  ;  le 

1.  C'est  ainsi  que  Basile  conféra  cette  dignité  à  son  frère  spirituel,  Jean, 
lils  de  la  veuve  Danielis  (Vi/.  Basil.,  i,  74,  p-  333). 

2.  Ceremon.,  i345etseq.  Voir  cependant  quelques  exceptions  au  chapit., 
de  l'admin.  provinciale. 

3.  Ceremon..  109. 
De  Adm.,  p.  l 
Ibid.,  u,  388. 


72  BASILE    I 

Clétorologe,  des  protospathaires  u  tcov  [iiacr-.A'.xwv  K  »  Le  protos- 
pathaire  portait  le  qualificatif  de  «  tjLsyaAOTrpsTry^;  ». 

9°  Dishypatoi  et  hypatoi  (r,  twv  oi^-j-aTcov  àH'la  ;  r,  twv  'j-àTojv 
àç'la).  Ces  deux  titres  de  noblesse  sont  inscrits  dans  le  Clétorologe 
aux  neuvième  et  douzième  rangs.  Ils  correspondent  aux  termes 
bien  connus  de  deux  fois  consul  et  consul.  A  rencontre  du 
spathariat,  cette  dignité,  du  reste,  très  rarement  indiquée  par 
les  chroniqueurs  du  ix''  siècle,  paraît  avoir  été  exclusivement 
conférée  à  des  civils  car  le  dishypatos  comme  le  consul  ne 
paient  de  gratification  (o-'jvr^Qc'.ai)  à  aucun  fonctionnaire  mili- 
taire. On  décorait  de  ces  titres  pompeux  les  chefs  de  bureaux 
des  chancelleries  de  Byzance  et  des  thèmes,  comme  les  char- 
tulaires.  notaires^,  etc.  Dans  les  réceptions  ils  étaient  reçus 
avec  la  quatrième  classe  dont  ils  faisaient  partie.  Ce  litre,  cepen- 
dant, pour  le  IX"'  siècle  se  retrouve  assez  fréquemment  en  un 
thème  spécial  de  FEmpire  :  c'est  en  Italie.  M.  Schlumberger  cite 
plusieurs  sceaux  provenant  soit  de  Sicile,  soit  de  Sardaigne. 
soit  de  l'Italie  méridionale  et  qui  portent  mention  d'une  dignité 
qui  pour  être  déchue  à  Byzance  -^  avait  peut-être  encore  en  ces 
pays  reculés  gardé  quelque  chose  du  prestige  de  son  ancien 
éclat  *. 

lo)  Stratores  (y,  t(ov  o-TpaToptov  àçia).  Candidats  (r,  t(7)v  xavo»,- 
oaTtov  àHia).  Mandatoves  (Tj  twv  ^aTiAixtov  ixavôaToptov  àc'la).  Vesti- 
tores{'f,  Twv  jSsTTY.TOptov  à^ta)  •"».  Sllentiaires  (y,  Twvrt.AcVTiapuovàÇ'la). 
Stratelates  (r,  toG  o-TpaTr.AaTOj  à;U)  '\  Ce  sont  les  plus  infîmes 
dignités  auliques.  celles  qu'on  donnait  aux  fonctionnaires  de 
province  et  aux  notables  terriens  tout  comme  dans  nos  pays 
monarchiques  d'Europe  se  rencontrent  assez  fréquemment  les 
titres  d'écuyer.  de  conseiller  privé  (Hofrath,  Geheimer  Hofrath), 
voire  même  de  chambellan  et  de  camérier.  Et  la  comparaison 
me  semble  d'autant  plus    frappante    qu'alors  comme  aujour- 

1.  Ccremon.,  iSai. 

2.  Ceremon.,  i352,  1 364.  Les  sceaux  nous  donnent  aussi,  pour  le  ix*  siècle, 
plusieurs  exemples  de  commerciaires  des  dépôts  publics  portant  ce  titre 
(SigilL,  112,  197). 

3.  Léon  VI,  Novelle,  94. 

\.  Par  exemple,  sceau  de  Tliéodote  dishypatos,   patrice,  protospathaire 
diœcète  de  Sicile  (p.  2i5)  ;  sceau  de  Tliéodote,  consul  et  duc  de  Sardaigne 

232);  sceau  de  Grégoire,  consul  et  protonolaire  de  Sicile  (p.  2i5). 
.").  Le  terme  de   «  Bs^TfiXwp  »   me  paraît  être,  d'après  les  sceaux,  celui  qui 

le  plus  fréquemment  employé  au  ix"  siècle. 
6.  Ou  mieux  apoéparche  «  àroszap/oç.  » 


ET  l'empire  byzantin  -jS 

d'hui  ces  dignités  purement  honorifiques  répondaient  à  un 
service  de  cour  existant.  Tandis  qu'en  effet  il  y  avait  dans  les 
provinces  des  stratores,  des  candidats,  etc.,  qui  étaient  les  uns 
fonctionnaires  civils  comme  ce  Joseph  protospathaire.  candi- 
dat et  commerciaire  de  Thessalonique^.  les  autres  à  l'armée 
comme  ïlypatios  strator  impérial  et  turm arque  de  Marmarit- 
zion  -.  les  autres  dans  les  chancelleries  ou  en  fonction  dans  les 
thèmes^,  les  autres  à  la  tête  de  radministration  d'une  ville 
comme  Jean,  candidat  et  archôn  de  Ghristopolis  *.  ou  même 
en  passe  de  devenir  stratège  comme  ïhéophane.  ([ui  reçut, 
hien  que  tout  enfant,  à  la  mort  de  son  père,  avec  la  promesse 
de  lui  succéder  un  jour  comme  stratège  de  la  mer  Egée,  le  titre 
de  strator^.  il  en  était  aussi  qui  remplissaient  réellement  leurs 
fonctions  au  Palais.  Les  écuries  impériales  avaient  des  stra- 
tores; les  cérémonies,  leurs  silentiaires  ;  les  troupes  palatines, 
leurs  candidats.  Quand  les  titulaires  de  province  venaient  à  la 
cour,  ils  avaient  leur  place  dans  les  réceptions  et  les  dîners  et 
peut-être  avaient-ils  le  droit  de  faire  effectivement  le  service 
que  leur  titre  indiquait.  Dans  ce  cas  ils  dépendaient  tous  — 
consuls,  vestitores.  silentiaires,  apoéparches  —  d'un  grand  chef, 
le  cérémoniaire  u  6  stzI  Tr,^  ■aoL'zoLfj'zÔL^tM^  »  ^.  Ils  étaient  dits  «  o-uy- 
xXy.t'-xo'I  »  non  qu'ils  fussent  sénateurs,  mais  simplement  parce 
qu'ils  fonctionnent  au  palais  ''. 

Tandis  qu'il  y  avait  dix-huit  classes  dans  Tordre  nobiliaire 
dont  les  titulaires  formaient,  à  proprement  parler,  la  cour  de 
l'Empereur,  dans  l'ordre  administratif  il  y  avait  soixante 
charges  ou  fonctions  données  par  rescrit  de  l'Empereur  (ot.à 
Aoyou)  et  se  répartissant  en  7  classes.  C'était  celles  des  : 

i)  Stratèges  qui  comprenait  vingt-six  fonctionnaires  à  savoir 

I.  Schiumberger,  SigilL,  p.  lo;"). 

'.i.  îbid.,  p.  171. 

3.  Ibid.,  p.  122. 

'\.  Ibid.,  p.  ii4- 

5.  Vie  de  Théophane,  éd.  Krumbacher.  op.  cit..  p.  890.  S' Eiidokinios  roçiit 
de  la  même  façon  le  titre  de  candidat. 

G.  Cerem.,  p.  iM\/. 

7.  C'est  dans  le  même  sens  qu'il  laut  entendre,  je  crois,  la  distinction  de 
Philotliée  entre  les  dignitaires  TaY;j.aT'./.o(,  bsaaT'.xot,  auyxTvT.T'.xoî  et  c'est,  ce  me 
semble,  la  clef  du  passage  obscur  dans  lequel  Pliilotliée  parle  de  ces  mêmes 
dignitaires  qui  »  t^  rjyxAf.Toi  â&;j.ô!;ovTai  »  fCerem.,  i3o8).  En  tous  ces 
endroits,  il  ne  s'agit  nidlement  de  l'institution  appelée  le  Sénat.  (Cf.  Cercm., 
p.  i333). 


-j[\  BASILE    I 

les  chefs  militaires  des  divers  thèmes  de  l'Empire  et  les  ol  £x 
Trooa-WTTO'J. 

2)  Domestiques  qui  comprenait  sept  fonctionnaires  :  le 
domestique  des  scholes  ;  le  domestique  des  excubiteurs  ;  le 
drongaire  de  la  veille  «  tt,?  p^yAa^  ;  »  le  domestique  des  Icanates  ; 
le  domestique  des  Nombres  a  twv  vojtjLÉpwv  »  ;  le  domestique  des 
optimales;  le  comte  des  murs.  On  les  appelait  tous  u  ocpc2',x',à- 

A'-Ot..    » 

3)  Juges  qui  comprenait  trois  fonctionnaires  :  le  préfet  de  la 
ville  ;   le   questeur  ;    le  fonctionnaire    préposé  aux    pétitions  : 

4)  Secreticoi  ou  fonctionnaires  attachés  aux  grandes  admi- 
nistrations de  l'Empire,  comprenant  onze  fonctionnaires  :  le 
sacellaire,  le  logothète  toj  vsv'.xoj  ;  le  logothète  de  l'armée  ;  le 
logothète  du  drôme  ;  le  chartulaire  du  sacellaire  ;  le  chartulaire 
du  vestiaire  ;  le  protoasecretis  ;  le  fonctionnaire  chargé  du 
trésor  privé  (6  to-j  zIo\y.o\j)  ;  le  grand  curateur  ;  le  curateur  twv 
Mayyàvwv,  de  Manganes  ;  l'orphanotrophe. 

5)  Démocrates  comprenant  deux  fonctionnaires  :  le  démarche 
des  Verts  et  celui  des  Bleus. 

6)  5/mtorc/ie5  comprenant  cinq  fonctionnaires  :  l'hétériarche  ; 
le  drongaire  de  la  flotte  ;  le  logothète  des  troupeaux  ;  le  pro- 
tospathaire  des  basiliques  ;  le  comte  toj  o-Tàê)vOj. 

7)  La  classe  des  fonctions  personnelles  (slo'.xal  àçia»,)  au  nombre 
de  sept  :  le  basileopator  ;  le  recteur  ;  le  syncelle  ;  le  chartulaire 
du  caniclée  ;  le  protostrator  ;  le  cérémoniaire  (6  tî^z,  xaTaorào-sw?)  ; 
le  domestique  des  basiliques. 

Comme  nous  retrouverons  tous  ces  fonctionnaires  dans  leur 
administration  propre,  je  crois  inutile  de  m'arrêter  ici  à  chacun 
d'eux  plus  longuement.  Il  est  cependant  une  chose  à  remar- 
quer. C'est  que  deux  des  titres  cités  par  Philothée  dans  le 
Clétorologe  :  le  basileopator  et  le  recteur,  sont  des  titres  nou- 
veaux que  les  textes  antérieurs  au  règne  de  Léon  YI  ne  con- 
naissent pas.  Nous  savons  l'origine  du  titre  de  basileopator; 
mais  nous  ignorons  celle  du  titre  de  recteur.  Ce  qui  paraît 
certain,  c'est  que  cette  dernière  fonction  —  la  plus  grande  de 
l'Empire  dès  le  x"  siècle  —  est  inconnue  des  écrivains  anté- 
rieurs à  cette  époque.  L'auteur  anonyme  du  cérémonial  usité 
au  vin''  siècle  pour  la  promotion  des  grands  dignitaires  de 
l'Empire  l'ignore  complètement  et  les  premiers  textes  qui  en 


ET    L  EMPIRE    BYZAMI\  ^O 

parlent  sont  contemporains  d'Alexandre,  frère  de  Léon  VP. 
Au  x'^  siècle  elle  a  tout  son  éclat.  Le  livre  des  Cérémonies  lui 
donne  le  pas  sur  tous  les  autres  fonctionnaires  et  Liutprand  la 
cite  avant  tout  autre  dans  la  distribution  des  présents  à  laquelle 
il  assiste.  On  peut  donc  conclure  de  cela  que  le  rectorat  fut 
créé  par  Léon  VI  pour  honorer  un  personnage  quelconque  ;  et 
c'est,  sans  doute,  le  premier  cérémonial  usité  à  cette  occasion 
qui  nous  est  conservé  au  chapitre  ÏY  du  second  livre  des  Céré- 
monies. 

Naturellement,  chacun  de  ces  grands  fonctionnaires  a  sa 
suite  ou  son  bureau  (7:002 as 'jt'.;)  composé  de  divers  fonction- 
naires subalternes.  Nous  les  indiquerons  avec  leurs  chefs  res- 
pectifs aux  chapitres  spéciaux  consacrés  à  l'administration 
dont  ils  relèvent. 

On  peut  remarquer,  par  l'énumération  qui  précède,  qu'en 
réalité,  sauf  quelques  fonctionnaires  de  second  ordre,  les  titu- 
laires de  charges  uniquement  antiques  n'étaient  pas  très  nom- 
breux. La  raison  en  est  qu'à  Byzance,  comme  dans  toutes  les 
cours  orientales,  les  offices  du  palais  étaient  aux  mains  d'eu- 
nuques riches  et  puissants  qui,  eux  aussi,  se  trouvaient  grou- 
pés en  deux  classes,  parallèles  et  semblables  à  la  double  hié- 
rarchie des  dignitaires  et  fonctionnaires  de  l'Empire.  Suivant 
qu'ils  avaient  un  titre  ou  fonction,  l'Empereur  leur  donnait  le 
((  jâpaêswv  ))  ou  les  nommait  «  oCol  Xôyo'j  »,  exactement  comme 
il  le  faisait  pour  ses  autres  sujets.  Entre  les  uns  et  les  autres 
il  n'y  avait  qu'une  différence,  c'est  que  les  eunuques  accom- 
plissaient les  fonctions  que  leur  titre  signifiait. 

Il  y  avait  pour  les  eunuques  huit  grandes  dignités  : 

i)  Les  v'/i^ia-T'.àpio'.  ou  v'.'l/r.rr'.àcio'.,  que  nous  pourrions  appeler 
les  baigneurs  de  l'Empereur,  étaient,  parmi  les  eunuques,  les 
dignitaires  les  moins  élevés.  Ils  recevaient,  comme  insigne,  un 
vêtement  (xa^io-'.ov)  de  lin  et  une  sorte  de  grand  manteau  de 
soie  appelé  le  «  cp'.àX-.ov  ».  Dans  les  cérémonies,  quelques-uns 
d'entre  eux  se  trouvaient  à  la  grande  porte  de  l'Augusteon 
pour  présenter  à  l'Empereur  le  bassin  dans  lequel  il  pouvait 
se  laver  les  mains  -. 

2)  Les  cubicLilaires  (y,  toj  xojê-.xo'jAap'loj  à;ia)  formaient  une 

I.  Du  Gange,  article  PaîxTwp.  La  vie  de  S'  Euthymc  parle  du  recteur  Jean 
à  propos  de  la  mort  d'Alexandre  en  918  {VU.  Euthym.,  XXI,  p.  70). 
a.  Cerem.,  p.  121. 


76  BASILE    I 

classe  très  nombreuse.  C'étaient  les  officiers  an  service  habituel 
de  l'Empereur.  Leur  insigne  était  un  vêtement  de  soie  et  d'or, 
le  ({  TcapayaêSiov  ou  Ttapaya'joiov  )).  La  cérémonie  de  leur  pro- 
motion, racontée  au  chapitre  XXV  du  IP  livre  des  Cérémonies 
qui,  pour  être  peut-être  postérieure  au  ix"  siècle,  n'en  garde  pas 
moins  son  intérêt  pour  cette  époque,  donne  de  curieux  détails 
sur  l'importance  de  cette  dignité  et  fonction.  Les  préposites, 
—  leurs  chefs  hiérarchiques  —  font,  par  l'intermédiaire  de 
l'un  d'eux,  de  graves  recommandations  au  nouvel  élu  :  qu'il  se 
garde  bien,  sans  l'avis  de  l'Empereur,  de  porter  la  main  sur 
un  homme  qui  porte  la  barbe  (iBaoêaTo;)  ;  qu'il  ne  s'adonne  pas 
à  l'ivrognerie  :  qu'il  ne  soit  ni  vain,  ni  léger  et  ne  s'occupe 
point  des  choses  qui  ne  le  regardent  pas  :  qu'il  se  garde  bien 
aussi  d'avoir  des  relations  avec  les  hommes  pervers  et  désireux 
de  nouveautés  (lisez  :  qui  essaient  de  fomenter  des  révolutions)  ; 
qu'il  n'aille  pas  répandre  au  dehors  les  secrets  de  l'Empereur  ; 
qu'il  honore  tous  les  dignitaires  du  palais,  ceux  qui  lui  sont 
supérieurs  ou  égaux  en  dignités,  tout  le  sénat,  surtout  les  pré- 
posites !  ((  Voici,  dit  la  formule  de  promotion,  quelle  dignité 
tu  reçois.  Songe  que  la  sainte  porte  dont  la  garde  t'est  com- 
mise, tu  la  tiens  de  Dieu  même  ;  surveille-toi  toi-même  afin 
que  jusqu'à  la  fin  de  ta  vie  tu  observes  ces  avis  et.  qu'orné  des 
plus  belles  vertus,  tu  obtiennes  aussi  de  notre  Empereur  de 
plus  hautes  dignités  et  que  tu  deviennes  illustre  dans  le  sacré 
couboucleion  ^  » 

Ces  recommandations  pouvaient  n'être  pas  dépourvues 
d'utilité  quand  on  songe  à  l'influence  qu'avaient  forcément  de 
tels  personnages  et  quelle  facilité  leur  était  donnée  de  faire 
aboutir  toutes  les  conjurations.  Ce  sont  ces  cubiculaires  qu'on 
désignait,  suivant  le  palais  où  leurs  fonctions  les  appelaient, 
du  nom  générique  de  «  ol  sttI  toj  xo'jêo'jxAî'loj,  ol  st:»,  toj  ypjo-o- 
toixX'Ivoj:  ol  xo'.twv'.tcç -.  ))  En  outre,  chaque  service  impérial 
avait  ses  cubiculaires.  Les  uns  étaient  attachés  aux  chaussures, 
d'autres  à  la  barbe,  d'autres  à  la  chevelure^. 

1.  Cerem.,  p.  iiGo. 

2.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  nous  avons  le  sceau  de  Pardos  cubicu- 
laire  et  liil  toO  xo-.twvo;  fSigilt.,  5 26).  Suivant  la  règle  générale,  les  ennuques 
attachés  à  tel  palais  déterminé,  pouvaient  naturellement  avoir  plusieurs 
titres  supérieurs  à  celui  de  cubiculaire.  Ils  pouvaient  être  primiciers, 
patrices,  etc. 

3.  Cerem.,   1281   et  note  88.  Nous  trouvons  parfois  la  mention  de  cubi- 


ET    L  EMPIRE    BVZAXTIN  7- 

o)  Spatharociibiculaires  (r,  toj  a-rraOapoxojê'.xo'jXap'loj  à;'la).  Ils 
portaient  une  épée  à  poignée  d'or  et  avaient  au  palais  une 
dignité  d'ordre  militaire,  à  la  dilTérence  des  cubiculaires  ordi- 
naires qui  étaient  civils. 

!\)  Les  osUarii  (r,  Tt7jv  oTTiapûov  à;'la)  portaient  un  bâton  dor 
muni  d'inie  pomme  enrichie  de  pierres  précieuses.  Sortes  de 
portiers,  ils  se  tenaient  auprès  du  voile  (jSyjaov)  et  introdui- 
saient, suivant  leur  rang,  les  difterentes  classes  de  dignitaires 
et  de  fonctionnaires. 

5)  Les  pvim'iciers  (r,  twv  -p'.ijL'.xY.p'lcov  àc'la).  Les  primiciers 
avaient,  comme  insigne  distinctif,  une  tunique  blanche  et  sur 
les  épaules  un  manteau  brodé  d'or  représentant  des  chevaux. 
Eux  aussi  faisaient  auprès  de  TEmpereur  un  service  régulier 
car  nous  savons  par  le  Clétorologe  que  la  gratification  n'était 
point  la  même  suivant  que  le  nouvel  élu  devait  avoii,  ou  pas, 
le  droit  de  présenter  V  c  imation  »  impérial  '.  Comme  fonc- 
tionnaires, ils  avaient  sous  leurs  ordres  les  dietarii  qui  se  succé- 
daient chaque  semaine.  Tous  relevaient  du  grand  papias. 

6)  Les  profospathaires  eunuques  (r,  twv  TrptoToo-naQapûov  à;'la). 
Comme  les  autres  protospathaires.  les  eunuques  portaient  le 
collier  et  la  tunique  blanche.  Ils  avaient  souvent  des  fonctions 
militaires  ou  civiles. 

7)  Les  préposites  (y,  twv  Àau-poTaTojv -pa'.-oo-'lTtov  àcia).  C'était 
la  grande  fonction  du  palais.  Aucune  cérémonie  ne  se  faisait, 
civile  ou  religieuse,  qu'ils  ne  fussent  aux  côtés  de  l'Empereur. 
Aussi  étaient-ils  toujours  soit  protospathaires,  soit  patrices. 
et  c'était  les  plaques  de  palrice  mais  sans  les  codicilles  que 
l'Empereur  leur  remettait  au  jour  de  leur  élévation.  L'origine 
de  celle  fonction  datait  de  loin.  Primitivement  à  Rome.  l'Em- 
pereur avait  son  «  praepositus  sacri  cubiculi  »  qui  remplissait  des 
fonctions  analogues  aux  préposites  du  ix*^  siècle.  Puis  avec  le 
temps  cette  charge  se  dédoubla.  Aux  iv'^  et  v"  siècles,  nous  avons 
le  ((  praepositus  sacri  palatii  »  et  le  «  prœpositus  cubiculi  »  qui 
étaient  tantôt  eunuques,  tantôt  pas.  Mais  dès  le  Moyen- Age 
ils    sont  toujours  pris  parmi    les   eunuques-.   Comme  cham- 


CLilaires  «  oii -oa;oj^  -.  urbains,  par  opposition,  sans  doute  aux  cubiculaires 
qui  vivaient  dans  d'autres  palais  situés  en  dehors  de  Constantinople 
(Cerem.,  Ibid.). 

1.  Cerem.,  i330. 

2.  Reiske,  Cerem.,  note  i3,  cli*  i,  p.  83. 


70  BASILE    I 

bellans  en  titre  de  l'Empereur,  ils  avaient  autorité  sur 
tous  les  dignitaires  eunuques  qui,  au  jour  de  leur  élévation, 
leur  paient  la  gratification.  Ce  sont  eux,  en  outre,  qui  trans- 
mettent les  ordres  du  Basileus  à  tous  les  dignitaires  antiques 
et  l'eçoivent  de  leurs  mains  dans  les  cérémonies  les  divers 
insignes  qu'ils  remettent  à  l'Empereur.  Par  exemple,  ils  offrent 
à  l'Empereur,  les  cierges  ;  ils  lui  mettent  la  couronne  sur  la 
tête,  etc.  ^  Enfin  quel  était  leur  nombre  ?  C'est  là  une  question 
à  laquelle  nulle  part  nous  ne  trouvons  de  réponse  précise. 
Cependant  en  confrontant  les  différents  passages  du  Livre  des 
Cérémonies  on  peut  remarquer  que.  dans  tous  les  passages  qui 
parlent  de  plusieurs  empereurs,  il  est  fait  mention  des  prépo- 
sites  ;  dans  ceux  qui  parlent  d'un  seul  empereur,  nous  ne 
trouvons  trace  que  d'un  préposite-.  D'autre  part  nous  pou- 
vons faire  la  même  remarque  pour  la  liiaison  de  l'Impératrice, 
ce  qui  semble  bien  indiquer  qu'il  y  avait  un  préposite  par 
cour,  mais  un  seul,  chef  unique  de  chaque  maison  impériale, 
ayant  sous  ses  ordres  tous  les  cubiculaires.  Baanès  paraît  avoir 
été  préposite  de  Basile  ;  Théodore,  préposite  de  Constantin  ^. 

8)  Enfin  venait  pour  les  eunuques  la  grande  dignité  de 
patrice.  Alors  l'Empereur  leur  remettait  les  insignes  complets 
de  patrice  :  les  tablettes  d'ivoire  et  les  codicilles. 

Indépendamment  de  ces  dignités  réservées  aux  eunuques, 
dignités  qui  leur  conféraient,  comme  nous  venons  de  le  voir, 
certains  privilèges  et  certaines  fonctions  palatines,  la  carrière 
des  honneurs  leur  restait  encore  ouverte.  Comme  les  autres 
sujets  de  l'Empereur  ils  pouvaient  prétendre  à  toutes  les  charges 
de  l'Empire,  sauf,  toutefois,  à  celles  d'éparche.  de  domestique 
et  de  questeur  *.  Cependant,  il  y  avait,  en  outre,  au  palais 
certaines  grandes  charges  qui  leur  étaient  généralement 
réservées  ^. 

1.  Cerem.,  ch.  i  et  pp.  117,  120,  121. 

2.  P.  e.  ch.  IX,  p.  287  et  seq.  Cf.  surtout  le  chapitre  sur  la  promotion  du 
préposite  p.  525.  Le  texte  est  du  vni*  s.  Il  y  a  deux  empereurs.  Or  il  est  fait 
mention   d'un  préposite,  l'autre  étant  h  créer.  L'Empereur  fait  un  signe  : 

«    xiv   Te  TpaiTtôaiTO;  STcpôç  £7T'....   » 

3.  Mansi,  XVI,  p.  18. 

4.  Cerem.,  i34o. 

5.  Nous  savons,  en  effet,  par  l'exemple  des  personnages  que  nous  con- 
naissons par  ailleurs,  connue  Basile  lui-même  et  probahlement  Nicetas, 
qu'il  y  avait  à  cette  loi  des  exceptions. 

C'est  sans  doute  à  cela  que   fait    allusion    Ibn    Hordadbeh  quand    il    dit 


KT    L  KMPIRK    BYZ  VMIN  -Q 

i)  Le  parakimomène  [6  7:apaxo',iJLCL)|jL£vo>;  toO  Ôco-tcÔto-j).  C'était 
le  compagnon  habituel  de  l'Empereur,  celui  qui,  pour  traduire 
mot  à  mot  Texpression  grecque,  couche  à  côté  de  l'Empereur 
et  avait  mission  de  veiller  sur  son  sommeil.  Il  paraît  avoir 
généralement  porté  le  titre  de  patrice.  Comme  pour  toutes  les 
fonctions  occupées  par  des  eunuques,  on  s'inquiétait  peu  en 
nommant  un  titulaire  à  cette  liante  et  importante  charge,  de  sa 
famille  et  de  ses  antécédents.  On  cherchait  surtout  un  homme 
de  confiance,  un  ami  de  l'Empereur.  C'est  ainsi  qu'au  ix"  siècle 
le  parakimomène  de  Michel  III  était  ce  Damianos  que  nous 
connaissons  bien.  Il  était  de  race  slave  et  devait  sa  situation 
à  Bardas  qui  l'avait  pris  —  et  pour  cause  —  en  amitié.  Quand 
arriva  l'heure  de  sa  disgrâce,  il  fut,  suivant  le  droit  de  l'Empe- 
reur, déposé  de  sa  charge  qui  passa  au  nouvel  ami  de  Michel. 
Basile'  qui  reçût  en  même  temps  le  titre  de  patrice-.  Nous 
savons  par  Constantin  Porphyrogénète  ^  que  son  grand-père  ne 
nomma  point,  au  cours  de  son  règne  de  parakimomène.  Ce  fut 
l'empereur  Léon  \I  qui  renoua  cette  tradition.  Le  paraki- 
momène portait  le  scaramangion  et  l'épée  *. 

2)  Le  protovestiarios  (6  irptoToêsa-Tiàpio^  tou  oea-TcoTOu).  Comme 
tous  les  corps  de  fonctionnaires,  les  vestiarioi  ou  préposés  à  la 
garde-robe  impériale  avaient  un  chef.  Avec  le  temps,  ce  chef 
devint  un  très  haut  personnage  qui,  vraisemblablement,  ne 
s'occupait  plus  du  vestiaire  de  son  maître,  mais  paradait  à  ses 
côtés  comme  grand  officier.  Sa  fortune  alla  même  tellement  en 
grandissant  que  Codinus  le  cite  au  sixième  rang  des  fonctions 
auliques.  Vers  la  fin  du  règne  de  Basile,  le  proto vestiaire  en 
charge  s'appelait  Procope. 

3)  Le  chef  de  la  table  impériale  (6  ItzI  tyJs  TpairsÇr,^  to'j  oetttoto'j). 
Il  y  avait  deux  eunuques  préposés  à  la  table  impériale.  L'un 
était  au  service  de  l'Empereur,   l'autre  à  celui  de  l'Impératrice. 


qu'il  y  avait  à  Constantinople  quatre  cents  «  préposiles  »  portant  des  man- 
teaux vert  brochés  or.  Ces  «  préposites  »,  qui  étaient  sans  doute  les  cubicu- 
laircs,  étaient  les  conseillers  du  roi  chargés  d'exécuter  ses  ordres  et  ceux 
des  patrices.  D'entre  eux,  on  choisissait  les  hauts  fonctionnaires  de  Cons- 
tantinople et  les  chambellans  du  roi  (Ed.  de  Coeje,  p.  8i). 

I.  Ce  qui  prouve  que  cette  charge  était  avant  tout  donnée  à  un  confident 
alors  même  qu'il  n'était  pas  ennuque. 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  xvi,  249. 

3,  De  admin.,  l,  p.  384- 

4.  Léon  Cramm.,  1077. 


8o  BASILE    1 

Ils  avaient  sous  leurs  ordres  tous  les  officiers  ciiargés  du  service 
de  table  du  Basileus,  ceux  probablement  que  les  sceaux  dési  • 
gnent  sous  le  nom  de  «  oojJLsa-TLxo!.  -zr^^  jTrojpyia;  i  »  et  ces 
«  e-^^aoTî.àp'.o',  »  chargés  de  faire  apporter  sur  la  table  les  immenses 
pièces  d'argenterie  que  des  hommes  n'eussent  pu  apporter  et 
qui  faisaient  ladmiration  de  Liutprand^.  Au  ix*"  siècle,  nous 
connaissons  le  sceau  du  préfet  de  la  table  d'Eudocie.  leprotos- 
palhaire  Nicétas  que  Basile,  par  jalousie,  fil  reléguer  dans  un 
couvent. 

•'4)  L'échanson  [6  7r'-YX£pv7,ç).  Aux  deux  préfets  de  la  table, 
correspondaient  les  deux  échansons  dont  nous  savons  assez 
peu  de  choses.  Ils  jouaient,  sans  doute,  le  même  rôle  que  nos 
grands  échansons  des  cours  franques  et  allemandes  du  Moyen- 
Age. 

5)  Uartocline  (6  àpToxXivy,;,  6  àpTixXîvYjç).  L'artocline  était  un 
fonctionnaire  qui  semble  d'après  Philothée,  artocline  lui- 
même,  avoir  eu  pour  charge  spéciale  le  placement  à  table  des 
convives  et  l'office  d'appeler,  à  leur  tour,  les  dignitaires  et 
fonctionnaires  invités  par  le  souverain  ^.  V  lui  revenait  te  soin 
de  connaître  avec  précision  la  tabelle  des  grades  et  te  nom  des 
personnages  afin  de  montrer  à  chacun  «  de  la  main  droite 
avec  un  geste  adapté  »  la  place  qu'il  devait  occuper.  L'arto- 
cline pouvait  être  protospathaire  *.  Ils  étaient  plusieurs  fonc- 
tionnaires portant  ce  titre.  A  lui  revenait  en  outre  le  droit  de 
jeter  aux  factions  à  certaines  fêtes  les  sacs  de  monnaies,  les 
((  aTTOxôijLêia!.  n   que  donnait  le  souverain  -*. 

6)  Enfin  venaient  les  fonctionnaires  chargés  des  palais 
impériaux,  sortes  de  premiers  grands  portiers  de  la  cour.  Le 
papias  (TiaTrUç).  Le  Clétorologe  en  mentionne  quatre  :  le  papias 
du  grand  palais  et  son  lieutenant,  le  deutéros  ;  le  papias  de  la 
Magnaure  ;  le  papias  de  Daphné.  Aux  jours  des  cérémonies, 
chacun  avait  ses  attributions  propres  qu'il  exerçait  effecti- 
vement. Le  premier  de  tous  ces  portiers  était  le  papias  du  grand 
palais,  chargé  d'ouvrir  et  de  fermer  les  portes  donnant  direc- 
tement sur  la  chambre  à  coucher  de  l'Empereur.  11  avait  sous 

1.  Sigilloyr.  p.  ôoi. 

2.  Reiske,  note  45,  p.  365. 

3.  Cerem.,  i3/lo. 

4.  Ibid.,  i348. 
ô.  Ibid.,  a 25; 


KT    L  EMPIRE    BYZANTIN  8l 

SCS  ordres  tous  les  services  intérieurs  du  palais  et  les  employés 
qui  y  étaient  attachés  comme  les  lampistes,  les  chaulïeurs,  etc. 
Le  deutéros  s'occupait  spécialement  des  objets  à  l'usage  de 
l'Empereur  :  ameublement,  vestiaire,  etc  *. 

Indépendamment  de  ces  fonctionnaires  en  titre  et  de  ces 
dignitaires  auliques,  l'Empereur  avait  auprès  de  lui  quelques 
ministres  chargés  d'assurer  au  Palais  certains  services  impor- 
tants. Les  trois  principaux  étaient  le  grand  maître  des  céré- 
monies ((  6  T/^^  xaTaTTaTîtoç  »,  le  protospathaire  des  basiliques  et 
le  protostrator.  Le  premier  était  une  sorte  d'introducteur  et 
de  chef  du  protocole.  Il  ne  paraissait  en  fonction  qu'à  cer- 
taines solennités  pour  présenter  au  Basileus  les  premiers  digni- 
taires de  l'Empire.  Le  plus  souvent  c'étaient  les  préposites  qui 
faisaient  le  service  de  chefs  des  cérémonies.  Lui,  du  reste,  était 
un  fonctionnaire  de  haut  rang,  ayant  sa  place  dans  la  liste  des 
soixante  grands  personnages  de  l'Empire,  sans  arriver  cepen- 
dant —  en  général  du  moins  —  au  patriciat.  Son  titre  le  plus 
habituel  était  celui  de  protospathaire  -.  Sous  ses  ordres  un 
ministère  était  constitué,  composé  d'un  personnel  de  digni- 
taires auliques  remplissant  à  la  Cour  des  emplois  divers  :  les 
hypatoi,  les  vesti tores,  les  silenciaires,  les  apoeparches,  les 
synkletikoi.  On  le  voit,  de  son  autorité  relevaient  tous  les  digni- 
taires de  rang  inférieur.  Il  est  probable  que  tous  les  person- 
nages de  l'Empire  qui  portaient  un  de  ces  titres,  venaient  se 
ranger  autour  du  chef  de  bureau  dont  ils  relevaient.  Leurs 
noms  figuraient  sur  les  registres  correspondants  à  leur  dignité 
et  aux  jours  de  cérémonies  ou  de  service  chaque  chef  avisait 
ceux  qui  devaient  ou  pouvaient  être  présents  au  palais.  C'était 
sans  doute  dans  ces  bureaux  que  s'élaboraient  les  nombreux 
«  Cérémoniaux  »  qui  virent  le  jour  à  Byzance,  comme  c'était 
là  que  se  réglaient  la  marche  des  fêtes,  processions,  entrées 
triomphales,  mariages  et  funérailles  d'Empereurs,  etc.,  et  que 
se  conservaient  les  traditions  et  coutumes  en  usage  à  la  Cour. 

Le  protospathaire  des  basiliques  (6  TrptoTOT-aQàp'.o;  twv  ^aTt.A'.xwv ,) 
était  un  ministre  du  même  genre  ;    mais  tandis  que  le  maître 

1.  Ce  rein.,  1 336- 1 387. 

a.  C'est  du  moins  ce  qui  ressort  du  Ciétorologc.  il  n'est  nulle  part 
nonuiié  parmi  les  fonctionnaires  pouvant  être  décoré  des  titres  d'anthy- 
patos  et  de  patrice  (p.  i3Vo  *'  111^^'^'  'jitjn  parmi  les  fonctionnaires  pouvant 
être  protospathaires  fp.  i3'|8). 

6 


8*2  iîvsilp:  I 

des  cérémonies  n'avait  sous  sa  juridiclion  ([ue  les  dignitaires 
d'ordre  civil,  le  protospatliaire  lui.  paraît  n'avoir  eu  que  des 
dignitaires  d'ordre  militaire.  Comme  le  maître  des  cérémonies, 
en  effet,  le  protospathaire  préside  certaines  cérémonies  du 
palais,  telles  que  les  promotions  aux  dignités  antiques  '.  C'est 
lui  qui,  dans  ce  cas,  introduit  le  nouvel  élu  au  Chi  ysotri- 
clinium,  lui  dicte  ce  qu'il  doit  faire  et  le  revêt  de  l'habit  propre 
à  sa  dignité  -.  Mais  la  preuve  qu'il  régit  au  palais  les  digni- 
taires d'ordre  militaire,  c'est  la  composition  même  de  son 
bureau.  De  lui  dépend  le  domestique  des  basiliques  (6  oo'jléot'.xo^ 
Twv  [jaT'Jv'.xwv)  (jui  avait  sous  ses  ordres  les  basiliques  du  palais, 
c'est-à-dire  probablement  la  foule  de  ces  fonctionnaires  de 
second  ou  troisième  ordre  comme  les  maglabites,  les  scribones 
et  autres  gens  d'armes,  huissiers,  appariteurs  et  massiers, 
choisis  pour  former  autour  de  l'Empereur  le  cortège  d'hon- 
neur-^. Il  est,  du  reste,  assez  curieux  de  remarquer,  à  l'appui 
de  cette  hypothèse  que  toujours  dans  les  cérémonies,  il  est  fait 
mention  de  deux  catégories  bien  distinctes  de  participants  : 
d'une  part,  les  magistroi,  les  anthypaloi,  les  patrices  et  les 
«  autres  synkletikoi  »  ;  de  l'autre,  les  basiliques  (^aa-',À!.xol 
àvOptoTTO',).  Il  est  donc,  ce  semble,  assez  naturel  d'admettre  la 
distinction  que  nous  avons  faite  et  de  donner  au  ((  Domestique 
des  Basiliques  »  la  direction  de  ce  personnel  qui  n'avait,  du 
reste,  de  militaire  que  l'apparence  extérieure.  Un  second 
bureau  relevant  du  protospathaire  des  basiliques  était  celui 
des  spathaires  «  toj  o-TzaOao'.xîoj  »  ou  de  rhi])podrome.  A  lui 
appartenait,  sans  doute,  la  classe  innombrable  des  spathaires 
et  spécialement  des  spathaires  en  fonction,  ceux  qui  portaient 
les  armes  de  l'Empereur,  lance  et  bouclier  K  Eux-mêmes,  du 
reste,  recevaient  comme  insigne  de  leur  fonction,  une  épée -•. 
Le  troisième  bureau  formant  le  ministère  du  protospathaire 
des  basiliques  était  celui  des  a  candidats  »  (xavo-.oàTO'.)  dont  la 
fonction  était,  elle  aussi,  militaire  puisqu'ils  formaient,  à  pied 
et  à  cheval,  comme  la  garde  du  corps  de  l'Empereur  ^\    Leur 


1.  Cerein.,  p.  1397. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.,  pp.  350,  ^jo'i. 

4.  Ibid.,  p.  109. 
ô.  Ibid.,  p,  i3oi. 
(3.  Ibid.,  p.  44o. 


El     LE-MPIUl-:    BYZANTIN  83 

nom  venait  de  l'habil  blane  qu'ils  porlaicnl.  Kntin,  le  dernier 
bureau  du  protospathaire  était  celui  des  u  inandatores  impé- 
riaux ))  courriers  du  Basileus,  chargés  de  porter  à  qui  de  droit 
et  spécialement  aux  stratèges,  les  ordres  du  souverain.  Ils 
avaient  une  verge  comme  insigne  de  leur  fonction '.  Eux  aussi 
paraissent  bien  avoir  eu  une  sorte  d'organisation  militaire 
comme  tous  les  personnages  relevant  de  ce  bureau  d'ordre 
essentiellement  aulique. 

Enfin,  il  faut  ranger  parmi  les  grands  fonctionnaires  attachés 
au  service  de  la  cour,  le  protostrator  et  les  deux  démarclies. 
Le  protostrator  peut  assez  bien  se  comparer  à  notre  maréchal 
du  haut  Moyen-Age.  Comme  en  Occident,  à  Byzance,  le  chef  de 
l'écurie  impériale  était  un  grand  seigneur,  appartenant  à  la 
liste  des  soixante  fonctionnaires  pouvant  être  patrices  et  anthy- 
patoi.  Mais  sa  fonction  n'était  pas  pour  lors  purement  hono- 
rifique car  il  avait  sous  ses  ordres  le  bureau  chargé  du  service 
dont  il  était  le  chef.  Néanmoins,  l'Empereur  pouvait  toujours 
lui  confier  momentanément  d'autres  fonctions,  surtout  des 
fonctions  militaires  comme  ce  fut  le  cas  pour  ce  Baïanos, 
protostrator  de  Basile  dont  Constantin  Yll  nous  raconte  les 
machinations  contre  Apostyppis,  machinations  qu'il  paya  de 
sa  vie  -.  Son  ministère  se  composait  de  trois  départements  : 
les  stratores  ou  écuyers  avaient  la  charge  spéciale  des  chevaux  ; 
les  armophylakes  (àptjiocpjAaxs^)  celle  des  voitures  ;  les  stablo- 
komites  (cTTaêAGxouLYiTc»;)  celle  des  écuries  impériales.  On  sait  que 
ce  fut  parmi  les  stratores  que  Basile  fut  inscrit  lorsqu'il  entra 
au  service  de  l'Empereur  Michel. 

Quant  aux  démarclies  (ol  o/îjjiapyo',)  c'étaient  les  chefs  des  deux 
grandes  factions  du  cirque,  factions  dans  lesquelles  se  ran- 
geaient probablement  tous  les  habitants  de  Constant inople. 
Au  ix'^  siècle,  ces  deux  corps  étaient  déjà  bien  déchus.  D'organes 
officiels  du  peuple  qu'ils  avaient  été,  réclamant  au  cirque  et 
dans  la  rue.  à  la  face  du  souverain,  des  droits,  des  libertés,  de 
la  justice,  fomentant  les  révolutions  et  faisant  les  coups  d'Etat; 
d'associations  régionales  à  caractère  militaire,  pouvant  à  l'occa- 
sion défendre  leur  quartier,  les  factions  étaient  devenues  une 
institution  de  pure  cérémonie,  uniquement  propre  à  rehausser 


1.  Ce  rem.,  p.  Ha'i. 

2.  \  it.  Basil.,  L.wii,  p.  32 1. 


8\  BASILE    1 

l'cclal  des  pompos  impériales  cl  à  iiiaiiilenir  les  traditions  du 
cirque  *.  Gomme  déjà  au  vi"'  siècle,  il  n'y  avait  })lus  à  Byzance 
au  ix*"  siècle  que  deux  grandes  factions,  commandées  chacune 
par  un  démarche,  membre  de  la  liste  des  60  et  pouvant  revêtir 
les  grandes  dignités  auliques.  la  faction  des  Yénètes  ou  Bleus  et 
celle  des  Prasinoi  ou  Yerts.  Les  deux  autres,  en  vérité,  les 
rouges  et  les  blancs,  existaient  bien  encore  -.  mais  chacune  se 
rai  tachait  à  l'un  des  deux  grands  partis  existants  :  les  rouges 
marchant  avec  les  verts,  les  blancs  avec  les  bleus.  De  leur  orga- 
nisation militaire  et  régionale  passée,  les  factiojis  avaient 
gardé  quelques  vestiges  en  la  personne  des  archontes  et  des 
deux  gitoniarches  ol  ys'.Tovt.àpya!.)  ou  chefs  de  quartier  •^  peut- 
être  aussi,  dans  le  groupement  indiqué  au  Livre  des  Céré- 
monies pour  le  X'"  siècle,  en  «  izs.py.'ziy.oi  »  et  en  «  ttoaitixo'I  » 
propre  à  chaque  faction.  On  avait,  en  effet,  les  \  énètes  «  pera- 
tikoi  »  et  ('  politikoi  »  :  les  Verts  «  pei'atikoi  »  et  <(  politikoi.  » 
En  outre,  au-dessus  des  démarches  se  trouvaient  les  démo- 
crates, tous  par  ailleurs  chefs  militaires.  Le  démocrate  des 
Bleus  était  le  domestique  des  scholes  :  celui  des  Yerts  le 
domestique  des  Excubiteurs  ^.  Les  deux  autres  factions 
n'avaient  à  leur  tête  que  les  démarches  des  Yerts  et  des  Bleus. 
Quant  aux  autres  bureaux  des  démarches  ils  étaient  tous  d'ordre 
cérémonial.  Les  deux  démarches  avaient  chacun  leur  lieute- 
nant, le  «  deutérevon  n  qui  devait  être,  en  fait,  IcAéritable  chef, 
de  la  faction  et  l'organisateur  des  fêtes,  le  démarche  étant  un 
grand  personnage,  titulaire  purement  honoraire.  Un  chartulaire 
avait  pour  chaque  faction  la  garde  des  archives  :  les  notaires 
passaient  les  actes  tandis  que  le  0  poète  n  composait  les  pièces 


1.  Cf.  à  ce  sujet  l^ambaud.  De  byzantino  hippodromo,  et  son  article  de  la 
fteviic  des  Deux-Mondes  :  «  Le  Sport  et  l'Hippodrome  à  Constantinople.  » 
M.  Rambaud  a  nié  toule  influence  poIiti([ue  aux  factions.  Néanmoins,  il 
send)le  bien  que  la  plupart  des  énieides  qui  ensanglantèrent  Constantinople 
curent  d'autres  causes  que  de  simples  ri\ alités  de  cirque.  Quand  le  peuple 
était  mécontent  du  souverain,  que  de  gra>es  injustices  avaient  été  commises 
ou  que  les  impôts  étaient  Irop  lourds,  les  factions  s'agitaient  et  faisaient  au 
souverain  des  représentations  bruyantes  qui  tournaient  facilement  en 
émeute.  Si,  du  reste,  les  factions  n'avaient  été  ((ue  des  clubs  liippiques,  on 
comprendrai!  mal  le  liaul  rang  donné  aux  cbefs  de  faction.  L'Empereur 
présidait  lui-même  à  l'élévation  du  démarche  et  de  son  lieutenant. 

*?.  Vit.  Mich..  ch.  xxxvi,  p.  r^ilî 

3.  Cerem.,  p.  i436. 

4.  Ibid.,  p.  21a  .-îiO. 


i:r    i."i;Mi'ii{i;   m/.ANii\  S5 

tle  circonstances.  Des  chantres,  des  cochers,  des  protia  [-zoi^ily.) 
et  des  demotai  (oT.uLOTa».)  comprenant  sans  doute  les  xoàxTa».  ou 
héros,  les  uaio-Toos;,  etc.,  complétaient  le  personnel  propre  à 
chaque  faction. 

A  côté  de  la  cour  du  Basileus,  il  y  avait  celle  de  la  Basilissa 
et  celle  des  princes,  à  l'occasion.  Chacune  de  ces  cours  était 
composée  de  la  même  façon  que  celle  de  l'Empereur.  Un  grand 
nombre  de  dignitaires  femmes  entourait  l'Impératrice  et  faisait 
auprès  d'elle  un  service  actif.  C'étaient  les  koitonissai,  les 
koubouklareai.  la  protovestiaria  et  son  cortège  de  vestiariai,  la 
primikirissa.  etc.  En  outre,  elle  avait  son  personnel  d'eunuques 
dont  le  chef  était  le  Préfet  de  la  table  de  l'Impératrice  (6  ttÏs 
TpaTiis^Yj^  TTiç  AjvQ-j^TTT,;).  Il  avalt  sous  ses  ordres  le  préposite,  les 
ostiaires,  les  cubiculaires,  etc.  Enfin  tous  les  dignitaires  de  la 
cour  impériale  qui  étaient  mariés  aAaient  droit  de  partager 
avec  leur  épouse,  mais  a^ec  leur  épouse  seule'  le  titre  qu'ils 
portaient.  Il  y  avait  par  conséquent  des  magistrisai ,  des 
patriciennes  et  des  anthypatisai,  des  strategisai  et  des  épar 
chisai  -,  etc.,  que  rimpératrice  recevait  à  certains  jours  tandis 
que  l'Empereur  recevait  les  maris.  Le  premier  personnage  de 
la  cour  de  l'Impératrice  était  la  patricienne  à  ceinture  -^ 

1.  Basilic,  1.  M.  T.  I,  §  i,  8.  p.  i^o. 

2.  Cerem.,  260, 

3.  Ibid.,  i34i. 


L]  VRE      II 


LE  GOUVERNEMENT  INTERIEIR  DE  BASILE  Y 


CHAPITRE     PREMIER 


LES    PREMIERS    ACTES    PUBLICS.    L  ADMIMSTRATIO    FINANCIERE. 


Au  lendemain  du  meurtre  de  Michel  III,  Basile,  maître  du 
Sacré  Palais,  n'avait  plus  qu'à  se  faire  proclamer.  Ce  fut  son 
premier  acte.  Le  préfet  de  la  ville,  Marianos,  s'en  alla  au 
Forum  et,  devant  le  peuple  et  l'armée  assemblés,  annonça  que 
désormais  Bvzance  n'avait  plus  qu'un  seul  maître  en  la  per- 
sonne de  Basile'.  De  son  côté,  l'Empereur  entouré  du  Sénat 
recevait,  probablement  en  ce  même  instant,  les  félicitations  de 
la  cour  et,  l'âme  subitement  convertie  aux  choses  de  la  Reli- 
ai-ion, consacrait  «  au  Christ-Roi  »  son  Empire  et  sa  personne. 
Première  et  touchante  pensée  du  matin  après  les  horreurs  de 
la  nuit'-!  Ensuite,  conformément  à  l'usage,  Constantinople  se 
mit  en  devoir  d'aller  solennellement  rendre  grâce  à  Dieu  en  son 
temple  de  Sainte  Sophie.  Basile,  accompagné  de  la  nouvelle 
Impératrice  et  de  ses  enfants,  escorté  de  tous  les  dignitaires  et 
fonctionnaires  présents,  se  dirigea  vers  l'église,  distribuant 
avec  la  libéralité  qui  convient  à  un  homme  qui  veut  se  rendre 
populaire,  de  nombreuses  sommes  d'argent,  don  traditionnel 
de  joyeux  avènement  que  les  Byzantins  appelaient  «  'j-aTS'la  » 
et  qu'il  tira,  fait  remarquer  son  petit-fils,  de  sa  bourse  privée  •\ 
après  quoi,  seul  Empereur,  il  se  mit  à  l'œuvre. 

1.  Svm.  Magist.,  ii,  7^9  ;  Léon  Gramm.,  io85  ;  (ieorg.  Moine,  107a. 

2,  Vit.  Basil.,  xxvni,  27a, 
i).  Vil.  Basil.,  xxix,  272. 


88  BASILE    I 

La  première  mesure  que  Basile  eut  à  prendre,  fut  d'ordre 
financier.  On  se  souvient  de  quelle  lamentable  façon  Michel 
avait  dilapidé  le  Trésor.  Il  fallait,  de  toute  nécessité,  mettre 
bon  ordre  à  cet  état  de  choses.  Basile  convoqua  donc  son  sénat 
et  les  principaux  fonctionnaires  de  son  gouvernement  —  sans 
doute  ceux  qui  étaient  chargés  des  finances  —  et  ouvrit  en 
leur  présence  le  trésor  impérial,  situé  à  Tune  des  extrémités  de 
la  galerie  appelée  «  Diabatica  du  Triconque^  »  11  était  à  peu 
près  vide.  De  toutes  les  richesses  d'autrefois  il  ne  restait  plus 
que  trois  kentenaria  et  neuf  sacs  de  miliarisia-  !  Le  livre  des 
dépenses  fut.  par  bonheur,  retrouvé  chez  un  vieillard,  le  pro- 
tospathaire  eunuque  Basile  et.  grâce  à  cette  découverte,  on  se 
rendit  compte  de  certaines  malversations  qui  demandaient 
une  prompte  réparation.  Le  conseil  voulait  que  tous  ceux  qui, 
du  vivant  de  Michel,  avaient  largement  et  indûment  puisé  dans 
le  trésor,  fussent  astreints  à  rembourser  le  montant  des 
sommes  prises.  En  bon  prince.  Basile  se  contenta  de  la  moitié, 
ce  qui  ramena  immédiatement  trois  cents  kentenaria  dans  les 
caisses  publiques  -^  Puis  le  trésor  privé  de  l'Empereur  u  to 
£io!.x6v  »  fut,  à  son  toui',  ouvert.  On  y  trouva  de  précieux 
débris  des  richesses  passées  que  les  Basileis  avaient  accumulées 
au  Palais.  Là  gisaient,  pêle-mêle,  des  restes  d'or  j^rovenant 
des  œuvres  artistiques  que  Michel  avait  dû  faire  fondre  un 
jour  pour  payer  ses  soldats*  :  le  platane,  les  griffons,  les  lions, 
l'orgue,  les  habits  impériaux,  etc.  Pour  le  nouveau  Basileus 
c'était  la  richesse.  Il  n'avait  qu'à  faire  monnayer  les  lingots 
comme  le  projetait  Michel  et  sa  fortune  privée  augmentait  sur- 
le-champ.  C'est  ce  qu'il  fit  plus  tard.  Enfin,  paraît-il.  la  Desti 
née  ayant  décidé  de  gâter  jusquau^bout  l'heureux  Macédonien, 
il  découvrit,  caché  en  terre,  un  trésor  qui  le  mit  tout  à  fait  à 
l'aise^.  Mais  ce  n'était  là,  en  réalité,  qu'une  affaire  secondaire. 
Ce  qu'un  souverain  gaspille,  un  autre  peut  l'économiser  à  con- 
dition, toutefois,  que  la  gestion  de  la  fortune  publique  soit 
sérieusement  conduite.  Malheureusement,  tel  n'était  pas  le  cas 
à  Byzance. 

I.  Labarte.  j).  71. 

a.  Vit.  Mich.,  \\i,  p.  188;  Mt.   Basil,  xxix,  272;  Sym.  Mag.,  xv,  721.  II 
y  avait  encore  au  trésor  i3  kt^itonoria  au  dire  de  ce  dernier  chroniqueur. 
3.  Vit.  Basil.,  xxix,  272. 
4    Vit.  Mich.,  XXI,  188;  Cedren.,  1089. 
5.  Vit.  Basil.,  xxix,  272. 


Kl     l/l.MPIHE    BVZVMIN  89 

A  rav('ii(_'inrnt  do  Basile  do  graves  questions  se  posaient  qu'il 
fallait  essayer  de  résoudre  sans  retaicl  car  elles  avaient,  par  la 
force  même  des  choses,  un  contrecoup  funeste  sur  la  bonne 
administration  financière  de  l'Empire.  La  plus  importante 
était  la  question  sociale,  la  question  des  riches  et  des  pauvres. 

Nous  ne  connaissons  aucune  nouvelle  de  Basile  à  ce  sujet  ; 
mais  nous  savons  que  la  chose  le  préoccupa  fort.  En  homme 
avisé  et  pratique,  il  préféra,  probablement,  prendre  de 
sérieuses  mesures  quotidiennes  plutôt  que  de  faire  des  lois 
toujours  transgressées  et  qui  n'apportent  en  général  aucune 
amélioration  dans  la  société.  Cependant,  Constantin  Porphy- 
rogénète  laisse  entendre  que  son  grand-père  envoya  dos  ordres 
dans  toutes  les  provinces  à  ce  sujet.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  conflit 
était  grave.  La  féodalité  s'était  de  toute  part  établie  de  nouveau 
sur  les  terres  de  l'Empire  et  fondait  son  autorité,  comme  en 
Occident,  sur  la  richesse  terrienne  ^  La  famille  de  Daniélis 
était  une  do  ces  familles  souveraines.  De  Patras  où  elle  habitait 
elle  dominait  sur  une  grande  partie  du  Péloponnèse  qu'elle 
possédait  par  ses  immenses  propriétés  assez  semblables 
aux  anciens  o  latifundia  »  :  de  nombreux  esclaves  vivaient  à 
l'ombre  de  ses  métairies.  Chez  elle  comme  autrefois  à  Rome, 
tout  se  faisait  dans  sa  maison.  Elle  avait  des  esclaves  pour 
chaque  genre  de  travaux-  et  à  lire  la  liste  des  magnifiques 
cadeaux  qu'elle  apporta  ou  envoya  à  Byzance,  on  peut  se 
rendre  compte  de  l'opulence  d'une  de  ces  familles  féodales  ^. 
Quand  elle  mourut,  elle  laissa  une  immense  fortune,  mobilière 
et  immobilière,  à  l'Empereur  Léon  qui  put,  avec  les  innom- 
brables esclaves  dont  il  hérita,  prélever  trois  mille  d'entre  eux 
pour  créer  en  Longobardie  une  colonie  prospère  *. 

Evidemment  c'était  là  pour  l'Empire  un  danger  considé- 
rable. Loin  du  pouvoir  central,  ces  grandes  et  puissantes 
familles  ne  songeaient  qu'à  s'étendre,  à  pressurer  les  habitants 


1.  (]f.  le  Chapitre  sur  ^la  civilisation  [byzantine.  Qu'il  sulîise  do  rappeler 
ici  qu'il  faut  entendre  le  terme  «  d'esclave»  dans  un  sens  souvent  fort 
large.  Le  plus  généralement  les  escla\es  sont  nos  serfs  d'Occident,  paysans 
attachés  à  la  glèbe  et  soumis  à  des  lois|propres. 

2.  Vit.  Basil.,  ch.  lxxiv,  p.  333. 

3.  Un  autre  exemple  des  richesses  incroyables  jquc  pou\aienl  posséder  les 
grands  seigneurs,  indépendants  sur  leurs  terres,  est  cekii  de  l'Empereur 
Basile  II.  Cf.  Schlumberger.  Epopée  Byzantine,  i,  3io. 

i.  Vit.  Basil.,  ch.  lxx\ii,  p.  336. 


QO  BASILE    I 

libres  qui  via  aient  sur  leurs  terres  et  à  accaparer  leurs  biens  et 
leurs  personnes  quand  ils  ne  pouvaient  payer  les  redevances 
convenues.  De  ce  fait,  naturellement,  les  plus  criants  abus 
naissaient  à  l'envi  et  l'impôt  ne  pouvait  plus  rentrer  au  trésor 
qui  s'appauvrissait  de  jour  en  jour.  Basile  songea  donc,  comme 
le  tirent  ses  prédécesseurs  et  le  feront  ses  successeurs,  à  régler 
cette  situation.  Seulement,  chose  remarquable,  il  ne  paraît  pas 
en  avoir  voulu  à  Torganisation  même  de  la  féodalité.  Nous 
ignorons,  en  vérité,  s'il  tint,  une  fois  Empereur,  sa  parole  de 
jeune  homme  :  de  donner  à  Daniélis  la  pleine  possession  des 
terres  sur  lesquelles  elle  habitait  ^  ;  mais  en  tous  cas,  il  demeura 
toujours  en  termes  non  équivoques  avec  cette  noble  matrone 
qui  lui  céda,  en  bien  propre,  nombre  de  grandes  propriétés"-. 
Lui-même  semble,  du  reste,  s'être  assimilé  parfois  aux  sei- 
gneurs féodaux  et  avoir  agi  comme  eux  tous.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  qu'il  décida  que  dorénavant  les  palais  impériaux 
auraient  leurs  domaines  et  revenus  propres,  fruit  de  l'agricul- 
ture et  qu'ils  devraient  sufQre  à  l'entretien  de  la  table  et  des 
bâtiments  impériaux*^.  C'étaient  donc  des  terres  avec  leurs 
habitants  que  Basile  incorporait  à  chaque  nouvelle  résidence 
qu'il  construisait  ou  réparait  et  cela  pour  couvrir  les  frais 
généraux  qui  en  résultaient.  Sans  doute,  en  publiant  cette 
ordonnance,  l'Empereur  entendait  alléger  les  impôts  qui,  de 
ce  chef,  pesaient  sur  les  paysans  et  les  pauvres  ^  ;  sans  doute 
encore  il  dut  acquérir  régidièrement  ces  domaines,  s'il  ne  les 
possédait  déjà.  Cependant,  le  fait  seul  d'agir  de  la  sorte  ne 
couvre-t-il  pas  les  pratiques,  moins  légales  quant  aux  moyens, 
identiques  quant  aux  résultats,  des  maisons  féodales?  Dans  un 
cas  comme  dans  l'autre,  c'est  toujours  le  grand  seigneur  qui 
augmente  ses  territoires  aux  dépens  de  la  petite  propriété.  Aussi, 
le  projet  de  Basile  dans  ses  réformes  financières  et  judiciaires, 
ne  va-t-il  nullement  à  combattre  la  classe  des  «  ojvaTO'l  »  mais 
seulement,  et  par  détour,  quelques-unes  de  leurs  pratiques 
d'accaparement.  Ce  qu'il  voulut  simplement,  c'est  protéger  le 
pauvre  contre  le  riche,  le  faible  contre  le  puissant  afin  que 
l'injustice  ne  se  puisse  plus  commettre.  Cette  façon   de  faire 

1.  Vit.  Basil..  \r,  •i'iA. 

2.  Ibid.,  cil.  Lxxv,  333. 

3.  Ibid.,  ch.  xci,  p.  353;  Codroniis,  1128. 
A.  Ibid. 


in    L  I^^[l>Ilu:   iu/amin  C)i 

cvideivinieiil  ne  dépassait  pas  la  limite  de  ce  que  pouvait  se 
permellre  tout  seigneur  féodal.  Sa  conduite  fut  loin  d'être 
aussi  révolutionnaire  que  celle  de  certains  de  ses  successeurs  : 
Mcéphore  Phocas  ou  Basile  II  par  exemple.  Il  chercha,  avant 
tout,  à  s'assurer  de  bons  et  sérieux  fonctionnaires,  intègres  et 
zélés,  u  ayant  les  mains  pures  de  toute  tache  »,  décidés  à 
faire  régner  partout  la  justice  et  l'équité '.  Ce  qu'il  deman- 
dait à  ses  agents,  c'est  que  les  riches  n'opprimassent  plus 
les  pauvres-  et  qu'injustement,  ils  ne  leur  infligeassent 
aucune  de  ces  amendes  injustifiées  qui  les  ruinaient  pour  tou- 
jours ;  puis,  sans  violente  secousse,  sans  criminelles  repré- 
sailles contre  les  riches,  qu'ils  essayassent  de  remettre  sur 
pied  ceux  qui  avaient  connu  des  jours  meilleurs  et  que  la 
pauvreté  involontaire  avait  fait  déchoir  de  leur  situation  pas- 
sée-^  Pour  cela,  Basile  n'avait  qu'un  moyen  à  prendre  :  celui 
d'attacher  le  paysan  à  sa  motte  de  terre  et  de  l'en  laisser  pro- 
priétaire. Aussi  bien  c'est  à  quoi  durent  tendre,  tout  d'abord, 
les  officiers  impériaux  et  c'est  à  cette  fin  qu'il  envoya  dans 
toutes  les  provinces  des  ordres  pour  interdire  la  «  funeste 
coutume  d'alors  »,  de  donner  à  un  autre  la  terre  de  ses 
ancêtres  ^ 

Ceci  fait,  il  tenta,  probablement  bien  en  vain,  de  lutter 
contre  un  second  mal,  non  moins  grave  et  non  moins 
dangereux  que  le  premier  :  la  mauvaise  gestion  des  affaires 
financières  en  réformant  la  perception  de  l'impôt  —  ou  plus 
exactement  sans  doute  en  revisant  les  livres  cadastraux -».  — 
Jusque-là  dans  les  recensements  de  terres,  les  officiers  du  fisc 
se    servaient  de    certains  signes  d'abréviation.    Le   chiffre  de 


'O' 


i.  Vit.  Basil.,  ch.  xx\,  p.  273.  Le  biographe  de  saint  Euslratios  raconte  à 
ce  sujet  un  fait  qui  éclaire  d'une  vive  lumière  les  procédés  des  collecteurs 
d'impôts  et  les  vexations  dont  soulï'raient  les  habitants.  C'était  au  temps 
de  ïhéodora.  Les  gens  de  Brousse  écrasés  par  les  impôts  ne  purent  plus  — 
en  grand  nombre  du  moins  —  payer  leurs  redevances.  Le  dioecète,  impi 
tovabiemenl,  les  fit  jeter  en  prison.  Saint  Eustratios  obtint  leur  délivrance 
momentanée  en  versant  cent  nomismes  dans  la  caisse  des  fonctionnaires. 
Le  lendemain,  Théodora  ayant  envoyé  deux  cents  nomismes  au  saint,  il 
put  avec  cet  argent  payer  les  impôts  de  son  couvent  d'abord,  des  pauvres 
ensuite.  (  Papad.  Keram.,  Analccla,  IV,  S  i5,  p.  378). 

2.  Ibid. 

3.  Ibid. 

4.  Ibid. 

5.  CL  même  chapitre,  les  impôts  à  Byzancc  au  ix"'  siècle. 


92  BASILE    I 

rimpôt  était  inscril  à  nioitir.  au  huitième,  au  douzième  sur  les 
livres.  Il  résultait,  pour  les  paysaus  surtout,  uue  impossibilité 
absolue  de  vérifier  ce  qu'ils  devaient  au  trésor  et  ce  que  les 
collecteurs  réclamaient  de  leur  chef.  Basile  fit  disparaître  ce 
système.  Il  ordonna  que  désormais  Timpôt  serait  inscrit  sur 
les  registres  du  fisc  en  caractères  simples,  de  façon  à  ce  que 
chacun  put  facilement  le  lire  et  que  la  somme  à  payer  serait 
indiquée  au  moyen  de  calculs  clairs  et  entiers  de  telle  sorte 
que  les  fraudes  et  les  exactions  devinssent  impossibles.  Cette 
réforme,  naturellement,  n'alla  pas  sans  amener  lui  grand 
désarroi  dans  les  chancelleries.  11  fallut  refaire  les  livres, 
acheter  du  papier,  payer  des  scribes.  L'Empereur  se  chargea 
de  toutes  les  dépenses  qui,  pour  un  temps  sans  doute,  appor- 
tèrent quelque  soulagement  à  la  classe  laborieuse  ^ . 

Si  Basile  exigeait  de  ses  subordonnés  des  qualités  peu  com- 
munes et  un  zèle  sans  relâche,  il  faut  bien  avouer  qu'il  était 
le  premier  à  leur  donner  l'exemple  de  toutes  les  vertus  admi- 
nistratives qu'il  réclamait  d'eux.  Souvent  lorsque  les  expédi- 
lions  militaires  et  les  autres  soucis  du  pouvoir  lui  laissèrent, 
au  cours  de  son  règne,  quelque  loisir  prolongé,  on  le  vit  se 
diriger  vers  les  bureaux  du  logothète  du  trésor  et  là  examiner 
avec  attention  les  plaintes  de  ceux  qui  se  croyaient  être  l'objet 
de  quelque  injustice  '^,  décidant  en  dernier  ressort  lorsqu'il  y 
avait  doute-'  ;  cherchant  par  tous  les  moyens  à  rétablir  l'ordre 
sans  pressurer  les  populations.  C'eût  été,  au  dire  de  son  petit- 
fils,  un  de  ses  plus  chers  désirs  que  d'aller  lui-même  dans  les 
provinces  lever  l'impôt  et  rendre  la  justice  ^  Du  moins  ne  le 
pouvant  pas,  il  exigeait  que  ses  mandataires  fissent  exactement 
ce  qu'il  eût  fait  lui  même.  Un  jour,  raconte  Constantin  Por- 
phyrogénète,  le  logothète  du  trésor  lui  proposa  d'envoyer 
dans  toutes  les  contrées  soumises  à  l'Empire,  des  inspecteurs 
pour  faire  rentrer^u  fisc  l'impôt  qui  n'y  arrivait  pas  toujours 
régulièrement  et  taxer  les  peuples  qui,  nouvellement  incor- 
porés par  suite  des  conquêtes,  ne  payaient  point  encore  leurs 
redevances.  Basile  parut  accepter  la  proposition  et  demanda 
qu'on  lui  soumit  le  nom  des  futurs  contrôleurs.   Le  logothète 

1.  VU.  Basil,  XXXI,  277;  Gedrenus,  1092. 

2.  Ibid.,  276  ;  Gedrenus,  1089. 

3.  Genesios,  1102. 


Il      I     I.MPIRi:    inZAMIN  ()3 

s'empressa  de  dresser  sa  liste  et  s'inoénia  à  choisir  de  son  mieux 
des  hommes,  capables,  droits,  intègres  :  mais  ce  fut  en  vain. 
Aux  noms  qui  furent  prononcés,  Basile  entra  en  uue  grande 
colère,  refusa  son  ap])robation  et  demanda  pour  une  aussi 
délicate  niissiou  qu'on  choisit,  dans  la  ville,  les  deux  «  magis- 
troi  »  qui.  par  leur  incontestable  vertu,  leur  expérience  et  un 
long  maniement  des  affaires,  fussent  le  plus  aptes  à  bien  rem- 
plir ces  fonctions.  iNaturellement  personne  ne  voulut  se  charger 
de  la  chose.  Les  «  magistroi  »  interrogés,  parvenus  au  faîte 
des  grandeurs  de  ce  monde,  riches,  tranquilles,  honorés, 
n'avaient  nulle  envie  d'aller  en  pays  lointains  s'atteler  à  une 
œuA  re  aussi  ingrate  que  peu  lucrative.  Ils  firent  valoir  leur 
âge,  la  fatigue,  les  services  passés,  bref  ils  demandèrent  la 
permission  de  refuser  cette  tâche  trop  lourde  pour  leur  énergie 
faiblissante.  Basile  avait  prévu  la  chose.  Devant  le  refus  des 
seuls  hommes  capables  de  mener  à  bien  l'affaire  il  ne  voulut 
plus  en  entendre  parler.  «  Je  préfère,  dit-il,  qu'il  y  ait  des  gens 
qui  profitent  injustement  de  mon  bien,  plutôt  que  de  pressurer 
moi  même  quelqu'un  et  de  lui  faire  souffrir  un  dommage  •*.  n 
Quoiqu'il  en  soit  de  cette  histoire,  peut-être  forgée  à  plaisir 
par  l'admiration  filiale,  il  se  peut  que  du  vivant  de  l'Empereur 
et  sous  son  impulsion,  un  réel  progrès  se  soit  accompli  dans 
l'administration  financière  pour  le  plus  grand  bien  du  peuple. 
C'est  là.  en  général  du  reste,  le  résultat  de  tout  glorieux  règne 
et  le  plus  réel  bienfait  des  sages  monarchies.  Cependant  il  ne 
faudrait  pas  se  laisser  trop  prendre  à  l'idyllique  tableau  du 
Porphyrogénète.  Hélas  non  1  «  Toute  injustice  ne  fut  pas.  sur- 
le-champ,  abolie  et  la  justice  ne  put  pas  parler  son  clair  et  loyal 
lîuigage  ;  les  mains  rapaces,  plus  nombreuses  que  celles  de 
Briarée.  toujours  tendues  pour  saisir  le  bien  d'autrui,  ne  se  reti- 
rèrent pas  ;  les  membres  affaiblis  du-  pauvre  ne  se  fortifièrent 
pas  au  tranquille  travail  de  la  terre  ou  de  la  vigne  dont  il  était 
ju'opi'iétaire...  H  en  fut  encore  qui  osèrent  s'emparer  de  l'olive 
et  de  la  ligue  du  i)auvre  et  l'empêcher  de  se  reposer  à  Tombre 
du  toit  paternel-.  »  ^ous  le  savons  pai*  les  fulminantes  no- 
velles  des  successeurs  de  Basile,  dès  les  débuts  du  x''  siècle-*  et 
j)nr  le  ti'islc  commentaire  qu'en  donne  NîcmMms  en  <)oi  dans  une 

I.   \U.  Basil.,  cil.  \c.  p.  3()'i  ;  Cedrcnus,  ik^:<. 

■2.  Ibid.,  ch.  XXX.  p.  ^73. 

3.  Cf.  Rainbaiid,  L'Empire  (jrecnu\'  siècle,  p.  :j8i. 


9 4  BASILE    I 

oraison  funèbre  du  patriarclic  Antoine  Ivauleas.  Toutes  les  plaies 
sociales  que  Basile  avait  essayé  de  panser  s'étaient  oua  erles  de 
nouveau,  si  jamais  elles  s'étaient  bien  fermées.  Comme  aupa- 
ravant «  le  riche  arrachait  au  pauvre  son  bien  :  le  petit  aA  ait  à 
souffrir  mille  dommages  :  le  paysan  ne  pouvait  plus  tracer  son 
doux  sillon  craignant  l'impôt  qui  rempéchait  de  jouir  du  fruit 
de  la  terre  '.  n  Nicétas,  en  vérité,  affirme  que  Léon  VI  et  An- 
toine Kauleas  remédièrent  à  tant  de  maux.  L'avenir  put  encore 
lui  donner  un  éclatant  démenti.  L'œuvre  de  Basile  avait  été 
passagère.  Sa  vieillesse,  déjà,  laissa  faire  ce  que  son  âge  mûr 
n'aurait  pas  toléré. 


Il 


Les  réformes  de  Basile  —  on  vient  de  s'en  rendre  compte  — 
n'allèrent  jamais  à  autre  chose  qu'à  assurer  l'exact  et  loyal  fonc- 
tionnement de  l'organisation  qu'il  avait  reçue  de  ses  prédéces- 
seurs. Il  ne  chercha  pas  à  tiansformer  les  rouages  de  la  grande 
machine  administrative  qui  existait  avant  lui,  à  opérer  une 
révolution  «  démocratique  ».  à  briser  ces  anciens  cadres  qui, 
pour  avoir  eu  autrefois  leur  raison  d'être,  n'en  étaient  pas  moins 
une  des  causes  du  mal  dont  souffrait  le  ix*^  siècle.  Pour  remé- 
dier à  l'état  de  choses  existant,  il  aurait  fallu  reconstruire  la 
société  d'alors  sur  de  toutes  autres  bases  et  ces  sortes  de  choses 
ne  sont  pas  au  pouvoir  d'im  homme,  si  grand  qu'il  puisse  être  : 
elles  sont  l'œuvre  du  temps  et  de  l'évolution  politique.  Or.  cette 
évolution,  Byzance  semble  l'avoir  toujours  plus  ou  moins  igno- 
rée. Malgré  les  apparences  et  de  superficielles  réformes,  au  reste 
très  éphémères,  son  administration  dans  ses  grandes  lignes 
garda  les  formes  que  Dioelétien  et  Constantin  lui  avaient  don- 
nées et  que  Justinien  accepta  sans  les  vouloir  transformer, 
semblable  en  cela  à  ces  figures  hiératiques  de  l'Athos  qui  toutes, 
parleurs  traits  fidèlement  empruntés  à  un  même  et  intangible 
canon,  rappellent  les  chefs-d'œuvre  du  grand  Panselinos,  avec 
la  vie  en  moins.  Au  fond  ce  qui  changea  le  plus  dans  l'admi- 
nistration byzantine  -  ce  fut  le  nom   des  fonctionnaires   et  la 


3.  II  faut    faire  une  exception  cependant  en   faveur  de  la  législalion  des 
princes   iconoclastes.  Seuls  ils    paraissent  a\o\v  compris  qu'il  y  avait  pour 


1;T     L  I.MPIlUi     BV/AMI\  f).) 

rci)arlilioii  de  leurs  emplois  :  point  le  système  lui-même.  Ou 
pourra  se  rendre  compte  de  la  chose  par  l'étude  que  nous  allons 
tenter  des  diverses  branches  du  gouvernement  impérial  au 
ix"  siècle. 

Toutes  les  affaires  de  IKnipiie  abuulissaient  et  se  traitaient 
dans  les  bureaux  du  grand  Palais.  Ces  bureaux  «  TÉxosTa  » 
sortes  de  ministères  au  nombre  de  dix',  occupaiçid  un  nom- 
breux personnel  chargé  des  multiples  travaux  qu'une  minu- 
tieuse et  compliquée  chancellerie  augmentait  à  plaisir.  Tous 
avaient  des  attributions  financières,  en  ce  sens  du  moins  que 
tous  possédaient  une  caisse  spéciale  alimentée  et  vidée  par  des 
revenus  et  des  dépenses  qui  leur  étaient  propres.  Trois  bureaux, 
cependant,  avaient  un  caractère  plus  particulièrement  finan- 
cier :  celui  du  logothète  du  Trésor,  celui  du  préfet  de  rîlo'-xôv, 
celui  des  curateurs. 

Le  premier  des  bureaux  financiers  était  celui  du  logothète  da 
Trésor  public  «  6  aovqGéty,;  'zrj\)  yîv.xoj  » .  Ce  trésor  —  l'ancien 
aerarium  des  Romains  —  avait  commencé  dès  l'Empire  à 
perdre  toute  son  importance  première  pour  devenir  aux  lU'  et 
iv''  siècles  une  simple  caisse  municipale,  celle  de  la  ville  de 
Rome  -.  A  Byzance  sa  fortune  se  releva  quelque  peu.  Théori- 
quement il  garda  l)ien  son  caractère  de  caisse  commune  de 
l'Empire,  mais  en  fait,  il  ne  se  distingua  plus  que  d'une  façon 
nominale  des  autres  trésors  impériaux,  pour  cette  raison  bien 
simple  que  les  Basileis  eurent  sur  lui  plein  pouvoir  comme  ils 
l'avaient  sur  les  deux  autres  caisses.  Les  trois  Trésors  conser- 
vèrent une  administration  spéciale,  alors  même  qu'ils  ne  fai- 
saient qu'un  dans  la  réalité  des  choses.  Le  bureau  du  logothète 
eut  pour  mission  de  centraliser  les  impôts  de  toutes  natures  qui 
se  percevaient  dans  l'Empire,  mobiliers  et  immobiliers,  directs 
et  indirects,  comme  sans  doute  de  recevoir  le  surplus  des 
sommes  que  les  autres  ministères  ne  dépensaient  pas  et  qu'ils 
louchaient  à  titre  individuel.  Aussi  comprend-on  facilement  la 
grande   influence    de    ce    personnage,   véritable    ministre    des 

eux  une  grande  œuvre  sociale  à  accomplir.  Ils  la  lentèreiil.  On  sait  qu'elle 
fut  de  courte  durée,  car  dès  le  i\'  et  surtout  à  partir  des  \''  et  xr  siècles 
toute  trace  en  fui  soigneusement  effacée.  Nous  aurons  l'occasion  de  revenir 
plus  loin  sur  ce  sujet. 

I.  Sauf  exception  que  JMndi([ueiai,  tous  les  renselgnemeiils  que  jimIoihic 
dans  cette  étude  sont  puisés  au  CJétoroloye  de  Philothée. 

'}.  Marquardf,  De  l'organisation  jinancirvc  rhr:  /r.v  Uomniii^.  p.  ,'>87. 


96  BASILK    I 

finances,  indiqué  au  Clétorologe  comme  ayant  le  Irente-troi- 
sième  rang,  immédiatement  après  le  sacellaire  ^  dans  la  hié- 
rarchie byzantine.  Nous  connaissons  par  Syméon  Magister^le 
nom  du  logothèle  du  Trésor  au  début  du  règne  de  Basile.  C'est 
Constantin,  frère  de  l'higoumène  de  Saint-Diomède,  que,  par 
reconnaissance  pour  son  bienfaiteur,  le  basileus  éleva  à  cette 
haute  fonction.  Le  logothète  auquel  était  confié  le  trésor 
de  l'Empereur  avait,  pour  l'aider  dans  sa  tâche,  de  nombreux 
fonctionnaires  sous  ses  ordres  :  les  chartulaires,  le  protochan- 
celier, les  chanceliers  :  mais  indépendamment  de  ces  scribes 
qui  tenaient  les  registres,  les  écritures  et  accomplissaient  tout 
le  travail  que  nécessite  un  des  plus  importants  rouages  de 
Tadministration.  le  bureau  des  finances  paraît  avoir  été  subdi- 
visé en  plusieurs  départements  ayant  chacun  à  sa  tête  un  fonc- 
tionnaire d'une  certaine  importance.  Malheureusement,  si  nous 
connaissons  quelques-uns  de  ces  fonctionnaires,  le  plus  grand 
nombre  ne  nous  a  laissé  jusqu'à  présent  d'autre  indication 
qu'un  nom  impossible  à  identifier,  mais  qui,  s'il  pouvait  l'être, 
contribuerait,  sans  doute,  à  nous  faire  mieux  connaître  le  fonc- 
tionnement de  cette  caisse  publique.  INous  verrions  probable- 
ment que  ce  Trésor,  tout  en  devenant  la  propriété  des  Empe- 
reurs, garda  quelque  chose  de  son  caractère  passé,  qu'il  resta, 
par  excellence,  le  trésor  du  sénat  et  du  peuple,  la  grande  caisse 
de  l'Empire  où  toute  richesse  venait  aboutir.  Et  c'est  peut-être 
pour  cette  raison  que  Basile,  comme  nous  l'avons  vu,  convoqua 
le  sénat  pour  ouvrir  le  Trésor^ 

Quels  étaient  donc  les  fonctionnaires  qui  dépendaient  du 
logothète  du  Trésor,  les  0  Tajji'la'.  tcov  jiiaa-'.A',xà)v  ypr^'^y.'zoiv  d  *, 
comme  on  disait. 

C'étaient,  tout  d'abord,  les  grands  chartulaires  ['/jj.zzo'j\^^\o^.  \kz- 
yocAoi  Toj  TExpiTOj  ».  les  vrais  chefs  de  ce  ministère.  A  leur  dépar- 

1.  Sous  Basile  il  arrivait  le  trentième  puisque  trois  fonctions  furent 
créées  par  Léon,  parmi  les  premières  de  l'Empire.  Ibn  Hordadbeh  cite  le 
logothète  comme  venant  immédiatement  après  le  «  A  ézir  du  roi  et  son  lieu- 
tenant. »  (Ed.  de  (ioeje,  p.  8^  ). 

2.  Sym.  Mag.,  ch.  x,  753. 

3.  Il  est  à  remarquer  que  la  plupart  du  temps  les  chroniqueurs  ne  font 
entre  les  Trésors  impériaux  aucune  distinction.  Très  généralement  ils  se 
contentent  de  les  appeler  tout  simplement  le  «  Trésor,  »  «  of.txô^'.ov  »  preuve 
manifeste  qu'en  réalité  il  n'y  avait  qu'une  caisse  portant  des  noms  diflé- 
rents. 

/j.  Cedrenus,  p.  io44. 


i:t  j.  I.A11M1U:  byzantin  C)- 

ternent  aboutisstiieînl,  probablement,  toutes  les  affaires  finan- 
cières de  TEinpire,  tous  les  comptes  des  autres  ministères,  tous 
les  registres  des  dépenses  et  des  revenus.  Personnages  de  grande 
importance,  ils  appartenaient,  généralement,  à  la  classe  des 
spathaires. 

Les  chartulaives  «  twv  àpxXwv  »  où  des  cai>ses  devaient,  \  rai- 
semblablement.  tenir  reoistre  de  Tétat  des  caisses  «  àoxÂa',  » 
provinciales  et  autres  qui  existaient  dans  chaque  thème  comme 
à  By/ance  dans  les  ministères,  et  dont  l'administration  était 
confiée  aux  protonotaires  des  thèmes.  Nous  savons,  eu  effet, 
qu'une  partie  des  impôts  tant  directs  qu'indirects  restait  dans 
les  provinces  et  servait  à  payer  les  dépenses  du  gouvernement. 
Le  reste  était  envoyé  à  Byzance.  Or,  il  fallait,  de  toute  nécessité, 
qu'un  personnel  nombreux  mit  quotidiennement  à  jour  cette 
comptabilité  compliquée  pour  que  les  finances  ne  souffrissent 
pas  de  malversations  trop  criantes.  De  plus,  il  est  assez  vrai- 
semblable que  les  comptes  des  différents  ministères  devaient 
être  centralisés  dans  un  bureau  unique.  C'était,  sans  doute, 
aux  cliartulaires  des  caisses  de  diriger  ces  opérations.  D'où  très 
probablement  la  distinciion  du  Livre  des  Cérémonies  expri- 
mée par  ces  mots  :  ((  ol  âcto  y yo-zo'jXôioioi  toj  y£V',xo'j  TjTO?.  tcov 
àoxAojv  »  '. 

Vu  bureau  du  logothèlc  du  trésor,  appartenaient  aussi  les 
inspecteurs  des  thèmes  «  È-oTTTa»,,  sç'.G-wTa'l  »  que  leur  chef  envoyait 
dans  les  provinces  pour  vérifier  la  levée  des  impôts  et  fixer  le 
chiffre  des  contributions  que  devaient  régulièrement  payer  les 
populations,  au  moyen  des  livres  préparés  à  l'avance  dans  les 
bureaux  du  logothète.  Du  ix*"  siècle  nous  avons  le  sceau  d'un 
certain  Joseph  Vestitor,  épopte  de  Nicopolis  et  préfet  du  Pélopo- 
nèse  -.  ce  qui  semble  bien  prouver  que  les  époptes  séjournaient 
habituellement  en  province  et  n'avaient  qu'une  sorte  de  sur- 
veillance et  de  contrôle  sur  les  finances.  Ils  ne  levaient  pas 
eux-mêmes  les  impôts  ^. 

I.  Cerem.,  p.  1281. 

■A.  Sclilumbcrger,  S'ujill.,  p.  180. 

3.  Les  textes  du  iv  siècle  ne  parlent  pas  des  T:paxxop£;  :  mais  nous  savons 
par  des  textes  antérieurs  et  postérieurs  que  c'étaient  les  i)ercepteurs  ordi- 
naires. On  les  appc'lait  aussi  peut-être  «  cpopoVJvot  ».  Photius  adresse  une  de 
ses  épîlres  à  un  «  iopoVJvo;  .>  :  c'était  le  mot  ancien.  Il  est  possible  qu'il  n'y 
ait  là  sous  la  plume  de  Pholius  qu'un  archaïsme.  Le  Patriarche  était  coutu 
mier  du  fail. 

7 


98  BASILK    I 

Le  service  des  eaux  et  celui  des  mines  avaieiil  de  même  leur 
département  propre  avec  des  comtes  à  leur  tête  «  x6[jiy,t£;  joaTwv, 
6  xotjLT,;  TTÎç  ).auLiaç  »  et  des  fonctionnaires  dans  les  thèmes.  Mais 
de  ces  personnages  nous  ne  suivons  rien,  ainsi  que  de  row.o-r'.xo^; 
ou  clief  des  travaux  publics  et  du  xouL£VT!.av6ç  '. 

l'n  des  revenus  les  plus  impoitanls  du  Trésor  provenait  des 
droits  qui  frappaient  les  marchandises  aux  frontières  comme 
aux  ports  de  lempire.  Aussi  y  avait-il  sur  toute  rétendue  du 
territoire  des  fonctionnaires  chargés  de  prélever  ces  impôts  et 
de  les  faire  parvenir  au  logothète  du  trésor.  Ces  impôts,  payés 
soit  en  argent,  soit  en  nature,  étaient  transmis  à  Constaniinople 
après  avoir  alimenté,  pour  une  part,  la  caisse  du  protonotaire 
du  thème.  Seuls,  les  impôts  en  nature  paraissent  être  restés 
dans  les  provinces  où  des  bâtiments  étaient  aménagés  pour  les 
recevoir  u  àTzofirîxai  )>  -.  Les  commerckdres  (xo'jjjL£px',àpi.o',.  xo|jl- 
|jL£px',àpt.oL)  étaient  chargés  de  ces  nombreuses  fonctions.  Ils 
avaient,  sans  doute,  sous  leurs  ordres  des  notaires  occupés 
à  tenir  les  comptes  de  leur  admijiislration.  M.  Schlumberger 
cite  un  sceau  qui  paraît  appartenir  au  vnr  ou  ix'^  siècle  et  qui 
était  la  propriété  d'un  de  ces  notaires -^ 

Parmi  les  départements  du  ministère  des  finances,  il  en  est 
un  dont  la  mention  est  particulièrement  intéressante.  C'est 
celui  du  préfet  de  la  curcdone  (6  -rfiç  xo'jpaTtop'laç).  Si,  comme 
cela  est  probable,  ce  fonctionnaire  avait  pour  mission  de 
recevoir  les  fonds  dont  disposaient  les  curateurs  et  de  tenir 
registre  de  toutes  les  affaires  concernant  les  propriétés  privées 
de  TEmpereur.  on  voit  que  le  Trésor  «  toO  yrv.xoj  »  portait  bien 
son  nom  et  qu'il  était  dans  la  pratique  le  grand  réservoir  de  la 
richesse  byzantine,  commun  à  l'Empire,  oui.  mais  aussi  à 
l'Empereur. 

Enfin  il  y  avait  les  Dioecètes  ((  ô',o'.xY,':aL  ».  Ces  officiers 
centralisaient  à  Byzance  les  impôts  perçus  dans  les  thèmes  par 
les  collecteurs  et  les  dioecètes  de  province.  A  en  juger  par  les 
sceaux,  ils  arrivaient  à  d'assez  hautes  dignités,  comme  celle 
de   patrice   par  exemple  K    Théophane    raconte,    au    sujet  des 

1.  Oly-iîT'.xôç,  mieux  que  xi^tiv-ô;  (cf.  Cerem,,  p.  i35a). 

2.  La  dime  prélevée  en  nature  sur  les  céréales,  dit  Ibn  Hordadbeh,  est 
entreposée  dans  les  greniers  pour  rapprovisionnemeni  de  rarmée.  (Ed.  de 
Goeje,  p.  83). 

3.  Schluniber<?er,  SirjilL,  ^\-;')  :  Zacharia\  (Irurhiclifc.  \IV. 
'».  Schlumberger,  SujiU.,  VjO. 


ET    L  EMPIlUi    B^ZAMIN  QQ 

dioecètcs,  quaprcs  un  Ireinblcmeiit  do  terre  qui  détruisit  les 
murs  de  Constaiitinople  sous  le  règue  de  Léon  l'Isaurien,  l'Em- 
pereur promulgua  un  déeret  ainsi  conçu  :  «  Vous  êtes  dans 
rimpossibilité.  dit-il  au\  habitants,  de  refaire  les  murs.  Aussi 
ordonnons-nous  aux  dioecètcs  de  le  faire.  A  cet  effet  ils  réclame- 
ront, suivant  la  règle,  un  u  milliarision  »  par  u  oAoxot'Ivlv  »  ou 
sou  d'or.  »  De  là  vient,  ajoute  Thèophane,  l'habitude  de  don- 
ner aux  dioecètcs  les  deux  «  xipaTa  »  '.  De  ce  récit,  comme  de 
riiistoire  rapportée  par  le  biographe  d'Eustratios.  nous  pou- 
vons conclure  que  les  dioecètcs  étaient  chargés  de  centraliser 
et  de  lever  les  impôts  comme  les  «  TrpàxTopsc  •>  et  que  cet  argent 
allait  au  Trésor  pour  servir  ensuite  aux  dépenses  d'intérêt 
j)uJilic. 

Le  second  bureau  à  proprement  parler  financier  était  celui 
du  préfet  du  trésor  privé  «  6  ztzI  iryj  z\rj\y.o\j  »-.  C'est  dans  la 
caisse  de  ce  fonctionnaire  de  haut  rang  qu'étaient  centralisés  les 
revenus  de  l'Empereur  en  temps  qu'Empereur.  Là  étaient  dépo- 
sés les  objets  de  prix  appartenant  au  Palais  et  nous  savons  que 
ce  fut  dans  les  coffres  de  ce  personnage  que  Basile  trouva  les 
lingots  d'oj-  provenant  des  habits  impériaux  et  des  pièces  d'or- 
fèvrerie que  Michel  avait  fait  fondre  ^.  Ce  trésor  était  réellement 
le  trésor  impérial  o  ^aa-iA'.xov  Taui^clov  »  commnu  à  tout  basileus 
et  qu'il  ne  faut  pas  confondre,  je  crois,  avec  la  cassette  privée 
de  l'Empereur  représentant  la  fortune  de  l'homme  quel  que  soit 
son  nom.  Le  livre  des  «  Cérémonies  »  permet  de  nous  rendre 
compte  de  l'usage  qu'on  faisait  des  sommes  qui  se  trouvaient 
dans  ce  trésor.  Déjà,  par  le  récit  du  continuateur  de  Thèophane 
sur  les  dilapidations  de  Michel,  nous  pouvons  conjecturer  que 
si  une  partie  de  cet  argent  servait  aux  plaisirs  et  aux  frais  de 
représentation  du  Basileus.  une  autre  était  consacrée  à  payer  la 
solde  des  milices  byzantines  au  service  de  l'Empereur  ou  tout 


1.  Tlicoph.,  p.  83-?.  Voir  à  la  fin  do  ce  chapitre  la  valeur  appio\imali\e 
des  monnaies  byzantines. 

2.  VEpanagoge  donne  à  ce  personnage  nn  litre  nii  peu  ditléient.  Elle 
l'appelle  «  ô  èvoo;ÔTaTo?  x(>[xt,ç  twv  ôci'wv  t.ijlwv  sîtooîojv.  »  A  sa  suite  nous  voyons 
figurer  le  «  6  èvoo^ÔTaxoç  xôjxtjÇ  twv  â-ravra/oO  Ôctfov  t,|jlwv  cto'.xwv  »  fonctionnaire 
qui  nie  paraît  répondre  au  grand  curateur.  Ces  titres  spéciaux  ne  doivent 
pas  faire  illusion  ;  TEpanagoge  n'a  fait  que  les  emprunter  aux  textes  légis- 
latifs du  règne  de  Juslinien  dont  elle  est,  en  partie,  comme  les  Basiliques, 
une  réplique. 

3.  Vil.  Mich.,  XXI,    p.  i88,  Vit.  Basil.,'^ \\i\,  272-73. 


lOO  BASILE    I 

au  moins,  en  lenips  de  guerre,  les  dons  extraordinaires  que 
l'Empereur  faisait  à  ses  soldats  ^  Or  ce  fait  est  contirmé  par 
plusieurs  passages  des  «  Cérémonies  ».  En  campagne,  en  effet, 
nous  voyons  le  u  préfet  du  trésor  privé  »  accompagner  l'Empe- 
reur- et  présider  aux  distributions  de  cadeaux  faites  par  le 
Basileus.  C'est  lui  qui  devait  payer  les  dépenses  que  ces  libéra- 
lités entraînaient  et  elles  étaient  nombreuses.  L'hétairie.  les 
«  agouroi  »,  les  scholaires.  les  transfuges  de  qualité  recevaient 
des  vêtements,  des  ceintures,  de  l'argent,  suivant  leur  rang  ou 
les  services  rendus.  C'est  lui  d'autre  part  — et  cela  est  tout  natu- 
rel —  qui  fournissait  à  son  maître  ce  dont  il  pouvait  avoir 
besoin  pour  son  usage  personnel  et  l'on  voit  que  c'est  cbez  lui 
que  le  drongaire  de  la  veille  pi'cnd  la  torclie  qui  doit  lui  ser- 
vir pour  les  rondes  de  nuit  qu'il  fait  avec  les  scbolaires  autour 
du  camp  ^.  Enlîn  c'est  devant  lui  que  s'inscrivaient'  les  dons 
d'orge  apportés  à  l'Empereur  en  cours  de  route  «  afin  qu'au 
retour  le  protonotaire  et  le  cliartulaire  du  bureau  de  r£lot.x6v 
puissent  faire  leurs  comptes  ^  »  Bien  plus,  outre  ces  dépenses 
générales,  le  trésor  privé  devait  s'occuper,  le  cas  échéant,  de 
l'appareillage  de  vingt  vaisseaux  et  payer  les  voiles  et  le^  c  o'.cpOz- 
p'ia^  ))  nécessaires.  C'est  aussi  probablement  cette  caisse  qui 
fournissait,  en  temps  de  paix,  à  l'Empereur  les  sommes  suffi- 
santes pour  faire  à  sa  cour  les  distributions  que  l'on  sait.  Ainsi 
le  bureau  du  préfet  de  l'îlo'/xôv  semble  avoir  été  le  lieu  où  se 
réglaient  les  choses  concernant  la  fortune  impériale  comme  le 
trésor  oii  elles  se  conservaient.  C'est  probablement  cette  caisse 
qui  fut  laissée  en  si  prospère  état  par  Théophile  etTliéodora, 
car  c'était  avec  cette  fortune  que  les  empereurs  pouvaient  faire 
des  économies  ou  des  prodigalités  comme  c'étaient  ces  revenus 
qui  se  trouvaient  parfois  singulièrement  accrus  grâce  aux  con- 
fiscations si  fréquentes  àByzance^'.  Ce  qui  donnerait,  au  sur- 

1.  C'est  pourquoi  Basile  eaiplovalL  \oloiiliers  ses  soldats,  en  temps  de 
paix,  aux  constructions  dont  jl  était  coutumier.  H  U(i  Basil.,  ch.  lxvui, 
p.  3'2/i.)  On  sait  que  Léon  VT  lit  de  même. 

•i.  Cerem.,    904  et  seq. 

3.  /5id.,9i3. 

4.  Jbid.,  91 3. 

5.  Jbid.,  1*44. 

G.  11  faut  dire,  cependant,  que  le  plus  souxeid  nous  trouvons  dans  les 
textes  le  mol  «  otj[jlcjc'.v  »  simplement  pour  indiquer  la  conliscation.  En 
soi  cela  indiquerait  plutôt  que  la  conliscation   était   laite  au  bénéfice  du 


,     1.1    I.  i:Mi'iin:   inzwriN  loi 

plus,  à  croire  que  c'élail  sur  celle  casseUe  que  se  pavaient  — 
en  partie  du  moins  —  les  dépenses  faites  par  l'Empereur  pour 
l'embellissement  et  Tentretien  du  «  culte  impérial  »  c'est  le 
département  qui  relevait  du  préfet  du  trésor  privé  et  qu'on 
appelait  le  bureau  «  twv  spyoooa'lwv.  »  Outre  les  notaires  habi- 
tuels chargés  des  comptes  et  des  écritures,  le  préfet  de  l's'.ouôv 
avait  en  elîet  sous  ses  ordres  des  officiers  que  le  Clètorologe 
désigne  sous  le  nom  de  chefs  des  ergodosia.  i^yo^^'zz-  twv  spvo- 
ôoT'lcov  ».  Qu'étaient  ces  fonctionnaires  !*  Selon  toute  probabilité 
leurs  attributions  étaient  doubles  :  ils  devaient,  d'une  part, 
eommander  et  payer  les  objets  nécessaires  à  l'Empereur  ou 
demandés  par  lui  aux  fabriques  impériales,  aux  ((  ergodosia  » 
et  d'autre  part,  recevoir  les  revenus  que  ces  fabriques  pouvaient 
fournir  par  la  vente  aux  particuliers  et  aux  étrangers  de  leurs 
produits  divers.  Des  u  sêoouLàpio»,  )>,  des  semainiers  et  des  <(  ulîIvÔ- 
Tîoo'.  0  sortes  de  sous-chefs  dont  nous  ne  savons  rien  complé- 
taient le  ministère.  Ils  étaient  peut-être  chargés  de  Tinspection 
des  fabriques  et  des  revenus  qu'elles  rendaient  car  la  Loi  5  du 
Code  Justinien  parle  en  ce  sens  de  Dioecètes  des  ergostataria. 

Les  «  Basiliques  »  de  leur  côté  mentionnent  la  dignité  de 
comte  t(  Tcov  lo'.xtov  »  magistrat  qui  paraît  être  en  relation  avec 
certains  fonctionnaires  de  province  auxquels  il  impose  des 
amendes  en  cas  de  faute  ' . 

Deux  autres  bureaux  rentrent  enfin  dans  la  catégorie  des 
ministères  d'ordre  financier.  Ce  sont  ceux  des  deux  curateurs, 
successeurs  de  r((  aerarium  priva tum  o  chargés  de  la  fortune 
privée  de  l'Empereur,  Le  premier,  le  grand  curateur  u  6  uéyaç 
xoupaTwp  »  était,  comme  tous  ses  pairs,  les  ministres  en  titre  des 
autres  bureaux,  un  puissant  personnage,  possesseur  des  mêmes 
distinctions  que  le  sacellaire  ou  le  logolhète.  La  surveillance  et 
le  soin  du  palais,  des  propriétés  privées  de  l'Empereur  et, 
d'une  façon  générale,  l'administration  matérielle  tles  biens 
impériaux  rentrait  dans  ses  attributions.  A  titre  beaucoup  plus 
direct  que  le  préfet  «  to j  sIo'.xoj  »  le  grand  curateur  était,  en 


trésor  public  ;  mais  on'comprcndrail  mal  ce  désintéressement  de  la  pari, 
des  Empereurs  qui  avaient  leur  fortune  privée  à  soigner  comme  la  facililé 
avec  laquelle  ils  confisquaient  les  biens  de  leurs  proches  et  de  leurs 
amis  si,  précisément,  dans  la  pratique  les  deux  trésors  ne  faisaient  pas 
qu'un. 

I.  Basilic,  t.  111,  l.  i.  43,  p.  loO. 


Ï02  BASILE    I 


quelque  façon,  Thomine  (rafîaires  de  l'Empereur.  Aussi  est-ce 
pour  cette  raison  que  toute  une  classe  de  sujets  allait  payer  les 
impôts  à  sa  caisse.  Tel  était  le  cas  pour  les  fermiers  et  autres 
tenanciers  des  propriétés  privées  de  l'Empereur,  Et  c'est  ce  qui 
explique  la  composition  de  son  bureau.  Sous  les  ordres  du 
orand  curateur,  il  y  a  les  curateurs  des  palais  «  xoupàTwoî;  twv 
TzaAaT'lwv  »  en  nombre  assez  considérable,  car  nous  savons  que 
chaque  palais  avait  le  sien  propre.  Les  sceaux  du  ix'  siècle  nous 
onl  laissé  le  souvenir  de  curateurs  du  palais  d'IIormisdas,  de 
Pigi,  etc.  Seul,  semble-t-il.  le  palais  d'Eleuthère  avait  un  fonc- 
tionnaire spécial  :  le  «  lAît-vo-rspoç.  »  La  raison  en  est  probable- 
ment que  les  grandes  richesses  qu'Irène,  sa  fondatrice,  y  avait 
déposées  lors  de  sa  construction  s'y  trouvaient  encore  et  exi- 
geaient une  administration  particulière  ^  De  plus,  nous  savons 
par  les  sceaux  qu'au  palais  d'Eleuthère  se  trouvaient  rattachées 
des  fondations  pieuses  -.  Tout  cela  explique,  je  crois,  l'excep- 
tion faite  pour  ce  palais.  Les  curateurs  des  propriétés  impériales 
((  xo'jpaTcopsç  Ttov  xTY.jjiàTcov  »  régissaient  les  domaines  de  l'Empe- 
reur, c'est-à-dire,  suivant  les  usages  féodaux  qu'ils  adminis- 
traient non-seulement  les  terres  et  valeurs  immobilières,  mais 
les  hommes  et  les  animaux  qui  vivaient  sur  ces  propriétés.  Et 
c'est  pour  la  même  raison  que  son  collègue,  le  logothète  du 
trésor,  qu'il  envoyait  partout  où  s'étendait  son  autorité,  des 
((  episkeptites,  s-ia-xc-T/^Ta',  »  surveiller  ses  fonctionnaires  et 
contrôler  leur  gestion.  Enfin  comme  trésorier  des  maisons 
leligieuses  et  hospitalières  dépendant  de  l'Empereur,  il  avait 
sous  sa  juridiction  immédiate  les  xénodoches  de  Sangaros,  de 
Nicomédie  et  de  Pylai-^ 

Le  second  curateur  était  celui  de  Manganes  u  6  xo'jpàTlop  twv 
Ma^'vàvwv.  »  Manganes,  comme  on  le  sait,  était  un  véritable  quar- 
tier de  Byzance  s'élevant  sur  la  Corne-d'Or  en  face  de  Galata. 
Son  importance  Acnait  du  grand  nombi*e  de  bâtiments  publics 
qui  s'y  trouvaient  :  l'arsenal,  des  églises,  des  monastères,  etc., 
et  un  palais.  C'est,  sans  doule.  ])our  diriger  les  divers  services 


1.  Thcopli.,  937. 

2.  Schlumbcrgcr,  SigilL,  i55. 

3.  Pylai  IlJAai;  se  trouvait  sur  lo  golfo  Asiakinos.  Son  xonodocliion  devait 
être  important  parce  que  c'était  le  siège  d'un  des  grands  relais  pour  les 
voitures  qui  se  dirigeaient  dans  l'intérieur  de  l'Asie  Mineure  (Sideridos, 
p.  109). 


r.T  ]/i:Mi»mr.  in/vMi\  io3 

réunis  en  cet  endroit  qu'un  ministère  lut  consUtué.  Il  était 
composé  du  même  personnel  que  celui  du  grand  curateur  ; 
mais  il  n'avail  sous  ses  ordres  aucune  demeure  hospitalière. 


IIl 


De  même  que  l'Empire  était  divisé  en  thèmes,  en  évéchés, 
en  éparchies,  suivant  radministration  impériale  (militaire, 
ecclésiastique  ou  judiciaire)  dont  il  relevait,  il  paraît  avoir  été 
divisé,  au  point  de  vue  financier,  en  «  episkepsis  zT.ir7-/.i'lz\:;  »*. 
Si  cette  division  territoriale  est  exacte,  o  l'È-'lTXî-iyu  »  aurait  eu 
à  sa  tête  un  inspecteur,  u  sTT'.a-xîTrTÎTr.c,  cttô-tt,;  »  chargé  de  l'ad- 
ministration générale  des  finances  dans  la  province  et,  sous  ses 
ordres,  un  hureau  composé  de  notaires,  de  scribes,  de  «  prac- 
tores  »  ou  collecteurs,  etc.  Toutefois,  cette  division  pour  logique 
et  probable  qu'elle  soit,  ne  semble  cependant  pas  suffisamment 
prouvée  par  les  textes  pour  que  nous  puissions  la  donner  comme 
certaine.  A  plus  forte  raison  ne  savons-nous  rien  de  son  orga- 
nisation et  de  son  étendue.  Nous  ne  sommes  guère  mieux  ren- 
seignés sur  les  dépenses  et  revenus  généraux  de  l'Empire,  du 
moins  pour  le  ix^  siècle  et  c'est  surtout  par  analogie,  à  l'aide  de 
quelques  textes  antérieurs  et  postérieurs,  que  nous  pouvons  nous 
faire  une  idée  de  ce  qu'était  radministration  financière  à  Byzance 
à  l'époque  qui  nous  occupe. 

i"*  Les  dépenses.  —  Dans  un  Empire  aussi  étendu  que  celui  de 
Constantinople,  hiérarchisé  et  centralisé  autant  et  plus  que 
l'Empire  romain,  toujours  en  guerre  contre  de  multiples 
ennemis  qui  surgissaient  pour  lui  de  tous  côtés  à  la  fois,  à  l'est 
et  à  l'ouest,  au  nord  et  au  midi,  avec  cela  gardien  fidèle  et 
parfois  libéral  de  cette  beauté  artistique  qu'il  avait  reçue  en 
héritage  de  la  Grèce,  qu'il  entendait  toujours  chanter  en  son 
âme  toute  pétrie  d'hellénisme  et  qu'il  pouvait,  privilège  assez 
rare,  vivifier  encore  chaque  jour  au  contact  des  œuvres 
syriennes  et  arabes,  les  dépenses  de  toutes?  sortes  devaient  être, 
fatalement,  considérables  et  constituaient  pour  le  peuple  une 
très  lourde  charge.  Essayons  donc  de  voir  quelles  étaient  les 
dépenses  de  l'Empire  et  quels  ses  revenus. 

I.  /acliaria\  Geschichte  des  yriechisch.  rômiscJicn  Redits,  \1V. 


I()4  BASILE    I 

Si  Byzancc  ne  cou  nul  pas  ce  que  uous  appelons  le  u  budget 
des  cultes  )>  les  Empereurs  cependant  subvenaient  de  leurs 
deniers  aux  frais  qu'entraînaient  les  belles  cérémonies  et 
l'entretien  du  clergé.  Sainte-Sophie,  comme  du  reste  toutes  les 
autres  églises  et  comme  tous  les  monastères,  avait  ses  propriétés 
particulières,  des  terres,  qui  constituaient  sa  forturie  assurée  et 
sur  laquelle  vivaient  ses  prêtres.  Au  \f  siècle  ces  biens  fonciers 
étaient  déjà  considérables,  car  nous  savons  que  Justinien  dans 
plusieurs  de  ses  novelles  en  régla  l'emploi  d'une  façon  qui  ne 
laisse  aucun  doute  sur  l'autorité  qu'il  s'arrogeait  en  ces  sortes 
de  matières  K  Mais,  indépendamment  de  ces  biens  qui  allèrent 
toujours  grandissant  par  suite  des  dons  que  riches  et  pauvres 
aimaient  à  faire  aux  églises  et  aux  monastères  qu'ils  affec- 
tionnaient particulièrement,  les  Empereurs  assumaient  cer- 
taines charges  qui  devaient  parfois  grever  lourdement  leur 
budget.  Ces  charges  étaient  les  unes  volontaires,  les  auties 
fixes.  A  titre  de  bienveillance,  de  charité,  de  dévotion,  les 
souverains  faisaient  des  aumônes  nombreuses  et  répétées.  C'est 
ainsi  que  Basile  V'  non  seulement  restaura,  embellit  et  cons- 
truisit quantité  de  sanctuaires,  ce  qui  peut  être  le  fait  de  tout 
gouvernement  soucieux  de  l'entretien  des  monuments  artis- 
tiques et  du  besoin  des  peuples  et  ne  saurait  entrer  en  compte 
des  charges  d'ordre  religieux  —  mais  nous  le  voyons  doter 
Sainte-Sophie  d'une  propriété  dont  les  revenus  devaient  servir 
à  l'entretien  des  lampes  a  qui  menaçaient  de  s'éteindre  faute 
d'huile  »  et  à  celui  du  clergé  -  et  donner  à  Saint-Diomède  des 
livres  et  de  riches  vêtements  -'.  Ces  libéralités,  probablement 
se  renouvelaient  de  temps  à  autres  et,  pour  n'être  pas  fixes, 
devaient  correspondre  néanmoins  à  mi  chapitre  prévu  des 
dépenses  impériales. 

D'autres  charges,  au  contraire,  revenaient  à  époques  déter- 
minées et  la  tradition  les  consacrant  en  avait  fait  une  obligation. 
C'étaient  les  dons  que  l'Empereur  remettait  en  certaines 
circonstances  :    à  son  avènement,  au  jour  de  son  sacre,  à  son 


1.  Voir  on  particulier  Aoi'e//^',  Jli,  \YI.  i8,  ii5. 

2.  Vit.  Basil.,  cli.  lxxiy,  p.  387. 

3.  Ibid.,  Lxxiii,  p.  332.  Cf.  le  liés  curieux  chrysobuUo  do  l'Empereur 
liomain  daté  de  924  en  faveur  des  moines  de  l'Allios.  Il  donne  une  excel- 
lente idée  de  la  générosité  des  princes  byzantins  à  l'égard  de  l'Eglise. 
(Migne,  GXIII,  p.  1009). 


Kl    I.  1-MiMiu;   m/ VM  i\  lo.) 

mariage,  à  roocasiou  du  l)a[)lemé  do  ses  enfanis  '.  aux  grandes 
fêles  de  rauuée,  elc.  Théodora,  par  exemple,  lit  don  de  quinze 
livres  d'or  au  Patriarche  qui  lui  mil  la  couronne  siu-  la  tête  et 
le  clergé  en  reçut  autant  '-.  D'autre  part  la  règle  établie  par  le 
cérémonial  était  qu'à  certains  jours  l'Empereur,  après  s'être 
rendu  à  Sainte-Sophie  pour  les  offices,  remettait  au  sortir  de 
l'église,  une  bourse  pleine  d'or  aux  dignitaires  et  fonctionnaires 
ecclésiastiques  de  service,  comme  l'archidiacre,  les  «  osCiarii  » 
ou  portiers,  les  chantres,  les  «  prosmonarii  n  ou  gardiens  et 
aux  pauvres.  Puis,  en  se  séparant  du  Patriarche,  après  avoir 
reçu  de  ses  mains  les  «  eulogies  »,  l'Empereur  lui  donnait  les 
«  aTroxoaê'.a  ».  petits  sacs  remplis  de  monnaies^  qui  passaient 
sans  doute  dans  la  caisse  privée  du  Patriarche  et  devaient  par 
là  augmenter  ses  revenus.  S'il  faut  en  croire  un  passage  du 
Livre  des  a  Cérémonies  »  l'apokombion  contenait  cent  livres 
d'ori. 

Une  seconde  charge,  du  reste  toujours  couverte  par  des 
impôts  spécialement  levés  à  cet  effet,  était  celle  concernant  les 
travaux  publics.  Nous  n'avons  pas,  sur  ce  chapitre,  de  rensei- 
gnements très  nombreux.  Gomme  nous  l'avons  vu,  le  service 
des  eaux  qui,  sans  doute,  comprenait  l'édification  et  la  réfec- 
tion des  aqueducs  et  des  canaux  souterrains  était  dirigé  par  les 
((  comtes  des  eaux  ».  fonctionnaii'cs  dépendant  du  logothète  du 
trésor  public.  Mais  nous  savons  d'autre  part  que  plus  d'une  fois 
les  Empereurs  —  et  Basile  tout  le  premier  —  comme  aussi  des 
particuliers  dotèrent  Byzance  de  citernes  destinées  à  lui  fournir 
l'eau  qui  paraît  lui  avoir  souvent  manqué  •"'.  Ces  citernes,  géné- 
ralement dépendantes  d'églises,  de  cloîtres,  de  palais,  servaient 
à  la  consommation  et  à  l'usage  des  gens  du  lieu  qui  pouvaient 
ainsi  boire  une  eau  fraîche  et  pure  ^^  ;  mais  pour  une  raison 
que  nous  ignorons  un  certain  nombre  de  ces  puits  fut  comblé 
j)ar  les  Empereurs  et  renq^lacé  par  des  vergers.  C'est  à  rendre 
à   leur   ])]"emièr('    destination    fpieU[ues -unes    de    ces    cileines. 

I.  (ieorgcs  Moine  C^ont.,  1078. 

a.  Hegel,  Aimlecln  byznntino  vuxsira,  p.  5.  Cf.  par  e>:.  les  dépenses  du 
eouronnemenl  de  Léon  l'Arménien  (Anonyme  de  Conihcjis,  Migne.  CVIK, 
p.  loiy). 

3.  Cereni.,  p.  177. 

4.  Ccrem.,  p.  42i">- 

5.  17/.  Baùl.,  ch.  xcn,  p.  Sôo. 
0.  Unyer,  I,  198. 


I()()  BASII.1-:    I 

entr  autres  celle  qui  se  trouvait  devant  la  Alagnaure,  que  Basile 
s'employa  ;  mais  son  petit-fils  a  négligé  de  nous  dire  si  ce  fut 
avec  son  argent  personnel  ou  avec  celui  du  trésor  qu'il  effectua 
ces  travaux.  Une  autre  citerne,  celle  d'Aspar,  nous  est  connue 
pour  le  ix*"  siècle.  C'est  aux  environs  de  ce  puits,  situé  non  loin 
des  anciens  murs  K  qu'habitait  le  patrice  Manuel.  Les  aque- 
ducs demandaient  eux  aussi  des  dépenses  considérables  à  en 
juger  par  les  travaux  qu'entreprit  au  vni''  siècle  Constantin 
Copronyme  pour  la  réfection  de  l'aqueduc  de  Yalens  qui  avait 
servi  jusqu'au  règne  d'Héraclius  et  que  les  Avars  détruisirent-. 
Les  routes,  les  ponts  réclamaient  à  leur  tour  de  fréquentes 
réparations  et  coûtaient  fort  cher  à  l'Empire.  Comme  le  dit 
Léon  YI  dans  la  «  Tactique  »  c'étaient  là  des  charges  de 
l'administration  publique -^  Il  semble  bien,  cependant,  à  lire 
les  chroniqueurs  que  ces  sortes  de  travaux  n'étaient  pas  tou- 
jours régulièrement  entrepris  et  nous  savons  que  plus  d'une 
fois  les  ambassadeurs  étrangers  eurent  à  se  plaindre  du 
mauvais  état  des  routes  ;  mais  il  est  assez  difficile  de  savoir  de 
quelles  routes  il  est  question  car  tandis  que  les  grandes  routes 
étaient  à  la  charge  du  Trésor,  les  chemins  vicinaux  dépen- 
daient des  communes  qu'ils  desservaient.  De  plus,  pour  faire 
ces  réparations  urgentes,  on  levait  des  impôts  particuliers  qui 
n'étaient  souvent  que  des  corvées,  comme  1'  u  àyraps-la  ».,  le 
((  7:apavyap£'la  »  dont  une  partie  était  aff'eçtée  au  service  des 
routes.  La  u  Tactique  »  de  Léon  M  laisse  entendre  que  malheu- 
reusement, ces  impôts  ne  rentraient  pas  avec  toute  l'exactitude 
désirable.  Il  fallait  alors  que  les  soldats  fissent  les  travaux,  ce 
qui  ne  pouAait  avoir  lieu  que  dans  les  rares  intervalles  où  la 
guerre  ne  les  prenait  pas.  On  voit  par  là  quelles  négligences 


1.  Unger,  i,  200. 

2.  Theoph.,  p.  888.  Lombard,  Constantin  \,  p.  100.  Il  est  probable  que 
Basile  répara  aussi  la  citerne  de  Saint-Mokios,  dans  le  jardin  appelé  «  Exi 
Marmara  »,  au  sud  des  Blachernes,  à  l'endroit  appelé  aujourd'hui  ïschukùr 
bostàn  ;  et  celle  du  palais  de  Hieria  dont  les  admirables  ruines  se  voient 
encore  à  Phanaraki  ;  au  dire  de  Strzygowski  d'autres  citernes  doivent  tMre 
attribuées  sinon  à  Basile  PS  du  moins  à  la  maison  macédonienne.  Ce  sont 
celles  de  Bodrùm  am  Agha  jokuschù,  d'Am  Kadyn  Sokhagy,  de  Bei  der 
Kefali  Djami,  d'Ini  Bible  House  et  d'Am  Kjôroghlù  Sokaghy  près  de 
Nischandschy  Djami  (Strzygowski,  Die  byzantinischen  Wasserbehalter  in 
Kple,  p.  228,  229,  280,  et  Pargoire,  Hieria  (Mémoires  de  l'Institut  archéologique 
russe  de  Constant inople ,  IV,  n,  1899,  p.  9  et  seq.) 

3.  Tactik.,  X\,  70. 


1- T     L  HMPIUi:    li^ZAMlN  JOy 

dcvaieiil  s'inlrocluire  dans  ce  service  d'une  importance  pour- 
tant si  considérable.  Il  en  allait  de  même  de  la  réfection  des 
murs,  autre  charge  d'une  redoutable  gravité  par  ces  temps 
d'incursions  et  d'attaques  réitérées.  Mais  là,  la  prévoyance 
impériale  paraît  avoir  été  plus  vigilante  car  il  n'est  presque 
aucun  empereur  qui  n'ait  réparé  en  quelque  endroit  les  murs 
de  la  \  ille  •  et  des  principales  places  de  l'Empire.  Quelques 
inscriptions  rappellent  encore  aujourd'hui  que  Basile  fit  cons- 
truire une  tour  près  de  la  mer  et  qu'il  répara  les  murs  2.  Un 
impôt  spécial  était  aussi  levé  à  ce  sujet,  du  moins  depuis 
l'époque  de  Léon  l'Isaurien.  C'était  l'impôt  des  u  deux  kerata.  n 
Enfin  les  ports  de  l'Empire  et  ceux  de  la  ville  devaient  réclamer 
des  dépenses  considérables.  A  en  juger  par  les  restes  du  port 
Julien  ou  de  Sophie,  à  Constantinople,  très  visibles  encore 
aujourd'hui,  on  peut  conjecturer  que  les  Empereurs  n'aban- 
donnèrent jamais  ces  importants  travaux  publics.  Si  tous  ces 
impôts  rentraient  mal  ce  n'esff  pas,  en  vérité,  que  le  gouver- 
nement ne  les  tint  pour  très  importants  et  qu'il  négligeât  de 
les  faire  rentrer  car  déjà  du  temps  de  Juslinien,  l'Empereur 
seul  pouvait  en  dispenser  ;  mais  c'est  que  les  paysans  sur 
lesquels  pesait  cette  effroyable  machine  dont  chaque  aspiration 
venait,  pour  ainsi  dire,  saisir  les  derniers  restes  de  nomismes 
afin  de  les  refouler  au  Trésor  bu  dans  les  poches  des  collecteurs 
d'impôts,  ne  pouvant  sufQre  à  la  tâche,  préféraient  ne  plus 
ensemencer  et  ne  plus  moissonner  et  la  machine  fonctionnait 
dans  le  vide.  En  somme,  comme  dans  l'Empire  romain,  nous 
pouvons  entrevoir  qu'à  Byzance  l'Empereur  agissait  de  plusieurs 
manières  différentes  pour  l'entretien  des  travaux  publics. 
Tantôt  il  faisait  exécuter  les  constructions  ou  réparations,  de 
ses  propres  deniers,  tantôt  et  toutes  les  fois  qu'il  le  pouvait, 
au  moyen  d'impôts  supplémentaires  qu'il  prélevait  sur  ses 
sujets  ou  sur  les  peuples  vaincus  ^^,  tantôt  enfin  en  sollicitant 
le  concours  des  grands  et  riches  seigneurs  de  ses  provinces. 
Parmi  les  dépenses  générales  qui  grevaient  le  Trésor  et  se 
répartissaient.  d'une  façon  sans  doute  plus  fictive  que  réelle, 
sur    les   tiois    eusses   dont   nous    avons    parlé,    une   des   plus 

i.inger,   p.    2ia-:2i3;  .Millingon,    Byzantine   Constantinople.  The  Walls  of 
Iho  city  and  adjoiiifï  liistorical  silos. 
•A.  liocckh,  IV ,  p.  317. 
3.  Ainsi  fil  Nicephore  logôthèlc,  par  exemple.  Theoph.,  p.  9G9. 


OcS 


BASILK    I 


lourdes  devait  être  évidemment  celle  qui  concernait  radininis- 
iralionK  A  Gonstantinople.  radminislralion  de  la  ville  el  du 
palais,  les  services  généraux  du  gouvernement  réclamaient  un 
nombreux  personnel  qui,  de  toute  nécessité,  devait  recevoir  un 
traitemejit  fixe  et  périodique.  Malheureusement,  nous  sommes 
très  mal  renseignés  à  ce  sujet.  Peut-être  faut-il  faire  une  distinc- 
lion  entre  les  titulaires  des  grandes  charges  et  leurs  subordonnés. 
Il  ne  serait  pas  impossible  que  les  premiers  n'eussent  eu, 
comme  à  Rome,  aucun  traitement  -  —  exception  faite  pour  les 
stratèges.  —  Ils  se  contentaient,  sans  doute,  des  distributions 
que  l'Empereur  faisait  à  certains  jours  et  des  dons  obligés  que 
les  principaux  dignitaires  de  la  couronne,  nouvellement 
promus,  remettaient  à  leurs  supérieurs  hiérarchiques.  Mais  les 
autres,  c'est-à-dire  cette  foule  de  scribes,  de  notaires,  de  chan- 
celiers, de  fonctionnaires  de  tous  genres,  véritables  subalternes 
d'officiers  pris  d'ordinaire  dans  les  hautes  classes  de  la  société, 
ils  devaient,  eux,  recevoir  une  allocation  et.  vu  leur  nombre, 
cette  allocation  ne  pouvait  manquer  de  faire  au  Trésor  une 
brèche  considérable.  Il  est  vrai  que  le  gouvernement  prélcAait 
un  impôt  spécial  destiné  à  payer  son  personnel  comme  à 
couvrir  les  frais  qu'entraînaient  pour  lui  les  distributions  de 
présents^  :  mais  cet  impôt  ne  devait  pas  suffire,  vraisembla- 
blemeiU,  à  la  charge  pour  laquelle  il  avait  été  créé  ;  il  fallait 
donc  que  le  Trésor  concourul  pour  une  ])art  à  ces  lourdes 
dépenses.  11  en  allait  de  même  pour  les  dépenses  de  la  Cour 
proprement  dite.  Là,  en  vérité,  comme  dans  les  services  d'ordre 
purement  administratif,  les  dignitaires  payaient  d'assez  fortes 
sommes  au  jour  de  leur  promotioji  ;  mais  ces  sommes,  nous 
le  dirons  plus  loin,  n'étaient  qu'une  sorte  de  capital  destiné  à 
donner  à  chacun  une  modeste  pension.  Elles  ne  pouvaient, 
en  aucune  manière,  couvrir  les  frais  généraux  de  la  maison 
im]3ériale.  V  celles-là  en  effet  un  budget  spécial  était  affeclé  : 
les  revenus  des  propriétés  et  de  la  caisse  privée  du  Basileus. 
C'est    qu'elles     devaient    être    évidemment    considérables    les 


1.  Nous    trouverons   au  chapitre  sur  l'armée    les    dépenses    concernant 
l'administration  militaire. 

2.  Sauf   les    traitements   en    nature     TiTf.asiç    qu'ils  tenaient    du  trésor 
(Epanag.,  t.  VU,  2,  75). 

3.  Ceci  ne  contredit  pas,  je  crois,  la  phrase  de  VEpanagoge  :  «  wîzco  à';xta6ov 
Aaîj.6dtvciTT,vàp/f,v...  »  comme  nous  allons  le  voir, 


EL     L  KMPIIU:    lnzv^TIX 


>9 


dépenses  qneiilraiiiail  nu  train  de  vie  connnie  eelui  d'un 
Empereur  byzaidiu.  Indépendamment  des  objets  de  luxe,  et 
des  œuvres  d'art,  dont  la  magnificence  impériale  aimait  à 
s'entourer:  indépendamment  des  brillants  costumes  d'or  et  de 
soie  à  l'usage  du  souverain,  de  sa  famille  et  des  grands  digni- 
laires  antiques,  l'Empereur  avait  à  payer  tout  un  personnel  de 
domestiques  inférieurs  employés  aux  mille  nécessités  du  palais  ; 
il  avait  à  oftVir  périodiquement,  aux  grandes  fêles  de  l'année, 
ces  somptueux  et  immenses  repas  dont  parle  la  Notice  de  Phir 
lothée  :  il  avait  à  recevoir  dignement  les  ambassadeurs  étran- 
gers :  il  avait  à  faire  des  cadeaux  à  ceux  qui  l'entouraient.  Puis 
il  titillait  aussi  compter  avec  les  goûts  personnels  de  chaque 
souverain  :  chevaux,  spectacles,  voyages  ',  déplacements  et 
cérémonies  de  tous  genres  venaient  chaque  année  augmenter 
le  cliifl're  déjà  très  élevé  des  dépenses  impériales,  chiffre  qui, 
au  surplus,  se  doublait  et  se  triplait  quand,  à  côté  de  la  cour  du 
Maître,  il  y  avait  celles  tout  aussi  nombreuses  de  l'Impératrice 
et  de  ses  enfants. 

D'autres  dépenses,  d'ordre  administratif,  devaient  avoir  leur 
place  au  budget  des  Basileis,  mais  de  celles-là  nous  ne  savons 
rien.  Tel  est  le  cas  pour  les  monnaies  dont  plusieurs  établisse- 
ments existaient  à  Byzance  et  dans  l'Empire-,  j)our  l'ensei- 
gnement, elc.  De  même,  dans  toutes  les  grandes  villes,  il  > 
avait  des  greniers  «  Tàoop'la  »  dirigés  par  un  comte  et  que  l'iùn- 
pereur  A'isitait  de  temps  à  autre  pour  s'assurer  que  les  provi- 
sions de  l)lé  indiquées  sur  les  registres  s'y  tsouvaient  réelle- 
ment -^  et  que  le  bureau  préposé  aux  achats  de  grains  ((  to 
TiTtovLTÔv  '*  »  fonctionnait  régulièrement  ;  mais  ce  blé  semble 
être  plutôt  destiné  aux  soldats  qu'à  la  plèbe  et  nous  ignorons 
si  Byzance  continua  à  faire,  comme  Rome,  de  fréquentes  dis- 
tributions de  pain,  d'huile,  etc.  Cela  est  probable,  du  moins 
en  certaines  circonstances.  Nous  savons,  en  elTet,  que  Jean 
Tzimiscès,  au  retour  de  sa  campagne  de  Russie,  fit  faire  dans 
l'hiver    97:^-973    de   jiombreuses    largesses    au    ])euple    et   lui 


1.  (]f.  ÏNoiiniaiiii,  Ld  situation  mundiate  de  V Empire  by:antin  avant  les  croi- 
sades, p.  I."). 

2.  Nous  avons  do  Basile  imc  rnormaic  (raracul  IVappi'o  à  ?saplos.  (  Sabalicr, 

3.  Cereni.,  1289. 

'\.  Srhliinibcrj^cr,  Sigillofjraphie,  p.  r)88. 


lO  B\81LK    1 


doiiJia  de  grands  festins  '  et  Basile  1'',  lui-même,  après  sa  vic- 
toire de  Téphrice,  combla  de  largesses  ses  soldats  et  son 
peuple.  Ces  dépenses  rentraient,  sans  doute,  dans  le  budget 
des  œuvres  de  bienfaisance  qui.  de  son  côté,  n'était  point 
négligeable,  ^ous  savons  déjà  quels  furent  les  efforts  de  Basile 
pour  subvenir  aux  misères  de  tous  genres  qui  pouvaient  se 
rencontrer  dans  son  Empire  :  il  fit  construire  de  multiples 
maisons  de  secours  qu'il  dota  et  entretint.  Mais  ces  charités 
sont,  semble-t-il,  plutôt  le  fait  d'un  prince  que  celui  d'une  ins- 
titution et.  comme  tel,  le  gouvernement  devait  avoir  des  libé- 
ralités à  distribuer  aux  indigents.  C'est  du  moins  ce  qui  paraît 
ressortir  d'une  anecdote  rapportée  par  le  continuateur  de  Théo 
phane.  Sous  Romain  Lecapène  un  froid  intense  qui  ne  dura 
pas  moins  de  cent  vingt  jours  se  déclara  subitement  à  partir 
du  :î5  décembre  928.  Les  pauvres  mouraient  en  gi'and 
nombre  et  la  désolation  s'étendait  sur  la  ville  comme  un  grand 
voile  de  deuil.  L'Empereur,  pris  de  pitié  pour  tant  de  maux, 
ordonna  de  fermer  la  partie  ouverte  des  portiques  et  d'y  placer 
partout  des  sortes  de  troncs  destinés  à  recevoir  les  générosités 
particulières.  Il  fit  faire,  en  outre,  chaque  mois  de  nombreuses 
distributions  d'argent,  soit  dans  les  églises,  soit  sous  les  por- 
tiques. V  la  fin  de  l'hiver  on  avait  donné  aux  pauvres  douze 
«  chiliadai  »  d'argent  monnayé  -.  Le  livre  des  Cérémonies, 
d'autre  part,  mentionne  souvent  les  dons  que  l'Empereur  fai- 
sait en  certaines  circonstances,  comme  aux  jours  de  fêtes,  aux 
pauvres  de  la  ville,  preuve  que  ce  chapitre  était  prévu  dans 
les  dépenses  impériales.  De  même  quand  il  allait  visiter  les 
hospices  et  établissements  de  charité  '■^. 

Enfin  l'Etat  avait  souvent  à  payer  à  ses  ennemis.  Bulgares, 
Arabes  et  autres,  des  tributs  de  diverses  sortes  qui  étaient  pour 
le  Trésor  une  charge  considérable.  Ces  tributs  c(  TràxTa  »  parais- 
sent en  effet  assez  lourds.  Lorsque  l'Empereur  Mcéphore  fit  la 
paix  avec  les  Arabes,  Aaron  réclama  aux  ambassadeurs  byzan- 
tins une  somme  annuelle  de  trente  mille  nomismes,  plus  trois 
nomismes  à  l'effîgie  de  l'Empereur  et  trois  à  l'efRgie  de  son 
fils  ^.  D'autres  fois  c'était  avec  les  Bulgares  qu'il  fallait  compo- 

I.  Schlumberger,  Jean  Tzimiscès,  p.  i83.  Cerem.,  906. 
3.  Cont.  deThcopli..  Vit.  Rom.  Lecap.,  xxvii,  p.  436. 

3.  Cerem.,  420-434. 

4.  Tlieopii.,  p.  945  et  9G9. 


KT    L  l'MlMUi:     inZAMIX  I  |  | 

ser.  heureux  encore  de  donner  de  Targenl  plutôt  que  des  pro- 
vinces. Inversement,  par  politique,  les  souverains  faisaient 
aussi  aux  peuples  qu'ils  voulaient  attirer  dans  leur  alliance  des 
cadeaux  nombreux  et  parfois  de  grande  valeur  qui  peuvent 
rcnlrer  dans  le. chapitre  des  dépenses  impériales  '.  Nous  en 
donnerons  ailleurs  des  exemples  pour  le  règne  même  de  Basile. 

;>  '  Hei'enus.  —  Pour  faire  face  à  ces  dépenses  de  tous  genres, 
r Empire  n'avait  que  trois  sources  principales  de  revenus  :  les 
propriétés  impériales,  les  impôts  et  la  taxe  qui  frappait  tout 
fonctionnaire  lorsqu'il  entrait  en  fonction.  Les  })ropriétés 
appartenant  aux  souverains.  leui'S  revenus  allaient  dans  les 
caisses  du  préfet  de  l'idikon  et  du  curateur  avec  les  taxes 
probablement  ;  les  impôts  prélevés  sur  la  fortune  nationale, 
alimentaient  le  trésor  public.  C'est  de  ces  dernières  res- 
sources qu'il  faut  dire  quelques  mots  en  terminant  ce  chapitre 
sur  l'administration  financière. 

Les  taxes.  —  Xous  savons,  par  divers  passages  du  Livre  des 
Cérémonies -,  que  chaque  dignitaire  on  fonctionnaire.  —  peu 
importait  qu'il  fut  l'un  et  l'autre  ou  seulement  l'un  ou  l'autre 
—  ^ersait  au  jour  de  sa  promotion,  indépendamment  des 
gratifications  qu'il  faisait  aux  personnages  de  la  cour  qui  assis- 
taient d'office  à  la  cérémonie  de  son  élévation -^  une  somme 
fixe  qui  variait,  suivant  sa  dignité  d'abord,  suivant  ensuite 
qu'il  émargeait  ou  non  au  budget  du  gonvernement.  C'est 
ainsi,  par  exemple,  qu'un  mandataire  impérial  ne  payait  pour 
son  élévation  que  deux  livres,  tandis  qu'un  protospathaire  en 
payait  douze  et  parfois  dix-huit*.  Si  maijitenant  l'un  quel- 
conque des  dignitaires  désirait  participer  aux  poya'.  impériales, 
c'est-à-dire  avoir  un  traitement,  il  devait,  en  ontre.  payer 
quatre  livres.  Bien  plus,  pour  faire  partie  de  quelque  corps  pala- 
tin, comme  les  chrysotriclinaires.  je  suppose,  il  fallait  donner 
quatre  livres,  indépendamment  de  la  somme  exigée  pour  la 
dignité.    Le    calcul    des    progressions    était    ainsi    fixé    d'une 


I.  Georges  .Moine,  1080,  Vit.  Basil.,  eh.  \cv  et  \cm,  307  ;  \cvii,  3Go. 

3.  Cerem.,  p.  1380,  1281,  i285,  i3oo  et  seq.,  i/t36  et  seq. 

3.  Le  personnel  était  naturellement  d'autant  plus  nombreux  que  la 
dignité  était  plus  élevée  (cf.  spécialem.,  p.  i3oo  et  seq.). 

4-  Ce  qui,  par  parenthèse,  semble  bien  être  une  eonlirmalion  du  fait 
signalé  plus  haut  que  les  Empereurs  durent  plus  d'une  fois  pour  alunenter 
leur  trésor,  faire  des  iiromotions  cpie  seul  le  besoin  d'argent  légitimait. 


I  h'2  BASILE    I 

manière  al)soliiiiient  ferme  d'après  une  échelle  donnée.  Ln 
dignitaire  veut-il  faire  partie  de  la  grande  ou  delà  moyenne 
hétairie,  du  service  de  la  chapelle  impériale,  entrer  dans  les 
bureaux  d'un  niinislère,  il  paiera  une  certaine  somme  jusqu'à 
concurrence  de  tant  de  ((  poyoc.  »  :  par  exemple  pour  un  traite- 
ment n'excédant  pas  quarante  nomismes.  la  taxe  sera  de  seize 
livres  ;  s'il  désise  voir  ses  annuités  augmenter,  il  lui  faudra 
payer  une  somme  proportionnelle,  établie  sur  le  tarif  de  une 
livre  par  sept  nomismes.  Enfin  un  cas  spécial  peut  se  présen- 
ter que  le  gouvernement  a  eu  soin  d'indifiuer.  C'est  celui  d'un 
dignitaire  qui,  par  suite  de  ses  fonctions  antérieures,  ayant  droit 
à  ((  l'annone  »  ou  revenu  en  nature  —  comme  c'était  le  cas 
pour  les  ministres  préposés  à  la  table  impériale  ou  au  vestiaire 
—  se  trouve,  par  sa  promotion,  attaché  à  un  autre  service  ne 
recevant  pas  ce  revenu  —  tels  les  cubiculaires  —  quadvient-il 
alors?  Si  ce  fonctionnaire  renonce  à  Tannone,  il  se  contente 
de  verser  trente  nomismes  :  mais  s'il  veut  conserver  Tannone, 
voir  augmenter  ses  a  pôya».  »  il  doit  payer  ])ro])ortionijellement 
il  ce  qu'il  recevra. 

Nous  avons  donc  deux  classes  bien  distinctes  de  salariés. 
Les  uns,  simples, dignitaires,  n'ont  pas  droit  comme  tels  aux 
libéralités  impéiiales.  S'ils  veulent  y  participer,  ils  sont  tenus 
d'acquitter  irne  taxe  de  quatre  livres.  Les  autres,  fonction- 
naires, reçoiAcnt  un  traitement  fixe  et  périodique  du  souve- 
rain, traitement  proportionné  Ji  rimporlance  de  leur  charge  : 
mais,  comme  les  premiers,  au  jour  de  leur  promotion,  ils  paient 
une  taxe  spéciale,  indépendante  de  celle  qu'ils  paient  comme 
dignitaires  et  qui  varie  suivant  les  émoluments  qu'ils  touchent, 
si  bien,  qu'en  somme,  l'Empire  paraît  n'avoir  payé  que  très 
indirectement  ses  fonctionnaires  L  Tous,  suivant  l'ordre  de 
dignité  ou  de  fonction  auquel  ils  étaient  promus,  devaient 
payer  aux  notaires    de    l'idikon,    cinquante-cinq   livres  ;   aux 

1  Nous  en  avons  un  cvcmpie  frappant  pour  les  collecteurs  d'impùls  qui 
étaient  payés  par  la  population  même,  (^oinme  les  autres  fonctioiniaires,  ils 
avaient,  sans  cloute,  en  entrant  en  cliarge,  paye  leur  emploi.  I^e  ^gouverne- 
ment, en  échange,  les  autorisait  à  percevoir  la  «  (ywrfif.x  »  qui  était  d'vui 
miliarision  par  nomisnui  et  1'  «  rAaT'.xôv  »  qui  était  de  douze  «  folles  »  pour 
le  fonctionnaire  qui  les  acconqiaj^niait  et  qui  était  chargé  de  faire  rentrer 
l'impôt.  (Mortreuil,  lu,  109;  Skabalanovic,  p.  275).  Cependant  cette  coutume 
parait  postérieure  à  Hasile  ou,  du  moins,  si  elle  existait  de  son  temps,  c'est 
contre  elle  qu'il  chercha  à  réagir.  (Epan.,  vu,  3,  75^. 


ET    1/ EMPIRE    BYZ\>TI\  II.) 

cluirtulaircs  tcôv  àoxAtov,  soixante-quinze  livres  ;  aux  cliartu 
laires  du  Irésor  de  l'armée,  quarante  livres  ;  aux  notaires  du 
livsor  de  rarmée.  vingt  livres;  aux  notaires  du  sakellion, 
trente  livres  ;  aux  notaires  du  vestiaire  (le  chiffre  manque). 
On  voit  par  là  que  de  trois  côtés  le  nouveau  dignitaire  devait 
payer  de  fortes  sommes  au  moment  de  sa  promotion  et,  vrai- 
ment, il  nesï  pas  croyable  que  la  vanité  humaine,  si  grande 
qu'elle  puisse  être,  eût  été  assez  forte  à  elle  seule,  pour  faire 
accepter  pareille  charge,  s'il  n'y  avait  pas  eu  pour  eux  des 
compensations  occultes  et,  pour  trancher,  des  concussions, 
dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  afin  de  les  dédommager 
des  frais  qu'ils  faisaient  en  y  entrant. 

Quant  aux  fonctionnaires  des  provinces,  nous  savons  que 
les  stratèges  recevaient  un  traitement  fixe  de  Constantinople. 
Seuls  quelques-uns  avaient  droit  de  se  payer  sur  les  revenus 
des  douanes  ^  Mais  ce  qui  était  Texceptionpour  les  stratèges 
était  la  loi  pour  les  fonctionnaires  d'ordre  inférieur.  Leur 
traitement,  en  argent, et  en  nature,  était  assuré  par  la  rentrée 
des  impôts  et  les  charges  spéciales  qui  affectaient  les  pro- 
vinces. Nous  les  retrouverons  plus  loin. 

Comme  dans  nos  états  modernes,  Byzance  avait  un  double 
impôt  :  Timpôt  direct  qu'on  levait  d'après  les  livres  cadas- 
traux et  qui  frappait  les  terres  et  les  personnes  ;  l'impôt  indi- 
lect  qui  était  surtout  perçu  par  les  douanes  de  l'Empire  -. 
Malheureusement,  ce  double  impôt  ne  pouvait,  le  plus  sou- 
vent, suffire  à  couvrir  les  dépenses  que  faisait  le  Trésor.  Il  fal- 
lait alors  lever  des  impôts  supplémentaires  qui  amenèrent  la 
ruine  de  la  petite  propriété,  la  décadence  de  l'agriculture  et 
rexteiîsion  de  cette  classe  aristocratique  des  «  puissants  » 
contre  lesquels  luttèrent  les  empereurs. 

A)  L'impôt  direct.  —  L'Empire  Byzantin  garda  de  la  réforme 


I.  Cerem.,  1280.  —  Ce   sont  probablement   les  «  j.Tf.cjciç  »  de  VEpanayoye. 

•A.  Zachari,!^',  Geschichte  des  griechisch.  rômisch.  Redits.,  vrv.  Il  est  naiii- 
rellemenl  impossible  de  sa^oir  quel  était,  même  approximativement,  le 
bndjjet  de  rEmpirc.  \ons  savons  seulement  fpi'un  thème,  et  un  des 
moindres,  la  Dalmatie.  payait  ou  devait  payer  au  Trésor  jusqu'aux  modifi- 
cations apportées  par  Basile,  782  livres,  en  comprenant  Kagusc.  Les  Dal- 
mates  payaient  en  outre  des  impôts  en  nature  comme  du  vin.  (De  Adtn., 
\xx,  280-281).  D'autre  part,  le  biographe  de  saint  Eustratios  nous  apprend 
que  le  saint  satisfit  aux  exigences  du  fisc  en  payant  pour  son  couvent  et 
pour  la  ville  de  Brousse  trois  cents  iiomisnics  (\nalecia,  iv,  i5,  p,  378). 

8 


lll\  BASILE    1 

commencée  par  César,  continuée  par  Auguste  et  achevée  par 
Dioctétien  et  Constantin,  le  système  du  cadastre  pour  lever 
l'impôt  direct.  Les  livres  cadastraux  «  xwo'.xs;,  icroxwo'.xsç  » 
étaient  conservés  au  ministère  du  logothète  du  trésor  public  * 
qui  savait,  par  eux,  quel  était  le  rendement  de  chaque  pro- 
vince. Primitivement,  ces  livres  devaient  être  revisés  chaque 
quinze  ans,  à  chaque  indiction,  mais  il  est  bien  peu  probable 
que  ce  travail  ait  eu  lieu  régulièrement.  Cependant  c'est,  sans 
doute,  à  une  chose  de  ce  genre  que  fait  allusion  Constantin 
Porphyrogénète  lorsqu'il  raconte  que  Basile  entreprit  de  faire 
reviser  les  livres  sur  lesquels  se  trouvaient  consignés  les 
impôts  2,  ce  qui  améliora  pour  un  temps  la  condition  des 
pauvres.  En  tous  cas  nous  savons  que  Basile  II  travailla,  de 
son  côté,  à  une  revision  semblable.  Les  livres  cadastraux 
devaient  servir  aux  collecteurs  d'impôts  qui  possédaient  pour 
le  thème  auquel  ils  étaient  attachés  une  sorte  d'abrégé  destiné 
à  leur  faciliter  la  lâche.  Ces  livres  «  àxpôo-T'.yo!.,  xaTao-Tt-yo".  »  ^ 
donnaient  en  chiffres  conventionnels  et  abrégés  le  rôle  des 
contributions  par  provinces,  suivant  la  description  financière 
qui  était  faite  pour  chaque  terre  imposable  *.  Ces  livres 
avaient  force  de  loi  pendant  quinze  ans  et  les  percepteurs 
devaient  s'y  conformer.  Ils  étaient  établis  d'après  une  unité 
tout  à  la  fois  fictive  et  réelle,  le  u  ^cjyàpiov  »  qui  correspondait 
à  l'impôt  payé  pour  un  champ  qu'une  paire  de  bœufs  peut 
travailler  en  un  an  ^.  Naturellement,  d'après  ce  principe,  on 
défalquait  de  l'estimation,  les  forêts,  montagnes,  marais,  etc., 
pour  ne  compter  que  la  terre  labourable,  ce  qui  produisait 
entre  telle  ou  telle  propriété  des  différences  parfois  considé- 
rables. Lune  pouvait  avoir  une  superficie  immense  et  payer 
un  impôt  sensiblement  égal  à  une  autre  de  superficie  beaucoup 
plus  réduite.  C'est  pourquoi  tout  ce  que  l'on  peut  dire  c'est 
que  le  a  ^£jyàpt.ov  »  se  composait  d'un  nombre  plus  ou  moins 
grand  de  u  modii  »  suivant  la  qualité  de  la  terre.  Or  cette  unité 
foncière  se  trouvait  grevée  d'un  double  impôt.  L'un  affectait 
uniquement  la  terre  :  champs,  vignes,  plans  d'oliviers;  l'autre 


I.  Skabalanovic,  p.  270. 
3.  Vit.  Basil.,  ch.  xxxi,  277. 

3.  Zacharifp,  Jus  grseco-romamim ,  t,  ^6  ;  m,  891. 

4.  Mortrcuil,  m,  p.  io5. 

ô.  Zacharhc,  Mémoires  de  l'Acad.  de  Saint-Pétersb.,  p.  28,  Cité  de  Kalligas. 


ET    L  KMPIUE    BYZAMTN  110 

affectait  les  métairies  et  les  pâturages  ^   C'était  le  u  xaTzv.xôv  n  et 
l'  «  £vv6;jL'.ov  ».    Longtemps    ce   double  impôt   se  paya  soit   en 
argent  «  ^îjyapaTixôv,  »  soit  en  nature  «  T',Taox'la  »  mais  dès  le 
xi*"  siècle  nous  voyons  que  le  gouvernement,  alors  aux  mains 
du  fameux  Jean  TOrphanotrophe,    tendit  à  substituer  de  plus 
en    plus  le  premier  au  second  -.  Il  y  avait  cependant  entre  le 
((  Ç£jyacaT'//6v  »    et  le   «  xa-vz/ôv  »    une    différence    essentielle. 
Tandis  que  l'un  était  payé  par  ceux  seulement  qui  possédaient 
une  terre,  qu'ils  fussent  riches  ou  pauvres,  gens  d'église  ou  sécu- 
liers, à  moins  qu'ils  n'aient  obtenu  un  privilège  impérial,  le 
((  xa-v'.xôv  »  appelé  aussi  «  xîcpaAaTUov  »  et  qui  n'était  autre  que 
l'ancienne  capitation,  était  payé  par  tous  les  sujets  de  l'Empire 
qui   faisaient   partie    de    ce    que    l'on  appelait    autrefois    «  la 
plebs  ))  '•^.  C'était   la  taxe   personnelle  dont    seule   la  plèbe   de 
quelques  grandes    villes,  les  mineurs,    les   «  negotiatores  »   et 
quelques  autres  étaient  exemptés.   Ce  u  xa-v/xôv  »  levé  d'après 
le  nombre  de  feux  semble  avoir,  dès  le  ix*"  siècle  et  peut-être  plus 
tôt  encore,  remplacé  l'impôt  par  tête  ou  «  xscpaAaTÛov  ».  En  tous 
cas  nous  le  trouvons  mentionné  par  le  continuateur  de  Théo- 
phane  dans  sa  vie  de  Michel  d'Amorion  *  et  c'est  lui  qui  nous 
apprend  qu'il  s'élcA  ait  alors  à  deux  miliaresia  •^.   Au  dire  de 
Cedrenus,   Jean  Tzimiscès   l'abrogea,  mais  pour  le  remplacer 
par  autre  chose    car,   à  travers    toute    l'histoire   de   l'Empire 
byzantin,  la   distinction   entre   ces    deux  impôts    se    retrouve 
d'une  manière  manifeste  *^^. 

L'impôt  foncier  ne  pouvait  être  payé,  comme  il  est  juste,  que 
par  les  sujets  de  l'Empire  qui  vivaient  sur  leurs  terres,  les  tra- 
vaillaient ou  les  faisaient  travailler  ;  mais  il  est  bien  évident 
que  les  habitants  de  Constantinople  et  des  villes  de  provinces, 
pour  être  soustraits  à  l'impôt  personnel,  étaient,  à  leur  tour, 


I.  Skabalanovic,  op.  cil.,  p.  :i-:i. 

•A.  Ibid. 

3.  Zacharia^,  Mémoires,  p.  8. 

\.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Midi.  Ainor.,  ch.  xi,  p.  68. 

5.  Theophanc  en  parlant  des  impôts  que  leva  Léon  l'Isaurien  sur  la 
Calabre  et  la  Sicile  parle  encore  des  «  oôpoi  •*.zz7.\v/.rj''.  ». 

G.  Zacharia^,  Mémoires,  p.  i3.  Ibn.  Hordadbeh  résume  assez  clairement 
le  système  des  impositions.  L'impôt  foncier,  dit-il,  est  établi  par  un  cadastre 
régulier  et  se  paie  selon  le  tarif  de  trois  denars  pour  200  modii  dont  chacun 
contient  trois  makkouk...  On  prélève  aussi  une  contribution  annuelle  de 
0  dirbem<  <ur  clinquo  foyor  ''p.  ^^3). 


ï  l6  BASILE    I 

soumis  à  un  impôt  spécial.  C'étaient  les  «  T.o^^.'ziy.ol  '^Jjprj<.  »  ^  sur 
lesquels  nous  n'avons  aucun  détail.  Si  depuis  longtemps,  en 
effet,  les  citadins  ne  payaient  plus  rantique  «  capitatio 
humana  ».  ils  devaient  sans  doute,  paver  l'impôt  foncier,  sur 
les  immeubles  d'abord,  puis  d'autres  impôts  sur  le  commerce, 
l'industrie,  etc.  -.  Lorsque  l'Impératrice  Irène  remit,  une  année, 
aux  habitants  de  Byzance,  l'impôt  qu'ils  avaient  coutume  de 
payer,  il  y  eut  grande  joie  dans  le  peuple  car,  bien  probable 
ment,  ces  impôts  devaient  être  très  élevés.  En  outre,  suivant  la 
remarque  de  M.  Monnier  ^,  il  pourrait  vraisemblablement  se 
faire  que  1'  «  àsp'.xôv  ))  fut  l'impôt  payé  par  la  propriété  bâtie. 
Cet  impôt  aurait  été  levé  à  la  façon  de  notre  impôt  moderne 
sur  les  portes  et  les  fenêtres.  Enfin  certaines  classes  de  per- 
sonnes payaient  un  impôt  spécial.  Les  Mages  et  les  Juifs 
payaient  chaque  année  un  tribut  personnel  de  undenar  par  tête, 
dit  Ibn  Ilordadbeh  K 

B)  Les  impôts  indirects  et  supplémentaires.  —  Si  l'impôt  fon- 
cier et  personnel  avait  été  seul,  quelque  lourd  qu'il  fût,  il 
aurait  été.  sans  doute,  supportable  :  mais  ce  qui  ruinait  le 
joays  —  surtout  les  campagnes  —  c'étaient  les  innombrables 
charges  supplémentaires  qui,  chaque  année,  pour  une  raison 
ou  pour  une  autre,  venaient  fondre  sur  les  paysans  comme  un 
rapace  vautour.  Déjà  au  vi*^  siècle,  Justinien  par  la  fameuse 
«  È-'.êo/.r]  .)  avait  frayé  ce  funeste  chemin  que  ses  successeurs 
n'eurent  garde,  sous  un  nom  ou  sous  un  autre,  d'abandonner  ; 
puis  au  vm**  siècle.  l'Empereur  Xicépliore  trouva  ou  retrouva 
l'impôt  le  plus  impopulaire  que  jamais  Byzance  ait  connu  : 
((  l'allelengyon  »  ^.  Si  au  ix*"  siècle  cette  dernière  charge  était 
abolie,  la  première  ne  le  fut  pas  —  dans  son  esprit  du  moins 
—  et  au  cours  du  siècle,  nous  pouvons  saisir  en  maints 
endroits  des  traces  de  son  existence.  Pour  la  population  de 
Gonstantinople,  nous  avons  déjà  mentionné  l'impôt  qui  frap- 
pait de  deux  kerata  chaque  habitant  et  dont  la  somme  devait 


I.  Tliooph.,  ]).  (jôG. 

•i.  Monnier,  ISouvelle  Revue  hist.  du  droit.  1894.  p.  48ô. 

3.  Ibid.,  p.  5o8. 

4.  Ibn  Hordadbeh,  p.  83. 

.").  Etabli  on  rétabli  par  Nicéphorc,  il  lui  supprimé  i)cu  après  sa  mort- 
O  fut  Basile  lî  qui  le  remit  en  honneur.  Cf.  Du  Gange  au  mot  «  iAAT.Xr.^uov  », 
Sclilumbcrger,  Basile  IL  p.  337, 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


couvrir  les  frais  de  réfection  et  d'entretien  des  murs.  Il  y  en 
avait  probablement  bien  d'autres.  Dans  les  thèmes  une  des 
charges  les  plus  lourdes  était  l'impôt  postal.  Autrefois  le  fisc 
supportait  une  partie  des  dépenses  occasionnées  par  les  postes 
impériales  ;  mais  dès  l'époque  de  Justinien  ou  peu  après  son 
règne,  la  charge  en  revint  complètement  aux  villes  et  aux  vil- 
lages par  lesquels  passait  ce  service  gouvernemental.  Là.  les 
habitants  étaient  dégrevés  de  tous  autres  impôts,  mais  ils 
devaient  entretenir  de  leurs  deniers  les  stations  postales,  les 
routes  et  les  ponts,  fournir  les  chevaux  et  autres  bêtes  de 
somme  ^.  Bien  plus,  ils  devaient  aux  voyageurs,  toujours  gens 
d'importance  —  ambassadeurs,  fonctionnaires,  évêques  —  le 
gîte  et  le  couvert,  tout  comme  les  habitants  de  l'Empire 
devaient  aux  représentants  de  l'autorité  des  prestations  en 
nature  :  viandes,  oiseaux,  huile,  pain,  etc.,  ce  qui  revenait  à 
leur  fournir,  à  eux  aussi,  le  gîte  et  le  couvert  '-.  Cet  impôt  est 
appelé  dans  l'Epanagoge   «  £7:iot,[jltiT',xo'1  ». 

Ces  dernières  charges  n'enrichissaient  qu'indirectement  le 
Trésor.  Il  n'en  allait  pas  de  même  des  impôts  sur  les  douanes 
et  les  marchés  u  7:x^T,yJp',a  ».  Théophane  nous  apprend  que 
lorsque  Constantin,  fds  d'Irène,  s'en  alla  à  Ephèse,  il  réduisit 
l'impôt  payé  par  cette  ville  à  ce  sujet,  impôt  qui  s'élevait  à 
cent  livres  d'or  par  an  '^  Sa  mère  en  fît  autant  à  Abydos  et  à 
Ilieros,  à  la  grande  joie  de  la  population  qui  en  éprouva  un 
grand  bien  *.  Ces  impôts  en  effet  étaient  forcément  très  lourds 
car  il  semble  bien  qu'ils  étaient  fixés  par  avance  d'après  le 
tarif  habituel  des  places  commerçantes  sans  égard  aux  mille 
aléas  qui  pouvaient  survenir  au  cours  de  l'année. 


1.  Skabalanovic,  p.  279-280.  C'est  ce  que  VEpanagoge  appelle  les 
<-  o^foiot-x'.  »  (Tit.  VII,  8,  77). 

2.  Ces  renseignements  proviennent  d'auteurs  postérieurs  comme  Psellos 
(Cf.  Skabalanovic,  loc.  cit.  et.,  p.  282).  Néanmoins  en  confrontant  les  ren- 
seignements donnés  par  les  auteurs  du  xr  siècle  avec  les  rares  données  que 
nous  possédons  pour  des  époques  antérieures,  j'ai  pu  me  convaincre  que 
dans  leurs  grandes  lignes  ces  renseignements  pouvaient  être  vrais  aussi 
pour  la  fin  du  ix"  siècle.  Les  bouleversements  opérés,  parfois  avec  raison, 
par  Nicéphore  dans  les  affaires  financières  n'eurent  aucune  suite.  A  sa  mort 
les  choses  revinrent  en  l'état  dans  lequel  il  les  avait  trouvées  à  son  avène- 
ment et  qui  n'était  autre  que  celui  que  Justinien  avait  établi  et  que  les 
Empereurs  iconoclastes  modifièrent  en  certains  points. 

3.  Theoph.,  p.  9'45. 
'j.  Ibid.,  p.  950. 


Il8  BASILE    I 

Enfin  trois  sources  de  levcniis  do  grande  importance  nous 
sont  bien  connues  —  les  deux  premières  surtout  —  par  les 
récits  des  chroniqueurs  et  les  textes  juridiques  :  la  confiscation 
et  les  amendes,  l'héritage  et  la  frap])e  à  bas  titre  des  monnaies. 
Basile,  plus  dune  fois,  fit  usage  de  la  confiscation  pour  punir 
de  fautes  qu'il  ne  pardonnait  pas.  Tel  fut,  par  exemple,  le  cas 
pourThécla  à  la  suite  de  ses  relations  avec  Neacomites.  Le  Pro- 
chiron  cite,  en  outre,  plusieurs  fautes  qui  entraînaient  la  con- 
fiscation. Un  époux  adultère  voyait  ses  biens  confisqués  par  le 
fisc  '  ;  si  le  délit  a  été  commis  avec  une  esclave  n  ooj).r,  »  cette 
dernière  était  vendue  hors  de  leparchie  et  une  partie  du  prix 
allait  au  Trésor  -.  De  même  encore  pour  cause  de  religion,  il 
pouvait  y  avoir  saisie  et  confiscation  des  biens  du  délinquant 
au  profit  de  l'Etat  -K  Le  meurtre  commis  par  un  noble  était  puni 
de  l'exil  et  de  la  confiscation  *.  Souvent  employé,  ce  système 
devait  évidemment  être  une  bonne  et  facile  proie  pour  le  Trésor 
qui  semble,  malheureusement,  en  avoir  trop  goûté  la  commo 
dite.  —  L'héritage  devait  être  moins  fréqueiiL  Cependant, 
comme  à  Rome,  il  arrivait  que  de  grands  seigneurs  léguassent 
leur  fortune  à  l'Empereur.  C'est  ce  que  fit  Daiiielis  lorsqu'elle 
mourut  et  nous  avons  vu  que  Léon  en  profita  royalement. 
Toutefois,  un  autre  cas  pouvait  se  présenter.  C'était  quand  un 
bien  tombait  en  déshérence  par  suite  de  la  mort,  sans  héritier 
désigné,  de  son  propriétaire.  Le  Trésor,  d'après  une  novelle 
de  Basile,  s'appropriait  la  fortune  mobilière  ou  immobilière,  h 
l'exception  des  esclaves  qui  devaient  être  mis  sans  retard  en 
liberté  et  jouir  de  tous  les  droits  d'un  homme  libre  \  En  outre 
—  et  c'est  encore  dans  tous  les  temps  une  sorte  d'héritage  —  il 
paraît  bien  y  avoir  eu,  à  partir  de  Mcephore,  un  impôt  sur  les 
successions  ;  mais  nous  n'avons,  à  ce  sujet,  aucun  détail  pré- 
cis ^.  Quant  à  la  frappe  des  monnaies  à  bas  titre  elle  ne  paraît 
avoir  été  en  usage  h  Byzance.  que  dans  des  cas  extrêmes.  Lors- 


I.  Proch.,  t.  XI,  VII,  p.  77. 

a.  Ibid.,  t.  XXXIX,  hx,  p.  a^O- 

3.  Ibid.,  t.  XXXIII,  \v,  p.  i83. 

A-  Leunclavius,  Jus  grœco-romaimm,  11,  i3ô.  —  La  peine  était  assez  douce 
pour  les  seigneurs  puiscpie  celle  qu'encourait  pour  le  même  crime  un 
homme  de  basse  paissance  était  la  mort  par  le  glaive  ou  par  la  denl  des 
bêtes  fibidj. 

