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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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University  of  Ottawa 


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BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE   ET  MODERNE. 


AM  — AT. 


&> 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 


ANCIENNE   ET   MODERNE, 

OU 

nrSTOIRE,  PAR  ORDRE  ALPHABETIQUE,  DE  LA  VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVe'e  DE 
TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SONT  DISTINGUES  PAR  LEURS  ECRITS,  LEURS 
ACTIONS,  LEURS  TALENTS,  LEURS  VERTUS  OU  LEURS  CRIMES. 

OUVRAGE     ENTIEREMENT     NEUF, 

RÉDIGÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  des  *?gards   aux  vivants  ;  on  ne  doit 
aux  morts,  que  la  vérité.     (Volt.) 


TOME  DEUXIÈME. 


A    PARIS, 

CHEZ  MICHAUD  FRÈRES,  IMPRIM.-LIBRAIRES, 

IHJE    DES    BONS-ENFANTS,  S".  34* 

"UnîversT^^ 
BISLfOTHECA 


Il  il 


BIOGRAPHIE 


UNIVERSELLE. 


A  M  A  BLE  (S.),  cure  de  Riom  en 
Auvergne,  dans  le  5".  siècle  ,  et 
le  patron  de  cette  ville.  Selon  Gré- 
goire de  Tours,  il  mourut  en  4^f  ■> 
et  fut  enterre  à  Clermont;  mais  d'au- 
tres écrivains  prétendent  qu'il  mourut 
en  47  J,  Pt  que  sou  tombeau  tut  placé 
dans  l'église  de  St.-Bénigne  ,  à  Riom. 
Grégoire  de  Tours  rapporte  qu'il  exer- 
çait un  grand  pouvoir  sur  les  .serpents  ; 
et  il  affirme  en  avoir  vu  lui-même  un 
exemple  remarquable.  L'abbé  Faydil 
dit  que ,  depuis  1 5oo  ans ,  on  a  vu 
de  nombreux  effets  de  ce  polivoir  mi- 
raculeux. D^ — T. 

AMAC  ,  célèbre  poète  persan,  du 
5^. siècledel'hég.  (  1 1*. de  J.-C.},  sur- 
nommé Bokhardi^  ce  qui  semble  in- 
diquer qu'il  était  né  à  Bokharà.  Il 
jouit  d'une  grande  faveur  auprès  de 
KbederKbàn,  qui  avait  rassemblé  à  sa 
cour  beaucoup  de  poètes  et  d'hom- 
mes célèbres ,  dont  Araac  était  comme 
le  chef;  ce  qui  attira  sur  lui  des  regards 
d'envie.  Amac  avait  effectivement  beau- 
coup plus  profité  que  tous  ses  rivaux 
delà  faveur  et  des  bienfaits  du  prince. 
Il  possédait  un  nombie  considérable 
d'esclaves  de  l'un  et  de  l'autre  sexe, 
et  avait  dans  ses  écuries  jusqu'à  3o 
chevaux  de  main  richement  enharna- 
chés.  Rachydy,  poète  persan,  aussi 
célèbre  que  lui,  et  dont  il  était  le  pro- 
lecteur ,  vint  à  bout ,  par  ses  intrigues , 
de  le  supplanter  à  la  cour.  Vers  la  fin  de 
sa  carrière  ,  Amac  rentra  en  faveur , 
II. 


sous  le  règne  du  sulthan  Sandjar.  C«' 
prince,  profondément  aflligédc  U  mort 
de  sa  sœur  Mohi-mu'k,  ne  pouvr.it 
trouver  aucun  poète  qui  célébrât  digne- 
ment les  qualités  de  celle  qu'il  pleu- 
rait ;  il  se  ressouvint  du  poète  Araac,  et 
lui  ordonna  de  composer  une  élégie. 
Amacétait  alors  dans  un  âgv^  très-avan- 
cé,  et  en  proie  aux  infirmités  de  la 
vieillesse.  Il  obéit  cependant ,  et  com- 
posa une  élégie  qui,  au  jugement  de 
Sandjar  ,  prince  spirituel  et  bon  litté- 
rateur, était  supérieure  à  toutes  celles 
qu'on  lui  avait  présentées.  La  princesse 
pour  laquelle  l'élégie  fut  composée  était 
morte  jeune  et  dans  la  saison  du  prin- 
temps. Amac  saisit  ce  rapprochement, 
facde  sans  doute ,  mais  dont  l'effe!  était 
sur ,  et  commença  ainsi  son  poème  par 
des  vers  qui  lappellent  les  strophes  cé- 
lèbres de  Malherbe  à  Duperrier  soa 
ami  :  «  Au  temps  où  la  rose  commence 
»  à  édore  dans  les  jardins,  celle  qui 
»  était  déjà  épanouie  s'est  flétrie  en  ua 
»  instant ,  etc.»  .Amac  parvint  à  un  âge 
très-avancé.  Le  plus  célèbre  de  ses 
ouvrages  est  l'histoire  en  vers  de  Jo- 
seph etde  Zulykhâ,  roman  tii'é  de  l'his- 
toire de  Joseph  ,  telle  qu'elle  est  l'ap- 
portée dans  le  Coran.  J — n. 

AMAD-EDDOULAT.  Foy.  Imad- 
Eddoulah. 

AMADEI  (  Charles  -  Antoine  )  , 
médecin  et  botaniste  de  Bologne  ,  sa 
patrie,  vécut  vers  k  fin  du  1 7*. siècle, 
et  s'appliqua  très-jeune  à  la  connais- 


2  A  Tii  A 

sance  des  plantes,  sous  la  direction  de 
Zaïioiii ,  sou  compatriote  ;  i!  ue  se  bor- 
na point  à  l'examen  de  leur  structure 
extérieure;  il  étudia  leurs  plus  petites 
parties ,  à  1  aide  du  microscope ,  et  de- 
vint si  habile,  qu'à  la  vue  seule  d'une 
graine,  il  recounaissait  de  quelle  plante 
elle  provenait.  11  s'appliqua  aussi  à  dé- 
couvrir toutes  les  espèces  qui  crois- 
sent dans  son  pays  ,  et  il  en  rencontra 
plusieurs  de  très-rares,  dont  on  n'au- 
rait peut-être  jamais  soupçonné  l'exis- 
icnoe  dans  ce  climat.  Il  en  trouva  deux, 
entre  auii  es ,  dont  il  ne  put  découvrir 
les  noms  ,  quoiqu'il  rùt  consulte,  à  ce 
sujet,  les  plus  savants  botanistes  de  son 
temps,  avec  qui  il  était  en  relation.  Ce 
ne  fiit  que  quelque  temps  après ,  qu'on 
reconnut ,  avec  surprise  ,  que  l'une  et 
l'autre  se  retrouvaient  dans  les  reliions 
équatoriales.  Gaétau  Monti  en  fit  le  su- 
jet de  deux  dissertations  insérées  dans 
les  Mémoires  de  l'Institut  de  Bologne, 
t.  III  et  Y  ;  l'une  d'elles  nécessita  la 
formation  d'un  nouveau  genre,  sous 
le  nom  diAldrovanda,  en  honneur 
de  son  compatriote  Aldroi>ande.  Vai- 
nement Adanson  a  voulu  rendre  à  Ama- 
dei  le  même  honneur  ,  en  nommant 
Amadea  le  genre  Androiace  ;  ce 
dernier  nom  a  prévalu.  Amadei  mourut 
en  l 'j.to;  il  n'a  pointlaissé  d'ouvrages, 
et  il  était  du  petit  nombre  des  savants 
modestes  qui,  contents  de  faire  des  dé- 
couvertes, laissent  aux  autres  le  soin 
de  les  publier.  —  Son  fils ,  J.-J.  Ama- 
dei ,  aussi  botaniste,  et  chanoine  à  Bo- 
logne ,  se  distingua  par  ses  profondes 
connaissances  eu  bibliographie. 

D— P— s. 
AMADESl  (  Dominique  ) ,  naquit  à 
Bologne,  le  4  août  1657.  Quoiqu'il  fît 
son  état  du  commerce  ,  il  s'appliqua 
aussi  aux  belles -lettres,  et  surtout  à  la 
poésie.  Le  célèbre  Jean-Pierre  Zanotti, 
son  -intime  ami ,  rcucouragea  beau- 
coup à  s'y  livrer,  Ses  premiers  essais 


AMA 

poe'tiques  se  trouvent  dans  le  recueil 
donné  par  le  Gobbi ,  Venise,  1 7 '.if) , 
sous  le  nom  anagrammalique  de  Sinio- 
nide  di  Meaco.  La  mort  d'une  épouse 
qu'il  aimait ,  fut  pour  lui  un  triste  et 
fécond  sujet  de  vers.  Ils  furent  publiés 
en  partie  par  son  ami  Zanotti ,  à  Bo- 
logne ,  en  1 7-i5  ;  l'autre  partie  est  res- 
tée manuscrite  après  sa  mort,  arrivée 
le  1 1  septembre  1 700.  —  Il  eut  un  fils, 
nommé  Lelio  Alberto  ,  qui  se  dis- 
tingua aussi  par  son  érudition,  et  par 
son  talent  pour  la  poésie ,  et  qui  mou- 
rut en  1  "58  ,  âgé  de  66  ans.   G — e. 

AMADESl  (Joseph-Louis;,  citoyen 
de  Bologne ,  naquit  à  Livourue ,  le  iS 
août  1701  ,  pendant  un  séjour  passa- 
ger qu'v  firent  ses  parents.  Son  père 
étant  allé  habiter  Ra venue  ,  en  1718, 
il  l'y  suivit ,  et  s'y  fit  tellement  aimer 
par  ses  talents  et  ses  bonnes  qualités, 
qu'il  fut  successivement  choisi  pour 
secrétaire  par  trois  archevêques  de  ce 
siège.  Il  fut  mis,  en  17541  à  la  tète 
du  clergé  de  l'église  de  St.-Nicandre  , 
et  nommé  garde  des  célèbres  archives 
de  Farchevêché  de  Ravenne.  11  les  mit 
en  ordre  ,  eu  dressa  une  table  exacte, 
et  eu  lira  une  infinité  de  documents, 
qu'il  eniplova  ensuite  dans  de  savants 
ouvrages.  Il  devint  un  des  citoyens  les 
plus  considérés  de  cette  ville,  et  fut 
l'un  des  fondateurs  des  réunions  litté- 
raires qui  se  formaient  dans  le  palais 
du  savant  marquis  César  Rasponi,  et 
où  l'on  traitait  toutes  les  matières  re- 
latives aux  sciences  et  aux  lettres.  I! 
lut  envoyé  jusqu'à  quatre  lois  à  Rome, 
par  les  archevêques ,  pour  des  affaires 
importantes  ,  qu'il  termina  toujours 
heureusement.  Il  publia  :L  eu  1747^ 
à  Ravenne,  De  jurlsdiclione  Raven- 
nntiim  archiepiscoponan  in  civilale 
et  diocœsi  Ferrariensi;  IL  en  1752, 
à  Rome,  De  jure  Ravennalum  archi- 
episcoporuni  deputandi  iiotarius  , 
etc.  j  IIL  ibid,  en  1765,  De  corni- 


AMA 

tûtu  Ârgentano,  etc.,  et  plusieurs  au- 
tres ouvrages ,  dont  07i  peut  voir  le  ca- 
talogue daus  le  i  ''^.  volume  du  livre  de 
Fantuzzi  ,  sur  les  écrivains  bolonais. 
Ce  personnage  respectable  faisait  son 
amusement  de  la  poésie  italienne.  On 
a  de  lui  des  vers  spirituels  dans  plu- 
sieurs recueils.  Il  prit  part  à  la  com- 
position bizarre  du  poëme  burlesque 
intitulé  :  Berlholdo  con  Bertlioldino 
e  Cacasenno.  Le  i^''.  chant,  avec  de 
savantes  notes  ,  est  de  lui.  11  mourut 
le  8  février  ,  l'j'jS,  à  Rome  ,  où  l'é- 
glise de  Ravenne  venait  de  le  députer 
encore  pour  soutenir  ses  droits  sur 
le  comté  d'Argenta.  Il  fut  universelle- 
ment regretté  ,  et  laissa  une  mémoire 
aussi  honorée  du  public,  que  chère  à 
ses  nombreux  amis ,  parmi  lesquels  on 
comptait  les  hommes  les  plus  distin- 
gués de  son  temps.  G — e. 

AMADUZZI  (Jean-Christophe)  , 
€n  latin  Amadiitius ,  né  dans  l'état 
romain  ,  philologue  distingué ,  ins- 
pecteur de  l'imprimerie  de  la  propa- 
gande h  Rome ,  au  milieu  du  1 8".  siè- 
cle, a  donné:  I.  Une  quatrième  édi- 
tion de  l'ouvrage  de  Bellori,  intitulé: 
Fragmenta  vestigii  veteris  Romce  , 
Rome  ,  I  -^64 ,  in  -  fol.  Araaduzzi  y 
ajouta  ses  notes,  et  celles  d'un  ano- 
nyme. IL  Lcges  noi'cllœ  qiànque 
anecdotœ  'vnperr.  Theodosii  junio- 
ris  et  Valentinianl  tertii,  ciim  celer- 
rariim  etiarn  noi'ellarum  edilarum 
tilulis ,  et  variis  lectionihus  ex  co- 
dice  Oltoboniano  ;  quitus  accedunt 
alice  Valeniiniani  tertii  conslilutio- 
nes  jam  editœ ,  quœ  in  Codice  Theo- 
dosiano  desiderantur  ;  ac  ta?idem 
lex  romana^seu  responsum  Papiani, 
titulis ,  anecdotis  ,  variisque  lectio- 
nihus auclum,  Rome,  1767,  in-fo). 
C'est  un  supplément  à  l'édition  du 
Code  Tfiéodosien  donné  par  Ritter. 
IlL  Anecdota  litteraria  è  vianu- 
scripiis  codicibus  emtaj  Roroe^  1770 


A  M  A  5 

et  177 4,  5  vol.,  grand  in-8°.; IV.  P'e- 
tera  monumenta  quœ  in  hvrtis  cœli- 
inontanis,  et  in  œdibus  Malthceicrum 
adservantur ,  collecta  et  adnotatio- 
rdbus  illustrata ,  Rome  ,  1 7  79 ,  5  vol. 
in-fol. ,  avec  270  planches.  Rod.  Ve- 
nuti  fut  le  cnliaborateur  d'Amaduzzi. 
V.  Characterum  ethicorum  Theo- 
phrasli  capita  duo ,  hactenus  anec- 
dota ,  grec  et  latin  ,  avec  une  préface 
et  des  notes,  Parme,  1786,  in-4".j 
\I.  Alphabetum  B ami  aman  ,  seu 
romanwn  regni  Avce ,  Jinitimannn- 
cjueregionum,  Rome,  1776,  1787, 
in-8'\  Nous  citons  cet  ouvrage  d'après 
un  catalogue.  \'  II.  Epistola  ad  Bodo- 
nium  super  editionem  Anacreontis , 
Parme,  1791,  in-S".  ;  VIII.  Discorso 
filosofico  sul  fine  ed  utilita  delta, 
academia  ,  Rome,  1777,  in -8". 
A.  B— T. 

AMALABERGUE  ,  fille  de  Théo- 
doric.  (  F^oy.  Hermanfroi.  ) 

AMALAIRE  -  FORTUNATUS ,  de 
moine  de  Madeloc,  fut  fait  archevê- 
que de  Trêves ,  en  8 1  o  ,  rétablit ,  l'an- 
née suivante,  la  religion  chrétienne 
dans  la  partie  de  la  Saxe  située  au-delà 
de  l'Ebre ,  consacra  la  première  église 
de  Hambourg  ,  et  alla ,  en  8 1 5 ,  eu 
ambassade  à  Constanîinople,  pour  ra- 
tifier la  paix  que  Charlemagne  avait 
conclue  avec  l'empereur  Michel  Curo- 
palatc.  Il  mourut ,  l'année  d'après , 
dans  son  diocèse.  Nous  avons  de  lui 
un  Traité  du  Baptême ,  imprimé 
parmi  les  œuvres  et  sous  le  nom  d'Al- 
cuin.  C'est  une  réponse  à  la  lettre  cir- 
culaire par  laquelle  Charlemagne  avait 
consulté  les  métropolitains  de  ses  états 
sur  ce  sacrement.  L'identité  de  nom 
a  fait  souvent  confondre  cet  Araalaire 
avec  le  suivant.  T — d. 

AMALAIRE -SYMPHOSIUS,  fut 
successivement  diacre  et  prêtre  de  Te'-» 
glise  de  Metz ,  à  laquelle  il  appartenait 
pav  sa  naissance,  directeur  de  l'écold 

I.. 


4  A  M  A 

du  palais  sous  Louis-le-Debonuaire , 
abbe  d'Hornbac  ,  chorévêque  du  dio- 
tèse  de  Lyon ,  puis  de  celui  de  Trêves  ; 
on  prétend  même  qu'il  fut  revêtu  de 
la  dignité'  cpisropale.    11  assista ,    eu 
Si5,  au  concile  de  Paris,  qui  le  dé- 
puta on  cour,  pour  y  porter,  avec  Halit- 
f^aire ,  Touvrage  de  cette  assemblée  sur 
fe  culte  des  im^ages.  Quelques  auteurs 
lui  attribuent  l'ouvrage  qui  parut,  eu 
S\n ,  en  faveur  du  sentiment  de  Hiuc- 
Miar  de  Reims ,  sur  la  prédestination; 
mais  il  paraît  trcs-vraiserablable  qu'A- 
mdlaire  était  mort  environ  dix  ans  au- 
paravant. Il  passe  pour  le  plus  savant 
homme  de  son  siècle  dans  la  btur- 
gie ,  et  la  lecture  de  ses  ouvrages  est 
bien  propre  à  lui  confirmer  cette  ré- 
putation. On  a  de  lui  :  I.  Traité  des 
Offices  ecclésiastiques.   11  le  donna 
t\\  8'io  ;  mais ,  ayant  fait  le  voyage  de 
Rome  pour  s'instruire  par  lui-même 
\les  rits  de  cette  église  ,  il  le  publia  de 
nouveau,  en  8i7,  avec  des  cbange- 
raenls  considérables.  L'édition  la  plus 
correcte  est  celle  de  la  Bibliothèque  des 
Pères  ,  de  Lyon.  Son  but  est  de  ren- 
dre raison  des  prières  et  des  cérémo- 
nies qui  composent  l'office  divin.  L'on 
Trage  est  utile  et  curieux;  il  n'en  vau- 
drait pas  moins,  si  l'auteur  se  fût  moins 
arrêté  à  rechercher  les  sens  mystiques. 
Âgob^rd  et  Florus ,  l'un  archevêque , 
l'autre  diacre  de  Lyon,  l'attaquèrent 
vivement.  Quelques  expressions  nou- 
velles   sur    l'Eucharistie    fournirent 
matière  à  l'accusation  qu'ils  lui  inten- 
tèrent au  concile  de  Thionville ,  qui 
donna  gain  de  cause  à  l'auteur ,  et  au 
concile  de  Quierci ,  qui  jugea  l'ouvrage 
dangereux  ;  ce  qui  ne  diminua  eu  rien 
la  considération  dont  il  jouissait.    II. 
Y  Ordre  de  V Antijdionier ,  imprimé 
ordinairement  avec   le  précédent.  Il 
tache  d'y  concilier  le  vit  romain  avec 
le  rit  gallican.  Agobard,  mécontent  de 
ce  (£u  U  accusjdt  son  église  d'avoir  iu- 


AMA 

uové  dans  le  chant  ecclésiastique ,  écf  i* 
vit  contre  lui.  III.  L' Office  de  la  Messe, 
dans  V Appendice  des  Capitulaires  , 
deBaluze.  C'est  une  explication  mysti- 
que des  cérémonies  de  la  messe  pon- 
tificale. IV.  Des  Lettres,  dans  le  Spi- 
cilége  de  D.  d'Achcry ,   et  dans  les 
Anecdotes  de  D.  INIartenne  ;  Y.  une 
Règle  des  Chanoines  ,  que  Le  IMiie 
fit  imprimer,  avec  de  savantes  notes, 
dans  le  Cods  des  règles  des  Clercs , 
Anvers,  i658,  in -fol.,  d'où  elle  a 
passé  dans  les  Conciles  de  Sirmond 
et  de  Labbe.  Celte  règle  fut  approu- 
vée par  le  concile  d'Aix,  en8i6,  et 
envoyée  dans  tous  les  chapitres  par 
Louis-le-Débonnaire.  On  la  suivit  pen- 
dant plus  de  deux  siècles;  mais,  dans 
le  1 1  ^ ,  Pierre  Dainien  ayant  remar- 
qué qu'elle  permettait  le  pécule ,   et 
qu'elle  accordait  une  trop  forte  por- 
tion de  pain  et  de  vin  à  chaque  cha- 
noine, commença  à  la  décrier;  Mco- 
las  11  trouvant  d'ailleurs  qu'elle  avait 
été  introduite  sans  le  consentement  du 
Saint-Siège ,  on  cessa  de  s'y  conformer. 

T— D. 

A  M  A  L  A  R I C ,  roi  des  Yisigoths , 
était  fils  d'Alaric  11 ,  qui  périt  de  la 
main  de  Clovis ,  à  la  bataille  de  Vouil- 
lé,  l'an  507.  La  division  s'étant  mise 
entre  les  Visigoths,  après  cette  mal- 
heureuse journée ,    un  parti  d'entre 
eux  emmena  en  Espagne  Amalaric ,  qui 
n'avait  que  cinq  ans;   mais  le  plus 
grand  nombre  ,  qui  se  réfugia  à  INar- 
bonne ,  se  hâta  de  proclamer  Gesa- 
laic ,  fils  naturel  d'Alaric.  Clovis  s'é- 
tant rendu  maître  de  toutes  les  pro- 
vinces des  Visigoths  ,  depuis  la  Luii» 
jusqu'aux  Pyrénées ,  Gesala'ic  se  sauva 
aussi  en  Espagne  ;  mais  les  débris  du 
royaume  des  Visigoths  furent  conser- 
vés par  la  main  puissante  de  Théodo- 
ric,  roi  d'Italie,  aïeul  maternel  d'A- 
malaric.  S.m  armée  tailla  en  pièces  les 
Bourguiguoui  et  les  Fraucs,  et  leur 


A  M  A 

arracha  la  Provence  et  îe  Languedoc. 
Gesalaïc ,  qui  disputait  le  tronc  à  son 
iVère  légitime ,  ayant  été  battu  et  tué, 
le  jeune  Anialaric  fut  reconnu ,  en  5 1 1 , 
roi  de  tous  les  Visigoths  ,  sous  la  tu- 
telle de  son  aïeul  Thcodoric.  Ce  prince, 
pour  se  dédommager  des  frais  de  la 
ijueiTe,  garda  la  Provence,  et  gou- 
-verua  la  monarchie  des  Visigoths  , 
en  qualité  de  régent  ,  pendant  la 
minorité  d'/iraalaric.  Rentré  dans  tous 
Ncs  droits  à  la  mort  de  Théodoi'ic,  le 
roi  des  Visigoths  partagea  ce  qui  lui 
restait  dans  la  Gaule  avec  son  cousin 
Aihalaric,  devenu  roi  d'Italie,  et  dont 
il  voulait  s'assurer  les  secours  contre 
les  fils  de  Clovis.  On  convint  que  le 
Rhône  sernrait  de  limites  entre  les 
deux  empires  des  Ostrogoths  et  des 
Visigoths ,  et  qu'on  cesserait  d'en- 
voyer les  tributs  d'Espagne  en  Italie. 
Cependant ,  Amalaric  ,  désirant  vivre 
en  paix  avec  les  Francs,  épousa  Clo- 
til-de ,  fille  de  Clovis.  Cette  princesse 
lui  apporta  en  dot  Toulouse ,  qui  fut  de 
nouveau  réunie  à  la  monarchie  d' Ama- 
laric. Ce  mariage  semblait  devoir  con- 
solider la  paix  entre  les  deux  nations 
rivales;  miis  bientôt  on  vit  naître, 
entre  les  deux  époux,  une  mésintelli- 
gence funeste.  Amalaric  voulut  forcer 
la  reine  à  cmlorasscr  l'arianisme,  et, 
n'ayant  pu  y  parvenir  par  les  voies  de 
la  persuasion ,  il  fit  outrager  cette  prin- 
cesse toutes  les  fois  qu'elle  se  rendait 
H  l'église;  et,  furieux  de  la  voir  insen- 
sible à  ces  insultes ,  il  lui  infligea  hii- 
«ueme ,  par  un  rafîinement  de  bruta- 
lité, des  châtiments  indignes  et  cruels. 
Réduite  au  désespoir,  Clotilde  fit  pas- 
ser à  son  frère  Childebert ,  roi  de 
Paris ,  un  mouchoir  teint  du  sang 
qu'elle  avait  répandu  sous  les  coups 
de  son  barbare  mari.  Childebert  ne 
demandait  qu'un  prétexte  pour  re- 
prendre le  Languedoc;  il  entra  avec 
une  puissante  armée  dans  les  états  de 


A  M  A  5 

son  beau-frère,  qui,  étant  vemi  à  sa 
rencontre,  fut  battu  et  tué  d'un  coup 
de  lance,  à  î^arbonne,  an  moment  ou 
il  y  rentrait  pour  enlever  ses  trésors. 
C'était  un  prince  lâche,  avare  éternel. 
En  lui  finit  la  race  des  Théodomes  , 
qui  régna  m  ans  sur  les  Visigoths. 
Cette  monarchie ,  héréditaire  jusques 
alors,  devint  élective  ,  et  seconcenti'a 
eu  Espagne.  Theudis  succéda  à  Ama- 
laric. B — p. 

AMALASONTE  (  Amalasventa  ) , 
reine  des  Gitrogoths,  eu  Italie,  était 
fiile  unique  de  Théodoric L''. ,  etd'Au- 
dcfleda,  fille  du  roi  Childéric  :  son 
]ilve  lui  donna  pour  époux,  en5i5, 
Eulharic  Glicus,  qui ,  comme  lui,  était 
descendu  de  la  dynastie  des  Amales , 
rois  des  Goths,  au  commencement  du 
4 '.  siècle;  mais  ce  prince  mourut  avant 
son  beau-pcre,  laissant  un  fils  d'Araa- 
lasonte,  nommé  Athalaric,  qui,  à  la 
mort  de  Théodoric,  en  S^G,  lui  suc- 
céda sous  la  tutelle  de  sa  mère.  Ama- 
hisonte  est  accusée  d'avoir  em|X)isonné 
sa  mère.  Elle  choisit,  pour  principal 
ministre  et  pour  secrétaire ,  Cassio- 
dore,  romain,  qui  s'efforçait  de  com- 
muniquer aux  Goths  les  usages  et  les 
mœurs  de  ses  compatriotes,  de  leur 
inspirer  quelque  respect  pour  les 
arts,  pour  les  lois,  et  pour  ce  qui 
restait  encoTC  d'une  antique  civilisa- 
tion. Amalasonte  poursuivit  le  plan  que 
son  père  s'était  tracé  pour  réconcilier 
le  peuple  conquis  au  peuple  conqué- 
rant ,  et  pour  fondre  les  deux  nations 
eu  une  seule  ;  elle  témoigna ,  pour  les 
lettres  et  pour  les  lois  ,  un  respect 
qu'elle  communiquait  ainsi  aux  vain- 
queurs de  Rome;  enfin,  elle  apporta, 
dans  l'administration  et  dans  ses  re- 
lations avec  les  autres  puissances  j 
assez  de  vigueur  pour  qu'un  peuple 
guerrier  ne  dût  point  avoir  de  honte 
d'obéir  à  une  femme;  réparant,  au- 
tant qu'il  dépendait  d'elle,  les  dei- 


6  AMA 

iiièrcs  rigueurs  de  The'odoric ,  elle 
rendit,  aux  fils  de  Simmaque  et  de 
Boèce,  les  biens  de  leurs  pères,  con- 
fisques après  leur  supplice. Elle  voulut 
aussi  que  son  fils  pnrticipât  aux  con- 
naissances des  Romains,  et  qu'il  fût 
instruit  dans  les  arts  libéraux:  mais 
l'cdiicalion,  pendant  cinq  siècles  de 
despotisme,  avait  pris  quelque  chose 
de  servile.  Les  précepteurs  qu'elle 
donna  à  son  fils  employèrent  la  crainte 
pour  lui  inculquer  la  scieuce,  et  elle- 
mèoie  punit  un  jour  une  de  ses  fautes 
par  un  souUlct.  Ce  n'etail  pas  ainsi  que 
les  Goths  avaient  coutume  d'élever 
leurs  eni;uits  ;  ils  ne  voulaient  pas 
qu'une  seule  oirense  impunie  laissât 
dans  leur  ame  un  souvenir  d'humilia- 
tion ou  de  crainte.  «  Celui  qui  aura 
»  tremble  devant  la  férule  d'un  péda- 
»  S^oi*^?  disaient -ils,  ne  regardera 
n  jamais  sans  crainte  le  fer  des  en- 
»  nerais.  w  Us  obligèrent  Amalasontc 
à  e'carter  de  sou  fils  ses  pre'cepteurs 
leltre's,  et  à  l'entourer  de  jeunes  gens 
qui  rivalisaient  aACC  lui  dans  les  exer- 
cices du  coips  ;  ceux-ci  l'entraînèrent 
dans  de  tels  excès  d'ivrognerie  et  de 
débauche,  qu'ils  détruisirent  sa  saute, 
et  il  mourut  en  554.  Amalasontc,  pour 
con-ervcr  le  trône  après  la  mort  de 
son  fils,  oiTrit  de  le  partager  avec 
Théodat,  fils  d'une  sœur  de  Théo- 
doric,  et  dernier  héritier  de  la  famille 
des  Amales  {F'oy.  Theodat);  mais 
elle  avait  précédemment  offensé  cet 
homme  lâche,  avare  et  perfide,  qui, 
dès  qu'il  l'eût  épousée,  écarta  d'elle 
SCS  partisans  et  ses  ministres ,  la  chassa 
de  Ravenne,  en  555,  la  fit  enfermer 
dans  une  îie  du  lac  de  Bolsena,  (t 
permit  à  ceux  qui  avaient  quelque 
vengeance  à  exercer  contre  elle,  de  la 
poursuivre  et  de  l'étrangler.  La  mort 
d' Amalasontc  servi;  J,.  prétexte  à  h» 
guerre  que  Jostiuieu  déclara  aux  Os- 
trogoths.  S.  S — 1. 


A  M  A 
AITALECH,  fils  d'Eliphaz  {Fc^. 

ESAÏI  ). 

AMALFI  (  Constance  r)\4vAL0&  , 
duchesse  d' ),  dame  illustre  du  i6\ 
siècle  ,  et  l'une  de  celles  qui  cultivè- 
rent alors  avec  le  plus  de  succès  la 
poésie  italienne,  était  née  à  Najiles, 
d'iEuicus  ,  ou  Innico  d'Avalos  ,  mar- 
quis del  Vasto,  et  de  Laure  San  Seve- 
riua.  Ayant  épousé  Alphonse  Pieco- 
lomini ,  duc  d'Amalfi,  elle  resta  veuve 
de  très -bonne  heure  et  sans  enfants. 
Sa  conduite  lui  concilia  l'estime  géné- 
rale. L'empereur  Charles-Quint ,  pour 
preuve  de  la  sienne  ,  lui  donna  le  titre 
de  princesse.  Elle  mourut  à  Naples  ^ 
vers  l'an  1 56o.  Ses  poésies  sont  réu- 
nies dans  quelques  éditions  ,  avec 
celles  de  Victoire  Colonne,  marquise 
de  Pescaire  ;  on  en  trouve  plusieurs 
morceaux  dans  le  recueil  intitidé  : 
Rime  diverse  di  alcune  nohilissime 
e  virtaosissime  dorine  ,  rac coite  per 
M.  Lodovico  Domenichi ,  Lnccpies , 
i55(),  in-8".,  et  Naples,  iSgS,  id. 
Dans  des  Dictionnaires  où  ,  en  co- 
piant tout ,  on  estropie  tout ,  on  s'é- 
tonne que  Zoppi  ait  oublié  cette  dame- 
poète  dans  sa  Bibliothèque  Napoli- 
taine ;  on  a  voulu  dire  Toppi.  G — h. 

AMALIE,  (duchesse  douairière  de 
Saxc-Wcimar).  mérite  une  place  dans 
un  Dictionnaire  hir.lorique ,  pour 
avoir  été,  pendant  la  dernière  moi  lié 
du  iS*".  siècle,  le  centre  etl'ame  d'une 
cour,  qui  avait  plus  d'un  rapport  avec 
celle  du  duc  de  Ferrare ,  protecteur 
du  Tasse  et  de  l'Arioste.  Seule,  elle  a 
rendu  aux  gens  de  lettres  les  services 
qu'ils  ont  vainement  attendus  des 
grands  princes  de  l'empire  germani- 
que, en  leur  offrant  un  point  de  réunion, 
et  en  leur  donnant  une  existence  dis- 
tinguée. Mais  ce  n'est  pas  seulement 
comme  protectrice  généreuse  des  lit- 
térateurs et  des  artistes ,  et  comme 
juge  éclaire'  de   Icius    prodi'Ctious  , 


A  M  A 

fju'Amalre  a  des  droits  à  la  reconnais- 
sance publique.  Veuve ,  à  l'àç^e  de  i  g 
ans  ,  du  duc  Ernest-Auguste-Çoustan- 
tin,  qu'elle  perdit  le  28  mai  1758, 
après  deux  ans  de  mariage,  elle  sut 
reparer,  par  une  bonne  administra- 
tion ,  les  pertes  que  la  guerre  de  sept 
ans  avait  causées  au  duché  de  Weiraar, 
faire  des  économies  considëi  ables  sans 
écraser  le  peuple,  le  préserver  de  la 
ftiraine  de  >  77*2 ,  qui  désola  le  reste  de 
la  Saxe,  et  fonder  ou  perfectionner  les 
établissements  les  plus  favorables  à  la 
civilisation  et  aux  lumières  :  elle  donna 
Wieland  pour  gouverneur  à  son  (ils , 
Charles-Auguste,  aujourd'hui  duc  ré- 
gnant, et  attira  à  Weimar  tous  les 
gens  de  mérite  que  ses  moyens  lui 
permirent  de  fixer  auprès  d'elle.  Son 
cercle  était  composé  des  écrivains  les 
plus  illustres  de  l'Allemagne  :  Her- 
der ,  Goethe  et  Wieland  en  étaient  les 
principaux  ornements;  mais  on  y  re- 
marquait, au  second  rang,  une  foule 
d'hommes  qui,  ailleurs,  se  seraient 
trouvés  placés  au  premier,  les  poètes 
Charles  Sigismond  de  Seckeudorf  et 
de  Knebel  ,  l'antiquaire  ,p|»ettiger, 
Bode  et  Musœus ,  prosateurs  pleins  de 
verve  et  d'originahté,  etc.  Schiller  y 
paraissait  dans  les  derniers  temps. 
Certes,  ce  n'est  qu'en  réunissant  au 
plus  rare  mérite  les  grandes  qualités 
de  l'esprit  et  du  cœur,  que  h  sou- 
veraine d'un  petit  état  est  parvenue 
à  rassembler  autour  d'elle  plus  de 
beaux  génies  et  d'hommes  distin;j;nés , 
qu'aucune  cour  contemporaine.  Ce  qui 
prouve  que  cet  heureux  ascendant 
était  dû  à  son  caractère  personnel, 
plus  qu'à  son  rang  et  à  son  pouvoir, 
c'est  qu'elle  le  conserva  intact  depuis 
l'an  1773,  époque  où  elle  déposa 
l'autorité  entre  les  mains  de  son  fils 
aîné.  Sa  maison  ,  à  Weimar,  ses  re- 
traites champêtres  de  Tieliurt  et  d'Et- 
tersburg ,  continuèrent  à  être  le  rca- 


AMA  7 

dez-vous  de  tous  les  écrivains,  de  tous 
les  voya<;eurs  distingués.  M.  Mounier 
fut,  pendant  plusieurs  années,  direc- 
teur d'un  pensionnat  qu'elle  avait  éta- 
bli dans  le  château  du  Belvédère,  près 
de  Weimar.  Un  vovage  qu'elle  fit  en 
1 788 ,  en  Italie  ,  accompagnée  de  l'au- 
teur de  PFerther ,  accrut  encore  son 
goût  pour  les  arts ,  et  sa  cour  fiit ,  plus 
que  jamais,  le  l'endez-vous  de  tous  les 
hommes  supérieurs ,  l'asyle  du  mérite 
ignoré  ou  méconnu  :  héritière  des 
grandes  qualités  de  la  maison  des  Guel- 
fes ,  etde  leur  amour  pour  les  sciences, 
elle  eut  la  gloire  d'avoir  honoré  et 
encouragé  les  écrivains  d'Allemagne 
les  plus  célèbres  ,  après  Leibnitz  , 
qui  avait  été  considéré  et  protégé  par 
une  princesse  de  sa  maison.  Herder 
mourut  avant  sa  bienfaitrice;  il  ne  vit 
pas  la  journée  du  14  octobre  1808. 
Amalie  en  fut  témoin,  et  mourut 
quelques  mois  après,  S — R. 

AMALRIC  (Arnaud),  xn".  abbé 
de  Cilcaux,  fut  choisi,  en  \io^,  par 
Innocent  III,  avec  Pierre  de  Castel- 
neau  et  Arnoul ,  pour  travailler  à  la 
conversion  des  Albigeois  ,  dont  la  secte 
faisait  des  progrès  dans  le  Languedoc 
et  la  Provence.  Ces  trois  légats  furent 
l'cvêtus  de  pleins  pouvoirs  dans  les 
provinces  d'Arles ,  d'Aix  et  de  Nar- 
bonne  ;  mais  leurs  prédications  eu- 
rent d'abord  peu  de  succès  ;  l'évêque 
d'Osma  ,  en  Castille  ,  qui  vint  à  cette 
époque,  avec  S.  Dominique,  visiter 
l'abbé  deCîteaux ,  conseilla  aux  légats 
de  renoncer  à  l'appareil  somptueux 
dont  ils  se  faisaient  accompagner,  et 
leur  fil  entendre  qu'ils  ne  parvien- 
draient à  convertir  les  hérétiques  qu'eu 
imitant  la  simpHcité  des  apôtres.  Les 
trois  missionnaires  ayant  suivi  ce  con- 
seil ,  ne  trouvèrent  pas  les  Albigeois 
plus  dociles.  Comme  l'ardeur  des  croi- 
sades n'était  pas  encore  éteinte  dans 
les  esprits  ,  Innocent  III  imagina  de 


8  A  M  A 

tourner  contre  les  hérétiques  1rs  ar- 
mes qu'on  prenait  contre  les  infidèles; 
rt  il  ch;!rç;ea  ses  le'gnls  en  Languedoc 
de  prêolier  nue  croisade  contre  Ray- 
mond, comte  de  Toulouse,  et  contre 
ses  sujets  ,  coupables  d'he're'sie.  Araal- 
vic  se  distingua  par  la  chaleur  avec 
laquelle  il  prêcha  une  guerre  qu'on 
appelait  X affaire  de  Jésus-  Christ. 
Comme  cette  croisade  entraînait  avec 
elle  peu  de  dangers ,  et  qu'on  pouvait 
gagner  les  indulgences,  sans  quitter 
l'Europe ,  une  i'oule  de  croises  aimè- 
rent mieux  aller  combattre  en  Langue- 
doc que  dans  les  plaines  de  la  Syrie. 
On  les  -v  it  accourir  de  toutes  les  pro- 
vinces de  France ,  et  même  de  TAlie- 
magnc  ,  jurant  d'c5!terminer  les  Albi- 
geois, auxquels  les  dc'vots  allemands 
avaient  donne  le  surnom  de  béguins 
ou  pequins.  Les  croisc's ,  dont  le  nom- 
bre s'éleva  à  près  de  5oo,ooo  hom- 
mes ,  avaient  à  leur  tète  les  comtes  de 
Montlbrt ,  de  Nevers,  le  duc  de  Bour- 
gogne, et  plusieurs  e'vcques.  L'alihé 
de  (iîteaus  était  leur  guide  et  leur  con- 
seil. Ne  pouvant  pardonner  aux  Albi- 
geois d'avoir  dédaigné  ses  exhorta- 
tions ,  il  échauffa  contre  eux  l'esprit  des 
croisés ,  et  contribua  beaucoup  à  faire, 
de  cette  croisade ,  une  guerre  d'ex- 
termination. A  la  prise  de  Béziers  ,  on 
lui  demanda  ce  qu'on  devait  faire,  dans 
j'impossi!)ilité  de  distinguer  les  ca- 
tholiques des  Albigeois  :  «  Tuez -les 
)>  tous  ,  répondit  -  il ,  Dieu  connaît 
»  ceux  qui  sont  à  lui.  «  Les  croisés 
ïi'avaient  pas  besoin  de  cet  horrible 
conseil;  les  plus  ardents  étaient  déjà 
dans  laville,dontilsraassacrcrent  tous 
les  habitants.  Sept  mille  personnes  , 
réfugiées  dans  l'église  de  St''.-Madc- 
laine ,  y  furent  passées  au  fd  de  l'épée , 
sans  distinction  de  sexe,  d'âge,  ui  de 
religion;  cependant,  les  croisés  s'ef- 
frayèrent derégnci  mu  des  toral^eaux, 
ït  de  conquérir  des  ruines  :  maîtres 


AMA 

de  Carcassonne  ,  ils  épargnèrent  ia  vie 
des  habitants ,  et  se  contentèrent  de  les 
faire  sortir  de  la  ville,  en  chemise; 
condition  qui  poiurait  passer  pour  bar- 
bare dans  une  autre  circonstance;  mais 
qu'il  faut  l'egardcr  comme  un  trait 
d'humanité  dans  une  pareille  guerre. 
Araairic  ne  fut  pas  toujours  maître  d'ar- 
rêter ainsi  les  fureurs  qu'il  avait  pro- 
voquées. Étant  venu  au  siège  de  Mi- 
nerbe,  il  fut  interrogé,  commcmaîlre 
des  croisés,  sur  les  articles  de  la  ca- 
pitulation. «  Je  souhaite  avec  ardeur , 
»  répondit -il  cà  Simon  de  Montfort, 
»  la  mort  des  ennemis  de  Jésus-Christ; 
»  mais  ,  étant  prêtre  et  religieux ,  je 
»  n'ose  opiner  pour  faire  mourir  les 
»  assiégés.  »  11  demanda  qu'on  laissât 
la  vie  au  commandant ,  aux  soldats  , 
et  aux  hérétiques  renfermés  dans  la 
place ,  s'ils  voulaient  se  convertir.  Celte 
condescendance  déplut  à  un  croisé, 
jilus  fanatique  que  les  autres .  nommé 
Robert  de  Mauvoisin,  quidittouthaut 
«qu'on  était  Aenu  pour  exterminer  les 
impics ,  et  non  pour  leur  faire  grâce.  » 
—  «  Ne  craignez  point,  lui  dit  alors 
w  Amal^iifè;  peu  d'hérétiques  se  conver- 
»  tironf.  »  Malheureusement,  il  ne  se 
liompait  point  ;  les  Albigeois  trouvés 
dans  la  place  persistèrent  tous  dans 
leur  hérésie,  et  plus  de  i4o  furent 
condamnés  aux  flammes ,  où  ils  se 
précipitèrent  eux-mêmes,  tant  le  fa- 
natisme était  aveugledc  part  et  d'autre. 
x\malric  conserva  le  plus  grand  ascen- 
dant sur  l'esprit  des  croisés  dans  le 
commencement  de  cette  guerre ,  ce  qui 
a  fait  dire  faussement,  à  quelques  bio- 
giaphes,  qu'il  était  généralissime  delà 
croisade.  Ce  fut  hiiqui  dounaau  comte 
de  Montfort,  de  la  part  du  pape,  la 
souveraincté-dcs  pays  conquis  sur  les 
hérétiques; il  lança  plusieurs  fois  les 
foudres  de  l'Église  contre  le  comte  de 
Toulouse,  mit  ses  états  en  interdit ,  et 
força  ce  nialhenrcux  prince  à  demau- 


AMA 

rlei"  pardon  à  l'Église ,  flans  la  posture 
Ja  plus  humiliante  ;  il  se  conduisit 
même  avec  tant  de  violence  et  d'injus- 
tice, qu'il  s'attira  les  reproches  d'In- 
nocent 111,  et  fut  rentpiacë  dans  ses 
tonctions  de  légat  apostohrpie.  Le  pape 
lui  adressa  ,  ainsi  qu'à  Simon  de 
Montfort ,  une  lettre  ,  dans  laquelle 
ils  étaient  accusés,  l'un  et  l'autre, 
d'avoir  envahi  les  biens  des  héréti- 
ques ,  et  même  ceux  des  catholi- 
ques. Amalric  fut  néanmoins  nom- 
mé archevêque  de  Narbonnc  ;  mais , 
i>e  inquiet  et  remuant,  il  ne  pouvait 
aimer  le  repos;  il  abandonna  un  dio- 
cèse qui  avait  plus  que  joraais  besoin 
de  la  présence  de  son  chef,  et  alla  en 
Espagne  faire  la  guerre  aux  Maures. 
Il  a  laissé  une  relation  en  latin  de  cette 
expédition.  Revenu  de  cette  autre  croi- 
sade ,  il  voulut  faire  érigei'  le  diocèse 
de  Narbonue  en  principauté  ;  et ,  ses 
prétentions  n'ayant  pas  été  accueillies 
par  Simon  de  Montfort,  il  abandonna 
ses  intérêts,  pour  épouser  ceux  du 
comte  de  Toulouse.  En  i2'24  .  il 
présidait  le  concile  de  Montpellier , 
assemblé  pour  écouter  les  jilaintos  de 
Raymond.  Il  mourut ,  l'année  suivante, 
et  sou  corps  fut  transporté  à  Cîtcaux , 
où  les  moines  lui  firent  ériger  un  mau- 
solée. M — D. 

AMALRIC  (  AuGERi  ),  historien  ec- 
clésiastique du  i4''.  siècle,  dédia  au 
pape  Urbain  V,  élu,  en  i562,  une 
Histoire  des  Papes  ,  sous  le  litre  de 
Chronicon  Pontificale  ,  pour  la- 
quelle il  se  vantait  d'avoir  consulté 
plus  de  200  écrivains.  Cette  Histoire 
A'a  jusqu'au  ])ape  Jean  XXIi.  D — t. 
AMALTHEE  (  Paul),  le  prcnrier, 
de  ce  nom  et  de  celte  famille ,  qui  se 
soit  illustré  dans  la  carrière  des  lettres, 
naquit  à  Pordenone,  dans  le  Frinul, 
vers  l'an  1460  ;  il  entra  dans  l'ordre 
des  frères  mineurs ,  et  fut  professeur 
de  bcîlcs-leltrcs  dans  s.t  patrie  .  puis  à 


A  M  A  9 

BcUune,  à  Trente  ,  et  enfin  à  Vienne 
eu  Autriche  ,  oii  il  fut  couronné  poète 
par  l'empereur  Maximilien ,  honneur 
qu'il  raériia  par  ses  poéMt-s  latines  , 
dunt  quelques-unes  ontété  imprimées; 
les  autres  sont  restées  manuscrites  à 
Venise,  dans  la  bibliothèque  de  St.- 
IMichel  de  Miuano.  Paul  Amalthée  fut 
assassiné  à  Vienne  en  i5i7,sans  que' 
l'on  ait  pu  savoir  comment ,  ni  pour 
quel  motif.  G — e. 

AMALTHÉE  (  Marc  -  Antoine  ) 
frère  du  précédent,  niquit  ea  i475  , 
et  se  fil  aussi  connaître  par  ses  talents 
poéùques  ,  en  Autriche  et  en  Hongrie. 
Il  fut  ensuite  professeur  dans  plusieurs 
villes  du  Frioul ,  et  mourut  à  Porde- 
none, en  i558,  âgé  de  83  ans.  Ou 
conserve  ,  en  manuscrit ,  un  volume 
entier  de  ses  poésies  latines  ,  à  Ve- 
nise, dans  la  même  bibliothèque  qui 
possède  celles  de  Paul.  G — É. 

AMALTHÉE  (  François  )  ,  frère 
cadetdesdeux  précédents ,  se  distingua 
comme  eux  par  son  talent  ])oétique , 
et  professa  ,  comme  eux ,  les  belles- 
lettres  à  Pordenone ,  à  Odcrzo  ,  à  Sa- 
cile.  On  trouve  un  petit  poème  latin, 
de  lui ,  dans  le  2''.  volume  de  la  pre- 
mière collection  d'Opuscules  de  Calo- 
gcrà.  11  écrivit  aussi ,  en  latin  ,  des  Ha- 
rangues et  quelques  Dissertations  his- 
torico  -  hltéraires  ;  mais  il  se  rendit , 
dans  un  autre  genre  ,  plus  utile  à  la 
société  que  ses  deux  frères  :  il  se  ma- 
ria en  I  5o5  ,  et  c'est  de  ce  mariage  que 
sortirent  les  trois  Amaltliées  qui  ont 
donné  à  ce  nom  le  plus  d'éclat.  G — É. 

AINIALTHÉE  (  Jérôme  ) ,  né  en 
1 5o6 ,  fils  aîné  de  François  ,  fut  mé- 
decin, phiiosoplic  ,  et  célèbre  poète  la- 
tin. Il  enseigna,  plusieurs  années,  la 
médecine  et  la  philosophie  morale 
dans  l'université  de  Padoue  ;  il  revint 
ensuite  dans  le  Frioul  ,  et  professa 
dans  plusieurs  villes  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  24  octobre  1574.  II  laissa 


it>  A  Î\I  A 

deux  fils  ,  Octave  et  Atlllius,  dont  il 
sera  parle  plus  bas  ,  H  uue  fille,  qui 
épousa  Jérôme  Aléandre  ,  le  jeune 
(  Fo>'. Aléandre).  Le  savant  IVIuret 
reconnaissait  Jérôme  Araalthée  pour 
le  premier  poète ,  et  le  plus  habile 
nie'decin  de  l'Ifalie.  Ses  poésies  paru- 
rent d'abord ,  éparses  dans  plusieurs 
recueils  ,  et  furent  ensuite  reunies 
avec  celles  de  ses  deux  frèfes,  par 
Jean  Math.  Toscan  ,  dans  ses  Car- 
viina  illïistrium  poëlarum  Italonim, 
Paris,  i5;G.  Ale'andre  les  fit  reim- 
primer, avec  les  siennes  ,  à  Venise ,  eu 
1G27  îi"'^".  Enfin ,  le  savant  Grt-evius 
f n  donna  une  édition  à  Amsterdam , 
chez  Wcsteii,  1684,  in-î^;  elles  y 
reparurent ,  en  1718,  in-8". ,  et  fu- 
rent insérées  depuis  ,  avec  la  préface 
de  Graevius,  dans  la  belle  édition  des 
Œuvres  latines  de  Sannazar,  Ams- 
terdam ,  17 '^8,  in-8^.,  qui  fait  suite 
aux  éditions  Variorum.  C'est  de  Jé- 
rôme Amalllte'c  qu'est  celte  charmante 
epigrarame ,  tant  de  fois  traduite  dans 
toutes  les  langues,  et  que  Muratori 
trouvait  si  parfaite  ,  qu'il  ne  pouvait 
croire  qu'elle  ne  fût  pas  une  traduc- 
tion du  grec  (  Délia  perjelta  Poésia , 
t.  II,  p.  4ii): 

Luinine  Acondextro,  capta  est  I  eoniUa  sinistro: 
Et  polerat  forma  vincere  uterque  Deos. 

Parve  puer  ,  lumen  quod  habes  concède  soFOri , 
Sic  tu  ca-cus  Amor ,  sic  erit  illa  Venus. 

Le  P.  ^'iceron,  Morcri,  et  plusieurs 
autres  auteurs  français,  ont  parle  de 
Jérôme  avec  beaucoup  d'éloges.  Ou 
peut  voir  aussi  ce  qu'ont  dit  de  lui , 
et  des  autres  Amalthecs  ,  Mazzuchelli , 
et  Lirati  dans  yes  Notices  des  Ecri- 
vains du  Frioid.  —  Octave  Amai,- 
the'e  ,  fils  aîné  de  Jérôme  ,  ne  à 
Oderzo,  en  1 T)  |5 ,  après  avoir  professe 
la  philosophie  à  Padoue,  prit,  comme 
son  père ,  l'état  de  médecin,  et  mourut 
à  Venise,  âge  de  83  ans.  On  a  de  lui 
quelques  ouvrages  en  prose  et  en  vers, 
imprimes  dans  le  regueil  d'Opuscules 


AMA 

scientifiques  et  philologiques  de  Calo- 
gera.  —  Attilus ,  second  fils  de  Jé- 
rôme, né  à  Oderzo  ,  en  i55o  ,  prit 
l'état  ecclésiastique.  Grégoire  XIII  lui 
confia  des  emplois  distingués,  et  Clé- 
ment VIII,  plusieurs  nonciatures  im- 
portantes; il  fut  fait  archevêque  d'A- 
thènes, et  mourut  à  Rome,  en  i655. 

G-E. 

AMALTHÉE  (  Jean  -  Baptiste)  , 
frère  de  Jérôme  ,  naquit  à  Oderzo  , 
en  1 5-25.  Les  bonnes  études  qu'il  fit 
à  Padoue  le  mirent  en  état  d'être  ap- 
pelé, dès  l'âge  de  vingt  ans,  à  Venise, 
pour  y  instruire  ,  dans  les  belles-let- 
tres, les  enfants  de  la  noble  et  riche 
famille  Lippomano.  Il  continua  d'étu- 
dier ,  avec  une  égale  ardeur ,  les  trois 
langues  ,  grecque  ,  latine  et  italienne  , 
la  philosophie,  la  théologie  et  la  juris- 
prudence. Etant  passé  en  Angleterre, 
en  1 554  ,  à  la  suite  de  l'ambassade  \q- 
nitienne ,  il  fut  secrétaire  de  la  répu- 
blique de  Raguse ,  puis  appelé  à  Ro- 
me, et  secrétaire  du  ])ape  Pie  IV;  il 
était ,  en  iSG^  ,  à  Milan  ,  avec  le  fa- 
meux cardinal  Charles  Bororaée  ;  il 
mourut  à  Rome,  en  1375,  n'étant  âgé 
que  de  48  ans.  Ses  poésies  latines  ne  le 
cèdent  en  élégance  à  celles  d'aucun 
autre  poète  de  son  temps  ;  elles  furent 
réimprimées,  avec  celles  de  ses  frères , 
dans  les  éihtions  de  Paris  et  d'Amster- 
dam, citées  à  l'article  précédent,  et  de- 
puis encore ,  à  Bergame. en  1 753, par 
le  savant  abbé  Serassi ,  qui  y  a  joint 
un  éloge  historique  de  Jean -Baptiste 
Amalthée.  Quelques-unes  de  ses  épi- 
grammes  latines  ont  été' traduites  en 
vers  italiens  ,  par  J.  B.  Viciui ,  et  pu- 
bliées avec  la  traduction  du  Temple 
de  Guide  de  Montesquieu,  du  même 
poi;tc  ,  Londres (  Venise),  1761. 
G— E. 

AMALTHÉE  (Corneti.t.e),  fièie 
piiiné  de  Jérôme  et  de  Jean-Baptiste  . 
né  à  Oderzo,  vers  Tau  i55o;  fut  me- 


AMA 

docin  et  poète.  La  iépu])!ique  de  Ra- 
guse  le  pril  pour  secrétaire ,  après  son 
frère  Jcau-Uaptiste.  Il  repassa  en  Ita- 
lie, eu  i56i ,  et  fut  appelé  à  Rome, 
par  Paul  Mauuce,  pour  l'aider  dans  le 
travail  que  lui  avait  confie  Pie  IV,  et 
qui  consistait  à  rédiger,  dans  le  latin 
le  plus  pur,  le  Catéchisme  romain, 
pour  la  belle  édition  qui  parut  la  pre- 
mière année  du  pontificat  s:tivant , 
Romce ,  in  ÂLdibiis  populi  Romani^ 
apud  Paulum  Manutium ,  1 560 ,  in-fol. 
(iorueille  Amaltliée  mourut  en  iGo5; 
ses  poésies  ont  été  imprimées  avec 
celles  de  ses  deux  frères,  dans  les  re- 
cueils cités  ci -dessus.  On  y  distingue 
surtout  sou  poème  intitulé:  Urbis  f  e- 
vetianinipulchritudo,  dix'inaque  ciis- 
îodia,  qui  est  le  premier ,  et  le  second, 
adressé  à  l'archiduc  Jean  d'Autriche, 
commandant  de  la  flotte  chrétienne 
combinée,  intitulé  Protens,  où  il  pré- 
dit poétiquement  la  victoire  de  Lépante, 
ou  plutôt  de  Curzoiari ,  comme  l'ap- 
pellent les  auteui-5  italiens.  Ce  poème 
fut  d'abord  imprimé  seul,  en  i5'j-2, 
à  Venise,  in-4 '.  G — e. 

AMAMA  (SixTi-NUs"),  théologien 
protestant,  du  l'j''.  siècle,  né  dans  la 
Frise  occidentale ,  fut  élevé  à  l'univer- 
vsité  de  Fraueker ,  sous  Drusius ,  et  s'y 
instruisit  dans  les  langues  orientales. 
Vers  l'an  16 1 5,  il  voyagea  en  Angle- 
terre ,  vint  à  Oxford ,  résida  quelque 
temps  dans  le  collège  d'Exeter,  et  en- 
seigna l'hébreu  dans  l'université;  de 
retour  dans  son  pays  natal,  il  fut 
nommé  professeur  d'hébreu  à  l'uni- 
versité, et  y  demeura  jusqu'à  sa  mort. 
11  rejeta  l'offre  que  l'université  de 
Leydc  lui  fît ,  de  la  chaire  qu'avait  oc- 
cupée Erpénius ,  un  des  plus  savants 
oricntahstes  de  ce  siècle.  Le  premier 
ouvrage  d'Amama  fut  une  critique 
de  la  version  du  Pentateuque ,  dite  la 
T^ids!;ate  :  ou  l'imprima,  en  iGao, 
iu-4".,  à  Franeker,  sous  le  titre  de 


AMA  I  r 

Censura  Fulgaiœ  latinœ  editionis 
Penlaleiœhi.  Il  méditait  un  ouvrage 
plus  considérable ,  dans  lequel  il  sn 
proposait  de  censurer  généralement  la 
Fulgate,  déclarée  authentique  par  le 
concile  de  Trente;  mais  il  interrompit 
ce  travail ,  pour  conférer  la  version 
hollandaise  des  écritures  avec  les  ori- 
ginaux et  les  meilleures  traductions. 
Le  résultat  de  ses  travaux  fut  mis  sons 
les  yeux  du  public ,  dans  un  Uvrc  écrit 
en  hollandais ,  et  intitulé  :  Bybehcka 
conferencic,  Amsterdam,  i6i5.  In- 
forrac  que  le  savant  père  Mersonne  avait 
entrepris  la  défense  de  ia  P^idgate, 
et  écrit  une  réfutation  de  la  Critique 
sur  les  six  premiers  chapitres  de  la 
Genèse,  il  reprit  son  premier  dessein, 
en  i6'27,  publia  une  lettre  au  père 
Mersenne,et,  en  \6-îS,  un  ouvrage, 
sous  le  titre  à'  Anîibarbarns  BibliciiSy 
contenant  une  réplique  plus  étendue , 
et  une  critique  de  la  version  vulgate 
des  livres  historiques  de  ï ylncien 
Testament,  de  Job,  des  Psaumes, 
des  livres  de  Salomon,  et  quelques  dis- 
sertations détachées.  Ce  livre  fut  réim- 
primé en  16 56,  augmenté  de  la  cri- 
tique de  la  même  version  des  prophé- 
ties d'isaic  et  de  Jérémie.  i^  marna 
écrivit  aussi  une  dissertation,  sous  le 
titre  de  :  De  nomine  Teiragram- 
matOy  publiée  in-8".,  à  Francker,  en 
1 620.  Les  travaux  d'AniL^nia  attirèrcJit 
l'attention  sur  l'étude  de  la  Bible;  et, 
depuis  ce  ttinps,  plusieurs  synodes 
ordonnèrent  qu'on  ne  serait  point  ad- 
mis dans  le  clergé,  sans  avoir  au 
moins  quelque  connaissance  de  la  Bi- 
ble en  hébreu,  et  du  Nouveau  Tes- 
tament en  grec.  Lorsque  Amama  vint 
à  l'université  de  Franeker,  l'ivrognerie 
et  la  débauche  y  étaient  des  vices  très- 
communs.  Lui-même  déclare  que  tous 
les  nouveaux  venus  étaient  enrôlés  au 
service  de  Bacchus,  en  grande  céré-; 
monie ,  et  obligés  de  jurer .  par  une 


■VI  AMA 

statue  de  bols  de  S.  Etienne,  qu'ils 
dépenseraient  tout  leui*  argent.  Si 
qiielqu'un  des  etudia;its  avait  plus 
d'cgard  au  serment  qu'il  avait  prête 
au  recteur  de  l'université',  qu'à  cetîe 
initiation  bachique,  les  .uitres  le  tour- 
mentaient de  telle  sorte,  qu'il  et;;it 
force  de  quitter  l'université.  Amama 
contribua  beaucoup  h  détruire  ces 
abus  punissables ,  et  les  attaqua  trcs- 
cîiergiqueuient,  dans  ini  discours  pu- 
])!ic,  eu  1621.  Les  habitants  de  la 
Frise  avaient  pour  lui  tant  d'attache- 
ment, qu'après  sa  mort,  arrivée  en 
167.9,  ils  ^^  montrcrenl  très-généreux 
envers  ses  eufanis ,  ainsi  que  Nicolas 
Amama,  l'uu  d'eux,  le  leconnaîtdans 
l'épltre  dédicatoire  d'un  ouvrage  qu'il 
publia,  en  ]6.")i,  iu-8\,sous  le  litre 
de  Disserlationum  marinarnm  De- 
cas.  D — T. 

AMAN  ,  Amalécite,  descendant  du 
roi  Agag ,  qui  régnait  au  temps  de 
Said.  Devenu  !e  favori  d'Assuérus,  roi 
de  Perse ,  i'  fut  élevé  par  ce  prince  au- 
dessus  de  tous  les  grands  de  sa  cour ,  et 
il  était  ordouncàtous  ceux  qui  se  pré- 
sentaient sur  son  passage  de  fléchir  le 
genou  devant  lui , chaque  fois  qu'il,  en- 
trerait au  palais,  ou  qu'il  en  sortirait. 
Le  juif  Marduchée  fut  le  seul  à  s'y  re- 
luscr.  Aman  ,  qui  avait  hérité  de  l'an- 
cienne haine  de  ga  nation  contre  la 
postérité  de  ceux  qui  l'avaient  chassée 
de  la  Palestine ,  conçut  des  lors  le 
projet  d'assouvir  sa  vengeance  contie 
Mardochée,  par  la  ruine  de  tout  le 
])euple  juif  répandu  dans  la  vaste  éten- 
tiue  de  l'empire  d'Assuérus.  Il  repré- 
senta ee peuple, au  monanjue,  comme 
étaut  extrêmement  dangereux  pour 
l'état ,  par  sa  prodigieuse  jnulliplica- 
tion ,  par  son  opiniâtreté  à  vouh^ir  se 
gouverner  selon  ses  lois  parlic.uhères, 
par  sa  persévérance  à  pratiquer  nnc, 
religion  exclusive,  difTetcntc  de  celle 
Acs  aiatrcs  suiets  ;  et ,  pour  trancher 


A  M  .\ 

la  difficulté  qui  pouvait  nrîire  du  vide 
qi'.e  la  perte  de  tant  d'hommes  indus- 
tiieux  opérerait  dans  le  trésor  public  ^ 
il  offi-it  de  le  combler,  par  la  somme 
immense  de  10,000  talents  d'argent 
de  son  propre  bien.  Aman  ojjlint  donc 
un  édit  adressé  aux  gouverneurs  des 
provinces  ,  pour  faire  exterminer  fous 
les  juifs  à  un  joiu'  marqué.  Cet  e'dit , 
publiquement  affiché  dans  la  ville  de 
Suze  ,  capitale  de  l'empire ,  jeta  la 
consternaliott  parmi  tous  les  individus 
de  cette  nation  qui  s'y  trouvaient  eu 
grand  nombre.  La  reine  E.sthcr  réus- 
sit à  le  faire  révoquer.  Le  nom  de  Mar- 
dochée ,  rappelant  à  Assuérus  le  ser- 
vice signalé  qu'il  en  avait  reçu  jiar  la 
découverte  d'un  complot  forme  dan.s 
sa  cour  :  «  Quedoil-cn  faire  ,  dit-il  à 
»  Aman  ,  pour  honorer  un  homme 
»  que  le  roi  désire  combler  d'hon  - 
wneurs?  »  Aman,  convaincu  qu'il 
ciait  l'objet  de  cette  question  ,  n'hésite 
pas  à  répondre  qu'il  faut  que  cet  hom- 
me, rcvciu  de  la  panpre  royale,  la 
tête  ceinte  du  diadème,  monté  sur  un 
cheval  du  roi ,  soit  promené  eu  Iriora-- 
plie  dans  toute  la  ville  ,  précédé  du 
premier  des  grands  de  la  cour,  qui,, 
tenant  les  rênes  de  son  cheval ,  crie 
dans  les  rues  et  sur  les  places  pu- 
bliques :  «  Voilà  les  honneurs  qui 
»  sont  dus  à  celui  qne  le  roi  prend 
u  ])laisir  à  honorer.  »  Eh  bien ,  rc-- 
prit  Assuérus ,  tous  ces  honneurs  .sont 
pour  Mardochée,  hâte?.-  vous  de  l'en 
faire  jouir.  Aman,  confus  ,  humihc,  fe.t 
oblige  d'aller  prendre  Mardochée  à  la 
porte  eu  palais,  et  de  présider  lui- 
même  à  la  pompe  triomphale  dont 
il  s'était  d'abord  cru  le  héros.  Cette 
première  disgrâce  ne  fut  que  le  pré- 
lude de  la  terrible  catastrophe  qui  de- 
vait consoaTimer  .sa  chute.  Aiuan  , 
prosterne  aux  pieds  d'Esther ,  incliiu; 
sur  sou  sopha  pour  lui  demander 
grâce,  est  surpris  dans  celte  allitudsf 


A  MA 

plr  Assiienis  ,  qui  croit  qu'il  voulait 
attenter  à  l'honneur  delà  reine.  L'or- 
dre est  aussitôt  donne,  et  prompte- 
ment  exécute ,  de  le  pendre  à  une  po- 
tence de  cinquante  coudées  ,  que  l'or- 
gueilleux favori  avait  fait  dresser  dans 
la  cour  de  son  palais ,  pour  le  supplice 
de  Mardochée  ;  ses  biens  furent  con- 
fisqués au  profit  de  la  reine ,  et  la 
mort  de  ses  dix  enfants  suivit  de  près 
la  sienne.  La  mémoire  de  ce  grand 
événement,  arrivé  l'an  ^^3  av.  J— ('., 
fut  consacrée  par  l'institution  d'une 
fête  annuelle,  qui  se  célèbre  encore 
aujourd'hui  chez  les  juifs.  Elle  dure 
trois  jours,  commence  par  un  jeûne 
rigoureux,  et  se  termine  par  une  or- 
gie ,  qui  l'a  fait  confondre  avec  les 
liacchauales  des  païens.  On  s'y  livre 
surtout  aux  excès  de  la  boisson ,  parce 
qu'on  suppose  qu'Esther  ,  pour  se 
rendve  Assuérus  favorable ,  avait  cher- 
ché à  l'égayer,  en  le  faisant buire  au- 
delà  de  sa  mesure  ordinaire.  Pendant 
cette  fête,  on  lit  le  livre d'Esther  dans 
les  svnagogues  ,  et ,  chaque  fois  que  le 
nom  d'Aman  revient  dans  cette  iecUne, 
on  bat  des  mains  et  des  pieds ,  les  en- 
fanls  frappent  sur  les  bancs  avec  des 
maillets,  et,  au  milieu  de  tout  ce 
bruit,  la  voûte  des  svnagogues  re- 
tentit des  dis  de  raalédiciiou  contre 
Aman.  T — d. 

AMAND(  S.  ),cvêquede  Bordeaux, 
sa  patrie  ,  succéda  dans  ce  siégea 
S.  Delphin,  en  4oj  ou  4o5  au  plus 
tai'd.  11  gouverna  cette  église  avec  tant 
de  zèle  et  tant  de  vigilance ,  qu'il  fut 
regardé  comme  un  des  plus  saints  pré- 
lats de  son  temps.  S.  Arnaud  eut  l'a- 
vantage de  convertir  S.  Paulin  ,  depuis 
évèque  de  JNole ,  et  de  l'instruire  des 
vérités  de  la  foi.  On  ignore  l'époque  de 
sa  mort,  et  le  nom  de  son  successeur; 
car  l'histoire  de  sa  démission  en  faveur 
de  S.  Severin  de  Cologne  .  quoique 
.rapportée  par  Grégoire  de  Tours,  est 


AMA  t.5 

un  conte  apocryphe,  réfuté  par  les 
meilleurs  critiques  modernes.  De  tous 
ses  écrits ,  qui  avaient  mérité  les  é!oges 
de  S.  Paulin ,  il  ne  nous  reste  que  le 
précis  d'une  de  ses  lettres ,  dans  une 
de  celles  de  S.  Jérôme,  à  qui  elle  était 
adressée.  C'est  sans  fondement  qu'où 
lui  attribue  la  co-iscrvation  des  ouvra- 
ges de  S.  Paulin,  qu'il  précéda  vrai- 
semblablement dans#  tombeau.  (  F. 
ÏHist.  littér.  de  la  France  ,  tom.  H, 

p-ig-'?:-)  T— 1>. 

AMAND(  S.  ),  né  dans  le  pays 
nantais,  embrassa  la  vie  religieuse 
dans  un  monastère  de  la  petite  île 
d'Oye,  près  de  celle  de  Rhc.  Sou  zèle 
pour  lu  conversion  des  païens  le 
conduisit  dans  la  Belgique ,  oîi  soa 
apostolat  eut  les  plus  heureux  succès. 
Pour  mieux  assurer  ses  conquéies  spi- 
rituelles ,  il  y  fonda  plusieurs  monas- 
tères devenus  célèbres  ;  à  Gand,  celui 
de  Blandinberg ,  depuis  l'abbaye  de 
St. -Pierre  ,  et  celui  de  St.-liavon  , 
érigé  en  cathédrale  ,  au  milieu  du 
16'.  siècle;  aux  environs  de  ïournay, 
celui  d'Elnon  ,  sur  la  rivière  de  ce 
nom ,  plus  connu  sous  celui  d'Abbaye 
de  St.-Amand.  Élu  ,  malgré  lui,  évêque 
deTongres,  eu  G'iS  ,  il  se  démit,  au 
bout  de  trois  ans ,  de  cet  évêché ,  en 
faveur  de  S.  l'emacle ,  pour  reprendre 
ses  travaux  apostoliques,  jusqu'à  ce 
que ,  accablé  de  travaux  et  de  fatiguas , 
il  se  retira  dans  son  monastère  d'El- 
non ,  qu'il  gouverna  encore  pendant 
4  ans,  en  qualité  d'abbé,  et  mourut 
en  (j-jg.  Sa  Vie  ,  écrite  par  Baude- 
mont ,  se  trouve  dans  les  BoUandis- 
tes.  T-D. 

AMAND  (  Pierre  ) ,  chirurgien  de 
la  communauté  de  St.-Côme,  naquit  k 
Riez  en  Provence  ,  dans  le  17".  siècle, 
et  mourut  à  Paris  en  1720.  Il  se  livra 
surtout  à  la  pratique  des  accouche- 
ments, et  publia  des  Observations  sur 
cette  branche  de  l'art,  Paris,  1713  , 


î4  AMA 

1 7  i5  ,  in-8''.  Il  imagina  une  sorte  de 
filet  propre  à  tirer  la  tête  de  l'enfant, 
dans  le  cas  d'enclavement  ;  mais  une 
pratique  plus  h(;ureuse  y  a  substitué  le 
forceps.  C.  et  A — n. 

AMANDUS  (  iEiviEus  Salvius  ) , 
ge'nëral  romain  ,  vers  l'an  'i85  ,  com- 
mandait dans  les  Gaules,  sous  Dioclé- 
lien ,  avec  Aule'us  Pomponius  ^Elianus  ; 
tous  deux ,  n'aylfct  pour  adhe'rents  que 
des  paysans  et  des  bandits ,  eurent  l'au- 
dace de  se  faire  proclamer  empereurs. 
On  prétend  que  ce  fut  leur  révolte,  et 
les  troubles  qui  la  suivirent ,  qui  dé- 
terminèrent Dioclélien  à  se  donner 
pour  collègue  Ma^iiraicn,  depuis  long- 
temps son  ami.  Ce  nouvel  empereur, 
qui  joignait ,  à  de  grands  vices  ,  beau- 
coup de  bravoure  et  d'activité ,  se  ren- 
dit aussitôt  dans  les  Gaules  ,  et ,  l'as- 
serablantles  troupes  qui  s'y  trouvaient, 
il  attaqua  sur-le-cliamp  les  ennemis. 
Ces  paysans  s'appelaient  Bacaudes  ou 
Hagaiides ,  du  nom  d'un  château  situé 
aune  lieue  de  Paris,  qu'on  a  depuis 
appelé  St.-Maur-des-Fossés.  Les  Ba 
gaudes ,  après  avoir  été  battus  en  rase 
campagne  ,  se  réfugièrent  dans  le  châ- 
teau ,  et  s'y  défendirent  long-temps 
contre  Maximien,  llparvint  cependant 
à  s'en  rendre  maître ,  et  le  fit  démolir. 
Amandus  périt  dans  cette  guerre  ;  mais 
les  historiens  ne  donnent  aucun  détail 
sur  sa  mort.  Ils  ne  disent  point  non 
plus  ce  que  devint  ^liauus.     D — t. 

AMANIEU-DES-ESC\S ,  trouba- 
dour du  1 5^  siècle, qui  vécut  h  la  cour 
de  Jacques  II  ,  roi  d'Aragon  :  l'abbé 
Millot  pense  qu'il  était  de  la  famille 
d'un  Giraud  d'Amanieu  ,  chevalier 
ç;ascon ,  (\y\y ,  en  1 3 1 7 ,  vint  au  secours 
du  comte  de  Toulouse,  contre  Simon 
de  Montfort;  quoi  qu'il  en  soit ,  ses  ou- 
vrages annoncent  qu'il  tenait  un  rang 
distingué,  et  qu'il  était  très-attaché  à  la 
maison  d'Aragon.  Les  quatre  pièces 
qui  nous  restent  de  ce   troiibadoiu' 


AMA 

prouvent  qu'il  étaitprolixe,  et  nefalsait 
pas  grâce  des  plus  petits  détails;  l'une 
de  ces  pièces  est  une  espèce  d'Epître 
à  sa  maîtresse  ;  elle  porte  la  date  de 
i'278,  et  paraît  d'autant  plus  longue, 
qu'elle  ne  contient  guère  que  des  lieux 
communs.  Une  autre  pièce  ou  vers 
(  c'est-à-dire  Poème) ,  dans  laquelle 
Amanieu  peint  les  tourments  de  l'ab- 
sence ,  mérite  d'être  remarquée ,  parce 
qu'il  y  cite  un  grand  nombre  de  j)ro- 
verbes ,  dont  la  plupart  s'emploient 
encore  dans  la  conversation  familière; 
une  troisième  pièce  contient  dos  ins- 
tructions pour  un  jeune  damoiseau, 
nom  que  l'on  donnait  aux  enfants  des 
seigneurs  et  des  chevaliers  :  il  v  a  peu 
de  conseils  solides  dans  cette  instruc- 
tion ,  mais  l'on  y  trouve  des  détails 
précieux  sur  les  miaeurs  du  temps  ,  et 
quelques  aperçus  qui  ont  de  la  finesse  ; 
ces  détails  sur  les  usages ,  les  vête- 
ments ,  les  manières,  se  lisent  en  plus 
grand  nombre  encore  dans  les  leçons 
qu'il  donne  à  une  demoiselle  de  qua- 
lité, qui  était  au  service  d'une  grande 
dame;  et, quoique  ces  conseils  ne  puis- 
sent convenir  aujourd'hui  qu'à  une 
femme  de  chambre,  on  est  bien  aise  de 
voir,  qu'à  quelques  nuances  près  ,  les 
usages  sont  toujours  les  mêmes.  Ces 
quatre  petits  Poèmes  annoncent  un 
homme  qui  a  l'habitude  du  monde,  et 
le  défaut  trop  ordinaire  aux  poètes  , 
celui  de  ne  pas  savoir  se  borner. 
P— X. 

AMANT.  VoY.  Saint-Amanï. 

AMARA-SINGHA,  savantllindou , 
conseiller  du  célèbre  radjah  Vikra- 
maditeva,  et  quitlorissait  conséquem- 
ment  dans  le  i*^"^.  siècle  avant  J.-C.  Il 
est  auteur  du  Dictioiniaire  samskrit 
le  plus  exact,  et  sur  tout  le  plus  com- 
plet que  l'on  connaisse.  Ce  Diction- 
naire ,  iutitulé  :  Amara  Kôcha  (  Tré- 
sor d'Amara  )  ,  est  divisé  en  sections, 
et  non  par  ordre  alphabétique.  On  y 


AMA 

trouve  successivement  les  noms  des 
dieux ,  des  astres  ,  des  éléments  ,  des 
objets  impalpables  ,  des  sciences ,  des 
couleurs ,  de  la  terre  ,  du  monde ,  des 
montagnes,  des  fleuves,  des  arbres  , 
des  plantes  ,  des  animaux  ,  des  hom- 
mes ,  des  tribus  indiennes,  des  sacri- 
fices ,  de  l'agricultiu-e  ,  etc. ,  etc.  La 
dernière  section,  mûtuïce:  IVandrlha- 
j^arga  ,  contient  les  mots  qui  ont 
plusieurs  significations.  Les  adverbes 
et  les  mots  indéclinables  forment  la 
section  inhlulée  :  ^i>ia- Farga.  Ce  cé- 
lèbre Dictionnaire  est  écrit  en  vers  : 
il  en  existe  des  traductions  ou  expli- 
cations en  différentes  langues  indien- 
nes ,  telles  que  le  taraoul ,  le  mala- 
bar, etc.  Dans  le  raidi  de  l'Inde,  il  y 
a  une  glose  de  ce  Dictionnaire,  con- 
nue sous  le  nom  de  Tamouch-Koutta. 
Le  P.  Paulin  de  St.-Barthélemy  en 
publia,  à  Rome,  en  1798,  la  i"^*. 
partie  ,  eu  caractère  tamoul ,  sous  ce 
titre  :  Amara-Singha ,  sectio  prima, 
de  cœlo ,  ex  tribus  ineditis  codicibus 
manuscriptis ,  Romae ,  apud  Fulgo- 
nium,  in-4".  Quoique  ce  volume  ne 
soit  pas  très-considérable ,  ce  n'est  pas 
un  des  ouvrages  les  moins  impor- 
tants du  P.  Paulin.  Nous  possédons  , 
à  la  Bibliothèque  impériale,  un  exem- 
plaire du  Dictionnaire  d'Amara-Sin- 
gha^  sous  les  n°'.  53,  58,  09  du 
Catalogue  des  Maruiscrits  sams- 
hrits.  L— s. 

AMARAL  (André),  Portugais,  chan- 
celier de  l'ordre  de  St.-Jean  de  Jéru- 
salem, était  plein  de  courage,  et  habile 
dans  la  marine ,  mais  envieux  et  fier. 
Chargé,  en  i5io,  avec  le  comman- 
deur ViHiers  de  l'Isle-Adam ,  d'une 
expédition  contre  la  flotte  du  Soudan 
d'Egypte,  il  mit  en  mer  avec  les  ga- 
lères de  la  Religion  ,  et  eut ,  avec  son 
collègue,  de  violents  démêlés  ,  qui  au- 
raient fait  échouer  l'entreprise ,  si 
VillJers  del'Isle-Adacï;  plus  modéré, 


A  -yi  A  1 5 

n'eèt  cédé  à  l'avis  d'Amaral ,  qui  fut, 
au  reste  ,  couronné  d'une  victoire 
complète.  A  la  mort  de  Fabrice  (ia- 
rette  ,  grand-maître  de  l'ordi'e,  Araa- 
ral  demanda,  avec  hauteur,  cette  di- 
gnité ;  mais  sa  présomption,  et  le 
mépris  qu'il  faisait  de  ses  rivaux  lui 
attirèrent  un  refus  unanime  ,  et  les 
suffrages  se  réuniicnt  eu  faveur  de 
Villiers  de  l'Isle-Adam.  Amaral  en 
fut  outre  ,  et,  dans  sa  colère,  il  lui 
érhappa  de  dire  que  l'Isle-Adam  se- 
rait le  dernier  grand-maître  qui  ré- 
gnerait à  Rhodes.  On  prétend  qu'avant 
gagné  un  esclave  turk,  il  l'envoya  à 
Constantinople,  pour  exhorter  Soli- 
man à  former  le  siège  de  Rhodes. 
Cette  place  ,  dont  les  Turks  ambi- 
tionnaient, depuis  long -temps  ,  la 
possession  ,  ne  tarda  pas  à  être  inves- 
tie par  les  forces  de  terre  et  de  mer. 
On  croit  que  Soliman ,  fatigué  de  la 
résistance  courageuse  des  chevahers 
de  Rhodes ,  aurait  levé  le  siège  ,  si 
Amaral  ne  lui  avait  fait  connaître,  par 
des  avis  secrets  ,  les  endroits  les  plus 
faibles  de  la  place ,  et  ne  l'eût  informé 
que  les  assiégés  manquaient  de  vivres 
et  de  munitions.  De  violents  soup- 
çons s'étant  élevés  contre  Amaral . 
il  fut  arrêté  ,  par  ordie  du  grand- 
maître  ,  et  apphqué  à  la  question  ,  sur 
la  déposition  de  son  propre  domes- 
tique. Il  soutint  la  torture,  et  s'obstina 
à  ne  rien  avouer  ;  ce  qui  ne  put  le  sous- 
traire à  la  mort.  Condamné  a  avoir 
la  tète  tranchée  ,  il  vit  les  apprêts  de 
son  supplice  avec  calme ,  et  mourut 
le  5  novembre  i522.  «  Les  services 
w  qu' Amaral  avait  rendus  à  la  reli- 
»  gion ,  dit  Vertot  ,  sa  fermeté  au 
»  milieu  des  plus  cruels  tourments  dp 
»  la  question ,  tout  cela  aurait  pu  ba- 
»  lancer  la  déposition  d'un  domes- 
»  tique  ;  et  peut-être  qu'on  n'aurait 
»  pas  traiti  si  rigoui'eusement  le 
»  chancelier  de  l'ordre  ,  si ,  quand  à 


i6  AMA 

»  s'agit  du  salut  public ,  le  seul  soup- 
»  çoii  u'e'tait  pas,  pour  ainsi  dire ,  un 
«  crime  que  la  politique  ne  pardonne 
»  guère.  »  K — P- 

AMARITON  (Jean  \  jurisconsulte 
du  î()''.  siècl'*,  natif  de  Nenelte,   en 
Auvergne,    fut  d'abord  collègue  de 
Cuias ,  dans  l'université  de  Toulouse , 
d'où  il  vint  à  Paris  exercer  la  pro- 
fession d'avocat ,  s'y  fit  un  nom  dans 
la  consultation,  fut  mis  en  prison  par 
les  ligueins,  et  v  mourut,  en  iSgo. 
Ses  Commentaires  sur  les  Epitres  de 
Cicéron   et  d'Horace,  parurent  à 
Paris,  en  1 555,  et  ses  Notes  sur  le 
"ùff.  livre  d'Ulpien,  à  Toulouse  ,  en 
1554.   Ses  autres  manuscrits  furent 
perdus  dans  le  pillage  de  sa  maison,  il 
descendait  d'un  Pierre  Amariton,  chan- 
celier de  Jean ,  duc  de  Berri  et  d'Au- 
vergne ,  et  frère  de  Charles  V.   N — l. 
AMASA,  neveu  de  David  (^.Joab\ 
AMASEO  (  RoMOLO  ),  fils  de  Gré- 
goire Amaseo ,  professeur  de  langue 
latine  à  Venise ,  fut  un  des  plus  cé- 
lèbres littérateurs  italiens  du  16".  siè- 
cle. Né  à  Udine  en  1 489 ,  son  père  et 
son  oncle  furent  ses  premiers  maîtres  : 
il  finit  ensuite  ses  études  à  Padoue , 
et  y  enseigna  lui-même  les  belles-let- 
tres,  en  i5o8;  mais  la  guerre  occa- 
sionnée par  la  ligue  de  Cambrai  le 
força  d'en  sortir  l'année  suivante.  Il  se 
retira  à  Bologne,    continua  de  pro- 
fesser ,  s'y  maria ,  eut  plusieurs  eu- 
fants ,    et   obtint  que  cette  ville  lui 
rendît  les  droits  de  cité  que  ses  an- 
cèties  y  avaient  eus  autrefois.  Il  fut 
même  nommé  premier  secrétaire  du 
sénat,  en  i53o,  honneur  qui  n'avait 
jamais  été  accordé  à  pctsonne  dont 
le  père  et  le  grand-père  n'eussent  pas 
été  citoyens  de  Bologne.  11  avait  été 
choisi  par  le  pape  Clément  \  11  pour 
prononcer,  devant  lui  et  devant  l'em- 
pereur Charles-Quiul ,  une  h  .l'angue 
latine  au  sujet  de  la  pais,  conclue  àBo- 


AMA 

logne  entre  ces  deux  souverains  ;  ef 
il  s'était  acquitté  de  ce  devoir,  avec 
un  applaudissement  universel ,  le  pre- 
mier jour  de  janvier  de  cette  même 
année,  dans  l'église  de  St.-Pétrone,  an 
milieu  d'une  assemblée  nombreuse  de 
prélats  et  d'ambassadeurs.  11  continua 
de  professer  à  Bologne ,  avec  un  grand 
concours  d'auditeurs,  jusqu'en  i545, 
et  fut  alors  appelé  à  Rome  par  Paul  111 
et  par  son  neveu ,  le  cardinal  Alexan- 
dre Farnèse.  Il  fut  emplové  par  le 
pape  dans  plusieurs  missions  politi- 
ques, auprès  de  l'empereur,  de  quel- 
(pies  princes  d'Allemagne  et  du  roi 
de  Pologne;  enfin,  en  i55o,  après 
la  mort  de  sa  femme,  Jules  111  lui 
conféra  la  charge  de  secrétaire  des 
brefs.  11  mourut  deux  ans  après.  On 
a  de  lui  :  I.  deux  Traductions  latines 
d'auteurs  grecs;  l'une  des  sept  Livres 
de  l'expédition  de  Cj'rus ,  par  Xé- 
nophou,  Bologne,  i533  ,  in-fol.  ; 
l'autre  de  la  Description  de  la  Grèce , 
par  Pausanias ,  Rome ,   1 547  '  i"'4  '•  » 

I  f .  un  volume  de  harangues ,  ou  de  1 8 
discours  latins  prononcés  en  diflè- 
rentes  occasions  ,  sous  le  titre  de 
Orationes  ,  Bononia; ,  i58o,  in-4"- 
Les  auteurs  contemporains  ont  fait  les 
plus  grands  éloges  de  son  éloquence  et 
de  son  savoir.  —  Son  fils ,  Pompilio  , 
eut  une  carrière  moins  brillante  que 
lui  ;  mais  se  livra  aux  mêmes  études , 
et  enseigna  aussi  les  lettres  grecqties  à 
Bologne,  oii  il  mourut ,  vers  la  fin  de 
i584.  1!  traduisit  deux  fragments  de 
Polybe,  imprimés  à  Bologne,  en  i545. 

II  avait  écrit  aussi  en  latin  l'histoire 
des  poètes  de  son  temps ,  qui  n'a  pas 
été  imprimée.  G — é. 

AMASIAS,  8^  roi  de  Juda  ,  étr.it 
âgé  de  25  ans  ,  lorsque  son  père  Joas 
lui  laissa  le  trône,  l'an  85()  av.  J.-C. 
Son  premier  soin  ,  après  avoir  affer- 
mi sa  puissance  ,  Ait  de  venger  la  mort 
de  Joas  par  la  supplice  d«  ses  mcur- 


AMA 

Iriers.  Les  commencements  de  son 
règne  furent  heureux.  Il  avait  pris 
1 00,000  hommes  du  royaume  d'Israël 
à  sa  solde,  pour  faire  la  guerre  aux  Idu- 
me'ens  ;  mais ,  Dieu  ayant  désapprouve' 
cette  guerre  ,  il  les  congédia  aussitôt , 
et  celte  obéissance  fut  suivie  d'une  vic- 
toire complète.  Amasias  eut  la  faiblesse 
d'adorer  les  idoles  des  peuples  vain- 
cus, et  la  cruauté  de  menacer  de  la 
mort  le  prophète  chargé  de  lui  faire 
des  remontrances  sur  sou  idolâtrie. 
Enorgueilli  de  sa  victoire,  il  envoya 
défier  le  roi  d'Israël,  qui  ne  lui  répon- 
dit que  par  l'apologue  du  cèdre  du 
Liban  dont  un  vil  chardon  veut  épou- 
ser la  fille.  Amasias,  piqué  de  cette 
réponse,  lui  déclare  la  guerre,  perd 
la  bataille,  est  fait  prisonnier,  et  ne 
rentre  dans  ses  états,  après  une  lon- 
gue captivité,  que  pour  y  être  poi- 
gnardé dans  une  conspiration  de  ses 
sujets.  Il  avait  régné  2g  ans.  Son  fils 
Azarias  lui  succéda.  T- — d. 

AMASIAS ,  prêtre  de  Bethel  (  p'oy. 
Amos  ). 

AMASIS,  roid'ÉgvptP,  était  d'une 
basse  naissance ,  et  parvint  à  captiver 
la  confiance  du  roi  Apriès.  Dans  une 
sédition  contre  ce  prince ,  Araasis  fut 
proclamé  roi,  et  l'Egypte  devint  en 
proie  à  une  guerre  civile  que  teimina 
la  défaite  d'Apriès.  Amasis  monta  sur 
le  trône  ,  069  ans  avant  J-C,  et 
fît  périr  son  maître.  Il  gouverna  le 
pays  avec  prudence  et  activité,  se 
prescrivant  pour  règle  de  donner  le 
matin  à  ses  devoirs,  le  soir  aux  plai- 
sirs de  la  société.  Sous  son  règne  , 
l'Egypte  jouit ,  pendant  plusieurs  an- 
uées  ,  d'une  fertilité  non  interrompue, 
cl  acquit  une  population  prodigieuse. 
Pour  prévenir  les  délits  que  peut  com- 
mettre une  populace  oisive  ,  il  fit  une 
loi,  enjoignant,  sous  peine  de  mort,  à 
chacun,  de  paraîtie  une  fois  par  an 
devant  le  gouyerneur  de  la  province , 
II. 


AMA  17 

et  de  déclarer  ses  moyens  de  subsis- 
tance. Il  montra  un  esprit  éclairé  dans 
les  permissions  qu'il  accorda  aux  étran- 
gers ,  et  surtout  aux  Grecs  ,  pour  vi- 
siter son  pays  ;  il  leur  donna  des  éta- 
blissements sur  la  côte ,  et  leur  permit 
de  bâtir  des  temples ,  oii  ils  pouvaient 
célébrer  toutes  leurs  cérémonies  reli- 
gieuses. Solon  fut  un  de  ceux  qui  se 
rendirent  en  Egypte  sous  le  règne 
d' Araasis.  Ce  prince  épousa  une  femme 
grecque,  et  contiibua  libéralement  aux 
fondations  et  aux  institutions  de  plu- 
sieurs villes  grecques.  Il  construisit, 
dans  son  pays,  plusieurs  ouvrages 
magnifiques,  dans  le  goût  gigantesque 
qu'on  y  préférait  alors  à  tout  autre. 
11  soumit  l'île  de  Chypre,  et  la  rendit 
tributaire.  Mais  la  prospérité  de  son 
règne  fut  troublée  par  les  préparatifs 
de  Cambyse  pour  attaquer  l'Egypte. 
Ce  prince  fut  aidé  par  la  défection 
de  Phanès,  capitaine  des  auxiliaires 
Grecs  au  service  d' Amasis.  Polycrate, 
tyran  de  Samos ,  qui  avait  été  lié  avec 
Amasis  ,  devint  aussi  son  ennemi.  Le 
roi  d'Egypte  n'échappa  qu'avec  peine 
au  danger  qui  menaçait  son  royaume , 
et  mourut ,  après  un  règne  de  44  ^^s , 
l'an  5^5  av.  J.-C.  Les  malheurs  qui 
accablèrent  son  fils  ,  Psammeticus  , 
tombèrent  aussi  ,en  quelque  façon,  sur 
lui ,  car  son  corps,  arraché  de  sa  tom- 
be , fut  mis  en  pièces  et  brûlé.  D — t- 
AMASTRIS,  fille  d'Oxathre,  frère 
de  Darius-Codoman,  avait  été  élevée 
avec  Statira,  fille  de  ce  prince,  qui 
l'aimait  beaucoup.  Lorsqu' Alexandre 
épousa  Statira ,  il  donna  Amastris  en 
mariage  à  Cratérus.  Après  la  mort  d'A- 
lexandre ,  se  voyant  négligée  par  son 
époux,  elle  le  quitta,  d'accord  avec 
lui,  et  se  maria  avec  Denys,  tyiau 
d'Héraclée ,  dont  elle  eut  deux  fils  et 
une  fille.  Il  la  laissa ,  en  mourant ,  tu- 
trice de  ses  enfants,  et  elle  se  remaria 
à  Lysiujaquc , roi  de  Tlirace;  mais,  ce 


i8  A  M  A 

prince  ayant  cpousé  Arsiiuoc,  elle  ne 
voulut  plus  rester  avec  lui ,  et  retourna 
dans  ses  états ,  où  elle  fonda  une  ville 
à  qui  elle  donna  son  nom.  Ses  fils , 
étant  devenus  grands  ,  la  firent  périr 
eu  faisant  couler  à  fond  un  vaisseau 
sur  lequel  elle  s'était  embarquée  ;  Ly- 
simaqne,  qui  avait  eu  d'elle  uu  fils 
nommé  Alexandre ,  veu^jjea  sa  mort. 
On  a  d'elle  quelques  médailles.  C — R. 

AMATIUS,  Romain  d'une  origine 
chscm-e.  Se  disant  petir-fils  de  Marins, 
et  proche  parent  de  Jules  César,  il 
voulut  se  faire  reconnaître  par  Octave. 
Après  le  meurtre  du  dictateur ,  il  re- 
parut à  Rome ,  et  prétendit  avoir  le 
droit  de  venger  sa  mort.  Des  gens  de 
la  lie  du  peuple,  qu'attiraient  les  noms 
de  Marins  et  de  César ,  et  encore  plus 
le  désir  du  pillage ,  commirent ,  sous 
sa  conduite,  les  plus  grands  désor- 
dres ;  mais  Antoine  ,  qui  désirait  se 
concilier  le  sénat ,  fit  arrêter  Amatiiis, 
«t  ordonna  tpi'on  l'étranglât  dans  sa 
prison  :  ce  qui  fut  exécuté  sans  autre 
formalité.  D — t. 

AMATO ,  ou  plutôt  AMATUS  ,  re- 
ligieux du  mont  Cassin  ,  et  ensuite 
cvêque  ,  vivait  au  1 1*^^.  siècle.  Jl  com- 
posa diverses  poésies  latines ,  et ,  entre 
autres,  quatre  livres  qu'd  dédia  au 
pape  ,  Grégoire  VII ,  et  qui  avaient 
pour  litre  :  De  gestis  apostolorum 
Pétri  et  Pauli.  Ces  ouvrages  sont 
pei'dus  ,  et  ce  serait  un  malheur ,  si 
Ton  en  croyait  Pierre  Diacre,  qui  ap- 
pelle Amatus  un  versificateur  admi- 
rable (  ch.  XX  ).  Le  chanoine  Mari , 
dans  ses  notes  sur  ce  même  endroit 
de  Pierre  Diacre,  parle  d'un  manus- 
crit conservé  à  la  bibliothèque  du  mont 
Cassin ,  et  qui  contient  une  Histoire 
des  Normands,  eu  huit  livres,  com- 
posée par  Amatus,  Tiraboscbi  regrette 
(t.  111,  p.  268  )  que  cet euvrage  n'ait 
pas  vu  le  jour.  G — e. 

AMATO  (Vi>'Ge.\t),  genliihomme 


A  M  A 

de  Cantazaro,  ville  du  royaume  de 
Naples,  publia,  en  1670,  des  Mé- 
moires ]:istoriqiies  de  sa  patrie,  qu'il 
appelle  i  Illustrissima ,  famosissima, 
e  fedelissima  cilla  di  Cantazaro. 
—  Un  antre  Vincent  Amato,  Sicilien, 
né  en  lOiQ,  fut  uu  savant  composi- 
teur de  musique,  et  a  laissé:  I.  Sacri 
Concerti,  à  2,  5,  4  *'t  5  voix,  avec 
une  Messe  à  5  et  4,  Palerrae,  i65<5  ; 

II.  Mess  a  e  Salmi  di  vespro  e  com- 
pietd  ,  k  l^  Qi  ^  voix  ,  ibid. ,   i65H  ; 

III.  Vlsauro  ,  opéra  di  Vicenzio 
d'u4mato,  Aquila,   1664.     G — e. 

AMATUS  LusiTANus  (  Jean  -  Ro- 
drigue Amato  ,  plus  connu  sous  le 
nom  d'),  médecin  portugais  ,  juif  d'o- 
rigine ,  naqiii: ,  eu  1 5 1 1  ,  à  Castel- 
Bianco  ,  étudia  la  médecine  à  Sala- 
manque,  voyagea  en  France ,  dans  les 
Pays-Bas,  en  Allemagne,  en  Italie,  et 
professa  la  médecine  avec  succès  dans 
les  villes  de  Ferrare  et  d'Ancône.  Son 
att.irhement  au  judaïsme  l'ayant  rendu 
suspect  au  clergé  catholique ,  il  n'é- 
ch,i[q'.'.  aux  poursuites  de  l'inquisition 
qu'en  se  réfugiant  à  Pésaro ,  en  1 55  j  , 
de  là,  à  Uaguse,  et  enfin  à  Thessaloni- 
que.  A  compter  de  i5Gi,  il  n'e>t  pins 
iait  mention  de  cet  auteur,  et  l'on  ignore 
l'année  et  le  lieu  de  sa  mort.  C'était  nu 
érudit ,  d'un  esprit  pénétrant  et  solide. 
On  a  de  lui  :  X.Exegemata  inpriores 
duos  Dioscoridis  de  malerid  ine- 
dicd  libros  ,  Antverpiae,  i55<),  in- 
4'.  Il  reproduisit  cet  ouvrage  avec  des 
augmentations  et  changements  consi- 
dérables ,  sous  le  titre  de  :  Enarra- 
tiones  in  Dioscoridem  ,  Venise  , 
i553,  in-8''.  ;  réimpr.  à  Strasbourg 
en  i554,  et  à  Lyon  en  1557.  Le 
savant  Constantin  ajouta  des  notes  à 
cette  dernière  édition.  Plusieurs  points 
de  l'histoire  de  la  matière  médicale 
exotique  sont  assez  bien  éclaircis  par 
Amatus.  On  y  trouve  un  petit  nombre 
de  piaules  décrites  pour  la  première 


AMA 

fois;  mais,  d'un  autre  côte,  l'auteur  a 
commis  beaucoup  d'erreurs  ;  et  IMa- 
îhiolc  ,  qu'il  avait  attaqué  indiscrète- 
ment ,  releva  ses  méprises  avec   ai- 
greur ,  dans   YJpologia     adversits 
^ m alu :n, Y enise,  1.557  ,in-fol.Ma- 
tliiolealla  jusqu'à  signaler  son  adver- 
saire comme  un  apostat,  qui  n'était 
chrétien  qu'en  apparence.  Ces  repro- 
ches pouvaient  avoir  des   suites  fâ- 
cheuses pour  Ainatus  ;  et  il  est  proba- 
ble qu'ils  le  déterminèrent  à  se  retirer 
à  Tliessaionique ,  où  il  justifia  les  in- 
culpations de  Mathiole,  en  y  profes- 
sant ouvertement  le  judaisme.  Amatus 
se  proposait  de  publier  une  édition 
complète  de    Dioscoride  ,  avec  des 
notes  daus  lesquelles  il  aurait  répondu 
à  Mathiole  ;  ce  projet  n'a  pas  été  exé- 
cuté ,  e!  l'on  doit  en  avoir  peu  de  re- 
grets ;  II.  Curationum  medicinaliuia 
centuriœ  seplem ,   quitus  prœmitli- 
tur  commenlalio  de  introitu  medici 
ad  œgrotantem  ,  deqiie  crisi  et  die- 
hus  criticis.  Ces  Centuries  furent  pu- 
bliées d'abord  séparément ,  et  en  des 
temps  différents;  la  i''*. ,  à  Florence, 
i55f,  in-foL;  la  '2*.,  à  Venise,  j555, 
in- 13;  les  autres,  successivement  ;'i 
Ancone ,  lîome  ,  Raguse ,  Thessaloni- 
que ,  etc.  L'auteur ,  dans  cet  ouvrage, 
fait  preuve  d'une  connaissance  pro- 
fonde de  Galien ,  d'Hippocrate  et  des 
Aral)es ,  a  répanda  de  bonnes  obser- 
vations sur  ([uelques  maladies  rares , 
et  des  remarques   physiologiques  et 
chirurgicales ,  dignes  d'clre  citées  ;  ce- 
pendant i\  demande  à  être  lu  avec 
doute  et  circonspection  ;  car  il  est  for- 
tement   soupçonné    d'avoir  souvent 
controuvé  les  faits.  Ces  Centuries  oui 
ensuite  été  réunies ,  et  il  v  en  a  plu- 
sieurs éditions,  Lyon  ,  1 58o ,  in- 1 2  ; 
Paris  ,  U»  I  5  ,  ïG'io,  in-  4^  ;  Franc- 
fort, 164G,  in-fol.,  eîc.  L'auteur  de- 
vait en  ajouter  encore  trois  autres  ;  ou 
i!8  s;iit  pourquoi  il  n'a  pas  excculéce 


A  ?.î  A  tt) 

projet.  Amatus  avait  enti-epris  des 
Commentaires  sur  Aviceunc^  mais  il 
perdit  son  manuscrit  dans  sa  faite 
précipitée  d'Ancône ,  où  !e  persécutait 
le  pape  Pani  IV.  Don  Antonio,  dans 
sa  Bibliothèque  Espagnole  ,  dit  qu'A- 
matus  avait  traduit  ,  en  espagnol  , 
Y  Histoire  dJEulrope  ;  mais  il  paraît 
que  cet  ouvrage  n'a  pas  été  imprimé. 
Astruc  a  fait ,  sur  la  vie  de  ce  méde- 
cin, des  recherches,  dont  il  a  publié 
le  résultat  dans  son  Traité  De  Morhis 
Fenereis.  C.  et  A — >'. 

A'^IAURI,  dit  DE  Chartres,  natif 
de  Bène ,  dans  le  pavs  Chartrain ,  vers 
la  fin  du  12*.  siècle,  après  s'être  fait 
une  réputation  à  Paris,  dans  l'ensei- 
gnement de  la  logique  et  des  arts  li- 
béraux, entreprit  de  professer  la  théo- 
lojiie,  et  d'expliquer  i'Ecriture-Sainte, 
suivant  une   nouvelle    méthode.  Les 
livres  d'Aristote  ,  apportés  depuis  pea 
de  Conslantiuople  ,  lui  donnèrent  du 
goût  pour  les  opinions  singulières.  Il 
imagina  un  système  de  religion ,  qui 
n'aurait  été  que  ridicule  daus  un  siècle 
éclairé  ;  mais  qui ,  alors  ,  fat  regardé 
comme   dangereux.  On  ne  l'attaqua 
crp.-^ndant  juridiquement,  pendant  sa 
vie  ,  que  sur   une  proposition ,  dans 
laquelle  il  disait  :  «  Que  tout  fidèle , 
pour  être  sauvé  ,  doit  croire  ferme- 
ment qu'il  est  membre  du  corps  de 
J  -C.  »  Cette  proposition  équivoque  ex- 
cita de  grandes  rumeurs,  jiarce  qu'on 
la  regarda  comme  une  suite  du  pan- 
théisme ,  auquel  on  croyait  (\\\c  se  ré- 
duisait toute  la  doctrine  d'Amauri.  Il 
reconnaissait,  à  la  vérité,  un  être  su- 
prême, nécessaire,  infini;  mais  il  ne 
le  distinguait  pas  de  la  matière.  Il  ad- 
mettait trois  personnes  en  Dieu ,  qui 
partageaient  successivement  entre  elles 
l'erapij-c  du  i!iondc.  Le  règne  du  Père 
avait  auré  tout  le  temps  de  la  loi  mo- 
saïque :  celui  du  Fds  subsistait  depuis 
le  commencement  de  la  loi  évangéîi- 

3.. 


2<>  A  M  A 

que ,  et  devait  expirer  à  la  fin  du  1 2^ 
siècle  ,  pour  laisser  le  goiiverncnieiit 
de  l'iinivers  au  St.-Esprit ,  jusqu'à  la 
consommation  des  siècles.  Sous  cette 
dernière  économie,  tout  culte  exté- 
rieur devait  être  aboli.  11  n'y  aurait 
plus  eu  de  sacrements  ;  la  charité 
seule,  ou  la  grâce ,  répandue  dans  les 
âmes,  serait  devenue  le  seul  moyeu 
nécessaire  de  salut.  La  conduite  des 
disciples  d'Araauri  était  aussi  déréglée 
que  leur  doctrine  était  absurde.  Sous 
le  voile  de  h  charité  ,  tous  les  crimes 
étaient  justifiés  ,  toutes  les  passions 
satisfaites  ,  tous  les  scrupules  dissipés. 
La  plupart  de  ces  erreurs  ,  et  de  plu- 
sieurs autres  qu'on  leur  attribue ,  n'a- 
vaient pas  été  soutenues  par  Amauri; 
mais  elles  paraissaient  être  un  déve- 
loppement de  son  système  ,  que  les 
disciples  avaient  poussé  plus  loin  que 
leur  m;ûire.  Le  quatrième  concile  de 
Latran  jugea  ,  par  la  suite ,  que  cette 
doctrine  était  phitot  insensée  qu'héré- 
tique; mais  la  chose  fut  traitée  plus 
séneuscraent  dans  le  temps  où  ces  ex- 
travr.gants  débitaient  leiu-s  paradoxes. 
Amaiiri  fat  d'abord  c  )ndarané  ,  en 
i2o4,  par  les  docteurs  de  Paris  ,  et 
leur  censure  fut  confirmée  par  Inno- 
cent III  ,  au  tribunal  duquel  il  en  avait 
appelé.  Obligé  de  se  rétracter  ,  sans 
changer  pour  cela  de  sentiment,  il 
alla  se  confiner  à  S.  Martin  -  dcs- 
Chumps,  où  il  mourut  de  dépit  et  de 
chagrin.  Ses  disciples  comparurent, 
en  I2I0,  devant  un  concile  de  Paris; 
on  épargna  les  moins  coupables,  quel- 
ques-uns f'.uent  enfermés.  Les  chefs  , 
livrés  au  bras  séculier ,  périrent  dans 
les  flammes.  On  enveloppa  les  livres 
d'Aristote  dans  la  même  proscription. 
La  mémoire  d' Amauri  fut  également 
condamnée,  et  ses  ossements,  arrachés 
tle  leur  sépulture,  pour  être  je|(BS  à  la 
\uirie.  T — d. 

AÎ\LVliRY  I". ,  roi  de  Jérusalem  , 


AMA 

succéda  à  son  frère  Baudouin  III ,  et  fut 
couronné  dans  l'église  du  St.-Sépulcre, 
le  18  février  de  f  année  1 165  ,  à  l'âge 
de  '27  ans.  Doué  d'un  génie  actif  et  en- 
treprenant ,  il  avait  des  vues  grandes 
et  souvent  gigantesques ,  pour  le  chef 
d'un  petit  état.  Vain  et  fier,  il  tenait 
pour  le  moins  autant  à  l'argent  qu'à  la 
gloire,  et  croyait  qu'en  politique,  tous 
les  movens  sont  bons  pour  arriver  à 
son  but.  Dès  les  premiers  jours  de  son 
règne  ,  il  eut  une  guerre  à  soutenir 
contre  le  khalyfe  d'Egypte  ,  qui  s'était 
engagé  à  payer  un  tribut  aux  rois 
de  Jérusalem  ,  et  qui ,  pour  s'en  déli- 
vrer,  envova  une  armée  contre  la  Pa- 
lestine. Les  hostilités  étaient  déjà  com- 
mencées ,  lorsque  des  troubles  s'éle- 
vèrent en  Eg\i)te,  et  foicèrent  le  kha- 
lyfe à  rapi)e!cr  ses  troupes,  à  demander 
la  paix,  et  même  à  solliciter  l'alliance 
d'Amaury  contre  Nour-Eddyn  ,  sul  - 
thân  d'Alep ,  qui  avait  envoyé  un  de 
ses  lieutenants  sur  les  bords  du  Nil , 
pour  appuyer  le  parti  des  mécontents , 
et  profiter  des  dissensions  ,  afin  d'a- 
grandir ses  états.Araaurv,  s'étant  rendu 
aux  désirs  du  khalyfe.  qui  lui  accorda 
des  subsides  considérables ,  entra  avec 
une  armée  en  Egvpte,  où  il  battit  plu- 
sieurs fois  les  troupes  du  sulthan  :  il 
revint  ensuite  dans  son  royaume  , 
chargé  de  présents  ,  et  comblé  de  ri- 
chesses et  de  gloire  ;  mais  comme,  dans 
cette  expédition ,  il  avait  vu  la  prospé- 
rité de  fEgypte,  la  fertihté  de  sou  sol, 
sa  nombreuse  population,  et  la  fai- 
blesse de  son  gouvernement ,  il  forma 
le  projet  d'en  faire  la  conquête ,  et 
n'eut  pas  de  peine  à  v  faire  entrer  le 
grand-maître  des  chevaliers  de  St.- 
Jean ,  à  qui  il  promit  de  céder  la  ville 
de  Bilbéis ,  lorsqu'elle  serait  tombée 
au  pouvoir  des  chrétiens.  11  trouva 
aussi  le  moyen  d'associer  à  son  en- 
treprise l'empereur  de  Conslantinople, 
dout  il  avait  épousé  la  nièce ,  après 


AMA 

avoir  répudie  Agnès  de  Conrtenai.  Il 
s'occupa  pendaut  plusieurs  mois  des 
préparatifs  de  cette  guerre,  et  rompit 
tout  à  coupla  pais,  en  assiégeant  Bii- 
héis  ,  qui  ue  tarda  pas  à  se  rendre  ,  et 
fut  remise  à  l'ordre  de  St. -Jean  de  Jé- 
rusalem. Anvturv  marcha  ensuite  vers 
le  Kaire ,  où  l'avait  déjà  devancé  la  ter- 
reur de  ses  armes.  Le  khaJvfL-  et  son 
vizyr  invoquèrent  en  vain  la  foi  des 
traités  ;  ils  proposèrent  d'acheter  la 
retraite  des  chre'tiens  par  des  sommes 
considérables.  Amaury  ,  toujours  dis- 
posé à  vendre  la  paix  et  la  guerre ,  con- 
sentit alors  à  écouter  les  prières  du 
khalyfe  ,  et  les  hostilités  firent  place 
aux  négocialions.  Pendant  ce  temps ,  le 
khalyfe  implora  le  secours  du  siilthan 
d'Alcp  ,  qui  envoya  une  puissante  ar- 
mée en  Egvpte  ,  pour  combattre  les 
chrétiens.  Au  moment  où  Amaury  se 
croyait  déjà  possesseur  des  trésors  du 
Kaire  ,  il  l'ut  obligé  d'abandonner  ses 
conquêtes,  et  revint  dans  son  royaume, 
avec  la  honte  qui  suit  toujours  l'injus- 
tice ,  quand  elle  n'est  pas  couronnée 
par  le  succès.  Cette  guerre  fut  d'autant 
plus  maîheurruse  pour  les  chrétiens, 
que  Nour-Eddyn  ,  qui  avait ,  comme 
Araauiy ,  le  projet  de  s'emparer  de 
l'Egypte ,  ne  laissa  pas  échapper  cette 
occasion.  Ce  rovaume ,  troublé  au-de- 
dans,  et  menacé  au-dchors  ,  fut  réuni 
aux  vastes  états»du  sulthan  d'Alep  ,  et 
le  petit  royaume  de  Jérusalem  se  trou- 
va environné  et  menacé  de  toutes  parts 
par  une  puissance  formidable;  pour 
comble  de  rasllicurs  ,  il  s'était  élevé, 
au  sein  des  troubles  et  des  guerres 
qui  désolèrent  l'Egypte  ,  im  jeune  hé- 
ros ,  dont  le  nom  devait  être  un  jour 
redoutable  aux  chrétiens  de  la  Pales- 
tme  ;  ce  héros  était  Saladin ,  qui  fut  d'a- 
bord vizyr,  ou  gouverneur  de  l'Egvpte, 
et  qui,  après  !a  mort  de  Nour-Eddyn, 
recueillit  l'immense  héritage  du  suîthan 
d'Alep.  Le  premier  usage  qu'il  ûi  de  sa 


A  U  A  n 

puis<;ance,fiit  d'attaquer  le  rovaume  de 
Jérusalem.  Amaïay  ,  qui  redoutait  un 
si  dangereux  ennemi ,  implora  les  ar- 
mes des  chrétiens  d'Occident ,  et  se 
rendit  lui-même  à  Constantiuople 
pour  solliciter  le  secoure  des  Grecs  j 
mais  il  n'obtint  que  des  promesses ,  et 
il  ne  lui  resta  plus  alors  que  son  cou- 
rage et  ses  propres  forces ,  pour  arrêter 
les  progrès  d'un  ennemi  dont  il  avait 
préparé  la  puissance.  Son  rovaume 
était  agité  par  les  factions  des  tem- 
pUers  et  des  hospitaliers  ,  et  les  colo- 
lùcs  chrétiennes  en  Asie  marchaient 
rapidement  à  leur  décadence.  Amaury 
mourut  en  i  r^S,  avant  de  voir  écla- 
ter les  catastrophes  dont  Jérusalem 
était  menacé  ,  et  laissa  ce  triste  héri- 
tage à  son  fils  Baudouin  IV.  M — d. 
AMAURY  H,  DE  LusiGNAw,  roi 
de  Chypre,  succéda  à  Guy,  son  frère. 
A  la  mort  de  Henri ,  comte  de  Cham- 
pagne, qui  avait  été  reconnu  roi  de 
Jérusalem,  Amaurv  épousa  sa  veuve, 
Isabelle,  qui  avait  déjà  contracté  trois 
mariages  j  et  donné  à  trois  époux  des 
titres  porj-  un  royaume,  presque  tout 
entier  coiiquis  par  les  Sarrasins. 
Amaury  recueillit  l'héritage ,  ou  plutôt 
les  espérances  de  ses  prédécesseurs, 
et  fut  couronné  roi  de  Jérusalem, 
dans  la  ville  de  Ptolémaïs,  l'an  i  ig^. 
Heuii  VI,  empereur  d'Allemagne, 
avait  envoyé  une  armée  en  Palestine, 
et  les  croisés  allemands  eurent  d'abord 
quelques  avantages;  mais,  rappelés  en 
Eiu'ope,  après  la  mort  de  Henri,  ils 
laissèrent  Amaury  eri  lutte  à  toutes 
les  forces  des  Sarrasius.  Les  faibles 
restes  de  son  royaume  ne  fm-ent  sau- 
vés que  par  la  division  qui  régnait 
alors  dans  la  famille  de  Saladin. 
Amaury  sollicita  plusieurs  fois  les  se- 
cours de  l'Europe  chrétienne  :  un© 
croisade  fut  prêchée  dans  tout  l'Occi- 
dent ;  mais  les  croisés  allèrent  assiéger 
CoustanlÏDople,  et  ne  songèrent  plus. 


23  A  n  A 

aux  serments  qu'ils  avaient  faits  de 
délivrer  Jérusalem.  Lorsque  le  petit 
nomore  de  guerriers  qui  défendaient 
Ja  Palestine  eut  appris  la  conquête 
de  Bysance ,  ils  accoururent  dans  cette 
ville,  dont  on  leur  avait  vanté  la  ri- 
chesse. Amaury  resta  presque  seul  à 
Ptolémaïs,  et  il  y  mourut  en  iuo5, 
laissant  le  royaume  de  Chypre  à  son 
fi!s,  Hugues  de  Lusignan  ,  et  le  vain 
litre  de  reine  de  Jérusalem,  à  Marie, 
fille  d'Isabelle.  M— n. 

AMAZIAS.  For.  Amasias. 

AMBERGER  (  Christophe  ),  pein- 
tre de  Nuremberg  ,  fut  disciple  de 
Holbeins  le  jeune,  et  imita  fort  hen- 
l'eusenient  sa  manière  :  il  dessinait 
correctement ,  disposait  bien  ses  figu- 
res, excellait  dans  la  perspective,  et 
ne  manquait  pas  d'un  beau  coloris. 
L'Histoire  de  Joseph ,  en  i  o.  tableau, 
est  sa  meilleure  composition.  La  ga- 
lerie royale  de  Munich  conserve  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages  Cliarles-Qunit 
l'attira  à  Augsbourg,  en  i53o  ,  et  en 
faisait  si  grand  cas ,  qu'il  le  mettait 
souvent  à  cote  du  ïilion;  mais  cette 
comparaison  prouvait  plus  contre  le 
goût  de  l'empereur ,  qu'en  faveur  de 
l'artiste.  Ou  a  grave,  d'après  Amber- 
ger,  la  Décollation  de  S.Jean-Bap- 
tiste, en  demi-figures.  (j — t. 

AMBILi.OU. Ver.  Bouchut. 

AMBIORIX,  roi  des  Eburcns, 
peuples  des  Gaules ,  entre  la  Meuse  et 
le  Khin,  régnait  conjointement  avec 
Cativulcus,  lorsque  César  commeiiç.» 
la  conquête  des  Gaules,  fan  58  avant 
J.-C.  Pour  s'attacher  Ambiorix,  le 
général  romain  le  déchargea  du  tribut 
qu'il  pavait  aux  Atur.ticiens,  qui  habi- 
taient le  pays  de  Naraur.  Son  fils  et  les 
fils  de  son  frère ,  retenus  par  ces  peu- 
ples comme  otages,  lui  furent  ren- 
voyés ;  mais  ces  bienfaits  ne  purent 
calmer  la  haine  dont  Ambiorix  était 
animé  contre  les  Romains.  Exciléd'ail- 


A  M  B 

leurs  parlndutiomare,  roi  de  Trêves , 
il  projeta  de  se  soulever,  et  d'entraîner 
toute  la  Gaule,  qui  supportait  impatiem- 
ment le  joug  des  légions  romaines.  Cé- 
sar, revenu  de  sou  expédition  contre  les 
Bretons ,  était  alors  à  Amiens ,  et  venait 
de  mettre  son  armée  en  quartier  d'hi- 
ver. L'isolement  des  légions  donna 
l'idée  aux  Gaulois  de  les  attaquer  sé- 
parément, en  employant  à  la  fois,  la 
ruse  et  la  force.  Ambiorix  et  CiStivulcus 
étaient  allés  au-devant  de  Sabinus  et 
de  Cotta ,  lieutenants  de  César ,  et  leur 
avaient  fourni  des  vivres ,  afin  de  don- 
ner moins  de  défiance  aux  Romains , 
renfermés  alors  dans  leur  camp.  Peu 
de  temps  après,  ceux-ci  étant  sortis 
sans  précaution ,  pour  coujxïr  du  bois , 
Ambiorix  fondit  sur  eux,  et  en  fit  nu 
grand  carnage;  il  courut  ensuite  at- 
taquer leurs  retranchements  ;  mais , 
ayant  été  repoussé  avec  perte,  il  entra 
en  pourparler  ,  et  dit  aux  généraux 
romains  que  ce  qui  venait  de  se  pas- 
ser ne  s'était  pas  fait  par  ses  ordres, 
mais  qu'il  n'avait  pu  contenir  la  fureur 
des  Gaulois;  et ,  f<'ignant  d'être  très- 
attaché  aux  Romains,  il  conseilla  à 
Sabinus  de  songer  à  sa  retraite,  parce 
que  les  Germains  ,  qui  venaient  do 
passer  le  Rhin  en  grand  nombre,  na 
tarderaient  pas  à  tomber  sur  lui.  Les 
deux  lieutenants  de  César,  après  quel- 
ques hésitations ,  sortirent  de  leur 
camp  ,  avec  riussi  peu  de  précaution 
que  si  l'avis  leur  fût  venu  du  plus  fidèle 
ami  des  Romains.  Ambiuiix,  qui  avait 
divisé  son  armée  en  deux  corps  pla- 
cés en  embuscade  dans  les  bois,  fond 
tout  à  coup  sur  1rs  Romains,  et  les 
taiileen  pièces.  Enflé  de  cette  victoire, 
il  part  avec  sa  cavalerie  pour  se  rendre 
chez  tous  les  peuples  de  la  contrée,  et 
il  les  détermine  à  prendre  les  armes, 
et  à  voler  à  l'improviste  au  camp  de 
Quintus  Cicc'ron ,  frère  de  l'orateur. 
Il  se  mit  hii-mcme  à  leur  tête,  attaqu.i 


AMB 

les  rptranclicraents  de  Qiiiutus,  et 
donna  plusieurs  assauts.  Ne  pouvant 
les  emporter,  il  tenta  vainement  de 
tromper  Ciccron  ,  comme  il  avait 
trompe  Cotta  et  Sàbinus.  César,  ins- 
truit du  danger  de  Quintus  Ciceron , 
marcha  à  son  secours  avec  deux  lé- 
gions. A  son  approche,  Ambiorix 
quitte  le  siège ,  et  va  au-devant  de  Cé- 
sar avec  toutes  ses  forces,  au  nombre 
de  60  mille  hommes.  Ccsar,  feignant 
de  le  redouter,  se  renferma  dans  ses 
retranchements;  et  Ambiorix,  attiré 
ainsi  par  la  ruse ,  les  fit  escalader. 
Tout  à  coup.  César  sort  de  son  camp 
avec  "jooo  hommes  ;  et  les  Gaulois , 
surpris  et  mis  en  fuite ,  sont  taillés  eu 
pièces.  Ambiorix  ne  trouva  de  salut 
que  dans  ses  états.  La  déf^iite  et  la  mort 
d'Indutiomare,  qui  avait  soulevé  les 
Trévisiens,  porta  l'épouvante  parmi 
les  Eburons,  qiii  s'étaient  de  nouveau 
ralliés  sous  les  ordres  d' Ambiorix  :  ils 
se  dispersèrent ,  et  César  fut  un  instant 

fiaisibie  maître  des  Gaules  ;  mais  Am- 
àorix  ne  tarda  pas  à  fermer  contre 
lui  une  nouvelle  ligue.  César  marcha 
contre  ce  prince,  et,  sachant  qu'il  pro- 
jetait de  traîner  la  guerre  en  longueur , 
en  évitant  les  actions  générales ,  il 
porta  d'abord  la  terreur  chez  ses  alliés, 
pour  lui  otcr  toute  retraite,  et  marcha 
ensuite  sur  ses  états.  Surpris  par  la 
cavalerie  de  César,  Ambiorix,  qui 
n'avait  pas  encore  rassemblé  ses  trou- 
jics ,  ne  dut  son  salut  qu'à  la  situation 
de  son  château,  au  milieu  de  la  foret  des 
Ardcnnes;  Cativulcus,  qui  était  entré 
daiis  ses  projets ,  accablé  de  vieillesse , 
et  ne  pouvant  plus  supporter  les  fati- 
gues de  la  guerre  et  de  la  fuite,  s'em- 
poisonna ',  les  Gaulois  eux-mêmes,  et  les 
Germains ,  qui  d'abord  s'étaient  alliés 
à  Ambiorix ,  furent  appelés  à  partager 
ses  dépouilles.  Deux  fois  encore.  Cé- 
sar marcha  contre  les  Eburons,  et 
poursuivit  !ciu'  malheureux  roi,  qui 


AMB  25' 

se  cachait  dans  les  bois  et  les  cavernes , 
sans  autre  escorte  que  quatre  cavaliers 
à  qui  seuls  il  osait  confier  sa  vie.  11  vé- 
cut ainsi  long-temps  proscrit,  fugitif, 
et  sans  pouvoir  jamais  reprendre  les 
armes.  B — p. 

AMBLIMONT     (    FUSCHEMBERG  , 

comte  d'  ) ,  offitier  -  général  de  la 
marine  fi-ançaise  ,  passa  au  service 
d'Espagne  depuis  la  révolution ,  com- 
manda un  vaisseau  espagnol  de  112. 
canons  ,  en  1  ^()6  ,  et  fut  tué  dans  le 
combat  où  l'amiral  Jcrvis  ,  depuis 
lord  St.-Vinccnt ,  b.ittit  la  flotte  espa- 
gnole. On  a  de  lui  une  Tactique  na- 
vale, Paris,  Didot  jeune,  1  788,  in-4". , 
fig. ,  très-bon  ouvrage.  ]S — l. 

AMBOISE  (  Georges  d')  ,  connu 
dans  l'histoire  sous  le  nom  de  Cardi- 
nal d'iijnhoise  ,  naquit ,  en  1 460 ,  au 
château  de  Ciiaumont-sur-Loire,  d'une 
maison  illustre ,  et  lut  nommé  évêque 
de  Montauban  ,  n'étant  encore  que 
dans  sa  i4''-  année,  ce  qui  prouve  le 
désordre  où  la  discipline  ecclésias- 
tique était  à  cette  époque.  On  jieut 
le  remarquer  avec  d'autant  plus  d'as- 
surance ,  que  d'Aniboise ,  étant  devenu 
ministre ,  porta  la  réforme  dans  cette 
partie ,  comme  dans  toutes  les  autres 
branches  de  l'administration  publique. 
Ayant  été  choisi  par  Louis  XI ,  pour 
être  un  de  ses  aumôniers  ,  son  désin- 
téressement et  son  aversion  })Our 
l'intrigue  empêchèrent  qu'il  ne  fût 
remarqué  de  ce  monarque  soupçon- 
neux. Cependant,  il  eut  besoin  de  pru- 
dence ;  car  il  aimait  beaucoup  le  jeune 
duc  d'Orléans ,  qui  était  as:;ez  mal  à 
la  cour  pour  que  ce  fat  un  crime  d'être 
du  nombre  de  ses  amis.  Louis  XI , 
à  sa  mort ,  ayant  confié  le  soin  de 
gouverner  le  royaume  à  Anne  de  Beau- 
jeu,  sa  fille  aînée  ,  le  duc  d'Orléans, 
premier  prince  du  sang  ,  humilié  d'un 
choix  qui  l'excluait  des  affaires  ,  forma 
un  parti;  prit  les  armes,  clfulyalucu 


24  A  M  C 

et  enferme.  D'Amboise,  qui  s'était  dé- 
clare' pour  lui ,  partagea  son  sort. 
Lorsque  Charles  YIII  commença  à 
régner  par  lui-même  ,  il  rendit  la  li- 
berté au  duc  d'Orléans  ,  qui  acquit 
bientôt  un  grand  crédit  ;  d'Amboise 
suivit  la  nouvelle  fortune  du  duc  ,  et 
obtint  l'archevêché  deNarbonne,  qu'il 
échangea,  en  149^,  pour  celui  de 
Rouen ,  afin  de  se  rapprocher  de  la 
cour.  Le  ministère  de  ce  prélat  pour- 
rait dater  de  cette  époque ,  puisque 
le  duc  d'Orléans ,  qui  était  gouver- 
neur-général de  la  Normandie  ,  lui 
confia  toute  l'autorité ,  et  que  les  heu- 
reuses réformes  qu'il  fit  dans  cotte  pro- 
vince annoncèrent  celles  qu'il  devait 
bientôt  opérer  pour  le  bonheur  du 
royaume.  Charles  VIII  étant  mort  en 
l'année  i4ri8,  sans  laisser  dé^fils,  le 
duc  d'Orléans  monta  sur  le  trône , 
sous  le  nom  de  Louis  XII,  et  le  pou- 
voir que  d'Amboise  exerçait  sur  la 
IN^ormandie  s'étendit  sur  la  France 
entière.  Le  crédit  qu'il  avait  sur  l'es- 
prit du  roi  fut  d'abord  partagé  par 
le  maréchal  de  Gié;  mais  la  reine  et 
M""*.  d'Angoulême  l'ayant  fait  disgra- 
cier ,  d'Amboise  devint  premier  mi- 
nistre ,  et  conserva  ce  titre  et  l'ami- 
tié du  monarque  jussqii'à  sa  mort.  Ou 
trouverait  difficilement,  dansl'histoire, 
im  second  exemple  d'une  faveur  aussi 
long-temps  conservée  ;  mais  il  y  avait 
tant  de  rapports  entre  le  caractère  du 
prince  et  celui  du  ministre  ,  qu'il  se- 
rait difficile  de  dire  lequel  des  deux 
avait  sur  l'autre  le  plus  d'influence. 
Aimant  tous  deux  sincèrement  le 
peuple,  également  économes,  jaloux 
d'obtenir  de  la  gloire  ,  l'ambition  de 
Louis  Xll  fut  toujours  subordonnée  à 
l'honneur;  celle  du  cardinal  d'Amboise, 
toujours  excitée  par  l'espérance  de 
faire  plus  de  bien.  Les  historiens  qui 
lui  ont  reproché  d'avoir  montré  j)eu 
de  capacité  pour  les  affaires  d'çtat, 


À  MB 

ont  oublié  que  la  conquête  dltalie 
était  alors  la  prétention  générale  des 
puissances  de  l'Europe ,  et  qu'il  n'é- 
tait pas  au  pouvoir  du  cardin^,  quand 
bien  même  il  en  aurait  eu  la  volonté, 
de  retenir  Louis  XII ,  qui  réclamait , 
à  juste  titre ,  le  duché  de  Milan  ,  et 
d'arrêter  la  fougue  de  la  noblesse 
française,  qui  ne  voyait  qu'en  Italie 
un  théâtre  digne  de  ses  exploits.  Pour 
juger  les  grands  hommes,  il  ne  faut 
pas  les  séparer  de  l'esprit  de  leur 
temps;  d'ailleurs,  il  est  probable  que 
Louis  XII ,  entouré  d'illustres  guer- 
riers, consultait  peu  d'Amboise  sur 
les  opérations  militaires.  Il  lui  aban- 
donnait l'administration  du  royaume , 
et  il  est  remarquable  que ,  malgré 
tant  de  campagnes ,  dont  le  com- 
mencement fut  toujours  brillant ,  et  la 
fin ,  désastreuse ,  la  France  ne  cessa 
pas  de  jouir  du  plus  grand  repos  ,  et 
que  les  impôts  ,  diminués  à  l'avène- 
ment de  Louis  XII ,  ne  furent  jamais 
augmentés  pendant  son  règne  :  c'est 
en  cela  que  consiste  réellement  la 
gloire  du  ministre.  Il  fit  de  grandes 
réformes  dans  la  législation  ,  pour 
abi  égcr  les  procès ,  et  prévenir  la 
corruption  des  juges  ;  il  mit  de  l'ordre 
dans  les  finances,  et  donna  un  grand 
exemple  de  modération,  en  se  con- 
tentant de  l'archevêché  de  Rouea  , 
dont  il  employait,  en  grande  partie, 
les  revenus  au  soulagcuicnt  des  pau- 
vres ,  et  a  l'entretien  dos  églises.  On 
peut  croire  qu'un  homme ,  qui  ne  se 
démentit  pas  un  instant  dans  la  plus 
hante  prospérité,  ne  souhaitait  ,  en 
ril'ot ,  d'être  pape  ,  que  pour  travail- 
ler à  améliorer  les  mœurs  de  la  chré- 
tienté ;  raais  il  fallait ,  pour  parvenir 
au  Saint-Siège  ,  moins  de  bonhomie 
que  n'en  avait  le  cardinal  d'Amboise. 
11  consentit  à  retirer  les  troupes  fran- 
çaises de  Rome  ,  pour  ne  pas  paraître 
gêner  le*   suffrages  ,   et  le  cardinal 


A  MB 

Julien  de  la  Rovèic ,  qui  lui  donna 
ce  conseil ,  se  fit  e'iiic  à  sa  ])lace,  sons 
le  nom  de  Jules  IL  Le  cardinal  d'Ani- 
boise  avait  été  nommé  légat  du  pape 
en  Fiance  ;  et  c'est  une  chose  vrai- 
ment extraordinaire  que  le  même 
homme  ait  réuni  les  fonctions  de  pre- 
mier ministre  et  de  légat ,  sans  que 
la  France  et  la  cour  de  Rome  aient 
jamais  eu  à  lui  faire  le  moindre  re- 
proche. Il  mourut  à  Lyon  ,  le  2  5  mai 
1 5 10  ,  dans  le  couvent  des  céiestins  , 
à  l'âge  de  cinquante  ans.  Son  corps 
fut  transporté  à  Rouen ,  où  l'on  voit 
encore  le  mausolée  qui  lui  fut  éli  vé 
dans  la  cathédrale.  On  dit  qu'il  répé- 
tait souvent  au  frère  infirmier  qui  le 
servait  dans  sa  miladie:  «  Frère  Jean, 
»  que  n'ai-je  été  toute  ma  vie  frère 
»  Jean  I  »  Il  ne  faut ,  au  reste  ,  rien 
conclure  de  ces  paroles  contre  la  mé- 
moire de  ce  ministre.  A  l'article  de  la 
mort,  les  grandeurs  sont  jugées  plus 
sévèrement  par  les  hommes  modérés 
que  ])ar  les  ambitieux.  Le  cardinal 
d'Amboise  a  été  adoré  des  Français  , 
qui  l'appelaient  le  Père  du  Peuple^ 
litre  qu'ils  donnaient  également  à 
Louis  XII.  On  peut  ,  aujourd'hui , 
condamner  la  politique  de  ce  ministre, 
surtout  à  l'égard  du  traité  de  Blois  , 
conclu  en  i5o4,  et  qu'il  ne  signa, 
peut-être  ,  qu'avec  la  conviction  que 
les  états  du  royaume  s'opposeraient 
à  ce  qu'il  fût  exécuté;  mais  que  peut-on 
opposer  à  la  reconnaissance  de  ses 
contemporains  ,  et  aux  larmes  d'un 
roi  dont  il  fut  37  ans  l'ami,  surtout 
quand  ce  roi  est  compté  ,  par  la  pos- 
térité ,  au  nombre  des  meilleurs  qui 
aient  gouverné  la  France  ?  Le  cardi- 
nal d'Amboise  eut  deux  frères  aînés  , 
également  recomœandablcs  paj-  leurs 
talents  et  par- leurs  vertus;  le  premier 
était  Charles  d'Amboise ,  sieur  de 
Chaumoivt  {F.  ce  nom);  le  second 
était  Aimery  d'Amboise ,  grand-maître 


A  MB  25 

de  Rhodes  ,  en  i5o3  ,  célèbre  par  la 
victoire  navale  qu'il  remporta ,  en 
1 5 1 0  ,  près  de  Monténégro  ,  sur  le 
Soudan  d'Egypte  ,  et  à  laquelle  il  ne 
survécut  que  deux  ans.  C'était  un 
prince  sage,  habile  dans  le  gouver- 
nement ,  et  heureux  dans  toutes  ses 
entreprises.  F — e. 

AMBOISE  (  François  d')  ,  fils  de 
Jean  d'Amboise ,  qui  fut  chirurgien  des 
rois  François  \".,  Henri  II,  Fran- 
çois II,  Charles  IX  et  Henri  ill,  na- 
quit à  Paris,  en  i55o.  Charles  IX  fit 
élever  à  ses  frais  le  jeune  d'Amboise  , 
qui ,  après  avoir  terminé  ses  études 
dans  les  belles -lettres,  et  les  avoir 
même  professées ,  les  abandonna  pour 
se  livrer  au  barreau,  où  il  se  fit, 
comme  avocat,  une  grande  réputation. 
Henri  III ,  appelé  au  trône  de  Pologne, 
le  choisit  pour  l'accompagner  dans  ses 
nouveaux  états,  et,  à  la  demande  de 
ce  prince,  d'Amboise  en  fit  la  descrip- 
tion. De  retour  en  France,  il  occupa 
successivement  différentes  places  daus 
la  haute  magistrature  :  il  fut  nommé 
conseiller -d'état  en  1604,  et  mourut 
en  1620.  Les  lettres  ne  furent  qu'un 
délassement  pour  d'Amboise,  et  il  y 
renonça  de  bonne  heure  pour  s'oc- 
cuper de  sa  fortune.  Ses  ouvrages ,  mal 
indiqués  par  La  Croix  du  Maine  et  par 
Du  Yerdier ,  le  sont  plus  exactement 
par  Niceron,  t.  XXXIII.  En  voici  les 
principaux  :  I.  Notable  Discours  , 
en  forme  de  dialogue,  touchant  la 
%'raie  et  parfaicte  rtwu'fiV,  traduit  de 
l'italien  de  Piccolomini,  Lyon,  1077, 
in-16".  ;  IL  Dialogue  et  Devis  des 
Damoiselles ,  pour  les  rendre  ver- 
tueuses et  bienheureuses  en  la  vraye 
et  parfaicte  amitié ,  Paris  ,  1 58 1  et 
i583,  in-16;  m.  Regrets  facétieux 
et  plaisantes  Harangues  funèbres 
sur  la  mort  de  divers  ammaulx,ti'3i- 
duit  de  l'italien  d'Ortensio  Lando, 
Piins,   1576,  in-16,  i583,  io-12: 


•1(5  A  M  13 

CCS  trois  ouvrages  ont  ete  publics  son* 
le  nom  de  Tiiicrry  de  Tiiyoïophile, 
gentilhomme  Picard  ;  IV.  Les  iVVVi- 
jjolitaines  ,  comédie  fra?icaise  fort 
facétieuse ,  sur  le  sujet  d'une  his- 
toire d'un  Espagnol  et  un  Fran- 
çois,  Paris,  i584,  in-ifj;  V.  une 
Édition  des  OEuvres  d'AbaiJard.(  f^. 
Abailard  )  VI.  :  Désespérades  ,  ou 
Eglogues  amoureuses  j  esquilles  sont 
au  vif  dépeintes  les  passions  et  le 
désespoir  d' Amour ,  Vàv\Sj  ï'>72, 
ïn-8".  —  Son  Irèrc  puîné',  Adrien, 
lie  à  Paris  en  ijji  ,  mort  à  Tre- 
guier,Ie  ySj.iiilî't  i(3i6,  successive- 
ment recteur  de  Tiiniversite',  grand- 
maître  du  collège  de  Navarre ,  curé 
de  St.-Andre-des-Arcs,  et,  en  1604  , 
evcque  de  Tre'guier,  avait  compose, 
dans  sa  jeunesse ,  une  pièce  intitulée  : 
Jlolopherne  ,  tragédie  sainte  ,  ex- 
traite do  l'histoire  de  Judith ,  Paris , 
i5(So,  in-8'.  Il  mourut  le  28  juillet 
1 G 1 6.  R— T. 

AMBOISE  (  Jacqut- s  d'  ) ,  frère  des 
deux  précédents  ,  embrassa  d'abord 
la  profession  de  son  père ,  puis  se  fit 
recevoir  docteur  en  médecine.  En 
ï594.  après  la  réduction  de  Paris 
sous  l'obéissance  de  Henri  IV,  il  de- 
vint recteur  de  l'université  ,  qu'il 
trouva,  dit  Crévier,  dans  le  plus  grand 
état  de  délabrement,  et  qu'il  laissa 
florissante.  Ce  fut  sous  son  rectorat 
que  cette  compagnie  prêta  serment 
de  fidélité  à  Henri  IV.  Ce  serment 
avait  éié  précédé  d'une  démarclie 
spontanée ,  faite  par  une  partie  de  la 
Sorbonne  ,  le  recteur  à  la  tète,  pour 
iiller  implorer  la  clémence  du  roi 
(  samedi  2  avril  i5cf{  ),  et  f-it  rédige 
<lans  une  assemblée  générale  de  l'uni- 
versité, eu  présence  de  l'archevêque 
fie  Bourges  ,  le  vendredi  22  avril 
ï  694 ,  et  signé  d'un  grand  nombre 
He  docteurs  en  lii.éologie.  On  en  trou- 
vera la  teneur  dans  le  Journcd  de 


A  M  15 
l'Etoile,  tom.  îï ,  p.  55.  D'Araboise 
ayant  élé  conlinué  dans  sa  dignité, 
l'université  rcpiit,  avec  clialeur,  sou 
ancien  procès  contre  les  jésuites,  et 
dont  le  résultat  fut  leur  expulsion. 
J.  d'Amboise  se  signala  par  un  zèle 
ardent  dans  cette  affaire ,  et  alla  jus- 
qu'à les  accuser  ,  dans  une  harangue 
pu])lique  ,  d'être  les  ennemis  de  la  loi 
saii(juc  et  de  la  maison  rovale.  Il  mou- 
rut, de  la  peste,  en  jGoO.  On  a  de 
li'.i  :  T.  Orationes  duce  in  senalu  ha- 
hitv  pro  unii'ersis  academiœ  ordi- 
nibusy'n  Clarom.ontenses ,  qui  se  je- 
suitas  dicunt,  oii  il  déploya  beaucoup 
d'auimosité, Paris,  1095,  in-S".;  II. 
Questions  médicales ,  citées  dans  la 
Bibliothèque  de  la  médecine  ancien- 
ne et  moderne,  par  Carrcre.  N — l. 
AMBOISE  (  Micnr.LD'),  écuyer, 
qui  prenait,  entête  de  ses  ouvrages, 
le  titre  de.  seigneur  de  Chefi  lion ,  était 
fils  naturel  de  Cliaumont  d'Amboise  , 
amiral  de  France,  et  lieutenant  général 
du  roi  en  Lombardie.  Il  naquit ,  à  Na- 
pies,  dans  les  premières  anufîcs  du  i(>% 
siècle.  A  peine  au  sortir  du  berceau,  sou 
père  l'cnvova  à  Sagonne ,  dont  il  était 
seigneur ,  pour  y  être  élevé  avec  Geor- 
ges d'Amboise,  son  (ils  légitime ,  qui 
n'étaitgiièreplusàgéquelni.  En  i5i  1, 
Michel  perdit  son  père ,  qui  l'aimait 
tendrement,  et  cette  mort  fut  si  pré- 
cipitée, que  ce  dernier  n'eut  pas  le 
temps  de  faire  des  dispositions  en  sa 
faveur.  Amené  à  Paris ,  peu  de  temps 
a])rès,  on  le  fit  étudier  avec  son  frère 
Georges,  qui  avait  pour  \vÀ  beaucoup 
d'amitié.  Ses  parents,  qui  le  desti- 
naient au  barreau,  le  mirent  chez  un 
procurenr;  mais  ,  au  lieu  de  s'appli- 
quer à  l'élude  du  droit,  Michel  suivit 
son  penchant  pour  la  poésie,  et, 
malgré  les  rcprésenlations  qui  lui  fu- 
rent faitrs,  et  le  peu  de  surcès  qu'ob- 
tinient  ses  premiers  ouvrages  ,  il 
cor*iniia  de  rimer  en  dépit  de  l\Ti»: 


A  u  i; 

nervc  et  dcses  prirenîs,  qui  l'abanîcn- 
nèrent.  La  bataille  dcPavie  lui  enleva 
son  frère,  et,  par  cette  perte,  il  fut 
prive  de  tout  secours.  S'c'taiit  ensuite 
marie'  avec  une  demoiselle  de  condi- 
tion ,  sans  fortune ,  il  fut  renvoyé'  de 
chez  le  seigneur  de  Barbezieu-»; ,  son 
parent.  Il  perdit ,  au  bont  de  deux  ans 
de  mariage ,  son  épouse  et  un  fils 
qu'elle  lui  avait  donne.  De  nouveaux 
chagrins  vinrent  encore  l'assaillir;  il 
fut  enferme'  deux  fois ,  et  manqua  sou- 
vent du  nécessaire.  Tant  de  mallieius 
ai)régèrent  ses  jours,  et  il  cessa  de 
vivre,  ou  plutôt  de  souftrir,  à  la  fin 
de  l'année  1547.  ^'  "'^  ^'^^^^  chercher, 
dans  les  poésies  d'Araboise,  ni  élé' 
gance ,  ni  finesse ,  ni  élévation  ;  ce 
n'est,  proprement,  qu'une  prose  ri- 
mée.  Il  avait  beaucoup  de  facilité  ; 
mais ,  travaillant  pour  vivre ,  il  ne 
corrigeait  jamais  ses  productions ,  dont 
on  trouve  la  liste  dans  les  Bibliothè- 
}jues  francoises  de  La  Croix  du 
Maine  ^  et  de  Goitjet ,  tom.  X,  ainsi 
que  dans  le  XXXIÎi  .  vol.  de  Niceron  ; 
miis,  ces  auteurs  s'étant  trompés  dans 
le  catalogue  qu'ils  en  ont  iircseutc,  nous 
allons  le  rétablir  :  I.  Complaintes  de 
l'Eschweforluné,  Paris,  i  t^'xc) , in-S".; 
lî.  la  Panihaire  de  VEsclcwe  for- 
tuné,  Paris,  i55o  ,  in-8°.,  fig-OH. 
les  Bucoliques  de  Baptiste  Mantuan  y 
traduites  du  latin  en  rime  française  , 
Paris,  i55o,  in-4'';  IV.,  cent  Épi- 
grammes  ,  traduites  du  Mantuan ,  et 
la  Fable  de  Biblis  et  de  Caunus , 
traduite  d'Ovide,  Paris,  iï5'î,  in- 16 
et  in-8\;  YAes  Epistres  vénériennes 
de  l'Esclave  fortuné ,  Paris,  i532, 
1  ") 5 4  et  1 536 ,  in-B".  :  ces  épîtres  sont 
des  plaintes  ou  des  demandes  d'amour, 
des  morts  métaphoriques,  où  l'auteur 
s'exprime  avec  une  licence  exti'éme; 
W.h  Bahrlon,  autremeiit,  la  Con- 
fusion de  V Esclave  fortuné ,  Pai;^, 
1 531 ,  in-  !  G  et  in-S"',  sans  daf?  i 


le  Blason  de  la  d^nt ,  dars  le  rrrueii 
intitulé  :  les  Blasons  anatomiques  dit 
corps  féminin;  cette  pièce  a  été  réim- 
primée dans  le  recueil  de  Blasons  pu- 
blié ri  Paris,  en  1808,  in-8".;  VIII. 
les  Contre- Epîstre s  d'Ovide  ,  Paris  , 
i54<3,  in-iO  et  l'y.;  IX.  Secret  d'a- 
mours ^  Paris,  i5|^,  in-8"'.;  X.  le 
Guidon  des  gens  de  guerre^  Paris, 
1543,  in-S".;  c'est  le  seul  recricil  en 
prose  de  Michel  d'Amboise;  W.Dé- 
ploratinn  de  la  mort  de  messire 
Guillaume  du  Belh.y ,  seigneur  de 
Langey.,  Paris ,  1 545 ,  poème  en  vers 
héroïques  ;  XII.  quatre  Satires  de 
Ju vénal  (  les  8,  10,  11  et  1 5  ),  trans- 
latées en  rime  françoise,  Paris,  1  544'> 
in-t6;  XIII.  le  Ris  de  Démocrilc  et 
le  pleur  d' Heraclite  sur  les  folies  et 
misères  de  ce  monde ,  tradiiit  de 
ritaiieu  d'Antonio  Phileremo  Fregcso . 
en  riinefrançoise,  Paris,  1 547  '  ^'''"8"'-. 
et  Rouen  ,  i55o  ,in-i5;  XÏV.  et  enfin 
uns  traduction  mi  lo".  livre  des  rJé- 
tamorphoscs  d'Ovide.  Micl.el  d'Am- 
boise avait  pris  pour  surnom  on  pour 
devise  Vépitbète  à^Esclave  fortuné, 
c'est-à-dire ,  d'homme  sujet  ou  exposé 
aux  inconstances,  aux  variations  et 
aux  caprices  de  la  fortune.  ïi — t. 

AMBRA  (  François  d  ) ,  noble  flo- 
rentin ,  fut  consul  de  l'académie  de 
Florence,  en  1 549,  et  y  fit  souvent  des 
lectures  publiques  ;  il  composa  trois 
Comédies,  qui  sont  citées,  comme 
de  langue,  d;ins  le  Victionnaire  de  la 
Crusea,  et  mourut  en  i558.  Ses  Co- 
médies furent  iniprimées  à  Florence, 
après  sa  mort  ;  sivoir  :  Il  Furio  ,  en 
prose ,  I  5()o  ;  La  Cofanaria ,  en  vers 
lij)res  (  sciolti  ) ,  avec  des  intermèdes , 
représentée  aut  fêtes  de  François  de 
Médicis  et  de  Jeanne  d'.\utriche,  1 56 1  j 
/  Bemardl ,  en  vers  libres  ,  1 565. 
Elles  ont  toutes  été  réimprimées  plu- 
sieurs fois.  G — É. 

AMBROGI  (  A.NTOiNE- Marie  )  , 


aS  A  M  C 

ji'Siiite  italien ,  célèbre  clans  le  ï  8*.  siè- 
cle ,  naquit  à  Florence,  le  1 3  juin  l '^  i3. 
il  remplit  pendant  trente  ans  ,  avec 
distinction,  la  chaire  d'éloquence  et  de 
poésie  dans  l'iiniversitéde  Rome,  alors 
florissante,  La  plupart  des  jeunes  gens 
qui  se  firent,  depuis,  un  nom  dans 
les  lettres,  lui  durent  leur  instruction. 
Sa  traduction  de  Vir<i;ile  en  vers  blancs, 
ou  non  rimes  (  sciolti  ) ,  fut  maguifi- 
quemenl  imprimée  à  Rome ,  en  3  vol. 
in-ful.,  i-jGj.  Elle  est  accompagnée 
de  dissertations  savantes ,  de  variantes 
et  de  notes  ,  ornée  de  gravures  d'après 
les  peintures  du  superbe  manuscrit  du 
Vatican  ,  qui  fait  aujourd'hui  partie 
de  ceux  de  la  BibHothèque  impériale , 
et  d'après  les  monuments  antiques  les 
plus  célèbres  ,  édition  devenue  assez 
rare  ,  et  justement  recherchée.  On  a 
imprimé ,  avec  la  même  magnificence , 
sç:B  traductions  des  deux  poèmes  la- 
îins  du  jésuite  Noceti ,  De  ir'ule ,  et 
De  aurord  boreali.  Il  a  traduit  du 
français  quelques  tragédies  de  Vol- 
taire, Florence,  1752;  et, comme  j)Our 
former  un  contraste,  V Histoire  du 
Pélagianisme ,  du  jésuite;  Patouillet. 
Lufin  ,  on  a  de  lui:  f.  la  Traduction 
des  lettres  choisies  de  Cicéron  ;  II.  un 
Discours  latin ,  In  elecdoneJoseiilii  II 
Jîonianorum  régis  ;  lil.  Mnsœuni  Kir- 
cheriaiuim,  Rome,  i  -jO 5, "3,  vol. in-fol. , 
contonant  la  description  et  l'explica- 
tion de  ce  musée,  confié,  pendant  plu- 
sieurs années  ,  à  ses  soins  ,  et  que  le 
cirdiual  Zclada  a  encore  enrichi  de- 
puis. Ambrogi  a  laissé  de  plus  un 
poërae  latin  inédit  sur  la  culture  des 
citronniers.  Sa  douceur  et  la  bonté  de 
son  caractère  le  faisaient  généralement 
aimer.  11  mourut  à  Rome  eu  n88. 
G—k. 
AMBROGIO  ,  ou  AMBllOlSE 
(Thésée)  ,  savant  orieutali-te  itahen  , 
au  i6\  siècle,  était  de  la  noble  famille 
des  comtes  d'Albauèse ,  dans  la  Lo- 


AMB 

melline  ,  près  de  Pavic.  Né  en  1 4^(>, 
on  d  t  qu'il  a^ait  à  peine  1 5  mois  qu'il 
parlait  avec  beaucoup  de  promptitude 
et  de  netteté,  et  qu'à  1 5  ans ,  il  parlait 
et  écrivait  en  italien  ,  en  latin  et  en 
grec  ,  comme  les  savants  les  plus  con- 
sommés dans  ces  trois  langues.  11  entra 
jeune  dans  l'ordre  des  chanoines  ré- 
guliers de  St.- Jean  ;  mais  il  ne  se  rendit 
à  Rome  qu'en  1 5 1 2.  Le  5  ".  concile  gé- 
néral de  Latran  y  avait  attiré  plusieurs 
religieux  orientaux ,  maronites  et  sy- 
riens. 11  saisit  cette  occasion  d'appren- 
dre leurs  langues  ,  et  y  devint  bientôt 
assez  savant  pour  conférer  avec  les 
orientaux  les  plus  habiles.  Ces  langues 
lui  ouvrirent  l'accès  de  toutes  celles 
de  l'Orient.  II  en  savait  1 8 ,  et  les  par- 
lait aussi  facilement,  que  si  chacune  eût 
été  sa  Langue  naturelle.  Léon  X  le  char- 
gea d'enseigner  publiquement ,  dans 
l'université  de  Bologne  ,  le  sviiaque 
et  le  caldéen.  Quelques  années  après  , 
il  conçut  le  projet  de  publier  un  Psau- 
tier en  langue  caldéenne,  avec  un  Trai- 
té sur  cette  langue ,  et  sur  les  rapports 
que  plusieurs  autres  langues  ont  avec 
elle.  Il  s'était  retiré  pour  cela  dans  sa 
patrie,  où  il  rassembla  les  planches  et 
les  caractères  nécessaires  cà  ce  dessein , 
lorsqu'en  i5a7,  ce  pays,  ayant  étépris 
par  les  troupes  françaises  ,  fut  mis 
au  pillage  pendant  huit  jours;  leçon-- 
vent  011  habitait  Ambroisc  fut  pillé 
comme  les  autres  ;  ses  planches ,  ses 
caractères,  ses  manuscrits,  caldccns, 
syriaques ,  hébreux  et  grecs ,  qu'il  avait 
recueillis  à  grands  frais ,  furent  dis- 
persés et  perdus.  11  retiouva  cepen- 
dant, cinq  ans  après,  son  Psautier 
caldéen ,  raiais  gâté  et  à  moitié  déchiré , 
dans  la  boutique  d'un  charcuitier.  11 
reprit  de  nouveau  le  projet  de  le  pu- 
l)!ier  ,  et  se  rendit  à  Venise  ,  oii  il  se 
lia  d'amitié  avec  le  célèbre  Guillaume 
Pustel.  Celui-ci  lui  dut  l'idée  de  l'o- 
pWfUl^qu' il  publia  quelques  aanécs 


AMB 

après,  en  Ffance,  intitule:  Lin^iia- 
ruTïi  X  characterihus  diffcreniluin 
alphabetuin,  inlrodiiclio ,  ac  Icgendi 
melhodus.  Aiubroise ,  ayaut  lenoucë  à 
son  Psautier  caldéen,  termina  enfin 
son  Introduction  aux  langues  cal- 
déenne,  syriaque,  Cirménienne ,  etc., 
et  la  fit  imprimer  ,  à  Pavie ,  en  1 559. 
Il  y  mourut  un  an  après  ,  âç^e  de  ■j  o 
ans.  G— E. 

