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Full text of "Bibliothèque de l'École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques"

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lîITILIOTIIÈQUE 


DE  L'ÉCOLE 


DES  HAUTES  ÉTUDES 


PUBLIEE   SOUS    LES   AUSPICES 


DU  MINISTÈRE  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 


SCIENCES  PHILOLOGIQUES  ET  HISTORIQUES 


CENT-SEPTIEME   FASCICILE 

MATÉRIAUX  POUR  SERVIR  À  l'hISTOIRE 

DE  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 

PAR  GODEFROY  DE  BLONAY 


PARTS 

LIBRAIRIE   EMILE  BOUILLON,   ÉDITEUR 

67,  RUE  DE  RICHEI.ÏEU,  AU  PREMIER 


1895 


MATERIAUX 


POUR    SERVIR    A    l'hISTOIRE 


OE  LA 

DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 


CHALON-SUR-SAÔNIS,    IMP.    lUANÇAISE    lîT  ORIENTALE   DB   L.    MAHCKAU 


MATÉRIAUX 


POUR   SERVIR   A   L  HISTOIRE 


DE    LA 


DÉESSE  BUDDIIIQUE  TARA 


PAR 

OODEFKOY    DE   KI^O:V4Y 

ÉLÈVE   DIPLÔMK   DE   1,'ÊCOLE   PR,ATIQUE    DES    HAUTES   ÉTUDES 


PARIS 

LIBRAIRIE  EMILE  BOUILLON,  ÉDITEUR 

67,  RUE  DE  llICHELIEU,  AU  PREMIER 
1895 


Sur  l'avis  de  M.  Sylvain  Lévi,  directeur  adjoint  pour  les  études 
sanscrites,  et  de  MM.  Michel  Bréal  et  James  Darmesteter, 
commissaires  responsables,  le  présent  mémoire  a  valu  à  M.  Gode- 
FROY  DE  Blonay  le  titre  di  Élève  diplômé  de  la  section  d'histoire  et 
de  philologie  de  V École  pratique  des  Hautes  Études, 

Paris,  le  2  juillet  1894. 

Le  Directeur  adjoint, 

Signé:  Sylvain  Lévi. 

Les  Commissaires  responsables. 

Signé:  M.  Bréal. 

J.  Darmesteter. 

Le  Président  de  la  Section  : 

Signé  :  G.   Paris. 


INTRODUCTION 


Le  présent  travail  a  pour  sujet  la  déesse  buddhique  Tara.  Jusqu'ici 
cette  divinité  n'était  connue  que  par  les  rares  mentions  que  lui 
accordaient  les  ouvrages  généraux;  on  savait  aussi  qu'un  certain 
nombre  d'hymnes  adressés  à  cette  divinité  existaient  en  manuscrit 
dans  les  collections  buddhiques. 

Je  me  suis  proposé  de  coordonner  les  documents  principaux  que 
j'ai  recueillis  sur  Tara,  afin  qu'il  fiit  possible  de  se  rendre  compte 
du  rôle  que  cette  divinité  et  son  culte  ont  joué  dans  le  buddhisme. 

Le  hasard  a  mis  à  ma  disposition  trois  textes  qui  caractérisent 
heureusement  les  différents  aspects  du  sentiment  religieux  dans  le 
buddhisme: 

Le  Sragdharâ  stotra,  composé  par  Sarvajnamitra,  un  lettré 
distingué  qui  se  meut  à  l'aise  dans  les  difficultés  d'un  mètre 
compliqué  et  qui  met  les  ressources  d'un  style  savant  au  service 
d'une  foi  ardente  et  d'une  dévotion  exaltée.  Ce  petit  poème  peut 
figurer  parmi  les  inspirations  les  plus  heureuses  de  la  poésie  per- 
sonnelle à  côté  des  Cent  cinquante  Stances  de  Màtrceta^  qu'I-Tsing 
admirait  comme  un  chef-d'œuvre,  et  surpasse  assurément  en 
mérite  littéraire  les  hymnes  buddhiques  publiés  jusqu'ici*. 

Les  Cent  hait  Noms  de  Tara  ou.  A ri/atârânâmâi^^ottaraçataka- 
stotra  forment  avec  l'œuvre  de  Sarvajnamitra  un  étrange  contraste. 
Pour  parfaire  le  nombre  consacré,  qu'une  superstition  commune 
imposait  aux  buddhistes  aussi  bien  qu'aux  brahmanes,  l'auteur 
anonyme  fait  défiler  une   litanie  d'épithètes  incolores    aisément 


1.  FuJisHiMA  :  Deuio  chapitres,  etc. 

2.  MiNAYEPF  :  Mémoires  de  la  Société  Archéologique,  t.  11.  fasc.  1,  etc. 


X  LA    DEESSE    BUDDIIIQUE   TARA 

transportables  d'une  divinité  à  l'autre,  et  qui  n'ont  d'autre  vertu 
que  de  concourir  au  total  obligatoire.  La  liste  des  Cent  huit  Noms 
encadrée  comme  à  l'ordinaire  dans  un  dialogue,  entre  Vajrapâni  et 
Avalokita.  est  sans  nul  doute  un  chapitre  isolé  d'un  de  ces  tantras 
de  'larâ  auxquels  Sarvajnamitra  fait  allusion,  où  l'adoration  de  la 
déesse  se  mêlait  à  des  pratiques  magiques  ou  répugnantes  \ 

U E kavimçatistoira  est  encore  un  fragment  tantrique  où  les 
formules  d'adoration  se  suivent  à  l'aventure  sans  que  l'auteur  ait 
pris  même  la  peine  de  leur  donner  un  cadre.  La  langue,  la  métrique 
et  la  raison  sont  violées  avec  un  égale  indifférence. 

Mon  travail  eût  été  incomplet  si  je  n'avait  pas  recherché  les 
traces  de  Tara  dans  les  pays  étrangers  à  l'Inde,  où  le  buddhisme 
a  trouvé  une  grande  faveur.  Dans  la  littérature  chinoise,  je  puis 
signaler  plusieurs  passages  relatifs  à  Tara,  et  je  tiens  à  remercier 
M.  Specht  de  l'obligeance  avec  laquelle  il  m'a  prêté  son  précieux 
concours  en  ce  domaine. 

Le  Tripilaka  chinois  donne  les  titres  des  hymnes  sanscrits  que 
je  publie;  le  contenu  que  j'ai  dû  me  contenter  d'étudier  som- 
mairement  semble  répondre  en  partie  seulement  à  mes  textes. 

Au  Tibet,  Tara  semble  avoir  été  spécialement  en  honneur. 
Le  buddhisme  a  eu  pour  propagateur  dans  cette  région  le  roi 
Srong-Tsan-Gampo.  Les  deux  reines  ses  épouses  le  secondèrent 
de  leur  zèle  et  restèrent  si  populaires  que  la  légende  en  tit  les 
Taras  tibétaines. 

Au  XVI«  siècle  encore,  Târanâtha,  l'historien  du  buddhisnn^ 
indien,  consacre  une  partie  de  son  ouvrage  à  la  biographie  de  saints 
personnages  voués  au  culte  de  Tara. 

Ces  biographies  ne  valent  pas  seulement  par  l'intérêt  du  conte. 


1.  Les  catalogues  nous  font  connaître  les  titres  de  plusieurs  ouvrages  qui 
se  rattachent  au  culte  tantrique  de  Tara  sans  spécifier  le  caractère  brah- 
manique ou  buddhique  de  la  divinité  :  Târâi>addliati,  170  p.,  800  vers; 
Tât'ripùjanaj.culd liuti ,  120  p.,  12U0  vers;  7\l/(7/-a/ias(/acâftti/,a,  2ô0  p.,  GOOt.) 
vers;  Tdrilbliaktisudhntnac.a\  Tclrânityfc/canacidfti  (avec  les  mille  noms 
de  la  déesse). Ces  textes  citent  d'autres  ouvrages  intcressanl  Tara  :  Tâ/d/,â- 
raiiuja.  Idrânuira,  Tàropanisfad.  Voir  :  Pandit  /)(?r7>/'ri.>"â(/a, Catalogue  of 
the  sansc.  mss.  existing  in  Oudli  Province  for  thc  year  1889,  xv.  21.  22,  23, 
ot  Indio   ()/'/irc,  Cat.  of  sansc  niss.,  n"  2r)'.)G  et  2(10:). 


INTi^ODUCTION  XI 

mais  elles  représentent  certainement  une  tradition  ancienne  fondée 
sur  des  documents  indiens.  L'introduction  de  Jinaraksita  à  son 
commentaire  du  Sragdharâ  stotra  montre  que  les  légendes  re- 
cueillies par  Târanâtha  étaient  déjà  constituées  définitivement 
dans  rinde  longtemps  avant  la  compilation  de  l'auteur  tibétain. 
Qu'il  me  soit  permis  de  remercier  mon  maître,  M.  Sylvain 
Lévi,  des  conseils  et  de  l'aide  patiente  dont  il  n'a  cessé  de  favo- 
riser mes  recherches.  Si,  grâce  à  lui,  mon  travail  a  quelque  mérite, 
c'est  pour  moi  un  devoir  et  un  privilège  que  de  lui  témoigner  ici 
ma  profonde  gratitude. 

G.  B. 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES   CITES 

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XIV  LA    DEESSE    BUDDHIQUE    TARA 

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HoDGSON  (B.  H.). —  Essaijson  the  langage,  littérature  and  religion 

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RIRLIOGRAPIllE  XV 

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MATERIAUX 

POUR    SERVIR    A    L.' H  I  S  TO  I  R  1-: 

DE    LA. 

DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 


SOURCES    LITTERAIRES 

Les  documents  les  plus  complets  que  nous  ayons  sur  le  person- 
nage et  le  culte  de  la  déesse  buddhiquc  Tara  appartiennent  à  la 
littérature  sanscrite  népalaise.  Ce  sont  le  Sragd/iarâstotra  avec  son 
introduction  dans  la  tïkâ  de  Jinaraksita,  la  liste  des  Cent  huit 
noms  de  Tcirâ:  Aryatàrânâniâstotlaraçataka,  et  V Hymne  en  vingt 
et  an  vers  :  E kavimçatistotra. 

Il  a  dii  exister  encore  d'autres  textes  relatifs  à  Tara  qui  seraient 
précieux  à  retrouver  ;  c'est  à  Târanâtlia  que  nous  devons  d'en 
connaître  au  moins  deux  par  leurs  titres;  il  dit  à  propos  de  l'aca- 
rya  Râhulabliadra:  ((  Son  histoire  est  racontée  dans  la  Description 
de  ta  vie  de  Tdrày  »  Les  informations  de  Târanâtlia  ne  détermi- 
nent malheureusement  ni  la  date  ni  l'origine  sanscrit(;  ou  tibétaine 
de  cet  écrit. 

L'autre  est  le  Târâsâdlutnnratakn,  par  Candragomin;  Târanâtlia 
nous  apprend  que  cet  ouvrage  a  été  traduit  en  tibétain'. 

Le  catalogue  du  Kandjour  nous  apprend  l'existence  dans  le 
canon  tibétain  des  textes  suivants  en  ra.[)port  avec  le  culte  de  Tara  : 

Rgyud  IV  13  Târakurukullakalpa. 

))  XIV  49  Sarva   Tathagata    niâtâni    Tara    virvakarma 

bhava  tantra. 


1.    TÂIIANÂTIIA,    p.    [)'À. 

'^.  Tak.  ,  p.  ir)(). 


Z  LA    DEESSE    BUDDHIQUE    TARA 

Rgyud      XÏV  50  Arya  Tara  bliadra  nâma  astaçatakam. 
))  XIV  51  Tâm  Devi  nâmfi  astaçatakam. 

»  XIV  53  Tara  svapratijûâ  dhâranï  (mantra). 

»       XVIII         Bhagavaty  Arya  Tara  mûlakalpa. 
»  XXI     3  Origine  des   noms  des  divinités,   parmi  les- 

quelles Tara. 

On  trouve  dans  leTandjour,  Rgyud  1,9  unTârâmahâyogatantra. 

La  source  la  plus  féconde  en  renseignements  sur  le  grand  déve- 
loppein(Hit  que  prit  le  culte  de  Tara  est  V HUtolre  du  Jhiddhisme 
aux  Indes  de  Târanâtha.  Le  culte  de  cette  divinité  devait  avoir 
conservé  une  importance  particulière  pour  quel  auteur  de  V  Histoire 
du  IhiddJnsme  nous  rapporte  une  quantité  relativement  consi- 
dérable de  renseignements  au  sujet  de  Tara;  elle  avait  parmi  les 
plus  notables  âcâryas  de  l'Inde  des  sectateurs  fervents. 

La  popularité  de  Tara  au  Tibet  se  constate  dès  une  époque 
assez  ancienne:  Les  Tibétains  ont  identifié  Tara  avec  les  deux 
femmes  du  roi  Srong-Tsan-Gampo,  l'introducteur  du  buddhisme 
en  ce  pays  (septième  siècle  ap.  J.  C.)'.  Les  deux  épouses  royales 
étaient,  en  tibétain:  Dolkar  (pron.  Dô-Kar')  et  Dol-jang  (prou.  Do- 
jang  ou  Dô-ngôn),  la  Tara  blanche  et  la  Tara  verte.  Elles  portent 
aussi  l'une  et  l'autre  le  nom  de  S'grolma  (pron.  'Doma').  L'une 
était  princesse  népalaise-,  l'aulre  princesstî  chinoise^;  ces  deux 
princesses  personnifient  donc  deux  inlluences  buddhiques  aussi 
intenses  l'une  qu(^  l'autre. 

L'histoire  delà  Tara  tibétaine,  ou  des  Taras  tibétaines,  car  leur 
nombre  finit  par  devenir  considérable,  échappe  à  nos  moyens 
actuels  d'investigation  ;  il  faudrait  entreprendre  l'examen  de  docu- 
ments littéraires  bien  peu  accessibles  encore.  Klaprotli*  donne  en 
allem.and  un  hymne  à  la  vei'te  Darrah  ou  Rogon-Darrki,  hymne  \)v\\ 
caractéristique.  M.  Waddell  *  a  étudié  ce  sujet  spécialement  et  a 
publié  la  traduction  anglaise  d'Iiymnes  extraits  du  manuel  d'ado- 
ration à  Tara,  hymnes  assez  semblables  î\  ceux  que  nous  tradui- 
sons. Il  y  a  joint  la  liste  d'un  certain  nombre  de  Taras,  sans  donner 
malheureusement  ses  sources. 


1.  Voir    S(iiLA(aNT\vi:rr.     liinld/iisnic    au    Tihct,  40-12,    Wadmki,,   ,/.  R. 
A.  S.,  janvier  18'.)4. 

2.  Nommée  V;ijrabhrûkuli  ou  Hril)siin  fille  du  roi  l'rablinvarmau  ou  Aiu- 
euvarmaii,  (>:]0-r)lU  ap.  J.  C. 

'.].  Fille  (le  l'empereur   Tai-Tsunp:,   elle   épousa   le  roi  eu  OiU)  après  J.  ('. 
V.  Gauii  Dàs  Bysack.  j.  A.  S.,  vol.  I.IX,  p.  W.L 

4.  licisr  in  dm  Caucai^us  ttnd  narh  Gcoff/ien.,  v.  I,  p.  213-215. 

5.  ./.  /i\  A.  S.,  janvier  LSUt. 


I 


LA    DÉESSE    BUDDIIIQUE    TARA  3 

La  Chine  fournit  aussi  à  nos  recherches  son  contingent  de  ren- 
seignements et  de  documents. 

Hiouen-Tsang  mentionne  Tara  à  deux  reprises  : 

((  Au  couvent^  Tilàdhaka  (dans  le  Magadha),  dans  le  vihâra  du 
milieu,  il  y  aune  statue  droite  du  Buddha  haute  de  trente  pieds.  A 
gauche  s'élève  la  statue  deTo-lo-pou-sa(Târâbodhisattva)  et  à  droite 
celle  de  Kouan-tseu-thsaï-pou-sa  (Avalokiteçvarabodhisattva).  Ces 
trois  statues  sont  en  laiton  fondu,  leur  aspect  divin  inspire  une 
crainte  respectueuse  et  les  efïets  de  leur  puissance  se  répandent 
secrètement  au  loin  ^  » 

Puis  dans  la  description  du  royaume  de  Vaiçâlr  : 

((  A  deux  ou  trois  lis  au  nord  de  la  statue  en  cuivre  du  Buddha 
exécutée  par  le  roi  Mouan-Tscheou  (Poûrnavarma)  on  voit  au 
milieu  d'un  vihâra  en  briques  la  statue  de  To-lo-pou-sa  (Târcâbo- 
dhisattva).  Elle  est  d'une  grande  hauteur  et  douée  de  pénétration 
divine.  Le  premier  jour  de  chaque  année  on  lui  fait  de  riches 
offrandes.  Les  rois,  les  ministres  et  les  hommes  puissants  des 
royaumes  voisins  présentent  des  fleurs  d'un  parfum  exquis  en 
tenant  des  étendards  et  des  parasols  ornés  de  pierres  précieuses. 
Les  instruments  de  métal  et  de  pierre  résonnent  tour  à  tour,  les 
guitares  et  les  flûtes  unissent  leurs  sons  harmonieux.  Ces  assem- 
blées religieuses  durent  pendant  sept  jours  *.» 

Il  est  fait  mention  aussi  de  Tara  dans  le  livre:  Les  par/s  du 
Buddha,  chapitre  iv,  description  de  toute  l'Inde  et  route  pour  y 
aller.  L'auteur  Tao-Suen,  le  fondateur  de  l'I^^cole  du  Vinaya  en 
Chine  (G50  ap.  J.  C.)  mentionne  dans  le  royaume  deTsaukûta  près 
du  Strirâjya,  par  conséquent  dans  l'Asie  centrale,  un  stûpa  de  Tara. 

Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Edouard  Specht  qui  m'en  a 
signalé  l'existence,  je  puis  constater  la  présence  dans  le  Ti-iintaka 
chinois  de  deux  textes  relatifs  à  Tara: 

Le  premier  donne  une  transcription  en  caractères  chinois  d'un 
texte  sanscrit:  Aes'  ccni  liait  noina  de  la  Sainte  TCu-Ci. 

Quoique  ce  titre  nous  permît  d'espérer  ti'ouver  la  trnnscriplion 
du  texte  que  nous  donnons  plus  loin  en  sanscrit,  il  a,  fallu  renon- 
cer à  celte  identilication,  car  nous  nous  trouvons  en  présence  de 
dhâranis  sans  caractère  propre.  Le  texte  commence  ainsi  : 


L  St.  JuLUiN,  V.  II,  p.  439-440. 

2.  C'est  à    M.    Specht  que  je  dois  la  coimaissanco  de   ces    deux    passages 
avec  leur  portée  précise,  qui  a  échappe  ù  Stanislas  Julien. 

3.  St.  JuLiKN,  V.  il I,  p.  40  et  suiv. 

4.  St.  Julikn,  v.  III,  p   r)0-ril. 


4  LA    DEESSE    BUDDIIlQrE    TARA 

Ôm,  trailokye,  vijaye,  arthamjaye,  arimghate,  jaye,  ajaye, 
vijaye,  mahâjaye,     vijaye,   jaye,   jaye,  hi  hi....  etc.^ 

Les  qualificatifs  sont  donnés  en  transcription  et  le  texte  sous 
forme  de  sCitra  est  donné  en  traduction  chinoise.  Le  bodhisattva 
Avalokita  est  un  des  interlocuteurs,  comme  dans  le  texte  sanscrit. 

Le  second  texte  donne  aussi  une  transcription  en  caractères 
chinois  d'un  texte  sanscrit,  ayant  pour  titre  :  Chan-to-lo-pou-sa-fan- 
tsan  équivalant  au  sanscrit:  Arya  tara,  bodhisattva  samskrta  stotra, 
soit:  Éloge  en  aanacrit  de  la  sainte  Tara  bodhisattva^. 

Le  nombre  des  indications  fournies  par  le  buddhisme  chinois 
donne  le  droit  de  penser  que  le  buddhisme  japonais  a  conservé  aussi 
un  souvenir  plus  ou  moins  vivace  de  Tara.  Malgré  les  efforts  que 
nous  avons  tentés  dans  cette  direction,  à  cause  peut-être  de  l'in- 
suffisance des  moyens  d'investigation  dont  nous  disposions,  il  ne 
nous  a  pas  été  donné  de  suivre  Tara  jusqu'au  Japon. 

M.  lïoriu  Toki,  d'après  des  notes  prises  dans  les  documents 
japonais  du  Musée  Guimet,  a  pu  nous  signaler  le  nom  de  Àrya  Tara 
bodhisattva  passé  au  Japon,  sous  la  forme  de  Ro-tara-ni-bi.  «  Elle 
est  comme  le  bateau  qui  fait  traverser  à  l'homme  l'Océan,  et  lui 
procure  la  liberté  (d'après  le  Yoga-ki).  » 

Le  buddhisme  du  sud  n'accorde  point  de  place  aux  énergies 
féminines  des  Buddhas  (çaktis),  aussi  Tara  est-elle  restée  étrangère 
à  la  littérature  sacrée  de  Ceylan^ 

1.  Voir  Ta  Ts'ang  Kiinu  boîte  27,  cahier  11.  do  l'exemplaire  d-'  la  Société 
asiatique. 

2.  Ta  TsUiiifj  hi/Kj,  b.  27,  c.  ll^. 

;5.  HAiirH.  [iuUetiH  c/c.s  relUjioiif^  de  ITntlc,  1889,  H  part.  p.  5. 


LA    DEESSE    E4UDDHIQUE    TARA 


II 


DOCUMENTS    KPIGRAPHIQUES 


Les  documents  épigraphiques  seraient  les  fondements  historiques 
les  plus  sûrs  pour  assigner  des  dates  précises  aux  phases  du 
culte  de  Tara  aux  Indes.  D'après  les  légendes  il  y  a  eu  une  quantité 
de  temples  et  de  collèges  consacrés  à  ce  culte.  Târanâtha  mentionne 
des  fondations  de  ce  genre  extrêmement  nombreuses.  Un  examen 
détaillé  des  ruines  buddhiques  de  l'Inde  permettra  peut-être  de 
trouver  plus  de  vestiges  que  nous  n'avons  pu  le  faire  en  nous  aidant 
de  ce  qui  a  été  publié  jusqu'à  présent. 

Un  document  précieux,  le  plus  ancien  en  date,  se  trouve  dans 
l'île  de  Java.  M.  Brandes  l'a  publié  tout  au  long,  texte  et  traduction, 
sous  le  titre  :  Een  nàgarl  opschrift  gevonden  tusschen  Kalasan 
en  Pramhanan\ 

Le  texte  mutilé  au  début  est  de  douze  strophes  en  vers,  soit 
vasantatilaka,  soit  âryà;  je  donne  ici  la  traduction  complète  du 
texte,  plus  le  texte  de  l'invocation  initiale  à  Tara: 

«  Hommage  à  la  bienheureuse  Àrya  Tara. 

(1)  Elle  qui  délivre  directement  de  cet  état  infini  de  malheur. . . 
ce  qui  concerne  la  nature  de  ce  qui  est  terrestre  et  de  ce  qui  est 
invisible...  l'essence  du  salut  du  monde  inférieur,  des  dieux  et 
des  hommes. . .  seule  Tara. 

Namo  bhagavatyây  âryatârcâyai  II  yâ  târayaty  amitaduhkhabha- 
vât  tiryag  na  I  lokavilokyavidhiva. . .  rupâyah  ||  sârah  surendra- 
nâralokavibhùtisâraTu  |  târâdi. . .  bhimatani  jagad  ckatârâ. 

(2)  Car  les  gurus  du  prince  Çailendra  ont  fait  construire  un 
temple  majestueux  à  Tara.  (3)  Sur  l'ordre  des  gurus  une  déesse  a 
été  fabriquée  par  les  reconnaissants,  et  aussi  un  temple  pour  elle 
et  aussi  un  lieu  de  séjour  pour  les  nobles  moines  qui  connaissent 
le  Mahâyâna  de  la  doctrine  du  Vinaya.  (4)  Sous  la  surveillance  des 
Adeçaçâstrin  du  prince,  nommés  le  Pankura,  le  Tawâna,  le  Tiripa', 

1.  Voir  :  TijUsclirift  oon  indisc/ie  Taal-Land-cn-'Vollicrkundc.  (Batavia. 
1886.) 

2.  Fonctionnaires  dont  on  ignore  le  rôle  précis. 


6  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

a  été  construit  ce  Umti pie  do  Tcirâ  et  aussi  un  lieu  de  séjour  pour 
les  nobles  moines  (5j  dans  le  joycUinie  florissant  du  prince  qui  est 
l'ornement  de  la  dynastie  des  Çailendras,  (d'après  les  déb^irs)  des 
gurus  de  ce  prince  des  Çailendras  aux(iuels  il  est  satisfait  de 
cette  façon  :  un  temple  à  Tara  a  été  élevé  (0)  après  que  sept  siècles 
se  sont  écoulés  dans  l'ère  du  prince  des  Çakas;  le  prince,  pour 
honorer  ses  gurus,  à  la  suite  d'un  vœu,  a  construit  un  temple  à 
Târé'i.  (7)  Le  domaine  du  village,  nommé  Kâlasa,  est  donné  à 
l'assemblée  en  présence  du  Pankura,  du  Tawâna,  du  Tïripa  et  des 
notables  chefs  du  village.  (8)  Ce  don,  à  la  façon  bhura,  donné  à 
l'église  par  le  prince,  ne  peut  pas  être  aboli  par  les  princes  de  la 
race  Çailendra,  mais  doit  être  indéfiniment  respecté  (9)  aussi  par 
les  Pankuras,  les  Tawânas,  et  les  Tiripas  et  leurs  respectables 
femmes  (10)  et  le  roi  demande  aussi  à  tous  les  princes  qui  régne- 
ront plus  tard,  ceci,  qu'il  exige  :  ((  Puisse  cette  digue  du  droit  qui 
est   commun   à   tous,  de  tout  temps  être   protégée    par    vous.    » 

(11)  Puissent  en  suite  de  cette  sainte  fondation  tous  les  gens 
avoir  connaissance  des  vibhagas  etdes  prescriptions  du  Tribhavâ  (?). 