5.  Ibid. 

6.  Monnier,  op.  cit.,  1890,  p.  8G. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  II9 

qu'il  ne  restait  plus  rien  dans  les  caisses,  alors  les  Empereurs 
émettaient  des  monnaies  au-dessous  du  titre  en  monnayant 
dans  une  livre  plus  de  nomismes  que  le  poids  ne  le  permettait. 
Très  certainement  Basile  n'eut  jamais  recours  à  ce  moyen  car 
les  chroniqueurs  n'eussent  pas  manqué  de  nous  le  dire,  rien 
n'étant  plus  antipathique  à  la  nation  que  cette  façon  détournée 
de  se  procurer  des  ressources  ' . 


I\ 


Il  reste,  en  terminant  ce  chapitre  sur  l'administration  finan- 
cière de  l'Empire  byzajitin  au  ix®  siècle  à  dire  quelques  mots 
de  la  question  monétaire  et  des  deux  corporations  qui  s'occu- 
paient spécialement  des  affaires  d'argent,  les  u  arguropratai  » 
et  les  ((  trapezitai.  »  Aux  ix"  et  x*  siècles,  quatre  sortes  de  mon- 
naies servaient  aux  besoins  quotidiens  de  la  vie  comme  aux 
paiements  de  ou  à  l'Empire  :  le  nomisma,  le  miliarision,  le 
keraton,  le  foUis,  toutes  monnaies  réelles  par  opposition  à  la 
livre  «  A'iTpa  »  qui  n'avait  qu'une  valeur  de  compte.  C'est  donc 
le  nomisma  que  l'on  peut  prendre  comme  unité  pour  se  rendre 
compte  du  système  monétaire  usité  à  Byzance.  Or,  le  nomisma 
ou  sou  d'or  —  il  y  en  avait  72  à  la  livre  et  100  livres  faisaient 
un  ((  xsvTsvap'.ov  »  —  avait  une  valeur  égale  à  douze  miliarisia, 
le  miliarision  une  valeur  égale  à  deux  kereta,  le  keraton  une 
valeur  égale  à  douze  folles  '-.  Le  nomisme  pouvait  être  d'or  ou 
d'argent,  mais  généralement  d'or  ^,  le  miliarision  était  toujours 
d'argent,  le  foUis,  toujours  de  cuivre.  Toutes  ces  monnaies 
furent,  en  général,  depuis  Léon  III,  frappées  à  Gonstantinople  ; 
cependant  il  nous  reste  encore  du  règne  de  Basile,  des  mon- 
naies frappées  à  Naples  et  à  Gherson  ^.  Ces  monnaies  que 
chaque  Empereur  faisait,  à  son  avènement,  marquer  de  son 
effigie,  n'avaient  pas  toujours,  à  l'époque  de  Basile,  également 
cours.  La  célèbre  novelle  LU  de  Léon  VI  en  fait  foi.  Facilement, 

1.  Skabalanovic,  p.  296. 

2.  Nicole,  Le  Livre  du  Préfet,  i6'3  ;  Théophane,  882'''';  Sabatier,  i,  46,  55. 

3.  Le  nomisme  d'or  était  probablement  la  même  chose  qne  1'  «  û>.oxotîv'.v.  » 
'».  Revue  Xumism.,  1849,  P-  ^45. 


20  BASILE 


on  rejetait  les  pièces  ancienmes  pour  ne  se  servir  que  des 
récentes,  sans  doute  celles  mêmes  qui  avaient  été  émises 
durant  le  règne  sous  lequel  on  Avivait  '. 

Il  est  assez  malaisé  de  déterminer  la  valeur  intrinsèque, 
comme  la  valeur  commerciale  des  monnaies  byzantines.  Trop 
d'éléments  nous  font  aujourd'hui  pour  cela  défaut.  Dureaudela 
Malle  estimait  que  la  livre  dor  pesait  826  gr.  33  et  valait  envi- 
ron i,o34  francs.  A  la  suite  de  recherches  personnelles  au  Cabi- 
net des  Médailles  je  suis  arrivé  à  un  chiffre  approximativement 
semblable.  Les  monnaies  d'or  conservées  à  Paris,  qu'elles  soient 
du  temps  de  Michel,  de  Basile  ou  de  Léon,  pèsent  toutes  entre 
4  gr.  37  et  4  gi".  25  et  ont,  invariablement,  deux  centimètres  de 
diamètre.  Or,  cette  différence  de  j)oids  est  sans  importance. 
Simplement  à  considérer  les  pièces,  on  se  rend  comiDte  de  la 
façon  dont  elles  étaient  fra])pées.  Les  ouvriers  avaient  une 
barre  d'or  —  cet  or  était  à  cette  époque  presque  sans  alliage  et 
de  belle  couleur  jaune  —  et  dans  cette  barre  d'un  poids  toujours 
fixe,  on  marquait  soixante-douze  nomismata  avec  un  outil  por- 
tant, d'un  côté,  l'empreinte  impériale,  de  l'autre,  soit  la  figure 
du  Christ,  soit  une  légende,  puis  on  découpait  plus  ou  moins 
habilement  chaque  pièce  de  monnaie  avec  des  ciseaux  ou  un 


I.  Il  nous  osl  parvenu  divers  types  de  ntonnaies  frappées  sous  Basile. 
Sur  les  premières  il  est  représenté  avec  Michel  qui  porte  —  chose  à  remar- 
quer —  le  titre  d'  «  imperator  »  tandis  que  Basile  n'a  que  le  titre  de  «  Rex  », 
fait  intéressant  qui  montre  qu'entre  l'Empereur  et  son  associé,  il  n'y  avait 
pas  égalité  parfaite.  Seul,  le  Basileus  pouvait  se  dire  Empereur.  On  laissait 
aux  souverains  barbares,  francs  et  germains,  le  titre  de  «  Rex  »  (Cf.  Liut- 
prand,  Leg.,  n,  p.  3^7  et  la  fameuse  lettre  de  Louis  II  à  Basile).  Sur  les 
autres  types,  suivant  l'époque,  il  y  a  Basile  seul,  avec  Eudocie,  avec  ses  fils 
associés  :  Constantin  d'abord,  puis  Constantin  et  Léon,  puis  Léon,  enfin 
Léon  et  Alexandre.  L'Empereur  est  toujours  représenté  barbu  ;  parfois  il 
porte  un  diadème  en  forme  de  mitre,  le  u  camelaucium  »,  tantôt  le  diadème 
ordinaire  ;  ses  mains  tiennent,  en  général,  le  globe  crucigère  ou  le  labarum 
et  un  livre,  probablement  FEyangile.  Quant  aux  légendes,  jusqu'en  776 
environ,  elles  étaient  toujours  en  latin;  seuls  les  chiffres  étaient  en  grec 
(Ersch  et  Gruber,  I,  p.  8G,  p.  5).  A  cette  époque  elles  sont  frappées  en  grec 
et  cela  jusqu'au  règne  de  .Michel  et  Basile  où  nous  retrouvons  la  légende 
latine  et  la  légende  grecque.  Au  cours  du  règne  personnel  de  Basile,  nous 
avons  tantôt  l'une  ou  l'autre  légende.  La  face  porte  parfois  «  D.  N.  Basilius 
P.  F.  Perpetuus  »  et  l'envers  la  figure  du  Christ  avec  «  IhSxOS  Rex  regnan- 
tium  »  ;  d'autre  fois  l'exergue  est  en  grec  «  basil-ios  sh  Bso  basileus  Ro- 
niîOh  ».  Toutes  les  pièces,  cependant,  ne  sont  pas  sur  ce  type.  Un  certain 
nombre  porte  simplement  dans  le  champ  un  B  et  au  revers  une  croix  fleu- 
ronnéo  sur  deux  degrés  et  accostée  de  deux  globules. 


ET     L  EMPIRE    BYZANTIN  I  •:>  I 

autre  instrument.  De  là  vient  que  les  pièces  ne  sont  jamais  abso- 
lument rondes,  (jne  leurs  contours  sont  plus  ou  moins  tailladés 
et  que  certaines  pièces  peuvent  avoir  un  poids  légèrement  infé- 
rieur aux  autres  par  suite  de  la  conformation  même  de  la  barre 
d'or. 

Si  maintenant  on  compare  ce  poids  à  nos  monnaies  d'or 
actuelles  dont  ralliagc  est  de  i  pour  9,  nous  pouvons  évaluer 
leur  valeur,  en  chiffre  rond,  à  i5  francs.  La  livre  d'or  byzantine 
aurait  donc  pesé  entre  3o5  gr.  90  et  3i^  gr.  6 ^j  et  aurait  valu 
environ  1,080  francs^. 

Mais  une  autre  question  se  pose,  plus  intéressante  à  coup 
sûr.  C'est  la  valeur  réelle  et  journalière  de  l'argent.  Là,  évi- 
demment, il  ne  peut  y  avoir  que  des  conjectures  assez  peu  so- 
lides. Si  l'on  prend  la  valeur  du  blé  comme  base  de  la  valeur 
de  l'argent,  nous  avons  quelques  renseignements  pour  l'époque 
de  Basile  et  les  époques  suivantes.  Gedrenus  -  raconte,  en  effet, 
qu'à  un  certain  moment,  sous  Basile  L',  par  suite  des  vents,  les 
navires  qui  apportaient  à  Byzance  les  chargements  de  blé  n'arri- 
vèrent pas  ou  arrivèrent  fort  avariés.  Le  prix  du  blé  monta 
incontinent  à  un  nomisme  les  deux  medimnes  ^.  Lorsqu'il  ap- 
prit la  chose,  l'Empereur  fixa  le  taux  de  la  vente  à  un  nomisme 
les  douze  medimnes.  Donc,  d'après  ce  renseignement,  le  blé 
aurait  valu,  en  temps  de  disette,  légèrement  moins  qu'il  ne  vaut 
actuellement,  en  France,  aux  époques  ordinaires.  Or,  vu  qu'en 
cette  circonstance  Basile  voulut,  évidemment,  faire  une  charité, 
on  peut,  je  crois,  conclure,  en  laissant  une  marge,  que  le  blé 
pouvait  valoir,  habituellement,  un  miliarision  le  medimne  ou 
I  fr.  20  les  cinquante  deux  litres  et  demi.  Cependant,  quelques 
années  plus  tard,  sous  le  règne  de  Romain  IL  par  suite  de  la 
famine,  au  dire  de  Syméon  Magister*,  le  blé  monta  à  un  110 
niisme  les  quatre  modii  ;  puis  il  redescendit  au  taux  normal  de 
un  nomisme  pour  huit  modii.  Ce  renseignement,  qui  diffère  à 
coup  sûr,   et  considérablement  du   premier,   se  trouve  encore 


1.  Ou  sait  que  iiolic  |)i('cc  (ic  lo  Iriiics  (ji'sc  o  <jrr.  •<•>!)  cl  noir."  pii'cc  d'or 
do  f)  francs  i  gr.  Gi3. 

2.  Codronus,  11,  108. 

3.  A  l'époque  romaine  le  medimne  soit  grec,  soit  sicilien,  égalait  ôa  1.  53 
el  correspondait  à  6  modii  (MarquardI,  p.  92-93).  Peut-être  au  ix''  siècle  le 
medinuie  correspondait-il  à  8  modii. 

\.  Sym.  Mag.,  Vil.  Rom.  Consi.,  Porphyr.  JH.,  ch.  m.  821. 


122  BASILE    I 

complélé  par  Kodâma  qui  fixe  à  16011  17  francs  l'hectolitre  do 
bléi. 

Enfin,  un  troisième  renseignement  qui  tendrait  à  coiiuborer 
l'histoire  de  Cedrenus  nous  est  donné  pour  les  années  qui  pré- 
cèdent le  règne  de  Nicéphore  Phocas.  Trente  ou  quarante  ans 
avant  l'époque  qui  vit  monter  sur  le  trône  le  glorieux  général, 
pour  un  nomisme,  on  avait  du  blé  de  quoi  charger  deux  ânes. 
Il  semble  donc,  tout  compte  fait,  que  la  vie  ne  devait  pas  être 
très  coûteuse  à  Byzance  et  on  s'explique  dès  lors  que  les  con- 
temporaains  de  Théodora  pouvaient,  sans  exagération,  estimer 
que  le  trésor  était  très  prospère  quand  il  recelait  un  million  envi- 
ron. Deux  faits,  du  reste,  —  dont  l'un,  il  est  vrai,  bien  postérieur, 
—  tendraient  cependant  à  corroborer  tout  ceci  :  Un  hagio- 
graphe  en  racontant  l'histoire  d'un  paysan  de  Paphlagonie, 
Métrios,  qui  vivait  sous  Léon  Yl,  estime  qu'avec  i,5oo  no- 
mismes  un  homme  était  très  riche  -.  Au  xni*"  siècle,  d'autre  part, 
après  les  croisades,  alors  que  l'Empire  était  appauvri,  que  l'or 
devait  être  plus  rare,  on  estimait  qu'un  riche  propriétaire  pou- 
vait mener  une  existence  honorable  avec  quarante  nomismes 
par  an  ^.  En  disant  donc  qu'à  Constantinople  au  ix^  siècle,  on 
pouvait  vivre  largement  avec  le  double  environ,  nous  aurons 
chance,  peut-être,  d'arriver  à  une  approximation  qui  ne  sera 
pas  trop  éloignée  de  la  vérité^  d'autant  plus  que  le  Prochiron 
semble  confirmer  tout  ceci  en  considérant  comme  riche  l'homme 
qui,  pour  une  faute  infamante  pouvait  payer  une  livre  d'or  comme 
punition*.  Les  nombreux  chiffres  donnés  dans  le  livre  des 
Cérémonies  confirment,  à  leur  tour,  —  quoique,  en  vérité, 
assez  vaguement,  —  ces  quelques  renseignements.  C'est  ainsi 
qu'un  membre  de  la  petite  hétairie  recevait  quarante  nomismes. 
Faut-il  considérer  ce  chiffre  comme  un  revenu  suffisant  pour 
vivre,  même  au  Palais  ?  Probablement,  car  ces  officiers  faisaient 
un  service  de  garde  qui  n'était  point  un  simple  honneur  et 
avaient  donc  droit  à  un  traitement  ;  mais,  d'autre  part,  ce 
devait  être  somme  assez  juste  car  nous  voyons  qu'ils  peuvent 
augmenter  leurs  revenus  en  a  ersant  un  capital  supérieur  à  celui 
que  leur  procurent  les  seize  livres  qu'ils  ont  payées  en  entrant  au 

1.  Kodâma,  Barbier  de  Mcynard,   Journal    asint.,    i8G5,    t.  V,   p.    2^1  '. 

2.  Synax.  Select,  dans  le  Synax.  de  l'Eglise  de  Cple,  i*^' juin,  p.  722-728. 

3.  Pachymère,  I,  ch.  v. 

4.  Prochir.,  *XXXIX,  G5,  p.  aôi. 


ET    l' EMPIRE    BVZAMIN  123 

service.  Nous  avons  là.  eu  outre,  uu  renseignement  précieux 
car  il  nous  indique,  probablement,  quel  était  l'intérêt  approxi- 
matif de  l'argent:  environ  du  3  1/2  '. 

Je  ne  me  dissimule  point  tout  ce  qu'il  y  a  de  conjectural  dans 
ces  calculs.  En  s'appuyant  sur  d'autres  textes  du  livre  des 
Cérémonies  il  est  possible  qu'on  puisse  arriver  à  des  calculs 
peut-être  différents  ;  de  plus,  il  n'est  pas  douteux  qu'en  maints 
endroits  il  y  a  des  erreurs  manifestes  de  chiffres  provenant  des 
copistes  et  qui  arrêtent  toute  déduction.  Néanmoins,  il  m'a  sem- 
blé utile  et  intéressant  de  grouper  ces  quelques  faits  qui  peuvent 
au  moins,  à  défaut  d'une  complète  certitude,  nous  faire  com- 
prendre quelque  chose  du  mécanisme  de  la  vie  byzantine  et  de 
ses  conditions  d'existence. 

Depuis  longtemps  déjà  les  ateliers  monétaires  répandus  dans 
l'Empire  étaient  fermés  et  c'était  à  Gonstantinople,  en  règle 
générale,  que  se  frappaient  les  monnaies  d'or  et  d'argent-.  Les 
ateliers  se  trouvaient  sur  la  Mesa  -^  et  ce  n'était  que  là  qu'il  était 
permis  de  battre  monnaie.  Naturellement,  les  monnayeurs  de- 
vaient se  grouper  en  corporation  et  personne  ne  pouvait  être 
élu  sans  que  le  préfet  en  fût  averti.  Les  u  àpvupo-paTa'l  »  dont  le 
règlement  policier  est  arrivé  jusqu'à  nous  comptaient,  proba- 
blement, parmi  eux  les  monnayeurs,  les  u  /o'j^oyôoi  »  *,  caries 
((  àpyjpo-paTa'l  0  étaient,  à  proprement  parler,  des  commerçants 
d'or  et  d'argent.  Ils  achetaient  des  matières  précieuses  :  or,  ar- 
gent, pierres,  perles,  etc.,  —  sauf  le  cuivre  et  les  étoffes  —  te- 
naient boutique  et,  les  jours  de  marchés,  devaient  demeurer 
chez  eux  pour  acheter  des  matières  qui  leur  étaient  offertes,  afin 
d'empêcher  qu'elles  ne  sortissent  de  l'Empire,  en  avertissant  le 
préfet,  et  permettre,  si  elles  avaient  été  volées,  d'en  retrouver  le 
propriétaire.  La  constitution  qui  les  régissait  était  très  sévère. 

1 .  Vu  xi'=  siècle  le  taux  de  l'argent  paraît  avoir  un  peu  augmenté  car  un 
protospathaiie  payait  vingt  livres  pour  recevoii  72  nomismes  de  pension, 
ce  qui  donnerait  un  intérêt  de  5  0/0. 

2.  Pour  les  monnaies  de  cuivre  il  s'en  frappait  encore  sous  Basile  à 
Cherson. 

3.  Liv.  du  Pré/.,  II,  S  n,  p.  2^. 

!\.  S'il  n'y  avait  pas  deux  corporations  distinctes,  il  y  avait  du  moins 
deux  catégories  de  personnes  dans  cette  corporation  des  «  àpyjpoTzpoixoii.  ». 
U  est  remarquable,  en  efTet,  que  l'auteur  du  livre  n'emploie  ce  dernier 
terme  que  lorsqu'il  s'agit  de  marchands  ;  dès  qu'il  s'agit  de  monnayeurs 
ou   d'orfèvres,    en    un    mot   de  fondeurs   d'or,    il    emploie    le    terme   de 


BASILF.    I 


Défense  était  faite  aux  «  ypjToyôoi  »  d'acheter  pour  leur  travail 
plus  d'une  livre  d'or  non  contrôlé  sans  avertir  le  président  de 
la  corporation;  défense  leur  était  faite  de  fondre  ou  de  .travailler 
l'or  et  l'argent  chez  eux.  Ils  devaient  le  faire  dans  les  ateliers 
de  la  Mesa.  Quant  aux  «  àpyjpoTrcaTai  »  il  leur  était  défendu 
d'acheter,  sans  l'avoir  déclaré  au  préfet,  les  objets  destinés  au 
culte,  qu'ils  soient  entiers  ou  brisés,  sous  peine  de  confiscation; 
ils  ne  devaient  jamais  s'en  aller,  sous  prétexte  d'estimation, 
sans  avertir  le  préfet,  ni  se  disputer  les  uns  les  autres  au  sujet 
des  estimations.  Ceux  qui  étaient  pris,  contrevenant  à  ces  ordres, 
étaient  battus  de  verges,  tondus  et  rayés  de  la  corporation. 

Les  «  trapezites  ))  «  Tpa-c^lTa»,  »  étaient  des  agents  de  change. 
Eux  seuls  avaient  le  droit  de  faire  le  change  des  monnaies.  A 
leur  entrée  en  charge  ils  devaient  présenter  des  témoins  pour 
affirmer  qu'ils  ne  feraient  rien  de  contraire  aux  lois,  c'est-à-dire 
ne  couperaient,  ni  ne  gratteraient  nomismes  et  miliarisia, 
qu'ils  n'y  imprimeraient  aucun  faux  caractère  et.  qu'en  aucun 
cas.  ils  ne  se  feraient  remplacer  pai'  d'autres  dans  leur  négoce. 
L'éparche  avait  sur  eux  un  droit  de  surveillance  et  c'était, 
pour  les  agents  de  change,  un  devoir  que  de  lui  déclarer 
l'argent  qu'ils  avaient  en  banquet  Eux,  tout  d'abord,  avaient, 
naturellement,  à  se  conformer  à  la  novelle  de  l'Empereur 
Léon  obligeant  ses  sujets  à  recevoir  les  monnaies,  même 
anciennes,  frappées  à  d'autres  effigies  que  la  sienne  pourvu 
que  le  poids  s'y  trouvât.  Aussi  le  «  Livre  du  Préfet  »  exige- 
t-il  que  les  banquiers  ne  se  livrent  pas  à  l'agio.  Ils  devaient 
recevoir  le  miliarision  d'argent  pour  vingt-quatre  folles  quand 
il  était  bon  et  portait  véritablement  la  marque  impériale.  Dans 
le  cas  où  la  pièce  n'était  pas  authentique  ils  pouvaient  l'esti- 
mer; mais  aussi,  bien  vite,  ils  devaient  prévenir  le  préfet  et 
faire  connaître  le  possesseur. 

On  le  voit  donc,  le  système  financier  de  Byzance  était  assez 
bien  organisé.  Si  le  peuple  des  campagnes  n'eut  pas  été  pressuré 
par  les  impôts  la  situation  n'aurait  pas  été  mauvaise.  Malheu- 
reusement, à  la  base  de  toute  cette  organisation  sociale,  il  y  avait 
un  vice  caché  qui  allait  annihiler  les  plus  généreux  efforts  et  tarir 
toutes  les  sources  d'énergie  comme  toutes  celles  de  la  richesse  ; 


I.  Je  pense,  du  moins,  que  c'est  lin lerp relation  qu'on  peut  donner  de 
l'expression  obscure  ((  3a7.y.o'jAapiojî  à'a'f avtÇciv  tw  j-nip/w  ». 


ET    L  EMPIUK     BVZVMIN  120 

la  centralisation  excessive.  On  a  pu  le  remarquer  déjà,  il  n'est 
pas  de  til,  si  ténu  soit-il,  de  cette  immense  toile  qui  ne  converge 
et  n'aboutisse  au  centre  même  du  gouvernement  :  à  l'Empe- 
reur. Une  bureaucratie  nombreuse  et  avide  les  tient  entre  ses 
mains  poin-  les  remettre  entre  celles  du  souverain,  et  le  peuple, 
pris  de  tous  côtés,  dans  ces  mailles  admirablement  combinées, 
devait,  fatalement,  succomber  un  jour  ou  l'autre,  vaincu 
comme  la  mouche  par  le  travail  de  l'araignée. 


CHAPIÏKE  11 


L  OEUVRE    LEGISLATIVE. L  Ol\GAMS.VTIO>    JUDICLVIUE. 


Une  nation  n'est  véritablement  grande  que  lorsqu'elle  pos- 
sède, à  l'intérieur,  des  finances  prospères,  à  l'extérieur ,  une 
armée  forte  et  respectée.  La  richesse  publique  engendre  alors  la 
richesse  privée,  seul  fondement  durable  d'une  brillante  et  réelle 
civilisation,  tandis  que  la  tranquillité  assurée  aux  frontières  ])ar 
des  troupes  disciplinées,  fait  renaître,  à  son  tour,  le  calme  et 
la  paix  dans  les  esprits,  la  prospérité,  par  le  commerce  et  l'indus 
trie,  dans  les  différentes  classes  de  la  société.  Alais  finances  e( 
armées,  civilisation  et  industrie  ne  peuvent  réellement  entrer 
en  pleine  floraison  qu'autant  que  l'arbre  social  tout  entier,  et 
jusqu'en  ses  derniers  rameaux,  se  trouve  nourri  par  une  sève 
abondante  et  riche  en  sucs  de  tous  genres  :  la  justice.  Arrachez 
d'une  législation  les  principes  de  justice  étei'nelle  qui  la  doi- 
vent régir  et  fatalement  vous  aboutirez  à  l'anarchie.  Privez  cer- 
tains individus  ou  certaines  classes  d'individus  du  droit  de  se 
défendre  et  du  droit  d'être  vengés,  laissez  d'autres  citoyens 
opprimer  leurs  semblables  et  commettre  impunément  l'ini- 
quité, et  toute  civilisation  ne  sera  qu'un  leurre,  une  affaire 
de  façade.  Derrière  elle  il  y  aura  des  ruines  et  d'irréparables 
fissures  dans  l'édifice  encore  debout. 

Ce  fait  de  politique  générale  n'échappa  —  il  faut  le  recon- 
naître —  à  l'attention  d'aucun  empereur  byzantin.  Presque 
tous,  au  dire  des  chroniqueurs,  même  ceux  qu'on  détestait  le 
plus,  s'occupèrent  activement  de  faire  régner  la  justice  en 
leurs  états;  et  si,  parfois,  ils  s'y  prirent  d'une  façon  passable- 
ment maladroite,  du  moins  y  mirent-ils  tous  quelque  bonne 
volonté.  A  cet  égard,  Basile  fut  assurément  le  digne  successeur 
de  cette  lignéede  princes  qui.  depuis  Justinien  jusqu'au  dernier 
empereur  iconoclaste,  Tliéo])liile.   travaillèrent  sans  relâche  à 


I:T    L  KMPlHi:    m/.AMIN 


conserver  dans  l'Empire  bvzanlin  les  anciennes  traditions 
romaines  de  justice  et  d'équité.  Par  son  exemple  comme  par  ses 
travaux,  il  allait  renouveler  ou  sanctionner  toute  la  jurispru- 
dence alors  existante  et  donner  aux  études  de  droit  un  nouvel 
et  bienfaisant  essor  dont  les  étapes  seront  marquées,  sous  son 
règne,  par  la  publication  du  Prochiron  et  de  l'Kpanagoge,  sous 
celui  de  son  fils  Léon,  par  les  Basiliques,  pour  aboutir  enfin 
sous  le  règne  de  Constantin  Monomaque  à  la  création  d'une 
grande  école  de  droit  à  Byzance.  C'est  cette  réforme  de  la  jus- 
tice qu'il  s'agit  maintenant  d'étudier. 

Les  réformes  législatives  de  Basile  sont  contemporaines  de 
ses  réformes  financières.  Dès  qu'il  eut  pris  en  main  le  gouver- 
nement impérial,  il  s'occupa  de  toutes  deux  à  la  fois  comme 
étant  solidaires  l'une  de  l'autre.  Sa  méthode  fut  d'ailleurs  iden- 
tique dans  les  deux  cas.  Comme  pour  les  finances,  son  premier 
soin  fut  de  choisir  de  bons  juges,  intègres  et  savants,  capables 
de  rendre  équilablement  justice  à  tous  ceux  qui  venaient  à 
eux,  qu'ils  aient  été  lésés  par  les  agents  impériaux,  les  puissants 
ou  leurs  égaux,  peu  importe.  Mais  ici.  Constantin  Porphyro- 
génète  donne  d'intéressants  détails  qu'il  importe  de  soulignera 
Pour  s'assurer  des  juges  impartiaux,  Basile  ne  craignit  pas 
daller  les  chercher  partout  où  il  avait  chance  d'en  trouver.  Si 
au  sein  des  classes  dirigeantes  il  voyait  un  homme  versé  dans 
l'élude  du  droit,  capable  d'accomplir  la  délicate  mission  qu'il 
lui  voulait  confier,  tant  mieux  ;  mais  non  plus  il  ne  faisait  dif- 
ficulté d'élever  de  modestes  et  pauvres  citoyens  à  ces  hautes 
fonctions  de  juges.  Alors  il  leur  garantissait  une  généreuse 
indépendance  en  leur  donnant  un  traitement  annuel  et  des 
libéralités  de  toutes  sortes-.  C'est  que,  s'il  exigeait  des  juges 
de  grandes  qualités  et  une  science  sérieuse  —  lorsqu'il  eut 
publié  le  Prochiron,  les  juges  devaient  savoir  par  cœur  les 
quarante  titres  dont  ce  recueil  était  composé  —  il  désirait  aussi 
qu'ils  fussent  nombreux  et  facilement  abordables.  «  Il  établit 
des  juges,  dit  son  petit-fils,  jusque  dans  chaque  rue  et  dans 
chaque  sainte  maison*^.  »  Puis,  pour  rehausser  l'éclat  de  leur 
fonction  il  voulut  que  les  tribunaux  d'où  partaient   leurs   sen- 

I.  Vit.  Basil.,  ch.  wxi,  p.  37G. 
9..  (iedren...  1089. 

3.  (lovivcrit  ou  doiiHHirc   hospilaliiTO.  Colle  assertion  de  (k)nslantin  Nil 
est  probablcincMl  une  aniplification  oratoire. 


128  •  BASILE    1 

tences  fussent  dignes  de  la  majesté  d'une  si  grande  institution. 
A  cette  fin,  il  fit  remettre  en  état  le  Palais  de  Chalcé  situé  aux 
abords  du  grand  Palais  et  désormais,  là  comme  à  l'hippodrome 
et  à  la  Magnaure,   on  jugea  chaque  jour.  Enfin,  tout  occupé 
qu'il  était,  Basile  ne  voulut  pas  abandonner  la  tradition  de  ses 
prédécesseurs  qui  allaient,  eux  aussi,  écouter  les  procès  et  rendre 
la  justice.  Au  retour  de  ses  expéditions  militaires,  c'était  un  de 
ses  premiers  soins  ^.  et  lui  qui  ne  craignait  pas  d'afTirmer  que 
l'Empereur  est  au-dessus  des  lois,  il  voulait  montrer  cependant 
qu'il  doit  toujours  agir  et  gouverner  suivant  la  loi  2.    Et  c'est 
ainsi  que  sa  conduite  se  trouva  illustrer  les  sages  avertissements 
qu'il  donnait  à  son  fils  avant  de  mourir  lorsqu'il  lui  écrivait  : 
«  En  vérité  celui  qui  permet  l'injustice  est  encore  plus  coupable 
que  celui  qui  la  commet.  Celui  qui  a  été  lésé  place  toute  son 
espérance  en  toi  seul  et,  en  te  constituant  vengeur  de  l'injustice, 
il  combat  celui  qui  l'a  commise -^  »  Rôle  admirable  du  souve- 
rain quand  il  le  comprend  de  la  sorte  et  le  joue  sans  défaillance  ! 
Mais  pour  accomplir  une  réforme  durable  et   permettre  à  tous 
d'être  librement  jugés,  une  difficulté  d'ordre  matériel  se  présen- 
tait. En  fait  les  injustices  les  plus  criantes  étaient  précisément 
celles  qui  ne  pouvaient  avoir  aucune  sanction,  car  c'étaient  ces 
perpétuelles  vexations  qu'infligeaient  aux  pauvres  et  aux  agri- 
culteurs, les  riches,  les  puissants,  les  officiers  du  Basileus.  Com- 
ment les  opprimés  eussent-ils  obtenu  justice?  Loin  de  Byzance 
ils  devaient  en  référer  aux  magistrats  provinciaux  qui,  forcé- 
ment, avaient  plus  grand  intérêt  à  ménager  le  haut  seigneur  de  la 
province,  celui  dont  les  vastes  propriétés   formaient  presque, 
dans  le  thème,  un  petit  royaume,  plutôt  que  le  pauvre  colon, 
le  serf  infortuné  qui  venait  se  plaindre  du  vol  de  son  lot  de  terre 
ou  de  l'impôt  écrasant  qu'il  ne  pouvait  payer.  Et  même,  l'eût-il 
voulu,  que  pouvait  faire  le  magistrat?  Rentré  en  possession  de 
son  champ  ou  de  sa  vigne,  dégrevé  de  l'impôt  le  paysan  n'en 
vivait  pas  moins  sous  la  domination  du  maître,  et,  après  comme 
avant,  l'injustice  faisait  son  œuvre.  Basile  qui  connaissait  ces 
maux  pour  en  avoir  lui-même  longtemps  soulTert,  résolut  une 
fois  au  pouvoir,  de  créer  une  organisation  d'un  caractère  tout 
à  la  fois  charitable  et  judiciaire  qui   mil    un   terme,  si   faire  se 

•I.  Vit.  Basil.,  ch.  xli,  p.  288. 

2.  Prochiron,  XXV,  iv,  i38. 

3.  Exhort.,  p.  XLiv. 


FI      1,  KMl'IMi;    inZ\M  IN 


129 


pouvait,  à  rinloliMablc  audace  des  giands.  Il  installa  à  Byzance 
un  bureau  qu'il  dota  richement  afin,  d'une  part,  que  les  pauvres 
venant  à  la  ville  se  plaindre  du  n  puissant  »  y  trouvassent  chaque 
jour  une  nourriture  assurée,  afin,  de  l'autre,  que  ceux  qui 
redoutaient  une  absence  souvent  inutile  et  toujours  pernicieuse 
pour  leurs  afîaires  ou  qui  se  trouvaient  dans  robligation  de  rentrer 
chez  eux  avant  la  fin  de  leurs  procès,  eussent  en  ville  le  néces- 
saire et  pussent  ainsi,  en  toute  liberté,  se  faire  rendre  justice '. 
Nous  savons  déjà  que  ces  nombreuses  mesures  en  coirélation 
étroite  avec  celles  qu'il  prit  pour  la  bonne  marche  des  afîaires 
iinancières  n'eurent  pas  les  résultats  à  longue  portée  que  Basile 
en  espérait.  Après,  comme  avant  lui,  le  mal  subsista.  Il  n'était 
au  pouvoir  d'aucun  homme  ni  d'aucune  institution  de  le  faire 
disparaître. 


II 


L'œuvre  judiciaire  de  Basile,  considérée  sous  ce  premier 
aspect,  n'était  donc  qu'un  expédient  qui  ne  pouvait  ni  ne  devait 
lui  survivre.  Aussi  ne  se  contenta-t-il  pas  de  ces  mesures  transi- 
toires. Résolument  il  fit  quelque  chose  de  plus,  et  ce  quelque 
chose  eut,  sur  toute  Ihistoire  de  la  civilisation  byzantine,  une 
influence  considérable  et  qui  dura  jusquen  i45o.  Ce  fut  sa 
révision  du  Code  :  œuvje  de  génie  qui.  menée  de  front  ixxec  des 
guerres  presque  toujours  heureuses,  put  faire  comparer  le  fon- 
dateur de  la  maison  macédonienne  à  cet  autre  soldat  d'aven- 
tures, comme  lui  tour  à  tour  homme  de  guerre  et  de  gouverne- 
ment et  qui  a  nom  Bonaparte. 

Depuis  le  vi'  siècle  la  législatioji  de  Justinien  avait  remplacé 
dajis  l'Empire  les  nombreuses  lois  an(*iennes  promulguées  au 
cours  des  âges,  depuis  l'avènement  d' Vuguste.  La  nouvelle 
jurisprudence  devint  dès  lors  pour  Bvzance  l'immuable  canon 
auquel  toute  la  vie  politique,  sociale  et  administrative,  se  trouva 
rattachée  et,  pour  un  temps,  apporla  dans  rorganisalion  gou- 
vernementale une  certaine  unité.  Malheureusement  cet  oulil  de 
|)récision  était  trop  délicat  pour  les  mains  maladroites  et  inexpé- 
rimentées auxquelles  il  était  donné  de  la  manier.  Rapidement 

I.  Mt.  Basil.,  ch.  xxxi,  37I3. 


lOO  BASILE 


faussé  et  mal  réparc,  il  devin l  à  la  longue  tout  à  fait  inutile.  On 
le  jeta  au  rebut.  Or.  c'est  à  remettre  en  usage  cet  inslrument 
que  Basile  s'appliqua  avec  un  véritable  talent  de  maître-ouvrier. 
Bien  des  causes  avaient  contribué,  non  pas  à  l'abrogation, 
mais  à  la  désuétude  des  lois  établies  par  Justinien.  D'abord 
elles  avaient  été  écrites  en  latin,  et,  depuis  longtemps,  personne 
ne  savait  plus  cette  langue.  Le  grec,  toujours  parlé  dans  le 
peuple,  le  fut  bientôt,  dès  le  vr  siècle,  presque  exclusivement 
dans  les  classes  instruites,  ce  qui  obligea  les  juristes  à  composer, 
soit  sous  la  .surveillance  des  Empereurs,  soit  de  leur  autorité 
privée  et  pour  leur  usage  personnel,  de  nombreux  manuels, 
((  enchiridia  »,  qui  forcément  prirent  peu  à  peu  le  pas  sur  les 
livres  juridiques.  Ceux-ci  avaient  de  plus  un  grave  défaut,  ils 
étaient  trop  nombreux,  trop  volumineux,  et  coûtaient  par  con- 
séquent fort  clier.  Sans  doute,  Justinien,  par  les  Institutes, 
cherclia  déjà  à  remédier  à  ce  mal.  mais  il  n'en  restait  pas  moins, 
d'une  part,  que  les  Institutes  étaient  écrites  en  latin  et,  de  l'autre, 
qu'elles  furent  ])ientot  insuffisantes.  Les  commentaires,  les 
gloses,  les  versions  remplacèrent  donc,  dans  la  pratique.  Digeste. 
Code.  Institutes  et  ce  fut  sur  les  travaux  de  seconde  main,  tra- 
ductions médiocres  et  parfois  mal  comprises,  des  livres  juri- 
diques de  Justinien.  que  reposa,  en  partie,  du  vi"'  siècle  finissant 
au  ix*^  toute  la  science  des  juges  et  tout  le  droit  byzantin. 

Mais,  par  la  force  des  choses,  un  grand  Etat  ne  vit  pas  trois 
siècles  durant  sans  voir  surgir  en  son  sein  de  nouvelles  ques- 
tions qui,  autrefois,  ne  s'étaient  point  posées  et  qu'il  faut,  à  un 
moment  donné,  résoudre  à  tout  prix  et  souvent  dans  le  })lus  bref 
délai  ;  il  ne  se  perpétue  pas  non  plus,  et  surtout  avec  une  législa- 
tion aussi  défectueuse,  sans  qu'à  tout  instant  l'autorité  ne  soit 
obligée  d'intervenir  pour  légiférer  sur  un  point  ou  sur  un  autre, 
fixer  une  coutume  ou  réprimer  un  abus.  Ces  actes  successifs  des 
Empereurs,  en  venant  faire  corps  avec  la  législation  existante, 
ne  pouvaient  manquer  d'ajouter  encore  au  trouble  et  à  la  per- 
turbation premièie.  On  eut  ainsi  deux  lois  :  l'une  ancienne, 
fixe,  mais  incomprise  ;  l'autre.  nou\elle  et  se  renou>elanl  sans 
cesse.  Il  fallait  savoir  concilier  l'inie  et  l'autre,  chose  en  vérité 
singulièrement  délicate  et  difficile.  Aussi,  malgré  les  eftbrts  des 
Empereurs  iconoclastes,  malgré  le  recueil  de  Léon  l'Isaurien 
connu  sous  le  nom  d'«  Ecloga  »,  la  jurisprudence  était-elle  à  la 
merci  des  intei'prélations  souvent  divergentes  des  juristes  qui 


KT    L  EMIMIΠ   BY7AM  IN  I  .M 

n'avaient  pour  les  guider  ni  texte  in(liseutal)[e.  ni  préeédents 
confirmés.  Kn  de  telles  conjonctures,  les  injustices  pouvaient  se 
donner  libre  cours  et  les  juges  eux-mêmes  décider  et  agir  sui- 
vaid  Tunique  bon  plaisir.  C'est  bien,  du  reste,  ce  qui  expli(pie 
l'incessante  interventioii  du  pouvoir  impérial  dans  les  procès. 
Il  n'est  pas  probable  que  riiaJ)ilude.  le  zèle,  le  devoir,  déci- 
dèrent seuls  les  Basileis  ou  leurs  représentants  comme  le  César 
Bardas,  à  s'en  aller  chaque  jour  entendre  plaider  les  causes 
graves.  Non.  mais  ils  sentaient  que  plus  indépendants,  plus 
instruits  et  plus  responsables  que  leurs  subordonnés,  à  défaut 
des  lois  écrites,  ils  étaient  dépositaires  d'une  autre  loi,  claire  et 
simple  celle-là.  la  loi  naturelle  de  justice  et  d*é([uilé  dont  tout 
souverain  a  la  charge  et  le  dépôt  et  qu'ils  devaient  la  faire  pré- 
valoir et  la  faire  respecter.  Quel  autre  moyen  eussent-ils  eu 
d'atteindre  ce  but  que  de  s'improviser  juges  eux-mêmes? 

C'est  à  cette  lamentable  décadence  du  droit  que  Constantin 
Porphyrogénète  fait  allusion  lorsqu'il  parle  de  l'activité  de  son 
grand-père  en  ce  qui  concerne  la  revision  des  lois.  «  Il  (Basile) 
trouva,  dit-il.  les  lois  civiles  en  très  obscur  et  très  confus  état 
par  suite  du  mélange  de  choses  bonnes  et  mauvaises,  c'est-à- 
diie  de  lois  abrogées  et  de  lois  encore  en  vigueur,  réunies  sans 
distinction  dans  un  seul  commun  recueil.  C'est  pourquoi,  autant 
qu'il  le  put,  il  voulut  mettre  de  l'ordre  en  tout  ceci,  relrancha 
les  lois  abrogées  et  par  conséquent  devenues  inutiles,  revisa  la 
multitude  des  autres  et.  pour  faciliter  l'étude  de  ces  dernières, 
il  groupa  comme  en  un  abrégé,  par  chapitres,  leur  nombre 
infinie  » 

Pour  faire  une  œuvre  durable  et  apporter  à  l'Empire  un 
sérieux  réconfort,  Basile  sentit  donc  qu'il  ne  fallait  pas  se  con- 
tenter de  mesures  charitables  et  passagères,  bonnes,  sans  doute, 
mais  incapables  à  elles  seules  de  donner  à  la  société  un  solide 
point  d'appui.  Il  se  rendit  compte  qu'il  fallait,  pour  ainsi  parler, 
créer  un  nouvel  ordre  de  choses,  mettre  un  terme  à  la  roidine 
et  fixer  une  tradition.  Et  c'est  à  quoi  il  résolut  de  s'appliquer  en 
donnant  à  l'Empire  un  nouveau  code  de  lois. 

Le  premier  monument  législatif  pTd)lié  par  l'Emperein'  parut 
en  878  ou  879-.  Il  portnil  en  susci'iption  le  nom  de  <v<  (]ou\  fils, 


I.  17/.  Basil..  \\\iu,  p.  -i--. 

•2.  Zac'hariu',  Delineatio,  p.   'S'  ;  Geschichte  der  (jriesch.  rôni.  Redits,  p.  22. 


l32  BASILE    1 

alors  associes  au  pouvoir  :  Conslanlin  ot  Lcou.  et  comuic  titre 
les  mots  de  «  -pô/cipo;  v6|jlo;  »,  manuel  de  droit.  Le  but  vers 
lequel  tend  Basile  ne  fait  pas  de  doute.  Il  veut,  en  donnant  tout 
de  suite  et  sans  plus  attendre,  un  premier  abrégé  des  lois  qui 
doivent  régir  l'Etat,  assurer  le  bon  fonctionnement  de  la  justice, 
((  cette  première  et  très  grande  chose  que  Dieu  honore  et  par 
laquelle  le  ])euple  est  élevé,  au  dire  de  Salomon  '.  »  Or,  il  \  a 
trop  de  lois,  par  suite  on  ne  les  étudie  plus  et  le  droit  en  est 
alléré.  Aussi  est-ce  pour  cette  raison  qu'il  a  décidé  de  réunir  en 
un  manuel,  divisé  en  chapitres,  les  lois  qu'il  veut  voir  observer. 
Il  les  a  traduites  du  latin  en  grec,  purifiées  des  éléments  propres 
à  les  dénaturer  «  twv  tc  T:::Gs:-C7ro'//-,'jL£V(ov  vo;ji'1|ji(ov  àvaxa'.viTijLov 
sOijjLcOa  »  et  a  corrigé  ce  qui  était  nécessaire  pour  qu'elles  devins- 
sent utiles.  Il  a  fiiil  plus.  Il  a  fixé,  dans  sa  législation,  ce  qui 
jusqu'à  ce  jour  ne  l'était  j)as.  I^t  c'est  ce  nouveau  code  divisé  en 
quarante  titres  qu'il  présente  à  ses  sujets  pour  qu'il  ait  désor- 
mais force  de  loi-.  En  vérité,  toutes  les  lois  ne  se  trouvent  pas 
dans  ce  manuel.  Le  volume  s'adressait,  en  effet,  à  tous  les 
sujets  de  l'Empire  et  avait  simplement  pour  but  de  confirmer 
les  bonnes  lois  et  de  les  leur  faire  connaître  :  c'est  pourquoi 
ceux  qui  s'adonnaient  spécialement  à  l'étude  du  droit  devaient, 
suivant  les  prescriptions  de  Basile,  recourir  avec  soin  au  corps 
de  lois  u  ToO  vôuio'j  -AaTS!.  »  j)récédemment  revisé  par  lui  dont  une 
partie  est  consacrée  aux  lois  définitivement  abrogées  et  mani- 
festement inutiles  et  dont  l'autre,  divisée  en  soixante  livres, 
contient,  suivant  l'ordre  et  la  division  d'autrefois,  celles  qui  ont 
été  maintenues  -*. 

Ainsi  donc  le  premier  travail  de  Basile  que  nous  connaissons 
fut  un  manuel  de  droit,  de  droit  civil  en  grande  partie,  mais 
aussi  de  droit  public  vers  la  fm  de  l'ouvrage,  commençant  par 
traiter  du  mariage  ((  par  quoi  notre  nature  a  reçu  son  origine  » 
pour  se  continuer  parles  obligations,  les  successions,  les  testa- 
ments, les  tuteurs,  etc..  et  finir  parles  lois  d'ordre  général  comme 
les  constructions,  les  peines  et  le  ])artage  des  dépouilles  après 
les  guerres. 

Mais  une  question  se  pose  maintenant,  étant  donné  l'état 
dans  lequel  Basile  trouva  la  législation  de  son  temps.  Quelles 

I.  Procli.,  Proeiii.,  p.  \. 
a.  Proch.,  ibid.,  S  i  et  y,  p.  7  ri  N. 
.  3.  Proch.,  ibuL,  S  3,  p.  10- 


EMIMIU:     BYZANTIN 


i33 


furent  les  sources  de  son  travail?  Sa  pensée  directrice  en 
cet  ordre  de  choses  fut  toujours  de  remettre  en  lionneur  le 
droit  Justinien  dont  rautorilé  pour  n'être  plus  guère  que  nomi- 
nale, n'en  existait  pas  moins.  C'est  pai-  conséquent,  dans  les 
ouvrages  de  son  illustre  prédécesseur  qu'il  dut,  tout  d'abord, 
aller  chercher  les  malériaux  dont  il  avait  besoin  pour  l'œuvre 
qu'il  voulait  entreprendre.  Et  c'est  précisément  à  quoi  il  fait 
allusion  dans  son  avant-propos  lorsqu'il  dit  qu'il  fit  traduire  les 
lois  du  latin  en  grec  ;  mais  qu'on  ne  s'y  trompe  pas.  Les 
légistes  qui  travaillèrent  sous  ses  ordres  ne  recoururent  pas 
tant  aux  originaux  qu'aux  traductions  et  commentateurs  grecs 
du  Vf  siècle  comme  Théophile,  Théodore.  Thelelée.  Atlianase 
dont  ils  exploitèrent  les  travaux  en  les  défigurant  et  en  les  alté- 
rant^, sans  jamais  les  transcrire  tels  qu'ils  les  avaient  sous  les 
yeux.  Par  un  procédé  de  travail  qui  échappe  et  au  sujet  duquel 
on  ne  peut  faire  que  des  conjectures,  c'est  cette  source  juri- 
dique qui  fut  seule  exclusivement  employée  dans  la  première 
partie  du  Prochiron  -.  Les  Institutes  surtout  fournirent  un  large 
appoint  au  travail.  On  utilisa  aussi  le  Digeste,  le  Gode  et  les 
Novelles.  mais  d'une  façon  plus  discrète  et  plus  rare  si  bien 
qu'on  peut  presque  dire  que  ce  furent  les  Institutes  qui  servirent 
de  base  et  aussi  de  modèle  à  ces  vingt  et  un  titres. 

Mais  indépendamment  des  livres  justiniens,  Basile  tout  en 
traitant  fort  mal  u  l'Ecloge  »  de  ses  prédécesseurs  iconoclastes, 
Léon  et  Constantin,  u  œuvre  qui  n'est  pas  un  u  choix  n  — 
3xAovr^  —  mais  bien  la  destruction  des  bonnes  lois,  qui  ne  peut 
servir  de  rien  à  l'Etat  et  qu'il  serait  stupide  de  conserver  -^  »  a, 
plus  d'une  fois,  fait  usage  de  ce  document.  Trop  de  sages 
mesures  prises  par  ces  princes  étaient  sans  doute  devenues  si 
populaires  et  si  utiles  qu'il  n'était  ni  bon  ni  possible  de  les  rap- 
porter ^  Après  donc  avoir  satisfait  sa  conscience  religieuse  par 
un  blâme  motivé  à  l'adresse  de  cet  «  enchiridion  »  mal  famé. 
Basile  se  l'appropria.  Il  se  l'appropria  même  si  bien  qu'à  partir 
du  titre  X\l.  1'  «  Ecloge  »  devint  la  principale  source  du  Pro- 
chiron. Sans  doute  les  Institutes  et  les  jNovelles  servirent  encore 
beaucoup,  moins  cependant  que  dans  les  XXI  premiers  titres  ; 


1.  Prochiron,  cli.  m,  p.  l\ii  et  seq. 

2.  C'est-à-dire  des  titres  I  à  XXT. 
S.  Prochir.,  l^roem.,  S  2,  p.  9. 

'».  Zachariae,  Geschichte  der  gricscli. 


Mortreuil,  II,  33  el  seq. 


romisch.  Redits,  p.  83. 


l34  BASILE    I 

le  Code  et  le  Digesle.  eux,  fui-enl  à  peu  près  eomplèlement 
négligés.  Et  comme  c'est  surtout  eu  cette  partie  du  Prochiron 
que  Basile  a  introduit  le  texte  de  ses  novelles  personnelles,  il 
arriva  qu'on  eut  en  un  seul  manuel  deux  tendances  d'idées  assez 
différentes  qui  ne  peuvent  s'expliquer  que  par  une  cause  exlrin- 
sèque  à  la  composition  de  l'ouvrage,  u  On  dirait,  dit  Mortreuil. 
qu'arrivés  au  litre  XXI  les  rédacteurs  du  Prochiron  se  sont 
hâtés  de  terminer  leur  travail  qui  avait  été  conçu  et  entrepris 
sous  une  autre  direction  d'idées.  L'histoire  particulière  des 
liasiliques  nous  fournira  Texplication  de  ce  fait  qui  se  rattache  à 
rensemhle  des  compilations  législatives  de  Basile  K  » 

Le  Prochiron  devint  rapidement  dans. l'Empire  le  manuel 
populaire  par  excellence.  Ce  fut  sur  lui-  que  dès  lors  les  juristes 
s'appuyèrent,  comme  ce  fut  lui  qu'on  étudia  dans  les  écoles  de 
droit.  De  Byzance  il  passa  dans  les  pays  soumis  à  l'influence 
des  Empereurs  :  en  Russie,  en  Italie,  et  comme  il  devint  dans 
l'Eglise  grecque  une  des  sources  du  droit  canonique-,  il  passa 
de  même  dans  les  églises  que  la  métropole  convertit  à  la  reli- 
gion chrétienne. 

Toutefois  après  la  mort  du  jeune  Constantin,  sous  le  règne 
de  Basile,  Léon  et  Alexandre,  prohahlement  à  l'époque  où  Pho- 
tius  était  de  nouveau  Patriarche,  donc  après  878  et  probable- 
ment vers  886  3,  il  fut  fait  une  nouvelle  édition  du  Prochiron 
destinée  à  servir  d'introduction  au  recueil  que  Basile  avait 
composé  sous  le  titre  de  «  Revision  des  anciennes  lois,  àvaxà- 
OaoT'.ç  Twv  7caAa',â)V  vôjJicov  » .  Ce  fut  l'Epanagoge  «  ETavaywv-/;  »  • 
nom  donné  parles  manuscrits,  mais  qui  convient  exactement 
à  cette  nouvelle  édition  —  i*evue  et  augmentée  ~  du  Prochi- 
ron. Dans  la  préface  Basile  explique  l'intention  qui  l'a  poussé 
à   agir.    Après    avoir   composé    sa    «    Revision    des   anciennes 

I.  Il  ne  peut  entrer  dans  le  cadre  de  cette  étude  de  retracer  l'histoire  des 
Basiliques.  Ce  sera  la  tâche  de  Tliislorien  de  Léon  VI,  En  attendant  je  reii 
voie  pour  cette  question  aux-  travaux  de  Mortreuil,   de  Zacharitr,  d'Heim- 
bach  dont  on  trouvera  les  titres  dans  la  bibliographie  qui  est  en  tête  do  ce 
volume. 

y.  Mortreuil,  II,  87. 

3.  Zachariœ,  édit.  du  Prochir.,  p.  Lxxxni,  Delineatio,  p.  4o.  Il  n'est  même 
pas  impossible  que  Photius  ait  été  le  principal  ouvrier  de  cette  seconde  édi- 
tion. Eneflet,  outre  une  note  marginale  donnée  dans  le  manuscrit  bodleien 
173  qui  attribue  certains  chapitres  au  Patriarche,  deux  faits  semblent 
trahir  sa»inain  :  d'abord  celui  d'appeler  H>zance  le  «  premier  trône  »  «  rowTo; 
G&ôvo;  ..  ;  puis  la  longue  discussion  initiale  sur  les  Manichéens. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


3j 


»is  »  divisée  en  quarante  livres  et  l'avoir  promulguée,  il  parut 
bon  de  faire  un  ehoix  dans  ee  travail  et,  en  suivant  l'ordre  des 
quarantes  livres,  de  publier  un  manuel  en  un  nombre  égal  de 
titres,  qui  u  puisse  servir  d'introduction  aux  lois  que  ren- 
ferment les  quarante  livres.  »  C'est  le  fait  d'avoir  suivi  l'ordre 
de  ce  que  l'on  appelle  «  l'anakatharsis  »  qui  explique  que 
l'Epanagoge,  tout  en  étant  la  reproduction  presque  littérale 
du  Prochiron  en  diffère  cependant  sur  quelques  points  :  par 
l'addition  de  certains  titres  comme  ceux  qui  concernent  l'Em- 
pereur, le  Patriarclie,  les  magistrats  *  ;  par  des  interversions, 
par  la  réunion  en  un  seul  titre  de  plusieurs  titres  du  Prochi- 
ron, etc.  Cette  seconde  édition,  en  vérité,  ne  fut  probablement 
jamais  publiée  d'une  façon  officielle  -  car  nous  ne  la  voyons 
nulle  part  mentionnée  par  Léon  VI  et  elle  n'eut  pas,  à  beau- 
coup près,  l'influence  et  la  renommée  du  Prochiron.  Les  nom- 
breux manuscrits  qui  nous  restent  de  celui-ci  attestent  que  tou- 
jours dans  l'Empire,  ce  fut  à  lui  qu'on  se  référa  et  non  à  l'Epa- 
nagoge. 

Reste  l'Anakatharsis  dont  nous  n'avons  pas  grand'chose  à 
dire  étant  donné  que  nous  ne  la  connaissons  que  par  les  allu- 
sions qu'en  font  le  Prochiron  et  l'Epanagoge.  Il  est  certain 
que  ce  recueil  de  droit  exista,  composé  sans  doute  de  quarante 
livres  dont  chacun  des  titres  de  l'Epanagoge  était  le  dévelop- 
pement. S'il  fut  jamais  publié,  ce  fut  entre  la  date  de  compo- 
sition du  Prochiron  et  celle  de  l'Epanagoge  ;  mais  est-il  même 
bien  certain  qu'il  reçut  force  de  loi?  La  Prochiron,  d'une  part, 
engage  en  effet  les  juristes  à  le  consulter  ;  mais  d'abord  entre 
les  données  du  Prochiron  et  celles  de  l'Epanagoge  il  y  a 
une  grave  divergence  au  sujet  de  cet  ouvrage.  L'un  fixe  à 
soixante,  l'autre  à  quarante  le  nombre  des  livres  qui  le  com- 
posaient, ce  qui  oblige  à  admettre  qu'en  tous  cas  ce  recueil 
n'était  pas  achevé  quand  parut  le  Prochiron  et  que,  plus  tard, 
lorsqu'il  fut  fini,  on  réduisit  le  nombre  des  livres  à  quarante  ^  ; 
d'autre  part  l'Epanagoge  dit  formellement  que  l'Anakatharsis 
était  promulguée  ;  mais  qu'est-ce  qui  prouve  que  ce  n'était  pas 


I.  Titres  qui  sont  pris  littéralonicnl  aux  livres 'justinions  et  reproduits 
tels  quels  dans  les  Basiliques,  à  l'exeeplion  du  t.  TH  «  r.spl  T:axpiap/ou  "  qui 
n'a  nulle  part  son  (correspondant. 

•i.  Zacharia.',  Geschiclite,  p.  •>.•>.. 

3.  (l'est  là  l'opinion  de  Mortreuil. 


l.SG  BASILE    I 

là  une  simple  anticipation  de  langage?  Les  auteurs  ont  pu,  en 
rédigeant  l'Epanagoge  qui  devait  servir  d'introduction  à  leur 
travail ,  dire  qu'il  était  promulgué  puisqu'il  allait  Têtre  et  que 
l'Epanagoge  en  était  le  couronnement.  Il  ne  s'en  suit  pas  qu'il 
l'ait  été.  Cette  hypothèse  est  d'autant  plus  plausible,  ce  semble, 
que  tout  ceci  se  passait  vers  la  fin  du  règne  de  Basile.  L'Empe- 
reur, en  mourant,  léguait  son  œuvre  à  son  fils  qui  la  voulut 
continuer.  Le  Prochiron.  déjà  officiellement  promulgué,  con- 
serva son  autorité  tandis  que  l'Anakatliarsis  et  l'Epanagoge 
passèrent  à  titre  de  documents  —  servirent  peut-être  même  de 
base  — dans  l'édition  définitive  que  nous  connaissons  sous  le 
titre  des  Basiliques. 

Telle  est  la  grande  œuvre  législalise  de  Basile  L'.  D'un  clair 
regard,  en  arrivant  au  pouvoir,  il  aperçut  l'efFroyable  chaos  au 
milieu  duquel  se  traînait  péniblemeni  la  justice  de  l'Empire 
incapable  parla  d'accomplir  sa  grande  et  civilisatrice  mission. 
Résolument.  Basile  se  mit  au  travail  et  un  peu  avec  les  illusions 
qu'auront  plus  tard  les  philosophes  du  wni*^  siècle,  il  s'ima- 
gina qu'en  réformant  la  législation  il  transformerait  les  mœurs 
et  la  société  alors  que  c'est  peut-être  le  contraire  ([ui  est  proche 
de  la  vérité.  Quoiqu'il  en  soit,  Justinien  lui  apparut  comme  le 
modèle  qu'il  devait  suivre  et  c'est  à  l'imiter  qu'il  s'appliqua 
courageusement  en  revisant  la  législation  alors  en  usage. 
Par  l'essor  ({u'il  donna  aux  étude's  de  droit,  par  les  travaux 
juridiques  cpiil  entreprit,  il  essaya  de  remettre  en  honneur  le 
vieux  droit  d'autrefois  et  il  y  réussit.  Grâce  à  son  influence, 
une  nouvelle  ère  se  leva  pour  l'Empire,  une  brillante  renais- 
sance commença  à  se  manifester  dans  les  lettres  et  dans  les 
arts  et  si,  finalement,  lanivre  de  Basile  n'eut  pas  tout  le  succès 
qu'il  aurait  été  en  droit  d'en  attendre,  si  les  transformations 
profondes  qu'il  put  rêver  dans  l'ordre  politique  et  social,  ne 
se  produisirent  pas.  il  est  bien  probable,  cependant,  que  ses 
efforts  amenèrent,  passagèrement,  une  amélioration  sensible 
dont  bénéficièrent  surtout  les  classes  laborieuses  de  l'Etat.  Par 
là  seul,  ce  semble.  Basile  P'  mérite  donc  d'être  placé  au  pre- 
mier rang  parmi  les  grands  souverains. 


Il      I     KMPTRE    TJYZVNTIN  107 


III 


V  la  tète  do  radmiiiislralioji  jiulioiaire  se  tiouve  l'Empereur, 
incarnation  vivante  du  droit  et  de  la  loi.  Jnger  est  sa  fonction 
première  et  essentielle,  faire  observer  les  ordonnances  de 
l'Etat  est  son  inprescriptible  devoir,  car  o  de  même  que  nous 
ne  pouvons  vivre  si  nous  ne  respirons,  de  même  aussi  nous 
ne  pouvons  être  sauvés  et  nous  bien  porter  —  z\j  slva».  —  si 
la  loi  ne  nous  aide  et  ne  nous  guidée  »  Or,  l'Empereur,  seul, 
est  assez  haut  placé  sur  Téchelle  des  êtres  pour  remplir  ce 
sacerdoce.  Choisi  par  Dieu  et  marqué  de  son  sceau  divin,  il 
est  sur  terre  son  lieutenant,  son  représentant.  Il  doit  donc, 
comme  Dieu,  gouverner  le  monde  avec  justice  et  bonté.  Tache 
écrasante  assurément,  qui  demande  autre  chose  qu'une  vulgaire 
nature  d'homme  et  que  jamais  un  souverain  ne  pourrait  par 
lui-même  accomplir  s'il  n'avait,  pour  le  soutenir  et  l'éclairer, 
force  et  lumière  en  abondance.  Cette  force  et  cette  lumière, 
il  la  possède  d'abord  par  l'orthodoxie  qu'il  doit  défendre  et 
pratiquer-,  et  sans  laquelle  il  n'aurait  aucune  autorité^  :  il  la 
possède  aussi  par  la  tradition  orale  et  écrite  dont  il  est  le  dépo- 
sitaire. Car  ce  n'est  pas  en  avevigle  qu'il  juge.  Son  office, 
en  effet,  consiste  à  défendre  et  à  conserver  tout  ce  qui  est 
enseigné  dans  la  Sainte  Ecriture,  tout  ce  qui  a  été  défini 
par  les  u  Sept  saints  Synodes  o,  enfin  les  lois  romaines*.  Et 
lorsque,  à  propos  de  ces  dernières,  une  discussion  s'élève, 
c'est  à  lui,  l'Empereur,  ([ue  revient  le  droit  d'interpréter  la 
loi,  non  pas  certes  arbitrairement,  mais  en  tenant  compte  des 
coutumes  de  la  ville  ou  de  l'éparchie"'.  En  fait,  c'est  surtout 
cette  interprétation  de  la  loi  qui  est  la  principale  prérogative 
de  l'Empereur.  Sauf  pour  certains  cas  importants,  comme  le 
meurtre  de  hauts  dignitaires  de  la  cour,  dont  le  jugement 
relève  exclusivement  de  sa  juridiction.  l'Empereur  ne  juge 
pas  directement  :  son  tribunal  est  plutôt  une  cour  d'appel  ou 


1.  Epaimg.,  Proeiii.,  p.  63. 

2.  Ibid.,  II,  5,  p.  60. 

3.  Ibid.,  Proem.,  63. 

4.  Epanag.,  II,  !\,  p.  66. 

5.  Ihid.,  II,  7  et  12,  p.  66-67. 


l38  BASU.E    I 

de  cassation.  Il  intervient  à  la  demande  des  parties,  mais  après 
un  premier  jugement,   et  son    verdict  devient  irréformable  ^ . 

On  pouvait  en  appeler  de  trois  façons  au  tribunal  de  lEm- 
pereur  :  i"  par  un  référé  des  fonctionnaires  (àvacpooà,  'j-6|jlvy,t',;) . 
Ce  procédé  avait  lieu  surtout  quand  le  cas  était  douteux-,  en 
dehors  de  toute  chicane  juridique.  Alors  la  solution  était  don- 
née soit  directement  par  l'Empereur,  soit  par  l'intermédiaire 
des  fonctionnaires  ^  ;  2"  par  appel  (sxxAy.to;)  *  lorsqu'une  des 
parties  se  croyait  lésée  par  un  juge-».  L'appel  suppose  donc  que 
le  procès  a  été  une  fois  jugé  ;  3"  par  supplication  (oér.a-!.;).  Tout 
chacun  pouvait,  sans  aucun  intermédiaire,  présenter  ses 
affaires  à  l'Empereur  pour  qu'il  les  jugeât.  Le  plaignant  dépo- 
sait alors  une  supplique  (ôrr.o-u)  entre  les  mains  d'un  fonc- 
tionnaire chargé  de  cet  office  et,  suivant  les  cas,  le  tribunal 
impérial  ou  une  commission  jugeait  les  procès.  Naturellement 
il  n'y  avait  aucun  recours  possible  contre  le  tribunal  de  l'Em- 
pereur qui  jugeait  toujours  en  première  et  dernière  instance, 
tandis  qu'il  y  en  avait  un  contre  la  commission  ^. 

La  cour  impériale  que  l'Epanagoge  appelle  <(  to  a-jTOxcaTopi- 
xov  xal  ^âao-Ov'.xov  xpiTT^piov  »  '',  se  composait  des  grands  fonc- 
tionnaires et  dignitaires  de  l'Empire.  Un  texte  postérieur  au 
ix"  siècle,  la  Pira,  donne  l'énuméralion  des  personnages  qui 
faisaient  partie  de  ce  tribunal.  C'étaient  :  les  patrices,  les  pro- 
tospathaires,  le  drongaire,  le  vcstis,  le  magislros,  l'éparche,  le 
questeur,  le  préfet  du  caniclée,  le  protoasecretis,  l'exactor,  les 
juges  ^.  Ces  juges  créés  par  Juslinien,  étaient  au  nombre  de 
douze.  Il  semble  bien  qu'ils  subsistèrent  à  travers  les  modifi- 
cations apportées  par  le  temps  à  l'organisation  judiciaire. 

Trois  grandes  magistratures  judiciaires  étaient  dans  l'Empire 
à  la  tête  de  cet  important  et  grave  ministère  :  l'éparche  de  la 
ville,  le  questeur,  le  préposé  aux  pétitions  •'. 

1.  Epanag.,  xi,  5,  p.  88. 

2.  Zacliariae,  Geschichte,  p.  356. 

3.  Ibid.,  357. 

4.  Au  dire  de  VEpanagoye,  il  faut  distinguer  1'  «  è'xxXt.to?  «  ot  l'  «  iyxXT.ji;  ». 
Tout  «  è'vtîtXïiTOs  »  est  une  «  Ivxat.t'.î  »  ;  mais  toute  «  r'xAT.^-.;  »  n'est  pas 
«  exxXr.To;  »,  XI,  4,  P-  88. 

5.  Epanag.,  xi,  4,  p.  88. 

6.  Zacharia^,  op.  cit.,  358. 

7.  Epanag.,  xi,  5,  p.  88. 

8.  Zachariap,  Ibid.,  307. 

9.  Cereni.,  i3i3. 


ET    T.  EMPIRE    BYZANTIN  lOCj 

L'oparche  de  la  ville  (6  s-rapyos  Tr^^  tS/.zm:;)  •  est  au  ix'^  siècle 
nu  1res  puissant  personnage,  le  dix-huitième  en  liste.  Comme 
les  grands  dignitaires  de  la  couronne,  il  peut  donc  revelir  les 
plus  hautes  dignités  et  marcher  d'égal  à  égal  avec  les  stratèges 
des  thèmes.  C'est,  qu'en  fait,  sa  fonction  a  une  im[)orlance 
considérahle.  S'il  est,  avant  tout,  le  premier  juge  de  l'Empire 
après  le  souverain,  il  est  aussi  le  premier  magistrat  de  Cons- 
tantinople,  et  comme  tel,  ses  attrihutions  dépassent  de  beau- 
coup les  attributions  ordinaires  des  juges.  Aussi  sa  promotion 
se  fait-elle  avec  une  solennité  toute  spéciale.  Le  Patriarche  y 
assiste  et  récite  les  prières  ;  les  factions  font  entendre  leurs 
acclamations  d'allégresse  ;  le  corps  judiciaire  est  au  complet 
pour  lui  faire  cortège  et  recevoir  celui  qui  devient  par  son 
élévation  «  père  de  la  ville  -.  »  Comme  juge,  il  a  son  trône  au 
prétoire^  et  c'est  de  là  qu'il  préside  désormais  aux  procès. 
Sa  compétence  s'étend  à  tous  les  crimes,  voire  même  à  toutes 
les  affaires  qui  se  passent  à  Constantinople  et  dans  les  environs 
jusques  à  cent  milles  de  la  ville  *,  qu'il  s'agisse  d'affranchis- 
sement d'esclaves^,  de  questions  relatives  aux  tutelles^,  de 
mariages",  ou  de  moralité  publique.  Aussi  ses  pouvoirs  sont- 
ils  très  étendus.  Il  peut  exiler,  par  exemple^;  il  a  sous  ses 
ordres  une  garde  composée  de  soldats  et  destinée  au  maintien 
de  l'ordre  ^;  de  ses  décisions,  on  ne  peut  appeler  qu'au  tribu- 
nal de  l'Empereur  *^.  Comme  premier  magistrat  de  la  ville, 
il  est  chef  de  la  police  ^^  et  sa  juridiction  s'étend  à  toutes  les 
corporations,  depuis  celle  des  banquiers  jusqu'à  celle  des  mar- 
chands de  viande  ou  de  tissus,  en  passant  par  celle  des  forains. 
Il  peut  interdire  l'entrée  de  la  ville  ou  de  certains  quartiers  à 
qui  bon  lui   semble  *-,    car  il  a  mission  de  veiller  sur  toutes 

I.  Cf.  l'article  de  M.  Ouspenskij  :  «  L'Eparclie  de  Constantinople.  »  {Mém. 
de  rinst.  arch.  russe  de  Cple,  1899,  iv,  2,  p.  80  et  seq.) 

3.  Cerem.,  536,  538. 

3.  IbkL,  532. 

4.  Epanag.,  iv,  i  et  'j,  p.  69. 

5.  Ibid.,  2. 

6.  Ibid.,  5. 

7.  Prochir.,  i,  i3,  p.  17  ;  iv,  a'j,  p.  3i. 

8.  Epanag.,  i\ ,  3,  p.  (iq. 

9.  Ihid.,  8. 

10.  Ibid.,  7. 

II.  Ibid.,Q  et  7.  Proch.,  wwiii,  3^i,  221. 
12.  Epanag.,  9. 


laO  BASILE    l 

choses  :  sur  le  prix  des  denrées  ^.  comme  sur  la  tranquillité 
de  la  population  et  sur  le  bon  ordre  des  spectacles  -.  Le  souve- 
rain va-t-il  sortir?  C'est  à  lui  qu'en  réfèrent  les  préposites  ^ 
pour  que  la  ville  soit  ornée  et  les  rues  nettoyées  ;  une  récep- 
tion a-t-elle  lieu  au  Palais  ?  C'est  lui  qui  est  chargé  de  veiller  à 
la  décoration  *  ;  un  événement  grave  se  produit-il,  une  révolte, 
par  exemple,  c'est  encore  lui  qui  est  là  et  c'est  à  lui  que  l'Empe- 
reur ordonne  d'ouvrir  les  prisons^  ;  l'Empereur  veut-il  adres- 
ser un  message  à  son  peuple,  lui  apprendre  son  avènement; 
c'est  encore  et  toujours  l'éparclie  qui  est  chargé  de  la  chose. 
Ce  fut.  nous  le  savons,  l'éparclie  Marianos,  fils  du  grand  géné- 
ral Pétronas  qui  alla  au  cirque,  le  lendemain  du  meurtre  de 
Michel  m.  annoncer  ii  tous  la  bonne  nouvelle  de  l'élévation 
de  Basile'^.  Aussi,  en  l'absence  de  l'Empereur,  est-il  seul 
maître  de  la  ville,  administrant  l'Empire  de  Concert  avec  le 
premier  magistros  et  le  premier  préposite  '. 

On  conçoit  sans  peine  qu'une  tâche  aussi  écrasante  ne  pou 
vail  être  supportée  tout  entière  par  un  seul  homme.  Il  fallait 
de  toute  nécessité  qu'un  nombreux  personnel  vint  l'aider  dans 
ses  multiples  fonctions.  Crâce  à  la  notice  de  Philothée,  nous 
connaissons  la  u  TrpoiAcjo-',;  »  de  l'éparclie  de  la  ville.  Elle  se 
composait  de  quatorze  fonctionnaires.  Le  premier  était  le 
((  a-'j[ji7rovo;  ».  son  assesseur  en  titre  chargé  de  le  remplacer  en 
cas  d'absence  ou  de  maladie.  Pour  lui  aussi  a  lieu  une  cérémo- 
nie spéciale,  lors  de  son  élévation,  dans  laquelle,  comme  il  est 
juste,  l'éparclie  joue  le  premier  rôle^.  De  rang  inférieur  aux 
grands  fonctionnaires,  il  appartient  à  cette  classe  des  spathaires 
que  nous  connaissons  déjà  et  se  trouve  donc,  par  rapport  à 
son  chef,  dans  une  dépendance  hiérarchique  analogue  à  celle 


1.  Kpnnag.,  i\.  8,  p.  G9. 

2.  /6id.,  8. 

3.  Cerem.,  p.  loi. 

4.  Cerem.,  1060. 

5.  Tliooph.,  7^8.  Ceci  est  conlirmé  par  un  passage  de  la  vie  de  Michel 
Syncelle.  Lorsque,  sous  le  règne  de  Théophile,  Michel  fut  condamné  comme 
iconophile,  il  fut  incarcéré  dans  la  prison  publique  «  6T,[xo7ta  slpx-rf,  )>  «  et 
amené  devant  l'Empereur,  précédé  de  l'éparclie,  »  (Gédéon,  Sy//o^.  grec., 
189I),  p.  29,  reproduit  dans  r'EopToXôyiov). 

0.  En  869,  réparche  était  le  patrice  Paul  (Mansi,  \vi,  81). 

7.  Tactik.,  259.  Ceremon.,  p.  953. 

8.  Cerem.,  54o. 


Kl     f/ EMPIRE    inZANTIN 


du  chartulairo  du  logolhMe  du  Trésor,  par  exemple,  ou  des 
notaires  de  r2io',xôv*.  Dans  les  cérémonies,  nous  le  voyons 
figurer  aA  ee  le  logothète  du  prétoire,  aux  côtés  de  l'éparche,  à 
un  rang  évidemment  supérieur  aux  autres  fonctionnaires  -.  ïl 
y  a,  au  sujet  de  ce  fonctionnaire,  une  question  assez  délicate  à 
élucider,  ^*y  avait-il  qu'un  assesseur  ou  étaient-ils  plusieurs? 
Le  chapitre  lvu  du  Livre  des  Cérémonies,  d'une  part,  semble 
formel.  Lors  de  l'élévation  d'un  assesseur,  en  rabsence  de 
l'éparche,  le  préposite,  sur  l'ordre  des  Empereurs,  va  s'enqué- 
rir si  le  logothète  du  prétoire  ou  un  autre  assesseur  «  r,  xaU'Tspo^ 
o-jaTTovo:  »  se  trouA^e  présent  au  Palais.  C'est  donc,  évidemment, 
qu'il  y  a  plusieurs  assesseurs.  De  son  côté,  le  Livre  du  Préjet 
connaît  des  «  c-jijLTzovot,  »  divers  qui  sont  chefs  des  corporations ^  ; 
mais  d'autre  part,  le  même  passage  du  Livre  des  Cérémonies 
—  qu'on  peut,  du  reste,  expliquer  en  faisant  remarquer  qu'il 
s'agit  peut  être  tout  simplement  de  l'assesseur  qui  vient  de 
sortir  de  charge.  —  et  la  notice  de  Philothée,  dans  les  différents 
endroits  oii  elle  cite  l'assesseur,  mentionnent  toujours  ce  nom 
au  singulier  et  lui  donnent  un  rang  auquel  ne  pouvait  prétendre 
à  coup  sur  un  chef  de  corporation  et  que,  du  reste,  les  autres 
chefs  de  corporations  cités  par  la  notice  et  le  Livre  du  Préfet, 
n'ont  pas  :  de  plus,  le  chapitre  lnm  du  Livre  des  Cérémonies  fait 
cet  assesseur  l'égal  en  dignité  du  logothète  du  prétoire  ;  enfin, 
dans  la  Vie  de  Romain  H,  fils  de  Constantin  Porphyrogénète,  le 
continuateur  de  Théophane  raconte  que  l'Empereur  donna  des 
assesseurs  à  l'éparche  de  la  ville  ;  mais  ces  assesseurs  ne  furent 
que  deux,  et  l'un  précisément  avec  le  titre  spécial  de  logothète 
du  prétoire*.  Il  faut  donc  admettre,  je  crois,  qu'il  y  avait  un 
((  Tja-ovoç  »  en  chef,  chargé  spécialement,  près  de  l'éparche, 
des  questions  judiciaires  et  peut-être  des  «  tjjjl-ovoî.  »  secondaires, 
remplissant,  auprès  des  corporations,  une  fonction  semblable. 
Quant  à  dire  avec  M.  Mcole  que  ce  premier  assesseur  est  le 
même  (pio  celui  f[ue  Léon  A  1  désigne  sous  le  nom  de  «  AsyaTàp'.oç  » 


I.  L'oi<>auisatioii  adinitîisliali\o  se  dessine  ainsi  clairement.  A  la  lète  de 
cliaque  grand  service  nn  liant  fonctionnaire  pon\ant  arri\er  auA  premières 
difi^nités  auliqnes;  à  sa  snite  nne  lonlede  fonclionnaires  de  rangs  ditîérents, 
se  correspondant  d'un  bureau  à  l'autre  connue  titre  et  importance. 

•2.  Cerem.,  p.  149. 

3.  Le  Livre  du  Préjet,  p.  90. 

\.  Th«'oph.  r;ont..  17/.  Rom.  .lunioris,  1,  4^9.  Cerem,,  p.  i\o\. 


i;|2  BASILK    1 

cela  est  possible,  mais  point  certain.  Pour  moi.  s'il  fallait  faire 
une  identification,  j'inclinerais  plus  volontiers  à  faire  du 
((  AcvaTàp'.oç  ))  le  synonyme  de  logolhète^. 

Le  logothète  du  prétoire  (6  '/sj-^foHiTf^ç  toO  Troa'.Ttopîo-j)  était  l'égal 
de  l'assesseur  «  ;j.y,  i'yov  àxoAO'jfl'lav  -/■  -ràç'.v  ttasuo  ^f^  sAào-Toj  -  »  et 
formait  avec  lui  le  conseil  immédiat  de  l'éparche.  fandis  que 
le  premier  s'occupait  spécialement  des  cpiestions  juridiques  du 
ressort  de  l'éparche,  le  logothète,  lui.  s'occupait  des  affaires  de 
la  ville,  police  et  administration.  Il  avait  probablement  la  garde 
d'une  des  trois  prisons  de  Constantinople  —  qui  relevaient 
toutes  de  l'éparche  —  celle  du  Prétoire^. 

Ainsi  donc  se  trouvait  organisé  un  des  trois  grands  rouages 
de  la  haute  administration  judiciaire  de  l'Empire  et  de  la  police 
urbaine  :  un  éparche  à  la  tête,  deux  fonctionnaires  égaux  à  ses 
€Ôtés,  l'un  spécialement  chargé  des  affaires  de  justice,  l'autre 
des  affaires  o  politiques  ». 

A  la  suite  de  ces  trois  fonctionnaires  venaient  toute  une  foule 
d'employés  divers  qu'il  faut  connaître  pour  se  rendre  compte 
de  la  vie  byzantine  dans  toutes  ses  manifestations.  Pour  ce  qui 
concerne  .la  justice,  il  y  avait  en  chacune  des  quatorze 
régions  dont  se  composait  Constantinople,  des  juges  destinés 
à  entendre  les  causes  et  peut-être  à  faire  la  police  du  quartier  K 
c'étaient  les  «  xoiTal  twv  psyîtovwv  ».  Ces  juges  n'étaient  pas  de 
création  récente.  Ils  devaient  probablement  compter  parmi 
leurs  ancêtres  les  «  curatores  qui  totius  regionis  curam  gerunt  )^ 
dont  il  est  fait  mention  dès  les  origines  de  Constantinople; 
mais  il  ne  semble  pas  douteux  non  plus  que  ce  soit  bien  quelque 
chose  comme  leur  résurrection  dont  il  s'agit  dans  ce  passage 
de  la  17e  de  Basile  où  il  est  raconté  que  l'Empereur  établit  des 
juges  un  peu  partout,  dans  chaque  rue  et  dans  chaque  sainte 
maison.  Malheureusement  nous  en  ignorons  le  nombre.  Peut- 
être  cependant  étaient-ils  demeurés,  comme  à  ré])oque  de  Jus- 


1.  En  effet,  le  chapitre  lmi  dit  que  le  «  <76\i.r.o^jrj^  »  esl  nommé  par  l'Empe- 
reur ;  dans  le  Livre  du  Préfet,  il  l'est  par  le  préfet  avec  l'agrément  de  l'Em- 
pereur. De  plus  nous  savons  qu'il  existait  un  a  AsvaTipio;  »  dépendant  du 
chartulaire  du  vestiaire. 

2.  Cerem.,  p.  54o. 

3.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich..  cli.  \\n,  189.  Les  deux  autres  prisons  étaient 
celles  de  la  Chalcé  et  des  >oumeroi,  cette  dernière,  sans  doute,  était  prison 
militaire. 

4.  Zacliari;e,  Geschickte,  ^-'6. 


ET    L  EMPIKK    BVZVMIN  I  \',\ 

tinien.  au  nombre  de  douze,  avant  leur  centre  d'affaires  à 
l'hippodrome  ^ 

Le  personnel  de  surveillance  placé  sous  les  ordres  de  l'éparche 
était  représenté  par  les  épiskeptites,  les  époptes  et  les  «  ^iio-jÀ- 
ÀwTaî  »,  fonctionnaires  chargés  d'ap])oser  lé  sceau,  le  poinçon  du 
préfet,  sur  tout  ce  cpii  devait  en  cire  marqué  :  balances,  poids, 
marchandises.  Des  fonctions  spéciales  dévolues  aux  épiskep- 
tites et  aux  époptes,  nous  ne  savons  rien  de  précis.  Ils  avaient, 
évidemment,  la  charge  d'iuspecter  les  marchés,  de  faire  res- 
pecter les  lois  minutieuses  qu'indique  le  Livre  du  Préfet,  de 
surveiller  l'achat  et  la  vente  des  objets  qui  arrivaient  à  Cons- 
tantinople  ou  en  partaient,  en  un  mot,  ils  remplissaient  l'emploi 
d'officiers  de  police,  d'inspecteurs  des  marchés,  etc.  Les  c  [:io'jA- 
AtoTa'l  »  n'avaient  pas  pour  unique  mission  d'apposer  la  bulle 
préfectorale  sur  les  marchandises.  Ils  allaient  dans  les  ateliers 
et  ailleurs  examiner  si  les  prescriptions  légales  étaient  obser- 
vées- et  si  les  bulles  étaient  placées^,  car  les  peines  qui  frap- 
paient les  délinquants  étaient  terribles  :  déportation,  châtiments 
corporels,  envoi  au  couvent,  etc. 

Comme  dans  notre  Moyen-Age  occidental  les  corps  de 
métiers  se  trouvaient,  à  Byzance.  groupés  en  corporations.  Ces 
corporations,  naturellement,  avaient  besoin  de  chefs,  destinés 
à  leur  servir  de  conseil  et  à  les  surveiller.  Pour  leurs  affaires 
financières,  elles  devaient  probablement,  relever  des  commis- 
saires ouautres  fonctionnaires  du  Trésor  :  mais  pour  leur  organi- 
sation et  leurs  règlements  intérieurs,  elles  relevaient  de  certains 
fonctionnaires  dépendant  de  l'éparche.  Ces  fonctionnaires  étaient 
les  Exarches  (Icapyo».)  et  les  Prostates  (-poo-TaTa!.).  Suivant  son 
importance,  la  corporation  avait  un  ou  plusieurs  chefs,  parfois 
même  il  n'y  avait  qu'un  seul  chef  pour  plusieurs  corporations. 
C'est  ainsi  que  les  marchands  de  vêtements  syriens  ou  arabes, 
elles  ((  -pavo'.o-paTa'.  »  avaient  un  exarche  à  leur  tête,  fonction- 
naire nommé  par  l'éparche  *  :  les  marchands  de  porcs,  les 
«  lyo'jo-paTa'.  »  avaient  plusieurs  ((  Tipoo-TaTa», '»  »  :  les  «  jjiaAaxa- 
Tap'lo'.  »)   et  les     «  JjjpTooi'I/a»,  »    au  contraire,     n'avaient    qu'un 

1.  Zacharia\  Geschichte,  p.  Sôg. 
a.  Livre  du  Préfet,  viii,  3,  p.  87. 
3.  Ibid.,  cf.  par  ex.,  \n,  g,  p.  '47- 
'\.  Ihid.,  \,  I,  p.  29. 
.").  Ihid..  w  o(  \M.  p.  ."il  ol  ;■)■>. 


l^^  BASILE    I 

((  -poc-TaT/lç  »  et  dépendaient  du  «  a-j|jL7:ovo^^  ».  En  somme,  il  est 
probable  que  les  corporations  avaient  toutes  à  leur  tête  un  ou 
plusieurs  o  -poo-TaTai  »  qui  prenaient  en  certaines  corporations 
de  plus  grande  importance  le  titre  d'exarche.  Ces  chefs  ser- 
vaient d'intermédiaire  habituel  entre  la  corporation  et  l'éparclie 
qui  gardait  sur  elle  une  autorité  directe.  Seules,  les  corporations 
de  second  ordre  relevaient  de  l'assesseur.  Il  semble,  en  outre, 
que  les  exarclies  comme  les  prostates  étaient  choisis  soit  par 
les  corporations,  soil  plus  probablement  par  l'éparche  -  et  ne 
restaient  en  fonction  qu'un  certain  temps. 

Le  cenliirUm  (xsvTjp'lcov).  Nous  savons  par  l'Epanagoge  que 
l'éparclie  avait  droit  à  un  corps  de  troupe  destiné  à  maintenir 
Tordre  dans  la  ville.  C'est  très  probablement  le  chef  de  ces  sol- 
dats policiers  qui  portait  le  titre  de  centurion.  Quant  aux 
vciToviàoya'..  nous  ne  savons  rien.  Peut-être  représentent-ils  le 
j)ouvoir  municipal  de  Téparche  en  dehors  de  la  ville,  dans  la 
banlieue  soumise  à  la  Juridiction  de  Téparche  ;  peut-être  ya-t-il 
une  analogie  entre  ces  gitoniarches  et  ceux  que  possédaient 
les  faclions  -K 

Enfin  un  fonctionnaire  spécial,  dépendant  lui  aussi  de 
réparche.  résidait  sur  les  côtes  et  sans  doute  dans  les  ports  de 
commerce.  C'était  le  u  7:apaOa)^ao'a''lT-r,ç  ».  Il  devait  surveiller,  et 
probablement,  en  certaines  circonstances,  juger  tous  ceux  qui, 
suivant  l'exjîression  de  la  Piva,  naviguaient  «  ttaéovts;  tv;v 
OàÀaTTav  ))  et  ne  relevaient  pas  des  officiers  d'ordre  militaire*. 

Naturellement,  comme  en  toute  administration  considérable, 
l'éparclie  avait  à  son  service  pour  les  innombrables  écritures 
qui  devaient  émaner  de  sa  chancellerie  des  protochanceliers  et 
des  chanceliers,  scribes  chargés  de  la  rédaction  des  actes  et 
autres  documents  du  même  genre, 

Reste,  d'après  la  notice  de  Philothée,  les  k  vojjlixo'I  ».  Nous 
retrouverons  plus  loin  des  o  voui'.xoi  » .  professeurs  de  droit.  Sont-ce 
ceuv  là  mêmes  dont  il  est  ici  question  ?  Autrement  dit,  y  a-t-il 
identité  entre  les  «  voaixo'l  »  du  Livre  du  Préfet  et  les  «  vojjl-.xo^  » 
de  Philothée?  M.  Nicole  le  croit.  Peut-être,  cependant,  n'est-il 
])as  impossible  de  Aoir  en    ces    «  vo;jl'>xo'1  »    des    fonctionnaires 

1.  Livre  du  PrèJ'el..  \iv.  S  ■>■,  P-  V)- 

a.  Cf.  par  ex.  ibid.,  le  cas  pour  les  savonniers,  pour  les  trapeziles 

3.  Cerem.,  p.  53C.  Theopli.,  p.  5i6.  Cerem.,  i332. 

4.  Zacharia:',  Geschichle,  p.  073. 


i:i      I,  I.MPIIU-:    BYZANTIN 

chargés  d'un  département  spécial  lolcvant  de  réparche.  celui 
qui  s'occupait  de  toutes  les  affaires  de  droit  civil  dont  la  corpo- 
ration des  notaires  et  des  avocats  avait  la  cliarire.  I^e  «  vouixôr  » 
serait,  dans  ce  cas,  le  chef  du  département  ayant  pour  mission 
de  recevoir  le  tahuUaire  nouvellement  élu'.  Il  serait  vraiment 
étrange  que  parmi  tous  les  fonctionnaires  dépcndanis  de 
l'éparche,  aucun  ne  fut  spécialement  commis  au\  aifaiics 
judiciaires,  ce  qui  serait  un  fait,  si  les  ((  voa'.xoi  »  étaient  simple- 
ment des  pn^fesseurs  de  droit. 

La  seconde  grande  magistrature  Judiciaire  était  celle  du  ques- 
teur (o  xoiàTTcop,  xJÉTTfop)  dont  le  titulaire  figure  au  trente-qua 
trième  rang  parmi  les  hauts  fonctionnaires  de  l'Empire,  avec 
les  litres  habituels  d'anthypatos,  patrice,  etc.  Il  est,  en  outre, 
toujours  désigné  par  le  qualificatif  d'u  svooHoTaTo;  ».  Sa  promo 
tion  avail  lieu  en  présence  du  souverain  -  et  des  officiers  com- 
mis à  son  service  :  antigraphes  et  cliancclicrs.  officiers  qui  for- 
maient son  bureau  et  son  tribunal -^  Grâce  au  titre  tout  entier 
que  lui  consacre  l'Epanagoge,  nous  pouvons  nous  faire  une 
idée  assez  exacte  des  attributions  confiées  à  ce  personnage  K 
Evidemment  c'est,  avant  tout,  un  juge,  mais  un  juge  policier 
auquel  est  spécialement  remis  le  soin  et  la  surveillance  des 
étrangers.  Sa  juridiction  s'étend,  en  effet,  sur  tous  ceux  qui  se 
trouvent  à  Byzance.  quelle  que  soit  leur  situation,  leur  condi 
tion,  leur  sexe,  leur  nationalité.  Qu'ils  soient  moines,  clercs, 
riches,  dignitaires  de  l'Empire,  pauvres,  esclaves,  romains  ou 
étrangers,  le  questeur  a  droit  sur  eux. 

Dès  leur  arrivée,  il  s'enquiert  de  leur  origine  et  des  motifs 
qui  les  amènent  à  la  ville''.  Sont-ils  serfs  ou  esclaves  et  viennent 
ils  plaider  contre  leur  maître  P  Le  questeur  les  surveille,   fait 
régler  leurs  affaires  dans  le  plus  bref  délai  et  s'interpose,  ii  l'oc- 
casion, entre  colons  et  seigneurs  ^'.  Sont-ils  étrangers?  l  ne  fois 


1.  Livre  du  PrêJ'el,  i,  3,  p.  lô.  En  outre  les  a  voji-.xoî  »  paraissent  dans  les 
cérémonies  impériales,  ciiose  qui  serait  assez  étrangfc  s'ils  n'étaient  pas 
((  7îxp£TUû{  »  et  s'ils  étaient  professeurs. 

3.  Cerem.,  p.  533. 

;>.  Zaeliaria%  Geschicitte,  p.  3'm,  3(i(S. 

\.  (Jonune  nous  l'avons  dit,  ces  titres  de  V Epanmjoije  concernant  les  fonc 
tioiniaires  sont  la  reproduction  des  litres  correspondants  élaborés  à  l'époque 
de  .tustinien.  Mais  il  paraît  plus  (pie  probable  que  les  attribution»  confiées 
aux  magistrats  du  m'  s.  étaient  encore  en  vigueiuau  iV. 

5.  EpaiKuj.,  y,  i,  p.  70. 

<K  Ibid.,  3,  p.  70. 

10 


1^6  lîASlLE    I 

l'objet  de  leur  voyage  accompli,  le  questeur  les  renvoie  chez 
eux-.  Beaucoup  de  pauvres  devaient,  sans  doute,  comme  en 
toute  grande  ville,  venir  chercher  à  Byzance  travail  et  fortune. 
Cette  foule  de  gens  sans  aveu,  sans  foyer,  souvent  sans  occupa- 
tions, était  le  noyau  habituel  autour  duquel  se  groupaient  tous 
les  mécontents  et  d'où  partaient  émeutes  et  séditions.  Aussi  une 
rigoureuse  surveillance  enserrait-elle  cette  population  flottante 
à  chaque  heure  du  jour,  et  c'était  le  questeur  qui  en  portait  toute 
la  responsabilité.  La  loi.  du  reste,  était  très  sévère  à  l'égard  de 
ces  étrangers  pauvres.  Dès  qu'un  mendiant  était  aperçu,  le 
questeur  le  faisait  appeler,  et.  s'il  n'avait  à  Gonstantinople  ni 
procès  ni  affaires,  il  le  renvoyait  tout  de  suite,  à  son  maître 
quand  il  était  serf,  dans  son  pays  quand  il  était  libre,  aux  chefs 
des  corporations  pour  qu'il  travaillât  suivant  son  métier  quand 
il  était  «  autochtone  »  -  ;  s'il  ne  voulait  rien  faire,  on  le  chassait 
de  Constantinoj)le.  Enfin  —  chose  très  intéressante —  le  ques- 
teur paraîl  avoir  eu  autorité  sur  les  archontes  de  province  car 
il  a  droit  de  leur  écrire  et  peut  les  traduire  devant  l'Empe- 
reur-^ 

Mais,  indéj)eiidamment  de  ces  fonctions  d'un  caractère,  en 
l'éalité,  assez  peu  judiciaire,  le  questeur  rendait  la  justice  et 
connaissait  de  certains  cas.  C'est  ainsi  qu'il  était  juge  compé- 
tent dans  les  affaires  de  faux  «  -Aao-Toypacp'la  o  et  par  là,  tout 
naturellement,  dans  les  questions  de  testament  et  de  succession. 
1/ ouverture  et  l'enregistrement  des  testaments  se  faisaient  en  sa 
présence,  et  c'est  devant  son  tribunal  que  se  plaidaient  les  pro- 
cès concernant  les  héritages,  ([ue  devaient  se  présenter  les  exé- 
cuteurs testamentaires  et  que  se  jugeaient  certaines  affaires  de 
mariage*.  Léon  le  Grammairien  raconte  une  anecdote  grâce  à 
laquelle  nous  pouvons  nous  rendre  compte  de  ce  double  rôle  du 
questeur.  C'était  au  temps  de  l'Empereur  Théophile,  grand  ami  de 
la  justice.  In  jour,  une  veuve  vint  à  lui  se  plaindre  de  ce  que 
Pétronas.  le  beau-frère  du  basileus,  avait,  malgré  la  loi  et  la  cou- 
tume, élevé  des  constructions  à  une  telle  hauteur  que,  de  chez 
elle,  elle  ne  voyait  plus  rien.  La  chose  fut  jugée,  reconnue  vraie, 
et  Pétronas,  pour  sa  faute,  lîattu  de  verges  en  pleine  rue  :  puis  le 

1.  Epanmj.,  \,  3,  70-71. 

2.  Ibid.,  5,  71. 

3.  Ibid.,  9  et  10,  p.  7'K 

'j.  Proch.,  IV.  -îV  p.  3i.  /achariiu.  (ieschirhlc.  'Mn;). 


i:r  j.  KMiMui:  byzantin  i  ',- 

questeur  I -uslrathios,  qui,  sans  doule.  un  ail  parlicipé  au  juge- 
mont,  s'en  allaavee  ses  antigraphes,  Léon  et  Déinétrios,  renver- 
ser jusqu'en  ses  fondemenis  la  demeure  de  Pétronas^  :  ce  qui  se 
comprend  fort  bien  étant  donné  qu'il  faisait  j)artie,  d'une  part, 
du  tribunal  de  l'Empereur,  et  que  de  rautre,  ses  attribidions 
riaient  d'ordre  policier. 

Le  tribunal  du  questeur  se  conqjosait  de  six  espèces  de  fonc- 
tionnaires :  un  protochanceliei",  des  chanceliers,  des  scribes 
pour  les  écritures,  les  comptes,  les  actes,  etc.  :  puis  des  anti- 
graphes  (àvTiYpacpELç),  un  ekskeptor  (Txi-Tfop)  ou  (sxTxi-Ttoo)  et  un 
libellisios  (\\^ùjJ.7'.oz).  Les  antigraphes  étaient  les  subordonnés 
et  les  aides  immédiats  du  questeur.  C'étaient  eu\  qui  l'accom- 
])agnaient  et  l'assistaient  dans  toutes  les  affaires  où  il  se  trouvait 
requis-,  et  qui.  vraisemblablement,  dirigeaient,  sous  son  auto- 
rité, l'administration  dont  il  était  le  chef.  Autrefois  il  y  avait  eu 
(piatre  antigraphes  appelés  «  magistri  scriniorum  »  préj3osés 
aux  quatre  bureaux  judiciaires  -^  :  mais  au  ix*"  siècle  nul  texte 
ne  nous  dit  quel  était  leur  nombre.  Quant  aux  deux  autres, 
r  «  ÈxTxiTTTtop  ))  et  le  «  Xi^z'/Jlmo:;  »,  nous  n'avons  sur  eux  aucun 
renseignement  précis.  Zachariap  croit  qu'ils  n'étaient  autres 
que  les  notaires  dont  il  est  parlé  dans  la  Pira  et  une  novelle  de 
Constantin  l^orphyrogénète  K 

Enfin,  le  troisième  fonctionnaire  indiqué  par  l^hilothée 
comme  appartenant  à  la  classe  des  juges  était,  après  l'éparche 
et  le  questeur,  le  préposé  aux  pétitions  (6  £7:1  tcov  ocr^crstov),  per- 
sonnage de  moins  haut  rang  que  les  deux  autres  car,  s'il  jouit 
encore  des  titres  nobiliaires  habituels  aux  soixante  grands  fonc- 
tionnaires de  l'Empire,  il  n'arrive  au  catalogue  que  le  cin- 
(luante-cinquième  et  ne  paraît  pas  avoir  eu,  à  Constantinople. 
de  subalternes  à  ses  ordres.  Nous  ne  voyons,  en  effet,  nulle  part 
nommés  les  bureaux  relevant  de  sa  juridiction  ou  les  fonction- 
naires formant  son  entourage.  La  fonction  essentielle  du  ((  pré- 
posé aux  pétitions  »  fut  toujours,  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire,  de 
centraliser  à  Byzance  les  demandes,  suppliques,  etc..  adressées 
à  l'Empereur.  Il  ne  parait  pas  douteux,  d'après  les  sceaux  qui 
nous  ont  été  conservés,  qu'il  y  ait  eu  dans  chaque  thème  un  de 

1.  Léon  (iiaiiuii.,  io48.  (Icorgcs  Moine,  1012. 

2.  Ihid.  et  Cerem.,  533;  Pira,  XIV,  11,  p.  38. 

3.  Du  Gange,  au  mot  «  àvTiYpacpôT;  » 

4.  Zachariie,  Geschichte,  p.  308. 


iA8 


BASILE    1 


ces  préposés  ^  Ces  foiRiiojiiiaires  jvcevaieni  probablement  les 
demandes  des  particuliers  et  les  transmettaient  au  préposé  rési- 
dant à  Byzance  qui  examinait  si  elles  étaient  ou  non  rece- 
vables  et.  suivant  les  cas,  les  présentait  à  l'Empereur  ou  les  n^e- 
tait^. 

En  résumé,  nous  avons  donc  à  Byzance  trois  grands  digni- 
taires de  l'ordre  judiciaire  :  réparche,  le  questeur,  le  préposé 
au\  pétitions.  Les  deux  premiers  magistrats  ont  chacun  sous 
leurs  ordres  un  bureau  composé  dun  certain  nombre  de  fonc- 
tionnaires. Si  tous  trois  ont  des  attribuUons  judiciaires,  l'épar- 
che  et  le  questeur  ont.  en  outre,  ladministration  de  la  police 
générale  de  la  ville  el  la  luuUe  surveillance  sur  les  hommes  et 
les  choses  dans  renceinle  des  murs.  C'est  par  eux  que  se  rend  la 
justice  suprême  :  c'est  i)ar  leur  autorité  qu'agissent  les  juges 
inférieurs,  ce  sont  eux  qui  forment  le  trait  d'union  entre  les 
juges  de  pro\  ince,  le  peuple  et  l'Empereur. 

Un  certain  nombre  de  questions  secondaires  se  rapportant  à 
la  justice  méritent,  en  terminant  ce  chapitre,  une  rapide  men- 
tion. Sans  avocats,  il  n'y  a  pas  de  procès:  sans  notaires,  pas 
d'acte  légal  possible.  Comment  se  recrutaient  ces  deux  classes 
de  professionnels  du  droit  ?  Sur  les  avocats  (Tuvr^yopo».)  nous 
n'avons  pour  le  ix*^  siècle  aucun  renseignement  -^  :  mais  il  n'en 
va  pas  de  même  des  notaires  ou  «  TaêojAAap'.o'.  ».  Grâce  au  «  Livre 
du  Préfet  »  nous  savons  qu'ils  formaient  à  Byzance  une  corpo- 
ration vivant  sous  l'autorité  de  Téparche  et  ayant  à  sa  tête  un 
primicier.  l  ne  fois  ses  éttides  littéraires  et  juridiques  termi- 
nées, le  jeune  homme  qui  voidait  devenir  notaire  se  présentait 
devant  la  corporation.  Pour  y  entrer,  il  devait  être  élu  par  le  suf- 
frage du  primicier  et  des  tabidlaires  qui  s'assuraient  auparavant 
de  ses  qualités  et  de  son  savoir  :  qualités  morales,  cela  va  de  soi, 
qualités  intellectuelles  aussi.  Tout  d'abord,  le  futur  notaire  de 
vait  avoir  une  excellente  écriture,  chose  importante  entre  toutes, 
puis  savoir  par  cœur  les  quarante  Titres  du  Procliiron  et  con- 
naître les  soixante  Livres  des  Basiliques,  enfin  avoir  fait  ses 
classes  «  7:a'.o£jG7,vs:!.  Tf^^^  hfy.jyj.'.oy  -a'IosjTiv  »  K  Si  l'examen  avait 
été  heureux,  le  sylloge  des  notaires,  ])rimicier  en  tête,  le  con- 

1.  SigilL,  493. 

2.  Zacliariir,  Gescliichle,  p.  .'^56. 

3.  Cf.  pour  les  époques  snivaiiics.  /;i(li,iri;i'.  (,i'>;chirhlr.  p.  :U\-i. 

4.  'Livre  du  Préfet,  I,  S  a,  p.  1  '1. 


I.T    L  EMPIHi:     inZVMIN  1  \ç) 


(luisait  auprès  de  répairho.  Les  uolaires  juraieut  qu'ils  avaient 
fait  réloclion  uniquemeut  à  cause  de  la  scieuce.  de  la  verlu  et 
des  qualités  du  jeuue  homme  et  point  par  amitié,  recomman- 
dation, parenté.  Alors  seulement  conduit' au  «  secreton  o  de 
réparche.  il  était  définitivement  reçu  par  le  fonctionnaire  qui 
dirigeait  le  déparlemenl.  La  cérémonie  civile  accomplie,  ou  se 
dirigeait  vers  l'église  proche  du  domicile  de  l'élu  où  une  céré- 
monie religieuse  avait  lieu.  Après  quoi,  il  allait  prendre  pos- 
session de  son  étude  (xaOiopa)  et  le  tout  se  terminait  par  de 
joyeuses  agapes  '  et  les  dons  habituels  (o-jvr^Gs'.a',)  à  tous  les  chefs 
hiérarchiques  du  nouvel  élu  :  trois  nomismes  au  primicier, 
un  nomisme  à  chaque  tabullaire.  six  nomismes  à  la  caisse  de  la 
corporation  -. 

Cette  cérémonie  n'était  pas  une  vaine  parade.  En  réalité,  elle 
montre  bien  en  quelle  estime  on  tenait  à  Byzance  tous  ceux 
qui,  à  un  degré  quelconque,  s'occupaient  de  la  justice  et  du 
droit  ;  elle  indique,  en  outre,  d'une  façon  figurée,  en  quelle 
étroite  dépendance  de  l'éparche  et  de  la  corporation  vivait 
désormais  l'élu.  Le  tabullaire  pouvait  toujours  être  requis  pour 
les  processions  impériales,  à  l'hippodrome,  dans  sa  corpora- 
tion, devant  l'éparche  et,  sans  raison,  il  ne  devait  pas  s'exempter 
de  ces  convocations  sous  peine  d'une  amende'^,  voire  même 
d'être  battu  de  verges  ^  :  mais  aussi,  une  fois  dans  la  corpora- 
tion oii  seuls  vingt-quatre  membres  étaient  élus,  ayant  chacun 
un  scribe^,  il  devait  jouir  des  honneurs  de  sa  charge.  Autour 
de  la  table,  il  a  sa  place  marquée  :  nul  ne  doit  l'injurier  ou  le 
battre  et  s'il  se  rend  dans  l'étude  de  quelque  confrère,  celui-ci 
doit  aller  à  ses  devants  en  signe  de  respect '\ 

Il  est  bien  probable  que  si  nous  possédions  le  chapitre  concer- 
nant la  corporation  des  avocats  nous  retrouverions  à  peu  près, 
pour  eux,  des  prescriptions  semblables  à  celles  que  nous  venons 
d'indiquer  au  sujet  des  tabullaires.  Malheureusement  nous 
n'avons  nulle  trace  de  leur  organisation.  Ce  que  nous  pouvons 
sonlornent  dire,   en   nous  appuyant  sur  des  documents  posté- 


1.  Livre  da  Préfet,  i,  S  3,  p-  i^- 

2.  Ibid.,  i4. 

3.  Ibid.,  4. 

4.  Ibid.,  5. 

5.  Ibid.,  23  el  '4. 
0.  Ibid.,  9. 


l;30  BASILE     I 

rieurs  comme  la  iiovelle  de  Coiistanlin  Monomaquo  «  sttI  tt, 
àvaoîi^',  xal  TrooêoXr,  toO  oioao-xaAO'j  twv  vojjlwv  »  c'est  que  la  corpo- 
ration existait,  qu'elle  recevait  ses  nouveaux  élus  par  élection, 
à  la  suite  d'un  examen  et  que,  probablement,  les  étudiants  fai- 
saient pour  le  notaiial  et  la  carrière  d'avocat  les  mêmes  études 
juridiques  ^ 

Enfin  une  dernière  question  se  pose  que  nous  pouvons 
résoudre  avec  les  différents  documents  qui  nous  sont  parvenus. 
C'est  celle  des  honoraires.  Ces  honoraires  (sTrôpTOJAa,  d'jyrfie'.ci.'., 
TuapaiJijQ'la!.,  £cp6o',a,  £XTay!.aT'.xà)  étaient,  en  partie,  fixés  par  la  loi 
ou  la  coutume,  en  partie  par  le  juge '-.  A  ce  sujet,  le  «  Livre 
du  Préfet  »  détermine  avec  une  grande  précision  les  cas  où  les 
notaires  peuvent  recevoir  un  salaire.  Les  tabullaires  recevaient 
un  salaire  pour  dresser  un  acte,  faire  un  contrat,  etc.  Sur  leurs 
honoraires,  ils  devaient  donner  au  scribe  deux  u  xîpàTa  » 
par  nomisme  qu'ils  touchaient.  Gomme  de  nos  jours  le  salaire 
du  notaire  se  calculait  d'après  les  sommes  indiquées  au  contrat. 
Pour  une  affaire  de  cent  nomismes,  le  Jiotaire  recevait  douze 
kerata:  pour  une  affaire  dépassant  cent  nomismes,  il  recevait 
un,  deux  nomismes.  etc.,  suivant  l'importance  du  contrat 3. 

Telle  était,  autant  que  nous  pouvons  le  savoir,  l'organisation 
de  la  justice  à  Byzance  à  l'époque  de  Basile.  On  voit  par  là 
quelle  gi*ande  œuvre  il  entreprit  en  essayant  de  réorganiser  ce 
rouage  administratif  qui,  par  suite  du  défaut  de  lois  écrites 
indiscutables  et  universellement  admises,  pouvait,  par  sa  com- 
plexité même,  devenir  une  effroyable  machine  d'oppression 
entre  les  mains  des  fonctionnaires.  Sans  doute,  Basile  laissa 
encore  beaucoup  à  faire  à  ses  successeurs  dans  ce  vaste  champ 
on.  jusqu'à  lui.  ivraie  et  bon  grain  avaient  poussé  en  liberté, 
C'est  cependant  un  de  ses  plus  nobles  titres  de  gloire  d'avoir 
essayé  d'arracher  l'une  pour  laisser  lautre  plus  abondamment 
croître  et  grandir. 

1.  Livre  du  Préfet,  Notes,  p.  8/4,  85. 

2.  Zacliari.T,  GeschicJUe,  p.  36/». 

3.  Livre  du  Préfet,  I,  20,  p.  19. 


CHAPITRE  III 


l  admimstration  interieure  de  l  empire.  evenements  diners 

d'ordre  intérieur. 


Une  révolution  comme  celle  qu'avait  suscitée  à  son  profit 
Basile,  ne  pouvait  pas  n'avoir  aucun  sombre  lendemain.  Malgré 
l'évidente  bonne  volonté  dont  il  fit  preuve  dès  le  premier  jour, 
malgré  ses  efforts  pour  réparer  le  passé  et  améliorer  l'avenir, 
l'Empereur  traînait  derrière  lui  ce  terrible  boulet  qu'étaient  les 
deux  cadavres  de  Bardas  et  de  Michel,  Or,  un  peuple  a  beau 
mépriser  et  haïr  un  régime,  il  a  beau  appeler  de  ses  vœux 
l'heure  des  suprêmes  délivrances,  lorsqu'il  voit  couler  le  sang, 
il  est  pris  de  dégoût  et  il  se  révolte  :  son  sauveur  même  lui 
devient  haïssable.  Du  reste,  un  gouvernement,  si  déshonoré 
qu'il  puisse  être,  a  forcément  ses  adulateurs,  ses  parasites,  ses 
obligés  et  si  toujours  un  certain  nombre  de  ses  partisans  se 
trouve  prêta  accomplir  toutes  les  palinodies,  à  opérer  tous  les 
ralliements,  il  en  est  d'autres  qui,  parce  qu'ils  ont  eu  à  souffrir 
du  nouvel  état  de  choses,  deviennent  inévitablement,  a  leur 
tour,  des  révoltés.  Basile  n'échappa  pas  à  cette  loi.  Bardas  comp- 
tait beaucoup  d'amis  ;  Michel,  de  nombreuses  créatures  qui  lui 
devaient  fortune,  honneurs,  fonctions.  Sacrifiés  par  le  nouveau 
règne,  déçus  dans  leurs  espérances,  ceux-là  ne  manquèrent  pas 
de  s'insurger  contre  l'Empereur  et  de  chercher  à  répéter  pour 
quelqu'un  des  leurs  l'immorale  leçon  qui  venait  de  leur  être 
donnée.  C'est  bien,  au  demeurant,  ce  qui  explique,  outre  les 
conjurations  dont  nous  allons  parler,  la  double  et  très  distincte 
tradition  que  se  passèrent,  d'un  siècle  à  l'autre,  les  chroni- 
queurs et  les  historiens  de  Byzance.  Les  uns  sont  partisans  de 
Basile  et.  à  la  suite  de  Constantin  Porphyrogénète,  louent  à 
l'envi,  sa  sagesse,  son  illustration,  sa  grandeur  et  sa  bonté  ; 
les  autres  demeurent  partisans  de  Michel  et  n'ont  garde  d'ou- 
bUer  les  crimes,   les  cruautés,  les  faiblesses,  l'ignorance  et  la 


102  BASILE    I 

basse  origine  de  leur  nouveau  maître  :  histoire  secrète  qu'on 
se  racontait  sous  le  manteau  de  la  cheminée  et  qui  nous  permet 
à  dix  siècles  de  distance  de  nous  faire  une  idée  à  peu  près 
exacte  des  origines  de  la  maison  macédonienne. 

Ce  sont  là,  en  vérité,  vengeances  d'historiens  qui  ne  durent 
pas  beaucoup  émouvoir  Basile.  S'il  pouvait  lui  être  désagréable 
d'entendre  murmurer  à  ses  oreilles  l'histoire  tragique  des  châ- 
timents qui  ne  tardèrent  pas  à  fondre  sur  ses  amis,  les  meur- 
triers de  Michel  —  on  racontait,  en  effet,  que  Jacobitzès  ayant 
un  jour  laissé  tomber  son  épée  à  la  chasse  voulut  descendre  de 
cheval  pour  la  ramasser,  que  son  cheval  prit  peur  et  qu'embar 
rassé  dans  son  étrier  il  fut  traîné  ainsi  à  travers  vallées  et  pré- 
cipices et  écartelé  ;  que  Jean  Ghaldos,  ayant  comploté  contre 
l'Empereur  dans  son  thème  de  Chaldée,  fut  crucifié  par  le  stra- 
.tilate  André  ;  que  des  deux  amis  de  l'Empereur,  Asyléon  et 
Marianos.  l'un  fut  tué  par  ses  serviteurs  et  l'autre  mourut  de 
la  gangrène,  etc.  ^  —  il  dut  se  sentir  plus  directement  atteint  par 
les  conspirations  qui  s'ourdirent  contre  lui. 

A  peine  Bardas  était-il  mort  et  Basile  empereur  que  les 
colères  s'allumèrent  contre  lui.  Basile,  en  effet,  avait  indigne- 
ment trompé  le  gendre  même  de  Bardas,  Symbatios,  en  lui  fai- 
sant croire  que  l'Empereur  voulait  le  couronner  César  et  que 
seul  son  beau-père  mettait  obstacle  à  sa  fortune  naissante.  Il 
n'en  fallut  pas  davantage  pour  décider  Symbatios  à  donner  son 
adhésion  au  projet  que  lui  proposait  Basile  de  faire  assassiner 
Bardas.  C'était  là  pour  le  Macédonien  unte  brillante  recrue. 
"Symbatios  était  patrice  et  logothète  du  drôme  et  son  exemple 
ne  manqua  pas,  sans  doute,  d'amener  à  la  conjuration  un  cer- 
tain nombre  de  seigneurs  toujours  en  quête  de  fonctions  à 
remplir,  de  grades  à  posséder  et  dont,  souvent,  le  meilleur 
espoir  d'avenir  était  de  découvrir  par  avance  l'heureux  succes- 
seur du  Basileus  régnant  pour  s'attachera  lui.  Aussi  quand  tout 
ce  monde  se  vit  berné  et  dut  prêter  hommage  au  nouvel  Empe- 
reur, chacun  put-il  avoir  quelque  raison  d'être  parfaitement 
mécontent.  Symbatios  lui,  première  dupe  d'un  valet  d'écurie, 
ne  se  contint  plus.  Il  donna  sa  démission  de  logothète  et 
demanda  un  commandement  militaire.  Le  thème  des  Thracé- 
siens  lui  fut  tout  de  suite  accordé  et  c'est  là,  qu'avec  le  stratège 

I.  Sym.  Mag.,  Vit.. Basil.,  m,  7^19. 


ET    L  EMPIRE   BYZANTIN  l53 

de  rOpsikion,  Georges  Piganis,  il  recommença  à  comploter, 
cette  fois  contre  Basile.  Aux  cris  de  a  longue  vie  à  Michel,  mort 
à  Basile  »  les  deux  stratèges  brûlèrent  les  moissons  et  sacca- 
gèrent les  propriétés  des  grands  seigneurs  de  Byzancc.  Il  fallut 
aller  réprimer  la  révolte  avec  l'armée.  Symbatios  et  Piganis 
furent  pris  ;  on  leur  creva  un  œil  et  on  les  amputa  d'une  main. 
Basile  aurait  pu  les  faire  mettre  à  mort,  mais  il  avait  trop 
besoin  d'affermir  son  autorité,  il  avait  trop  de  crainte  encore  de 
voir  tous  ses  plans  échouer  pour  n'agir  pas  avec  condescen- 
dance. Il  se  contenta  de  ce  supplice  et  envoya  ses  ennemis  en 
exil  *. 

La  leçon  était  dure  pour  Basile.  11  comprenait  que  c'était  à 
son  autorité  qu'en  voulaient  ses  ennemis  et  que  plutôt  que  de  le 
supporter,  s'ils  ne  pouvaient  rendre  à  Michel  et  à  sa  famille  son 
pouvoir  impérial,  ils  étaient  décidés  à  lui  susciter  un  autre  pré 
tendant,  usurpateur  comme  lui.  C'est  pourquoi,  dès  qu'il  fut 
maître  de  l'Empire  par  l'assassinat  de  Michel,  s'empressa-t-il 
d'associer  au  trône  ses  deux  fils,  Constantin  et  Léon,  «  afin,  dit 
son  petit-fils,  d'enlever  toute  espérance  et  de  donnera  son  pou- 
voir des  racines  plus  nombreuses  et  plus  fortes  -.  n  Et  cela  lui 
réussit.  Toutefois,  pour  autant,  ses  ennemis  ne  désarmèrent 
pas.  Au  lendemain  du  meurtre  de  Michel,  l'amiral  Oryphas  se 
mit  ouvertement  à  la  tête  du  parti  de  l'Empereur  défunt  et  ne 
songea  qu'à  le  venger.  Il  fallut  qu'habilement  Basile  le  gagnât 
à  sa  cause 3. 

Sur  la  fin  de  sa  vie  enfin,  peut  être  l'année  qui  précéda  sa 
mort*,  le  domestique  des  Icanates.  Jean  Kourkouas.  releva  de 
nouveau  l'étendard  de  la  révolte.  Soixante-six  conjurés,  presque 
tous  hauts  fonctionnaires  ou  membres  du  sénat,  se  groupèrent 
autour  de  Léon  qu'ils  savaient  fils  de  Michel  et  ourdirent  une 
nouvelle  conjuration.  Comme  la  première  elle  fut  découverte. 
Kourkouas  eut  les  yeux  crevés,  les  autres  furent  frappés  de 
verges,  tous  furent  envoyés  en  exiP.  Cette  fois  encore  Basile 


1.  Vit.  Basil.,  ch.    xvii    et    wiii,    p.    ijôa,    aôf]  ;    cli.    vwiv,  p.  380;  Sviii. 
Mag.,  ch.  xLiv,  p.  7^1  ;  Georges  Moine,  p.  io64. 

2.  Vit.  Basil.,  ch.  xxxiv,  p.  280. 

3.  Sym.  Mag.,  ch.  11,  p.  749. 

4.  Sym.  Mag.,  ch.  xxii,  p.  761. 

5.  Vit.  Basil.,  ch.  xlv,  p.  298  ;  Sym.  Mag.,  ch.  xxii,p.76i  ;  LéonGramm., 
1093;  Georges  Moine,  p.  1088. 


l54  BASILE    I 

n'osa  aller  plus  loin  dans  la  voie  de  la  répression.  C'est  qu'il 
sentait  que  cette  nouvelle  conjuration  était  un  châtiment.  Si 
elle  réunissait,  après  dix-neuf  ans  de  règne,  tous  les  anciens 
partisans  de  Michel,  si  elle  avait  pour  drapeau  son  fils  putatif 
Léon,  il  l'avait  bien  voulu.  C'était  son  injustice,  son  impré- 
voyance, sa  faiblesse  el  sa  crédulité  qui  en  étaient  cause.  Voici 
comment  : 

L'Empereur  si  énergique,  si  clairvoyant,  si  droit,  quand  il 
s'agissait  des  affaires  de  l'Etat,  était  tout  autre  dans  sa  vie  intime 
et  familiale.  Tant  que  Constantin,  son  véritable  fils,  vécut,  les 
choses  allèrent  à  peu  près  bien.  Basile  avait  la  certitude  qu'il 
régnerait  et,  par  conséquent,  pouvait  négliger  le  fils  de  Michel. 
11  avait  été  obligé  de  l'associer  à  l'Empire  puisqu'il  le  faisait 
passer  pour  son  fils,  mais  cela  n'engageait  pas  l'avenir.  Cons- 
tantin seul  devait  régner.  Aussi  la  mort  du  jeune  homme, 
espoir  et  joie  de  son  père,  porta-t-elle  à  Basile  un  coup  dont  il 
ne  se  releva  pas.  Mcétas,  l'auteur  delà  }  ie  de  saint  Ignace,  dit 
formellement  que  l'Empereur  devint  fou  et,  malgré  les  préven- 
tions et  les  antipathies  de  l'hagiographe,  à  examiner  la  con- 
duite de  Basile  en  certaines  circonstances,  on  peut  se  demander 
si  Nicétas  n'a  pas  raison  *,  d'autant  que  d'autres  comme  Léon  le 
Grammairien  et  Georges  le  Moine  l'affirment-.  Or.  c'est  peu 
après  la  mort  de  Constantin,  entre  880  et  881,  alors  que  Basile 
était  très  abattu  par  le  malheur  qui  l'avait  frappé,  que  Pho- 
tius  lui  présenta  le  fameux  Théodore,  dit  Santabarenos.  Cet 
homme  venu  de  Santabaris  en  Phrygie,  aux  jours  de  sa  jeu- 
nesse 3.  paraît  avoir  été  manichéen  ou  paulicien  el  fils  de  mani- 
chéens, et  c'est  peut-être  pour  cette  raison  qu'il  avait  eu  des 
difficultés  avec  le  gouvernement  de  Bardas.  Quoiqu'il  en  soit,  le 
César  l'avait  fait  enfermer  au  Stoudion  où  il  passa  une  partie 
de  son  existence.  Là  il  devint  prêtre  et  fit  connaissance  avec 
Photius  qui  le  nomma  higouniène  du  monastère,  charge  qu'il 
dut  résigner  lors  de  la  première  abdication  de  son  protecteur,  à 
la  grande  joie  des  moines  *.  Comme  tous  ses  coreligionnaires, 
Théodore  avait  un  goût  marqué  pour  les  sciences  occultes.  Il 
s'occupait  de  magie  et  de  sorcellerie  et  savait  en  user  au  mieux 

I.  Vit.  Ignat.,  p.  549- 

3.  Léon  (rramm.,  p.  1092  ;  Georges  Moine,  p.  108^4. 

3.  Vit.  S.  Theoph.,  xii,  p.  7  ;  note  10,  p.  53. 

\.  Sym.  Magist..  ch.  xvîii,  706. 


ET    L  EMPIRE     BYZA.MIN  1  ."),"> 

de  SCS  intérêts.  Miracles  et  prophéties,  philtres  et  impostures 
de  tous  genres  avaient  sur  l'imagination  byzantine  trop  d'em- 
pire et  d'attrait  pour,  qu'en  habile  homme,  il  ne  profitât  pas 
de  ses  connaissances  auprès  de  ceux  qui  voulaient  bien  s'y  lais- 
ser prendre.  Basile  était  de  ceux-là.  Lorsque  Photius  eut  retrouvé 
grâce  auprès  de  l'Empereur,  il  lui  présenta  son  ami  Théodore 
qui  ne  tarda  pas  à  être  compté  parmi  les  familiers  du  palais. 
Bientôt  même  l'ascendant  de  Sanlabarenos  sur  l'esprit  malade 
de  l'Empereur  fut  si  complet  qu'il  se  crut  assez  fort  pour  jouer 
la  grande  comédie  qui  devait,  dans  sa  pensée,  assurer  pour 
toujours  son  influence  et  sa  réputation  :  il  proposa  à  l'Empereur 
de  lui  faire  voir  son  fils  Constantin.  Un  jour  donc,  il  entraîna 
Basile,  sous  prétexte  de  chasse,  dans  un  bois  et  se  mit  en 
mesure  d'accomplir  sa  promesse.  La  scène  avait  été  préparée 
d'avance.  Basile,  convaincu  du  pouvoir  magique  de  Théodore, 
attendait  avec  joie  l'instant  où  il  pourrait  embrasser  son  fils 
quand,  tout  à  coup,  à  quelque  distance,  Constantin  apparut  à 
ses  regards.  Troublé,  ému,  Basile  voulut  courir  vers  son  fds, 
mais  il  avait  disparu  avant  que  son  père  n'eût  eu  le  temps  de  le 
rejoindre.  La  pièce,  néanmoins,  était  jouée.  Elle  avait  produit 
son  effet.  Sur  l'emplacement  miraculeux,  Basile  fit  construire 
une  église  et  un  monastère  dédié  à  saint  Constantin.  11  était 
prêt  à  accepter  tout  ce  que  Théodore  pourrait  lui  dire,  à  faire 
tout  ce  qu'il  pourrait  lui  demander,  même  à  disgracier  ses 
meilleurs  serviteurs  comme  le  domestique  des  scholes  André, 
favorable  à  Léon  ^ . 

C'est  que  toutes  ces  impostures  et  toutes  les  calomnies  qui  les 
accompagnaient  avaient  leur  raison  d'être  et  concouraient  à  un 
plan  déterminé  :  celui  de  faire  disparaître  Léon  pour  qu'à  la 
mort  de  Basile  un  autre  lui  succédât.  Et  c'est  ici  que  se  laissent 
deviner,  par  un  côté,  les  plans  cachés  de  Photius.  Le  Patriarche 
tenait  par  alliance  à  l'ancienne  famille  impériale.  Dans  son 
âme  il  pouvait  retrouver  quelques-uns  des  traits  caractéris- 
tiques qui  font  l'iiomme  de  gouvernement,  S'il  avait  accepté 
une  première  fois  le  trône  patriarcal  et  engagé  la  lutte  avec 
Kome.  c'est  qu'il  espérait  bien  être,  un  jour,  maître  du  pouvoir. 
L'Empereur  Michel,  par  sa  conduite  et  son  impopularité,  pou- 
vait servir  ses  rêves  ambitieux  :   l'Empereur  Basile   les  avait 

I.   Loon  (Irninm.,  logS  ;  Goorgos  Moine.   i(»8'i  :  Smii.    \I.iv..(Ii.  wii.  7."',;. 


150  Ii\SlI,E    I 

brisés  d'un  seul  coup  en  lo  destituant.  Du  reste  ce  n'était  pas 
avec  un  tel  homme  comme  souverain  que  Pliotius  avait  cliance 
de  réaliser  ses  projets.  Aussi  ne  trouva-t-il  rien  de  mieux, 
lorsque  la  faveur  impériale  lui  permit  de  rentrer  au  Palais,  que 
de  conspirer  poui*  perdre  Léon.  L'heure  était  propice.  L'Empe- 
reur malade  n'avait  plus  son  énergie  d'autrefois  :  de  plus  il 
détestait  son  fils.  Tout  pouvait  donc  servir  les  desseins  du 
Patriarche.  Théodore  fut  chargé  de  mettre  le  plan  à  exécution. 
Il  commença  par  circonvenir  Léon  —  qui  le  haïssait  et  ne  se 
faisait  point  faute  de  le  traiter  devant  son  père  comme  il  le 
méritait'  —  et  l'engagea,  maintenant  qu'il  était  d'âge  à  le  faire, 
à  porter  dans  ses  bottes  un  poignard  dont  l'utilité  pourrait 
être  gi'ande  à  l'Empereur,  soit  à  la  chasse,  contre  les  bétes 
sauvages,  soit  contre  ses  ennemis'-.  Le  conseil  plut  à  Léon  qui 
ne  se  méfia  pas  de  ce  grossier  piège.  Il  ne  se  doutait  pas  que 
Théodore  le  représentait  à  Basile  comme  un  factieux,  comme  le 
chef  du  parti  de  Michel,  comme  prêt  à  tuer  son  père  et  qu'il 
donnait,  pour  preuve  incontestable  de  la  vérité  de  ses  dires,  le 
poignard  dans  les  bottes  de  Léon.  V  son  tour,  une  fois  de  plus, 
l'Empereur  se  laissa  prendre.  Peut-être,  du  reste,  était-il  heu- 
reux de  trouver  ce  motif  pour  définitivement  écarter  du  trône 
le  fils  de  sa  Aictime  et  laisser  le  pouvoir  à  Alexandre,  son  Aéri- 
table  fils.  En  tous  cas  Léon  fut  convaincu  de  vouloir  attenter  à 
la  vie  de  son  père  et,  pour  ce  fait,  enfermé  lui,  sa  femme  Théo- 
phano  et  son  petit  enfant  dans  une  étroite  prison  -K  L'Empereur 
parla  même  de  lui  crever  les  yeux.  Il  fallut,  pour  l'en  empê- 
cher, l'intervention  de  Photius  et  de  Stylianos,  futur  beau-père 
de  Léon  ^  Théodore  était  donc  arrivé  à  ses  fins.  La  place  était 
libre  car  Alexandre  était  encore  un  enfant.  Malheureusement 
Photius  et  ses  amis  avaient  compté  sans  le  parti  de  Michel.  Au 
cours  des  tiois  mois  que  dura  l'internement  de  Léon  eut  lieu  la 
révolte  de  Kourkouas  dont  le  but  était  la  délivrance  du  prince 
héritier.  Elle  échoua,  en  vérité,  mais  l'opinion  publique 
remuée  obtint  ce  que  la  conspiration  ne  put  gagner.  Au  cours 
d'un  dîner  auquel  la  cour  assistait,  on  entendit  un  perroquet, 


1.  «  TùT,;  xai  à-rza-rewv  ».  Vita  Basil.,  cti.  c,  p.  3G5. 

2.  Ibid. 

3.  Vit.  S.  Théoph.,  S  12,  p.  8. 

4.  Ibid.,  S  16  et  seq.,   p.  11    et   seq.  ;  Vit.    Basil.,   ch.    c.  p.  365  ;  Georges 
Moine,  p.  1084  ;  Sym.  Mag.,  ch.  xxi,  p.  760. 


Il      I     I.MI'IRI:;     m/VMl\  1.)- 

savamnienl  rdiKiué.  jvclamer  l'élargissement  de  Léon.  Chacun 
donna  raison  à  l'oiseau,  tort  au  souverain  et,  devant  l'unanime 
volonté  des  grands,  racontent  les  chroniqueurs,  les  sages  aver- 
tissements de  Stylianos.  dit  l'anonyme  auteur  de  la  \  ie  de  sniiilc 
Théophano.  Basile  rendit  à  Léon  sa  liberté  et  ses  droits  '.  Pour 
une  fois  Théodore  était  battu.  Il  comprit  qu'il  n'avait  qu'à  fuir. 
Sacré  évéque  d'tluchaïte  dans  le  Ponl,  durant  le  second  ponti 
ficatde  Photius,  il  s'en  alla  dans  son  diocèse  avec  l'espoir  d'y 
trouver  la  sécurité  '-.  Malheureusement  pour  lui  ses  projets  ne 
lardèrent  pas  à  être  dévoilés.  Aussi  dès  que  Basile  eut  evpiré, 
un  tribunal,  sur  l'ordre  du  nouvel  Empereur,  se  réunit-il  pour 
juger  Photius  et  Santabarenos.  Sans  ambages,  ils  étaient  accu- 
sés d'avoir  voulu  susciter  à  Léon  un  compétiteur  dans  la  per- 
sonne d'un  parent  de  Photius.  Le  Patriarche  fut.  de  nouveau, 
destitué  et  s'en  alla  mourir,  exilé  dans  un  couvent  ;  Théodore, 
frappé  de  verges  et  aveuglé,  fut  envoyé  en  Asie,  puis  à  Athènes. 
11  mourut  sous  le  règne  de  Constantin  et  de  Zoé  à  Constanti- 
nople,  où,  longtemps  après  son  avènement.  Léon  l'avait  rap- 
pelé-^  Si  le  procès  qui  fut  fait  à  Photius  et  à  Théodore  ne  parvint 
pas  à  démontrer  juridiquement  que  le  but  qu'ils  poursui- 
vaient était  la  destruction  de  la  maison  macédoniennne.  l'opi 
nion  publique,  elle,  n'en  resta  pas  moins  convaincue  de  la 
réalilé  du  complot,  à  tel  point  que  Stylianos,  évéque  de  Néo 
Césarée.  écrivait  formellement  au  pape  Etienne  peu  après  l'avè 
nement  de  Léon,  que  le  projet  de  Photius  et  de  Santabarenos 
avait  été  d'éloigner  l'héritier  afin  de  pouvoir  prendre  eu  mains 
l'Empire  et.  soit  par  eux-mêmes,  soit  par  un  autre,  toute  l'admi 
nistration,  «  a-jTO',  xa^sçojT»,  tt.v  j^aT'.ÀS'lav  r,  o[  sa-jTwv,  r,  o».  £T£pO'j, 

Basile,  cependant,  aucours  de  son  règne  n'eut  [)as  (pie  des 
sujets  d'angoisse  et  de  tristesse.  Bien  des  jouis  vinrenl.  parfois, 
éclairer  d'un  soudain  et  gai  rayon  le  ciel  si  sou\enl  Irisie  cl 
menaçant  de  son  existence  et  lui  faire  oublier,  par  un  inslani 
de  bonheur,  de  quel  prix  il  payait  la  réalisation  de  .ses  rêves 
ambitieux.  Ce  furent  les  joies  orgueilleuses  du  souverain 
faisant  sa  triompliale   enliée  à  B\zance  après  avoir   xaincii  ses 

I.  ]  il.  li(mL,  ch.  r.i,  p.  [S()^  ;  Sym.  \[ajr.,  eh.  \vi,  j).  7O0. 

:>..  VU.  Siv  Thcoph.,  16,  p.  11. 

'.\.  î^éon  Graimii.,  1097, 

\.  Siylinn,  Mansi.  \VI,  j).  \X\. 


l58  BASILE    I 

ciiiicmis  '  ;  ce  furent  les  bonheurs  plus  iuliuics  de  la  famille, 
par  la  naissance  successive  de  ses  deux  fds  légitimes.  Alexandre 
et  Etienne  et  le  mariage  qu'il  imposa  à  Léon  avec  S**"  Théo- 
phano  :  ce  furent  aussi  les  douces  satisfactions  de  l'amitié  lors 
du  fameux  voyage  de  Daniélis  à  Byzance. 

Ce  voyage  de  l'illustre  et  puissante  veuve  semble  avoir  occupé 
singulièrement  limagination  byzantine.  C'était,  cependant, 
chose  bien  naturelle  que  cette  femme  âgée,  qui  avait  connu 
autrefois  l'Empereur  dans  la  plus  modeste  condition  et  avait  aidé 
de  sa  fortune  les  débuts  de  sa  carrière,  vint  lui  rendre  visite 
maintenant  que  toutes  les  prédictions  auxquelles  elle  avait  cru 
se  trouvaient  réalisées.  Il  est  probable  que  si  les  contemporains 
tirent  aussi  giand  état  de  ce  voyage,  c'est  surtout  à  cause  du 
luxe  qui  fut  déployé  en  ces  jours  de  fête.  Du  fond  de  sa  province. 
Daniélis  se  fit  transporter  en  litière  par  trois  cents  jeunes  gens  à 
son  service,  jusqu'à  Constantinople.  Elle  était  suivie  d'un 
immense  cortège  d'esclaves,  porteurs  de  présents  si  magnifiques 
et  si  nombreux  qu'ils  firent  l'étonnement  de  tous.  L'Empereur 
reçut  solennellement  à  la  Magnaure  sa  bienfaitrice  d'hier  et  d'au- 
jourd'hui, accepta  tous  ses  cadeaux  et  lui  en  fit  à  son  tour,  la 
combla  d'honneurs  et  de  dignités  et  ce  fut,  plus  puissante 
encore  que  par  le  passé,  qu'elle  rentra  dans  le  Peloponèse, 
après  un  long  séjour  auprès  de  l'Empereur  -.  Ceci  se  passait  un 
peu  avant  88 1.  époque  de  la  consécration  de  la  u  Nouvelle 
Eglise  »  car  Constantin  Porphyrogenète  nous  rapporte  que 
lorsque  la  pieuse  veuve  vint  à  Constantinople  l'édifice  se  cons- 
truisait et  était  suffisamment  avancé  pour  qu'elle  en  put  faire 
mesurer  l'intérieur  afin  d'envoyer  de  ses  fabriques,  des  tapis 
et  autres  objets.  Du  reste  ce  qui  ne  permet  pas  de  placer  beau- 
coup plus  tôt  le  voyage  de  Daniélis.  c'est  qu'âgée  déjà,  du 
Aivant.  de  Basile,  elle  put  revenir  encore  une  fois  à  Byzance 
sous  le  règne  de  Léon.  C'est  donc  aux  environs  de  880  qu'il 
faut  placer  cet  événement  qui  fit  dans  Constantinople  autant  et 
plus  de  bruit  que  l'ariivée  d'un  souvoiaiii. 


1.  Cf.  plus  bas.  los  affaires  militaires. 

2.  Mf.  Basil.,  (h.  i.\\i\  cl  lwn,  p.  333. 


i:i      I.  KMIMlli:     mZANTIN 


II 


Unpixn  Ici'  ^^ilupk'HK'nl  les  ivcils  si  sumcnl  naïfs  cl  cnranliiis 
(les  chioniqucurs  à  ])ropos  (Vim  règne  serait,  ee  seinl)le.  d'assez 
inédioere  intérêt  et  de  portée  bien  ])eu  eonsidérable  :  mais 
lorsqn'ils  sont  remis  dans  le  cadre  général  des  institntions 
d'une  époque,  ces  récils  d'abord  insigniiiants  se  revêtent 
soudain  de  vie  et  de  lumière.  Ils  deviennent  plus  compré- 
hensibles, ils  se  font  plus  instructifs  et  ce  n'est  point  cliose 
rare  qu'ils  ouvrent  le  chemin  fermé  qui  conduit  à  l'entière 
vérité.  Il  me  semble  donc  utile  de  continuer,  à  propos  des  évé- 
nements dont  il  vient  d'être  question,  l'étude  plus  large  et  |)lus 
féconde  des  institutions  byzantines  au  temps  de  F3asile  l".  en 
essayant,  après  avoir  parlé  des  institutions  financières  et  judi- 
ciaires, de  décrire,  dans  la  mesure  du  possible,  le  mécanisrne 
du  gouvernement  intérieur  de  l'Empire  soit  à  Constantinople, 
soit  dans  les  provinces. 

L'administration  générale  de  l'Empire  aboutissait,  comme 
nous  l'avons  dit  déjà,  dans  les  dix  bureaux  ou  ministères  qui  se 
trouvaient  à  Conslantinople.  Nous  connaissons  quatre  de  ces 
«  sécréta  »  ceux  dont  les  attributions  étaient  spécialement 
financières  ;  nous  retrouverons,  en  nous  occupant  de  l'armée, 
d'autres  bureaux  militaires.  Ce  qu'il  s'agit  d'étudier  ici  ce  sont 
les  ministères  de  l'Intérieur  et  leur  fonctionnement. 

\  la  tête  de  l'administration  générale  de  l'Empire  se  trouvait 
le  sacella'ive  (6  craxsÀAapw;),  personnage  important  qui  pouvait 
être  patrice.  proconsul,  etc.',  et  posséder  même,  à  côté  de  sa 
fonction  de  sacellaire.  une  charge  antique.  A  l'époque  de 
Léon  VI  il  était  inscrit  au  trente-deuxième  rang  dans  les  listes 
de  la  noblesse  impériale  ;  mais  à  l'époque  de  Basile  il  devait 
être  sans  doute  le  vingt-neuvième.  Tels  étaient,  par  exemple. 
Baanès  et  Etienne  au  iv'^  siècle  que  les  u  Cérémonies  »  et  les 
actes  du  Concile  de  869  désignent  l'un  comme  patries,  l'autre 
comme  patrice,  préposite  et  sacellaire.  Nous  connaissons  par  la 
«  Vita  Basilii  0  comme  parles  actes  du  Concile  de  S69  l'activité 

I.  Ccrem.,  iHVi- 


l6()  BASILE    I 

et  rinflueiice  de  Baanès  sous  le  règne  de  Basile  '.  Le  sacellaire 
a  va  il  ])ovir  mission  de  snrveiller  les  affaires  qui  se  traitaient 
dans  tons  les  bureaux.  Le  notaire  de  chaque  u  secreton  »  lui 
apportait  les  registres  (>:aTaypa!pal)  qu'il  vérifiait,  et  c'est  lui, 
sans  doute,  qui  adressait  au  souverain  les  rapports  concernant 
l'administration  générale-  tant  de  la  ville  que  des  thèmes,  tant 
des  services  militaires  que  des  impôts  et  des  hospiceg.  En 
somme,  c'était  le  premier  personnage  dé  l'Empire  en  ce  qui 
concernait  l'administration  générale.  Il  n'avait  la  charge  spé- 
ciale d'aucun  ministère,  il  les  dirigeait  tous,  ce  qui  ne  a  eut  pas 
dire,  toutefois,  qu'il  était  premier  ministre.  Cette  charge  n'exis- 
tait pas  toujours  et  quand  l'Empereur  faisait  choix  d'un  premier 
ministre,  il  le  choisissait  où  bon  lui  semblait.  Généralement 
il  prenait  le  logolhète.  Tel  ïhéoctistos.  sous  ïhéodora. 

Chaque  ministère  se  composait  d'un  chef  suprême,  le  plus 
souvent  grand  seigneur  et  toujours,  par  sa  fonction  même, 
j)ersonnage  d'impoitance.  A  ses  côtés  travaillait  toute  une  foule 
de  scribes  et  de  fonctionnaires  de  second  ordre  qui  se  parta- 
geaient l'écrasante  besogne  des  affaires  courantes.  Psellos  nous 
a  laissé  un  amusant  tableau  de  la  vie  intérieure  d'un  de  ces 
ministères  dont  il  fit  partie  durant  sa  jeunesse  et  qui  ne  diffère 
pas  beaucoup  de  certains  autres  plus  rapprochés  de  nous.  Un 
travail  énorme  accablait  les  malheureux  employés  qui  n'avaient 
guèie  de  stimulant  pour  le  joyeusement  accomplir.  Bien  au 
contraire.  Partout  c'étaient  des  intrigues  qui  s'ourdissaient 
entre  fonctionnaires  et  c'était  à  qui  damerait  le  pion  à  l'autre. 
L'un  meltaiten  avant  son  ancienneté,  un  autre  cherchait  à  se 
distinguer  par  sa  rapidité  à  écrire  ou  par  ses  connaissances 
variées,  un  troisième  avait  l'oreille  d'un  chef  et  en  profitait 
pour  faire  de  faux  rapports.  Parce  qu'il  fallait  beaucoup  de  zèle 
et  de  science  si  l'on  voulait  percer,  parce  que,  facilement,  on 
était  menacé  de  renvoi  ou  grondé,  la  jalousie  et  l'animositc 
régnaient  en  maîtresses  dans  ces  lieux  <(  qui  ne  sont  pas 
j)référables  à  la  géhenne  -^  » 

Tandis  qu'aux  affaires  financières  se  raltachaient  les  minis- 
tères du  logothète  du  Trésor,  du  préfet  de  l'idikon  et  des  cura 
leurs,  aux   affaires   militaires   les    ministères   du    logothète  de 

I.  Cerem.,  gSS.  Maiisi,  XVI.  8i. 

3.  Ibid.,  iSao. 

3.  PscUos,  V,  2 '48-953, 


ET  l'empire  byzantin  i6i 

l'armco,  aux  affaires  intérieures  se  rattachaient  spécialement 
cinq  ministères  :  ceux  du  charlulaire  du  sakkellion,  du  logothète 
du  drome.  du  cliartulaire  du  vesliaire,  du  grand  chancelier  et 
de  lorphanotrophe  auxquels  on  peut  ajouter,  bien  qu'il  n'ail 
pas  eu  de  bureau  spécial,  le  cliartulaire  du  caniclée. 

Le  sacellaire  n'avait  pas  à  proprement  parler  de  bureau, 
étant  inspecteur  général  de  tous  les  ministères.  C'est  ce  qui 
explique  que  le  sakkellion  (a-axxÉÀXiov)  avait  à  sa  tête  un  simple 
charlulaire  (6  yoLp':o'j\'xp<,o:;  -zo'j  o-axxîXX'lou)  du  reste,  personnage 
de  haut  rang,  le  quarante-cinquième  dans  la  hiérarchie  byzan- 
tine, pouvant  être  honoré  des  titres  nobiliaires  les  plus  enviés. 
Lorsque  Basile  monta  sur  le  trône,  il  nomma  à  cette  importante 
dignité  un  frère  de  Ihigoumène  Nicolas,  PauU.  Comme  son 
nom  l'indique,  le  cliartulaire  du  sakkellion  était  un  fonction- 
naire d'ordre  financier.  Mais  qu'était  cette  bourse  (TaxxsAA'.ov)? 
Les  textes  ne  le  disent  pas  très  clairement  et  les  attributions 
réservées  aux  officiers  établis  sous  les  ordres  du  cliartulaire, 
souvent  utiles  pour  se  rendre  compte  de  Torganisation  de 
chaque  ministère,  ne  nous  donnent  cette  fois  aucun  renseigne- 
ment bien  précis.  Cependant  il  me  semble  qu'on  ne  s'éloigne- 
rait pas  beaucoup  de  la  vérité  en  considérant  le  «  sakkellion  » 
comme  le  bureau  du  u  sacellaire  »  que  le  charlulaire  dirigeait. 
Là,  aboutissait  en  dernier  ressort  toute  l'administration  byzan- 
tine, non  pas  au  point  de  vue  de  l'expédition  des  affaires,  mais 
uniquement  au  point  de  vue  de  la  surveillance  générale  de 
tous  les  rouages  gouvernementaux,  spécialement  des  rouages 
financiers.  On  conçoit  facilement,  en  effet,  que  la  tache  du 
sacellaire  eût  été  impossible  s'il  n'avait  eu,  pour  le  seconder, 
des  fonctionnaires  chargés  de  se  partager  le  lourd  fardeau  qu'il 
assumait.  Aussi  bien  est-ce  ce  que  nous  pouvons  conjecturer, 
avec  quelques  chances  de  dire  vrai,  par  la  composition  même 
du  bureau  du  chartulaire.  Quels  sont,  en  effet,  les  officiers  que 
nous  trouvons  mentionnés  comme  faisant  partie  du  u  sakkel- 
lion »  '? 

C'est  tout  d'abord,  —  avec  le  cortège  habituel  composant 
les  bureaux  de  grande  importance  et  exigeant  beaucoup 
d'écritures  :  protochancelier,  notaires,  chanceliers,  —  les  pro- 

I.  Léon  Gramm.,  1089. 

11 


l62  BASILE    I 

tonolaires  des  thèmes  (TrocoTovoTâoio!,  twv  OsjjiàTcov).  Ces  person- 
nages civils  nous  sont  assez  bien  connus.  Comme  tous  les 
fonctionnaires  en  résidence  dans  les  thèmes,  les  protonotaires 
n'avaient  qu'un  rang  nobiliaire  assez  inférieur  et  leurs  fonc- 
tions étaient  uniquement  financières.  Ils  ne  paraissent  pas, 
cependant,  avoir  jamais  levé  directement  les  impôts  ou  rempli 
les  fonctions  dépopte  et  de  dioecèle.  Non.  Ils  dirigeaient 
l'administration  civile  du  thème  de  concert  avec  le  stratège, 
recevaient  de  «  l'î'.o'.xôv  »  l'argent  nécessaire  pour  payer  les 
soldats,  les  frais  de  table  de  l'Empereur,  les  envois  de  vivres 
et  de  munitions  nécessaires  à  l'armée  :  ils  s'occupaient  de 
la  colonisation  de  leur  province  et  centralisaient  les  impôts 
perçus  par  leurs  inférieurs ^  En  un  mot  ils  étaient,  comme 
dit  Léon  VI,  les  chefs  de  l'administration  civile-,  les  pre- 
miers représentants  civils  des  thèmes.  Ils  avaient  la  surveil- 
lance de  l'administration  et  détenaient  les  clefs  du  trésor  pro- 
vincial que  le  stratège  lui-même  ne  pouvait  ouvrir  sans  leur 
consentement.  On  conçoit  qu'un  tel  fonctionnaire  ne  devait 
pas  relever  du  logothète  du  Trésor  mais  bien  du  bureau  du 
sacellaire,  ministère  de  surveillance  générale  puisqu'en  fait  une 
de  ses  plus  importantes  fonctions  était  de  surveiller  les  subal- 
ternes du  logothète  -^  Un  de  ses  privilèges  paraît  avoir  été  de 
communiquer  directement  avec  l'Empereur*. 

2"  Les  xénodoehes  et  girocomes,  les  chartulaires  des  (saintes 
maisons  [^zyooh'/o'.,  vr,pox6jJLOi.,  yapTO'jAap'.o',  twv  ol'xtov).  A  pre- 
mière vue  il  est  assez  étrange  de  trouver  ces  sortes  de  fonc- 
tionnaires dans  le  bureau  du  sacellaire.  Cependant  eux  aussi 
avaient  des  attributions  administratives  d'ordre  général  et  de 
première  importance.  Les  xénodoehes  et  girocomes  étaient  les 
représentants  officiels  de  l'assistance  publique  partout  où  s'éle- 
vaient maisons  hospitalières  et  conventuelles.  Les  unes  et  les 
autres,  en  effet,  étaient  nombreuses  à  Constantinople  et  nous 
savons  par  Constantin  Porphyrogénète,  que  son  grand-père  en 


I.  Cereni.,  84o.  Rainbaud.  op.  cit.,  -ioo  aoi. 
•i.  Tnctik.,  livre  IV,  3i. 

3.  Ce  sont,  sans  doute,  les  successeurs  des  procurateurs  romains  et  des 
deux  «  tabularii  »  qui,  sous  Justinien,  s'occupaient  dans  les  éparchies  des 
affaires  financières  (BasUik.,  M,  xxxv,  pp.  287,  288). 

4.  Rambaud,  p.  200. 


i;i    i/i;mpire   byzantin  iG3 

lit  construire  un  <»'rand  nombre  —  une  centaine  environ  — 
pour  les  pauvres  (TrrtoyoToocps^a),  les  étrangers  (çcvcovcç),  les 
malades  (voToxouLc^a)  et  les  vieillards  (yr,poxo[Ji£^a)  '.  Or  tous  ces 
asiles  émargeaient  au  budget  suivant  le  principe  de  droit 
byzantin  que  le  fondateur  d'un  monastère  ou  d'un  hospice, 
qu'il  fût  particulier,  Patriarche,  Empereur,  du  moment  qu'il 
avait  planté  la  croix  (TTajpo-y^y.ov)  était  tenu  de  subvenir  à  son 
entretien  comme  de  l'administrer.  On  comprend  que  c'était  là 
pour  le  basileus  une  lourde  charge  et  que,  sans  une  surveillance 
continuelle  des  fonctionnaires  grands  et  petits  dont  les  œuvres 
charitables  relevaient,  les  finances  eussent  bien  vite  été  par 
trop  obérées.  Il  en  allait  de  même  des  monastères  (les  saintes 
maisons)  et  des  établissements  de  bienfaisance  répandus  sur 
tout  le  territoire  de  l'Empire.  Mais  si  hospices  et  couvents 
avaient  part  aux  libéralités  du  basileus,  les  uns  comme  les 
autres  devaient,  à  leur  tour,  payer  des  redevances  et  accepter 
des  corvées  spéciales  qu'il  fallait  exiger  et  faire  respecter.  Aussi 
bien  était-ce  le  rôle  de  ces  fonctionnaires  dépendant  du  chartu- 
laire.  Tous  les  monastères,  au  reste,  paraissent  avoir  eu  un 
tuteur  laïque  chargé  de  l'administration  matérielle  du  couvent. 
Il  est  bien  probable  que  c'étaient  eux  qui  faisaient  l'olfice 
d'intermédiaire  entre  la  communauté  et  le  chartulaire. 

3"  Le  zigostate  et  les  métrites  (  vjyo TTàTY.ç,  aîTOTitai).  Si  nous 
avons  des  données  assez  certaines  sur  les  fonctionnaires  qui 
précèdent,  nous  sommes  obligés  pour  ces  derniers  de  nous  en 
tenir  à  de  pures  conjectures.  Que  pouvaient  être  ces  fonction- 
naires ?  Aucun  texte,  que  je  sache,  ne  nous  le  dit,  ni  même  ne 
l'insinue.  C'étaient,  probablement,  les  gardiens  et  vérificateurs 
des  étalons  divers  :  d'or,  d'argent  ou  d'autre  métal,  conservés  à 
Constantinople  et  dans  chaque  église  de  province  afin  de 
permettre  le  contrôle  des  poids  et  mesures  emph)yés  pour  la 
perception  des  impots  -.  Ils  avaient,  sans  doute,  aussi  la  cliarge 
de  vérifier  dans  toutes  les  grandes  villes,  par  le  pesage  ofiiciel. 
les  matières  et  monnaies  d'or  en  ciiculation.  au  moyen  de 
«  l'exagium  solidi  ». 

Enfin   reste  à   nommer  le  domestique  de  la  scène  (oojjlétt'.xo; 


I.  Vit.  Basil.,  \r,in,  350. 

1.  Cf.  SchUimher gcr,  Méla/ujes  d'arcliéolog.  byzantine,  p.  -u  ci  3i.').  Saba- 
ticr,   [.  r)3. 


lO'l  BASILK    I 

TT^ç   h'j<.xi\;\z).   personnage  sur    les    i'nnelions   duquel    nous    ne 
savons  rien  ^ 

Le  lotjothète  du  drame  (6  Aoyc/fliTY.ç  toj  opô|j.oj)  (Hait  le  chef  des 
postes  impériales.  \  Tépoqne  qui  noiis^  occupe  il  n'avait  pas 
encore  acquis  limmense  imporlance  qu'il  eut  dans  la  suite, 
mais  déjà  on  la  peut  deviner.  Vu  iv''  siècle  il  nesl  que  l'égal 
de  lous  les  grands  fonctionnaires  de  l'Iùiipire.  le  l\-j''  dans  les 
listes  olficielles.  revêtu  des  dignités  habituellement  conférées  à 
ses  pairs-.  Ses  attributions,  sans  jdoute,  sont  tout  d'abord  la 
surveillance  de  la  poste  et  de  Tadministration  que  ce  service 
réclame:  mais  elles  commencent  à  s'élargir  insensiblement  et 
c'est  à  supplanter  tous  les  autres  ministres  qu'il  lend  d'une 
façon,  du  reste,  probablement  très  inconsciente.  Le  jour  n'est 
pas  éloigné  où.  de  son  titre,  les  derniers  mots  tomberont  pour 
ne  laisser  subsister  que  le  premier  et,  dès  le  x'  siècle,  il  ne 
s'appelle  plus  que  le  logothètc  tout  court.  C'est  que  ce  sont  ses 
allributions  mêmes  qui  le  poussent  au  rang  suprême  et  finirent 
par  le  créer  premier  ministre  '\  La  poste  impériale,  en  effet, 
qu'étail-elle  donc  sinon  le  véhicule  obligé  de  loute  la  vie  poli- 
tique? Elle  transporte  la  correspondance  olïîciellc  aussi  bien 
que  les  fonctionnaires:  elle  amène  les  ambassadeurs  étrangers 
comme  elle  emporte  les  exilés.  Par  la  force  des  choses,  le 
fonctionnaire  chargé  d'un  aussi  grand  service  doit  arjivej- 
à  un  haut  rang  et  s'imposer  à  l'attention  du  prince.  Aussi 
voyez-le.  Son  office  le  met.  avant  tout  autre,  en  relations 
avec  les  ambassadeurs.  A  l'avance,  il  sait  qu'ils  doivent  venir 
rendre  Aisite  au  souverain  et  il  leui"  expédie  voitures  et  che- 
vaux rapides:  il  donne  des  ordres  à  toutes  les  stations*  pour 
les  bien  recevoir,  et  quand  ils  arrivent  à  Constantinople,  c'est 
lui.  tout  naturellement,  ([ui  ^ient  à  leur  rencontre.  Dès  lors, 
les  connaissant  déjà,  la  charge  lui  revieni  de  les  présenter  au 

I.  11  ne  serait  pas  éloiiiiaul  ({iTil  >  ail  ou  dans  le  luaimscrit  faute  de 
copiste  ou  de  lecture.  Cf.  le  chartulaire  du  vestiaire  et  ses  subalternes. 

'i.  Le  sceau  de  Stylianos  porte  bien  le  titre  de  niagistros,  mais  ce  n'est  pas 
vraisemblablement  parce  qu'il  était  logotliète  qu'il  eut  ce  titre,  mais  à  cause 
de  sa  grande  situation  personnelle  dans  l'Knipire  (Scblumberfier,  Sigil- 
hg.,  53;^). 

3.  Tbéoctistos,  sous  Tbéodora,  Stvlianos,  à  la  tin  du  rè<rne  de  lîasile,  soîiI, 
tout  à  la  fois,  logothètes  du  drôme  et  premiers  ministres. 

4.  Ce  sont  les  «  ot,;xÔ!J'.oi  ïr-.rf.  »  et  les  <(  ^rxOjxo'  »  dont  [)ailç  Cedrenus 
(Cedren..  iiôa). 


i:i    I.  i:mi'ii',i:   \\\  /.  wi  in  iOj 

Basileiis.  el  d\Hre  entre  lim  cl  laiilrc  riiilcrinédiaire  habituel. 
De  là  à  devenir  ministre  des  affaires  étrangères  il  n'>  a  qu'un 
pas.  D'autre  part,  il  signe  les  ordres  inipérauv  qui  partent 
pour  les  provinces  et  il  les  fait  exécuter.  Chaque  jour,  sauf  le 
dimanche,  il  se  rend  au  Palais  pour  les  affaires  courantes ^ 
Comment,  dans  de  telles  conditions,  ne  serait-il  pas  conduit  à 
devenir  ministre  de  l'intérieur?  Et  c'est  de  fait  ce  qui  ne  tarda 
pas  à  arriver.  Pour  le  ix"  siècle,  cependant,  il  semble  bien  que 
la  fonction  de  logothète  n'entraînait  pas  encore  forcément  celle 
de  premier  ministre.  Nous  savons  en  effet  ([ue  si  Théoctistos  fut 
logothète  el  premier  ministre.  Symbatios  ne  dirigea  en  rien  les 
affaires  publiques,  ni  non  plus  son  successeur  Gumer-,  ni  non 
plus  le  patrice  Jean  qui  fut  logothète  du  drôme  sous  Basile. 

Le  livre  des  Cérémonies  parle  beaucoup  du  logothète  de  la 
course  et,  grâce  à  lui,  nous  pouvons  nous  faire  une  idée  assez 
exacte  de  ce  qu'était  ce  personnage.  Par  sa  situation  adminis- 
trative, le  logothète  fait  partie  de  l'entourage  immédiat  de 
l'Empereur.  Il  est  un  des  premiers  à  saluer  l'Empereur,  le 
matin,  avant  tous  les  autres  dignitaires,  et,  s'il  ne  vit  pas 
dans  la  familiarité  de  l'Empereur,  au  sens  étymologie  du  mot, 
comme  le  préposite  et  les  chambellans,  on  se  rend  fort  bien 
compte  qu'il  tient  une  place  à  part  entre  ceux-ci  et  la  foule  des 
grands  personnages  qui  ont  droit  de  réception^.  Aussi  doit-il 
suivre  l'Empereur  partout  oii  il  a  a,  dans  les  processions  * 
comme  à  la  guerre,  car  partout  le  souverain  a  besoin  de  sa 
présence.  Mais  c'est  surtout  dans  les  relations  de  l'Empire 
avec  les  étrangers  que  le  logothète  joue  un  rôle  considérable. 
Quels  que  soient  les  légats  qui  arrivent  à  Byzance.  qu'ils  viennent 
de  Syrie,  de  Rome,  de  Bulgarie  ou  d'Allemagne,  c'est  lui  qui 
les  reçoit  et  les  présente  à  son  maîtres  Un   protocole  rigou- 

I.  Cerem.,  980. 

•2.  La  raison  on  est  du  roslo  livs  simple.  CCsl  (inalors  deux  puissantes 
individualités  gouvernaient  l'Empire  :  Bardas  d'abord,  Basile  ensuite.  Dès 
la  fin  du  règne  de  Basile,  Slylianos  se  retrouve  logothète  et  premier 
ministre.  A\ant  Théoctistos,  les  logolhètes  Mcéphore  et  Slaurakios  avaient 
été  premiers  ministres  et  administraient  tout  TEmpiie.  iTheoph.,  920. 
Mansi,  xvi,  18). 