AMBROISE  (  S.  ) ,  Père  de  l'Église, 
naquit  vers  l'an  040.  Son  père  était 
préfet  du  prétoire,  l'une  des  quatre 
premières  ilit!;nités  de  l'empire ,  et , 
comme  préfet  des  Gaules ,  il  résidait  à 
Arles  ,  à  Lyon  ou  à  Trêves  ;  mais  plus 
souvent  dans  cette  dernière  viile,  ce 
qui  fait  croire  que  S.  Ambroise  y  vint 
au  monde.  Les  présages  les  plus  heu- 
reux cuviionnèrcnt  son  berceau;  on 
raconte  qu'un  essaim  d'abeilles  cou- 
vrit son  visage,  lorsqu'il  donnait  dans 
la  cour  du  prétoire,  et  que  la  nour- 
rice inquiète  ,  s'cfant  liàté  de  chasser 
celles  qui  entraient  dans  la  bouche 
d' Ambroise,  fut  très -étonnée  de  les 
voir  sortir  sans  faire  aucun  mal  à  l'en- 
fant. Le  ])èie  d'AmJn-oise ,  qui  se  rap- 
pelait ,  sans  doute  ,  que  toute  l'anti- 
quité avait  attribué  à  un  semblable 
prodige  la  douceur  et  le  charme  qui  ca- 
ractérisèrent les  discours  de  Platon , 
voulut  qu'on  attendît  avec  coiitîancc 
la  fin  de  ce  présage ,  et  les  abeilles  , 
après  avoir  vo'.tigé  quelque  temps  au- 
tour de  l'enfant,  s'élevèrent  dans  les 
airs.  Sa  famille  crut  dès-!ors  qu'il  était 
appelé  à  quelque  chose  de  grand.  On 
dit  encore  qu'étant  ta  Rome,  où  sa 
mère  et  sa  sœur  s'étaient  retirées  après 
la  mort  de  son  père  ,  il  leur  présenta 
un  jour  sa  main  à  baiser,  disant  qu'il 
devir?udrait  évèquc.  L'éducation  d'Am- 
broise  fut  conforme  à  son  rang,  et  aux 
cspéiances  qu'avaient  fait  naître  ses 
premières  années;  les  maîtres  les  plus 
liabilcs  lui  enseignèrent  les  scicuces , 


et  il  fut  formé  à  la  vertu  par  les  le- 
çons ,  et  surtout  par  les  exemples  tou- 
chants de  sa  mère  et  de  sa  sœur  ,  Ste. 
IVlarcelline,  qui  avait  reçui,  des  mains 
du  pape  Libère,  le  voile  des  Vierges* 
Ambroise  quitta  Rome ,  lorsque  ses 
études  fuvent  terminées,  et  vint  à  Mi- 
lan ,  avec  5on  frère  Salyrus.  Ils  sui- 
virent l'un  et  l'autre  la  cairière  du 
barreau.  Ambroise  s'y  montra  avec 
tant  de  réputation ,  que  Petronius  Pro- 
bus  ,  préfet  d'Itahe  et  d'Iliyrie ,  le  mit 
au  nombre  de  ses  assesseurs  ,  et  l'éta- 
blit ,  peu  de  temps  après  ,  gouver- 
neur des  provinces  consulaires  dt?  la 
Liguiie  et  de  l'Emilie,  qui  compre- 
naient tout  le  pays  qui  s'étend  depuis 
les  Alpes  jusqu'cà  la  Méditerranée,  la 
Toscane,  l'Adige  et  l'Adriatique.  Lors- 
que l'empereur  Vaienlinien  eut  con- 
firmé ce  choix ,  et  qu'il  v  eut  ajouté  la 
dignité  du  consulat  ,  le  préfet  Probus 
dit  à  Ambroise,  comme  il  partait  pour 
son  gouvernement  :  «  Allez ,  et  agissez, 
»  non  en  juge,  mais  en  évèquc.  »  Le 
vertueux  Probus  avait  vu  avec  peine 
la  sévérité  dont  usaient  la  plupart  des 
gouverneurs  ,  à  l'exemple  de  Valeu- 
tinicu.  Ambroise  retint  cette  belle  le- 
çon ,  qui  convenait  si  bien  à  son  ca- 
ractère. Sa  douceur  et  sa  sagesse  lui 
gagnèrent  l'estime  et  rattachement 
des  peuples ,  dans  un  temps  où  l'Ita- 
lie et  le  pays  de  ?Jilan ,  surtout,  étaient 
déchirés  par  les  troubles  et  les  furem'S 
de  i'arianisme.  Auxence,  que  les  ariens 
avaient  placé  sur  le  siège  de  IMilan , 
après  en  avoir  éloigné  S.  Denis ,  ve- 
nait de  mourir.  Les  évêques  de  la 
province  s'étaient  asserab'és  ,  et  deli^ 
béraient  sur  le  choix  d'un  successeui*. 
Les  catholiques  et  les  ariens  deman- 
daient, les  uns  et  les  autres ,  un  évê- 
que  de  leur  croyance  ;  une  sédition 
violente  s'était  élevée  ;  on  était  sur  le 
point  d'en  venir  aux  mains  ,  lors- 
qu'AjsibrQise  se  rendit  à  l'église  pour 


5o  A  M  ij 

faire  cesser  !e  lumulte  ;  son  éloquence 
émut  tous  les  cœ.u  s.  Ou  dit  qu'un  en- 
fant s'e'tant  écrié  :  Jmhroise  évéqiie  ! 
un  cri  unanime  se  fit  entendre,  et  que 
tous,  ariens  et  catholiques,  le  deman- 
dèrent pour  pasteur.  Aiubroise, étonné 
et  interdit ,  sort  de  l'éj^Iise ,  et  ne  songe 
qu'aux  moyens  d'éioigner  le  fardeau 
redoutable  qu'on  veut  lui  imposer; 
contre  sa  coutume  ,  il  fait  donner  la 
question  à  quelques  accusés  ,  espé- 
rant qu'on  le  taxera  de  cruauté  et  de 
barbarie  j  il  mène  une  vie  retirée; 
jnais  le  peuple  continue  de  l'appeler 
à  p,rands  cris  ;  il  pousse  l'indiscrétion 
de  son  zèle  jusqu'à  faire  venir  chez  lui 
des  femmes  publiqu."s,  et  cependant 
on  demeure  toujours  convaincu  et  de 
la  Dureîé  de  ses  mœurs  et  de  la  subli- 
milé  de  sa  vocation.  Il  s'enfuit  pen- 
dant la  nuit,  et  croit  prendre  le  che- 
min de  Pavie  ;  mais  le  lendemain ,  il 
se  retrouve  aux  portes  de  IMilan.  il 
va  chercher  un  asyle  dans  la  terre  de 
l'illustre  Léonce,  son  ami,  et  Léonce 
le  découvre  lui-même.  Enfin  ,  on  l'ar- 
rête par  ordre  de  l'empereur,  qui  était 
ravi  qu'on  trouviàt  dans  celui  qu'il 
avait  nommé  p;ouverneur,  toutes  les 
qualités  d'un  évêque.  Valentinien  en- 
voya l'ordre  au  vicaire  d'Italie  de  faire 
ordonner  Arabroisc  ,  qui  fut  baptisé  ; 
car  il  n'était  encore  que  cathécumèno, 
et  reçut  la  consécration  des  évèqnes, 
Imit  jours  après  son  baptême.  C'est 
cette  ordination  que  les  Grecs  et  les 
Latins  célèbrent  encore  aujourd'hui 
le  T  déceinbrc.  Ambroise  ,  élevé  à'à'é- 
piscopat  d  une  manière  aussi  extraor- 
dinaire, ne  tarda  pas  à  répandre  au 
loin  l'éclat  des  plus  sub'imes  vertus. 
S.  Basile,  du  fond  de  l'Orient ,  s'esti- 
mait heureux  de  correspondre  avec 
lui  ,  et  les  deux  jeunes  empereurs , 
Graticn  et  Valentinien  ,  qui  avaient 
succédé  à  Vaicnliiàcn  P"".,  le  regar- 
daieol  coijame  leur  père  :  Justine  ello 


A  II  B 

même  ,  malgré  son  attachement  à  l'a- 
rianisme  ,  révérait  Ambroise  ,  et  eut 
souvent  recours  à  lui  dans  des  con- 
jonctures difficiles.  Ou  vit  venir  ,  de 
difFJrentes  viUes  d' Italie ^  et  même  de 
la  Mauritanie  ,  une  foule  de  vierges 
c|ui  demandaient  à  recevoir  le  voile 
de  sa  main  ,  et  ce  fut  à  cette  occa- 
sion qu'il  composa  ses  trois  livres  des 
ridrges  ,  et  son  Traité  de  la  Fir^ 
ginite.  Les  Goths ,  vainqueurs  de  Va- 
iens ,  qui  avait  péri  malheureusement, 
ravageaient  la  ihrace  et  l'illvrie,  et 
poussaient  leurs  courses  jusqu'aux  Al- 
pes. Ambroise  prodigua  des  secours 
aux  peuples  qui  fuvaient  les  contrées 
ravagées  par  les  Barbares  ,  et  vendit 
jiis(pi',uix  vases  sacrés  pour  racheter 
les  captifs.  Le  jeune  Gratien,  qui  était, 
par  ses  vertus  ,  l'espoir  de  l'empire 
et  de  l'Église ,  fut  cruellement  massa- 
cré à  Lyon,  le  '^5  août  585,  aban- 
donné de  ses  gens ,  qui  se  rangè- 
rent du  parti  du  tyran  jNIaxime,  et 
ce!iîi-ci,  à  la  tête  de  forces  redouta- 
bles ,  menaçait  à  la  fois  l'Italie ,  le 
jeune  Valentinien  ,  frère  de  Gratien  , 
cl  Justine  leur  mère.  Justine  eut  re- 
cours à  Ambroise.  Le  saint  évêque 
part  aussitôt  pour  Trêves,  où  résidait 
Maxime,  et  ,  sans  vouloir  communi- 
quer avec  lui  dans  les  choses  spiri- 
tuelles, parce  qu'il  était  coupable  du 
meurtre  de  Gratien ,  il  conclut ,  après 
une  année  de  séjour,  un  traité  qui  as- 
surait la  paix  à  l'Italie.  Justine  ,  mé- 
connaissant les  services  dont  elle  était 
redevable  à  S.  Ambroise ,  profita  de 
cette  paix  pour  lui  susciter  mille  tra- 
verses, en  exigeant  de  lui  qu'il  permît 
aux  ariens  d'avoir  une  égli,se  à  Milan. 
Il  eut  à  lutter ,  pendant  plusieurs  an- 
nées ,  contre  l'audace  et  les  intrigues 
des  sectaires ,  contre  les  menaces  et  les 
persécutions  de  tout  genre;  mais  le  ciel, 
qui  se  montra  toujours  favorable  aux 
pieux  desseins  de  cet  intrépide  défen- 


seur  de  la  foi,  lui  accorda  eufiu  un 
triomphe  que  promettait  sa  lerraclé  , 
et  que  faisaient  désii  er  ses  vertus.  Am- 
broise  ne  fat  plus  inquiète'  au  sujet  de 
l'arianisme.  Ce  fut  à  cette  occasion 
qu'il  composa,  dit -on,  ce  beau  can- 
tique d'actions  de  grâces,  ce  Te  Deuin, 
que  toutes  l^s  sectes  chrétiennes  ont 
retenu;  mais  une  sage  critique  nous 
porte  à  croire  que  cet  hymne,  si  jus- 
tement admire',  est  d'un  auteur  phis 
récent ,  dont  le  nom  ne  nous  a  point 
été  conservé.  Anibroise  profita  du  re- 
pos dont  i!  jouissait  pour  travailler  à 
plusieurs  ouvrages  utiles.  Il  eut  la  con- 
solation de  donner  alors  le  baptême  à 
Augustin  ,  qui  fut  admis  au  sacrement 
des  chrétiens  ,  avec  son  fils,  le  jeune 
Adeodat ,  et  son  ami  Alypius.  Cepen- 
dant Maxime  menaça  encore  une  fois 
l'Italie ,  et  Ambroise ,  député  vers  lui, 
par  l'impératrice  Justine,  ne  put ,  pour 
cette  fois ,  garantir  cette  contrée.  Maxi- 
me passa  les  Alpes.  Théodose  ,  suc- 
cesseur de  Valens ,  après  plusieurs 
avantages  remportés  sur  Maxime ,  qui 
fut  tué  en  588  ,  rétablit  Valentinien 
dans  ses  états,  et  dans  ceux  que  Gra- 
tien  avait  occupes.  11  vint  à  Milan  ,  et 
fut  reçu ,  par  le  peuple  et  par  l'évè- 
que ,  comme  un  libérateur.  Deux  ans 
s'étaient  à  peine  écoulés  depuis  ces 
heureux  «véuements ,  que  le  cœur  du 
saint  évêque  fut  déchiré  par  la  nou- 
velle du  massacre  de  Thessalonique, 
ordonné  par  Théodose  (  F.  ce  nom  ). 
Ambroise,  qui  avait  obtenu  autrefois 
la  grâce  des  habitants  de  cette  \-ille , 
apprenant  la  manière  terrible  dont  ils 
venaient  d'expier  cette  seconde  sédi- 
tion ,  fut  accablé  de  la  plus  profonde 
douleur.  Dans  son  prouiier  chagrin  , 
il  s'abstient  d'écrire  à  Théodose  ,  qui 
avait  quitté  Milan  quelques  jours 
avant  le  massacre.  Il  sort  de  la  viile, 
souffrant  et  malade  ,  et  va  se  livrer , 
ditnâ  le  silence  de  la  campagne  ,  au 


AMB  5i 

chagrin  qui  l'accable ,  et  au  regret  de 
n'avoir  pas  empêché  l'exécution  de 
cet  ordre  barbare.  Enfin  ,  au  bout  de 
quelques  jours  ,  il  écrit  à  Théodose 
une  kstre  touchante ,  où  il  lui  repré- 
sente l'énormité  de  son  crime ,  et  lui 
dit  que  le  péché  ne  s'efKice  que  par 
les  larmes.  H  l'avertit  qu'il  ne  peut 
offrir  le  sacrifice  ,  si  Théodose  veut  y 
assister.  Cependant ,  quelque  temps 
après,  l'empereur,  de  retour  à  Milan, 
\oulut  se  présenter  à  l'église  où  offi- 
ciait S.  Ambroise.  Le  saint  pontife  s'a- 
vance vers  lui  pour  le  retenir,  et  lui 
représente  que ,  d'après  les  règles  de 
la  discipline  ,  il  ne  lui  est  pas  permis 
d'entrer  dans  le  temple.  L'empereur 
cherche  à  excuser  son  crime  ;  il  rap- 
pelle le  pardon  accordé  autrefois  au 
roi  David.  «  Vous  l'avez  imilé  dans 
»  son  péché,  répond  Ambroise,  imi- 
»  tez-le  dans  sa  pénitence.  »  Théo- 
dose s'abstint  d'aller  à  l'église  pen- 
dant huit  mois  entiers;  il  se  soumit 
à  la  pénitence  pnbhque,  et ,  pour  pré- 
venir dans  la  suite  les  funestes  effets 
de  la  colère  des  princes ,  d  signa ,  à 
la  demande  d'Ambroise  ,  une  loi  qui 
ordonnait  de  suspendre  ,  pendant 
trente  jours  après  la  sentence  ,  les 
exécutions  des  coupables  condamnés  à 
la  peine  capitale.  Théodose,  récon- 
cilié avec  l'Eglise,  fut  toujours,  depuis, 
l'ami  de  S.  Ambroise;  il  vengea,  par- 
la défaite  du  tyran  Eugène ,  la  mort 
du  jeune  Valentinien  ,  assassiné  sur 
les  bords  du  Rhône;  et,  avant d'êtr« 
attaqué  de  la  maladie  dont  il  mourut , 
il  fit  venir  de  Consfantinople  deux 
de  ses  enfants,  Honorius  et  Placidie, 
qui  se  trouvaient  dans  cette  ville 
taudis  qu'Arcadius  était  dans  l'Orient 
et  les  mit  entre  les  mains  du  saint 
évêque  ,  le  priant  d'être  leur  père , 
comme  il  l'avait  été  des  infortunés  en- 
fants de  Valentinien  P^  Ambroise 
toaiba  malade  vei's  le  mois  de  févriet' 


32  A  M  B 

de  l'an  697  ;  son  troupeau ,  alarme 
pour  ses  jours ,  l'envoya  conjurer  d'en 
demander  à  Dieu  la  prolongation.  On 
regardait  l'Italie  comme  menace'ed'une 
ruine  totale  ,  par  la  mort  d'un  ëvêque 
respecte'  des  barbares  eux-mêmes, 
chéri  du  peuple  ,  des  princes  et  des 
empereurs ,  et  dont  l'autorité  impo- 
sait aux  lùc'chants  et  étendait  le 
règne  de  la  vertu.  Le  vendredi  saint , 
troisième  jour  d'avril ,  le  saint  e'vê- 
que ,  quoique  fatigue  par  une  mala- 
ladie  longue  et  douloureuse ,  demeura 
en  prière  depuis  cinq  heures  du  soir 
j;;squ'après  minuit,  et  il  expira ,  âge 
d'environ  5"]  ans,  ayant  occupé  pen- 
dant vingt-trois  ans  le  sic'ge  de  INIilan, 
Son  corps  fut  porle  dans  la  grande 
église  de  celte  ville  ,  nommée  depuis 
la  Basilique  Amhroisienne.  Il  s'était 
montré  toute  sa  vie  doux  ,  compa- 
tissant, affable,  sensible  à  l'amitié, 
jnodeste  ,  ennemi  du  faste  et  de  k 
gTandeur ,  et  n'usant  de  son  n'éditquc 
pour  l'avantage  des  autres.  Ses  écrits 
portent  l'empreinte  de  son  caractère; 
il  v  règne  beaucoup  de  douceur  et 
d'onction  ;  mais,  au  besoin,  il  sait  s'é- 
lever avec  force  et  majesté.  Son  style 
est  sans  doute  bien  éloigné  de  la  pu- 
reté des  écrivains  du  beau  siècle  d'Au- 
guste; mais  il  est  toujours  agréable  et 
animé  ,  et  il  faut  se  rappeler  que  S. 
Ambioise  a  vécu  sur  la  fin  du  4'^«  siè- 
cle. La  morale  en  est  j)ure  ;  on  admire 
surtout  son  explication  du  Psaume 
1  1 8.  Ses  Traités  de  la  Firginilé,  de 
Y  Education  des  Fierges,  et  des  Of- 
fices ,  lenforreent  les  plus  belles  maxi- 
mes. C'est  à  tort  qu'on  a  voulu  établir 
une  comparaison  entre  ce  dernier  ou- 
vrage et  les  Offices  de  Cicéron.Qiiant 
aux  écrits  dngmatiques  d'Ambroise , 
on  les  cite  souvent  dans  l'église,  où 
leur  autorité  est  d'un  grand  poids.  La 
moilleiue  édition  dos  OEuvres  de  S. 
Amhroisc,  est  celle  des  Bcnc'dictins , 


AMB 

(  J.  du  Frisclie  et  N.  le  Nourri  )  1  toL 
in-fol.  ,  1 686 -90.  Les  ouvrages  de 
S.  Ambroise  ,  traduits  en  fiançais  , 
sont  :  L  le  Traité  du  Bien  de  la 
Mort ,  Paris  ,  Sim.  Yostre ,  in-8". , 
gothique,  sans  date;  11.  les  trois 
Discours,  intitulés ,  les  Vierges  ,  avec 
la  sévère  réprimande  que  fait  S.  Am- 
broise à  une  religieuse  qui  avait 
forfait  à  son  honneur  ,  trad.  en 
français  ,  avec  des  annotations  ,  par 
J.  Bertaut,  abbé  de  N.  D.  d'Au- 
naj ,  1604,  iu- 12.  Le  P.  Duranti  de 
Bonrecueil  en  a  donné  une  nouvelle 
traduction  (  P\  Duranti  ).  IlL  Trois 
harangues  (  dont  une  de  Svramache 
et  deux  de  S.  Ambroise)  sur  le  sujet 
de  la  démolition  de  Vautel  de  la 
Fictoire ,  1 659  ,  in-i  2  ;  i  V.  la  Mo- 
rale des  Ecclésiastiques  ,  etc.  ,  ou 
Traduction  des  Offices  de  S.  Am- 
broise (  par  l'abbé  Morvan  de  Belle- 
garde  )  ,  1691  ,  in- 12.  Le  traducteur 
avait  d'abord  imblié  ce  volume  sous 
le  titre  de  :  Devoirs  de  VHonnéte 
Homme  et  du  Chrétien  ,  1  (»89 ,  m- 
12  ;  V.  Lettres  (  F.  Duranti  )  ;  VL 
Lettres  aux  Souverains  ,  1787.  Go- 
defroy  Hermanta  publié  ,  en  1678, 
une  Fie  de  S.  Ambroise  ,  d'après 
celle  qui  a  été  composée  par  Paulin, 
prêtre  de  Milan  ,  contemporain  de 
S.  Ambroise ,  qu'il  ne  iaut  pas  confon- 
dre avec  S.  Paulin.  C'est  dans  ses  ou  - 
vrages  qu'on  lira  avec  intérêt  tout  ce 
qui  conc(  rne  un  des  Pères  que  l'église 
latine  a  placé  au  premier  rang  ,  qui  a 
été  le  modèle  des  évêques  de  son  temps, 
qui  eut  S.  Augustin  pour  disciple,  des 
monarques  pour  amis ,  pour  sœur 
Stc.  IMarceline ,  cl  pour  frère  S.  Saty- 
rus.  C — T. 

AMBROISE  LE  CAMALDULE, 
naquit,  en  1578,  à  Portico,  dans  U 
Romagne ,  de  l'illustre  famille  des 
Traversari,  de  Ravenne.  Il  se  fil  ca- 
lualdulcà  '22  ans,  et  devint  général  de 


A  M  B 

cle  son  ordre ,  en  1 45 1 .  Son  mérite  le 
fît  connaître  d'Eugène  IV,  qui  l'envoya 
au  concile  de  Bàle,  à  celui  de  Ferrare, 
où  il  harangua  l'empereur  Palëologue, 
en  grec,  avec  tant  de  facilite,  qu'il  sur- 
prit les  Grecs  eux-mêmes,  et,  eufîu, 
à  celui  de  Florence,  où  il  fut  charge  de 
dresser  le  décret  d'union  entre  les 
deux  églises.  Tant  de  services  l'au- 
raient élevé  à  la  pourpre,  si  sa  mort, 
arrivée  à  Florence,  en  i459,  n'eût 
prévenu  les  dispositions  du  pape,  qni 
lui  destinait  cette  dignité.  Ambroi^e 
réunissait  les  vertus  d'un  bon  reli- 
gieux et  les  talents  d'un  savant  esti- 
mable. Il  avait  entrepris,  par  ordre 
d'Eugène  IV,  la  réforme  de  plusieurs 
couvents  des  deux  sexes ,  tombés  dans 
un  extrême  relâchement.  Ses  visites, 
ses  travaux,  les  traverses  qu'il  eut  à 
essuyer  dans  cette  péniJDle  mission, 
sont  décrits  ,  avec  beaucoup  de  sincé- 
rité ,  dans  son  Hodœporicon  ,  qui 
contient  des  anecdotes  très-piquantes, 
et  oîi  il  est  quelquefois  obligé  d'expri- 
mer en  grec  certains  désordres  qu'il 
lie  voulait  pas  mettre  sous  les  veux  de 
toute  sorte  de  lecteurs  ;  Florence,  1 45 1 
et  1452,  in-4".,  rare;  iG78,in-8''. 
Les  autres  ouvrages  de  ce  savant  re- 
ligieux ,  sont  des  traductions  latines  : 
I.  de  YEpîlre  de  S.  Chrysostôme  à 
Stagrre,  contre  les  délracleurs  de 
la  vie  monastique,  x4lost,  1687  j 
If.  de  la  Hiérarchie  sacrée  de  S.  De- 
nis l'aréopagile  ,  i4g2  ;  III.  de 
V Echelle  spirituelle  de  S.  Jean  Cli- 
maque ,  à  la  suite  du  Traité  de  Cassien  : 
De  Institutis  Cœnohiorum ,  Cologne , 
1 540  ,  in-fol.  ;  IV.  du  Traité  de 
l'Immortalité  des  Esprits  ,  d'.^neas 
le  platonique  ,  i645  ,  in-4''.  ;  V.  du 
Traité  de  Manuel  Calecas,  contre 
les  erreurs  des  Grecs,  Genève  , 
i5()2  ,  in-8°.  ;  VI.  des  Discours  de 
S.Ephrem,  Florence,  1 48 1  ,  in-fol.; 
Brixcn,  1490;  Paris,  i  5o5  ^  in-4^  ; 
1 1. 


A  M  B  33 

Padoue,  1 585  ,  in-8''.  Il  est  le  premier 
qui  ait  publiéquelque  chose  de  ce  saint. 
D.  ]\Iartenne  a  donné,  dans  le  5".  tome 
de  V  Amplissima  collectio ,  ses  Let- 
tres, distribuées  en  20  livres.  La  plu- 
part roulent  sur  les  affaires  de  sou  or- 
dre. On  y  trouve  cependant  quelques 
traits  curieux  sur  la  vie  et  le  caractère 
des  savants  de  son  temps.  Cdles  qui 
sont  adressées  au  pape  Eusçne  ont 
plus  d'intérêt,  à  cause  des  particulari- 
tés qu'elles  contiennent  surîci  conciles 
de  Bàle  et  de  Florence.         T  -  d. 

AMBR0I:5E  de  Lomijcz  (  le  Père  ), 
capucin  ,  dont  le  nom  de  famille  était 
LA  PEiRiE  ,  né  à  Lombcz  ,  \t  -lo 
mars  1 708,  successivement  professeur 
de  théologie ,  gardien  et  délîniteur  de 
son  ordre ,  eut  de  grands  talents  pour 
la  direction  des  amcs ,  triompha ,  à 
force  d'humilité,  d'un  amour-propre 
trop  sensible,  et  d'un  désir  excessif  de 
l'estime  pidihque,  et  mourut,  en  odeur 
de  sainteté,  le  lô  octobre  1 778,  à  St.- 
Sauveur,  près  de  Barègcs,  à  70.  ans. 
On  a  de  lui  :  I.  Traité  de  la  paix  in- 
térieure,  in-i2,  réimprimé  plusieurs 
fois  ;  II.  Lettres  spirituelles  sur  la 
paix  intérieure,  et  autres  sujets  de 
piété,  l'-^dG,  in-i'3..  A.  B — t. 

AMBUOSINI  (Barthelemi),  mé- 
decin ,  et  professeur  de  botanique  à 
l'université  de  Bologne,  oii  il  mourut 
en  jGS-j.  Les  biographes  ne  doivent 
guère  parler  de  lui  qu.î  comme  d'un 
botaniste,  et  les  ouvrages  qu'il  a  com- 
posés sur  cette  science ,  méritent  des 
éloges ,  savoir  :  De  Capsicorum  va- 
rietate  cum  suis  iconihus;  accessit 
panacea  ex  herhis  quœ  à  sanctis 
denoniinanlur  ,  Bononias  ,  iG5o  , 
in- 12.  Cependant,  il  fut  aussi  méde- 
cin praticien  distingué  ,  et ,  dans  la 
peste  qui,  en  1 65 o,  affligea  sa  patrie, 
il  rendit  de  grands  services,  ce  qui 
lui  fournit  l'occasion  de  pubher  uu 
ouvrage  sur  ce  sujet  :  Modo,  è  facile 

5 


54  A  M  B 

■préserva,  è  ciird  di  peste  à  henef.clo 
de  popolo  di  Bologna,  j65i  ,iii-4°' 
La  médecine  lui  doit  encore  plusieurs 
Traites  :  Theorica  medicina  in  tabu- 
las ,  velnd  digesta,  ciim  aliquol  con- 
suhationibus  ,Bonom3e ,  i65u,in-4°.; 
De  pidsibus ,  ibid.,  i645,  in-4".;  De 
exteniis  malis  opusculum,  ib.,  i656; 
De  urinis,  etc.  Mais,  si  l'on  veut  ap- 
précier surtout  le  mérite  d'Aml)rosini, 
U  faut  jeter  les  yeux  sur  quelques  ou- 
vraçres  d'Aldrovaude,  dont  il  a  été  l'é- 
diteur ,  particulièrement  les  tomes  1  a  , 
X,  XI  et  XIÎ. — Son  frère,  Ambrosini 
(  Hyacinthe  ),    lui    succéda   dans    sa 
chargede  directeur  du  jardinlîotanique 
de  Bologne,  en  1637  ,  et  en  publia  le 
catalogue  :  Florins  Bononiœ  stiidio- 
soriim  consitus ,  in-  4".  ;  ppu  de  temps 
avant  sa  mort ,  il  fit  paraître  l'ouvrage 
suivaîit  :  Phjtologia,   hoc  est.,   de 
plaiitis  partis  primœ  tomus  primas , 
in  qiio  herbarum  nostro  sœcido  des- 
criptarwn  nomina  œqui\>oca,  sjno- 
nyma  ac  etymologica  im>estiganlur, 
addiiis  aliquot  planlarum  vivis  ico- 
nibiis,  lexicoque  botanico,  cum  indice 
trilingui ,   Bononia; ,   1G66,  in- fol. 
Ce  Dictionnaire ,  que  l'on  peut  quel- 
quefois consulter  pour  les  synonymes , 
est  superficiel,  et  les  étymologics  qu'il 
donne  sont  très-hasardécs.  Le  2"'.  vo- 
lume devait  traiter  des  arbres,  mais 
n'a  jamais  paru.  Les  deux  Ambrosini 
cultivaient  la  botanique  avant  que  cette 
science  eût  pris  ,   sous   Linné  ,  une 
marche  systématique,  et  surtout  eût  re- 
çu de  ce  grand  bomme  une  langue  fixe 
et  convenable  :  on  était  alors  embarrassé 
continuellement    par   les    dénomina- 
tions, et  ,  débrouiller  à  cet  égard  le 
chaos  des  auteurs,  était,  sans  contre- 
dit ,  bien  ])lus  difficile  que  d'obser- 
ver la  nature  elle-même.  Bassi  a  dé- 
dié un  genre  de  plantes  à  la  mémoire 
des  deux  frères  Ambrosius  ,  ou  Am- 
ferosini,  sous  le  uym  iX Ambrosinia. 


AMB 

Ce  genre  fait  partie  de  la  famille  des 
aroides.  C.  et  A — n. 

AMBROSIUS  AURÉLIANLS,  ou, 
selon  quelques  écrivains,  AUREfdA- 
NUS  AMBROSIUS,  fut  général,  et 
ensuite  roi  de  la  Grande-Bretagne.  On 
a  varié  sur  sa  naissance  ;  quelques-uns 
prétendent  qu'il  fut  fils  de  Constantiu- 
le- Soldat,  élu  emperem"  dans  cette 
île,  par  une  armée  romaine  ,  en  407  ; 
mais,  selon  l'opinion  la  plus  accréditée, 
il  eut  pour  père  un  des  rois  que  les 
Bretons  se  donnèrent  après  le  départ 
desRomains,  dont  il  tirait  son  origine.  Il 
fut  élevé  à  la  cour  d'Aldroën ,  roi  de 
l'Armorique,  d'où  il  revint  en  4^7» 
avec  1 0,000  hommes ,  pour  secourir 
ses  compatriotes  contre  les  Saxons, 
que  Vortigerue  avait  appelés  dans  le 
pays.  Ses   succès  furent   si  grands, 
qu'après    la  mort  ou  l'abdication  de 
Vortigcrne,   il  fut  élu    souverain  de 
toute  i'Angh  terre.  Elevé  à  ce  rang  su- 
prême, il  se  distingua ,  tant  par  sa  va- 
leur contre  les  ennemis  étrangers ,  que 
par  son  habileté  dans  le  gouverne- 
ment.  Arthur ,   si    fameux   dans  les 
annales    anglaises  ,   apprit    sous    lui 
l'art  de  la  guerre ,  et  remporta  plu- 
sieurs victoires  sur  les  Saxons  septen- 
trionaux. Ce])endant ,  ses  succès  furent 
mêlés  de  quelques  revers;  la  S',  année 
de  sou    règne,  Ambrosius  fut  battu 
par  le  Saxon  Hengist,  et  par  Eck, 
son  fils.  Quatre  années  après,  ilccm- 
battit ,  à  la  tête  de  toutes  les  forces  de 
l'île,  d'autres  Saxons  qui  y   avaient 
fait  une  invasion,  sous  la  conduite 
d'Ella.  L'action  fut  sanglante  et  indé- 
cise; mais,  peu  après,  Ambrosius  vain- 
quit Hengist.  GcollVoi  de  Montmou.th 
rapporte  qu'Ambrosius  mourut  à  Win- 
chester ,  du  poison  que  lui  dinna  un 
Saxon ,  qui  s'offrit  à  lui  comme  méde- 
cin; mais  on  croit  plutôt  qu'il  fut  tué 
dans  une  grande  bataille  qu'd  livra, 
en  5  08,  à  Gcrdic,  chef  des  Saxon* 


AME 

occidentaux.  Geoffroi  de  Montrnoath 
aUiil)ue  à  Âmbrosius  l'érection*  d'un 
fameux  monument,  dit  Stone-IIense , 
en  l'honneur  de  plusieurs  Bretons  d  un 
rang  distingue ,  que  Hengist  avait  fait 
massacrer.  D— t. 

AMÉDÉE ,  les  comtes  et  ducs  de 
Savoie,  p^oy.  Savoie  (maison  de  ). 

AMELGARD  ,  prêtre  à  Liège  ,  vi- 
vait à  la  fin  du  i5'.  siècle,  et  a  écrit  : 
De  relus  geslis  CaroU  Fil  histo- 
riariim  libr.  F  ;  et  De  rébus  gestis 
Ludovici  XI ^  Francorum  régis ,  his- 
toriarum  libr.  L.  Ces  deux  ouvrages 
sont  encore  inédits  :  le  manuscrit  se 
trouve  dans  la  Bibliothèque  impériale 
de  Paris.  Charles  VII  chargea  Amel- 
gardde  la  révision  du  procès  de  Jeanne 
d'Arc ,  lorsque  les  Anglais  se  furent 
retires  du  royaume ,  et  celui-ci  com- 
posa un  Livre  de  Vexamen  de  cette 
œuvre  d'iniquité.  G^t. 

AMÉLIE  (  Anne  )  ,  princesse  de 
Prusse,  sœur  de  Frédéric  II ,  née  le 
9  novembre  1720  ,  fut  non  moins 
distinguée  par  ses  vertus  que  par  ses 
talents ,  son  goût  pour  les  arts ,  et  sur- 
tout par  son  habileté  en  musique  :  elle 
fit  de  tels  progrès  dans  l'étude  de  la 
fugue  et  du  contre-point ,  sous  la  direc- 
tion du  compositeur  de  la  cour ,  Kirn- 
berger  ,  qu'elle  composa  bientôt  elle- 
même  des  morceaux  remarquables. 
Elle  mit  en  musique ,  pour  lutter  contre 
le  célèbre  Graun ,  la  mort  du  Messie , 
de  Ramier ,  et  cette  composition  est 
pleine  de  verve  et  d'harmonie  :  elle  ex- 
cellait sur  le  clavier.  Unissant  à  des 
goûts  si  nobles  une  piété  et  une  bien- 
faisance rares  ,  elle  retranchait  conti- 
nuellement sur  ses  dépenses  de  toilette, 
afin  de  pouvoir  donner  davantage  aux 
pauvres.  Elle  mourut  à  Berlin  ,  le  3o 
mars  1787.  G — t. 

AMÉLIER-DE-TOULOUSE 
(  GuiLLEM  ),  troubadour  du  \i\  siè- 
cle, a  laisse  des  Sirvantes  {  espèce  de 


AME  #35 

satires)  adressées  au  comte  d'Astanac, 
contre  les  mœurs  du  siècle,  sur  la  dé- 
cadence de  la  noblesse  et  de  la  jon- 
glerie, sur  la  tyrannie  et  l'avarice  des 
grands,  contre  le  clergé  et  les  moines: 
ces  pièces ,  plus  hardies  que  spirituel- 
les ,  peuvent  servir  à  faire  connaître  les 
mœurs  du  temps.  P — x. 

AMÉLINE  (  Claude  ) ,  né  à  Paris, 
vers  1629,  d'un  procurcurau  Châtelet, 
suivit  quelque  temps  le  barreau ,  se  dé- 
goûta ensuite  du  monde,  et  entra  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire ,  le  'ig 
avril  1660.  Ce  ne  fut  que  malgré  lui 
qu'il  fut  fait  grand-chantre  de  l'église 
de  Paris ,  dignité  qu'il  permuta  avec 
Claude  Joli ,  pour  celle  de  grand-ar- 
chidiacre ;  il  mourut  à  Paris  ,  en  sep- 
tembre 1 7  oG,  âgé  de  7  7  ans.  Il  a  laissé  : 
I.  un  Traité  de  la  P^olonté ^  Paris, 
1 684 ,  in- 1  -2  ;  II.  Traité  de  l'amour 
du  souverain  bien  ,  Paris  ,  iGqq  , 
in- 12.  Quelques-uns  lui  attribuent 
V  Art  de  vivre  heureux ,  Paris ,  1 690, 
in- 1  -2  ,  que  d'autres  croient  être  de 
Louis  Pascal.  C.T-y. 

AMELIUS, philosophe  éclectique , 
natif  de  Toscane  ,  fut  contemporain  de 
Porphyre, et, d'aboid,  eut  pour  maître 
Lysimaque ,  qui  lui  donna  les  principes 
delà  philosophie  stoïcienne.  Les  écrits 
de  INuménius  lui  firent  enstiite  connaî- 
tre et  adopter  les  dogmes  de  Platon  j 
mais,  enfin  ,  il  se  rendit  disciple  de 
Plotin ,  vers  Tan  246  de  l'ère  vulgaire. 
Pendant  vingt-quatre  ans ,  il  n'aban- 
donna point  ce  maître,  et  ne  l'eût  sans 
doute  jamais  quitté  ,  si  Plotin  ,  pour 
raison  de  santé,  ne  se  fût  retiré  dans  la 
Campanie.  Amélius ,  alors ,  alla  s'établir 
à  Apamée  en  Syrie.  C'est  sans  doute  son 
long  séjour  dans  cette  ville  qui  a  induit 
Suidas  en  erreur,  en  lui  persuadant 
qu' Amélius  y  avait  pris  naissance.  Le 
mot  Amélius ,  en  grec ,  signifie  négli- 
gent. Jamais  défaut  ne  fut  plus  éloigné 
du  caractère  du  philosophe  toscan  j 

5.. 


6        ^  AME 

aussi  Porpliyre  lapporte-t-il  qu'il 
aimait  bien  mieux  être  appelé  Amé- 
rius ,  et  c'est  sous  ce  deruier  nom 
qu'Eunape  le  désigne  dans  les  Vies  des 
sophistes  grecs.  Ses  disciples  lui  don- 
nèrent aussi  l'e'pithète  de  noble.  Amc- 
lius  composa  près  de  cent  Traitc's,  dont 
aucun  n'est  panenu  jusqu'à  nous.  L'un 
de  ces  Traites  avait  pour  objet  la  diire- 
rcucc  des  doctrines  de  Nume'nius  et 
de  Plotin.  11  mit  en  ordre  les  ouvrages 
de  ce  dernier ,  dont  il  possédait  si  bien 
les  principes,  que,  souvent,  Plotin  le 
chargeait  de  répondre  aux  arguments 
de  ses  disciples  ;  et ,  ce  qui  fera  con- 
naître plus  particulièrement  le  génie 
de  l'éclectisme  .  Eusèbe,  Théodoret  et 
S.  Cyrille  rapportent  un  passage  d'A- 
mélius ,  dans  lequel  il  cite  le  commen- 
cement de  VE^>aJlgile  de  S.  Jean  ,  eu 
confirmation  de  la  doctrine  de  Platon , 
concernant  la  nature  divine.  Amélius 
eut  un  fils  adoptif ,  nommé  Justin 
Hesychius ,  auquel  il  légua  tous  ses 
écrits.  On  ignore  l'époque  et  le  lieu  de 
sa  mort.  D.  L . 

AMELOT  DE  LA  HOUSSAYE 
(  Nicolas  ,  et  ,  selon  quelques-uns  , 
Abraham  Nicolas  ) ,  né  à  Orléans  , 
en  février  1654,  fut,  en  1G69,  secré- 
taire du  président  Saint-André  (  am- 
bassadeur de  France  à  Venise  ) ,  et  de- 
meura quelques  années  dans  cette  ville. 
On  ignore  les  autres  particularités  de 
sa  vie  ;  seulement ,  on  sait  qu'il  mourut 
à  Paris ,  le  8  déc.  i  ■y  oG,  et  qu'il  fut  en- 
terré à  St.-Ger  vais.  L'emploi  qu'il  avait 
rempli  à  Venise  lui  fit  diriger,  pen- 
dant un  temps ,  ses  études  du  côté  de 
la  politique  ;  il  passa  une  grande  par- 
tie de  sa  vie  à  composer  des  ouvrages  , 
ou  à  faire  des  traductions.  Malgré  ses 
travaux,  il  serait  tombé  dans  la  mi- 
sère, sans  les  secours  que  lui  donnait 
un  abbé.  «  Le  style  d'Amelot,  dit  Ni- 
»  ceron,  est  un  peu  dur;  mais  sa  fidé- 
V  lilé,  sou  exactitude,  et  la  solidité 


AME 

p  de  son  jugement,  dédommagent  de 
»  ce  défaut.  »  Voici  la  liste  de  ses 
principaux  écrits  :  L  Histoire  du  gou- 
tfernement  de  Fenise ,  avec  le  sup- 
plément et  l'examen  de  la  liberté 
originaire  (  traité  traduit  de  l'italien 
de  Marc  Velferus  ) ,  avec  des  notes 
historiques  et  politiques  ,  Amster- 
dam ,  1705,  3  vol.  in-12;  cet  ou- 
vrage ,  rempli  de  traits  satiriques  , 
mais  cependant  très  -  propre  à  faire 
connaître  le  gouvernement  de  Venise, 
déplut  au  sénat,  qui  s'en  plaignit  à  la 
cour  de  France  ;  on  prétend  même  que 
l'auteur  fut  enfermé  à  la  Bastille;  IL 
Histoire  du  concile  de  Trente  de 
fra  Paolo  Sarpi,  traduite  par  le  sieur 
de  la  Mothe  Josseval.  Amclot ,  qui  s'est 
caché  ici  sous  ce  dernier  nom,  ne  fit 
pas  sa  traduction  sur  l'original  italien  ; 
mais  sur  la  version  latine ,  peu  fidèle, 
de  Newton  :  aussi  cette  traduction  a- 
l-elle  été  efiacée  par  celle  du  père 
Le  Courrayer.  UL  L'Homme  de  cour, 
traduit  de  l'espagnol  de  Balthazar  Gra  • 
cian,  1684,  i»-4"-  '■>  1^  P-  Courbeville 
en  a  donné  une  nouvelle  traduction  en 
17 5o,  in-12  ,  sous  le  titre  de  Maxi- 
mes de  Balthazar  Gracian;  IV.  le 
Prince ,  de  Nicolas  Machiavel ,  tra- 
duit de  l'italien ,  avec  des  remarques  , 
iG8">,  1G8G,  in- 12.  Amelot  a  pré- 
tendu justifier  Machiavel,  en  soutenant 
qu'il  dit  ce  que  les  princes  font ,  et  non 
ce  qu'ils  doivent  faire ,  et  qu'ainsi 
son  ouvrage  n'est  qu'une  ci'itique  dr 
leur  politique  ;  opinion  que  Niceron 
traite  de  paradoxe,  et  La  Harpe,  de 
rêverie.  V.  La  Morale  de  Tacite , 
1686,  lu- 12;  le  mal  qu'il  disait  de 
la  traduction  de  Tacite  par  Perrot 
d'Ablancourt,  lui  attira  une  vive  cri- 
tique de  la  part  de  Fremont  d'Ablan- 
court, neveu  de  Perrot,  qui  v  défiait 
Amelot  de  faire  une  meilleure  traduc- 
tion ;  V.  Tacite,  avec  des  notes  politi- 
ques et  historiques,  1G92  et  17 55, 


AME 
îOVol.m-125  les  4  premiers  vol,  sont 
d'Araelot ,  et  contiennent  la  traduction 
des  9  premiers  livres  qui  nous  restent 
des  Annales  de  Tacite.  Les  6  autres- 
vol,  sont  de  François  Bruys ,  et  sont 
inférieurs  aux  premiers;  VIL  Lettres 
du  cardinal  d'Ossat,  Amsterdam, 
1 708,  5  vol.  in-i 2  j  VIIL  Mémoires 
historiques ,  politiques  ,  critiques  et 
littéraires,  i7'22,  2  vol.,  in -8".; 
1757,  5  vol.  in-i2.  M,  Coqueley  en 
a  donne' une  nouvelle  édition ,  1741? 
3  vol,  in- 12,  «  Amelot ,  dit  le  père 
î)  Niceron,  n'est  pas  certainement  l'au- 
»  teur  de  toutl'ouvi'age ,  qui  ne  futim- 
»  primé  qu'après  sa  mort,  n  Ces  mé- 
moires sont  très-fautifs  ;  ils  sont  dis- 
posés par  ordre  alphabétique;  mais 
ce  recueil  est  incomplet,  puisqu'il  ne 
va  pas  jusqu'au  milieu  de  l'alphabet  ; 
IX,  Histoire  de  Philippe- Guillaume 
de  Nassau ,  prince  d'Orange,  et 
d' Eléonore-Charlotte  de  Bourbon, 
sa  femme,  avec  des  notes  politiques , 
littéraires  et  critiques,  1754,  2  vol. 
in- 1 2  ;  cet  ouvrage  fut  publiépar  l'abbé 
vSepher;  X.  Abrégé  du  procès  fait 
aux  Juifs  de  Metz,  avec  plusieurs 
Arrêts  du  parlement ,  1670,  in-i8; 
cet  ouvrage  est  généralement  attribué 
à  Amelot;  on  en  trouve  la  réfutation 
dans  la  Bibliothèque  critique  de  Ri- 
chard Simon  ,  tom.  \".  ,  p.  109. 
Pour  les  autres  ouvrages  d'Amelot,  on 
peut  consulter  le  tom,  XXXV  des  Mé- 
moires de  Niceron.         A.  B — t, 

AMELOTTE  (Denis),  prêtre  de 
l'Oratoire  , né  à  Saintes,  en  1606  ,  en- 
tra dans  cette  congrégation  en  iG5o,  et 
mourut  à  Paris,  le  7  oct,  1678. La  part 
qu'il  eut  au  despotisme  du  P,  Bour- 
going ,  général  de  l'Oratoire ,  le  rendit 
odieux  à  ses  confrères.  Son  attache- 
ment aux  principes  de  S.  Augustin  et 
de  S.  Thomas  ne  l'empêcha  pas  de 
marquer  la  plus  forte  prévention  con- 
tre les  théologiens  de  Port-Royal.  S'il 


A  >ï  E  Ô7 

est  vrai  que,  dans  la  guerre  qu'il  leur 
fit ,  son  projet  fut  de  s'avancer  dans 
l'Église ,  il  manqua  son  but;  car  toutes 
ses  démarches  pour  obtenir  l'eVêchc 
de  Sarlat  furent  inutiles.  ISicole  se 
chargea  de  venger  ses  collègues.  On 
dit  que  ,  pour  peindre  son  original 
au  naturel,  il  alla  lui  faire  une  visite, 
afin  de  mieux  rendre  son  air  grotes- 
que ,  et  les  grimaces  dont  il  accompa- 
gnait tous  ses  mouvements.  Le  père 
Amelotte  s'en  vengea  en  détournant  le 
chancelier  Séguier  ,  dont  il  était  le 
théologien ,  d'accorder  le  privilège 
pour  la  traduction  du  Nouveau  Tes- 
tamertt,  connu  sous  le  nom  de  Mans. 
Il  craignait  d'ailleurs  que  cette  traduc- 
tion ne  nuisît  à  celle  qu'il  était  sur  le 
point  de  publier  lui-même ,  et  qui 
parut  en  1666-67  et  68 , 4  '^'oh  in-8''. 
reliés  en  3,  Dans  l'épître  dédicatoire  à 
M.  de  Péuefixe ,  archevêque  de  Paris , 
MM,  de  Port-Royal,  sans  être  nom- 
més ,  se  trouvaient  peints  des  plus 
noires  couleurs.  Cette  cpître  fut  sup- 
primée après  la  mort  de  l'auteur  et  du 
Mécène ,  et  remplacée  ,  dans  l'édition 
de  1688,  2  vol.  in-4''.,  par  une  dé- 
dicace différente  à  M.  de  Harlay ,  suc- 
cesseur de  ce  dernier.  Cette  traduc- 
tion, sur  laquelle  est  principalement 
fondée  la  réputation  du  P.  Amelotte, 
a  été  souvent  réimprimée  avec  des 
notes  ou  sans  notes  :  elle  était  mieux 
éciite  qu'aucune  de  celles  qui  l'avaient 
précédée.  Le  protestant  Conrart ,  re- 
gardé comme  un  des  hommes  dr 
France  qui  savaient  le  mieux  leui- 
langue,  l'avait  revue  pour  le  style. 
Aussi,  quoiqu'elle  manque  d'exacti- 
tude, quoique  les  notes  pèchent  sou- 
vent contre  les  règles  de  la  critique , 
elle  fut  autrefois  fort  en  vogue  ,  et  elle 
est  encore  aujourd'hui  d'un  usage  assez 
général.  On  sut  mauvais  gré  à  l'auteur 
d'avoir  représenté  l'invitation  de  quel- 
ques évêques  pour  la  composer;  com- 


58  AME 

lue  un  ordre  du  clergp  de  Franc?. 
Port-Royal  l'accusa  de  plaçât;  il  est 
vrai  qu'il  avait  eu  communication  delà 
traduction  manuscrite  de  ces  savants 
solitaires.  Richard  Simon,  son  confrè- 
re ,  lui  reprocha  de  s'être  vante' ,  dans 
sa  préface,  d'avoir  consulte  tous  les 
manuscrits  de  l'Europe.  11  est  certain  , 
et  sa  correspondance  en  fait  foi ,  qu'il 
s'était  donné  beaucoup  de  peines  et  de 
soins  pour  se  procurer  les  différentes 
leçons  des  mcilieurs  manuscrits  conser- 
vés dans  les  principaux  dépots  littérai- 
res de  France  et  des  pays  étrangers.  Le 
père  Amelotte  avait  composé  quelques 
écrits  sur  les  affaires  du  jansénisme,  qui 
ne  valent  pas  la  peine  d'être  tirés  de 
l'oubli;  les  Vies  du  P.deCondren  et  de 
la  sœur  Marguerite  du  Saint-Sacre- 
ment,  qui  sont  pleines  de  mysticité; 
plusieurs  livres  de  dévotion  ,  dont 
quelques-uns  sont  restés  entre  les 
mains  des  fidèles.  T — -d. 

AMELUNGHI  (Jérôme),  poète 
burlesque  italien  ,  du  \Cf.  siècle,  était 
de  Fisc  ,  et  sans  doute  bossu  ;  car  on 
l'appelle  il  Gohho  da  Pisa ,  le  bossu 
de  Pise.On  a  de  lui  un  poème,  intitulé 
la  Gigantea,  la  Guerre  des  Géants, 
qu'U  publia  sous  le  nom  de  Fora- 
bosco,  à  Florence,  en  i56t),  in-12, 
avec  un  autre  poème  du  même  genre, 
intitulé  la  Nanea .  la  Guerre  des 
Nains,  d'un  certain  Francesco  Aminta, 
d'ailleurs  tout -à -fait  inconnu.  Ces 
poèmes  ont  été  réimprimés  à  Florence, 
en  1612,  in- 1 1 ,  avec  la  Guerra  de 
Mostri,  d'Antoine  Gra/zini ,  dit  le 
Lasca.  Ce  sont  les  premières  produc- 
tions d'un  genre  dans  lequel  les  Ita- 
liens ont  excellé;  mais  auquel  ils  se 
sont  trop  livrés,  pour  l'honneur  de  leur 
littérature.  On  trouve  aussi,  parmi  les 
chants ducarn aval,  Cnnti  Carnascia- 
îeschi,  un  chaut  ori-inald'Amelunghi, 
sous  le  titre  de  gli  ôcolari.  les  Éco- 
liers. G— E. 


AME 
AMENTA  (  Nicolas  )  ,  né  à  Na- 
ples  ,  en  1 639 ,  fut ,  pendant  ses  qua- 
torze premières  années ,  affligé  d'une 
maladie  des  yeux,  qui  le  força  de 
rester,  tout  ce  temps,  enfermé  dans 
une  chambre,  sans  voir  le  jour.  Dès 
qu'il  en  fut  guéri ,  il  fit  des  progrès 
rapides  dans  ses  études  ,  fut  reçu 
docteur  en  droit ,  et  se  distingua 
bientôt ,  à  Naplcs  ,  dans  la  profession 
d'avocat.  Il  fit  son  délassement  de  la 
culture  des  lettres,  et  s'appliqua  sur- 
tout à  l'étude  de  la  langue  toscane, 
qu'il  écrivit  avec  une  grande  pureté , 
et  sur  laquelle  il  a  laissé  des  Obser- 
vations ,  et  d'autres  écrits.  On  a  de 
lui  :  I.  sept  comédies  en  prose,  savoir  : 
la  Costanza ,  il  Força ,  la  Fante  , 
la  Somiglianza  ,  la  Carlotta  ,  la 
Giustina ,  et  le  Gemelle ,  ([\\e  l'on 
compte  parmi  les  meilleures  de  son 
temps  ;  II.  Rapporti  di  Farnaso,  etc., 
i''.  partie  ,  qui  n'a  pas  été  sui- 
vie d'une  1''. ,  Naples  ,  1710,  m-!y°. 
Ces  Rapports  sont  dans  le  genre  des 
liagguagli  di  Pamaso  de  Boccaliui , 
sinon  que  ceux-ci  roulent  souvent  sur 
la  politique  et  sur  la  morale ,  au 
lieu  que  ceux  d'Amenta  n'ont  pour 
objet  que  l'histoire  littéraire  et  des 
matières  d'érudition  ;  111.  des  Obser- 
vations sur  II  Torto  e'I  dritto  del 
non  si  pub  ,  etc.,  ouvra'ge  sur  la  lan- 
gue italienne ,  par  le  P.  Daniel  Bartoli, 
sous  le  nom  de  Ferrante  Longobardi, 
publiées  avec  1  ouvrage  même  ,  dans 
l'édition  de  Naples ,  1717,  in-8". ,  et 
réimprimées  de  même  avec  des  re- 
marques de  l'abbé  Cito  ;  Naples  , 
1 7.18,  in-8".  ;  I V^.  délia  Lingua  nobile 
d'Jtalia,  etc.  ,  autre  ouvrage  sur  la 
langue  ,  divisé  en  deux  parties ,  pu- 
blié à  Naples,  en  1725 ,  in-4*'.;  V. 
les  Vies  de  deux  Hommes  de  lettres, 
monsignor  Scipion  Pasquale  de  Co- 
senza  ,  et  I>ionardo  ,  poète  napoli- 
tain; VJ.  vingl-qurtlrc    Cupilcîi,  (M 


AME 

Pièces  satiriques  ,  dans  le  genre  des 
Capiloli dn  Berni, du  Lasca, et  auti-es 
poètes  biii'iesqiies  ,  Naples  ,  1721  , 
in- 12.;  VII.  des  Rime,  ou  Poésies 
diverses ,  éparses  dans  dilFerenls  re- 
cueils. Amenta  mourut  à  Naples  ,  le  2 1 
juillet  1719.  G — E. 

AMEHBACH  (  ViTus  )  ,  natif  de 
Wendingen,  en  Bavière,  fit  ses  études 
de  philosophie  ,  de  droit  et  de  the'o- 
logie  ,  à  Wittenberg  ,  et  se  l'augea 
parmi  les  sectateurs  de  Luther  ;  mais , 
de  retour  dans  sa  ])atrie  ,  il  rentra 
dans  le  sein  de  l'Eglise  catholique  , 
devint  professeur  de  philosophie  à 
lugolstadt,  et  y  mourut,  âge'  de  70 
ans,  vers  1557.  ^^"^  ouvrages  phi- 
losophiques sont,  un  livre  :  De  anima; 
De  philosophiâ  naturali ,  etc.  anti- 
paradoxa ,  cinn  oralinnibus  de  laii- 
dihus,  depatrid,  et  de  ratione  stu- 
diorum  ;  il  publia  des  Commentaires 
sur  les  OJfices  de  C/cé'Vo/i,  et  sur  le 
Discours  pour  le  poète  Archias;  sur 
les  Poèmes  de  Pjthagore  et  de  Pho- 
cjlide  ;  sur  les  Tristes  d'Ovide  ,  et 
sur  l'Art  Poétique  d'Horace.  II  tra- 
duisit aussi,  du  grec  en  latin  ,  les 
Discours  d'Isocrate  et  de  Démos- 
thène,  le  Traité  de  S.  Chrysostôme 
sur  la  Providence ,  et  calxxx  ^Epi- 
phane  sur  la  Foi  catholique.  On  a 
de  lui ,  des  Epigrammes ,  des  Epi- 
taphes,  et  plusieurs  autres  Pièces  de 
vers,  qui  prouvent  que  l'érudition 
n'avait  pas  étouffé  en  lui  le  goût  de  la 
poésie.  N — l. 

AMERBACH  (  Jean),  célèbre  im- 
primeur du  iS".  siècle,  natif  de  Rut- 
lingen ,  en  Suabe  ,  et  étabh  à  Bâle. 
On  lui  doit  l'invention  des  caractères 
ronds  ,  qu'il  substitua  aux  italiques  et 
aux  gothiques,  moins  agréables  à  la  vue, 
et  plus  difficiles  à  la  lecture.  Il  donna, 
en  i5o6,  la  i'"%  édition  de  S.  Au- 
gustin, qu'il  arait  lui-même  revue  et 
601-rigée,  et  le  caractère  dout  il  se  ser- 


AME  09 

vit  porte  encore  le  nom  de  Saint-Au- 
gustin. Il  avait  commencé  le  même 
travail  sur  S.  Jérôme  ;  mais  sa  mort, 
arrivée  en  i5i5,  ne  lui  permit  pas 
de  l'achever.  Il  laissa  ce  soin  à  ses 
enfants,  qui  remplirent  ses  intentions. 
Les  éditions  de  Jean  Amerbach  sont 
estimées  pour  leur  exactitude.  —  Bo- 
niface  Amerbach,  son  fi's  aîné  ,  mort 
en  1 56.2  ,  occupa ,  pendant  20  ans  , 
la  chaire  de  jurisprudence  à  Bàle, 
passa  par  toutes  les  places  de  la  mu- 
nicipalité, et  jouit  d'une  grande  répu- 
tation de  savoir  et  de  probité.  Il  existe 
de  lui  quelques  ouvrages.  On  imprima, 
en  1 6.59 ,  à  Bàle ,  in- 4". ,  Bibliotheca. 
Amerbachiana  ,  etc.  ;  cet  ouvrage  , 
peu  commun,  est  du  nombre  de  ceux 
qui  servent  à  l'histoire  de  l'imprime- 
rie, parce  qu'il  fait  men^tion  de  plu- 
sieurs anciennes  éditions  qii'ou  ne 
trouve  pas  facilement  dans  les  plus 
grands  Catalogues.  C'étaient  Erasme  et 
Boniface  Amerbach ,  son  exécuteur 
testamentaire  ,  qui  avaient  jeté  les  pre- 
miers fondements  de  cette  Bibliothè- 
que. T — D. 

AMERGIN  ,  ou  AMERGINUS  , 
archi- druide  des  anciens  Scots- Ir- 
landais ,  et  Fuu  des  chefs  de  la  colo- 
nie Scytho-Mi'iésienne  ,  qui,  selon  les 
annales  de  ces  peuples  ,  vinrent,  plu- 
sieurs siècles  avant  J.-C. ,  fonder  eu 
Hibernie,  et  la  monarchie  suprême,  et- 
les  dynasties  subordonnées  ,  que  les 
Anglais  y  trouvèrent  encore  existantes 
dans  les  mêmes  races ,  lors  de  leur  pre- 
mière invasion  eu  Irlande,  l'an  1 1 70. 
Amergiii  avait  un  grand  nombre  de 
frères ,  fils ,  ainsi  que  lui ,  d'un  prince 
établi  dans  le  nord  de  l'Espagne , 
nommé  d'abord  Gallamk,  mais  sur- 
nomn/é  emphatiquement  Mïleagh- 
Easpain ,  ou  le  Champion  d'Espa- 
gne, surnom  qui  a  fait  oublier  le  nom 
primitif,  parce  qu'après  les  Bax'des  ^ 
les  historiens  l'ont  employé  couram- 


4o  AME 

ment,  et  que,  s^îlon  Ifs  divers  idio- 
mes ,  on  a  écrit  et  dit  :  Mileagh , 
Miles,  Milesiiis^Milesicus.  Quoique 
prêtre,  Amcrgin  combattit  aussi  ar- 
demment que  ses  frères,  pour  sou- 
mettre l'île  qu'ils  étaient  vernis  con- 
quérir. C'était  même  pour  lui  un  de- 
voir ,  énoncé  avec  précision  parmi  les 
préceptes  de  sa  doctrine. 

Aris  prstpositus  sildoctior,  aptior  armis , 

a  dit  le  savant  O'Flaherty,  en  rendant, 
par  un  vers  latin  ,  les  deux  vers  hi- 
berno  -  celtiques  qui  avaient  ancien- 
nement consacré  cette  maxime  : 

Fn  scieni'e  ,  en  valeur  ,  ministres  des  autels  , 
Sun^eî  à  surpasser  le  reste  des  mortels. 

Après  la  victoire  acquise  au  prix  du 
sauf;  le  plus  précieux,  Hcber,  Héré- 
mon  et  Amergiu,  survivant  aux  autres 
fils  de  Mileagh,  s'occupèrent  de  fon- 
der leur  établissement  politique.  Les 
deux  premiers  prirent  le  titre  de  roi , 
en  se  partageant  l'ile  ,  sur  laquelle 
Hérémon  ne  devait  pas  tarder  à  ré- 
gner seul.  Le  troisième  ne  voulut 
d'autre  caractère  que  celui  de  druide 
suprême.  Les  Bardes  ont  dit  de  lui  , 
dans  leurs  vers  :  «  La  nature  l'avait 
»  lait  poète  et  pliilosoplie;  la  loi  le  fit 
»  pontife  et  historien  :  il  fléchissait , 
»  devant  les  autels ,  des  genoux  plus 
»  blancs  que  la  neige  ».  C'est  eu  ré- 
pétant ces  Bardes  et  leurs  successeurs 
immédiats  ,  qu'O'Flalierty  dans  son 
Ogygia ,  sir  James  Ware  et  Harris 
dans  leurs  antiquités  ,  O'Connor 
dans  ses  Dissertations,  O'Halloran 
dans  son  Histoire,  ont  appelé  Amer- 
gin  le  premier  auteur  qu'ait  eu  l'Ir- 
lande. 

Primns  j4mergintis  gfriti-canaiau'  anthor  Jemof , 
"Vates  ,  HisloricQS  lejie  ,  p<iéta  ,  sopliu:^. 

Dans  une  tragédie  inédite ,  dont  le 
sujet  est  la  restauration  de  la  monar- 
chie irlandaise,  interrompue  par  une 
ronspiralion  pleliéicnne  au  premier 
siècle  d«  notre  ère ,  et  dont  la  scène 


AME 

est  à  Cruacan ,  autrement  îa  Mon- 
tagne de  l'iVigle ,  chef-lieu  des  druides 
en  Irlande ,  un  de  ces  druides ,  ex- 
pliquant à  un  étranger  dans  quel  sé- 
jour il  a  porté  ses  pas  ,  lui  dit  : 

Ici ,  tandis  quHéber  et  ITieureuT  Hérémon 
|)f  vingt  peuples  divers  formaient  l.i  nation  , 
Leur  frère  Amerginus,  héros  .  sa^e  et  druide  , 
De  nos  rites  sacrés  devint  le  premier  guide - 
Et,  dédaignant  le  trdne,  aima  mieuï  enseigner 
Aux  uns  à  se  soumettre  ,  an\  antres  à  régner. 

(  Foy.  les  articles  Mileagh  ,  Heber, 
Hérémon,  etc. )  L — T — l. 

AMÉRIG-VESPUCE  (  Amerigo 
Vespucci  ) ,  né  à  Florence ,  le  g  mars 
i45i,  d'une  famille  distinguée,  fut 
élevé  par  son  oncle  George-Antoine 
Vespuce ,  qui  présidait  à  l'instruction 
de  la  noblesse  florentine,  et  jouissait 
d'une  grande  réputation  de  savoir. 
Le  jeune  AmeVic  fit  de  grands  pro- 
grès dans  la  physique  ,  l'astronomie 
et  la  cosmographie  ;  telle  était  alors 
l'éducation  des  nobles  de  Florence, 
qui,  pour  la  plupart,  se  destinaient 
au  commerce ,  et  devaient  être  versés 
dans  toutes  les  sciences  qui  ont  quel- 
que rapport  avec  la  navigation. 
Comme  le  commerce  avait  contribué 
à  la  prospérité  de  la  république,  dans 
chaque  famille  il  devait  se  trouver  un 
citovcn  qui  servît  sa  patrie  dans  cette 
profession.  .Améric  fut  choisi,  dans  la 
famille  des  Vespuce ,  pour  suivre 
l'exemple  de  ses  ancêtres.  Il  partit  de 
Florence,  en  i490i  et  «^  rendit  en 
Espagne ,  pour  y  faire  le  commerce. 
Il  se  trouvait  à  Séville  ,  en  j  49^  , 
lorsque  Christophe  Colomb  se  prépa- 
rait à  entreprendre  un  nouveau  voya- 
ge ,  et  que  la  passion  des  découvertes 
commençait  à  enflammer  la  plupart 
des  navigateurs.  Les  succès  de  Co- 
lomb reveillèrent  l'émulation  d'Amé- 
ric ,  qui  résolut  d'abandonner  les  in- 
térêts de  son  commerce,  pour  aller 
reconnaître  un  monde  dont  l'Europe 
venait  d'apprendre  IVxistcnce.  Le 
lo  mai  i497j  il  coramciiça  sou  prc- 


AME 

niier  voyage  ,  et  partit  de  Cadix  avec 
ciuq  vaisseaux ,  sous  les  ordres  d'O- 
je'da.  Cette  petite  flotte  se  dirigea  vers 
ies  îles  Fortunées ,  et ,  faisant  voile  à 
l'ouest ,  parvint  jusqu'au  continent 
d'Amérique,  après  3']  jours  de  nan- 
pation  :  elle  visita  le  golfe  de  Parias , 
l'île  de  Ste.-Marguerile ,  et  côtoya  la 
terre  ferme,  dans  un  espace  de  plus  de 
4oo  lieues.  Après  un  voyage  de  1 3 
mois,  elle  revint  en  Espagne, et  mouilla 
à  Cadix,  le  i  5  octobre  1 498.  Ame'ric, 
qui  ,  par  ses  connaissances  ,  avait 
])eaucoup  contribue'  au  succès  de  l'ex- 
pédition ,  fut  très-bien  reçu  à  la  cour 
de  Sèville.  Au  mois  de  mai  1 499 ,  il 
repartit  de  Cadix  pour  le  cap  Vert , 
passa  en  vue  des  îles  Canaries,  et, 
44  jours  après  son  départ  d'Espagne, 
aborda  à  une  terre  inconnue ,  située 
sous  la  zone  torride  ,  qui  était  la  con- 
tinuation de  celle  qu'il  avait  décou- 
verte dans  son  premier  voyage.  Après 
quelques  courses  le  long  de  la  côte  , 
il  revint  à  l'ile  espagnole  de  Santo- 
Domingo,  où  Ojeda  eut  des  démêlés 
avec  les  Européens,  qui,  six  ans  au- 
paravant, y  étaient  venus  avec  Chris- 
tophe Colomb.  La  flotte  se  dirigea  en- 
suite au  nord,  et  découvrit  plusieurs 
îles ,  dont  Améric  fait  monter  le  nom- 
bre à  plus  de  mille,  calcul  que  sou 
biographe  se  contente  d'appeler  une 
exagération  poétique.  L'amiral  Ojeda 
voulait  continuer  sa  route;  mais  les 
plaintes  de  l'équipage  le  forcèrent  à 
j  evenii"  en  Europe.  Au  retour  de  la 
flotte ,  Ferdinand  et  IsabeUe,  à  qui 
Améric  présenta  plusieurs  productions 
du  Nouveau-Monde ,  lui  firent  l'ac- 
cueil le  plus  flatteur.  Lorsqu'on  apprit 
à  Florence  les  découvertes  de  Ves- 
piice ,  la  république  fit  des  réjouis- 
sances, et  s'honora  d'avoir  vu  naître 
un  grand  homme.  Séduit  par  les 
promesses  d'Emmanuel,  i-oi  de  Por- 
tugal ,  Améric  quitta  le  service  d'Es- 


A  M  E  4 1 

pagne,  et  partit  de  Lisbonne  ,  le 
10  mai  i5oi  ,  avec  trois  vaisseaux 
portugais.  Il  arriva  au  cap  Saint-Au- 
gustin ,  et  côtoya  presque  tout  le  Brésil 
jusqu'à  la  terre  des  Patagons.  Assailli 
par  des  tempêtes ,  il  fut  obligé  de 
revenir  en  Portugal,  où  il  arriva  le 
7  décembre  1 5o2.  Emmanuel,  satisfait 
de  ce  voyage,  voulut  qu' Améric  en  en- 
treprît un  autre,  et,  pour  la  quatrième 
fois,  le  navigateur  florentin  s'embar- 
qua le  10  mai  i5o3,  sur  une  flotte 
de  6  vaisseaux ,  avec  le  projet  de 
trouver,  par  l'occident,  un  nouveau 
chemin  pour  aller  à  Malacca.  Cette  ex- 
pédition fut  moins  heureuse  que  les 
précédentes.  Après  avoir  perdu  un 
vaisseau  ,  et  couru  les  plus  grands 
dangers ,  la  flotte  portugaise  entra  dans 
la  baie  de  Tous-les-Saints  au  Brésil , 
et  ne  tarda  pas  à  retourner  en  Europe  : 
Améric  demeura  en  Portugal  jusqu'en 
l'année  i5o6,  époque  de  la  mort  de 
Colomb.  La  cour  de  Séville  rendait 
alors  de  grands  honneurs  à  ta  mé- 
moire de  cet  illustre  navigateur,  et 
songeait  à  réparer  la  perte  qu'elle  ve- 
nait de  faire;  elle  rappela  à  son  ser- 
vice Améric  Vespuce,  qui  s'embarqua 
de  nouveau,  eu  1607  ,  sur  une  flotte 
espagnole,  avec  le  titre  de  premier  |)ilo- 
te.  Pendant  ce  voyage,  les  Indes  occi- 
dentales commencèrent  à  porter  le 
nom  du  navigateur  florentin ,  honneur 
qui  aurait  dû  être  l'éservé  à  Colomb. 
«Ainsi,  dit  Rayual,  le  premier  ins- 
»  tant  où  l'Araérique  fut  connu  du  reste 
»  de  la  terre,  est  marqué  par  une  in- 
»  justice.  »  Améric  vécut  assez  long- 
temps pour  jouir  de  cette  gloire  usur- 
pée, et  pour  revoir  plusieurs  fois  le 
vaste  continent  qui  portait  son  nom. 
Il  mourut,  en  i5i6,  au  service  du 
Portugal.  Emmanuel  ,  pour  honorer 
sa  mémoire ,  fit  suspendre  les  restes 
de  son  vaisseau  dans  la  cathédrale  de 
Lisbonne ,  et  Florence  com])la  d'hon- 


42  AME 

neurs  sa  famille.  L'abbé  Bandiui  a  pu- 
blié, en  1745,  I  \o\.iu-^".,  yilta 
è  Lellere  di  Amerigo  f'espucci,  etc. 
Cette  notice,  beaucoup  trop  élendue,  et 
chargée  de  détails  inutiles ,  n'est  qu'un 
panép;yrique  continuel  du  navij^ateur 
florentin ,  auquel  l'historien  n'hésite 
pas  d'accorder  l'honneur  d'avoir  dé- 
couvert l'Amérique.  D'après  les  dates 
qu'il  donne  des  deux  premiers  voya- 
ges d'Amcric  Vespuce,  et  que  nous 
avons  suivies  dans  cet  article ,  il  paraî- 
trait que  le  navigateur  florentin  aurait 
eu  connaissance,  le  premier,  du  con- 
tinent de  l'Amériqiiej  mais  les  auteurs 
espagnols  reculent  de  deux  ans  les 
époques  de  ces  deux  vovages  ,  et 
placent  le  premier  en  i49<N  au  lieu 
de  1/197.  Au  reste,  cette  question  sera 
discutée  à  l'article  Christophe  Co- 
lomb. Tout  le  monde  s'accorde  à 
dire  qu'Améric  ne  commanda  jamais 
en  chef  une  expédition  ,  qu'il  ne 
voyagea  qu'eu  qualité  de  géographe 
et  de  pilote ,  et  qu'il  ne  partit  pom' 
iaire  des  découvertes  qu'après  le  re- 
tour de  ChristopheColomb.  Améric  dut 
sans  doute  sa  gloire  à  son  mérite ,  à 
ses  travaux;  mais  il  dut  aussi  quc'que 
chose  à  son  caractère ,  et  principale- 
ment à  la  fortune  qui  se  mclc  de  tout. 
Tandis  que  Colomb  accusait  haute- 
ment ses  envieux ,  et  que  sa  gloire 
importunait  les  maîtres  de  laCasliile  , 
Améric ,  modeste  et  paisible ,  ne  donna 
point  d'ombrage  aux  rois  ni  à  ses  ri- 
vaux ;  la  moitié  de  la  terre  prit  son 
nom  ,  sans  qu'd  eût  cherché  cet  hon- 
neur, et  sans  que  l'envie  pût  y  prendre 
garde.  Améric  Vespuce  a  laissé  un 
Journal  de  quatre  de  ses  voyages , 
imprimé  en  latin,  Paris  ,  1 5").i;  liile, 
1 555 ,  et  ensuite  traduit  de  l'italien  en 
français ,  Paris ,  1 5 1 9.  On  a  imprimé 
à  Florence,  en  1 5 16  ,  quelques-unes 
de  ses  Lettres ,  en  italien ,  petit  in-4°. 
de  22  feuillets ,  tiré  à  très-petit  nom- 


AME 

bre ,  et  sur  lequel  on  peut  consulter  ]& 
Répertoire  de  Bibliographies  spé- 
ciales, etc.,  de  M.  Peignot ,  1810, 
in-S". ,  p.  iSg.  Ces  lettres,  adressées 
à  Pierre  Soderini  et  à  Laurent  de 
Médicis, annoncent  un  homme  supé- 
rieur dans  les  connaissances  de  la  navi- 
gation. L'académie  de  Cortone ,  sur  la 
fin  du  dernier  siècle,  a  proposé  un 
prix  au  meilleur  discours  sur  les  titres 
qu'Améric  avait  eus  pour  donner  son 
nom  au  Nouveau-Monde,  elle  P.Ca- 
novai  a  obtenu  ce  prix.         M — d. 

AMERVAL ,  ou  plutôt  AMER  LAN, 
(  Eloy  d'  ) ,  né  à  Bethune ,  vers  la  fin 
du  1 4^  siècle,  était  maître  des  enfants- 
de-chœnr  ,  dans  sa  ville  natale.  Cet 
auteur  n'est  connu  que  par  un  ouvrage 
rare  et  curieux ,  intitulé  :  Le  Livre  de 
la  Déahlerie  ,  en  rimes  et  par  per- 
sonnaiges,  Paris,  1 5o8,  in-fol.  ;  1 55 1, 
in-4''.  H  est  divisé  en  dt  ux  partiesj 
les  deux  principaux  personnages  sont 
Lucifer  et  Satan ,  qui  rapportent,  tout 
au  long,  et  sans  rien  requérir ,  les 
ahuz,faultes  et  péchiez  que  les  hom- 
mes commettent  journellement.  Les 
discours  des  deux  démons  sont  ap- 
puvés  de  passages  tirés ,  tant  de  l'Ecri- 
ture-Saiute,  que  des  anciens  poètes,  et 
enfinde  toute  l'éruditiondu  1 5".  siècle. 
R— T. 

AMES  (  Guillaume  ) ,  théologien 
anglais  ,  né  à  Norfolk  ,  en  1 5^6  ;  sou 
zèle  pour  le  calvinisme  l'obligea  de  se 
réfugier  en  Hollande,  où  il  occupa ,  pen- 
dant 1 2  ans ,  la  place  de  professeur  en 
théologie  de  l'iniiversité  de  Fraueker. 
11  mourut  à  Rotterdam ,  en  ■  655.  Ou 
a  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages  , 
pirmi  lesquels  on  distingue  les  sui- 
vants :  L  Puritanismus  anglicanus , 
in-8'- ,  1610; et,  en  anglais,  Londres', 
1 64  i  ;  1 L  Medulla  theologica,  in- 1 2, 
Franeker  ,  1623  ;  Amsterdam  ,  1627, 
1628,1654,  1641  ;et,  en  anglais, 
Londres  ,  m-12  ^  IIL  De  coiisci<in' 


AME 

f/rt,  etc.,  Amsl. ,  t63o,  i65i,  i643, 
iu-i2;et,  en  anglais,  Londres,  in-4". 
1 643  ;  IV.  Dejv.GJJStratio  logicœverœ^ 
in-iQi,Lugd.  Bat.,  i652;V\  Tech- 
nometria ,  Amsterdam  ,  in-8°.  i632  ; 
\'I.  Traité  contrôles  cérémonies  hu- 
maines observées  dans  le  culte  di- 
vin,in-^.",  1 655.  Les  autres  ouvrap,es 
de  G.  Ames  sont  des  écrits  de  contro- 
verse contre  le  cardinal  Rellarmin  et 
Je  tliëologien  Greviuchovius.  11  était 
tellement  pre'venu  en  faveur  de  sa 
secte ,  que  ,  dans  son  Puritanismus 
anglicanus,  il  semble  regarder  les  pu- 
ritains comme  les  seuls  honnêtes  gens 
de  l'Angleterre.  X — w. 

AMES  (  Joseph  )  ,  antiquaire  an- 
glais ,  qui  vivait  dans  le  18  .  siècle.  Il 
commença  par  être  marchand  d'allu- 
mettes dans  le  quartier  de  Wapping, 
à  Londres;  et  il  était  parvenu  à  un  âge 
assez  avancé ,  lorsqu'il  étudia  les  anti- 
quités. Il  devint  alors  membre  de  la 
société  royale  de  Londres,  et  secrétaire 
de  la  société  des  antiquaires.  Il  a  publié 
les  antiquités  typographiques,  ou 
Précis  historique  de  l'origine  et  des 
progrès  de  l'imprimerie  dans  la 
Grande-Bretagne ,  avec  des  notices 
sur  ses  premiers  imprimeurs ,  et  un 
catalogue  des  livres  par  eux  impri- 
més depuis  Van  1471  jusqu'à  Van 
1600,  avec  un  supplément,  contenant 
les  progrès  de  l'impiimerie  eu  Ecosse 
et  en  Irlande,  17491  "n  vol,  in-4". , 
réimpr.  avec  des  additions  considéra- 
Lies  de  Guill.  Herbert ,  1 785-90  ,  5 
vol.  in-4°.  Ames  a  rédigé  les  Parent- 
alia  d'après  les  manuscrits  de  Wreu. 
Il  est  mort  en  1 7  5g.  X — n. 

AINIESTRIS ,  fille  d'Otanes ,  l'un  des 
sept  grands  de  la  Perse  qui  tuèrent 
vSraerdis-!e-Mage,  fut  mariée  à  Xerxès , 
fils  de  Darius ,  et  se  rendit  fameuse  par 
les  cruautés  qu'elle  exerça  contre  la 
femme  de  Masistès  ,  dont  Xers.cs  était 
c'pris.  Elle  lai  fit  couper  le  nez  ,  les 


A IM  H  43 

oreilles  ,  les  lèvres  ,  et  la  renvoya  ainsi 
défigurée  à  son  époux.  Dans  sa  vieil- 
lesse, elle  fit  enterrei^vifs  quatorze  en- 
fants des  deux  sexes  des  principales 
familles  de  la  Perse,  espérant,  par  cette 
pratique  superstitieuse etbarbarc,  pro- 
longer ses  jours ,  et  apaiser  les  dieux 
des  enfers.  C — r. 

AMFRE VILLE,  nom  célèbpe  dans 
la  marine  française.  Il  y  avait  trois 
d'Amfreville  à  la  malheureuse  bataille 
de  la  Hogue,  en  1 69. i  :  ils  étaient  frères. 
L'aîné  (  le  marquis  ),  chef  d'escadre  , 
commandait  l'avant-garde  ;  le  second 
montait  le  vaisseau  M  Ardent ,  de  70 
canons,  et  le  troisième  commandait  le 
Kermandois ,  de  60.  Tous  les  trois 
combattirent  avec  la  plus  grande  iu- 
trépidilé.Leur  nom  se  retrouve  àtoutcs 
les  époques  glorieuses  de  la  marine, 
sous  le  règne  de  Louis  XIV.  Le  mar- 
quis d'Amfreville  mourut  lieutenant- 
général  des  armées  navales,  dans  ua 
âge  très-avancé.  E — d. 

AMHURST  (Nicolas),  écrivain 
anglais,  né  à  Marden,  dans  le  comté 
de  Kent,  vers  la  fin  du  17''.  siècle. 
C'était  un  homme  de  beaucoup  d'es- 
prit, mais  sans  mœurs.  Sa  mauvaise 
conduite  l'ayant  fait  chasser  d'Oxford, 
où  il  était  membre  du  collège  de 
St.-Jean  ,  il  s'en  vengea  par  deux 
poèmes  satiriques,  intitulés  :  Oculus 
Britanniœ ,  et  Terrce  fdius.  Il  alla 
s'étabhr  à  Londres,  oii  il  publia  un 
volume  de  Mélanges ,  et  quelques  au- 
tres essais  ;  mais  il  est  plus  particuliè- 
rement connu  oomme  ayant  eu  part 
à  la  rédaction  d'un  ouvrage  périodi- 
que intitulé  The  Craftsman,  auquel 
travaillèrent  aussi  lord  Bolingbroke  et 
Pultenev,  depuis  comte  de  Bath.  Cette 
feuille,  chrigée  contre  le  ministère  du 
chevalier  Robert  ^^  alpole,  eut  un  suc- 
cès si  prodigieux,  qu'jl  s'en  deTiitait 
10  à  i'2  mille  exemplaires  par  jour.  Ce 
succès   n'augmenta  point   la  fortune 


44  A  M  î 

cVAmliurst,  qui.  après  la  chute  du  mi- 
nistre, quoiqu'il  fût  un  de  ceux  qui  y 
avaient  le  plus  contribue'  par  leurs 
écrits,  ne  reçut  aucune  récompense, 
n'obtint  aucune  place .  et  fut  entière- 
ment oidîlic  du  parti  qu'il  avait  si 
Lien  servi.  11  mourut ,  à  ce  qu'on  croit , 
de  chagrin,  en  i''j^'2,  et  dans  un  état 
si  misérable,  que  sou  imprimeur ,  Ri- 
chard Franklin,  fut  oblige  de  paver 
son  cercueil.  On  a  aussi  de  lui,  uncEpî- 
ire  à  sir  John  Bloiint ,  i']io;Ie  Gé- 
néral anglais,  poëme  consacre'  à  la 
me'moire  de  Jean ,  duc  de  IMarlbo- 
rough  ;  Strephon  vengé,  satire  contre 
les  toasts  d'Oxford;  la  Convocation , 
pocrae  en  cinq  chants,  dirige  contre  le 
haut  derge';  la  traduction  de  quelques 
poëmes  latins  d'Addison.       S  — D. 

AMICO  (Antomn  d'),  de  Mes- 
sine, chanoine  de  l'église  cathédrale 
de  Palcrme,  et  historiographe  du  roi 
d'Espagne,  PhiHppe  lY,  était  très- 
versé  dans  l'histoire  et  les  antiquités 
de  Sicile.  11  écrivit  sur  ce  sujet  un 
grand  nombre  d'ouvrages,  dont  quel- 
ques-uns seulement  sont  imprimés  : 
les  autres  passèrent,  après  sa  mort, 
dans  les  deux  bibhothèques  du  duc 
de  Madonia,  et  de  monsig.  Palafox, 
archevêque  de  Palernie.  On  en  trouve 
le  catalogue  à  la  fin  de  l'un  de  ses  ouvra- 
ges imprimés,  et  dans  la  Bibliothèijue 
sicilienne  de  Mongitore  ;  ses  livres 
connus,  sont  :  I.  Triitm  orientalium 
latinorum  ordinum  ,  post  caplain  à 
duce  Gothofredo  Hierusalem,  etc., 
Notitiœet  Ta!mlaria;Pa.\crme,  iG36, 
in-fol.;  II.  Disserlntio  historica  et 
chronologica  de  aniiquo  urbis  Sjra- 
cnsarum  archiepiscopatu  ,  etc.,  Na- 
ples,  1640,  iu-4".  Cette  dissertation, 
relative  aux  discussions  très-animées 
qui  eurent  lieu  entre  les  trois  églises 
de  Syracuse ,  de  Palerme  et  de  Mes- 
sine, pour  savoir  à  laquelle  avaient 
anciennement  appartenu  le  titre  cl  les 


AMI 

droits  de  métropole, a  étéréimprirncV, 
avec  les  dissertations  contradictoires  ^ 
dans  le  -j''.  volume  du  Thésaurus  an- 
tiquilatum  Siciliœ  ,  Lugd. ,  Batav. , 
1725,  in-fol.  ;  m.  Séries  ammirato- 
rum  iiisulœ  Siciliœ ,  ah  an.  D.  8^2, 
usquead  1640, Palerme,  i64o,in-4".; 
IV.  De  Messanensis  prioratus  sa- 
crée hospilitatis  domus  militumsancli 
Joannis  Hierosolymitani  origine , 
Palerme,  i64o,  in-4"';  V.  en  espa- 
gnol, Chronologia  de  los  Virrej'es, 
présidentes,  y  de  otras  personas , 
que  han  govemado  elBeyno  de  Sici- 
lia,  despues  que  sus  Rejes  han  dexa- 
do  de  morar  y  vivir  en  el,  Palerme, 
1 64<'  1  iii-4 "•  Araico  mourut  à  Palerme, 
en  i6|i  ,  l'année  qui  suivit  l'impres- 
sion de  ces  quatre  derniers  ouvrages. 

G— E. 

AMICO  (  BAr.THELEMy),  jésuite, 
né  à  Anzo,  en  Lucanie,  en  iSôi, 
professa  la  philosophie  et  la  théologie, 
au  collège  de  Naples ,  et  y  fut  long- 
temps préfet  des  études.  11  y  mourut 
en  1649.  Son  principal  ouvrage  est 
un  recueil  volumineux  sur  la  philoso- 
phie d'Aristote,  intitulé: /n universam 
Aristotelis  philosopkiam  notœ  et  dis- 
putationes  ,  quitus  illustrium  sclio- 
larum,  AveiTois,  D.  Thomœ,  Scoli, 
et  Nominalium  sciitentice  expendun- 
tur,  earumque  tuendarumprohahiles 
inodi  afférunlur,  vol.  \'1I,  in-fol. 
Ces  sept  volumes,  dont  le  1".  a  deux 
parties  ,  parurent  successivement  à 
Naples,  depuis  169.3,  jusqu'en  164B. 
On  peut  voir  les  titres  de  ses  autres 
ouvrages  dans  Alegambe  (  Bibliolh. 
script,  soc.  JesiL  ).  G — É. 

AMICO  (Bernardin)  ,  de  Galli- 
poli ,  dans  le  royaume  de  Naples  ,  re- 
ligieux franciscain,  était  prieur  de  son 
ordre  à  Jérusalem ,  en  1 59G.  Pen- 
dant un  séjour  de  5  ans  ,  il  dessina 
et  décrivit  avec  exactitude  les  saints 
lieux  ;  et ,  de  retour  en  Italie,  il  pu- 


AMI 

blia  ,  en  italien  ,  cet  ouvrage  curieux 
pour  les  arts  :  Trattato  délie  Piaule 
(  des  plans,  et  non  pas  des  plantes  , 
comme  on  l'a  imprime'  et  réimprime' 
en  français  ) ,  e  immagini  de^  sacri 
edifizl  di  Terra  Santa,  designate  in 
Jerusalemine ,  etc. ,  d'abord  à  Rome, 
et  ensuite  à  Florence,  16.10,  petit 
in-fol.  Les  gravures  de  ce  livre  sont 
du  célèbre  Caliot,  G — É. 

AMICO  (  ViTO -Marie  ) ,  noble  de 
Catane  en  Sicile,  ne'  en  lôgS,  entra 
dans  la  congrégation  du  Mont-Cassin , 
professa,  pendant  plusieurs  années, 
dans  sa  patrie  ,  la  philosophie  et  la 
théologie,  et  se  rendit  célèbre  par  son 
érudition ,  et  par  l'étendue  de  ses  con- 
naissances dans  les  antiquités  de  la 
Sicile.  Il  fut  élu  prieur  de  son  ordre 
en  1745.  On  a  de  lui  les  deux  ou- 
vrages suivants  :  I.  Sicilia  sacra  , 
disqidsitionibus  et  notitiis  illustrata, 
etc. ,  dont  la  dernière  partie ,  seule- 
ment, est  de  lui ,  et  qui  fut  imprimé 
à  Venise ,  sous  la  fausse  date  de  Pa- 
ïenne, 1755,  '1  vol.  in-fol.  Mécon- 
tent de  cette  édition ,  il  fit  réimpri- 
mer à  Catane  la  partie  qui  lui  apjiar- 
tenait,  sous  ce  titre  :  Siciliœ  sacrœ  li- 
bri  IV  intégra  pars  secunda,  etc., 
1753,  in-fol.  ;  II.  Catana  illustrata, 
sive  sacra  et  civilis  iirhis  Catanœ 
histurîa,  Culàne,  4  vol.  in-fol.  ,1741 
—  1740.  G— É. 

AiVUCO  (Etienne  d'),  de  Paler- 
me  ,  autre  religieux  de  la  congréga- 
tion du  Mont  -  Cnssin  ,  né  en  i57'i, 
fut  prieur  ,  abbé ,  et  vicairc-géncral 
de  son  ordre.  Etant  abbé  de  l'abbaye 
de  St.-Marlin  ,  il  en  accrut  considé- 
rablement ,  à  ses  frais  ,  la  biblio- 
thèque, et  fit  aussi  construire,  pour 
ce  monastère,  de  superbes  bâtiments, 
i-l  mourut  en  1662.  Mongitore,  qui 
t.iit  de  lui  de  très-grands  éloges  ,  nous 
apprend,  dans  sa  Bibliolh.  Sicula, 
«jif'il  donna,  scus  le  ucmà^Famalo 


AMI  45 

Musica,  un  recueil  de  ses  Poésies 
latines,  intitulé  :  Sacraljra ,  varia- 
ruinauctoriim  cantionibus  cuntextaj 
in  latina  epigravnnala  com>ersis , 
Palerme,  i65o,  iu-12.  De  ces  deux 
noms  supposés,  le  premi  r,  Fanesto^ 
est  l'anagramme  de  Stefano ,  en  fran- 
çais ,  Etienne.  G  —  É. 

AMICO  (  Philippe  ) ,  de  Milazzo  , 
en  Sicile,  né  en  i654  ,  a  publié  des 
Réflexions  historiques  sur  ce  que  des 
auteurs  d^ anciennes  chroniques  ont 
écrit  au  sujet  de  la  ville  de  Mi- 
lazzo ,  Catane ,  1  70") ,  in-4  ".  Cet  ou- 
vrage est  écrit  en  italien  :  Rijlessi  is- 
torici ,  etc. ,  et  non  point  en  latin  ^ 
comme  l'a  dit  Leiiglet  -Dufresnoy, 
tome  II  de  sa  Méthode  pour  étudier 
l'histoire.  —  Plusieurs  autres  littéra- 
teurs italiens  du  même  nom  ont  publié 
des  ouvrages  peu  importants.    G — E. 

AMICO  (  DiomÈde),  médecin,  né 
à  Plaisance,  vers  la  fin  du  16^.  siècle, 
a  publié:  I.  De  morbis  communibus, 
liber;  ejusdem  traclatus  de  variO' 
lis  ,  etc. ,  Venise  ,  1 5g6 ,  in-4".  ;  IL 
De  morbis  sporadibus ,  opus  nwum , 
etc.,  1 60 j,  in-4''.  (' — E- 

AMICO  (  Fau*tin)  ,  de  Bassaiio  , 
poète  du  16".  siècle, mourut eui 5 j8. 
n'étant  âgé  que  de  24  ans.  11  annuii- 
çait  un  talent  extraordinaire,  et  fut 
vivement  regretté.  Il  avait  adicssé  i 
son  plus  intime  ami,  Alexandre  Cam- 
pesano,  une  Epître  en  vers  latins  , 
écrite  avec  autant  d'élégance  et  de  pu- 
reté qu'elle  était  conduite  avec  art ,  cl 
forte  de  pensées  :  elle  fut  imprimée  , 
après  sa  mort ,  sous  ce  titre  :  Faus- 
tini  Amici,  Bassanensis,  annoœtalis 
sues  XXI V  immaturatd  morte  prce- 
repti,Epistola  adAlexandrum  Catn- 
pesanum,  Venise,  i564,  in-4''.  '*^<^ 
Poésies  italiennes  sont  éparses  dans 
divers  recueils,  entr'autrcs,  dans  celui 
des  Poètes  de  Bassano.  et  dans  la 
collection  du  Gubbi.  G — e. 


4G  A  M I 

AMIGONI ,  ou  AMICONI  (  Jac- 
ques), peintre,  uë  à  Venise  en  1G75, 
>  oyagea  en  Flandre ,  et ,  pour  perfec- 
tionner son  coloris  ,  copia  les  grands 
maîtres  de  cette  école.  Zanetti  jiarle 
de  lui  avec  éloge.  Ou  demanderait , 
chez  cet  auteur  ,  uu  peu  plus  de  re- 
lief, moins  de  soiu  pour  faire  briller 
à  la  fois  toutes  les  parties  de  sa  com- 
posilion  :  les  peintures  d'Amigoui  en- 
chantent ,  au  premier  abord ,  les  fai- 
bles connaisseurs.  Jacques  fut  bien 
accueilli  en  Angleterre,  en  Allemagne, 
et  en  Espagne ,  oîi  il  mourut ,  en  i  n 52 , 
avec  le  titre  de  peintre  de  la  cour.  Il 
fit,  en  Angleterre,  des  portraits  et  des 
compositions  historiques.  Les  ama- 
teurs de  musique  étaient  dans  l'usage 
de  se  faire  peindre  par  lui.  L'architecte 
Kent ,  qui  avait  voulu  être  peintre  , 
sans  pouvoir  y  parvenir  ,  avait  dis- 
posé les  escaliers  des  maisons  qu'il 
construisait ,  de  manière  à  ce  qu'il  fût 
difficile  de  les  enrichir  de  peintures: 
cependant  Araiconi  eut  occasion  d'en 
peindre  plusieurs  j  entr'autres  ,  celui 
tle  Powi-House ,  dans  la  rue  d'Or- 
mond  ,  à  Londres  ,  où  il  représenta , 
en  trois  compartiments ,  X Histoire  de 
Judith.  11  exécuta  aussi  les  Amours 
tle  Jupiter  et  d'Io ,  dans  la  salle  du 
château  de  More-Park  ,  en  Ilerlford- 
shire.  11  y  avait ,  chez,  le  musicien 
Farinelli  ,  à  Bologne  ,  une  grande 
quantité  de  tableaux  de  Jacques  Ami- 
coni,  où  il  avait  représenté  ce  célèbre 
soprano ,  recevant  des  récompenses 
de  plusieurs  souverains.  A — d. 

AMILCAR  ,  général  carthaginois  , 
fils  de  Magon  ,  fut  chargé  ,  l'an  4B4 
av.  J.-C. ,  du  commandement  d'une 
expédition  formidable  contre  la  Sicile , 
et  ,  ayant  débar(]ué  à  Panorrae  (  Pa- 
leime  ) ,  ouvrit  la  campagne  par  le  siège 
d'Himère  ;  mais ,  surpris  par  Gélon , 
tyran  de  Syracuse  ,  au  moment  où  il 
offrait j  au  bord  de  la  mer,  uu  saaifice 


AMI 

à  Neptune,  il  périt  au  commencement 
de  l'action.  Les  Syracusaius  taillèrent 
sou  armée  en  pièces,  et  livrèrent  aux 
flammes  la  plupart  des  vaisseaux  car- 
thaginois. Cette  défaite ,  pres([ue  sans 
exemple  ,  eut  lieu  le  jour  même  du 
combat  des  Thermoipyles.  Carthage  , 
consternée ,  s'estima  trop  heureuse 
d'acheter  la  paix  par  un  traité  dont 
Gélon  dicta  les  conditions,  et  par  la 
perte  de  tout  ce  qu'elle  avait  en  Sicile. 
Les  vainqueurs  et  les  vaincus  publiè- 
rent qu'Aïuilcar  avait  disparu  après  le 
carnage  de  ses  troupes,  sans  qu'un  eût 
jamais  pu  le  retrouver.  B — p. 

AMILCAR ,  fils  de  Giscon,  envoyé 
en  Sicile  avec  une  nombreuse  armée 
au  secours  de  Syracuse  ,  contre  Aga- 
thocle,  l'an  5 16 av.  J.-C,  fut  assailli 
par  une  violente  tempête,  qui  submer- 
gea 60  vaisseaux  et  000  transports. 
Malgré  ce  désastre  ,  Amilcar  aborda 
eu  Sicile,  réunit  près  de  5o,ooo  hom- 
mes ,  livra  bataille  ,  près  d'Himère ,  à 
Agathocle  ,  le  défit ,  réduisit  un  grand 
nombre  de  villes ,  et  mit  le  siège  devant 
Syracuse.  Agathocle ,  qui  s'v  était  ren- 
fermé, s'embarqua  pour  aller  attaquer 
les  Carthaginois  eu  Afrique,  et  Amilcar, 
continuant  de  presser  Syracuse,  donna 
un  assaut  général ,  et  fut  repoussé  avec 
perle.  Forcé  d'envoyer  une  partie  de 
son  armée  au  secours  de  Carthage  ,  et 
vivement  attaqué  ensuite  par  les  Sy- 
racusaius, qui  firent  une  sortie  géné- 
rale, il  fut  fait  prisonnier,  et  les  Svracu- 
sains  lui  coupèrent  la  tête  ,  qu'ils  en- 
voyèrent à  Agathocle  en  Afrique  ,  l'an 
5o9  av.  J.-C.  B — p. 

.\M1LCAR  ,  antagoniste  de  Régulus 

(  for.  RÉOULUS  ). 

AMILCAR,  surnommé  Barca  , 
père  d'Annibal ,  appartenait  à  une  fa- 
mille chère  au  peuple ,  et  qui  faisait  re- 
monter sou  origine  aux  anciens  rois  de 
Tyr.  Très-jeune  encore ,  il  fut  chargé 
du  commaudement  de  l'armée ,  eu  Si- 


AMI 

cïïe ,  où  les  Cartliaginois  avaient  pres- 
que tout  perdu:  c'était  dans  la  18". 
aune'e  de  la  première  j:;uerre  punijue. 
Amilcar  parut  d'abord  avec  une  flotte 
vers  les  côtes  d'italie ,  ravageales  terres 
des  r,ocrieus  et  des  Bruttiens ,  revint 
en  Sicile  avec  de  riches  dépouilles  ,  y 
débarqua  ses  troupes  ,  fît  des  incur- 
sions chez  les  alliés  de  Rome ,  décon- 
certa toutes  les  mesures  des  consuls ,  et 
termina  glorieusement  une  campagne  , 
qui  fut  regardée  à  Carlliage  comme 
un  chet-u'œuvre  d'habileté.  Pendant 
cinq  ans,  il  désola  l'Italie,  et  disputa  la 
Sicile  aux  Romains  ;  mais  Hannou,  ami- 
ral de  Cartilage,  ayant  été  vaincu  par 
le  consul  Lutatius ,  dans  un  combat 
naval  près  des  îles  rJga tes,  l'an  24^  av. 
J.-C. ,  les  Carthaginois  résolurent  de 
mettre  fin  à  une  guerre  dont  ils  ne 
pouvaient  plus  supporter  le  fardeau. 
Chargé  des  négocialions  de  la  paix , 
Amilcar  signa,  enfiémissant,  un  traité 
qui  mettait  sa  patrie  dans  la  dépen- 
dance de  Rome.  La  conduite  révoltante 
des  Romains  ,  pendant  les  négocia- 
tions ,  ne  fit  qu'augmenter  l'aversion 
qu'Amilcar  avait  conçue  pour  ces  ri- 
vaux ambitieux.  De  retour  eii  Afrique , 
il  fut  le  défenseur ,  ou  plutôt  le  libéra- 
teur de  sa  patrie  dans  la  guerre  des 
mercenaires  ,  qui ,  au  nombre  de  plus 
de  20,000 ,  réunis  à  des  hordes  de 
JNumides,  assiégeaient  Carthage  mê- 
me. Non  seulement  Amilcar  les  re- 
poussa des  murs  de  la  capitale ,  mais  il 
reprit  les  viKes  d'Utique  etd'Hippone, 
et,  après  avoir  détruit  ces  rebelles  ,  il 
châtia  les  Numides ,  étendit  la  domina- 
tion de  Carthage,  et  rétablit  le  calme 
dans  toute  l'Afrique.  Bientôt  après ,  le 
coeiu-  toujours  ulcéré  contre  les  Ro- 
mains ,  il  forma  le  projet  de  se  rendre 
maître  de  toute  l'Espagne,  espérant  y 
lever  assez  de  soldats  pour  résister  aux 
troupes  que  l'Italie  fournissait  à  la  ri- 
vale de  (iarthage.  Les  services  qu'il 


AMI  47 

venait  de  rendre  à  sa  patrie  lui  firent 
obtenir  aisément  le  commandement 
de  l'armée  d'Espagne  ;  il  se  rendit  à 
Abyla  avec  des  forces  imposantes ,  et , 
mettant  à  la  voile ,  il  traversa  le  dé  - 
troit,  débarqua  en  Espagne  ,  et  s'établit 
d''aboid  à  Cadix  ,  capitale  de  la  partie 
de  l'Espagne  alors  au  pouvoir  de 
Carthage.  Amilcar  amenait  avec  lui  scu 
fils  Annibal ,  âgé  de  9  ans ,  et  ce  fut  à 
son  arrivée  en  Espagne  qu'il  lui  fit  ju- 
rer une  haiue  éternelle  aux  Romains. 
Selon  Appien  et  Polybe  ,  Amilcar  se 
proposait  deux  vues  dans  cette  guerre , 
la  première  de  mettre  Carthage  en  état 
de  se  venger  dfs  outrages  qu'elle  avait 
reçus  ,  et  la  seconde,  de  s'absenter  de 
sa  patrie,  qui  était  aloi's  divisée  par 
deux  partis  puissants  ,  dont  l'un  avait 
pour  chef,  clans  le  sénat,  Hannon,  son 
eunemi,etdontrautre,  qui  avait  épouse 
ses  intérêts ,  s'appelait  la  faction  Bar- 
cine.  Amilcar  commanda  neuf  ans  eu 
Espagne, subjugua  plusieurs  nations, 
fonda  Barcelone ,  et  soutint  son  cretht 
à  Carthage,  non  seulement  par  les  heu- 
reux  succès  de  ses  armes ,  mais  encore 
par  les  grandes  richesses  qu'il  v  fit  pas- 
ser. L'histoire  ne  nous  a  pas  conservé 
le  détail  de  ses  conquêtes  dans  cctlR 
contrée  ;  elle  ne  fait  mention  que  de  !a 
bataille  qu'il  livra  aux  Vectones,  ]>ei> 
pies  de  la  Lusitanie,  cl  dans  laquelle  il 
fut  tué,  l'an  228  av.  J.-C.  Pobbe  dit 
qu'Amilcar  eut  une  fin  digne  de  sou 
mérite  ,  en  mourant  sur  le  champ  de 
bataille ,  à  la  tête  de  ses  troupes.  L'ar- 
mée élut  à  sa  place  son  gendre  As- 
drubal.  B — p. 

AMIN-BEN-HAROLN  ,  6  .  kha- 
lyfe  de  la  race  des  Abaçydes(  Foy, 
Amyn  ). 

AMIOT  '  LE  PÈRE  ),  jésuite  français, 
de  la  misMOM  de  Pék'a,  né  a  Toulon, 
en  1718.  Les  trente  dernières  années 
du  siècle  n;;i  vient  de  s'écouler  ont 
été  celles  oii  iios  connaissances  sur  ia 


48 


AMI 


Cbiue  ont  fait  le  plus  de  progrès.  Les 
missionnaires  ,  dans  cet  intervalle  de 
temps,  se  sont  empresses  de  répoudre  à 
une  fonle  de  questions  qui  leur  ont  été 
faites  d'Europe.  Parmi  eux,  se  distin- 
gua le  P.  Amiot ,  et  c'est  à  lui  surtout 
que  nous  devons  les  renseignements 
les  plus  exacts  et  les  plus  étendus  sur 
les  antiquités,  l'histoire,  la  langue  et 
les  arts  des  Chinois.  Ce  jésuite  arriva 
à  Macao  eu  1750,  et  à  Pékin,  où  il 
fut  bientôt  appelé  par  les  ordres  de 
l'empereur,  le  2'2  août  i-jSi  :  il  ne 
quitta  plus  cette  capitale  jusqu'à  sa 
mort.  Ce  missionnaire,  outre  le  zèle 
qui  le  conduisit  à  la  Chine ,  y  porta 
des  connaissances  sur  toutes  les  ])ar- 
ties  de  la  physique  et  des  mathéma- 
tiques, des  talents  pour  la  musique, 
lin  esprit  juste ,  une  mémoire  heu- 
reuse, et  une  infatigable  ardeur  pour 
le  travail.  Une  étude  opiniâtre  lui 
rendit  bientôt  familières  les  langues 
chinoise  et  tatare,  et,  muni  de  cette 
double  clef,  il  puisa  dans  les  livres, 
anciens  et  modernes ,  des  notions 
saines  et  vraies  de  l'histoire,  des 
sciences ,  et  de  toute  la  littérature  de 
la  Chine.  Les  fruits  de  tant  d'études  et 
db  travaux  ont  été  recueillis  par  la 
France  ,  oij  le  P.  Amiot  n'a  pas  cessé 
de  faire  passer ,  soit  des  ouvrages  , 
.soit  un  grand  nombre  de  mémoires. 
Nous  lui  devons  :  I.  Eloge  de  la 
ville  de  Moukden ,  poème  chinois  , 
composé  par  V empereur  Aien-long, 
traduit  en  français ,  Paris ,  veuve  Til- 
liard ,  1770,  in-8'. ,  fig.  ;  le  traducteur 
a  joint  à  sa  version  un  grand  nombre 
de  notes  historiques  et  géographiques 
sur  la  ville  et  la  contrée  de  Moukden , 
ancienne  patrie  des  Tatars-Mant- 
chcoux  ,  aujourd'hui  maîtres  de  la 
Chine;  II.  ^rt  militaire  des  Chinois, 
Paris,  Didot  ,  1772,  in-4". ,  f'g- 
Comme  l'édition  de  cet  ouvrage  était 
«puisée  depuis  long-temps ,  on  l'a  fait 


AMI 
réimprimer  dans  le  tome  VII  des 
Mémoires  sur  les  Chinois ,  et  l'on 
trouve,  dans  le  tome  VIII  de  ces  mê- 
mes Mémoires  ,  im  Supplément  avec 
figures,  envoyé  postérieurement  de 
la  Chine  par  le  P.  Amiot.  Les  Chinois 
comptent  six  ouvrages  classiques  ou 
king  sur  l'art  mililaire ,  et  chaque 
gucri'ier  qui  aspire  aux  grades  doit 
subir  un  examen  sur  ces  livres.  Le 
P.  Amiot  n'a  traduit  que  les  trois  pre- 
miers ,  avec  quelques  fragments  du 
quatrième  ,  parce  qu'ils  contiennent 
toute  la  doctrine  des  Chinois  sur  la 
guerre.  III.  Lettre  sur  les  Caractères 
chinois  ,  adressée  à  la  société  royale 
de  Londres,  et  insérée  dans  letom.  I 
des  Mémoires  sur  les  Chinois.  Le 
célèbre  Needham  crut  trouver,  sur  un 
buste  d'Isis ,  conservé  à  Turin  dans  le 
cabinet  du  roi ,  des  caractères  égvp  • 
tiens,  qu'il  disait  être  très-ressemblants 
à  ceux  des  Chinois.  Celte  découverte 
prétendue  fut  publiée  dans  toute  l'Eu- 
rope ,  et  divisa  les  savants.  La  société 
royale  de  Londies  prit  Je  parti  d'en- 
voyer les  Mémoires  de  Needham  aux 
Jésuites  de  la  Chine,  en  les  priant 
déjuger  la  question.  Ceux-ci  confièrent 
au  P.  Amiot  le  soin  de  rédiger  la  ré- 
ponse ,  et  ce  savant  missionnaire  dé- 
cida que  les  caractères,  gravés  sur  l'Isis 
de  Turin ,  n'avaient  aucun  trait  de  res- 
semblance avec  ceux  de  la  Chine.  Cette 
lettre,  qui  est  une  analyse  savante  de 
la  langue  et  des  caractères  chinois , 
obtint  tous  les  sufirages,  même  celui 
de  Needham.  IV.  De  la  Musique 
des  Chinois ,  tant  anciens  que  mo- 
dernes, ouvrage  considérable ,  qui  oc- 
cupe la  plus  grande  partie  du  tome  VI 
des  Mémoires.  Feu  M.  l'abbé  Rous- 
sier ,  si  connu  par  ses  profondes  con- 
naissances en  musique ,  a  non  seule- 
ment suivi  l'impression  de  cet  écrit, 
mais  il  en  a  vérifié  les  calculs,  et  y  a 
joint  des  notes  et  des  observations 


AMI 

étendues.  V.  Vie  de  Confuc'ius ,  bis- 
toii'e  la  plus  exacte  de  ce  célèbre  phi- 
losophe ,  et  dont  tous  les  matériaux 
ont  été  puisés  dans  les  sources  chi- 
noises les  plus  authentiques.  L'auteur 
y  a  joint  la  longue  suite  des  ancêtres 
de  Confucius ,  et  celle  de  ses  descen- 
dants, qui  subsistent  encore  à  la 
Chine  ;  généalogie  unique  dans  le 
monde,  puisqu'elle  embrasse  plus  de 
quarante  siècles.  Cette  vie,  ornée  de 
figures,  gravées  d'après  les  dessins 
chinois,  occupe  presque  la  totalité  du 
tome  Xil  des  ^fémoires  sur  les 
Chinois  ;  VI.  Dictionnaire  tatar- 
manlcheou  -français  ,  Paris ,  Didot 
aîné,  1789,  5  vol.  in-4''.  j  ouvrage 
précieux  et  qui  manquait  à  l'Europe , 
oii  cette  langue  était  totalement  ignorée. 
On  doit  la  publication  de  ce  Diction- 
naire à  feu  M.  Bertin,  ministre,  ama- 
teur zélé  des  arts  et  des  sciences  de  la 
Chine.  Il  fit  graver  les  poinçons ,  et 
fondre,  à  ses  frais,  les  caractères  néces- 
saires pour  son  impression,  et,  par  un 
choix  éclairé  que  le  succès  a  pleinement 
justifié,  il  en  confia  l'édition  à  M.  Lan- 
glès  ,  savant  distingué ,  et  connu  sur- 
tout par  une  profonde  connaissance 
des  langues  orientales.  Le  P.  Amiot 
avait  aussi  envoyé  une  Grammaire 
abrégée  de  la  langue  tatare-mant- 
cheou;  on  la  trouve  imprimée  dans  le 
tome  XIII  des  Mémoires.  Tous  les 
ouvrages  que  nous  venons  d'indiquer 
ne  sont  encore  qu'une  partie  des  in- 
téressants écrits  que  nous  devons  à 
ce  savant  et  laborieux  missionnaire. 
Le  reste ,  sous  la  forme  de  lettres , 
d'observations  et  de  mémoires ,  se 
trouve  répandu  avec  profusion  dans 
les  i5  volumes  iu-4'^  des  Mémoires 
concernant  l'histoire,  les  sciences 
et  les  arts  des  Chinois.  Ceux  qui 
voudront  connaître  avec  plus  de  pré- 
cision ce  qui  lui  appartient  dans  cette 
utile  collection  ,  peuvent  consulter 
ir. 


AMI  49 

l'article  Amiot  de  la  Table  générale , 
qui  se  trouve  dans  le  tomeX  :  ils  ver- 
ront, sans  doute  avec  quelque  éton- 
nement,  que  cette  nomenclature  seule 
occupe  quatorze  colonnes  de  cette 
table ,  laquelle  cependant  ne  contient 
encore  que  les  matières  des  dix  pre- 
miers volumes.  Le  P.  Amiot ,  de\enu 
si  justement  célèbre  en  Europe,  loin 
de  laquelle  il  a  passé  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie ,  est  mort  à  Pékin ,  eu 
1794  5  âge  de  77  ans.  G—k. 

AMIOT.  Foj^.  Amyot. 

AMIR  ,  souverain  de  Smyrne  ,  fils 
d'Aidin  ,  l'un  des  chefs  qui,  à  la  mort 
d'Aladin,  sidthan  d'Iconium,  s'étaient 
partagé  l'Asie  mineme  avec  Othman. 
Amir,  fils  d'Aidin,  régnait,  vers  l'an 
1 34 1 ,  sur  le  pays  de  Smyrne ,  et  sur 
une  partie  maritime  de  l'ancienne  lo- 
nie.  Cantacuzène ,  l'empereur  grec  , 
l'appela  à  son  secours  ,  et  le  prince 
musulman  vint  mouiller  à  l'embou- 
chure de  l'Èbre,  avec  3oo  vaisseaux 
et  vingt  -  neuf  raille  hommes.  Amir  ap- 
prend que  Cantacuzène  ,  vaincu  par 
ses  ennemis  domestiques ,  a  fui  chez 
le  despote  de  Servie  ;  mais  que  sa 
femme  ,  l'impératrice  Irène  ,  est  as- 
siégée par  les  Bulgares  ,  dans  Démo- 
tica  ;  U  surprend  ces  barbares  ,  les  met 
en  déroute,  déhvre  la  ville,  et  sauve 
l'impératrice.  Content  du  glorieux  titre 
de  libérateur,  il  refusa  d'entrer  dans 
Démotica ,  pour  recevoir  les  remer- 
cîments  d'Irène ,  parce  que  son  mari 
était  absent,  comme  s'il  eût  craint, 
dans  ses  mœurs  orientales  ,  de  don- 
ner un  soupçon  de  jalousie  à  un  ami 
malheureux.  Amir,  en  servant  Canta- 
cuzène ,  n'en  nuisit  pas  moins  aux 
Grecs ,  ses  ennemis  naturels.  Il  assié- 
gea Thessalouique ,  porta  la  terreur 
jusque  dans  Ccnstantinople  ,  et  se 
rembarqua  chargé  de  dépouilles  et  de 
captifs.  Bientôt,  après  ,  le  roi  de  Chi- 
pre^  la  république  de  Venise  et  les 


5o  A  M  M 

chevaliers  de  St. -Jean  de  Jérusa- 
lem ,  abordèrent  sur  les  côtes  de 
riouie  ;  Aiiiii'  fut  blessé  à  mort,  d'un 
coup  de  flèche,  à  l'attaque  de  la  ci- 
tadelle de  Smyruc,quc  les  chrètieus 
avaient  enlevée  ;  et ,  fidèle  à  rarailic 
j  usqu'à  la  fin  ,  il  recommanda  à  Can- 
tacuzène  ,  eu  mourant,  de  rechercher 
l'alliance  du  sulthan  Orchan ,  conseil 
sincère  de  la  part  du  généreux  Amir  j 
mais  plus  imprud(;nt  que  politique ,  et 
qui  avança  la  chute  tle  l'empire  grec 
eu  Europe.  V.  Amir.  S — y. 

AMMAN  (Paul),  médecin  et  bo- 
taniste allemand, naquit  à  Breslau ,  eu 
î654,  lit   d'excellentes  études  dans 
diverses  luiiversités  d'Allemagne,  voya- 
gea en  Hollande  et  en  Angleterre ,  fut 
jeçu  docteur  eu  mc'dcrine  à  l'univer- 
.sitc  de  Leipzig  ,  et  bientôt  associé  à 
l'académie  des  Curieux  de  la  nature, 
sous  le  nom  de  Dryander.  I^a  faculté 
tle  Leipzig  créa  aussi  bientôt  pour  lui 
une  chaire  extraordinaire  ,  en  1674  ? 
le  fit  monter  à  celle  de  botanique ,  et , 
eu  i(i8'2,  à  celle  de  physiologie.  Am- 
înau  ,  d'un  esprit  vif  et  remuant ,  fait 
preuve ,  dans  ses  nombreux  écrits ,  de 
connaissances  vastes  ;  mais  on  peut 
lai  reprocher  une  critique  trop  araci'e, 
et  souvent  assaisonnée  de  plaisante- 
ries, peu  dignes  des  sujets  graves  qu'il 
traitait.  Ses  opinions  paradoxales  lui 
attirèrent  àts  désagréments.  ïl mou- 
rut, en   1691  ,  âge  de  55  ans.  Son 
premier  ouvrage  fut  un  extrait  critique 
des  difTérentes   décisions    consignées 
dans    les  registres  de    la  faculté  de 
Leipzig,  Erfurt,  lô'jo  ,  iu-4''.  La  fa- 
culté fut  forcée  de  le  condamner,  par 
un  écrit  public  dans  la  même  année. 
Voici  la  hste  de  ses  autres  produc- 
tions :  I.  Paracœnesis   ad  discen- 
tes  circa  insUtulioiunn  medicaîum 
cmendidioneiii    occiipatu  ,    Uudols- 
t.dii  ,  1G75  ,  in- IV. ,  ouvrage  où  l'au- 
t<.ur  ^'emporte  avec  furew  coutrçles 


A  M  M 

systèmes  ,  surtout  contre  la  doctrine 
de  Galieu ,  et  veut  établir  le  scepti- 
cisme en  médecine.  Amman  sans  doute 
y  exagère  ,  mais  û  relève  néanmoins  un 
très-grand  nombre  d'erreurs  et  d'abus 
partiels  j  II.  une  réponse  aux  con- 
tradicteurs de  cet  ouvrage  :  Archœas 
syncuplicus  Eccardi  Leichneri  ar- 
chœo  sjTicoptico  contra  pnracœnœ- 
sim  ad  discentes  oppositiis ,   it)-4-> 
in- 1  '2.  ;  111.  Irenicinn  Niimœ  Pompilii 
cum  Hippocrate,  fjuà  veleruni  iiiedi- 
corum  et  philosophonim  hypothèses  , 
in  corpus  juris  civilis  pariter  ac  ca- 
nonici  hactenàs  Iransumptœ  ^  àprœ- 
conceplis  opinionibus  ïiindicnulur  , 
Francofurti  et  Lipsiœ  ,  1689,  i^i^^'-j 
où  l'auteur  examine   le  rapport   qui 
existe  entre  les  sentiments  d'Hippocra- 
te ,  les  systèmes  adoptés  en  médecine  , 
et  les  diverses   institutions  civiles  et 
canoniques,  et  dans  lequel  ,  toujours 
fidèle  à  ses  principes  sceptiques ,  il  en 
l'aille,  souvent  avec  trop  d'aigreur,  l'in- 
cohérence et  les   contradictions  ;  IV. 
Praxis  vidnerum  leihalium,  sex  de- 
cadibus  historiantin  rnriorum  ,   ut 
plurimuin  trnumaticorum ,  cum  cri- 
balionibus    adornata  ,   Francofurti  , 
1G90,  in-8'.  ;  ouvrage  de  chirurgie, 
oîi  se  décèlent  encore  l'dpreté  de  sa 
critique  et  le  tranchant  de  ses  déci- 
sions. Amman  a  publié  aussi  jilusieurs 
ouvrages  sur  la  Botanique ,  savoir  :  une 
Description  du  Jardin  de  Leipzig  , 
où  il  donne ,  non  seulement  le  catalo- 
gue des  plantes  cultivées  dans  ce  jar- 
din ,  mais  encore  une  synonvmie  assez 
complète  des  différents  noms  de  cha- 
cune de  ces  plantes,  ce  qui  ]ieut  lo 
faire  regarder  comme  une  continua- 
tion du  Pinax  de  Gaspard  Bauhin. 
lia   préface  de  cet  ouvrage  contient 
d«s  principes  certains  sur  l'emploi  des 
plantes  ;  il  est  terminé  ])ar  une  intro- 
duction à  la  matière  médicale ,  écrite 
d'uuQ  manière  savante  et  li'ès-piccisc. 


AMM 

Amman  s'acquit  encore  plus  de  droits 
ii  la  reconnaissance  des  botanistes ,  par 
la  pul)lication  d'un  second  Traite' ,  in- 
titulé :  Character  naluralis  planta- 
ru  ni ,  iG-6.  En  prenant  ])Our  base 
les  principes  qui  venaient  d'être  posés 
par  Morisou  ,  il  prouva  qu'on  ne  de- 
vait élablii'  la  distinction  des  genres 
de  plantes  que  sur  les  parties  de  la 
iVuctiflcation ,  et  il  en  fait  l'application 
sur  147^  genres  ou  espèces,  dont  il 
donna  la  notice  par  ordre  alphabéti- 
que. On  doit  donc  compter  Paul  Am- 
man ,  au  nombre  de  ceux  qui  ont  le 
plus  contribué  à  fonder  les  bases  de 
la  science,  telles  quelles  sont  recon- 
nues aujourd'hui.  En  i-joo  ,  Nébcl 
donna  une  nouvelle  édition  de  cet  ou- 
vrage ,  avec  des  additions  considéra- 
bles ,  tirées  principalement  des  mé- 
thodes d'Herman  et  de  Divin  ,  qui 
avaient  paru  depuis  sa  publication  ; 
par  -  là ,  cette  seconde  édition  devint 
bien  plus  utile  que  la  première. 

CetA— !?. 
AMMAN  (Jean  Conrad  ) ,  méde- 
cin ,  natif  de  Schaffhouse ,  exerça  sa 
profession  à  Amsterdam,  vers  la  fin 
du  l'j''.  siècle,  se  fit  une  grande  ré- 
putation par-  l'art  de  f.;ire  parler  les 
sourds  et  muets  ,  et  fit  connaître  sa 
métliodc  dans  deux  écrits  plusieurs 
fois  réimprimés,  et  fort  recherchés  : 
I.  Surdus  loquens  ,  Amsterdam  , 
i6()2  ,  in-8\;  II.  Dissertatio  de  lo- 
queld,  i-op,iu-8'.  Cette  dissertation 
d'Amman  ,  traduite  en  français  ,  par 
Beauvais  de  Préau  ,  se  trouve  im])ri- 
mée  à  la  suite  du  Cours  d'éducation 
des  sourds  et  muets ,  par  Deschamps, 
I7'j9,  in-ivi.  Ou  hîi  doit  aussi  une 
bonne  édition  des  OEuvres  de  Cœ- 
lius  Amélianus,  qui  parut  à  Amster- 
dam, en  1709,  in-4°-)3vec  les 
notes  et  remarques  de  Jansson  d'Al- 
lueloveen.  C.  et  A — n. 

AIVIMAN  (Jean),  fils  du  précédeut, 


A  IM  M  5 1 

médecin  comme  lui,  et  savant  bota- 
niste,  naquit  à  ischaffliouse ,  en  1707. 
Attiré  très  -  jeune  à  Pétersbourg  ,  il  y 
professa  la  médecine  et  la  botanique  ; 
reçu  à  l'académie  des  sciences  de  cette 
ville,  il  pubha,  dans  les  Mémoires  de 
celte  compagnie  ,    les  caractères  de 
])lusieurs  nouveaux  genres  de  plantes. 
La  société  royale  de  Londres  l'admit 
au  nombre  de  ses  membres.  Pour  com- 
mencer à  faire  connaître  les  plantes  que 
J.-G.  Gmelin  ,  et  d'autres  voyageurs 
avaient  recueillies  dans  les  différentes 
contrées  de  la  Pvussie  asiatique,  il  publia 
un  ouvrage  intitulé  :  Stirpium  rario- 
rum  in  imperio  Buthcno  spontepro- 
venientium  ,  icônes  et  descripiiones 
(ib  Joanne  Ammano,  M.  JDocl.  acad. 
imper,  scient,  membro  et  botanices 
professore^  regiœsociet.  Londinensis 
sodalis,  Petropoli,  1759,  i  vol.  in-4''. 
Cet  ouvrage  ne  renferme  que  trente- 
cinq  plantes  assez  bien  figurées; l'au- 
teur en  promettait  la  continuation  , 
mais  la  mort  l'enleva  un  an  après ,  à 
la  fleur  de  l'âge  :  ce  fut  une  pei  te  pour 
la  science  qu'il  cultivait  avec  ardeur.  I4 
mérite  de  partager,  avec  Paul  Amman, 
l'honneur  que  Houston  a  rendu  à  ce 
nom  ,  en  établissant  le  genre  Amman- 
nie.  il  comprend  un  petit  nombre  de 
plantes  herbacées  de  la  famille  des  Sa- 
licaires  ,  qui  n'habitent  que  les  pays 
chauds.  D — P — s. 

AMMAN  (  Josse),  dessinateur  et 
peintre,  né  à  Zurich,  en  ij59,  passa 
sa  vie  à  Nuremberg,  où  il  acquit  le 
droit  de  bourgeoisie ,  et  où  il  mourut 
en  1 591 .  Son  talent  était  d'une  fécon- 
dité singuhère;  il  excellait  dans  l'art  de 
disposer  et  de  grouper  ses  figures  : 
on  a  de  lui  beaucoup  de  dessins  sur 
bois ,  sur  verre  et  à  la  plume  ;  il  en 
composa  un  grand  nombre  sur  Tite- 
Live,  Tacite,  Diogène  Laërce ,  et  au- 
tres classiques.  Sa  collection  des  Por- 
traits des  rois  de  France ,  depuii 

4- 


52  A  M  M 

Pharamond  jusqu'à  Henri  HT,  avec 
une  courte  biographie  de  chacun  d'eux , 
parut  en  i5-6.  11  a  fait  aussi  des  gra- 
vures pour  l'histoire  du  IVoiweau  Tes- 
tament ,  une  collection  de  costumes  de 
femmes  :  Gjnœceum,  sive  theatrum 
inulierum ,  in  quo  omnium  Europœ 
gentiiim  fcemineos  habitas  figuris  ex- 
'pressos  videre  fas  est,  Francfort  , 
i586,  in-4''.  ;  Pnnoplia  omnium  li- 
heralium  mechanicarum  etsedenta- 
riarum  artium  gênera  continens,  etc. , 
Francfort,  1 564,  collection  de  ^''5 
pièces,  où  Amman  s'est  repre'sente' en 
graveur  ;  et  quelques  productions  du 
même  genre.  G — t. 

AMMAN  (  Jean  Jacques  ) ,  chirur- 
gien de  Zurich,  né  eu  i586,  fit,  en 
1 G 12 ,  un  voyage  à  Constantinople ,  eu 
Syrie  et  en  Egypte  ,  dont  il  a  e'crit  la 
relation.  On  y  trouve  des  détails  cu- 
rieux ;  il  parle  de  l'usage  du  café  , 
comme  très-repandu  en  Oi'ient.  Cet 
ouvrage ,  qui  porte  le  titre  de  Foyage 
dans  la  terre  promise ,  a  paru  dans 
une  collection  de  Voyages ,  en  allc- 
ïnand  ,  Zurich  ,  1678.  K. 

AMMAN  ATI,  T.  PrccotOMiNi. 

AMMAN  ATI  (  Bartuelemi  ) ,  ar- 
chitecte et  sculjJtcur ,  ne  à  Florence , 
l'an  1 5 1 1 ,  fut  d'abord  élève  de  Baccio 
Bandinelli ,  et  ensuite  de  Sansovino  à 
Venise  ;  revenu  dans  sa  patrie,  il  s'atta- 
cha particulièrement  à  l'ètiide  des  sculp- 
tures de  Michel-Ange,  qu'on  voit  à  la 
chapelle  de  S.  Laurent.  Ses  premiers 
ouvrages  sont  à  Pise;  il  exécuta,  pour 
Florence ,  une  Léda ,  et,  dans  le  même 
temps,  pour Naples ,  trois  figures  gran- 
des comme  nature  ,  qui  décorent  le 
tombeau  de  Sannazar,  poète  napoli- 
tain. Avant  éprouvé  quelques  dégoûts , 
il  retourna  à  Venise ,  où  il  fut  chargé 
d'extfcuter  un  Neptune  colossal ,  qu'on 
voyait  dans  la  place  de  S.  Marc;  il 
fil  h  Padoue  une  autre  statue  colossale 
ù^  Hercule  y  que  l'çn  y  yoit  encore, 


A^MM 

dans  la  cour  du  palais  Montava  ;  elle 
a  été  gravée.  Amraanati  passa  ensuite 
à  Rome  pour  y  étudier  l'antique.  Le 
pape  Jules  III  l'employa  aux  travaux 
de  sculpture  du  Capitole.  Peu  de  temps 
après ,  Georges  Vasari  avant  été  ap- 
pelé, à  Rome ,  ils  se  réunirent  pour 
ériger  le  tombeau  du  cardiualde  Monti , 
à  St. -Pierre  in  montorio  :  cet  ouvrage 
augmenta  la  réputation  del'Ammanati , 
et,  Vasari  étant  paiti ,  il  exécuta  son! , 
dans  la  vigne  du  pape  Jules,  une  belle 
fontaine.  Rappelé  à  Florence ,  il  entra 
au  service  du  grand-duc  Cosme,  qui 
le  nomma  son  ingénieur,  et,  en  cett« 
qualité ,  il  rétablit  les  ponts  de  l'Arno , 
ruinés  par  l'inondation  de  155^.  Le 
plus  beau  de  ces  ponts ,  celui  de  la 
Trinité,  a  été  entièrement  reconstruit 
sur  ses  dessins.  Il  décora  de  fignires 
en  marbre  et  en  bronze  plusieurs 
fontaines,  tant  de  Florence  que  des 
maisons  de  plaisance  des  grand-ducs  j 
l'une  des  plus  belles  de  Pra!olino,  se 
nomme  encore  la  Fontaine  de  l'jdm- 
manali  ;  celle  de  Neptune ,  qui  est  à 
Florence ,  sur  la  place  du  Palais- Vieux , 
a  été  composée  et  exécutée  par  lui.  Le- 
projet  en  avait  été  mis  au  concour<:, 
et  il  l'emporta  sur  Jean  de  Bologne  et 
sur  Bcnvenuto  Ccllini ,  les  plus  célè- 
bres sculpteurs  de  ce  temps.  Amma- 
nati  était  aussi  bon  architecte  qu'ex- 
cellent sculpteur^  à  Rome,  l'on  cons- 
truisit sur  ses  plans  le  palais  Rucellai  ^ 
qui  a  passé  successivement  dans  la 
maison  Gaétani  et  dans  celle  des  jniu- 
ces  Ruspoli.  La  cour  et  la  façade  du 
collège  romain  ont  aussi  été  élevées  sur 
ses  dessins.  A  Florence ,  il  bâtit  plu- 
sieurs monuments  ,  termina  le  pa- 
lais Pitti,  commencé  par  Brunelles- 
chi,  et  en  décora  la  cour  de  trois 
ordres  de  colonnes  à  bossages ,  qr.i , 
depuis ,  ont  été  imitées  par  l'archi- 
tecte de  Brosses,  au  palais  du  Luxem- 
bourg, à  Paris.  Ammanati  avait  épou^c 


A  M  M 

nne  femme  célèbre ,  nommée  Laura 
Battiferri,  dont  ou  a  imprime  les  poé- 
sies, en  i56o,  sous  le  titre  d'O^ere 
Toscane;  il  se  livra  lui-même  à  la 
Jitîe'rature.  II  a  laissé  un  ouvrage  con- 
sidérable ,  intitulé  la  Ciità ,  ou  la 
Fille,  qui  renferme  les  plans  des  dif- 
férents édifices  qui  rendent  une  ville 
commode  et  magnifique  :  cet  ouvrage 
important,  que  l'on  croyait  perdu  , 
existe  dans  la  collection  de  dessins  de 
la  galerie  de  Florence,  et  mériterait 
d'être  publié.  Ses  ouvrages  de  sculp- 
ture ont  un  caractère  grand,  mais  un 
peu  maniéré,  et  ses  bronzes  sont  exé- 
cutés avec  finesse.  Il  était  instruit , 
fort  pieux  et  charitable.  A  la  mort  de 
sa  femme ,  il  consacra  la  plus  grande 
partie  de  ses  richesses  à  des  œuvres 
pies.  Il  mourut  quelque  temps  après, 
à  l'âge  de  'jS  ans,  et  fut  enterré  dans 
Féglise  de  S.  Giovannino  des  jésuites, 
qu'il  avait  construite  et  embellie  à  ses 
frais.  C — n. 

AM]\nEN  (Marcellin)  ,  historien 
romain  du  4*^'  siècle ,  était  Grec  de 
raissance,  comme  on  peut  s'en  con- 
vaincre par  plusieurs  passages  de  son 
histoire.  Une  lettre  que  lui  écrivait  le 
sophiste  Libanius ,  et  qui  est  parve- 
nue jusqu'à  nous,  prouve  qu'il  était 
tié  à  Antioche.  Dans  sa  jeunesse,  il 
embrassa  la  carrière  militaire ,  et  fut 
rnrôlé  parmi  les  protectores  dotnes- 
tici,  troupe  dans  laquelle  on  n'ad- 
mettait que  les  jeunes  gens  des  fa- 
milles distinguées.  En  35o,  il  accom- 
pagna en  Orient  Arsificus ,  général  de 
c<ivalerie  sous  l'empereur  Constance, 
et  suivit ,  quelque  temps  après ,  le 
uicme  officier  dans  les  Gaules.  Quel- 
que modeste  que  soit  le  compte  qu'il 
a  rendu  de  ces  différentes  expéditions, 
il  paraît  qu'il  s'y  conduisit  avec  dis- 
tinction ;  il  accompagna  aussi  l'empe- 
reur Julien  dans  la  guerre  de  Perse. 
Sous  le  règne  de  Yalens  ,  il  résidait 


A  M  M  55 

à  Antioche,  où  il  fut  témoin  des  per- 
sécutions dirigées  contre  ses  compa- 
triotes ,  accusés  de  conspirer  secrète- 
ment, par  des  pratiques  et  des  céré- 
monies magiques,  contre  la  vie  et  la 
majesté  des  empereurs  romains.  Am- 
mien ,  qui  déplore  cette  persécution 
dans  son  Histoire ,  dit  que  les  condam- 
nés et  les  fugitifs  formaien  t  le  pi  us  grand 
nombre  des  habitants  d'Antioche.  Il 
quitta,  peu  de  temps  après,  le  métier 
des  armes,  et  vint  s'établir  à  Rome,  où 
il  écrivit  ï Histoire  de  l'empire ,  qu'il 
commença  à  l'époque  où  Tacite  avait 
fini  la  sienne,  et  qu'il  termina  au  règne 
de  Valcns.  Libanius,  dans   la  lettre 
dont  nous  avons  parlé,  nous  apprend 
qu'Ammien  Marcellin  lut  son  Histoire 
en  public,  et  qu'il  reçut  les  ajiplaudissc- 
mcuts  des  Romains ,  dont  il  n'épargnait 
pas  les  mœurs  déréglées.  Il  paraît ,  par 
plusieurs  circonstances  de  son   His- 
toire ,  qu'il  vécut  jusqu'en  390.  Dans 
plusieurs  passages ,  il  loue  la  cons- 
tance de  quelques  évèques  et  de  plu- 
sieurs martyrs;  il  est  d'accord  avec 
S.  AmbroiseetS.  Chrysostomc,  dans  la 
manière  dont  il  raconte  la  vaine  ten- 
tative de  Julien  pour  rebâtir  le  temple 
de  Salomon  à  Jérusalem  ;  quelques 
biographes  en  ont  conclu  qu'il  était 
chrétien ,   ce  qui  nous  semble  peu 
vraisemblable.   Il  se  moque ,    il  est 
vrai ,  de  la  superstition  de  la  plupart 
des  Romains  de  son  temps  :  «  Un  grand 
»  nombre  d'entr'cux,  dit-il,  n'oserait 
55  ni  prendre  le  bain ,  ni  dîner,  ni  pa- 
»  raître  en  public ,  avant  d'avoir  con- 
»  suite  ,  selon  les  règles  de  l'astrolo- 
»  gie ,  la  position  de  Mercure,  et  Tas- 
w  pect  de  la  lune.  11  est  assez  plai- 
)>  sant ,  ajoute-t-il ,  de  découvinr  cette 
»  crédulité  chez  un  sceptique  impie, 
»  qui  ose  nier  ou  révoquer  en  doute 
»  l'existence  d'un  Dieu  tout-puissant.» 
Cette  phrase ,  qui  nous  montre  que  le 
siècle  d'iimmieu  a  quelque  resscm- 


V(  A  MM 

blaifce  avec  le  nôtre,  ne  prouve  autre 
cliose  ,  si  ce  n'est  que  cet  historien  ne 
partageait  point  les  idées  superstitieu- 
ses de  la  plupart  de  ses  contemporains. 
Dans  le  cours  de  son  Histoire ,  s'il 
parle  du  chiistianismc  avec  modéra- 
tion, il  parle  toujours  du  paganisme 
avec  respect;  le  taijjeau  qu'il  fait  des 
premiers  temps  de  la  repiJjlique,  et 
les  louanges  qu'il  donne  à  Julien ,  nous 
montiTnt  assez  qu'il  regrettait  les 
mceurs  de  l'ancienne  Rome,  et  qu'il  te- 
nailau  culle  des  premiers  Romains.  Au 
reste,  ces  doutes,  ëleve's  siu'  ses  opi- 
nions, attestent  son  impartialité,  et 
l'esprit  de  sagesse  avec  lequel  il  a  ra- 
conte'des  e've'nements  dontplusieurs  se 
sont  passes  sous  ses  yeux.  Gibbon  le 
caractérise  Ircs-bicn ,  en  disant  qu'il 
est  un  guide  bnbile  et  fidèle ,  qui  com- 
posa l'histoire  de  son  temps  ,  sans  se 
livrer  aux  préjuges  ou  aux  passions 
qui  afTectent  oïdinairemeut  un  con- 
temporain. M.  de  Sainte-Croix  ne  le 
juge  pas  moins  favorablement ,  en  di- 
sant que ,  pour  l'ordinaire  ,  il  est  vc- 
ridique  et  impartial.  Quoique  son  style 
soit  un  peu  barbare ,  il  est ,  en  gcne'- 
ral,  plein  d'énergie;  sa  manière  res- 
semble quelquefois  à  celle  de  Polybe; 
comme  lui,  il  aime  la  vérité,  et  en- 
tend l'art  de  la  guerre.  Ammien  a  des 
morceaux  dignes  de  Tacite  ;  celui  de 
l'état  de  Rome ,  au  milieu  du  4*.  siècle, 
est  de  ce  nombre ,  et  mérite  d'être 
cité.  C'est  le  dernier  des  écrivains  la- 
tins qui  aient  écrit  l'iiistcire  avec  une 
certaine  étendue,  et  avec  tous  les  dé- 
tails nécessaires.  Un  savant  moderne 
rend  justice  an  mérite  d'AramicnMar- 
cellin  comme  historien;  mais  il  l'ac- 
cuse d'avoir  commis  de  nombreuses 
erreurs  en  géographie;  ce  reproche 
est  très-grave ,  et  le  nom  du  critique 
^d'Anviiie  )  est  d'un  très-grand  poids; 
6n  doit  croire  cependant  que  les  er- 
reurs qu'on  reproche  ?.  Amiiiic;  i:»  se 


A  JM  M 

rencontrent  pas  dans  le  récit  des  ex- 
péditions où  il  s'est  trouvé.  L'Histoire 
a  Ammien  Hlarcellin  étM  divisée  en 
3i  livres,  et,  selon  d'antres  ,  en  Si. 
Les  i3  premiers  sont  perdus;  onzéli- 
vres  seulement  furent  publiés  à  Rome , 
par  Sabinus,  en  i474?  à  Bologne  , 
par  Casteilus ,  en  1 5 1  ■;  ,  et  à  Bàlc ,  par 
Fiobénius,  eui5i8.  Accnrse  en  don- 
na, à  Augsbourg,  1 533  ,  une  nouvelle 
édition,  dans  laquelle  il  se  vante  d'avoir 
corrigé  plus  de  5oo  fautes.  On  y  trouve 
les  5  derniers  livres,  qui  jusque-là 
n'avaient  point  été  imprimés.  La  même 
année,  Gélénius  publia,  à  Bàle,  une 
édition  avec  les  mêmes  additions  ,  ex- 
cepté le  dernier  livre  et  la  dernière 
page  de  l'avant -dernier.  Depuis  cette 
époque,  l'ouvrage  d'Ammien  Marce'- 
lin  a  eu  plusieurs  éditions,  qui  ont  été 
efiacées  par  celles  de  Valois ,  Paris  , 
1 68 1 .  Cette  édition  contient,  outre  les 
notes  de  Lindenbrog  ,  tirées  de  son 
édition  de  1 6 1  () ,  plusieurs  notes  nou- 
velles de  l'éditeur,  et  une  T^ie  de 
l'Historien ,  en  latin  ,  par  Chillîef , 
professeur  de  droit  à  Dole.  Gronovius 
reimprima  ,  en  i  Qçp  ,  cette  édition  à 
Leyde ,  in-4".  et  in-fol.,  et  y  ajouta 
quelques  notes.  Elle  a  aussi  été  réim- 
primée par  les  soins  de  M.  Wagner  , 
Leipzig,  tHoq,  5  vol.  in-8'\  Ammien 
JMarcellin  n'a  pas  échappé  à  la  plume , 
si  malheureusement  féconde,  de  l'abbé 
de  Marolles  ,  dont  la  traduction  parut 
en  iG7?>,  -j  vol.  in- 12.M.  Moulines  en 
a  publié  ,  à  Berlin,  en  1778  ,  une 
nouvelle  version  en  français  ,  qui  est 
beaucoup  meilleure;  mais  qui  ne  doit 
pas  décourager  !es  nouveaux  traduc- 
teurs. (  F.  Spartikn  ).  M — ». 

AMMIRAÏO  (  ScirroN  ),  né  le  27 
sept.  i53i,  à  liCcce,  dans  le  royaume 
de  Napies,  fut  destiné,  par  son  père  , 
à  l'étude  des  lois.  Envoyé  deux  fois  à 
Napies  pour  suivre  cette  carrière,  il  en 
fut  écarté  par  son  goût  pour  les  belles- 


A  M  M 
lettres.  Il  crut  que  ce  goût  s'accorcîe- 
rait  mieux  avec  l'état  eccle'siastiqiie  , 
ou  il  entra  en  1 55 1 .  Ayant  obtenu  un 
canonicat,  il  se  rendit  à  Venise,  où  il 
se  lia  avec  plusieurs  hommes  célèbres  ; 
mais  il  en  sortit  peu  de  trmps  après , 
pour  éviter  les  effets  de  la  jalousie  d'un 
mari  puissant  ;  il  cnit  trouver  la  for- 
tune et  plus  de  tranquillité  à  Rome, 
sous  le  pontificat  de  Paul  IV  ;  mais 
s'étant  attachéà  BriannaCaraffa ,  nièce 
du  pape,  et  ayant  voulu  servir  en  même 
temps  Calerina  CarrafTa ,  sœur  de  ce 
pontife  ,  qui  était  brouillée  avec  sa 
nièce,  Briauna  saisit  le  pirmier  sujet 
de  mécontentement ,  et  fit  dire  si  po- 
sitivement à  Scipion  qu'd  était  bien 
lieureux  qu'elle  ne  le  fît  pas  assassiner , 
qu'il  jugea  plus  prudent  de  quitter 
Kome.  Après  quelques  incertitudes ,  il 
retourna  à  Naplcs  pour  y  reprendre 
l'étude  des  lois  ;  il  y  arrivait  à  peine  , 
qu'un  ecclésiastique,  qui  devint  en  suite 
évêque  de  Calvi,  lui  avant  dit  quelque 
injure  ,  Ammirato  s'oublia  jusqu'à  lui 
donner  un  soufflet;  la  foule  s'assembla 
autour  d'eux,  et  il  reçut ,  entre  les  deux 
épaules  ,  un  coup  de  couteau  ou  de 
stylet.  Guéri  de  cette  blessure ,  il  fut 
rappelé  dans  sa  patrie  ,  par  son  père 
qui  voulait  le  marier.  11  se  rendait  à 
Lecce,  lorsqu'il  rencontra  un  homme 
qui  se  disait  habile  en  chiromancie , 
et  qui  ,  ayant  examiné  sa  main  ,  lui 
prédit  que  ce  mariage  ne  se  conclurait 
pas.  Le  mariage  manqua  en  effet ,  et 
l'on  remarqua  alors  la  prédiction,  qu'on 
aurait  oubliée,  si  le  contraire  était  ar- 
rivé. Quelques  années  se  passèrent  en- 
core en  déplacements  et  en  projets 
inutiles.  Étant  à  Rome ,  en  1 5G3,  Am- 
mirato fut  rappelé  à  Naples  pour  écrire 
l'Histoire  de  ceroyaume.il  y  retourna 
encore  une  fois  ;  mais,  mécontent  des 
arrangements  qu'on  avait  faits ,  et  des 
dispositions  où  il  trouva  ceux  qui  gou- 
vernaient la  ville  ,  il  reprit  le  chemin 


A  M  I\I  35 

de  Rome  ,  où  il  fit  quelque  séjour,  et  se 
fit  beaucoup  d'amis;  mais  sans  trouver 
\\n  protecteur  qui  se  chargeât  de  sa 
fortune.  Enfin  il  se  rendit  à  Florence, 
dans  le  dessein  de  s'attachera  la  maison 
de  Médicis.  Il  y  réussit ,  et  le  grand- 
duc  CosmeP'".  le  chargea,  en  1370, 
d'écrire  l'Histoire  de  Florence.  Le  car- 
dinal Ferdinand  de  IMédii  is  le  logea 
dans  son  palais  à  la  ville  et  à  la  cam- 
pagne ,  et  lui  lit  aA'oir  un  bon  canouicat. 
Ces tdans celte  position  heureuse,  mais 
non  tout-a-fait  indépendante,  qu'il 
écrivit  son  Histoire ,  et  qu'il  passa  !« 
reste  de  sa  vie.  Il  mourut  à  Floiciice  le 
5o  janv.  1601,  àgédcGgans.ll  a  laissd 
un  grand  nombre  d'ouvrages  :  I.  Dclle 
J'amiglie  nohili  nnf>oUta?ie , parte  jyri- 
ma,  Florence  ,  1  !jSo, parle  seconnu, 
i()5i,  in-fol.  La  première  partie  est 
plus  rare  et  beaucoup  plus  estimes  quo 
la  seconde,  qui  n'a  été  imprimée  quo 
long-temps  après  la  mort  de  l'auteur  ; 
IL  Discorsi  sopra  Cornelio  Tacito  , 
Florence ,  Giunti ,  1 5()4  ,  in-4°.  ;  ibid. , 
iSgS,  et  plusieurs  fois  ailleurs.  Ce 
furent  sans  doute  les  Discours  deMu' 
chiavcl  sur  Tite-Live  qui  donnèrent 
à  l'Aramirato  l'idée  d'eu  faire  sur  Ta-- 
cite;  mais  ceux-ci  n'ont,  ni  l'énergique 
lilierlé  de  leur  modèle ,  ni  sa  profon- 
deur ;  nous  avons  une  Ti'aduction  fran- 
çaise de  CCS  Disconrs,  Lyon  ,  1G19  , 
in-4''.  ;  IIL  Orazioni  a  diversi  priii- 
cipi ,  intorno  a'  preparamenti  contro 
la  potenza  del  Turco  ,  Florence  , 
Giunti ,  1 5f)S,  in-4°.,  contenant  sept 
Discours  ou  Harangues  ,  adressées  à 
Sixte  V,  à  Clément  VIII,  à  Philippe  II, 
roi  d'Espagne,  etc.;  IV.  Isiorie  flo- 
rentine ,  le  meilleur  ouvrage  de  l'au- 
teur ,  et  l'une  des  meilleures  histoires 
d"  l\'orenrc.  I!  ne  faut  pourtant  pas  ou- 
blier la  position  où  il  était  en  l'écrivant, 
et  l'influence  qu'elle  a  dû  avoir  sur 
tout  ce  qui  regarde  la  famille  Médicis, 
La  première  partie  parut  à  Florence  ^ 


56  A  M  M 

chez  les  Juntes,  en  1600 ,  in-fol.  ;  elle 
comprend  vingt  livres ,  et  s' étend  jus- 
qu'en 1434.  La  seconde  partie  ue  fut 
publiée  que  4o  ans  après  sa  mort ,  par 
Ammirato  le  jeune,  Florence,  i64i,in- 
ibl.;  elle  contient  quinze  autres  livres , 
et  va  jusqu'en  1 5'j4-  Le  même  e'diteur 
fit  ensuite  reimprimer  la  première  par- 
lie  seulement,  Florence  1647,  'x  vol. 
in-fol.,  avec  des  additions,  marquées 
flans  le  texte  par  des  guillemets.  Ce 
sont  les  exemplaires ,  composes  de  ces 
deux  volumes,  reimprimés  en  1G47, 
et  de  la  seconde  partie  imprimée  en 
1 64 1 ,  qui  sont  les  plus  reclierchés ,  et 
composent  la  meilleure  édition  des 
Slnrie  fioreTitine  ;  V.  Délie  fnmiglie 
7iobili  fioi^entine,Flonmce,  16  r  5,  in- 
fol.  ;  \  I./  FescovidiFiesole,  di  Fol- 
ierra  e  d^^rezzo,  Florence,  1637, 
in-4''-j  VIL  Opuscoli  ,  Florence, 
5  vol.  10-4°. ,  T  640- 'G4'-^- Ce  sont  des 
Mélanges  -  des  Discoui-s,  parmi  lesquels 
on  retrouve  les  sept  qui  avaient  été  iju- 
primés  en  i5ç)8;  tîes  Lettres ,  des  Dia- 
logues, des  parallèles ,  des  portraits  , 
des  morceaux  de  philosophie  morale , 
des  poésies  diverses  ,  etc.  Ammirato 
fut  le  premier  éditeur  des  poésies  de 
Berardino  Rota ,  célèbre  poète  napo- 
litain; il  les  accompagna  de  notes ,  et 
donna  à  leur  publication  des  soins  qui 
n'ont  pas  peu  servi  à  leur  succès.  On 
lui  dut  l'impression  de  plusieurs  autres 
bons  ouvrages  en  prose  et  en  vers.  11 
laissa  lui-même  plusiem's  écrits  qui 
n'ont  point  été  publics  ,  entre  autres 
Y  Histoire  de  sa  2>ie ,  que  l'on  dit  con- 
servée en  manuscrit,  à  Florence,  dans 
la  bibliothèque  de  l'hôpital  de  Ste.- 
Marie-Nouvelle.  Ammirato  fit,  en  mou- 
rant ,  son  légataire  universel ,  le  fils 
d'un  maçon  de  ]Mont.ijone,  noumié  del 
JUianco ,  qui  avait  été  son  secrétaire , 
<'t  il  mit  à  ce  bienfait  la  condition  de 
jiorter  son  nom.  DcI  Bianco  remplit 
fidèlement  cette  couditioii ,  et  uc  s'ap- 


A  M  M 

pela  plus  que  Scipion  Ammirato-le- 
JEUNE.  Il  fut  ensuite  attaché  au  j)rince 
Laurent  de  Médicis  ,  et  eut  quelques 
autres  emplois ,  où  il  se  fît  estimer.  Il 
n'a  laissé  aucun  ouvrage  de  sa  façon  ; 
mais  il  a  pubUé  plusieurs  de  ceux  de 
son  père  adoptif ,  et  y  a  fait  de  bonnes 
et  utiles  additions.  11  mourut  à  Flo- 
rence, en  1640.  G — e'. 

AMjMONîO  (André ) ,  de Lucques , 
])oète latin,  intime  ami  d'Erasme,  quj 
l'a  beaucoup  loiié  dans  ses  lettres.  Né 
en  1 4/7  )  il  se  livra  de  bonne  heure , 
et  avec  succès ,  à  l'étude  des  belles-let- 
tres ,  de  la  langue  grecque  et  de  la  poé- 
sie latine  ;  il  vécut  quelque  temps  à 
Rome,  et  passa  ensuite  en  Angleterre , 
où  il  eut  pour  protecteur  et  pour  ami 
le  célèbre  Thomas  Morus.  Après  quel- 
f{ues  années  de  gêne  et  de  ine'contenw 
tement ,  il  devint ,  vers  1 5 1 5 ,  secré- 
taire du  loi  Henri  Vlil,  pour  les  let- 
tres latines.  Il  suivit  ce  prince,  en  cctt€ 
qualité,  dans  sa  campagne  contre  la 
France,  fut  témoin  de  notre  défaite  à 
Guincgatc ,  et  de  la  prise  de  Tournay 
et  de  Theroucnne.  Il  célébra  ces  vic- 
toires dans  un  poème  latin  ,  qu'il  inti- 
tula Panegyricus,  dont  Erasme  faiï 
uu  grand  éloge.  Léon  X  le  nomma  , 
peu  de  temps  après ,  son  nonce  au- 
près du  même  Henri  YIII  ,  charge 
qu'il  exerça  le  reste  de  sa  vie  ,  sans 
quitter  celle  de  secrétaire  du  roi.  Il 
mourut  à  Londres  ,  en  1517.  On  cite 
de  lui  des  poésies  latines  ,  dont  il 
n'existe  ni  éditions  ,  ni  manuscrits. 
Une  de  ses  Eglogues  seulement  se 
trouve  imprimée  dans  le  recueil  inti- 
tulé :  Bucoliconim  auctores ,  Baie, 
1 546  ,  in-S"*.  Dans  les  Lettres  d'E- 
rasme ,  on  en  a  inséré  dix  ou  onze 
d'Ammonio,  qui  suffisent  pour  donner 
une  bonne  idée  de  son  esprit  et  de  sou 
style.  G — E. 

*  AMMONIUS  SACCAS,  ainsi  nom- 
mé parce  qu'il  fut,  dit-ou    porte-sac 


AMM 

dans  sa  ieunesse,  était  natif  d'Alexan- 
drie ,  et  \ivait  vers  la  fm  du  i^.  siècle. 
Ses  parents  étaient  pauvres  et  chré- 
tiens j  ils  relevèrent  dans  leur  reli- 
gion. Dégoûté  de  l'état  pénible  qu'il 
exerçait,  il  le  quitta  pour  se  livrer  à 
l'étude  de  la  philosopliic,  dans  laquelle 
on  croit  qu'il  eut  pour  maître  Pantae- 
luis.  Au  iDOut  de  quelques  années,  il 
ouvrit  une  école,  et  se  fit  un  grand 
nombre  de  disciples,  dont  les  plus 
célèbres  furent  Hérennius,  Origène  , 
Plotin.  On  regarde  ordinairement  cette 
école  comme  )a  première  de  la  plii- 
losophie  éclectique.  Cette  opinion , 
néanmoins,  a  besoin  d'être  rectifiée. 
L'écleclîsme  est  la  floctrine  de  ceux 
qui,  sans  embrasser  aucun  système 
particulier,  prennent,  dans  chacun, 
ce  qui  leur  paraît  le  ]>Uis  conforme  à  la 
vérité,  et,  de  ces  diverses  parties, 
coordonnent  un  nouveau  tout.  C'était 
sinsi  qu'avait  procédé  Potamon.  Mais 
il  est  impossible  de  donner  le  nom 
d'éclectisme  à  la  philosophie  d'Ammo- 
nius,  assemblage  monstrueux  et  bi- 
zarre des  opinions  les  plus  contra- 
dictoires. En  effet ,  non  content  d'avoir 
amalgauié  sans  ordre  les  systèmes 
fondamentaux  des  diverses  sectes  grec- 
ques, l'épicurisme  except*',  il  tomba 
dans  la  même  confusion ,  relativement 
aux  principes  religieux.;  de  sorte  que 
le  chaos  de  sa  doctrine  embrassait 
également  les  opinions  philosophiques, 
et  les  dogmes  sacrés.  On  doit  donc 
plutôt  le  regarder  comme  le  fondateur 
des  théosophes  ou  illuminés.  Aramo- 
nius  n'écrivit  jamais  rien.  11  ne  con- 
fiait ses  principes  qu'à  un  petit  nom- 
bre dedisciples,  et  sous  le  voile  du  mys- 
tère. Cependant ,  quelques  historiens 
le  font  auteur  d'une  Concorde  éi^angé- 
liqite,  qui  se  trouve  dans  le  7*.  tome  de 
la  Bibliothèque  des  Pères^  et  que  d'an- 
tres attribuent,  avec  plus  de  fonde- 
laeut ,  à  un  évêqw  Ammonius.   D.  L . 