(12)  Sa  majesté  fait  un  V(eu  kariyâna,  elle  prie  les  princes  qui 
régneront  ici  plus  tard  de  protéger  de  plus  en  plus  cette  fondation, 
toujours.  » 

Dans  cette  inscription,  rien  qui  soit  très  personnel  à  Tar.â  et  qui 
se  rapproche  de  nos  hymnes,  d'autant  plus  que  la  première  strophe 
est  particulièrement  mutilée.  Néanmoins,  il  est  important  à 
constater  que  Tara  a  [)énétré  en  même  temps  que  le  buddhisnu^  à 
Java  où  son  culte,  comme  partout  ailleurs,  est  attaché  à  la  tradi- 
tion du  Mahâyâna. 

La  date  de  l'inscription,  donnée  dans  l'ère  Çaka,  correspond  à 
779  ap.  J.  C.  (un  siècle  après  Sarvajnamitra). 

Un  des  documents  les  plus  importants  a  été  publié  par  ^L  Fleet'; 
lUliot  en  avait  doimé  une  transcription  ^  C'est  une  inscription 
trouvée  sur  une  tablette  de  pierre,  près  d'un  temple  jaina,  dans  le 
fort  de  Danibal.  Les  emblèmes  figurés  sur  la  pierre  sont  décrits 
au  chapitre  suivant'.  Le  texte  est  édité  d'après  un  estampage 
de  M.  H.  Consens.  Le  texte  est  en  écriture  vieux  canarais,  déli- 
catement gravé  et  parfaitement  conservé.  Autour  du  sommet 
de  la  tablette  deux  longues  lignes  de  même  écriture  contiennent 


1.  Indian  Antiquari/,  v.   X,   p.   185.  Je  cite  presque   textuellement  cet 
article. 

2.  Elliot,  Mfis.  collection.,  vol.  I,  p    35G. 

3.  V.  in/.,  p.  1>. 


LA    DEESSE    BUDDHIQIJE    TARA  1 

trois  vers  sanscrits.  L'inscription  est  du  temps  du  roi  Câlukya 
Tribhuvanamalla  ou  Vilvramàditya  VI.  elle  est  datée  du  Juvasain- 
vatsara,  la  dix-neuvième  année  du  Câlukya-Vikramavarsa,  ère  qui 
fut  fondée  par  ce  prince  et  qui  part  de  son  avènement  en  Tannée 
çaka  1017,  soit  1095-6  ap.  J.  C.  L'inscription  donne  le  nom  de  la 
reine  Laksnuidevi,  qui  gouvernait  la  région  nommée  (des  dix-huit 
agrahâras  »  et  la  ville  de  Dharmapura  ou  Dharmavolal,  la  ville 
de  la  religion,  qui  est  certainement  Dainbal  môme.  Il  y  avait 
alors  à  Danibal  un  vihâra  buddhique  construit  par  les  seize  sellhis 
(Çresthin,  marchands)  de  l'endroit,  et  un  vihâra  de  Târâdevi 
construit  par  le  setthi  Sanigavaya  de  Lokkigundi,  tandis  que  cette 
ville  était  jaina  et  que  ces  marchands  appartenaient  à  la  secte 
Virabalaùjà,  qui  plus  tard  adopta  le  culte  lingaïte  de  Basava^: 
une  preuve  de  plus  de  la  profonde  influence  que  tous  ces  cultes 
hindous  parallèles  exerçaient  les  uns  sur  les  autres. 

Voici  les  passages  de  l'inscription  qui  sont  spécialement  relatifs 
à  Tara. 

(1.  1)  «  Hommage  à  Buddha,  hommage  à  toi,  ô  sainte  Tara,  qui 
apaises  la  crainte  des  lions,  des  éléphants,  du  feu,  des  serpents  à 
chaperon,  des  voleurs,  des  chaînes,  de  l'eau,  de  l'océan.  —  Toi  qui 
es  revêtue  d'une  splendeur  semblable  à  celle  des  rayons  de  la  lune. 
Qu'elle  donne  toujours  sa  bénédiction,  cette  Tara  qui  apaise  la  misère 
de  l'affliction  de  l'existence,  qui  sortit  du  barattement  de  l'océan  du 
savoir  nommé  Prajnâ;  elle  qui  donne  la  puissance  au  Buddha, 
qui  est  l'incarnation  suprême  de  la  parfaite  sagesse  dans  les  trois 
mondes,  qui  demeure  dans  le  cœur  du  Tathâgata  de  même  que  le 
disque  de  la  pleine  lune  dans  lé  ciel. 

(1. 19)  Hommage  à  la  déesse,  la  sainte  Târâdevî  et  au  dieu  Bud- 
dha. (Qu'on  donne)  unmattar  de  terrain  de  jardin  en  concession,  à 
la  façon  sarvanamasya,  dans  le  domaine  Ponnakuruva,  à  l'est  du 
village,  et  un  aruvana  et  trois  gadyanas  d'or  à  percevoir  chaque 
année  comme  taxe,  dont  on  profitera  avec  jouissance  pour  l'entretien 
convenable  du  culte,  pour  l'approvisionnement  de  parfums,  fleurs, 
encens,  lampes  et  guirlandes,  et  pour  l'ofïrande  perpétuelle  et 
autres  choses,  —  pour  l'entretien  du  pûjâri,  pour  fournir  de  nour- 
riture et  de  vêtements  les  religieux  mendiants  du  lieu,  et  pour 
subvenir  aux  frais  de  restauration.  » 

Voici  la  traduction  des  trois  lignes  sanscrites  qui  encadrent 
l'image  : 

«...  Tara  puisse-t-elle,  elle  qui  se  préoccupe  avec  anxiété  de 

1.    Voir  WiLSON,  Religious  accts  of  tlic  Hindus,  p.  2:^5  sqq. 


8  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

témoigner  sa  tendresse,  préserver  les  hommes  que  tourmente  la 
crainte  de  l'eau,  des  rois,  des  masses,  du  feu,  du  vent,  elle  qui  ôte 
la  crainte  des  audacieux,  des  océans,  des  éléphants,  des  lions.  . ., 
qui  accorde  sans  délai  les  récompenses  désirées!  Que  Saingama 
nous  préserve  toujours!  » 

L'épigraphie  de  Tara  est  étroitement  apparentée  à  sa  littérature; 
elle  est  dans  l'une  et  dans  l'autre  la  sauveuse  par  excellence,  celle 
qui  prend  soin  d'écarter  de  ses  adeptes  les  craintes  et  les  supplices; 
elle  occupe  une  place  prépondérante  à  côté  du  Buddha  qui  lui  doit 
sa  sagesse,  et  dont  elle  est  le  principal  ornement.  Les  vers  sanscrits 
de  l'inscription  sont  presque  des  citations  de  nos  stotras,  ou  du 
moins  ils  les  reflètent  indirectement  par  l'intermédiaire  d'une 
tradition  précise  et  fidèle. 

Une  ins(;ription  buddhique  de  Çrâvastï  (Oudh),  plus  récente 
encore  que  celle  de  Dainbal  puisqu'elle  date  de  l'an  1219  ap.  J.  C, 
contient  une  mention  de  Tara  qui  suffit  à  prouver  la  persistance 
vivace  de  son  culte'. 

La  déesse  est  adorée  en  ces  termes  : 

(1.  2)  Sanisârâmbhodhitârâya  târam  uttâralocanâm  |  vande 
gu'vvânavânïnâin  Bhâratim  adhidevatâm.  || 

((  Pour  traverser  l'océan  des  existences,  j'adore  la  sauveuse 
Bhârati,  Tara,  qui  a  des  yeux  dont  saillent  les  pupilles,  la  déesse 
souveraine  des  paroles  des  dieux.  » 

Târâest  encore  celle  qui  fait  traverser  et  son  nom  conserve  ici 
toute  sa  puissance  étymologique. 

1.  Indian  Antiqaary,  vol.  XVII.  p.  62. 


LA    DEESSE    BUDDHIQUE   TARA 


111 


LES   IMAGES    DE   TARA 


Les  images  de  Tara,  identifiées  jusqu'ici,  sont  peu  nombreuses. 
Une  enquête  diligence  permettra  sans  aucun  doute  d'en  reconnaître 
bien  davantage,  même  dans  les  monuments  déjà  explorés,  et  parti- 
culièrement (au  témoignage  de  M.  Waddell)  dans  le  pays  de 
Magadha. 

Près  d'un  temple  Jaina,  dans  le  fort  de  DambaP,  sur  une  tablette 
de  pierre,  outre  l'inscription  mentionnée  plus  haut  se  trouve  une 
figure  représentant  Tara,  assise  à  l'intérieur  d'une  châsse,  regardant 
devant  elle,  tenant  dans  sa  main  gauche  un  nymphéa  épanoui  et 
dans  sa  main  droite  un  objet  difficile  à  identifier.  A  la  droite  de  la 
divinité,  une  vache  et  un  veau,  le  soleil  au-dessus  d'eux;  à  gauche, 
une  figure  debout,  les  mains  jointes  sur  le  visage,  en  adoration,  un 
nénuphar  à  huit  pétales  sur  les  mains,  deux  candélabres  à  mèches 
allumées  derrière  elle,  et  la  lune  au-dessus.  L'image,  en  somme,  ne 
présente  pas  de  traits  caractéristiques. 

A  Buddha  Gayâ%  sur  l'emplacement  d'un  temple  voué  àTârâ,  on 
a  trouvé  une  figure  sculptée  que  Râjendralâla  Mitra  dit  être  Padma- 
pâni,  et  qui  ensuite  passa  pour  une  Tara,  lorsque  le  temple  fut  con- 
sacré au  culte  de  cette  divinité.  Buchanan  Hamilton^  est  d'accord 
pour  constater  que  ce  n'est  pas  du  tout  une  image  originale  de  Tara, 
mais  un  personnage  masculin. 

A  Ellora,  Burgess*  a  constaté  la  présence  d'une  statue  de  Tara, 
avec  un  lotus,  au-dessous  d'une  niche. 

Târanâtha**  parle  d'une  statue  d'elle,  élevée  par  Vinltasena  dans 
un  temple,  qui  fut  transportée  à  Devagiri  par  crainte  des  dégâts  que 
commettaient  les  Turuskas. 


1.  V.  Flekt.  Indian  Antiquart/,  v.  X,  p.  185. 

2.  Buddha  Gayâ,  par  Râjendralâla  Mitra.  1878,  pi.  XX,  fig.  1. 

3.  Même  ouvrage,  p.  60. 

4.  BuRGESs.  Ellora  Care  Temples,  cave  XII. 

5.  Târ..  p.  160. 


10  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

Il  semble  que  les  diverses  Taras  se  distinguaient  par  la  couleur. 
Chacune  d'elles  portait  les  couleurs  de  son  Buddlia  respectif  '. 


Bufldha: 

Tara  : 

Couleur  : 

Aksobhya 

Locanâ 

bleu 

Ratnasanibhava 

Mâmakï  ou  Mâmuki 

jaune  ou  or 

Vairocana 

Vajradhâtvîçvarï 

blanc 

Amitâbha 

Pandarâ  ou  Pândurâ 

rose,  rouge 

Amoghasiddha 

Tara' 

vert 

La  position  des  mains  varie  aussi  de  l'une  à  l'autre. 

Le  Népal,  le  Tibet  et  la  Mongolie  sont  d'accord  sur  la  répartition 
de  ces  couleurs,  c'est  surtout  dans  ces  pays  que  les  images  des 
Dhyânibuddhas  et  de  leurs  Taras  ont  été  les  plus  nombreuses  et 
les  plus  spécialement  révérées. 

Au  Tibet\  comme  nous  l'avons  vu,  on  connaît  deux  Taras  : 
Dolkar  et  Doljang.  On  les  représente  toutes  deux  dans  la  même 
attitude;  le  pied  droit  pendant  devant  le  trône,  la  main  droite  tenant 
le  lotus  bleu.  Leur  teint  est  différent:  Dolkar  est  blanche,  Doljang 
est  verte.  Elles  sont  censées  créées  par  le  rayon  bleu  qui  sortait  de 
l'œil  gauche  d'Amitabha  s'incarnant  en  elles*.  Certaines  représen- 
tations de  Doljang  montrent  cet  œil  de  sagesse  dessiné  dans  la 
paume  de  ses  mains  et  sous  la  plante  de  ses  pieds;  ces  marques 
ont  même  une  ressemblance  surprenante  avec  les  stigmates  chré- 
tiens''. Le  Musée  Guimet"  possède  une  statuette  de  bronze  repré- 
sentant Doljang  ou  Dolkar  assise  sur  un  lotus,  la  jambe  droite 
pendante,  coiffée  d'une  couronne. 

La  Tara  japonaise  tiendrait  de  très  près  à  la  Tara  tibétainci  d'a- 
près le  témoignage  de  M.  lloriu  Toki,  fondée  sur  le  Yoga-ghi-Ki. 
Elle  serait  verte  mêlée  de  blanc,  née  des  yeux  de  Kouan-in,  elle 
se  nomme  aussi  Fou-ghen,  et  fait  partie  du  groupe  de  Kouan-in. 

En  somme,  à  en  juger  sur  ces  indications  trop  rares,  rien  n'a 
distingué  Tara,  au  point  de  vue  artistique,  de  bien  d'autres  figures 


1.  Voir  WiMGMT,  Hii^torij  of  Ncpat,  plate  V,  p.  28.  Kkmn,  Budcfhismus, 
vol.  II,  p.  215-16.  HoDGSON,  ./.  R.  A.  S.,  old  s.,  v.  IL  p.  319  et  suiv. 

2.  Voir  le  manuscrit  add.  1476  (Dharanis)du  catalogue  de  Ckcil  Beniiall. 
qui  contient  p.  22  h.  une  Tara  dont  la  tète  et  les  membres  sont  verts.  Cette 
miniature  fort  belle  est  du  XVII""  siècle. 

3.  ScHLAGiNTWEiT.  Lc  Ducldliisnie  axi  Thlbet,  p.  42. 

4.  SciiLA(;iNTvvErr,  p.  54. 

5.  SCIILAGINTWKIT,   p.   138. 

6.  Salle  2,  vitrine  13,  partie  verticale,  recoud  rang  (catal.  p.  55). 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  11 

féminines  que  l'art  hindou  a  produites;  de  même  que  la  littérature 
Ta  habillée  non  seulement  de  toutes  les  épithètes  buddhiques  en 
vogue,  mais  encore  des  qualités  et  attributs  chers  au  panthéon 
brahmanique,  de  môme  il  estdiffîcile  de  croire  qu'une  forme  exté- 
rieure bien  arrêtée  ait  jamais  été  consacrée  à  Tara. 

Dans  le  Sragdhn/'à  Siotra,  quoiqu'au point  de  vue  de  la  charité 
Tara  ne  varie  jamais,  son  apparence  néanmoins  revêt  les  aspects  les 
plus  divers;  on  la  voit  les  pieds  illuminés  de  l'éblouissement  de 
ceux  qui  radorent\  dorée  comme  le  soleil  levant'-,  courbant  sous 
son  poids  les  têtes  d'Indra,  Rudra  et  Brahmâ,  se  tenir  dans  l'atti- 
tude del'âlkjha  qui  est  une  de  celles  du  tireur  d'arc,  la  jambe  droite 
en  avant,  la  gauche  repliée"';  ou  bien,  emportée  de  colère*  elle  est 
revêtue  d'armes  étincelantes  et  des  serpents  afïreux  lui  enserrent 
les  bras,  analogue  à  Kcili';  ou  bien,  plus  calme",  tous  les  person- 
nages célestes  et  terrestres  lui  offrent  leurs  hommages  et,  conclut 
Sarvajûamitra,  ((  la  déesse  pareille  au  cristal  qui  reflète  tout  ce  qui 
l'entoure,  à  sa  fantaisie  se  pare  de  la  pourpre  du  soleil  levant,  plus 
rouge  que  la  laque,  d'une  couleur  sombre  plus  sombre  que  le 
saphir  ou  la  feuille  écrasée  du  lotus,  d'un  blanc  plus  blanc  que  le 
lait  baratté  de  l'océan^  ». 

Cette  énumération  de  couleurs,  d'accord  avec  les  couleurs  des 
Buddhas  et  des  Taras  données  plus  haut  pourrait  n'être  pas  fantai- 
siste et  tenir  de  la  tradition  ;  le  bleu,  le  blanc,  le  rouge  y  sont,  man- 
queraient le  jaune  et  le  vert  pour  que  la  concordance  fût  complète, 
et  encore  le  vert  on  le  trouve  à  côté  du  bleu-saphir  dans  la  pous- 
sière de  la  feuille  du  lotus,  et  l'or  ou  jaune  est  tout  naturellement 
impliqué  dans  la  comparaison  avec  le  soleil. 

Dans  la  liste  des  Cent  hait  noms  (TArija  Tara  comme  dans  toutes 
les  énumérations  de  ce  genre.  Tara"  a  mille  bras,  mille  yeux,  elle  a 
le  visage  sombre  et  revêt  toutes  les  formes''.  Avec  l'éclat  du  feu,  elle 
a  de  grands  yeux  ^%  porte  toutes  les  armes,  s'orne  de  crânes ^\..  etc. 


1.  Srag.,  vers  1. 

2.  Srag.,  v.  5. 

3.  Srarj.,  V.  30. 

4.  Srarj.,  v.  31. 

5.  Comp.  BuciiANAN  Hamilton.  Tantra  Sara.  Transact.  li.  As.  S.,],  ib. 

6.  Srag. ,  t.  32. 

7.  Srag.,  v.  33. 

8.  WS  noms,  v.  26. 

9.  708  noms,  v.  28. 

10.  108  noms,  v.  34. 

11.  W8  noms,  v.  37. 


12  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

Éviderament,  ce  qui  ressort  le  plus  clairement  de  nos  hymnes, 
c'est  le  privilège  qu'a  Tara  de  revêtir  à  son  gré  la  forme  extérieure 
qui  lui  convient,  et  n'est-ce  pas  là  le  privilège  indispensable  au 
r(Me  de  charité  universelle  qu'elle  joue  ^?  Elle  est  la  très  bonne.  Elle 
paraît  à  l'upâsaka  Çcântivarman  sous  la  forme  d'une  vieille  femme 
pour  lui  faire  traverser  un  fleuve':  elle  se  dépouille  de  ses  joyaux 
en  faveur  d'une  pauvre  vieille  lorsque  Candragoniin'  adresse  une 
prière  à  l'image  qui  la  représente  et  depuis  lors  la  peinture  resta 
sans  bijoux. 

1.  Voir:  Naipnliijadecatnkalyânapancaf'iwçatilm.  \.\  (Wilron,  Works, 
vol.  Jl). 

2.  TAh.,  p.  14Â>. 

3.  Tàh.,  p.  157. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  13 


IV 


LE    ROLE   DE   TARA   DANS    TÂRANÂTHA 


Târanâtha,  nous  l'avons  dit,  nous  fournit  dans  son  Hiatoire  du 
Buddhisme,  les  noms  et  l'histoire  d'une  série  de  fidèles  de  Tara. 
Il  faut  les  reprendre  un  à  un  pour  suivre,  d'après  un  ordre  aussi 
chronologique  que  possible,  le  développement  de  ce  culte  au  travers 
des  cinquième,  sixième,  septième  et  huitième  siècles  de  notre  ère. 

Le  premier  personnage  en  date  qui  soit  mentionné  est  l'âcàrya 
Kâla^  dont  la  personnalité  est  bien  difficile  à  identifier  au  milieu  du 
grand  nombre  de  noms  qui  lui  sont  donnés-  :  Kâla,  Mâtrceta^ 
Pitrceta,  Açvaghosa,  Durdharsa,  Durdharsakâla,  Dhârmika, 
Subhûti,  Maticitra,  Çûra. 

Târanâtha  place  la  vie  de  Kâla  sous  les  règnes  de  Bindusâra  ^ 
fils  de  Candragupta  et  de  ÇrîCandra  son  successeur\  Kâla  sacra 
roi  Candanapâla  et  convertit  le  roi  Kanika  (?)^ 

Kâla^  ou  Mâti'ceta,  car  c'est  sous  ces  deux  noms  qu'il  semble  le 
plus  connu,  est  petit-fils  d'un  marchand  de  la  ville  de  Khorta  qui 
avait  dix  filles  fidèles  à  la  loi  du  Buddha  ;  la  dernière  épousa  un 
brahmane  nommé  Sainghaguhya  qui  devint  père  de  Kâla\ 
Kâla  devint  fort  savant  dans  la  connaissance  des  Vedas  et  des 
Vedangas,  il  étudia  ensuite  les  Tan  iras  et  les  Mantras  et  devint 
un  adversaire  actif  du  buddliisme.  Sa  mère,  restée  attachée  à  la 


1.  Târ.,  p.  89. 

2.  Tàh.,  p.  90  n  I^KRN    nuild/iismus,  VU,  464. 

3.  1-Tsing  nous  doniio  la  transcription  chinoise  de  ce  nom  :  Mot'ch'a-li- 
tchi-tch'a  dans  le  chap.  xxxv  de  l'Histoire  de  la  loi  intérieure  envoyée  de 
la  mer  du  Sud.  Voir  R\  auon  Fujishinia.  ./.  As.,  1889.  2  chap.  d'1-Tsing. 

4.  Tau.,  p.  88. 

5.  Târ.,  p.  89. 

6.  Târ.,  p.  92. 

7.  Ta  II.,  p.  90. 

8.  D'ap.  I-T.sin«^,  loc.  cit.  Kâla  renaît  d'un  rt)Ssignol  qui  avait  entendu  le 
Buddha. 


14  LA    DÉESSR    BUDDIIIQUE    TARA 

rel igion,  l'en  voya  à  Nâlanda  dans  la  persuasion  qu'il  s'y  converti rait. 
Effectivement,  arrivé  dans  le  Magadha^  il  devint  sthavira,  apprit 
le  Tripilaka  et  vit  en  songe-  apparaître  la  vénérable  Tara  qui 
l'invita  à  composer  en  l'honneur  du  Buddha  toutes  sortes  de 
chants  de  louanges  afin  de  se  laver  des  péchés  commis  contre 
la  religion.  Il  composa  alors  une  centaine  d'hymnes  à  Buddha  et 
l'hymne  en  cent  cinquante  çlokas^  qu'admirèrent  Asanga  et  Vasu- 
bandhu  et  qu'on  trouve  dans  le  Tanjour  attribué  à  Vâgbhata,  fils 
de  Saipghagupta*  ;  un  nom  de  plus  à  ajouter  à  la  liste  de  ceux  de 
Kaia\ 

C'est  lui  peut-être  aussi  qui,  sous  le  nom  de  Krsna  (le  noir 
comme  Kéila),  aurait  consacré  Râhulabhadra'"'  son  contemporain, 
l'un  des  fondateurs^  du  système  naissant  du  Mahâyâna  auquel  se 
rattache  déjà  Kâla,  avec  un  autre  initiateur:  Àryadeva,  élève  de 
Nâgâ^juna^ 

L^âcârya  Râhulabhadra%  contemporain  de  Kâla,  plus  jeune 
cependant  que  lui,  est  élève  d'Àryadeva.  11  vint  à  Nâlanda  lors  du 
sacre  de  Candanapâlaet  fut  lui-même  alors  consacré  par  Kâla^"  ou 
plus  exactement  Krsna.  Râhulabhadra  étudia  les  sûtras  et  les  tan- 
trasdu  Mahâyâna  et  propagea  la  doctrine  Mâdhyamika'^  11  suc- 
céda dans  Nâlanda  à  son  maître  Aryadeva ^\  Sa  vie,  nous  ditTâra- 
natlia,  était  racontée  dans  un  ouvrage  intitulé  :  BiofjrapJiie  de 
Tard  ^•"'.ne  cette  mention,  il  semble  logique  de  conclure  que  Rahu- 
labhadra  a  été  spécialement  lié  au  développement  du  culte  de  Tara. 


1.  Nàlnnda,  d'ap.  Iliouen  Tsang.  a  été  fondé  par  Çakràditya,  Vie  ilc 
H.  y.,  p.  14!). 

2.  Târ.,  p.  91. 

3.  Çatapancâçatlka  nâma  Stot/-a,  v.  Tanjour.  b.    1. 

4.  TAn.,  p.  311. 

5.  Kala  mourut  avant  d'avoir  achevé  la  rédaction  du  L/fvc  (/^-s  dùr-Jui-^- 
iliœ  miissannes  qui  en  resia  à  la  trente-quatrième  naissance,  et  qui  serait 
contenu,  d'après  Schiefner.  dans  le  Tanjour,  sous  le  nom  du  liurhlhara- 
rUainaltàhuriia  d'Açvagliosa  (tbin.  :  Ma-ining).  Si  c'est  exact,  A*^n'aghosa 
ou  notre  Kàla  serait  le  même  dont  parle  la  biographie  chinoise  de  Vasu- 
bandlni,  (|ni  fut  appelé  au  Kasmir  pour  écrire  la  Vibhàsa,  et  qui  fut  enlevé 
du  Magadba  par  le  roi  des  Yuc- Tcbis.  Wassimi-:!'.  Bucfdfn.'^nKis.  p.  75. 