3.  Cerem.,  120,  lyi. 

4.  Ibid.,  io32. 

.'1.  Ibid.,  1049,  iioo.  Liutprand  raconte  que  lors  de  sa  légation  à  Constan- 
tinople,  il  fut  introduit  en  présence  de  Léon,  curopalale  et  logothète. 
{Legatio,  u,  p.  347). 


lG6  BASILE    I 

rcu\  règle  les  questions  quil  doit  leur  adresser'  et  c'est  devant 
lui  que  se  traitent  toutes  les  affaires  pour  lesquelles  ils  ont  été 
envoyés. 

Par  ces  deux  fonctions  bien  distinctes  du  logothète  s'explique 
la  composition   de    son    ministère.  A   en  croire  les  sceaux  le 
bureau  du  logothète  ou  logothésion  se    serait  divisé  en  deux 
grandes  administrations,    l'une   pour  l'Occident,   l'autre  pour 
l'Orient-.   La  chose  est  en  effet  possible,  vu  la  différence  com- 
plète qui  existait  dans  la  façon  d'administrer  l'une  et  l'autre 
partie  de  l'Empire.    De  plus,  il  est  bien  vraisemblable  que  les 
mêmes  fonctionnaires  ne  pouvaient  être  également  au  courant 
des  choses  très  embrouillées  qui  concernaient  Rome  et  la  Bul- 
garie, je  suppose,  et  de  celles  ([ui  concernaient  les  Vrabes  ou  les 
Arméniens.    Toutefois    aucun    texte    ne   corrobore  la  mention 
u  d'Orient  et  d'Occident  ^)  rencontrée  sur  les  sceaux.  Quoiqu'il 
en  soit  de  ce  fait,  le  logothète  avait  sous  sa  juridiction  deux  sortes 
de  fonctionnaires  :  les  uns  au  service  des  postes,  les  autres  au 
service  des  affaires  étrangères.  Le  prototwtaire  du  drôme  et  1rs 
charfidaircs  du  drame  s'occupaient  de  tout  ce  qui  avait  rapport 
à  la  chancellerie  du  ministère,  expédiaient  les  ordres  et  la  cor- 
respondance, et  tenaient  registre  des  innombrables  affaires  qui 
passaient  par  les  bureaux.  A  leur  suite  venaient  les  épiskeptites 
(sTrî.cxsTtTiTa».)  dont  la  mission  devait,   sans  doute,   consister  à 
faire  les  rapports   concernant  les   ambassades    comme  à  sur- 
veiller, soit  à  Byzance,  soit  dans  les  provinces,  les  voyages  des 
légats   et  autres    personnages  officiels.   Des  interprètes   (epuLr,- 
vcj-.aî)  étaient  à  la  disposition  du  logothète  pour  les  affaires  qui 
se  traitaient  en  langues  étrangères;  enfin  \q  curateur  de  l'apo- 
krisiarion  (xojoàTwp  toO  aTOxp'.a-t.ap'.s'lo'j)  avait  probablement   la 
charge  de  veiller  à  l'entretien  des  ambassadeurs  pendant  leurs 
séjours  à  Byzance  :  frais  de  table  et  de  plaisirs,  fonctionnaires 
les    accompagnant  dans    leurs    courses  et  leurs    visites,    etc 
Quant  au  service  postal,  il  était  représenté  dans  les  bureaux  du 
logothète  par  les  «  o'-aTpr/ovTs:  o  ou  courriers,   vraisemblable- 
ment les  successeurs  des  «  veredarii  -^  »    d'autrefois  et  par  les 


1.  Cerem.,  i250. 

2.  Sciiluinber<^er,  Sigillographie,  484- 

3.  Audollent  :  les  veredarii  fMêhing.  d'ArrJi.  et  d'hist.  de  l'Ecole  franc,  de 
Rome,  i.v,  1889). 


ET  l'empiiu:  b\zamin  1G7 

mandatores  chargés  de  porter  dans  les  provinces  les  ordres 
impériaux. 

Ainsi  donc,  nous  sommes  dans  ce  bureau,  au  centre  même 
de  Tadministration  intérieure  de  l'Empire.  C'est  là  que  viennent 
affluer  toutes  les  affaires,  c'est  de  là  que  partent  tous  les 
ordres  qui  régissent  des  millions  d'hommes.  Si  la  politique 
extérieure  et  intérieure  de  Byzance  ne  s'y  traite  ni  ne  s'y  décide 
pas,  du  moins  elle  s'y  élabore  et  s'y  exécute,  et  l'on  comprend 
aisément  que  son  chef  suprême  tende  assez  facilement  à  deve- 
nir seul  premier  ministre,  et,  au  nom  d'un  souverain  en  titre, 
à  administrer  tout  l'Empire. 

Le  ministère  dont  le  chef  était  le  chartukdre  du  vestiaire 
[6  yapTO'jAâpLoç  toO  Jiis(rTt.apio'j)  n'a  pas  pour  nous  des  attributions 
aussi  claires  et  précises  que  le  précédent.  Ce  devait  être,  très 
probablement,  quelque  chose  d'assez  semblable  à  ce  qu'était 
dans  l'ancienne  monarchie,  le'chef  de  la  maison  du  roi,  au  moins 
en  certaines  de  ses  attributions.  Le  vestiaire  (to  ji£a":',àp!.ov)  était 
tout  d'abord,  en  un  premier  sens,  l'endroit  où  l'on  serrait  les 
multiples  objets  nécessaires  aux  cérémonies  du  Palais  :  voiles 
et  tentures,  mobilier,  habits  royaux,  vêtements  des  grands 
dignitaires  ^  œuvres  d'art,  etc.  Il  se  trouvait  non  loin  delà 
chambre  à  coucher  de  l'Empereur  et  avait  pour  sa  garde  et  son 
entretien  un  nombreux  personnel  de  vestitores  avec  un  pri- 
micier  et,  à  leur  tête,  le  protovestiarios- ;  mais  le  vestiaire 
était  aussi,  par  extension,  le  bureau  qui  s'occupait  de  ce  service, 
autrement  dit,  de  l'administration  intérieure  du  Palais.  Le 
chartulaire  en  avait  la  direction.  Peut-être  ne  portait-il  ce 
titre  qui  peut  paraître  inférieur  que  parce  qu'il  dépendait  en 
tout  ou  en  partie  du  fonctionnaire  eunuque  dont  nous  avons 
parlé,  ((  le  protovestiarios  ».  En  tous  cas,  c'était,  lui  aussi,  un 
personnage  important.  Son  nom  figure  sur  les  listes  au  qua- 
rante-sixième rang  parmi  les  soixante  grands  fonctionnaires 
de  l'Empire  et,  comme  eux,  il  pouvait  aspirer  aux  premières 
dignités  de  proconsul  et  de  patrice. 

Le  bureau  du  chartulaire  se  composait,  indépendamment 
des  notaires  impériaux,  d'un  ken  ta  relie  (xivTapyo;),  officier 
peut-être   militaire,    chargé  d'assurer  quelque  service  d'ordre 


I.  Cerem.,  \ii. 
■i.  Cerem.,  808. 


iG8 


BASILE 


au  Palais;  d'un  legalaiios  (AsyaTàpio^;),  d'un  trésorier  (àpytov  Tf.z 
yasay/lç),  d'un  exartiste  (scaoTio-Tr^ç)  dont  la  fonction  nous  est 
inconnue,  mais  qui  peut-être  présidait  aux  achats  et  com- 
mandes concernant  d'une  manière  spéciale,  l'habillement  et  le 
mobilier  de  la  cour:  d'un  chartulaire  ou  archiviste,  de  plu- 
sieurs curateurs  chargés  de  l'entretien  et  du  soin  du  vestiaire  ; 
de  chosba'ites  (yoTêaYÎTa'.)  sur  lesquels  nous  n'avons  aucun  ren- 
seignement^ ;  de  protomandatores,  comme  tous  leurs  sem- 
blables, destinés  à  transmettre,  soit  les  ordres  de  l'Empereur, 
soit  ceux  du  chartulaire  du  vestiaire  et  enfin  du  domestique  de 
la  scène  (o  gouég-tixoc  tt,;  Oj;j.iA7,ç)  dont  la  mention  est  placée 
dans  la  notice  de  Philotliée  —  par  eneur  je  crois  —  parmi  les 
fonctionnaires  du  chartulaire  du  sakellion,  mais  dont  les  attri- 
butions revenaient  au  ministère  qui  actuellement  nous  occupe 2. 

On  le  voit  :  nous  ne  savons  presque  rien  de  ce  bureau 
d'ordre  administratif;  mais  le  peu  que  nous  en  devinons 
laisse  bien  voir,  ce  me  semble,  qu'il  avait  été  institué  pour  le 
Palais,  le  service  de  l'Empereur  et  de  la  Cour. 

Enfin,  comme  bureau  s'occupant  des  affaires  intérieures, 
nous  avons  la  chancellerie  proprement  dite.  Sans  doute, 
chaque  ministère  avait  eji  son  sein  des  chanceliers  chargés  de 
rédiger  les  actes  concernant  radminisiralion  dont  ils  rele- 
vaient ;  mais  ces  actes  étaient  purement  d'ordre  privé,  en  ce 
sens  que  les  chanceliers  des  a  sécréta  »  prenaient  simplement 
copie  et  enregistraient  les  pièces  qui  passaient  entre  leurs 
mains,  pour  être  placées  dans  leurs  archives  respectives.  A  la 
chancellerie  impériale,  au  contraire,  revenait  le  soin  de  dres- 
ser les  actes  publics,  ceux  que  l'Empereur  signait  et  auxquels 
était  apposé  un  sceau.  C'étaient  les  lettres  envoyées  aux  cours 
étrangères,   les  chartes    délivrées  aux  couvents,   aux    églises, 


I.  Dans  un  passage  du  Livre  des  Cérémonies  (p.  \8g)  antérieur  au 
IV'  siècle,  nous  les  voyons  signalés  connue  devanl  garder  la  salle  dans 
laquelle  le  trône  a  été  élevé. 

3.  Le  domestique  de  la  scène  fait  partie,  en  etîet,  dans  l'édition  de 
Reiske,  du  ministère  dn  chartulaire  du  Sakkellion.  Or  il  est  évident  qu'un 
tel  fonctionnaire  n'a  rien  à  faire  dans  ce  bureau  et  que  sa  place  naturelle 
se  trouve  parmi  les  fonctionnaires  du  cliartulaire  du  vestiaire.  Cette  attri- 
bution paraîtra  d'autant  pins  Maisemblable  qne  dans  la  notice  de  Philotliée 
la  mention  du  bureau  du  chartulaire  du  Sakkellion  précède  inunédiatement 
celle  du  bureau  du  chartulaire.  Il  est  probable  qu'il  y  a  eu  erreur  de 
copiste  on  de  lecture  et  simple  ij-iterversion  de  ligne. 


I 


Il      I.  l.MPlKi;     in/VMIN  l()() 

aux  jHMsoiiiu's  t"a\()risiV's  do  quokfue  <^ràce,  los  diplômes  ou 
codicilles  conférés  aux  dignitaires  el  toneliomiaii'es.  lors  de 
leur  promotion. 

Comme  tout  ministère,  la  chancellerie  était  présidée  par  un 
grand  seigneur  —  ainsi  Pholius  avant  son  pontificat,  ainsi, 
probablement,  Marin  sous  Basile'  — leprotoasecretis  (TzptoToa'r/;- 
xpYiTw).  l'égal  des  autres  soixante  premiers  fonctionnaires  de 
l'Empire.  Avec  le  logothète  du  drôme  et  le  maître  des  requêtes, 
le  protoasecretis  devait  suivre  habituellement  le  souverain 
partout  où  il  allait- afin  de  recevoir  ses  oidres  et  de  les  faire 
exéculei'.  Il  avait  sous  sa  direction  des  scribes  (àc-r.xpf.Ta'.)-^. 
des  notaires  et  un  doyen  (osxavô^),  chargés  du  travail  et  qui 
composaient  tout  son  personnel.  Il  est  possible  que  ce  soit  à  ce 
bureau  —  qui  parait  avoir  eu  son  centre  aux  environs  du 
cirque^  —  quêtait  employé  Psellos  car.  évidemment,  là  plus 
qu'ailleurs,  on  avait  besoin  de  gens  sachant  écrire  vite  et 
bien. 

L'organisation  intérieure  de  la  chancellerie  impériale  ne 
nous  est  pas  connue.  Il  est  probable  qu'au  ix*'  comme  au  vf  et 
au  vif  siècles  elle  se  divisait  en  divers  u  scrinia  »  (o-xpivia)  sui- 
vant les  nations  qui  se  trouvaient  en  relations  avec  l'Empire. 
On  avait  le  u  o-xp'.vlov  twv  jbapêàptov  »,  comme  on  devait  avoir  le 
scrinion  de  Rome  ou  de  Bulgarie.  Le  décanos  était  vraisembla- 
blement le  fonctionnaire  chargé  de  diriger  ces  scrinia.  Byzance, 
en  effet,  héritière  des  traditions  romaines,  avait  une  chancel- 
lerie parfaitement  organisée,  munie  de  formulaires  bien  défi- 
nis et  de  règles  qui  ne  variaient  point.  Suivant  le  personnage 
auquel  les  lettres  étaient  destinées,  le  scribe  employait  telle 
formule  ou  telle  autre  et  l'acte  était  scellé  de  telle  manière 
plutôt  que  de  telle  autre.  Pour  le  Pape,  par  exemple,  la  chan- 
cellerie devait  apposer  une  bulle  d'or  («jLovoo-oXoia)  c'est-à-dire, 
probablement,  d'une  valeur  égale  à  un  nomisme  et  employer 
une  formule  déterminée.  Il  en  allait  de  même  pour  chacun  des 
augustes  correspondante   en  relations  avec  Byzance.   Ces  for- 

1.  Mansi,  \VI,  81. 

:i.  Cerem.,  loiG,  10-20. 

3.  Les  asocretis  olaioiit  chargés  de  lire  dans  les  cérémonies  publiques 
les  actes  émanant  de  la  cliancellerie.  Vu  Concile  de  SOg  Théodore  asecretis 
lit  répnnaiznoslicoM.  Léon  Castor  lut  au  peuple  le  message  (le  Micliel  fil  (pii 
conférait  à  Basile  le  titre  d'Empereur. 

'1.  Tiieoph.  Conl.,  T  {/.  Midi.,  ch.  \i\,  p.  184. 


BASILE 


mules  dont  on  trouvera  la  mention  détaillée  en  appendice  à  ce 
travail  ont  pour  nous  plus  qu'un  intérêt  de  «  diplomatique  ». 
Elles  nous  montrent  quel  rayonnement  avait  alors  la  civili- 
sation byzantine.  Partout  où  son  commerce  pouvait  s'étendre, 
partout  où  son  influence  pouvait  s'exercer.  Byzance  entretenait 
avec  les  souverains  de  ces  contrées  parfois  lointaines,  des  rela- 
tions officielles  qui,  des  bords  de  l'Atlantique  à  ceux  de  l'Océan 
Indien,  en  passant  par  l'Italie,  les  plaines  de  Germanie,  les 
steppes  de  Russie  et  les  montagnes  d'Arménie,  racontaient  à 
ces  peuples  souvent  encore  assez  barbares,  les  grandeurs  et  les 
gloires  de  la  nouvelle  Rome. 

A  l'administration  de  la  Chancellerie  peut  se  rapporter 
une  autre  fonction,  distincte  de  celle  du  chancelier,  mais  de 
même  nature.  C'est  celle  du  chartalaire  ou  préfet  du  caniclée 
(6  •^apTO'jAap'.oç  TOJ  xav',xA£'lo'j  ;  o  £7:1  tou  xav^xAsiou).  Cet  officier 
était  préposé  à  l'encrier  impérial,  autrement  dit,  à  la  signature. 
Il  faisait  partie  de  la  haute  hiérarchie  byzantine,  des  soixante 
grands  fonctionnaires  de  l'Empire  et  pouvait  obtenir  les  pre- 
miers titres  de  noblesse  antique.  Sa  fonction  paraît  avoir  été 
surtout  honoraire  car,  tandis  que  nous  le  voyons  dans  les  céré- 
monies parader  en  compagnie  du  logothète  du  drôme  et  de 
quelques  autres,  Philothée,  au  Clétorologe,  nous  déclare  qu'il 
n'a  pas  de  ministère  sous  ses  ordres  parce  qu'il  peut  accomplir 
seul  le  travail  qu'il  a  à  faire.  Son  plus  important  office  était  pro- 
bablement d'écrire. et  de  faire  signer  les  fameux  codicilles  qui 
nommaient  les  hauts  dignitaires  de  l'Empire.  C'est  pourquoi 
un  patrice,  par  exemple,  lui  payait,  au  jour  de  son  élévation,  les 
((  coutumes  ».  C'est,  sans  doute,  la  raison  pour  laquelle  certains 
personnages,  comme  Théoctistos,  sous  Théodora,  put  être  tout 
à  la  fois  préfet  du  caniclée  et  logothète  ' .  A  ces  ministères  pré- 
posés au  gouvernement  intérieur  et  civil  de  l'Empire,  il  faut 
ajouter,  en  terminant,  la  mention  d'un  bureau  spécial  de  très 
grande  importance  :  celui  de  l'assistance  publique  de  la  ville. 
Cette  branche  de  l'administration  était  aux  mains  de  Vorphano- 
trophe  (6  op'^oLyo'zp6z>o:;) .  Ce  personnage,  bien  qu'au  nombre  des 
soixante  premiers  fonctionnaires  de  l'Empire,  était,  vraisembla- 
blement, le  plus  souvent,  un  ecclésiastique.  Les  deux  orphano- 
trophes  que  nous  connaissons  pour  l'époque  qui  nous  occupe, 

I.  Syin.  M;'.-..   1/7.   Tlieod.  vlMicli.,  I.  708. 


ET    L  EMPJRE    mZAMIX  I7I 

rétaient  en  lous  cas.  L'an  avait  nom  Mcéphore  et  fut  métropo- 
lite de  Nicée  *  ;  Tautre  s'appelait  George,  et  était  diacre.  Ce  der- 
nier nous  est  connu  par  la  correspondance  de  Photius-.  C'est 
par  le  ministère  de  l'orphanotrophe  que  passait  toute  l'admi- 
nistration de  l'orphanotrophion  de  Constantinople,  institution 
considérable  qui  comptait  non  seulement  hospices,  asiles,  re- 
fuges, mais  écoles,  ateliers,  etc.  ^.  Sous  ses  ordres  se  trouvaient 
quatre  bureaux.  Les  chartulaires  a  toj  oixo'j  »  administraient 
probablement  la  partie  matérielle  de  l'orphanotrophion,  tandis 
que  les  chartulaires  u  toj  gt^oj  »  en  avaient  l'administration 
morale,  religieuse  et  intellectuelle.  C'est  là,  du  reste,  une  pure 
conjecture  car  nous  n'avons  sur  ces  bureaux  et  sur  leurs  titu- 
laires aucun  renseignement  précis.  Des  curateurs  attachés  au 
ministère,  surveillaient  et  dirigeaient  les  divers  établissements 
qui  composaient  l'orphanotrophion  ;  un  arkarios  (6  kpy,7.^io<;) 
ou  trésorier  gérait  la  caisse  de  cet  important  ministère. 

Tel  est  le  mécanisme  qui,  placé  au  cœur  de  l'Empire,  faisait 
mouvoir  ce  formidable  organisme,  enserrant  de  ses  multiples 
ramifications  tous  les  thèmes  byzantins  d'Orient  et  d'Occident 
afin  d'y  promouvoir  toute  vie  et  toute  richesse.  Mais  à  cette 
organisation  savante,  constituée  dans  la  capitale,  sous  le  regard 
impérial  et  sous  la  surveillance  des  premiers  fonctionnaires  de 
l'Etat,  répondait  une  autre  organisation  semblable  dont  chaque 
chef-lieu  de  province  était  le  centre.  C'est  donc  l'administration 
provinciale  qu'il  s'agit  d'étudier  pour  se  rendre  mieux  compte 
du  gouvernement  intérieur  de  l'Empire  au  ix''  siècle  finissant. 


1.  Vit.  Ignat.,  073. 

2.  Photius  distinguo  toujours  les  ^evoSô^oi,  de  l'orphanotrophe.  C'est  ce 
qui  fait  croire  que  ce  George  était  bien  le  grand  orphanotrophe,  car  autre- 
ment il  lui  eût  donné  comme  aux  autres  le  titre  de  |£vo8d/o;. 

3.  Cf.  à  ce  sujet  Schluniberger,  Sigillog.,  p.  377.  Ce  qui  donne  à  supposer 
que  l'orphanotrophe  n'avait  que  l'administration  du  grand  orphanotro- 
phion,  c'est  d'une  part  le  singulier  du  substantif  qui  accompagne  le  titre 
de  chartulaire  ;  c'est  de  l'autre  que  les  xenodochia  de  provinces  ainsi  que 
certains  autres  de  la  ville  relevaient,  comme  nous  l'avons  dit,  soit  du  char- 
tulaire du  sakkellion,  soit  du  grand  curateur. 


BASIT.i:     1 


II 


A  cette  époque  le  sourd  et  lent  travail  qui  avait  peu  à  peu, 
sous  la  pression  des  événements,  modifié  l'organisation  territo- 
riale de  l'Empire,  créé  en  lieu  et  place  des  anciennes  provinces 
romaines  des  «  thèmes  »  ou  gouvernements  tout  à  la  fois  mili- 
taires et  civils  et  donné  à  l'armée  une  importance  considérable, 
n'était  point  encore  achevé.  L'origine  de  ces  transformations 
politiques  et  sociales  remontait  à  l'époque  où  l'Empereur  Mau- 
rice créa  les  deux  exarchats  d'Italie  et  d'Afrique  pour  faire  face 
aux  dangers  multiples  qui  menaçaient  l'Empire  :  mais  ce  fut 
sous  Héraclius  que  le  système  se  généralisa,  quand,  de  toutes 
parts,  Arabes.  Bulgares.  Slaves,  se  jetèrent  sur  les  terres  impé- 
riales pour  les  ravager  et  s'en  saisir.  Dès  lors,  suivant  les 
besoins  et  les  événements  du  jour,  on  traça,  d'une  façon  sou- 
vent fort  arbitraije,  des  frontières  à  l'intérieur  comme  aux 
limites  de  l'Empire,  on  forma  des  gouvernements  nouveaux, 
on  en  supprima  qui  n'avaient  plus  d'utilité,  presque  toujours 
et  uniquement  pour  mieux  se  défendre  contre  d'incessantes  atta- 
ques ou  réparer,  par  la  création  d'autres  Etats  frontières,  la  perte 
d'anciennes  provinces  qui  jusque  là  avaient  servi  à  protéger 
l'Empire.  Ces  territoires  ainsi  tracés  à  l'intérieur  des  provinces, 
représentaient  avant  tout,  un  corps  d'armée  avec  ses  chefs  et 
ses  divisions,  ses  cadres  et  son  organisation.  Dans  le  thème 
ainsi  compris,  le  stratège  était  le  maître.  Au  ix"  siècle  il  aA  ait 
en  mains  tous  les  services  do  la  province,  finances,  justice, 
armée  et  commandait  aussi  bien  fonctionnaires  et  habitants  que 
soldats  et  ofticiers.  Aussi  n'est- il  pas  étonnant  que  ces  géné- 
raux-gouverneurs soient  devenus  dans  l'Empire  des  person- 
nages de  tout  premier  rang  et  qu'aux  époques  de  paix  relative 
on  ait  parfois  songé  à  créer  des  thèmes  uniquement  pour  récom- 
penser la  valeur  de  quelques  soldats  particulièrement  coura- 
geux '.  Le  moyen  était  tro])  commode  pour  qu'on  n'en  usât 
pas. 

Quand  Basile    monta   sur  le  trône,   la  division    territoriale 

i.  De  Them.,  p.  97. 


ET     L  EAIIMRK     m/.VMIN  I70 

qu'Héracliu^  et  ses  sucresseius  immédiats  avaient  eréée  s'était 
singulièrement  modiiiéc.  Des  sept  grands  commandements 
mililaiies  institués  au  vu''  siècle,  quelques-uns,  en  effet,  n'exis- 
taient déjà  plus  pour  l'Empire,  comme  les  exarchats  d'Italie  et 
d'Afrique,  tandis  que  d'autres  avaient  surgi  ou  s'étaient  trans- 
formés au  gré  des  événements.  Entre  le  vir  et  le  ix*"  siècle  le 
nombre  des  thèmes  monta  ainsi  jusqu'à  vingt-cinq  et  même 
vingt-six  et  après  les  conquêtes  de  Basile,  lorsque  Léon  YI  éri- 
gea en  thèmes  les  territoires  gagnés  sur  l'ennemi,  ce  nombre 
augmenla  encore  *.  Les  vingt-six  thèmes  pour  lors  constitués 
sous  le  règne  de  Basile  se  trouvaient  très  inégalement  répartis 
en  deux  grandes  divisions,  non  point  géographiques,  mais  hié- 
rarchiques-, les  thèmes  d'Orient  (àvaToA'.xà  BéuLa-ra)  et  les  thèmes 
d'Occident  (al  Tr^ç  oja-eco^  TTpaTT.ra'l).  A  la  classe  des  thèmes 
d'Orient  appartenaient  tous  les  grands  commandements  mili- 
taires, toutes  les  provinces  qui  jouaient  dans  l'Empire  le  rôle 
de  défenseur  et  de  pourvoyeur  du  territoire  et  de  la  ville.  Ceux- 
là  étaient  riches,  bien  pourvus  de  tout,  admirablement  con- 
iHis  de  l'administration  byzantine  et  des  ennemis,  le  solide 
point  d'appui  et  la  force  de  l'Empire  ;  les  autres  étaient  beau- 
coup moins  estimés:  l'administration  les  négligeait,  les  voya 
geurs  les  passaient  souvent  sous  silence  et  Constantin  Porphy- 
rogénète  lui-même  ne  paraît  a\  oir  sur  ces  petits  gouvernements 
que  des  notions  assez  confuses,  \ussi  n'est-il  pas  très  facile  de 
faire  une  étude  détaillée  des  provinces  de  l'Empire.  Les  inces- 
sants changements  qui  élèvent  ou  font  disparaître  subitement 
les  thèmes,  la  négligence  des  auteurs  byzantins  à  nous  ren- 
seigner sur  le  gouvernement  de  leur  pays,  les  contradictions 
manifestes  qui  parsèment  les  ouvrages  des  historiens  et  des 
géographes,  obscurcissent  beaucoup  à  nos  yeux  ce  côté  de 
l'administration  byzantine.  Néanmoins,  en  combinant  des 
indications  glanées  à  droite  et  à  gauche,  on  peut  arriver,  je 
crois,  à  dessiner  les  grandes  lignes  d'une  géographie  historique 
de  rEm]nre  au  ix''  siècle  comme  à  se  rendre  compte  de  l'orga- 
nisation et  du  fonctionnement  de  la  vie  provijiciale. 

1.  -  Au  dire  de  l'Arabe  Ibn  Hordadbeh  et  de  son  copiste  Koda- 
ma.  aux  environs  de  84o-84r3,  Byzance  et  son  territoire  immédiat 

1.  ibii  Hordadboh  généralement  très  bien  renseigné  ne  cite  que  quatorze 
provinces-.  H  ignore  l'existence  delà  plupart  des  thèmes  d'Occident. 

2.  Rambaud,  p.  i7(). 


I-'l  HASILK     I 

formaient  une  province  spéciale,  dont  la  mention,  en  vérité, 
n'apparaît  nulle  part  chez  les  historiens  byzantins  njais  qui 
peut  bien,  en  réalité,  avoir  existé  sans  avoir,  toutefois,  porté 
le  titre  de  thème  :  c'est  celle  qu'ils  appellent  Tafia,  Talaka, 
Tafra.  Ses  limites,  dit  Ibn  Hordadbeh,  sont  à  l'orient,  le  dé- 
troit jusqu'à  son  embouchure  dans  la  mer  de  Syrie  et,  à  l'occi- 
dent, la  muraille  qui  s'étend  depuis  la  mer  des  Khasares  (mer 
Noire)  jusqu'à  la  mer  de  Syrie  et  dont  la  longueur  est  de  quatre 
journées  de  marche.  Ce  mur  se  trouve  à  deux  journées  de 
marche  de  Constantinople.  Les  autres  limites  sont,  au  midi,  la 
merde  Syrie;  au  nord,  la  mer  des  «  Khasares  ».  Et  Masoudi 
complétant  le  renseignement  d'ibn  Hordadbeh,  ajoute:  «La 
majeure  partie  de  cette  province  consiste  en  villages  apparte- 
nant au  roi  et  aux  patrices  et  en  pâturages  pour  le  bétaiP.  )> 
Des  affirmations  aussi  nettes  seraient  assez  étranges  si  une  cir- 
conscription spéciale  n'avait  pas.  de  fait,  existé,  englobant 
Byzance  et  son  territoire.  Oii  donc  le  géographe  arabe,  en  géné- 
ral si  bien  renseigné  sur  les  thèmes  importants  de  l'Empire, 
eût-il  pris  ces  détails?  Aussi  est-il  probable  que  ce  territoire, 
distinct  des  thèmes  de  Thrace,  existait  réellement,  sinon  sous  le 
règne  même  de  Basile,  du  moins  au  temps  de  sa  jeunesse,  sous 
le  règne  de  Théophile.  M.  Gelzer  croit  qu'il  fût  réuni  au  grand 
thème  de  Thrace  par  Léon  VI  -,  à  moins  que  ce  changement 
n'ait  eu  lieu,  précisément  à  l'époque  où  Ibn  Hordadbeh  écri 
vait,  quand  l'Empire  dût  se  défendre  contre  les  terribles  attaques 
de  Krum  et  de  ses  hordes  bulgares.  En  tous  cas  Constantin  VH 
au  début  de  son  second  livre  sur  les  «  Thèmes  »  ne  semble  plus 
connaître  ce  thème  qui  s'était  confondu  depuis  une  trentaine 
d'années  au  moins  avec  son  voisin  le  thème  de  Thrace.  De  la 
petite  province  de  Tafra  cependant,  certains  vestiges  paraissent 
s'être  perpétués  à  travers  l'histoire  byzantine,  comme  la  place 
de  l'éparche,  au  catalogue,  parmi  les  grands  fonctionnaires 
d'ordre  militaire,  ses  hautes  prérogatives,  sa  garde  et  ses  fonc- 
tions en  l'absence  de  l'Empereur.  De  même  il  est  bien  vraisem- 
blable que  c'est  de  cette  époque  et  de  ce  régime  dont  l'origine 
remonte  à  une  date  inconnue,  que  naquit  le  comte  des  murs 

I.  Cité  par  Gelzer,  p.  82-86.  Nous  avons  deux  sceau v  d'un  slralè^je  dont 
le  thème  n'est  connu  d'aucun  auteur,  c'est  le  thème  du  Bosphore.  Y 
aurait-il  corrélation  entre  les  deux  noms  ? 

•t..  (Jelzer,  Die  Genesis  der  Tlienienverfassiing.  p.  88. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  l'y 5 

(xô|jLY,ç)  OU  (aoycov  T(I)v  T£',ywv)  cité/  lui  aussi,  parmi  les  grands 
fonctionnaires  de  l'Empire, 

II.  —  Le  thème  de  Thrace  était  donc  l'immédiat  voisin  du  petit 
gouvernement  de  Byzance.  Il  commençait  au  grand  mur  à  l'est  et 
s'arrêtait  à  la  Macédoine  au  sud  ;  à  l'ouest,  il  touchait  aux  Bul- 
gares. La  mer  Noire  le  baignait  au  nord-est.  «  La  province  de 
Thrace  a  quinze  journées  de  marche  en  long,  dit  ïbn  Hoidad- 
beh,  sur  trois  journées  en  large.  On  y  compte  dix  places  forti- 
fiées ^  ))  L'origine  de  ce  thème  n'était,  probablement,  pas  très 
ancienne.  11  s'était  constitué  à  l'époque  où  les  Bulgares  com- 
mencèrent à  franchir  le  Danube  pour  se  répandre  dans  l'Em- 
pire. Il  fallait  alors  établir  sur  cette  frontière,  comme  en  Orient 
sur  la  frontière  arabe,  un  solide  gouvernement  militaiie  qui 
pût  arrêter  les  envahisseurs.  Ce  fut  le  rôle  du  thème  de  Thrace 
et  la  raison  de  l'établissement,  à  l'époque  de  (Constantin  Pogo- 
nat,  d'un  stratège  dans  ce  pays  qui,  jusque-là,  n'en  avait  pas 
eu.  Dès  lors  ce  thème  qui  comprenait  une  dizaine  de  places 
fortifiées,  fut  classé  dans  la  troisième  classe  des  thèmes.  Son 
stratège  avait  le  dixième  rang  parmi  ses  collègues'-. 

III.  —  La  Macédoine  touchait  à  la  grande  muraille,  du  côté 
de  l'est  :  à  la  mer  de  Syrie  au  sud  ;  au  pays  des  Slaves  à  l'ouest  ; 
aux  Bulgares  au  nord.  Sa  longueur  était  de  quinze  journées  de 
marche,  sa  largeur  de  cinq.  11  y  avait  trois  places  fortifiées  ^. 
Ce  thème,  formé  à  la  fin  du  wv"  siècle  *  pour  lutter,  comme  le 
thème  de  Thrace,  contre  les  Bulgares  et  le«  Slaves  qui  s'enfon- 
çaient chaque  jour  plus  profondément  sur  ces  terres  d'Empire, 
les  dépouillaient  ou  les  faisaient  passer  sous  leur  domination, 
était  aussi  le  seul  qui  eut  en  Europe,  comme  son  voisin  le 
thème  de  Thrace,  quelque  importance  pour  l'Empire.  Comme 
la  Thrace,  la  Macédoine  appartenait  à  la  troisième  classe  des 
thèmes  et  son  stratège  venait  de  suite  après  celui  de  Thrace.  Ce 
dernier  résidait  tantôt  à  Andrinople,  tantôt  à  Philippopolis  '".  Sou- 
vent un  seul  stratège  gouvernait  les  deux  thèmes  de  Macédoine  et 
de  Thrace.  C'est  ainsi  que  sous  Irène,  le  patrice  Aetius  qui  com- 
mandait les  thèmes  des  Anatoliques  et  de  l'Opsikioïi,  fit  nom 

I.  Cité  par  Gelzer,  p.  82. 

'2.  Cerem.,  i3i3. 

3.  Gelzer,  p.  82. 

'4.  Gelzer,  90. 

5.  Schlumberger,  Sigilloy.,  ii5. 


1-6  BASILE    I 

mer  son  frère   Léon,  monostratège  de  Thrace  et  Macédoine^; 
pour  le  ix^  siècle  nous  connaissons  deux  stratèges  de  Macédoine. 
Tzàntzès  qui  travailla  au  retour  des  Macédoniens  emmenés  cap 
tifs  en  Bulgarie-,  et  Bardas,  patrice  et  stratège  de  Macédoine, 
correspondant  de  Photius  ^. 

Une  des  plus  importantes  villes  de  ce  thème  était  Develtos, 
port  de  commerce  très  fréquenté  sur  la  mer  Noire.  Christopolis 
sur  la  mer  Egée  paraît  aussi  avoir  appartenu  à  ce  tiième. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  deux  thèmes,  pour  être  en  terre 
d'Europe,  n'en  comptaient  pas  moins,  cependant,  parmi  les 
grands  thèmes  d'Orient.  Si  Constantin  VII  les  place  au  début 
de  son  second  Livre  sur  les  Thèmes  —  celui  qui  traite  des 
thèmes  d'Occident  —  c'est  là  une  innovation.  A  l'époque  de 
Basile  et  de  Léon  Yl,  ils  se  rattachaient  encore  à  l'Asie  et,  par 
conséquent,  trouvaient  ici  même  leur  place  naturelle. 

lY.  —  De  l'autre  côté  du  détroit,  faisant  face  à  Byzance,  s'éten- 
dait l'ancien  thème  de  l'Opsikion  divisé,  au  ix"  siècle,  en  quatre 
thèmes  distincts.  Le  plus  rapproché  était  VOptimate.  Le  détroit 
le  limitait  à  l'occident,  la  mer  des  Khasares  au  nord,  la  Paphla- 
gonie  à  l'est  et  le  thème  de  l'Opsikion  au  sud*.  Cette  province 
renfermait  u  trois  forteresses  et  la  ville  actuellement  ruinée  de 
Nicomédie"'.  »  Ces  trois  forteresses  étaient  peut-être  quelques 
unes  des  villes  citées  par  le  Porphyrogénète  :  Hélénopolis, 
Prainetos,  Parthénopolis,  Astakos.  Malgré  le  silence  de  Philo- 
thée  et  les  réclamations  de  Constantin  VII,  les  étrangers  consi- 
déraient donc  cette  province  comme  un  thème.  Pourquoi  cette 
différence  P  C'est  que,  probablement,  Byzance  ne  voulait  recon- 
naître comme  thème  qu'un  pays  ayant  un  corps  d'armée  avec 
ses  divisions  habituelles  et  un  stratège.  Or,  l'Optimale  avait 
simplement  un  domestique  à  sa  tête  et  point  de  divisions  infé- 
rieures (tourmes  et  dronges).  De  plus  les  soldats  de  ce  corps, 
composé  de  Bithvniens,  de  Tharsiates,  de  Phrygiens,  servaient 
desimpies  valets  aux  troupes  en  campagne^.  Il  pouvait  donc 
sembler  au  géographe  arabe  qu'il  y  avait  là  un  thème  véritable 


1.  Theoph.,  957. 

2.  Syni.  Magist.,  Vit.  Mich.  et  Theod.,  xi,  p. 

3.  Pliotius,  Migne,  CH,  944. 

4.  Kodama,  p.  197. 

5.  Ibn  Hordadbeh,  Gelzer,  p.  83. 

6.  De  Them.,  88. 


ICI     L  KM  PI  HE    liVZAMlN  I77 

quand  il  n'\  avait,  en  vérité,  qu'un  rassemblement  de  soldats 
secondaires.  Cependant,  pour  inférieure  que  puisse  paraître  à 
première  vue  et  sur  les  dires  du  Porphyrogénète,  la  dignité  du 
domestique  de  l'Optimate,  comparée  à  celle  des  autres  stratèges, 
il  ne  faudrait  pas  croire  quelle  fut  à  peu  près  nulle.  Bien  au 
contraire.  En  fait,  le  domestique  de  TOptimate  gouvernait  dans 
sa  province  à  la  façon  d'un  stratège.  Parfois  même  il  en  portait 
le  titre  '.Il  avait  sa  place  marquée,  au  quatrième  rang,  parmi 
les  grands  fonctionnaires  de  l'Empire  et  pouvait  obtenir  les 
dignités  de  proconsul  et  de  patrice.  Sous  ses  ordres,  se  trouvait 
un  topotérète,  des  comtes  et  un  chartulaire  -.  La  véritable  rai- 
son de  l'infériorité  relative  dans  laquelle  on  le  tenait,  doit 
probablement  venir  de  sa  proximité  d'avec  Byzance.  Quand  on 
songe  que  son  gouvernement  touchait,  pour  ainsi  dire,  Cons- 
tantinople,  que  probablement  même  quelques-unes  de  ses  villes 
étaient  considérées  comme  des  faubourgs  de  Byzance  ^^.  on  nest 
pas  étonné  de  l'infériorité  dans  laquelle  on  cherchait  à  tenir  un 
tel  homme.  —  L'origine  de  ce  thème  remontait  au  règne  de 
Constantin  \  ^ 

V  .  —  Le  thème  de  UOpsikion  s'étendait  le  long  de  la  Propontide 
qui  le  bornait  au  nord.  V  l'est,  il  touchait  au  thème  Optimale  ;  à 
l'ouest,  aux  thèmes  de  la  mer  Egée  et  de  Samos  :  au  sud  aux 
deux  thèmes  des  Thracésiens  et  des  Anatoliques.  Les  soldats 
qui  se  trouvaient  cantonnés  dans  cette  partie  de  l'ancienne 
Bithynie  avaient  un  rang  et  un  service  à  part  dans  l'armée  car 
ils  avaient  pour  mission  de  toujours  précéder  l'P^mpereur  afin 
de  lui  ouvrir  le  chemin  et  de  lui  préparer  ses  haltes  \  Leur 
chef  n'avait,  au  ix*^  et  aux  débuts  du  x'^  siècle,  comme  le  domes- 
tique du  thème  Optimale  et,  sans  doute,  pour  la  même  raison, 
qu'un  titre  inférieur  :  celui  de  comte,  ce  qui  ne  l'empêchait  pas 
de  s'intituler  déjà  parfois  stratège^'.  La  situation  du  comte  de 
rOpsikion,  du  reste,  était  grande.  Son  thème,  organisé  peut- 
être  dès  les  environs  de  626  '.  était  de  deuxième  classe  et  sa  per- 

I.  Schluniberger,  Sujillog.,  p.  aU- 
:i.  (Serein.,  i.'Ug,  i3oi. 
'i.  Sigillufj.,  m4A- 

4.  Dichl,  Byz.  Zeil.,  I\,  G77. 

5.  De  Theni,  84  et  85. 

G.  Schlunibcrgcr.    SUjillog.,  348.    (]e    titre    paraît    lui    avoir  été  octroyé 
(judciues  années  plus  tard,  cf.  la  première  liste  des  cérémonies. 
7.  Dichl,  Byz.  Zeil,,  I\,  077. 

12 


l;^  BASILE    I 


somie  avait  le  quatrième  rang  parmi  les  autres  stratèges.  Sous 
ses  ordres  vivait  et  agissait  un  personnel  aussi  complet  que 
celui  dont  pouvait  disposer  le  stratège  des  Arméniaques  ou  des 
Anatoliques.  Sa  capitale  était  Nicée  :  les  grandes  villes  de  son 
territoire  :  Kotiaion,  Dorylée  —  point  stratégique  important  — 
Midaion.  Meros,  Kadoi.  Alalagina  —  autre  point  stratégique 
important  —  Le  mont  Dindymos  servait  probablement  de 
frontière  entre  ce  thème  et  celui  des  Anatoliques  ^  Ethno- 
graphiquement,  ce  thème  se  composait  d'éléments  assez  divers. 
Y  vivaient  des  Mysiens.  des  Phrygiens,  des  Dardaniens,  des 
Bithyniens,  puis  une  colonie  militaire  de  Slaves  sous  le  com- 
mandement d'un  chef  spécial  le  «  Catepan  »  des  Slaves  de  l'Op- 
sikion -.  C'est  de  l'Opsikiou  que  l'ennemi  do  Basile  I,  Piganis. 
était  stratège-*. 

VI.  —  Mais  le  plus  grand  thème  créé  dans  l'ancien  Opsikion 
était,  assurément,  celui  des BoukeUalres  (GsaaTO xaAo'juEvovTwv Bo-j- 
xîAAap'lojv).  un  des  cinq  grands  thèmes  d'Asie,  1'  «  al  Bokallar  » 
d'ibn  Ilordadbeh.  Par  le  nord,  il  touchait  à  la  mer  Noire  ainsi 
qu'au  thème  de  Paphlagonie,  au  nord^est.  A  l'est  il  était  borné  par 
le  thème  des  Vrméniaques,  au  sud-est  par  celui  de  Gharsian.  Les 
thèmes  de  Gappadoce  et  des  Anatoliques  le  bordaient  au  sud, 
tandis  qu'à  l'ouest  sa  frontière  était  celle  des  thèmes  de  l'Opsi- 
kiou et  de  l'Optimale.  Sa  métropole  paraît  avoir  été  Ancyre.  Il 
comptait  treize  forteresses  dont  trois  :  Verinopolis,  Stavros,. 
Myriokephaloi,  formaient  la  turme  de  Saniana,  possession  de 
ce  thème  jusqu'aux  environs  de  890  ^  lléraclée  du  Pont,  Glau- 
diopolis,  Prusias  en  étaient  les  villes  principales.  \ous  con- 
naissons, en  outre,  quatre  districts  de  ce  thème  :  Baréta.  Balba- 
don,  Aspona,  Akarkous  ^.  Les  habitants  de  ce  thème  étaient 
les  uns  Galates.  les  autres  Bithyniens  etMariandini  ^\  Son  stra- 
tège avait  le  cinquième  rang  parmi  les  autres  stratèges.  Ainsi 
que  le  thème  de  Paphlagonie,  ce  thème  datait  de  Gonstantin  V. 
Nous  connaissons  un  stratège  des  Boukellaires  qui  vivait  sous 
Michel  IlL  Nazar. 


1.  Ramsay,  lôi. 

2.  Schlumber^er,  Sigillog..  2^8. 

3.  Tlicoph.  dont..  Vit.  Midi.,  wiii,  mô6. 

4.  Ramsay.  2^»8. 
;■).  Ihid.,  21O. 

0.  De  The  m..  8(). 


i:t  l  i'>[Piiii:  Hv/.AMiN  1-9 

vu.  —  Le  Ihèine  de Paphlagonie  formail  rextrème  limilc,  à  Test, 
de  l'ancien  Opsikion.  La  mer  Noire  le  longeait  au  nord  sur  toute 
S(^n  étendue  :  à  Test,  il  rencontrait  le  grand  thème  des  Vrmé- 
niaques  :  au  sud  et  a  l'ouest,  celui  des  Boukellaires.  S'il  faut  en 
croire  Constantin  MI  les  habitants  de  ce  thème  avaient  assez 
mauvaise  réputation,  ce  qui  n'empêchait  pas  de  le  considérer 
comme  important.  Son  stratège  passait  avant  ceux  de  Thrace  et 
de  Alacédoine  et  avait  le  neuvième  rang.  11  commandait  sur 
cinq  places  fortes  dont  la  métropole  Gangres,  puis  Vmastris, 
Sora.  Dadybra^  lonopolis.  Pompeiopolis. 

\  III.  —  Au  sud  de  l'Opsikion  s'étendait,  au  vu''  siècle,  d'une  mer 
à  l'autre,  le  thème  des  Anatoliques,  divisé  plus  tard  en  trois  puis 
en  quatre  thèmes.  C'était,  d'abord,  le  grand  thème  des  Thnieé- 
siens,  un  des  principaux  de  l'Empire.  Au  dire  de  Ivodàma  il 
allait,  à  l'ouest,  jusqu'au  détroit  1  :  au  sud,  jusqu'à  la  mer  de 
Syrie  :  à  l'est  il  touchait  au  thème  des  Anatoliques-.  La  métro- 
pole en  était,  peut-être,  Sardes.  Le  thème  des  Thracésiens  était 
de  première  classe  et  son  stratège  qui  commandait  des  troupes 
de  cavalerie  avait  le  troisième  rang  parmi  ses  pairs,  ce  qui 
s'explique  par  L'importance  de  la  province  qu'il  gouvernait.  Les 
armées  du  thème  des  Thracésiens  sont,  en  cfTet.  maintes  fois 
nommées  par  les  chroniqueurs  et,  sans  doute,  elles  dcAaient 
être  parmi  les  plus  nombreuses.  C'est  de  là  que  les  troupes  de 
Michel  s'embarquèrent  pour  la  Crète  lors  de  l'assassinat  de  Bar- 
das. Les  principales  villes  de  ce  thème  étaient  Sardes,  Hiérapo 
lis,  Laodicée,  Ghonae.  etc.  Pétronas,  frère  de  Théodora.  fut 
stratège  du  thème  des  Thracésiens  et  après  lui  Symbatios. 
gendre  de  Bardas. 

l\.  —  Le  thème  des  Anatoliques.  le  premier  en  liste  soit  dans  les 
((  Cérémonies  )>,  soit  chez  le  Porphyrogénèle,  était  aussi  dans 
l'estime  des  étrangers  la  première  province  de  l'Empire,  u  C'est 
la  plus  grande  province  de  l'Empire  romain,  dil  Ibn  liordad- 
heh^.  ))  Elle  renfermait  plusieurs  forteresses  et  la  ville  d'Amo- 
rion.  que  le  géographe  arabe  appelle  ^^  \mmuria  »,  c  ville  dont 


I.  En  fait,  il  avait  à  l'Est  le  thème  de  Sainos,  sauf  probablement  sur  un 
point,  du  côté  de  Képos  par  lequel  il  touchait  à  la  mer.  Du  reste,  il  est  cer- 
tain qu'il  devait  toucher  à  la  mer  puisqu'il  y  avait  un  turmarque  du  littoral 
«  xf.î  TapaXîo'j.   » 

3.  Kodàma,  p.  i()7. 

3.  Ibn  llordadbeh,  (îelzer,  p.  83. 


j8o  BASILE    I 

les  tours  sojil  au  uombrc  de  quaiaii le  quatre.  »  Le  thème  des 
Auatoliques  touchait  aux  thèmes  des  Thracésieus  et  de  lOpsi- 
kion  à  Touest  :  au  sud,  il  était  borné  ])ar  le  thème  de  Séleucie 
et  par  la  mer  ;  à  l'orient  par  celui  de  Cappadoce.  Au  nord,  il 
rencontrait  la  frontière  de  l'Opsikion  et  des  Boukellaires.  Natu- 
rellement, vu  ses  dimensions  considérables,  son  armée,  sa 
richesse,  ce  Ihème  était  de  première  classe  et  son  siralège  venait 
le  premier  en  liste.  11  résidait  vraisemblablement  à  Amorion. 
devenu  depuis  le  ix-  siècle,  métropole  ecclésiastique  de  la  pro- 
vince. Ibn  Ilordadbeh  ci  le  parmi  les  villes  for  les  de  TAnato- 
lique.  Al  Alamain,  Alarg'as  Sahm,  Borgut.  Al-Miskanin.  «  Au 
nombre  de  ses  dépendances  on  compte  encore  Al  Bitin  et  Al- 
Mosbatalin.  »  Sa  population  était  en  majorité  composée  de 
Phrygiens,  de  Lycaoniens.  de  Pisidiens.  Les  villes  les  plus 
connues  étaient  :  Kudokias.  Saint-Agapetos.  Aphrazeia'et 
Kaborkion  *.  Nous  connaissons  un  stratège  des  Anatoliques 
sous  le  règne  de  ïhéodora  :  c'est  Tliéodote  Mélissinos  '-.  et  un 
autre  sous  le  règne  de  Basile.  Léon  Phocas"^. 

X.  —  Deux  autres  thèmes  de  beaucoup  moindre  importance, 
au  moins  quant  à  leur  étendue,  fui-eiit  taillés  à  l'est  dans  l'an- 
cien Anatolique.  C'étaient  celui  de  Cappadoce  et  celui  de  Séleu 
cie. 

Le  thème  de  Cappadoce  était  entouré  au  nord  par  le  thème  des 
Boukellaires.  à  l'est  ])ar  le  thème  de  Charsian,  à  l'ouest  par  le 
thème  des  Anatoliques  :  mais  au  sud  il  touchait  la  frontière 
arabe  dont  il  était  séparé  par  les  montagnes  du  Taurus.  C'était 
donc  un  thème  de  combat.  Aussi  n'est-il  pas  étonnant  que  les 
Arabes  le  connaissent  bien.  Ibn  Hordadbeh  cite  les  nombreuses 
places  fortes  dont  il  était  parsemé,  entre  autre  la  montagne  Du'l 
Kila  qui  était  couronnée  de  forteresses  *  et  Edrisi  nous  avertit 
qu'il  s'étendait  de  ïarsos  à  l'Halys  '\  Ce  thème  qui  n'est  men- 
tionné qu'incidemment  dans  le  Livre  des  Thèmes,  au  chapitre 
sur  le  thème  des  Arméniaques  ^,  avait  à  sa  tête  un  stratège  dont 
le  nom  figurait  au  sixième  rang  parmi  ses  pairs.  Le  thème  lui 


1 .  Kaiiisa.N .  -iiC». 

2.  Tlieoph.  Coiil.,    17/.  Midi.,  wi,  i8o. 

3.  Cerem.,  iib-]. 

f\.  Tbn  Ilordnclboh,  Clelzer,  p.  S\. 
r>.  I'>lrisi,  irad.  Jauhorl,  ii,  ^o."). 
0.  Raiiibaiid,  op.  cil..  177. 


KT    l'eMPMIE    HVZAMiX  l8l 

même  était  de  troisième  classe.  Sous  le  règne  de  Michel  III, 
comme  sous  celui  de  Basile  ^  il  est  fait  mention  d'un  stratège 
de  Cappadoce.  Nous  ignorons  quelle  était  la  métropole  de  ce 
thème.  Jusqu'en  890  le  district  de  Kases  en  faisait  partie'-. 

Le  thème  de  Séleucie  n'est  pas  mentionné"  par  les  listes  du 
Livre  des  Cérémonies.  Seuls  les  écrivains  arabes  en  parlent. 
Suivant  Ibn  Hordadbeh,  il  se  trouvait  u  du  côté  de  la  mer  de 
Syrie  ayant  pour  limites  ïarsus  et  la  rivière  d'Al-Lames.  Le 
gouverneur  de  cette  province  est  chargé  de  la  surveillance  des 
défilés  (Pyla^  Cilica?).  On  y  compte  Salukija  et  six  autres 
places  fortes  -^  »  Et  Kodâma  ajoute  qu'à  l'ouest,  il  touchait  à 
l'Anatolique.  au  nord  au  thème  des  Thracésiens  :  ce  qui  ne 
semble  pas  très  exact,  attendu  que  l'Anatolique  le  bornait  au 
nord  et  qu'il  était  séparé  du  thème  des  Thracésiens  par  le 
thème  des  Kibyrrhéotes.  En  réalité,  le  thème  de  Séleucie  ne  fut 
créé  que  sous  la  régence  de  Romain  Lécapène  ^.  Auparavant,  ce 
n'était  qu'une  simple  clisure.  mais  clisure  de  grande  impor- 
tance car  elle  défendait  les  passages  du  ïaurus,  comptait  de 
grandes  villes  dans  son  ressort  et  par  son  voisinage  a^ec  les 
Arabes  servait  de  province  frontière.  C'est  probablement  ce 
qui  explique  que  les  géographes  étrangers  la  comptèrent  parmi 
les  stratégies  grecques  bien  avant  qu'elle  n'en  eût  le  titre.  A 
l'époque  de  Constantin  VII,  la  clisure  —  alors  thème  de  Séleu 
sie,  —  avait  Séleucie  pour  métropole  et  se  divisait  en  deux  cir- 
conscriptions distinctes  :  l'une  maritime,  s'étendait  le  long  de 
la  mer,  et  l'autre,  la  Séleucie  supérieure,  «  Ta  avto  lîAcjxsia;  xal 
jjLEToyaia  »  s'appelait  aussi  Décapote  à  cause  des  dix  villes  qui 
se  trouvaient  sur  son  territoire  et  dont  la  principale  était  Ger- 
manicopolis  5.  Le  chef  de  la  clisure  était  le  clisurarche.  Il  avait, 
pour  l'ordinaire,  les  titres  de  protospathaire  ou  de  spathaire. 

Parmi  les  sept  grands  commandements  d'autrefois,  il  reste  à 
examiner  le  thème  des  Arméniaques  :  immense  piovince  qui 
s'étendait  le  long  de  la  mer  du  Aord.  de  Sinope  aux  extrémités 
de  l'Empire    byzantin,  c'est-à-dire  aux   royaumes   des  Ibères, 


1.  Cerem.,  iiô-. 

2.  Ramsay,  356. 

3.  Ibn  Hordadbeh,  Geizor,  8^. 

\.  lîaiiibaud,  17C;   De  Themal.,  p.  100.   Sous  Michel,  III,  Séleucie  est  for- 
mellemenl  inenlionnée  à  titre  de  clisure  (Théoph.  Gonl.,  Vit.Mich.,  xxv,  196). 
5.  De  Tfiem.,  p.  100. 


l82  BASILE    l 

d'Arménie  et  des  terres  sarrasines.  et  touchait,  à  l'ouest,  aux 
tlièmes  des  Boukellaires  et  à  l'Aiiatolique.  Sous  le  règne  de 
Basile,  cet  ancien  thème  'dont  l'origine  paraît  remonter  aux 
débuts  du  \if  siècle  (environs  de  626).  se  divisait  en  quatre 
thèmes  de  dimensions  plus  restreintes. 

XI.  —  Au  centre  se  trouvait  le  thème  des  Arméniaqiies  qui 
comprenait  Kolunij a  (Colonée),  dit  Ibn  Hordadbeh'.  ce  qui  est 
inexact  puisque  un  thème  spécial  portait  alors  ce  nom.  Le 
thème  des  Arméniaques  touchait,  au  nord,  à  la  mer  >oire  à 
partir  de  Sinope  ;  il  s'étendait,  à  l'ouest,  le  long  du  thème  de 
Paphlagonie  et  des  Boukellaires  ;  puis  toute,  une  ceinture  de 
thèmes  frontières  le  garantissait  contre  les  invasions  arabes  du 
côté  de  l'ennemi.  C'étaient  :  au  sud,  les  thèmes  de  Gharsian  ;  à 
l'est,  ceux  de  Colonée  et  de  Chaldée.  Il  ne  paraît  avoir  confiné 
aux  territoires  ennemis  que  du  côté  de  Sébastée  qui  probable- 
ment devait  être  une  simple  clisure.  En  tous  cas.  sa  frontière 
ne  dépassait  pas  les  trois  villes  fondées  par  les  Pauliciens  sous 
Tlîéodora  :  Argaous,  Amaia  et  Téphrice.  Ce  thème  des  Armé- 
niaques était  de  toute  première  importance.  Il  vient  dans  les 
listes  et  dans  le  Livre  des  Thèmes  au  second  rang  et  comptait 
parmi  les  trois  grands  thèmes  de  première  classe.  Sa  métro- 
pole paraît  avoir  été  Amasie.  Au  bord  de  la  mer,  Sinope  se  trou- 
vait sur  son  territoire.  Dazimon  était  un  des  grands  relais  du 
thème.  Le  patrice  et  stratège  des  Arméniaques,  Théophylacte, 
est  un  des  correspondants  de  Photius  -. 

XIL  —  A  l'est,  pour  servir  de  frontière  au  thème  des  Armé- 
niaques, se  trouvait  le  thème  de  Chaldée.  La  mer  Noire  le  lon- 
geait au  nord,  tandis  qu'à  l'est  et  au  sud,  il  n'avait  pour  limite 
que  celle  de  l'Empire.  Au  delà  venaient  les  royaumes  d'Ibérie 
et  d'Arménie.  C'était  dans  l'ordre  des  préséances  le  derniei'  des 
thèmes  orientaux.  Son  stratège  venait  le  douzième  en  liste  après 
ceux  de  Thrace  et  de  Macédoine.  Sa  métropole  était  probable- 
ment Trébizonde  sur  la  mer.  alors  port  militaire  et  commercial 
important  '-K  Dans  l'intérieur  des  terres  sq  trouvait  la  place  forte 
de  Théodosiopolis.  On  y  comptait  aussi  Keltzene.  La  position 
de  ce  thème  au  bord  de  la  mer  Noire  paraît  lui  avoir  donné  une 
certaine  imporfance  commerciale,  car  nous  voyons  son  stratège 

I.  Ibii  lloidadboh,  Golzor,  p.  8'|. 

a.  Migno,  en,  p.  929. 

3.  Evangollidis  :  «  'I^Too-a  rr,;  Tpa-îtoûvTOî  »  (Odessa  1898),  p.  33-o4- 


ET    l'eMPIUE    IiV/,V>TI\  1  83 

toucher  d'office  lo  livres  sur  les  marchandises  qui,  soit  y  arri- 
vaient, soit  en  partaient  ^  Jean  Chaldos  fut  stratège  de  ce  thème. 

\1II.  —  Au  sud  du  thème  de  Ghaldée  venait  celui  de  Colonée 
ayant,  à  lest,  les  thèmes  des  Arméniaques  et  de  Gharsian,  au 
sud,  les  terres  sarrasines.  Il  tirait  son  nom  de  la  ville  forte  de 
Colonée  qui,  pour  être  petite,  n'en  était  pas  moins,  paraît-il, 
admirablement  défendue,  «  xào-Toov  oyjpwTaTov  xal  xor,ijLvù)0£^  » 
dit  Constantin  YII  '-.  Sa  frontière,  jusqu'aux  victoires  de  Basile 
sur  Chrysochir  de  Téphrice,  devait  passer  près  de  cette  ville. 
Après  la  défaite  des  Pauliciens,  Téphrice  devint  terre  d'Empire. 
Le  thème  de  Colonée  existait  déjà  à  Tépoque  de  Michel  IIP.  Il 
ne  serait  pas  étonnant  qu'il  eut  été  créé  pour  lutter  contre  les 
Pauliciens.  En  tous  cas  les  Arabes  ne  le  connaissaient  pas  ou 
plutôt  le  confondaient  avec  le  thème  des  Arméniaques.  Le 
dixième  dans  l'énumération  de  Constantin  YII,  il  vient  dans  la 
deuxième  liste  des  Cérémonies  au  huitième  rang, 

Enfin  venait,  mais  seulement  depuis  Léon  VI,  le  thème  de 
Charsian  que  limitaient,  au  nord  le  thème  des  Boukellaires,  à 
l'est  le  thème  des  Arméniaques.  à  l'ouest  le  Ihème  de  Cappa- 
doce.  Au  sud.  il  était  thème  frontière  ayant  pour  voisins  les 
Arabes,  u  Outre  le  chef-lieu  Harsana,  on  y  trouve  quatre  forte- 
resses, »  dit  Ibn  Hordadbeh.  C'est  dans  ce  thème  que  se  trou- 
vaient la  route  et  le  défilé  de  Malatia  qui  reliaient  Arabes  et 
Byzantins  et  la  ville  d'Hypscla  souvent  mentionnée  dans  les 
guerres  contre  les  Arabes.  C'est  probablement  ce  qui  a  fait  croire 
à  Ibn  Hordadbeh  que  le  Charsian  était  érigé  en  thème.  En 
réalité,  à  l'époque  probable  où  il  écrivait,  ce  n'était  qu'une  cli- 
sure.  L'auteur  de  la  ((  Yita  Michaelis  »  le  cite  comme  tel*  et  nous 
savons  que  ce  fut  Léon  YI  qui  l'érigea  en  thème.  Sous  Basile,  le 
Charsian  n'était  donc  qu'un  commandement  de  second  ordre. 
Constantin  Yll,  en  vérité,  dans  la  vie  qu'il  écrivit  de  son 
grand-père,  cite  bien  le  thème  de  Charsian  et  son  stratège, 
mais  il  parlait  probablement  le  langage  ^administratif  en  usage 
de  son  temps  lorsqu'il  donne  ce  renseignement  qui  n'infirme 
donc  pas  les  autres  témoignages  ^. 


I.  Cerem.,  laSâ. 

3.  De  Them.,  p.  98. 

:i.  Thooph.  Corit.,  Vit.  Mich.,  \\v,  196. 

'».  Thooph.  Gonl.,  VU.  Mich.,  xxv,  p.  196. 

5.  S(  lihiniborgor,  Sigillog.,  •i8'\.  Mt.  Basil.,  \u,  p.  -288. 


l8\  BASILF    I 

Toile  paraît  être  la  géograpliie  historique  de  l'Orient  byzantin 
à  répoque  dn  fondateur  de  la  maison  macédonienne,  Reste  à 
étudier  maintenant  les  thèmes  d'Occident  qui  relevaient  de 
Byzanee. 

Gomme  nous  l'avons  dit,  la  répartition  des  thèmes,  pour  géo- 
graphique qu'elle  paraisse,  ne  l'était  pas  en  réalité.  Indépen- 
damment des  thèmes  que  nous  venpns  d'étudier  et  qui  rentraient 
tous  dans  la  classe  dite  orientale,  l'Asie  Mineure  comptait 
quelques  provinces  placées  au  nombre  des  thèmes  d'Occident. 
Cette  répartiliou  surprendra  peut-être  moi  us  si  l'on  remarque 
qu'en  fait,  étaient  provinces  d'Occident  tous  les  thèmes  mari- 
times qui  dessiuaient  les  contours  de  la  mer  Egée  ou  se 
trouvaient  disséminés  sur  la  mer  Ionienne.  Sauf  en  effet  la  cli- 
sure  de  Séleucie  et  le  thème  de  Macédoine,  sur  un  point,  tous 
les  thèmes  que  nous  allons  parcourir  touchent  à  l'une  des  deux 
mers  et  sont  dits  occidentaux'.  Thèmes  secondaires  aussi,  si 
l'on  veut,  car  que  pouvaient  bien  être  ces  thèmes  d'Occident, 
provinces  souvent  très  petites,  éloignées  de  Byzanee,  sans  grande 
défense  contre  leurs  terribles  voisins,  aux  populations  très 
mêlées  où  Grecs.  Slaves.  Bulgares,  chrétiens  et  païens  vîa  aient 
ensemble  comme  des  frères  ennemis?  Sans  doute,  elles  s'appe 
laient  u  thèmes  »  et  avaient  à  leur  tête  un  stratège  :  mais  les 
troupes  qui  les  protégeaient  devaient  être  bien  peu  nombreuses 
puisque  c'est  à  peine  si  l'administration  impériale  les  connais- 
sait 2.  Presque  jamais  elles  n'étaient  appelées  à  défendre  l'Em- 
pire de  concert  avec  les  vraies  armées,  celles  d'Orient,  et  tout 
ce  qu'on  leur  demandait  le  j)lus  souvent,  c'était  de  fournir  des 
lances,  des  épées,  etc.,  aux  troupes  régulièrement  préparées 
pour  la  guerre.  En  réalité,  îlots  isolés  au  milieu  d'empires  bar- 
bares puissants,  ces  thèmes  ([ue  la  nécessité  érigeait  en  com- 
mandements militaires  n'avaient  d'autre  mission  que  de  défen- 
dre de  leur  mieux  les  villes  situées  sur  leur  territoire  et  par  là 


1.  Si  collo  ronîanjuo  a  tjMolquo  valour,  on  ])onl  fairo  observer  qiio  io 
llièiiie  de  Maeédoine  pomait  être  considéré  comme  oriental,  car  il  toncbail 
en  sa  [)lns  fjrande  étendue  à  la  Propontide.  Quant  à  la  clisure  de  Séleucie, 
loisqu'elle  fut  érigée  en  thème,  la  division  du  rx""  siècle  n'existait  plus. 
Constantin  VIT  connaît  un  autre  groupement  plus  véritablement  géogra- 
phique. 

•i.  Je  fais  exception,  évidemment,  pour  les  thèmes  proches  de  Conslanti- 
nople,  importants  ceux-là,  parce  que  c'étaient  les  lieux  de  résidence  de  la 
llolle  iiupéiiale. 


ET    t/ EMPIRE    BYZANTIN  iS') 

la  civilisation  byzantine.  Livrés  à  eux-mêmes,  leurs  stratèges  se 
débarrassaient,  pratiquement,  de  la  |tutelle  administrative  de 
l'Empire,  vivaient  à  leur  guise  et  n'avaient  plus  avec  Byzance 
que  des  rapports  lointains  et  une  soumission  purement  nomi- 
nale. Aussi,  ces  thèmes  —  sauf  ceux,  évidemment,  qui  se 
trouvaient  dans  la  sphère  immédiate  d'influence  de  Byzance  — 
ne  sont-ils  guère  connus  que  de  nom.  Si  déjà  pour  nous,  le 
régime  des  thèmes  d'Orient  est  plein  d'incertitude,  à  plus  forte 
raison  en  va  t-il  de  même  des  thèmes  d'Occident  que  Constan- 
tin YII  lui-même  paraît  totalement  ignorer.  Pour  ceux-là  donc 
nous  ne  pouvons  guère  donner  en  général  qu'une  nomencla- 
ture. 

XI Y.  —  Le  thème  des  Kihyrrhéotes  s'étendait  de  la  clisure  de 
Séleucie  à  l'est,  jusqu'à  la  frontière  du  thème  de  Samos  à  l'ouest. 
Par  le  nord,  il  touchait  au  thème  des  Thracésiens  et  des  Ana- 
toliques.  Son  nom  lui  venait,  disait-on,  de  la  ville  de  kibyrrha 
dont  la  réputation  était  assez  mauvaise.  Son  stratège  avait  le 
troisième  rang  parmi  les  stratèges  d'Occident.  Il  gouvernait  les 
villes  d'Halicarnasse,  Myra.  Perge,  Milet,  etc.,  ainsi  que  les 
îles  de  Rhodes,  Cos,  Leros  et  autres  îlots  de  moindre  impor- 
tance. Sauf  une  colonie  de  Mardaïtes  ayant  un  catepan  à  sa 
tête,  la  population,  composée  des  habitants  de  l'ancienne  Lydie, 
Pamphylie.  Carie,  n'était  guère  aimée  des  Empereurs.  On  la 
trouvait  trop  remuante  et  trop  insoumise  aux  ordres  impé- 
riaux. Les  ports  les  plus  connus  de  cette  province  étaient 
Laryma  et  celui  qu'on  appelait  le  ((  Paleos  »,  l'ancien.  C'était, 
avec  les  thèmes  de  Samos,  de  la  mer  Egée  et  d'Hellade,  le  grand 
thème  maritime  byzantin.  Lors  de  l'expédition  de  Crète  sous 
Léon  Yl  son  armée  s'élevait  à  6.760  hommes,  les  chefs  com- 
pris ' . 

XY.  —  Au  nord  du  thème  des  Kihyrrhéotes  venait  le  thème  de 
Samos.  Il  longeait  la  mer  jusqu'au  détroit  où  il  rencontrait  le 
thème  Optimale.  A  l'est,  il  était  borné  par  le  thème  des  Thra- 
césiens. Ce  thème  était  d'assez  médiocre  dimension,  \ussi  son 
stratège  n'arri^ait-il  ({ue  le  neuvième  en  liste.  L'île  de  Samos 
formait  le  centre  du  tlième  avec  les  petites  îles  d'Icari(\  de  Pat- 
mos.  etc.  Sur  la  cote,  il  semble  qu'il  comptait  quelques  grandes 
villes  commerçantes  comme  Ephèse,    Smyrne.    Tralles,    Per- 


l8G  BASILK    I 

game,  Adramylte.  etc.,  appartenaient  à  cette  circonscription.  Le 
thème  était  probablement  divisé  en  deux  turmes  :  Eplièse  et 
Adramytte.  Smyrne  était  sans  doute  la  métropole  de  la  pro- 
vince. Il  est  plus  que  probable  que  ce  thème  avait  une  grande 
importance  commerciale,  Là,  arrivaient  les  marchands  d'Occi- 
dent ;  là,  les  produits  divers  qui  nourrissaient  une  partie  de 
l'Empire,  car  les  marchés  d'Ephèse  étaient  parmi  les  plus  impor- 
tants de  l'Orient  ;  là  aussi  venaient  en  pèlerinage  tous  les  dévots 
byzantins.  La  grotte  des  Sept  dormants',  à  Ephèse,  attirait 
beaucoup  de  monde  ;  le  temple  dédié  à  Saint  Michel  archange 
à  Colosse,  de  même  ;  enfin  le  souvenir  de  saint  Jean  planait  en 
tous  ces  lieux  et  d'autres  que  le  fils  de  l'Impératrice  Irène 
venaient  y  accomplir  leurs  aœux  et  faire  leurs  dévotions.  Tout 
cela,  évidemment,  devait  amener  un  commerce  actif,  la  richesse 
et,  partant,  l'importance  du  thème. 

XYI.  —  Le  centre  de  la  mer  Egée  avec  ses  îles  formait  un 
thème  spécial  :  le  thème  de  la  mer  Egée  ou  des  u  Douze  îles  » 
dont  la  métropole  paraît  avoir  été  Chio  -.  Les  îles  incluses  dans 
cette  stratégie  étaient  les  Cyclades,  puis  Mytilène,  Chio,  Lem- 
nos  ;  mais  sur  terre,  le  thème  avait  des  possessions  nombreuses 
importantes.  Toute  la  côte  depuis  le  cap  Lekton  jusqu'à  la 
Propontide,  les  îles  de  Proconnèse,  la  presqu'île  de  Gallipoli 
jusqu'à  l'Ilexamilion,  appartenaient  à  ce  thème  qui  comman- 
dait ainsi  les  embouchures  de  ITIellespont.  Bien  que  ce  thème 
ne  vienne  qu'en  assez  bas  rang  dans  la  liste  des  Cérémonies  la 
plus  ancienne,  puisqu'il  est  le  dixième  sur  douze,  il  dut  avoir, 
vraisemblablement,  une  grande  importance.  La  flotte  y  séjour- 
nait en  temps  ordinaire  ;  c'est  à  l'intérieur  de  ses  frontières  que 
se  trouvaient  les  douanes  impériales  de  l'Hellespont  et  c'est  ce 
thème  qui,  tout  naturellement,  défendait  Constantinople  proté- 
gée, à  l'entrée  de  la  Méditerranée,  par  une  chaîne  qui  en  fermait 
l'accès  aux  vaisseaux  musulmans*^.  Les  villes  les  plus  impor- 
tantes étaient  assurément  Cyzique,  Abydos,  Gallipoli. 

WII.  —  Vu  fond  de  la  mer  Egée,  ayant  à  l'est  le  thème  de 
Macédoine,  à  l'ouest  et  au  sud,  celui  de  Thessalonique,  se  trou- 
vait le  petit  Ihème  du  Strymon,  le  sixième  sur  la  plus  ancienne 

I.  Ibn  Hordadbolî,   (îolzor,  83.    Le   géograplio   nrnbo.    copondanl,    place 
Ephèse  dans  le  llième  des  Thracésiens, 
•i.  SebUiiiiber^ror,  Sigillo(j.,  198. 
3.  Ibn  Hordadbeli,  p.  7O. 


ET    L  EAriMRI-     B^ZVNTIN  1(8" 

lislo  du  Livre  des  Cérémonies.  On  a  beaucoup  discuté  au  sujet 
des  limites  de  ce  tlième  sans  avoir  pu,  jusqu'ici,  se  mettre 
pleinement  d'accord  i.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  qu'il  était  de 
fort  restreintes  dimensions,  ne  toucliait  peut-être  pas  même  à 
la  mer,  entouré  qu'il  était  par  le  thème  de  Tliessalonique.  Sa 
population  se  composait  de  Scythes  et  de  Slaves,  turbulents, 
toujours  en  guerres  ou  prêts  à  se  jeter  sur  Tliessalonique.  Ce 
gouvernement  militaire  semble  surtout  avoir  été  créé  pour 
tenir  en  bride  les  habitants  de  ces  montagneuses  contrées  et 
protéger  la  grande  ville  occidentale  contre  les  attaques  qui, 
sans  cesse,  la  menaçaient.  Aussi  n'est-il  pas  étonnant  que  plus 
plus  d'une  fois  les  deux  thèmes  aient  été  réunis  sous  une  seule 
administration  -. 

WIII.  —  I.e  thème  de  Thessaloniqae  qui  comprenait  la  grande 
ville  de  ce  nom  et  une  partie  de  l'ancienne  Macédoine,  touchait 
par  l'est  elle  nord  au  thème  du  Strymon,  parle  sud  àceluid'Iiel- 
lade.  Ses  côtes  étaient  baignées  au  sud  parla  mer,  tandis  qu'au 
nord  et  à  l'ouest  il  était  borné  par  le  royaume  bulgare.  C'était 
dans  ce  gouvernement  que  se  trouvait  la  Chalcidique  et  qu'au 
x*^  siècle  saint  Athanase  jeta  les  bases  du  premier  monastère 
connu  de  l'Athos.  Son  stratège,  malgré  l'importance  de  la  ville 
qu'il  commandait,  n'avait  que  le  septième  rang,  preuve  mani- 
feste que  ce  n'était  pas  d'après  la  richesse,  l'étendue,  le  com- 
merce, les  voisins  même  du  tjiènie  que  s'établissait  son  impor- 
tance, mais  d'après  les  troupes  qui  l'habitaient,  d'après  leur 
nombre  et  les  services  qu'elles  pouvaient  rendre  :  organisation 
toute  militaire,  destinée  surtout  à  protéger  les  possessions 
impériales  et  la  civilisation  byzantine,  mais  qui  ne  tenait 
probablement  qu'un  compte  relatif  de  la  civilisation  même  du 
pays. 

\ï\.  —  La  Crèce  proprement  dite  était  divisée  en  deux 
thèmes.  Du  côté  de  la  mer  Egée,  le  thème  de  Hellade  ;  du  côté 
de  la  mer  lonieiiue,  le  thème  de  Mcopolis.  Le  premier,  dont 
l'existence  est  déjà  mentionnée  sous  le  règne  de  Justin ien  11 
par  la  présence  du  stratège  Léontios  •^  était  borné  au  nord  par 
le  royaume  bulgare  :   il    ne  touchait  que  par  une  étroite  bande 

I.  Rambaud,  p.  a6(3. 
■>..  Sclilninbergcr.  Sujillog.,  p.  109. 

'S.  TIjooph.,  7^8.  (jelzer  croit  copoiidaiil  que  co  llièino  no  fiil  créé  qu'à  la 
fin  du  \Mi'  sicclo  ou  au  dcbiil  du  i\'  (P-  <)')• 


88 


msii,E 


de  iorrc  au  thème  de  Thessaloniqne.  Déniétriade  appartenait 
encore  à  ce  thème.  A  l'ouest  il  était  horné  par  le  thème  de 
Xicopolis  ;  au  sud  par  le  golfe  de  Gorinthe  et  Fisthme.  Ce 
thème  venait  le  quatrième  en  liste.  Il  comprenait,  outre  la' 
Grèce  continentale,  une  partie  de  la  Thessalie,  l'Eubée  et  Egine 
aACc  les  villes  de  Larisse,  Ghalcis.  Thèbes,  Vthènes,  etc.  Nous 
connaissons  par  les  lettres  de  Photius  un  stratège  de  Hellade 
du  nom  de  Jean  ^ 

XX.  —  A  l'ouest,  sur  la  côte  de  la  mer  Ionienne,  se  trouvait 
le  thème  de  Nicopolis,  borné  au  nord  par  le  royaume  de  Bulga 
rie  et  au  sud  par  le  golfe  de  Gorinthe.  Il  avait  le  second  rang 
parmi  les  thèmes  d'Occident.  Sa  métropole  était  probablement 
Xicopolis.  Son  territoire  s'élendait  sur  une  partie  de  l'ancienne 
Epire.  La  création  de  ce  thème  est  attribuée  à  Basile  lui-même. 
M.  Pancenko  a  publié  dans  le  Bulletin  de  l'Institut  russe  d'arcliéo- 
logie  les  sceaux  de  deux  stratèges  de  Xicopolis.  L'un  remonte  au 
ix'^  siècle  :  c'est  celui  de  Léon,  spatharocandidat,  stratège  de 
Xicopolis  '-. 

XXL  —  L'antique  presqu'île  du  Péloponnèse  formait  le  tfihne 
du  Péloponnèse,  le  premier  des  thèmes  d'Occident.  Une  popula- 
tion composée  de  Mardaïtes  etde  Slaves  autant  que  de  Grecs  se 
partageait  le  territoire,  les  Slaves,  plus  spécialement  sur  les 
rivages  et  dans  les  plaines,  les  Grecs  dans  les  villes  fortes  d'Ar- 
kadia,  de  Lacédémone  et  dans  qi#elques  villes  côtières  comme 
Patras,  Gorinthe.  Menembasie.  Argos.  Xauplie,  etc.  La  métro- 
pole de  ce  thème  était  le  Xouveau-Gorinthe  ((  Kào-Tcov  Kopiv9ov  ». 
Photius  adresse  une  de  ses  lettres  à  un  protospathaire  et  stra- 
tège du  Péloponnèse  du  nom  de  Jean.  Ge  Jean  pourrait  bien  être 
le  même  qui,  plus  tard,  avec  le  titre  de  patrice,  s'en  alla  gou- 
verner l'Hellade,  car  le  sujet  des  deux  lettres  est  identique  ^. 
Xous  connaissons  en  outre  sous  Michel  III,  le  stratège  Théoc 
tistos. 

XX IL  —  Une  étroite  bande  de  terre  longeant  la  côte  est  de 
l'Adriatique  et  bornée,  au  nord,  par  le  territoire  de  la  Serbie 
diocléenne,  à  l'est  par  l'Empire  bulgare,  au  sud  par  le  thème  de 
Xicopolis,  formuii  le  petit  ttième  de  DyiTaetiion  ayec  les  villes  de 
Dyrracliion,  d'Antibari,  de  Dulcigno.  Ge  thème,  perdu  en  plein 

1.  MigTio,  Cil,  p.  9 il. 

2.  Bulletin  VIII,  igoS,  2o3-2o4. 

3.  Migno,  Cil,  p.  9a8. 


i:t  i/kmpiki:  in/.AMr\  189 

pavs  slave.  cMilouré  de  Serbes  et  de  Bulgares,  ne  pouvail  guère 
eompter  pour  l'Empire.  Avec  Constantinople.  nul  autre  moyen 
de  communications  que  par  mer  :  avec  les  thèmes  grecs,  pas 
de  secours  possibles  contre  des  envahisseurs  trop  nombreux, 
autour,  el  même  à  Tintérieur  des  possessions  byzantines.  Aussi, 
sauf  Dyrrachion.  bien  défendue  par  ses  murailles,  ce  thème  ne 
laida-t-il  pas  à  tomber  aux  mains  de  l'étranger.  Son  stratège 
venait  en  huitième  rang. 

WIIT.  —  Enfin,  plus  au  nord,  sur  cette  même  mer  Adria- 
lique  se  trouvait  le  thème  bien  abandonné  de  Dalniatie.  Les 
invasions  slaves  le  conquirent  d'assez  bonne  heure,  refoulant 
la  population  grecque  dans  les  îles  de  la  côte.  A  l'avènement 
de  Basile,  il  n'y  avait  même  plus  là,  pour  elle,  de  sécurité,  Il 
fallut  abandonner  les  îles  et  chercher  refuge  sur  le  continent 
alors  habité  par  les  Croates.  C'est  sur  le  refus  de  ceux-ci  que 
la  po])ulation  grecque  s'adressa  à  Basile  peu  après  son  avène- 
ment. (  n  accord  eut  lieu  entre  le  Basileus  et  ses  lointains  su- 
jets. L'impôt  payé  par  les -Dalmates  au  stratège  le  fut  dès  lors 
aux  Slaves  ;  la  population  grecque  eut  le  droit  de  s'administrer 
elle-même  en  élisant  son  stratège  et  ses  archontes.  En  échange 
de  ces  concessions,  et  comme  signe  de  soumission  à  l'Empire, 
les  Dalmates  payèrent  au  stratège  un  léger  impôt'.  En  998  ce 
thème,  que  déjà  Constantin  YII  ne  mentionne  plus  dans  le 
Livre  «  des  Thèmes  »  tomba,  définitivement,  au  pouvoir  des 
\  énitiens.  Raguse,  Tetrangurium  (ïrau),  Diadora  (Zara).  Opsara 
(Absari).  Aspalato,  Arbi,  Yécla  (Veglia)  étaient  les  principaux 
centix^s  de  cette  province  perdue. 

\\l\  .  —  De  l'autre  côté  de  la  mer  Ionienne  se  trouvait  le 
thème  de  Sicile  avec  ses  annexes,  le  duché  de  Calabre,  la  terre 
d'Otrantc,  les  villes  restées  byzantines  éparses  sur  le  territoire 
de  l'ancienne  (irande-rirèce.  comme  Naples.  Caëte,  Amalfi.  Le 
stratège  de  cette  province,  le  cinquième  des  stratèges  d'Occi- 
dent, résidait  à  Syracuse,  et  de  là  gouvernait,  par  les  fonction- 
naires de  son  choix,  les  populations  grecques  :  mais  déjà  la 
Sicile  entière  n'appartenait  plus  à  l'Empire.  Depuis  83 1  les 
Arabes  avaient  un  fort  établissement  à  Païenne.  En  861  ils 
occupèrent  près  de  trente  villes  et  la  majeure  partie  de  l'île,  à 
l'exception   de  Taormine.    Syracuse  et  quelques  autres  villes, 

I.  Deadmin,.  WIX,  3. "):?-:? 53  ;  \\\,  -iSo, 


ICfO  BASILK    1 

tandis  que,  sur  le  contiiieiil,  Luiiibards  el  Bénévcntins  luttaient 
de  concert  avec  leurs  alliés  contre  la  domination  des  Empe- 
reurs, au  grand  profit  des  Arabes.  Dès  84o  les  ducs  de  Naples 
se  détachent  du  stratège  et  se  tournent  vers  l'Empereur  franc  si 
bien,  qu'en  fait,  jusqu'aux  conquêtes  de  Basile  en  Italie,  l'auto- 
rité du  stratège  ne  s'exerça  plus  que  sur  un  assez  faible  terri- 
toire ^  La  Calabre,  en  vérité,  vrai  centre  de  la  domination 
byzantine  en  Italie,  relève  bien  encore,  théoriquement,  du 
stratège  de  Sicile  ;  mais  dès  le  règne  de  Basile.  Otrante  pos- 
sède un  fonctionnaire  spécial  qui  lient  ses  pouvoirs  directe- 
ment de  l'Empereur,  le  stratège  Cirégoire,  «  bajulus  »  impérial. 
Lorsque  celui-ci  prendra  possession  du  thème  de  Longobardie, 
le  stratège  de  Sicile,  chassé  de  Taormine  (902),  ira  s'installer  à 
Beggio,  et  c'est  de  là  qu'il  gouvernera  les  restes  de  son  thème 
de  Sicile-.  En  somme,  à  l'époque  de  Basile,  il  y  a  encore  un 
stratège  de  Sicile  et  un  fonctionnaire  spécial  en  Calabre.  Si  ce 
dernier  territoire  ne  porte  pas  le  titre  oflRciel  de  stratégie,  en 
fait,  cependant,  son  chef,  aussi  puissant  que  le  vérilable  stra- 
tège, commande  souverainement  un  pays  plus  étendu  et  ])lus 
homogène  que  la  Sicile,  presque  tout  entière  musulmane. 

XW.  —  l\este.  d'après  le  Livre  des  Cérémonies,  un  petit 
thème  tout  à  fait  isolé,  seule  possession  byzantine  sur  les  côtes 
Scythe  et  slave  :  celui  de  Cherson,  dans  la  Crimée  actuelle.  Il 
est  dernier  en  liste  et  ne  paraît  guère  avoir  eu  qu'une  impor- 
tance commerciale.  Les  Petchnègues  et  les  Khazares  l'envelop- 
paient de  tous  les  côtés,  et.  certainement,  contre  une  inva- 
sion, le  stratège  n'eut  pu  tenir  tête  aux  ennemis"^.  Du  reste,  ce 
territoire  byzantin  n'était  devenu  stratégie  que  depuis  peu  de 
temps.  Il  datait  du  règne  de  Théophile,  de  l'année  833. 

XXYI.  —  Au  cours  du  règne  de  Basile,  Chypre  revint,  quel- 
ques années  durant,  possession  d'Empire.  Tombée  aux  mains 
des  Arabes,  depuis  l'époque  d'Héraclius,  Basile  réussit  à  y  en- 
voyer un  stratège  d'illustre  origine,  Alexis  qui  y  demeura  sept 
années.  Après  quoi  l'île  retomba  aux  mains  de  l'ennemi*.  U 
semble  même  qu'il  y  ait  eu.  momentanément,  une  organisation 
assez  complète  puisque  nous  savons  par  Photius  qu'il  y  avait 

1.  C.ay,  p.  Go. 

2.  Ibid.,  168,  169. 

3.  Voir  plus  bas  les  rapi)Oi"ls  do  Hyzancc  a\ec  les  popolalions    barbares. 
'4:  De  The  m.,  io5. 


j:t  j .  i:m v ï  n k  m  z  v m  i  n  i  q  i 

1111   foiictioiiiiairo  du   nom  de  Slaurakios,   spalharocandidat  et 
éparclie  ^ . 

IV 


Si.  à  l'époque  qui  nous  occupe,  la  géographie  administrative 
et  militaire  de  l'Empire  est  encore  en  voie  de  formation,  cepen- 
dant, dès  le  ix"  siècle,  le  principe  sur  lequel  repose  cette  nou- 
velle divi'sion  territoriale  est  universellement  admis  et  pratiqué. 
Les  anciennes  provinces  avec  leurs  cités  font  partout  place  aux 
thèmes,  gouvernements  militaires,  plus  ou  moins  étendus  et 
arhitrairement  créés,  sans  relations  ethnographiques  avec  les 
habitants  qui  les  peuplent,  et  dont  toute  la  mission  est  d'assu- 
rer h  l'Empire  paix  et  sécurité.  Aussi  par  la  force  même  des 
choses,  une  permutation  des  pouvoirs  administratifs  suivit-elle 
cette  transformation  géographique.  Quand,  aux  vu'  et  vur  siè- 
cles, les  stratèges  avec  leur  armée  entrèrent  dans  la  province 
qui  leur  était  assignée,  ils  y  trouvèrent,  eu  effet,  un  gouverneur 
civil  qu'on  ne  songea  pas  à  faire  disparaître  au  bénéfice  du 
gouverneur  militaire.  Chacun  vécut  d'abord  juxtaposé  l'un  à 
l'autre,  remplissant  les  fonctions  pour  lesquelles  il  a\;iil  été 
créé  -.  I^eu  à  peu  cependant,  classez  vite,  cet  état  de  choses  se 
modifia.  L'élément  militaire  tendit  à  s'assimiler  l'élément  ci\  il  : 
l'union  des  pouvoirs  entre  les  mains  du  stratège  se  fit  de  plus 
en  plus  complète,  si  bien  qu'au  ix"  siècle,  sur  toute  l'étendue 
de  l'Empire,  il  n'y  eut  plus  que  des  gouvernements  militaires.  Le 
gouvernement  civil,  en  vérité,  ne  disparut  pas  complètement:  il 
exista  toujours  :  mais  de  sa  grandeur  passée  il  ne  lui  resta  rien. 
vSes  représentants  furent,  ou  entre  les  mains  du  stratège  ou  entre 
celles  des  grands  officiers  du  I^alais.  Ils  descendirent  sur 
l'échelle  sociale  de  plusieurs  degrés,  et  c'est  à  un  très  modeste 
rang  que  nous  allons  les  retrouver.  S'il  n'est  pas  possible  de 
fixer  par  une  date  précise  le  point  de  départ  de  ces  transforma- 
lions,  parce  qu'en  réalité  il  n'y  en  a  pas.  nous  savons  du  moins 
à  quel  moment  fut  achevée  cette  nouvelle  organisation  admi- 
nistrative. Léon  \  I,  dans  deux  de  ses  novelles,  nous  le  dit  :  c'est 


1.  miolius,  cil,  p.  98i 

■A.  Diehl,  Etudes  Byzant.,  288,  292. 


192  R  ASILE    I 

SOUS  son  rèo-nc  que  les  derniers  vestiges  d'un  gouvernement 
civil  autonome  dans  les  proAinces  furent  effacés^.  Par  Tune  de 
ses  lois  il  abrogea  les  curies  et  les  décurions  parce  que  désor- 
mais un  autre  ordre  de  choses  a  fait  place  à  l'ancien  et  que  tout 
dépend  de  la  sollicitude  impériale 2;  par  l'autre,  en  abrogeant 
le  sénat,  il  supprima  les  trois  prêteurs  qui.  à  Constantinople, 
le  représentaient  et  les  stratèges  ^  qui,  dans  les  autres  villes, 
étaient  nommés  par  les  décurions  *.  Désormais,  sur  toute  la 
surface  de  TEmpire,  la  chose  f)ublique  fut  directement  admi- 
nistrée par  TEmpereur,  représenté  daus  les  provinces  par  les 
stratèges  d'ordre  militaire.  11  n'en  resta  pas  moins  que  dans  le 
langage  de  la  chancellerie,  la  province  continua  à  s'appeler 
éparchie  quand  on  l'envisageait  au  point  de  vue  civil  ;  elle  ne 
s'appela  thème  qu'au  point  de  vue  militaire.  Les  fonctionnaires 
qui  l'administraient  furent  de  deux  sortes  :  les  uns  militaires, 
les  autres  civils,  tous  ayant  à  leur  tête  le  stratège  commandant 
en  chef  du  thème  et  gouverneur  de  l'éparchie. 

Le  stratège,  dans  l'organisation  générale  de  l'Empire,  était 
an  sommet  de  la  hiérarchie.  Il  passait  avant  tous  les  autres 
fonctionnaires  et  seul  jusqu'à  Léon  \  I,  le  syncelle  avait  le  pas 
sur  lui.  quelque  thème  qu'il  gouvernât.  La  dignité  dont  il  était 
habituellement  revçtu  était  la  première  de  l'Empire,  celle  de 
patrice  •^,  et  toujours,  au  moins,  il  se  vit  conférer  le  titre  de 
protospathaire  ••.  Dans  les  cérémonies  il  marchait  avec  les 
grands  dignitaires  de  la  cour  :  magistroi.  patrices,  etc..  et  une 
fois  sorti  de  charge,  il  gardait  son  titre  d'ancien  stratège, 
((  hi-o'7':zTzr^'^/rj-  ».  Mais  c'était  surtout  dans  sa  province,  naturel 
lement,  que  le  stratège  était  tout-puissant.  Là,  vrai  maître  du 

I.  Comme  presque  toujours  à  B\zance,  ces  vestiges  ne  disparurent  que 
pour  rcnailre.  Dès  le  règne  de  Romain  Lecapène,  nous  retrouvons  des  com- 
munes et  un  gouvernement  communal  dans  les  provinces.  (Cf.  Mortreuil, 
m,  77  et  seq.), 

•i.  ...  -povôatciv  Oc  To:;  Jîo'JAsuTT.pîo'.î  TzapsT/ov  âp/wv  t-.vo^v  TcpoSoAf,;  y.al  O'.o'.v.t.tswç 
y.jit'lrj'j'S'.rrj  -ZMV  TJJXtiov.  01  vûv.  OT'.  -pô;  iTspav  xaTâjTac'.v  ta  zoA'.T'.xà  tAETa-êTOÎT.Ta'. 
-piY;A3tTa...  (Zacliariip,  Jus  Grœco,  III.  nov.  \LVI,  p.  189). 

3.  «  ()■>/  oiO'Jî  -fi  vjv  oîÔE  TTpaTf.Y'.xT,  iy/f^.  »  ^0\.  \LV1I,  p.  1 '|0. 

4.  Novelle  \LVII,  p.  189,  i4o'. 

5.  Je  dis  la  première  parce  que  celle  de  magislros  était  trop  rare  pour 
compter  parmi  les  dignités  habituelles. 

'  6.  Les  cas  où  Ton  trouve  sur  les  sceaux  le  titre  de  spathaire  sont  très  peu 
fréquents.  On  a  aussi  quelques  rares  mentions  de  stratèges  qui  ne  sont  que 
spalharocandidats.  Tel  est  le  cas  du  stratège  Léon,  sous  Basile  l'^Pancenko, 
vni,  1908,  p.  2o4). 


ET    L  KMIMUK    HVZWTIN  IQ.) 

pays,  il  ne  Felcvail  de  personne  sinon  de  TEmperenr,  el  la  dua 
lilé  des  ponvoirs  mis  en  ses  mains  Ini  donnait  une  force  et 
une  autorité  à  ludlc  autre  comparable.  Aussi,  comme  dans 
l'Empire  romain,  la  législation  dut-elle  fixer,  pour  éviter  de 
trop  grands  inconvénients,  certaines  prescriptions  auxquelles 
tout  magisirat.  mais  le  stratège  en  particulier,  était  tenu  d'obéir. 
D'abord  il  est  vraisemblable  que  l'Empereur  ne  devait  pas  lais- 
ser longtemps  le  stratège  séjourner  à  la  tête  de  son  thème. 
C'eut  été  pour  le  souverain  un  trop  dangereux  compétiteur  si 
par  malheur  il  avait  manqué  de  loyalisme.  Mais  indépendam- 
ment de  cela,  défeuj^e  était  faite  au  stratège,  comme  du  reste  à 
tous  les  magistrats  de  réparchie.  d'épouser  une  jeune  fille  de 
la  province  qu'il  administrait,  au  moins  pendant  la  durée  de 
son  mandat,  et  cette  défense  s'étendait  à  toute  sa  maison  :  fils, 
fdles.  parents,  domestiques'  ;  défense  aussi  lui  était  faile 
d'acheter  des  biens  meubles  ou  immeubles,  directement  ou  par 
personnes  interposées -,  de  consti'uire  une  maison,  d'accepter 
des  cadeaux,  même  spontanément  ofterts-^  Le  gouvernement 
central  faisait  aux  stratèges,  du  moins  aux  plus  importants 
d'entre  eux.  un  large  traitement.  Tous  avaient  droit,  en  outre, 
aux  «  'yjy'ffiv.7.',  »  en  nature  :  c'était  à  eux  d'ordonner  leurs 
dépenses  d'après  leurs  revenus.  Ces  règles  générales,  du  reste, 
ne  parurent  pas  encore  suffisantes  aux  Empereurs  pour  couper 
court  à  tous  abus  de  pouvoirs  comme  à  toute  exaction.  Ils  vou- 
lurent, comme  Basile  1"'.  protéger  de  leur  mieux  les  sujets  de 
l'Empire  et  complétèrent  ces  défenses  par  des  sanctions  parfois 
très  sévères.  Un  stratège  ou  un  de  ses  subordonnés  venait-il  à 
faillir,  l'éveque  et  les  premiers  d'entre  les  citoyens  *  devaient 
adresser  une  supplique   à  TEmpereur  indiquant  la  faule  com- 

I.  Proe/t.,II,  vii[,  22;  Xovelle  de  LéoaVI.  WUt,  p.  loi.  Toute  (TUcléjiisIa 
lion  concernant  les  magistrats  pour  juste  qu'elle  fut,  ne  semble  pas  cepen- 
dant avoir  été  toujours  scrupuleusement  obserAée.  En  preuve  un  acte  de  882 
{[ui  nous  montre  une  famille  Kâcrza;  à  Tliessalonique  en  possession  d'un 
assez  grand  nombre  d'emplois.  L'un  est  stratélate  de  Tliessalonicfue,  un  autre 
è-l  TT.î  o'.Xc'.xxf.r  TpaTÉÎlT,;.  UU  troisième  tgo;  tt,;  -Ôott,;  HcSSaAovîxr,;  et  cliartu- 
lairc  du  tlième,  un  quatrième,  épopte,  un  dernier  enfin  juge  du  tlième  (cf. 
Vkant.  Vremcnik  1898,  p.  'i85j. 

'i.  llnd.,  XIV,  u,  88. 

'S.  Jusqu'au  règne  de  Léon  VI,  ces  défenses  valaient  même  pour  les  magis- 
trats en  fonctions  à  Byzance.  Léon  VI  abrogea  la  loi  pour  ceux-ci,  mais 
pour  ceux-ci  seulement,  Xovel.  L\ \\1\  ,  p.  180. 

'\.  a  T(Tj  6îO'.5'.XcO"câTo)  i-:7y.ô~(<)  xal  toÎ;  iv  Tfj  '/mot.  r.pwTsûouiT'..  »  {Epcill.,  \il,  5, 
P-   -Ah 

13 


1()'|  liASILE    1 

mise.  CeJui-ci  en\(^\ail  alors  un  fonctionnaire  juger  ialï'aire  et 
punir  le  coupable  ^  Bien  plus,  tout  magistrat  en  sortant  de 
cliarge  était  tenu  de  rester  cinquante  jours  dans  la  i)rovince 
pour  que  ceux  qui  avaient  quelque  plainte  à  porter  contre  lui 
puissent  le  faire.  S'il  s'en  allait  avant  les  cinquante  jours  écou- 
lés, les  plaignants  devaient  se  rendre  auprès  de  l'évêque  de  la 
métropole  qui  recevait  leur  plainte  -.  Enfin,  pour  éviter  aux 
provinciaux  des  impols  inuliles,  aucun  magistrat,  qu'il  fnt 
d'ordre  civil  ou  militaire  (a-TpaTUi)T'.xal  xal  rSjj.-z^y.ol)  jic  ]iouvait 
recevoir,  sous  prétexte  de  coutumes,  quoi  que  ce  fût.  Il  devait 
se  contenter  de  ce  qui  lui  était  assuré  par  le  Trésor  (Trpoo-AaiJiêàvE', 
Te  Tiapà  ToO  GY.jjLOT'lo'j  Tot^  (ji'Z'f^'jzi:;) 'K  De  même,  et  pour  la  même 
raison,  il  n'avait  pas  le  droit  de  sortir  de  sa  province  sans 
nécessité  ^  et,  s'il  était  obligé  de  le  faire,  il  devait  payer  toutes 
choses,  pour  lui  comme  pour  sa  suite,  de  sa  fortune  privée. 
Par  conséquent  nul  n'était  tenu  de  lui  payer  ces  taxes  onéreuses 
qui  s'appelaient  les  «  àvyapîla».  »  et  les  «  £7zioy,jj.y,t'-xo'1  »  que  les 
habitants  de  la  province  payaient  aux  fonctionnaires  en  voyages 
olficiels  ^.  C'est  par  de  telles  mesures  que  le  gouvernement  cen- 
tral put  restreindre,  dans  la  mesure  oii  la  chose  était  nécessaire, 
la  trop  grande  puissance  des  fonctionnaires  provinciaux  et  sur- 
tout des  stratèges.  C'est  qu'en  elfet,  elle  était  à  peu  près^  sans 
limites  l'autorilé  de  ces  «  archontes  »  dans  leur  gouvernement. 
En  dehors  des  frontières  dn  thème,  il  est  vrai,  et  sauf  à  Cons- 
tantinople,  le  stratège  n'était  qu'un  particulier  (•-o'xot/,^)  ;  mais  à 
l'intérieur  il  avait  1'  «  Ècoja-ia  »  l'autorité^'*,  la  plus  grande  après 
celle  de  l'Empereur",  car  toutes  choses,  militaires,  privées, 
publiques^,  étaient  de  son  ressort'-^.  Dans  l'ordre  civil,  il  peut 
appeler  à  son  tribunal  toutes  les  causes  :  vols,  meurtres,  atten- 
tats aux  mœurs,  car  il  doit  procurer  à  tous  le  repos  et  la  sécu- 
rité ;  dans  l'ordre  administratif,  il  a  mission  de  promouvoir  le 
commerce  honnête,  d'empêcher  les  affaires  illicites,  en  un  mot 

I.  Epanag.,  VJI,  5  p.  7O. 
•2.  Ihid.,  6,  p.  7G. 

3.  Epanag.,  s,  76. 

4.  l  lie  seule  exception  était  faite   à  la  loi.    Le  inap:istral   pomait  sortir 
pour  raisons  de  pieté  et  encore  ne  devait-il  pas  découcher.  Clbid.,  VI,  10,  -!\). 

5.  Ibid.,  VU,  8,  p.  77. 

6.  Ibid.,  M,  a,  p.  78. 

7.  Ibid.,  3. 

8.  Léon  VI,  ractlc,  I,  12,  080. 
f).  Epanag,,  VI.  7.  7.S. 


ET    LKMPlUi:    inZAMlN  IqS 

de  favoriser  de  tout  sou  pouvoir  le  bieu-etre  et  la  prospérité  * 
cl.  si   l'on   eu   croit   uu  passage   des   Basiliques-,    sou  autorité 
s'étendait  même  aux  métropolites  et  aux  affaires  religieuses.  Il 
devait,  en  effet,  surveiller  les  évcques  pour  qu'une  fois  l'an  au 
moins  —  en  juin  ou  septembre  —  ils  se  réunissent  en  synodes 
provinciaux.  Si  les  évoques  ne  le  faisaient  pas.  ordre  était  donné 
aux  gouverneurs   de   la  province    d'en    référer  à  l'Empereur. 
L'Epanagoge.  au  titre  VT.  §  6,   contient  une   prescription  qui 
mieux  que  toute  autre  chose  montre,    ce  me  semble,  tout  à  la 
fois  quelle  était  l'autorité  absolue  du  stratège  dans  sa  province 
et  quelles  nombreuses  tribulations  s'abattaient,  périodiquement, 
sur  les  pauvres.  \ous  retrouvons  bien,  dans  cet  article  de  code, 
l'esprit  de  justice  qui  présida  à  toutes  les  réformes  des  Basileis 
byzantins -^  L'archôn,  dans  l'espèce  le  stratège,  doit  punir  les 
injustices  commises  par  les  soldats  ;  il  doit  empêcher  que,  sous 
prétexte  d'impôts,  les  fonctionnaires  ne  pressurent  injustement 
les  habitants  (xioX'jstoj  £v  TrooTyr^uaT'.  oYiIjlotuov  cla-rrpàcî'.;  yJk'^i'zo'jç 
Y^v£c-8a'.)  ;  il  doit  veiller  à  ce  que  les  pauvres  ne  soient  pas  sou- 
mis à  des  surcharges  injustes,  soit  à  l'arrivée  des  magistrats, 
soit  à  celle  des   soldats  (r,    o',à  Tcaoojc-'lav   ocscs'.xûov   t    ^Tpa^uoTtov 
ào'.xîicBa',  TOj;  TTÉvrja;).  N'avons-nous  pas  là.  vraiment,  eu  rac- 
courci et  d'une  façon  clairement  exprimée,  le  tableau  de  tous  les 
abus  que  commettaient  dans  l'Empire,  les  puissants  contre  les 
pauvres,  les  ((  o'JvaTol  »  contre  les  «  -ivY.Ta»,  ».  et  au  sujet  desquels 
les  Basileis  durent  énergiquemeut  sévir?  Aussi  est-ce  bien  le 
fonctionnaire  tel  que  Basile  le  pouvait  rêver  que  l'Epanagoge 
peint  en  deux  mots  quand  elle  dit  après  le  Digeste  :  «  que  l'ar- 
chôn soit  d'un  abord  facile  {z'jyjp'riç  'zol:^  7zpoa-!.oja-!.v)  et  qu'il  ne 
soit   pas  méprisable,    mais   aussi  qu'il    ne  fréquente    pas   ses 
subordonnés  d'égal  à   égal  et  qu'il  ne  se  montre  avec  eux  ni 
miséricordieux,    ni   colère    »   (xal    (jly,  oyiAo-jto)    Tr,   o'iz'.  îAswv  r, 
opY'.v6;jL3voç)  S  c'est-à-dire  qu'il  soit  juste  avec  tous. 

Si  le  stratège  ne  relevait  que  de  l'Empereur  quant  à  ses  pou- 

1.  Epanag.,  VI,  5,  70. 

2.  Basilic,  livre  III,  1.  I,  S  17  et  19,  pp.  97,  98. 

3.  Ce  titre  est  pris  aux  Livres  justiniens  el  se  trouve  reproduit  clans  les 
Basiliques.  Il  est  done  contemporain  de  Justinien  ;  mais  Basile  en  le  copiant 
dans  le  Digeste  (I.  18,  6,  S  3,  /»,  5)  l'a  rendu  plus  général  et  ainsi  a  pu- 
l'appliquer  à  son  temps  où  ces  sortes  d'abus,  nous  le  savons  par  ailleurs, 
étaient  très  nombreux. 

4.  Epaiiay.,  VI,  ii,  p.  7^. 


196  BASILE    I 

voirs.  il  semble  hicn.  cependant,  quenlre  l'un  et  l'autre  il  y 
avail,  le  cas  échéant,  un  trait  d'union.  >>ous  venons  de  voir 
qu'en  certaines  circonstances  Tévéque  pouvait,  momenta- 
nénienl,  recevoir  les  j)laintes  des  provinciaux  et  les  porter  à 
l'Empereur  :  mais  ce  n'était  là  qu'une  exception.  Gomme  nous 
l'avons  déjà  remarqué,  c'était  le  questeur  c[ui  était  chargé 
d'assurer  les  rapports  ordinaires  entre  le  stratège  dans  sa  pro- 
vince et  le  gouvernement  central.  Sous  ce  rapport,  l'P^panagoge 
est  très  catégorique.  T.e  questeur  peut  appeler  et  amener  devant 
l'Empereur  les  archontes  de  la  province  et  faire  le  nécessaire 
pour  qu'ils  soient  jugés  en  toute  justice  '  :  il  a  droit  d'user  de 
lettres  publiques  à  l'adresse  des  «  higoumènes  des  éparchies  n, 
c'est  à-dire  des  magistrats,  afin  que  ceux  qu'il  envoie  ainsi 
dans  les  provinces  y  demeurent  en  sécurité,  et  s'il  leur  manque 
le  secours  de  la  loi  poui*  accomplir  leur  mission,  qu'il  puisse  le 
leur  donner  :  néanmoins,  ce  fait  établi,  on  peut  dire  que,,  d'une 
façon  générale,  le  stratège  ne  relève  que  de  l'Empereur  et  com- 
munique directement  avec  lui. 

Il  est,  cependant,  un  autre  personnage  dont  parle  la  Notice 
de  l^hilothée  et  sur  lequel  nous  n'avons  pas  de  renseignements 
bien  précis,  mais  qui  paraît  avoir  joué  un  certain  rôle  dans  les 
rapports  entre  le  pouvoir  central  et  les  provinces.  Ce  sont  les 
«  ol  VA  7zprj'7Ô)-rj'j  Tojv  fj^aaTcov  -  »,  Ics  représciitants  des  thèmes. 
Ces  fonctionnaires  d'ordre  militaire,  catalogués  parmi  les 
stratèges,  faisant  partie  de  la  liste  des  soixante,  pouvant  être 
patrices  et  antliypatoi.  étaient  probablement  en  résidence  habi- 
tuelle à  Byzance.  L'Empereur,  comme  il  arriva  sous  Léon  VI, 
les  envoyait  en  cas  de  nécessité  dans  les  thèmes  pour  y  remplir 
l'office  de  stratège.  Ils  prenaient  rang  alors  dans  la  proéleusis 
impériale,  suivant  le  rang  du  thème  qu'ils  administraient.  Il 
serait  assez  curieux  de  savoir  si  ces  «  ol  £x  -poo-tô-oj  »  n'avaient 
pas  une  fonction  habituelle  à  Byzance.  Peut-être  —  mais  c'est 
là  une  simple  conjecture  —  appuyée  seulement  sur  le  jiassage 
du  Livre  des  Cérémonies,  nous  représentant  ces  fonctionnaires 
passant  avec  le  rang  de  leur  thème  —  étaient-ils  chargés  dé 
représenter  le  thème  auprès  de  l'Empereur:^  Nous  aurions  ainsi, 
à  Constanlinople.  des  ofticiers  supérieurs,   chacun   très  au  fait 


1 .  l^ixiiKKj..  lilrc.  \  .  ().  p.  -■>.. 

■>..  i'A',  ;i  ce  sujet,  Milard.  r>y:'iiit..  Zcilsrlirift.  \U,   1900.  p.  înyj. 


dos  choses  de  leur  thème  respectif,  instruisant  I  Empereur  de 
ce  ([ui  se  passe  dans  la  province,  connaissant  la  langue  du 
pays,  la  répartition  ethnographique  des  populations  et  en  cas 
de  difficulté,  aptes  à  aller  représenter  utilement  le  souverain 
dans  la  contrée  qui  leur  était  assignée  et  à  prendre  en  mains 
le  gouvernement  du  thème.  Ces  hauts  fonctionnaires,  en  tous 
cas.  n'avaient  pas  à  Constantinople  de  subordonnés. 

Comme  tous  les  grands  fonctionnaires  en  résidence  à  Cons- 
tantinople. le  stratège  a  sa  «  -poéAt'jrriç  »,  son  ministère  ;  ce 
ministère,  en  vérité,  paraît  être  tout  militaire  ;  aussi  le  retrou- 
verons-nous plus  loin  en  parlant  de  l'armée  ;  mais  à  côté  du 
thème,  il  y  a  l'administration  civile  de  la  province  et,  si  elle 
relève  du  stratège,  elle  est  cependant  distincte  de  l'adminis- 
tration militaire.  En  combinant  un  certain  nombre  de  textes, 
et  grâce  surtout  aux  monuments  figurés  qui  nous  sont 
parvenus,  comme  les  sceaux,  nous  pouvons  arriver  à  nous 
représenter  ce  qu'était  le  gouvernement  provincial  au  i\'  siècle 
et  aux  débuts  du  x' . 

Une  organisation  assez  analogue  à  celle  qui  fonctionnait  à 
Byzance  semble  bien  avoir  existé  dans  les  provinces  au  triple 
point  de  vue  financier,  judiciaire,  administratif,  car  nous 
trouvons  dans  chaque  éparchie  un  certain  nombre  de  fonction- 
naires attachés  à  l'une  de  ces  trois  grandes  divisions.  Tous 
s'appelaient  «  archontes  »  (to  toO  apyovTO^  ovoaa  yîvaov  so-t».  xal 
'jf'j.y.iyz'.  xal  o-TsaT/.vov  xal  àv8'j-aT0V  xal  TzàvTac  Toù;  s—aoyiwv 
o'.o'.xY.Tocç)  1  et  tous  recevaient  leur  autorité  de  l'Empereur 
assisté,  semble-t-il,  d'un  conseil  de  grands  fonctionnaires  :  le 
questeur,  l'éparche  de  la  ville,  le  comte  des  largesses  (6  xouly.ç 
îlo-oo'lwv),  le  comte  des  biens  privés  (6  xoijly,;  sloixtov)  de  l'Em- 
pereur et,  à  l'occasion,  du  cliartulaire  du  vestiaire,  suivant, 
sans  doute,  l'administration  dont  relevait  chaque  fonctionnaire. 
11  est  assez  curieux  d'observer  que  le  logothète  u  'zo\)  ysv.xoO  » 
ne  paraît  pas  faire  partie  de  ce  conseil  administratif.  Serait-ce 
que  le  protonotaire  du  thème  ne  relevait  pas,  sous  Basile,  de  ce 
fonctionnaire  mais  d'un  des  deux  autres  ministres  des  finances  .^ 
C'est  ce  qu'il  est  impossible  de  dire  -. 

En   tête   de   l'administration    financière   de    la   province    se 

1.  Epanag.,  VI,  i,  73. 

2.  Epanag.,  VII,  i,  74. 


198  BASILE    I 

trouvait  le  pvoionokùrc  du  lliPmc  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
C'était  lui  qui  avait  la  garde  du  trésor  et  présidait  aux  levées 
d'impôts.  Ce  protoiiotaire  du  thème,  nous  le  retrouvons  men- 
tionné sur  les  sceaux  de  presque  tous  les  thèmes  et  toujours 
avec  d'assez  modestes  titres  nobiliaires,  tels  que  ceux  de  spa- 
tliaire.  spatliarocandidat,  hypatos,  vestite,  etc.  ;  quelquefois, 
cependant,  il  paraît  réunir  en  ses  mains  plusieurs  fonctions 
financières,  et  c'est  probablement  ce  qui  explique  que  nous 
connaissons  un  protonotaire  des  Boukellarioi  qui  est  proto- 
spathaire  parce  qu'il  est  aussi  préfet  des  domaines  impériaux 
dans  le  thème  ^  ;  d'autrefois  il  est  commerciaire  en  même 
temps  que  protonotaire  -  :  il  peut  même  arriver  que,  par 
hasard,  et  sans  doute  pour  récompenser  une  action  quel- 
conque, le  protonotaire  porte  k'  titre  de  patrice  ;  mais  ce  sont 
là  des  cas  très  rares  et  qui  n'ont  jamais  fait  loi.  Autour  du 
protonotaire  se  gioupaient  les  divers  officiers  d'ordre  financier 
en  résidence  dans  le  thème  :  les  époples  ou  épiskeptites,  les 
dioecètes,  les  commerciaires,  les  practores,  les  préposés  au\ 
domaines  impériaux,  les  a  horrearii  »  ou  préposés  aux  greniers 
publics  comme  à  Panorme.  auxquels  il  faut  ajouter  les  direc- 
teurs d'établissements  de  bienfaisance  qui,  probablement, 
devaient  être  comptés  parmi  les  fonctionnaires  financiers, 
^ous  avons  en  effet  des  sceaux  où  les  deux  fonctions  se 
trouvent  réunies.  C'est  ainsi  que  Manuel  est  inspecteur  des 
domaines  impériaux  et  xénodoche  de  Mcée.  Peut-être  aussi  les 
anagraphes  (àvaypacpsl;)  étaient-ils  des  fonctionnaires  d'ordre 
financier.  \ous  avons  des  sceaux  mentionnant  ces  personnages 
au  i\^  siècle.  L'un  est  anagraphe  des  Douze  Iles,  l'autre  du 
Péloponèse  -K  Tous  ces  fonctionnaires  avaient  eux  aussi  des 
titres  nobiliaires,  mais  modestes,  comme  le  protonotaire.  Ils 
étaient  liApatos,  spathaires,  couvouklisios,  Acstite.  etc.  Cepen- 
dant, certains  —  et  toujours  d'après  le  même  principe  que  le 
titre  est  indépendant  de  la  fonction  —  possédaient  pour  des 
raisons  personnelles  des   lilres  ])lus  élevés.   Nous  connaissons 


1.  Vucuii  sceau,  à  ma  connaissance,  ne  donne  mention  d'nne  union  des 
})Ouvoirs  judiciaires  et  financiers  entre  les  mains  du  protonotaire.  11  est 
probable  qu'il  ne  laut  pas  accorder  une  trop  frrande  valeur  à  la  glose  des 
Basiluiues  citée  par  Kambaud,  p.  200. 

2.  Scblumberffer.  Mèlamjcs,  p.  21 5. 

3.  Siyillufj.,  181,  ly'i. 


ET    T.  EMPIRF    BVZ  \NT1\  1  99 

un  commerciairc  de  Thessalonique  qui  est  protospathaire,  un 
dioecète  de  Sicile  qui  est  patrice,  etc.  Tous  ces  fonctionnaires 
relevaient  des  grands  officiers  de  la  couronne  en  résidence 
à  Byzance  :  du  logothète  du  Trésor  public  ou  du  chartulaire 
du  sakellion  ;  mais  un  lien  de  subordination  les  unissait-il 
aussi  au  protonotaire  ?  c'est  ce  que  nous  ne  pouvons  dire. 
Il  est  probable  que  non,  pour  cette  double  raison,  qu'ils  possé- 
daient tous  des  titres  analogues  et  paraissent  dans  les  céré- 
monies marcher  sur  un  pied  d'égalité  ;  surtout  qu'ils  relevaient 
du  stratège,  et,  puisqu'on  avait  à  dessein  abaissé  les  proto- 
notaires en  faveur  des  chefs  militaires  du  thème,  ce  n'était  pas 
pour  donner  au  représentant  civil  du  pouvoir  une  sorte  de 
((  7:poéA£jT!,;  ))  qui  l'eût  grandi  et  rendu  plus  fort  en  face  de  son 
supérieur.  Seulement  —  et  cela  est  à  noter  —  entre  les  divers 
protonotaires  du  thème,  il  y  avait  une  hiéraVchie  et  cette 
hiérarchie  était  précisément  celle  des  thèmes.  Un  protonotaire 
des  Anatoliques  ou  des  Arméniaques  avait  le  pas  sur  un 
protonotaire  de  Paphlagonie  ou  de  Charsian  et  il  est  probable 
qu'il  en  allait  de  même  des  autres  fonctionnaires  répandus  dans 
les  thèmes.  Tous,  en  effet,  ne  résidaient  pas  dans  la  métropole. 
Chaque  ville,  comme  le  prouvent  les  sceaux,  avait  ses  dioecètes, 
ses  épiskeptites,  etc. 

L'administration  judiciaire  se  trouvait  représentée  dans  le 
thème  par  le  tribunal  de  la  métropole  à  la  tête  duquel  se 
trouvaient  les  juges  du  thème  (GsuaT'.xol  xo^Ta'l)  avec,  proba- 
blement, un  juge  supérieur,  rcmthypatos  ^  du  thème.  Ces  juges 
avaient,  en  général,  un  rang  nobiliaire  plus  élevé  que  les 
protonotaires.  Ils  étaient  souvent  protospathaires.  V  leurs  côtés 
travaillait  un  certain  nombre  de  magistrats  que  les  Basiliques  - 
appellent  «  higoumènés  »  et  qui  avaient  une  charge  plus  ou 
moins  importante.  11  y  avait  des  higoumènés  «  [j.3uojç  »  et 
d'autres  «  sAaTTOj^-  ».  Leur  mission  consistait  à  veiller  à  l'exé- 
cution des  lois,  à  juger  des  procès,  à  faire  respecter  la  justice; 
ils  avaient  droit  de  s'immiscer  dans  la  vie  privée  des  individus 
quand  les  circonstances  l'exigeaient.  Ainsi  c'était  à  l'archonte, 
c'est-à-dire  probablement  au  juge  de  donner  son  avis  dans  les 
questions  de   maiiages    lors([ue    les    parents    des  jeunes  gens 


!.  linsHic.  I,  l.  l,  îi  'M),  p.  A^, 


200  BASILE    l 

étaient  fous  ' .  De  leurs  décisions  on  pouvait  en  appeler  au 
jugement  de  l'Empereur,  du  Patriarche,  de  l'éparche  ou  du 
questeur,  suivant  le  cas  2.  Comme  le  stratège,  le  juge  de  pro- 
vince portait  une  ceinture  (^wv/,),  symbole  de  son  autorité. 
V  cette  catégorie  de  fonctionnaires  se  rattachait  le  u  préposé 
aux  pétillons  »>  (o  kizi  twv  osr^crscov)  qui  paraît  avoir  existé  dans 
chaque  thème.  Parfois  le  même  fonctionnaire  était  préposé  aux 
pétitions  et  juge  du  thème  ^. 

Enfin,  il  y  avait  dans  les  thèmes  des  éparches.  Nous  ne  les 
connaissons  que  par  la  mention  qu'en  donne  le  Livre  des 
Cérémonies^;  il  est  probable  qu'ils  avaient  des  attributions 
assez  analogues  à  l'éparche  de  Constantinople,  mais  avec  une 
autorité  bien  moindre  puisqu'elle  se  trouvait  "directement 
limitée  par  celle  du  stratège.  Il  est  possible  quils  n'aient  eu 
entre  les  mains  qu'une  autorité  policière.  Nous  connaissons 
par  Plîolius  le  nom  d'un  éparche  de  Chypre,  Staurakios  •''. 

A  côté  de  tous  ces  fonctionnaires  qui  venaient  de  Byzance 
ou  étaient  nommés  par  le  gouvernement  Central,  il  faut  proba- 
blement ajouter  le  conseil  municipal  qui,  sans  doute,  fonction- 
nait dans  chaque  commune  ('/wpa)  jusqu'à  la  novelle  de  Léon 
les  supprimant.  11  est  très  vraisemblable  que  c'est  à  ce  sénat 
municipal  que  l'Epanagoge  fait  allusion  (juand  elle  ordonne  à 
l'évêque  et  aux  ((  p  rote  voûtes  )>  de  dénoncer  les  archontes 
prévaricateurs. 

Enfin  il  y  avait  probablement  dans  chaque  ville  une  sorte  de 
garde  municipale,  une  «Taç^  »  destinée  à  faire  la  police  du  lieu. 
Cette  taxis  avait  sa  caisse  et  son  organisation  propre,  mais 
paraît  avoir  été  assez  mal  famée,  car  on  y  inscrivait  d'office  le 
clerc  qui  se  mariait  après  son  ordination  ou  le  moine  qui  pour 
la  seconde  fois  s'échappait  de  son  monastère  *\ 

Ainsi  donc  cliaquc  province  reflétait  assez  bien  limage  de  la 
grande  ville,  capitale  de  l'Empire,  quant  à  l'organisation  civile 
qui  s'y  trouvait  établie.  Il  fallait  un  gouvernement  miUtaire 
foi't  et   respecté  :    la  province   l'avait   par  son   thème   et  son 


1.  Proch.,  I,  1."^.  p.  17. 

2.  Epanag.,  XI,  9,  89. 
A,  Siyillog.,  .493. 

\.  Cérém.,  241,  260. 

5.  Migne,  Cil,  984. 

G.  Basilic,  III,  t.  I,  s  27  ;  IV,  t.  I,  s  i4,  p.  100  et  116, 


ET    i;  EMPIRE    BVZWTIN  î:>OI 

siratège  ;  il  fallait  pour  sauvegarder  les  intérêts  particuliers  et 
emi)ècher  une  omnipotence  qui  aurait  pu  elre  fatale  aux 
citoyens  et  à  l'Empire,  un  gouvernement  civil  assez  bien  orga- 
nisé i)our  remplir  sa  mission,  assez  modeste  pour  ne  pas 
annihiler  l'autorilé  militaire  et  s'ériger  en  puissance  rivale  de 
la  sienne;  elle  Teut  par  ces  officiers  subalternes  de  rang  moins 
élevé  que'  les  anciens  fonctionnaires  de  l'Empire^  mais  dont 
l'ulilité  fut  tout  aussi  grande,  heureuse  et  profonde. 


CHAPIÏHE    1\ 


ADMIMSTUATION    DE    L  EGLISE 


En  s'occupant  de  finances,  de  justice  et  d'administration, 
Basile  essayait  de  réparer,  dans  la  mesure  du  possible,  des  maux 
qui  n'étaient  pas  chose  nouvelle  à  Byzance.  Plaintes  contre 
r aggravation  des  impôts,  la  rapacité  des  riches,  l'avidité  brutale 
des  agents  du  fisc,  on  les  avait  entendues  monter  nombreuses 
et  répétées  vers  le  souverain,  dès  le  jour  où  Constantinople  fut 
fondée  ;  loyaux  et  sincères  efforts  des  Basileis  pour  faire  régner 
en  leur  Empire  un  peu  de  justice  et  d'équité,  on  les  trouvait 
inscrits  en  lettres  ineffaçables  sur  presque  chacune  des  pages 
législatives  que  tracèrent  de  leurs  mains  si  souvent  malhabiles 
Justinien  et  ses  nombreux  successeurs.  En  cet  ordre  de  choses, 
Basile  n'innovait  donc  pas.  11  ajoutait  seulement  avec  éclat  un 
nouvel  anneau  à  la  chaîne  de  traditions  qu'il  avait  trouvée  dans 
le  patrimoine  de  ses  prédécesseurs.  En  allait  il  être  de  même  de 
la  question  autrement  plus  grave  qui  dût,  dès  le  premier  jour, 
solliciter  son  attention  :  la  question  religieuse  ?  C'est  ce  qu'il 
faut  maintenant  étudier  ^ 

A  l'avènement  de  Basile,  la  situation  religieuse  de  l'Empire 
était  singulièrement  complexe.  L'Eglise  sortait  à  peine  d'une 
lutte  aussi  longue  que  douloureuse,  lorsque  l'affaire  de  Photius 
vint  de  nouveau  agiter  les  esprits  et  diviser  les  âmes.  Deux 
camps  se  reformèrent  sur  l'heure  comme  aux  plus  beaux  jours 
de  l'iconoclasme  et  la  guerre  fut  une  seconde  fois  déclarée.  Elle 
devait  durer  longtemps. 


I .  n  est  presque  inutile  de  rappeler  que  je  n'ai  pas  à  faire  ici  l'histoire 
eoniplète  du  seliisnie  de  Photius.  Ce  que  je  dois  montrer,  c'est  la  conduite 
de  Basile  P'  dans  les  affaires  religieuses.  Je  ne  rappellerai  donc  que  les  faits 
essentiels  et  leur  enchaînement,  chose  nécessaire  ])onr  hien  comprendre  la 
situation  rehgieuse  du  moment  et  hi  politique  de  rKmpcreur. 


i-yr  i/empihe  iuzamin  9.00 

Tant  que  Michel  vécut,  Photius  resta  le  maître  de  l'état  de 
choses  qu'il  avait,  sinon  créé,  du  moins  accepté.  Le  patriarche 
Ignace,  son  prédécesseur,  fut  exilé  et  honteusement  persé- 
cuté ;  ses  adhérents  durent  quitter  évêchés  ou  fonctions  et, 
comme  si  toute  cette  révolution  s'était  accomplie  d'après  les 
règles  canoniques,  Rome  fut  requise  pour  en  sanctionner  le 
résultat,  l^hotius,  en  effet,  suivant  l'usage,  expédia  —  hien 
qu'assez  tard  et  nous  allons  voir  pourquoi  —  à  Mcolas  V\  une 
lettre  pleine  de  respect  contenant  sa  profession  de  foi,  l'annonce 
de  son  élévation  au  trône  pontifical  et  la  demande  d'un  Concile 
pour  mettre  tin  à  l'hérésie  des  iconoclastes.  Si  Photius  s'imagi- 
nait lléchir  par  cette  démarche  tardive  et  de  pure  déférence,  la 
rigueur  d'un  Pontife  comme  Mcolas  P' ,  il  se  trompait  étrange- 
ment. 11  fallait  bien  peu  connaître  le  Pape  régnant,  son  carac- 
tère et  ses  idées  pour  croire  qu'il  laisserait  passer  sans  mot  dire 
une  si  belle  occasion  d'affirmer  sa  souveraine  autorité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  une  année  après  l'avènement  de  Photius, 
Constantinople  décida  d'envoyer  à  Rome  une  ambassade  solen- 
nelle, chargée  d'aller  porter  à  Nicolas  P'  avec  de  riches  présents, 
la  lettre  du  Patriarche.  Cette  ambassade  se  composait  de 
Méthode,  métropolitain  de  Gangres,  de  Samuel,  évêque  de 
Chonae  '  et  de  deux  autres  prélats  déposés  par  Ignace  :  Zacharie 
et  Théophile  d'Amorion-,  auxquels  on  avait  adjoint  un  laïque, 
le  protospathaire  Arsavir^.  Tous  étaient  partisans  convaincus 
de  Photius.  Ainsi  choisie,  la  légation  partit  de  Constantinople 
vers  la  fin  de  859  et  arriva  à  Rome  en  860  ^  Elle  avait  pour  mis- 
sion officielle  de  demander  au  Pape  des  représentants  pour  le 
Concile  qu'on  voulait  tenir,  afin  de  terminer  définitivement  la 
([uerelle  iconoclastique  ;  pour  niissio/i  officieuse  de  faire  recon- 
naître Pliotius  "'.  Malheureusement  pour  Byzance,  les  choses  ne 
marchèrent  pas  comme  elle  aurait  pu  l'espérer.  Le  Çape  était-il 
])révenu  par  ailleurs  des  irrégularités  qui  s'étaient  commises 
lors  de  l'élection  de  Photius  et  des  graves  événements  qui 
s'étaient  accomplis  au  cours  de  l'année  écoulée  ^  Les  ambassa- 

I .  Clioiiao  élail  un  simple  évoché  de  la  province  ecclésiastique  de  Lao- 
dicéc.  Photius  éleva  Samuel  à  la  dignité  d'archevêque.  (Vit.  Ignat., 
]).  5iG). 

•i.  Vil.  Ignai.,  p.  016. 

3.  Liber  Pontif.  VU.  NicoL.  u.  p.    i:>'i  et  1G8.  note  i4. 

/».  Und.,  noie  i3. 

5.  Lih.  Poiilif.  Vil.  XicoL.  p.  1 .'),'». 


30'|  B\SII,E    T 

deurs  laissèrent-ils  trop  clairement  lire  clans  leur  jeu^  P^ul  ne 
le  sait.  Ce.  qui  est  certain,  c'est  que  Mcolas  P'  promit  d'envoyer 
des  légats,  mais  se  réserva  l'affaire  de  Photius  qui  devait  être 
simplement  instruite  devant  ses  représentants  lors,  du  futur 
concile  -. 

La  mission  byzantine  avail  donc  échoué.  Elle  emportait  pour 
toute  réponse  deux  lettre.s  datées  du  25  septembre  •^  l'une  pour 
l'Empereur  et  l'autre  pour  son  Patriarche.  Dans  chacune,  Nico- 
las s'élevait  contre  la  prétention  qu'avait  eue  un  synode  privé 
de  déposer,  sans  son  consentement,  le  pontife  Ignace,  et  surtout 
d'élever  au  souverain  pouvoir,  sans  les  épreuves  préalables,  un 
simple  laïque,  si  savant  qu'il  put  être. 

Une  telle  réponse  était  une  fin  de  non-recevoii\  adroitement 
déguisée.  Nicolas,  en  effet,  se  rendait  très  bien  compte  de  la 
situation,  s'il  ne  la  connaissait  pas.  11  était  peu  naturel  qu'un 
vieillard  dont  le  gouvernement  depuis  douze  ans  avait  toujours 
été  ferme  et  sage,  sinon  aimable  et  doux,  et  dont  la  haute  per- 
sonnalité n'avait  jamais  été  atteinte  par  l'ombre  même  d'un 
soupçon,  homme  de  discipline  et  d'austérité,  saint  de  vieille  et 
dure  roche,  fut  subitement  déposé,  envoyé  en  exil  et  prompte- 
ment  remplacé,  si  derrière  l'affaire  religieuse  ne  s'agitait  pas 
une  affaire  politique.  Aussi,  tout  en  refusant  de  confirmer, 
avant  tout  procès  canonique,  une  aussi  extraordinaire  déchéance. 
Nicolas  ne  voulut-il  pas  prendre  parti.  Ignace  pouvait  avoir 
--  et  c'était  probable  —  ses  sympathies  personnelles  ;  mais 
il  se  garda  bien  d'en  rien  laisser  voir.  Très  canoniquement,  il 
réunit  à  Kome  un  synode  pour  le  choix  des  légats  qui  devaient 
prendre  part  au  concile  et  exposa  les  instructions  qu'il  allait 
leur  donner.  Les  ambassadeurs  désignés,  Rodoald  et  Zacharie, 
devaient  continuer  à  traiter  Ignace  en  évéque  et  Photius  en 
laïque,  terminer  le  schisme  iconoclastique  et  simplement  réu- 
nir les  pièces  du  procès  en  cours  au  sujet  de  l'élection  patriar- 
cale. Lui  seul,  Nicolas,  déciderait  en  dernier  ressort  sur  ce  qu'il 
convenait  de  faiie  ^. 


1.  Les  ambassadeurs  étaient  chargés  do  dire  au  I^ape  qu'Ignace  vieilli 
avait  abdiqué  et  s'était  retiré  dans  un  nionaslère  où  tous  les  égards  dus  à 
son  rang  lui  étaient  assurés.  (\U.  Jgn.,  5i6). 

2.  Mansi,  xv,  p.  i65.  Lettre  IL  Liber  Pontif.,  p.  i58. 

3.  Jatré,  2682-2683. 

4.  Mansi.  \v,  165-17 1.  Lib.  Ppntif.,  i58. 


ET    L  KMPIKl!:    m/.  VNTIX  200 

C/étail  là.  cvidemment.  la  meilleure  solution  provisoire. 
D'une  part,  en  effet,  malgré  toutes  les  appareuces  et  certains 
faits  contraires*,  on  imputait  à  Ignace  divers  crimes.  Les  uns 
disaienl  ([iiil  avait  été  l'élu  de  la  puissance  séculière  -,  les  autres 
([u'il  se  portait  accusateur  du  patriarche  Méthode;  Photius  le 
traitait  de  détracteur  de  la  mémoire  du  pontife  défunt  et  disait 
(ju'on  devait  le  regarder  comme  un  véritable  parricide -^  D'autres 
raccusaient  même  —  et  la  chose  pouvait  ne  pas  manquer  de 
V  raisemblance  aux  yeux  de  certains,  vu  les  origines  dlgnace  — 
de  faire  de  l'agitation  politique.  Enfin  — et  c'était  le  motif  véri- 
table —  on  lui  reprochait  son  autorité,  son  excessive  raideur, 
ses  idées  de  réformes  et  sa  sévérité  *.  Or.  ces  attaques,  ces  irré- 
gularités, ces  fautes,  réelles  ou  prétendues.  Ignace  devait  les 
réfuter  et  les  expliquer.  Quant  à  Photius,  il  se  trouvait  en  très 
j)eu  canonifjue  posture.  Contrairement  à  tous  les  usages,  il 
avait  subitement  et  sans  transition,  passé  de  la  vie  séculière  — 
et  d'une  vie  séculière  qui  n'était  pas  exemple  de  tous  reproches  ^ 
—  à  la  vie  épiscopale.  et  cela  uniquement  grâce  au  souverain  ; 
il  avait  accepté  un  siège  régulièrement  occupé  :  il  avait  usé  de 
violence  pour  obtenir  l'abdication  de  son  prédécesseur:  enfin, 
chose  plus  grave,  c'était  un  évê([ue  plusieurs  fois  condamné  : 
par  un  sxnode,  j)ar  Ignace  et  jiar  le  Pape,  Grégoire  Asbeslas, 
([ui  l'avait  sacré.  Comment  dès  lors,  en  présence  d'un  tel  con- 
flit, agir  autrement  qu'en  convoquant  un  concile  dans  lequel, 
des  deux  côtés,  on  exposerait  les  faits,  on  expliquerait  les  évé- 
nements, on  se  justifierait.  Malheureusement,  l'affaire  déjà  par 
elle-même  assez  compliquée,  se  trouvait  encore  obscurcie  par 
la  division  extrême  des  partis.  Ignace  avait  pour  lui  —  et  ce 
de>ait  élre  aux  vqux  du  Pape  mie  bonne  note  —  les  moines  qui 
défendaient  dans  le  Patriarche  un  des  leiu's.  Le  Stoudion,  à  sa 
voix,  s'était  levé  pour  sa  défense,  et  son  higoumène,  Nicolas, 
avait  souffert  la  persécution  à  cette  occasion  •'.  Le  moine  Théo- 
gnoste.  de  son  côté,  dès  86 1  ",  était  parti  pour  Rome  et  dans  la 
délégation  byzaidine  que  le  Pape  ne  tarda  pas  à  appeler  à  son 

I .  Maiisi,  w  .   171. 

a.  Ibid. 

3.  Anasiase,  prêt",  au  Mli"^^  concile,  Mansi,  \m,  S. 

\.    l  //.  lijn..  .")o:^. 

.").  Mansi,  \v,  p.  194  cl  35().  \it.  hjiiaL,  5i2. 

6.  \  it.  \icol.  Migne,  CV,  p.  908-909. 

7.  LU).  Ponlif'..  p.  1S7.  Il"  3(),  Afaiisi,  \m,  3()(). 


206  BASILK    I 

Irihiiiial  se  trouvaienl  plusieurs   religieux ^  l^ien  j)lus.  le  haut 
clergé  lui-même  paraît  avoir  été,  au  début  de  l'affaiie.  partisan 
du  vieil  Ignace.  Quelques  membres  du  synode  «  twv  s-'.g-xô-ojv 
01  voiJi'.vôjjLîvo',  Aoyàoîç  »  ])rélals  de  cour  et  de  iîdélité  douteuse  -, 
se  rangèrent  bien,  en  vérité,  dès  la  première  heure,  du  côté  de 
Photius  et  s'en  allèrent  <(.   h  cause  du   malheur   des   temps  )> 
demandera  Ignace  une  prompte  abdication  ;  mais  ce  fut  l'evcep- 
tion.  La  majorité  des  évêques  et  le  peuple,  tout  d'abord,  lui 
restèrent  fidèles  •'.  Les  uns  et  les  autres  réclamèrent  le  retour 
du  Patriarche  et  la  cessation  des  tourments  qu'on   lui  faisait 
subir.  Le  synode  alla  même,  paraît  il.  jusqu'à  refuser  de  recon- 
naîtra Photius  et  présenta  à  sa  place  trois  autres  candidats  ^, 
Malheureusement  la  résistance  fut  de  courte  durée.  De  conces- 
sions en  concessions,  gagnés  par  des  faveurs  on  brisés  par  la 
crainte,  les  évêques,  à  l'exception  de  cinq^,  acceptèrent  tour  à 
tour  le  fait  accomj)li.  à  une  condition  cependant  :  ils  exigeaient 
qu'Ignace  vécût  honoré,  qu'on  ne  fit  rien  contre  sa  volonté  et 
qu'on  ne  le  molestât  d'aucune  façon  ^^  Photius  donna  sa  parole 
et  l'accord  se  trouva  ainsi  réalisé  quelques  semaines  durant". 
Mais,  sans  doute,  sous  la  poussée  de  l'opinion  populaire  toujours 
peu  favorable  à  Photius^,  le  nouveau  Patriarche,  dans  l'espé- 
rance de  vaincre  les  dernières  résistances,  imagina  de  réunir 
un  concile,  aux  Saints-Apôtres.  Les  Pères,  habilement  choisis 
et  circonvenus,  firent  ce  qui  leur  fut  commandé  :  ils  déposè- 
rent Ignace  et  l'anathématisèrent.  Peine  perdue  !  Tandis  que 
Métrophane  et  quelques  amis  se  détachaient  définitivement  de 
Photius  et  le  déposaient  à  leur  tour  dans  un  concile  tenu  par 
eux  à  Sainte-Irène,  la  population  continuait  de  se  prononcer  en 

1.  Mansi,  \v,  an. 

2.  ]  it.  IgnaL,  p.  5o5. 

3.  Anastdse,préL  au  Vllh  coiitile.  Mansi,  vvi,  4- 
\.  Mansi,  xvi,  4i5. 

5.  Nicolas  I*^'  en  comptait  siv  :  Anloinc  de  Cyzicpie,  Basile  de  Thessalo- 
nique,  Constantin  de  Larissa,  Théodore  de  Syracuse,  Métropliane  de 
Sniyrne,  Paul  d'Héraclée  du  Pont  (Mansi,  xv,  2ji).  Cependant  à' la  pre- 
mière session  du  Concile  de  8G9  on  trouve  un  chiffre  légèrement  supérieur. 
Il  fut  décidé  que  seuls  auraient  droit  de  siéger  ipso  facto  ceux  qui  avaient 
soutfert  pour  Ignace.  Les  autres,  ceux  qui  faiblirent,  furent  introduits 
plus  tard.  Or  nous  avons  à  la  première  séance  5  métropolitains  et  7  évêques 
(Mansi,  xvi,  p.  18). 

0.   I  if.  Ifjii.,  p.  5i3, 

7.  (Quarante  Jours  an  dire  de  Théognoste.  (Mansi,  wi-,  3oo). 

N.  Anasiase.  Marisi,  wi.  \. 


ET    L  E-NIlMUi:     BYZANTIN 


faveur  d'Ignace.  C'est  alors  que  partit  de  Constantinople  l'am- 
bassade de  859  conduite  par  Méthode'. 

\iusi  donc  quand  les  ambassadeurs  de  Nicolas  T  '  arrivèrent  à 
leur  tour  à  Constantinople,  la  situation  était  très  tendue.  Pho- 
tius  ne  se  maintenait  au  pouvoir  que  grâce  à  l'appui  de  Michel 
et  de  Bardas.  Ignace  élait  dans  les  fers,  honteusement  traité, 
irrégulièrement  déposé  et  les  gens  d'Eglise  comme  le  peuple  se 
partageaient  en  deux  obédiences  :  l'une  momentanément  vie 
time  de  sa  fidélité  au  Patriarche,  l'autre  victorieuse  et  récom- 
pensée de  sa  complaisance  par  les  grandes  dignités  que  IMio- 
tins  lui  octroyai l. 

Les  légats  romains,  Rodoald  de  Porto  et  Zacharie  d'Vnagni, 
arrivèrent  à  Constantinople  vers  le  mois  de  février  861,  porteurs 
de  lettres  et  d'instructions  précises.  La  conduite  qu'ils  avaient  à 
suivre  était  donc  assez  simple  si  elle  n'était  pas  très  aisée.  En 
demandant  à  Rome  des  légats,  Photius  voulait  prouver  à 
l'Orient  tout  entier  qu'il  était,  non  seulement  en  communion 
avec  le  chef  incontesté  de  l'Eglise,  mais  encore  qu'il  était  offi- 
ciellement reconnu  par  lui  comme  Patriarche  de  Constanti- 
nople. Aussi  la  colère  fut-elle  grande  au  Palais  comme  au 
Patriarcheion  quand  on  apprit  quelle  était  la  mission  confiée 
aux  légats.  Immédiatement  circonvenus,  ils  furent  tenus  à  vue. 
afin  de  les  empêcher  de  communiquer  avec  le  parti  des  «  Igna- 
tiens  »-:  on  les  flatta,  on  les  menaça,  on  leur  donna  même  de 
l'argent -^  dans  l'espérance  de  les  faire  céder.  Et  c'est  ce  qui 
arriva.  Loin  de  leur  patrie,  en  pays  dont  ils  ne  connaissaient 
sans  doute  ni  la  langue  ni  les  usages,  enserrés  dans  un  réseau 
d'affaires  qu'il  leur  était  impossible  de  débrouiller,  les  légats 
n'eurent  pas  de  peine  à  comprendre  que,  s'ils  voulaient  revoir 
la  campagne  romaine,  leur  petit  évéché  suburbicaire,  leur 
famille  et  leurs  amis,  ils  n'avaient  qu'à  prendre  le  parti  du 
plus  fort.  Peut-être  même  les  convainquit-on  réellement  des 
droits  de  Photius.  En  tout  cas,  quelle  que  soit  la  cause  qui  les 
ait  fait  agir,  contrairement  aux  ordres  reçus,  ils  firent  réunir 
le  concile  pour  lequel  ils  avaient  été  envoyés. 

Le  «  nouveau  brigandage  »  s'ouvrit  aux  Saints-Apôtres  en 
mai  8()i.  Trois  cvn\  dix-huit  membres  y  assistaient,  tous  choisis 

1 .  Man.si.  \vi,   |i()  l'I  so([. 

:>.  Mansi,  w,  p.  -a8G. 

3.  lAb.  Ponl'if.,  i.").").  Mansi,  \v ,   mi)  cl  \vi,  4-^9- 


2o8  '  BASILE    1 

davaiicc  '  et  parmi  des  gens  qui  n'auraient  pas  dû  figurer  au 
nombre  des  Pères.  Aucun  Patriarche  n'était  là  pour  présider  les 
séances  -.  Ignace,  sommé  de  comparaître  comme  simple 
moine  ^,  était  jugé  d'avance  ^  De  tous  les  giiefs  formulés  contre 
lui.  on  en  retint  un  seul  et  on  lui  appliqua  le  canon  XXXI 
des  constitutions  apostoliques  :  «  Quiconque  aura  obtenu  une 
dignité  ecclésiastique  au  moyen  des  dépositaires  du  pouvoir 
civil  devra  être  déposé.  »  11  fut  donc  honteusement  dégradé 
comme  «  indigne.  »  Par  la  force  on  lui  fit  tracer  une  croix  sur 
un  acte  d'abdication  auquel  on  ajouta  :  «  Moi,  très  indigne 
Ignace  de  Constantinople,  je  reconnais  être  devenu  évêque  sans 
élection  «  à'i;Y,cp'l7T0)^  ».  et  j'avoue  également  avoir  gouverné, 
non  pas  d'une  manière  sainte,  mais  d'une  façon  tyrannique  •''.  » 
Puis  on  chercha  à  s'en  débarrasser  '•  en  lui  faisant  crever  les 
yeux".  11  ne  fallut,  paraît  il,  rien  de  moins  qu'un  long  tremble- 
ment de  terre  de  quarante  jours  au  mois  d'août  pour  rendre  au 
vieux  Patriarche  un  peu  de  répit  ^. 

L'affaire  d'Ignace  ainsi  réglée,  le  concile  termina  son  œuvre, 
en  édictant  quelques  canons  de  saveur  toute  romaine,  destinés 
à  adoucir  le  Pape,  et  les  légats  s'en  allèrent,  laissant  TEglise 
byzantine  encore  plus  profondément  divisée  qu'elle  ne  l'avait 
été  jusque-là.  Ils  rentrèrent  vers  la  fin  de  l'année  86i  ''. 

Bardas,  le  véritable  instigateur  du  concile,  avait  espéré,  en 
faisant  anathématiser  Ignace,  que  le  peuple  se  détacherait  tout 
à  fait  de  son  Patriarche.  Ce  fut  en  vain.  «  Ignace  restait  tou- 
jours le  Patriarche  du  peuple  :  Théophile,  celui  de  l'Empereur  ; 
Photius,  celui  de  Bardas  '^\  o  A  cette  date,  Basile  ne  comptait 
pas  encore.  11  n'avait  nulle  qualité  pour  intervenir  dans  lous 
ces  graves  débats.  Tandis  qu'autour  de  lui  la  lutte  continuait  de 
plus  en  plus  âpre  et  acharnée,  que  jusqu'aux  amis  de  Photius, 
chacun  commençait  à  trouver  que  toute  cette  affaire  tournerait 

1.  Mansi,  \v,  19a.  Tlicopli.  Coiiliii.,  1/7.  Mich,  x.wii,  309. 

2.  Mansi,  179-202. 

3.  Mansi,  xvi,  296. 

4.  \\olfvon  (ilanvell,  Die   KanoncssainmhuKj  des  hardi/ial  JJeusdedU,  IV, 
(h.  cccc.v.vviii,  p.  6o3. 

5.  Vit.  Ignat.,  52 1. 
().  Ibid.,  5i3. 

7.  Jbid.,  521-524. 

8.  Ibid.,  521. 

9.  Héfcic-Dclarc,  V,  45o  el  scq. 
i<».  I  //.  lynat,  028. 


ET    L  EMPlHi:    BYZANTIN  2 OC) 

à  mal  pour  ceux  qui  Tavaient  laucée  ^  lui  grandissait  dans 
l'ombre  et,  un  jour,  on  apprit  que  de  favori  il  était  passé 
maître.  Il  est  impossible  qu'ambitieux  comme  il  Tétait,  en 
situation  de  jouer  d'un  instant  à  l'autre  le  rôle  qu'il  ne  tarda 
pas  en  effet  à  remplir,  il  ait  pu  ignorer  le  litige  et  ne  pas  pren- 
dre parti.  Cependant,  c'est  assez  tard  que  son  nom  apparaît 
tout  à  coup  dans  la  mêlée.  Le  i3  novembre  866.  après  cinq 
années  de  longue  agitation  durant  lesquelles,  de  part  et  d'autre, 
synodes,  lettres,  ambassades,  dépositions  et  anatlièmes  se  mul- 
tiplièrent sans  pour  autant  faire  avancer  les  choses,  Nicolas  I" 
voulut  adresser  un  suprême  appel  à  l'Eglise  comme  à  l'Etat 
byzantins.  Il  expédia  par  l'intermédiaire  de  nouveaux  légats, 
toute  une  série  de  missives  destinées  à  divers  grands  person 
nages  de  l'Empire  :  à  Michel,  à  Photius,  à  Bardas  2,  à  Ignace,  à 
Théodora,  à  Eudocie,  aux  archevêques,  au  sénat.  A  Basile  il  ne 
songea  pas  !  Quelques  semaines  plus  tard,  cependant,  en  mai 
866,  Basile  montait  sur  le  trône  de  Byzance  comme  associé  de 
Michel. 

Subitement  sa  position  changeait.  Il  ne  pouvait  plus  se  faire 
que  sa  personne  restât  encore  étrangère  au  débat  religieux,  si 
toutefois  elle  y  était  jusque-là  demeurée.  En  tous  cas,  Photius 
rencontrait  sur  sa  route  une  nouvelle  puissance  avec  laquelle  il 
allait  avoir  à  compter.  Gomme  le  disait  Nicolas  P'  dans  sa  lettre 
à  Bardas,  l'état  aigu  où  en  étaient  arrivées  les  choses  était  l'œu- 
vre personnelle  du  César.  Pour  se  venger  d'un  affront  très  justi- 
fié, il  avait  jeté  l'Eglise  et  l'Etat  dans  les  pires  aventures  et  sou- 
tenu de  tout  le  prestige  de  son  autorité  le  nouveau  Patriarche. 
Lui  mort.  qu"allait-il  advenir?  Basile,  que  la  question  d'ordre 
privé  n'intéressait  nullement,  continuerait-il  cependant  à 
défendre  la  créature  de  celui  qu'il  venait  d'assassiner.^  Evidem- 
ment non  —  à  moins  que  cette  créature  ne  lui  fût  nécessaire  à 
son  tour.  La  situation  devait  donc,  par  la  force  des  choses,  se 
trouver  modifiée,  à  partir  de  l'avènement  de  Basile.  Photius  le 
comprit  vite.  Il  était  trop  intelligent  pour  s'imaginer,  quoiqu'il 
l'ait  écrit  plus  tard,  qu'il  allait  acquérir  sur  Basile  une  influence 
quelconque  par  le  fait  seul  qu'il  l'avait  sacré  et  avait  participé 
avec  lui  aux  saints  mystères  -^  Non,  jusqu'à  la  mort  de  Michel, 

I.  Vit.  Ignat.,  021. 

3.  Iloiiir  ipfnorait  encore,  à  cette  date,  la  mort  de  Bardas. 

3.  Vholïxis,  Lettre  à  Basile,  Mignel^II,  Lettre  XYI,  p.  765. 

14 


2IO  BASILE    J 


le  nouvel  Empereur,  vraisemblablement  aussi  peu  soucieux  des 
choses  religieuses  qu'il  l'était  des  choses  morales,  ne  fît  pas 
difficulté  de  se  ranger  à  l'avis  de  son  impérial  associé.  D'un  côté 
comme  de  l'autre,  c'était  pure  flatterie  et  simple  habileté  qui  ne 
préjugeaient  pas  de  sa  conduite  à  venir.  Aussi  quand  Photius, 
pour  répondre  aux  synodes  romains  comme  aux  anathèmes  et 
aux  dépositions  que  Nicolas  avait  lancés  contre  sa  personne  et 
ses  tenants  S  décida  de  réunir  un  nouveau  concile  dont  la  mis- 
sion serait  d'anathématiser  et  de  déposer  à  son  tour  le  Pape 
régnant,  Basile  et  Michel  y  assistèrent-ils  -,  et  leur  nom  figura 
même,  parmi  les  partisans  de  Photius,  au  bas  des  documents 
que  Rome  ne  tarda  pas  à  recevoir.  Après  la  mort  de  Michel, 
Basile,  il  est  vrai,  protesta  bien  auprès  du  Souverain  Pontife 
contre  l'abus  que  fit  de  son  nom  le  Patriarche  déchu  ;  mais  qui 
disait  la  vérité  de  Photius  ou  de  Basile  ?  Nul  ne  pourrait  le  dire  : 
la  moralité  des  deux  accusés  n'étant  pas  à  coup  sûr  un  plus 
sérieux  garant  de  leur  parole  que  le  fait  contesté.  En  tous  cas, 
une  chose  est  certaine,  c'est  que  Basile,  au  lendemain  de  son 
avènement,  s'empressa  d'envoyer  un  homme  de  confiance  à  la 
recherche  de  Zacharie  en  route  pour  Rome  ^,  avec  Tordre  for- 
mel de  rentrer  à  Constantinople. 

En  attendant,  du  vivant  de  Michel,  assez  curieuse  était  la  con- 
duite de  ces  deux  hommes  subitement  placés  par  les  événe- 
ments en  face  l'un  de  l'autre.  Officiellement,  ils  semblaient 
unis;  mais  en  sous-main  chacun  préparait  l'avenir.  Photius, 
adroit  courtisan,  n'avait  pas  manqué  de  s'apercevoir  assez  vite 
du  changement  qui  s'opérait  au  cours  de  l'année  866-867  dans 
les  relations  réciproques  des  deux  empereurs.  Et  il  en  profitait. 
Ignorant  la  façon  dont  les  choses  tourneraient  et  désireux 
d'avoir  en  toute  hypothèse  un  protecteur  dans  le  souverain 
futur,  il  flattait  tour  à  tour  Michel  et  Basile  et,  s'il  faut  en  croire 
le  panégyriste  d'Ignace,  ne  se  faisait  nullement  faute  d'aller  de 
l'un  à  l'autre  semer  entre  eux  la  discorde  et  la  haine  *.  Malgré 

1.  Btblioth.  Casin.,  IV,  p.  359. 

2.  (>c  concile  sur  lequel  nous  avons  très  peu  de  renseijïnetnents  et  qui  ne 
se  tint  peut-être  môme  pas,  doit  se  placer  entre  le  mois  de  mai  et  le  mois 
de  septembre  8G7.  On  soupçonna  toujours  Photius  d'avoir  fabriqué  pièces 
et  signatures.  Mais  cela  n'est  pas  prouvé.  Lib.  Pontif.,  II,  179.  Vit  Ign., 
p.  537. 

3.  Vit.  Ignat.,  5/io. 
!\.  Ibid.,  537. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  2  1  t 

ses  faiblesses  et  ses  crimes.  Basile  iiainiail  pas  la  u  fourberie  de 
ce  sage  »  '.  Si  sa  vie  morale  était  faite  de  bien  des  hontes  et  si 
son  ambition  l'entraînait  à  bien  des  compromissions,  il  avait 
du  moins  pour  lui  le  souci  de  la  justice  et  la  conduite  de  Pho- 
tius  le  révoltait.  En  agissant  de  la  sorte,  Photius  se  perdait 
d'avance.  Comment  Basile  aurait-il  pu  soutenir  un  homme  qui 
trahissait  sans  le  moindre  scrupule  ses  plus  fidèles  amis,  qui 
n'avait  pas  trouvé  un  mot  pour  protester  contre  le  meurtre 
de  Bardas,  pas  un  pour  s'élever  contre  les  vices  inqualifiables 
de  l'empereur  Michel  "^^  Basile,  en  vérité,  aurait  peut-être  passé 
encore  sur  de  semblables  délicatesses  si,  du  moins,  Photius 
avait  pu  lui  servir.  Il  aurait  alors  agi  avec  lui  comme  avec  ses 
autres  ennemis  par  la  crainte  ou  la  faveur  :  malheureusement 
pour  le  Patriarche,  sa  personne,  tout  au  contraire,  était  un  obs- 
tacle, une  gêne,  un  danger  pour  Basile,  et  forcément  il  n'allait 
pas  manquer  de  le  sacrifier. 

Qu'importait-il,  en  effet,  avant  tout  au  Basileus  pour  l'ac- 
complissement de  ses  rêves  ambitieux?  C'était  de  s'attacher  le 
peuple  resté  fidèle  à  Ignace.  Son  retour  en  fit  foi.  En  rappelant 
le  vieillard  persécuté  et  en  exilant  son  implacable  ennemi, 
Basile,  par  ce  seul  acte,  se  faisait  pardonner  le  meurtre  de 
Michel  et  mettait  un  terme  à  la  longue  agitation  religieuse  du 
règne  précédent  ^.  C'était  déjà  chose  appréciable.  Mais  il  y  avait 
mieux.  Le  rétablissement  d'Ignace  attirait  sur  la  personne  de 
Basile  la  sympathie  du  Pape  qui  pouvait,  comme  l'avenir  Fallait 
prouver,  lui  être  utile,  voire  même  nécessaire  ;  il  brisait,  pour 
toujours,  un  ambitieux  dont  les  projets  ne  concordaient  guère 
avec  ceux  que.  nouveau  parvenu,  l'Empereur  formait  pour  sa 
future  maison  :  il  le  débarrassait  d'un  agitateur  habile  duquel 
chacun  avait  tout  à  craindre  ;  il  le  dotait  enfin  d'un  Patriarche 
énergique  et  tenace,  évidemment,  mais  vieux,  usé  par  la  souf- 
france et  la  lutte  et  dont  l'inespéré  retour  à  la  tête  de  l'Eglise  allait 
faire  un  ami  fidèle  et  un  chaud  partisan  du  trône  qui  s'élevait. 
N'était-ce  pas  là  des  raisons  plus  que  suffisantes  pour  décider 
Basile?  Il  le  pensa  et  ne  se  trompa  point.  Aussi,  deux  mois  après 
son  élévation,  le  dimanche  23  novembre  867,  Ignace  remontait- 
il  sur  le  trône  patriarcal  de  Byzancc  pour  n'en  plus  redescendre. 

1.  Vit.  lynaL,  0^0. 

2.  Ibid,,  538. 

3.  Mansi,  xvi,  p.  18. 


212  BASILE    1 

Photius  était  envoyé  au  couvent  de  Skcpi  ^  La  lutte  avait  duré 
neuf  années  -. 

Cette  subite  disgrâce  de  Photius  équivalait  à  un  véritable  coup 
d'Etat,  dans  l'ordre  des  choses  religieuses.  De  toute  évidence, 
Basile  voulait  être  seul  maître  de  l'Empire  et  il  en  prenait  les 
moyens,  qu'il  s'agit  de  l'Etat,  qu'il  s'agit  de  l'Eglise.  Mais,  dans 
un  cas  comme  dans  l'autre,  il  ne  pouvait  manquer  de  faire, 
avec  beaucoup  d'heureux,  beaucoup  de  mécontents.  Aussi  n'est- 
il  pas  étonnant  que  sa  conduite  religieuse  ait  été  assez  diverse- 
ment jugée  par  les  contemporains.  Les  uns  affirmèrent  que 
Basile  n'avait  chassé  Photius  que  parce  qu'il  lui  avait  refusé  la 
communion  au  lendemain  du  meurtre  de  Michel  '■^.  Les  autres, 
comme  Constantin  YII,  ne  voulurent  voir  en  cette  affaire  qu'une 
question  de  justice,  sans  corrélation   aucune  avec  les   antipa- 

1.  vit.  Ignat.,  5'»o. 

2.  /6id.,  544. 