A  M  M  57 

AiNTMONITJS  ,  philosophe  éclecti- 
que, fils  d'Hermias  et  d'iEdesia ,  vivait 
vers  le  milieu  du  5".  siècle.  Il  était  na- 
tif d'Alexandrie;  mais,  après  la  mort 
de  sou  père  ,  jEdesia  le  conduisit  à 
Athènes  ,  avec  son  frère  Héliodore , 
et  les  confia  tous  deux  aux  soins  de 
Proclus.  Sous  cet  habile  maître,  Am- 
monius  obtint  des  succès  honorables  j 
il  eut  même,  à  son  tour,  des  disciples 
distingués,  tels  que  Simplicius,  Dama- 
scius,  J.  Philoponus.  11  nous  reste, 
d'Ammonius ,  divers  commentaires  sur 
les  OEuvres  d'Arislote  et  de  Por- 
phyre; savoir  :  I.  In  lihr.  Peri-Herme- 
/?<?/ff5 ,  Venet. ,  Aid.,  i5o3,  in-fol.j 
II.  In  lib.  Arislot.  de  interpretatio- 
Tle  ;  111.  In  ejusdem  prœdicamenta  ; 
IV.  In  quinqiievoces  Porpliyri.  Les  3 
Traités  réunis,  Venet.,  Aid. ,  i546, 
in-S".  Un  extrait  du  2".  commentaire, 
dans  lequel  Ammonius  traite  du  hbre 
arbitre  et  de  la  Providence ,  se  trouve, 
grec-latin,  dans  l'édition  faite  à  Lon- 
dres ,  du  Traité  De  fato  d'Alexandre 
d'Aphrodisée ;  et,  en  latin  seulement, 
dans  le  recr.eil  de  Grofius ,  intitulé: 
Philosophorum  senteniiœ  de  fato. 
On  attribue  encore  à  Ammonius  la 
Fie  d'Aristote  qui  orne  plusieurs 
éditions  des  œuvres  de  ce  philosophe. 
—  Un  autre  Ammomus  ,  philosophe 
jiéripatéticien  ,  fut  un  des  maîtres  de 
Plutarque  :  il  était  également  natif 
d'Alexandrie,  mais  il  quitta  cette  ville 
pour  aller  s'élablir  à  Athèiies  ,  où  il 
termina  ses  jours.  11  essaya  de  conci- 
lier entre  elles  la  doctrine  d'Aristote 
et  celle  de  Platon,  ce  qui  doit  le  faire 
regarder  comme  un  des  fauteurs  de 
l'éclectisme.  Plutarque  avait  écrit  sa 
Vie,  qui  est  perdue.  Au  reste  ,  on. 
compte  ,  dans  l'antiquité  ,  plusieurs 
Ammonius,  souvent  confondus  ,  et 
dont  l'histoire  est  enveloppée  d'une 
glande  obscurité.  Longin  parle  d'iiu 
péripatélicieii  de  ce   nooi,  ditierent 


5îi  A  M  M 

du  prëcëdeut  ,  et  que  Pliilostrate 
regardait  comme  l'homme  le  plus  sa- 
vant de  son  siècle.  D,  L. 

AMMONIUS ,  grammairien  grec  , 
est  sans  doute  le  même  que  celui  qui , 
étant  à  Alexandrie,  prêtre  d'un  singe, 
fut  oblige  de  prendre  la  fuite  vers  l'an 
089  de  notre  ère,  lorsque  The'ophile, 
patriarche  de  cette  vii'e,  eut  porte  les 
chrétiens  à  détruire  les  temples  des 
païens.  Il  nous  reste  de  lui  un  Traite; 
De  adfinium  verborum  dijjerentid , 
qui  a  été  imprimé  un  grand  nombre 
de  fois ,  à  la  suite  de  cliilérents  Diction- 
naires grecs.  La  meilleure  édition  est 
celle  que  Valckenaer  en  a  donnée, 
avec  des  notes  très-savantes ,  Lugd. , 
Bat.,  1 759,  iu-4''.  M.  Ammon,  savant 
professeur  de  Gottingue,  l'a  fait  réim- 
primer, avec  des  notes  choisies  de  Val- 
ckenaer ,  et  les  siennes  propres ,  Er- 
langaî,  1787,  in-8'.  C — r. 

AMNON  ,  fils  aîné  de  David  et 
d'Achinoam,  devint  tellement  épris  de 
sa  sœur  Thamar ,  qu'il  lui  fît  "\iolence  ; 
mais  il  n'eût  pas  phus  tôt  commis  cette 
action  détestable,  que,  sa  passion  se 
changeant  en  haine ,  il  chassa  honteu- 
sement Thamar.  David  ,  qui  aimait 
Aranon,  laissa  son  crime  impuni  ;  mais 
Absalon,  irrité  de  l'insulte  qu'Amnon 
avait  faite  à  sa  sœur,  résolut  de  s'en 
venger.  Il  invita  ses  frères  à  un  festin , 
et ,  à  peine  Amnon  se  lut-ij  abandonné 
aux  plaisirs  de  la  table,  qu'il  le  fit  tuer, 
l'an  io5o  avant  J.-C.  T — d. 

AMOLON  ,  disciple ,  diacre  et  suc- 
cesseur d'Agobard  dans  i'archevêclic 
de  Lyon,  en  8^0,  gouverna  cette 
église  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  si- 
gesse  ,  jusqu'à  sa  mort,  en  85'i  :  il  avait 
joui  d'une  grande  considération  auprès 
du  roi  Charles-le-Ghauve,  et  du  pape 
Léon  IV.  Le  petit  nombre  d'écrits  qui 
nous  restent  de  ce  prélat,  donnent 
une  idée  avantageuse  de  son  esprit  et 
de  son  savoir.  Le  principal  est  une 


AMO 

lettre  curieuse  à  Théobalde,  cvêque 
de  Langres ,  sur  de  prétendues  reliques 
apportées  de  Rome,  par  des  moines 
vagabonds,  et  sur  des  convulsions 
que  des  femmes  éprouvaient  auprès 
de  ces  reliques ,  et  qu'on  voulait  faire 
passer  pour  des  miracles.  «  Les  mira- 
»  clés,  dit  Amolon ,  rendent  souvent  la 
»  santé  aux  malades,  mais  ils  ne  l'ètei-t 
»  jamais ,  non  plus  que  l'usage  de  la  rai- 
»  son ,  à  ceux  qui  y  ont  foi.  « .  Sa  lettre 
à  Gottescald,  où  il  réfute  les  erreurs 
attribuées  à  ce  moine  infortuné,  est 
écrite  avec  beaucoup  de  modération. 
Rien  n'eût  été  plus  propre  à  le  tirrr 
de  ses  erreurs,  s'il  eut  été  coupable, 
que  le  ton  de  charité  et  l'adresse 
qu'emploie  le  respectable  prélat.  On  a 
encore  de  lui  des  opuscules  sur  la 
grâce  et  la  prédestination  ,  oii  les 
matières  sont  traitées  suivant  les  prin- 
cipes de  S.  Augustin.  Tous  ces  écrits 
ont  été  insérés  dans  l'édition  d'Agobard 
que  Baluze  donna  en  i6t)6,  d'où  ils 
sont  passés  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères.  On  attribue  à  Amolon  un  petit 
Traité  contre  les  Juifs,  rempli  d'c' 
rudition,  que  le  pèrcChitHct  pubHa , 
en  i65(i,  à  Dijon,  sous  le  nom  de 
Raban  Maur.  T— d. 

AMO?sTONS  (  GuiLL.AXTME  )  na- 
quit cà  Paris,  le  3i  août  i(J65.  Etant 
fort  jeune,  il  éprouva  une  maladie 
considéraljle  ,  qui  le  rendit  presque 
entièrement  soui  d.  Cet  accident  l'avant 
force  de  chercher  toutes  ses  res- 
sources en  lui-même,  il  s'adonna  aux 
mécaniques,  pour  la  construction  des- 
quelles il  avait  beaucoup  de  dispo- 
sitions naturelles;  et ,  ce  goût  étant  de- 
venu une  passion,  il  aurait  volontiers 
regardé  sa  surdité  comme  un  avanMgr, 
qui  lui  assurait  une  plus  grande  tran- 
quillité. Il  apjnùt  le  dessin  ,  l'architec- 
ture, et  fut  employé;»  divers ouATagcs 
publics  ;  mais  bientôt  les  nouveaux 
instruments  dont  la  p^iysique  venait  de 


A  MO 

s'cnrictir,  le  baromètre,  le  tliermo- 
mètre,  l'hygromètre,  attirèrent  toute 
son  attentiou.  11  travailla  beaucoup  à 
les  perfcctiouuer ,  et  rassembla  ses 
recherches  sur  cet  objet,  dans  uu  ou- 
vrage intitule  :  Remarques  et  expé- 
riences physiques  sur  la  construc- 
tion d'une  nouvelle  clepsydre,  sur 
les  baromètres ,  thermomètres  et  hy- 
gromètres, Paris,  1G95.  Quatre  ans 
après  la  publication  de  cet  ouvrage ,  il 
fut  reçu  de  l'Académie  des  sciences,s'oc- 
cupa  des  frottements  ,  et  de  phisieiu'S 
autres  objets  de  mécanique  et  de  phy- 
sique, comme  on  peut  le  voir  dans 
l'Histoire  de  cette  compagnie.  Après 
avoir  joui   constamment  d'une  saute 
parliùte,  qu'il  devait  à  sa  modèralioa 
autant  qu'à  la  nature,  il  fut  tout  à 
coup  attaqué  d'une  maladie  aigiie ,  qui 
l'emporta  en  peu  de  jours,  et  il  mou- 
rut le  1 1  octobre  i-joS,  à  l'Age  de  4'^ 
ans.  Amontons  est  le  véritable  inven- 
teur de  l'art  télégraphique,   tel  que 
nous  l'emjiloyons  aujourd'hui;  il  en  fit 
deux  fois  l'expérience  pubhquc  devant 
des   membres   de  la  famille  royale. 
«  Le  secret ,  dit  Fontenelle ,  consistait 
»  à  disposer,  dans  plusieurs  postes 
»  consécutifs  ,  des    gens    qui  ,    par 
»  des  lunettes  de  longue  vue,  ayant 
«  aperçu   certains   signaux  du  poste 
))  précédent,  les  transmissent  au  sui- 
»  vaut,  et  toujours  ainsi  de  suite.  Ces 
»  difierents  signaux  étaient  autant  de 
»  lettres  d'un  alphabet ,  dont  on  n'avait 
»  le  chiflre  qu'à  Paris  et  à  Rome.  La 
))  plus  grande  portée  des  lunettes  ré- 
»  glalt  la  distance  des  postes,  dont  le 
»  nombre  devait  être  le  moindre  qu'il 
»  fût  possible;  et ,  comme  le  second 
w  poste  faisait  des  signaux  au  troi- 
»  sième,  à  mesure  qu'il  les  voyait  fjire 
»  au  premier,  la  nouvelle  se  trouvait 
))  portée  de  Paris  à  Rome,  presque 
»  en  aussi  peu  de  temps  qu'il  en  fallait 
D  pour  f.ire  les  signaux  à  Paris,  » 


A  :M  O  5o 

L'invention  des  télégraphes  ne  pouvait 
pas  être  plus  clairement  décrite,  ni 
son  utilité,  mieux  exprimée.  On  pour- 
rait s'étonner  qu'il  ait  fallu  cinquante 
ans  pour  en  sentir  le  mérite ,  et  pour 
la  mettre  à  exécution  ;  mais  la  vérité 
ne  marche  pas  plus  vite.  La  décou- 
verte d'Amontons  a  eu  le  sort  qu'il 
éprouva  lui-même  pendant  sa  vie  : 
«  11  avait,  dit  Fontenelle,  une  entière 
»  incapacité  de  se  faire  valoir ,  autre- 
»  ment  que  par*  ses  ouvrages,  ni  de 
»  faire  sa  cour,  autrement  que  par  son 
»  mérite;  et,  par  conséquent,  une  in- 
»  capacité  presque  entière  de  faire  for- 
»  tune.  »  B — T. 

AMORT  (EusÈbe),  doyen  du  cou- 
vent de  PoUingen,  en  Bavière,  né  le 
i5  novembre  1692,  près  de  Tœlz, 
entra  à  Pollingen,  dans  l'ordre  des 
chanoines  réguliers,  et,  après  avoir 
été  professeur  de  théologie  dans  son 
couvent ,  suivit  à  Rome  le  cardinal  Ler- 
cari;  revenu  à  PoUingen,  en  1755,  il 
fut  nommé  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Munich  :  il  employa  dès- 
lors  tout  son  temps  et  tout  son  savoir 
à  combattre  les  préjugés  et  les  supers- 
titions qui  régnaient  dans  sa  patrie,  et 
à  défendre  l'autorité  du  pape.  11  mou- 
rut le  5  février  1775.  Ses  écrits  sont 
fort  nombreux ,  et  roulent  sur  uu 
grand  nombre  de  matières  diverses. 
Les  principaux  sont  :  I.  Philosophia 
Pollitigena ,  Âugsb. ,  1700  ,  in-fol.  ; 
11.  une  Histoire  théologique  des  In- 
dulgences,  iu-fol.;  m.  nue  Disserta- 
tion sur  l'auteur  de  Vlmitation  de 
J.-C.  :  i!  croit  que  c'est  Tliomas  à 
Kempis,  etc.  Ci — t. 

AMOS,  le  troisième  des  petits  pro- 
phètes dans  les  Bibles  ordinaires ,  et 
le  second  dans  les  Septante ,  place 
qu'il  paraît  plus  couveualjle  de  lui 
assigner ,  parce  qu'ayant  exerce'  5a 
mission  sous  les  règnes  d'Osias ,  roi 
de  Juda ,  et  de  Jéroboam  II ,  roi  d'is- 


6o  A  M  0 

raël ,  il  doit  être  mis  avant  Joëî ,  qui 
occupe  le  second  rang  ,  quoiqu'il  n'ait 
paru  qu'après  le  dernier  de  ces  prin- 
ces. Amos  n'appartenait  point  â  ces 
troupes  d'hommes  inspirés  qui  se 
rendirent  célèbres  sous  la  conduite 
d'Elie  et  d'Elisée;  son  état  ne  sem- 
Wait  pas  même  le  destiner  à  cet  au- 
guste ministère  ;  il  gardait  les  trou- 
jicaux,  et  cultivait  des  sycomores  dans 
les  champs  de  Thécué,  lorsqu'il  reçut 
sa  mission ,  environ  l'an  "-80  avant 
.T.-C.  Il  prophétisa  à  Béthel,  où  était 
le  siège  principal  de  l'idolâtrie,  an- 
nonçant à  Jéroboam  la  ruine  de  sa 
inaisoH  et  la  captivité  de  tout  Israël, 
•mI  persistait  dans  le  culte  des  faux 
Dieux.  Amasias  ,  prêtre  des  idoles  , 
.s'apercevant  de  l'impression  que  les 
discours  du  prophète  faisaient  sur  le 
peuple,  et  craignant  pour  la  silretéde 
son  temple ,  l'accusa  ,  devant  le  roi 
d'Israël,  de  soulever  ses  sujets  contre 
lui  :  cette  dénonciation  força  Araos  de 
sortir  de  }3éthel ,  après  avoir  prédit  à 
Amasias  que  sa  femme  se  prostitue- 
rait au  milieu  de  Samarie  ;  que  ses  (ils 
et  ses  filles  périraient  par  le  glaive 
ennemi,  et  qu'U  mourrait  lui-même 
dans  mie  terre  profane  ,  loin  du 
tombeau  de  ses  pères  :  voilà  tout  ce 
qu'on  sait  de  la  vie  de  ce  projihèle. 
ÎjCs  Grecs  célèbrent  sa  fêle  le  25 
juin  ,  et  les  Latins ,  le  5 1  mars.  Sa 
Frophétie  contient  neuf  chapitres. 
Son  style  se  ressent  de  l'état  dans  le- 
qr.el  il  était  né,  et  c'est  ce  qu'on  re- 
connaît aisément  à  une  certaine  ru- 
desse, et  surtout  aux  comparaisons 
prises  dans  la  vie  champêtre  ;  on  y 
trouve  néanmoins  quelquefois  des  ex- 
pressions vives  et  figurées ,  qui  ne 
manquent  point  de  grâce.  On  peut 
.s'en  convaincre  par  la  peinture  qu'il 
fait ,  au  6''.  chapitre ,  du  luxe  et  de  la 
volupté  qui  régnaient  à  Samarie. 
T— D. 


AMO 

AMOUR  (  Guillaume  de  St.-  ) , 
fameux  docteur  de  Sorbonue,  et  cha- 
noine de  Beauvais  ,  naquit,  au  com- 
mencement du  i5''.  siècle,  dans  le 
bourg  de  St.-Amour  en  Franche-Comté. 
Le  zèle,  souvent  exagéré,  qu'il  déploya , 
en  toute  occasion ,  contre  les  religieux 
mendiants  ,  nouvellement  institués  , 
soit  comme  prédicateur ,  soit  comme 
professeur  de  théologie ,  le  fit  choisir 
par  l'université  de  Paris  pour  dé- 
fendre ses  intérêts  contre  les  domi- 
nicains et  les  franciscains ,  auxquels 
elle  disputait  le  droit  d'ouvrir  des 
chaires  publiques  de  théologie  et  de 
philosophie.  Ces  religieux ,  outrés  de 
l'animosité  qu'il  mettait  à  les  décrier, 
l'accusèrent  d'avoir  débité  en  chaire  , 
dans  ses  leçons  et  dans  des  libelles , 
des  choses  peu  honorables  pour  le 
pape  Alexandre  IV,  et  des  proposi- 
tions erronées  contre  l'esprit  de  men- 
dicité dont  ils  faisaient  profession  j 
mais  il  s'en  justifia  pleinement ,  et 
dans  ses  sermons, et  dans  ses  défenses, 
présentées  à  Renaud  de  Corbeil ,  évê- 
que  de  Paris,  à  qui  S.  Louis  avait 
renvoyé  la  connaissance  de  cette  af- 
faire. Les  plaintes  se  renouvelèrent 
plus  fort  que  jamai)»,  en  laSG,  lors- 
qu'il publia  son  fameux  Uvre  des 
Périls  des  derniers  temps ,  oîi ,  à 
ti'avers  beaucoup  d'invectives  contre 
ses  adversaires ,  on  trouve  d'excel- 
lentes choses  sur  la  subordination 
aux  pasteurs ,  dont  les  nouveaux  frères 
cherchaient  partout  à  secouer  le  joug, 
à  la  faveur  des  bulles  qu'ils  obtenaient 
de  Rome.  L'université  le  mit  alors  à  la 
tête  d'une  députation  de  sept  de  ses 
membres,  chargés  d'aller  défendre  à 
Agnani,  où  résidait  le  pape  ,  le  livre 
des  Périls  j  et  demander  la  condam- 
nation de  V Evangile  éternel,  attribué 
à  un  religieux  mineur,  qui  y  avait 
compilé  les  rêveries  de  l'abbé  Joa- 
chim  ;  mais  les  religieux  avaient  pi  é- 


AMO 

V'Cnu  la  de'putatlon  ,  par  l'envoi  de 
leurs  plus  célèbres  docteurs ,  Thomas 
d'Aquin ,  Albert  -  le  -  Grand,  Boua- 
venture  ,  et  autres.  Ils  avaient  obtenu 
la  bulle  Urhi  et  orbi,  qui  condam- 
nait le  livre  des  Périls  ,  avec  les 
qualifications  les  plus  odieuses.  Les 
collègues  de  St.-Amour  se  laissèrent 
gagner  et  s'y  soumirent  ;  lui  seul  resta 
ferme,  et  il  se  défendit  avec  tant  de 
force, fju'il  fut  renvoyé  absous; mais, 
à  peine  fut-il  reparti ,  que  le  pape  lui 
fit  signifier  la  défense  d'enseigner,  de 
prêcher ,  et  de  rentrer  en  France. 
Alors,  il  se  retira  dans  son  lieu  natal , 
d'où  il  n'eut  la  liberté  de  revenir  à 
Paris  que  sous  le  pontificat  de  Clé- 
ment IV.  C'est  dans  cette  ville  qu'il 
mourut,  en  i -272.  St.-Araoïu' était  sa- 
vant ,  régulier  dans  sa  conduite,  mais 
d'une  imagination  exaltée,  qui  lui  fai- 
sait souvent  dépasser  les  bornes  de  la 
modération  dans  les  choses  qui  con- 
trariaient ses  idées.  Ses  ouvrages  ont 
été  imprimés  à  Paris  eu  1602,  i  vol. 
in-4°.  ;  ils  ont  tous  pour  objet  de  ré- 
futer les  prétentions  des  religieux 
mendiants,  et  renferment  beaucoup  de 
déclamations,  T — d. 

AMOUR  (Louis-GoRiN  deSt.-), 
docteur  de  Sorbonne ,  fils  d'un  cocher 
du  roi ,  et  filleul  de  Louis  XIII ,  na- 
quit à  Paris,  en  161 9,  fit  des  études 
brillantes  dans  l'université  de  cette 
ville  ,  dont  il  devint  recteur  ,  et  dont 
il  défendit  vigoureusement  les  droits 
contre  les  entreprises  des  jésuites. 
Docteur  de  Sorbonne  en  i644  ?  il  se 
signala  six  ans  après  dans  la  querelle 
du  jansénisme.  La  chaleur  avec  la- 
quelle il  s'éleva,  dans  les  assemblées  de 
la  faculté  de  théologie ,  contre  la  con- 
damnation des  cinq  fameuses  propo- 
sitions attribuées  au  livre  de  Jansé- 
nius  ,  lui  mérita  la  confiance  des  évê- 
ques  opposés  à  cette  condamnation  ; 
ils  le  charger  eut ,  pendant  qu'il  était  à 


AMP  6ï 

Rome,  à  l'occasion  du  jubilé,  d'ob- 
tenir d'Innocent  X  que,  dans  le  juge- 
ment qui  interviendrait,  il  distinguât, 
d'une  manière  claire  et  précise  ,  le 
sens  dans  lequel  les  propositions  se- 
raient condamnées ,  de  celui  dans  le- 
quel elles  pouiTaient  être  soutenues  y 
mais  tous  les  efforts  de  St.-Amour 
échouèrent  contre  le  crédit  de  ses 
adversaires  les  jésuites.  JN'ayant  pu 
gagner  sa  cause,  il  revint  en  France 
soutenir  celle  de  M.  Aruauld  ,  relusa 
de  souscrire  à  la  condamnation  de  ce 
docteur ,  et  fut,  pour  cette  raison ,  ex- 
clu des  assemblées  de  Sorbonne.  Il 
mourut,  dans  un  âge  avancé,  le  14 
nov.  1687  ,  à  St.-Deuis.  On  a  de  lui , 
outre  plusieurs  écrits  sur  les  alïaires 
de  l'Eglise ,  un  Journal  de  ce  qui 
s'était  passé  à  Rome ,  touchant  les  cinq 
propositions  ^  depuis  1646,  jusqu'en 
i653,  imprimé ,  en  1662  ,  in-foL,  es- 
timé, malgré  la  partialité  qu'on  doit 
s'attendre  à  y  trouver.  L'auteur  n'y 
parle  que  de  ce  qui  s'est  passé  sous  ses 
yeux  ,  et  où  il  a  eu  souvent  la  princi- 
pale part.  Les  faits  importants  y  sont 
appuyés  par  des  pièces  authentiques, 
qui  rendent  l'ouvrage  aussi  curieux 
qu'intéressant.  Un  arrêt  du  conseil 
d'état ,  de  1G84  ,  sollicité  par  le  parti 
opposé,  et  rendu  sur  les  mémoires  de 
plusieurs  prélats  et  docteurs ,  qui  y 
avaient  trouvé  les  cinq  propositions 
de  Jansénius ,  le  condamna  à  être 
brûlé  par   la  main  du   bourreau, 

N— L. 

AMPHIL0QLT3  (  S.  ) ,  évêque 
d'Icône ,  issu  d'une  famille  noble  de 
Cappadoce,  exerça,  dans  sa  jeunesse , 
la  profession  de  rhéteur  ,  puis  celle 
d'avocat  ,  et  s'acquit  beaucoup  de 
réputation  dans  l'une  et  l'autre.  Il 
se  retira  ensuite  dans  la  soUtude , 
par  le  conseil  de  S.  Grégoire  de 
Nazianze,  pour  s'y  consacrer  entière- 
mentà  Dieu.  Amphiloque se  trouvante 


63 


AMP 


Iconc,  au  momeul  où  cette  ville  était 
privée  de  sou  pasteur ,  le  clergé  et  le 
peuple  se  réunirent,  d'une  voix  unani- 
me ,  pour  le  porter  sur  ce  siège.  On 
croit  que  S.  Grégoire  de  Nazianze  ne 
fut  pas  étranger  à  cet  évéuement,  qui 
est  de  l'an  3-- 4-  Le  zèle  et  les  talents  du 
nouveau  prélat  brillèrent  dans  le  gou- 
vernement de  son  diocèse,  dans  l'é- 
clat avec  lequel  il  parut  à  plusieurs 
conciles.  Il  en  tint  un ,  à  Icône  ,  con- 
tre les  macédoniens,  en  076.  Il  se 
trouva ,  en  58 1 ,  au  concile  général 
de  Constantinople ,  et  présida  à  celui 
de  Side  ,  en   Paraphilie ,   où  furent 
condamnés  les  mcssaliens ,  dont  l'hé- 
résie naissante  commençait  à  infecter 
son  troupeau.  L'empereur  Tliéodosc 
lui  ayant  refusé  une  loi  pour  défendie 
aux  ariens  de  tenir  leurs  assemblées  , 
il  affecta  ,  dans  une  circonstance ,  de 
ne  point  rendre  au  jeune  Arcadius , 
nouvellement  créé  Auguste ,  les  hon- 
neurs d'usage.  Théodose   lui  en  té- 
moigna sa  surprise  et  son  méconten- 
tement :  «  Eh  quoi  I  seigneur  ,  lui  dit 
j)  Amphiloque ,  vous   ne  voulez  pas 
«  qu'on  manque  de  respect  à  votre 
»  fils ,  et  vous  souffrez  ceux  qui  blas- 
»  phèment  contre  le  fils  de  Dieu  î  » 
Cette  prompte  répartie  produisit  sou 
effet  ;  car  l'empereur  rendit  aussitôt 
une  loi  pour  défendre  les  assemblées 
publiques  de  tous  les  hérétiques.  On 
Ignore  l'époque  précise  de  la  mort  de 
cet  év«que.   On   sait  seulement  qu'il 
vivait  encore  en  094 ,  et  qu'il  mourut 
dans  un  âge  très-avancé.  L'Eglise  cé- 
lèbre sa  fête  le  25  novembre.  Il  avait 
composé  beaucoup  d'ouvrages  contre 
les  hérésies  de  son  temps ,  et  spécia- 
lement contre  les  mcssaliens.   Il  ne 
nous  en  reste  que  des  fragments  assez 
longs  dans  les   Conciles  d'Ephèse  et 
de  Chalcédoinc ,  et  dans  les  auteurs 
ecclésiastiques  de  cette  époque.  Cot- 
telier  a  publie  sa  kttre  aux  cvcques 


AMR 
macédoniens.  Le  P.  Combesis  a  fait 
imprimer,  en  i644,  in-fol. ,  grec  et 
latin,  les  ouvrages  qui  portent  son 
nom,  mais  dont  la  plupart  lui  sont 
faussement  attribués  :  ils  ont  passé  de 
là  dans   la  Bibliothèque  des  Pères. 

T— D. 

AMPHINOMUS.  F.  Anapius. 
■  AMPSINGIUS  ,    ou    AMPSING 

(  Jean-Assuerus)  ,  né  dans  la  pro- 
vince d'Over-Yssel ,  fut  d'abord  mi- 
nistre de  la  ville  de  Harlem ,  se  fit 
ensuite  recevoir  médecin  ,  exerça  sou 
art  successivement,  en  Suède,  dans  la 
basse  Saxe ,  fut  nommé  professeur  à 
la    faculté  de  Rostock ,   et   mourut  , 
médecin  du  duc  de  Mecklembourg ,  à 
Rostock ,  en  1 04^  ,  h  l'âge  de  85  ans. 
On  a  de  lui  :  I.    Dissertatio  iatro- 
maihematica  ,  dans  laquelle  il  relève 
l'excellence  de  la  médecine  et  de  l'as- 
tronomie sur  toutes  les  autres  sciences, 
et  veut  les  unir  d'une  manière  indisso- 
luble, Rostochii,  1602,  i6i8,in-4".  ; 
1629,  in-8".  ;  IL  De  theriacd  ora- 
fio,  ibid.,  1618,  in-4°.;  1619,  in-8".; 
III.  De  morborum  dijferentiis  liber , 
ibid. ,  1619,  in. 4".;    1625,  in-8"., 
avec  le  Traité  précédent;  IV.  Heclas 
ajfectionum  capillos  et  pilas  hitmani 
corporis  z>?/«frt«/mTO,  Wittebergias , 
1625,  in-8''.  ;  Rostochii,  1623,  id, 
C.  et  A — N. 
AiNIRI ,  roi  d'Israël  ,  fut  proclamé 
par  l'armée  qu'il  commandait  au  siège 
de  Gebbéthon  ,  après  la  mort  d'Ela  , 
assassiné  par  Zambri.  11  investit  l'as- 
sassin usurpateur  dans  Thersa  ,  et  le 
força  de  se  brûler ,  avec  sa  famille , 
dans  le  palais  du  roi.  Thebni  lui  dis- 
puta   encore    la   couronne    pendant 
quatre  ans  ;  mais  enfin  il   se  trouva 
maître  de  tout  Israël  par  la  mort  de 
son  concurrent.    L'Ecriture  loue   la 
valeur  de  ce  prince  :  mais  elle  lui  re- 
proche d'avoir  porté  l'impiété  plus 
loin  que  ses  prédécesseurs ,  en  quoi  il 


A  ?-î  i\ 

îa\.  surpasse  par  Acîiab ,  sou  fils  et  son 
successeur.  Âinri  mourut  vers  l'an  9 1 8 
avant  J.-C. ,  après  avoir  fait  l»âtir  Sa- 
larie ,  pour  en  faire  la  capitale  de 
sou  royaume.  T — d. 

AMRIAL-CÂIS,  le  plus  célèbre  des 
anciens  poètes  arabes,  est  auteur  d'une 
des  sept  moallacah ,  poèmes    com- 
posés avant  Mahomet,  et  qui  avaient 
été  suspendus  à  la  caabnîi ,  ou  temple 
de   la  r>Ickke ,  d'où  leur  est  venu  le 
nom  de  vioallacah  (    suspendus  ). 
Amriâl-Caïs  était  d'une  famille    dis- 
tinguée; son  goût  pour  la  poésie  ayant 
déplu  à  son  père ,  qui  retenait  sur  la 
tribu  des  Benoù-Asad ,  il  fut  cbassé  de 
sa  maison ,  et  mena  une  vie  errante 
parmi  les  Arabes  vagabonds  et  bri- 
gands ,  jusqu'à  la  mort  de  son  père, 
qui  fut  tué  par  ses   sujets,  indignes 
de  sa  barbarie.  Amriâl  -  Caïs ,  alors 
obligé,  selon  raucienne  coutume  des 
AraÎDCs  ,   de   venger ,  par  le   sang  , 
le  sang  de  son  pèi'e,  vint    fondre, 
avec  une  troupe   d'Arabes  errants  , 
sur  ses  sujets  ^  mais   ceux.  -  cl   s'é- 
taient sauvés  ,  et   une  tribu  voisine 
devint  l'objet  de  la  vengeance  d'Amriâl- 
Caïs.  Ses  compagnons,  irrités  de  celte 
méprise  ,  l'abandonnèrent ,  et    il  se 
réfugia  auprès  d'un  prince  du  Yémen , 
qui  lui  promit  ,  mais  en  vain ,  de  lui 
faciliter  lesmoyens  dose  venger.  Lassé 
des  retards  que  ce  prince  apportait  à 
l'exécution  de  sa  promesse  ,  il   alla 
trouver  l'empereur  grec  ,  dont  il  im- 
plora le  secours.  Mallieureuseraent,un 
Arabe  de  la  tribu  des  Bcnou-Asad  se 
trouvait  à  la  cour  de  ce  prince;  il  par- 
vint à  l'indisposer  contre  Amridl-Caïs , 
et  enfin  à  perdre  ce  dernier.  L'em- 
pereur avait   promis  des  troupes   à 
Amriàl-Cais.  Il  les  lui  donna  en  effet  : 
mais,  pendant  sa  marche,  il  lui  en- 
voya  une  chemise  empoisonnée.   A 
peiiK'  Arariâl-Ca'is  s'en  fut-il  revêtu  , 
^u'il  sentit  de  vives  douleurs,  et  il 


A  I^î  11  G5 

expira  peu  après.  Il  fut  inhunjé  près 
d'Ancyre.  Amriàl-Caïs  était  contem- 
porain de  Mahomet,  et  avait  même  fait 
des  vers  satiriques  contre  lui.  La  Moal- 
lacah ,  dont  Lette  a  publié,  à  f  ^eyde ,  en 
1 7 48 ,  le  texte  ai-abe,  et  W- Jones  ,  la 
traduction  anglaise ,  à  Londres ,  en 
l'^Ss,  ne  tient  à  aucun  fait  histo- 
rique ;  c'est  une  suite  de  tableaux ,  où 
s'égaie  l'imagination  de  l'auteur.  Les 
])laisirs  qite  lui  a  causés  la  présence 
des  belles  ,  les  charmes  de  ses  maî- 
tresses, la  description  de  sou  agile 
coursier,  et  la  peinture  d'un  orag^e 
qui  fond  sur  la  terre,  et  dérobe  à  la 
vue  les  sommets  des  montagnes ,  tels 
sont  les  sujets  traités  dans  ce  poërae, 
dont  les  riches  détails ,  les  comparai- 
sons Avariées ,  et  les  figures  hardies  , 
scmbl(*lit  avoir  servi  de  modèle  à  la 
plupart  des  poètes  arabes  des  siècles 
suivants.  J — n. 

AMROU-EEN-LEITS,  deuxième 
prince  de  la  dynastie  des  Soffarides , 
succéda  àYaçoub,  son  frère  ,ran  265 
de  l'hég.  (  879  de  J.-C.  ).  Maître  d'un 
trône  où  l'avait  porté  la  faveur  des 
troupes  ,  il  voulut  s'y  affermir  en  mé- 
ritant les  bonnes  grâces  du  khalyfe 
alors  régnant ,  et  à  qui  son  fièrc  avait 
juré  une  guerre  perpétuelle.  Une 
splendide  ambassade  porta  son  hom- 
mage au  pied  du  trône  ,  avec  des 
présents  considérables  ,  et  le  khalyfe 
lui  envoya  à  son  tour  un  riche  khi- 
lah  (  habillement  ) ,  avec  le  diplôme 
de  gouverneur  du  Khoraçàn ,  d'Is- 
pahân  ,  etc.  Le  khalyfe  et  son  lieute- 
nant vécurent  ainsi  en  bonne  intel- 
ligence pendant  quelques  années  , 
qu'Amroù  employa  à  étouffer  les  trou- 
bles élevés  dans  son  gouvernement  ° 
mais ,  en  884  de  l'hég. ,  soit  qu'il  né- 
gligeât d'envoyer  des  présents  à  Bagl- 
dàd,  soit  qu'il  eût  mécontenté,  par 
son  avarice,  les  habitants  du  Khora- 
çàn ,   le  -khalyfe   ordonna   que    sou 


64  A  M  R 

nom  fut  raye  de  la  prièie,  et  qu'on 
le  chargeât  de  malédictions  ;  ce  qui 
fut  le  signal  d'uue  guerre  funeste. 
Complètement  battu  par  les  troupes 
de  Baglidàd  ,  Amroù  se  réfugia  daus 
le  Kermàn,et  passa,  de  cette  province, 
dans  le  Kîioraçàn  ,  où  Refyi  s'était 
rendu  indépendant.  Amroù  le  vain- 
quit ,  le  fit  prisonnier,  ainsi  que  Mo- 
hammed ,  et  les  envoya  au  khalyfe , 
avec  qui  ce  service  le  réconcilia.  Pen- 
dant ce  temps,  Ismaël-le-Samanide 
s'était  révolté  contre  Amroù ,  à  l'ins- 
tigation du  khàlyfej  celui-ci  ,  s'étant 
mis  à  la  tète  de  ses  troupes  ,  mar- 
cha contre  le  rebelle  ;  mais  ,  trop 
sûr  de  vaincre  ,  il  négligea  de  choisir 
un  campement  avantageux.  L'armée 
d'Ismacl ,  au  contraire ,  qui  avait  ])assé 
le  Djyhoùn  ,  était  disposée  de  telle  fa- 
çon ,  qu'elle  cernait  celle  d' Amroù.  Ce 
désavantage  de  position  jeta  l'effroi 
dans  le  camp  Soffaride  ,  où  avait  déjà 
retenti  le  bruit  des  exploits  d'Ismacl. 
Les  généraux  vinrent  trouver  Amroù, 
«t  le  forcèrent  à  se  retirer  daus  une 
forêt  voisine.  Ce  prince  céda  aux  cir- 
constances j  mais  sa  marche  fut  plutôt 
une  déroijte  qu'une  retraite.  Entraîné 
l\ii-même  jiar  les  fuyards ,  son  clieval 
Je  jeta  dans  uu  buisson  ,  et  un  parti 
ennemi  le  fît  prisonnier.  D'autres  his- 
toriens disent  qu'Annoù  fut  emporté 
])ar  son  cheval  au  milieu  des  rangs 
«■nnemis  ;  (juoi  qu'il  en  soit ,  Ismacl 
obtint  une  victoire  com])lète,  et  devint 
maître  d'un  vaste  empire  ;  Amroù  fut 
coudmt  dans  une  tente  pour  y  atten- 
dre son  sort.  Le  changement  inattendu 
de  sa  fortune  ne  lui  fit  rien  perdre  de  sa 
gaîté,  et,  comme  on  lui  apprêtait  quel- 
que nourriture  ,  un  chien  mit  la  tête 
daus  la  marmite  :  s'étant  brûlé ,  il  la 
retira  avec  tant  de  viv;unté,  qu'il  em- 
porta à  son  col,  et  le  repas  du  prince, 
et  le  vase  qui  le  contenait.  Amroù , 
témoin  de  cette  sccue ,  lil  mii  éclats , 


AMR 

et,  quelqu'un  lui  ayant  témoigne  son 
étonncment  de  le  voir  si  gai,  lorsqu'il 
avait  tant  de  sujets  d'être  affliiic  :  «  Ce 
»  qui  me  fait  rire  ,  lui  dit  Amroù  , 
n  c'est  de  penser  que  mon  cuisinier  se 
))  plaignait  ce  matin  que  trois  cents 
»  chameaux  ne  suffisaient  pas  pour 
»  porter  ma  cuisine ,  et  de  voir  qu'un 
»  seul  chien  la  porte  si  lestement.  » 
Lorsqu' Amroù  parut  devant  Ismacl , 
celui-ci  vint  à  sa  rencontre,  l'embrassa, 
et  jura  qu'il  ne  lui  arriverait  rien  de 
fâcheux;  mais,  le  khalyfe  ayantréclanié 
ce  prisonnier  ,  Ismacl  ,  qui  voulait 
mériter  ses  faveurs  ,  le  lui  envova. 
Amroù  entra  à  Baghdàd  ,  monté  sur 
un  chameau ,  et ,  quand  il  eut  servi  de 
spectacle  à  toute  la  ville ,  on  le  jeta 
dans  uu  cachot.  Les  circonstances  de 
sa  mort  diffèrent  beaucoup  chez  les 
divers  historiens  ;  mais  l'époque  ]>eut 
en  être  fixée  à  l'an  289  de  l'hég. 
(  902  de  J.-C.  ).  Amroii  avait  régné 
20  ans.  Il  se  montra  digne  des  fa- 
veurs de  la  fortune ,  par  ses  vertus 
militaires  ;  il  parut  supérieur  à  ses  re- 
vers ,  par  la  grandeur  d'ame  avec  la- 
quelle il  les  supporta.  11  n'eut  pas 
moins  de  férocité  que  la  plupart  des 
autres  chefs  de  dynasties  asiatiques. 
Ou  lui  reproche  beaucoup  d'avarice. 
Sa  politique  consistait  surtout  à  éle- 
ver de  jeunes  garçons ,  qu'il  donnait 
ensuite  en  présents  à  ses  officiers ,  et 
ces  jeunes  gens  ,  comblés  de  ses  fa- 
veurs ,  lui  rendaient  compte  de  toutes 
les  actions  de  leurs  maîtres.  Amroù 
révélait  ensuite  à  ces  mêmes  officiers 
leurs  plus  secrètes  démarches  ,  et  il 
n'en  fallait  pas  davantage  pour  leur 
persuader  que  le  prince  avait  des  re- 
lations avec  les  génies.  On  peut  dire , 
avec  vérité,  qu'en  sa  personne  finit  la 
dynastie  des  SofTarides .  dont  on  place 
les  commencements  à  l'an  •.).59  (879, 
de  J.  -  C.)  ;  car  on  ne  doil  pas  nicUrc 
au  nowbi'e  des  souverains  an  cette 


AMR 

maison  ,  Thaher,  petit- fils  d'Amroù, 
qui  fui  déclaré  son  successeur  dans 
le  Systân ,  mais  qui  n'eut  réellement 
qu'une  puissance  très  -  précaire  dans 
cette  province  ;  et  encore  moins  Am- 
roîi,  arrière-petit  -  fds  d'Amroîi-ljeu- 
Leïts,  qui  ne  fut  qu'un  fantôme,  dont 
les  khâridjy  du  Systân  se  servirent 
pour  se  soustraire  à  la  puissance  des 
tjamauides.  Enfin  ,  quelques  histo- 
riens placent,  parmi  les  Soflarides  , 
Ahmed-Ben-Khalaf.  J — n. 

AMROU-BEN-EL-ASS,  l'un  des 
plus  célèbres  capitaines  des  premiers 
temps  de  l'islamisme  ,  était  le  fils 
d'une  prostituée ,  qui ,  dit-on ,  de  cinq 
koréiches  qu'elle  recevait  chez  elle  , 
ne  put  dire  lequel  était  le  père  de 
cet  enfant.  Amroù  s'adonna ,  dans  sa 
jeunesse  ,  à  la  poésie ,  et  fît  des  vers 
satiriques  contre  Mahomet.  Sa  haine 
contre  le  prophète  fut  telle ,  qu'il  alla 
poursuivre  eu  Abissinie  les  musul- 
mans qui  s'y  étaient  réfugiés  ;  mais 
enfin  ,  il  se  convertit  à  la  doctrine  du 
Koran ,  et  en  fut  un  des  plus  zélés  pro- 
pagateurs. Quoiqu'il  ait  figuré  dans 
les  différentes  guerres  qui  eurent  lieu 
sous  Abou-Bekr ,  et  le  commencement 
du  règne  d'Omar  ,  la  conquête  d'E- 
gypte est  néanmoins  son  plus  beau 
titre  de  gloix'e;  à  la  mort  d'Aboù- 
Obéïdah  ,  Amroù,  malgré  l'opposition 
d'Otsmàn  ,  fut  nommé  gouverneur 
de  la  Syrie,  qu'il  avait  contribué  à 
soumettre.  Il  se  dirigea  aussitôt  après 
vers  l'Egypte;  et,  à  peine  était-il  parti 
de  Gaznah ,  qu'on  lui  remit  une  lettre 
d'Omar,  qui  lui  ordonnait  de  revenir 
sur  ses  pas ,  s'il  n'était  point  encore 
entré  en  Egypte;  mais  qui  le  laissait 
libre  de  continuer  sa  route ,  s'il  en 
avait  dépassé  les  frontières.  Le  rusé 
Amroù  fait  alors  doubler  le  pas  à  ses 
troupes ,  et ,  lorsqu'il  est  assez  avancé, 
il  ouvre  la  lettre  d'Omar  ,  et  la  lit  en 
présence    des   officiers  ;  il  interroge 


AMR  65 

ensuite  les  h-ibitants  sur  le  nom  et 
la  situation  géographique  du  lieu  où 
campait  l'armée  ,  et ,  comme  on  lui  ré- 
])ondit  qu'il   était  sur  les  frontières 
d'Egypte  :  a  Continuons  donc  notre 
»  marche,  dit-il  à  ses  généraux.  »  Quoi- 
qu'il n'eut  avec  lui  que  4ooo  hommes, 
Sarmah ,  ou  Peluse  ,  tomba  en  sou 
pouvoir,  et  Mesr  subit  le  même  sort, 
après  un  siège  de  sept  mois.  Amioù, 
aussitôt  après  cette  dernière  conquête, 
à  laquelle  la  trahison  du  commandant 
grec  contribua  beaucoup  ,  jeta  les  fon- 
dements d'une  nouvelle  ville,  nom- 
mée alors  Fostat  ,    et  aujourd'hui  le 
Vieux-Caire. Il  continua  sa  marche,  et 
vint  assiéger  Alexandrie.  Dans  toutes 
les  attaques ,  le  glaive  et  le  drapeau 
d'Amroù  brillaient  à  l'avant-garde.  La 
jour  ,   les  guerriers  qu'il  avait  à  sa 
suite    avaient  pénétré   dans  la  cita- 
delle, mais  ils  en  furent  chassés  ,  et 
le  général ,  qui  ne  voyait  plus  autour 
de  lui  qu'un  ami  et  un  esclave  ,  de- 
meura au  pouvoir  des  Grecs.  Lors- 
qu'on le  conduisit  devant  le  préfet , 
son  maintien  audacieux  et  son  langag-e 
fier   pouvaient  avertir  qu'il   était  le 
chef  des  musulmans ,  et  la  hache  d'iui 
soldat, déjà  levée  sur  lui, allait  abattre 
la  tête  de  l'insolent  captif.  Sa  vie  fut 
sauvée  par  la  présence  d'esprit  de  son 
esclave,  qui  frappa  son  maître  au  vi- 
sage, et  qui,  d'un  ton  irrité,  lui  or- 
donna de  garder  le  silence  devant  ses 
supérieurs.  L'officier  grec  fut  trompé  J 
il  écouta  la  proposition  d'un  traité,  et 
renvoya  ses  prisonniers ,  qui  se  don- 
naient pour  les  députés  des  musul- 
mans ;  mais  bientôt  les  acclamations 
du  camp  ennemi  annoncèrent  le  retouï 
d'Amroù.   La  conquête  d' Alexandrie 
coûta  aux  Sarrasins  20,000  hommes. 
«  J'ai  pris  la  grande  ville  de  l'Occi- 
»  dent,  écrivait  Amroù  au  khalvfe  ;  il 
))  n'est  pas  possible  de  faire  l'énumé- 
»  ration  des  richesses  et  des  beautés 

5 


6Ô  AMR 

•»  qu'elle  contient.  »  Amroîi  eut  assez 
d'influence    sur   les    fanatiques   qu'il 
commandait ,  pour  préserver  la  ville 
du  pillage.  Il  ne  fut  pas  cependant  le 
maître  d'empêcher  l'incendie  de  la  fa- 
meuse bibliothèque  d'Alexandrie,  dont 
Jean-le-Grammarieu  lui  avait  deman- 
de'  la  conservation  et  la  propriété; 
Amroù  ne  voidut  point  disposer  de 
cette  bibliothèque  sans  la  permission 
du  khalyfe ,  et  bientôt  arriva  l'ordre 
d'Omar   qui  lui   commandait   de    la 
livrer  aux  flammes ,  ce  qu'il  exécuta 
avecuuc  funeste  exactitude.il  est  bon 
d'observer   cependant  que    ce   fait  , 
digne  de  la  barbarie  d'Omar  ,  mais 
non  de  l'ame  généreuse  d'Amroù,est 
encore  aujourd'hui  un  poiutde  contes- 
tation entre  les  savants.  Un  gouverne- 
ment sage  et  ferme ,  et  une  adroite 
politique,  concilièrent  à  Amroù  l'esprit 
des  Egyptiens.  Il  fit  creuser  un  canal 
qui  joignit  la  mer  Rouge  à  la  Méditir- 
lanée  ;  entreprise  digne  de  son  génie  , 
et  qui  avait  élc  teutée,  peut-être  même 
exécutée,  par  les  Pharaons  et  les  Pto- 
le'mées.  De  l'Egypte,  Amroù  étendit 
ses  conquêtes  dans  les  parties  voisines 
de   l'Afrique.  Otsmàu  ,  ayant  été  élu 
khalyfe,  rappela  Amroù  près  de  lui; 
mais  les  habitants  ,  mécontents  de  ce 
changement ,  se  révoltèrent,  et  livrè- 
rent la  ville  à  la  flotte  grecque.  Am- 
roù revint  bientôt  reconquérir  cette 
ville,  et  eut  le  pouvoir  d'empêcher  le 
massacre  des  habitants.  Le  faible  Ots- 
raân,  ne  pouvant  se  passer  de  l'appui 
de  ce  grand  général ,  le  rappela  près 
de  lui.  En  64G,  lorsqu'Ali  fut  élevé 
au  khalyfat ,  Amroù  se  déclara  pour 
Moawyau  ,  et  vint  à  bout ,  par  son 
adresse  ,  de  placer  la  couronne  sur  la 
tjte  de  son  favori  (  F.  Ali), échappé 
au  poigmrd  des  Kharidjy  ;  il  reçut  de 
Mo;Avyah  le  gouvernement  d'Egypte, 
en  G 58  ou  59  ,  et  le  conserva  justfu'à 
sa  mort^  arrivée  l'an  42  de  l'Iiég.  (66ji- 


AMS 
3.  )  La  piété  d' Amroù  l'a  fait  mettre 
au  nombre  des  sept  compagnons  de 
Mahomet,  connus  sous  le  nom  de  Se- 
léf  :  ses  victoires  l'ont  placé  au  rang 
des  plus  grands  conquérants  qu'aient 
produits  les  premiers  siècles  de  l'hé- 
gyre,  et  son  adroite  politique  le  fît  ap- 
peler ,  par  les  chrétiens,  le  plus  rusé 
des  Arabes.  J — n. 

AMSDORF   (  Nicolas  d'  ) ,  né  en 
1 485 ,  près  de  Wùrtzcn ,  en  Misnie , 
d'une  famille  noble.  Ses  liaisons  inti- 
mes avec  Luther  sont  aujourd'hui  sou 
principal  titre  à  une  place  dans  un 
Dictionnaire  historique;  car  ses  ou- 
vrages ne  sont  que  des  traités  polémi- 
ques contre  l'Eglise  romaine,  les  sec- 
tateurs de  Schwenckfeld,  les  appro- 
bateurs de  Yinterim ,  les  réformés ,  et 
contre  tous  les  théologiens  dont  les 
idées    s'écartèrent  ,    dans    quelques 
points,  de  celles  de  Luther.    Il  pro- 
fessa la  théologie,  et  remplit  les  fonc- 
tions de  pasteur  à  Wittenberg ,  Mag- 
debourg  et  Naumbourg.  En  lo^-j,  il 
accompagna   Luther  à    la    diète   de 
Worms,   et,  en  revenant  de  là,  se 
trouva  dans  la  même  voiture  que  le 
réformateur,  lorsque  celui-ci  fut  en- 
levé par  les  ordres  de  l'élccreur  de 
Saxe,  et  conduit  à  Wartbourg.  En 
1557 ,  il  concourut  à  la  rédaction  des 
articles  de  Smalcalde,  et  fut  nommé, 
en  i54  i,  évêque  de  Naumbourg,  par 
l'électeur  Jean  Frédéric,  qui  était  mé- 
content du  choix  que  le  chapitre  avait 
fait  pour  cette  place,  dans  la  personne 
de  Jules  de  Pflug.  Cinq  ans  après,  son 
protecteur  ayant  été  f.ùt  prisonnier  par 
Charles-Quint  ,  il  fut  obhgé  de    cé- 
der son  évêché  à  Pflug ,  et  se  retira  à 
Magdebourg.  Il  concourut  ensuite  à  la 
fondation  de  l'université  de  Jéua,  qui 
était  destinée  à  être  la  rivale  de  celle 
de  Wittenberg,  et  mourut  à  Eisenach, 
le  i4  mai  i;j65.  Son  zèle  pour  la  dé- 
fense de  la  doctrine  de  Luther ,  et  une 


AMT 

fausse  interprétation  d'un  passage  de 
S.  Paul  (Rom.  III,  28),  le  portèrent 
à  soutenir,  dans  la  chaleur  de  sa  dis- 
pute avec  G.  Major,  que  les  bonnes 
œuvres  étaient  pernicieuses  pour  le 
salut ,  assertion  dont  rimmoralité  éga- 
lerait l'absurdité',  si,  dans  l'intention 
d'Arasdorf,   elle  n'eût  c'te'   identique 
avec  la  proposition  reçue,  avec  plus 
ou  moins  de  modifications,  par  toutes 
les  communions  chrétiennes ,  que  nos 
bonnes  actions  ne  peuvent  nous  mé- 
riter le  ciel,  et  qu'une  foi  sincère  en 
J.-C.  U'  us  donne  seule  des  droits  à 
la  miséricorde  céleste.  Anisdorf  en- 
seignait d'ailleurs ,  comme  tous   les 
théologiens,  que  cette  foi  était  néces- 
sairement féconde    en  vertus  ;   et   il 
n'avait  d'autre  but  que  de  répéter  éner- 
giquement  ce  qu'ils  avançaient  tous , 
c'est-à-dire,  que  c'était  à  la  foi,  et  non 
à  ses  fruits,  qu'étaient  attachés,  selon 
les  Saintes-Ecritures ,  les  bienfaits  de 
Dieu  et    le  pardon  de   nos  péchés  ; 
mais,  ayant  mal  exprimé  sa  pensée, 
il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  don- 
ner naissance  à  une  longue   contro- 
verse ,   et    pour   enrichir    V Histoire 
des  hérésies  d'un  nouveau  chapitie. 
Waich ,  dans  son  Histoire  des  con- 
troverses  qui  se  sont  élevées  dans 
l'Eglise  luthérienne .  i  ".  vol. ,  p.  98 , 
et  Planck,  Histoire  de  Vorigine  et 
des  vicissitudes  du  protestantisme  , 
4*'.  vol.,  p.  469,  sont  ceux  qui  ont  jugé 
cette  dispute  avec  le  plus  d'équité  et 
de  sagacité.  Les  écrits  d'Amsdorf  sont 
indiqués  dans  Jœcher  tt  Adelung. 

S— R. 

AMTHOR  (Christophe-Henri), 
jurisconsulte,  néàStollberg,  en  1678, 
fut  élevé  à  Rundsbourg,  par  un  de 
ses  oncles,  et,  en  1704,  nommé  pro- 
fesseur de  droit  et  de  pohtique  à 
Kiel,  où  il  acquit  une  grande  considé- 
ration. Des  vers  qu'il  composa  à  la 
louange  des  ministres  danois,  leren- 


AMU  G7 

dirent  odieux  à  la  cour  de  HoUstein- 
Gottorp.  En  1 7 1 5,  il  entraau  ser\  ice  du 
Danemarck ,  et  fut  nommé  historio- 
graphe royal,  et  conseiller  de  la  chan- 
cellerie du  duché  de  Hollstein-Schles- 
wig.  Il  composa ,  par  ordre  du  roi , 
plusieurs  pamphlets  relatifs  aux  dilïc- 
rends  qu'avait    alors    le    Danrmaick 
avec  la  Suède  et  le  duché  de  HoHsteii:- 
Gottorp.  Ces  écrits  eurent  un  si  grand 
succès,  qu'en   1715,  on  l'engagea  à 
venir  à  Copenhague ,  où  il  fut  nommé 
conseiller  de  justice,  et  eut  pour  loge- 
ment  le    château    royal    de  Rosem- 
bourg,  dans  lequel  il  mourut,  le  21 
février   1721.  Parmi   ses  nombreux 
ouvrages ,  on  peut  citer  :  l.Meditatio- 
nes  philosophicœ  de  justitid  divina  et 
materiis  cum  ed  connexis ;  IL  Poé- 
sies et  traductions  (en  allemand), 
Flensbourg  ,    1 7  i  7  ;  HI.  ses  Ecrits 
politiques  [en  allemand),  entre  autres  : 
l'Essai  historique  sur  l'état  passé  et 
présent  de  la  Noblesse  du  duché  de 
Hollstein-Schleswig ,  et  de  ses  privi- 
lèges ;  la  Recherche  des  causes  qui 
ont  fait  naître  les  dijjérends  existants 
entre  la  Suède  et  le  Danemarck , 
1713,  in-4  ". ,  etc.  G — T. 

AMULIL  S,  roi  d'.\Ibe,  fils  de  Pro- 
cas,  lo"".  descendant  d'Ascagne.  Son 
frère  Numitor  avant  succédé  à  la 
couronne,  par  droit  d'aînesse,  il  le 
renversa  du  trône,  et  fit  périr  sou 
fils  jEgestus.  Il  obligea  ensuite  Rhéa- 
Svlvia,  fille  de  Numitor,  à  se  consa- 
crer air  culte  de  Vesta ,  afin  qu'elle  ne 
pût  jamais  être  mère  ;  mais  Rhc'a- 
Sylvia  devint  enceinte  ,  et  prétendit 
que,  comme  elle  allait  puiser  de  l'eau 
à  une  fontaine,  le  dieu  Mars  lui  avait 
fait  violence.  Cette  fable,  toute  digne 
qu'elle  était  de  ces  temps  grossiers ,  ne 
fut  pas  crue  par  Amulius,  et,  lorsque 
Rhéa-Sylvia  mit  au  monde  deux  ju- 
meaux, son  oncle  la  fit  condamner  h 
moi1.  On  ordonna  en  même  temps 


68  A  M  U 

que  les  enfants  fussent  jete's  dans  le 
Tiijre.  Siiivant  quelques  auteurs  , 
Amulius ,  à  !a  prière  de  sa  fille  Anlho , 
commua  la  sentence  de  mort,  portée 
contre  sa  nièce,  en  celle  d'une  prison 
perpétuelle.  On  a  prétendu  que  lui- 
luème  il  lui  avait  fait  violence,  non 
par  amour,  mais  pour  avoir  un  pré- 
texte de  la  faire  mourir.  Les  denx  en- 
fants, Romulus  et  Rémus,  ajant  été 
Sauvés  par  un  prodige  {F.  RoinuLus), 
se  décidèrent ,  lorsqu'ils  eurent  atteint 
leur  18''.  année,  à  venger  leur  mère 
et  leur  aieul.  Ils  se  mu'ent  à  la  tcte  de 
plusieurs  troupes  de  paysans,  qui 
n'avaient  d'autres  enseignes  que  des 
bottes  de  foin  attachées  à  de  longues 
perches ,  nommées  alors  manipuli, 
forcèrent  la  garde  qui  défendait  le  pa- 
lais d' Amulius,  le  tuèrent,  et  rétabli- 
rent Numitor  sur  le  trône.  On  rap- 
porte cet  événement  à  l'an  ■^54  avant 
J.-C,  et  on  ajoute  qu'Amulms  avait 
alors  régné  4'i  ans.  D — t. 

AMULIUS,  peintre,  vivait  sous  le 
règne  de  Néron;  ses  plus  beaux  ou- 
vrages furent  exécutes  dans  la  IMaison- 
Dorée.  Il  était  d'un  caractère  grave  et 
sévère ,  et  ne  peignait  que  durant 
quelques  heures  de  la  journée,  sans 
quitter  sa  toge.  Pline  parle  d'une  Mi- 
nen-e  qu' Amulius  avait  peinte,  et  qui 
semblait  toujours  regarder  le  specta- 
teur j  à  quelque  place  qu'il  se  mît. 
L — s — E. 

AMURATH  I". ,  ou  MORAD ,  troi- 
sième sultliau ,  fils  et  successeur  du 
sultlian  Orchan ,  naquit  l'an  deThégyre 
'j4o(  i3i9  de  J.-C.  ),  et  monta  siule 
trône  à  4*  '••'S.  Jusqu'à  son  règne, 
les  Othomans ,)  maîtres  de  l'Asie  mi- 
neure, n'avaient  fait  que  des  incur- 
sions en  Europe,  Sous  cet  heureux 
conquérant ,  ils  réduisirent  les  empe- 
reurs grecs  à  ne  régner  que  sur  Cous- 
tantmople  et  ses  fauboui-gs,  Amurath 
fut  souvent  leur  aibiti'c ,  et  leur  parla 


AMU 

toujours  en  maître.  Il  signala ,  par  la 
piise  d'Ancvre,  la  première  année  de 
son  règne  :  l'armée  othomane  passa  en- 
suite le  détroit  de  Gallipoli ,  s'empara 
de  la  plu])art  des  villes  de  la  Thrace  , 
mit  le  siège  devant  Andrinoplc,  et  ré- 
duisit celte  ville  sous  l'obéissance  du 
sulthan ,  avec  toute  la  Thessahe ,  à  l'ex- 
ception de  Thessalonique.  Amurath 
transféra  à  Andrinople  le  siège  de  sou 
empire,  et  y  fit  bâtir  une  superbe 
mosquée,  appelée  encore  aujourd'hui 
Temple  de  Morad.  U  cmbelUt  aussi 
la  ville  de  Prus.  Le  sulthan  sema  la 
division  parmi  les  princes  de  l'Asie 
mineure,  et  les  ménagea  avec  tant 
d'adiesse  que  la  plupart  offrirent 
d'eux  -  mêmes  de  tenir  leur  souverai- 
neté comme  une  espèce  de  fief  des 
empereurs  othomans.  Chaque  année 
valait  au  petit-fils  d'Orchan  une  nou- 
velle province  en  Eiu'ojie.  Il  pénétra 
dans  la  Macédoine  et  dans  l'ADjanie  ; 
enfin  ,  ce  qu'il  n'entreprit  pas  faute 
de  vaisseaux ,  présagea  tout  ce  que  ses 
successeurs  pourraient  bientôt  oser. 
Pour  assurer  sa  puissance,  ce  sulthan, 
dont  le  génie  égalait  la  fortune  et  la 
valeur,  fonda  la  milice  des  janis- 
saires ,  armée  permanente  ,  formée 
d';diord  de  jeunes  chrétiens  ,  enfants 
de  tribu,  ou  pris  à  la  guerre  ,  tous 
dévoués  au  maître  à  qui  leur  ^  ie  ap- 
partenait ;  phalange  invincil)le  dès 
son  institution,  puisque  sa  vocation 
était  de  combattre  ,  et  son  devoir,  de 
mourir  les  armes  à  la  main.  Au  mo- 
ment de  leur  formation  ,  un  dervis  , 
placé  à  la  tête  de  leurs  rangs,  leur 
donna  sa  ■bénédiction  en  prononçant 
ces  paroles  :  «  Qu'on  les  nomme  ja- 
»  nissaires  ou  nouveaux  soldats;  puis- 
»  se  leur  valeur  être  toujours  bril- 
»  lante,  leur  épée,  tranchante, et  leurs 
»  bras,  victorieux  !  puissent  tous  leurs 
»  traits  port(!r  à  la  tête  de  leurs  enne- 
»  mis ,  et  puissent  -  ils  rcvcuii'  Llauc* 


/VMU 

»  de  toutes  leurs  expéditions  !  »  Les 
janissaires  furent  long-temps  la  ter- 
reur des  ennemis,  et,  quelquefois,  celle 
des  sulthans.  Il  est  difficile  de  dire  à 
quelles  bornes  Tambition  d'Amurath 
se  sei-ait  arrête'e  ,  s'il  n'eût  trouve'  la 
mort  au  sein  même  de  la  victoire. 
Alarme's  de  l'accroissement  de  sa 
puissance  ,  les  peuples  voisins  de  TAl- 
banie  et  de  la  IMace'doine  formèrent 
une  ligue  pour  défendre  leur  inde'pen- 
dauce.  Les  Valaques,  les  Hongrois, 
les  Dalmates  et  les  Serviens  compo- 
sèrent cette  espèce  de  conféde'ration , 
dont  Lazare ,  prince  de  Servie ,  fut 
le  chef.  Amuratli  marcha  au-devant 
des  ennemis ,  qu'il  rencontra  dans  les 
plaines  de  Cassovie  ,  l'an  de  l'hégyre 
791  (  1389  d^  J.-C.  ).  Là,  se  donna 
une  bataille  sanglante;  la  victoire 
fut  long-temps  disputée  ;  enfin  les 
chrétiens  plièrent ,  Lazare  fut  fait 
pi'isonnier ,  et,  presque  tous  les  autres 
chefs  ayant  été  tues ,  le  reste  prit  la 
fuite  ,  et  fut  taille  en  pièces.  Cette 
victoire  anéantissait  la  ligue,  et  l'in- 
de'pendance  des  tribus  de  l'Esclavo- 
iiie.  Amurath ,  en  parcom'ant  la  scène 
du  carnage,  remarquait  que  la  plu- 
part des  moits  n'étaient  que  des  ado- 
lescents ;  son  vizyr  lui  re'pondit  que 
des  hommes  d'un  âge  raisonnable 
n'auraient  pas  entrepris  de  lui  ré- 
sister ;  tandis  que  le  sulthan  prêtait 
l*oreille  aux  flatteries  du  courtisan  , 
un  soldat  servien  ,  caché  parmi  les 
morts ,  s'élança  sur  lui ,  et  lui  porta 
un  coup  mortel.  Les  Othomaus 
consternés  jtirent  de  venger  Amu- 
rath; ils  dressent  sur  le  champ  de 
bataille  la  tente  du  sulthan ,  le  pla- 
cent dessous  ,  reprennent  leurs  rangs 
avec  une  ardeur  et  une  furie  sans  éga- 
le, et  font  massacrer,  aux  pieds  d'A- 
murath expirant,  le  prince  de  Servie , 
et  les  autres  chefs  ,  prisonniers  de 
guerre.  Le  règne  d'Amurath  fut  de 


  M  U  Cj) 

vingt -neuf  ans ,  et  sa  vie,  de  soixante- 
dix.  Pendant  cette  longue  carrière , 
il  entreprit  trente-neuf  guerres,  qu'il 
termina  toutes  avec  gloire.  Amurath 
fut  ambitieux  ,  entreprenant ,  et  tou- 
jours heureux.  Comme  guerrier  ,  il 
fit  couler  plus  de  sang  que  ses  deux 
prédécesseurs  ;  mais,  sous  lui,  la  gloire 
othomane  pi'it  un  essor  bien  plus  éle- 
vé ,  et  brilla  sur  un  plus  grand  théâtre; 
comme  souverain  ,  Amurath  se  mon- 
tra juste ,  sévère  et  rehgieux.  U  ne 
laissa  jamais  le  crime  impuni ,  pas. 
même  dans  ses  propres  enfants  :  ja- 
loux de  son  autorité  ,  il  fit  crever  les 
yeux  à  un  de  ses  fils  rebelle ,  et  fit  mou- 
rir dans  d'horribles  supplices  tous  ceux 
qui  avaient  pris  part  àla  révolte.  Il  était 
ennemi  du  faste  ,  à  tel  point  qu'il  ne 
portait  jamais  que.  des  habits  de  laine  : 
enfin  sa  piété  ne  peut  être  mieux  at- 
testée que  par  la  leçon  pidjlique  que 
le  muphti  osa  lui  faire  ,  et  qu'il  re- 
çut avec  soumission.  Le  suhhan  était 
venu  déposer  comme  témoin  devant 
le  tribunal  du  muphti,  qui ,  dans  l'em- 
pire othoman  ,  est  à  la  fois  pontife  et 
juge.  «  Partout  ailleurs  ta  parole  est 
»  sacrée ,  lui  dit  le  chef  de  la  religion 
«  et  des  lois ,  mais  ici ,  elle  ne  doit 
»  être  comptée  pour  rien  :  lu  n'as  - 
»  sistes  point  au  namaz.  »  En  clTct , 
les  sulthans  ne  participaient  point  à 
cette  prière  publique  que  les  Musul- 
mans font  en  commun  :  ils  se  con- 
tentaient de  prier  dans  l'intérieur  de 
leur  palais.  Amurath  retira  son  té- 
moignage ,  reconnut  sa  faute  ,  assista 
au  namaz ,  et  fit  bâtir  une  mosquée. 
L'accomplissement  de  tant  de  devoirs 
divins  et  humains ,  ses  brillantes  qua- 
lités ,  ses  conquêtes  et  sa  gloire,  dont 
la  religion  était  le  principe  et  le  but , 
ont  fait  donner  à  ce  prince  le  nom  do 
Khodovendikar ,  c'est-à-dire  l'ouvrier 
de  Dieu.  Ildérim  Bajazet ,  son  fils  aîné., 
fut  proclamé  sulthan.  S— y. 


-jo  A  M  U 

AMURATH  lî ,  succéda  à  son  père 
Maliomet  P'. ,  l'an  de  l'hégyre  8^5, 
(1422  de  J.-C.  )-  n'ayant  alors  que 
18  ans.  Les  mallieurs  de  Bajazet,  son 
aïeu! ,  avaient  rais  l'emjtire  othoman 
sur  le  penchant  de  sa  ruinej  mais  les 
déchirements  intérieurs,  fomentés  par 
l'interrègne  ,  avaient  donne  une  nou- 
velle vigueur  aux  sujets ,  et  semblaient 
avoir  trempé  l'ame  des  sulthaus  dans 
l'adversité.  Né  au  milieu  des  discordes 
civiles  et  des  d  uigers  publics  ,  Amu- 
rath  apporta  sur  le  trône  ce  courage 
mâle  et  cette  force  de  volonté  qui  ne 
connaît  point  d'obstacles.  Peu  de  temps 
après  son  avènement,    il   s'éleva  un 
imposteur  qui,  appuyé  par  l'empereur 
giec  ,  prétendait  être  Blustapha ,  fils 
de  Bajazet  ;  mais ,  après  avoir  battu  le 
grand-vizyr,  il  fut  défait  par  Amurath  , 
et  mis  à  mort.  Le  sulthan  investit  en- 
suite Coustantinoplc  avec  une  puis- 
sante armée;  mais  il  échoua  dans  son 
projet;  car  l'empereur  grec  fit  soule- 
ver ,  contre  lui ,  Mustapha  son  jeune 
frère.  Ce  prince  fut  bientôt  fait  pri- 
sonnier, et  étranglé  en  présence  d'A  - 
murath.  D'autres  troubles,  survenus 
en  Asie,  furent  apaisés  parles  géné- 
raux du  sulthan.  En  i4->6,  Amurath 
dévasta  l'île  de  Zante ,  appartenant  aux 
Vénitiens.  L'année  suivante  ,  il  sou- 
mit la  Morée,   et  obligea  l'empereur 
grec  à  lui  payer  tribut  :  il  prit  ensuite 
Thessalonique ,  et  força  les  Vénitiens 
à  la  paix.  La  rébellion  de  Karaman- 
Ogli  fut  étouffée,  en  i454i   par  le 
sulthan  en  personne.  Vers  ce  temps , 
la  guerre  eut  lieu  entre  l'empire  otho- 
man et  le  roi  de  Hongrie  :  le  fameux 
général  hongrois,  Jean  Huniade, rem- 
porta plusieurs  victoires;  cependant 
Amurath  passa  le  Danube  ,  ravagea  le 
pays,  et  assiégea  Belgrade  ;  mais  il  ne 
put  s'en  emparer.  Il  envahit  et  sub- 
jugua la  Servie  ;  mais  il  rendit  cette 
province  lorsqu'il  conclut  la  jiaix  avec 


AMU 

la  Hongrie  et  la  Pologne.  En  1422  , 
Karaman-Ogli  reprit  les  armes  ,  et  fit 
une  irruption  dans  plusieurs  provin- 
ces d'Asie.  Amurath   marcha  contre 
lui  ;  mais  sa  sœur ,  femme  de  Kara- 
raan,  vint  au-devant  lui ,  et  parvint  à 
les  réconcilier.  Voyant  alors  son  em- 
pire dans  un  repos  parfait,  Amurath, 
qui  s'était  toujours  montré  très-atta- 
ché aux  pratiques  de  sa  religion ,  re- 
nouvela un  exemple  de  modération  et 
de  mépris  des  grandeurs  que ,  jusqu'a- 
lors, le  seul  Diocléticn  avait  donné  au 
monde  ;  il  abdiqua ,  et ,  laissa  ut  le  trône 
au  jeune  Mahomet  H,   son  fils,  il  se 
relira  à  Magnésie,  dans  la  société  des 
derviches  ,  dont  il  partagea  les  austé- 
rités. H  n'avait  pas  encore  ^o  ans,  et 
fut  bientôt  tiré  de  sa  retraite  par  les 
dangers  qui  assiégèrent  le  trône  des 
sulthaus.  Ladislas,  roi  de  Hongrie,  et 
ses  auxiliaires ,  envahirent  le  territoire 
musulman ,  à  l'instigation  du  parjure 
Karaman  -  Ogii.  Le  nouveau  sulthan 
n'était  encore  qu'un  enfant,  et  tous  les 
Othomans  eurent  recours  à  Amm-ath  , 
qui  consentit  à  les  guider  encore  aux 
combats.    Il  attaqua  les  chrétiens  à 
Varna,  et,  dans  la  chaleur  de  l'action  , 
il  fit  porter  dans  ses  rangs,  au  bout 
d'une  lance ,  le  dernier  traité  conclu 
enti-e  lui  et  les  chrétiens,  en  s'écrianî  : 
«  Que  les  infidèles  marchent  contre 
»  lein-  dieu  et  leurs  serments  ;  et  per- 
«  mots ,  juste  Dieu  ,  qu'ils  se  punissent 
»  eux-mêmes  de  leur  perfidie  1  »  Tandis 
que  la  victoire  était  encore  douteuse, 
le  jeune  roi  de  Hongrie  ,   pénétrant 
jusqu'au  sulthan ,  lui  livra  nu  combat 
singulier.  Amurath  ])erça  son  cheval , 
le  roi  tomba,  et  périt  sous  les  coups 
des  janissaires.  Sa  tète,  coupée,  fut 
montrée,  au  bout  d'une  lance,  à  ses 
soldats ,  dont  la  plupart  périrent  ou 
furent  faits  prisonniers.  Le  cardinal 
Julien ,   qui  avait  obtenu  du  pape , 
pour  le  roi  de  îlungrie  .  la  dispense  de 


son  serment ,  fat  une  des  victimes  de 
cette  juste  vengeance.  Après  cette  vic- 
toire ,  Amurath  se  dévoua  de  nouveau 
à  une  vie  pieuse  et  retirée;  mais,  eu 
1 446  ,  il  fut  rappelé  au  souverain  pou- 
voir par  une  teriible  sédition  des  janis- 
saires, qui,  sentant  que  les  rênes  de 
l'empire  étaient  tenues  par  de  faibles 
mains ,  se  révoltèrent  pour  la  première 
fois,  etdévastèrent  Andrinople.  A  peine 
Amurath  reparut-il,  qu'il  vit  la  milice  à 
ses  pieds  ;  il  tourna  aussitôt  ses  armes 
contre  le  célèbre  Scauderbe^^ ,  prince 
d'Epire,  qui  s'était  révolté,  le  chassa 
de  ce  pays ,  et  le  poursuivit  en  Alba- 
nie. Il  fit  deux  tentatives  pour  prendre 
Kroya  ,  capitale  de  cette  province  ; 
mais  il  fut  obligé  d'abandonner  son 
dessein ,  après  avoir  éprouvé  des  per- 
tes considérables.  Amurath ,  cepen- 
dant ,  convertit  tous  les  Epirotes  au 
Koran ,  en  les  menaçant  de  la  mort. 
Les  Hongrois  ayant  fait  une  nouvelle 
invasion  sur  les  bords  du  Danulje , 
le  sulthau  marcha  contre  eux ,  et  les 
joignit  à  Cassovie,  où  Amurath  P^ 
avait  été  victorieux.  Il  s'ensuivit  plu- 
sieurs actions  sanglantes ,  mais  par- 
tielles ,  qui  se  terminèrent  par  la  dé- 
route des  chrétiens,  et  Jean  Hmiiade, 
dans  sa  retraite,   fut  fait  prisonnier 
par  le  despote  de  Servie.  Amurath  re- 
vint à  Andrinople ,  et  ne  songea  plus 
à  résigner  le  pouvoir;  car ,  après  avoir 
marié  son  fils  Mahomet  à  la  fille  du 
prince  d'Elbistan ,  il  lui  donna  le  gou- 
vernementdel'Asie mineure.  En 1 45 1 , 
il  fut  attaqué  d'une  maladie  de  cer- 
veau ,  qui  bientôt  l'enleva  dans  la  47*"- 
année  de  son  âge,  après  29  ans  de 
règne.  Les  Othomans  regardent  Amu- 
rath II  comme  un  de  leius  plus  illus- 
tres souverains;  ils  louent  ses  vertus 
civiles  et  militaires ,  sa  piété ,  et  la  mu- 
nificence qu'il  montra  en  faisant  bâtir 
des  mosquées ,  des  caravenserais  ,  des 
collèges  cl  des  hôpitaux.  Mais  il  partici- 


AMU  "ji 

paittrop  au  caractère  des  conquérants 
de  sa  nation ,  qui  regardent  la  cruauté  et 
la  violence  comme  légitimes ,  lorsqu'il 
s'agit  de  la  propagation  de  la  foi.  Ce- 
pendant, on  reconnaît  que  rarement  il 
tira  l'épée  avant  d'y  avoir  été  provo- 
qué, et  qu'il  observait  les  traités  avec 
une  fidélité  inviolable.  S — y. 

AMURATH  III ,  fils  de  Séhm  II, 
monta  sur  le  trône  à  5i  ans,  l'an  de 
l'hégyrepSa  (  iSyS).  Le  premier  acte 
de  sa  puissance  fut  le  meurtre  de  cinq 
de  ses  frères  ,  dont  le  plus  âgé  n'avait 
pas  8  ans.  Cette  barbarie ,  que  la  po- 
litique othomane  motive  et  n'excuse 
pas ,  dut  faire  craindre  aux  sujets  d'A- 
murath  un  règne  sanguinaire.  Cepen- 
dant ,  ces  victimes  furent  les  seules  que 
ce  sulthan  immola;  il  ne  fit  tomber  la 
tète  d'aucun  des  grands-vizyrs  qu'il  dis- 
gracia, presque  chaque  année.  Il  re- 
commença la  guerre  contre  les  Per- 
sans ,  dès  l'an  1678;  et  cette  longue 
calamité,  également  funeste  aux  deux 
peuples,  affligea  presque  tout  son  rè- 
gne. La  paix  fut  enfin  conclue,  en  1 5go, 
el  elle  mit  Amurath  en  possession  de 
Tauris  ,  et  de  trois  provinces  persan - 
nés.  Du  côté  de  l'Eurojîc,  ce  sulthan  fit 
obtenir  le  trône  de  Polog,ne  à  Etien- 
ne Battori ,  vaivode  de  Transylvanie , 
son  vassal ,  au  préjudice  de  l'empe- 
reur Maximilien.  Eu  i585,  il  deman- 
da un  tribut  à  Rodolphe ,  successeur 
de  ce  dernier  prince,  et,  sur  son  refus,, 
fit  entrer  en  Hongrie  le  grand -vizyr 
Sians-Pacha,  qui,  en  iSq^  ,  fit  lever 
le  siège  de  Grun  à  l'archiduc  IMathias, 
et  prit  l'importante  place  de  Raab,  au 
nom  du  sulthan.  Cet  exploit,  auquel 
Amurath    n'eut    aucune  part,  ne  l'a 
pas  moins  fait  placer  au  rang  des  prin- 
ces qui  ont  reculé  les  bornes  de  l'em- 
pire othojnan.  Sous  son  règne,  la  Cri- 
mée se  souleva  ;  mais  l'orage  fut  bientôt 
dissipé.  Les  janissaires  se  révoltèrent, 
et  cette  sédition ,  que  la  Êiiblesse  d'A- 


-ji  AMU 

raurath  ne  sut  ni  prévenir,  ni  arrêter , 
ni  punir,  coiîta  la  tète  au  tlefterdar  de 
l'empire ,  que  son  maître  abandonna  lâ- 
chement, et  causa,  dans  Constantino- 
ple,  le  terrible  incendie  de  i58i,  qui 
consuma  1 5,000  maisons.  Amuratli  1 II 
mourut  l'an  de  l'he'g.  1002  {\^Ç}^),  à 
l'âge  de  5  o  ans,  après  en  avoir  régné  2  o. 
Il  aima  la  guerre ,  mais  ne  parut  ja- 
mais à  la  tète  de  ses  armées.  Timide , 
irrésolu ,  triste  au  milieu  même  des  plai- 
sirs ,  avare  jusqu'à  vendre  les  fleurs 
qui  ornaient  ses  jardins  ;  dur  avec  ses 
ministres ,  il  se  montra  toujours  plus 
porté  à  punir  les  fautes  qu'à  recom- 
penser les  services.  S — Y. 

AMURATII  IV,  neveu  et  suc- 
cesseur de  IMustapha  ,  déposé  en 
J622,  naquit  l'an  de  l'hég.  1018  , 
(  160g),  et  prit  les  rênes  de  l'empire 
dans  les  circonstances  les  plus  diffi- 
ciles ,  à  peine  âgé  de  1 5  ans,  La  sul- 
tliane  Kirsera  ,  sa  mère ,  lui  apprit  à 
régner  ,  et  bientôt  il  sut  se  faire 
craindre  de  ses  sujets  et  de  ses  en- 
nemis. Après  cinq  règnes  faibles ,  les 
Othoraans  virent  sur  le  trône  le  prince 
le  plus  absolu  qui  leur  eût  jamais 
commandé.  Doué  d'un  esprit  ferme 
et  intrépide  ,  la  naîarc  lui  avait  donné 
une  force  de  corps  extraordinaire  ,  et 
une  majesté  qui  appuyait  ses  qua- 
lités morales  de  tout  ce  que  les  formes 
extérieures  ont  de  plus  imposant  : 
aucun  spaliis  ne  maiiiait  un  cheval 
comme  luij  aucun  Tatar  ne  décochait 
une  flèche  avec  plus  d'adresse  et  de 
force.  11  se  mit  sans  crainte  au-dessus 
des  lois  et  des  préjugés  de  la  nation  , 
et  fut  le  premier  des  sulthans  qui  osa 
ouvertement  permettre  l'usage  du  vin  ; 
lui-même  en  buvait  avec  excès ,  et  ses 
deux  favoris  les  plus  chers  ,  qu'il 
éleva  aux  preraièies  dignités,  n'eurent 
d'autres  titres  à  la  fortune  que  la  cra- 
puleuse passion  qui  les  dominait 
«ommc  lui.  Peu  de  règnes  cependant 


A  M  U 

ont  été  plus  glorieux  que  celui  d''A- 
muratli  IV.  Maître  de  ses  passions, 
il  était  sobre  quand  il  se  montrait  à 
ses  troupes.  Ses  guerres  contre  les 
Polonais  et  contre  les  Persans  ,  où 
toujours  il  combattit  en  personne  ;  la 
prise  de  Van  ,  et  celle ,  à  jamais  fa- 
meuse, de  Baghdâd,oùil  cnirasur  les 
cadavres  de  trente  mille  vaincus,  lui 
ont  valu  le  titre  de  Ghazj  (  le  victo- 
rieux ) ,  surnom  que  les  sulthans  ont 
toujours  été  jaloux  de  mériter;  mais 
ses  débauches  avancJ-rent  le  terme  de 
ses  jours  ,  et  le  conduisirent  à  une 
mort  prématurée.  Sous  son  règne , 
l'empire  othoinan  fut  plus  florissant 
qu'il  n'avait  jamais  été.  La  terreur 
qu'il  avait  su  inspirer  contenait  dans 
leur  devoir  les  pachas  qui  gouver- 
naient les  provinces  ;  et  les  magistrats 
qui  rendaient  la  justice  ,  n'osaient 
plus  prévariqucr.  Amurath  y  accou- 
tumé à  accueillir  toutes  les  plaintes, 
était  toujours  prêt  à  punir.  Souvent 
déguisé  ,  et ,  par-là ,  présent  dans  des 
lieux  où  il  était  le  rtvcins  attendu,  son 
nom  seul  suffisait  pour  faire  pâlir 
ceux  qui  n'auraient  contrevenu  qu'à 
ses  moindi'es  ordres.  On  compte  jus- 
qu'à quatorze  mille  individus  frappés 
par  sa  justice,  aussi  prompte  qu'inexo- 
rable. La  mort  de  ce  terrible  sulthan 
fut  digne  de  sa  vie  :  quelques  heures 
avant  d'expirer ,  on  l'entendit  menacer 
ses  médecins  de  les  faire  périr,  s'ils  ne 
se  hâtaient  de  le  guérir.  Il  mourut , 
l'an  de  l'hég.  io5o  (  1640),  à  l'âge 
de  5 1  ans.  S — y. 

AMURATH  ,  bey  de  Tunis ,  fils 
de  Mohamet-Bey,  fut  renfermé  au 
châleau  de  Soùi- ,  vers  1690,  par 
ordre  de  sou  ohcle  Ramadan.  Con- 
damné à  perdre  la  vue  pour  avoir 
aspiré  au  gouvernement .  Arnnralh 
corrompit  ses  gardes ,  tua  l'aga  qui  les 
commandait,  et  s'enfuit ,  vers  les  mon- 
tagnes, à  5o  lieues  de  Tunis  ^  où  il  fut 


AMY 

joint  par  une  grande  partie  des  troupes 
à  la  solde  du  bey.  Il  marcha  alors  sur 
Tunis ,  s'en  empara  ,  et  fit  c'traup:Icr 
Ramadan.  Les  Algériens,  qui  avaient 
favorise  son  oncle,  éprouvèrent  son 
ressentiment-  il  leur  fit  la  guerre  avec 
tant  de  fureur,  qu'il  attira  les  plus 
grandes  calamités  sur  son  royaujne. 
Sa  cruauté'  n'eut  point  de  bornes  j 
mais  il  fut  enfin  e'gorgc  lui-même  par 
Ibrahim,  son  capitaine  des  gardes, 
qui  se  fit  proclamer  bey  à  sa  place , 
vers  l'an  i6g5.  B — p. 

AMY.  Koyez  Lamy. 

AMY  (....),  avocat  au  parle- 
ment d'Aix,  mort  en  i  760,  a  publie' 
quelques  ouvrages  de  physique ,  qui 
décèlent  un  homme  ami  de  l'huma- 
nité, et  qui  emploie  ses  lumières  à 
chercher  ce  qui  peut  être  utile  ou 
nuisible  à  ses  semblables.  I.  Obser- 
vations expérimentales  sur  les  eaux 
des  rivières  de  Seine  ,  de  Mar- 
ne,de,  1749,  in-isjll.  Nouvelles 
fontaines  domestiques ,  1 7 5 o ,  in- 1  tt  ; 
111.  Nouvelles  fontaines  filtrantes , 
I75'i-i754  ,  iu-i2  ;  IV.  Réflexions 
sur  les  vaisseaux  de  cuivré,  de  plomb 
et  d'étain  ,1751  ,  in- 1 'i.  On  croit  que 
cet  auteur  était  de  la  Provence,  mais  ou 
ignore  le  lieu  de  sa  naissance,  et  le 
temps  auquel  il  se  rendit  à  Paris.    K. 

AMYiN -AHMED,  rdzy ,  ou  natif 
de  la  ville  de  Rey  en  Azerbaïdjan , 
e'tait  un  savant  persan,  qui  florissait 
au  commencement  du  1 1  siècle  de 
l'hégyre.  Nous  n'avons  pu  recueillir  au- 
cun renseignement  sur  c^t  écrivain  , 
mais  son  existence  et  sa  vaste  érudi- 
tion nous  sont  attestées  par  un  Traité, 
à  la  fois  géographique  et  biographique, 
de  la  plus  haute  importance.  Cet  ou- 
vrage, intitulé  Heft  iclym  (  les  Sept 
climats  ) ,  contient  la  [description  des 
principales  contrées  et  des  villes  con- 
nues des  Orientaux.  Ces  descriptions 
ont  été  recueillies  par  les  écrivains 


AMY  -5 

arabes  et  persans  les  plus  estimés. 
A  la  suite  de  la  description  de  cha- 
que pays ,  on  trouve  les  notices  bio- 
graphiques sur  chacun  des  person- 
nages célèbres  auxquels  il  a  donne 
naissance.  Ces  notices  peuvent  être 
d'une  grande  utilité  pour  l'histoire  ci- 
vile et  littéraire  de  l'Orient ,  tant  par 
l'exaelitude  des  dates  ,  que  par  la  no- 
menclature de  tous  les  ouvrages  de 
chaque  auteur.  ]Jffeft  iclym  ,  fut  ter- 
miné en  1002  de  l'hégyre,  comme 
l'auteur  nous  l'apprend  lui  -  même, 
foh  2  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
impériale ,  et  non  en  i  m  o  ou  en  i  o  1 2, 
comme  on  lit  dans  la  Bibliothèque  de 
Hadjy-Khalfah.  Nous  possédons,  à  la 
Bibliothèque  im])éria}e,  une  excellente 
copie  de  cet  ouvragèj  c'est  nn  gros 
volume  in-fol.  de  582  feuillets  ,  copié 
en  l'an  1094  de  l'hég.  (  i685  ).  .l'ai 
donné  plusieurs  descriptions  extraites 
de  cet  ouvrage ,  dans  les  notes  que  j'ai 
ajoutées  à  la  traduction  française  des 
deux  l'''^^vol.  des  Recherches  asia- 
tiques ,  ou  Mémoires  de  la  Société  de 
Calcutta  ,  et  à  la  nouvelle  édition  des 
Foyaiies  de  Chardin.  L — s. 

AMYN  (  Mohammed  )  ,  surnomme 
Al  ,  c'est-à-dire  ,  le  Croyant,  6'\  kha- 
lyfe  abbaçydc,  fils  et  successeur  d'Ha- 
roùn-Ël-Rachyd ,  né  au  mois  de  cha- 
wàl,  i7oderht^.  (787),  fut  proclamé 
khalyfc  le  3  de  djamàdy  r'"".,  190  de 
l'hég.  A  peine  fut- il  sur  le  trône,  qu'il 
se  livra  à  toutes  ses  passions  ,  et  sur- 
tout à  celles  du  vin  et  des  femmes.  Il 
déposa  ses  frères  Mamoùn  et  Motas- 
scra  des  gouvernements  que  lein- avait 
légués  leui'  père,  et  priva  même  le  pre- 
mier, dont  il  était  jaloux,  des  biens 
qui  lui  revenaient.  Haroùn  avait  dési- 
gné Mamoîm  comme  successeur  d'A- 
myn  ;  celui-ci  fit  couronner  son  fils  , 
qui  n'avait  encore  que  5  ans.  Irrité  de 
ce  que  Mamoùn  avait  refusé  de  se  ren- 
dre à  sa  cour  ,  il  raya  son  nom  de  la 


74  A  M  Y 

khothbak  (fv'ieve  ) ,  et  lui  déclara  so- 
lennellement la  guerre.  Le  gouverneur 
du  fils  d'Amyn  ,  Ali-beu-lssa ,  homirie 
présomptueux  et  sans  talents  mili- 
taires ,  offrit  au  klia'yfe  de  chasser  Ma- 
iD.oùn  du  Klioi'açàu  ;  et  Amyn  lui  donna 
le  commandement    d'une   armée  de 
60,000  hommes.  Mamoùn  était  aimé 
de  ses  soldats  ,  et  son  armée ,  bien 
moins  nombreuse  que  celle  de  son 
frère ,  lui  était  toute  dévouée.  Aly  s'a- 
vança jusqu'à  Rey  ,  où  commandait 
Tbaher,  général  brave  et  expérimenté, 
qui  justifia  pleinement  la  confiance  de 
Mamoùn  ;  avec  4,000  hommes  d'élite 
seidement  ,  il  attaqua  et  mit  en  fiûte 
l'armée  d'Aly ,  qui  périt  dans  l'action  : 
ce  revers  fut  sui\^e  beaucoup  d'autres 
pour  Amyn.  Les  généraux  qu'il  envoya 
successivement  contre  Thaher  fiirent 
battus ,  et  Baghdàd ,  où  il  s'était  renfer- 
mé, fiit  prise.  Lorsqu'on  lui  apprit  que 
Thaher  victorieux  venait  l'assiéger  , 
il  s'amusait  à  pêcher  à  la  ligne.  «  Ne 
y>  me  troublez  pas,  dit-il  au  messager , 
»  car  mon  affranchi  a  déjà  pris  deux 
»  poissons ,  et  je  n'en  ai  pas  pris  un 
»  seul.  »  Pendant  le  siège ,  au  moment 
où  l'ennemi  venait  de  se  rendre  maître 
d'un  poste  important ,  les  officiers  du 
khalyfe,  qui  venaient  l'exhorter  à  pren- 
dre les  armes  ,  le  trouvèrent  jouant 
tranquillement  aux  échecs.  Il  leur  or- 
donna de  se  retirer  ,  jiarce  qu'il  était 
sur  le  point  de  faire  son  adversaire 
échec  et  mat.  Après  la  prise  de  Baglj- 
dàd  ,  Amyn  ,  qui  redoutait  Thaher  , 
alla  se  rendi-e  à  Hertserueli  ,  autre  gé- 
néral de  Mamoùn ,  qui  le  fit  cmbar(pier 
sur  le  Tygre;  mais  Thaher  fit  sub- 
merger la  barque  ,  et  Amyn  ,  tombé 
dans  les  mains  dos  soldats ,  fut  massa- 
cré par  ses  ordres  ,]c-i5  de mobarreni, 
198  (  8 1 3  de  J.-C.  )  ;  il  n'était  âgé  que 
de  •j.S  ans ,  dont  il  avait  régné  5.  Sa 
mort  mit  Mamoùu  en  possession  du 
khulyfat.  J — 1<. 


AMY 

AMYN  ANDRE,  roi  des  Ath,imanps, 
peuples  voisins  desEtoliens,  inter- 
posa sa  médiation  en  faveur  de  ces 
derniers,  pour  obtenir  la  paix  de  Phi- 
lippe, roi  de  Macédoine,  l'an 208 av. 
J.-C.  Long-temps  après ,  à  la  solhcita- 
tion  du  consul  romain,  il  engagea  les 
Etoliens  dans  la  ligue  contre  Philippe , 
amena  des  secours  aux  Romains  ,  se 
laissa  gagner  ensuite  par  les  promesses 
d'Antiochus-le-Grand,  fiit  obligé  de 
quitter  ses  états  par  l'adresse  de  ce 
même  Philippe ,  remonta  peu  après 
sur  son  trône  ,  où  le  rapprla  son  peu- 
ple, irrité  de  l'orgueil  des  lieutenants 
du  jnince  macédonien ,  fit  sa  paix  avec 
les  Romains,  et  engagea  la  ville  d'Am- 
bracie  à  leur  ouvrir  ses  portes.  On 
ignore  le  temps  et  les  circonstances  de 
sa  mort.  N — l. 

AMYNTAS  V\,  roi  de  Macédoine, 
fils  d'Alcetas  ,  auquel  il  succéda  vers 
l'an  507  av.  J.-C.  A  cette  époque  ,  le 
royaume  de  Macédoine  était  peu  puis- 
saut,  et  la  monarchie  des  Perses  pre- 
nait chaque  jour  un  nouvel  accroisse- 
ment, sous  Darius  ,  fils  d'Histaspe.  Ce 
prince  ,  à  son  retour  de  l'expédition 
contre  1rs  Sc^lhes,  envoya  demander 
la  terre  et  l'eau  à  Amyntas  ,  qui ,  trop 
faible  pour  refuser,  se  reconnut  tribu- 
tiiire  delà  Perse,  et  donna  un  magni- 
fique repas  aux  ambassadeurs  de  Da- 
rius. Ceux-ci ,  échauffes  par  le  vin  . 
demandèrent,  à  la  fin  du  repas  ,  au  roi 
(-['■'  Macédoine,  ses  femmes  et  ses  filles. 
Amyntas  eut  la  bassesse  de  les  amener , 
et  les  députes  de  Darius  allaient  s'aban- 
donner à  leur  bi'utalité,  lorsqu' Alexan- 
dre ,  fils  d'Amyntas  ,  substituant  avec 
adresse  aux  princesses  macédoniennes 
de  jeunes  garçons  armés  de  poignards 
cl  travestis  en  femmes  ,  fit  massacrer 
les  ambassadeurs, et  sauva  ainsi  l'hon- 
neur de  sa  famille.  Il  trouva  ensuite  le 
moyen  de  dérober  ce  crime  à  la  con- 
naissance d»  roi  de  Perse ,  eu  donnant 


AMY 

çn  mariage  sa  sœur  Gygasa ,  qui  était 
d'une  beauté  ravissante  ,  à  Bubaris  , 
seigneur  persan  ,  que  Darius  avait  en- 
voyé à  la  recherclie  de  ses  ambassa- 
deurs. Ce  fut  encore  pendant  le  règne 
d'AmyntasqueXercèsvintattaquerles 
Grecs ,  avecrarmcc  la  plus  formidable 
qui  eût  jamais  été  rassemblée.  11  tra- 
^  ersa  la  Macédoine  ,  et  Amyntas  n'é- 
pargna rien  pour  lui  prouver  son  at- 
tachement aux  intérêts  de  la  Perse.  Il 
mourut  peu  de  jours  après  la  bataille 
de  Salamine  ,  l'an  480  av.  J,-C. ,  et 
eut  pour  successeur  Alexandre  P^ ,  son 
fds.  G — R. 

AMYNTAS  II ,  fds  de  Philippe  , 
et  petit  -  fils  d'Alexandre  l". ,  roi  de 
Macédoine.  On  l'a  souvent  confondu 
avec  Amyntas  III ,  ce  qui  nous  oblige 
à  entrer  dans  quelques  détails  sur  les 
rois  de  Macédoine ,  depuis  Alexandre 
i".  Ce  prince  laissa  trois  fils  :  Per- 
dircas  ,  Philippe  et  Alcétas.  Perdiccas 
refusa  de  partager  le  royaume  avec  ses 
frères  ;    Alcétas  ne  chercha  point  à 
faire  valoir  ses  droits;  Philippe  se  re- 
tira auprès  de  Sitalcès,  roi  deThrace, 
qui  ne  fit  rien  pour  lui.  Après  sa  mort, 
il  ramena  Amyntas  II ,  son  fils,  dans 
ses  états ,  avec  une  puissante  armée  , 
l'an  4^8  aV.  J.-C.  Bientôt  après ,  Si- 
talcès ,  s'étant   allié    avec  Perdiccas , 
abandonna  Amynlas,  qui  se  retira  on 
ne  sait  où  ;  car  l'histoire  n'en  parle 
plus,  Perdiccas  laissa ,  en  mourant , 
deux  fils ,  Arohélaiis  ,   qu'il  avait  en 
d'une  esclave  ,  et  qui  était  déjà  grand , 
et  Alcétas,  qu'd  avait  eu  d'Eurydice, 
son  épouse,  et  qui  n'avait  que  sept 
ans.  Archélaiis  prit  le  gouvernement 
de  la  Macédoine,  comme  tuteur  de 
son   jeune  frère.  Feignant  alors   de 
vouloir  rendre  la  couionne  à  Alcétas , 
son  oncle ,  qui  avait  un  fils  à  peu  près 
de  son  âge ,  nommé  Alexandre  ,  il  les 
manda  tous  les  deux ,  et ,  les  ayant 
'JiiiTrcs  j  il  les  égorgea.  Il  précipita 


AMY  75 

ensuite  dans  un  puits  le  fils  légitime 
de  Perdiccas ,  et  se  trouva  ainsi  seul 
possesseur  du  trône  ;  il  laissa  ,  en 
mourant,  Oreste.  son  fils  encore  en- 
fant f  sous  la  tutelle  d'Aéropus  ,  qui  le 
tua,  et  s'empara  du  trône.  L'orjgine 
de  cet  Aéropus  ne  nous  est  pas  con- 
nue. Celui  -  ci ,  après  avoir  régné  six 
ans  ,  mourut,  et  laissa  la  couronne  à 
Pa  usa  nias  ,  son  fils ,  qui  fut  tué  au 
bout  d'un  an,  l'an  Sg'Ji  av.  J.-C,  par 
Amyntas  III ,  fils  de  TMéiiéîaus.  Il  v  a 
donc  eu ,  entre  ces  deux  Amyntas , 
trente-six  ans  d'mtei-valle;  et,  comme 
le  troisième  a  régné  vingt-quatre  ans 
depuis  la  mort  de  Pausanias ,  que  d'ail- 
leurs on  lui  donne  un  père  différent, 
il  est  évident  qu'on  ne  doit  pas  les 
confoncbe.  C — r. 

AMYINTAS  III ,  roi  de  Macédoine, 
fils  de  Tharalée,  selon  les  uns,  et  de 
MénélaiJs,  selon  d'autres,  et  proba- 
blement petit-fils  d' Amynlas II ,  monta 
sur  le  trône ,  par  l'assassinat  de  Pau- 
sanias, fils  d'Aéropus ,  l'an  39^  av. 
J.-C. ;  mais  Argée ,  frère  de  Pausa- 
nias ,  s'étant  fait  un  parti  puissant 
parmi  les  nobles  de  macédoine  et  les 
princes  voisins ,  Amyntas  fut  obligé 
de  lui  abandonner  la  couronne ,  et  de 
se  retirer  en  Thessaîie.  Argée  n'oc- 
cupa le  trône  qi'e  pendant  deux  ans. 
Sa  conduite  impolifique  ayant  fait  dé- 
sirer à  ses  sujets  le  retour  d'Amyntas , 
ce  prince  ,  à  l'aide  de  quelques  trou- 
pes de  la  Thessaîie ,  força  son  com- 
pétiteur à  lui  laisser  enfin  le  rovaume. 
11  iit  aux  Ojvnthiens  une  guerre  d'a- 
bord malheureuse,  mais  qui  finit  à 
son  avantage,  parce  qu'il  réussit  à  en- 
gager Sparte  dans  ses  intérêts.  Il  vou- 
lut aussi  se  lier  avec  les  Athéniens  , 
qui,  jusqu'alors,  n'avaient  eu  qu'une 
médiocre  confiance  aux  rois  de  Macé- 
doine; mais  Amyntas  réussit  dans  ses 
négociations,  en  déclarant  qu'Amphi- 
polis  devait  appartenir  aux  Athéoieus, 


■jô  A  M  Y 

et  en  promettant  de  les  mellre  en  pos- 
session de  cette  place.  Toute  la  con- 
duite d'Amyntas  fut  celle  d'un  pro- 
fond politique;  il  afî'crmit  le  trône  dans 
sa  faïuillc,  augmenta  la  puissance  de 
la  Macédoine,  s'attaclia  ses  voisins, 
et  mourut ,  508  ans  av.  J.-C. ,  après 
un  règne  de  vingt -quatre  ans,  lais- 
sant trois  fils  légitimes  :  Peidiccas , 
Philippe  et  Alexandre  II,  qui  lui  suc- 
ce'da ,  sous  la  tutelle  d'Eurydice ,  sa 
mère.  C — r. 

AMYNTAS,  fils  d*Antioclius,  ma- 
cédonien ,  quitta  la  Macédoine  après 
la  mort  de  Philippe  ,  sans  autre  mo- 
tif que  sa  haine  pour  Alexandre  -  le- 
Grand;  il  se  rendit  à  Eplièse,  d'où  il 
s'enfuit,  lorsqu'il  apprit  le  passage  du 
(iranique,  alla  joindre  Darius  ,  et  on- 
cntretint  une  correspondance  avec 
Alexandre  -  Lvnceste  ,  qui  devait  as- 
sassiner Alexandre-le-Grand.  Il  donna 
à  Darius  le  sage  conseil  d'attendre 
qu'Alexandre  vînt  l'attaquer  dans  les 
])laincs  de  l'Assyrie ,  où  il  pouvait  dé- 
ployer toute  son  armée ,  et  surtout  sa 
cavalerie,  mais  il  ne  fut  pas  écouté. 
Amyntas  fut  un  des  commandants  des 
troupes  grecques  auxiliaires  des  Perses, 
à  la  bataillcd'Issus.  Aprèscette  journée, 
il  se  réfugia  ,  avec  d'autres  transfuges 
grecs  ,  à  Tripoli  en  Syrie ,  s'y  embar- 
qua, fit  voile  vers  l'île  de  Chypre,  et 
ensuite  vers  Peluse,  qu'il  surprit,  eu 
faisant  croire  qu'il  avait  une  commis- 
sion de  Darius ,  qui  l'établissait  gou- 
verneur de  l'Egypte,  à  la  place  de  Sa- 
bacas  ,  tué  à  la  bataille  d'Issus.  Quand 
il  se  vit  maître  de  cette  place  impor- 
tante ,  il  leva  le  masque  ,  prétendit  à 
la  couronne  d'Egypte,  et  déclara  qu'il 
voulait  en  chasser  les  Perses.  Les 
Egyptiens  se  joignirent  à  lui ,  et  for- 
mèrent une  armée,  avec  laquelle  il 
marcha  droit  à  Memphis.  Les  Perses , 
commandés  ])ar  IMozarès,  furent  dé- 
taiXs  devaut  celte  place ,  et  forcés  de 


AMY 

s'y  renfermer.  Après  cette  victoire  ^ 
Amyntas ,  se  croyant  maître  du  pays , 
laissa  ses  soldats  se  livrer  au  pillage , 
sans  précaution;  IMozarès  sut  en  pro- 
fiter, fit  une  sortie,  tua  Amvntas  ,  et 
détruisit  son  armée.  —  Ou  trouve  en- 
core plusieurs  autres  Amvntas  célèbres 
dans  l'Histoire  de  Macédoine,  du  temps 
d'Alexandre  :  i°.  Amyntas  ,  fils  d'An- 
dromèue,  qui  commandait  une  por- 
tion de  la  phalange  ;  il  fut  compris , 
ainsi  que  Poiemon  ,  Altale  et  JSira- 
rai^s  ,  ses  frères ,  dans  l'accusation 
portée  contre  Philotas  ;  mais  il  se  jus- 
tifia ,  et  fut  tué  peu  de  temps  après 
d'un  coup  de  flèche,  en  assiégeant  un 
bourg  ;  2".  AmynTj^s  ,  l'un  des  chefs 
de  la  garnison  macédonienne  qui  était 
dans  la  Cadmée ,  à  Thèbes  ;  il  fut  tué 
par  les  exilés  qui  venaient  de  rentrer. 
C— R. 

AMYNTIAN,  ou  AMYNTIANUS, 

historien  grec,  vivait  sous  le  règne  de 
l'empereur  Marc-Antoine  ,  auquel  il 
dédia  une  Fie  d'Alexandre  ,  où  il 
annonçait  ridiculement  que  sou  style 
serait  digne  des  exploits  du  conqué- 
rant macédonien.  Cet  ouvrage  n'est 
point  parvenu  jusqu'à  nous  ;  mais , 
d'après  le  jugement  de  Photius  ,  la 
vanité  d'Amvntian  tint  mal  ses  pro- 
messes. C'était  un  écrivain  froid,  dé- 
cousu, et  sans  forces,  très-inférieur 
aux  autres  historiens  d'Alexandre.  On 
regrette  toutefois  que  Photius  ne  rap- 
porte aucun  passage  qui  puisse  motiver 
son  jugement.  Amvntian  avait  aussi 
publié  la  fie  d' Oljmpias,  mère  d'A- 
Icxnndre-Ic-Grand,  ainsi  que  des  \  ics 
parallèles,  dans  le  genre  de  Plutarquc, 
celles  ,  par  exemple  ,  de  f)cnys-le- 
Tvian  et  de  Domitieu;  de  Philippe  , 
roi  de  Macédoine  ,  et  d'Auguste.  De 
tous  les  ouvrages  de  cet  historien,  celui 
qu'on  doit  le  plus  regretter,  c'est,  sans 
contredit ,  la  f'icd'Oljinj>ias ,  qui  ne 
pouvais  mauquer  de  jeter  beaucoup  de 


AMY 

jour  sur  l'histoire  de  la  Macc'doine  et 
de  la  Grèce ,  à  cette  époque  qui  est 
si  peu  counue,  C — r. 

AMYOT  (  Jacques  ) ,  naquit  à  Me- 
lun,  le  3o  octobre  i5i3.  Ou  ne  sait 
pas  au  juste  quelle  était  la  profession 
de  son  père  ;  les  uns  eu  font  un  bou- 
cher, d'autres  un  corroyeur,  d'autres 
un  petit  mercier.  St.-Réal ,  historiea 
fort  peu  scrupuleux ,  a  fait ,  de  la  jeu- 
nesse d'Amyot,  un  récit,  dont  les  prin- 
cipales circonstances  sont  démenlies 
par  des  faits  avérés ,  et  qu'en  consé- 
quence ,  nous  ne  rapporterons  point. 
Àrajot,  étant  venu  à  Paris  pour  y  con- 
tinuer ses  éludes  coraniencccs  à  Me- 
îun ,  n'avait  d'autre  secours  de  ses  pa- 
rents qu'un  pain  que  sa  mère  lui  en- 
voyait chaque  semaine  :  pour  y  sup- 
pléer ,  il  fut  obligé  de  servir  de  domes- 
tique à  d'autres  écoliers  de  son  collège  ; 
on  j)rétend  que  la  nuit,  à  défaut  d'huile 
ou  de  chandelle  ,  il  étudiait  à  la  lueur 
de  quelques  charbons  embrasés.  Après 
avoir  fait  ses  cours  de  poésie  et  d'élo- 
quence latine  ,  de  philosophie  et  de 
mathématiques ,  sous  les  plus  célèbres 
professeurs  du  collège  de  France , 
nouvellement  fondé ,  il  se  fit  recevoir 
tnaîtrc-ès-arts  ,  et  ensuite  se  rendit  à 
Bourges ,  pour  y  étudier  le  droit  civil. 
Là,  Jacques  Gollin,  lecteur  du  roi, 
et  abbé  de  St.-Arabroise,  lui  confia 
l'éducation  de  ses  neveux,  et  lui  fit 
obtenir ,  par  le  crédit  de  Marguerite  , 
sœur  du  roi,  une  chaire  de  grec  et  de 
latin ,  dans  l'université.  Pendant  dix 
ou  douze  ans  qu'il  occupa  celte  chaire, 
il  traduisit  le  roman  grec  de  Théagène 
•et  C  ha?  idée,  et  quelques  F'ies  des 
Jlommes  illustres  de  Plutarque.  Fran- 
çois P'. ,  à  qui  il  dédia  cet  essai,  lui 
ordonna  de  continuer  l'ouvrage  ,  et 
lui  fit  présent  de  l'abbaye  de  Bello- 
zane ,  vacante  par  la  mort  du  savant 
Valable.  Désirant,  pour  le  perfection- 
nement de  sa  traduction  de  Plutarque, 


AMY  77 

conférer  les  manuscrits  de  cet  auieur 
qui  existaient  en  Italie ,  il  y  alla ,  a  la 
suite  de  l'ambassadeur  de  France  à 
Venise.  Odet  de  Selve ,  successeur  de 
cet  ambassadeur ,  et  le  cardinal  de 
Touruon,  résident  à  Rome,  le  char- 
gèrent de  porter  au  concile ,  assemblé 
de  nouveau  à  Trente ,  une  lettre  du 
roi  Henri  II ,  contenant  une  protes- 
tation courageuse  contre  quelques  dé- 
cisions du  concile.  Sans  caractère  pu- 
blic, sans  lettres  de  créances  ,  il  s'ac- 
quitta de  cette  mission  en  homme  éga- 
lement ferme  et  adroit.  Il  eut  le  plai- 
sir de  donner  une  petite  leçon  de  la- 
tinité aux  Pères  du  concile,  dont  l'or- 
gueil ,  ou  plutôt  la  malveillance ,  s'of- 
fensait de  ce  q!ie  le  roi ,  dans  sa  lettre  , 
avait  donné  <à  leur  assemblée ,  au  lieu 
du  nom  de  Concilium  ,  celui  de  Con^ 
ventiis ,  qui ,  en  latin  moderne ,  signifie 
couvent.  Il  leur  représenta  que,  dans 
les  bons  auteurs ,  Cotwenius  ne  vou- 
lait dire  autre  chose  qu'assemblée , 
réunion ,  concile ,  en  un  mot.  «  Je  ne 
»  sais  ,  dil-il,  dans  une  lettre  où  il 
»  rendait  compte  de  sa  mission ,  je 
»  ne  sais  s'ils  avaient  peur  que  le  roi 
»  ne  les  prît  tous  pour  des  moiues.  » 
Le  cardiual  de  Tournon,  charmé  de 
son  savoir  et  de  son  habileté  en  af- 
faires, le  ramena  à  Paris,  et,  appre- 
nant que  le  roi  cherchait  un  précep- 
teur pour  ses  deux  fils,  lui  proposa 
Amyot ,  qui  fut  agréé.  Durant  le  cours 
de  cette  éducation  ,  il  termina  sa  tra- 
duction des  Fies  de  Plutarque ,  qu'il 
dédia  à  Henri  II,  et  commença  celle 
des  OEuvres  morales  de  cet  écrivain, 
qu'il  n'acheva  que  sous  le  règne  de 
Charles  IX ,  son  élève ,  à  qui  il  eu  fît  pa- 
reillemeut  l'hommage.  Le  lendemain 
même  de  son  avènement,  Charles  IX  le 
nomma  son  grand-aumônier.  La  reine- 
mère  ,  Catherine  de  Mèdicis ,  qui  des- 
tinait celte  place  à  un  autre,  entra 
eu  fureur ,  fit  appeler  Amyot ,  et  lui 


78  AMY 

dit  :  «  J'ai  fait  bouquer  les  Guise  et  les 
»  Chàlillous ,  les   connétables  et  les 
V  chanceliers  ,  les  rois  de  Navarre  et 
»  les  princes  de  Conde ,  et  je  vous  ai 
y>  en  tête,  petit  prestoieti  »  Elle  lui 
déclara  qu'il  ne  vivrait  pas  vingt-qua- 
tre heures,  s'il  ne  renonçait  à  la  charge. 
31  se  cacha,  et  laissa  passer  plusieurs 
jours  sans  paraître  à  la  table  du  roi. 
Ce  prince ,  soupçonnant  sa  mère  d'a- 
voir fair  à  Arayot  plus  que  des  mena- 
ces, entra  en  fureur  à  sou  tour,  et 
s'e'cria  :  «  Quoi  I  parce  que  je  l'ai  fait 
»  grand-aumonier  ,  on  l'a  fait  dispa- 
»  raître?  »    La  reine,  pour   apaiser 
son  fils,  fut  oblige'c  de  faire  chercher 
Arayot,  à  qui  elle  donna  toutes  les  sû- 
retés qu'il  put  désirer.  On  est  forcé  de 
convenir  que  le  récit  de  cette  que- 
relle ,  entre  la  mère  et  le  lîls  ,   n'a 
d'autre  garant  que  St.-Réal.  Le  siège 
d'Auxerre  étant  venu  à  vaquer,  le  roi 
y  nomma  son  maître  ^  tel  est  le  titre 
qu'il  donnait  à  Amyot).  Celui-ci,  pre- 
nant possession  de  son  épiscojjat,  se 
fit  rendre ,  avec   fermeté ,   mais  sans 
hauteur ,  tous  les  honneurs ,  tant  ecclé- 
siastiques que  seigneuriaux,  attachés 
à  son  siège.  Il  contribua  d'assez  bonne 
grâce,  malgré  sa  parcimonie,  à  res- 
taurer et  à  orner  de  nouveau  l'église 
cathèdi'ale ,  que  les  huguenots  avaient 
profanée,  et  surtout  pillée.  Il  avoua 
que ,  n'ayant  encore  étudié  que  les  au- 
teurs profanes,  il  n'était  ni  théologien , 
ni  prédicateur  ;  il  se  mit  à  lire  l'Ecri- 
ture et  les  Pères,  eut  de  fréquentes 
conférences  avec  des  docteurs,  et  se 
hasai'da,  enfin,  à  prêcher  devant  son 
troupeau.  Son  autre  élève,  Henri  III, 
étant  parvenu  au  trône ,  lui  conserva 
la  graude-aumonerie,  et  y  ajouta  le 
titre  de  commandeur  de  l'ordre  du 
St.-Esprit ,  qu'il  venait  de  créer,  vou- 
lant qu'à  sa  considération,  tous  ses 
successeurs  dans  cette  charge  y  réu- 
nissent la  même  prérogative.  Amyot 


AMY 

se  trouvait  à  Blois,  lorsque  le  duc  de 
Guise  y  fut  assassiné.  Un  gardien  des 
cordehers  d'Auxerre  souleva    contre 
lui  toute  cette  vdle,  qui  était  du  parti 
de  la   ligue ,  en  soutenant  qu'il  avait 
su ,   et   même  conseillé    le  meurtre. 
IN'ayant  osé  se  rendre  à  Auxerre  que 
quelque  temps  après  ,  il  fut  pillé  en 
loute  par  les  ligueurs  ;  arrivé ,  il  courut 
de  grands  dangers  ;  on  lui   tira    des 
coups  d'arquebuse,  et  on  lui  mille 
pistolet  sur  la  poitrine.  Il  fut  obhgé  de 
se    faue   donner    une   absolution   en 
foi-me  par  le  légat,  et  tout  rentra  dans 
l'ordre.  C'est  à  ce  sujet  que  le  prési- 
dent  de  Thou  l'accuse  d'ingratitude 
et  d'infidélité    envers  Henri    III.    11 
paraît  justifié  de    ce  reproche ,   par 
tout  ce  qu'il  eut  à  souffrir  de  la  j)avt 
des  ligueurs ,  comme  trop  attaché  à 
la  cause  du  roi.  Ce  ne  fut  véritablement 
qu'après  la  mort  de  Henri  III ,  qu'en 
quelques  occasions,  il  se  montra  fa- 
voral)le  aux  projets  de  la   ligue.  Du 
reste ,  il  passa  ses  dernières  années 
dans  son  diocèse ,  uniquement  occupé 
de  l'étude ,  et  de  l'exercice  de  ses  de- 
voirs. 11  mourut  à  Auxerre  ,  le  6  fé- 
vrier I  SpD ,  dans  sa  So*".  année.  Quoi- 
qu'il se  fût  plaint  d'avoir  été  ruiné  par 
les  troubles  civils,  il  laissa,  dit-on, 
en  mourant,  plus  de  200,000  écus.  11 
passe  pour  avoir  été,  à  la  fois,  avide 
et  parcimonieux.    11   demandait  une 
nouvelle  abbave  à  Charles  JX ,  qui 
lui  en  avait  déjà  donné  plusieurs.  «  he 
1)  m'avez-vous  pas  assuré  autrefois , 
»  dit  le  roi ,  que  vous  borneriez  votre 
))  ambition  à  1000  écus  de  rente? — 
»  Oui,  sire,  répondit-il,  mais  l'appétit 
»  vient  en  mangeant.  «  Personne  n'a 
rendu  plus  de  services  que  lui  à  la 
langue  française.   Un   homme  à  qui 
elle  doit  aussi  beaucoup ,  Vaugelas ,  a 
dit  :  «  Quelle  obligation  ne  lui  a  pas 
M  notre  langue ,  n'y  avant  jamais  eu 
»  personne  qui  en  ait  mieux  su  le  gc- 


A  U  Y 

»  nie  et  le  caractère  que  lui,  ni  qui 
»  ait  usé  de  mots  et  de  phrases  si  na- 
»  tui'ellement  françaises,  sans  aucun 
»  mélange  des  façons  de  parler  des 
»  provinces ,  qui  corrompent  tous  les 
»  jours  la  pureté  du  vrai  langage  fran- 
»  çais  I  Tous  ses  magasins  et  tous  ses 
»  trésors  sont  dans  les  œuvres  de  ce 
»  grand  homme.  »  Ou  a  prétendu, 
les  uus  qu'il  n'avait  traduit  Plutarque 
que  d'après  une  traduction  italienue, 
les  autres ,  que  ce  travail  n'était  pas 
de  lui ,  mais  d'un  homme  pauvre  et 
savant  qu'il  avait  à  ses  gages.  Ces 
assertions  sont  détruites  par  la  seule 
vue  des  exemplaires  de  Pliilarqiie 
qui  lui  ont  appartenu;  ils  sont  char- 
gés de  notes  et  de  variantes ,  qui  prou- 
rent  une  véritable  connaissance  de  la 
langue  grecque.  Néanmoins,  il  paraît 
prouvé  qu'en  beaucoup  d'endroits,  la 
version  manque  de  fidélité  :  le  savant 
Méziriac  prétendait  y  avoir  trouvé  jus- 
qu'à deux  mille  fautes.  Quoi  qu'il  en 
soit,  elle  n'a  été  effacée  par  aucune 
de  celles  qui  ont  paru  depuis ,  et  l'on 
trouve  toujours  beaucoup  de  chaiine 
à  la  lire ,  malgré  l'espèce  d'obscinnlé 
qu'y  répand,  pour  les  lecteurs  ordi- 
naires ,  l'emploi  d'un  assez  grand 
nombre  de  tournures  et  d'expressions 
tombées  en  désuétude.  «  Cette  traduc- 
s)  lion,  dit  Racine^  a.  daus  le  vieux 
»  stvie  du  traducteur,  une  grâce  que 
»  je  ne  crois  pas  pouvoir  être  égalée 
»  dans  notre  langue  moderne.  »  Les 
ouvrages  d'Amyot  sont  :  I.  Histoire 
cethiopique  d^ffélindorus ,  contenant 
dix  Hures,  traitant  des  loyales  et 
pudiques  amours  de  Théagènes , 
Thessalien,  et  Chariclée,  /Ethiopien- 
ne,  nouvellement  traduite  du  s^rec 
enfrancois,  i547,  i"-f"^''i  ^^  i^/jQ, 
in-8'\  Amyot,  lors  de  son  voyage  en 
Italie  ,  ayant  trouvé  au  Vatican  un 
manuscrit  complet d'Héliodore,  retou- 
cha sa  traduction  .  et  la  fit  réimprimer 


A  M  Y  79 

en  i559,  in-fol.  C'est  cette  édition  qui 
a  servi  de  modèle  aux  réimpressiuns 
faites  à  Lyon,  à  Paris  et  à  Rouen. 
II.  Sept  Hures  des  Histoires  de  Dio- 
dore  ,  sicilien  ,  traduits  du  grec , 
Paris,  Vascosan,  i554,  in-fol.,  réim- 
primés en  1 587.  Ce  sont  les  livres  XI 
à  XVII ,  commençant  au  voyage  de 
Xercès,  et  finissant  à  la  mort  d'A- 
lexandre, m.  Amours  pastorales  de 
Daphnis  et  Chloe\  traduites  du  grec, 
de  Longus,  iSSg,  in-8''.  Parmi  les 
nombreuses  réimpressions ,  on  distin- 
gue :  1  ".  l'édition  dite  du  Piègent,  im- 
primée aux  frais  de  ce  prince,  1718, 
petit  in-8'.,  et  ornée  de  28  gravures, 
faites  sur  ses  dessins,  par  B.  Audran  : 
dans  quelques  exemplaires ,  on  trouve 
une  29*^.  gravure  ;  1".  celle  de  1751  , 
in- 1 1 ,  avec  des  notes  de  Falconnet  ; 
3°.  celle  de  i  757  ,  in-4''.,  offrant  en 
regard  la  traduction  d'Amyot  et  une 
traduction  nouvelle ,  par  un  anonyme 
(  Le  Camus  )  ;  4"'  l'édition  donnée  par 
-Didot,  an  7  (1798),  grand  in-4°. , 
avec  9  figures,  et  dont  27  exemplai- 
res ont  été  tirés  in-fol.;  5".  l'édition 
in- 1 8 ,  publiée  à  la  même  époque, par 
le  même  imprimeur  ;  G'^.  celle  que 
M.  Courier  vient  de  faire  imprimer 
sous  ce  titre  :  Daphnis  et  Chloé , 
traduction  complète,  d'après  le  ma- 
nuscrit de  Vabajre  de  Florence, 
Florence,  181  o,  grand  in-8''.,  tiré  à 
60  exemplaires  :  l'éditeur  a  retouché, 
en  quelques  endroits,  la  traduction 
d'Amyot,  et  a  traduit  lui-même,  eu 
vieux  langage,  un  fragment  recouvré 
à  Florence,  lequel  remplit  la  lacune 
qu'on  sait  être  au  premier  livre  de 
l'ouvrage;  IV^  les  Vies  des  Hommes 
illustres ,  grecs  et  romains,  compa- 
rées l'une  avec  Vautre,  translatées 
du  grec  en  français,  i559,  2  vol., 
in-fol.  On  recheiche  l'édition  donnée 
par  Vascosan,  1567,  6  vol.  in-S". ; 
on  y  joint  la  traduction  d'une  Décads 


8o  AMY 

de  Guevare ,  faite  par  A.  Allègre 
(  Foy.  Allègre).  V.  OEiwres  mora- 
les de  Plularque ,  traduites  eu  fran- 
çais, i574'.  6  vol.,  iu-8'.  C'est  cette 
éditiou  que  l'ou  joint  à  celle  des  T'ies 
des  Hommes  illustres,  de  15G7.  Les 
OEuvres  complètes  de  Plutarque , 
traduites  par  Amyot,  ont  ete' recueil- 
lies plusieurs  fois.  L'édition  de  Yasco- 
san  ,  iSôS-^S,  quatre  tomes  en  2  vol. 
in-fol.,  est  peu  rechercbe'e  aujouid'hui  ; 
il  en  est  de  même  de  l'édition  douiiée 
par  M.  Basticu,  en  1784,  iB  vol. 
in-8";  mais  on  estime  l'édition  pu- 
bliée eu  1785-87,  avec  des  notes 
ot  observations  de  G.  Broltier  et 
Vauvilliers,  22  vol.  in-8".  Elle  a  éîc 
réimprimée  par  M.  Cussac,  1801  ■■ 
i8oG,  25  vol.j  M.  Clavier,  éditeur,  y 
a  ajoute  des  notes,  et,  de  plus,  la 
traduction,  faite  par  lui,  de  la  P'ie 
d' Homère j  de  VEssai  sur  la  poésie, 
du  Traité  sur  la  IVoblesse ,  et  de  plu- 
.sieurs  fragments  :  ces  additions  for- 
inent  le  25".  vol.  Les  tables  des  ma- 
tières des  Vies  des  Hommes  illustres 
et  des  OEm'res  morales ,  forment  les 
24''.  et  25^  vol.  VL  Lettre  à  M.  de 
Mojvilliers  ,  maître  des  requêtes , 
du  8  septembre  i55i.  Cette  lettre, 
dans  laquelle  Amyot  donne  une  rela- 
tion de  son  voyage  à  Trente,  se  trouve 
dans  les  Mémoires  du  concile  de 
Trente ,  par  Vargas ,  dans  les  Mé- 
moires du  même  concile ,  par  Dupuy , 
et  dans  l'ouvrage  de  Pithou,  intitulé: 
Ecclesice  Gallicanœ  in  schismate 
status. \ll-  OEuvres  mêlées,  161 1, 
iu-B".  Le  Père  INiceron  parle  de  ce 
volume;  mais  nous  croyons  qu'd  y  a 
erreur,  et  que  ces  OEuvres  mêlées 
n'ont  jamais  existé.  YUl.  Projet  de 
l'Eloquence  royale ,  composé  pour 
Henri  III,  roi  de  France,  imprimé 
pour  la  première  fois ,  en  1 8o5 ,  in-8 '. 
et  in-4  '.  A — g — a. 

AMYR  -  BE  -  IHKAMILLAH ,  sur- 


AMY 

nommé  Mansdur  ,  kbalvfe  falliemite, 
succéda  à  son  père  Mostaaly,  le  17 
de  safar  495  de  l'hég.  (27  nov.  1 1  o  î 
de  J.-C.  ),  n'étant  âgé  que  de  5  ans. 
Ce  fut  Alafdhal ,  vizvr  de  son  père  , 
qui  le  fit  reconnaître  khalyfe ,  afin  de 
se  conserver  l'autorité  ;  mais  lors- 
qu'Arayr  se  sentit  assez  puissant  pour 
se  défaire  d'uu  tel  ministre,  il  le  fît 
assassiner,  et  mit  à  sa  place  un  nommé 
Mohammed.  Celui-ci  ne  fut  pas  long- 
temps sans  s'attribuer  un  pouvoir 
semblable  à  celui  d' Alafdhal ,  et  blâma 
publiquement  les  mœurs  du  kbalyfe, 
qui  s'en  défit  également  par  le  poi- 
gnard. Le  règne  d'Amyr,  prince  sans  ju- 
gement, se  livrant  à  l'excès  du  vin  et  à 
ses  passions  ,  fut  de  29  ans  5  mois  et 
quelques  jours;  il  mourut,  assassine 
par  des  Ismaéliens ,  partisans  d'Alafd- 
lial,  le  3  de  dzoul-hedjah  ,  524  de 
l'hég.  (  7  nov.  1 1 3o).  Lorsqu'il  monta 
sur  le  trône  ,  Godcfroi  régnait  encore 
à  Jérusalem.  Bcaudouin,  nommé  par 
les  Arabes  Bardouil ,  cpii  succéda  à 
Godefroy  ,  Gt  une  invasion  en  Egypte, 
et  s'en  serait  emjiaré ,  si  la  mort  ne 
l'eût  arrête  au  milieu  de  ses  con- 
quêtes. Arayr  étant  mort  sans  enfants, 
Hafeth  lui  succéda.  J — n. 

AMYRAUT  (Moïse),  non  pas  AMY- 
RAULT,  comme  l'écrivent  ceux  qui  le 
fontdescendrede  l'ancienne  famille  des 
Lamyrault  d'Orléans  ,  vit  le  jour  à 
Bourgueil  ,  en  Anjou,  l'an  idqG.  Son 
père  ,  qui  le  destinait  à  occuper  la 
charge  de  sénéchal  de  cette  petite  ville, 
possédée  par  un  de  ses  oncles ,  le  fît 
d'abord  étudier  eu  droit  :  mais  la  lec- 
ture de  Y  Institution  de  Calvin  lui  ins- 
pira un  tel  goiît  pour  la  tliéologie , 
que  ce  goût  l'emporta  sur  les  arran- 
gements de  famille.  Après  avoir  fait 
son  cours  d'étude  à  Saumur,  sous  Ca- 
meron,  et  rempU ,  pendant  18  mois, 
les  fonctions  du  ministère  dans  le 
IMaine  ,   ou  l'appela  pour  remplacer 


AMY 

Daillë  à  l'academic  de  cette  ville,  et  il 
«ntra  en  exercice  le  même  jour  que 
Louis  Cappel  et  Josuë  De  la  Place  :  ils 
jjublièreut  tous  les  trois  les  Thèses 
Salmurienses ,  qui  eurent  une  grande 
vogue  dans  leur  parti.  Député  ,  en 
1 05  r ,  au  synode  de  Charenton ,  il  fut 
chargé  de  porter  en  cour  le  cahier 
des  représentations  sur  les  infrac- 
tions faites  aux  édits  de  pacification  , 
€t  il  obtint  la  suppression  de  l'usage 
humiliant  qui  astreignait  les  députés 
protestants  à  ne  haranguer  le  roi  qu'à 
genoux.  Arayraut  était  très-attaché  à 
sa  croyance  ;  mais  il  combattit  ouver- 
Icment  le  zèle  fanatique  de  ceux  de 
son  parti  qui  abusaient  de  leur  reli- 
gion pour  semer  des  maximes  ,  ou 
faire  des  démarches  contraires  à  l'o- 
béissance due  aux  princes  légitimes.  Il 
défendit  la  digoitc  des  rois ,  et  la  sû- 
reté inviolable  de  leur  personne , 
contre  les  indépendants  d'Angleterre  , 
qui  firent  périr  sur  l'échafaud  le  mal- 
heureux Charles  F^  Ce  fut  à  cette 
occasion,  qu'il  se  déclara  ouverte- 
ment pour  l'obéissance  passive  ,  dans 
son  livre  de  la  Souveraineté  des 
Rois.  Un  ministre  de  la  Rochelle  , 
ayant ,  auparavant ,  attaqué  ses  prin- 
cipes sur  cette  matière  ,  il  l'avait  déjà 
complètement  réfuté  dans  son  Apo- 
logie pour  ceux  de  la  Religion.  Ma- 
zarin  l'employa  utilement  pour  conte- 
nir les  protestants  qu'on  cherchait  à 
faire  entrer  dans  les  troubles  de  la 
fronde.  Amyraut  sentit  vivement  le 
tort  que  faisaient  ,  à  la  réforme ,  les 
«ombreux  schismes  qui  la  divisaient. 
Ce  fut  pour  ramener  tous  les  partis 
à  un  point  central  de  réunion  contre 
l'Eghse  romaine ,  qu'il  composa  son 
Traité  De  Secessione  ah  Ecclesid 
Tomand  ,  deque  pace  inter  evange- 
licos  in  negotio  religioiùs  instituen- 
dd.  On  dit  qu'il  traita  plus  ample- 
ment ce  sujet  dans  ua  ouvrage  inli- 


AMY  8i 

tulé:  Irenicon;  mais  nous  doutons 
qu'il  existe  un  pareil  ouvrage  de  lui 
sous  ce  titre.  Bayle  fait  l'histoire  d'une 
conférence  qu'il  eut  à  Saumur  avec 
le  P.  Audebert,  jésuite,  par  ordre  du 
cardinal  de  Richelieu  ,  sur  la  réunioa 
des  cathohques  et  des  réformés  ;  mais 
il  paraît  que  ce  récit  est  une  fable, 
au  moins  dan=  ses  détails,  de  l'inven- 
tion du  fils  d' Amyraut,  qui  avait  four- 
ni à  Bayle  le  mémoire  sur  lequel  a  été 
rédigé  cet  article  de  son  Dictionnaire. 
Cet  habile  homme  avait  l'usage  du 
monde  ;  il  était  doux  et  conciliant.  Ces 
qualités ,  qui  se  trouvent  rarement 
chez  les  théologiens ,  ne  furent  pas 
du  goût  de  tous  ceux  de  son  parti  ; 
mais  elles  lui  méritèrent  l'estime  des 
personnes  les  plus  distinguées  dans 
les  deux  communions ,  qui  eurent  tou- 
jours pour  lui  beaucoup  de  considé- 
ration ,  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  eu 
1664.  Le  grand  nombre  d'écrits  sor- 
tis de  sa  plume,  tant  en  français  qu'eu 
latiu ,  sur  toutes  sortes  de  matières  , 
prouve  sa  facilité  d'écrire  dans  les 
deux  langues  ,  et  des  talents  très-va- 
riés. Ils  sont  très-rares  aujourd'hui , 
la  plupart  n'ayant  guère  été  impiimés 
qu'une  fois  ,  et  assez  peu  recherchés , 
par  le  peu  d'intérêt  qu'excitent  mainte- 
nant les  matières  de  controverse  dont 
ils  sont  le  sujet.  On  distingue ,  dans 
ce  nombre,  outre  ceux  dont  il  a  été 
fait  mention  :  I.  Traité  des  religions 
contre  ceux  qui  les  estiment  indiffé- 
rentes ;  II.  De  l'élévation  de  la  foi 
et  de  l'abaissement  de  la  raison  ; 

III.  Morale  chrétienne,  6  vo\.  in-B".; 

IV.  Traité  des  songes  ;  V.  Deux 
volumes  contre  les  millénaires ,  pour 
réfuter  le  S\  De  Launai ,  grand  par- 
tisan du  millénarisme  j  VI.  Traité  de 
l'état  des  fidèles  après  la  mort^ 
dédié  à  sa  femme ,  pour  la  consoler 
de  la  perte  de  leur  fille  ;  VII.  Du 
gouvernement   de    l'Eglise  ,    dont 


82  4^1  Y 

l'objet  est  de  soutenir  l'-^'lorite  et  la 
nécessite  des  synodes,  contre  les  in- 
dépendants, qui  voulaient  que  chaque 
église  particulière  se  gouvernât  par 
ses  propres  lois  ,  sans  aucune  subor- 
dination à  l'autorité  des  synodes  ; 
VIII.  Considérations  sur  les  droits 
par  lesquels  la  nature  a  réglé  les 
mariages;  IX.  ^ie  de  François  de 
La  Noue  ,  depuis  le  commencement 
des  troubles  ,  en  1 56o  ,  jusqu'à  sa 
mort,  en  idqi  ;  Leyde,  1661,  in-4". 
Le  style  en  est  lourd ,  les  réflexions 
communes  ;  l'auteur  y  prodigue  à  sou 
héros  des  louanges  exagérées  ,  pour 
les  actions  les  plus  ordinaires  ;  mais 
on  doit  lui  savoir  gré  d'avoir  rédigé, 
dans  un  ordre  chronologique ,  les  ac- 
tions d'un  guerrier  également  estime 
des  deux  partis ,  et  dont  la  vie  inté- 
resse tout  bon  Français.  T — D. 

AMYTIS  ,  fille  d'Aslyages  ,  était 
mariée  à  Spitaraès ,  dont  elle  avait 
deux  fils.  Cyrus,  ayant  vaincu  Astya- 
ges,  ce  prince  s'enfuit  à  Ecbatane, 
où  sa  fille  et  son  gendre  le  cachèrent  ; 
DiaisCyrus  ordonna  qu'on  les  mît  à  la 
question ,  ainsi  que  leurs  enfants  ;  As- 
Ivages  ,  voulant  leur  épargner  les 
tortures  ,  se  découvrit  lui-même;  Cy- 
rus lui  donna  la  liberté  ,  et  épousa  , 
par  la  suite,  Amytis,  dont  il  eutCam- 
Lvse  etTauyoxercès.  Ce  récit,  que  j'a- 
l)rège  beaucoup ,  n'est  fondé  que  sur 
le  rapport  de  Ctésias  ,  qui  se  trouve 
en  contradicliou  avec  tous  les  autres 
historiens  ,  et  qui  mérite  peu  de  con- 
fiance. C — R. 

ANACIIARSIS ,  Scythe  de  nation  , 
était  fils  du  roi  Gnurus  et  d'une  femme 
grecque:  de  sorte,  qu'avec  la  langue 
de  son  pays ,  il  apprit  aussi  celle  d'Ho- 
mère. Les  beautés  qu'il  y  découvrait 
chaque  jour  exaltèrent  sou  admira- 
tion pour  les  peuples  qui  la  parlaient. 
Bientôt,  l'àpreté  du  climat ,  la  rudesse 
des  raœi'rs  de  ses  concitoyens  ,  le 


AN  A 

déterminèrent  à  visiter  la  Grèce.  Il 
quitta  les  bords  du  Pont-Euxin,  que 
fréquentaient  les  nomades  auxquels 
il  devait  le  jour  ,  et  se  rendit  à  Athè- 
nes ,  sous  l'archontat  d'Eucrate  ,  la 
i'"'.  année  de  la  47  •  olympiade  (  089 
ans  avant  J.-C.  ).  Toxaris  ,  son  com- 
patriote ,  le  présenta  à  Solou  ,  dont  il 
ne  tarda  pas  à  devenir  le  disciple  as- 
sidu. La  pureté  de  ses  mœurs,  la  rec- 
titude de  son  jugement ,  la  sagacité  de 
son  esprit,  lui  méritèrent  l'amitié  du 
législateur  d'Athènes  ,  et ,  par  suite , 
le  titre  de  citoyen.  Il  cultiva  les  lettres , 
le>  arts ,  et  connut  tous  les  grands  hom- 
mes contemporains  de  Solon.  Parti 
d'Athènes,  il  visita  plusieurs  autres 
contrées  de  la  Grèce.  A  Cyzique.  il  vit 
célébrer  la  fête  de  la  Mère  des  Dieux, 
et  fit  vœu,  s'il  ai'rivait  dans  son  pays, 
sain  et  sauf,  de  sacrifier  à  la  déesse 
avec  les  mêmes  cérémonies.  Ce  vœu 
fut  cause  de  sa  perte  ;  car,  ayant 
voulu  l'accomplir  dans  la  ville  d'Hyl- 
lée  ,  il  fut  tué  d'un  coup  de  flèche  , 
par  sou  propre  frère  Saulius,  di'\eiiu 
roi  du  pays  ,  qui  ne  lui  pardonna  pas 
d'avoir  préféré  les  dieux  de  la  Grèce 
à  ceuxde  la  Scythie.  Anacharsis  fut  un 
des  hommes  les  plus  vertueux  de  l'.in- 
tiquité.  L'histoire  nous  a  conserve  plu- 
sieurs de  ses  apophthegmes,  qui  feront 
aisément  connaître  son  caractère  :  «  La 
»  vigne,  disait-il,  porte  trois  fruits; 
»  le  premier,  de  volupté;  le  second, 
»  d'ivresse;  le  troisième,  de  repen- 
»  tir.»  — Les  turpitudes  d'un  ivrogne 
sont  la  meilleure  leçon  de  tempérance. 
—  Interrogé  quel  devait  être  le  souve- 
rain le  plus  illustre  ?  le  plus  sage , 
répondit-il.  —  Quelle  était  la  meilleure 
forme  de  gouvernement?  celle  où  l'on 
n'admet  d'autre  distinction  que  l'éclat 
des  vertus,  et  l'opprobre  du  vice.  —  Le 
premier,  il  compara  les  lois  aux  toiles 
d'araignées.  —  Chez  les  Athéniens  , 
disait-il ,  ce  sont  les  sages  qui  discu- 


ANA 

t^nt,  et  les  foux  qui  décident.  —  Je 
les  admire,  ajoutait -il;  ils  usent  de 
petites  coupes  au  commencement  du 
repas,  et  de  grandes,  quand  ils  sont 
ivres.  —  Un  Giec  lui  reprochait  d'être 
Scythe;  ma  patrie  fait  mon  de'shou- 
Deur,  repoudit-il,  et  toi,  celui  de  ta 
patrie.  La  vivaciie'  de  ses  reparties ,  la 
force  de  ses  arguments ,  donnèrent  lieu 
à  cette  expression  proverbiale  :  Un 
discours  scjthe.  Il  écrivit  en  vers  hé- 
roïques sur  les  lois  de  son  pays,  sur 
l'art  de  la  guerre,  sur  la  frugalité. 
Mais  les  Lettres  publiées  sous  son 
nom,  Paris,  i  55'2,gr.  etlat.  ,in-4".,  et 
réirapr.  dans  les  Epistol.  grec.  ,  sont 
apocryphes.  Nous  avons  son  portrait 
dans  leLaërce  de  Westein ,  et  dans  les 
Antiquités  grecques  de  Gronovius. 
Chez  les  anciens,  ses  images  portaient 
ordinairement  cette  inscription  :  Liti- 
guain  ,  ventrem ,  veretrum  contine. 
L'abbé  Barthélémy  a  rendu  son  nom 
immortel.  D.  L. 

AjNACLET  (S.),  ou  S.  CLET, 
pape.  Les  anciens  biographes  distin- 
guaient deux  personnes  sous  ces  deux 
énonciations;  les  écrivains  modernes, 
et  notamaent  les  auteurs  de  \Art 
de  vérifier  les  dates,  n'en  admettent 
plus  qu'une,  qui  a  occupé  le  Saint- 
Siège,  depuis  l'an  ■] 8  jusqu'en  91.  C'est 
un  point  historique  universellement 
reconnu  aujourd'hui.  Anaclet  était 
originaire  d'Athènes  ;  les  Latins  l'ont 
appelé  Clet  par  abréviation ,  et  de-là 
est  venue  l'erreur.  Il  vint  à  Rome,  y 
fut  converti  parles  Apoti'es,  et  associé 
au  saint  ministère.  S.  Pierre  lui  confia, 
pendant  son  absence ,  le  gouverne- 
ment de  l'Eglise,  conjointement  avec 
S.  Lin  et  S.  Clément.  Il  succéda  au 
premier,  suivant  l'opinion  des  histo- 
riens actuels  ;  les  autres  le  faisaient 
succéder  a  S.  Clément.  L'Eglise  ho- 
nore S.  Anaclet  comme  martyr,  ce  qui 
signifie  seulement  qu'il  éprouva  qucl- 


ANA 


85 


ques  persécutions  pendant  sa  vie  ;  car 
il  ne  s'est  passé,  de  son  temps,  aucun 
événement  qui  prouve  qu'il  ait  ter- 
miné sa  vie  dans  les  supplices.  On  â 
quelques  fausses  Décrétâtes  sous  le 
nom  de  ce  pape.  D — s. 

ANACLET,  anti-pape,  élu  en  1  i3o, 
après  la  mort  d'Honorius  II ,  par  une 
petite  partie  des  cardinaux,  dont  la 
majorité,  quelques  jours  auparavant, 
avait  choisi  Innocent  II.  Anaclet  s'ap- 
pelait Pierre  de  Léon,  ainsi  que  sou 
aïeul.  Cet  homme,  juif  de  naissance, 
puis  converti  et  baptisé  par  le  pape 
Léon ,  était  savant ,  extrêmement  riche 
et  très-considéré.  Son  fils  ,  père  d'A- 
naclet,  doué  des  mêmes  avantages  ot 
de  plus  grandes  qualités,  jouit  d'une 
grande  faveur  auprès  du  pa])e  Pas- 
cal II.  11  servit  si  bien  l'éghsc  roimsinc 
dans  la  querelle  des  investitures,  et 
par  ses  armes  ,  et  par  ses  conseils ,  » 
qu'on  lui  donna  le  gouvernement  de 
la  tour  de  Crcscence,  ou  chdteiu  St.- 
Ange.  Anaclet  se  destina  d'abord  aux 
lettres ,  et  vint  étudier  en  France ,  oii 
il  prit  l'habit  de  l'ordre  de  Ciuni,  ce 
qui  donnait,  dans  ce  temps-là,  une 
grande  considération.  Etant  encore 
très -jeune,  il  servit  d'ota^ije  pour  le 
pape  entre  les  mains  de  l'archevêque 
de  Cologne.  Il  fut  rendu  ,  en  1 1 1 9  , 
au  concile  de  Pveims ,  où  il  parut ,  dit 
Fleury,  «  magnifiquement  vêtu  ,  mais 
»  noir,  pâle  et  de  si  mauvaise  mine, 
»  que  tous  les  assistants  le  trou- 
»  vaient  plus  semblable  à  un  juif, 
»  ou  à  un  sarrasin ,  qu'à  un  chrc- 
»  tien.  »  Calixte  II  le  fit  bientôt  car- 
dinal, et  l'envoya  légat  en  France  , 
conjointement  avec  Innocent  II ,  au- 
quel depuis  il  disputa  la  thiaie.  Ana- 
clet, uomméainsiqu 'ou  vient  de  le  voir, 
fit  tout  ce  qu'il  put  pour  se  maintenir. 
11  fint  Innocent  II  assiégé  dans  le  pa- 
lais de  Lalran,  et  s'empara  de  la  Ba- 
silique et  du  trésor  de  St.-Pieire.  Il  tu 
0.. 


H 


AIN  A 


fit  autant  de  Stc.-Maiie-Majeure  ,  et 
des  autres  églises  de  Rome.  Maître  de 
la  ville  et  du  territoire,  après  avoir 
forcé  Innocent  II  de  fuir,  il  négocia 
partout  pour  se  faire  des  appuis  et  se 
procurer  des  suffrages  :  il  donna  sa 
sœur  en  mariage  à  Roger ,  duc  de 
Sicile ,  auquel  il  conféra  le  titre  de 
loi  ;  il  écrivit  à  toutes  les  puissances 
tour  se  faire  reconnaître.  Le  schisme 
s'établit ,  et  la  contestation  fut  longue. 
Condamné  par  les  conciles  de  Reims 
et  de  Pise ,  rejeté  par  la  plus  grande 
partie  du  clergé  de  toute  la  chrétien- 
té ,  méconnu  par  tous  les  souve- 
rains, excepté  Roger  et  le  duc  d'A- 
quitaine ,  Anaclet  se  soutint  dans 
Home  ,  malgré  les  armes  de  l'empe- 
reur Lothaire,  qui  protégeait  Inno- 
cent II  ,  et  dont  les  troupes  Ancto- 
rieuses  avaient  dépouillé  Roger  d'une 
grande  partie  de  ses  états.  Il  mourut 
à  Rome,  le  7  janvier  11 58,  après 
huit  ans  d'une  élévation  contestée. 
Aussitôt  après  sa  mort ,  ses  frères  re- 
connurent Innocent  II,  et  le  schisme 
cessa.  Voltaire  l'appelle  le  pape  juif , 
quoiqu'il  n'ait  été,  véritaLlcraent,  ni 
l'un  ni  l'autre.  Anaclet  a  été  fortement 
décrié  par  S.  Bernard,  et  surtout  par 
Arnoul ,  archidiacre  de  Sécz,  dans  un 
Traité  adressé  à  Geoffroy,  légat  du 
pape  Innocent.  Arnoul  reproche  à 
Pierre  de  Léon  le  vice  de  sa  nais- 
sauce  ,  les  usures  de  ses  parents ,  l'in- 
famie de  sa  jeunesse,  son  luxe,  sa 
profusion  ,  ses  débauches ,  et  enfin  un 
commerce  incestueux  avec  sa  sœur. 
(  F.  XHist.  eccl.  de  Fleury).  Toutes 
•cfS  accusations  ont  un  caractère  d'a- 
uimosité  qui  peut  y  faire  soupçonner 
de  l'cxagcralion.  Fleury  dit  simple- 
ment que  telle  était  alors  la  réputa- 
tion d'Anaclet  (  Foy.  Innocent  II). 
D— s. 

ANACO ANA.  Fqy.  Ovando. 

A>,ACRÉ0N,  naquit  à  Teos,  en 


ANA 

lonle  ;  il  vivait  vers  la  7  i  et  la  7•2^ 
olympiade  (  l'an  53o  av.  J.  -  C.  )  ;  voilà 
tout  ce  qu'on  sait  de  certain  sur  soa 
compte.  On  croit  que  Polycrate  ,  ty- 
ran de  Saraos,  l'attira  à  sa  cour,  cl 
lui  accorda  son  amitié  et  ses  faveurs. 
Le  voluptueux  Anacréon ,  se  couron- 
nant de  roses ,  chantait  l'amour ,  s'eni- 
vrait ,  et  s'inquiétait  peu  des  biens 
de  la  fortune.  On  prétend  même 
qu'ayant  reçu  de  Polycrate  une  somme 
assez  considérable ,  il  ne  put  passer 
qu'une  nuit  avec  un  hôte  si  dangereux, 
et  alla ,  le  lendemain ,  reporter  l'ar- 
gent au  tyran ,  en  le  conjurant  de  lui 
rendre  ses  chansons  et  sa  gaîté.  Cette 
anecdote  a  probablement  fourni  à  La 
Fontaine  la  fable  intitulée  :  le  Save- 
tier et  le  Financier.  Après  la  mort 
de  Polycrate,  Anacréon  alla  à  Athènes  ; 
et  Hipparque ,  qui  y  commandait,  en- 
voya à  sa  rencontre  une  galère  armée 
de  cinquante  rames.  La  chute  d'Hip- 
parque  chassa  d'Athènes  notre  poète,, 
qui,  probablement,  retourna  alors  à 
Téos;  car  il  s'y  trouvait  losqu'His- 
tiée  fit  révolter  l'ionie  contre  Darius. 
Justement  alarmé  des  suites  que  devait 
avoir  cette  rébellion ,  le  chantre  des 
amours  et  du  vin  se  retira  à  Abdère , 
où  il  conduisit  gaîmcnt  sa  carrièr«j 
jusqu'à  85  ans.  Il  mourut  étranglé, 
dit-on  ,  par  un  pépin  de  raisin  : 

AîQsî  finirent  ses  beaux  jours, 

Évanouis  dans  la  mollesse  ; 

Kt  son  nom  ,  (jui  vivra  sans  cess£  , 

Fut  déposé  par  la  Paresse 

Uans  les  annales  des  Amours. 

Téos  honora  sa  mémoire ,  et  sa  sta- 
tue fut  placée  à  côté  de  celles  de  Péri- 
clès  et  de  Xanti]ipc.  Nous  avons  d'A- 
nacréon  des  odes  bachiques  et  ero- 
tiques ;  ce  sont  presque  autant  de  mo- 
dèles achevés ,  dans  un  genre  qui  a 
gardé  le  nom  du  vieillard  de  Téos  5 
mais,  tout  en  rendant  justice  à  ses  ta- 
lents ,  il  serait  à  désirer  que  la  posté- 
rité n'eût  aucun  reproche  à  faire  aux 


i 


I 


AN  A 

mœurs  d'Anacréon.  Malheureusement, 
les  noms  de  Batylle,  de  Smerdias  et  de 
Cleobule  ,  devenus  désormais  insépa- 
rables de  celui  d'Anacréon  ,  n'attes- 
tent que  trop  la  dépravation  de  ses 
mœurs ,  et  la  licence  de  ses  chants.  In- 
dépendamment de  ses  Odes,  Anacréon 
avait  composé  un  assez  grand  nombre 
d'ouvrages,  dont  quelques-uns  sont 
nommés  par  Suidas  ,  et  d'autres,  cités 
avec  éloge  par  Athénée  ;  mais  il  ne 
nous  reste  de  tout  cela  que  quelques 
fragments ,  qui  prouvent  que  ce  poète 
ingénieux   et   facile   ne  s'était  guère 
exercé  que  sur  des  matières  erotiques. 
Dans  ce  qui  nous  est  parvenu  de  lui , 
tout  respire  l'enjouement  et  la  moUessej 
ce  n'est  point  un  auteur  qui  écrit ,  c'est 
un  convive  aimable  qui  s'abandonne  à 
la  gaîté  de  sa  verve.  Les  œuvres  d'Ana- 
créon parurent,  pour  la  première  fois 
(Paris,  1554),  parles  soins  de  Henri 
Etienne ,  qui  trouva  l'ode  XP.  sur  la 
couverture  d'un  vieux  livre.  On  ne 
connaissait  jusque-là, d'Anacréon ,  que 
ce  qu'Aulu-Gelle  et  Y  Anthologie  en 
avaient  conservé.  Un  hasard  heureux 
ayant   procuré    à    ce  même  éditeur 
deux  manuscrits  d'Anacréon ,  il  les 
conféra  soigneusement,  et  publia  l'é- 
dition que  je  viens  d'annoncer,  avec 
quelques  fi'agments  d'Alcée,  et  deux 
odes  de  Sapho  :  les  deux  manuscrits 
qui  guidèrent  Henri  Etienne ,  les  seuls 
que  l'on  ait  long-temps  connus  d'Ana- 
créon ,  ne  nous  ont  pas  été  conser- 
vés.  Henri  étant  tombé ,  sur  la  fin  de 
sa  vie,  dans  une  espèce  d'aliénation 
d'esprit ,  les  laissa  périr ,  avec  beau- 
coup d'autres,  qu'il  ne  communiquait 
à  personne ,  pas  même  au  savant  Ca- 
saubon ,  son  gendre.  Aussi  cette  édi- 
tion Princeps,  fut-elle  reçue  bien  di- 
versement de  la  plupart  des  érudits  : 
les  uns  l'accueiUirent  avec  transport, 
les  autres  en  suspectèrent  l'authenti- 
cité, et  s'obstinèrcnl  à  ue  reconnaître , 


ANA 


85 


pour  poésies  d'Anacréon,  que  celles 
dont  ils  trouvaient  des  vestiges  dans 
les  anciens  auteurs.  Tanneguy-Lefeb- 
vre    contesta ,  le  premier  ,  dans  des 
notes  savantes,  l'antiquité  d'un  grand 
nombre  d'odes  (Saumur,  1660);  la 
célèbre  M'"''.  Dacier,  sa  fille ,  publia  ces 
notes  (Paris,  iG8'2,  et  Arast.,  1695, 
1 69g  et  1716^  avec  une  version  fran- 
çaise et  des  notes,  et  Longcpierre,  avec 
une  traduction  en  vers  français.  Le 
Bouthilier  de  Rancé ,   devenu  si   fa- 
meux depuis ,  comme  abbé  de  la  Trap- 
pe, était  à  peine  âgé  de  i5  ans,  lors- 
qu'il donna  son  édition  dH Anacréon, 
avec  les  Scholies  grecques ,  dédiée  au 
cardinal  de  Richelieu  ,  son  parrain , 
(Paris,  1 659  et  1647)- Baxter  donna  , 
en  1O95,  une  édition  réimprimée  à 
Londres  ,1710,  in-8 '.  Rien  n'égale  la 
téruérité  avec  laquelle  il  change,  cor- 
rige et  mutile  le  texte,   jusqu'alors 
respecté,  de  H.  Etienne.  Barnès  réfuta 
Baxter,   dans   l'édition   qu'il    donna 
(Cambridge,  1703),  d'après  un  ma- 
nuscrit du  Vatican,  et  les  conjectures 
de  Scaliger,  Saumaise,  et  Dan.  Hein- 
sius.  Enfin,  parut  crlie  de  Maittair- 
(  Londres,  1725  ,  in-4°.  )i  celle  de 
Corn. de Paw(  Utrecht,  1752,  in-4''. ), 
remarquable  par  la  hardiesse  des  con- 
jectures que  l'éditeur  propose  de  subs- 
tituer  aux  anciennes  leçons.  H   fut 
complètement  réfuté  par  le    savant 
Dorville.  Aidé  de  tant  de  secours,  et 
éclairé  par  tant  de  fautes ,  Fischer  pu- 
blia enfin (  Leipsick ,  1 7 76 ,  et  réimpr. 
en  1795,  in-8\  ),  une  édition  d'^- 
nacréoii ,  bien  supérieure,  sous  tous 
les  rapports,  à  celles  que  je  viens  de 
citer  ;  ce  qui  n'empêcha  pas  Brunck 
d'en  donner  une  autre  (  Strasbourg , 
1778),  avec  des  observations  criti- 
ques ,  et  une  révision  exacte  de  tout 
ie  texte  grec,  d'après  les  manuscrits 
et  les  remarques  des  éditeurs  précé- 
dents. Cette  jolie  édition  a  été  surpassée 


86  A  ^^  A 

par  celle  rie  l'abbé  Spaletti  (  Rome , 
I  nSi  ) ,  qui,  en  faisant  graver  le  texie 
d'après  le  maïuiscrit  du  Vatican  ,  en 
jGt  plutôt  un  objet  de  luse  et  un  mo- 
nument de  curiosité  typograpliique , 
qu'un  ouvrage  d'une  utilité  vraiment 
littéraire.  On  en  peut  dire  autant  de  la 
jnagnifi.pieédi'jon  de  Parme  (  Bodoni, 
1 785  ).  Eruuck  donna ,  à  Strasbourg , 
en  1786,  in- 16,  une  seconde  édition 
de  son  Anacréon ,  d'après  le  ma- 
nuscrit du  Vatican.  C'est  cette  édition 
qui  est  le  plus  généralement  estimée. 
Beaucou))  de  traducteurs  se  sont  exer- 
ces sur  Anacréon  ;  il  est  peu  de  poètes 
françaisqui  n'aient  imité  quelqu'une  de 
sesjnèces.  Régnier-Desmarais,  La  Fon- 
taine ,  Mulot  et  beaucoup  d'autres, 
IVïM.  Roman,  Millevoye,  Tissot,  etc., 
en  ont  imité  quelques  unes.  Voici  l'in- 
dication des  traductions  entières,  outre 
celles  de  IM'"*".  Dacier  et  de  Longe- 
pierre  ,  dont  nous  avons  déjà  parlé  : 
I.  Odes  iV Anacréon  y  traduites  en 
vers ,  par  Rémi  Beileau ,  Paris ,  1 556, 
1 5*^  1  ,  petit  in- 1 'i,  et  dans  les  Œuvres 
deBeUeau,  1078,  ou  i585  ,  in-iji  ; 
3L  Tvaduclion  nouvelle  des  odes 
d' Anacréon  ,  sur  l'original  grec  , 
■par  La  Fosse ,  avec  des  remarifues 
et  autres  ouvr.  du  traducteur,  1  704 , 
in- 12  ;  11 L  les  Odes  d" Anacréon 
et  de  Sapho  ,  traduites  en  vers 
français  ,  par  le  poète  sans  fard 
(  Gacon  ),  1712,  in-12,  nouvelle 
édilicn  (  publiée  par  MM.  Cjppero- 
iiier  et  Querlon),  1754,  in-i6;lV. 
Imitation  des  odes  d" Anacréon ,  en 
vers, par  M.  deSeillans.  avec  la  tra- 
duction de  mademoiselle  Lefebvre, 
en  prose,  1704,  in-8''.  j  V.  Odes 
d^ Anacréon  ,  traduction  noui'elle , 
en  vers  (  par  M.  Anson  ),  1  795,  in-8".  j 
VL  Anacréon ,  Sapho ,  Bion  et  Mos- 
chus ,  traduction  en  prose ,  par 
M.  Moulonnel  de  Clairfons,  1775, 
lu-4  '.  et  iu-8".;  1 780,  -1  vol.  in- 1 'j  ; 


ANA 

VIL  Odes,  Inscriptions,  etc. ,  d' Ana- 
créon, traduitsparG nil,  1 7g4,in-8''. , 
1 799,  in-4".  A  cette  dernière  édition  , 
est  jointe  la  musique  de  quelques 
odes,  par  MM.  Gossec,  Méhul ,  Le- 
sueur  etCherubini.  y\\\.  Anacréon , 
Sapho,  Bion,  Moschus ,  Tjrtée  et 
autres  poètes  grecs,  trad.  en  vers  par 
Poinsinct  de  Sivry  ,  17.58,  in-12, 
plusieurs  fois  réimprimées;  IX.  Imi- 
tation en  vers  français ,  ^^5  Odes 
d' Anacréon  ,  par  M.  Mérard  de 
St.-Just,  i798,in-8°.;  i799,iu-i8; 
X.  Poésies  galantes  et  gracieuses , 
d' Anacréon,  Bion,  Moschus,  Ca- 
tulle et  Horace ,  imitées  en  vers 
français,  et  soumises,  pour  la  plu- 
part, au  sj  sterne  musical,  par 
M.  Lachabeaussière,  Paris,  an  1 1 , 
1 8o5 ,  in-8°.  ;  W.  Anacréon ,  traduc- 
tion nouvelle,  en  prose,  par  M.  Cou- 
pé, dans  le  tome  7".  des  Soirées  Lit- 
téraires ;  XII.  Odes  d' Anacréon, 
traduites  en  vers,  sur  le  texte  de 
Brunck,  par  M.  J.  B.  de  St.-Fictor, 
1810,  in-8  '.  Cette  belle  traduction  est 
accom])agnée  du  texte  grec,  d'après 
Brunck ,  et  ornée  de  4  superbes  vi- 
gnettes ,  gravées  par  M.  Girardet  , 
sur  les  dessins  de  MM.  Girodet  et 
Bouillon.  A — D — r. 