G.  Târ.,  )).  (iG, 

7.  Wassilikp,  p.  219. 

8.  Wassii.irf,  p.  34. 

9.  Târ.,  p.  93. 

10.  Târ.,  p.  G6. 

11.  Târ.,  p.  67. 

12.  WAssii.Hir,  p.  2;il. 

13.  Târ.,  p.  93. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  15 

Avant  de  mourir  Àryadeva^  transmit  à  son  élève,  à  Ranganâtha 
près  de  Kânci  ((  le  grain  du  sens  de  l'enseignement  »;  et  c'est  sous 
le  nom  de  Çrl-Saraha  que  Râhulabhadra  succéda  à  son  maître 
dans  l'école  mystique-.  Le  roi  Çrl  Candra  embellit  Nâlanda,  alors 
que  Râhulabhadra  y  enseignait,  de  quatorze  écoles  et  de  quatorze 
promenoirs. 

Râhulabhadra  mourut  dans  le  pays  Dhinkola  après  avoir  vu  la 
face  du  Buddha  Amitâbha.  Bhagavat  lui  prédit  qu'il  serait  dans 
un  temps  à  venir  le  Tathâgata  Saptaratnapadmavikramin^  Nous 
connaissons  comme  ses  élèves  sous  le  roi  Buddhapaksa  et  sous 
son  successeur  Karmacandra:  Râhulamitra  et  son  disciple  Nâga- 
mitra,  qui  tous  deux  prirent  une  part  active  à  la  propagation  du 
Mahâyâna;  Nâgârjuna,   le  fondateur  de  la  doctrine  Mâdhyamika. 

Tara  avait  aussi  ses  fidèles  parmi  les  laïcs,  témoin  un  certain 
Çântivarman^  Revenant  du  Potala  avec  un  exemplaire  en  huit 
parties  delà  PancaDimçatlmhasvikaprajhdpàramitCi  Çântivarman 
fut  rencontré  par  Vimuktasena,  neveu  de  l'âcârya  Buddhapâlita, 
de  l'école  des  Kaurukullakas  %  et  contemporain  de  Vasubandhu. 
Çântivarman"  avait  été  envoyé  au  mont  Potala  par  le  roi  Çubha- 
sâra  à  la  suite  d'un  songe  que  ce  dernier  avait  eu.  Tara  lui  vint  en 
aide  pendant  son  voyage  sous  la  forme  d'une  vieille  femme  diri- 
geant une  barque  pour  lui  faire  traverser  un  gouffre  d'abord,  puis 
un  grand  fleuve.  Avec  le  secours  de  Tara,  Hayagrlva,  Ekajali, 
Amoghapâça  et  autres,  Çântivarman  réussitenfin  dans  son  voyage, 
vit  les  dieux  dans  le  Potala  et  revint  auprès  de  Çubhâsâraqui  en 
souvenir  de  ces  incidents  éleva  le  monastère  Karsâpana  vihâra. 
On  appela  Çântivarman  l'homme  aux  mollets  de  fer  à  cause  de  ses 
longs  vo^^ages,  car  il  en  fit  plusieurs  autres  encore. 

Tara  intervient  en  sa  faveur,  nous  venons  de  le  \oir,  eu  lui 
faisant  traverser  les  eaux.  Nous  allons  constater  bien  des  fois  encore 
ce  genre  d'interAcntion. 

Ravigupta^  qui  mourut  a,insi  que  Vimuktasena  à  l'époque  du  roi 
Bharsa,  (ils  de  Siniha,  semble  se  rattacher  à  un  mouvement  spécial. 
C'était  un  bhiksu  thaumaturge  comme  Çântideva  et  Sarvajnami- 
tra   plus  tard  au  Kasmir,  les  contemporains  aussi  des  magiciens 

1.  Târ  ,  p.  68. 

2.  Kkrn,  II,  p.  500     Wassii.ihf,  p.  21S  o\.  suiv. 
8.  Lotus,  p.  133. 

4.  Târ.,  p.  141. 

5.  Tar.,  p.  137-138. 

6.  Târ.,  p.  142-143. 
T.  Târ.,  p.  147-148. 


16  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

Donibiherukaet  Vajraghaiila,  qui  ne  sont  malheureusement  connus 
que  par  leur  nom\  Târanâtha  passe  sommairement  sur  Ravi- 
gupta,  (lisant  que  sa  biographie  est  rapportée  ailleurs;  cependant 
il  témoigne  que  Ravigupta  chercha  à  concilier  les  doctrines  d'Arya 
Nâgârjuna  et  d'Asanga*.  11  fonda  au  Kasmir  et  dans  le  Magadha 
douze  écoles  et  propagea  le  culte  de  Tara  qui  se  trouve,  dès  lors 
au  moins,  étroitement  uni  à  la  thaumaturgie. 

Une  colombe  qui  avait  entendu  Vasubandhu^  renaquit,  dans 
le  sud  du  Dandakâranya,  sous  la  forme  d'un  fils  de  marchand  ;  ce 
fut  l'âcârya  Sthiramati.  A  l'âge  de  sept  ans  on  l'envoya  à  Vasu- 
bandhu,  de  qui  il  apprit  la  sagesse  sans  peine.  Un  jour,  comme  il 
avait  trouvé  une  pleine  poignée  de  fèves  et  pensait  à  les  man- 
ger, il  estima  qu'il  ne  serait  pas  convenable  de  le  faire  sans 
auparavant  en  offrir  à  la  vénérable  Tara  dont  il  y  avait  là  un 
temple.  Lorsque  l'enfant  eut  donné  à  la  statue  quelques  fèves, 
celles-ci  roulèrent  en  bas  ;  il  se  dit  que  si  la  vénérable  ne  les  voulait 
pas  manger  il  ne  pouvait  non  plus  y  goûter.  Et  comme  il  lui  en 
offrait  toujours  et  que  celles-ci  s'obstinaient  à  rouler  à  terre, 
l'enfant  se  prit  à  pleurer.  La  divinité  lui  apparut  en  face  et  lui  dit  : 
((  Ne  pleure  pas,  je  te  bénirai.  »  A  ce  moment  se  fit  en  lui  la 
lumière,  et  la  statue  fut  dès  lors  connue  sous  le  nom  de  Mâsa  Tara 
(la  Tara  aux  fèves).  Sthiramati  est  un  des  docteurs  formés  par 
Asanga  et  Vasubandhu ''.  Il  commenta  les  œuvres  de  Vasuban- 
dhu  et  le  Ratnakûla'".  Sthiramati  est  le  maître  de  Candragomin  '• 
et  de  Gunamati.  D'après  Hiouen-Tsang,  Sthiramati  aurait  vécu 
dans  l'Ouest,  dans  le  royaume  de  Valabhï'. 

Vin]tasena%  contemporain  du  précédent  et  de  Candragomin, 
nous  est  très  peu  connu,  Târanâtha  nous  avertit  qu'il  n'en  a  pas 
trouvé  de  biographie  détaillée.  Élève  de  Prasena,  il  vivait  au  temps 
des  rois  Cala,  Pancamasiniha,  etc.,  et  aurait  élevé  dans  un  temple 
une  image  à  Ajitanâtha.  Cette  divinité  aurait  exigé  de  Vinltasena 
qu'il  élevât  aussi  une  image  à  Târâ%  sa  commère  dans  le  salut  des 
êtres.  Vinltasena  l'exécuta  après  avoir  convié  Candragomin.  Détail 


1.  târ.,  p.  i:o. 

2.  Cf.  WA8sn,iKi-,  p.  !;i27,  rom. 

:],  'J'au.,  p.  liiO. 

4,  St.  Julikn,  v.  111,  p.  IGl. 

5.  Kkun,  V.  M,  [).  511»,  et  Wassilikk,  p.  84-85. 
G.  Târ.,  p.  150. 

7.  St.  Julikn,  v.  11,  p.  46-101. 

8.  Târ.,  p.  159. 

9.  Târ.,  p.  IGO. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  17 

intéressant,  ces  deux  images,  par  crainte  des  Turuskas,  furent 
transportées  à  De  vagi  ri  où  elles  se  trouvaient  encore  du  temps 
de  Târanâtha. 

Candragomin^  est  le  plus  illustre  personnage  de  l'époque  qui 
se  rattache  au  culte  de  Tara,  d'une  façon  même  très  intime,  car 
c'est  avec  Sarvajnamitra  celui  dont  Târanâtha  raconte  les  aven- 
tures avec  le  plus  de  soin. 

Târanâtha  mentionne  Candragomin  parmi  les  six  joyaux  du 
Jambudvïpa'.  A  la  naissance  de  Candragomin,  à  Varendra,  dans 
rouest%  se  rattache  une  légende  étrange,  qui  donne  dès  l'abord 
une  couleur  mystique  à  toute  l'histoire  de  l'àcârya  :  Durant  sept 
ans  il  ne  parle  point,  et  ne  prend  ensuite  la  parole  que  pour 
défendre  la  religion  contre  les  attaques  d'un  maître  Tirthya*. 

Candragomin  est  élève  laïc  de  l'école  d'AsangaS  de  Vasubandhu 
et  de  Sthiramati\  leur  disciple.  Aussi,  il  a  brillé  surtout  dans  le 
domaine  de  la  grammaire  et  de  la  métrique.  Il  a  écrit  le  Candra- 
vyâkarana,  le  Sambaravimçaka'' ,  le  TàrdHddhanaçataka^  VAva- 
lokileçvarasâdhanaçataka  et  beaucoup  de  castras. 

Infatigable  défenseur  de  l'idéalisme  d'Àryâsanga  contre  Can- 
draklrti  qui  suivait  la  doctrine  de  Buddhapâlita"  dont  on  le  con- 
sidérait comme  une  réincarnation,  Candragomin  finit  probable- 
ment par  l'emporter  après  sept  ans  de  lutte,  ce  que  Wassilief 
conclut  du  fait  que  Candragomin  resta  à  Nâlanda,  tandis  que  son 
adversaire  s'en  alla  au  sud  dans  le  Konkan^ 

Candragomin  est  contemporain  des  rois  vSiiiiha,  Bharsa  et  de 
Dharmapâla'";  il  fut  consacré  par  Tâcârya  Açoka^\  Comme  il 
récitait  une  formule  magique,  il  vit  face  à  face,  dans  le  pays  du  roi 
Bharsa,  Ârya  Avalokiteçvara  et  Târâ^'.  Ses  succès  dans  le  domaine 
de  la  métrique,  de  l'art  et  de  la  grammaire  lui  valurent  la  main  de 


1.  Minaycf  a  publié  une  étude  sur  Caudrat^omin  ot  ses  œuvres.  V.  Bul- 
letin de  l'Acad.  de  Saint-t*étersbourg,  v.  IV,  p.  2\)i,  dont  on  trouvera  un 
résumé  dans  Vlm/ian  An  tiqua  ri/,  octobre  ISHO,  p.  31!). 

2.  Târ.,  p.  5. 

3.  Târ.,  p.  148-141). 

4.  Tâh.,  p.  150. 

5.  Kkrn,  V.  II,  p    ô.-.^). 

6.  Târ.,  p.  150. 

7.  Târ..  p.  156. 
iS.  Târ.,  p.  153. 

9.   Wap.sii.iki-,  p.  !:i07-:L'08. 

10.  Târ.,  p.  158. 

11.  Târ.,  p.  1.50. 

12.  Târ.,  p.  150. 

2 


18  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

la  fille  du  roi  et  une  terre  ^  Comme  une  l'ois  la  servante  de  sa 
femme  appelait  cette  dernière  Tara,  l'âcârya  trouva  peu  con- 
venal)le  que  sa  femme  portât  le  nom  d'une  divinité  protectrice 
et  fut  sur  le  point  de  se  retirer  dans  un  autre  pays  ;  lorsque  le 
roi  eut  aj)pris  la  chose,  il  ordonna  que,  si  l'âcârya  ne  voulait  pas 
vivre  avec  sa  fille  on  le  mît  dans  une  caisse  et  on  le  jetât  dans 
le  Gange.  L'ordre  ayant  été  exécuté,  l'âcârya  pria  la  très  liante 
et  très  vénérable  Tara  et  fut  poussé  sur  une  île  de  l'Océan,  à  l'em- 
bouchure du  Gange,  magiquement  créée  par  la  divinité.  Cette  île 
reçut  ensuit(î  le  nom  de  Candradvîpa,  en  souvenir  de  Candrago- 
min.  Séjournant  dans  cette  lie,  l'âcârya  érigea  des  statues  de 
pierre  à  Avalokiteçvara  et  à  Tara.  Peu  après  Candragomin  alla 
à  Nâlanda  où  commen(;a  la  lutte  entn;  Candrakirti  et  lui.  Après 
que  la  lutte  fut  apaisée,  grâce  à  l'intervention  merveilleuse  des 
divinités  %  Candragomin,  trouvant  le  çâstra  Samaniahhadra  de 
Candrakïrti  de  forme  plus  |)arfîiite que  son  (V<r/>(i?(7.s77//Yi!  (|ui  deve- 
nait inutile,  jeta  son  livre  dans  une  source.  Alors  la  vénérable 
Tara  lui  dit  :  ((  Puisque  tu  as  écrit  C(3t  ouvrage  dans  le  bon  but 
d'être  utile  aux  autres,  à  l'avenir  il  sera  pour  les  créatures  intel- 
ligentes très  utile,  tandis  que  celui  de  Candrakirti,  qui  est  plein 
d'orgueil,  sera  de  moindre  utilité  aux  autres.  C'est  pourquoi 
retire  ton  œuvre  de  l'eau.  »  A  la  suite  de  cette  prédiction,  Can- 
dragomin sauva  son  ouvrage,  et  depuis  lors  quiconque  boit  de 
l'eau  de  cette  source  obtient  une  grande  sagesse. 

Tara  intervint  encore  plusieurs  fois  dans  la  carrière  de  Candra- 
gomin. 

Comme  il  faisait  étudier  à  ses  élèves  ses  nombreux  ouvrages 
sur  toutes  sortes  de  sciences  :  la  grammaire,  la  dialectique,  la 
médecine,  la  métrique,  la  mimique,  la  lexicographie,  la  poésie, 
l'astronomie,  etc.,  la  déesse  lui  dit  :  u  Lis  le  J)açah/nlmih(i  et  le 
Candnipradlpa,  le  Gandâlamkâra,  le  Lankrwatâra  ei  la  Prainâ- 
paramita,  qu'as-tu  à  l'occuper  de  métrique  et  à  redresser  ce  qui 
est  m;il  et  contourné  '^?  » 

Uni^  .-iiitre  fois  ''  une  femme  p;un  n^  (>t  vieille  qui  avait  une  fort 
b(dl<^  (ilhî  et  était  réduite  à  mendier,  renvoyée  par  Candrakirti, 
s'adresse  à  Candragomin  pour  obtenir  une  aumône.  Celui-ci,  qui 
ne  possède  rien,  se  met  en  prière  devant  une  lielie  peinture  repré- 


1.  Tâk.,  p.  lôD-lM. 
Z.  Tau.,  p.  1;")."). 

3.  Tàr.,  p.    lôG. 

4,  Tàiî.,  p.   156-1Ô7. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  19 

sentant  Tara  et  l'implore  en  pleurant;  Tara  apparaît  elle-même,  se 
dépouille  de  ses  bijoux  et  les  donne  à  l'âcârya  qui  en  eomble  la 
vieille  femme.  Depuis  lors  l'image  resta  dépourvue  de  joyaux. 

Une  dernière  fois  enfin,  Tara  sauve  la  vie  de  son  fidèle  disciple 
à  peu  près  dans  les  mêmes  circonstances  que  jadis  :  ^  il  allait  à 
Potala  et  lenciga  Çesa  voulant  venger  d'anciens  griefs  éleva  contre 
le  vaisseau  une  énorme  vague.  Une  voix  crie:  «  QueCandragomin 
soit  sauvé.  »  L'âcârya  invoque  sa  sauveuse  qui  apparaît  revêtue 
de  ses  cinq  formes,  assise  sur  Garucja  dans  les  régions  aériennes. 
Les  nâgas  terrifiés  prennent  la  fuite  et  le  vaisseau  atteint  sans 
encombre  Dhanaçrï;  là,  Candragomin  fait  une  offrande,  élève 
cent  temples  à  Tara  et  cent  à  Avalokiteçvara.  Arrivé  à  Potala,  il  y 
vit  encore  sans  avoir  abandonné  son  enveloppe  terrestre. 

Peu  après  Candragomin,  presque  son  contemporain,  il  faut  citer 
l'auteur  de  notre  Srar/dharâ  stotra,  Sarvajnamitra,  comme  un  des 
plus  notables  adeptes  de  Tara  ;  différents  documents  nous  le  font 
connaître. 

Nous  apprenons  par  Târanâtba  qu'il  était  élève  de  Gunaprablia 
(mentionné  par  I-Tsing  parmi  ses  contemporains-)  et  vivait  au 
Kasmir  tandis  que  régnaient  le  roi  Cala  à  l'Ouest,  et  le  roi 
Pancamasiniha,  fils  de  Bharsa,  à  l'Est  et  au  Nord  jusqu'au  Tibet  \ 

Târanâtba  nous  raconte  plus  loin  : 

Sarvajnamitra'',  beau-fils  d'un  roi  du  Kasmir,  fut  pendant  son 
enfance,  comme  il  dormait  un  jour  sur  le  toit  de  la  maison,  enlevé 
par  un  vautour  et  déposé  dans  le  Madhyadeça  sur  le  faîte  du  temple 
Gandhola.  Des  pandits  recueillirent  l'enfant,  le  ranimèrent.  Quand 
il  fut  devenu  plus  grand  il  devint  très  subtil  et  fut  au  nombre  des 
bhiksus  possédant  les  Pitakas,  à  Nâlanda.  Alors  il  s'attacha  à  la 
haute  et  vénérable  Tara,  il  la  vit  en  réalité  et  obtint  d'inépuisables 
richesses. 

Sarvajûamitra  fit  des  aumônes  de  tous  ses  biens,  de  sorte  (ju'il 
arriva  qu'il  n'avait  plus  rien  à  donner;  il  s'en  alla  de  son  pays  vers 
le  Sud,  afin  de  n'avoir  pas  à  renvoyer  les  mains  vides  les  nombreux 
mendiants  qui  ne  manqueraient  pas  de  venir.  En  route  il  l'en- 
contre  un  brahmane  aveugle  auquel  un  petit  garc^^on  sert  de  guide. 
Comme  il  lui  demand;iit  où  il  allait,  le  biiilimanc  dit  (|u'àÇri-Na- 


1.  Tau.,  p.  157. 

2.  Au    sopti('mc    sirclc  ;    cf.     Dou.r     (!/nt /litres    cri/dits    des    Mcinoii'es 
d'I-TsiiKl,  iraduit  par  R^.\U()N  Kujisiiima.  ./.  /1.,  1888  ii,  p.    l.'i.'). 

8.  Târ.,  p.  ir)8-l.')9. 
4.  Tàk..  p.   168. 


20  LA    DÉESSE    BUDDIIIQUE    TARA 

landa  vivait  Sarvajriamitra  qui  donnait,  satisfaction  à  tous  les  quê- 
teurs; c'est  auprès  de  lui  qu'il  allait  Lorsque  Sarvajnamitra  lui 
eut  dit  que  c'était  lui  en  personne  et  que  préciséinent  il  était  arrivé 
à  l'épuisement  total  de  ses  richesses,  le  brahmane  fut  accablé  de 
douleur  et  une  grande  compassion  s'empara  de  Sarvajnamitra.  Ce 
dernier  avait  entendu  dire  qu'un  roi  noraméSarana,  adonné  passion- 
nément à  des  doctrines  mauvaises  et  obéissant  à  un  perfide  âcârya, 
voulait  acheter  cent  huit  hommes  pour  les  sacrifier  dans  le  feu,  afin 
d'obtenir  une  force  surnaturelle  et  une  grande  puissance,  et  par  là 
acquérir  en  partage  la  délivrance.  Le  roi  avait  trouvé  cent  sept 
hommes,  il  en  restait  donc  un  à  acheter.  L'àcârya  pensa  à  se 
vendre  lui-même  afin  de  venir  en  aide  au  brahmane.  11  dit 
au  brahmane^  :  a  Ne  t'attriste  pas,  je  vais  trouver  un  expé- 
dient et  revenir.  »  Arrivé  à  la  ville,  il  demanda  qui  achetait 
des  hommes;  le  roi  l'acheta  et  lui  donna  comme  prix  autant  d'or 
qu'il  pesait.  Quand  Sarvajnamitra  eut  donné  l'or  au  brahmane 
celui-ci  s'en  alla  satisfait,  puis  Sarvajnamitra  fut  mis  dans  la 
prison  royale.  Là,  les  hommes  lui  dirent  :  ((  Si  tu  n'étais  pas  venu 
nous  aurions  peut-être  été  sauvés,  mais  maintenant  on  va  nous 
brûler,  »  et  ils  se  laissèrent  aller  à  une  profonde  tristesse.  Le  soir, 
les  cent  huit  hommes  furent  placés,  liés,  sur  un  bûcher  élevé  au 
sommet  d'une  montagne.  L'àcârya  des  hérétiquesofficiait,  et  lorsque 
tout  le  bûcher  s'enflamma  en  craquant  au  feu,  les  cent  sept  hommes 
^sanglotèrent  bruyamment.  Sarvajnamitra,  pris  de  compassion, 
implora  la  vénérable  Tara.  Celle-ci  apparaissant  fit  jaillir  de  sa 
main  un  Ilot  de  nectar.  Tandis  qu'il  ne  pleuvait  pas,  là  où  se 
tenait  h;  peuple,  des  Ilots  de  pluie  s'abattaient  sur  l'emplacement 
où  flambait  le  bûcher.  Loi'sque  le  feu  s'éteignit  un  lac  apparut. 
Le  roi,  frappé  d'admiration,  s'inclina  plein  de  respect  devant 
l'àcârya,  et  laissa  aller  les  hommes  après  leur  avoir  donné  une 
récompense.  Quoique  le  roi  témoignât  beaucoup  de  respect  à 
Sarvajnamitra,  il  ne  se  tourna  cependant  pas  vers  la  vraie  doctrine 
et  ne  répandit  pas  la  Loi.  (Juand  il  se  fut  écoulé  beaucoup  de  ti^nps, 
l'àcârya  fut  ti'ès  attristé  et  pi'ia  la  vénérable  Tara  de  le  reconduire 
dans  sa  patri(;.  KWc.  lui  dit  de  saisir  son  vêtement  et  de  fermer  les 
yeux,  puis  do  les  rouvrir,  et  Sarvajnamitra-  se  trouva  dans  un 
(îudroit  qu'il  n'avait  jamais  encore  vu,  où  était  un  très  grand  palais 
royal.  Il  demanda  à  la  déesse  pourtiuoi  elle  l'avait  porté  là  et 
non  pas  à  Nalanda.  ;  — cell(»-(.'i  lui  dit  que  c'était  là  précisément  sa 

1.  Târ.,  p.  m.). 

2.  Târ.,  p.  170. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  21 

patrie.  Sarv^ajn.amitra  resta  dans  cet  endroit,  éleva  un  grand 
temple  à  Tara,  enseigna  très  bien  la  Loi  et  conduisait  tous  les  êtres 
au  salut.  Sarvajnainitra  est  élève  de  Ravigupta. 

En  regard  du  récit  très  détaillé  de  Taranâtlia  nous  pourrions 
placer  l'introduction  de  la  SragdJiard  TïLd  de  Jinaraksita,  que 
nous  donnons  plus  loin  avec  le  texte  et  qui,  chronologiquement, 
est  bien  plus  proche  de  Sarvajnamitra  que  le  récit  postérieur 
de  Târanâtha.  On  constatera  le  peu  de  différence  qui  existe 
entre  les  deux  récits,  à  part  la  façon  dont  intervient  Tara  dans  le 
dénouement,  et  le  nom  du  roi  cruel  que  Jinaraksita  appelle  Vajra- 
mukuta  tandis  que  Târanâtha  le  nomme  Saraiia. 

D'autre  part,  nous  trouvons  dans  la  Ràjataranginl^  la  mention 
suivante  : 

((  Le  mendiant  religieux  Sarvajnamitra  s'éleva  dans  ce  couvent 
))  (de  Kayya^)  à  la  dignité  de  Jina.  )) 

Or,  cet  événement  se  place  sous  le  règne  de  Lalitâdilya',  suivi 
de  celui  de  Kuvalayâpïda*,  qui  ne  régna  qu'un  an  ;  après  lui 
régna  Vajrâditya  ou  Vappiyaka.  ou  aussi  Lalitâditya"',  roi  méchant 
et  de  mœurs  cruelles^:  ((  Il  livra,  en  les  vendant,  un  grand  nombre 
))  d'hommes  aux  Mlecchas  et  fitrégner  dans  le  pays  les  coutumes 
1)  propres  aux  Mlecclias.  »  Ces  indications  coïncideraient  avec 
les  grands  traits  du  récit  que  nous  étudions.  Entre  les  noms  de 
Vajramukuta  du  Stotra  et  Vajrâditya  des  annales  du  Kasmir  il  n'y 
a  que  la  différence  du  deuxième  élément  du  nom  ;  Vajrâditya  aurait 
régné  dans  le  courant  du  huitième  siècle,  et  Sarvajnamitra,  élève  de 
Ravigupta'  et  de  Gunaprabha,  se  place  vers  la  fin  du  septième 
et  au  commencement  du  huitième  siècle. 