3.  C'est  la  version  du  continuateur  de  Georges  le  Moine  et  des  clironi- 
queurs  qui  le  copient  ou  s'en  inspirent  :  Syniéon  Magister,  Géncsios,  Léon. 
Tous  prétendent  qu'au  lendemain  du  meurtre  de  Michel,  Photius  chassa 
Basile  de  l'Eglise  comme  indigne  :  k  >.ï  ttt.v  xal  cpovia»,  dit  Syniéon  —  et 
qu'irrité  par  cette  injure  l'Empereur  déposa  le  Patriarche  et  réintégra 
Ignace,  ^lais  cette  histoire  n'est  pas  admissible.  D'abord,  elle  est  en  contra- 
diction avec  le  caractère  de  Photius,  qui  n'avait  pas,  à  l'égard  des  puissants, 
de  ces  périlleuses  audaces  ;  elle  l'est  avec  les  autres  sources  historiques  qui 
donnent  à  la  conduite  de  Basile  de  très  ditTérentes  raisons  ;  elle  l'est  sur- 
tout, ce  qui  est  plus  grave,  avec  les  dires  mêmes  de  Photius.  En  exil,  le 
Patriarche  déchu  écrivit  à  l'Empereur.  Dans  sa  lettre  que  nous  possédons, 
il  lui  rappelle  les  liens  indissolubles  qui  les  unissent  :  sa  consécration  et 
l'ïlucharislie.  Nulle  part,  Photius  ne  fait  la  plus  légère  allusion  à  un  événe- 
ment qui,  s'il  avait  été  réel,  était  d'une  telle  gravité  qu'il  n'aurait  pu  le 
passer  ainsi  sous  silence.  Le  moins  qu'il  eût  pu  faire,  c'eût  été  de  l'expli- 
quer, d'en  donner  les  raisons  ou  encore  de  s'humilier  poiu'  implorer  son 
pardon.  Or,  nous  ne  découvrons  rien  de  semblable  dans  la  correspondance 
de  Photius.  La  vérité  est,  probablement,  beaucoup  plus  simple  et  ne  doit 
pas  même  être  cherchée  dans  les  antipathies  de  certains  chroniqueurs  à 
l'endroit  de  Basile.  11  eût  été,  en  elTet,  à  peu  près  impossible  de  lancer  dans 
le  public  luie  histoire  aussi  in\raisendDlable,  alors  que  chacun  devait  savoir 
la  vérité  à  ce  sujet.  En  réalité,  cette  version  nous  est  parvenue  par  suite 
d'une  confusion.  Qu'on  remarque,  d'abord,  que  Syméon,  après  avoir 
raconté  cette  anecdote,  n'en  continue  pas  moins  de  dire  que  c'est  Photius 
qui  baptisa  le  jeune  Etienne  à  la  Noël  867 —  chose  impossible,  puisqu'il 
était  certainement  chassé  —  mais  qu'on  remarque  aussi  que  le  chroniqueur 
n'a  pas  parlé  de  la  déposition  d'Ignace  et  de  sa  protestation  contre  Bardas, 
et  l'on  aura,  je  crois,  le  mot  de  l'énigme.  Il  est  très  probable,  à  mon  sens, 
qu'un  chroniqueur  postérieur  a  mêlé  les  deux  noms  et,  par  conséquent, 
les  deux  événements  et  créé  ainsi,  sans  le  vouloir,  la  légende  du  courage 
inopiné  de  Photius. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  210 

thies  secrètes  ou  avouées  de  l'Empereur  qui  resta,  dit  son  petit- 
fils,  Tami  de  Pliotius,  et  lui  confia  même  l'éducation  de  ses 
enfants  ^  ;  d'autres  enfin,  comme  les  Romains,  s'efforcèrent,  par 
la  plume  dun  des  leurs,  de  montrer  que  Basile  n'agit,  en  l'oc- 
currence, que  pour  se  conformer  à  la  justice  et  aux  décisions 
du  Saint-Siège.  Suivant  Anastase,  en  effet,  l'Empereur,  dès  qu'il 
fut  proclamé,  entreprit  une  sérieuse  enquête  sur  les  droits  réci- 
proques des  deux  Patriarches  et  rechercha  les  jugements  de 
Rome  -.  Ce  fut  alors  qu'il  chassa  Photius  pour  rappeler  Ignace. 
En  fait,  Basile  n'avait  pas  besoin  de  ces  multiples  raisons 
pour  prendre  parti.  Deux  mois  après  son  avènement,  il  avait 
exilé  Photius  tout  simplement,  parce  qu'il  y  était  déjà  décidé 
dès  avant  le  meurtre  de  Michel.  Aussi  est-ce  en  toute  vérité  que 
Nicétas  put  dire,  dans  son  panégyrique  d'Ignace,  que  Photius 
fut  disgracié  au  u  lendemain  »  même  de  l'arrivée  de  Basile  au 
pouvoir.  Ce  qui  paraît  bien  certain,  en  tous  cas,  c'est  que  Basile 
voulut  donner  à  cette  déposition  la  valeur  d'un  acte  juridique 
et  l'apparence  d'une  complète  soumission  aux  jugements  de 
Rome.  Parla  déposition  de  Photius  et  le  rétablissement  d'Ignace, 
Basile  ne  préjugeait  pas  la  question.  Il  obéissait  —  ou  feignait 
d'obéir  —  simplement  à  la  volonté  du  Pape,  qui  avait  ordonné 
dès  86 1  de  rétablir  les  choses  dans  l'état  oii  elles  se  trouvaient 
avant  la  déchéance  d'Ignace  et  il  lui  remettait,  suivant  son 
désir,  le  soin  de  trancher  le  débat.  C'est  pourquoi,  lorsque 
Ignace  rentra  solennellement  à  Constantinople,  accompagné 
du  drongaire  Hélias,  l'Empereur  exigea  que,  momentanément,  le 
Patriarche  irait  habiter  son  palais  paternel  de  Mangana^  et  non 
le  Patriarcheion.  Pour  la  même  raison,  il  rappela  sur  leurs  sièges 
épiscopaux  et  à  la  tête  de  leurs  couvents  tous  ceux  qui  avaient 
été  chassés  et  remplacés  par  Photius  *  et,  tandis  qu'en  son  parti- 
culier, il  recevait  solennellement  Ignace  à  la  Magnaure  ^,  le 
comblait  de  prévenances  et  le  laissait  en  grande  pompe  se  ren- 
dre à  Sainte-Sophie  ^',  officiellement,  il'envoyait  à  Rome  le  spa- 

1.  Il  pst  bon  d'observer  que  Constantin  fait  le  panégyrique  de  son  grand 
père.  Or,  à  la  mort  d'Ignace,  Basile  rendit  le  pouvoir  à  Photius  :  ce  qu'il 
fallait  expliquer  par  une  constante  et  secrète  fidélité.  Vit.  Basil.,  xxxiv,  292. 

2.  Mansi,  \vi,  p.  6. 

3.  Vit.  Ign.,  54o. 

4.  Vit.  S'  Nicol.,  Migne,  t.  GV,  p.  918. 

5.  Vit.  Ignat.,  544- 

6.  Ibid.,  544. 


2T'4  BASILE    I 

tliaire  Euthymios  informer  le  Pape  de  ce  qu'il  avait  fait  ',  puis 
Tannée  suivante,  en  868  2,  des  légats  chargés  de  représenter 
auprès  du  Saint  Siège  les  deux  partis  opposés  ^.  Cette  ambas- 
sade composée  du  métropolitain  de  Sylaeum,  Jean,  autrefois 
évêque  de  Pergi,  pour  le  parti  d'Ignace  et  de  Pierre,  évêque  de 
Sardes,  pour  celui  de  Photius  *,  avait  mission  de  faire  connaître 
au  Souverain  Pontife  ce  qui  s'était  fait  à  Gonstantinople  depuis 
l'avènement  de  Basile,  de  demander  des  représentants  pour  pré- 
sider le  futur  concile  réclamé  par  Ignace  lui-même  ^  et  d'obte- 
nir miséricorde  pour  les  partisans  de  Photius.  Un  spathaire 
impérial,  Basile,  apportait  à  Nicolas  P'  une  nouvelle  lettre  de 
FEmpereur.  Ce  ne  fut  pourtant  pas  le  pape  Nicolas  qui  reçut 
l'ambassadeur  byzantin.  Il  était  mort  le  i3  novembre  867  et, 
dès  le  mois  de  décembre,  il  avait  un  successeur  dans  la  per- 
sonne du  pape  Hadrien. 

Ce  changement  de  règne  ne  pouvait,  en  aucune  façon, 
modifier  tout  d'abord  la  ligne  de  conduite  que  Rome  s'était 
tracée.  Dès  l'origine  du  conflit,  la  Papauté  avait  agi  canoni- 
quement.  Elle  n'avait  donc  qu'à  maintenir  ses  positions,  tout 
en  accueillant  hommes  et  choses  qui  semblaient  à  celte  heure 
se  tourner  vers  elle  et  lui  faciliter  la  solution  du  problème 
religieux.  Aussi,  dès  qu'Hadrien,  par  l'entremise  d'Euthymios, 
eut  reçu  notification  des  changements  survenus  à  B^^zance, 
s'empressa-t-il  d'écrire  à  Basile  et  à  Ignace.  A  l'un  comme  à 
l'autre,  il  affirme  qu'il  maintiendra,  quoi  qu'on  en  ait  pu  dire, 
les  décisions  de  son  prédécesseur  et  recommande  à  tous  deux 
le  moine  Théognoste,  l'ami  d'Ignace  durant  les  mauvais  jours  ^. 

Malgré  ces  protestations  d'IIadrien,  de  trop  graves  événements 
s'étaient  passés  à  Byzance.  cependant,  pour  que  la  situation  du 
nouveau  Pape  fut  exactement  la  même  que  celle  de  Nicolas  el. 
par  conséquent,  pour  qu'il  agît  tout  à  fait  de  semblable  façon. 
D'abord  Ignace  était  réintégré.  Hadrien  n'avait  donc  plus  qu'à 
juger  le  différend.  Ensuite  et  surtout  une  nouvelle  question  se 
posait  —  très  grave  celle-là  pour  Rome  —  le  soi-disant  concile 


1.  Mansi,  xvi,  123. 

2.  Héfelé-Delarc,  V,  692. 

3.  Lib.  Pontif.,  II,  178. 

4.  Mansi,  XVI,  6, 

5.  Vit  Ign.,  544- 

6.  Mausi,  XVI,  120. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  2  I  O 

de  Constantinople,  qui  avait  aiiathématisé  le  Pape  et  compromis 
Basile.  Il  y  avait,  enfin,  une  question  bulgare,  posée  depuis 
peu,  qui  agitait  les  esprits  et  mettait  aux  prises  avec  une  acuité 
particulièrement  vive,  les  deux  autorités  religieuses  d'Orient 
et  d'Occident.  Qu'allait  donc  faire  Hadrien  d'une  part  et  Basile, 
de  l'autre  ? 

L'ambassade  envoyée  par  Basile  au  Souverain  Pontife  arriva 
à  Rome  vers  la  fin  de  l'année  868  ' ,  en  nombre  singulièrement 
réduit  -.  Dès  que  les  affaires  en  cours  le  permirent,  Hadrien 
réunit  un  synode  dans  l'église  S'-Pierre  pour  discuter  la  ques- 
tion grecque  ^.  Tout  de  suite,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  on 
s'occupa  du  concile  de  Constantinople,  qui  avait  anathématisé 
le  pape  Nicolas.  Rome  avait  hâte  de  le  condamner  et  Byzance, 
par  son  représentant  impérial,  Basile,  avait  non  moins  hâte  de 
dégager  l'Empereur  de  la  compromettante  solidarité  que  sa 
signature  —  vraie  ou  fausse  —  créait  entre  lui  et  Photius.  On 
fut  donc,  de  part  et  d'autre,  très  expéditif.  On  s'expliqua  rapi- 
dement sur  la  part  qu'avait  pu  prendre  Basile  à  ce  soi-disant 
concile.  Puis,  après  un  ou  deux  discours,  le  Pape  se  leva  pour 
prononcer  sa  sentence  :  le  concile  de  867  était  condamné,  les 
livres  relatifs  à  cette  affaire  et  qu'on  avait  trouvés  chez  Photius 
devaient  être  brûlés  ;  Basile  fut  déclaré  pieux  et  orthodoxe 
empereur  ;  Photius,  ce  u  nouveau  Dioscore  »  et  ses  partisans 
furent  anathématisés,  déposés  et  réduits,  en  cas  de  repentir, 
à  la  simple  communion  laïque  ;  enfin  des  légats  partiraient 
pour  Byzance  afin  d'y  rétablir  la  paix  ^. 

On  le  voit  donc,  malgré  les  protestations  d'Hadrien,  il  y  avait 
quelque  chose  de  changé  dans  la  conduite  du  Pape.  Par  ce 
synode,  Hadrien,  contrairement  à  ce  qu'avait  toujours  dit  son 
prédécesseur  Mcolas.  terminait  le  débat  en  condamnant 
Photius  sans  l'avoir  entendu  ;  il  absolvait  Ignace  sur  le  rapport 

1.  Héfelé-Delarc,  V,  092. 

2.  L'histoire  du  voyage  de  cette  ambassade  est  des  plus  étranges.  Les 
représentants  d'Ignace  et  de  Photius,  en  effet,  partirent  séparément.  Sur 
l'un  des  bateaux  se  trouvait  l'évêque  Jean  et  le  spathaire  Basile;  sur  l'autre, 
Pierre  de  Sardes  et  quelques  moines  qui  l'accompagnaient.  Arrivé  en  vue 
des  côtes  dalmates,  le  navire  qui  portait  les  partisans  de  Photius  fit  nau- 
frage. Le  légat  et  sa  suite  périrent,  à  l'exception  d'un  seul,  le  moine  Métho- 
dius  que,  dédaigneusement,  \nastase  appelle  «  monacliulus  »  {Lib.  Pontif., 
Vit.  Hadr.,  n,  178  ;  Vit.  Ignat.,  54/1)- 

3.  Mansi,  xvi,  5o.  Héfelé-Delarc,  V,  094 . 
'\.  Mansi,  \m,  129. 


2l6  BASILE    I 

de  ses  seuls  partisans  ;  il  délivrait  à  Basile  un  certificat  d'ortho- 
doxie et  d'innocence  qui  allait  rendre  le  nouvel  Empereur 
maître  de  la  situation.  Ainsi,  à  la  faveur  de  cette  sentence, 
chacun  gagnait  ou  espérait  gagner  quelque  chose.  Indépen- 
damment de  l'impression  morale  qu'allait  faire  sur  les  esprits 
le  rôle  joué  par  Rome  dans  l'affaire  du  schisme,  le  Pape  faisait 
reconnaître  à  toute  l'Eglise  hyzantine  son  ahsolue  autorité^ 
et  s'attachait  par  des  liens  de  reconnaissance  le  Patriarche  et 
l'Empereur  qu'il  comptait  bien  utiliser  à  bref  délai.  Basile  était 
absous  ;  Ignace  recouvrait  son  trône  et  Photius  lui-même,  tout 
sacrifié  qu'il  fût,  pouvait  lire  entre  les  lignes  qui  le  condam- 
naient la  promesse  d'une  sentence  future  qui  le  réhabiliterait. 

Tel  fut  le  rôle,  très  habilement  joué  par  le  pape  Hadrien 
dans  ce  premier  acte  consacré  à  la  solution  du  conflit  religieux. 
Désormais,  pour  un  temps,  la  scène  se  transporte  à  Byzance  et 
c'est  naturellement  Basile  qui  tiendra  le  premier  rang.  Voyons 
donc  quelle  fut  son  attitude. 

Dès  que  le  concile  romain  se  trouva  terminé,  l'ambassade 
byzantine  reprit  le  chemin  de  Byzance;  mais  cette  fois-ci,  elle 
n'était  plus  seule  comme  à  l'aller.  Les  légats  du  Pape  faisaient 
route  avec  elle,  emportant  lettres  et  instructions  en  vue  de  leur 
nouvelle  mission-.  La  caravane,  composée  des  Grecs,  de  deux 
évéques  latins,  Etienne  de  Népi  et  Donat  d'Ostie  et  d'un  diacre, 
Marin,  partit  aux  environs  du  lo  juin  869  ^.  Après  d'innom- 
brables difficultés,  ils  arrivèrent  à  Thessalonique  où  un  envoyé 
impérial  les  reçut  au  nom  de  l'Empereur.  De  là,  ils  se  diri- 
gèrent sur  Gonstantinople  en  passant  par  Selymbria  et  Gastrum 
Rotundum  ^   A  Selymbria,  ce  fut  tout  un  cortège  qui  les  vint 


1.  Le  Pape,  en  effet,  dans  les  deux  lettres  qu'il  expédia  le  10  juin  869  à 
Ignace  et  à  Basile,  fixe  certaines  dispositions  très  avantageuses  pour  son 
autorité.  Les  prélats  ordonnés  par  Pliotius  pourront  être  graciés  s'ils  signent 
le  Liber  satisfactionis  apporté  par  les  légats  ;  les  signataires  du  conciliabule 
de  867  ne  pourront  être  réintégrés  que  par  le  Pape  ;  Ignace  devra  s'em^ 
ployer  à  faire  signer  par  tous  les  évoques  les  Capitula  du  synode  romain  et 
exiger  leur  dépôt  dans  toutes  les  archives  épiscopales.  (Mansi,  xvi,  5o  ; 
Héfelé-Delarc,  V,  599). 

2.  Hadrien  fit  remettre  à  ses  légats  les  lettres  de  Nicolas,  les  siennes 
propres,  plus  un  conimonitoriam  que  tout  évêque  devait  signer  avant  de 
rentrer  en  possession  de  son  siège  {Lib.  Pontif.,  II,  180). 

3.  Les  lettres  du  Pape  sont,  en  effet,  datées  du  10. 

4.  Castrum  Rotundum  était  situé  à  environ  dix  milles  de  Byzance,  près 
de  San  Stefano  (Lib.  Pontif.,  187,  note,  3i). 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  2  I  7 

saluer.  Le  protospathaire  Sisinnios  était  là  avec  le  fameux 
higoumène  Tliéognosle  et  un  nombreux  personnel  pour  les 
servir.  Quarante  chevaux  des  écuries  impériales  transportaient 
la  vaisselle  d'argent  et  tous  les  objets  nécessaires  au  service  des 
ambassadeurs.  Vraiment,  Basile  faisait  royalement  les  choses. 
Il  voulait  par  là  s'attirer  la  sympathie  des  représentants  du 
Pape  et,  sans  doute,  empêcher  par  cet  excès  de  déférence,  qu'ils 
ne  crussent  trop  facilement  les  méchants  bruits  qu'ils  ne  tar- 
deraient pas  à  entendre  sur  son  compte.  A  Castrum  Rotun- 
dum,  où  ils  arrivèrent  un  samedi,  ils  s'arrêtèrent  pour  le  repos 
du  soir  et  le  lendemain,  dimanche  25  septembre,  ils  firent  leur 
entrée  solennelle  à  Constantinople  par  la  Porte  d'or.  Là  les 
attendaient  tous  les  dignitaires  civils  et  religieux,  revêtus  des 
insignes  de  leur  ordre,  à  la  tête  desquels  se  trouvaient  le  char- 
tophylax  Paul,  le  skevophylax  Joseph,  le  sacellaire  de  Basile. 
Ils  saluèrent  les  légats  au  nom  du  Patriarche  et  la  procession, 
composée  dune  grande  foule  portant  des  cierges  et  des  flam- 
beaux, se  mit  en  marche  pour  les  accompagner  jusqu'à  leur 
demeure,  où  les  deux  dignitaires  chargés  de  leur  service  les 
reçurent^. 

La  première  entrevue  entre  Basile  et  les  ambassadeurs 
romains  eut  lieu  le  mardi  suivant  ^,  au  Chrysotriclinium  et 
tout  de  suite  l'Empereur  se  mit  à  jouer  son  rôle  de  fils  soumis 
et  respectueux  du  Pape.  Au  dire  du  «  Liber  Pontificalis-^  »  dont 
le  récit  paraît  très  véridique,  composé  qu'il  fut  probablement 
par  des  témoins  oculaires,  Basile  prit  lui-même  les  lettres 
d'Hadrien,  et  les  baisa  avec  respect,  s'enquil,  comme  c'était 
l'usage,  de  la  santé  du  Pape  et  des  grands  dignitaires  de 
l'Eglise  et  les  congédia  après  les  avoir  embrassés.  Le  lendemain, 
nouvelle  entrevue  et  nouvelles  déclarations  de  Basile.  L'Eglise 
de  Rome  est  pour  lui  u  la  mère  de  toutes  les  autres  Eglises  », 
à  elle  de  terminer  définitivement  le  procès  de  Photius  «  afin  que 
l'unité  et  la  tranquillité  si  longtemps  désirées  soient  enfin 
rétablies  suivant  le  décret  du  très  saint  pape  Nicolas*.  »  Il  y  a 
dans  ces  mots  tout  le  programme  que  dut  se  tracer  Basile  au 
début  de   son  règne   et  qu'il   remplit   officiellement  jusqu'au 

1.  Lib.  Pontif.,  p.  i8o. 

2.  Byzance  fêtait  le  lundi  aG  le  «  natale  »  de  l'Empereur. 

3.  Lih.  Pontif.,  II,  vu. 

4.  Lih.  Pontif.,  II,  i8i, 


2l8  BASILE    I 

moment  où  Faffaire  des  Bulgares  el,  peut-être,  les  incitations  de 
Photius  le  décidèrent  à  modifier  ouvertement  la  conduite  qu'il 
s'était  imposée,  jusqu'au  moment  aussi  où  il  s'aperçut  que  les 
ordres  donnés  par  Rome  aux  légats  étaient  en  complet  désac- 
cord avec  sa  propre  nnanière  de  voir.  Il  serait,  en  effet,  assez 
puéril  de  s'imaginer  avec  les  Latins  du  ix*"  siècle  que  Basile  agit 
en  toute  cette  affaire  d'une  façon  absolument  désintéressée  et 
ne  se  laissa  guider  que  par  des  motifs  d'ordre  purement  reli- 
gieux. D'abord,  une  telle  conception  des  choses  ne  pouvait 
entrer  dans  l'esprit  d'un  Basileus  byzantin,  si  pieux  qu'il  fût. 
Entre  Rome  et  Gonstanlinople  il  y  avait  trop  de  rivalités  et  trop 
de  méfiance  pour  qu'un  empereur  allât  s'humilier  devant  un 
Pape  sans  regrets  et  sans  calculs  ;  Basile,  ensuite,  n'était  pas 
homme  à  sacrifier  ses  droits  et  ses  prérogatives  à  la  légère  et 
par  scrupule  religieux.  Bien  d'autres  idées  et  bien  d'autres 
projets  hantaient  alors  son  esprit.  Non  ;  en  réalité,  la  politique 
ecclésiastique  de  Basile  fut  tout  autre  que  ne  le  crurent  et  Hadrien 
et  les  légats.  OUiciellement  il  voulut  être  irréprochable,  soumis 
et  conciliant  durant  tout  le  concile  ;  mais  en  secret  il  agissait, 
et  c'est  surtout  par  la  conduite  et  la  parole  de  ses  délégués  que 
nous  pouvons,  je  crois,  saisir  sa  véritable  politique. 

Le  concile  s'ouvrit  solennellement  le  5  octobre  869  et  se 
termina  le  28  février  870.  Il  devait  compter  dix  sessions.  Outre 
les  légats,  on  pouvait  y  voir  le  patriarche  Ignace,  Thomas, 
métropolite  de  Tyr,  représentant  du  défunt  patriarche  d'An- 
tioche,  Elie,  prêtre  et  syncelle,  représentant  du  patriarche  de 
Jérusalem,  Théodose,  une  commission  laïque  ayant  à  sa  tête  le 
patrice  Baanès,  les  évêques  restés  fidèles  à  Ignace,  ceux  qui, 
après  avoir  communiqué  avec  Photius.  avaient  signé  le 
c(  Libellus  satisfactionis  »  apporté  de  Rome  par  les  légats  ', 
enfin,  à  partir  de  la  seconde  session,  ceux  qui  furent  absous  par 
le  concile.  Aux  sixième,  septième,  huitième  et  dixième  sessions 
l'Empereur  lui-même  fut  présent,  et  à  la  dernière  session  du 
28  février,  chacun  put  voir  les  ambassadeurs  de  Louis  II  ayant 
à  leur  tête  le  fameux  Anastase. 

Dès  avant  l'ouverture  du  concile,  ce  «  Libellus  satisfactio- 
nis »  avait  soulevé  certaines  diflicultés.  Malgré  son  désir  d'être 

I.  Mansi,  \vi,  18.  Lo  «  libellus  »  confirmait  la  dcposilioii  de  Pholius,  la 
condamnation  dos  synodes  tenus  contre  Ignace  et  Nicolas  I^'*^  et  alTirmait 
l'autorité  du  Pape. 


ET    L  EMPIRP:    B^  ZAM'IN 


219 


agréable  aux  k'gats,  Basile  n'avait  pas  pu  s'empêcher  de 
demander  quelques  explications  sur  cette  0  nouveauté  ^  »  et 
avait  voulu  qu'il  fut  traduit  en  grec  ;  mais  il  n'alla  pas  plus 
loin,  parce  qu'en  somme  le  Libelle  était  conforme  à  ses 
désirs  et  qu'ensuite  il  avait  à  son  service,  le  cas  échéant,  la 
commission  laïque  pour  faire  prévaloir  sa  volonté.  Néanmoins, 
ce  premier  acte  était  significatif.  Il  devait,  du  reste,  par  la 
suite,  avoir  son  épilogue.  Dès  que  les  Pères  furent  réunis,  au 
début  de  la  première  session,  l'asecretis  Théodore  lut  un  mes- 
sage ((  epanagnosticon  »  de  Basile.  Dans  ce  document  l'Empe- 
reur se  montra  tel  qu'il  voulait  le  laisser  paraître,  fils  soumis  de 
l'Eglise  et  plein  de  zèle  pour  la  foi.  Il  rappela  que  son  premier 
soin,  avant  même  de  s'occuper  des  choses  politiques,  fut  pour 
les  affaires  religieuses  et  que  son  plus  grand  désir,  en  saluant  les 
légats  et  les  Pères  assemblés  en  concile,  était  de  voir  l'ordre  et  la 
tranquillité  rétablis  dans  l'Empire.  Puis,  très  diplomatiquement, 
il  leur  donna  quelques  conseils  de  sagesse  et  de  modération  2. 

Ces  paroles  faisaient  partie  du  rôle  officiel  de  Basile.  Pour 
autant,  il  n'allait  pas  se  désintéresser  de  la  marche  des  affaires 
et,  tout  de  suite,  par  l'intermédiaire  de  sa  commission,  il  le  fit 
voir.  A  la  grande  surprise  des  légats,  en  effet,  Baanès  se  leva 
et  demanda  aux  ambassadeurs  romains  comme  aux  Orientaux 
de  prouver  leur  mission,  d'indiquer  l'étendue  de  leurs 
pouvoirs  et  de  faire  part  à  tous  des  lettres  dont  ils  étaient 
porteurs.  C'était  là  chose  inouïe.  Pour  calmer  les  envoyés  du 
Pape,  il  fallut  leur  expliquer  ([ue  l'exemple  de  Zacharie  et  de 
Rodoald  avait  mis  en  défiance  et  qu'il  ne  s'agissait  nullement, 
en  l'occurrence,  de  faire  une  injure  au  trône  apostolique  «  et 
nos  propter  inhonorantiam  apostoli  throni  non  dicimus  hoc^.  » 
Le  coup  n'en  était  pas  moins  porté  et  pour  la  seconde  fois  la 
volonté  de  Basile  apparaissait,  dictant  à  ses  représentants  la 
conduite  qu'ils  devaient  suivre,  imposant  à  tous  une  procédure 
régulière  dans  les  affaires  qui  allaient  se  traiter. 

Cette  secrète  action  de  l'Empereur  se  manifesta  une  troisième 
fois  encore  dans  cette  première  séance.  Ce  fut  à  l'occasion  de 
Photius.  Les  vicaires  orientaux  avaient  à  peine  achevé  d'établir 
qu'ils  étaient  en  parfaite  union  avec  Rome  au  sujet  du  schisme, 


1.  Lib.  Pontif.,  II,  181 

2.  Mansi,  \vi,  19,    . 

3.  Ihid. 


2  20  BASILE    I 

condamnant  ce  que  le  Pape  avait  condamné,  approuvant  ce 
qu'il  avait  approuve,  que,  tout  à  coup,  à  brûle-pourpoint, 
Baanès  posa  aux  légats  la  plus  forte  objection  qu'on  pût  faire 
à  Hadrien  —  celle  autour  de  laquelle  toute  la  politique  de 
Basile  allait  pivoter  :  comment  avait-on  pu  condamner  Photius 
alors  qu'il  était  absent  ?  Les  apocrisiaires  romains  esquissèrent 
une  réponse  qui  nous  paraît  assez  embarrassée  et  qui  dut 
l'être,  en  vérité,  car  l'affaire  fut  de  nouveau  disculée  à  la  qua- 
trième séance  et  d'une  façon  plus  orageuse.  Pour  l'heure, 
Baanès  s'en  contenta  et  la  séance  fut  levée.  Cette  première 
session  avait  donc  été  tout  entière  consacrée  à  prendre  contact 
et  à  régler  de  pures  questions  de  forme  et  de  protocole.  Rien  de 
sérieux  n'avait  encore  été  fait  et  cependant  tout  esprit  perspi- 
cace pouvait  deviner,  sans  beaucoup  de  peine,  à  quelles  irré- 
ductibles oppositions  on  allait  se  heurter. 

Si  les  deux  réunions  suivantes  n'eurent  pas  un  beaucoup  plus 
grand  intérêt  du  point  de  vue  où  nous  nous  plaçons  —  la  poli- 
tique religieuse  de  Basile  ^  —  il  n'en  va  pas  de  même  de  la  qua- 
trième qui  compte  parmi  les  plus  importantes  du  concile,  et  dans 
laquelle  nous  saisissons  à  merveille  le  rôle  occulte  de  Basile. 
Cette  session  eut  lieu  le  i3  octobre.  Il  s'agissait  de  savoir  ce  qu'il 
convenait  de  décider  au  sujet  de  deux  prélats  bien  connus  : 
Théophile  et  Zacharie,  ceux-là  même  qui  avaient  été  envoyés  à 
Rome  par  Photius  après  son  avènement.  Leur  situation  était, 
en  effet,  spéciale.  Ordonnés  autrefois  par  le  Patriarche  légitime, 
Méthode,  ils  avaient  passé  au  schisme.  Forts  de  leur  ambassade 
auprès  du  Pape,  ils  répandirent  partout  le  bruit  que  Nicolas 
avait  reconnu  Photius.  C'était  là  chose  grave,  parce  qu'elle 
avait  trompé  beaucoup  de  monde.  De  plus,  ils  refusaient  de  se 
détacher  de  la  communion  du  Patriarche  déposé.  Baanès  pro- 
posa donc  de  les  introduire  devant  le  Concile  pour  qu'ils  fussent 

I.  Il  n'y  a  d'intéressant  à  noter  pour  l'histoire  générale  de  l'Eglise  byzan- 
tine à  cette  époque,  que  la  réconciliation,  au  cours  de  la  deuxième  session, 
des  évoques  et  autres  clercs  autrefois  ordonnés  par  Méthode  et  Ignace, 
mais  qui  passèrent  ensuite  au  schisme.  Nicélas  a  beaucoup  blâmé  cette 
indulgence  du  concile.  Il  rend  responsable  des  malheurs  qui  suivirent  — 
c'est-à-dire  le  retour  de  Photius  au  pouvoir  —  les  légats  et  l'empereur  qui 
auraient  dû  exiger  une  définitive  déposition.  Au  lieu  de  se  conformer  aux 
canons  on  a,  dit  le  biographe  d'Ignace,  préféré  donner  une  place  au 
synode  à  ces  évoques  tombés  et  c'est  grâce  à  eux  que  Photius  put  revenir 
au  pouvoir.  Nous  allons  voir  que  Basile  joua,  en  celte  dernière  affaire,  un 
rôle  beaucoup  plus  important  que  les  évoques. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  221 

jugés  une  seconde  fois  *  ;  mais  les  légats  s'y  opposèrent.  Sur 
leur  demande,  une  commission  fut  choisie  pour  les  aller  inter- 
roger et  leur  demander  s'ils  rompaient  avec  Photius.  Leur 
réponse  fut  négative.  Aussi  les  Pères  déclarèrent-ils  qu'ils 
seraient  jugés  comme  Photius  :  «  Sit  portio  Theophili  et  Zacha- 
riae  cum  Photio  ».  C'est  alors  que  Baanès  se  leva  et  commença 
le  plus  curieux  discours  qui  soit.  Insensiblement  il  laisse  devi- 
ner toute  la  politique  cachée  de  Basile  et  le  point  faible  sur 
lequel  va  porter  toute  la  discussion  :  le  jugement  prononcé  par 
Rome  en  l'absence  des  accusés.  Sans  ambages  Baanès  confessa 
qu'il  était  envoyé  au  concile  ainsi  que  ses  collègues  —  «  c'est  ce 
qu'on  appelle  le  Sénat  -  »  —  pour  être  les  auditeurs  sévères  des 
choses  qui  s'y  font  «  ut  simus  districti  eorum  quse  geruntur 
auditores  » .  Si  donc  les  Pères  veulent  que  le  saint  synode  soit 
sanctionné  par  la  signature  des  empereurs,  il  faut  que  Photius 
et  les  évêques  coupables  entendent  leur  jugement  et  puissent  se 
défendre  à  l'occasion.  En  cas  contraire,  il  sera  inutile  de  deman- 
der des  signatures  :  ((  Si  hoc  autem  factum  non  fuerit,  scimus 
quia  nostri  non  egetis  ad  scribendum  in  fine  a  vobis  gesto- 
rum  ^.  ))  Ce  que  Basile  voulait  donc,  c'était  et  une  seconde  dis- 
cussion et  un  second  jugement.  Or,  il  savait  très  bien  qu'à  cela 
il  y  avait  de  graves  difficultés  et  que  les  légats  n'allaient  pas 
revenir  sur  le  jugement  porté  par  le  Pape.  Néanmoins,  par  con- 
descendance, les  apocrisiaires  acceptèrent  la  demande  de  Baa- 
nès, non  sans  faire  marquer  de  quelle  hypocrisie  toute  cette 
affaire  était  empreinte  :  ((  Excusationem  qua?runt,  .)  dirent-ils, 
ils  cherchent  une  excuse,  ils  veulent  fuir  le  jugement  «  fugere 
volunt  judicium  ».  Etal  semble  bien,  en  effet,  qu'il  y  avait 
quelque  chose  de  fondé  dans  cette  observation.  En  tous  cas, 
toute  la  scène  paraît  avoir  été  arrangée  d'avance,  car  dès  que 
les  deux  évêques  se  trouvèrent  devant  le  concile  et  qu'on  leur 
eut  parlé  du  «  Libellus  »  ils  se  récrièrent  :  a  Nous  ne  désirons 
pas  entendre  la  lecture  du  Libelle,  dirent-ils.  et  nous  ne  vou- 
lions pas  venir  ici.  L'Empereur  nous  a  ordonné  de  nous  rendre 
au  palais  et  en  sa  présence,  et  c'est  ainsi  que  nous  nous  trou- 
vons ici*.  »  Baanès  leur  répondit  alors  :    «  N'avez-vous  pas  dit 


1.  Mansi,  \vi,  54 

2.  Ibid,,  XVI,  55. 

3.  Ibid. 

\.  Ibid..  p.  58. 


2'2'2  BA81LK    I 

au  palais  que  vous  pouviez  prouver  que  vous  aviez  ofïicié  «  com- 
ministravimus  n  comme  prêtres  avec  le  très  saint  pape  Nico- 
las ?  »  C'était  —  il  importe  de  le  remarquer  —  changer  la  ques- 
tion première.  Cette  fois,  il  ne  s'agissait  plus  des  bruits  qu'ils 
avaient  pu  répandre  sur  les  rapports  du  Pape  etdePhotius, 
mais  bien  d'eux-mêmes.   Naturellement  ils   maintinrent  leur 
affirmation  et  les  légats   la  repoussèrent.  Il  fallut  lire  les  deux 
lettres  du  Pape  Nicolas  à  l'Empereur  Michel  —  celles  de  sep- 
tembre 860  et  de  mars  861  —  pour  rendre  évidente  aux  yeux  du 
concile  l'erreur  des  deux  évêques.  Il  n'y  avait  pas,   en  effet, 
grand'chose  à  répondre  aux  deux  lettres.  Comme  Théodore  de 
Carie  le  fit  remarquer  à  Théophile  :  du  moment  que  le  Pape 
appelait  Photius   »   adultère  »  c'était  bien  la  preuve  qu'il   ne 
l'avait  pas  reçu.  Quant  à  eux,  quelles  preuves  pouvaient-ils  allé- 
guer en  faveur  de   leur  dire  ?  Théophile  ne  répondit  pas  à  la 
question,    mais,   chose  étrange,  il  en  appela  à  l'Empereur.  Si 
celui-ci  l'autorisait,  par  écrit,  à  parler,  il  le  ferait  avec  clarté'. 
N'était-ce  pas  avouer  la  complicité  de  Basile  en   toutes  ces  ter- 
giversations ?  Aussi,  les  légats  ne  s'y  laissèrent-ils  pas  prendre 
et,  profitant  de  l'effet  produit  par  la  lecture  des  lettres  sur  un 
certain  nombre  d'assistants  comme  Théodore,    métropolitain 
de  Carie,  s'empressèrent-ils  d'afïîrmer  que  Photius,  déjà  traité 
de  «  moechum  et  invasorem  »  par  le  Pape,  n'ayant  pas  écouté 
sa  voix,  avait  été  suspendu  (obligatus).  repoussé  et  réprouvé-. 
Le  coup  portait  droit.    Baanès   posa  encore  quelques  ques- 
tions,  demanda  quelques  éclaircissements,  avant  de  lever  la 
séance:  en  fait,  il  était  battu.  Pour  la  première  fois,  il  n'approuva 
pas  de  sa  parole  le  langage  des  apocrisiaires.  Une  gêne  évidente 
s'aperçoit  du  côté   des  sénateurs,  même  au  travers  des   actes 
assez  secs  du  concile. 

Durant  ces  quatre  premières  séances,  Photius  n'était  point 
venu  au  concile  et  personne  n'avait  songé  à  le  demander.  C'est 
alors  que  l'Empereur  lui-même  l'envoya  chercher  pour  qu'il  se 
rendit  au  synode  3,  et  qu'il  y  fût  jugé.  Là  encore  apparaît  donc 
la  main  cachée,  mais  vigilante  de  Basile,  et  sa  volonté  bien 
arrêtée.  Au  fond,  l'Empereur  —  et  peut-être  avec  justice  — 
voulait  un  jugement  en   règle.  Il  comprenait  à  merveille  que 

1,  Mansi,  p.  68  et  78. 

2.  Ibid.,  xvr,  78. 
8.  Ibid.,  75. 


ET    LEMPIUE    BYZANTIN  2  23 

rien  ne  serait  terminé  tant  que  Photius  et  ses  adeptes  pour- 
raient alléguer  quelque  faute  de  procédure  ^  Et  à  tout  prix  il 
désirait  en  finir  avec  cette  affaire.  C'est  pourquoi  il  avait  exigé 
que  les  principaux  chefs  du  schisme,  Photius,  Zacharie,  Théo- 
phile, fussent  appelés  au  concile.  Les  légats,  d'autre  part,  esti- 
maient qu'ils  n'avaient  pas  à  rouvrir  un  déhat  et  à  juger  une 
seconde  fois  un  procès  terminé  par  le  Pape.  En  venant  en 
Orient,  ils  aA^aient  pour  unique  mission  de  faire  connaître  à  tous 
le  jugement  d'Hadrien  II  et  d'absoudre,  à  certaines  conditions, 
ceux  qui  se  repentaient.  Cette  double  conception  des  choses  fut 
une  des  causes  de  l'échec  réel  du  concile  et  une  des  causes  du 
profond  mécontentement  de  Basile,  qui  ne  devait  pas  tarder  à 
se  manifester-.  La  cinquième  séance  tenue  le  20  octobre  fut 
donc  consacrée  à  interroger,  mais  en  vain,  Photius.  Le  Patriarche 
resta  muet.  Tous  les  efforts  tentés  pour  le  faire  parler  demeu- 
rèrent inutiles  et  ce  fut,  sans  qu'il  se  soit  défendu,  qu'il  enten- 
dit sa  condamnation.  Les  légats,  par  la  voix  de  l'asecretis 
Théodore,  affirmèrent  qu'ils  ne  jugeaient  pas  de  nouveau  la 
cause  «  nos  ergo  non  novum  aliquod  vel  recens  judicium  judi- 
cabimus  aut  introducemus  »  mais  publiaient  le  jugement  for- 
mulé longtemps  auparavant  par  Mcolas  et  confirmé  par  Hadrien. 
Photius  était  anathématisé.  On  lui  laissait  un  certain  temps 
pour  revenir  à  de  meilleurs  sentiments  et  accepter  la  décision 
du  souverain  pontife.  De  cette  séance,  les  légats  sortaient  donc 
apparemment  Aainqueurs:  mais  chacun  sentait  bien  que  l'affaire 
n'était  pas  terminée.  D'abord,  il  fallait  exécuter  la  sentence 
romaine,  puis,  en  supposant  qu'elle  pût  ramener  à  l'Eglise  les 
partisans  du  Patriarche  déchu,  il  n'en  demeurait  pas  moins 
qu'un  recours  était  toujours  possible  contre  elle,  puisqu'en  fait 
Photius  pourrait  arguer  en  sa  faveur  qu'il  ne  fut  pas  jugé.  Néan- 
moins, pour  l'heure,  la  situation  s'éclaircissait.  Ignace  était 
définitivement  reconnu  et  Photius  expulsé. 

A  partir  de  ce  moment,    Basile  vint  lui-même  présider  les 
dernières    séances    du   concile.    C'est,    qu'en   fait,   la   mission 


1.  Mansi,  55. 

2.  Il  est  très  remarquable  que  le  Liber  Ponlificalis  passe  avec  une  étonnante 
rapidité  sur  les  afFaires  du  Concile.  Il  ne  fait  aucune  allusion  au  second 
procès  que  Basile  voulait  instruire  en  présence  de  Photius  et  des  évêques 
incriminés  et  du  refus  des  légats  :  ce  qui  me  semble  être  cependant  le 
nœud  de  toute  l'agitation  religieuse  du  moment. 


2  2a  BASILE    I 

occulte  qu'il  s'était  donnée  avait  pris  fin.  Tant  que  dura  la  con- 
frontation des  accusés  et  des  témoins  et  qu'un  jugenient  n'avait 
pas  été  émis,  il  avait  voulu  garder  aux  yeux  de  tous  une  stricte 
neutralité  et  ne  faire  prévaloir  sa  façon  d'envisager  les  choses 
que  par  d'autres  ;  il  ne  fallait  pas  qu'on  pût  mettre  en  doute  son 
esprit  de  justice.  Mais  désormais  la  situation  changeait.  Contre 
son  gré  les  légats  avaient  refusé  déjuger  la  cause.  A  moins  de 
remettre  tout  en  question  et  de  prolonger,  en  l'augmentant,  le 
trouble  général,  force  lui  était  d'accepter  momentanément  le 
fait  accompli  et  d'en  tirer  le  meilleur  parti  possible.  Cette 
seconde  attitude  de  Basile  est  très  visible  dans  la  sixième  séance 
qui  eut  lieu  le  20  octobre.  Faute  de  mieux,  il  s'ingénia,  par  tous 
les  moyens,  h  faire  accepter  les  décisions  romaines  aux  princi- 
paux partisans  de  Pholius.  Lui-même  se  mit  à  discuter  avec  les 
évêques  schismatiques  comme  Euthymios  de  Césarée,  Zacharie 
de  Chalcédoine.  Eulampios  d'Apamée.  quitte  à  se  faire  rappeler 
à  l'ordre  par  les  légats  ^  qui  craignaient  toujours  une  reprise  du 
procès  -.  Puis,  dans  un  long  «  epanagnosticon  »  il  exhorta 
chacun  à  revenir  au  ((  bercail  »  car  son  plus  grand  désir  était 
de  voir  toutes  les  brebis  sauvées.  Si  cependant  les  évêques  ne 
voulaient  pas  écouter  sa  voix,  ils  devaient  revenir  sept  jours  plus 
tard  pour  entendre  leur  jugement. 

Le  29  octobre,  Photius  et  ses  partisans  revinrent,  en  effet,  au 
concile,  de  nouveau  présidé  par  Basile.  Les  mêmes  scènes 
recommencèrent.  Les  évêques  voulaient  un  nouveau  jugement; 
les  légats  s'y  opposaient.  Us  n'avaient  pas  compris  que  l'Empe- 
reur se  trouvait  dans  l'impossibilité  de  les  défendre  plus  long- 
temps. Aussi  est-ce  sans  succès  qu'ils  en  appelèrent  à  Basile. 
Ils  purent  bien  affirmer  que  ce  dernier  leur  avait  promis  qu'ils 
pourraient  parler  librement  —  ce  qui  était  sans  doute  vrai  — 
rien  n'y  fit.  L'anathème  fut  porté  contre  Photius  et  ses  adhé- 
rents et,  dans  la  session  suivante,  tenue  le  5  novembre,  tous 
les  documents  fabriqués  par  Photius  ou  qu'il  fit  signer  de  force, 
furent  détruits  par  le  feu. 

Pratiquement,  le  concile  était  donc  terminé  et  Rome  sortait, 
pour  un  temps,  victorieuse  de  la  lutte  que  Photius  avait  enga 
gée  contre  elle.  Son  succès  était  même,  peut-être,  trop  complet. 


I.  Mansi.  xvi,  p.  88. 

•>.    //'/'/..    \M.   p.   89. 


ET    l'eMPIKI:    BVZVMIN  2  25 

Tant  au  point  de  vue  de  la  paix  que  pour  en  finir  avec  l'agita- 
tion, il  eût  été  sans  doute  préférable  de  suivre  les  désirs  de 
Basile  et  de  recommencer  le  procès.  En  agissant  comme  ils 
l'avaient  fait,  les  légats  mécontentaient  l'Empereur,  blessaient 
les  partisans  de  Photius  et  avivaient  contre  le  Pape  une  haine 
qui  n'était  point  de  date  récente  dans  l'Eglise  grecque.  C'est  bien 
ce  que  les  événements  allaient  mettre  en  relief. 

Après  la  huitième  session  du  5  novembre,  il  fallait  une  nou- 
velle réunion  pour  terminer  certaines  affaires  secondaires  et 
clore  officiellement  le  concile.  Or,  cette  séance  qui  fut  suivie 
d'une  dixième  et  dernière,  n'eut  lieu  que  trois  mois  plus  tard, 
le  12  février.  Pourquoi?  Il  est  probable  que  c'est  au  sortir  de  la 
huitième  séance,  après  la  condamnation  de  Photius,  qu'éclata 
dans  le  clergé  le  mécontentement  qui  devait  forcément  se  pro- 
duire contre  les  légats.  Déjà,  beaucoup  avaient  vu  de  mauvais 
œil  le  ((  Libellus  »  apporté  par  les  ambassadeurs  du  Pape  ;  mais 
quand  le  jugement  contre  Photius  fut  rendu  public,  la  colère 
des  partisans  du  Patriarche  ne  connut  plus  de  bornes.  Ils  se 
rendirent  auprès  de  l'Empereur  et  lui  reprochèrent  amèrement 
sa  condescendance  et  sa  faiblesse  qui  rendaient,  disaient-ils, 
l'Eglise  grecque  dépendante  de  l'Eglise  romaine.  Peut-être  s'avi- 
sèrent-ils aussi  qu'il  serait  prudent,  en  vue  d'événements 
futurs,  toujours  possibles,  de  ne  pas  laisser  de  traces  compro- 
mettantes de  leur  conduite  présente.  Quoiqu'il  en  soit,  un  cer- 
tain nombre  d'évêques  et  de  prêtres  demandèrent  qu'on  s'em- 
parât des  exemplaires  du  Libellus  sur  lesquels  leur  nom  figurait. 
L'Empereur,  mécontent  des  légats,  heureux,  sans  doute,  de  se 
ménager  des  amis  pour  le  jour  où  ses  intérêts  lui  commande- 
raient une  autre  politique,  acquiesça  à  la  demande  qui  lui  était 
faite  et,  sans  vergogne,  par  les  domestiques  grecs  des  légats  fit 
reprendre,  en  secret,  tous  les  exemplaires  qui  se  trouvaient  en 
la  possession  des  Romains  '. 

Une  telle  conduite  n'avait  rien  de  très  noble.  Si  elle  montrait 
avec  évidence  combien  mécontent  était  l'Empereur,  elle  prou- 
vait aussi  qu'il  était  capable  de  ne  reculer  devant  aucun  moyen 
pour  arriver  à  ses  fins  et  que  la  loyauté  n'était  pas  la  première 
de  ses  qualités.  L'affaire,  naturellement,  fit  grand  bruit  et,  sans 
doute,  les  légats  n'auraient  à  eux  seuls  et  malgré  toute  leur  élo- 

I.  Lib.  Ponilf.,  Vit.  Uad.,  11,  183.  Maiisi,  xvi,  p.  29. 

15 


2  26  BASILK    I 

quence,  obtenu  qu'un  refus  de  rendre  les  précieux  papiers, 
si  Anastase  le  bibliothécaire  ne  s'était  trouvé  fort  à  propos  à 
Constantinople,  à  la  tête  de  l'ambassade  qui  a  enait  conclure  un 
mariage  entre  Constantin  et  la  fille  de  Louis  IL  Les  légats  firent 
immédiatement  intervenir  les  ambassadeurs  auprès  de  Basile  et 
ce  fut  grâce  à  eux  —  car  il  y  allait  pour  l'Empereur,  de  sa 
loyauté  et  du  succès  des  négociations  —  que  les  signatures  fu- 
rent rendues.  x\nastase  en  reçut  le  dépôt  et  les  emporta  à  Rome 
avec  le  texte  du  concile  '  mais  ce  ne  fut  pas  sans  encourir  la 
colère  de  Basile  ^  qui  le  lui  fit  payer  peu  de  temps  après. 

Le  concile  prit  donc  officiellement  fin  le  28  février  870.  Cha- 
cun se  montra  extérieurement  satisfait  de  la  solution  donnée 
aux  affaires  pendantes.  Basile  combla  tout  le  monde  d'éloges, 
adressa  de  chaleureux  remerciements  aux  évêques,  leur  promit 
sa  protection  et  témoigna  de  nouveau  aux  légats  égards  et  res- 
pect. Il  pouvait  d'ailleurs  se  montrer  d'autant  plus  empressé 
auprès  de  leur  personne  qu'il  avait  déjà  en  main  sa  vengeance 
toute  préparée.  Un  dernier  incident  vint  marquer  la  fin  du 
concile  et  montra  aux  yeux  les  plus  obstinément  fermés  ce 
qu'il  y  avait  d'arrière-pensées  dans  toute  la  conduite  de  Basile. 
Les  légats  depuis  l'affaire  des  papiers  se  tenaient  en  juste 
défiance  à  l'égard  du  pouvoir  impérial.  Ils  avaient  compris 
que  l'astuce  grecque  n'était  pas  un  Aain  mot.  Aussi  s'empres- 
sèrent-ils de  remettre  aux  mains  d' Anastase  les  libelles  signés 
des  évêques  et  de  lui  demander  de  bien  vouloir  confronter  les 


1,  Anastase  raconte  ces  évènemenls  dans  une  note  assez  courte  insérée 
dans  les  actes  de  la  première  session  à  l'occasion  du  Libelle  (Mansi,  xvi, 
p.  39)  mais  il  ne  s'ensuit  pas  pour  autant  qu'ils  aient  eu  lieu  à  ce  moment. 
L'intervention  d' Anastase  qui  ne  put  s'exercer  qu'à  la  fin  du  Concile  suffirait 
à  le  prouver.  D'autre  part,  le  Liber  Pontijicalis  (II,  p.  182)  place  ces  événe- 
ments à  la  fin  du  Concile  à  propos  des  signatures  des  légats  ;  mais  la  dernière 
séance  eut  lieu  peu  après  la  neuvième,  le  28  février,  et  connue  la  fameuse 
clause  :  Usqiie  ad  voluntatem  (Cf.  pour  cette  clause,  Héfelé-Delarc,  V,  612') 
souleva  beaucoup  de  difficultés  (Lt7>.  Pontif.,  11,  i84,  note  4i),  il  est  probable 
que  le  protocole  avait  déjà  été  soumis  avant  la  dixième  et  dernière  séance. 
Du  reste,  au  début  du  (Concile,  Basile  n'amait  jamais  agi  de  la  sorte  avec 
les  légats.  Je  crois  donc  qu'il  faut  placer  cette  bistoire  entre  la  buitième  et 
la  neuvième  session.  Elle  explique  bien  l'arrêt  momentané  des  séances  et  la 
conduite  de  Basile  alors  très  profondément  blessé  de  l'attitude  intransi- 
geante des  légats. 

2.  Quibus  diverso  modo,  non  sine  magno  laboris  periculo,  imminen- 
tibus,  libellos  quidem  vix  tandem  recipiunt,  sed  imperatoris  iram  pro 
nimia  districtioile  fidei  veliementer  incurrunt  (Lib.  Pontif.,  II,  182). 


ET    L  EMPIRE    BY/VNTIN  227 

actes  o^rocs  et  latins  du  concile  avant  qu'ils  n'y  apposassent 
leur  signature'.  Précaution  utile  à  coup  sûr.  Anastase  très  au 
fait  des  deux  langues  examina  donc  les  procès- verbaux  et  remar- 
qua qu'une  lettre  d'Hadrien  avait  été  mutilée  à  l'endroit  où  le 
Pape  faisait  l'éloge  de  Louis  II.  Les  légats  se  récrièrent  et  vou- 
lurent refuser  leur  signature.  Les  Grecs  insistèrent  sous  prétexte 
qu'un  concile  ne  devait  célébrer  que  les  louanges  de  Dieu.  Les 
Romains  finirent  par  céder;  mais  une  fois  encore  on  put  sur- 
prendre, cacliée  pour  agir,  la  main  de  Basile.  N'était-il  pas 
étonnant,  en  effet,  qu'un  concile  ([ui  d'un  bout  à  l'autre  de  sa 
durée  avait  lancé  à  tous  les  échos  du  monde  la  gloire  et  les  ver- 
tus d'un  souverain  meurtrier  refusât  sous  le  vain  prétexte  de 
religion  de  rapporter  en  entier  la  lettre  d'un  Pape  qui  acciden- 
tellement louait  un  autre  roi  !  La  vérité  est  que  Basile,  indépen- 
damment de  sa  volonté  de  porter  seul  le  titre  d'Empereur,  avait 
fait,  en  réunissant  cette  assemblée  générale  des  Eglises,  avant 
tout,  œuvre  politique.  Il  avait  voulu,  d'une  part,  que  son  usur- 
pation fût  universellement  et  solennellement  reconnue;  il  avait 
voulu,  de  l'autre,  que  son  règne,  apportât  à  tous  les  esprits 
l'union  dont  il  avait  besoin  pour  ses  futurs  projets.  Le  résultat 
de  ses  efforts  n'était  pas  aussi  complet  qu'il  eût  pu  le  désirer. 
Néanmoins,  un  apparent  accord  allait  régner  dans  l'Eglise  et 
ainsi  dans  l'Etat  sous  l'autorité  indiscutée  de  Basile.  Pour  un 
temps  l'Empire  était  donc  tranquille. 

Ces  menus  incidents,  pour  signilicatifs  qu'ils  fussent,  n'étaient 
rien  cependant,  en  comparaison  de  l'événement  capital  qui 
suivit  à  trois  jours  de  distance-  la  clôture  du  concile.  Une 
fois  délivré  des  soucis  que  le  concile  lui  avait  donnés,  Basile 
voulut  reprendre  en  mains,  ouvertement  et  fermement,  la  direc- 
tion des  affaires  ecclésiastiques.  Si,  par  respect  pour  la  chose, 
même,  à  son  avis,  mal  jugée,  et  pour  le  repos  de  l'Empire 
il  envoya  de  nouveau  Photius  en  exil  et  sembla  user  de  quelque 
rigueur  à  l'endroit  des  prélats  rebelles -^  il  ne  toléra  pas  non 
plus  de  la  part  des  légats  et  de  Rome  ce  qu'il  croyait  être  une 
atteinte  à  l'intégrité  du  territoire  et  à  celle  de  sa  juridiction. 
Les  affaires  bulgares  le  prouvèrent.  Pour  Basile,  du  reste, 
cette  affaire  était  une  véritable  aubaine.    Mécontent  des  légats, 

I.  Lib.  Pontif.,  II,  181, 

3.  LU).  Pontij.,  Il,  p.  182. 

3.  Mignc,  Cil,  Lettre  de  Pliolias  à  Basile,  xvi,  766. 


228  BASILE    1 

elle  allait  lui  permettre  d'humilier  ces  Romains  qui  mainte- 
nant ne  pouvaient  plus  lui  servir  ;  compromis  auprès  d'un 
grand  nombre  de  ses  sujets  par  sa  trop  grande  docilité  à 
l'égard  des  volontés  pontificales,  elle  allait  lui  permettre  de 
reconquérir  la  popularité  dont  il  avait  besoin. 

Dans  les  premiers  mois  de  865,  Boris,  roi  de  Bulgarie,  avait 
reçu  le  baptême  ^  L'Empereur  Michel  avait  été  son  parrain.  En 
lutte  continuelle  avec  Byzance,  Boris  avait  appris  naturel- 
lement à  connaître  la  n  grande  ville  »  et  tout  vainqueur  qu'i 
fût  des  armées  byzantines,  le  prestige,  la  puissance,  le  culte 
dont  était  entouré  le  Basileus  avaient  tourné  la  tête  à  ce  Slave 
encore  mal  dégrossi.  Sa  conversion  n'avait  probablement  pas 
été  sans  quelques  visées  politiques  :  sûrement  la  vanité  y  avait 
été  pour  quelque  chose.  Boris  espérait  bien  avoir  tout  de  suite 
une  cour  et  une  église  modelées  sur  celles  de  Constantinople  et 
se  hisser  par  l'une  et  par  l'autre  au  rang  de  son  impérial 
voisin.  C'est  en  rêvant  à  ces  belles  choses  qu'il  envoya  au  len- 
demain de  son  baptême,  une  ambassade  à  Photius  pour  lui 
demander  un  archevêque,  des  évêques  et  des  prêtres.  Il  comp- 
tait bien  que  le  jour  où  il  aurait  un  Patriarche  pour  le  cou- 
ronner et  lui  offrir  l'encens,  il  serait  Empereur,  Photius,  peut- 
être  sur  l'ordre  de  son  gouvernement,  se  contenta  d'envoyer 
des  missionnaires.  Ce  n'était  point  l'affaire  de  Boris  qui  se 
tourna  alors  vers  Rome.  Nicolas  P%  lui.  accepta  les  offres  du 
Bulgare  et  une  mission  partit  bientôt  pour  les  bords  du 
Danube  avec  deux  évêques  à  sa  tête  :  Formose  de  Porto  et  Paul 
de  Papulania.  Les  choses  marchèrent  à  merveille  en  Bulgarie. 
Dès  869  le  rite  latin  était  partout  établi  et  les  foules,  en  masse, 
abjuraient  le  paganisme  pour  adopter  la  religion  chrétienne. 
Mais  Boris  pour  autant  n'avait  pas  un  Patriarche.  En  vain  il 
réclama  Formose  puis  le  diacre  Marin.  L'un  et  l'autre  lui  furent 
refusés.  C'est  alors  que,  profitant  du  concile  de  869,  il  envoya 
à  Constantinople  une  ambassade  pour  demander  qu'on 
tranchât  définitivement  la  question  de  savoir  à  quelle  Eglise 
appartenait  la  Bulgarie.  Une  réunion  extra-conciliaire  fut  donc 
immédiatement  convoquée  trois  jours  après  la  clôture  du 
concile,  à  laquelle  prirent   part  les  légats,    Ignace,   les  repré- 


I.  Vailhé.    Vrticlc    «    Bulgarie   ».    Dictionnaire   de     théologie     catholique, 
U  II,  p.  1179. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


229 


sentants  des  sièges  orientaux  et  les  députés  bulgares.  Basile  se 
vengea  tout  de  suite  des  menées  antérieures  d'Anastase  en  le 
laissant  en  dehors  de  ces. affaires  et  en  ne  l'invitant  pas  à  faire 
partie  de  cette  assemblée,  ce  qui  l'humilia  profondément*. 
C'était  là,  du  reste,  chose  d'autant  plus  fâcheuse  que  la  plus 
grande  confusion  de  langues  paraît  avoir  régné  au  sein  de  ce 
petit  concile,  si  du  moins  il  faut  en  croire  Anastase  lui-même. 
«  Les  légats  d'Orient  et  les  ambassadeurs  bulgares  ne  com- 
prenaient pas  ce  que  disaient  les  Romains  et,  à  leur  tour,  les 
Romains  et  les  Bulgares  n'entendaient  rien  à  ce  que  disaient 
les  Orientaux-.  »  Pour  étrange  que  tout  cela  paraisse,  ce  qui 
l'est  plus  encore  c'est  qu'on  ait  oublié  de  convoquer  des  inter- 
prètes. Un  seul  se  trouvait  dans  la  salle  conciliaire  par  l'ordre 
de  Basile  et  celui-là  n'était  point  un  Anastase,  mais  un  simple 
fonctionnaire  de  l'Empereur  3.  Malgré  tout  cependant  les  légats 
comprirent  parfaitement  ce  qu'on  voulait  d'eux  et  ils  ne  s'y 
prêtèrent  pas.  Aux  demandes  des  ambassadeurs  bulgares  et  aux 
réponses  des  Orientaux,  ils  opposèrent  une  fin  de  non-recevoir 
énergique.  Avec  raison  ils  refusèrent  de  trancher  la  question, 
alléguant  qu'ils  n'avaient  pour  ce  faire  aucun  mandat  du  Pape. 
Néanmoins  ils  donnèrent  rapidement  les  raisons  qui  obli- 
geaient les  Bulgares  à  accepter  la  souveraineté  de  Rome, 
répliquèrent  aux  Orientaux  que  le  siège  apostolique  n'avait 
aucun  jugement  à  recevoir  de  ses  inférieurs  et  adjurèrent 
Ignace  de  ne  pas  sacrer  d'évêque  pour  la  Bulgarie.  Peine 
perdue  ;  Basile  voulait  garder  une  suzeraineté  effective  sur  les 
Bulgares  et  ne  pouvant  prétendre  exercer  sur  eux  l'autorité 
civile  et   politique,    il   entendait    du    moins   y  conserver    par 


1.  Préface  au  VHP  Concile,  Mansi,  xvi,  11. 

2.  Ibid. 

3.  Il  paraît  assez  inadmissible  que  les  légats  bulgares  ne  comprissent  pas 
le  latin  puisque,  au  dire  du  Lib.  Pontif.,  ils  remercièrent  au  début  de  la 
réunion,  les  légats  d'avoir  écrit  à  Michel  de  Bulgarie  lors  de  leur  voyage  en 
Orient  (II,  182).  De  plus,  il  est  certain  que  Joseph  d'Alexandrie  et  Hélie  de 
Jérusalem  savaient  le  grec.  Mais  ce  qui  paraît  surtout  invraisembable, 
c'est  qu'il  n'y  ait  pas  eu  d'autres  interprètes  à  cette  réunion  que  celui  de 
Basile.  Les  ambassadeurs  et  les  légats  devaient,  évidemment,  avoir  leurs 
truchements  comme  au  Concile.  Comment  admettre  que  puisque  les 
Romains  avaient  Théodore  au  Concile,  ils  ne  l'aient  pas  réclamé  pour  cette 
insolite  réunion.  Eux  qiii  se  défiaient  si  fort  des  Grecs  auraient-ils  accepté 
ainsi,  sans  interprètes,  de  figurer  dans  l'afTaire  bulgare  ?  En  réalité,  cette 
histoire  paraît  tout  simplement  avoir  été  arrangée  par  Anastase  de  dépit, 
pour  charger  l'Empereur  et  aigrir  le  Souverain  Pontife. 


23o  BASILE    I 

l'influence  religieuse  de  l'Eglise  byzantine  une  autorité  morale 
sans  doute  mais  réelle  et  efficace  au  besoin.  Ignace,  pris  entre 
deux  feux,  ne  sachant  comment  faire  pour  n'être  pas  désa- 
gréable aux  légats  et  à  Hadrien  II  qui  toujours  l'avaient  sou- 
tenu et  venaient  de  le  rétablir  sur  son  siège,  pour  être  en 
même  temps  agréable  à  Basile  auquel  il  devait  le  même 
bienfait,  se  réfugia  dans  un  prudent  et  momentané  silence  et 
s'empressa,  une  fois  les  légats  partis,  de  consacrer  un  pontife 
pour  la  Bulgarie.  Mais  tout  cela  avait  fini  d'irriter  Basile: 
u  Imperialis  commotio,  licet  spem  fronte  simularet,  augmentum 
suscepit  ^  »,  dit  l'auteur  de  la  vie  d'Hadrien  II.  Les  légats 
allaient  en  savoir  quelque  chose  et,  pour  un  temps,  les 
relations  entre  Rome  et  Byzance  devinrent  on  ne  peut  plus 
tendues.  On  se  sépara  donc  très  mécontents  les  uns  des  autres. 
Basile,  cependant,  invita  les  apocrisiaires  à  dîner,  leur  remit 
des  cadeaux  et  les  fît  escorter  jusqu'à  Dyrrachium  par  le  spa- 
thaire  Théodose.  Mais  leur  retour  fut  loin  d'être  aussi  triomphal 
que  leur  arrivée.  Basile  s'était  fort  peu  soucié  du  sort  qui 
pourrait  leur  être  réservé  en  voyage.  Aussi,  tandis  qu'Anastase 
regagnait  Rome  par  Bénévent,  les  légats,  faisant  voile  sur 
An  cône,  ne  tardèrent  pas  à  être  arrêtés  par  des  pirates  slaves. 
Ils  perdirent  tous  les  documents  qu'ils  portaient  avec  eux  et, 
chose  plus  grave,  la  liberté  et  presque  la  vie-.  Par  bonheur  pour 
eux  quelques  personnages  de  leur  suite  purent  s'échapper  et, 
grâce  aux  lettres  de  l'Empereur  et  du  Pape,  Domagoi  relâcha 
sa  proie.  Les  légats  arrivèrent  à  Rome  le  22  décembre  870. 
Ils  avaient  mis  environ  neuf  mois  pour  accomplir  leur  voyage. 
De  leur  mission  il  ne  leur  restait  rien,  sinon  un  livre  concer- 
nant les  affaires  d'Ignace  (librum  actionis  Ignatii)  et  des 
«  libelli  »  sans  doute  ceux  que  les  évêques  signèrent  en  entrant 
au  concile  ^.  Heureusement  qu'Anastase  avait  emporté  les  actes 
du  concile  et  les  papiers  que  les  Grecs  volèrent,  sans  quoi 
Rome  eût  été  singulièrement  en  peine  de  savoir  ce  qui  s'était 
passé  au  cours  de  ce  concile  passablement  mouvementé. 

Tel  était    donc  l'état   des    choses  à    la   fin    de    l'année   870 
Photius  était  exilé,  Ignace  rétabli  ;  mais  entre  Rome  et  Byzance 
les  rapports  s'étaient  singulièrement  modifiés.   Basile,  affermi 

1.  Lih.  Pontif.,  II,  iS'i. 

2.  Ibid.,  p.  182. 

3.  Ibid.,  p.  18/1. 


KT    l'empire    byzantin  23i 

sur  son  trône  par  la  recoiuiaissancc  que  tous,  au  moins  taci- 
tement, avaient  faite  de  son  usurpation  et  par  sa  politique  à 
regard  des  Bulgares,  pouvait  désormais  consacrer  son  temps, 
ses  efforts  et  son  génie  à  l'administration  de  son  Empire  et 
aux  guerres  qu'il  allait  avoir  à  entreprendre.  Il  s'était  assuré- 
ment brouillé  avec  le  Pape  ;  mais,  pour  uii  temps,  la  question 
religieuse  était  liquidée.  Photius,  du  fond  de  sa  retraite,  pouvait 
exhaler  en  pure  perte  ses  plaintes  amères.  Ses  amis,  maintenus 
par  la  crainte  d'un  pouvoir  fort,  n'osaient  plus  bouger  et  ne 
pouvaient  plus  rien  pour  lui.  Le  patriarche  Ignace  se  trouvait 
lié  à  l'Empereur  et  agissait  suivant  ses  ordres.  C'était  tout  ce 
que  désirait  Basile.  En  somme,  vaincu  juridiquemennt  par 
Rome,  il  se  trouvait  vainqueur  et  Rome,  victorieuse  en  appa- 
rence, avait  perdu  la  partie.  Qui  plus  est,  contre  toute  attente 
et  toute  prévision,  elle  se  voyait  diminuée  d'une  Eglise  jeune  et 
nouvelle  pour  laquelle  elle  avait  dépensé  sans  compter  et  la 
science  de  ses  théologiens  et  le  zèle  apostolique  de  ses  prêtres. 
Pour  autant  toutefois,  le  dernier  mot  de  toute  cette  affaire 
n'était  dit  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre.  La  mort  du  patriarche 
Ignace  devait,  neuf  ans  plus  tard,  rouvrir  les  débats.  En  atten- 
dant Rome  se  tint  sur  l'expectative  tandis  que  Photius  allait 
rentrer  en  scène. 

Le  malheureux  retour  des  légats  toucha  vivement  le  Pape. 
C'était  un  manque  d'égards  qui  l'atteignait  directement.  Après 
les  pénibles  événements  qui  marquèrent  les  derniers  jours  du 
concile,  il  n'avait  plus  d'illusions  à  se  faire  sur  la  conduite  et 
les  vues  de  l'Empereur.  On  allait  évidemment  tout  droit  à  une 
rupture.  Néanmoins  u  la  conversation  »  entre  les  deux  souve- 
rains continua.  Quelques  mois  après  le  départ  des  apocrisiaires, 
Basile  et  Ignace  écrivirent  à  Hadrien,  demandant  au  Pontife 
des  nouvelles  des  légats  et  certains  adoucissements  aux  peines 
canoniques  promulguées  en  concile  pour  quelques  anciens 
partisans  de  Photius.  L'un  et  l'autre  joignirent  à  leurs  lettres 
que  l'higoumène,  ami  d'Ignace,  Théognoste,  apportait  à  Rome 
de  riches  et  nombreux  présents  ^  Mais  Hadrien  était  profon- 
dément blessé.  Indépendamment  de  tous  les  sujets  de  plaintes 
qu'il  pouvait  formuler  par  ailleurs  il  avait  un  nouveau  grief  à 
faire   valoir  conlre   le  Patriarche.    Ignace,  pour   lequel   Rome 

I.  Mansi,  wr,  203-205. 


232  BASILE    I 

avait  tant  travaillé,  n'avait  pas  craint,  malgré  les  pressantes 
exhortations  des  légats,  de  sacrer  nn  archcAeque  pour  la 
Bulgarie.  C'était  tout  à  la  fois  outrager  le  siège  apostolique  et 
porter  atteinte  à  ses  droits.  Cette  fois  c'en  était  trop  ;  Hadrien 
répondit  à  Basile  par  une  lettre  datée  du  lo  novembre  871^ 
dans  laquelle  après  lui  avoir  adressé  quelques  compliments 
d'usage,  il  lui  reprochait  amèrement  son  inconcevable  négli- 
gence à  l'égard  des  légats  et  blâmait  énergiquement  l'usur- 
pation d'Ignace,  en  Bulgarie-,  puis,  avec  une  sévérité  peut-être 
excessive,  refusait  tout  pardon  pour  ceux  en  faveur  de  qui 
l'Empereur  et  Ignace  avaient  intercédé.  Un  acte  de  clémence 
qui  aurait  eu  du  reste  des  précédents  ^  eût  été  sans  doute  plus 
habile  car  il  aurait  eu  l'avantage  de  briser  le  parti  de  Photius  ; 
mais  Rome  était  froissée,  elle  voulait  le  laisser  voir.  Pendant  ce 
temps  Basile  agissait  énergiquement  à  Byzance.  Il  avait  exilé 
Photius  dans  un  couvent  du  Bosphore  à  Skepi  ^  et.  s'il  faut  en 
croire  les  lettres  du  Patriarche  déposé,  la  vie  qui  lui  était  faite 
aurait  été  dure  pour  lui.  Et  cela  est  possible.  Basile  voulait  à 
tout  prix  en  finir  avec  l'agitation  religieuse.  Il  pouvait  espérer 
qu'en  traitant  durement  un  chef  que,  du  reste,  il  n'aimait  pas, 
ses  partisans  rentreraient  dans  le  devoir.  Cette  politique,  sans 
doute,  aurait  eu  un  plein  succès  sans  la  réponse  de  Rome  qui 
rejetait,  bon  gré  mal  gré,  les  schismatiques  dans  les  bras  de 
Photius  et  empêchait  toute  union  définitive.  Et  c'est  ce  dont 
l'habile  Patriarche  sut  profiter.  Tandis  qu'Ignace  reprenait  en 
d'assez  mauvaises  conditions  son  bâton  pastoral,  Photius 
agissait.  D'abord  il  écrivit  à  ses  amis  pour  les  encourager,  les 
affermir  et  les  préparer  à  des  jours  meilleurs  ^  ;  puis  il  chercha 
par  mille  moyens  à  gagner  ses  pires  adversaires.  Par  deux  fois, 
il  écrivit  à  Basile  pour  lui  exposer  sa  situation,  lui  demander 
des  adoucissements,  lui  rappeler  les  liens  mystiques  qui, 
ensemble,  les  unissaient^'.  Bien  plus.  Photius,  très  habilement, 
se  remit  en  relations  avec  Rome.  Hadrien  était  mort  en  872  et 
son  successeur,  Jean  VIII.   n'aurait  peut-être   pas   les  mêmes 


1.  Jaffé,  I,  374. 

2.  Mansi,  xvi,  206. 

3.  Héfelé  Delarc,  VI,  p.  2. 

A.  Mansi,  xvi,  43 1.  Sym.  Mag.,  VU,  7^9. 

5.  Lettre  XV,  Migne,  Cil,  p.  764. 

6.  Lettres  XVI  et  XVII,  p.  765  et  seq. 


ET  l'empire  byzantin  ^33 

raisons  que  son  prédécesseur  de  tenir  rigueur  à  l'exilé.  Par 
l'intermédiaire  d'Anastase ',  Photius  se  ménagea  donc  quelques 
sympathies  à  Rome  et,  s'il  faut  en  croire  un  fragment  de  lettre 
au  bibliothécaire,  tout  un  plan  aurait  été  conçu  pour  rendre 
à  Photius  le  trône  dont  il  était  dépossédé  2.  En  tout  cas,  une 
chose  est  certaine  :  c'est  que,  dès  avant  la  mort  d'Ignace, 
Photius  était  rentré  à  Constantinople. 

Le  biographe  dlgnace,  Nicétas,  et  la  Chronique  dite  de 
Syméon  Magister,  ont  raconté  l'un  et  l'autre  par  quel  stratagème 
le  Patriarche  exilé  rentra  en  grâce  auprès  de  son  auguste  maître  ^, 
Photius  aurait,  paraît -il,  composé  une  généalogie  fantaisiste 
sur  la  famille  de  Basile.  Sans  vergogne  il  l'aurait  fait  des- 
cendre des  Arsacides,  de  Tiridate,  premier  roi  chrétien  d'Ar- 
ménie. Sous  forme  de  prophétie  écrite  en  caractères  alexan- 
drins sur  un  très  vieux  papier  et  reliée  avec  la  couverture 
d'un  ancien  codex,  il  racontait  par  avance  les  gloires  de  la 
famille  et  de  ses  membres.  Arrivé  au  père  de  Basile  il  pro- 
phétisait que  de  lui  naîtrait  un  grand  prince  du  nom  de 
«  Beclas  »  qui  serait  grand  et  heureux.  Beclas  était  un  ana- 
gramme représentant  la  première  lettre  de  chacun  des  noms 
de  la  famille  impériale:  Basile,  Eudocie,  Constantin,  Léon, 
Alexandre,  Stéphane.  La  prophétie,  une  fois  composée,  fut  pla- 
cée secrètement  dans  la  bibliothèque  impériale  par  un  ami  de 
Photius,  le  clerc  Théophane,  qui  se  chargea  d'attirer  l'attention 
de  Basile  sur  le  mystérieux  ouvrage,  tout  en  lui  faisant  rema- 
rquer que  seul  Photius.  avec  sa  grande  science,  serait  sans 
doute  en  mesure  de  le  déchiffrer.  Basile,  intrigué,  envoya  tout 
de  suite  l'ouvrage  au  Patriarche  qui  déclara  que  la  prophétie 
se  rapportant  directement  à  Basile,  il  ne  pouvait  la  lire  que 
devant  lui.  Photius  vint  donc  au  palais  et  y  lut  son  propre  tra- 
vail à  la  grande  joie  de  l'Empereur.  Aussi  sa  récompense  ne 

1.  Cette  intervention  subite  d'Anastase  est  assez  curieuse  après  sa  con- 
duite à  l'égard  de  Photius.  A  oici,  en  réalité,  ce  qui  dut  probablement  se 
passer.  On  sait  que  Photius  avait  noué  de  bonne  heure  des  relations  assez 
intimes  avec  Louis  IL  11  chercha  même  à  l'associer  à  sa  campagne  contre 
Nicolas  I".  Or,  Anastase  était,  lui  aussi,  en  excellents  termes  avec  l'Empe- 
reur franc  et  ne  manquait  aucune  occasion  de  lui  être  agréable.  Il  est  pro- 
bable que  c'est  à  l'instigation  de  Louis  II,  ou,  du  moins,  pour  lui  faire 
plaisir,  qu'Anastase  essaya  de  s'entremettre  en  faveur  de  Photius  (Cf.  Du- 
chesne,  Origines  du  pouvoir  pontif.  Revue  d'Histoire  et  de  Litt.  relig.,  I,  820). 

2.  Lettre  LWI,  p.  877. 

3.  Vit.  Ignat.,  565  ;  Sym.  Mag.,  VII,  752. 


2  34  BASILE    I 

se  fit-elle  pas  longtemps  attendre.  Il  revint  à  Constantinople, 
fut  chargé  de  l'éducation  des  enfants  princiers  et  rentra  en 
grâce  auprès  de  Basile,  tandis  que  Tliéophane  recevait  le  prix 
de  ses  services  par  rarcheveclié  de  Césarée  en  Gappadoce. 

Cette  histoire  de  Mcétas  appelle  quelques  remarques.  Généra- 
lement on  Ta  rejetée  comme  une  fable  créée  pour  exj)liquer  le 
subit  revirement  de  Basile.  Je  crois  cependant  qu'au  contraire 
elle  a  un  fond  tout  à  fait  véridique.  D'abord  la  Chronique  de 
Syméon  la  reproduit,  chose  assez  remarquable,  parce  que  les 
deux  sources  sont  absolument  indépendantes.  C'est  même  un 
des  rares  endroits  ori  elles  se  rencontrent.  La  plupart  des  faits 
racontés  par  Nicétas  ne  se  trouvent  pas  dans  la  Chronique  et 
réciproquement.  On  en  peut  donc  conclure  au  moins  que  le 
stratagème  de  Pliotius  était  connu  à  Byzance  et  qu'on  en  parlait. 
Mais  de  plus,  ce  qui  donnerait  créance  à  cette  histoire,  c'est 
qu'elle  a  été  adoptée  par  les  historiens  de  la  maison  macédo- 
nienne. Que  dit  Constantin  YII  des  origines  de  sa  famille  sinon, 
précisément,  avec  quelques  développements  qui  peut-être,  du 
reste,  se  trouvaient  dans  le  livre,  ce  que  rapporte  iSicétas?  Je 
crois  donc  qu'on  peut  admettre  le  récit  et  voir,  en  cette  affaire, 
la  première  cause  du  retour  de  Photius  au  Palais.  L'Empereur, 
en  parvenu  qu'il  était,  devait  être  heureux  de  cette  découverte 
qui  jetait  un  lustre  inespéré  sur  sa  couronne  et  légitimait 
encore  son  usurpation  ;  très  désireux  aussi  de  donner  une  nou- 
velle impulsion  aux  arts  et  aux  sciences,  aimant  à  s'entourer 
de  savants,  il  dut,  sans  doute,  trouver  dommage  de  laisser  dans 
l'ombre  un  talent  comme  celui  de  Photius  et  tout  naturelle- 
ment il  le  retint  à  Constantinople  et  le  donna  comme  précep- 
teur à  ses  fils.  Quant  à  l'année  exacte  où  se  passa  l'événement 
elle  est  impossible  à  fixer.  D'une  part  tous  les  enfants  de  Basile 
étaient  nés  et  Constantin  n'était  pas  mort  ;  d'autre  part  il  est 
peu  probable  que  ce  fut  immédiatement  après  son  exil  que 
Photius  entreprit  cette  supercherie  :  les  deux  lettres  à  Basile 
suffiraient  à  le  prouver.  Je  crois  donc  qu'il  faut  placer  cet  inci- 
dent et  le  retour  de  Photius  à  Constantinople  entre  875  et  876. 

Une  fois  rentré  à  Constantinople,  Photius  eut  beau  jeu  pour 
recommencer  ses  intrigues.  Entouré  d'un  parti  puissant  il 
n'avait  qu'à  profiter  de  la  situation  pour  ressaisir  le  pouvoir 
qu'il  avait  perdu.  Ignace,  en  eff'et,  était  vieux  et  cassé  par  les 
longues  épreuves  dont  sa  vie  avait  élé   tissée.  D'un  instant  à 


ET  l'empire  byzantin  235 

l'autre  on  pouvait  s'attendre  à  le  voir  disparaître  et  c'est  pour 
ce  moment  qu'il  fallait  être  prêt.  Puis,  les  rapports  entre  Rome 
et  Byzance  étaient  tels  qu'ils  permettaient  à  Pliotius  tout  espoir 
de  retour.  Le  Pape  réclamait  plus  que  jamais  la  Bulgarie  et 
menaçait  d'excommunier  Ignace  s'il  persévérait  dans  sa  con- 
duite à  l'égard  de  cette  Eglise  K  L'Empereur,  de  son  côté,  n'en- 
tendait pas  raison  sur  cette  affaire,  pour  lui  plus  politique  que 
religieuse.  Comme  par  le  passé,  il  voulait  bien  rétablir  la  paix 
confessionnelle,  mais  sans  rien  sacrifier  de  ses  droits  réels  ou 
prétendus.  Du  reste,  il  avait  toujours  présent  à  la  mémoire  la 
conduite  des  légats  romains,  son  échec  au  concile,  et  tout  cela 
n'était  guère  fait  pour  le  porter  à  ménager  le  Souverain  Pontife. 
La  situation  était  donc  bonne  pour  Photius.  Il  suffisait  de  savoir 
en  profiter.  Il  semble  bien  que  par  lui-même  l'ancien  Patriarche, 
de  retour  à  Gonstantinople,  n'ait  pas  immédiatement  et  direc- 
tement agi.  Rentré  au  Palais  comme  précepteur  des  fds  de 
Basile  -,  il  s'appliqua,  sans  doute,  avant  toute  chose,  à  gagner  la 
confiance  des  enfants,  celle  du  père,  celle  de  l'entourage  impé- 
rial, à  se  ménager  des  sympathies  et  à  reconquérir  son  influence. 
En  tous  cas,  nous  ne  savons  rien  de  précis  sur  la  vie  de  Photius 
et  sur  ses  rapports  avec  Basile  avant  son  second  pontificat. 

Un  de  ses  pires  ennemis,  Stylianos,  écrivant  à  Etienne  V, 
successeur  de  Jean  VIII,  raconte  bien,  en  vérité,  que  dès  son 
retour,  Photius  créa  les  plus  grands  embarras  au  patriarche 
Ignace,  chercha  à  reconquérir  par  la  force,  son  siège  perdu, 
fit  même,  un  jour,  irruption  dans  l'église  de  Sainte-Sophie 
pendant  un  office  présidé  par  le  Patriarche  en  personne  et  tenta 
de  mettre  fin  aux  jours  du  vieil  Ignace^  ;  mais  ces  histoires  ont 
tout  l'air  d'être  mensongères  ou,  du  moins  singulièrement 
amplifiées  ^.  Lorsque  Stylianos  écrivit  à  Etienne  V,  Photius 
était  de  nouveau  en  complète  disgrâce,  exilé,  condamné  par  les 

1.  Lettre  de  Jean  VITI  à  Basile  de  87A  ou  875  Ewald  (Neiies  Archiu.,  t.  V, 
p.  309,  Lettre  87)  JatTé,  2999. 

2.  Vit.  Basil.,  ch.  \liv,  p.  292. 

3.  Mansi,  xvi,  429. 

4.  Cependant  il  est  une  chose  qu'il  faut  remarquer  :  c'est,  qu'en  général, 
la  lettre  de  Stylianos  est  très  exacte.  Elle  résume  les  faits  dans  leur  ordre 
chronologique  tels  que  nous  les  connaissons  par  ailleurs  et  sans  les  exagé- 
rer. Evidemment,  ses  appréciations  sont  parfois  discutables  parce  que  tou- 
jours passionnées;  mais  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  rejeter  les  faits  qu'il  est 
seul  à  raconter  car  ceux  qui  nous  sont  parvenus  par  d'autres  sources  et  que 
nous  pouvons  contrôler  sont  tous  véridiques.  Cette  lettre  écrite  après  la 


2  36  BASILE    I 

tribunaux  civils  pour  de  graves  raisons  politiques.  Du  reste,  les 
événements  étaient  déjà  bien  loin,  et  comme  personne  n'irait  à 
Rome  contredire  un  récit  plus  ou  moins  fantaisiste  que  nul, 
au  surplus,  ne  pourrait  connaître,  il  n'y  avait  pas  d'inconvé- 
nient à  charger  son  ennemi  et  à  lui  faire  expier  ses  torts  et  ses 
injustices  passées.  Et  c'est  ce  que  fait  Slvlianos.  Mais,  ses  allé- 
gations tombent,  ce  semble,  devant  la  déclaration  même  de 
Photius  au  concile  qu'il  tint  en  879  *  :  on  ne  s'imagine  pas 
très  bien  Photius  osant  affirmer  de  telles  choses  devant  tous  ses 
contemporains,  dont  beaucoup  restaient  ses  irréductibles  enne- 
mis, si  véritablement  sa  conduite  avait  été  aussi  repréhensible 
que  Stylianos  veut  bien  nous  le  dire. 

Mais,  en  fait,  si  Photius  n'agissait  guère  par  lui  même,  il 
avait  un  ami  qui  lui  était  tout  dévoué  :  Théodore  Santabarenos. 
Cet  homme  allait  se  trouver  à  point  nommé  pour  seconder  les 
plans  de  Photius.  Nous  savons  quelles  relations  existaient 
depuis  longtemps  déjà  entre  le  Patriarche  et  le  moine.  Si  Stylia- 
nos s'est  probablement  trompé  en  attribuant  à  Théodore  le 
retour  de  Photius  au  pouvoir,  il  ne  s'est  point  trompé  en  l'as- 
sociant aussi  intimement  qu'il  l'a  fait  à  sa  destinée.  Le  jour 
n'était  pas  éloigné  où  tous  deux,  profitant  des  circonstances, 
ourdiront  leur  audacieuse  et  dernière  intrigue  2.  C'est  sur  ces 
entrefaites  qu'enfin  Ignace  mourut  le  jour  de  la  Saint  Jacques 

mort  de  Basile,  sous  le  rogne  de  Léon  VI  (Mansi,  xvi,  434).  probable- 
ment dès  886  ou  887,  a  pour  but  de  demander  au  Pape  le  pardon  officiel  du 
peuple  de  Byzance.  En  réalité,  son  auteur  veut  informer  le  nouveau  Pape 
tant  de  ce  qui  s'est  passé  au  sujet  de  Photius  avant  son  avènement,  que  des 
raisons  de  sa  définitive  déposition.  Nous  avons  vraisemblablement  là  un 
écho  du  procès  intenté  à  Photius  au  lendemain  de  la  mort  de  Basile. 

1.  «  Tant  qu'a  vécu  le  bienheureux  Ignace  nous  n'avons  voulu  d'aucune 
façon  recouvrir  notre  siège  bien  que  beaucoup  nous  y  exhortassent.  »  (Mansi, 
XVI,  424). 

2.  Nicetas  (VU.  Ignat.,  569)  prétend  que  Théodore  travailla  auprès  de  Basile 
au  retour  de  Photius  ;  de  même  Stylianos.  La  chose  est  cependant  peu  pro- 
bable. Basile  avait  été  dur  pour  les  amis  de  Photius  et  les  avait  impitoya- 
blement éloignés.  Théodore,  moins  que  tout  autre,  ne  dût  pas  faire  excep- 
tion. En  tous  cas,  il  n'aurait  pas  permis  qu'un  aussi  fidèle  ami,  tenant  du 
Patriarche  déchu,  eût  grande  autorité  à  la  cour.  Il  est  beaucoup  plus  pro- 
bable que  ce  fut  après  la  mort  de  Constantin  que  Théodore  acquit  •  sur 
l'esprit  de  Basile  la  grande  autorité  que  nous  savons.  Néanmoins,  il  est  bien 
sûr  que  Basile  connaissait  Tliéodore  dès  avant  880-881.  Le  moine  avait  été 
évêque  de'Patras,  archevêque  d'Euchaites,  ambassadeur  de  Photius  à  Rome 
fVit.  Ignat.,  573),  trop  de  choses  importantes  pour  que  Basile  ne  connut 
pas  ce  personnage. 


ET    l'empire    byzantin  287 

20  octobre  877,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  ^  Il  fut  enterré 
solennellement  dans  l'église  du  monastère  de  Saint-Michel  qu'il 
avait  fait  construire  -  et,  trois  jours  plus  lard,  Photius  remon- 
tait sur  le  trône  patriarcal^.  En  vérité,  on  comprend  bien  à 
ces  étranges  et  successifs  retours  de  fortune,  les  plaintes  amères 
qu'exhalèrent  tous  les  ennemis  du  nouveau  Patriarche.  Nicétas 
se  montre  très  scandalisé  de  tant  d'incohérence  dans  le  gou- 
vernement de  l'Eglise.  Soit  à  l'occasion  du  pardon  accordé  par 
le  Concile  de  869  à  ceu^L  qui  avaient  faibli  durant  la  persécu- 
tion dirigée  par  Photius  contre  Ignace,  soit  quand  il  arrive,  dans 
son  récit,  à  l'heure  qui  nous  occupe,  il  blâme  cette  trop  facile 
indulgence.  Il  peint  Photius  des  plus  noires  couleurs  qu'il 
trouve  sur  sa  palette*,  et  lui  attribue  tous  les  crimes.  Basile, 
non  plus,  n'échappe  pas  à  sa  colère  et  c'est  de  simple  et  de  sot, 
((  aTiXoTT,?,  l'va  jjLT,  ÂÉYoj  xouooTT,;;  ^  »,  qu'll  le  traite.  En  cela, 
du  reste.  Nicétas  ne  faisait  qu'une  erreur  de  date.  Quand  l'Em- 
pereur se  décida  à  réintégrer  l'ancien  Patriarche  —  toujours 
dans  l'espérance  de  terminer  l'agitation  religieuse  —  il  n'avait 
point  encore  perdu  son  fils  Constantin  et  son  esprit  était  très 
lucide.  S'il  pouvait  lui  coûter,  peut-être,  de  faire  volte-face  et  de 
se  déjuger  ainsi  publiquement  à  l'heure  même  011  son  pouvoir 
n'était  plus  contesté,  déjà  tout  auréolé  qu'il  était  de  gloire  mili- 
taire, il  comprenait  parfaitement  que  c'était  la  stabilité  de  sa 
maison  qu'il  assurait  par  cet  acte.  Vieux  de  soixante-cinq  ans, 
il  pouvait  espérer  que  chacun  se  rallierait  à  une  politique  qui 
avait  partagé  le  différend  et,  somme  toute,  rendre  justice  à 
chacun  des  deux  adversaires  et  qu'ainsi,  sur  ce  point,  Cons- 
tantin n'aurait  pas,  un  jour,  les  graves  difficultés  qu'il  avait 
trouvées  à  son  avènement.  Très  habilement,  du  reste,  il  avait 
de  son  côté,  depuis  quelque  temps,  préparé  le  retour  de  Photius 
au  pouvoir  en  aidant  de  sa  flotte  —  et  cela  dès  877  —  le  Pape 
à  lutter  contre  ses  ennemis^'.  C'était  un  premier  pont  jeté  entre 

1.  Cf.  sur  cette  date  Ilergenrother,  II,  386  et  seq.  Nous  avons  donc  pour 
la  vie  de  saint  Ignace  les  dates  suivantes  :  naissance  797  ;  élévation  au 
patriarcat,  juillet  847;  déposition,  novembre  858;  exil  858-23  novonv 
bre  867  ;  mort  le  28  octobre  877  (Nicétas*,  VU,  Ignat.,  5i2,  544,  56o). 

2.  Pargoire,  Les  monastères  de  saint  Ignace,  190.1,  VII,  i,  p.  69. 

3.  Vit.  Ignat.,  569. 

4.  Vit.  Ignat.,  548,  549,  569. 

5.  Ibid.,  549. 

6.  Lettre  de  Jean  VIII  à  Grégoire  du  17  avril  877.  Mansi,  xvii,  42. 


2  38  BASILE    1 

Rome  et  Byzanoc  eu  vue  duue  récoucilialiou  future  et  déjà  à 
lire  la  lettre  du  Pape  au  primicier  Grégoire  ou  saisit  bien  le 
changement  qui  s'est  fait  à  Rome  en  faveur  de  Basile. 

C'est,    à  ce    moment,  qu'arrivèrent   à    Constanlinople  deux 
légats  du  Pape,   Paul  d'Ancône  et  Eugène  d'Ostie,  porteurs  de 
lettres  datées  du  26   février  et  du   26   avril  878^.  Lorsqu'elles 
furent  écrites,  on  ignorait  encore  à  Rome  la  mort  du  patriarche 
Ignace  car  l'une   d'elles  lui  est  adressée  ;  mais  on   avait  reçu 
deux  lettres  de  l'Empereur  demandant  des  légats   pour  termi- 
ner, s'il  était  possible,  la  lutte  qui  avait  repris  de  plus  belle  au 
reloiu^   de   Photius^.    Les   lettres  de    Basile   malheureusement 
sont  perdues  et  la  réponse  du  Pape  est  trop  vague  pour  laisser 
deviner  ce  qu'elles  pouvaient  contenir.  Ce  qui  est  certain  c'est 
que  le  rapprochemcjit  s'était  opéré  entre  les  deux  souverains  et 
qu'on  ne  désespérait  pas  de  s'entendre.  On  peut  même  deviner 
sur  quelles  bases  devait  se  faire  l'accord  et  saisir  la  raison  pour 
laquelle  Jean  VIII  ne  tardera  pas  à  reconnaître  Photius.  Dans 
sa  seconde  lettre  à  Basile,  en  effet,  le  Pape  expose  le  triste  état 
dans  lequel  se  trouve  le  Saint-Siège  par  suite  des  incursions 
sarrasines.  Il  le  prie,  en  conséquence,  de  vouloir  bien  le  secou- 
rir. Dans  sa  lettre  au    clergé  grec   de  Bulgarie,  d'autre  part, 
après  avoir  sommé  les  prêtres  ignatiens  de  rentrer  en  leur  pays, 
il  promet  un  évêché  à    tous  ceux  qui  obéiront  à   ses    ordres. 
C'était  là.  probablement,  la  double  clause  du  traité.  En  échange 
le  Pape  devait,  sans  doute,  promettre   de  reconnaître  Photius 
soit  après  la  mort  d'Ignace,  soit  tout  de  suite  dans  le  cas  011  les 
légats   auraient  à  déposer  Ignace  pour  son  entêtement  dans  la 
question  l)ulgare  -^  Quoi  qu'il  en  soit,  quand  les  légats  arrivè- 
rent à  Byzance,  Photius  était  de  nouveau  sur  le  trône  patriar- 
cal et  les  rôles  d'hier  encore  une  fois  intervertis.  Il  semble  bien, 
en  effet,  que  Photius  essaya  de  se  venger  et  voulut  rétablir  en 


1.  Jaffé,  3ii8  et  3i35.  JafTé  maintient  la  double  lecture  de  «  IV.  Kalendas 
Martii  »  pour  l'une  et  «  d'avril  »  pour  l'autre.  Cette  dernière  a  pour  simple 
date  «  Indictione  XI  »  et  fait  partie  des  lettres  datées  du  16  avril  878.  Il  est 
probable  qu'elle  était  écrite  quand  arriva  la  lettre  de  Basile,  aujourd'hui 
perdue.  Elle  répondait  vraisemblablement  à  l'une  des  deux  lettres  de  l'Em- 
pereur. Toutes  deux  partirent  en  même  temps  car  par  l'une  le  Pape  répond 
au  sujet  de  la  Bulgarie  ;  par  l'autre  au  sujet  des  troubles  de  l'Eglise 
byzantine. 

2.  Mansi,  xvu,  69. 

3.  IhicL,  67. 


ET    l'kMPIKE    BY/AM1\  S^Q 

leurs  situations  ceux  qu'il  avait  consacrés  à  sou  premier  pas- 
sage au  pouvoir.  Mais  à  quoi  eût  alors  servi  la  nouvelle  poli- 
tique de  Basile  si  elle  n'avait  d'autres  conséquences  que  de 
perpétuer  au  sein  de  l'Eglise  un  interminable  conflit?  Du  reste, 
Kome  acceplerait-elle  pareille  entorse  aux  canons  comme  à  son 
autorité?  C'est  pourquoi  l'Empereur  qui  tenait  Photius  en  sa 
main  ne  se  gena-t-il  pas  pour  le  blâmer  et  réprouver  sa  con- 
duite'. Le  Patriarche  dut  peut-être  se  contenter  de  consacrer 
une  seconde  lois  ceux  d'entre  les  évêques  qui  voulurent  bien  se 
prêter  à  cette  indigne  comédie  et,  pour  satisfaire  sa  vanité, 
bénit  en  son  particulier  des  vêtements  épiscopaux  dont  il  fit 
don  aux  prélats  consacrés  par  Ignace.  Entre  temps,  il  s'amu- 
sait à  continuer  autour  du  tombeau  de  son  prédécesseur  la 
guerre  qu'il  n'avait  cessé  de  lui  faire  vivant'-.  Mais  tandis  qu'il 
agissait  ainsi  à  Constantinople,  il  avait,  avec  une  habileté  con- 
sommée, une  toute  autre  politique  à  l'égard  de  Rome.  Adop- 
tant une  conduite  diamétralement  opposée  à  celle  d'Ignace 
dans  l'affaire  de  Bulgaiie,  il  se  garda  pour  l'heure,  d'agir  en 
contradiction  avec  les  volontés  et  les  droits  du  Pape  et  ne  con- 
sacra aucun  évêque  au  pays  de  Boris -^  C'était  tout  ce  que 
demandait  Jean  VllI  au  Patriarche  de  Constantinople.  \  ces 
conditions,  il  était  prêt  à  reconnaître  Photius. 

Les  légats  romains  furent  assez  empruntés  devant  la  situation 
qu'ils  trouvèrent  à  Bvzance.  Stylianos,  dans  sa  lettre  à  Etienne, 
les  accuse  violemment  de  s'être  laissés  corrompre  par  Photius  et 
Basile.  Au  dire  de  l'évêque  de  Néo-Césarée,  ils  auraient  affirmé 
publiquement  qu'ils  étaient  envoyés  pour  anathématiser  Ignace 
et  reconnaître  Photius  ^,  ce  qui  pouvait  être  vrai  dans  le  cas  où 
le  Patriarche  défunt  refuserait  d'obtempérer  aux  ordres  du  Pape, 
au  sujet  de  la  Bulgarie.  Mais  Ignace  était  mort  et  leurs  instruc- 
tions, de  ce  fait,  se  trouvaient  singulièrement  embarrassantes  ^. 
C'est  probablement  l'incertitude  des  légats  qui  décida  Photius 
à  envoyer  Théodore  Santabarenos  à  Rome  pour  demander  à 
Jean  YIII  confirmation  de  son  retour  au  pouvoir^».  Basile,  de 


I.  VU.  Ignat.,  672. 
•2.  Vit.  Ignat. ,  565. 

3.  Lapôtre,  Jean  VIII,  p.  O2  et  note  4. 

4.  Mansi,  xvi,  432. 

5.  Mansi,  xvii,  i48. 
(>.  Mt.  Ignat.,  5-9.. 


2aO  BASILE    I 

son  côté,  par  ses  lettres  et  ses  ambassades,  appuya  la  demande 
du  Patriarche  ^  et  nous  voyons  par  deux  lettres  de  Jean  YIII  au 
primicier  Grégoire  datées  des  3  avril  et  6  mai  879  -,  avec  quelle 
bienveillance,  il  attend  les  Byzantins  qui  arrivaient  à  Rome  par 
Bénévent  et  Capoue.  Dix-huit  mois  s'étaient  ainsi  écoulés 
depuis  la  mort  de  saint  Ignace.  L'ambassade  byzantine  n'eut 
pas  de  peine  à  promptement  régler,  de  la  façon  la  plus  avanta- 
geuse pour  Photius,  les  affaires  pour  lesquelles  elle  avait  été 
envoyée.  Dès  la  fin  du  mois  d'août,  elle  repartait  pour  Byzance. 
Un  diacre,  le  prêtre  Pierre,  l'accompagnait,  porteur  de  cinq 
lettres  et  d'un  u  Commonitorium  »  du  Pape,  lettres  adressées  à 
l'Empereur,  aux  évêques  de  la  Province  de  Constantinople  et 
à  ceux  des  Patriarches  d'Orient,  Jérusalem,  Antioche,  Alexan- 
drie, à  Photius,  aux  chefs  de  l'opposition  contre  le  patriarche 
et  aux  légats  ^,  comme  des  conditions  du  Pape  à  la  réintégration 
du  Patriarche  ^.  Que  dit,  en  effet,  Jean  VllI  dans  sa  lettre  à 
Basile  u  Inter  claras  »?  i"  Après  avoir  affirmé  la  suprême  autorité 

1.  Il  est  difficile  de  savoir  quel  cas  il  faut  faire  des  histoires  que  racontent 
Nicetas  et  Stylianos  au  sujet  des  sourdes  et  louches  menées  de  Photius  à 
Rome  pour  remonter  sur  le  trône  patriarcal  (Nicet.,  672  ;  Stylianos,  Mansi, 
XVI,  43 1).  Je  crois  qu'il  ne  faut  pas  y  donner  une  trop  grande  attention. 
Indépendamment  du  fait  que  l'un  et  l'autre  écrivent  après  les  événements 
et  après  la  nouvelle  déposition  de  Photius,  il  semble  que  le  Patriarche  avait, 
à  cette  date,  suffisamment  d'atouts  dans  son  jeu  pour  gagner  sa  cause  sans 
qu'il  ait  eu  besoin  de  recourir  à  des  faux  et  aux  mesquineries  que  lui  prêtent 
ses  deux  adversaires. 

2.  Mansi,  xvii,  ii5. 

3.  Jafîé,  3271  à  3370. 

4.  Ce  sont  les  fameux  documents  falsifiés  par  Photius  (Pour  la  discussion 
de  ces  textes  cf.  Héfelé-Delarc,  vi,  21  et  seq.  Hergenrôther,  n,  383-396). 
Grâce  aux  lettres  latines  authentiques  de  Jean  VIII  que  nous  possédons,  il 
est  facile  de  confronter  les  pièces  et  de  discerner  les  arrangements  et  cou- 
pures qu'y  apporta  Photius.  A  remarquer  que  la  lettre  du  Pape  porte  men- 
tion de  «  Basile,  Constantin,  Alexandre  >>,  tandis  que  l'apocryphe  de  Photius 
donne  «  Basile,  Léon,  Alexandre  ».  Pour  expliquer  cette  différence,  pas 
n'est  besoin  de  recourir  à  une  faute  de  copiste  (Héfelé-Delarc,  vi,  22').  La 
vérité  est  que  lorsque  Jean  VIII  écrivit,  en  août  879,  Constantin  n'était  point 
mort.  Basile  avait  relégué  dans  l'ombre  le  fils  de  Michel  et  les  ambassa- 
deurs ne  firent  probablement  connaître  au  Pape  que  le  nom  des  enfants 
légitimes  de  Basile,  bien  que  Léon  ne  fût  pas  un  inconnu  puisque  le  Con- 
cile de  869  le  mentionne  dans  ses  acclamations  à  côté  de  ses  frères  et  que 
les  lettres  de  Basile  à  Rome  datées  de  cette  t^poque  le  signalent  elles  aussi. 
Quand,  au  contraire,  Photius  falsifia  la  pièce,  Constantin  était  mort  et 
force  était  bien  à  Byzance  d'indiquer  la  personnalité  de  Léon  qu'on  n'avait 
pas  encore  songé  à  évincer  par  le  stratagème  de  Théodore  que  l'on  sait 
(cf.  infra,  1.  1,  ch.  m). 


ET    L  EMPIRE    BYZAM'IN 


du  Saint-Siège  et  rappelé  la  demande  de  Basile  en  faveur  de 
Photius,  le  Pape  agrée  la  réintégration  àe  son  confrère  d'Orient 
atin  que  l'Eglise  de  Dieu  ne  soit  plus  divisée  et  troublée  par  le 
scandale  «  ne  ecclesiam  Dei  tanto  jam  tempore  pertubatam  pa- 
teremur  amplius  nianere  divisam  scandaloque  commotam  »  vu 
que  le  patriarclie  Ignace  est  mort,  a  Ignatium  pise  memoriae 
patriarcham  de  presenti  vita  jam  migrasse  cognoscimus  »,  et 
à  cause  des  circonstances,  «  temporis  ratione  perspecta^  »,  bien 
qu'il  ait  usurpe  sans  l'assentiment  de  notre  siège  la  charge  qui  lui 
avait  été  interdite,  a  hoc  modo  decernimus  ad  veniam  pertinere 
quod  nuper  de  ipso  Photio,  licet  ipse  absque  consultu  sedis  nos- 
trae  officium  sibi  interdictum  usurpaverit  »  ;  2"  à  cette  réintégra- 
tion demandée  par  les  patriarcliats  d'Orient  et  les  églises  de 
Constantinople,  Jean  YIII  met  deux  conditions  :  à  savoir  que 
Photius  demande  pardon  devant  un  synode  et  dans  la  manière 
accoutumée,  et  qu'il  satisfasse  pour  sa  conduite  antérieure, 
«  eumdem  Photium  satisfaciendo,  miscricordiam  coram  synodo 
secundum  consuetudinem  postulantem...  recipimus  »  ;  3"  «à  la 
mort  de  Photius,  on  ne  choisira  pas  un  laïc  ou  un  dignitaire 
pour  lui  succéder,  mais  bien  un  cardinal-prétre  ou  un  diacre 
de  Constantinople;  4"  enfin  la  réintégration  de  Photius  n'a  lieu 
qu'à  la  condition  qu'il  ne  se  permettra  aucun  acte  dejuridiction 
ecclésiastique  sur  la  Bulgarie,  qu'il  n'ordonnera  aucun  évêque 
et  n'enverra  aucun  pallium  -. 

Telles  sont  les  conditions  essentielles  mises  par  Jean  YIII 
au  retour  de  Photius  au  pouvoir.  On  le  voit  donc,  c'est  une 
sorte  de  concordat  ou  de  traité  de  paix  passé  entre  les  deux 
cours,  un  «  donnant  donnant  »  profitable  aux  deux  pouvoirs.  Il 
me  semble  difficile,  après  cela,  d'incriminer,  comme  on  l'a  trop 
souvent  fait,  Jean  VIlI  pour  sa  conduite.  Cette  politique  était 
habile  de  part  et  d'autre  et,  en  fait,  eut  pour  l'Eglise  d'heureux 
résultats  puisqu'elle  ramena,  momentanément,  l'union.  Les 
événements  du  xi^  siècle  qui  brisèrent  pour  toujours  l'œuvre 
de  Jean  YIII  n'eurent  pas  de  points  d'attaches  directs  dans 
cette  mesure  de  clémence  et  de  sagesse.  Que  fut-il  advenu  si  le 
Pape,    sourd  aux  demandes  de  Basile,   point  ijiquiété   par   de 

I.  C'est-à-dire,  d'une  part  les  incursions  sarrasincs  et,  de  l'autre,  les 
affaires  de  Bénévent. 

3.  Mansi,  xvii,  187-139.  Je  n'ai  indiqué  que  les  conditions  d'ordre  géné- 
ral, celles  qui  ont  une  importance  réelle  et  politique. 

16 


BASILE    I 


dangereux  voisins,  eut  refusé  loflïe  de  l'Empereur?  C'est  là. 
assurément,  une  question  oiseuse  puisqu'elle  rentre  dans  l'infinie 
eatégorique  des  «  futurs  possibles  »  ;  mais  serait-il  téméraire  de 
croire  que  la  scission  des  deux  Eglises,  au  lieu  d'avoir  été  retar- 
dée se  fut  accomplie  dès  le  ix''  siècle?  Du  reste,  est-il  bien  juste 
de  faire  porter  à  Jean  YllI  la  responsabilité  d'événements  pos- 
térieurs qu'il  ne  pouvait  prévoir  et.  par  conséquent,  conjurer? 
Ce  qui  paraît  certain,  en  tous  cas.  c'est  la  parfaite  loyauté  du 
Souverain  Pontife  en  toute  cette  afl'aire.  Non  seulement,  aucun 
acte  de  son  pontificat  ne  contredit  ou  ne  rétracte  les  conditions 
posées  au  retour  de  Photius.  mais  lui-même,  dans  ses  autres 
lettres,  confirme  ces  conditions  et  pousse  la  condescendance 
jusqu'à  écrire  aux  ennemis  de  Pbotius  pour  les  réconcilier 
avec  leur  Patriarclie '.  Peine  perdue,  on  le  sait;  car  si,  sous  la 
menace  d'une  excommunication,  Stylianos  se  rappiocha  de 
Pbotius.  du  vivant  de  Jean  VIII,  il  se  dédommagea  au  cours 
des  Pontificats  suivants,  en  écrivant  le  terrible  réquisitoire 
qu'il  envoya  à  Etienne. 

Le  résultat  de  ces  faciles  et  lieureuses  négociations  dans  l'ordre 
religieux  ne  tarda  pas  à  se  manifester  dans  le  domaine  des 
choses  politiques.  Tandis  qu'à  Byzance.  Photius  était  ofïîcielle- 
ment  reconnu  par  les  légats  du  Souverain  Pontife,  en  Italie, 
les  dromons  de  Basile  venaient  au  secours  du  Pape  et  battaient 
les  Sarrasins.  La  lettre  de  Jean  YIII  au  spathaire  Grégoire,  datée 
du  19  octobre  879-,  laisse  bien  deviner  sa  joie  et  la  reconnais- 
sance qui  devait  être  sienne  en  contemplant  l'œuvre  de  sa  poli- 
tique. Aussi  est-ce  vraisemblablement,  sans  grande  inquiétude 
qu'il  vit  s'ouvrir  en  novembre  de  cette  même  année  le  singu- 
lier concile  qui  allait,  ofïîciellement,  réhabiliter  Photius. 

Mais  un  grave  événement,  dont  l'influence  devait  être  considé- 
rable sur  toute  la  fin  du  règne  de  Basile,  venait,  précisément,  de 
se  produire  à  Constantinople.  Constantin,  fils  aîné  de  Basile, 
était  mort  peu  de  temps  avant  l'ouverture  du  Concile.  Cette 
mort,  en  arrachant  à  Basile  tout  sérieux  espoir  de  se  survivre  à 
lui-même  dans  le  fils  qu'il  aimait  tant,  anéantissait  du  même 
coup  tous  les  rêves  d'avenir  que  le  rude  paysan  de  Macédoine 
avait  longtemps  caressés  pour  sa  véritable  et  légitime  famille. 


1.  Mansi,  xvii,  153.  I.otlre  102, 

2.  Jairé,  ;53o3. 


Il      I.  IvMPlKi:     BYZANTIN  l^^ô 

Par  elle,  tous  les  effoils  de  sa  vie  el  tous  les  résultats  de  ses 
crimes  se  trouvaient  doue  valus.  C'était  au  fils  de  sa  victime,  à 
Léon,  que  le  sceptre  allait  passer.  Cette  catastrophe.  Basile  ue  la 
supporta  pas.  Sou  esprit,  jusque-là  si  lucide,  s'obscurcit  soudain 
et  sa  volonté  si  tenace  s'aiVaiblit  rapidement.  A  partir  de  ce  jour, 
Basile  ne  fut  plus  lui-même,  et  désormais  ce  sont  des  intri- 
gants, des  criminels  ou  des  habiles  qui  gouverneront  en  son 
nom.  Kn  de  telles  conjonctures.  Photius  avait  beau  jeu  pour  agir  à 
sa  guise.  D'emblée,  il  devenait  le  chef  tout-puissant  de  l'Eglise 
et  toutes  les  ambitions  lui  dcA  enaient  permises.  Le  Concile  s'ou- 
vrit et  se  ferma  sans  que  Basile  y  parut,  sans  même  qu'il  y  fut 
représenté  comme  au  Concile  de  869  ^  chose  qui  serait  faite 
pour  surprendre  et  deviendrait  inexplicable  si  l'on  n'admettait 
pas  la  suprême. importance  que  nous  donnons  à  la  mort  de 
Constantin.  Photius  n'était  pas  homme  à  laisser  échapper  une 
occasion  aussi  favorable  à  la  réalisation  de  ses  plans.  Patriarche, 
il  l'était  donc.  Rome,  l'Orient,  Constantinople,  l'Empereur,  tout 
le  monde  le  reconnaissait.  Le  concile  n'était  plus,  par  consé- 
quent, pour  lui,  que  l'instrument  dont  il  devait  user  pour  son 
exaltation  personnelle.  En  cela  encore,  les  légats  le  servirent  à 
souhait.  Ignorant  le  grec,  ayant  besoin  d'interprètes,  d'une 
intelligence  très  mesurée,  à  ce  qu'il  semble,  les  deux  évêques 
latins  et  le  cardinal  Pierre  se  laissèrent  circonvenir  —  s'il  faut 
en  croire  les  actes  grecs  et  si  l'on  admet,  ce  qui  paraît  dilficile. 
qu'ils  ne  furent  pas  falsifiés  —  et  acceptèrent  tout  ce  que  Pho- 
tius voulut.  Or,  non  seulement,  au  cours  du  concile,  le  Pa- 
triarche n'accomplit  aucune  des  formalités  canoniques  exigées 
par  Jean  YIII  et  refusa  de  prendre  les  engagements  solennels 
que  le  Pape  lui  demandait  au  sujet  de  la  Bulgarie  et  de  l'éléva- 
tion possible,  à  l'avenir,  d'un  laïc  au  trône  patriarcal,  mais,  de 


I.  Les  ados  do  ce  concile  où  riircril  lus  les  lettres  et  les  documents  falsi- 
fiés par  Pholius  portenl  uiention  de  sept  séances  qui  s'échelonnent  entre 
novembre  879  et  mars  880.  De  ces  sept  réunions,  cinq  seulement  paraissent 
réellement  avoir  été  tenues.  I.es  deux  dernières  sont  probablement  apo 
cryphes  (Hcfelé-Delarc,  vi,  5o).  Elles  furent  composées  après  coup  par  Pho- 
tius pour  léfiitimcr  ses  controverses  dogmatiques  sur  le  «  Filioquc  ».  Le 
Patriarche  fait  présider  la  première  de  ces  deuv  dernières  séances  par  l'Em- 
pereur et  lui  fait  tenir  un  discours  sans  importance  dans  lequel  il  s'excuse 
de  n'avoir  pas  pris  part  au  concile.  Il  importe,  du  reste,  de  remarquer  que 
les  légats  signèrent  les  actes  à  la  fin  de  la  cinquième  sos><<ioii.  Oiinnf  à 
Basile,  sa  signature  ne  se  trouve  nulle  part. 


BA8ILE 


concert  avec  ses  amis  *  et  par  leur  intermédiaire  -,  très  résolu- 
ment, il  rejeta  la  suprême  autorité  du  siège  apostolique,  fit 
annuler  et  anatliématiser  les  actes  de  Nicolas  et  d'Hadrieu  ainsi 
que  le  VHP  Concile  œcuménique,  celui  de  869,  et  sur  les 
ruines  de  la  puissance  romaine  ainsi  définitivement  brisée, 
exalté  par  le  concile  pour  ses  vertus  et  ses  mérites,  fièrement, 
il  éleva  sa  propre  gloire  en  se  faisant  reconnaître  comme  le 
premier  de  tous  u  uàAÀov  oà  Tioor/tov  sx  Gsoj  o);  aoyupsùc  [xiyirs'zo:;  ». 
ayant  pouvoir  lier  et  de  délier -^  C'est  le  premier  pas  de  Pho- 
tius  sur  cette  voie  qui  allait  le  mener  loin,  c'est-à-dire  jusqu'à 
la  fameuse  conjuration  ourdie  par  lui  contre  l'Empereur,  dans 
l'espérance  de  prendre  tout  à  la  fois  en  mains  et  la  crosse  et  le 
sceptre. 

Nous  ne  savons  ({uel  fut  exactement  l'accueil  que  le  Pape 
réserva  aux  légats.  Les  lettres  de  Jean  Ylll  postérieures  au  con- 
cile semblent  montrer  qu'il  ne  connut  jamais  complètement  ce 
qui  s'était  fait  à  Constantiuople  ;  mais,  visiblement,  il  se  dou- 
tait de  quelque  chose,  car  les  deux  lettres  qui  nous  sont  parve- 
nues signées  de  son  nom  et  datées  du  i3  août  880  sont  pleines 
de  restrictions.  Dans  l'une,  adressée  à  Pliotius,  il  se  plaint  que 
ses  ordres  n'ont  pas  été  accomplis*  ;  aussi,  ne  ratifie-t-il  les 
actes  du  synode  constantinopolitain  que  d'une  façon  toute  con- 
ditionnelle :  «  Et  si  fortasse  nostri  legati  in  eadem  synodo 
contra  apostolicam  pra^ceptionem  egerunt,  nos  nec  recipimus, 
nec  judicamus  alicujus  existere  firmitatis  0,  preuve  évidente 
qu'il  n'a  pas  eu  sous  les  yeux  les  actes  du  concile.  Dans  l'autre, 
adressée  à  la  même  date  à  l'Empereur,  tout  en  le  remerciant 
de  ses  secours  militaires,  de  la  restitution  faite  à  l'Eglise  ro- 
maine du  couvent  de  Saint-Serge  à  Byzance  et  de  la  recon- 
naissance de  l'autorité  romaine  en  Bulgarie,  il  ajoute,  comme 
dans  sa  missive  à  Photius.  qu'il  ne  confirme  les  décisions  prises 
à  Constantiuople  lors  du  concile,  qu'autant  qu'elles  sont  en 
accord  avec  les  ordres  donnés  à  ses  légats.  Du  reste,  à  leurre- 
tour,  les  légats  eurent  le  sort  de  ceux  qui.  les  premiers,  s'occu- 


1 .  Ses  deux  principaux  ad\cisaircs,  Stylianos  cl  Mclrophaiics,  n'apparurent 
pas  au  concile. 

2.  Cf.  par  ex.  le  discours  de  Zachariede  Chalcédoine  à  la  première  session. 
Mansi,  xvii,  p.  38^. 

3.  Mansi,  xvn,  ooo. 

4.  Ibid.,  p.  i85. 


AMIN 

ièrent,  sous  Nicolas  I'^',  dos  affaires  de  Photius.  Ils  furent  cet 
sures  publiquement  et  ce  fut  Marin,  son  futur  successeur,  que 
Jean  VIII  chargea  de  porter  à  Constantinople  les  deux  lettres 
dont  nous  venons  de  parler.  L'histoire  ne  dit  pas  quelle  récep- 
tion fui  faite  au  légat,  mais  ce  qui  paraît  certain  c'est  que  l'ac- 
cord, un  instant  réalisé,  fut  de  courte  durée.  Probablement,  à 
l'instigation  de  Photius,  et  pour  répondre,  sans  doute,  à  la  nou- 
velle politique  du  Pape,  Basile  écrivit  une  fois  encore  à  Ha- 
drien III  une  lettre  très  violente  aujourd'hui  perdue.  Etienne  V, 
en  885,  lui  répondit  à  son  tour  S  mais  quand  la  lettre  arriva  à 
Constantinople,  Basile  n'était  plus.  Un  autre  avait  déjà  pris  sa 
place  et  s'apprêtait  à  venger  Rome,  en  se  vengeant  lui-même 
de  l'homme  qui,  durant  sept  années,  fut  par  son  grand  prestige 
et  son  audacieuse  fermeté  le  véritable  maître  de  l'Eglise  et  de 
l'Etat.  C'est,  en  effet,  à  partir  de  l'époque  où  Basile  eut  perdu 
Constantin,  que  Photius  et  Théodore  organisèrent  le  complot 
qui  devait  porter  le  Patriarche,  ou  à  son  défaut  un  de  ses  pa- 
rents, au  souverain  pouvoir.  Dès  le  Concile  de  879,  Photius 
avait  acquis,  comme  nous  l'avons  marqué,  l'omnipotence  reli- 
gieuse au  détriment  de  Rome.  Fort  de  ce  premier  triomphe,  il 
marcha  à  la  conquête  du  second,  qui  pouvait  lui  paraître,  vu 
les  circonstances,  plus  aisé  à  tous  égards.  Il  eût  alors  réalisé  le 
véritable  but  de  sa  vie  :  celui  de  créer  en  Orient  un  autre  Etat 
pontifical  dans  lequel  il  aurait  été  en  même  temps  Pape  et  roi. 
Il  échoua,  en  vérité  ;  mais  pour  autant  son  idée  ne  fut  pas  per- 
due. Deux  siècles  plus  tard,  Michel  Kerularios  essaya  de  la 
reprendre.  S'il  ne  fut  pas  plus  heureux  au  point  de  vue  poli- 
tique que  son  prédécesseur,  il  réussit,  du  moins,  au  point  de 
vue  religieux,  à  constituer  une  Eglise  autonome  dont  il  devint 
le  chef  incontesté.  Mais,  à  son  tour,  il  ne  pouvait  prévoir  que 
le  jour  viendrait,  dans  la  longue  suite  des  temps,  où  son 
exemple  serait  suivi  et  que,  de  son  Eglise,  péniblement  délivrée 
de  l'autorité  romaine,  d'autres  Eglises  se  détacheraient,  qui 
revendiqueraient  à  leur  tour  avec  autant  de  raison,  leur  auto- 
nomie et  leur  liberté. 


I.  La  lettre  d'Etienne  V  à  Basile,  datée  de  885,  est  très  obscure.  Le  Pape 
y  parle  de  mauvais  traitements  endurés  par  Marin  lors  de  son  séjour  à 
Byzance  ;  mais  à  lire  attentivement  le  texte,  on  peut  se  demander  si  le  fait 
ne  se  rapporte  pas  au  prciuier  voyage  de  Marin  en  8(39,  car  dans  tout  le  pas- 
sage il  s'agit  de  Nicolas  I"  et  des  premiers  événements  qui  suivirent  le  con- 
cile. (Mansi,  p.  .424  ad  fin.). 


2^6  BASILE    I 

Telle  fut  donc  l'œuvre  religieuse  de  l'Empereur  Basile.  Plus 
qu'aucune  autre,  elle  occupa  son  activité,  parce  qu'aucune 
n'avait  pour  lui  une  importance  plus  considérable.  Par  elle, 
surtout,  ce  semble,  nous  pouvons  juger  ce  que  fut  riiomme  et 
ce  que  fut  le  roi.  Incontestablement,  il  essaya  de  terminer  axec 
justice  le  conflit  qu'il  trouva  à  son  avènement;  incontestable- 
ment aussi,  il  essaya  d'imposer  avec  loyauté  la  paix  à  son 
Eglise.  Son  amour  de  la  justice  et  de  la  paix  ne  saurait  donc 
lui  être  équitablement  refusé.  Mais  si  grand  que  fut  son  désir 
de  conciliation,  si  sincères  que  furent  ses  efforts  pour  y  parve- 
nir, il  ne  consentit  jamais  à  leur  sacrifier  et  son  autorité  et  ses 
prérogatives.  Homme  de  gouvernement  avant  tout,  Basile  cher- 
cha, comme  c'était  son  droit,  à  faire  plutiM  œuvre  politique  que 
religieuse,  d'où  parfois  ses  revirements,  ses  prétendues  fai- 
blesses et  son  activité  cachée. 


Il 


Les  événements  que  nous  venons  de  relater  font  date  dans 
l'histoire  byzantine,  non  seulement  par  leur  importance  et  leur 
durée,  mais  aussi  et  surtout  par  les  idées  qu'ils  éveillèrent  et  les 
habitudes  qu'ils  engendrèrent.  Désormais  la  vie  intérieure  de 
l'Eglise  orientale,  qu'elle  soit  byzantine,  russe  ou  bulgare,  sera 
dominée  tout  entière  par  cette  double  conception  qui  a  ses  ori- 
gines premières  dans  le  schisme  de  Photius,  à  savoir  que 
l'Empereur,  suivant  ses  convenances  politiques,  fait  et  défait 
les  Patriarches,  c'est-à-dire,  pratiquement,  qu'il  est  maître  de 
l'Eglise  et  véritable  Patriarche,  et.  en  second  lieu,  que  Rome 
n'a  pas  à  intervenir  en  ces  sortes  de  conflits,  n'ayant  sur  l'en- 
semble de  l'Eglise,  aucun  pouvoir  judiciaire,  aucune  primauté 
effective.  Quels  genres  de  rapports  existe-t-il  donc  à  l'époque 
de  Basile,  soit  entre  le  Patriarcat  et  le  Palais  d'une  part,  soit 
entre  le  Pape  et  l'Empereur,  de  l'autre,  c'est  la  double  question 
qu'il  s'agit  d'examiner.  Commençons  par  la  seconde  de  ces 
deux  questions,  ^ous  retrouverons  la  première  un  peu  plus 
bas,  en  étudiant  l'organisation  de  l'Eglise  séculière. 

Lorsque  s'ouvre  la  lutte  entre  Ignace  et  Photius.  il  peut 
paraître,  à  première   vue.  que  l'union   la   plus  complète  règne 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  24 7 

entre  l'Eglise  de  Rome  et  celle  de  Constaiitinople.  La  primauté 
du  Pape  est  recounue  par  maints  témoignages  '  et  la  conduite 
que  tiennent  Patriarches,  moines  et  empereurs,  en  toutes 
circonstances,  semble  confirmer  par  des  faits  les  textes  les 
plus  précis.  Cependant  il  ne  faudrait  pas  s'y  trop  laisser 
prendre.  D'abord,  ce  furent  surtout  les  moines  qui  se  mon- 
trèrent résolus  partisans  de  la  primauté  pontificale,  et  cela  pour 
conserver  leur  indépendance  vis-à-vis  de  l'Empereur  comme 
vis-à-vis  du  Patriarche.  S.  Théodore  de  Stoudion,  comme 
Ignace  et  ïhéognoste  s'adressent  au  Pape,  non  pas  peut-être 
tant  parce  que  leur  foi  religieuse  leur  faisait  un  devoir  d'en 
appeler  au  souverain  Juge,  que  parce  qu'ils  savaient  fort  bien 
qu'à  Rome  seulement  ils  trouveraient  appui  et  protection  dans 
la  lutte  engagée  en  faveur  du  dogme  de  tous  admis.  Puis, 
incontestablement,  le  côté  politique  des  choses  joua  toujours 
un  grand  rôle  à  Byzance.  Les  uns  allaient  au  Pape  parce  que 
les  autres  s'en  séparaient,  parce  qu'il  représentait  la  seule 
autorité  vraiment  forte  qu'on  pût  opposer  à  l'Empereur,  parce 
qu'enfin  il  vivait  loin  de  tous  et  qu'ainsi  sa  personnalité  n'était 
point  trop  gênante.  En  fait,  dès  la  fondation  de  Byzance,  la 
primauté  romaine  fut  attaquée  avec  violence  et  amertume  ; 
jamais  l'Eglise  grecque,  dans  son  ensemble,  ne  la  voulut 
pleinement  et  franchement  admettre.  Néanmoins,  ce  n'est 
qu'au  ix*'  siècle,  à  l'époque  précise,  comme  on  l'a  remarqué  ^, 
où  commence  véritablement  au  point  de  vue  politique  le 
«  byzantinisme  »  que  la  scission  s'opère  et  que  les  bases  du 
schisme  sont  à  tout  jamais  posées.  L'époque  de  Photius  est 
donc  encore  une  période  de  transition  où,  plus  ouvertement 
que  par  le  passé,  les  deux  tendances  —  unioniste  et  séparatiste 
—  se  combattent  et  s'afQchent.  Oificlellement,  en  effet,  la 
primauté  romaine  est  encore  respectée.  Le  Patriarche  notifie 
au  Pape  son  élection  et  lui  envoie  le  symbole  de  sa  foi.  A  cette 
règle,  Photius  ne  manqua  pas^;  mais  c'est  bien  en  vain  qu'on 
chercherait  en  sa  longue  lettre  le  moindre  témoignage  de 
subordination.  D'un  bout  à  l'autre  de  l'épître,  Photius  se  place 
sur  le  même  rang  que  le  Pontife  de  Rome,  et  s'il  lui  envoie  le 
symbole  de  sa  foi,  c'est  uniquement,  comme  il  le  dit  lui-même, 

1.  Pargoiro,  Eglise  byzantine,  p.  289, 

2.  Rrumbacher,  Byzant.  Litter.,  p.  5. 

3.  Mignc,  Cil,  p.  585  ol  soq.  Lettre  I. 


2^8  BASILE    I 

afin  que  a  nous  nouions  avec  votre  sainteté  un  nœud  pur  et 
indissoluble'.  »  Vutrement  plus  intéressante,  à  ce  sujet,  est 
la  seconde  lettre  qu'il  écrivit  au  Pape  après  le  Concile  présidé 
par  Rodoald  et  Zacharie  en  86 1.  Très  nettement  Photius  met 
les  canons  ecclésiastiques  au-dessus  de  toute  autre  autorité. 
Si  Rome  a  des  règles  —  telle,  par  exemple,  la  loi  qui  interdit 
à  un  laïc  d'être  immédiatement  ordonné  évêque  —  que  Cons- 
tantinople  ne  reçoit  pas,  Gonstantinople  n'est  pas  tenue  de  les 
observer  - .  Seuls  sont  applicables  en  tous  lieux ,  les  canons 
établis  dans  les  conciles  œcuméniques  et  confirmés  par  le  suf- 
frage des  évêques^^  Le  principe  établi,  Photius  fait  alors  quelques 
concessions.  Il  veut  bien  se  soumettre  à  la  charité  paternelle 
((  du  pape  ))  ((  £V  Trâo-'.  oà  10  T.vJW^y^oy  t'?,  TraTO'.xr,  -ji/wv  avaTrrj  * 
et  reconnaître  l'intégrité  de  l'Eglise  romaine  point  divisée  par 
les  schismes  «  oAoxAYjOo;  y,  'PwtjLauov  'ExxAY,a-La  a-'jvTcT'/jpY.Ta»., 
0-yj.o- aaTixalç  où  |j.£piÇo[JL£VY,  |jLav'la!.?  '\  »  Il  eût  même  sanctionné 
tous  les  canons  établis  par  le  Pape  sans  l'Empereur  qui  l'en 
empêcha  ^.  Mieux  encore,  il  confesse  la  primauté  du  Souverain 
Pontife''  en  deux  mots  u  £v  ajTO^.;  tojtoivJ  izoùKtùt'.y  Aayojo-'.v  », 
mais,  pour  se  venger  tout  de  suite  en  donnant  au  Pape  des 
conseils  de  justice  et  d'équité  ^  qui  ne  cadrent  guère  avec  le 
respect  qu'un  inférieur  doit  à  son  supérieur.  Néanmoins  le 
mot  est  dit.  Sur  les  lèvres  de  Photius,  il  a  plus  de  valeur,  ce 
semble,  que  sur  celles  d'Ignace  et  des  religieux  qui  lui  étaient 
dévoués.  On  pourrait,  du  reste,  trouver  d'autres  textes  assez 
probants  qui  tous  confirment  la  foi  byzantine  en  la  primauté 
de  Rome^,  mais  qui.  replacés  dans  le  cadre  général  de  l'histoire, 
montrent  aussi  que  nous  sommes  à  une  époque  de  transition 


I. 

Mign 

e,  Cil,  p. 

58cf 

2. 

Ibid., 

600-601. 

3. 

Ibid., 

604. 

4. 

Ibid., 

609. 

5. 

Ibid., 

.  6i3. 

6. 

Ibid. 

7.  Cette  seconde  lettre  a  été  publiée  par  Jager  d'après  le  «  Tôtxo;  /ocpaç  » 
édité  à  Bucharest  en  1705.  Elle  s'arrête  précisément  à  ce  passage  sur  la 
primauté.  La  dernière  partie  de  la  lettre  n'existe  qu'en  traduction  latine. 
Cf.  Mai  Biblioth.  nov.,  IV,  p.  5o. 

8.  Migne,  Cil,  617, 

9.  N'est-ce  pas  Basile  lui-même  qui  écrivit  ces  mots  significatifs  :  «  quia 
in  sede  apostolica  immaculata  est  semper  catliolica  reservata  religio,  et 
sancta  celebrata  doctrina  »  (Mansi,  xvi,  p.  27). 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


transition  où  lentement  s'élabore  sur  le  vieux  fonds  reçu  une 
doctrine  nouvelle. 

Mais  l'autorité  du  Pape  se  manifeste  de  façon  plus  claire 
encore  à  cette  époque  à  propos  de  la  réunion  des  conciles  et  de 
leur  confirmation.  Dès  le  début  des  luttes  religieuses  qui  nous 
occupent,  l'Empeur  et  Photius  demandent  à  Rome  des  légats 
pour  ouvrir  le  concile.  Bien  visiblement,  on  constate  qu'à 
Byzance  comme  ailleurs,  chacun  a  le  sentiment  qu'aucune 
assemblée  conciliaire  ne  peut  être  générale  sans  l'approbation 
du  Pape  ^  On  se  passe  à  la  rigueur  des  représentants  de  Jéru- 
salem et  d'Alexandrie  :  du  Souverain  Pontife,  jamais.  De  plus, 
les  légats  du  Pape  (apocrisiaires,  topoterètes)  sont  reçus  avec 
un  honneur  spécial  :  ils  dirigent  les  délibérations  du  concile  et 
signent  les  premiers.  Qu'il  s'agisse  de  Rodoald  et  de  Zacharie, 
d'Etienne,  de  Donat  et  de  Marin,  même  du  cardinal  Pierre, 
au  synode  schismatique  de  879,  toujours  nous  trouvons  les 
ambassadeurs  romains  à  la  présidence  du  concile  -,  passant, 
quel  que  soit  leur  rang  hiérarchique,  avant  les  évêques, 
l'Empereur,  le  l^atriarche  ^.  Enfin  Rome  se  réserve  invariable- 
ment la  confirmation  des  faits  et  des  canons  décrétés  en 
séances.  \on  seulement  les  légats  de  869  font  accepter  aux 
évêques  la  clause  qui  accompagne  leur  signature,  par  laquelle 
ils  en  réfèrent  au  Pape  ;  non  seulement  nous  savons  avec  quelles 
restrictions,  plusieurs  fois  exprimées,  Jean  YIII  confirma  le 
concile  de  879,  mais  nous  voyons  qu'en  861,  Photius  mit  tout 
en  œuvre  pour  obtenir  des  légats  confirmation  de  la  déchéance 
d'Ignace,  preuve  manifeste,  ce  semble,  du  pouv^oir  reconnu  au 
Pape  par  l'Eglise  byzantine*. 

Cette  reconnaissanee  de  la  suprématie  pontificale  n'inclut 
pas,  toutefois,  la  reconnaissance  de  tous  les  droits  du  l^ape.  En 
fait,  il  faut  bien  remarquer  que  l'époque  oii  Photius  parle  avec 
respect  et  soumission  de  Rome,  correspond  à  un  moment  de 
son  histoire  où  il  espère  voir  son  élection  confirmée.  Pour  com- 
plaire au  Pape  dont  il  a  besoin,  il  a  accepté  quelques-uns  de 

1.  Quand,  du  rosto,  par  hasard,  Constantinople  oublie  ce  priiieipe, 
Rome  se  charge  de  le  lui  rappeler  (Lettre  de  Nicolas  à  Michel  VIIÎ. 
Mansi,  xv  p.  162). 

2.  C'est  mèine  une   condition  qu'impose  Hadrien  II  (Mansi,  wi.  p.  22). 

3.  En  8G9,  Marin,  simple  diacre  de  l'Eglise  romaine,  signe  avant  Ignace 
et  les  empereurs.  De  même  les  légats  en  879  (Mansi,  xviii,  50-). 

4.  Mansi,  xvi,  !i. 


'iôO  BASILE    T 

ses  décrets  et  c'est  pour  atteindre  ses  fins  qu'il  lui  écrit  sa 
seconde  lettre,  œuvre  très  habile,  destinée  à  faire  ratifier  les 
décisions  prises  à  Byzance.  Plus  tard,  il  ne  parleia  plus  de 
même  et  bien  évidemment  en  879,  il  souscrit  à  toutes  les  vio- 
lences de  langage  de  son  ami  Zacharie  de  Chalcédoine.  Mais 
l'opinion  de  Photius  et  de  ceux  qui  le  suivent,  pourrait  paraître 
insuffisante  à  qui  veut  se  rendre  compte  des  relations  qui 
unissent  l'Orient  et  l'Occident  à  cette  époque.  Bien  autrement 
lumineuse  est,  à  cet  égard,  la  question  de  Bulgarie.  Ici,  les 
rôles  se  trouvent  intervertis  et  c'est  un  ami  de  la  papauté,  son 
obligé,  Ignace,  qui  non  seulement  va  parler,  mais  agir.  Le 
patriarche  Ignace,  en  effet,  reconnaît  la  suprématie  pontificale: 
t(  Eorum  vulnerum  atque  livorum  qui  in  membris  hominis 
consistunt  multos  medicos  protulit  ars...  eorum  membris  sunt 
Christi  et  Dei  salvatoris,  omnium  nostrum  capitis,  et  sponsse 
catholica'et  apostolica^  ecclesite  unum  et singularem praecelleiitem 
atque  cathollcissimum  medicum  ipse  princeps  suminus  et  fortis- 
simus  sermo,  et  ordinator  et  ciirator  et  sotus  ex  toto  magister 
Deus  omnium  produxit,  vldelicet  iuam  fraternam  sanctitatem  et 
pateniam  almitatem  ^ .  » 

Lui-même,  du  reste,  fait,  sans  doute,  mémoire  à  l'olfice,  de 
certains  pontifes  romains,  comme  S*  Martin  u  archevêque,  de 
la  sainte,  catholique  et  apostolique  Eglise  de  Rome  -  »  pour 
manifester  l'union  qui  existe  entre  les  deux  Eglises  ;  mais  il  ne 
faut  rien  lui  demander  de  plus.  Tandis  que  Photius  s'abstient 
de  toute  juridiction  sur  territoire  romain  ou  revendiqué  comme 
tel,  en  Bulgarie,  tandis  qu'il  écrit  à  Nicolas  l'^'  :  «  Dans  l'intérêt 
de  la  paix  je  voudrais  rendre  aux  autres  ce  qui  leur  appartient 
de  droit...  quel  plaisir  n'aurais-je  pas  à  rendre,  si  personne  ne 
s'y  opposait,  ce  qui  appartient  légitimement  à  un  autre,  princi- 
palement à  un  Père  comme  vous^.  »  Ignace  lui,  dès  sa  réinté- 
gration, envoie  contre  l'ordre  de  Rome,  des  évêques  en  Bul- 
garie et  les  maintient  jusqu'à  sa  mort.  Rien  ne  l'arrête  ;  ni 
les  observations  du  Pape,  ni  ses  ordres,  ni  ses  menaces  d'ex- 
communication. On  dirait  qu'après  avoir  rendu  un  plato- 
nique témoignage  de  déférence  au  Pape  tant  qu'il  a  besoin  de 
lui,  dès  qu'il  est  redevenu  maître  de  son  Eglise,  il  ne  se  soucie 

1.  Mansi,  \vi,  47- 

2.  Dmitriovskij,  Typica,  p.  6. 

3.  Migno,  CIT.  Lettre  II,  p.  0i3-Ci5. 


ET     I.  EAIPIllE     BYZANTIN  •>.)l 

plus  d'une  autorité  religieuse  supérieure  :  il  s'appuie  tout  entier 
sur  l'Empereur  seul.  Je  sais  bien  que  son  panégyriste,  Nicétas, 
dit  qu'il  ne  pouvait  pas  faire  tout  ce  qu'il  aurait  voulu  ',  que 
l'Empereur  était  là  pour  lui  dicter  ses  ordres  et  cela  est  possible. 
N'est-ce  pas  précisément  ce  que  Photius  vient  de  dire  lui  aussi 
au  Souverain  Pontife?  Mais  si  vraiment  les  droits  du  Pape 
avaient  été  universellement  reconnus,  Ignace,  si  énergique 
d'ordinaire,  aurait-il  fléchi  dans  une  affaire  aussi  grave?  C'est 
peu  probable.  La  vérité  est  qu'on  tenait  essentiellement  à 
Byzance,  à  ne  pas  confondre  les  choses.  Si,  les  catholiques 
accordaient  à  Rome  une  primauté  d'honneur,  celle  dont  nous 
trouvons  trace  dans  les  différents  canons  du  concile  de  869  -; 
si,  en  cas  de  litige,  ils  s'adressaient  au  Pape  de  préférence  à 
tout  autre  ;  néanmoins,  à  des  degrés  divers,  ils  ne  voulaient 
plus  reconnaître  sa  primauté  de  juridiction.  Déjà  l'Empereur 
avait  remplacé  le  pontife  romain  dans  les  conceptions  reli- 
gieuses de  beaucoup,  et  s'il  y  a  encore  à  cette  époque  fluctua- 
tion et  variabilité,  c'est  que  nous  sommes  à  une  période  de 
crise  et  que  le  dénouement  n'a  pas  encore  eu  lieu  ^.  Aussi, 
n'est-il  pas  étrange  que  Rome,  consciente  du  péril,  fasse  tous 
ses  efforts  pour  maintenir  son  droit.  Chacune  des  lettres  ponti- 
ficales revient  sur  la  doctrine  de  l'autorité  conférée  à  Pierre  et 
à  ses  successeurs  u  pour  paître  les  brebis  et  les  agneaux  »,  c'est- 
à-dire  pour  gouverner  toutes  les  Eglises  de  la  terre.  Les  Papes 
le  disent  aux  Bulgares  comme  ils  le  disent  aux  Byzantins. 
Nicolas  P'  et  Hadrien  lll  interdisent  aux  Eglises  déjuger  Rome. 
Jean  VIII  écrit  à  Basile  *  :  u  . . .  sollicitudo  clementiœ  vestrte 
spiritu  Dei  incitata.  demonstrat  quae  in  catholica  ecclesia 
misericordem  per  auctoritatem  et  judicium  sedis  apostolicae 
quae  Christo  Domino  delegante,  totius  ecclesiœ  retinet  princi- 
patum  »,  rien  n'y  fait.  Le  jour  vient  où  Byzance  écoutera,  pour 
l'approuver,  la  voix  des  évéques  schismatiques  du  concile  de 
879  :  u  Nous  n'avons  qu'un  seul  pasteur,  le  très  saint  seigneur 
et  Patriarche  œcuménique  Photius.  »    u  Pour  tout  dire  en  un 


1.  Vit.  Ignat.,  p.  55o. 

2.  Marisi,  \vi,  p.  161  et  seq.  Initia,  Jus  eccles.,  II,  \\  et  seq. 

3.  C'est  ainsi  que  Stylianos,  dans  sa  lettre  au  pape  Etienne,  dit  formelle- 
ment encore:  «  Nous  savons  que  nous  devons  être  «jouNernés  el  conduits 
par  votre  siège  apostolique.  »  (Mansi,  vvi,  434 

4.  Ma  II  si,  \vn.  p.  186. 


202  BASILE    I 

mot,  l'Eglise  romaine  est  cause  de  tous  les  maux  qui  ont  fondu 
sur  notre  Eglise  ^.  » 

Ainsi  donc,  entre  85-  et  886,  la  primauté  d'honneur  est 
encore  reconnue  au  Souverain  Pontife  par  l'Eglise  byzantine; 
mais  déjà  sa  primauté  de  juridiction  tend  à  disparaître.  Les 
affaires  de  Photius  précipitent  le  mouvement.  Bien  rares  sont 
ceux  qui  vraiment  agissent  et  pensent  en  catholiques.  Sur  les 
ruines  du  pouvoir  pontifical  l'Empereur  édifie  sa  propre  autorité 
religieuse,  aidé  qu'il  est  par  nombre  d'évêques,  le  Patriarche 
en  tête.  Tandis  que  les  gens  d'Eglise  disputent  autour  de 
questions  secondaires,  Basile  revendique  une  autorité  plus 
haute  et  qui  ne  lui  appartient  pas  :  celle  de  délimiter  les  dio- 
cèses. Et  tout  le  concile  de  879  lui  accorde  ce  droit.  Vraiment, 
l'heure  n'est  pas  éloignée  où  le  Basileus  tout-puissant  sera 
maître  absolu  de  l'Eglise  comme  il  l'est  de  l'Etat,  et  où  le  «  césa- 
ropapisme  »  régnera  sans  contre-poids.  Aussi  est-ce  parce  qu'ils 
voient  nettement  le  danger  qui  menace  TEglise  orientale  que 
les  Souverains  Pontifes  d'alors,  comme  iNicolas  P'  et  Etienne  V, 
s'élèvent  avec  vigueur  contre  l'union  des  deux  pouvoirs  :  «  Il 
y  a  eu  dans  l'antiquité  des  rois  qui  étaient  aussi  prêtres,  dit 
Nicolas  -  ;  plus  tard  les  empereurs  païens  ont  été  aussi  en  même 
temps  u  pontifices  maximi  ».  Mais  le  christianisme  a  séparé  les 
deux  pouvoirs.  Les  empereurs  ont  besoin  des  pontifes  pour 
la  vie  éternelle  et  les  pontifes  n'ont  besoin  des  empereurs  que 
u  pro  cursu  temporalium  rerum  »,  et  Etienne  V  dit  de  même  à 
Basile  -^  :  ((  Bien  que  sur  terre,  vous  ayez  avec  le  Christ  une 
très  grande  ressemblance  quant  au  commandement,  vous  ne 
devez  avoir  cependant  que  le  souci  des  choses  de  ce  monde.  De 
même,  en  effet,  que  vous  tenez  de  Dieu  le  pouvoir  de  com- 
mander aux  corps,  nous,  par  le  coryphée  Pierre,  nous  com- 
mandons aux  âmes.  » 

Mais  si  l'autorité  du  Pape  en  matière  religieuse  tend  à  dispa- 
raître au  détriment  surtout  de  l'Eglise  byzantine,  grande  est 
encore  cependant  l'attraction  qui  attire  vers  Bome  les  pèlerins 
et  les  fidèles.  Le  Pape  possédait  à  Byzance  une  Eglise  latine  : 
Saint-Serge  ;  mais  il  est  peu  probable  que  ce  centre  romain 
ait  eu  une  véritable  influence  religieuse  et  politique  ;  si  le  Pape 

1.  Mansi,  xvii,  p.  385. 

2.  Cité  par  Héfelé-Delarc,  v,  556. 

3.  Mansi,  xvi,  421. 


ET  l'empire  byzantin  '^53 

paraît  généralement  bien  renseigné,  s'il  a,  malgré  tout,  des 
chrétiens  qui  lui  demeurent  attachés,  c'est  surtout  grâce  aux 
nombreuses  personnes  qui  venaient  à  Rome.  Nicolas  P'  le  dit 
formellement  à  l'empereur  Michel  ^  :  ((  Beaucoup  de  monde 
venait  au  tombeau  des  Apôtres,  d'Alexandrie,  de  Jérusalem,  de 
Gonstantinople,  du  Mont  Olympe.  »  Ces  pèlerins  comme  Théo- 
gnoste  étaient  pour  les  Souverains  Pontifes  de  précieux  auxi- 
liaires. Vussi,  pas  plus  les  empereurs  que  Photius  ne  voyaient- 
ils  avec  plaisir  ces  déplacements  pleins  de  danger  pour  leur 
autorité.  Michel  s'en  plaint  avec  amertuiTie  et  réclame  du  Pape 
le  renvoi  de  ces  moines  à  Byzance  pour  qu'ils  y  soient  punis  2, 
et  Photius,  avec  plus  de  diplomatie,  met  en  garde  son  confrère 
de  Rome  contre  ceux  qui  viennent  à  lui,  en  un  passage  très 
curieux  de  sa  seconde  lettre  à  ?sicolas  :  u  C'est  pourquoi  votre 
Béatitude  prenant  soin  de  faire  observer  la  discipline  ecclésias- 
ti([ue  et  suivant  la  droite  ligne  des  canons,  ne  doit  pas  recevoir 
indistinctement  ceux  qui  partant  d'ici,  s'en  vont  à  Rome  sans 
lettres  de  recommandation,  pas  plus  que,  sous  prétexte  d'hos- 
pitalité, elle  ne  doit  permettre  qu'ils  jettent  des  germes  de  dis- 
corde. Certes,  il  m'est  très  agréable  et  c'est  chose  avant  tout 
respectable,  que  de  vouloir  aller  auprès  de  votre  paternelle 
sainteté  et  de  jouir  de  la  trace  vénérable  de  ses  pas,  mais  cela 
ne  doit  pas  se  faire  à  notre  insu  et  sans  lettres  de  recommanda- 
tion, car  ce  n'est  chose  bien  reçue  ni  par  nous,  ni  par  les 
canons,  ni  par  votre  jugement  impartial  ^.  »  N'est-ce  pas  avouer 
le  déplaisir  causé  à  tous  par  ces  voyages  si  propres  à  éclairer 
le  Pape?  Mais  n'est-ce  pas  aussi  une  preuve  que  toute  foi 
romaine  n'était  pas  morte  encore  au  cœur  des  Byzantins  du 
ix''  siècle  P  Ces  faits  expliquent  bien,  ce  me  semble,  d'une  part, 
qu'après  la  chute  définitive  de  Photius^  l'union  ait  pu  être  réta 
blie  sans  trop  de  peine;  mais,  d'autre  part,  qu'il  ne  fallut  pas 
au  xf  siècle  un  effort  gigantesque  de  la  part  de  Kerularios  pour 
briser,  irrémédiablement  cette  fois,  le  fil  ténu  qui  reliait  entre 
elles  les  deux  Eglises  d'Orient  et  d'Occident.  Du  reste,  cette 
longue  querelle  eut  sur  les  rapports  de  Rome  avec  Byzance  un 
autre  contre-coup  :  elle  aigrit  les  esprits,  les  rendit  méfiants,  et 
la  haine  venant  s'ajouter  à  tant  d'autres  griefs,  diplomatiques 

1.  Lettre  VIII.  Mansi,  \v,  208. 

2.  Ihid.,  ibid.,  p.  307. 

3.  Lettre  II,  p.  617. 


204  BASILE    I 

et  disciplinaires,   devait  fatalement   aboutir  à  la  rupture  que 
nous  savons. 

Pour  être  complet,  il  faut,  en  terminant  ce  paragraphe,  ajou- 
ter quelques  mots  sur  les  relations  qui  unissaient  Byzance 
aux  autres  patriarcats  :  c'est-à-dire  aux  Eglises  d'Antioche,  de 
Jérusalem  et  d'Alexandrie.  Là,  bien  plus  qu'à  Rome,  l'Empe- 
reur semble  maître  des  communautés  chrétiennes.  Toutes,  en 
effet,  se  trouvent  être  sous  la  domination  musulmane  et  c'est, 
par  l'intermédiaire  des  princes  arabes  que  le  Basileus  est  en 
rapport  avec  les  chefs  ecclésiastiques.  Dès  que  Basile  arriva  au 
pouvoir,  il  envoya  des  présents  à  l'émir  de  Syrie,  et  écrivit  ^ 
pour  le  prier  de  bien  vouloir  laisser  partir  des  représentants  de 
ses  divers  sujets  chrétiens,  afin  qu'ils  réglassent  à  Byzance  des 
questions  d'ordre  ecclésiastique.  Les  Eglises  orientales  jouis- 
saient à  cette  époque  d'une  certaine  liberté.  Sous  le  couvert 
d'une  mission  politique,  Aclimed  fit  droit  à  la  demande  de  l'Em- 
pereur et  envoya  à  Constantinople  Elie,  syncelle  du  Patriarche 
de  Jérusalem  et  Thomas,  archevêque  de  Tyr,  puis,  plus  tard 
Joseph,  représentant  de  Michel,  patriarche  d'Alexandrie.  Mais 
déjà  la  domination  arabe  avait  singulièrement  affaibli  le  cou- 
rage de  ces  pauvres  Patriarches.  En  868  comme  en  879,  ils 
font  triste  figure  à  côté  de  leurs  confrères  grecs  et  latins.  Us  sen- 
taient que  sur  eux  les  menaces  de  persécutions  étaient  toujours 
suspendues  et  bien  plus  que  les  intérêts  religieux,  ce  sont  leurs 
intérêts  propres  qu'ils  viennent  plaider  en  concile.  Achmed,  en 
autorisant  ses  sujets  à  s'embarquer  pour  Constantinople,  avait 
demandé  la  délivrance  des  prisonniers  sarrasins  retenus  en 
terre  byzantine.  Aussi  est-ce  surtout  vers  ce  résultat  que  tendent 
tous  leurs  efforts.  Qu'on  leur  accorde  ce  que  réclame  leur 
maître,  qu'on  leur  donne  de  l'argent  et  ils  signeront  tout  ce  que 
les  conciles  exigeront  -.  Us  votent  contre  Photius  parce  qu'ils 
savent  que  l'Empereur  est  contre  lui  ;  ils  a  otent  pour  lui  lors- 
qu'ils voient  le  Patriarche  tout-puissant  ;  ils  votent  contre  les 
légats  dans  l'affaire  de  Bulgarie,  parce  qu'ils  savent  que  tel  est 
le  désir  de  Basile.  Et  pouvait-il  bien  en  aller  autrement?  Pour 
eux,  l'Empereur  est  leui*  seul  appui.  Le  mécontenter,  c'est 
mécontenter  l'Emir  qui  commande  alors  en  Syrie  et  en  Egypte. 


1.  Vit,  Ignai.,  p.  644. 

2.  Mansi,  xvi  et  xvii.  Conciles  de  SCxj  cl  de  879. 


ET    L  EMPIUi:    BVZVMIN  23,) 

et  par  là  alliicr  sur  leur  chétive  Eglise  de  rudes  représailles. 
Rome  est  trop  loin  et  pour  eux  ne  peut  rien.  Byzance,  au  con- 
traire, est  proche.  Leur  prince  est  en  rapports  constants  —  belli- 
queux: ou  pacifiques  —  avec  l'Empereur.  C'est  donc  du  côté  de 
la  nouvelle  Rome  qu'il  faut  tourner  les  yeux  ;  c'est  là  qu'il  faut 
aller  chercher  le  mot  d'ordre  et  l'union  protectrice,  et  voilà 
pourquoi  nous  voyons,  malgré  les  lettres  des  Papes  et  les  pèle- 
rinages de  ces  Eglises  aux  tombeaux  des  Apôtres,  les  Patriarches 
graviter  autour  de  Byzance.  accepter  sa  discipline  et  sa  théolo- 
gie, marcher  dans  son  sillage  et  suivre  sa  fortune  ^. 


11 


C'est  surtout  par  son  côté  extérieur  que  nous  avons  jusqu'ici 
étudié  l'Eglise  byzantine.  Ses  luttes,  sa  politique,  ses  rapports, 
avec  les  puissances  qui  l'entourent  —  civiles  et  religieuses  — 
appartiennent  à  l'histoire  générale  ;  mais  pour  la  plus  complète- 
ment connaître,  il  faut  pénétrer  à  l'intérieur  du  sanctuaire, 
examiner  sa  constitution  intime  et  noter  les  manifestations  de 
la  A'ie  qui  l'anime.  C'est  ce  qu'il  reste  à  faire  en  étudiant  l'or- 
ganisation séculière  et  régulière  de  l'Eglise,  le  droit  qui  la  régit, 
la  liturgie  et  la  discipline  qu'elle  observe  comme  aussi  les  mis- 
sions qu'elle  dirige  pour  accomplir  son  œuvre  apostolique. 

A  la  tête  de  l'Eglise  byzantine  se  trouve  le  Patriarche  —  le 
Pape  de  la  u  nouvelle  Rome  ».  Il  est  dans  l'ordre  des  choses 
religieuses  ce  qu'est  l'Empereur  dans  l'ordre  des  choses  tempo- 
relles. ((  l'image  Aivante  et  animée  du  Christ,  exprimant  par 
ses  œuvres  et  ses  paroles,  la  vérité-.  »  A  lui  revient  l'obligation 
par  sa  piété  et  la  sainteté  de  sa  vie  de  garder  les  âmes  que  Dieu 
lui  a  confiées,  comme  de  ramener  à  l'union  et  à  la  foi  les  héré- 
tiques, comme  de  convertir  les  infidèles  ^.  Aussi  doit-il  être 
apte  à  enseigner,  juste  et  bon  envers  tous,  doux  dans  ses  juge- 

2.  On  trouvera  d'intcressants  détails  sur  riiisloire  inlérioiire  de  l'Eglise 
de  Jérusalem  au  ix"  siècle  dans  la  vie  de  saint  Théodore  d'Edesse  pidiliée 
par  M.  Pomialovskij  ;  dans  Bernard  le  Moine  qui  voyagea  en  Palestine  en  870 
et  dans  le  récit  du  inoine  Epipliane  publié  dans  la  Soc.  orthodoxe  de  Pales- 
tine, VI,  188O. 

2.  Kpanag.,  t.  III,  §  i,  p.  ()7. 

3.  Ibid.,  §  2. 


256  BASILE    I 

ments,  plein  de  zèle  pour  corriger  les  désobéissants,  courageux 
quand  il  s'agit  de  la  défense  de  la  vérité,  fier  devant  les  Empe- 
reurs ^  car  c'est  lui  seul,  le  Patriarche  qui  doit  interpréter  les 
lois  ecclésiastiques  et  juger  en  ces  sortes  de  matières  '^.  Mais, 
parce  que  telle  est  sa  fonction,  parce  que,  comme  l'Empereur, 
il  doit  veiller  à  la  conservation  de  la  paix  et  du  bonheur  des 
sujets,  il  doit  y  aA  oir  concorde  et  harmonie  entre  les  deux  pou- 
voirs 3,  ce  sans  quoi  la  société  est  bouleversée  et  l'union  com- 
promise :  on  ne  le  savait  que  trop  à  Byzance,  Dès  lors,  rien 
d'étonnant  que  le  cérémonial  ait  placé  à  peu  près  sur  le  même 
rang  l'Empereur  et  le  Patriarche.  Si  tous  deux  ont  leur  demeure 
terrestre  près  de  celle  de  Dieu  dont  ils  sont  les  représentants 
ici-bas,  tous  deux  se  rencontrent  quand  il  s'agit  d'honorer  «  la 
très  sainte  Trinité.  »  \  toutes  les  fêtes  religieuses,  basileus  et 
Patriarche  sont  présents  à  Sainte-Sophie  pour  pontifier  suivant 
la  liturgie.  Rien  ne  se  fait  sans  l'intime  collaboration  des  deux 
pouvoirs.  Si  l'Empereur  a  sa  place  déterminée  et  ses  fonctions 
réelles  à  l'office,  le  Patriarche  a  la  sienne  dans  les  cérémonies 
profanes.  L'un  nomme  aux  grandes  charges  et  l'autre  consacre, 
confirme  par  ses  prières  l'œuvre  du  premier.  Qu'il  s'agisse  du 
couronnement  impérial,  de  l'élection  d'un  César,  d'un  nobilis- 
sime  ou  d'un  patrice,  toujours  et  partout  nous  voyons  appa- 
raître les  deux  représentants  de  Dieu.  Aussi  le  cérémonial  byzan- 
tin a-t-il  eu  soin  de  donner  au  Patriarche  une  place  à  part  dans 
les  grandes  fêtes  du  Palais.  A  la  table  impériale,  seul  il  a  le  droit 
de  s'asseoir  à  côté  et  avant  le  césar,  le  nobilissime.  le  curo- 
palate,  le  basileopator  et  la  patricienne  à  ceinture  *.  Chaque  fois, 
il  est  invité  officiellement  par  l'intermédiaire  du  cubiculaire  et 
du  silentiaire  de  service  '\  et  jamais  l'un  n'aborde  l'autre  offi- 
ciellement sans  lui  donner  un  fraternel  baiser.  Mais  cette 
intime  collaboration  des  deux  pouvoirs  se  manifeste  autrement 
que  par  de  simples  formes  extérieures.  De  même  que  l'Empe- 
reur s'occupe  activement  des  affaires  religieuses,  le  Patriarche, 
de  son  côté,  s'occupe  des  affaires  civiles.  Il  prend  part  aux  con- 
seils d'Etat  qui  traitent  de  choses  purement  laïques    N'est-ce 


i.  Epanay.,  t.  III,  S  3. 
3.  Ibid.,  S  A,  6. 
-d.  Ibid.,  S  8,  p.  67-68. 
A.  Cerem.,  iS^i. 
5.  Cerem.,  3o8. 


i:i      I,  KMPIUK    BVZAM  1\  liJ'J 

pas  Michel  Rhaiigabe  qui  convoqua  le  Patriarche  pour  savoir 
s'il  convenait  de  taire  la  paix  avec  les  Bulgares  '  ?  Il  juge  dans 
les  grands  procès  quand  il  s'agit  de  crimes  d'importance'-  : 
lorsque  Basile  se  crut  trahi  par  son  fds  Léon,  Photius  assista 
comme  juge  au  procès  qui  lui  fut  intenté.  Il  fait  souvent  partie 
du  conseil  de  tutelle,  lorsque  l'Empereur,  en  mourant,  laisse 
des  enfants  mineurs.  Ce  fut.  entre  autre,  le  cas  à  la  mort 
d'Alexandre,  fils  de  Basile.  Le  patriarche  Nicolas  fut  appelé  au 
conseil  et  eut  sa  part  dans  l'administration  de  l'Empire  -K  Mais 
cette  autorité  du  Patriarche,  même  en  matière  civile,  n'était 
qu'une  conséquence  assez  naturelle  de  l'autorité  qu'il  avait 
comme  chef  de  l'Eglise.  Là,  en  effet,  l'évêque  de  Constanti- 
nople  était  souverain  absolu.  L'Epanagoge  ^  a  longuement 
détaillé  les  droits  du  Patriarche  au  point  de  vue  religieux,  droits 
que  le  concile  de  869  avait  déjà  précisés.  Seul,  le  Patriarche  a 
mission  d'interpréter  en  dernier  ressort  la  jurisprudence  ecclé- 
siastique, car  il  est  juge''.  Les  plus  graves  affaires  doivent  être 
portées  devant  son  tribunal  et,  dans  les  assemblées  synodales, 
il  est  toujours  le  premier^.  Non  seulement  il  a  le  soin  et  la  solli- 
citude des  métropoles,  des  évêchés  et  des  monastères  qui  relè- 
vent de  sa  juridiction,  et  là,  évidemment,  il  a  le  droit  de  juge- 
ment et  de  condamnation,  mais  encore  il  peut  exercer  ces 
mêmes  droits  déjuge  dans  les  autres  provinces  qui  ne  dépendent 
pas  de  lui  et  dans  lesquelles  la  «  stauropigie  »  ne  lui  appartient 
pas  ''.  Enfin,  suivant  la  prescription  formelle  du  concile  de  869, 
c'est  devant  le  Patriarche  seul,  et  non  devant  les  métropolitains 
et  évêques  voisins,  que  doivent  se  juger  les  affaires  en  litige 
concernant  tel  métropolitain  ou  évoque'^. 