Aîn'AFESTE  (Paxjl-Luc,  ou  Pao- 
Luccio  ) ,  premier  doge  de  Venise.  Les 
habitants  des  îles  vénitiennes  ,  gou- 
vernées ,  jusqu'en  697  ,  par  des  tri- 
buus  ,  prirent  à  cette  époque  la  réso- 
lution de  se  réunir  en  un  seul  peuple, 
et  sous  un  seul  gouvernement.  Ils 
élurent,  pour  chef  de  leur  république, 
Paul-Luc  Aiiafeste,  d'iléraclée.  Ainsi 
(l'iiimença  une  magistrature  qui  de- 
vait se  continuer  glorif  usemcjit  pen- 
dant ou/ecents  ans.  An;ifesle  fixa,  de 
conceil  avec  Liulprand,  roi  des  Lom- 
bards ,  les  frontières  de  la  \  eiiétie.  Il 
mourut  en  717,  et  eut  pour  succes- 
seur Marcello  jasilunt».      S.  S— 1. 


AN  A 

'  ANANIA  (  JoAîfisES  de),  Jean 
d'ANANIE  ,  ou  d'AGNANY,  juriscon- 
sulte du  1 5''.  siècle.  On  prétend  ,  qu'é- 
tant ne  de  parents  obscurs  et  pauvres, 
il  ne  voulut  pas  en  porter  le  nom,  et 
qu'il  prit  celui  à'Anania,  ville  très- 
ancienne  du  Latium.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  fut  auditeur  de  Florianus  à 
Sancto  Pedro ,  et  professa  le  droit 
civil  et  canonique  à  Bologne  ,  où  il 
fut  fait  archidiacre.  Sa  vie  privée  of- 
fre un  modèle  de  piété  sincère,  et 
ses  ouvrages  annoncent  une  grande 
érudition.  Le  droit  civil ,  le  droit  ca- 
nonique furent  également  l'objet  de 
ses  travaux.  Ses  Commentaires  sur 
le  S*",  Ih're  des  Décrétales ,  et  un 
volume  de  Consultations  ,  sont  par- 
ticulièrement estimés.  Parmi  ses  autres 
ouvrages,  on  fait  cas  de  son  Traité  sur 
les  droits  féodaux,  De  rev'ocatione  feii- 
di  alienati,\A^(\nm,  i546,in-4.".  On 
est  étonné  qu'un  homme  aussi  éclairé 
ait  fait  un  Traité  sur  la  magie  et  la  na- 
ture des  démons  ,  qui  est  réuni  à  son 
corps  d'ouvrage ,  et  intitulé  :  De  magid 
et  maleficiis ,  Lugduni,  1669,  in-4^ 
Anania  mourut,  dans  un  àgo  avancé, 
en  i458.  M — x. 

ANANIAS  ,  nom  commun  à  plu- 
sieurs personnages  dont  il  est  fait 
mention  dans  l'Ecriture- Sainte.  Le 
premier  est  un  de  ces  trois  jeunes  Hé- 
breux qui ,  pour  n'avoir  pas  voulu 
adorer  la  statue  de  Nabuchodonosor  , 
furent  jetés  dans  la  fournaise  ardente, 
d'où  Dieu  les  retira  miraculeusement, 
sans  qu'ils  eussent  été  atteints  par  les 
flammes.  Cet  événement  est  d'environ 
l'aa  538  avant  J.-C.  Le  second  fut 
frappé  de  mort  aux  pieds  de  S.  Pierre , 
avec  sa  femme  Saphire  ,  pour  avoir, 
l'iuï  et  l'autre ,  voulu  tromper  cet 
apôlre  sur  le  prix  de  la  vente  de  leur 
champ ,  afin  de  s'en  résen'cr  une  par- 
tie, taudis  qu'ils  s'étaient  engagés  à 
distribuer  le  tout  aux  pauvres.  Le 


A  N  A  87 

troisième  fut  fdit  souverain  pontife 
des  juifs ,  l'an  49  de  J.-C.  Après 
8  ou  g  ans  d'exercice ,  Cumanus , 
gouverneur  de  Judée ,  l'avant  accusé 
d'avoir  cherché  à  soulever  sa  nation 
contre  les  Romains,  l'envoya,  chargé 
déchaînes,  à  Rome,  d'où  il  revint 
parfaitement  justifié.  A  son  retour ,. 
il  persécuta  les  chrétiens  ,  traduisit 
S.  Paul  devant  le  grand  conseil  des 
juife  ,  et  le  fit  souffleter  au  moment 
où  il  commençait  à  plaider  sa  cause. 
«  Dien  te  punira  ,  muraille  blanchie, 
lui  dit  l'apôtre;  »  effectivement ,  quel- 
ques années  après,  Agrippa  II  le  dé- 
pouilla de  sa  dignité ,  et  il  fut  massacré 
dans  son  propre  palais  par  des  sédi- 
tieux ,  dont  sou  lils  Eléazar  était  le 
chef.  T — D. 

ANANUS ,  fameux  docteur  Juif  du 
S",  siècle  ,  l'auteur,  ou  plutôt  le  res- 
taurateur de  la  secte  des  caraites  ^ 
c'csl-à-dire,  de  ceux  qui,  scrupuleu- 
sement attachés  à  la  lettre  de  la  loi 
de  Moïse ,  rejettent  toutes  les  tradi- 
tions ,  et  les  interprétations  allégori- 
ques ,  imaginées  par  les  thalmudistes.. 
Cette  secte  avait  perdu  toute  son  im- 
portance ,  depuis  la  destruction  du 
temple  de  Jérusalem,  lorsque  Ânanus 
enti éprit,  vers  l'au  700 ,  de  lui  rendre 
tout  son  éclat.  Il  combattit  fortement 
les  sectatems  d'HiUel ,  ou  les  tradi- 
tionnaires  ,  se  fit  de  nombreux  dis- 
ciples, et  devint  chef  de  la  captivité. 
La  secte  dont  il  fut  le  chef  subsiste 
encore  parmi  les  juifs.         T — D. 

ANAPIUSetAMPHINOMUS, 
ét;iient  deux  frères  qui  demeuraient 
à  Gitane  ,  en  Sicile.  Dans  une  des 
éruptions  de  l'Etna ,  un  torrent  de 
lave  s'approrhant  de  la  ville,  chacua 
s'empressi  d'emporter  ce  qu'il  avait  de 
plus  précieux;  mais  ces  deux  frères, 
abandonnant  leur  or  et  toutes  leurs 
richesses,  prirent  sur  leurs  épaules 
leur  père  et  leur  mère,  qui  étaieut 


88"  A  N  A 

très-avances  en  âge  et  hors  d'état  de 
s'enfuir.  Chargés  de  ce  fardeau  pré- 
cieux ,  ils  sortireut  de  la  ville.  Comme 
ils  n'allaient  pas  très-vite ,  la  lave  les 
atteignit.  L'histoire  rapporte  qu'elle  se 
sépara  en  deux ,  sans  leur  faire  aucun 
mal.  On  leur  érigea  des  statues  à  Ca- 
tane ,  et  on  les  honorait  sous  le  nom 
des  Frères  pieux  ;  on  avait  aussi  re- 
présenté leur  dévouement  sublime  sur 
im  des  bas-reliefs  qui  ornaient  le  tem- 
ple d'Apollonie  à  Cyzique.     C— r. 

ANASTASE  T^  (S.),  élu  pape  en 
598  ou  599,  succéda  à  Sirice.  11  ré- 
concilia les  deux  Églises  d'Orieiil  et 
d'Occident.  Une  traduction  du  livre 
des  Principes  d'Ori^ène,  par  Hufin, 
excita  son  zèle,  et  il  le  condamna, 
ainsi  que  l'avait  fait  8.  Jérôme.  Anas- 
tase  mourut  eu  l^oi^  regretté  par  cet 
illustre  Père  de  l'Église.  On  a  de  ce 
pontife  deux  Épîtres  dans  les  Epis. 
Rom.  PoJitif.  de  D.  Coûtant ,  in-ful.  Le 
recueil  d'Isidore  contient  de  fausses 
Dérrétales  sous  le  nom  de  ce  pape.  On 
lui  attribue  quelques  règlements,  entre 
autres  celui  qui  défend  d'ordonner 
prêtres  les  hérétiques  convertis  ,  et  un 
autre,  pour  défendre  l'entrée ,  dans  le 
clergé,  à  ceux  qui  viendi-aieut  d'outre- 
mer, à  moins  qu'ils  n'eussent  par  écrit 
le  témoignage  de  cinq  évèques;  ce  qui 
prouve  qu'à  celte  époque ,  un  grand 
nombre  d'iiérétiques ,  venus  principa- 
lement de  l'Orient,  faisaient,  de  leur 
conversion  ,  une  espèce  de  trafic.  Sa 
vie  fut  très -exemplaire;  il  gouverua 
avec  beaucoup  de  sagesse ,  et  main- 
tint la  discipline  ecclésiastique  avec 
7èle.  11  mourut,  en  4o'i  ,  après  avoir 
occupé  le  Saint-Siège  un  peu  plus  de 
trois  ans.  D — s. 

ANASTASE  II ,  Romain ,  élu  pape 
le  a8  novembre  ^ç)V}.  11  eut  à  combat- 
tre l'ariasuime,  qui  était  protégé  par 
l'empereur  d'Orient ,  Anastase  l".  Il 
envoya  des  légats,  et  écrivit  à  ce  priocc, 


AN  A 

pour  faire  ôter  des  sacrés  dyptiques 
le  nom  d'Acace ,  dernier  patriarche  de 
Constantinople.  Il  félicita,  par  écrit, 
Clovis  sur  sa  conversion  à  la  foi  ca- 
tholique. On  a  encore  de  lui  une  Let- 
tie  touchant  les  difiérends  qui  parta- 
geaient les  ÉgHses  de  Yicnue  et  d'Ar- 
les. Ces  écrits  sont  contenus  dans  le 
Recueil  des  Conciles  de  Labbe.  Ba- 
luze  a  pubhé ,  en  outre ,  des  fragments 
d'une  autre  Lettre  relative  aux  héré- 
sies de  l'Église  d'Orient.  Ce  pape 
mourut  le  17  novembre  4o^-  ^ — ^• 

ANASTASE  ,  anti  -  pape  en  855 
(r.  Benoit  111). 

ANASTASE  III,  élu  pape  en  91 1 , 
après  Sergius  III.  11  est  loué  pour  I» 
douceur  de  son  gouvernement ,  qui  ne 
dura  que  deux  ans  et  quelques  mois. 
C'est  tout  ce  que  l'histoire  nous  en  ap- 
prend. D — s. 

A^■ASTASE  IV,  élu  pape  le  9  juil- 
let 1 1 55  ,  après  Eugène  III.  Son  nom 
était  Conrad;  il  était  Romain  ,  évêque 
de  Sabine ,  et  cardinal.  Élevé  sur  le 
siège  de  S.  Pierre,  dans  un  âge  très- 
avancé,  il  n'y  resta  qu'un  an  et  cinq 
mois.  Il  favorisa  l'ordre  naissant  de 
St. -Jean  de  Jérusalem.  C'était  ,  dit 
Fleury,  un  vieillard  de  grande  vertu  ,. 
et  de  grande  expérience  dans  les  af- 
faires de  la  cour  de  Home.  Nous  avons 
neuf  Lettres  de  ce  pontife  dans  le  Re- 
cueil de  Labbe.  D — s. 

ANASTASE;  deux  saints,  deux 
écrivains  ecclésiastiques  de  ce  nom , 
placés  à  un  siècle  d'intervalle  ,  ont  été 
souvent  confondus  en  un  seul  person- 
nage.— Le  premier,  élevé,  en  5(3 1,  sur 
le  siège  d'Antioche ,  se  déclara ,  avec 
beaucoup  de  zèle,  contre  les  héréti- 
ques qui  soutenaient  que  J.-C. ,  pen- 
dant sa  vie  mortelle,  avait  une  chair 
incorruptible  et  impassible.  L'empe- 
reur Justinicn  ,  qui  les  protégeait , 
était  sur  le  point  de  faire  sentir  à 
Ajwslase  les  effets  de  son  ressenti- 


ANA 

ment,  lorsqu'il  inouiul.  Justin -le - 
Jeune ,  son  successeur ,  exila  Anastase 
pour  la  même  cause.  Rappelé,  sous 
Maurice,  il  vécut  paisiijleraeut,  dans 
son  éji,lise ,  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée 
cinq  ou  six  ans  après  son  retour.  Anas- 
tase avait  traduit  en  |i;rec,  à  la  prière 
de  ce  dernier  empereur ,  le  Pastoral 
de  S.  Grégoire  ,  pour  l'usage  dos 
églises  d'Orient ,  et  composé,  contre 
les  incorruptibles ,  un  Traité  dont  les 
ancieus  louent  la  solidité  et  i'éiéj;ance. 
Il  ne  nous  reste  de  lui  que  trois  Dis- 
cours, dans  ^ Auctuarium  de  Com- 
l)efis ,  et  cinq ,  dans  les  Lecliones  an- 
iicjuœ  de  Canisius.  —  Le  second 
Anastase  ,  surnommé  Sinuïte,  parce 
qu'il  était  moine  du  mont  Sinai,  sortit 
souvent  de  sa  solitude  pour  combattre 
les  Acéphales ,  les  Sévériens  et  les 
Théodosiens  d'Egypte  et  de  Syrie.  Il 
vivait  encore  en  678.  Nous  avons  de 
lui  :  l.  Odegos,  ou  le  Guide  du  vrai 
chemin.  Cet  ouvrage  est  dirigé  contre 
les  Eufychiens  ,  et  il  contient  d'excel- 
lentes règles  pour  pi'énmnir  les  fidèles 
contre  la  séduction  de  tous  les  héré- 
tiques. Grelser  l'a  publié  en  grec  et  en 
latin,  Ingolstadt,  1606,  in-4''.,i'r'irej 
il  se  trouve ,  en  lalin  seulement ,  dans 
les  œuvres  de  ce  jésuite.  Richard  Sim  on 
pensait  que  ce  n'est  pas  le  véritable 
ouvrage  d' Anastase,  et  il  avait  promis 
de  le  l'aire  imprimer  sur  les  manus- 
crits j  m;tis  il  n'a  pas  exécuté  ce  des- 
sein. II.  Considérations  analogiques 
surVHexameron.  Les  onze  premiers 
livres  étaient  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères  ^  en  latin  seulement.  Allix,  s'é- 
tant  procuré  le  i  a". ,  crut  y  trouver 
des  choses  contraires  au  dogme  de  la 
transsubstantiation;  i!  le  publia  en  grec 
ci:  en  latin ,  Je  la  traduction  d'André 
Dacier,  Londres,  i68'2,  in-4°.  IIL 
les  cent  cinquante- quatre  Questions 
et  Réponses,  qui  ne  sont  qu'une  com- 
pilation de  passages  des  Pères  et  des 


ANA  »> 

Conciles  sur  la  vie  spirituelle.  11  v  a 
des  auteurs  qui  les  attribuent  à  Anas- 
tase de  Nicée ,  ou  même  à  un  écri- 
vain du  1 1  ^.  siècle.  Gretser  les  a 
données,  dans  les  deux  testes,  Ingol- 
stadt, 1 61  n.  Elles  ont  été  insérées,  en 
latin  seulement,  dans  les  œuvres  de 
l'éiliteur,  et  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères.  Ou  n'a  même  pas  eu  soin,  dans 
cette  dernière  collection ,  de  distinguer 
du  texte  les  notes  de  l'éditeur.  IV.  des 
Sermons  ,  à  la  suite  de  la  Philocalie 
d'Origène,  Paris ,  1 6  i  8 ,  dans  lesquels 
respire  une  piété  affectueuse.  Anastase 
avait  composé  d'autres  ouvrages  contre 
les  juifs  et  contre  les  hérétiques  de  son 
temps ,  qui  sont  restés  inédits.  T — d. 
ANASTASE  I".,  empereur  de 
Constantinople ,  né  à  Dyracchium,  vers 
l'an  43o ,  remplissaitlcs  fonctions  obs- 
cures de  silsntiaire\)rcs  de  l'empereur 
Zenon ,  lorsque  ce  prince  ,  détesté  de 
ses  sujets  ,  perdit  la  vie  ,  l'an  4v)  i  - 
Ariadne  ,  sa  veuve ,  que  la  plupart  des 
historiens  ont  accusée  de  cette  mort, 
entreprit  aussitôt  de  faire  fi-anchir  à 
Anastase  l'intervalle  qui  le  séparait  du 
trône ,  et  que  l'amour  de  sa  souveraine , 
suivant  les  mêmes  auteurs,  avait  oublie* 
depuis  long-temps.  On  peut  remarquer 
cependant  qu' Anastase ,  à  Gi  ans ,  n'é- 
tait plus  en  âge  d'inspirer  une  violente 
jvission  ;  il  était  presque  chauve,  et  avait 
un  œil  noir  et  l'autre  bleu,  ce  qui  le  fit 
surnommer  Dicore.  Le  sénat,  le  peu- 
ple et  l'armée  secondèrent  d'ailleurs  les 
vues  de  l'impératrice.  Longin,  frère 
de  Zenon ,  qui  seul  pouvait  les  traver- 
ser ,  s'était  attiré  la  haine  générale  par 
son  immoralité  et  son  abrutissement  ; 
cependant  Anastase,  dont  on  proclamait 
la  sagesse  et  les  vertus  ,  rencontra  m\ 
obstacle  à  son  élévation  dans  le  zèle 
d'Euphémius,  patriarche  de  Constan- 
tinople ,  qui  lui  avait  plus  d'une  fois, 
reproché  son  attachement  aux  eneurs 
d'Eutychès.  Anastase  leva  la  difficulté. 


Oo  A  N  A 

m  signant  une  profession  de  foi  eon- 
iormc  aux  décisions  du  concile  de  Chal- 
rc'doine  ;  il  prouva  ,  par  le  reste  de  sa 
vie  ,  qu'une  pareille  promesse  n'avait 
aucune  importance  à  ses  yeux  ;  et  la 
même  versatilité ,  la  même  faiblesse  se 
firent  remarquer  dans  ses  opinions, 
tlaus  ses  projets  ,  dans  ses  vices  et 
même  dans  ses  vertus;  cependanl  le 
début  de  son  règne  lui  fit  honneur. 
Le  peuple,  enchanté  deJa  justice  et 
delà  modéiation  du  nouveau  prince, 
raccueillitau  Cirque  avec  les  plus  vifs 
applaudissemculs.  «  Régnez,  s'écriait - 
«  on  de  toutes  parts,  régnez,  prince, 
»  comme  vous  avez  vécu.  »  Anastase  , 
quarante  jours  après  la  mort  de  Ze- 
non, épousa  Ariadne;  Longin  ,  écar- 
té du  trône  ,  conjura  avec  plusieurs 
chefs  des  Isauriens  ,  dont  quelques- 
uns  portaient  le  même  nom  que  lui; 
mais  l'empereur  le  fit  arrêter  et  con- 
duire à  Alexandrie  .  où  on  le  força  de 
recevoir  le  sacerdoce,  dont  ses  mœurs 
infâmes  auraient  plutôt  dû  le  faire  éloi- 
f;ner.Lcs  conjurés ,  suivis  de  tous  les 
Isaures  qu'on  chassa  de  Constanti- 
iiople  ,  se  réfugièrent  en  Isaurie ,  pri- 
rent les  armes ,  et  saccagèrent  la  Phry- 
gie  ;  ils  y  furent  battus  com])lètement , 
en  49a,  par  trois  généraux  d'Anastase, 
nommés  Jcan-lc-Scythe,  .Tcan-!c-Bossu 
ctDiogène;  cependant  cette  guerre  ne 
finit  qu'en  /^[)'-j .  ] / anuve  ])récédente  , 
le  patriarche  Eupheniius,  que  d'an- 
ciennes liaisons  avec  les  chefs  des  re- 
belles ,  et  plus  encore  ses  principes 
orthodoxes  ,  rendaient  odieux  à  Anas- 
tase ,  vit  deux  fois  ses  jours  menacés 
par  des  assassins  ,  et  fut  enfin  déposé 
et  exilé.  En  498 ,  les  factions  du 
Cirque  ,  connues  sous  les  noms  de 
Verte  ,  et  de  Rouge,  et  dont  l'achar- 
nement désola  long-temps  Constant i- 
aiople  ,  eurent  une  queielle  si  vive  , 
qu'Anastase  ,  qui  s'était  rang('  du  côté 
4^s  Rouges,  fiii  sur  le  j)oiii1  d'être  dé- 


A  iN  A 

trôné ,  et  put  la  faiblesse  de  donner  une 
satisfaction  publique  à  ses  adversaires. 
Un  prince  de  ce  caractère  ne  pouvait 
intimider  ses  nombreux  ennemis  ,  et 
les  barbares  désolaient  toutes  les  pro- 
vinces. Anastase,  menacé  au  dehors, 
ne  s'occupait  que  de  questions  théolo- 
giques ,  et  portait,  le  trouble  dans  la 
capitale  et  dans  l'empire ,  en  favorisant 
les  hérésies ,  et  en  versant  à  grands 
flots  le  sang  des  Orthodoxes.  Le  pape 
Symmaque,  pressé  par  le  clergé  catho- 
liqueJaDça,en  5oo,  contre  l'empereur, 
la  première  excommunication  dont  m\ 
souverain  ait  été  frappé.  Cependant 
Anastase ,  ému  par  les  malheurs  dont 
l'empire  était  accablé,  et  dont  son  im- 
péritie  et  ses  capi'ices  étaient  les  pre- 
mières causes,  s'attira  tout  à  coup  des 
applaudissements  universels ,  en  sup- 
primant le  chrysargire ,  impôt  odieux 
qui  se  levait  de  cinq  en  cinq  ans ,  et 
dont  la  misère  ,  les  immondices  et  la 
prostitution  fournissaient  une  paiM.  Il 
fallait  que  cet  impôt  fut  bien  détesté  , 
puisque  les  historiens  disent  que  sa 
suppression  ,  en  couvrant  de  gloire  le 
prince  qui  l'avait  prononcée,  suffit  pour 
faire  pardonner  ses  plus  grands  crimes, 
Anastase  fit  cesser  aussi  l'usage  barbare 
de  livrer  les  coupables  aux  bêtes ,  et  de 
f  lire ,  de  ce  supplice  horrible ,  nu  spec- 
tacle pour  le  peuple.  Cependant,  de 
nouvelles  disgrâces  all.iient  fondre  sur 
l'empire.  Cabades,  roi  de  Perse,  indi- 
gné du  refus  qu'Anastase  lui  avait  fait 
de  quelques  secours  dont  il  avait  be- 
soin pour  soumettre  les  Nephtalites, 
entra  en  Mésopotamie  ,  à  la  tête  d'une 
pvii^sante  armée ,  prit  et  saccagea  Ami- 
de,  eu  5o'2,  et, l'année  suivante,  battit, 
l'un  après  l'autre ,  quatre  généraux  ro- 
mains. Ils  furent  remplacés  par  Celer , 
qui  força  les  Perses  à  la  retraite,  et 
lenla  de  reprendre  Amide  ;  ennuvé  de 
la  longueur  du  siège ,  il  la  racheta  à 
prix  d'argent.  C'était  avec  ses  trésors 


AN  A 

qu'Anaslasc  clefendait  se^;  états ,  moyen 
honteux  qui  ne  faisait  qii^excitcr  l'avi- 
dité des  barbares ,  et  qui  accroissait  de 
jour  en  jour  l'avarice  du  prince  ,  en 
aiiîrmcntaDt  ses  besoins.  Jl  imagina 
aussi  de  faire  fermer,  par  une  muraille 
immense  ,  la  pointe  de  terre  sur  la- 
quelle Coustantiuople  est  bâtie,  de  sorte 
que  les  fertiles  campagnes  qui  environ- 
naient la  capitale  se  trouvaient  du 
moins  à  l'abri  des  incursions.  Anastase 
forma,  en  Sog,  quelques  projets  sur 
l'Italie  ,  et  recliercba  à  cotte  occasion 
l'alliance  de  Clovis  ,  roi  des  Francs  , 
auquel  il  envoya  le  titre  de  consul. 
L'empire  se  vit  encore  plongé  di^ns 
de  nouvelles  agitations ,  par  l'impru- 
dence d' Anastase ,  qui  reprit,  avec 
une  ardeur  plus  violente,  les  discus- 
sions religieuses  ;  il  persécuta ,  avec 
acharnement ,  iMacéàonius ,  patriarche 
de  Constanîinople  ,  et  le  fit  remplacer 
par  Timotliée  ,  eutychéen.  Une  sédi- 
tion terrible  épouvanta  l'empereur  , 
qui  promit  de  favoriser  les  ortho- 
doxes; mais,  le  danger  passé,  il  re- 
commença ses  poursuites  contre  eux. 
Vitalien  ,  petit-fils  du  fameux  Aspar , 
rasseralila  les  catholiques,  et  s'avança, 
suivi  d'une  puissante  armée;  le  sang 
avait  déjà  coulé  dans  plus  d'une  sédi- 
tion ,  occasionnée  par  les  querelles  re- 
ligieuses ;  mais  ce  fut  la  première  guerre 
dans  les  règles  que  la  fureur  humaine 
entreprit  au  nom  d'un  Dieu  de  paix.  Vi- 
talien, triomphant,  parut  sous  les  murs 
de  Ccnstantinopîe.  En  vain  un  physi- 
cien, nomméProclus,  brûla,  dit-on,  ses 
vaisseaux  ,  au  moyen  d'un  miroir  ar- 
dent ;  doià  le  peuple ,  las  d' Anastase  , 
demandait  à  reconnaître  Vitalien  ;  l'em- 
pereur ,  tremblant ,  fit  promptement 
la  pai'?,  et  pi-omit  au  vainqueur  de  sui- 
vre ses  volontés ,  pourvu  qu'il  s'éloi- 
gnât. \  itahen  y  consentit,  après  avoir 
exigé  le  rétablissement  de  Macédonius , 
et  la  convocation  d'un  concile;  mais, 


A  N  A  g\ 

quand  il  eut  posé  les  armes  ,  Anastase. 
viola  encore  une  fois  sa  parole ,  et  con- 
tinua la  persécution.  Enfin  ,  en  5 18  , 
la  mort  vint  terminer  ce  long  et  dé- 
plorable règne.  Anastase ,  âgé  de  88 
ans  ,  fui  trouvé  sans  vie  dans  un  sou- 
terrain de  son  palais ,  oîi  la  crainte 
d'un  orage  l'avait  conduit.  On  crut  que 
la  foudre  l'avait  frappe;  mais,  dans  un 
si  grand  âge,  une  mort  naturelle  a  pu 
l'atteindre  avec  non  moins  de  rapi- 
dité. Justin  lui  succéda.     L — S — e. 

ANASTASE  II ,  empereur  d'Orient, 
n'eut  point  une  naissance  assez  remar- 
quable pour  que  l'Histoire  eu  ait  fait 
mention.  L'extinction  de  la  famille 
d'Héraclius,  dans  la  personne  du  se- 
cond Justinien ,  et  la  déposition  de 
Philippique  Bardanes,  laissaient  l'em- 
pire d'Orient  sans  maître.  Artémius, 
scciétaire  d'état,  homme  généralement 
estimé,  réunit  les  suffrages,  et  reçut 
la  couronne  des  mains  du  patri.uThe , 
le  4  ji'in  7i3,  sous  le  nom  d'Anas- 
tase  II.  Le  premier  soin  du  nouvel 
empereur  fut  de  punir  les  auteurs  de 
l'attentat  commis  sur  la  peisonne  de 
Philippique.  Les  patrices  George  Bur- 
gaphe  et  Théodore  Myace,qni  avaient 
fait  crever  les  yeux  à  Bardanes,  subi- 
rent le  même  supplice.  Anastase  les 
envoya  en  exil  à  Thessalonique.  L'or- 
dre que  ce  prince  apporta  dans  les  fi- 
nances, son  amour  poiu'  le  travail  et. 
la  justice,  rétablissaient  l'empire,  fati- 
gué d'une  longue  tyrannie,  et  pou- 
vaient le  retenir  sur  le  penchant  d'^ 
sa  ruine.  Anastase  était  digne  du  trône , 
mais  les  Romains  n'étaient  plus  dignes 
d'iui  tel  empereur.  Au  commencement 
de  l'année  716,  une  sédition  éclate  sur 
la  flotte  qu'il  armait  dans  le  port  de 
Rhodes,  pour  s'opposer  aux  progrès 
des  Sarrazins.  Les  mutins  massacrent 
le  patrice  Jean ,  leur  général ,  et  for- 
cent Théodore,  receveur  des  deniers, 
à  accepter  le  sceptre ,  et  à  marcher  à 


ni 


AN  A 


leur  tète  vers  Constantinople.  Anas- 
tase,  re'i'iigie  à  Nice'e,  se  flattait  d'op- 
poser des  forces  aux  rebelles  ;  mais  la 
prise  de  la  capitale ,  et  la  défection  de 
ses  troupes  ,  lui  firent  perdre  toute 
espérance.  Revêtu  de  l'habit  monasti- 
que ,  il  se  fit  conduire  à  Théodose , 
qui  lui  laissa  la  vie.  Suivant  un  usage 
introduit  dans  ce  temps,  le  prince  dc- 
])0sé  fut  ordonné  prêtre,  et  relégué  à 
Thessaloiiique.  Anastasc  avait  régné 
deux  ans  et  demi.  Ce  prince ,  si  pru- 
dent sur  le  trône ,  ne  porta  pas  la  même 
sagesse  dans  son  exil  ;  il  ne  put  oublier 
qu'il  avait  possédé  l'empire,  et  ourdit 
une  trame  pour  recouvrer  sa  grandeur 
passée.  L'archevêque  de  Thessaloni- 
que  favorisait  ses  desseins;  les  Bul- 
gares lui  donnèrent  un  ass  le  ;  ses  in- 
telligences s'étendaient  jusque  dans 
le  palais;  Nicétas  Xilonite,  maître  de 
la  milice  ,  Isoës  ,  commandant  des 
troupes  de  Mysie,  Théognote,  pre- 
mier secrétaire  d'état,  Nicétas  Autrax, 
préfet  de  Constantiuople  ,  tous  ses 
«•réatures,  étaient  prêts  à  remettre  la 
couronne  sur  la  tête  de  leur  bienfaiteur. 
Léon  lïl ,  risauricn ,  qui  avait  renversé 
le  faible  Théodore,  fut  averti  du  com- 
plot, et  fit  décapiter  les  quatre  patri- 
ces.  Les  Bulgares,  intimidés  par  les 
menaces  de  Léon ,  et  séduits  par  son 
or ,  livrèrent  Anastasc  et  l'archevêque  ; 
amenés  à  Constautinople,  tous  deux 
eurent  la  tête  tranchée,  en  "j  19. 

L— S— E. 
ANASTASE,  patriarche  de  Cons- 
tantiuople, était  de  la  secte  des  icono- 
clastes. A  force  de  bassesses  et  de 
fourberies,  il  obtint,  de  l'empereur 
Léon-1'Isaurien  ,  d'être  élevé  sur  le 
çiége  patriarchal;  il  avait  été  long- 
temps syncelle,  ou  premier  clerc  du 
patriarche  Germain,  prélat  vénérable, 
&uquel  il  ne  cessa  de  susciter  des 
persécutions.  Un  jour  qu'Anastasc 
montait  les  drgics  du  palais,  k  la  suite 


ANA 

du  patriarche,  il  mit,  par  hasard,  le 
pied  sur  la  robe  de  Geimain.  «  N'al- 
»  lez  pas  si  vite,  Anastase,  lui  dit-il, 
»  vous  n'arriverezque  trop  tôt  à  l'hip- 
»  podrôme.  »  Ces  mots  furent  regar- 
dés comme  une  prophétie,  que  l'événe- 
ment justifia.  Lursqu'Anastase  eut  pris 
la  place  de  Germain ,  dépouillé  de  sa 
dignité,  le  ■]  janvier  ySo,  il  s'aban- 
donna sans  réserve  aux  excès  des 
iconoclastes.  L'avarice  ayant  porté 
l'empereur  à  s'emparer  des  trésors  de 
l'Eglise,  le  complaisant  prélat  les  livra 
tous,  et  seconda  la  tyrannie  et  les  per- 
sécutions de  ce  prince.  Ivéon  étant 
mort,  en  "j^i ,  Anastase,  dans  la  vue 
de  conserver  sa  dignité,  se  prêta  à 
tous  les  caprices  du  sanguinaire  Cons- 
tantiu-Copronyme.  L'année  suivante , 
Artabase  ,  Curopalate,  et  beau -frère 
de  l'empereur ,  se  rendit  maître  de  la 
capitale  ;  le  patriarche ,  facile  à  se 
plier  aux  circonstances,  et  ingrat  en- 
vers ses  bienfaiteurs,  osa  monter  dans 
la  chaire  sacrée ,  un  crucifix  à  là 
main,  pour  prêcher  la  rébellion.  Le 
châtiment  ne  tarda  pas  à  s'appesantir 
sur  lui.  Copronyme,  devenu  paisible 
possesseur  de  la  couronne  ,  par  la 
défaite  et  la  punition  d'Artabase ,  fît 
crever  les  yeux  à  Anastase.  On  le  pro- 
mena dans  l'hippodrome ,  monté  sur 
un  âne,  et  le  AÎsagc  tourné  vers  la 
queue  de  cet  animal.  Il  resta  un  jour 
entier  dans  cet  état ,  exposé  aux  in- 
sultes de  la  populace;  mais,  après  ce 
traitement  ignominieux,  Constantin^ 
désespérant  de  trouver  un  prêtre  qui 
secondât  ses  fureurs,  laissa  Anastasc^ 
tout  aveugle  qu'il  était,  sur  le  siège 
pati'iarchal,  où  il  continua  de  déshono- 
rer son  ministère.  Enfin,  en  7 55,  une 
mort  douloureuse  en  délivra  l'Eglise 
et  l'empire.  L — S — e. 

AiN  ASTASE  (  LE  BIBLIOTHÉC  AIUE  )  ^ 

célèbre  et  savant  écrivain  du  ()". 
siècle^  fut  abbc  d'un  monastère  de  la 


AN  A 

Vierge  Marie,  au-delà  du  Tibre,  à 
Rome,  et  bibliothécaire  du  Vatican.  Il 
assista ,  en  869 ,  au  8".  concile  ge'ne'- 
ral,  à  Constautinople,  où  Photius  fut 
condamné.  Ses  connaissances,  et  le 
talent  qu'il  avait  de  parler  éloquem- 
raent  les  langues  grecque  et  latine,  y 
furent  très-utiles  aux  légats  du  pape. 
Il  traduisit  les  actes  de  ce  concile ,  du 
grec  eu  latin,  ainsi  que  ceux  du  -]'". , 
tenu  dans  le  siècle  précédent.  La  ])lu- 
part  des  nombreux  ouvrages  qu'il  a 
laissés,  sont  des  traductions  sembla- 
bles, qui  sont  regardées  comme  plus 
fidèles  qu'élégantes.  Son  Historia 
ecclesiastica  ,  sive  chronographia 
tripartita,  imprimée  à  Paris,  avec  les 
notes  de  Charles- Annib.  Fabroti,  à 
l'imprimerie  royale,  16^9,  gr.in-fol., 
fait  partie  de>  X Histoire  Bysanline. 
Ce  qiu  lui  a  donné  le  plus  de  célébrité, 
c'est  son  Liber  pontificalis ,  ou  Re- 
cueil des  J^ies  des  Papes.,  depuis 
S.  Pierre  jusqu'à  Nicolas  \".  ;  il  fut 
imprimé,  pour  la  première  fois ,  à 
Maycuce,  en  iGo.i,  in-4".,  par  les 
soins  du  jésuite  Busée.  Il  en  a  paru 
deux  éditions  dans  le  dernier  siècle , 
une  en  4  vol.  in-fol.  ,  donnée  par 
François  et  Joseph  Bianchini,  i-j  l8- 
I735;  une  en  5  vol.  in-4''.,  commen- 
cée par  l'abbé  VignoH,  en  1724?  <^t 
terminée  en  1  n55 ,  sans  parler  de  celle 
que  Muratori  a  insérée  dans  son  grand 
recueil  Script,  rer.  ital. ,  vol.  III ,  p.  i , 
où  elle  est  accompagnée  de  disserta- 
lions  savantes  ,  écrites  à  différentes 
époques  .  et  par  différents  auteurs.  Il 
en  résulte  qu'Anastase  ne  fut  point 
proprement  l'auteur ,  mais  seulement 
le  rédacteur  de  ces  Vies;  qu'il  les  tira 
des  anciens  catalogues  des  pontifes 
romains,  des  actes  des  martyrs,  et 
d'autres  mémoires  ,  soigneusement 
conservés  dans  les  archives  de  l'Eglise 
romaine  ;  qu'enfin ,  il  n'a  composé  que 
les  Vies  de  quelques-uns  des  papes  de 


ANA        ^         9I 

son  temps,  sans  qii'U  soit  même  possi- 
ble d'en  déterminer  avec  précision  le 
nombre ,  ni  de  reconnaître  avec  certi- 
tude celles  qui  sont  en  effet  de  lui ,  les 
auteurs  de  ces  dissertations  n'étant 
pas  d'accord  sur  ce  point.  On  prétend 
qu'il  existe  deux  exemplaires  de  ces 
Fies  des  Papes ,  de  l'édition  de  1 6o'i, 
où  l'on  trouve  l'histoire  de  la  papesse 
Jeanne.  Les  curieux  peuvent  consulter 
à  ce  sujet  David  Bloudel  (  Familier 
éclaircissement ,  etc. ,  1 649 ,  in •  8°.  ) , 
et  J.  H.  Boeder  (  Bibl.  critica.  )  G— e. 

ANASTASE  f  Olivier,  de  St.-),  car- 
me, dont  le  nom  propre  était  deCrock, 
vivait  dans  le  1 7^.  siècle,  se  hvra  à  la 
prédication,  et  mourut  en  16-4»  * 
Bruxelles.  Il  reste  de  lui  quelques  ou- 
vrages ,  dont  les  titres  bizarres  annon- 
cent que,  s'il  réussissait  dans  la  prédi- 
cation, ce  ne  devait  être  qu'à  la  ma- 
nière moitié  pieuse,  moitié  burlesque 
du  fameux  petit-père  André  :  I.  le  Jar- 
din spirituel  des  Carmes  ,  émaillé 
des  vertus  des  Saints  les  plus  célèbres 
de  ce  saint  ordre.,  comme  d^  autant  de 
belles  fleurs ,  et  arrosé  d'instructions 
spirituelles ,  comme  d'une  agréable 
rosée,  2  vol.  in-12,  Anvers,  16J9- 
1661;  II.  le  Combat  spirituel  d'a- 
mour entre  la  mère  de  Dieu  et  les 
serviteurs  de  l'ordre  du  mont  Car- 
mel ,  avec  égal  avantage  des  deux 
côtés  ,  Anvers  1 66 1 ,  in- 1  i  ;  III.  apo- 
logues moraux,  traduits  de  S.  Cy- 
rille ,  et  enrichis  de  petites  Pièces  da 
poésies  et  de  Conclusions,  Anvers, 
1669,  in-i'^;  IV.  Pleias  mystica 
calculata  ad  meridia?nim  desolati 
Belgii,  1669,  in-12;  et  d'autres  ou- 
vrages latins.  N — L. 

ANASTASE  (le P.  ).  K  Guicharo. 

ANASTASIK.  L'Église  révère  plu- 
sieurs saintes  de  ce  nom.  Celle  dont 
la  commémoration  a  lieu  le  20  dé- 
cembre, était  d'une  illustre  famille  de 
Piome,  et  vivait  au  commencement  du 


f)4  A  N  A 

4^  siècle.Les  actes  de  S.Clirysogone, 
qui  fut  son  tuteur,  et  l'iustruisit  dans 
la  foi,  rapportent  que  ,  pendant  la  per- 
sécution de  Dioclclien ,  ce  saint  ayant 
été  arrête  dans  Aquilce,  où  il  souffrit 
ensuite  le  martyre,  sa  pieuse  pupille 
alla  le  rejoindre  pour  lui  donner  ses 
secours.  En  3o4,  selon  les  mêmesactes, 
auxquels  on  n'accorde  que  peu  d'auto- 
rite  ,  elle  fut  brûlée  vive,  par  ordre  du 
préfet  d'IUyrie.  Ses  cendres  furent  por- 
tées à  Rome ,  et  déposées  dans  l'église 
qui  porte  son  nom.  Les  actes  de  la  sain- 
te, par  Meta pbraste,  lui  donnent  pour 
époux  un  ])aien  nommé  Publius,  et  ajou- 
tent  d'autres   détails   qu'on  n'insère 
point  ici,  parce  que  ces  actes  n'inspirent 
aucune  confiance,  —  Une  autre  Anas- 
TASiE,  ou  Anastase,  surnommée  r^/i- 
cienne,  fut  martyrisée  à  Sirmicb  ,  et 
l'Église  l'bonore  également  le  u5  dé- 
cembre ;  mais  on  n'a  aucuns  détails,  ni 
sur  sa  vie,  ni  sur  l'époque  précise  où 
elle  vivait.  Ses  reliques ,  transportées 
à  Constantinople  ,   restèrent  quelque 
temps  dans  l'église  dite  Auastasis  ,  ou 
de  la  Résut  rection ,  d'où  on  les  plaça 
dans  celle  de  Ste.-Sopbic;  mais  elle 
n'y  était  plus  ,    lorsqu'en    1 453,  les 
Turks  s'emparèrent  de  la  capitale  de 
l'enqjire  d'Orient.  —  Enfin ,  une  troi- 
sième Anastasie,  d'une  famille  illus- 
tre de  Rome,  fut  instruite-dans  la  re- 
ligion cbrétienne,  par  S.  Pierre  et  S. 
Paul,  ainsi  que  Stc.-Basilisse,  son  amie. 
Toutes  deux ,  selon  les  martyrologes 
grecs  et  latins,  eurent  la  tète  trancbée 
par  ordre  de  Néron.  L'Église  fait  leur 
commémoration  le  1 5  avril.      D — t. 
ANATOLICS,  d'Alexandrie,  flo- 
rissait  vers  l'an  Vi-jo  avant  J.-C. ,  et 
ressuscita   la  pbilosopbie  péripatéti- 
cienne, que  l'école  de  Plotin  avait  fait 
abandonner.  Né  de  parents  chrétiens, 
il  fut  porté,  ])ar  ses  succès,  à  l'évèche' 
de  Laodicée.  Il  composa  plusieurs  ou- 
vr.igfs ,  entre  uutui  dis  livres ^Imi'v- 


AN  A 

tulions  arithnéiiques ,  dontFabricius 
nous  a  conservé  des  fragments  dans  le 
2".  vol.  de  sa  Bibliothèque  grecque. 
Nous  avons  encore  de  lui  un  Traité 
sur  le  temps  de  celé  hier  la  Pdque  , 
publié  en  latin  par  jEgidius  Bucberius, 
dans  sa  Doctrina  Icmponnn ,  Anvers , 
iG54  ,  in-fol.  Ou  ne  doit  point  con- 
fondre l'évêque  de  Laodicée  avec  un 
autre  Anatolius,  philosophe  platoni- 
cien ,  l'un  des  maîtres  de  Jamhiique,- 
et  auteur  d'un  Traité  sur  les  Sympa- 
thies et  les  Antipathies^  dont  on  trouve 
des  fragments  au  tome  IV  de  l'ouvrage 
pré-cité  de  Fabricius.  D.  L. 

ANATOLIUS,  jurisconsulte,  était 
fils  de  Lcontius ,  et  petit-fils  d'Eu- 
doxius,  qui  avaient,  l'un  et  l'autre, 
consacré  leur  vie  à  l'étude  des  lois ,  et 
vécut  du  temps  de  Justinicn.  D'abord 
professeur  en  droit  à  Beryte,  ville  de 
Phénicie  ,  il  devint  successivement 
avocat  du  préfet  du  prétoire  ,  avocat 
du  fisc,  juge  pedané,  ou  des  affaires 
sommaires ,  et  parvint  enfin  à  la  di- 
gnité de  consul.  Justiuien,  dans  sa 
Novelle  Si  ,  l'appelle  vir  spectahilis. 
Il  paraît  qu'il  fut  un  des  jurisconsultes 
emplovés  et  choisis  par  lui  pour  la 
compilation  du  Digeste.  On  a  accusé 
Anatolius  d'avoir  abusé  de  sa  place  de 
consul,  et  de  s'être  enrichi  par  ses 
concussions.  Si  l'on  en  croit  Agathias , 
historien  contemporain  ,  ce  juriscon- 
sulte périt  dans  un  tremblement  de 
terre  ,  frappé  par  un  bloc  de  maibre 
qui  se  détacha  de  la  corniche  de  la 
chambre  où  il  couchait.  Ce  même  his- 
torien prétend  que  le  peuple,  en  sui- 
vant son  convoi,  trouvait  que  cette 
mort  était  un  effet  de  la  justice  divine, 
en  punition  de  ce  qu'il  avait  dépouillé 
plusieurs  personnes  de  leurs  biens. — 
Un  autre  Anatolivs  ,  jurisconsulte 
grec,  fut  un  des  trois  par  lesquels 
l'empereur  Phocas  fil  traduire  le  Code 
Jusùnien.  M — x. 


AN  A 

ANAXAGORAS ,  de  la  secte  Toni- 
que ,  fils  d'He'gésii)a!iis  ,  naquit  à  Cla- 
zomène ,  la  première  année  de  la  'j  o"". 
olympiade  ,  5oo  av.  J.-C.  Ses  parents 
étaient  puissants  et  riches;   mais  il 
leur  abandonna  le  soin  de  ses  biens , 
pour  se  livrer  à  l'étude  de  la  pliiloso- 
pliie ,  sous  Anaxiinène  de  iVIilet.  A  vinf:;t 
ans ,  il  entreprit  de  voyager  pour  s'ins- 
truire ,  visita  l'Egypte,  tous  les  peu- 
ples qui  cultivaient  les  sciences,  et  fut, 
pendant  près  de  vingt  autres  années, 
absent  de  sa  patrie.  Il  revint  ensuite 
s'établir  à  Athènes,  où  Périciès  s'était 
mis  à  la  tcte  des  affaires  publiques.  Il 
se  lia  particulièrement  avec  ce  grand - 
homme  ,  et  compta  bientôt  parmi  ses 
disciples  les  citoyens   les  plus  célè- 
bres ,   tels  qu'Archelaiis  et  le  poète 
Euripide.   L'étude  approfondie  qu'il 
avait  faite  de  la  science  de  la  nature, 
le  mettait  en  état  d'assigner  des  causes 
physiques  à  la  plupart  des  phénomè- 
nes que  le  peuple  regardait  comme  un 
elTct  de  la  colère  des  Dieux ,  tels  que 
les  éclipses ,  les  trorablemenls  de  terre. 
Il  s'expliquait  librement  sur  ces  per- 
turbations instantanées  de  l'ordre  im- 
muable des  choses,  et,  quoiqu'il  ad- 
mît ,  sans  équivoque ,  une  Cause  in- 
telligente ,  créatrice  de  l'univers ,  les 
gens  superstitieux  criaient  souvent  à 
l'impiété,  en  l'entendant  débiter  ses  le- 
çons. Le  grand  crédit  de  Périciès  le 
soutint  long-temps  contre  la  malveil- 
lance publique;  mais,  enfin,  les  fu- 
nestes suites  de  la  guerre  du  Pélopon- 
nèse ayant  exaspéré  les  esprits ,   on 
s'en  prit  aux  favoris  du  chef.  Giéon , 
démagogue  emporté,  iutenta,  contre 
Anaxagoras,  une  accusation  publique; 
et  le  plus  religieux  peut-être  des  phi- 
losophes, dit  ['auteur  d'^ïnarchanis, 
fut  traduit  en  justice  pour  crime  d'im- 
piété. Diodore  de  Sicile  nous  apprend 
q^ie  ce  fut  la  seconde  année  de  la  87". 
olympiade.   Les  opinions  sont  Itcs- 


AN  A  f,5 

partagées  sur  les  suites  de  cette  accu- 
sation. Les  uns ,  mais  en  petit  nombre , 
prétendent  qu'il  fut  absous;  d'autres, 
qu'il  prit  la  fuite  avant  la  fin  de  son 
jugement;  d'autres,  qu'il  fut  condam- 
né au  bannissement  et  à  une  amende 
de  cinq  talents;  d'auties ,  enfin,  lui 
fontinfîigerla  peine  deraort. Quoi  qu'il 
en  soit ,  il  est  certain  qu'à  cette  époque, 
Anaxagoras  sortit  d'Athènes .  et  qu'il 
futs'établir  à  Lampsaque,  oîi  il  termina 
ses  jours  ,  trois  ans  après,  âgé  de  72 
ans.  L'anniversaire  de  sa  mort  fut, 
d'après  sa  demande,  un  jour  de  va- 
cance pour  les  écoliers  de  la  ville.  On 
rapporte  que  ,  ses  amis  lui  ayant  de- 
mandé s'il  voulait  que  ses  cendres  fus- 
sent transportées  dans  sa  patrie  :  «  Ce 
»  serait  prendre  une  peine  inutile  , 
»  répondit-il ,  le  chemin  des  enfers 
»  est  partout  le  même.»  Anaxagoras, 
conformémentàrasiome  que  rien  nese 
produitde  rien,  admettait,  pour  princi- 
pe unique  etmuiliple  des  corps,  des  es- 
pèces d'atomes,  qu'il  nommait  ffomœ- 
omeries ,  ou  parties  similaires,  c'est- 
à-dire,  de  même  nature  que  les  corps 
qu'elles  devaient  former.  Ces  atomes, 
par  eux-mêmes  dépourvus  de  la  fa- 
culté de  se  mouvoir ,  avaient  été,  dans 
le  commencement ,  mis  en  mouvement 
par  un  autre  pria,  ipe  co-élernel ,  dis- 
tinct de  la  matière,  VEsfril,  qu'il  ap— 
pelait  Nous j  ce  qui  lui  fit  donner,  à 
lui-même,  le  surnom  de  xVoiw.  Ainsi 
s'était  formé  l'univers,  dont  les  corps 
terrestres  ,  comme  plus  pesants  ,  oc- 
cupaient les  parties  inférieures,  tandis 
que  l'étber ,  ou  le  feu ,  se  trouvait  dis- 
séminé dans  les  parties  supérieures. 
Cependant  Anaxagoras  croyait  les  as- 
tres de  nature  terrestre,  et  le  soleil, 
entre  autres ,  une  masse  de  pierre  in- 
candescente, plus  grande  que  le  Pélo- 
ponnèse. La  voie  lactée  n'était,  suiv.int 
li'.i ,  demèmequerarc-en-ciel,  qu'une 
réfies  ion  de  la  iumière  solaire.  La  terre 


%^ 


AN  A 


cfait  plane;  la  lune,  nn  corps  opa- 
que, habitable,  empruntant  sa  lumière 
du  soleil;  les  comètes,  des  astres  er- 
rauts.  Enfin,  par  un  de  ces  sopliismes 
si  commuas  aux  philosophes  de  l'an- 
tiquitë,  Anaxogaras  niait  que  la  neige 
fût  blanche ,  et  soutenait  qu'elle  était 
noire ,  parce  que  telle  est ,  disait-il ,  la 
couleur  de  l'ean ,  dont  la  neige  n'est 
qu'une  modalité.  —  On  compte ,  outre 
le  suivant,  deux  autres  Anaxagoras  : 
l'un,  disciple  d'Isocrate ,  fut  orateur; 
l'autre,  grammairien,  disciple  de  Zé- 
Dodotc.  D.  L. 

AN AX AGORAS  ,  sculpteur  ,  ne  à 
Egine ,  fut  chargé  de  faire  la  statue 
de  Jupiter  que  les  Grecs  élevèrent  à 
Élis  ,  après  la  bataille  de  Platée  ,  49'^ 
ans  avant  J.-G.  A  l'imitation  d'Aga- 
tharque ,  il  écrivit  sur  les  décorations 
de  théâtre,  et  l'on  ne  pent  douter , 
d'après  le  passage  où  Vitruve  parle 
de  cet  ouvrage,  que  les  principales 
rglcs  de  la  perspective  n'y  fussent 
expliquées.  L  — S — e. 

AISAXANDRIDES,  fils  de  Léon  , 
de  la  i'".  branche  des  rois  de  Sparte, 
monta  sur  le  trône ,  vers  l'an  53o  av. 
J.-C.  Il  avait  épousé  une  femme  qu'il 
aimait  beaucoup  ;  mais  comme,  après 
plusieurs  années  de  mariage  ,  il  n'en 
avait  point  d'enfants  ,  les  éphores  lui 
représentèrent  que,  pour  ne  pas  laisser 
éteindre  la  raced'Eurysthènes,  il  fallait 
qu'il  répudiât  sa  femme ,  et  eu  prît 
une  autre.  Il  ne  voulut  pas  y  consen- 
tir ;  alors  ,  les  éphores  et  le  sénat,  s'é- 
tant  consultés  ,  lui  dirent  que ,  puis- 
^u'd  ne  pouvait  se  déterminer  à  ren- 
voyer celle-là  ,  il  fallait  tout  au  moins 
qu'il  en  prît  une  seconde  ,  dont  il  pût 
avoir  des  enfants.  Il  le  fit ,  et  eut 
ainsi  deux  femmes  à  la  fois  ,  contre 
l'usage  ,  non  .seulement  de  Sparte , 
niais  même  de  toute  la  Grèce.  11  eut,  de 
cette  seconde  femme,  Cléoracnes,qui 
lui  succéda.  Peu  de  temps  aprèis ,,  la 


AN  A 

première  ,  après  tant  d'années  de  sté- 
rilité, lui  donna  un  fils,  Doriéus,  et 
ensuite  deux  autres ,  Gléombrote  et 
Léonidas.  Il  ne  se  passa  rien  de  mé- 
morable sous  son  règne.  Il  mourut 
l'an  5i5  avant  J,-C.  G — r. 

ANAXANDRIDES  ,  poète  comi- 
que ,  né  à  Rhodes  ,  ou  à  Colophon  , 
vivait  du  temps  de  Philippe ,  roi  de 
Macédoine.  Suidas  dit  qu'il  fut  le  pre- 
mier qui  représenta  sur  la  scène  les 
malheurs  que  l'amour  cause  aux  jeunes 
filles  ,  (  et  non  ,  comme  l'ont  dit  quel- 
ques biographes,  les  intrigues  d'amour, 
déjà  connues  sur  la  scène  grecque.  ) 
L'innovation  introduite  par  Anaxan- 
drides,  consista  en  ccqu'il  donna  plus 
d'étendue  et  d'importance  aux  rôles 
àî amoureuses.  11  était  opulent ,  et  af- 
fectait une  grande  magnificence.  On 
dit  même  qu'un  jour,  étant  à  Athènes, 
il  récita  une  de  ses  pièces,  monté  sur 
un  cheval.  Il  avait  plus  de  verve  que 
de  correction  ;  et ,  quoiqu'il  fôt  très- 
affligé  d'un  mauvais  succès ,  jamais  il 
ne  prenait  la  peine  de  retoucher  ses 
ouvrages.  Dans  sa  vieillesse  ,  il  en  dé- 
truisit plusieurs.  Sa  mort  fut  malheu- 
reuse. Euripide  avait  dit,  dans  une  de 
ses  tragédies  :  «  La  nature  le  voulait 
»  ainsi ,  elle  qui  n'écoute  point  les 
»  lois.»  Anaxandrides  parodia  ce  vers, 
en  substituant  seulement  les  mots  :  la 
ville  ^  A  ceux  de  la  nature.  On  n'était 
plus  au  temps  d'Aristophanes  :  les 
Athéniens  permettaient  bien  encore 
qu'on  prît  les  plus  grandes  libertés  à 
l'égard  des  particuliers  ,  mais  ils  ne 
souffraient  plus  les  critiques  contre 
l'état.  Ils  condamnèrent  Anaxandrides 
à  mourir  de  faim.  Athénée  fait  men- 
tion d'une  Odyssée  .1  composée  par 
ce  poète ,  et  Aristote ,  dans  sa  Bhé- 
torique ,  cite  quelques-unes  de  sc> 
comédies.  Platon  fut  un  de  ceux  qui 
excitèrent  la  verve  satirique  d'Anax.n 
dridcs.  D — t. 


ANA 

ANAXARQUE  ,  philosoplie  de  la 
secte  Éleatiqiie ,  était  natif  d'Abdères , 
et  fut  disciple  de  Diornènes  de  Smyr- 
ne ,  ou  ,  selon  d'autres ,  de  Me'trodore 
de  Cliios ,  tous  deux,  de  l'exole  de  Dé- 
mocrite.  Appelé'  auprès  d'Alexandrc- 
le-Graud,  Anaxarque  le  suivit  dans 
toutes  ses  expe'ditions ,  et  lui  parla 
toujours  avec  une  entière  liberté'.  Le 
monarque  ,  un  jour  ,  s'était  blesse  : 
«  C'est  bien  là  du  sang  liumain,  dit 
»  Anaxarque,  en  montrant  du  doigt  la 
»  blessure,  et  non  du  sang  des  dieux.  » 
Lorsque  Alexandre  s'enorgueillissait 
d'avoir  asservi  sous  ses  lois  tant  de 
peuples  divers,  Anaxarque  lui  faisait 
ronsidc'rer  les  cieux,  où  gravitent  une 
infinité  de  mondes  ,  semblables  à  celui 
dont  il  n^avait  pu  seulement  achever 
la  conquête.  C'était  ainsi  que,  par  des 
leçons  puisées  dans  l'étude  de  la  na- 
ture, le  philosophe  instruisait  le  con- 
quérant, modérait  la  fougue  de  ses 
passions,  dissipait  les  rêves  de  son 
ambition ,  et  le  ramenait  souvent  à 
des  sentiments  plus  raisonnables.  La 
conduite  d'Anaxarque  dut  nécessaire- 
ment lui  susciter  beaucoup  d'ennemis. 
Les  courtisans  d'Alexandre,  et  le  phi- 
losophe Callisthcnes  lui-même,  lui 
vouèrent  une  haine  implacable ,  qui 
fut  la  source  de  toutes  les  calomnies 
qu'ont  débitées  contre  lui  les  péripaté- 
ticicns.  Satyrus,  Cléarque,  Hermippus, 
Athénée,  Diogène  Laërce,  l'ont  peint 
sous  les  couleurs  les  plus  odieuses,  et 
lui  prêtent  la  même  fin  qu'à  Zenon 
d'Elée.  Ils  prétendent  qu'après  la  moit 
d'Alexandre ,  Anaxarque  tomba  entre 
les  mains  de  Nicocréon ,  tyran  de  Chy- 
pre ,  dont  il  s'était  attiré  la  haine ,  et 
que  ce  dernier  le  fit  piler  dans  un 
mortier.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  philo- 
sophe était  digne  d'un  meilleur  sort.  II 
faisait  consister  le  souverain  bien  dans 
la  vertu ,  et  pensait  que  le  vrai  sage 
doit  trouver  son  bonheur  en  lui-même , 
II. 


ANA  97 

indépendamment  des  objets  extérieurs  ; 
ce  qui  lui  fit  donner  le  surnom  (VEw 
dœmonicos  (qui  rend  heureux).  On 
trouvera,  sur  l'histoire  d'Anaxarque, 
des  détails  intéressants ,  dans  l'ouvrage 
de  IM.  de  Luzac,  intitulé  Lecliones 
Atlicœ,  Leyde,  1809,  in -4".    D.  L. 

ANAXILAS  P'-. ,  roi  de  Rhégium , 
descendait,  à  la  quatrième  génération, 
d'^Vlcidamidas ,  Messcnien.  Après  la 
prise  d'Ira ,  vers  l'an  625  av.  J.-C,  il 
attira  à  Rhégium  une  partie  des  Mes- 
séniens  ,  qui  ne  voulurent  pas  se  sou- 
mettre aux  Lacédémoniens ,  ce  qui 
rendit  sa  capitale  très- florissante.  On 
l'a  souvent  confondu,  mal-à- propos, 
avec  le  suivant.  C~r. 

ANAXILAS  II ,  fils  de  Crétinéus  , 
et  descendant  du  précédent ,  monta 
sur  le  trône ,  à  Rhégium ,  l'an  494  av. 
J.-C.  Il  fut  célèbre  par  sa  modération 
et  son  amour  pour  sa  patrie.  Il  chassa 
de  Zancle  les  Samiens ,  qui  s'en  étaient 
emparés,  l'an  497  ^^*  J-"C.;  il  y  con- 
duisit une  colonie ,  et  donna  à  cette 
ville  le  nom  de  Messine,  en  mémoire 
de  la  patrie  de  ses  ancêtres.  Hérodote 
débite  plusieurs  contes  sur  Anaxilasj 
il  prétend  que  ce  fut  lui  qui  détermina 
les  Samiens  à  s'emparer  de  Zancle, 
tandis  qu'il  n'était  pas  encore  sur  le 
trône  lorsque  les  Samiens  vinrent  en 
Sicile.  Il  ajoute,  d'après  les  Siciliens, 
qu'il  engagea  les  Carthaginois  à  faire 
la  guerre  à  Gélon  et  à  Théron  ,  pour 
venger  Terillus  ,  son  beau-père,  que 
Théron  avait  chassé  d'iiimire,  oii  il 
était  tyran.  Pausanias  a  aussi  commis 
plusieurs  erreurs  à  son  sujet ,  en  le 
confondant  avec  le  précédent.  11  mou- 
rut l'an  476  av.  J.-C,  et  laissa  plu- 
sieurs enfants  en  bas  âge ,  sous  la  tu- 
telle de  Micythus,  son  esclave.  C — r. 

ANAXILAS  ,  de  Larisse,  philoso- 
phe pythagoricien ,  vivait  à  Rome  sous 
le  règne  d'Auguste.  Il  s'adonna  particu- 
lièrement à  k  médecine,  à  l'étude  des 


î)8  A  K  A 

merveilles  de  la  nature ,  et  consigna  le 
fruit  de  ses  reclierches  dans  un  ouvrage 
intitulé  :  na.l-(ny. ,  cite  par  Irénée  et  par 
Epipliane.  Pline  nous  a  conserve  trois 
de  ses  expériences ,  dont  deux  peuvent 
être  reléguées  parmi  les  fables.  Il  en  - 
veloppait  un  arbre  d'un  voile  d'a- 
miante, et  parvenait  à  l'abattre,  sans 
que  l'on  entendît  les  coups  qu'd  lui 
portait.  Eu  brûlant  dans  une  lampe 
la  liqueur  que  les  cavales  laissent  écou- 
ler pendant  le  co'it ,  il  faisait  apparaître 
aux  spectateurs  des  tètes  de  chevaux 
monstrueuses.  Enfin  ,  il  fut  l'inventeur 
de  ce  que  nous  nommons  Flambeau 
infernal ,  dont  il  produisait  l'effet  en 
brûlant  du  soufre  dans  un  lieu  privé 
de  lumière.  Ses  recherches  lui  devin- 
rent fatales  ;  il  fut  accusé  de  magie  ,  et 
banni  par  ordre  d'Auguste.     D.  L. 

ANAXEVIANDRE,  fds  de  Praxia- 
<les  ,  fut  le  disciple  et  le  successeur  de 
Thaïes  ,  fondateur  de  la  secte  Ionique. 
Comme  son  maître,  il  naquit  à  Milet, 
Ja  5^  année  de  la  4'^".  olympiade,  6 1  o 
ans  av.  J.-C.  La  seule  circonstance  de 
sa  \ie  qui  nous  soit  parvenue,  est 
qu'il  fut  chargé  de  conduire  la  colo- 
nie Milésienue  fondatrice  d'ApoJlo- 
nie  ,  sur  les  bords  du  Pont  -  Euxin. 
Ana\.imandre  se  livra  particulièrement 
à  l'étude  des  sciences  mathématiques. 
Le  premier  ,  il  découvrit ,  ou ,  du 
moins ,  fit  connaître  aux  Grecs  l'obli- 
quité de  l'échptique  ,  et  parvint  à 
déterminer  l'observation  plus  exacte 
des  solstices  et  des  équinoxes  ,  par  le 
moyen  d'une  espèce  de  gnomon  ,  dont 
il  fit  l'essai  à  Lacédémone.  Le  pre- 
mier encore ,  il  traça  des  figures  de 
géométrie ,  pour  rendre  sensibles  aux 
veux,  les  principes  de  celte  science.  11 
essaya  de  décrire ,  sm-  un  globe ,  les 
contours  de  la  terre  et  des  mers ,  au- 
tant que  le  permettait  l'état  d'imper- 
fection des  connaissances  géographi- 
ques f  et  construisit  une  sphère  céleste, 


A  N  A 

au  moyen  de  laquelle  il  expliquait  a 
ses  disciples  le  système  du  Monde. 
Toutes  ces  assertions  ,  néanmoins,  ne 
sont  pas  rigoureusement  prouvées. 
Quant  aux  opinions  d'Auaximaudre , 
il  regardait  l'Infini  (  Àîvetf  wv  ),  comme 
le  principe  de  toutes  choses  ,  sans 
toutefois  déterminer  la  nature  de  ce 
principe,  éternel,  incorruptible,  qui 
engendre  et  absorbe  tout ,  dont  les 
parties  sont  mobiles ,  et  reusemble , 
immuable.  Les  mondes ,  selon  lui,  sont 
en  nombre  infini ,  et  se  résolvent 
dans  le  principe  universel.  Les  Dieux 
naissent  et  meurent  à  de  longs  inter- 
valles. I^e  ciel  est  un  composé  de  Iroid 
et  de  chaud  ;  les  astres ,  d'air  et  de 
feu.  Le  soleil  est  au  plus  haut  des 
cieuxj  il  a  la  forme  d'une  roue,  dont 
la  circonférence  est  vingt-huit  fois  plus 
grande  que  celle  de  la  terre.  C'est  par 
le  moyeu  de  cette  roue  que  s'échap- 
pent les  torrents  de  feu  qui  produi- 
sent la  lumière.  Si  le  trou  vient  à 
s'obstruer ,  l'astre  est  éclipse.  La  lune 
est  une  autre  roue,  dont  l'obliquité 
produit  les  phases,  et  la  conversion 
totale  ,  les  éclipses  :  elle  n'a  que  dix- 
neuf  fois  la  grosseur  de  la  terre.  Le 
veut ,  comprimé  danj  les  nues ,  pro- 
duit la  foudre  et  les  tonnerres.  La  terre 
a  la  forme  d'une  colonne  j  elle  occu[>e 
le  centre  de  l'univers,  et  voilà  pour- 
quoi elle  demeure  suspendue  sans 
tomber.  Telles  sont  les  opinions  que 
Plutarque  prête  au  disciple  de  Thaïes. 
Celles  que  lui  donne  Diogène-Laërce 
en  dilïêrcnt  un  peu.  ApoUodorc  nous 
apprend  qu'Anaximandre  mourut  peu 
de  temps  après  la  2*.  année  de  la 
58".  olympiade ,  âgé  d'environ  64 
ans.  Il  avait  été  contemporain  de 
Polycratc ,  tvran  de  Samos.  D.  L. 
AN AXl MÈNES,  fils d'Euiystrate . 
fut  le  compatriote  ,  le  disciple  et  le 
successeur  d'Anaximandre  de  Milet , 
dans  la  secte  lonicjue.  Ouelques-nus 


AN  A 

Vf  uleut  qu'il  ait  aussi  suivi  les  leçons 
de  Farmcnide.  Pline  lui  attribue  l'in- 
vention  du   gnomon ,  dont  d'autres 
font    honneur   à    son  maître.  Nous 
avons,  sous  son  nom  ,  deux  Lettres  à 
Pvthat^ore  ,  dans  l'une  desquelles  il 
déplore  la  fiu  tragique  de  Thaïes.  Ses 
disciples    les    plus    célèbres    furent 
Anaxa'j;ore  et  Diogène  -  l'Apolloniate. 
Anaxiniènes    florisjait    vers    la    56"^. 
olvmpiade;  il  est  donc  évident  qu'A- 
poUodore  et  i>aërce  se  sont  trompés 
en    fixant    sa  mort  à  l'époque  de  la 
prise  de  Sardes  :  tout  porte  à  croire 
qu'ils  ont   voulu   parler  de  la    prise 
d'Athènes  par  les  Perses ,  arrivée  l'an 
480  av.  J.-C  Lps  opinions  d'Anaxi- 
mènes  différent  de  celles  de  son  maî- 
tre. Il  regardait  r^iV  comme  le  prin- 
cipe de  toutes  choses  ;  principe  divin , 
éternel  ,  infini ,  toujours  en  mouve- 
ment. Suivant  lui ,  la  couche  extérieure 
du  ciel  est  composée  de  terre  ;  les 
étoiles  sont  des  corps  pyro-terrestres, 
soutenus  par  la   force  cxpansive  de 
l'air.  Le    soleil  est  plat  comme   une 
lame  ;  c'est  son  cours  seul  qui  déter- 
mine les  saisons.  La  terre,  également, 
est  plate  et  soutenue  par  l'air.  De  ce 
dernier  élément  sont  nés  tous  les  au- 
tres; en  lui  se  résolvent  tous  les  corps. 
D.  L. 
ANâXIMENES  ,  natif  de  Lamp- 
saque  ,  fut  un  des  historiens  les  plus 
estimés  de  l'antiquité  ;  mais  son  ou- 
vi'age  est  perdu.  Il  contenait,  en  12 
livres  ,  l'histoire  de  la  Grèce,  et  celle 
des  Barbares,  depuis  la  naissance  du 
genre  humain  ,  jusqu'à  la  moi  t  d'Épa- 
minondas.  Ennemi   de  Théopompe  , 
Ana:(imènes  avait  contrefait  son  style , 
et ,  si  l'on  en  croit  Pausanias ,  s'était 
servi  de  son  nom  ,  pour  dénigrer  les 
Athéniens ,  les  Thébains  et  les  Spar- 
tiates, afin  de  détruire  la  réputation 
de  son  rival.  Il  fut  choisi,  par  Phi- 
Lppe  de  Macédoine  ,  pour  enseigner 


A  N  A  99 

les  belles  lettres  à  son  fils  ,  et  suivit , 
dans  plusieurs  expénitions,  le  vain- 
queur de  l'Asie.  Son  adresse  sauva  sa 
patrie  de  la  colère  du  conquérant.  Ir- 
rité de  ce  que  les  habitants  de  Lamp- 
saque  avaient  embrassé  le  parti  de  Da- 
lius  ,  Alexandre  voulait  détruire  cette 
ville,  et,  prévoyant  les  sollicitations 
d'Anaximcncs  ,  il  avait  particulière- 
ment juré  de  faire  le  contraire  de  ce 
que  lui  demander  .il  son  maître.  «  Je 
»  viens  te  supplier,  seigneur,  lui  dit 
»  celui  -  ci  ,  d'anéantir  la  coupable 
»  La rap saque.  »  Lié  par  son  propre 
serment ,  Alexandre  fi:t  obligé  de  par- 
donner Anaximènes  avait  écrit  la  Vie 
de  ce  héros ,  et  celle  de  son  père  ;  mais 
le  temps  ne  les  a  pas  plus  épargnées 
que  ses  autres  ouvrages.       D.  L. 

ANaYA  MALDÔNADO  (Don 
Diego  ) ,  archevêque  de  Séville  et  de 
Tarsis,  naquit  à  Salamanque,  vers  le 
milieu  du  1 4*".  siècle  :  les  noms  d'Anaya 
et  de  Maldonado,  qu'il  portait,  appar- 
tiennent à  deux  maisons  du  premier 
rang  delà  noblesse  d'Espagne,  et  qui, 
réunies  par  des  alliances  multipUées, 
subsistent  encore  aujourd'hui,  sous  les 
titres  de  comtes  de  Villagonzalo ,  mar- 
quis de  l'Escale ,  et  de  comtes  d'Ha- 
blitas.  Don  Diego  fut  précepteur  des 
enfants  de  Jean  I".,  roi  de  Castille, 
et  il  était  évêquede  Salamanque,  lors- 
que le  schisme  de  l'égîise  fut  poussé  à 
son  comble.  Le  fameux  Pierre  de  Luna 
était  reconnu  par  les  rois  d'Espagne  et 
de  France.  Fort  de  ce  double  appui , 
rien  n'était  capable  de  le  faire  céder. 
Don  Diego  fut  envoyé  auprès  de  lui,  à 
Avignon  ,  pour  lui  confirmer  l'obéis- 
sance du  roi  d'Espagne  ,  avec  deux 
autres  ambassad<  urs.  A  son  retour  il 
fut  élevé  à  la  première  dignité  de  la 
monarchie ,  ceÛe  de  président  de  Cas- 
tille, et,  bientôt  après  ,  il  se  rendit  au 
concile  de  Constance,  en  qualité  d'am- 
bassadear,  avec  Martin  Fernaudez  de 


100  AT^A 

Cordoue.  Ce  fat  dans  ce  concile  qu'eu- 
rent lieu  de  vives  contestations  sur  la 
préséance  entre  les  représentants  des 
différentes  puissances.  L'ambassadeur 
du  duc  de  Bourgogne  voulut  disputer 
le  siège  d'honneur  à  celui  de  Castille  , 
qui  s'y  oppos.iitavec  trop  de  modéra- 
tion, au  gre  de  l'evêque  Anaya,  Celui- 
ci,  s'etant  mis  entre  les  deux  préten- 
dants, écarta  brusquement  l'envoyé  de 
Bourgogne  ,  et ,  se  tournant  vers  son 
collègue  :  «  Comme  prêtre  ,  lui  dit-il , 
»  j'ai  fait  plus  que  je  ne  devais;  à  pré- 
»  sent ,  c'est  à  vous ,  comme  gcntil- 
»  homme,  à  faire  ce  que  je  ne  puis.  » 
Nomme  à  l'evcché  de  Salamanca,  dès 
1 4o  I  ,  Anaya  exécuta  le  projet  de  fon- 
der dans  cette  ville  un  collège  destine  à 
l'enseignement  gratuit ,  et  il  consacra 
à  cet  établissement  presque  toute  sa 
fortune  ;  rien  ne  fut  épargne  pour  l'en- 
richir et  le  consolider.  Il  obtint  du 
pape  et  de  son  souverain  les  approba- 
tions nécessaires.  Ce  collège  ,  sous  le 
nom  de  Si.-Barthelemi-le-Vieux ,  a 
subsiste  avec  le  plus  grand  éclat,  jus- 
qu'à nos  jours.  Il  fut  le  premier,  de  ce 
genre ,  en  Europe.  Ce  généreux  exem- 
ple fut  imite  ,  dans  la  suite,  par  quel- 
ques autres  prélats.  Le  connétable  Al- 
varo  de  Luna  suscita  des  tracasseries 
à  Don  Diego,  au  sujet  de  ses  relations 
avec  le  pape  Pierre  de  Luna ,  et  le  fit 
suspendre  de  ses  fonctions,  pour  faire 
place  à  Don  Juan  de  Cerezucla  ,  son 
frère  utérin.  Le  souverain  pontife  eut  la 
faiblesse  de  consentir  à  dépouiller  in- 
justement cet  évêque  respectable,  pour 
complaire  au  ministre  tout-puissant 
d'un  souverain  qu'il  voulait  ménager; 
mais  Don  Diego  Anaya  ne  tarda  pas  à 
être  rétabli  sur  son  siège.  Il  mourut, 
vers  le  milieu  du  1 5*".  siècle  ,  avec  la 
réputation  d'un  protecteur  éclairé  des 
sciences  et  des  lettres.  Ruiz  de  Vergara 
a  écrit ,  en  espagnol ,  la  Vie  de  cet  il- 
lustre prélat.  J.  B.  E — d. 


ANC 

ANAYA  (Don  Pedro  ),  amiral. 
T^oy.  Annaya. 

ÂNCARANO  (Pierre-Jean),  ju- 
risconsulte et  poète  italien  ,  né  à  Reg- 
gio,  florissait  vers  le  milieu  du  16". 
siècle.  Il  publia  un  livre  de  droit  en 
deux  parties ,  sous  le  titre  de  Fami- 
liaiium  juris  Qitœstiojwm, etc.,  Ve- 
nise ,  1 569 ,  in-8".  11  parut  six  de  ses 
sonnets  dans  la  première  édition  du 
poëme  de  IMolza,  intitulé:  Ninfa  Ti- 
htTina  (la  Nymphe  du  Tibre).  Il  y  en 
a  deux  autres  à  la  louange  du  phénix , 
joints  au  poëme  de  la  Fenice,  de  Tito 
Scandiancse ,  qui  lui  dédia  cet  ouvrage, 
Venise,  i55y,  et  l'on  voit,  par  son 
épître  dédicatoire,  que  c'était  Anca- 
rano  lui-même  qui  l'avait  engagé  à 
traiter  ce  sujet.  G — e'. 

ANCARANO  (Gaspard),  prêtre 
et  poète  de  Bassano,  fit  imprimer,  en 
1 587 ,  à  Venise ,  un  recueil  intitulé  : 
Capitoli  e  Canzoni  spiriluali  sopra 
il  Pater  noster,  yive  Maria,  Credo, 
Salve  Begina ,  e  Magnificat ,  etc. , 
in-4'.  Quelques  gens  simples,  ne  sa- 
chant pas  que  les  canzoni  italiennes 
sont  des  odes ,  et  non  pas  des  chan- 
sons, ou  des  cantiques,  ont  comparé 
ce  poète  très-grave  à  notre  abbé  Pcl- 
legiin.  Gaspard  Ancarauo  a  aussi 
publié  les  Sette  Salmi  penilenziali , 
latini  e  volgari,  in  ottava  rima  j 
accompagnés  de  quelques  autres  poé- 
sies spirituelles  ,  Venise  ,  chez  les 
Juntes,  i588,  in-4".  Ou  a  encore  de 
lui  d'autres  ouvrages  du  même  genre, 
où  il  y  a  beaucoup  de  piété,  et  qui  ne 
sont  pas  dépourvus  de  poésie. 

G— E. 

ANCHARANO  (  Pierre  d'  ).  né,  vers 
i33o,  à  Bologne,  de  l'illustre  famille 
des  Farnèses ,  joignit  le  talent  de  l'é- 
loquence, la  connaissance  de  la  phi- 
losophie, et  celle  des  aflaires,  à  un 
profond  savoir  dans  le  droit,  qu'il 
ayait  «tudié  sous  Balde.  Sou  mûite  le 


ANC 

tendit  utile  à  sa  patrie,  et  lui  procura 
une  grande  considération  dans  toute 
l'Italie.  Ancliarano  professa  le  droit  à 
Padoue ,  à  Bologne ,  à  Sienne  et  à 
Feirare ,  parut  avec  distinction  au 
concile  de  Pise ,  dont  il  soutint  vigou- 
reusement la  légitimité  contre  les  am- 
bassadeurs de  Robert  de  Bavière, 
prouva  que  ce  concile  pouvait  procé- 
der  contre  Grégoii  eXlI  et  Benoît  XIII, 
et  mourut ,  dans  sa  patrie ,  en  1 4  i  o  > 
selon  les  uns,  et  en  i4^7i  selon  les 
autres.  Quant  à  la  date  de  i497i 
marquée  dans  son  épitaphe,  elle  n'est 
pas  souteuable,  à  moins  qu'on  ne 
veuille  le  fiiire  vivre  bien  au-delà  d'mi 
siècle.  On  a  de  lui  des  Commefitaires 
sur  les  D êcrétrti es ,  Bologne ,  i58i, 
in-fol.;  sur  les  Clémentines  ,  Lyon, 
1  54q  et  1 555  ;  sur  le  Digeste,  Franc- 
fort, i58i;  des  Consilia  juris ,  avec 
les  additions  de  Zancbius  ,  Venise , 
1 568,  et  d'autres  ouvrages  du  même 
genre.  Son  é])itaplic  le  qualifie  de 
Juris  canonici  spéculum,  et  cii'ilis 
arichora.  T — d. 

ANCH  AR  ANO  (  Jacquesd'  ),  nommé 
plus  souvent,  dans  les  Dictionnaires, 
Jacques  Palladijio,  et  aussi  Jacques  de 
Teramo  ou  Theramo.  (  7^^.  Teramo.) 

ANCl]ER(PiERrxE-KoFOD).ll  a  oc- 
cupé plusieurs  postes  importants  dans 
l'administration  du  Danemarck.  Vers 
la  fin  du  1 8'".  siècle ,  il  eut  le  titre  de 
conseiller  de  conférence.  On  a  de  lui 
une  Histoire  de  la  législation  da- 
noise ,  depuis  le  roi  Harald  Bld- 
iand ,  jusquau  roi  Christian  F , 
Copenbague,  1769,  3  vol.  in-8".,  en 
danois:  c'est  un  ouvrage  plein  d'une 
grande  érudition  bistorique  ,  et  digue 
d'être  extrait  par  un  jurisconsulte  pbi- 
losopbe.  Kofod  Ancher  a  publié  beau- 
coup d'ouvrages  élémentaires  sur  le 
droit  civil  et  criminel  du  Danemarck , 
qui  dillère du  di-oit  romain  en  plusieurs 
points  importants.        M — B — n. 


ANC  ^or 

ANCHÈRES  (Damel  d'  },  né  à 
Verdun  ,  à  la  fin  du  1 6''.  siècle ,  était 
jeune  encore  quand  il  fit  imprimer  , 
en  1 608 ,  à  Paris ,  chez  Jean  Micard , 
une  tragédie,  avec  des  chœurs,  inti- 
tulée :  Tyr  et  Sidon,  ou  les  Fuiiestes 
amours  de  Belcar  et  Méliane.  Cette 
pièce  fait  partie  de  son  Becueil  de 
poésies  diverses.  On  sait  très-peu 
de  particularités  de  sa  vie  :  il  était 
gentilhomme  ,  et  peut-être  était-il  at- 
taché à  la  personne  de  Jacques  P''., 
qu'il  suivit  en  Angleterre.  Beauchamp 
fait  mention  de  cet  auteur  dans  ses 
Becherches  sur  le  Théâtre  français , 
tome  II,  page  14,  de  l'édition  in-8"., 
mais  ce  qu'il  en  dit  est  assez  peu  satis- 
faisant. La  Vallière,  dans  sa  Bibl.  du 
Th.  Français  ,  tom.  l""'. ,  pag.  4^8 , 
donne  un  extrait  assez  étendu  de  la 
tragédie  d'Anchcres.  D.  Cal  met  l'a 
oublié  dans  sa  Bibliothèque  de  Lor- 
raine. W — s. 

ANCHERSEN  (  Pierre  ),  profes- 
seur au  gymnase  d'Odcnsé  en  Fionic, 
île  danoise,  a  vécu  dans  la  prciuièie 
moitié  du  18''.  siècle.  C'était  un  des 
hommes  les  plus  érudifs  de  sa  nation. 
Quoiqu'il  ne  possédât  pas  la  profOude 
critique  d'un  Langcbck,  d'un  Sulem, 
d'un  Schœning ,  ces  savants,  qui  l'ont 
éclipsé,  le  citent  avec  estime.  On  a  de 
lui:  I.  Origines  Z^an/ccP ,  Hafniae  , 
1  -^47  )  in-4"-  y  II-  Porva  Cimbrorum 
cii' ii as,  ihid.,  1746,  in-4"-;  IH-  -O^ 
Sucifis,  ibid.,  1746,  in-4".  5  IV.ZTer^ 
thedal ,  ou  la  f^allée  de  Hertha , 
ibid. ,  1 745  ;  V.  De  solduriis  ,  ibid. , 
1734,  et  plusieurs  autres  ouvrages 
historiques  et  littéraires  ,  recueillis 
en  parfie  dans  ses  Opuscula  minora^ 
édita  à  G.  Oebichs ,  Brème ,  17 "5, 
3  vol.  in-4"-,  ^"'i'  "^  f'*"t  plus  con- 
sidérer comme  des  modèles,  mais  qui^ 
à  l'époque  de  leur  publication,  avaient 
le  mérite  d'exciter  les  jeunes  gens  à  ce 
genre  de  recherches.    M— B — y. 


I03  ANC 

ANCHIETA  (Joseph  d'  ) ,  mission- 
naire portugais ,  surnomme  V Apôtre 
du  1\ ouveau-Monde ,  naquit,  en  1 555, 
dans  l'île  de  Ténériffe  ,  de  parents 
nobles  et  riches ,  reçut  une  éducation 
brillante ,  entra,  à  17  ans,  dans  l'or- 
dre des  jésuites,  et ,  animé  d'un  grand 
zèle  pour  la  propagation  de  la  foi , 
partit  pour  le  Brésil ,  en  1555,  avec 
don  Edouard  d'Acosta  ,  second  gou- 
verneur-général ,  etsixautres  religieux 
de  son  ordre.  Il  fonda ,  à  Piratiniu- 
gua,  à  la  suite  de  longs  et  pénibles 
travaux  ,  le  premier  collège  du  Brésil, 
pour  avancer  la  conversion  et  la  civi- 
lisation des  sauvages  de  cette  con- 
frée.  Les  jésuites  donnèrent  à  ce  col- 
lège le  nom  de  St. -Paul ,  qui  s'éten- 
dit ensuite  à  la  ville  qui  y  fut  bâtie. 
il  Ici ,  dit-il ,  dans  une  de  ses  lettres 
»  à  S.  Ignace  de  Loyola  ,  nous  som- 
»  mes  quelquefois  plus  de  vingt  dans 
«  une  hutte  grossièrement  construite 
»  en  terre,  couverte  de  paille ,  n'ayant 
»  que  1 4  pas  de  long  et  i  o  de  large. 
»  C'est  l'école ,  l'infirmerie ,  le  dor- 
»  toir,  le  réfectoire  et  la  cuisine.  » 
Les  sauvages  du  Brésil  et  les  créoles 
portugais  vinrent  en  foule  se  mettre 
sous  la  direction  d'Anchieta  ,  qui  leur 
enseignait  le  latin ,  et  apprenait  d'eux 
la  langue  du  pays.  Le  ])remier  ,  il  en 
composa  une  gi-ammaire  et  un  voca- 
bulaire. Travaillant  jokU"  et  nuit ,  il 
était  tout  pour  ces  nouveaux  fidèles. 
«  Je  sers  ,  écrivait-il,  de  médecin  et 
»  de  barbier ,  traitant  et  saignant  les 
»  Indiens  malades.  »  Ces  conversions 
étant  regardées  par  les  colons  portu- 
gais de  St. -André,  comme  nuisibles  à 
leurs  intérêts,  en  ce  qu'elles  tendaient 
à  détruire  res(>,!avage  ;  ils  se  réunirent 
pour  attaquer  l'établissement  de  Pi- 
f atiningua  ;  mais  Anehieta  fit  prendre 
les  armes  aux  nouveaux  convertis  ,  et 
repoussa  les  assaillan's.  Son  influence 
augmenta  sous  le  gouvernement  de 


ANC 

Memdesa  ;  et,  soutenu  par  ce  gou- 
verneur-général,  il  parcourut  les  ca- 
pitaineries du  Brésil  ,  et  s'efforça  de 
détruire  l'anthropophagie  parmi  les 
tribus  sauvages.  Durant  la  longue  et 
malheureuse  guerredcs  Portugais  con- 
tre les  Tamovos,  Anehieta,  compagnon 
fidèle  du  célèbre  Nobrega ,  prêcha  eu 
chaire  et  sur  les  places  pubUques  des 
villes  nouvellement  fondées  ,  que  les 
Bré'-iliens  avaient  parfont  l'avantage, 
parce  que  le  droit  et  la  justice  étaient 
de  leur  côté  ,  et  qu'ainsi  Dieu  les 
protégeait  visiblement  :  «  Vous  les 
»  avez  attaqués  ,  disait-il  aux  Por- 
»  tugais  ,  au  mépris  des  traites  ;  vous 
))  les  avez  faits  esclaves  contre  le  droit 
»  de  la  nature  et  des  gens  ;  vous  avez 
»  souffert  que  vos  alliés  dévorassent 
»  leurs  prisonniers  ,  etc.  »  A  la  fin, 
les  malheurs  de  cette  guerre  détermi- 
nèrent Anehieta  et  Nobrega,  de  con- 
cert avec  le  gouverneur-général,  à  aller 
se  metti'e  entre  les  mains  des  Ta- 
moyos,  dans  l'espoir  d'en  obtenir  la 
paix.  Le  danger  était  imminent;  toutes 
les  tribus  des  Tamoyos  s'éîaient  réu- 
nies pour  faire  une  attaque  générale: 
aussi ,  jamais  on  n'entreprit  une  am- 
bassade plus  périlleuse  et  plus  utile. 
Après  s'être  exposés  cent  fois  à  perdre 
la  vie  au  milieu  de  ces  anthropopha- 
ges ,  Anehieta  et  Nobrega  parvinrent 
enfin  ,  par  la  vénération  qu'ils  leur 
inspirèrent  ,  à  conclure  la  paix,  et 
leur  ambassade  fut  regardée  comme  le 
salut  des  colonies  portugaises.  Les 
Tamoyos  ,  chez  qui  Anehieta  resta 
long-temps  en  otage  ,  l'appelaient  le 
Grand  Paye  (  prêtre  des  chrétiens  ). 
Lorsque  Memdesa  ,  rassuré  sur  les 
j)rojets hostiles  des  Brésiliens,  voulut 
chasser  les  Français  de  Rio-Janéiro  , 
oîi  ils  s'étaient  établis ,  il  réclama  la 
coopération  d'Anchieta.  Ce  mission- 
naire fut  nommé,  par  Nobrega,  com- 
mandant des  ludions  convertis,  et. 


ANC 

à'etant  mis  à  leui'  tête  ,  s'embarqua 
jiour  Rio-Janciro ,  en  1 566 ,  seconda, 
avec  autant  de  coiu:age  que  de  zèle, 
Texpe'ditiou  portugaise  ,  et ,  pendant 
les  deux  années  que  dma  cette  guerre , 
vc'cut  dans   les   camps  ,  y  maintint 
l'ordre ,  et  vit  enfin  sa  constance  cou- 
ronnée par  la  prise  des  deux  forte- 
resses que  les  Français  avaient  éle- 
vées à  Rio-Janeiro  ,  et  par  l'expul- 
sion totale  des  vaincus,  11  contribua 
également,  avec  les  Indiens  conver- 
tis ,  à  la  fondation  de  la  ville  de  St.- 
Sébastien ,  maintenant  la  me'tropole 
de   l'Ame'rique   portugaise.    Anchieta 
mourut ,  en  1 397 ,  à  64  ans.  Les  Por- 
tugais et  les  sauvages  croyaient  éga- 
lement à  ses  miracles.  Les  premiers 
envoyèrent  à  Rome,  après  sa  mort, 
un  grand  nombre  de  déclarations  et 
d'attestations ,  en  demandant  qu'il  fut 
ranonise'.    Anchieta    a   compose'    un 
Poème  sur  la  rier^e,  en  5ooo  vers 
latins  ,  pour  accomplir  un  vœu  qu'il 
avait  fait  lors  de  son  ambassade  chez 
les  sauvages.  Sa  Vie  a  ètë  écrite  eu 
portugais  par  Vasconcellos,  et.  ensuite, 
par  le  P.  Sebastien  Bazeroni  de  Flo- 
rence, Lyon  ,  161 7,  in-8".      B— p. 
ANCHITÉE.  Foj:  Pausanias. 
ANCILLOiN  (David  ),  né  à  Metz, 
le  17  mars  1617  ,  d'un  habile  juris- 
consulte calviniste ,  fit  ses  premières 
e'tudes  au  collège   des  jésuites  ,   qui 
firent  de  vains  efforts  pour  l'engager  à 
changer  de  rehgion.  11  alla  étudier  en 
théologie  ,  à  Genève ,  sous  les  savants 
Spanheira  ,  Déodati  et  Tronchin ,  fut 
reçu  ministre  à  Charenton ,  en  i64r , 
rt  placé,  la  même  année,  en  cette  qua- 
lité ,  à  Meaux ,  où  il  fit  un  riche  ma- 
riage. Il  fut  appelé,  en  i653 ,  dans  sa 
patrie ,  pour  y  remplir  les  mêmes  fonc- 
tions ;  lors  de  la  révocation  de  l'édit  de 
liantes  ,  Anclllon  se  retira  d'abord  à 
Francfort ,  devint  ministre  à  Hauau  , 
d'où  la  jalousie  que  ses  collègues  con- 


ANC 


io5 


curent  de  ses  talents,  l'obligea  de  re- 
tourner à  Francfort,  et  de  là  à  Berlin , 
où  il  fut  pourvu  d'une  église ,  et  mou- 
rut,  le  3  septembre  1692.  Quoiqu'il 
eut  conservé  toute  sa  vie  uue  ardeur 
extraordinaire  pour   l'étude  ,   il  n'a 
laissé  que  peu  d'ouvrages  ,  dont  les. 
jnincipaux  sont  :  I.  Relation  fidèle 
de  tout  ce  qui  s'est  passé  dans  la 
conférence  publique   avec  M.  Bé- 
dacier  ,   évêque    d'Aost  ,   Sedan  , 
1657  ,  in-4°.  :  c'était  lui  qui  avait  eu 
cette   conférence  avec  M.  Bédacier  ; 
II.  Apologie  de  Luther,  de  Zwingle, 
de  Calvin  et  de  Bèze,  Hanau ,  1 666 , 
ouvrage  écrit  en   style  pompeux ,  et 
dans  le  goût  des  mystiques;  III.  Fie 
de  Guill.  Farel ,  ou  l'Idée  du  fidèle 
ministre  de  Christ,  imprimée,  sur  un 
manuscrit  extrêmement  défectueux ,  à 
Amsterdam,  1691,  in- 12.      T — d. 
ANCILLOIN    (  Charles  ) ,  fils   du 
précédent,  né  à  Metz,  le  28  juillet  1609, 
commença  ses  études  classiques  dans 
cette  ville,  et  alla  les  continuer  à  Ha- 
îiau.   Il   suivit   des  cours  de  droit  à 
Marsbourg,  à  Genève,  à  Paris,  où  il 
se  fit  recevoir  avocat.  Il  exerça  cette 
profession  avec  tant  de  succès ,  dans 
sa  patrie ,  que  les  réformés  de  Metz  le 
députèrent  en  cour ,  pour  représenter 
qu'ils  ne  devaient  point  être  compris 
dans  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
Tout  ce  qu'il  put  obtenir,  fut  qu'on 
userait ,  à  leur  égard  ,  d'un  traitement 
plus  doux  qu'à  l'égard  des  autres.  Peu 
satisfait  des  dispositions  de  la  cour,  il 
suivit  son  père  à  Berlin.  L'électeur  de 
Brandebourg  le  fit  d'abord  juge  et 
directeur  des  réfugiés  français  de  cette 
vilie,  puis  inspecteur  des  tribunaux  de 
justice  que  ces  mêmes  réfugiés  avaient 
en  Prusse,  enfin  ,  conseiller  d'ambas- 
sade, historiographe  du  roi,  et  surin- 
tendant de  l'école  française.  Il  avait 
été   employé   dans   des  négociations 
importantes  en  Suisse,  ayait  résida 


ie4  ANC 

quelque  temps  à  la  cour  cle  Ba^e- 
I)oiirlhan,ct  mourut  à  lîcpiiiijlc  5  juil. 
I  "y  1 5  ,  après  avoir  publié  les  ouvrages 
suivants  :  I.  Reflexions  politiques , par 
lesquelles  on  fait  voir  que  la  per- 
sécution des  réformés  est  contre  les 
véritables  intérêts  de  la  France, 
C(»logne,  i085  ,  iii-i'2  ,  ouvrage  mal  à 
propos  attribue' ,  par  Bayle,  à  Sandras- 
de  -  Courtilz  ;  1  i .  Vlrrévucahilité  de 
redit  de  Ayantes  prouvée  par  les 
principes  du  d^oit  et  de  la  politique , 
Amsterdam,  iG88,  in-iy.  ;  111.  la 
France  intéressée  à  rétablir  redit 
de  Nantes,  il.id.,  i^Qo,  iti-  i2  ; 
IV.  Histoire  de  l'établissement  des 
Français  réfugiés  dans  les  états  de 
Brandebourg.  Ijcrlin,  iGi)o,  in- 8'.  : 
c'est  un  monument  de  la  reconnais- 
sance de  l'auteur  poiu-  l'éleeteur;  Y. 
Dissertation  sur  Vusage  de  mettre 
la  première  pierre  au  fondement 
des  -^difices  publics ,  à  l'occasion  de  la 
preinière  pierre  poseV  au  temple  de 
Fre'déricstadt .  pour  les  réfugies  fran- 
çais, ibid.,  1701  ,  i!-8  .;  VI.  Dis- 
cours sur  ia  statue  érigée  sur  le 
Pont-  Neuf  de  Berlin  à  l'électeur 
Frédéric- Guillaume,  ibid.,  1705, 
in-fol.  :  c'est  une  dissertation  ,  eu  style 
oratoire,  sur  les  statues  équestres  et 
pédestres ,  où  les  éloges  les  plus  am- 
poulés siint  prodigués  à  son  liéros;  MI. 
Mélanges  critiques  de  littérature  , 
Bàle,  iOqB,  iiJ-8  .,  5  vi  1.  On  y  trou- 
ve des  remarques  utiles  et  curieuses; 
mais  le  5".  vol. ,  consacré  tout  entier  à 
l'éloge  de  sou  p(?re  et  au  sien ,  est  trcs- 
inexact.  L'auteur  désavoua  un  extrait 
donné  en  1701 ,  àRoueu,  sous  la  ru- 
brique d'Amsterdam,  eu  un  seul  vol. , 
parce  qu'on  y  avait  inséré  des  clioscs 
qui  faisaient  tort  à  la  mémoire  de  l'un 
et  de  l'autre.  Le  titre  de  l'édition  de  la 
même  ville,  en  170O,  attribue  fausse- 
ment ces  mélanges  à  Jean  Leclcrc. 
Vill.  Mémoires  concernant  les  Vies 


ANC 

de  plusieurs  modernes  célèbres  dans 
la  république  des  lettres ,  Àmstcrd. , 
1709,  in-12;  ces  Vies,  écrites  d'un 
stvle  diffus,  étaient  destinées  pour  un 
supplément  au  Dictionnaire  de  Bay- 
le .  que  Renier-Leers  se  proposait  de 
donner;  IX.  fie  de  Soliman  //,  Rot- 
terdam, 1706,  in-S".;  par  cet  ou- 
vrage, où  règne  une  grande  incorrec- 
tion de  style,  Ancillon  voulait  pres- 
sentir le  goût  du  public  sur  une  His- 
toire des  hommes  célèbres,  dont  M.  de 
Thon  a  fait  l'éloge ,  mais  elle  n'a  pas  été 
arlicvée  ;  X.  Traite  des  Eunuques , 
I70':,in-i2,  sous  le  nom  deC.  Ollin- 
can  ,  qui  est  l'anagramme  du  sien.  Il 
fut  composé  à  l'occasion  d'un  eunuque 
italien  cpii  voulait  se  marier.  L'auteur 
prouve  que  le  mariage  est  absolument 
interdit  à  ces  sortes  de  gens  :  on  y 
trouve  uneli  ttérature  variée  et  curieuse, 
mais  la  critique  en  est  fort  légère.  La 
famille  d'Ancillon  existe  encore  en 
Prusse,  où  elle  jouit  d'une  grande  con- 
sidération ,  par  les  postes  honorables 
qu'elle  V occupe,  et  par  le  succès  avec 
lequel  elle  continue  à  cultiver  les  let- 
tres. T — D. 

ANCKARSTROEM  (  Jean -Jac- 
ques ) ,  gentilhomme  suédois ,  enseigne 
des  gardes  tle  Gustave  II l ,  montra  de 
bonne  heure  des  passions  ardentes  et 
un  caractère  sombre.  Gustave  ayant 
renversé  successivement,  eu  177'!  et 
en  1  789  ,  le  pouvoir  du  sénat  et  des 
grands,  pour  gouverner  dans  toute  la 
])léuitude  de  la  puissance  royale  , 
Anckarstrcém  partagea  le  méconten- 
tement d'une  grande  partie  de  la  no- 
blesse ,  et  manifesta ,  dans  plusieurs 
circonstances,  sou  opposition  aux  vues 
du  monarque.  Il  joignit ,  à  l'aversion 
qu'il  éprouvait  déjà  pour  Gustave ,  un 
ressentiment  particulier,  à  l'occasion  de 
la  perte  d'un  procès  où  intervint  le  roi  ; 
mais  il  est  faux  ,  comme  l'ont  avancé 
quelques  biographes ,  qu'il  eût  élc  coa- 


A  N  r. 

tlamne  à  mort ,  pour  avoir  clierche  à 
livrer  la  Fini  inJc  aux  Russes,  et  que 
Gustave  lui  eût  failgi  àce.  Il  se  lia  étroi- 
ment  avec  les  nobles  Us  plus  acbarnës 
contre  la  cour  ,  et  fut  admis  clans  des 
confércuces  secrètes  ,  où  il  s'agissait 
de  rétablir  le  sénat  et  de  se  dc'nsire  de 
Gustave  ,  dont  la  mort  fiit  résolue. 
Anckarstroëra  demanda  à  porter  lui- 
même  le  coup  ;  mais  les  jeunes  comtes 
de  Ribbing  et  de  Horn  lui  disputèi  eut 
cette  horrible  mission  ,  et  il  fallut  s'en 
remettre  au  sort  ,  qui  décida  pour 
Anckarstroém.Il  fit,  avec  ses  complices 
quelques  tentatives  ,  vers  la  fin  de 
l'^gi,  pour  assassiner  Gustave,  à 
Stockholm;  mais,  ce  prince  ayant  con- 
voqué tout  à  coup  la  diète  à  Gcfle  , 
pour  le  ■i'3  janvier  1792  ,  ce  voyage 
inattendu  dérangea  le  projet  des  con- 
jurés. Cependant,  la  plupart  se  réuni- 
rent à  Gefle  ,  sans  qu'aucune  occasion 
favorisât  leur  com[)lot.  Les  décisions 
de  cette  diète  irritèrent  encore  davan-  ■ 
tage  la  noblesse  suédoise,  et  les  con- 
jurés ,  transportés  de  rage  ,  revinrent 
à  Stockholm ,  et  résolurent  d'attaquer 
Gustave  dans  un  bal  masqué  ,  la  nuit 
du  i5  mars.  Avant  de  porter  le  coup 
fatal  ,  Anckarstroëm  témoigna  à  ses 
deux  complices  la  crainte  de  se  trom- 
per, et  de  manquer  le  roi  dans  une  si 
grande  foule.  «  Tu  frapperas  ,  lui  dit 
»  le  comte  de  Horn ,  celui  à  qui  je  di- 
»  rai  :  Bonjour ,  beau  masque.  »  Ce 
fut  en  effet  sur  cette  indication  qu' Anc- 
karstroëm tira  sur  Gustave  un  coup  de 
pistolet ,  chargé  de  deux  balles  et  de 
plusieurs  clous  ,  au  moment  même  où 
ce  prince  parcourait  la  salle ,  appuyé 
sur  le  comte  d'Essen.  Gustave ,  blessé 
à  mort  ,  tomba  dans  les  bras  de  son 
favori  (  F,  Gustave  111  ) ,  et  Anckars- 
troëm se  confondit  dans  la  foule ,  après 
avoir  laisse  tomber  ses  pistolets  et  son 
poignard.  Lorsque  la  fuule  fut  sortie 
fie  la  salle ,  on  vit  à  terre  les  armes 


ANC  iô5 

d'Anckarstroëm.  Tous  les  armuriers  de 
Stockholm  furent  interrogés  ;  et  l'un 
d'eux ,  à  la  vue  des  pistolets  ,  déclara 
qu'il  les  avait  vendus  à  Anckarstroëm. 
On  al!a  aussitôt  l'arrêter  chez  lui ,  où  il 
s'était  retiré ,  et  une  commission  fut 
nommée  pour  k  juger.  Il  avait  d'abord 
pris  la  résolution  de  se  brûler  la  cer- 
velle ,  dès  qu'il  aurait  frappé  le  roi  j 
mais,  soit  qu'il  comptât  sur  l'impunité, 
soit  qu'il  manquât  de  courage  ,  il  n'at- 
tenta point  à  ses  jours.  Il  reftisa  cons- 
tamment de  nommer  ses  complices  ; 
a\  ouant  néanmoins  son  crime,  dont  il 
parut  se  glorifier.  Le  procès  fut  suivi 
avec  lenteur  ;  enfin ,  le  29  avril  i  ^gi , 
Anckarstroëm  fut  condamné  à  être  dé- 
capité ,  après  avoir  été  battu  de  verges 
pendant  trois  jours.  Traîneau  supplice 
dans  une  charrette  ,  il  jeta  des  regards 
tranquilles  sur  les  spectateurs.  Sou 
courage  parut  néanmoins  l'abandon- 
ner au  moment  de  perdre  la  vie  ,  et 
il  réclama  quelques  minutes  pour  de- 
mander pardon  à  Dieu.  Ce  régicide 
n'avait  que  55  ans  ;  il  fut  le  seul  des 
conjurés  que  l'on  condamnât  à  mort. 
Les  comtes  de  Horn ,  de  Ribbing  et  le 
colonel  Lilieuhorn  ,  furent  bannis  à 
perpétuité.  B — p. 

A ^ CONE  (  le  cardinal  d'  ).  Fof. 

ACCOLTI. 

AiNCOLTlT.  roy.  Dancourt. 

ANCi>E  (CoNCiM  CoNCiNO  ,  ma- 
réchal d'  ),  fils  d'un  notaire  de  Flo- 
rence ,  dut  son  élévation  à  sa  femme  , 
Léonore  Galigaï,  fille  de  la  nourrice 
de  Marie  de  Médicis.  Venu  en  France  , 
en  1600,  avec  cette  princesse,  Con- 
ciui ,  d'abord  simple  gentilhomme  de 
la  reine ,  s'éleva  ,  par  le  crédit  de  sa 
femme ,  à  la  plus  haute  faveur.  Ce  ne 
fut  pourtant  qu'après  la  mort  d'Henri 
JV  qu'il  put  donner  l'essor  à  son  am- 
hilion.  Devenu  nécessaire  à  la  reine, 
pendant  les  troubles  d'une  faible  mino- 
rité ,  Conciul  bouleversa  tout  dans  k 


io6  ANC 

conseil.  Il  acheta  le  marquisat  d'Ancre, 
fut  crée  successivement  premier  gen- 
tilhomme de  !a  chambre,  gouverneur 
de  Normandie ,  et  enfin ,  dit  Voltaire , 
premier  ministre  ,  sans  connaître  les 
lois  du  royaume  ,  et  maréchal  de 
France ,  sans  avoir  jamais  tire  l'épée. 
Tant  de  faveurs,  répandues  sur  un 
étranger,  alarmèrent  les  principaux 
seigneurs  du  royaume ,  et  servirent 
de  prétexte  à  leur  rébellion.  Canton- 
nés dans  les  provinces  ,  ils  déclarèrent 
la  guerre  au  premier  ministre  ;  mais 
Concini ,  devenu  le  maréchal  d'Ancre , 
assuré  de  la  faveur  de  la  reine  ,  les 
bravait  tous.  Pour  venger  l'autorité 
royale ,  ou  plutôt  pour  conserver  la 
sienne,  il  leva  'jooo  hommes  à  ses 
frais ,  ce  qui  souleva  contre  lui  toute 
la  France,  indignée  qu'un  étranger, 
venu  sans  aucun  bien  ,  eût  de  quoi 
assembler  ime  armée  aussi  forte  que 
celles  avec  lesquelles  Henri  IV  avait 
reconquis  son  royaume.  Concini,  peu 
satisfait  de  ne  laisser  à  Lous  XIII  que 
le  vain  titre  de  roi ,  et  ne  gaulant  au- 
cune mesure  avec  ce  prince,  s'assura 
de  sa  personne,  lui  défendit  de  sortir 
de  Paris,  et  réduisit  les  distractions 
qu'il  voulait  bien  lui  laisser  ,  à  la 
chasse  ,  et  à  la  seule  promenade  aux 
Tuileries.  Jouant  mi  jour  au  billard 
avec  le  roi ,  il  mit  son  chapeau  sur  sa 
tête ,  et  lui  dit  :  a  Sire  ,  votre  majesté 
3)  me  permettra  bien  de  me  couvrir.  » 
Tant  d'insolence  excita  la  haine  de 
Louis  XIII.  Le  maréchal  ne  l'ignorait 
point ,  et  disait  souvent  qu  elle  cause- 
rait sa  perte  ;  mais  il  ne  se  doutait 
guère  que  les  intrigues  d'un  jeune 
homme,  étranger  comme  lui ,  devaient 
l'amener.  Charles  Albert  de  Luines  , 
qui  devait  sa  fortune  au  maréchal, 
et  que  sa  jeunesse  mettait  à  l'abri  du 
soupçon ,  parvint  à  décider  Louis  XIII 
a  secouer  le  joug,  et  le  premier  acte 
d'autorité  d'un  prince  de  seize  ans  et 


ANC 

demi ,  anqnel  on  avait  donné  le  sur- 
nom de  Juste,  fut  d'ordonner  ra.>- 
sassinat  de  son  premier  ministre;  mais 
l'exécution  de  ce  projet  n'était  pas 
facile  ;  Luines  ,  surveillé  de  très-près  , 
n'osait  risquer  une  démarche  qui  pou- 
vait le  perdre,  si  elle  ne  réussissait 
pas.  M.  de  Maulus  ,  frère  de  Luines  , 
et  riIôpital-Vitry  ,  capitaine  des  gar- 
des ,  arrêtèrent ,  en  présence  du  roi  , 
qu'on  attaquerait  le  maréchal  dans  la 
cour  du  Louvre  ,  au  moment  où  il 
sortirait  de  chez  la  reine-mère.  Cette 
première  tentative  échoua  par  un 
malenlendn  ;  mais  ,  le  ^4  avril  1617, 
les  mesures  furent  mieux  prises  }  le 
roi,  sous  prétexte  d'aller  h  la  chasse  , 
avait  fait  monter  à  cheval  son  régi- 
ment des  gardes ,  le  seul  dont  il  pût 
disposer  pour  soutenir  l'entreprise. 
Vitry  se  rendit  au  Louvre  avec  quel- 
ques gentilshommes  qui  portaient  des 
pistolets  sous  leurs  manteaux  ,  et 
se  plaça  sur  le  pont-levis.  Le  maré- 
chal d'Ancre  y  arriva  ,  suivi  d'un  cor- 
tège assez  nombreux  ;  les  conjuiés 
laissèrent  passer  le  cortège  ;  alors , 
Vitry,  suivi  de  ses  gens  ,  s'approcha 
du  maréchal,  et  lui  dit,  en  lui  por- 
tant la  main  sur  le  bras  droit  :  «  Le 
»  roi  m'a  commandé  de  me  saisir 
»  de  votre  personne,  d  Le  maré- 
chal ,  étonné ,  dit  en  italien  :  yi  moi  ! 
mais  Vitry  ,  du  llallier ,  Perray  ,  ]^- 
«hcnt  en  même  temps  leurs  pistolets  , 
et  le  maréchal  tombe  mort  à  leurs 
pieds  :  Vitiy  cria  aussitôt  :  «  \  ive  le 
)»  roi  !  )'  Los  portes  du  Louvre  furent 
fermées ,  et  la  garde  resta  rangée  en 
bataille.  Quand  on  apprit  au  roi  la 
mort  de  son  ministre  ,  il  se  montra 
aux  fenêtres  du  palais  ,  et  cria  aux 
conjurés  :  «  Grand  merci  à  vous;  à 
M  cette  heure ,  je  suis  roi.  »  Quelques 
historiens  ont  prétendu  que  Louis 
XIII  avait  seulement  voulu  faire  ar- 
rêter le  maréchal  d'.\ucre,  et  quiluo 


AJNC 

Fut  tue  que  par  accident  ;  mais  ce  qui 
lève  tous  les  cloutes  à  cet  e'gard  ,  c'est 
que  le  roi  se  vauta  de  la  mort  du  ma- 
réchal ,  en  présence  de  toule  la  cour  , 
et  que  Vilry,  lorsqu'il  présenta  au  par- 
lement ses  provisions  de  maréchal  de 
France ,  présenta  eu  même  temps  des 
lettres-patentes  portant  aveu  du  meur- 
tre commis  sur  la  personne  du  maré- 
chal d'Ancre  ,  par  commandement  ex- 
près de  S.  M.  Ou  trouva  dans  les  po- 
ches de  Concini ,  au  moment  de  sa 
mort ,  pour  près  de  deux  millions  de 
billets  de  l'épargne,  et  de  rescrip- 
tions  ,  et  deux  millions  vingt  mille  liv, 
dans  sa  maison  ;  ce  qui  ferait  croire 
qu'il  s'attendait  à  quelque  malheur,  et 
qu'il  se  préparait  à  la  fuite.  Son  corps 
fut  enveloppé  dans  un  drap,  et  ,  vers 
minuit ,  ou  alla  l'enterrer  à  St.-Gcr- 
main-l'Auxorrois.  Le  lendemain,  le 
peuple  se  porta  à  l'église,  et ,  maigre 
la  résistance  du  clergé  ,  le  corps  fut 
exhumé,  traîné  jusqu'au  Pont-jNeuf,  et 
pendu  à  une  potence  que  le  maréchal 
avait  fait  élever  pour  ceux  qui  parle- 
raient mal  de  lui  ;  ensuite  on  le  dé- 
membra ,  on  le  coupa  en  raille  pièces  , 
et  l'on  vendit  ses  restes  sanglants,  que 
la  populace  furieuse  s'empressait  d'a- 
cheter. Le  parlement  de  Pans  pro- 
céda contre  sa  mémoire,  condamna 
sa  femme  à  être  biûlée  (  Foy  l'article 
suivant),  et  dcclaïaleur  fils  ignoble, 
et  incapable  d'occuper  aucune  place. 
On  croit  que  le  projet  du  maréchal 
était  de  se  rendre  indépendant ,  en  cas 
de  disgrâce,  et  que  c'est  dans  ce  des- 
sein qu'il  fit  fortifier  Quillebœuf ,  en 
Normandie  ,  m.ilgré  les  défenses  du 
parlement.  Il  allait  acheter ,  au  mo- 
ment de  sa  mort ,  le  comté  de  Mont- 
béliard  pour  s'y  retirer.  Il  laissa  des 
biens  immenses.  Outre  le  revenu  de 
ses  charges ,  qui  montait  à  un  million 
de  livres ,  il  avait  plusieurs  millions 
places  eu  France ,  à  i^ome  c{  à  Flo- 


ANC  107 

rence.  Une  fortune  si  considérable  ne 
pouvait  manquer  d'exciter  l'envie.  ï)es 
ennemis  ont  dîi  profiter  de  son  im- 
prudence pour  aggraver  ses  torts.  II 
a  pourtant  trouvé  des  apologistes.  Le 
mc'sréchal  d'Estrées  (  Mémoires  de  la 
Régence  de  Marie  de  Médicis  ) , 
ainsi  que  Bassompierre ,  le  disculpent 
d'une  partie  des  torts  que  lui  imputa 
une  cour  qui  avait  intérêt  à  les  exa- 
gérer, pour  justifier  la  manière  dont 
on  s'était  défait  de  lui  :  «  Concini  était , 
»  discnî-ils  ,  un  galant  homme  ,  d'un 
»  bon  jugement,  d'un  cœur  généreux, 
»  libéral  jusqu'à  la  profusion  ,  de 
»  bonne  compagnie ,  et  d'un  accès  fa- 
»  elle.  Avant  les  troubles,  il  était  aimé 
»  du  peuple  ,  auquel  il  donnait  des 
»  spectacles  ,  des  fêtes  ,  des  tournois , 
»  des  courses  de  bagues  ,  dans  les- 
»  quels  il  excellait ,  par  ce  qu'il  était 
»  beau  cavalier  ,  et  adroit  à  tous  les 
»  exercices.  Il  jouait  beaucoup,  mais 
»  noblement,  et  sans  passion.  Il  avait 
»  l'esprit  solide ,  enjoué  ,  d'une  tour- 
»  uure  agréable.  »  On  fit  paraître,  en 
I G 1 7 ,  une  tragédie  en  quatre  actes  et 
en  vers  ,  intitulée  :  le  Maréchal 
d'Ancre ,  ou  la  Ficloire  du  Phébus 
frmicais ,  contre  le  Pjihon  de  ce 
temps.  Les  stances  de  Malherbe  ,  sur 
la  chute  du  maréchal  d'Ancre , 

Va-t-fn  à  la  rcalbeure  ,  excrément  de  la  terre, 
MoDStrequi  d.ms  iapaixtaU  lc<  maux  de  i a  guerre... 

parurent  au?si  cette  même  année , 
1617  ;  les  ti'ois  dernières  sont  imi- 
tées des  vers  que  Claudien  avait  com- 
posés après  la  mort  de  Ruffin,  favori 
de  Théod.'ise.  B — y. 

A  N  C 1^  E  (  Lifo>'ORE  DoRi ,  dite 
Galigaï,  maréchale  d'),  née  dans  la 
plus  basse  classe  du  peuple;  elle  dut 
sa  fortune  au  hasard  qu'  fil  choisir  sa 
mère  pom*  nourrice  de  îMarie  de  Mé- 
dicis. Lorsque  cette  princesse  vint 
en  France,  en  1600,  pour  épouser 
Hemi  IV ,  Galigaï ,  mariée  à  Coucinj  ^ 


roS  A  N  C 

suivit  cette  princesse,  en  qualité  de 
femme  de  chambre  :  elle  prit  un  tel 
ascendant  sur  l'esprit  de  la  reine  , 
«  qu'elle  réglait  à  son  gré,  dit  Mé- 
zcvai,  ses  désirs,  ses  alTections,  et  ses 
haines.  »  Galigai  ,  vendue  aux  Espa- 
gnols, entretint  la  mésintelligence  qui 
régnait  entre  Henri  IV  et  Maiie  de 
!Médicis;  maîtresse  absolue  de  l'esprit 
de  la  reine ,  elle  réveillait  sa  jalousie 
par  de  faux  rapports ,  et  l'aigrissait  par 
ses  conseils.  Plus  d'une  fois,  ce  prince 
essaya  de  chasser  de  sa  cour  une  femme 
aussi  dangereuse  ;  mais  la  reine  n'y 
voulut  jamais  consentir,  et  Jean  de 
Médicis,  qui ,  à  la  prière  du  roi  ,  s'était 
chargé  d'une  commission  si  délicate , 
déplut  tellement  à  la  rciiic ,  par  celte 
démarche,  que,  depuis,  elle  ne  cessa 
de  le  persécuter ,  et  le  força  de  quitter 
la  France.  Après  la  mort  de  Henri  IV, 
Galigaï  ne  mit  plus  de  frein  à  son  am- 
bition ;  son  mari  fut  élevé  aux  pre- 
mières dignités  ;  et ,  disposant  elle- 
même  de  tout  dans  le  royaume,  elle 
poussait  l'insolence  jusqu'à  fermer  sa 
porte  aux  princesses  et  aux  grands 
que  sa  faveur  attirait.  Le  roi  lui-même 
n'était  point  à  l'abri  de  ses  caprices; 
un  jour  que  ce  jeune  prince  s'amusait 
à  de  petits  jeux  dans  son  appartement, 
la  maréchale  d'Ancre,  que  ce  bruit  im- 
portunait, osa  lui  faire  dire  de  cesser, 
parce  qu'elle  avait  la  migraine;  Louis, 
outré  de  son  audace ,  répondit ,  «  que , 
si  la  chambre  de  la  maréchale  était 
exposée  au  bruit,  Paris  était  assez 
grand  pour  qu'elle  pût  en  choisir  une 
autre.  »  Cependant  l'orage  grossissait 
sur  la  tète  de  deux  favoris  également 
hais  du  jeune  roi ,  du  peuple  et  des 
grands.  La  mort  de  plusieurs  person- 
nages importants,  sacriliés  à  la  ven- 
geance du  maréchal  et  de  sa  femme , 
mit  le  comble  à  la  haine  ;  enfin  ,  le 
a4  avril  1G17,  le  roi  donna  l'ordre 
4'assassiner  Gonciui ,  et  cette  raorl , 


AIS^C 
qui  devait  bientôt  entraîner  celle  de  la 
Galigaï,  ne  lui  coûta  pas  unelarme;  elle 
parut  plus  émue  lorsqu'on  lui  apprit 
que  le  cadavre  du  maréchal  avait  été' 
exhumé  et  pendu.  Néanmoins,  elle 
répéta  plusieurs  fois  qu'il  était  un  pré- 
somptuous ,  un  orgJieilloiis ,  et  qu'il 
n'avait  que  le  sort  qu'il  méritait.  Oc- 
cupée exclusivement  du  sein  de  sauver 
ses  pierreries ,  elle  les  mit  dans  un  de 
ses  matelas,  se  couciia  dessus,  et  ne 
céda  qu'à  la  violence.  Lorsque  les 
archers  ,  venus  pour  emporter  ces 
riches  dépouilles,  la  forcèrent  de  se 
lever ,  elle  refusa  long-temps  de  suivre 
ceux  qui  voulaient  la  conduire  à  la 
Bastille,  a  Ils  ont  tué  mon  mari,  di- 
»  sait-elle,  n'est-ce  pas  assez  pour  con- 
»  tenter  leur  haine  ?  qu'ils  me  laissent 
»  sortir  du  rovaumc.  »  Son  apparte- 
ment ayantété  pillé  par  lesarchers,  elle 
arriva  à  la  Bastille  dans  une  telle  dé- 
tresse ,  qu'elle  manquait  de  linge  ;  une 
femme  delà  cour  lui  envoya  deux  che- 
mises ,  et  son  fds ,  quoi:|u'il  fût  aussi 
arrêté ,  lui  fit  passer  quelques  pièces 
de  monnaie.  Le  proccs  de  la  Galigaï, 
traduite  devant  une  commission  ex- 
traordinaire ,  qui  fut  nommée  pour 
faire  le  procès  à  la  mémoire  du  ma- 
réchal ,  commença  le  5  mai  161  "j. 
Les  circonstances  en  sont  rapportées 
fort  en  détail  par  Legrain  ,  dans 
ses  Décades  de  Louis-le- Juste.  Il  est 
curieux  d'observer  que  la  favorite 
d'une  grande  reine ,  qu'une  femme 
qui  avait  tenu  en  quelque  sorte  le  ti- 
mon des  affaires ,  dont  la  cupidité  aA'ait 
rais  à  prix  les  principaux  emplois  de 
l'état,  et  dont  les  intelligences  avec 
l'étranger  pouvaient  donner  quelqiic 
apparence  d'équité  à  son  jugement; 
ne  fut  condamnée  que  comme  coupa- 
ble de  judaïsme  et  de  sortilège.  On 
passa  légèrement  sur  ce  qui  aurait  dû 
faire  l'objet  principal  du  proccs.  La 
seule  circonstance  raisomtablc  sur  la- 


ANC 

quelle  on  interrogea  Galigaï ,  fut  l'aver- 
tisseraent  (lu'elle  avait  reçu  de  la  mort 
de  Henri  IV ,  et  le  soin  qu'elle  avait 
mis  à  s'opposer  à  la  recherche  des 
auteurs  de  l'assassinat.  La  manière 
dont  elle  repoussa  ces  inculpations , 
eloigue  d'elle  et  de  la  reine  toute  idée 
de  complicité'.  Les  principales  accu- 
sations portèrent  donc  sur  le  crime  de 
sorcellei  ie,  et  les  preuves  furent  des  let- 
tres e'crites  par  sonsecre'lairc  à  un  me'- 
dccin  juif,  nomme'  Montallo.  La  Place , 
ëcuyer  de  la  mare'chale ,  soutint ,  de- 
vant les  juges,  que,  depuis  l'arrive'c 
de  ce  juif  italien  à  la  cour ,  elle  avait 
cesse'  d'aller  à  la  messe ,  et  qu'elle  s'a- 
musait à  faire  de  petites  boules  de  cire 
qu'elle  avait  l'habitude  de  porter  à  sa 
bouche.  Son  carossier  déposa  qu'il 
l'avait  vu  sacrifier  un  coq  dans  une 
église,  à  minuit,  et  le  procureur-ge'- 
ne'ral  prouva  ,  par  divers  passages 
des  livres  juifs,  que  cette  oblation 
d'un  coq  était  une  pratique  tout-à-la 
fois  juive  et  païenne.  Enfin  on  ajouta 
encore  à  ces  ridicules  témoignages , 
que  la  maréchale  ,  superstitieuse  au 
point  qu'elle  ne  voulait  pas  que  cer- 
taines personnes  la  regardassent  , 
disant  qu'elles  allaient  l'ensorceler , 
consultait  souvent  ,  sur  le  sort  de 
son  fils,  une  femme  nommée  Isa- 
belle, regardée  comme  sorcière.  Ces 
révélations  lui  furent  imputées  à  crime. 
Des  As,nus  Dei,  des  images  que,  dans 
la  faiblesse  qu'elle  avait  de  se  croire 
ensorcelée,  elle  regardait  comme  des 
préservatifs  contre  le  pouvoir  du  dé- 
mon, servirent  de  témoignages  contre 
elle.  On  crut  découvrir  dans  quelques 
livres he'br eux,  saisis  dans  sou  cabinet , 
le  moyen  dont  elle  s'était  servie  pour 
obtenir  un  si  grand  ascendant  sur  les 
volontés  de  la  reine.  Interrogée  sur  ce 
point,  elle  répondit  :  «  Mon  sortilège 
»  a  été  le  pouvoir  que  doivent  avoir 
n  les  âmes  fortes  sur  les  esprits  fai- 


A  N  G  1 09 

»  blés.  »  Quelques  juges  eurent  assiz 
d'équité  et  de  lumières  pour  ne  pas 
opiner  à  la  mort;  Orlando  Pagen ,  l'un 
des  deux  rapporteurs ,  refusa  de  signer 
l'arrêt  que  Courlin ,  vendu  à  Charles 
de  Luiues  ,  lui  présenta  ;  cinq  juges 
s'absentèrent,  d'autres  conclurent  au 
bannissement;  mais  le  reste,  entraîne 
par  le  préjuge  public ,  par  l'ignorance , 
et  surtout  par  les  instigations  de  ceux 
qui  voulaient  recueillir  les  dépouilles 
du  maréchal  et  de  sa  femme ,  signèrent 
l'arrêt  de  mort,  et  il  fut  prononcé ,  le 
8  juillet  1617,  devant  une  foule  im- 
mense ,  venue  pour  examiner  la  con- 
tenance de  cette  favorite,  naguère  toute- 
puissante.  Galiga'i ,  pendant  cette  lec- 
ture, baissa  la  tête,  et  voulut  d'abord 
s'envelopper  de  ses  coiffes  ;  mais  on 
la  contraignit  d'entendre  ,  à  visage  dé- 
couvert, l'arrêt  qui  la  condamnait  à 
être  briîlée.  Pour  en  suspendre  l'exé- 
cution ,  elle  déclara  qu'elle  était  en- 
ceinte ;  mais  on  lui  remontra  que , 
d'après  les  dépositions  qu'elle  avait 
faites  pendant  son  séjour  à  la  Bastille, 
el!e  ne  pouvait  être  dans  cet  état  sans 
avoir  manqué  à  son  honneur.  Cette 
objection  l'empêcha  d'insister  :  elle  re- 
prit son  courag^e ,  et  se  résigna  à  la 
mort.  Traîiiéeau  supplice  le  jour  même 
de  sa  condamnation  ,  elle  passa  au  mi- 
lieu d'un  peuple  nombreux,  que  sou 
malheur  commençait  enfin  à  toucher; 
elle  vit  sans  effroi  les  flammes  qui  al- 
laient dévorer  son  corps,  a  Intré- 
»  pide,  mais  modeste,  ditAnquetil, 
»  elle  mourut  sans  bravade  et  sans 
»  frayeur.  »  On  fît,  sur  sa  mort,  une 
tragédie  en  4  actes  et  en  vers,  intitu- 
lée :  la  Magicienne  étrangère.  Cette 
pièce,  imprimée  à  Rouen ,  en  1617, 
n'est  qu'une  satire  grossière.  Une  des 
singularités  de  la  destinée  de  la  maré- 
chale d'Ancre  ,  c'est  qu'elle  fut  le  pre- 
mier mobile  de  la  fortune  du  cardinal 
de  Richelieu.  (  F.  RicajatiEu).  B — r. 


110  ANC 

ANCUS  MARTI  US,    4"-    roi   de 
Rome  ,  était  petit-fils  de  Numa  ,  par 
Pompilie ,  fille  de  ce  prince.  Après 
un  court  interrègne  qui  suivit  la  mort 
de  ïullus  Hostilius ,  il  fut  élu  ,  l'an 
1 1 5  de  Rome  (  64 1  avant  J.-C  ).  En 
montant  sur  le  trône,  il  annonça  des 
dispositions  pacifiques,   et  s'appliqua 
à  remettre  en  honneur  les  cérémonies 
religieuses.  Les  Latins  ,  qui  désiraient 
tirer  avantage  de  la  mort  de  son  pré- 
décesseur ,  l'obligèrent ,  par  une  atta- 
que soudaine ,  à   prendre  les  armes. 
Après  leur  avoir  déclaré    la  guerre, 
avec  les  cérémonies  prescrites  par  Nu- 
ma ,  Ancus  ^Lirtius  prit  Politorinin. 
Tellène  et  Ficcne  ,   villes  ,  ou  ,  pour 
mieux  dire  bourgades,  dont  il  serait 
aujourd'hui  impossible  de  déterminer 
la  situation  ,  mais  qui  étaient  peu  éloi- 
gnées de  Rome,  et  vers  l'embouchure 
du  Tibre  ;  il  les  détruisit,  et  en  trans- 
porta à  Rome  les  habitants ,  auxquels , 
par  une  sage  ])olitique ,  il  accorda  le 
droit  de  cité.  LesLatinstentèrentdese 
venger  ;  mais  Ancus  les  défit  en  ba- 
taille rangée.  Les  Fidéuates,lesVeïens, 
les  Sabins  et  les  Volsques  ,  ne  furent 
pas  plus  heureux.  Il  prit  la  ville  du 
premier  de  ces  peuples ,  en  pratiquant 
des  chemins  sous  terre ,   gcnie  d'at- 
taque dont  l'histoire  de  Rome  fait  ici 
mention  pour  la  première  fois.  Ayant 
ensuite  vaincu  deux  fois  les  Véiens  , 
Ancus   obtint  du  sénat  les  honneurs 
du  triomphe.  Sous  son  règne,  le  mont 
Aventin  et  le  mont  Janicule  furent  en- 
fermés dans  l'enceinte  de  Rome.  Pour 
joindre  le  Janicule  à  la  ville,  dont  il 
était  la  citadelle,  Ancus  fit  construire 
surleTibre  le  pont  Sublicius.  Il  fit  bâtir 
une  prison  dans  la  place  pubhque  ;  le 
port  et  la  ville  d'Ostie  lui  doivent  leur 
origine.  Il  fit  creuser  des  salines,  et 
en  distribua  le  se!  au  peuple  :  ce  fut 
l'origine  des  libéialites  publiques ,  con- 
nues dans  la  suite  sous  lenomdeco«- 


AND 

^laria.  Au  nombre  des  monuments 
publics  élevés  par  ses  ordres ,  on  doit 
placer  le  temple  de  Jupiter  Férétrien , 
l'aqueduc  magnifique,  dit  de  ÏAqua 
Mania ,  qui ,  dans  la  suite ,  ne  suf- 
fisant pas  aux  besoins  de  Rome  ,  fut 
augmenté  par  le  préteur  Q.  Martius 
rcx ,  l'u!!  des  descendants  de  ce  prince. 
Ancus  Martius  raouiut  après  un  règne 
de  2'j.  ans.  Plutarque  préfend  que  sa 
mort  fut  viole: ite  ;  mais  les  autres 
historiens  ne  partagent  point  cette 
opinion.  Il  laissa  deux  fils ,  dont  l'aîné 
était  âgé  de  i  5  ans  ,  et  leur  donna 
imprudemment  pour  tutevu"  Tarquin , 
nouvellement  établi  à  Rome.  Si  l'on 
en  crovait  Denvs  d'flalicarnasse ,  An- 
cus IMartius  n'aurait  obtenu  que  par 
un  crime  le  pouvoir  suprême.  Cet  his- 
torien dit  qu'il  avait  exterminé  Tullns 
Hostilius  avec  toute  sa  famille  ,  lors- 
que ce  prince  offrait  un  .sacrifice  do- 
mestique. D — T. 

AN  DEÇA,  roi  des  Suèves  en  Espa- 
gne, enleva  la  couronne  à  Ebonc,vers 
l'an  585  ,  et  s'affermit  sur  le  tronc  en 
épousant  Segonce,  belle-mère  d'Eboric, 
qu'il  relégua  ensuite  dans  un  monas- 
tère, après  lui  avoir  fait  raser  la  tète, 
ce  qui,  selon  l'usage  des  Suèves,  la 
rendait  inhabile  au  gouvernement.  An- 
deca  ne  jouit  pas  long-temps  de  son 
usurpation.  Leovigilde  ,  roi  des  Yisi- 
goths  ,  ayant  tourné  ses  armes  contre 
les  Suèves,  les  défit,  entra  dans  Bra- 
gue  ,  capitale  du  royaume  ,  déposa 
Andeca  ,  qu  il  fit  ordonner  prêtre  ,  et 
le  relégua  à  Badajoz,  où  il  mourut 
peu  de  temps  après.  Le  royaume  des 
Suèves  devint  une  province  des  Goths 
en  584  1  après  avoir  existé  pendant 
un  siècle  et  demi.  Il  s'étendait  sur  la 
Lusilanic  et  sur  la  Galice.  B — p. 
ANDEIRO  (don  Juan -Ferdi- 
nand), favori  de  la  reine  de  Portugal, 
Eléonore-Tellez,  entra  de  bonne 
heure  au  service  du  roi  Ferdinand. 


AND 

Exilé,  en  1370,  il  passa  en  Angleterre, 
y  jouit  de  la  faveur  du  comte  de  Cam- 
bridge ,  et  reçut ,  de  Ferdinand,  l'ordre 
secret  d'engager  la  cour  de  Londres  à 
former  une  ligue  avec  le  Portugal 
contre  la  Castille.  Andciro  réussit, 
revint  à  Lisbonne,  en  i58o,  et  rendit 
compte  au  roi  du  succès  de  sa  négo- 
ciation. Ferdinand  ,  pour  mieux  ca- 
cher ses  desseins ,  le  (it  enfermer  dans 
la  tour  d'Estremos ,  où  il  allait  sou- 
vent l'entretenir  en  secret,  accompa- 
gne' de  la  reine  Ele'onore.  Quelquefois 
même  cette  princesse  s'y  rendait  seule, 
par  ordre  du  roi.  Se'duile  par  i'esprit 
et  les  grâces  d'Andeiro,  elle  oublia 
bientôt  avec  lui  sa  dignité  et  son  de- 
voir. La  négociation  avec  l'Angleterre 
ayant  été  réglée  entre  le  roi  et  le  fa- 
vori, celui-ci  sortit  de  sa  prison,  et 
Ferdinand,  voulant  encore  user  d'ar- 
tifice ,  l'exila  de  nouveau  avec  éclat, 
pour  mieux  cacher  le  but  d'un  second 
voyage  à  Londres.  Andciro  reparut 
bientôt  en  Portugal,  avec  une  expédi- 
tion anglaise  :  la  reine  le  fit  créer 
comte  d'Ourem  et  grand  de  Portugal , 
et  il  fut  chargé,  par  Ferdinand,  d'ajier 
offrir  la  main  de  sa  fiile  Béatrix  au  roi 
de  Castille.  De  retour  à  Lisbonne,  il 
se  vit  au  comble  de  la  faveur ,  et  ne 
racTia  plus  sa  passion  pour  la  reine.  Le 
roi,  éclairé  enfin  sur  celte  intrigue,  allait 
s'en  venger,  lorsque  la  mort  l'en  empê- 
cha ;  mais  la  perte  d' Andcno  n'était  que 
différée.  La  reine ,  qui  s'était  erajiaré 
de  la  régence,  avait  fait,  de  son  amant, 
l'arbitre  du  Portugal.  Les  grands  , 
indignés,  se  liguèrent  contre  lui,  et 
le  grand-maître  d'Aviz,  frère  bâtard  de 
l'infant  don  Juan ,  s'étant  mis  à  leur 
tête  ,'pénétra  dans  le  palais  de  la  reine, 
avec.  -25  hommes  armés,  et  poignarda 
Andeiro  ,  le  6  décembre  1 383  ;  il 
chassa  ensuite  la  reine ,  et  s'empara  de 
J'autorité  (f^pj.  Tkllez  (Eléonore), 
et  Jfan  1"='.  ).  B — p. 


AND  III 

ANDELOT.  Foj.  Dandelot  et 

COLIGNI. 

ANDERSON ,  ou  ANDREA  (Lau- 
rent), chancelier  de  Gustave  Vasa, 
né  en  Suède ,  en  i48o,  fut  d'abord 
prêtre  à  Strengnes,  et  devint  ensuite 
archidiacre  à  Upsal.  Ayant  reçu  de  la 
nature  des  taleuts  supérieurs  ,  il  les 
avait  cultivés  par  l'étude ,  et  se  distin- 
guait surtout  par  une  grande  facilité  à 
développer  ses  idées,  avec  autant  de 
clarté  que  d'élégance.  Des  voyages  en 
divers  pays ,  et  un  séjour  à  Rome ,  lui 
avaient  donné  la  connaissance  des  hom- 
mes et  des  affaires.  Lorsque  les  dogmes 
de  Luther,  qu'il  avait  appris  càconnaîti'e 
à  Wittenberg,  se  furent  répandus  en 
Suède ,  il  les  recommanda  fortement 
à  Gustave  Wasa ,  qui  venait  de  mon- 
ter sur  le  trône,  et  devint  le  mobile 
principal  de  la  révolution  qui  chan- 
gea la  croyance  religieuse  des  Suédois. 
Le  roi  lui  donna  toute  sa  confiance, 
suivit  le  plan  qu'il  traça,  et  le  nomma 
son  chancelier.  Ce  fut  lui  qui,  à  la 
diète  de  Vesteras,  eu  1527,  "islgréla 
forte  opposition  du  clergé  et  de  plu- 
sieurs grands  du  royaume,  décida  les 
états  à  publier  le  recez  qui  mettait  les 
intérêts  de  l'Eglise  à  la  disposition  du 
roi.  Des  incidents ,  dont  les  mémoires 
du  temps  n'indiquent  pas  clairement 
la  marche  ,  entraînèrent  ensuite  le 
chancelier  dans  le  parti  des  mécon- 
tents. Instruit  d'une  conspiration  con- 
tre Gustave ,  il  n'en  avait  pas  donné 
connaissance  ,  et ,  le  roi  l'avant  accusé 
devant  les  états ,  il  fut  condamné  à 
perdre  la  vie.  Il  parvint  cependant  à 
la  racheter  par  une  somme  d'argent, 
et  se  retira  à  Strengnes  ,  où  il  mourut 
en  1 55*2.  Il  donna  la  première  traduc- 
tion du  Noui>eau  Testament  en  lan- 
gue suédoise.  C'était  un  chef-d'œuvre 
pour  le  temps  ;  mais  le  style  en  a 
vieilli ,  et  d'autres  traductions  l'ont 
remplacée.  C — au. 


lia  AND 

ANDERSON  (  sm  Edmund  ) ,  ju- 
risconsulte anglais,  ne  vers  l'an  i54o , 
à  Broughton ,  ou  à  Fiixborougli ,  dans 
le  comte'  de  Lincoln ,  fut  nommé  chef 
juge  de  la  cour  des  plaids  communs , 
sous  le  règne  d'Elisabeth;  place  qu'il 
conserva  sous  le  règne  de  Jacques  F"". 
C'était  un  homme  plein  d'érudition  et 
de  lumières ,  mais  qui  porta ,  dans 
l'administration  de  la  justice,  une  ex- 
cessive sévérité.  Il  fut  un  des  com- 
missaires nommés  pour  faire  le  procès 
il  la  reine  d'Ecosse ,  et  l'un  des  juges 
qui  condamnèrent  Davison,  secrétaire 
d'Elisabeth ,  accusé  d'avoir  fait  hâ- 
ter sans  autorité  l'exécution  de  la 
reine  Marie.  Ce  procès  présente  quel- 
ques circonstances  lemarquables,  qui 
font  connaître  l'influence  que  le  pou- 
voir exerçait  sur  l'administration  de 
la  justice.  Elisabeth  voulait  affaiblir , 
aux  yeux  des  peuples,  l'iniprcssion 
de  pitié  que  faisait  généralement  la 
condamnation  de  l'infortunée  Marie, 
et  cherchait  même  à  faire  croire  qu'elle 
n'était  pas  éloignée  de  lui  accorder  sa 
grâce.  Davison,  homme  vil  et  cor- 
rompu ,  n'avait  fait  vraisemblablement 
que  se  conformer  aux  intentions  de  sa 
maîtresse,  en  envoyant  l'ordre  d'exé- 
cuter la  sentence  ;  il  fut  cependant 
mis  en  jugement  pour  avoir  donné  cet 
ordre ,  a  contre  le  commandement  de 
»  la  reine,  et  sans  sa  participation.  » 
Dans  l'instruction  du  procès,  l'un  des 
juges  exalta  beaucoup  la  clémence 
d'Elisabeth,  et  blâma  fortement  Da- 
vison, d'en  avoir  arrêté  les  effets  par 
son  imprudente  précipitation  ;  celui-ci 
se  défendit,  en  disant  qu'il  avait  fait 
une  chose  juste,  quoique  d'une  ma- 
nière qui  ne  l'était  pas  :  Justum  sed 
non  juste.  Cette  distinction  ,  très- 
propre  à  faire  condamner  un  innocent 
ou  absoudre  un  coupable  ,  suivant 
l'occasion  ,  fut  admise  par  le  tribunal. 
Davison  fut  condamne  à  payer  une 


AND  / 

amende  de  10,000  liv.  sterl, ,  et  h 
être  emprisonné  tant  qu'il  plairait  à 
la  reine.  On  conçoit  que  la  détention 
ne  fut  pas  longue ,  et  que  l'amende  ne 
tomba  pas  à  sa  charge.  Audersou  dé- 
ploya un  zèle  actif  contre  toutes  les 
sectes  sépai-ées  de  l'Eglise  anglicane , 
et  surtout  centre  les  Brovvnistes,  en- 
vers lesquels  il  fut  qaeîqfiefois  injuste. 
Ses  ouvrages  sont:  1.  Jugemenls  ren- 
dus sons  le  règne  de  la  reine  Elisa- 
beth,parlii  cour  de  Common-Bench, 
Londres ,  1 64  4  ^  in-fol.  ;  II.  Décisions 
et  Jugements  des  tribunaux  de  JVest- 
minster,  rendus  dans  les  dernières 
années  du  règne  d^ Elisabeth,  Lon- 
dres, iG53,  in-4  '.  11  mourut  eu  iGo5. 
S— D. 

ANDERSON  (Alexandre),  ne  à 
Aberdeen,  en  Ecosse,  professait  les 
mathématiques  à  Paris  ,  au  commen- 
cement du  l'j^.  siècle.  Il  était,  à  ce 
qu'il  paraît  ,  un  ami  ou  disciple  de 
Viette,  dont  il  publia  quelques  ouvra- 
ges posthumes.  Il  possédait  fit  bien, 
dit  Montucla,  l'aualysc  ancienne,  ce 
dont  il  donna  un  essai  dans  son  Sup^ 
plementum  jîpollonii  redii'iv>i,  i  (i  i  u, 
in-4  '• ,  où  il  supplée  ,  en  effet ,  ce  que 
Ghetaldi  avait  laissé  d'incomplet  dans 
son  ouvrage.  A.  B — t. 

ANDKRSON  (  Robert  ) ,  simple  fa- 
bricant d'ctofl'es  de  soie,  à  Londies, 
au  milieu  du  17''.  siècle,  publia,  en 
anglais,  deux  ouvrages  de  géométrie, 
plus  qu'élémentaires  ,  dit  Montucla  :  I. 
Propositions  stéréométriques  ,  ap- 
plicables à  divers  objets  ,  mais  spé- 
cialement destinées  au  Jauseatre  , 
1GG8,  in-8'.  ;  II.  \e  Jaugeage  perfec- 
tionné,  pour  servir  de  supplément 
aux  Propositions  stéréométriques  , 
i66(),  in-S"^.  A.  B — T. 

AÎNDERSON  (  Jean  ) ,  médecin  an- 
glais ,  né  vers  l'année  17^6  ,  membre 
des  sociétés  royales  de  Londres  et  d'E- 
tliiûbouig ,  a  occupé  pendant  4 1  •'*ns 


AND 

ia  cLaire  de  professeur  de  pliilosopliie 
naturelle  à  l'uni versité  de  Glascow.  Il 
est  auteur  de  plusieurs  ouvrages  utiles, 
parmi  lesquels  on  distingue  ses  Instî- 
tiilions  de  médecine  ,  dont  eincj  édi- 
tions ont  été'  publiées  de  sou  vivant, 
il  mourut  en  1 79^  ,  âgé  de  70  ans. 

X N. 

ANDERSON  (  George  ) ,  né  à  Tun- 
dern  ,  dans  le  duché  de  S(  hlesvvig ,  au 
commencement  du  I']^  siècle.  11  n'a- 
vait point  fait  d'études  ,  mais  ses  dis- 
positions naturelles,  et  une  mémoire 
prodigieuse  lui  firent  acquérir  un  sa- 
voir étonnant.  Il  voyagea  eu  Orient,  de- 
puis l'an  i6'|4i"^'^!'^''^'  l'*'^  i65o,  par- 
couiiit  d'aîjord   l'Arabie  ,  la   Perse, 
rinde ,  la  Chine  ,  le  Japon  ,  et  revint 
par  la  Tartarie ,  la  Perse  septentrio- 
nale ,  la  Mésopotamie ,  la  Sy ne  et  la 
Palestine.  A  son  retour,  il  entra  au  ser- 
vice du  duc  de  Flolstein-Gottorp,  qui , 
n'ayant  |)u  l'engager  à  écrire  une  rela- 
tion de  ses  voyages  ,  le  faisait  venir 
chaque  jour  dans  son  cabinet ,  et  s'en 
entretenait  une  heure  avec  lui ,  tandis 
qu'Adam  Oléarius,  caché  derrière  une 
tapisserie  ,  écrivait  à  la  hâte  ce  que  di- 
sait Anderson.  Le  duc  obtint  enfin  du 
voyageur  qu'il  rédigeât  lui-même  cette 
relation,  et  elle  fut  publiée  à  Schleswig , 
en  1OG9,  P"*'"  Ole'arius  ,  sous  ce  titre  : 
fielatinn  des  yoyages  en  Orient ,  de 
George  Anderson  et  de  f^olg.  Iver- 
se?is ,  iu-fol.  (eu  allemand  ).       G — t. 
A  N  D  E  R  S  0  N  (  .Jean  ) ,  juriscon- 
sulte ,  né  à  Hambourg ,  le  1 4  mars 
iG74'  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Leipzig ,  à  Halle  et  a  Leyde  ,   il  fut 
fait ,  eu  1709.,  secrétaire  du  conseil  de 
Hambourg;  syndic  en  1 708,  et  bourg- 
mestre en  1725.  Il  remplit  plusieurs 
n)issions  pour  les  affaires  de  sa  ville 
natale  ,  où  il  mourut ,  le  5  mai  1 745. 
Ses  principaux  écrits  sont:  l.  Des  ren- 
seignements sur l^ Islande,  le  Groen- 
land et  le  détroit  de  Davis  (  eu  alle- 


AND  ii5 

raand  ) ,  imprimés  après  sa  mort ,  eu 
1 746 ,  et  précédés  d'une  notice  sur  sa 
vie;  la  traduction  française,  parSeIhus, 
parut  sous  le  titre  d'//t5to/re  naturelle 
de  V Islande,  etc.,  1704,  2  vol.  iu- 
1 2;  11.  Glossarium  teutonicum  et  ale- 
manicum ,-  III.  des  Observations  phi- 
lologiques et  physiques  sur  la  Bible 
(en allemand),  il  a  laisséen  manuscrit  : 
Obsen>utiones  juris  germanici ,  ad 
dnclwn  elemenlorum  juris  germa- 
nici Heineccii.  G — t. 

A  N  !  »  E  R  S  0  N  (  Adam  ) ,  écrivain 
écossais  ,  qui  vivait  dans  le  18".  siècle. 
11  fui  premier  commis  d'i»n  bmreau  de 
finances  ,  et  occupa  quelques  autres 
places  à  Londres.  On  a  de  lui  un  sa- 
vant ouvrage  sur  l'histoire  du  com- 
merce ,  intitulé  :  Historical  and  chro- 
nological  déduction  of  trade  and 
comjnerce.  La  première  édition  parut 
en  I  762.  H  y  en  a  eu  plusieurs  autres  ; 
la  dernière  est  de  j8oi  ,  en  4  vol.  in- 
4".  ,  très-bien  exécutée.  L'auteur  est 
mort  en  1775.  X — N. 