Çântidcva  se  rapproche  beaucoup  de  Sarvajnamitra.  L'auteur 
du  Bodhicarij  avatar  a  et  celui  du  Sracjdliarâ  Stotra  sont  contem- 
porains. M.  delà  Vallée-Poussin'  a  déjà  signalé  la  grande  analogie 

1.  Râjatarangint,  1.  IV,  v.  210. 

rrimân  kayyaviharo'pi  tenaiva  vidadho'  dbhutali  | 
bhiksuli  Sarvajnamitro'bhut  kramad  yatra  jinopamah  || 

2.  Ce  couvetH  avait  été  bâti  par  le  loi  de  Lata  nommé  Kayya ,  ù 
une  époque  où  nous  voyons  le  buddhisnie  lleurir  d'une  façon  très 
intense,  si  nous  en  croyons  la  Ràjataraihjiijn.. 

H.  Ràjatarangini,  1.  IV,  v.  126. 

4.  Râjatarangitii,  1.  IV,  v.  372. 

5.  Râjatarangini,  1.  IV,  v.  393. 

6.  Rdjatararif/lrù,  1.  IV,  v.  397. 

7.  Tar.,  p.  170.  Havigupta  est  contemporain  de  Sukhadeva,  élève  de  Can- 
dragomin. 

8.  Le  Masùon,  1892,  p.  109.  Bodhicaryavatara. 


22  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

de  CCS  deux  productions.  Çântideva  n'est  pas  étranger  à  Tara, 
Tcâranatha  nous  dit  de  lui,  après  l'avoir  mis  au  même  rang  que 
Candragomin,  comme  maître  accomplissant  des  miracles^  :  u  11 
naquit  dans  le  Saurâsira,  de  famille  royale.  Dès  son  enfance,  par 
la  vertu  de  ses  mérites,  il  jouit  de  la  bienveillance  de  Manjuç.ri  ; 
le  dieu  personnifiant  la  sagesse  lui  apparaissait  en  songe'.  » 

Devenu  grand,  la  veille  du  jour  où  il  devait  être  élevé  au  rang 
royal,  Çtântidcva  vit  pendant  son  sommeil  Manjuçrï  assis  sur  le 
trône  qui  lui  était  destiné  à  lui.  ((  Mon  fils,  dit  le  bodhisattva,  ceci 
est  mon  siège,  je  suis  ton  ami  spirituel,  il  n'est  par  conséquent  pas 
convenable  que  toi  et  moi  soyons  assis  sur  le  même  trône.  »  Après 
que  le  bodhisattva  eut  ainsi  parlé,  Àrya  Tara  revêtant  la  forme  de 
la  mère  de  Çântideva  l'aspergea  du  haut  en  bas  d'eau  brûlante. 
Çântideva  demanda  ce  que  cela  signifiait,  elle  dit  :  (<  La  royauté 
est  l'inépuisable  eau  bouillante  de  l'enfer,  en  l'acceptant,  tu  te  des- 
tines à  cette  eau  brûlante.  ))  Çântideva  prit  la  fuite  ce  jour  même. 
Après  vingt  et  un  jours  (de  fuite),  comme  il  voulait  boire  d'une 
source  qui  se  trouvait  dans  une  forêt,  une  femme  l'en  empêcha, 
lui  donna  d'autre  eau  très  douce,  et  le  mena  auprès  d'un  ascète, 
dans  une  caverne.  L'ascète  donna  à  Çântideva  la  bonne  direction. 
C'était  Manjuçrï,  la  femme  était  Tàrâ\ 

Çântideva  devintdans  la  suite  ministre  de  Paûcamasiinha  II  pos- 
sédait des  vertus  magiques  extraordinaires  et  fut  ordonné  moine  par 
Jayadeva.  11  se  rattache  encore  d'autres  miracles  à  son  histoire \ 
mais  ce  qui  précède  suffit  à  montrer  combien  l'histoire  de  Çânti- 
deva, comme  celle  de  Sarvajnamitra,  est  empreinte  de  merveilleux 
(ît  le  rattache  au  même  mouvement. 

Çântideva  se  place  donc  comme  Sarvajnamitra  du  septième  au 
huitième  siècle,  un  peu  plus  tard  que  Ja3^adeva,  élève  de  Dhar- 
ma[)âla*. 

Bhavabhadra,  le  sixième  des  douze  tantrâcâryas  de  Vikra- 
maçîla  entre  Çridhara  et  BhavyakirtiS  était  très  versé  dans  le 
système  Nyâya.  11  fut  béni  en  songe  par  Cakrasambara  et  vit 
la  face  de  Tara.  Il  atteignit  la  siddhi".  Les  âcâryas  de  Vikrama- 

1.  TAn.,  p.  10:5  et  suiv. 

2.  Lo.  Maséon,  p.  72-73,  et  Tâk.,  p.  1()3, 

3.  Taiî..  p.  Ifî'l. 

4.  Tau.,  p.  1G5,  16(),  167. 

5.  Dharniupala  est  cité  avec  rnin;ii>ral)lia  par  l-Tsiiii:  entre  ses  coiitcinito- 
raiiis.  Cf.  DcuiJo  C/iapit/'C,^,  etc.,  loc.  cit. 

6.  Tâk,.  p.  n,  6. 

7.  Târ.,  p.  258,  259. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  23 

çïla%  à  part  les  deux  premiers,  se  succèdent  de  douze  en  douze  ans; 
le  premier,  Buddhajnânapâdaest  contemporain  du  roi  Dharmapâla. 
Trente-six  ans  après  lui  vient  Bhavabhadra,  ce  qui  permet  de 
le  placer  à  peu  près  au  commencement  du  huitième  siècle  ^ 

A  Vikramaçïla  se  rattache  aussi  Jinaraksita,  l'auteur  d'un  des 
commentaires  du  Sragdharâ  (manuscrit  C.)  mentionné  ailleurs. 
En  effet,  le  colophon  du  manuscrit  désigne  ainsi  ce  personnage: 

((  Çrïmadvikramaçïladevamahâvihârïyarâjagurupanditabhiksu- 
çrijinaraksitakrtâhâlârkastutitikâ  parisamâptâ  1 1 

Fin  de  la  glose  de  l'hymne  bâlârkâ...  etc.,  composée  par  Jinara- 
ksita le  bhiksu,  savant,  guru  royal,  du  grand  vihâra  de  Vikra- 
maçïla.   » 

Jetâri^est  un  peu  mieux  connu  que  Bhavabhadra.  C'est  le  fils 
du  brahmane  buddhiste  Garbhapâda  et  d'une  femme  que  ce  dernier 
avait  reçue  du  roi  Sanâtana,  régnant  dans  le  Varendra.  Il  se  rat- 
tache aussi  des  miracles  à  son  enfance''.  Jetàri  devint  un  upâsaka 
(laïc)  fort  versé  dans  les  écritures,  les  lettres  et  la  métrique.  Il 
s'aperçoit  un  jour  qu'il  a  été  incrédule,  se  repent  et  voit  la  face  de 
Tara  qui  lui  dit  que  ses  péchés  seront  rachetés  s'il  compose  beau- 
coup de  castras  du  Mahcâyâna\  Jetâri  est  l'auteur  du  Bodhiprati- 
deçanânrtti  et  du  SagatainaJuwibJiangaJaàrikà^'  (ces  deux  ouvrages 
se  trouvent  dans  le  Tanjour)  de  commentaires:  du  (JikHài^amac- 
caija,  du  (Bodhi)  Carj/âvatâra  (de  Çântideva),  de  VAkâçagar- 
bhasûtra  et  d'environ    une  centaine  de   sûtras.  Au  temps   du  roi 

1.  Voici  la  Hste  des  douze  àcàryas  de  Vikramaçilâd'ap.  Târ.,  p.  257-260  ; 

Buddhajnânapâda. 

Dipanikarabhadra. 

Lankâjayabhadra, 

Çridhàra. 

Bhavabhadra. 

Bhavyakirti 

Lilavajra. 

Durjayacandra. 

Krsiiasamayavajra. 

Tathai;ataraksita. 

Bodhibhadra. 

Kamalaraksita. 

2.  'l'aranatha  /p.  '22?>]  place  la  mort  <le  Mahipala  70  ans  après  la  mort  de 
Dharmapalà  et  la  fait  coïncider  avec  la  mort  du  roi  tibétain  Kri-ral,  à  la- 
quelle les  Chinois  {Histuire  des  TIuiikj)  assignent  la  date  de  71)7  aj).  J.-C. 

3.  Tau.,  p.  230. 

4.  Tâh.,  p.  231. 

5.  Târ.,  p.  232. 

6.  Tâk.,  p.  327. 


24  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

MaliApâla  011  lui  donna  une  belle  résidence  à  Vrksapuri  ;  àVikra- 
maçila,  il  reçut  son  diplôme  de  pandit  \ 

Asvabliâva',  laïc,  issu  d'une  famille  de  marchands,  attaclu'  au 
Mabâyâna,  fit  des  miracles  dans  le  pays  de  Kâmarûpa  et.  vint  à 
Hacipura  où  il  expliquait  leNyâya-Madbyamika.  On  peut  le  dater 
du  huitième  siècle,  car  il  fleurit  à  la  mort  de  Dharmakirti,  quand 
Govicandra  monte  sur  le  trône  ^. 

Tara  intervient  miraculeusement  en  faveur  d'Asvabhâva.  Un 
serpent  éveillé  par  son  passage  et  celui  de  ses  compagnons  en 
dévore  plusieurs,  en  mord  un  grand  nombre,  et  ceux  qui  veulent 
fuir  tombent  étourdis  par  le  poison  de  l'haleine  du  reptile.  Alors 
le  laïc  s'adresse  à  'ràrâ  et  compose  un  hymne.  Immédiatement  le 
serpent  venimeux  ressent  de  violentes  douleurs,  rend  deux  de 
ses  victimes  et  disparaît.  Loisque  ceux  qui  avaient  été  dévorés,  les 
blessés  et  ceux  que  le  poison  avait  saisis  eurent  été  aspergés  d'une 
eau  sur  laquelle  on  avait  récité  un  mantra  à  Tara,  le  poison  dis- 
parut et  les  hommes  revinrent  à  la  vie^ 

Une  autre  fois  encore,  que  l'upâsaka  était  menacé  par  un  ser- 
pent, il  lui  lança  une  fleur  sur  laquelle  il  avait  récité  un  mantra 
à  Tara.  Le  soj'pent  vomit  beaucoup  de  perles  dites  sarvamukti 
devant  l'âcârya  et  disparut. 

Asvabhfiva  avait  le  pouvoir,  lorsqu'une  forêt  brûlait,  d'éteindre 
l'incendie  par  la  récitation  d'un  mantra  à  Tara. 

Vâgïçvarakirti^  est  le  dernier  des  personnages  mentionnés  par 
Târanâtha  qui  semble  avoir  des  attaches  spéciales  avec  le  culte  de 
Tara.  Il  vivait  sous  le  règne  du  fils  aîné  du  roi  Canaka,  Çreslhapâla. 
Néà  Vâranâsi  deraceksatriya,  de  l'école  Mahâsâinghika"  il  passa 
dans  les  ordres.  Devenu  très  savant,  dans  tous  les  domaines,  il 
voyait  continuellem(;nt  la  face  de  Tara  et  dissipait  tous  les  doutes. 
11  alla  à  Nalanda,  fut  tantriste,  et  comme  ses  prédécesseurs  accom- 
plit différents  actes  uKU-veilleux. 

Un  jour''  t|u'il  avait  une  conversation  au  sujet  de  la  loi  avec  h* 
bhiksu  Avadhuti,  ce  dernier  cita  VAgama  de  Vasubandhu.  Par 
plaisanterie  Vagïçvarakirti  se  moqua  de  Vasubandhu.  Le  même 
soir  sa  langue  enfla,  et  il  ne  pouvait  plus  enseigner  la  doctrine;  il 

1.  TAr.,  p.  233. 

2.  Tar.,  p.  11)8,100. 

3.  Tar.,  p.  105. 

4.  Tàr.,  p.  108,  100. 

5.  Tàr  ,  p.  23"). 

6.  Tàr.,  p.  23G. 

7.  Tàr..  p.  237. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  25 

resta  ainsi  plusieurs  mois  souffrant.  Tara,  interrogée  par  lui,  ré- 
pondit que  son  mal  venait  de  ce  que  par  ses  paroles  il  avait 
blessé  (la  mémoire  de)  Vasubandhu,  il  devait  donc  composer  un 
hymne  en  l'honneur  de  cet  illustre  personnage.  Ainsi  fit-il,  et  la 
maladie  disparut. 

Vâgïçvaralvirti  resta  longtemps  à  Vikramaçila,  puis  alla  dans 
le  Népal. 

Enfin,  dans  son  (j[uarante-troisième  chapitre,  où  Târanâtha 
examine  les  sources  du  Mantrayâna\  il  conclut  : 

((  Qui  pourrait  rapporter  toutes  les  histoires  des  magiciens  de 
l'Aryadec^a?  Rien  qu'à  l'époque  de  Nâgarjuna  cinq  mille  personnes 
ont  obtenu  la  siddhi  grâce  aux  mantras  de  Tara;  mais  si  l'on  con- 
sidère l'histoire  de  l'entourage  de  Dârika^  et  de  Kâlacârin  on  verra 
que  leur  nombre  est  incalculable.  » 

Si  nous  serrons  de  près  l'étude  des  âcâryas  auxquels  le  souvenir 
de  Tara  reste  attaché,  nous  constatons  que  nous  nous  trouvons  en 
présence  d'une  suite  de  personnages  qui  se  rattachent  au  Man- 
trayâna  de  beaucoup  plus  près  qu'au  Mahâyâna  proprement  dit: 
personnages  dont  la  vie  est  fortement  empreinte  d'éléments  mer- 
veilleux, thaumaturges  mystiques,  dont  la  puissance  résidait  dans 
la  connaissance  des  formules  magi([ues.  Cette  école  était  repré- 
sentée par  quelques  noms  restés  célèbres.  La  tradition  s'était  trîins- 
mise  de  Kâla  et  Râliulabhadra  jusqu'aux  véritables  magiciens 
Naropa,  Dârika  et  Donibi,  qui  marquent  l'apogée  de  ce  mouvement. 

1.  Târ.,  p.  278. 

2.  Dàrika,  qui  aurait  été  avant  sa  vocation  religieuse  le  roi  de  Çalaputra, 
parait  avoir  été  un  niagicien  très  puissant,  contemporain  de  Heruka,  d'ori- 
gine indoue,  elcve  de  Naropa  dont  l'iiistoire  est  racontée  dans  le  Lic/r,  des 
84  sorcier.'^.  Il  usurpa  le  trGn(î  royal  dans  le  pnys  d'Odiviça.  11  se  raUache 
à  l'école  de  Lujipa.  Ce  dernier  est  un  chef  d'école  dont  l'histoire  mysté- 
rieuse ouvre  le  Liorc  des  SJ  soi-ciers.  (Tau.,  127,  249,  315,  319.) 


26  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 


V 


TEXTES 


Je  me  suis  ser\  i,  pour  la  présente  édition  du  iSvacjdliarà  aiotra, 
des  textes  suivants: 

1.  Manuscrit  de  la  bibliothèque  de  la  Société  asiatique  :  Srag- 
dharâ  siotva  (II.  21),  en  vingt  et  un  feuillets,  de  sept  à  huit 
lignes  chacun  et  de  trente-sept  vers  accompagnés  d'un  com- 
mentaire anonyme.  Le  manuscrit  est  en  écriture  devanagâri  du 
Népal,  peu  régulière  et  incorrecte,  le  texte  lui-même  est  très  correct 
et  demande  extrêmement  peu  de  modifications  (je  le  nomme  A). 

2.  La  bibliothèque  de  la  Société  asiatique  possède  un  deuxième 
texte  du  Svarjclharâ  stot/'a  dans  un  volumineux  manuscrit  qui 
porte  pour  titre  :  Stotras  et  dhârofûs^  {H.  14)  et  compte  cent  cin- 
quante-six feuillets  de  six  lignes.  Le  texte  du  Sragdharn  stotra  se 
trouve  du  feuillet  quatre-vingt  h,  ligne  quatre,  au  feuillet  quatre- 
vingt-cinq  a,  ligne  trois,  où  est  le  colophon  :  ityâryatârâbhattari- 
kâyâh  sragdharâ  stotra  samâptam.  Le  texte  est  incorrect  et  mal 
écrit  (je  le  nomme  B). 

8.  Le  troisième  texte  (que  je  nomme  C)  dont  je  disposais  est 
dû  à  l'amabilité  du  secrétaire  de  l'Asiatic  Society  of  Rengal,  qui  a 
bien  voulu  m'envoyer  une  copie  de  la  Sraf/d/iarâiilxd  de  la  So- 
ciété (cat.  de  Râjendralàla  Mitra,  p.  229).  Ce  manuscrit,  de  cin- 
quante-neuf feuillets  à  cinq  lignes  et  cinq  cent  quatre-vingts  çlokas, 
contient  en  introduction  l'histoire  de  Sarvajnamitra,  puis  les  trente- 
sept  vers  du  Sragdharn  stotra  avec  le  commentaire  composé  par 
Jinaraksita  (différent  du  commentaire  anonyme  de  A). 

Le  colophon  de  ce  manuscrit  nous  fournit  un  renseignement  pré- 
cieux sur  la  valeur  du  commentaire. 

4.  Le  quatrième  texte  qui  a.  servi  à  établir  la  présente  édition 
est  dij  aussi  à  la  Société  du  Bengale;  copie  m'en  a  été  également 
envoyée    (Catal.  de  Râjendralàla  Mitra,  p.  228).  C'est  un  manus- 

1.  Voir  J.  A.,  sOrio  IX,  tome  II,  p.  369. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  27 

crit  de  douze  feuillets  à  huit  lignes,  il  contient  le  texte  des  vers  du 
Srafjdhavn  nioira,  plus  un  colophon. 

Parmi  les  manuscrits  sanscrits  offerts  par  Ilodgson  à  l'India 
Office  se  trouvent  deux  Sragdliarâ  atoira  (2743  h,  2743  /)  dont 
je  dois  communication  à  l'amabilité  du  docteur  Uost'  : 

5.  Le  manuscrit  2743  l  est  de  onze  feuillets  à  cinq  lignes,  d'écri- 
ture incorrecte  et  souvent  fautive.  Il  paraît  n'être  qu'un  fragment 
d'un  manuscrit  plus  considérable,  car  le  premier  feuillet  est  numé 
roté  33  et  contient  au  recto  un  colophon  qui  appartenait  à  un  texte 
du  Srarjdhara  stotra  précédant  immédiatement  celui  qui  reste. 
Ce  colophon  ne  présente  d'autre  intérêt  que  la  date:  sanivat771. 
(1651)  et  le  nom  d'un  couvent  :  Caivravihâra.  Les  mots  diffi- 
ciles du  texte  sont  expliqués  par  un  synonyme  ajouté  sur  le 
mot,  soit  entre  les  lignes,  soit  en  marge.  Le  texte  du  premier 
feuillet  est  annoté  à  l'encre  rouge. 

6.  Le  manuscrit  2743  h  en  très  bel  état  contient  dix-huit  feuillets 
à  cinq  lignes.  Il  est  écrit  à  l'encre  d'or  sur  noir.  Il  offre  de  l'in- 
térêt par  son  colophon  qui  donne  une  date  nouvelle  pour  l'histoire 
du  Népal  et  quelques  noms  jusqu'ici  inconnus ^ 

.J'ai  relevé  encore  les  textes  suivants  du  Sragdharâ  siotra,  que 
je  n'ai  pas  consultés  : 

7.  Svaffdhai'a  niotra  Târâhliattàraka  avec  commentaire,  de 
trente-neuf  feuillets  à  cinq  lignes,  n»  29  du  catalogue  de  Cowell  et 
Eggeling•^  de  la  Royal  Asiatic  Society. 

8.  Dans  le  n*'  30  du  même  catalogue,  intitulé  Stotva  samgraha  : 
Sragdliarâ  sto/ra  àrgatcirâhJiattùrcikaya ,  dix  feuillets. 

9.  Sragdharâ  stotra  :  Université  de  Cambridge,  add.  1104*, 
vingt-cinq  feuillets  à  six  lignes,  date  du  XVI IL'  siècle. 

10.  Sragdharâ  Stotra,  Cambridge,  add.  1362\  avec  commen- 
taire, dix-huit  feuilles  de  huit  à  onze  lignes,  daté  de  1846. 

11.  Sragdliarâ  stuti.  Cambridge,  add.  1272^  avec  commentaire, 
vingt-cinq  feuilles,  5  lignes,  daté  de  1784. 

12.  Le  texte  du  Sragdharâ  stotra  a  été  imprimé  à  Calcutta 
par  Jibânanda  Vidyâsagara,  sous  ce  titre  :  Sragdharâ  stotram 
SarcajùarnitrapâdaviracUain,    publié    d'une    façon    tellement  in- 

1.  Voir  Catalofjuc  of  sanscrit  innudscri/its,  coll.  hy  Hodgson.  Trùbner. 
18.M  (p.  11  :  11  i>4  et  21)). 

2.  ./.  A.  Janvier-février  li594,  p.   Ib3-1. 

3.  Journal  of  R.  A.  S.,  new  séries,  t.  VIII,  p.   ;33. 

4.  Cat.  Ckcil  Hicndam-,  p.  29. 

5.  Cal.  CiiGiL  Hendall,  p.  69. 

6.  Cat.   Cecil  Bendall,  p.  35. 


28  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

correcte  qu'on   en   peut  à  peine  tenir   compte.    (Je    nomme    ce 
texte  J.) 

Pour  l'édilion  du  texte  des  Cent  huit  noms  de  Tara  je  me  suis  basé  : 

1.  Sur    le    manuscrit   de  la   Société   asiatique    (II.  9)    (que  je 

nomme  A)  : 

Arf/atàràh/iattàrikàfjnnâmr/stottaraçataka,  comprenant  le  texte 
de  cinquante  sept  vers  en  liuit  feuillets  de  cinq  lignes,  en  écriture 
devanâgari  du  Népal  correcte  et  très  lisible.  Ce  manuscrit  ne  porte 
point  de  date. 

La  stance  que  je  numérote  10  h  y  fait  défaut;  le  copiste  est  néan- 
moins arrivé  au  nombre  voulu  de  cinquante-sept  stances  en  dédou- 
blant à  la  fin  du  manuscrit  la  strophe  cinquante-cinq.  J'ai  conservé 
la  numérotation  de  ce  manuscrit,  le  prenant  pour  type,  tout  en 
intercalant  sous  la  rubrique  10  h  le  vers  manquant  qui  est  donné 
par  tous  les  autres  textes  consultés. 

2.  La  bibliothèque  de  la  Société  asiatique  possède  un  deuxième 
texte  des  Cent  huit  noms  de  Tara  (que  je  nomme  B)  dans  le  ma- 
nuscrit :  Stotras  et  dhàranls  (H.  14)  \  Au  feuillet  145,  ligne  4, 
commence  notre  texte  complet,  à  peu  près  correct,  jusqu'au 
feuillet  148,  ligne  3.  Le  vers  10  b  s'y  trouve. 

3.  Jibânanda  Vidyâsâgara  a  imprimé  les  Cent  huit  noms  de 
Tara  dans  le  même  fascicule  que  le  Sragdharâ  stotra  sous  titre  : 
Tàrâçatarinmâni.  Le  texte  est  un  peu  moins  incorrect  que  celui 
du  Sragdharâ  (je  le  nomme  C). 

J'ai  relevé  les  textes  suivants  que  je  n'ai  pas  consultés  personnel- 
lement : 

4.  Tara  Nâmâstottara-çataka,  Université  da  Cambridge',  add. 
1541), neuf  feuillets,  cinq  lignes,  daté  de  180J. 

5.  Arj/a  T(irabhattarikà//à  nàmâstotiaraçatakam,  Cambridge  % 
add.  1318,  moderne. 

6.  Le  manuscrit  intitulé  Dhàranls,  Cambridge*,  add.  1476,  qui 
date  du  XVII«  ou  XVIllo  siècle,  contient  les  (^ent  hait  noms  de 
Tard  sous  titre  :  AnjaTara  Dhàranl  ,  du  feuillet  vingt-deux  6,  au 
feuillet  vingt-neuf. 

La  figure  de  Tara  mentionnée  ci-dessus  se  trouve  dans  ce  manus- 
crit qui,  quoique  incorrect,  est  luxueusement  décoré  de  figures  et 
de  lettres  dorées. 


1.  Voir  J.  A.,  série  IX,  tome  11,  p.  371. 

2.  Bendall,  p.  120. 

3.  Bi:ni)ALL,  p.  45. 

4.  Bendall,  p.  105-106. 


LA    DÉESSE    BUDDIIIQUE    TARA  29 

7.  Nous  trouvons  le  texte  des  Cent  hait  noms  de  Tara  dans  le 
catalogue  des  manuscrits  offerts  par  Hodgson  à  Tlndia  Office  : 
add.  1549.  Nâmâstottaraçalaka\ 

Pour  établir  le  texte  de  V E kavimçatistotra,  j'ai  disposé  des  deux 
textes  suivants  : 

1.  Ekaoimçatistotram,  raan.  n^  32  (  7arâ6'/o/ra/?i),  quatre  feuil- 
lets de  cinq  lignes'. 

2.  Page  4  du  manuscrit,  add.  1551,  Cambridge,  intitulé  Dhàranla 
sous  titre  :  Bkafiavatydryatàràdevyà  namaskâraikaoimçatisto- 
trarn}. 


1.  Voir  p.  11,  II,  n"  16. 

2.  VoirCowiïLL  et   Eggemng.  J.  of  R.  A  .  S.,  n.  s.,  t.  Vlll,  p.  2r>,  et  Cata- 
logue o/sansrrit  niss.  collected  hij  Hodgson,  p.  7;  I,  32. 