Tant  de  pouvoir  et  d'autorité  de  la  part  du  Patriarche  n'allaient 
pas  sans  d'assez  graves  inconvénients.  Par  la  force  même  des 
choses,  des  empiétements  de  juridiction  étaient  à  craindre  aussi 

I.  Thcoph.,  999. 

•.i.  Syiii.  ^^af,^,  ch.  \\r,  p.  7(50. 

3.  Ccdrenus,  i,  ii05.  Léon  (iraniiii.,  iiai. 

4.  Tout  le  litre  III  est  consacré  à  ce  sujet. 

5.  Epancuj.,  t.  III,  §  5  et  G,  pp.  67,  (38. 
6   IhicL,  S  6. 

7.  Ibid.,  S  10.  La  stauropiffie  «  aTaj&orr.y'.a  »  est  le  droit  (ju'acquiert  un 
évêque  sur  une  église  ou  vin  monastère  du  fait  (pi'il  plante  la  croix  sur 
le  lieu  où  s'élèvera  l'édifice. 

8.  Cuu.  WVI.  \fansi.  xvi,    177. 

17 


358  BASILE    I 

bien  de  la  part  de  l'Empereur  dans  le  domaine  religieux  que  de 
celle  du  Patriarche  dans  le  domaine  temporel,  et  c'est  ce  qui 
arriva  précisément  à  l'époque  de  Pliotius.  Son  histoire  n'est, 
en  réalité,  comme  nous  l'avons  remarqué,  qu'un  épisode  de  la 
sourde  lutte  engagée  entre  les  deux  autorités  pour  se  mutuelle- 
ment supplanter.  C'est,  du  reste,  dans  l'espérance  d'éviter  ce 
danger  qu'on  essaya,  mais  bien  en  vain,  d'élever  quelques  fra- 
giles barrières  entre  les  deux  pouvoiis.  A  son  couronnement, 
l'Empereur  doit  signer  un  chirographe  par  lequel  il  promet 
de  ne  rien  entreprendre  contre  l'Eglise  et  les  dogmes  fixés  par 
les  SS.  Pères  ^  parce  qu'il  est  établi  tout  d'abord  pour  conserver 
la  doctrine  définie  par  les  conciles-.  De  son  côté,  à  son  élection 
le  Patriarche,  en  un  acte  solennel,  jure  par  écrit  de  respecter 
l'autorité  civile.  «  En  prenant  en  mains  les  rênes  de  l'Eglise, 
dit  S.  Ignace,  j'ai  fait,  par  écrit,  le  serment  de  ne  jamais  médi 
ter  contre  votre  Empire  de  trames  ni  de  dommages  •^.  »  Jamais 
non  plus  il  ne  devait  donner  de  mauvais  conseils  sur  ce  délicat 
sujets  Mais  évidemment,  le  meilleur  moyen  pour  l'Empereur 
d'éviter  tout  danger  était  encore  d'avoir  la  haute  main  sur  les 
élections.  Malheureusement  pour  lui,  jusqu'au  x"  siècle,  les 
règles  canoniques  étaient  trop  fixes,  sa  participation  au  choix 
patriarcal,  trop  nettement  définie  pour  qu'il  pût  être  sans  con- 
teste maître  de  l'élection.  Sans  doute,  l'Empereur  avait  bien  à 
son  service  la  force  :  un  coup  d'audace  lui  était  toujours  pos- 
sible. Seulement  c'était  chose  dangereuse.  Invariablement  de 
telles  élections  préparaient  pour  l'avenir  des  troubles  religieux. 
Mieux  valait  les  éviter.  Aussi  —  surtout  après  le  schisme  de 
Photius  —  les  empereurs  préférèrent-ils  prendre  un  autre  che- 
min. Ils  s'arrangèrent  à  faire  élire  des  membres  de  leur  famille, 
des  hommes,  par  conséquent,  qui,  par  leur  entourage,  leurs  tra- 
ditions, leurs  intérêts  même,  étaient  aisément  maniables.  Ce  fut 
le  cas  lors  de  la  déposition  de  Photius.  Léon  VI  s'empressa  de 
faire  nommer  patriarche  son  frère  Etienne,  fils  cadet  de  Basile. 
Plus  tard  il  en  ira  de  même  de  Théophylacte  et  de  bien  d^autres. 
Ce  résultat  obtenu,  les  empereurs  jmrent  alors,  vers  la  fin  du 


1.  .1/10.  de  Combefis,  Migne,  C\  III,  p.  1016, 

2.  Epaiiag.,  t.  II,  S  A,  p.  67- 

3.  Vit.  lynat.,  5o5. 

4.  Ibid.,  5o5. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  20g 

x"  siècle,    faire  moHifirr  n  leur  profit   le    modo  d'élection    du 
Patriarche. 

L'élection  patriarcale  devait  donc  être  le  grand  souci  du 
basileus,  comme  c'était  pour  l'Eglise  un  des  événements  les 
plus  graves  de  sa  vie  habituelle.  Depuis  Tavènement  de  Pho- 
tius,  il  était  interdit  de  choisir  un  laïc.  Seul  un  clerc  pouvait 
être  désigné  et  encore  devait-il  avoir  franchi  tous  les  degrés  de 
a  hiérarchie  et  y  avoir  fait  ses  preuves.  Cette  règle,  du  reste, 
était  plus  ancienne,  même  à  Byzance,  que  Photius,  puisque 
nous  savons  qu'à  l'avènement  de  Nicéphore,  au  début  du 
ix*'  siècle,  les  deux  fameux  ascètes  de  l'Olympe,  Platon  et  Théo- 
dore, rompirent  tout  rapport  avec  lui  précisément  parce  qu'il 
était  laïc  ^  bien  que,  d'autre  part,  il  eût  été  régulièrement 
élu.  Jusqu'à  la  seconde  déposition  de  Photius,  les  règles  cano- 
niques pour  l'élection  patriarcale  étaient  très  simples.  Nicétas 
David  nous  a  raconté  comment  S.  Ignace  fut  nommé-.  \  la 
mort  de  Méthode,  l'impératrice  Théodora  envoya  consulter 
St-Joannice  à  l'Olympe  sur  le  choix  du  futur  Patriarche.  Celui- 
ci  désigna  Ignace  et  les  évêques  comme  le  peuple  l'élurent.  Ce 
récit  doit  être  véridique,  car  il  cadre  tout  à  fait  avec  ce  que 
nous  savons  des  différents  facteurs  qui  concouraient  à  l'élec- 
tion. Partout  et  toujours  quand  l'élection  se  fait  régulièrement, 
nous  voyons  intervenir  à  cette  époque  les  prêtres,  le  peuple  et 
l'Empereur.  Ce  fut  le  cas  pour  Nicéphore  ^,  comme  ce  fut  le  cas 
pour  Ignace,  et  au  début  du  x-  siècle  pour  Antoine  Kauleas  *. 
Nicolas  I.  dans  sa  lettre  à  l'Empereur  Michel,  le  dit,  du  reste, 
positivement.  Personne  ne  peut  recevoir  la  charge  patriarcale 
«  sine  ecclesiasticae  plebis  consensu  atquc  imperiali  suffra- 
gio  ^.  »  Mais  quelle  était  la  composition  de  ces  divers  éléments 
et  quelle  était  leur  importance  ?  L'élection  de  Nicolas  Kauleas 

1.  Theoph.,  p.  968. 

2.  Vit.  Ignat.,  5o3. 

3.  Cedrenus,  917  ;  Theoph.,  968. 

4.  Migne,  t.  CXI,  p.  190.  Papadopoulo  Kerameus,  Sbornik,  t.  I,  12^^. 

5.  Mansi,  xv,  171.  En  861,  cette  règle  était  encore  en  vigueur,  car  au 
Concile  de  Gonstantinople  de  cette  année-là,  leprotospathaire  Jean  explique 
aux  légats  qu'à  la  mort  du  Patriarche,  l'Empereur  convoquait  tous  les 
évêques,  prêtres,  abbés  et  diacres  pour  leur  donner  l'ordre  de  choisir  celui 
que  Dieu  leur  suggérerait  d'élire  Patriarche  et  l'ordre  de  lui  apporter  le 
décret  d'élection.  Celle-ci  faite,  ils  l'annoncent  à  l'Empereur  qui  accepte 
l'élu  et  ceux-ci,  à  leur  tour,  le  reçoivent  (VVolf  von  (jlanvell,  1.  IV. 
ch.  CGccxxvui,  p.  6o4). 


26o  BASILE    I 

nous  l'apprend.  Le  groupe  des  prêtres/ qui  faisait  vraiment 
rélection,  était  forme  des  évêques,  des  prêtres  et  des  moines  ; 
le  groupe  du  peuple,  qui  paraît  surtout  avoir  eu  un  rôle  con- 
sultatif, était  représenté  par  le  sénat  ^  ;  l'Empereur  intervenait 
pour  confirmer  l'élection. 

Ces  règles  étaient  celles  que  l'Eglise  universelle  avait  toujours 
admises.  Elles  sauvegardaient  tous  les  intérêts.  Mais  après  les 
événements  religieux  du  ix*"  siècle,  en  présence  des  empiéte- 
ments tentés  par  Photius,  les  empereurs,  comme  nous  l'avons 
remarqué,  cherchèrent,  sans  violence,  à  augmenter  leur  pou- 
voir au  sein  du  ((  conclave  »  qui  nommait  le  Patriarche.  Déjà, 
dans  sa  lettre  à  Nicolas  1,  Photius  avoue  qu'il  a  été  élu  par  le 
clergé,  évêques  et  métropolitains  et  «  avant  eux,  mais  avec  eux  » 
par  l'Empereur-.  Toutefois,  le  véritable  témoin  de  cette  trans- 
formation canonique  est  le  chapitre  du  Livre  des  «  Cérémonies  » 
qui  traite  de  l'élection  patriarcale.  Ce  chapitre  appartient  vrai- 
semblablement au  x^  siècle  ^.  Il  fixe  une  procédure  tout  à  fait 
différente  de  celle  que  nous  venons  d'étudier.  Dès  que  le 
Patriarche  est  mort,  l'Empereur  ordonne  aux  métropolitains  de 
choisir  trois  candidats.  Les  métropolitains  se  réunissent  à  S'^- 
Sophie  dans  la  partie  réservée  aux  catéchumènes,  élisent  les 
trois  sujets  et  font  connaître  leur  choix  à  l'Empereur.  Celui-ci 
les  reçoit  au  Palais.  On  lui  remet  par  écrit  les  noms  des  candidats 
et  si  le  choix  des  évêques  est  tombé  sur  celui  que  l'Empereur 
veut  voir  Patriarche,  on  procède  à  la  consécration.  Dans  le  cas 
contraire,  le  basileus  impose  son  candidat  :  «  'Evw  tôv  (6  onva) 
HiUû  YcvÉo-Ba'..  »  Les  métropolitains  accèdent  alors  à  la  volonté 
de  l'Empereur  et  l'on  s'en  va  en  procession  à  la  Magnaure  avec 
les  métropolitains,  le  sénat,  les  dignitaires  ecclésiastiques,  le 
clergé  et  les  moines.  Là,  l'Empereur  en  présence  de  tous  pro- 
nonce   la  formule  :    «     H  hdy.  y^ào»,;  xal  s;  aJTr|ç    Baa-O.sia   -r.^txov 


1.  L'Impératrice  Irène,  à  la  mori  du  patriarche  Paul,  réunit /o«/  le  peuple 
à  la  Magnaure  et  lui  demanda  conseil.  Tous  proposèrent  Tarasius  (Theoph., 
924).  On  reconnaîtra  facilement  le  Sénat  dans  cette  assemblée  de  la 
Magnaure.  De  même  sous  Léon  l'Arménien,  lors  de  l'élection  de  Théodote 
Kassiteras,  on  avait  proposé  d'abord  un  certain  Jean  ;  ce  furent  les  patrices 
qui  s'opposèrent  à  cette  élection,  parce  que  Jean  était  trop  jeune  et  de  trop 
vulgaire  naissance  «  à'f  avri?  ».  Ils  demandèrent  un  fils  d'illustre  famille 
{Anon.  de  Combefis,  io36). 

2.  Photius,  Epit.  II,  p.  588. 

3.  Cerem.,  1.  II,  ch.  xiv,  p.  io4o. 


ET    I/EMPIRE    BYZA\TI\  9.f5l 

izpo^ÔLWfzoLi  TGV  îJAaêio-TaTOv  toOtov  TzaTpLàpyr.v  Ko)VTTavTt.vou'7t6- 
Aîioç.  ))  Puis,  les  présentations  faites,  on  conduit  solennelle- 
ment le  nouveau  Patriarche  dans  le  palais  et  le  dimanche,  ou 
le  jour  de  fête  suivant,  il  est  consacré  à  S'^-Sophie,  en  général 
par  l  evêque  d'Héraclée  ^. 

On  le  voit  donc  ;  entre  le  ix*'  et  le  x"  siècle,  l'ancien  mode 
d'élection  est  tombé  en  désuétude.  L'Empereur,  tout  en  laissant 
faire  un  simulacre  de  choix,  accapare  à  son  profit  le  premier 
rôle  et  désormais,  peut-être  parla  faute  de  Photius,  le  Patriarche 
devient  la  créature  du  basileus.  C'est  là  une  des  premières  con- 
séquences de  la  crise  politico-religieuse  que  nous  avons  signalée 
plus  haut. 

La  haute  situation  du  Patriarche  dans  l'Empire  lui  faisait  une 
obligation  d'avoir  autour  de  lui,  comme  l'Empereur,  une  véri- 
table cour  et,  pour  l'administration  des  choses  ecclésiastiques, 
un  nombreux  personnel  d'employés  de  tous  genres.  Auprès  du 
Patriarche  se  trouvait,  en  effet,,  autrefois  comme  aujourd'hui, 
le  synode.  Ce  synode  permanent  «  T'jyooo:;  £vo7,u.o*JTa  »  dont 
Nicetas  appelle  les  membres  «  ol  Aoyàoî;  »  '^  était  composé  de 
métropolitains  et  d'archevêques '^.  Il  dirigeait  les  affaires  ecclé- 
siastiques, jugeait  dans  les  plus  grandes  causes  canoniques, 
donnait  son  avis  au  Patriarche.  C'est  lui,  sans  doute,  qui  avait, 
avant  la  réglementation  des  élections  pontificales  au  x''  siècle, 
la  part  prépondérante  dans  le  choix  du  premier  évêque 
d'Orient*.  Ce  conseil,  du  reste,  n'était  pas  de  date  récente.  Dès 
l'époque  d'Honorius  et  de  Théodore  il  est  mentionné  dans  les 
textes  juridiques  et  fonctionnait  comme  tribunal  suprême  dans 
les  affaires  d'ordre  législatifs  Comme  les  dignitaires  romains 
qui  forment  autour  du  Pape  le  Sacré-Collège,  les  évêques 
qui  composent  le  synode  doivent  jurer  par  écrit  fidélité  au 
Patriarche  ^.  S'ils  lui  promettent,  en  effet,  conseil  et  assistance, 


1.  Cf.   Cotlarciuc,   Die  Besotzungsweise  des  schismatischon  Patriarchal- 
stuhles  von  Kple  (Arch.  fiir  kathol.  Kirchenrecht,  lwxiii,  1908,  26  et  seq.). 

2.  Vit.  Ignat.,  5o5.  Cerem.,  i38i. 

3.  Cerem.,  p.  997.  Il  semble  que  le  synode  comptait  douze  membres,  y  eom 
pris  le  Patriarcbe  et  le  syncelle,  sans  doute  en  souvenir  des  douze  apùlres 
{Vit.   Basil.,    cb.    xxi,  p.  260  ;    Cerem.,  i38i).  Cf.  à  ce  sujet  Zbisbman.  Dit> 
Synoden  unddie  Episcopal  Amter  in  der  morgent.  Kirche. 

4.  Cf.  Brehier,  p.  63. 

5.  Code,  I,  S  2,  I.  6,  p.  12.  Cf.  Vailbé,  Eglise  de  Cple,  col.  1827  et  seq. 

6.  Vit.  Ignat.,  5o5. 


26'i  BASILE    T 

ils  lui  promettent  surtout  respect  et  fidélité  ^  11  est  impossible 
de  savoir  exactement  qui  faisait  partie  du  synode.  Peut-être 
étaient-ce  les  évêques  de  la  province,  ceux  qui,  au  dire  du 
Nomocanon-,  devaient  se  réunir  une  fois  l'an,  en  juin  ou  sep- 
tembre, autour  du  Patriarche  pour  Constantinople,  autour  des 
métropolitains  dans  les  provinces,  afin  de  s'occuper  des  affaires 
ecclésiastiques  ;  peut-être  étaient-ce  les  métropolitains  les  plus 
proches  de  Byzance  :  peut-être  enfin  des  évêques  sans  juridic- 
tion épiscopale,  vivant  à  Constantinople  autour  du  Patriarche. 
Aucun  texte  ne  nous  donne  à  cet  ég-ard  de  lenseioiiements 
précis. 

Le  premier  personnage  ecclésiastique  après  le  Patriarche 
était  le  syncelle  (6  o-jyxsAAo;).  Bien  que  nous  ayons  à  son  sujet, 
pour  l'époque  qui  nous  occupe,  très  peu  de  renseignements 
précis,  nous  pouvons  cependant,  d'après  l'étymologie  du  mot  3, 
conjecturer  qu'il  remplissait  auprès  du  Patriarche  le  rôle  que 
jouait  auprès  de  l'Empereur,  le  parakimomène.  Le  syncelle, 
dont  le  titre  est  honorifique  et  ne  correspond  très  probablement 
à  aucune  charge  définie,  est  le  premier  après  le  Patriarche.  Il 
passe  avant  tous  les  métropolitains  et  archevêques  ^  ;  il  a  sa  place 
marquée  dans  les  grandes  cérémonies  civiles  tout  de  suite  après 
le  recteur,  c'est-à-dire  avant  les  plus  hauts  personnages  de 
l'Empire  ^.  Si  nous  savons  qu'il  existait,  bien  avant  le  ix*"  siècle, 
des  syncelles  ^,  c'est  à  cette  date  toutefois  —  et  plus  exactement 
sous  le  règne  de  Léon  VI  —  que  le  syncelle  semble  grandir  en 
dignité.  C'est  à  cette  époque,  en  effet,  qu'il  prend  place  au 
nombre  des  grands  fonctionnaires  de  l'Empire.  Seul,  parmi  les 
ecclésiastiques,  il  est  nommé  au  Clétorologe  et,  à  en  juger  par 
les  cérémonies  de  sa  promotion,  on  peut  se  rendre  compte  de 
son  importance.  Il  est  probable,  du  reste,  que  sa  fortune  corres- 
pond aux  transformations  que  subit  au  x'"  siècle  le  mode  d'élec- 
tion du  Patriarche.  Tant  que  celles-ci  furent  relativement  libres, 
le  syncelle  resta  dans  l'ombre.  Sa  situation  était  analogue  à  celle 
de  ses  confrères   d'Egypte,    de  Jérusalem  et  d'Vntioche  ;   mais 


1.  Vit.  Ignat.,  p,  5o.5. 

2.  Nomocan,  t.  YIII,  viii,  oaO. 

3.  Du  Gange,  vide  «  a!:yx£)v>.oî  >>.  Cf.  Vit.  Eiiihy.,  éd.  do  Boor,  IV,  p.  ii 

4.  Cerem.,  p.  1G9. 

5.  Ibid.,  p.  i345. 

6.  Pargoirc,  op.  cit.,  p.  Oi. 


ET    i/eMPIRE    byzantin  263 

quand  les  empereurs  eurent  accaparé  à  leur  profit  les  élections, 
le"  syncelle  devint  comme  le  représentant  de  l'Empereur  auprès 
du  Patriarche,  son  homme  de  confiance  auquel  plus  ou  moins 
la  succession  était  réservée.  Tel  fut  le  cas  pour  Etienne,  fils  de 
Basile.  Avant  d'être  patriarche,  il  fut  syncelle.  Peut-être  même 
est-ce  bien  un  peu  pour  lui  qu'on  fit  passer  cette  dignité  au 
premier  plan  comme  on  le  fit  pour  celle  du  Basileopotor,  à  la 
même  époque.  Chose  très  remarquable,  en  tous  cas,  la  promo- 
tion du  syncelle  rappelle  en  plus  d'un  point  l'élection  du 
patriarche.  L'Empereur  le  nomme  par  la  formule  :  «  EttI  ovo- 
aaTO;;  IlaTpo^;,  VloO  xal  àyio-j  nv£'j|jLaTO^,  -poêaAAîTa'.  y,  £x  Oîoj  Bac-'.Asîa 
Y,uLwv  TjvxîAAov'.  ))  Puis  les  chambellans  le  conduisent  auprès 
du  Patriarche  auquel  on  annonce  la  promotion  par  ces  mots  : 
{(  Il  BaT'.A£Îa  TULcôv  -pOc^aAsTO  tojtov  7>'xîaaov  -.  »  Alors,  le  Pon- 
tife  bénit  (o-cppayl^si)  le  nouvel  élu  et  fait  part  de  la  chose  aux 
métropolites  et  aux  archevêques  présents  à  Constantinople  par 
cette  autre  formule  :  <(  0  Bao-'.Asj^  t.ijlwv  6  ay^o;  OôoOsv  oo'r^yrJkU 
TOJTOv  -poSjSàAîTO  o-jyxîAAov.  »  Si  les  formules  expriment  quelque 
chose,  c'est  bien,  ce  semble,  l'absolue  dépendance  de  ce  per- 
sonnage à  l'égard  de  l'Empereur.  Dès  lors,  que  le  Basileus  ait  le 
droit  de  désigner  le  Patriarche,  qu'il  choisisse,  en  général,  le 
syncelle  pour  cette  haute  fonction,  et  tout  naturellement  l'arche- 
vêque de  Constantinople  se  trouvera  être  la  créature  de  son 
impérial  bienfaiteur.  Aussi,  des  honneurs  spéciaux  sont-ils 
décernés  au  syncelle.  Il  passe  avant  les  métropolites,  s'asseoit 
sur  un  siège  séparé  et  assiste  au  conseil  du  Patriarche^.  Il  est 
probable  que  le  syncelle  de  Constantinople  était,  au  moins, 
archevêque.  Du  moins  avons-nous,  du  xi*'  siècle,  le  sceau  d'un 
syncelle,  métropolite  de  Chalcédoine*.  Cependant,  les  deux  syn- 
celles  d'Orient  qui  vinrent  à  Constantinople  lors  des  afTaires  de 
Photius,  Joseph  d'Alexandrie  et  Elle  de  Jérusalem,  n'étaient  point 
évêques.  L'un  était  archidiacre  et  l'autre  prêtre  '\  Mais  la  haute 
situation  faite  un  instant  aux  syncelles  semble  avoir  été  d'assez 
courte  durée.  Dès  le  xi"  siècle,  l'illustration  attachée  à  ce  titre 


1.  Cerem.,  p.  996. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.,  997. 

4.  Schlumberjîcr,  Su/illotjr.,  p.  \i^. 

.').  Vit.  Jgnat.,   54/|.   Les   souscriptions  du  concile  do  8G9  donnent  cepen- 
dant à  Josepli  le  titre  de  diacre  (Mansi,  XVI,  190). 


264  BASILE    I 

décline  et  Constantin  Ducas  explique  que  ce  Ji'est  qu'au  palais 
qu'ils  jouissent  des  prérogatives  attachées  à  leur  rang.  Codinus 
ne  les  cite  même  plus.  Si  tous  ces  renseignements  sont  de 
quelques  années  postérieures  au  règne  de  Basile,  il  n'en  est  pas 
moins  certain,  cependant,  que  même  à  son  avènement,  la 
charge  de  syncelle  était  déjà  parmi  les  premières  dans  l'Eglise. 
Lorsque  l'Empereur  voulut  récompenser  ses  plus  fidèles  amis,  il 
leur  donna  à  tous  de  très  hautes  dignités.  Mais  s'il  fit  tant  déjà 
pour  ceux  qui  le  servirent  d'une  façon  en  somme  assez  secon- 
daire, on  peut  conjecturer  qu'il  sut  faire  plus  encore  pour  le 
premier  artisan  de  sa  fortune  future,  pour  le  fameux  higoumène 
de  S.  Diomède.  Nicolas.  Or,  précisément,  il  ne  trouva  rien  de 
mieux  que  de  nommer  son  bienfaiteur,  tout  à  la  fois  syncelle  et 
économe  de  S'^'-Sophie^  D'où  il  suit  que  déjà  à  cette  époque  le 
syncelle  était  nommé  par  l'Empereur  et  que  ce  titre  de  grande 
distinction,  quoique  tout  honorifique,  pouvait  être  donné  con- 
jointement avec  une  charge  importante. 

Au  point  de  vue  strictement  ecclésiastique,  l'archidiacre  est 
le  premier  fonctionnaire  après  le  Patriarche.  C'est  vraisembla- 
blement sur  lui  que  repose  toute  l'administration  du  diocèse.  Il 
accompagne  le  Pontife  dans  toutes  les  cérémonies  religieuses, 
mais  non,  semble-t-il,  dans  les  cérémonies  civiles.  Il  porte 
l'Evangile  que  baise  l'Empereur  2,  reçoit  de  lui  aux  grandes 
fêtes  des  présents  comme  certains  fonctionnaires  d'ordre  secon- 
daire ^  et  l'encense  avant  le  Patriarche*.  Il  est  très reniarquable 
que  l'archidiacre  ne  soit  nulle  part  nommé  dans  les  cérémo- 
nies de  la  Cour.  Peut-être  comme  le  Chartophylax  et  d'autres 
dont  les  fonctions  étaient  surtout  d'ordre  administratif  n'avait-il 
pas  droit,  comme  tel,  de  figurer  parmi  les  dignitaires  ayant 
leurs  entrées  au  Palais. 

Ainsi  que  dans  l'administration  civile,  les  affaires  religieuses 
passaient  par  des  «  sécréta  »  ou  bureaux  au  sujet  desquels  nous 
n'avons  aucun  détail.  Le  livre  des  «  Cérémonies  »  cite  les  «  tzcltA- 
oî;  to'j»  o-sxpsTO'j  ••  »  du  Patriarche  et  les  sceaux  nous  donnent 
divers  titres  relatifs  à  cette  administration,  tel  celui  de  notaire 


1.  Georg.  Moine,  1080. 

2.  Cerem.,  p.  157. 

3.  Ibid.,  p. 

4.  Ibid.,  p.  169. 

5.  Cerem.,  p.  i38i 


ET  l'empire  byzantin  9.6b 

du  Patriarche^  et  celui  de  chef  du  o  secreton,  s-l  to-j  r.oL-zf.oLzyiY.o\) 
o-£xpiTOJ  »  -.  C'étaient  évidemment  des  prêtres  employés  dans 
ces  ministères.  Toutefois  sur  l'un  de  ces  bureaux  nous  sommes 
un  peu  mieux  renseignés.  C'est  celui  des  «  archives  »  qui  pro- 
bablement faisait  fonction  de  chancellerie.  Les  archives  du 
Palriarcat  étaient  assez  considérables.  Elles  contenaient  les 
pièces  originales  concernant  le  Patriarcat  :  procès-verbaux 
des  Conciles,  lettres  des  Papes  et  des  évéques.  professions  de 
foi  des  évêques.  constitutions  impériales,  etc.  -K  A  la  tête  de  ce 
bureau  se  trouvait  le  Chartophylax  (6  yap-rocpjAa;) —  tel  ce  Bla- 
sios  si  dévoué  à  son  patriarche  Ignace*  ;  tel  aussi  le  Chartophy- 
lax Paul  au  Concile  de  869.  Ce  personnage  avait  la  garde  des 
archives  ;  mais  aussi  celle  des  droits  épiscopaux  de  son  Maître 
conservés  par  écrit  dans  ses  bureaux.  Chaque  pièce  émanée  de 
son  ministère  portait  sa  signature  et  son  sceau  comme  preuve 
d'authenticité'"'.  Mais  ces  pouvoirs  allaient  plus  loin.  Bien  que 
généralement  diacre,  c'est  à  lui  que  revenait  le  droit  de  présen- 
ter clercs  et  évêques  au  Patriarche  et  au  Concile,  de  même  que 
c'est  par  lui  qu'arrivaient  au  Patriarche  les  lettres  des  évêques. 
Bien  plus,  il  avait  un  droit  de  contrôle  sur  les  élections  épisco- 
pales  et  c'est  lui  qui  devait  faire  l'enquête  canonique  sur  la 
dignité  de  vie  des  candidats.  Enfin  il  a^ait  un  tribunal  qui 
jugeait  de  toutes  les  causes  matrimoniales  pour  les  fidèles,  de 
tous  les  délits  religieux,  civils  ou  criminels  pour  le  clergé.  Un 
peu  comme  l'éparche  au  sujet  des  étrangers,  il  avait  droit  de 
surveillance  sur  les  prêtres  qui  venaient  à  Constantinople,  les 
autorisait  adiré  la  Messe,  et  s'ils  étaient  religieux,  leur  donnait 
le  pouvoir  d'entendre  les  confessions.  Le  Chartophylax  avait 
sous  ses  ordres  des  u  secretikoi  »  et  des  «  hypomnématographes  » . 
C'était  enfin  dans  les  bureaux  du  Chartophylax  que  s'élabo- 
raient de  temps  à  autre  ces  listes  épiscopales,  ces  uTactika» 
dont  nous  allons  parler  un  peu  plus  bas.  La  «  taxis  »  de  Léon  YI 
est  formelle  à  cet  égard,  La  liste  épiscopale  était  exactement 
semblable  à  celle  qui  se  trouvait  «au  saint  chartophylakeion  ))•'. 

1.  SUjillogr.  byz.,  p.  127. 

2.  Ibid. 

3.  Mansi,  xvi,  i3. 

4.  VU.  Ignat  ,  5i3. 

5.  Voir  pour  ce  qui  concerne  le  Chartophylax,  Beurher,  le  Chartophylax  de 
la  Grande  Eglise,  p.  207  et  seq. 

6.  Gclzer,  Texte  iind  Notitiœ  episcopatiium,  p.  55o. 


'?M 


BASILK 


D'autres  bureaux  nous  sont  connus  de  nom.  C'est  le  u  o-x£jocsj- 
Àaxciov  »  ou  trésor.  Là  se  trouvaient,  outre  les  vases  sacrés,  les 
objets  de  prix  et  les  ornements  précieux,  servant  à  la  cour  pon- 
tificale, les  livres  richement  reliés  K  qu'on  ne  voulait  pas  lais- 
ser dans  la  Bibliothèque.  A  la  tête  du  trésor,  se  trouvait  un 
chartulaire  -  ayant  pour  chef  honorifique  le  u  c-xsjocpjAa;  »,  un 
des  grands  dignitaires  de  l'Eglise.  Les  chroniqueurs  comme 
Théophane^,  nous  parlent  aussi  du  sacellaire  probablement 
chef  du  bureau  financier  du  Patriarche.  Le  référendaire  était  de 
même  un  assez  important  personnage.  Sa  mission  parait  avoir 
été  surtout  d'être  le  représentant  otïiciel  du  Patriarche  auprès 
de  l'Empereur.  C'est  par  lui,  en  effet,  que  ])assent  les  commu- 
nications entre  les  deux  pouvoirs.  Auxjoursdeféte,  le  Patriarche 
envoie  le  référendaire  au  palais  avec  un  u  (jiavoàTov  »,  un  avis 
contenant  les  prescriptions  liturgiques  du  jour  *,  de  même  qu'aux 
jours  de  promotions  civiles  l'Empereur  fait  prévenir  le  Patriarche 
par  le  référendaire  ^\  Puis  à  l'Eglise  lorsque  les  deux  souverains 
se  rencontrent,  il  joue  un  peu  le  rôle  de  Cérémoniaire.  C'est 
lui,  par  exemple,  qui  présente  le  Clergé  au  Basileus '\  Enfin  il 
faut  citer  le  protonotaire  du  Patriarche'',  sorte  de  lecteur  officiel; 
l'économe  particulier  du  Patriarche^  ;  le  castrisios  (xaa-TpTja-io;)^ 
et  des  cubiculaires  ^^. 

Comme  «  archevêque  de  Constantinople  »  le  Patriarche  avait 
autour  de  lui  le  nombreux  personnel  de  Sainte-Sophie,  église 
métropolitaine,  et  le  clergé  des  autres  Eglises  de  Constanti- 
nople ^^  Justinien  avait  fixé,  dès  le  iv*"  siècle,  le  nombre  des  prê- 
tres, diacres  et  autres  clercs  subalternes  qui  devaient  faire  par- 


I.  Beurlier,  op.  cit.,  p.  256. 
,  2.  Cerein.,  p.  208. 

3.  Theoph.,  p.  972. 
!{.  Cerein.,  p.  120. 

5.  Ibid.,  p.  480.  n  est  intéressant  de  noter  que  le  premier  passage  du 
Livre  des  Cérém.  est  du  x"  sièele,  le  second,  probablement  du  vni''  ;  d'où 
l'on  peut  facilement  conclure  qu'au  ix*"  siècle  la  fonction  de  référendaire 
n'avait  pas  changé. 

6.  Ihid.,  p.  171  et  196. 

7.  Ihid.,  p.  1389, 

8.  Ihid.,  1391. 

9.  Ihid.,  p.  192  ;  p.  i443. 

10.  Ihid.,  p.  1349. 

II.  Ces  Eglises  avaient  un  clergé  organisé  avec  un  «  primicier  »  à  leur  tête. 
C'était,  du  moins,  le  cas  pour  les  Blachernes  et  la  Néa  (Seblumb.,  Sigilloy., 
i35,  137). 


ET    L  EMPIRE    BVZA-MTN  ^G" 

tic  du  clergé  de  la  «  Grande  Eglise  »  '.  Ce  nombre  ne  varia  sans 
doute  pas  beaucoup  car  les  ressources  n'étaient  pas  illimitées 
Cependant,  au  iV  siècle,  le  Concile  de  869  dut  prendre  de  nou- 
velles mesures  pour  éviter  les  abus  prévus  par  Justinien-. 
Défense  était  faite  d'élever  à  quelque  honneur  «ceux  du  dehors» 
ou  les  prêtres  qui  occupaient  des  fonctions  séculières  auprès  des 
princes.  C'est  que  Constantinople  attirait  forcément  un  grand 
nombre  de  clercs.  Si  on  avait  voulu  donner  une  place  à  tous  les 
étrangers,  le  clergé  serait  devenu  trop  nombreux  et  les  anciens 
n'eussent  pas  eu  d'avancement.  C'est,  du  reste,  probablement 
pour  faire  observer  ces  ordonnances  assez  justes  que  les  Empe- 
reurs se  réservèrent  le  droit  de  nommer  aux  grandes  charges 
ecclésiastiques  comme  celle  d'économe  de  la  grande  Eglise  ^. 
Cependant,  à  relever  les  noms  des  fonctionnaires  ecclésias- 
tiques fournis  par  le  Livre  des  Cérémonies  on  s'aperçoit  que  leur 
nombre  était  encore  considérable.  Indépendamment  des  clercs 
attachés  au  service  du  Palais,  les  u  êao-'.A'.xo'l  »,  prêtres*,  diacres, 
sous-diacres  et  clercs  ^,  le  clergé  de  Sainte-Sophie  et  des  autres 
Eglises  se  composait  de  prêtres,  de  diacres,  de  sous-diacres, 
de  clercs-portiers,  lecteurs,  chantres,  prosmonaires  ou  gar- 
diens, de  dioecètes,  d'écdiques  ou  défenseurs,  d'  0  s-'.o-xcTTîiavo'.  )> 
ou  surveillants*^^  et  de  diaconesses,  ayant  tous  à  leur  tête 
quelques  grands  dignitaires  comme  le  skevophylax  et  surtout 
le  grand  Econome.  Au  surplus,  chaque  ordre  paraît  avoir  eu 
ses  chefs  :  les  prêtres  avaient  à  leur  tête  un  »  TzptoTOTrpco-êjTîpoç  »  ", 
les  diacres  »  le  diacre  de  la  grande  Eglise  »  probablement  ])rêtre 
si  l'on  en  croit  les  sceaux^,  mais  remplissant  les  fonctions  de 
diacre.;  les  acolytes  un  u  devteron  »^.  L'Econome  de  la  grande 

1.  Pargoire,  op.  cit.,  60,  61. 

2.  Canon  XIII,  Mansi,  \vi,  p.  167. 

3.  Léon  Granim.,  lodg. 
/i,  Cerem.,  p.  980. 

5.  Ibid.,  p.  1349,  i352,  i38i.  Lo  clergé  du  Palais  paraît  avoir  subi  une 
transformation  à  la  mort  de  Léon  l'Arménien.  Après  le  crime  qui  ensan- 
glanta la  chapelle  impériale  dans  la  nuit  de  Noël,  le  clergé  dut  porter 
l'habit  ecclésiastique  «  comme  maintenant  ».  De  plus,  il  fut  tenu  d'habiter 
le  palais,  tandis  qu'auparavant  il  n'y  venait  que  pour  les  ofTices,  Le  clergé 
avait  à  sa  tète  un  éparche  {Vit.  Léon.,  ch.  xxv,  p.  Sa). 

6.  Parmi  ces  fonctionnaires  quelques-uns  étaient  laïques  connue  les 
maglabites  de  S'^'-Sophie  qui  faisaient  fonction  de  bedeaux. 

7.  Le  livre  des  Gérêin.,  p.  170,  parle  aussi  du  xpoiTo-i-azâî  de  S''"  Sophie. 

8.  Schlumberger,  Siyilloy.,  p.  1^7. 

().  Schlumberger.  Sigillogr.,  p.  390  et  4o8. 


268  BASILE    I 

Eglise  (6  olxovôaoç  t?[;  MsyàÂY,;  'ExxAY.o-'la;)  était  un  des  grands 
dignitaires  dont  la  nomination  était  réservée  à  l'Empereur.  Aussi 
est-ce  pour  cette  raison,  sans  doute,  qu'il  fait  partie  descc^-émo- 
nies  de  la  cour,  comme  le  syncelle  et  les  liigoumènes  des  cou- 
vents impériaux  *,  tandis  que  les  autres  dignitaires  nommés  par 
le  Patriarche  en  paraissent  exclus.  Du  reste,  c'était  toujours  un 
personnage  de  marque  qui  occupait  cette  place.  Souvent,  elle 
était  donnée  à  quelque  haut  fonctionnaire  qu'on  avait  obligé, 
pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  à  entrer  au  couvent  et  qu'on 
récompensait  de  cette  façon.  Ce  fut  entre  autres  le  cas  pour  le 
«  préfet  de  la  table  »  Nicétas  que  la  rumeur  publique  accusait 
de  relations  coupables  avec  l'Impératrice  Eudocie.  Il  fut  tondu 
et  plus  tard  devint  économe  de  Sainte-Sophie  '-.  Avant  lur,  mais 
pour  de  toutes  autres  raisons.  Nicolas,  higoumène  de  Saint- 
Diomède,  fut  créé  par  Basile-  P"^  tout  à  la  fois  syncelle  et  éco- 
nome^. L'Econome  avait  la  charge  de  l'administration  finan- 
cière de  l'Eglise,  Aussi,  dès  l'origine,  son  pouvoir  fut-il 
considérable.  Son  nom  revient  souvent  dans  les  ordonnances 
de  Justinien  et  la  novelle  GXXIIl  du  chapitre  ix,  reproduite  au 
IIP  Livre  des  Basiliques,  t.  I,  §  i6,  enjoint  à  l'Econome  de  sus- 
pendre en  certains  cas,  sur  l'ordre  de  l'Empereur,  le  traitement 
du  Patriarche.  D'autre  part,  pour  éviter  toute  malversation  dans 
son  administration  financière,  des  lois  sévères  étaient-elles 
faites  à  son  usage.  Défense  lui  était  intimée  sous  les  peines  les 
plus  graves,  de  louer  les  biens  ecclésiastiques,  de  prendre  sur 
eux  des  hypothèques,  etc,  *.  On  voit  donc  bien  pourquoi  le 
Basileus  tenait  à  avoir  un  tel  personnage  en  sa  main.  Par  lui 
encore,  il  avait  prise  sur  le  Patriarche  et  pouvait,  en  le  privant 
d'argent,  l'amener  à  seconder  sa  politique.  Ce  ne  fut  que  plus 
tard^  sous  les  Comnènes,  que  l'Empereur  donna  au  Patriarche 
le  droit  de  nommer  l'Econome. 

Au-dessous  du  Patriarche  se  trouvaient,  dans  l'Eglise  byzan- 
tine, les  métropolitains,  les  archevêques  et  les  évêques.  Les 
premiers,  chefs  d'éparcliies  religieuses,  avaient  un  certain 
nombre  d'évêques  sous  leur  autorité  ;  les  seconds  étaient  auto- 
céphales,  n'avaient  pas  de  suffragants  et  relevaient  directement 

1.  Cerem.,  p.  i345. 

2.  Georg.  Moine,  io8o. 

3.  Ibid. 
A.  Proch. 


ET    l'empire    BYZA>TI>'  269 

du  Patriarche.  Naturellement,  les  circonscriptions  diocésaines 
varièrent  avec  le  temps,  suivant  les  pertes  et  les  acquisitions 
du  Patriarcat.  11  suffit  pour  s'en  rendre  compte  de  jeter  un 
coup  d'œil  sur  les  différentes  listes  épiscopales  qui  nous  sont 
parvenues.  Du  ix*"  siècle  et  du  commencement  du  x®  nous  en 
avons  quatre.  La  première,  la  plus  ancienne,  vit  probablement 
le  jour  aux  environs  de  8io  :  la  seconde  fut  composée  par  Basile 
l'Arménien  vers  829  '  :  la  troisième  a  pour  nom  «  Nea  Tactika-»  ; 
la  quatrième  date  du  règne  de  Léon  Yl  De  ces  quatre  listes, 
une  seule  nous  intéresse,  la  troisième.  On  a  souvent  attribué  les 
«  Nea  Tactika  »  à  l'époque  de  Léon  Vl.  Cependant,  en  compa- 
rant ce  document  aux  listes  conciliaires  de  869  et  de  879.  on  ne 
tarde  pas  à  remarquer  que  seuls  les  «  Nea  Tactika  »  répondent 
exactement  à  l'ordre  de  choses  exprimé  par  les  listes.  Ni  la 
notice  de  Basile,  ni  celle  qui  fut  composée  sous  le  règne  de 
Léon  ne  concordent  avec  la  Géographie  ecclésiastique  telle 
qu'elle  ressort  des  souscriptions^.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que 
pour  les  métropoles,  le  Concile  de  869  cite  parmi  ces  dernières 
Smyrne,  indication  conforme  aux  «  Nea  Tactika  »  et  à  la  liste 
de  Léon,  mais  pas  à  celle  de  Basile  qui  en  fait  un  siège  autocé- 
phale  *.  Nakolia  est  archevêché  en  869  et  indiqué  comme  tel 
dans  les  «  Nea  Tactika  »,  tandis  que  Basile  en  fait  encore  un 
évêché  dépendant  de  Synade  en  Phrygie.  11  en  va  de  même  de 
Garella,  de  Rousion  ^.  de  Kamachos,  et  d'autres.  Les  métropoles 
qui  relevaient  autrefois  du  patriarcat  romain  comme  Thessa- 
lonique.  Athènes,  Corinthe,  Patras,  Reggio  sont  en  869  et  dans 
les  Nea  officiellement  enregistrées  avec  leurs  suffragants  parmi 


r.  Pargoire,  op.  cit.,  p.  398. 

2.  Elle  est  publiée  dans  l'édition  de  Georges  de  Chypre  do  (îelzer. 

3.  Cependant,  il  faut  utiliser  chaque  liste  avec  une  extrême  réserve. 
Chacune  vaut  pour  l'heure  où  elle  a  été  écrite  uniquement.  Publiée  par  le 
Chartophylakeion,  elle  exprime  simplement  Yétat  du  moment  des  sièges  et 
point  du  tout  l'état  canonique  des  choses.  Un  évêché  peut  parfaitement 
bien  exister  et  n'être  pas,  pour  autant,  porté  sur  les  listes  parce  qu'il  n'a 
pas  au  moment  de  la  publication  de  la  liste  de  titulaire  en  fonction.  C'est 
le  cas  d'Anchialos,  par  exemple. 

4.  Le  siège  d'Euchaïte  est  donné  comme  archevêché  en  869  et  dans 
Basile,  comme  métropole  dans  les  Nea.  Il  est  probable  que  cette  divergence 
vient  du  fait  de  son  titulaire  Théodore  Santabarenos. 

5.  Rousion  de  Thrace,  dans  la  province  de  Rhodope,  est  devenu  archevêché 
par  suite  de  la  disparition  de  Maximianopolis,  l'ancienne  métropole  de  la 
contrée.  Cf.  Oriens  Christianus,  1,  p.  1199. 


370  BASILE    I 

les  sièges  relevant  de  Byzance  tandis  que  Basile  les  rejetait 
encore  à  la  fin  de  sa  liste  et  ne  mentionnait  point  les  suflra- 
gants.  Enfin,  des  sièges  se  sont  créés  que  Basile  ne  paraît  pas 
connaître,  mais  dont  les  listes  et  les  Nea  nous  fournissent  les 
noms.  C'est  par  exemple  Pyrgon,  c'est  Maïna.  etc.  Inversement 
les  Nea  Tactika,  comme  les  listes  conciliaires,  ne  connaissent 
pas  certaines  transformations.  Kios,  par  exemple,  archevêché 
en  869,  comme  il  l'était  en  829.  ne  se  trouve  plus  dans  la  liste 
de  Léon.  Mais  ces  divergences  sont  rares  —  probablement 
accidentelles  et  temporaires  —  et  déjà  les  Nea  Tactika.  comme 
les  listes  de  869  et  de  879,  se  rapprochent  beaucoup  delà  Notice 
de  Léon.  Si  donc  nous  prenons  pour  base  les  Nea  Tactika, 
nous  remarquons  qu'elles  mentionnent  cinquante-deux  métro- 
poles au  lieu  de  trente-quatre  données  par  Basile  et  de  cinquante 
et  une  par  Léon.  Cette  difîorence  considérable  entre  la  liste 
de  829  et  les  Nea  Tactika  s'explique  par  le  fait,  d'une  part, 
qu'on  compte  les  métropoles  qui  autrefois  relevaient  de  Rome, 
et  de  l'autre,  qu'un  certain  nombre  d'archevêchés  sont  deve- 
nus métropoles  et  que  deux  métropoles,  Phasis  et  Markianopo- 
lis,  n'existent  plus.  Si  Mélitène  d'Arménie  P^  se  trouve  encore 
sur  les  deux  premières  listes,  elle  ne  se  retrouve  pas  à  l'époque 
de  Léon  ^.  Séleucie  apparaît  dans  les  Nea  Tactika  et  dans  Léon 
ainsi  que  Trapézonte,  Philippe,  Dyrrachion.  Kamachos, 
Kotyaion,  Mitylène  ;  enfin  les  Nea  Tactika  donnent  en  même 
temps  Vmastris  et  Chonae  parmi  les  métropoles  et  les  arche- 
vêchés, sans  doute  sous  l'influence  du  schisme  :  mais  ce  n'est 
qu'un  fait  passager  car  dans  la  liste  de  Léon  elles  reprennent 
leur  place  parmi  les  archevêchés.  Pour  les  archevêchés,  Basile 
en  compte  quarante  et  un,  tandis  que  les  Nea  Tactika  en  comp- 
tent cinquante  et  Léon  quarante-neuf.  Depuis  829,  en  eff'et,  plu- 
sieurs archevêchés  ont  disparu  comme  Odyssos,  Tomis,  Anchia- 
los  ;  d'autres  sont  devenus  métropoles.  Cependant,  en  869,  la 
liste  s'est  augmentée.  Thèbes  apparaît  ainsi  que  Rousion, 
Otrante,  Garella,  Corcyre  et  autres.  Certains  archevêchés,  du 
reste,  disparaîtront  rapidement.  Kordé  ne  se  trouve  que  dans  les 
Nea  Tactika.  Kios  et  Apros  vont  faire  place  à  de  nouveaux  sièges 
comme  Rinôn  et  Sebastopolis.  Quant  aux  évêchés,  ils  devien- 
nent dans  la  seconde  moitié  du  ix"  siècle  beaucoup  plus  nom- 

I.  Elle  reparaît  cependant  dans  les  listes  postérieures. 


11      1     IMIMIU-:    BYZANTIN 


brciix  par  le  faitque  dès  lors  Byzaiice  coinplc  non  plus  seule- 
ment les  métropoles  annexées  mais  aussi  leurs  sufFragants.  Du 
reste,  nombreux  sont  les  changements  de  circonscriptions  à 
cette  époque.  Si  les  anciens  diocèses  demeurent  intangibles, 
d'autres,  plus  récents,  se  font  et  se  défont.  Mélitène  qui  va  être 
supprimé  sous  Léon,  compte  déjà  dans  les  Nea  Tactika  un  suf- 
fragant  de  moins  qu'en  829.  Les  deux  évêchés  d'  Vriarathis  et  de 
ïveomanôn  disparaissent  et,  en  place,  les  Nea  signalent  Lipôn. 
Phasis  avec  ses  quatre  évêchés  n'est  plus,  ainsi  que  Markianou- 
polis  et  ses  cinq  suffragants.  En  revanche,  nous  voyons  appa- 
raître Smyrne  avec  quatre  évêchés  :  Kamachos  d'Arménie  avec 
cinq  :  Kotyaion  de  Phrygie  avec  trois  ;  Mitylène  avec  cinq.  Au 
surplus,  la  liste  des  sièges  suffragants  s'est,  en  général,  pour 
chaque  métropole,  singulièrement  augmentée.  Même  les 
anciennes  métropoles  comme  Césarée  sont  en  progression.  De 
cinq  évêques  qu'elle  avait  sous  sa  juridiction,  elle  en  a  huit  dans 
les  Nea  Tactika.  Héraclée,  qui  avait,  elle  aussi,  cinq  suffragants, 
en  a  quinze,  etc.  En  résumé  les  trente-quatre  métropoles  de 
Basile  qui  comprenaient  en  tout  trois  cent  soixante-douze  évê- 
chés. nombre  auquel  il  faut  ajouter  quarante  et  un  archevêchés 
pour  avoir  l'ensemble  de  lépiscopat  byzantin  en  829  sont  deve- 
nues à  la  fin  du  ix''  siècle  cinquante-deux  (ou  cinquante-quatre  si 
l'on  compte  Amastris  et  Chonae)  avec  cinq  cent  trois  évêchés  et 
cinquante —  ou  quarante-huit —  archevêchés  :  au  total  6o5 pon- 
tifes en  union  avec  le  Patriarche. 

Ces  Eglises,  qu'elles  soient  métropoles,  archevêchés  ou  évê- 
chés. avaient  une  organisation  assez  seml)lable  à  celle  de 
l'Eglise  mère.  Entre  elles  existaient,  du  reste,  de  nombreux 
liens  qui  les  mettaient  en  communion  directe  avec  Byzance  ^ 
et.  par  le  fait  même,  sous  la  dépendance  du  Patriarche  et  de 
l'Empereur.  Comme  à  Constantinople,  la  principale  question 
qui  toujours  agitait  les  Eglises  était  celle  de  l'élection  pontifi- 
cale en  cas  de  vacances.  Là,  comme  ailleurs,  les  évêques  étaient 
tenus  avant  leur  élection  de  passer  par  tous  les  degrés  de  la 
hiérarchie  et  d'y  faire  leurs  preuves  -.  Les  affaires  de  Photius 
obligèrent  encore  à  préciser  ces  règles.  Le  Concile  de  869 
exigea,   en   effet,    que  le   candidat  passerait  dorénavant,    une 

I,  Canon  XIII,  Concile  dos  SS.  Apôtres  (Mansi,  \vi,  546).  Canon  X,  de 
SHc).  (^[ansi,  \vi,  166). 

?..  Canon  XVIÏ.  Mansi,  \vi,  5'|8. 


2'J'2  BASILE    i 

année  comme  lecteur,  deux  ans  comme  sou8-diacre,  trois  ans 
comme  diacre  et  quatre  ans  comme  prêtre',  avant  d'être  élu  ; 
puis  au  moment  de  l'élection,  que  les  puissants  (principes, 
ojvaTO'l)  ne  s'ingéreraient  pas  dans  ces  choses  d'ordre  ecclésias- 
tique'-. Le  Prochiron  *^  de  son  côté  a  exposé  la  législation  en 
vigueur  pour  les  élections  provinciales.  Les  clercs  et  les  pre 
miers  citoyens  de  la  ville  votent  en  présence  des  Evangiles  sur 
une  liste  de  trois  noms  et  c'est  le  meilleur  des  trois  élus  qui  est 
sacré*.  Les  deux  corps  électoraux  doivent  jurer  que  leur  choix 
n'est  dicté  ni  par  suite  de  dons  reçus  ni  par  suite  de  sympathies 
personnelles,  mais  parce  qu'ils  savent  que  leur  candidat  appar- 
tient à  la  foi  catholique,  qu'il  a  une  vie  honnête  et  respec- 
table, qu'il  est  âgé  de  plus  de  trente  ans,  qu'il  ne  possède  ni 
femme  ni  enfants  ou,  du  moins,  que  s'il  a  été  marié,  il  ne  l'a 
été  qu'une  fois  et  à  une  vierge.  Le  fait  d'avoir  épousé  une 
divorcée  ou  une  veuve  était  un  cas  d'irrégularité.  De  son  côté 
l'élu,  après  avoir  présenté  son  libelle  attestant  sa  foi.  devait 
jurer  de  n'avoir  rien  donné  ni  rien  promis  pour  être  élu.  La 
marche  suivie  pour  les  élections  épiscopales  nous  est,  du  reste, 
racontée  en  détail  dans  la  vie  de  saint  Théodore  d'Edesse.  Si  ce 
siège  ne  dépendait  pas  de  celui  de  Constantinople.  les  forma- 
lités cependant  devaient  être  probablement  les  mêmes  dans  les 
deux  patriarcats.  L'hagiographe  nous  raconte  donc  qu'au 
moment  des  fêtes  de  Pâques  le  patriarche  d'Antioche  vint  à 
Jérusalem  avec  les  évêques  qui  étaient  sous  sa  juridiction.  11  y 
eut  à  cette  occasion  un  synode  })résidé  parles  deux  Patriarches. 
Profitant  de  la  circonstance,  un  certain  nombre  d'habitants 
d'Edesse,  prêtres  et  laïques  de  distinction,  vinrent  à  Jérusalem 
demander  avec  insistance  un  évêque.  Le  patriarche  d'Antioche 
de  qui  relevait  l'Eglise  d'Edesse,  exhorté  par  son  confrère  de 
Jérusalem,  proposa  le  moine  Théodore,  ce  que  le  Concile 
approuva,  ainsi  que  les  délégués.  Alors  eut  lieu  l'élection  et, 
tout  de  suite  après,  le  Jeudi-Saint,  la  consécration  par  le 
Patriarche  métropolitain  d'Antioche  •"'.  Telle  était  donc  au 
ix""  siècle   la  première    partie  d'une  élection  épiscopale  ;  mais 


I.  Canon  V.  Mansi,  p.  i63. 

a.  Canon  XII.  Ibid. 

3.  Proch.,  t.  XXV  m,  p.  i55  i56. 

\.  Epanag.,  vni,  S  3,  p.  77. 

5.  1  il.  Theod.  Edess.,  xli,  \lu,  35-38. 


ET    l'empire    byzantin  2-3 

ce  n'était  pas  tout,  Après  l'élection  et  la  consécration  venait 
l'intronisation.  Arrivé  à  Edesse,  saint  Théodore  fut  reçu  solen- 
nellement à  l'entrée  de  la  ville  par  les  plus  illustres  personnages 
des  deux  ordres.  On  le  conduisit  à  l'Eglise  cathédrale,  (r,  xa9o Aixr, 
£xxAr,!7'la)  et  après  avoir  prié,  il  donna  la  paix  à  son  nouveau 
peuple.  On  lui  fit  ensuite  visiter  les  saints  lieux  et  les  autres 
Eglises  de  la  ville,  et,  finalement,  on  lui  remit  le  palais  épisco- 
pal  (£-'.Txo7:£Îov).  Le  lendemain,  dimanche,  l'Evêque  ofïîcia.  on 
l'intronisa  sur  son  siège  et  à  la  fin  de  la  messe  il  parla  au 
peuple  '. 

Ces  cérémonies,  racontées  par  un  témoin  oculaire,  devaient 
se  reproduire  un  peu  partout  dans  les  diocèses  et  inspirer  aux 
chrétiens  un  grand  respect  pour  leur  Pontife.  C'est  que  dans 
le  thème,  l'Evêque  est  avec  le  stratège  le  principal  person- 
nage. Il  a  puissance  absolue,  dit  l'Epanagoge -,  sur  le  prêtre, 
le  diacre,  le  lecteur,  le  chantre  et  le  moine.  Certaines  affaires 
civiles  peuvent  lui  être  soumises,  surtout  les  affaires  de 
mariage^  et  de  justice  ^.  Du  fait  de  son  ordination,  il  est 
exempt  de  beaucoup  de  charges.  Il  est,  par  exemple,  immé- 
diatement soustrait  à  la  puissance  paternelle^,  car  il  représente 
dans  la  ville  la  plus  haute  autorité  qui  soit.  Mais  aussi,  pour 
cette  même  raison,  il  a  de  graves  obligations.  S'il  peut  dis- 
poser, comme  il  Tentend.  de  la  fortune  privée  qu'il  possédait 
avant  d'être  évêque.  il  ne  peut  plus,  une  fois  consacré,  disposer 
des  biens  qu'il  a  acquis.  Ceux-ci  appartiennent  à  l'Eglise^. 
La  loi  est  pour  lui  très  dure  dès  qu'il  s'agit  d'argent  '^  parce 
que,  ce  que  l'on  veut  surtout,  c'est  éviter  toute  simonie  et 
tout  danger  de  gaspillage  dans  la  fortune  de  l'Eglise.  Du  reste, 
parce  qu'il  a  charge  d'âme,  l'Evêque  doit  être  le  premier  à 
donner  l'exemple  de  toutes  les  vertus.  Sa  vie  extérieure  sera 
uniquement  occupée  par  le  ministère  ecclésiastique  et  point 

I.  II/.  Theo<L  Edess,,\L\,  p.  4o-4i. 
a.  Epanag.,  viii,  S  i,  p.  77- 

3.  Prochir.,  I,  S  i3,  p.  17. 

4.  Epanag.,  vu,  S  6,  p.  7G. 

5.  Prochir.,  XXVI,  8,  p.  i4ô.  Les  Basilupies  (1.  111,  l.  1,  i3  et  i4)  repro- 
duisent le  texte  de  Justinicn  donnant  aux  évêques  le  privilège  de  ne  pas 
comparaître  devant  les  tribunaux  sans  un  ordre  exprès  de  rEnipereui\  Les 
magistrats  devaient,  à  l'occasion,  se  rendre  chez  eux  pour  leur  demander 
le  serment. 

G.  Prochir.,  XXIV,  s  i,  p.  i33. 
7.  Epanag.,  vin,  S  i5,  p.  80. 

18 


!2  74  BASILE    1 

parles  soucis  humains.  Aussi,  défense  lui  est-elle  faite  d'être 
tuteur  ou  curateur  de  qui  que  ce  soit  K  de  s'occuper  de  choses 
terrestres  et  civiles,  comme  de  la  levée  des  impôts-  ou  de  lagestion 
des  fortunes  particulières  ^  car  u  on  ne  peut  servir  à  la  fois  deux 
maîtres.  »  N'est-ce  pas  assez  pour  lui  d'être  obligé  de  répondre 
de  l'administration  financière  des  économes,  xenodoches, 
nosocomes.  ptocholrophes  et  administrateurs  des  «  saintes 
maisons  »  qui  dépendent  de  son  autorité^?  Pour  cette  même 
raison.  l'Evêque  ne  devra  pas  quitter  son  Eglise  et  s'en  aller 
dans  d'autres  éparchies.  S'il  y  est  obligé  par  nécessité,  il  devra 
avoir  des  lettres  du  patriarche  ou  de  son  métropolitain  ou  un 
ordre  impérial.  En  tous  cas  son  séjour  hors  de  son  Eglise  ne 
pourra  dépasser  une  année  ^.  L'Evêque  qui  arrivait  à  Constan- 
tinople  devait  immédiatement  se  présenter  chez  le  Patriarche 
qui.  lui-même,  le  présentait  à  l'Empereur.  En  cas  de  violation 
de  la  loi,  l'économe  de  l'Eglise  était  tenu  de  refusera  l'Evêque 
tout  subside,  ses  confrères  devaient  le  rappeler  dans  son 
diocèse  et  s'il  différait  de  se  rendre,  le  déposer  sur  le  jugement 
de  son  métropolitain  ^'.  La  vie  privée  de  l'Evêque  sera,  elle 
aussi,  conforme  à  la  sainteté  de  sa  vocation.  Pas  plus  que  les 
clercs  qui  depuis  leur  enfance  ne  mangeaient  point  de  viande, 
il  ne  doit  rompre  l'abstinence '^.  Ses  vêtements  seront  simples. 
S'il  est  religieux  il  gardera  l'habit  monacal  ^,  et  s'il  a  l'hon- 
neur d'être  revêtu  de  l'omophorion  il  se  gardera  bien  de  le 
porter  en  dehors  des  circonstances  fixées  par  la  coutume  '*^. 
Avec  les  grands,  stratèges  et  autres  fonctionnaires  du  thème, 
l'Evêque  devra  éviter  tout  acte  d'inconvenante  bassesse. 
Défense  lui  est  faite  par  le  Canon  XIV  du  Concile  de  869  '^ 
d'aller  au-devant  des  hauts  fonctionnaires  civils,  loin  de  son 


1.  Epanag.,  i\,  S  i,  p.  80. 

2.  Ibid.,  S  3. 

3.  Ibid. 

4.  Ibid.,  S  9,  P-  82. 

5.  Le  synode  tenu  par  Pholius  aux  SS.  Apôtres  fixe  même  le  délai  à 
6  mois  sauf  lecas  d'empêchement  m,njeur((]an.  Wl.  .\fansi,  xvi,  547).  ^'^-  ^  ^^ 
sujet  les  plaintes  de  Pholins  à  Nicolas  I".  Heaucoup.  dit-il.  vont  à  Rome 
sans  lettres  testimoniales. 

0.  Epanag.,  vm,  S  4,  P-  78. 

7.  Anonym.  de  Coinbefis,  Mi<i:iie,  (^Vlll,  p.  io3(i. 

8.  Pitra,  Jus  ecdes.,  II,  \[v,  p.  \\m. 

9.  Ibid. 

10.  Mansi.  \vi,  i08. 


i:r    L  EMPIUI^    liVZA.NTlN  2~0 

église,  de  descendre  à  leur  approche  de  cheval  ou  de  mule, 
de  se  prosterner  devant  eux,  de  s'asseoir  à  leur  table.  En  un 
mot  TEveque,  pour  garder  son  ascendant  religieux,  pouvoir 
corriger  les  abus  et  dénoncer  les  fautes  de  ses  fidèles  avec 
succès,  doit  vivre  en  dehors  du  monde  séculier  et  s'occuper 
uniquement  de  ses  aftaires  religieuses. 

Indépendant  et  maître  dans  son  diocèse.  l'Evéque  est  en 
communion  directe  avec  son  métropolitain.  Deux  fois  l'an,  ce 
dernier  avait,  dans  l'Eglise  byzantine,  l'habitude  de  réunir  en 
synode  ses  divers  sulïragants  pour  s'occuper,  de  concert  avec 
eux,  des  choses  intéressant  la  métropole.  Mais  cette  coutume 
n'allait  pas  sans  d'assez  graves  difficultés  et  d'assez  grands 
abus.  Profitant  de  cette  raison,  les  métropolitains  se  dispen- 
saient d'assister  le  Patriarche  de  leurs  conseils  et  de  paraître  à 
ses  côtés  lors  de  ses  propres  synodes  * .  Aussi  le  Concile  de 
869-.  sans  condamner  ces  assemblées  provinciales,  déclara-t- 
il  cependant  que  les  synodes  patriarcaux  étaient  beaucoup 
plus  utiles  que  les  premiers  et  décréta-t-il  des  peines  très 
graves  contre  les  métropolitains  qui  ne  répondraient  pas  à  leur 
convocation.  Inversement,  le  Concile  refusa  de  reconnaître  le 
droit  de  visite  que  s'arrogeaient  certains  métropolitains  ou 
archevêques  sur  l'Eglise  de  leurs  suffragants.  Il  arrivait,  en 
effet,  que  ces  visites  n'avaient  souvent  d'autre  but  que  l'argent. 
Le  métropolitain  s'en  allait  chez  son  inférieur,  vivait  des 
revenus  de  son  Eglise  et  cela  au  grand  détriment  des  pauvres. 
A  partir  de  869  l'Evêque  ne  fut  plus  obligé  qu'au  devoir  géné- 
ral de  l'hospitalité  et  le  métropolitain  n'eut  plus  le  droit  d'exi- 
ger quoi  que  ce  fût  s'il  tenait  à  passer  par  le  diocèse  d'un  de 
ses  confrères •''.  Du  reste,  il  parait  bien  que  vers  cette  date  les 
liens  de  dépendance  qui  unissaient  les  sièges  suffragants  à  leur 
métropole  se  relâchent  de  toutes  parts.  Le  droit  de  visite  en 
disparaissant  fît  abroger  aussi  d'autres  coutumes.  Primitive- 
ment, le  métropolitain,  supérieur  eft'ectif  de  son  suffragant, 
pouvait  appeler  ce  dernier  en  certaines  circonstances  dans  sa 
ville  épiscopale    pour  le  remplacer    dans    les    fonctions   reli- 

I.  Mansi,  v\i,  p.  171.  Caii.  XVII.  Le  I^alriarche  avait  le  droit  de  convo- 
quer tous  les  métropolitains  qu'il  avait  ordonnés  ou  auxquels  il  avait 
envoyé  \c  pallium. 

'>..  Ilnd. 

;^.  /6tV/.  Can.  \I\,  p.  173. 


276  BASILE    I 

gieuses.  De  là  des  abus  qui  durent  être  corrigés.  Le  Concile 
profita  sans  doute  des  événements  pour  interdire  à  l'avenir 
aux  métropolitains  de  traiter  les  évêques  comme  de  simples 
clercs.  Défense  leur  fut  faite  de  se  faire  remplacer  sous  peine 
de  déposition  1.  Tant  de  modifications  diverses  au  droit  exis- 
tant ne  brisèrent  pas,  toutefois,  le  lien  primitif  qui  rattachait, 
dès  les  origines  chrétiennes,  Tévêque  à  son  métropolitain:  le 
droit  de  juger.  Le  Concile  de  869  le  sanctionna  formellement 
par  le  Canon  XX VL  Tout  prêtre  et  tout  diacre  pouvait  toujours 
en  appeler  du  tribunal  de  l'Evêque  au  tribunal  du  métropo- 
litain, de  môme  que  l'Evêque  pouvait  en  appeler  du  métropo- 
litain au  Patriarche.  La  seule  chose  défendue  était  d'en  appe- 
ler à  une  juridiction  égale  :  métropolitain  à  métropolitain, 
évêque  à  évêque.  Cette  dépendance  donc  assez  théorique, 
sauf  sur  ce  dernier  point,  entre  métropolite  et  évêque,  s'ex- 
primait dans  roffice  divin  par  le  nom  du  Supérieur  qu'on 
insérait  dans  les  «  Mémoires  ».  C'était  le  signe  de  la  commu- 
nion religieuse.  Le  Patriarche,  nous  l'avons  vu  plus  haut, 
lisait  le  nom  du  Pape;  le  métropolitain,  celui  du  Patriarche; 
l'Evêque,  celui  du  Métropolitain;  le  prêtre,  celui  de  l'Evêque. 
Rayer  ce  nom  de  l'office  liturgique,  c'était  faire  schisme.  Nul 
n'avait  le  droit  de  s'arroger  un  tel  pouvoir  sans  qu'une 
sentence  canonique  ait  été  portée  contre  le  Supérieur.  C'était 
un  cas  de  déposition  pour  celui  qui  agissait  de  la  sorte.  11  y  a 
là,  évidemment,  un  soutenir  très  précis  des  luttes  qui,  en  ce 
moment  même,  agitait  l'Eglise  entre  partisans  d'Ignace  et 
partisans  de  Photius. 

Telles  étaient,  à  la  fin  du  ix*'  siècle,  les  conditions  qui  régis- 
saient le  haut  clergé  ;  telle  était  l'organisation  de  l'Eglise.  Les 
troubles  engendrés  par  le  schisme  de  Photius  purent,  en 
vérité,  ébranler  cette  solide  charpente  ecclésiastique,  créée  par 
les  siècles  passés  ;  ce  fut  même  un  des  principaux  soucis  des 
Conciles  sous  Basile  P'  de  la  consolider  de  nouveau.  Mais,  il 
faut  le  remarquer.  C'est  précisément  parce  que  l'Eglise  byzan- 
tine était  puissamment  hiérarchisée,  et  fortement  centralisée, 
parce  que,  entre  le  sommet  et  la  base,  il  n'y  avait  pas,  comme 
en  Occident,  de  solutions  de  continuité  que  le  schisme  fut  si 


I.  Can.  XXIV,  p.  176. 

3.  Canon  des  SS.  Apôtres,  XIII,  XIV,  XV.  Mansi,  \vi,  5^0-547. 


T    L  KMPIRE    B\/.AM1\ 


// 


rapide,  que  runion  se  fit  un  iustant  sous  le  ferme  gouverne- 
ment de  Basile  et  que,  plus  tard,  la  rupture  s'accomplit  sans 
espoir  de  retour.  Tout  ordre  parti  de  Constantinople  était 
promptement  transmis  dans  les  provinces  et  quelques  unités 
indépendantes  comme  un  métropolite  de  Smyrne  ou  un 
archevêque  de  Néo-Gésarée  ne  pouvaient  rien  contre  l'en- 
semble d'un  épiscopat  toujours  prêt  à  écouter  son  Patriarche 
et  à  suivre  ses  ordonnances. 

La  législation  qui  régissait  le  bas  clergé,  n'était  à  Byzance, 
ni  moins  précise,  ni  moins  sévère  que  celle  qui  gouvernait 
Patriarche,  métropolitains  et  évêques.  D'eux  aussi,  au  ix*'  siècle, 
les  Conciles  et  les  textes  de  lois  se  sont  fort  occupés,  plus, 
en  général,  pour  combattre  des  abus  que  pour  relever  leur 
condition  en  leur  concédant  des  droits  dont  ils  n'avaient  que 
faire.  Si,  autour  du  Patriarche  se  groupait  à  Byzance  le  nom- 
breux clergé  que  nous  connaissons,  prêtres  du  palais  (jBaa-!.A',xo() 
et  prêtres  de  la  ville  (7toXt,Tt.xoi),  grands  dignitaires  et  grands 
fonctionnaires,  administrateurs  laïques  et  religieux,  dans  les 
provinces  se  retrouvait  une  organisation  assez  semblable. 
L'Evêque  avait  auprès  de  lui  ses  économes,  ses  skevophylakes, 
ses  chartulaires,  ses  nosocomes,  ses  orphanotrophes,  etc.,  puis 
son  clergé  proprement  dit  :  prêtres,  diacres,  sous-diacres, 
chantres,  lecteurs.  La  loi  ecclésiastique  comme  la  loi  civile 
fixait  un  âge  déterminé  pour  l'entrée  dans  les  ordres  :  trente  ans 
pour  les  prêtres,  vingt-cinq  ans  pour  les  diacres,  vingt  ans 
pour  les  sous-diacres  ^  Les  chantres  et  les  lecteurs  étaient 
nommés  à  terme.  Tous,  à  l'exemple  de  leur  éA^êque,  devaient 
mener  une  vie  édifiante.  Les  prêtres,  diacres  et  sous-diacres 
étaient  tenus  de  vivre  dans  le  célibat  s'ils  recevaient  les  ordres 
n'étant  pas  encore  mariés'-  et  s'ils  étaient  mariés,  ils  ne  devaient 
avoir  ou  n'avoir  eu  qu'une  femme  et  une  femme  tout  à  fait 
respectable  :  enfin  il  fallait  qu'ils  fussent  désintéressés  dans  les 
questions  d'argent  -K  A  eux  aussi  la  simonie  était  sévèrement 
interdite  sous  les  peines  les  plus  graves  *,  de  même  que  l'entrée 


1.  Cette  limite,  naturellement,-  était  une  limite  inférieure,  car  à  tout  à^c 
on  pouvait  entrer  dans  les  ordres.  Le  père  de  S.  Etienne  le  Jeune  était 
marié  quand  il  fut  ordonné  (Syna.r.  de  Cple,  9  décembre  ^9:^). 

2.  Prochir.,  t.  V,  S  2,  p.  35. 

3.  Epanag.,  viii,  7-10,  pp.  78-79. 

4.  Ibid.,  i3-i5,  p.  79, 


2-8  BASILE 


dans  les  services  publics  ou  privés  K  N'était-ce  pas  une  honte 
que  de  voir  des  clercs  régisseurs  de  propriétés  et  curateurs 
de  biens  seigneuriaux?  Peut-on  servir  deu\  Maîtres  :  Dieu  et 
Mammon  -  ?  Et  qu'un  clerc  n'essaie  pas,  une  fois  dans  les 
ordres,  d'abandonner  son  Eglise  et  de  retourner  à  la  vie  laïque 
dans  l'espérance  d'obtenir  une  charge  civile  ou  militaire,  car 
il  ne  l'aura  jamais.  Gomme  les  païens,  les  Juifs,  les  hérétiques, 
il  est  déclaré  impropre  à  tout  emploi^.  En  revanche,  le  clerc, 
à  quelque  ordre  qu'il  appartienne,  devient  intangible,  surtout 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions.  Les  supplices,  l'exil,  la  mort 
sont  les  peines  encourues  par  ceux  qui  injurient  ou  frappent  les 
clercs  et  troublent  la  synaxe  ^  Le  clergé  se  recrutait  dans  la  pro- 
vince même.  Personne  ne  pouA  ait  se  faire  inscrire  et  ordonner 
dans  un  autre  diocèse  que  le  sien  contre  l'aWs  de  son  propre 
évêque  ou  du  métropolitain  ^.  S'il  le  faisait,  il  devait  être 
chassé  et  rendu  à  son  Ordinaire,  s'il  n'avait  reçu  aucun  ordre  au 
sein  de  l'Eglise  usurpée.  Si,  au  contraire,  il  y  avait  été  ordonné, 
il  était  privé  pendant  trois  ans  de  l'exercice  de  son  pouvoir  litur- 
gique. Après  quoi,  son  Evêque  jugeait  ce  qu'il  convenait  de 
faire ^.  Le  Canon  XIII  du  Concile  de  869,  bien  que  ne  s'occu- 
pant  que  du  clergé  de  Sainte-Sophie  devait  être  probablement 
valable  pour  les  diocèses  de  l'Empire.  Les  clercs,  entrant  parfois 
très  jeunes  au  service  de  l'Eglise  —  Saint- Etienne  le  Jeune  fut 
tonsuré  et  inscrit  au  catalogue  de  Sainte-Sophie  encore  enfant  ; 
il  accompagnait  son  père  dans  ses  fonctions  ;  à  dix-huit  ans, 
il  prit  place  officiellement  dans  le  clergé  '^  —  étaient  élevés 
sur  place,  d'une  dignité  inférieure  à  une  autre  supérieure  au 
fur  et  à  mesure  des  besoins  religieux  de  l'Eglise  ^.  C'est,  du 
reste,  sans  doute  pour  leur  ôter  toute  tentation  de  passer  d'une 
église  à  l'autre,  qu'il  leur  était  interdit  de  célébrer  la  liturgie  en 
dehors  de  la  paroisse  pour  laquelle  ils  avaient  été  désignés  par 
leur  Evêque^,  comme  c'était  pour  les  empêcher  d'être  induits 

I.  Epanay.,  ix,  3,  p.  80. 

3.  Gan.  Xï,  SS.  Apôtres.  Mansi,  \vi,  54^. 

3.  Epanag.,  ix,  i3-i4,  P-  83. 

4.  Epanag.,  ix,  16. 

5.  Ihid.,  5,  p.  81. 

6.  Ihid.,  5. 

7.  Synax.  de  Cple,  p.  292. 

8.  Mansi,  xvi.  Can.  XIII,  1C7. 

9.  Ibid.  Can.  XIII,  p.  173. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  '.i-jÇf 

en  tentation  de  s'occuper  d'aflaires  trop  séculières  qu'il  leur 
était  aussi  défendu  de  célébrer  les  mystères  dans  les  chapelles 
privées  qui  se  trouvaient  à  l'intérieur  des  maisons  ^. 

Au  nombre  des  clercs  d'une  Eglise,  il  importe  de  signaler  les 
diaconesses  dont  l'existence  est  attestée  par  de  nombreux 
témoignages.  Le  «Livre  des  Cérémonies  »  les  signale-  ;  Photius 
en  parle  dans  une  de  ses  lettres  ^  ;  des  Vies  des  Saints  *  nous 
racontent  leurs  vertus;  les  Basiliques"^  et  le  Nomocanon 
éditent,  en  les  adoucissant,  les  textes  législatifs  que  Justinien 
avait  élaborés  à  leur  sujet  et,  comme  plus  tard,  des  cano- 
nistes  tel  que  Mathieu  Blastarès,  s'occuperont  de  ces  saintes 
femmes,  on  peut  être  certain  de  leur  existence  à  l'époque  que 
nous  étudions.  Les  diaconesses,  en  entrant  au  service  des 
autels,  devaient  être  veuves  ou  vierges,  avoir  quarante  ans  au 
moins  et  n'avoir  pas  été  deux  fois  mariées  ^.  Justinien  fixa, 
dans  sa  célèbre  noyelle  sur  le  clergé  de  la  grande  Eglise,  le 
chiffre  des  diacones&es  à  vingt  ;  mais  Héraclius  l'éleva  à  qua- 
rante ',  chiffre  qui  probablement  ne  varia  plus  guère.  L'ad- 
mission de  la  diaconesse  dans  l'Eglise  revêtait  une  forme  très 
solennelle.  Au  jour  de  son  ordination,  elle  se  présentait  à 
l'autel,  la  tête  recouverte  du  maphorion.  Le  Pontife  récitait  sur 
elle  des  prières,  lui  imposait  les  mains  et  l'étole  et  lui  faisait 
la  transmission  du  calice^.  Elle  portait  un  vêtement  spécial,  le 
((  o'-axGV!.xov  Mpy.pioy  »,  qu'elle  attachait  autour  du  cou  et  qui 
retombait  sur  la  poitrine  ^.  Elle  avait  le  privilège  de  commu- 
nier après  les  diacres.  Mais  pour  autant,  cette  cérémonie  ne 
lui  conférait  pas  un  «  ordre  »  au  sens  théologique  du  mot. 
La  preuve  en  est  dans  les  fonctions  mêmes  qu'elle  avait  à  rem- 
plir et  dans   certaines  défenses  des  canons  ^^*.  En  fait,  le  rôle 

I.  Mansi,  xvi.  Can.  XII,  p.  546. 
3.  Cerem.,  p.  420. 

3.  Photius,. livre  I,  p.  780. 

4.  St«  Iren.  A  A.  SS.  Juli,  VI,  p.  610. 

5.  Basilic,  1.  III,  t.  I,  S  46,  p.  107.  La  peine  de  mort  est  supprimée  pour 
les  diaconesses  qui  prévariquaient.  La  limite  d'âge —  45  ans  au  lieu  de  5o  — 
est  avancée, 

6.  Basilic,  1.  III,  t.  I,  S  25.  p.  99. 

7.  Nomocan,  t.  I,  xx\,  ^178. 

8.  Goar,  p.  263-a64. 

9.  Ibid. 

10.  Nomocan,  l.  I,  xxxvn,  p.  48i. 


28o  BASILE    I 

essentiel  de  la  diaconesse  et  la  raison  pour  laquelle  de  très 
bonne  heure  cet  ordre  fut  institué,  consistait  à  administrer  le 
baptême  aux  femmes.  L'Eglise  grecque  donnait,  comme  encore 
aujourd'hui,  le  baptême  par  «  immersion  »  ;  on  dépouillait  de 
ses  vêtements  le  récipiendaire  et  après  l'avoir  plongé  dans  l'eau, 
on  l'oignait  d'huile.  11  est  facile  de  comprendre  que  les  prêtres 
ne  pouvaient,  en  de  telles  conditions,  baptiser  les  femmes. 
Ce  soin  était  dévolu  aux  diaconesses  qui,  en  outre,  avaient 
mission  d'instruire  les  catéchumènes  de  leur  sexe.  Par  excep- 
tion, sans  doute.  —  car  elles  n'avaient  pas  le  droit  de  distri- 
buer le  précieux  sang  '  —  elles  pouvaient,  en  outre,  apporter 
la  communion  aux  chrétiens  enfermés  dans  les  demeures  des 
Sarrasins  -.  Elles  employaient  le  temps  qui  leur  restait  à  la 
prière  et  aux  soins  du  sanctuaire.  S'il  faut  en  croire  les  Basi- 
liques ^.  elles  recevaient  pour  leur  service  des  émoluments. 

Tout  le  clergé  d'une  Eglise  vivait,  comme  nous  l'avons  re- 
marqué, sur  les  biens  de  cette  Eglise.  11  fallait  donc  que  la 
fortune  ecclésiastique  fût  sagement  administrée  pour  n'entraî- 
ner pas  de  regrettables  égarements  de  la  part  d'un  clergé 
exposé  à  mourir  de  faim.  De  là  toute  une  législation  ecclé- 
siastique dont  il  faut  dire  quelques  mots  en  terminant  ce 
paragraphe. 

Du  moment  que  le  budget  des  cultes  n'existait  pas  à  Gons- 
tantinople,  force  était  à  l'Eglise  de  se  créer  une  fortune.  Com- 
ment s'y  prenait-elle  pour  cela?  D'abord,  elle  recevait  des 
dons.  En  principe,  tout  fondateur  d'Eglise  devait  pourvoir  au 
traitement  du  clergé  ^  ;  mais  parfois,  à  en  croire  certaines 
novelles  impériales  des  empereurs  du  x*"  siècle,  il  n'en  faisait 
rien  ou  donnait  une  somme  insuffisante  pour  elle.  Heureuse- 
ment les  Eglises  avaient  d'autres  ressources  que  le  capital 
premier  apporté  par  le  bienfaiteur  de  l'édifice.  Elle  avait  d'une 
part  la  générosité  des  fidèles  et  de  l'autre  la  munificence  impé 
riale.  Si  la  loi  en  effet  frappait  les  propriétés  ecclésiastiques  de 
l'impôt  foncier,   elle  les  dégrevait  de  toutes  charges  civiles  et 


1.  Goar,  p.  368-264. 

2.  Photius,  Lettres,  livre  I,  p.  780. 

3.  Basitic,  1.  III,  t.  I,  S  46.  p.  107. 

4.  Zhisliman,   Das   Stifterrecht  in  der  morgendland.  Kirche   28  et  seq. 
47  et  seq. 


ET    l'empire    byzantin  28 1 

extraordinaires'.  Elles  n'étaient  pas  soumises  à  1"  u  èrj.Qolr^  » 
et  si,  à  certaines  époques,  elles  souffrirent  de  Tallelengyon,  il 
est  probable  qu'à  l'époque  de  Basile,  cet  impopulaire  tribut 
n'existait  pas,  car  nulle  mention  n'en  est  faite-.  C'était  là  un 
premier  bénéfice  net.  Une  seconde  source  de  revenus  leur 
venait  de  certaines  dispositions  légales.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  le  Prochiron  attribue  aux  Eglises  de  villes  les 
biens  d'un  captif  mort  sans  que  ses  héritiers  naturels  ou  autres 
aient  cherché  à  le  délivrer -^  De  même  si  les  enfants  de  clercs 
sont  hétérodoxes,  les  biens  paternels  doivent. aller  aux  Eglises*. 
Il  est  probable  que  ces  faits  étaient  assez  fréquents  puisqu'ils 
firent  l'objet  de  mesures  législatives.  On  en  peut  donc  conclure 
que.  pour  l'Eglise  comme  pour  l'Etat,  la  confiscation,  sous  un 
prétexte  ou  sous  un  autre,  était  une  source  considérable  de 
revenus.  Enfin,  les  Empereurs  et  les  grands  donnaient  à 
certaines  églises  qu'ils  affectionnaient  particulièrement,  des 
privilèges  et  des  dons.  Ces  biens,  après  trente  ans,  ne  pou- 
vaient plus  être  repris  ;  ils  faisaient  partie  du  patrimoine  ecclé- 
siastique ^.  Néanmoins,  tout  ce  monde  ecclésiastique  ne  devait 
guère  être  très  bien  payé,  puisqu'à  Sainte-Sophie  même,  il  y 
avait  des  clercs  qui  ne  touchaient  que  trois  miliaresia  de  trai- 
tement et  d'autres  moins  encore  ^.  On  comprend,  dès  lors,  la 
tentation  qu'avait  le  clergé  de  vendre  ou  de  céder  sous  formes 
d'emphythéose,  domaines  et  a  ases  sacrés.  En  certaines  années 
de  disette,  quand  le  blé  était  cher,  il  fallait  vivre  et,  pour  cela, 
on  prenait  un  emploi  quelconque  ou  l'on  faisait  argent  des 
biens  religieux.  Contre  l'un  et  l'autre  de  ces  abus,  le  Concile 
de  869  protesta  et  les  Empereurs  légiférèrent.  Le  Canon  XV 
défend  formellement  de  vendre  les  objets  servant  au  culte, 
—  sauf  quand  il  s'agit  de  racheter  les  captifs  —  de  donner  en 
emphythéose  les  salaires  ou  de  vendre  les  propriétés  «  nec  tra 
dere  salaria  ecclesiarum  in  emphyteutica  pacta,  nec  alios  rus- 
ticas  possessiones  venumdare  "  »,  car,  outre  l'inconvenance  de 
la  chose,  c'était,   en  général,  une  perte  pour  l'Eglise.  Celui  qui 

I.  "lo'.wT'.x.f,  àyyapsia  t'.to'.  oouAsîa.  o'jtî  or.ixosLdc  (Epan.,  ix,  i6,  p.  83). 
3.  Monnier,  op.  cit.,  1892,  p.  017  et  seq. 

3.  Proch.,  t.  XXXIII,  \  et  xi,  p^  176-177. 

4.  Ibid.,  XV,  p.  182. 

5.  Gan.  XVIII.  Mansi,  xvi,  172. 

6.  Cerem.,  p.  1288. 

7.  Mansi,  xn,  168. 


282  BASILE    T 

avait  reçu  ces  biens  à  bail,   ne  payant  point  ses  redevances,  il 
fallait  l'attaquer,  d'où  scandale  et  parfois  injustice  ^ 

Toutefois,  l'eniphx  théose  est  encore  autorisée  par  Basile  -  à 
certaines  conditions.  Tel  le  cas,  par  exemple,  011  une  église  ne 
peut  plus  payer  l'impôt  ^.  Devant  le  métropolitain,  les  évêques 
et  le  clergé,  on  doit  alors  porter  la  question  et  c'est  l'assemblée 
qui  décide  ce  qu'il  conviendra  de  faire.  En  tous  cas,  jamais 
un  économe,  un  orphanotrophe.  un  administrateur  n'a  le 
droit  —  sauf  le  cas  de  nécessité  —  de  faire  une  opération  ilnan- 
cière  quelconque  sur  les  biens  ecclésiastiques.  S'il  le  fait,  il 
encourt  lui  et  les  siens  les  peines  les  plus  graves  ^.  Il  fallait 
probablement  toutes  ces  menaces  pour  empêcher  des  abus  qui 
devaient  d'autant  plus  facilement  se  répéter  que  l'impôt  tou- 
jours écrasant  nécessitait  parfois  de  semblables  indélicatesses. 


IV 


En  marge  du  clergé  séculier  vivait  à  Byzance  le  clergé  régu 
lier,  les  moines,  dont  l'influence  de  plus  en  plus  considérable 
tendait  à  reléguer  au  second  plan  le  clergé  des  églises  -*.  Depuis 
le  règne  de  Théodora,  en  eff'et.  l'autorité  s'était  faite  très  douce 
pour  eux.  On  eût  dit  qu'elle  voulait  réparer  les  injustices  pas- 
sées, celles  de  la  période  iconoclaste.  Le  peuple,  de  son  côté, 
témoignait  à  ses  religieux  le  plus  grand  respect  et  tous,  puis- 
sants et  petits,  s'en  allaient  volontiers  de  temps  à  autres  faire 
un  pèlerinage  auprès  des  solitaires  célèbres  comme  aux  cou- 
vents illustres^.  Le  règne  de  Basile,  à  son  tour,  ne  leur  fut  pas 


I.  Can.  XX.  Mansi,  xvi,  p.  178. 
a.  Prochir.,  \\,  s  i,  p.  92. 

3.  La  Constitution  XVI,  titre  IX  de  ÏEpanag..  p.  83,  ne  contredit  pas 
cette  loi.  D'abord,  elle  fait  une  réserve  pour  le  cas  de  nécessité,  ensuite  il 
est  probable  qu'il  s'agit  ici  de  l'impôt  foncier. 

4.  Prochir.,  xv,  S  6,  p.  94. 

5.  Le  plus  souvent,  on  choisissait  des  moines  pour  l'épiscopat.  Tous  les 
patriarches  orthodoxes  dont  nous  connaissons  la  vie  furent  moines,  et 
l'on  sait  que  cette  tradition  fondée  sur  le  célibat  ecclésiastique  est  encore 
observée  aujourd'hui  dans  l'Eglise  grecque  et  dans  l'Eglise  russe.  Cf.  Soko- 
lov,  Izbranie  patriarkhov,  avec  la  liste  des  patriarches  d'après  leur  condi- 
tion sociale  et  leur  rang  dans  le  clergé. 

6.  Vit.  Joann.,  p.  3/ii. 


ET    i/eMPIRK    mZAMIN  s:>83 

moins  faA  orable.  Une  fois  sur  le  trône,  il  aima  à  s'entourer  de 
moines  et  à  intervenir  personnellement  pour  appeler  dans  sa 
capitale  les  personnalités  les  plus  vénérées  de  son  temps, 
comme  ce  Saint  Pierre  de  Galatie  qu'il  alla  chercher  à  l'Olympe 
pour  lui  confier  le  monastère  de  Saint-Phocas  K  Aussi,  le 
monachisme,  en  ces  jours  de  paix,  refleurit-il  richement.  De 
toutes  parts,  des  fondations  nouvelles  apparaissent,  de  pieuses 
restaurations  s'accomplissent.  Le  temps  n'est  plus  où  les  cou- 
vents voyaient  leurs  habitants  se  disperser  tristement  pour  ne 
plus  revenir,  les  uns  parce  que  la  persécution  les  avait  chassés 
au  loin  et  qu'ils  ne  voulaient  plus  rentrer  à  Constantinople  ; 
les  autres  parce  que  la  mort  les  avait  accueillis  avant  le  retour 
désiré  -.  Couvents  de  femmes  et  couvents  d'hommes  se  repri- 
rent donc,  dès  843,  à  vivre  et  à  essaimer  pour  donner  à  tous 
l'exemple  de  leurs  vertus.  Mais,  par  le  fait  même  de  leur  grand 
nombre,  de  leurs  richesses  et  de  leur  influence,  le  pouvoir 
ecclésiastique  ainsi  que  le  pouvoir  laïque  fut  obligé  de  compter 
avec  eux.  Au  ix*"  siècle,  comme  à  toutes  les  époques  de  l'Empire 
byzantin,  nous  voyons  la  législation  intervenir  fréquemment 
pour  régler  leur  situation,  préciser  leurs  droits  et  empêcher 
les  abus.  Il  importe  donc  d'étudier  rapidement  l'organisation 
de  ce  clergé  ^. 

Sous  le  règne  de  Basile,  nous  connaissons  quelques  centres 
importants  de  monachisme.  La  capitale  compte  de  nombreux 
couvents  ;  les  environs  immédiats  et  lointains  en  possèdent 
aussi  beaucoup.  L'Italie  byzantine,  comme  la  Grèce,  la  Macé- 
doine, la  Palestine,  l'Egypte  sont  riches  en  monastères  grecs  ^  ; 
mais  le  véritable  foyer  de  la  vie  religieuse  à  cette  époque  est, 
sans  contredit,  l'Olympe  de  Bithynie.  Là,  vivent  ou  par  là  pas- 
sent tous  les   grands   saints  connus.  Sainte  Irène,  en  allant  à 


1.  Synax.  Constant.,  p.  120, 

2.  Vit.  Sanctœ  Ireneœ.  A.  A.  S.  S.,  juillet,  VI,  p.  6o5. 

3.  J'insiste  seulement  dans  ce  chapitre  sur  les  points  nettement  mis  en 
lumière  par  la  législation  de  Basile  et  quelques  textes  hagiographiques. 
Pour  l'organisation  privée  et  intérieure  des  couvents,  des  origines  mona- 
chiques  à  Photius  Cf.  Marin,  les  Moines  de  Constantinople. 

4.  A.  S.  Sabhas  comme  à  S.  Ghariton  il  y  avait  encore  des  moines.  En 
Egypte,  S.  Macaire  compte  mille  pères  et  mille  «  kellia  ».  S.  Syméon  près 
d'Antioche,  est  toujours  en  pleine  efflorescence.  Du  reste,  la  plupart  des 
lieux  consacrés  par  la  tradition,  possédaient,  au  ix*"  siècle,  au  moins  un 
monastère  (Vasiljev,  p.  35'»,  ]it.  S'.  Theod.  d'Edess.,  S  lo/j,  p.  112. 


284  BASILE    I 

Gonstantinople  chercher  la  couronne  impériale  qu'elle  n'y 
trouva  pas,  s'y  arrête  et  reçoit  de  saint  Joannice  la  prédiction 
qu'elle  ne  sera  pas  épouse  de  Michel  III  mais  qu'elle  ira  relever 
un  monastère  de  femmes  qui  l'attend  à  Gonstantinople  :  celui 
de  Ghrysobalantos  ^.  Saint  Joannice,  saint  Luc,  saint  Eus- 
thatios,  bien  d'autres,  sont  fils  de  l'Olympe.  11  n'est  pas  de 
moines,  jusqu'aux  Géorgiens,  qui  ne  viennent  visiter  leurs 
frères  de  Bithynie  -.  Sur  les  pentes  de  la  montagne,  sur  les 
rivages  de  la  mer,  aux  environs  de  Brousse,  comme  au  loin 
dans  la  montagne,  toute  une  elflorescence  de  maisons  reli- 
gieuses se  manifeste  au  ix"  siècle.  Là,  les  uns  vivent  en  com- 
munauté, sous  la  direction  immédiate  d'un  higoumène  ;  les 
autres  se  retirent,  après  un  stage  fait  au  couvent,  dans  la  soli- 
tude. On  peut,  en  réalité,  répartir  les  moines  en  trois  grands 
groupes.  Il  y  a  les  cénobites  ;  ce  sont  ceux  qui  habitent  en 
commun  et  se  livrent  à  la  prière,  au  travail,  à  l'éducation.  Il 
y  a  les  anachorètes  ;  ce  sont  ceux  qui  vivent  à  quelque  dis- 
tance des  monastères,  seuls  ou  par  petits  groupes  de  deux  ou 
trois  et  sont  uniquement  contemplatifs  ;  enfin  il  y  a  les  itiné- 
rants que  nous  trouvons  sur  toutes  les  grandes  routes  de  l'Em- 
pire, passant  un  an,  deux  ans,  parfois  moins  encore,  tantôt 
dans  un  couvent,  tantôt  dans  l'autre,  tantôt  dans  les  grottes  et 
tantôt  dans  les  villes.  Geux-là,  pour  l'ordinaire,  sont  les  moins 
respectés  et  parfois  les  moins  respectables.  Ils  sont  sales,  men- 
dient, se  mêlent  à  la  foule  et,  à  l'occasion,  manifestent  avec 
elle  ^.  Toutefois,  parmi  eux,  il  y  a  aussi  de  saintes  gens  qui 
courent  le  monde  pour  faire  des  pèlerinages  et  s'en  vont,  aux 
heures  de  crise,  apporter  à  leurs  supérieurs  les  nouvelles  et  les 
renseignements  qui  leur  seront  utiles.  Examinons  chacun  de 
ces  groupes. 

Le  couvent  était  chez  les  Grecs  du  ix*  siècle  ce  qu'il  est  resté 
encore  aujourd'hui  au  mont  Athos  :  un  groupement  d'individus, 
unis  par  une  règle  commune,  sous  la  surveillance  d'un  supé- 
rieur ou  higoumène.  Les  constructions  qui  abritent  ces  reli- 
gieux sont  très  généralement  situées  en  pleine  campagne,  sur 
une  montagne  ou  aux  abords  des  villes,  ce  qui  ne  veut  pas 
dire  qu'à  l'intérieur  des  remparts  qui   défendaient  les  cités,  il 

1.  A.  A.  S.  S.,  juillet,  VI,  6o4. 

2.  Vit.   S.  Hilar.,  Vasiljev,  Soc,  orth.   russe  de  Palest.,  t.  IV,  p.  4o.  i888, 

3.  Sym.  Mag.,  ch.  xlii,  p.  -j^i. 


ET  l'empire  byzantin  285 

n'y  ait  pas  eu  de  monastères  K  Constantinople  comptait  un 
nombre  respectable  de  monastères  dont  l'origine  était  presque 
toujours  la  même  :  la  conversion  d'un  personnage  qui  transfor- 
mait son  immeuble  en  couvent.  Tel  fut  le  cas  de  Théophane, 
d'Aspar  et  de  bien  d'autres  au  ix*"  siècle.  Ces  transformations 
étaient  même  à  cette  époque  si  fréquentes  que  les  Conciles 
durent  lutter  contre  les  abus.  Pour  une  raison  ou  pour  une 
autre,  on  élevait  une  maison  religieuse,  puis,  un  jour,  on 
reprenait  la  fortune  qu'on  avait  apportée,  on  vendait  le  bien 
du  couvent  ou  on  le  léguait  à  d'autres  ^  et  les  religieux  se  trou- 
vaient ainsi  dans  de  cruelles  nécessités.  Abroger  de  telles 
coutumes  était  un  devoir  auquel  le  Concile  dit  ((  prima 
secunda  o  travailla,  sans,  du  reste,  y  réussir.  Mais  l'abus 
était  plus  dangereux  encore  quand  il  prenait  fantaisie  à  deux 
époux  de  se  faire  moines  et  de  fonder  un  couvent  dans  leur 
propre  immeuble.  On  avait  alors  un  u  monastère  double  », 
c'est-à-dire  composé  d'hommes  et  de  femmes  séparés  seulement 
les  uns  des  autres  par  de  faibles  barrières.  Le  danger  était  si 
grand  que  l'Eglise  n'attendit  pas  le  ix"  siècle  pour  s'élever 
contre  de  telles  habitudes,  et,  en  vérité,  elle  paraît  avoir  été 
plus  heureuse  sur  ce  point  que  sur  le  premier,  car  nous  n'avons 
pas,  pour  le  règne  même  de  Basile,  de  preuves  certaines  de 
leur  existence  ;  mais  leur  disparition  n'était,  en  tous  cas,  pas 
ancienne^.  Pour  l'ordinaire,  l'érection  d'un  couvent  se  faisait 
en  dehors  de  ville,  dans  une  propriété  qu'on  affectait  au  ser- 
vice des  religieux.  Là,  le  fondateur  érigeait  une  église  centrale, 
autour  de  laquelle  venaient,  avec  le  temps,  se  grouper  d'au- 
tres chapelles  ou  oratoires*  :  la  demeure  du  donateur  devenait 
le  couvent  et,  comme  par  le  passé,  fermes  et  dépendances 
(uLSToyla)  servaient  au  travail  des  champs  et  à  d'autres  usages, 
comme  à  la  réception  des  étrangers  et  à  la  formation  intellec- 
tuelle et  morale  des  enfants  (xaTaywvî.ov)  ^.  Si  chacun  de  ces 
couvents  vivait  sous  la  direction  d'un  higoumène,  le  plus  sou- 
vent,  les  couvents  d'une   même  contrée  formaient  entre  eux 


1.  Cf.  pour  toute  cette  question  la  thèse  de  M.  Fenadou,  «  Des  biens  des 
monastères  à  lîyzance.  » 

2.  Canon  I.  Mansi,  \vi,  p.  530. 

3.  Cf.  Pargoire,  Les  Monastères  doubles.  Echos  d'Orient,  Janvier  1906. 
\,  Vit.  S.  Theod.  Edess.,  S  29.  p.  32. 

5.  Vit.  Nicol.  Stnd.,  M  igné,  CV,  p.  8O9, 


286  BASILE    J 

une  véritable  fédération,  ayant  à  sa  tète  un  higoumène  en  chel. 
Nous  connaissons,  par  exemple,  un  <(  chef  de  monastères  de  la 
Propontide  »  qui  vivait  sous  le  pontificat  de  saint  Ignace  ^  et 
le  fameux  Thcognoste  s'intitulait  lui  même  «  archimandrite 
de  l'ancienne  Rome  et  exarche  de  Constantinople  ^^,  »  ce  qui 
paraît  signifier  qu'il  gouvernait  à  la  fois  les  monastères  de 
l'Italie  méridionale  et  ceux  de  Constantinople.  Peut-être  même 
tous  les  couvents  du  Patriarcat  avaient-ils  un  chef  unique, 
résidant  à  Constantinople  car  il  semble,  d'après  une  lettre  de 
Nicolas  P'  que  l'autorité  de  Théognoste  s'étendait  à  tous  les 
monastères  grecs  ^.  En  toiis  cas,  sa  situation  était  telle  qu'il  se 
trouvait  sous  Basile,  tout  à  la  fois  higoumène  de  Pigi  et  skevo- 
phylax  de  Sainte-Sophie  ^,  charge  qui  évidemment  n'était  pas 
donnée  à  un  religieux  quelconque,  mais  nous  ignorons  tout 
de  ses  fonctions  et  de  son  autorité  au  point  de  vue  monacal,  à 
l'époque  qui  nous  occupe'^.  Ce  ({ui  paraît  certain,  en  tous  cas. 
c'est  qu'il  ne  devait  pas  être  en  son  pouvoir  d'acycorder  entre 
eux  les  différents  groupes  de  monastères  sur  lesquels  il  avait 
autorité.  Le  Stoudion  et  rOlympc  avaient  peut-être  un  higou- 
mène en  chef  commun,  ils  ne  s'en  aimaient  pas  davantage 
pour  autant  et,  à  lire  les  amabilités  que  le  moine  Pierre  s'amuse 
à  écrire  sur  les  studitcs  dans  sa  vie  de  saint  Joannice,  on  peut 
être  édifié  sur  leurs  relations  mutuelles  ^\ 

L'histoire  de  ces  saintes  maisons  était  toujours  ajjproxima- 
tivement  la  même.  Un  jour,  un  bienfaiteur  quelconque,  pour 
une  raison  ou  pour  une  aulre.  se  décidait  à  créer  un  monastère. 
A  cette  fin,  suivant  la  législation  en  vigueur  à  partir  du 
premier  pontificat  de  Pholius,  il  devait  demander  et  obtenir 
l'autorisation  de  l'évêque  du  lieu  qui  seul  avait  droit  de  bénir 
la  première  pierre.  La  cérémonie  faite,  l'évêque  et  le  bienfai- 
teur dressaient  un  acte  indiquant  les  biens  qui  désormais 
appartiendront  au  couvent.  Cet  acte  était  déposé  dans  les 
archives  épiscopales  et  ainsi  le  monastère  vivait.  Religieux  et 
Religieuses  venaient  alors  rapidement  se  placer  sous  la  direc- 

1.  «  "Ap/ojv  Twv  jxovaaxTiptojv  Twv  xaTàj  npoTiovTÎSa.  »  lit.  Ignat.,  53a. 

2.  -Mansi,  xvi,  298, 

3.  LU).  Pontif.,  II,  p.  187,  note  3o. 
A.  Mansi,  \vi,  2o3. 

5,  Pour  le  vi'=  siècle,  il  existe  une  novelle  de  Justinien  assez  détaillée  sur 
les  prérogatives  de  ce  personnage  (Cf.  Marin,  op.  cit.,  170. 
C).  \  it.  S.  Joami.,  ]).  ^»3i. 


ET    L  KMPIHE    lîVZAMIN  287 

lion  de  rhigoumène,  dont  le  signe  distinclif  était  le  bâton 
pastoral,  et  la  communauté  était  fondée.  Le  choix  de  l'higou- 
mène  se  faisait  de  manières  assez  diverses  dans  les  couvents, 
suivant  les  droits  du  fondateur,,  de  l'évêque  ou  des  moines. 
Le  «  typicon  »  indiquait,  en  général,  la  loi  à  ce  sujet  K  En  tous 
cas.  depuis  le  concile  de  80 1,  il  fut  interdit  à  Tévéque  de  se 
nommer  lui-même  higoumène  ou  de  placer  quelqu'un  d'autre 
à  sa  place  K  pas  plus  qu'il  ne  lui  fut  permis  de  fonder  de  nou- 
veaux monastères  avec  l'argent  de  son  évêché.  C'était,  en  effet, 
pour  un  évêque  peu  soucieux  de  ses  devoirs,  un  moyen  com- 
mode de  s'enrichir  aux  dépens  d'autrui.  L'évêque.  tout  en 
restant  évêque,  fondait  un  monastère,  il  en  devenait  l' higou- 
mène et  l'argent  de  son  évêché  comme  du  monastère,  de  cette 
façon,  lui  revenait.  C'était  la  ruine  des  fortunes  épiscopales. 
chose  lamentable  que  le  Concile  dut  interdire. 

Cette  exclusion  indiquée,  qui  pouvait  élire  et  être  élu  ?  Si  le 
couvent  était  libre,  les  religieux  nommaient  eux-mêmes  leur 
supérieur.  On  choisissait,  en  général,  un  des  dignitaires  de 
l'ordre  et  plus  d'une  fois  les  Yies  de  saints  nous  apprennent 
qu'à  son  lit  de  mort,  entouré  de  ses  fils,  Ihigoumène  désignait 
son  successeur  au  choix  des  religieux  '-.  Si  le  couvent,  au 
contraire,  se  trouvait  sous  la  dépendance  de  quelqu'un,  que 
ce  fut  le  Patriarche,  le  Basileus,  un  Evêque  ou  un  particulier, 
l'élection  devait  être  au  moins  approuvée  par  celui-là,  quand 
il  n'avait  pas  droit  de  présenter  ou  de  choisir  ^.  De  cette 
seconde  façon  de  faire,  nous  avons  plusieurs  exemples  pour 
le  IX''  siècle  qui  semblent  éclairer  le  procédé  en  usage.  Lorsque 
sainte  Théodora  de  Thessalonique  se  trouva  trop  âgée  pour 
diriger  sa  communauté,  l'archevêque  de  Thessalonique, 
Théodore,  présenta  à  sa  place  {KpotS\rfir^)  la  fdle  d'une  pieuse 
femme,  Théopiste,   au  choix  des   archimandrites    flilarion   et 

I.  Le  typicon  pouvait  ùlrc  de  deux  sortes.  (Tétait  soit  renseiublc  des  règles 
d'un  couvent,  soit  l'enscniblc  des  rèj^les  liturgiques  qui  conuuandaient  les 
otTices  de  l'année.  L'élection  de  riiigouniène  se  trouvait  dans  les  typica  de  la 
première  classe.  Du  reste,  au  point  de  vue  de  la  règle,  en  général,  toutes  se 
ramenaient  à  deux  chefs  principaux  :  à  celle  de  S.  Hasile  ou  à  celle  de 
S.  Pacôme.  On  sait,  par  exemple,  qu'au  xi"  siècle,  le  monastère  fondé  par 
Alexis  Conmène  «  "^oj  -.p'.XavOpwrou  Xpi's'zoîj  »  vivait  sous  la  seconde  de  ces 
régies  (S ig m.  byz.,  p.  iSg).  La  règle  de  S.  Basile  était  la  plus  généralement 
pratiquée.  Au  Sinaï  les  moines  vivaient  sous  la  règle  de  S.  Antoine. 

9..  Analcda  holl..  IV,  37!^ 

3.  VU.  II  Jonnn.,  \9.-. 


288  BASILE    1 

Dorothée  ainsi  qu'à  celui  de  l'ancienne  supérieure  et  de  toute 
la  communauté,  ce  qui  fut  accepté  K  On  le  voit,  il  y  a  là  deux 
choses  bien  distinctes  :  le  droit  de  présentation  qui  appartient, 
dans  ce  cas,  à  l'archevêque  de  Thessalonique  et  l'élection.  A 
cette  élection  prennent  part  les  archimandrites  —  probable- 
ment le  supérieur  général  des  couvents  grecs  de  cette  contrée 
et  le  supérieur  local  —  et  la  communauté.  Il  en  alla  de  même 
lors  de  l'élection  de  sainte  Irène.  A  la  mort  de  l'ancienne 
supérieure,  les  religieuses  s'en  allèrent  à  l'église  du  couvent  et 
de  là  chez  le  Patriarche  pour  qu'il  leur  donnât  de  sa  main  une 
abbesse  qu'elles  paraissent  avoir  auparavant  désignée  et  qui 
était  Irène  -.  C'est  donc  la  même  procédure,  dans  l'un  et 
l'autre  cas.  Il  y  avait  toujours  élection  de  la  communauté, 
élection  accompagnée  d'une  présentation  ou  d'une  approbation, 
suivant  le  personnage  qui  avait  fondé  le  couvent  ^. 

Une  fois  nommé,  l'higoumène  jouissait  d'une  entière  liberté 
dans  l'administration  du  monastère.  L'autorité  ecclésiastique 
n'intervenait  plus  guère  que  dans  les  cas  d'une  certaine  gra- 
vité. Le  Patriarche  conservait,  en  effet,  sur  tous  les  couvents, 
quels  que  soient  leurs  titres  de  fondation,  un  droit  de  surveil- 
lance et  de  correction.  Cependant,  pour  les  monastères  libres, 
il  ne  pouvait  pénétrer  à  l'intérieur  de  la  clôture  que  s'il  y  avait 
eu  infraction  grave  commise  par  un  religieux  *.  En  temps 
ordinaire  la  discipline  était  faite  par  l'higoumène  lui-même. 
Néanmoins,  à  l'époque  de  Photius,  l'autorité  épiscopale  se  fit 
un  instant  sentir  plus  lourdement  sur  les  couvents.  Le  Concile 
de  86 1  conféra  à  l'Evêque  des  droits  qu'il  n'avait  pas  eus 
jusqu'à  ce  jour,  soit  sur  les  années  de  noviciat,  soit  sur  les 
déplacements  des  moines  ''.  Mais  il  ne  semble  pas  que  ces  pres- 
criptions soient  demeurées  longtemps  en  vigueur. 

Le  moine,  en  entrant  au  couvent,  devait  faire  un  noviciat 
de  trois  années.  Ce  noviciat,  d'après  les  prescriptions  du 
Concile  de  86i,  pouvait  être  abrégé  pour  de  graves  raisons  et 
réduit  à  six  mois  ^  ;  mais  c'était  une  exception  sans  doute  fort 
rare.  C'est  que  la  vie  religieuse  exigeait  une  longue  préparation 

1.  Vit.  S.  Theod.,  S  87,  p.  21. 

2.  A.  A.  S.  S.,  Juillet,  VI,  609. 

3.  Cf.  Zhishman,  p.  47  et  seq. 

4.  Monnier,  op.  cit.,  p.  525. 

5.  Marin,  p.  208-309. 

G.  Caii.  V.  Mansi,  xvi,  p.  54o. 


ET    l'empire    byzantin  289 

et  de  solides  vertus  et  que  chacun  n'était  pas  apte  à  la  mener 
saintement.  Bien  entendu,  on  entrait  à  tout  âge  au  couvent.  A 
côté  de  très  jeunes  gens,  on  voyait  de  temps  à  autre  apparaître 
des  hommes  mûrs  et  des  vieillards,  parfois  de  grands  digni- 
taires de  l'Empire.  Ils  venaient  chercher  dans  le  cloître  le 
repos,  la  liberté,  souvent  aussi  le  châtiment  de  quelques  fautes 
graves.  Ceux-là,  au  moins  les  plus  illustres  d'entre  eux.  parais- 
sent n'avoir  pas  perdu  tout  contact  avec  le  monde  car  le  Livre 
des  Cérémonies  leur  donne  une  place  en  certaines  grandes 
circonstances.  L'artocline  Philotée  les  appelle  «  kr^o  uLaylo-Tpcov 
{jLOvao'.xoi»  ^.  Mais  c'était,  évidemment,  une  exception.  Le  plus 
souvent,  le  moine  entrait  jeune  au  couvent.  S'il  était  enfant, 
comme  saint  Mcolas  Studite  ou  Antoine  Kauléas,  on  l'en- 
voyait à  l'école  du  monastère  jusqu'à  ce  qu'il  eût  l'âge  d'être 
reçu  au  nombre  des  moines,  car  c'était  une  pratique  assez 
habituelle  à  Byzance  d'ofïrir  à  Dieu  l'un  de  ses  enfants.  Saint 
iSicolas  avait  dix  ans  quand  il  vint  de  Crête  à  Constantinople 
pour  entrer  au  Stoudion  et  sainte  Théodora  n'avait  que 
six  ans  lorsque  ses  parents  la  portèrent  dans  un  couvent  de 
femmes,  dirigé  par  une  parente,  pour  qu'un  jour  elle  fut  reli- 
gieuse ^.  Si,  au  contraire,  il  avait  l'âge  requis  par  les  canons  et 
par  la  loi,  on  l'admettait  au  noviciat.  Durant  les  trois  années 
de  probation,  le  postulant  gardait  l'habit  laïque  et,  sous  la 
direction  d'un  religieux  éprouvé,  le  u  katigitis  )),  se  livrait  aux 
saints  exercices  de  l'ascétisme,  apprenait  les  trente  psaumes  et 
le  tropaire  ^  et  vaquait  aux  travaux  manuels  exigés  par  son 
supérieur  dont  il  était,  tout  à  la  fois,  et  le  compagnon  et  le 
serviteur  ^.  Sa  vocation  assurée,  on  le  conduisait  devant  l'hi- 
goumène^,  qui  lui  coupait  les  cheveux,  lui  donnait  l'habit  et 
faisait  sur  lui  une  onction  ''.  D'après  les  prescriptions  du 
Concile  de  86 1,  l'higoumène  seul  avait  le  droit  de  présider 
cette  cérémonie,  car  il  paraît  que  des  abus  s'étaient  introduits 


1 .  (^l'fcm.,  p.  i4i6. 

2.  17/.  Sanctœ  Theod.,  i\,  p.  5.  Il  paraît  même  que  parfois  l'on  faisait 
mieux  encore  caria  Vie  de  S.  Lucie  Jeune  parle  de  peines  sévères  qui 
furent  portées  contre  ceux  qui  enlevaient  les  enfants  pour  les  faire  entrer 
au  couvent  (A.  A.  S.  S.,  février,  II,  p.  86). 

3.  Vit.  Joann.,  34o,  342. 

4.  Vit.  S.  Theod.,  xx,  p.  i5. 

5.  Can.  II.  Mansi,  xvi,  p.  537. 

().  Vit.  Joann.,  34o  ;  Vit.  Iren.,  p.  6o4. 

19 


2 go  BASILE    I 

dans  la  vie  religieuse  d'alors  et  que,  plus  d'une  fois,  le  moine 
n'avait  de  son  état  que  la  tonsure.  Pour  remédier  à  un  état  de 
choses  fâcheux,  le  Concile  exigea  que  le  futur  religieux  reçût 
de  son  supérieur  lui-même  et  l'habit  et  la  tonsure  comme 
marque  de  sujétion  et  d'obéissance.  Ainsi  entré  dans  la  vie 
monacale,  le  religieux  ne  s'appartenait  plus.  Son  temps  était 
partagé  entre  la  prière,  les  travaux  manuels,  l'étude.  Elle  était, 
du  reste,  très  dure  l'existence  pour  le  moine  fidèle.  Sa  nour- 
riture se  composait  de  pain  et  d'eau,  d'olives  et  de  quelques 
légumes  cuits  à  l'eau  ^  :  souvent  même,  il  jeûnait  plus  rigou- 
reusement encore.  Et,  cependant,  les  offices  de  jour  et  de  nuit^ 
se  répétaient  à  intervalles  fixes,  longs  et  pénibles,  accom- 
pagnés parfois  de  grandes  mortifications  ^,  et  cependant  les 
travaux  des  champs  ou  ceux  du  monastère  devaient  aussi  s'ac- 
complir. Ces  travaux,  naturellement,  étaient  confiés  à  chaque 
moine  suivant  ses  aptitudes.  Les  uns  écrivaient,  copiaient  les 
manuscrits  ou  lisaient  les  Ecritures  et  les  Pères*  ;  d'autres 
allaient  conduire  les  bœufs  et  cultiver  les  terres  ^  ;  d'autres 
enfin  s'occupaient  à  fabriquer  de  menus  objets  qu'on  vendait 
ensuite  à  la  ville  la  plus  proche.  Saint  Théodore  avait  auprès 
de  lui  un  parent  qui  tressait  des  joncs  et  faisait  des  paniers  ^. 
L'auteur  de  la  vie  de  saint  Théodore  d'Edesse  nous  a  tracé 
le  programme  quotidien  de  son  héros.  C'est  un  tableau  qui 
nous  fait  saisir  sur  le  A'if  l'existence  d'un  moine  au  ix^  siècle. 
Dès  que  le  soleil  était  couché,  saint  Théodore  commençait 
sa  prière  qu'il  prolongeait  jusque  vers  la  onzième  heure,  au 
lever  du  soleil.  Il  s'en  allait  prendre  alors  une  ou  deux  heures 
de  sommeil,  puis  se  relevait,  faisait  de  nouveau  une  prière 
et  jusqu'à  la  troisième  heure  travaillait  à  copier  les  Livres 
saints.  A  la  sixième  et  à  la  neuvième  heure,  il  récitait  les 
hymnes  et  les  prières  propres  à  chacun  de  ces  moments  ; 
successivement  il  chantait  vêpres  et  matines  (Ajyv'.xoc  Ouvoç  ; 
vjxTcG'.val  tpoa'l)  et  recommençait  sa  veillée  de  prière  (àvpjTr^'la)  ''. 

1.  Vit.  S.  Theod.,  S  89,  p.  32. 

2.  «  .NuxTspivà  xal  jxeeT.jxep-.và  oo;o)voyta  )>  {Vit.    Theod.,  S  9,  p.  9).    Vit.    Ireil., 
loc.  cit.,  p.  61 3. 

3.  Vit.  Theod.,  S  9,  p-  8. 

4.  Vit.  Iren.,  loc.  cit.,  p.  C07. 

5.  Vit.  S.  Eiistath.  Anal.,  IV,  s  9,  p.  877. 
0.  Vit.  Theod.,  S  20,  p.  i5. 

7.  Ibid.,  S  16,  p.  i3. 


HT  L  i:mpiiu:  bv/vntix  :^()i 

A  peu  de  choses  près,  ce  programme  était  celui  de  tous  les 
moines.  On  comprend  qu'il  exigeait  une  certaine  préparation 
pour  le  bien  remplir  et  un  temps  d'épreuve  pour  se  demander 
si  l'on  serait  toute  sa  vie  capable  d'y  être  fidèle.  Chaque 
monastère  comptait  trois  sortes  de  moines  :  les  prêtres,  les 
frères  et  les  serviteurs.  Lorsqu'un  religieux  avait  passé  un 
assez  long  temps  parmi  les  frères  et  si  sa  vie  avait  été  irrépro- 
chable, l'higoumène.  probablement  sur  le  préavis  des  autres 
prêtres  *.  pouvait  lui  imposer  le  sacerdoce.  On  l'envoyait  alors 
dans  la  ville  épiscopale  la  plus  proche  pour  qu'il  reçut 
des  mains  de  l'évêque  l'ordination'-.  De  ce  fait  sa  situation 
grandissait  dans  le  couvent.  Il  pouvait  aspirer  à  devenir 
higoumène.  en  attendant  l'heure  où  il  irait  reposer  avec  ses 
prédécesseurs  dans  le  caveau  du  couvent  '^.  Naturellement,  une 
telle  vie  ne  pouvait  convenir  à  tous.  Sans  doute,  il  y  avait  bien 
de  temps  à  autres  quelque  honnête  distraction  —  somme  toute 
assez  peu  récréative  —  et  encore  c'était  rare.  Qu'on  en  juge. 
Le  biographe  de  saint  Théodore  d'Edesse  raconte  qu'à  certains 
jours  de  fêtes  la  communauté  s'en  allait  en  promenade  visiter 
dans  leur  solitude  les  pieux  ermites.  Une  année,  à  l'Annon- 
ciation, elle  alla  voir  saint  Théodore.  Dès  qu'on  fut  arrivé  au 
lieu  du  pèlerinage,  on  fit  la  prière,  on  s'embrassa,  puis  chacun 
s'assit  pour  entendre  la  parole  du  saint.  Après  quoi  un  prêtre 
célébra  la  messe  et  la  visite  se  termina  par  un  frugal  repas  de 
carême.  La  communauté  rentra  au  couvent,  tandis  que  quel- 
ques-uns, sans  doute  plus  zélé,  et  plus  anciens  *.  restèrent 
auprès  du  saint  qui  continua  pour  eux  son  instruction. 

C'est  bien  cette  austérité  de  vie  qui  explique,  à  n'en  pas  dou- 
ter, le  perpétuel  besoin  qu'avaient  certains  moines  plus  actifs 
de  sortir  de  leurs  cloîtres.  Ceux-là  s'en  allaient,  tantôt  à  pied, 
tantôt  à  cheval,  visiter  leurs  confrères  ou  les  lieux  saints.  Saint 
Eustathios  était  toujours  sur  les  grandes  routes,  accompagné 
d'un  autre  moine.  11  allait  visiter  saint  Joannice.  les  couvents 
des  alentours,  Gonstantinople  ^  et  nous  savons,  par  la  vie  de 
saint  Euthyme  et  de  saint  Joannice  combien  ces  grands  servi- 


1.  Vit.  S.  Joseph.  Hymnogr. 

2.  Vit.  Anton.  Papacl.  Kerani.,  Monamenta,  I,  p.  8. 

3.  ((  Tâcpoî  Twv  «ruvaj-/co'jTwv  ».  Vit.  Sanctœ  Theod.  Tlicssal,  S  'jô,  p.  :>.C). 
\.  Le  texte  les  appelle  «èyxpiTO'.». 

r>.  Vit.  S.  Eustath.  n'«  lo,  i'a,  i5,  p.  874-378. 


292  BASILE    1 

leurs  de  Dieu  se  déplaçaient  facilement.  Du  reste,  l'habitude  de 
ces  courses  perpétuelles  devint  si  fréquente  que  le  Concile  de 
861  dut  prendre  des  mesures  pour  arrêter  ce  u  flot  fougueux, 
psOtjLa  oua-xà8îXT0v.  »  S'il  reconnaît  qu'il  y  a  parfois  de  justes  et 
pieuses  raisons  d'abandonner  le  couvent  et  autorise  même  les 
évêques  à  choisir  des  religieux  pour  certains  ministères,  il  n'en 
constate  pas  moins  que  ces  continuelles  allées  et  venues 
troublent  la  paix  du  cloître  et  affaiblissent  l'obéissance.  En  con- 
séquence, il  excommunie  le  moine  qui  quitte  son  couvent  pour 
se  rendre  dans  un  autre  ou  chez  des  laïques  jusqu'à  ce  qu'il 
rentre  d'où  il  était  parti  K 

V  Byzance,  comme  partout  ailleurs,  la  vie  monacale,  par  sa 
complexité  même,  autant  que  par  son  influence,  sa  richesse  et 
son  indépendance,  intéressait  l'Etat  au  premier  chef.  Légiférer 
à  ce  sujet  fut  toujours  une  de  ses  particulières  préoccupations 
et  nous  savons  jusqu'à  quel  point  il  se  laissa  entraîner  à  un 
certain  moment,  sous  le  règne  de  iSicéphore  Phocas.  Basile,  tout 
«  philomonache  »  qu'il  fût,  s'empressa  de  porter,  de  son  côté, 
certaines  lois  civiles  destinées  à  confirmer  et  à  sanctionner 
l'œuvre  des  conciles.  Deux  choses,  du  reste,  regardaient  spé- 
cialement, à  cette  époque,  le  pouvoir  laïque,  et  qu'il  lui  était 
impossible  d'ignorer  :  la  question  de  fortune  et  la  question  de 
l'état  social  du  religieux.  Le  concile  de  861  '^  rappelle  sévère- 
ment aux  religieux  la  loi  de  la  pauvreté.  Ils  ne  doivent  rien 
avoir  en  propre  :  tout  appartient  au  couvent.  Mais  avant  leur 
entrée  en  religion,  liberté  leur  était  donnée  de  disposer  à  leur 
gré  de  leur  fortune.  Etait-ce  là  une  règle  récente?  Assurément 
non.  La  pauvreté  était  chose  obligatoire  dès  les  origines  du 
monachisme  3.  Néanmoins,  elle  ne  paraît  pas  avoir  été  toujours 
complètement  pratiquée  et,  aux  environs  de  861,  il  semble 
bien  que  les  moines  s'en  exemptaient  plus  ou  moins  facile- 
ment. Le  canon  VI  du  Concile  de  861  suffirait  à  le  prouver; 
mais  nous  avons  d'autres    preuves  encore  de  ce  relâchement. 

1.  Can.  l\.  -Mansi,  \vi,  p.  587.  .le  ne  crois  pas  (pTil  faille,  avec  l'abbé 
Marin,  attribuer  à  Photiiis  de  trop  machiavéliques  calculs  quand  il  lit 
élaborer  ces  canons,  Les  abus  que  nous  constatons  jusque  chez  les  saints 
dont  nous  connaissons  la  vie,  font  supposer  qu'ils  devaient  être  singuliè- 
remcnt  répandus  parmi  les  moines  moins  vertueux.  Cela  semble  suiFire  à 
l'explication  de  ces  règles. 

2.  Can.  YI.  Mansi,  xvi,  54o. 

3.  Marin,  op.  rit..   119,  lao. 


i:t  i.'empiuk  byzantin  993 

Un  jour,  un  excellent  moine  du  nom  de  Thomas  s'en  alla  visi- 
ter saint  Joannice.  Au  moment  de  partir  le  u  bienheureux 
Père  )),  en  guise  de  salut,  lui  prédit  sa  fm  prochaine.  Thomas, 
plein  de  foi  en  la  parole  du  saint,  distribua  tous  ses  biens  aux 
pauvres  et  mourut  quinze  jours  plus  tard  K  De  son  côté, 
lorsque  Théophane  se  fit  moine,  il  se  dépouilla  de  tous  ses 
biens,  chose  assez  remarquable  pour  que  son  biographe  le  rap- 
porte -.  L'antique  discipline  avait  donc,  semble-t-il,  besoin 
d'être  restaurée.  C'est  ce  que  fit  le  Concile  et  ce  que  sanctionna 
Basile  '^.  Celui  qui  voulait  entrer  au  couvent,  devait  auparavant 
mettre  ordre  à  ses  affaires,  car,  une  fois  moine,  il  n'était  plus 
le  maître  de  ses  biens.  La  loi,  cependant,  pour  formelle  qu'elle 
paraisse,  connaissait  des  exceptions.  La  preuve  en  est  que  si  le 
religieux  avait  des  enfants,  il  pouvait,  même  après  son  entrée 
en  religion,  partager  son  avoir  entre  ceux-ci.  Bien  plus.  Dans 
le  cas  où  il  mourait  intestat,  la  loi  reconnaissait  à  ses  héritiers 
naturels  leur  part  légitime  *.  Il  gardait  même  si  bien  quelque 
chose  comme  la  propriété  de  sa  fortune  que  s'il  quittait  son 
monastère,  il  était  privé  de  ce  qu'il  possédait  ^  :  ce  qui  paraît 
indiquer,  qu'en  somme,  le  religieux  gardait  la  nue-propriété 
de  sa  fortune.  Seul  l'usufruit,  de  son  vivant,  appartenait  au 
monastère.  C'était  là,  du  reste,  une  des  grandes  sources  de 
richesse  du  monastère.  Parmi  les  moines,  il  y  avait  des  riches 
et  toujours,  sur  leur  fortune,  une  part  devait  être  faite  pour  le 
monastère,  de  même  que  chez  les  femmes,  il  semble  bien  qu'on 
exigeait  une  dot  ♦^.  Ces  ressources  n'empêchaient  pas  pour  autant 
les  couvents  d'être  souvent  dans  la  gêne.  Il  leur  arrivait  même 
de  ne  pouvoir  payer  régulièrement  les  impôts.  Le  biographe  de 
saint  Eust'athios  raconte  qu'une  année  les  choses  fussent  allées 
mal  pour  le  monastère  olympien  dont  il  était  le  chef  si  de 
riches  particuliers  n'étaient  venus  à  son  secours  '^.  Quant  à 
l'état  social  du  futur  moine,  Basile  ne  paraît  pas  s'en  être  direc- 
tement occupé.  Ce  sera  l'œuvre  de  son  successeur  Léon,  de 
régler  cette  délicate  question  qui  pouvait  mettre  aux  prises,  en 

1.  Vit.  S.  Joann.,  11,  p.  \:i-. 

2.  Vit.  Theoph.,  Migne,  GVIII,  p.  29. 

3.  Prochir.,  xxiv,  §  2,  p.  i33. 
^.  Ibid.,  S  3. 

•"i.  Ibid.,  S  4.  Ferradou,  op.  cit.,  i3i  et  seq. 
G.  Vit.  Sandds  Theod.  Thessal.,  S  20,  p.  12. 
7.  Vit.  S.  Eustath.  p.  3-8. 


294  BASILE    I 

certaines  circonstances,  l'esclave  devenu  moine  et  son  maître 
légitime. 

A  côté  et  au-dessus  de  la  vie  cénobitique,  nous  avons  dit 
qu'il  y  avait,  dans  la  vie  religieuse,  Tétat  solitaire.  Auix"  siècle, 
nombreux  étaient  les  moines  qui  s'en  allaient  dans  les  lieux 
déserts  mener  une  existence  plus  dure  et  plus  recueillie  encore 
qu'ils  n'auraient  pu  le  faire  au  couvent.  Autour  des  monas- 
tères, cachés  dans  les  montagnes,  les  solitaires  s'adonnaient 
tout  entier  h  l'oraison  et  a  la  pénitence.  A  cette  époque,  les 
stylites  étaient  beaucoup  moins  nombreux.  Le  plus  célèbre, 
saint  Luc,  dont  la  colonne  s'élevait  tout  près  de  Chalcédoine, 
au  quartier  d'Eutrope,  paraît  déjà  une  exception.  La  coutume 
était  plutôt  d'aller  «  de  montagnes  en  montagnes  )>  comme 
saint  Joannice,  chercher  la  solitude  et  peut-être  un  peu  de 
liberté  K  Là,  les  anachorètes  -  habitaient  de  très  modestes 
u  xéÀAat.  »  faites  de  feuilles  sèches  ou  formées  par  une  grotte  et 
ils  y  passaient  de  longues  années,  ne  descendant  que  rarement 
au  monastère  et  pour  de  graves  raisons.  Mais  pour  pouvoir 
mener  cette  vie  retirée  et  toute  «  angélique  »  d'une  façon  régu- 
lière, il  fallait  auparavant  faire,  comme  les  autres  moines,  son 
noviciat  au  couvent  car  c'était  là,  uniquement,  que  le  futur 
reclus  pouvait  apprendre  ce  qu'il  devait  savoir  :  l'hymnodie, 
c'est-à-dire  le  psautier  en  tout  ou  en  partie,  l'ordre  des  orai- 
sons pour  les  diverses  heures  du  jour  et  de  la  nuit,  la  façon  de 
lutter  contre  les  esprits  mauvais,  autrement  dit,  la  spiritua- 
lité ^.  Alors  on  pouvait  s'en  aller  vivre  loin  du  commerce  des 
hommes. 

Tout  au  contraire  des  solitaires,  les  moines  itinérants  recher- 
chaient la  société  du  monde  ;  mais  si  les  uns  agissaient  de  la 
sorte  par  relâchement  ou  indépendance,  les  autres  le  faisaient 
par  vertu.  Les  premiers  n'avaient  du  moine  que  l'extérieur, 
les  chevevix  courts  et  probablement  l'habit.  S'ils  étaient  riches, 
ils  vivaient  dans  leur  famille  et  leur  maison  comme  de  simples 
laïques  *.  S'ils  étaient  pauvres,  ils  s'en  allaient  sur  les  routes 
et  dans  les  villes  mendier  et  compromettre  la  sainteté  de  leur 

1.  Vit.  S.  Joann.  Ménol.,  p.  3ii. 

2.  Le  biographe  de  S.  Théodore  fait  très  nelteuicnt  la  distinction  entre 
les  anachorètes  et  les  moines  (r.Tj/aaxaO.  fVit-  S.   Theod.,   $  28,  p.  82). 

3.  Vit.  S.  Joann.,  p.  SSg-S^o. 

4.  Can.  II.  Mansi,  xvi,  p.  537. 


ET    L  EMPIRE    liVZANÏIN  290 

profession.  Les  seconds,  au  contraire,  étaient  souvent  des  sain I s 
et  des  hommes  apostoliques.  Saint  Pierre  de  Galatie  qui  vivait 
sous  Basile  l^' partit  un  jour  de  l'Ohmpe  pour  de  longs  pèleri- 
nages. Il  s'en  alla  en  Terre  Sainte,  à  Chypre,  à  Laodicée,  à 
Attalie.  De  là,  il  rentra  à  l'Olympe^  Saint  Hilarion  fit  de 
même.  Né  en  Géorgie,  fils  de  noble  et  riche  famille,  il  s'en  vint 
à  Constantinople,  visita  l'Olympe,  la  Palestine,  Rome,  e(  mou- 
rut à  Thessalonique.  De  pieux  moines,  ses  compatriotes,  alors 
en  résidence  à  l'Olympe,  vinrent  chercher  son  corps  pour  le 
ramener  à  Constantinople.  Basile,  toujours  charitable,  leur 
donna  un  monastère  avec  des  terres,  des  fermes,  des  villages 
et  des  forets.  Ce  fut  le  u  couvent  géorgien  -  ».  Plus  tard,  en 
io65,  le  grand  réformateur  de  l'Eglise  géorgienne,  saint 
Georges  Cvjatogorec,  après  avoir  vaillamment  travaillé  dans  sa 
patrie,  ira  mourir  à  Constantinople,  en  route  pourl'Athos^. 
D'autres  moines,  enfin,  comme  saint  Antoine,  et  avant  lui 
saints  Cyrille  et  Méthode,  étaient  missionnaires.  Ils  s'en  allaient 
partout  évangéliser  les  populations.  Le  biographe  de  saint 
Antoine  nous  dit  que  son  héros  avait  un  tel  zèle  qu'il  ne  vou- 
lait limiter  son  apostolat  à  aucune  ville,  mais  qu'il  voulait  aller 
partout  où  brille  le  soleil.  Il  évangélisa  les  Scythes,  les  Thraces, 
les  Mysiens^ 


C'est  qu'à  l'époque  qui  nous  occupe,  l'histoire  de  l'Eglise  est 
marquée  par  un  fait  très  remarquable  :  le  renouveau  d'esprit 
apostolique,  par  la  lutte,  d'une  part,  contre  l'hérésie  ;  par 
l'expansion  religieuse,  de  l'autre,  au  moyen  des  missions. 

Les  hérétiques  étaient  nombreux  dans  l'Empire  byzantin. 
Sans  parler  des  communautés  juives  et  païennes  sur  lesquelles 
nous  reviendrons,  les  textes  nous  ont  laissé  le  souvenir  d'une 
multitude  de  sectes  chrétiennes  en  rupture  de  ban  avec  le 
Credo  orthodoxe.    Car   étaient  hétérodoxes  tous  ceux  qui   ne 

1.  Synax.  Constant.,  p.  m.  Synax.  sélect.,  121,  126,  12G. 
>..  Yasiljev,  Soc.  orth.  palestin.,  t.  IV,  1888,  p.  4o. 
S.  Dzavachov,  Journ.  du  Minist.  de  VInst.  puhl.,  février,  i()(»'t. 
4.  Vit.  S.  Anton.  Papad.  Keram.,  Moniim.,  p.  11. 


296  BASILE    I 

confessaient  pas  la  foi  orthodoxe  en  communion  avec  les 
patriarches  et  n'acceptaient  pas  les  sept  saints  synodes  K 
C'étaient,  parmi  beaucoup  d'autres,  les  monophysites,  les  nes- 
toriens,  les  acéphales,  les  jacobites,  les  monothélites,  les  icono- 
maches-  ;  c'étaient  surtout  les  pauliciens,  les  plus  redoutables, 
à  cause  de  leur  nombre,  de  leur  force,  de  leurs  alliances  poli- 
tiques et  de  leur  prosélytisme.  On  comprend,  sans  peine,  que 
Basile  ne  devait  guère  respecter  l'indépendance  et  la  liberté  de 
ces  dissidents.  Les  ramener  à  l'unité  était  pour  lui  une  néces- 
sité politique  aussi  pressante  que  d'en  finir  avec  le  schisme. 
Tous,  à  un  degré  quelconque,  étaient  pour  lui  de  dangereux 
sujets,  prêts  à  la  révolte  et  à  l'insurrection,  comme  les  pauli- 
ciens le  lui  prouvèrent  plus  d'une  fois.  Evidemment,  la  lutte 
était  assez  facile  quand  il  ne  s'agissait  que  de  s'attaquer  aux 
plus  faibles  de  ces  sectes.  Il  lui  suffît,  sans  doute,  de  les  priver 
du  droit  de  tester  et  d'hériter,  pour  ramener,  au  moins  exté- 
rieurement, un  grand  nombre  d'adeptes  à  la  foi  orthodoxe.  Du 
reste,  ces  communautés,  nestoriennes,  acéphales,  jacobites, 
monothélites,  se  trouvaient  surtout  groupées  dans  la  vallée  du 
Tigre  et  de  l'Euphrale,  vivaient  sous  la  domination  arabe,  ne 
faisaient  pas  grand  bruit  et  n'étaient  guère  dangereuses.  Si  saint 
Théodore  d'Edesse  s'en  occupa  pour  les  anathématiser  une  fois 
de  plus,  c'est  que,  lui,  avait  juridiction  sur  ces  pays  de  Syrie 
et  que  là,  plus  nombreuses  que  dans  l'Empire  proprement  dit. 
elles  pouvaient  exercer  sur  les  âmes  une  action  directe  et 
néfaste.  Pour  Byzance,  probablement,  des  lois  d'exception  à 
l'égard  de  ceux  qui  vivaient  sur  ses  terres,  à  Constantinople, 
dans  les  thèmes  asiatiques  ou  en  Thrace,  eurent  sans  doute 
plus  d'effet  que  les  prédications  que  Photius  paraît  leur  avoir 
adressées  dès  le  mois  de  juin  8bg^.  —  Il  n'en  allait  déjà  plus 
tout  à  fait  de  même  des  iconoclastes.  L'autorité  de  Théodora  en 
843  put  bien,  en  vérité,  proclamer  la  fête  de  l'orthodoxie  et  arrê- 
ter dans  son  ensemble  le  mouvement  hérétique  ;  il  lui  fut  plus 
difficile  de  convaincre  les  très  nombreux  partisans  de  la  doc- 


1.  ("csi-à-dire  le  i"  do  Nicéo,  r'  de  Constantinople.  i"'  d'Ephèse,  (^lialcé- 
doine,  2'  et  3^  de  Constantinople,  2"  Nicée  (Proch.,  xxxui,  S  i3,  p.  179).  Vit. 
S.  Theod.  Edess.,  xlvu,  p.  /»5. 

3.  Procliir.,  wxiii,  S  i4.  P-  180.  —  Vit  S.  Theod.  Edess.,  xlviii,  p.  /17  et 
seq. 

3.  Aristarch.,  Eisagog.,  xx. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIX  297 

Irine.  Ceux-ci  continuèrent  à  rejeter  le  culte  des  iconesetà  faire 
des  adeptes.  La  preuve  en  est  que  Piiotius.  lors  de  l'ambassade 
de  861.  mit  en  avant  ce  prétexte  pour  réclamer  de  Rome  des 
légats  et  un  synode^  et  que  Basile,  huit  ans  plus  tard,  fit  appe- 
ler au  Concile  le  chef  iconoclaste  Théodore  Crithinus  pour 
qu'il  y  entende  sa  solennelle  condamnation  ainsi  que  celle  de 
ses  adhérents-.  A  partir  de  ce  moment,  Basile  ne  rencontra 
plus,  sans  doute,  de  difficultés  sérieuses  de  la  part  des  icono- 
clastes. Leur  nom  s'en  alla  tomber  dans  l'oubli.  Les  uns  se 
soumirent,  les  autres  fusionnèrent  avec  les  diverses  commu- 
nautés hétérodoxes  de  l'Empire. 

La  secte  qui  lui  créa  le  plus  de  difficultés  fut,  sans  contredit, 
celle  des  Pauliciens  ou  Manichéens.  Théodora,  fîère  de  sa  vic- 
toire sur  l'iconoclasme.  rêva  un  jour,  nous  l'avons  vu,  de  con- 
vertir à  l'orthodoxie  une  secte  religieuse  qui  vivait  sur  ses  Etats. 
C'étaient  les  Pauliciens,  «  les  Zeliks  »,  comme  les  appelle 
Syméon  Magister*^  La  persécution  fut  à  ce  point  violente  et 
maladroite,  morts  et  confiscations  se  firent  si  nombreuses 
qu'un  de  leurs  chefs,  Karbeas,  protomandator  du  stratège  des 
Anatoliques,  se  révolta,  entraîna  à  sa  suite  cinq  mille  de  ses 
coreligionnaires  et  s'en  alla  se  réfugier  chez  l'émir  de  Mélitène 
qui  les  reçut  avec  honneur.  Là,  aux  frontières  mêmes  de  l'Em- 
pire, ils  fondèrent  plusieurs  villes,  entre  autre  Téphrice  *  et, 
d'accord  avec  les  Arabes,  commencèrent  contre  l'Empire  une 
lutte  implacable.  C'étaient  dès  lors  non  plus  des  hétérodoxes, 
mais  des  révoltés  et  des  ennemis  qu'il  fallait  châtier  par  la 
guerre.  Nous  les  retrouverons  au  livre  suivant.  Toutefois  tous 
les  Pauliciens  ne  semblent  pas  avoir  quitté  l'Empire.  Beaucoup 
restèrent  à  Constantinople  et  ceux-là  furent  évangélisés.  Pho- 
tius,  en  effet,  dit  qu'il  convertit  beaucoup  de  Pauliciens  ^,  ce 
qui  est  possible  car  les  moyens  qu'on  employait  pour  les  rame- 
ner à  l'orthodoxie  étaient  de  ceux  qui  sont,  pour  l'ordinaire, 
suivis  d'elTets  immédiats. 


1.  Lettre  IX.  Mansi,  xv,  p.  219. 

2.  Mansi,  xvi,  p.  i^i. 

3.  Sym.  Magist.,  Vit.  Mich.  et   Theod,,  vi,   p.    716.   Grcgoirn  Asbestas  dit 
iiottement  que  les  deux  noms  qualifiaient  la  môme  secte. 

\.  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich.,  xvi,  i8o  ;  xxui,  192.  Pholius,  Contra  Munich., 
1.  1,  xwi,  p.  81.  Pierre  de  Sicile,  Hist.  des  Manich.,  i3oi. 


9.()S  BASILE    î 

Le  biographe  de  saint  Eustratios  nous  raconte  que  si  la  dis- 
cussion pouvait  être  de  mise  chez  quelques  missionnaires  zélés, 
la  dénonciation,  la  prison  étaient,  pour  le  plus  grand 
nombre,  les  mesures  habituelles,  parce  que  très  expéditives^ 
Il  est  vrai  que  le  gouvernement  avait  un  intérêt  majeur  et  poli- 
tique à  ramener  sous  son  autorité  des  hérétiques  dont 
quelques-uns  avaient  dans  l'Empire  une  certaine  situation 
sociale-,  dont  les  doctrines  jetaient  au  sein  des  familles  et  de 
l'Etat,  la  corruption,  le  trouble  et  la  division  ^  et  qui  pouvaient 
singulièrement  faciliter  les  succès  militaires  de  leurs  frères 
d'Arménie.  Ceux-ci,  du  reste,  luttaient  contre  l'Empire,  non 
seulement  par  les  armes,  mais  par  leurs  missionnaires.  Dès 
que  la  Bulgarie  se  fut  ouverte  au  christianisme,  les  Pauliciens, 
pour  faire  pièce  à  l'influence  byzantine,  dépêchèrent  sur  les 
rives  du  Danube  des  hommes  de  confiance  qui  travaillaient 
pour  la  foi  manichéenne*.  Leur  succès  fut  grand,  il  fut  dange- 
reux pour  les  Empereurs  qui  ne  durent  pas  chercher  à  ménager 
chez  eux  d'aussi  redoutables  ennemis.  Si  l'on  ajoute  à  ces 
raisons  d'ordre  extérieur,  l'immoralité  qui  paraît  avoir  régné 
au  sein  de  ces  communautés  séparées,  on  ne  s'étonnera  pas  trop 
de  la  rigueur  des  lois  qui  les  régissaient  et  des  efforts,  même 
violents,  qui  furent  employés  pour  essayer  de  les  convertir.  Le 
Prochiron  nous  a  conservé  le  souvenir  de  la  législation  qu'on 
leur  appliquait  et,  par  surcroît,  nous  laisse  deviner  quelle  place 
ils  occupaient  dans  la  société  d'alors.  Punis  de  la  peine  de  mort, 
les  manichéens  qui,  devenus  chrétiens,  retournaient  à  leurs 
erreurs  ou  qui,  fréquentant  leurs  anciens  coreligionnaires,  ne 
les  livraient  pas  aux  magistrats  -K  Punis  de  la  peine  de  mort 
aussi  les  chefs  de  l'armée  et  de  l'administration  qui,  quoique 
orthodoxes,  ne  livraient  pas  aux  autorités  ceux  qui  se  glissaient 
parmi  eux.  En  outre  aucun  parent,  même  orthodoxe,  d'un  pau- 
licien  ne  pouvait  hériter  de  lui.  Ses  biens  allaient  au  fisc.  11 
n'y  avait  d'exception  que  pour  ses  propres  enfants  et  encore  à 
condition  que  l'enfant  soit  orthodoxe  ^\  Néanmoins,  ces  mesures 


1.  Vit.  Eiistrnt.,  \xii,  p.  382. 

2.  Ibid. 

3.  Pierre  de  Sicile,  op.  cit.,  p.  1293. 

4.  Lapôtre,  p.  io4  ;  Hertzbeig,  p.  i^i 

5.  Procliir.,  t.  WXIX,  S  28,  p.   239. 

6.  Ibid.,$  29. 


KT    L  EMPIRE    inZANTIN  1^()9 

énergiques  '  n'étaient  pas  seules.  Toute  une  littérature  dogma- 
tique et  polémique  naquit,  sous  le  règne  de  Basile,  pour  con- 
fondre les  récalcitrants  et  les  ramener  au  bercail  de  l'ortho- 
doxie. L'ouvrage  de  Pierre  de  Sicile  -  en  est  une  preuve  aussi 
bien  que  les  travaux  mêmes  de  Photius.  Tous  s'efforcent  de 
montrer  par  l'histoire  de  la  secte  comme  par  son  dogme  et  sa 
morale,  la  fausseté  et  la  perversité  de  son  action  et  de  sa  doc- 
trine ;  mais,  fils  de  leur  temps,  forts,  sans  doute,  des  peines 
juridiques  dont  ils  sentent  appuyée  leur  argumentation,  ils 
n'oublient  qu'une  chose  dans  leurs  écrits,  la  parole  de  charité 
et  de  douceur  qui  seule  va  au  cœur  pour  le  toucher  et  le  con- 
vertir. Ce  trait  de  mœurs,  du  reste,  nous  le  retrouvons  à  peu 
près  dans  tout  l'effort  apostolique  de  cette  époque.  Il  était,  en 
vérité,  assez  difQcile  aux  missionnaires  orthodoxes  d'agir  avec 
quelque  efficacité  auprès  des  Pauliciens  pour  cette  raison  bien 
simple  qu'ils  étaient  des  ennemis  politiques  autant  et  plus  que 
des  hérétiques  ;  néanmoins  notre  idéal  religieux  moderne  pro- 
teste contre  cette  absence  d'amour.  Il  protesterait  davantage 
encore  si  Pierre  de  Sicile  n'était  là  pour  nous  dire  que  Byzance, 
dans  le  secret  du  sanctuaire,  employait  une  arme  plus  évangé- 
lique  pour  la  propagation  de  la  foi  :  la  prière,  a  Le  dogme  des 
Pauliciens  était  ignoré  de  presque  tous  les  hommes,  poison 
délétère  qui  se  cachait;  aujourd'hui  ces  choses  sont  connues, 
grâce  aux  prières,  aux  veilles,  aux  incessants  efforts  et  au  gou- 
vernement très  habile  de  nos  pacifiques,  orthodoxes  et  grands 
Empereurs  ^.  » 

Cette  politique  violente  à  l'égard  des  Pauliciens  n'était  plus 
tout  à  fait  de  mise  à  l'égard  des  Juifs  et  des  païens  qui  vivaient 
sur  le  territoire  de  l'Empire  ;  plus  de  mise  non  plus  à  l'égard 
des  nations  étrangères,  barbares  ou  civilisées,  qui  avoisinaient 
la  u  Bomanie  ».  Là,  l'œuvre  du  clergé  grec  fut  plus  féconde. 
Sans  doute  de  part  et  d'autre,  il  y  eut  calcul  et  intérêt,  presque 
toujours,  dans  l'offre  et  l'acceptation  de  la  foi  ;  du  moins  ne 
se  heurtait-on  pas   à    des    haines    qu'aucun    zèle    ne    pouvait 


I.  Il  est  impossible  de  savoir  si  les  lois  juslinicnnes  reproduites  au  1.  1, 
titre  I,  des  Basiliques  étaient  encore  en  vi<ji:ueur  à  l'époque  de  Basile.  Si 
elles  l'étaient,  la  vie  ne  devait  pas  être  facile  pour  les  hérétiques.  Ils 
n'avaient  que  deux  solutions  possibles  à  envisager  :  l'exil  ou  la  conversion, 

3.  Migne,  CIV,  p.  i2'»i  et  seq. 

3.  Ibid.,  p.  127O. 


3oO  BASILE    I 

étouffer.  Comme  ses  prédécesseurs,  Basile  ne  négligea  pas  les 
missions  ^  et,  sous  son  règne,  l'activité  religieuse  fut  grande  2. 
Tandis  que  les  prêtres  partaient  de  Byzance  et  s'en  allaient  prêcher 
l'Evangile  en  tous  lieux,  lui.  l'Empereur,  se  faisait  généreux 
pour  seconder  leurs  efforts.  Les  convertis  étaient  sûrs  de  trou- 
ver auprès  de  sa  personne  faveurs  et  distinctions.  Riches  pré- 
sents, titres  auliques,  situations  administratives,  exemptions 
d'impôts  étaient  la  récompense  qu'il  accordait  aux  individus 
comme  aux  nations  nouvellement  chrétiennes  ^.  Aussi,  sous 
son  règne,  le  succès  des  missionnaires  fut-il  grand.  En  toute 
vérité,  Photius  pouvait  comparer  Byzance  à  un  lieu  élevé  qui 
envoie  partout  les  sources  de  la  foi  orthodoxe  et  arrose  les  âmes 
desséchées  par  l'impiété  *.  Du  reste,  il  faut  bien  le  dire,  si  le 
résultat  des  missions  fut  appréciable  à  cette  époque,  la  cause 
en  est  due  pour  beaucoup  aux  succès  militaires  de  l'Empereur. 
Dès  ([u'une  nation  était  vaincue,  on  lui  imposait  le  baptême  par 
la  force,  moyen  qui  semblait  efficace  pour  contenir  les  foules 
dans  l'obéissance,  créer  entre  elle  et  l'Empire  un  indissoluble 
lien  5  et  leur  imprimer  par  là  le  sceau  de  la  puissance  romaine. 
Malheureusement,  les  conversions  ne  se  commandent  pas.  Le 
danger  d'un  tel  sytème  tout  à  la  fois  politique  et  religieux  était 
grand  et  c'est  de  quoi  on  s'aperçut  plus  tard.  A  la  mort  de 
Basile,  et  même  de  son  vivant,  si  nombreux  furent  ceux  qui 
retournèrent  à  leurs  anciennes  croyances  qu'il  fallut  faire  ou 
renouveler  des  lois  contre  ces  apostats.  Tel  fut,  par  exemple,  le 
cas  des  Dalmates,  des  Croates  et  des  Russes  ^.  Cependant,  en 
dehors  de  toute  influence  politique,  au  seul  point  de  vue 
apostolique,  il  est  une  chose  assez  intéressante  à  noter  et  qui 
n'a  point  été  suffisamment  relevée  :  c'est  la  merveilleuse  sou- 
plesse de  cette  Eglise  qu'on  se  représente  généralement  comme 
figée  dans  une  orthodoxie  étroite  et  dans  un  formalisme  rigide 
et  sans  vie,  à  se  plier  à  toutes  les  nécessites  du  ministère  apos- 
tolique, à  s'adapter  à  toutes  les  habitudes  qu'elle   rencontrait 

1.  Brinkmann,  xxviii. 

2.  Pierre  de  Sicile,  op.  cit.,  1276. 

3.  Lapôtre,  op.,  cit.,  p.  io3. 

4.  Pholius.  Epit.  encycl.,  p.  721. 

5.  Sym.  Mag.,  Vit.  Mich.  et  TheocL,  ch.  xxv,  p.  728.  Il  était  en  outre  inter- 
dit sur  le  territoire  de  l'Empire  d'offrir  des  sacrifices  païens  fProchir.,  xxxix, 
20,  3o,  33,  pp.  237-240). 

6.  Vit.  Basil,  ch.  uv,  p.  292. 


ET  l'empire  byzantin  3oi 

au  sein  des  pays  qu'elle  voulait  évangéliser.  Là,  naturellement, 
le  laïque  avait  de  larges  permissions  pour  baptiser,  le  cas 
échéant  ;  mais,  chose  plus  remarquable,  jamais  Byzance  ne 
connut  les  craintes  de  l'Eglise  romaine  à  l'égard  de  la  langue. 
Dès  que  ses  missionnaires  arrivaient  en  un  endroit,  ils 
déployaient  aux  regards  des  barbares  les  magnificences  du 
culte  et  la  richesse  des  costumes  religieux,  —  cela  pour  étonner 
leurs  yeux  et  frapper  leur  imagination  ;  ils  adoptaient  la  langue 
nationale,  —  cela  pour  se  faire  comprendre  d'eux  et  prendre 
racine  dans  le  pays  ;  ils  formaient  enfin  tout  de  suite  un 
clergé  indigène  —  cela  pour  empêcher  la  foi  d'être  traitée 
comme  une  puissance  étrangère  *.  L'Evangile  et  les  Livres 
liturgiques  étaient  ainsi  répandus  dans  le  peuple,  venant  com- 
pléter les  instructions  orales  des  missionnaires  jusqu'au 
moment  où,  suffisamment  éclairés,  on  baptisait  le  roi  et  les 
chefs  de  la  nation.  Le  reste  venait  ensuite  assez  vite.  Entre 
temps,  les  missionnaires  aimaient  à  reproduire  un  peu  partout, 
comme  le  moine  Lazare  en  Bulgarie,  des  portraits  de  vierges  et 
des  scènes  religieuses  afin  qu'à  son  tour,  le  pinceau  fut  un  pré- 
dicateur de  la  foi  chrétienne.  Cette  façon  de  faire  fut  suivie  par 
saints  Cyrille  et  Méthode  en  Moravie,  par  les  missionnaires  ano- 
nymes qui  évangélisèrent  les  Russes,  comme  par  ceux  qui  con- 
vertirent les  Bulgares.  Mais  une  fois  le  baptême  donné,  l'œuvre 
des  missionnaires  n'était  pas  achevée.  11  fallait  affermir  la  foi 
dans  les  âmes,  il  fallait  former  à  la  vertti  les  cœurs  frustres  et 
barbares.  C'est  ce  que  faisait,  non  seulement  le  clergé  itinérant, 
mais  surtout  le  clergé  de  l'Empire,  moins  absorbé  par  la  vie 
active.  Le  meilleur  exemple  en  est  assurément  la  longue  lettre 
de  Photius  à  Michel  de  Bulgarie  dans  laquelle  le  Patriarche 
décrit  jusque  dans  le  détail,  tous  les  devoirs  du  véritable  chré- 
tien et  s'efforce  de  faire  de  ce  néophyte  illustre,  un  roi  très 
orthodoxe. 

Ce  genre  d'apostolat,  toutefois,  n'était  pas  le  seul.  La  foi  de 
Byzance  arrivait  aussi  aux  oreilles  des  nations  par  d'autres 
voies.  Gens  très  religieux  et  très  fiers  de  leur  incontestable  civi- 
lisation, les  Grecs  propageaient  tout  naturellement  le  Credo  de 
Sainte-Sophie  par  le  seul  fait  qu'ils  se  trouvaient  en  terre 
païenne  ou  que  les  païens  venaient  chez  eux.  Quand  les  parents 

I.  Lapôtre,  p.  107-109. 


,)02  BASILE    I 

de  Basile  —  on  se  le  rappelle  —  furent  exilés  sur  les  bords  du 
Danube,  ils  annoncèrent  leur  foi  et  firent  des  conversions  ; 
quand  la  sœur  de  Bogoris  fut  faite  prisonnière  à  Byzance  ', 
quand  des  otages  étaient  amenés  en  captivité  -  ou  quand  des 
ambassadeurs  étrangers  venaient  à  Constantinople,  le  premier 
souci  des  Byzantins  était  d'enseigner  à  chacun  la  religion 
orthodoxe.  On  conduisait  à  Sainte-Sophie  tous  ces  barbares 
émerveillés  et  ils  se  convertissaient  ou,  tout  au  moins,  comme 
les  Russes,  rentraient  dans  leur  pays  et  y  parlaient  de  ce  qu'ils 
avaient  vu  et  entendu.  Tout  cela  créait  des  liens  entre  les 
peuples  et  l'Empire  et  préparait  la  voie  aux  missionnaires 
futurs.  C'était  pour  l'Eglise  une  œuvre  pie  en  même  temps  que 
pour  l'Empire  une  œuvre  de  haute  civilisation  et  de  sage 
politique. 