ANDElRbON  (Jacques),  agricul- 
teur anglais,  né  en  1739,  à  Hermis- 
ton,  près  Edimbourg,  d'une  famille 
qui  cultiva ,  pendant  plusieiu'S  géné- 
rations, le  même  fonds  de  terre.  Ses 
amis  voulurent  le  détourner  de  faire 
de  longues  études,  pour  succéder  à 
ses  parents  ,  qu'il  venait  de  perdre 
très-jeune;  mais ,  après  avoir  lu  Y  Essai 
de  Hume  sur  VAe^riculture ,  et  n'avoir 
pu  le  comprendre  ,  à  cause  de  son 
ignorance  dans  la  chimie,  il  se  dé- 
termina à  suivre  le  cours  de  Cullen  ; 
et  bientôt  il  s'établit,  entre  le  maître  et 
l'élève ,  une  intimité  qui  ne  cessa  qu'à 
la  mort  du  profcs.«>cui .  Les  conseils 
d'un  tel  maître  lui  furent  utiles,  non 
seulement  pour  la  chimie  ,  mais  pour 
plusieuis  autres  sciences  ;  l'étude  u© 
lui  fit  pas  négliger  les  soins  de  la 
ferme  qu'il  dirigeait ,  dès  l'âge  de  1 5 
ans  y  scccudc  par    quatre  sœurs  aj- 

8 


ii4  AND 

uëes.ll  trouvait  même  encore  le  temps 
d'écrire  sur  l'agriculture.  L'uulversite 
d'Aberdeen  lui  envoya ,  sans  qu'il  les 
eût  sollicités,  les  diplômes  de  maître- 
ès-arts  et  de  docteur  en  droit.  En 
1785,  Auderson  se  rapprocha  d'E- 
dimbourg ,  pour  suivre  l'éducation 
de  ses  fils.  La  même  année  ,  l'Ecosse 
lui  eut  l'obligation  d'avoir  employé 
tous  les  moyens  imaginables  pour 
diminuer  la  disette  ;  l'Angleterre  lui 
doit  aussi  l'amélioration  des  pêches 
qui  se  font  au  nord  de  l'Ecosse.  En 
1797  ,  Andersou  vint  habiter  les  en- 
virons de  Londres  ,  où  il  lia  un  com- 
merce étroit  avec  les  savants  de  cette 
ville  ,  et  devint  membre  de  la  société 
royale  j  mais,  en  1802  ,  il  se  retira 
dans  la  solitude ,  ne  s'occupant  plus 
que  du  jardinage.  Il  y  termina  sa  car- 
rière ,  en  1808  ,  âgé  de  soixante-neuf 
ans.  Ses  principaux  ouvrages ,  en  an- 
glais, sont  :  L  Essais  sur  lesylanta- 
iions,  1 77  I  ,in-8". , imprimés  d'abord 
dans  le  TVeekly  magazine  d'Edim- 
l)ourg;  IL  Essais  sur  l'apiculture , 
!'}-■'],  5  vol.  in-8"  ,  oii  l'on  trouve 
une  méthode  de  dessécher  les  terrains 
marécageux,  réimprimée  en  1797? 
ÎII.  Observations  sur  les  moyens 
d' exciter  r industrie  nationale ,lLii\m- 
bourg  ,  1777,  in -4".  J  IV.  Relation 
de  l'état  actuel  des  Hébrides  et  de 
In  côte  occidentale  de  l'Ecosse , 
Edimbourg,  1 785,  in-8  '.;  V.  Recher- 
ches sur  les  troupeaux  et  l'améliora- 
tion des  laines ,  publiées  à  la  suite 
d'un  ouvrage  du  proiesseur  Pallas, 
sur  les  races  de  brebis  de  la  iUissie  , 
in-8". ,  et  analysées  dans  la  Biblioth. 
l/fitawiique deGme\e',  YI.  l'abeille, 
journal  hebdomadaire  estimé  ,  dont 
Auderson  est  le  fondateur,  et  dans  le- 
quel il  signait  ordinairement  Senex  , 
Timothj  Hairhrain ,  .ilcibiades  ; 
Edimbourg,  1788  et  suiv. ,  18  vol. 
in-8'.;  VU.  Récréations ,  journal 


AND 

consacre  princij)alement  àl'agricultn;  e 
et.à  l'histoire  natvuelle,  i7()9ct  suiv., 
G  vol.  in-8".  ;  Vlll.  Correspondance 
avec  le  général  JVashington^  suivie 
bientôt  après  des  Recherches  sur  la 
rareté  des  grains  ;  IX.V  Encyclopédie 
biitannique,  1778  ,  contieut ,  entre 
autres ,  un  article  sur  les  vents  appelés 
moussons  ,  dans  lequel  Andersou 
prédit,  avant  le  retour  de  Cook ,  le 
résultat  d'une  des  découvertes  de  ce 
navigateur  au  Sud.  Le  Weekly  ma- 
gazine d'Edimbourg,  et  le  Monthly 
Rewiew  sont  enrichis  d'un  grand 
nombre  de  ses  articles  signés  Agrico- 
la,  Timoléon^  Gennanicus ,  Ciinon, 
Scoto  -  Britannus  ,  E.  Aberdeen  , 
Henry  Plain  ,  Impartial ,  a.  Scot. 
Les  Mémoires  de  la  société  de  Bath, 
contiennent  aussi  plusieurs  ^Mémoires 
d'Anderson  sur  l'économie  rurale. 
]]— R.  )^ 
ANDERTON  (Jacques),  habile 
conlrovcrsiste  anglais ,  natif  de  Los- 
tock,  dans  la  province  de  Lancastre, 
a  vécu  à  la  fin  du  i6^  et  au  commen- 
cement du  17'',  siècle.  Il  était  simple 
laïque,  et  possédait  une  fortune  consi- 
dérable en  fonds  de  terre.  Pour  se  met- 
tre à  l'abri  des  lois  pénales  de  son  pavs. 
contre  les  catholiques ,  il  se  déguisa , 
dans  tous  ses  ouvrages,  sous  le  nom  de 
Jean  Brereley.  Le  principal,  celui  qui 
fit  le  plus  de  sensation,  est  intitulé  : 
Apologie  des  Protestants  pour  la  re- 
ligion romaine,  1604,  in-4".  Le  but 
en  est  de  prouver  la  vérité  de  la  re- 
ligion catholique ,  par  le  témoignage 
même  des  auteurs  protestants ,  dont  il 
rajiporte  les  passages  avec  la  plus  scru- 
puleuse exactitude.  Cet  ouvrage  fut 
regardé,  par  ses  propres  antagonistes, 
comme  un  chef-d'œuvre  d'érudition  , 
de  raisonnement,  et  de  précision, 
écrit  avec  une  politesse  et  sur  un  ton 
de  modération  ,  cpii  n'avaient  pas  en- 
core eu  d'exemple  dans  ecs  soi  tes  d< 


AND 

controverses.  Banckroft,  arclievcqce 
de  CaiitorLcry,  alarme  de  reifet  qu'il 
fit  dans  le  public  ,  chargea  le  savant 
docteur  iMuitou  ,  cliapeîaiu  du  roi , 
depuis  e'vètjue  de  Durhain  ,  d'y  ré- 
pondre. C'est  ce  que  celui-ci  fit  par 
son  Ajjpel  aux  Catholùjues  ,  pour 
les  Protestants,  1606  j  mais,  au 
lieu  de  discuter  les  faits  et  les  pas- 
sages rapporte's  parAnderton,  il  cher- 
cha à  user  de  re'criiuinatioii  contre  les 
catholiques,  en  voulant  s'auloiiser de 
leurs  écrivains  en  faveur  de  la  re- 
ligion protestante.  ]\ïalheureusenieiit , 
les  auteurs  dont  il  invoquait  les  té- 
moignages ,  se  trouvaient  être  des 
gens  décries  pour  la  singularité  des 
leurs  0])inions ,  ou  démentis  par  ceux 
de  leur  comnuuiion  ,  ou,  enfin,  les 
passages  allégués  ne  roulaient  que  sur 
des  choses  peu  import.intes.  D'au- 
tics  controversistes  se  mirent  sur  les 
rangs  ,  et  ne  furent  pas  plus  heureux. 
Anderton  leur  répondit  d'une  manière 
pe'remptoire  ,  dans  les  notes  mises  à 
la  seconde  édition  de  son  livre  ,  en 
1 608  :  c'est  sur  cette  seconde  édition 
que  fut  faite  la  traduction  latine,  par 
Guillaume  Reyner ,  docteur  de  Paris , 
161 5.  Anderton  a  donné  plusieurs 
autres  ouvrages  estimés  ,  du  même 
genre  ,  dont  les  principaux  sont  :  une 
Explication  de  la  Liturgie  de  la 
Messe,  sur  le  sacrifice  et  la  présence 
réelle,  en  latin,  Cologne,  j6'.40, 
in-4". ,  et  la  Pieligion  de  S.  Augus- 
tin ,  1G20  ,  iu-8'. ,  où  il  applique  la 
méthode  du  saint  docteur  dans  les 
controverses ,  à  celles  qui  existent 
entre  les  callîoiiques  et  les  protestants. 
' —  Laurence  Anderton  ,  de  la  même 
])rovince ,  et  peut-être  de  la  même 
famille,  après  avoir  embrassé  la  reli- 
;..'ion  catholique,  se  distingua  chez  les 
iisaites ,  par  ses  talents  pour  la  pré- 
dication et  pour  la  controverse.  On  a 
de  lui  :  la  Frogéniiure  des  Calho- 


A  :\  D  I  î  5 

lifjues  et  des  Protestants ,  Rouen  , 
i(jj2,  in -4"-;  la  Trip/e  Corde  ^ 
St-Omer  ,  1 654  >  i»-4'''        1" — d. 

ANDIER,  graveur.  /^.  Desroches. 

ANDJOU  (le  nabab  Farhr,  ed- 

DYN    HaÇAN   Dje'mAL  ,    ED-DYN    Ho- 

CEiN  ),  auteur  de  la  préface  du  Fcr- 
hang  djthdnguyiy ,  tl  l'un  des  prin- 
cipaux collaborateurs  de  ce  célèbre 
Dictionnaire  persan ,  commencé  par 
ordre  du  grand-moghol  Akbar ,  pen- 
dant son  séjour  au  Kachemyr,  et  ter- 
miné sous  le  règne  de  son  fils  Djihàn- 
gnyr.  Cette  dernière  circonslauce 
valut  ,  à  ce  monarque  ,  l'honneur 
d'avoir  donné  sou  nom  à  un  ouvrage 
do  la  plus  himte  importance,  parfai- 
tement exécuté,  et  qui  doit  èti'e  réel- 
lement placé  au  nombre  des  plus  beaux 
monuments  liltéraiics.  Dans  la  pré- 
face ,  qui  est  à  la  fuis  bien  faite  et 
extrêmement  curieuse  ,  Andjou  len J 
com])te  du  travail  qu'exigea  la  com- 
position de  ce  Dictionnaire.  11  donne 
les  titres  de  quarante-quatre  autres 
qui  furent  mis  à  contribution ,  sans 
parler  des  ouvrages  anonymes ,  des 
nombreux  commentaires  persaus  du 
Koràn ,  des  annales  et  des  histoires  , 
du  livre  Zend  et  du  Pazend ,  d'uu 
grand  nombre  de  traités  particuliers 
dont  la  nomenclature  serait  trop  lon- 
gue pour  trouver  place  ici;  sans  ou- 
blier les  poèmes  et  recueils  de  poésies 
dont  les  auteurs  ont  écrit  en  slvle  fi- 
giué.  a  Enfin ,  ajoute  Andjou,  j'ai  pris 
»  beaucoup  de  peines  et  lu  beaucoup  de 
»  livres  arabes  et  pehlvy.  »  Le  diction- 
naire est  divisé  en  24  chapitres ,  con- 
formément aux  lettres  de  l'ancien  al- 
phabet persan ,  avec  une  préface  et 
douze  traités  généraux  [aj-'in)  sur 
ré:riture  persaune  et  sur  la  grammaire 
de  cette  langue  ;  un  glossaire  des  mots 
particuliers  au  livre  du  Zend,  et  un 
recueil  de  mots  composés,-  forment 
ce  que  les  Arabes  et  ks  Persans  uom- 

8.. 


iiG  AND 

inrntlecoiQpîëment^A/m'?/me70.C''tte 
partie  manque  dans  la  plupart  des 
copies  du  FiThaw^  Djihanguyr}%qui 
fut  terminé  l'an  i  o  i  7  de  l'iiég.  (1608-9 
de  J.-C  ) ,  comme  le  princ  ipal  rédac- 
teur l'a  indiqué  dans  cet  licmisticlie  : 
Voici  le  Dictionnaire  de  Noàr  ed- 
dvn  Djikdnguyr.  Le  total  de  la  valeur 
Buméiique  des  lettres  qui  composent 
cet  hémistiche,  est  i  o  1  -j,  nombre  cor- 
respondant à  l'année  de  l'hégire  où 
Touvrage  fut  terminé.  L'impression 
de  ce  Dictionnaire,  avec  de  courtes 
notes  ,  serait  un  important  service 
rendu  aux  orientalistes  d'Europe.  La 
Bibliothèque  impériale  possède  deux 
exemplaires  du  Ferhan^  Djilidn^iy- 
ry\  d'uneérriture  passable, mais  on  ne 
trouve,  dans  aucun  d>s  deux,  le  com- 
plém'^nt  dont  j'ai  pailé.         L — s. 

ANDL()(  l*jKRi(E  d'),  jurisoonsn'te 
rt  professeur  à  lîàle ,  fut  recteur  de 
l'université  en  1471-  La  bibliothèque 
tle  Bàle  conserve  qirclques-uns  de  ses 
manuscrits,  et  l'ouvrage  qu'il  a  écrit 
«"U  1 460  ,  sous  le  titre  ;  Ve  imperio 
Bomano,  RepscL-^Ui^usti  creationc, 
inaiitiuralione ,  administratinne  et 
cfficio ,  jurihus ,  ritihus  et  cerimn- 
niis  electornni  aliisque  itnperii  par- 
tibiis,  a  été  imprimé  à  Sira^^bourg  , 
en  i(»o3eten  iGii,ii!-4'.  Ona  aussi 
de  lui ,  en  allemand  ,  une  Chvonitpte  ^ 
depuis  la  création  du  moudc  jusqu'à 
ï'au  i4oo.  l' — I. 

A^DOCIDR,  fds  de  Léogoras,  né 
à  Athènes,  l'an  4^8  avant  .L-C ,  e'iait 
d'une  des  principales  familles  de  cette 
ville,  et  descendait,  disait -on,  de 
Mercure.  Léogoras ,  son  bisaïeul ,  com- 
manda ,  avec  Chabrias  ,  les  ti  oupes 
que  les  Athéniens  envoyèrent  contre 
Pisistrate.  Andocidc  se  mêla  de  bonne 
lieure  des  affaires  publiques,  et  fut 
l'un  de  ceux  qui  négocièrent,  vers  l'an 
ij  '1'»  avant  J.-C,  avec  les  I>acédémo- 
Biï'us,  la  paix  de  Ircule  ans  qui  prc- 


AND 

céda  la  guerre  du  Péloponnèse.  Quel- 
que temps  après,  il  eut,  conjointement 
avec  Glaucon  ,  le  commandement  de 
vingt  vaisseaux  ,  qne  les  Athéniens 
envoyaient  au  secours  des  Coreyrc'ens 
contre  les  Corinthiens.  Ses  liaisons 
avec  Alcibiade,  et  d'autres  jeunes  gens, 
le  firent  accuser  d'avoir  profané  les 
mvstères  d'Eleusis ,  et  d'avoir  contri- 
bué à  la  mutilation  des  Hermès;  il  se 
tira  d'affaiie  en  accusant  plusieurs  pei  - 
sonnes  ,  du  nombre  desquelles  était 
Léogoras  son  père,  qu'il  parvint  ce- 
jK-nrlant  à  sauver.  Dégoûté  des  affaiies 
publiques,  il  se  livra  au  commerce,  et 
alla  dans  l'île  de  Chvpre  auprès  d'Eva- 
goras,  roi  de  Salamine.  On  l'accusa  de 
lui  avoir  livré  la  fille  d'Aristid(;,  qu'il 
avait  enlevée  à  Athènes,  fl  revint  dans 
cette  ville  pendant  la  tvrannie  des 
quatre  cents,  qui  le  mirent  en  prison; 
mais  il  ne  tut  pas  condamné.  Exilé 
par  les  trente  tvrans ,  il  se  retira  dans 
l'Elide ,  et  retourna  à  Athènes ,  lorsque 
le  peuple  eut  repris  !e  dessus  :  on  renou- 
vela contre  lui  l'accusation  d'impiété, 
mais  il  parvint  encore  à  échajqier  à  la 
condamnation.il  fit  un  second  vovage 
dansl'îledeChvpre.d'oîiil  fitvenirdes 
blés  pour  les  Athéniens.  Le  reste  de  sa 
vie  nous  est  inconnu.  Nous  avons  qua- 
tre Discours  qui  lui  sont  attribués.  Le 
premier,  sur  les  mystères,  et  le  se- 
cond, au  sujet  de  son  retour,  sont 
bien  certainement  de  lui  ;  mais  il  n'en 
est  pas  de  même  des  deux  autres.  Le  T 
troisième  fut  composé  pour  décider  ! 
les  Athéniens  à  ratifier  la  paix  avec 
les  Lacédémonions  ,  négociée  par  An- 
talcidas  ,  l'an  38n  avant  J.-C. ,  mais 
Andocide  avait  alors  quaire-vingt-uu 
ans,  âge  auquel  on  ne  se  mêle  guère 
des  allaires  publiques.  Et ,  comme  il 
y  est  question  dans  ce  discours  d'une 
paix  négociée  par  Andocide,  grand- 
père  de  l'orateur ,  l'an  44^  av.  J.-C,  il 
est  probable  qu'il  est  d'un  troisième 


AND 

Ajidociile,  petit-fils  de  c^lui  dont  nous 
pillions.  Ou  lUt  an  4*^-  discours,  contre 
Alcibiade,  au  sujet  de  1  oslr.icisme ,  d 
f  st  évident,  connue  l'avait  de'jà  obser- 
ve Taylor,  que  ce  discours  n'est  pas 
d'Andocide.  On  peut  voir  ce  que  j'ai 
dit  à  ce  sujet  dans  mes  notes  sur 
Piiitarque,  de  la  traduction  d'Amyot, 
tome  V,  page  4^^  et  suiv.  Les  dis- 
cours d'Andocide  se  trouvent  dans  les 
O ratures  grœci  veleres.  H.  Stepha- 
nus,  ij-jS  ,  in-fol. ,  et  dans  ceux  de 
lieiske.  L'abbé  Auger  les  a  traduits 
f'u  français  dans  le  recueil  intitulé: 
les  Orateurs  athéniens,  Paris,  i  -jq'j, 
in-8".  La  simplicité  est  le  principal 
caractère  de  l'éloquence  d'Andocide; 
il  n'a  pas  de  grands  mouvements  ora- 
toires, mais  d  plaît, par  cela  même 
qu'il  montre  moins  de  prétentions. 

C— R. 

ANDOQUE  (Pierre),  et  non  AN- 
DROQLJE,  comme  on  l'a  dit,  conseil- 
ler au  présidial  de  Béziers,  mort  en 
i6G4  ,  a  laissé  :  L  Histoire  du  Lan- 
guedoc ,  ai'ec  l'état  des  provinces 
voisines,  Béziers,  1623,  1648,  in- 
fol.  Toiles  sont  les  deux  dates  que 
donne  à  cet  ouvrage  la  seconde  édi- 
tion de  la  Bibliothèque  historique  du 
P.  Lelong.  Nous  n'avons  vu  que  l'édi- 
tion de  I  BîJB  ;  on  croit  qu'il  n'en  existe 
pas  de  i6i5.  Cette  liistoirc  va  jusqu'en 
1 6 1  o.  IL  Catalogue  des  éve'ques  de 
Béziers  j  i65o ,  in-4''.  Ce  catalogue  va 
jusqu'en  iG5o.  W — s. 

ANDRADA  (Antoine),  né  vers 
l'année  1  .'58o,  entra  iort  jeune  dans  la 
compagnie  de  Jésus,  et  se  distingua 
par  un  zcle  infatigable ,  dans  les  mis- 
sions des  Indes  et  de  la  Tatarie.  Si  la 
religion  lui  doit  beaucoup,  la  géogra- 
phie lui  doit  aussi  une  découverte  im- 
portante. En  i6i4,  il  pénétra  dans  le 
Thibet,  probablement  visité  dans  le 
i5'.  siècle,  par  Marc  Paul,  mais,  de- 
puis, totalemeuî  oublié  des  Européens. 


AND  1,7 

De  retour  à  Goa,  ses  supérieurs  l'em- 
])lovèrent  dans  plusieurs  allaires  im- 
portantes. Il  mourut  empoisonné,  le 
1(3  mars  iG34-  La  relation  de  sou 
voyage,  qui  parut  à  Lisbonne,  (u 
1G26,  et  dans  laquelle  il  confond  le 
pays  qu'il  avait  parcouru  avec  le 
Cathay  (  la  CLine  ) ,  prouve  que  ses 
connaissances  sur  les  contrées  de  I» 
haute  Asie  n'étaient  pas  très-ctcndues, 
11  est,  d'ailleurs,  très-diH"n iie  de  dé- 
mêler la  vérité,  au  milieu  des  fables 
qu'il  débite  sur  le  Tbibct  ;  il  était  ré- 
servé à  l'Anglais  Turiier  de  lever  une 
grande  partie  du  voile  qui  a  long-temps 
couvert  l'antique  patrie  du  grand  La- 
ma. Le  Fojage  d' Amlrada  a  été  tra- 
duit en  français  ,  Paris,  1628  ,  in-8". 
MM.  Pérou  et  Billecocq  en  ont  donne 
une  nouvelle  traduction,  dans  un  Re- 
cueil de  Fojages  au  Thibet ,  Paris , 
179G,  in- 18.  L.  R — E. 

ANDRADA  (Diego  Payva  d'), 
théologien  portugais,  né  en  i5'28,  à 
Coimbre.  11  était  fils  du  grand  trésorier 
du  roi  Jean.  Sou  goût  le  porta  d'abord 
vers  les  missions  ;  il  avait  même  com- 
mencé à  s'y  livrer,  lorsque  le  roi 
don  Sébastien  l'envoya  au  concile 
de  Trente,  où  il  parut  avec  distinc- 
tion. De  retour  eu  Portugal,  d  y  mou- 
rut,  en  là-jS.  Ses  ouvrages  sont: 
L  Orlhodoxarum  quœstionum  libri 
X,  etc. ,  contra  Kemnitii  petulantetn 
audaciam,  Venise,  i5()4,  in-4 '•?  édi- 
tion rare  ,  et  plus  correcte  que  celic 
de  Cologne ,  in-8  '.,  de  la  même  année. 
Le  premier  livre ,  qui  est  une  apologie 
des  jésuites,  fut  imprimé  l'année  sui- 
vante, à  Lyon.  II.  Defensio  Trid. 
Jîdei  libri  FI  adi'ersùs  hcereticor. 
detestabiles  calumnias  ,  Lisbonne  ^ 
i5'j8,  in-^".  ,  lare  et  recherchée; 
Cologne,  i58o,  in-8\  Le  6'.  livre» 
qui  traite  de  la  concupiscence  et  de  l;v 
conception  immaculée  de  la  Sainte- 
Vierge,  est  le  plus  curieux ,  à  caiis^. 


1 1 8  A  ?<:  D 

de  la  dircrsite  des  nombreux  senli- 
mcRts  que  rauteiir  y  rapporte.  III.  De 
conciliorum  autontate.  Cet  ouvrage 
fut  bien  reçu  à  Rome,  parce  qu'An- 
drada  v  donne  une  grande  extension 
à  l'autorile  du  pape.  IV.  Sept  volumes 
de  Sermons,  ci  quelques  autres  écrits. 
Andrada  e'tail  un  liorarae  d'esprit  et 
d'une  grande  application  ;  il  a  su 
éviter  la  sécheres-e  scholastique,  par 
la  vivacité'  et  l'éicgancc  de  ses  ou- 
vrages. Ce  qu'il  dit ,  dans  les  deux 
premiers,  en  faveur  des  sages  du  paga- 
uisrae,  auxquels  il  attribue  la  foi  «|ui 
fait  vivre  les  justes,  et,  par  consé- 
quent, le  salut,  a  été  souvent  cité  par 
les  apologistes  de  Zwingle ,  sur  cet  ar- 
ticle. Lcibnitz  ne  manque  pas  non  plus 
de  s'en  prévaloir.  —  Diego  eut ,  pour 
frères ,  François  d  Andrada ,  conseiller 
et  hisîoriograplie  de  Philippe  111,  au- 
teur d'une  Histoire  de  Jean  III,  roi 
de  Portugal,  Lisbonne,  1 5->,3,  in-4''-i 
et  de  quelques  autres  ouvrages;  et 
Thomas  d'Andrada,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Thomas  de  Jésus  ,  réfor- 
mateur des  Auguslins  déchaussés.  Il 
suivit  le  roi  Sc'bastien ,  dans  la  malheu- 
reuse expédition  d'Afrique.  Il  fut  ra- 
cheté, et  eut  la  liberté  de  retourner 
dans  son  pays  ;  mais  il  préféra  rester 
dans  les  fers,  pour  soutenir  et  encou- 
rager ses  compagnons  d'infortune  , 
employant,  à  les  soulager,  les  sommes 
d'argent  que  la  comtesse  de  Lignarcs, 
sa  sœur,  et  le  roi  d'Espagne,  lui  fai- 
.«aient  passer  pour  son  usage.  C'est 
dans  cet  état  qu'il  mourut,  en  1582  : 
il  est  auteur  d'im  livre  plein  d'onc- 
tion ,  intitulé  les  Soufjrances  de  Jésus, 
composé  dans  sa  prison,  traduit  en 
français,  i  vol.  in-i2.— Diego,  fils 
de  François,  mort  en  i  G6o,  à  8  +  ans, 
est  avantageusement  connu  en  Portu- 
gal, par  un  poëme  en  douze  livres, 
sur  le  siège  de  Chaou! ,  et  ])ar  la  criti- 
que d"i  premier  volume  de  la  ?Jonay~ 


AN  D 

chie  portugaise,  de  Bernard  Biiîo  , 
qui  lui  avait  été  préféré  pour  l'emploi 
de  bibliothécaire  du  roi.  Cet  ouvrage, 
qui  parut  sous  le  titre  d'Examen  des 
antiquités  de  Portugal,  i  vol.in-4"., 
est  d'une  critiq;:e  saine  et  approfondie. 
Le  même  a  encore  donné,  en  i()5o  , 
son  Casajnento  perfeclo,  ou  le  Par- 
fait MaJ'iage  :  livre  d^une  bonne  mo- 
rale ,  assez  bien  écrit ,  et  qui  a  eu  de 
nombreuses  éJilions.  T — d. 

ANDRADA  (Hyacintde-Freire  d'}, 
né  à  Beja ,  vers  l'an  1^97  ,  d'une  an- 
cienne famille  de  Portugal ,  se  distin- 
gua de  trts-bonne  heure  dans  l'uui- 
ATrsité  de  Coiiiibre;  il  y  fit  même  im- 
primer, sous  le  titre  de  Traduction  , 
un  écrit  espagnol,  pour  défendre  les 
droits  de  la  maison  de  Bragance.  Son 
mérite  le  mit  01  fiveur  à  la  cour  d'Pls- 
pagne.  Le  duc  d'O'ivarès  l'admit  à  sa 
confiance,  prit  ses  conseils  dans  les 
affaires  importantes,  et  lui  fit  obtenir 
la  riche  abbaye  de  Sainte-Mai ic-des- 
Champs.  Ces  bienfaits  n'enipêcluTent 
pas  Andrada  de  soutenir,  devant  le  mi-- 
nistre  favori,  que  le  roi  d'Espagne 
n'avait  d'autre  droit  sur  le  Portugal 
que  celui  de  la  force  et  de  l'usurpation. 
11  composa  même  un  écrit  en  faveifi' 
de  Catherine ,  duchesse  de  Bragance. 
Cette  franchise  l'aurait  fiit  arrêter, 
sans  la  précaution  qii'il  prit  d'aller  se 
cacher  dans  son  abbaye.  Jean  IV,  re- 
monté sur  le  trône  de  ses  ancêtres,  lui 
offrit  d'être  précepteur  du  prince  de 
Brésil,  et  le  nomma  à  l'évêché  de 
Viseu.  Andrada  refusa  le  premier  em- 
ploi ,  parce  qu'il  n'espérait  pas  tiref 
beaucoup  d'hoimeur  d'un  tel  élève,  et, 
le  second,  parce  qu'il  prévovait  que  le 
pape,  qui  ne  reconnaissait  pas  le  non- 
veau  roi  ,  lui  refuserait  ses  bulles. 
Quelques  mécontentements  qu'il  eut 
de  la  cour,  l'obligèrent  de  se  retirer  à 
son  abbaye;  mais  l'ennui  l'en  ayant 
cfcas5c.  après  un  assez  long  séjour,  il 


AND 

revint  se  fixer  à  Lisbonne,  où  ii  ter- 
mina sacanière,  en  lôâ-j.  Andrada 
était  d'an  caraclèrc  libre ,  gai  et  léger, 
qui  le  faisait  aimer  dans  la  société ,  et 
qui  nuisit  à  sa  fortune.  Il  avait  cora- 
posé  un  livre  sur  la  Trinité,  et  une 
Fie  de  don  Juan  de  Gaslro ,  vice- 
roi  des  Indes,  qui  périrent  dans  l'in- 
cendie de  sa  maison.  La  Vie  qu'il  nous 
a  donnée  de  ce  vice-rui,  n'est  que  l'a- 
brégé de  celle  qui  fut  brûlée  j  elle  passe 
jiour  l'ouvrage  le  mieux  écrit  qu'on 
ait  en  portugais.  Le  P.  dcl  Rotto  l'a 
traduite  et  puliliée  en  latin,  à  Rome. 
Le  peu  de  poésies  latir»es  que  nous 
avons  de  cet  autour ,  se  trouve  dans 
le  Fenix  Renacidœ  :  elles  brillent  par 
leur  élégance. — Gomez  Freire  d'An- 
DRADA,  son  neveu,  mort  général  de 
cavalerie,  avait  composé  une  Histoire 
du  Maragnon  ^  qui  n'a  point  été  im- 
])rimée,  et  qui,  dit-on,  méritait  de 
l'être.  —  Andrada  (  Alphonse d' ),  né 
à  Tolède,  en  logo,  axait  déjà  ensei- 
gné la  philosophie  dans  cette  ville, 
quand  il  entra  dans  l'ordre  des  jésui- 
tes ,  en  1O22.  Il  y  professa  la  théolo- 
gie morale,  etc.,  et  mourut  à  Madrid, 
le  20  juin  1G72.  11  a  publié,  en  es- 
pagnol, un  grand  nombre  d'ouvrages, 
Sont  les  principaux  sont  ;  ï.  Itinéraire 
historique  ,  Madrid  ,  1637  ,  '2,  vol, 
in-4".  ;  II.  Méditations  pour  tous 
les  jours  de  l'année,  1660,  4  vol. 
in- 16;  III.  P'ies  des  Jésuites  illus- 
tres ,  1666  et  1667  '  ^  ^°'"  iîi'folio; 
IV.  une  traduction  des  cinq  Li%>res 
nscétiques  du  cardinal  Bellarmin , 
i65o  ,  in-8°.  On  trouve  la  liste  de  ses 
autres  ouvrages  dans  la  Bibl.  Script. 
Societ.  Jesu.  T — d. 

ANDR AGATHE,  né  sur  les  bords 
duPont-Euxin,  commandait,  en  585, 
duis  les  Gaules,  la  cavalerie  de  Maxi- 
me, lorsque  ce  rebelle  entreprit  de  se 
i'.iire  coinomier  empereur;  Andraga- 
the,  digne  ministre  d'un  tel  maître, 


AND 


ïiO 


«vaut  appris  que  l'erapcrenr  Gratien, 
trahi  et  fugitif,  approchait  de  Lyon , 
courut  à  sa  rencontre ,  enfermé  dans 
une  litière  ;  le  malheureux  prince  pa- 
rut bientôt  sur  l'autre  bord  du  Rhône  j 
Andragathe  lui  fit  dire  que  sa  femme 
Lacta  venait  le  joindre  pour  partage  r 
ses  infortunes;  Gratien  se  hâta  de  tra- 
verser le  fleuve;  mais,  à  peine  eut-il 
mis  le  pied  sur  la  rive,  qu' Andragathe 
s'élança  de  sa  litière  et  le  poignarda. 
Ce  récit  n'est  cepeft^ant  pas  confirme 
par  tous  les  auteurs  (  ^.  Gbatie.n). 
Quoi  qu'il  en  soit,  Andragathe  s'attacha 
étroitement  à  la  fortune  de  Maxime, 
et ,  lorsqn'en  587 ,  ce  dernier  voulut 
envahir  tout  l'empii-e  d'Occident  , 
et  passa  les  Alpes  pour  combattre 
Théodose,  Andragathe  fut  chargé  de 
défendre  l'entrée  de  l'Italie  par  les 
Alpes-Juliennes  ;  mais  Maxime  le  tira 
bientôt  de  ce  poste  important,  pour 
l'envoyer,  avec  sa  flotte,  à  la  poursuite 
de  Valeutinien.  Andragathe  chercha 
vainement  ce  jeune  prince  sur  les  mers 
d'Italie  et  de  Grèce;  il  essuya  un  échec 
sur  les  côtes  de  Sicile,  et  se  hâta  de 
faire  voile  pour  AqaileV,  afin  de  se 
réunir  à  Maxime.  Ce  fut  dans  ce  trajot , 
qu'il  apprit  la  défaite  et  la  mort  du 
tyran ,  dont  il  avait  partagé  les  crimi- 
nels projets.  N'espérant  plus  de  par- 
don pour  lui-même,  il  se  précipita 
dans  la  mer,  en  588.       L — S — e. 

ANDRÉ  (  S.  ) ,  apôtre ,  frère  de  S. 
Pierre.  L'un  et  l'autre  étaient  de  Beth- 
saïde  ,  et  exerçaient  le  métier  de  pé- 
cheurs à  Capharnaiira.  André  s'attacha 
d'abord  à  S.  Jean-Baptiste  ;  il  fut  le 
premier  disciple  que  J.-C.  se  choisit  , 
et  se  trouva  aux  noces  de  Cana ,  quoi- 
que iS.  Epiphane  dise  le  contraire.  Les 
deux  frères  étaient  occupés  à  pêcher , 
lorsque  le  Sauveur  leur  promit  de  les 
faire  pécheurs  d'hommes  ,  s'ils  vou- 
laient le  suivre.  A  l'instant,  ils  qnittèrer.l 
leurs  filets,  et  s'attachèrciU  irrc'voca- 


1*20  AND 

bleinent  à  sa  personne.  J.-C,  ayant  , 
l'année  suivante  ,  forme  le  collège  des 
apôtres  ,  ils  furent  mis  à  la  tête  des 
autres ,  et  eurent ,  peu  de  temps  après , 
le  bonheur  de  recevoir  J.-C.  chez  eux , 
à  Capbarnaiim.  André  ne  paraît  plus 
dans  l'Évangile ,  que  pour  indiquer  les 
cinq  pains  et  les  deux,  poissons  ,  dont 
5,000  personnes  furent  miraculeuse- 
ment nourries  .  et  pour  faire  à  J.-C.  la 
question  sur  l'époque  de  la  ruine  du 
temple.  Les  événements  relatifs  à  ce 
disciple,  deviennent  incertains  après  la 
mort  de  son  maître ,  parmi  les  anciens; 
les  uns  le  renvoyent  porter  la  lumière 
tie  l'Évangile  dans  la  Scytbie  et  la 
Sogdiane  ,  les  autres  ,  dans  différentes 
contrées  de  la  Grèce ,  et  lui  font  su- 
bir le  martyre  à  Patras ,  capitale  de 
l'Achaie ,  sans  pouvoir  en  fixer  l'épo- 
que ;  les  Moscovites  sont  persuadés 
qu'il  annonça  la  foi  dans  leur  pays  ; 
l'opinion  commune  est  que  cet  apôtre 
fut  crucifié.  Les  peintres  donnent  à  sa 
croix  une  forme  différente  de  celle  de 
J.-C.  ,  et  la  représentent  en  forme 
d'un  X ,  quoique  celle  qu'on  prétendait 
conserver  à  S.  Victor  de  Marseille ,  ne 
différât  point  de  la  croix  du  Sauveur 
du  monde.  Philippe,  duc  de  Bourgogne 
et  de  Brabant ,  avait  obtenu  et  trans- 
porté à  Bruxelles  une  partie  de  cette 
croix.  II  a  couru  ,  dans  les  premiers 
temps  de  l'église,  un  faux  Evangile  sous 
le  nom  de  cet  apôtre.  Nous  avons  en- 
core aujourd'hui  des  actes  qui  portent 
son  nom,  et  qui  n'en  sont  pas  pour  cela 
plus  authentiques  ,  quoiqu'ils  soient 
regardéscorarae  tels  par  Baronius  et  le 
P.  Alexandre.  Les  Ecossais  honorent 
S.  André  comme  le  principal  patron 
de  leur  pays.  T — D. 

ANDRÉ  (S.),  d'Avclin  ,  clerc  régu- 
lier théatin  ,  né,  en  i5'2i ,  à  Castro- 
Nuovo,  dans  le  royaume  de  Naples, 
prit  le  bonnet  de  docteur  en  droit, 
exerça  la  profession  d'avocat  dans  la 


AND 

cour  ecclésiastique  de  Naples  ,  qu*3 
quitta  pour  se  consacrer  entièremenî 
à  la  pénitence  dans  la  congrégation 
des  théatins.  La  réforme  qu'il  intro- 
duisit dans  quelques  communautés  re- 
ligieuses, lui  suscita  beaucoup  de  con- 
tradictions ,  au  milieu  desquelles  il 
mourut,  en  1608  ,  épuisé  de  fatigue  et 
de  vieilles^e.  Il  fut  canonisé ,  en  i  ■]  1 2 , 
par  Clément  XI.  La  ville  de  Najiles  et 
la  Sicile  l'ont  choisi  pour  un  de  leurs 
patrons.  Ses  OEiwres  de  pieté  ont  élé 
imprimées  eu  5  vol. ,  Naples ,  i  ■;  55  - 
34.  Nous  avons  encore  de  lui  des  Let- 
tres intéressantes^  Naples  i  -j  52,  '^  vol. 
in-4".  T — D. 

ANDRÉ  I". ,  roi  de  Hongrie,  était 
prince  du  sang  royal  ,  cousin  de 
S.  Etienne  ,  fils  aîné  de  Ladislas-le- 
Chauve  ,  et  concurrent  de  Piene  P''. , 
^\tV Allemand  ;  il  fut  forcé,  ainsi  que 
ses  frères  Bêla  et  Levrntlia  ,  de  quitter 
la  Hongrie,  et  de  se  réfugier  en  lîussie, 
à  l'avènement  de  ce  prince ,  l'an  i  o44« 
Rap]ielé  néanmoins  ,  en  1047  ,  par 
des  seigneurs  hongrois ,  mécontents 
du  gouvernement  de  Pierre,  il  parvint 
à  chasser  le  roi,  et  à  monter  sur  le 
trône,  après  avoir  promis  de  laisscp 
à  la  nation  hongroise  la  liberté  de  sui- 
vre i'idolntiie,  qui  était  l'ancienne  re- 
ligion ;  mais  André  ne  fut  pas  plutôt 
en  possession  de  l'auforilé  ,  qu'il  força 
ses  sujets  à  embrasser  le  christianisme. 
Il  se  hâta  ensuite  de  faire  couronner 
sou  fils  Salomon  ,  âgé  seulement  de 
cinq  ans  ,  pour  lui  assurer  le  trône, 
malgré  la  convention  par  laquelle  son 
frère  Bêla  ,  duc  de  Hongrie  ,  devait 
jouir  lui-iTiême  de  l'hérédité.  Bêla  fo- 
menta des  divisions,  et  se  fit  un  parti 
parmi  les  grands  du  royaume.  La 
guerre  fut  bientôt  déclarée  entre  les 
deux  frères.  Bêla  ,  qui  avait  trouvé  des 
secours  en  Pologne ,  soutenait  ses  pré- 
tentions avec  autant  de  vigueur  que 
de  courage.  De  son  côté,  André  recul 


AND 

des  renforts  envovcs  par  l'empereur  et 
par  le  duc  do  Bohème ,  et  livra  biiîaille 
à  son  frère,  l'an  loGi  ,  sur  les  bords 
de  la  Tcyssc;  mais,  abandonne  par  les 
Hongrois  au  moment  même  de  l'action , 
il  fut  enveloppe  et  fait  prisonnier  ;  s'é- 
tant  évadé,  il  se  réfui^ia  dans  la  foret 
de  Boxon  ,  où  il  mourut  bientôt  de 
chagrin  et  de  misère.  Son  frère  Bêla  se 
fit  couronner  à  sa  place.         B — p. 

AiNDRÉ  II  ,  roi  de  Hongrie,  sur- 
nomme' le  Ifierosolrmitain,  second 
fils  de  Bcla  lîl ,  se  révolta  contre  son 
frère  aîné  ,  Emeric  ,  qui  avait  succède 
à  leur  père  ;  mais  il  fut  abandonné 
de  tous  ses  partisans  ,  et  oblige  de 
se  mettre  à  la  merci  de  son  frère.  Le 
caractère  d'André  ,  après  cet  événe- 
ment ,  changea  tellement  à  son  avan- 
tage ,  qu'il  devint  un  des  plus  fidèles 
appuis  du  trône.  A  la  mort  de  son  ne- 
veu Ladislas,  en  i2o4,  il  Ini  succéda, 
du  consentement  général  des  élats  du 
royaume.  Pendant  les  douz"  premières 
années  de  son  règne  ,  la  Hongrie  jouit 
d'une  paix  profonde.  Ce  ne  fut  qu'en 
l'iin,  qu'André  partit,  avec  une  ar- 
mée de  Hongrois  ,  pour  la  guerre 
sainte,  non  par  terre,  comme  l'as- 
sure Bonfidius  ,  mais  sur  des  galères 
de  Venise.  Les  annales  de  cette  répu- 
blique rapportent  que  Je  roi  de  Hon- 
grie fut  transporté,  avec  ses  troupes, 
en  Palestine ,  sur  la  flotte  vénitienne , 
et  qu'il  céda ,  en  récompense  ,  aux 
Vénitiens ,  tous  ses  droits  sur  la  Dal- 
matie.  On  assure  d'ailleurs ,  que  ce  fut 
pour  accomplir  un  vœu  de  son  père 
Bêla  ,  qu'André  fît  son  expédition  ; 
mais  il  paraît  plutôt  que  ce  fut  dans 
la  crainte  des  censures  de  l'Église, 
dont  le  pape  Honorius  III  le  mena- 
çait, s'il  différait  plus  long-temps, 
d'aller  combattre  les  infidèles.  Bon- 
fidius et  Blondus  prétendent  que  le 
roi  de  Hongrie  ne  revint  dans  ses 
états  que  trois  ans  après  son  départ  ; 


AND  i-ii 

mais  Jacqiies  de  Vitry-,  témoin  ocu- 
laire, atteste  qu'André  reprit  la  route 
de  son  royaume  dès  l'année  suivante 
1 2 1 8 ,  malgré  les  prières  des  autres 
chefs  de  la  croisade ,  qui  insistèrent 
vivement  pour  que  ce  monarque  les 
accompagnât  au  siège  de  Damiette. 
L'excommunication  dont  le  frappa  le 
patriarche  de  Jérusalem  ne  lit  pas 
plus  d'effet.  André  promit  toutefois, 
par  un  serment  solennel ,  en  présence 
des  évêques  et  seigneurs  allemands, 
qu'il  ne  ferait  point  la  guerre  au  duc 
d'Autriche  ,  pendant  tout  le  temps 
que  ce  prince  resterait  a  la  croisade, 
et  qu'il  laisserait  même  la  moitié  de 
ses  troupes  en  Palestine ,  sous  son 
commandement.  Relevé  alors  de  l'ex- 
communication lancée  contre  lui,  An- 
dré, après  s'être  baigné  dans  le  Jour- 
dain ,  partit  pour  la  Hongrie  avec  la 
moitié  de  ses  troupes.  Il  n'avait  sé- 
journé que  trois  mois  en  Palestine,  et 
il  paraît  certain  que  la  nouvelle  de 
quelques  mouvements  excités  dans 
son  royaume  accéléra  son  retour. 
Selon  plusieurs  historiens ,  ce  fut  pen- 
dant son  expédition  que  la  reine  Ger- 
trude,  sa  femme,  fille  de  Berthold, 
duc  de  Moravie ,  fut  assassinée  d:uis 
son  palais  ,  par  le  palatin  Bancbanus, 
à  qui  il  avait  confié  la  régence.  Ce 
seigneur  lava  dans  le  sang  de  la  reine 
l'outrage  fait  à  sa  femme ,  par  le  frère 
de  cette  princesse.  On  assure  qu'xAn- 
dré,  ayant  acquis  la  preuve  que  la  reine 
avait  tiTrapé  dans  la  violence  crimi- 
nelle de  sou  frère  ,  pardonna  au  pa- 
latin (  Poj.  Bancbanus  ).  Quoi  qu'il 
en  soit ,  le  roi  de  Hongrie  revint  par 
mer,  sur  la  flotte  vénitienne,  et  fut 
reçu  avec  de  grands  honneurs  à  la 
cour  d'Azon,  marquis  d'Est,  dont  il 
épousa  la  fille ,  nommé  Béatrix.  Ce  fut 
aussi  pendant  son  voyage  de  la  Terre- 
Sainte  qu'il  maria  son  fils  aîné  Bêla, 
avec  la  fille  de  Théodore  Lascaris  , 


111  AND 

empereur  gicc.  De  retour  en  Hon- 
grie ,  André  trouva  tout  son  royaume 
dans  le  de'sordre  et  la  eonfusion.  Les 
jijrauds  avaient  profite'  de  son  absence 
pour  augmenter  leur  pouvoir,  et  usur- 
per les  domaines  et  les  revenus  de  la 
couronne,  L'expe'dition  de  la  Pales- 
tine ayant  occasionne  des  dépenses 
cxtr.-ordinaircs  ,  le  roi  fit  de  vains  ef- 
forts pour  remédier  à  l'épuisement 
des  finances  et  aux  maux  de  l'état.  Il 
prit  enfin  le  parti  de  convoquer  ,  en 
1222,  une  diète  générale,  et,  résolu 
de  s'attacher  plus  étroitement  la  iio- 
Llesse  et  le  clergé,  il  confirma,  et 
étendit  même  les  privilèges  que  leur 
avait  accordés  S.  Etienne,  et  composa, 
dans  cette  assemblée,  ce  décret  célèbre, 
ou  huile  d'or  ^  véritable  droit  pul)lic 
des  Hongrois  ,  monument  aulïienti- 
que  de  son  amour  pour  ses  peuples. 
André  y  explique  la  nature  du  gou- 
vernement établi  par  les  coutumes  et 
les  capitulations  ;  il  y  renouvelle  les 
privilèges  et  immunités  de  cette  par- 
tie de  la  nation  appelée  mililantcs  ,  ou 
sen'ientes  palriœ;  il  promet  de  n'im- 
j)oser  aucune  taxe  sur  les  biens  de  la 
noblesse  et  du  clergé,  sans  le  consen- 
tement de  ces  deux  ordres,  cl  termine 
par  ce  fameux  serment  :  «  Si  moi , 
»  ou  mes  successeurs  ,  voulions  on- 
«freindrc,  en  quelque  temps  que  ce 
»  soit,  vos  privilèges,  et  porter  aîleintc 
»  à  la  préseule  constitution,  qu'il  vous 
»  soit  permis  ,  en  vertu  de  cette  pro- 
«  messe ,  à  vous  et  à  vos  descendants, 
»  de  résister  et  de  vous  défendre  à 
i>  foiTC  oiiverte  ,  sans  pouvoir  être 
»  traités  de  rebelles.  »  Une  copie  de 
ce  serment  fut  envoyée  au  pa])e  ,  et 
une  autre ,  mise  en  dépôt  entre  les 
mains  du  palatin  chargé  de  veiller 
sur  les  intérêts  de  la  nation  :  «  Afin, 
))  est-il  dit ,  qu'ayant  toujours  cet  écrit 
»  devant  les  yeux  ,  il  ne  s'écarte  pas 
»  de  son  devoir,  ni  ne  consente  que 


AND 

»  les  rois  ou  les  nobles  s'ccai'tcnt  du 
»  leur.  »  Vers  la  fin  du  règne  d'André, 
les  Tatars  firent  quelques  incursions 
en  Hongrie.  Ce  prince  mourut  le  -] 
mars  1 235 ,  après  avoir  régné  5o  au'^. 
\\  est  regardé  comme  un  des  plus 
grands  rois  qui  aient  porté  la  cou- 
ronne de  Hongrie  ,  et  comme  le -sou- 
verain dont  la  mémoire  inspire  aux 
Hongrois  le  plus  de  reconnaissance  et 
de  vénération.  Il  eut  pour  successeur 
son  fils  aîné.  Bêla  ,  à  qui  il  avait  déjà 
résigné  le  souverain  pouvoir.  B — v. 
ANDRÉ  III,  roi  de  Hongrie,  petit- 
fils  du  précédent ,  surnommé  le  Vé- 
nitien, parce  qu'il  était  né  à  Venise, 
était  fils  d'Etienne  de  Hongrie ,  fiis 
posthume  d'André  II ,  et  de  Thoraas- 
sinc  IMorasini.  Sa  mère  l'ayant  amené 
très-jeune  à  la  cour  de  Ladislas ,  ce 
monarqi'.e  le  reconnut  pour  son  héri- 
tier; mais  André  était  absent  lorS(jue 
Ladislas  mourut.  En  passant  par  les 
étals  d'Albert ,  duc  d'Autriche,  pour 
aller  prendre  ]K)ssession  de  son  rovau- 
me,  il  fut  arrêté,  contre  le  droit  dos 
gens ,  par  ordre  de  ce  prince,  et  n'ob- 
tint la  liberté  qu'eu  promettant  d'é- 
pouser sa  fille  Agnès.  De  retour  à 
Bude,  André  fut  proclamé  et  cou- 
ronné ,  le  1 1  août  ]  5.90.  Non  seule- 
ment il  refusa  de  tenir  la  parole  que 
lui  avait  si  indignement  arrachée  le 
duc  d'Autriche ,  mais  il  voulut  enrore 
se  venger  de  cet  affront ,  et  il  lui  dé- 
clara la  guerre.  L'empereur  Rodolphe . 
instruit  de  la  résolution  d'André,  lui 
suscita,  pour  l'occuper  en  Hongrie, 
im  concurrent,  dans  la  personne  d'Al- 
bert ,  son  propre  fils.  Le  roi  de  Hon- 
grie avait  déjà  un  autre  rival  dau's 
Charles  Martel,  fils  de  Charles  II ,  1  -i 
de  Naples.  Apres  avoir  pris  toutes  1(  < 
mesures  nécessaires  jiour  résister  à  ers 
deux  rivaux ,  il  porta  ses  armes  on 
Autriche  pendant  cinq  campagnes  d(î 
suite.  Rappelé  dans  ses  états  par  tle 


AND 

11  onvpanx  trouilles  ,  il  se  liàta  de  faire 
la  paix  avec  le  duc  d'Autriclie ,  et  de 
il  cimenter  par  son  mariage  avec 
Agnès;  mais  il  trouva  la  Hon2;rie  en- 
core divisée  par  quelques  nobles ,  qui 
soutenaient  son  compétiteur  Ciiarles, 
fi's  du  roi  de  Sicile,  Le  royaume  de- 
meura partage  entre  ces  deux  princes 
rivaux,  jusqu'à  leur  mort,  ariivec  en 
i5oi.  Charles  mourut  àNaples,  et 
André,  à  Bude,  le  i4  janvier  de  la 
même  année,  après  onze  ans  de  règne. 
Il  fut  le  dernier  roi  de  la  famille  de 
St. -Etienne  ,  n'avant  laisse  ,  de  sou 
mariage  avec  Agnès  d'Autriche,  qu'une 
fiile  nomme'e  Elisabeth ,  qui  prit  le 
voile  dans  le  monastère  de  Roess,  en 
Suisse.  Plusieurs  compétiteurs  se  dis- 
putèrent alors  la  couronne,  qui  devint 
enfin  le  partage  de  la  maison  d'Anjou, 
régnante  à  Napîes.  B — p. 

ANDRÉ  DE  Hn>GRiE  ,  ri  i  de  Na- 
pîes ,  nomme  ^^tidreasso  par  les  Na- 
j)oiilains ,  était  second  fils  deCaribcrt, 
loi  de  Hongrie;  il  fut  appelé  à  la  suc- 
cession du  rovau)ne  de  Nnph  s  ,  par 
Rcbert ,  roi  des  Deux-Sici!es  (jui ,  après 
avoir  usurpé  celle  couronne  à  (>aiibert, 
se  voyant  sans  enfants,  voulait  la  faire 
retourner  à  ses  héritiers  légitimes. 
Robert  fît,  en  i555,  épouser  à  son 
priit-neveu,  Jeanne  sa  petile-fille.  An- 
dré n'était  alors  âgé  que  de  sept  ans^ 
mais  déjà  son  caractère  était  fier ,  iui- 
jiétiïïïux ,  presque  féroce ,  tel  enfin  que 
les  mœurs  encore  demi-sauvages  des 
Hongrois  avaient  dû  le  former.  Déjà 
on  l'avait  accoutumé  à  dédaigner  les 
arts  et  la  mollesse  du  midi,  et  bientôt 
il  conçut  pour  la  cour  de  Naples,  pour 
sa  femme  et  pour  les  princes  du  sang , 
un  mépris  qu'il  ne  prit  pas  la  peine  de 
dissimuler.  Le  roi  Robert,  dès  qu'il 
reconnut  ces  dispositions  hostiles  , 
s'ciTorça  de  faire  rentrer  André  sous  la 
dépendance  de  Jeanne.  H  fit  prêter 
i>cr!iiCïUdc  fidélité  à  cctteprincesse  par 


AND  iï3 

les  barons  du  royaume  ,  et ,  lorsqu'il 
mourut,  en  i34â,  Jeajme  fut  seule 
C'uronnéc,  tandis  qu'André  continua 
d'être  désigné  ])ar  le  nom  de  Duc  de 
Calabre.  André,  jaloux  d'une  autorité 
qu'il  croyait  lui  être  due,  impatient  de 
toute  contrainte ,  et  se  croyant  insulté 
par  torite  opposition ,  sollicitait  le  paps 
de  le  faire  couronner;  et  sur  l'étendard 
qu'il  destinait  à  cette  cérémonie ,  il  avait 
lait  peindre  une  bâche,  un  billot  et 
d'autres  instruments  de  supplice,  an- 
nonçant à  ses  courtisans  que ,  dès  qu'il 
serait  roi,  il  ferait  justice  de  ses  arro- 
gants ennemis.  Jeanne,  de  son  côté, 
voluptueuse  et  inconstante,  apprenait 
de  ses  amants  à  mépriser  son  mari  et  à 
le  craindre.  Louis  de  Tarente ,  son  cou- 
sin, qui  l'avait  entraînée  dans  le  vice, 
l'accoutuma,  le  premier,  à  souhaiter  la 
mort  d'André.  Philippine  Cabane,  dite 
la  Catanoise ,  sa  confidente ,  lui  fit  dési- 
rer cet  événement,  comme  la  délivrance 
de  son  royaume,  aussi  bien  que  la  sien- 
ne. Jeanne  donna  son  consentement  à 
un  complot  formé  autour  d'elle  par  ses 
parents  et  ses  courtisans.  La  cour  était 
alors  dans  un  couvent  près  d'Averse, 
hn'sqiie,  le  i8  septembre  t545,  les 
conjurés ,  sous  prétexte  que  de  grandes 
nouvelles  étaient  arrivées  de  Napîes , 
firent  appeler,  pendant  la  nuit,  André 
qui  était  auprès  de  la  reine.  Dès  que 
le  prince  fut  au  milieu  d'eux  ,  ils  lui 
jetèrent  un  lacet  autour  du  col  ,  et  le 
poussèrent  hors  d'un  balcon  peur  l'é- 
tr^ingler,  tandis  que  leurs  complices, 
qtii  étaient  au-dessous,  le  tiraient  par 
les  pieds.  Le  meurtre  fut  accouipli 
avec  une  férocité  révoltante ,  et  le  ca- 
davre d'André,  laissé  dans  le  jardin, 
fut  trouvé  mutilé  d'une  manière  d'au- 
tant plus  horrible,  que  les  cofijurés 
n'avaient  point  osé  employer  de  fer 
contre  lui ,  persuadés  qu'unie  amulette 
qu'il  portait  le  mettrait  à  l'abri  de  leurs 
coups.  Auvsi  périt  ce  malheureux  prin-. 


re ,  à  l'âge  de  \  C)  ans.  (  /".  .Teatîne  I". 
LoL'is  DE  Tarente,  et  Cabane  ). 
S.  8—1. 

ANDRÉ,  juif  de  Cyrèue,  surnom- 
me LucuAS  par  Eusèbe,  et  Y  Homme 
tles  lumières  ,  par  Abiil  -  Farage  ,  se 
rendit  fameux  sous  i'einpire  de  Tra- 
jan  ,  à  la  tête  de  ses  compatriotes  , 
auxquels  il  persuada  qu'il  les  ferait 
rentrer  triomphants  à  Jérusalem.  I/en- 
thousiamc  qu'il  inspira  à  ce  peuple 
crédule ,  lui  procura  plusieurs  avan- 
tages sur  Lupus  ,  préit  t  d'Egypte  , 
qu'il  obligea  do  se  renfermer  dans 
Alexandrie,  où  ce  général  se  vengea 
de  ses  défaites  par  le  massacre  de  tous 
les  Juifs  qui  habitaient  cette  grande 
ville.  André  ,  usant  de  représailles , 
ravagea  le  plat  pavs ,  désola  toute 
la  Lybie,  dont  plus  de  2oo,uoo  ha- 
bitants devinrent  les  victimes  de  ses 
fureurs.  Ces  horribles  désordres  s'é- 
tendirent jusque  dans  l'ile  de  Chypre, 
où  les  Juifs,  sous  la  conduite  d'un 
nommé  Artémion ,  firent  jiérir  un 
égal  nombre  de  Grecs  et  de  Komains. 
Si  l'on  en  croit  Dion  Cassius  ,  les  uns 
étaient  sciés  dans  toute  la  longueur  du 
corps ,  les  autres  devenaient  la  proie 
des  bètes  féroces,  contre  lesquelles  on 
les  faisait  combattre.  Les  barbaies 
vainqueurs  mangeaient  leurs  «hairs, 
se  frottaient  le  corps  de  leur  sang ,  et 
se  revêtaient  de  leurs  peaux ,  après  les 
avoir  écorchés  vifs  ;  mais  ces  allrenx 
détails  ne  sont  pas  confirmés  par  Eu- 
sèbe. Ce  ne  fut  qu'après  plusieurs 
combats  très-sanglants ,  que  INlartius 
Turbo,  d'autres  disent  Adrien .  général 
des  troupes  romaijjes,  vint  à  bout  de 
les  soumettre.  T— d. 

A>DUÉ,  dit  de  Crète  ^  parce  qu'il 
fut  archevêque  de  cette  île  au  com- 
mencement du  8'.  siècle,  ou  le  Jèro- 
soi)  tnitain,  parce  qu'il  était  i  esté  quel- 
que temps  à  Jérusalem,  était  natif  de 
Damas.  Il  s'acquit  une  grande  répula- 


AND 

lion  à  Conslantinuple,  par  son  el'iquon- 
ce  et  par  sa  vertu.  Il  avait  donné  da!,* 
les  erreurs  des  monotheiites  ;  mais  il 
confessa  ensuite  la  doctrine  des  deux 
volontés  eu  J.-C.  On  place  sa  moit 
vers  l'an  -jao.  Le  P.  Combefis  a  pu- 
blié ,  de  cet  archevêque ,  un  poème 
en  vers  iambes ,  un  Commentaire 
sur  V Apocah  pse  (  mis  en  latin  pai 
Peltan  ,  IngoLstadt,  «5n4,  et  dans  le 
S.  Chrvsostôme  de  Commelin  ) ,  que 
d'habiles  critiques  attribuent  à  Audi  e 
de  Césarée.  On  trouve  encore,  sous 
le  nom  de  cet  auteur  ,  plusieurs  dis- 
cours dans  la  Bihliolhèciue  des  Pères  ; 
mais  qu'on  crcil  être  d'un  auteur  pos- 
térieur. T — D. 

AINDRÉ  (Jean  r)'),Ie  plus  célèbre 
canoniste  du  14*^.  siècle,  naquit ,  selo» 
la  plupart  des  auteurs,  d;ins  le  canton 
du  31ugello,  près  de  Florence,  mais ^ 
selon  Tiraboschi ,  d'après  un  passaî;c 
de  Jean  d'André  lui-même,  c'est  à 
Bologne  qu'd  naquit,  et  c'était  Andréa 
son  père  qui  était  né  au  Mugello.  An- 
dréa était  maitre  d'école  à  Ijologne, 
et  se  fit  prêtre  lorsque  Jean  n'avait 
encore  que  huit  ans.  Elevé  d'abord  par 
son  père ,  il  étudia  ensuite  le  di  oii  c.>- 
non  sous  plusieurs  professeurs  de  cette 
université  célèbre.  Son  dernier  maître 
fut  Gui  de  Baiso  ,  arehidiacro  de  Bo- 
logne ,  où  il  reçut  gratuitement  le 
doetoiat.  Ce  fut  aussi  par  sou  crédit 
qu'il  obtint  à  Bologne  une  chaire  de 
professeur  j  il  eu  remplit  successive- 
ment deux  autres  ,  l'une  à  Tadoue  et 
l'autre  à  Pise.  Il  mourut  de  la  peste  à 
Bologne,  le  t  juillet  1  34^,  après  avoir 
professé  le  droit  canon  pendant  4  J  ms 
avec  le  plus  grand  éclat.  Un  a  dit  «ju'il 
s'était  fait  dominicain,  soit  paice(|u'd 
fut  enterré  dans  l'église  de  ces  reli- 
gieux, soit  parce  qu'il  avait  pris  lo 
parti  de  cet  ordre  contre  les  francis  • 
cains,  au  sujet  de  la  fameuse  question 
de  i' Immaculée  Conception;  mais  d 


a?;d 

tsî  cerlaln  qu'il  vcciit  et  mourut  sécu- 
lier. On  lui  prodigua,  dans  son  épifa- 
j)he,  les  titres  pompeux ,  d'archi-doc- 
teiir  des  décrets  ,  de  rabbin  des 
docteurs ,  di^  lumière ,  de  censeur^  et 
de  res^le  des  mœurs.  (  Rabbi  doctO' 
rum  ,  lux.,  censor,  iwrinaque  mo- 
rum.)  On  pi'ctcnd  que  Buonincontro, 
surnommé  d'Andréa,  dont  nous  avons 
des  ïrailés  de  jurisprudence, était  son 
fils  naturel.  Christine  de  Pisao  assure 
que  sa  (ilie  aînée,  nommée  Novella  , 
qu'il  maria  depuis  avec  Jean  Caldcrino, 
le  remplaçait  souvent  dans  sa  chaire, 
«  et  afin  que  la  biauté  d'elle  u'cm- 
»  pescliast  pas  la  pensée  des  oyans  , 
»  elle  avait  une  petite  courtine  au  de- 
»  vant  d'elle.  »  I^es  ouvrages  qui  nous 
restent  de  ce  savant  canoniste,  sont  : 
I.  des  Commentaires  sur  les  De'cré- 
iales  et  sur  le  Sexte^  qu'il  intitula 
NoK^ellœ ,  du  nom  de  sa  mère  et  de 
sa  fille,  Rome,  1476;  Pavie,  t484; 
Bàle  ,  1 4^0;  Venise,  14B9,  1490  et 
i58i  ;  II.  des  Commentaires  sur  les 
Clémentines.,  ou  sur  les  Novelles  de 
Clément  /^ ,  Stiasbourg  ,  1471  ; 
Mayence  ,  Rome  et  Bàle  ,  i47^'; 
J.yon,  ir>~»i,  in-ful.;  III.  des  Addi- 
tions au  Spéculum  j'uiis  de  Durand, 
prises  mot  à  mot  des  Consilia  d'Ol- 
diade,  Paris  ,  iSj-'î;  Bàle,  1574. 
C'est  ainsi  qu'il  s'était  encore  approprié 
le  Traité  de  Sponsalibns  et  matrimo- 
»io  de  Jean  Anguissola  ,  ou  Anguis- 
ciola.  (  f^qy.  Caldkrino.  )     T — d. 

ANDRÉ  (  ValÈke  ) ,  surnommé 
Dksselius,  du  bourg  de  Desschel,  dans 
le  Brabant ,  où  il  était  né,  en  i5,i8, 
fut  professeur  royal  de  droit,  et  bi- 
bliothécaire de  l'université  de  Lou- 
vain  ,  où  il  mourut  en  i65(>.  Cet  au- 
teur est  principalement  connu  par 
l'ouvrage  intitulé  :  Bibliotheca  Belgi- 
ca ,  Louvain  ,  iGi5,  iu-8".  ;  iG.p, 
in -.'(''.,  édition  augmentée.  Foppens  , 
chanoine  de  Bruxelles,  en  a  donné 


AND  liî 

une  nouvelle  édition  en  1739,  Bruxel- 
les, in-4".,  "2.  vol.,  dans  laquelle  il  a 
fondu  ce  qu'on  trouve  dans  Lemire, 
Swerts  et  autres.  Quoique  cette  der- 
nière soit  la  plus  belle ,  la  plus  amole 
et  la  plus  utile,  les  curieux  i-echcrchent 
encore  les  premières,  parce  qu'elles 
contiennent  des  particularités  que  le 
nouvel  éditeur  a  abrégées  ou  omises. 
C'est  un  bon  ouvratre  en  ce  genre ,  à 
quelques  mexactitudes  et  quelques 
minuties  près,  défauts  presque  insé- 
parables de  cette  sorte  de  composi- 
tion. On  a  ,  du  même  auteur,  I.  Ca- 
talogus  claroT.  Hispaniœ  scriptor. , 
sous  le  nom  de  f^al.  Taxander;  Mo- 
gimt. ,  1607,  in-4''. ,  rare  ;  ll.Fasii 
academici  sludii  Lovaniensls.,  etc. , 
Louvain ,  i(35G,  in-4". ,  considérable- 
ment augmenté  dans  l'édition  de  i65o, 
qui  fut  mise  à  Yindex  ;  III.  Synopsis 
juris  canonici  ;  IV.  De  toga  et  sa- 
gis,  etc.  T— D. 

ANDRÉ  (Jacques),  proprement 
Andre.î;,  célèbre  théologien  du  lÔ". 
siècle,  naquit,  en  i5iS,  à  Waiblin- 
gen,  dans  le  duché  de  Wurtemberg , 
fit  ses  études  à  Tubingcii,  et  fut  pro- 
fesseur de  théologie  ,  chancelier  de 
l'iuiiversilé ,  et  prévôt.  Ses  lumières, 
so!i  énergie  et  son  éloquence,  lui  ac- 
quirei'.t  la  plus  grande  considération 
dans  l'Eglise  luthérienne,  et  il  n'v  eut 
jir.s  de  réunion  ou  de  colloque  en  ma- 
tière de  religion  ,  où  il  ne  fut  appelé. 
On  l'a  accusé  de  violence  et  d'esprit 
d'iutrigue.  Quoiqu'on  ne  puisse  pas 
l'absoudre  entièrement  de  ce  reproche, 
il  est  sûr  qu'il  a  rendu  de  grands  ser- 
vices à  sa  communion.  Il  fit  de  nom  • 
breux  voyages  dans  toutes  les  parties 
de  l'Allemagne,  pour  y  organiser  le 
culte  luthérien ,  et  fut  un  des  princi- 
paux auteurs  de  la  Formule  de  la 
concorde  (  Formula  concordiœ  ) , 
dont  la  rédaction  définitive  fut  arrê- 
tée en  i5;0,  au  couvent  de  Bers^en, 


i)6  AND 

près  de  IMagdebourg  ,  et  qui  devait 
mettre  un  terme  à  toutes  les  disputes 
élevées  dans  le  sein  de  rAlleraagne 
protestante,  depuis  la  mort  de  Luther. 
Le  principal  but  de  ce  livre  symbo- 
lique était  d'opposer  aux  opinions  des 
réformés ,  sur  l'Eucharistie  et  la  na- 
ture humaine  de  J.-C. ,  à  laquelle  ils 
refusaient  la  toute-présence ,  la  doc- 
trine de  ce  réformateur  ;  et ,  si  cette 
nouvelle  profession  de  foi  de  ses  sec- 
tateurs a  rendu  l'union  des  calvinistes 
et  des  chrétiens  de  la  confession 
d'Augsbouig  désormais  beaucoup 
plus  difficile,  il  n'est  cependant  pas 
douteux  qu'elle  n'ait  ramené  la  con- 
corde au  milieu  des  luthériens  eux.- 
nuMues  ,  en  terminant  ou  assoupissant 
toutes  les  controverses  qui  avaient  eu 
lieu  sur  la  grâce,  sur  les  sacrements, 
sur  les  bonnes  œuvres ,  et  sur  la  per- 
sonne du  Sauveur,  depuis  la  naissance 
du  culte  protestant.  Parmi  les  confé- 
rences que  Jacques  Andreae  tint  sur  des 
points  religieux,  il  faut  remarquer 
celle  qu'il  eut ,  en  i  S-;  i ,  avec  Flacius , 
à  Strasbourg  ,  sur  le  péché  originel, 
que  ce  dernier  soutenait  être  la  sub- 
.staneemème  de  l'homme,  et  son  entre- 
vue avec  Théodore  de  lîiv.e,  à  INTont- 
belliard,  quatre  ans  avant  sa  mort, 
qui  arriva  le  "j  janvier,  i5r)o,  à  Tu- 
Lingcn.  Ses  nombreux  écrits  sont 
presque  tous  polén)iques ,  dirigés  con- 
tre le  calvinisme  et  contre  l'Eglise  ro- 
maine ,  ou  destinés  à  défendre  la  doc- 
trine de  l'ubiquité  ou  de  la  présence 
du  corps  du  (Ihrist  en  tous  lieux. 
Ses  contemporains  l'ont  aussi  appelé 
ScJunidlin,  on Fahricius  ( maréchal  ), 
à  cause  de  la  prof  ssion  de  son  père. 
La  vie  de  ce  théologien  a  été  écrite 
fort  souvent ,  même  en  hexamètres 
latins ,  par  Jean-Valentin  Andréa?.  Ou 
peut  consulter  Adami ,  Filce  theol., 
pag.  5o2.  Son  portrait  est  dans  le 
Theatrum  de  Freher,  et  on  trouve 


A>D 
une  médaille  frappée  en  son  honneiir 
dans  le  Musée  de  Mazucchi,  tome  i , 
planche  qI.  S — R. 

ANDiîÉ,  ou  ANDRÉ.E  (  Jeax- 
Yalenti>  ) ,  un  des  hommes  les  pins 
utiles  et  les  plus  intéressants  que  l'Al- 
lemagne ait  produits  dans  le  i-i".  siè- 
cle. Il  était  petit-fils  de  Jacques ,  et 
naquit  à  Herrenberg,  dans  le  duché 
de\^  urtemberg,  en  1 5o6.  Apres  avoir 
fait  ses  études  à  Tubingen ,  et  quel- 
ques voyages  en  France  et  en  Italie , 
il  parcourut  les  différents  échelons  de 
dignités  ecclésiastiques  qu'offrait  son 
pavs  ,  et  mourut,  en  i6j4i  ^W^éd'A- 
deiberg ,  et  aumônier  luthérien  du  duc 
de  \\  urtembei'g.  Profundéraent  affligé 
de  voir  les  priijcipes  de  la  reUgion 
chrétienne  livrés  à  de  vaines  dis- 
putes, et  les  sciences  servir  l'orgueil 
et  la  curiosité,  au  lieu  de  tourner  au 
profit  de  la  vertu  et  du  bonheur  des 
hommes ,  il  passa  sa  vie  à  imaginer , 
à  proposer  et  à  organiser  les  moyens 
qu'il  croyait  les  plus  propres  à  rendre , 
aux  unes  et  aux  autres  ,  leur  tendanco 
morale  et  bienfaisante.  Il  emplova  le 
crédit ,  dont  il  jouissait,  auprès  de  son 
souverain,  et  auprès  du  duc  de  Bruns- 
^vick -Woltlnbiittel ,  pour  améliorer 
l'état  de  l'instruction  publique  dans 
les  états  de  ces  princes ,  et  ne  cessa , 
durant  tonte  sa  vie ,  d'opérer  ou  de 
préparer  tout  le  bien  que  ses  lumières 
et  son  zèle  lui  faisaient  désirer.  Uc 
la  propension  pour  la  mysticité ,  une 
activité  qui  se  portait  sur  tous  les 
genres  de  connaissances,  ruic  corres- 
pondance étendue  ,  et  des  allusions 
mvstérieuses  ou  susceptibles  de  sens 
divers ,  dont  ses  prenuers  ouvrages 
fourmillent,  ont  fiit  naître  ou  accré- 
dité le  bruit  qu'il  est  le  véritable  fon- 
dateur du  fameux  ordre  des  Rose- 
Croix.  On  ])eut  consulter  là-dessus  le 
savant  ouvrage  de  IM.  Fred.  INicolaï, 
Sur  les  crimes  imputés  aux  Tem- 


AIND 

pliers,  2".  vol. ,  pag.  l'jf).  Feu  M.  de 
rierder  a  discute  cette  qiicbtion  dans 
le  Muséum  Allemand  de  «779, 
et  s'est  prononcé  pour  la  négative. 
]\Ialgré  une  autorise'  aussi  imposante  , 
deux  littérateurs  distingués  de  l'Al- 
lemagne, M.  Chr.  G.  de  Murr  {Sur 
la  véritable  origine  des  Rose-Croix , 
SalzijacLi ,  1 8o5 ,  in-t>  '.  ) ,  et  M.  J.  G. 
Buhle,  dans  une  Dissertation  lue,  ea 
i8o3 ,  dans  une  séance  de  la  société 
rovale  de  Gcettiugue  (  De  vera  ori- 
gine adhuc  latente fratrum  de  Rosea- 
Cruce  ,  inprimis  vero  ordine  Jran- 
comurariorum)j  et  publiée  en  alle- 
mand par  l'auteui-,  en  1804,  in-8'., 
cnricLie  de  nouveaux  développe- 
ments, penchent  pour  l'opinion  qui 
rapporte  à  J.-Yal,  Andréa^,  sinon  l'ori- 
gine, au  moins  une  nouvelle  organisa- 
tion de  l'ordre  des  rose-croix,  alïilié  ou 
identique  avec  celui  des  franc-maçons , 
dans  lequel  la  mémoire  d'Andréœ  a 
toujours  été  singulièrement  vénérée. 
La  nature  même  de  la  chose  ne  laisse 
guère  d'espoir  qu'elle  soit  jamais  éclair- 
tie  suffisammeni.  Si  l'on  cherche  vai- 
nement, dans  la  Biographie  latine  de 
sa  vie,  qu'Andréa;  avait  laissée  en  ma- 
nusciit ,  et  dont  M.  Seybold  a  donné 
une  traduction  allemande  dans  le  se- 
cond volume  des  autobiographies 
d'hommes  célèbres  ,  imprimées  à 
Winterthour,  eu  1799,  in-8'.,  quel- 
ques renseignements  positifs  sur  ses 
relations  avec  l'ordre  dont  on  le  dit 
fondateur,  en  revanche,  les  écrits 
d'Andi-éae ,  qui  ont  paru  de  son  vi- 
vant, sont  pleins  de  raisonnements 
sur  la  nécessité  de  former  une  société 
uniquement  consacrée  à  la  régénéra- 
tion des  sciences  et  des  mœurs.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  il  finit  par  désapprouver 
la  tendance  de  l'ordre  dont  on  le  croit 
l'instituteur,  et  il  est  plus  certain  qu'il 
ne  lui  appartint  plus  vers  la  fin  de  sa 
vie,  q.ul  ne  l'est  qu'il  en  ait  été  le 


AND  nj 

créateur.  Ses  ouvrages ,  au  nombre  de 
cent  ,  sont  en  partie  indiqués  dans 
Adelung,  et ,  plus  complètement,  dans 
nne  brochure  particulière  de  M.  Burk, 
pasteur  à  Weiltingeu ,  dans  le  Wur- 
temberg, Tubingeu,  1790 ,  in-8°.Ea 
voici  quelques-uns  des  plus  remar- 
quables: I.  De  Christiani  Cosmoxeni 
genitura  judicium  ,  Monlbelliard  , 
1612  ,  in-r^  •  c'est  une  satire  contre 
les  astrologues;  II.  CoUectaneorum 
mathcmaticorum  décades  AI,  Tu- 
biugen,  161 4,  in- fi°.  ;  Ul.  Im'ilatio 
ad  fraternitaiem  Christi  ;  prior , 
Strasbourg,  16 1  7  ;  posterior,  ibid., 
1G18,  in-i-2j  IV.  Rosa  fujrescens, 
contra  Menapii  calumuias ,  1617, 
in-8  '.  ;  l'auteur  de  cette  apologie  des 
Rose  Crois,  se  signe  Florentïnus  de 
Falentia ,  nom  qu'Audréae  s'est  donné 
quelquefois  ,  ainsi  que  celui  d^An- 
drœas  de  P'alentia;  mais  il  n'est 
pas  entièrement  sûr  que  cet  ouvrage 
soit  de  lui  (  Voy,  |a  Bibl.  theol.  de 
Walch).  V.  Menippus  s.  Dialogorum 
satyricorum  centuria  inanilum  nos- 
tralium  spéculum.  Helicone  juxta 
Parnassum ,  16 1 7  ,  in- 1 2.  C'est  dans 
cet  ouvrage  qu'Andréœ  s'est  montré 
vraiment  supérieur  à  son  siècle.  Il  y 
fait  toucher  du  doigt  les  défauts  sans 
nombre  qui  empêchaient  l'Église  et 
les  lettres  d'être  aussi  utiles  qu'elles 
pouvaient  l'être  avec  luic  meilleure  or- 
ganisation. VI.  Civis  Chrislia7ms,sive 
Peregrini  quondam  crranlis  resti- 
tutiones ,  Strasbourg,  1619,  iii-8'.  ; 
traduit  en  français,  sous  le  titre  du 
Sage  citoyen ,  Genève ,  i  G:i  2  ,  in-S".  ; 
\  II.  Mj  tholugiœ  christianœ  ,  sive 
virtulum  et  vilionim  vitce  humance 
imaginum  libri  III ,  Strasbourg, 
1619,  in- 12.  MM.  Sontag  et  Herder 
en  ont  traduit  en  allemand  la  meilleure 
partie.  VIII.  Reipublicœ  christiano- 
politancE  desciiptio  ;  Turris  Babels, 
Judiciorum  defralerniîate  Rosacejs 


Î2B  AKD 

Cruels  chaos;  Christianœ  socielalis 
idea;  ces  trois  écrits  ,  tous  publies  à 
Strasbourg,  en  i6i9,in-i2,  offreut 
les  indices  les  plus  dairs  de  son  projet 
de  former  une  société  secrèti?.  On  ne 
peut  nier  que  sou  imagination  n'ait 
ètc  fortement  travaillée  par  une  idée 
analogue ,  et ,  si  deux  ouvrages  alle- 
mands, intitulés,  l'un  les  Noces  chi- 
miques de    Chrétien   Rosencreiitz  ; 
l'autre  ,  la    Réforme  générale    du 
monde ,  sont  en  effet  de  lui ,  l'opi- 
ïiion  de  INIM.  Bulile  et  de  Murr,  ac- 
quiert un   haut   degré  de    prttbahi- 
lité.  On  cite  encore  ,  à  l'appui  ,  les 
Voyages  d'Andreœ,  auquel  ses  con- 
tenîporains  n'ont  connu  aucun  nioyen 
de    les    entreprendre.    Cet    homme 
cnigraatique  est  encore  remarquable 
comme   écrivain    na'ional.  Dans  un 
temps  où  la  langue  allemande  n'avait 
encore  reçu  que  peu  de  culture  ,  où 
tous  les  gens  de  lettres  écrivaient  en 
lalin  les  livres  au-îvquels  ils  donnaient 
quelques  soins ,  et  où  l'idiome  du  pays 
n'était,  comme  dit  ÎM.  de  Ilcrder,  ré- 
servé que  pour  les  affaires  du  ménage 
et  du  cœur,  il  sut  donner  à  ses  vers 
une  grâce  et  une  aisance  toutes  parti- 
culières.  Il   ne  faut  y  chercher,  ni 
élégance,  ni  correction,  ni  beaucoup 
d'harmonie;  mais  on  est  siàr  d'y  trou- 
ver une  imagination  poétique ,  une 
belle  ame  ,  et  un  heureux  emjiloi   du 
dialecte  de  la  Souabe  ;  on    peut  dire 
qu'il    préluda    aux    hciueux    essais 
d'Opitz.  (  !..  Melch.  Fischlini,  Me- 
moria  theologurum    Wirlemherg.  , 
tome  fl,   page    \i<^\   Son  portrait 
est  dans    le    Theatrinn  de  Freher. 

S— R. 

AiSDRÉf  Yves-Marie  ),néle'>,2  mai 
iG75,à  Châteaulin,  en  basse  Breta- 
gne, entra  chez  les  jé-^uites,  en  i6()^. 
La  distinction  avec  laquelle  d  fournit 
sa  carrière  scholastiquc.  dans  plusieurs 
collèges  de  proviuce,  semblait  le  dési- 


AND 

gncr  pour  aller  figurer  sur  le  théâtre 
de  la  capitale  ;  mais  la  défaveur  où 
le  mit,  dans  son  corps,  la  modérition 
de  ses  sentiments  sur  les  affaires  qui 
agitaient   alors   l'Église    de  France  , 
l'obligea  de  se  fixer,  en  1 726,  dans  la 
place  de  professeur  roval  de  mathé- 
matique, à  Caen,  qu'd  remplit  pendant 
trente -neuf  ans.   Le  P.  André,  dès 
son  début  dans  la  république  des  let- 
tres, attacha  une  grande  réputation  à 
son  nom ,  par  V Essai  sur  le  beau ,  qui 
parut  en  1 74 1 ,  in-i  2.  Cet  ouvrage,  où 
règne  une  philosophie  douce  et  pro- 
fonde, ornée  des  fleurs  d'une  littéra- 
ture  exquise,  est  devenu   classique. 
Le  manuscrit  du  Discours  sur  le  beau, 
dans  les  pièces  d' esprit,  àonu^xX  pour 
modèle ,  le  Craron  fin  de  Pascal. 
Une  main  étrangère  substitua,  dans 
l'imprimé ,  le  Pinceau  léger  de  Pé- 
lisson.  L'auteur  fut  sensible  à  ce  chan- 
gement: il  s'en  plaignit. mais  sa  posi- 
tion ne  lui  permettait  pas  de  réclamer 
publiquement.  Ce  ne  fut  qu'après  être 
devenu  libre,  par  la  destruction  de  sa 
société,  qu'il  put  faire  rétablir,  dans 
l'édition  de  1765,  la  leçon  qui  avait 
étésuppriraée  sans  son  aveu.  Le  P.  An- 
dré avait  des  sentiments  peu  analogues 
à  ceux  de  ses  confrères,  sur  les  ma- 
tières de  théologie  et  de  philosophie  : 
il  était  grand  admirateur  de  S.  Augus- 
tin, et  avait  eu  même  le  projet  d'en 
composer  la  Yie,  et  d'y  joindre  une 
analvse  de  ses  ouvrages,  .'^iiicèn-ment 
attaché  aux  maximes  de  l'Église  galli- 
cane, il  trouvait  étrange  qu'on  laissât 
aux  moines  la  liberté  de  former ,  dans 
le  royaume,  un  parti  pour  les  doc- 
trines ultramontaines.  Quoique  soumis 
aux  décrets  de  Rome,  sur  le  jansé- 
nisme, il  aurait  voulu  que  tout  le  monde 
se  fût  renfermé  dans  le  silence,  sur 
les  questions  agitées  alors  avec  tant 
d'aiiimosilé.  On  voit,  par  sa  corres- 
pondance avec  l'abbé  de  IMarbœuf, 


ANO 

qu'il  blâmait  les  procèdes  de  ses  coîi- 
fières  contre  le  cardinal  de  Noaillcs. 
Admirateur  de  la  doctrine  du  P.  Mal- 
lebranchc,  il  eut  un  commerce  de  let- 
tres très-suivi  avec  ce  célèbre  philo- 
sophe, qui  ne  finit  qu'à  la  mort  de  ce 
dernier.  Il  a  consigne  ses  regrets  sur 
cet  e've'nenient ,  dans  une  lettre  extrê- 
mement intéressante,  au  P.  Lelong, 
de  l'Oratoire.  Cette  lettre ,  qui  n'aurait 
pas  dépare'  la  collection  de  ses  œuvres, 
ne  contient  que  l'esquisse  de  la  Vie  de 
son  illustre  maître,  qui  est  encore  ma- 
nuscrite, et  que  nous  savons  avoir  e'té 
e'trangement  mutilée  par  celui  qui  en 
est  le  dépositaire  actuel  :  les  senti- 
ments du  P.  André'  percèrent  dans  sa 
société.  On  l'accusa  d'être  un  novateur 
en  philosophie, et  d'avoir  une  doctrine 
suspecte  en  théologie.  11  fut  éloigné  des 
charges,  dépouillé  de  celles  qu'il  pos- 
sédait, changé  de  lieu  de  résidence, 
menacé  d'un  exil  rigoureux.  Heureu- 
sement que  la  considération  dont  il 
jouissait  au  dehors,  et  le  crédit  de  ses 
protecteurs,  forcèrent  ses  supérieurs  à 
mettre  des  bornes  à  leurs  tracasseries. 
La  paix  fut  conclue ,  sous  la  condition 
qu'il  ne  serait  plus  question  ,  entre  ses 
confrères  et  lui ,  des  objets  qui  avaient 
fait  la  matière  de  leurs  contestations. 
Mais  rien  ne  fut  capable  de  l'ébranler 
dans  ses  opinions.  11  disait  plaisam- 
ment, à  ce  sujet  :  «  Je  ne  saurais 
»  faire  comme  le  P.  Dutertre,  qui,  en 
»  vertu  de  la  sainte  obédience  ,  s'est 
»  couché  le  soir  Mallebranchiste,  et 
»  s'est  levé  le  matin,  bon  disciple 
»  d'Aristote.  »  A  la  destruction  des 
jésuites ,  le  P.  André  se  retira  chez  les 
chanoines  réguliers  de  Caen  ;  et  le  par- 
lement de  Rouen  pourvut  honorable- 
ment à  ses  besoins.  C'est  dans  cette 
retraite  qu'il  termina  paisiblement  sa 
longue  carrière,  le  9.G  février  1764. 
M.  l'abbé  Guyot ,  son  ami ,  a  recr.eilli 
ses  œuvres ,  qui  ont  été  imprimées  à 
II. 


Paris,  en  i^Gô,  5  vol.  in- 12.  Les 
pièces  de  ce  Hecueil  sont  inférieures  à 
Y  Essai  sur  le  beau;  cependant,  on 
sent  la  touche  de  l'auteur  dans  le 
Traité  de  l'Homme.  Le  P.  André  a 
laissé  plusieurs  manuscrits,  dont  on 
trouve  une  notice  à  la  fin  de  l'éU  ge 
dont  M.  Guyot  a  orné  l'édition  dont 
on  vient  de  |iarler.  La  Correspondance 
du  P.  André  avec  le  P.  Mallebranche 
est  entre  les  mains  d'un  homme  de 
lettres.  T-d. 

ANDRÉ  (le  Petit-Père).  Foy. 

BoULLANGER. 

AiNDRE  (  Jean  ) ,  peintre  ,  né  à 
Paris,  en  16G2.  A  17  ans,  il  se  fit  re- 
ligieux dominicain.  Ses  supériem's 
l'ay  ,nt  envoyé  à  Rome,  il  y  étudia  les 
grands  maîtres,  et  en  revint  avec  un 
talent  assez  estimable.  Ses  tableaux,  re- 
présentant des  sujets  de  dévotion  , 
étaient  placés  dans  plusieurs  églises 
de  Paris ,  et  principalement  dans  celles 
des  jacobins.  Ils  sont  aujourd'hui , 
pour  la  plupart,  dispersés  ou  perdus  ; 
mais  les  arts  ont  fait,  à  la  fin  du  18*. 
siècle  ,  des  pertes  plus  regrettables. 
Le  frère  Andié  était  un  de  ces  pein- 
tres laborieux  qui  ne  s'élèvent  pas 
aux  grandes  beautés  de  l'art.  Venu 
dans  un  temps  où  la  peinture  tendait 
h  la  décadence,  il  sui\it  la  route  tra- 
cée par  ses  contemporains,  plutôt  que 
celle  des  grands  maîtres  dont  il  était 
allé  méditer  les  ouvrages  à  Rome.  Il 
refusa,  par  modestie ,  d  être  reçu  à  l'A- 
cadémie. Lafosse  et  Jouvenet  avaient, 
dit-on,  de  l'estime  pour  ses  talents. 
Il  mourut  à  Paris,  en  17^3,  âgé  de 
91  ans,  et  eut,  pour  élèves,  Duraont^ 
dit  le  Romain,  Chasle  et  Taraval. 
D— T. 

ANDRÉ  (Jean),  musicien  célè- 
bre, né  à  Offenbach,  sur  le  Rhin,  le 
liBmars  \']l\i.  Sa  mère,  qui  dirigeait 
dans  sa  ville  natale  une  grande  manu- 
facture de  soie,  le  destinait  au  com- 

9 


iDo  AND 

merce;  mais  son  goût  pour  la  musique 
l'emporta ,  et  ,  malgré  le  manque 
d'instruction  sui^^e ,  il  y  fit  les  plus 
rapides  progrès.  Pendant  qu'il  était 
chez  un  négociant  de  Francibrt-sur- 
le-Mein  ,  il  composa  son  premier 
opéra,  le  Potier,  qui  obtint  un  grand 
succès;  il  mit  en  musique,  peu  après, 
Envin  et  Elmire,  opéra  dont  Gœtlie 
avait  fait  les  paroles.  Cet  ouvrage  fut 
joué  sur  le  tliéàlre  de  Berlin  ,  avec  de 
grands  applaudissements.  André  se 
rendit  alors  dans  cette  ville,  obtint 
la  direction  du  grand  tbéâtre ,  et  se 
distingua  par  de  nombreuses  compo- 
sitions. Mais ,  comme  la  fabrique  de 
musique  qu'il  avait  laissée  à  Offenbacli 
périclitait  en  son  absence ,  il  se  rendit 
dans  sa  patrie  ,  et  reçut ,  avant  de 
partir,  le  titre  de  maître  de  chapelle  du 
margrave  de  Brandebourg  -  Schwcdt. 
On  a  de  lui  vingt  opéras,  et  des  pièces 
moins  étendues  :  une  mélodie  fort  spi- 
rituelle en  est  le  caractère  :  il  s'était 
formé  presque  sans  maître.  Un  excès 
de  travail  le  conduisit  au  tombeau, 
le  18  juin  1799.  G  — T. 

ANDRÉ  (  Charles  ) ,  perruquier ,  à 
Paris,  eu  1756,  était  né  à  Langres, 
eti  i^aa.  Un  gentilhomme,  nommé 
de  Lasalle  Dampierre,  l'un  des  régis- 
seurs de  l'impôt  sur  les  cartes ,  dont 
André  était  le  perruquier,  lui  persua- 
da de  devenir  auteur  tragique.  André 
goûta  cet  avis,  et,  bientôt  après,  pa- 
îurent  successivement  trois  éditions 
du  Tremblement  de  terre  de  Lisbon- 
ne ,  tragédie  en  cinq  acte$  et  en 
vers,  par  M.  André ,  perruquier, 
privilégié,  demeurant  à  Paris,  me 
de  la  Vannerie,  près  la  Grève;  im- 
primé à  Amsterdam  (  Paris  ),et  se 
vend  chez  l'auteur,  m.  DCC.LVi,in-8". 
La  première  édition ,  dont  le  titre  est 
en  grosses  lettres  romaines,  porte  la 
fausse  date  de  1 755.  On  y  voit ,  pour 
cui-tic-ltmipc ,  uue  grosse  perruque  , 


AND 

dans  l'intérieur  de  laquelle  est  une 
tète  à  perruque.  M.  Dampierre  était  le 
principal  auteur  de  cette  facétie ,  quoi- 
qu'elle parût  sous  le  nom  d'André ,  qui 
prit  la  chose  au  sérieux ,  et  dédia  la 
pièce  à  l'illustre   et  célèbre  poète , 
M.  de  Foliaire,  qu'il  appelle  mon- 
sieur et  cher  confrère.  Cette  farce 
n'avait  jamais  été  représentée,  et  était 
oubliée,  lorsqu'eu  i8o5,  à  l'occasion 
d'un  mélodrame  joué  au  théâtre  de  la 
Porte-St.-iVIartin  ,  on  fit  jouer  sur  un 
très-petit  théâtre  des  Boulevarts,  et 
réimprimer  le  Tremblement  de  terre 
de  Lisbonne  ;  et  on  en  donna  quatre- 
vingts  représentations,  qui  furent  tou- 
tes très-suivies.  Si  André  eût  vécu,  il 
eût  encore  été  la  dupe  de  cet  empresse- 
ment du  public,  qui,  lui-même  ,  était 
la  dupe  de  Dampierre.  Quelques  per- 
sonnes attribuent  aussi  cette  pièce  à 
M.  Paris  de  IMaizienx.       A.  B — x. 
ANDRÉ  BARDON.  Foj.  Dandré. 
AJNDRE   DK  St.  -  Nicolas  ,   reli- 
gieux carme,  ué  à  Remiremont,  en 
Lorraine ,  vers  iG5o,  mort  à  Besan- 
çon, en  1715,  a  publié:  L   De  la- 
pide sepulchrali,  antiquis  Bur^undo, 
Sequanorum ,  comitibus ,  f'esuntio- 
7ie,in  S.  Joannis  Evangelisiœ Basi- 
licd,  recens positd,  Besançon  ,  1695, 
in-i2.   C'est   la   critique   d'une    ins- 
cription   récemment    ])lacée    sur    le 
tombeau  des  anciens  comtes  de  Bour- 
gogne, qu'on  voyait  dans  l'église  ca- 
thédrale de  Besançon;  II.  Lettre  en 
forme  de  dissertation  sur  la  préten- 
due découverte  de  la  ville  d'Ajitr* 
en  Franche- Comté  ;  Dijon,  Mioard, 
1698,  in-ia.  Le  P.  Dunod ,  jésuite  , 
venait  d'annoncer  qu'il  avait  décou- 
vert la  véritable  position  de  l'ancienne 
ville  d'Avenches  (  Aventicum  ),  et  il 
la   plaçait  près  du  lac  d'Autre  ,  aux 
environs  de  Moirans.   Cette  opinion 
insoutenable  avait  cependant  trou\e 
des  partisaas.   Le  P.  André  la  com- 


AND 

battit  avec  autant  de  clialeiir  que  cle 
j-aison;  mais,  comme  ou  le  pense  bien, 
il  ne  put  parvenir  à  convaincre  sou 
adversaire.  Le  P.  André  a  laisse'  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits  ,  concer- 
nant riiistoixe  ecclésiastique  de  Be- 
sançon ;  les  plus  importants  sont  :  Se- 
qiiani  Chrisliani  ,  seu  Christiana 
Sequanoruiii  Decas  historica  ;  uu 
Pouillé  des  bénéfices  du  diocèse  , 
qu'il  a  intitule  :  Folypticon  Vesun- 
ûno-Sequanxcimi  ;  et  enfin  f^eteres 
Sequanorum  regidi.  Ces  manuscrits 
sont  conserves  dans  la  bibliothèque 
publique  de  Besançon.  Le  P.  Le  Long 
attribue  au  même  auteur  une  Histoire 
généalogique  de  la  maison  royale 
de  Bourbon ,  ancienne  et  moderne. 
Le  P.  André  a  coopère  à  ï Histoire  de 
V Eglise  Sl.-Etienne  de  Dijon  ,  par 
l'abbé  Fyot.  Il  a  travaille'  aussi  à  l'his- 
toire de  l'abbaye  de  Cluni.  W — s. 
ANDRE  (John  ) ,  adjudant-ge'ne'ral 
dans  l'armée  anglaise,  à  l'époque  de  la 
guerre  d'Amérique ,  fut  victime  de  la 
perfidie  du  général  Arnold,  qui,  fei- 
gnant de  trahii-  les  Américains ,  avait 
demandé  à  ouvrir  une  correspondance 
secrète  avec  les  Anglais.  Le  général  en 
chef  Clinton  ,  chargea  AncLé  de  suivre 
cette  correspondance;  et,  lorsque  toutes 
les  mesures  furent  prises  pour  l'exécu- 
tion du  projet  d'Arnold ,  André  vint  le 
trouver  à  West-Point ,  pour  prendre 
avec  lui  les  derniers  arrangements; 
mais  ,  à  son  retour  ,  il  fut  arrêté  par 
trois  soldats  de  milice  ,  au  moment  où 
il  se  croyait  hors  des  postes  de  l'ar- 
mée américaine.  On  trouva  sur  lui  le 
plan  du  fort  de  West-Point ,  avec  des 
notes  de  la  main  d'Arnold  ,  sur  l'état 
de  la  garnison  et  des  fortifications  de 
ce  poste  important ,  et  sur  les  moyens 
de  l'attaquer.  Traduit  aussitôt  devant 
une  commission  militaire,  André  fut 
condamné  à  mort ,  comme  espion  ,  et 
ex«'cuté  le  2  octobre  1780.  Uu  esprit 


AND  1 D I 

fin  ,  une  imagination  brillante,  une 
élocution  facile,  un  goût  décidé  poui." 
les  beaux-arts ,  les  formes  les  plus  sé- 
duisantes, tout  se  réunissait  pour  ren- 
dre intéressant  ce  malheureux  jeune 
homme.  Après  son  arrêt  de  moi-t ,  il 
s'occupa  moins  de  lui  que  de  sa  fa- 
mille ,  et  du  général  Chuton,  qu'il  ai- 
mait tendrement.  Le  colonel  Harail- 
tou  ,  aide-de-camp  de  Washington  , 
le  consola  dans  ses  derniers  moments. 
Il  mourut  avec  le  plus  grand  courage. 
Les  spectateurs  fondaient  en  larmes  , 
et  cette  catastrophe  ne  fit  pas  moins 
délester  Arnold  par  les  Anglais  que 
par  les  Américains.  B — a. 

A>Di;É  DEL  CASTAGNO.  Foj-. 
Castagno. 

ANDRÉ  VANNUCCHI ,  dit  André 

DtL    SaRTO.     f^OJ'.  VaNNUCCHI. 

ANDRÉ   (   LE     P.    CuRYSOLOGCE  ). 

/^oj'.  Chrvsglogue. 

ANDRÉ  (  LE   MARECnAL    Sai>t-). 

^.  Saint- André. 

ANDREA  ,  piètre  et  chanoine  de 
Bergamc,  vivait  à  la  fin  du  [f.  siè- 
cle. Il  est  auteur  d'une  Chronique ,  qui 
s'étend  depuis  l'entrée  des  Lombards 
en  Italie  jusqu'à  la  mort  de  l'empe- 
reur Louis  II,  c'est-à-dire,  jusqu'en 
874?  et  un  peu  au-delà.  Elle  a  été 
publiée  par  Muratori,  dans  leP''.voL 
de  ses  Antiquités  d'Italie ,  pag.  4* 
et  suiv.  L'auteur  y  raconte  lui-même 
que ,  l'empereur  étant  mort  à  Brescia , 
sou  corps  fut  porté  à  Milan  ,  et  qu'il 
fut  un  de  ceux  qui  le  portèrent,  dans 
toute  l'étendue  du  diocèse  de  Ber- 
game ,  ^est-à-dire ,  depuis  l'Oglio  jus- 
qu'à l'Adda.  G — e'. 

ANDREA  (Alexandre  d'),  auteur 
italien  du  16'^.  siècle ,  a  écrit  un  ouvrage 
historique ,  intitulé  :  Délia  guerra  di 
campagna  di  Roma  e  del  regno  di 
Napoli  nel  pomijicato  di  Paolo  IP^, 
Vanna  i556  et  iSS'-j  ,  ragiona- 
menti  III^  etc,  Ruscelli  lefitimpri- 

9- 


î32  AND 

mer  à  Venise,  en  i56o,  in-4".  ;  il 
fut  réimprimé  eu  i6i5  ,  et  traduit  en 
espagnol,  en  iSSq.  Toppi ,  dans  sa 
Bibliothèque  Napolitaine ,  ajoute  que 
d'Andréa  avait  aussi  traduit  le  livre  de 
l'empereur  Léon  sur  l'art  de  la  guer- 
re, et  qu'il  y  avait  ajouté  de  très-beaux 
discours  ;  mais  cet  ouvrage ,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  le  précédent , 
n'a  jamais  été  imprimé.  G — e. 

A^'DREA  (  Jean  ) ,  évêque  d'Ale- 
ria  ,  eu  Corse  ,  s'est  fait  un  nom  dans 
la  république  des  lettres ,  non  par  ses 
ouvrages  ,  mais  par  le  soin  qu'il  prit 
par  ordre  du  pape  Paul  II ,  de  diriger 
et  de  corriger  les  premières  éditions 
qui  se  firent,  à  Rome, de  plusieurs  au- 
teurs latins ,  lorsque ,  peu  de  temps 
après  la  découverte  de  l'imprimerie, 
les  deux  célèbres  imprimeurs,  Conrad 
Svveignbeym  ,  et  Arnould  Pannartz  , 
allèrent  y  exercer  leur  art.  Sou  nom 
de  famille  était  Bussi  ou  Bossi.  II 
était  né  à  Vigevano ,  en  i4i7-  Après 
avoir  langui  quelques  années  à  Kome, 
dans  un  état  de  dénuement  et  de 
pauvreté ,  il  en  sortit ,  en  s'attacbant 
au  cardinal  de  Cusa.  Il  obtint ,  par  le 
crédit  de  co  cardinal,  le  titre  de  se- 
crétaire de  la  bibliotbèque  aposto- 
lique ,  ensuite  l'cvêclié  d'Accia ,  dans 
l'île  de  Corse  ,  d'oîi  il  passa  bientôt 
après  à  celui  d'Alcria.  Les  principales 
éditions  qu'il  dirigea  ,  et  auxquelles 
il  ajoutait  toujours  des  préfaces  et  des 
cpîtres  dédicatoircs ,  sont  celles  des 
Epitres  de  S.  Jérôme,  en  i  vol.  ;  des 
Épitres  et  des  Oraisons  de  Çieéron  ; 
des  Commentaires  de  César,  de  Lu- 
cain  ,  d'Aulu  -  Gelle  ,  d'Apulée  ,  de 
Pline  ,  de  Quintilien  ,  de  Suétone  , 
de  Slrabon  ,  de  Virgile,  d'Ovide  ,  de 
SiHus-Italicus  ,  de  Tite-Live,  etc. 
Les  dates  de  ces  éditions  ,  justement 
lechercbées ,  s'étendent  depuis  1468, 
jusqu'en  i474'  Quelques  auteurs  lui 
ont  attribué  des  écrits  sur  les  Décré- 


AND 
taies ,  sur  les  Fiefs ,  etc.;  mais  ils  Vont, 
sans  doute ,  confondu  avec  le  célèbre 
canoniste  Jean  d'Andréa ,  quiflorissait 
dans  le  même  temps.  G — e. 

ANDREA  (Onuphre  d'),  poète 
napolitain,  florissait  en  i63o  ,  et 
mourut  vers  1647.  Quoiqu'il  parti- 
cipât à  la  corruption  du  style  qui  ré- 
gnait alors  ,  Crescimbeni  et  le  Qua- 
drio  le  mettent  cependant  au  nombre 
des  meilleurs  poètes  du  17''.  siècle. 
On  a  de  lui  :  L  deux  poèmes ,  l'un 
fabuleux,  l'autre  héroïque,  Aci , 
poema,canli  FUI,  inottava  rima, 
Naples ,  I  Gi^  ,  in- 1 2  ,  et  Italia  lihe- 
rata,  poema  eroico ,  Oi'e  si  traita  la 
distruzione  del  regno  de'  Longobar- 
di ,  XX  canti ,  Naples,  1 6;J  G ,  in- 1 2  ; 
II.  deux  pièces  àc  \\icà.hQ ,X Elpino , 
favola  boschereccia ,  Naples,  161Q, 
in- 12,  et  la  Vana  gelosia ,  comme- 
dia ,  Naples,  i655,  iu-12;  III.  le 
recueil  de  ses  Poésies  lyriques  ,  eu 
2  parties,  Naples,  i65i  et  i655, 
iu-i  2  ;  IV.  des  Discours  sur  différents 
sujets  de  morale  et  de  philosophie , 
Discorsi  in  prosa ,  che  sono  délia 
bellezza,  delf  amicizia,  delV  amo- 
re,  délia  musica ,  etc. ,  Naples ,  1  Gj6, 
in-4".  G — É. 

ANDREA  de  Nerciat.  P\  Nerciat. 

ANDRE  A.  (  PiSANO  ),  sculpteur  et  ar- 
chitecte, naquit  à  Pise,  en  1270.  Déjà, 
Aruolfo  di  Lapo ,  Jean  de  Pise ,  et 
quelques  autres ,  d'après  l'exemple  et 
les  conseils  de  Cimabué  et  de  Giotto  , 
avaient ,  en  partie,  renoncé  au  style  go- 
thique ,  qui  régnait  encore  dans  les 
arts  du  dessin,  et,  prenant  pour  mo- 
dèles les  ouvrages  des  anciens,  ra- 
menaient la  peinture  ,  la  sculpture  et 
l'architecture  aux  bons  priucipes. 
André  de  Pise  contribua  plus  qu'eux 
tous  à  cette  heureuse  révolution  ;  et , 
en  cela ,  il  fut  aidé  par  les  circons- 
tances; car  ,  à  cette  époque ,  ses  com- 
patriotes ,  très-puissants  sur  mer ,  fai- 


AND 

saient  le  commerce  avec  la  Grèce,  et 
CD  rapportaient  des  statues  ,  des  bas- 
reliefs  antiques,  et  jusqu'à  des  colon- 
nes de  marbre  précieux,  qu'ils  em- 
ployaient à  la  construction  ou  à  l'or- 
nement de  leurs  édifices  ,  et  surtout 
de  la  cathédrale  et  du  Campo  Santo, 
André  fit  la  comparaison  de  ces  beaux 
ouvrages  avec  ceux  qu'on  avait  exé- 
cutés jusqu'alors ,  et  ce  fut  pour  lui  un 
trait  de  lumière,  qui  le  guida  dans  la 
bonne  route ,  que  devaient  achever  de 
frayer  les  Donatello,  les  Brunelleschi 
ei  les  Ghiberti.  Les  premiers  ouvra- 
ges d'André  de  Pise  eurent  tant  de 
succès ,  qu''il  fut  appelé  à  Florence 
]>our  exécuter  ,   sur  les   dessins  de 
Giotto,  les  sculptures  de  la  façade  de 
Stc-Marie  del  Fiore,  le  monument  le 
])lus  magnifique  de  ce  siècle.  Il  com- 
mença par  la  statue  de  Boniface  VIII, 
])rotecteur  des  Florentins;  il  l'accom- 
jiagna  des  figures  de  5.  Pierre  et  de 
^*>.  Paul ,  et  de  plusieurs  autres  saints 
jicrsounages.   Vers    1 586 ,  tous  ces 
morceaux  de  sculpture  furent  enle- 
vés ,  lorsqu'on  voulut  refjiire  cette  fa- 
çade sur  un  dessin  plus  moderne  ; 
mais,  ce  projet  n'ayant  pas  eu  de  suite, 
les  statues  d'André  furent  dispersées 
dans  l'église  et  en  d'autres  lieux  ;  on 
en  a  transporté  quelques-unes  dans 
l'allée  princijjale  du  Poggio  impériale, 
maison  de  plaisance  des  grand -ducs 
de  Toscane.  On  cite  la  Madone  et  les 
deux  Anges,  qu'on  voit  sur  l'autel  de 
l'église   de  la  Miséricorde  ,    comme 
ayant  été  faits  dans  le  même  temps , 
par  André;  ce  groupe  en  marbre  ,  et 
de  grandeur  naturelle,  est  d'une  bonne 
exécution ,  et  on  remarque  déjà  dans 
les  poses  une  certaine  souplesse  qui 
est  voisine  de  la  grâce.  A  la  mort  d'Ar- 
nolfo  di  Lapo,  la  république  de  Flo- 
rence chargea  André  de  tous  les  grauds 
ti-avaux  qui  s'exécutaient  sur  son  ter- 
iitoire  ;  bientôt  après ,  il  fut  employé, 


A  ^'  D  1 55 

comme  ingénieur  ;  il  éleva  des  fortifi- 
cations autour  de  la  ville  de  Florence, 
menacée  par  les  armées  impériales, 
et  construisit  le  château  fort  de  Scar- 
peria ,  situé  au  IMugclIo  ,  sur  le  re- 
vers de  l'Apennin.  Dans  un  temps  plus 
tranquille  ,  André  s'était  occupé  de 
l'art  de    couler    et    de    tiavailler  le 
bronze.  Ce  talent  lui  devint  bientôt 
utile  ;  les  Florentins ,  voulant  imiter 
dans  leurs  temples  la  magnificence  des 
anciens  ,  résolurent  de  prodiguer  la 
sculpture  sur  les  portes  de  bi'onze  du 
baptistère.  Giotto ,  dont  le  nom  est 
mêlé  à  tous  les  grands  travaux  de  ce 
temps ,  fut   chargé  de  composer  les 
dessins  de  ces  portes  ;  André  se  char- 
gea de  les  exécuter.  Elles  sont  cou- 
vertes de  bas  -  reliefs  ,  représentant 
toute  l'histoire  de  S.  Jean-Baptiste.  Les 
compositions  sont  bien  entendues;  les 
attitudes  des  figures  sont  naturelles  et 
expressives,  quoique  toujours  un  peu 
roides  ;  mais  tous  les  détails  sont  ci- 
selés avec  im  art  et  une  adresse  infinis. 
Ces  portes ,  commencées  en    1 55 1  , 
furent  terminées  ,  pohcs  et  dorées  huit 
ans  après;  on  les  posa  d'abord  à  l'en- 
trée principale  de  l'édifice;  mais,  ayant 
été  remplacées  ensuite  par  les  admi- 
rables portes  de  Laurent  Ghiberti, 
elles  furent  transportées  à  l'une  des 
faces  latérales  ,  où  on  les  voit  encore. 
André  exécuta  plusieurs  autres  ou- 
vrages en  bronze ,  tels  que  le  taber- 
nacle de  San-Giovanni ,  des  bas-reliefs 
et  des  statues  qui  ornent  le  campanille 
de  Sainte-Marie  del  Fiore.   Cet  ar- 
tiste fit  un  vo3-age  à  Venise  ,  pour 
enrichir  de  sculpture  la  façade  de  l'é- 
glise de  St.-Marc  ;  il  donna  aussi  le 
modèle  du  baptistère  de  Pistoia ,  exé- 
cute en  i557  ,  et  érigea,  dans  une 
église  de  cette  ville,  le  tombeau  de 
Ciino  d'Angibolgi.  Gaultier  de  Brienne, 
duc  d'Athènes,  qui  avait  nsurpé  le 
pouvoir  à  Florence,  chargea  André  de 


i54  AND 

plusieurs  travaux  d'arclutectm-e,  et  lui 
fit  élargir  les  places,  fortifier  son  pa- 
lais, et  élever  plusieurs  tours  sur  les 
murs  de  la  ville  5  il  lui  fit  bâtir  la  belle 
porte  San  Friano  ,  et  presque  toutes 
les  antres.  Enfin  ,  ce  duc  lui  demanda 
le  modèle  d'une  forteresse  qu'il  vou- 
lait faire  construire  sur  la  costa  San 
Giorgio ,  pour  contenir  les  Florentins; 
mais  ayant  ete'  lui  -  même  chassé  en 
1343  1  cette  forteresse  ne  fut  bâtie 
que  bien  plus  tard ,  par  les  Me'dicis , 
sous  le  nom  de  Behédère.  André  ne 
partagea  point  la  disgrâce  du  duc  d'A- 
thènes ;  on  ne  considéra  que  les  ser- 
vices qu'il  avait  rendus;  il  fut  nommé 
citoyen  de  Florence  ,  où  il  mourut , 
en  1 345  ,  comblé  de  biens  et  d'hono- 
rables distinctions  ;  il  fut  inhumé  à 
St.-Marie  dcl  Fiore  ,  oij  son  fils  Nino 
lui  érigea  un  monument.  Parmi  les 
élèves  d'André  Pisano,  on  cite  Nino 
son  fils ,  qui  termina  une  figure  de  la 
'  Vierge ,  commencée  par  son  père  , 
pour  l'église  de  Santa  Maria  Novella , 
et  qui  exécuta  beaucoup  d'autres  ou- 
vrages de  sculpture ,  tant  à  Florence 
qu'à  Pise  et  à  Naplcs.  C — n. 

AN  DRÉADE(  Ferdinand  d'), 
amiral  portugais ,  fut  l'un  des  capi- 
taines qui  portèrent  dans  l'Inde  les 
lois  et  les  arts  de  l'Europe.  Andréade 
fommandait,  en  i.5i8,  la  première 
flotte  européenne  qui  ait  paru  siu'  les 
cotes  de  la  Chine.  Il  y  fit  le  commerce 
avec  une  modération  et  une  bonne  foi 
à  laquelle  ses  compatriotes  n'avaient 
point  accoutume  les  peuples  de  l'Asie. 
Au  moment  de  son  départ,  on  publia, 
par  son  ordi'c  ,  dans  tous  les  ports  où 
il  avait  abordé ,  que.  si  quelqu'un  avait 
à  se  plaindre  des  Portugais ,  il  était 
invité  à  faire  sa  déclaration,  pour  que  le 
coupable  fût  puni ,  en  présence  même 
de  l'offensé.  Cette  conduite  allait  faire 
ouvrir  à  sa  nation  les  ports  que  la 
jalousie   des    Chinois   ferme  si    se- 


AND 

vèreraent  aux  étrangers  ,  lorsque  Si- 
mon d'Andréade ,  frère  de  Ferdinand, 
parut  sur  les  côtes  avec  une  nouvelle 
escadre.  Celui-ci  détruisit,  par  la  vio- 
lence et  le  bjigandage ,  l'heureux  etîVt 
de  la  prudence  et  de  la  vertu  de  son 
frère.  Les  ports  de  la  Chine  furent  fer- 
més aux  Portugais,  et  n'ont  été  rou- 
verts, depuis  cette  époque,  aux  navi- 
gateurs européens ,  qu'à  des  condi- 
tions onéreuses  et  humiliantes.  E — o. 

ANDREJ^.  (  Jean  ) ,  archiviste  des 
comtes  de  Nassau ,  qui  vivait  au  com- 
mencement du  1  -y",  siècle  ,  et  occupa 
cette  pkce  pendant  quarante  ans.  U 
a  écrit  une  Histoire  fort  volumineuse 
de  la  maison  de  Nassau,  et ,  comme  il 
en  avait  les  archives  à  sa  disposition  , 
son  travail  est  fort  précieux  ,  surtout 
pour  l'histoire  de  la  guerre  de  trente 
ans  ,  sur  laquelle  il  a  publié  des  do- 
cuments qui  ne  se  trouvent  point  ail- 
leurs. G — T. 

ANDREiE  (  Jean  -  Gebard  -  Rein- 
hard),  pharmacien,  non  moins  dis- 
tingué par  ses  connaissances  que  par 
ses  vertus  ,  né  à  Hanovre,  en  1  724  , 
fit  ses  premières  études  à  Berlin,  et 
parcourut  ensuite  ,  pour  les  achever, 
les  principales  universités  de  l'Alle- 
magne et  de  la  Hollande.  Il  séjourna 
aussi  quelque  temps  en  Angleterre , 
et  contracta ,  ^vendant  ses  voyages ,  des 
relations  d'amitié  avec  les  physiciens 
et  les  chimistes  les  plus  célèbres  de  ce 
temps ,  tels  que  Musehenbroek ,  Fran- 
klin ,  de  Luc ,  Gmelin ,  etc.  De  retour 
à  Hanovre,  il  prit  la  direction  de  la 
pharmacie  de  son  père  ;  publia  ,  dans 
le  Magasin  Hanovrien^  des  Disser- 
tations de  physique  et  de  chimie,  la 
plupart  intéressantes  ,  et  forma  un 
beau  cabinet  d'histoire  naturelle  , 
dont  il  a  laissé,  à  sa  mort,  un  cata- 
logue raisonné.  En  i  -jGS ,  le  roi  d'An- 
gleterre le  chargea  d'examiner  les 
principaux  genres  de  terre  de  Tclec-i 


AND 

torat  de  Hanovre ,  et  le  re'sultat  de 
ses  recherches  parut ,  en  i  "j  69 ,  sous 
le  titre  de:  Dissertation  sur  un  grand 
nombre  de  terres  qui  forment  le  sol 
des  possessions  allemandes  de  S.  M. 
Biitannique .  et  sur  leur  emploi  peur 
l'agriculture.  Les  pertes  de  fortune 
et  les  soLiftVauccs  physiques  qui  rem- 
plirent la  fin  de  sa  vie,  interrompi- 
rent ses  travaux ,  mais  n'alte'rèrent 
point  la  douceur  de  son  caracti?re.  11 
mourut,  en  l'jga, regrette' surtoutdes 
pauvres,  qu'il  avait  toujours  soignes 
gratuitement.  Le  médecin  Zimmer- 
ii^nu  ,  qui  lui  donna  des  soins  pen- 
dant sa  maladie  ,  parlait  avec  une 
haute  estime  de  ses  lumières  et  de 
ses  vertus.  Son  portrait  se  trouve  en 
tête  du  77''.  vol.  de  la  Biblioth.  allem. 
unif.  de  Kicoiaï.  G — t. 

ANDREAS,  ou  ANDRON ,  médecin 
grec  ,  disciple  d'Hérophile ,  qui ,  selon 
Polybe ,  vivait  sous  Ptolémée  Philopa- 
tor ,  deux  siècles  av.  J.-C.  Dioscoride 
le  cite  comme  s'étant  distingué  par  la 
connaissance  des  plantes;  Celse,  com- 
me ayant  beaucoup  écrit  sur  la  chi- 
rurgie et  les  vertus  des  médicaments. 
Galien  en  parle  avec  mépris ,  mais  sans 
doute  pour  venger  Hippocrate,  qu'An- 
drcas ,  par  aveuglement  pour  son  maî- 
tre Hérophile,  faisait  profession  de  dé- 
daigner. Il  avait  composé  un  ouvrage 
sous  le  titre  de  Narthex ,  espèce  de 
pharmacopée  portative,  qui  n'est  pas 
parvenue  jusqu'à  nous ,  et  qu'on  ne 
connaît  que  par  ce  qu'en  dit  Galien. 
Voici  les  ouvrages  que  IManget  lui  at- 
tribue ,  et  qui  sont  aussi  perdus  pour 
nous  :  I.  De  rébus  in  quibusque  op- 
pidis  Siciliœ  memoralibus  ;  II.  De 
Medicd  origine  ;  111.  De  iis  quœ 
falso  creduntur  ;  IV.  De  iis  quœ 
morsus  venenata  surit ,  sive  de  ser^ 
pentibus  ;  V.  De  herbis  sifedeplan- 
tis  ;  VI.  Glossometa  ad  Nicandrum. 
On  croit  qu'il  faut  distinguer  cet  An- 


ANT)  i55 

dréas  d'un  autre  médecin  du  même 
nom  ,  fils  de  Chrysarus ,  auquel  Ga- 
lien fait  le  reproche  d'avoir  introduit, 
dans  la  médecine ,  les  noms  et  les  su- 
perstitions des  Babyloniens ,  et  autres 
peuples  orientaux.        C.  et  A — n. 

ANDREHAN,  ENDREGHEN, ou 
ANDENEHAM  (Ar>-oul,    sire  d'), 
maréchal  de  France ,  sous  les  rois  Jean 
et  Charles  V ,  se  distingua  contre  les 
Anglais ,   et  obtint  la  faveur  du  roi 
Jean ,   auquel  il  s'était  attaché  lors- 
qu'il n'ciait  encore  que  duc  de  Nor- 
mandie. Ce  prince  lui  fit  assigner  une 
l'cnte  sur  le  trésor  royal,  en  i5f3, 
et  le  nomma,  six  ans  après,  capitaine 
souverain  du  comté  d'Angoulème.  La 
trêve  avec  les  Anglais  ayant  été  rom- 
pue ,   en  1 55 1 ,  Arnoul  d'Andrclian 
fut  fait  prisonnier  dans  un  sanglant 
combat  en  Saintonge.  Après  sa  déli- 
vrance et  la  mort  du  maré<hal  de 
Beaujeu  ,    le  roi  le  fit  maréchal  de 
France  ,  lieutenant  -  général  dans  les 
provinces  situées  entre  la  Loire  et  la 
Dordogne  ,  et  lui  donna ,  en  outre ,  la 
terre  de  Wassiguies ,  près  de  Guise.  îl 
le  chargea  d'aller  défier  Edouard , 
prince  de  Galles,  dit  le  Prince  noir, 
et  ensuite  d'étouffer  une  révolte   de 
la  ville  d'Arras ,  où  il  lit  décapiter, 
aux  yeux  du  peuple,  vingt  révoltés  des 
plus   coupables  ;  ce  qui  fit  tout  ren- 
trer dans  le  devoir.  Andrehan  accom- 
pagna le  roi  Jean  à  la  bataille  de  Poi- 
tiers, en  i556,  commença  l'attaque 
av<'c  5oo  hommes  d'armes,  et,   en- 
veloppé par  les  archers  anglais ,    se 
rendit  prisonnier,   et  fut  conduit  eu 
Angleterre.  A  son  retour,  ilconimand.t 
en  Languedoc ,  suivit  Dugiieschn  eu 
Espagne  ,    au   secours  de  Henri  d& 
Transtamare  ,  contre  Pierre-le-Cruel , 
et  fut  fait  encore  prisonnier  à  la  ba- 
taille de  Navarelte,  eii  1567.  Après 
avoir  obtenu  sa  liberté ,  11  remit  sa 
charge  de  maréchal  àCliaile^V,  quanl 


]36  AND 

son  âge  ne  lui  permit  plus  d'en  exer- 
cer les  fondions ,  et  reçut ,  en  dédom- 
magement, celle  de  porte-oriflamme. 
«  Chose  non  octroyée ,  ditBellcforest, 
»  qu'à  des  chevaliers  vieux  et  expéri- 
»  mcnte's ,  et  renommes  de  grand'- 
»  prudhomie.5)  Ne  pouvant  supporter 
l'inaction,  il  retourna,  quoique  vieux 
et  casse',  chercher  en  Espagne  de  nou- 
veaux dangers  avec  D.ugu(  sclin ,  et  y 
mourut  de  maladie ,  en  i  j'jo,  laissant 
son  héritage  à  Jean  de  Neuville,  son 
neveu,  maréchal  de  France,  B — p. 
ANDREINI  (  François  ) ,  do  Pis- 
loia ,  comédien  célèbre ,  fleurit  à  la  fin 
du  lÔ*".  siècle.  11  eut  pour  femme  Isa- 
belle de  Padouc,  comédienne  comme 
lui,  mais  qui  dut  surtout  sa  célébrité 
à  ses  ouvrages.  La  troupe  dont  ils 
étaient  chefs  ])ortait  le  titre  de  i  Ge- 
losi,  (les  Jaloux),  et  la  devise  de  la 
troupe  annonçait  que  c'était  de  vertu, 
de  renommée  et  d'iumneur  que  ses 
membres  étaient  jaloux  :  Firlù ,  fnma 
ed  onor  ne  fer  gelosL  Andreini  joua 
d'abord  les  rôles  d'amoureux,  ensuite 
celui  de  Capilan  Spavcnto  délia  ludlc 
inferna,  rôle  de  charge ,  dont  nos  Ca- 
pitaines Tempête  ne  sont  que  le  dimi- 
nutif. Il  s'y  fit  une  grande  réputation. 
Il  voulut  la  fixer ,  en  quelque  sorte  , 
par  son  ouvrage  intitulé  :  le  Bra- 
vure  del  Capilan  Spavento ,  imprimé 
pour  la  première  fois  à  Venise ,  en 
1609,  in-4".  Ce  sont  soixante-cinq 
ragionameriti  ,  ou  entretiens  entre 
le  Capitaine  et  son  valet  Trappola. 
Andreini  avait  alors  perdu  sa  femme, 
qu'il  regrettait  beaucoup.  Ii  miten  tête 
de  cet  ouvrage  bouffon ,  un  discours 
sérieux ,  ou  plutôt  triste ,  où  il  ex- 
prime ,  à  sa  manière  ,  sa  tendresse 
pour  elle  et  ses  i-cgrets.  Il  publia ,  de- 
puis ,  d'autres  dialogues  en  prose  : 
liagionamenti  fantastici posti  infor- 
ma di  dialoghi  rappresenlativi ,  Ve- 
nise, 16 ri,  iu-4''.  Ou  a  aussi  de  lui 


AND 

deux  pièces  ou  représentations  tlîc'a- 
traies ,  en  vers  :  U Altère zza  di  Nar- 
ciso,  Venise,  161 1  ,  in-i-j,  et  YIn~ 
gannata  Proserpina  ,  ibid.,  même 
année.  Andreini  avait  une  excellente 
mémoire;  aussi  apprenait-il  facilement 
les  langues  étrangères.  Il  entendait  et 
parlait  le  français,  l'espagnol,  l'escla- 
von ,  le  grec  moderne,  et  même  le 
turk.  Il  vivait  encore  en  16 16;  on  le 
voit  par  la  date  de  l'édition  qu'il  don- 
na de  quelques  fragments  de  sa  femme 
Isabelle.  On  croit  qu'il  mourut  peu  de 
temps  après.  G — e. 

ANDREINI  (Isabelle),  l'une  des 
plus  célèbres  comédiennes  de  son 
temps,  naquit  à  Padoue,  en  i5G'i. 
Elle  épousa  François  Andreini,  dont 
nous  venons  de  parler  ,  et  prit ,  dans 
tous  ses  ouvrages,  le  titre  à'Isahella 
Andreini,  comica  gelosa,  accade- 
tnica  intenta,  detta  VAccesa,  c'est-à- 
dire,  actrice  de  la  troupe  des  Gelosi 
(  Foj.  l'article  précédent  ) ,  membre 
de  l'académie  des  Intenti ,  et  ayant , 
dans  cette  académie,  le  litre  de  XAcce- 
5rf ,  l'enflammée;  titres  qui  nous  parais- 
sent  singuliers  en  France,  mais  rela- 
tifs aux  usages  académiques  d'Italie. 
Isabelle  montra  de  bonne  heure  les 
dispositions  les  plus  rares.  Elle  savait 
à  peine  lire,  qu'elle  entreprit  de  com- 
poser une  pièce  pastorale.  Elle  joignit  à 
ses  études  littéraires  et  poétiques ,  celle 
de  la  philosophie.  Après  avoir  brillé 
sur  les  théâtres  d'Italie  ,  elle  passa  en 
France ,  où  elle  obtint  les  plus  grands 
succès,  à  la  ville  et  à  la  cour.  Elle  était 
belle,  et  possédait ,  dans  toute  sa  per- 
sonne, une  grâce  extraordinaire.  Elle 
joignait  à  son  talent  pour  le  théâtre, 
une  belle  voix ,  l'art  du  chant ,  celui 
de  jouer  de  plusieurs  instruments  ,  et 
de  parler  avec  facilité  l'espagnol  et  le 
français.  Entourée  de  toutes  les  séduc- 
tions, ses  mœurs  furent  cependant 
pures  et  irréprochables  :  clic  aima  uni- 


AND 

qtiement  son  mari ,  qui  fut  inconso- 
lable de  sa  perte.  Elle  mourut  à  Lyon , 
eu  i6o4,  d'une  fausse  couclie  :  on  lui. 
fit  des  funcraillts  magnifiques.  Tous 
les  poètes  de  son  temps  la  pleurèrent. 
Ils  1  avaient  romblëe  d'éloges  dès  son 
vivant  :  on  frappa  même  pour  elle  une 
médaille,  avec  celte  légende  :  Mtema 
fnnia.  Les  ouvrages  qu'elle  a  laissés 
sont  :  L  M irlilla  ^favola  pastorale  , 
Vérone,  1088,  in-8'.,  tt  réimpri- 
mée plusieurs  fois.  C'est  cette  pièce 
qu'elle  avait  commencée  dès  son  en- 
fance; elle  n'eut  pas,  à  ce  qu'il  paraît, 
un  grand  succès  au  théâtre.  II.  Rime, 
Milan,  1601,  in-4°.;  Paris,  it)o5, 
in- 12,  etc.  La  plupart  des  morceaux 
qui  composent  ce  volume  de  poésies , 
étaient  épars  dans  plusieurs  recueils. 
Il  en  a  reparu  d'autres  dans  le  recueil 
intitulé  :  Cumponimenti  poetici  délie 
più  illustri  rimatrlci  d'ogni  secolo, 
Venise,  i726,in-i2;  lli.  Lettere, 
Venise,  1607,  in-4°.  ;  ces  lettres  rou- 
lent presque  toutes  sur  des  sujets  d'a- 
mour. On  remarque,  comme  une  .'Sin- 
gularité biljiiograpliique,  que  la  date 
de  l'épître  dédicatoire ,  adressée  au 
duc  de  Savoie ,  porte ,  ainsi  que  le 
frontispice  du  livre  ,  la  date  de  1607, 
et  que  cependant  Isabelle  était  morte 
en  î6o4;  IV.  Fras;menti  d'alcune 
scrilture ,  etc. ,  fragments  recueillis  et 
publiés  depuis  sa  mort,  par  son  mari, 
Venise,  16 16,  selon  la  date  de  la 
préface;  mais,  au  frontispice,  162.5, 
in-8°.  Ce  sont  des  dialogues ,  presque 
tous  roulant  sur  l'amour,  comme  ses 
lettres,  et  comme  tous  ses  écrits. 
G— É. 
ANDREINI  (  Jean-Baptiste)  ,  fils 
de  François  et  d'Isabelle  Andreini ,  né 
à  Florence, -en  1578,  fut  aussi  comé- 
dien, et  joua  les  rôles  d'amoureux  sous 
le  nom  de  Lelio.  Il  eut  beaucoup  de 
succès  en  France,  sous  Louis  XTIT, 
(|ui,  selon  l'expression  de  Riccoboni, 


AND  1 57 

dans  son  Histoire  du  théâtre  italien, 
le  favorisa  de  son  estime.  Il  était  de 
l'académie  des  Spensierati ,  c'est-à- 
dire  ,  des  Insouciants  ,  et  s'intitidait 
ordinairement .  Comico  fedele  ed  ac- 
cademico  spensierato.  il  épousa  Vir- 
ginie Rampcni,  comédienne,  sous  le 
nom  de  Florinda  ,  et  qui  avait  aussi 
du  talent  pour  la  poésie.  11  en  était 
très-amoureux ,  et  donna  son  nom  à 
i'uue  de  ses  pièces  de  thcàlre.  Il  en  a 
laissé  plusieurs ,  et  quelques  poèmes 
d'un  autre  genre.  Elles  ont  eu  une  cer- 
taine réputation;  mais  celles  qui  ne 
sont  pas  entièrement  oubliées  auiour- 
d'hui ,  doivent  un  reste  de  céielirité  à 
quelques  circonstances  particulières , 
plus  qu'a  lem- mérite.  Elles  ont,  dans  le 
style,  tous  les  vices  dont  la  poésie  ita- 
lienne était  infectée  dans  le  17''.  siè- 
cle, et  que  l'école  du  Marina  v  avait 
introduits  :  elles  ont  de  plus  ,  dans  !e 
choix  des  sujets,  dans  le  plan  et  dans 
la  conduite  ,  quelque  chose  d'extraor- 
dinaire et  de  follement  irrégulier,  qui 
tient  à  l'imagination  déréglée  de  l'au- 
teur ;  nous  nous  permettrons  d'en 
indiquer  rapidement  quelques  traits. 
Les  principaux  ouvrages  d' Andreini , 
sont  :  I.  La  Saggia  Egiziana,  dia- 
logo ,  etc.,  Florence,  i6o4,  in-4". 
Dans  ce  dialogue  ,  l'auteur  fait  de 
grands  éloges  de  l'art  dramatique, 
qui  était  le  sien.  II.  Pianto  d'Jpol- 
lo ,  etc. ,  poésies  funèbres  sur  la  mort 
d'Isabelle  Andreini  sa  mère,  avec  quel- 
ques poésies  badines  {rimepiacevoli') 
sur  un  poète  malheureux,  Milan,  1 60G, 
in-8".  Dans  ce  recueil ,  où  il  a  mêlé 
si  bizarrement  le  genre  funèbre  et  le 
genre  badin,  ou  même  burlesque,  il 
y  a  des  morceaux  qui  passent  pour  lea 
meilleurs  qu'il  ait  faits.  III .  JJAdamo^ 
représentation  sacrée ,  en  5  actes  et  eu 
A'ers  libres ,  mêlée  de  chœurs  et  de. 
chants ,  Milan  ,  1 6 1 3  et  1 6 1 7  ,  in-4".  ^, 
avec  des  gravures  à  chaqiio  scène  _, 


i38  AND 

d'api'cs  les  dessins  du  fameux  peintre 
Procaccini.  Cet  ouvrage  est  le  plus 
ce'lèbre  et  le  plus  recherche'  de  J.-B, 
Andreini.  On  a  prétendu  que  Mil  ton, 
voyageant  en  Italie ,  l'avait  vu  représen- 
ter ,  et  avait  puisé  dans  ce  spectacle  l'i- 
dée de  son  Paradis  perdu;  mais  c'est 
faire  trop  d'honneur  à  un  tel  ouvrage. 
Les  principaux  interlocuteurs  sont, 
il  est  vrai ,  le  Père  Eternel ,  Adam , 
Eve,  l'archange  Michel,  et  des  chœurs 
de  séraphins ,  de  chérubins ,  d'anges  et 
d'archanges  ,  Lucifer  ,  Satan  ,  Belzé- 
buth  ,  et  des  chœurs  d'esprits  ignés  , 
aériens ,  aquatiques  et  infernaux  ;  les 
sept  péchés  mortels  ,  le  monde ,  la 
chair ,  la  faim ,  la  mort,  la  vaine  gloire , 
et  le  serpent;  mais  il  n'y  a  pas  le  moin- 
dre rapport  entre  l'imagination  su- 
blime de  l'Homère  anglais  ,  et  les  in- 
ventions bizarres  et  mesquines  à  la  fois 
d'Andreini;  il  est  cependant  vrai  que 
la  curiosité  des  Anglais  a  fait  passer 
dans  leur  île  le  plus  grand  nombre  des 
exemplaires  de  YAdamo  :  aussi  sont- 
ils  devenus,  surle  continent,  ti'ès-rares 
et  très-chers ,  sans  que  la  pièce  en  soit 
meillem-e.  IV.  La  Florinda,  tragédie 
en  cinq  actes  ,  en  vers ,  IMilan,  1606  , 
in-4".  L'action  de  cette  pièce  se  passe 
en  Ecosse,  où  jamais  sans  doute  il  n'y 
eut  de  reine  nommée  Florinde  ,  femme 
d'un  roi  Ircan;  mais  Andreini  avait, 
comme  nous  l'avons  dit ,  donné  ce 
nom  à  son  héroïne  et  à  sa  pièce  ,  à 
cause  de  Virginie  sa  femme,  qui  por- 
tait le  nom  de  Florinde  dans  la  troupe 
dont  ils  étaient  chefs.  Virginie  l'en  ré- 
compensa par  un  sonnet  à  sa  louange, 
qui  est  imprimé ,  avec  ceux  de  plu- 
sieurs autres  poètes ,  en  tète  de  la 
JFïorinda.  V.  La  Maddalena  las- 
civa  e  pénitente  ,  action  dramatique 
et  dévote ,  Mantoue  ,  1 6 1 7  ,  in  - 4". , 
Milan  ,  1G20 ,  iu-8". ,  etc.  Dans  cette 

1>ièce ,  qui  est  à  peu  près  aussi  singu- 
ièi'c ,  et  ne  vaut  pas  mieux  que  YA- 


A>D 

damo,fiiadc\eh\e  est  mondaine  ou  pé- 
cheresse pendant  les  deux  premiers 
actes,  et  pénitente  dans  le  troisième. La 
jeune  et  brillante  Madeleine,  Marthe 
sa  sœur  ,  Lazare  leur  frère  ,  trois 
amants  de  IMadeleine ,  dont  l'un  se 
nomme  Samson  ,  l'autre,  David,  et  le 
troisième,  Ange,  son  page  appelé Ba- 
ruc  ,  son  sommelier  Mordacai ,  son 
cuisinier  Emanuel ,  ses  deux  nains 
Aron  et  Lion  ,  les  femmes  de  sa  suite , 
et  même  trois  vieilles  de  mauvaise 
renommée ,  di  hassa  stima ,  qui  la 
servent,  et  doivent  marcher  courbées 
et  appuyées  sur  des  bâtons  ;  tels  sont 
les  personnages  des  deux  premiers 
actes,  où  l'on  ne  parle  que  d'amour, 
de  galanterie ,  de  fêtes  et  de  bonne 
chère,  et  où  Madeleine  ,  livrée  à  toutes 
les  folies  de  son  âge  ,  rejette  bien  loin 
les  sages  conseils  que  lui  veut  donner 
Marthe,  sa  sœur.  Elle  se  repent,  au 
troisième ,  congédie  tout  son  monde  , 
se  couvre  d'un  cilice,  tombe  en  extase, 
est  enlevée  par  des  anges  ;  le  ciel  pa- 
raît ,  la  gloire  s'ouvre  ;  quinze  anges 
chantent  l'un  après  l'autre  les  louanges 
de  Madeleine  ;  la  Faveur  divine  et  l'ar- 
change Michel  descendent  dos  cieux  , 
et  finissent  la  pièce  en  exhortant  les 
spectateurs  à  imiter  la  sage  péche- 
resse. Vl.ifl  Centaura,  Paris,  16-22, 
in-i-î  ,  pièce  encore  plus  bizarre  ,  an- 
nonce cette  bizarrerie  par  son  titre. 
C'est  un  sujet  divisé  en  comédie,  pasto- 
rale, et  tragédie.  Les  acteurs  de  la  pas- 
torale sont  réellement  une  famille  de 
Centaures  ,  père  ,  mère  ,  fils  et  fille  , 
ce  qui  ne  doit  pas  être ,  comme  on 
voit ,  facile  à  représenter.  La  scène  est 
dans  les  bois  de  l'île  de  Crète.  Dans 
la  première  pièce,  qui  est  la  comédie  , 
il  est  beaucoup  parlé  des  Centaures  : 
on  y  apprend  que  la  femme  du  Cen- 
taure est  fille  d'un  roi  de  l'île  de 
Rhodes,  à  qui  la  reine  a  donné  ce  sin- 
gulier enfant,  pour  des  raisons  qu'on 


AND 

nous  dispensera  d'expliquer.  Cette 
Centaure,  dans  la  troisième  pièce,  qui 
est  la  tragédie  ,  veut  recouvrer  ses 
droits  au  trone.Toute  la  famille  des  Cen- 
taures se  transporte  à  Rhodes  ;  mais  , 
par  une  suite  d'accidents  et  d'éve'ne- 
ments  aussi  peu  naturels  que  le  reste, 
le  père  et  la  mère  se  tuent  de  désespoir, 
et  c'est  la  petite  Centaure ,  leur  tiile  , 
qui  hérite  de  la  couronne.  Tout  paraît 
dit  sur  une  pièce  pareille  quand  on  en 
a  fait  entrevoir  l'extravagance  et  l'ab- 
surdité. Ce  qu'il  faut  pourtant  ajouter , 
c'est  qu'elle  est  dédiée  à  la  rciue-mère, 
Marie  de  Médicis ,  à  laquelle  l'auteur 
dit ,  sur  ce  titre  de  Centaure  ,  sur  le 
rapport  qu'd  y  a  entre  la  partie  supé- 
rieure et  noble  de  ces  monstres,  et  la 
dédicace  qu'il  fait  à  sa  majesté,  entre 
la  partie  basse  et  monstrueuse ,  et  la 
pièce  qu'il  lui  dédie  ,  des  choses  non 
moins  extravagantes  que  sa  pièce  mê- 
me. Tl  faut  dire  encore  que  cette  pièce 
est  la  suite  d'une  comédie  du  même 
auteur ,  un  peu  moins  folle ,  sans  être 
une  bonne  comédie,  intitulée:  Lidiio 
Leli  simili ,  imitée  des  Ménechmes  de 
Plante ,  mais  bien  moins  heureusement 
que  ne  lefureutdcpuis,les  Ménechmes 
de  Regnard.  Ces  deux  Lelio  se  retrou- 
vent ,  parmi  les  ressorts  de  l'action  , 
dans  la  Centaura,  et  l'un  d'eux  devient 
même  roi  de  Chypre.  Enfin ,  ce  qui 
passe  toute  croyance,  et  est  au-dessus 
de  toute  expression ,  c'est  que  l'action 
des  deux  Lelio  ,  qui  est  la  première  , 
se  passe  entre  des  personnages  mo- 
dernes et  d'une  condition  commune, 
et  que  celle  de  la  Centaura ,  qui  en 
est  la  suite  ,  nous  reporte  à  Rhodes  et 
en  Crète  ,  au  temps  du  roi  Minos. 
VIT.  On  a  encore  du  même  auteur 
huit  autres  comédies  et  cinq  pasto- 
rales ,  dont  il  serait  inutile  de  citer  les 
titres,  aujourd'hui  totalement  incon- 
nus. VIII.  II  a  laissé  de  plus  trois  poè- 
mes ;  le  premier  j  en  trois  chants  seu~ 


A  ]S  D  1 5o 

lemcnt ,  sur  cette  même  Madeleine  , 
qu'il  mit  depuis  au  théâtre,  Venise, 
1  (3 1  o,  in- 1  a  ;  le  second,  en  sept  chants, 
sur  Sainte  Thècle,  vierge  et  martyre , 
Venise,  1620,  in- 1 2  ,  et  le  troisième , 
d'un  genre  tout  différent  des  deux 
autres ,  intitulé  l' Olivastro^  l'olivâtre , 
ou  le  Poète  infortuné ^  poème  plaisant 
ou  fantastique,  en  vingt-cinq  chants,. 
Bologne,  1642,  in-4''.  Ce  poème  con- 
tient la  vie  entière  et  les  aventures  , 
tantôt  tristes  et  tantôt  bouffonnes,  d'un 
poète  malheureux.  Tout  ce  qu'on  peut 
dire ,  c'est  que  celles  de  ces  aventures 
qui  sont  tristes .  n'intéressent  pas ,  que 
celles  qui  ont  des  prétentions  à  la  bouf- 
fonnerie ne  font  point  rire ,  et  que  l'ef. 
fet  général  de  ce  long  pocrac  est  l'en- 
nui. En  dernier  résultat ,  les  amateurs 
de  livres  rares  rechercheront  toujours 
YAdamo  d'Andrcini;  les  hommes  cu- 
rieux d'observer,  dans  l'art  dramati- 
que ,  les  déviations  de  l'esprit  humain , 
peuvent  réunir  à  cette  pièce  la  Made- 
leine et  la  Centaure  ;  le  reste  ne  peut 
être  l'objet  que  d'une  curiosité  sans 
plaisir  comme  sans  fruit.       G — e- 

ANDRELINI  (  Publio  Fax-stoS 
en  latin ,  Puhlius  Faustus  Andueli- 
Nus ,  poète  latin  moderne ,  né  à  Forli , 
dans  la  Romagne,  vers  le  milieu  du  iS". 
siècle.  Ayant  composé  à  Rome,  dès  sa 
première  jeunesse  ,  quatre  livres  de 
poésies,  sous  le  titre  ai  Amours^  il 
obtint,  à  22  ans,  les  honneurs  de  la 
couronne  poétique.  Après  avoir  été 
quelque  temps  attaché  au  cardinal  de 
Gonzague,  il  vint  s'établir  à  Paris ,  en 
1 488 ,  et  fut  reçu ,  l'année  suivante  , 
professeur  à  l'université.  Il  y  enseigna, 
pendant  trente  années ,  dans  des  cours 
publics  et  particuliers,  la  rhétorique, 
la  poésie  et  la  connaissance  de  la  sphè- 
re. Il  doit  donc  être  compté,  pour  une 
part  considérable ,  parmi  les  causes  qui 
contribuèrent  alors ,  en  Fiance,  à  la 
renaissance  des  leîti-es.  Il  obtint  suc- 


i4o  AND 

cessiveTcent  la  protection  de  Cliar- 
Ics  VIH,  de  Louis  XII,  d'Anne  de 
lUetagne  et  de  François  I".;  il  reçut 
de  Charles  VîII,  et  ensuite  d'Anne  de 
Brctaf^ne  ,  deux  pensions  qu'il  oon- 
serya  toujours ,  et  les  titres  de  poète 
du  roi  et  de  la  reine,  poëta  regius 
et  regineus.  11  eut ,  de  plus ,  un  bon 
canonicat,  comme  on  le  voit  par  quel- 
ques-uns de  ses  ouvrages ,  où  il  prend 
îe  titre  de  chanoine  de  Bayeux.  On 
ajoute  qu'outre  toutes  ces  faveurs ,  il 
recevait  encore  des  présents  consi- 
dérables, et  l'on  croit  qu'il  s'est  mis 
lui  -  même  en  scène  ,  dans  une  de 
ses  églogucs ,  où  un  poète  raconte 
qu'ayant  récité  devant  Charles  VlIl  un 
poëme  sur  la  conquête  de  Naples  , 
le  roi  lui  avait  donné  un  sac  d'or,  ful- 
vi  caris ,  qu'il  put  à  peine  emporter 
Sûr  ses  épaules.  Malgré  des  querelles 
littéraires  vives  et  bruyantes,  il  jouit 
d'une  grande  considération  parmi  les 
gens  de  lettres  ses  contemporains. 
Plusieurs  le  célèbrent  comme  l'un  des 
poètes  les  plus  sublimes  et  les  plus 
élégants  de  ce  siècle. Erasme,  qui  était 
sou  ami ,  et  qui  l'avait  beaucoup  loué 
pendant  sa  vie,  changea  de  langage 
après  sa  mort,  et  alla  jusqu'à  s'éton- 
ner que  l'université  de  Paris  l'eût  si 
long-temps  souffert,  et  à  l'accuser  de 
pétulance  envers  les  théologiens  de 
son  temps,  de  mœurs  peu  régulières, 
et  de  médiocre  savoir.  I/accusation  de 
pétulance  peut  être  justifiée  par  les  que- 
relles dont  on  vient  de  parler,  et  dans 
lesquelles,  en  cflèt,  Andrelini  et  ses 
adversaires  s'injuri.iient  avec  la  plus 
extrême  violence.  Ses  mœurs  peuvent 
])araître  suspectes ,  d'après  la  liberté 
qu'il  se  donnait  d'expliquer,  dans  ses 
leçons,  les  morceaux  les  plus  obscènes 
des  poètes  grecs  et  latins.  Son  savoir 
ne  s'élevait  pas  non  plus  au-dessus  du 
^lédiocre,  si  l'on  eu  juge  par  ce  qui 
lious  reste  de  lui  :  sci  vers  u'oiit 


AND 
guère  d'autre  mérite  qu'une  certaine 
facilité  de  style,  sans  aucune  des  gran- 
des qualités  qu'on  paraît  y  avoir  trou- 
vées de  son  temps.  Baillet  a  dit  de 
lui,  avec  assez  de  justesse,  dans  ses 
Jugements  des  Savants ,  «  qu'il  ne 
se  souciait  pas  beaucoup  de  mettre  du 
sens  dans  ses  compositions,  pourvu 
qu'il  y  mît  des  mots  bien  choisis  et 
de  riches  expressions,  comme  si  les 
choses  étaient  faites  pour  les  mots, 
au  lieu  d'assujétir  les  mots  aux  cho- 
ses. »  Erasme  allait  plus  loin  j  il  pré-* 
tendait  qu'd  ne  manquait  à  ses  vers 
qu'une  syllabe,  vw;  en  gr'C,/ne«5  en 
latin,  c'est-à-dire,  en  français,  le  sens 
commun.  Andrelini  mourut  à  Paris  ^ 
presque  subitement  ,  le  25  février 
1  5 18.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
I.  Lit'ia ,  seu  Amonnn  libri  IF, 
Paris,  i/jQ'i,  in-4".,  et  V^enrse,  i5oi, 
aussi  in-4''.  ;  c'est  ce  recueil  qui  eut  tant 
de  succès  à  Rome ,  et  qui  fit  décerner 
la  couronne  poétique  à  son  jeune  au- 
teur; W.Elcgiaruni  libri III , Paris, 
i494->  iu-4"v  'II-  l-pistolœ  proi'cj- 
hialc's  et  leyidissimœ ,  nec  minas 
sententiosœ ,  Paris,  in-4'.,  sans  date, 
ensuite,  Paris,  i5o8,  et  réimprimées 
plusieurs  fois  à  Cologne,  à  Anvers, 
à  Bâle,  etc.  Plusieurs  de  ces  c'pîtres 
sont  purement  morales  ;  plusieuis 
aussi  sont  satiriques ,  et  prouvent 
qu'Erasme  n'avait  pas  tort  d'accuser 
l'auteur  de  pétulance  et  de  malignité. 
IV.  DeNeapolitand  victorid,  Paris , 
1  ^<)(i  et  1D08,  in- 4"-  Poème  dédié 
à  Charles  \'III,  et  dont  nous  avons 
vu  que  ce  roi  avait  si  bien  pavé  la 
dédicace.  V.  De  sccundd  Victoria 
I\  eapolitana ,  à  Ludoi>ico  XII  Te- 
pnrlatd ,syl{^a,Pvins,  iDO'iet  1607, 
in-4°.  ;  VI.  De  regùi  in  Genuenses 
Victor id  libri  III  ^  Paris,  iSog, 
in-4".  0"  voit,  par  ces  derniers  ou- 
vrages, qu'Andrelini  méritait  bien  son 
litre  de  poêla  retins.   VU.  Buco- 


AND 

tica,  Paris,  i5oi,  iii-4".  L'impri- 
meur de  ces  Bucoliques  dit,  dans  un 
Avertissement  au  lecteur,  qu'à  son  avis, 
elles  ne  le  ccdeut  à  celles  ni  de  Vir- 
gile ni  de  Galpurnius,  deux  poètes  as- 
sure'ment  très-difterents  l'un  de  l'au- 
tre, et  que  l'on  voit  pourtant  qu'il 
mettait  sur  la  même  ligne  ;  m.iis,  si 
l'usage  était  dès  ce  temps-là,  comme 
il  l'est  assez  souvent  du  nôtre,  que  les 
nuteurs  fissent  eux-mêmes  Y^4^'erlis- 
sement  de  l'imprimeur ,  que  devons- 
nous  penser  de  la  modestie  et  du  dis- 
cernement d'Andrelini?  W\\.  Heca- 
iodisticon  ,  Paris  ,  1 5 1 '^  et  1 5 1 5 , 
in-4'\,  et  ensuite  rc'imprime's  plusieurs 
fois.  Ces  cent  distiques  moraux  curent, 
pendant  assez  long-temps,  beaucoup 
de  vogue.  On  en  a  eu  deux  traductions 
eu  vers  français ,  l'une  en  quatrains , 
par  Jean  Paradin,  i  545 ,  l'autre,  par 
Privé,  i(io4,  traduction  très-propre, 
selon  Baillet,  à  discréditer  l'original. 
On  trouve  des  vers  d'Andrelini  dans 
la  première  partie  du  recueil  de  Gru- 
ter,  Deliciœ  llalorum  Poëlariim. 
Quelques  lettres  de  lui  sont  imprimées 
parmi  celles  d'Erasme;  il  y  en  a  une 
autre  à  la  tête  de  la  première  édition 
des  Adages  du  même  Erasme ,  faite 
à  Paris,  en  i5oo.  Ses  poésies  se  con- 
servent aussi  manuscrites  dans  plu- 
sicm-s  grandes  bibliothèques,  et  no- 
tamment dans  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  France,  n".  5087  ;  et  Mont- 
faucon  (Eibliotheca  Bibliothecariun, 
manuscrits ,  tome  II,  p.  1072  ),  parle 
d'un  manuscrit  faisant  le  11)5^.  vol, 
delà  Bibliothèque  de  Coishn,  réunie 
depuis  à  celle  de  St.  -  Germain  ,  et 
maintenant  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale ,  ayant  pour  titre  :  Lh>re  plein 
de  miniatures,  fait  pour  la  reine 
u4nne,  tandis  que  son  mari,  Louis 
XII,  faisait  la  guerre  en  Italie, 
avec  des  vers  de  Fauste  Andreiin  de 
Forli,  etc.  G — e. 


AND  lit 

ANDRÉOSSl  (  François  ) ,  né  à 
Paris,  le  10  juin  iG53,  mourut  à  Gai- 
teluaudary,  en  1688.  Jusqu'au  com- 
mencement de  ce  siècle  ,  Kiquct  avait 
été  généralement  regardé  comme  l'in- 
venteur et  l'entrepreneur  du  canal  de 
Languedoc;  c'était  l'opinion  du  maré- 
chal de  Vauban ,  qui  avait  inspecté  ce 
canal ,  et  dont  le  témoignage  positif 
ne  laissait  aucun  doute  ;  c'était  celle  de 
d'Aguesseau  ,  de  Basvillc,  de  Bczons, 
intendants  de  la  province  ;  de  Golbert, 
sous  les  ordi'cs  et  le  ministère  duquel 
s'exécutait  ce  magnifique  ouvrage;  du 
public ,  eu  un  mot  ;  et,  dans  l'inscrip- 
tion gravée,  en  1667,  sur  l'écluse  de 
Toulouse,  Riquet  est  représentécomme 
inventeur  du  projet  :  Instanleviro  Cla- 
ris simo,  Riquei,  tantio  péris  i aven- 
ture anno  1 G67.  Piganiol  de  la  Force 
avança,  le  premier, dans  sa  Descrip- 
tion de  la  France ,  «  que  le  sieur  Ri- 
»  quet  se  chargea  de  l'exécution  du 
»  canal ,  sur  le  ])lan  et  les  mémoires 
»  du  sieur  Andréossi,  qiu  était  pour 
»  lors  employé  dans  les  gabelles  de 
5)  la  province.  »  François  Andréossi 
était  mathématicien  et  ingénieur  ;  il 
n'occupa  jamais  d'emploi  dans  les  ga- 
belles ,  et  cette  inexactitude,  dans  une 
partie  de  l'assertion  de  Piganiol,  ne 
prévient  pas  en  faveur  de  l'autre. 
Quoique  l'opinion  de  cet  auteur  fut 
copiée  par  quelques  écrivains  ,  celle 
du  public  ne  changea  point ,  ne  fut 
même  pas  ébranlée ,  parce  qu'aucun 
témoignage  contemporain  ne  venait 
à  l'appui;  parce  que  l'ouvrage  de  Pi- 
ganiol ne  parut  qu'en  1718,  près  de 
quarante  ans  après  la  mort  de  Riquet. 
La  gloire,  comme  inventeur  ,  lui  sem- 
blait donc  assurée ,  lorsqu'un  officier- 
général  ,  distingué  par  ses  CDunais- 
sances ,  ses  talents ,  et  le  rang  qu'il 
occupe,  vint  la  lui  disputer,  et  la  it- 
clamer  pour  son  bisaïeul,  François 
Andréossi.  Il  ne  nous  appartient  point 


i4i  AMJ 

ck-  prononcer,  ni  racine  d'emellre  au- 
cune opiniuu  sur  le  prucès,  dont  les 
pièces  sonl  mises  sous  les  yeux  du 
public;  contenions-nous  de  les  indi- 
quer j  elles  consistent  :  i^.dans  M  His- 
toire du  Canal  du  Midi ,  par  M.  le 
gënéjal  Andreossi  ;   2°.  dans  la  ré- 
ponse de  JVilM.  de  Caraman  ,  intitu- 
lée :  Histoire  du  Canal  de  Langue- 
doc, avec  celte  épigraphe  :   Cuique 
suum.  Si  l'on  veut  voir  un  examen 
impartial  de  cette  question ,  une  dis- 
cussion faite  avec  beaucoup  de  soin, 
et  les  recherches  les  plus  approfon- 
dies sur  le  véritable  auteur  du  canal , 
on  les  trouvera   dans  YHistoire  du 
Corps  impérial  du  Génie,  parlM.  Al- 
lent,  lieutenant-colonel  dans  ce  corps, 
et  maître  des  requêtes.  Si  les  droits 
de   François    Andreossi  à  la   gloire 
d'avoir  invente  le  canal ,  sont  en  h- 
tige ,  celle  d'avoir  contribué  à  l'exé- 
cution de  ce  beau  monument  de  l'in- 
dustrie humaine ,  ne  peut  lui  être  con- 
testée ,  et  l'on  n'a  jamais  douté  de  ses 
connaissances  et  de  ses  talents.  On  a 
de  cet  ingénieur  :  I.  une  Carte  du  Ca- 
nal de  Lajiguedoc  ,  5  feuilles  in-fol. , 
publiée  en  iC(k).  Le  5  février  del'an- 
n('e  suivante ,  Riquet  écriA  it  à  Colbert 
une  lettre  ,  conservée  aux  archives  du 
canal  (  A.  C.  G.  ),  et  dans  laquelle  il  ex- 
p)  iine  son  mécontentement  eu  ces  ter- 
mes :  «  J'ai  été  bien  surpris  ,  lorsque 
>>  j'ai  vu  certaine  carte  du  canal ,  de 
»  l'invention    du    sieur   Andreossi  , 
»  mon  employé.  L'auteur  publie  des 
»  pensées  que  je  gardais  dans  le  secret. 
»  Cela  fera  qu'à  l'avenir  ,  je  serai  plus 
»  circonspect  envers  ledit  sieur  An- 
»  dréossi ,  et  que  ])eut-être  je  ne  m'en 
»  servirai  plus.  »  Cette  Carte  est  cu- 
rieuse et  recherchée  des  connaisseurs , 
précisément  pour  les  motifs  qui  exci- 
tèrent les  rédamations  de  Riquet;  IL 
Extrait  des  Mémoires  concernant 
la  construction  du  Canal  rojal  de 


AND 

communicatioji    des    deux    mers , 
océane   et   méditerranée ,  en  Lan- 
guedoc, par  François  Andreossi,  en 
1675.  Cet  écrit  n'a  été  imprimé  qu'eu 
l'an  8,  pour  la  première  fois,  dans 
Fouvrage  cilé ,  du  général  Andi'éossi  ; 
il  se  trouve  encore  dans  la  réplique  de 
MM.  de  Caraman ,  avec  quelques  ob- 
servations.   François  Andreossi  était 
d'une   famille  oi'iginaire   d'Itahe  :  il 
voyagea  dans  ce  pays  ,  pour  perfec- 
tionner ses  connaissances  en  hydrau- 
lique. Apres  la  mort  de  Riquet,  il  fut 
dnectcur  particulier  du  canal.  Ce  fut 
en  1682,  pendant  qu'il  exerçait  ces 
fonctions,  qu'il  publia  une  JSouvelle 
Carie  du  Canal  de  Languedoc. 
D — M — T. 
ANDRÈS  (l'abbé  DON  Juan),  ex- 
jésuite, né  à  Valence  en  Espagne,  passa 
une  grande  partie  de  sa  vie  en  Italie  , 
et  s'y  fit  un  nom  par  sa  vaste  érudition. 
1!  commença  à  fixer  l'attenlion  du  pu- 
blic ,  en  1 776,  par  son  Saggio  dell/c 
Filosojia   del    Galileo.   11  publia  à 
Parme,  en    1782,  un  ouvrage  qui 
suppose  d'immenses   recherches ,  et 
une  sagacité  peu  commune ,  sous  le 
titre  :  Dell'  origine  progressa  et  stalo 
atlunle  d' ogni  Litteratura,  en  5  vol. 
grand  in -4".;  le  premier  vol.  a  été  tra- 
duit eu  français  par  J.  E.  Ortolaui , 
Paris ,  1 8o5  ,  in-8".  La  suite  de  la  tra- 
duction n'a  pas  paru  ,  Ortolani  étant 
niorten  1807  ou  1808.  Audrès  mourut 
au  commencement  de  ce  siècle.  B — g. 
ANDREWS  (  Lancelot  ) ,  théolo- 
gien anglais,  né  à  Londres  ,  en  i5G5. 
I^a  réputation  de  son  savoir  ,  et  sou 
talent  comme  prédicateur  ,  attirèrent 
sur  lui  l'attention  de  la  reine  Elisabeth, 
qui  le  nomma  son  chapelain.  11  fut  eu 
grande  faveur  auprès  de  Jacques  P'. 
Ce  prince  a^ait  composé  une  Défense 
de  la  prérogative  royale  ,  à  laquelle 
Bellarmin  avait  répondu  ,  sous  le  nom 
supposé  de  Malhim    Torlus.  Au- 


AND 

dre^^  fut  cliar|;e  de  réfuter  le  livre 
de  BelJarmin  ,  et  il  s'en  acquitta  avec 
beaucoup  d'habileté  dans  ua  ouvi'age 
latin  ,  publié  en  1609 ,  in-4". ,  sous  le 
titre  de  Tortura  Torti.  Ce  service  fut 
si  agréable  au  roi ,   que   l'auteur  fut 
nommé   sur  -  le  -  champ  évêque   de 
Chichester  ,  ensuite  d'Ely ,  et  con- 
seiller   privé   de  S.   M.  ,    et    enfin 
e'vèque  de  Winchester.  Ses  ouvrages 
sont  peu  lus  aujourd'hui  ;  ils  sont  écrits 
du  ton  pédantesque  et  sophistique  qui 
régnait  alors,  et  dont  le  roi  lui-même 
avait  donné  l'exemple.  Cependant  Mil- 
ton  en  faisait  grand  cas ,  et  il  a  déplore 
la  mort  d'Andrcv^'s,  dans  une  élégie 
latine.  Outre  l'ouvrage  déjà  cilé,  il  reste 
de  Lancelot  Andrews  un  Manuel  de 
déi>otions  privées  ;  un  Manuel  de  di- 
rections pour  la  Visitation  des  ma- 
lades; un  volume  <le  petits  Traités, 
la  plupart  en  latin  ,  sur  les  droits  des 
princes,  les  dunes ,  ïusure,  etc.,  in- 
4°. ,  1 629  y  un  Recueil  posthume  de 
Serinons ,  en  i  vol.  in-fol.  ;  la  Loi 
morale  expliquée,  ou  Leçons  sur  les 
dix  Commandements,  in-fol. ,  i  (i^i  ; 
et  un  Recueil  d'œuvres  posthumes,  en 
I  vol.  in-fol.,  1657.  Andrews  mourut, 
en  1 626.  On  trouve,  dans  les  OEuvres 
du  poète  Waller  ,  une  anecdote  qui 
mérite  d'être  conservée.    Il   raconte 
qu'ayant  assisté  un  jour  au  dîner  de 
Charles  II,  S.  M.  apostropha  le  doc- 
teur Néale,  évêque  de  Durham,  et  An- 
drews ,  évêque  de  Winchester ,  qui 
étaient  tous  deux  derrière  son  fauteuil, 
et  leur  dit  :  «  Milords  ,  est-ce  que  je 
»  ne  puis  pas  prendre  l'argent  de  mes 
»  sujets  ,  quand  j'en  ai  besoin  ,  sans 
»  toutes  les  formalités  de  parlement  ?  » 
L' évêque  de  Durham  répondit  ,  sans 
hésiter  :  «  Nul  doute  que  V.  M.  ne 
»  puisse  le  faire  ;  vous  êtes  U  souffle  de 
»  nos  narines.  —  Et  vous,  Milord, 
»  qu'en  pensez-vous ,  dit  le  roi  à  l'é- 
»  vêquc  de  Winchester?  —  Sire,  ré- 


AND  145 

»  pondit  ce  prélat ,  je  ne  suis  pas  assez 
»  habile  pour  juger  des  affaires  de  par- 
w  lement. — Je  ne  veux  point  de  faux- 
»  fuyants  ,  répliqua  le  roi  ;  répondez- 
))  moi  nettement.  —  Eh  bien  ,  Sire  , 
»  répondit  Andrews  ,  je  crois  qu'il 
»  vous  est  permis  de  prendre  l'argent 
»  de  mon  frère  Néale  ,  puisqu'il  vous 
»  l'offre.  »  S  — D. 