3.  M.  le  professeur  Cowell  a  bien  voulu  faire  pour  moi  la   collation  de 
ce  manuscrit. 


30  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 


VI 


INTRODUCTION    DU    COMMENTAIRE    DE    JINARAKSITA 


Om  namas  Târâyai 

Natvâryatrirâi  11  jagadarlhasârâ  iii 
dharinâkaradhyesanayâ  samâsât  | 
bâUirkam  atra  karoiiii  lîkaiii 
sphutâiii  ahaiii  çrîjiiiaraksitah  kitl  |1 

pral»hûtavidv(;saliutriçantintah- 
sphuracchikliâdagdhamukliena  haiila  | 
khalu  tvayâ   satsukhada  mameyaiii 
tikâ  nâ  dûsyâtvayi  me  njaliç  ca  || 

Tatra  vrttau  upodghâtam  âdau  prastûyate  |  iha  kâçmïravisaye 
bodhisatvadeçïyo  muniiidrapravacanakrpa^ya/Yïvârïnâ  sândro  ma- 
hâkarunâpragunikrtahrdayâtmâ  sarvajfiamitro  nfima  bliiksurabha- 
vat  II  sacintâraanir  ivârthinâni  yathâbhilasitârthasanipâdânâd  dâtr- 
tvena  jagati  vikhyâtah  svam  arthajâtam  aithibhyo  visrjja  civarapâ- 
travibliavo  deçântarani  vrajan  vajramukulasya  râjno  visayani 
âganiat||  tatra  jarâjarjarikrtain  parityaklaparijanani  dvijain  okain 
adhvany  apaQyat||sa  katliâprasangena  iva  r//*tliayitani  api  tu 
sarvajriamitrasya  bhiksor  antikani  ||  ayani  svavibhavajâtani  arthi- 
bhyovibhajyasabhiksur  deçântarani  gataili  kiiii  nn.(^M'iitaiii  ityukto 
vârddhakamunih  sucirani  abliinihçvasycâniçcosta  iva  muliûrtam 
avaliyata  II  latas  tani  cvanividliaiii  sakarunaui  çocayaiitani  aham 
eva  sarvajnarnitra  iti  saniâçvâsayann  iivfica  inaivam  adliîm  blia- 
vâhaiji  sarvam  nbliimataiu  saiiipâdayisyânilty  uktvâ  tam  âdâya 
vajramukulasya  nrpater  antikaiii  suvarnenasamïkrtya  svaçarîrani 
vikrïya  taiimûlyani  tasmai  pradâyâpanïya  prasthâpya  râjnah  purato 
vastliitah  ||  tasmiiiiç  ca  samaye  tasya  râjno  yathoktavicitralaksano- 
peta pu nisaikaoata kartitamastako  pa risiiAnâd  abliiiiiata ni  setsyatïty 
upadislaiu  kenapi  tad  vakyaiii  nialiatâ  kâlona  yatnato  nvisyasuvar- 
nasamatulam  ekoiiagatain  purusaiiaiii  kritamàsteanenaikcnaçataiii 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  31 

paripûrnam  ||  atali  kartitamastako  parisnânain  karisyâmi  d/iàt/ai 
tanraadhyaiii  nayety  âdiçati  sraa  ||  tadâdistabhrtyena  talhaiv^a  saïu- 
pâditain  paçcât  lam  ekam  avalokya  sarva  eva  te  vadhyapurusâli 
prâtar  mrtâ  vayam  ity  uccair  âkrandantali  sâksânmrtyiibhaya  upas- 
thito  muncla  ity  avadan  ||  te  bodliisatvenâbhiliit.âli  ||  kasmâd  ev^am 
adhiratâ  pùrvam  evam  ajûâtvaiva  kim  âtmâ  krita  iti  tata  etân 
atikâtarân  samâçvâsyamahâkariinârdrayâdrçâcâvalokya  mâtarani 
vihâya  nâsti  kaçcid  esâm  anyo  nistâro  ya  iti  niçcitya  sa  yatir  bhûyasâ 
sarvajnamitro  bhagavatïm  âryatârâin  stotum  ârabdliavân  ||  tatali 
çlokakatipayam  anantarani  bhagavatT  s  vayam  âgatya  yathâkarta- 
vyani  âdi(^3^ànucintitâ  câdhitisthaty  antarhitâ  ||  tatah  sakalalabdha- 
varah  sarvajriamitrah  ||  yusraâbhih  sarvaih  prâtar  yugapad  eva  snâ- 
tavyarn  ity  âdistavân  ||  tatah  prâtar  âgatya  râjapurusais  te  vadhyâh 
sarastîre  nîtàh  ||  tatas  tân  abhihitavantah  ||  sarvair  asmâbhir  eka- 
daiva  snâtavyaiii  kiin  bahuvilambenety  uktvâ  sarasi  nimagnâ  bha- 
gavatîprabhâvât  svani  svani  deçam  upajagmub  jj  paçcâii  muhùrta- 
dvitayânantarani  yatnato  nvisiâh  santas  tair  iiopalabdhâh  tan- 
mùlyasuvarnaiji  ca  yathâsvarâçirâgikrtya  sarastîre  param  àloki- 
tain  II  tatas  te  râjapurusâ  bhayavismayâkulitamanaso  ràjânani 
vijnâpayâm  âsuh  ||  tac  chrutvâ  sa  râjâ  vismayâvarjitaraanâs  tasyai- 
vaikasya  vikrïtasya  bhiksor  ayaip  prabhâva  ity  abhidhâya  samjà- 
tâdhikataraprasâdas  tam  anvisyânîya  tacchisyatâni  upagata  ityâ- 
dikathâ  prasiddbaiva  iioklâ  ||  çrïdevyai  namali. 


32  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 


VU 


TRADUCTION 


Hommage  à  Tara  ! 

Ayant  adoré  Ârya  Tara,  essence  du  bien  du  inonde,  en  recher- 
chant le  principe  de  la  loi  en  abrégé,  je  compose  ce  clair  commen- 
taire sur  les  vers  bâlârka,  etc.,  moi,  le  bon  Jinaraksita.  Toi,  dont 
la  bouche  brûle  des  flammes  étincelantes  que  jette  le  feu  de  la 
haine  violente,  ne  maltraite  pas  ma  glose  qui  procure  le  vrai 
bonheur  ;  à  toi  mon  anjali. 

Au  commencement  de  ce  commentaire,  le  sujet  est  indiqué:  Ici, 
dans  le  pays  de  Kasmir,  se  trouvait  celui  qui  tient  lieu  d'un  bodlii- 
sattva,  mouillé  par  l'eau  de  la  compassion  de  l'enseignement, 
r Indra  des  munis,  celui  qui  a  l'esprit  et  le  cœui'  rendus  supé- 
rieurs par  une  grande  miséricorde,  et  qui  a  nom  Sarvajnamitra, 
le  bhiksu;  celui-ci,  pareil  à  une  gemme  magique  par  le  fait 
qu'il  procurait  aux  pauvres  tous  les  objets  de  leurs  désirs,  était 
célèbre  dans  le  monde  par  sa  générosité.  Comme  il  avait  donné 
aux  pauvres  IciS  richesses  qu'il  avait,  et  qu'il  ne  lui  restait  pour 
tout  bien  que  les  haillons  et  l'écuelle,  il  alla  dans  un  autre  pays;  et, 
commet  il  arrivait  dans  le  pays  du  roi  Vajramukuta,  en  chemin,  il 
rencontra  un  brahmane  cassé  par  la  vieillesse  et  abandonné  des 
siens.  Tout  en  conversant,  ce  brahmane  lui  dit  qu'il  allait  trouver 
le  bhiksu  Sarvajnamitra.  Celui-ci  lui  dit  :  «  Ce  bhiksu  a  distribué 
tout(^s  ses  richesses  et  est  allé  dans  un  autre  pays,  ne  l'as- tu  pas 
entendu  dire?  »  Le  vieux  religieux  ainsi  interpellé,  ayant  soupiré 
longuement,  resta  un  instant  immobile  et  stupide.  ('omnie  il  restait 
dans  cet  état  et  se  lamentait  pitoyablement,  Sarvajnamitra  lui 
rendit  confiance  en  lui  disant:  «  C'est  moi  qui  suis  Sarvajnamitra, 
ne  sois  pas  si  faible,  j(^  comblerai  tous  tes  désirs.  ))  Il  se  rendit  en 
prés(mce  du  roi  Vajramukuta,  et  ayant  pesé  son  corps,  il  le  vendit 
au  prix  de  son  pesant  d'or  et  en  donna  le  prix  au  religieux  qu'il 
avait  amené,  puis  il  le  congédia  et  resta  devant  le  roi.  Or,  en  ce 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  33 

temps-là,  le  roi  avait,  entendu  cet  avis  :  ((  Ton  projet  réussira  si  tu 
te  baignes  sur  les  têtes  coupées  d'une  centaine  d'hommes  doués 
de  signes  divers  tels  ei  tels...  »  A  ce  moment  même  on  tenait  à  la 
disposition  du  roi  quatre-vingt-dix-neuf  hommes  achetés  leur  pesant 
d'or,  qu'on  avait  cherchés  à  grand'peine  et  par  cet  un  là,  la  cen- 
taine était  rendue  complète.  ((Eh  bien, je  m'en  vais  me  baigner  sur 
les  têtes  coupées,  qu'on  les  amène  ici  devant,  »  ordonna  le  roi. 
Le  serviteur  qui  avait  reçu  l'ordre  l'exécuta  ainsi,  et  regardant 
ensuite  tous  ces  hommes  qui  allaient  être  mis  à  mort,  il  les  vit 
criant  à  haute  voix:  ((Ce  matin  nous  sommes  morts!  c'est  ce 
chauve-là  qui  s'est  présenté  comme  un  danger  mortel  imminent.  » 
Injurié  de  cette  façon,  le  bodhisattva  leur  répondit:  ((  Pourquoi  un 
pareil  manque  de  courage,  jadis  lorsque  vous  vous  êtes  vendus, 
ne  le  saviez-vous  pas?  ))  Il  relevait  ces  lâches  et  les  regardait  d'un 
œil  humide  de  compassion  :  ((A  part  la  Mère,  il  n'y  a  point  de 
salut  pour  ceux-là.  »  A  cette  pensée,  Sarvajnamitra  se  mit  à  célé- 
brer la  vénérable  Àrya  Tara.  Aussitôt  après  quelques  çlokas,  Bha- 
gavatï  en  personne  apparut  se  tenant  au-dessus  d'eux,  elle  réfléchit 
et  enseigna  ce  qu'il  y  avait  à  faire,  puis  disparut.  Ayant  ainsi  reçu 
toutes  les  grâces,  Sarvajnamitra  leur  indiqua:  ((Il  faut  que  vous 
tous  ensemble  le  matin  vous  alliez  au  bain.  »  Le  matin  étant  venu, 
ils  furent  tous  les  cent  amenés  par  les  gardes  royaux  sur  les  bords 
d'un  étang  pour  être  tués,  et  ils  dirent  aux  gardes  :  ((  Il  faut  que 
tous  en  même  temps  nous  nous  baignions,  pourquoi  longtemps 
tarder?  »  Ayant  dit  cela,  ils  plongèrent  dans  l'étang  et  par  la  puis- 
sance de  Bhagavatï,  ils  furent  transportés  chacun  dans  son  pays. 
Au  bout  d'une  minute,  les  gardes  les  recherchèrent  avec  zèle,  ils  ne 
furent  pas  trouvés,  mais  l'or  de  leur  prix  fut  trouvé  sur  le  bord  de 
l'eau  par  tas  selon  chaque  individu.  Alors  les  gardes  royaux,  ayant 
l'esprit  troublé  de  stupéfaction  et  de  peur,  informèrent  le  roi. 
Entendant  cela,  le  roi  gagné  par  la  surprise  dit  :  ((  Ceci  est  l'efïetde 
la  puissance  unique  de  ce  bhilcsu  qui  a  été  acheté,  »  et  comme 
l'apaisement  dans  la  foi  était  né  en  lui,  il  fit  chercher  Sarvajna- 
mitra, et  l'ayant  fait  amener,  il  d(wint  son  élève. 

Voilà   le   commencement   de   l'histoire;   comme    <'lle   est  bien 
connue,  nous  ne  la  raconterons  pas. 


34  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 


VIII 


ARYATARÀSRAGDHARÀSTOTRA 


Om  iiaiiio  bhagavalyai  Àryatârâyai. 

1 .  —  BâlârkâlokatâmrapravarasuraçiraçcârucCidâmaniçii- 
sanipatsaijjparkarâganâticiraraciUilaklakavyaktabhaktï  | 
bhaktyâ  pâdau  tavârye  karapulamukulâtopabhugnottamângas 
târiny  âpaccharanyair  navanutikusuraasragbliir  abhyarcayâmi  ^  1| 

2.  —  Darlanghe  duhkhavahiiîiu  viiiipatitatanur  durbhagah  kâni- 

[dirikah 

kiin    kiiji   imulhab    karomïty  asakrd   api    krtârambhavaiyarthya- 

[khinnah  | 

çrutvâ  bhûyali  parebhyah   ksatanayana  iva  vyomiii   candrârka- 

[kiksniîm 

âlokâçcliiibaddhali  paragatigainauas  tvâin  çraye  pâpahantriiji  || 

3.  —  Sarvasmin   satvaniârge    nanu    ta  va    karunâ    nirviçesaiu 

[pi-avrltâ 

tanmadbye   tatgrahona   grahaiinm    npag;il,aiji    nîâdj(;a,syapy    ava- 

l«;y^i»ïi  I 

sârnai'lliyain  cadvitiyaiji  sakalajag;ulagliadbvaiitaliginain(;Libiinbai)i 
duhkliïvâliani  talhâpi  pratapati  dhig  ahodiiskrtani  durvidagdham  || 


1.  Comuicntaiie  du  vers  1. 

Hâlârketyadi  lie  taiiiii  uddharini  aryc  piijyc  lava  bliavatyah  padaii  ca- 
raiiaii  ahliyarcayaiiii  i»iijayaini  kena  navamitilaisuinasiaL:,l)liir  tavastain  lui- 
tayah  là  cva  kusmnani  pus])aiu  tesani  srajo  iiialàli  lahliili  lie  apaccharanya 
vipaccharaiiya  kidreaii  i)adau  hâlah  pralliaïua  iidito  yo  sav  arkali  ravih 
tasya  àlokali  nddyolanain  tadv.U.  tamrali  loliii.ali  pravaraiiaiii  pradliaiiaMaiii 
suràiKiinrirahsii  inmdliasu  caravo  darrani.N  ali  yc  eudamaiiayah  (;ikliaraliiaiii 
tesàni  yà  çnli  kantih  tasya  yasau  saiiuddliili  ||  tatsaipparkeiia  tatsaipyogena 
yo  saii  ragah  laùjanaip  teiia  iiati(  iraui  svalpakalain  racita  dijzdlia  alaktaka- 


LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA  35 

4.  —  Dhig  dhig  mâin  inandabJiagyani  divnsakararucâpy  apra- 

[luinnândhakàrani 
trsyantani  kidakacclie  himaçakalaçilâçltale  haimavatyàh  | 
ratnadvïpapratolyâvipulamaniguhâgehagarblie  daridrain 
nâthikrtvâpy  àuâthani  bliagavati  bha\atïin  sarvalokaikadhâtrim  || 

5.  —    Mâtcâpi  staiiyalietor  viruvati  balmçah  khedam  âyâti  putre 
krodhani    dhatte    pitâpi    pratidivasam    as.itprâi'thanâsu    prayuk- 

[tah  I 
tvani  tu  trailokyavânchâvipulaphalamahcikalpavrksâgravalll 
sarvebliyo  bhyarcilârtliân  visrjasi  na  ca  te  vikriyâ  jiitii  kâcit  || 

6.  —  Yo  yab  kle(;ogli;ivahnij\alitatanur  ahain  lâraiil  tasya  tasye- 
tyâtmopajûâiu  pratijnâip  kiiru  inayi  saplialâni   duhkhapâtâlaiiia 

[gne  I 
vardhante   yâvîid  ante  parusaparibliavâh  prâninâni  duhkhavegâh 
samyaksanibuddliayâne  pranidhidhrtadhiycimtâvad ovânukampâ  || 

7.  —  Ity  uccair  ûrdhvabâhau  nadati  nutipadavyâjam  âkranda- 

[nâdam 
nârhaty  anyo  py  upoksâni  janani  janayituin   kini  punar   yâdrçï 

[tvam  I 
tvattah  paçyan  paresâm  abhimatavibhavaprârthanâh  prâptakâmâ  ' 
dahye  sahyena  bliûyastaram  aratibhuvâ  samtalântarjvarena  || 

8.  —  PâpT  yady   asmi   kasmât  tvayi    marna   inaliatï  vardliate 

[bliaktir  osa 

çrutyâ  smrtyâ  ca  nâniiio  py  apaliarasi  liatliât  pâpani  ekâ  tvam  eva  | 
tyaktavyâpârabhârânudasi  mayi  katliani  kathyatâni  tathyakathye  ^ 
palliyaiji  glane  marisyaty  a[)i  vi})u]akrp;ih  kiiu  bliisag  rorudhili  || 


sya  v\;ikLâ  sphutà  hhaktih  viccliilir  yayos  tau  kalliani  aivayanii  bhaktyà 
sevaya  kidrro  hain  karaputena  Ijastanjaliiià  miikiitc  k\v\\e  va  atopo  .\OLcali 
t<Mi;i,  blmgiiam  atainraiii  iiUamangani  çiro  yasya  sali  |  1  | 

1.  Coït.,  ms.   :  "kaiuo. 

2.  Tai/if/a /,at II fjr  mol  )\o\\\e[\n:  le  commentaire  cxpli(|iio  :  lie  taili\  akalliyc 
he  satyavadiiii. 


36  LA    DÉESSt:   BUDDHIQUE    TARA 

9.  —  Mâyâmâtsaryamânaprabhi'tibhir     adliamais     tulyakâlam 

[kramâc  ca 

svair  dosair  vâlcyamâno  mathakarabha  ivânekasâdhâraiiâmsali  | 

yusmatpâdâbjapùjâin  ksanam  api  na  labhe  yat  tadartham  viçesâd 

esâ  kârpanyadïnâksarapadaracanâ  syân  mamâvandhyakâmâ  || 

10.  —  Kalpântabhrântavâtabhramitajalavalallolakallolahelâ- 
saniksobhotksiptavelâtatavikatacatasphotamolâttahâsât  | 
majjadbliirbhinnanaukaihsakaruiiaruditâkrandanispaudamandaih 
svacchandani   devi   sadyas    Ivadabhibhûtiparais    tiram    uttlryate 

[bdhel.ill 

11.  —  Dluimabhrântâbhragarbhodbhavagaganagi'hotsangaringat- 

[sphulinga- 

sphùrjaj  jvâlâkarâlajvalanajavaviçadveçmaviçrântaçayyâh  | 
tvayy  âbaddhapranamâûjaliputamukutâ  gadgadodgîtayâcnâh 
prodyadvidyudvilâsojjvalajaladajavair  âpriyante  ksanena  || 

12.  —  Dânâinblialipùryamâiiobliayakatakatakâlambirolaoïbamcâlâ- 
hurnkârâhûyamânapratigajajanitadvesavahner  dvipasya  | 
dantântottungadolâtalatulitatanus  tvâm  anusmrtya  mi'tyum 
pratyâcaste  prahrstah  prthuçikliaraçirahkotikottopavistah  || 

13.  —   Praudhaprâsaprahâraprahatanaraçirahçùlavallyutsavâyâni 
çûnyâtavyâni    karâgragrahavilasadasisphotakasphïtadarpân  | 
dasyûn  dâsye  niyuiikte  sabhrkutikulilabhrûkairikseksitâksâijiç 
cintâlekliany  akliinnasphalalikliitapadani  nâiuadliriiiiaçriyâni  le  || 

14.  —    Vajrakruraprahâraprakliaraiiakhaiiiukhoi  kluitaïuatteblia- 

[kumblia- 
(^cyotatsândrâsradhautasphutavikatasatâsainkataskandliasaiiidhih  | 
krudliyann  apilsur  ârad  upari  mrgaripus  tlksnadânislrotkalâsyas 
trasyaim  avrtya  yâti  l,vaducitaracitastotradugdhârtliavâcah  || 

15    —  Dhamâvartândliakarakitivikrtiphanispliarapluilkarapûra- 
vyapâravyâttavaktraspliuraduiiiiasanarajjukinâçapâçail.i  | 
pApât  sainblinya  bhùy.'is  lava  guiiagaiiana  tatparas  tvatparaima 
dhatte  matlalimalavalayakuvalayasragvibliiisaiu  \  iblifiliiii  || 


LA    DÉESSE    BUDDHIQTE    TARA  37 

16. —  BhartrbhrûbhedabliUoclbhatakalakabhatâkrstaduhQlistakeçaç 
cancadvâcâTacetotkataratitakatugfanthipâçopcigfidhah  | 
ksuttrtksâmoslhakanthas  tyajati  sasapadi  vyiipadam  toin  durantâm 
yo  yâyâd  âryâtâràcaranaçaranatâm  snigdhavaiidhûjjhito  pi  || 

17.  —  Mâyânirmânakarmakramakrtavikrtcinekanepathyainithyâ- 
r ûpâramb hân urûpa praharanakiranâdambaroddâmamn  i  | 
tvattantroddhâryamanlrasmi'tihrtadiiritasyâ  vahanty  apradhrsyam 
pretaprotântratantrïnicayaviracitasrânji  raksàmsi  raksâiii  || 

18.  —  GarjajjîmûtamLirtitrimadamadanadîbaddhadliârândhakâre 
vidyuddyotayamânapraharanakirane  nispatadbanavarse  | 
ruddhah  samgrâmakâle  prabalabhujabalair  vidvisadbhir  dvisad- 
tvaddattotsâhapustih  prasabham  arimahim  ekavîrah  pinasii  ||  [bhis 

19.  —  PâpâcàrânubandhoddhatagadavigalatpûtipQyâsravisra- 
tvanmâipsâsaktanâcjïmukhakuharagalajjantujagdhaksatângâli  | 
yusmatpâdopasevâgadavaragutikâbhyâsabhaktiprasaktâ 
jâyante    jâtarûpapratinidhivapusali    punclarïkâyatâksâh  || 

20.  —  Viçrântani   çrotrapâtre    gurubhir    upahrtâin  yâsya  nâm- 

[nâyam   bhaiksyam^ 
vidvadgosthîsu  yaç  ca  çrutadhanavirahân  mûkatâm  abhyupaiti  | 
sarvâlaipkârabhûsâvibhàvasamuditain  prâpya  vâgïçvaratvam 
so  pi  tvadbhaktiçaktyâ  harati  nrpasabhe  vâdisimhâsanâni  || 

21 .  —    Bhùçayyâdhûlidhûmrasphutitakatakatîkarpatotghâtitângo 
yûkâyumsi  prapimçan  parapurapuralah  karpare  tarpanârthi  | 
tvâm  ârcâdhyâdhyavasyanvarayuvativahaccâmarasmeracârvïm 
urvïmdhatte  madândhadvipadaçanaghanâni  uddhrtaikâtapatrcâip  || 

22.  —  Sevâkarmântaçilpâpranayavinimayopâyaparyâyakhinnah 
prâgjanmopâttapunyopacitaçubhaphalaip  vittam  aprâpnuvantab  | 
daivâtikriimanîni  tvâm  krpanajanajanany  arthani  abhyarthyabhûyo 
bhûiricr  nirvântacâmlkaranikaranidhin  nirddliana  prâpnuvanti  || 

1.  Ms.  :  yasyamnàya. 


38  LA    DÉESSE    BUDDIIIQUE    TARA 

23.  —  Vrtticchcde    vilaksah    ksatanivasanayâ    bhâryayâ   bhart- 

[syamàno 
dûrâd  âtmaijibliaritvât  svajanasutasuliidbaiidliubhir  varjyamânah  I 
tvayy  âvedya  svaduhkhaiii  turagakhuramukhotkhâtasîmnâin  grhâ- 
ïsle  svântabpurastrivalayajhanajhanâjâtaiiidràprabodliah  ||     [ iiâm 

24.  —  Cakranidikcakracumbi  spliuradurukiranalaksanâlaiiikrtàstri 
saddanto   dantimukhyah    c,'ikhigalariiciraoyâraaroniâ    varâçvah  | 
bhâsvadbhâsvanmayùkho  manir  amalagunali  kosabhrl  pûrnakosah 
senânîr  virasainyo  bhavati  bhagavati  tvatprasâdâniQaleçât  || 

• 

25.  —  Svacchandaç  candanâmbhahsurabhiraaniçilildattasamketa 

kânlâkrïdânurâgâd  abhinavaracitâtithyatathyopacârah  |  [kântali 
tvadvidyâlabdhasiddhir  malayamadhuvanam  yâti  vidyâdharendrah 
khadgâmçuçyâmapïnonDatabhujaparigha  prollasatpârihâryah  || 

26.  —  Hârâkrântastanântâh  çravanakuvalayaspardhamâiiâyatâksà 
mandârodâravenîtarunaparinialâmoghamâdyaddvirepliâh  | 
kâcinâdânubandhoddhatataracaranodâraniarijiratùryâs 
tvannâthain  prârthayanlc  smaraniadarauditah  sâdarâ  devakanyâh  1| 

27.  —  UatnacchannântavâpikanakakamalinlvajrakiHJalkamâlaiu 
unmajjatpârijâtadrumadhurainadhriddliûtadhùlivitàiiàm  | 

vï  nâven  ii  pra\'  1 1 1  a  i  ua  rapuraraman  ïdattamâdh  ûryatû  ryâin 
krtvayusmatsapai'yâin   aiiubhavali  cira  in  iiand;inodyânayâtrâin  || 