La  conversion  des  hérétiques,  tels  qu'ils  se  trouvaient  orga- 
nisés sous  le  règne  de  Basile,  était  une  affaire  plus  politique  que 
religieuse.  Il  importait  donc,  ce  semble,  de  nettement  distin- 
guer ce  mouvement  du  véritable  élan  apostolique  que  nous 
remarquons  sous  le  règne  de  Michel  et  sous  le  sien  propre.  A 
en  croire  Constantin  Porphyrogénète,  Basile  aurait  favorisé 
trois  importantes  missions  et  vu,  de  son  vivant,  naître  à  la  vie 
deux  églises  dont  la  puissance  allait  être  grande  :  l'Eglise  bulgare 
et  l'Eglise  russe -^  La  première  mission  fut  prêchée  à  des  sujets 
de  son  gouvernement  :  aux  Juifs.  Constantin  n'en  indique  pas  la 
date  pour  la  raison  bien  simple  que  le  clergé  n'avait  pas 
attendu  Basile  pour  commencer  cet  apostolat  ^  Au  cours  de  la 
querelle  iconoclaslique,  Israël  avait  trouvé  auprès  des  empe- 
reurs bienveillance  et  appui  ^.  11  s'en  suivit  que  tout  naturelle- 


1.  \  it.  S.  Theodorœ  Imper.  A.  A.  S.  S.,  février,  ii,  p.  562. 

2.  Le  synaxaire  de  Constantinople  raconte  Fliistoire  des  martyrs  byzan- 
tins Beliar  et  Pierre  qui  vivaient  à  la  cour  des  Arabes  d'Afrique.  Eux  aussi 
prêchèrent  l'Evangile  et  subirent  le  martyre  en  punition  de  leur  apostolat. 
Le  fait  se  passait  sous  le  règne  de  Basile  fSynax.  de  Cple,  p.  72). 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  xcv-xcvui,  p.  357  et  seq. 

4.  Sym.  Magister  seul  dit  que  cette  mission  cul  lieu  au  cours  de  la  sep- 
tième et  huitième  année  du  règne  de  Basile  (ch.  x,  p.  762.  Cf.  Georg. 
Moine,  p.  1080  et  Léon  Gramm.,  1088).  La  seule  chose  qui  paraît  certaine 
c'est  que  cette  mission  eut  lieu  avant  le  retour  de  Photius. 

5.  Michel  d'Amorion,  en  particulier,  fut  très  bienveillant  pour  eux.  Il  h\s 
exempta  d'impôts.  Peut-être  était-il  lui-même  né  de  parents  juifs,  de  ceux 
qu'on  appelait,  en  Phrygie,  les  «  'Ae-^^avoi  ».  Theoph.  Cont.,  Vit.  Mich., 
Amor.,  ch.  m,  p.  56.  Pargoire,  o/>.  cit.,  282. 


KT    L  KMPIIU:    BYZANTIN  ÔOO 

ments  les  Juifs  entreprirent  dans  l'Empire  une  importante 
campagne  de  prosélytisme*.  Aussi  le  clergé  redoubla-t-il  de 
zèle  —  et  rénergique  action  du  patriarche  Nicéphore  en  812  eu 
est  une  preuve  —  pour  lutter  contre  l'ennemi  héréditaire  du 
nom  chrétien.  Il  paraît,  du  reste,  l'avoir  fait  en  usant  plus 
volontiers  de  la  violence  que  de  la  douceur  tant  était  aIvc  la 
haine  des  Byzantins  contre  les  Juifs.  Basile  ne  fit  que  suivre 
l'exemple  qu'il  avait  sous  les  yeux  et  sa  méthode  évangélique 
fut  celle  de  l'intérêt.  C'est  en  quoi  il  favorisa  très  vraisembla- 
blement les  missionnaires.  Constantin,  du  reste,  nous  le  dit 
formellement.  Dès  les  premières  lignes  de  son  récit  -,  assez 
brutales  à  l'égard  des  Juifs,  il  explique  la  façon  dont  s'y  prit 
son  grand-père  pour  ramener  cette  fraction  de  son  peuple  à 
l'obéissance  du  Christ.  On  devait  tout  d'abord  discuter,  puis 
présenter  la  doctrine  chrétienne,  enfin  on  baptisait,  offrant  à 
ceux  qui  se  convertiraient  des  dignités,  des  honneurs,  des 
exemptions  d'impôts.  Il  n'en  fallait  pas  davantage,  on  le  con- 
çoit, pour  amener  beaucoup  de  Juifs  à  l'Eglise.  Les  conversions, 
paraît-il,  furent  nombreuses,  mais  sans  durée.  Et  c'était  fatal. 
Il  suffît,  au  surplus^  de  lire  les  quelques  morceaux  apologé- 
tiques qui  nous  sont  restés  de  cette  époque  pour  se  rendre 
compte  du  ton  de  ces  écrits.  Nous  possédons  encore  un  frag- 
ment d'ouvrage  que  Basile  de  Néo  Patras  composa  contre  les 
Juifs  ^.  Peut-être  l'argumentation  était-elle  bonne  :  en  tous  cas, 
elle  devait  singulièrement  perdre,  aux  yeux  des  Israélites,  de  sa 
valeur,  par  les  injures  qu'ils  pouvaient  y  lire  à  l'adresse  de  leur 
nation.  Et  l'exemple  de  Basile  n'est  pas  unique.  Photius,  tout 
dégagé  de  certains  préjugés  qu'il  nous  paraisse,  avait  lui  aussi 
la  haine  invétérée  du  Juif  et  il  le  dit  dans  sa  lettre  à  Michel  de 
Bulgarie  *.  Or,  de  traditionnelles  et  historiques  antipathies  suf- 
fisent-elles à  expliquer  ce  fait  ?  Il  ne  le  semble  pas.  Si  les  Byzan- 
tins orthodoxes  ont  si  fort  détesté  les  Juifs  et  cherché  par  tous 
moyens  à  les  détacher  de  leurs  erreurs,  il  y  avait  une  autre  rai- 
son que  Photius  donne  à  Michel  de  Bulgarie  :  c'est,  qu'en  fait, 
les  Israëlites  avaient  une  assez  curieuse  conduite  à  Byzance. 
Entourés  de  chrétiens,    ils    n'osaient   guère,    paraît-il,    renier 

I.  Rambaud,  op.  cil.,  p.  372  et  scq. 
3.  Vit.  Basil.,  ch.  xcv,  p.  l^^)-. 
.S.  Migne,  CXI.  p.  lia. 
'i.  Mijrno.  Cil,  p.  (\rio,. 


3o4  BASILE    I 

ouvertement  le  Christ.  Pour  le  combattre,  ils  prenaient  donc  un 
moyen  détourné  qui  n'était  pas  sans  habileté.  Ils  se  joignaient 
à  tous  les  hérétiques  et  luttaient  avec  eux.  C'est  ainsi  qu'ils 
firent  campagne  avec  les  iconoclastes  et  s'attirèrent  par  ces 
louches  manœuvres,  à  un  double  titre,  la  haine  de  tous  les 
vrais  chrétiens.  Aussi  les  formules  pour  la  réception  d'un  Juif 
au  christianisme  sont-elles  à  ce  sujet  très  précises.  Après  avoir 
juré  qu'il  ne  se  convertissait  pour  aucune  raison  humaine  et 
qu'il  abandonnait  toutes  les  cérémonies  rituelles  de  la  synagogue, 
le  Juif  devait  dire  «  anathème  »  non  seulement  à  la  doctrine 
israëlite,  mais  encore  à  toutes  les  doctrines  hérétiques  qui  en 
sont  sorties  ^  preuve  manifeste  qu'à  travers  tous  les  âges  on 
imputait  aux  enfants  d'Israël  le  crime  de  s'associer  à  toutes  les 
hétérodoxies.  Mais  le  fait  le  plus  curieux  concernant  les  Juifs  au 
ix""  siècle  est  assurément  la  relative  douceur  de  la  législation  à 
leur  égard.  Basile  ne  parle  pas  des  peines  qui  attendent  les 
Juifs  apostats.  Il  ne  paraît  pas  avoir  édicté  à  leur  usage  des  lois 
aussi  sévères  que  pour  les  Manichéens  hérétiques.  11  se  contente 
de  prévenir  leur  zèle  religieux  en  les  empêchant  de  faire  de  la 
propagande.  D'après  le  Procliiron,  le  Juif  n'était  puni  de  mort 
qu'en  deux  circonstances  :  s'il  imposait  la  circoncision  à  son 
esclave  chrétien  et  s'il  cherchait  à  détourner  delà  foi  orthodoxe  2. 
Sauf  ces  deux  cas  les  lois  d'exception  ne  paraissent  pas  les 
avoir  atteints. 

La  seconde  mission,  attribuée  à  Basile  par  son  petit-fils 
Constantin,  est  celle  de  Bulgarie.  Evidemment,  il  ne  saurait 
être  ici  question  d'une  u  mission  »  dans  le  sens  habituel  du  mot. 
Les  Bulgares  étaient  convertis  à  la  foi  depuis  865  et  vivaient 
sous  la  juridiction  romaine;  mais  il  y  eut  mission  en  un  sens 
tout  à  la  fois  politique  et  religieux,  Constantin  VU  nous  dit,  en 
effet,  —  et  la  chose  est  plus  que  probable  —  que  les  Bulgares 
n'étaient  pas  solidement  affermis  dans  la  foi  ^.  L'Empereur  les 
exhorta  à  la  persévérance,  leur  envoya  des  cadeaux  et  les  enga- 
gea à  recevoir  un  archevêque  comme  à  avoir  dans  le  pays  un 
certain  nombre  d'évêques.  Or,  il  est  de  toute  évidence  que  cette 
démarche  est  la  suite  naturelle  des  décisions  qui  furent  prises 
en  869.  Boris,  à  cette  date,  se  «  convertit  »  à  l'orthodoxie  pour 

1.  Migne,  I,  i456. 

2.  Prochir.,  titre  XXXIX,  3i  et  82,  p.  a'io. 

3.  Vit.  Basil,  ch.  xcvi,  p.  Sô;. 


ET   L  E.Miniu:    mZVMIN 


les  raisons  que  nous  avons  dites  et  To-nace  envoya  en  Bulgarie 
dès  870,  des  moines,  une  dizaine  d'éveques  et  un  archevêque. 
Joseph  ^  Ceux-ci  devaient  y  rester  jusqu'au  retour  de  Photius 
au  pouvoir  en  879.  On  le  voit  donc,  il  y  eut  bien  vraiment,  en 
un  sens,  mission  byzantine  en  Bulgarie  sous  le  règne  de  Basile: 
mais  mission  qui  n'était  nullement  inspirée  par  le  zèle  aposto- 
lique. La  politique  seule  agit  en  cette  affaire. 

La  mission  chez  les  Russes-  est  encore  plus  discutable.  Cette 
nation  0  cruelle  et  impie  ».  comme  dit  Constantin,  avait  fait 
son  apparition  à  Byzance,  de  terrible  manière  3,  en  juin  ou  juil- 
let 860*.  L'émoi  fut  grand  dans  la  capitale  à  la  nouvelle  qu'un 
peuple  barbare  encore  inconnu  se  ruait  inopinément  sur  ses 
frontières.  Il  le  fut  d'autant  plus  que  Michel,  à  cette  date,  s'en 
était  allé  guerroyer  contre  les  Sarrasins.  Photius,  alors  au  pou- 
voir, neut  d'autre  ressource  que  d'aller  en  procession  aux  Bla- 
chernes  chercher  le  manteau  de  la  \  ierge.  le  fameux  u  mapho- 
rion  »  pour,  dit  la  légende,  le  tremper  dans  la  mer.  L'effet  fut 
soudain.  Un  vent  subit  se  leva;  la  mer  devint  houleuse;  la 
flotte  russe  fut  ruinée.  L'ennemi  dut  rentrer  chez  lui  sur  les 
quelques  vaisseaux  qui  lui  restaient^.  Cette  irruption  était  trop 
grave  pour  que  désormais  Byzance  pût  continuer  à  ignorer  ce 
dangereux  voisin.  Comme  de  coutume  «  peu  après  »  elle  envoya 
des  missionnaires.  L'auteur  de  la  Continuation  de  Théophane 
dit.  en  vérité,  que  ce  sont  les  Russes  qui  vinrent  à  Constanti- 
nople  demander  le  baptême  ;  mais  ne  confond-il  pas  avec 
l'ambassade  russe  dont  parle  une  glose  du  De  administrando 
et  qui  est  postérieure  au  règne  de  Basile?  Il  est  bien  plus  pro- 
bable, en  effet,  que  Byzance  s'empressa  de  traiter  avec  ces 
nouveaux  voisins  en  leur  envoyant  des  ambassadeurs  et 
des  missionnaires.  Une  chose  est,  en  tous  cas,  certaine  : 
c'est  qu'entre  cette  date  de  860  et  celle  de  866,  une  mission 
partit  pour  la   Russie   envoyée  qu'elle    était  par  Photius  lui- 


I.  Vailhé,  o/>.  ci/.,  col.  1180. 
3.  Vil.  Basil.,  ch.  xc.vn,  p.  '6ïnj. 

3.  V  il.  lynai.,  p.  5i6. 

4.  Vasiljev,  Byzance  el  les  Arabes,  p.  iGi  ;  Aristarcli.,  H,  17.  Cf.  (jorlaiid, 
Pkotios  und  (1er  AwjriJJ'.  der  Riissen  auf  Byzanz  ,  18  juin  800  (Neue  Jahrbii- 
c lier  fur  das  Klassische  Altertam  ,  1908,  xi,  p.  71801  sc(|.).  Marquart  place 
celte  incursion  en  865  (p.  xiv),  ce  qui  est  peu  probable. 

5.  Sym.  Mag.,  Vit.  Mich.  et  Theod.,  ch.  xxxvii  et\xx\ni,  j).  7iU).  Tlieopli. 
(Jont.,  Vit.  Mick.,  ch.  xxxiii  et  xxxiv,  p.  309  aia, 

20 


3u6  BASILE    I 

même^  Que  maintenant,  selon  le  témoignage  de  Constantin 
Porphyrogénètc,  une  autre  mission  soit  allée  en  Russie  sous 
le  patriarcat  d'Ignace  et  le  gouvernement  de  Basile,  la  chose 
est  possible.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  c'est  au  grand 
mouvement  d'expansion  religieuse  du  règne  de  Michel  que 
datent  les  débuts  de  révangélisation  russe  -. 

En  réalité,  Constantin  attribue  à  son  grand-père  ces  diverses 
missions  parce  qu'il  savait  fort  bien  qu'un  effort  avait  été  fait 
sous  son  règne  pour  hâter  la  conversion  des  peuples  païens, 
voisins  de  Byzance  et  qu'il  trouvait  plus  glorieux  de  parler  de 
la  Bulgarie  et  de  la  Russie  que  des  >arentans,  dés  Dalmates, 
des  Serbes  ou  des  Maïnotes.  Les  uns  étaient  soumis  à  l'Empire, 
les  autres  étaient  alors  d'assez  obscures  peuplades.  Il  suffisait, 
lui  semblait-il,  de  mentionner,  comme  il  l'a  fait,  leur  baptême 
à  l'occasion  de  leurs  défaites  •',  réservant  à  de  plus  dignes 
qu'eux  une  mention  spéciale  dans  le  chapitre  qu'il  écrivit  sur 
les  missions.  C'est,  en  effet,  du  vivant  de  Basile  que  s'opéra 
la  conversion  des  païens  qui  habitaient,  dans  le  Péloponèse, 
la  ville  de"  Maïna,  les  Maïnotes.  A  la  différence  des  Milinges 
et  des  Erzérites,  les  Maïnotes.  paraît-il.  n'étaient  point  Slaves, 
mais  Grecs  ^  Us  adoraient  encore  les  dieux  de  leurs  ancêtres 
quand,  sous  le  règne  de  Basile,  ils  se  convertirent  à  la  foi.  Leur 
ville  fut  érigée  en  éveché  dépendant  de  Corinthe.  Son  nom  se 
trouve  déjà  dans  les  Nea  Tactika. 

Sur  les  côtes  de  Dalmatie  et  dans  la  partie  avoisiuante  de 
l'ancien  lUyricum,  se  trouvaient,  à  l'époque  de  Basile,  des  Slaves 
convertis  autrefois  à  la  foi  chrétienne  quand  Héraclius  leur 
permit  de  s'installer  sur  les  terres  d'Empire.  C'étaient  les 
Serbes  elles  Croates.  Les  Narentans.  leurs  voisins,  eux,  n'avaient 


I.  I^hotius,  Lettre  encyclîq.,  p.  73G, 

3.  Cf.  Palmiori,. S/Hdiosf  religiosi,  t.  1  ot  II,  igoo-1903.  Cependant,  n'avons- 
nous  pas  affaire  peut-être  en  toute  cette  liistoire  à  une  confusion  volon- 
taire ou  non  des  ctironiqueurs!*  Au  lendemain  de  l'invasion  russe,  en  elîet, 
partit  de  Byzance  une  mission  que  dirigeait  S.  (Cyrille.  Elle  s'en  alla  chez 
les  Chazares  qui  habitaient  sur  les  rives  de  la  mer  Azov.  Or  cette  mission 
paraît  dater  de  861  ou  SG-i  (Ginzel,  p.  253).  Lq»^  Cliazares,  du  reste,  étaient 
déjà  baptisés.  Ils  réclamaient  des  prêtres  pour  les  aiTermir  dans  leur  foi  et 
arrêter  la  propagande  juive  et  sarrasine.  Que  delà  au  royaume  de  Kiev, 
des  missionnaires  soient  allés,  rien  de  plus  probable,  mais  nous  n'en 
avons  cependant  pas  la  preuve. 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  liv,  p.  3o8. 

4.  De  Adinin.,  cti.  i„  p.  3-0, 


KT    L  KMPlUi:     BVZAMIN  ,^0' 

jamais  reçu  le  baptême.  Malheureusement,  la  faiblesse  crois- 
sante de  Byzance,  au  cours  du  vin^  siècle,  et  surtout  au  début 
du  ix%  avait  détaché  ces  peuples  de  la  métropole.  Ils  vivaient 
indépendants  dans  ces  contrées  éloignées  el.  comme  le  dit 
Constantin,  la  plupart  avait  abjuré  le  baptême  u  afin  de 
n'avoir  plus  aucun  gage  d'amitié  et  de  dépendance  à  l'égard  de 
Home  »  '.  Aussi,  lorsque  Basile,  par  ses  vicloires,  eut  reconquis 
sur  la  Dalmatie  les  droits  de  ses  prédécesseurs,  Serbes  et 
Croates  revinrent-ils  à  l'orthodoxie.  Sur  leur  demande,  dit  le 
biographe  de  Basile,  mais  plus  probablement  par  la  force  des 
choses,  une  mission  partit  de  Constantinople  avec  des  prêtres 
et  un  délégué  impérial  -,  pour  réapprendre  à  ces  Slaves  indo- 
ciles la  foi  chrétienne  et  l'obéissance  politique.  Tous  reçurent 
le  baptême  et  acceptèrent  le  joug  <(  romain  »  ^.  Ceci  se  passait 
un  peu  après  867.  Quelques  années  plus  tard,  en  879,  les 
Croates  comme  les  villes  dalmates,  faisaient  leur  soumission  à 
Rome  K 

Par  une  singulière  exception  qui  doit  sevpliquer,  sans 
doute,  par  la  géographie  du  pays  qu'ils  habitaient,  les  Naren- 
tans  n'avaient  pas  encore  été  évangélisés.  Us  vivaient  non  loin 
des  côtes  dalmates  dans  cette  partie  de  la  Croatie  montagneuse, 
d'abords  difficiles,  à  cause  de  ses  escarpements,  la  Croatie  rouge •'. 
Les  Byzantins  les  appelaient  «  'ApsvTavo'l  »  :dans  la  langue  slave, 
on  les  nommait  a  -ayàvo*.  »,  nom  qu'ils  méritaient  bien,  si  l'on  en 
veut  croire  l'étymologie  de  Constantin  qui  nous  apprend  qu'en 
slave  ((  Trayàvo;  »  veut  dire  «  àêà7r:!.a-To;  »  non  baptisé.  Ebranlés 
sans  doute  par  le  mouvement  de  retour  à  la  foi  de  leurs  pères, 
les  Croates  et  les  Serbes,  visités  peut-être  à  cette  époque  par 
quelque  missionnaire  plus  zélé,  demandèrent  eux  aussi  le  bap- 
tême, ce  qui  leur  fut  naturellement  accordé  ^. 

Cette  activité   apostolique  pouvait  avoir  pour  excitant  une 


I.  VU.  Basil.,  ch.  1,11,  p.  oo5.  Celle  phrase  est  à  retenir:  elle  est  du  plus 
haut  intérêt  car  elle  montre  dans  sa  brièveté  quels  étroits  liens  existaient 
soit  dans  la  pensée  des  peuples,  soit  dans  celle  de  Byzance,  entre  l'accep- 
lation  du  baptême  et  racceptalion  de  l'autorité  impériale.  Les  deux  choses 
élaienl  connexes. 

:>..  <(  Baj'.A'.vcô;  àvOpwTo;.  " 

3.  VU.  BasU.,  ch.  i.iv,  p.  3o8. 

/i.  Revue  Orieiis  Christ.,  I,  189G,  iG. 

.5.  De  Admiii.,  \xi\,  aSa. 

0.  De  Adnun.,  \\i\,  aoa. 


3o8  BASILE    I 

cause  politique.  Elle  n'en  était  pas  moins  cependant  très  réelle- 
ment religieuse.  On  comprend  fort  bien,  en  effet,  que  les  Empe- 
reurs aient  trouvé  commode  de  mettre  au  service  de  leur  gou- 
vernement ce  merveilleux  outil  de  civilisation  et  d'unité  :  mais 
les  missionnaires  ne  bornèrent  pas  leurs  efforts  auv  limites  de 
l'Empire.  Comme  cet  Antoine  qui  évangélisa,  dit  son  biographe, 
«  les  Thraces,  les  Mysiens  et  les  Scythes  »  K  le  prêlre  byzantin 
avait  l'ambition  de  prêcher  TEvangile  à  toute  créature  et  c'est 
en  quoi  son  apostolat  fut  vraiment  religieux.  La  preuve  en  est 
dans  les  missions  extérieures  qui  furent  entreprises  au  cours  du 
ix**  siècle.  Des  travaux  apostoliques  de  Cyrille  et  Méthode  chez 
les  Chazares  et  en  Moravie,  nous  n'avons  rien  à  dire  car  leur 
histoire  est  antérieure  au  règne  de  Basile.  C'est  vers  859  que 
Constantin-Cyrille  partit  pour  la  Chersonèse  ;  c'est  en  862  ou 
863  qu'avec  son  frère  Méthode,  il  entreprit  le  voyage  de  Mora- 
vie 2,  à  la  demande  de  Rastiz.  Désormais,  ce  fut  surtout  avec 
Rome  et  T Allemagne  que  les  missionnaires  eurent  affaire. 
Byzance  se  trouva  reléguée  à  l'arrière-plan.  Ce  n'est  pas  en 
vérité  que  Basile  se  désintéressait  de  cette  grande  œuvre.  Bien 
au  contraire,  puisqu'il  fit  venir  Méthode  à  Constantinople  pour 
qu'il  l'entretint  de  ses  travaux  ^.  Mais,  que  pouvait-il  dans  la 
lutte  acharnée  qui  s'était  engagée  autour  de  son  ancien  fonc- 
tionnaire sinon  le  recevoir  avec  honneur  et  lui  offrir  des  pré- 
sents ^  C'est  donc  d'un  autre  côté  que,  sous  son  règne,  les  mis- 
sions se  développèrent.  Déjà  au  temps  de  Micliel  III,  (^.yrille 
était  allé  prêcher  l'Evangile  sur  les  terres  du  calife  de  Bagdad, 
Mutawakkil  ^,  et  c'était  là  chose  importante.  Les  Sarrasins,  en 
effet,  comme  les  orthodoxes,  cherchaient  partout  à  faire  des 
prosélytes.  Il  fallait  donc  arrêter  leur  propagande  et  tacher  de 
les  convertir,  Mais  les  Arabes  n'étaient  pas  des  barbares.  Au 
sein  de  cette  merveilleuse  civilisation  musulmane,  des  phi- 
losophes et  des  savants  étaient  nés  et  seule  la  discussion  pou- 
vait avoir  prise  sur  eux.  Aussi  est-ce  surtout  par  une  activité 
intellectuelle  et  apologétique  sans  cesse  renouvelée  que  Byzance 
s'efforça  d'entamer  l'Islam.  Et  c'est  ce  qui  explique  les  produc- 

I.  Papad.  Kcraiii.,  Monum.,  1,  p.  ii. 

'2.  f^ejcr,  Cyrille  et  Métlwde,  p.  83;  Lapôtio,  p.  (ii-i),"). 

3.  Ginizcl,  17e  de  Méthode,  p.  3o. 

4.  Ibîd. 

5.  Lapôtrc,  op.  cit.,  p.  98. 


ET  l'empire  byzantin  Soq 

lions  littéraires  du  ix^  siècle,  ^icétas  de  Byzance  le  dit,  du  reste, 
formellement.  Parce  que  Basile  cherchait  à  propager  la  foi  en 
Arabie,  sur  son  ordre  et,  pour  coopérer  à  cette  mission,  il  l'en- 
gagea à  écrire  un  traité  contre  Mahomet^.  C'était  pour  jNicétas 
chose  d'autant  plus  aisée  que  déjà  Michel  III  lui  avait  demandé 
un  service  analogue.  Aussi,  se  mit-il  à  l'ouvrage  tant  pour  plaire 
à  l'Empereur  qui  «  n'eût  pas  été  satisfait  de  mettre  en  déroute 
les  corps  des  barbares,  s'il  n'avait  du  même  coup  partagé  en 
deux  leurs  âmes  impies  par  le  glaive  à  double  tranchant  de  la 
vérité  »  que  pour  convertir  ces  mécréants.  Son  œuvre  compo- 
sée de  surates  choisies  du  Coran  et  de  quelques  thèses  de  la  théo- 
logie arabe  qu'il  s'efforce  de  réfuter,  n'eût  sans  doute  pas  grand 
succès,  mais  elle  demeure  comme  un  témoin  des  elîorts  évangé- 
liques  que  tenta  l'Empereur  pour  gagner  par  tous  moyens, 
même  par  celui  de  la  religion,  ses  plus  irréductibles  ennemis. 
Quant  aux  musulmans  établis  sur  le  Vardar  par  Théophile,  leur 
conversion  eut  lieu  au  ix''  siècle  par  les  moyens  habituellement 
employés  à  l'égard  des  sujets  de  l'Empire.  On  leur  donna  des 
terres  et  on  les  amena  au  christianisme  par  la  force  autant  que 
par  la  persuasion  '-. 

Entre  Byzance  et  l'Arménie,  les  rapports  religieux  étaient 
tout  différents.  Là,  l'orthodoxie  n'avait  plus  affaire  à  des  païens 
ou  à  des  non-chrétiens  ;  elle  se  trouvait  en  présence  d'une  Eglise 
constituée,  puissante,  mais  schismatique.  Originairement  unie 
à  Constantinople,  l'Arménie  avait  rompu  avec  son  orthodoxe 
voisine  dès  le  milieu  du  vi"  siècle,  a  ers  552,  puis,  définitivement, 
en  593  :  épilogue  fatal  des  luttes  qui  se  livrèrent  autour  du 
concile  de  Chalcédoine.  Aussi,  l'Eglise  de  Constantinople  cher- 
cha-t-elle  par  tous  les  moyens  à  renouer,  au  cours  des  siècles, 
ses  anciennes  relations  avec  cette  Eglise  sœur.  11  en  alla  dès  lors 
de  l'Arménie  comme  plus  tard  de  Rome  :  toute  l'activité  reli- 
gieuse du  patriarcat  se  tourna  du  côté  de  chimériques  projets 
d'union,  un  jour  réalisés,  abandonnés  le  lendemain.  Sous 
Héraclius,  sous  Constantin  II,  sous  Justinien  II,  l'accord  fut 
maintes  fois  proclamé  —  on  craignait  les  Arabes  —  puis,  tout 
de  suite  après,  rompu.  L'Arménie  jouait  donc  exactement,  à 
l'égard  de  Byzance,  le  même  jeu  que  celle-ci  à  l'égard  de  Rome. 


1.  Migne,  GV,  670-673. 

2.  Rambaud.  op.  cit.,  2i5  cl  j-ij. 


3lO  BASILE    I 

Quand  la  nécessité  pressait,  vite  on  s'unissait  ;  dès  que  le  danger 
était  passé,  les  difficultés  surgissaient  et  la  brouille  recommen- 
çait. Les  efforts  tentés  au  ix*"  siècle  pour  arriver  à  une  récon- 
ciliation durable  ne  sont  donc  qu'un  épisode  de  cette  fasti- 
dieuse histoire.  Alors  l'Arménie  se  relevait  de  ses  ruines  passées; 
une  restauration  politique  s'accomplissait,  pleine  de  promesses 
pour  l'avenir  ;  une  rénovation  religieuse  se  manifestait  déjà 
riche  en  œuvres  de  piété.  Comment  Byzance  n'aurait-elle  pas 
profité  de  cet  heureux  état  de  choses  pour  chercher  dans 
l'union  religieuse  la  force  nécessaire  dont  elle  avait  besoin  pour 
combattre  l'islamisme  ?  Photius  écrivit  donc  successivement  à 
Zacharie,  catholicos  d'Arménie,  afin  de  l'engager  à  revenir  à  la 
foi  de  Chalcédoine  et  à  Aschod,  mais  sans  succès.  La  rupture 
était  bien  définitive,  elle  ne  devait  jamais  se  renouer  '. 


VI 


Si  la  foi  d'un  peuple  se  mesure  jusqu'à^  un  certain  point  aux 
œuvres  qu'il  entreprend  pour  la  faire  connaître  et  la  faire 
adopter,  elle  se  mesure  aussi  à  la  façon  dont  elle  est  pratiquée 
par  ses  fidèles.  Lorsque  le  culte,  sous  ses  formes  les  plus 
diverses,  est  vivant,  lorsqu'il  est  populaire,  il  y  a  chance  que 
la  religion  soit  active  et,  par  conséquent,  efficace.  Le  culte 
extérieur  est  donc  pour  l'historien  un  phénomène  social  et 
religieux  qu'il  ne  peut  négliger.  Cette  étude  pour  Byzance  a 
été  dernièrement  tentée  par  le  P.  Pargoire  jusqu'à  la  période 
qui  s'étend  des  origines  à  l'année  8A7.  H  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
la  refaire,  mais,  simplement  de  la  compléter  peut  être,  à  l'aide 
de  quelques  détails. 

1.  Catéchumènes  et  Baptême.  —  Au  ix*^  siècle,  l'institution  des 
catéchumènes  existe  encore  dans  l'Eglise  grecque  -,  et  pour  rece- 
voir ces  néophytes,  comme  au  temps  passé,  il  y  a  toute  une 
liturgie.  C'est  que,  —  chose  assez  singulière  —  certaines 
anciennes  coutumes  ont  continué  à  être  adoptées.  Si  on  porte 


I.  Petit  Diction,  de  théolog.  cathoL,  art.  Arménie,  l.  col.  1901, 
jt.  Piorrc  de  Sicile,  op.  cit.,  p.  i.'iG'i. 


ET  l'fmpiiœ  a^ZA^TI^-  .Sri 

l'enfant  à  l'église  assez  vite  après  sa  naissance,  ce  n'est  pas, 
forcément,  pour  Ty  faire  baptiser.  Saint  Théodore  d'Edesse, 
par  exemple,  fut  conduit  à  l'église  le  quarantième  jour  après  sa 
naissance.  Il  fut  consacré  à  Dieu,  mais  point  baptisé.  Cette 
cérémonie  eut  lieu  deux  années  plus  tard  '. 

De  là,  pour  de  plus  attardés  encore,  la  raison  et  la  nécessité 
de  cette  classe  de  fidèles.  Mais,  souvent  aussi  la  cérémonie  du 
baptême  était  jointe  à  celle  de  la  réception  des  catéchumènes. 
Alors,  après  les  interrogations  d'usage,  la  profession  de  foi, 
les  exorcîsmos  par  insufflation  et  les  signes  de  croix  sur  la  poi- 
trine-, avait  lieu  le  baptême.  Le  prêtre,  revêtu  de  l'étole  blanche 
et  des  manchettes  (s-t.aàvî.xa),  encensait  la  piscine  {xoX'j^&rfi^oL) 
tandis  que  le  diacre  faisait  une  longue  prière  que  le  prêtre  con- 
tinuait à  voix  basse.  Celle-ci  achevée,  le  prêtre  soufflait  sur  l'eau, 
la  bénissait  trois  fois  du  doigt  et  poursuivait  sa  prière,  com- 
mentaire parlé  du  rite  qu'il  accomplissait.  Après  cette  première 
cérémonie  sur  l'eau  en  venait  une  seconde  semblable  sur 
l'huile,  puis  l'ofliciant  versait  l'huile  dans  l'eau  par  trois  fois 
en  forme  de  croix,  tout  en  chantant  avec  la  foule  Valleluia. 
Lorsque  c'était  l'évêque  qui  officiait,  un  des  prêtres  lui  présen- 
tait à  ce  moment  le  catéchumène  que  le  prêtre  oignait  sur  le 
front,  la  poitrine  et  le  dos,  de  l'huile  bénite,  puis  les  diacres 
achevaient  en  lui  oignant  tout  le  corps.  L'évêque  ou  le  patriarche, 
à  ce  moment,  s'avançait  pour  baptiser  le  néophyte,  debout, 
tourné  a  ers  l'orient,  en  récitant  les  paroles  sacramentelles  : 
Ba-TivSTat.  6  oojAoçTOJ  Bsoj  (6  Oîwa)  »  ^.  Puis  on  revêtait  le  réci- 
piendaire d'une  tunique  et  la  cérémonie  du  baptême  était  ainsi 
achevée.  Immédiatement  après,  l'Eglise  grecque  confirmait  le 
nouveau  baptisé  en  traçant  sur  son  front,  ses  yeux,  ses  narines, 
ses  oreilles  et  ses  pieds  le  signe  de  la  croix  avec  le  saint  chrême  * 
et  ainsi  finissait  la  cérémonie. 

La  messe.  —  La  messe  au  ix'^  siècle  est  dite  suivant  les  litur- 
o^ies  attribuées  à  saint  Basile  et  à  saint  Jean  Chrvsostome.  A  la 


I.  17/.  Theod.  Edess.,  S  ^,  p.  \. 

•i.  Dniitriewskij,  Eucliologe,  p.  i.  Goar,  p.  334- 

3.  On  roniarquoia  que  l'Eglise  grecque  employait  habituellenienl  la  for- 
mule imprécalive.  Cf.  rependant  Goar,  p.  357. 

4.  L'Eurhologe  du  i\'  siècle  édité  par  Dniitriewskij  parle  seulement  du 
front,  des  veux,  des  narines,  des  oreilles,  du  dos.  D'autres  parlent  aussi 
des  mains,  p.  3  et  note  li. 


3l2  BASILE    I 

description  donnée  par  Mgr  Duchesne  et  le  P.  Pargoire  S  nous 
n'avons  pas  grand'chose  à  ajouter  sinon  que  lors  des  stations, 
l'Evangile  était  lu  en  latin  et  en  grec  -.  symbole  de  l'union  des 
deux  Eglises  qui  a  persisté  dans  TEglise  latine  lorsque  le  Pape 
pontifie  solennellement,  Comme  en  Occident  aussi,  le  prêtre 
ne  pouvait  célébrer  la  messe  qu'une  fois  par  jour  et  une  seule 
fois  sur  le  même  autel  -^  Ajoutons  enfin  qu'on  se  servait  de  pain 
ordinaire  pour  consacrer  et  point  de  pain  azyme,  c  Le  pain 
azyme,  dit  Photius,  est  le  propre  de  l'Ancien  Testament*,  o 
Les  habits  ecclésiastiques  différaient  au  ix^  siècle  de  ceux 
employés  dans  l'Eglise  latine.  Ils  étaient  de  laine  d'une  seule 
couleur  et  non  de  soie  ^.  Le  rouge  pourpre  servait  en  temps  de 
carême  ;  le  blanc  les  autres  jours  *\ 

Tous  les  grands  événements  de  la  vie  avaient  naturellement 
leur  consécration  à  l'Eglise.  Aussi  les  Euchologes  ont-ils  des 
prières  pour  chaque  circonstance  :  prières  pour  les  fiançailles 
et  pour  le  mariage,  prières  pour  les  malades  et  pour  les  morts, 
prières  pour  les  relevailles  et  l'oblation  des  enfants  au  Sei- 
gneur. 

Pénilences.  —  Une  des  pratiques  les  plus  habituelles  de  la  vie 
religieuse  à  Byzance  était  les  jeûnes.  Il  y  en  avait  beaucoup 
et  ils  étaient  sérieux.  Comme  tous  ses  semblables,  Photius  y 
attachait  la  plus  grande  importance  et  les  pratiques  latines  plus 
douces  le  scandalisaient  fort.  S'il  n'admettait  pas  qu'on  pût 
jeûner  le  samedi  ~.  qu'on  mangeât  du  fromage  et  qu'on  bût  du 
lait  durant  la  première  semaine  de  carême  ^,  il  trouvait  fort 
mauvais  que  les  Latins  ne  jeûnassent  pas  durant  tout  le  temps 
prescrit  et  ne  s'abstinssent  pas  de  certaines  viandes^  défendues. 
Les  enfants  eux-mêmes  devaient  être  sevrés  de  lait  et  d'œufs  et 
c'était  pour  lui  un  abus  intolérable  que  le  Jeudi-Saint  on  put 
manger  du  fromage  et  des  œufs,  qu'on  put  boire  du  lait  ^^.  Une 


1.  Duchesne,  Orig.  du  cul  le  chrél.,  p.  77.  Pargfoire,  op,  cit.,  p.  343. 

2.  Nicolas  P',  lettre  Vlll.  Mansi,  \v,  p.  191. 

3.  Photius,  Monumcnta,  p.  11. 

4.  Ibid.,  p.  64,  'i  et  189,  1. 

5.  Ibid.,  p.  6G,  i3. 

6.  Ibid.,  p.  66,  i3. 

7.  Ihid.,  \,  p.  64.  4- 
<S.  Ibid.,  p.  64.  (1. 

9.  Monumenln,  (iô,  i-^. 

10.  Ibid.,  64,  7. 


ET  l'empire  byzantin  3i3 

autre  marque  de  pénitence  était  de  s'abstenir  de  prendre  des 
bains  les  mercredi  et  vendredi  *. 

Enfin,  le  concile  de  86g  nous  a  laissé  quelques  traces  de  péni- 
tences extraordinaires  infligées  pour  certaines  causes  graves. 
Ceux  qui  rendirent  un  faux  témoignage  contre  Ignace  au  cours 
de  ses  persécutions,  furent  condamnés  à  une  pénitence  de  sept 
années.  Durant  deux  ans,  ils  devaient  faire  partie  de  la  dernière 
classe  des  pénitents  ;  durant  deux  ans,  ils  étaient  assimilés  aux 
catéchumènes,  n'étaient  pas,  par  conséquent,  admis  à  tout  le 
service  divin  et,  en  outre,  ne  devaient  manger  de  viande  et  ne 
boire  de  vin  que  le  dimanche  et  les  fêtes  du  Seigneur.  Durant 
trois  années,  ils  demeuraient  dans  les  rangs  des  fidèles  s'ils 
étaient  prêtres  et  devaient  s'abstenir  de  vin  et  de  viande  les 
lundi,  mercredi  et  vendredi.  Ils  ne  pouvaient  communier  qu'aux 
grandes  fêtes. 

I.  Photius,  Epist.  ad  Bulg. 


LIVRE     III 


POLITIQUE  EXTERIEURE  RE  BASILE 


CHAPITRE     PREMIER 


i  1 


LES    GUERRES 


L'effort  constant  et  généreux  de  l'habile  parvenu  que  fut 
Rasile  P".  pour  rendre,  à  l'intérieur,  un  peu  de  calme  et  de  cohé- 
sion à  son  Empire,  avait  sa  cause  véritable  dans  les  affaires 
extérieures  de  Ryzance  pour  lors  assez  compromises.  Sans 
doute,  ses  réformes  financières  et  administratives,  sa  politique 
religieuse  et  civile  s'expliquent  déjà  par  l'état  même  des 
choses  à  son  arrivée  au  pouvoir.  Bon  souverain,  il  voulait 
l'être  en  rendant  un  peu  d'ordre  aux  finances  dilapidées,  un  peu 
d'humanité  à  la  justice  méconnue,  un  peu  de  tranquillité  à 
l'Eglise  divisée;  mais  cette  œuvre  qui  fut,  du  reste,  celle  de 
tout  son  règne,  il  l'accomplit  aussi  —  et  surtout  peut-être  — 
afin  de  réaliser  le  plus  urgent  devoir  de  sa  charge  :  la  lutte  à 
outrance  contre  les  Musulmans. 

Si  la  situation  intérieure  de  l'Empire  était  assez  troublée  à 
l'avènement  de  Basile,  la  situation  extérieure,  par  contre, 
était  relativement  bonne  et  singulièrement  propice  à  la  poli 

1.  Les  guerres  de  Basile  sont  la  chose  la  plus  connue  et  la  mieux  étudiée 
de  son  règne.  Sans  parler  des  travaux  antérieurs,  aujourd'hui  négligeables, 
nous  avons  pour  ce  chapitre  deux  ouvrages  fondamentaux  que  je  n'ai  fait 
que  suivre.  L'un,  de  M.  (iay,  traite  des  guerres  de  Basile  et  de  sa  politique 
en  Occident  ;  l'autre,  de  M.  Vasiljev,  étudie,  à  l'aide  surtout  des  sources 
arabes,  toutes  les  campagnes  de  Basile  en  Occident  et  en  Orient.  C'est  à  ces 
deux  travaux,  dont  le  second  est  écrit  en  russe,  que  nous  renvoyons  une  fois 
pour  toutes. 


v3l6  BASILE    1 

tiqiic  que  méditait  l'Empereur.  Avec  l'Arménie,  en  effet,  les 
relations  étaient  très  courtoises.  Aschod  P'  Pagratide.  créé 
u  prince  des  princes  »  en  809  par  le  calife  MotaAvakkel-Billah  ^ 
était,  personnellement,  en  excellents  termes  avec  Basile  et 
l'Empereur  ne  fut  pas  étranger  à  l'avènement  d' Aschod  comme 
roi  en  870.  comptant  bien  pouvoir,  par  lui,  plus  aisément 
surveiller  la  politique  arabe  et  empêcher  l'influence  des 
califes  de  devenir  trop  prépondérante  sur  cet  état,  frontière  de 
son  Empire-,  De  son  côté.  Aschod  ne  tardera  pas  à  se  tourner 
vers  Constantinople  et  à  demander  à  Basile  l'investiture  pour 
ses  états  ^. 

En  Russie,  l'Empereur  cherchait,  par  les  missions  et  de  riches 
présents,  à  entretenir  de  pacifiques  rapports  avec  ces  tribus 
encore  passablement  sauvages*.  En  Bulgarie,  son  influence 
grandissait  de  toute  celle  que  perdait  Rome.  La  question  reli- 
gieuse était  pour  lui  un  excellent  trait  d'union  entre  les  deux 
peuples  et  une  trop  belle  assurance  de  paix  pour  qu'il  la  laissât 
échapper.  En  Grèce,  enfin,  les  Slaves,  vaincus  sous  le  règne 
précédent,  étaient  unis  à  l'Empire.  Les  Erzerites  et  les  Milinges 
eux-mêmes  semblent  traverser  une  ère  pacifique.  Bien  plus,  les 
Slaves  illyriens,  Serbes,  Croates.  Dalmates,  menacés  à  cette 
époque  par  les  Arabes  d'Occident,  déjà  maîtres  d'une  partie 
de  la  Sicile,  commencent,  dès  l'avènement  de  Basile,  à  se 
repentir  d'avoir  trop  vite,  au  vni*^  et  au  début  du  ix"  siècle, 
secoué  le  joug  impérial  et  profité  de  l'affaiblissement  de 
Byzance  pour  rejeter  le  baptême  chrétien^.  L'heure  ne  va  pas 
tarder  où  ces  populations  elles-mêmes  viendront  redemander 
à  Basile  aide  et  protection  :  suprême  revanche  des  choses  dont 
il  se  gardera  bien  de  ne  pas  profiter  !  C'est  en  Italie,  qu'en  fait, 
la  situation  est  la  plus  grave  vers  866.  Au  cours  du  ix''  siècle, 
Venise,  d'une  part,  s'est  déclarée  indépendante  de  Byzance  et 
cette  grande  place  commerciale  et  stratégique  est  perdue  pour 
l'Empire.  Les  Carolingiens,  d'autre  part,  sous  le  gouverne- 
ment de  Louis  II  ont  pris  possession  du  sol  italien.  Relégué 
au  delà  des  monts  par  ses  frères,  le  petit-lîls  de  Charlemagne 


1.  Tournebize,  p.  318.  Brosset,  Collect.  d'Iiistor.  arméniens,  1. 1. 

2.  Vasiljev,  11,  p.  6.  Tournebize,  219. 

3.  Rambaud,  op.  cit.,  p.  5oo-5oi. 

4.  Vit.  Basil.,  \c\ii,  p.  36o. 

5.  Vit.  Basil.,  lu,  p.  3o4- 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  3l7 

entend,  du  moins,  être  maître  de  cet  état  qui  désormais  lui 
appartient  et.  ce  qu'il  cherclie  surtout,  au  cours  de  son  règne, 
c'est  à  faire  respecter  son  autorité  suzeraine.  Gliasser  les 
Musulmans,  protéger  les  rives  de  la  Méditerranée,  c'est  donc 
là  pour  lui  un  devoir  auquel  il  ne  peut  se  soustraire  et  pour 
raccomplissement  duquel  il  lui  faudra  le  secours  de  son  con- 
frère oriental  K  Mais  ce  dernier  aussi  a  des  intérêts  dans  Fltalie 
méridionale  :  il  y  a  encore  des  possessions  comme  la  Galabre 
et  la  terre  d'Olrante  ;  il  y  avait  des  provinces  et  des  villes  qu'il 
a  perdues,  mais  qu'il  espère  reconquérir:  il  y  a  surtout  la 
Sicile  qu'il  ne  veut,  ni  ne  peut  abandonner.  Cette  dualité 
d'intérêts  va  créer  entre  les  deux  souverains  de  perpétuels  con- 
llits  que  les  princes  lombards  comme  les  ducs  de  Naples  se 
chargeront  d'exploiter  à  leur  plus  grand  profit.  Si  jamais  le 
contlit  n'alla  jusqu'à  la  guerre,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  — 
on  le  verra  bieiitôt  —  qu'il  a  singulièrement  affaibli  l'un  et 
l'autre  souverain. 

Si  donc,  en  somme.  Basile,  à  son  avènement,  est  en  excel- 
lente posture,  pour  commencer  la  lutte  contre  l'Islam,  c'est 
pour  lui  chose  très  heureuse,  car  le  danger  devient  de  plus  en 
plus  menaçant.  Vers  866  l'Asie,  en  vérité,  est  relativement 
calme  "-.  Byzance  a  maintenu  depuis  l'Empereur  Théophyle  ses 
positions  extrêmes  et  les  Pauliciens  qui,  pour  lors,  s'orga- 
nisent, ont  pu  commettre  déjà  de  vastes  déprédations,  ils 
n'ont  encore  rien  arraché  d'essentiel  aux  frontières  orientales. 
Mais  il  n'en  va  pas  de  même  en  Occident.  Là,  les  pertes  de 
l'Empire  byzantin  sont  considérables.  La  Sicile,  à  l'exception 
de  Syracuse,  de  Taormine  et  de  quelques  autres  places,  est  aux 
mains  des  Arabes  qui  ont  établi  leur  quartier  général  à  Palerme. 
Dans  l'Italie  méridionale,  la  situation  n'est  pas  meilleure. 
Depuis  la  prise  de  Palerme  par  les  Arabes,  la  mer  Tyrrhénienne 
est  perdue  pour  les  Byzantins  et.  faute  de  secours,  leurs  anciens 
vassaux  du  littoral  campanien  se  sont  tournés  du  côté  de  l'Em- 
pereur franc.  Mais,  d'autre  part,  on  peut  saisir,  vers  cette 
époque,  dans  l'histoire  arabe  certains  traits  qui  indiquent  un 
état  de  crise  intérieure.  Les  califes,  en  effet,  n'ont  plus  le  haut 
prestige  des    temps   passés.    Les  dynasties  se   succèdent  avec 


I.  Gay,  p.  -\. 

a.  Léon  Graiiiiii.,  1072. 


Ol8  BASILE    I 

rapidité  :  les  gouverneurs,  comme  Touloun  crEgyptc.  tendent 
à  devenir  indépendants  et  font  la  guerre  à  leurs  frères  des 
provinces  voisines  ^  Arabes  d'Egypte  et  Aglabites  d'Afrique 
luttent  entre  eux;  Aglabites  et  Berbères  se  font  de  même  la 
guerre  ;  les  Omniades  d'Espagne  en  fièvre  de  conquêtes  et 
d'organisation  intérieure  ne  prennent  qu'une  part  assez  indi- 
recte aux  incursions  musulmanes  en  Sicile  et  en  Italie.  Ce 
sont  là  des  faits  qui  vont  faciliter  la  tâche  de  Basile  I'"'. 

Affaires  d Italie  (867-871).  —  Lorsque  l'Empereur  monte  sur 
le  trône,  les  Arabes,  déjà  maîtres  de  Bari,  étaient  en  train  de 
s'implanter  solidement  sur  les  côtes  dalmates.  Leur  flotte  com- 
mandée par  Mupharih  Ibn  Salim  Kalphun  et  Saba  -  avait  con- 
quis sous  le  règne  de  Michel  IIL  Cattaro,  Youtora.  Bôsa^  et,  en 
cette  année  866  867.  elle  commençait  l'attaque  de  Raguse.  Si  la 
ville  tombait  entre  les  mains  de  l'ennemi,  c'en  était  fait  de  la 
Dalmatie.  Aussi,  la  résistance  fut-elle  acharnée.  Elle  dura 
quinze  mois,  jusqu'au  jour  où,  à  bout  de  forces,  les  habitants 
se  tournèrent  vers  Basile  pour  lui  demander  secours  et  protection. 
C'était  en  867  ^.  Quelques  mois  plus  tard,  probablement  au  début 
de  868,  cent  «  chelandia  »  commandés  par  le  patrice  et  dron- 
gaire  Nicétas  Oryphas,  arrivaient  dans  les  eaux  d'Occident. 
Devant  ce  renfort  inattendu,  les  Arabes  durent  lever  le  siège. 
L'intervention  ofQcielle  de  Basile,  en  cette  année,  allait  singuliè- 
rement changer,  pour  ini  temps,  la  politique  méditerranéenne 
des  peuples  riverains  ^, 

Pendant  que  ces  graves  événements  se  passaient  sur  la  côte 
dalmate.  en  Italie,  la  situation  se  compliquait  déplus  en  plus. 
D'une  part,  l'anarchie  la  plus  complète  régnait  au  sein  des 
petits  Etats  italiens.  Chacun  luttait  pour  ou  contre  quelqu'un, 
donnant  ainsi  aux  Arabes  toute  facilité  de  s'emparer  ou  de 
dévaster  les  pays  qui  leur  agréaient^.  D'autre  part,  dès  l'été  de 
867,   Louis  11.  confiné  en   Italie   par  ses  frères,  s'empressa  de 

1.  \asiljcv,  II,  p.  i'}.. 

a.  IhkL,  p.  i3  et  note  3.  ML  Basil.,  lui.  p.  3o5  :  «  Soidanos,  Samba.  Kal- 
phos.  » 

3.  L'actuelle  Budua.  Uosa  encore  aujourd'hui. 

4.  Ibid.,  p.  i-'i.  Vit.  Basil.,  lui,  p.  3o5. 

5.  Ibid.  Cf.  pour  la  critique  des  sources  sur  loule  cette  période,  (Jay,  op. 
cit.,  p.  91  et  seq. 

5.  17/.  Basil.,  l\,  p,  3o8. 


Kl     L  EMPIRE    B\ZVMIN 


,)  I  () 


répoiiclic  il  la  demande  de  secours  que  lui  adressèrent  les 
Italiens  et  lui-même  s'en  vint,  personnellement,  lutter  contre 
les  Musulmans,  maîtres  de  Bari.  Plusieurs  échecs  successifs 
lui  firent  aisément  comprendre  qu'il  n'agirait  avec  fruit  qu'au- 
tant qu'une  Hotte  attaquerait  de  son  coté  la  citadelle  musul- 
mane. Aussi,  en  868.  les  relations  longtemps  interrompues 
reprirent-elles  entre  les  cours  franque  et  byzantine  pour  abou- 
tir à  un  accord  qui  faillit  engendrer  la  guerre  K  Basile,  en 
effet,  se  rendait  bien  compte  de  son  côté  que  pour  arrêter  les 
progrès  des  Arabes  il  fallait  des  troupes  nombreuses,  armée  et 
flotte.  Aussi  prit-il  lui-même  l'initiative  de  l'alliance  dans 
laquelle  devaient  entrer  le  Pape.  Louis  11  et  lui-même.  Les 
Slaves  furent  immédiatement  réquisitionnés  pour  soutenir  la 
guerre  -.  Malheureusement  l'armée  promise  par  Basile  arriva 
devant  Bari  trop  tard  pour  servir  au  Carolingien  qui  s'était 
retiré  déjà  du  côté  de  Yenosa  ne  voulant  pas  affronter  avant 
l'hiver  les  chances  d'un  définitif  assaut.  L'Empereur  byzantin 
fut,  naturellement,  assez  mécontent  de  la  chose.  L'amiral 
Mcétas  s'en  alla  dans  les  eaux  de  Corinthe.  sans  doute  pour 
être  à  proximité  de  la  Sicile,  furieux  de  son  infructueuse  tenta- 
tive 'K  Néanmoins  la  rupture  ne  fut  pas  consommée.  L'alliance 
allait  même  se  raffermir  quelques  mois  plus  tard.  Pendant  ce 
temps,  les  Musulmans  de  Sicile  s'agitaient  plus  que  jamais. 
Si  Basile  P'  n'était  point  satisfait  de  la  conduite  de  son  collègue 
d'Occident  et,  moins  encore,  de  ses  progrès  en  Italie,  il  ne 
pouvait  songer  à  l'attaquer,  car  tout  son  effort  devait  tendre  à 
arrêter  les  conquêtes  arabes  en  Sicile.  C'est  même,  probable- 
ment, autant  pour  venir  secourir  les  Grecs  de  l'île  que  pour 
aider  Louis  lia  Bari  que  sa  flotte  arriva  au  mois  de  mars  868 
en  Occident.  Défaite  une  première  fois  du  côté  de  Syracuse 
par  le  gouverneur  arabe  Kaphadja,  la  flotte  byzantine  assista 
encore  au  printemps  de  869,  impuissante,  à  l'attaque  de  Syra- 
cuse. Mais  la  ville,  heureusement,  tint  bon.  Le  i5  juin,  elle 
était  sauvée  grâce  à  la  mort  de  Kaphadja  qui  tombait,  assas- 
siné par  un  Arabe  payé,  probablement,  par  les  Grecs*.  Son 
fils.  Mohamed,  lui  succéda  et  régna  deux  années  durant  :  à  son 


I.  (îay.  op.  cil.,  S\). 
:>..  Vit.  Basil.,  ch.  lv.  p.  3<k). 
3.  (lay,  o/>.  cil.,  p.  89. 
'4.  \aslIjov.  II.  p.  ■>.>.. 


320  BASILE    I 

tour,  il  fut  tué  par  ses  eunuques,  le  27  mai  871.  Si  son  règne 
n'avait  pas  été  aussi  brillant  que  celui  de  son  père,  cependant, 
c'est  sous  son  gouveinement  que  le  29  août  870  Malte,  à  son 
tour,  tomba  aux  mains  des  Arabes,  privant  ainsi  Byzance  du 
seul  point  de  ravitaillement  solide  qui  lui  restât  pour  appro- 
cher de  la  Sicile'.  En  de  telles  conjonctures.  Basile  et  Louis  II 
n'avaient  qu'une  politique  à  suivre  :  celle  de  l'alliance.  Les 
pourparlers  interrompus  en  868  reprirent  donc  sur  les  mêmes 
bases,  mais,  semble-t-il,  avec  plus  de  solennité.  Une  ambas- 
sade fut  envoyée  par  Louis  II  à  Basile.  Elle  avait  à  sa  tête  Anas- 
tase  le  Bibliothécaire.  On  sait  en  quelle  fâcheuse  disposition 
elle  trouva  l'Empereur  pour  lors  déjà  presque  brouillé  avec  les 
légats  romains,  assez  triste  complice,  au  surplus,  d'une  indé- 
cente violation  des  archives  pontificales.  Néanmoins,  la  mis- 
sion occidentale  avait  trop  d'importance  aux  yeux  de  Basile 
pour  qu'il  ne  lit  pas  taire  tous  ses  ressentiments  et  rendre 
justice  aux  légats.  Il  était,  de  plus,  indispensable  qu'on  ne  pût 
pas  douter  en  d'aussi  graves  affaires  de  la  parole  du  Basileus  -. 
—  Que  voulait,  en  eflet,  Louis  II  en  envoyant  à  Constantinople 
ses  ambassadeurs:'  Peut-être —  ce  qui  n'est  pas  sûr  —  désirait- 
il  sincèrement  le  mariage  de  Constantin  et  de  sa  fdle,  Irmin- 
garde  ;  ce  qui  l'est  beaucoup  plus  c'est  qu'il  tenait  à  expliquer 
sa  conduite  devant  Bari-^  pour  éviter  une  rupture  et  à  sceller 
une  alliance  dans  laquelle  entreraient  le  Pape,  le  Basileus  et  lui- 
même  et  que  Basile  avait  le  premier  sollicitée  *.  Malheureuse- 
ment, ces  pourparlers  diplomatiques  furent  sans  lendemain. 
La  fin  agitée  du  concile,   l'aventure  des  légal  s  à  leur  retour  en 

1.  \asiljev,  11,  p.  24. 

2.  On  Yoit  ici  de  très  claire  façon  tout  l'encliainemcnt  logique  des  événe- 
ments. Basile  et  Louis  ont  besoin  l'un  de  l'autre  en  ces  années.  Basile  veut 
reprendre  pieds  en  Italie  ;  Louis  veut  y  gouverner  en  maître.  Pour  arrivera 
ses  fins  —  comme  pour  les  raisons  que  nous  avons  dites  au  chapitre  précé- 
dent —  l'Empereur  de  Byzance  tient  à  être  en  excellents  termes  avec  le 
Pape.  Le  Concile  s'ouvre.  Pholius  est  condannié.  ("est  sur  ces  entrefaites 
qu'arrive  la  mission  franque  présidée  par  Anastase.  Pour  sceller  leur  union, 
les  deux  souverains  ^ont  marier  leurs  enfants  ;  mais  les  événements  d'Italie 
arrêtent  bientôt  les  négociations.  On  comprend  donc  bien  pourquoi  Anas 
lase  fait  sonner  très  haut,  après  le  vol  des  papiers,  que  la  loyauté  du  Basi- 
leus est  en  jeu.  11  s'agit,  en  réalité*,  d'une  question  plus  gra\e  que  de  docu 
ments  détournés.  Il  s'agit  de  savoir  si  l'on  peut  conqiter  sur  la  parole  du 
souverain  byzantin, 

3.  (iay,  op.  cit.,  p.  go. 

4.  VU.  Basil.,  ch.  i,ui-ia.  p.  ;m.ô-.So8.  (ia>.  o/;.  cil.,  ibid. 


ET    l'empire    byzantin  321 

Ilalic,  les  défaites  de  la  flotte  grecque  en  Sicile,  peut-être, 
eiiliu,  les  menaces  d'une  prochaine  guerre  en  Orient,  et  sur- 
tout la  question  du  titre  impérial  qu'avait  pris  Louis  II,  ame- 
nèrent la  rupture  des  fiançailles  projetées  et  retardèrent  de 
plusieurs  années  l'action  décisive  rêvée  par  Basile. 

Ces  événements  n'empêchèrent  pas  pour  autant  Louis  II 
de  continuer  ses  campagnes  en  Italie.  En  cette  même 
année  870  il  est  de  nouveau  sous  les  murs  de  Bari  tandis 
qu'il  envoie  à  la  Calabre  septentrionale  menacée,  une  petite 
armée  que  défit  l'Emir  d'Aman tea  *.  Mais  le  grand  fait 
militaire  de  toute  cette  période  est  la  prise  de  Bari  et  de 
son  émir  par  les  troupes  impériales  (2  février  871).  Ce  succès 
eut  un  grand  retentissement  en  Orient  aussi  bien  qu'en  Occi- 
dent. 11  préparait  la  délivrance  de  l'Italie  et  apprenait  aux 
chrétiens  à  ne  plus  craindre  riiifidèle.  Mais  pour  achever  et 
rendre  complète  la  victoire,  il  importait  que  Tarente  aussi  fut 
reprise  aux  Musulmans  et,  pour  cela,  Louis  II  n'avait  pas  de 
flotte.  Les  seuls  vaisseaux  qui  sillonnaient  la  mer  étaient  ceux 
du  patrice  Georges,  trop  peu  nombreux  pour  attaquer  par  mer 
une  ville  qui  était  en  rapports  constants  avec  les  Arabes  de 
Sicile.  Il  fallut  donc  essayer  de  renouer  les  relations  byzan- 
tines interrompues  depuis  la  fin  du  concile  et  ce  fut  Louis  II 
qui,  cette  fois,  fit  la  première  avance  ;  mais  Basile  avait  pour 
lors  d'autres  soucis.  Très  mécontent  d'Anastase  —  on  se  le 
rappelle,  —  et  de  son  ingérence  dans  les  affaires  ecclésias- 
tiques, il  était  par  là  peu  disposé  déjà  à  écouter  de  nouvelles 
ouvertures  de  la  part  des  Francs  ;  les  conquêtes  de  Louis  II  en 
Calabre,  les  succès  qu'il  avait  remportés  sans  le  secours  de 
Byzance  n'étaient  point  faits  non  plus  pour  l'amener  à  prêter 
assistance  à  cet  Occidental  qui,  seul,  avait  des  chances  d'en 
profiter  ;  enfin,  chose  plus  grave,  à  cette  date,  la  polémique  de 
Basile  et  de  Louis  au  sujet  du  titre  impérial  battait  son 'plein. 
Au  lendemain  du  concile,  probablement.  Basile  envoya,  peut- 
être  par  l'intermédiaire  d'Anastase,  une  lettre  aujourd'hui 
perdue  à  son  confrère  d'Occident  pour  lui  interdire  de  porter  le 
litre  d'  «  Empereur  des  Bomains  »  que  Photius,  habile  cour- 
tisan, lui  avait  décerné  dans  l'espérance  de  l'attirer  à  son 
parti  et  de  lui  faire  prêter  la  main  à  la  déchéance  du  Pape  qu'il 


■i\ 


32  2  BASILE    I 

avait,  comme  on  sait,  solennellement  prononcée  ^  L'affaire 
avait  eu  son  écho  au  concile  :  elle  avait  même  contribué  à 
envenimer  les  rapports  entre  les  cours  franque  et  byzantine  et 
c'est  pour  répondre  à  tout  ce  qui  s'était  dit  et  fait  que  Louis  II 
expédia  immédiatement  après  la  prise  de  Bari,  en  87 1 ,  sa  fameuse 
réponses  Basile'-.  On  conçoit  dès  lors  que  cette  lettre,  œuvre 
plutôt  de  controverse  que  de  politique,  ne  dut  guère  agréer  à 
l'Empereur.  Elle  nétait  point  faite  pour  préparer  une  alliance. 
Du  reste,  indépendamment  de  tout  cela,  Byzance  ne  pouvait 
consentir  au  partage  que  proposait  Louis  11.  Donner  la  mer 
aux  Grecs  et  l'Italie  aux  Francs,  en  échange  de  quoi  ces  der- 
niers aideraient  les  troupes  byzantines  à  recouvrer  la  Sicile, 
c'était  là  un  rêve  qu'il  était  loisible  à  l'Empereur  d'Occident 
de  faire,  mais  que  l'Orient  ne  sanctionnerait  pas.  Si  Basile 
combattait  en  Italie,  c'était,  évidemment,  pour  rester  en  pos- 
session non  seulement  de  la  Sicile,  mais  des  provinces  d'Italie 
qu'il  n'entendait  point  abandonner  au  profit  de  son  rival, 
presque  son  ennemi. 

Mais  ces  motifs  d'ordre  privé  n'étaient  pas  les  seuls.  Le  vou- 
lût-il, il  eût  été  difficile  à  Basile  d'aider  efficacement  Louis  II  en 
Occident.  Précisément  en  cette  année,  un  ennemi  plus  proche 
et  autrement  redoutable,  le  chef  des  Pauliciens,  Chrysochir. 
venait,  en  effet,  d'envoyer  à  Byzance  un  ultimatum  qui  était 
pour  Basile  un  véritable  outrage^.  11  fallait  de  toute  nécessité 
concentrer  au  plus  vite  politique  et  armées  en  Orient.  De  l'Italie, 
il  ne  pouvait  plus  être  question.  Seule  une  flotte,  sans  doute 
celle  du  thème,  demeura  dans  les  eaux  byzantines  laissant 
Louis  II  aux  prises  avec  les  pires  difficultés. 

Basile  elles  Pauliciens.  —  C'est,  en  effet,  quelques  mois  après 
la  prise  de  Bari,  au  printemps  de  871,  que  Basile  dut  entrer  en 
campagne  contre  les  Pauliciens.  Cette  secte  religieuse  avait 
voué  à  l'Empire  une  haine  implacable  depuis  l'époque  où 
Théodora  avait  cherché  à   les  convertir  en  les  faisant  massa- 

1.  riay,  p.  86-88.  Xcamnoins  ce  ne  dut  être  évidemmeni  qu'après  le  sacre 
de  Louis  par  Hadrien  11  à  Rome  que  le  roi  franc  dut  vouloir  porter  un 
litre  que  son  frère  lui  avait  laissé  en  mourant.  On  sait,  en  tous  cas,  par  ce 
que  nous  avons  dit  au  chapitre  précédent,  que  les  lettres  d'Hadrien  II,  lues 
au  Concile,  donnaient  à  Louis  le  titre  d'Empereur. 

2.  Ibid.  Cf.  pour  le  texte  de  la  lettre  Hlst.  de  la  France,  t.  Vil,  p.  578. 

3.  Vasiljev,  11,  28. 


ET    l'empire    byzantin  323 

crcr.  Ils  s'en  étaient  allés  en  grand  nombre  au  delà  des  fron- 
tières byzantines,  avaient  fondé  plusieurs  villes,  entr' autres 
Tephrice,  et  aidés  des  Arabes  avec  lesquels  ils  avaient  con- 
tracté alliance,  dévalisaient  les  thèmes-frontières,  attaquaient  les 
forteresses  extrêmes  de  l'Empire  et  semaient  partout  sur  leur 
passage  la  ruine  et  la  désolation,  Au  début  du  règne  de  Basite  I", 
le  chef  des  Pauliciens,  Ghrysochir,  gendre  et  neveu  de  karbeas 
tué  par  les  Grecs  en  863',  envahit  le  territoire  byzantin,  s'en 
vint  jusqu'à  Mcomédie  et  à  Nicée,  aux  portes  de  Byzance,  s'en 
alla  par  le  thème  des  ïhracésiens  jusqu'à  Ephèse,  ruinant  tout, 
sans,  nulle  part,  trouver  de  résistance  sérieuse-.  Ces  incur- 
sions répétées  décidèrent  Basile  à  envoyer  dès  869  Pierre  de 
Sicile  à  Tephrice  pour  essayer  de  conclure  la  paix  avec  Ghryso- 
chir ■'.  Gette  ambassade  dura  neuf  mois.  En  870,  Pierre  de  Sicile 
était  de  retour  à  Gonstantinople,  apportant  à  l'Empereur  la  certi- 
tude que  les  Pauliciens  faisaient  en  Bulgarie  une  active  propa- 
gande religieuse  ^  et  une  réponse  insolente  aux  propositions  de 
paix  de  Basile.  Gelle-ci.  en  effet,  n'était  autre  que  le  démembre- 
ment de  l'Empire.  Ghrysochir  réclamait  pour  lui  toute  l'Asie 
Mineure"".  Gette  proposition  était  un  affront  à  la  majesté  impé- 
riale. Basile  comprit  qu'il  n'avait  plus  qu'à  commencer  la 
guerre.  Dès  le  printemps  de  87a,  laissant  de  côté  les  affaires 
d'Italie,  il  partait  en  personne  à  la  tête  d'une  grande  armée 
contre  les  Pauliciens  et  se  dirigeait  sur  Tephrice.  Il  estimait, 
dit  son  petit- fils,  qu'il  était  de  son  devoir  de  souverain 
d'aller  lui-même  au  devant  du  danger  qui  menaçait  son 
peuple  '•.  Le  succès  de  cette  première  campagne  fut  lamen- 
table  pour  Basile.  Battu  par  les  Pauliciens,  il  n'échappa  à  la 

1.  \asiljev,  i,  202.  Cf.  Sur  Ghrysochir,  le  Contra  Munich.  Patrol.,  cii,  p.  84- 

2.  (icnesios,  11 45.  ^  asiljcv,  11,  p.  26. 

3.  L'ambassade  del^ierrc  de  Sicile  comme  ton  le  l'histoire  des  Pauliciens  à 
cette  époque,  nous  est  connue  par  la  continuation  de  Georges  llarmatole, 
par  l'histoire  de  Pierre  de  Sicile,  l'ouvrage  de  Photius  sur  les  Manichéens  et 
le  fragment  de  l'Escurial  publié  par  Friedrich.  L'autorité  de  ces  diverses 
sources  a  été  vigoureusement  attaquée  par  Karapet  Ter-Mrkttschian  et  Frie- 
drich et  défendue  par  Conybeareet  Ehrhardt.  Les  arguments  donnés  par  ces 
deux  derniers  érudils  paraissent,  sinon  absolument  probants,  du  moins  suf- 
fisamment solides,  pour  (|ue,  juscpi'à  plus  ample  informé,  on  continue  à 
utiliser  ces  documents  et  à  tenir  pour  authentique  la  mission  de  Pierre  de 
Sicile  chez  les  Pauliciens.  Cf.  \  asiljcv,  11,  27  et  seq. 

\.  Migne,  VA\ ,  p.  1242. 

5.  Vasiljev,  n,  28-29.  Genesios,  ii48. 

6.  Vit.  Basil.,  ch.  xwvu,  p.  381. 


32 4  BASILE    I 

captivité  que  grâce  à  ïhéophylacte.  père  du  futur  Empereur 
Romain^.  Tout  le  résultat  de  cette  première  guerre  consista 
dans  la  destruction  de  quelques  forteresses  comme  Avara, 
Spathi,  Koptos  ^  et,  l'année  suivante,  dans  une  nouvelle 
attaque  de  Chrysochir  qui  s'aA  ança  jusqu'à  Ancyre  détruisant 
tout  sur  sa  route.  Il  rentra  dans  ses  Etats  avec  de  grandes 
dépouilles 3.  L'Empereur  comprit  qu'il  n'avait  point  de  temps 
à  perdre.  Tandis  qu'à  Gonstantinople,  il  s'occupait  des  affaires 
de  l'Empire  et  s'en  allait  dans  les  Eglises  prier  Dieu  et  ses  saints 
qu'il  ne  mourût  pas  avant  d'avoir  vu  la  mort  de  Chrysochir  et 
«  d'avoir  eu  la  joie  de  lui  planter  trois  flèches  dans  sa  tête 
impure  »*,  il  envoyait  dès  872  son  gendre,  le  domestique  des 
scholes,  Christophore '^,  contre  son  ennemi.  Celui-ci,  comme 
précédemment  Basile,  s'avança  jusqu'à  Tephrice  ;  mais  cette 
fois  il  fut  plus  heureux  que  son  maître.  Il  remporta  sur  les 
Pauliciens  une  éclatante  victoire.  Tephrice  fut  prise  et  détruite 
jusques  en  ses  fondements.  D'autres  forteresses^  à  leur  tour, 
subirent  le  même  sort.  La  puissance  paulicienne  était  sérieuse- 
ment atteinte.  Le  grand  mérite  de  Christophore,  en  cette  déci- 
sive campagne,  fut  de  comprendre  que  rien  de  durable  ne  serait 
accompli  en  Orient  tant  que  l'Empereur  ne  serait  pas  maître 
de  Chrysochir  lui-même.  C'est  pourquoi  profitant  de  l'avantage 
que  lui  donnait  la  victoire,  il  se  décida  à  poursuivre  les  der- 
niers restes  de  l'armée  ennemie.  Chrysochir  était  entré  dans  le 
thème  de  Charsian  et  campait  à  Agrana,  tandis  que  le  domes- 
tique des  scholes,  avec  le  gros  de  ses  troupes,  s'était  cantonné 
à  Siboron*\  Le  plan  de  Christophore  fut  rapidement  conçu. 
Ordre  fut  donné  aux  stratèges  des  Arméniaques  et  de  Charsian 
de  poursuivre  Chrysochir  jusqu'à  Bathyrrhax,  puis  de  revenir 
s'il  s'enfuyait  au  delà".  Si,  au  contraire,  il  attaquait  les  fron- 
tières, ils  devaient  immédiatement  en  avertir  le  domestique. 
Grecs  et  Pauliciens  se  rencontrèrent  dans  la  plaine  située  au 
pied    du  Zôgoloenos  ^.    Là,    au  milieu  de  la  nuit,    seize  cents 

I.  Sym.  Mag.,  viii,  70^^.  (ieorges  Moine,  1076. 
3.  Vit.  Basil. ,  xxxvii,  p.  28^. 

3.  Genesios,  11 48. 

4.  Vit.  Basil.,  ch.  xli,  p.  288. 

5.  Sym.  Mag.,  viii,  702.  Vit.  Basil.,  ch.  xLi,  p.  288. 

6.  Genesios,  11 48. 

7.  Vit.  Basil.,  xli,  p.  288. 


ET    l'empire    byzantin  320 

hommes  choisis  parmi  les  doux  armées  byzantines,  atta(| lièrent 
subitement  les  troupes  de  Clirysochir.  Les  Pauliciens  ignorant 
le  nombre  des  combattants,  prirent  peur  et  s'enfuirent,  pour- 
suivis parles  Grecs  jusque  près  de  Sébaste*.  La  déroute  était 
complète.  Elle  fut  définitive  grâce  au  hasard  qui  permit  à  un 
Grec  du  nom  de  Pouladis.  captif  depuis  la  défaite  de  Teplirice, 
de  s'approcher  de  Ghrysochir  et  de  le  percer  de  sa  lance-.  Mal- 
gré les  efforts  d'un  de  ses  compagnons,  plus  tard  célèbre  comme 
défenseur  de  l'Empire,  Diaconitzès,  le  chef  paulicien  ne  put 
être  délivré.  Les  Byzantins  s'en  emparèrent,  le  décapitèrent  et 
l'envoyèrent  à  Basile  -^ 

La  victoire  de  Ghristophore  n'était  pas  l'œuvre  de  Basile. 
Celui-ci,  cependant,  soit  pour  frapper  l'imagination  des  foules, 
soit  par  vanité  personnelle,  se  décerna  tous  les  honneurs  du 
triomphe.  Quand  il  apprit  la  a  ictoire  du  domestique,  il  était  à 
Petrion  auprès  de  ses  tilles*.  Tout  de  suite,  il  revint  au  palais 
de  Hieria  et  s'apprêta  à  faire  dans  sa  capitale  une  entrée  solen- 
nelle. On  était  à  l'automne  de  872. 

Basile  et  les  Arabes. — L'immense  succès  des  armées  byzan- 
tines eut,  naturellement,  en  Orient,  le  plus  douloureux  reten- 
tissement. C'était  la  première  fois  depuis  de  bien  longues  années 
que  les  Basileis  étaient  si  complètement  vainqueurs.  Les  Arabes 
pouvaient,  à  juste  titre,  se  demander  quel  sort  leur  était  réservé. 
Par  les  victoires  de  Basile,  en  effet,  parla  destruction  deTephrice 
et  des  autres  places  pauliciennes,  la  limite  de  l'Empire  s'éten- 
dait désormais  jusqu'au  haut  Euphrate.  Les  Grecs  n'allaient-ils 
pas  profiter  des  révolutions  qui  affaiblissaient  l'Empire  arabe 
pour  prendre  l'offensive  et  ruiner  l'autorité  déjà  très  affaiblie  du 
califat?  Cette  perspective  resserra  les  liens  qui  unissaient  Arabes 
et  Pauliciens,  et  décida  effectivement  Basile  à  commencer  immé- 
diatement la  guerre  contre  les  Arabes.  L'Empire,  en  effet, 
ne  pouvait  être  en  sécurité  tant  que  les  Musulmans  tien- 
draient la  ville  de  Mélitène  qui  marquait  la  limite  extrême 
de  l'Empire  du  côté  de  l'Orient.  Profitant  donc  des  discordes 
qui  divisaient  les  Abbassides,  Basile  entra   en  campagne  dès 

1.  Vit.  Basil.,  xlii,  p.  289. 

2.  Ibid.,  \Lin,  p.  289. 

3.  Ibid.,  xLiii,  p.  292, 

4.  Ibid.,  XLiii,  p.  292. 


326  BASILE    I 

873.  Comme  en  871,  il  prit  la  direction  des  armées  et  se  dirigea 
sur  Mélitène.  Le  plan  stratégique  de  l'Empereur  était  très  sage. 
Sachant  qu'à  Mélitène  la  résistance  serait  acharnée,  il  résolut  de 
commencer  par  s'assurer  certains  points  importants  pour  s'en 
servir  comme  d'une  base  solide  d'opération.  Zapetra,  au  sud- 
ouest  de  Mélitène,  fut  d'abord  conquise  par  une  partie  de 
l'armée.  Les  Grecs  y  délivrèrent  beaucoup  de  chrétiens  captifs 
et  remportèrent  un  grand  butina  De  là,  on  se  dirigea  contre 
Samosate  qui  fut  enlevée  aux  Arabes  et  l'on  franchit  l'Euphrate  -. 
Basile  n'avait  pas  pris  part  à  ces  premiers  exploits.  Il  était  resté 
à  Keramision.  Partant  alors  avec  toutes  ses  troupes,  il  se  porta 
directement  sur  Mélitène.  On  était  en  plein  été.  La  chaleur  était 
torride  et  les  eaux  du  fleuAC  très  hautes.  Il  fallut  rapidement 
construire  un  pont.  L'Empereur,  paraît-il,  travailla  comme  les 
autres  soldats,  portant  lui-même  sur  ses  larges  et  solides 
épaules  de  très  lourds  fardeaux  -^  Tout  d'abord  les  efforts  de 
Basile  furent  couronnés  d'un  plein  succès.  Kapsakion,  dans  le 
voisinage  de  Mélitène,  fut  pris  à  l'ennemi  ainsi  que  quelques 
autres  forteresses  du  côté  de  l'Euphrate  que  conquirent  les 
thèmes  de  Ghaldée  et  de  Colonée.  Les  Grecs  firent  un  grand 
butin  et  beaucoup  de  captifs  tombèrent  en  leurs  mains  ;  mais 
contre  Mélitène,  Basile  ne  put  rien.  Il  fut  battu  par  Achmed  Ibn 
Muhammed  al  Kabuc  qui  lui  tua  même  un  de  ses  premiers  géné- 
raux. Pour  voiler  sa  défaite,  Basile,  à  son  retour,  envahit  de 
nouveau  le  territoire  paulicien,  détruisit  quelques  forteresses, 
paya  généreusement  ses  soldats  et  fit  une  seconde  entrée  triom- 
phale à  Gonstantinople  *.  Mais,  en  vérité,  Basile  n'était  pas  heu- 
reux quand  il  voulait  agir  par  lui-même  ! 

Halle  et  Sicile.  —  Ces  événements,  avec  leurs  alternatives  de 
revers  et  de  succès,  avaient  trop  constamment  occupé  Basile 
pour  qu'il  pût,  même  de  loin,  songer  aux  choses  d'Italie.  Et 
cependant,  la  situation  devenait  de  plus  en  plus  grave,  aussi 
bien  pour  l'Empereur  byzantin  que  pour  son  collègue  l'Empe- 
reur d'Occident.  Celui-ci,  en  effet,  malgré  ses  victoires  sur  l'es 
Arabes  et  les  services  qu'il  avait  rendus  par  là  à  tous  les  princes 

1.  Vit.  Basil.,  ch.  xxxix,  p.  284. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.,  XL,  p.  285. 

4.  Ibid.,  XL,  p.  a88. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  827 

chrétiens,  ne  tarda  pas  à  se  trouver  en  très  critique  posture  par 
suite  des  excès  ((ue  commettaient  en  Italie  son  armée  et  son 
gouvernement.  Les  princes  de  Bénévent,  deSpolète,  de  Salerne, 
de  Naples,  presqu'au  lendemain  de  la  victoire  de  Bari  s'insur- 
gèrent contre  leur  suzerain.  En  août  871,  Louis  II,  tout  victo- 
rieux qu'il  fût,  était  pris  à  Bénévent  comme  dans  un  piège.  11 
était  captif  d'Adelchis.  On  devine  l'impression  que  fit  en  Italie  et 
chez  les  \rabes  une  pareille  affaire.  Le  résultat  en  fut,  immédia- 
tement, une  nouvelle  attaque  des  Sarrasins  contre  l'Italie.  L'Em- 
pereur y  gagna,  en  vérité,  la  liberté,  mais  entre  lui  et  son  vas- 
sal de  Bénévent  la  rupture  était  consommée.  Adelchis  n'eut  plus 
d'autre  ressource  que  de  se  tourner  vers  Byzance  pour  lui 
demander  secours  et  protection.  Gela  se  passait  en  878.  Le  coup 
était  fatal  pour  Louis  II.  Par  là,  malgré  son  triomphe  de  Bari, 
toute  la  politique  du  Carolingien  avait  échoué.  Du  reste,  l'heure 
de  sa  mort  n'était  plus  éloignée.  Le  12  août  875  il  s'éteignait  à 
Brescia,  tandis  que  Basile,  profitant  des  circonstances, 
envoyait  le  patrice  Grégoire  comme  stratège  à  Otrante  pour  y 
surveiller  le  cours  des  événements. 

Durant  l'année  872,  Basile  tout  occupé  par  la  guerre  contre 
les  Pauliciens  avait  singulièrement  négligé  ses  possessions  de 
Sicile.  Les  Arabes,  heureusement  pour  lui,  se  débattaient  dans 
d'inextricables  difficultés  civiles  dont,  régulièrement,  les  gou- 
verneurs payaient  les  frais  en  se  faisant  assassiner.  Cet  état  de 
choses  explique  bien  pour  quelles  raisons  les  Grecs  siciliens 
vécurent  en  une  paix  relative  et  ne  perdirent  aucune  des  villes 
qui  se  trouvaient  encore  en  leur  pouvoir.  Mais,  si  les  Arabes 
siciliens  n'agirent  guère  alors,  ceux  de  Tarse  et  de  Crête,  par 
contre,  plus  forts  et  plus  unis  que  les  autres,  reparurent  dans 
l'Adriatique.  Dès  qu'un  centre  arabe  se  croyait  assez  fort,  on 
était  sûr  de  voir  son  gouvernement  se  lancer  dans  quelque 
aventure.  Tel  fut,  par  exemple,  le  cas  de  l'Emir  de  Tarse.  Osman 
ou  Esman  ('Eo-ijLâv)  '  qui,  vers  cette  époque,  profitant  des  pre- 
miers succès  arabes  en  Illyrie.  s'en  vint  assiéger  à  l'improviste 
les  côtes  de  la  Grèce.  En  mai  872,  en  effet,  les  Arabes  dévas- 
taient les  côtes  d'Illyrie  et  s'avançaient  jusqu'à  l'île  de  Brazza. 
au  sud  de  Spalato.  En  rentrant  chez  eux,  pourtant,  une  désa- 
gréable surprise  les  attendait.  Subitement,  ils  se  trouvèrent  en 

I.  F/7.  Basil.,  li\,  p.  3i3. 


328  BASILE    I 

présence  de  la  flotte  de  Nicetas  Oryphas  qui,  probablement^ 
était  demeurée  sur  les  côtes  de  Grèce  depuis  l'année  précédente. 
La  légère  défaite  que  leur  fit  subir  le  commandant  des  forces 
byzantines,  n'était  pas  pour  les  décourager.  Au  lieu  de  s'en  aller 
sur  les  côtes  d'Ulyrie,  les  Arabes,  commandés  par  un  certain 
Photius^  se  précipitèrent  sur  celles  de  Péloponèse '-.  Fatras. 
Pylos,  Gorinthe  souffrirent  de  leurs  déprédations.  Mcetas  était 
alors  établi  à  Genchrée^.  Par  une  heureuse  inspiration,  au  lieu 
de  tourner  la  presqu'île  pour  rejoindre  la  flotte  sarrasine  au  cap 
Malée  où  se  trouvait  son  point  d'attache,  il  fit  clandestinement 
passer  troupes  et  vaisseaux  par  terre  et,  tout  à  coup,  se  pré- 
senta devant  l'ennemi*.  Les  Arabes  furent  vaincus.  Leur  flotte 
fut  ou  brûlée  ou  coulée,  l'équipage  décimé,  la  Grête  dut  payer 
pendant  dix  ans  tribut  à  l'Empereur.  Pour  heureuse  qu'eût  été 
cette  expédition,  elle  n'en  était  pas  moins  la  preuve  certaine  du 
danger  qui  ne  cessait  de  menacer  les  Byzantins  de  Grèce,  d'Ita- 
lie, de  Sicile.  En  fait,  la  Méditerranée  était  au  pouvoir  des 
Arabes  et  toujours  on  pouvait  craindre  de  nouvelles  surprises. 
Aussi,  dès  que  Basile,  entre  874  et  876,  eut  terminé  sa  campagne 
d'Orient,  songea-t-il  à  tirer  parti  de  la  situation  pour  prendre 
solidement  pied  dans  la  Méditerranée  et  se  garder  contre  toute 
nouvelle  insurrection  des  Arabes  de  Grète.  Une  île  mi-grecque, 
mi-arabe»  parut  lui  offrir  le  point  stratégique  qu'il  désirait. 
G'était  Ghypre.  Nous  n'avons  aucun  détail  précis  sur  la  façon 
dont  il  occupa  l'île  et  sur  l'époque  exacte  de  la  campagne  mili- 
taire qui  la  lui  fit  gagner  ;  nous  savons  seulement  que,  durant 
sept  années,  il  put  y  établir  un  stratège.  Malheureusement,  les 
Ghypriotes  grecs  ne  secondèrent  d'aucune  façon  les  efforts  de 
Basile.  Assez  heureux  sous  la  domination  arabe,  ils  sentaient 
peu  le  besoin  de  changer  de  régime.  Ghypre  retomba  donc  au 
pouvoir  des  Sarrasins  jusqu'à  l'époque  de  Nicéphore  Phocas  '\ 

Sur  la  côte  d'Italie,  àOtrante,  Basile  P'  eut  aussi,  à  cette  même 
date,  une  heure  de  brillant  succès.  Il  avait  été  très  heureux 
dans  la  nomination  du  patrice  Grégoire  comme  ((  bajulus  »  et 


1.  Vit.  Basil,  lx,  p.  3i6. 

2.  Ibid. 

3.  Ibid.,  Lxi,  p.  3i6. 

4.  Ibid. 

5.  Cf.  pour  l'histoire  do  Chypre  à  celle  époque  ;  Grégoire,   Vit.  S.  Deme- 
triani. 


ET    l'empire    byzantin  829 

stratège  du  thème.  C'était  un  homme  actif,  entreprenant  et 
fort  habile  diplomate.  Une  fois  dans  son  gouvernement,  après 
avoir  reçu  la  soumission  dWdelchis,  il  réussit,  les  incursions 
arabes  aidant,  à  réveiller  autour  de  lui  les  anciennes  sympa- 
thies byzantines  et  à  ramener  dans  son  orbite  les  Lombards 
d'Apulie.  Ceux-ci.  à  l'exemple  d'Adelchis,  firent  leur  soumis- 
sion à  Byzance  et  ouvrirent  au  stratège  les  portes  de  Bari.  Ces 
faits  se  passaient  en  876,  probablement  le  25  décembre  K  Cette 
pacifique  prise  de  possession  était  pour  Byzance  d'une  haute 
importance.  Le  stratège  en  venant  s'installer  à  Bari,  qu'il 
fortifia  tout  de  suite,  commandait  par  sa  flotte  et  son  armée 
l'Adriatique  et  l'Italie  méridionale.  La  soumission  des  Slaves 
illyriens,  de  l'autre  côté  de  la  mer,  achevait  de  faire  de  l'Adria- 
tique presque  «  un  lac  byzantin  ».  Malheureusement,  ce  succès 
pouvait-il  à  peine  être  enregistré  à  Constantinople  que  déjà,  il 
fallait  annoncer  au  Basileus  de  nouveaux  et  irréparables 
malheurs . 

Après  la  mort  de  Louis  II,  les  Arabes  de  Sicile  commen- 
cèrent à  se  réveiller.  L'instant  leur  parut  sans  doute  favorable 
pour  tenter  de  reprendre  l'action  offensive  qui  leur  avait 
jusqu'ici  assez  bien  réussi.  ïarente  leur  restait  en  Italie  comme 
point  stratégique  important.  Leur  gouverneur,  Osman,  partit 
donc  en  campagne,  sans  doute  dès  la  fin  de  876  et  ravagea 
épouvantablement  le  pays-.  £11876,  la  situation  devint  tout  à 
coup  très  grave  par  suite  de  la  conduite  d'Adelchis  qui,  pour 
garder  son  indépendance,  joua  avec  Grégoire  le  même  jeu 
qu'avec  Louis  IL  Abandonnant  Byzance,  il  se  tourna  du  côté 
des  Arabes  et  fit  la  paix  avec  ces  derniers.  De  ce  fait  l'Italie 
entière,  à  commencer  par  Rome,  était  menacée.  Jean  VIII,  en 
présence  du  danger,  s'empressa  d'écrire  à  Charles  le  Chauve 
pour  le  supplier  de  venir  à  son  secours  et  à  celui  des  chrétiens. 
Les  deux  lettres  datées  de  87G  et  877  qui  nous  sont  parvenues 
font  un  tableau  navrant  des  massacres,  des  incendies,  des 
déprédations  de  toutes  sortes  qu'eurent  à  subir  les  habitants 
au  cours  de  ces  années  ^.  Malheureusement,  pour  agir  avec  effi- 
cacité, il  aurait  fallu  de  l'union  et  c'était  la  chose  qui  existait 
le  moins  entre  les   principautés  chrétiennes   de  la  presqu'île. 

I.  Gay,  op.  cit.,  p.  1 10  et  note  3. 
'i.  Gay,  op.  cit.,  p.  109  et  seq. 
3.  Gay,  op.  cit.,  p.  117. 


332  BASILE    I 

onnemis  de  Byzance,  Pauliciens  et  Arabes,  de  la  puissance  des 
armées  de  Basile,  Du  reste,  d'autres  et  plus  importants  triom- 
phes attendaient  les  généraux  byzantins  entre  878  et  879  sur  le 
sol  de  rOrient,  après  la  chute  de  Syracuse.  Profitant  peut-être 
du  désastre  d'Occident,  un  chef  arabe  du  nom  d'Abdalah  Ibn- 
llachid  Ibn-kaous  envahit  avec  quatre  mille  hommes  le  sud 
de  la  Cappadoce.  Il  ravagea  le  pays,  à  la  façon  des  Arabes,  mais 
ne  put  prendre  aucune  forteresse.  Bien  plus,  rentrant  chez  lui 
avec  un  fort  butin,  il  fut  tout  à  coup  attaqué  par  une  petite 
armée  composée  de  soldats  de  Séleucie,  de  Karydion,  de  Char- 
sian  et  de  deux  autres  forteresses  appelées  par  les  Arabes 
Koura  et  Kaoukaba.  Le  général  André  qui  paraît  avoir  com- 
mandé ces  troupes  s'empara  d'Abdalah  et  l'envoya  comme 
prisonnier  à  l'Empereur  qui  le  rendit  bientôt  au  gouverneur 
de  Tarse  Achmed  Ibn-Touloun.  C'était  un  premier  gage  de 
meilleure  fortune  ^ 

Ces  succès  enhardirent  les  stratèges  grecs.  Dès  le  mois 
de  janvier  879  ils  partirent  pour  Adana  et  pour  Al  Musala 
avec  3o.ooo  soldats,  combattirent  les  Arabes  auxquels  ils 
firent  subir  des  pertes  sérieuses  et  emmenèrent  captif  le  gou- 
verneur du  pays.  Basile,  malgré  ces  éclatants  triomphes,  n'était 
que  médiocrement  satisfait.  Le  rôle  assez  effacé  qu'il  jouait  ne 
lui  plut  sans  doute  guère,  d'autant  que  pour  un  parvenu  de 
date  assez  récente,  il  y  avait  quelque  danger  à  laisser  d'autres 
hommes  se  couvrir  de  gloire  sans  que  lui-même  y  prît  part  2. 
C'est  pourquoi  Basile  en  personne,  suivi  de  son  fils  Constantin, 
reparut  tout  à  coup  en  Asie,  sans  doute,  comme  le  croit 
Vasiljev  ^,  pour  aller  rejoindre  l'armée  des  cinq  stratèges.  Cette 
campagne  aux  frontières  de  Syrie  fut  un  véritable  triomphe. 
Sous  les  coups  des  soldats  byzantins  plusieurs  forteresses,  occu- 
pées par  les  Arabes,  retombèrent  au  pouvoir  de  Basile.  Succes- 
sivement Psilocastellon  et  Paramocastellon  furent  prises  et 
détruites,  Phalacron  capitula  d'elle-même  ;  l'émir  d'Anazarbe 
Apabdele  chercha  à  se  sauver  ;  Endelekhone,  Katasamas, 
Andala,    Erimosykea     furent   détruites*;  enfin    un    des   plus 


1.  Vasiljev,  op.  cit.,  p.  G9. 

2.  Vit.  Basil.,  xlvi,  p.  298. 

3.  Vasiljev,  op.  cit.,  p.  71. 

4.  Ibid.,  p.  296.  Psilocastellon  ou  Xylocastron  ;  Paramocastellon  ou  Phy- 
rocastron  ;  Karba  ou  Endelekhone  ;  Ardala  ou  Andala (Ramsay,  op.  cit.,  276). 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  oSo 

redoutables  adversaires  de  l'Empire,  Simas.  fameux  par 
ses  attaques  aux  frontières  de  l'Empire,  vint  se  réfugier 
auprès  de  Basile'.  Ln  chef  paraît  surtout  s'être  distingué  en 
cette  brillante  campagne  :  ce  fut  André.  Pour  ses  services, 
il  reçut  de  l'Empereur  le  titre  de  patrice. 

Malheureusement,  comme  ce  fut  toujours  le  sort  de  Basile  en 
sa  longue  vie.  il  paya  ses  plus  légitimes  succès  par  de  cruels 
retours  de  fortune.  Rentré  vers  la  fin  de  879  à  Constantinople 
pour  y  jouir  du  prix  de  son  triomphe,  il  eut  la  douleur  de 
perdre  Constantin  dont  plus  jamais  il  ne  se  consola.  Désor- 
mais l'Orient  aussi  bien  que  l'Occident  l'intéressèrent  beaucoup 
moins.  A  l'exception  de  quelques  campagnes  passagères,  ses 
soldats  n'iront  plus  remporter  de  belles  victoires  sur  terre  et 
sur  mer  et  ce  seront  d'autres  qui  bénéficieront  de  ses  patients 
efforts  et  de  sa  sage  politique.  Au  premier  moment,  du  reste, 
les  exploits  de  ses  généraux  en  Asie  ne  furent  pas  arrêtés  par 
la  mort  de  Constantin,  puisqu'au  cours  de  879-880  nous  trou- 
vons son  armée  en  Mésopotamie  combattant  avec  succès  les 
Arabes  :  mais  ces  victoires  n'eurent  aucun  résultat  pratique. 
M  en  Syrie,  ni  en  Mésopotamie  où  Grecs  et  Arabes  subirent 
de  grandes  pertes.  l'Empire  ne  gagna  de  sérieux  accroisse- 
ments de  frontières.  Tout  ce  qu'il  obtint  ce  fut  une  paix  de 
deux  années.  Le  plus  clair  de  tant  d'efforts  fut  ilonc.  sans  doute, 
de  prouver  aux  ennemis  que  Byzance  comptait  toujours  et  qu'elle 
avait  un  basileus  qui.  malgré  ses  défaites  en  Occident,  était 
de  taille  à  tenir  en  échec  tous  ceux  qui  tenteraient  d'entre- 
prendre à  son  détriment  quelque  audacieux  coup  de  main.  Les 
Arabes  purent  s'en  rendre  compte  encore  une  fois  en  883.  Bien 
que  miné  par  le  chagrin  qui  allait  plus  ou  moins  lui  enlever 
l'usage  de  la  raison  et  le  goût  des  affaires,  comme  au  début  de 
son  règne.  Basile  voulut  retourner  en  personne  guerroyer 
contre  Mélitène.  Cette  forteresse,  indispensable  pour  lui  en 
tous  temps,  l'était  plus  encore  depuis  sa  victoire  contre  les 
Pauliciens.  car  c'était  par  elle  surtout  qu'il  pouvait  défendre  et 
organiser  la  conquête  -.  Mais  pas  plus  en  88i>  qu'en  870  Basile 

1.  Ibkl.,  ch.  \LM,  p.  lîpti.  Cf.  Vasiljev.  op.  cit.,  p.  78  et  Hirsch.  op.  cit., 
p.  :î5i. 

2.  C'est  bien  ce  que  comprenaient  aussi  les  Vrabes.  Kodama  nous  dit.  en 
etTet  :  u  C'est  la  seule  forteresse  qui  pénètre  bien  avant  dans  le  pays  ennemi  : 
car  tandis  que  les  autres  en  sont  sépai'ées  par  un  défilé  ou  un  col.  Mclitène 


332  BASILE    I 

ennemis  de  Byzance,  Pauliciens  et  Arabes,  de  la  puissance  des 
armées  de  Basile.  Du  reste,  d'autres  et  plus  importants  triom- 
phes attendaient  les  généraux  byzantins  entre  8-8  et  879  sur  le 
sol  de  l'Orient,  après  la  chute  de  Syracuse.  Profitant  peut-être 
du  désastre  d'Occident,  un  chef  arabe  du  nom  d'Abdalah  Ibn- 
Bachid  Ibn-Kaous  envahit  avec  quatre  mille  hommes  le  sud 
de  la  Gappadoce.  Il  ravagea  le  pays,  à  la  façon  des  Arabes,  mais 
ne  put  prendre  aucune  forteresse.  Bien  plus,  rentrant  chez  lui 
avec  un  fort  butin,  il  fut  tout  à  coup  attaqué  par  une  petite 
armée  composée  de  soldats  de  Séleucie,  de  Karydion,  de  Ghar- 
sian  et  de  deux  autres  forteresses  appelées  par  les  Arabes 
Koura  et  Kaoukaba.  Le  général  André  qui  paraît  avoir  com- 
mandé ces  troupes  s'empara  d'Abdalah  et  l'envoya  comme 
prisonnier  à  l'Empereur  qui  le  rendit  bientôt  au  gouverneur 
de  Tarse  Achmed  Ibn-Touloun.  C'était  un  premier  gage  de 
meilleure  fortune  ^. 

Ces  succès  enhardirent  les  stratèges  grecs.  Dès  le  mois 
de  janvier  879  ils  partirent  pour  Adana  et  pour  Al  Musala 
avec  3o.ooo  soldats,  combattirent  les  Arabes  auxquels  ils 
firent  subir  des  pertes  sérieuses  et  emmenèrent  captif  le  gou- 
verneur du  pays.  Basile,  malgré  ces  éclatants  triomphes,  n'était 
que  médiocrement  satisfait.  Le  rôle  assez  effacé  qu'il  jouait  ne 
lui  plut  sans  doute  guère,  d'autant  que  pour  un  parvenu  de 
date  assez  récente,  il  y  avait  quelque  danger  à  laisser  d'autres 
hommes  se  couvrir  de  gloire  sans  que  lui-même  y  prît  part  2. 
C'est  pourquoi  Basile  en  personne,  suivi  de  son  fils  Constantin, 
reparut  tout  à  coup  en  Asie,  sans  doute,  comme  le  croit 
Vasiljev  ^,  pour  aller  rejoindre  l'armée  des  cinq  stratèges.  Cette 
campagne  aux  frontières  de  Syrie  fut  un  véritable  triomphe. 
Sous  les  coups  des  soldats  byzantins  plusieurs  forteresses,  occu- 
pées parles  Arabes,  retombèrent  au  pouvoir  de  Basile.  Succes- 
sivement Psilocastellon  et  Paramocastellon  furent  prises  et 
détruites,  Phalacron  capitula  d'elle-même  ;  l'émir  d'Anazarbe 
Apabdele  chercha  à  se  sauver  ;  Endelekhone,  Katasamas, 
Andala,    Erimosykea     furent   détruites  *  ;  enfin   un    des   plus 

1.  Vasiljev,  op.  cit.,  p.  69. 

2.  Vit.  Basil.,  xlvi,  p.  298. 

3.  Vasiljev,  op.  cit.,  p.  71. 

^.  Ibid.,  p.  296.  Psilocastellon  ou  Xylocaslron  ;  Paramocastellon  ou  Phy- 
rocastron  ;  Karba  ou  Endeleklionc  ;  Ardala  ou  Andala  (Ramsay,  op.  cit.,  276). 


ET  l'empire  byzantin  333 

redoutables  adversaires  de  l'Empire,  Si  mas,  fameux  par 
ses  attaques  aux  frontières  de  l'Empire,  vint  se  réfugier 
auprès  de  Basile  ^  Un  chef  parait  surtout  s'être  distingué  en 
celte  brillante  campagne  :  ce  fut  André.  Pour  ses  services, 
il  reçut  de  l'Empereur  le  titre  de  patrice. 

Malheureusement,  comme  ce  fut  toujours  le  sort  de  Basile  en 
sa  longue  vie,  il  paya  ses  plus  légitimes  succès  par  de  cruels 
retours  de  fortune.  Rentré  vers  la  fin  de  879  à  Constantinople 
pour  \  jouir  du  prix  de  son  triomphe,  il  eut  la  douleur  de 
perdre  Constantin  dont  plus  jamais  il  ne  se  consola.  Désor- 
mais l'Orient  aussi  bien  que  l'Occident  lïntéressèrent  beaucoup 
moins.  A  rexception  de  quelques  campagnes  passagères,  ses 
soldats  n'iront  plus  remporter  de  belles  victoires  sur  terre  et 
sur  mer  et  ce  seront  d'autres  qui  bénéficieront  de  ses  patients 
efforts  et  de  sa  sage  politique.  Au  premier  moment,  du  reste, 
les  exploits  de  ses  généraux  en  Asie  ne  furent  pas  arrêtés  par 
la  mort  de  Constantin,  puisqu'au  cours  de  879-880  nous  trou- 
vons son  armée  en  Mésopotamie  combattant  avec  succès  les 
Arabes  ;  mais  ces  victoires  n'eurent  aucun  résultat  pratique. 
Ni  en  Syrie,  ni  en  Mésopotamie  où  Grecs  et  Arabes  subirent 
de  grandes  pertes.  l'Empire  ne  gagna  de  sérieux  accroisse- 
ments de  frontières.  Tout  ce  qu'il  obtint  ce  fut  une  paix  de 
deux  années.  Le  plus  clair  de  tant  d'efforts  fut  donc,  sans  doute, 
de  prouver  aux  ennemis  que  Byzance  comptait  toujours  et  qu'elle 
avait  un  basileus  qui,  malgré  ses  défaites  en  Occident,  était 
de  taille  à  tenir  en  échec  tous  ceux  qui  tenteraient  d'entre- 
prendre à  son  détriment  quelque  audacieux  coup  de  main.  Les 
Arabes  purent  s'en  rendre  compte  encore  une  fois  en  882.  Bien 
que  miné  par  le  chagrin  qui  allait  plus  ou  moins  lui  enlever 
l'usage  de  la  raison  et  le  goût  des  affaires,  comme  au  début  de 
son  règne.  Basile  voulut  retourner  en  personne  guerroyer 
contre  Mélitène.  Cette  forteresse,  indispensable  pour  lui  en 
tous  temps,  l'était  plus  encore  depuis  sa  victoire  contre  les 
Pauliciens,  car  c'était  par  elle  surtout  qu'il  pouvait  défendre  et 
organiser  la  conquête  -.  Mais  pas  plus  en  882  qu'en  873  Basile 

1.  IbicL,  ch.  xLvi,  p.  396.  Cf.  Vasiljev,  op.  cit.,  p.  78  cl  Hirscli,  op.  cit., 
p.  aSi. 

2.  C'est  bien  ce  que  comprenaient  aussi  les  Arabes.  Kodama  nous  dit.  en 
effet  :  «  C'est  la  seule  forteresse  qui  pénètre  bien  avant  dans  le  pays  ennemi  ; 
car  tandis  que  les  autres  en  sont  séparées  par  un  défilé  ou  un  col,  Vïelilène 


33/i  BASILE    I 

ne  put  réduire  Mélitène.  II  fut  obligé  de  lever  le  siège  et  pour- 
suivi par  les  Arabes  jusqu'à  Sirica.  C'étaient  surtout  les  habi- 
tants de  Germanikia  qui  avaient  aidé  Mélitène  à  lutter  contre 
l'Empereur.  Basile  voulut  se  venger.  En  été  de  cette  même 
année,  il  franchit  le  Saros  et  s'en  vint  occuper  Koukousos  K 
De  là  par  des  chemins  qu'il  fallait  faire  au  fur  et  à  mesure  que 
l'armée  avançait,  il  se  dirigea  sur  Germanikia  qu'il  voulait 
punir  et  sur  Adata.  Mais  il  ne  put  se  rendre  maître  ni  de 
l'une  ni  de  l'autre  ville.  Il  dut  se  contenter  de  ravager  le  pays 
et,  l'hiver  arrivant,  de  rentrer  à  Constantinople  par  Césarée  -. 
Néanmoins,  cette  campagne  quelque  malheureuse  qu'elle  ait 
été,  eut  cependant  un  résultat.  Les  Arabes  demandèrent  la 
paix  'K  On  pouvait  espérer  que  pour  un  temps  chacun  serait 
tranquille.  Il  n'en  fut  rien.  L'année  suivante  compta  même 
parmi  les  plus  tristes  du  règne.  Dès  l'été  de  883  le  gouverneur 
arabe  de  la  frontière  syrienne  envahit  le  territoire  byzantin. 
Après  une  lutte  acharnée,  les  Grecs  durent  se  retirer  non  sans 
avoir  subi  de  lourdes  pertes.  Après  les  victoires  de  878  c'était 
là  une  grande  humiliation.  On  s'en  prit  au  meilleur  général 
qui  commandait  les  troupes  d'Orient,  André.  Les  uns  l'accu- 
saient de  n'avoir  pas  occupé  Tarse,  alors  que  ses  victoires  le 
lui  permettaient;  les  autres,  comme  Santabarenos,  l'attaquaient 
auprès  de  Basile,  le  lui  dépeignant  tout  dévoué  à  Léon  *.  L'es- 
prit affaibli  de  Basile  ne  sut  pas  résister  à  la  cabale.  11  destitua 
André  pour  donner  sa  place  à  un  certain  Kesta  Stippiotis  qui 
promettait  de  courir  à  la  conquête  de  Tarse  •'.  Il  partit,  en 
effet,  au  mois  de  septembre  883  avec  100.000  hommes  ;  mais  ce 
fut  pour  ne  pas  revenir.  Cerné  de  nuit  par  les  troupes  de 
l'Arabe  Yasaman  à  Chrysoboullon  ^,  non  loin  de  Tarse,  il  fut 
complètement  défait  et  périt  dans  la  mêlée  avec  les  stratèges 
de  Cappadoce  et  des  Anatoliques.  Les  Arabes  emportèrent  du 
champ  de  bataille  un  riche  butin. 


(Malatia)  est  située  sur  un  mcnic  terrain  luii  et  contigu  au  territoire 
ennemi.  »  (De  Goeje,  Biblioth.,  VI,  p.  194). 

I.  Vit.  Basil.,  cli.  xlviu,  p.  396.  Cf.  Ramsay,  op.  cit.,  276. 

3.  Ibid.,  xLVHi,  p.  297;  xLix,  p.  3oo.  Cf.  sur  la  prédiction  racontée  par 
Constantin  Ml  lors  de  cette  campagne.  Ilirsch,  op.  cit.,  p.  aô  1-353. 

3.  Ibid.,  xLix,  p.  3oo.  Vasiljev,  p.  79. 

4.  Georg.  Moine,  p.  io85. 

5.  Vit.  Basil.,  L,  p.  3oi. 

6.  Ibid.,  Li,  p.  3o4.  Vasiljev.  op.  cit.,  p.  8i-8a. 


ET  l'empire  byzantin  335 

C'est  sur  ce  désastre  que  se  termine  tristement  en  Asie  le 
règne  de  Basile.  André  fut  rétabli  dans  sa  situation  première  K 
En  885  Yasaman  fit  bien  une  nouvelle  incursion  sur  le  terri- 
toire byzantin,  mais  Basile  ne  paraît  pas  y  avoir  directement 
répondu.  Comme  au  début  de  son  règne,  il  chercha  plutôt  à 
contracter  alliance  pour  lutter  contre  le  péril  arabe.  Cette  fois 
il  se  tourna  du  côté  de  l'Arménie.  C'est  vers  cette  époque,  entre 
la  fin  de  885  et  le  commencement  de  886,  qu'il  traita  avec  Achod 
((  son  très  aimé  fils  »  en  lui  envoyant  la  couronne  que  déjà  le 
calife  venait  de  son  côté  de  lui  conférer  -. 

Les  incontestables  succès  de  Nasar  en  Occident  ne  pouvaient 
en  aucune  façon  compenser  la  perte  de  Syracuse,  i^a  chute  de 
cette  ville  marquait  la  fin  de  la  domination  byzantine  en  Sicile. 
Il  ne  restait  plus  aux  Grecs  que  Taormine  et  quelques  ports  de 
secondaire  importance.  L'essentiel  était  donc  désormais  de  pro- 
téger les  possessions  byzantines  en  Italie  et  de  tirer  profit  de  la 
prise  de  possession  de  la  Calabre  et  de  Bari.  C'est  à  quoi  Nasar 
s'employa  à  partir  de  880.  Reprendre  Tarente,  tel  fut  le  plan  de 
Basile  et  de  son  général.  Une  armée  composée  de  soldats  pris 
dans  les  thèmes  d'Occident  sous  le  commandement  de  Pro- 
cope  '^  et  des  légions  de  Thrace  et  de  Macédoine  sous  celui  de 
Léon  Apostypos,  fut  envoyée  en  Calabre.  Cette  armée  compre- 
nait probablement  environ  35, 000  hommes  *.  Les  débuts  de  la 
campagne  furent  heureux  pour  Byzance.  Nasar  remporta  une 
première  victoire  sur  les  Sarrasins  d'Afrique  à  Stilo^.  Mal- 
heureusement la  mésintelligence  se  glissa  vite  entre  Léon  et 
Procope.  Dans  un  engagement  qui  eut  lieu  aux  environs  de 
Tarente,  Léon  laissa  écraser  son  collègue  qui  fut  défait  et  tué. 
Le  désastre,  cependant,  ne  fut  pas  irréparable  car  Léon,  seul 
chef  des  troupes,  put  entrer  à  Tarente  et  y  installer  une  garnison 
byzantine.  Néanmoins,  son  crime  fut  dénoncé  à  Constanti- 
nople.  Il  fut  puni  et  exilé.  On  était  en  880.  Malgré  ces  légers 
succès,  la  situation  des  Sarrasins  dans  l'Italie  méridionale  res- 
tait solide.  Ils  conservaient  en  Calabre  quelques  places  fortes 
et,  ce  qui  valait  mieux  encore  pour  eux,  l'amitié  des  princes 


1.  (leo^<,^  Moine,  p.  io8ô. 

2.  Vasiljev,  p.  83. 

3.  Léon  Gramin.,  1093. 
!\.  (jay,  op.  cit.,  ii2-ii3. 
5.  Ibid. 


336  BASILE    I 

italiens.  Depuis  plusieurs  années,  en  effet,  Sarrasins  et  sei- 
gneurs campaniens  vivaient  en  bonne  intelligence.  C'était  là 
une  heureuse  circonstance  que  les  Arabes  ne  laissèrent  pas 
perdre.  En  877  ils  en  profitèrent  pour  s'avancer  jusqu'à  l'em- 
bouchure  du  Tibre,  menaçant  ainsi  les  Etats  pontificaux. 
Jean  VlU  essaya  bien  tout  d'abord  de  secouer  la  torpeur  des 
princes  et  de  les  enrôler  dans  sa  croisade  contre  l'Islam  ;  mais, 
il  n'eut  pas  de  peine  à  s'apercevoir  assez  vite  qu'il  n'avait -pas 
grand'chose  à  attendre  des  uns  et  des  autres.  Seul,  à  Bari,  le 
stratège  Grégoire  était  décidé  à  la  lutte.  Aussi  est-ce  à  lui  que  le 
Pape  s'adressa  pour  combiner  une  action  commvme  contre  les 
Sarrasins.  Mais  livré  à  lui-même  le  bajulus  ne  pouvait  pas 
grand'chose.  ^C'est  pourquoi,  le  2G  février  878,  le  Pape  se 
décida  à  écrire  à  Basile  pour  lui  demander  le  secours  d'une 
armée.  Les  relations,  très  tendues  depuis  870  entre  les  deux 
souverains  se  trouvèrent  par  cette  démarche  singulièrement 
améliorées.  En  880,  la  question  religieuse  aidant,  elles  étaient 
redevenues  à  ce  point  cordiales  qu'elles  finirent  par  inquiéter 
le  nouveau  roi  d'Italie.  Charles  le  Gros'.  Déjà  le  Pape  avait 
obtenu  des  secours  de  l'Empereur  en  échange  de  la  bonne 
volonté  qu'il  apportait  à  liquider  l'affaire  de  Photius,  quand  en 
882  ou  883  une  nouvelle  armée  partit  pour  l'Italie  commandée 
par  Etienne  Maxentios  ;  mais  vaincu  dcA  ant  Amantea  et  sur- 
tout à  Santa  Severina,  Etienne  fut  rappelé  et  en  885  Mcéphore 
Phocas  arriva  prendre  le  commandement  des  troupes  byzan- 
tines. Avec  lui,  au  déclin  de  ce  règne  assombri  par  tant  de 
revers  et  de  tristesses,  un  dernier  et  fugitif  rayon  de  gloire  vint 
de  nouveau  se  poser  sur  la  tète  de  Basile  comme  pour  lui  rap- 
peler les  triomphes  de  sa  vie  passée  et  dans  l'amertume  du  pré- 
sent lui  donner  le  gage  d'un  meilleur  avenir. 

jNicéphore  Phocas  arrivait,  en  effet,  avec  de  nouA  elles  forces 
en  Italie.  Il  amenait  avec  lui  des  soldats  orientaux  et  une 
troupe  de  manichéens  commandée  par  Diaconitzès,  l'ancien 
ami  de  Chrysochir.  Son  premier  soin  fut  de  s'installer  solide- 
ment en  Calabre  et  de  commencer  sans  larder  le  siège  de  Santa 
Severina.  Pendant  ce  temps,  un  autre  corps  de  troupes  atta- 
quait \mantea.  Bientôt  toutes  les  forteresses  sarrasines  de 
Calabre    furent    reprises.    Amantea,    Tropea,    Santa    Severina 

1.  Gay,  op.  cit.,  12a. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  337 

virent  des  garnisons  byzantines  s'installer  dans  leurs  murs. 
Reprenant  alors  le  plan,  une  fois  déjà  ébauché,  de  relier  ces 
places  à  Tarente  reconquise  et  à  Bari  occupée,  Nicéphore  se  mit 
à  organiser  la  conquête  en  gagnant  à  sa  cause  les  Lombards  : 
«  Xon  seulement  il  sut  les  soumettre  par  des  campagnes  habile- 
ment dirigées,  mais  il  usa  de  modération  et  de  clémence.  Il  se 
montra  juste,  bienveillant  et  leur  accorda  la  liberté  et  l'exemp- 
tion des  impôts  K  )) 

Ainsi  donc  au  moment  où  meurt  Basile,  la  conquête  byzan- 
tine a  fait  de  grands  progrès  en  Italie.  Oublié  des  princes  et  des 
populations  à  l'avènement  du  Macédonien,  le  gouvernement  de 
Byzance  en  886  joue  de  nouveau  un  rôle  important  dans  la 
presqu'île  occidentale.  S'il  a  perdu  la  Sicile,  sauf  quelques 
bandes  de  terrain  au  bord  de  la  mer,  il  a  reconquis  Bari, 
Trente,  la  Calabre,  u  toute  la  région  qui  s'étend  de  la  vallée  du 
Crati  aux  environs  de  Tarente  ainsi  que  la  Lucanie  orientale  avec 
les  vallées  du  Sinni  et  du  Bradano  au  moins  dans  leur  cours 
inférieur  "-.  »  Son  influence  se  fait  sentir  par  ses  fonctionnaires  et 
son  clergé  —  on  fonde  de  nouveaux  évécliés  —  comme  par  les 
princes  qui  viennent  se  ranger  sous  son  autorité  et  reconnaître 
sa  suzeraineté,  Guaimar  de  Salerne,  Guy  de  Spolète.  l'évêque  de 
Naples  lui-même,  le  plus  récalcitrant  de  tous,  Athanase.  En  88 1 
il  reçoit  avec  honneur  le  fils  de  Iladelgarius,  prince  de  Béné 
vent,  Gaideris,  qui  s'élait  enfui  de  prison  et  s'était  donné  aux 
Byzantins.  En  S^\  ou  885  il  lui  confie  le  gouvernement  de  la 
ville  d'Oria  ^.  Basile  vieilli  put  donc  mourir  en  paix.  Il  avait 
accompli  en  Orient  comme  en  Occident  une  très  grande  œuvre 
militaire  qui  fut  aussi  une  œuvre  civilisatrice;  il  laissait  l'ï^m- 
pire  plus  fort  et  plus  respecté  qu'il  ne  l'avait  reçu.  Il  ne  dépen- 
dra que  de  ses  successeurs  de  mener  à  bien  l'entreprise  si 
vigoureusement  commencée  par  le  fondateur  de  la  maison 
macédonienne  et  de  l'achever  pour  raffermir  définitivement 
l'Empire  byzantin  ébranlé  par  les  armées  musulmanes. 

I.  Gay,  op.  cit.,  i35. 
•i.  (îay,  op.  cit.,  p.  i3G. 
3.  lljid.,  p.  lAi. 


CHAPITRE  II 


L  ADMLMSTRATION    MILITAIRE 


Ce  n'est  pas  sans  peine  que  Basile  l"  obtint  de  son  armée 
l'effort  nécesssaire  pour  accomplir  la  grande  œuvre  de  libéra- 
tion nationale  qu'il  ne  cessa  de  tenter  au  cours  de  son  règne. 
Michel  lïl  lui  avait  légué,  en  cela  comme  en  tout  le  reste,  des 
services  militaires  désorganisés,  des  troupes  indisciplinées  et 
mal  exercées,  des  soldats  mécontents  parce  qu'ils  n'étaient  plus 
payés.  Une  fois  déjà,  avant  la  mort  de  Michel,  cet  état  de  choses 
avait  amené  un  semblant  de  révolte  que  le  Basileus  s'empressa 
de  calmer  en  distribant  de  l'argent  qu'on  lit  en  hâte  fondre  et 
monnayer  ;  mais  ce  n'était  là  qu'un  expédient.  H  fallait  réorga- 
niser l'armée  aussi  bien  que  la  justice,  les  finances,  l'adminis- 
tration civile  et  c'est  ce  que  fît  Basile.  Là,  comme  ailleurs,  il 
paraît  avoir  apporté  un  grand  nombre  d'améliorations  que  son 
sens  pratique  et  sa  claire  intelligence  jugèrent  bien  vite  néces- 
saires ^ . 

I.  Il  n'est  pas  très  aisé  de  savoir  avec  exactitude  ce  qui  fut  transformé, 
abandonné  et  innové  au  cours  du  règne  de  Basile  I".  A  part  quelques  ren- 
seignements épars  qu'on  pourra  glaner  dans  la  Vita  Basilii  ;  les  cha- 
pitres du  II«  appendice  du  Livre  des  Cérémonies  composés  à  l'aide  de 
sources  du  ix"  siècle  et  dont  beaucoup  sont  du  temps  même  de  Basile  ; 
un  certain  nombre  de  passages  du  IP  Livre  des  Cérémonies  écrits  à  Tépoque 
de  Léon  VI  ;  quelques  textes  des  Taktika  de  ce  même  Empereur,  nous 
n'avons  pas  d'autres  données  précises  sur  la  part  que  prit  Basile  à  la 
reconstitution  de  l'armée.  Nous  possédons,  grâce  aux  géographes  arabes. 
Ibn  Hordadbeh  et  Kodama,  un  état  de  l'armée  telle  qu'elle  existait  entre 
830  et  849  ;  nous  en  possédons  un  autre  quelque  peu  différent  dans 
le  Clétorologe.  Il  est  plus  que  probable  que  ces  changements  dont  la 
caractéristique  se  trouve  être  du  même  ordre  que  ceux  que  nous  avons 
observés  aux  chapitres  précédents  —  une  augmentation  du  nombre  de  fonc- 
tionnaires par  rapport  à  l'époque  précédente  —  remontent  en  partie  à 
Basile.  Le  fondateur  de  la  dynastie  macédonienne  a  préparé  et  commencé 
dans  toutes  les  branches  de  l'administration  impériale  les  réformes  que 
Léon  VI  termina.  Il  n'est  donc  nullement  nécessaire  de  récuser  le  témoi- 
gnage des  géographes  arabes  ainsi  ([ue  le  fait   M.  Lspenskij,  sous  prétexte 


ET  l'empire  byzantin  339 

Ainsi  que  nous  l'apprend  Constantin  VII,  l'armée,  à  Tavène- 
ment  de  Basile,  était  en  très  fâcheuse  posture.  Les  largesses  habi 
luclles,  les  «  rogai  »,  les  distributions  de  blé  ',  avaientété  suspen- 
dues et.  de  ce  fail,  l'armée  s'était  trouvée  airaiblLe  et  désorganisée. 
Il  fallut  donc  réformer  les  cadres  en  appelant  sous  les  aigles 
byzantines  de  nouvelles  recrues  -  et,  pour  cela,  leur  distribuer  ce 
qui  leur  était  nécessaire.  Le  recrutement  de  l'armée  se  faisait  de 
deux  manières  :  par  des  engagements  volontaires  et  par  des  enga- 
ments  forcés^,  imposésauxpropriétaires  de  biens-fonds  militaires 
car  ceux-là  seuls,  suivant  l'ancienne  tradition  romaine,  étaient 
tenus  au  service  *.  Dans  chaque  province,  en  eftet.  il  y  avait  un 
certain  nombre  de  familles  en  possession  de  terres  militaires 
(o-TpaTuoT'.xà  xTrl[JiaTa).  Leur  nom  était  inscrit  sur  un  registre  spé- 
cial, le  ((  G-ToaTuoT'.xo;  y.y.zylo^fo;  »,  terme  qui  revient  souvent 
dans  les  récits  hagiographiques  ^  et  dont  la  garde  était  confiée 
à  un  fonctionnaire  spécial,  chargé  de  le  tenir  à  jour  comme  de 
faire  les  inspections  nécessaires  *^.  Sur  ces  registres  figurait  la 
mention  des  biens  militaires  avec  le  nom  des  possesseurs  et 
ceux-là  seuls  étaient  appelés  sous  les  armes  dont  les  noms 
étaient  inscrits  sur  les  registres.  Ces  biens  militaires  une  fois 
entrés  dans  une  famille,  se  transmettaient  avec  leurs  charges, 
par  voie  d'héritage,  étaient  exempts  de  certaines  redevances,  le 
service  militaire  obligatoire  tenant  lieu  d'autres  impôts,  et 
étaient  insaisissables.  On  avait  ainsi  des  familles  de  soldats, 
par  conséquent  une  caste  spéciale,  formée  de  pères  en  fils,  au 
métier  des  armes  (6  o-TpaT'.coT'.xô:,  6  -oA'.t'.xo;  oIy.o;).  et,  sauf  d'assez 
rares  exceptions,  peu   de  civils  {-oW-zyj.)   venaient  s'y  mêler '^. 

que  leurs  dires  ne  concordent  pas  avec  ceux  de  (]onslanlin  VII.  L'historien 
russe  ne  paraît  pas  s'être  aperçu  qu'entre  8A2  et  Tannée  indécise  du  \*=  siècle 
en  laciuelle  écrit  Constantin  \U,  de  grandes  transformations  se  sont  opé- 
rées. Pour  conn^iîtredonc  autant  que  faire  se  peut  l'organisation  de  l'armée 
à  l'époque  de  Basile,  la  plus  sûre  méthode  me  parait  être  de  prendre  comme 
base  le  Clétorologe  de  Philothéo  qui  est  daté  avec  précision  en  le  confron- 
•tant  avec  les  écri\ains  arabes. 

I.  Vit.  Basil.,  ch.  \x\vi,  p.  :i8i. 

3.  o'.i  vcwv  juXXoyr,?   xe  xai  èyCkoy7^;  àvszAr'.pwTâv.  lit.   Basil.  Ibid. 

3.  C'est  ce  qu'entend  Constantin  Ml  par  les  mots  i-Ako^rf^  et  juaXo-;'-/,. 

'\.  Monnier,  op.  cil.,  1890,  p.  f)'i.  llambaud,  op.  cit.,  p.  387.  Cf.  p,  e.  Vit. 
S.  Luc,  S  5. 

ô.  Cf.  Papadopoulo  kerameus,  Ml.  S.Eutliyni.,  i,3  et  Petit,  S.Euthyme  le 
Jeune,  v,  p.  172. 

0.  \icelas,  Panèg.  d'Antoine  Kauleas,  cf.  Papadopoulo  Kerameus.  \\.  17. 

7.  Skabalanovic,  ch.  vu,  p.  3oo  et  seq. 


34o  BASILE    I 

Mais,  naturellement,  tous  ces  biens  militaires  n'étaient  pas 
d'égale  valeur.  Aussi  entraînaient-ils  après  eux,  suivant  Tim- 
portance  de  la  terre,  des  obligations  assez  diverses.  Une  parcelle 
de  terre  de  quatre  à  cinq  livres,  par  exemple,  obligeait  au  ser- 
vice personnel  dans  la  cavalerie  ',  tandis  qu'une  parcelle  de 
valeur  infime  obligeait  simplement  le  propriétaire  à  se  cotiser 
avec  d'autres  tenanciers  de  sa  classe  pour  équiper  un  soldat-. 
Ou  comprend  dès  lors  aisément,  d'après  ce  système,  la  néces- 
sité qui  contraignit  Basile  de  mettre  immédiatement  un  peu 
d'ordre  dans  les  registres  militaires  et  qui  lui  fit  exiger  la  pré 
sence  de  certains  soldais  sous  les  armes.  S'il  ordonne,  au  sur- 
plus, une  levée  de  volontaires  c'est  que,  sans  doute,  comme  le 
dit  son  petitfils,  durant  d'assez  longues  années  on  ne  distribua 
plus  de  terres  et  plus  d'argent  et  qu'ainsi  l'armée  allait  s'aflai- 
blissant  sans  cesse.  Basile,  du  reste,  eut  toujours  au  cours  de 
son  gouvernement  la  constante  préoccupation  d'augmenter  son 
armée  et  l'on  peut  être  sûr  que  les  terres  qu'il  dojinait  aux 
convertis,  aux  Sarrasins,  à  d'autres  encore,  étaiciit  toutes  des 
fiefs  militaires  entraînant  l'obligation  du  service  militaire^. 

Nous  ne  savons  pas  à  quel  âge  le  jeune  bomme  entrait  au 
service.  Saint  Joannice  se  fit  inscrire  à  dix-neuf  ans  dans  le 
corps  des  excubiteurs;  mais  nous  ignorons  s'il  le  fit  par  obli- 
gation ou  par  goût  S  donc  si  dix  neuf  ans  était  Fâge  légal. 
Léon  YI  de  son  côté,  dans  les  7>/A7/7.'«  dit  simplement  de  ne 
choisir  pour  l'armée  ni  vieillards  Jii  enfants  "*  et  les  géographes 
arabes  que  les  «  Romains  admettent  dans  le  rôle  de  l'armée  les 
jeunes  gens  imberbes  ^. 

Mais  cette  première  réforme  n'était  pas  suffisante.  Après 
avoir,  suivant  la  tradition,  comme  chaque  année,  prêté  ser- 
ment à  l'Empereur"^,  les  soldats  durent  se  mettre  à  l'étude  de 
leur  métier,  à  l'exercice  quotidien  de  l'obéissance,  à  la  pratique 
de   la   discipline    militaire  *"'.    Sur   l'ordre  de   l'Empereur,    on 

1.  Cerem.,  p.  1384. 

2.  Ibid. 

3.  Rambaud,  op.  cit.,  p.  ^SS. 

4.  A.  A.  S.  S.  >ov.  11,  p.  X\'i.  Saint  Lue  parlit  pour  la  fiucrre  à  18  ans 
{VU.  S.  Luc,  S  5). 

5.  Tactika,  IV,  1,  700. 

6.  De  Gœjc,  Biblioth.  geogr.  arnb.,  \.  W,  p.  85. 

7.  Thooph.,  ()3r». 

8.  1/7.  Badl.,  \\\M.  p.  j8i. 


ET  l'empire  byzantin  3^1 

mélangea  troupes  anciennes  et  nouvelles,  on  les  aguerrit,  on 
leur  donna  des  présents  '  et  ainsi,  très  rapidement,  Basile  eut 
urke  armée  assez  instruite  et  forte  pour  partir  en  campagne. 

L'armée  byzantine,  en  sa  totalité,  était  formée  par  les  tagmes 
d'une  part,  les  thèmes  de  l'autre.  C'étaient,  pour  ainsi  dire,  deux 
armées  difFérentes.  Le  tagme  était  très  probablement  l'armée 
en  résidence  à  Gonstantinople  ;  le  thème,  l'armée  de  province-, 
la  véritable  force  de  l'Empire.  Comme  nous  l'avons  déjà  remar- 
qué, à  l'époque  qui  nous  occupe,  le  mot  de  o  thème  »  tend  de 
plus  en  plus  à  prendre  la  signification  qu'il  gardera  définitive- 
ment plus  tard  :  celui  de  corps  de  troupes  et  de  province.  Il 
s'en  suit  donc  qu'il  \  avait  un  corps  de  troupes  par  province  érigée 
en  thème.  En  outre,  certains  pays  —  généralement  aux  fron- 
tières de  l'Empire  —  avaient  eux  aussi  une  organisation  mili- 
taire et  civile,  mais  simplifiée  et  sans  doute  plus  exclusivement 
militaire,  c'était  la  clisure.  Ces  clisures  devenaient  souvent  avec 
le  temps,  lorsque  la  conquête  était  affermie  et  l'administration 
complétée,  des  thèmes,  semblables  aux  autres.  Chacune  de 
ces  provinces  avait  à  sa  tête  un  stratège  ou  clisurarche,  chef 
d'une  double  administration,  civile  et  militaire-^. 

A  l'époque  où  écrivait  Hordadbeh,  l'armée  comptait  environ 
1 20.000  hommes  S  que  se  partageaient  les  stratèges.  Chacun 
avait  10. 000  hommes  sous  son  commandement,  groupés,  comme 
de  nos  jours,  en  un  certain  nombre  de  subdivisions.  Les 
troupes  tenaient  garnison  non  seulement  dans  la  capitale 
du  thème,  mais  aussi  en  différentes  villes.  Pour  l'ordinaire, 
le  corps  d'armée  se  composait  de  deux  divisions  principales  ou 
((  tourmes  »  comprenant  5.ooo  hommes  chacune,  ayant  à  sa 
tête  un  tourmarche^.  Ce  tourmarche  était  généralement  décoré 
du  titre  de  spatharocandidat  ou  de  spathaire  et  appartenait,  de 
ce  fait,  à  une  des  classes  de  la  noblesse.   Sa  hiérarchie  dans  la 


1.  Vit.  Basil.,  vwvi,  p.  a8i. 

2.  Uspcnskij,  p.  157. 

3.  I^our  tout  ce  qui  concerne  la  personne  même  du  stratège,  cl".  Tadininis- 
tration  civile. 

4.  Journal  asialinae,  i8(35,  VI"  série,  t.  V,  p.  ^80  ;  de  (iœje,  Biblloth.  geogr. 
arab.,  VI,  p.  84  ;  (ielzer,  Die  Genesis  der  Tlienieiwerfassung,  étude  des  textes 
arabes. 

5.  Ce  chiffre  cependant  ne  paraît  pas  être  absolument  rigoureux.  Le 
thème  de  Thrace  semble  avoir  eu  trois  tourmes  ;  le  thème  de  Macédoine,  une 
(l  spenskij,  p.  i63). 


3^2  BASILE    I 

label  le  des  honneurs  était  celle  du  thème  auquel  il  appartenait. 
Il  n'avait  au-dessus  de  lui,  dans  sa  propre  classe,  que  quelques 
grands  gouverneurs  militaires  dont  les  provinces  n'étaient  pas 
encore  élevées  au  rang  de  thème,  les  clisurarches  et  le  tour- 
marche  de  Lycaonie  et  de  Pamphylie  et  le  topotérète  des  scholes. 
Peut-être  le  thème-province  était-il  divisé  comme  le  thème- 
armée  en  deux  grandes  circonscriptions  appelées  elles  aussi 
0  tourmes  »  ayant  à  leur  tête  un  tourmarche  comme  le  stratège 
était  à  la  tête  du  thème  ;  mais  nous  n'avons  pas  de  ce  fait  de 
mention  certaine.  La  seule  chose  qui  paraisse  indiscutable,  c'est 
que  les  chefs  de  la  tourme  habitaient  généralement  les  villes  du 
thème.  Si  nous  connaissons  le  nom  de  très  peu  de  villes  ayant 
eu  rang  de  tourme,  les  quelques  mentions  faites  par  les  histo- 
riens et  chroniqueurs  peuvent  suffire  à  prouver  que  la  tourme 
ne  résidait  pas  dans  la  capitale,  mais  bien  dans  ui>e  ville  du 
thème  de  moindre  importance.  Dans  le  thème  des  Anatoliques, 
par  exemple,  il  y  a  une  tourme  à  u  Ta  KojjLjjLaTa  »  ^  ;  dans  celui  de 
Macédoine,  il  y  en  a  une  à  Visa.  Là,  le  tourmarche  était  le  maître. 
Il  recevait  ses  ordres  du  stratège  et  les  communiquait  à  ses 
((  drongarocomites  •)  -  qui  les  exécutaient.  Si  les  chifl'res  donnés 
par  Ibn  Hordadbeh  sont  exacts,  le  tourmarche  aurait  eu  sous 
son  commandement  cinq  o bandes  n  do  i.ooo  hommes  chacune. 
Malheureusement,  il  est  impossible  de  vérifier  les  dires  du  géo- 
graphe arabe.  M.  Uspenskij  cherche  à  lui  enlever  toute  auto- 
rité, mais  sans  apporter  de  preuves  bien  décisives.  Entre  les 
affirmations  très  nettes  et  très  précises  d'ibn  Hordadbeh  et  les 
textes  de  Léon  YI  et  de  Constantin  VU  toujours  assez  flous,  je 
crois  qu'on  peut  donner  jusqu'à  nouvelle  découverte  la  préfé- 
rence aux  Arabes. 

Les  mérarches  sont  inconnus  des  géographes  arabes  et,  chose 
curieuse,  tandis  qu'ils  se  trouvent  encore  au  début  de  la  Notice 
de  Philothée  sous  la  rubrique  générale  indiquant  les  officiers 

I.  Ramsay.  21G,  ^27.  La  forinalion  de  celle  tourme  est  racontée  au  ch.  1 
du  De  Adinini>ifrnndo,  p.  877.  Le  renseignement  est  intéressant  el  vaut  d'être 
noté.  Pour  créer  cette  tourme,  on  fit  venir  quatre  bandes  du  thème  des 
Boukellaires  et  trois  de  celui  des  Anatoliques,  bandes  auxquelles  Constan- 
tin MI  donne  le  nom  de  «  lopolérisie  ».  D'autre  part,  pour  former  la 
tourme  de  Saniana,  on  ne  déplaça  que  cinq  bandes,  d'où  l'on  peut  conclure 
que  bande  =  topotérisie  d'une  part,  et  que  de  l'autre  une  tourme  est  for- 
mée d'un  nombre  de  bandes  très  variables. 

■i.  Ce  rem.,  p.  qSO. 


ET  l'empire  byzantin  v343 

qui,  dans  chaque  thème,  se  trouvent  sous  l'autorité  du  stratège, 
ils  ne  se  trouvent  plus  dans  l'énumération  générale  de  l'arto- 
cline  quand  il  groupe  tous  les  officiers  byzantins  d'après  leur 
rang  hiérarchique.  Comment  expliquer  cette  anomalie  P  Quelle 
que  soit,  par  ailleurs,  la  date  qu'onpuisse  assigner  aux  «Taklika  » 
de  Léon  Vi,  ceux-ci  semblent,  cependant,  dans  le  cas  présent, 
nous  donner  l'explication  de  l'énigme.  La  constitution  lY 
revient  en  plusieurs  endroits*  sur  le  mérarche,  mais  toujours 
pour  redire  que  c'est  le  même  officier  —  qu'on  appelle  aussi 
stratilate  —  qu'actuellement  on  appelle  u  tourmarche  » 
K  Mîpàpva'.,  ol  Aî^'O'jLîvo'l  tzotî  xal  oroaTTAiTa'..  vùv  xal  tt.  o-Jvr.Bî'la 
xaAojtjLîvo'.  To-JouLàoya',  »,  A  l'époque , qui  nous  occupe  les  mérar- 
ches  ont  donc  pratiquement  disparu.  Il  n'y  a  plus,  comme  le 
disent  les  Arabes,  que  des  stratèges  et  des  tourmarches, 

Le  comte  de  la  tente  (6  xojjlt.c  ttÎ;  xopTr,;).  Ainsi  que  le  fait 
comprendre  la  Notice  de  Philothée,  tandis  qu'il  y  a  plusieurs 
tourmarches  par  thème,  il  n'y  a  pour  la  même  province  mili- 
taire qu'un  comte  de  la  tente.  C'est  un  officier  de  moins  haut 
railg.  Il  n'est  que  spathaire  et  appartient  comme  tel  à.  la  troi- 
sième classe  de  noblesse.  S'il  n'est  pas  nommé  parmi  les  officiers 
par  les  géographes  arabes,  c'est  qu'il  n'avait  pas  de  troupes 
sous  ses  ordres.  Il  vivait  dans  les  bureaux  comme  nos  officiers 
de  l'intendance  et  n'avait  d'autre  mission  que  de  diriger  le 
personnel  chargé  de  fournir  à  l'armée  les  provisions  et  le 
fourrage    dont   elle  avait  besoin. 

Le  chartulaire  du  thème  (6  yaoTouAàp'.o;  to-j  U^oL'zoq)  est  le  chef 
de  la  chancellerie  du  stratège.  11  dcAait,  sans  doute,  comme 
tous  les  autres  chartulaires,  tenir  les  écritures,  faire  les  actes, 
conserver  pour  chaque  thème  le  rôle  des  soldats  et  la  liste  des 
familles  qui  devaient  le  service  militaire.  Il  était  chargé,  enfin, 
dénoter  les  redevances  et  les  cadeaux  faits  à  l'armée  et  à  l'Empe- 
reur lors  des  expéditions  militaires.  Comme  le  comte  de  la 
tente,  il  pouvait  être  spathaire  et  faire  partie  de  la  troisième 
classe  de  noblesse. 

Le  domestique  du  thème  (6  oouLi(7T'-xo;  to-j  OÉ-j-aToc)  lui,  n'appar- 
tenait qu'à  la  quatrième  classe  de  noblesse.  Comme  les  deux 
derniers  officiers  dont  il  vient  d'être  question,  il  était  aussi 
chargé  de  la  partie  malériollo  do  l'ai'inéo.  Ses  fonctions  précises 

I.    Tavlika,  S  M,  VIII,  \L1II,  \L\  ,  p.  701  et  soq. 


.'^44  BASILE    I 

ne  nous  sont  pas  connues.  Il  ne  serait  peut-être  pas  absolument 
téméraire  de  conjecturer  cependant,  à  laide  d'un  texte  de 
Godinos^  que  le  domestique  s'occupait  des  finances  du  thème. 
Godinos  nous  dit,  en  effet,  qu'autrefois  le  domestique  avait  le 
soin  et  le  souci  u  twv  toù  otiUlot'Ioj  7rpay|i.àTtov  ».  Or,  l'on  sait 
que  ce  terme  avait  généralement  à  Byzance  une  signification 
financière.  G'est  là,  en  vérité,  un  simple  indice.  Il  a  néanmoins, 
en  l'absence  de  tout  autre  renseignement,  son  importance. 

Au  service  actif  appartenaient  par  contre  les  drongaires  des 
bandes  (ooo-jwàp'.oO.  Geux-là  avaient  un  commandement.  Au 
dire  d'Ibn  Hordadbeh,  chaque  tourmarche  a  sous  ses  ordres 
cinq  drongaires,  commandant  chacun  mille  hommes  —  d'où 
aussi  leur  nom,  livré  par  une  glose  des  Basiliques  deyO.'laoyo;. — 
Ges  drongaires  résident  toujours  en  province.  Ils  font  partie 
théoriquement  de  la  quatrième  classe  de  noblesse,  mais  comme 
ils  ne  vont  jamais  officiellement  avec  leurs  troupes  à  Gonstan- 
tinople,  ils  n'ont  pas.  étant  de  service,  l'occasion  de  prendre 
rang  parmi  les  dignitaires  de  la  cour.  G'est  pourquoi  la  INotice 
de  Philothée  a  grand  soin,  en  les  nommant,  de  faire  remarquer 
qu'ils  ne  sont  plus  en  service  (opo'jyyàp',ot.  à-paToO.  Malgré  cela, 
bien  que  revenus  à  une  vie  quasi-civile,  ils  gardent  à  la  cour  le 
rang  qu'il  avaient  autrefois  au  service,  rang  établi  suivant  la 
dignité  du  thème  et  la  dignité  du  dronge  qu'ils  commandaient. 

A  leur  suite  venaient  les  comtes  (xouly.t^ç)  de  même  rang  nobi- 
liaire que  les  drongaires.  Ils  commandaient  deux  cents 
hommes,  dit  Ibn  Hordadbeh.  Ghaque  drongaire  avait  cinq 
comtes  sous  ses  ordres. 

Le  KsvTapyo;  Ttov  TTraOaoicov.  Le  kentarche,  suivant  les  rensei- 
gnements arabes,  a  le  commandement  de  quarante  hommes. 
Ghaque  comte  avait  cinq  kentarches  et  par  conséquent  deux  cents 
hommes  à  ses  ordres.  Le  kentarche,  à  son  tour,  commandait 
quatre  dékarches  à  la  tête  chacun  de  dix  hommes.  La  ^otice  de 
Philothée  indique  encore,  tout  à  la  fin  de  sa  liste  les  kentarches 
des  bandes.  Elle  ne  parle  plus  de  dékarches,  sans  doute  parce 
que  ce  sont  ceux  qu'elle  appelle  du  nom  plus  général  de  u  ol 
OToaTriwTa',  »  les  soldats  et  qui  clôturent  la  liste. 

A  cette  nomenclature  corroborée  par  celle  des  géographes 
arabes,  la  Notice  de  Philothée  ajoute  un  titre  sur  lequel  nous  ne 

I,  Godinos,  v,  6i. 


ET    l'empire    byzantin  []^î^ 

pouvons  faire  que  des  conjectures.  Cest  le  comte  de  ihctérie.  6 
xojjLY,;  T?i;  £Ta',p£'la;.  Cet  officier  ne  se  retrouve  pas  avec  son  litre 
dans  la  tabelle  des  titres.  H  est  probalîle,  comme  l'indique  le 
nom  d'iiétérie,  qu'il  était  à  la  tête  des  soldats,  fédérés  ou  autres, 
adjoints  à  titre  d'auxiliaires,  soldats  de  races  diverses  et  qu'on 
ne  confondait  pas  avec  ceux  du  thème,  considérés  eux  comme 
autochtones  puisque  leurs  biens  militaires  se  trouvaient  dans  le 
thème  auquel  ils  appartenaient. 

In  protochancelier  et  un  protoinandator,  tous  deux  chefs  de 
bureaux,  l'un  des  bureaux  administratifs,  l'autre  des  bureaux 
ayant  mission  de  transmettre  aux  officiers  subalternes  les  ordres 
du  stratège,  terminent  la  liste  de  Philothée  et  complètent  ainsi 
la  description  du  thème  telle  que  nous  pouvons  la  connaître  à 
la  fin  du  ix*^  siècle. 

On  le  voit.  Il  ne  faudrait  pas,  ce  semble,  comme  l'a  fait 
M.  Uspenskij,  faire  trop  grand  état  de  certaines  lacunes  des 
sources  arabes  pour  rejeter  les  renseignements  qu'elles  peuvent 
nous  donner.  En  fait,  les  deux  listes  sont  moins  en  désaccord 
qu'elles  ne  le  paraissent  tout  d'abord.  Seulement,  tandis  que 
Philothée  nous  donne  la  composition  complète  du  thème,  les 
Arabes  ne  nous  donnent  que  le  nom  des  officiers  effectifs,  ceux 
qui  avaient  un  commandement  véritable.  De  la  combinaison 
de  ces  deux  listes  nous  pouvons  donc  dresser  le  tableau  suivant 
pour  chaque  thème. 

STUATliGE. 

2  tOLirmarchcs  (mérarchcs)   .   .   .       Comte  de  la  tente. 
I 

5  droiigaires Chartulah'e  du  thème. 

I 

5  comtes  .    .   .   .   , Domestique  au  thème. 

I 

5  kcnlarches Protochancelior. 

I 
Zj  dékarches Protomandator. 

I 

Le  comte  de  l'hétérie. 

Si  maintenant  on  considère  l'armée,  au  point  de  vue,  non 
plus  du  corps  des  officiers,  mais  de  sa  division  intérieure,  on 
aura,  probablement,  le  groupement  qui  suit  en  chaque  thème: 


346  BASILE    I 

2  tourmes  commandées  chacune  par  im  tourmaclie. 
5  dronges  —  —  drongaire* 

5  bandes  —  —  comte. 

5  spatharia  —  —  kentarche. 

4  dékarchies         —  —  dékarche. 

Ainsi  composée  l'armée  était  fortement  groupée  et  le  com- 
mandement pouvait  s'exercer  rapidement.  «  Tout  soldat,  comme 
le  dit  Kodama,  qui  éprouve  quelque  dommage  en  fait  rapport 
à  son  supérieur,  c'est-à-dire  au  dékarche,  celui  ci  à  son  supé- 
rieur et  ainsi  de  suite  jusqu'au  roi.  Par  ce  moyen  le  roi  est  mieux 
instruit  qu'aucun  autre  de  tout  ce  qui  se  passe  dans  l'armée  et 
si  quelqu'un  vient  à  mourir,  on  peut  le  remplacer  sans  délai  ^)) 

Le  thème,  cependant,  n'était  qu'une  partie  de  l'armée. 
La  réunion  même  de  tous  les  thèmes  ne  formait  pas  toute 
l'armée.  C'étaient  les  troupes  de  provinces,  celles  qui  défen- 
daient le  territoire  et  tout  d'abord  se  battaient.  L'autre  partie  de 
l'armée  était  casernée  à  Gonstantinople  et  composait  à  propre- 
ment parler  l'armée  impériale.  Elle  était  employée  au  service 
de  la  ville  et  de  la  cour  et  n'allait  en  guerre  que  lorsque  l'Empe- 
reur s'y  rendait  en  personne.  C'étaient  les  «  tagmata  »  par  oppo- 
sition aux  «  themata  » .  Kodama  en  parle  ainsi  :  «  Quant  au  nombre 
des  armées,  celle  qui  se  trouve  à  Constantinople,  la  résidence  du 
roi,  compte  24.000  hommes,  dont  t 6.000  cavaliers  et  8.000  fan- 
tassins. Les  cavaliers  sont  divisés  en  quatre  corps.  Le  premier, 
fort  de  4.000  hommes,  est  celui  des  Scholarioi,  sous  le  comman- 
dement du  grand  domestique  (al-Domestik)  qui  en  même  temps 
est  commandant  en  chef  de  toute  l'armée  et  chargé  d'ordon- 
ner les  levées.  Le  deuxième  corps,  fort  également  de 
4.000  hommes,  porte  le  nom  de  Taxis.  Le  troisième,  les  Excou- 
bites,  également  de  4.000  hommes,  sous  le  commandement 
d'un  drungaire  (trungar),  est  destiné  aux  corps  de  garde.  Le 
quatrième,  les  Skoutarioi,  comptant  aussi  4.000  hommes, 
accompagne  le  roi  dans  ses  voyages.  Les  fantassins  forment 
deux  corps,  chacun  de  4.000  hommes,  l'un  appelé  Optimates, 
l'autre  Noumera-.  » 

Cette  précision  de  termes,  cependant,  ne  doit  pas  faire  illu- 
sion. M,  Gelzer  a  parfaitement  montré  qu'il  y  avait  dans  cette 

1,  De  Gœje,  Bibliolh.,  vi,  p.  19C  et  Gelzer,  op.  cit.,  p.  11 4- 

2.  De  Gœje,  Bibliolh.,  vi,  p.  196  et  seq.  Gelzer,  op.  cil.,  p.  17. 


ET    l'empire    BYZANTm  3^7 

transcription  de  noms  propres  des  erreurs  évidentes.  Les  Arabes 
ont  reproduit,  comme  ils  l'ont  pu,  avec  leurs  caractères,  les 
sons  grecs.  Les  éditeurs  ont  dû  s'adjoindre  orientalistes  et  byzan 
tinisants  pour  arriver  à  découvrir  le  terme  le  plus  conforme  à 
la  philologie  et  à  l'histoire  :  d'où  des  difficultés  dont  il  faut  tenir 
compte.  Néanmoins,  si  les  corrections  adoptées  par  Gelzer  sont 
exactes,  nous  avons  chez  les  géographes  arabes  des  renseigne- 
ments à  peu  près  conformes  à  ceux  que  nous  donne  Cons 
tan  tin. 

Nous  avons  donc  quatre  corps  de  cavaliers  : 

l.  —  Les  Scholarioi axec  quatre  mille  hommes.  Ce  sont  les 
cavaliers  que  la  Notice  place  sous  le  commandement  du  Domes- 
tique des  seholes  (6  oo|jl£c7t'-xoç  tcov  T/oXCy/).  S'ils  étaient  restés  au 
i\'  siècle  —  chose  du  reste  assez  probable  —  ce  qu'ils  étaient  au 
vi*"  siècle,  nous  aurions  à  leur  sujet  quelques  renseignements 
intéressants  dans  Agathias.  A  cette  époque,  les  Scholarioi  étaient 
surtout  chargés  du  service  de  jour  et  de  nuit  au  palais.  Inscrits 
comme  militaires,  ils  vivaient  cependant  en  simples  citoyens. 
Ils  portaient  un  habillement  magnifique  et  leur  service  était 
surtout  affaire  de  parade.  Aussi  les  recrutait-on  dans  les  grandes 
familles  de  l'aristocratie  et  leur  chef,  généralement  proconsul  et 
patrice,  marchait  en  tête  des  grands  officiers  de  la  couronne, 
tout  de  suite  après  le  stratège  du  thème  des  Anatoliques  et  avant 
tous  les  autres  stratèges  d'Orient.  C'est,  du  reste,  précisément 
parce  que  les  seholes  étaient  surtout  des  trouj^es  de  parade  et 
aristocratiques  que  leur  chef  était  si  haut  placé,  qu'on  donna 
parfois  le  titre  de  domestique  à  des  enfants  comme  on  le  fît 
pour  le  fils  de  Bardas,  Antigone,  lorsque  son  père,  lui  aussi 
domestique  des  seholes,  devint  César  '.  Avant  eux.  sous  le  règne 
de  Théodora,  Pétronas  fut  revêtu  de  cette  haute  dignité-,  et 
sous  Basile,  ce  fut  son  gendre  Christophore,  le  vainqueur  de 
ïéphrice,  qui  la  possédait.  Une  salle  était  réservée  à  ce  corps 
d'élite,  à  l'intérieur  du  Palais.  C'était  le  «  Tp'lxMvo;  twv  SyoÀcov  », 
les  «  scholai  »,  qui  se  trouvait  immédiatement  après  le  vestibule 
de  la  Chalcé  -*. 

Nous  n'avons  sur  le  nombre  des  seholes  au  ix^    siècle  aucun 

I.  Georg.  Moine,  Cont.,  p.  lo^g. 

3.  Cedrenus,  [,  10^9.  Vit.  Basil.,  ch.  xli,  p.  iSS. 

3.  Labartc.  op.  r'd..  1 1^. 


348  BASILE    I 

renseignement.  Un  passage  du  livre  des  Cérémonies  '  nous 
apprend  seul  que  sous  Justinien  il  y  avait  sept  scholes.  Il  est 
probable  que  ce  nombre  était  encore  le  même  sous  le  règne  de 
Basile  '^. 

Indépendamment  du  domestique  des  scholes.  la  Notice  de 
Philothée  cite  un  certain  nombre  d'officiers  qui  dépendaient 
de  lui.  C'était  tout  d'abord  le  topotérète  (6  -zo-rj-z-r^yr^-J^-)  ou  lieu- 
tenant du  domestique.  Il  faisait  partie  de  la  troisième  ou 
quatrième  classe  de  noblesse,  étant  spatharocandidat  ou  spa- 
thaire.  Un  manuscrit  de  Vienne,  cité  par  Uspenskij  -^  sans  date, 
dit  que  le  tagme  des  scholaires  se  divisait  en  deux  corps,  l'un 
commandé  par  le  topotérète  avec  quinze  bandes  sous  ses  ordres, 
l'autre  par  le  chartulaire  des  scholes  avec  le  même  nombre  de 
bandes,  ce  qui  n'a  rien  que  de  très  probable.  Il  est,  en  effet,  une 
chose  assez  curieuse  à  noter,  c'est  que  si  l'on  retient  le  chiffre 
de  6.000  hommes  donné  en  un  endroit  par  Ibn  Hordadbeh^.à 
l'exclusion  de  ^.ooo  donné  par  Kodama,  les  trente  bandes  des 
scholes  donneraient  à  raison  de  6.000  hommes  par  schole, 
exactement  deux  cents  hommes  par  bande,  ce  qui  est  juste  le 
chiffre  donné  par  les  Arabes  eux-mêmes  pour  chaque  bande  de 
thème. 

Au  dessous  du  topotérète,  il  y  avait,  au  dire  de  la  Notice  de  Phi- 
lothée. deux  comtes  sur  lesquels  nous  ne  savons  rien.  Si  les 
scholes  se  trouvaient  groupées  en  deux  bandes  ayant  le  topo- 
térète à  leur  tête,  les  comtes  auraient  été  les  commandants  de 
chaque  bande  ;  jTiais  nous  n'avons  à  ce  sujet  aucun  renseigne- 
ment précis.  Le  Manuscrit  de  Vienne  connaît  lui  aussi  plusieurs 
comtes.  Le  camp  des  scholes  avait  la  forme  d'une  croix  grecque 
formée  par  deux  routes  transversales.  Au  bas  de  la  route  prin- 
cipale, à  gauche  et  à  droite,  les  comtes  avaient  leurs  tentes: 
huit  de  chaque  côté  avec  leurs  a  domestiques  ».  Dans  la  route 
transversale  qui  allait  de  l'Orient  à  l'Occident,  se  trouvaient  les 
autres  tentes  des  comtes,  au  nombre  de  sept  de  chaque  côté. 
Ceci  porterait  donc  le  nombre  des  comtes  à  trente,  exactement 


1.  Append.  I,  p.  g^o. 

2.  Cependant  ou  c'est  le  nombre  de  7  qui  est  fautif  ou  c'est  le  total  des 
hommes.  Il  fallait  évidemment  qu'un  même  nombre  d'hommes  fût  groupé 
sous  chacune  des  divisions  militaires, 

3.  Uspenskij,  op.  cit.,  p.  171,  note  5. 


ET  l'empire  byzantin  3^9 

un  par  bande  puisque  le  manuscrit  donne  précisémeut  le  chiffre 
de  trente  pour  les  bandes  de  ce  tagine '. 

Comme  tout  corps  constitué,  les  scholes  avaient  lenr  charlu- 
laire,  chef  de  la  chancellerie  des  scholes. 

Aux  côtés  des  comtes,  se  trouvaient  dans  le  tagme,  les  domes- 
tiques (ol  oojjLSTTixo',).  Ces  officiers  faisaient  partie  de  la  qua- 
trième classe  de  noblesse.  Us  avaient  sans  doute  le  commande- 
ment d'une  subdivision  de  la  bande.  Dans  les  audiences  de 
l'Empereur,  ils  étaient  les  derniers  officiers  reçus,  au  u  huitième 
voile  ;)  ■-. 

Le  Proeximos  (-posçY.jjLoç)  devait  probablement,  à  examiner 
son  lôle  dans  les  Cérémonies,  être  le  chef  des  mandatores  que 
la  Notice  indique  parmi  les  officiers  de  la  TzzrAli'j^iç  du  domes- 
tique des  scholes.  Il  servait  d'intermédiaire  entre  le  comman- 
dant en  chef  des  scholes  et  ses  subordonnés.  Il  apparaît,  dit 
M.  l  spenskij.  comme  exécuteur  des  commandements  du 
maître. 

Les  Protictores  (-^^ot'Ixtoosç)  ne  nous  sont  connus  que  par  cette 
mention.  C'étaient  sans  doute  des  chefs  subalternes,  comman- 
dant de  groupes  militaires  restreints. 

Les  Eiitiichoplioroi  (E'jTjyoç>6poi)  paraissent  être  les  porte- 
drapeaux  des  scholes,  quelque  chose  comme  des  enseignes.  Le 
livre  des  Cérémonies  ^  les  place  avec  les  u  Bavoocsopo'.  »  des  autres 
tagmes. 

Des  skeptrophoroi{rTy,r,-':zryfôpoi)  et  des  axiomatikoi{k^iLù\ky.':\-/.ol) 
nous  ne  savons  rien. 

Le  fait  le  plus  important  à  signaler  au  sujet  de  ce  tagme  des 
scholaires  est  le  rapport  qui  existe  entre  son  chef  et  les  habi- 
tants de  Constantinople.  Comme  le  domestique  des  Excubiteurs, 
le  domestique  des  Scholes.  en  effet,  est  à  la  tête  d'une  des  fac- 
tions de  la  ville,  celle  des  Bleus  :  c'est  donc  qu'il  existe  quelque 
lien  entre  les  scholaires  et  cette  faction.  Nous  avons  déjà 
remarqué  que  les  scholaires  ne  sont  pas  à  proprement  parler 
des  soldats.  Ils  ne  vont  en  guerre  que  lorsque  l'Empereur  y 
va.  Pour  l'ordinaire,  ils  résident  à  Constantinople  et  font  un 
service  de  parade.  Or,  il  peut  se  faire  que  l'on  ne  choisissait  les 
scholaires  que  parmi  la  faction  des  bleus  et  c'est  ce  qui  expli- 

I.  Lspcnskij,  op.  cit.,  p.  17S. 
•?.  Ce  rem.,  p.  '>.\^^. 
3.  Ihid.,  i3.")H. 


35o  BASILE    I 

querait  le  rôle  du  domestique.  M.  Lspeuskij  a  imaginé  une 
assez  curieuse  hypothèse  pour  rendre  compte  de  ce  fait.  Elle 
est  intéressante  et  mériterait  d'être  plus  solidement  étayée.  Il 
croit  que  le  peuple,  dans  le  sens  où  nous  l'avons  employé  à 
propos  de  la  question  financière,  se  trouvait  groupé,  politique- 
ment, comme  il  l'était  économiquement,  en  corporations  ou 
factions.  En  certaines  circonstances,  aux  grandes  processions, 
aux  jeux  du  cirque,  le  peuple  était  ofTiciellement  présent,  repré- 
senté qu'il  était  parles  chefs  de  sa  faction  et,  tout  d'abord,  par 
le  démarche,  domestique  des  Scholes,  «  porte-parole  des  droits 
politiques  de  sa  faction.  »  D'auti-e  part,  ces  factions  eurent,  de 
temps  à  autres,  comme  sous  l'Empereur  Maurice,  une  sorte 
d'organisation  militaire.  Elles  eurent  sous  le  règne  de  cet 
Empereur  à  défendre  un  instant,  en  l'absence  des  tagmes,  la 
ville  et  ses  habitants.  11  n'est  donc  pas  impossible  qu'aux  i\^  et 
x''  siècles  cette  organisation  se  soit  maintenue  et  cette  hypothèse 
rendrait  assez  bien  compte  de  la  présence  du  domestique  des 
Scholes  à  la  tête  d'une  des  grandes  factions  de  la  ville'. 