ANDRISCUS  ,  appelé  par  les  Ro- 
mains Pseudo-Philippus  (  le  faux 
Philippe).  Selon  les  historiens  latins, 
les  seuls  qui  aient  parlé  de  lui ,  il  na- 
quit à  Adrarayttium ,  dans  laTroade, 
de  parents  d'une  très-basse  condition. 
Seize  ans  après  la  mort  de  Persée ,  roi 
de  Macédoine,  il  prétendit  être  fils 
naturel  de  ce  prince  ,  et  prit  le  nom  de 
Phihppe.  Il  assurait  que  son  père ,  in- 
quiet sur  les  résultats  de  sa  guerre 
contre  les  Romains ,  l'avait  envoyé  à 
Adiamyttium  pour  y  être  élevé  comme 
le  fils  d'un  particulier  indigent.  Il  ajou- 
tait que  ce  secret  de  sa  naissance  se 
trouvait  consigné  dans  un  écrit  de  la 
propre  main  du  roi.  Ce  qui  rendait  ce 
récit  plus  croyable,  c'était  la  ressem- 
blance frappante  qu'Audriscus  avait, 
dit-on  ,  avec  Persée.  Pour  se  dérober 
aux  effets  de  la  haine  qu'Eumènes  por- 
tait à  ce  prince  et  à  sa  famille,  An- 
driscus  se  retira  vers Démétrius-Soter, 
qui  avait  épousé  la  sœur  du  roi  de 
Macédoine,  et  de  qui  il  espérait  des  se- 
cours. Soit  que  Démélrius  le  regardât 
comme  un  imposteur,  soit  plutôt  qu'il 
craignît  la  vengeance  des  Romains,  il 
le  MwA  à  la  république,  et  le  fit  con- 
duire à  Rome.  Audriscus  y  fut  enfer- 
mé; mais  ses  prétentions  inspirèrent 
peu  d'inquiétude ,  dans  un  moment  où 
Alexandre,  fils  légitime  de  Persée,  se 
contentait  de  l'emploi  de  secrétaire  du 
sénat.  On  le  garda  si  tiégligemraent  ^ 
qu'il  s'échappa  et  se  réfugia  en  Thrace. 
Les  Macédoniens  souffraient  impa- 
tiemment la  domijiatioQ  de  leurs  yaiti- 


1/14  AND 

cjviems ,  et  on  ne  songeait  ni  à  faire 
di  oit  à  leurs  plaintes ,  ni  à  les  con- 
traindre au  silence  par  la  force.  D'un, 
autre  cote,  Andriscus  avait  inspire  de 
l'intérêt  aux  Thraces  ,  et  les  avait 
sans  peine  alarmés  sur  la  conduite 
violente  et  perfide  des  Romains.  Il 
rassembla  un  certain  nombre  de  par- 
tisans ,  qui  s'attachèrent  à  sa  fortune , 
marcha  en  Macédoine,  et  se  déclara 
héritier  du  trône.  Ses  succès  passè- 
rent d'abord  son  attente.  Il  se  rendit 
maître  de  tout  le  royaume,  presque 
sans  obstacle ,  et  en  moins  de  temps 
qu'il  n'eu  avait  fallu  auxRomains  pour 
vaincre  Persée.  Rome,  étonnée  de 
ces  cvéncraeuts,  et  voulant  empêcher 
le  mal  de  s'étendre  plus  loin ,  envoya 
Scipion  Nasica  ,  qui ,  à  la  tête  d'une 
armée  auxiliaire  d'Achéens ,  arrêta  la 
raaiche  d'Andi'iscus ,  déjà  maître  de 
la  Thcssalie ,  et  le  força  de  rentrer  en 
Macédoine.  Le  sénat,  convaincu  de  la 
nécessité  de  mettre  proraptement  (in 
à  celte  guerre,  fit  marcher  contre  An- 
driscus le  préteur  Juventius  Thalna. 
Ce  général  avait  un  courage  trop  em- 
porté; il  méprisa  son  ennemi,  s'a- 
vança sans  précaution  en  Macédoine, 
et  fut  totalement  défait.  Il  perdit  même 
la  vie,  ainsi  que  Q.  Caîlius,  son  pre- 
mier lieutenant.  Cette  victoire  affermit 
Andriscus  sur  le  trône.  liCS  Carthagi- 
nois ,  près  d'être  engagés  dans  leur 
troisième  guerre  contre  Rome,  lui  en- 
vovèrent  des  ambassadeurs  pour  le 
féliciter  ,  et  lui  proposer  une  alliance, 
qu'il  accepta.  Il  avait  sujiporté  l'adver- 
sité avec  une  fermeté  héroïque;  mais 
son  caractère  ne  fut  point  a  l'épreuve 
de  la  prospérité.  11  devint  tyran,  et, 
par  des  actes  d'oppression  et  de  cruau- 
té, perdit  l'alfectiou  de  ses  nouveaux 
sujets.  Cependant,  ils  continuèrent  de 
lui  obéir  ,  dans  l'espoir  d'échapper 
pour  toujours  au  joug  des  Romaijis, 
qui  ne  tardèrent  pas  à  envoyer  eu 


AND 

Macédoine  Q.  CœciJius  Métellus  avce 
une  nombreuse  ariuée.  Andriscus  ras-» 
sembla  toutes  ses  forces,  et  combattit 
vaillamment;  il  obtint  d'abord  l'avan- 
tage dans  un  combat  de  cavalerie  ; 
mais,  enivré  de  ce  succès ,  il  eut  l'im- 
prudence de  faire  passer  un  corps 
nombreux  de  son  armée  en  Thessa- 
hc  ,  pour  défendre  ses  conquêtes. 
Métellus,  profit;mt  de  cette  faute,  lui 
livra  bataille ,  le  défit  complètement , 
et  le  contraignit  de  se  retirer  de  nou- 
veau chez  les  Tbraccs.  Ces  peuples  re- 
çurent avec  amitié  le  monarque  fugi- 
tif, et  lui  fournirent  une  nombreuse 
armée,  avec  laquelle  il  pouvait  encore 
faire  tète  aux  Romains ,  s'il  eût  tem- 
porisé ;  mais ,  impatient  de  réparer 
promptemeut  sa  défaite ,  il  se  hâta  de 
livrer  à  Métellus  une  seconde  bataille 
qu'il  perdit.  Sesaffltires  furentcomplc- 
tcment  ruinées  par  ces  deux  défaites, 
qui  lui  coûtèreut  '25,ooo  hommes. 
Il  se  réfugia  chez  Bysas,  petit  prince 
deThrace,  qui  le  livra  aux  Romains. 
Métellus  le  conduisit  à  Rome,  où  il 
fut  mis  à  mort  par  oidre  du  sénat , 
l'an  1 47  av.  J.-C.  La  guerre  qu'il  avait 
excitée  fut  regardée  comme  si  im]ior- 
tante,  que  son  vainqueur  obtint  le  sur- 
nom àc Mactdonique ,  etles  honneurs 
du  triomphe.  Les  historiens  ont  re- 
présenté Andriscus  comme  un  impos- 
teur; mais  il  n'est  nullement  démontré 
qu'il  ne  fût  pas  un  de  ces  princes  mal- 
heureux que  les  Romains  calomniaient 
pour  mieux  les  opprimer.    D — t. 

ANDROCLES  ,  fils  de  Phintas,  et 
roi  des  Messéniens  ,  avec  Antiochus 
son  frère ,  fut  tue  dans  une  sédition  , 
comme  on  le  vena  à  l'article  de  ce 
dernier.  Ses  enfants  se  retirèrent  à 
Sparte,  et,  lorsque  la  première  guerre 
de  Messène  fut  terminée ,  les  Lacédé- 
moniens  leur  donnèrent  le  canton 
nommé  Ilvaniie.  Audroclès  et  Phintas, 
ses  descendants ,   prirent  les  armes 


AND 

avec  les  autres  Messe'niens ,  dans  la 
seconde  gueire  de  Messène,  el  ils  fu- 
rent tués  en  combattant  à  la  bataille 
de  la  Grand'Fosse.  C — r. 

ANDROCYDES,  peintre,  naquit 
à  Cyzique ,  et  fut  contemporain  et  rival 
de  Zeux.is.  Il  peignit ,  à  Thèbes  ,  un 
tableau  de  bataille ,  qu'il  fut  oblige'  d'a- 
bandonner sans  le  finir,  lors  de  la  ré- 
volte des  TlieTaains  contre  Sparte.  Ce 
tableau  fut  ensuite  consacré  dans  un. 
temple  ,  par  le  conseil  de  Méuécljde , 
orateur,  ennemi  de  Pélopidas,  qu'il 
croyait  humilier  par-là;  car  la  victoire 
qui  y  était  retracée  avait  été  remportée 
par  un  autre  général.  Androcydes  avait 
pemt ,  avec  un  art  merveilleux,  les 
monstres  marins  qui  entouraient  Scyl- 
la.  L—S—E." 

ANDROMACIIUS  était  ,  par  sa 
naissance  et  ses  richesses,  l'un  des 
principaux  de  Naxos  ,  ville  de  la  Si- 
cile. Celte  ville  ayant  été  détruite  par 
Denys- l'Ancien,  Audromachus  en  ras- 
sembla les  habitants,  et  s'établit  avec 
eux  sur  le  mont  Taurus,  dans  le  voi- 
sinage de  son  ancienne  patrie  ;  ce  qui 
donna  naissance  à  la  ville  de  Tauro- 
ménium,  qui  fut  fondée  l'an  SgS  av. 
J.-C.  Il  paraît  qu'il  s'y  maintint  dans 
l'indépendance  ;  car,  lorsque  Tiraoléon 
vint  pour  délivrer  la  Sicile  du  joug 
de  Denys-le- Jeune  ,  l'an  545  avant 
J.-C,  Andromachus  le  reçut  dans  sa 
ville  ,  et  engagea  ses  concitoyens  à  se 
V réunir  aux  Corinthiens  ,  pour  affran- 
chir la  Sicile.  Tiniée  l'historien  était 
son  fils.  C — R. 

ANDROMACHUS,  premier  méde- 
cin de  Néron  ,  naquit  dans  l'île  de 
Crète,  et  se  rendit  fameux  par  le 
médicament  appelé  thé  ri  aq  ne,  dont  il 
est  l'inventeur.  On  ne  sait  rien  de  ses 
principes  et  de  sa  méthode  en  méde- 
cine ,  et  l'on  n'a  de  lui  qu'un  recueil 
de  médicaments  composés ,  la  plupart , 
de  son  invention  ;  Galien  le  loue  sous 


AND 


,45 


ce  rapport.  C'est  dans  un  poëme  eu 
vers  élégiaques,  intitulé  :  y oy.Y-w,  (  cal- 
me ,  tranquillité  ) ,  dédié  à  Néron  , 
qu'il  donne  le  secret  de  la  composition 
de  sa  fameuse  thériaque  ,  ôïiffov  ,  w/.aç 
(  remède  contre  les  poisons  ).  Jusqu'à 
lui,  on  n'usait  que  de  l'antidote  de  Mi- 
thridate,  dont  la  thériaque,  du  reste, 
ne  diffère  que  par  l'addition  de  vi- 
pères. Les  empereurs  romains  atta- 
chaient une  grande  importance  à  la 
préparation  de  ce  médicament ,  com- 
posé de  soixante  substances,  et  ils  le 
faisaient  fabriquer  dans  leur  palais. 
De  nos  jours,  en  certains  pays  ,  cette 
préparation  est  très-simplifiée;  à  Ber- 
hn  ,  par  exemple  ,  ce  n'est  plus  qu'un 
composé  de  quatre  substances  ,  dont 
l'opium  est  la  base.  Le  Poëme  d'An- 
dromachus  nous  a  été  conservé  par 
Galien  ,  dans  son  Traite  de  la  Thé- 
riaqiie ,  adressé  à  Pison.  Galien  ob- 
serve qu' Andromachus  avait  écrit 
cette  formule  en  vers ,  pour  qu'elle 
fût  moins  sujette  à  être  altérée  par  les 
copistes.  IMo'ise  Charas  en  a  publié , 
en  1668,  in-i  2  ,  une  traduction.  An- 
dromachus introduisit  un  usage  in- 
connu avant  lui ,  en  prenant  le  titre 
à'  .4rchiater,  ou  premier  médecin  des 
empereurs.  — Son  fils,  nommé  An- 
dromachus comme  lui ,  fut  aussi  ar- 
chiater  de  Néron  ,  et  il  laissa ,  sur 
la  médecine  ,  beaucoup  d'écrits  que 
le  temps  n'a  point  respectés. 

C.  et  A — N. 
ANDRONIC  P^  (CoMNÈNE  ),  em- 
pereur de  Coustantinople  ,  né  l'an 
1 1 1  o  ,  était  petit-fils  ,  par  son  père 
Isaac,  d'Alexis  Comnène.  Il  parvint, 
par  son  audace,  sa  souplesse,  et  soi;  élo- 
quence insinua. ite,  cà  captiver  la  faveur 
de  l'empereur  Manuel  Comnène  ,  son 
cousin.  Celui-ci  vivait  publiquement 
avec  sa  nièce  Théodora,  dont  la  sœur,  la 
jeune  Eudoxie ,  franchissait  pour  An- 
drouic  toutes  les  bornes  de  la  pudeur 


i46  AND 

cl  de  la  ddccnce  publique  ;  elle  le 
suivait  à  rarme'e,  et  partageait  ses  fa- 
tigues ,  SCS  débauches  et  ses  dangers. 
Ce  commerce  scandaleux ,  plusieurs 
attentats  contre  la  personne  même  de 
l'empereur ,  et  enGu  les  intelligences 
secrètes  d'Audronic  avec  les  Turks  et 
les  Hongrois  ,  forcèrent  Manuel  à  le 
faire  arrêter.  Il  languissait  depuis 
quatre  ans  dans  une  tour  du  palais , 
lorsqu'il  parvint  à  pratiquer  ,  dans 
sa  prison ,  une  issue  ,  qu'il  masqua 
adroitement ,  mais  qui  ne  le  conduisit 
que  dans  un  cachot  voisin.  Cependant, 
le  bruitde  son  e'vasion  sere'panditdans 
Constautinople;  Manuel,  irrite' et  ne 
sachant  qui  soupçonner  de  cette  déli- 
vrance ,  fît  enfermer  la  femme  d'An- 
dronic  dans  le  même  cachot  d'oili  son 
mari  venait  de  sortir  ;  les  ge'misse- 
ments  de  cette  infortune'c  la  fîrent 
bientôt  reconnaître  du  captif,  qui  pa- 
rut tout  à  coup  à  ses  yeux  comme  un 
spectre  sortant  d'un  tombeau;  il  lui 
confîa  lesccret  desaretraite,  vëcutavec 
elle  sans  qu'on  le  soupçonnât,  et  en 
eut  un  fils  :  il  profita  même  du  peu  de 
surveillance  qu'on  crut  pouvoir  mettre 
à  la  garde  d'une  femme  pour  s'é- 
chapper; mais  il  fut  repris,  et  ce  ne 
fut  qu'après  douze  ans  de  détention , 
qu'une  tentative  plus  heureuse  lui  fit 
recouvrer  la  liberté.  Il  traversa  la 
Moldavie,  trompa  un  corps  de  Va- 
laques  qui  l'avaient  arrêté,  et  se  retira 
en  Russie.  Cependant,  IVIanuel  ayant 
porté  la  guerre  en  Hongrie,  Andro- 
nic  saisit  cette  occasion  pour  rentrer 
en  grâce  ;  il  persuada  aux  Russes  de 
s'unir  aux  Grecs,  et  contribua  lui- 
même  ,  par  sa  valeur ,  à  la  prise  de 
Zeugminc  ;  ce  qui  lui  valut  un  pardon 
absolu.  De  nouvelles  offenses ,  de 
nouveaux  désordres  ,  des  projets  am- 
bitieux déclarés  ouvertement,  éveil- 
lèrent encore  les  craintes  de  Manuel; 
Andronic  séduisit  successivement  Phi- 


AND 

lippa,  sœur  de  rimpcratrice  Marie, 
et  Théodora ,  veuve  de  Baudoin  III , 
roi  de  Jérusalem.  Il  était  enfin  relé- 
gué à  Oenoë ,  ville  du  Pont ,  lorsque 
la  mort  de  Manuel  ouvrit  un  vaste 
champ  à  son  ambition.  La  jeunesse 
du  nouvel  empereur  Alexis  II,  l'im- 
prudence de  sa  mère ,  l'impératrice 
Marie ,  et  sa  faiblesse  pour  le  proto- 
sebaste  Alexis,  dont  l'insolent  orgueil 
écrasait  l'empire  et  iiritait  la  no- 
blesse ;  enfin  les  troubles  auxquels 
les  partis  livraient  la  capitale,  firent 
tourner  les  yeux  vers  Andronic,  dont 
les  émissaires  secrets  disposaient 
adroitement  les  esprits ,  et  Constan- 
tinople  courut  avec  joie  au  devant  du 
tigre  qui  allait  l'arroser  de  sang.  An- 
dronic publie  qu'il  va  sauver  l'em- 
pire; il  ne  parle  plus  que  de  son  dé- 
vouement pour  l'état  et  poiu-  sou  jeune 
prince  ;  enlin  il  arrive  devantConstan- 
tinople;la  flotte  se  rend  à  lui,  le  peuple  j 
lui  livre  le  protosebaste ,  auquel  il  fait  j 
crever  les  yeux.  Cependant  on  s'égorge 
dans  la  ville  ;  Andronic  y  entre  en  maî- 
tre irrité,  s'empare  de  tous  les  palais  , 
reçoit  des  délations ,  multiplie  les  châ- 
timents ,  se  défait  de  tout  ce  qui  lui 
cause  quelque  ombrage,  et  prélude  aux 
plus  grands  crimes,  en  faisant  empoi- 
sonner la  princesse  Marie ,  sœur  du 
jeune  empereur,  pour  lequel  il  affecte 
cependant  un  dévouement  sans  bor- 
nes. Il  donne  même  la  plus  grande 
pompe  au  couronnement  d'Alexis,  et 
le  porte  siu*  ses  épaides  à  l'église ,  en 
versant  des  larmes  d'attendrissement; 
mais  bientôt  il  cherche  à  irriter  ce 
malheureux  enfant  contre  sa  mère  . 
et,  par  un  raffinement  de  cruauté  ,  il 
le  force  à  siguer  l'arrêt  de  mort 
prononcé  contre  cette  princesse  par 
les  satellites  du  tyran.  Deux  jours 
après ,  elle  fut  étranglée.  La  famille 
impériale  tombait  autour  du  faib'c 
rejeton  qui  occupait  encore  le  troue  ; 


AND 

Je  vertueux  Thcodose ,  patriarclie  de 
Constantinople,  s'éloigna  d'une  ville 
ofi  son  ministère  eût  ete'  souillé  par 
l'aspect  de  tant  de  forfaits.  Androuic , 
débarrassé  do  ce  dernier  obstacle  ,  fit 
répandre ,  par  ses  émissaires ,  que ,  les 
divisions  croissant  tous  les  jours ,  il 
fallait  mettre  à  la  tête  des  affaires  un 
homme  d'une  expérience  consommée. 
La  pUis  vile  populace,  excitée  par 
les  plus  vils  moyens ,  proclama ,  au 
mois  de  septembre  ii83,  Andronic 
collègue  d'Alexis.  Le  lendemain,  les 
deux  empereurs  se  rendirent  à  Ste.- 
Sophie  ;  Andronic  scella  ,  par  un  sa- 
crilège, les  fausses  protestations  qu'il 
adi'essa  à  sa  victime ,  et,  quelques  jours 
après,  il  fit  assassiner  ce  malheureux 
prince  ,  dont  il  insulta  le  cadavre. 
«  Ton  père,  dit-il ,  en  le  poussant  du 
5)  pied ,  fut  un  traître  j  ta  mère  ,  une 
n  infâme  ;  et  toi ,  un  sot.  »  Alexis  avait 
été  fiancé  à  Agnès  de  France ,  qui 
n'avait  que  onze  ans.  Andronic  ,  sans 
renoncer  à  son  commerce  avec  Tbéo- 
dora ,  épousa  la  jeune  impératiice  ;  et 
la  fille  des  rois  passa  dans  les  bras 
d'un  vieillard  dissolu,  l'assassin  de 
son  premier  époux.  Au  milieu  de  tous 
ses  crimes,  Andronic  invoquait  sans 
cesse  l'autorité  de  la  religion,  alors  si 
puissante  sur  l'esprit  des  peuples  ;  il 
voulut  même  se  faire  absoudre  du 
meuilre  d'Alexis,  et  quelques  évcques 
furent  assez  vils  pour  prononcer  un 
pardon  que  le  ciel  ne  ratifia  point. 
Quelques  moments  de  tranquillité,  ou, 
pour  mieux  dire ,  de  fêtes  et  de  dé- 
bauches ,  laissèrent  respirer  les  Grecs 
effrayés,  qui  nommèrent  ce  court  in- 
tervalle,  les  jours  de  l'Alcyon.  Ce- 
pendant, Lopade,  Pruse  et  Nicée  n'a- 
vaient pas  reconnu  l'autorité  du  tyran  ; 
il  les  assiège,  et  les  deux  dernières 
villes  sont  livrées  à  des  horreurs  que 
la  plume  de  l'histoii'e  ose  à  peine  re- 
ti-acer.  Uu  liistorieu  rapporte  que  les 


AND  î.J7 

arbres  des  vergers  qui  environnaient 
Pruse,  portaient  suspendus,  autant  de 
cadavres  que  de  fruits.  Andronic,  de 
retour  à  Constantinople ,  redoubla  de 
rage  et  de  férocité;  les  instruments 
de  ses  fureurs  en  furent  eux-mêmes 
les  victimes.  La  révolte  d'Isaac  Com- 
nène ,  dans  l'île  de  Chipre ,  devint  le 
prétexte  des  plus  affreuses  prosciip- 
tions.  Cependant,  le  tyran  se  voyait 
menacer  de  tous  côtés ,  ses  généraux 
avaient  été  battus  par  le  roi  de  Sicile 
excité  jjar  un  Comnène  ;  Andronic 
au  lieu  de  réparer  leur  défaite,  s'asite , 
consulte  les  devins  ;  ils  fout  naître 
des  soupçons  qui  tombent  sur  Isaac- 
l'Ange ,  dont  toute  la  famille  avait  péri 
par  les  coups  du  tyran.  La  mort  d'I- 
saac est  ordonnée;  Hagiochristopho- 
rite ,  l'instrument  des  fureurs  d'Aii- 
dronic ,  veut  exécuter  l'arrêt  ;  Isaac  le 
lue ,  et  se  sauve  dans  une  église  ;  le 
peuple ,  qui  l'aimait ,  s'y  porte  en 
foule  ;  on  maudit  Andronic  ,  qui  s'ef- 
fraye de  la  sédition;  il  veut  fuir,  ou 
t'atteint;  Isaac  est  proclamé  empe- 
i'eur ,  le  palais  est  livré  au  pillage. 
Andronic ,  chargé  de  chaînes ,  fut  re- 
mis dans  les  mains  de  la  populace 
qui ,  pendant  trois  jours  ,  exeiça  sur 
lui  de  telles  cruautés ,  que  le  récit 
de  son  supplice  excite  la  pitié ,  mal- 
gré le  souvenir  de  ses  crimes  :  le  ciel 
sembla  prolonger  son  existence  pour 
prolonger  ses  tourments;  les  femmes 
mêmes  raffinèrent  de  cruautés  ,  et  lui 
firent  subir  les  tortures  les  plus  in- 
fâmes. Privé  des  dents,  des  cheveux 
d'iui  œil ,  d'une  main ,  honteusement 
mutilé,  brûlé, lacéré  dans  toutes  les 
parties  de  son  corps ,  il  ne  proféra  au- 
cune plainte ,  et  sembla  reconnaître  la 
souveraine  justice  qui  le  frappait  et 
dont  il  invoquait  la  miséricorde.  Pendu 
par  les  pieds,  dans  cet  horrible  état,  il 
respirait  encore ,  lorsqu'un  Italien ,  lui 
plongeant  sou  épce  dans  le  corps,  mit 
lo.. 


î48  AND 

fin  à  cette  affreuse  tragetlie  ,\e\i  sept. 
1 185.  Aiidronic  aviiit  alors  soixante- 
quinze  ans  ;  il  en  avait  règne  deux;  il 
était  d*iine  taille  colossale,  d'une  force 
prodigieuse ,  mais  d'une  figure  dure 
et  repoussante.  H  avait  l'esprit  cultive', 
et  une  é!ot|ueiice  persuasive.  Quel- 
ques historiens  ont  loué  sa  fermeté 
dans  radrainistration.  «  Andronic,  dit 
»  Montesquieu,  était  le  Néron  des 
»  Grecs;  mais  comme ,  parmi  tous  ses 
»  vices ,  il  avait  une  fermeté  admi- 
»  rable  pour  empêcher  les  injustices 
»  et  les  vexations  des  grands,  ou  a 
»  remarqué  que ,  pendant  son  règne  , 
»  quelques  provinces  se  rétahhrent.  » 
Gibbon  a  fait  la  même  observation 
sur  le  gouvernement  de  ce  prince; 
mais  quelques  traits  de  justice  et  de 
prudence  ne  peuvent  balanctr  les 
crimes  et  les  vices  infâmes  dont  son 
histoire  est  souillée.  11  fut  le  dernier 
empereur  de  la  famille  des  Comncnes. 
L— S— E. 
ANDRONIC  II  (PALÉoLoca-E),  em- 
pereur de  Constanlinople,  ne  vers  l'an 
i.iSS,  était  fils  de  Michel  Paléulogue, 
et  de  Théodora,  petite-nièce  de, Ican 
Duras  Yatace  ,  empereur  de  Nicée. 
Après  la  mort  de  Michel ,  en  i  '^i^'i , 
Andronic  ,  âgé  de  a4  ans  ,  fut  re- 
connu seul  empereur.  11  avait  déjà  ré- 
gne deux  ans ,  conjointement  avec  son 
père  ;  mais,  soulage  du  fardeau  de  l'em- 
pire par  un  prince  qui ,  à  de  grands 
vices  joignait  aussi  de  grandes  qua- 
lités ,  Andronic  avait  à  peine  senti  le 
poids  du  gouvernement.  Son  premier 
i>oiu  fut  de  révoquer  toutes  les  me- 
sures adoptées  par  Michel  pour  la 
réunion  des  églises  grecque  et  latine, 
et  d'assembler  un  concile  de  schisma- 
ti([ue.s ,  auquel  il  demanda  humblement 

f)ardon  d'avoir  coopéré  à  la  paix  avec 
es  Latins.  Ainsi,  lorsqu'une  croisade 
formidable  ,  dirigée  par  le  pape  IMar- 
tin  IV.,  et  Cvjiumaudée  par  Charles 


AND 

d'Anjou ,  roi  de  Naples ,  menaçait  d'un 
côté  Constantiuople,  et  que,  de  l'autre, 
les  progrès  des  Turks  devenaient  tons 
les  jours  plus  inquiétants  ,  le  chef  de 
l'empire,  au  lieu  de  songer  à  raffcrn)ir 
son  trône  chancelant ,  s'occupait  de 
querelles  ihéologiques,  et  perdait,  dans 
ces  controverses,  le  temps  que  récla- 
mait le  salut  de  l'état.  L'exil  ou  la  no- 
mination d'un  patriarche ,  les  épreuves 
du  feu  ou  des  reliques  ,  moyens  em- 
ployés ,  dans  ces  temps  de  supersti- 
tion ,  pour  découvrir  les  volontés  du 
ciel,  telles  étaient  les  occupations  de 
ce  prince.  Heureusement  pour  lui ,  la 
mort  le  délivra  du  roi  de  Naples  et  du 
pape.  Peu  de  temps  auparavant ,  An- 
dronic avait  su  contracter  une  alliance 
avantageuse ,  en  épousant  Irène  ,  fille 
du  marquis  de  Montferrat ,  et  nièce  du 
roi  d'Aragon ,  qui  venait  d'enlever  la 
Sicile  à  Charles  d'Anjou  ;  mais  cette 
diversion  donnait  à  peine  aux  Grecs 
quelque  sécurité ,  lorsque  les  Turks 
s'avancèrent  vers  les  frontières  do 
l'empire.  Philantropène  ,  général  ha- 
bile ,  courut  au-devant  de  ces  barl>ares, 
et  les  battit  en  plusicTU's  rencontres  , 
taudis  qu'Andronic ,  au  sein  du  lu\e 
et  de  la  mollesse,  occupé  de  misérables 
intrigues  de  cour  ,  dépouillait  de  tous 
ses  biens  son  propre  frère,  Constantin 
Porphirogénète ,  prince  rempli  de  mé- 
rite, et,  sous  de  vains  prétextes,  le  fai- 
sait jeter  dans  une  cage  de  fer.  Ce  fut 
alors,  en  iiigo,  que,  pour  se  donner 
un  appui  ,  Andronic  associa  au  trône 
son  fils,  le  jeune  Michel  ;  mais,  à  ce 
moment,  Philantropène,  qui  depuis 
quelques  années  combattait  les  Turks 
avec  succès ,  ayant  à  se  plaindre  de  la 
cour ,  leva  l'étendard  de  la  révolte. 
Ses  progrès  devenaient  de  jour  en  jour 
plus  inquiétants ,  lorsqu'il  tomba  entre 
les  mains  de  Libadaire  ,  gouverneur 
delà  Lydie ,  qui  lui  fit  crever  les  yeux  , 
et  étouffa  ainsi  la  rébellion.  La  situa- 


AND 

tion  d'Andronic  n'eu  fut  pas  plus  tran- 
quille ;  trompe  par  de  lâches  ministres, 
il  avait  laissé  tomber  la  marine ,  et  les 
pirates  ravageaient  les  côtes  de  THcl- 
lespont.  Les  Vénitiens  vinrent  insul- 
ter l'empereur  jusque  dans  le  port  de 
Conslantinopie  ,  les  Servicns  violaient 
eu  même  temps  le  territoire  de  l'em- 
pire ,  tandis  qu'en  Asie ,  les  Perses 
«l'un  côte,  de  l'autre  les  Turks,  sacca- 
geaient les  frontières.  Dans  ces  fâ- 
cheuses extre'mite's ,  Andronic  chercha 
des  secours  étrangers  ;  un  corps  nom- 
breux d'Alainslui  vendit  ses  services  , 
et  bientôt  Roger  de  Flor ,  célèbre  aven- 
turier ,  lui  amena  un  pi?îssant  renfort 
de  Catalans  ;  mais  ces  nouveaux,  alliés 
lie  tardèrent  pas  cà  devenir  plus  incom- 
modes que  les  barliares  dont  ils  de- 
vaient délivrer  l'état.  Roger  tourna  ses 
armes  contre  ceux  mêmes  qu'il  avait 
promis  de  défendre;  il  pilla  plusieurs 
villes  et  menaçait  Andronic  lui-même, 
lorsque  ce  prince  en  fut  debairassé  par 
nu  assassinat.  La  mort  de  Roger  fut 
vengée  par  de  nouveaux  ravages  ;  des 
essaims  de  barbares  entamèrent  de  tou- 
tes parts  les  provinces  presque  sans  dé- 
fense. Quelques  victoires  ne  suffirent 
point  pour  les  arrêter  ,  et ,  dans  le 
même  temps,  Andronic  perdit  son  fils , 
qu'il  avait  associé  à  l'empire.  Ce  prince 
laissait  un  fils,  nommé  aussi  Andronic, 
qui  prétendit  bientôt  partager  le  trône 
avec  son  aïeul.  Celui-ci  refusa  d'abord 
d'y  consensir  ,  et ,  pendant  quelques 
aimées  ,  l'élat  chancelant  fut  encore 
ébr;i  nié  par  les  divisions  de  ces  princes. 
Eufiu,  en  i3i5,  le  vieil  Andronic  fut 
contraint  de  reconnaître  son  petit-fils 
empereur  ;  mais  bientôt,  jaloux  du  cré- 
dit qu'il  obtenait  sur  l'esprit  du  peu- 
ple ,  il  lui  suscite  de  nouvelles  tracas- 
series ;  le  jeune  prince ,  forcé  de  re- 
l)rendre  les  armes,  entre  en  vainqueur 
d  <ns  Constantinople  ,  et  se  fait  recon- 
naître pour  scuisouveraiu.  L'empcrcui' 


AND  i49 

détrôné  ,  condamné  à  ne  plus  quitter 
son  palais ,  achevait  sa  carrière  dans 
le  mépris  et  presque  dans  le  besoin  ; 
pour  comble  de  maux  ,  il  venait  de 
perdre  la  vue ,  lorsque  ceux  qui  le  gar- 
daient ,  apprenant  que  son  petit-fils 
était  dangereusement  malade  ,  et  crai- 
gnant de  voir  le  vieil  empereur  recou- 
■yrer  l'autorité,  le  forcèrent,  en  1 55o, 
à  prendre  l'habit  monastique.  On  exi- 
gea de  plus  une  renonciation  en  forme 
à  la  couronne,  et,  deux  aus  après  ,  le 
i3  février  de  l'année  i532,  Andronic 
qui ,  avec  le  froc  ,  avait  pris  le  nom 
d'Antoine  ,  mourut  presque  subite- 
ment ,  âgé  de  74  3ns ,  et  après  60  ans 
de  règne.  Ce  faible  prince  avait  sans 
doute  quelques  vertus  ;  il  était  sobre  , 
laborieux,  exemplaire  dans  ses  mœurs  ; 
au  respect  pour  la  religion ,  il  joignait 
l'amour  des  sciences  ;  il  savait  distin- 
guer le  mérite  ,  et  se  plaisait  à  le  ré- 
compenser ;  mais  la  marine  anéantie  , 
l'empire  dévasté  ,  les  provinces  en- 
vahies par  les  barbares ,  les  monnaies 
altérées  pour  subvenir  à  des  dépenses 
excessives  ,  et  satisf^iire  l'avarice  du 
prince,  le  commerce  ruiné,  l'appau- 
vrissement de  l'état  dans  toutes  ses 
branches  ,  prouvent  assez  qii' Andronic 
n'était  pas  appelé  à  soutenir  le  trône 
des  Constantins  ,  dans  les  jours  de  sa 
décadence.  On  attribue  à  ce  prince  ua 
Dialogue  entre  un  juif  et  un  chrétien , 
dont  la  version  latine  se  trouve  dans 
le  Recueil  de  Stewart ,  imprimé  à  Mu- 
nich, en  1616.  Andronic  avait  eu  de 
sa  première  femme ,  Anne,  fille  d'E- 
tienne ,  roi  de  Hongrie ,  six  fils ,  dont 
un  seul  (  Michel  ) ,  a  conservé  une 
place  dans  l'histoire.        L — S — e. 

ANDRONIC  III  (  Paleologtje  ) , 
dit  LE  Jeune,  empereur  de  Cons- 
tantinople ,  petit-fils  du  précédent,  et 
fils  de  Michel  Paléologue ,  naquit  vers 
l'an  1-195.  Sa  jeunesse  fut  marquée 
par  quelques  désordi'es ,  qui  lui  atti- 


i5o  AND 

rcrent  ranimadvcrsion  de  son  aïeul  , 
jusque-là  tiès-prévcnu  pour  lui.  Le 
jeune  Audronic,  ainoineux d'une  fem- 
me galante,  crut  avoir  à  se  plaindre 
de^  visites  d'un  rival  ,  et  résolut  de 
s'en  défaire  ;  mais  ,  pai'  une  funeste 
méprise,  ses  gardes  tuèrent  son  propre 
frère ,  Manuel  Despote.  La  douleur 
<{ue  cet  événement  causa  à  l'empereur 
Michel ,  leur  père ,  le  conduisit  en 
])('u  de  temps  au  tombeau,  et  le  jeune 
Audronic  ,  ne  vovant  plus  de  compé- 
titeur entre  lui  et  le  tronc ,  ne  tarda 
])as  à  manifester  ses  prétentions.  Si 
l'on  en  croit  Cantacuzènc  ,  le  jeune 
prince  fut  poussé  à  la  révolte  ,  par 
les  soupçons  que  laissa  paraître  le 
vieil  empereur ,  et  par  les  dégoûts 
qu'il  se  plut  à  donner  à  son  j>etit-fils  : 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  Can- 
tacuzènc était  l'amc  du  parti  du  jeune 
Andronic.  Quoiqu'il  en  soit,  le  prince, 
forcé  de  quitter  Constantinoplc  ,  se 
vit  bientôt  à  la  tête  d'une  armée  : 
toutefois  ,  il  ne  s'en  servit  que  pour 
amener '"lOn  aïeul  à  une  réconciliation, 
et  pour  repousser  les  Bulgares  ,  qui 
s'étaient  avancés  jusqu'aux  portes  d'An- 
drinople.  Il  les  battit  en  plusieurs  ren- 
contres, et  les  poursuivait  cliaude- 
ment ,  lorsque  la  mort  de  sa  femme , 
et  le  nouveau  mariage  qu'il  allait  con- 
tracter avec  Anne  ,  princesse  de  Sa- 
voie ,  le  rappelèrent  à  la  cour.  Ce  fut 
à  cette  époque,  en  i5î5,que  le  vieil 
Andronic  le  fit  reconnaître  et  sacrer 
empereur;  mais  la  bonne  inlelligence 
des  deux  princes  dura  peu.  Le  soup- 
çonneux vieillard  força  bientôt  sou 
jeune  collègue  à  reprendre  les  armes. 
Vainement  Andronic,  à  la  tète  d'une 
armée  victorieuse ,  essaya  d'en  venir 
il  un  accommodement  ;  le  vieil  em- 
]»ereur  rejeta  toute  espèce  de  propo- 
sition. Andronic,  conti'aint  de  pour- 
suivre SCS  avantages,  surprit  Cons- 
tantiuople,  qu'il  ne  put  sauver  du  j^i!- 


AND 

lage  ,  et,  maître  de  la  personne  de  son 
aïeul ,  il  lui  rendit  tout  le  respect  qu'il 
devait  à  son  âge  ;  mais  il  se  garda  bien 
de  lui  rendre  le  trône.  Désormais  seul 
maître  de  l'empire ,  il  signala  son  nou- 
veau pouvoir  par  des  largesses  au 
peuple,  ainsi  que  par  des  traits  de  mo- 
dération envers  ses  ennemis,  et  de  re- 
connaissance envers  ceux  qui  l'avaient 
servi  :  mais  il  lui  fallut  bientôt  quitter 
Constantinoplc,  pour  voler  au-devant 
des  Bulgares ,  qu'il  poursuivit  au-delà 
de  leurs  frontières.  Il  reprit,  en  1 529, 
l'île  de  Chio,  que  son  aïeul  avait  perdue 
par  sa  faiblesse.  Quelque  temps  aupara- 
vant, lesTurks  avaient  fait  une  irrup- 
tion sur  le  territoire  de  l'empire  en  Asie^ 
Andronic  marcha  contre  eux ,  quoi- 
qu'inférieuren  nombre,  et  les  battit  eu 
plusieurs  rencontres  ;  mais  il  fut  griè- 
vement blessé  en  faisant  tout  à  la  fois 
l'office  de  général  et  de  soldat.  Il  était 
à  peine  rétabli  de  sa  blessure,  qu'une 
maladie  dangereuse  le  mit  au  bord  du 
tombeau.  Ce  fut  dans  cette  conjonc- 
ture que  le  vieil  Andronic  fut  contraint 
de  prendre  l'babit  monastique  :  le  jeune 
empereur,  guidé  par  un  sentiment  de 
dévotion  assez  mal  entendu,  mais  qui , 
dans  ce  temps ,  n'était  pas  rare ,  voulut 
aussi  donner  la  couronne  au  grand 
Domestique,  Jean  Cantacnzène,  com- 
me au  plus  digne  de  la  porter  dans 
des  circonstances  aussi  difficiles  ;  mais 
Caulacuzcne  ,  qui  n'avait  pas  perdu 
l'espérance  de  conserver  son  maître  , 
le  fit  changer  de  résolution.  En  effet, 
Andronic  ne  tarda  pas  à  recouvrer  la 
santé  ,  et  son  premier  soin  fut  d'aller 
chasser  les  Turks  qui  étaient  passés  en 
ïhrace  ;  il  repoussa  ensuite  les  Bul- 
gares et  les  Scrviens  jusque  dans 
leurs  montagnes ,  et  força  ces  bar- 
bares d'accepter  la  paix,  en  i552. 
La  tranquillité  momentanée  ,  dont 
jouissait  l'état,  fut  troublée  par  qucl- 
(^ucs  révoltes  et  par  des  conjurulious  ; 


AND 

la  valeur  de  l'erapex-eiir  ,  aidée  par  la 
prudence  de  Cantacuzène ,  apaisa  les 
unes  ,  et  déjoua  les  autres.  La  répres- 
sion des  brigandages  des  Albanois  , 
différentes  guerres  avec  les  Turks  ,  la 
prise  de  posse^ion  de  l'Acarnanie  , 
occupèrent  Andronic  ,  depuis  l'année 
i554  juscpi'en  lôôg.  Ce  fut  alors 
que  ,  pour  s'opposer  plus  efficace- 
ment aux  Turks,  dont  les  progrès  de- 
venaient chaque  jour  plus  effrayants, 
il  forma  une  ligue  avec  le  roi  de 
France,  Philippe  de  Valois  ,  Robert 
roi  de  JNapies,  le  roi  de  Chypre  ,  le 
grand-maître  de  Rhodes,  et  quelques 
autres  princes.  Les  infidèles,  attaqués 
par  la  flotte  des  allies ,  sur  les  côtes  de 
la  Grèce,  perdirent  ti5o  navires,  et 
plus  de  5ooo  hommes  ;  mais  ce  dé- 
sastre ne  les  empêcha  pas  de  rentrer 
bientôt  après  dans  le  Péloponnèse , 
et  d'y  commettre  de  plus  affreux  ra- 
vages qu'auparavant.  Andronic ,  pour 
résister  à  tant  d'ennemis ,  crut  qu'il 
lui  importait  de  contracter  avec  les 
Latins  une  alliance  durable,  et  d'a- 
néantir le  schisme  qui  divisait  les  deux 
Eglises  ;  il  s'occupa  donc  sérieusement 
de  la  réunion  ;  mais  les  obstacles  qu'il 
rencontra,  et  le  chagrin  qu'il  en  res- 
sentit ,  joint  à  une  maladie  dange- 
reuse, le  conduisirent  au  tombeau  , 
dans  la  quarante-cinquième  année  de 
son  âge.  11  en  avait  régné  seize ,  et , 
depuis  treize  ans ,  il  gouvernait  seul. 
Les  qualités  qu'il  développa  sur  le 
trône  firent  oublier  les  désordres  de 
sa  jeunesse.  Forcé,  par  l'injustice  et  la 
dureté  de  son  grand-père,  de  lui  raw 
le  sceptre,  il  s'en  montra  digne  par 
son  courage  ,  ses  talents  et  sa  modé- 
ration. 11  trouva  le  moyen  de  suppri- 
mer des  impôts  onéreux ,  et  de  con- 
server néanmoins  des  armées  toujours 
prêtes  à  courir  à  la  défense  de  l'état. 
Ou  le  vit  continuellement  à  la  tête  de 
SCS  troupes ,  et  sa  valeur  cl  ses  talents 


AND  i5t 

militaires  suspendirent  les  désastres 
dont  l'empire  d'Orient  était  accablé. 
Andronic  avait  été  marié,  en  pre- 
mières noces ,  à  la  fille  d'un  duc  de 
Brunsv^'ick  :  après  la  mort  de  cette 
princesse,  arrivée  en  i325  ,  il  épousa 
Anne  de  Savoie,  dont  il  eut  deux  en- 
fants qu'il  laissa  en  bas  âge.  L'aîné  fut 
Jean  Paléologue.  L — S — k. 

ANDRONIC  IV.  Voy,  Jean  Pa- 
léologue. 

AiNDRONIC,  de Cyrresthes, archi- 
tecte  grec,  construisit,  à  Athènes,  le 
monument  connu  sous  le  nom  de  la 
Tour-des-T'enls  :  c'était  un  bâtiment 
octogone,  sur  chacune  des  faces  du- 
quel était  sculptée  la  figure  d'un  des 
Vents.  Andronic  les  avait  distingués 
par  divers  attributs  :  on  les  nommait 
Solanus,  Eurus,  Auster,  Africanus, 
Favonius,  Corus,  Scptentrio,  et  Aqui- 
lo.  Au  sommet  de  la  tour ,  s'élevait 
une  petite  pyramide  de  marbre  qui 
supportait  une  mécanique  assez  sem- 
blable à  nos  girouettes  :  elle  consistait 
eu  un  Triton  d'airain,  tournant  sur 
\\n  pivot,  et  indiquant,  avec  une  ba- 
guette, le  côté  de  la  tour  sur  lequel 
était  représenté  le  vent  qui  soufflait. 
On  juge,  par  le  style  déjà  corrompu 
de  l'architecture  de  ce  monument,  et 
par  la  médiocrité  des  bas-reliefs ,  qu'il 
est  postérieur  au  siècle  de  Périclès. 
Comme  il  est  construit  en  gros  blocs 
de  marbre ,  il  n'a  pas   éprouvé  de 
grandes  dégradations ,  et  le  couron- 
nement seul  en  est  détruit.  Tout  l'édi- 
fice est  enterré  d'environ  12  pieds. 
Chacune  des  faces  avait  aussi  un  ca- 
dran; enfin,  ou  croit  que  ce  monu- 
ment   renfermait  un    clepsydre ,  ou 
horloge  à  eau.  Le  toit  était  de  marbre 
taillé  en  forme  de  tuiles  :  cette  manière 
de  couvrir  avait  été  inventée  par  Bv- 
zes  de   Naxos,  58o   avant  J.-C.   La 
Toiir-des- Pénis  sert  aujourd'hui  de 
mosquée  à  des  derviches.  Spon  ,  Whc. 


i52  AND 

1er,  Leroi  et  Stuart  ont  parle  avec 
étendue  de  ce  monument  singulier. 
LS — E. 

ANDRONICUS  CALLISTUS 
(Jean),  né  à  Thessalonique,  Aint  en 
Italie  après  la  prise  de  Constaniino- 
ple  parlesTurks,  et  donna  des  leçons 
de  grec,  successivement,  à  Rome,  à 
Florence  et  à  Ferrare.  Il  eut  pour 
disciples,  Ange  Politien,  Janus  Pan- 
nonius,  et  George  Yalla.  Appelé  en- 
suite à  Paris,  pour  v  enseiguer  le 
grec,  après  Hermonyme  de  Sparte, 
il  lut  un  de  ceux  à  qui  l'université  de 
celte  ville  dut  le  rétablissement  de  l'é- 
tude de  !a  langue  grecque.  Il  mourut 
en  1478.  On  a  de  lui  un  Traité  des 
Passions,  en  grec,  que  David  Hœs- 
chelius  a  fait  imprimer  :  AuguslT.  Fin- 
delicornm  ,  1 595  ,  in-8". ,  et  qui  a  été 
réimprimé  en  1617  et  i0'j9,  à  la  suite 
de  la  paraphrase  des  Morales  à  Ni- 
comaque.  C — r. 

ANDRONICUS  (Livius),  le  plus 
ancien  des  poètes  latins,  fit  représenter 
sa  première  pièce  de  théâtre ,  l'an  de 
Rome  5i4,  240  avant  J.-C.  On  dit 
qu'il  avait  été  esclave,  qu'il  était  d'ori- 
gine grecque,  et  qu'il  reçut  son  nom 
latin ,  de  Livius  Salinator ,  dont  il  ins- 
truisit les  enfants,  et  qui  l'affranchit. 
Ses  principales  productions  étaient 
dramatiques  ,  mais  grossières  dans 
le  plan,  et  d'un  style  barbare.  11 
jouait  lui-même  un  rôle  dans  ses  piè- 
ces, et  l'on  dit,  qu'étant  devenu  en- 
roué, il  imagina  de  faire  réciter  les 
paroles  par  un  esclave  ,  tandis  (ju'il 
faisait  les  gestes.  Ce  fut  l'origine  de  la 
pantomime  chez  les  Romains.  Il  com- 
posa aussi  des  hymnes  en  l'honneur 
des  dieux.  Tite-Live  et  Valère-Maxime 
disent  que  celui  qu'il  fit  pour  Junon , 
fut  chanté  dans  toute  la  ville  ,  par  les 
jeunes  filles.  Les  grammairiens  et  les 
critiques  citent  fréquemment  ses  vers  ; 
et  ces  citations  sont  tout  ce  qui  resle 


AND 

de  lui.  Elles  ont  été  imprimées  ,  avec 
les  fragments  des  autres  poètes  latiiis, 
dans  les  Comici  lalitii ,  le  Corpus 
poëlarum,  et  la  Collectio  Pisaiiren- 
sis.  D — T. 

ANDRONICUS  de  Rhodes  ,  philo- 
sophe péi  ipatéticien ,  professa  d'iibord 
à  Athènes  avec  peu  de  succès ,  puis 
vint  s'établir  à  Rome ,  du  temps  de  Ci- 
céron.  Tyrannion ,  l'affranchi  de  Lu- 
cullus  ,  (  hargé ,  par  Svlla ,  de  trans- 
crire les  livres  inédits  d'Aristote  qui 
provenaient  de  la  bibliothèque  d'Apel- 
licon,  communiqua  ces  ouvrages  à  An- 
dronicus.  Ce  dernier  les  classa  ,  com- 
posa des  sommaires  et  des  tables  pour 
les  différents  livres  ,  et  les  enrichit 
même  de  plusieure  commentaires.  On 
lui  avait  attribué,  jusqu'à  présent, 
une  parapinase  des  Ethiques  à  J\i- 
comaque  ,  p)iblicV  gr.  lat.  par  Daniel 
Hcinsius,  Leyde,  it)n-,in-4"-i  it>'7j 
in-8'\,  et  réimpri)née  à  Cambridge, 
167Ç».  in-S".;  mais  un  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  impériale  ,  cité  par 
Stc. -Croix,  dans  son  Examen  des 
Historiens  d'Alexandre  ,  png.  524'. 
indique  j  pour  auteur  de  celte  para- 
phrase ,  Heliodore  de  Pruze.    D.  L. 

ANDROQIJE,  Foy.  Andoque. 

ANDROUET-DU-CKRCEAU 
(  Jacques  ^ ,  architecte ,  naquit  à  Or- 
léans ,  ou ,  selon  quelques  écrivains,  à 
Paris,  dans  le  i(j'.  siècle.  La  faveur 
du  cardinal  d'Armagnac  lui  procura 
les  moyens  d'aller  se  perfrclionner 
dans  son  art,  en  Italie.  I/arc  de 
triomphe,  dont  on  voit  encore  des  res- 
tes à  Pôle,  en  Istrie,  attira  surtout 
son  admiration,  et  il  reproduisit  sou- 
vent, dans  ses  compositions,  les  co- 
lonnes accouplées  qui  sont  de  chaque 
coté  de  l'ouverture  de  ce  monument. 
Le  Pont-Neuf  fut  commencé  le  5o  mai 
iS^S,  par  Androuct,  d'après  les  or- 
dres de  Henri  111,  dont  il  était  archi- 
leclej  mais  les  guerres  ci\ilos  ne  per- 


AND 

mirent  pas  que  l'artiste  achevât  cette 
construction.  Ce  ne  fut  qu'en  iGo4j 
sous  le  règne  de  Henri  IV  ,  que 
Guillaume  Marchand  y  mit  la  dernière 
maiu.  Les  hôtels  de  Carnavalet,  des 
Fermes,  de  Bretonvilliers ,  de  Suliy, 
de  Mayenne,  etc.,  furent  bâtis  par 
Audrouet.   Il    fut  aussi   chargé  ,  en 

I  596 ,  par  Henri  IV,  de.  continuer  la 
galerie  du  Louvre,  commencée  par 
ordre  de  Charles  XI  j  mais  il  ne  put 
la  terminer.  Il  professait  pour  la  re- 
ligion réformée,  un  attachement  qui 
l'obhgea  de  s'expatrier ,  et  de  laisser 
à  Etienne  du  Pérac,  peintre  et  archi- 
tecte du  roi ,  le  soin  de  terminer  son 
travail.  Androuet-du-Cerceau  mourut 
dans  les  pays  étrangers.  Cet  artiste, 
qui  est  regardé  comme  un  des  plus 
habiles  architectes  de  la  Fiance,  a 
laissé  plusieurs  écrits;  les  principaux 
sont:  I.  Livre  d'architecture ,  coU' 
tenant  les  plans  et  dessins  de  cin- 
quante hdtiinents  ,  tous  différents  , 
i5jg,  in-fol. ,  rcimpr.  en  1 611.  II. 
Second  livre  d'architecture ,  faisant 
suite  au  précédent,  i56i,  in-folio.; 
III.  Les  plus  excellents  bâtiments  de 
France,  ouvrage  dédié  à  la  reine  Cathe- 
rine de  Médicis ,  et  imprimé  à  Paris , 
en  i5';6  et  suiv.,  deux  parties  en  un 
vol.  in-fol.,  l'éimpr.en  lécj;  IV.  Li- 
vre d^ architecture  auquel  sont  con- 
tenues diverses  ordonnances  de  plans 
et  élévations  de  bâtiments  pour  sei- 
gneurs et  autres  qui  voudront  bâ- 
tir aux  champs ,  1 58'2 ,  in-fol.;  V.  les 
Edifices  romains  ,  recueil  de  dessins 
gravés  des  antiquités  de  Rome,  faits 
sur  les  lieux,  1 585  ,  in  -  folio  ;  VI. 
Leçons  de  perspective ,  1 576 ,  in-fol. 

II  grava  lui-même,  à  l'eau-fortc,  les 
planches  qui  accompagnent  ces  divers 
recueils.  D — t. 

ANDRY  (Nicolas),  surnommé 
Bois-Regard,  né  à  Lyon  ,  en  i658, 
sans  fortune  ,  vint  à  Paris ,  étudier  en 


AND  i53 

philosophie,  au  collège  desGrassins, 
où  il  fut  réduit  à  faire  l'éducalion  de 
quelques  élèves  pour  subvenir  aux 
frais  de  ses  études  eu  théologie.  Il  de- 
vint professeur  au  collège  fi^s  Gras- 
sins,  et,  en  1687,  '^  commença  à  se 
faire  connaîlre,  dans  les  lettres,  par 
sa   triiduction  du  Panégyrique   de 
Théodose -le-  Grand,  [:ar  Pacatus. 
Dégoûté  de  la  théologie,  i!  étudia  la 
médecine,  fut  reçu  durtiur  àReans, 
et,  en  1697,   à  la  faculté  de  Paris. 
Un  peu  de  mérite,  et  un  grand  talent 
d'intriçfue  ,  le  firent  connaître  et  réus- 
sir  ;  il  fut  nommé  successivement  pro- 
fesseur au  collège  royal  ,  censeur  ,  et 
cùWahoidiltuv  AU  Journal  des  Savants. 
Malgré  les  justes  préventions  qu'avait 
inspirées  la  manière  adroite  dont  An- 
dry  avait  préparé  ses  succès,  et  malgré 
son  caractère  satirique  et  emporté,  qui 
ne  lui  faisait  épargner  ni  rivaux  ni 
amis  ,  il  fut,  en  1 724  ^  ehi  doyen  de 
la  faculté.  Les  premiers  temps  de  son 
décanat  furent  marqués  par  les  vues 
les  plus  sages  ;  frappé  de  la  supério- 
rité de  talent  qu'exige  l'exercice  de  la 
médecine ,  Andry  voulut  lui  assurer 
la  prééminence  sur  la  chirurgie ,  et  fit 
conserver,  à  la  faculté,  le  droit  d'ins- 
pection, quelle  avait  toujours  eu  sur 
les  chirurgiens;  mais,  en  mèmctemps, 
il  voulut  assujétir  les  élèves  médecins 
i  des  études  chirurgicales;  il  fit  aussi 
décréter  que  nul  chirurgien  ne  pour- 
rait pratiquer  l'opération  de  la  taille 
qu'en  présenced'un  médecin,  etc.  Bien- 
tôt, il  voulut  dominer  la  faculté  elle- 
même  ,  et  aspira  dès-lors  à  faire  nom- 
mer Helvétius,  son  ami,  premier  méde- 
cin du  roi ,  et  protecteur  de  la  faculté  ; 
mais,  deviné  par  cette  compagnie,  qui 
reconnut  dans  celte  apparence  de  zèle 
l'ambilion  particulière  du  doyen,   il 
ne  lui  pardonna  pas  de  lui  avoir  fait 
éprouver  un  refus.  Dès  ce  moment, 
Andry  s'efforça  de  perdre  ceux  des 


j54  and 

membres  de  la  facilite  qui  s'étaient  op- 
j>o.ses  à  sou  projet,  et,  dans  cette  vue, 
il  ue  rouf;;it  pas  d'altérer  l'opinion  que 
celte  laculte  avait  émise  sur  la  bulle 
f/nigenitus ,  afin  de  la  perdre  dans 
l'espiit  du  ministre,  L'aflàire  se  ter- 
mina à  sa  honte,  en  1726,  et,  pour 
prévenir  un  semblable  abus,  il  fut 
décidé  que  les  décrets  de  la  fiiculté 
seraient  dorénavant  signés  par  plu- 
sieurs docteurs,  afin  que  le  doyen  ne 
pût  rien  y  changer.  L'on  devine  la 
haine  que,  dcs-lors,  la  faculté  porta 
à  Aiidry;  elle  s'augmenta  encore  par 
les  querelles  parliculières  qu'il  eut 
nvec  plusieurs  de  ses  memijrcs ,  Hcc- 
quct,  Lemery,  le  célèbre  J.-L.  Petit, 
1 1  par  divers  écrits  polémiques  et  in- 
jurieux auxquels  ces  querelles  donnè- 
rent lieu.  Andry  ne  fut  pas  réélu  doyen. 
La  composition  de  quelques  libelles 
contre  Geoffroy ,  son  successeur ,  et 
contre  la  faculté,  parut  d'abord  le  ven- 
ger; elle  lui  valut  même  la  censure, 
au  prix  de  laquelle  on  crut  acheter  la 
paix;  mais  sort; triomphe  ne  fut  que 
de  peu  de  durée  ;  le  cardinal  de  Fleury 
connut  enfin  les  excès  dans  lesquels 
le  dépit  et  l'orgueil  j^récipilaieut  un 
homme  qui  devait  saréputalion  plus  à 
l'intrigue  qu'au  talent  ;  il  cessa  de  l'écou- 
ter, et  devint  le  protecteur  et  le  vengeur 
de  la  médecine  et  de  l'université.  An- 
dry  mourut  le  i5  mai  1742,  âgé  de 
84  ans,  doyen  d'âge  des  professeurs  du 
collège  royal.  Voici  la  liste  de  ses  nom- 
breux écrits  :  L  en  17  10,  il  publia  la 
première  édition  de  sou  Traité  de  la 
génération  des  vers  dans  le  coriis 
de  l'homme,  ouvrage  qui  a  été  plu- 
sieurs fois  réimprimé,  traduit  eu  plu- 
sieurs langues  ;  Lemery  en  imprima 
une  critique  assez  sévère  dans  le  Jour- 
nal de  Tréi'oux ,  pour  se  venger 
de  celle  qu'Andry  avait  faite  de  son 
'Traité des  aliments;  Valisnieri  l'at- 
taqua avec  moins  de  ménagement  en- 


AIS'D 

core;  il  vahit  à  notre  satirique  l'épi- 
thèle  dîHomo  vermiculosus  ,  parce 
qu'il  ne  voyait  partout  et  dans  toutes 
les  maladies  que  vers.  Andry  répondit 
à  toutes  ces  censures,  en  publiant,  sur 
le  mcinc  su  jet ,  en  1 7  04 ,  l-'ai  is ,  in- 1 2 , 
ses  Eclaircissements  sur  le  livre  de 
la  génération  des  vers  dans  le  corps 
de  l'homme,  contenant  des  remar- 
ques nouvelles  sur  les  i<ers  et  les  ma- 
ladies vermineuses.  IL  Pemarques 
de  médecine  sur  différents  sujets, 
principalement  sur  ce  qui  regarde 
la  saignée  et  la  purgation ,  Paris  , 
1710,  in- 1  a  ;  111 .  le  Régime  du  Ca- 
rême ^  considéré  par  rapport  à  là 
nature  du  corps  et  des  aliments,  Pa- 
ris, 1710,  in-!  1;  Traité  des  ali- 
ments du  Carême,  Paris,  1 7  1 5, 2  vol. 
in- 1 2 ,  puis  5  vol.  in-i  2 ,  parce  qu'on 
y  a  joint  l'ouvrage  preVédint.  Dans 
ces  trois  productions  ,  l'auteur  a  pour 
but  de  réfuter  toutes  les  opinions 
d'hlecqiiet ,  et  la  discussion  des  faits 
n'est  pour  lui  qu'un  prétexte  de  faire 
la  guerre;  IV.  le  Thé  de  l'Europe, 
ou  les  Propriétés  de  la  véronique , 
Paris,  1 7  1 2  ,  in- 1 2  ;  V.  Examen  de 
dijjérents points  d'analomie,  de  chi- 
rurgie,  de  physique  et  de  médeci- 
ne, Paris,  1723,  in -8".  Ici  Andry 
fait  une  criticpie  trop  amère  du  fameux 
Traité  de  J.-L.  Petit ,  sur  les  ma- 
ladies des  os ,  ouvi-age  qui  étonna 
alors ,  et  à  juste  titre ,  la  chirurgie  eu  • 
ropéenne  ,  et  contre  lequel  Andry, 
dans  son  zèle  amer  et  injuste,  réunit 
des  accusations  très-souvent  fausses, 
telles  que  celles  qui  traitaient  de  chimé- 
rique la  rupture  du  tendon  d'Achille. 
VI.  Remarques  de  chimie  touchant 
la  préparation  de  certains  remèdes , 
Paris,  1755,  in-12,  écrit  polémique 
encore,  et  dirigé  contre  la  première 
édition  de  la  Chimie  médicale  de 
Malouin.  VIL  Cléon  à  Eudoie,  tou- 
chant la  prééminence  de  la  méde- 


ANE 

cine  sur  la  chirurgie ,  Paris,  1 758, 
in-i2 ,  où  l'auteur  veut  prouver  ,  par 
l'ancienueté  des  usasies,  et  la  raison 
elle-même ,  la  justice  de  la  conduite 
qu'il  avait  tenue  à  cet  égard  pen- 
dant son  décanat  :  VIII.  Orthopé- 
die ,  ou  l'Art  de  prévenir  et  de 
corriger ,  dans  les  enfants ,  les  dif- 
formités du  corps ,  Paris ,  2  vol. 
1 7  4 1  •  Andry  est  encore  auteur  de 
quelques  Thèses.  Dionis  ,  son  gen- 
dre, a  publié  de  lui  un  Traité  sur 
la  Peste,  qu'il  avait  dicté  en  fran- 
çais ,  au  collège  royal ,  par  ordre  du 
régent.  Du  resté ,  le  caractère  de  tous 
CCS  écrits  confirme  le  jugement  que 
nous  avons  porté  sur  Andry;  aucune 
de  ces  grandes  vues  spéculatives  et 
pratiques  qui  rappellent  la  médecine 
antique  d'Hippoci'ate  ,  l'observation 
de  la  nature ,  et  la  connaissance  de 
ses  lois  ;  tout  y  est  sacrifié  à  cet  esprit 
de  satire  qui  seul  a  semblé  exciter 
l'auteur  à  prendre  la  plume  ;  aussi ,  de 
nos  jours,  où  l'intérêt  de  ces  contro- 
verses locales  est  évanoui,  ces  pro- 
ductions sont-elles  oubliées ,  et  n'or- 
nent-elles  plus  que  la  bibliothèque  de 
nos  plus  infatigables  érudits. 

C.  et  A — N. 
ANEAU  (Barthelemi),  dit  At«^- 
KULLUs  ,  quahfié  par  La  Croix  du 
Maine,  de  poète  latin  et  français,  his- 
torien ,  jurisconsulte  et  orateur  ,  na- 
quit à  Bourges,  vers  le  commence- 
ment du  16".  siècle,  fut  professeur  de 
rhétorique  au  collège  de  la  Trinité ,  à 
Lyon,  vers  i53o,  et  en  devint  prin- 
cipal en  1542.  Il  suivait,  dans  ses 
poésies,  le  goût  de  son  siècle  ,  qui  ap- 
plaudissait aux  pointes ,  aux  jeux  de 
mots,  et  aux  équivoques  souvent  gros- 
sières. Ce  poète  mourut  d'une  mort 
malheureuse.  Le  2 1  juin  1 565  ,  jour 
de  la  Fête-Dieu,  une  pierre  ayant  été 
jetée,  d'une  des  fenêtres  du  collège, 
sur  le  prêtre  qui  poitait  le  saiut-sa- 


ANE  i5j> 

erement  à  la  procession  ,  le  peuple,  ir- 
rité ,  monta  en  foule  dans  le  collège, 
massacra  Ancau ,  qu'on  crut  auteur 
de  cet  attentat ,  sur  le  soupçon  qu'il 
était  protestant.  Aneau  a  laissé  cent 
quatre  pièces  en  vers  latins,  quelques- 
unes  en  vers  grecs  ,  et  plusieurs  autres 
ouvrages,  parmi  lesquels  on  remarque: 
I.  Mystère  de  la  Nativité ,  parper- 
sonnaiges  ,  composé  en  imitation 
l'erbale  et  musicale  de  diverses 
chansons.  Ce  mystère  se  trouve  dans 
un  volume  intitulé  :  Chant  natal , 
contenant  sept  noèls  ,  un  chant  pas- 
toral et  un  chant  royal ,  Lyon ,  1 559. 
in-4".  Il  a  été  imprimé,  dans  le  même 
format,  en  i559  ,  sous  le  titre  de 
Genethliac  musical  et  historical  de 
la  Conception  et  Nativité  de  /.-  C. 
IL  Ljon  marchant  ,  satyre  fran- 
çaise sur  la  comparaison  de  Paris  y 
Rouen  ,  Lyon  et  Orléans ,  Lyon , 
1542,  in-4''.  Ce  drame,  qui  fut  joue 
en  i54ï  ,  sur  le  théâtre  du  collège 
de  la  Trinité ,  est  en  vers  de  difTéreu- 
tes  mesures  ,  et  à  neuf  personnages; 
les  acteurs  y  font  des  récits  sur  les 
aventures  qui  leur  sont  personnelles  , 
ainsi  que  sur  les  principaux  événe- 
ments arrivés  en  Europe ,  depuis  i524 
jusqu'en  i54o.  III.  Les  Emblèmes 
d'André  Alciat ,  traduits  vers  pour 
vers ,  Lyon  ,  i  549  ■>  ^^  ~ ^ '•  •>  leimpri- 
més  en  i558,  in-  16  ;  IV.  Picia 
poësis ,  Lugduni,  i552,  in-8''.  C'est 
un  recueil  d'emblèmes  ou  de  vers 
grecs  et  latins  ,  que  cet  auteur  a  pu- 
blié lui-même  sous  ce  titre  :  Imagina- 
tion poétique,  traduite  en  vers  fran- 
çais ,  des  latins  et  grecs  ,  par  fau- 
teur d'iceulx  ,  Lyon  ,  1 552 ,  iu  -  8". 
V.  La  République  d'Utopie ,  traduite 
du  latin,  de  Thomas  Morus ,l?ai'i>, 
in-8<^.,  et  Lyon,in-iG.;  VI.  Alector^ 
ou  le  Coq ,  histoire  fabuleuse  ,  en 
prose  française  ,  d'un  fragment  grec  , 
Lyon,  i56o,  in-S'^.j  sur  le  compte  de 


ï^>6  ANE 

laquelle  le  savant  criti(jiie  Bernard  de 
La  Monnoye  s'exprime  ainsi  :  «  C'est 
»  ini  mauvais  ouvrage  ,  où  de  bonnes 
»  gens  croyent  voir  un  sens  mystique 
»  merveilleux ,  quoiqu'il  n'y  en  ait  pas 
i>  plus  que  dans  les  fanfreluches  de Ra- 
»  bêlais.  Anean,  d'ailleurs,  pauvre  e'cri- 
w  vain ,  soit  en  latin,  soit  en  français, 
»  feignait,  pour  donner  plus  de  poids 
»  à  son  ouvrage  ,  de  l'avoir  tiré  d'un 
»  fragment  grec.  »  Maigre'  son  imper- 
fection ,  cette  production  est  encore 
fort  recherchée  des  curieux.  Ancau 
c'tait  lié  avec  Clément  INIarot.  R— t. 
ANEAU  (  Lambert  d'  ).  F.  Da- 

NEAU. 

ANEMAS  (les  ),  furent  quatre  frè- 
res ,  qui ,  sous  le  règne  d'Alexis  Com- 
mènes  ,  formèrent  une  conjuration 
contre  ce  prince,  dans  l'année  i  io5. 
Ils  avaient  engagé  dans  leur  parti  les 
premiers  de  la  noblesse  ;  déjà  ,  Jean 
Salomon,  homme  aussi  vain  que  lé- 
ger ,  distribuait  d'avance  les  places 
1 1  les  dignités  ;  déjà  les  conjurés 
s'étaient  réunis  sous  les  murs  du  pa- 
lais, pour  y  pénétrer,  et  pour  tuer 
Alexis  ;  ils  différèrent  l'exécution  de 
leur  complot ,  et  ce  délai  les  perdit. 
Alexis,  averti  secrètement,  fit  arrêter 
.lean  Salomon ,  dont  on  ne  put  tirer 
d'abord  aucun  éclaircissement;  mais, 
intimide  bientôt  |«r  les  menaces,  il 
déclara  tous  ses  complices;  l'exil  et  la 
confiscation  de  leurs  biens  furent  les 
peincsinfligées  au  plus  grand  nombre  ; 
cependant  les  Anemas  furent  condam- 
nés à  un  châtiment  plus  sévère  :  ils 
devaient  avoir  la  tête  rasée,  la  barbe 
arrachée ,  être  promenés  en  cet  état 
dans  Constantinoplc ,  et,  à  la  suite  de 
cette  humiliante  représentation ,  avoir 
les  yeux  crevés.  Les  hommes  chargés 
de  l'exécution  aggravèrent  leur  peine 
par  tant  d'insultes,  qu'au  moment  où 
les  Anemas  passèrent  devant  le  pa- 
lais ,  ils  levèrent  leurs  mains  sup- 


ANF 

pliantes  pour  demander  lamorf ,  mnfns 
dure  pour  eux  qu'un  tel  opprobre. 
L'impératrice  et  sa  fille,  Anne  Com- 
nènes ,  touchées  de  leur  horrible  état , 
coururent  implorer  leur  pardon  aux 
pir  ds  d'Alexis ,  qui  l'accorda  ,  au  mo- 
ment où  les  Anemas  allaient  passer  les 
mains  de  bronze.  On  nommait  ainsi 
deux  bras  de  métal  scellés  dans  une 
muraille  ,  pour  marquer  que,  jusque- 
là  ,  le  souverain  pouvait  encore  tendre 
une  main  protectrice  aux  criminels  ; 
mais  aussitôt  qu'ils  avaient  passé  ce 
point  ,  leur  supplice  s'exécutait.  Les 
Ancmis  virent  commuer  leur  peine 
en  une  prison  perpétuelle.  On  1rs  ren- 
ferma dans  une  tour  voisine  du  pa- 
lais des  Blaquerncs ,  qui  fut  depuis 
nommée  la  Tour  anemas.  ]j — S — e. 

ANFINOÎ^IUS.  r.  A^fAPius. 

ANFOSSl  (  Pascal),  compositeur 
italien,  né  vers  1706,  fit  ses  pre- 
mières études  musicales  dans  les  con- 
servatoires de  Naples  ,  où  il  reçut  des 
leçons  de  plusieurs  grands  maîtres. 
Piccini,  qui  l'avait  pris  en  affection, 
lui  procura,  en  1771  •.  l'u  engage- 
ment ,  comme  compositeur ,  pour  le 
théâtre  délie  Dame,  à  Rome;  mais, 
malgic  le  ])eu  de  succès  qu'obtinrent 
SCS  premiers  ouvrages ,  il  ne  perdit  pas 
courage,  et  fit  jouer  ,  en  1773  ,  1'/»- 
conniie  persécutée ,  qui  eut  la  plus 
grande  vogue,  ainsi  que  la  Finta  Giar- 
diniera  ,  et  il  Geloso  in  cim^nto,  re- 
présentés dans  le  courant  des  deux 
années  suivantes  ;  mais  la  chute  de  sou 
o])éra  de  VOlrinpinde,  et  les  désa- 
grémcurs  qu'il  (-prouva ,  le  détermi- 
nèrent à  voyager.  Apres  avoir  visité 
les  principales  villes  d'Italie ,  il  arriva 
à  Paris ,  avec  le  titre  de  maître  du 
conservatoire  de  Venise  ,  et  donna ,  à 
l'Académie  royale  de  musique  ,  sou 
Incoimuc  persécutée  ,  arrangée  .sur 
des  paroles  françaises;  mais  cet  ou- 
vrage n'eut  [xis  le  même  succès  qu'eu 


A  N  G 
Italie.  En  17B3,  ce  compositeur  e'fait 
cL.irgë  de  la  direction  du  théâtre  ita- 
lien de  Londres;  enfin,  en  1787  ,  il 
se  fixa  à  Rome ,  où  il  eut  les  plus  bril- 
lants succès;  il  fut  porte'  en  ti'iomplie 
dans  cette  ville,  en  1789,  et  jouit 
jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  vers  1 795  , 
d'une  grande  réputation.  On  cite,  au 
iwuibrede  ses  meilleurs  ouvrages,  les 
grand  >  opéras  (ï  Antigone et  de  Démé- 
tiius ,  et  l'opéra  buffa  de  YAvaro.  Les 
compositions  théâtrales  d'Anfossi  ne 
sont  pas  ses  seuls  droits  à  la  célébrité.  11 
fit  lu  musique  de  plusieurs  de  ces 
poèmes  appelés  Oratorio ,  et  dont  les 
sujets  sont  pris  dans  l'Ecriture-Sainte. 
Pendant  les  dernières  années  de  sa 
vie ,  on  en  exécuta  plusieurs  à  Rome , 
dont  les  poèmes  avaient  été,  pour  la 
plupart  ,  composés  par  Métastase  , 
tt  qui  eurent  beaucoup  de  succès. 
P— X. 
ANGE  DE  LA  BROSSE,  de  Saint- 
Joseph  (le  Père  ),  plus  connu  sous  le 
nom  de  P.  Ange  de  St. Joseph,  natif 
de  Toulouse,  carme  déchaussé,  mis- 
sionnaire apostolique  en  Orient ,  et 
supérieur  des  missions  de  son  ordre 
dans  la  Belgique,  était  très- familia- 
risé avec  la  langue  persane  vulgaire; 
mais  ses  connaissances  littéraires  n'é- 
taient pas,  à  beaucoup  près,  aussi 
étendues  qu'on  pourrait  l'imaginer  , 
d'après  les  éloges  que  Chardin  lui 
donne  ,  non  seulement  dans  son 
voyage  ,  mais  encore  dans  l'approba- 
tion qu'il  joignit  au  Gazophrlacium 
Linpiiœ  persarum  ,  Amst. ,  1684  ?  ^^- 
fol.  Ue  nombreuses  inexactitudes  dés- 
lionoreiit  ce  dernier  ouvrage ,  d'ail- 
leurs curieux  et  utile.  Quant  à  la  Phar- 
macopœa  persica  ,  publiée  par  le 
même  missionnaire  ,  en  1 68 1  ,  en  un 
vol.  in-8'. ,  à  Paris  ,  le  docteur  Hyde 
atteste  qu'elle  a  été  traduite  du  Persan 
par  le  P.  Mathieu,  dont  le  P.  Ange  a 
tù  le  umn_,  sans  oser  pourtant  ysub- 


A  N  G  I  V9 

stitucr  ouvertement  le  sien,  placé  ce- 
pendant eu  caractères  persans ,  sur  le 
titre  de  l'ouvrage  ;  ce  même  nom  est 
en  caractères  romains  ,  en  tête  de  la 
dédicace  adressée  au  général  des  car- 
mes déchaussés  ;  le  style  de  la  préface 
qu'il  a  ajoutée, et  le  genre  des  nom- 
breuses approbations  qui  accompa- 
gnent cet  ouvrage  ,  tout  concourt  à  fa- 
voriser la  supercherie  littéraire  de 
notre  religieux.  Il  futimpituyciblemcut 
dénoncé  par  le  docteur  Hyde,  qui  en- 
treprit de  justifier  et  de  venger  les  s.> 
vanfs  éditeurs  du  texte  persan  de  la 
Po(rg'fo«edeWallun,  injustement,  et 
surtout  bien  maladroitement  attaqués 
par  un  trop  faible  adversaire  (  Voy. 
Pliannacopœa  persica,  pag.  58-  j  i  , 
prœfat.  Castigatioji.  in  Angelwn  à 
Sancto  Joseph^  aliàs  dictum  de  la. 
Brosse, pa^.  •;>9'2-5o8,du  Sjntagma 
dissertaùonum  quas  olim  Thomas 
Hyde  separaliirt  edidit ,  etc. ,  vol. 
I  '.  ).  Le  suffrage  de  Beruier ,  de  Pétis 
de  la  Croix  et  de  Chardin  ,  a  dédom- 
magé notre  missionnaire  de  la  critique 
acerbe,  mais  souvent  fondée,  du  doc- 
teur anglais.  L— s. 

ANGE  DE  SALXTE-ROSALIl'., 
auguslin  déchaussé  de  la  maison  des 
Petits-Pères  ,  né  à  Blois,  en  i655  , 
mort  à  Paris,  en  1726.  On  le  destinait, 
dans  son  corps  ,  à  professer  la  théo- 
logie ;  mais  un  goût  particulier  l'cntrai- 
nait  vers  l'étude  de  l'histoire,  et  surtout 
de  cette  partie  de  l'histoire  qui  se  com- 
pose de  pièces  diplomatiques ,  de  Char- 
tres et  d'ordoimances  ;  on  lui  laissa  la 
liberté  de  s'y  livrer ,  et  il  passa  une 
})artie  de  sa  vie  à  dérouler  les  viens 
titres  de  notre  histoire  ,  et  l'autre,  à 
transcrire  ce  qu'il  y  avait  l'emarqué 
de  plus  curieux.  Il  avait  été  précède' 
dans  ces  études ,  dont  on  ne  peut  con- 
cevoir l'attrait  dans  le  tourbillon  du 
monde ,  par  le  P.  Anselme  (  F.  Ansel- 
me. ),  qui  lui  laissa  de  riches  matériaux  ; 


i58  AN  G 

i!  les  mit  en  ordre,  les  grossit  àe  ses 
propres  recherches,  et,  du  tout,  il  com- 
posa l'/fistoire  de  la  Maison  de 
France  et  des  grands  officiers  de  la 
couronne,  en  9  vol.  in-fol. ,  ouvrage 
d'une  grande  érudition  ,  mais  d'iuie 
diffusion  et  d'une  longueur  insuppor- 
tables ,  et  dans  lerpiel  les  historiens 
Ye'ly,  Garnier  ,  Hénault  ont  puise', 
sans  scrupule,  la  partie  de  leur  science 
la  plus  difficile,  et  en  même  temps  la 
plus  propre  à  donner  à  leurs  récits  le 
caractère  d'authenticité  qui  inspire  tant 
de  confiance.  Le  P.  Ange  a  publie,  en 
outre  ,  avec  les  mêmes  cléments  et 
les  débris  de  sa  grande  Histoire  de  la 
Maison  de  France  ,  un  Etat  de  la 
France,  en  5  vol.  in-12  ,  ouvrage 
dont  Nicolas  Besogne  et  Louis  Tra- 
bouillet,  chapelain  du  roi  et  chanoine 
de  Meaux  ,  avaient  conçu  la  première 
idée ,  que  le  P.  Ange  développa  sur  un 
plan  plus  e'tendu  ,  et  auquel  les  reli- 
gieux bénédictins  de  la  congrégation 
de  St.-Maur  mirent  la  dernière  main  , 
en  1749,  en  le  publiant  avec  des  aug- 
mcnUitions,  en  G  vol.  in- 1*2.  Cet  Etat 
de  la  France  est  curieux,  en  ce  qu'il 
contient ,  aussi  exactement  que  possi- 
lile ,  l'origine ,  la  nature ,  les  prcroga- 
tives  de  tous  les  officiers  ecclésias- 
tiques, civils  et  militaires  de  la  cou- 
ronne, avec  le  cérémonial  de  leurs  fonc- 
tions et  l'état  de  leurs  appointements. 
Le  nom  de  famille  du  P.  Angede  Sainte- 
Rosalie  ,  était  François  FajJ'ard. 
G — s. 

ANGE(Rocca).  rq>-.  Rocca. 

ANGELERIO.  T^oy.  Angelieri. 

ANGELI  (  BoNAVENTURE  ) ,  histo- 
rien italien  ,  de  quelque  réputation  , 
naquit  à  Ferrare ,  et  fleurit  dans  le 
16  .  siècle.ll  était  savant  jurisconsulte, 
et  fut  d'abord  chargé  des  affaires  des 
ducs  de  Ferrare,  qu'il  conduisit  avec 
beaucoup  d'adresse  et  d'habileté.  Il 
alla  ensuite  s'établir  à  Parme ,  dont  il 


AN  G 

écrivit  l'histoire.  David  Clément,  dans 
sa  Bibliothèque  curieuse ,  etc.,  tom. 
I,  p.  525 ,  dit  qu'Angeli,  ayant  le  projet 
de  décrire  tous  les  fleuves  de  l'Italie, 
avec  les  pays ,  les  montagnes,  les  villes 
et  les  châteaux  situés  sur  leurs  bords , 
et  de  corriger  les  erreurs  de  Ptolomée , 
de  Pline  et  des  géographes  modernes  , 
fit  plusieurs  vovages  pour  observer 
les  dilférentes  positions  des  lieux  ; 
qu'arrivé  à  Parme  ,  on  le  pria  de  join- 
dre l'histoire  de  la  ville  à  celle  de  la 
rivière  de  ce  nom;  qu'il  s'y  arrêta  ,  et 
que,  le  libraire  Erasme  Violto  lui  avant 
offert  son  magasin  de  livres ,  il  l'ac- 
cepta ,  se  mit  à  écrire  l'Histoire  de 
Parme,  et  l'ayant  terminée  en  six  mois, 
la  fit  imprimer  chez  ce  même  libraire. 
Elle  ne  parut  cependant  qu'en  \~)()i , 
quinze  ans  après  la  mort  de  l'auteiu- , 
s'il  est  vrai  qu'il  mourut  en  iD-jG  , 
comme  l'assure  BarufFaldi ,  dans  son 
Supplément àV Histoire  de  VUniv'er- 
site  de  Ferrare,  et,  d'après  lui ,  Maz- 
zuchelli ,  Scrittori  italiani ,  tom.I, 
|Vîrt.  2.  Son  ouvrage  est  intitulé:  Is- 
toria  délia  cil  ta  di  Parma  e  descri- 
zione  del  Fiume  Parma  ,  lib.  V  111  , 
Parma ,  Erasmo  Viotto  ,  1 59 1 ,  in-4". 
Chacun  de  ces  huit  livres  est  dédié  à 
quelqu'un  des  principaux  seigneurs  de 
l'état  de  Parme ,  et,  dans  chacune  de  ces 
dédicaces ,  l'auteur  fait  l'histoire  généa- 
logique de  celui  à  qui  elle  est  adressée. 
Les  exemplaires  de  celte  histoire  sont 
assez  rares ,  ceux  surtout  où  certains 
passages  sur  P.  L.  Farnèse  ne  sont  pas 
supprimés.  Selon  Clément,  l'ouvrage 
est  très-recherché  en  Ijollande ,  parce 
qu'il  n'a  pas  été  inséré  dans  le  Trésor 
des  antiquités  d'Italie.  On  avait  pu- 
blié, l'anuée  précédente  .  cet  autre  ou- 
vrage d'Angcli,  qu'il  faut  joindre  à  son 
histoire  :  Descrizione  di  Parma,  suai 
Fiumi,  e  laj-go  territorio.  Parma,  Fr. 
Vittorio .  1 5<)0.  Parmi  quelques  écrits 
que  le  msuie  auteur  avait  pubhés  à 


ANG 

Forrarc ,  on  distingue  :  T.  La  VUa  tll 
Lodovico  Cati ,  gentiluomo  Ferra- 
rese ,  etc. ,  1 554  :  ce  Cati  e'tait  un  doc- 
teur en  droit ,  ministre  des  ducs  de 
Ferrare  ;  II.  De  non  sepeliendis  mor- 
tuis;  III.  Glielo<:^idesrlieroi  Esiensi; 
IV.  Discorso  intorno  l'origine  de^ 
cardinali ,  1 565.  G — é. 

ANGELI  (  Philippe  ) ,  peintre  ,  ne' 
à  Rome,  vers  la  fin  du  i(3'\  siècle, 
fut  nommé  Philippe  Napolitain^  par- 
ce qu'il  travailla  très-long- temps  à  Na- 
ples.  Il  avait  ete  appelé,  avec  beau- 
coup d'empressement,  en  i6i'^,  à 
la  cour  de  CosmcII,  grand -duc  de 
Toscane,  et  il  avait  reçu  de  ce  prince, 
ami  des  arts  ,  des  témoignages  ho- 
norables de  bonté.  Angeli  composa  , 
le  premier  ,  des  paysages  d'un  style 
nouveau ,  et  conformes  aux  règles  de  la 
perspective  la  plus  sévère.  Ces  pay- 
sages sont  rares,  et  se  vendent  très- 
cher.  Le  Musée  Napoléon  possède  un 
tableau  représentant  le  Satyre  et  le 
Passant.,  qu'on  attribue  à  ce  maître. 
Si  c'est  la  lecture  de  la  8*.  fable 
de  La  Fontaine  (  livre  5".  ) ,  qui  a 
donné  l'idée  de  ce  tableau ,  il  ne  peut 
être  de  Philippe  Angeli ,  qui  mou- 
rut en  1643 ,  époque  à  laquelle  La 
Fontaine  n'avait  que  vingt-deux  ans, 
et  ignorait  encore  ses  heureuses  dis- 
positions pour  la  poésie.  C'est  avec 
bien  plus  de  raison  que  la  Notice  du 
Musée  attribue  ensuite  ce  tableau 
à  Sébastien  Ricci,  né  en  lôSg,  et 
mort  en  i'^34.  U  est  permis  cepen- 
dant de  supposer  que  le  sujet  de  cette 
fable,  étant  emprunté  des  anciens,  a 
pu  être  aussi  traité  par  Philippe 
Angeli.  A — d. 

ANGELI  (Pierre),  /^ojk.  Angelio. 

ANGELI.  Voj.  Angely. 

ANGELI  (Etienne  ),  jésuate,  fut, 
dit  Moutucla  ,  un  géomètre  distingué 
dans  son  temps ,  et  très-fécond.  11  pu- 
blia, dans  l'intervalle  des  années  i(i58 


ANG 


«59 


à  1GG2,  un  grand  nombre  d'ouvrages 
concernant  tous  des  sujets  de  la  géo- 
métrie transcendante.  L'ordre  des  ic- 
suates  ayant  été  supprimé  en  i  (M'y'ii , 
Angeli  vécut  en  particulier ,  et  professa 
les  mathématiques  à  Padoue,  où  il 
vivait  encore  à  la  fin  du  i-]".  siècle. 
Cornélius  àBeughcm  (dans  ?,a.Bibliu- 
graphia  mathematica  )  donne  ks 
titres  des  ouvrages  d'Angeli,  au  nom- 
bre de  neuf.  A.  B — t. 
ANGELICO.  r.  pRA.  GiovANNi- 
ANGELIERI  (  Ronaventure  ) , 
moine  de  l'ordre  des  frères  mineurs 
de  S.  François,  né  à  Marsalla  en  Si- 
cile ,  n'est  connu  que  par  la  singula- 
rité des  titres  de  deux  volumes  qu'il 
a  pubhés  ,  et  qui  devaient  être  suivis 
de  vingt-quatre  autres ,  qu'il  avait  pré- 
parés ,  sur  les  mêmes  sujets.  Le  pre- 
mier est  intitulé  :  Lux  magie  a,  etc., 
cœlestium ,  terrestrium  et  inferoruui 
origo ,  ordo ,  et  suhordinatio  ciinc- 
torum,  quoad  esse,  fîeri,  etoperari, 
viginti  quatuor  volwninihus  divisa, 
pars  prima ,  etc. ,  Venise ,  i  ()8G , 
in-4°.  Ne  voulant  point  se  faire  con- 
naître pour  auteur  de  ce  livre ,  il  le 
donna  sous  le  nom  de  Livio  Betani, 
ce  qui  l'a  lait  ranger  parmi  les  auteurs 
pseudonymes  ;  mais  il  futplushardi  ou 
publiant  son  second  volume,  intitulé: 
lAix  magica  academica^  pars  secim- 
da ,  primordia  rerum  naturalium  , 
sanabilium,  infirmarum  et  incurahi- 
lium  continens y  etc.,  Venise,  1687, 
in-4".  On  ne  sait  rien  de  la  vie  de  ce 
moine  ,  sinon  qu'il  fut  vicaire-général 
de  son  ordre  à  Madrid,  qu'il  passa 
ensuite  parmi  les  pères  de  l'Obser- 
vance ,  et  qu'il  vivait  encore  en  1707, 
année  oîi  Mongitore  parle  de  lui 
comme  d'un  auteur  vivant ,  Bibllo- 
theca  sicula ,  vol.  P"". ,  pag.  11  u. 

G— E. 

ANGELTO,  ou  DEGLI  ANGELÎ 
(  PiERfxE  ) ,  né ,  eu  1 5 1 7 ,  à  Barga  . 


i6o  AN  G 

en  Toscane  ,  à  vingt  milles  de  Luc- 
ques,  et  surnonimé  en  ita'ieu  Bargeo, 
et  en  latin   Bccri:œns ,  a  cause  de  sa 
patrie ,  fut  uu  àcs  littérateurs  les  plus 
illustres  du  lô*".  siècle.  Elevé,  daburd, 
par  un  oncle  triîs-vcrsé  dans  les  lan- 
gues anciennes ,  il  savait  le  p;rec  et  le 
latin  ;';  dix   ans.   On  voulut  ensuite 
qu'il  ctudiàî  '-?;'  lois  à  Bologne;  mais 
ses  jiuùts  li!!o»  aires  étaient  déclarés  ; 
et,  après  quelques  ciForts  inutiles,  ses 
oncles  ne  voulant  pas  l'entretenir  à 
Bologne  ,    s'il    n'y  étudiait  que  les 
belles-lettres  ,  il  vendit  ses  livres  de 
droit,  et  subsista  ainsi  pendant  quel- 
que temps.  Uu  riche  Bolonais  ,  de  la 
famille  Pepoli,  lui  fournit  les  moyens 
d'achever  ses  études.  Son  talent  poé- 
tique s'annonça  de   bonne  heure;  il 
était  encore  à  l'université  de  Bologne , 
lorsqu'il  conçut  l'idée  de  son  poème 
latin  sur  la  chasse,  celui  de  tous  ses 
ouvrages  qui  lui  a  fait  le  plus  de  ré- 
putation. La  crainte  d'être  recoiiuu 
pour  l'auteur  de  quelques  vers  sati- 
riques   qu'il  avait  faits,  à  la  prière 
d'une  très-noble  dame  ,  dont  il  était 
amoureux,  contre  un  mari  trop  peu 
jaloux  de  sa  femme,  l'obligea  de  qiut- 
ter  Bologne.  11  se  rendit  à  Venise  ,  où 
il   trouva  un  asyle   honorable   chez 
l'ambassadeur  de  France,  qui  le  re- 
tint chez  lui  pendant    trois  ans  ,  et 
l'occupa   à    corriger   des  manuscrits 
grecs,  qu'il  faisait  copier  par  ordre 
du  roi, François  1"'.,  pour  être  placés 
à  Paris,  dans  la  Bibliothèque  royale. 
Emmené  ensuite  àConstanîinoplepar 
un  autre  ambassadeur  français ,  dont 
il  avait  fait  la  connaissance  à  Venise, 
il  visita  avec  lui,  dans  l'Asie  mincue 
et  dans  la  Grèce,  tous  les  lieux  célé- 
brés dans  les  ouvrages  des  anciens. 
11  était ,  en  i543  ,   sur  la  flotte  en- 
voyée par  le  grand-soigneur  aux  en- 
virons de  Mec,  coulre   l'empereur, 
sous  les  ordres  du  fameux  Barbe- 


ANG 

rousse.  Il  se  trouva,  avec  son  ambas- 
sadeur ,  au    siège  de   Nice,  par   les 
F^-ançais.  La  ville  fut  prise  :  la  cita- 
delle était  assiégée  de  près;  un  faux 
bruit ,  répandu  par  les  Italiens  ,  lit 
craindre,  aux  assiégeants, l'approche 
d'une  armée  nombreuse;  ils  levèrent 
le  siège.  11  en  résulta  de  l'aigreur  entre 
les  deux  nations.  Un  Français,  qui  se 
trouvait  auprès  d'Angelio  sur  une  ga- 
lère, injuria  les  Italiens;  Angelio  lui 
donna  un  soufflet,  se  battit  avec  lui 
et  le  tua.  Le  commandant  de  la  galère 
le  fit  arrêter  sur-le-champ  ,  mais  le 
laissa  ensuite  échapper.On  se  mit  aussi- 
tôt à  sa  pouisuite  :  il  eut  bien  de  la 
peine  à  se  soustraire  aux  recherches  ju- 
ridiques et  à  celles  des  ennemis  par- 
ticuliers qu'il  s'était  faits.  Son  cou- 
rage ,  et  les  secours  de  quelques  amis, 
le  firent  enfin  arriver  à  Gênes;  le  cé- 
lèbre  marquis  del  Vasto  ,  qu'il  alla 
trouver  au   siège   de  Mondovi ,   lui 
donna  les  moyens  de  retoui'ner  en 
Toscane.  Il  fut  attaqué  de  la  fièvre 
tierce  à  Florence,  rencontra  son  frère 
et  SOS  oncles  en  procès  à  Barga,  sa 
pairie;  et.  crovant  trouver  phis  de  re- 
pos et  de  santé  à  Milan,  où  Alphonse 
Davalos  l'appeliit,  il  projetait  de  s'y 
rendre,  lorsqu'il  apprit  la  mort  de  cet 
illustre  Mécène.  Il  chercha  à  se  con- 
soler par  des  travaux  poétiques  qu'il 
avait  interrompus  depuis  long-temps. 
11  reprit  son  Poème  de  la  Chasse ,  pour 
Irquel  il  a^ait  recueilli  un  grand  nom- 
bre de   notes    et    d'observations    en 
Orient  et  en  France.  Fn    i546,  les 
habitants  de  Reggio  le  choisirent  pour 
professer  publiquement   les    langues 
grecque  et  latine  ,  avec  des  appointe- 
ments honorables ,  et  les   droits  de 
cité  dans  leur  ville  :  il  accepta,   et 
remplit   pendant  trois  ans  cet   em- 
ploi. Au  bout  de  ce  temps,  le  grand- 
duc,  Cosme  P'". ,  l'app'^la  pour  pro- 
fesser les  belles-lelljCs  dans  l'univei- 


ANG 

site  de  Pise.  Après  avoir  occupe  dix- 
sept  ans  celte  chaire,  il  passa  à  celle 
de  morale  et  de  politique,  où  il  fut  char- 
gé d'expliquer  les  deux  p,rands  Traités 
d'Aristote  sur  ces  matières.  Son  atta- 
chement pour  cette  université  et  pour 
le  grand-duc  était  tel  que,  pendant 
la  guerre  de  Sienne ,  Cosrae  ayant  été 
tlucé  de  suspendre  les  paiements  des 
professeurs  de  Pise ,  Angelio  engagea 
ses  meubles  et  ses  livres  pour  rester  à 
son  poste ,  tandis  que  tous  ses  con- 
frères désertaient.  L'armée  siennoise, 
commandée  par  Pierre  Strozzi,  s'ap- 
procha de  Pise.  11  n'y  avait  point  de 
soldats  pour  la  défendre.   Le  brave 
professeui"  fit  prendre  les  armes   à 
t(3us  les  écoliers  de  l'université  ,  les 
,  exerça  ,  les  encouragea  ,   rassura  et 
■défendit  avec  eux  la  ville ,  jusqu'au 
moment  où  le  grand-duc  y  pat  en- 
voyer des  secours.  Le  cardinal  Fer- 
dinand de  Médicis  ,  qui  fut  ensuite 
grand-duc ,  l'appela  à  Uome ,  auprès 
de  lui,  en  iD^S.  Il  l'y  fixa  par  une 
forte  pension  ,  par  de  riches  présents, 
et  par  les  traitements  les  plus  hono- 
rables. Il  l'encouragea  à  terminer  un 
grand  poème  commencé  depuis  plus 
de  trente  ans,  et  dont  le  sujet  était  la 
conquête  de  la  Syrie  et  de  la  Palestine 
par  les  chrétiens.  Angelio  fit  réimpri- 
mer  à  Rome  toutes   ses  poésies  en 
i585,  et  les  dédia  au  même  cardinal, 
qui  l'en  récompensa  par  un  présent  de 
deux  mille  florins  d'or.  Quand  Fer- 
dinand fut   devenu  grand-duc,   An- 
geho  le  suivit  à  Florence ,  où  il  fut 
consul  de  l'académie,  et  où  il  publia 
enfin  son  poème  de  la  Sjriade.  Des 
pensions  considérables  lui  assurèrent 
une  vieillesse  libre  et  heureuse.  S'é- 
tant  retiré  à  Pise,  il  y  vécut  paisi- 
blement quelques  années.  Il  y  mou- 
rut de  maladie,  le  sç)  février  iSqO, 
âge'  de   'jij  ans ,  et  fut  enterré  dans 
le  Gampo  Santo.  On  lui  ût  des  ob- 


A  IN"  G  i6i 

sèques  magnifiques  :  son  oraison  fu- 
nèbre fut  prononcée  dans  l'acadé- 
mie de  Florence  ,  et  même,  par  une 
exception  très-rare,  dans  l'académie 
de  la  Crusca ,  quoiqu'il  n'en  efit  pas 
été  membre.  Ces  deux  Discours  sont 
imprimés.  Ceux  des  ouvrages  d'An- 
geiio  qui  ont  vu  le  jour ,  sont  : 
1.  Trois  Oraisons  funèbres  ;  la  pre- 
mière ,  du  roi  de  France  ,  Henri  II , 
prononcée  à  Florence,  en  T55g;  la 
seconde,  du  grand-duc  Cosinc  de  Mé- 
dicis, à  Pise,  eu  i5'j4  5  ^t  la  troisième, 
du  grand-duc  Ferdinand  de  Médicis, 
à  Florence,  en  1587:  toutes  trois, 
écrites  en  latin ,  ont  été  traduites  en 
italien  ,  et  imprimées  ;  on  croit  que  la 
traduction  de  la  troisième  fut  faite 
par  l'auteur  même.  II.  De  ordine 
legendi  scri plores  Historiœ  Romanœ. 
Cet  opuscule,  imprimé  deux  fois  à 
part,  a  été  inséré  par  Grotius  dans 
sou  recueil,  intitulé  :  De  studiis  iiis- 
tiliiendis  ,  Amsterdam,  Blaeii,  i(H5 
et  i645,in-i2,  III.  Poémata  on  nia, 
diligenter  ah  ipso  recognita ,  Romae, 
i585,  in-4''.  Ce  volume  contient  une 
grande  variété  d'ouvrages ,  qui  avaient 
été,  d'abord,  presque  tous  imprimés 
séparément ,  et  dont  voici  les  princi- 
paux :  Cjnegelicon  lihri  VI ^  le 
meilleur  de  tous  ses  poèmes ,  et  au- 
quel il  avait  travaillé  pendant  vingt 
ans,  comme  il  l'avoue  dans  sa  pré- 
face ;  De  aucupio  liber  primas  ;  ce 
poème  était  en  quatre  livres,  mais 
Angv'lio  n'osa  jamais  publier  que  le 
primifr;  Eclogœ  If';  Epistolarum 
liber /,-  C arniinum libri  IT;  Syrias , 
poëme  en  douze  livres,  sur  le  même 
sujet  que  la  Jérusalem  délivrée  du 
Tasse;  IV.  Depri^atonim  publico- 
rumque  urbis  Romœ  eversoribus  épis- 
toln,  etc.,  Florence,  iSSq,  in-4^., 
et  ensuite  insérée  dans  le  tome  IV  du 
Thésaurus  anLiquitatum  Romana- 
ruin.  L'auteur  y  soutient  que  ce  p'sst 

II 


l62 


A  N  G 


pas  aux  Gotlis  ni  aux  Vandales,  mais 
aux  ordres  du  pape  Grégoire,  et  de 
quelques-uns  de  ses  successeiu's  ,  et 
en  partie  aussi  à  la  piété  mal  entendue 
des  clirétieus,  qu'il  faut  attribuer  la 
destruction  des  plus  beaux  monu- 
ments de  Rome.  V.  Poésie  toscane  , 
publiées  avec  une  traduction  de  l' OE- 
dipe  Roi,  de  Sophocle,  faite  par  le 
même  auteur,  Florence ,  i  SHg ,  in-8°-  ; 
VI.  quelques  lettres  en  latin  et  eu 
italien  ,  imprimé  "s  daus  plusieurs  re- 
cueils ;  \'  il.  les  Ménioires  de  sa  vie , 
écrits  par  lui-même  ,  publiés  par  Sal- 
vino  Sah  ini  dans  les  Fasli  consolari 
de  l'académie  de  Florence,  et  d'où 
l'on  a  tiré,  pour  la  première  partie 
de  cet  article ,  des  faits  intéressants , 
qui  ne  se  trouvent  point  dans  les 
Dictionnaires  historiques  prétendus 
universels  ,  publiés,  jusqu'à  présent , 
en  France ,  et  même  en  Italie.  G — e. 

ANGELIO,  ou  DEGLI  ANGELI 
(Antoine),  frère  aîné  du  précédent, 
et  né  à  Barga  ,  comme  lui ,  fut  aussi 
de  l'académie  florentine,  où  il  fil  pu- 
bliquement quelques  leçons  en  i54i. 
11  fiit  précepteur  de  François  et  de 
Ferdinand  de  Médicis  ,  qui  furent 
grands-ducs  de  Toscane  ,  et  ensuite, 
en  i5to,  évêquc  de  IMassa  ,  cvêché 
suffiagant  de  la  métropole  de  Sienne. 
Il  mourut  en  iS'jg.  Trois  Epîtres 
latines  de  lui  ,  en  vers  héroïques , 
sont  imprimées  parmi  les  poésies  de 
son  frère,  dans  l'édition  de  i585  (  P^. 
l'article  précédent ,  n".  III.),  et  ont 
été  réimprimées  par  Gruter  ,  dans  le 
1  "".  vol.  des  Delitiœ  poëtarian  ita- 
lorwn.  G — i. 

A.NGELIS(  Dominique  de  ),  au- 
teur italien  du  18".  siècle ,  naquit,  en 
167  5,  d'une  famille  noble  et  distin- 
guée ,  à  Lecce,  ville  capitale  de  la  terre 
d'Olranlc  ,  dans  le  royaume  de  Na- 
ples.  Après  avoir  fait  de  bonnes  étu- 
des dans  ka  patrie,   il  fut  appelé  à 


AN  G 

Naples  par  un  de  ses  oncles ,  et  y  étu- 
dia les  lois ,  la  géométrie ,  la  langue 
grecque,  et  la  philosophie  de  Des- 
cartes. 11  fit  un  voyage  en  Espagne, 
en  qualité  de  chapelain  d'un  régi- 
ment napolitain  j  en  passant  à  Paris 
pour  s'y  rendre  ,  il  fut  présenté  à 
Louis  XIV ,  qui  lui  accorda  le  titre 
â'Historieji  du  Roi.  Il  fut  fait  pri- 
sonnier ,  dans  les  Pyrénées  ,  par 
les  Miquelets  ,  mais  presque  aussitôt 
remis  en  liberté.  De  retour  à  Rome , 
le  pape  le  nomma  chapelain  de  l'ar- 
mée pontificale,  qui  faisait  une  expé- 
dition aux  frontières.  Cette  expédition 
finie  ,  il  revint  à  JNaples ,  et  ensuite  à 
Lecce,  vers  l'année  17  10  :  il  y  obtint 
un  bon  canouicat ,  et  fut  pourvu,  dans 
la  suite ,  de  plusieurs  vicariats  géné- 
raux ,  dont  il  remplit  les  fonctions 
avec  autant  de  zèle  que  de  lumièi-es. 
Il  mourut ,  à  Lecce  même ,  le  7  août 
1 7 1 8.  Il  était  de  plusieurs  académies , 
et  a  laissé,  entre  autres  ouvrages  esti- 
més :  1.  Délia  palria  d'Ennio,  à 
Rome,  1701,  in-8'. ,  et  ensuite  à 
Naples  ,  1 7 1  '2  ;  dissertation  tendant  à 
prouver  que  la  patrie  du  célèbre  poète 
Ennius  est  Rudia,  à  deux  milles  de 
Lecce,  et  non  pas  Rudia,  près  de  Ta- 
rente  ,  comme  l'auteur  d'une  disserta- 
tation  ,  rendue  publique ,  l'avait  sou- 
tenu ;  II.  Discorso  istorico,  in  cui 
si  Iratla  delV  origine  et  délia  fon- 
dazione  délia  città  di  Lecce,  etc.  , 
Lecce,  1703,  in-4".  ;  HL  Le  VitiS 
de  Leiterati  Sabntini ,  parte  1 ,  k 
Naples,  sous  le  faux  titre  de  Flo- 
rence ,  1710,  in-4".  ;  parte  II ,  à 
Naples  ,  1713.  D'autres  écrits  du 
même  auteur  ont  rapport  à  des  que- 
relles élevées  entre  la  ville  de  Lecce 
et  son  évêque ,  et  à  l'interdit  qui  en 
fut  la  suite.  Leurs  titres  ne  seraieiit 
d'aucun  intérêt  pour  le  lecteur.  G — i:. 
ANGELIS  (  Jérôme  d'  ) ,  ué  ru 
1567,  à  Castro-Giovanni,  ville   de 


AN  G 

Sicile,  eutra ,  à  dix-huit  ans  ,  dans  la 
compagnie  des  jésuites  ,  et  ol)tiut ,  en 
1593  ,  d'être  envoyé  comme  mission- 
naire dans  riiide  et  au  Japon.  A  cet 
effet ,  il  s'embarqua  à  Lisbonne  avec 
Charles  Spiuola,  le  10  avril  159G; 
et ,  après  deux  ans  do  navigation  , 
jeté  sur  les  cotes  de  Bi'ésil ,  pris  par 
des  corsaires ,  et  emmené  en  Angle- 
terre ,  où  il  fut  en  prison  pendant  une 
nuit ,  il  reviut  en  Portugal ,  s'y  fit  or- 
donner prêtre ,  et  se  reuibarqaa  pour 
le  Japon,  où  il  arriva  enfin  en  1G02. 
Il  aj)prit  la  langue  du  pays ,    et  s'a- 
donna avec  fruit  à  la  conversion  des 
habitants,   jusqu'en  161 4)    qu'il   ^^^ 
bautii   du  royaume  ,    avec   tous   ses- 
compagnons.  11  oi)tint  alors,  do  ses 
supérieurs ,  la  prrmission  de   rester 
dans  ce  pays ,  et  d'y  quitter  l'habit  de 
son  ordre  ;  dévoré  du  zèle  de  la  mai- 
sou  de  Dieu,  il   parcourut  plusieurs 
fois  le  Japon ,  bravant  et  surmontant 
tous  les  obstacles.  Le  premier,  ilpur- 
ta  la   foi  à  Malsuniai,   dans  la  terre 
d'Ycsso  ;  le  premier ,  il   alla   visiter 
les  serviteurs  du  Christ ,  qu'on  avait 
relégués  à  Méaco,  à  Osacka  ,  etc.  ; 
il  y    trouva  a  peine  1 000  cluétiens  , 
et ,  en  peu  de  temps  ,    en   porta  le 
nombre  à  1  1,000.  ^Ltis  uue  horrible 
persécution  s'étant  élevée,  en  iG.>>!S  , 
contre   les  chrétiens  ,  Angelis  ,    qui 
avait  disparu  à  propos  de  la   maison 
qui  lui  servait  de  ictraite,  résolut  de 
se  sacrifier  pour  sauver  la  vie  à  son 
hôte  ,  qu'on  avait  arrêté.  11  quitta  les 
habits  japonnais ,  reprit  ceux  de  sou 
ordre,  et  se  présenta  devant  le  gou- 
verneur de  Jédo  ,  qui  le  fit  conduire 
en  prison ,  et  bnVer  vif  le  'i\  décem- 
bre 1 6i5 ,  avec  deux  autres  jésuites  et 
quarante-sept  Japonais  chiétiens.  An- 
gelis était  âgé  de  cinquante-six  ans  ;  il 
en  avait  passé  vingt-deux  au   Japon. 
«  11  avait,  dit  la  Bibliolhe(fne  des  Jé- 
«  suites,  écrit  uue  courte  Relation  du 


ANG  iG5 

»  royaume  de  Fessa.  »  Nous  avons 
en  français  uue  Histoire  de  ce  qui 
s'est  passé  aux  royaumes  de  la  Chine 
et  du  Japon ,  tirée  des  lettres  écrites 
des  années  1 6 1 9- 1 G-2 1 ,  traduite  de 
Vitalienpar  Pierre  Morin,  in-4*'.  La 
seconde  lettre  du  P.  Jérôme  d'Ansre- 

c 

lis,  sur  la  terre  d'Yesso,  se  trouve 
à  la  fin  de  cet  ouvrage.  -^—  Angelis 
(Alexandre),   né  à  Spolcîte  ,   entra 
dans  l'ordre  des  jésuites ,  en  1 58 1  , 
professa    successivement  la  philoso- 
phie et  la  théologie  ,  fut  appelé  par 
le  cardinal  Serra,  à  Florence,  ou  il 
mourut ,  en  iGio  ,  âgé  de  cinquante- 
huit  ans.  Il  a  laissé  un  ouvrage  ,  en 
cinq  livres,  contre  les  astrologues, 
imprimé  ,  pour  la    seconde  fois  ,    à 
Rome  ,  iG  1 5 ,  in-4".  Il  avait  promis  , 
mais  ne  put  achever  des  Commen- 
taires sur  la  philosophie  et  la  théo- 
logie universelle.  — Angelis  (  Fran- 
çois-Antoine ) ,   né    à   Sorrento  ,    en 
1 5G7  ,  entra  chez  les  jésuites  eu  1 585, 
fut  envoyé,  en    1G02  ,  dans  l'Inde, 
et ,  deux  ans  après ,  en  Ethiopie  ,  où 
il  prêcha  l'évangile  pendant  clix-huit 
ans.  Il  mourut  eu  iG,>.5j  il  avait  tra- 
duit ,  dans  une  des  langues  de  i'Éthio- 
pie ,  plusieurs  ouvrages ,  entre  autres 
les  Commentaires  de  Jean  Maldo- 
nat  sur  V Evang^ile  de  S.  Mathieu  , 
et  sur  VEvangile  de  S.  Luc.  — An- 
gelis (  Mutins  ) ,  né  à  S])olette ,  mort 
en   1 597  ,  à  trente-neuf  ans  ,   après 
avoir  professé ,  pendant  seize  ans  ,  la 
pliiiosophie  et   la  théologie ,  a  laissé 
des  commentaires  sur  presque  tous  les 
Livres  d'Aristote ,  sur  la  Somme  de 
S.  Thomas ,  des  notes  sur  les  Epî- 
très  de  S.  Paul,  etc.  A.  B — t. 

A  N  G  E  L  O  (  Jacques  d'  ) ,  né  à 
Scarperia,  dans  la  vallée  de  Mugello, 
au  1  4"'  siècle ,  était  savant  dans  la 
langue  grecque.  Il  ctdit  allé  prendre, 
à  Venise ,  des  leçons  de  Manuel  Ghry- 
sûloras  et  de  Démétrius  Cidonius,  qui 

lin 


iG4  AN  G 

y  étaient  envoyés  par  l'empereur  Ma- 
nuel Pale'ologue.  Lorsqu'ils  retouniè- 
reiit  à  Constantinople,  il  partit  avec 
eux,  et  fît  un  voyage  en  Grèce.  De 
retour  à  Florence,  il  se  rendit  ensuite 
à  Rome  ,  où  il  disputa  à  Léonard 
d'Arezzo  la  place  de  secrétaire  apos- 
tolique ;  et ,  si  alors  Le'onard  l'cm- 
poita ,  d'Angolo  fut  ensuite  revêtu  de 
cette  charge,  comme  le  prouve  un 
titre  daté  de  l'année  i4io.  Depuis  celte 
époque  ,  l'histoire  littéraire  ne  nous 
apprend  plus  rien  de  cet  auteur ,  qui  a 
laisséplusieurstraductionslatines  d'ou- 
vrages grecs.  Les  principales  sont  :  T, 
Cosmographiœ  Ptolomœi  lihri  FIIl; 
IL  Ptolomœi  quadripartilian  ;  IIL 
M.  Tullii  Ciceronis  vita  h  Plutarcho 
conscripta.  Il  y  a  de  plus  ,  du  même 
auteur ,  un  ouvrage  sur  le  même  sujet , 
intitulé  :  Jacobi  Angeli  historica  nar- 
rntio  de  vita  ,  rebiisque  gestis  ]\f. 
Ttdlii  Ciceronis ,  etc.,  Wirtemberg, 
ij()^;  Berlin,  i58i  et  loS",  dont 
Fabricius  parle ,  dans  sa  Bibliothèque 
latine  du  mojen  dge ,  comme  d'im 
ouvrage  différent  de  la  traduction  de 
celui  de  Plutarque.  IV.  Quatre  autres 
P^ies  de'Plutarque  ,  celles  de  Pompée , 
de  M.  Brutus  ,  de  Marins  ,  et  de  Jules 
César,  aussi  traduites  en  latin;  mais 
non  imprimées ,  et  conservées  en  ma- 
nuscrit dans  les  bibliothèques  de  Flo- 
rence et  de  Milan.  G — e. 

ANGELO,  jurisconsulte  du  i5\ 
siècle ,  fils  de  Paul  de  Castro,  un  des 
savants  les  plus  estimés  de  son  siècle  , 
enseigna,  comme  son  père,  la  juiis- 
prudcnce  dans  l'université  de  Padoue, 
et  se  fit  une  grande  réputation  par  ses 
connaissances  dans  le  droit  canoni- 
que, ce  qui  le  fit  nommer  chevalier, 
et  avocat  consistorial.  Il  est  difficile  de 
croire  qu'un  homme  qui  a  professé 
pendant  quarante  ans  l'un  et  l'autre 
droit,  n'ait  pas  laissé  d'ouvrages  sur 
ces  matières  j  le  temps  ne  nous  les  a 


ANG 

pas  conservés  ;  sa  réputation  ne  se 
troîive  consacrée  que  par  son  épita- 
phc,  qu'on  lit  sur  le  tombeau  de  son 
père.  Il  paraît  que  c'était  l'usage  à  cette 
époque,  lorsque  le  père  et  le  fils  s'é- 
taient illustrés  dans  la  même  profes- 
sion ,  de  les  réunir  tous  les  deux  dans 
le  même  tombeau.  M — x. 

A  N  G  E  L  0  C  E  A  ï  0  R  (  Daniel  ), 
théologien  reformé,  né  à  Corbach, 
en  1 56f),  mort  en  1 635  ,  surinten- 
dant et  pasteur  à  Kœlhen.  Il  assista 
au  synode  de  Dordrecht,  en  i6i8  ,  et 
fut  très-mallraité  lors  de  la  prise  de 
Casscl,  en  1626,  par  Tilly.  D^ns  le 
nombre  de  ses  ouvrages,  indiqués 
dans  la  liesse  sai'ante,  de  Striedel, 
on  rem;uque  :  Chronologia  autopti- 
ca ,  Cassel ,  1 60 1 ,  iu-fo!. ,  c'est-à-dire , 
(7//ro7ir;Zogje  tellement  évidente  qu'elle 
équivaut  à  l'avantage  d'avoir  été  té- 
moin des  événements.  Ses  écrits  théo- 
logiques n'annoncent  pas  moins  de 
confiance  dans  ses  lumières  et  ses  opi- 
nions. On  a  encore  de  lui  des  ouvrages 
sur  l'art  métrique  des  anciens ,  et  un 
Traité  des  poids,  mesures  et  mon- 
naies,  accompagné  de  tableaux  bien 
faits  :  Doctrina  de  ponderibus  ^men- 
suris  et  monetis ,  Marbourg,  iGi-j, 
iu-4".  Son  nom  de  familh  était  Eiigel- 
hardt.  Sa  Chronologie  est  nu  ouvrage 
savant ,  mais  plein  d'erreurs,  et  d'une 
confiance  déplacée  dans  les  absurdes 
compilations  d'Annius  de  Viterbe. 
S— R. 

A^TJELOME ,  diacre  et  religieux 
bcuédicliii  de  l'abbaye  de  Luxeuil,  au 
commencement  du  9".  siècle  ,  se  dis- 
tingua ,  dans  ces  temps  d'ignorance  , 
par  son  goût  pour  l'étude.  Ses  talents 
le  firent  connaître  de  l'empereur  Lo- 
thaire  ,  qui  tenta  vainement  de  l'attirer 
à  sa  cour.  Il  avait  éciit,  en  latin,  uu 
grand  nombre  d'ouvrages  qui  se  sont 
perdus.  On  conservait,  dans  la  biblio- 
thèque de  Luxeuil;  ses  Commentaires 


AN  G 

s«r  îa  Genèse ,  sur  le  Cantique  des 
Cantiques ,    et  sur  les  Livres  des 
Rois.  Sou  Commentaire  sur  le  Can- 
tique des  Cantiques  a  ete  imprime  à 
Colo^uc,  eu  i53o,  in- 12;  celui  5z<r 
le  Livre  des  Rois ,  à  Rome,  Paul  Ma- 
îiuce,   i565,  in-fol.,  suivaut  Ciaco- 
iiius.  Ces  deux  ouvrages  ,  qui  portent 
l'empreinte  de  l'espi'it  bizarre  et  gros- 
sier du  9''.  siècle  ,  avaient  été'  impri- 
me's  ensemble  à  Cologne,  1 53o,  in-4"- 
Angelouie  mourut  à  Luxeuil  en  854» 
W— s. 
ANGELONI  (Francesco),  savant 
litte'rateur  et  antiquaire  ne' àTerni,  dans 
rOmbrie ,  était  secrétaire  du  cardinal 
Ippolito  Aldobrandini ,    et  protono- 
taire apostolique.  Il  était  aussi  mem- 
bre de  l'académie  degVJnsensati  de 
Pérugia ,  et  il  avait  formé  une  si  riche 
collection  d'objets  d'art  de  toute  es- 
pèce, qu'elle  mérita  le  nom  de  Musée 
romain.  Le  marquis. Vincenzo  Gius- 
tiniani ,  qui  faisait  alors  graver  les  mo- 
numents de   sa  magnifique  galerie  , 
persuada  à  Angeloni  de  publier  aussi 
la  suite  de  médailles  impériales  latines 
qu'il  avait  formée,  et  ce  fut  ainsi  que 
celui-ci  fit  paraître  son  Histoire  métal- 
lique des  empereurs  Romains ,  Rome, 
1641,  in-fol.,  qu'il  dédia  à  Louis  Xlll. 
Angeloni ,  alors  avancé  en  âge ,  et  dis- 
trait par  les  devoirs  de  son  état,  ne  put 
donnera  son  travail  la  perfection  qu'on 
avait  le  droit  d'exiger;  il  éprouva  de  vio- 
lentes critiques.  11  en  préparait  une  nou- 
velle édition ,  augmentée  et  corrigée  , 
lorsque  la  mort  vint  le  frapper ,  le  29 
novembre  i652.  Giov.  Pietro  Bellori, 
son  neveu  maternel,  crut  devoir,  à  la 
mémoire  de  son  oncle  ,  de  se  charger 
de  cette  édition  ,  qui  parut  à  Rome,  eu 
i685,  in-fol.;  c'est  la  meilleure.  Bel- 
lori y  a  fait  beaucoup  de  corrections  et 
d'additions  qui  sont  dues ,  en  partie ,  à 
Angeloni  lui-même  ;  il  a  surtout  consi- 
dérablement augmenté  le  nombre  des 


AN  G  i65 

planches ,  en  y  ajoutant  plusieurs  re- 
vers de  médailles  qu'Angeloui    avait 
négljî^és  :  comme  sa  collection  avait 
été  vendue  et  dispersée,    ces  revers 
sont  pris  des  médailles  de  la  reine 
Christine  de  Suède.  Comme  cette  2''. 
édition  est  dédiée  au  cardinal  Aificri , 
on  en  a  retranché  le  frontispice  allé- 
gorique, la  dédicace  à  Louis  Xlll,  et 
les  pièces  en  vers  et  en  prose  qui  étaient 
adressées  à  Monsieur  et  au  cardinal  de 
Richelieu  :  le  portrait  d'Angeloni  ne 
s'y  trouve  pas  non  plus.  Angeloni  a 
aussi  écrit  l'histoire  de  sa  patrie ,  Slo- 
riadiTenii,  Rome,  1G46,  in-4".; 
elle  est  dédiée  au  cardinal  Mazarin  ; 
elle  a  également  eu  une  seconde  édi- 
tion, qui  a  paru  dans  la  même  ville, 
eu  i685,  in-4"-   K"g   est  accompa- 
gnée du  portrait  de  l'auteur.  L'ou- 
vrage est  partagé  en  trois  livres;   le 
premier  traite  des  antiquités  de  Terni  ; 
l'auteur  y  publie  et  explique  un  grand 
nombre  d'insciiptioiis  romaines  ;  Ir 
second  rapporte   chronologiquement 
tous  les  événements  dont  Terni  a  et» 
le  théâtre;  le  troisième  donne  une  des- 
cription de  cette  ville,  et  un  apjjcndix 
est  consacré  à  tracer  la  vie  des  saints 
qu'elle  a  produits.  On  attribue  comnui- 
nément  à  Angeloni  un  ouvrage  aponv- 
mc  intitulé  :  //  Bonino^ovvero  Avver- 
timenti  al  Trislano ,  intorno  gli  error  i 
nelle  medaglie  del  primo  tomo  de' 
suoi  Commentari  istori<;i ,  in-4"'; 
mais  il  est  prouvé  que  cette  critique, 
qui  a  paru  en  1649,  sans  date  ni  in- 
dication de  lieu,   est  de  Bellori.  An- 
geloni a  encore  écrit  des  épîtres ,  et 
plusieurs  comédies ,  dont  deux  ont  été 
imprimées.  I.  gl' Irragionevoli  Amo- 
ri,  Venise ,  1 6 1 1 ,  in- 1 2.  C'est  un  véri- 
table imbroglio  :   un  jeune    homme 
devient  amoureux  d'une  femme  qui  est 
élevée  sous  un  nom  supposé;  on  leur 
apprend  ensuite  qu'ils  sontiils  du  même 
père  j  mais  un  second  évéuement  dé  - 


i66  AN  G 

truit  cette  erreur,  et  ils  s'e'pouscnt. 
Cette  pièce  est  écrite  en  prose  , 
et  dédiée  au  cjirdiiial  Aldobrandiiii. 
U.  La  FZorrt,  Padoue,  )6i4,in-i2. 
Am^cloniavalt  aussi  composé  un  opéra 
inlitulé  Arcadia  ,  à  l'iuiilation  de 
r.^rcrt<ifedc  Sanuazar;  des  épîtres  et 
des  ouvrages  d'agrément ,  savoir  :  I. 
Dialoghi  Piego  fiel  signor  yJgrestino 
de"  Calzanti  adErasto  Ifrone^per 
fugir  lefrnudi  délie  cattive  femine , 
Veiietiis,  i6i5cti(3i6,  iu-8'.;  W.Let- 
tere  de  buonefeste,  scrilte  daprinci- 
f'e  a  principi ,  Romœ  ,  i(i58,  iu-8". 
Ces  lettres  sont  celles  qui  ont  été  écrites 
par  Angeloni ,  selon  l'usage  italien , 
:v\  nom  du  cardinal  Aldobrandini,  à 
divers  princes,  aux  époques  de  Noël , 
de  Pâques  ,  ou  d'autres  solennités  ; 
elles  ont  été  publiées  par  Btllori.  An- 
geloni a  aussi  laissé  manuscrits  Cento 
Scherzi  amorosi  ;  cent  Nouvelles 
dans  le  genredeBoccace,  et  vingt  vo- 
lumes de  Lettres  sur  différents  sujets. 
A.  [..  M. 
ANGET.UCCI  (  Théodore),  poète 
italien  ,  florissait  à  la  fin  du  \Cf. 
siècle;  il  était  né  à  BclTorte  ,  cbàfeau 
voisin  de  Tolrntino,  dans  la  marche 
d'Aucoue.  Il  fut  médecin  de  profes- 
sion, et  l'exercice  qu'il  fit  de  son 
art,  dans  un  grand  nombre  de  villes, 
lui  procura  dans  plusieurs  ,  entre 
autres  à  Trévise,  le  t'tre  et  les  droits 
de  citoyen.  Il  se  rendit  surtout  célè- 
bre par  ses  querelles  littéraires  avec 
François  Patrizi ,  en  faveur  d'Aris- 
tote.  Quelques  auteurs  ont  écrit  qu'il 
avait  été  professeur  public  àP.tdoue; 
mais  Riccoboni,  Toraasiui  et  Papado- 
poli,  historiens  de  cette  université, 
n'en  parlent  pas.  Il  nous  a|)]irend  lui- 
uicme,  dans  une  de  ses  éj  îtres  dédi- 
catoires,  qu'étant  encore  très-jeune,  il 
avait  fait  quelque  séjour  à  Rome,  et, 
qu'en  iSqj,  il  se  trouvait  à  Venise, 
exilé  de  sa  patrie,  et  accablé  j>ar  le 


AN  G 

malheur.  Il  ne  dit  rien  d'un  prétendu 
séjour  en  Fran^^e,  dont  il  est  à  croire, 
cependant,  qu'il  n'aurait  pas  manqué 
de  parler,  surtout  s'il  y  avait  acheva' 
ses  études,  H  fut  membre  de  l'acadé- 
mie véuitienne,  et  mourut  en  1600, 
à  Montagnana  ,  où  il  était  premier 
médecin,  et  d'où  son  corps  fut  trans- 
porté à  Trévise.  Il  a  laissé  les  ou- 
vrages suivants  :  I.  Sententia  quod 
3letaphrsica  sit  eadeni  quœ  Phy- 
sica,  \  enise ,  i58/|.,  in-4^  F.  Pa- 
trizi avait  attaqué,  dans  un  livre  en 
4  volumes,  la  philosophie  d'Aristote, 
pour  y  substituer  celle  de  Platon  :  An- 
gelucci  entreprit  de  le  réfuter  dans  cet 
ouvrage.  Patrizi  lui  répond;t  par  un 
autre,  auquel  il  répliqua  par  le  sui- 
vant :  U.  Exercitaiionurn  ciim  Pa- 
tritio   liber ,  \ cnise  ,   i585,   in-4".  ; 

III.  ^rs  medica,  ex  Hippocratis  et 
Galeni  thesauris  polissimitm  de- 
prompta,  etc.,  Venise,  1  595,  in-4".; 

IV.  De  Naiurd  et  curatione  mali- 
gjice  febrislibri  I  f^^ ^  Venise,  i^qS, 
in-4".  Cet  ouvrage  fut  durement  cri- 
tiqué par  Donatelli  de  Castiglione,  au- 
quel Angclucci  répondit  de  même;  sa 
réponse  est  intitulée  :  Bactria ,  qui- 
biis  riidens  quidam  ac  falsiis  crimi- 
jiainr  validé  reperciititiir,  etc.  V. 
Deus,  canzone  spiritiiale  di  Celio 
magno  ,  etc.  ,  con  due  Lezioni  di 
Teodoro  Angclucci^  Venise,  i5f)7, 
in-4'.;  ^I-  Cftpitolo  in  Iode  délia 
pazzia.  iiiséié  par  Tommaso  G.ir- 
zoiii,  à  qui  il  est  adressé,  dans  son 
Ospitale  de' pazzi,  Venise,  1 586  et 
iGoi  ;  Vil.  l'Enéide  di  rirgilio , 
triidotla  in  i^erso  sciolto,  Naples, 
i(>  19  ,  in-i  SI.  Cette  édition ,  qui  est  la 
seule,  est  fort  rare.  Les  auteurs  du 
Journal  des  Letterati  d'Italia,  Alga- 
rotti ,  dans  ses  Lettres  sur  la  Tra- 
duction d' Annihal  Caro ,  le  père 
Beverini,  dans  la  Préface  de  sa  tra- 
duction de  V Enéide,  en  ottava  rima  y 


ANG 

ont  parle  avec  cloges  de  la  tradiirlion 
attribuée  à  Théodore  Angeluccl  ;  d'au- 
tres ont  peuse  qu'elle  est  du  père 
J,Q;nace  Angelucci ,  jésuite ,  ne'  en  1 585, 
à  Belforte,  comme  Théodore,  et,  sans 
doute ,  son  parent  ;  mais  ce  père 
Jgnace  n'a  laisse  aucun  autre  ouvrage 
qui  puisse  le  faire  croire  capable  d'a- 
voir fait  cette  traduction.        G — É. 

ANGELUS  (  Christophe  ) ,  savant 
p;rec  du  i  'J^  siècle ,  né  dans  le  Pélo- 
jionnèse,  fut  obligé,  par  lesTurks, 
«l'abandonner  son  pays  ;  il  seréfugia  en 
Angleterre,  où  il  obtint  des  secours 
de  l'évêque  deNorwich  et  de  plusieurs 
membres  du  clergé.  A  la  recomman- 
dation de  ce  prélat ,  il  fut  reçu  au  col- 
lège de  la  Trinité ,  à  Cambridge ,  et  y 
étudia  ,  pendant  trois  ans.  En  1610 , 
il  se  rendit  à  Oxford ,  et  étudia  au  col- 
lège de  Baliol ,  où  il  enseigna  le  grec 
jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le  i ^'.  féviier 
1(538.  Ses  ouvrages  sont:  I.  Une  Be- 
lalion  des  tourments  quil  éprouva  à 
cause  de  sa  foi  en  J.-C. ,  Oxford  , 
1G19  ,  en  grec  et  eu  anglais.  Enchi- 
ridion  de  Institutis  grœconim ,  Cam- 
bridge, 1619,  en  grec  et  en  latin. On 
trouve,  dans  cet  ouvrage,  des  détails 
curieux  sur  les  pratiques  de  \n  religion 
grecque  ;  II.  ^n  Encomium  on  the 
kingdom  of  Great  Britain ,  and  the 
two  Jlourishing  sister-  unwersities , 
Cambridge  and  Oxford,  Cambridge, 
1 6 1  g  ;  m.  De  apostasio  ecclesiœ  et 
dehominepeccati,  scd.  Antichristo , 
Londres  1624  ,  grec  et  latin.    D — t. 

ANGELUS,  ou ENGEL  (André), 
né  le  16  novembre  i56i  ,  à  Slraus- 
berg,  dans  la  Marche  moyenne,  fit  ses 
études  à  Francfort  -  sur  -  l'Oder ,  et 
voyagea  si  long-temps,  pour  pour- 
suivre ses  recherches  historiques  , 
qu'il  dépensa  ainsi  tout  son  patrimoine. 
En  1 585 ,  il  fut  fait  recteur  dans  sa 
patrie,  et,  peu  après,  co-rectcur  à 
î^ eu-Brandebourg  ;  mais  il   renonça 


A  N  G 


nj7 


bientôt  à  ces  fonctions,  pour  se  livrer 
à  ses  travaux  sur  l'histoire  :  après 
avoir  habité  quelque  temps  à  Berlin  , 
il  mourut  de  la  peste ,  le  9  août  1 598 , 
à  Strausberg ,  où  il  était  pasteur.  Peu 
de  jours  auparavant,  il  avait  dit  qu'a- 
près avoir  chanté  l'hymne  fimcbre  sur 
SCS  brebis,  le  pasteur  terminerait  par  sa 
mort  cette  scène  de  deuil ,  et,  par  un 
hasard  singulier,  la  peste  cessa  trois 
jours  après.  Il  a  écrit  plusieurs  ouvra- 
ges en  allemand,  entre  autres  :  I.  Corn- 
pendium  rerum  M ar chic  arum ,  Wit- 
teiibcrg,  1 595 ,  in-^".  Ce  n'est  qu'un 
essai  ou  extrait  de  l'ouvrage  suivant; 
II.  Annales  Marchiœ  Brandenbur- 
gic ,  Francfort-sur-l'Oder ,  1 596 ,  in- 
fui.  G — T. 

ANGELY  (  r  ) ,  fou  de  Louis  XIII , 
en  titre  d'office,  serait  aussi  inconnu 
aujourd'hui  que  la  plupart  de  ses  de- 
vanciers ,  si  Boileau  ne  lui  eût  pas  fait 
l'honneur  de  le  nommer  dans  sa  pre- 
mière satyre  : 

Un  poète  ,  â  la  cour  .  était  jadis  de  motle  ; 
Miiisdes  fous,  aujnurd'liui,  c'est  le  plus  incommode; 
l'A  l'esprit  le  plus  beau  ,  l'auteur  le  plus  poli. 
N'y  par\iendra  jamais  au  sort  de  l'Augely. 

C'est  bien  là  le  ton  et  le  langage  du 
poète  satirique;  cependant,  si  jamais  les 
favoris  des  Muses  ont  trouvé  des  pro- 
tections puissantes,  c'est  dans  le  mo- 
ment où  Boileau  écrivait;  c'est  dans  ce 
siècle  si  glorieux  pour  la  nation  fran- 
çaise, et  dont  Boileau  a  lui-inciae  fait 
dos  peintures  beaucoup  plus  exactes. 
Dans  sa  VHP.  satire,  il  donne  à 
Alexandre,  le  surnom  de  XAngelj  : 

Qui  ?  cet  écervelé  qui  mit  le  monde  en  cendre. 
Ce  fougueux  l'Angely  ,  qui ,  de  sang  altéré  , 
Slaitre  du  monde  entier,  s'y  trouvait  trop  serré. 

L'Angely  avait  suivi  le  prince  de  Condé 
dans  ses  campagnes  de  Flandre,  comme 
valet  d'écurie;  il  lui  plut  par  ses  répar- 
ties piquantes ,  et  par  la  hardiesse  avec 
laquelle  il  raillait  les  scigneui's ,  même 
les  plus  distingués.  Ce  priuce ,  l'ayant 
ramené  en  France,  le  conduisit  à  la 


i6B  AN  G 

<^oiir,  et,  sur  IVnvic  que  le  roi  lui  té- 
moigna d'avoir  l'Aiigely  à  son  service, 
il  le  iui  donna.  L'AngeH  fit,  en  peu  de 
temps ,  une  fortune  considérable.  Aussi 
Mari^nv,  l'nu  des  gentilshommes  du 
prince  de  Conde,  disait-il  :  «  De  tons 
»  nous  autres   fous  qvii  avons  suivi 
»  M.  le  Pi  ince ,  "Augely  est  le  seul  qui 
»  ait  fait  fortune,  d  Quelques  auteurs 
disent  qu'il  avait  amassé  une  somme 
de  23,000  ecus,  des  présents  qu'il  re- 
cevait, soil  de  ceux  qu'il  amusait  par 
ses  boctî'tnneries,  soit  de  ceux  dont  il 
s'était  fait  craindre  par  ses  plaisante- 
ries :  il  n'aimait  pas  le  comte  de  No- 
grnt.  Ménage  rapporte  que,  se  trou- 
vant un  jour  au  dîner  du  roi  avec  ce 
seigneur,  l'Angely  lui  dit  :    «  M.  le 
»  comte ,  couvrons-nous ,  cela  est  sans 
»  conséquence  pour  nous  »  ;  et  que 
M.  de  Nogeuten  conçut  un  tel  chagrin, 
que  cela  coijlribua  à  le  faire  mourir 
peu  de  temps  après.  Une  autre  fois ,  se 
trouvant  dans  une  compagnie  ou  il 
faisait   le    fou    depuis    long -temps, 
M.  de  Bautru  vint  à  entrer  5  sitôt  que 
l'Angely  i'cut  aperçu  :   «  Vous  venez 
V  bien  à  propos,  lui  dil-il,  pour  me 
»  seconder  ;  je  me  lassais  d'être  seu'.  » 
Ce  i'Angely  ,  qui  n'était   rieu   moins 
que  fini ,  comme  on  le  voit ,  était  d'une 
famille  noble,  mais  pavivre.  Quand  il 
fut  en  Oiveur ,  ses  parents  le  reconnu- 
rent, et  il  se  fit  réhabiliter.  On  peut 
consulter,  sur  ces  anecdotes,  le  Mé- 
72«£;7fl«rt,  donné  par  La  Mounoye, 
tome  i'\ ,  p.  18,  édition  de  1  7  1 5. 
W— s. 
A NGENNE S  (Renavtd'  ),  sei- 
gneur de  Rambouillet,  gouverneur  du 
Dauphin ,  lils  de  Charles  VI .  et  cham- 
bellan de  ce  monarque ,  fut  employé 
dans   plusieurs  négi*(ialiuns   impor- 
tantes eu  Flandre  et  en  Allemagne  , 
et  nommé,  en  idç)»  ,  garde-capitaine 
du  château  du  Lou^  re.  l^es  factieux  de 
Paris ,  excités  contre  le  dauphin  par 


A>^rT 

^e  dur  de  Bourgogne ,0*"  ï^i5,  sVra- 
parèrent  du  palais,  après  a-'oir  arrêté 
d'Angennes  .  son  fils,  et  plusieurs  sei- 
gneurs de  la  cour;  mais,  le  dauphin 
ayant  réprimé  les  séditieux  ,  d'An- 
gennes recouvra  la  liberté ,  fut  rétabli 
dans  sa  charge,  et ,  la  même  année, 
reçut ,  de  ce  prince  ,  une  gratification , 
eu  considération  «  de  ce  qu'il  l'avoit 
enseigné  au  fait  de  la  jouxte,  et  avoit 
été  le  premier  contre  qui  il  s'étoit  es- 
sayé et  avoit  jouxté.  »  Fidèle  à  la  cause 
de  son  pupille,  d'Angennes  se  joignit 
aux  seigneurs  français,  qui  s'opposaient 
à  l'usurpation  des  Bourguignons  et  des 
Anglais,  et  périt,  en  i^'i^,  à  la  ba- 
taille de  Verneuil.  —  Un  autre  d'An- 
gennes (  Jacques  ) ,  de  la  même  fa- 
mille ,  fut  capitaine  des  gardes -du- 
corps ,  sous  les  règnes  de  François) '"'"., 
de  Henri  II ,  de  François  II,  et  de 
Charles  IX  ,  lieutenant  -  général  de 
leurs  armées,  et  gouverneur  de  Metz. 
Chargé,  en  1  Sfi-j ,  de  conduire  à  Pai  is 
un  corps  de  troupes  pour  réprimer 
une  sédition  des  étudiants  de  l'univer- 
sité ,  il  les  fit  rentrer  dans  le  devoir. 
Il  se  distingua,  la  même  année,  au  siège 
de  M.-Qucntin.  Catherine  de  Médiris 
lui  donna  ,  en  1 5G 1  ,  la  mission  déli- 
cate d'aller  en  Allemagne,  proposer 
anx  princes  protestants  une  ligue  fé- 
dérative  pour  s'opposer  aux  résolu- 
tions qui  allaient  être  prises  au  concile 
de  Trente.  Cette  démarche  n'eutaucun 
résultat,  et  d'Angennes  mourut  l'année 
suivante.  B — p. 

ANGFNNES  (  Claude  d  ) ,  fils  du 
précédent,  néàRambouiikt,en  i558, 
conseiller-clerc  au  parlement  de  Paris 
en  i5G5;  envoyé,  trois  ans  après  vers 
Cosme  de  IMédicis  ,  grand-duc  de  Tos- 
cane ,  avec  le  titre  de  conseiller  d'état  ; 
évêque  de  Noyon,  en  1577  ,  P"'^  ^^ 
Mans  ,  en  1 588  ,  à  la  place  de  son 
frère  Charles ,  y  établit  uu  séminaire  , 
et  y  myurut ,  le  r5  mars  160 1 .  Ua  a 


ANG 

de  lui  :  I.  Bemontrance  du  clergé  de 
France,  i585,iu-8''.;ll.aiitj;',  iSqô, 
in-8'.  ;  m.  Lettre  de  l'éiéque  du 
Mans  ,  a^'ec  la  réponse  à  elle  faite 
par  un  docteur  en  théologie  ,  en  la- 
quelle est  répondu  à  ces  deux  doutes  : 
Si  on  peut  suivre  en  sûrtté  de  cons- 
cience le  parti  du  roi  de  Navarre  et 
le  reconnaître  pour  roi,  et  si  l'acte 
de  frère  Jacques  Clément  doit  être 
approuvé  en  conscience ,  et  s'il  est 
louable  ou  non  ?  1 089  ,  in  -  8  '.  Le 
docteur  en  théologie  est  le  fameux  li- 
jïuenr  Jean  Bouclier ,  qui ,  dans  sa  re'- 
ponse ,  vomit  toutes  sortes  d'injures 
contre  Henri  III;  IV.  Avis  de  Rome, 
tirés  des  lettres  de  Vévéque  du  Mans 
à  Henri  de  Falois,  1 689,  in-S".  L'au- 
teur des  reflexions  sur  ces  lettres  est 
fortement  prononce  contre  Henri  111; 
V.  Lettre  à  Henri  III ,  dans  laquelle 
il  lui  rend  compte  de  sa  mission  à 
Rome,  relative  à  la  mort  du  cardinal 
de  Guise.  N — l. 

Aïs  GENNES  (  d'  ) ,  cardinal  de 
Rambouillet.  Foy.  Ramcguillet. 

ANGERIANO  (Girolamo),  poète 
napolitain  qui  florissait  au  iG.  siècle, 
laissa  des  poésies  latines  fort  estimées 
de  son  temps  ;  elles  furent  impri- 
mées, pour  la  première  fois,  à  Na- 
ples  ,  en  i5'2o,  in-8'.,  sous  ce  titre  : 
ÈjwTCTTaîyvtcv ,  Eclogœ  ;  De  obitu  Ly- 
dœ;  De  vero  poëtd;  De  Parthenope. 
Son  Erotopœgnioji ,  qui  est  un  re- 
cueil de  petites  pièces  amoureuses  ,  et 
qu'il  avait  pourtant  dédié  à  l'archevê- 
que de  Bari ,  fut  réimprimé  à  Paris , 
en  i54'A  ,  in-12,  avec  les  poésies  de 
Marulle  et  de  Jean  Second  ;  et  ensuite 
ibid.  ,  en  i582  ,  aussi  in  -  12.  Elles 
sont  fort  au  -dessous  de  celles  de  ces 
deux  autres  poètes.  G — e. 

A  N  G  H I E  U  A  (  PiETRO  Martire 
d'),  naquit,  en  i455,  à  Arona  ,  sur 
le  lac  INÎajeur.  Sa  famille  ,  l'une  des 
plus  illustres  de  Milan,  tirait  son  num 


ANG  i6ç) 

d'Ânghiera,  sur  le  même  lac ,  d'où  elle 
était  originaire.  Etant  allé  à  Rome , 
en  1477 ,  il  se  mit  au  service  du  car- 
dinal Ascanio  Sforza  Visconti ,  et  en- 
suite de  l'archevêque  de  IMilan.  Pen- 
dant dix  ans  qu'il  y  resta  ,  il  forma 
des  liaisons  avec  les  lillératcurs  les 
plus  disting'.iés  ,' entre  autres  ,  avec 
Pomponio  Leto.  Il  passa  en  Espagne, 
en  1487,  à  la  suite  d'un  ambassa- 
deur de  cette  cour,  qui  y  retournait  j 
il  fut  présenté  au  roi  Ferdinand  et  à 
la  reine  Isabelle  ,  entra  au  service,  fit 
deux  campagnes  ,  quitta  les  armes 
pour  l'état  ecclésiastique ,  et  fut  char- 
ge ,  par  la  reine  ,  d'enseigner  les 
belles-lettres  aux  jeunes  seigneurs  de 
la  cour  ;  ce  qu'il  fit  pendant  un  cer- 
tain temps.  Ayant  saisi  quelques  oc- 
casions de  montrer  de  la  capa»,  ité  pour 
les  affaires  ,  Ferdinand  le  chargea  ,  en 
i5oi  ,  d'une  mission  délicate  auprès 
du  Soudan  d'Egvpte  ;  il  s'en  acquitta 
à  la  satisfaction  du  roi;  visita  une  par- 
tie de  l'Egypte ,  surtout  les  pyrami- 
des ,  et  fut  de  retour  en  Espagne  au 
mois  d'août  1  5o2.  I!  continua  de  sui- 
vre la  cour.  Le  roi  Ferdinand  le  fit 
son  conseiller  pour  les  affiàres  de 
l'Inde ,  obtint  pour  lui ,  du  pape ,  le 
titre  de  protonotaire  apostolique .  et  le 
nomma,  en  iJo5,  piieur  de  l'église 
de  Grenade,  avec  un  bon  bcuellce. 
Après  la  mort  de  Ferdinand ,  Anghiera 
conserva  son  crédit  auprès  du  nou- 
veau roi  ;  il  obtint  aussi  une  riche  ab- 
baye de  l'empereur  Charles-Quint,  et 
mourut  à  Grenade,  en  ijiG.  Il  a 
laissé  plusieurs  ouvrages  histoiiques. 
On  les  cite  souvent,  en  appelant  l'au- 
teur Pierre  Martyr  ,  comme  si  Mar- 
tyr était  son  nom  de  famille,  et  il 
n'est  pas  inutile  d'être  averti  de  cette 
erreur.  Ses  trois  principaux  ouvrages 
sont  :  I.  Opus  epistolarum  Pétri  Mar- 
iyris  Anglerii,  Mediolanensis,  i55o, 
iu-fol.,  réimprimé  plus  correctement 


fjo  AN  G 

en  Hollande ,  parles  Elzcvir  ,  en  1670, 
in-fol. ,  avec  les  Lettres,  et  d'autres 
ouvrages  latins  et  espagnols ,  de  Fer- 
dinand de  Pulgar.  Ce  recueil,  juste- 
ment estime,  divise'  en  58  livres ,  em- 
brasse tout  le  temps  de  la  vie  politi- 
que de  l'auteur ,  c'est-à-dire ,  depuis 
14B8  jusqu'en  idtiS  ,  et  contient  un 
gi'and  nombre  de  particularités  his- 
toriques, qu'on  ne  trouve  point  ail- 
leurs j  II.  De  rébus  Oceanicis  et  orbe 
noi'O  décades.  C'est  une  histoire  de 
la  découverte  du  Nouveau-Monde  , 
écrite  d'après  les  originaux  de  Chris- 
tophe Colomb,  et  les  relations  qui 
étaient  envoye'es  en  Espagne,  au  con- 
seil des  Indes ,  dont  l'auteur  était  mem- 
bre. Elle  est  divisée  en  huit  décades  , 
dont  chacune  contient  dix  livres  ou 
chapitres.  Ces  décades  furent  d'abord 
publiées  à  différentes  reprises;  elles  le 
furent ,  pour  la  première  fois  ensem- 
ble, à  Paris,  i556,  in-fol.  ,  et  ont 
été  réimprimées  plusieurs  fois  depuis. 
III.  De  insidis  nuper  itn'entis  et  in- 
colarum  moribus,  Bàle,  1 5-^  i ,  in-4". , 
et  1 555  ,  in-fol.  ;  IV.  De  legatione 
Bubylonicd  libri  //'e^.-  L'auteur  y  ra- 
conte l'histoire  de  son  ambassade  au- 
près du  Soudan  d'Egypte;  cet  ouvrage 
a ,  presque  toujours ,  été  imprimé  avec 
les  Décades.  On  lui  attribue  encore 
quelques  autres  écrits,  mais  il  est  dou- 
teux qu'ils  soient  de  lui.       G — e. 

ANGIER  (Paul),  ne  à  Carentan, 
en  Normandie  ,  était  encore  jeune 
quand  la  seule  pièce  de  vers  que  nous 
ayons  de  lui,  fut  imprimée,  et,  suivant 
Duverdier,  ce  fut  en  i  .'')45  qu'elle  le  fut 
pour  la  première  fois.  Cette  pièce  est 
intitulée  :  XExperience  de  M.  Paul 
.^ngier,  Carenlenois,  contenant  une 
hriesve  défense  en  la  personne  de 
l'honneste  Amant ,  pour  VAmje  de 
Court,  contre  la  Contre  Amye.  Pour 
bien  entendre  ce  titre,  il  faut  savoir 
que  XAmje  de  Court  est  un  pocmc 


ANG 

du  sieur  de  la  Borderie ,  compatriote 
de  Paul  Aiigier  ,  auquel  Charles  Fon- 
taine en  avait  opposé  un  autre,  in- 
titulé :  la  ContrAmje.  Paul  Angier 
prit  la  défense  de  la  Borderie ,  dans 
l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer. 
Guill.  des  Autels  ,  caché  sous  le  nom 
de  G.  Terbault ,  répondit  à  Paul  An- 
gier ,  qu'il  appelle  le  dernier  des  no- 
vices rimeurs.  Paul  Angier  ne  répli- 
qua point  ;  et  même  il  paraît  qu'il 
renonça  tout-à-fait  à  la  poésie  ,  pour 
laquelle,  il  faut  en  convenir  ,  il  n'an- 
nonçait aucune  disposition.  Son  poème, 
si  un  ouvrage  aussi  médiocre  mérite 
ce  nom,  imprimé  d'abord  à  Paris, 
par  Jean  Ruelle,  en  i545,  iu-i6,fut 
réimprimé  avec  les  Opuscules  d'A- 
mour,  d'Héroèt,  la  Borderie  et  autres 
divins  poètes,  Lyon  ,  1  ^47  ,  in-8". 
W— s. 
A  N  G I L  B  E  R  T ,  abbé  de  Centule 
dans  le  9' .  siècle ,  était  fils  d'un  des 
grands  de  la  cour  de  Pépin-le-Bref.  Il 
fut  discij)lc  d'Aleuin  ,  élevé  dans  le 
palais  dcCharlemagne  :  c'était  l'homme 
le  plus  aimable  de  la  cour  de  ce  prince  , 
qui  lui  fit  épouser  secrètement  sa  fille 
Berthe.  Quelques  historiens  racontent 
que  ce  mariage  n'eut  lieu  qu'après  qu'il 
eût  été  rendu  nécessaire  par  la  naissan- 
ce de  deux  enfants.  Il  était  membre  de 
l'académie  du  palais.  Charlemague  l'ap- 
pelait son  Homère ,  soit  parce  qu'An- 
gilbert  faisait  ses  délices  de  la  lecture 
de  ce  poète,  soit  parce  qu'il  composait 
lui-même  des  vers.  On  trouve  quelques 
pièces  de  sa  façon  dans  Duchêue,  dans 
les  OEuvres  d'Aleuin  ,  et  dans  d'autres 
recueils.  Étant  tombé  malade  au  chà- 
t<"au  de  Centide  en  Ponthieu  ,  il  fit 
VOMI  d'(  mbrasser  la  vie  monastique  à 
St.-  Riquier ,  s'il  en  relevait  ;  ce  qu'il 
exécuta  ,  après  sou  rétablissement  , 
rivec  le  consentement  de  sa  femme , 
qui  prit  en  même  temps  le  voile.  Char- 
lemague l'airacha  de  son  cloître,  pcn- 


ANG 

dant  qu'il  en  était  abbé ,  pour  le  faire 
secre'taire  d'état ,  et  maître  de  sa  cha- 
pelle. Ce  prince  le  chargea  successi- 
vement de  trois  ambassades  à  Rome. 
Angilbert  fut,  pendant  quelque  temps , 
premier  ministre  de  Pépin ,  roi  d'Ita- 
lie, et  mourut,  en  8i4-  •!•  D.  Ma- 
billon  a  inséré  dans  les  Annales  de 
l'ordre  de  S.  Benoît,  la  relation  qu'il 
avait  écrite  de  son  monastère ,  pendant 
sa  gestion  en  qualité  d'abbé.  On  a  pu- 
blié une  Histoire  des  premières  ex- 
péditions de  Charlemagne  pendant 
sa  Jeunesse  et  avant  sonrègne ,  com- 
posée pour  V instruction  de  Louis-le- 
Débonnaire  ,  ouvrage  d' Angilbert , 
surnommé  Homère  ;  i'j4'  ,  in-8".  Ce 
n'est  qu'un  roman  dont  l'auteur  est 
Diifresne  de  Francheville.  T — d. 
ANGÏOLELLO  (  Jean -Mariée  , 
r.é  à  Vicence,  a  écrit,  en  italien  ,  une 
Vie  abrégée  d'Ussum-Cassan  ,  roi  de 
Perse ,  Brève  narrazione  délia  vila 
e  fatti  del  sig.  Ussun  Cassano,  rè  di 
Persia  ,  insérée  dans  le  second  vo- 
lume des  Voyages  publiés  par  Ra- 
musio ,  Venise  i55f),  in-fol.  Nous  ap- 
prenons ,  par  la  préface  de  cet  ouvrage, 
que  son  auteur  avait  écrit  une  autre 
histoire ,  où  il  racontait  qu'il  avait  servi 
Mustapha,  fils  du  Grand-Turk  Maho- 
met II ,  et  qu'il  s'était  trouvé  à  la  ba- 
taille dans  laquelle  Mahomet  fut  vaincu, 
])rès  de  l'Euphi  ate ,  par  l'armée  de 
Ussum-Cassan.  En  effet,  Angiolello, 
étant  esclave  de  Mustapha ,  le  suivit 
dans  cette  expédition  de  son  père ,  en 
1 473  ;  il  écrivit  ensuite  la  Vie  de  Ma- 
homet II,  en  italien  et  en  tiirk,  et  la 
dédia  à  ce  sulthan  lui-même  ,  qui  l'ac- 
cueillit, le  récompensa  généreusement, 
et  le  mit  en  liberté.  On  ne  sait  rien  de 
précis  sur  l'époque  de  la  naissance  et 
de  la  mort  de  cet  écrivain.  On  voit 
seulement ,  par  un  passage  de  la  Vie 
d'Ussum  Cassan,  qu'il  n'avait  point 
encore  fini  cet  (Uivrage  au  mois  d'août 


A  In  G  171 

i5'.i4î  puisqu'il  y  dit,  chapitre  23, 
que  ce  fut  à  cette  même  époque  qu'on 
apprii  la  mort  du  Sophi.  C'était  5 1  ans 
après  la  bataille  sur  l'Euphrate ,  où 
Angiolello  s'était  trouvé.       (i — e. 