28.  —  Karpûrailâlavangalvagagarunakidaksodagandliodakâyain 
dâiitakaiKlai*pa(lai|)otkal;ikucakuliarâvartaviçrântaYïcyâni  ] 
niandâkinyâin  amandaci  lialasalilasaritkrïdaya  sundaribhih 
kndanti  tvadgataiitahkaïaïKipaiiiiatoUaptapunyaprabhâvâh  || 

29.  —  (jirvaiia^ranianibhir  vinayabharanaiiianiiiaulibhir  vandi- 

[lâjnab 

svargolsange  dliinidliiih  siirakanni  l'aiiadbhiisaiiodbhasitânge  | 

çacyâ  doi'dâmadokn  ii;il;ival;n  itoddaiïiaromâùcainrirtih 

pûtas  tvaddr^lipalaii'  avali  Mirainaliiui  liiral)liinii;iprak()sili;ih|| 


LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA  39 

30.  —  Cûdâratnâvatamsâsanagatasugatavyomalaksmïvitânam 
prodyadbâlàrkakotipalutarakiranâpûryamânatrilokam  | 
praudhâlidhaikapadaiji     krainabharavinamadbrahinarudrendra- 

[visnu 

tvadrûpani   bhâvyamânain    bhavati  bhavabhayocchittaye  janma- 

[bljâjâm  II 

31.  —  Paçyanty  eke  sakopani  praharaiiakiranodgûrnadordanda- 

[khanda- 
vyâptavyomântarâlain  valayaphaniphanâdârunâhâryacaryâm  | 
dv]\stavyuttrâsihâsoddamaradamaiaUcoddâmarâsphâlavel<â- 
vetâlottàlatàlapramadamadamahàkelikolâhalogram  || 

32.  —  Kecit  tv  ekaikaromodgamagatagaganâbhogabhiibhûtalastha- 
svasthabrahmendrarudraprabhrti naramarutsiddhaga  n  d h  a  r  V  a  n  â - 

[gam  I 

dikcakrâkrâmidhâniasthilasiigataçatânantarjirmânacitram 
citrani   trailokyavandyain   sthiracararacitâçesabhâvasvabhâvam  | 

33.  —  Lâksâsindûrarâgârunatarakiranâdityalauhityam  eke 
çrïmatsândrendranilopaladaladalitaksodanïlaiii  tathânye  | 
ksirâbdhiksubdhadugdhâdhikataradhavalaip  kâncanâbhani  ca  kecit 
tvadrûpaiii  viçvarûpam  sphatikavad  upadhayiiktibhedâd  vibhin- 

[nam  || 

34.  —  Sârvajriajncinadîpaprakatitasakalajneyatattvaikasâksï 
sâksâd  vetti  tvadiyani  gunaganagananâni  sarvavit  tatsuto  va  | 
yat  tu  vyâdâya  vaktrain  valibhujaratitani  mâdrço  ratïti 
vyâpat  sa  tivraduhkhajvarajanitarujaçcetaso  hâsyalietuh  || 

35.  —  Yan  me  vijnapsyamanaiii  prathamatarain  adas  tvaiu  vit^e- 

[sena  vettri 
tvatvyâhârâtirekaçramavidliir  abudhasvântasaiiitosahetuh  | 

kiin   tu  snigdhasya  bandhor  visani   iva  purato  duhkliaiu  udgiiya 

[vâcâ 
jnâtârthasycipi  dul.ikhi  hrdayalaghutayâ  svasthatâiji  vindativa  || 


40  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 

36.  —   Kah'ânânanclasindliuprakatar'arikale   çitalârii  dolii  drsiiin 

pustini  jnânopadeçaih  kuru  ghanakarune  dhvanisaya  dhvântam- 

[antah  | 

tvatstotrânibhahpavitrikrtamanasi  mayi  çreyasah  sthânam  ekani 

drstain  yasmâd   amogliaiii    jagati   lava   gunastoiramâtrani  prajâ- 

[nâm  II 

37.  —    Samstutya   tvatgunaughâvayavam  aniyateyattam   Aplani 

[maya  yat  j 
punyarp     punyâhavânchâphalamadhurarasâsvâdam     âmnktibho- 

[gyaiu  I 
lokas  tenâryalokeçvoracaranatalasvastikasvasticihnâm 
ahnâyâyaip  prayâyât  sugatasutamahîm  tâiii  sukhâvatyupâkhyâm  || 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  41 


IX 


TRADUCTION 


Oiii-,  Hommage  à  la  vénérable  Arya  Tâià. 

1.  —  Avec  des  louanges  nouvelles  en  guise  de  guirlandes  de 
fleurs,  oh!  toi  qui  es  un  refuge  dans  le  malheur,  oh  !  toi  qui  donnes 
le  salut,  oh  1  Aryâ,  j'honore  tes  pieds,  dévotement,  la  tête  courbée 
sous  l'éblouissement  des  diadèmes,  les  mains  jointes  en  adoration,' 
—  j'honore  tes  pieds  qu'illumine  comme  d'une  teinture  laquée 
l'éclat  de  l'éblouissance  des  pierreries  des  aigrettes  gracieuses  sur 
les  têtes  des  plus  illustres  divinités  prosternées  devant  toi,  dorées 
comme  le  soleil  levant. 

2.  —  Dans  la  fournaise  du  malheur,  rude  à  traverser,  mon  corps 
est  tombé;  misérable,  je  ne  sais  où  me  diriger;  égaré,  que  fais-je? 
que  fais-je?  Constamment  brisé  par  la  non-réussite  des  entreprises 
tentées,  j'entends  les  autres,  et  c'est  comme  si  j'avais  les  yeux 
crevés,  qui  parlent  de  la  beauté  de  la  lune  et  du  soleil,  et  l'espé- 
rance de  voir  m'enchaîne,  et  je  suis  obligé  de  me  laisser  guider 
par  un  autre;  je  me  réfugie  vers  toi,  qui  détruis  le  mal  ! 

3.  —  Oui,  c'est  sur  le  chemin  de  tous  les  êtres  que  ta  compassion 
qui  ne  fait  point  de  distinction  s'étend  et  elle  les  embrasse  tous.  — 
Je  suis  star  d'être  de  ceux-là. —  Ta  puissance  sans  seconde  est  le 
disque  solaire  des  ténèbres  que  sont  les  péchés  du  monde  entier.  — 
Je  suis  un  misérable,  moi  aussi  le  péché  que  j'ai  commis  me 
briîle  ;  —  oli,  malheur  à  ce  félon  ! 

4.  —  Malheur,  malheur  à  moi!  l'obscurité  qui  m'enviroiuie  ne 
se  dissipe  même  pas  à  l'éclat  du  soleil;  je  reste  altéré  au  bord  de  la 
rive  de  la  fille  d'IIimavat,  cette  rive  froide  et  rocheuse  enfloconnée 
de  neige,  dans  les  cavernes  de  laquelle  sont  des  pierreries  pré- 
cieuses en  grand  nombre,  c'est  le  chemin  de  l'île  aux  Perles.  — 
Pauvre  moi,  qui  suis  sans  protecteur,  quoique  ayant  choisi,  o 
divinité,  ta  seigneurie,  qui  est  l'unique  soutien  do  tous  les  mondes. 

5.  —  Une  mère  même  se  lasse,  lorsque  son  fils  pleure  nombre  de 
fois  pour  avoir  du   lait  ;  un  père  aussi  s'irrite  lorsque  son  fils 


42  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 

demande  chaque  jour  des  choses  qui  ne  sont  pas;  —  mais  toi, 
branche  de  l'arbre  aux  souliaits,  qui  donne  pour  fruits  les  désirs 
des  trois  mondes,  tu  donnes  à  tous  ceux  qui  te  prient  des  biens,  et 
tu  ne  varies  jamais. 

C).  —  ((  Celui  dont  le  corps  est  brûlé  par  le  l'eu  des  passions,  je 
suis  la  barque  qui  le  sauve.  »  Réalise  en  ma  faveur  cette  promesse 
que  tu  as  révélée,  car  je  plonge  dans  l'enfer  du  malheur.  Quand 
croissent  les  flots  du  mallieur,  pour  finir  par  de  rudes  insultes,  tant 
que  les  mortels  attachent  leur  pensée  à  la  contemplation  de  la  voie 
du  parfait  Buddha,  aussi  longtemps  s'exerce  pour  eux  ta  com- 
passion. 

7.  —  Si  quelqu'un  crie  d'une  voie  forte,  en  élevant  les  bras,  une 
clameur  de  détresse  sous  la  forme  de  paroh^s  louangeuses,  per- 
sonne ne  doit  rester  indiiïérent;  combien  plus  une  telle  que  toi,  ô 
mère,  —  quand  je  vois  les  autres  obtenir  de  toi  les  biens  qu'ils 
souhaitent  et  satisfaits  dans  tous  leurs  désirs,  un  feu  intérieur 
que  le  déplaisir  fait  naître  me  trouble  insupportablement. 

8.  —  Si  je  suis  méchant,  pourquoi  ma  dévotion  envers  toi  va- 
t-elle  toujours  croissant?  Le  seul  fait  d'entendre  et  de  se  rappeler 
ton  nom  fait  que  tu  enlèves  avec  force  le  péché;  comment  se  fait-il, 
dis-le-moi,  toi  qui  es  toujours  véridique,  que  tu  me  repousses, 
renonçant  vis-à-vis  de  moi  à  ton  action  coutumière?  Est-ce  que 
le  médecin  énm  d'une  grande  compassion  garde  jalousement  le 
remède  approprié  à  la  langueur  du  malade  qui  va  mourir? 

9.  —  Tiraillé  soit  en  même  temps,  soit  tour  à  tour  par  mes 
péchés  vils,  illusion,  envie,  orgueil,  etc.,  comme  le  chameau  du 
couvent  dont  les  membres  sont  propriété  commune  à  plusieurs,  je 
n'obtiens  pas  d'adorer  même  un  instant  le  lotus  d(^  tes  pieds. 
Pour  le  faire,  j'ai  spécialement  composé  ces  syllabes  et  ces 
mots  qu'attriste  mon  mallieur  :  puissent  par  là  mes  vœux  n'être 
pas  stériles! 

10.  —  Comme  le  vent  des  derniers  temps  du  monde,  l'ouragan 
entraine  avec  grâce  et  violence  l'eau,  elle  se  soulève  en  vagues 
toutes  coquettes  d'allure  qui  courent  avec  la  marée  vei's  la  rive  et 
s'y  brisent  en  un  effroyable  fracas,  comme  en  un  immense  éclat 
de  rire.  —  Qu'ils  t'appellent  les  naufragés  dont  la  barque  est  mise 
en  pièces,  avec  des  cris,  des  pleurs,  pitoyables,  |)aralysés  qu'ils 
sont  par  l'angoisse,  et  aussitôt,  ô  divinité,  ta  protection  conduira 
aisément  au  rivage  de  l'océan  ceux  dont  la  ressource  suprême  est 
en  la  puissance. 

11.  —  Hors  dos  nuages  errants  de  fumée  se  dégage,  comme  une 
retraite,  une  demeure  céleste  ;  tandis  que  les  étincelles  crépitent 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  43 

et  que  les  flammes  jaillissantes  augmentent  l'horreur  du  feu  dont 
l'ardeur  pénètre  la  maison,  ils  trouvent  comme  un  lit  de  repos, 
ceux  qui  te  présentent  comme  un  diadème  le  creux  de  leurs  mains 
en  adoration,  qui  te  chantent  leur  invocation  d'une  voix  entre- 
coupée; parmi  les  jeux  et  les  feux  des  éclairs,  l'eau  rapide  des 
nuages  leur  apporte  la  joie  au  moment  même. 

12. —  Lorsque  la  liqueur  du  rut  découle  des  deux  tempes  comme 
des  flancs  d'une  montagne  et  que  les  essaims  d'abeilles  s'y  attachent 
avec  un  bourdonnement  qui  afïole  l'éléphant  ennemi  et  l'enflamme 
de  fureur;  alors  si  l'éléphant  du  bout  de  ses  défenses  comme  d'une 
haute  balançoire  soulève  le  corps  de  celui  qui  fixe  sur  toi  sa  médi- 
tation, la  mort  s'écarte  de  ton  lidèle,  et  tout  joyeux  il  se  tient  comme 
s'il  était  sur  la  tête  môme  de  l'éléphant,  pareille  avec  son  large 
sommet  à  une  forteresse. 

13.  —  Dans  la  forêt  déserte  décorée  en  guise  de  lianes  par  les 
pieux  auxquels  sont  empalées  les  têtes  des  hommes  qu'ont  frappés 
des  traits  violemment  lancés,  les  brigands  orgueilleux  qui,  pour 
se  railler,  tiraient  l'épée  du  bout  des  doigts  sont  marqués  comme 
esclaves,  eux  aux  regards  torves,  aux  sourcils  froncés  et  tor- 
tueux, par  le  pinceau  de  la  pensée  qui  trace  distinctement  sans  se 
lasser  les  syllabes  du  nom  de  ta  splendeur  et  de  ta  majesté. 

14. —  Il  frappe  comme  un  carreau  de  foudre,  laboure  de  ses  griffes 
les  tempes  des  éléphants  en  troupe,  et  un  sang  épais  ruisselle  le  long 
de  sa  puissante  crinière  partagée  sur  l'épaule;  tout  proche  et  imjxi- 
tient  de  bondir,  la  gueule  largement  ouverte,  ornée  de  dents  aiguës, 
le  lion,  cet  ennemi  des  gazelles,  se  détourne  en  tremblant  et  fuit 
devant  l'homme  qui  prononce  des  mots  de  louange  dignes  de  toi. 

15.  —  Des  tourbillons  de  fumée  obscurcissent  la  ïiwv  hideuse 
d'innombrables  serpents,  qui  sifflent  ensemble;  leur  gueule  s'ouvre 
toute  grande  et  montre  une  large  langue;  c'est  le  lien  dont  le  dieu 
avare  Yama  entoure  pour  le  punir  le  pécheur,  mais  si  sa  pensée 
unique  est  l'énumération  de  tes  vertus,  si  tu  es  son  principal  souci, 
il  ne  porte  quo  guirlandes  de  fleurs  de  lotus  et  bracelets  (l'al)eilles 
enivrées. 

10.—  Lescheveux  malatlachés,  arrachés  par  les  soldats  duservice 
royal  rendus  farouches  et  tremblants  par  les  froncements  de  sourcil 
de  leur  maître,  enhicé  de  nœuds  de  cordes  blessants  au  milieu  des 
cris  excités  que  poussent  les  serviteurs  bavards  et  agités,  la  gorge 
et  les  lèvres  desséchées  par  la  soif  t>t  la  faim  ;  il  se  débarrasse  de  ces 
infinies  calamités  s'il  se  réfugie  aux  pieds  protecteurs  d'.Vrya  Tara, 
quand  ses  parents  même  et  scîs  amis  l'auraient  abandonné. 

17.  —  (^)uand  les  raksas  habiles  aux  métamorphoses  décevan- 


44  LA    DÉESSE    liUDDHIQUE    TARA 

tes,  peuvent  changer  de  costume,  prendre  des  formes  menteuses, 
s'équiper  d'armes  dont  le  rayonnement  épouvante  et  éblouit,  celui 
qui  se  souvient  alors  des  formules  qu'on  tire  de  ton  Tantra,  rien 
que  par  ce  souvenir  est  délivré  de  son  malheur  et  même  ces  mons- 
tres qui  se  parent  de  guirlandes  d'entrailles  de  cadavres,  servent  de 
garde  pour  le  défendre  de  tout  mal. 

18.  —  Les  corps  des  éléphants  sont  comme  les  nuages  qui 
tonnent,  les  flots  pressés  du  mada  répandu  sont  comme  les  ténè- 
bres, le  rayonnement  des  armes  fait  une  lueur  d'éclairs,  les  flèches 
sont  la  pluie  qui  tombe  sur  le  champ  de  bataille.  A  celui  que  cer- 
nent les  ennemis  acharnés  aux  bras  d'une  force  extraordinaire  tu 
donnes  un  accroissement  de  force,  et  devenu  sans  égal  le  héros 
réduit  en  poudre  les  ennemis  avec  fracas. 

19. —  Ceux  dont  les  membres  sont  couverts  de  blessures, dévorés 
de  vers  qui  remuent  dans  les  plaies  béantes  des  veines  attachées  à 
la  peau  et  aux  chairs  puantes  de  sang  et  de  pus,  dont  l'infection 
dégoutte,  châtiés  par  la  maladie  de  leurs  péchés  passés  ;  ceux-là 
lorsqu'ils  s'attachent  dévotement  à  la  pratique  d'un  remède  de 
clioix  et  salutaire,  au  culte  de  tes  pieds,  leur  corps  prend  la  beauté 
de  l'or  en  fusion  et  leurs  longs  yeux  sont  des  lotus. 

20.  —  Môme  quand,  dans  le  vase  de  son  oreille  un  précepteur 
n'a  pas  déposé  l'aumône  de  la  science;  même  quand,  l'igno- 
rance le  rend  muet  dans  la  société  des  savants;  passé  maître  de 
beau  langage,  il  est  revêtu  de  tous  les  ornements,  de  toutes  les 
parures  et  de  toutes  les  dignités:  il  obtient  à.  la  cour  des  rois  les 
trônes  des  gens  éloquents,  grâce  à  la  puissance  de  la  dévotion  qu'il 
a  pour  toi. 

21. —  Les  membres  mal  couverts  par  des  loques  qui  pendent  à  ses 
hanches,  déchirées  et  sales  de  poussière  à  force  de  coucher  sur  le  sol, 
écrasant  ses  poux  vivants  devant  les  demeures  des  autres,  deman- 
dant à  manger  dans  un  tesson  ;  celui  qui  te  gagne  avec  une  ferme 
conviction  gouverne  une  terre  que  rend  aimable  le  sourire  des 
jeunes  beautés  agitant  le  chasse-mouche,  terre  abondante  en 
défenses  d'éléphants  enivrés  de  rut,  et  cet  homme  est  abrité  sous 
un  parasol  incomparable. 

22. —  Ceux  que  lasse  la  constante  recherche  des  moyens  de  trafi- 
quer, de  solliciter,  de  s'occuper,  d'avoir  une  profession,  de  remplir 
un  ofhce  ;  qui  n'obtiennent  pas  les  richesses,  fruits  des  mérites  accu- 
mulés par  les  bonnes  actions  amassées  durant  les  existences  anté- 
rieures; ces  gens-là,  s'ils  te  demandent  la  fortune,  ô  Mère  des  mal- 
heureux qui  triomphes  du  destin,  ils  trouvent,  eux  les  pauvres,  des 
trésors  de  masses  d'or  vomi  par  la  terre. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  45 

\ 

23. —  Celui  qui  se  trouve  sans  moyens  d'existence,  sans  plus 
savoir  que  faire,  que  sa  femme  dont  les  vêtements  sont  usés,  menace  ; 
que  ses  parents,  ses  amis,  ses  enfants  et  ses  proches,  même  de  loin 
évitent,  par  Herté  ;  un  tel  homme  par  le  seul  fait  de  te  faire  connaître 
sa  misère,  devient  maître  d'une  maison  dont  les  abords  sont  foulés 
par  les  sabots  des  chevaux  et,  dans  son  sommeil,  seul  le  cliquetis 
des  bracelets  des  femmes  de  son  gynécée  le  réveille. 

24.  —  Pour  que  le  disque  pénètre  de  ses  rayons  le  cercle  de 
l'horizon,  pour  que  la  femme  soit  parée  des  signes  de  la  beauté  et 
irradie  de  tous  côtés,  pour  que  l'animal  aux  six  défenses  devienne 
le  premier  entre  les  éléphants,  pour  que  le  cheval  de  choix  ait  la 
robe  sombre  et  luisante  comme  le  plumage  du  cou  du  paon,  pour 
que  la  pierre  fine  se  purifie  et  brille  comme  le  soleil,  pour  que  le 
trésorier  trouve  son  trésor  comble,  pour  que  le  général  d'armée 
dispose  d'une  multitude  de  héros,  ô  vénérable,  il  suffit  d'une  bribe 
de  ta  grâce. 

25.  —  A  son  gré,  le  roi  des  Vidyâdharas  rend  les  hommages 
sincères  d'une  hospitalité  toujours  renouvelée  aux  amantes  dont  le 
plaisir  est  de  folâtrer  en  ces  lieux  où  elles  donnent  des  rendez -vous, 
sur  ces  roches  de  pierres  précieuses  parfumées  de  santal.  C'est 
qu'il  doit  une  magique  puissance  aux  formules  qu'il  t'adresse  ; 
lorsqu'il  se  rend  à  la  forêt  prin tanière  du  Malaya,  comme  des  ver- 
rous l'enserrent  de  bracelets  frémissants  les  bras  tendus  vers  lui, 
gras,  assombris  par  le  reflet  de  ses  armes. 

26.  —  Un  collier  bat  leurs  seins,  leurs  yeux  allongés  rivalisent 
avec  le  lolus  qui  orne  leur  oreille,  de  leurs  tresses  s'exhale  une 
senteur  fraîche,  tresses  fleuries  de  fleurs  de  mandâra  auxquelles 
s'enivrent  les  abeilles,  le  bruissement  des  anneaux  de  leurs  pieds 
s'harmonise  au  cliquetis  continu  des  ceintures,  joyeuses  d'excita- 
tion amoureuse  et  respectueuses  aussi,  elles,  les  vierges  célestes 
sollicitent  celui  (jui  t'adore. 

27.  —  Là  des  guirlandes  de  pistils  de  diamants  dans  les  lotus 
d'or,  là  des  étangs  dont  les  bords  sont  cachés  par  les  pierreries, 
là  se  soulève  en  dais  gracieux  la  poussière  du  pollen  des  fleurs  de 
l'arbre  pârijâta  qui  s'élance  dans  les  airs,  là  s(^  donne  un  concert 
d'harmonie  par  les  belles  de  la  ville  des  immortels  habiles  à  jouer 
de  la  flûte  et  du  luth:  c'est  le  jardin  du  Nandana,  où  celui  qui  se 
livre  à  ton  culte  goûte  longtemps  la  joie  d'être. 

28.  —  Dans  la  Mandâkinl  à  l'onde  parfumée  par  la  poudre  du 
nard,  de  l'agaru,  et  des  écorces  odorantes  du  giroflier,  du  caida- 
mum  et  du  camphiiei-,  dont  les  vagues  s'arrêtent  en  tourbillons  dans 
le   creux  d'entre  les   seins   que   soulève  l'excitation    de    l'ivresse 


46  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 

amoureuse  des  amantes  peu  paresseuses  au  jeu  de  l'eau,  ils  folâ- 
trent avec  de  belles  femmes,  ceux  qui  ont  la  puissance  épanouie  de 
leurs  bonnes  œuvres  mûrie  par  l'attachement  de  leur  cœur  à  toi. 

29. —  Par  les  premiers  des  dieux,  la  tête  inclinée  sous  le  fardeau 
de  l;i  discipline,  ses  ordres  sont  honorés  dans  le  sein  du  Svarga  ;  il 
est  monté  sur  l'éléphant  des  dieux,  dont  les  membies  brillent  de 
parures  sonnantes;  il  est  enlacé  par  le  balancement  du  collier  des 
bras  de  Çacî  :  sur  son  corps  ses  poils  frissonnent  ;  c'est  que  purifié 
par  ton  regard  qui  s'abaisse  sur  lui,  il  règne  sur  la  terre  des  dieux 
et  son  avant- bras  est  encerclé  de  diamants. 

30.  —  Ta  beauté  s'épand  dans  le  ciel  où  le  Sugata  est  assis  sur 
un  siège  que  forme  uno  couronne,  par  toi  les  trois  mondes  resplen- 
dissent de  rayons  plus  bi'illants  que  des  milliers  de  soleils  levants 
dans  leur  fraîcheur;  Visnu,  Indra,  Rudra  et  Brahma  se  courbent 
sous  le  faix  de  ton  pas  lorsque  tu  te  tiens  sur  un  pied  dans  l'atti- 
tude fière  de  VAlïdha\  si  dévotement  elles  honorent  ta  beauté,  tu 
supprimes  la  crainte  des  renaissances  pour  les  créatures. 

31. —  Il  y  en  a  qui  te  voient  sous  ton  aspect  furieux,  alors  que  tu 
agites  des  armes  éti ncelant.es  à  tes  bras  tels  que  les  troncs  d'une 
foret  qui  pénétreraient  le  milieu  du  ciel  ;  en  guise  de  bracelets  tes 
serpents  aux  aigrettes  eflïoyables  :  c'est  la  forme  que  tu  prends 
pour  inspirer  la  peur.  Les  ennemis  tremblent  à  ton  rire  bruyant 
tjui  est  comme  un  tambour  aux  vibrations  intenses  au  moment  où 
elles  éclatent  ;  et  les  vampires  dressent  leurs  mains  et  les  entrecho- 
quent et  font  un  tumulte  d'ivresse  folle  et  de  joie  bruyante  qui  fait 
frémir-. 

32.  —  D'autres  te  voient  sous  un  autre  aspect  :  dans  l'intervalle 
de  tes  poils  s'étendent  et  le  vaste  ciel  et  la  surface  de  la  terre,  où 
demeurent  en  la  béatitude  Brahma,  Indra,  Rudra  et  le  reste 
des  dieux  et  des  hommes,  et  les  Maruts,  et  les  Siddhas,  et  les 
(Jandharvas,  et  les  Nâgas.  Le  cercle  de  l'Iiorizon  estcnv^ahi  par  la 
splendeur  de  Buddhas  que  tu  te  plais  à  créer  par  centaines  et  sans 
fin,  prodigieuse,  digne  des  hommages  des  trois  mondes,  embrassant 
dans  ta  propi'e  nature  toutes  les  créatures  tant  mobiles  qu'immo- 
biles. 