II.  —  Le  second  tagme.  composé  lui  aussi  de  cavaliers,  était 
celui  des  Excahileurs.  Son  chef,  le  domestique  des  Excubiteurs. 
était,  en  même  temps,  démocrate  des  Prasinoi.  Gomme  les 
Scholaires,  les  Excubiteurs  faisaient  le  service  du  Palais  dont 
ils  avaient  spécialement  la  garde-.  D'après  la  Vie  de  saint  Joan- 
nice^,  le  tagme  des  Excubiteurs  était  divisé  en  dix-huit  bandes. 
Ainsi  que  tous  les  grands  ofTiciers  de  la  couronne,  le  domes- 
tique pouvait  avoir  les  titres  de  proconsul  et  de  patrice.  et, 
semble-t-il.  d'après  la  Notice  de  Philothée  *,  celui  de  stratège  : 
((  6  àvô'jTcaTOç,  TaTp'lx'.o;  xal  a-TpaTr.yo;  xal  ooaia^T'.xo;  Ttov  s^o-xo'jê'.TO- 
(jLoy  ».  Il  marchait  dans  les  cérémonies  après  les  stratèges 
d'Orient,  mais  avant  ceux  d'Occident.  Sa  «  proeleusis  »  était  à 
peu  près  semblable  à  celle  du  domestique  des  scholes.  Comme 
lui,  il  avait  sous  ses  ordres  des  topotérètes,  des  chartulaires, 
des  mandatores.  Les  seuls  titres  qui  différaient  étaient  ceux  de 
protomandatores  —  remplacés  chez  lui  par  le  proeximos,  — 
de  scribones  qui  devaient  correspondre  aux  domestiques,  de 

1.  Uspenskij,  op.  cit.,  p.  170. 

2.  De  Boor,  JSiceph.  Patri.  op.  hist.,  xwiii. 

3.  A.  A.  S.  S.  >ov.  H,  334. 

4.  Cerem.,  p.  l'^^'^. 


ET  l'empire  byzantin  35 1 

draconarioi,  de  skeuophoroi,  de  signophoroi  et  de  sinatores, 
termes  sans  doute  correspondants  à  ceux  de  protiktores,  d'eutu- 
chophoroi,  de  skeptrophoroi,  d'axiomatikoi  et  qui  devaient 
désigner  vraisemblablement  les  commandants  des  diverses  divi- 
sions militaires  du  tagme.  \ous  connaissons  pour  l'époque  qui 
nous  occupe  le  nom  de  deux  domestiques  des  Excubiteurs, 
tous  deux  patrices,  Léon  et  Palatinos  K 

111.  —  Le  troisième  tagme  est  désigné  par  les  Arabes  sous  un 
terme  qu'on  a  cru  pouvoir  assimiler  aux  «  cpo'.ocpaTO',  »"-.  C'est 
sans  doute  celui  que  la  Notice  de  Pbilothée  et  les  sources 
grecques  appellent  généralement  les  «  Aritlimi  n  o[  Ap'/j|Jiot.  Ce 
tagme  avait  à  sa  tête,  non  pas  un  domestique,  mais  un  dron- 
gaire,  celui  là  même  qui  est  souvent  désigné  dans  la  Notice •' 
sous  le  titre  de  drongaire  de  la  veille  «  t^;  BiyXr.ç  n  ^.  Lui  aussi, 
comme  ses  collègues,  peut  être  proconsul  et  patrice  ;  mais  il 
semble  de  rang  un  peu  inférieur  car  il  ne  marche  dans  les  céré- 
monies qu'après  les  stratèges  d'Occident.  Nous  connaissons  le 
nom  de  deux  drongaires  de  la  veille  à  l'époque  de  Basile.  C'est 
celui  de  Constantinos  qui  était  en  fonction  à  la  mort  de  Bardas  *> 
et  celui  de  Jean,  frère  de  l'higoumène  Nicolas  que  Basile  éleva 
à  cette  dignité  lors  de  son  avènement*^.  Les  fonctions  du  dron- 
gaire nous  sont  assez  bien  connues.  C'est  lui  qui  a  la  surveillance 
générale  des  rondes  de  nuit  au  palais  ou  au  camp,  lui  qui 
accompagne  la  cour  partout  où  elle  va.  Il  était,  en  effet,  parmi 
les  rares  officiers  privilégiés  qui  avaient  jusqu'à  l'époque  de 
Basile  le  droit  de  monter  avec  l'Empereur  sur  le  yacht  privé  du 
souverain '^.  En  campagne,  il  ne  s'éloignait  jamais  du  camp 
impérial.  Il  avait  sous  ses  ordres  les  conducteurs  «  6or^yoi  n  de 
chaque  thème  et  les  représentants  ((  TrapajjLova»!  »  des  stratèges  car 
c'était  par  lui  que  l'Empereur  donnait  ses  ordres  aux  stratèges  ^. 
Chaque  soir  il  allait  chercher  chez   l'idikos    le    «  cpaTA'lov  »   ou 

i.Mansi,  Concil.,  l.  \\i,  p.  i8  cl  i58. 
3.  (îclzor,  op.  cit.,  p.  19. 

3.  Cereni.,  p.  i344. 

4.  «  opowvyipioç  Toû  àp'.OijLoij  T.TOi  xf,î  ^aT'.X'.xf.î  |3{yAf,î  »,  dit  Gciicsios,  p.  iog3. 
Cf.  Cereni.,  p.  11 12. 

5.  Thcoph.  Gont.,  Vit.  Mich.,  cli.  \i,  p.  321. 
G.  Léon  (iranim.,  1089. 

7.  De  Adniin.,  ch.  li,  p.  385. 

8.  Cerem.,  84o. 


352  BASILE    I 

flambeau  qui  servait  à  ses  rondes.  Avec  les  cent  hommes  qu'il 
avait  sous  ses  ordres,  en  possession  du  mot  de  passe  donné  par 
l'Empereur  lui-même,  il  faisait  les  rondes  à  l'extérieur  du  camp 
et  tout  le  monde  lui  était  soumis.  Quelqu'un  voulait-il  sortir  du 
camp,  il  devait  en  avoir  connaissance  et  c'était  lui  qui  avait 
mission  de  faire  rapport  à  l'Empereur  de  toutes  les  irrégularités 
qui  pouvaient  être  commises  à  ce  sujet  i. 

La  constitution  de  sa  «  proelcusis  »  était  sensiblement  la 
même  que  celle  des  autres  domestiques.  11  a  sous  ses  ordres 
des  topotérètes,  un  chartulaire,  un  acolouthos  sur  lequel  nous 
n'avons  aucun  détail,  des  comtes,  des  kentarches,  des  bando- 
phoroi,  des  labourisioi,  des  semeiophoroi,  des  doukiniatores, 
des  mandatores. 

lY.  —  Enfin  le  dernier  tagme  à  cheval  de  Constanlinople 
était  celui  des  Icanaies.  C'était  un  corps  de  cavaliers  qui  avait 
été  créé  par  le  général  Mcéphore  et  avait  lui  aussi,  pour  but, 
le  service  de  garde  du  Palais,  et  de  la  personne  impériale.  Le  pre- 
mier domestique  en  fut,  sans  doute,  le  petit-fils  de  Nicéphore, 
devenu  empereur,  Nicétas,  qui  fut  élevé  à  cette  dignité  à  Tâge 
de  dix  ans.  On  sait  que  ce  Nicétas  n'est  autre  que  le  futur 
patriarche  Ignace.  En  869  cette  charge  avait  pour  titulaire  le 
protospathaire  Oreste  -.  La  «  proelcusis  »  du  domestique  des 
Icanates  était  la  même  que  celle  des  autres  domestiques.  Il  avait 
sous  ses  ordres  des  topotérètes,  un  chartulaire,  des  comtes,  un 
prolomandator,  des  kentarches,  des  bandophoroi,  des  douki- 
niatores, des  semeiophoroi,  des  mandatores. 

I.  Parmi  les  tagmes  de  fantassins,  Ibn  Hordadbeh  cite  les 
Optimates  et  les  Noumeroi.  La  liste  de  Philothée  ajoute  la 
Garde  des  murs.  Les  Optimates  avaient,  on  le  sait,  rang  de 
thème,  mais  leur  organisation  était  en  tout  semblable  à  celle 
d'un  tagme  ordinaire.  Ils  avaient  à  leur  tête  un  domestique 
dont  la  «  proelcusis  »  était  absolument  semblable  à  celle  de  ses 
confrères  de  la  cavalerie.  Les  Optimates,  nous  dit  Constan- 
tin YII  au  Livre  des  Thèmes,  servaient  de  valets  aux  soldats 
des  scholes,  des  icanates  et  autres  tagmes  impériales  en  cam- 
pagne. Il  y  avait  alors  un  optimale  par  cavalier.  Mais,  comme 

1.  Cercm.,  p.  920. 
'i.  Maiisi,  \vi,  18. 


ET  l'empiue  byz\.mi\  353 

les  tagmcs  n'allaient  en  guerre  que  lorsque  l'Empereur  y  allait, 
ce  corps  pouvait  être  considéré  lui  aussi  comme  une  troupe 
impériale  K  C'est,  du  reste,  une  question  de  savoir  s'il  est  tout  à 
fait  légitime  de  placer  les  Optimates  parmi  les  troupes  de  pied. 
Sans  doute  le  géographe  arabe  le  fait.  Cependant,  il  faut  remar- 
quer que  la  Notice  donne  à  ces  troupes  une  organisation  de 
cavalerie.  Auprès  du  domestique  des  Optimates  point  d'officiers 
ayant  caractère  de  fantassin  comme  nous  allons  en  rencontrer 
auprès  du  domestique  des  \oumeroi  et  des  Murs. 

11.  Les  Aoumeroi  sont  commandés  par  un  domestique  comme 
les  autres  tagmes.  Moins  que  les  cavaliers,  les  fantassins  pa- 
raissent avoir  été  créés  pour  la  parade.  C'était  bien  à  eux 
que  revenait  le  soin  de  protéger  la  ville  et  ses  habitants,  de 
veiller  à  la  sûreté  de  l'enceinte  du  côté  de  la  mer  aussi  bien  que 
du  côté  de  la  terre.  Ils  avaient,  en  outre,  à  Constantinople,  la 
garde  de  la  prison  des  Noumeroi.  Il  n'est- pas  bien  sûr,  au  sur- 
plus, que  leur  rôle  se  soit  uniquement  borné  à  défendre  le 
territoire  de  la  ville.  Si  c'était  là  leur  principal  office,  tellement 
que  lorsque  les  tagmes  s'en  allaient  avec  l'Empereur,  Noumeroi 
et  Gardes  des  Murs  demeuraient  à  Constantinople,  ils  parais- 
sent bien  aussi  avoir  été  employés  dans  des  affaires  d'ordre 
politique.  Durant  le  premier  pontificat  de  Photius,  il  y  avait  un 
domestique  des  Noumeroi,  Léon  Lalacôn,  qui  fut  connu  pour  sa 
brutalité  à  l'égard  du  patriarche  Ignace  -.  Enfin,  il  est  une 
chose  à  remarquer,  c'est  que  parfois  la  charge  de  u  comte  ou 
domestique  des  Murs  "^  »  pouvait  être  donnée  au  domestique  des 
Noumeroi  qui  ainsi  cumulait  les  deux  commandements.  Théo- 
philitzès  qui  fut  stratège  du  Péloponèse  à  l'époque  où  Basile 
était  encore  à  son  service,  était  «  comte  des  iNoumeroi  et  des 
Murs  ))  *.  Naturellement,  ce  personnage  pouvait  être  décoré  des 
premiers  titres  de  l'Empire.  Il  marchait  de  pair  avec  les  grands 
officiers  de  la  couronne.  Sa  proeleusis  était  un  peu  diflérente 
de  celle  des  commandants  de  troupes  à  pied.  S'il  avait,  comme 

1.  De  Thani.,  p.  85. 

2.  Vit.  Ign.,  p.  5i3. 

3.  La  liste  des  ofîiciers  qui  peuvent  être  «  proconsuls  et  patrices  »,  ch.  ii, 
p.  i344  delà  Notice  de  PhiJothée,  porte  aussi  nienlion  du  lilrede  «  xôiat.î  xwv 

Tc'./ÉOJV». 

_^4.  Twv  No-jij.c'&i.jv  TÔTe  xal  TO'j  Tît/o'j;  %ôtj.T,î  (Syni. -Mag.,  \it.  Theod.  et  Micli.^ 
cil.    \.   p.  716. 

2:.i 


35^  BASILE    I 

eux,  à  son  service,  des  topotérètes,  un  chartulaire,  un  proto- 
mandator,  et  des  mandatores,  trois  classes  d'officiers  lui  sont 
propres  :  ce  sont  les  tribuni  (Tpiêojvo!.),  les  vicarii  (,3',xàp!.o',)  et 
les  portarioi  (ropTapt.o',)  qui  devaient  comme  les  comtes,  les 
domestiques,  les  enseignes,  commander  des  détachements  de 
la  cohorte, 

m.  Le  comte  ou  domestique  des  Murs  n'est  pas  cité  par  les 
géographes  arabes.  Cette  omission  s'explique  sans  doute  par  le 
fait  que  sa  fonction  étant  la  garde  des  grands  murs  qui  entou- 
raient la  ville,  il  a  été  pris  par  Ibn  Hordadbeh  pour  le  chef  du 
thème  qu'il  appelle  Tafra  et  qui  n'était  autre  que  celui  de  Cons- 
tantinople.  Que  ce  thème  comme  thème  ait  véritablement 
existé,  c'est  là  —  on  le  sait  —  une  question.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  le  domestique  des  Murs  et  sa  cohorte,  eux,  existaient. 
Cette  cohorte  était  organisée  comme  celle  des  Noumeroi.  Elle 
comptait  les  mêmes  officiers. 

A  ces  officiers,  il  importe  de  joindre  l'Hétériarche  (sTa-.ps'.àp- 
'//,;).  Qu'était  ce  personnage  ?  Nous  remarquons  tout  d'abord 
que  le  Clétorologe  ne  lui  donne  aucun  ministère  et  ne  le 
compte  pas  au  nombre  des  grands  dignitaires  de  la  couronne. 
Nulle  part  nous  ne  voyons  qu'il  ail  une  proeleusis  et  des  titres 
de  noblesse,  même  de  troisième  ou  quatrième  classe,  accordés 
cependant  à  tous  ceux  qui  avaient  une  fonction  officielle.  Est- 
ce  une  lacune,  un  oubli  ?  La  chose  est  assez  difficile  à  admettre. 
Cependant,  d'autre  part.  M.  Schlumberger  a  publié  quelques 
sceaux  d'hçtériarches  qui  portent  mention  de  la  dignité  de 
spatharocandidat  et  de  spathaire.  Mais,  il  faut  remarquer  que 
ces  sceaux  sont  d'une  époque  postérieure  (x"  ou  xi"  siècle), 
époque  précisément  oij  grandit  la  dignité  de  l'hétériarche.  C'est 
sous  Constantin  Porphyrogénète  qu'il  est  fait  mention  pour  la 
première  fois  du  titre  de  «  grand  hétériarche  ».  On  voit  alors  ce 
personnage  décoré  du  titre  de  magistros.  Il  est  vrai  que  ce  fut 
en  faveur  de  Romain  Lécapène  '.  Et  pourtant,  malgré  ce  silence 
d'une  liste  officielle,  nous  savons  par  les  chroniqueurs  et  les 
historiens  que  le  rôle  de  l'hétériarche  était  grand  dans  l'Em- 
pire. Plus  d'une  fois  il  fut  mêlé  aux  révolutions  de  Palais  et 
parfois,   comme  Romain  Lécapène.  arriva  au  pouvoir.  Basile 

I.  Léon  Grainni..  ii33. 


ET    l'empire    mZAMTN  355 

lui-même,  au  sortir  du  service  qu'il  faisait  chez  Théophilit- 
zès.  fut  iuscril  parmi  les  subordouués  de  riiétériarche.  En 
fait,  la  raison  piobable  du  silence  de  la  source  officielle,  c'est 
que  riiétériarche  était  chef  d'un  tagme  d'étrangers.  Ibn  Hor- 
dadbeli  compte  parmi  les  quatre  tagmes  à  cheval  les  «  skou- 
tarioi  »,  qu'on  a  mieux  lu  u  cpo'.ospàTO'.  »,  les  fédérés,  garde  qui 
«  accompagnait  l'Empereur  dans  ses  voyages,  »  dit  l'auteur 
arabe.  L'hétériarche  était  le  chef  suprême  de  cette  garde  étran- 
gère qui  se  divisait  probablement  en  trois  :  la  grande,  la 
moyenne,  la  petite  hétérie  et  comptait  un  certain  nombre  de 
païens',  ^ous  savons,  contrairement  au  dire  du  géographe 
arabe,  par  le  Livre  des  Cérémonies  ([ue  riiétériarche  avait 
une  fonction  déterminée  au  Palais,  avec  les  maglabites  qui 
étaient  probablement  des  civils  et  le  papias  ou  grand  portier. 
Pour  se  rendre  compte  de  la  chose,  il  suffit  de  parcourir  le 
chapitre  i  du  IP  Livre  des  Cérémonies-  dans  lequel  toute  la 
fonction  de  l'hétériarche  est  longuement  expliquée.  Nous 
voyons  qu'il  a  sous  ses  ordres  des  u  archontes  »  ou  officiers, 
lesquels  avaient  à  leur  tour,  sous  leur  autorité,  des  «  sêootjLàpt.o'.  » 
ou  soldats  chargés  du  service  pendant  la  semaine  et  de 
((  -apcêoouàp'^o'-.  »  Dès  que  Foffice  du  matin,  l'opOpo;,  était  achevé, 
l'hétériarche  et  le  papias  allaient  ouvrir  les  portes  du  Palais  et 
chacun,  avec  ses  subalternes  —  l'hétériarche  avec  les  gens  de 
la  moyenne  et  de  la  grande  hétérie  —  occupait  sa  place.  Ce 
passage  nous  fait  donc  voir  que  l'hétérie  était  une  sorte  de 
tagme  militaire  ayant  au  Palais  un  service  de  garde.  Un  autre 
passage  du  même  Livre  '\  postérieur,  il  est  vrai,  à  l'époque  de 
Basile  puisqu'il  est  daté  du  règne  de  Constantin  Porphyrogé- 
nète,  complète  ces  renseignements  en  nous  apprenant  que  la 
grande  et  moyenne  hétérie  étaient  composées  de  Macédoniens, 
de  Fargans  et  de  Chazares.  Ces  soldats  portaient  épée  et  bou- 
clier d'or  et  d'argent*.  On  remarquera  que  ces  données,  quoique 


I.  Cf.  Sclilumbcrger,  Sigillo.  347-  Ces  «  9otO£pâTO'.  »  sont  nommés  parmi 
les  soldats  par  le  Prochiron  (xi,  19,  p.  81).  Le  livre  des  Cérémonies,  p.  916,  a 
l'air  de  dire  qu'il  y  avait  200  hommes  dans  l'hétérie  et  100  païens.  En  tous 
cas,  il  y  avait  des  païens.  En  dehors  de  cette  mention  les  sceaux  suffisent 
à  le  prouver. 

■A.  Cerem.,  97G.  Cf.  neljajev,  n,  7. 

3.  Cerem.,  p.  107a. 

4.  D'où,  sans  doute,  le  nom  de  Skoutarioi  donné  par  les  Arabes  à  ce 
corps. 


356  BASILE    I 

tardives  pour  nous,  répondent  cependant  assez  bien  aux  détails 
de  riiistoire  de  Basile  tels  que  nous  les  ont  transmis  les  chro- 
niqueurs comme  Symcon  Magister  et  le  continuateur  de  Georges 
Moine  *.  L'un  et  lautre.  en  effet,  ne  nous  disent-ils  pas  que  c'est 
tout  d'abord  dans  riictérie  commandée  alors  par  un  certain 
André  que  lui,  Iksile,  Macédonien  de  naissance,  entra  au  sor- 
tir de  chez  Théophilitzès  et  que  là  il  eut  à  s'occuper  spéciale- 
ment de  l'écurie  impériale,  alors  quen  fait,  s'il  avait  été  byzan- 
tin il  eût  été  sous  l'autorité  du  protostrator.  Enfin  le  récit  de 
Constantin  VU  sur  le  «  navire  impérial ^  »,  confirme  tous  ces 
renseignements  en  nous  montrant  riiétériarche  seul  admis 
avec  ceux  qui  ont  du  service  direct  auprès  de  l'Empereur  sur 
la  galère  de  Basile.  Ce  service,  en  outre,  était  fait  aussi  bien  en 
campagne  qu'en  ville.  A  Ihétérie  revenait  l'obi igation  de 
monter  la  garde  à  lintérieur  du  camp  et  près  de  la  tente  impé- 
riale^. 

((  Thèmes  »,  troupes  de  province,  «  tagmes  »,  troupes  de 
Constantinople,  telles  étaient  donc  les  deux  grandes  divisions 
de  l'armée  byzantine.  Certains  thèmes  fournissaient  surtout  la 
cavalerie,  d'autres  surtout  l'infanterie.  Des  six  tagmes,  quatre 
étaient  des  troupes  de  cavalerie,  deux  des  troupes  d'infanterie. 
Mais  entre  ces  deux  divisions  de  l'armée,  il  n'y  avait  pas, 
semble-t-il.  séparation  complète.  11  est  assez  difficile,  en  vérité, 
de  savoir  s'il  existait,  comme  le  suppose  M.  1  spenskij,  dans 
chaque  thème  des  tagmes  organisées  sur  le  modèle  de  celles 
de  Constantinople.  Ce  qui  est,  en  tous  cas,  certain,  c'est  que 
thèmes  et  tagmes  se  rencontraient  lorsque  TEmpereur  allait 
lui-même  en  campagne  et  qu'à  chaque  division  de  l'armée  une 
place  fixe  était  assignée,  suivant  sa  dignité  *. 

Comme   pour  toutes  les  autres  administrations,  les  affaires 

militaires   avaient  leur  centre  à   Constantinople.   Là,  sous  la 

surveillance   de   l'Empereur,    quelques    hauts   fonctionnaires 

dirigeaient    les  ministères    où    venait   converger  tout  ce  qui 

avait  trait  à  l'armée.  La  chancellerie  de  l'armée  était  aux  mains 

1.  Sym.  Mag.,  ch.  x,  p.  717  ;  Georg.  Moine,  Gont.,  1087. 

2.  De  Adm.,  cli.  li,  p.  385.  Cf.  plus  bas  «  la  Marine  » 

3.  Cerem.,  p.  920. 

4.  D'où,  évidemment,  entre  ces  deux  armées,  des  jalousies  et  des  haines 
invétérées.  .Tusqu'en  face  de  rennemi  iJ  y  avait  parfois  des  disputes  vio- 
lentes sur  les  mérites  respectifs  des  uns  et  des  autres,  thèmes  contre  thèmes, 
thèmes  contre  tagmes  (Gl\  17/.  Basil.,  ch.  xlu,  p.  288-289). 


ET    i; EMPIRE    BYZANTIN  357 

du  lofjothèle  de  l'avinée  (6  AoyoOiTY.çTOj  TTcaTuoTixoG).  Qe  fonction- 
naire avait  un  très  haut  rang.  Il  venait  le  35*^  dans  la  liste  de 
Léon,  par  conséquent  le  Si*^  du  vivant  de  Basile  et  pouvait  por- 
ter les  grands  titres  de  noblesse  habituelle.  Marin,  logothète  de 
larméeen  869,  est,  en  effet,  patrice  '.  Son  bureau  était  naturelle- 
ment composé  comme  pouvait  l'être  une  chancellerie  faisant 
en  même  temps  fonction  de  bureau  des  finances  pour  l'armée. 
Il  avait  sous  ses  ordres  les  chartulaires  ((  toj  tsxoétoj  »,  c'est-à- 
dire,  on  le  sait,  les  chanceliers  propres  à  chajjue  ministère  ; 
puis  des  chartulaires  des  thèmes,  chargés  de  conserver  les  actes 
faits  par  l'autorité  du  stratège  dans  sa  province,  d'envoyer  et  de 
signer  les  pièces  nombreuses  concernant  chaque  corps  mili- 
taire, de  garder  et  de  vérifier  les  comptes  de  l'armée  ;  des  char- 
tulaires des  tagmes,  chargés  des  mêmes  obligations  pour  les 
cohortes  de  Gonstantinople  ;  des  legatarioi  (AsyaTaoïo!.)  qui 
allaient  dans  les  provinces  examiner  l'administration  du  stra- 
tège et  porter  aux  chanceliers  particuliers  les  ordres  de  la 
chancellerie  générale  et  se  mettre  ainsi  constamment  au  cou- 
rant de  l'état  du  thème.  C'est  la  raison  pour  laquelle  une 
femme,  mariée  à  un  soldat,  doit  s'adresser  à  lui  ou  aux  «  tri- 
buni  ))  de  l'infanterie  pour  savoir  si  son  mari  est  mort  ou  encore 
vivant.  Sur  le  rapport  du  legatarios  on  dresse  alors,  s'il  y  a  lieu, 
un  acte  authentique  de  décès  qui  permettra  à  cette  femme  de  se 
remarier  -.  Quant  aux  optiones  (ot:t(ovî;),  ils  paraissent  avoir 
été  chargés  de  l'administration  financière  de  la  chancellerie -^ 
Enfin  un  protochancelier  et  des  chanceliers  complétaient  ce 
bureau. 

Nous  ne  savons  pas  si  le  logothète  de  l'armée  était  un  mili- 
taire ou  un  civil.  Il  était,  en  tous  cas,  compté  dans  la  classe  des 
u  secretikoi  )>  avec  le  grand  chancelier  de  l'Empire  et  les  hauts 
fonctionnaires  d'ordre  financier,  comme  le  sacellaire  et  les  logo- 
tlîètes  des  trésors*.  Les  autres  ministères  de  farmée,  par  contre, 
étaient,  eux,  en  tous  cas,  confiés  à  des  militaires,  à  des  «  stra- 
tarches  »,  comme  dit  le  Livre  des  Cérémonies.  Ces  ministères 
étaient  au  nombre  de  cinq.  Indépendamment  du  ministère  de 
la  marine  que'nous  retrouverons  plus  bas,  de  l'hétériarche  et  du 

I.  Mansi,  wi,  p.  lôS. 
3.  Proch.,  XI,  \x,  p.  81. 

3.  Cf.  Du  Gange,  au  mot  ôttIwv. 

4.  Cerem.,  p.  i3i3. 


358  BASILE    I 

protospathaire  des  basiliques,  que  nous  avons  cru  devoir  placer 
plus  logiquement  parmi  les  officiers  en  chef  des  tagmes,  rési- 
daient à  Constantinople  : 

1°  Le  logothète  -rtov  àysAwv  ou  des  troupeaux  et  2"  le  eomle 
TOJ  o-TaêAO'j  ou  de  rétable.  Ces  personnages,  tous  deux  du  nom- 
bre des  soixante  grands  fonctionnaires  de  l'Empire,  paraissent 
avoir  dirigé  les  services  généraux  d'intendance.  Une  lacune  du 
manuscrit  de  Leipzig,  le  seul  exemplaire  que  nous  possédions 
du  Livre  des  Cérémonies,  nous  empêche  de  savoir  de  quelle 
façon  était  organisé  le  miuistère  du  comte  de  Tétable.  Cet  offi 
cier  était  très  probablement  chargé  de  la  direction  générale  des 
haras  impériaux  et  devait  avoir  sous  ses  ordres  les  «  àpyovTs; 
Ttov  cTàê)aov  »,  comme  le  chartulaire  de  retable  ^  :  mais,  à  son 
sujet,  nous  n'avons  pas  d'autre  détail.  C'est  seulement  par  le 
ministère  du  logothète  des  troupeaux  que  nous  pouvons  con- 
jecturer quels  pouvaient  être  ses  officiers.  Ce  ministre  avait, 
en  effet,  un  bureau  parfaitement  adapté  aux  nécessités  de  son 
commandement.  Deux  grands  chefs  de  bureaux  se  partageaient 
le  travail.  C'étaient  tout  d'abord  les  protonotaires  d'Asie  et  de 
Phrygie  chargés  du  personnel  occupé  à  ces  nombreux  trou 
peaux  dont  parle  Kodama'-;  puis  les  diœcctes  des  stations 
(jjLSTaTa)  dans  lesquels  l'armée  s'arrêtait  pour  se  reposer  et  s'ad- 
joindre les  contingents  de  certains  thèmes.  Nous  connaissons 
le  nom  de  ces  stations  :  Malagina,  Dorylée,  Kaborkion,  Kolo- 
née,  Césarée,  Dazimon  ^.  Dès  que  la  guerre  était  déclarée,  le 
logothète  devait,  d'après  une  juste  répartition  et  un  exposé 
public,  établir  ce  que  les  chefs  des  stations  d'Asie  et  de  Phrygie 
étaient  obligés  de  fournir  comme  contribution  de  guerre,  c'est- 
à-dire  en  général  200  mulets  valant  chacun  i5  nomismes  et 
200  chevaux  de  la  valeur  de  12  nomismes  :  ce  qui  faisait 
54îi4  nomismes,  soit  76  livres  d'or*.  C'étaient  naturellement  les 
protonotaires  qui   avaient  mission  d'établir  les  calculs  et   de 


I.  .Cerem.,  p.  802. 

3.  De  Gœje,  Biblioth.,  vi,  199-200. 

3.  Cerem.,  p.  825.  A  Malagina  se  trouvaioiil  «  les  écuries  du  roi,  les  dépôts 
de  munitions  et  les  magasins  d'approvisionnement  »,  dit  Ibn  Hordadbeh. 
(Biblioth.,  VI,  p.  86).  Chacune  de  ces  villes  avait  sans  doute,  comme  Mala- 
gina, un  stratopédarche  ou  chef  de  l'intendance  militaire  à  sa  tète,  lequel 
portait  parfois  le  titre  de  duc.  (Cf.  Sceau  de  Manuel  Lykaïles,  stratopé- 
darche et  duc  de  Malagina,  Ech.  d'Ori.,  1901-02,  162.) 

4.  Ibid.,  p.  849. 


ET  l'empire  byzantin  Sôq 

transmellro  aux  intéressés  la  cole  de  l'impôt.  Des  comtes  et  des 
épisckeptiles  ou  inspecteurs  étaient  enfin  attachés  au  bureau  du 
logothète  et  visitaient  les  stations. 

Telle  était  donc,  autant  que  nous   pouvons  le  savoir,  l'orga- 
nisation générale  de  l'armée  à  l'époque  de  Basile  P".  Voyons, 
maintenant  comment  fonctionnait  ce  système.  C'était  évidem- 
ment l'Empereur,  qui  seul  pouvait  déclarer  la  guerre  et  décider 
s'il    y    prendrait    part    ou   non.  Les    Byzantins    avaient    pour 
exprimer  la  chose  un  verbe  spécial  «  c5'ja-a"aTî'j£',v  »  et  un  signal 
que  chacun  devait  bien  connaître  et  qui  remontait  à  Basile  lui- 
même.  On  suspendait  au  sommet  des  portes  de  la  Chalcé  une 
cuirasse,  une  épée  et  un  bouclier  K  Immédiatement  le  logothète 
des  troupeaux  et  celui  de  l'étable  étaient  avertis  ainsi  que  le 
protovestiaire  et  on  se  mettait  à  faire  les  préparatifs  nécessaires. 
Lorsque  l'Empereur  n'allait  pas  lui-même  en  campagne,  un 
stratilate,  chef  de  tous  les  thèmes  et  de  tous  les  stratèges,  était, 
en  général,  nommé  -.   Lorsque  tout  était  prêt,  que  la  garde  de 
la  ville  et  l'administration  de  l'Empire  étaient  confiées  à  qui  de 
droit,   l'Empereur  avec  ses  tagmes  et  l'effroyable  suite  de  ses 
bagages,  franchissait  le  Bosphore  pour  s'en  aller  à  Chalcédoine 
prendre  la  grande  et  magnifique  route  que  l'on  voit  encore 
aujourd'hui  et  qui  le  conduisait  à  Malagina  ^.  Chaque  thème 
averti  et  sous  les  armes  avait  ordre  de  rejoindre  l'Empereur  à  la 
station  la  plus  voisine  de  son  cantonnement  afin  que  les  soldats 
et   les  bêtes   ne    se  fatiguassent  pas  inutilement.  A  Malagina, 
l'Empereur  trouvait  le  domestique  des  Scholes  et  le  stratège  de 
rOpsikion  ;   à   Dorylée.  celui  des   Thracésiens;  à  Kaborkion, 
celui  des  Anatoliques  et  celui  de  Séleucie.  Ce  point  stratégique 
était  probablement  la  dernière  étape  qu'on  faisait,  quelle  que 
fût  la  guerre  entreprise.  De  là,  suivant  l'ennemi  qu'on  voulait 
atteindre,  Pauliciens  ou  Arabes,  on  prenait  une  route  différente 
et  les  stations  étaient  autres.  Allait-on  guerroyer  contre  Tarse  ? 
Les   stratèges    de   Cappadoce,    de   Charsian,   des  Boukellaires 

1.  Cerem.,  p.  848. 

2.  Cedrenus,  i,  ii37-ii'4i.  L'Empereur  était  grand  chef  de  l'armée.  Il  don 
nait  le  commandement  suprême  à  qui  bon  lui  semblait,  sans  s'occuper 
du  titre  que  pouvait  porter  le  futur  stratilate.  Les  principaux  généraux  en 
chefs  de  l'armée  sous  Basile,  furent  son  gendre  Christophore,  domestique 
des  sclioles,  le  stratège  André  qui  était  Scythe  ;  le  protovestiairc  Procope, 
enfin  Nicéphore  Phocas. 

3.  Cerem.,  82b. 


36o 


BASILE 


rejoignaient  l'Empereur  à  Colonée  :  les  stratèges  dV'Vrméniaque, 
de  Paplilagonie  et  de  Sébaste  à  Césarée.  Allait-on,  au  contraire, 
combattre  les  Pauliciens  à   Téphrice,  les   troupes   de  l'Armé 
niaque   seules,    en    général,    levées,   trouvaient   l'Empereur   à 
Yathy-Ryax^ 

A  chaque  station,  il  y  avait  pour  recevoir  l'Empereur  tout 
un  cérémonial.  L'armée  du  thème  qui  venait  rejoindre  son 
souverain,  se  tenait  à  une  petite  distance  de  la  route.  Dès  que 
le  Basileus  était  arrivé,  le  stratège,  le  protonotaire  du  thème, 
les  officiers  de  la  proeleusis  se  présentaient  à  lui  ;  puis,  accom- 
])agné  de  ces  chefs,  il  passait  en  revue  les  troupes  en  marchant 
devant  le  front  du  thème.  Les  officiers  secondaires  mettaient 
pied  à  terre,  tandis  que  les  soldats  restaient  à  cheval  -. 

Le  repos  achevé,  le  Basileus  reprenait  sa  marche  en  avant.  Il 
se  plaçait  en  tête  de  l'armée,  à  la  distance  d'un  u  triple  vol  de 
flèche  ».  L'armée  suivait  derrière  d'après  un  ordre  déterminé. 
Le  centre  était  occupé  par  les  tagmes,  suivant  leur  ordre  de 
dignité  —  la  plus  noble  formant  exactement  le  milieu  de  l'ar- 
mée. Sur  les  côtés  se  trouvaient  les  thèmes,  eux  aussi  placés 
suivant  leur  ordre  «  xaTa  Ta  fjsjjiaTa  ajTwv  ».  dit  le  Livre  des  Céré- 
monies, les  plus  élevés  près  des  tagmes  ^^  Nous  connaissons 
par  plusieurs  passages  du  Livre  des  Cérémonies  l'ordre  de 
dignité  des  tagmes.  L'un  d'eux  entre  autres  est  intéressant.  Il 
expose  quel  doit  être  l'ordre  adopté  quand  l'armée  passe  un 
pont  ou  une  rivière.  Les  tagmes  marchaient  les  premiers, 
ensuite  les  thèmes  ;  mais  parmi  les  tagmes,  les  scholes  avaient 
le  pas  sur  tous  les  autres  ;  les  excubiteurs,  les  aritlimoi  et  les 
icanates  suivaient*.  On  arrivait  ainsi,  généralement,  en  un 
endroit  central,  à  proximité  relative  de  l'ennemi.  On  dressait 
alors  le  camp  en  ayant  soin  de  placer  autant  que  possible  la 
tente  impériale  sur  un  lieu  élevé  et  les  stratèges  attendaient  l'or- 
dre de  l'Empereur.  U  était  rare  que  celui-ci  prit  une  part  plus 
active  aux  opérations,  surtout  quand  il  s'agissait  d'aller  assiéger 
une  ville. 

Nous  savons  que  Basile  restait  au  ([uartier  général  et  envoyait 
les  troupes  à  l'assaut.  C'était  ce  ((ui  s'appelait  aller  à  la  guerre. 

1.  (jolzor,  op.  cit.,  p.  108-109. 

2.  Lspcnsklj,  op.  cil.,  p.  i5(3. 

3.  Ibid. 

4.  Cerem.,  p.  8!iO. 


ET  l'empire  BYZWTIN  36 1 

Néanmoins,  le  fait  n'est  pas  rare  dans  les  annales  byzantines  de 
voir  l'Empereur  prendre  plus  directement  part  à  la  guerre  en 
payant  de  sa  personne.  Plusieurs  fois,  les  basileis  manquèrent 
d'être  pris  ;  plusieurs  fois  il  y  en  eut  qui  trouvèrent  une  mort 
honorable  sur  le  champ  de  bataille. 

Le  retour  de  l'Empereur  s'effectuait  sansdoutecomme  à  l'aller. 
Après  la  guerre,  il  revenait  à  Gonstantino])le  recevoir  les  hon- 
neurs du  triomphe.  C'étaient  toujours  pour  Byzance  de  grandes 
journées,  d'autant  plus  joyeuses  que  son  souverain  était  plus 
véritablement  vainqueur.  Le  Livre  des  Cérémonies  nous  a 
conservé  la  description  des  fêtes  qui  furent  données  lors  du 
retour  de  Basile  à  Constantinople  après  la  victoire  de  ses  géné- 
raux sur  Téphrice  ^  Ces  fêtes  se  reproduisirent  plusieurs  fois  : 
en.  872  après  Téphrice;  en  878  après  la  campagne  de  Méli- 
tène  ;  en  882  après  la  seconde  campagne  de  Basile  contre 
Mélitène.  Le  récit  du  Livre  des  Cérémonies  correspond  très 
probablement  aux  fêtes  de  872.  L'Empereur  se  trouvait  au 
Palais  d'Hieria  sur  la  côte  d'Asie,  en  face  de  Constantinople.  Il 
revint  immédiatement  dans  sa  capitale  et  descendit  à  l'Hebdo- 
mon.  Là,  toute  la  ville  l'attendait  portant  des  couronnes  de 
roses.  Il  fut  reçu  par  le  sénat  et,  après  les  compliments  habi- 
tuels, le  cortège  se  dirigea  vers  l'église  du  Prodrome  où  eut 
lieu  la  prière.  On  alluma  les  cierges  et  Basile,  accompagné  de 
Constantin  revêtu  du  u  scaramangion  »  et  monté  sur  un  cheval 
de  parade,  s'en  alla  à  l'église  des  Abramites  dédiée  à  la  Très 
Sainte  Mère  de  Dieu,  précédé  du  sénat  et  du  peuple.  Là,  après 
une  courte  prière,  le  cortège  s'arrêta.  Par  ordre  du  préfet  de 
la  ville,  la  cité,  de  la  Porte  d'Or  à  la  Chalcé,  était  brillamment 
décorée  de  lauriers,  de  romarin,  de  tamaris,  de  roses  et  autres 
fleurs  ainsi  que  d'étoffes  précieuses  et  de  lustres  (polykandala). 
Les  rues,  soigneusement  nettoyées,  étaient  jonchées  de  tleurs. 
Au  delà  de  la  Porte  d'Or  se  trouvaient  les  prisonniers  de  marque 
pris  aux  ennemis  avec  les  plus  riches  dépouilles  de  la  guerre, 
armes  et  autres  objets,  toutes  choses  dignes  de  paraître  au 
triomphe  qui  allait  suivre  la  «  ijlsoy,  »,  le  grand  corso  byzantin. 
V  un  moment  donné  les  battants  de  la  Porte  d'Or  s'ouvrirent  et 
le  cortège  impérial  se  remit  en  marche.  Les  Empereurs  ayant 
quitté  le  scaramangion.   revêtus,  Basile  du  manteau  impérial 

I.  Cerem.,  p.  942. 


362  BASILE    I 

—  l'imaiion  —  brodé  d'or  et  de  perles  du  plus  haut  prix,  l'épée 
au  côté,  le  diadème  (xa'.Tap'lx',ov)  en  tête.  C.onstantin  portant 
une  cuirasse  d'or  (xAiêàviov).  l'épée  et  les  souliers  d'or,  tenant  à 
la  main  une  lance  d'or,  enrichie  de  perles,  la  tête  ceinte  d'un 
bonnet  (cpaxioAov)  blanc  et  or  et  sur  le  front  une  couronne  d'or, 
montèrent  sur  deux  chevaux  blancs,  magnifiquement  harna- 
chés. Au  couvent  des  Abramites  les  deux  démarches  et  leurs 
factions  en  habits  de  fête  vinrent  recevoir  et  complimenter  les 
souverains.  Les  acclamations  d'usage  «  gloire  à  Dieu,  gloire  à 
la  Très  Sainte  Trinité  »  retentirent  chantées  parles  deux  factions 
du  cirque,  tandis  que  le  cortège  se  rendait  à  la  Porte  dorée. 
L'éparche  de  la  ville  et  ses  ministres  s'y  trouvaient  déjà.  Dès 
que  l'Empereur  fut  arrivé,  ils  se  jetèrent  h  genoux  pour  l'adorer 
et  lui  présenter  des  couronnes  d'or  et  d'autres  de  laurier  que 
Basile  reçut  en  remettant  à  l'éparche  une  belle  somme  d'argent. 
Cette  cérémonie  achevée,  le  cortège  se  dirigea  d'abord  vers  le 
Sigma  et  de  là  à  l'Exokionion  pour  rejoindre  la  «  Méa-r,  »,  par  le 
Xérolophos,  au  forum  d'Arcadius.  Suivant  dès  lors  la  voie  triom- 
phale, le  cortège  passa  par  le  Forum  bovis,  le  Capitole,  le  Phila 
delphion,  le  Forum  Tauri,  l'Artopoleion,  pour  aboutir  enfin  au 
forum  de  Constantin,  non  loin  de  Sainte-Sophie.  Là,  les  Empe- 
reurs descendirent  de  cheval  et  entrèrent  dans  l'église  de  la 
Mère  de  Dieu  où  se  trouvaient  le  patriarche  et  tout  le  clergé  de 
Sainte-Sophie.  On  alluma  les  cierges  et,  après  une  rapide  prière, 
on  se  remit  en  marche,  non  sans  avoir  changé  d'habits.  Les 
costumes  militaires  firent  place  aux  costumes  impériaux  civils, 
manteau,  chlamyde,  diadème  et  c'est  dans  ce  nouvel  appareil 
que  précédé  des  troupes  ' ,  des  dépouilles  prises  aux  Arabes  et 
de  la  croix,  le  cortège  arriva  au  milliaire  d'or  situé  sur  le 
Forum  Augusteuîn  en  face  de  Sainte-Sophie.  Pénétrant  alors 
à  l'intérieur  de  la  «  belle  porte  »  (wpaia  tîjXy,)  les  Empereui'S 
déposèrent  leur  couronne  et  entrèrent  dans  le  narthex  par  la 
porte  centrale,  celle  qui  conserve  encore  aujourd'hui  sur  son 
tympan  une  mosaïque  représentant  très  vraisemblablement 
Basile.  Ils  tenaient  un  cierge  allumé  à  la  main  et  avaient  à  leur 
côté  le  patriarche.  La  liturgie  solennelle  se  déroula  alors.  Une 
fois  achevée,  les  Empereurs  rentrèrent  au  Palais  avec  le  cérémo- 
nial des  grands  jours.  Ln  dîner  fut  servi  dans  le  triclinium  de 

I.  Nous  retrouvons  là  rénumération  des  divers  groupements  militaires 
cités  plus  haut  :  skeuai,  labouroi,  signoi,  bandes,  etc. 


ET  l'empire  byzantin  363 

Justinien  et  après  diverses  réjouissances,  Basile,  heureux  de 
rincomparable  spectacle  qu'il  avait  donné  à  sou  peuple,  distri- 
bua aux  membres  du  Sénat  argent  et  riches  habits. 

Mais,  comme  en  tous  temps,  une  armée  coûte  cher  à  la  nation 
et  la  guerre  est  toujours  chose  fort  onéreuse.  Gomment  à 
Byzance  payait-on  les  soldats,  par  quels  impôts  faisait-on  face 
aux  nombreuses  dépenses  qu'entraînaient  les  longues  cam- 
pagnes, les  triomphaux  retours,  les  généreuses  largesses  de 
l'Empereur  ^  ?  Le  bien-fonds  donné  aux  familles  de  soldats 
n'était  pas  seulement  destiné  à  obliger  ces  familles  à  fournir 
l'armée  de  recrues  nouvelles.  Sur  les  revenus  de  la  terre,  elles 
devaient  aussi  entretenir  le  soldat,  c'est-à-dire  l'équiper  et  le 
nourrir.  Si  la  parcelle  de  terre  était  de  trop  maigre  rendement, 
le  propriétaire  se  cotisait  avec  d'autres  pauvres  pour  armer  le 
soldat  ;  mais  jamais  le  trésor  ne  se  chargeait  de  la  chose.  C'est 
ce  qu'explique  fort  bien  un  auteur  arabe  :  «  Il  n'y  a  pas  de 
marché  dans  le  camp  romain.  Chaque  soldat  est  obligé  d'ame- 
ner de  chez  lui,  le  biscuit,  l'huile,  le  vin  et  le  fromage  dont  il 
aura  besoin  -.  »  Mais,  s'il  n'est  ni  équipé,  ni  entretenu,  le  sol- 
dat reçoit,  indépendamment  de  certaines  gratifications  excep- 
tionnelles et  de  sa  part  de  dépouilles,  une  paie  dont  Ibn  Hor- 
dadbeh  nous  donne  en  gros  le  résumé  :  «  La  paie  des  officiers 
est,  au  maximum,  de  4o  livres  d'or  ;  elle  descend  à  36,  à  2^,  à 
12,  à  6  et  jusqu'à  i  livre.  La  paie  des  soldats  varie  entre  i8  et 
12  dinares  par  an.  Mais  ordinairement  elle  n'a  lieu  que  tous  les 
trois  ans.  Il  arrive  même  qu'on  paie  en  une  fois  la  somme 
représentant  quatre,  cinq  ou  six  années  de  service  ))^.  Une  autre 
source  arabe,  nous  donne  encore  à  ce  sujet  quelques  ren- 
seignements :  «  Une  personne  qui  connaît  très  bien  le  pays 
des  Romains  dit  que  la  paie  des  officiers  varie  entre  3  et 
I  livre  d'or.  Or,  chaque  livre  vaut  go  mithkâl.  Les  Romains 
admettent  dans  le  rôle  de  leur  armée  les  jeunes  gens  imberbes. 
Ceux-ci  reçoivent  i  dinare  la  première  année,  2  dinares  la 
seconde,  3  la  troisième  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  leur  douzième 
année  de  service,  lorsqu'ils  touchent  la  paie  complète  de  12  di- 
nares »  *.  Dans  leur  ensemble,  ces  données  correspondent  assez 

I.  Cerem.,  p.  920. 

•2.  Cité  par  (ielzer,  op.  cit.,  ii5. 

3.  De  (îœjo,  Biblioth.,  p.  S\.  (iolzor,  op.  cil.,  ii'j. 

4.  Gclzer,  op.  cit.,  p.  ii5. 


364  BASILE    1 

bien  avec  ce  que  nous  dit  le  Livre  des  Cérémonies  ^  A  l'époque 
de  Léon  \  I,  en  eflet,  les  stratèges  des  Anatoliques,  des  Thra- 
césiens,  des  Arniéniaques,  recevaient  quarante  livres  d'or. 
C'étaient  les  stratèges  de  première  classe.  Les  stratèges  de 
rOpsikion,  des  Boukellaires,  de  Macédoine  en  recevaient  trente  : 
ils  étaient  de  seconde  classe.  A  la  troisième  classe,  avec  20  livres, 
appartenaient  les  stratèges  de  Cappadoce,  de  Charsian,  de 
Paphlagonie,  de  ïhrace,  de  Colonée.  Le  stratège  de  Chaldée  ne 
recevait  que  10  livres  ;  mais,  comme  nous  l'avons  dit,  il  touchait 
10  autres  livres  sur  le  commerce  qui  se  faisait  dans  sa  province. 
C'était,  on  s'en  souvient,  le  dernier  thème  d'Orient.  Les  stra- 
tèges des  Kibyrrhéotes,  de  Samos,  de  la  mer  Egée  qui  apparte- 
naient tous  aux  thèmes  d'Occident,  ne  touchaient  que  10  livres  ; 
ceux  qui  faisaient  réellement  partie  de  l'Occident  ne  touchaient 
rien.  Ils  vivaient  du  droit  de  «  coutumes  »  que  leur  payait, 
chaque  année,  la  province.  On  le  voit  donc,  les  chiffres  donnés 
par  Ibn  Hordadbeh  et  l'auteur  anonyme  du  chapitre  l  sont  à 
peu  près  concordants.  Sous  Basile,  comme  sous  Léon,  les  béné- 
ficiers  de  la  dernière  classe,  ceux  qui  touchaient  5  livres  étaient, 
sans  doute,  les  clisurarches.  Les  autres  oificiers,  dans  chaque 
thème,  devaient  recevoir  des  annuités  allant  de  5  à  i  livre  l'an. 
Nous  pouvons,  d'autre  part,  tirer  un  certain  nombre  de  ren- 
seignements intéressants  de  la  solde  fournie  par  Léon  VI  aux 
ofQciers  inférieurs  et  aux  soldats  lors  de  l'expédition  entreprise 
en  910  contre  la  Crète.  Nous  voyons  qu'un  tourmarche  des 
Mardaïtes,  par  exemple,  était  payé  36  nomismes,  c'est-à-dire 
1/2  livre  ou  44o  francs  à  peu  près;  un  drongaire,  12  nomismes; 
un  comte,  6  ;  un  soldat,  [\.  Par  contre,  s'il  n'y  a  pas  d'erreurs 
de  chiffres  dans  l'unique  manuscrit  que  nous  possédons,  un 
tourmarche  de  Sébastc,  au  thème  d'Arménie,  n'avait  que  12  no- 
mismes, un  drongaire,  6,  un  comte,  5,  un  soldat,  4^-  Ces 
chiffres  pris  isolément  ne  donnent  pas  par  eux  mêmes  une 
idée  suffisante  des  dépenses  qu'occasionnait  l'armée,  surtout 
en  temps  de  guerre.  Le  récit  des  distributions  d'argent  que 
dut  faire  l'Empereur  Léon,  lors  de  son  expédition  en  Crète  en 
910,  est  peut-être  plus  suggestif  parce  qu'il  nous  présente  un 

1.  Cerem.,  cli.  l,  p.  128G.  Le  texte  date  du  règne  de  Léon  VI,  ce  qui 
prouve  que  les  choses  n'avaient  pas  changé  entre  l'époque  où  écrivait 
Ibn  Hordadbeh  et  celle  où  écrivait  l'auteur  de  ce  chapitre. 

2.  Cerem.,  p.  1212-1217. 


ET    l'empire    BYZ.VNTIX  365 

tableau  d'ensemble  des  sommes  fournies  aux  soldats.  La  flotte 
reçut  29  kentenarla,  i3  livres,  66  nomismes,  ce  qui  représente 
une  somme  de  3,i47,33o  francs.  L'armée  de  terre,  beaucoup 
moins  nombreuse  en  cette  expédition  maritime,  reçut  439,890 
fraucs  :  ceci  pour  une  seule  expédition  et  sans  compter  les 
(V  rogai  »  habituelles  des  stratèges  et  soldats  qui  ne  prirent  pas 
part  à  l'expédition.  Or,  ces  rogai  montaient  à  un  chiffre  encore 
assez  élevé  puisque  Théophane  nous  raconte  ^  que  sous  Nicé- 
phore,  par  exemple,  le  stratège  des  àrméniaques,  Léon,  fut  un 
jour  arrêté  alors  qu'il  apportait  en  son  thème  la  solde  des  sol- 
dais cl  que  cette  solde  se  montait  à  i.3oo  livres,  c'est-à-dire 
432,000  francs.  Une  autre  fois  ce  furent  les  Bulgares  qui  arrêtè- 
rent le  porteur.  Les  rogai  montaient  à  1,100  livres -. 

C'était  là  la  paie  ordinaire  des  armées  byzantines.  Mais 
parfois,  ofiîciers  et  soldats  avaient  des  suppléments.  Lorsque 
la  guerre  avait  été  heureuse,  qu'on  avait  enlevé  aux  ennemis  un 
nombreux  butin,  les  thèmes  en  profitaient.  On  prélevait  un 
sixième  en  faveur  du  fisc  ;  le  reste  était  partagé  également 
entre  les  chefs  et  les  soldats  ^.  Même  la  sixième  partie  réservée 
au  fisc  pouvait  être  donnée  par  les  stratèges,  en  certaines  cir- 
constances, à  un  chef  qui  s'était  particulièrement  fait  remar- 
quer pour  sa  bravoure  pendant  la  guerre  K 

Les  géographes  arabes,  on  l'a  remarqué,  nous  donnent  un 
détail  qui,  lui  aussi,  se  trouve  confirmé  par  les  sources  byzan- 
tines. Us  nous  disent  que  la  paie  n'aA  ait  lieu  que  tous  les  trois 
ans.  ((  Il  arrive  même  qu'on  paie  en  une  fois  la  somme  l'cpré- 
sentant  quatre,  cinq  ou  six  années  de  service.  »  Or,  l'appen- 
dice n  du  Livre  des  Cérémonies  •',  nous  relate  le  même  fait.  La 
seule  différence  que  nous  puissions  relever  entre  les  deux 
sources  est  de  peu  d'importance.  Tandis  que  les  Arabes  répar- 
tissent sur  trois  années  la  paie  des  soldats,  a  l'ancien  mode  » 
byzantin,  le  «  7zaA:.'.oç  tj-o;  n  le  réparlissait  sur  quatre.  Au  cours 
de  la  première  année  de  ce  cycle  financier,  on  payait  les  thèmes 
des  Analoliques,  des  Arméniaques,  des  ïhracésiens  ;  au  cours 
du  second  l'Opsikion,  les  Boukellaires,  la  Cappadoce  ;  au  cours 

1.  Thcoph.,  p.  981. 

2.  Ibid.,  p.  973. 

3.  Prochir..  \l,  s  Ii   "î^ï^. 

4.  Ibid. 

n.  (lerrm.,  [).  (j'M). 


366  BASILE    I 

du  troisième,  le  Charsian,  Colonée,  la  Paphlagonie:  au  cours  du 
quatrième,  la  Thrace,  la  Macédoine,  Chaldée.  Les  stratèges, 
pjobablement.  s'en  allaient  à  B\zance  chercher  l'argent  que  les 
fonctionnaires  financiers  du  thème  réi3artissaient  ensuite,  sui- 
vant la  liste  établie  dans  leurs  bureaux. 

C'étaient  là,  on  le  comprend,  de  très  lourdes  charges  pour  le 
trésor.  Aussi  y  avait-il  pour  faire  face  à  tant  de  dépenses,  des 
impôts  spéciaux  affectés  à  la  guerre.  D'abord,  en  temps  de 
guerre,  toutes  les  provinces  de  l'Empire,  par  l'intermédiaire  de 
leur  stratège,  étaient  tenues  de  fournir  les  choses  essentielles  à 
l'armée.  11  en  allait  de  même  de  tous  les  titulaires  de  hautes 
charges.  C'est  ainsi,  d'une  part,  que  les  stratèges  des  Anato- 
liques,  des  Arméniaques,  de  Thrace,  de  l'Opsikion,  des  Boukel- 
laires  donnaient  chacun  cinq  mulets  à  l'Empereur  ;  les  autres, 
trois  ou  un,  suivant  leur  rang;  de  même,  le  domestique  des 
scholes  donnait  cinq  mulets,  tandis  que  les  autres  domestiques 
n'en  fournissaient  qu'un.  D'autre  part,  le  comte  de  l'étable,  par 
exemple,  devait  quatre  mulets  et  quatre  chevaux  ;  l'éparche  un 
mulet,  le  sacellaire  deux,  etc.  ^  Les  métropolitains,  les  arche 
vêques,  les  monastères  eux-mêmes,  étaient  mis  à  contribution  -. 
C'est  que  tous  ces  troupeaux  de  chevaux. et  de  mulets,  les  uns 
marqués,  les  autres  non,  ne  servaient  pas  seulement  à  l'armée. 
Ils  étaient  donnés  à  l'Empereur  qui  en  faisait  l'usage  qu'il  vou- 
lait et  souvent  les  ofTrait  en  cadeaux  à  des  gens  qu'il  voulait 
gagner  ou  récompenserai  D'autres  charges  pesaient  souvent,  en 
outre,  sur  les  stratèges.  L'auteur  anonyme  qui  nous  a  laissé  le 
récit  de  l'expédition  d'Himerius  en  Crète  sous  Léon  le  Sage,  le 
montre  très  bien.  Certains  thèmes  étaient  chargés  de  fournir 
des  flèches,  d'autres  du  bois  de  vaisseaux,  en  un  mot,  toutes 
choses  nécessaires  à  Tarmée.  C'était  donc  là  une  source  de  reve- 
nus assez  importante  et  qui  permettait  d'alléger  le  budget  de  la 
guerre.  De  plus,  il  y  avait  des  impôts  militaires  qui,  se  payant 
en  nature,  étaient  prélevés  sur  tous  les  habitants,  riches  et 
pauvres,  comme  sur  tous  les  lieux,  villes  et  villages.  C'étaient 
les  redevances  en  blé,  en  victuailles,  connues  sous  le  nom 
d'o'!>tovt.ov,  de  o-'.TY.piT'.ov,  primitivement  de  tuvcÔvy,  et  qui  étaient 
données  aux  soldats  et  aux  officiers  par  les  habitants  des  lieux 

1.  Cerem.,  849-853. 

2.  Ibld.,  857. 
3./birf.,856. 


ET  l'empire  byzantin  36" 

où  passait  l'armée  ;  le  jASTaTov  ou  droit  de  gite  qui  était  imposé, 
autrefois  comme  aujourd'hui,  aux  gens  du  pays  ;  l'obligation 
de  prêter  aide  et  secours  pour  la  construction  des  camps 
(xaTTpoxT'.a-'la).  des  ponts  et  Tentretien  des  routes  '  ;  enfin,  si  la 
contrée  était  maritime,  l'obligation  de  contribuer  à  la  construc- 
tion des  vaisseaux  (xaTEpyoxT'.a-'la)  '-. 

L'armée  impériale,  enfin,  se  composait  d'une  flotte  dont  lim 
portance  était  grande  pour  la  défense  de  l'Empire  et  de  ses 
possessions  maritimes.  A  cette  époque  lointaine,  Byzance  était 
même  à  peu  près  seule,  avec  les  Arabes,  à  avoir  des  vaisseaux 
qui  s'en  allaient  partout  sur  la  Méditerranée,  défendre  ses  droits, 
ses  sujets,  ses  possessions.  De  cette  marine,  elle  avait  droit 
d'être  lière  :  «  Navigantium  fortitudo  mihi  soli  inest  »,  fait  dire 
Liutprand  à  Mcéphore  Phocas,  et  c'était  vrai  '^.  Pour  longtemps 
encore  la  flotte  restera  la  gloire  de  la  u  Roman ie  »    0  o-toaoç  sttI 

Comme  pour  l'armée,  deux  flottes  composaient  la  marine 
byzantine  :  la  flotte  impériale  et  les  flottes  provinciales  aux- 
quelles il  faut  ajouter  la  flottille  privée  de  l'Empereur.  Le  Livre 
des  Cérémonies  est,  à  ce  sujet,  très  formel  et  corrobore  en  tous 
points  ce  que  nous  savons  par  ailleurs.  Lors  de  l'expédition  de 
Crête  sous  Léon  YI,  il  est  question  d'abord  de  la  flotte  impé- 
riale «  To  jî>aT',Mxov  ttAwVuov  )) ,  puis  des  flottes  de  provinces  '\  Ces 
provinces  maritimes  —  ces  thèmes  —  étaient  organisés  sur  le 
modèle  des  autres  thèmes  militaires.  Situés  sur  les  côtes  de  la 
mer  Méditerranée,  ils  donnaient  tout  naturellement  des  marins, 
comme  les  autres  donnaient  des  soldats.  C'étaient  les  thèmes  des 
Kibyrrhéotes,  de  la  mer  Egée,  de  Samos  et  de  Grèce.  Chacun 
avait  sa  flotte  qui  se  recrutait  ainsi  que  l'armée  de  terre.  Des 
biens-fonds  étaient  distribués  à  certaines  familles,  en  échange 
de  quoi  ces  familles  devaient  le  service  sur  mer.  Comme  les 
autres  fonds  de  terre^  les  propriétés  des  marins  étaient  d'iné- 
gales valeurs  et  donnaient  des  droits,  prescrivaient  des  devoirs 
difl'érents.  C'est  ainsi  qu'un  fonds  de  3  livres  était  requis  pour 
faire  partie  de  la  flotte  impériale^.  La  marine  byzantine  se  com- 

1.  Tactika,  xx,  71.  p.  1082. 

2.  Skabalanovic,  op.  cit.,  p.  276. 

3.  Cité  par  Neumann,  Die  byzantinische  Marine,  p.  3. 

4.  Ibid.,  p.  22. 

5.  Cerem.,  iai3. 

6.  Ibid.,  1284. 


368  BASILE    I 

posait,  elle  aussi,  de  divers  éléments.  Il  y  avait  d'abord  les 
marins  du  thème,  puis  les  Mardaïles  de  Grèce  qui  paraissent 
avoir  eu  une  organisation  spéciale,  enfin  des  soldats  étrangers, 
à  la  solde  de  l'Empire.  Au  x""  siècle,  quand  des'  relations  ami- 
cales uniront  Byzance  et  les  Russes,  ces  derniers  prendront 
souvent  part  aux  expéditions  maritimes  des  empereurs. 

Le  commandant  en  chef  de  chaque  flotte  provinciale  était  le 
stratège.  Il  avait  sous  ses  ordres  les  mêmes  officiers  que  les  stra- 
tèges de  Tarmée  de  terre,  avec  en  plus,  des  kentarches  et  des  pro- 
tokaraboi  (TrptoToxàGaêoi)  ^  Le  commandant  de  la  flotte  impé- 
riale était  le  drongaire  (  6  opojyyàoioç  twv  tt Aottjnov) .  Ce  dron- 
gaire  des  flottes  faisait  naturellement  partie  des  60  grandes 
dignités  de  FEmpire  et  pouvait  être  patrice.  Il  était  assimilé,  à 
l'époque  de  Léon  YI,  aux  5  stralarches.  Les  stratèges  des  thèmes 
maritimes  avaient  donc  le  pas  sur  lui  :  mais,  chose  curieuse,  la 
composition  même  de  son  ministère  est  bien  plutôt  celle  d'un 
domestique  des  tagmes  que  d'un  oflicier  d'intendance.  Il  a. 
comme  tout  commandant  en  chef,  sous  ses  ordres,  des  topoté- 
rètes,  un  chartulaire,  un  protomandator.  des  comtes,  des  ken- 
tarches, des  mandatores.  Il  a,  en  outre,  comme  les  stratèges,  des 
comtes  de  l'hétérie  à  la  tête  des  détachements  étrangers.  Il  est 
probable,  par  conséquent,  qu'il  n'y  avait  pas  de  ministère  de  la 
marine  à  proprement  parler.  Les  afl'aires  matérielles  des  thèmes 
maritimes  étaient  de  la  compétence  des  bureaux  de  l'armée.  — 
^ous  connaissons  le  nom  du  drongaire  de  la  flotte  impériale  à 
l'avènement  de  Basile.  C'était  le  protospathaire  Elie,  celui-là 
même  qui  fut  chargé  de  ramener  le  patriarche  Ignace  à  Cons- 
tantinople.  Un  autre  drongaire  nous  est  connu  ])our  cette 
époque,  le  patrice  ^asar. 

Le  rôle  de  la  flotte  impériale  paraît  avoir  été  le  même  que 
celui  des  tagmes.  Sans  doute,  elle  allait  en  guerre,  même  quand 
l'Empereur  restait  à  Constantinople,  —  telle  la  flotte  qui  partit 
pour  la  Crête.  —  Néanmoins,  il  est  bien  sûr  qu'elle  était  mise  à 
contribution  surtout  et  tout  d'abord  pour  défendre  la  ville  et 
faire  la  police  de  la  mer,  pour  être  au  service  immédiat  de  l'Em- 
pereur, peut-être  même  pour  les  cérémonies  impériales.  Le 
Livre  de  V Administration  de  l'Empire-  nous  apprend,  en  eff*et, 


1.  Cerem.,  i3i6. 

2.  De  Adniiii.,  u.  p.  385. 


ET    l'empire    byzantin  oÔQ 

qu'entre  le  Palais  et  la  Corne  d'Or,  au  IlÉpaaa,  il  y  avait  toujours 
une  dizaine  de  chelandia  montés  par  des  marins  spéciaux. 
C'étaient  les  stationnaires  de  l'Empereur.  Ils  lui  permettaient, 
en  cas  d'émeute,  de  prendre  le  large  ;  ils  devaient  aussi,  proba- 
blement, surveiller,  du  côté  de  la  mer,  les  entrées  du  Palais.  Rien 
d'étonnant  dès  lors  que  le  drongaire  prît  place  dans  l'habi- 
tuelle proeleusis  de  l'Empereur  lorsqu'il  se  rendait  dans  ses 
Palais  de  la  cote  d'Asie,  à  Hieria,  à  Bryas  ou  ailleurs.  Il  y  avait 
doublement  droit,  comme  chef  de  la  marine  et  comme  chef  des 
marins  chargé,  au  même  titre  que  le  domestique  des  scholes,  de 
la  garde  du  Basileus. 

Quant  il  la  flottille  impériale,  son  organisation  se  trouva 
modifiée  pour  la  première  fois  précisément  à  l'époque  de  Basile. 
Primitivement,  les  vaisseaux  qui  composaient  cette  flotte  réu- 
nies à  Constantinople,  étaient  de  modeste  dimension.  On  les 
appelait  des  ày^àpia.  Il  y  en  avait  des  rouges  et  des  noirs.  Les 
uns  étaient  au  service  de  l'Empereur,  les  autres  au  service  de 
l'Impératrice.  Trirèmes  ou  dromons  étaient  uniquement 
employés  pour  la  flotte  proprement  dite.  Basile,  le  premier,  au 
cours  de  ses  voyages,  commença  à  abandonner  ces  agraria 
pour  se  servir  du  dromon  plus  commode  et  plus  solennel.  Il  fit 
faire  le  service  par  les  marins  attachés  aux  chaloupes  impé- 
riales et  par  les  marins  du  Stenon  qui  montaient  les  chelandia. 
Après  lui,  cet  usage  se  généralisa.  Léon  VI  ordonna  de  cons- 
truire à  son  usage  des  dromons  et  abandonna  tout  à  fait 'les 
anciens  bateaux  *. 

A  la  tète  de  cette  flottille  se  trouvait  le  protospathaire  de  la 
phiale  (6  -pwToa--a9àpt.o;  tt|ç  cp'.aAT.ç).  Il  avait  sous  ses  ordres  tous 
les  marins  de  la  ville,  sauf  ceux  de  l'Impératrice  qui  avaient 
pour  chef  l'intendant  de  la  table  '-.  Au  protospathaire  delà  phiale 
revenait  le  droit  de  juger  chaque  jour  les  marins  et  de  leur 
donner  les  ordres  convenables.  Il  avait  son  bureau  —  son  tribu- 
nal —  près  de  la  Phiale  du  grand  Palais  :  d'où  son  nom.  Sous 
Léon  VI  sa  situation  ne  se  trouva  pas  changée  du  fait  de  la 
transformation  de  son  service.  Au  lieu  des  matelots  des  agraria, 
il  eut  sous  ses  ordres  les  matelots  des  dromons. 

Naturellement,  faire  partie  de  la  tlotte  impériale  devait  être  le 


I.  De  Adinin.,  ch.  li,  pp.  385  et  scq. 

;^.    [hirl..    p.  :^HH. 

24 


370  BASILE    I 

plus  grand  désir  de  tous  les  marins.  Nous  en  avons  une  preuve 
dans  ce  môme  chapitre  li  du  De  administrando  dans  lequel 
Constantin  nous  raconte  l'ascension  progressive  de  deux  pro- 
tospathaires  de  laphiale.  Ils  étaient  «  protélates  »,  c'est  à-dire  les 
premiers  des  matelots,  chefs  d'équipes  sous  les  ordres  de 
Nasar,  drongaire  de  la  flotte  ^  ;  ils  s'appelaient  Podarôn  et  Léon. 
Au  cours  du  règne  de  Basile,  ils  passèrent,  à  cause  de  leur  habi- 
leté, de  la  flotte,  sur  les  yachts  impériaux,  avec  le  même  grade. 
Puis,  sous  Léon  YI,  lors  de  la  création  des  dromons,  il  fallut 
un  personnel  plus  nombreux.  L'Empereur  eut  un  équipage 
semblable  à  celui  des  stratèges.  Les  deux  protélates  devinrent 
donc  ((  protokaraboi  )>  ou  chefs  des  timoniers.  C'est  alors 
qu'en  902  éclata  la  guerre  de  Sicile.  La  flotte  impériale,  com- 
mandée par  le  drongaire  Eustathe,  avait  besoin  de  matelots. 
L'Empereur  ordonna  donc  que  tous  les  marins  iraient  prendre 
du  service  sur  les  chclandia,  les  protokaraboi  en  tête.  Podarôn, 
à  son  retour,  fut  créé  protospathaire  de  la  phiale.  Etant  illettré, 
on  lui  adjoignit  pour  juger  un  juge  de  Thippodrome. 

Mais,  cependant,  pour  honorable  que  fut  cette  dignité,  elle 
ne  pouvait  marcher  de  pair  avec  les  grandes  charges  de  l'Em- 
pire. Un  protospathaire  de  la  phiale  n'avait  pas  rang,  semble- 
t-il,  parmi  les  officiers  qui  allaient  à  la  cour.  Aussi,  pour 
avancer,  fallait-il  rentrer  dans  le  service  actif.  De  protospathaire 
de^la  phiale  Podarôn  et  Léon  furent  nommés  topotérètes  de  la 
flotte  impériale,  charge  beaucoup  plus  importante.  Le  premier 
acheva  sa  carrière  comme  stratège  des  Kibyrrhéotes  -. 

Cet  exemple  le  montre  donc.  Il  y  avait,  en  réalité,  à  Byzance, 
trois  flottes  :  la  flotte  des  thèmes,  la  flotte  impériale,  la  flotte 
privée  de  l'Empereur.  Cette  dernière  était  la  plus  brillante.  Les 
marins  pouvaient  arriver  à  de  hautes  situations.  A  grades  égaux 
avec  les  marins  des  autres  flottes,  ils  passaient  les  premiers  ; 
puis  venaient  les  marins  de  la  flotte  impériale,  enfin  ceux  des 
thèmes.  Le  ((  curriculum  honoris  »  est  donc  bien  nettement 
défini.  D'un  grade  quelconque  de  la  flotte  ordinaire,  on  passait 
au  grade  correspondant  dans  la  flottille  impériale  ;  puis,  on 
rentrait  dans  la  flotte  impériale  avec  un  grade  supérieur  ;  enfin 
de  la   flotte    impériale  on  s'en    allait    dans    celle  d'un  thème 

1.  Nous  connaissons  aussi  des  «  dcutcroélatcs  »,  tel  ce  Michel  qui  remplis- 
sait cette  fonction  sur  l'agrarion  de  Basile.  (Ibid.,  'Sc^'i). 

2.  De  Adniin.,  ch.  li,  p.  893.     , 


ET    l'empire    BVZAMIN  S'I 

prendre  un  grand  commandement.  Aux  grades  de  la  flottille 
correspondaienl.  évidemment,  des  tilres  nobiliaires.  Un  protélate 
pouvait  être  candidat,  strator.  spatliaire,  même  spatharocan- 
didat,  mais  c'était  rare  K  car  un  protokarabos  n'était  guère 
élevé,  à  l'époque  de  Basile,  à  une  plus  haute  dignité  que  celle 
de  spalhaire-. 

Ces  quelques  renseignements  sur  la  flottille  impériale  nous 
permettraient  déjà  à  eux  seuls  de  nous  rendre  compte  de  ce 
qu'était  l'organisalion  de  l'unité  navale,  le  dromon.  Mais,  heu- 
reusement, nous  avons,  pour  mieux  connaître  la  mariue  byzan- 
tine entre  la  fin  du  ix"  siècle  et  le  commencement  du  x%  une 
autre  source  importante  :  les  Taklika  de  Léon  VI.  Les  Taktika 
nous  apprennent,  en  effcL  ce  qu'était  le  dromon.  C'était  un  vais- 
seau d'assez  grande  dimension.  S'il  ne  devait  pas  être  trop  lourd 
et  trop  diificile  à  manœuvrer,  il  ne  devait  pas  être  non  plus  telle- 
ment rapide  et  léger  qu'un  premier  choc  pût  le  mettre  hors 
de  service  -K  II  devait  être  muni  à  double  de  tous  les  engins 
nécessaires  aux  manœuvres  comme  aux  combats.  Il  y  avait  des 
timons  de  rechange,  des  avirons,  des  rames,  des  cordes  et  des 
agrès  de  tous  genres.  En  outre,  le  dromon  devait  porter  toujours 
du  bois  de  construction  en  abondance,  de  l'étoupe,  de  la  poix, 
tout  ce  qui  était  nécessaire  à  la  construction  et  à  la  réparation 
du  vaisseau.  Un  constructeur  de  vaisseau  se  trouvait  à  bord  *. 
La  proue  d'avant  était  munie  d'un  instrument  que  les  Byzantins 
appelaient  «  siphon,  6  c-i'^tov  »  et  qui  était  recouvert  de  bronze. 
Il  servait  à  jeter  sur  l'ennemi  ce  feu  qu'Arabes  et  Occidentaux 
redoutèrent  tant.  Au-dessus  du  siphon  se  trouvait  une  sorte  de 
plancher  mobile  ('i/sjoo-àr.ov)  sur  lequel  se  tenaient  pour  com- 
battre soldats  et  matelots-».  Les  plus  grands  dromons  portaient 
au  milieu  du  pont  une  sorte  de  tour  en  bois  d'où  l'on  jetait 
sur  l'ennemi  des  projectiles  :  pierre,  fer,  etc.,  et  qui  faisaient 
beaucoup  de  mal  aussi  bien  aux  vaisseaux  qu'aux  soldats  qui 

1.  Le  prolospailiairc  de  la  pliiale  était  naturellement  protospathalre; 
mais  ce  n'était  pas  là  chose  obligée.  Sous  liomain  Lérapènc  il  y  eut  un 
protospathalre  de  la  phiale  qui  ne  lut  protospathalre  qu\iprès  avoir  été 
nommé  à  cette  charge.  De  Adni.,  cli.  u,  p.  'Sq-i. 

2.  Ibid.,  393. 

3.  TacÂika,\\\,  s'i-,  p-  og**. 

4.  Ihid.,  S  5. 

5.  lhid.,%  6. 


372  BASILE    I 

se  trouvaient  dessus  ^  Le  dromon,  lui-même,  de  forme  longue 
était  à  deux  bancs  de  rameurs  superposés,  les  uns  à  droite,  les 
autres  à  gauche-.  En  général,  il  y  avait  vingt-cinq  bancs  à 
chaque  étage,  c'est-à-dire  donc  cinquante  places  pour  les  mate- 
lots chargés  du  service  des  rames.  Cinquante  soldats  pouvaient 
également  prendre  ])lace  sur  les  dromons.  Le  commandement 
du  dromon  était  conlié  à  un  kcntarche.  Il  avait  sous  ses  ordre?^, 
outre  les  rameurs,  un  porte-enseigne,  deux  timoniers  —  les 
prolokaraboi  —  un  «  siphonator  n  et  un  soldat  préposé  à 
l'ancre  du  vaisseau. 

Tous  les  dromons  de  la  flotte  n'étaient  pas,  cependant,  exac- 
tement faits  sur  le  même  modèle.  Il  y  avait  quelques  vaisseaux 
de  plus  grande  importance  pouvant  porter  deux  cents 
hommes.  D'autres,  au  contraire,  étaient  plus  légers,  à  un  seul 
banc  de  rameurs  et  servaient  aux  courses  rapides  '^.  Enfin,  la 
flotte  comptait  pour  le  service  d'intendance  un  certain  nombre 
de  vaisseaux  destinés  aux  provisions,  aux  bagages,  aux  chevaux 
quand  la  guerre  devait  être  faite  en  partie  sur  terre  comme  ce 
fut  le  cas  en  Sicile  et  en  Crête. 

Au-dessus  du  kcntarche.  chef  d'un  dromon.  se  trouvait  le 
((  comte»  qui  commandait  plusieurs  vaisseaux,  trois  ou  cinq  ^. 
C'était,  pour  la  flotte  impériale,  l'équivalent  de  ce  qu'était  dans 
le  thème  maritime,  le  drongaire^,  tandis  que  les  topotérètes cor- 
respondaient aux  tourmarclies. 

Le  stratège  et  le  drongaire  de  la  flotte  avaient  à  leur  service 
un  ((  vaisseau-amiral  »,  le  «  7:àtj.cp'jAov  »  plus  grand  et  plus  rapide 
que  les  autres^.  Au  sommet  d'une  haute  lance,  flottait  le  pavil- 
lon de  l'amiral,  a  cpoiv-xLv"  »  qui  faisait  les  signaux  nécessaires 
pour  le  commandement. 

Les  armes  hgbituelles  aux  marins  étaient  les  mêmes  que  celles 
dont  faisaient  usage  les  soldats  de  terre  :  tous  avaient  des  lances, 
des  boucliers,  des  javelots. 


I.  Tadika,  S  7. 
3.  Ihid.,  S  7  et  8. 

3.  IhuL,  S  9  et  10,  p.  993, 

4.  Ibid.,  S  22,  p.  997. 

5.  Ibid.,  S  23. 

6.  Ihid,,  S  37,  p.  loo'i. 

7.  Ibid.,  s  Ai. 


ET  l'empire  byzantin  3-3 

Telle  était  rorganisation  de  l'armée  et  de  la  marine  au 
ix"  siècle,  à  Byzance.  On  voit  que  tout  était  fixé  avec  autant  de 
précision  que  d'intelligence.  Ce  système  dont,  évidemment, 
les  origines  doivent  aller  se  chercher  à  Rome  et  à  l'époque 
impériale,  s'est  développé  et  modifié  au  cours  des  siècles.  En 
somme,  il  pouvait  se  mesurer  sans  paraître  démodé  et  sans 
infériorité,  avec  les  systèmes  plus  jeunes,  et  plus  souples  peut- 
être,  de  l'Empire  arabe  et  de  l'Empire  d'Occident. 


LIVRE     IV 


LA  CIVILISATION  BYZANTINE 


CHAPITRE     PREMIER 

LA    CONDITION    DES    TERRES.    ESCLAVES    ET    AFFRANCHIS 

Trois  choses  semblent  essentiellement  caractériser  la  civilisa- 
tion byzantine  aux  ix*"  et  x^  siècles  :  l'organisation  sociale  de 
l'Empire,  la  renaissance  artistique  et  littéraire  du  moment, 
l'expansion  commerciale,  enfin.  L'étude  de  ces  trois  éléments 
distincts  de  la  vie  byzantine  achèvera  de  nous  donner  une  idée 
de  ce  que  pouvait  être  la  u  Romanie  »  sous  l'autorité  du  pre- 
mier des  Macédoniens. 

Gomme  nous  l'avons  remarqué  déjà  au  chapitre  concernant 
les  finances  de  l'Empire,  à  l'époque  oii  vivait  Rasile  P%  une 
grave  question  se  posait  alors  qu'il  fallait  essayer  de  résoudre 
au  plus  vite,  la  question  des  riches  et  des  pauvres,  la  question 
sociale.  Xous  avons  vu  les  remèdes  que  l'Empereur  essaya  d'ap- 
porter au  mal  qui  ruinait  la  société  et  qui  restèrent  insuffisants. 
Il  faut  maintenant  examiner  sur  quelles  bases  reposait  cette 
société.  A  Ryzance,  comme  partout  au  Moyen- Age,  c'est  la 
terre  qui  donne  à  ceux  qui  la  possèdent  fortune,  puissance. 
De  l'organisation  du  régime  des  terres  dépend  donc  la  forme 
dont  se  revêt  la  civilisation.  Si  elle  est  morcelée,  la  petite  pro- 
priété, très  répandue,  d'acquisition  facile,  permettra  à  l'homme 
de  vivre  librement  sur  son  bien,  sans  beaucoup  se  soucier  de 
son  puissant  voisin  ;  si,  au  contraire,  elle  ne  se  répartit  qu'entre 
de  grands  seigneurs  très  riches,  si  elle  forme  les  vastes  latifun- 
dia de  l'époque  impériale,  forcément  les  hommes  libres  de  la 
classe  moyenne  tendront  à  disparaître,  à  devenir  serfs  ou  vas- 


376  BASILE    I 

saux  et  l'esclavage  sera  tout  naturellement  une  des  formes 
caractéristiques  de  celte  civilisation.  Or,  c'est  précisément  ce 
que  nous  remarquons  à  Byzance  au  temps  qui  nous  occupe.  La 
grande  propriété  un  instant  désagrégée  et  appauviie  par  le 
régime  de  la  responsabilité  des  curiales,  se  reforma  dès  que  ce 
régime  fut  abandonné  ^  et  nous  voyons,  sous  le  règne  de  Basile, 
de  grands  propriétaires  comme  Danielis  vivre  dans  l'Empire  sur 
un  pied  tout  royal.  Qu'est,  en  effet,  cette  femme,  maîtresse 
d'une  fortune  territoriale  immense?  C'est  une  véritable  souve- 
raine. Elle  a  en  pleine  propriété  des  champs,  des  villes,  des 
esclaves  en  grand  nombi'c.  Sur  ses  terres,  on  travaille  à  tous 
les  métiers.  Elle  a  des  paysans  pour  la  culture,  elle  a  des 
ouvriers  pour  tisser  les  belles  étoffes  qu'elle  envoie  à  Basile  ;  elle 
a  des  esclaves  pour  son  service  personnel.  Or,  Danielis,  n'est 
pas  seule  de  son  espèce.  Les  parents  de  saint  Eutliyme  le  Jeune 
paraissent  bien  avoir  eu,  eux  aussi,  une  fort  grande  situation  à 
Ancyre^.  Dès  lors,  une  question  se  pose.  Quelle  est  dans  cet  état 
social  la  situation  de  ceux  qui  ne  sont  pas  grands  propriétaires  ? 
Gomment  la  propriété  est-elle  organisée  P 

Nous  n'avons  pas,  à  ce  sujet,  pour  le  règne  personnel  de 
Basile,  de  renseignements  précis.  Ce  que  nous  connaissons  le 
mieux  par  le  Procliiron,  c'est  la  condition  légale  des  esclaves. 
On  dirait,  à  première  vue,  que  le  législateur  macédonien  a  pris 
à  tâche  de  nous  cacher  toute  la  législation  sociale  de  son  temps. 
Or.  à  ce  fait,  il  y  a  une  raison  qui  n'a  peut-être  pas  encore  été 
donnée.  La  voici  :  Jusqu'à  l'époque  de  l'avènement  des  Isauriens, 
il  existait  à  Byzance  deux  sortes  de  paysans.  Les  uns  vivaient 
dans  les  villages  en  propriétaires  communs  du  sol  ;  les  autres 
étaient  établis  sur  des  biens  seigneuriaux  3.  Les  premiers 
(y  topba!.)  étaient  des  gens  libres,  payant  leur  cote-part  de  l'impôt 
fixé  pour  la  commune,  pouvant  avoir  recours  à  la  justice  civile. 
Suivant  une  ancienne  coutume,  cette  commune  (y/op^a  sàsjOs- 
pLxà)  avait  son  patron,  choisi  parmi  les  dignitaires  de  l'Empire, 
homme  de  haute  situation  et  de  grande  influence,  chargé  de 
représenter  la  commune  et  de  la  défendre  à  l'occasion  ^,  quand 
il  ne  profitait  pas  de  son  patronage  pour  commettre  lui  aussi 

1.  Ilambaud,  op  cit.,  p.  280. 

2.  Vit.  Euthym.,  p.  170. 

3.  Zacharirc  von  Lingenthal,  Geschichte,  p.  218. 

4.  Ibid.,  p.  219. 


ET  l'empire  Byzantin  877 

d'injustes  usurpations  ^  Les  seconds  liabitaient  sur  des  terres 
seigneuriales  appartenant  soit  à  l'Empereur,  soit  à  des  grands 
dignitaires  de  la  cour,  soit  surtout  à  des  particuliers,  ecclésias- 
tiques ou  laïques  -.  C'étaient  les  vrais  cultivateurs  du  sol.  A 
l'époque  de  Justinien,  ils  se  divisaient  en  deux  classes  :  d'une 
part  les  colons  libres  (|jL!.G-Oto-:o'l),  de  l'autre  les  colons  qui  ne 
l'étaient  pas  (sva-Troypacpo',),  et  dont  la  condition  était  très  voisine 
du  servage-^.  Les  colons  libres  étaient  des  fermiers  qui,  avec 
leurs  propres  ressources,  faisaient  fructifier  des  terres  qu'ils 
affermaient  contre  un  droit  en  nature  ou  en  argent.  Un  contrat 
d'une  durée  déterminée  sanctionnait  la  location  et  liait  les 
parties  contractantes  jusqu'à  complète  échéance.  Naturellement, 
ces  paysans  avaient  la  charge  de  toutes  les  corvées  et  ne  pou- 
vaient quitter  la  propriété  avant  la  fin  du  bail  ;  mais  sur  cette 
terre  ils  étaient  libres  et  disposaient  de  leur  fortune  person- 
nelle. Toute  autre  était  la  condition  des  u  svaTcoypacpo'.  )).  A 
l'origine  c'étaient  des  hommes  libres.  La  pauvreté  les  avait 
obligés  à  se  remettre  entre  les  mains  d'un  propriétaire  foncier 
qui  les  avait  installés  sur  ses  terres  qu'ils  travaillaient  avec 
l'argent  de  ce  propriétaire.  Dès  lors,  leur  situation  devint  assez 
semblable  à  celle  des  serfs,  à  quelques  différences  près.  Ainsi, 
par  exemple,  s'ils  sont  liés  à  la  terre  et  si  toujours  le  seigneur 
peut  les  y  ramener,  le  propriétaire  de  son  côté,  n'a  pas  le  droit 
de  les  arracher  de  la  terre  pour  les  transplanter  ailleurs:  ce 
qu'il  peut  faire  pour  les  esclaves  *.  De  plus,  à  la  différence  des 
colons,  ils  n'ont  rien  en  propre.  Leurs  biens  et  leur  gain  reve- 
naient au  propriétaire  qui  leur  donnait  l'habitation  et  l'entre- 
tien en  échange  d'un  travail  qui  devait  être,  en  principe,  exclu- 
sivement agricole  ^.  Cette  absence  de  tout  bien  constituait  la 
véritable  caractéristique  de  leur  état.  Cette  situation  juridique 
resta  telle,  oiriciellement.  jusqu'à  l'avènement  des  Isauriens. 
Mais  correspondait-elle  encore  à  un  état  social  en  vigueur  ou 
les  choses  avaient-elles  changé,  de  fait,  sinon  de  droit?  C'est  ce 
qu'il  est  impqssible  de  savoir.  La  seule  chose  pour  nous  cer- 
taine, c'est   que  les  Empereurs  iconoclastes  modifièrent  com- 


1.  Rambaud,  op.  cit.,  ^.  278. 

2.  Zacharifr,  op.  cit.,  p.  226. 

3.  Ibid.,  220,  221. 

4.  Ibid.,  p.  323. 

5.  Ibid.,  p.  226. 


378  BASILE    1 

plètement  le  droit  byzantin  d'alors  et.  par  Tu  'ExAoyy]  »  et  le 
((  Nouioç  ystopyixoç  »  sanctionnèrent  une  législation  nouvelle  qui 
supprimait  tout  servage  et  ne  reconnaissait  que  deux  sortes  de 
personnes,  les  libres  et  les  esclaves  K  Mais  si,  documentairement, 
cette  transformation  olTicielle  est  la  seule  chose  que  nous  puis- 
sions saisir  avec  certitude,  la  raison  même  de  cette  révolution 

—  car  c'en  fut  bien  une  —  se  laisse  cependant  conjecturer.  La 
chose  a  son  importance,  parce  qu'elle  explique  les  efforts  de 
Basile.  Il  est  certain,  en  effet,  que  la  législation  isaurienne  fut 
de  courte  durée.  Dès  le  x*'  siècle  et  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire 
byzantin,  nous  retrouvons  un  état  social  assez  semblable  à  celui 
qu'avait  sanctionné  Justinien.  Si  les  Empereurs  du  vm*"  siècle 
et  du  commencement  du  ix''  modifièrent  un  instant  le  droit  sur 
un  point  aussi  essentiel  que  la  question  sociale,  c'est  qu'ils 
avaient  pour  cela  une  raison  autre  que  la  simple  confirmation 
d'une  réforme  devenue  nécessaire.  Cette  raison  était  tout  sim- 
plement la  lutte  iconoclastique  qu'ils  avaient  entreprise.  Pour 
s'assurer  une  popularité  dont  ils  avaient  besoin,  pour  briser 
l'influence  de  l'Eglise  et  des  moines,  tous  grands  propriétaires, 
ils  essayèrent  de  créer  un  nouvel  état  social  dans  lequel  les  liens 
de  servage  n'existeraient  plus.  Qu'il  y  eût  encore  des  esclaves, 
c'est  ce  qu'il  leur  était  impossible  d'empêcher  dans  l'état  des 
choses  d'alors,  mais  en  supprimant  la  condition  des  paysans 
et  en  leur  rendant  leur  liberté,  ils  abattaient  du  coup  la  puis- 
sance territoriale  de  l'Eglise.  De  là  l'idée  de  toute  la  législation 
isaurienne  et  la  raison  pour  laquelle  Basile  —  nous  l'avons  vu 

—  la  maltraita  si  fort.  Comme  le  fait  remarquer  Zachariae,  en 
effet,  celte  révolution  juridique  peut  se  caractériser  en  deux 
mots  :  suppression  du  servage  et  droit  de  libre  établissement 2. 
Désormais,  il  ne  devait  donc  plus  y  avoir  sur  les  terres 
d'Empire,  en  dehors  des  esclaves,  que  des  paysans,  libres  de 
s'établir  pour  leur  travail  ori  ils  le  désiraient,  libres  aussi  des 
corvées  et  des  devoirs  attachés  au  servage.  Cette  législation  eut 
les  résultats  que  les  Empereurs  en  attendaient.  Elle  fit  baisser 
les  revenus  des  grands  propriétaires,  les  appauvrit  et  les  gêna. 
Aussi,  dès  que  l'orthodoxie  fut  proclamée,  de  nouveau,  maîtres 
de  l'Etat,  églises  et  monastères  commencèrent  à  travailler  pour 

I.  Zacliarhc  von  Lingenllial,  Geschichte,  p.  aoi.  C'est  aussi  ta  doctrine 
du  Prochiron,  xxxiv,  p.  nji. 
2^  Ibid.,  p.  201. 


ET    l' EMPIRE    BYZANTIN  .379 

faire  retirer  les  lois  impies  qui  les  avaient  si  gravement 
atteints  ^  Michel  ne  fit  pas  grand'chose  en  ce  sens  :  il  n'en  avait 
pas  le  temps  ;  mais  Basile  P'.  dans  un  esprit  de  justice  et  de 
conciliation,  se  mit  à  l'œuvre  et  au  commencement  du  x^  siècle, 
avec  l'apparition  des  Basiliques,  avec  les  Novelles  de  Romain 
Lécapène  et  celles  de  Constantin  Porphyrogénète,  nous  voyons 
([ne  les  efTorts  de  Basile  pour  remettre  en  vigueur  le  droit  justi- 
iiien  n'ont  pas  été  vains  et  que  la  situation  est  redevenue  ce 
qu'elle  était  avant  l'apparition  des  lois  isauriennes.  De  tout  cela 
nous  pouvons  donc  tirer  une  conclusion  :  c'est  que,  pratique- 
ment, à  l'avènement  de  Basile,  la  condition  des  terres  et  celle 
des  paysans  étaient  encore  définies  par  ï  «  Ecloga  »  et  le  u  Nomos 
georgicos  ».  Or,  c'est  précisément  ce  que  confirme,  par  son 
silence  même,  le  Prochiron  '2.  Si  le  manuel  de  Basile  connaît 
bien  la  condition  des  esclaves,  il  ne  souffle  mot  de  celle  des 
paysans.  Nulle  part,  il  n'est  fait  mention  de  serfs  u  sva-oypacpoi  » 
et  nulle  part  nous  ne  voyons  indiquées  les  charges  et  obligations 
qui  liaient  les  fermiers  aux  propriétaires.  Bien  plus,  le  passage 
de  la  Vie  de  Basile  ^  que  nous  avons  déjà  cité,  nous  montre  avec 
évidence  un  peu  partout  les  grands  propriétaires  tendant  à 
revenir  au  système  social  primitif,  bien  plus  avantageux  pour 
leurs  intérêts  que  celui  qu'avaient  mis  en  vigueur  les  auteurs 
du  I\omos  georgicos.  Basile  chercha  à  ménager  les  intérêts  de 
tous.  S'il  travailla,  d'une  part,  au  rétablissement  du  droit  justi- 
nien,  il  entendit,  de  l'autre,  laisser  au  paysan  la  liberté  dont  il 
avait  besoin.  La  Vita  Basilii  est,  à  ce  sujet,  très  claire.  Quand 
elle  dit  que  Basile  s'efforça  de  faire  que  chaque  paysan  pût 
cultiver  sa  propre  motte  de  terre  et  jouir  du  fruit  de  sa  propre 
vigne,  interdisant  à  quiconque  d'oser  s'emparer  de  l'huile  ou 
de  la  figue  du  pauvre,  elle  est,  tout  à  la  fois,  en  parfait  accord 
avec  les  lois  des  Empereurs  iconoclastes  et  avec  les  tendances 
nouvelles  de  la  grande  propriété  qui,  plus  fortes  que  tous  les 
palliatifs,  rétablirent  au  x'' siècle  l'ancien  système  féodal. 

Cette  longue  explication  était  nécessaire,  ce  semble,  pour  faire 
comprendre  pourquoi  le  règne  de  Basile   fut   une   époque  de 


1.  Zacliariae  von  Lingenlhal,  Geschichle,  p.  257; 

2.  Morirouil,  T,  p.  308,  croit  que  co  silence  vient  uniquement  du  fait  que 
le  droit  coutuniier  régissait  la  condition  des  serfs.  Cette  explication  paraît 
peu  probable  et  bien  insulïisante. 

3.  Vil.  Basil.,  ch.  xxx,  p.  273. 


38o  BASILE    I 

transition  au  point  de  vue  social.  La  période  ([ui  précéda  son 
avènement  avait  été  un  temps  de  révolution  sociale  et  religieuse. 
Arrivé  au  souverain  pouvoir  grâce  un  peu  à  cet  état  de  choses, 
son  premier  devoir  était  naturellement  de  rétablir  Tordre  en 
s'inspirant  du  passé  tout  en  conservant  du  présent  ce  qui  lui 
paraissait  légitime.  Et  c'est  ce  qu'il  fit. 

Ainsi  donc,  d'après  les  quelques  rares  renseignements  que 
nous  avons  sur  ce  sujet,  nous  pouvons  dire  qu'à  cette  époque, 
la  terre,  source  de  toute  richesse,  était  la  propriété  de  deux 
grands  seigneurs  :  la  commune  et  le  puissant.  La  commune 
était  la  réunion  des  habitants  d'un  lieu.  Cette  commune  avait 
la  terre  qu'elle  habitait  en  pleine  propriété.  Lorsque  les  Slaves, 
dès  le  vn^  siècle,  vinrent  s'établir  sur  le  territoire  de  l'Em 
pire  avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants  ;  lorsqu'au  vni"  et  au 
ix^  siècle,  les- Grecs,  chassés  de  leur  patrie  par  les  guerres 
et  l'invasion  arabe,  se  réfugièrent  sur  les  terres  d'Empire 
inhabitées  et  incultes  ;  lorsque  les  Empereurs  voulurent 
coloniser  de  vastes  étendues  de  terre  en  friche  et  délais- 
sées, chaque  fois  ce  fut  la  u  commune  »  qui  prit  officiellement 
possession  du  pays.  Les  chefs  de  famille  se  partagèrent  la  terre 
en  parties  égales.  Chacun  eut  une  parcelle,  une  «  [i-spU  »  qu'il 
put  cultiver  en  toute  liberté.  Ce  fut  une  des  formes  de  la  pro- 
priété, une  de  celles  qui  avant  comme  après  les  Iconoclastes, 
demeurèrent  toujours  dans  l'Empire  byzantin.  Mais,  comme 
nous  venons  de  le  voir,  la  grande  innovation  législative  des 
Empereurs  hérétiques  fut  celle  qui  modifia  la  condition  du 
paysan  qui  travaillait  sur  la  terre  d'autrui,  du  fermier  en  un 
mot.  L'((  'ExAoyr,  »  connaît,  en  eff'et,  des  fermages  à  prix  fixes 
et  annuels  ^  On  mettait  en  location  soit  une  propriété  entière, 
soit  des  parcelles  séparées,  comme  des  vignes.  Ces  fermiers 
étaient  de  deux  sortes  :  ou  bien  ils  cultivaient  la  terre  du  sei- 
gneur avec  leurs  instruments  et  leur  argent  :  c'étaient  les 
((  ^op-zizoLi  )).  Ils  devaient,  dans  ce  cas.  le  dixième  delà  récolte  au 
propriétaire  (une  gerbe  sur  dix)-,  ou  bien  ils  cultivaient  la  terre 
avec  l'argent  et  les  outils  du  seigneur  :  c'étaient  les  u  Y,|ji',a-£!.ao-Ta'l  » 
fermiers  qui  devaient  à  leurs  propriétaires  la  moitié  des  revenus 
qu'ils  récoltaient  ^.  On  comprend  que  ce  système   n'était  pas 

I.  Zachariae  von  Lingcnthal,  op.  cit.,  255. 
^.  Ibid.  Skabalanovic,  op.  cit.,  24 1. 
3.  Ibid.,  256;  ibid.,  24i. 


ET  l'empire  byzantin  38 1 

fait  pour  enrichir  les  grands  propriétaires.  Le  mince  revenu 
payé  par  le  colon  à  sou  seigneur  suffisait  à  peine  à  ce  dernier 
poiu*  raccpiitlemeut  de  Timpot.  Bien  plus.  Il  y  eut  désormais 
dans  la  localion  de  la  terre  de  grands  aléas.  Le  colon  pouvait 
clianger  de  domicile  et  laisser,  par  conséquent,  les  terres  du 
seigneur  en  friche  :  grave  préjudice  pour  lui  puisqu'il  était 
toujours  obligé  de  payer  l'impôt.  Ce  fut  la  raison  de  la  lutte 
entreprise  dès  le  rétablissement  de  l'orthodoxie  par  les  «  puis- 
sants »  pour  le  recouvrement  de  leurs  anciens  privilèges,  lutte 
qui  se  trahit  à  l'époque  de  Basile,  au  travers  des  quelques  textes 
dont  nous  avons  parlé  et  qui,  dès  le  début  du  x^  siècle,  arrive 
à  la  victoire  enregistrée  dans  les  Basiliques  par  la  reprise  du 
Code  justinien  et  qui  peut  se  caractériser  par  ces  deux  faits  :  on 
essaya,  de  nouveau,  de  lier  le  colon  à  la  terre  du  seigneur  ;  on 
essaya  d'élever  les  revenus  agricoles.  Les  Basiliques  et  les  textes 
juridiques,  contemporains  et  postérieurs,  en  effet,  connaissent 
de  nouveau  deux  sortes  de  paysans,  souvent  appelés  «  Tzàpoixoi  »  : 
ceux  qui  sont  libres  et  paient  l'impôt  et  ceux  qui  dépendent 
d'un  seigneur '.  A  son  tour,  le  u  patrocinium  »  reparaît  dans 
une  novelle  de  Romain  Lécapène  et  dès  lors  l'Empire  byzantin 
vivra  plusieurs  siècles  encore  sur  le  droit  justinien  plus  ou  moins 
modifié  ou  altéré. 

Telle  était  donc  dans  la  seconde  moitié  du  ix*^  siècle  la  situa- 
tion du  paysan  par  rapport  à  son  seigneur.  Reste  à  dire  com- 
ment la  terre  se  trouvait  répartie.  La  couronne  possédait,  nous 
l'avons  vu.  des  domaines  considérables.  Basile,  par  achats  et 
confiscations,  augmenta  encore  les  revenus  soit  du  fisc,  soit  de 
sa  cassette  privée  et  contribua,  sans  peut-être  s'en  rendre  bien 
compte,  à  hâter  la  lente  disparition  de  la  petite  propriété  privée. 
Mais  ce  furent  surtout  les  églises  et  les  couvents  qui  accapa- 
rèrent les  plus  grands  lots  de  terre.  Des  donations  nombreuses 
leur  étaient  faites;  souvent  les  moines  en  entrant  au  couvent 
remettaient  à  leur  nouveau  supéiieur  la  fortune  qu'ils  tenaient 
de  leurs  parents  ;  les  misères  du  temps  aussi  —  famines,  guerres, 
maladies  —  favorisèrent  d'injustes  empiétements  et  permirent 
aux  églises  et  couvents  la  constitution  de  fortunes  foncières 
tellement  considérables  que  la  petite  propriété  privée  en  eut 
beaucoup  à  souffrir.  De  leur  côté,  grands  et  puissants  seigneurs 

i.  ZacliariiP  v.  Liii^enthal,  op.  <•//.,  260. 


382  BASILE    I 

imitaient  ce  qu'ils  voyaient  faire  à  l'Empereur  et  aux  églises  et 
par  d'incessantes  rapines  augmentaient  au  détriment  du  pauvre 
leurs  grandes  propriétés.  Enfin,  il  y  avait  des  terres  soumises  à 
deux  sortes  de  régime  foncier  :  les  terres  des  soldats  et  celles 
des  communes  libres.  Toutes  ces  terres,  qu'elles  fussent  à  l'Em- 
pereur, aux  moines,  aux  grands,  étaient  cultivées  par  les 
((  paroikoi  »,  les  fermiers,  et  souvent,  sur  les  terres  d'églises, 
par  les  moines,  ou  bien  elles  étaient  louées  en  emphyteuse  à 
de  petits  propriétaires  qui,  un  jour,  faute  de  pouvoir  payer  et 
le  fisc  et  le  propriétaire,  ne  pouvant  plus  cultiver  ce  qu'ils  ont 
loué,  passeront  au  rang  de  serfs.  Quant  à  la  petite  propriété 
libre,  dès  l'époque  de  Basile,  elle  tend  à  se  faire  de  plus  en  plus 
rare.  Leurs  tenanciers  étaient  les  (( -évy.tî;  »  lôs  pauvres,  ceux 
qui,  suivant  le  I^roclliron^  n'avaient  pas  cinquante  nomismata 
de  fortune. 

Au  dernier  degré  de  l'échelle  sociale  se  (rouvaient  les  esclaves 
(ol  ôo'jXol).  Ce  n'est  pas.  dit  pompeusement  Basile,  la  nature  qui 
a  créé  l'esclavage.  La  nature  ne  fait  que  des  liommes  libres  ; 
mais  c'est  la  guerre  qui  engendre  l'esclavage  parce  que  la  loi  de 
la  guerre  veut  que  les  vaincus  soient  la  chose  (xTrjjjia)  du  vain- 
queur-. Dès  lors,  ne  pouvaient  être  esclaves  que  ceux  qui,  en 
guerre,  tombaient  aux  mains  du  vainqueur  et  ceux  qui,  dans  la 
suite,  naissaient  d'esclaves  devenus  domestiques -^  Mais  c'était 
là  de  la  théorie.  Il  suffît,  en  effet,  de  parcourir  les  règles  que 
Basile  décrète  au  sujet  de  l'état  légal  auquel  doit  appartenir 
un  enfant  à  sa  naissance  pour  se  rendre  compte  qu'en  fait,  on 
pouvait  devenir  esclave,  même  en  temps  de  paix.  Sans  doute, 
par  ces  règles  *,  il  entend  favoriser  l'enfant  et  invariablement 
il  le  déclare  libre  ;  mais  qu'on  examine  les  hypothèses  qu'il 
établit  et  l'on  verra  par  quelles  fluctuations  la  condition  des 
parents  pouvait  passer.  Libre  sera  l'enfant  né  d'une  mère  libre 
et  d'un  père  esclave  ;  libre,  l'enfant  qui  naît  d'une  mère  libre 
au  moment  de  la  conception  et  qui  devient  esclave  avant  la 
naissance^  ;  libre  enfin  l'enfant  qui  naît  d'une  mère  redevenue 
esclave  si  au  temps  de  la  conception  elle  était  affranchie  ^.  Entre 

1.  Prochiron,  xxvii,  S  22,  p.  102. 

2.  Ibid.,  XXXIV,  S  2,  193. 

3.  Ibid.y  S  3. 

4.  Ibid.,  S  5,  6,  7,  p.  194,  195. 

5.  Ibid.,  S  6. 

6.  Ibid.,  s  7. 


ET    LEMPIIIE    BYZANTIN  383 

esclaves,  il  n'y  avait  pas  déclasse.  «  L'esclavage  est  indivisible.  » 
Par  conséquent,  ils  ne  ponvaient  être  pins  on  moins  en  servi- 
Inde  '  snivanl  lenrs  qnalilés  on  lenrs  talents.  Néanmoins,  si  c'est 
là  la  lettre  de  la  loi,  il  est  assez  diiïicile  d'admettre  qne  dans  la 
pratiqne  ancnne  différence  ne  séparait  le  panvre  esclave  domes- 
li([ne,  de  l'esclave  de  Inxeqn'on  avait  payé  très  cher  qni  rappor- 
tait beancoup  à  son  maître  on  qni  remplissait  quelqne  impor- 
tante fonction.  Car  le  prix  de  vente  des  esclaves  Ini  aussi  était 
fixé  par  la  loi.  Le  Prochiron  nous  en  donne  plusieurs  exemples 
assez  intéressants.  Un  ouvrier  ordinaire,  par  exemple,  se  payait 
vingt  nomismes,  s'il  avait  plus  de  dix  ans  ;  dix  nomismes  s'il 
était  moins  âgé.  Un  ouvrier  habile  coûtait  trente  nomismes. 
Suivant  les  fonctions  de  l'esclave  les  prix  montaient  davantage 
encore.  Un  notaire  se  payait  jusqu'à  cinquante  nomismes  ;  un 
médecin  jusqu'à  soixante  ;  un  eunuque  sachant  un  métier  valait 
soixante-dix  nomismes-.  De  tels  esclaves,  on  le  voit,  pouvaient 
parfois  représenter  un  capital  important.  C'était,  en  outre  d'un 
excellent  rendement,  car  ce  que  gagnait  l'esclave  appartenait  au 
maître.  Toutefois,  il  semble  bien  que  l'esclave  avait  le  droit  de 
se  constituer  une  petite  fortune.  C'était  son  u  pécule,  tzîxojA'.ov  » 
que  le  maître  pouvait,  du  reste,  toujours  revendiquer  puisque 
le  fait  d'acheter  un  esclave  ne  comportait  pas  pour  autant  la 
propriété  du  pécule  -K  Cependant,  il  est  probable,  qu'en  règle 
générale,  le  pécule  était  laissé  à  l'esclave.  Nous  voyons,  en  effet, 
que  la  loi  attribue  au  a  patron  »  d'un  affranchi  qui  meurt  intes- 
tat et  sans  enfant  ainsi  qu'à  ses  héritiers,  même  collatéraux 
jusqu'au  cinquième  degré,  le  tiers  de  l'avoir  du  défunt*,  preuve 
qu'elle  reconnaissait  au  maître  un  droit  permanen  t  quoiqu'inem- 
ployé  sur  la  fortune  d'un  esclave  même  après  son  affranchisse- 
ment. D'autre  part,  l'esclave  ne  semble  jamais  avoir  perdu  le 
droit  de  posséder  du  fait  seul  de  sa  situation  légale  puisqu'il 
peut  hériter  *. 

Nous  n'avons  pas  de  renseignements  précis  sur  la  façon  dont 

1.  Prochiron,  \xxiv,  S  3,  p.  198. 

2.  Ibid.,  S  II,  p.  196.  Il  serait  imprudent  de  prendre  ces  chiffres  à  la 
lettre  attendu  que  le  §  est  pris  tout  simplement,  comme  beaucoup  d'autres, 
au  Code,  VII,  7.  Const.  I.  Mais  il  montre  bien  que  la  distinction  entre  esclaves 
subsistait  au  ix*  siècle  malgré  les  dires  de  Basile.  (Cf.  id.,  xxxvii,  8,  p.  194)- 

3.  Ibid.,  XIV,  S  7,  p.  90. 

4.  Ibid.,  XXIII,  S  2  et  3,  p.  i33. 

5.  Ibid.,  XXX,  S  20,  21,  22,  p.  164. 


38/|  BASILE    I 

les  esclaves  étaient  traités.  Il  est  probable  qu'au  ix*"  siècle  leur 
condition  matérielle  devait  s'être  sensiblement  améliorée  et  que, 
de  l'autorité  du  maître  telle  qu'on  l'avait  autrefois  conçue,  il  ne 
restait  guère  au  patron  que  la  libre  disposition  de  son  esclave, 
c'est-à-dire  le  droit  de  le  vendre  comme  de  l'envoyer  oii  bon 
lui  semblait  ^.  C'est,  on  le  sait,  ce  que  fit  Léon  VI  lorsqu'il  hérita 
des  nombreux  esclaves  de  Danielis.  Il  les  envoya  en  Italie  colo- 
niser d'immenses  domaines-.  Mais  si  les  mœurs  se  sont  adou- 
cies à  l'égard  des  esclaves  qui  se  conduisent  bien,  la  loi  est 
particulièrement  dure  pour  eux  quand  ils  commettent  quelque 
crime,  surtout  si  le  crime  est  commis  sur  la  personne  du  patron. 
Qu'un  esclave  ne  s'avise  pas,  par  exemple  de  favoriser  le  rapt 
de  sa  maîtresse  parce  que  la  peine  qu'il  encourt  est  le  feu  ^  ;  qu'il 
ne  s'avise  pas  non  plus  d'attenter  à  la  vie  de  ses  maîtres  parce  qu'il 
sera  brûlé  *.  Dans  un  autre  ordre  de  choses,  plus  intime  celui-là, 
la  loi  n'est  pas  moins  sévère  pour  l'esclave.  S'il  se  laisse  aller  à 
avoir  de  coupables  relations  avec  sa  maîtresse  encore  mariée, 
il  est  puni  du  glaive  tandis  qu'on  roue  de  coups  sa  maîtresse, 
qu'on  lui  coupe  les  cheveux,  le  nez  et  qu'on  la  chasse  de  la 
ville  sans  aucune  espèce  de  ressources''.  Si  sa  maîtresse  est  veuve 
et  qu'elle  n'a  pas  eu  d'enfants  de  son  commerce  avec  lui,  on  se 
contente  de  frapper  l'esclave,  de  le  tondre  et  de  le  vendre. 
L'argent  revenait  au  fisc  ^. 

A  côté  des  esclaves,  Byzance  connaissait  les  affranchis 
(àTTSÀsjGcpo!.).  L'afïranchissement,  à  l'époque  de  Basile,  paraît 
avoir  été  grandement  facilité.  Il  était,  en  effet,  permis  d'affran- 
chir sans  nombreuses  formalités,  à  l'église,  par  devant  les 
magistrats,  entre  amis,  par  lettres,  par  testament  '^.  En  outre 
certains  faits  accomplis  par  un  esclave  l'affranchissaient  :  tel 
le   fait  d'entrer  dans    l'armée  avec    le    consentement    de  son 

1.  L'Epanagogc  déclare  que  le  maître  qui  frappe  son  esclave  ou  lui  fait 
subir  de  mauvais  traitements  entraînant  la  mort  de  resclave  doit  être 
regardé  et  traité  comme  homicide  {Epanag.,  xl,  8i,  217). 

2.  Vil.  Basil.,  ch.  lxxvii,  p.  387. 

3.  Prochiron,  xxxix,  S  36,  p.  24ï- 

4.  Ibid.,  S  37.  —  C'est  ce  qui  arriva  aux  esclaves  d'Asyleon,  frère  de  Basile. 
La  cruauté  du  maître  avait,  paraît-il,  suscité  une  révolte  des  esclaves.  Ils 
tuèrent  Asvleon.  L'Empereur  alla  les  châtier,  11  les  fit  prendre,  couper  en 
morceaux  et  brûler  (Sym.  Mag.,  III,  p.  749)- 

5.  Ibid.,  S  43,  p.  244- 
G.  Ibid.,  S  44,  p.  245. 

7.  Ibid.,  XXXIV,  S  8,  p.  195. 


ET  l'empire  byzantin  385 

mciîtrc  '  :  k'I  celui  (reatrer,  sous  la  même  réserve,  au  couvent. 
Etait  atlVanclii  aussi  tout  esclave  dont  héritait  le  fisc  par  suite 
de  la  mort  sans  teslament  diin  j)atron.  à  condition  que  celui- 
ci  n"eùt  pa?^  d'hérilier-.  Bien  plus,  le  Procliiron  facilite  si  bien 
ranVancliissement  qu'en  certains  cas,  il  devenait  obligatoire. 
En  voici  un  assez  curieux.  Un  esclave  pouvait  être  la  propriété 
de  plusieurs  maîtres  à  la  fois.  Chaque  propriétaire  avait  donc 
sur  l'esclave  une  part  donnée.  Or,  si  l'un  des  maîtres  voulait 
aft'ranchir  son  serviteur,  les  autres  patrons  ne  pouvaient  s'y 
opposer.  La  loi  les  obligeait  à  vendre  leur  part,  soit  à  celui  qui 
voulait  affranchir,  soit  à  son  héritier,  si  l'affranchissement  était 
fait  à  la  mort  du  propriétaire.  Et  l'affranchissement  avait  lieu 
même  au  cas  oii  les  co-propriétaires  refusaient  de  vendre  leur 
part.  Ils  n'avaient  droit  dans  ce  cas  qu'à  leur  part  du  pécule  ^. 
L'affranchissement  ne  détruisait  pas  tout  lien  entre  le  patron 
et  son  esclave.  Vraisemblablement,  comme  autrefois  à  Rome, 
l'aflranchi  restait  dans  la  maison  de  son  maître,  continuant  en 
toute  liberté  de  remplir  les  fonctions  qu'il  exerçait  esclave  ; 
mais  si.  par  le  fait  de  son  affranchissement,  il  pouvait,  théori- 
quement, jouir  de  tous  les  droits  d'un  homme  né  libre,  prati- 
quement, la  loi  l'empêchait  de  faire  certains  actes.  Ainsi  jamais 
un  affranchi  ne  pouvait  témoigner  en  justice  contre  son 
patron  ou  le  fils  de  celui-ci*,  pas  plus  qu'il  n'était  reçu  qu'il 
épousât  la  veuve  de  son  ancien  maître'',  tant.il  est  vrai  que 
l'affranchissement  ne  brisait  pas  tous  les  liens  passés.  On  com- 
prend bien  dès  lors  que  favorisant  d'aussi  large  façon  l'affran- 
chissement, le  législateur  ait  été  sévère  à  l'égard  de  ceux  qui 
perpétuaient  l'esclavage  en  vendant  comme  serfs  des  gens  de 
condition  libre.  Si  un  esclave,  un  affranchi,  voire  inéinè  un 
homme  libre,  se  permettait  de  faire  ce  commercé,  il  était  pris, 
rasé  et  amputé  de  la  main  ^. 

I.  Prochinm,  wviv,  S  i5,  p.  30o.  —  Epanag.,  ,x\\vii,  S  lo.  p.  1.95, 
•i.  Ibld.,  \\\iv,  S  17,  200.  —   Celle  disposition  ne  se  relrouvc  plus  dans 
les  lîasiliqnes. 

3.  Ib'id.,  S  9,  P-  195. 
\.  IbuL,  WMi,  S  23,  p.  l'ô'i. 
,5.  Ibid..  VH,  S  30,  p.  p6. 
(i.   Ibid.,  xxxix,  §.  5,  p,  334  ;  S  :^^,  P-  237. 


CHAPITRE  II 


LE    COMMERCE    A    BYZANCE    AU    IX"    SIECLE 


Si  la  révolution  sociale  que  nous  entrevoyons  à  travers  les 
textes  semble  avoir  au  vni^  siècle  el  durant  la  première  moitié 
du  ix"  singulièrement  modifié  la  condition  des  classes  pauvres  ; 
si  l'incurie  du  gouvernement  de  Michel  lit  perdre  à  l'Empire 
quelque  chose  de  son  prestige  extérieur,  ce  ne  fut  pas,  sans 
doute,  le  commerce  qui  souffrit  le  plus  de  cet  état  d'abaisse- 
ment momentané.  Déjà  très  ((  internationalisé  »  il  n'avait 
guère  que  deux  ennemis  redoutables  :  la  mer  el  les  pirates. 
Aussi  voyons-nous  par  les  rares  allusions  des  chroniqueurs  et 
le  récit  des  géographes  arabes,  que  malgré  les  agitations  reli- 
gieuses et  politiques  de  Byzance,  le  commerce  ne  chôma  pas 
entre  TOrient  et  l'Occident. 

Nous  savons  déjà  que  les  douanes  continentales  et  maritimes 
étaient  une  des  grandes  ressources  financières  de  l'Empire. 
Commises  à  la  surveillance  des  ((  commerciaires  )>  qui  pouvaient 
être  revêtus  de  titres  de  noblesse  ^  elles  servaient  tout  d'abord 
à  alirnenter  la  caisse  provinciale,  parfois  à  payer  le  stratège,  plus 
généralement  à  subvenir  aux  multiples  nécessités  de  l'adminis- 
tration du  thème.  Le  reste  allait  dans  les  caisses  de  l'Empire. 
L'impôt  qui  se  payait  ainsi  paraît  avoir  été  du  dixième  sur  la 
valeur  des  marchandises-. 

Les  douanes  les  plus  importantes  se  trouvaient,  naturellement, 
à  l'entrée  de  l'Hellespont  d'une  part,  pour  le  commerce  venant 
d'Occident  ;  à  l'entrée  du  Bosphore  de  Thrace,  du  côté  du  Pont, 
d'autre  part,  pour  le  commerce  venant  d'Orient -^  Les  princi- 

1.  Nous  avons,  par  exemple,  le  sceau  d'un  conunerciaire  qui  est  «  can- 
didat ».  Schlumherger,  S igillog.,  p.  ii4- 

2.  Ibn  Hordadbeh,  de  Goeje,  Biblioth.,  ii5,  ii6. 

3.  Schlumberger,  Sigillog.,  ly-'S. 


ET    l'empiré    byzantin  387 

paiix  centres  des  <(  douanes  de  rHellespont  »  étaient  Tiallipoli. 
Cyzique.  Abvdos  '  :  les  douanes  du  Pont  avaient  leur  centre  au 
pied  du  Hiereion,  en  face  de  Rouméli-Kavak  actuel-.  Indépen 
damment  de  ces  douanes  maritimes  qui  commandaient  le  grand 
commerce  international,  il  y  avait  aux  frontières  du  pays, 
comme  aux  ports  de  l'Empire,  d'autres  douanes  de  moindre 
importance  pour  le  commerce  qui  se  faisait  par  terre  et  pour 
rexporfation.  Là  aussi,  il  y  avait  des  commerciaires  qui,  comme 
ceux  des  grandes  douanes,  apposaient  la  bulle  de  plomb  aux 
marchandises  au  moment  de  leur  entrée  et  de  leur  sortie  ^. 
Enfin,  de  province  à  province,  il  existait  des  douanes  intérieures, 
sorte  d'octrois  sans  doute,  destinées  à  favoriser  le  commerce  à 
l'intérieur  de  la  province  comme  à  augmenter  les  revenus 
municipaux. 

I^e  grand  marché  de  TEmpire  était  naturellement  Byzance. 
C'est  là  qu'arrivaient  par  le  Pont  et  le  Bosphore  les  marchands 
de  Gherson.  Ils  apportaient  de  leur  pays  de  la  pourpre,  des 
ceintures,  des  étoffes  de  soie,  des  vêtements  brodés,  du  poivre, 
des  peaux*.  Les  Russes,  à  leur  tour,  vinrent  prendre  place,  à 
cette  époque,  sur  le  marché  byzantin.  Eux  aussi  apportaient  les 
peaux  destinées  à  faire  des  fourrures,  peaux  de  castor  et  de 
renard  noir  très  recherchées  à  cause  de  leur  rareté  et  de 
leur  aspect  soyeux.  Ils  vendaient  aussi  des  épées,  du  miel, 
etc-^.  Les  marchands  russes  étaient  établis  dans  le  quartier  de 
S.-Mamas6  ;  des  règlements  très  sévères  fixaient  le  temps  de  leur 
séjour  à  Constantinople,  l'époque  de  leur  arrivée,  comme  celle 
de  leur  retour  en  Russie.  —  Alors,  comme  aujourd'hui,  les  Juifs 
de  tous  pays  faisaient  avec  Byzance  un  commerce  actif.  Ces 
marchands,  nous  dit  Ibn  Hordadbeh.  parlent  l'arabe,  le  persan, 
le  «  romain  »,  —  c'est-à-dire  le  grec  et  le  latin  —  les  langues 
franque,  espagnole  et  slave.  Ils  voyagent  de  l'Occident  en  Orient 
et  de  l'Orient  en  Occident,  tantôt  par  terre,  tantôt  par  mer.  Ils 
apportent  de  l'Occident  des  eunuques,  des  esclaves  femelles, 
des  garçons,  du  brocard,  des  peaux  de  castor,  des  pelisses  de 


1.  Schlumberger,  Sigillog.,  196. 

2.  Ibid.,  198. 

3.  Ihid.,  p.  1 1. 

4.  De  Admin.,  ch.  vi,  p.  166. 

5.  Ibn  tlordadbeh,  de  Gœje,  Bibliothera,  ii5. 

6.  Hoyd,  Gesrhirhte  des  LevnnieïuuvleU.  p.  79. 


388  BASILE    I 

martre  et  antres  pelleteries  et  des  épées.  Ils  s'embarquent  dans 
le  pays  de  Firandja  (France)  sur  la  mer  occidentale  et  se  diri- 
gent A  ers  Al-Faramâ  ;  là.  ils  chargent  leurs  marc'handises  sur 
le  dos  des  chameaux  et  se  rendent  par  terre  à  Al  Kolzom,  à  une 
distance  de  2  5  parasanges.  Ils  s'embarquent  sur  la  mer  orientale 
et  se  rendent  d'Al  Kolzom,  à  Al-Djâr  (le  port  de  Médine)  et  à 
Djodda  (le  port  de  la  Mecque),  puis  ils  vont  au  Sind,  au  Hind 
et  à  la  Chine.  A  leur  retour  de  la  Chine,  ils  se  chargent  de 
musc,  de  bois  d'aloès,  de  camphre,  de  cannelle  et  des  autres 
productions  des  contrées  orientales...  Quelques  uns  font  voile 
pour  Constantinople  afin  d'y  vendre  leurs  marchandises  aux 
Romains,  d'autres  se  rendent  à  la  résidence  du  roi  des  Francs 
pour  y  placer  leurs  articles  ^ . 

On  comprend  qu'il  devait  être,  en  effet,  difficile  à  ces  mar- 
chands au  long  cours  d'éviter  Byzance.  La  grande  ville  était 
tout  à  la  fois  pour  eux,  une  escale  commode  au  milieu  de  leur 
voyage,  un  excellent  débouché  pour  leurs  marchandises,  un 
lieu  de  repos  et  d'approvisionnement.  Là  ils  trouvaient  tout  ce 
qu'ils  pouvaient  désirer  et  si  les  règlements  sur  l'exportation 
étaient  sévères,  il  est  bien  probable  cependant  qu'habiles  comme 
Tétaient  les  Juifs,  ils  pouvaient  arriver  à  se  procurer  ces  mar 
chandises  prohibées,  —  telles  les  belles  étoffes  de  soie  —  que  les 
souverains  d'Occident  aimaient  à  porter-. 

Byzance,  toutefois,  n'était  pas  la  seule  place  commerçante  de 
l'Empire.  Nicée,  par  exemple,  était  un  centre  important. 
C'était  par  là  qu'arrivaient  les  légumes  qui  approvisionnaient 
la  ville  ^  ;  par  là  aussi  qu'arrivaient  au  Stratégion  et  au  ïauros, 
les  animaux  de  boucherie  que  les  [jiaxs^vàpio!.,  les  bouchers,  les 
yo'.p£|jL-6po'.,  les  charcutiers,  achetaient  pour  l'approvisionnement 
de  la  grande  cité*.  Plus  loin  dans  les  terres,  Adana  était  une 
grande  ville  industrielle  •'»  ;  Tarse  avec  son  port  sur  la  Méditerra- 
née, Trapézonte  avec  son  trafic  sur  le  Pont.  Thessalonique,  la 
seconde  ville  de  l'Empire,  comptaient  parmi  les  lieux  de  com- 

1.  Ibn  Ilordadbeli,  de  Gœjc,  Bibliotheca,  p.  ii4- 

2.  Schluinberger,  Sigillog.,  p.  ii.  Cf.  à  ce  sujet  l'histoire  racontée 
par  Liutprand  sur  les  ennuis  de  douane  qu'il  eut  lors  de  son  départ  à 
cause  des  riclics  étoffes  qu'il  avait  reçues  ou  achetées  et  qu'il  ne  put  pas 
passer.  Heyd,  op.  cit.,  I,  p.  63. 

3.  Ibn  Hordadbeh,  de  Ctobjc,  Bibliotheca,  p.  -^.  Edrisi.  II,  3oa. 


oo. 


5.  Edrisi,  II,   i3'|, 


ET    LE^rPIRE    BYZANTIN  38g 

merce  les  plus  hnporlanls  do  rEiiipire,  eu  rclalious  coustanles 
avec  les  grau  ds  uiareUésd'AulioeheetdAlexaudrie,  D'aulre  part, 
uous  savons  par  les  dons  que  Danielis  offrit  à  Basile  qu'on  fabri- 
quai! sur  ses  terres  des  soieries,  des  draps  d'or,  des  tapis  de  soie. 
Coriuthe  brillait  encore  d'un  grand  éclat.  Son  commerce  de  soie 
élail  actif.  Vu  surphis.  il  y  avait  dans  lePéloponèse  des  fabriques 
de  parchemins  et  d'armes,  des  teintureries  de  pourpre  '  :  à  Thes- 
salouique  comme  eu  Proconèse  et  dans  la  vallée  du  Sangarios 
on  travaillait  le  marbre-,  toutes  choses  qui  prouvent  combien 
aciif  était  alors  le  commerce  byzantin.  C'est  qu'en  effet  dans  la 
Byzance  des  ix**  et  x"  siècles,  le  luxe,  celui  de  la  table,  des 
demeures,  des  habillemenls  était  très  grand  elles  produits  étran- 
gers 1res  recherchés.  Il  fallait  pour  les  cérémonies  olïiciellcs, 
civiles  et  religieuses,  des  bois  de  senteur  (cjAa  ivo'.xà)  qui  venaient 
de  rOrieul  musulman  :  il  fallait,  pour  le  service,  des  esclaves, 
qu'on  faisait  venir  des  pays  étrangers  ;  puis,  sous  l'influence  des 
Arabes,  la  médecine  s'était  développée  et  c'était  chez  eux  qu'on 
se  prociuaitles  remèdes  elles  recettes  qu'ensuite  on  employait^. 
Naturellement,  les  marchands  étaient  groupés  en  corpora- 
tions sous  la  haute  juridiction  de  l'éparche  et  des  lois  très 
spéciales  leur  étaient  imposées.  Le  Livre  du  Préfel  uous  montre 
bien  quels  étaient  les  principaux  commerces  établis  à  Byzance 
et  quelles  précautions  on  prenait  pour  éviter  que  ces  étrangers 
venus  de  tous  pays  ne  fomentassent  ni  révoltes,  ni  dangers. 
Voici  d'abord  les  «  vesliopratai  »  u  êso-T'-orcpàTat.  ».  Ce  sont  les 
marchands  qui.  font  le  commerce  des  étoffes  de  soie.  A  ceux-là 
il  est  interdit  de  faire  un  autre  commerce  que  le  leur,  par 
exemple  déti'c  en  même  temps  marchands  d'étoff'es  et  mar- 
chands de  soie  ^  Ils  ne  peuvent  vendre  aux  étrangers  les 
étoffes  de  ])ourpre  de  grande  dimension  •*,  pas  plus  que  cer- 
taines sortes  d"hal)its  h  moins  que  ce  ne  soit  pour  leur  usage 
personnel  et  encore,  faut-il  que  les  habits  ainsi  achetés  par 
les  hôtes  de  Constantinople  aient  été  faits  à  Constantinople  ^. 
Bien   plus,    lorsque  les    marchands   eux-mêmes   achètent   ces 

I.   liaiiibaiid,  op.  cit.,  -l'ôS. 

•i.  Cereni.,   1 201.  Tliessaloniqiio  avait  en  outre  de  llorissantes  fabriques 
de  verrerie  (Labarte,  H'ist.  des  arts  indastrieh.W.  y.U}). 
.').  Heyd,  op.  cit.,  I,  p.  60. 

4.  Livre  du  Préfet,  iv,  §  7,  p.  aS. 

5.  Ibid.,  S  I,  p.  27. 
G.  Ibid.,  S  8,  p.  28. 


SgO  BASILE    I 

sortes  d'étoffes  pour  une  somme  supérieure  à  dix  nomismes, 
ils  doivent  en  avertir  l'éparche  ^  et  une  chose  leur  est  toujours 
défendue,  c'est  de  passer  à  un  autre  commerçant  le  surplus  de 
leurs  marchandises  2. 

A  une  autre  corporation  appartenaient  les  u  prandiopratai, 
TcpavÔLOTipàTa',  »  marchands  d'étolïes  provenant  de  Syrie.  Ces  mar- 
chands-là étaient  probablement  des  Arabes  et  comme  tels  étaient 
soumis  à  des  règlements  très  sévères,  car  il  ne  fallait  pas  que, 
sous  prétexte  de  commerce,  ils  s'introduisissent  en  espions  dans 
la  ville.  Aussi  vivaient-ils  à  Gonstantinople  sous  l'autorité  d'un 
exarche  nommé  par  l'éparche^.  Ils  semblent  avoir  été  partagés 
en  deux  classes  :  ceux  qui  habitaient  Gonstantinople  et  résidaient 
à  l'Embolon  *  et  ceux  qui  apportaient  les  marchandises  de  leur 
pays.  Ces  derniers  ne  devaient  pas  demeurer  plus  de  trois  mois 
à  Gonstantinople^.  A  l'arrivée  comme  au  départ,  ils  étaient 
tenus  de  faije  à  réparche  déclaration  de  leurs  marchandises. 
Quant  à  ceux  qui  vivaient  à  Gonstantinople,  défense  leur  était 
faite  d'exercer  le  métier  de  vestiopratai.  Ils  ne  pou^ aient  faire 
que  le  trafic  des  étoffes  et  des  soies  venues  de  Syrie  et  de  Séleu- 
cie  ^.  Dès  que  leur  marchandise  était  arrivée,  elle  devait  être 
déposée  dans  un  seul  entrepôt.  Là,  les  commerçants  se  réunis- 
saient et  se  partageaient  les  ballots  '^.  On  faisait  de  même  pour 
les  étoiles  de  diverses  sortes  qui  arrivaient  de  Bagdad  ainsi  que 
pour  les  parfums  qui  venaient  (TArabie,  choses  que  les  Arabes 
avaient  le  droit  de  vendre  eux  aussi  ^.  Distincte  des  deux  pre- 
mières corporations  était  celle  des  marchands  d'écheveaux  de 
soie  (jjLSTa^OTrpaTa'.).  Ge  commerce  devait  être  fait  au  grand  jour 
et  en  un  lieu  déterminé 9.  De  minutieux  règlements  lui  étaient 
imposés,  très  jalousement  surveille  qu'il  était  à  Byzance.  G'est 
ainsi,  par  exemple,  que  les  metaxopratai  ne  pouvaient  employer 
un  ouvrier  que  pendant  un  mois  ;  ils  ne  devaient  lui  donner 
que  le  travail  qu'un  ouvrier  peut  accomplir  en  trente  jours  et  ne 


I. 

Livre  du  Préfet,  iv,  S  2,  p.  27 

2. 

Ibid.,  S  9.  p.  28. 

3. 

Ibid.,  V,  S  I,  P-  29. 

4. 

Ibid.,  S  2,  p.  3o. 

5. 

Ibid.,  V,  S  5,  p.  3o. 

6. 

Ibid.,  S  I,  P-  29. 

7* 

Ibid.,  S  2. 

8. 

Ibid.,  S  /»,  p.  3o. 

9- 

Ibid.,  VI,  S  I  et  i3,  p.  3i,  33. 

ET  l'empire  byzantin  Sgi 

le  payer  qu'en  conséquence  ^.  Défense  leur  était  faite,  en  outre, 
d'embaucher  un  nouvel  ouvrier  avant  d'avoir  payé  le  premier  2. 
Des  taxes  spéciales  étaient  levées  sur  ces  marchandises  et  comme 
on  pouvait  facilement  tromper  en  ces  matières,  les  marchands 
ne  devaient  se  servir  que  de  poids  et  de  balances  approuvés 
par  l'éparche  qui  y  mettait  son  poinçon  ^.  La  vente  des  éche- 
veaux  était,  naturellement;  étroitement  surveillée  et  des  peines 
sévères  étaient  infligées  à  ceux  qui  transgressaient  les  ordon- 
nances de  l'éparche  :  c'étaient  le  renvoi  de  la  corporation,  les 
lourdes  amendes,  les  verges,  etc.  Gomme  pour  les  autres  corpo- 
rations, il  était  défendu  aux  métaxopratai  de  faire  un  autre 
commerce  que  le  leur.  Le  règlement  était  à  cet  égard  si  sévère 
qu'ils  ne  pouvaient  même  pas  se  servir  de  leurs  écheveaux  pour 
un  autre  usage  que  celui  de  l'achat  et  de  la  vente  ^  et  encore, 
interdiction  leur  était-elle  faite  de  livrer  leur  marchandise  aux 
Juifs  et  aux  marchands  qui  pourraient  aller  la  revendre  hors 
de  la  ville  *. 

A  côté  des  marchands  de  soie  brute,  se  trouvaient  ceux  qui 
utilisaient  les  écheveaux  pour  divers  usages.  C'étaient  les 
«  xaTapTàp!.ot.  ».  Ils  u  confectionnaient  »  la  soie  brute  qui  leur 
arrivait  du  dehors^  ou,  s'ils  étaient  pauvres,  l'achetaient  des 
métaxopratai^.  Mais,  il  ne  leur  était  pas  loisible  d'acheter  à 
leur  gré  leur  marchandise.  Bien  au  contraire.  Ils  devaient  pour 
cela  s'entendre  avec  les  métaxopratai  ^  et  les  uns  et  les  autres 
s'en  tenir  au  prix  fixé.  Chose  assez  curieuse  :  les  catartarii  ne 
pouvaient  pas  être  esclaves  et  les  gens  tout  à  fait  pauvres 
n'avaient  pas  le  droit  de  faire  ce  commerce  regardé  comme 
très  aristocratique.  Aussi,  les  bavards,  les  turbulents,  les  gens 
de  peu  de  considération  ne  pouvaient-ils  entrer  dans  la  corpo- 
ration ou.  s'ils  y  étaient  déjà,  ils  devaient  en  être  chassés^. 
Défense  était  faite  à  tous  de  broquanter  la  soie. 

Enfin,  parmi  ceux  qui  faisaient  commerce  de  soie,  il  faut 
mentionner  les  u  a-Y.pixàp'.o'.  »  ou  tisserands  en  soie.  Pour  eux. 


I, 

Livre  du  Préfet,  vi,  Sa. 

2. 

Ibid.,  S  3. 

3. 

Ibid.,  S  4. 

4. 

Ibid.,  S  i5et  16,  p.  33. 

5. 

Ibid.,  VII,  S  I,  p.  34. 

6. 

Ibid.,  S  2. 

7- 

Ibid.,  s  4. 

8. 

Ibid.,  S  5  et  6,  p.  35. 

392  BASILE    1 

les  prescriptions  deviennent  draconiennes  car  il  s'agit  d'em- 
pêcher la  confection  de  ces  manteaux  et  habits  de  pourpre, 
symbole  du  souverain  pouvoir,  dont  l'usage  était  réservé  à 
l'Empereur  '  et  qui  se  tissaient  dans  les  ateliers  impériaux.  Les 
tisserands  ne  pouvaient  confectionner  que  des  soies  où  la 
pourpre  s'unissait  à  des  couleurs  variées,  et  encore  la  dimension 
des  étoffes  était-elle  rigoureusement  fixée.  Aussi  le  u  liojAAwTTj;  » 
impérial  chargé  de  l'examen  des  marchandises  et  surtout  de  la 
yérification  des  mesures,  le  0  a'-iorr^ç  »  ou  inspecteur  des  ate- 
liers de  tissage  ont-ils  toujours  le  droit  d'aller  contnMer  le 
travail  et.  à  vouloir  empêcher  l'un  quelconque  de  ces  fonction- 
naires d'accomplir  son  mandat,  on  risquait  les  verges  et  la  ton- 
sure-, comme  on  risquait  sa  main  à  essayer  de  vendre  au 
dehors  les  étoffes  fabriquées  à  Gonstantinople  -^  Quant  à  la 
matière  première,  obligation  était  faite  aux  u  siricarii  »  de 
l'acheter  aux  métaxopratai  à  Te^chision  de  tous  autres  commer- 
çants étrangers  ^  On  le  voit  donc.  L'industrie  de  la  soie  tenait  à 
Byzance  le  haut  de  l'échelle  commerciale  et  un  protectionnisme 
à  outrance  commandait  ce  genre  de  marchandise. 

11  n'en  allait  plus  de  même,  heureusement,  des  autres  genres 
d'étolTes.  Le  Lh're  du  Préfet  nous  apprend  que  le  lin,  le  fil,  les 
étoffes  de  toile,  la  lingerie,  en  un  mot,  a  enait  spécialement  du 
Pont,  du  Strymoïi,  de  Kérasonte^  et  que  souvent  les  Bulgares 
eux-mêmes  en  importaient  avec  du  miel  *^,  échangeant  leurs 
produits  contre  ceux  qu'ils  trouvaient  sur  le  marché,  spéciale- 
ment les  vêtements  de  pourpre^.  Toutes  ces  marchandises  con- 
fectionnées à  Byzance.  se  vendaient  aux  jours  de  foire  sur  la 
place.  Il  était  interdit,  en  effet,  aux  u  othoniopratai  »  de  rendre 
en  magasin  ou  d'étaler  leurs  tissus  sur  des  tables.  Comme  les 
forains  orientaux  d'aujourd'hui,  ils  devaient  porter  leius  mar- 
chandises sur  le  dos  ^. 

Après  la  soie,  un  des  commerces  les  plus  importants  de 
Byzance  était  celui  des  parfums.  Sur  les  bancs  des  parfumeurs 

1.  Livre  du  Préfet,  viii,  S  i  et  2,  p.  35.  36. 

2.  IbicL,  S  3,  p.  37. 

3.  Ibid.,  S  4,  p.  37. 

4.  Ibid.,  S  8,  p.  37. 

5.  Ibid.,  Tx,  S  I,  P-  39. 

6.  Ibid.,  S  6,  p.  4o 

7.  Ibid.,$  6. 

8.  Ibid.,  s  7. 


ET    LEMPIUE    BYZANTIN  Sqo 

qui  s'échelonnaient  enliv  la  Chaleé  et  le  Milliaire  —  le  seul 
endroit  où  pouvaient  se  vendre  les  parfums  parce  qu'il  conve- 
vail  M  ([u'ils  enibauniassenl  de  bonne  odeur  l'image  du  Christ 
de  la  Chaleé  et  qu'ils  donnassent  un  nouvel  agrément  aux 
palais  impériaux  '  »  —  les  clients  houvaient  ces  mille  produits 
qui  arrivaient  spécialement  par  Trébizonte  et  le  thème  de 
Chaldée,  de  l'Orient  musulman  et  de  la  Russie  :  le  poivre,  le 
cinname.  l'aloès,  l'ambre,  le  musc,  l'encens,  la  myrrhe,  le 
baume,  l'hysope,  etc '-.  Et  parce  que  ces  matières  venaient  des 
terres  arabes,  Byzance  eut  grand  soin  d'exiger  que  les  mar- 
chands ne  restassent  pas  plus  de  trois  mois  en  ville  ^.  Les  parfu- 
meurs, de  leur  côté,  vu  le  grand  usage  des  parfums,  devaient 
acheter  ce  dont  ils  avaient  besoin  pour  leur  commerce  immé- 
diat et  ne  pas  faire  de  grandes  provisions  pour  ensuite  hausser 
les  prix  d'une  façon  exagérée  ^.  A  la  parfumerie  se  rattache  la 
fabrication  de  la  cire  et  du  savon," D'après  le  Livre  du  Préfet,  ces 
produits  jiaraissent  avoir  été  surtout  fabricfués  à  Byzance.  Il  y 
avait,  entre  autres,  des  fabriques  de  cire  près'de  Sainte-Sophie^. 
Des  règlements  de  police  fixaient  la  distance  qui  devait  séparer 
les  ateliers  entre  eux,  sans  doute  à  cause  de  la  concurrence, 
mais  peut-être  plus  encore  à  cause  des  dangers  d'incendie  que 
cette  fabrication  occasionnait.  La  preuve  en  est  que  des  règle- 
ments analogues  régissaient  les  boulangers  «  o>',à  t^,v  aJTtov 
£j-c7,7Tov  jÀTiV''  ».  Les  matières  qui  servaient  à  fabriquer  cire  et 
savon  se  trouvaient  sur  place.  Les  marchands  pouvaient  ache- 
ter au  dehors  leurs  produits,  si  cela  leur  convenait,  mais  comme 
ils  avaient  le  droit  de  faire  emplette  dhuile,  de  cire,  etc.  dans 
les  églises  ",  il  est  probable  que  le  commerce  avec  le  dehors  ne 
devait  pas  être  considérable..  Il  faut  noter  qu'il  était  interdit  de 
faire  de  la  cire  et  du  savon  avec  de  la  graisse  d'animal^. 

Le  livre  du  Préfet  nous  donne  enfin  quelques  renseignements 
curieux  sur  le  petit  commerce  à  Byzance.  Sur  toutes  les  places, 
dans  toutes  les  rues,  il  y  avait  des  boutiques  d'épiciers  (craAoa- 

1.  Livre  du  Préfet,  x,  S  i.  4i,  42. 

2.  IbicL,  X,  s  I. 

3.  Ibid..  s  2. 
\.  Ibid.,  S  3. 

.").  Ibid.,  \i,  S  I»  43. 

0.  Ibid.,  XVIII,  S  3,  p.  54. 

7.  IbUL,  XI,  S  3,  p.  44. 

8.  Ibid.,  XI,  S  4  ;  XII,  S  8,  p.  47. 


Sg^  BASILE    I 

ijLàp',0',)  où  l'on  trouvait  tout  ce  qui  était  nécessaire  dans  la  vie 
journalière  :  viande,  poissons,  fromage,  huile,  miel,  légumes, 
beurre,  voire  même  de  la  ficelle,  des  clous,  etc.  Il  était  seule- 
ment interdit  aux  épiciers  de  vendre  les  savons,  les  parfums,  le 
vin  et  tout  ce  qui  relevait  spécialement  de  corporations  établies 
pour  un  commerce  exclusif^.  Naturellement  les  poids  et 
mesures  de  ces  commerçants  étaient  soigneusement  vérifiés  et 
des  peines  sévères  leur  étaient  infligées  quand  ils  contrevenaient 
aux  règlements  de  leur  corporation'^.  Doux  de  ces  règlements 
sont  particulièrement  intéressants  :  l'un  ^  défend  de  faire  les 
dimanches  et  jours  de  fêtes  un  étalage  devant  la  boutique  ; 
l'autre  *  ordonne  de  ne  pas  gagner  plus  de  deux  miliarisia  par 
nomisme  sur  la  chose  vendue. 

Au  commerce  des  épiciers  correspond  celui  des  marchands 
de  vin,  des  c(  xa7r'/-Àoi  o.  Pour  la  vente,  les  cafetiers  avaient  deux 
mesures,  le  o-TaGtJiov,  qui  valait  trente  livres,  la  mine  ([J^^-'a),  qui 
en  valait  trois'*.  L'assesseur  de  l'éparche  et  le  chef  de  la  corpo- 
ration présidaient,  lors  de  l'arrivée  des  vins,  à  leur  vente  et  à  la 
vérification  des  mesures^'.  Le  principal  règlement  de  la  corpo- 
ration était  celui  qui  fixait  l'heure  d'ouverture  et  de  fermeture 
des  cafés.  Les  dimanches  et  jours  fériés,  il  était  défendu  d'ouvrir 
les  débits  pour  vendre  du  vin  ou  des  aliments  avant  huit 
heures  ({xéypi.;  ^P'//i^  ovjzîool;  topa;  t/J;  Y,u.£pa;).  Le  soir,  on  dcA^ait 
fermer  à  la  même  heure  ". 

1.  Livre  du  Pvéfet,  \u\,  Si,  p.  '{"]. 
3.  Ihid.,  S  2,  et  3,  p.  48. 

3.  Ibid.,  S  3. 

4.  Ibid.,  S  5. 

5.  Ibid.,  XIX,  I,  p.  55. 

6.  Ibid.,  Si  et  4. 

7.  Ibid.,  S  3. 


CHAPITRE     III 


ART    A    BYZANCE    SOUS    LE    GOUVERNEMENT    DE    BASILE 


A  tout  grand  règne  correspond  forcément  dans  chaque  pays 
une  renaissance  artistique  et  littéraire  d'autant  plus  brillante  et 
d'autant  plus  féconde  qu'elle  est  plus  encouragée  par  le  souve- 
rain lui-même.  Cette  renaissance  devient  alors  un  des  traits  dis- 
tinctifs  du  moment  ;  elle  travaille  à  un  renouveau  de  civilisa- 
tion et  se  présente  ainsi  comme  un  des  facteurs  importants  de 
l'évolution  historique  d'une  race  et  d'une  nation.  Plus  durable 
que  la  puissance  militaire,  plus  influente  sur  l'âme  d'un  peuple 
que  la  diplomatie  et  la  législation,  elle  seule,  en  vérité,  marque 
aux  empires  leur  place  définitive  dans  l'histoire  générale  du 
monde.  Le  règne  de  Basile,  tout  à  la  fois  pacifique  et  guerrier, 
succédant  à  une  époque  de  troubles  et  d'agitation  peu  favorable 
aux  arts,  allait  renouer  la  tradition  ancienne  et  faire  éclore  sur 
les  terres  u  romaines  »  et  particulièrement  à  Byzance,  une  très 
riche  production  arfistique  qu'il  nous  faut  donc  étudier,  en  exa- 
minant,tour  à  tour,  l'art  religieux,  l'art  civil  et  les  arts  mineurs. 

Le  règne  de  Michel  III,  comme,  du  reste,  tous  ceux  qui 
l'avaient  précédé  au  cours  du  ix^  siècle,  avait  été  assez  pauvre  en 
constructions  nouvelles  dans  l'ordre  des  monuments  religieux^. 
Les  empereurs  iconoclastes  étaient  occupés  à  trop  d'autres 
choses  pour  trouver  le  temps  et  l'argent  nécessaires  à  l'édifica- 
tion de  somptueuses  églises.  Les  luttes  intérieures,  les  consé- 
quences pratiques  de  leur  théologie,  les  guerres  bulgares  aussi, 
leur  défendaient  de  se  livrer  à  ces  coûteux  et  esthétiques  plai- 
sirs. S'ils  favorisèrent  parfois  les  arts,  comme  Théophile,  ce  ne 
fut  pas  l'art  religieux  qui  profita  de  leurs  libéralités.  Celui-là 

I.  L'église  de  la  Mère  de  Dieu,  appelée  «  xo  KapaôtT^tv  »,  date  probable- 
ment du  règne  de  Michel  (Cf.  Du  Gange,  1.  IV,  p.  aô  ;  Ricliter,  Quellen  der 
byz.  Kunstgeschichte,  221. 


39 G  BASILE    I 

riait  pour  eux  hop  entaché  d'idolâtrie.  Ce  fut  l'art  civil  el  sur- 
loul  les  arts  secondaires  :  l'orfèvrerie  et  l'ivoirie.  Aussi,  quand 
Basile  monta  sur  le  trône,  se  trouva-t-il  en  présence  dune 
œuvre  immense  à  accomplir.  La  vétusté,  l'intempérie  des  sai 
sons,  les  tremblements  de  terre  ^  avaient  fort  endommagé  les 
édifices  existants.  Il  fallut  tout  d'abord  les  réparer.  Api  es  quoi, 
du  reste,  Basile  s'empressa  d'en  élever  de  nouveaux,  <(  l'abîme 
de  sa  générosité  n'étant  jamais  à  sec'-.  »> 

Il  serait  fastidieux  et  inutile  de  relever  ici  le  nom  de  tous  les 
édifices  que  Basile,  au  dire  de  Constantin,  fit  réparer  ou  cons- 
truire. Le  plus  souvent,  le  panégyriste  se  contente  de  raconter 
que  l'église  était  en  mauvais  état  et  que  Basile  lui  rendit  sa  pre- 
mière splendeur,  sans  nous  donner  les  détails  qui  pourraient 
nous  faire  entrer  plus  avant  dans  la  connaissance  de  l'architec- 
ture byzantine.  Cependant,  il  est  quelques  travaux  qu'il  importe 
de  signaler. 

Sainte-Sophie  faisait  toujours,  tout  à  la  fois,  la  gloire  et  le 
désespoir  des  architectes.  Le  moindre  aiïaissement  du  sol,  le 
])lus  légei'  tremblement  de  terre  risquait  d'ébranler  la  prodi 
gieuse  coupole  aérienne  et  de  la  faire  crouler.  A  tout  instant,  il 
fallait  renforcer  les  contre-forts  et  surveiller  les  fissures.  A 
l'époque  de  Basile,  c'était  l'arc  occidental  sur  lequel  reposait  un 
des  points  de  l'immense  coupole  qui  menaçait  ruine ^.  L'empe- 
reur le  fit  refaire  et  le  décora  d'une  mosaïque  représentant  la 
Viergetenantsur  ses  genoux  son  divin  Fils,  entourée  des  apôtres 
Pierre  et  Paul  K 

De  ces  réfections  de  temples,  le  nombre  fut  considérable. 
Tantôt  l'empereur  faisait  consolider  l'édifice,   les  fondements 


1.  Au  début  (lu  ivgne  de  lîasile  il  y  eut  un  grand  tremblement  de  terre 
qui  détruisit  nombre  d'églises  et  de  demeures  privées.  11  avait  été  si  violent 
: —  quarante  jours  et  quarante  nuits,  dit  Syméon  Magisler  —  qu'on  le  rap- 
pelait le  9  janvier  dans  le  S\iiaxaire  (Syn.,  p.  38o  ;  Syin.  Mag.,  ch.   v,  7^9). 

2.  Vit.  Basil.,  ch.  Lx\vn[,p.  387.  Brinckmann,  op.  cit.,  iGo,  i63. 11  est  inté- 
ressant de  noter  que  les  constructions  religieuses  de  Basile  avaient,  elles 
aussi,  un  caractère  philanthropique.  C'est  autant  pour  donner  un  abri  aux 
gens  qui  venaient  du  dehors  et  qui  n'avaient  pas  où  aller  que  pour  les 
besoins  religieux  de  son  peuple  qu'il  fait,  par  exemple,  construire  une 
église  au  Forum  dédiée  à  la  mère  de  Dieu  (Vit.  Basil.,  ch.  xcni,  p.  353. 
3.56). 

3.  Ihid.,  ch.  Lxxix,  p.  337  '  ^^^  Câuge,  Const.  christ.,  1.  U\.  p.  '^7;  Lethabv 
a.  Swainson,  p.  128  ;  Salzenberg,  xxx,  pi.  WXII. 

4.  Ibid. 


ET  l'empire  byzantin  Sq" 

oii  les  murs,  tantôt  il  en  améliorait  les  matériaux:  le  plus  sou- 
vent, il  les  décorait  somptueusement.  Beaucoup  d'églises 
avaient  encore  au  ix''  siècle  leur  toiture  de  bois.  C'était  non  seu- 
lement pour  rédifice.  mais  pour  la  ville,  un  graNC  danger  en 
cas  d'incendie.  Aussi  l'empereur  s'efforça  t-il  de  remplacer 
le  bois  par  la  pierre.  C'est  ce  qu'il  fît  entre  autres  à  Sainte- 
\nastasie*.  La  charpente  disparut  pour  faire  place  sans  doute 
à  une  toiture  d'un  tout  autre  aspect.  Une  couverture  de  bois 
suppose,  en  eft'et.  une  église  de  forme  basilicale-,  sans  voûtes, 
sans  coupoles,  sans  lanternes.  Or,  il  est  peu  probable,  d'après 
les  rares  exemples  de  constructions  du  ix*"  siècle  qui  soient  par- 
venus jusqu'à  nous,  que  transformant  la  toiture,  on  ait  simple- 
ment recouvert  en  pierre  l'ancienne  église.  On  la  modifia  très 
vraisemblablement,  suivant  le  type  adopté  depuis  l'érection  de 
Sainte-Sophie,  en  la  dotant  d'une  ou  de  plusieurs  coupoles  telles 
qu'il  en  existe  encore,  par  exemple  à  Saint-André  et  à  la  Chal- 
koprateia,  toutes  deux  également  refaites  par  Basile.  Ces  trans- 
formations avaient,  du  reste,  leur  raison  d'être.  De  telles 
églises  étaient,  en  efïet,  très  sombres.  L'empereur  en  modifia 
donc  l'architecture.  Il  fit  construire  de  tous  côtés,  comme  à  la 
Chalkoprateia,  des  «  apsides  -).  c'est-à-dire  des  arcs  destinés  à 
soutenir  une  toiture  beaucoup  plus  élevée  qui  permit  de  donner 
plus  de  jour  à  l'église*^.  C'est  là.  évidemment,  l'histoire  de  la 
coupole  du  ix'^  siècle.  Mais  cette  coupole  n'est  plus  la  large  et 
haute  demi-sphère  de  l'époque  de  Justinien.  Si  elle  n'a  pas 
encore  la  grâce,  la  délicatesse  et  la  fine  ornementation  des 
petites  coupoles  du  xn*"  et  du  xur  siècle  qui  sont  presque  de 
vastes  lanternes,  elle  se  rappioche  déjà  néanmoins  de  celles-ci. 
Plus  large  et  plus  massive  que  ces  dernières,  encore  très  sur- 
baissée, généralement  sans  les  hauts  et  sveltes  tambours  des 
époques  suivantes,  elle  est  encerclée  à  sa  base  par  un  mur  épais 
qui  lui  sert  tout  à  la  fois  de  point  d'appui  et  de  contrefort,  percé 
de  fenêtres  à  formes  régulières  qui  l'entourent  comme  d'une 
couronne  et    par   où   passe  la   lumière.  C'est  au  ix'=    siècle,  à 

1.  VU.  Basil.,  ch.  lxwii,  p.   '6'\o. 

2.  On  trouvera  un  exemple  d'une  de  ces  basiliques  reproduit  d'après  le 
man.  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  (Parisinus  5io)  dans  Beylié^  /'//a6t7. 
byzant.,  p.  82. 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  xcni,  p.  356.  Cf.  Beljajev.  Annuaire  de  l'iniversifé  impé- 
riale russe  d'Odessa.  Partie  byzantine,  p.  85-io6.  Année  189-2.  \\  ultT.  Die 
Koiniesiskirrhe  in  \icaa,  p.  109  et  iio  et  note  109-^ 


398  BASILE    I 

l'époque  même  de  Basile,  que  cette  architecture  semble  avoir 
été  adoptée,  intermédiaire  entre  la  grande  coupole  de  Sainte- 
Sophie  et  les  lanternes  postérieures  >.  Ine  autre  innovation, 
que  .lustinien  ne  connut  pas.  fut  aussi  en  usage  à  cette  date. 
Ce  sont  les  toits  dorés  comme  à  Saint-Elic  le  Thesbite  -.  Malheu- 
reusement cette  décoration  ne  pouvait  être  de  longue  durée  et 
déjà,  au  x"  siècle,  les  neiges,  les  pluies,  le  froid  avaient  endom- 
magé considérablement  d'aussi  délicats  travaux. 

Mais  la  grande  œuvre  de  Basile,  celle  qui  frappa  surtout  les 
contemporains,  fut  la  construction  de  l'église  dédiée  à  saint 
Michel -^  à  Elie  le  Thesbite,  à  la  Theotokos  et  à  saint  Nicolas  et 
qu'on  appela  de  bonne  heure  la  a  Nea  ».  Située  dans  l'enceinte 
du  palais,  à  l'est  de  la  demeure  impériale,  non  loin  de  la  mer, 
elle  résumait  à  elle  seule  toute  la  magnificence  de  l'époque  qui 
la  vit  construire.  C'est  que  Basile  avait  toujours  les  yeux  fixés 
sur  son  grand  modèle,  Justinien.  Comme  lui  il  voulut  avoir  sa 
Sainte  Sophie,  qui  perpétuerait  à  travers  les  âges  le  souvenir  de 
son  nom  et  de  sa  splendeur.  Peut-être  aussi  chercha-t-il  à  effa- 
cer la  tache  originelle  qui  souillait  les  débuts  de  son  règne, 
comme  à  remercier  cet  Elie  le  Thesbite  qui  avait  si  bien  prédit 
son  avenir.  Quoi  qu'il  en  soit  des  raisons  qui  décidèrent  Basile 
à  commencer  cette  fastueuse  construction,  aujourd'hui  malheu- 
reusement disparue,  il  est  certain  qu'il  atteignit  le  but  qu'il 
s'était  proposé,  celui  d'étonner  ses  contemporains  et  ses  suc- 
cesseurs. Commencée  en  876,  elle  fut  consacrée  solennellement 
le  I"  mai  880*.  Comme  il  était  d'usage  alors,  l'empereur  pilla 
pour  sa  construction  les  anciennes  églises,  voire  même  les 
maisons  privées,  fondant  d'anciennes  pièces  d'orfèvrerie,  arra- 

1.  Cf.  p.  e.  les  reproductions  de  Saint-André  in  Crisi,  Sainte-Anastasie  et 
Skripù  (l^aspali,  3 18,  364  ;  Slrzygowski,  Byz.  Zelt.  III,  i8()4,  taf.  I,  p.  16). 

2.  Vil.  Basil.,  lxxwii,  p.  3^5. 

3.  Le  texte  reçu  de  Constantin  VII  porte  «  (Gabriel  »  ;  mais  c'est  là  une 
erreur  de  transcription.  Le  clief  de  la  milice  angélique,  rarchislrategos 
était  saint  Michel. 

4.  Sym.  Mag.,  xvi,  p.  753.  Tous  les  chroniqueurs  donnent  la  date  du 
i*^*^  mai.  Il  ne  peut  y  avoir  doute  que  pour  l'année.  Hergenrôther  (Photius, 
II,  58i)  opine  pour  881.  Je  crois  cependant  (pie  880  est  préférable,  d'abord 
parce  que  les  chroniqueurs  byzantins  paraissent  dire  que  ce  fut  très  peu 
de  temps  après  la  mort  de  Constantin  et  ensuite  parce  que,  vraisemblable- 
ment, une  telle  solennité  dut  avoir  lieu  un  dimanche.  Or  le  1*''^  mai  880 
était  précisément  un  dimanche.  —  On  sait  déjà  que  ce  fut  pour  cette  cons- 
truction que  Basile,  un  instant,  réquisitionna  flotte  et  armée  (Contin.  de 
(jeorg.  Moine,  p.  1080^  Cedrenus,  11 20). 


ET    l'empire    byzantin  899 

chant  à  leur  primitive  destination  les  colonnes,  les  pierres  et 
les  marbres'.  Dans  les  fondements  de  rédifice.  il  fit  jeter, 
paraît-il,  une  statue  de  Salomon  comme  symbole  de  l'offrande 
qu'il  faisait  de  sa  personne  à  Dieu  ^.  On  sait  aussi  que  la  vieille 
Danielis  se  plut  à  enrichir  cette  église  qu'elle  put  admirer  déjà 
à  moitié  construite  lors  de  son  séjour  à  Gonstantinople  ^  et 
sans  doute,  elle  ne  fut  pas  seule  dans  l'empire  à  rivaliser  de 
générosité  avec  l'empereur  lui  même  pour  enrichir  et  orner 
ce  temple  magnifique.  Aussi  est-ce  en  toute  vérité  que  Cons- 
tantin pouvait  dire  de  la  «  Nea  »  que  «  l'art  et  la  richesse,  la 
foi  ardente  et  la  plus  généreuse  volonté  s'unirent  pour  créer 
cette  merveille  ^  ». 