ANGLE  (  JÉR.  Ch.  de  1'  )    Voyez 
Fleuri  AU. 

ANGLIVIEL.  T.Beaumelle  (la). 
ANGLUS  (  Thomas  ) ,  prêtre  ca- 
tholique anglais ,  du  1 7' .  siècle ,  se  dé- 
guisa sous  les  noms  de  Candidus, 
Albius  ,  Bianchi  et  Bichworth  ;  on 
croit  que  sou  vrai  nom  était  IVhile 
(  Le  blanc  ) ,  mais  il  est  plus  générale- 
ment connu  sous  celui  d'Anglus.  Il  ré- 
sida long-temps  à  Paris  et  à  Rome  , 
et  fut  successivement  principal  d'un 
collège  à  Lisbonne ,  et  sous-principal 
de  celui  de  Douav.  H  adopta  les  senti- 
ments de  Kenelm  Digby  sur  la  pliiîo- 
sophie  d'Aristote ,  et  entreprit  d'ex- 
pliquer ,  par  elle ,  les  mystères  les 
plus  impénétrables  de  la  religion ,  tels 
que  la  prédestination  ,  le  libre  arbitre 
et  la  grâce.  Il  a  écrit,  sur  ces  divers  su- 
jets ,  des  ouvrages  dont  l'obscurité  est 
comparée  par  Baillet  à  celle  des  an- 
ciens oracles.  Anglus  répondit  à  ce  re- 
proche d'obscurité  d'une  manière  as- 
sez remarquable  :  «  Ou  les  savants 
)>  m'entendent ,  dit-il ,  ou  ils  ne  in'eii- 
»  tendent  pas.  iS'ils  m'entendent ,  et 
»  qu'ils  trouvent  que  je  me  trompe ,  il 
))  leur  est  aisé  de  me  réfuter  ;  s'ils  ne 
«  m'entendent  point  ,  ils  ont  tort  de 
»  s'élever  contre  ma  doctrine.  »  Plu- 
sieurs de  ses  écrits  ont  été  censurés  à 
Rome,  en  i658,  par  la  congrégation 
de  Y  Index.,  et  les  théologiens  de  Douay 
ont  condamné  vingt -deux  proposi- 
tions, extraites  de  ses  Institutions  sa- 
crées. Descartes,  qui  l'appelle  AF.  Vi- 
ius  ,  essava  de  lui  faire  adopter  sou 
système  ;  mais  ils  ne  purent  s'entendre. 
Anglus  mourut  quelque  temps  après 
le  rétablissement  de  Charles  IL  Ses 
principaux  ouvragf^s  sont:  L  InstilU' 


I7S  AÏS  G 

tiones  peripateiicœ  ;  II.  jdppendix 
thevlogica  de  oripne  mundi ;  III. 
Tnhidœ  siijfragiales  detenninandis 
fidei  Jitihus  ah  ecclesid  calholicd 
fi3:a}  IV.  Tesierce  Boinanœ  evulga- 
îio;  V.  Stntera  morum;  VI.  De  mé- 
dia animanim  statu ,  etc.  X — s. 
ANGObClOLA,  ou  ANGUSSOLA 
(  SoPHONisBE  ) ,  nëe  en  i555,  est. 
morte  à  Gênes,  vers  1620.  Cette 
femme  célèbre  était  d'une  famille  no- 
ble de  Crc'mone.  Ses  pnrcnts,  voyant 
qu'elle  avait  une  vocation  de'terminée 
pour  la  pointure,  lui  firent  apprendre 
l'art  du  dessin.  Vasaii  dit  que  son 
maître  fut  Jules  Carapi,  mort  en  1672; 
Alexandre  Lami  a  rectifié  cette  erreur; 
kSo])honisbe  fut  élève  de  Bernardin 
Galti,  mort  en  1575,  qui  luidoiuiait 
des  leçons  ,  comme  les  plus  grands 
peintres  en  donnent  souvent  à  des 
amateurs.  Elle  fit  des  progrès  rapides , 
et  fut  bientôt  en  état  d'être  ellt-même 
le  maître  de  ses  trois  sœuis  ,  Europe, 
Anne  et  Lucie.  On  aimait  beaucoup 
ses  dessins  ,  dont  un  représente  une 
vieille  apprenant  à  lire  ,  tandis  qu'une 
jeune  fille,  caclice  derrière  un  rideau, 
se  moque  d'elle.  Elle  fit  ensuite  le 
portrait  de  son  père ,  placé  entre  ses 
deux  enfants  ,  Asdrubal  et  Minerve. 
Le  duc  d'Albe,  avant  eu  connaissance 
de  la  réputation  de  Sopbonisbe ,  en 
informa  Philippe  II ,  qui  l'invita  à 
venir  en  Espagne.  Dès  ce  moment, 
elle  se  décida  à  suivre  tout-à-fait  la 
carrière  de  la  peinture.  Elle  fit,  à  Ma- 
drid, le  portrait  du  roi  et  de  la  reine, 
et  reçut  une  pension  de  deux  cents 
piastres.  J/infant  don  Carlos  voulut 
aussi  avoir  son  portrait  de  la  main 
de  Soplionisbe.  Elle  représenta  ce 
prince  vêtu  de  la  peau  d'un  loup  cei*- 
vier.  Celte  nouvelle  production  eut 
encore  un  plus  grand  succès  que  les 
précédentes.  La  ressemblance  était  si 
fidèle,  que  dou  Carlos,  dans  uii  mou- 


ANG 

renient  de  reconnaissance ,  porta  luf- 
racme ,  à  l'auteur ,  un  diamant  de 
quinze  cents  piastres.  Le  roi  maria  cu- 
huite  Sopbonisbe  avec  don  Fabrice 
de  Moncade,  qui  l'emmena  en  Si- 
cile, sa  patrie.  Moncade  étant  mort, 
elle  épousa  Horace  Lomellini,  d'une 
illustre  famille  de  Gènes.  A  67  ans  , 
elle  eut  le  malheur  de  devenir  aveugle  ; 
elle  continua  ,  cependant ,  de  réunir 
chez  elle  ,  à  Gènes  ,  les  artistes  ,  les 
amateurs,  etla  sociétéla  mieux  choisie. 
Tous  les  étrangers  s  empressaient  de 
lui  faire  visite,  pour  jouir  des  charmes 
de  sa  conversation.  Dans  la  Fie  des 
Peintres  génois  de  Raphaël  Soprani , 
revue  par  Ratti,  on  lit  qu'Antoine  van 
Dyck  s'estima  Irès-heureux,  pendant 
SCS  vovages ,  d'a\  oir  pu  parler  de  son 
uitavec  Sopbonisbe,  et  assurait  qu'il 
avait  plus  appris  d'une  femme  aveu- 
gle ,  que  de  l'élude  des  plus  grands 
maîtres.  Nous  crovons  que  des  ad- 
miialeurs  passionnés  du  talent  de 
Sophonisbe  ont  inventé  cette  anec- 
dote ,  qui  est  inutile  à  sa  gloire.  \an 
Dyi  k  n'avait  que  vingt -un  ans  lors  de  la 
mort  de  Sophonisbe ,  et,  après  les  re- 
cherches les  plus  exactes,  nous  trou- 
vons que  van  Dyck  ne  commença  à 
voyager  qu'à  l'âge  de'ijans.  Sopho- 
nisbe ,  pendant  sa  vie  ,  fut  louée  par 
les  poètes  les  plus  distingués.  Le  Père 
dom  Angiolo  Grillo  lui  adressa  un 
sonnet  italien  Irès-esfimé.        A — D. 

AjNGOT  (Robeiît),  né  à  Gien , 
en  1 58 1 .  Il  paraît  qu'il  ajqiartenait  à 
une  honnête  famille,  puisqu'il  prend, 
à  la  tète  de  ses  œuvres,  letitrede  sieur 
de  l'Espéronnière;  et  que,  dans  une 
de  ses  pièces  ,  il  parle  d'une  autre  terre 
qui  lui  appartenait.  11  n'avait  que 
vingt-deux  ans  lorsqu'il  fit  imprimer 
le  seul  ouvrage  que  1  on  connaisse  de 
lui  ;  c'est  un  Recueil  d'odes  ,  de  son- 
nets, d'épigrammes  et  d'élégies,  in- 
tilulé  le  rr élude  poétique  ,   Paris , 


ANG 

Gilles  Robinot,  i()o5,in-i2.  Sa  ver- 
sification est  assez  naturelle;  et,  sui- 
vant Goujet  ,  on  remarque  ,  entre 
Robert  Angot  et  Vanquelin  de  La 
Fresnaye,  poète  beaucoup  plus  connu, 
quelque  conformité'  de  tour  d'esprit  et 
d'érudition.  Robert  Angot  avait  fait 
de  bonnes  études ,  et ,  si  l'on  en  juge 
par  ses  traductions  de  plusieurs  piè- 
ces grecques  ,  il  possédait  cette  langue 
dont  l'étude  commençrùl  à  être  négli- 
gée; il  renonça  de  bonne  heure  à  la 
poésie,  sans  que  l'on  sache  par  quel 
motif.  W — s. 

ANGOULÊME.    Foy.  Aymar. 

ANGOULÉME  (  Charles  de  Va- 
lois, duc  d'),  fils  naturel  de  Char- 
les IX  et  de  Marie  Toncliet ,  naqm't 
le  28  avril  1075,  vécut  sous  cinq 
rois ,  et  se  rendit  célèbre  par  sa  va- 
leur. La  fameuse  marquise  de  Ver- 
iieuil ,  maîtresse  de  Henri  IV ,  était 
sa  sœur  utérine.  Charles  de  Valois  , 
destiné  dès  son  enfance  à  l'ordre  de 
Malte,  fut  pourvu,  en  1587,  ^'^  ^s^i- 
baye  de  la  Chaise  -  Dieu ,  et  devint , 
en  i589,  grand -prieur  de  France. 
Catherine  de  Médicis  lui  ayant  légué 
les  comtés  d'Auvergne  et  de  Laura- 
guais ,  il  quitta  l'ordre  de  Malte ,  avec 
dispense  pour  se  marier,  et  épousa, 
le  G  mars  1 5()  i ,  Charlotte ,  fille  du 
connétable  Henri  de  Montmorenci.  En 
1606 ,  Marguerite  de  Valois  fit  casser, 
par  le  parlement ,  la  donation  de  Ca- 
therine de  Médicis ,  et  donner  les  com- 
tés qui  en  étaient  l'objet  au  Dauphin 
(  depuis  Louis  XIII  ).  Charles ,  cepen- 
dant ,  continua  de  porter  le  titre  de 
comte  d'Auvergne,  jusqu'en  1619, 
qu'il  obtint  du  roi  le  duché  d'Angou- 
lême.  Il  avait  été  un  des  premiers  à 
reconnaître ,  à  St.-Cloud  ,  le  roi  Hen- 
ri IV,  et  combattit  avec  gloire  pour 
son  service,  aux  journées  d'Arqués, 
en  iSHq,  d'Ivry,  en  iSgo,  de  Fon- 
taine-Française^ en  iSqS.  Implique 


ANG  1-^ 

dans  la  conspiration  de  Biron,  eu 
1602  ,  il  fut  mis  à  la  Bastille  ;  mais 
obtint  sa  grâce.  Convaincu  peu  après , 
de  nouvelles  pratiques  concrrtées  con- 
tre le  roi,  avec  la  marquise  de  Ver- 
neuil ,  il  fut  arrêté  une  seconde  fois  , 
le  9  novembre  i6o4,  ^t  condamné, 
l'année  suivante,  à  perdre  la  tète.  Hcu- 
li  IV  commua  cette  peine  en  une  pri- 
son perpétuelle.  Il  en  sortit,  en  161C, 
et  alla,  en  1617,  faire  le  siège  de 
Soissons.  Nommé  colonel -général  de 
la  cavalerie  légère  de  France,  et  créé 
chevalier  des  ordres  du  roi,  il  fut, 
en  1620,  à  la  tète  de  l'ambassade  en- 
voyée à  l'empereur  Ferdinand  II.  Le 
comte  Philippe  de  Béthune,  mort  en 
1649  y  ^'^-  i'^nie  de  cette  ambassade, 
qui  eut  lieu  à  cause  du  soulèvement  de 
la  Bohême  et  de  la  Hongrie,  a  Le  mo- 
»  tif  de  cette  ambassade ,  dit  le  journal 
»  des  savants ,  fut  aussi  glorieux  à  la 
»  France  que  le  succès  en  fut  avanta- 
»  geux  à  la  maison  d'Autriche.  »  La 
relation  de  cette  ambassade  a  été  don- 
née au  public  par  Henri,  comte  de 
Béthune,  pelit-û!s  de  Philippe,  sous 
le  titre  (^Ambassade  de  M.  le  duc 
d'Angouléme  ,  etc.,  iG6t  ,  in-fol. 
Cet  ouvrage  est  écrit  sèchement,  mais 
peut  donner  connaissance  de  plusieurs 
faits  importants  de  ce  temps-là.  Leduc 
d'Angoulême ouvrit,  le  i  o  août  1628, 
le  fameux  siège  de  la  Rochelle,  où  il 
commanda  en  chef  jusqu'au  11  octo- 
bre, époque  de  l'arrivée  du  roi.  II 
donna  de  nouvelles  ])rcuves  de  sa  va- 
leur et  de  son  habileté  dans  les  guerres 
de  Languedoc,  d'Allemagne  et  de  Flan- 
dre. H  mourut  à  Paris  ,  le  2|  sep- 
tembre i65o.  Françoise  de  Nargon ne, 
qu'il  avait  épousée  en  secondes  no- 
ces, le  25  février  164 4'  niourut  i4t 
ans  après  son  b°au-père  Charles  IX , 
le  To  août  17  i5,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-douze  ans.  On  a  du  duc  d'An- 
goulême :  I.  Mémoires  très-particu- 


1-4  AN  G 

liers  du  duc  d' Angouléme  ^  pour  ser- 
vir à  Vhisloire  des  règnes  de  Hen- 
ri III  et  Henri  IF,    16G2,  iu-i-i. 
Jacques  Bineau,  éditeur  de  ces  IMe'- 
moircs ,  y  eu  a  joint  d'autres  assez 
amples  qui  rapportent,  jour  par  jour, 
les  négociations  de  la  paix  faite  à  Ver- 
vins  ,  en  1 598.  Les  Mémoires  du  duc 
d'Angoulcme  forment  le  tome  P'.  des 
Mémoires  particuliers  pour  servir  à 
V Histoire  de  France,  1756,  4  vol. 
iu-12;  et  le  tome  III  des  Pièces  fu- 
gitives ,   pour  servir  à  Vhistoire  de 
France,  publiées  par  le  marquis  d'Au- 
bais  et  Menard,  1739,  5  vol.  in-4°. 
W.LesHaranguesprononcées  en  V  as- 
semblée de  MM.  les  princes  protes- 
tants d' Allemagne ..  parle  duc  d'An- 
goule'me,  i()io,  iu-8°.;  III.  la  gé- 
nérale et  fidèle  Relation  de  tout  ce 
qui  s'est  passé  en  Vile  de  Bé ,  en- 
voyée par  le  roj'  à  la  rojne  sa  mère, 
162'!,    in-8'\;    IV.  une  traduction 
française  de  la  Relation  de  l'origine 
et  succès  des  schérifs ,  et  de  l'état 
des    royaumes  de  Maroc,  Fez  et 
Tamdant,   écrite  en  espagnol  par 
Dicjode  Torrès,  Paris,  iGjG,  in-4''. 
Le  traducteur  n'a  mis  sur  le  frontis- 
pice que  les  initiales  M.  C.  D.  \  .  D'.  A. 
Celte  traduction  a  été  réimprimée  dans 
le  S*',  volume  de  XJfriipie  de  Mar- 
mol,  etc.,  i()G7,  3  vol.  in-4".  Bou- 
tiiillier,  évêque  de  Troyes,  au  com- 
mencement du  18'.  siècle,  avait,  dans 
sa  bibliothèque,  un  volume  iu-ibiio  de 
l.ctues  manuscrites  de  Charles  de  Va- 
lois, duc  d'Angoulème,  depuis  le  i9oct. 
iG5'),  jusqu'au  10  déc.  i  G45.  A.  B  — t. 
ANGOULÊAîE^Lolis-Emma^uel 
DE  Valois,    comte  d'Alais  ,  puis  duc 
d'  ] ,  second  fils  du  précédent  et  de 
Charlotte    de    iMoutmorenci  ,    né    à 
Clermout  en   Auvergne,   en    i5i)G, 
entra  d'abord  dans    l'état   ecclésias- 
tique ,   et ,    après  avoir    eu  les  ab- 
bayes de  St-Audré  de  Clermout  et  de 


AN  G 

la  Chaise-Dieu  ,  fut ,  en  1612,  éve* 
que  d'Agde.  Henri  ,  son  frère  aîné  , 
ayant  été ,  en  1 6 1 8  ,  pour  cause  de 
démence,  mis  en  prison,  011  il  resta 
cinquante  ans,  Louis-Emmanuel  chan- 
gea d'état,  prit  le  parti  des  armes,  se 
signala  aux  sièges  de  Montauban  et 
de  la  Roche! :e  ,  et  dans  les  guerres 
d'Italie  et  de  Lorraine.  Louis  XllI  le 
nomma,  eu    1G37,  chevalier  de  ses 
ordres  ,    colonel-général  de  la  ca\a- 
lerie  ,  et  gouverneur  de  Provence.  En 
iG5o  ,  il  succéda  à  son  père  au  duché 
d'Angoulème.  et  mourut  à  Paris  ,    le 
i3  novembre  i655,  laissant  une  fille 
qui  mourut  sans  postérité ,  le  4  ui^i 
1G9G.  Bouthillier  possédait  aussi,  en 
manuscrit ,  des    Lettres     de   Louis- 
Emmaimel ,  écrites  depuis  le  28  juin 
)G3o  jusqu'au  8  oct.  1649.  A- B — x. 
ANGOULEVENT  cadet.   On   n'a 
point  encore  découvert  l'auteur  qui 
s'est  caché  sous  ce  nom  :  tout  ce  qu't;u 
peut  conjecturer  ,  c'est  qu'il  était  moi  t 
avant  1G28  ,  puisque,  dans  le  recueil 
des  poésies  d'Auvrav,  imprimé  cette 
anné? ,  il  se  trouve  une  pièce  intitulée, 
le   Tombeau  d' Angoulevenl  cadel. 
C'était,    selon   toute  apparence,  ua 
plaisant  de  profession ,  qui  rimait  les 
anecdotes  du  jour ,  pour  en  réjotùr 
les  sociétés  où  il  était  admis,  Uaus  le 
grand  nombre  de  pièces  que  nous 
avons  sous  ce  nom ,  il  en  est  quel- 
ques-unes  de   fort   piquantes  ;  mais 
toutes  sont  défigurées  parle  même  cy- 
nisme qu'on  remarque  dans  les  poésies 
d'Auvrav  ,  de  iMotin  ,  de  Destcrnod , 
et  de  qui  Iques  auteurs  du  même  temps. 
Aussi,  nous  ne  serions  point  éloigné 
de  croire  que  le  prétendu  Anguule- 
vcnt  cadet ,  n'est  que  le  masque  d'un 
de  ces  poètes.  Le  recueil  dont  nous 
avons  parlé  a  pour  titre ,  les  Satyres 
hastardes  et  autres  œuvres  folaslres 
du  cadet  Angoulevent ,  vol.  in- 12  , 
Parisj  iGo,et  Jion  pas  1622.  W — >. 


AN  G 

ANGOULE VENT,  fou  d'Henri  IV. 

Voy.  Imeert  (  Nicolas  ), 

ÀNGRAN  D'ALLERAY  (Denis- 
François),  conseiller  d'état,  lieute- 
nant civil  au  Ghàtelet  de  Paris ,  naquit 
en  cette  ville,  en  1 7  1 5  ,  d'une  famille 
distinguée  depuis  long-temps  dans  la 
magistrature,  par  la  science  et  par  la 
vertu.  Il  fut  successivement  conseiller 
au  parlement,  en  lySj,  procureur- 
général  au  grand  conseil,  en  J  "4^, 
et  lieutenant  civil ,  le  29  décembre 
1774'  I'*^  Châtelet,  dont  les  attribu- 
tions s'étendaient  sur  toute  la  France, 
était  le  premier  tribunal  dans  le  second 
ordre  des  jurisdictions ,  et  toujours 
présidé  par  un  chef  choisi  ])armi 
des  magistrats  d'un  mérite  éaiinent. 
D'Allcray  n'y  fit  regretter  aucun  de 
ses  prédécesseurs.  Le  public  l'ho- 
norait de  sa  confiance  ;  le  barreau  l'es- 
timait; il  était  respecte  de  tous  les 
officiers  judiciaires,  et  aimé  des  jeunes 
magistrats,  qu'il  servait  de  tout  son 
crédit,  lorsqu'ils  montraient  du  zèle 
et  des  talents.  L'érudition  étendue  et 
profonde  de  d'Alleray  lui  douuait , 
comme  au  chancelier  d'Aguesseau ,  un 
peu  de  lenteur  cl  d'indécision  dans 
l'expédition  des  affaires;  mais  sa  bien- 
faisance était  de  la  plus  généreuse  ac- 
tivité. Dans  lecours  de  l'hiver  de  1 787, 
les  gardes  du  commerce  conduisirent 
pardevaut  lui,  eu  référé,  un  malheu- 
reux débiteur,  arrêté  pour  une  somme 
assez  considérable  :  c'était  un  honnête 
pèi'e  de  laniille,  qu'on  venait  d'arra- 
eher  à  sa  femme,  à  ses  cinq  enfants, 
et  dont  le  désespoir  offrait  le  plus  dou- 
loureux spectacle.  D'Alleray  ,  après 
avoir  examiné  la  procédure  des  con- 
suls, sévit  obligé  d'ordonner  l'exécu- 
tion de  la  contrainte  par  corps.  Il  'était 
onze  heures  du  soir  lorsque  les  recors 
et  leur  capture  quittèrent  l'hôtel  du 
magistraf.  Le  temps  était  trcs-rigou- 
icxa  ;  D'Alleray   prit  aussitôt  avec 


ANG  175 

lui  la  somme  nécessaire,  sortit  à  pied 
par  une  porte  secrète,  et  arriva  à  la 
prison  presque  en  même  temps  que  le 
détenu ,  qu'il  eut  la  satisfaction  de  faire 
élargir  sur-lc-charap ,  en  sa  présence. 
Ce  trait  a  fourni  à  M.  A.  M.  H.Chastenet- 
Puységar,  le  sujet  d'une  comédie  ea 
trois  actes,  intitulée  :  le  Juge  bien- 
faisant, jouée  à  Paris,  et  imprimée  à 
Soissons,  en  1  799 ,  in-8.  U'Aleiay  fut 
nommé  de  l'assemblée  des  Notables, 
en  1787.  Il  fut  aussi  des  assemblées 
de  I  789,  pour  la  formation  des  états- 
géneraux.  Le  roi  l'avait  choisi  pour 
présider  une  des  sections  de  la  no- 
blesse; les  membres  de  cette  sectiou 
lui  déclarèrent  qu'ils  ne  voulaient  plus 
pour  chef  un  commissaire  du  roi; 
mais  qu'ils  le  nommaient  eux-mê- 
mes à  la  présidence  :  D'Alleray  se  re- 
tira. Il  quitta  la  place  de  lieutenant 
civil,  en  1789,  pour  exercer  ses  fonc- 
tions au  conseil  d'état,  où  il  avait  été' 
admis  dès  1787.  Pendant  les  orages 
révolutionnaires ,  il  resta  tranquille  au 
sein  de  sa  famille  ;  mais  le  règne  de  la 
terreur  arriva,  et  il  fut  enveloppé  dans 
le  système  des  arrestations  générales. 
Traduit  au  tribunal  révolutionnaire, 
il  y  trouva,  pour  son  accusateur, 
Fouquicr-Tliinville ,  au[)aravant  pro- 
cureur au  Ghàtelet.  Ce  misérable  , 
frappé  des  vertus  du  magistrat,  con- 
çut pourtant  le  projet  de  le  sauver: 
il  lui  fit  dire  qu'il  serait  acquitté,  s'il 
voulait  nier  qu'il  eilt  envoyéde  l'aigcnt 
à  ses  enfants  émigrés.  Le  respectable 
vieillard  ne  voulut  point  conserver  ses 
jours  au  prix  d'un  mensonge.  Inter- 
rogé s'il  avait  fait  passer  des  secours 
aux  ennemis  de  l'état,  il  répondit  sans 
hésiter,  qu'il  avait  envoyé  de  l'argent 
à  M.  de  la  Luzerne,  l'un  de  ses  gen- 
di'es.  «  Ignorais-tu  la  loi  qui  le  dc- 
»  fend?  lui  dit  un  des  jurés.  —  Non, 
»  1  épliqua-t-il  ;  mais  la  loi  de  la  uatui-e 
»  a  parlé  plus  haut  à  mou  cœur ,  que 


1-6  ANG 

»  la  loi  de  la  repii];liqnc.  »  Sa  fran- 
chise et  sa  ferraele  l-.ii  valurent  la 
moi  t.  Il  ]ie'rit  siii-  l'cchafaud,  le  28 
avril  1794^  ^  l'à?;e  de  79  ans.  D'Al- 
Icray  avait  une  physionomie  remplie 
de  candeur  et  d'aménitë,  qui  peignait 
toute  la  l)ontc;  de  son  amc;  son  assi- 
duité' au  travail  était  infatigable;  à  une 
grande  simplicité  do  mœurs,  il  joignait 
de  la  dignité  dans  la  représentation  ;  il 
aimait  à  parler  en  public,  et  l'on  aimiit 
à  l'entendre;  ses  idées  étaient  élevées, 
son  éloquence  était  douce  et  péné- 
trante; son  style  ne  manquait  ni  d'élé- 
cnnce  ni  d'harmonie.  Il  ne  laissa  point 
d'hérili"  r  de  son  nom  :  il  n'avait  eu 
que  trois  filles,  dont  une  avait  épousé 
M.  de  \  ibravcs ,  maréchal  de  camp , 
ptlos  deux  autres,  1\ÎM.  de  la  Luzerne, 
frères;  l'aîné,  ministre  de  !a  marine, 
et  le  second,  ambassadeur  à  Londres. 
—  Louis- Alexandre  Aîsgran,  frère  du 
président,  né  en  17  i3,  président  à 
l'une  des  chambres  des  enquêtes  du 
parlement  de  Paris,  lui  survécut,  et 
mourut  sans  po-térité,  le  6  juil.  1801, 
âgé  de  88  ans.  Ce  magistrat  était  égale- 
ment recommandable  par  son  intégri- 
té, une  j)icté  profonde,  et  surtout  par 
une  douceur  de  caractère  inaltérable. 
D— s. 
ANGUiER (François'),  scnlpîeur,  né 
à  En  en  Normandie,  en  1 6o4-  d'un  me- 
nuisier ,  montra  ,  ainsi  que  son  frère 
Michel ,  de  si  grandes  dispositions 
pour  les  arts  ,  qu'ils  furent  envoyés  à 
Paris,  et  placés  chez  Guillain  ,  sculp- 
teur médiocre.  François  Anguier  y  fit 
assez  de  progrès  poiu-  être  appelé  en 
Angleterre,  où  d  se  procura  les  moyens 
défaire  le  voyage  d'Italie.  A  Rome,  il 
se  lia  avec  plusieurs  peintres  célèbres, 
tels  que  Poussin,  Mignard,  Oufresnoy 
et  Stella.  Après  y  avoir  étudié  pen- 
dant deux  ans,  il  revint  à  Paris,  où 
ilobtint ,  de  Louis  Xll  l ,  un  logement 
au  Louvre ,  et  la  garde  du  cabinet  des 


ANG 
antiques.  On  assure  que ,  lors  de  la 
formation  de  l'académie  de  peinture , 
etc. ,  il  refusa  d'y  être  admis.  Les 
principaux  ouvrages  d' Anguier  étaient 
dans  les  églises  de  Paris.  On  voyait, 
à  l'Oratoire  ,  rue  St.-Honoré,  le  tom- 
beau  en  marbre  du  cardinal  de  Bé' 
rulle;  aux  <  '.élestins  ,  une  pyramide 
ornée  de  trophées  ,  avec  des  statues 
et  des  bas-reliefs  en  Vlionneur  de  la 
maison  de  Longueville ,  et  la  statue 
du  duc  de  Rohan-Chabot  ;  à  St.- 
Audié-des-Arcs  ,  la  décoration  du 
tombeau  des  De  Thou ,  etc.  Quel- 
ques-uns de  ces  monuments  sont  main- 
tenant au  Musée  des  Petits  -  Augus- 
tins.  François  Anguier  avait  fait  aussi, 
en  1 658 ,  le  mausolée  de  Henri ,  duc 
de  Montmorencj ,  décapité  à  Tou- 
louse en  i65'2.  Cette  grande  composi- 
tion ,  qu'il  fît  pour  l'église  des  reli- 
gieuses de  Ste-iMarie,à  Moulins  ,  et  qui 
n'a  pas  été  détruite,  est  l'ouvrage  le  plus 
remarquable  de  François  Anguier. 
Une  grande  pesanteur  est  le  défaut 
principal  des  ouvrages  de  cet  artiste, 
qui  mourut  à  Paris,  le  8  août  i66ij, 
à  l'âge  de  soixante-cinq  ans.  D  -t. 
ANGUIER  (Michel  ) ,  frère  cadet 
du  précédent,  naquit  à  Eu  ,  en  161 't; 
et ,  dès  l'âge  de  quinze  ans  ,  exécuta 
dans  celte  ville  ,  où  il  ne  trouvait  ni 
maîtres  ni  modèles  ,  quelques  ouvra- 
ges pour  l'autel  delà  Congrégation  des 
jésuites.  Après  avoir  travaillé  quelque 
temps  à  Paris,  sous  Guillain,  il  eut 
le  courage  d'entreprendre  le  voyage  de 
Rome ,  sans  avoir  d'autres  ressoiu'ces 
que  ses  talents.  11  eut  l'avantage  de 
travadler  d'abord  sous  les  yeux  de 
l'Algarde,  qui  lui  fit  faire  quelques  bas- 
reliefs.  Anguier  fut  employé  ensuite 
pour  l'église  de  St.-Piei  re ,  et  pour 
quelques  palais  particuliers,  mais  sans 
négliger  l'étude  de  l'antique,  à  laquelle 
il  consacra  une  partie  des  dix  années 
de  soa   séjour  à  Rome.  Revenu  eu 


AN  G 

France  tn   i65i  ,  il  se  vit  contrarie 
souvent  par  les  troubles  politiques. 
11  ne  laissa  cf  pendant  pas  de  travail- 
ler ,  et  fit ,  entre  antres ,   un  modèie 
de  la  Statue  de  Louis  XIII ,  plus 
grand    que  nature ,  qui   fut  jeté  en 
bronze,  et  placé  à  Narbonne.  Il  de'- 
rora  ensuite  l'appartement  de  la  reine 
Anne  d'Autriche,   au  vieux  Louvre  , 
d'un  grand  nombre  de  figures  et  de 
bas -reliefs    accompagnant   des  pein- 
tures de  Romanelli.   La  plus  grande 
partie  des  ouvrages  de  sculpture  qui 
étaient   au  Val -de -Grâce  ,  était  de 
IVIicliel  Anguier  ;  et  le  groupe ,   en 
marbre,  de  la  NatUdlé ,  placé  sur  le 
maître-autel,  était  regai'dé  comme  son 
chef-d'œuvre.  L'académie  le  reçut  dans 
son  sein,  en  1668^  le  nomma,  le  jour 
même ,  adjoint  à  professeur ,  et ,  peu 
après,  professeur.  Anguier  lui  donna  , 
en  1669,  un  groupe  de  terre  cuite, 
représentant  Hercule  qui  se  charge 
de  débarrasser  Atlas  du  fardeau  de 
porter  le  inonde.  La  même  année  ,  il 
fut  adjoint  à  recteur ,  et  retteur  en 
16-1.  11  termina,   veis    ce  temps  , 
V Apparition  de  Notre-Seigneur  à 
S.  Denis  et  à  ses  compagnons ,  giand 
morceau  de  sculpture,  on  le  bas-rehef 
et  la  ronde-bosse  étaient  employés  à 
la  fuis ,  et  qu'Aune  d'Autriche  lui  avait 
demandé  pour  le  maître-autel  de  St.- 
Dcnis  de  la  Châtre.  On  omet  plusieurs 
autres  productions  de  cet  artiste,  pour 
arriver   à   l'une  des  plus   considéra- 
bles. Ce  fut  en  lô-jl?  <I'j''l  exécuta 
les  sculptures  de  l'arc  triomphal,  dit 
Porte   St.-Denis.  A  la   vérité  ,    Le 
Brun  ,  qui ,  en  sa  qualité  de  premier 
peintre  du   roi,  voulait  exercer    sur 
tous  les  arts  une  suprématie  à  laquelle 
les   sculpteurs    du   temps  se  soumi- 
rent ,  à  l'exception  du    seul  Puget , 
ôta  le  mérite  de  l'invention  à  Michel 
Anguier  ,  en  le  faisant  travailler  d'a- 
près ses  dessins  ;  mais  le  sculpteur 
II. 


AN  G 


77 


n'en  soutint  pas  moins  sa  réputation 
par  la  manière  dont  il  exécuta  ces 
grands  ouvrages.  L'âge  ,  et  de  locgs 
travaux  avaient  altéré  la  santé  d'An- 
guier,  lorsqu'on  lui  demanda  un  cru- 
cifix de  m.  rbre  pour  la  Sorbonne.  11 
avait  toujours  été  pieux,  et  dit ,  en 
l'exécutant,  «  qu'il  ne  pouvait  ter- 
miner sa  carrière,  par  un  morceau 
plus  analogue  à  ses  sentiments.  »  Il 
fit  présent  ,  en  mourant ,  à  l'église 
de  St.-Roch  ,  sa  paroiï.se,  d'un  Chiist 
en  bois,  qui  fut  ensuite  placé  dans  la 
cliapelle  du  Calvaire  de  celte  église.  jNIi- 
che!  Anguier  mourut  le  1 1  juil.  iG86, 
à  soixante-quatorze  ans  ,  et  fut  eulerié 
à  St.-Ilocli,  près  de  son  frère  aîné. 
On  leur  fit  une  épitaplie  ,  en  huit  vei  s 
fiaiiçais,  trop  n)éuiocres  pour  être 
rapportés.  Cet  artiste  est  au  nombre 
des  bons  sculpteurs  du  siècle  de 
Louis  XIV.  Son  goût  de  dessin  est 
celui  que  Le  Brun  avait  mis  eu  vogue  , 
c'est-à-dire,  qu'on  v  trouve  pie.-que 
toujours  de  la  coriection  ,  mais  que  , 
souvent  aussi  ,  on  y  désirerait  plus 
d'élégince.  D — t. 

A>GU1LLARA  (  Giova>m  An- 
dréa Dell'  ) ,  l'un  des  plus  célèbres 
poètes  iialiens  du  i(V.  siècle  ,  naquit, 
vers  l'an  i  .5 1  "j  ,  à  Sutri ,  en  Toscane , 
de  parents  pauvres  et  d'une  basse 
condition.  Après  avoir  f ;it  des  études 
aussi  bonnes  que  sa  furtune  le  lui  per- 
meltait,  il  se  rendit  à  Rome,  oii  il  se 
mit  corricteur  d'épreuves  chez  un  li- 
braire. Une  liaison  sef^ète  avec  la 
femme  de  ce  libraire,  découverte  par 
le  mari ,  obligea  l'Anguillara  de  quitter 
Rome  ;  il  emportait  avec  lui  qu<  Ique 
argent  et  quelques  bardes  ,  lorsqu'il 
rencontra  des  voleurs ,  qui  lui  enle- 
vèrent ces  fruits  de  son  travail.  1!  ar- 
riva à  \  enise  dans  l'équipage  d'ua 
mendiant  ;  mais  il  trouva  prcmpte- 
ment  de  l'emploi  chez  le  libraire  Fran- 
ceschi.   C'est  là   qu'il  fit  ,   pour  uu 


i-jS  ANG 

prix  trcs-modique  ,  sa  traductiou  des 
Métamorphoses  d'Ovide  ,  en  vers 
italiens ,  et  qii"'il  composa  quelques 
autres  ouvrages.  Il  retourna  ensuite  à 
Rome,  où  sa  réputation  poétique  était 
parvenue  ;  mais  son  malheur  l'y  sui- 
vit ,  et ,  après  avoir  vendu ,  pour  vi- 
vre ,  ses  habits ,  ses  livres ,  tout  ce 
qu'il  possédait ,  il  mourut  de  besoin , 
et  d'une  maladie,  fruit  de  son  incon- 
duite, dans  une  auberge  auprès  de 
Torre  di  Nona.  On  ne  sait  rien  de  po- 
sitif sur  l'é])oque  de  sa  mort  ;  on  voit 
seulement,  par  une  lettre  d'Annibal 
Caro ,  qui  lui  est  adressée  ,  qu'il  vi- 
vait encore  en  avril  1 564-  Sa  traduc- 
tion des  Métamorphoses  ,  en  oilava 
rima,  a  joui  et  jouit  encore,  en  Italie, 
d'une  grande  réputation.  Les  critiques 
les  plus  célèbres ,  et  entre  autres  Var- 
cbi ,  l'ont  mise  au  -  dessus  même  du 
poëme  ori;;ina!.  Ces  éloges  sont  exa- 
gérés ;  mais  l'auteur  en  mérite  beau- 
coup ,  pour  l'élégance  et  la  poésie  de 
style ,  et  pour  la  facilité  ;  il  est  vrai 
que  c'est  plutôt  une  imitation  libre 
qu'une  traduction  exacte.  11  s'écarte  à 
chaque  instant  de  son  texte  :  il  en  re- 
tranche, il  y  ajoute  ce  qui  lui  plaît.  Par 
exemple,  au  lieu  de  rendre,  par  des 
expressions  opposées  l'une  à  l'autre , 
mais  qui  ont  de  la  justesse  et  une  sorte 
de  gravité,  la  masse  informe  du  chaos 
avant  la  création  de  l'univers,  comme 
l'a  fait ,  en  général ,  Ovide  dans  ce 
morceau ,  il  fait  jouer  ensemble,  dans 
tous  les  vers  d'une  octave  ,  comme 
Ovide  dans  deux  des  siens ,  le  ciel,  la 
mer ,  la  terre  et  le  feu ,  à  peu  près  de 
cette  maiiicrc  :  «  Avant  qu'existassent 
le  ciel ,  la  mer ,  la  terre  et  le  feu ,  déjà 
existaient  le  feu  ,  la  terre ,  le  ciel  et  la 
mer;  mais  la  mer  déformait  le  ciel,  la 
terre  et  le  feu  ;  le  feu  rendait  difforme 
le  ciel ,  la  terre  et  la  mer  ;  car ,  là  où 
étaient  la  terre  ,  et  le  ciel ,  et  la  mer , 
et  le  fou  ,  là  étaient  aussi  le  ciel ,  et  la 


ANG 

terre ,  et  le  feu ,  et  la  mer  :  la  terre ,  le 
feu  et  la  mer  étaient  dans  le  ciel ,  et 
le  ciel  était  dans  la  mer ,  dans  le  feu  et 
dans  la  terre.  »  C'est  là  un  jeu  d'es- 
prit puéril ,  et  un  chquetis  de  mots 
et  d'idées  beaucoup  trop  prolongé  ; 
mais  il  s'en  faut  bien  que  tout  le  poëme 
soit  écrit  ainsi  ;  la  lecture  en  est  géné- 
ralement agréable  ;  aussi  en  a-t-on  fait 
un  grand  nombre  d'éditions.  La  pre- 
mière ,  qui  ne  contenait  que  les  trois 
premiers  livres  ,  fut  faite  à  Paris  , 
1 554,  in-4°.,  et  dédiée  au  roi  Henri  II. 
On  en  fit  une  complète  à  Venise ,  en 
1 56 1 ,  in~4°- ,  que  le  libraire  dédia  au 
roi  de  France  Charles  IX  j  mais  le 
nom  de  Henri  II  est  constamment 
resté  dans  la  seconde  octave  du  poëme, 
que  l'auteur  eut  toujours  l'intention  de 
lui  dédier  en  entier.  La  meilleure  et  la 
plus  belle  édition  est  celle  des  Giunli , 
Venise ,  1 584  •>  iu-4''- ,  a"vcc  les  figu- 
res de  Jacopo  Franco,  les  remarques 
d'Orologi ,  les  argiuuents  et  les  petites 
notes  en  marge ,  de  Turchi.  Elle  a  été 
réimprimée  par  les  mêmes  ,  en  \5g:i. 
L'Anguillara  avait  aussi  commencé 
une  traduction  semblable  de  Y  Enéide. 
Le  premier  livre  fut  imprimé  à  Pa- 
doue  ,  eu  1 564  ■<  iu-4°-  ;  luais  l'ou- 
vrage en  resta  là  ,  soit  par  la  mort  de 
l'auteur  ,  soit  par  tout  autre  motif.  On 
a  encore  de  lui  :  I.  Edipn ,  tragédie  eu 
vers  libres ,  Padoue ,  1 556  ,  in  -  4". , 
et  Venise  ,  1 565  ,  in-  8".  Ce  n'est  pas 
une  simple  traduction  de  l'OEdipe- 
Roi  de  Sophocle.  L'auteur  y  introdui- 
sit des  épisodes  ,  et  y  fit  des  addi- 
tions, qui  divisent  l'intérêt,  et  altèrent 
la  simplicité  du  sujet.  Elle  fut  cepen- 
dant représentée,  avec  beaucoup  de 
magnificence  et  de  succès,  à  Viccncc, 
et  ce  fut  pour  cette  représentation 
que  le  célèbre  architecte  Palladio  éleva, 
en  i565,  un  superbe  théâtre.  II.  Quel- 
ques odes ,  ou  camoni,  adressés  aux 
ducs  de  Florence  et  deFerrare;  III. 


ANG 

àes  Arguments  en  ottava  rima  ,  pour 
tous  les  chants  du  Roland  furieux , 
de  l'Arioste.  Le  Tasse  c'ait  ,  dans 
une  de  ses  lettres ,  que  l'Anguillara 
vendait  cinq  Jules  ,  au  libraire ,  clia- 
cun  de  ces  arf^uments.  IV.  Quatre  Ca- 
pitoli ,  ou  Satire  ,  dans  le  genre 
burlesque ,  im2>rimees  dans  plusieius 
recueils  de  pièces  de  ce  genre  ;  elles 
sont  estime'es  ,  la  dernière  surtout , 
qui  est  adressée  au  cardinal  de  Trente, 
et  dans  laquelle  l'auteur  parle  fort  lon- 
guement de  lui-même ,  sans  ennuyer , 
et  trouve  le  moyen  d'être  piquant  et 
gai ,  même  en  parlant  de  sa  misère. 
G— K. 
iiNGUILLARA  (Louis,  ou  Aloy- 
sio),  médecin,  savant  botaniste  italien, 
ne',  vers  le  commencement  du  iG^. 
siècle ,  à  Anguillara ,  petite  ville  de  l'état 
eccle'siastique,  d'où  il  a  pris  son  nom. 
La  re'puîation  qu'il  s'était  acquise  par 
ses  voyages  lui  me'rita,  de  la  part 
de  la  république  de  Venise,  le  titre  de 
simplicista ,  ou  de  son  botaniste  en 
chef,  et  la  place  de  directeur  du  jardin 
de  botanique  de  Padoue.  Il  fut  le  troi- 
sième qui  la  remplit  depuis  la  fonda- 
tion de  ce  jardin  ,  en  i  5-^  o.  11  remplaça 
Mundella,qui  se  nommait  comme  lui 
Aloysio ,  ce  qui  a  occasionné  quelques 
méprises ,  et  il  fut  remplace'  ])ar  Gui- 
landin ,  lorsqu'en  1 5G  i ,  il  quitta  cette 
place,  dc'goûte'  par  les  tracasseries 
qu'on  lui  suscita,  pour  se  retirer  à  Flo- 
rence, où  il  mourut  en  i  S^o.  On  a  peu 
de  détails  sur  sa  vie  privée.  Voici  ceux 
qu'on  a  pu  tirer  du  seul  ouvrage  qui  ait 
paru  sous  son  nom.  On  ignore  ou  il  fit 
ses  premières  études ,  mais  elles  furent 
soignées,  et  surtout  dirigées  vers  la 
connaissance  des  langues  anciennes; 
en  sorte  que,  se  trouvant  entraîné 
vers  la  botanique,  il  put  facilement 
remonter  aux  sources  :  il  chercha 
donc,  suivant  la  manière  d'envisager 
alors  cette  science,  à  reconnaître  les 


ANG  i7t) 

plantes  mentionnées  dans  les  auteurs 
grecs  et  latins  ;  mais  il  sentit  de  bonne 
heure  que,  pour  y  parvenir,  il  fallait 
visiter  les  pays  où  ils  avaient  écrit.  Ce 
fut  dans  ce  dessein  qu'il  parcourut 
successivement  toute  l'Italie,  l'IUyrie, 
la  Turquie,  les  principales  îles  de  la 
Méditerranée,  Crète,  Chypre, la  Corse 
et  la  Sardaigne,  enfin  l'Helvélie  trans- 
alpine, et  les  environs  de  Marseille. 
De  grandes  connaissances  résultèrent 
de  ces  courses,  et  lui  acquirent  beau- 
coup de  célébrité,  en  sorte  qu'il  se 
trouva  en  relation  avec  les  savants  les 
plus  distingués,  qui  le  consultèrent 
sur  les  difficultés  que  leur  présentait 
l'histoire  des  plantes,  et  surtout  sur  la 
concordance  des  noms  anciens  avec 
les  modernes,  Anguillara  répondit  à 
cette  confiance,  en  exposant  son  opi- 
nion ou  parère  dans  des  lettres  parti- 
culières. Marinello,  qui  était  un  de  ses 
correspondants ,  réunit  quatorze  de  ces 
lettres,  et  les  publia  du  consentement 
de  l'auteur,  sous  ce  titre  :  Semplici 
delV  eccelente  M.  wlii^uillara,  H 
quali  in  più  pareri  a  diversi  nobill 
nomîni  scritti  appajono  et  nuo\>a- 
mente  da  M.  Giovanni  Marinello 
mandati  in  hice,  Venise,  Vinc.  Val- 
grisi,  i56i,  m-i)°.  Le  même  impri- 
meur en  donna  ,  la  même  année ,  une 
autre  édition,  que  l'on  prélère  ,  parce 
qu'il  y  a  deux  figures  de  plantes  qui 
ne  sont  pas  dans  la  première.  Quoique 
peu  volumineux,  ce  livre  a  sufti  pour 
établir  la  réputation  d'Anguillara.  Tou- 
tes les  lettres  qui  le  composent  sont 
datées  de  Padoue ,  la  première ,  du  i  o 
avril  i558,  et  la  dernière,  du  20  mai 
1 56o.  On  sent  ({u'un  ouvrage  de  ce 
genre  ne  peut  avoir  de  plan  déter- 
miné ;  car  ce  n'est  qu'à  mesure  que 
l'occasion  se  présente ,  que  l'auteur 
parle  des  plantes  qu'il  a  observées  dans 
ses  voyages.  Il  se  contente  quelquefois 
de  les  de'signer  par  le  nom  vulgaire 

12., 


î8o  ANG 

qu'elles  portent  dans  leur  pays  natal; 
et,  plus  d'une  fois,  Anguillara  a  reconnu 
que  ces  noms  étaient  ceux  des  anciens , 
avec  une  légère  altération ,  ce  qui  l'a 
beaucoup  aidé  dans  ses  recherches  : 
plus  souvent  il  ajoute  une  description , 
mais  qui  est  si  précise  que ,  malgré  sa 
brièveté,  elle  suffit  pour  reconnaître 
presque  tontes  les  espèces  dont  il  fait 
mention.  Il  s'en  trouve  au  moins  une 
vingtaine' qu'il  a  fait  connaître  le  pre- 
mier :  dans  deux  occasions  seulement, 
il  a  ajouté  des  planches  en  bois  passa- 
blement exécutées  ;  mais  la  manière 
dont  il  a  éclairci  les  passages  dos  an- 
ciens botanistes  a  encore  été  plus  utile 
à  la  science.  Il  les  connaissait  tous  par- 
faitement ,  depuis  Théophraste  jusqu'à 
Cassianus  Bassus  :  non  content  d'étu- 
dier ceux  qui  étaient  imprimés,  il  avait 
recours  aux  manuscrits;  c'est  par  leur 
moyen  qu'il  put  connaître  Cratajvas;  il 
en  cite  plusieurs  passages  en  grec,  et 
ce  sont  les  seuls  de  cet  auteur  qui  aient 
été  imprimés.  En  g-enéral ,  son  style  est 
facile,  et  ne  manque  pas  d'élégance;  il 
discute  avec   sagacité,   modestie,   et 
Éurtout  beaucoup  de  modération,  en 
sorte  que,  lorsqu'il  attaque  les  opinions 
de  ses  contemporains,  c'est  avec  tous 
ics  ménagements  possibles;  mais  ils 
lui  furent  inutiles  vis-à-vis   de   Ma- 
thiole  ;  c'est  en  vain  qu'il  lui  prodigua 
les  épithctes  les  plus  flatteuses,  celle 
iS'eccelentissimo.  Celui-ci  ne  put  lui 
pardonner   d'avoir  osé  relever  quel- 
ques-unes de  ses  méprises  ;  il  répliqua 
à  sa  manière ,  c'est-à-dire ,  avec  des 
injures.  Anguillara  ne  fut  pas  toujours 
de  l'avis  de  Lucas  Ghini,  qui  était 
alors  regardé  comme  l'oracle  de   la 
botanique,  et  on  a  remarqué  qu'il  avait 
été'  le  seul  qui  n'en  eût  pas  parlé  très- 
avantageusement;  mais  on  est  parti , 
pour  lui  faire  ce  reproche,  de  la  suppo- 
sition qu'il  avait  été  le  disciple  de  ce 
oélèbrc  professeur.  Dans  ce,  cas,  ou 


ANG 
pourrait  accuser  Anguillara  d'avoif 
été  peu  respectueux  envers  son  maili*e; 
mais  tout  nous  porte  à  croire  que  ces 
deux  hommes  n'ont  été  que  contem- 
porains. Hallcr  dit  qu  Anguillara  fut  le 
disciple  de  Constantin  iihodiota  Spe- 
tiale,  ou  apothicaire  en  Crête.  Il  fonde 
celte  opinion  sur  un  passage  d'An^ 
guillara;  mais  il  paraît  que  cet  écri- 
vain ,  si  exact  ordinairement ,  s'est 
trompé  dans  l'interprétation  du  pas- 
sage qu'il  cite  :  il  prend  le  mot  maes- 
tro dans  le  sens  de  professeur ,  au 
heu  qu'il  signifie,  selon  nous,  maître 
un  tel,  terme  si  employé  à  cette  épo- 
que (  anguillara  ,  page  i  ao  ).  ïour- 
nefort  fait  mention ,  d'après  la  Bi- 
bliothèque latrique  de  Schenkius, 
d'une  traduction  latine  de  cet  ou- 
vrage, avec  des  notes  faites  par  Gas- 
pard Bauhiu  ,  et  Seguier  l'indique 
sous  ce  titre  :  Aloysii  Anguillarœ  de 
simpUcibus  liber  primus ,  cum  notis 
Gaspari  Bauhini,  ^kh^apud  Henri- 
cum  Petnim ,  i  ^çp.  Haller  la  cile  , 
mais  d'après  Sfguier,  sans  l'avoir 
vue.  Après  avoir  fait  jilusicurs  recher- 
ches infructueuses  ,  pour  constater 
l'existence  de  ce  livre,  recourant  à 
Schenkius  lui-même,  nous  avons  ap- 
])ris  qu'il  n'avait  jamais  été  imprimé. 
L'ouvrage  original  est  devenu  très- 
rare.  Il  paraît  qu'Anguillara  s'attira 
de  puissants  ennemis;  Maltioli,  dans 
la  P'ie d' A ldro\^ande,ti\  parle  avec  le 
plus  profond  mépris,  et  Aldrovandc 
lui-même  en  faisait  peu  de  cas.  Gui- 
landin  le  nommait  par  dérision  Olitor 
Palavinus.  Peut-être  que  ce  médecin , 
connu  par  sa  causticité ,  lui  suscita 
des  désagréments  par  l'amertume  ilc 
ses  critiques,  à  tel  point  qu'Anguillara  , 
se  trouvant  discrédité,  abandonna  sa 
jilace.  Elle  fut  occupée  tout  de  suite 
par  cet  antagoniste.  Anguillara ,  retiré 
à  Florence,  se  rendit  célèbre  jwr  la 
composition  de  la  thcViaque,  et  il  alla 


ANH 

jusque  danslaPouilIeclieixlierles  plan- 
tes nécessaires,  accompagne  d'un  reli- 
gîeux  augustin ,  nomme  Evangélista 
Quadramio ,  qui  fiit ,  par  la  suite ,  bota- 
niste du  duc  de Ferrare.  Anguillaia sur- 
vécut peu  de  temps  à  ses  expériences  sur 
cette  composition,  et  mourut  en  oct. 
iS^o,  sans  avoir  rien  publié  par  lui- 
même.  On  ne  sait  ce  que  devinrent, 
après  sa  mort,  ses  nombreux  maté- 
riaux: on  doit  les  regretter,  car,  d'après 
l'échantillon  donné  par  Marinello,  on 
peut  juger  qu'ils  étaient  très-impor- 
tants; ce  seul  essai  a  suffi  pour  placer 
Anguillara  au  nombre  de  ceux  qui  ont 
le  mieux  réussi  à  rattacher  les  connais- 
sances botaniques  modernes  aux  an- 
ciennes; c'est  le  témoignage  que  lui 
rend  un  des  juges  les  plus  compétents 
sur  ce  point,  M.  Sprengel,  dans  son 
Ilistoria  rei  Herbarice ,  et  le  fréquent 
usage  qu'il  a  fait  de  cet  auteur,  pour 
déterminer  les  plantes  de  Dioscoride 
et  de  Pline ,  en  fournit  la  preuve.  Le 
célèbre  Gaertncr  a  voulu  tirer  son  nom 
d'un  oubli  qu'il  ne  méritait  pas,  en 
donnant  le  nom  à'. anguillara  à  un 
nouveau  genre  qu'il  a  formé;  mais 
cette  tentative  est  devenue  inutile , 
parce  que ,  dans  le  même  temps ,  M.  de 
Jussitu  le  nommait  Badula  ;  et  M. 
Ssvarts,  ylrdisia:  ce  dernier  nom  a 
prévalu ,  quoique  le  moins  convenable. 
D— P— s. 
A  N  H  A  L  T  (  Antoine  Gunther  , 
prince  d')  ,  lieutenant-général  des  ar- 
mées prussiennes,  fils  de  Jean  ,  prince 
d'Anhalt  -  Zerbst,  et  de  Sophie- Au- 
gusta  ,  princesse  de  Holstcin-Gottorp  : 
il  naquit  le  1 1  novembre  1 653.  Après 
.".voir  parcouru  la  Hollande ,  l'Italie , 
l'Angleterre  et  la  France ,  il  prit  le  com- 
ra  indement  d'une  compagnie  dans  le 
régiment  du  comte  Charles  de  Birck- 
keufeld,  et  se  trouva  aux  sièges  de 
Grave  et  d'Oudenarde,  en  1676;  il 
se  rendit  à  l'arrace  impériale  ^  et  fut 


ANI  ï8r 

présent  au  siège  de  Philisbourg.  De 
1680  à  i685  ,  il  fit  de  nouveaux 
voyages ,  et  revenu  à  la  cour  de  l'élec- 
teur de  Saxe ,  George  III ,  il  aida ,  de 
concert  avec  ce  prince  ,  à  battre  les 
Turks  devant  Vienne.  Son  courage  se 
déploya ,  avec  un  nouvel  éclat ,  de- 
vant Mayence  et  devant  Bonn  :  il  en- 
tra alors,  comme  colonel,  au  service 
de  l'électeur  de  Brandebourg.  Il  se 
trouva  aux  batailles  de  Steinkcrque  et 
de  Nerwinde  ,  et  reçut  du  roi  de 
Prusse,  en  1703,  le  commandement 
d'un  corps  de  i5,ooo  hommes,  à  la 
solde  de  la  Hollande  et  de  l'Angleterre. 
L'affaiblissement  de  sa  santé  l'ayant 
contraint  de  donner  sa  démission  ,  il 
fut  élevé  au  grade  de  lieutenant-géné- 
ral ,  et  mourut  à  Miihhngen,  le  10 
décembre  1 7  1 4 1  laissant  la  réputation 
d'un  guerrier  vaillant  et  loyal.  G — t. 
AIS'IAISUS  ,  astronome  et  poète  , 
vivait  dans  le  15".  siècle,  et  composa, 
en  vers  hexamètres  léonins ,  un  poème 
astronomique  ,  intitulé  :  Computus 
inanualis  magistri  Aniani  ,  divisé 
en  quatre  parties ,  qui  a  eu  plusieurs 
éditions  ,  dont  la  plus  ancienne  est  de 
Strasbourg,  1488.  11  en  existe  deux 
de  Paris  ,  l'une  sans  date  ,  l'autre  de 
iSaô.  A  cette  dernière  est  joint  un 
commentaire  de  Jacques  Marsus ,  dau- 
phinois ,  avec  un  calendrier ,  et  plu- 
sieurs tables  dressées  par  Nicolas  Bo- 
naspes,  au  bas  de  chacun  des  mois 
de  ce  calendrier.  Anianus  est  auteur 
des  vers  techniques  si  connus ,  sur 
les  signes  du  Zodiaque  : 

Sunt  Aries  ,  Taurus,  Gemini,  Cancffr,  Léo,  Virg», 

Libra<]iie,Scorpius,  Âccitenens  ,  Caper,  Amphora, 

Pisces.  _ 

J N. 

ANIBEBT  (Louis-Mathieu),  ne 
à  Trinquetaille- lez -Arles,  le  13  oc- 
tobre 174'^'^  mort  le  i5  mars  1782, 
apprit  d'abord  la  musique.  Son  maître, 
qui  était  italien ,  lui  fit  naître  le  désir 
d'apprendre  sa  langue.  11  s'adonna-en» 


i82  ANI 

suite  à  la  poésie ,  et  composa ,  en  1770, 
un  poëme  he'roï  -  comique,  où  l'on 
trouve,  dit  l'abbé  Paul,  d'excellents 
morceaux,  mais  un  ton  trop  libertin, 
et  semblable  à  celui  de  la  Pucelle;  en 
1775,  X Inconséquent ,  ou  la  Fête  du 
fVauxhall,  comédie;  en  1780,  Jo- 
crisse le  Blanc  ^  comédie.  Ces  deux 
pièces  sont  restées  manuscrites.  Ani- 
bcrt  a  fait  imprimer  :  I.  Mémoires 
historiques  et  critiques  ^  sur  V an- 
cienne république  d  Arles,  pour  ser- 
vir à  l'Histoire  générale  de  la  Pro- 
vence ^  i779>  5  vol.  in-12;  II.  Mé- 
moire sur  V ancienneté d' Arles,  suivi 
d'observations  sur  la  formation  des 
marais  voisins  de  cette  ville ,  et  sur 
un  passage  de  l'Histoire  d'Ammien 
MarcelUn,  1782,  in- 12.  Lorsque 
la  mort  surprit  l'auteur,  il  travaillait  à 
de  Nouveaux  Mémoires  sur  l'his- 
toire d'Arles,  depuis  sa  fondation 
jusqu'au  temps  de  la  république  ;  il 
avait  fini  le  premier  volume  de  cet 
ouvrage,  qui  devait  eu  avoir  deux. 
A.  B—T. 
AN I CET,  am-anchi  de  Néron. 
V.  NiÎROiy  et  Agrippine. 

ANICET  (S.),  élu  pape  en  i.')7, 
suivant  XArt  de  vérifier  les  dates , 
€t,  en  i5o,  suivant  Lcnglet  Dufres- 
noy.  Il  disputa,  avec  S.  Polycjrpe,  sur 
la  fixation  de  la  fête  de  Pâques;  mais 
cette  discussion  n'altéra  point  l'amitié 
qui  régnait  entre  ces  deux  saints  per- 
sonnages. S.'Anicet  souffrit  le  martyre, 
le  17  avril  161  ,  sous  le  règne  do 
Marr-Aurèle.  D — s. 

ANICH  (  PiERBE  ),  né  le  22  février 
•1725,  à  Ober-Perfuss,  près  d'Ins- 
pruck ,  était  fils  d'un  paysan ,  et  ne 
s'occupa,  dans  sa  jeunesse,  que  des  tra- 
vaux de  l'agriculture.  A  l'âge  de  28 
ans,  son  goût  pour  l'étude  des  scien- 
ces prit  sur  lui  tant  d'empire,  qu'il  alla 
à  Inspruck,  oii  les  jésuites  lui  ensei- 
gnèrent l'astronomie  et  les  mathéma- 


ANI 

tiques.  Sans  autre  secours  que  leurs 
leçons,  il  exécuta  un  globe  terrestie, 
un  globe  céleste ,  et  divers  instruments 
de  mathématiques.  Le  jésuite  qui  avait 
dirigé  ses  études,  lui  conseilla  de  dres- 
ser des  cartes  du  Tyrol  ;  Anich  com- 
mença par  le  midi  de  cette  province , 
et  son  travail  obtint  un  si  grand  suc- 
cès ,  que  l'impératrice  Marie-Tliéièse 
lui  ordonna  de  dresser  aussi  la  carte 
de  la  partie  septentrionale.  Les  pré- 
jugés superstitieux  de  ses  compatriotes 
rendirent  ses  recherches  difficiles,  et 
quelquefois  même  dangereuses  ;  il  vint 
cependant  à  bout  de  sou  entieprise ; 
mais ,  quand  elle  fut  terminée ,  la  cour 
de  Vienne  trouva  ses  cartes  trop  éten- 
dues, et  lui  donna  l'ordre  de  réunir 
tout  le  Tyrol  sur  une  seule  carte,  qui 
n'eût  pas  plus  de  neuf  feuilles.  Quel- 
que peine  que  dût  éprouver  Anich ,  en 
se  voyant  forcé  de  recommencer  son 
travail  ,  il  s'en  occupa  avec  persévé- 
rance; mais  cette  assiduité  lui  coûta  la 
vie ,  avant  qu'il  eût  achevé  la  carte  du 
nord  du  Tyrol.  Il  mourut  le  i*"^.  sep- 
tembre 1766,  n'ayant  joui  que  deux 
mois  de  la  pension  de  200  florins  que 
l'impératrice  lui  avait  accordée.  Les 
cartes  qu'il  avait  laissées  parurent  à 
Vienne,  en  1774?  sous  le  titre  de 
Tj  rolis-chorographicè  delineata  à 
Pet.  /tnich  et  Blasio  Hueher,  curante 
Ign.  JFeinhart.  {  F.  la  Vie  du  célè- 
bre mathématicien  et  mécanicieii 
P.  Anich,  Munich  ,  1767,  avec  son 
portrait ,  en  allem.)  G — t. 

ANiCfllNI  (  Louis),  graveur.  Ayant 
quitté  la  ville  de  Ferrare,  où  il  était 
né ,  dans  le  1 6'.  siècle ,  il  vint  à  Ve- 
nise, où  il  se  livra  entièrement  à  la 
gravure  des  médailles  et  à  celle  des 
pierres  fines.  Ses  médailles,  représen- 
tant Henri  II  ,  roi  de  France,  et  le 
pape  Paul  III  ,  sont  fort  estimées. 
Michel-Ange  en  fut  si  content,  qu'a- 
près les  avoir  considérées  attentive- 


ANI 

ment,  il  dit  que  cet  art  avait  atteint  la 
perfection.  Anichini  mettait  une  telle 
précision  et  une  telle  finesse  dans  ses 
ouvrages,  que,  même  ceux  de  la  plus 
petite  dimension,  sont  remplis  de  sen- 
timent et  d'amej  on  ignore  l'ëpoque  de 
sa  mort.  P — e. 

ANIELLO.  V.  Mazamello. 
ANIEN  ,  jurisconsulte  du  5*".  siè- 
cle, fut  un  des  principaux  officiers 
d'Alaric  II ,  roi  des  Visigotbs  ,  qui , 
ayant  reconnu  la  ne'cessite'  de  donner 
des  lois   sages  à  l'Espagne  ,  le  char- 
gea de   ce   travail.    Ce  jurisconsulte 
parvint  à  se  procurer  une  copie  des 
Institutes  de  Gaïus,  ouvrage  juste- 
ment estimé ,  qui  fit  naître  long-temps 
après,  à  Justiuieu,  le  désir  de  rassem- 
bler ses  Institutes ,  dans  lesquels  on 
fit  beaucoup  d'usage  de  celles  de  Gains. 
Oïl  a  d'autant  plus  admire  la  sagesse 
et  la  profondeur  des  lois  des  Visigotbs, 
qu'elles  ont  été  publiées  dans  un  temps 
de  barbarie;  mais  l'étonnement  cesse , 
lorsqu'on  sait  qu'elles  ont  été  prises 
dans  un  code  composé  dans  les  beaux 
temps  de  la  république  romaine.  Les 
savants  ont  prétendu  long-temps  que 
les  lois  des  Visigotbs  étaient  une  imi- 
tation, ou  au  moins  un  abrégé,  des 
Institutes  de  Gains  ;  mais  des  juriscon- 
sultes plus  éclairés ,  et  Cujas  à  leur 
tête ,  ont  prouvé  que  c'était  une  er- 
reur. Elles  n'en  sont  pas  une  imita- 
tion, puisque  le  beau  latin  qu'on  y 
remarque  n'était  pas ,  à  coup  sûr,  ce- 
lui qu'on  parlait  du  temps  d'Alaric; 
elles  n'en  sont  pas  même  un  abrégé, 
puisque  les  passages  qu'on  y  trouve 
en  grand  nombre  sont  absolument  les 
mêmes  que  ceux  que  Justinien,  les 
empruntant  de  Gains,  a  placés  tout 
entiers  dans  ses  Institutes.  Anien  fiit , 
à  la  vérité,  obligé  de  retrancher  de 
ces  lois  tout  ce  qui  était   contraire 
aux  mœurs  et  aux  coutumes  des  Visi- 
gotbs ,  pom'  les  faire  adoptex'  par  Ala- 


ANI  i83 

rie  :  c'est  ce  qui  fait  que  les  Institutes 
de  Gaïus,  qui  forment  quatre  livres, 
ont  été  léduits  à  deux  par  Anien. 
C/est  encore  à  lui  que  nous  devons  le 
seid  ouvrage  qui  reste  de  Julius  Pau- 
lus,  ce  savant,  cité  par  les  historiens 
pour  la  fécondité  de  sa  plume  et  la 
profondeur  de  ses  connaissances  ;  cet 
ouvrage  a  pour  titre  :  Receptarum 
sententiarum  libri  quintjue.  Quel- 
ques auteurs  ont  cru  que  les  loi.î  des 
Visigotbs,  connues  sous  le  nom  de 
Code  Alaric ,  étaient  tuées  du  Code 
Théodosien  ;  c'est  une  errem*  qui 
vient  de  ce  qu'Anien  a  publié  un  abrégé, 
ou  plutôt  quelques  fragments  du  Coide 
Grégorien  et  Théodosien  ,  l'un  tt 
l'autre  en  vigueur  avant  celui  de  Jus- 
tinien. 11  publia  ces  fragments  en  5 06, 
à  Aire,  en  Gascogne,  dans  le  temps 
qu' Alaric  se  préparait  à  la  guerre  dans 
laquelle  il  fut  tué  par  Glovis  :  il  paraît 
que  c'est  à  la  même  époqne ,  et  dans  la 
même  bntaille ,  que  périt  Auien,  aussi 
estimé  par  sa  bravoure ,  que  par  la  pi'o- 
fondcur  de  son  jugement.      M — x. 

ANILÉE  et  ASIINÉE  ,  frères  juifs 
de  Babylone  ,  apprentis  tisserands  , 
pour  se  soustraire  aux  mauvais  traite- 
ments de  leur  maître  ,  prirent  les 
armes  ,  rassemblèrent  des  gens  déter- 
minés ,  se  fortifièrent  dans  des  marais 
formés  par  l'Euphrate  ,  et  repoussè- 
rent le  gouverneur  de  Babylone ,  qui 
avait  voulu  les  surprcndi'e.  Ges  ex- 
ploits inspirèrent  de  l'estime  à  Arta- 
bane ,  roi  des  Parthes ,  qui  ordonna 
de  les  laisser  en  paix  dans  le  canton 
dont  ils  s'étaient  saisis.  Quinze  ans 
après  ,  Anilée  avant  épousé  la  femme 
d'un  seigneur  parthe  qu'il  avait  tue  , 
celte  femme  apporta  ses  idoles ,  et  em- 
poisonna Asinée ,  sou  beau-frère ,  qui 
l'avait  voulu  faire  répudier.  Quelque 
temps  après  ,  Anilée  fut  surpris  et  tué 
par  les  Babylpniens  ,  l'an  4f>  <ie  J.-C. 


i8i  ANI 

ANISIO  (  Jean  ),  ou  Janus  AW- 
SIUS,  poète  latin  mudcinie ,  né  à  Na- 
p!es ,  vers  l'an  1 4  7  ">  ?  ^^^  très-jeune  ses 
humanités  ,  étudia  cinq  ans  les  lois  , 
pour  obéir  à  son  père ,  et  se  livra  en- 
tièrement à  la  poésie,  à  i4  ans,  pour 
obéir  au  penchant  qu'il  avait  reçu  de 
la  nature.  11  fit  quelques  voyages  hors 
des  états  de  Naples  ,  et  demeura  plu- 
sieurs années  à  Rome,  où  il  se  lia  avec 
les  membres  les  plus  distingués  de  l'a- 
cadémie romaine  :  ce  fut  sans  doute 
a'ors  qu'il  changea ,  selon  la  coutume 
de  cette  académie,  son  prénom  mo- 
derne pour  un  ancien,  et  qu'au  lieu  de 
Joannes  ,  il  s'appela  Jaims.  De  re- 
tour dans  sa  patrie ,  la  poésie  latine 
Tociupa  tout  entier,  et  il  s'y  fit  une 
grande  réputation,  qui  se  serait  sans 
doute  mieux  conservée,  s'il  avait  com- 
posé moins  de  vers.  11  était  ecclé.ias- 
tiquc.  On  ignore  s'il  posséda  des  hé- 
iiélices.  A  en  croire  INiccolo  Franco  ,  il 
en  était  peu  digne  par  ses  moeurs  ;  mais 
on  doit  peu  de  fui  à  cet  écri\ain  pas- 
sicniné  ;  et  l'on  eu  doit  davantage  aux 
écrits  d'Anisio,  qui  ne  respirent  que 
rhoniiêtdé  et  l'amour  de  l'étude.  On 
croit  qu'il  mourut,  vers  l'an  i54o, 
âgé  d''nviron  G8  ans.  On  a  de  lui  : 
I.  Jani  Inysii  po'émata  et  scUrœ , 
€1,(1  Pompeium  Columnam  cardina- 
lem  ,  Naples  ,  i55i  ,  in-4".  Ce  titre 
est  ainsi,  mais  le  volume  ne  contient 
point  les  satires  de  l'auteur  :  il  contient, 
au  contraire,  ses  Sentences  eu  vers 
ïambes  ,  que  le  titre  n'annonce  pas. 
11  jiaraît  donc  qu'il  y  faut  lire  Senlen- 
tiœ,  au  lieu  de  Satjrœ.  Ses  Sentenliœ, 
l'ersis  ïamhicis  desci'iptœ,  ont  été 
réimprimées  dans  le  Recueil  de  divers 
auteurs  sur  Véducalioii  des  enfants , 
Bàle ,  ifi  +  i  ;  ses  Lglogucs  l'ont  été 
dans  la  Collection  des  auteur?,  buco- 
liques,  Bàle  i5/iG,  in -8".  11.  Su- 
irrcp  tid  FompeiuniCvlumnujn  cardi- 
nalem  j^aiAcs  ,  i55.2  ,  iu-4". }  HT. 


ANI 

Profogenos  ,  tragmdia  ,  Naples  , 
1 556 ,  in-4°.  Ce  Protogenos  est  notre 
premier  père  Adam.  La  tragédie  est 
fort  longue  ,  et  n'est  pas  très-bonne  j 
elle  éprouva  beaucoup  de  critiques , 
qui  donnèrent  lieu  aux  écrits  suivants  : 
IV.  Commentariolus  in  tragœdiain. 
jépologia ,  Epislolœ ,  Correcliones  , 
pièces  imprimées  sans  date ,  mais  qui 
suivirent  sans  doute  la  tragédie ,  et  qui 
en  sont  comme  l'appendice  j  V.  Epis- 
tolce  de  religione  et  epigrammala  , 
Naples  ,  1 558 ,  in-4''.  Anisio  eut  plu- 
sieurs frères  ,  l'un  d'eux  ,  nommé 
Cosme ,  médecin  de  profession ,  fut 
aussi  poète  latin.  Ses  OEuvres  ont  été 
publiées  à  Naples  ,  1 557  '  i^'i"-  ■>  ^" 
un  volume,  qui  contient  des  Poésies 
diverses ,  des  Facéties  ,  des  Satires  , 
des  Épigrammes  traduites  du  grec  , 
des  Sentences  ,  et  un  Commentaii'C 
sur  les  Satires  de  son  frère  Janus. 

G— E. 

ANISSON  (  Lavrent  )  ,  impri- 
meur à  Lyon,  et  écheviu  en  1670, 
est  le  premier  de  son  nom  qui  se  soir 
distingué  dans  la  liijrairie.  C'est  de 
ses  presses  qu'est  sortie  la  Bibliothè- 
que des  Pères  (  Bibliolheca  maxima 
velerum  Pairum  et  antiquorum 
scriptorurn),  Lyon,  1677,  117  vol. 
in-fol.  Phil.  Despont  fut  éditeur  de 
cette  importante  coll.- ciion,  à  laquelle 
on  joint ,  1.  Apvnratus  ad  Biblio- 
thecam  ma.v.  Patrum,  de  N.  T-e 
N  ourry,  Paris,  1 7  o5- 1 5,  a  vol.  in-fol.  ; 
II.  Index  Bibliot.  max.  Patrum,  de 
vSimon  de  Ste.-Croix,  Gênes,  170-^, 
in-ful.  —  AmssoN  (Jean),  son  fils, 
fut  aussi  imprimeur  à  Lyon,  et  se 
chargea  de  l'impression  du  Glossa- 
riuni  ad  scriptores  mediiC  et  in/iuut: 
grœcitatiSydi':  Ducange,  1O88,  -i  \ol. 
in-fol.,  ouvrage  que  les  libraires  de 
Paris  refusaient  d'imi)rimer.  «  Ce 
»  Glossaire,  dit  Pernotti,  eut,  pour 
«  premier  concctcur ,  Jacf[ues  Sjkhi. 


A^I 

»  et  pour  dernier,  le  P.  Colonia,  je- 
»  suite  qiii  avoue  que  J.  Anisson ,  y 
»  travaillait,  et  entendait  fort  bien  le 
»  grec.  »  J.  x\nisson  eut,  en  1701  ,  la 
direction  de  l'imprimerie  royale,  qu'il 
remit,  en  1705,  à  Claude  Rigaud , 
son  beau-frère;  il  devint  députe  de  la 
ville  de  Lyon  à  la  Chambre  du  com- 
merce ,  à  Paris ,  et  en  remplit  les  fonc- 
tions jusqu'à  sa  mort ,  arrive'e  en  no- 
vembre 1721.  —  Amsson  (  Jacques  ) , 
lière  de  Jean,  fut  aussi  libraire,  e'che- 
vin  en  1 7  1 1 ,  et  mourut  en  1 7 1 4 — 
Anisson  (  Louis  -  Laurent  ) ,  fils  de 
Jacques,  obtint,  en  i7'^3,la  direc- 
tion de  l'imprimerie  royale,  que  Claude 
Eigaud,  son  oncle,  ne  pouvait  plus 
exercer  à  cause  de  sa  mauvaise  santé'. 
Louis -Laurent  mourut  en  1 761 ,  sans 
postérité.  —  Anisson  f  Jacques),  frère 
de  Louis-Laurent,  lui  fut  adjoint  en 
I  755 ,  et  obtint  sa  survivance.  Il  rem- 
plit avec  distinction  la  même  car- 
rière que  ses  prédécesseurs  ,  et  mou- 
rut en  1-^88.  G.  P— t. 

ANISSON-DUPERON  (  Etienne- 
Alexandre- Jacques  ) ,  fils  de  Jacques 
Anisson,  né  à  Paris,  en  i74B,fut, 
€n  1783,  directeur  de  l'imprimerie 
royale ,  et  le  fut  ensuite  de  l'imprime- 
rie executive  nationa'e.  En  1790,  il 
publia  une  Lettre  sur  l'impression  des 
assignats  ,  et  fit  inutilement  plusieurs 
tentatives  pour  être  chargé  de  leur 
confection.  En  décembre  de  la  même 
année ,  il  exécuta  le  décret  qui  lui  or- 
donnait de  faire  l'inventaire  des  effets 
existants  à  l'imprimerie  royale ,  et  de 
le  déposer  aux  archives.  Le  4  juillet 
179'2,  inculpé  pour  l'impression  d'un 
arrêté  inconstitutionnel  du  départe- 
ment de  la  Somme,  i!  produisit,  à 
l'assemblée  législative  ,  l'ordre  qui  lui 
en  avait  été  donné  par  le  secrélaire- 
{:;énéral  du  ministère  de  l'intérieur. 
Après  le  10  août,  Anisson  fnt  obligé 
de  quitter  l'établissement  qu'à  i'cxem» 


ANJ  i8^> 

pie  de  ses  sfncêtres ,  il  avait  enrichi  rt 
illustré.  Arrêté  en  germinal  an  1 ,  il 
employa  tous  ses  efforts  pour  recou- 
vrer sa  liberté,  et  il  essaya  de  faire 
distribuer  des  sommes  considérables 
à  quelques  meinlires  des  autorités  de 
Ris  et  de  Corbeil.  Ce  moyen  accé- 
léra sa  perte  ;  il  fut  traduit  devant 
le  tribunal  révolutionnaire  ,  et  con- 
damné à  mort,  le  6  floréal  an  2  f  25 
avril  1794)?  et  non  le  26  novembre 
1793.  On  a  d'Anisson-Duperron  un 
Premier  Mémoire  sur  l'impression 
en  lettres ,  suivi  de  la  Description 
d'une  nouvelle  presse  ^  1786,  in-4". 
Ce  mémoire,  lu  à  l'académie  des  scien- 
ces, le  3  mars  1783,  avait  été  im- 
primé dans  le  tome  X  des  Mémoires 
de  mathématiques  et  de  physique 
des  Savants  étrangers.  L'auteur  s'y 
porte  inventeur  delà  presse  à  un  coup. 
Cependant,  cette  invention  est  récla- 
mée par  MM.  Didot,  comme  ayant 
imprimé  ,  en  1777,  avec  une  presse 
de  cette  forme,  le  Daphnis  et  Chloé 
de  Villoison.  On  peut,  à  ce  sujet, 
consulter  une  note  de  YEpître  sur  les 
progrès  de  l'imprimerie ,  à  la  suite 
d'un  Essai  de  Fables  nouvelles ,  par 
Didot  fils  aîné ,  Paris  ,  i  786 ,  in- 1 2, 

G.  P— T. 

ANITUS.  For.  Anytus. 

ANJOU  (  François  deFrance  ,  duc 
d')  ,  fils  de  Henri  II  et  de  Catherine 
de  Médicis  ,  frère  des  rois  Fran- 
çois II,  Charles  IX  et  Henri  III ,  naqm't 
en  1 554,  porta  d'abord  le  titre  de  duc 
d'.\lcnçon,  et  fut  envoyé,  en  i575,  au 
siège  de  la  Rochelle,  avec  son  frère  le 
duc  d'Anjou,  depuis  Henri  III,  contre 
lequel  il  témoigna  toujours  une  secrète 
jalousie.  La  reine-mère, ne  lui  voyant 
pas  le  même  éioignement  qu'à  ses 
autres  fils  pour  le  parti  protestant , 
lui  reprocha  souvent  cette  espèce  de 
condescendance ,  et  surtout  l'estime 
(ju'il   manifestait  pour  l'anùial  Co- 


i86  A^J 

li^ni  :  cette  princesse  ayant  vu  clans 
îes  papiers  de  Coligni ,  après  sa  mort , 
qu'il  avait  conseille  à  Charles  IX  de 
ne  point  accorder  d'apanage  considé- 
rable à  son  frère  le  duc  d'Alençon , 
dit  à  ce  prince  :  «  Voilà ,  mon  fils,  les 
»  conseils  de  votre  ami.  —  Je  ne  sais 
»  pas,  repondit  le  duc,  s'il  m'aimait 
»  beaucoup;  mais  je  sais  que  ce  cou- 
»  soil  est  d'un  homme  qui  aimait 
»  l'c'tat,  »  A  la  mort  de  Charles  IX, 
un  parti  puissant  voulut  empêcher  le 
retour  en  France  de  Henri  III,  alors 
roi  de  Pologne,  et  assurer  la  couronne 
au  duc  d'Alençon;  mais  la  cour  prévint 
l'exécution  de  ce  complot ,  en  faisant 
arrêter  ce  prince  et  le  roi  de  Navarre 
Henri  IV,  qui  furent  transférés  à  Vin- 
cennes.  Leduc  d'Alençon,  interrogé, 
répondit  avec  la  timidité  d'un  conpa- 
l>lc ,  et  fut  cause  de  la  perle  do  sou 
favori  Lamole,  qui  fut  décapité.  Hen- 
ri III ,  ayant  été  reconnu  ,  mit  son 
frère  en  liberté  ;  mais  ,  quatre  ans 
après ,  ce  prince  se  retira  de  la  cour , 
parce  qu'on  lui  avait  refusé  la  lieute- 
iiancc  -  générale  du  royaume.  Il  fut 
joint  aussitôt  par  toute  la  noblesse  pro- 
testante ,  et  le  prince  de  Condé  lui 
amena  d'Allemagne  20,000  hommes. 
Tandis  que  la  moitié  de  la  France  lui 
confiait  ses  plus  chers  intérêts  ,  ce 
prince,  à  la  tête  d'une  armée  nom- 
breuse, ne  se  proposait  autre  chose 
que  de  venger  son  favori  Lamole.  Ja- 
loux d'ailleurs  du  roi  de  Navarre  et 
du  prince  de  Condé ,  ses  rivaux  de 
gloire,  il  fit  bientôt  la  paix  avec  la 
cour  pour  ses  intérêts  particuliers ,  et 
reçut  en  apanage  le  Berri,  la  Tou- 
rainc  et  l'Anjou  ;  cette  dernière  pro- 
vince fut  alors  érigée  en  duché ,  et  il 
en  prit  le  titre.  La  guerre  civile  recom- 
mença en  1576,  et  ce  même  prince, 
qui ,  dans  la  guerre  précédente  ,  avait 
été  le  chef  du  parti  huguenot,  fut,  dans 
celle-ci,  le  chef  du  parti  calhohquc.  11 


ANJ 

commanda  l'année  qui  prit,  sur  les 
calvinistes,  la  Charité-sur-Loire ,  et 
Issoire  en  Auvergne-  Appelé  l'année 
suivante  au  secours  des  Flamands  ré- 
voltés contre  Philippe  II,  il  enleva 
quelques  villes  aux  Espagnols  ;  mais 
Henri  III ,  qui  désapprouvait  cette  dé- 
mai'che,  le  fit  arrêter.  Le  duc  d'Anjou, 
ayant  échappé  à  la  surveillance  de  ses 
gardes  ,  descendit  avec  une  échelle  de 
soie  par  une  fenêtre  du  Louvre ,  et  fut 
conduit,  par  son  favori  Bussv  d'Ara- 
boise,  à  l'abbaye  Saint-Germain  ,  d'où 
il  sortit  de  Paris  par  un  trou  pratiqué 
aux  murs  de  la  ville.  La  reine  de  Na- 
varre, sa  sœur,  avait  tellement  dis- 
posé les  esprits  en  sa  faveur  dans  les 
Pays-Bas ,  qu'il  en  fut  reconnu  souve- 
rain. Après  avoir  fait  son  traité  avec 
les  confédérés  ,  il  se  rend  en  Guienne 
pour  négocier  la  paix  avec  les  protes- 
tants ;  repasse  ensuite  dans  les  Pays- 
Bas  avec  45^00- chevaux  et  10,000 
hommes  d'infanterie ,  délivre  Cam- 
brai assiégé  par  le  duc  de  Parme,  y 
fait  son  entrée  en  i58i,  chasse  les 
Espagnols  d'Orleux  et  de  l'Écluse , 
et  leur  enlève  Cateau  -  Cambrésis.  Il 
passe  la  même  année  en  Angleterre, 
pour  conclure,  avec  la  reine  Elisa- 
beth ,  son  mariage  qu'avait  négocié  la 
la  cour  de  France.  De  tous  les  préten- 
dants à  la  main  de  cette  princesse, 
c'est  le  duc  d'Anjou  qui  a  été  le  plus 
près  de  l'obîenir.  Ses  anciennes  liai- 
sons avec  les  réformés  de  France  , 
rattachement  qu'il  avait  montré  pour 
l'amiral  de  Coligni ,  étaient  des  titres 
de  recommandation  auprès  de  la  reine 
d'Angleterre  :  elle  alla  au  -  devant  de 
lui  jusqu'à  Cantorbéry  ,  et,  malgré  l'é- 
norme disproportion  d'âge ,  le  mariage 
fut  résolu ,  au  grand  mécontentement 
des  Anglais.  Elisabeth  donna  au  duc 
d'Anjou  un  anneau,  gage  de  sa  foi; 
mais  elle  s'en  repentit  bientôt,  et  rom- 
pit le  mariage.  «  Il  ne  ferait ,  dit-elle 


ANJ 

»  au  prince ,  ni  votre  bonheur  ni  le 
»  mien.  Vous  ne  connaissez  pas  le 
»  peuple  anglais  j  jamais  un  prince 
»  catholique  et  français  ne  doit  comp- 
»  ter  sur  son  obéissance.  J'aurais  moi- 
»  même  la  douleur  d'être  perpe'tuelle- 
»  ment  place'e  entre  mon  peuple  et  mon 
1)  époux.  »  Le  duc  d'Anjou  s'empor- 
ta, brisa  l'anneau  de  la  reine,  et  vou- 
lut partir.  Ehsabeth,  qui  l'aimait,  le 
retint  encore  pendant  trois  mois ,  qui 
se  passèrent  en  fêtes  ,  et ,  ne  cessant 
de  lui  donner  des  marques  de  con- 
fiance et  d'amitié,  elle  le  conduisit 
jusqu'à  Cantorbéry,  lui  fit  des  pré- 
sents considérables,  et  ordonna  à  des 
seigneurs  de  sa  cour  de  l'accompagner 
eu  Flandre  ,  et  de  le  recommander 
en  son  nom  aux  états.  Éhi  solennelle- 
ment souverain  des  Pays-Bas  ,  eu  fé- 
vrier i582,  le  duc  d'Anjou  fut  cou- 
ronné duc  de  Brabant ,  comte  de 
Flandre,  et  installé  par  le  prince  d'O- 
range ,  qui  se  contenta  du  titre  de 
lieutenant-général  ;  mais  le  duc  d'Anjou 
conçut  bientôt  le  dessein  d'usurper 
une  autorité  indépendante,  et  de  violer 
les  privilèges  d'une  nation  qui  venait 
de  lui  en  coniier  la  défense.  Il  fallait 
s'emparer  de  toutes  les  places  fortes,  et 
de  la  personne  même  du  prince  d'O- 
range. L'entreprise  réussit  d'abord 
sur  quelques  villes  ;  mais  elle  échoua 
sur  Anvers.  Les  habitants  prennent  les 
armes,  se  joignent  aux  troupes  du 
prince  d'Orange ,  repoussent  et  mas- 
sacrent les  Français  ;  le  duc  d'Anjou 
n'a  que  le  temps  de  fuir,  laissant  aSo 
gentilshommes  et  ir>-oo  soldats  sur  la 
place ,  et  2,000  prisonniers.  Anvers 
lui  ferme  le  passage  de  l'Escaur ,  Ma- 
lines  inonde  ses  environs,  et  ce  ne 
fut  qu'à  travers  une  plaine  immense 
d'eau  que  le  prince  français  parvint, 
à  la  faveur  de  mille  détours,  jusqu'à 
Euremonde ,  où  il  rallia  les  débris  de 
soa  aimée.  Il  eu  perdit  encore  une 


ANK  187 

partie  à  Staembf  rg ,  et  arriva  enfin 
sur  le  territoire  de  France.  Catherine 
de  Médicis  vint  le  chercher  elle-même 
pom'  le  ramener  à  la  cour ,  et  le  trouva 
dans  une  grande  agitation  d'esprit, 
causée  par  la  confusion  et  la  honte.  11 
ne  pouvait  même  souffrir  la  présence 
de  sa  mère,  et  passa  six  mois  dans  une 
entière  solitude.  Négligé  à  la  cour, 
parce  qu'il  était  malheureux ,  on  finit 
par  le  rechercher ,  comme  étant  l'hé- 
ritier présomptif  de  la  couronne.  Le 
duc  de  Guisê  l'attira  d'abord  dans  le 
parti  de  la  Ligue  ;  ce  qui  n'empêcha 
pas  le  duc  d'Anjou  de  se  déclarer  con- 
tre cet  ennemi  de  sa  maison,  et  d'a- 
jouter à  la  haine  du  roi  pour  les  princes 
lorrains.  Ou  remarqua  depuis  une 
grande  altération  dans  sa  santé  ;  atta- 
qué par  une  sorte  de  phthisie,  la  vio- 
lence de  la  toux  lui  rompit  une  veine, 
et  il  vomit  le  sang,  ce  qui  fit  trouver 
quelque  conformité  entre  sa  maladie 
et  celle  qui  avait  emporté  Charles  IX. 
Il  mourut,  le  10  juin  i584  ?  à^'ingt- 
neuf  ans  ,  laissant  pour  trois  cent 
mille  écus  de  dettes.  Le  roi  aima  mieux 
dépenser  deux  cent  mille  écus  à  ses 
funérailles ,  que  de  les  payer ,  ce  qui  fit 
dire  que  le  duc  d'Anjou  n'était  pleuré 
que  de  ses  créanciers.  B — p. 

ANJOU.  Foy.  Charlis,  Louis, 
Margueritte,  Marie,  Re'ne  ,  Ro- 
bert d'. 

ANKARCRONA  (Théodore), 
amiral  suédois ,  naquit  à  Carlscronn  , 
en  1687.  S' étant  apphqué  au  com- 
merce chez  son  oncle  ,  établi  à  Ams- 
terdam ,  il  entra  au  ser\-ice  de  la 
compagnie  hollandaise  des  Indes  oc- 
cidentales ;  mais ,  dans  son  premier 
voyage,  il  fut  pris  par  un  corsaire 
français.  Son  goût  pour  la  mariiio 
l'engagea  à  servir  sous  le  chevalier  de 
Forbin  ;  il  passa  ensuite  en  Angle- 
terre ,  011  il  parvint  au  grade  de  lisu-. 
tenant  de  la  marine  royale.  Son  inîrc- 


if^  A  N  K 

pidite  et  ses  talents  s'étaient  montrés 
dans  plusieurs  occasions ,  et  il  en 
donna  de  nouvelles  preuves ,  lorsqu'il 
fut  retourne  dans  sa  patrie.  Ce  fut  lui 
qui  fit  parvenir  heureusement  en 
Allemagne  le  roi  Stanislas  et  sa  fa- 
mille ,  lorsqu'à  la  suite  des  revers  de 
Charles  XII,  Auguste  eut  reconquis  la 
Pologne.  En  1 7  1 5  ,  il  conduisit  Char- 
les XII  lui  -  même  ,  de  Stralsund  en 
Suède  ,  à  travers  les  glaces,  et  au  mi- 
lieu d'une  obscurité  profonde.  Le  roi 
l'avança  dans  la  marine^  et  lui  donna 
des  titres  de  noblesse.  Il  devint  en- 
suite ,  successivement  ,  amiral ,  gou- 
verneur de  la  province  de  Stockholm, 
commandant  de  l'ordre  de  l'épée ,  et 
mourut,  en  1750,  âgé  de  soixante- 
neuf  ans.  N'ayant  point  laissé  de  fils , 
ses  titres  de  noblesse  passèrent  à  son 
frère.  C—- au. 

ANK.\RSTROOM.  ror.ANCKAns- 

TROEM. 

ANKWICZ ,  nonce  du  palalinat 
deCracovic ,  ambassadeur  de  Pologue 
à  la  cour  de  Danneraarck ,  de  retour  à 
Varsovie  ,  vers  la  fin  de  179*2,  fut, 
l'année  suivante,  à  Grodno  ,  un  des 
membres  les  plus  actifs  de  la  diète, 
et  signa,  le  20  juillet  1795  ,  au  nom 
du  roi  et  de  la  république  de  Pologne, 
à  la  suite  du  second  partage ,  le  traité 
d'alliance  avec  la  Russie.  Soupçonné 
d'avoir  voulu  asservir  son  pays  à  la 
cour  de  Pétersbourg  ,  il  fut  arrêté  lors 
de  l'insurrection  de  Varsovie,  le  i8 
avril  1 794 ,  jugé  sur  ses  lettres ,  trou- 
vées parmi  celles  du  général  russe 
Igelstrom  ,ct  pendu  devant  l'hôlel-de- 
villc  de  Varsovie.  A  la  demande  du 
peuple,  son  corps  fut  jeté  dans  la 
sépulture  des  malfaiteurs.  Ankwicz 
était  éloquent,  ambitieux;  son  peu  de 
fortune,  et  l'amour  du  jeu  le  jetèrent 
daiis  l'intrigue ,  et  préparèrent  sa  triste 
fin.  B— p. 

ANLY  (Ji:an  n'),  hisloricu;  ué  à 


ANN 

Montmédy  ,  florissait  vers  le  miKea 
du  16".  siècle.  On  conservait  de  lui , 
à  l'abbaye  d'Orval,  dans  le  pays  de 
Luxembourg ,  un  manuscrit  in  -  fol., 
intitulé  :  Recueil  et  abrège'  de  plu- 
sieurs Histoires ,  conlenajit  les  faits 
et  gestes  des  Princes  d' Ardemies , 
etc.;  ensemble  une  Table  généalogi- 
que de  la  postérité  de  Clodion-le- 
Chevelu ,  etc.  N — l. 

ANNAT  (  François  ).  On  lit  dans 
le  Menagiana ,  que  le  nom  de  ce  fa- 
meux jésuite  étatt  Canard  ,  et  que, 
pour  éviter  les  mauvaises  plaisante- 
ries, il  le  latinisa  en  celui  àiAnnat. 
Il  naquit  à  Rhodez,  en  1607  ,  pro- 
fessa la  philosophie  et  la  théologie, 
pendant  treize  ans  à  Toulouse  ,  et  fiit 
appelé  à  Rome,  pour  y  être  censeur 
des  livres  que  publiaient  les  auteurs 
d*  la  société,  et  théologien  du  gé- 
néral. Il  revint  en  France,  et  fat  suc- 
cessivement recteur  des  collèges  de 
Montpellier  et  de  Toulouse.  Sa  pro- 
vince le  députa  ,  en  i645  ,  à  la  hui- 
tième congrégation  générale  des  jé- 
suites; il  remplit,  sous  le  général  Ca- 
raffe  ,  la  fonction  d'assistant  de  Fran- 
ce ,  qui  lui  fut  continuée  sous  Pic- 
colomiui.  Revenu  dans  sa  patrie  , 
avec  la  quahté  de  provincial ,  il  fut 
choisi,  en  ïG54  ,  pour  confesseur 
de  Louis  XIV  ,  poste  qu'il  occupa 
pendant  seize  ans.  L'âge  lui  ayant  af- 
faibli l'ouïe,  il  se  retira  de  la  cour, 
et  mourut,  quatre  mois  après,  dans  la 
maison  professe  de  Paris ,  le  1 4  jiùa 
1670.  Ou  remarque,  à  son  avantage , 
qu'il  n'avait  point  profité  de  sa  place 
de  confesseur  du  roi,  pour  avancer 
sa  famille  ,  quoiqu'il  eût  été  forte- 
ment sollicité  à  ce  sujet.  Le  P.  Sotwel 
l'appelle  le  Marteau  des  hérésies  ,  et 
surtout  de  la  nouvelle  hérésie  du 
jansénisme.  Il  est  vrai  ,  qu'après 
avoir  agi  puissamment  à  Rome  pom- 
obtenir  U  IniUc  d'Innocent  X,  contLc 


ANN 

les  cinq  propositions  attribuées  à  l'e'- 
vcque  d'Ypres ,  il  réussit ,  par  le  cre'- 
dit  du  cardinal  Mazarin  et  de  M.  de 
Marca ,  à  faire  déclarer ,  dans  ras- 
semblée du  clergé  de  France  ^  qu'elles 
sont  tirées  du  livre  de  cet  évêque.  Il 
fut  l'ame  du  parti  oppose  à  Port- 
Royal  ,  et  le  promoteur  de  tous  les  ac- 
tes d'autorité  que  fit  le  gouvernement 
pour  ériger  le  Formulaire  d'Alexan- 
dre VII  en  loi  de  l'état.  Entraîné  dans 
une  guerre  très -vive  avec  MM.  de 
Port-Royal,  pour  se  venger  des  coups 
que  lui  portèrent  ces  célèbres  tliéolo- 
giens  ,  il  fit  déférer  et  condamner  en 
Sorbonne  les  deux  propositions  qui 
provoquèrent  l'expulsion  du  grand  Ar- 
naiild  de  la  faculté  de  théologie;  mais 
tous  ses  efforts  pour  traverser  la  con- 
clusion de  la  paix  de  Clément  IX,  dont 
on  avait  eu  la  précaution  de  lui  ca- 
cher les  négociations  ,  furent  sans 
succès.  Le  P.  Annat  composa  un  grand 
nombre  d'éciits  polémiques,  principa- 
lement sur  cette  contestation  ,  les  uns 
en  latin ,  recueillis  en  5  vol.  in-4''. , 
Paris,  1666,  les  autres,  en  mauvais 
français.  Le  plus  singulier  est  inti- 
tulé :  le  Rabat-joie  des  Jansénistes  , 
ou  Observations  sur  le  Miracle 
qu'on  dit  être  arrivé  à  Port-Royal. 
Ils  furent,  pour  la  plupart  ,  réfutés 
par  Arnauld  ,  Nicole  et  Pascal.  C'est  à 
lui  que  ce  dernier  adressa  les  l'j'^.  et 
1 8".  Provinciales  ;  les  ouvrages  d' An- 
nat ne  méritent  guère  d'être  tirés  de 
l'oubli  où  ils  sont  tombés ,  avec  les 
querelles  dont  ils  étaient  l'objet,  —  Le 
neveu  du  P.  Annat,  général  de  la  con- 
grégation de  la  doctrine  chrétienne  ,  a 
publié  un  Apparat  méthodique  pour 
la  Théologie ,  en  latin ,  imprimé  en 
l'joo,  et  réimprimé  en  lyoS  ,  1  vol. 
in-4''.  mis  à  X index  à  Rome ,  en  1 7 1 4. 
T— D. 
ANNA  Y  A  (Pedro  de),  amiral 
jwrtugais ,  fut  chargé ,  par  le  roi  Em- 


ANN  iMo 

manuel ,  de  former  un  établissement 
dans  la  ville  de  Sofala,  sur  la  cote 
orientale  d'Afrique ,  vis-à-vis  l'île  de 
Madagascar.  Annaya  quitta  les  ports 
de  Portugal,  en  i5o8,  avec  sis  vais- 
seaux. Sa  navigation  fut  heureuse; 
il  surprit  le  roi  de  Sofala ,  qui  fut 
obhgé  de  donner,  à  Annaya  ,  la  per- 
mission de  bâtir  un  fort  dans  ses  états. 
Quelque  temps  après,  le  roi  de  So- 
fala voulant  se  défaire  d'hôtes  aussi 
dangereux ,  saisit  le  moment  où  An- 
naya avait  détaché  trois  vaisseaux  de 
sa  flotte ,  et  où  la  garnison  du  nouveïfii 
fort  était  affaiblie  par  les  maladies, 
et  vint  l'attaquer.  Le  général  portu- 
gais ,  qui  n'avait  que  trente  hommes 
en  état  d«  porter  les  armes,  le  repous- 
sa avec  perte.  La  nuit  suivante ,  il  vint 
fondre  sur  le  palais ,  et  fut  blessé  par 
le  roi  lui-même  ,  qui  s'était  caché  der- 
rière une  porte  ;  mais  ce  malheureux 
prince  fut  tué  sur-le-champ  par  les  Por- 
tugais ,  ainsi  que  ceux  qui  entreprirent 
de  le  défendre.  Annaya  rétablit  sur  sou 
trône  un  de  ses  fils  ,  à  qui  il  fit  jurer 
une  alliance  inviolable  avec  la  nation 
portugaise.  Celte  conquête  a  été  effec- 
tuée à  peu  près  dans  le  temps  où 
François  d'Almeyda  ,  premier  vice- 
roi  des  Indes  orientales  ,  s'emparait 
des  villes  de  Quilloa  et  Mombassa, 
sur  la  côte  d'Afrique ,  à  une  petite  dis- 
tance, au  sud  ,  de  Sofala.      R — l. 

ANNE.  \J Ancien  et  le  Nouveau 
Testament  parlent  de  plusieurs  fem- 
mes de  ce  nom  ;  la  plus  célèbre  de  toutes 
est  sainte  Anne,  dont  le  nom  heliraïque 
Channah  signifie  gracieuse.  Ayant 
épousé  S.  Joachim ,  elle  devint  mère 
de  la  Sainte  Vierge.  Dès  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise ,  cette  sainte  fut  ho- 
norée ,  ainsi  que  son  époux.  Les  em- 
pereurs Justinien  I".  et  Justmien  II, 
fondèrent  des  églises  en  son  honneur. 
On  assure ,  qu'en  710,  son  corps  fut 
apporte  de  la  Palesliue  à  Constanti- 


ujo  ANN 

iiople.  Plusieurs  églises  d'Occident  se 
vantent  d'avoir  quelques  -  unes  de  ses 
reliques;  mais  ces  prétentions  ne  pa- 
raissent pas  plus  fondées  que  les  ré- 
cits consignés  dans  ks  légendes ,  à 
l'égard  de  cette  sainte ,  dont  la  vie  est 
peu  connue.  S.  Epiphane  est  le  pre- 
mier Père  de  l'Église  qui  nous  ait  ap- 
pris son  nom.  La  mère  du  prophète 
Samuel  portait  aussi  le  nom  <XAnne , 
ainsi  que  la  femme  de  Tobie.  S.  Luc 
fait  mention  d'Anne ,  la  propliétesse , 
fille  de  Phanuel ,  de  la  tribu  d'Aser , 
qui  avait  quatre-vingt-quatre  ans  lors- 
que la  sainte  Vierge  offrit  J.-C.  au  tem- 
ple, et  qui  se  joignit  au  vieillard  Si- 
raéon  pour  prédire  les  merveilles  que 
le  Messie  allait  opérer.  D — t. 

ANNE  CoMNiiNES  ,  fille  de  l'em- 
pereur Alexis  F' .,  et  de  l'impératrice 
Irène  Ducas,  naquit  le  i ''.  décembre 
I  o83.  Elle  raconte  elle-même  les  pro- 
diges qui  accompagnèrent  sa  nais- 
sance ,  avec  une  bonne  foi  qui  montre 
bien  l'esprit  superstitieux  de  son  siècle 
rt  de  sa  nation.  Alexis  était  hors  de 
('onstnnlinO]ile,  occupé  d'une  guerre 
contre  les  Turks,  lorsqu'Jrène,  sen- 
tant les  douleurs  de  l'enfantement ,  fit 
une  croix  sur  sou  ventre,  et  prononça 
ces  paroles  :  «  Petit  enfant,  attends  le 
»  retour  de  ton  ])ère.  »  Anne,  près 
de  voir  le  jour,  obéit,  et  ne  vint  au 
monde  que  lorsqu' Alexis  fut  de  re- 
tour, «  rare  docilité  qui  fut,  dit- 
»  elle,  comme  le  prélude  de  l'obéis- 
»  sance  qu'elle  devait  montrer  à  ses 
»  parents  ,  lorsqu'elle  en  serait  deve- 
»  nue  capable.  »  Alexis  ne  négligea  rien 
pour  l'éducation  de  sa  fille,  qui  étudia 
l'éloquence,  la  poésie,  les  mathéma- 
tiques, la  physique,  la  philosophie  de 
Platon  et  d'Àristole,  et  surpassa  bien- 
tôt en  savoir  les  plus  habiles  de  ses 
maîtres.  Ses  grâces  et  son  esprit  fai- 
saieut  l'admiration  de  la  cour.  Elle 
était  encore  dans  l'enfance ,  lorsqu'elle 


ANN 
fut  demandée  en  mariage  par  Ma* 
leksha ,  sulthan  de  Perse.  Les  Turks 
devenaient  chaque  jour  plus  redou- 
tables; Alexis,  n'osant  pas  refuser  ou- 
vertement sa  fille  à  leur  chef,  fit 
traîner  la  négociation  en  longueur ,  et 
la  foitune  vint  enfin  le  soustraire  à  la 
honte  d'avoir  un  gendre  parmi  les 
ennemis  du  nom  chrétien.  Aune  Com- 
nènes  épousa,  dans  la  suite,  Nicéphore 
Bryenne ,  homme  qui  réunissait  à  une 
haute  naissance ,  un  rare  savoir  et  le 
talent  d'écrire.  La  culture  des  lettres 
avait  donné  à  Bryenne  l'amour  de 
la  paix  et  de  l'obscurité  ,  tandis 
qu'elle  avait  exalté  l'esprit  d'Anne 
Comnènes ,  et  réveillé  dans  son  ame  la 
passion  du  changement,  et  l'impatience 
de  régner.  Dans  la  dernière  maladie 
d'Alexis ,  elle  alla  se  jeter  à  ses  ge- 
noux ,  pour  l'engager  à  déshériter  son 
fils  Jean ,  et  à  choisir  Nicéphore 
Bryenne  pour  son  successeur;  Alexis 
rejeta  les  prières  d'une  fiUc  ambi- 
tieuse, et  laissa  la  pourpre  à  son  fils. 
Quelque  temps  après  la  mort  de  son 
pèie,  Anne,  se  ressouvenant  peu  de 
ce  qu'elle  devait  à  ses  parents,  et  des 
prodiges  qui ,  dans  le  sein  de  sa  mère, 
l'avaient  annoncée  comme  un  modèle 
de  soumission  ,  se  mit  à  la  tète  d'une 
conjuration  pour  détrôner  son  frère 
Jean  ,  et  pour  faire  monter  son  mari 
sur  le  trône.  «  Femme  philosophe , 
M  dit  Le  Beau ,  elle  avait ,  dans  son 
»  parti,  tous  les  philosophes  de  l'em- 
»  pire ,  qui ,  prosternés  à  ses  pieds , 
»  et  la  comblant  d'éloges  outrés,  dé- 
»  clamaient  sans  cesse  contre  la  flat- 
»  teric  et  l'adulation.  »  Ses  trésors  et 
ses  intrigues  avaient  corrompu  la 
garde  du  palais,  et  les  portes  devaient 
s'ouvrir  à  une  certaine  heure  de  la 
nuit  pour  l'exécution  du  complot. 
Tout  était  prêt;  les  conjurés  n'atten- 
daient plus  que  Nicéphore  Bryenne; 
mais^  retenu  par  la  crainte  ou  par  Ir 


ANN 

remords  ,  il  ne  parut  point ,  et  fit 
échouer  la  conspiration.  Anne,  au  dé- 
sespoir, ne  put  retenir  sa  colère  j  elle 
s'emporta  contre  Bryenne ,  qui ,  à  ses 
yeux,  n'était  qu'une  femme,  tandis 
qu'elle  avait  montré  le  caractère  d'un 
homme.  Le  lendemain ,  le  complot  fut 
découvert  ;  l'empereur  confisqua  les 
biens  des  conjurés,  et  leur  fit  grâce  delà 
vie  :  il  offrit  les  biens  d'Anne  Comnènes 
à  l'un  de  ses  favoris  ,  qui  eut  la  géné- 
rosité de  les  refuser ,  et  de  conjurer 
son  maître  de  ne  pas  dépouiller  une 
princesse  qui  lui  appartenait  par  les 
liens  les  plus  sacrés.  Anne  ,  vaincue 
par  tant  de  générosité,  et  dégoûtée 
de  ses  entreprises  par  leur  peu  de 
succès ,  se  condamna  ,  dès -lors  ,  à 
l'obscurité ,  et  se  contenta  de  régner 
sur  les  beaux  esprits  et  les  philo- 
sophes qui  composaient  sa  cour.  Dans 
sa  retraite  ^  elie  perdit  son  mari , 
et,  quoiqu'elle  l'eût  accusé  de  n'être 
qu'une  femme,  sa  mort,  si  on  l'en 
croit,  la  plongea  dans  le  plus  profond 
désespoir;  il  n'était  plus  à  ses  yeux 
que  le  grand  Bryenue,  et  toutes  les 
afflictions  qu'elle  avait  éprouvées  n'é- 
taient ,  en  comparaison  de  cette  perte , 
«  que  comme  une  goutte  d'eau  com- 
»  parée  à  toutes  les  eaux  de  la  mer.  » 
Anne  Comnènes  mourut  en  ii48, 
sous  le  règne  de  Manuel  :  elle  avait 
vu  trois  empereurs.  Témoin,  dans  son 
enfance ,  du  passage  des  premiers  croi- 
sés à  Constantinople ,  elle  put  voir, 
dans  sa  vieillesse,  la  seconde  croisade, 
prêchéeparS.  Bernard,  et  comman- 
dée par  Conrad  III  et  Louis-le-Jeune. 
Anne  avait  un  esprit  inquiet  et  re- 
muant, et  ne  trouva  point  le  repos 
dans  la  solitude.  «  Je  ne  vois  dans 
»  ma  vie ,  disait-elle ,  que  des  afflic- 
»  tions  et  des  peines.  «  Lorsqu'on 
examine  sa  conduite  et  ses  écrits,  il 
est  aisé  de  voir  que  ces  afflictions  ve- 
naient, moins  des  aâectioDS  du  cœur, 


ANN  191 

que  de  l'ambition  trompée.  Toute 
philosophe  qu'elle  était,  elle  mettait 
beaucoup  de  prix  aux  avantages  de  sa 
naissance,  et,  lorsqu'elle  parle  des  dis- 
grâces de  sa  vie ,  elle  remercie  la  for- 
tune de  l'avoir  fait  naître  d'une  impé- 
ratrice et  d'un  empereur.  En  se  plai- 
gnant de  ses  destinées ,  elle  fait  parade 
de  sa  rhétorique  ;  elle  s'efforce  de  faire 
éclater  son  deuil ,  cherche  plutôt  à 
surprendre  l'admiration  de  ses  lec- 
teurs que  leur  pitié,  et  finit  par  dire 
que  le  récit  de  ses  malheurs  ne  doit 
pas  seulement  affliger  les  hommes , 
mais  émouvoir  les  animaux.  Dans  sa 
retraite ,  elle  écrivit  la  Vie  de  son 
père  ,  qui  fait  partie  de  la  Collection 
hysantine,  et  dans  laquelle  on  trouve 
les  défauts  qui  tiennent  à  un  temps 
de  décadence.  L'envie  d'étaler  son 
érudition  ,  et  de  faire  voir  son  es- 
prit ,  entraîne  l'auteur  dans  tous  les 
excès  de  l'affectation  et  de  la  recherche. 
Un  défaut  plus  grave  encore  s'y  fait 
remarquer  presque  à  chaque  page  ; 
partout  l'histoire  prend ,  sous  la  pluine 
d'Anne  Comnènes,  le  ton  et  les  cou- 
leurs du  panégyrique  ',  elle  reconnaît 
elle-même  l'embarras  de  sa  position. 
«  Si  je  donne  des  louanges  à  Alexis , 
»  dit-elle  ,  dans  sa  préface ,  on  me 
»  soupçonnera  de  préférer  ma  propre 
»  gloire  à  la  vérité  ;  d'un  autre  coté,  si 
»  la  nécessité  du  sujet  m'oblige  à  dé- 
»  sapprouver  quelques-unes  de  ses 
»  actions  ,  on  m'accusera  d'impiété.  >» 
L'auteur  aurait  dû  conclure ,  comme 
un  critique  moderne ,  qu'une  fille  ne 
doit  pas  écrire  l'histoire  de  son  père. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  qu'Anne 
Comnènes  est  demeurée  plus  fidèle  à 
la  piété  filiale  qu'à  la  vérité.  Alexis  est 
représenté ,  dans  son  histoire ,  comme 
un  héros  et  comme  un  sage,  quoiqu'il 
ne  fut  ni  l'un  ni  l'autre.  Anne  montre 
partout  les  croisés  dans  ses  récits, 
sous  les  plus  noires   couleurs.  Ce- 


1 92  A  ]S  N 

pendant  le   portrait  l)rillant  qu'elle 
retrace   de    Bohc'mond  a  fait  croire 
qu'elle  n'avait  pas  vu  ce  prince  croisé 
sans   un   tendr*   intérêt  j    mais    elle 
n'avait  que  douze  ans  lorsque  les  ar- 
mées de  l'Occident  passèrent  à  Cons- 
lantinople  pour   aller   à    Jérusalem. 
Quoiqu'elle  eût  revu  Boliémond  quel- 
ques années  après,  dans  l'Epire,  où  il 
faisait  la  guerre  à  Alexis ,  rien  n'an- 
nonce  qu'elle  eut  pour   lui  une  se- 
crète préférence,  et,  dans  le  cours  de 
son  histoire ,  elle  déclame   souvent 
contre  l'ambition ,  la  ruse  et  la  fourbe- 
rie du  prince  deTarente.  Au  reste  Anne 
Comnènes  n'épargne  pas  plus  les  La- 
tins ,  que  les  historiens  latins  n'ont 
épargné  les  Grecs.  Quoique  les  récits 
et  les  plaintes  des  uns  et  des  autres 
soient  exagérés ,  on  y  trouve  cepen- 
dant un  fond  de  vérité  ;  les   Grecs 
avaient  à  se  plaindre  des  guerriers  de 
l'Occident,  et  ceux-ci  n'eurent    pas 
moins  à  se  plaindre  des  (irecs.  Il  y 
avait  beaucoup  de  mal  à  dire  des  uns 
et  des   autres.  INous  devons  à  Anne 
Comnènes  plusieurs  particularités  cu- 
rieuses ,  qui ,  sans  elle ,  seraient  per- 
dues poiu-  l'histoire  ;  mais  on  lui  a 
reproché ,  avec  raison  ,  de  se  perdre 
dans  les  détails  ,  et  de  négliger  quel- 
quefois les  faits  importants.  Elle  cou- 
fond  souvent  les  époques ,  dénature 
les  événements  et  les  noms  des  per- 
sonnages;   elle  rapporte  quelquefois 
des  prodiges  et  des  fal)les,  qu'on  croyait 
de  son  temps  à  Constantinople,  et  qui 
prouvent  que  les  Grecs  du  1 2' .  siècle 
ii'étaicnt   guère  moins    superstitieux 
que  les  Latins  ;  en  un  mot ,  sou  ou- 
vrage est  ,  en  beaucoup  d'endroits , 
un  guide  très-infidèle ,  et  ceux  qui  y 
cherchent  la  vérité ,  ne  doivent  le  lire 
qu'avec   les  Notes  judicieuses  et  les 
savants    0)mmentaires    de  Ducange. 
l'Alexiade,  ou  X Histoire  tVJlexis, 
divisée  eu  quinze  livres,  a  élé  iMipû- 


ANN 

mée  plusieurs  fois  ;  une  des  meilleures 
éditions  est  celle  du  Louvre ,  avec  les 
notes  de  David  Hoeschelius ,  in-fol.  , 
]65i.  Le  président  Cousin,  qui  a 
traduit  la  Bj'Santine,  a  fait  une  ver- 
sion française  de  X Alexiade ,  qui  a 
été  louée  par  quelques  biographes , 
et  qu'on  doit  cependant  lire  avec  pré- 
caution. M — D. 

ANNE  de  Savoie,  impératrice  de 
Constantinople ,  était  fille  d' Amédée  V, 
comte  de  Savoie.  En  1 52'j,  Andronic- 
le-Jeune,  empereur  d'Orient,  qui  cher- 
chait à  s'appuyer  de  l'alliance  des 
puissances  européennes  ,  épousa  cette 
princesse.  Elle  arriva  à  Constantin 0- 
])le  avec  une  suite  brillante  ,  et  les 
chevaliers  qui  l'accompagnèrent  fîient 
connaître  aux  Grecs  les  tournois , 
jeux  inconnus  jusque-là  dans  l'Orient. 
Lors  de  la  mort  d'Aiidronic ,  son  fils  , 
Jean  Paléologue,  étant  encore  en  bas 
âge ,  Anne ,  excilée  par  le  protoves- 
tiaire Apocauque  ,  enleva  la  régence 
à  Cantacuzène  dont  les  vertus  et  les 
talents  méritaient  cette  imj'ortante 
fonction;  les  troupes  indignées  la  for- 
cèrent de  le  rappeler.  Entraînée  une 
seconde  fois  par  de  basses  intrigues  , 
elle  voulut  le  déposer,  tandis  qu'il 
était  occupé  à  repousser  les  ennemis 
de  l'empire  ,  et  les  députés  qu'il  lui 
avait  euvoj'és  reçurent  de  mauvais 
traitements  ;  mais  un  parti  puissant 
portait  Cantacuzène  sur  le  trône.  Anne, 
cfTravée  de  cet  orage ,  songea  à  se  ré- 
tracter ;  Apocauquc  et  les  anibitieus 
dont  elle  était  entourée  ,  l'engagèrent 
à  la  résistance  ;  les  affaires  de  Canta- 
cuzène prirent  d'abord  une  tournure 
fâcheuse  ;  cependant  elles  se  rétabli- 
rent en  1 544 1  ^^  l'impératrice  ne  rou- 
git pas  de  mendier  le  secours  des  Bul- 
gares et  des  Turks  contre  un  prince 
qui  ne  connaissait  d'autres  intérêts  que 
ceux  de  l'état.  L'année  suivante ,  Apo- 
cauquc fut  assassiné  par  des  prison- 


A  N  N 

nirrs;  Anne  permit  à  la  veuve  de  son 
miui.-lre  de  faire  un  lioriible  massacre 
des  assassins  de  son  époux.  Le  de'sor- 
die  étant  parvenu  à  sou  condjle,  en 
iô'^'j,  l'impérairice  fut  forcée  de  rece- 
voir Cantacuzène  dansConstantiuople, 
et  de  partager  avec  lui  le  titre  et  les  hon- 
neurs impériaux;  ce  fut  alors  que,  dé- 
livrée d'une  partie  des  soins  du  gou- 
vernement, elle  prit  une  ])art  très-vive 
dans  des  querelles  tliéologiques ,  per- 
sécuta et  fit  déposer  le  patriarche  de 
Constantinople,  Jean  d'Apri,  qui  jadis 
l'avait  soutenue  contre  Cantacuzène. 
Il  paraît  même  qu'elle  embrassa  les 
erreurs  des  palamistes  ou  quiéiistesdu 
mont  Athos.  En  i55i,  des  dissen- 
sions s'étant  élevées  entre  Cantacu- 
zène et  Jean  Paléologue,  Anne  par- 
vint à  les  réconcilier;  mais  elle  eut 
bientôt  la  douleur  de  voir  renaître  ces 
funestes  querelles  ,  dans  lesquelles 
l'histoire  lui  fait  jouer  l'honorable  rôle 
de  médiatrice,  et  qui  finirent  par  l'ab- 
dication de  Cantacuzène.  Anne  mourut 
peu  de  temps  après  ;  mais  non  pas  en 
1545,  comme  l'a  dit  Morcri. 

L-S— E. 
ANNE  de  Russie ,  fille  de  Jaraslas , 
e'pousa,  en  l'année  io44>  Henri  ^^, 
roi  de  France.  Ce  piince  était  veuf 
depuis  long-temps,  quoiqu'il  ne  fût 
que  dans  sa  09".  année;  n'ayant  pas 
d'héritier,  ses  sujets  le  pressaient  de 
former  une  nouvelle  union  ;  mais  la 
crainte  d'avoir  des  démêlés  avec  les 
papes  ,  le  rendait  sourd  aux  vœux  de 
son  peuple.  A  cette  époque,  tous  les 
princes  étaient  alliés  parle  sang,  et, 
tout  mariage  entre  parents  étant  in- 
terdit, les  papes  intervenaient  sans 
cesse  dans  les  affaires  des  rois,  sous 

f)rétexte  d'examiner  la  validité  de 
enr  mariage.  Henri  \"\  ayant  entendu 
parler  de  la  beauté  d'Anne  de  Russie, 
forma  le  projet  de  l'épouser,  certain 
qu'il  ne  pouvait  y  avoir  cnti'e  eux  aw- 


ANN  193 

cun  degré  de  parenté.  En  effet,  c'es 
la  pi'cmière  fois  qu'il  est  question  de 
la  Russie  dans  nos  Annales,  et,  jusqu'à 
présent,  c'est  la  seule  alliance  de  ce 
geme  contractée  entre  cet  empire  et 
la  France.  L'arrivée  de  la  nouvelle 
reine  fut  célébiée  avec  beaucoup  de 
joie;  mais  cette  joie  fut  long-temps 
troublée  par  sa  stérilité.  Enfin,  la 
neuvièm.e  année  de  son  mariage,  elle 
accoucha  d'un  fils,  le  premier  des  rois 
de  France  qui  régna  sous  le  nom  de 
Philippe  :  elle  eut,  depuis ,  deux  fils  et 
une  fille.  Henri  P''.  étant  mort  le  4 
août  I  oGo ,  sa  veuve  se  retira  à  Senlis, 
avec  le  projet  d'y  fixer  ses  jours ,  dans 
un  monastère  qu'elle  faisait  bâtir; 
mais  elle  accorda  bientôt  sa  main  à 
Raoul,  comte  de  Crépi,  en  Valois, 
quoiqu'il  fût  marié,  et  que  son  divorce 
n'eût  point  été  autorisé  par  l'Église; 
d'ailleurs ,  Raoul  était  parent  de  Hen- 
ri V'. ,  et  cela  seul  aurait  suffi  ,  dans 
les  mœurs  de  ce  temps ,  pour  rendre 
le  mariage  nul.  Il  brava  les  censures 
de  l'Église,  se  prépara  à  se  défendre 
envers  et  conti'c  tous  :  sa  fermeté  lui 
réussit;  mais,  peu  de  temps  après, 
Anne ,  répudiée  par  ce  nouvel  époux , 
retourna  dans  sa  patrie,  où  elle  ter- 
mina ses  jours.  F — e. 

ANNE  de  France,  fille  aîne'ede  Louis 
XI  et  de  Charlotte  de  Savoie ,  mariée  à 
Pierre  II ,  seigneur  de  Beaujeu ,  duc 
de  Bourbon ,  fut  choisie,  par  son  père, 
pour  gouverner  la  France ,  pendant  la 
jeunesse  de  Charles  VIII.  Ce  monar- 
que entrait  daîis  sa  quatorzième  année , 
lorsqu'il  parvint  au  trône,  le  3o  août 
i485.  Selon  l'ordonnance  de  Char- 
les V,  il  étaitr majeur;  mais  cette  ma- 
jorité fictive  ne  diminuait  pas  la  né- 
cessité de  confier  les  rênes  de  l'état  à 
des  mains  plus  fermes.  Louis  XI  au- 
rait pu  choisir  entre  les  princes  du 
sang;  il  préféra  sa  fille,  et  Anne  de 
Beaujeu  justifia  cette  préférence,  en 

i5 


ig4  ANN 

dissipant  avco  habileté  toutes  les  fac- 
tions. Le  duc  d'Orléans ,  place' ,  par  sa 
naissance, le  plus  près  du  trône,  après 
Charles  YIIl,  ayant  pris  les  armes 
pour  réclamer,  dans  les  affaires  du 
p;ou\erneraeut ,  la  part  qu'il  croyait 
due  à  son  rang,  fut  vaincu  et  fait  pri- 
sonnier. Anne  de  Beaujeu  le  retint 
captif  plus  de  deux  ans  dans  la  grosse 
tour  de  Bourges ,  et  refusa  constam- 
ment sa  liberté'  aux  sollicitations  des 
î^rauds  de  l'état.  Plusieurs  historiens 
prétendent  que  sa  sëveritc  e'tiiit  moins 
cxcite'e  par  le  de'sir  de  venger  l'autorité' 
royale,  que  par  le  dépit  d'avoir  témoi- 
gné au  duc  un  amour  qu'il  avait  méprisé. 
}ï  fut  mis  en  liberté  par  Charles  YIII, 
qui  alla  lui-même  le  tirer  de  prison , 
et  qui  n'eut  jamais  à  se  repentir  de 
cet  acte  de  confiance  et  de  géuéro- 
iité.  Depuis  cette  époque ,  Anne  perdit 
le  crédit  qu'elle  avait  à  la  coiu",  mais 
sans  éprouver  aucune  violence.  Lors- 
que le  duc  d'Orléans  parvint  au  trône , 
sous  le  nom  de  Louis  XII ,  il  se  pluî  à 
accabler  de  bienfaits  celle  qui  l'avait 
persécuté,  oubliant  les  mauvais  tr.iite- 
nieuts  qu'il  en  avait  reçus,  pour  ne  se 
souvenir  que  des  services  qu'elle  avait 
rendus  à  la  France.  Elle  mourut  au 
château  de  Chantelle,  en  i52^,  âgée 
d'environ  soixante  ans.  F — e. 

ANNE  de  Bretagne,  reine  de  Fran- 
ce, naquit  à  Nantes,  le  9,G  janvier 
1 4; 6.  Ayant  perdu  le  duc  François  II , 
son  père,  elle  se  trouva,  à  l'âge  de 
quatorze  ans,  unique  héritière  du  du- 
ché de  Bretagne;  il  se  forma  ,  dans  ses 
états,  plusieurs  partis  pour  disposer 
de  sa  main ,  et  la  guerre  ci\"ile  éclata 
entre  les  Bretons,  par  suite  des  ]>ré- 
cautions  qu'ils  prirent  pour  assurer 
leur  indéj)endaucc.  Celte  princesse 
était  belle,  d'une  taille  élevée,  mais  un 
peu  boiteuse;  elle  avait  de  l'esprit, 
une  prudence  au-dessus  de  son  âge  , 
et  cette  hauteur  de  caractère  qui  ne 


ANN 
déplaît  point  dans  les  femmes  de  son 
rang  ,  quand  elle  s'unit  à  de  bonnes 
mœurs.  Après  beaucoup  d'événements 
malheureux ,  qu'elle  supporta  avec 
courage ,  elle  accorda  sa  main  à  Maxi- 
milieu d'Autriche,  jeune  encore,  quoi- 
que veuf  de  la  duchesse  de  Bourgo- 
gne. Il  l'épousa  par  procureur  ;  mais 
la  France  ne  pouvait  voir  qu'avec 
peine  le  possesseur  de  l'héritage  de 
Bourgogne  devenir  le  maître  de  la 
Bretagne ,  et  offrir  ainsi  aux  Anglais 
un  moyen  d'attaquer  le  royaume  tle 
tous  côtés.  Charles  VIII  était  fiancé  à 
la  fille  de  Maximilien  ,  qui  demeurait 
en  France  en  attendant  qu'elle  eû( 
l'âge  requis  poui"  célébrer  sou  mariage  ; 
il  s'agissait  de  lui  enlever  sa  fernuK- , 
et  de  lui  renvoyer  sa  fille;  le  comte  de 
Diuiois  ne  s'effraya  point  des  difiirui- 
tés  de  cette  entreprise,  et  le  duc  d'Or- 
léans ,  depuis  Louis  XII ,  se  rendit  eu 
Bretagne ,  poiu"  faire  jnarcher  ensem- 
ble les  combats  et  les  négociations. 
Tout  réussit  ;  le  mariage  de  Char- 
les Vlll  et  d'Au'.ie  de  Bretagne  se  fit 
à  Langeais,  le  6  décembre  1 491 ,  Anne 
se  réservant  la  souveraineté  de  ses 
états.  11  fut  inséré  dans  le  contrat 
«  que,  le  roi  venant  a  mourir  sans  en- 
)i  faut,  la  reine  serait  obligée  d'époii- 
))  ser  sou  successeur  à  la  couronne, 
»  et  que,  si  elle  le  précédait ,  le  duché 
»  demeurerait  au  roi  de  France.  » 
Anne  gouverna  le  royaume  avec  uiie 
grande  habileté,  peudant  l'expédition 
de  Charles  Vlll  en  Italie;  elle  s'était 
sincèrement  attachée  à  ce  prince,  peu 
favorisé  des  don^  de  la  nature ,  mais 
d'une  bonté  si  parfaite,  qu'il  était  im- 
possible de  ne  pas  l'aimer.  A  la  moi  t 
de  ce  monarque ,  qui  arriva  le  7  avril 
1498,  Anne  donna  les  plus  grandes 
marques  de  douleur,  et  prit  le  deuil 
on  noir,  quoique  les  reines,  jusqu'aloo, 
l'eussent  porté  eu  blanc.  La  perte  li.' 
son  époux  lui  rappelait  ph;s  vivcmej»; 


ANN 

U  moi't  des  trois  fils  qu'elle  en  avait 
eus  ;  mais  sa  douleur  ne  l'empècLa 
point  de  penser  aux  intérêts  des  Bre- 
tons :  elle  se  retira  au  milieu  d'eux, 
assembla  les  e'tats  à  Reunes ,  et  fit 
plusieurs  belles  ordonnances.  Louis 
AII  craignait  de  perdre  une  si  belle 
occasion  de  réunir  la  Bretagne  à  la 
couronne,  et ,  d'ailleurs ,  il  avait  mon- 
tre' une  passion  assez  vive  pour  l'he'ri- 
lière  de  ce  duché' ,  avant  qu'elle  épou- 
sât Charles  VIII.  Il  demanda  et  obtint 
son  divorce  avec  Jeanne,  seconde  fille 
de  Louis  XI,  dont  il  avait  été  forcé 
d'accepter  la  main  ;  et ,  le  8  janvier 
I  ^99,  il  épousa  la  veuve  de  son  pré- 
décesseur. De  cette  union  naquirent 
plusieurs  enfants;  deux  filles  seule- 
juent  vécurent.  L'aînée,  Claude  de 
France,  épousa  le  duc  d'Angouléme, 
qui  régna  sous  le  nom  de  François  l". 
C'est  alors  que  le  duché  de  Bietagne 
fut  irrévocablement  réuni  à  la  cou- 
ronne. Pour  feire  l'éloge  de  la  reine 
Anne,  il  suffirait  de  remarquer  qu'elle 
captiva  sans  partage  Louis  XII,  connu 
par  l'inconstance  de  ses  amours,  et 
qu'elle  soutint  constamment,  contre 
toutes  les  cabales  de  la  cour ,  le  cardi- 
nal d'Amboise,  l'ami  et  le  premier  mi- 
nistre de  son  époux.  On  a  dit  que 
François  I'"^.  avait  attiré  les  femmes  à 
la  cour;  il  trouva  cet  usage  établi  par 
la  reine  Anne,  qui  aurait  l'éclat,  la  re- 
présentation ,  et  qui  fixa  ,  auprès  de 
sa  personne,  un  grand  nombre  de 
demoiselles  ,  auxquelles  on  donnait  le 
titre  de ^Z/e5  d'honneur  de  la  reine, 
titre  bien  mérité,  carjamais  les  mœurs, 
en  France,  ne  furent  meilleures  qu'à 
cette  époque.  Ces  filles  de  la  reine  ont 
été  remplacées,  en  1673,  par  les  da- 
mes du  palais.  Les  revenus  du  duché 
de  Bretagne,  que  la  reine  s'était  ré- 
serves, étaient  employés  par  elle  à 
soulager  les  veuves ,  les  orphelins ,  les 
pauvres  religieux  ;  elle  étendait  aussi 


ANN  t(p 

ses  bienfaits  siu-  les  savants,  dont  elle 
aimait  l'entretien;  et ,  lorsque  le  roi  al- 
lait combattre  en  Italie ,  elle  se  rendait 
à  Lyon ,  afin  d'être  plus  à  portée  de 
faire  des  présents  aux  capitaines  qui 
se  distinguaient,  et  de  remettre  eu 
équipage  ceux  que  le  sort  de  la  guerre 
avait  maltraités.  Malgré  ses  libéralités 
et  son  goût  pour  les  fêtes,  elle  admi-- 
nistrait  ses  revenus  avec  tant  d'ordi-e , 
que  son  ti'ésor  était  toujours  rempli; 
aussi,  lorsqu'en  i5oi  ,  les  chrétiens 
se  liguèrent  contre  les  Turks,  elle  équi- 
pa, à  ses  frais,  iouze  des  plus  grands 
vaisseaux  de  cette  expédition.  Cette 
princesse  ne  fut  point  sans  quelques 
défauts  :  son  caractère  la  portait  à  do- 
mintr,  et  Louis XII,  qui  l'excusait,  en 
disant  «  qu'il  faut  soulTi'ir  quelque 
chose  d'une  femme,  quand  elle  aime 
sou  mari  et  son  honneur,  »  avait 
quelquefois  besoin  de  résolution  pour 
lui  résister.  On  connaît  la  fabie  des 
Biches  qui  perdirent  leurs  cornes 
pour  s'être  égalées  aux  Cerfs,  que 
ce  prince  lui  cita ,  pour  lui  faire  com- 
prendre qu'il  n'appartenait  pas  à  soh 
sexe  d'intervenir  dans  les  affaires  de 
l'état  et  de  l'église.  Quelques  actions 
de  sa  vie  ont  autorisé  à  croire  qu'elle 
poussait  la  fierté  jusqu'à  ne  pouvoir 
supporter  une  insuite  sans  en  tirer 
vengeance.  Le  maréchal  de  Gié  eïi  fit 
«ne  funeste  épreuve;  mais-  les  verlu^ 
qu'elle  possédait  en  si  grand  nombre', 
les  bienfaits  qu'elle  répandit ,  la  pureté 
de  ses  uîœurs,  ont  rendu  sa  mémoire 
clière  aux  Français,  et  les  historiens 
étrangers  se  sont  accordés  pour,  faire 
son  éloge.  Elle  mourut  au  château  d^ 
Blois ,  le  9  janvier  1 5 1 4 ,  et  fut  enter- 
rée à  St.-Denis  :  c'est  la  première 
reine  de  France  tpii  ait  eu  des  gardes , 
des  gentilshommes  à  elle ,  et  qui  ait 
donné,  en  son  nom ,  audience  aux 
anïbaSsadeurs  ;  mais  elle  agissait,  en 
cela,  comme  souyeraine  deBretagn», 


up  ANN 

Il  existe ,  à  la  Bibliothèque  impeiiale , 
un  monument  précieux  du  goût  qu'a- 
vait cette  princesse  poiu'  les  sciences 
et  les  arts  :  c'est  sou  livre  d'Heures , 
en  manuscrit,  in-4°.  Suivant  l'usage 
du  temps,  il  est  orne  de  figures  en 
miniature,  très-bien  exe'cutées;  il  y  en 
a  une  pour  chaque  mois ,  représentant 
les  opérations  agricoles;  les  autres 
figures  représentent  les  fêtes  de  l'an- 
née. Toutes  les  marges  sont  décorées 
delà  figure  d'une  plante,  avec  des  in- 
sectes, d'après  nature.  Les  plantes 
sont  au  nombre  de  trois  cents  ;  pres- 
que toutes  reconuaissables ,  et  dont 
plusieurs  ne  seraient  pas  rendues,  au- 
jûurd'ljui,  avec  plus  de  goût  et  d'exac- 
titude. Cette  suite  de  dessins,  qui  est 
de  la  fin  du  XV'".  siècle,  peut  être  re- 
gardée comme  l'herbier  le  plus  com- 
plet que  l'on  ait  de  cette  époque ,  et 
on  doit  présumer  que,  pour  choisir 
un  tel  genre  d'ornement,  on  avait  con- 
sulte le  goût  de  cette  illustre  princesse. 

F~E. 

ANNE  d'Autriche ,  fille  aînée  de 
Philippe  II  ,  roi  d'Espagne  ,  épousa 
Louis  XIII ,  roi  de  France ,  le  25  dé  - 
ccmbre  i G 1 5. Ce  nnriage ,  qui  renver- 
sait toute  la  ])olitiquc  de  Henri  IV ,  ne 
put  maintenir  long-temps  la  paix  entre 
les  deux  royaumfcs;  aussi,  cette  prin- 
cesse ne  fut-elle  pas  heureuse.  Louis 
XIII ,  peu  disposé  à  se  laisser  séduire 
par  les  grâces  et  la  beauté,  mais  facile 
à  conduire  par  la  persuasion  ,  parce 
qu'il  joignait  à  un  caractère  faible ,  un 
■esprit  juste,  et  un  vif  désir  de  foire  le 
bonheur  de  la  France  ,  accorda  tou- 
jours plus  d'empire  à  ses  favoris  qu'à 
.son  épouse.  Lorsque  Uichelieu  parvir.t 
au  ministère,  sa  plus  constante  pensée 
fut  d'abattre  tout  ce  qui  pouvait  hii 
nuire  ;  craignant  de  voir  ses  ennemis 
secondés  par  la  reine  .  il  ne  négligea 
rien  pour  la  mettre  elle-même  dans 
l'impossibilité  d'agir.  Aune  d'Autriche, 


ANN 

bonne,  généreuse,  d'une  humeur  af- 
fable, mais  fière,  croyait  ne  devoir 
dissimuler ,  ni  son  mécontentement  du 
peu  de  confiance  que  lui  témoignait  le 
roi,  ni  l'attachement  qu'elle  conservait 
à  sa  famille ,  malgré  les  guerres  qui  di- 
visaient les  deux  royainnes.  Richelieu 
profita  de  quelques  paroles  légères  , 
échappées  à  une  épouse  mécontente, 
pour  faire  appréhender  au  soupçon- 
neux Louis  XIII ,  que  la  reine  ne  fût 
entrée  dans  les  complots  de  Chalais. 
(  Foj^.  ce  nom  ).  Cette  conspiration  nr 
devait  probablement  attaquer  que  le 
ministre  j  mais,  pour  effrayer  le  mo- 
narque ,  on  lui  fit  entendre  qu'il  s'a- 
gissait de  !e  renverser  du  trône ,  après 
l'avoir  ftiit  déclarer  impuissant ,  et  de 
donnerson  épouse  à  Gaston  d'Orléans, 
son  frère.  Anne  répondit  à  celte  accu- 
sation :  «  qu'elle  aurait  peu  gagné  au 
change  ,  de  commettre  un  si  grand 
crime  pour  un  si  petit  intérêt ,  »  ce 
qui  était  fort  juste  ;  car  Gaston  avait 
encore  moins  de  caractère  que  Louis 
XIII,  etnepossédait  pas  autant  de  ver- 
tus. Il  ne  pouvait  y  avoir  de  preuves 
contre  cette  princesse  ;  mais  Richelieu 
connaissait  l'effet  qu'un  pareil  soupçon 
pouvait  produire  sur  l'esprit  du  roi  ; 
aussi ,  lorsqu'il  accusa  plus  tard  Anne 
d'Autriche  d'entretenir  des  coirespon- 
dauces  avec  les  ennemis  de  l'état ,  il  la 
réduisit  au  rôle  d'accusée,  et  cette  prin- 
cesse fut  obligée  de  repoudre  au  chan- 
celier, sur  les  intelligences  qu'elle  pou- 
vait avoir  avec  les  puissances  étran- 
gères ;  ses  aveux  prouvèrent  qu'elle 
avait  toute  l'imprudence  que  donne  la 
fierté  blessée;  mais  il  aurait  étéimpos? 
sible  de  découvrir  dans  ses  lettres  la 
trace  d'aucun  projet ,  d'aucune  pensée 
contraire  aux  intérêts  de  la  France. 
Toujours  humiliée,  toujours  négligée 
par  sou  époux  ,  elle  restait  sans  in- 
fluence :  un  heureux  rapprochement 
mil  SCS  ennemis  dans  la  uécessité  de 


ANN 

la  respecter  ;  elle  devint  enceinte  ,  et 
donna  le  jour  à  Lonis  XIV,  le  5  sep- 
tembre iC)58.  Louis  Xlll ,  qui  siiiyit 
de  près  au  tombeau  le  cardinal  de 
Richelieu  ,  avait  cru  pouvoir  borner 
le  pouvoir  delà  reine;  mais,  à  peine 
avait-il  ferme  les  yeux ,  que  son  testa- 
ment fut  casse'  par  le  parlement  ,  et 
Anne  d'Autriche  obtint  sans  partage  la 
régence  du  royaume,  et  la  tutelle  de 
ses  enfants.  Rien  n'éclaire  comme  le 
malheur ,  et  la  nécessite'  de  tourner 
toutes  ses  pcnse'es  sur  soi-même  ;  aussi 
la  reine  ,  qui  avait  mille  raisons  de 
haïr  la  me'moire  du  cardinal  de  Riche- 
lien  ,  se  fit  une  loi  de  maintenir  son 
ouvrafre  :  il  avait  agrandi  l'autorité 
royale  ,  c'est  tout  ce  qu'elle  voulut  se 
rappeler.  «  Si  cet  homme  eût  vécu  jus- 
»  qu'à  cette  heure,  dit-elle  un  jour,  en 
»  regardant  un  portrait  du  cardinal , 
»  il  aurait  e'të  plus  puissant  que  ja- 
»  mais.  i>  Elle  compta  moins  les  ser- 
vices qu'on  lui  a^ait  rendus,  que  ceux 
qu'on  pouvait  rendre  à  l'état  ;  et ,  dans 
la  crainte  d'être  trahie  par  les  grands , 
intéressés  à  renverser  la  politique  de 
Richelieu,  elle  donna  toute  sa  con- 
fiance à  Mazarin ,  qui ,  étant  étranger , 
ne  pouvait  trouver  qu'en  elle  un  vé- 
ritable appui.  C'est  avec  raison  qu'on 
a  comparé  la  position  et  la  conduite 
d'Anne  d'Autriche,  mère  de  Louis  XIV, 
à  la  conduite  que  tint  Blanche  de  Cas- 
tille,  mère  de  S.  Louis ,  dans  les  pre- 
miers jours  du  règne  de  son  fils.  Il 
était  impossible  que  les  oppositions 
formées  sous  le  ministère  de  Richelieu 
n'éclatassent  point  ;  les  Français  n'ont 
jamais  supporté ,  sans  impatience ,  le 
joug  de  l'étranger  ;  une  régente  espa- 
gnole et  un  premier  ministre  italien 
rappelaient  les  temps  malheureux  de 
Catherine  et  de  Marie  de  Médicis:  c'é- 
tait assez  pour  les  faire  renaître.  Quel- 
ques opérations  de  finances ,  mal  con- 
duites par  des  Italiens ,  oflrii  eut  I'qc- 


ANN  197 

casion  d'éclater  ;  et,  dès-lors,  commen- 
cèrent les  troubles  et  les  guerres  de  la 
fronde  ;  époque  mémorable  oi!i  tous 
les  partis  étaient  unis  par  l'espoii-  de 
participer  au  gouvernement  ,  aucun  , 
par  le  désir  d'y  introduire  des  innova- 
tions. Les  princes  et  les  grands  pré- 
tendaient revenir  à  l'ancienne  monar- 
chie ;  la  reine  voulait  la  maintenir  ce 
que  le  cardinal  de  Richelieu  l'avait 
faite ,  et  le  parlement ,  qui  venait  d'ac- 
corder la  régence ,  se  croyait  de  bonne 
foi  autorisé  à  régler  les  démarches  du 
conseil  royal.  Le  peuple  ,  dans  cette 
circonstance,  comme  dans  toutes  celles 
où  on  le  flatte ,  voyait  des  amis  dans 
ceux  qui  criaient  contre  les  impôts  , 
cî  payait  gaîment ,  pour  renverser 
Mazarin  ,  beaucoup  plus  que  ce  mi- 
nistre ne  lui  aurait  jamais  demand(-. 
Que  Mazarin  triomp^iât ,  que  ce  fût 
le  grand  Condé  ,  ou  même  le  cardinal 
de  Retz,  l'établissement  du  pouvoir 
absolu  était  inévitable  ;  car  aucun  chet" 
ne  pensait  sérieusement  à  renverser, 
l'ouvrage  de  Richelieu.  C'est  ce  dont  il- 
faut  bien  se  convaincre,  pour  com- 
prendre toutes  les  ^ariations  qu'il  y 
eut  dans  les  partis  ,  et  pourquoi  les 
plus  échauffés  contre  la  cour  lui  re- 
venaient ,  aussitôt  qu'elle  flattait  louj- 
ambition  personnelle.  Anne  d' Autriche 
se  conduisit  avec  une  fermeté,  une 
persévérance,  qui  lui  font  le  plus  grand 
honneur,  et  qui  lui  méritèrent,  jusqu'aii. 
tombeau ,  la  leconnaissance  et  l'amour 
de  Louis  XIV.  La  vive  douleur  que  ce 
monarque  montra  en  la  perdant ,  ses 
larmes ,  les  lettres  qu'il  écrivit  dans  ce 
triste  moment,  suffiraient  pour  venger 
cette  princesse  des  accusations  portées, 
contre  elle,  sousle  règne  de  Louis  Xlll, 
et  des  bruits  injurieux  répandus  sur  sa 
conduite,  pendant  les  troubles  civils. 
En  effet ,  on  vit  l'Espagne  s'unir  aux 
factieux  ,  correspondre  avec  le  parle- 
ment de  Paris  ,  pour  accabler,  cetic 


iç)S  ANN 

reèrae  reine  qui  avait  ete  accusée  de 
préférer  les  intérêts  de  l'Espagne  à 
la  gloire  de  la  Fiance.  Elle  parvint  à 
terminer  la  guerre  civile  sans  faire 
aucune  concession  ,  et  remit  ,  à  son 
fils  majeur  ,  un  pouvoir  qu'elle  avait 
accui  en  le  défendant.  Laissant  la'ma- 
gnifique  église  du  Val  -  de  -  Grâce  , 
comme  tm  monument  digne  d'attester 
son  goût  pour  les  arts,  aimée  et  res- 
pectée de  ses  enfants  ,  passant  la  plus 
grande  partie  de  ses  journées  en  exer- 
cice de  piété,  elle  mourut  d'un  cancer, 
le  20  janvier  1 666 ,  à  l'âge  de  soixante- 
quatre  ans.  On  connaît  la  réponse 
qu'elle  fit  au  cardinal  de  Mazarin,  qui, 
cherchant  à  pénétrer  ce  qu'elle  pen- 
sait de  l'amour  que  Louis  XIV,  dans 
sa  première  jeunesse ,  avait  conçu  pour 
une  des  nièces  de  ce  ministre,  a/ïèc- 
tait  de  craindre  an  mariage  ausssi  dis- 
proportionné :  «  Si  le  roi  était  capable 
»  de  cette  indignité,  je  me  mettrais, 
»  avec  mon  second  fils,  à  la  tète  do 
»  toute  la  nation ,  contre  le  roi  et  contre 
»  vous.  »  Cette  princesse  ,  si  fière  de 
son  rang ,  si  ferme  dans  l'infortune , 
si  résignée  dans  les  douleurs  qui  pré- 
cédèrent sa  mort ,  était  d'une  délica- 
tesse si  recherchée  sur  tout  ce  qui  tou- 
chait à  son  corps ,  que  le  cardinal  de 
Mazarin  lui  disait  :  «  Madame ,  si  vous 
»  étiez  damnée  ,  votre  enfer  serait  de 
»  coucher  dans  des  draps  de  toile  de 
»  Hollande.»  Son  portrait,  gravé d'a- 

iirès  d'Egmont ,  fait  partie  de  la  col- 
ection  de  M.  Landon  ,  que  l'on  peut 
joindre  h  ce  Dictionnaire.  Elle  aimait 
passionnément  les  fleurs  ,  et  ne  pou- 
vait supporter  la  vue  des  roses ,  même 
en  peinture.  Qu'Anne  d'Autriche  ait 
été  attaquée  dans  ses  mœurs ,  pendant 
les  troubles  de  la  fronde,  cela  se  con- 
çoit ;  on  sait  que  les  guerres  civiles 
sont  aussi  fertiles  en  calomnies  qu'eu 
cruautés  ;  mais,  lorsque  sa  vie  entière 
parle  en  sa  faveur  ,  et  que  l'histoire  a 


ANN 
pris  plaisir  à  la  venger,  qu'on  ait  va 
des  romanciers  français  répéter  froi- 
dement les  injures  des  frondeurs ,  et 
établir  leurs  calomnies  sur  des  men- 
songes aussi  odieux ,  c'est  ce  qu'on 
ne  pouvait  attendre  que  d'une  époque 
où  toutes  les  convenances  ont  été  ou- 
bliées. Heureusement ,  dans  les  arts 
qui  dépendent  de  l'imagination  ,  l'ou- 
bli des  convenances  tient  toujours  à 
l'absence  du  talent  ;  et  les  romanciers 
dont  nous  parlons  ne  semblent  avoir 
écrit  que  pour  confirmer  la  vérité  de 
cette  observation.  F — e. 

ANNE  DE  iiOULEN.  F.  Boulen. 

ANNE  de  Clèves ,  reine  d'Angle- 
terre (  f^oy.  Henri  VU!  ). 