33. —  Il  y  en  a  qui  te  voient  empourprée  comme  le  rouge  soleil 
aux  rayons  plus  rouges  encore  que  la  laque  et  le  sindûra,  d'autres 


1.  Ali(]li;i.  Posiliou  narticiilirre  (!«'  tir,  la  jambe  droite  en  avant  el  lagauclu' 
rephée. 

2.  l,e  commentaire   appli(iuo  le   vers  M  h    l'aspect  que   Tara  rovét  aux 
yeux  des  méchants,  tandis  que  pour  les  pieux  dévots  elle  est  toute  compassion. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA  47 

te  voient  sombre  comme  la  poussière  impalpable  des  éclats  d'une 
pierre  splendide  de  saphir  opaque,  d'autres  encore  t<^  voient  plus 
blanche  que  le  lait  baratté  de  l'Océan  ou  brillante  comme  l'or. 
Ta  forme  universelle  est  semblable  au  cristal  qui  change  d'aspects 
quand  les  choses  qui  sont  autour  de  lui  changent. 

34. —  Témoin  uni([ue  de  la  vérité  absolue  qui  peut  être  connue 
tout  entière  lorsqu'elle  est  éclairée  par  la  lampe  de  l'omniscience, 
l'Omniscient  ou  son  fils  connaît  par  ses  propres  yeux  le  compte  du 
nombre  de  tes  qualités,  mais  tout  ce  qu'un  homme  comme  moi  en 
ouvrant  toute  grande  la  bouche  peut  faire  entendre  n'est  que  croas- 
sement de  corneille,  et  cette  misère  est  cause  de  ridicule  pour  mon 
esprit  qui  en  souffre  une  fièvre  de  maux  intenses. 

35. —  Ce  que  je  désire  te  faire  connaître,  tu  le  sais  en  détail  déjà 
d'avance,  mais  la  façon  dont  se  fatigue  extrêmement  l'ignorant 
en  s'exprimant  à  toi  devient  une  cause  de  satisfaction  pour  lui  ; 
comme  en  présence  d'une  mère  affectueuse  alors  môme  qu'elle  sait 
tout  déjà,  le  malheureux  qui  vomit  sa  douleur  comme  un  poison 
obtient  le  bien-être. 

3G. —  O  toi  qui  es  le  croissant  de  lune  manifesté  sur  l'océan  de  la 
joie  du  bien,  donne-nous  ta  vue  rafraîchissante,  fais-nous  croître 
par  l'enseignement  de  la  science,  ô  toi  dont  la  compassion  est 
intense,  dissipe  l'obscurité  intérieure;  j'ai  purifié  mon  cœur  dans 
l'eau  lustrale  de  ta  louange,  le  salut  unique  est  assuré  pour  moi, 
puisque  l'éloge  de  tes  vertus  est  la  seule  ressource  infaillible  des 
créatures. 

37. —  En  louant  une  fraction  insignifiante  de  la  foule  de  tes 
mérites  j'obtiens  un  mérite  spirituel,  qui  a  la  saveur  du  suc  exquis 
du  fruit  du  souhait  du  jour  pur,  pour  en  jouir  jusqu'à  la  déli- 
vrance. Puisse  le  monde  entier  par  ce  même  mérite  s'en  aller  tout 
de  suite  vers  la  terre  des  fils  de  Sugata,  terre  qui  porte  la  bienheu- 
reuse empreinte  du  Svastika  de  la  plante  des  pieds  du  noble 
seigneur  du  monde,  terre  qui  a  nom  Sukhâvatî! 


48  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 


X 

ÀRYArÂRÂBHATTÂRIKÂNÂMÀSTOTTAFlAÇATAKASTOTRA 

Om  mimah  çrimadâryatârâyai 

çrïmatpotalake  ramye  nânâdhâtuvirâjite  | 
nânâdrumalatâkïrne  nânâpaksinikûjite  |  1  | 

nânânirjharajhanikâre  nânâmrgasamâkule  | 
nânâkusumajâtïbljili  samantâd  adhivàsite  |  2  | 

nânâhrdyaphalopete  salpadodgïtanisvane  | 
kinnarair  madhurair  gïtair  mattavtâraiiasanikule  |  3  | 

siddhavidyâdhâraganaih  gandharvaiç  ca  ninâdite  | 
muiiibliir  vïtarâgaiç  ca  satatani  samnisevite  |  4  | 

bodliisatvagaiiaiç  cânyaili  daçabhûmïçvarair  api  | 
âryatârâdibhir  devividyârâjûïsahasrakaih  |  5  j 

krodharâjaganaiç  câriyaih  hayagrivâdibhir  vjte  | 
sarvasatvahitodyukto  bhagavân  avalokitah  |  (î  | 

vijaliâra  latab  çrhiuui  padiiiagarbhasan(i  ^  slliitah  | 
niahatâ  tapasâyukto  inaitryâ  ca"  krpayân vital;  |  7  | 

dhariuaiji  didera  tasyaiji  sa  iiiahat3^âni  devaparsadi  | 
tati'opavistain  agamya  vajrapaiiir  maliâbalah  '  |  8  | 


1    H.  taie. 
:i.  B.  va. 

3.   C.  varali 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  9 

paramakrpayâ  yuktah  papracchety  ^  avalokitam  | 
taskaroragasimhâgnigajavyâglirâmbusamkate  |  9  | 

sïdanty  amï  inune  satvâ  magnâl.i  saiiisarasâgare  | 
baddhâh  sanisârakaih  pâ(;.ai  râgadvesataraopahaih  |  10  | 

mucyante  yena  saiiisârât  tan  me  brûhimahàmune  | 
evam  ukte  jagannàthah  saçrimân^  avalokitali  |  10  bis  \ 

uvcica  madhurâni  vânïiu  vajrapânini  prabodhinam  | 
çrnu  guhyakaràjendra  amitâbhasya  tâyinah  |  11  | 

pranidhànavaçotpaiinâ  mamâjnâ  lokaraâtarah 
mahâkaruiiayopetâ  jagaduddbaranoddlu'tâli  |  12  | 

uditâdityasainkâçâli  pûrnenduvadanaprabhâh  | 
bbâsaj^anti  drumâiiis  târâh  sadevâsuramânusân  |  13  | 

kampayanti  trayo  lokân  trâsyantï  yaksarâksasân  | 
nïlotpalakarâ  devi  ma  bliair  ma  bhair  iti  bruvan  |  34  | 

jagatsaniraksanârthâya  aham  utpâditâ  jinaih  | 
kântâre  (;astrasai]iparke  nânâbhayasamâkule  |  15  | 

smaraiic'id  eva  nâmâni  satvàn  raksâmy  ahani  sadâ  | 
târayisyâmy  ahani  nâtha^  nânâbhayamahârnavât  |  IG  | 

tena  târeti  main  loke  gâyanti  munipunigavàh  | 
krtârijalipulâ  bhûtvâ  tatali  sâdarasâdhvasâh  |  17  | 

jvalatiryantarlksestha  idani  vacanam  abravît*  | 
nâmâslaratakani  brûhi  yat  purâ  kïrtitaiu  jinaih  |  18  | 

dâçabhûmïçvarair  nâthair  bodhisalvair  mahaiddhikaih  | 
sarvapâpaharain  punyain  mângalyain  kïrtivardhanam  |  19  | 


1.  D'ap.  Ç.  —  A.  papraccba  so. 

2.  B.  supprime  le  second  hémistiche  du  Aers  10  et  le  premier  hémistiche 
du  vers  10  hif^,  où  il  remplace  çrimàn  par  varman. 

3.  B.  satva. 

4.  B.  abruvau. 


50  LA    DÉESSE    BUDDHIQL'E    TARA 

dhanadhânyakaraiii  caiva  àrogyapustivardhanam  ,  ^ 
maitrlm  âlambya  salvânâni  tat  kirtaya  mahàmune  |  20  | 

evam  ukte  tha  bhagavân  prahasann  avalokitali  I 
vyavalokya  diçali  sarvâ  maitryâ  sphuranayâ  drçâ  |  21  | 

daksinakaram  uddhrtya  punyalaksaiiamanditam  | 
lam  uvâca  mahâprâjnah  sâdhu  sâdlm  inahâtapah  |  22  | 

nâmâni  çrnu  mahâbhâga  sarvasatvaikavatsalah  | 

yâni  sainkirlya  manujâh  samyak  le  syur  dhaneçvarâh  [  23 

sarvavyâdhivinirrauktâli  sarvaiçvaryaguiiânvitâh  | 
akâlamrtyunirdagdhâç  cyutâ  yânti  sukhâvatïm   J  24  | 

tâny  ahaiii  sanipravaksyâmi  devasanigliâh  çrnudhva  me 
anumodeta  [sad]  dharme  bliavisyadhvani  sunirvrtâli*  |  25  | 

0111  locane  sulocane  tare  târotsave  sarvasatvânukampini 
sarvasatvottârini  sahasrabhuje  sahasranelre  |  26  | 

oni  iiamo  bhagavale  valokya  âvalokyâ^  | 
sarvasatvânâni  câham  phut  svâhâ*  ||  27  | 

01)1  çuddhe  viçuddhe  çodhanaviçodbani  ^  | 

sugatâtmaje  maitrihrdaye  nirraale  çyâme  gyâmarûpini  |  28 

mahâprâjfie  pravare  pravarabhûsite  parâjite  | 
mahâraudri  viçvarûpi  mahâyaga®  |  29  | 

kalpâgnimahâtejâ  lokadhâtri^mahâyaçâ  | 
sarasvati  vigillâksï  prajûâçrïbuddhiAardhanl  |  30  | 


1.  B.  :  dhanadhànyakarani  caivârogyapustivardbanam 

ayuràrogyajanani  sarvasatvasukliavaham.  etc.. 

2.  C.  anumodc  bbavetadvà  bhavisyadhvani  suuirvrtâb  ||  25  |1 

3.  C.  ajoute  :  inàm.  • 
-1.  C.  ajoute  :  Om  tare  tuitare  ture  svàba. 

.^.  Çodbana  \içodbani  manque  dans  B  et  dans  C. 

G.  B.  mababalà. 

7.  D'ap.  B.   —  A.  :  lokatri. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  51 

0111  dhvtidâ  pustidâ  svâliâ  oiiikârà  kâmarripiiil  | 
sarvasatvabitodyuktâ  saijigrâme  târani  jayâ  |  31  | 

prajfiâpârarnitâdevï  âryâtârâ  manoraïu'î  | 
dundubhisakhinï  pûrnavidyâràjûî  priyaiiivadâ  |  32  | 

caiidrânaiitâ  niabâgaurï  ajitâ  pïlavâsasâ  | 
raahâraâyâ  mabâçvetâ  maliâbalapaiàkrii  nuî  |  33  | 

mahàraudiï  mahâcandi  dustasatvaiiisQdanI  | 
praçântâ  çâiitarripâ  ca  vijayâ  jvalanaprabhâ  |  34  | 

vidyunmâlï  dlivajï  khadgî  cakrï  câpayutâyudhâ  | 
jambhani  stanibhanï  kâll  kiilarâtri  niçâcari  |  35  | 

raksanï  mohinî  çântâ  kântâ  vibhâvini  çubhâ  | 
brâhmani  vedamâtâ  ca  guhâ  ca  guhavâsini  |  3G  | 

mângalyâ  çankarï'  saumyâ  jâlavedâ  manojavâ  | 
kâpâlini  mahâbhâgâ'^  saïudhyâ  satyâparâjitâ  |  37  | 

sârthavâhâ  krpadrstl  nasiamârgapradarçanï  | 
varadâ  çâsanï  çâsirï  strïrûpâmitavikramâ  |  38  i 

çavalï  yogini  siddlut  câiidâti  câiiiitâ  dhruvâ  |« 
dhanyâ  punyâ  mahâbhàgâ  subhâgâ  priyadarçani  |  39  1 

krtântalrâsanï  bhlmâ  ugrâ  ugramahâtapà  | 
jagadekahitodyukiâ  çaranyâ  bhaktivatsalâ  |  40  | 

vâgïçvari  ci  va  suksmâ  nityâ  sarvàrthamâtrkâ'  | 
sarvârthasàdlianl  bhadrâ  goptri  dhâtri  dhanaiiijayâ  |  41  | 

abhayâ  gautamî  punyâ  çrïmallokeçvarâtmajâ*  I 
tara  niimagunânantâ  sarvâçâparipùranï  |  42  | 

1.  A.  Sakaii. 

2.  B.  —  vegà  —  ce  qui  éviterait  un  double,  v.  v.  80. 
8.  B.  donne:  "inannsa.  et  C:  sarvatracànuga. 

4.  C.  donne  prokta  pour  punya.  Corr.  d'ap.  B.  —  A,  :  jcti. 


52  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

nâmâstottaraçatakam  tat  kirtitaiji  hitena  vah  | 

rahasyam  adbhutani  guhyam  devânâm  api  durlabham  |  43  | 

saubhàgyam  bhâgyakaranain  sai'vakilbisanâçanam  | 
sarvavyâdhipragamanani  sarvasatvasukhâvaham  |  44  | 

trikârani  yah  pathed  dhimàn  çucih  snânasaraâhitah  | 
^acirenaiva  kâlena  ràjyaçriyani  avâpnuyât  |  45  | 

duhkhitah  syat  suklii  nityadaridro  dhanavân  bhavet  | 
[jadoj  bliavet  mahâprâjno  medhavi  ca  na  saniçayah  |  46  | 

bandhanân  mucyate  baddho  vyavahâre  jayo  bhavet  | 
çatravo  mitralâiii  yânli  (^riiginac;  câtha  danislriiiah  |  47  | 

saiiigrâme  saiiikate  durge  nâiiâbhayasaniâkule  | 
smaranâd  eva  nâmâni  [sarvapâpâny]  apoliati  |  48  | 

nâkâlanntyur  bhavati  prâpnoti  vipulâni  çriyam  | 
mânusyaiii  saphalain  januia  yasya-  kasya  mahâtinanah  |  49  | 

yaç  cedani  prâtar  utthâya  mânavah  kirtayisyati  | 

sa  dïrgliakâlam  âyusmân  çriyani  ca  labhate  narali  |  50  | 

devâ  nâgâs  tathâ  yaksâ  gandliarvâh  katapùtanâh  | 
piçâcarâksasâ  bhûtâ  mâlaro  raudratejasah    |  51  | 

•' ksayâpasmârakârakaç  caiva  ksatakâkhordakâdayah*  | 
dâkinyâs  târakâ  pretâh  skandâ  mârâ  mahâgraliâh  |  52  | 

châyâm  api  na  langhante  ''  kiin  punas  tasya  vigrahah  | 
dustasatva  na  vâdhante  vyâdhayo  nâkramanti  ca  |  53  | 

devâsura[ni]api  saingrâmam  anubhavanti  maharddhikâh  | 
sarvaiçvaryagunair  yuktal.i  putrapautraiç  ca  vardhate  |  54  | 

1.  H.  porte:  çodhane  sàdhakasyevaiàdhyaçriyam.  A.  :  çodbakasyeva. 

2.  D'ap.  B.  et  C.  au  lieu  de:  tasya. 
H.  n.  —  bha.vaiii. 

4.  Dans  C.  les  hémisticbes  duv.  52  sout  intervertis,  elle  second  linit  ainsi: 
krtyâkarkotakâdayah  ||  48 1| . 
b.  Corr.  d'ap.  B.  au  lieu  de  :  nalaghake. 


LA.    DI-:i%SSE    BUDDHIQUE    TARA  53 

jâtisiJiaro  bhavecl  dliiinân  kulînah  priyadarganaU  |  55  | 

prïtimâijiQ  ca  mahâvâgmï  sarvaçâstr'avi<,'âradah  |  56  | 

kalyânamitrasanisevi  bodhicittavibhCisital.i  | 
sadâvirahito  buddhair  yatra  yatropapad yate  |  57  | 

1  ty   âryatârâbhattârikâyâ    nâraâsiottaraçatakani    buddhabhâsilairi 
samàptam  | 

I  (,'ubham  | 


54  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE   TARA 


XI 


TRADUCTION  DE    LA   LISTE  DES  CENT  HUIT  NOMS  D  ÀRYA  TARA 


Hommage  à  la  glorieuse  ÀryaTârâ. 

Sur  le  nol)le  Potalaka,  qui  est  agréable,  qui  resplendit  de 
l'éclat  de  divers  minéraux,  que  recouvrent  des  lianes  et  des 
arbres  variés,  qui   résonne  des  cris  d'oiseaux  de  toutes  sortes, 

1  —  rendu  bruyant  par  de  nombreuses  cascades,  peuplé  de  gi- 
bier de  toutes  les  espèces,  que  parfument  de  tous  côtés  les 

2  fleurs  de  jasmins  et  de  lotus  variés,  —  fourni  de  fruits  déli- 
cieux et  divers,  tout  plein  du  susurrement  des  abeilles  et  rem- 
pli d(^s  doux  chants  des  kinnaras  et  des  éléphants  ivres,    — 

3  fréquenté  par  des  troupes  de  vidyâdhâras,  de  saints  et  degan- 
dharvas  bruyants,   et  par   les  ascètes  exempts  dépassions; 

4  fréquenté  aussi,  éternellement,  —  par  les  foules  des  bodliisat- 
vas  et  par  les  autres  seigneurs  des  dix  terres,  et  par  des 
milliers  de  déesses  et  de  reines  de  la  science,  à  commencer  par 

5  ZVrya  Tara, —  couvert  par  h^s  troupes  du  roi  de  la  Colère 
et  d'autres,  à  commencer  par  Hayagrïva;  (sur  ce  Potalaka)  le 
bienheureux  Avalokita  qui  est  attentif  au  bien  de  toutes   les 

G  créatures,  —  se  tenant  sur  le  siège  fait  du  cœur  d'un  lotus,  le 
bienheureux  était  là,  doué  d'un  grand  ascétisme  et  plein  de  com- 

7  passion  et  d'amitié.  —  Il  enseignait  la  Loi  dans  cette  grande 
assemblée  des  dieux.    Étant  venu  vers  lui,  (|ui  était  assis  là, 

8  Vajrapâni  à  la  grande  force  —  inspiré  par  la  plus  vive  com- 
passion, interrogera  ainsi  Avalokita  :((  Voleurs,  serpents,  lions, 
»  feu,  éléphants,  sont  comme  des  flots  qui  rendcMit  plus  pèril- 

9  ))  leuxeucorerocéan  des  transmigrations;  —  o  Muni  !  ces  êtres 
))  y  tombent  noyés,  liés  par  les  lacets  du  sanisâra  (]ui  entraî- 

10  ))  nentlesténèbres,  la  haine  et  les  passions  ;  —  ce  par  quoi  on 
))  est  délivré  du  sanisâi'a,  dis-h^-moi,  o  grand   Muni!»  Ainsi 

10'"* interpellé,  Avalokita,  le  maître  du  monde,  répondit  -—  une 
douc('  parole  à  Vajrapâui  qiii   veuille  :  ((  iM'Oute,  sou\eraindes 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  55 

11  »  Guhyakas,  le  sauveur  Amitâbha.  —  Les  Mères  du  monde, 
»  nées  par  la  puissance  de  mon  recueillement,  douées  d'une 

12  ))  grande  pitié  et  attentives  à  sauver  le  monde,  —  semblables 
»  au  soleil  levant,  ayant  un  éclat  pareil  à  celui  de  la  pleine 
»  lune,  les  Taras  illuminent  les  arbres  avec  les  dieux,  les  asu- 

13  »  ras  et  les  hommes,  —  elles  font  trembler  les  trois  mondes, 
))  épouvantant  les  yaksas  et  les  râlcsasas.  La  déesse  qui  a  en 
»  main  un  lotus  bleu  :  N'aie  pas  peur,  n'aie  pas  peur,  ainsi  dit- 

14  »  elle,  —  c'est  pour  protéger  le  monde  que  j'ai  été  créée  par 
»  les  jinas.  Dans  les  fourrés  quand  les  épées  se  croisent,  quand 

15  »  le  danger  est  pressant,  —  par  Icseul  souvenir  de  mes  noms, 
»  je  protège  toujours  les  créatures,  je  les  ferai  traverser,  moi, 
))  ô  protecteur,  hors  des  grands  flots  et  des  craintes  diverses, 

16  »  —  C'est  pourquoi  sous  le  nom  de  Tara,  ils  me  célèbrent  les 
»  taureaux  des  Munis,  ayant  fait  Tanjali  en  forme  de  coupe, 

17  »  là,  avec  respect  et  émotion.  » Il  (Vajrapâni)  dit  cette 

parole  :  u  Dis  les  Cent  huit  noms  qui  ont  été  proclamés  au- 

18  ))  trefois  par  les  jinas,  —  par  les  seigneurs  des  dix  terres,  par  les 
))  bodhisatvas  qui  sont  doués  de  force  surnaturelle,  noms  qui 
))  enlèvent  tout  péché,  purs,  qui  portent  bonheur,  qui  dévelop- 

19  »  pent  ïa  splendeur,  — qui  donnent  la  richesse  et  les  moissons, 
»  et  qui  accroissent  aussi  la  prospérité  et  la  santé;  au  nom  de 
»  ton  amitié  pour  les  créatures,  fais  cela,  ô  grand  Muni.  » 

20  A  ces  paroles,  le  bienheureux  Avalokita,  souriant,  jetant 
ses  regards  sur  toutes  les  régions  de  l'horizon,  d'un  œil  étince- 

21  lant  de  bienveillance,  —  soulevant  la  main  droite  ornée  d'un 
signe  propice,  dit  à  celui-ci,  le  grand  sage  : 

22  ((  Bien,  bien,  ô  toi  qui  as  un  grand  tapas,  entends  les  noms, 
»  ô  toi  bienheureux,  unique  chéri,  en  les  répétant  les  hommes 

23  ))  sont  tous  des  princes  des  richesses,—  ils  sont  délivrés  de  toutes 
))  les  maladies,  doués  de  toutes  les  qualités  et  de  tous  les  pou- 
»  voirs,  ils  écartent  la  mort  qui  est  hors  de  temps,  et  une  fois 

24  »  tombés,  ils  arrivent  à  Sukhâvatî.  —  Ces  noms,  je  vais  les 
»  énumérer,  divinités  assemblées,  écoutez-moi,  réjouissez-vous 

25  »  dans  la  loi  —  et  soyez  bien  apaisées  dans  le  dharma.  Ôni  ! 
»  hommage  à  celle  quia  des  yeux,  qui  a  de  beaux  yeux, Tara,  fête 
))  à  Tara  q»ui  est  miséricordieuse  envers  toutes  les  créatures,  qui 
»  sauve  toutes  les  créatures,  qui  a  mille  bras,  qui   a.  mille 

26  ))  yeux, —  ùin,  hommage  à  Bhagavati,   de  toutes 

27  ))  les  créatures  —  phut  !  svtâhâ  !  Oni,  hommage àla pure, 
»  à  la  très  pure,  qui  purifie,  qui  nettoie,  fille  du  Sugata,  qui  a 
))  le  cœur  plein  d'amitié,  qui  est  sans  tache,  de  couleur  sombre, 


56  LA    DÉESSE    BIDDHIQLE    TARA 

28  »  qui  a  le  visage  sombre, —  très  sage,  excellente, excellemment 
»  parée,  invincible,  inspirant  un  grand  effroi,  revêtant  toutes 

29  ))  les  formes,  à  la  grande  splendeur,  —  au  grand  éclat  du  feu 
))  du  kalpa,    protectrice  du   monde  à  l'immense  gloire,  Sa- 

30  »  rasvati,  aux  grands  yeux,  faisant  croître  la  sagesse,  la  beauté 
))  et  la  raison  ;  qui  est  ôni,  qui  revêt  à  son  gré  la  forme  qu'elle 
))  souhaite  ,    qui    est    bonne    pour    toutes     les     créatures  , 

31  ))  dans  le  combat  sauveuse  et  victorieuse,  —  déesse  de  la  per- 
))  fection  de  la  science,  noble  Tara  qui  réjouit  le  cœur,  amie 
))  du    tambour,    reine  de   la   complète  science,   qui    dit   des 

32  »  choses  agréables, —  qui  a  un  visage  de  lune,  au  teint  grande- 
»  ment  clair,  invincible,  au  vêtement  jaune,  grande  Mâyâ,  très 

33  »  blanche,  très  forte,  très  puissante,  —  très  terrible,  pleine  de 
))  grande  fureur,  meurtrière  des  créatures  mauvaises,  apaisée, 
))  à  la  beauté  calme  et  victorieuse,  qui  a  l'éclat  des  flammes, 

34  »  —  enguirlandée  d'éclairs,  porte-drapeau,  porte-glaive,  porte- 
))  disque,  qui  a  un  arc  et  des  armes,  destructrice,  soutien, 

35  ))  Kâlï,  nuit  du  temps,  noctambule,  —  protectrice,  qui  trouble, 
))  qui  est  apaisée,  bien-aimée,  brillante,  brâhmanï  et  mère  des 

36  ))  Vedas,  cachée  et  habitante  des  cavernes,  —  propice,  heu- 
))  reuse,  douce,  qui  a  engendré  le  Veda,  prompte  comme  l'es- 
))  prit,  ornée  de  crânes,  qui  a  une  grande  destinée,  crépuscule, 

37  ))  véridique,  victorieuse,  —  conductrice  des  caravanes,  qui 
))  regarde  avec  compassion,  qui  montre  la  route  aux  égarés  ; 
))  elle  donne  des  faveurs,  elle  ordonne,  maîtresse   parée  de 

38  ))  la  beauté  féminine,  au  grand  courage,  —  bigarrée,  pra- 
»  tiquant  le  yoga,  sainte,  Cândâlï,  immortelle,  inébranlable, 
))  opulente,   pure,   à   la  glorieuse  destinée,  ayant   une   belle 