La  ((  Nea  »  fut  construite  sur  l'emplacement  qui  servait  jus- 
que-là aux  exercices  hippiques  de  l'empereur,  le  «  T(^ojxav',a-- 
Tf^p'.ov '^  ».  C'était  un  édifice  à  cinq  coupoles,  orienté  comme 
toute  église  grecque,  du  côté  de  l'orient^.  Le  narthex  se  trou- 
vait donc  situé  à  l'occident.  On  y  accédait  en  traversant  un 
atrium  (-poajA'.a)  décoré  de  deux  fontaines  ou  «  phiales  »,  ornées 
de  leurs  traditionnelles  pommes  de  pin.  L'une  —  celle  qui  se 
trouvait  du  côté  sud  —  était  faite  de  marbres  d'Egypte.  Des  dra- 
gons sculptés  ornaient  l'extérieur  du  bassin,  tandis  qu'autour 
de  la  pomme  de  pin  des  colonnettes  à  chapiteaux  envoyaient 
l'eau  dans  le  bassin  par  un  jeu  que  nous  nous  figurons  aisé- 
ment. L'autre  phiale,  celle  du  nord,  était  en  pierre  de  Sanga- 
ros.  Sur  le  bassin  se  trouvaient  des  coqs,  des  boucs,  des  béliers 
de  bronze,  lançant  avec  la  pomme,  mais  en  sens  inverse,  l'eau 
dans  le  bassin  "^.  Tout  autour,  on  avait  placé  des  coupes  dans 
lesquelles  jaillissait,  à  certains  jours  de  fêtes,  du  vin  que  pou- 
vaient boire  les  passants.  Cet  atrium  était  entouré  de  portiques 
(7zpoT'jÂa',a)  qui,  probablement,  partaient  du  narthex  et  se  trou- 
vaient sans  doute  continués  par  les  galeries  dont  nous  allons 
parler,  si  du  moins  il  faut  traduire  par  «  portiques  »  le  passage 

1.  Sym.  Mag.,  xi  et  xii,  p.  753.  \ 

2.  Salomon  était  pour  les  Empereurs  byzantins,  bâtisseurs  d'églises,  le 
grand  modèle  qu'ils  voulaient  imiter  et  surpasser.  Justinieii,  déjà,  se  flattait, 
en  contemplant  Sainte-Sophie,  d'avoir  éclipsé  Salomon. 

3.  Vit.  Basil.,  lxxvi,  p.  336. 
fi.  Ibid.,  Lxxxni,  p.  34 1 • 

5.  Vit.  Theoph.,  xlhi,  p.  157. 

6.  Vit.  Basil.,  lxxxvi,  p.  344.  Cerem.,  p.  348.  Cf.  Labarte,  op.  cit.,  p.  aoo. 

7.  Vit.  Basil.,  lxxxv,  p.  344- 


400  BASILE    I 

de  Photiiis  déciivanl  Ion  liée  delà  basilique'.  Du  eôté  noid 
comme  du  côté  sud,  l'édifice  était  flanqué  de  deux  promenoirs 
de  forme  cylindrique,  égaux  entre  eux,  ayant  chacun  une  porte 
qui  donnait  directement  dans  l'édifice.  Le  promenoir  sudabou- 
lissait  sur  une  place  du  palais  siluée  à  Test  de  l'église.  Celte 
pjace  terminait  probablement  les  domaines  impériaux  et 
par  là  devait  passer  sans  doute  renceinte  du  palais.  Au-delà 
se  trouvaieni  des  maisons  privées  appartenant  à  l'aristo- 
cratie byzantine.  L'empereur  acliela  ces  maisons,  fit  niveler  la 
place  et  construisit  le  «  Tafxulov  »  et  F  «  rjlY,rjyo\xz\nv  »  de  son. 
église  2.  Les  deux  promenoirs  d'égale  longueur  formaient  dér-, 
rièie  labside  de  la  basilique  un  long  espace  rectangulaire.  C'est 
là  que  l'empereur  fit  planter  «  un  nouvel  Eden  »,(  un  paradis 
aux  arbres  et  aux  plantes  variés,  à  l'eau  abondante,  le  «  Mésoki- 
pion  ». 

De  l'atrium,  on  pénétiait  dans  l'église  par  le  narihex.  vaste 
vestibule  où,  aux.  grands  jours  de  fêles,  la  cour  recevait  l'empe- 
reur. Lu  escalier  intérieur  pcrmellait  de  monter  sur  la  terrasse 
(Y,A!.ax6v)  formée  par  le.  haut  du  narihex.  Cette  terrasse  était  len 
relation  directe  avec  le  palais.  L'église  elle-même  devait  proba- 
blement avoir  la  forme  d'une  croix  aux  branches  égales  enfer- 
mée dans  un  carré.  Vu  centre  de  la  croix  s'élevait  la  grande  cou- 
pole. Quaire  autres  coupoles  ])lus  petites  entouraient  cette, 
coupole  cenirale.  mais  nous  ignorons  de  quelle  façon  elles, 
étaient  placées  :  aux  extrémités  des  bras  de  la  croix  ou  dans. les: 
carrés  formés  par  les  bras.  Le  fond  de  l'édifice  était,  comme  de 
coutume,  caché  aux  regards  des  fidèles  par  l'iconostase  derrière 
lequel  se  trouvait  le  sanctuaire.  Gélûi-ci  foriiiail  comme  trois 
chapelles  de  forme  absidiale  ayant  chacune  son  autel,  dédié  à 
l'un  des  patrons  de  l'église.  Une  porte  spéciale  pouvait  très  pro- 
bablement conduire  des  nefs  latérales  à  l'intérieur  du  chœur.. 
L'église  ne  paraît  pas  avoir  eu  d'élage  supérieur.  Le  u  gynécée  » 
se  trouvait,  suivant  l'usaoe  d'alors,  du  côté  nord-'. 


2.  Migne,  en,  p.  568.  Le  pa.ssage,  en  elTet,  peut  fort  bien  être  entendu 
dans  un  sens  plus  général.  Les  «  zpjr.ûAa'.a  »  de  Photius  ne  seraient  alors 
que  les  zpoaj.A.a  de  Constantin  dont  nous  avons  parlé. 

3.  Vit.  Basih,^ch.  Lx.?£?f.V;i^  p.  3fi4 

/i.  Labarte,  op.cti.,  croitv -a^  contraire,  ([ue  le.  gynécée  se  trouvait  au 
premier  étage  comme  à  Sainte-Sophie.  Jl  appuie  son  dire  sur  ces  mots  du 
Liiu^e  des  Céréni.,  p.  352  :  <<  eljép/ov'ca'.  èv  tw  sxsttrc.TrpoîTc'j/aoîa),  xàxsîôôvéxCaî- 
vovTSî    tU   Tôv  -rjjs   Tr,v    OâAaTjav   vâoOr./a  ».  Mais  l'argument   ne  paraît  pas 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


/ioi 


Ce  qui  faisait  rincomparable  beauté  de  ce  monument,  c'était 
sa  décoration  tant  intérieure  qu'extérieure.  C'étaitbicn  vraiment, 
comme  le  disait  Constantin  :  «  Une  belle  fiancée  tout  ornée  de 
perles,  d'or  et  d'argent,  de  marbres  aux  mille  couleurs,  de 
mosaïques  et  de  tissus  de  soie,  qui  s'avançait  vers  son  immortel 
Epoux,  le  Christ  »  K  Les  galeries  dont  nous  avons  parlé,  avaient 
leur  plafond  tapissé  de  fresques  «  è;  hjùXor/  ypacpwv  y.y.zr^'^XyXcr^i- 
vo^  TÀ.v  opo'-sriy  »  ^  représentant  les  combats  des  martyrs,  tandis 
que  les  parois  avaient  un  revêtement  de  marbre  blanc  agencé 
avec  tant  d'art  que  la  juxtaposition  des  plaques  et  la  jonction 
des  côtés  étaient  tout  à  fait  dissimulées  et  faisaient  croire  —  chose 
que  Photius  trouve  incomparable  —  à  une  seule  pierre  sillon- 
née de  lignes  droites.  L'intérieur  de  l'église  ne  le  cédait  naturel- 
lement en  rien  à  l'extérieur.  A  l'éblouissante  dorure  des  coupoles 
qu'on  voyait  de  partout  au  dehors,  correspondaient  au  dedans 
dans  ces  mêmes  calottes  l'or  et  la  couleur  des  icônes  en  mosaï- 
que. La  coupole  centrale  était  ornée  d'une  image  du  Christ 
((  Pantocrator  ».  «  On  dirait,  dit  Photius,  que  le  Christ  regarde 
le  monde  et  qu'il  en  médite  l'ordonnance  elle  gouvernement  ». 
Tout  autour  de  cette  mosaïque,  l'artiste  avait  placé  une  foule 
d'anges  ^.  Quant  aux  parois  du  temple,  elles  étaient  revêtues 
d'une  décoration  de  marbres  polychromes,  alternant  soit  avec 
des  placages  d'or  et  d'argent,  soit  avec  des  mosaïques. 
Ces  mosaïques  faisaient  probablement  le  tour  des  parois  de 
l'édifice  à  la  façon  d'une  frise,  car  Photius  dit  qu'elles  rem- 
plissaient le  temple.  Elles  formaient  un  grand  ensemble 
représentant  le  chœur  des  apôtres,  des  martyrs,  des  prophètes 
et  des  patriarches  avec,  sans  doute,  des  inscriptions  tirées  de 
l'Ecriture  et  adaptées  à  la  sainteté  du  lieu  ^  Mais  l'œuvre  admi- 


probant  car  d'une  pari  on  ne  dit  en  nul  endroit  que  les  souverains  soient 
montés  pour  parvenir  à  l'oratoire  et,  de  l'autre,  l'expression  «  £K6a{vovTc<:  » 
semble  la  même  que  la  nôtre  lorsque  nous  disons  :  «  ils  descendirent  du 
sanctuaire  dans  le  narlhex,  en  bas  de  l'église.  » 

I.    VU.  Basil.,  ch.  lxxxih,  p.  34 1. 

a.  Ibid.,  ch.  lxxxvi,  p.  344- 

3.  Photius,  op.  cit.,  p.  672. 

4.  Photius,  ibid.,  dit  que  ces  personnages,  tout  en  se  taisant,  criaient  des 
paroles  bien  connues,  par  exemple  :  «  qu'elles  sont  aimables  les  tentes,  Sei- 
gneur des  puissances.  »  On  a  donc  ici  une  disposition  que  nous  allons 
retrouver  plus  loin  au  Kenourgion.  Les  fresques  ne  commencent  qu'à  une 
certaine  hauteur,  \u-dessous  d'elles,  faisant  soubassement,  des  revêtements 
de  marbres  polychromes. 

26 


4o2  BASILE    I 

rable  par  excellence  était  le  sanctuaire.  Les  colonnes  de  lïconos- 
lase,  comme  rarchitrave  qui  les  unissait,  étaient  d'or  et 
d'argent  rehaussé  de  pierres  précieuses  et  de  perles.  Il  en  allait 
de  même  des  portes,  des  sièges  qui  se  trouvaient  à  l'intérieur  du 
sanctuaire,  des  degrés  placés  devant  eux^  des  tables  qui  servaient 
à  la  préparation  du  sacrifice.  Quant  à  l'autel  surmonté  d'un 
ciborium  à  colonnes  d'argent  doré  il  était  fait  d'une  matière 
plus  précieuse  que  l'or.  Il  était  probablement  enrichi  d'émaux 
et  de  pierres  précieuses.  Comme  nous  l'avons  dit,  il  semble 
que  le  sanctuaire  était  composé  de  trois  absides.  Chacune  était 
vraisemblablement  décorée  de  fresques.  Néanmoins  Photius  ne 
nous  parle  que  de  l'abside  centrale  au  fond  de  laquelle  resplen- 
dissait l'image  de  la  Vierge  «  étendant  sur  nous  ses  mains 
pures  et  donnant  à  l'Empereur  le  salut  et  la  victoire  sur  ses 
ennemis.  » 

De  son  côté,  le  pavement  de  l'église  était  lui  aussi  une  véri- 
table œuvre  d'art,  fait  de  plaques  de  marbres  aux  mille  nuances, 
représentant  des  animaux  et  autres  choses  diverses  enfermés 
dans  des  compartiments  habilement  agencés.  Des  bandes  de 
mosaïques  à  dessins  \ariés  formaient  la  bordure  extérieure 
de  l'ornementation.  En  somme  ce  devait  être  un  travail  assez 
analogue  au  magnifique  pavement  du  Louvre  rapporté  par 
Renan.  C'est  ce  pavement  qui  faisait  dire  à  Constantin  qu'on 
eût  dit  un  tapis  de  soie  ou  un  travail  de  Sidon  ^. 

Enfin,  du  haut  des  voûtes  descendaient  de  nombreux  u  poly- 
kandela  »  d'argent  ciselé  dont  à  certains  jours  et  en  cer- 
taines circonstances  on  ornait  le  palais  impérial.  Ces  lustres 
éblouissants  devaient  admirablement  compléter  l'ornementation 
de  l'église. 

Le  «  Livre  des  Cérémonies  »  -  en  nous  conservant  le  souvenir 
des  fêtes  qui  se  célébraient  chaque  année  au  jour  anniversaire 
de  la  Dédicace  de  la  «  nouvelle  église  »  nous  apprend  qu'il  y 
avait  à  l'intérieur  du  temple  plusieurs  sanctuaires.  L'un  était 
dédié  à  saint  Elie.  L'Empereur,  une  fois  l'an,  y  venait  faire  ses 
dévotions.  Après  avoir  baisé  les  portes  saintes,  il  entrait  dans 
le  sanctuaire,  baisait  l'autel  et  vénérait  la  relique  du  prophète. 
En  sortant,  il  passait  devant  les  autres  u  i3T,|jiàTa  »,  allumait  un 


I.   Vit.  Basil.,  lxxxiii,  p.  3'4i 
a>  Cerem.,  345,  348. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


4o3 


cierge  devant  chacun,  baisait  la  couverture  de  l'autel  et  se 
dirigeait  de  là  par  le  gynécée  jusqu'à  l'image  de  l'empereur 
Basile  auprès  de  laquelle  il  allumait  des  cierges.  Que  faut-il 
conclure  de  là?  Il  est  peu  probable  que  la  nouvelle  basilique 
ait  eu,  comme  en  Occident,  des  chapelles  distinctes.  Cet  usage 
était  tout  à  fait  inconnu  des  Grecs  d'autrefois,  comme  il  Test 
encore  des  Grecs  modernes.  Dans  les  églises,  il  n'y  avait  qu'un 
autel  sur  lequel  on  célébrait  la  messe.  Le  plus  vraisemblable, 
c'est  que  le  sanctuaire  de  la  u  Nea  »  comptait  outre  l'autel  cen- 
tral, plusieurs  autels  secondaires  —  probablement  deux  — 
servant  pour  l'ordinaire  à  la  préparation  liturgique.  Chacun 
était,  sans  doute,  dédié  à  l'un  des  saints  sous  le  vocable  desquels 
se  trouvait  l'église  et  comme  l'autel  de  saint  Elie  possédait  une 
relique  qu'on  vénérait  beaucoup,  le  manteau  du  prophète  Elie, 
une  fête  spéciale  avait  été  instituée  à  ce  sujet  *.  L'empereur, 
ainsi  que  tout  le  peuple,  venait  y  faire  ses  dévotions.  En  par- 
tant, il  passait  devant  le  maître-autel  et  l'autre  table  sainte 
pour  gagner  le  gynécée  et  le  narthex.  Rien  ne  permet  donc 
de  supposer  plusieurs  sanctuaires  indépendants  les  uns  des 
autres. 

Un  autre  temple  construit  par  Basile  dans  l'enceinte  du  grand 
palais  et  dont  Constantin  Porphyrogénète  nous  a  donné  la 
description  -  achève  de  nous  faire  connaître  avec  quelle 
incroyable  richesse  l'empereur  ornait  les  églises  qu'il  construi- 
sait :  l'oratoire  du  Saint-Sauveur.  11  se  trouvait  directement  au- 
dessous  du  grand  palais,  vers  l'est,  près  du  sanctuaire  de 
Saint-Elie  et  de  Saint-Clément.  Comme  à  la  Nea,  l'or,  l'argent, 
les  pierres  précieuses  avaient  été  répandus  à  profusion  dans 
l'édifice.  Le  pavé  tout  entier  était  d'argent  massif  travaillé  au 
marteau.  Les  parois  des  murs,  à  droite  et  à  gauche,  elles  aussi, 
étaient  recouvertes  de  plaques  d'oret  d'argent,  ornées  de  pierres 
précieuses  et  de  perles.  Les  colonnes  de  l'iconostase  étaient 
d'argent  comme  leur  soubassement,  tandis  que  l'architrave 
était  d'or  pur.  L'image  du  Christ  «  Théandrique  »  se  voyait  en 
plusieurs  endroits   exécuté  u  ;jL£Tà  yjaîja-ctoç  »,    c'est-à-dire  en 


1.  On  sait  ([n'aujotird'liui  encore,  sans  doute  par  tradition,  chaque 
année  le  sulta[i  s'en  va  \énérer  au  vieux  Serai  le  manteau  du  prophète.  Seul 
le  nom  a  changé.  Autrefois  c'était  Elie,  aujourd'hui  c'est  Mahomet, 

2.  Vil.  Basil.,  ch.  lxwvh,  p.  3^0. 


4o4  BASILE    I 

émail  ^  ce  qui  convenait  à  merveille  à  une  pareille  œuvre  d'or- 
fèvrerie. 

Enfin  il  semble  bien  que  ce  sont  les  grandes  restaurations 
entreprises  par  Basile  aux  Saints-Apôtres  que  Constantin  le 
Rhodien  a  racontées  dans  son  poème  sur  les  merveilles  de  cette 
église.  Les  Saints-Apôtres,  en  effet,  étaient  un  lieu  particulière- 
ment vénérable  pour  les  Basileis,  puisque  c'était  là  que  la  plupart 
d'entre  eux  dormaient  leur  dernier  sommeil.  Basile  lui-même  y 
devait  être  enterréun  jour  et  ce  fut  là  qu'il  conduisit  la  dépouille 
mortelle  de  sa  femme  et  de  son  fils  Constantin.  Et  cependant, 
cette  église  si  resplendissante  de  beauté  à  l'époque  où  Justinien 
et  Théodora  la  construisirent  était  tombée  dans  le  plus  complet 
délabrement.  La  solidité  laissait  beaucoup  à  désirer  ;  certaines 
parties  étaient  même  détruites  ;  partout  elle  portait  des  traces 
de  la  plus  grande  vétusté  -.  Basile  la  fit  donc  réparer  de  fond  en 
comble.  Il  consolida  les  parties  qui  menaçaient  ruine,  recons- 
truisit celles  qui  avaient  disparu  et  lui  jcndit  tout  son  éclat  pre- 
mier '^  Or,  il  se  trouve  que  la  description  enthousiaste  de 
Constantin  le  Rhodien  est  en  parfait  accord  avec  tout  ce  que 
nous  connaissons  des  habitudes,  du  goût  et  du  style  artistique 
du  règne  de  Basile.  L'église,  comme  la  Nea  et  le  Kenourgion 
dont  nous  allons  parler,  était  tapissée  de  mosaïques.  Elles  pre- 
naient à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du  sol,  l'espace  laissé 
libre  entre  le  pavé  et  les  mosaïques  étant  occupé  par  une  déco- 
ration de  marbres  polychromes,  et  garnissaient  les  cinq  cou- 
poles. Dans  le  dôme  central,  rartisle  avait  représenté  la  figure 
du  Christ  et  autour  de  lui,  la  Vierge  et  les  Apôtres  *.  Dans  les 
coupoles  secondaires  et  sur  les  pendentifs  ^,  d'autres  mosaïques 
à  fond  d'or  resplendissaient  magnifiquement.  Les  murs  enfin 
étaient  ornés  de  tableaux  (fjajjjiaTa)  représentant,  comme  d'usage 
à  cette  époque,  des  sujets  religieux  à  allure  historique.  C'était 
la  vie  terrestre  du  Christ  qui  se  déroulait  sous  les  yeux  du 
spectateur  depuis  l'Annonciation  jusqu'à  la  Passion.  11  y  avait 
sans  doute  dix  à  douze  tableaux  de  ce  genre  ^  groupés  proba- 

1.  Labartc,  op.  cit.,  p.  92. 

2.  Vit.  Basil.,  ch.  l\X\,  p.  387. 

3.  Vit.  Basil.,  ch.  lxxx,  p.  887,  3^o. 

4.  Constantin  le  Rhod.,  v,  789,  p.  58. 

5.  Ibid.,  744,  p.  58. 

6.  Ihid.,  p.  98  et  secj. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN'  400 

blement  d'une  façon  symétrique  de  manière  à  orner  loules   les 
parties  de  l'édifice. 

Mallieureusement.  de  toutes  ces  richesses  artistiques  il  ne 
reste  plus  rien  aujourd'hui  et  Gonstantinople  ne  possède  plus 
une  seule  église  datée  avec  certitude  du  règne  de  Basile.  Pour 
trouver  un  monument  de  l'art  religieux  élevé  à  celle  époque, 
c'est  en  Grèce  qu'il  faut  aller,  à  deux  heures  et  demie  de  Liwadhia, 
au  village  de  Skripù '.  L'église  du  petit  couvent  est,  en  eft'et. 
datée  de  873  à  S-z'j.  \  ce  moment,  sous  l'impulsion  artistique 
donnée  par  la  capitale,  par  suite  de  la  conversion  des  peuples 
encore  païens,  après  les  dévastations  iconoclastiques,  l'empire, 
et  spécialement  la  Grèce,  se  couvrirent  de  monastères  et  d'églises 
qui  devinrent  rapidement  des  centres  de  civilisation.  Cons- 
truites sur  des  hauteurs  abruptes  ou  à  l'entrée  des  gorges,  soli- 
dement fortifiées  pour  résister  aux  attaques  du  dehors,  ces 
((  saintes  maisons  »  furent  dès  leur  fondation  le  lieu  de  rendez- 
vous  des  populations.  C'est  là  qu'on  venait  prier,  se  réfugier 
en  cas  de  danger,  chercher  aide  et  protection.  Aussi,  Basile,  au 
lendemain  de  la  querelle  iconoclastique,  à  l'heure  oii  il  rêvait 
de  grouper  autour  de  son  trône  tout  l'Orient  chrétien  et  d'inau- 
gurer une  grande  politique  religieuse  et  militaire,  avait-il 
intérêt  à  ménager  les  moines,  à  les  favoriser  et  à  travailler  à 
leur  établissement.  De  là  l'origine  de  la  plupart  des  couvents  du 
ix"  siècle  signalés  en  Grèce,  comme  celui  de  Pyrsos.  fondé  en 
Etoile  par  Théophane,  ceux  de  Béotie  fondés  par  Basile  -. 
Actuellement,  du  couvent  de  Skripii  il  ne  reste  que  l'église. 
Cet  édifice  d'assez  modeste  allure  a  cependant  pour  l'archéo- 
logue aussi  bien  que  pour  l'historien  un  grand  intérêt.  Les  trois 
inscriptions  qui  en  décorent  l'intérieur  nous  apprennent  que 
cette  église  fut  construite  entre  878  et  874  par  le  protospathaire 
Léon.  Evidemment  nous  n'avons  pas  de  renseignements  pré- 
cis sur  ce  personnage.  Toutefois,  l'une  des  trois  inscriptions 
publiées  par  M.  Slrzygowski  donne  en  dernière  ligne  une 
curieuse  indication.  Léon  était  un  «  dunatos  »  possesseur  du 
territoire  d'Orchomène.  Or,  ce  Léon^  protospathaire,  assez 
riche  pour  construire  une   grande   église,   maître  de  ce  pays 

1.  Pour  tout  ro  qui  suit,  cf.  Strzygowski.  Inedila  des  Architektur  und 
Plastik  ans  der  Zeii  Basilics  1.  (Byz.  Zeit.,  III,  189^.  pp.  1-16,  avec  les 
planches). 

2.  Strzygowski,  op.  cit.,  p.  3. 


4o6  BASILE    I 

d'Orchomène.  était  peut-être  quelque  parent  de  Daniélis,  en 
tous  cas  un  assez  orand  seigneur. 

[^église  qu'il  construisit  se  ressent  1res  visiblement  des 
influences  anciennes  et  nouvelles  qui  agissaient  sur  l'art  de 
cette  époque.  Comme  toujours,  la  construction  fut  faite  de 
matériaux  pris  à  d'anciennes  constructions.  M.  Strzygowski  a 
compté  au-dessus  de  la  première  frise  extérieure  87  morceaux 
de  colonnes  encastrés  dans  le  mur  et  recouverts  de  maçon- 
nerie. Les  pierres  de  taille  qui  forment  la  première  assise  exté- 
rieure de  l'église  furent  elles  aussi,  de  leur  côté,  prises  à  des 
monuments  plus  anciens.  Le  plan  de  l'église  lui-même  est 
conçu  tout  à  la  fois  d'aj^rès  les  traditions  du  vi''  siècle  et  d'après 
les  modificatiojis  que  les  architectes  du  ix"  siècle  apportaient 
pour  lors  dans  la  construction  des  monuments  religieux.  L'église 
de  Skripù,  en  effet,  a  la  forme  d'une  croix  dite  latine.  Au  centre 
de  la  croix,  à  l'intersection  des  deux  nefs  centrales,  s'élève, 
portée  sur  une  voûte  en  berceau,  l'unique  coupole  de  pierre. 
Celle-ci  est  déjà  construite  sur  le  modèle  de  celles  de  Constan- 
linople.  La  demi-calotte  repose,  à  l'extérieur,  sur  un  lambour 
de  forme  polygonale  comptant  seize  côtés,  lambour  peu 
élevé  et  de  base  assez  large  comme  celui  qui  décore  l'église 
de  Saint- André-in-Crisi,  par  exemple,  et  qui  est  probablement 
son  contemporain.  Vue  de  l'intérieur,  la  coupole  est  ronde. 
D'autre  part.  ici.  comme  dans  les  églises  de  la  ville  construites 
par  Basile,  nous  avons  des  chapelles  latérales  avec  leur  table 
sainte  pour  le  service  de  l'autel.  Tandis  que  la  nef  centrale, 
terminée  par  une  abside,  est  dédiée  à  la  Panaghia  et  à  son 
divin  Fils,  de  chaque  côté  de  la  nef  nous  avons  une  nef  latérale 
plus  étroite  et  plus  basse  que  la  nef  centrale,  terminée  elle  aussi 
par  une  petite  abside.  L'une  est  dédiée  à  l'apôtre  saint  Paul, 
l'autre  à  l'apôtre  saint  Pierre  ^  Au  devant  des  trois  nefs, 
s'ouvre  le  narthexavec  ses  trois  portes,  chacune  correspondant 
à  un  des  u  naoi  ».  Si  maintenant,  de  la  construction  elle-même 
nous  passons  aux  ornements  qu'elle  conserve,  nous  retrouvons 
des  influences  analogues.  Les  frises  qui.  à  l'extérieur  et  à 
l'intérieur,  la  décorent,  ont  gardé  de  l'époque  iconocl astique 
un  caractère  c  laïque   »  assez    déterminé.   Ce  sont  des  bandes 


I.  Chacun  des  deux  «  naoi  »  conserve  encore  aujourd'hui  son  inscription 
dédicatoire. 


KT    l'empire    byzantin  \0'] 

de  briques  bordées  en  haut  et  en  bas  d'une  décoration  de 
perles.  Le  champ  de  la  frise  est  rempli  par  des  dessins  régu- 
liers représentant  des  palmes,  des  feuillages,  des  rubans  entre- 
lacés. La  frise  extérieure  de  l'abside  centrale  porte  dans  des 
rosaces  à  feuillages  assez  grossiers,  alternant  avec  d'autres 
rosaces  à  dessins  géométriques,  des  animaux,  lion  à  tête 
humaine  passant  sur  un  quadrupède  plus  petit,  vautour  cou- 
rant derrière  un  cerf.  Les  frises  intérieures  portent,  de  même, 
des  palmes,  des  oiseaux,  des  raisins.  Aux  angles  des  piliers 
qui  soutiennent  la  coupole,  au  lieu  des  anges  et  des  saints  que 
d'autres  époques  peignent,  il  y  a  ici  des  aigles  aux  ailes 
éployées  K  Les  murs  sont  aujourd'hui  simplement  blanchis. 
Nulle  trace  de  peintures  antérieures.  Il  est  probable,  cependant, 
qu'il  dut  y  en  avoir  car,  à  l'époque  de  Basile,  la  décoration 
intérieure  des  églises  reprit  une  grande  importance.  Nous  avons 
vu  déjà  ce  qu'il  fît  pour  certaines  églises  de  sa  ville  impériale. 
Il  est  très  vraisemblable  que  la  mode  dut  passer  en  province 
et  que  Skripù  posséda  des  mosaïques  représentant  quelques 
sujets  d'allure  tout  à  la  fois  historique  et  dogmatique  comme  les 
aimait  le  premier  Macédonien  et  comme  les  demandait 
l'Eghse  2. 

L'activité  artistique  de  Basile  ne  resta  pas  seulement  confinée 
au  sein  de  l'art  religieux  Elle  s'étendit  à  l'art  profane  et  créa 
les  merveilles  un  peu  lourdes  peut-être,  mais  incontestable- 
ment somptueuses  qu'abritait  le  grand  Palais.  Constantin  VU 
nous  a  raconté  avec  d'abondants  détails  les  constructions  que 
son  grand-père  entreprit  et  qu'il  orna  ensuite  avec  splendeur. 
Par  là  Basile  continuait  l'œuvre  de  ses  prédécesseurs,  particu- 
lièrement de  l'empereur  Théophile,  dont  en  pleine  crise  icono- 
clastique  l'effort  artistique  fut  considérable. 

Le  Palais  impérial  situé  à  l'intérieur  d'une  enceinte  spéciale, 
n'était  pas  une  construction  unique  composée  d'un  corps  de 
bâtiment  central  réservé  au  souverain  et  accompagné  de 
demeures  accessoires  pour  le  service  et  les  gens  de   la  cour. 


1.  Cf.  sur  l'évolution  de  ces  motifs.  Millet,  Art  byzantin,  p.  102,  i53. 

2.  L'Eglise,  en  effet,  demanda  par  le  S''  canon  du  Concile  de  870  que  l'on 
recommençât  à  faire  de  la  peinture  dogmatique.  «  De  même  que  par  les 
paroles  qui  sont  renfermées  dans  le  livre  (Evangile)  tous  obtiennent  le 
salut,  de  môme  par  le  travail  des  images  en  couleur,  tous,  sages  et  illet- 
trés, tirent  profit.  »  (Mansi,  \vi,  161). 


4o8  BASILE    I 

C'était  bien  plutôt  un  ensemble  d'édifices  de  diverses  époques, 
construits  au  fur  et  à  mesure  des  goûts  et  des  besoins  du  jour, 
quelque  chose  comme  un  Kremlin  solidement  fortifié,  vraie 
ville  au  sein  de  la  ville  K  Une  des  plus  magnifiques  demeures 
que  Basile  y  fit  construire  fut  le  Kenourgion-.  Ce  Palais  tou- 
chait au  Chrysotriclinium  ou  salle  du  trône  par  l'abside  méri- 
dionale^. C'était  la  demeure  privée  de  Basile.  Il  comprenait 
plusieurs  salles  dont  deux,  le  salon  et  la  chambre  à  coucher, 
sont  longuement  décrites  par  Constantin.  Le  salon,  grande  et 
merveilleuse  pièce  voûtée,  à  coupoles  *  par  où,  sans  doute,  passait 
la  lumière,  était  orné  de  seize  colonnes.  Huit  étaient  en  marbre 
vert  de  Thessalie,  six  en  onyx.  La  décoration  de  ce  salon, 
telle  que  nous  le  rapporte  Constantin  VII,  est  très  intéressante. 
Les  chapiteaux  des  colonnes  étaient  de  même  style  que  celui 
des  églises.  Comme  à  Skripii,  les  artistes  représentèrent  des 
ceps  de  vigne  au  milieu  desquels  couraient  des  animaux  de 
toutes  espèces.  Seuls,  les  chapiteaux  des  deux  dernières 
colonnes  étaient  ornés  différemment,  de  stries  obliques.  Les 
murs,  la  voûte  et  la  coupole  orientale  étaient  revêtus  de 
mosaïques  représentant  des  sujets  historiques.  Sur  les  murs, 
Basile  trônant  au  milieu  de  ses  généraux  qui  lui  présentent  les 
villes  qu'il  a  prises  ;  sur  la  voûte  les  grands  faits  de  la  vie  du 
prince,  surtout  ses  faits  d'armes.  Une  décoration  du  même 
genre,  à  tendance  nettement  historique  et  didactique,  se  retrou- 
vait dans  la  chambre  à  coucher  de  Basile  séparée  seulement  du 
salon  par  un  petit  vestibule.  Là,  contre  les  murs,  étaient  repré- 
sentés sur  fond  d'or,  Basile  et  Eudocie  en  grands  costumes 
impériaux  ainsi  que  leurs  enfants  eux  aussi  en  costumes  de 
cour.  Princes  et  princesses  tenaient  en  leurs  mains  des  livres 
religieux,  sans  doute  l'Evangile,  pour  indiquer,  nous  dit  Cons- 
tantin, que  si  Basile  u  à  cause  des  vicissitudes  de  sa  vie,  n'a  pu 
s'adonner  de  bonne  heure  aux  lettres,  il  a  voulu  du  moins  que 
sa    progéniture    reçut  la    sagesse  en  partage  ».    Le  pavement 

1.  <(  Gonslantinopolitanum  palatium  non  pulcritudinc  solom,  verum 
etiam  fortitudine  omnibus,  quîc  umquam  perspexerim,  munitionibus 
prseslat,  quod  etiam  iugi  niililum  slipatione  non  minima  observalur.  » 
Liutpr.,  Antap.,  III,  21,  SSa). 

2.  Vit.    Basil.,  lxxmx,  p.  348. 

3.  Labarte,  op.  cit.,  77. 

4.  Il  semble  bien  qu'il  devait  y  avoir  au  moins  deux  coupoles  puisque 
Constantin  parle  de  la  coupole  orientale. 


ET    L  EAIPIRE    BYZANTIN  4o9 

de  cette  chambre  était  particulièrement  remarquable.  \u  milieu 
du  sol  s'étalait  un  paon  magnificjue^  renfermé  dans  un  cercle 
de  marbre  de  Carie.  Des  rayons  du  même  marbre  formaient 
au  dehors  un  second  cercle  plus  grand  d'oii  partaient 
({  quatre  ruisseaux  »  de  marbre  vert  de  Thessalie  s'en  allant 
aux  quatre  angles  de  la  pièce.  Dans  les  compartiments  formés 
par  ces  ruisseaux  se  trouvaient  quatre  aigles  admirables  et 
d'une  imitation  si  parfaite  qu'on  les  eût  dit  vivants  et  prêts  à 
s'envoler.  Les  soubassements  des  murs  représentaient,  en 
mosaïques,  des  fleurs  variées.  Le  plafond,  enfin,  qui  était  de 
forme  carrée  était  probablement  en  bois  tout  lamé  d'or.  Au 
milieu  la  croix  gemmée  en  verre  de  couleur  verte,  entourée 
d'étoiles  et  l'Empereur  au  milieu  de  sa  famille,  dans  la  position 
d'  u  orant  »,  avec  diverses  inscriptions  pieuses. 

Indépendamment  de  ces  constructions  affectées  à  son  usage 
personnel,  Basile  fît  encore,  à  l'intérieur  du  grand  Palais, 
élever  d'autres  édifices  dont  nous  ne  connaissons  pas  l'ordon- 
nance, comme  le  trésor  impérial,  le  garde  meuble,  les  bains 
du  Palais  -  et  un  triclinium  près  des  galeries  de  Marcien,  le  Pen- 
tacoubouklon.  Il  fit  enfin  réparer  la  Chalcé  tombée  en  ruine, 
l'orna  magnifiquement  et  installa  dans  ce  nouveau  palais  le 
tribunal  «  beaucoup  plus  auguste  que  l'Aréopage  et  l'Héliée^  ». 
De  même,  en  dehors  de  la  ville,  il  reconstruisit  et  embellit 
d'autres  demeures  impériales,  à  Mangana,  à  Pigi,  à  Hieria. 
Mais  sur  tous  ces  travaux,  nous  n'avons  d'autre  détail  que  la 
brève  mention  qu'en  fait  Constantin  VIP.  Malgré  ces  lacunes, 
on  le  voit  donc,  l'œuvre  artistique  de  Basile  a  été  immense. 
Prenant  l'art  au  point  où  l'avaient  laissé  les  princes  icono- 
clastes, il  lui  a  donné  une  nouvelle  impulsion.  De  l'époque 
qui  précéda  son  avènement,  il  garda  les  sujets  d'ornementation 
profane  que  cette  époque  avait  créés  pour  remplacer  les  motifs 
purement  religieux,  mais  sous  son  influence,  là  comme  ailleurs, 
la  religion  rentra  triomphante  et  unit  bientôt  son  inspiration 
propre  à  celle  qu'elle  rencontrait.  L'inspiration  profane,  loin  de 
disparaître,  donna  tout  au  contraire  naissance  aux  grands  sujets 
d'histoire  qui  s'en  iront  orner  les  demeures  impériales  et  parti- 

I.  On  sait  que  le  paon  était  le  symbole  de  l'immortalité. 
3.   VU.  Basil.,  ch.  xc,  p.  35 3. 
3.  IhicL,  ch.  XXXI,  p.  376. 
\.   Ibid.,  ch.  xci-xcii,  p,  353. 


/ilO  BASILE    I 

culières  de  l'Empire,  tandis  que  l'inspiration  religieuse,  profi- 
tant de  la  leçon,  reproduira  dans  les  églises  et  dans  les 
monastères,  avec  les  scènes  de  la  vie  du  Christ,  celles  de  la 
Vierge  et  des  saints.  Au  point  de  vue  du  développement  archi- 
tectural, le  règne  de  Basile  est  aussi  une  époque  importante.  De 
plus  en  plus  on  va  abandonner  la  forme  basilicale  avec  son  toit 
de  bois  pour  adopter  Téglise  à  coupoles  qui  restera  dans  l'his- 
toire de  l'art  la  caractéristique  de  l'art  proprement  byzantin. 
Mais  cette  renaissance  artistique  qui  aura  son  plein  développe- 
ment au  x"  siècle  ne  s'est  pas  fait  seulement  sentir  en  archi- 
tecture et  en  peinture.  Elle  a  agi  sur  les  arts  mineurs  dont,  en 
terminant,  il  faut  dire  quelque  chose. 

Un  des  plus  beaux  exemples  de  la  miniature  du  ix"  siècle  est 
le  fameux  manuscrit  de  saint  Grégoire  de  Naziance  auquel  on 
peutajouter  un  manuscrit  du  même  Père  qui  se  trouve  à  Milan, 
un  Psautier  en  onciale  daté  de  862  actuellement  à  Pétersbourg, 
ainsi  qu'un  manuscrit  des  opuscules  ascétiques  de  saint  Basile 
daté  de  880  et  conservé  dans  la  Bibliothèque  du  saint  Synode  à 
Moscou  ^ .  Le  premier  est  orné  de  quarante-six  pages  illustrées 
4ont  quelques-unes,  malheureusement,  sont  aujourd'hui  fort 
endommagées.  Sur  ces  quarante  six  pages,  dix  sont  illustrées  en 
forme  de  tableaux  tenant  toute  la  page.  C'est  tout  d'abord  le 
Christ  triomphant  assis  sur  un  trône  et  «  donnant  sa  paix  «  ; 
c'est  ensuite  Eudocie  avec  Léon  Alexandre.  «  Comme  au 
Kenourgion,  les  jeunes  princes  tenaient  à  la  main  le  rouleau 
des  lettres  saintes-.  »  C'est  Basile  avec  Elie  et  Gabriel.  L'empe- 
reur était,  sans  doute,  peint  suivant  les  méthodes  en  usage  chez 
les  mosaïstes.  Il  porte  une  longue  tunique  de  violet  pourpre  et 
le  manteau  impérial,  le  loron  d'or,  enrichi  de  pierreries  et 
de  perles.  Ses  pieds  sont  chaussés  des  brodequins  rouges, 
signes  de  la  toute  puissance  ^  ;  sa  tête  porte  le  stemma.  La 
parenté  des  compositions  du  Parisinus  et  des  mosaïques  du 
Kenourgion  paraît  donc   ici  comme  assez  probable.    L'auteur 

1.  Parisinus,  5io  ;  Ambrosianus,  49-00  (Porphyre,  31C  ;  Amphil.,  2-3. — 
354  (ccxLi)  Sabas  5  ;  Amphil.,  4-8. )Cf.  Montfaucon,  Paléogr.  grecq.,  viii,  aôo  ; 
Labarte,  Histoire  des  Arts  industriels  au  Moyen-Age,  m,  35  et  scq.  Omont, 
Fac-similés  des  miniatures  des  plus  anciens  manuscrits  grecs  de  la  Biblioth. 
nationale  ;  Tikkanen,  Die  Psalter  Illustration  ini  Miltelalter. 

2.  Millcl,  op.  cit.,  p.  240. 

3.  L'héritier  présomptif  avait  le  droit  de  porter  une  bottine  rouge  et 
l'autre  noire  (Ibn  Hordadbeh,  p.  81). 


ET    L  EMPARE    BYZANTIN  4ÎI 

s'est  sans  doute  inspiré  de  ces  peintures  fameuses  pour  com- 
poser ses  portraits.  — Indépendamment  des  tableaux  en  pleine 
|)age,  le  Parisiims  porte  au  début  de  cliaque  sermon,  avant  le 
lexle.  une  miniature  qui  se  déroule  en  plusieurs  compartiments, 
formant  ainsi  ii8  compositions  1res  diverses.  Les  sujets  ont 
toujours  quelque  attache  plus  ou  moins  saisissable  avec  le 
texte  publié  et  là  aussi,  comme  dans  les  mosaïques,  les  nou- 
velles tendances  artistiques  sont  parfois  très  nettement 
marquées  ^.  Le  miniaturiste  a  voulu  peindre  en  historien  les 
scènes  qu'il  illustre  :  historien  de  la  vie  de  S'  Grégoire,  histo- 
rien des  faits  les  plus  saillants  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament.  Certaines  de  ces  miniatures,  comme  la  Tiansfigura- 
tionetla  Pentecôte,  semblent,  au  dire  de  M.  Millel  -,  coj)iées  sur 
des  mosaïques  ou  des  icônes  et  corroborent  par  là  l'idée  qu'on 
peut  se  faire  de  la  peinture  au  ix^  siècle. 

■  En  tous  cas,  une  chose  est  iiors  de  doute  :  c'est  la  merveil- 
leuse venue  de  quelques-uns  de  ces  grands  tableaux.  Si  les 
j)ortrails  du  début  sont  trop  effacés  pour  que  nous  puissions 
juger  convenablement  de  l'expression  que  l'auteur  avait  su 
leur  donner,  du  moins  telle  page  comme  la  Transfiguration, 
ou  le  tableau  de  Moïse  frappant  de  sa  verge  le  rocher  sont  d'un 
grand  effet.  Nous  sommes  loin  ici  des  traditionnelles  attitudes 
hiératiques  tant  reprochées  aux  Byzantins.  Par  la  noblesse, 
l'élégance,  le  naturel  de  certains  maintiens,  par  la  beauté  et  la 
vivacité  des  couleurs  —  tel  un  guerrier  portant  superbement 
son  manteau  rouge  flottant  au  vent  —  nous  sommes  obligés 
d'admettre,  ou  que  l'artiste  a  copié  avec  le  plus  grand  talent 
une  œuvre  antérieure  appartenant  à  une  époque  plus  classique, 
—  ce  qui  serait  peu  probable  —  ou  que  les  traditions  du 
grand  art  sans  cesse  vivifiées  au  contact  de  la  nature  n'étaient 
point  complètement  perdues  à  la  fin  du  ix^  siècle. 

Au  point  de  vue  du  «  métier  »  ce  manuscrit  a,  en  outre,  un 
très  grand   intérêt,    car  nous   saisissons  sur  le  vif,   grâce   aux 


1.  Il  faut,  dans  réliidc  do  ce  manuscrit,  bien  distinguer  les  artistes  qui 
ont  travaillé  à  Tenluininure.  L'un,  le  plus  habile,  un  véritable  artiste, 
s'inspire  visiblement  de  modèles  antérieurs,  nous  Talions  voir  ;  l'autre  ou 
les  autres  ont  moins  de  science,  de  finesse  et  de  talent,  mais  paraissent 
plus  attentifs  à  copier  ce  qu'ils  voient  autour  d'eux  :  costumes,  meu- 
bles, etc. 

'}..  Millel.  op.  cil.,  p.  a^ii. 


ai  2  BASILE    I 

dégradations  actuelles  des  images,  la  façon  de  travailler  des 
miniaturistes  byzantins.  L'artisie  qui  peignit  le  S'  Grégoire 
avait,  en  efîel,  commencé  par  coller  sur  le  parchemin  une 
feuille  d'or  et  sur  cette  feuille  qui  devenait  ainsi  le  fond  de  son 
tableau,  il  avait  d'abord  dessiné  corps  el  figures  à  la  plume, 
puis  les  avait  ensuite  peints  à  la  gouache.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  le  corps  du  Christ  dans  la  scène  de  la  crucifixion 
fut  dessiné,  au  pinceau,  avec  une  couleur  brun  rouge  très 
légère  avant  d'être  revêtu  de  sa  hinique  violette.  Enfin,  chose 
intéressante,  l'inspiration  de  certaines  pages  semble  nettement 
avoir  ses  origines  dans  l'art  syriaque  du  vi*"  siècle.  On  sait  qu'il 
existe  actuellement  une  grave  question  :  celle  de  savoir  si  tout 
l'art  byzantin  ne  dérive  pas  de  l'art  oriental.  M.  Strzygowski 
s'est  fait  dernièrement  encore,  à  propos  du  Psautier  serbe  de 
Munich,  l'ardent  défenseur  de  c<"tte  théorie  ^  Sans  entrer  dans 
la  discussion  de  cette  difficile  question,  on  peut  remarquer, 
néanmoins,  qu'au  ix""  siècle,  l'artiste  qui  peigjiit  le  Parisinus 
5io  s'inspire  visiblement  de  cette  tradition.  La  crucifixion 
semble,  en  effet,  une  réplique,  à  quelques  détails  près,  de  la 
crucifixion  du  manuscrit  cyriaque  du  vi^  siècle  conservé 
actuellement  à  la  Laurentienne  à  Florence.  Dans  lune  et 
l'autre  œuvre,  le  Christ  est  vêtu  d'une  longue  tunique  violette 
qui  lui  descend  jusqu'au  milieu  des  jambes  :  les  bras  sont  dans 
la  même  position  horizontale  et  Longin  porte  le  même  vêtement 
rouge.  Seuls  certains  détails  ont  changé.  Les  pieds  du  Christ, 
par  exemple,  reposent,  dans  le  Parisinus,  sur  une  tablette,  tandis 
que  dans  le  manuscrit  syriaque,  ils  pendent  sans  appui,  cloués 
directement  sur  le  bois  de  la  croix.  La  Vierge  et  S*  Jean  sont, 
de  même,  dans  une  position  légèrement  différente  :  ils  se 
trouvent  de  chaque  côté  de  la  croix.  Ces  détails  étaient,  ce 
semble,  curieux  à  noter.  Ils  montrent  bien,  je  crois,  les  ressem- 
blances fondamentales  qui  existent  entre  la  conception  des  deux 
œuvres  et  les  modifications  que  les  habitudes  et  les  traditions 
iconographiques  apportèrent  en  l'espace  de  trois  siècles-. 

De  la  tendance  que  nous  avons  signalée,  de  faire  de  la  pein- 
ture  d'histoire,   tendance  qui  a,    sans  nul  doute,  son    origine 

i.  Strzygowski,  Die  Miniature  n  des  serbisclien  Psalter  s;  cf.  Diehl.  L'illus- 
tration du  Psautier  dans  l'Art  byzantin,  écrit  à  ce  sujet. 

2.  Labartc,  Hist.  des  Arts  industr.,  m.  87  et  seq.  Albuin,  Jl,  L\\\, 
LXXXL 


ET  l'empire  bvzvntix  4i3 

dans  les  prohibitions  et  les  essais  de  l'art  iconoclaslique,  nous 
avons,    en    miniatures,    d'autres    exemples   parvenus  jusqu'à 
nous.  Le  manuscrit  de  Paris  928  du  ix"  siècle  qui  est  un  recueil 
de   morceaux  choisis  et  de    parallèles   des   Pères  de  l'Eglise, 
reproduit,  à  côté  de  sujets  religieux,  des  scènes  de  genre,  comme 
le  travail  du  médecin  ou  du  peintre,  des  exercices  athlétiques, 
etc.  Mais  l'exemple  le  plus  curieux  est  assurément  le  Psautier 
dit  Chludov   conservé    aujourd'hui  à  Moscou*  et  sur   lequel, 
l'auteur,   avec  un  pinceau  très  alerte,  une  verve  parfois  très 
comique,  a  esquissé  «  sans  fond,  ni  sol  »  au  hasard  d'un  espace 
blanc,    de    caractéristiques    silhouettes,    pleines    de   vie  et  de 
mouvement    qui    rappellent,    à    côté    de    scènes    religieuses, 
quelques  faits  d'histoire  contemporaine  :  le  pseudo-Concile  de 
810  ;  Léon  l'Arménien  faisant  couvrir  de  chaux  une  image  du 
Christ;  le  patriarche  iNicéphore  triomphant  qui  foule  du  pied 
le  chef  des  Iconoclastes  ;  le  faux  patriarche  Jean,  etc-.  Dans  ce 
Psautier  d'aspect   et   de    but   tout   religieux,    les   haines,   les 
idées,    les    partis    d'un   jour    s'entrechoquent    et   combattent 
comme  en  pleine  vie  et  en  pleine  réalité.  Or,  cet  exemple  si 
curieux  n'est  pas  unique.  Nicétas  nous  raconte,  en  effet,  dans 
son  panégyrique  de  S'  Ignace  qu'on  trouva  chez  Photius,  après 
sa  déposition,  des  livres  admirablement  reliés  en  soie  avec  des 
ornements  d'or  et  d'argent.  Ecrits  en  superbes  lettres,  ces  livres 
relataient  les  sept  sessions  apocryphes  du  Concile  qui  condamna 
Ignace.  L'œuvre  était  de  la  main  du  fameux  Grégoire  Asbestas 
de  Syracuse,  et  devait  être,   sans  doute,   exécutée  comme   les 
miniatures  du  Psautier  Chludov.  Asbestas  avait  représenté,  en 
couleur,  le  patriarche  Ignace  sous  divers  aspects.  A  la  première 
session  répondait  une  miniature  figurant  le  patriarche  pris  et 
frappé  de  verges.  Au-dessus,  le  peintre  avait  écrit  «  6  O'.àêoAo;  » 
le  diable.    A  la  seconde  session,   on   voyait  Ignace  couvert  de 
crachats    et   tiré    violemment,    avec   cette   sentence  :  «  Com- 
mencement du  péché.  »  A  la  troisième,  Ignace  était  jeté  à  bas 
de  son  trône,    avec    cette   mention  :    «   Fils    de  perdition  »  et 
airtsi  pour  chaque  session -l  Là  donc,  comme  au  Psautier  pré- 

1.  Le  Psautier  Chludov  est  reproduit  intégralement  dans  la  collection 
des  Hautes  Etudes. 

2.  Bayet,  Art  byzantin,  p.  ii3- 

3.  Vit.  Ign.,  p.  54o-54i.  De  ce  genre  historique   et  humoristique  on  peut 
rapprocher  les  amusantes  illustrations  du  manuscrit  de  Skylitzès  conservé 


UI!\  BASILE    I 

cèdent,  nous  avons  une  œuvre  d'histoire  contemporaine, 
traitée  par  un  homme  de  parti  qui  dut,  sans  doute,  unir  le  ridi- 
cule à  la  haine  et  composer  ainsi  quelque  chose  de  très  vivant 
et  de  très  personnel,  qualités  que  les  peintres  des  âges  suivants 
oublièrent  trop  vite. 

Toutes  ces  miniatures  u  par  les  formes  pleines,  les  carna- 
tions riches,  les  larges  têtes  aux  yeux  bien  fendus,  au  nez 
droit,  sans  recherche  du  caractère  »  trahissent  souvent,  comme 
nous  Favons  remarqué  déjà,  rinfluence  de  plus  anciens 
modèles*.  C'est  que  la  Renaissance  du  ix*"  siècle,  dans  les 
meilleurs  morceaux  parvenus  jusqu'à  nous,  semble,  par 
certains  côtés,  s'être  déjà  retrempée,  par  delà  le  vi*"  siècle, 
aux  sources  de  l'art  antique,  tout  comme  le  fera  chez  nous, 
plus  tard,  la  Renaissance  du  xv*^  siècle.  A  Thèbes,  par  exemple, 
nous  avons,  sculptés  sur  le  marbre,  des  motifs  antiques  bien 
connus,  comme  les  deux  colombes  buvant  dans  une  coupe  ;  à 
Skripù,  ce  sont  des  paons  accostés  près  d'un  vase  d'où  sort 
une  tige,  motif  que  connaît  l'art  chrétien  des  catacombes-.  Cette 
analogie,  nous  la  retrouvons  aussi,  dans  les  miniatures. 
Le  Parisinus  5io,  traite  par  exemple,  le  motif  de  la  multipli- 
cation des  pains  comme  le  firent  les  peintres  des  catacombes 
d'Alexandrie^.  Bien  plus,  dans  le  S'  Grégoire  de  Naziance  de 
l'Ambrosienne,  à  côté  de  scènes  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Testament,  à  côté  de  scènes  tirées  de  l'histoire  de  l'Eglise,  nous 
avons  des  illustrations  de  la  mythologie  et  de  la  poétique 
païenne*,  qui,  en  vérité,  se  rapportent  au  texte  même,  mais 
laissent  deviner  jusque  dans  leurs  transformations,  la  connais- 
sance des  modèles  anciens.  Enfin,  cette  influence  de  l'anti- 
quité, nous  pouvons  la  saisir  maintes  fois  dans  l'ordonnance 
des  scènes,  dans  certains  types,  dans  l'attitude  des  person- 
nages, dans  les  costumes,  souvent  plus  romains  que  byzan- 
tins, dans  les  encadrements  enfin  de  certaines  peintures  du 
Parisinus  comme  celle  qui  illustre,  par  exemple,  le  cha- 
pitre xxxvn  d'Ezéchiel 


à  Madrid  et   dont  la  Collection   des  Haules-Etudes  possède  des  reproduc- 
tions. (Cf.  Beylié,  l'Habitation  byzantine). 

I.  Millet,  op.  cit.,  242-243. 

3.  Strzygowski,  op.  cit.,  planche  111. 

3.  Millet,  op.  cit.,  243. 

4.  Ibid.,  343. 


ET  l'empire  BYZAMI>  ^|  1 5 

Les  arts  graphiques  ne  furent  pas  la  seule  spécialité  des 
artistes  byzantins.  Si  la  peinture  et  la  miniature  eurent  un 
assez  grand  succès  à  Gonstantinople  parce  que,  sans  doute, 
elles  furent  des  arts  volontiers  cultivés  dans  les  cloîtres,  nous 
savons  assez,  par  les  richesses  de  la  cour  impériale,  que  Torfè- 
vrerie.  la  sculpture,  le  tissage  eurent  aussi  un  grand  dévelop- 
pement. Les  ateliers  de  Gonstantinople.  de  Corinthe  et  d'ail- 
leurs dont  nous  avons  parlé,  fabriquaient,  au  ix^  siècle,  les 
«  vêla  »  des  grandes  réceptions,  les  tapisseries  historiées  avec 
leurs  lions  affrontés  ou  fantastiques  imités  peut-être  de  la  Perse 
et  de  l'art  arabe,  leurs  oiseaux  stylisés,  leurs  grands  sujets 
représentant  des  chasses  ou  des  courses  *,  les  parements 
d'église  comme  ceux  qui  furent  envoyés  à  Rome  par  Michel  III, 
comme  ceux  qui  servaient  à  S^'-Sophie  et  au  Palais.  La  des- 
cription des  riches  présents  offerts  à  Nicolas  I  nous  montre 
bien,  en  effet,  quel  art  toujours  un  peu  chargé,  mais  singu- 
lièrement riche,  possédait  alors  Gonstantinople.  Il  y  avait, 
entre  autres  choses,  un  tapis  d'autel  orné  de  bandes  d'or  et 
de  pierres  précieuses  «  d'une  grandeur  et  d'une  beauté  merveil- 
leuse, »  dont  les  broderies  racontaient  l'histoire  du  Sauveur 
et  représentaient  les  apôtres  Pierre  et  Paul  et  autres,  ainsi  que 
des  plantes  et  des  roses  2. 

L'orfèvrerie,  de  même,  était  artistiquement  travaillée  à 
Byzance.  Au  Palais  impérial,  tout  était  d'or  :  la  table  sur 
laquelle  l'Empereur  prenait  ses  repas,  le  siège  sur  lequel  il 
s'asseyait,  la  vaisselle  dans  laquelle  il  mangeait  3.  On  a 
souvent  raconté,  à  la  suite  de  Liutprand,  les  merveilles  d'art 
que  décrit  dans  1'  «  Antapodosis  »  l'évêque  de  Grémone.  Il 
alla  à  la  cour  byzantine,  en  effet,  à  une  époque  particulière- 
ment brillante,  alors  que  sur  le  trône  était  assis  un  artiste 
habile,  Gonstantin  VII  ;  mais  le  récit  de  Liutprand  ne  doit  pas 
faire  oublier  que  ce  luxe  inouï  était  déjà  connu  au  siècle  précé- 
dent*. Au  «  velamen  »  qu'il  envoyait  au  Pape,  Michel  III  ajouta 

1.  Millet,  op.  cit.,  206. 

2.  Cf.  Héfelé-Delarc,  V,  446,  note  i.  On  sait  que  M.  Lauer  a  découvert  au 
Sancta  Sanctorum  du  Latran,  parmi  divers  objets  dont  quelques-uns 
remontent  probablement  au  ix"  siècle,  une  soie  représentant  sur  fond 
pourpre  une  scène  de  la  Nativité  (Lauer,  Monuments  et  Mémoires  de  la  fon- 
dation Piot,  XV,  fasc.  I  et  2). 

3.  Cercm.  passim.  Cf.  par  exemple,  809. 

4.  M.  Molinier,   dans    son   ou^ragc  sur   l'Histoire  des  Arts  appliqués  à 


4l6  BASILE    I 

des  objets  d'orfcA  rerie  :  une  patène  en  or,  enrichie  de  brillants, 
d'énieraudes,  d'hyacinthes,  avec  le  calice,  lui  aussi,  en  or  et 
entouré  de  pierres  précieuses  et  portant  des  hyacinthes  atta- 
chées à  des  fils  d'or  ;  deux  éventails  (pi-izloioL)  en  forme  de  queues 
de  paons  et  ornés,  pour  imiter  les  yeux,  de  diamants  et 
d'hyacinthes.  Et  ces  cadeaux  n'étaient  pas  rares.  Lorsque 
S'  Théodore  d'Edesse  alla  à  Gonstantinople,  sous  le  règne  de 
ïhéodora  et  de  Michel,  l'Empereur,  à  son  départ,  lui  remit  une 
boîte  en  or,  garnie  de  pierres  précieuses  et  de  perles,  avec  une 
clef  en  or  ^  Sainte-Sophie,  elle  aussi,  reçut  de  Michel  III  de 
somptueux  cadeaux.  N'est-ce  pas  lui  qui  offrit  un  jour,  à  la 
vénérable  église,  un  calice  et  une  patène  d'une  beauté,  d'une 
élégance  et  d'une  richesse  incomparables  ainsi  qu'un  polykan- 
delon  d'or 2  ?  De  même,  eniîn,  à  la  mort  de  Michel  III,  quand 
Basile  fit  ouvrir  le  trésor,  il  trouva  les  restes  d'œuvres  d'art 
admirables  que  l'Empereur  a\ait  fait  fondre  :  un  platane  d'or, 
deux  griffons  et  deux  lions  d'or,  travaillés  au  marteau,  un 
orgue  en  or,  de  la  vaisselle  plate  ^.  On  connaît,  par  ailleurs, 
les  fameux  lustres  d'argent  qui  servaient,  tour  à  tour,  aux 
cérémonies  religieuses  de  la  Nea  et  aux  fêtes  profanes  du  Palais, 
comme  le  célèbre  pavement  de  S*-Paul  en  mosaïques  de 
marbres  aux  compartiments  bordés  d'argent. 

De  son  côté  la  joaillerie  était  très  en  honneur.  On  faisait 
grand  usage  de  bagues,  de  bracelets,  de  médailles  de  dévotion 
chez  les  Byzantins  de  toutes  les  époques  et  pour  le  ix^  siècle 
quelques  spécimens  sont  arrivés  jusqu'à  nous.  M.  Schlumberger 
croit  même  posséder  une  fort  belle  bague  ayant  appartenu  à 
Basile,  bague  en  or,  enchâssant  une  pâte  verte  sur  laquelle  est 
gravée  la  tête  de  face  du  Christ  crucigère.  Les  deux  monogrammes 

bien  connus  formant  les  mots  KYRIE  BOH0EI sont  gravés 

sur  l'anneau,  entourés  de  rinceaux  tînement  travaillés.  Ce  bijou 
serait,  par  l'inscription  qui  entoure  la  tête  du  Christ,  de  l'époque 
où  Basile  était  parakimomène.  Deux  autres  bagues  de  la  coUec- 


V industrie,  t.  IV,  p.  45,  nie  la  réalité  de  tout  ce  luxe  et  spécialement  l'exis- 
tence des  fameux  lions  d'or.  Cependant  tous  ces  objets,  pour  pouvoir  être 
monnayés,  devaient  forcement  être  d'un  autre  métal  que  de  bronze  et 
d'une  autre  matière  que  de  bois  doré. 

1.  Vit.  S.  Theod.  Edess.,  lxxxv,  p.  89. 

2.  Vit.  Mich.,  xLiv,  \LV,  p.  225. 

3.  Vit.  Basil,  xxix,  p.  372  ;  Sym.  Mag.  Vit.  Midi,  et  Theod.,  xv,  p.  721. 


ET    l'empire    byzantin  /j  I  7 


tion  Schlumberger  et  publiées  par  ce  savant  ^  nous  peuvent 
donner  une  assez  bonne  idée  de  ce  genre  de  travail  byzantin.  Le 
trésor  de  Saint-Marc  à  Venise,  enfin,  possède  une  couronne  d'or 
votive  qui  selon  toute  probabilité  fut  commandée  par  Léon  VL 
Cette  couronne,  formée  d'un  bandeau  circulaire  orné  de  deux 
rangées  de  perles,  porte  quatorze  médaillons  représentant  des 
bustes  de  saints,  en  émail  cloisonné.  L'un  de  ces  médaillons  est 
le  portrait  de  Léon  VI  ^.  Elle  est  surmontée  de  paons.  C'est  que 
vers  cette  époque,  à  la  joaillerie  s'unit,  avec  éclat,  l'art  de  faire 
les  émaux  (£pYayjijL£jTi.xà).  Déjà  au  vr  siècle,  Justinien  employa 
rémail  uni  à  l'or  pour  l'autel  de  Sainte-Sophie  et  aujourd'hui 
encore,  nous  avons  à  Saint-Ambroise  de  Milan  un  bel  exemple 
de  l'art  du  ix°  siècle  commençant  ;  mais  ce  fut  surtout  entre 
85o  et  l'an  looo  que  l'émaillerie  eut  son  plus  brillant  apogée  ^. 
Basile  en  fît  grand  usage.  A  l'oratoire  du  prophète  Elie,  il 
donna  une  image  en  émail  du  Sauveur.  A  la  Nea  il  orna  l'archi- 
trave d'or  d'émaux  représentant  des  sujets  religieux  *. 

Un  des  luxes  les  plus  répandus  à  Byzance  était  celui  des 
objets  en  ivoire.  On  se  servait  de  l'ivoire  pour  confectionner  ces 
coffrets  et  ces  boîtes  conservés  en  si  grand  nombre  dans  nos 
musées  d'Europe  ;  on  s'en  servait  comme  reliures  de  livres, 
comme  plaques  patriciennes,  probablement  aussi  comme  meu- 
bles. Malheureusement,  très  peu  nombreux  sont  les  objets  datés 
avec  certitude  de  la  fin  du  ix"  siècle  qui  sont  parvenus  jusqu'à 
nous.  Un  des  plus  sûrs  monuments  de  cette  époque  est  l'ivoire 
publié  par  M.  Schlumberger  ^  et  qui  représente  le  couronne- 
ment de  Léon  VI.  D'un  côté  se  trouve  l'empereur  recevant  de 
la  Vierge,  assistée  de  l'archange  Gabriel,  la  couronne  inçipé- 
riale.  De  l'autre  côté  se  trouve  le  Christ  bénissant,  entouré  des 
apôtres  Pierre  et  Paul.  Ce  travail  encore  dur,  avec  ses  person- 
nages secs,  mais  expressifs,  revêtus  d'habits  sculptés  à  grands 
traits,  sans  beaucoup  de  finesse  et  de  recherche,  nous  fait 
assister  aux  efforts  tentés  vers  la  fin  du  ix^  siècle  pour  rendre  à 


1.  Schlumberger,  Mélanges  cVarchéol.  byz.,  p.  89,  4o,  42  et  68. 

2.  Labarte,  Histoire  des  arts  industriels,  II,    79  et  80.  Molinier,  op.  cit., 
IV,  42. 

3.  Schulz,   Der  byzant.   Zellenschmelz  ;  Millet,    op.  cit.,    276;  Bock,    Die 
byzant.  Zellenschmelze  der  Sammlimy  Alex.  v.  Sweniyorodsko. 

4.  Millet,  op.  cit.,  275. 

5.  Schlumberger,  Mélanges  d'archéol.  byz.,  p.  m. 

27 


^Jl8  BASILE    I 

Tivoirerie  comme  aux  autres  arts  leur  éclat  d'autrefois.  \  com- 
parer cet  ivoire  avec  celui  du  Louvre  publié  lui  aussi  par 
M.  Schlumberger^  et  qui  date  de  la  seconde  moitié  du  x^  siècle, 
on  s'aperçoit  aisément  du  progrès  accompli.  Avec  une  technique 
et  une  composition  en  réalité  identiques,  mais  singulièrement 
plus  tiabiles,  les  deux  artistes,  à  cent  ans  de  distance,  ont  créé 
deux  œuvres  dont  l'une  est  le  brillant  couronnement  de  l'autre  -. 
—  Nous  possédons,  en  outre,  trois  plaques  d'ivoire  qui  paraissent 
ap])artenirà  cette  époque  et  qui  représentent  les  bustes  du  Christ, 
l'ange  de  saint  Mathieu  et  l'aigle  de  saint  Jean,  d'un  travail 
assez  analogue  mais  qui  semble  plus  fini,  plus  délicat  déjà  que 
l'ivoire  dcM.  Schlumberger.  Un  encadrement  de  feuillage  du  plus 
joli  effet  complète  la  sculpture  ^.  Enfin  deux  couvertures  de  livres 
sont  généralement  attribuées  à  l'art  byzantin  du  ix**  siècle.  L'une 
de  ces  plaques  d'ivoire  appartient  à  la  Bibliothèque  nationale  ^. 
Elle  porte  en  son  milieu  un  Chiist  en  pied,  bénissant  de  la  main 
droite,  tenant  l'évangile  de  la  gauche.  Un  joli  portique,  com- 
posé de  deux  colonnettes  cannelées, encadre  le  Christ.  De  chaque 
côté  de  l'arcade  reliant  les  deux  colonnettes  se  trouve  un  paon, 
le  tout  du  plus  gracieux  efFet.  Là  aussi,  du  reste,  comme  dans 
l'ivoire  de  M.  Schlumberger,  il  y  a  encore  beaucoup  de  dureté.  Les 
plis  de  la  robe  sont  droits,  sans  grâce  et  sans  flexibilité.  Pieds  et 
mains  sont  grossièrement  traitas  ;  mais  l'ensemble  de  l'œuvre 
dénote  un  véritable  effort.  La  sculpture  qui  recouvre  le  sacra- 
mentaire  de  la  cathédrale  de  Monza  ^,  elle,  ne  reproduit  aucun 
sujet.  Ce  sont  des  entrelacs  entourant  une  croix  qui  se  trouve 
au  centre  de  la  plaque  d'ivoire,  sur  l'un  des  deux  ais;  des  enrou- 
lements finement  travaillés  au  milieu  desquels  se  jouent  des 
animaux,  sur  l'autre  ais.  A  comparer  ces  sculptures  avec  celles 
de  Skripù.  on  voit  de  suite  la  ressemblance.  Les  motifs  sont  les 
mêmes,  l'inspiration  est  identique.  A  ces  différents  exemples, 
nous  pouvons  ajouter  une  plaque  d'ivoire  conservée  aujourd'hui 
au  musée   civique  de  Bologne.  Cette  plaque  devait  sans  doute 

I.  Sclilu  m  berger.  Mélanges  d'archéol.  byz.,  p.  71-7^. 

'i.  Cependant,  il  pourrait  se  faire,  comme  le  remarque  M.  Alolinier,  que 
te  travail  n'ait  pas  été  exécuté  à  Constantinople,  mais  bien  en  province 
par  un  artiste  obscur  et  moins  habile  que  ceux  qui  travaillaient  dans  la 
capitale. 

3.  Mol i nier,  op.  cit.,  1,  8(3. 

\.  Labarte,  Alham,  I,  pi.  VII. 

5.  Ibid.,  pi.  Mil. 


ET    l'eMPIHE    byzantin  f^l^ 

servir  à  ornemenlcr  une  petite  boîte  de  bois.  Ce  dessin  est 
d'ordre  religieux.  11  représente  Moïse  revêtant  Aaron  et  ses  fils 
de  l'habit  sacerdotal  —  c'est  du  moins  ee  que  nous  dit  l'ins- 
cription. —  Là  comme  dans  les  autres  exemples  de  l'art  du 
ix*"  siècle  que  nous  avons  signalés  nous  trouvons  unis  à  une 
certaine  gaucherie  de  composition  toute  de  symétrie  quelques- 
unes  des  qualités  artistiques  qui  distingueront  l'époque  sui- 
vante. Le  centre  de  la  plaque  est  occupé  par  un  des  fils 
d'  Varon  auquel  Mo'ïse  remet  le  manteau.  Le  geste  de  ce  dernier 
accrochant  le  vêlement  est  déjà  plein  de  naturel  comme  l'ex- 
pression de  celui  qui  le  reçoit  est  pleine  de  vie  et  de  mouve- 
ment *. 

Quant  aux  coffrets  deux  spécimens  qui  paraissent  bien  appar- 
tenir au  ix'^  siècle  sont  arrivés  jusqu'à  nous.  L'un  se  trouve  au 
musée  du  Louvre.  Il  représente  sur  sa  face  antérieure,  au  dire 
de  Labarlhe.  Hérode  en  présence  des  rois  mages.  Le  bas-relief 
du  côté  gauche  est  plus  clair.  C'est  l'Annonciation.  Au  côté 
droit,  la  Visitation.  La  face  postérieure  nous  retrace  deux  scènes  : 
la  Nativité  et  la  Présentation.  Tous  ces  sujets  sont  traités  avec 
aisance.  Les  personnages  ont  de  l'expression,  une  attitude  sou- 
vent vraie.  Le  feuillage  qui  encadre  ces  scènes  a  beaucoup 
d'analogie  avec  celui  qui  entoure  l'ange  de  saint  Mathieu.  On 
sent,  à  n^en  pas  douter,  une  main  qui  travaille  d'après  des 
motifs  souvent  reproduits  et  qu'elle  a  Fhabitude  de  traiter  -. 

L'autre  coffret,  beaucoup  plus  intéressant,  appartient  à  la  col- 
lection kircher  à  Rome,  et  est  attribué  par  Graeven  à  la  fin  du 
ix*"  siècle  et  par  M.  Schlumberger,  qui  le  premier  l'a  décrit,  au 
ix*"  ou  x*^  siècle.  Les  parois  de  ce  coffret,  présent  de  mariage  fait 
à  une  basilissa.  sont  divisées  en  deux  séries  longitudinales.  Sauf 
deux  exceptions,  les  sujets  se  rapportent  tous  à  l'histoire  de 
David,  de  son  enfance  à  sa  mort.  Les  quatre  arêtes  du  coffret 
sont  décorés  de  rinceaux,  d'arabesques  et  de  fruits.  Le  som- 
met du  couvercle,  formé  d'un  petit  panneau  long,  représenteen 
son  centre  le  Christ  bénissant  le  couple  impérial  en  grands 
habits  de  cérémonies.  Au-dessous,  dans  un  petit  compartiment, 
deux  personnages  en  prière,  sans  doute  l'Empereur  et  son 
épouse. 


.').  (Iracven,  II,  photogr.  i. 
(j.  Labarthc,  Album,  pi.  i\. 


/i20  BASILE    I 

Ce  coffret  est  très  curieux.  L'art  est  le  même  que  celui  des 
autres  plaques  dïvoire.  S'il  y  a,  comme  le  remarque  M.  Schlum- 
berger.  beaucoup  de  vie  et  de  relief  dans  les  scènes,  les  person- 
nages restent  courts  et  trapus,  les  diverses  scènes  sont  encore 
souvent  gauchement  composées  quoique  singulièrement  vives 
et  variées  ;  mais  déjà  on  saisit  le  progrès  constant  et,  ce  qui 
parait  plus  intéressant,  des  procédés  pris  à  l'antique.  Le  coffret, 
en  effet,  porte  encore  des  traces  de  peinture  faites  sans  doute 
pour  donner  plus  d'éclat  et  de  relief  à  la  sculpture;  c'était  la 
méthode  hellénistique.  —  A  qui  appartint  ce  royal  bijou  ? 
M.  Schlumberger  a  essayé  de  faire  plusieurs  hypothèses  qu'il  a 
lui-même  abandonnées.  Serait-il  téméraire  de  supposer  que  ces 
scènes  de  David,  intentionnelles  à  coup  sûr,  furent  sculptées 
pour  Basile  qui,  lui  aussi,  de  pâtre  devint  roi,  lutta  victorieu- 
sement contre  ses  ennemis  et  dut  combattre  avant  d'être 
reconnu  par  Israël,  la  maison  de  Saûl  ^  ? 

Cet  art  de  Tivoirerie  si  répandu  à  Byzance,  a  eu  dans  l'Italie 
méridionale  au  ix''  siècle  d'assez  nombreux  imitateurs  dont  les 
œuvres  sont  représentées  aujourd'hui,  entre  autres,  par  quelques 
beaux  coffrets  de  la  collection  Carrand  au  Bargello  à  Florence. 
Plusieurs  de  ces  coffrets  sont  de  véritables  œuvres  d'art,  par  la 
composition,  la  fantaisie,  l'imagination  qu'a  su  déployer  l'ar- 
tiste comme  par  la  façon  souvent  très  finie  avec  laquelle  les 
sujets  sont  rendus.  Sur  l'un,  par  exemple  ^,  l'artiste  a  repré- 
senté Marie  au  sépulcre  et  sur  le  tombeau  vide  l'ange  lui  annon- 
çant la  grande  nouvelle  de  la  Résurrection.  Celte  œuvre  fait 
déjà  penser,  parla  vie,  la  simplicité  et  la  grandeur  du  tableau, 
à  la  fresque  assez  semblable  que  quelques  siècles  plus  tard 
l'Angclico  peindra  dans  l'une  des  cellules  de  Saint-Marc.  Sur 
un  autre  coffret  ^,  nous  avons  une  ascension  aussi  superbement 
enlevée  que  finement  travaillée  et  qui  prouve  bien  l'heureux  et 
rapide  développement  de  l'art  byzantin  au  ix*^  siècle  jusque 
dans  ces  pays  d'Italie  et  de  Sicile  pourtant  si  troublés  et  si  pro- 
fondément bouleversés  *.  • 


t.  Schlumberger,  In  coffret  byzantin  d'ivoire  du  musée  Kircher  à  Rome 
(Monuments  Piot,  i.  VI,  2.  l^aris,  1900). 

2.  N"  3G. 

3.  N°  37. 

\.  Cet  ivoire  est  reproduit  par  Labarle,  Album  I,  pi.  I\. 


CONCLUSIO?s 


FIN    DU    REGNE    DE    BASILE 


Depuis  la  mort  de  Constantin  en  879,  la  vie  de  Basile  ne 
fut  plus  qu'une  longue  souffrance.  Brisé  par  ce  coup  du  sort 
qui  lui  enlevait  son  véritable  enfant  et  allait  permettre  à 
Léon  YI,  le  fils  de  Michel  III.  sa  victime,  de  régner  et  de 
cueillir  les  fruits  de  ses  persévérants  efforts,  vieilli  et  usé  par 
les  fatigues  qu'ii  avait  assumées,  Basile  se  laissa  circonvenir 
par  Photius  et  Santabarenos  et  il  perdit  la  raison.  Les  souvenirs 
du  passé,  de  ce  passé  maculé  de  tant  de  taches,  reprenaient  à 
ses  yeux  corps  et  vie  et  semblaient  se  lever  devant  lui  comme 
un  spectre  pour  kii  rappeler  ses  crimes  d'autrefois  et  les  lui 
faire  expier.  Les  conjurations  de  Photius  et  de  Santabarenos, 
comme  celle  du  domestique  des  Icanates  Jean  Kourkouas, 
étaient  là.  du  reste,  pour  donner  à  ses  craintes  l'apparence  trop 
fondée  de  la  réalité.  Se  croyant  entouré  d'ennemis,  prêt  à 
succomber  sous  leurs  coups,  Basile  redevint  l'homme  violent 
et  cruel  qu'il  avait  été  à  certaines  heures  de  sa  vie.  Léon,  un 
instant  compromis  dans  une  imaginaire  révolte,  fut  rudement 
châtié  ;  les  partisans  de  Kourkouas  furent  tondus  et  exilés. 
L'affaire  de  Léon  eut.  du  moins,  un  épilogue.  Les  plans  de 
Photius  et  de  Santabarenos  ayant  échoué,  ce  dernier  dut 
s'exiler  dans  son  évêché  et  Photius  perdit  le  peu  d'autorité  qui 
lui  restait.  A  leur  place,  dans  la  confiance  de  Basile,  un  habile 
homme  vint  se  glisser.  C'était  le  futur  beau-père  de  Léon  VI, 
Slylianos  Zaoulzès.  Déjà,  grâce  à  son  intervention,  Basile  avait 
pardonné  à  son  futur  successeur  et  lui  avait  rendu  la  liberté. 
Quand  Santabarenos  se  fut  retiré,  Slylianos  devint  tout  puis- 
sant. Il  était  Arménien  comme  Basile,  rusé  comme  tous  les 
gens    de    sa   race;  il   avait,   peut-être  après  Photius,  été  pré- 


42  2  BASILE    I 

ceptcur  d'Alexandre  et  d'Etienne  ^  Il  n'en  fallait  pas  davantage 
pour  que  l'esprit  affaibli  de  l'Empereur  acceptât  cette  seconde 
tutelle.  C'était  pour  le  grand  parti  aristocratique,  resté  fidèle  à 
la  mémoire  de  Michel,  la  définitive  victoire.  Désormais,  il  était 
sûr  de  voir  Léon  VI  régner  après  Basile.  C'est  ce  qui  ne  tarda 
pas  à  arriver, 

L'Empereur,  rongé  par  l'inquiétude,  la  souffrance,  la  tris- 
tesse, passait  son  temps  à  chasser  et  c'est  là  que  la  mort  vint, 
un  jour,  le  chercher.  Le  20  août  886,  il  se  trouvait,  en  effet, 
dans  une  résidence  impériale,  à  Apamée,  non  loin  de 
Rhegion-,  pour  y  courir  le  cerf.  Il  était  accompagné  de  Sty- 
lianos,  du  prolovestiaire  Procope-'  et  d'un  certain  nombre  de 
personnages  de  la  cour.  La  chasse  avait  débuté  sans  incidents 
quand,  tout  à  coup,  un  cerf  d'une  grandeur  exlraordinaire 
apparut.  L'Empereur,  à  cheval,  voulut  se  précipiter  à  sa  suite. 
Il  était  seul.  En  entendant  le  bruit  du  cavalier,  le  cerf  qui 
buvait  à  une  source  se  retourna  subitement  et  de  ses  bois 
accrocha  la  lance  de  l'Empereur  et  la  fit  tomber.  Basile,  à  ce 
moment,  fit-il  un  mouvement  pour  rattraper  sa  lance?  c'est  ce 
qu'il  est  impossible  de  savoir.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les 
bois  du  cerf  vinrent  se  loger  dans  sa  ceinture,  l'arrachèrent  de 
son  cheval  et  le  portèrent,  paraît-il,  jusqu'à  Katasyrtae,  tandis 
que  le  cheval  revint  seul  au  milieu  des  chasseurs.  Aussitôt, 
naturellement,  on  se  mit  à  la  recherche  de  l'Empereur.  Finale- 
ment, après  bien  des  battues  inutiles,  un  phargan  de  Thétérie 
aperçut  le  cerf,  put  le  rejoindre  et  couper  de  son  épée  la  ceinture 
de  l'Empereur  qui  tomba  par  terre  inanimé.  Mal  en  prit  au 
pauvre  soldat.  Sa  noble  conduite  ne  fut  guère  récompensée  car. 
revenu  à  lui,  Basile,  convaincu  qu'il  avait  été  l'objet  d'un 
complot  —  et  cela  peut-être  non  sans  raisons  —  ordonna  de 
faire  enfermer  son  sauveur  et  de  le  décapiter  ^  sous  prétexte 
qu'il  avait  voulu  non  le  sauver,  mais  le  tuer  î  L'Empereur  n'en 
était  pas  moins  irrémédiablement  condamné.  Transporté  à 
Constantinople,  il  vécut  encore  neuf  jours  dans  les  plus  hor- 
ribles souffrances,  perdant  son  sang,  en  proie  à  la  fièvre  et  au 
délire,  accusant  Photius  et  Santabarenos  de  l'avoir  éloigné  de 

I.   Vit.  Euthym.,  p.  3. 

a.  Ibid.  p.  I  et  3o. 

3.  Ibid.,  p.  I. 

.''1.  Sym.  Mag.,  xxiii.  p.  7G1. 


ET  l'faipiue  byzantin  /|tj3 

Dieu  ot  de  sou  devoir^.  U  laissait  en  mourant  la  direction 
générale  des  affaires  tant  politiques  qu'ecclésiastiques  à 
Stylianos  ([ui  devenait,  par  sa  volonté,  tuteur  de  ses  enfants. 
C'était  le  29  août  886.  Son  règne  avait  duré  dix-neuf  ans.  I^ 
avait  environ  soixante-quatorze  ans  d'âge. 

Dès  qu'il  eut  expiré,  suivant  l'antique  usage,  Basile  fut  con- 
duit au  Triclinium  des  dix-neuf  lits  pour  y  être  exposé  aux* 
regards  de  tous,  revêtu  des  insignes  de  la  toute-puissance  : 
couronne,  tunique  d'or,  débetesion.  Clergé  et  dignitaires  auli- 
ques  entrèrent  alors,  chantèrent  l'office  et  lorsque  la  cérémonie 
fut  achevée,  le  maître  des  cérémonies  s'avançant  répéta  par  trois 
fois  la  parole  d'usage  :  «  Sors,  Empereur,  le  Roi  des  Rois  et  le 
Seigneur  des  Seigneurs  t'appelle  ».  Les  basiliques,  à  ce  com- 
mandement, prirent  le  corps  sur  leurs  épaules  pour  le  trans- 
porter à  la  Chalcé  où  dignitaires  et  fonctionnaires  ecclésiasti- 
ques et  civils  vinrent  le  baiser  et  le  saluer  une  dernière  fois. 
Après  quoi  le  maître  des  cérémonies  ayant  de  nouveau  répété 
l'ordre  de  Dieu,  les  protospathaires  impériaux  s'approchèrent, 
enlevèrent  le  corps  et  le  cortège  se  mit  en  marche,  par  la  Mesé, 
jusqu'aux  Saints-Apôtres  où  l'Empereur  devait  reposer  pour 
toujours  dans  un  sarcophage  de  marbre  vert-,  aux  côtés  d'Eu- 
docie  et  de  son  fils  Constantin.  Arrivé  à  l'église,  le  cortège 
s'arrêta.  On  dit  les  dernières  prières  et  lorsque  l'ofTice  fut 
achevé,  une  fois  encore  le  maître  des  cérémonies  s'approcha  du 
corps  en  disant  :  «  Entre.  Empereur,  le  Roi  des  Rois  et  le 
Seigneur  des  Seigneurs  t'appelle.  Dépose  la  couronne  de  ta 
tête  ».  Et  aussitôt  ayant  pris  la  couix)nne,  le  préposite  coiffa 
d'un  simple  bonnet  de  pourpre  celui  qui  avait  été  Basile  le 
Macédonien^.  Tout  était  fini.  Quelques  jours  plus  tard,  Léon 
se  souvenant  qu'il  était  fils  de  l'Empereur  Michel  III  et  voulant 
renouer  par  un  acte  officiel  et  public  la  tradition  dynastique, 
un  instant  brisée,  lit  ramener  de  Chrysopolis  le  corps  de  son 
malheureux  père  et  l'enterra  solennellement  aux  SS^^-Apôtres 
dans  un  sarcophage  qui  avait  autrefois  servi  à  l'Empereur 
Justin  *.  La  mémoire  de  Basile  subissait  en  ce  jour  l'outrage  qui 


I.   17/.  Euihym.y  :>.  cl  3. 
'2.  Cerem.,  119O. 

3.  Cerem.,  041  et  scq.  Cf.  Tlioopli.  Cont.,  VU.  Conslanl.   Porpliyr.,  ch.  lu, 
p.  ',85. 

\.  Cerem.,  1198.  Il  osl,  on   offot.  plus  probable,  coiiinie  le  croit  Reisko, 


1x2  k  BASILE    1 

attend  à  travers  tous  les  âges,  les  parvenus  impériaux  si  grands 
qu'ils  aient  pu  être.  Morts,  la  postérité  les  oublie  pour  ne  se 
souvenir  que  de  ceux  qu'ils  ont  dépossédés. 


Arrivé  au  ternie  de  cette  longue  étude  sur  la  vie  de  l'Empe- 
reur Basile  et  sur  le  gouvernement  impérial  vers  la  fin  du 
ix"  siècle,  il  est  possible,  ce  me  semble,  de  dégager  sans  trop 
de  peine,  une  conclusion  assez  intéressante.  En  somme, 
Basile  I  —  tout  comme  Napoléon  —  a  été  l'homme  d'un 
moment.  A  l'heure  où  il  s'empara  du  pouvoir  la  Bévolution 
iconoclastique  venait  d'expirer.  Celle-ci  n'avait  point  été, 
comme  on  le  croit  trop  aisément,  une  simple  querelle  Ihéolo- 
gique,  non  pas  même  une  simple  lutte  politique.  Ce  fut  une 
véritable  révolution,  tout  à  la  fois  religieuse,  politique  et 
sociale  qui  naquit,  comme  tous  les  grands  mouvements  histo- 
riques, d'une  idée  et  d'un  besoin.  Malheureusement,  cette  Révo- 
lution, ainsi  que  beaucoup  d'autres,  avait  détruit  d'un  seul 
coup  les  anciens  cadres  dans  lesquels  se  mouvait  la  société 
d'alors  et  n'avait  pas  su  les  remplacer.  Au  lieu  d'une  lente 
transformation  des  choses,  elle  avait  essayé  d'un  brusque  boule- 
versement et  par  là,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  jeté 
l'Empire  dans  les  plus  redoutables  aventures.  Aussi  quand 
Basile  monta  sur  le  trône,  dut-il,  pour  faire  œuvre  durable, 
chercher  avant  tout  à  rattacher  le  nouveau  régime  à  l'ancien, 
faisant  revivre  les  traditions  passées  tout  en  gardant  de  la 
période  révolutionnaire  ce  qui  pouvait  et  devait  être  gardé.  Ce 
fut  toute  la  raison  de  son  retour  au  gouvernement  de  Justinien. 
Mais  cela  seul  eût  été  encore  insulfisant.  La  Révolution  avait 
faussé  tous  les  rouages  administratifs,  jeté  dans  les  esprits  le 
trouble  et  l'inquiétude,  laissé  grandir  partout  l'arbitraire  et 
l'illégalité  et  fait  péricliter  au  dehors  l'honneur  du  nom  romain. 
Malgré  le  règne,  à  certains  égards  bienfaisant  du  dernier  Icono- 
claste, Théophile,  malgré  les  efforts  de  Théodora,  il  restait  une 
œuvre   immense    à    accomplir,    Ce    fut  le    but    que   s'assigna 


que  ce  fut  le  sarcopliage  do  .Inslin  que   celui  de   Jnsfmien    qui   servit   de 
dernière  demeure  à  Michel. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN  ^20 

Basile.  Par  la  réforme  des  finances  et  du  droit,  par  la  solution 
du  conflit  religieux  et  la  sévère  administration  de  son  gouver- 
nement, il  rendit  à  l'Empire  le  calme  et  le  bien-être  dont  il  avait 
besoin.  Par  l'organisation  militaire  cpi'il  imposa  à  ses  sujets  et 
les  victoires  qu'il  remporta,  il  rétablit  le  prestige  extérieur 
de  Byzance.  Par  l'impulsion  nouvelle,  enfin,  qu'il  imprima  au 
développement  artistique  de  son  temps,  il  ajouta  un  nouvel 
anneau  à  la  chaîne  qui  unit,  par  delà  les  siècles  et  les  transfor- 
mations politiques  et  sociales,  la  civilisation  antique  à  la  civili 
sation  moderne.  Sur  un  seul  point  son  œuvre  fut  vaine  et  ses 
efforts  stériles  :  ce  fut  son  œuvre  personnelle.  Il  paya  le  crime 
qu'il  commit  pour  arriver  au  pouvoir,  de  la  vie  de  Constantin, 
son  fils  unique.  Par  là  s'éteignait  sa  véritable  famille  ;  par  là 
Byzance,  durant  deux  siècles,  allait  avoir  pour  la  gouverner, 
une  maison  impériale  fondée  sur  un  bâtard. 


APPENDICE 


LA    CHANCELLERIE    IMPERIALE 


Il  m'a  paru  utile  de  résumer  en  cet  appendice  les  divers 
renseignements  diplomatiques  que  nous  possédons  sur  les 
habitudes  de  la  Chancellerie  impériale  aux  ix*'  et  x"  siècles, 
renseignements,  malheureusement,  assez  incomplets  par  suite 
du  peu  de  diplômes,  chartes  et  actes  qui  nous  sont  jusqu'ici 
parvenus. 

Il  importe,  tout  d'abord,  de  distinguer  nettement  les  docu- 
ments d'ordre  administratif,  tels  que  novelles,  diplômes,  chry- 
sobulles, etc.,  des  lettres  officielles  adressées  aux  souverains  en 
relations  avec  Byzance.  Tandis  qu'à  la  confection  des  pre 
miers  il  ne  semble  pas  qu'un  formulaire  de  chancellerie,  fixe 
et  intangible,  ait  présidé,  il  n'en  va  pas  de  même  de  la  corres- 
pondance impériale.  Celle-là  a  ses  règles,  ses  formules,  ses 
usages  qui  nous  sont  connus  par  le  Livre  des  Cérémonies. 
Cependant,  il  ne  paraît  pas  douteux  que  certains  éléments, 
toujours  les  mêmes,  n'entrassent  aussi  dans  la  confection  des 
documents  d'ordre  législatif.  En  tous  cas,  nous  les  retrouvons 
à  peu  près  constamment. 

A)  Novelles  et  documents  législatifs.  —  Ces  documents 
portent,  généralement  ; 

i"  une  suscription  composée  de  trois  parties  : 

aj  Lne  invocation  :  u  £v  ovôjjiaT'.  'zo'j  Trâo-iv  àvGoco-o'.;  vouio9£T'/;Tav- 

TO;     Ta     TtUTAipLa     Xp'.TTO'J     TO'J      cÙ.'ffiv^OJ     BîO'J     Y.IJLWV*...     £V    OVOUOfT'. 

TO'j  oîT-oTOj  'Ir.TOj  Xg'.tto'j  -ZO'J  Bîoj  7,|jLcôv-  »  par  exemple  ; 


1.  Nov.  de  Léon  VI,  Zachari.T,  Jus  grceco.  roman.,  III,  G7. 

2.  Suscript.  du  Prochiron. 


428      ,  BASILE    I 

h)  Une  indication  du  nom  de  l'Empereur  :  u  'AjToxpàTwo 
xaio-ap   <I>Aà|3i,o;  Aétov,  c'ja-£[ir,ç  î'jt'J'/TjÇ  £voo;o?  vixy.tÀ,;  Tco-a'.o'jyoç 

àsio-éêaa-To;  auvo-Jo-To;  7Z',a-T0«;  Jïiaa-iAs'jç  i.  )) 

c)  Une  adresse,  s'il  y  a  lieu  :  u  Z^TJAiavw,  tw  Tîp'.c:;ava'7TàTw 
ULav'la":o(o  tcov  Ocitov  occoixitov  y.uicov -.   » 

kilt  I    t  M 

2"  L/î  préambule  le  plus  souvent  à  allure  religieuse  au  début, 
puis  explicatif  des  raisons  qui  font  édicter  la  loi. 

3"  Le  dispositif.  11  est  tout  à  fait  remarquable  que  dans  ces 
sortes  de  documents  la  date  est  rarement  indiquée.  Peut-être, 
l'était-elle,  originairement,  à  la  fin  de  la  pièce,  mais  cela  n'est 
pas  certain.  Quand  la  date  est  indiquée,  en  effet,  elle  l'est  plutôt 
au  début,  comme  dans  l'Ecloge.  Si  donc  le  texte  de  l'adresse 
nous  est  parvenu  sans  date,  c'est  que,  probablement,  elle  ne 
figurait  pas  dans  l'original. 

B)  Doeuments  d'ordre  privé.  —  Les  chrysobulles  qui,  jus- 
qu'ici, ont  été  publiés,  donnent  une  idée  plus  complète  de  la 
forme  des  actes  byzantins.  En  général,  ils  forment  un  tout 
qui  révèle  davantage  le  travail  de  chancellerie  et  sont,  par  là, 
plus  instructifs  pour  nous  que  les  novelles.  Du  règne  de 
Basile  P'  on  a  signalé  l'un  ou  l'autre  chrysobulle  conservé  à 
l'Athos,  mais  jusqu'ici  aucun  document  de  cette  nature  n'a  été 
publié.  Cependant,  nous  avons  de  l'année  92/1  un  excellent 
exemple  de  chrysobulle  qui  nous  renseigne  sufQsamment  sur 
les  habitudes  de  la  Chancellerie.  Il  est  de  Romain  Lécapène. 
Le  document  débute  par  une  a)  invocation  :  «  zU  to  ovojjia  to'j 
-aTpo^  xal  TO'ji  'j'.ryj  xal  toO  àylo-j  TT^sjuiaTo;  »  et  la  b)  siiscription  : 
((  'Pwpiavo;  Tr'.a-To;  jBaa-'.As'jç  xal  a-JTOxpaTwp  'Ptojjiaiajv.  »  Puis,  le 
texte  commence  avec  un  long  c)  préambule  théologique  que 
continue  d)  V exposé  dont  les  premiers  mots  sont  :  «  Aià  Ta'JTa 
0T(  xal  Y,  c'jTîJBrjÇ  fiaTiAc'la  jjloj.  »  g;  Le  dispositif  termine  le  corps 


1.  Nov.  de  Léon  II  cl  Prochiron.  —  Il  ne  faudrait  pas  conclure,  je  crois, 
du  fait  que  l'adresse  n'existe  pas  ou  se  trouve  incomplète  dans  nos  éditions, 
qu'elle  n'existait  pas  dans  l'original.  Il  est  bien  probable  que  les  copistes 
auxquels  nous  devons,  le  plus  souvent,  ces  documents,  les  laissèrent 
tomber  ou,  de  leur  autorité  propre,  ajoutèrent  des  textes  explicatifs  qui 
ne  se  trouvaient  pas  dans  la  pièce  quand  elle  fut  expédiée.  Il  sufTit.  pour 
se  rendre  compte  de  la  cbose,  de  parcourir  les  novelles  des  Empereurs 
du  x'=  siècle,  publiées  par  Zacbariie,  avec  les  notes  qui  les  illustrent. 

2.  Nov.  de  Léon  VI. 


ET    l'empire    byzantin  ^29 

même  du  texte.  Il  est  suivi  de/j  clauses  comminatoires  en  forme 
danathème  et  d'imprécation  et  le  tout  est  validé  par^'  la  date. 
—  mois,  indiction,  année  du  monde,  —  h}  la  sigiiatarc  de  la 
pièce  :  u  Pcoaavoç  £v  Xpia-T(j)  tw  9c w  tc'.oto^  JjaT'.Aîù^;  xal  a'JTOxoaTwo 
'P(ou.aûov  »  '   et  la  bulle  d'or  qui  y  appendait. 

C)  Le5  lettres.  —  Les  formules  de  lettres  employées  par  la 
Chancellerie  et  qui  nous  sont  parvenues  sont  d'un  autre  et 
plus  général  intérêt  parce  qu'elles  nous  montrent  bien  distinc- 
tement deux  choses  :  quels  étaient  les  souverains  le  plus 
habituellement  en  relation  avec  Byzance  et  de  quelle  façon 
Byzance  comprenait  ces  relations.  Il  y  a  dans  ces  formules 
toute  une  gamme  de  nuances  très  curieuses  à  observer.  Le 
mieux,  pour  s'en  rendre  compte,  est  de  mettre  en  parallèle 
les  formules  qui  nous  sont  parvenues  eh  les  classant  suivant 
un  ordre  méthodique. 

A)   LETTRES    A    DES    SOUVERAINS    DORDRE    ECCLÉSIASTIQUE 

Pape  de  Rome. 

'Ev  ovouaT'.  TO'j   -a-rpoç  xal  toO   uIo'j  xal  to'j  àylo'j  Tr-^î-JuiaTO^;  zoij 

£vo;  xal  ijLovoj  à).7,8'.vo'j  BcOJ  Y,ijLc5v  (6  Oîiva)  tottoç  £v  aUTto  tw  Bew 

l^aTiXcùç    'Pojuaiojv  7:00;   (6    oswa)  cov   ayiwTaTOV  7rà-av  'PtojjLr,;  xal 

-vî'jijLaT'.xov  r,[AWv  TiaTÉpa. 

Bulle  d'or  d'une  valeur  égale  à  un  nomisme,  puis  probablement  à  l'époque  de 
Constantin  et  Romain  bulle  d'or  d'une  valeur  égale  à  deux  nomismes,  «  [jLOvo3'o)»o{a  » 
6'.3oAo(a-. 

Pape  d'Alexandrie.  —  Archevêques  dWntioche  ^  et  Jéruscdem. 
Même  formule  à  l'exception  de  Trvî-jaaT'.xov  Y.awv  T.cL-zioy.. 

Bulle  tl'or  «  Tp'.(roAoia  ». 

Catholicos  d'Arménie,  —  d'Ibérie,  —  Albanie  K 

KsAî'jo-u  £x  Ttôv  3t.Aoy picTwv  oîttcotwv  Trpoç  (6  oslva)  tov  £'j).aê£7- 

1,11        I 
L'indication  du  poids  de  la  bulle  n'est  pas  indiquée. 

1.  Zâcharhr,  Jus  grirco,  roman.,  III,  wml 

•?.  Cereni.,  11,  ch.  xlviii,  p.  127a, 

H.  /feiV/.,  p.  1264. 

't.  Ibkl.^  pt  Ï2694 


436  BASILE    I 


B;    LETTRES    AUX    SOUVERAINS    ARABES 

Khalife  de  Bagdad. 

La  formule  adressée  au  khalife  de  Bagdad  était  très  solen- 
nelle. Elle  se  composait  de  deux  adresses,  l'une  extérieure, 
l'autre  intérieure.  Au  khalife  de  Bagdad,  appartenait  le  titre  de 
((  TTpwToo-ûtjiêouXo^  »  et  vraisemblablement,  tant  parce  que  chef 
de  la  famille  arabe  que  parce  que  voisin  redoutable  de  l'Empire, 
les  Basileis  avaient  pour  lui  de  particuliers  égards.  «  Tw  jjLîya- 
A07:p£7i£a-TàTW  c'jycVîorTàTG)  xal  7:£p',êA£7rT(o  (6  oeiva)  TrptoTOT'jijLêo'JAco 
xal  oiaTaxTOC!.  twv.  'AvaoY,vtôv  aTzo  (6  oîlva  xal  6  Oîlva)  Ttov  -'.o-Ttov 
a'JTOxoaTOGOJV    Auvo-jcTtov   uLîvaAtov   SaTt-Ascov   'Pwuiaûov.  —  Puis  à 

t  I  »  tir  i 

rintérieur  :  (6  ov.vy,  xal  6  oslva)  7:!.ttoI  £V  Xp'.o-Tto  tw  Hîw  a-JTOxpà- 
Tops;  Auvo-jo-TO',  jjLîyaAo',  j^ao-'.Aîl;  PtoijLauoy  tw  jjLcyaAOTrpîTZîTTàTW 
S'jvîVcO-TaTW  xal  TZcpiêAsTTTW  (6  oîlva)  TrpcoToa-'j'JLêo'jAto  xal  o'.aTaxTop!. 
Tcov  'AyapT,v(i)v.  » 

Bulle  d'or  «  TcTpxToXoia  ». 

Khalife  ((  em//*  »  d'Afrique. 

((  ('0  otlva,  xal  6  Oîlva)  tilo-toI  £v  Xp',a-:w  tw  (-)£(i)  a'jTOxpàTOp£^  A'j- 
yoja-TO'-  aîviAo',  jîiaTiAcî.;   PcjjjLauov,  7:p6^  tov  evoo^OTaTOV  xal  £'jy£V£a-- 
Ta.TOv  £ÇG'ja-'.aa-rV''  tcov  Mo'Jto'jAt.jjiltwv.  » 
Bulle  d'or  «.  oiîoXoia  ». 

«  Emir  )>  d'Egypte. 

«  ('0  o£lva  xal  6  Oclva)  £v  XpiTTo^  £'ja-£ê£l;  a'JTOxpàTop£^  uLîyaAo', 
•j'i/r,Aol   A'jyo'jcTO'.    ^aa-',A£l;    Ptojjiauov,   Tipo^   tov   T.yûc-Y.uivov   Y,acôv 

CpÎAOV  TGV    £'jy£V£aTaTOV  'Au.Y,pâv  AlyjTTtO'J.    » 

Sous  Conslantin  et  Romain  on  apposa  une  bulle  de  quatorze  «  £;i-;".a  »,  plus  tard 
on  mît  une  bulle  «  TSTpaTOAoîa  ». 


C)    LETTRES    AUX    SOUVERAINS    d'aRMÉ.ME 

Deux  de  ces  souverains  avaient  le  titre  d'apyiov  tcov  àpyovTcov*. 
Aussi  la  chancellerie  leur  adressait-elle  ses  lettres  avec  une 
formule    spéciale.    C'était    rarchonte    des    archontes    de   la 

I.  Le  prince  des  princes  de  l'Arménie  avait  celle  dignité  depuis  809. 


ET    t/ EMPIRE    BYZANTIN  43  I 

grande  Arménie  et  l'archonte  des  archontes  de  Yaspouracan 
(Ba7-asaxàv).  Le  premier  reçoit,  en  outre,  un  titre  spécial  : 
t(  KojvTTavTV/oç  xal  'Ptouavoç,  tcittoI  £v  X^ttÙ)  tw  Bîw  a-JTOXcàTOOîç 
A'jvo'JTTGL  asvaAO',  SaTiAî^ç  Ptomaîtov,  71:^0;;  (6  Oîlva)  tov  t.zzv^'X'À'J- 
'~,':tr.Vé  — stjTOv  Tr,ç  uL£"à).T,ç  AouîV'laç  xal  7ry£;'j'JLaT'//.ov  r.uwv  tsxvov  ». 
L'autre  n'obtient  qu'une  adresse  plus  brève  :  u  ...  7:po^  (6  Ociva) 
TGV  TzîG'.cpavio-TaTOv  àpyovTa  to)v  àpyôvTtov.  »  Tous  deux  ont  une 
bulle  d'or  «  Tp',ToAo'la  ». 

En  outre  sept  princes  arméniens,  vassaux  de  l'Empire,  sont 
en  relations  avec  Byzance.  A  tous  la  Chancellerie  consacre  la 
même  adresse  :  ((  KlAc-ja-u  sx  twv  cp',Aoy  p'la-:(ov  oîo-totwv  ttoo^  tov 
(6  oîlva)  àpyovTa  tojoc.  »  Ces  princes  sont  les  archontes  de 
Kogovit  (Koxoê'lT),  de  Dâron  (Taot.V),  de  Moex  (Mtosç),  d'Autzoun 
(A'jT^Iav),  de  Siounie  (-jv/;),  de  Vetzor  (Ba'.TvWo,  peut-être  Sisa- 
gan),  de  Khatchen  (XaT^UvY,^).  Enfin  à  ces  archontes  d'Arménie 
il  faut  peut-être  rattacher  les  trois  archontes  a  twv  ïscêoTî-wv  » 
ou  Serbotes  qui  recevaient  la  même  suscription. 

D      LETTRES    AUX    SOUVERAINS    d'ibÉRIE 

Comme  les  souverains  d'Arménie  les  souverains  d'Ibérie 
étaient  vassaux  de  l'Empire.  Ils  avaient  à  leur  tête  le  Curopalate 
d'Ibérie,  personnage  de  marque  à  la  cour  de  Byzance.  A  ce 
titre  les  lettres  qui  lui  étaient  adressées  étaient  scellées  d'une 
bulle  ((  o'.ToAoia  »,  mais  aussi  parce  que  davantage  sous  la 
dépendance  du  Basileus  qui  lui  avait  conféré,  à  titre  honori- 
fique, une  des  plus  hautes  dignités  du  palais,  la  suscription 
qu'il  recevait  était  ainsi  libellée  :  u  Kéaîjt'.;  £x  twv  cpiAoyp'la-- 
Ttov  OcTTOTcôv  TTOo;  (6  oîlva)  TGV  ÈvOoEoTaTOv  xo'jpoTcaXaT/jV  »,  tandis 
que  les  quatre  princes  soumis  à  sa  juridiction,  les  archontes 
de  Bsp'.aa-ày ,  de  KapvaTa-A-c,  de  Kojsa  et  d'AT^apà  n'avaient  droit 
qu'à  une  formule  plus  simple  :  c  KsAîja-'.;  sx  twv  cpiAoyp'lcxTwv 
oîo-TGTcTjv  (6  oîlva).   » 

E}    LETTRES    ALX    SOUVERAINS    DU    CAUCASE 

En  Caucasie  le  plus  important  souverain,  vassal  de  Byzance, 
était  r  ((  ÈçojT'.oxcaTOJp  »  d'Alanie.  La  bulle  qui  scellait  ses 
lettres  était  «  o'.o-oAoia  »  et  la  suscription  complète  :  «  'Kv  ovôjjiaT'. 

TO'j  TraTpoç  xal  to'j  'jIo'j  xal  -.ryj  àvlo'j  Ttvî'jtjLaTO^,  toO  £vàç  xal  aovoj 


432  BASILE 

aAT.fl'.vo'j  ("^îoù  Y.utov,  K(.)VT7avT^voç  xal  'Pto'jiavo;   -'.ttoI  £v  a-jTw  tw 
(■)î(o  ^:ia7'.Aî^;    Ptouaitov,   -ooç  (6oîi!va)TOv  sço'jo-'.aTTV''^    AAavîaç  xal 

TT^Î'jaaTlXOV  Y.'JLtOV  T£XVOV.     » 

L'exousiaste  dAbasgie  avait  aussi  droit  à  une  bulle  «  oio-o/- 
oloL  »    mais    la  formule   est   plus  courte    et   plus   impérative  : 

((     KSASUO-'.Ç  £X  TWV  Cp!.A0yp'la-TCOV    Oc77:0Tt7)V  TZpOÇ  (6    Osliva)   TOV    TTSClCpaV^ 

«  s^O'Jo-'.aa-TTjV  'Aêao-vLaç.  » 

Quant  aux  autres,  aux  archontes  des  Krébats  (KpeêaTàoiov),  de 
Kidonia  (Kr.ôtovLa),  de  Tzanarie  (T^avapiaç),  de  Sarban  (Sapêàv), 
d'Asie  ('A^îa),  de  Vretza  (BpsT^a),  de  Chnsa  (Xpjo-a)  et  de 
Môkan  (Mtoxâv),  la  suscription  est  des  plus  simples  :  «  KiAs-jTi; 
£x  Twv  cp!,Aoypt(7T(ov  osT—OTtôv  7ZZ0Z  (6  0£llva)  TGV  àpy OVTa  Tr,a-o£ .  » 


F/    LETTRES    ALX    SOUVERAINS    d'oCCIDENT 

La  chancellerje  byzantine  était  en  lelation  avec  cinq  rois 
d'Occident.  A  chacun  elle  donne  la  même  suscription  avec 
sans  doute  une  bulle  d'or  dont  on  n'a  pas  indiqué  le  poids.' 
Ce  sont  les  rois  de  Saxonie,  de  Bavière,  de  Gaule,  de  Germanie 
et  de  Francie  :  «  Ev  ovôaaT'.  toj  TraTpôç  xal  to'j  jIo'J  xal  to'J  àvio'j 
7ry£'j[jLaTo;,  TO'J  £Vo;  xal  ij.6vo'J  à"AT,6',vo'J  ('•)Erj'j  y.uLwv,  Ktovo-TavTlvoc  xal 
'Ptouiavo^,  TwiTTol  £v  aÙTW  Tw  B£G)  paa-'.A£l^  Pwjjiauov,  Tcpoç  (6  S£Lva) 
TGV  TtSTrGBr.aÉvov  7tV£'ja.aT!.xov  àoîAoov  tgv  7r£p'lê).£7rrov  p"rva.  »  Le 
roi  de  France,  cependant,  a  une  formule  encore  plus  solen- 
nelle. Elle  commence  de  même  jusqu'à  £v  ajTw  tw  C-)£a),  puis 
elle  s'allonge  :  u  'j'i/TiÀol  A^vg-jo-tg'.  ajTGxpaTGpsç  uL£yàAG'.  j^ao-L^îl; 
'Ptoaauov,  tw  TvaTrruivw,  7:£7:G9T!jt.£VW  xal  TT^î'ju.aT'.xà)  tulcjv  aG£Ac£w 
(6  Oclva)  Tw  £*jy£V£7Tà':io  7:£p',[iiA£7cTcp  pr.v'l  <ï)pavy'laç  »,  preuve  de 
l'estime  particulière  en  laquelle  on  tenait  ce  souverain.  Pour 
le  roi  d'Italie  nous  n'avons  pas  la  suscription. 

Quant  aux  nombreux  princes  vassaux  d'Italie  la  suscription 
était  très  brève  :  <(  KsAs'jo-u  £x  twv  cpO.oypia-Ttov  gettigtwv  7rpo>; 
TGV  àpy  GVTa.  »  Elle  était  employée  pour  les  archontes  de  Sardaigne, 
d'Amalfi  et  de  Gaëte,  pour  les  princes  (7:plyx',6)  de  Capoue  et 
de  Salerne,  pour  les  ducs  de  Venise  et  de  Naples.  Un  seul  faisait 
exception,  à  cause  de  sa  grande  et  indépendante  situation  : 
c'est  le  prince  de  Rome.  A  lui   on  envoie  une   lettre  cachelée 

I.  On  trouve  les  deux  expressions  u  îçûJi.oxpaTwp  £^ojjtaffTf,î  ». 


ET  l'empire  byzantin  433 

d'une  bulle  u  o'.ToAota  »  avec  cette  suscription  :  ((  KwvTTavTivoç 
xal   Pcouavô;...  t.oo^  (6  oslva)  tov  £VGo;ÔTaTOV  Tzcîvx'.-na  "Ptôur,;.  » 

Eiilin  un  souverain  avait  une  formule  toute  particulière. 
C'était  le  roi  de  Bulgarie.  Juscju'au  moment  où  Byzance  se 
décida,  par  la  force  des  choses,  à  reconnaître  son  titre  de 
jîaT'/Ac'j;.  la  formule  fut  la  suivante  :  u  Ev  ovôuaT'.  toj  TraTco;  xal 
TO'j  'jIo'j  xal  TO'j  ày'lo'j  Tcvî'jijLaTO^,  to'j  svoc  xal  jjlovo-j  OL/.rfi'.yoù  HsoG 
T.acôv,  KcjVTTavTlvo;  xal  Pajuiavo;,  7T',a-Tol  £v  a'JTOJ  tw  Hsco  fiaT'.Aîl; 
'Pw[jLa'la)v  7:00^  tov  — £T:of|T,u.£vov  xal  7r^£'j|jLaT'.xov  r.piwv  tÉxvov  xal 
£x  Beo'J  àoyovTa  toj  yp'-TT'.av'.xojTaTOj  ÈGvojc  twv  Bo'jAyàpwv.  »  Plus 
tard,  elle  fut  légèrement  modifiée.  On  ajouta  le  titre  de  ^ol^iazÙ; 
en  laissant  subsister  le  u  ';:v£j'jLaT'.xov  t£xvov.  » 


RUSSES    ET    SCYTHES 

Parmi  les  chefs  scythes  en  rapports  avec  Byzance,  un  seul  le 
u  chagan  »  (yayàvo;)  de  Ghazarie  avait  droit  à  une  formule 
développée.  De  plus  ses  lettres  étaient  scellées  d'un  sceau 
«  Tot,!70Aola  ».  La  formule  était  du  type  solennel  :  u  'Ev  ovôixaTi... 
upo;  (6  oîlva)  £'jv£V£0-':aTOv  Trîpicpavéa-TaTOv  yayàvov  XaÇapîa^.  »  Les 
trois  autres,  l'archonte  de  Russie,  les  archontes  des  u  Turcs  » 
ou  magyars  et  les  archontes  des  Patzinakitoi  ou  Petchenègues 
avaient  droit  à  une  bulle  u  oLTOAoia  »  et  à  une  formule  un  peu 
spéciale  :  u  rpàau.aTa  KcovTTavT'lvoj  xal  Pwaavoj  tojv  cpiAoyp'lTTwv 
jiaT'.AÉcjv  'Pojuaiojv   -po;  tov  àpyovTa  'Pwo-'la;,    Toûpxwv,    llaT^-^^tx'!- 

TOJV .     )) 

CROATES    ET    SERBES 

Les  ((  archontes  »  de  Croatie,  de  Serbie,  de  Zachlumie,  de 
Kanalé,  de  ïerbunie,  de  Dioclée  et  de  Moravie  ne  recevaient 
que  la  formule  impérative  :  «  K£A£jt!.;  ex  twv  cpiAoyp'lo-Tojv 
o£<T7ioTà)v  TTpo;;  TOV  (6  oElva")  TOV  àpy ovTa  (t7^o-o£)  ;  mais  cette  keleusis 
était  scellée  d'une  bulle  «  o'.ToAoia  ». 

SOUVERAINS    ORIENTAUX 

Enfin  deux  souverains  indépendants  étaient  en  relations 
avec  Byzance.  C'était  le  «  y.ùo'.o:;  »  de  l'Inde  et  le  u  x'jz'.o;  »  de 
l'Arabie  Heureuse  (6  x'joitùijjy  tt;;  Eùoa'lu.ovoç  Apaê'la;).  Pour 
tous  deux  la  formule  était  à  peu  près  semblable  :  u  KwvTTavTÏvo;; 

28 


434  BA8ILE    I 

xal  'Poju.avô;  tz'.o-toI  £V  XcittÔ)  tw  Beô)  u.£yàAo'.  aÙTOxpaTOps;  ^aTLAsi; 
Tcov  PtoiJiauov  7:00;  (6  0£Lva)  tov  'j-epÉyovTa  xjolov  -r?|;  Ivo'laç  tov 
7,va7rr,a£V0v  r.utov  '^'Iaov  ou  ...  ttcoç  (0  o£lva)  tov  x'jo'.£jovTa  tt,^ 
'AoaêLaç.  » 

Telles  sont  les  formules  qui  nous  sont  parvenues  de  la  Chan- 
cellerie byzantine  pour  une  époque,  en  vérité,  postérieure  au 
IX*  siècle,  mais  qui  cependant  nous  font  bien  voir  avec  quel 
soin  étaient  établis  les  rapports  diplomatiques  et  avec  quelle 
minutie  étaient  indiqués  les  rapports  plu5  ou  moins  étroits  qui 
unissaient  les  divers  états  du  monde  à  Byzance.  Nul  doute 
qu'au  ix*"  comme  au  x"  siècle  ce  protocole  n'existât  déjà  et  ne 
se  trouvât  le  même. 

L'empereur  signait  toujours  les  pièces  émanant  de  la  Chan- 
cellerie ;  mais  comme  tous  — tel  Basile  —  n'avaient  pas  eu 
d'instruction  et  ne  savaient  ])as  écrire,  ainsi  qu'en  Occident,  il 
leur  arrivait  de  signer  simplement  avec  une  croix ^.  Croix  ou 
signature  impériale  se  faisait  à  l'encre  rouge-  et  si  le  Basileus 
était  en  tutelle  c'était  le  tuteur  qui  signait  mais  avec  de  l'encre 
verte  ^.  Quant  au  sceau,  il  pouvait  être  d'or  {yp'ja-6êojA).ov),  de 
plomb  (aoAjêooêojAAov)  ou  de  cire  (xr.poêo'jÀAov)  K  II  arrivait 
même,  qu'en  certaines  circonstances,  l'empereur  faisait  écrire 
des  lettres  en  caractères  d'or.  Ce  fut  le  cas  de  Michel  III  pour 
la  lettre  qu'il  écrivit  au  roi  de  Perse  et  qui  fut  remise  à  saint 
Théodore  d'Edesse"». 

1.  Anon.  de  Combefis,  cviii,  p.  1024,  loaô. 

2.  C'était  le  cinabre  (xLwijiapiç). 

3.  Mont  faucon,  p.  3. 

4.  Ibid.,  p.  379. 

5.  Vit.  Theod.,  S  86,  p.  90. 


IXDEX    ALPHABÉTIQUE 


Abasgio  (cxousiasto).  482. 

Abdalali  Ibn  Uacliid  Ibn-Kaous, 
332. 

Abramites,  36 1,  362. 

Abu'l  Abbas  Mohammed  I,  17. 

Abu  Dinar,  18. 

Abydos,  117,  186,  387. 

Achmct  Ibn  Touloiin,  25'i,  3i8, 
332. 

Achmed  Ibn  Muhammod  al  Ka- 
buc,  326. 

Adana,  332,  388. 

Adata,  334. 

Adelchis,  327,  829. 

Adramytle,  186. 

Aetius,  175. 

Agapetos  (S*),  180. 

Agrana.  324- 

Akarkous,  178. 

AI-AIamain,  180. 

Alanie  (èçojcj'.o/paTtop  ,  43i. 

AI  Djàr,  388. 

Alexandre  (de  Macédoine),  22. 

Alexandre,  (fils  de  Basile  I).  56,  61, 
75,  120,  i34,  i56,  i58,  207,  4io,  432. 

Alexandre  de  Lvcopolis  XXIII. 

Alexandrie,  889. 

Alexis,  (stratège  de  Chypre),  190. 

Alexis  Comnène,  66. 

Al  Faramâ,  388. 

AI  Kolzom,  388. 

AI  Lames,  181. 

Al  Musala,  332. 


Amalfi,  19,  189,  33o,  432. 

Amantea,  336. 

Amara,  182, 

Amasie,  182. 

Amastris,  179,  270,  271. 

Ambroise  (S')  (Eglise  de  Milan), 
417. 

Amorion,  179,  180. 

Anastase  (le  bibliothécaire),  xxii, 
2i3,  218,  226,  229,  280,  820.  821. 

Anastasie,  (fille  de  Basile  I),  59. 

Anastasie  (Eglise  S'"),  398. 

Anatoliques  (Thème  et  stratège 
des),  69,  175, 177,  178,  179,  180,  181, 
182,  i85,  199,  297,334,  342,  347,  359, 
364,  366. 

Anchialos,  269,  270. 

Ancyre,  178,  876. 

Andala,  882. 

André,  (domestique  des  scholes), 
i55,  359. 

André  (stratilate),  i52. 

André  (hétériarche),  29. 

André  (patrice),  833,  334,  335. 

Saint-André  (Eglise),  28,  897,  898, 
4o6. 

Andrinople,  19,  21,  24,  175. 

Anne,  (fille  de  Basile  I),  59. 

Anne  de  Byzance,  22. 

Anne  de  Russie,  2a. 

Antibari,  188. 

Antigone  (domestique  des  scholes), 
6,8,  28,  29,  34,  86,38,  64,  847. 

Antioche,  889. 

Antoine  (saint),  296. 

Apabdèle  (émir  d'Anazarbe),  332. 


436 


BASILE 


Apamcc,  ^aa. 

Aphrazeia,  i8o. 

Apôtres    (SS.),    i,    62,    ao6,    207, 

Aposlyppis,  83,  835. 

Arcadius  (forum  d'),  862, 

Apros,  270, 

Ardabasde  (hétériarche),  42. 

Argaous,  183. 

Argos,  188. 

Arkadia,  188. 

Ariarathis,  271. 

Arméniaques  (Thème  et  stratège 
des),  178,  179,  181,  182,  i83,  199, 
324,   36o,  364,  366. 

Artopoleion,  862, 

Aschod    P%    3io,   3i6,  335. 

Arsacides,  22,  233. 

Arsavir,  (protospathaireV  2o3. 

Artabasdos,  67. 

Asie  (Arclionte),  432. 

Aspalato,  189. 

Aspar  (citerne  à  Cple),  5,  106. 

Aspona,  178. 

Aslakos,  176. 

Asyléon,  4i,  i52,  384. 

Atlianase  (juriste),  i33. 

Attianase  (évoque  de  Xaples),  387. 

Athanase  (S^),  187. 

Atlîènes,  17,  157,  188,  2G9. 

Athos,  187,  284,  428. 

Attalic,  295. 

Avara,  824. 

Autzoun  (Archonte  d'),  43i. 


Baanès,  78,  iSg,  160,  218,  219, 
220,  222. 

Bagdad,  890. 

Baïanos,  (protostrator  do  Basile), 
83. 

Balbadon,  178. 

Baléares,  17. 

Baltimer,  24,  25. 

Bardas,  (stratège  de  Macédoine), 
176. 


?  Bardas  (César),  vu,  \x,  4,  6,  7,  8, 
10,  i4,  i5,  17,  29,  3o,  3i,  82,  33,  34, 
35,  36,  87,  38,  89,  4o,  4i,  42,  60,  64, 
67,  68,  70,  79,  i3i,  loi,  i52,  i54,  i65' 
179,  207,  209,  211,  212,  847,  35 1. 

Baréta,  178. 

Bargello  (musée  de  Florence),  420. 

Bari,  17,  19,  3 18,  819,  820,821,  827, 
829,  885,  386,  887. 

Basile  II,  22,  89,  91,  ii4,  116,  i83, 
188,  189,  209,  210,  211,  212,  218. 

Basile,  (protospathaire  eunuque), 
88. 

Basile  (Saint),  3ii. 

Basile  (de  Néo-Patras),  3o8. 

Basiliskianos,  4o,  4i- 

Bathyrrhyax,  824. 

Bavière  (roi  de),  482. 

Beclas,  288. 

Bénévent,  19,  827,  83o,  887. 

Béotie,  4o5. 

Blachernes,  70,  106. 

Blasios,  265. 

Bologne,  4 18. 

Boris,  25,  228,  804. 

Bosphore  (Thème   du),   174,   859. 

Boukellaires  (Thème  et  stratège 
des),  29,  178,  179,  180, 182,  188,  198, 
359,  364,  366. 

Bradano,  887. 

Brazza,  827. 

Brescia,  827. 

Brousse,  91,  118,  284- 

Bryas,  869. 

Bulgarie,  188,  3o6,  433. 


Calabre  (Duché  de),  189,  335,  887. 
Capitole,  862. 
Gapoue,  432. 

Cappadoce,  178,  180.  181,882,  384, 
359. 
Carrand  (Collection),  420. 
Carie,  i85. 
Cattaro,  3 18. 
Cedrenus,  xix. 


i 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


437 


Cenchrée,  '62S. 

(lésarée,  371,  33/i. 

Chaicé  (prison),  i\2. 

Cîhalcé (palais),  138,  8^7,  35<),  36 1, 

393,  .133. 

Chalcédoine  ((ioncile  et  ville),  309, 
3io,  359. 

Chalcidique  (la),  187. 

Ghalris,  188. 

Ghaldée  (Thème  et  stratège  de), 
183,  i83,  336,  364,  366. 

Chaldos  (Jean),  4i,  103,  i83. 

Charsian,  (Thème  et  stratège  de), 
178,  180,  183,  i83,  199,  334,333,359, 
634,  366. 

(Ihazarie  (Chagan  de),  433. 

Chelidonia,  i8. 

Cherson,  119,  i33,  190,  387. 

Chine,  388. 

Chio,  186. 

Chludov  (psautier).  4i3. 

Chonae,  370,  371. 

Ghristophore,  (gendre  de  Basile  i). 
59,  334  330,  359. 

Ghristophore,  (magistros),  68. 

Ghristopolis,  73,  176. 

Ghrysa  (Archonte  de),  433. 

Ghrysobalantos,  384. 

Ghrysoboullon,  334- 

Ghrysochir,  i83,  333,  334,  335,  336. 

Ghrysopolis  (monastère),  42,  63. 

Ghrysostome  (S'-Jean),  3ii. 

Ghypre  et  Chypriotes,  395,  338. 

Glaudiopolis,  178. 

Glément  (S'),  4o3, 

Golonée,   i83,  358,  36o,  364,  366. 

Colosse,  186. 

Constantin  (Empereur),  32,  9I, 
1 14,  309. 

Constantin  IV.  Pogonat,  175. 

Constantin  \,  Copronyme,  16,  67, 
106,  i33,  177,  178. 

Constantin  M,  117. 

Constantin  MI,  Porphyrogènète, 
VI,  vu,  MU,  i\,  \,  56,  157,  i83,  i85, 
189,  234,  3o3,  3o3,  3o4,  3o6,  33g,343, 
354,  355,  379,  4o3,  4o6,  4o8,  4i5. 


Constantin   IX,  Monomaque,  127. 
Constantin,  (fils  aîné  de  Basile  I;, 

5i,  56,  08,  59,  60,  61,  78,  120,  i32, 
i3'i,  143,  i53,  ib\,  i55,  333,  333. 

Constantin  (drongaire),  38. 

Constantin,  (logothète  du  Trésor 
public),  96. 

Constantin  Martinakios,  64- 

Constantin  (patrice),  31. 

Constantin  Toxaras,  4i- 

Constantin  le  Rhodien,  4o4. 

Corcyre,  370. 

Cordoue,  17. 

Corinthe,  16,  188,  269,  3^8,  389. 

Gos,  i85. 

Grati,  337. 

Crête,  4,  17,  18,  37,  38,  179.  18.'), 
337,  328,  364. 

Croates,  3o6,  307,  3 16. 

Croatie  (Archonte  de),  433. 

Gvjatogorec  (Georges),  290. 

Cyclades,  186. 

(Cyrille  et  Méthode  (Saints),  7,  i5, 
36,  295,  3oi,  3o8. 

Cyzique,  186,  387. 


Dadybra,  \\i,  179. 
Dal mates,  3o6,  3 16. 
Dalmatie,  ii3,  189,318. 
Damianos,  6,  34,  35,  56,  70,  79. 
Daniélis,    16,    17,   37,   71,  89,  90, 
118,  i58,  376,  384,  389,  399,  4o6. 
Daphné  (palais),  80. 
Dàron  (  \rchonte  de),  43 1. 
Dazimon,  183. 
Démet  riade,  188. 
Démétrios  (antigraphe),  147- 
Déveltos,  176. 
Diaconitzès,  325,  336. 
Diadora  (Zara),  188. 
Dindymos  (Mont;,  178. 
Diocléc  (arclionte),  433. 
Dioctétien,  94,  ii4- 
Diomède  (S').  36.  lo'». 
Divreky,  1 1 . 


438 


BASILE    I 


Djodda,  388. 
Doniagoi,  280. 
Donal  d'Ostio,  a  16,  2^9. 
Dorothée  (archimandrite),  288. 
Dorylée,  178,  358,  Sôg. 
Drster,  20. 
Ûulcigno,  188. 

Dyrrachion  (Thème  de),  188,  189, 
270. 


Egée  (Thème  et  stratège  de  la  Mer), 
177,  i85,  186,  187,  367. 

Egine,  188. 

Eleutlière  (Palais  d'),  102. 

Eiie  lé  Thesbite,  26. 

Elle  (S'),  398,  4o3. 

Elie  (prêtre  et  syncelle  du  Patri- 
arche de  Jérusalem),   218,  2;V't,    263. 

Ehc  (protospathaire  et  drongaire 
de  la  flotte  impériale),  368. 

Embolon,  390. 

Endelekone,  332. 

Ephèse,  117,  i85,  186. 

Epire,  188. 

Erimosykea,  332. 

Etienne  V,  157,  235,  245,  202. 

Etienne,  (fils  de  Basile  1,  patriarche 
de  Cple),   12,  61,  i58,  2^9,  2O3,  422. 

Etienne  de  Byzance,  vui. 

Etienne  le  Jeune  (S'),  278. 

Etienne  Maxenlios,  336. 

Etienne  de  Nepi,  216. 

Etienne  (sacellaire),  109. 

Etolie,  4o5. 

Eubée,  188. 

Euchaïte,  157,  286,  269. 

Eudocie  (belle-fiUe  de  Bardas),  82. 

Eudocie  (femme  de  Michel  III).  7, 
57,  209. 

Eudocie  ingerina  ^impératrice, 
femme  de  Basile  I),  vn,  xv,  7,  07.  58, 
59,  60,  80,  120,  268,  4o8,  4ii,  428. 

Eudokias,  180. 

Eugène  d'Ostie,  288. 

Eulampiosd'Apamée(évèqueschis- 
matique),  224. 


Eulogios,  42. 

Euphémic  (S*"),  monastère,  59. 

Euphrosyne  (mère  de  Théodora),  2. 

Eustathe  (drongaire),  870. 

Eustrathios,  (questeur),  147. 

Eustratios  (S*),  91,  99,  ii3,  284, 
291.  298,  298. 

Eutliyme  (Saint),  xx,  291,  876. 

Euthyinios  de  Césarée  (évoque 
schismatique),  224. 

Euthymios  (patriarche  de  Cple), 
56,  2i4. 

Euthymios  (spathaire),  21 4, 

Exokionon,  863. 

Ezérites,  16,  17,  3o6,  3i6. 

Exi  Marmara,  106. 


Firandja,  888. 

Florence  (la    Laurentienne),   4 12. 


Formose,  228. 
Francie  (roi  de),  482. 


Gaètc,  19,  189,  482. 

(laideris,  887. 

Gallipoh.  186,  887. 

Gangres,  179, 

Garella,  269,  270. 

(lastria  (couvent  de  Gple),  2,  82, 
88. 

Gaule  (roi  de),  482. 

Genesios,  xui,  xvui. 

Georges  Le  Moine,  xvi,  xvu,  xvni. 

Georges,  (Orphanotrophe,  171). 

Georges  Piganis,  4o,  5o,  i58,   178. 

Germanicopolis,  181. 

Germanie  (roi  de),  432. 

Germanikia,  58,  334. 

Grèce  (Thème  de),  867. 

Grégoire  Asbestas,  xx,  200,  297. 
4i3. 

(irégoire  de  Naziance  (S*),  '|io, 
4i  I,  4 12,  4i4- 

Grégoire,  (protonotaire  de  Sicile), 
72,  190. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


'*39 


("i  régo i  r 0 .  (  baj  11  1  u s  c l  s  l  ra  t ège  ) ,  3 a  7 , 
028,  33o,  336. 
Gryllos,  8. 

(iuaimar  de  Salerne,  337. 
Guiner,  (logothètedii  drôme),  i6ô. 
(îiiy  de  Spolèle.  337. 


H 


Hadrien  H,   wii,    ai'i,    210,    21  (3, 

217,   218,   220,  223,   23o,  232,  '2[\'\,  322. 

Hadrien  HI,  2^5,  2.11. 

Hadrien,  33o,  33 1. 

Halys,  180. 

Halicarnasse,  i85. 

Harsana,  i83, 

Hebdonion,  36 1. 

Hellade  (Thème  d'),  i85,  187. 

Hélène,  (fille  de  Basile  I),  59. 

Hélias  (drongaire),  2i3. 

Helenopolis,  176. 

Henri  I  de  France,  22. 

Héraclée  du  Pont,  178,  271. 

Héraclius,  i5,  106,  172,  173.  179, 
1 90,  3o6,  309. 

Hexainilion.  186. 

Hierapolis,  179. 

Hiereion,  387. 

Hieria,  106,  325,  369,  409. 

Hieroklès,  vni. 

Hieros,  117. 

Hilarion  (archimandrite),  286,  290. 

Himerius,  366. 

Hind,  388. 

Hormisdas  (Palais  d'),  102. 

Hypatios,(stralorettonrmarche  de 
Marmaritzion),  73. 


lafac  Ibn  Muhamed,  33o. 

Ibn- \bd- Ulah,  (?:mir  de  Mélitène), 
1 1.  182. 

Ibrahim  Ibn   Vchmed.  33o. 

Icarie,  i85. 

Ignace(patriarche),  vvm,  \\i.  7,  12, 
32,  33,  '43,  48,6'!,  2o3,  2o4,  2o5,  206, 


207,  208,   209,  211,   312,   2l3,   2l4,  216. • 

218,  223,  228,  23o,  23i,  335,  336,  338, 
24i,  246,  2^7,  248,  249,  25o,  35o,  35l, 
258,  259,  365,  286,  3o6,  352,  353,  4i3. 

Ignace,  (cubiculaire),  !\i. 

lonopolls,  179. 

Irène,  (impératrice),  102,  116,  170, 
186,  260,  383. 

Irène  (S'^),  306. 

Irmengard,  58. 

Isker,  25. 

Italie  (roi  d').  432. 


Jacobitzès,  4i,  i52. 

Jaroslav,  22. 

Jean  YIIl,  232,  235,  238,  240,  241, 
242,  243,  244,  245,  249,  25i,  329,  33o, 
336. 

Jean,  (métropolitain  de  Sylaeum,) 

Jean,  (candidat  et  arciiôn  de(Miris- 
topolls),  73. 

Jean,  (chef  du  clergé  des  Hla- 
chernes),  70. 

Jean,  (logolhète  du  drôme),    i65. 

Jean,  (l'Orpiianotrophe),  ii5. 

Jean  (protospathaire,  fils  de  Da- 
niélis),  28,  71,  188. 

Jean  (protospathaire),  259. 

Jean  (patriarche  hérétique  1,  1,  3. 
4,  10. 

Jean  (higoumène),  35 1. 

Jean,   (stratège  de  Hellade),    188. 

Joannice  (S'),  259,  284,  286,  291, 
293,  340,  35o. 

Joseph,  (protospathaire,  candidat 
et  conmiercîaire  de  Thessalonif[ue  , 
73. 

Joseph,  (veslitor,  épopte  de  .Mco 
polis  et  préfet  du  Péloponèse),  97. 

Joseph, (représentant  du  Patriarche 
d'Alexandrie),  254,  263. 

Julien  (port),  106. 

Justin  (empereur),  423. 


44o 


BASILE 


Juslinicri  Mil,  3,  i.ï,  03.  9^,  io:i, 
107,  116,  117,  126,  139,  i3o,  i33,  i36, 
i'j3,  l'iô,  ifia,  187,  266,  268,  273,  279, 
309,  377,  378,  397,  398,  399,  ^o4,  4i7- 
M. 

Juslinien  11,  187. 

K 

Kaborkion,  358,  309. 

Kamachos,  269,  270,  271. 

Ivadoi,  178. 

kaiialé  (archonte).  ''»33. 

Kaphadja,  319. 

lvapa6.T(t;'.v  (Eglise  de  la  mère  de 
Dieu),  395. 

Karbeas  (protomandator;,  297, 
323. 

Karianos  (couvent),  3o,  32. 

Karydion,  332. 

Kases,  181. 

Katasyrlae,  422. 

Katabatala,  33 1. 

Katasamas,  332. 

Khatchen  (Archonte  de),  43 1 . 

Kauleas  (Antoine),  patriarche  de 
Cple,  9I,  259,  289. 

Kenourgion,  4o8,  4 10. 

((  Kt'.-kO'.  ».  37,  4o,  179. 

Keoinanôn,  271. 

Kerasonte,  392. 

Keroularios  (patriarche  de  Cple), 
12,  3 '(5,  2,53. 

Resta  Stippiotis,  334. 

Keraniision,  336. 

Kiborkion,  180". 

kibyrrha,  i85. 

Kibvrrhéotes,  18, 181,  i85,  36').  367, 
370. 

Kios,  370. 

Kidonia  (Vrchonte  de),  433. 

Kircher  (Collection  Rome),  419. 

Kogovit  (Archonte  de),  43 1 . 

Koptos,  "^24. 

Kordé.  370. 

Kordylès,  24,  20. 

Ivotyaion.  178,  270,  371. 


Koukousos,  334. 
Karba,  333. 
Koura,  332. 
Kaoukaba,  333. 
Kourkouas,  5o,  i53,  i5(3,  421 
Krébats  (Archonte  des),  432, 
Krum,  22,  23,  24,  i74- 
Ktenas,  (clerc),  71. 


Lacédémone,  188. 

Laodicée,  179,  290. 

Larisse,  188. 

Laryma,  i85. 

Lausiacon  (galerie),  71. 

Lazare  (Le  Moine),  3oi. 

Lekton,  186. 

Lemnos,  186. 

Léon  m  risaurien,  99,  107,  ii5, 
119,  i3t,  i33. 

Léon  V  r Arménien,  xm,  xv,  xvn, 
22,  24,  io5,  4i3. 

Léon  VI  (Emper.),  xi,  xv,  xxni,  45, 
5o,  55,  56,  58,  59,  61,  64,  67,  71,  75, 
89,  94.  96,  118,  119,  120,  122,  124, 
127, i32,  i34,  i35,  i53,  i54,  i55,  i56, 
157,  i58, 173,  174,  i83,  190,  192, 196, 
258,  262,  265,  269,  270,  271,  393,  338, 
340,  342,  343,  364,  367,  368,  369,  370, 
384,  4io,  417,  421,  422. 

Léon  (antigraphe),  147. 

Léon  C]astor,  39,  169. 

Léon  (Grammairien),   xvn,   xvni. 

Léon  Lalacôn,  353. 

Léon,  (logothète  du  drôme),  i65. 

Léon,  ^monostratège  de  Thracc  et 
Macédoine),  176. 

Léon  (protospathaire  d'Orcho- 
mène),  4o5. 

Léon  (protélate),  370. 

Léon,  (le  philosophe),  33,  45. 

Léon  Phocas,  180. 

Léon,  (stratège  de  Mcopolis).  188. 

Léontios.  187. 


Leros,  i85. 
Lipari,  33 1. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


44l 


Lipôn.  371. 
Liutprand,  M]-,  \ih. 
Longobardie,  89,  190. 
Louis  le  Pieux,  19. 
Louis  II,  19,  58,  318,  326,  3i6,  3i8, 
819,  330,  331,  323,  337,  339. 
Loulon.  33 1. 
Louvre  (^Musce  du».  419. 
Lydie,  i85. 


M 


Macédoine,  (thème  de),  176,  179, 
186.  3134 . 

Malée,  328. 

-Magnaure,  80,  106,  128.  i58,  2i3, 
2t3o. 

Maïna,  370,  3o6. 

Maïnotes,  3o6. 

Malagina,  178,  358,  359. 

Malatia,  i83. 

Marnas  (St),  33,  4i,  42,  43,  45,  58, 
60,  387. 

Mangana,  102,  2i3,  409. 

Manuel  (évêque  d'Andrinople),  33, 
24. 

-Manuel  (  magistros).  4-  •">.  8,  9, 
10,  45,  68,  106. 

Manuel  (xénodoche  de  Nicée).  198. 

Marc  (S')  (de  \enise),  4i7- 

Marcien  (Les  galeries  de),  409. 

Mardaïtes,  i85,  188,  364,  368. 

Marianos,  (éparche  de  Cple),   i4o, 

102. 

Marianos  (frère  de  Basile),  4i,  87. 
Marie  (fille  de  Basile  I),  59. 
Marie  (première  femmede  Basile  I), 
\ii,  56,  57,  59. 

Marie  (8"=)  de   Chalkopratia,    37, 

Marin  (logothète),  357. 
Marin  (protoasecretis),  169. 
Marin  (diacre),  228,  245,  249,  292. 
Markianoupolis,  370,  271. 
Marmaritzion,  -73. 


Martin  (S'),  25o. 
M.'irtinakioi.  57,  64- 


Mathieu  Blastarès,  379. 

Maurice  (empereur),  173,  35o. 

-Mauropotamos,  18. 

Maximianopolis,  269. 

Mélilène  11,  18,  34,  370.  371,  297, 
335,  336,  333,  334,  36i. 

Melouos  (Mélistt'pé).  33 1. 

Menembasie,  r88, 

Meros,  178. 

Messine,  17,  33o. 

Méthode.  Cf.  Cyrille. 

Méthode  (patriarche),  10.  19,  33, 
2o5,  220,  259. 

Méthode  (métropolitain  de  Gan- 
gres),  2o3,  2o5,  207. 

Metrios,  122. 

Métrophane,  206,  244- 

Michel  II  d'\morion  (empereur), 
xni,  2,  18.  24. 

Michel  III  (empereur),  vu,  xiu, 
XIV,  XV,  XVI,  XVII,  XVIII,  XX,  I,  3,  5,  6, 
7,  i3,  i4,  16,  19,  20,  29,  3o,  3i,  35, 
36,  38,  39,  4o,  4i,  42,  43,  44,  45,46, 
47,  48,  53,  56,  57,  58,  59,  60,  61,  62, 

66,  87,88,99,  119,  i4o,  i5i,  i53,  i53, 
i54,  i55,  i56,  169,  179,  180,  181,  i83, 

188,   207,  209,  210,   211,  212,  3l3,   322, 

228,  253,  259,  284,  3o3,3o8,  309,  3i8, 
338,  379,  386,  395,  4x5,  4x6,  43x,  422, 
434. 

Michel  de  Bulgarie,  25,  36.  3oi, 
3o3. 

Michel  (deuteroclate),  370. 

Michel  (patriarche  d'Alexandrie), 
254- 

Michel  Rhangabe,  xxi,  31,  32,  64, 

67,  257. 

Michel  (syncelle),  x  4o. 
Midaion,  178. 
Milan,  4xo. 
Milet,  i85. 

Milinges,  16,  17.  3 16. 
Mitylène,  270,  271. 
Moex  (Archonte  de),  43i. 
Môkan  (Archonte  de),  432. 
Mokios  (S'),  (citerne),  106. 
Monza,  4x8. 


kkl 


BASILE    I 


Moravie  (Archonte  de),  433. 
Mortagon,  i!\. 

Moscou  (S'-Synode  de),  ^lo,  4i3. 
Motawakkel  Billah,  ou    Mutawak- 
kil,  3o8,  3i6. 

Mupharih  Jbn  Sali  m  Kalphun,  3 18. 
Myra,   i85. 
Myriokephaloi,  178. 


N 


•Nakoiia,  269. 

Naples,  19,  119, 189,  190,  33o,  432. 

Nauplie,  188. 

Narenlans,  3o6,  807. 

\asar,  29,  178,  33 1,  335,  368,  370. 

>ea  (Nouvelle  Eglise),  108,  398, 
/io3,  4o4,  4 16,  417- 

Neaconiites,  118. 

Néo-Ces  a  rée,  157. 

Nicée,  178,  388. 

Nicéphore  (Empereur^,  22,  64,  65, 
iio,  116,  117,  118,  259,  352,  365. 

Nicéphore  Phocas,  vvi,  \vni,  91, 
122,  328,  336,  337,  359,  367. 

Nicéphore  (Patriarche),   259,   4i3. 

Nicéphore,  (logothète  du  drôme), 
i65. 

Nicéphore,  (Orphanotrophe),   171. 

Nicétas,  67. 

Nicétas  David,  xx. 

Nicétas  Oryphas,  5o,  i53,  3 18, 
319,  328. 

Nicétas,  (préfet  de  la  table  impé- 
riale), 5i,  80,  268. 

Nicolas  \" ,  xxii,  2o3,  2o4,  200, 
207,  209,    3IO,    2i4,    2i5,    217.    218, 

220,  222,  228,  244,   245,   200,  201,   252, 

253,  259,  260,  286,  4i5. 

Nicolas  (higoumène),  26,  27,  161, 
264,  268,  35 1. 

Nicolas  (patriarche),  257. 

Nicolas  Stoudite  (Saint),  289. 

Nicomédie,  176. 

Nicomédie  (xénodoche),  102. 

Nicopohs  (Thème  de),  188. 

Noumeroi  (prison),   i42. 


Nouveau  Corinthc (Kâjxpov KooîvOov). 
i88. 


Odyssos,  270. 

Olympe  (1'),  259,  283,  284,  286, 
295. 

Omniades  d'Espagne,  3 18. 

Omortag,  24. 

Opsara  (Absari),  189. 

Opsikion,  (thème  et  stratège)  i53, 
175,  177,  178,  179,  180,359,364,366. 

Optimale  (Thème  et  stratège),  176, 
177,  178,   i85,  346,  352,  353. 

Oria,  337. 

Osman,  émir  de  Tliarse,  827,  329. 

Otrante,  189,  190,  270,  328. 


Paleos(Le),  i85. 

Palerme,  17,  189,  33 1. 

Pamphyhe,  i85. 

Pankalo,  xu,  28. 

Pansélinos,  94. 

Paphlagonie  (Thème  et  stratège^, 
178,  179,  182,  199,  36o,  364,  366. 

Paramocastellon,  332. 

Pardos,  76. 

Parthenopolis,  176. 

Patmos,  i85. 

Patras,  16,  17,  27,  89,  188,  269,  328. 

Patrinus,  33o. 

Paul  d'Ancône,  238. 

Paul  (patriarche),  260. 

Paul  (chartul.   du  sacellaire),  161. 

Paul,  (cubiculaire),  42. 

Paul,  (éparche  de  la  Ville),  i4o. 

Paul  (chartophylax),  265. 

Pauliciens,  10,  11,  18,  i83,  297,  299, 
317,  322,  323,  324,  325,  327,  332, 
333,  359,  36o. 

Péloponèse  (Thème  et  stratège 
du),  i4,  16,  27,  188,328. 

Pentacoublouklon,  409. 

Pergame.  186. 

Pergé,  i85. 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


443 


Petchenègues,  433. 

Pctronas,  5,  6,  8,  ii.  i/j,  34,  36, 
45,  68.  i4o.  i46,  i47,  i79- 

Phalacron,  332. 

Phanaraki,  io6. 

Phasis,  370,  371. 

Phiale  du  Grand  Palais,  369. 

Philadelphie,  179. 

Philadelphion,  363. 

Philippe  de  Macédoine,  22. 

Philippe,  270. 

Philippopolis,  175. 

Philothée  (notice  de)  xi. 

Photius,  XVII,  XVIII,  XX,  xxi,  xxii, 
XXIII,  12,  22,  33,  39,  43,  5o,  61,  97, 
i34,  i54,  i55,  i56,  167,  169,  188,  190, 
aoo,  2o3,  2o4,  2o5,  206,  207,  208,  209, 

210,  211,  2X3,  2X4,  2X5,  2x8,  2x9,  230, 
221,    222,  223,  224,  225,   227,  228,  23o, 

23i,  332,  233,  234,  335,  236,  237,  338, 
239,  340,  24i,  343,  243,  344,  245,  246, 

247,  248,  249,   25o,  25x,  203,  253,   254, 

257,  258,  260,  276,  286,  288,  296,  297. 
3oo,  3oi,  3o2,  3o3,  3xo,  3x2,  33o,  32i, 
336,  353,  4oo,  4oi,  4o2,  4i3,  431,  422. 

Photius,  328. 

Pierre,  (bulgare  au  service  de 
Basile),  4i. 

Pierre  de  Galatie  (Saint),  283,  295. 

Pierre  (moine  de  l'Olympe),  386. 

Pierre  (évêque  de  Sardes),  2x4. 

Pierre  de  Sicile,  299,  323. 

Pigi,  X02,  286,  409. 

Platon  (ascète  de  l'Olympe),   269. 

Podaron,  370. 

Polyeucte  (patriarche  de  Cple),  X2. 

Pompeiopolis,  179. 

Pouladis,  325. 

Prainetos,  176. 

Preslav,  25. 

Prétoire  (prison),  i'|2. 

Proconèse,  186,  389. 

Procope  (protovestiairede  Basile  I), 
79,  335,  359, 

Propontide,  186,  286. 

Prusias,  178. 

Psilocastellon,  332. 


Psellos,  x6o,  169. 
Pyhe-Cilicfe,  181, 
Pylai  (xénodoche),  102. 
Pylos,  328. 
Pyrgon,  270. 
Pyrsos,  4o5. 


Radelgarius,  337. 

Raguse,  ii3,  189,  3x8. 

Rapsakion,  326. 

Rastiz,  3o8. 

Reggio,  X90,  269. 

Rhodes,  x85. 

Rinôn,  270. 

Rodoald  (évêque  de  Porto),  2o4, 
307,  3x9,  348,  349. 

Romain  I,  xvii,  17,  io4,  no,  i8x, 
354,  37X,  379,  38x,  428. 

Romain  II,  ix,  xv,  isx,  x4i. 

Rome  (prince  de),  432. 

Rosà,  3x8. 

Rouméli-Kavak,  387. 

Roussion,  269,  270. 


Saba,  3x8. 

Salerne,  33o,  432. 

Samos  (Thème  et  stratège  de),  177, 

179,  x85. 

Samuel  (évêque  de  Chonac),  2o3, 

Sangaros  (xénodoche).  102. 

Saniana  (tourme),  178,  342. 

Santabarenos  (Cf.  Théodore). 

Sarban  (Archonte  de),  433. 

Sardaigne,  17,  73,  433.. 

Sardes,  179. 

Saros,  334- 

Sauveur  (S').  4o3. 

Saxonie  (roi  de),  '|33. 

Sébastée,  183,  364- 

Sebastopolis,  370. 

Séleucie  (clisure),  i85. 

Séleucie  (Thème  et  stratège   de), 

180,  i8x,  x85,  332,  359,  390. 
Séleucie,  270. 


U4 


BASILE 


Serbotes  (archonte  des),  A3i. 

Serge  (S*),  202. 

Sevcrina    Santa  ,  336. 

Sigma,  362. 

Sinni,  337. 

Siounie  (Archonte  de;,  43 1. 

Sirica,  334. 

Silistria,  20. 

Sicile,  17,  72,  189,  190. 

Sind,  388. 

Sinope,   181,  183. 

Sisinnios  (protospathaire;,  217. 

Skepi  (Couvent  de),  232. 

Skripii  (Couvent),  398,  4o5, 
4o6,  407,  4o8,  4i4,  4i8. 

Smyrne,  i85,  271. 

Sophie  (S*''),  io4,  io5,  2i3,  235. 
256.  260,  261,  264,  266,  267,  278,  281, 
286,  3oi,  3o2,  33i,  362,  393,  396,  397, 
398,  399,  4oo,  4i5,  4i6,  417. 

Sophie  (Port),  106. 

Sora,  179. 

Spathi,  324. 

Staurakios  (spatliarocandidat  et 
éparche),  191,  200. 

Staurakios  (logothète  du  drôme), 
i65. 

Staurakios  (Emper.),  22. 

Stavros,  178. 

Stilo,  335. 

Strategion,  388. 

Strymon  (Thème  et  stratège  du), 
186,  392. 


Stoudion, 


104. 


Stylianos  (évêque  de  Néo-Césarée), 
xxn,  157,  235,  236,  24o,  244- 

StyUanos  Zaoutzès,  5i,64,65,  i56, 
157,  164,  i65,  421,  422^  423. 

Syllion  (tourme),  179. 

Symbatios,  34,  36,  38,  39,  4o,  5o, 
i52,  i53,  i65,  179. 

Symbatios  (frère  de  Basile),  4i- 

Syméon,  25,  233. 

Syméon  Magister,  xvi,  xvui. 

Synade,  269. 

Syracuse,  189,  317,  33o,  33i,  332, 
335. 


Tafla,  Tafra,  Talaka,  174,  35 '4. 

Taormine,  189,  190,  317,  33o,  335. 

Tarasius  (patriarche),  260. 

Tarente,  329,  335,  337. 

Tarse,  327,  33i,  334,  359,  388. 

Tauri  (forum),  362,  388. 

Téphrice,  11,  iio,  182,  i83,  297, 
323,  324,^325,  33i,  347,  36o,  36i. 

Terbunie  (Archonte  de),  433. 

Térébinthe  (Ile),  33. 

Thèbes,  270,  4i4- 

Thécla  (sœur  de  Basile  Ij,  5i,  58, 
118. 

Théiélée,  i33. 

Théoctista  (mère  de  Théodora),  68. 

Théoctistos  (logothète),  3,  4,  5,  6, 
7,  8,  10,  i3,  i4,  i5,  18,  20,  29,  3o, 
34,  39,  57,  65,  160,  164,  i65,  170. 

Théoctistos  Bryennios,  16,  17. 

Théoctistos  (stratège),  188. 

Théodora  (impératrice,  femme  de 
Justinien),  3,  4o4. 

Théodora  (Impératrice),  i,  2,  3,  4, 
5,  6,  7,  8,  9,  10,  II,  12,  i3,  i4,  i5, 
18,  19,  20,  29,  32,  33,  38,  44,  64,  68, 
91,  100,  io5,  122,  160,  164,  182,  209, 
259,  282,  296,  322,  347,  4i6. 

Théodora  (S"')  de  Thessalonique, 
286,  289. 

Théodore  (asecretis),  169,  219. 

Théodore  de  Carie  (métropolitain), 
222. 

Théodore  Crithinus,  297. 

Théodore  d'Edesse  (Saint),  272, 
273,  291,  296,  3ii,  4i6,  434. 

Théodore  (juriste),  i33. 

Théodore  (magistros),  68. 

Théodore  (ascète  de  l'Olympe),  259. 

Théodore  (préposite),  78. 

Théodore  Santabarenos,  xx,  5o,  5i, 
61,  i54,  i55,  i56,  157,  236,  239,  269. 
334,  421. 

Théodore  (abbé  de  Stoudion),  22, 


ET    L  EMPIRE    BYZANTIN 


445 


Théodore  (archevêque  de  Thessa- 
lonique),  286. 

Tlu'odose  (patriarche  do  Jérusa- 
lem), a  18. 

Théodose  (spathaire),  aSo. 

Théodote   Mélissenos,    180. 

Théodote.  diœcète  de  Sicile,  72. 

Théodote,  duc  de  Sardaigne,  72. 

Théodote  Kassiteras  (patriarche), 
260. 

Théognoste(higoumène),  217,  281, 
247,  28O. 

Théophane  (Continuation  de),  xv, 

XVIII. 

Théophane  (Le  clerc),  233,  234, 
293,  365. 

Théophane  (stratège  de  la  mer 
Egée),  64,  73. 

Théophano  (impératrice),  3. 

Théophano  (S'"),  5o,  07,  61,  64, 
i56,  i58. 

Théophile  d'Amorion,  2o3. 

Théophile,  220,  221,  222,  228. 

Théophile,  8. 

Théophile,  (juriste),  i33. 

Théophile  (Empereur),  xiii,  i,  2, 
3,  4,  5,  9,  10,  i3,  i4,  19,  20,  3i,  33, 
44,  45,  68,  100,  126,  i4o,  i46,  174, 
809,  317,  395,  407,  424. 

Théophylacte,  (stratège  des  Armé- 
niaques),  182,  258,  824. 

Théophylitzès,  8,  i4,  17,  27,  28, 
29,  47,  353,  355. 

Théopiste,  287. 

Thessalie,  188. 

Thessalonique  (Thème  et  Ville). 
186,  187,  188,  388,  889. 

Tetrangurium  (Trau),  189. 

Thomas  (patrice),  21. 

Thomas  (archevêque  de  Tyr),  218, 
254. 

Thomas  (moine),  298. 

Tomis,  270. 

Thrace  (Thème  et  stratège  de),  174, 
175,  178,  364,  366. 

Thracésiens  (Thème  et  stratège 
des),  i4,  87,  89,  i52,  177,  179,  180, 
181,  i85,  359,  364. 


Tiridate,  288. 
Tralles,  i85. 
Trapézonte,  270,  888. 
Tropea,  336. 

Turos  (Archonte  des),  488. 
Tzanarie  (archonte  de),  482. 
Tzantzès  (stratège  de  Macédoine), 
25,  176. 

Tzoukanisterion,  899. 
Tzimiscès  (Jean),  109,  ii5. 


Valens  (aqueduc),  106. 

Vaspouracan  (Archonte   de),   43 1 

Vaty-Rhyax,  36o. 

Vecla  (Veglia),  189. 

Venise,  432. 

Venosa,  819. 

Verinopolis,  178. 

Versinicia,  22. 

Vetzor  (Archonte  de),  43 1. 

Vladimir,  25. 

Voutora,  818. 

Vretza  (Archonte  de),  432, 

X 

Xérolophos,  862. 

Y 

Yasaman,  884,  835. 


Zacharied'Amorion,  208,  204,207, 
3IO,  219,  220,  221,  228,  248,  249. 

Zacharie  d'Anagni,  204. 

Zacharie  de  Chalcédoine  (évêque 
schismatique),  224,  25o. 

Zacharie  (catholicos  d'Arménie), 
810. 

Zachlumie  (Archonte  de),  438. 

Zapetra,  826. 

Zeliks,  10,  297. 

Zoé  (impératrice),  8. 

Zôgoloenos,  324- 


CORRECTIONS    ET    ADDITIONS 


Pages     25,     (note),     lire:  888. 

Chaldos. 

Oryphas. 

silenliaires. 

harinophylakes 

novelle. 

des. 

des. 

Nasar. 

Euchaïle. 

Théodose. 

agitaient. 

Elle  avait. 

zélés. 

Eustratios. 

Eustratios. 

tout  entiers. 

Ezérites. 

Léger. 

Ginzel. 

Ezérites. 

Bathyrrhyax. 

Apostyppis. 

de  la  seconde,   de  la  troisième,   de  la  qua- 
trième. 
»       4i2,  (note  i),  ajouter:   A   ces   travaux   on   peut  joindre  le  tout 
récent  article  de   M.  Millet:   «  Byzance  et  non  l'Orient  »,  paru  dans  la 
Revue  archéologique  de  Mars-Avril  1908. 


4i, 

ligne  28, 

5o, 

»       a6, 

81, 

»       21, 

83, 

»       24, 

89, 

6, 

i3i. 

(note  2), 

i33, 

(note  4), 

178, 

ligne  34, 

236, 

(note  2), 

261, 

»      26, 

276, 

»      26, 

280, 

»      3i, 

29I' 

»      26, 

291. 

»          32, 

293, 

»      29, 

29^' 

»        9, 

3o6, 

)♦      20, 

3o8, 

(note  2), 

3o8, 

(note  3), 

3i6, 

ligne  19, 

324, 

»      29, 

335, 

ligne  22, 

365, 

»      35, 

TABLE     DES    MATIÈRES 


Introduction i 

Etude  critique  des  Sources y 

Sources  et  Bibliographie xxiv 

LIVRE    I 

Chapitre  I.    —   L'Empire  byzantin,  de  la  mort    de   Théophile  à  la 

retraite  de  Théodora  (S\9.-8\C)) i 

Chapitre  II.  —  Origines  de  Basile.  —  Son  histoire  jusqu'à  son  avè- 
nement. —  Ses  rapports  avec  Bardas  et  Michel  III 21 

Chapitre   III.  —  La  personne  de  l'Empereur.  —  Son  caractère.  — 

Ses  idées.  —  La  famille  impériale.  —  La  cour \- 

LIVRE    II 
Le  gouvernement   intérieur  de  Basile  I"^ 

Chapitre  I.  —  Les  premiers  actes  publiques.    —   L'administration 

financière 87 

Chapitre  IL  —  L'œuvre  législative. —  L'organisation  judiciaire  ...  12G 

Chapitre  111.  —  L'administration  intérieure  de  l'Empire.  —  Evéne- 
ments divers  d'ordre  intérieur i5i 

Chapitre  IV.  —  Administration  de  l'égUse 202 

LIVRE    III 
Politique   extérieure   de   Basile. 

Chapitre  I.  —  Les  guerres 3i5 

Chapitre  IL  —  L'administration  militaire 338 

LIVRE    IV 
La   Civilisation   byzantine. 

Chapitre  I.  —  La  condition  des  terres.  —  Esclaves  et  affranchis  .   .       376 

Chapitre  II.  —  Le  commerce  à  Byzance  au  ix"  siècle 38G 

Chapitre  III.  —  L'art  à  Byzance  sous  le  gouvernemenl  de  Basile  .   .       390 

Conclusion,  ~  Fin  du  règne  de  Basile 421 

Appendice.  —  La  chancellerie  impériale 427 

Corrections  et  Additions 446 


Abbeyille.  —  Imprimerie  F.  Paillart. 


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