39  ))  existence,  agréable  à  voir,  —  faisant  trembler  la  mort. 
»  terrible,  farouclie,  elle  a  un  puissant  et  effrayant  tapas,  elle 
))  n'est  attentive  qu'au  bien  du  monde,  protectrice,  amie  de 

40  ))  la  dévotion,  —  princesse  de  l'éloquence,  favorable,  subtile. 
»  éternelle,  réalisant  toutes  les  fins,  elle  réalise  l'exécution  de 
»  tous  les  projets,  heureuse,  bienfaitrice,  nourricière,  elle  con- 

41  ))  quiert  les  richesses,  —  intrépide,  Gautamï,  sainte  fille  du 
»  vénérable  maître  du  monde.  Tara  est  infinie  par  les 
))  qualités  de  ses  noms,  elle  comble  entièrement  toute  espé- 

42  »  rance.  —  Ces  cent  huit  noms  ont  été  promulgués  pour  votre 
»  utilité,   noms  mystérieux,  miraculeux,  secrets,  difficiles    à 

43  »  acquérir  même  pour  les  dieux,  —  ils  procurent  la  bonne 
»  fortune  et  un  heureux  destin,  ils  détruisent  tous  les  péchés, 
»  ils  sont  l'apaisement  de  toutes  les  maladies  et  apportent  la 


LA    DÉESSE   BUDDHIQUE   TARA  57 

44  ))  joie  à  tous  les  êtres.  —  Celui  qui  les  réciterait  trois  fois  in- 
))  telligent,  pur,  après  avoir  prisunbain,  obtiendra  en  peu  de 

45  ))  temps  les  honneurs  royaux,  — r  le  malheureux  deviendra 
))  heureux  perpétuellement,  le  pauvre  sera  dans  l'opulence, 
))  l'idiot     deviendra    très    sage    et  très    intelligent ,    il    n'y 

46  »  a  aucun  doute  à  cet  égard,  —  celui  qui  est  lié  sera 
))  délivré  de  ses  liens,  dans  les  procès  il  triomphera, 
))  les    ennemis    deviendront    des    amis,     et     les     bêtes    à 

47  ))  cornes  ou  à  défenses; —  dans  la  bataille,  dans  les  lieux 
»  impraticables,  dans  les  endroits  difficiles,  remplis  de  causes 
»  variées    de    frayeur,    par     le  fait    du   souvenir     de     ces 

48  ))  noms,  les  péchés  sont  entièrement  enlevés.  —  Il  n'a  pas  de 
»  mort  intempestive,    il    obtient    une   grande  prospérité,    sa 

-"    ))  naissance  comme    homme   sera  fructueuse   pour  qui   que 

49  »  ce  soit  qui  sera  magnanime,  —  qui,  s'étant  levé  le  matin, 
»  célébrera  ceux-ci;  — un  tel  homme   obtiendra  une  longue 

50  »  vie  et  le  bonheur.  —  Les  dieux,  les  Nâgas  et  aussi  les 
))  Yaksas,  les  Gandharvas,  les  démons  destructeurs  et  les 
))  Piçâcas,  les  Râksasas,  les  Bhûtas,  et  les  Mères  à  l'éclat 

51  ))  terrible,— >ceux  qui  apportent  la  mort  et  l'épilepsie,  les  Ksa- 

52  ))  tas(?)  Kàkhordaka,  etc,  les  Dâkinis,  les  Târakas,  les  Prêtas, 
))  les  Skandas,  les  Mâras,  les  grands  monstres,  ne  franchis- 
))  sent  même  pas  son  ombre,  à  bien  plus  forte  raison  ils  ne  le 
))  saisiront  pas  ;  les  créatures  impures  ne  le  frappent  pas,  les 

53  ))  maladies  même  ne  l'approchent  pas.  —  Les  dieux  et  les 
))  Asuras  l'assistent  au  combat  (?),  eux  qui  ont  une  grande  pais- 
))  sance  surnaturelle,  il  est  doué  des  qualités  de  la  domination 

51  »  universelle,  il  s'accroît  par  ses  fils  et  ses  petits-fils.  —  Il 
))  aura  le  souvenir  de  ses  naissances  antérieures,  intelligent, 

55     »  noble  et  agréable  à  voir,  —  doué  de  charmes,  très  éloquent, 

50  ))  versé  dans  tous  les  castras;  orné  de  la  pensée  de  la  bodhi, 
))  fréquentant  de  bons  amis  spirituels,  et  toujours  non  aban- 

57     ))  donné  par  les   Buddhas,  où  qu'il  se  trouve.  » 

Ainsi  est  terminée  la  liste  des  Cent  huit  noms  de  Àrya  Tara,  la 

princesse,  énoncés  par  Buddha. 


58  LA  DÉESSE  BUDDHIQUE  TARA 


XII 

EKAVIMÇATISTOTRA 


1  Namas  tare  ture  vîre  ksanadyutinibheksane  | 
trailokyanâthavaktrâbjavikasatkesarodbhave  1 1 

2  namah  çântasaraccandrasampûrnapatalânane  | 
tare  sahasravikalpaprahasatkiranojjvale  || 

3  namah  kanakanîlâbjapânipadmavibhûsite  | 
dânaviryatapahksântititiksâdhyânagocare  1 1 

4  namas  tathâgatosnisavijayâQantacârini  | 
açesapâramitâpraptajinaputranisevite  || 

5  namas  tuttâraliiiiiikârapûritâçàdigantare  | 
saptalokakramâkrântâ  açesâkarsanaksane  || 

6  namah  çakranarabrahmamarudviçveçvarârcite 
bhûtavetâlagandharvaganayaksapuraskrte  1 1 

7  namas  tratritriphatkâre  paramantrapramardani 
pratyâlîdhapâdanyâseçikhijvâlâkulojjvale  || 

8  namas  ture  mahàghoro  mâraviravinâ(;ani  | 
bhrkutîkrtavaktrâbjasarvaduslanisûdani  || 

9  namas  triratnamudrânke  hrdyângulivibhùsite  | 
bhûsitâçesadikcakranikare  sukulâkuh^  || 

10    namah  pramuditâtopamukutâksiptasânni  | 
hasatprahasattuttâre  mâralokabhayanikari  || 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  59 

11  namah  samantabhûpàlàpâtâlâkarsanaksane  | 
bhrkutikrtahûmkâre  sarvâpadavimocani  || 

12  namah  çikhandakhandendumukutâbharanojjvale  | 
amitâbhatathâbhâre  bhâsvare  kiranadhruve  || 

13  namah  karatalâghâtacaranâhatabhùtale  | 
bhrkutikrtahûmkârasaptapâtâlanâçini  1 1 

14  namah  kalpântahutabhugjvâlâmâlântare  sthite  | 
âlïdhamuditâbaddharipucakravinâçini  || 

15  namah  çive  çubhe  çânte  çântanirvânagocare  | 
svcïhâ  pranamya  samyukte  mahâpâtakanâçini  || 

IG     namah  pramuditâbaddharipugâtraprabhedani  | 
daçâksarapâdanyâse  vidyâhumkâradîpite  || 

17  namas  ture  pâdâghâte  hunikârakârajivite  | 
merumandalakailâçabhû vanatrayacàrani  1 1 

18  namah  surâsarâkàraharinîkakare  sthite  | 
liaradviruktaphatkâra  açesavisanâçini  || 

10     namah  suraganayaksâsiirakinnarasevite  | 

âbaddhamuditâbhogakari  duh(sva)pnanâçini  || 

20  n  imaç  candrârkasampûrna  nayanadyuti (s va) bhâsvare  | 
tara  dviruktottâre  visamajvalanâçini  || 

21  namas  tritalavinyâse  çivaçaktisamanvite  | 
grahavetâlayaksâdyanâçani  pravare  ture  || 


1  MantramCdam  idani  stotrarn  namaskâraikaviniçati  | 
yah  pathet  prâyaço  dhimcân  devycâ  bhaktisamanvitah 

2  so  yani  va  prâtar  utthâya  smaret  sarvâbhayapradain  | 
sarvapâpapraçamanam  sarvadurgatinâçanam  || 


60  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

3  abhisiktobhnya  tûrnaiii  asmin  iiiahattâm  âsâdya  | 
vi^aiii  tasya  iiiahaglioi'aMi  smaranât  pralayam  yânti  || 

4  grahajvalavisàrtânam  anyesâni  caiva  satvânâm  | 
putrakâmo  labhet  piitraiii  sarvakâniân  avâpnoti  || 

5  saptabhir  jinakotibhih  so  nte  bauddhapadain  vrajet  | 
sthâvaraiji  vâtha  jangamain  sâd  idaiii  pidam  eva  ca  || 

6  paramârtivinâçanam  dvitrisaptâbhivartinâm  | 
dhanakâmo  labhed  dhanaiii  na  vighnaih  pratihanyate':= 

Iti  çrïsaipyaksaipbuddhavairocanabhâsitam  bhagavatyâryatârâ- 
devyâ  namaskâraikaviniçatistotrani  sampûrnam  samâptani  || 

Il  çubham  || 


1.   Variantes  du  ms.  B 

V.    7.  —  kulajvale. 

V.     8.  —  sundani 

V.  10.  —  màrini. 

V.  12.  —  abharanajviilo. 
Les  vers  des  strophes  de  louange  de  la  fin  sont  donnés  dans  un  ordre  diffé- 
rent par  le  ms.  B..  mais  le  texte  en  est  identique. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  H{ 


XIII 
CONCLUSION 


Le  buddhisme,  à  son  origine,  semble  avoir  été  plutôt  défavorable 
à  l'élément  féminin;  qu'on  se  rappelle  les  difficultés  qui  furent 
soulevées  quand  la  mère  adoptive  du  Buddha,  Mahâprajâpati  et  les 
religieuses  demandèrent  à  être  admises  officiellement  dans  la 
communauté  et  les  reproches  que  dut  essuyer  Anânda,  si  nous  en 
croyons  les  récits  relatifs  au  premier  concile^  pour  les  avoir  proté- 
gées \  Ces  traits  trahissent,  soit  chez  les  fondateurs  de  l'église  une 
préoccupation  déjà  motivée  par  le  danger  d'une  influence  fémi- 
nine, soit  chez  les  rédacteurs  du  canon  un  esprit  d'hostilité  dési- 
reux de  se  légitimer  par  un  appel  au  passé. 

Tandis  que  le  rationalisme  monastique  des  églises  singhalaises 
réussissait  à  écarter  ce  péril,  l'église  du  Nord,  plus  fidèle  au 
véritable  esprit  de  l'Inde,  ouvrait  la  porte  aux  divinités  féminines 
et  leur  permettait  d'acquérir  peu  à  peu  un  rang  prépondérant  dans 
son  panthéon. 

La  fortune  d'Àrya  Tara  est  la  plus  éclatante  de  toutes. 

La  légende  et  l'étymologie  sont  d'accord  pour  donner  à  Tara  une 
double  physionomie  aisément  réductible  à  l'unité. 

Le  buddhisme  rattache  de  préférence  son  nom  à  la  forme  cau- 
sative  de  la  racine  taj\  traverser;  Tara  est  alors  la  déesse  qui  fait 
traverse?^-  son  nom  éveille  comme  un  écho  dans  l'imagination 
indienne  la  métaphore,  usuelle  au  point  d'être  inaperçue,  de  l'Océan 
des  existences.  La  série  des  transmigrations  apparaît  en  effet  à 
l'Hindou  comme  une  mer  infinie;  c'est  à  trouver  le  moyen  d'en 
atteindre  l'autre  bord  que  la  religion  et  la  philosophie  ont  l'une  et 
l'autre  épuisé  leurs  ressources. 

Le  brahmanisme,  de  son  côté,  connaît  aussi  une  Tara,  soit  que 
jaloux  d'une  déesse  née  en  dehors  de  ses  traditions  il  l'ait  annexée 
au  moyen  d'une  légende,  soit  que  Tara,  l'épouse  brillante  de 
Brhaspati,  mère  de  Buddha,  eût  déjà  son  histoire  telle  que  nous  la 

1.  Voir  Minayetï,  trad.  de  M.  do  Pompignan,  p.  35. 


()2  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

doniieût  les  Purânas'  ;  il  rattache  son  nom  à  la  désignation  géné- 
rique de  l'étoile,  en  sanscrit  :  icwd,  la  claire. 

Ces  deux  aspects  se  sont  facilement  confondus  :  Tara  gardera 
toujours  l'empreinte  de  son  origine;  nous  avons  vu  qu'elle  sauve 
constamment  ses  adeptes  de  l'eau  ou  par  l'eau  en  les  faisant  atterrir 
en  lieu  sûr;  elle  est  aussi  le  guide  fidèle,  l'étoile  du  nautonier, 
Stella  maris  invoquée  du  navigateur'. 

1.  Cf.  Visnupurâna,  iv.  6,  Bhàgavatapûràna,  ix.  14,  4-8,  et  Harivausa, 
xxv^ 

Voici  le  texleduHarivansa  d'après  la  traduction  de  Langlois,  t  I,p.  113-114: 
«  Après  s'être  acquitté  de  la  cérémonie  qui  complète  le  sacriMce,  heureux 
et  chéri  de  tous  les  Devarsis,  il  (Sonia)  brilla  parmi  les  rois  dont  il  était  le 
souverain,  étendant  sa  lumière  sur  les  dix  régions  du  ciel.  Mais  à  peine 
eut-il  obtenu  cette  domination  difficile  à  acquérir  que  les  munis  eux-mêmes 
avaient  sanctionnée  de  leurs  bénédictions,  que  sa  raison  se  troubla,  égarée 
par  l'orgueil.  Il  enleva  la  glorieuse  épouse  de  Vrhasputi  nommée  Tara, 
manquant  ainsi  au  respect  qu'il  devait  au  iils  d'Angiras.  En  vain  les  dieux  et 
les  Ràjarsis  vinrent  le  prier  de  réparer  cet  affront  :  il  refusa  de  rendre  Tara. 
Le  précepteur  des  dieux  Vrhaspati  fut  indigné  de  sa  conduite  et  lui  déclara 
la  guerre.  Uçanas  se  mit  dans  rarrière-garde  du  fils  d'Angiras; il  avait  été  le 
disciple  de  Vrhaspati  plutôt  que  de  Bhrgu  son  père.  Le  dieu  Rudra  lui- 
même,  par  amitié  pour  sou  maître  outragé,  prit  le  commandement  de  cette 
arriére-garde  et  s'arma  de  son  arc  Ajagava;  il  lança  contre  les  dieux  parti- 
sans de  Soma  un  trait  redoutable  qui  abattit  tout  leur  orgueil.  Alors  se  livra 
ce  combat  terrible  auquel  Tara  a  donné  son  nom,  combat  sanglant  également 
funeste  aux  Devas,  aux  Daityas  et  aux  mondes.  Ceux  d'entre  les  dieux  qui 
avaient  échappé  et  les  Tusitas  se  présentèrent  devant  Hrahma,  leur  protec- 
teur, maître  suprême  et  éternel.  Ce  dieu  arrêta  Uçanas  et  Rudra.  et  rendit 
lui-même  Tara  au  fils  d'Angiras.  Mais  Vrhaspati  s'étant  aperçu  qu'elle  était 
enceinte,  lui  dit  :  «  Le  sein  de  ma  femme  ne  doit  pas  garder  ce  fruit.»  Au.ssi- 
tôt  il  la  débarrassa  avec  violence  d'un  enfant  qui  devait  un  jour  êU'e  terrible 
pour  ses  ennemis  et  qui  brilla  comme  un  feu  qui  tombe  sur  une  jonchée  de 
roseaux.  A  peine  était-il  né  qu'il  offrait  toute  la  beauté  des  dieux.  En  ce 
moment  les  Suras  indéc'is  dirent  à  Tara  :  «  Déclare  la  vérité,  de  qui  est-il 
fils,  de  Soma  ou  de  Vrhaspati?  »  A  cette  question  des  dieux, elle  ne  répondit 
rien  de  satisfaisant,  son  (ils  lui-môme  allait  la  punir  par  une  imprécation, 
Brahma  le  retint  et  interrogea  cette  épouse  embariassée  :  «  Tara,  lui  dit-il, 
explique-toi  sur  la  vérité,  de  qui  est  ce  fils?  »  Saluant  Brahma  avec  respect 
elle  répondit  :   «  Il  est  fils  de  Sonia.  »   Alors  Soma  embrassant  ce  fils,  dit  : 

«Voilà  Budhal  (Mercure).  » 

2.  Se  représenter  les  buddhistes  indiens  hostiles  ù,  la  navigation  serait 
méconnaître  un  côté  important  de  leur  vie  et  le  complément  indispensable 
du  caractère  missionnaire  de  leur  foi.  La  traversée  à  Lanka  n'était  pas  la 
seule  qui  leur  fût  familière.  Notre  inscription  javanaise  en  est  une  preuve, 
de  même  aussi  la  légende  bien  connue  de  Piirna  le  vertueux  (Burnouf, 
JntrocL,  p.  235  et  suiv.),  qui  permet  de  constater  l'existence  d'une  corpora- 
tion de  marchands  marins  très  puissamment  organisée  dans  la  ville  de  Sûr- 
paraka  (au  nord  de  Bombay).  11  serait  singulier  qu'il  n'en  eût  pas  été  de 
même  dans  bien  d'autres  villes  maritimes  commerçantes. 


LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA  63 

Les  titres  d'honneur  que  reçoit  Tara  montrent  le  rang  qu'elle 
occupe  dans  la  savante  hiérarchie  buddhique  : 

Le  plus  fréquent  de  tous  est  :  âryà,  qui  se  joint  à  son  nom 
jusqu'à  en  devenir  un  élément  inséparable.  Cette  épithète  désigne 
dans  la  langue  technique  de  l'église  buddhique  le  degré  suprême 
de  saintetés 

Tara  est  souvent  aussi  qualifiée  de  Bhattârikây  la  princesse.  Ce 
mot  est  un  document  historique  précis  :  Bhattàrikâ  est  le  féminin 
du  mot  Bhattâraka,  qui  se  rencontre  à  partir  du  sixième  siècle  dans 
les  inscriptions  pour  désigner  les  maharajas  et  les  mahârajâdhirajas 
(les  rois  vassaux  ou  les  suzerains)  et  aussi  les  divinités  de  premier 
rang^  ;  il  désigne  les  épouses  de  ces  personnages. 

Une  autre  épithète  qui  est  devenue  comme  un  surnom  de  Tara 
esi  Sragdharâ,  la  porteuse  de  guirlande;  c'est  sans  doute  la  popu- 
larité de  ce  nom  qui  a  déterminé  Sarvajnamitra  à  célébrer  sa 
divinité  préférée  dans  le  mètre  également  appelé  Sragdharâ;  le 
Sragdharâ  stotra  est  en  effet  à  la  fois  l'hymne  à  Sragdharâ  et 
l'hymne  en  Sragdliarâ. 

L'extension  rapide  du  culte  de  Tara,  soit  en  Chine,  soit  au  Tibet, 
s'explique  par  l'histoire  du  monde  buddhique  à  partir  du  sixième 
siècle  :  des  pèlerins  hardis  parcouraient  l'Asie  tout  entière  et  pro- 
pageaient sur  leur  passage  les  doctrines,  les  croyances  et  les  légendes 
recueillies  au  hasard  de  leur  course.  Fa-Ilian,  Kiouen-Tsang  et 
I-Tsing  symbolisent  ce  grand  mouvement.  Néanmoins  il  ne  faudrait 
pas  se  représenter  les  éléments  divers,  ainsi  transportés,  comme  se 
pénétrant  aisément  les  uns  les  autres  ;  ils  formaient  une  mosaïque  et 
non  point  une  unité  compacte.  Tandis  que  nos  documents  assi- 
gnent à  Tara  une  place  très  éminente  parmi  les  divinités  buddhiques, 
c'est  à  peine  si  nous  la  voyons  mentionnée  dans  le  reste  de  la  litté- 
rature étudiée  jusqu'ici. 

La  continuité  du  culte  de  Tara  nous  est  confirmée  par  quelques 
mentions  de  tïrthas  de  Tara  dans  le  SDayainhhûpurâna'^  et  les 
titres  de  plusieurs  tantras.  (Voir  page  vi,  note  1.) 

La  Tara  originelle  est  dans  l'ordonnancement  du  panthéon  sep- 

1.  Voir  Minayefî,  trad.  Pompiguan,  p.  87. 

2.  Paçupati,  Çiva  et  le  Soleil.  Cf.  Fleet,  Corp.,  p.  17. 

3.  A  ce  sujet  M.  de  La  Vallée  Poussin  nous  communique  je  passage  suivant 
du  Soai/ainb/iupurâna  manusc.  dev.  73  du  Cat.  de  la  Bibl.   Nat.,   Paris. 

P"  147.  Le  loi  Açoka  se  rend  successivement  à  tous  les  iirtbas  et  adresse 
des  prières  à  la  série  des  divinités  auxquelles  ils  sont  consacrés,  notamment 
à  Vànivati,  Mâtrdevi  : 

Tato  bbisiiyaryatârâtirtbam  asadyâbhisecya  Tàràm  abbipujyaTâràm,  bba- 


64  LA    DÉESSE    BUDDHIQUE    TARA 

tentrional,  attribuée  comme  épouse  au  dhyânibuddlia  Amogha- 
siddlia.  II  a  fallu  créer  aussi  pour  les  autres  dhyânibuddhas  des 
compagnes  qui  ont  reçu  également  le  nom  générique  de  Tara  avec 
des  attributs  particuliers^ . 

Tara  n'est  pas  restée  un  type  isolé,  elle  a  de  nombreuses  sœurs, 
elle  présente  bien  des  traits  communs  avec  les  divinités  féminines 
du  tanlrisme.  Plus  on  se  rapproche  des  pratiques  tautriques,  plus  la 
différenciation  entre  chaque  personnage  divin  devient  difficile.  Dans 
les  stotras  et  dhâranis  les  hymnes  de  Tara  se  trouvent  confondus 
pôle-méle  avec  ceux  de  Mârici,  Kurukullâ,  Vasundharâ,  Dhanadà, 
Sanipatprada,  divinités  féminines  qui  composent  la  classe  tan- 
trique  des  Vidyâdevïs  ou  Mâlrkcâdevïs  .  Mais  dans  ces  litanies 
interminables  les  personnages  sont  si  vagues  qu'on  se  demande  si 
les  noms  représentent  encore  des  individualités  divines  distinctes, 
ou  bien  s'ils  ne  sont  plus  que  le  souvenir  incompris  des  personnages 
mythiques  qui  survi\ent  ainsi  aux  vieux  panthéons  indiens  pour 
aller  se  confondre  dans  l'océan  de  l'hindouisme. 

En  résumé.  Tara  est  une  divinité  du  buddhisme  du  Nord,  dont 
le  culte  se  propage  en  dehors  de  l'Inde  dans  toutes  les  régions  où  ce 
buddhisme  est  porté.  Lorsque  le  buddhisme  devient  de  plus  en 
plus  le  culte  adressé  aux  bodhisattvas  et  aux  dhyânibuddhas, 
Tara  représente,  sous  forme  de  leur  compagne,  un  élément  féminin 
dont  la  prépondérance  va  croissant  dans  la  croyance  comme  dans 
le  rituel.  Cet  élément  finira  même  par  prévaloir  sur  le  reste  de  ce 
panthéon  composite. 

vasàgaratâre  vividhàkâre  tribhuvanasâre  dûrikitamâre  sainsàrasàgarato  màni 
uddharoddbareti  so  nyalra  snanani  pratyagamat. 
Dans  le  ms.  dev.  9;^,  f.  109  a,  est  mentionné  le  S/'ar/clharfc  stotra  : 
Saliayani  asa  bhavena  Aryatara  manohan 

Taddhradasya  ca  madbye  tu  Aryatara  sulaksniaiu 

Tasuiin  brade  pi  snànâc  ca  kàmapbalani  pralabliyate 

'ÏVLi\\i\^'\  rrafidhnrâdi  ou  Tâfû.^foti-oin  patlian  niuda 

Evain  kj'tva  mânujaiçca  vancbapbalani  pralabbyate 

1.  Voir  page  10.  On  appelle  les  Taras  : 

Blinikutitara,  Sitatàrâ,  Hatnatara,  Viçvatara. 
Il  faut   mentionner  aussi  avec  le  sixième  Dbyanibuddba  Vajiasattva  sou 
épouse  Vajrasattvatraika,  qui  appartiennent  en  propre  aux  tantras. 


FIN 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages 

Introduction .    .  IX 

Bibliographie XIII 

MATKRIAUX   POUR   SKIIVIH   A    L'illSTOIUli:    DK    LA    DKESSK    nUDUIlIQUK 

TÀIÎÀ 

1  Sources  littéraires 1 

II  Documents  épigraphiques 5 

III  Les  images  de  Tara 9 

IV  Le  rôle  de  Tara  dans  Tàranâtha. 13 

V  Textes 26 

VI  Introduction  du  commentaire  de  Jinaraksita oO 

VII  Traduction 3ii 

VIII  Aryatâràsragdharâstotra 34 

iX  Traduction 41 

X  ÀryatârâbhattârikànâmâstottaraçatakMstotra 48 

XI  Traduction  de  la  liste  des  Cent  huit  noms  de  Tara 54 

XII  Ekavin_içaiistotra 58 

XIII  Conclusion (il 


CMAION-SUU-SAONK,     LMP.    FUaNÇAISE    ET   OUIKN  lALF,   Dli    L.    .MAUCIÎAU 


AS 
162 

B6 
fasc.107 


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études.     Section  des 
sciences  historiques 
et  philologiques 


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