ANNE,  le  dernier  rejeton  de  l'in- 
fortunée maison  dé  Stuart  qui  ait 
occupé  le  trône  de  la  Grande-Bre- 
tagne :  princesse  d'un  esprit  médiocre, 
et  son  règne  a  été  l'un  des  plus  féconds 
efi  grands  événements;  d'une  bonté  ex- 
trême, et  les  circonstances  l'ont  entraî- 
née à  consommer  la  proscription  de  sa 
famille ,  dont  elle  désirait  la  restaura- 
tion. La  princesse  Anne  naquit,  le  6 
février  1664,  à  Twickenham  ,  près 
de  Londres.  On  y  montre  encore 
aujourd'hui,  avec  respect,  le  château  , 
la  chambre  et  le  lit  où  la  bonne  reine 
Anne  reçut  le  jour.  Son  oncle,  Char- 
les 11,  était  remonté,  depuis  quatre 
ans  ,  sur  le  trône  sanglant  du  malheu- 
reux Charles  1'  ^  ,  et  elle  était  la  se- 
conde fille  issue  du  premier  mariage 
de  Jacques  11 ,  alors  dur  d'York,  avec 
Anne  Hvde,  fille  de  l'illustre  Claren- 
diin.  Son  père,  n'ayant  ])oint  encore  , 
à  cette  époque ,  abjuré  le  protestan- 
tisme pour  rentrer  dans  le  sein  de 
l'église  romaine,  Anne  fut  élevée  dans 
la  religion  anglicane ,  et ,  après  avoir 
perdu  sa  mère  en  iC)-^  i  ,  elle  fut  ma- 
riée en  i685,  par  l'évêque  de  Lon- 
dres, au  prince  George,  fièredii  roi 
de  Danemarck,  Cbrisliin  V.    Lors- 


ANT^ 
qu'en  1688,  le  parti  qui  appelait  le 
prince  d'Orange  à  détrôner  son  beau- 
père  ,  eut  prévalu  ,  Anne  ,  fille  favo- 
rite de  l'infortune  Jacques  II ,  eût 
])lut6t  désiré  de  rester  attachée  à  son 
père.  Le  lord  Churchill ,  qui ,  par  sa 
femme ,  la  dominait  déjà ,  l'entraîna 
'lins  le  parti  du  vainqueur,  la  fit  à 
J1CU  près  enlever  par  l'évêque  de 
l^ondres,  et  conduire  à  Northamp- 
ton ,  où  ,  sous  prétexte  de  lui  donner 
des  gardes,  on  l'environna  d'une  ar- 
mée. Le  prince  de  Danemarck  son 
époux  l'avait  précédée.  Celui-là  était 
un  personnage  si  nul ,  que  sa  fuite 
avait  paru  plus  ridicule  que  sinistre 
à  Jacques  II.  Resté  d'abord  auprès 
de  son  beau-père  pendant  les  premiers 
jours  de  la  crise ,  il  n'avait  su  faire 
autre  chose ,  à  la  nouvelle  de  chaque 
désertion,  que  répéter  ce  cri  mono- 
tone :  Est-il  possible?  Lorsqu'il  eut 
déserté  lui-même ,  le  malheureux  roi , 
encore  accessible  à  une  idée  de  plai- 
santerie, dit  à  ceuxqui  l'environnaient  : 
«  Eh  bien!  Est  il  possible  s'est  donc 
<'n  alléaussi  ?  »  Mais  en  recevant  la  let- 
tre par  laquelle  Anne,  cette  fille  chérie, 
lui  annonçait  sa  défection  ,  le  malheu- 
reux père ,  plus  sensible  à  cet  aban- 
don qu'à  l'usurpation  de  sa  fille  aînée , 
s'écria ,  fondant  en  larmes  :  «  0  mon 
»  Dieu  !  ayez  pitié  de  moi.  Voilà  que 
1)  mes  propres  enfants  m'ont  trahi  î  » 
Cependant,  le  sombre  Guillaume  III, 
après  avoir  d'abord  témoigné  beau- 
coup d'égards  a  la  princesse  Anne , 
après  avoir  élevé  lord  Churchill  à  la 
dignité  de  comte  de  MarlborougU , 
en  le  faisant  meraljre  de  son  conseil 
privé ,  et  gentilhomme  de  sa  chambre, 
ne  tarda  pas  à  concevoir  des  soup- 
çons ,  et  sur  la  fille  qui  avait  aban- 
donné son  père  ,  et  sur  le  favori  qui 
avait  trahi  son  bienfaiteur.  Il  offensa 
la  princesse ,  jusqu'à  lui  ôter  sa  garde 
purement  honorifique.  Le  comte  se 


ANN  TO^ 

vit  subitement  privé  de  ses  emplois  ' 
puis  enfermé  à  la  tour ,  comme  pré" 
venu  du  crime  de  lèze-majesté  ,  et  i^ 
n'en  sortit  que  parce  qu'on  ne  trouva 
pas  de  preuves  à  établir  contre  lui. 
Alors  Anne  écrivit  à  son  pèr€  des  let- 
tres de  repentir  et  de  soumission 
(  1691  et  92  ).  Une  mort  prématurée 
enleva  la  reine  Marie  ,  épouse  df 
Guillaume  (  i6(;4  )•  Celui-ci,  priAC 
d'un  tel  soutien  ,  crut  de  son  intérêt 
de  se  rapprocher  de  sa  bellc-scein- , 
désignée  par  le  parlement  pour  lui 
succéder,  et  qui ,  dans  son  fils  le  duc 
de  Glocester,  présentait  aux  Anglais 
un  héritier  présomptif  du  sang  de 
leurs  anciens  monarques. Mariborough 
l'ut  rappelé  au  conseil ,  et  ,  avec  les 
expressions  les  plus  caressantes  , 
nommé  gouverneur  de  ce  jeune  du«; 
de  Glocester.  Le  duc  mourut  dans 
la  fleur  de  son  adolescence  (  1699)  ; 
la  santé  du  roi  Guillaume  devint 
chancelante  ;  la  princesse  Anne  ^  se 
voyant  si  près  de  la  couronne ,  et 
sans  héritier  direct ,  fit  demander  se- 
crètement à  son  père  la  permission  de 
monter  sur  le  trône ,  avec  le  projet 
d'y  étabhr  après  elle  son  frère,  connu 
depuis  sous  le  nom  de  Jacques  III, 
ou  du  Chevalier  de  St.-George.  In- 
flexible dans  ses  principes,  Jacques  If 
répondit  «  qu'il  savait  subir  l'injus- 
tice ,  mais  non  l'autoriser  ;  que  c'é- 
tait à  lui  qu'appartenait  la  couronne, 
et,  après  lui,  au  prince  de  Galles  sou 
fils.  »  Jacques  II  mourut  (  19  sep- 
tembre 17  01  )  ;  Guillaume  111  le  sui- 
vit de  près  dans  le  tombeau  (  1 9  mars 
1703);  Anne  fut  proclamée  reine,  et 
gouverna,  sous  l'empire  de  la  comtesse 
et  du  comte  de  Mariborough  ,  qui  as- 
socièrent successivement  à  leur  pou  - 
voir  leurs  deux  gendres  ,  lord  Godol- 
phin ,  avec  le  titre  de  grand-trésorier , 
et,  avec  celui  de  secrétaire-d'état,  lord 
Sunderland,  fils  de  ce  ministre  de 


200  A  jS  N 

Jacques  II ,  qui  avait  trame  la  perte 
de  son  maÎLre ,  qui  ,  depuis ,  avait 
conjure  coutre  le  roi  Guillaume ,  et 
qui ,  à  la  honte  de  la  politique ,  avait 
e'tc'  surnomme'  le  grand  politique. 
Tous  les  partis  semblèrent  rivaliser 
à  qui  accueilieiait  le  plus  cordiale- 
ment leur  nouvelle  souveraine.  Les 
Torys  se  plaisaient  à  contempler  le 
sceptre  dans  les  mains  d'une  fille  de 
Jacques  II ,  et ,  un  peu  plus  tôt ,  ou 
un  peu  plus  tard  ,  vovaient  déjà  l'an- 
cienne dynastie  rappelée  dans  sa  ligne 
masculine.  LesWhigs,  quoique  promp- 
tement  menaces  de  voir  leurs  rivaux 
partager,  pour  le  moins,  les  places  du 
ministère,  ne  pouvaient  qu'applaudir 
à  l'imitatrice  de  Guillaurue  III  ,  qui 
jurait ,  en  montant  sur  le  trône  ,  de 
rester  fidèle  aux  plans  de  son  prédé- 
cesseur ,  d'adhérer  plus  fortement  (jue 
jamais  à  la  tri])le  alliance  ,  de  défen- 
dre les  libertés  de  l'Europe  contre 
l'ambition  de  Louis  XIV  ;  enfin ,  de 
ne  pas  souffrir,  dans  la  même  mai- 
son ,  l'union  des  deux  couronnes  de 
France  et  d'Espagne.  Le  même  jour 
(  4  mai  1  702  ),  l'Angleterre  ,  la  Hol- 
lande ,  et  l'empereur  d'Allemagne ,  dé- 
clarèrent la  guerre  à  la  France.  Le 
prince  Eugène  commanda  les  troupes 
de  Léopold  ;  Mariborough  ,  généra- 
lissime des  Anglais  ,  le  fut  aussi  des 
alliés  ,  et  l'on  Ait  s'engager  cette  fa- 
meuse lutte  connue  sous  le  nom  de 
guerre  de  la  succession  j  où  il  s'agis- 
sait ,  ])our  ainsi  dire ,  du  partage  de 
toute  l'Europe  et  de  sos  colonies.  Dans 
les  premières  campagnes  ,  les  succès 
furent  balancés.  Les  Français  per- 
dirent plus  de  places,  et  triomphèrent 
plus  souvent  en  bataille  rangée  ;  mais, 
les  années  qui  suivirent ,  les  victoires 
cl  les  conquêtes  prodigieuses  tantôt 
du  comte  ,  devenu  duc  de  Maribo- 
rough ,  tantôt  du  prince  Eugène,  et 
sou\ent  de  tous  deux  réunis,  les  jour- 


ANN 

nées  deHochstet,  deRaraillies,  d'Ôu- 
denarde ,  de  Malplaquet ,  rejetèrent 
d'abord  les  troupes  françaises,  du  Da- 
nube, par-delà  le  Rhin,  puis  envoyè- 
rent la  terreur  jusque  sur  les  bords  de 
la  Seine  ,  remplirent  la  France  de 
deuil  comme  de  crainte  ,  et  réjiau- 
dirent,  sur  les  armées  de  terre  bri- 
tanniques ,  nn  éclat  qu'elles  n'avaient 
poiuteu  depuis  les  jours  d'Edouard  III 
et  du  prince  Noir.  Ce  fut ,  au  muins 
pour  l'Angleterre ,  un  éclat  stérile.  Les 
alliés  abusèrent  de  leur  fortune  ,  et 
elle  leur  échappa.  En  Espagne ,  les 
succès  éphémères  du  comte  de  Peters- 
borough  et  de  l'archiduc  Charles  dis- 
parurent sous  les  désastres  qui  acca- 
blèrent lord  Galiwai.  Berwick,\ eu- 
dôme  ,  Noailles ,  le  duc  d'Orléans  , 
maintinrent ,  sur  son  nouveau  trône  , 
le  petit-fils  de  Louis  XIV.  La  con- 
quête de  Lille  ne  valut  pas  plus  de 
gloire  au  prince  Euaène  ,  que  sa  dé- 
fense au  maréchal  de  Boufflcrs  ,  et 
la  terrible  bataille  de  Malplaquet  ho- 
nora autant  la  valeur  des  vaincus  que 
le  talent  des  vainqueurs.  Circonstance 
bizarre  ,  et  qui  caractérise  les  temps 
de  révolution  :  Jacques  111,  dans 
cette  bataille ,  chargea  douze  fois  ,  à 
la  tête  de  la  cavalerie  française,  l'ar- 
mée de  sa  sœur  Anne ,  conduite  par 
Mai  Iborough  ,  créature  de  leur  père 
commun  ,  et  qui ,  selon  ses  intérêts , 
son  ambition ,  ses  déplaisirs  du  mo- 
ment, tour  à  tour  bannissait,  rappe- 
lait ,  repoussait  les  Stuarts.  Vint  la 
journée  où  le  maréchal  de  Villars  re- 
leva la  France  à  Denain  (  '^4  juillet 
i-jis).  Louis  XIV,  dont  les  offres 
pacifiques  ,  dont  les  pénibles  sacri- 
fices avaient  été  rcjetés  avec  insolence 
à  Gertruidemberg ,  força  le  congrès 
d'Utrecht  à  signer  les  conditions  ho- 
norables qu'il  était  déterminé  à  obte- 
nir ,  et  put  encore  humilier  ses  enne- 
mis ,  qu'il  avait  su  diviser.  Enfin ,  ce 


ANN 

grand  duc  de  Marlborougli  ,  après 
avoir  enivré  d'orgiieil  sa  nalion  ,  qui 
Je  lui  avait  aljondamment  rendu ,  après 
s'èti-e  vu ,  pendant  huit  années ,  l'ululé 
de  la  reine,  du  parlement,  du  peuple 
d'Angleterre,  futaccusé  d'avoir  sacrifié 
le  repos ,  les  trésors  et  le  sang  des  peu- 
ples à  sou  ambition  et  à  son  avarice  ; 
d'avoir  fait ,  de  la  guerre  et  de  ses  em- 
plois ,  un  barbare  et  honteux  trafic.  La 
nation  le  maudit,  la  chambre  des  com- 
munes le  dénonça,  la  reine  le  destitua 
de  tous  ses  emplois,  même  avant  la  fin 
de  la  guerre;  et ,  suivi  de  sa  femme 
hautaine,  qui,  après  avoir  contribué 
à  sa  disgrâce,  fut,  au  moins,  fidèle 
à  son  malheur ,  il  alla  ,  pendant  les 
dernières  années  de  ce  règne,  ense- 
velir dans  l'exil  une  vie  signalée  par  de 
grands  talents ,  et  d'aussi  grands  vices. 
La  conquête ,  vraiment  importante ,  et 
immensément  utile,  que  fit  alors  l'An- 
gleterre, ce  fut  celle  de  (Gibraltar,  era- 
portépar  une  valeur  surnaturelle,  pour 
être  à  jamais  retenu  par  unr^  ptilitique 
liabile ,  et  cependant ,  lorsqu'il  fut  pro- 
posé, dans  la  chambre  des  communes , 
de  remercier  sir  George  Rooke  et  le 
prince  de  Hesse  ,  auxquels  on  devait 
cette  espèce  de  prodige,  le  parti  Whig, 
qui  dominait  encore ,  fit  décider  que 
l'objet  n'en  valait  pas  la  peine  ;  tandis 
que  les  honneurs,  les  hommages  et 
les  dons  de  toute  espèce  pleuvaient  sur 
le  duc  de  Marlborough.  Au  dedans ,  le 
grand  acte  politique  du  gouvernement 
de  la  reine  Anne,  fut  l'union  de  l'An- 
gleterre et  de  l'Ecosse  en  un  seul  royau- 
me ,  appelé  désormais   la  Grande- 
Bretagne.  Chaque  pays  conserva  ses 
lois  religieuses  et  civiles,  son  église, 
ses  tribunaux  :  l'existence  politique  et 
les  intérêts  commerciaux  furent  con- 
fondus ,  et  il  n'y  eut  plus  qu'un  seul 
parlement  britannique,    où  l'Ecosse 
fut  représentée  par  seize  de  ses  lords 
et  quarante-cinq  députés  de  ses  com- 


ANN  201 

munes ,  tous  librement  élus  par  leurs 
pairs.  Ce  projet,  ardemment  désiré  et 
vainement  tenté  par  Jacques  l*"".,  Char- 
les II,  Guillaume  III ,  fut  un  grand  et 
incontestable  bienfait  du  parti  Whig. 
Ce  fut  aussi  une  victoire  diflicile  rem- 
portée sur  les  préjuges  nationaux  de 
l'un  et  de  l'autre  peuple,  et  sur  l'op- 
position exaltée  du  parti  Torv,  dont 
l'esprit  commençait  à  gagner  la  majo- 
rité des  deux  nations.  Un  des  plus 
puissants  motifs  de  cette  opposition  , 
était  l'intérêt  jacobite  ,  dont  il  est  pi- 
quant de  suivre  la  marche ,  plus  ou 
moins  sourde  ,  à  travers  tous  les  évc  • 
nements  de  ce  règne.  Lors  de  l'acces- 
sion de  la  reine  Anne,  Jacques  111  , 
plus  condescendant  que  son  père ,  avait 
déclaré  à  sa  sœur  que,  si  elle  voulait 
occuper  le  trône  pendant  sa  vie,  et  l'y 
faire  monter  après  elle ,  plutôt  que  d'y 
établir  une  famille  étrangère ,  il  serait 
pleinement  satisfait.    La  reine  avait 
prêté  l'oreille  à  celte  proposition.  Alors 
les  Jacobites  ,  enhardis,  allèrent  plus 
loin.   Ils  demandèrent  que    la   reine 
gardât  pour  elle  la  couronne  d'Angle- 
terre ,    et  remît  immédiatement  celle 
d'Ecosse  à  son  frère  ,  infiniment  plus 
jeune  ,  sur  la  tête  duquel  les  deux  se 
réuniraient  un  jour.  Anne  reçut  cette 
nouvelle  ouverture  sans  témoigner  ni 
répugnance  ni  approbation  ;  mais  son 
silence  en  disait  assez.  Les  faits  ont 
parlé  plus  clairement  encore.   A  ne 
considérer  que  l'empn  ssement  extrê- 
me qu'elle  mit  à  opérer  cette  réunion 
des  deux  rovaumes ,  et Tardeur  qu'elle 
apporta  ensuite  à  se  composer  un  mi- 
nistère Torv,  ou  peut  assurer  aujour- 
d'hui que  la  rcme  Anne  ,  nourrissant 
dès   cette  époque  le  désir  de  trans- 
mettre un  jour  ses  trois  couronnes  à 
son  frère,    ne  voulait  cependant  en 
céder  aucune  tant  qu'elle  vivrait.  Les 
W  hi2,s ,  de  leur  côté ,  en  secondant 
ses  yifetix  pour  réunir  l'Angleterrp  et 


302  A  N  N 

l'Ecosse  ,  n'oublièrent  pas  les  leurs 
pour  la  successiou  bauovriennc.  Le 
premier  article  du  traite'  d'union  sti- 
pula que ,  si  la  reine  mourait  sans 
enfants ,  l'héritage  de  la  couronne 
britannique  serait  dévolu  à  la  ligne 
protestante  de  la  descendance  des 
Stuarts,  c'esl-à-dire ,  à  la  princesse  So- 
phie ,  électrice  douairière  de  Hanovre, 
petite-fille  de  Jacques  1*^. ,  parla  prin- 
cesse Elisabeth  ,  mariée  à  l'électeur 
palatin ,  et  qui ,  dans  l'ordre  de  pri- 
mogcniture,  n'était  pas  la  45''.  appe- 
lée à  cette  grande  succession.  Jac- 
ques III ,  écarté  par  cet  acte  solennel, 
tenta  ,  mais  inutilement ,  une  des- 
cente en  Ecosse  ;  la  bonne  reine 
Anne  signa  une  proclamation  où  elle 
mettait  a  prix  la  tête  de  son  frère.  Il 
est  vrai  que,  quand  on  fit  le  procès 
aux  chefs  de  la  conjuration,  il  ne  se 
trouva  do  preuves  <{ue  contre  un  seul , 
et  cet  unique  condamné  avait  disparu 
le  jour  où  l'on  voulut  exécuter  le  ju- 
gement. Veuve  à  quarante-quatre  ans, 
sans  que,  de  dix-sept  grossesses  plus 
ou  moins  heureuses,  elle  eût  conservé 
\m  seul  enfant,  Anne  se  vit  supplier, 
par  les  deux  chambres  du  pailemcnt, 
de  contracter  un  nouveau  mariage. 
Soit  qu'elle  n'eut  pas  une  conGancc 
égale  dans  sa  fécondité ,  soit  qu'elle 
ne  voulut  pas  risquer  de  créer  im 
obstacle  de  plus  à  la  rcstauratiun 
(le  son  frère  et  de  sa  famille  ,  elle 
se  refusa  au  vœn  du  parlement,  et 
elle  ne  songea  ))lus  qu';;  mettre  le  gou- 
vernement tout  entier  dans  la  main  des 
Torys,  qu'appelait  alors  la  disposition 
universelle  des  trois  royaumes.  Le  [pre- 
mier signal  de  ce  grand  changement 
fut  le  procès  du  docteur  Sache verel, 
dénoncé ,  par  les  communes ,  pour 
avoir  prêché  le  droit  divin  des  rois  et 
l'obéissance  passive  dos  sujets;  protégé 
secrètement  par  la  cour,  mais  si  hau- 
tement défendu  par  le  peuple  de  la 


A  N'N 
capitale  et  des  grandes  villes  ;  si  dou- 
cement puni  après  avoir  été  si  violem- 
ment accusé ,  qu'on  peut  dire  que  ce 
sermon  et  ce  procès  révélèrent  à  la 
reiîie  le  secret  de  ses  forces ,  qu'elle 
n'avait  pas  encore  mesurées.  Elle  ne 
tarda  jias  à  s'en  servir.  Ce  fut  alors 
que  la  duchesse  de  Marlborough ,  qui , 
par  sa  tyrannie  et  son  arrogance,  avait 
mis  dans  le  cœur  de  sa  maîtresse  l'a- 
version à  la  place  de  l'engouement, 
se  vit  supplanter  par  une  de  ses  pa- 
rentes qu'elle-même  avait  introduite  k 
la  cour  ,  Elisabeth  Masham  ,  aussi 
respectueuse,  aussi  habile  à  flatter  les 
penchants  de  sa  souveraine,  que  la 
duchesse  s'était  montrée  brusque ,  dé- 
daigneuse ,  contrariante.  Godolphin, 
Snnderland  ,  Sommers  ,  Dévonshire, 
Walpole,  furent  remplacés  par  Harley, 
créé  bientôt  comte  d'Oxf  rd  ;  St.-Jean, 
qui  a  été  le  fameux  lord  Bt^Iingbrokc  y 
liochester,  Buckingam  et  George  Gran- 
ville  ;  le  chevalier  Simon  Harcourt, 
qui  avait  ])laidé  pour  Sacheverel  , 
fut  élevé  à  la  dignité  de  grand  chan- 
celier ,  au  lieu  de  lord  (jovvper.  De 
tout  ce  gouvernement  Whig, naguère 
si  puissant,  il  ne  restait  plus  qu'une 
chambre  des  communes  désavouée 
par  le  pc\iple  ,  une  guerre  dont  les 
triomphes  étaient  oubliés  ,  mais  dont 
"  le  poids  était  senti  ;  et  l'autorité  du 
duc  de  Marlborough  encore  existante 
à  la  tête  des  armées  ,  mais  menacée 
d'une  chute  inévitable  dans  l'intérieur 
de  sou  pays.  Une  proclamation  royale 
cassa  le  parlement.  Le  peuple  députa 
autant  de  Torys  à  la  nouvelle  chambre 
des  communes,  qu'il  avait  envoyé  de 
Whigs  à  la  chambre  dissoute.  La  reine 
créa  douze  pairs  <i  la  fois,  pour  assurer 
la  même  supériorité  au  même  parti 
dans  la  chambre  haute.  Le  premier 
acte  du  nouveau  sénat  fut  une  adresse 
à  la  reine  pour  la  supplier  de  con- 
fondre toutes   les   mesures  et  toutes 


ANN 

les  doctrines  réoeraïuent  hasardées 
contre  sa  couronne  et  sa  dignité' royale. 
I.a  paix  fut  résolue.  Il  fallait  écarter 
rhomnte  incompatible  avec  elle  :  ce 
fut  le  moment  de  l'accusation  ,  de 
la  destitution  ,  de  l'exil  du  duc  de 
IMarlborough.  Prier  ,  illustre  comme 
poète ,  distmgue'  comme  homme  d'é- 
tat ,  fit  un  premier  voyage  en  France 
j;our  y  poser  les  fondements  d'un 
traité  séparé,  si  les  alliés  des  An- 
glais persistaient  à  vouloir  la  prolon- 
gation de  la  guerre.  Il  y  retourna  bien- 
tôt ,  avec  le  vicomte  de  Bolingbroke  , 
chargé  d'y  conclure  définitivement  un 
double  traité  de  paix  et  de  commerce. 
D'un  autre  côté ,  l'évéquc  de  Bristol  et 
le  comte  de  Straffbrd  allèrent  notifier 
à  la  Haye  l'irrévocable  résolution  de 
la  reine.  Enfin  ,  malgré  le  duc  de 
Marlborough  et  le  prince  Eugène,  mal- 
gré les  États-généraux  des  Provinces- 
Unies  et  le  conseil  de  l'empereur  d'Al- 
lemagne ,  les  peuples  respirèrent.  La 
fameuse  paix.  d'Utrccht  fut  signée  (  1 1 
avril  1715)  par  toutes  les  puissances , 
à  l'exception  de  l'empereur ,  qui  de- 
vait bientôt  se  voir  forcé  d'y  accéder 
lui-même.  Tels  sont  les  mvstèrcs  et 
les  jeux  de  la  poHtique,  que,  dans  le 
fiaiié,  la  reine  Anne  faisait  stipuler 
l'expulsion  de  son  frère  Jacqu  s  III 
hors  de  France,  et  la  transmission  de 
sa  couronne,  après  elle,  à  la  maison 
de  Hanovre  ,  tandis  qu'elle  attendait 
précisément,  de  ce  traité,  le  repos  et  les 
mesures  nécessaires  pour  assurer  son 
bel itage  à  ce  même  frère,  qui ,  de  son 
côté,  prolestait  formellement  contre 
toutes  ces  stipulations.  Les  Whigs , 
'a  l'affût  de  tout  ce  qui  pouvait  rendre 
l'existence  à  leur  pouvoir ,  ne  s'éle- 
vèrent pas  seulement  avec  force  contre 
la  paix  qui  venait  d'être  signée  ,  et 
contre  l'énorme  disproportion  qu'ils  y 
trouvaient  entre  les  avantages  stipulés 
pour  l'Angleterre,  et  le  prix  dont  elle 


ANN  20^ 

lés  avait  achete's.  Cet  argument ,  pré- 
senté seul ,  eût  pu ,  dans  l'espèce  par- 
ticulière, être  vivement  rétorqué  par 
les  accusés  contre  les  accusateurs;  et, 
en  thèse  générale,  combien  y  a-t-ilde 
guerres  où  les  victoires  et  les  conquêtes 
vaillent  le  sang,  les  trésors ,  et  tous  les 
malheurs  qu'elles  ont  coûtés  ?  Mais 
les  chefs  du  parti  crurent  avoir  démêlé 
les  intentions  secrètes  de  la  reine  en 
faveur  du  prétendant ,  et  l'ouverture 
du  parlement  de  1  - 1 4  se  ressentit  dv> 
impressions  qu'ils  avaient  su  répandre. 
On  mit  en  question,  dans  la  chambre 
haute ,  si  le  droit  de  succession  de 
la  maison  de  Hanovre  n  était  pas  en 
danger  sous  le  gouvemement  de  la 
reine?  La  majorité  décida  que  le  dan- 
ger n^ existait  pas ,  précisément  parce 
que  beaucoup  y  croyaient  et  l'appe- 
laient; maié ,  sur  une  nouvelle  motion 
des  Whigs,  cette  même  majuritc  n'osa 
se  refuser  à  supplier  la  rcme  de  mettre 
à  prix,  pour  la  seconde  fois ,  la  tête 
de  son  frère.  Anne  résista.  Le  parti 
opposé  à  la  cour  vota  que  le  succes- 
seur désigné  de  la  reine  fût  imnté 
à  iienir  en  Angleterre  veiller  sur 
son  héritage  :  Anne  écrivit  à  la  prin- 
cesse Sophie  et  au  prince  électoral , 
et  elle  sut  les  détourner  d'un  vovagc 
qu'elle  leur  présenta  comme  le  signal 
d'une  guerre  civile.  11  est  même  incer- 
tain si  la  princesse  Sophie  ,  pctite- 
fîile ,  par  sa  mère ,  de  Jacques  I'  '. ,  nr 
préférait  pas  en  secret  la  restauration 
de  son  cousin  Stuart  à  l'élévation  de 
son  fils  Brunswick.  Tout  à  coup ,  vint 
se  montrer  publiquement,  à  Londres, 
lin  envové  de  la  reine  douairière  de 
Jacques  II ,  répétant  treize  années  d'un 
douaire  de  5o,ooo  hv.  sterl. ,  que  le 
roi  Guillaume  s'était  engage  à  lui  payer 
par  un  article  secret  du  traité  de  bis- 
Avick.  Les  Whigs  crièrent  plus  fort 
que  jamais.  Anne,  pour  les  apaiser 
ou  les  tromper ,  consentit  à  la  procla-. 


2o4  A  N  N 

mation  qu'ils  lui  ledcinandîrcrit  en- 
core.  Elle  cliercha    seulement  à   eu 
adoucir  les  expressions  ,  en  promet- 
tant une  récompense  de  5,ooo  liv. 
sterl.  à  quiconque  amènerait  devant 
lin  juge  de  paix  le  ci-devant  appelé 
prince  de  Galles  ,  qui  se  disait  au- 
jourd'hui j-oi  d^ Angleterre ,  en  cas 
qu'il  débarquât    dans  la    Grande- 
Bretagne    ou  dans    V Irlande.  Des 
mémoires    secrels ,  connus  de   l'au- 
teur de  cet  article,  l'autorisent  à  croire 
que  Jacques  111   débarquait  secrète- 
ment à    Londres  ,    pour  y  voir   sa 
sœur,  dans  le  temps  même   où  elle 
lui  défendait  d'aborder  en  Anp,leterie, 
sons  ])eine  de  s'y  voir  hors  de  la  loi. 
Le  frère  et  la  sœur  eussent  peut-être 
triomphe  de  l'opposition  desWhi^s; 
mais  1.1  discorde  se  mit  parmi  les  To- 
rys ,  et  jusque  dans  le  sein  du  minis- 
tère. Oxford  et  Bolin£;bruke  devinrent 
irréconciliables.  I.e  premier  accusa  le 
second  de  vouloir  remettre  le  préten- 
dant sur   le  trône  ,  et  devint  tout  à 
coup  ardent  pour  la  li£;ne  de  Hanovre. 
La  reine,  désespérée  de  celte  division 
entre  des  serviteurs  sur  l'union  des- 
quels reposaient  toutes  ses  espérances , 
répéta  plusieurs  fois  quelle n'j  sur- 
vivrait pas.  Fatiguée  des  adresses  du 
parlement ,  que  les  Whij^s  du  dehors 
tiouvaient moyen  dedominer ,  elle  ve- 
nait de  le  proroger  pour  un  mois ,  le 
20  juillet  1 7 1 4^  lorsqu'elle  tomba  dans 
un  état  de  faiblesse  et  de  léthargie  qui 
la  mit  au  tombeau ,  le  \i  août  suivant , 
n'étant  âgée  que  de  quarante-neuf  ans , 
et  dans  le   treizième   de   son  règne. 
Elle  avait  laissé  échapper,  dans  son  der- 
nier jour,  ce  mot  qui  révélait  le  secret 
de  toute  sa  vie  :  «  Ah  !  mon  cher  frère, 
que  je  vous  plains  I  »  Aussitôt  qu'elle 
eut  rendu  le  dernier  soupir,  le  conseil 
privé  s'assembla;  un  envoyé  de  l'élec- 
teur de  Hanovre  (  l'électrice  douai- 
rière était  morte  depuis  deux  mois)^ 


A  N  N 

y  parut  portant  les  ordres,  et  annoH- 
çaut  l'arrivée  de  son  maître.  Les  clieJ'5 
de  l'aristocratie  Whig,  rasseudilés  eu 
un   faisceau  ,  se  trouvèrent  investis 
de  la  régence  ;  les  espérances  de  Jac- 
ques m  ,  errant  et  proscrit,  les  pro- 
jets de  ses  partisans  nombreux,  mais 
épars ,  s'évanouirent  ;  et  la  maison  de 
Ijruuswick  se  vit  établie  sur  ce  troue, 
où  la  reine  défunte  l'avait  si  souvent 
appelée  avec  tant  de  désir  de  l'en  éloi- 
gner ;  étrange  destinée,   qui,  consa- 
crant tous  les  actes  oftlciels  de  celte 
piincesse,  et  frustrant  toutes  ses  in- 
tentions secrètes  ,  lui  composa  nue 
vie  aussi  triste  que  scn  règne  était 
beau  (  V.  GEORCt  1'  '^.  ).  Le  règne  de 
la  reine  Anne  n'est  ])as  moins  célèbre 
en  Angleterre  par  l'éclat  qu'y  jeta  l.i 
littérature ,  que  pai-  la  gloire  des  armes 
et  l'importance  des  transactions  poli- 
tiques. Jusqu'alors   des  hommes   de 
génie,  tels  que  Shakspeare,  Drydeu  , 
Milton,  etc.,  y  avaient  paru;  mais  les 
lettres  n'avaient  jamais  été  cultivc-es  à 
la  fois  par  un  si  grand  nombre  d'écri- 
vains supérieurs.  C'est  sous  ce  règne 
que  vécurent ,  outre  Prior,  dont  on  a 
parlé,  Pope,  Swift,  Addison ,  Con- 
grève,  Parncll ,  Gay  ,  Rowe,  8teele  , 
Arbuthnot ,  Young  ,  Thomson,  lady 
INIcntague  ,  et  plusieurs  antres  ,  dont 
les  productions  rendirent  cette  époque 
presque  aussi  brillante  pour  l'Angle- 
terre ,  que   le  siècle   de  Louis  XIV 
venait  de  l'être  pour  la  France.  Les 
progrès  de  cette  éloquence  parlemen- 
taire ,  qui  depuis,  même  hors  des  î!es 
Britanniques,  a  tant  excité  lintérèldcs 
nations  et  des  souverains  ,  se  firent 
aussi  remarquer  dans  les  discours  d'un 
duc   d'Hamdfon  ,    d'un   marquis   de 
Tweddale  ,  d'un  lord  Belhaven.  d'un 
lord  Havcrsham  ,  du  fameux  lord  Bo- 
lingbroke,  du  chevalier  Parker,  etc. 
L_T— L. 
ANNE  -  IWANOWNA  ,  inipcra- 


ANN 

trice  de  Russie  ,  naquit  en  1690.  Elle 
était  fiile  d'hvan ,  frèie  aîné'  de  Pierre- 
le-Gfand,  et  de  Prascovie  Soltikoft'. 
IMaiiée  au  duc  de  Courlande,  veuve, 
et  sans  enfants ,  elle  monta  sur  le 
trône  des  czars  ,  eu  1750,  à  la  fa- 
veur d'une  intrigue  qui  me'rite  d'être 
expliquée.  Pierre  II ,  fils  de  l'infor- 
lunë  czarovvitz  Alexis,  venait  de  fer- 
mer les  yeux  à  l'âge  de  seize  ans  :  les 
jeunes  princes ,  Iwan  et  Basile  Dolgo- 
rouky,  après  avoir  arrache'  l'einpire 
au  fameux  Menlzicoff",  l'avaient  gou- 
verne ,  sous  la  direction  du  vieux 
chancelier  Ostcrraann.  Celui-ci,  se 
flattant  de  conserver  son  crédit  sous 
le  règne  d'une  princesse  à  laquelle  il 
avait  donné  les  premières  leçons  de 
lecture,  se  servit  de  toute  l'influence 
de  son  ministère  pour  engager  le  sé- 
nat ,  les  grands ,  les  boyards ,  rassem- 
blés à  Moscou  ,  dans  le  palais  du 
Kremlin ,  à  déférer  l'empire  à  la  du- 
chesse de  Courlande.  Anne  fut  donc 
préférée  aux  deux  filles  de  Pierre-le- 
Grand  (  Foy.  ci-après  ) ,  et  le  prince 
Basile  Dolgorouky  fut  chargé  de  lui 
porter  le  choix  de  la  nation.  On  as- 
sure qu'en  entrant  clicz  la  nouvelle 
impératrice ,  le  prince  aperçut  auprès 
d'elle  un  homme ,  ass(z  mal  vêtu  ,  à 
qui  il  fit  signe  de  se  retirer.  Cet  homme 
ne  paraissant  pas  pressé  d'obéir,  Dol- 
gorouky le  prit  par  le  bras  pour  le 
mettre  à  la  porte.  Anne  l'arrèla.  Cet 
homme ,  que  les  Dolgoroukv  appri- 
rent bientôt  à  connaître,  était  Ernest- 
Jean  de  Biren ,  qui  vint  gouverner 
la  Russie  ,  à  la  suite  de  sa  maître>^.se. 
Anne  ,  qui  avait  promis  d'abord  d'é- 
carter son  favori ,  et  de  modifier  la 
puissance  absolue  des  czars  ,  à  peine 
montée  sur  le  trône,  dédaigna  ce  dou- 
ble engagement,  et,  par  les  conseils 
du  prince  Troubetzkoï ,  se  fit  recon- 
naître autocratrice  de  tous  les  Russics. 
Aiors  Bircu  ne  mit  plus  de  borues  à 


ANN  2o3 

ses  fureui-s  et  à  son  ambition.  Les  Dol- 
gorouky furent  ses  premières  vic- 
times. Exilés  en  Sibérie ,  où  ils  purent 
rencontrer  Menlzicoff,  qu'ils  y  avaient 
envoyé ,  ce  supplice  parut  encore  trop 
doux  à  leur  implacable  ennemi.  Bircu 
les  fit  rappeler.  Deux  de  ces  princes 
périrent  sur  la  roue  ,  deux  autres  fu- 
rent écartelés  ,  trois  eurent  la  tèîe 
tranchée;  le  reste  de  la  famille,  dé- 
pouillé de  tous  ses  biens ,  fut  relé- 
gué loin  de  Moscou.  Presque  tous 
leurs  amis  tombèrent  sous  la  haclic 
des  bourreaux ,  ou  furent  traînés  dans 
les  déserts  de  la  Sibérie.  Biren- fit  pé- 
rir dans  les  supplices  près  de  i '.1,000 
personnes ,  et  en  exila  plus  de  ^0,000. 
On  prétend  que  l'impératrice  se  jeta 
plusieurs  fuis  à  ses  genoux,  et  pro- 
digua vainement  les  larmes  et  les 
prières  pour  l'adoucir.  Elle  l'avait  fait 
nommer  duc  de  Courlande,  maigre  i.i 
résistance  de  la  noblesse,  qui,  peu 
d'années  auparavant ,  avait  refusé  de 
le  reconnaître  pour  simple  gentil- 
homme. Au  reste,  si,  pendant  les  dix 
années  que  régna  sa  maîtresse ,  il  rem- 
plit la  cour  de  deuil  et  de  terreur,  il 
faut  avouer  aussi  qu'il  étendit  et  fit 
respecter  au-dehors  la  puissance  de  la 
Russie.  Anne  plaça  l'électeur  de  Saxe, 
Auguste  III,  sur  le  trône  de  Pologne,  et 
contraignit  le  sage  Stanislas  Leckzinsky 
à  renoncer ,  pour  la  seconde  fois  ,  à  la 
dangereuse  préférence  que  les  Polo- 
nais lui  avaient  accordée.  Ses  armées, 
commandées  par  le  célèbre  Munich  , 
secoururent  l'empereur  Charles  TI  ^ 
vainquirent  les  Turks  ,  et  dispersè- 
rent les  Tatars  de  Crimée.  Biren  con- 
serva le  pouvoir ,  dont  il  abusait  avec 
tant  d'audace ,  jusqu'aux  derniers  mo- 
ments de  sa  souveraine  :  en  mourant 
elle  le  nomma  re;  < ut  de  l'empire  , 
pendant  l'enfance  du  prince  Iwan  (  de 
Brunsv^'ick  )  ;  mais  les  dernières  vo- 
lontés de  cette  princesse,  faible  et  ti- 


5n6  A  N  N 

înide,ue  furent  pas  plus  respectées 
que  celles  de  tant  d'autres  monarques 
^qui  ont  occupé  le  trône  avec  plus  de 
À'igueur  et  de  gloire.  (  V.  Brunswick 
Bkvern  ,  BiREN  ,  Munich  ,  Oster- 
MANN ,  etc.  ).  Anne  mourut  le  28  oc- 
tobre \^[\o ^'d,\k^&  de  quarante-sept 
ans.  E— -D. 

ANiNE-PÉTROWNA ,  fîUeaîuee  de 
Pierre-le-Grand ,  et  de  Catherine  I '"''., 
naquit  en  1706,  et  iut  mariée  ,  en 
17 '25  ,  à  Cliarles-Frédéric  ,  duc  de 
Holstein  -  Gottorp.  Elle  jouit  peu  du 
bonheur  qu'elle  avait  trouve'  loin  de 
la  cour  de  Pétersbourg,  alors  si  fé- 
conde en  révolutions  ;  la  duchesse  de 
Holstein  ,  également  distinguée  par 
son  esprit  et  par  sa  beauté,  mourut  , 
en  1 7  28  ,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans  , 
laissant  un  fils  unique ,  qui  fut  ensuite 
l'infortuné  Pierre  III.  La  mère,  ap- 
pelée en  Russie  après  la  mort  de  Ca- 
Uierine  l".  ,  n'avait  assisté  qu'une 
seule  fois  au  conseil  de  régence,  le 
prince  MentzicotT,  maître  de  l'empire 
sous  un  monarque  enfant,  l'avant  for- 
,  cée  de  se  retirer  à  Kiel.  Le  fils  ,  ap- 
pelé au  trône  ]iar  le  vœu  de  sa  tante , 
l'impcralrice  Elisabeth,  en  fut  préci- 
pité ,  après  un  règne  de  six  mois  , 
par  une  catastrophe  bien  plus  funeste. 
eA'qr.  Pierre  lil).  E— u. 

AiNNE  de  Hongrie,  fdle  de  Ladis- 
las  VI ,  roi  de  Pologne ,  et  sœur  de 
Louis  11,  roi  de  Hongrie,  fut  inie 
d(!S  plus  belles  f;'iunh?s  de  son  temps. 
Elle  porta  la  couronne  de  Hongrie  et 
de  Bohème  à  son  époux ,  Ferdinand 
d'Autriche,  et  le  fit  sacrer  à  Albe- 
Royale  ,  en  i5'i7.  Deux  ans  apiès  , 
celte  princesse  donna  Texeraple  d'un 
raTc  courage ,  pendant  le  siège  de 
Vienne,  ])ar  Soliman,  empereur  des 
Turks  ,  et  par  Jean  Zopolya  ,  vav- 
vode  de  Transylvanie  ,  qui ,  après 
s'être  fait  couronner  roi  de  Hongrie  , 
s'c'tait  mis  sous  la  pcotectiou  de  Soli- 


A  N  N 

tnan,  Anne  de  Hongrie  contribua 
puissamment  à  la  défense  de  Vienne. 
En  1 538  ,  les  deux  concurrents  se 
partagèrent  la  Hongrie;  ainsi,  l'avé- 
nement  de  la  maison  d'Autriche  à  la 
couronne  de  Hongrie ,  date  de  ceîle 
époque.  Depuis  lors  ,  la  Hongrie  est 
2)iutôt  considérée  comme  faisant  par- 
tie d'une  autre  puissance,  >pie  comme 
une  souveraineté  indépendante.  Anne 
mourut  à  Prague,  le  27  janvier  1 547. 
Marie  de  Médicis  et  Anne  d'Autriche 
étaient  ses  petites-filles.  B — p. 

ANNE,  dernier  rejeton  de  la  se- 
conde race  des  dauphins  de  Viennois, 
de  la  maison  de  Bourgogne,  et  restée 
seule  héritière  du  Dauphiné.  Elle  eut 
pour  père  Guigues  VI ,  descendant 
au  dixième  degré  de  Hugues  Capet,  et 
pour  mère,  Béati'ix  de  Savoie,  fille 
de  Pierre,  comte  de  Savoie,  et  d'Agnès 
de  Faucigny  ,  nièce  du  roi  S.  Louis. 
Du  mariage  de  Guigues  et  de  Béatrix 
étaient  sortis  deux  fils  et  deux  filles  : 
i".  Jean,  qui  fut  dauphin  après  son 
père,  et  mourut,  à  vingt  ans,  d'une 
chute  de  cheval ,  sans  laisser  aucun 
enfant  de  son  mariage  avec  Bonne  de 
Savoie  ;  2".  André ,  mort  avant  son 
frère,  sans  avoir  été  marié;  5".  Ca- 
therine, enlevée  par  un  trépas  éga- 
lement prématuré;  et  4'^.  AN>E,qui, 
survivant  seule  à  toute  sa  famille,  eu 
recueillit  tous  les  droits  en  1282.  Elle 
fut  menacée  de  s'y  voir  troublée  par  son 
parent  Robert,  duc  de  Bourgogne,  (pii 
j)rélendit  que  le  Dauphiné  était  un  fief 
masculin ,  et  qui  s'en  fit  invesfir  par 
l'empereur  Rodolphe.  Mais  ,  par  un 
bonheur  singulier ,  Robert  avait  été 
tuteur  de  la  dauphiné ,  avant  de  pou- 
voir songer  à  se  porter  pour  son  rival , 
et,  dès  l'année  ia75  ,  il  lui  avait  mé- 
nagé un  puissant  défenseur  contre  son 
agression  de  1  •182,  en  lui  faisant  épou- 
ser Humbert  do  la  Tour-du-Pin ,  pos- 
sesseiu"  de  yasles  domaines  dans  le 


A  N  N 

Dauphlné ,  issu  des  anciens  comtes 
d'Auvergne ,  et  déjà  uni  par  alliance  à 
la  maison  del])hinale ,  puisque ,  par  sa 
mère  Béatris  de  Coliguy ,  il  était  petit- 
fils  de  la  daupbiue  Eéatrix.  Elevé' 
d'ailleurs  à  la  cour  de  Philippe-le-Har- 
di ,  engage'  d'abord  dans  l'e'tat  ecclé- 
siastique ,  mais  sécularise  lorsque,  par 
la  mort  de  son  frère  Albert  IV,  il  était 
devenu  le  chef  et  riuiiquc  espoir  de 
sa  maison  ,  Hurabert  de  la  ïour-du- 
Pin  s'était  bientôt  montre'  un  des  plus 
vaillants  chevaliers  de  son  temps.  Il 
avait  été'  récemment  en  Sicile  avec 
Pierre , comte  d'Alençon,  Robertd'Ar- 
tois  ,  et  plusiems  autres  princes  ou 
seigneurs,  pour  tirer  vengeance  de  cet 
horrible  massacre  des  Français ,  connu 
sous  le  nom  de  J^éyres  siciliennes. 
Il  lit  dans  cette  nouvelle  et  importante 
circonstance  tout  ce  qu'où  pouvait 
attendre  de  lui,  et  parut  également 
digne  de  protéger  et  de  partager  le 
trône  delà  dauphine.  Le  courage  d'es- 
piit  qui  distinguait  éminemment  cette 
princesse  seconda  la  valeur  brillante 
de  son  époux.  Le  duc  Robert ,  le  comte 
de  Savoie  ,  l'empereur  Rodolphe  lui- 
même  ,  furent  réprimés  dans  leurs 
entreprises.  Le  souverain  pontife,  les 
rois  de  France  et  d'Angleterre ,  inter- 
vinrent eillcacement  dans  la  querelki, 
comme  médiateurs.  La  succession  à  la 
souveraineté  du  Dauphiué  fut  solen- 
nellement établie  et  reconnue  dans  la 
nouvelle  dynastie  qui  venait  de  naître. 
Les  bai-onies  de  la  Tour  et  de  Coligny, 
tous  les  domaines  qu'avait  apportés 
Humbert  de  la  ïuur-du-Pin,  furent 
affranchis  de  l'hommage  dont  plusieurs 
avaient  été  tenus  jusque-là  envers  la 
maison  de  Savoie.  La  dauphine  qui, 
dès  le  premier  jour  de  son  avènement 
au  trône  delphinal ,  avait  voulu  que  son 
époux  exerçât  tous  les  droits  et  prît 
tous  les  litres  de  la  souveraineté  ,  se 
bâla  d'y  asseoir  leur  fds  aîaé^  aussitôt 


ANN  20-J 

qu'il  fut  en  âge  d'émancipation,  et  lou 
vit  tous  les  actes  de  gouvernement  et  de 
justice ,  porter  en  tète  :  Nous  Hum- 
bert dauphin ,  comte  de  Fienne  et 
d'Albon  ,  seigneur  de  la  Tour  ; 
Anne  dauphine^  sa  compagfie ,  com- 
tesse des  susdits  comtés  et  dame  de 
la  Tour;  Jean  ,  leur  fds ,  prince  del- 
phinal, comte  d'Embrun  et  de  Fa- 
ïence, etc.  Le  règne  de  ces  bons  et 
vertueux  époux  dura  peu  ,  et  parut 
d'autant  plus  coiu't,  que  leur  union  fat 
constamment  heureuse  pour  eux  ,  leur 
famille  et  leurs  peuples.  L'amour,  la 
gloire  et  la  politique  resserraient  leurs 
nœuds'  chaque  jour.  Quatre  fils  et 
quatre  filles  en  étaient  les  fruits.  Tran- 
quilles au  dehors  ,  adorés  dans  l'in- 
térieur de  leurs  états,  le  dauphin  el  la 
dauphine  s'occupaient  de  f  jndatious 
pieuses,  d'établissements  salutaires ,  de 
sages  règlements  ,  lorsqu'en  i  ic)i^  la 
mort  vint  frapper  Anne  au  mi  ieu  de  sa 
carrière ,  dans  la  plénitude  de  son  bon* 
heur,  et  dans  l'exercice  de  toutes  ses 
vertus.  La  désolation  fut  générale  parmi 
tous  ses  sujets.  Son  époux  inconsolable 
l'accompagna  jusqu'à  son  tombeau 
dans  l'église  des  Chartreuses  de  Sa- 
leltc ,  qu'elle  avait  fondée  ;  alla  s'ense- 
velh'  lui-même  dans  la  chartreuse  du 
Val  de  Ste.-Marie,  oii  il  lui  survécut 
huit  ans  ]>our  la  pleurer;  et  ce  fils 
aîné ,  qu'ils  avaient  associé  au  gou- 
vernement, leur  succéda  i  P'.  Hum- 
BEUT  ^^  et  Jean  II).      L— T— l. 

ANJN  F  de  Chipre ,  duehesse  de 
Savoie,  fille  de  Janus,  roi  de  Chipre 
et  de  Jérusalem ,  fut  promise  ,  en 
i45j  ,  à  Araédée  de  Savoie,  fils  d'A- 
médée  V III  ;  mais  ce  prince  étant 
mort  avant  que  cette  alhance  eût  été 
conclue,  les  ambassadeurs  du  duc  de 
Savoie  demandèrent  la  main  de  ta 
jeune  princesse  de  Chipre  pour  Louis 
de  Savoie,  comte  de  Genève,  second 
fils  d'Amédec  YiU,  Le  roiyconsea- 


2o8  A  N  N 

tit ,  et  Anne  de  Chypre ,  dont  Olivier 
de  La  Marche  parle  comme  d'une  des 
plus  belles  princesses  de  son  temps , 
eut  en  dot  cent  mille  e'eus  d'or  de 
Venise  :  le  duc  Amëdëe  lui  assigna 
cent  mille  écus  de  douaire.  Ce  ma- 
nae,e  fut  célébré  en  i455,  à  Cham- 
béry,  avec  beaucoup  de  magnificence. 
Anne,  par  son  esprit  et  les  grâces  de 
sa  figure  ,  prit  un  tel  ascendant  sur 
les  volontés  de  son  époux  ,  que,  lors- 
qu'il parvint  à  la  couronne,  eu  1 4  J  i , 
elle  disposa  entièrement  des  charges , 
des  honneurs  et  des  finances.  Anne 
n'avait  pas  assez  de  fermeté  et  de  lu- 
mières pour  tenir  seule  les  l'ênes  du 
gouvernement.  Sous  son  règne,  les 
Cypriotes  jouirent  de  toutes  les  fa- 
veurs ,  et  obtinrent  les  charges  les 
plus  importantes;  et  cette  préférence 
excita  beaucoup  de  mécontentement. 
Anne  se  servit  aussi  de  son  pouvoir 
pour  faire  des  fondations  pieuses,  et 
créer  des  élabUssements  utiles.  Elle 
mourut  à  Genève ,  le  9,0  janvier  1 465 , 
deux  ans  avant  le  due  son  époux, 
dont  elle  avait  eu  quatorze  enfants  , 
dont  huit  princes  et  six  princesses. 
Anne  de  Chypre  se  fit  inhumer ,  selon 
l'usage  de  son  siècle,  vêtue  de  l'habit 
de  S.  François ,  dans  l'église  des  cor- 
dehersde  Genève  qu'elle  avait  fondée. 
B— p. 

ANNE  DE  FEHRARE.  Voy.  Fer- 
rare. 

ANNE  DE  GONZAGUE.    Foy. 

GONZAGUE. 

ANNE ,  duchesse  de  Guise  (  Voy. 
Guise  ,  François ,  duc  de  ). 

ANNE-jNlARIE,  née  duchesse  de 
Brunswick,  femme  d'Albert,  duc  de 
Prusse,  était  remarquable  par  ses 
connaissances  et  par  ses  vertus  :  en 
mourant,  elle  laissa  à  son  fils ,  Albert- 
Frédéric,  un  petit  Traité  de  conduite, 
intitulé:  -V/ryiV  des  Princes,  divisé 
eu  cent  préceptes  :  ou  en  voit  encore 


ANN 
un  exemplaire  dans  la  bibiiotlièquP 
de    Kœnigsberg.    Elle    mourut ,    le 
20   mars    i568,  le  même  jour  que 
son  époux.  G — T. 

ANNEBAUT  ,    ou  ANNEBAUD 
(Claude,  maréchal  d')  ,  guerrier, 
ministre,  favori,  sous  François  P"". , 
roi  de  France ,  et  du  petit  nombre  de 
ceux  qui ,  dans  ime  pareille  position, 
ont  laissé  après  eux  l'exemple  de  la 
plus  incorruptible  vertu ,  et  du  dé- 
sintéressement le  plus  pur.  Il  sortait 
d'une  ancienne  famille  de  Norraandir  , 
possédant ,  de  temps  immémorial ,  la 
seigneurie  de  son  nom,  près  de  Pont- 
Audemer ,  et  descendait,  au  9^  degré , 
de    Monsieur  Jehan  d'Annehaut , 
ainsi  inscrit  sur  le  rôle  des  seigneurs , 
qui,  en  1 097,  avaient  accompagné  à  la 
Terre-Sainte,  Robert  Courte-Heuse , 
duc  de  N-  rniandie.  Claude  d'Annebaut 
se  signala  de  bonne  heure  par  sa  bra- 
voure et  sa  loyauté.  A  la  bataille  de  Pa- 
vie ,  (  'î.\  février  1  5j5  ) ,  il  fut ,  avec 
Montejean,Trans,  la  Roche  du  Maine, 
du  nombre  de  ceux  qui ,  au  lieu  de 
suivre  le  duc  d'Alençon  dans  sa  hoi>- 
teuse  retraite ,  se  séparèrent  d'avec 
lui ,  quoique  sous  ses  ordres  ,  et  allè- 
rent, les  uns  périr  aux  pieds  de  leur 
roi ,  en  le  défendant ,  les  autres ,  par- 
tager SCS  périls  et  sa  prison.  Fran- 
çois \".  s'aflectionna ,  depuis  cette  épo- 
que, à  Claude  d'Annebaut,  et,  plus  il 
le  connut,  plus  il  le  chérit.  Pendant 
les  campagnes  d'Italie,  de  Flandre, 
de  Champ>)gne ,  le  roi  l'employa  par- 
tout, et  presque  toujoius  avec  le  plus 
grand  succès.  On  vit  d'Annebaut,  suc- 
cessivement colonel-général  de  la  ca- 
valerie légère ,   gouverneur  du  Pié- 
mont ,  maréchal  de  France ,  amiral , 
plusieurs  lois    ambassadeur  ,  car   il 
joignait  la  sagesse  dans  le  conseil  à 
l'intrépidité  dans  l'action;  enfin,  le  roi 
le    choisit   pour    remplacer    l'amiral 
Chabot ,  qui ,    avec  le   cardinal   de 


ANN 

Tournon ,  avait  etë  mis  à  !a  tête  des 
affaires ,  lors  de  la  disgrâce  du  coune'- 
table  de  Montmore-! -y.  En  i545,  le 
roi  d'.Angleterre,  Henri  VIÏI,  s'e'tant 
ligue  avec  l'empereur  Charles-Quiut , 
€t  la  ville  de  Boulogne,  après  la  plus 
vigoureuse  re'sistance,  ayant  été  obli- 
gée de  lui  ouvrir  ses  portes  ,  Fran- 
çois P"".  conçut  le  hardi  projet  de  faire 
luie  descente  en  Angleterre ,  et  char- 
gea d'Annebaut  de  l'exécution.  Dans 
im  seul  hiver ,  le  roi  et  l'amiral  par- 
vinrent à  rassembler  i5o  gros  navi- 
res ,  (jo  vaisseaux  de  moindre  gran- 
deur ,  et  ao  galères.  Les  Anglais  n'a- 
vaient à  mettre  en  mer  que  60  gros 
vaisseaux  et  des  ramberges.  Ils  n'en 
bravèrent  pas  moins  les  efforts  de  la 
France.   L'expédition  d'Annebaut  se 
réduisit  à  une  vaine  promenade  de- 
vant Portsmoutb  ,  à  quelques  petites 
débarcations  d'un  moment ,  et  à  un 
vaisseau  coulé  bas  par  ses  galères  , 
succès  insignifiants  ,  trop  achetés  par 
ïa  perte  d'im  des  meilleurs  ofllciers 
de    la  marine   rovale ,   le   chevalier 
d'Aux ,  capitaine  des  galères  de  î^^or- 
mandie,  qui  reçut  ordre  de  descendre 
dans  l'île  de  Wigt,  qui,  en  effet,  y  prit 
poste  ;  mais  qui,  bientôt  abandonné  de 
son  monde  ,    se  battit  ])resque  seul 
contre  un  détachement  d'Anglais  ,  et 
finit  par   tomber  sous  leurs  coups, 
«  ce  qui  fut  grande  perte  pour  le  ser- 
»  vice  du  roi ,  dit  Martin  du  Bellai  ; 
»  car  il  était  très-vadlant  et  expéri- 
»  mente  gentilhomme.  »  L'année  sui- 
vante, d'Annebaut,  grand-amiral  de 
France  ,  négocia   et  conclut  la  paix 
avec  le   grand -amiral  d'Angleterre. 
Les  deux  monarques  ne  sm-vécurent 
pas  long-temps  au  traité;  ils  mouru- 
rent en  1547;  Henri  VIII,  le  29 
janvier  ,  et  François  F'',  le  5i  mars. 
Sur  son  lit   de  mort,  le  monarque 
français  conseilla  au  dauphin  de  con- 
tinuer  à  se   ser\ir  du  cardinal    de 


ANN  209 

Tournon  ;  mais  sui'tout  de  l'amiral 
d'Annebaut.  a  Je  vous  le  recommande 
»  spécialement  ,  dit  le  roi  mourant 
»  à  sou  successeur  ,  comme  le  seul 
»  homme  de  la  cour  qui  n'ait  jamais 
»  eu  eu  vue  que  le  bien  de  l'état,  et 
»  qui  se  soit  appauvri  dans  le  manie- 
»  ment  des  affaires  publiques.  Aussi,  en 
»  considération  de  sa  probité  et  de  ses 
»  services ,  je  lui  lègue  une  somme  de 
»  100,000  livres.  »  Cette  dernière  re- 
commandation de  François  1".  fut  la 
première  chose  qu'oublia  Henri  II.  Le 
parti  du  connétable  de  Montmorency 
prévalut.  Ou  ôta  le  ministère  à  d'An- 
nebaut; mais  on  ne  put  lui  oter,  ni 
l'estime  générale,  ni  le  crédit  attaché 
à  ses  services  et  à  sa  vertu.  Catherine 
de  Médicis  le  rappela  depuis  au  con- 
seil. Il  mourut  à  la  Fère  ,  le  2  no- 
vembre i552.  Son  frère,  Jacques, 
évèque  de  Lisieux ,  cardinal  ^ous  le  tiJ 
tre  de  vSte.-Suzanne,  était  mort  à  Rouen, 
en  1547.  ^"^  fî\ie ,  Madeleine  d'Anne- 
baut ,  avait  été  mariée  à  Gabriel  , 
marquis  souverain  de  Saluées ,  et  il 
lai>5ait  un  fils  unique ,  Jean  d'Anne- 
baut ,  baron  de  la  Ilunauderie ,  tué  à  la 
liataille  de  Dreux  ,  en  1 062. 

T  T' 

ANNEIX.    ro_r.  SOUVENEL. 

A  NNÈSE  (  Gennaro  ) ,  successeur 
de  Masauiollo  dans  le  commande- 
mentdes  révoltés  de  Naples,  en  1 647 
et  1 648.  Le  duc  d'Arcos ,  après  avoir 
fait  assassiner  Masaniello  ,  voulut 
exercer  une  vengeance  éclatante  sur 
le  peuple  qu'il  avait  dirigé;  et,  en  con- 
séquence, il  fit  attaquer  les  Napolitains 
par  ses  gendarmes  espagnols  ,  tandis 
que  les  forteresses  bombardaient  la 
ville  ,  de  concert  avec  l'armée  navale 
commandée  par  don  Juan  d'Autriche; 
mais  le  peuple  n'en  devint  que  plus 
furieux  ,  il  repoussa  les  Espagnols  , 
et ,  après  avoir  massacré  François  de 
Toraldo  ,  prince  de  Massa ,  qu'il  s'é- 

^4 


210  A  N  N 

tait  donne  pour  capitalne-gene'ral ,  et 
qui  avait  trahi  sa  cause,  il  choisit, 
jjour  chef,  le  -ii  octobre  1647, 
Geniiaro  Annèse  ,  homme  de  basse 
extraction ,  mais  qui  joignait  un  ca- 
ractère ferme  à  beaucoup  de  pénétra- 
tion et  d'habileté.  Annèse  fut  investi 
d'une  magistrature  constitutionnelle , 
et  reconnu  cojnme  l'élu  du  peuple  et 
le  chef  de  la  municipalité.  Cependant 
lesNapohtains,  qui  long- temps  avaient 
voulu  demeurer  fidèles  à  Philippe  IV, 
et  repousser  seulement  le  joug  de  son 
vice-roi ,  avaient  enfin  été  entraînés 
dans  une  révolte  complète.  Après 
avoir  foulé  aux  pieds  tous  les  signes 
de  la  royauté,  ils  avaient  aboh  les 
gabelles  ,  mis  à  prix  la  tête  de  plu- 
sieurs seigneurs.  Enfin ,  par  un  ma- 
nifeste ,  ils  venaient  de  signaler  la 
mauvaise  foi  et  la  cruauté  des  Espa- 
gnols ,  en  invitant  le  pape ,  l'empereur, 
tous  les  princes  et  républiques  ,  à  les 
aider  à  recouvrer  leurs  anciens  pri- 
vilèges ,  ou  plutôt  à  rétablir  leur 
liberté  ;  car  la  \"ille  de  Naples  prenait 
déjà  le  titre  de  république,  Annèse 
ouvrit  une  correspondance  secrète 
avec  le  ministre  de  France  à  Rome,  et 
détermina  les  Napolitains  à  appeler 
Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise, 
pour  être  le  protecteur  de  la  nouvelle 
république.  Ce  prince  entra  dans  Na- 
i)les ;  l'autorité  militaire  lui  fut  attii- 
i)uc'e,  et  Annèse  fut  chargé  du  gouver- 
nement civil.  Bien  plus  fier  et  plus  am- 
bitieux que  I\lasaniello  ,  il  ne  voulut 
point  reconnaître  le  duc  de  Guise 
pour  son  supérieur.  La  mésintelli- 
gence se  mit  bientôt  entre  les  deux 
chefs ,  et  Annèse  ne  vit  plus  qu'avec 
jaluusic  le  rival  qu'il  s'était  donné 
lui-même.  Il  chercha  secrètement  à 
lui  nuire  auprès  du  peuple,  tandis 
que  le  cardinal  Mazarin  le  traversait 
à  la  cour  de  France.  Annèse  traita 
«.ufiii   avec    les    ïlspagnols.   Le   duc 


ANN 

d'Arcos  ,  qui  était  l'objet  do  la  haine 
universelle  ,  ayant  été  rappelé  par  son 
maître,  don  Juan  d'Autriche  fut  in- 
troduit ,  le  6  avril  1 648 ,  dans  Naples , 
par  Annèse ,  qui  lui  remit  les  clefs 
de  la  grande  tour  des  Carmes  qu'il 
commandait.  Le  reste  de  la  ville  sui- 
vit cet  exemple ,  et  don  Juan  fut  mis 
en  possession  de  tous  les  postes  et 
de  toutes  les  forteresses.  Le  comte 
d'Onatte  ,  qui  succéda  presque  aussi- 
tôt au  jeune  prince  dans  le  gouver- 
nement, jugea  qu'd  n'avait  plus  rien 
à  craindre  de  la  populace.  Au  mépris 
de  l'amnistie  générale ,  il  établit  une 
junte  pour  faii'e  juger  tous  ceux  qui 
avaient  participé  à  la  révolte.  Ua 
grand  nombre  de  victimes  périt  sur 
l'échafaud,  et  Annèse  lui-même,  après 
avoir  vu  mourir  presque  tous  ses 
partisans ,  eut  aussi  la  tète  tranchée 
par  l'ordre  du  prince  auquel  il  avait 
rendu  la  couronne.  S.  S  —  1. 

ANNESLEY  (  Arthur  ) ,  comte 
d'Anglesey  ,  né  à  Dublin  en  161 4-  II 
parcourut  les  diverses  parties  de  l'Eu- 
rope, et  revint  en  Angleterre  en  1640. 
La  division  commença,  quelque  temps 
après  ,  à  se  manifester  entre  Charles 
l*""".  et  le  parlement  ;  Anneslev  se  dé- 
clara d'abord  en  faveur  de  la  cause 
royale  ;  \m\\'^  il  passa  ensuite  dans  le 
parti  du  parlement,  qui  le  chargea  de 
plusieurs  négociations ,  dont  il  s'ac- 
quitta avec  beaucoup  d'habileté.  A  la 
mort  de  Cromwell ,  et  lorsqu'il  vit  que 
tout  tendait  au  rétablissement  de  l'an- 
cienne constitution  ,  il  travailla  de 
tous  ses  movens  au  rappel  de  Char- 
les II.  Après  la  restauration  ,  il  fut 
élevé  à  la  dignité  de  comte ,  et  nomme 
garde  du  sceau-privé  en  iG-jS.  Son 
opposition  au  duc  dTorck  et  quel- 
ques autres  circonstances  ,  lui  firent 
perdre  sa  place  en  1682  j  mais  il  se 
conduisit  avec  tant  d'adresse  qu'it 
parvint  à  recouvrer  toute  la  faveur  de 


ANN 

te  pi'înce ,  élevé  au  trône  sous  le  nom 
de  Jacques  II.  Anncslcy  mourut  en 
1 686 ,  âgé  de  soixante-douze  ans  : 
c'était  un  homme  très -éclairé  et  un 
bon  écrivain.  On  a  pu  lui  reprocher 
beaucoup  de  versatilité;  mais  jamais 
il  ne  manqua  de  modération.  Il  s'op- 
posa souvent  aux  mesures  illégales 
de  Cromwell,  et,  comme  il  n'avait  pris 
aucune  part  à  la  condamnation  de 
Charles  1".,  il  ne  craignit  pas  de  se 
montrer  parmi  les  juges  des  régicides. 
On  a  de  lui  des  Mémoires  entremê- 
lés d'observations  morales  ,  poli- 
tiques et  historique  s ,  Londres,  in-8'., 
i6g3j  et  quelques  écrits  de  contro- 
verse politique  et  religieuse.  Il  avait 
composé  une  Histoire  des  troubles 
d'Irlande  ,  £?e  1 64 1  à  1 66o  ;  mais 
cet  ouvrage  est  perdu.  S — d. 

ANNET  (Pierre),  maître  d'école 
à  Londres ,  publia  ,  en  i  ^62  ,  un 
ouvrage,  intitulé:  Thefree  Inquircr 
(  le  libre  Investigateur  ) ,  qui  contenait 
des  propositions  contraires  à  la  doc- 
trine chrétienne.  Cet  ouvrage,  très- 
médiocre  pour  le  fond  et  pour  la 
forme,  ne  pouvait  attirer  l'attention 
publique  que  par  la  témérité  des  opi- 
nions ;  il  excita  un  scandale  assez  gé- 
néral, pour  engager  le  gouvernement 
à  en  poursuivre  juridiquement  l'au- 
teur. Il  fut  cité  devant  la  cour  du 
))anc  du  roi ,  et  déclaré,  par  un  jury, 
coupable  d'impiété  et  de  blasphème. 
En  conséquence,  la  cour  le  condamna 
k  être  emprisonné  deux  mois  à  New- 
gate,  à  êtie,  dans  cet  intervalle,  ex- 
posé deux  fois  au  pilori ,  et  ensuite 
détenu ,  pendant  une  année ,  dans  la 
maison  de  force  ,  appelée  Bridewell. 
Le  même  public  qui  avait  été  scan- 
dalisé du  livre,  trouva  la  punition 
trop  sévère.  Pierre  Annet ,  étant  au 
])ilori ,  ne  fut  point  maltraité  par  le 
peuple.  II  y  fut  exposé  un  jour  avec 
un  homme  convaincu  de  parjure.  Le 


ANN  lit 

peuple,  jetant  de  la  boue  et  des  pierres 
à  celui-ci ,  un  des  spectateurs  dit  : 
«  Prenez  garde  de  blesser  cet  honnête 
»  homme ,  qui  n'est  que  blasphéma- 
»  teur.  »  Une  femme  du  peuple,  li- 
sant sur  son  écriteau  :  blasphémateur^ 
dit:  «  Pardi ,  voilà  un  grand  crime  I 
»  ne  blasphémons- nous  pas  tous  les 
w  jours  ?  ))  Il  paraît  que  le  chàtunenr 
ignominieux  qu'il  venait  de  subir,  loin 
de  servir  à  le  corriger  de  ses  erreurs, 
ne  fit  que  l'y  confirmer,  et  augmenta 
même  sa  témérité.  Après  son  élargis* 
sèment ,  il  alla  se  loger  en  face  du 
palais  de  l'archevêque  de  Cantorbéry, 
et  y  établit  une  école  jjublique,  dans 
laquelle  il  inspirait  à  ses  élevés  peu  de 
respect  jxjur  {'Ancien  et  le  Nouveau 
Testament.  Cette  conduite  eut  le  suc- 
cès qu'elle  méritait  :  lorsqu'elle  fut 
connue  ,  on  lui  retira  peu  a  peu  ses 
pensionnaires,  et  il  fut  obligé  d'aban- 
donner son  école.  11  continua  de  j)ro- 
fesser  assez  hautement  ses  ])rincipes 
irréligieux  dans  un  café  qu'il  fréquen- 
tait habituellement.  On  lui  demanda 
un  jour  ce  qu'il  pensait  de  la  vie  à 
venir;  11  répondit  par  cet  apologue: 
«  Un  de  mes  amis ,  voyageant  en  Ita- 
»  he,  entra  dans  une  ville  :  il  vit  une 
»  auberge ,  et  voulut  savoir  si  c'était 
»  eello  qu'on  lui  avait  indiquée  ;  il  de- 
»  manda  à  un  passant  si  ce  n'était  pas 
))  V enseigne  de  l'Ange.  —  Ne  voycz- 
»  vous  pas,  lui  répondit  le  passant, 
»  que  c'est  un  dragon,  et  non  pas 
»  un  ange  ?  —  Mon  ami,  dit  le  voya- 
»  geur ,  je  n'ai  jamais  \m  d'ange  ni 
»  de  dragon  ;  je  ne  sais  ])as  si  cela 
»  ressemble  à   l'un  ou   à   l'autre.  » 

S-D. 

ANNIBAL,  fils  de  Giscon,  suffète 
et  général  carthaginois,  désirant  ven- 
ger sa  patrie  et  sa  famille ,  en  effaçant 
la  honte  de  la  défaite  de  son  grand- 
père  Amilcar,  devant  Himère,  en  Si- 
cile, partit  l'an  4^9  avant  J,-C.,  à  la 

i4-. 


55  2  ÂN>' 

tête  d'une  armée  forte  de  cent  mille 
hommes,  selon  Tymeo,  et  de  deux 
cent  raille,  sui^^aiit  Éphore.  Débarqué 
à  Lllybée ,  il  prit  vSeliuonle  et  llimère 
d'assaut  ,  et  aljaiidoiina  ces  deux 
villes  à  la  fureur  du  soldat.  Il  détrui- 
sit entièrement  la  dernière ,  '2\o 
ans  après  sa  fondatioa,  et  fit  e>^or- 
£(;r  trois  mille  de  ses  habitants,  dans 
l'endroit  même  ou  son  aïeul  avait 
été  tué.  Après  cette  campagne,  l'une 
des  plus  heureuses  que  les  Carthagi- 
nois aient  faites  en  Sicile ,  Aniubal 
laissa  quelques  troupes  pour  la  sûietd 
de  ses  allies,  et  retourna  à  Cari  liage, 
avec  les  dépouilles  de  Selinonte  et 
d'iiimère  :  tous  ses  concitoyens  allè- 
rent au-devant  de  lui,  et  le  reçurent 
au  milieu  des  cris  de  joie.  Trois  ans 
après,  Anuibal  fut  rcnvovc  en  Sicile, 
pour  conquérir  celle  île  toute  entière, 
avec  une  armée  plus  nombreuse  en- 
core que  la  précédente.  On  lui  donna 
pour  hcutenant,  à  cause  de  son  «^rand 
âge,  Imilcar,  fils  d'IIannon.  Les  deux 
généraux  ouvrirent  la  Champagne  par 
le  siège  d'Agrigcnte;  ils  le  poussaient 
avec  vigueur,  lorsque  la  peste  se  dé- 
clara dans  leur  camp ,  et  fit  périr  An- 
nibal ,  avec  une  grande  partie  de  son 
armée,  l'an  406  avant  J.-C.  [P\  Imil- 
car ).  B — p. 

ANNIBAL  l'Ancien  ,  amiral  car- 
thaginois ,  ravagea  les  côtes  d'Italie 
1  rendant  la  première  guerre  punique, 
'an  a6i  avant  J.-C.j  mais,  attaqué 
par  le  consul  Duilins,  et  entièrement 
défait,  il  fut  obligé  d'abandonner  sa 
galère  amirale,  et  de  se  sauver  dans 
une  chaloupe.  Le  sénat  de  Cartbage  lui 
ôta  le  commandement  des  forces  na- 
vales, si  l'on  en  croit  Orose  et  Zonare; 
mais  on  doit  plutôt  s'en  rapporter  à 
Polvbe ,  qui  assui  c  que  cet  amiral  1  esta 
à  son  poste,  et  que  sa  flolle fat  ren- 
forcée par  nu  grand  nombre  de  galè- 
res, avec  Icsqueiici»  il  rciiîùeamcr, 


ANN 
et  gagna  les  côtes  de  la  Sardaigne. 
Surpris  par  les  Romains,  dans  un  des 
ports  de  cette  île,  il  y  perdit  encore 
plusieurs  vaisseaux ,  fut  attaché  à 
nue  croix,  et  lapidé  par  ses  propres 
soldats,  qui  attribuaient  leur  défaite 
à  sa  témérité  et  à  sa  négligence. 

B— p. 
ANNIBAL,  fils  d'Amilcar  Barcas, 
né  l'an  247  avant  J.-C. ,  n'avait  que 
neuf  ans  lorsque,  voyant  son  père 
oflrir  un  sarrifice  pour  se  rendre  les 
dieux  favorables,  dans  la  guerre  qu'il 
allait  porter  en  Espagne ,  il  se  jeta  à 
son  cou ,  et  le  conjura  de  le  mener  avec 
hii.  Amilcar,  vaincu  par  les  caresses 
de  son  fils,  le  prit  entre  ses  bras,  lui 
accorda  sa  demande,  et  lui  lit  jurer, 
au  ]>ied  des  autels ,  qinl  se  déclare- 
rait l'implacjible  ennemi  de  Rome, 
dès  qu'il  serait  en  âge  de  porter  1rs 
armes.  Amilcar  s'attacha  depuis  à  lui 
inspirer  la  haine  profonde  que  lui- 
même  ressentait  contre  les  Romains. 
Anuibal  le  suivit  en  Espagne,  et  fut 
témoin  de  ses  conquêtes.  Amilcar 
avant  été  tué  neuf  ans  ajircs,  d.ins  une 
bataille  en  Lusitanie,  l'an  i.ic)  avant 
J.-C,  les  Carthaginois  lui  donnèrent 
pour  successeur,  Asdrubal,  son  gen- 
dre, et  le  jeune  Annibal  retourna  dans 
sa  patrie.  Quatre  ans  après ,  Asdrubal 
ccrivii  au  sénat  de  lui  envoyer  le  (ils 
d'Amilcar,  qui  avait  alors  vingt -deux 
ans.  Ilannou  ,  ennemi  de  la  famille 
Barcine,  s'y  opposa  avec  véhémence  ; 
mais  ,  l'ancien  parti  d'Amilcar  l'ayant 
emporté ,  Annibal  reparut  en  Espagne , 
au  milieu  des  soldats  de  son  père  :  ils 
crurent  revoir  Amiîcar  à  leur  têtej 
mêmes  traits,  même  fierté,  même  feu 
dans  les  regards.  Devenu  l'idole  de 
l'armée.  Anuibal  fit  trois  campagnes 
sous  Asdrubal,  et  donna  tant  de  preu- 
ves de  capacité  et  de  valeur,  qu'après 
rassassin:;t  de  ce  général,  l'an  -^-ii 
avant  J.-C,  l'aruice  lui  défera  k  cora- 


mandement,  an  milieu  des  plus  vives 
acdamalions.   Le   se'uat  et  le  peTiple 
ayant  cojifirnie'  ce  choix ,  le  fils  d'A- 
niilcar  ,  à  peine    âge'    de   vingt  -  six 
ans ,    se   vit    investi  du  commande- 
ment gene'ral  de  l'Espagne.  Fidèle  à 
son  premier  serment,  il  laissa  bientôt 
entrevoir    qu'il    respecterait  peu  les 
traites  conclus  avec  Rome;  il  voila  ce- 
pendant ses   desseins,  et,  marchant 
d'abord  à  la  conquête  entière  de  la 
péninsule ,  il  se  jeta  dans  la  province 
des  Olcadcs ,  et  s'empara  de  la  capitale 
nommée  Althe'a.  Les  autres  villes,  ef- 
frayées, se  soumirent.  Annibal, rame- 
nant hiverner  à  Garlhagène,  son  ar- 
mée ,  chargée  de  butin,  en  fit  un  égal 
partage  entre  les  Africains  et  les  auxi- 
liaires ,  et  s'assura  ainsi  de  leur  fidélité'. 
La  campagne  suivante,  il  pénétra  dans 
la  province  des  Vaccëens ,  et  s'empara 
de  Saimantica  et  d'Arbucala;  il  aurait 
tout  snl)jugue',  jusqu'aux  Pyrénées,  si 
la  conféde'ration  des  Carpétans,  peu- 
ple le  plus  aguerri  de  l'Espagne, n'eût 
arrêté  sa  marche.  Pressé  par  cent  mille 
combattants  ,  Annibal  en  tua  quarante 
mille,  et  dissipa  le  reste.  11  lui  restait 
encore   à    soumettre  Sagonte,  ville 
puissante ,  l'alliée  de  Uomc,  située  non 
loin  de  l'Ebrc,  et  au  milieu  de  la  mer. 
En  l'attaquant,  Annibal  donnait  aux 
Romains  un  prétexte  de  recommencer 
la  guerre  ;  c'était  à  cela  que  tendaient 
ses  vues.  Des  plaintes  s'étant  élevées 
contre  les  Sagontins,  Anniluil  écrivit 
lui-même  au  sénat  de  Carthagc,  et  en 
reçut  plein  pouvoir  de  traiter  Sagonte 
selon  que  l'exigerait  l'intérêt  di  l'état. 
Kien  alors  ne  l'arrête ,  ni  les  représen- 
tations des  ambassadeurs  de  Rome, 
ni  la  diflllculté  de  l'entreprise.  Le  siège 
fui  long  et  meurtrier  ;  tout  y  fut  mis  eu 
usage,  tant  pour  la  défense  que  pour 
l'attaque.  On  remarqua,  surtout,  une 
tour  de    la   plus   grande   ciév.ition , 
chargée  de  balistes  et  de  catapultes, 


ANN  ai3 

qui  dominait  et  foudroyait  les  assiégés 
sur  leurs  remparts.  Annibal,  qui  s'ex- 
posait sans  ménagement,  eut,  dans  un 
assaut,  la  cuisse  percée  d'un  trait.  Re- 
mis de  sa  blessure,  il  poussa  jilus  vive- 
ment les  attaques,  et ,  après  huit  mois 
de  siège,  la  ville  fut  emportée  et  dé- 
truit^, l'an  2 19  avant  J.-G.  Annibal, 
après  avoir  soumis,  en  moins  de  trois 
ans,  toutes  les  nations  d«  i'Esp.igne, 
rentra  triomphant  ci  Cartliagèiie.  Cons- 
ternés du  désastre  de  Sagonte ,  qu'ils 
avaient  laissé  succomber  sans  la  se- 
courir,  les    Romains   déclarèrent  la 
guerre  à  Carthagc.  Annibal  rassemble 
aussitôt  une  puissante  armée,  et  con- 
çoit le  hardi  projet  de  franchir  les  Pyré- 
nées et  les  Alpes,  et  d'attaquer  les 
Romains  au  milieu  de  l'Italie.  Il  ouvre 
la  seconde  guerre  punique,  en  s'acquit- 
tant  à  Cadix  d'un  vœu  fait  a  Hercule; 
là,  il  pourvoit  à  la  sûreté  de  l'Afrique, 
et,  laissant  une  armée  en  Espagne, 
sous  Asdrubal  son  frère,  il  se  met  en 
marche ,   avec  90  mille  ihntassius , 
4o  éléphants,  et  la  mille  chevaux  ;^ 
franchit  les  Pyrénées,  se  dirige  vers  le 
Rhone,et  dissipe  mie  armée  de  Gaulois, 
après  avoir  habilement  trompé  ces  bar- 
bares ,  en  faisant  passer  le  fleuve  à  un 
détachement ,  au-dessus  du  pointqu'ils 
défendaient.  Il  sut ,  ensuite ,  éviter  l'ar- 
mée de  Publius  Scipion ,  débarquée  à 
Marseille,  etremonta  encore  le  Rhône, 
puis  s'engagea  dans  les  défilés  des  Al- 
pes. Les  Allobroges,  peuple  brave  et 
indépendant,  en  disputaient  le  passage  : 
Annibal  les  défît  en  plusieurs   occa- 
sions, malgré  le  désavantage  du  terrain. 
Arrivé  en  neuf  jours  au  sommet  des 
Alpes,  il  montre  aux  Africains  étonnés 
les  plaines  fertiles  qu'arrose  l'Éridan; 
mais ,  à  la  descente  de  ces  hautes  mon- 
tagnes ,   l'armée    ne  trouve   plus  ni 
chemins ,  ni  sentiers  ;  ce  n'était  partons 
qu'abîmes  couverts  déneiges  et  rochers 
iuaccessi])les.  Quelques  historiens  af- 


214  ANN 

firment  qu'Aniiibal  fit  calciner,  avec  du 
vinaigre,  un  énorme  rocher  qui  s'op- 
posait àsou  passage.  Toujours  est-il  cei'- 
tain  que  se  frayant ,  à  travers  les  glaces 
fctlcs  pre'cipices  ,  une  route  inconnue, 
il  arriva  enfin  dans  les  plaines  de  l'in- 
subrie  ,  vers  le  i5  nov.  de  l'an  218 
avant  J.-C.  L'armée  e'tait  en  marclie 
depuis  près  de  six  mois ,  et  avait  mis 
quinze  jours  à  passer  les  Alpes.  Ce  pas- 
sage me'raorable  a  fait  naître ,  parmi  les 
savants ,  des  senliraents  opposes.  On 
croit  ge'ne'ralement  qu'Annibal  aborda 
sur  la  rive  gauche  du  Rhône,  entre 
Orange  et  Avignon  ;  mais  les  uns  lui 
font  remonter  le  fleuve  jusqu'à  son 
confluent  avec  la  Saône,  et  de  là  le 
dirigent  vers  sa  source  ;  d'autres  sou- 
tiennent ,  avec  plus  de  vraisemblance, 
que,  presse'  d'arriver,  il  se  détourna 
au  confluent  de  l'Isère  et  du  Rhône, 
pour  pe'nëti-er  en  Italie  par  les  Alpes 
(iOtlicnnes  ,  et  les  va'Iées  connues 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  l'Vnes- 
trellcs  et  de  Pignerol.  Annibal  entra 
dans  la  plaine  avec  toute  la  hardiesse 
«l'un  conquérant,  et,  passant  en  revue 
les  restes  de  cette  armée ,  si  forniida- 
îtte  au  sortir  de  l'Espagne,  il  la  trouva 
le'duite  à  u6  mille  hommes ,  qui  res- 
.semblmcnt  plutôt  à  des  spectres  qu'à 
des  soldats.  Les  Tauriniens  ayant  re- 
jeté' son  alliance  par  mépris ,  il  ne  lui 
fili'ut  que  trois  jours  pour  emporter 
Tarin  d'assaut.  Ce  premier  succès  lui 
])rocura  des  vivres  en  abondance,  et 
un  renfort  de  Gaulois  cisalpins.  Ils 
.seraient  accourus  en  plus  grand  nombre 
sous  ses  drapeuix,  sans  l'arrivée  de 
l'armëe  romaine  ,  commandée  par 
Publius  Scipion ,  qui ,  débarque  à  Pise, 
venait  à  gi'andes  journées  au-dcvaut 
des  Cailhaginois.  Ce  fui  près  du  Tè- 
sin  que  les  deux  armées  se  rencon- 
trèrent; une  charge  de  la  cavalerie 
numide  fut ,  pour  Annibal ,  le  premier 
^gage  de  la  victoire.  Scipion ,  blesse' , 


ANN 

se  retire  à  Plaisance ,  et  Annibal ,  qui 
le  poursuit,  se  voit  bientôt  en  présence 
d'une  seconde  arme'e,  commandée  par 
Sempronius.  Tenu  d'abord  on  échec,  il 
irrite  l'humeur  fougueuse  de  Sempro- 
nius pour  l'attirer  au  combat,  dresse 
uneerabuscadeprèsdelaTrébie,  tourne 
l'armée  romaine ,  et  la  taille  en  pièces. 
Les  Romains  perdiient  leur  camp  et 
vingt-six  mille  hommes.  Vainqueur  de 
deux  armées,  Annibal ,  arrêté  par  la 
rigueur  de  la  saison  ,prit  ses  quartiers 
d'hiver  chez  les  Gaulois  cisalpins ,  qui 
devinrent  ses  alliés.  A  l'ouverture  de  la 
campagne,  il  vit  deux  nouvelles  ar- 
mées lui  fermer  les  débouchés  des 
Apennins.  Voulant  combattre  séparé- 
ment les  deux  consuls  ,  et  écraser  Fla^ 
minius  avant  l'arrivée  de  son  collègue, 
il  jette  les  Romains  dans  l'incertitude 
par  plusieurs  marches  contradictoires  ; 
pénètre  au  revers  des  Apennins ,  et 
traverse,  sur  plusieurs  colonnes,  les 
marais  de  Clusium.  Pendant  quatre 
jours  et  autant  de  nuits ,  l'armée  car^ 
thaginoise  marcha  dans  l'eau.  Son 
chef,  monté  sur  le  seul  éléphant  qui 
lui  restât ,  ne  sortit  lui-même  qu'avec 
peine  de  ce  terrain  fangeux,  et  perdit 
un  œil ,  à  la  suite  d'une  fluxion  que 
cette  marche  péiii'>le  lui  fit  négliger. 
Lîne  fois  maître  de  la  campagne,  il 
n'oublia  rien  de  ce  que  la  guerre  fournit 
d'adresse  et  de  ruse  pour  ftu-cer  Fla- 
minius  à  recevoir  la  bataille.  Il  met 
tout  à  feu  et  à  sang ,  feint  de  marcher 
vers  Rome  ,  ayant  Cortone  et  les  mon- 
tagnes voisines  à  sa  gauche ,  et  à  droite 
le  lac  de  Trasiraène  ;  tout  à  coup  ,  il 
s'embusque  dans  \\n  étroit  défilé , 
■fernuî  au  fond  ])ar  des  rochers  d'ac- 
cès diflîcile.  L'imprudent  Flaminius 
s'engage  à  sa  poursuite ,  sans  nulle 
précaution  ;  et  il  est  aussitôt  assailli. 
Là ,  près  du  Trasimène ,  se  livre  cette 
bataille  sanglante  ,  où  la  ruse  et  les  ta- 
lents réunis  triomphèrent  de  la  vjileur 


ÀNN 

des  Romains.  Ceux  -  ci  ,  attaques  de 
front ,  en  queue  ,  en  flanc ,  et  ayant 
le  lac  à  leur  gaucte  ,  furent  tailles  en 
pièces ,  sans  avoir  pu  se  déployer.  Ils 
laissèrent ,  sur  la  place ,  quinze  mille 
morts  ,  parmi  lesquels  se  trouvait  le 
consul   lui-même;  un  grand  nombre 
se  noya  dans  le  lac  ,  en  voulant  se 
sauver  à  la  nage ,  et  quinze  mille  pri- 
sonniers complétèrent  cette   victoire 
éclatante.  Embarrassé  de  tant  de  cap- 
tifs, et  dirigé,  d'ailleurs,  par  une  po- 
litique profonde  ,    Annibal  ne  garda 
que  les  Romains  ,  et  renvoya  les  La- 
tins sans  rançon.  11  se  contenta  de  ra- 
vager rOmbrie  ,  le  Picénum  ,  et  vint 
ensuite   refaire  son  armée  dans  les 
plaines  fertiles  d'Adria  ,  d'oîi  il  expé- 
dia un  vaisseau  à  Cartbage,  pour  an- 
noncer ses  victoires  au  sénat.  Hicbe 
des  dépouilles  de  l'ennemi  vaincu,  il 
arma  ses  soldats  à  la  manière  des  Ro- 
mains ,  et  pénétra  ensuite  en  Apulie, 
portant    de    tous    côtés  l'épouvante. 
Rome  consternée  avait  confié  son  sa- 
lut au  dictateur  Fabius  Masimus,  qui 
entreprit  d'épuiser  la  vigueur  de  l'ar- 
mée carthaginoise  en  temporisant.  An- 
nibal saccage   en   vain   l'Apulie ,    le 
pays  des  Marses  ,  les  frontières  de  la 
Fouille  ,  les  terres  des  Samnites  ;  en 
vain  ses  soldats  parcourent ,  la  torclie 
à  la  main ,  les  plus  belles  campagnes 
de  l'Italie.  Rien  ne  peut  déconcerter  Fa- 
bius. Tl  oppose  à  Annibal  les  armes  et 
les  artifices  d'Annibal,  et  il  suit  son  re- 
doutable adversaire  à  uneou  deux  jour- 
nées de  distance ,  sans  vouloir  ni  le 
joindre ,  ni  le  combattre  ,    persuadé 
que  les  Carthaginois  ne  pourront  sé- 
journer long-temps  dans  un  pays  dé- 
vasté. Le  général  carthaginois  se  ré- 
pandit alors  dans  les   plaines  de  Ca- 
poue ,  espérant  que  les  villes  épou- 
vantées abandonneraient  le  parti  des 
Romains,  et  que  Fabius  quitterait  enfin 
les  montagnes.  Cette  campagne ,  rem- 


ANN  2i5 

plie  par  des  mouvements  et  des  mar- 
ches continuelles ,  allait  finir  sans  ré- 
sultat,  lorsqu' Annibal  ,  attiré  parles 
combinaisons  de  Fabius  ,  se  trouva 
enfermé   dans  les  défilés  de  Casili- 
num ,  et  tomba  dans  les  mêmes  pièges 
où  Flaminius  avait  trouvé  sa  perte. 
Serré  entre  les  rochers  de  Formies , 
les  sables  de  Lecsternum  et  des  étangs 
impraticables,  Annibal  eut  recours  à 
la  ruse.  Par  son  ordre ,  mille  bœufs 
sont  réunis ,  et  leurs  cornes  entou- 
rées de  torches  allumées.  Au  milieu 
de  la  nuit ,  ces  animaux  furieux  sont 
chassés  vers  les  défilés  que  gardaient 
les  Romains  ;  ceux-ci,  cHrayés  de  cette 
mukitudc  de  feux  errants ,  abandon- 
nent les  hauteurs  ,  et  Annibal  force  le 
passage.  Les  Romains  ,  alors ,  mécon- 
tents de  Fabius  et  de  ses  délais ,  par- 
tagèrent la  dictature  entre  ce  grand 
homme  et  Minutius  Félix  ,  son  géné- 
ral de  cavalerie.  Enflé  par  un  léger 
succès,  ce  dernier,  pressé  de  com- 
battre, tombe  dans  une  embuscade, 
près    de  Geruninra ,  et  il  y  aurait 
péri ,  sans  le  généreux  secours  de  F.>- 
bius.  Cette  campagne  finie ,  d'autres 
généraux   romains  semblèrent  aussi 
ne  vouloir  plus    rien  donner  au  ha- 
sard ,  et  temporisèrent ,  à  rexem])lc 
de  Fabius.  Annibal  voyait  avec  dou- 
leur son  armée  se  consumer  lente- 
ment ,  lorsque  ïerentius    Varron  , 
nouveau  consul ,  homme  ignoiant  et 
présomptueux  ,  viut  prendre  le  com- 
mandement des  légions.  Annibal  s'était 
emparé  de  Cannes  ,  et  il  avait  réduit 
les  Romains  à  la  nécessité  de  com- 
battre. Les  deux  armées  allaient  être 
en   présence  j  Paul-Emile  ,   collègue 
de   Varron ,  voulait  différer   la  ba- 
taille ,   à   cause    du  désavantage  du 
terrain.  Varron ,  au  contraire ,  choisit 
le  jour  de  son  commandement  pour 
donner  le  signal  du  combat.  Quatre- 
vingt-six  mille  Romains  couvraient  la 


2iG  ANN 

p'fline  qui  s'étend  près  de  la  rivière 
d'Aufide  et  du  bourg  de  Caïuies  ,  à 
six  lieues  de  l'Adriatique.  Giscon  , 
qui  venait  de  les  reconnaître ,  accourut 
efFravè,  pour  annoncer  que  les  en- 
nemis étaient  innombrables.  «Oui,rë- 
5)  pond  Annibal;  mais  i!  y  a  une  chose 
»  singulière ,  Giscon ,  à  laquelle  tu  ne 
»  prends  pas  garde  ,  c'est  que ,  dans 

V  ce  prodigieux  nombre  d'hommes  , 

V  il  n'  y  en  a  pas  un  seul  qui  s'ap- 
1)  pelle  Giscon  comme  toi.  »  Ce  trait 
pl.iisant ,  au  moment  d'un  si  grand 
péril  ,  peint  l'admirable  sang  -  froid 
d'Annibal.  Dans  cette  journe'e  mémo- 
rable ,  son  armée ,  de  moilié  infé- 
rieure à  l'arniee  romaine  ,  dut  la 
victoire  au  génie  de  son  chef.  Quoi- 
que les  relations  ,  parvenues  jusqu'à 
nous ,  ne  soient  point  assez  claires 
pour  en  expliquer  tous  les  détails  ,  et 
pour  qu'on  puisse  en  porter  un  juge- 
ment raisonné  ,  il  paraît  certain  que 
l'action  commença  par  une  victoire 
complète  que  remporta  l'aile  gauche 
de  la  cavalerie  carthaginoise  ,  con- 
duite par  Asdrubal,  sur  la  cavalerie 
romaine  de  l'aile  droite.  Celle-ci  avait 
imjirndemment  rais  ])ied  à  terre  : 
«  J'aimerais  autant ,  s'écria  Annibal , 
»  que  le  consul  m'eût  livré  ses  soldats 
î)  pieds  et  poings  liés.  »  L'infanterie 
gauloise  et  espagnole  était  placée  au 
centre  de  l'armée  carthaginoise ,  en 
ligne  convexe  et  saillante ,  et  présen- 
tait ainsi  à  l'ennemi  son  côté  f tible  ; 
elle  fut  repoussée  par  les  Romains, 
qui  pénétrèrent  dans  le  centre.  Ce 
iiit  alors  que  la  meilleure  infanterie 
d'Annibal ,  postée  à  droite  et  à  gauche , 
iittaqua  de  front  et  en  flanc  le  centre 
des  Romains  ,  qui  s'était  ainsi  té- 
mérairement engagé.  Il  rompit  leur 
ligne;  et  Asdrubal,  après  avoir  dé- 
truit presque  entièrement  la  cavalerie 
des  Romains  ,  se  liant  ,  par  une 
conversion ,  avec  les  INumidcs,  laissa 


AKN 
ceux-ci  poursuivre  les  fuyards  ,  et 
se  jeta  sur  les  derrières  du  ccntie 
de  l'armée  de  Varron  ,  dont  il  acheva 
la  défaite.  L'infanterie  l'omaine  du  cen- 
tre fut  taillée  en  pièces ,  tandis  que  le 
reste  ,  étant  contenu  ,  pouvait  à  peine 
combatli'e,  et  fut  à  la  un  culbuté  par  la 
nombreuse  et  excellente  cavalerie  car- 
thaginoise. L'armée  de  Varron  fut  dé- 
truite, le  consul  Paul  Emile  se  fit  tuer, 
et  près  de  6,000  chevaliers  et  60,000 
soldats  romains  périrent  dans  cette 
bataille  célèbre ,  l'an  'iiG  av.  J.-C.  Le 
vainqueur  envoya  au  sénat  de  Car- 
thage  un  boisseau  d'ann-aux  pris  aux 
doigts  des  chevaliers  romains  morts 
sur  le  champ  de  bataille.  Le  lende- 
main, quelques  corps  qui  s'étaient  re- 
tirés dans  deux  cam|is, furent  obligé^ 
de  mettre  bas  les  armes.  Au  lieu  de 
marcher  droit  à  Rome ,  Annibal  s'a- 
vança vers  Naples.  Ce  fut  alors  que 
Maherbal ,  son  général  de  cavaleiic  , 
lui  dit  :  «  Tu  sais  vaincre  ,  Annibal , 
»  mais  tu  ne  sais  point  profiter  de  la 
»  victoire  !  »  Tite  -  Live  semble  ap- 
prouver ces  paroles  remarquables.  (>e 
fut  une  faute,  en  effet,  de  n'avoir  j)as 
été  camper  sous  Rome,  qui,  voyant 
les  vainqueurs  à  ses  portes  ,  n'aurait 
probablement  pas  pu  se  remettre  de 
son  effroi.  Tout  invitait  Annibal  à  pro- 
fiter des  faveurs  de  la  fortune.  Cepen- 
dant ,  réduit  à  56,ooo  hommes .  com- 
ment aurait-il  investi  une  ville  si  éten- 
due ,  et  dont  les  murs  étaient  gardés 
par  deux  légions  et  par  toute  sa  popu- 
lation guerrière?  Aucun  peuple  d'Italie 
ne  s'était  encore  déclaré  en  faveur 
d'Annibal.  «  Une  preuve  qu'il  n'aurait 
»  pas  réussi,  dit  Montesquieu,  c'est 
»  qu'après  la  défaite  de  Ciannes,  les 
))  Romains  furent  encore  eu  état  d'en- 
»  voyer  partout  des  secours.  »  Que  ne 
devait-il  pas  craindre,  en  efllt,  d'un 
peuple  qui,  api  es  ce  grand  désastre, 
refusait  de  racheter  les  prisonniers  ? 


ANN 

Quoi  <|iul  en  soit ,  la  victoire  de  Cannes 
avait  oinertàAnniballoute'cette  partie 
de  l'Italie  qu'on  appelle  la  Grande- 
Grèce.  N'ayant  pu  emporter  Naples,  il 
tourna  sa  njarche  vers  Capoue  qui  lui 
ouvrit  ses  portes.  Le  se'jt'ur  de  cette 
ville  opulente  amollit  ses  soldats  ;  c'est 
du  moins  l'opinion  de  quelques  histo- 
riens plus  moralistes  que  politiques. 
L'armée  d'Annibal  ne  perdit  point 
sa  discipline  à  Capoue;  constamment 
fidèle  à  son  chef,  on  la  vit  s'exposer 
sans  murmure  à  de  nouvelles  fatigues , 
et  se  maintenir  encore  en  Italie  pen- 
dant douze  ans.  Ce  qui  mit  des  bornes 
à  ses  conquêtes ,  ce  fut  la  fermeté  des 
Romains  qui  se  montrèrent  supérieurs 
aux  revers  de  la  fortune;  ce  furent  les 
succès  que  les  Scipions  obtinrent  en 
Espaj^iie.  En  une  seule  année,  Rome 
leva  dix-huit  légions.  Noie  sut  résis- 
ter à  Annibal  ;  mais  Tarente ,  ville 
puissante  et  riche,  lui  fut  livrée  par 
trahison,  l'an  212  avant  J.-C.  Aucun 
j;éiiéral  romain  ,  depuis  la  bataille  de 
Cannes  ,  n'osait  plus  camper  en  plaine 
devant  l'armée  d'Annibal.  Cependant , 
malçiré  l'éclat  de  ses  victoires ,  et  le 
crédit  de  la  faction  Barcine  à  Carlha- 
ge ,  Hannon  et  ses  partisans  retardè- 
rent le  secours  que  le  sénat  avait  ac- 
cordé au  vainqueur  des  Romains,  Son 
fl'ère  Magon ,  qu'il  avait  envoyé  à  Car- 
thage,  n'obtint  qu'avec  peine  12,000 
fantassins  et  2,5oo  chevaux ,  et  encore 
fut-il  contraint  de  mener  ce  faible  ren- 
fort en  Espagne.  Abandonné  ainsi,  par 
l'elTct  des  intrigues  d'une  faction  ri- 
vale ,  Annibal  se  vit  forcé  de  rester  sur 
la  défensive.  Déjà  même  Capoue  était 
à  la  veille  de  retomber  sous  la  puis- 
sance romaine  :  deux  armées  consu- 
laires en  faisaient  le  siège.  Annibal, 
espérant  sauver,  par  une  diversion 
hardie  ,  cette  ville  importante ,  mar- 
che sur  Rome ,  et  vient  camper  à  la  vue 
^a  Capitole,  l'an  211   avant  J.-C.  Le 


ANN  217 

même  jour,  les  Romains  envoyèrent 
un  secours  eu  Espagne,  et  vendirent 
les  terres  oia  Anniba!  campait,.  Ne 
pouvant  plus  rien  entreprendre  de 
décisif  contre  une  nation  qui  déployait 
tant  d'énergie  ,  Annibal  al3andonna  le 
territoire  de  Rome ,  sans  avoir  pu  sau- 
ver Capoue.  L'heureux  succès  de  ce 
siège  donna  aux  Romains  une  supé- 
riorité évidente  ,  et  disposa  presque 
tous  les  peuples  de  l'Italie  à  se  décla- 
rer pour  eux.  Annibal  releva  néan- 
moins sa  réputation  par  la  défaiîe  du 
consul  Fulvius.  Mais  bientôt  Fabius 
Marcellus ,  en  trois  jours,  lui  livre 
trois  combats  peu  décisifs  ;  le  qua- 
trième jour,  il  lui  présente  encore 
la  bataille  ;  Annibal  se  retire  en 
disant  :  a  Que  faire  avec  un  homme 
«  qui  ne  peut  se  résoudre  à  rester 
»  vainqueur  ou  vaincu  ?  »  De  son 
coté ,  Fabius  reprit  Tarente  au  mo- 
ment même  oîi  Annibal  s'avançait 
en  toute  hâte  pour  sauver  cette  ville. 
La  défaite  de  Sempronius  Gracchus, 
et  la  mort  de  Marcellus,  surpris  dans 
une  embuscade  ,  ne  firent  point  chan- 
ger la  fortune.  Repoussé  même  dans 
sou  camp  par  le  consul  Claude  Néron , 
Annibal  ne  put  rien  tenter  pour  se 
joindre  à  sou  frère  Asdrubal ,  qui  ve- 
nait à  sou  secours  du  fond  de  l'Espa- 
gne. Il  avait  déjà  passé  les  Appennins , 
lorsqu'il  fut  attaqué  et  tué,  ran20'j  av. 
J.-C,  par  ce  même  Néron  ,  qui ,  reve- 
nant sur  ses  pas,  fit  jeter  sa  tête  san- 
glante à  l'entrée  du  camp  d'Annibal. 
Ce  spectacle  arracha  au  fils  d'Amilcar 
ces  mots  dictes  par  la  plus  proToude 
douleur  :  «  0  Carthage  !  malheureuse 
»  Carthage  I  je  succombe  sous  le  poids 
»  de  tes  maux!  ».  II  lève  aussitôt  son 
camp  ,  et  se  retire  dans  le  pays  des 
Bruttiens.  Là,  environné  d'obst<icles , 
il  ose  encore  lutter,  avec  des  forces 
inégales ,  contre  des  armées  victorieu- 
ses ,  et  se  maintient  avec  gloii'e  daas 


^i3  AN^ 

Hn  coin  du  Brutiiiim.  Mais  Rome ,  par 
de  puissantes  diversions ,  avait  déjà 
i-econquis  la  Sicile  et  l'Espagne  ;  déjà 
même,  l'heureux  Scipion,  après  avoir 
porte  la  guerre  en  Afrique  ,  faisait 
trembler  Carlhage.  Rappelé  pour  dé- 
fendre sa  patrie,  Annibal  ne  put  re- 
tenir ses  larmes  en  lisant  les  ordres 
du  sénat.  Jamais  exilé ,  suivant  Tite- 
Live,  ne  témoigna  autant  de  regrets 
en  quittant  sa  terre  natale.  «  Ce  n'est 
»  point  par  les  Romains  ,  dit-il ,  mais 
»  par lesénatdeCarthage, qu'Annibal 
«  est  vaincu  I  «  Ses  troupes  s'embar- 
quèrent ,  à  l'exception  de  ses  auxi- 
liaires d'Italie  qui  refusèrent  de  le 
suivre.  Annibal ,  aigri  par  le  malheur, 
les  fil  tous  massacrer  dans  le  temnie 
mcmedejunon,  àLaeinium,  en  Ca- 
labre.  Il  partit  enfin  ,  l'an  2o5  avant 
J.-C. ,  et  tourna  plusieurs  fois  ses  re- 
gards vers  cette  belle  ItaHe,  théâtre 
de  sa  gloire,  où  il  s'était  maintenu 
seul,  pendant  seize  ans ,  contre  toutes 
les  forces  des  Romains,  A  la  nouvelle 
de  son  départ,  Rome  parut  ivre  de 
joie.  Carthage  ,  au  contraire,  atten- 
dait avec  anxiété  l'arrivée  du  seul  gé- 
néral qui  pût  balancer  la  fortune  de 
Scipion.  11  débarqua  au  port  de  Lep- 
tis  ,  attira  d'abord,  dans  son  camp, 
irn  parti  de  Numides,  et  vint  camper 
à  Adrumète.  jMaître  de  la  campagne , 
Scipion  s'empara  de  plusieurs  villes 
dont  il  fit  passer  les  habitants  sous 
le  joug.  Annibal,  pressé  par  ses  con- 
citoyeus  d'en  venir  h  une  action  dé- 
dsive  ,  s'approcha  de  l'ennemi ,  et 
vint  camper  à  Zama  ,  à  cinq  jour- 
nées de  Carthage  ;  mais  ,  se  défiant 
de  la  fortune ,  il  soucrea  sérieusement 
à  la  paix  ,  et  fit  demander  une  en- 
trevue à  Scipion.  Ces  deux  grands 
hommes  ,  escortés  par  des  détache- 
ments égaux  de  cavalerie ,  se  rencon- 
trèrent à  Nadagara,  et  restèrent  quel- 
tpie  temps  en  silence ,  comme  étonnés 


ANN 
à  la  vue  l'un  de  l'autre.  Annibal  parla 
le  premier.  Son  discours  fut  noble  et 
touchant.  Il  dit  que  Carthage  se  ren- 
fermerait volontiers  dans  les  born.  s 
de  l'Afrique,  puisque  telle  était  la  vo- 
lonté des  dieux;  et,  rappelant  à  Sci- 
pion l'inconstance  de  la  fortune  ,  il 
se  donna  lui-même  comme  un  exem- 
ple de  ses  vicissitudes.  Scipion ,  par 
lant  en  vainqueur,  dit  que  c'était 
aux  armes  à  terminer  la  querelle ,  't 
blessa  Annibal  par  sa  fierté.  Les  deux 
généraux  se  séparèrent ,  résolus  de  li  - 
vrer  bataille  le  lendemain.  L'armée 
romaine  ,  forte  de  25  à  3o,ooo  hom- 
mes ,  fut  rangée  eu  colonnes,  par  co- 
horte, sur  une  ligne,  avec  les  dis- 
tances nécessaires  pour  laisser  le  pas- 
sage libre  aux  éléphants.  Cinquante 
mille  hommes  environ  composaient 
l'armée  carthaginoise,  qui  fut  rangée 
sur  trois  lignes  ,  eu  phalanges ,  et  les 
vieilles  troupes  en  réserve  ;  car  An- 
nibal n'espérait  la  victoire  que  des 
efforts  réunis  de  ses  trois  lignes,  qui 
devaient  se  prêter  un  soutien  mutuil, 
D&  part  et  d'autre  la  cavalerie  cou- 
vi'ait  les  ailes.  Les  deux  armées  s'at- 
taquèrent dans  une  plaine  rase  et 
découverte,  l'an  9,01  avant  J.-C,  Ja- 
mais bataille  ne  fut  plus  mémorable, 
soit  que  l'on  considère  les  doux  chefs, 
la  bravoure  des  troupes ,  ou  l'im- 
portance des  résultats.  L'action  fut 
engagée  ]iar  les  éléphants  ;  mais  Sci- 
pion avait  disposé  ses  troupes  légères 
de  manière  à  détourner  ces  animaux 
dans  les  intervalles  des  cohortes  , 
ce  qui  réussit  parfaitement.  Alors  la 
ligue  des  colonnes  romaines  attaqua 
avec  impétuosité  la  ])remicre  bgnc 
d'Annibal  et  la  culbuta  sur  la  seconde. 
Ce  général  avait  commis  la  faute  d'é- 
tablir ses  lignes  serrées,  sans  laisser, 
entre  les  différents  corps,  assez  de 
distance.  Les  fuyards  ,  ne  pouvant 
trouver  d'issue,  mirent  le  dc'sordie 


I 


ANN 

dans  la  seconde  ligne,  et  l'entraînèrent 
avec  eux.  Au  même  instant,  la  cava- 
lerie numide  auxiliaire  des  Romains 
ayant  culbute  la  cavalerie  carthagi- 
noise ,  revint  triomphante  de  la  pour- 
suite de  l'ennemi ,  prit  à  dos  la  re'- 
serve  d'Annibal  et  la  tailla  en  pièces. 
Titc-Live  et  Polybe  assurent  qu'il  de- 
meura sur  la  place  près  de  20,000 
Carthaginois,  et  que  Scipion  fit  un 
égal  nombre  de  prisonniers.  Annibal , 
vaincu ,  s'enfuit  à  Adrumète ,  recueillit 
les  restes  des  fuyards,  et,  en  peu  de 
jours  ,  rassembla  un  corps  d'arme'e 
capable  d'arrêter  les  progrès  du  vain- 
queur. Il  se  rend  ensuite  à  Carthage, 
et  déclare  au  sénat  qu'on  ne  doit  plus 
espérer  de  salut  que  dans  la  paix. 
Mais  les  conditions  en  étaient  si  du- 
res, que  Giscou,  d'ailleurs  ennemi  de 
la  faction  Barcine  ,  hai'angua  le  sénat 
pour  les  faire  rejeter.  Annibal ,  in- 
digné ,  précipita  Giscon  de  la  tribune. 
Cet  acte  de  violence  excita  les  mur- 
mures de  l'assemblée.  «  Absent  depuis 
«  trente-six  ans  de  Carthage,  répondit 
»  Annibal,  je  n'ai  appris  que  la  guerre  ; 
»  quant  à  vos  lois ,  à  vos  coutumes  , 
»  je  les  ignore.  »  Puis  ,  conjurant  les 
sénateurs  d'oublier  leurs  divisions  ,  et 
d'opposer  plus  d'unanimité  à  la  faction 
populaire,  déjà  trop  puissante ,  il  les  fit 
consentir  à  la  paix.  Telle  fut ,  après 
dix-huit  ans  d'une  lutte  sanglante,  la  fin 
de  la  seconde  guerre  punique,  double- 
ment fatale  aux  Carthaginois  ,  qui  se 
virent  arracher  leurs  anciennes  con- 
quêtes, et  perdirent ,  avec  leur  flotte, 
tout  espoir  d'en  tenter  de  nouvelles. 
Redeveiui  simple  citoyen ,  Annibal 
conserva  tout  son  crédit ,  et  le  sénat 
lui  donna  le  commandement  d'une 
armée,  dans  l'inlérieur  de  l'Afrique; 
mais  Rome,  à  qui  le  nom  seul  d'Anni- 
bal faisait  ombrage, exigea  son  rappel. 
Les  Carthaginois  lui  conférèrent  alors 
la  prsïuie  ,   charge   qu'il    éleva    au 


AjNN 


i\f} 


niveau  de  son  génie.  Réformant  les 
abus  dans  l'administration  de  la  justice 
et  dans  les  finances ,  il  osa  mettre  uti 
terme  aux  concussions  ,  malgré  la 
haine  des  vampires  de  l'état,  et  l'ani- 
mosité  de  la  faction  d'Hannon.  Ce  fut 
celte  faction  qui  l'accusa,  auprès  des 
Romains,  d'entretenir  des  liaisons  se- 
crètes avec  Antiochus  ,  roi  de  Syrie , 
dans  la  vue  de  rallumer  la  guerre. 
Des  commissaires  romains  vinrent  à 
Carthage,  et  demandèrent  qu'Annibal 
leur  fût  livré.  11  n'eut  que  le  temps  de 
fuir  vers  la  côte ,  accompagné  seule- 
ment de  deux  personnes  ,  et,  mettant 
à  la  voile  ,  il  gagna  l'île  de  Cercine. 
Ses  ingrats  concitoyens  renversèrent 
son  palais ,  mirent  ses  biens  en  vente, 
et  le  déclarèrent  banni.  Tite-Live  nous 
apprend  que  ce  grand  homme,  pros- 
crit et  fugitif,  déplora  le  sort  de  sa 
patrie  ,  bien  plus  que  le  sien.  De  Cer- 
cine ,  il  se  rendit  à  Tyr ,  à  qui  Car- 
thage devait  son  origine  ;  et  il  y  fut  reçu 
avec  de  grands  honneurs.  Passant  en- 
suite à  Éphèse ,  où  était  la  cour  d' An- 
tiochus ,  il  engagea  ce  prince  à  décla- 
rer la  guerre  aux  Romains,  et  lui 
persuada  que  l'Italie  devait  eu  êti'e  le 
théâtre.  Antiochus  approuva  les  pro- 
jets d'Annibal  j  mais  lorsque  ce  der- 
nier envova  proposer  à  Carthage  de 
s'allier  avec  ce  monarque,  et  de  rom- 
pre avec  Rome ,  ses  ennemis  préva- 
lurent dans  le  sénat,  et  firent  tout 
échouer.  D'un  autre  côté,  les  minis- 
tres du  l'oi  de  Syrie  ,  jaloux  de  son 
crédit,  cherchèrent  à  le  rendre  sus- 
pect à  Antiochus,  qui  l'éloigna  de  ses 
conseils.  Ce  fut  alors  qu'Annibal  tint 
ce  discours  au  monarque  syrien  ; 
«  Vous  flattez-vous,  Antiochus,  qu»: 
^>  les  légions  victorieuses  qui  vous  ont 
)<  chasse  d'Europe  ,  n'oseront  vous 
»  poursuivre  en  Asie  ?  Détrompez- 
»  vous  ;  le  danger  est  pressant  ;  i! 
»  faut  abdiquer  la  couronne,  ou  voua 


220  A  N  N 

V»  opposer  de  tout  votre  pouvoir  aux 
»  desseins  d'un  peuple  qui  aspire  à  la 
»  conquête  du  monde.  »  AntiocLus , 
frappe'  de  la  solidité  de  ces  raisons , 
résolut  de  poursuivre  la  pjuerre  avec 
vigueur  :  il  rendit  à  Annibal  tout  sou 
crédit,  et  lui  confia  le  commande- 
ment de  sa  flotte.  Les  Rhodiens,  alors 
allies  de  Rome,  disputaient  la  Médi- 
terranée au  roi  de  Syrie.  Annibal  leur 
livra,  sur  la  cote  de  Pamphilie,  un 
combat  naval ,  où  il  serait  reste  vain- 
queur ,  s'il  n'eût  élé  abandonné ,  au 
commencement  de  l'aclion  ,  par  un 
amiral  syrien  ,  nomme  Apollonius  ; 
mais  il  fit  une  retraite  habile ,  et  les 
Rhodiens  n'osèrent  le  poursuivre.  Ce- 
pendant ,  un  enchaînement  de  fautes 
et  de  malheurs  conduisit  bientôt  An- 
liochus  à  négocier  une  pais  honteuse 
avec  les  Romains.  Ces  républicains 
vindicatifs  insistaient  pour  que  le  roi 
de  Syrie  leur  remît  Annibal.  Antio- 
chus ,  dont  l'ame  était  basse  et  timide  , 
promit  de  le  livrer  ;  mais  l'illustre 
carthaginois  se  réfugia  dans  l'île  de 
Crète ,  et  de  là  en  Arménie.  Strabon 
est  le  seul ,  parmi  les  anciens ,  qui  as- 
sure qu'Annibal  trouva  un  asyle  à  la 
cour  d'Artaxias.  Ce  qui  est  ceitain , 
c'est  qu'il  fut  attire  en  Bitliiiiic  par 
le  roi  Prusias ,  ennemi  non  encore  dé- 
claré des  Romains.  Exilé  de  sa  patrie, 
sans  appui ,  sans  ressource ,  Anni- 
bal, toujours  tourmenté  de  sa  haine 
contre  Rome  ,  accepta  les  offres  d'un 
prince  qui  ne  respirait  que  guerre  et 
vengeance.  Il  fut  l'ame  d'ime  ligue 
puissante  ,  formée  entre  Prusias  et 
divers  autres  princes  voisins ,  contre 
Eumène ,  roi  de  Pergamc ,  l'allié  de 
Rome.  A  la  fois  le  moteur  et  le  géné- 
ralissime de  cette  ligue ,  Annibal  rem- 
porta plusieurs  victoires  sur  terre  et 
sur  mer.  Malgré  ces  avantages  l'Asie 
tremblait  au  seul  nom  de  Uome  ;  et 
Prusias  ayant  reçu  du  sç'uat  des  am- 


ANN 
bassadeurs  qui  venaient  demander 
qu'il  leur  livrât  Annibal,  ou  qu'il  le  fit 
périr ,  n'hésita  pas  à  obéir  à  cet  ordre 
cruel  ;  mais  l'illustre  proscrit  eut  re- 
cours au  poison  qu'il  portait  toujours 
dans  sa  bague,  et,  conservant,  jusqu'au 
dernier  soupir ,  ce  grand  caractère  que 
le  malheur  n'avait  pas  abattu  :  «i  Dc- 
»  livrons  les  Romains,  dit -il,  delà 
»  terreur  que  leur  inspire  un  vieillard 
»  dont  ils  n'osent  pas  même  attendre 
»  la  mort.  Ils  eurent  autrefois  la  géné- 
»  rosUé  d'avertir  Pyrrhus  de  se  garder 
»  d'un  traître  qui  voulait  l'empoison- 
»  ner  ;  ils  ont  aujourd'hui  la  bassesse 
»  d'envoyer  un  personnage  consu- 
»  laire  pour  soliciter  Prusias  de  faire 
»  périr ,  par  un  crime  ,  son  hôte  et 
»  son  ami.  »  Ainsi  mourut  Annibal , 
âgé  de  soixante-  quatre  ans  ,  i85  ans 
av.  J.  -  C.  AuréliiîS  A  it  tor  nous  ap- 
prend qu'on  voyait  encore  de  sou 
temps,  en  Lybie  ,  une  pierre  de  son 
tombeau,  sur  laquelle  était  gravés  ces 
seuls  mots  :  «  Ici  repose  Annib.il  I  »  Po- 
lybe  ,  après  l'avoir  proposé  pour  mo- 
dèle à  tous  les  généraux  à  venir  , 
s'écrie  :  «  Quel  homme  I  quelle  habi- 
))  leté  dans  l'art  de  conduire  les  ar- 
))  mées  I  Qu'une  ame  grande  mérite 
»  notre  admiration,  lorsque  la  natarc 
»  la  rend  propre  à  exécuter  tout  ce 
»  qu'il  lui  plaît  d'enlreprendi-e.  w  Ce 
judicieux  historien  paraît  persuadé 
que  Cartilage  serait  devenue  la  maî- 
tresse du  monde ,  si  Annibal  avait 
commencé  par  soumettre  tous  les  au- 
tres peuples  ,  avant  d'attaquer  Rome. 
Eu  effet,  doue  d'un  courage  raèlé  de 
sagesse,  et  d'une  activité  infatigable, 
il  mûrit  et  exécute,  à  vingt-six  ans  ,  le 
plan  militaire  le  plus  hardi  qu'ait  ja-^ 
mais  conçu  le  génie  de  l'homme;  il 
porte  la  guerre  au  sein  de  Rome  même, 
de  Rome  dans  toute  sa  force.  Rien  ne 
l'arrête ,  ni  les  peuples  que  l'Espagne 
arme  coutrc  lui ,  ui  les  Pyicuécs ,  ui 


ANN 

î"s  fleuves ,  ni  les  glaces  e'ternelles  des 
Alpes.  C'est  en  vain  que  Rome  réunit 
contre  lui  tous  ses  efforts  ,  qu'elle  lui 
oppose  les  Fabius ,  les  Emile ,  les 
Marcellus  ,  les  Scipions  :  Annibal  , 
seul ,  balance  la  fortune  de  tant  d'il- 
lustres capitaines  •  il  maintient  h  dis- 
cipline dans  une  armc'e  formée  de 
vingt  peuples  divers  ,  défait  toutes 
les  armées  romaines,  et  ,  pendant 
seize  ans  menace  le  Capitole.  «  Quand 
»  on  considère  ,  dit  Montesquieu , 
»  cette  foule  d'obstacles  qui  se  présen- 
»  tèrent  devant  Annibal ,  et  que  cet 
»  homme  extraordinaire  les  surmonta 
Dtous,  on  a  le  plus  beau  spectacle 
»  que  nous  ait  fourni  l'antiquité,  w 
Annibal ,  en  effet ,  ne  dut  sa  gloire 
qu'à  lui  seul  ,  et  son  expédition  contre 
les  Romains  est  plus  digue  d'admi- 
ration que  celle  d'Alexandre  contre 
les  Perses ,  barbares  indisciplinés.  Il 
se  montra  aussi  étonnant  dans  la  po- 
litique que  dans  la  guerre.  Lui  seul , 
pendant  la  seconde  gueire  punique , 
dirigea  tout  en  Italie  ,  par  lui-même  , 
et  en  Espagne ,  par  ses  frères  Asdru- 
bal  et  Alagon.  Ce  fut  d'après  ses  or- 
dres qu'agirent  en  Sicile  ,  d'abord 
Hippocrate  ,  puis  l'Africain  Myton  ; 
ce  fut  encore  lui  qui  souleva  l'Ulyrie 
et  la  Grèce  contre  les  Romains  ,  et 
qui,  par  son  traité  avec  Philippe,  roi 
de  Macédoine,  effrava  Rome,  et  par- 
vint à  diviser  ses  forces.  Les  réfor- 
mes d'x'Vnnibal  dans  le  gouvernement 
de  Carthage  ,  ses  sages  conseils  à 
Anliochus,  la  ligue  qu^il  forma  en 
faveur  de  Prusias,  attestent  égale- 
ment qu'il  connaissait  l'art  de  con- 
duire les  hommes  par  la  politique. 
Tite-Live ,  et  tous  les  historiens  qui 
ont  écrit  d'après  lui,  ont  reproché  au 
fds  d'Arailcar  sa  cruauté ,  sa  perfi- 
die, son  irréligion  ;  ils  ont  dépeint, 
avec  les  plus  noires  couleurs  ,  ses 
mœurs  et  soa  caractère  ;  mais  Tite- 


ANN  ^'2t 

Lîve  n'était  ni  assez  profond  politique 
pour  apprécier  tous  les  motifs  de  sa 
conduite  ,  ni  assez  impartial  histo- 
rien pour  juger  un  ennemi  de  Rumr . 
Il  appelle  perfidie  les  ruses  dont  An- 
nibal se  servit  tant  de  fois  contre  les 
Romains;  il  l'accuse  surtout  de  cruau- 
té. Cependant ,  après  la  bataille  de 
Trasimène,  il  ordonna  lui-même  à 
ses  soldats  de  cesser  le  carnage ,  et 
fit  chercher  le  corps  de  Flaininius 
parmi  les  morts  pour  lui  rendre  les 
honneurs  funèbres;  il  renvoya  5oo 
jeunes  Romains  sans  rançon  ;  plus  tard, 
il  honora ,  par  des  funéi-ailles  magnifi- 
ques ,  les  restes  de  Marcellus  et  de  Sem- 
pronius  Gracchus,  lues  tous  deux  eu 
combattant  contre  lui;  et,  recueillant 
les  cendres  de  IMarcellus,  vainqueur 
de  Syracuse ,  il  posa  une  comonne 
d'or  sur  l'urne  qui  les  renfermait ,  et 
envoya  ce  gage  de  sa  piété  au  fils  de 
son  illustre  adversaire.  Polybe  semble 
convenir,  cependant,  qu'Annibal  fut 
accusé  de  cruauté  à  Rome,  et  d'avarice 
à  Carthage  ,  et  que  les  sentimenis 
étaient  fort  partagés  sur  ce  grand 
homme.  Il  n'est  point  exempt  de 
biàme  en  effet,  soit  qu'on  le  considère 
com.me  homme  d'état ,  ou  comme  gé- 
néral :  l'incxoiable  postérité  lui  le- 
prochcra  éternellement  sa  conduite 
timide  après  la  bataille  de  Cannes. 
L'idée  de  se  faire  joindre  dans  sa  dé- 
tresse par  Asdrubal  son  frère ,  venant 
avec  l'armée  d'Espagne  au  ti-avers  de 
l'Italie  et  de  toutes  les  forces  ro- 
maines ,  fut ,  sans  contredit,  une  fausse 
et  dangereuse  combinaison ,  Auuibal 
ne  pouvant  surtout  manœuvrer  pour 
faciliter  cette  jonction  difficile.  Ou 
l'armée  d'Espagne  devait  s'embar- 
quer vers  Sagonte,  pour  débarquer 
ensuite  vers  Naples  ,  ou  bien  Anni- 
bal ,  en  combinant  sa  marche  avec 
celle  de  son  frère,  devait  regagner  la 
haute  Italie  pour  se  joindre  à  Asdru- 


'1-11  A  N  N 

bal  vers  la  Tiëbie ,  et  se  diriger  âe 
concert  sur  Rome.  Les  tacticiens  exer- 
cés remarquent  aussi  quelques  fautes 
dans  l'ordre  de  bataille  d'Annibal  à 
Cannes  :  voilà  les  seuls  reproches 
que  la  critique  la  plus  sévère  puisse 
adresser  à  la  mémoire  de  l'un  des 
plus  grands  capitaines  de  l'antiquité. 
Quant  à  ses  mœurs ,  elles  furent  irré- 
prochables ;  plusieurs  historiens  ci- 
tent avec  élo£;e  la  continence  qu'il 
montra  an  milieu  des  plus  belles  cap- 
tives, et  sa  tempérance,  malgré  les 
délices  et  l'abondance  de  Capoue.  Les 
mœurs  d'Annibal  furent ,  d'ailleurs , 
adoucies  par  la  culture  des  lettres. 
Suivant  Cornélius  Néposet  Plutarque, 
il  cultiva  la  littérature  grecque,  et  eut , 
pour  maîtres ,  Sosile  le  Lacédémo- 
nien ,  et  l'historien  Syllène  ;  tous  deux 
îia])i!èrent  les  camps  avec  lui ,  et  l'ac- 
rompagncrcut  tant  que  le  permit  la 
fortune,  Annibal  composa,  en  grec, 
plusieurs  ouvrages, entre  autres  V His- 
toire des  expéditions  de  Cnéiiis  Man- 
fiiis  Vulso  ,  en  Asie  ,  contre  les 
Gallo- Grecs  ,  ouvrage  qu'il  dédia 
aux  Rhodiens ,  et  qui  n'est  pas  par- 
venu jusqu'à  nous.  La  plupart  de  ses 
réparties  prouA  ent  qu'il  avait  l'esprit 
poli  et  orné.  On  cite  surtout  sa  ré- 
ponse à  Anliochus.  Le  roi  de  Syrie, 
fier  de  la  richesse  des  armes  de  ses 
troupes,  demanda  un  jour  de  revue,  à 
Annibal ,  s'il  croyait  ces  belles  armes 
suffisantes  pour  les  Romains.  «  Oui , 
))  répond  l'illustre  Carthaginois  , 
«  quand  même  les  Romains  seraient 
»  encor<?  plus  avares.  »  La  P  ie  d'An- 
nibal,  que  nous  a  laissé  Cornélius 
Népos,  n'est  qu'un  abixîgé  incomplet 
qui  doit  faire  regrcttei-  que  Plutarque 
lui-même  ne  l'ait  pas  écrite  (  Foj^\ 
Donat  AcciAjuoLi  ).  Sosile  le  La- 
cédémonieri  avait  écrit,  en  grec,  Y  His- 
toire des  expéditions  d'Annibal , 
dont  il  fut  le  maître,  le  compagnon  et 


ANN 

l'ami  ;  mais  cet  ouvrage  précieux  n'est 
point  arrivé  jusqu'à  nous.  On  sait  aussi 
qu'Anuibal  perpétua  les  principaux 
événements  de  la  seconde  guerre  pu- 
nique, en  les  faisant  graver ,  en  langue 
grecque ,  sur  des  tables  d'airain ,  qu'il 
laissa  à  Lacinium  en  Calabre;  Polybe 
a  eu  connaissance  de  ces  tables,  et  les 
a  suivies  dans  son  histoire.  M.  de 
Fortia  d'Urban,  dans  ses  Antiquités 
du  déparlement  de  l^auclusc ,  a 
discuté  en  détail  le  passage  du  Rhône 
par  Annibal ,  et  a  combattu  l'opinioa 
adoptée  par  d'Anville  (i).       B — p. 

ANNIBAL  CARO.  Voy.  Caro, 

ANNIBALIEN  ,  neveu  du  grand 
Constantin  (  /^q;'. Constantin,  Cons- 
tance et  Julien). 

ANNICÉRIS  de  CjTène ,  se  distin- 
gua par  sa  passion  pour  les  chevaux 
et  par  son  adresse  à  conduire  un 
char.  S'étant  embarqué  pour  aller 
à  Olympie  disputer  le  prix  de  la 
course  des  chars ,  il  aborda  à  jEgine 
au  moment  où  Pollis  y  exposait  en 
vente  Platon  qui  lui  avait  été  livré  par 
Denys-le-Jeune.  Annicéris  ,  qui  con- 
naissait le  mérite  de  ce  philosophe  , 
l'acheta  et  le  renvoya ,  ou  jilutôt  le  re- 
conduisit lui-même  à  Athènes.  Ce  fut 
sans  doute  alors  que,  voulant  faire  voir 
son  adresse  à  Platon  ,  il  mena  son  char 
dans  l'académie ,  et  lui  fit  faiie  nu 
grand  nombre  de  tours,  sans  que  les 
roues  sortissent  de  l'ornicre  qu'elles 
avaient  tracée;  ce  qui  fit  tlire  à  Platon 
qu'il  était  impossible  que  celui  qui 
avait  mis  tant  de  soin  à  s'exercer  à  des 
futilités ,  eût  rien  appris  de  bien  im- 
portant. C — R. 

ANNICERIS,  de  Cyrcne  comme  le 
précédent ,  mais  beaucoup  postérieur 
à  lui ,  puisqu'il  vivait  du  temps  d'A- 


(I^  Je  dois  à  robll^'F.ince  de  M.  le  baron  de 
Joniini ,  oiiteiir  du  'J'inilc  des  j^ranHe.'  Opéra, 
lions  initilaires  .  des  olucnatiors  et  des  t'clair- 
cissements  csseulich  «ut  Ici  bauilles  de  Canaei  et 
dï  itiru. 


A  N  N 

Îes-Tndre  ,  fut  disciple  de  Paraebates  , 
de  l'ëcole  d'Aristippe.  Suidas  et  Dio- 
gène  Laërce  out  commis  beaucoup 
d'erreurs  dans  l'histoire  de  ce  philo- 
sophe ,  en  le  confondant  avec  le  con- 
temporain de  Platon ,  et  en  le  repre'- 
sentant  comme  suivant  la  doctrine 
d'Épicure  :  il  e'tait  de  la  secte  cyre- 
naique.  Annice'ris  fit  à  la  philosophie 
d'Aristippe  diverses  modifications,  et 
fut  le  fondateur  de  la  secte  annicé- 
rienne,  dont  on  peut  lire  dans  Diogène 
Laërce  les  principes  fondamentaux.  11 
florissait  vers  l'au  55o  av.  J.-G. 
D.  L. 
ANNIUS  de  Viterbe.  Son  vëritable 
nom  était  Jean  Nanni,  en  latin, 
Nanniiis.  Par  amour  pour  l'antiquité, 
en  supprimant  une  seule  lettre,  il 
changea  Nannius  en  Annius,  selon 
l'usage  de  son  temps,  et  il  y  joignit  le 
nom  de  sa  patrie.  Ne  à  Viterbe,  dans 
l'ëtat  de  l'Église ,  vers  l'an  1 45u ,  il  y 
entra  fort  jeune  dans  l'ordre  des  do- 
minicains. Dès  ce  temps-là, et,  pendant 
toute  sa  vie ,  l'ëtude  reraphssait  tous 
les  moments  qu'il  ne  donnait  pas  aux 
devoirs  de  son  ëlat.  Celle  qu'il  fit, 
non  seulement  des  langues  grecque  et 
latine ,  mais  des  langues  orientales , 
lui  atlira  beaucoup  de  considération 
dans  son  ordre.  Suivant  son  institu- 
tion ,  il  exerça  souvent ,  avec  zèle ,  le 
ministère  de  la  parole.  Ses  succès  le 
firent  appeler  à  Pvome,  où  il  acquit 
l'estime  des  membres  les  plus  distin- 
gues du  sacre  collège,  et  des  souve- 
rains pontifes  Sixte  IV  et  Alexandre 
VI.  Ce  dernier  lui  donna,  en  i409j 
la  pbce  honorable  de  maître  du  sacre 
palais,  vacante  par  la  nomination  de 
Paul  ÎMoucglia  à  l'ëvêchë  de  Chio. 
Annius  eut  de  la  peine  à  conserver  son 
crédit  sous  ce  méchant  pape,  dont  le 
fils,  Cësar  Borgia,  plus  méchant  que 
lui,  et  livré  à  tous  les  crimes,  par- 
donnait difficilement  la  vëritë ,  qu'An- 


A  Tn  N  2^5 

nius  lui  disait  toujours.  La  femme  de 
Cësar,  au  contraire,  la  duchesse  de 
Valentinois ,  princesse  aus^i  vertueuse 
que  son  mari  était  scëlërat,  accordait 
au  savant  dominicain  toute  sa  con- 
fiance. Le  duc,  fatigue  des  conseils 
qu'il  recevait  de  l'un  et  de  l'autre,  fit 
tomber  son  ressentiment  sur  Annius, 
et  l'on  prétend  qu'il  le  fit  enîpoison- 
ner.  Quoi  qu'il  eu  soit,  Annius  mou- 
rut le  i5  novembre  i5o2,  âge  ds 
soixante-dix  ans  ,  comme  le  porte 
l'ëpitaphe  gravée  sur  son  tombeau,  à 
Rome,  dans  l'ëglise  de  la  Minerve,  de- 
vant la  chapelle  de  S.  Hyacinthe,  et 
non  pas  de  S.  Dominique,  comme  on 
le  dit  communëraer.t.  Cette  ëpitaphe , 
que  le  temps  avait  eflacëe,  fut  restaurée 
en  ]6i8,  par  les  soins  des  habitants 
de  Vitei'be.  Annhis  a  laisse  un  grand 
nombre  d'ouvrar^es.  Les  deux  pre- 
miers qu'il  publia  ,  et  qui  firent  une 
grande  sensation  dans  un  temjis  où 
la  destruction  de  l'empire  de  Cons- 
tantin, par  les  sectateurs  de  Mahomet, 
frappait  Ions  les  esprits,  furent  son 
Traité  de  l'empire  des  Turks ,  et 
celui  qu'il  intitula  :  De  futiiris  Chris- 
tianorum  triumphis  in  Tiircas  et 
Saracenos ,  ad  Xystiim  IF  et  omnes 
principes  Christianos,  Gennae,  t48o, 
in-4°.  Ce  dernier  n'est  qu'un  recueil 
de  ses  explications  ou  de  ses  réflexions 
sur  le  livre  de  V Apocalypse.  Il  les 
av;:it  prêchces  dans  l'ëglise  de  Sl.-Do- 
miuique,  à  Gênes,  dans  le  cours  de 
l'année  1471.  Cet  ouvrage,  qui  a  eu 
plusieurs  éditions,  et  dont  il  existe  un 
manuscrit  à  la  Bibliothèque  impériale,, 
est  divisé  en  trois  parties.  Dans  la 
première,  l'a.Ueur  fait  un  précis  de 
tout  ce  que  les  interprètes  catholiques 
avaient  écrit  avant  lui  sur  les  quinze 
premiers  chapitres  de  Y  Apocalypse. 
Dans  la  seconde ,  il  donne  ses  propres 
réflexions,  depuis  le  seizième  cha- 
pitre jusqu'à  la  fin  du  même  livre,  et 


2-24  A  N  N 

il  entreprend  de  prouver  que  le  faux 
prophète  Mahomet  est  le  véritable 
autechrist  prédit  ]iar  S.  Paul ,  et  dont 
S.  Jean  décrit  tous  les  caractères  j 
«  car  ,  dit-il ,  quoique  ce  faux  pro- 
«  pliète  soit  mort,  sa  secte  impie  vit 
»  encore  ;  elle  fait  des  prt!p;rès  contre 
»  le  ])cuple  de  Dieu,  et  elle  durera 
»  Jusqu'à  ce  que,  selon  le  septième 
»  chapitre  de  Daniel,  le  règne  soit 
»  donne  par  le  Trèr.  -  Haut  au  peuple 
»  des  saints,  c'est-à-dire  aux  chré- 
»  tiens.»  La  troisième  et  dei'nière  par- 
tie n'est  qu'une  ré'^apitulation  de  ce 
que  l'auteur  avait  déjà  ])ubiié  dans  son 
Traité  de  l'empire  des  Tiirks.  Il  ]ui- 
biia  aussi  des  questions ,  Super  miiLuo 
Judaïco  el  civili  et  dii>i?io ,  datées  de 
Vitcrbe,  le  8  mai  i49'^',  ni-^".,  mais 
sans  nom  d'imj)rimeur,  ni  du  lieu  de 
l'impression.  Le  Catalogue  de  la  biblio- 
thèque d'Oxford  lui  attribue  un  Com- 
mentaire sur  Catulle,  TibuUe  et  Pro- 
perce ,  Paris,  i6o4.  Le  P.  Mcéron 
observe  que  les  bibliothécaires  des 
dominicains  ne  parlent  point  de  cet 
ouvraj^e,  non  plus  que  du  précédent  ; 
mais  l'ouvrasse  qui  a  donné  à  Annius  le 
plus  de  renommée,  boiuie  et  mauvaise, 
est  le  grand  recueil  d'antiquités  qu'il 
publia  à  Rome,  en  1498,  sous  ce  ti- 
tre :  Antiquilaium  variarum  volu- 
mina  XFIl ,  ciim  commentariis 
Fr.  Joannis  Annii  Fiterbiensis  ,  in- 
fol.  Elles  furent  réimpi  imées  la  même 
année,  à  Venise,  dans  le  même  for- 
mat ,  et  elles  l'ont  été  plusieurs  fois , 
depuis,  à  Paris,  à  Bàle  ,  à  Anvers,  à 
Lyon,  tantôt  avec,  et  tantôt  sans  les 
commentaires.  Dans  ce  recueil,  An- 
liius  prélendit  faire  présent  au  monde 
savant  ,  des  ouvrages  originaux  de 
plusieurs  historiens  de  la  pliîs  haute 
antiquité ,  tels  que  Bérose  ,  Fabius 
Pictor,  Myrsilc,  Sempronius,  Archi- 
loque,  Caton,  Mégasthène  (qu'il  nom- 
me jMelastbcue,  quoiqu'il  n'y  ait  ja- 


ANN 

mais  eu  d'auteur  de  ce  nom  ) ,  Mané- 
thon ,  et  plusieurs  autres,  qui  devaient 
jeter  le  plus  grand  jour  sur  la  chro- 
nologie des  premiers  temps,  et  qu'il 
disait  avoir  heureusement  retrouvés  à 
Blantoue ,  dans  un  voyage  où  il  avait 
accompagné  Paul  de  Campo  Fregoso, 
cardinal  de  S.  Sixte.  L'attention  pu- 
blique était  alors  dirigée  sur  des  dé- 
couvertes de  ce  genre,  qui  se  multi- 
phaient  tous  les  jours ,  et  auxquelles 
l'invention  récente  de  l'imprimerie 
donnait  une  nouvelle  activité.  On  fut 
d'abord  ébloui  par  ces  grands  noms  : 
on  reçut,  comme  originaux,  les  ouvra- 
ges recueillis  par  Annius ,  et  dont  il 
prétendait,  dms  ses  Comvientaires , 
démontrer  l'authenticité.  Les  histo- 
riens de  plusieurs  villes  et  de  plusieurs 
provinces  d'Italie ,  se  lirent  gloire  de 
trouver  pour  leur  patrie,  dans  des  au- 
teurs qu'on  leur  doublait  comme  classi- 
ques ,  des  preuves  d'une  antiquité  qui 
se  perdait  dans  la  nuit  des  temps. 
Annius  n'eut  jwint,  d'abord,  de  con- 
tradicteur, et  l'on  doit  remarquer  que 
ce  fut  dans  l'année  qui  suivit  la  pu- 
blication de  son  livre  qu'il  fut  nommé 
maître  du  sacré  palais  ;  mais  bientôt  , 
en  Italie  même ,  on  cria  de  toutes 
parts  à  l'erreur  ou  à  l'imposture.  An- 
nius eut  aussi  quelques  défenseurs. 
On  peut  ranger  en  quatre  classes  les 
sentiments  des  auteurs  à  son  sujet  :  les 
ims  pensent  qu'il  eut  réellement  en 
sa  possesion  certains  fragments  des 
anciens  auteurs  qu'il  a  pubUc's ,  mais 
qu'il  les  étendit  considérablement ,  et 
qu'il  y  ajouta  toutes  les  fables  et  toutes 
les  fausses  traditions  dont  ce  recueil 
est  rempli;  les  autres  croient  que  le 
tout  est  faux  et  controuvé ,  mais 
qu' Annius  v  fut  trompé  le  premier,  et 
(pi'd  publia  de  bonne  foi  ce  qu'il 
crut  vrai  et  authentique.  Théophile  Rai- 
naud  est  de  cette  opinion, dans  son  livre 
De  bonis   et  malis  libris y  p.  \0\  ; 


ANN 

mais ,  dans  son  autre  ouvrage ,  De 
immunitate  Cyriacoriim ,  qui  est 
plus  moi'dantqiie  le  premier,  et  qu'il 
a  donne'  sous  le  faux  nom  de  Pierre 
de  Vaiicluse ,  il  ne  l'accuse  point  à 
demi,  et  ne  lui  foit  aucune  grâce. 
D'autres  ont  détendu  Annius  ,  et  ont 
pris  pour  de  véritables  antiquités  tout 
ce  qu'il  a  donné  sous  ce  litre  :  plu- 
sieurs ,  il  est  vrai ,  sont  des  auteurs 
sans  vrai  savoir  et  sans  critique  ;  mais 
plusieurs  aussi  méritent  plus  de  con- 
fiance, tels  que  Bernardino  Baldi , 
Guillaume  Postcl,  Albert  Krantz,  Si- 
gonius,  r>éandre  Alberti ,  et  quelques 
patres.  On  dit  qu'Alberti  reconnut 
trop  tard  l'erreur  où  il  élait  tombé , 
et  qu'il  mourut  de  cliaç^rin  d'avoir  gàlé 
sa  Description  de  l'Italie  par  toutes 
les  fables  qu'il  avait  puisées  dans  le 
recueil  d' Annius.  Des  critiques  plus 
sévères  ont  soutenu  que  le  recueil 
entier  n'avait  d'autre  source  que  l'ima- 
gination de  l'éditeur  :  les  plus  célèbres 
sont  Antoine  Agostini ,  Isaac  Gasau- 
bon  ;  Jean  Mariana  ,  dans  son  His- 
toire d'Espagne  ;  Ferrari ,  dans  son 
livre  De  origine  Romanomm  ;  Mar- 
tin Hanckius  ,  De  rornanarnm  reriiin 
scriptoribus  ;  le  cardinal  Noris ,  Fa- 
bricius  ,  Fontanlni,  etc.,  etc.  De  sa- 
vants Italiens,  contemporains  d' An- 
nius ,  furent  les  premiers  à  aperce- 
voir et  à  dénoncer  la  fraude ,  entre  au- 
tres ,  Marc-Antoine  Sabeliicus,  Pierre 
Crinitus  ,  Raphaël  de  Volterre,  etc.  j 
Pignoria  ,  dans  ses  Origines  de  Pa- 
doue,  prit  la  précaution  d'avertir  qu'il 
n'y  faisait  aucun  usage  des  prétendus 
auteurs  sortis  des  mains  d'Annius  de 
Viterbe  .  déclaration  que  le  savant 
Mafféi  a  cru  devoir  répéter,  depuis, 
dans  sa  Ferona  illiisirata.  On  peut 
voir,  dans  Niceron  et  dans  Apostolo 
Zeno  (  Dissertazioni  Fossiane  )  ,  la 
dispute  qui  s'éleva,  dans  le  17%  siè- 
cle ,  entre  Mazza ,  dominicain  ,  qui 


A  N  N  225 

publia  une  Apologie  d'Annius  ,  Spa- 
ravieri  de  Vérone ,  qui  écrivit  contre , 
et  François  Macedo ,  qui  répondit 
pour  IVIazza.  Apostolo  Zeno  ,  ennemi 
de  tout  excès  ,  en  trouve  dans  les 
accusations,  comme  dans  les  défenses  : 
il  lui  paraît  également  impossible, 
d'un  côté,  qu'un  homme  aussi  savant 
que  l'était  Annius ,  d'un  état  et  d'un 
caractère  grave  ,  et  qui  fut  bientôt 
après ,  revêtu  d'une  des  premières 
charges  de  la  cour  de  Rome ,  ait  in- 
venté, fabriqué  et  supposé  tous  ces 
auteurs  qu'il  donna  pour  authentiques, 
et ,  de  l'autre  ,  que  ces  auteurs  ,  pré- 
tendus anciens ,  le  soient  véritable- 
ment. Il  ne  le  croit  donc  ni  un  im- 
posteur ,  ni  un  homme  tout-à-fait  sin- 
cère ,  mais  un  homme  crédule  et 
trompé ,  qui  s'est  trop  complu  dans 
son  erreur  ,  et  qui  a  fait  tous  ses 
efforts  pour  y  entraîner  ses  lecteurs 
après  lui  (  Voy.  Disscrtaz.  Vossia^ 
ne  ,  tom.  II  ,  p.  189  à  igu  ).  Ce  ju- 
dicieux critique  cite  deux  preuves 
bien  fortes  de  la  bonne  foi  d'Annius, 
mais  en  même  temps  de  sa  crédu- 
lité, et  de  la  simplicité  de  ceux  qui 
croient  en  lui  et  aux  auteurs  de  son 
recueil.  Le  P.  Labat  ,  dominicain  , 
dans  le  tome  VU  de  ses  Fojages  en 
Espagne  et  en  Italie  {Xmsîevd.,  l'j'ïn, 
in-i2,  p.  66  et  suiv.),  raconte  que 
le  P.  Lcquien,  du  même  ordre ,  auteur 
de  r  Oriens  christianus  ,  et  d'uutreS 
ouvrages ,  lui  avait  fait  voir  une  dé- 
fense d'Ajinius ,  dans  laquelle  il  don- 
nait ces  deux  preuves.  L'une  est , 
qu'avant  confronté  le  Manethon  et 
le  Bérose  de  la  Collection  d'Annius , 
avec  divers  fragments  de  ces  deux 
auteurs ,  épars  dans  les  livres  de  Jo- 
sephe  ,  il  les  avait  trouvés  tout  diffé- 
rents. Or  ,  si  Annius  eût  été  le  fabri- 
cateur  de  ces  fausses  histoires,  il  était 
impossible  qu'ii  ne  lui  fût  pas  venu  dans 
l'esprit  d'y  encadrer  ces  fragments,  qui 

i5 


226  ANN 

auraient  donné  de  l'aiitonté  à  son  im- 
posture. L'autre  preuve  est  que,  par  mi 
les  manuscrits  de  Colhert  (  faisant  au- 
jourd'hui partie  de  1-  Bibliothèque  im- 
périale), il  s'en  trouvait  un  du  i5  . 
siècle,  entre  I2'20  et  r23o, contenant 
un  catalogue  d'auteurs  ,  parmi  les- 
quelles on  remarquait  Bérose  et  Mé- 
gasthène ,  les  mêmes  qui  font  partie 
du  Recueil  d'Annius  :  ce  n'était  doiic 
pas  lui  qui  les  avait  fabriqués  ;  ils  l'é- 
taient déjà  depuis  plusieurs  siècles,  Zé- 
no  conclut  que  les  auteurs  compris 
dansccltecollectionneméritentaucune 
confiance,  et  il  se  moque  de  Fietro 
Lauro  qui  fut ,  dit-il ,  assez  désœuvré 
(  cosï  scioperato  )  pour  employer  son 
temps  à  traduire  et  à  publier  tous  ces 
ouvrages ,  et  plus  encore  de  Fr.  San- 
sovino,qui  fit,  à  celle  traduction,  des 
additions  et  des  notes  ,  et  les  fit  réim- 
primer à  Venise ,  1 55o,  in-4".  Tira- 
boschi ,  autre  critique  non  moins  ju- 
dicieux que  Zcno  ,  embrasse  son 
opinion  (  Sior.  délia  Letter.  ital. , 
tora.  YI,  part.  II,  pag.   i6  et   17  , 


édition    de    Modène,  in 


-  /■' 


Comme  lui,  il  se  refuse  à  croire  An- 
nius  un  faussaire,  et  ne  l'accuse  que 
d'une  excessive  crédulité.  «  11  n'y  a 
»  maintenant,  ajoute-t-il,  aucun  hom- 
))  me ,  médiocrement  versé  dans  les 
»  premiers  éléments  de  la  liltéralure, 
■>)  qui  ne  rie,  et  des  historiens  publiés 
»  par  Anuius,  et  de  leur  commenta- 
V  tcur;  et  je  regarderais  comme  une 
»  perte  inutile  de  temps  que  d'allé- 
»  guej-  des  preuves  de  ce  dont  per- 
»  sonne  ne  doute  plus ,  si  ce  n'est 
»  ceux  qu'il  est  impossible  de  cou- 
»  vaincie.  »>  G — é. 

ANNOÎN,  ou  ILATmON(S.) ,  arche- 
vêque et  électeur  de  Cologne,  était  de 
la  famille  des  comtes  de  Sonnenberg 
de  Souabe  :  il  fut  d'abord  rp(  leur  à 
Bamberg,  ensuite  piévôl  à  Gosslar. 
L'empereur  Henri  III  ayant  entendu 


ANN 

parler  de  ses  talents ,  le  fit  venir  à  la 
cour,  et  l'envoya  peu  après  à  Cologne  ;, 
en  qualité  d'ambassadeur.  Il  s'y  con- 
duisit avec  tant  d'habileté  que  l'ar- 
chevêque Hermann  le  recommanda  , 
comme  digne  de  lui  succéder ,  et  il  fut 
élu,  en  I  o55.  Api  es  s'être  appliqué  à 
fonder  des  chapitres ,  et  à  réformer 
les  monastères  dans  son  diocèse,  il  fut 
rappelé  à  la  cour  par  l'impératrice 
Agnès,  qui  lui  confia  l'éducation  du 
jeune  empereur  Henri  IV ,  et  l'admi- 
nistration de  l'empire  qu'il  dirigea 
avec  un  égal  succès.  Privé  quelque 
temps  du  ministère ,  il  retourna  dans 
son  archevêché,  où  les  révoltes  de  ses 
propres  sujets  lui  firent  courir  de 
grands  dangers  ,  et  occupèrent  sou- 
vent sa  justice  un  peu  sévère.  11  repa- 
rut à  la  cour  en  1072  ,  et  mourut  le  4 
décembre  1075  ,  laissant  une  réputa- 
tion honorable.  Il  fut  enseveli  dans  le 
couvent  de  Siegberg ,  et  canonisé  peu 
après.  G — T. 

ANNONE  (  Jean -Jacques  de)  , 
naquit  à  Bàleen  j  7-28,  et  y  mourut  en 
i8o4-  H  étudia  la  philosophie  et  la 
jurisjn-udencc  ,  et  obtint  dans  sa  pa- 
trie ,  en  1 760 ,  la  chaire  d'éloquence  , 
qu'il  quitta  en  1779,  pour  celle  de 
jurisprudence.  Il  s'occupa  avec  succès 
d'aichœoiogie,  d'histi-iie  naturelle  et 
de  physique  ;  ses  collections  ,  tant  de 
médailles  et  de  monnaies ,  que  d'ob- 
jets d'histoire  naturelle  ,  qu'on  con- 
serve à  Bàle ,  sont  riches  et  remar- 
quables. Outre  un  nombre  considé- 
rable de  Mémoires,  insérés  dans  le> 
Acta  Hel^elica  et  dans  d'autres  ou- 
vrages périodiques  de  l'Allemagne  ,  il 
a  donné  d;'s  Notes  relatives  aux  mon- 
naies antiques ,  pour  l'édition  de  Bà!e , 
1762,  du  GZo55rtiVe  de  Ducange,  et 
il  a  enrichi  le  bel  ouvrage  de  Knorr.  sur 
les  pétrifications ,  d'un  grand  nombre 
d'articles  et  de  figures  relatives  à  de* 
pièces  de  son  cabinet»  U — i- 


ANQ 

ANQUËTIL  (  Louis-Pierre  ) ,  na- 
quit à  Paris,  le  21  janvier  1723.  En- 
tré à  dix-sept  ans  dans  la  congréga- 
tion de  Ste.-Geneviève ,  il  se  distingua 
dans  l'exercice  des  fonctions  d'ensci- 
j;nement  tlie'ologique  ou  littéraire  qui 
lui  furent  confiées.  Le  séjour  qu'il  fit 
à  Reims,  en  qualité  de  directeur  du 
séminaire ,   lui  donna  tout  à  la  fois 
l'idée  et  le  moyen  de  composer  l'His- 
toire de  cette  ville.  Nommé,  en  i.^^Ç), 
jirieur  de  l'abbaye  de  la  Roc,  en  An- 
jou ,  il  fut  peu  après  envoyé,  en  qua- 
lité de  directeur,  au  collège  de  Senlis, 
pour  y  ranimer  les  études;  ce  fut  là 
qu'il  composa  VEsprit  de  la  Ligue. 
En  1766,  il  obtint  la  cure  ou  prieuré 
deCliàteau-Renard,  près  de  Montar- 
gis,  qu'il  échangea,  dès  le  commence- 
ment de  la  révolution,  contre  la  cure 
de  la  Villette,  près  Paris.  Enfermé  à 
St.-Lazare ,   pendant  le  règne  de  !a 
terreur,  il  y  continua  son  Histoire 
universelle.  Elu  membre  de  la  seconde 
classe  de  l'Institut ,  lors  de  la  forma- 
tion de  cette  société,  il  fut  bientôtaprès 
attaché  au  ministère  des  relations  ex- 
térieures ,  et  crut  devoir  composer  ses 
Motifs  des  traités  de  paix,  etc.  Doué 
d'une  santé  robuste,  fruit  d'une  hu- 
meur égale  et  d'une  tempérance  uni- 
verselle, Anquetil  était  très-laborieux; 
il  travaillait  régulièrement  dix  heures 
par  jour;  les  ouvrages  les  plus  péni- 
bles  ne  l'effrayaient  pas.   Déjà  plus 
qu'octogénaire ,   il  méditait  les    plus 
vastes  entreprises  liltéraires,  lorsque 
la  mort  l'enleva ,  le  6  septembre  1 808 , 
dans  sa  quatre-vingt-qiiatrième  année. 
La  veille  encore,  il  disait  à  un  de  ses 
amis  :  «  Venez  voir  un  homme  qui 
»  meurt  tout  plein  de  vie.  »  On  a  de 
lui  :  I.  Histoire  civile  et  politique  de 
la  ville  de  Reims,  1756-57  ,  5  vt-I. 
in-i  -2.  Cette  histoire  ne  va  pas  au-deià 
de  1657;  ^'^^  devait  avoir  un  qua- 
trième volume  qui  n'a  pas  paru.  Un 


ANQ  227 

nommé  Félix  de  la  Salle  est,  dil-on  , 
le  principal  auteur  de  l'Histoire  de  la 
ville  de  Reims.  Les  deux  collabora- 
teurs disputèrent  à  qui  mettrait  son 
nom  à  cet  ouvrage.  Le   sort   décida 
en  faveur  d'Anquetil.  (  On  peut,  sur 
C(  tte  anecdote  ,  consulter  le  Mémoire 
servant  de  réponse,  pour  le  sieur 
Delaislre ,  contre  le  sieur  Anqueiil , 
Reims,   1758,   in-4".  de  14  pages). 
\/ Histoire  de  Reims  est  un  ouvrage 
rempli  de  recherches    curieuses  ,  et 
d'où   sont  bannies    les   vaines   con- 
jectures   et   les   dissertations    futiles. 
L'auteur  disait ,  vers  la  fin  de  sa  vie  :  «  Je 
w  viens  de  relire  V Histoire  de  Reims  ^ 
»  comme  si  elle  n'était  pas  de  moi;  je 
»  ne  crains  pas  de  dire  que  c'est  ua 
»  bon  ouvrage.  »  II.  Almanach  de 
Reims,   1754,  in -24;  \\\.X Esprit 
de  la  Ligue  ,  ou  Histoire  politique 
des  troubles  de  France,  pendant  les 
iG*.  et  17".  siècles,    J767,  5  vol. 
in-12;    1771 ,  5  vol.  in-12;   1785, 
5  vol.  in-12;  1797,  5  vol.  in- 12.  Ou 
ne  trouve  pas  à  un  très-haut  degré, 
dans  cet  ouvrage ,  cette  sagacité  qui 
aperçoit  et  développe  aux  yeux  des 
autres  les  causes  morales  ou  poHtiqucs 
des  grands  événements;  mais  l'exac- 
titude et  l'heureux  enchaînement  des 
faits  mettent  le  lecteur  à  portée  de 
pénétrer  lui-même  dans  le  secret  des 
cœurs  ou  des  cabinets.  IV.  Intrigue 
du  cabinet  sous  Henri  IV ,  et  sous 
Louis  XIII,  terminée  par  la  Fron- 
de,  1780,  4  vol.  in-12.   Cette  nou- 
velle production  est  très-inférieure  à 
la  première  :  le  style  en  parut  médio- 
cre et  quelquefois  même  peu  coriect; 
mais  ce  qu'on  y  blâma  le  plus,  c'est 
l'indulgence  timide  ou  partiale  avec 
laquelle  l'administration  et  le  carac- 
tère de  Richelieu  y  sont  tracés  ;  ni  le 
génie,  ni  les  rigueurs  tyranniques  de 
ce  grand  minisire  n'y  sont  peints  de 
couleurs  assez  fortes.  V.  Louis  XI  F, 


228 


ANQ 


sa  Cour  et  le  Bêlent,  1789,  4  vol- 
in-t'2,  réimprimés  en  1794?  5  vol. 
in  -  1 2.  Cette  espèce  de  continuation 
des  deux  précédents  ouvrages  ne 
mérite  point  de  leur  être  comparée  ; 
c'est  un  amas  d'anecdotes  sans  liaison 
qui  ont  perdu  tout  leur  prix  depuis 
la  publication  des  Mémoires  particu- 
liers d'où  elles  étaient  tirées.  VI.  Vie 
du  maréchal  de  Fillars,  écrite  par 
lui-même,  suivie  du  Journal  de  la 
<7o«r(£e  1724  à  1754,  Paris,  1787, 
4  vol.  in-ia;  i79'2,  /j  vol.  in- 12.  Ce 
n'est  qu'un  extrait  des  IMémoircs  écrits 
par  Villars  lui-même  ;  la  fidélité  en 
fst  le  seul  mérite.  VII.  Précis  de 
l'Histoire  universelle ,  1797  ,  9  vol. 
in-i2  ;  1801,  12  vol.  iu-12,  5". 
e'difion  ,  entièrement  revue  (  c'est- 
à-dire,  corrigée  par  M.  Jondot), 
1807,  12  vol.  in- 12.  Cet  ouvrage  a 
été  traduit  en  anglais  ,  en  espagnol  et 
en  italien.  Cependant,  ce  n'est  pres- 
que qu'un  abrégé  de  VHistoire  uni- 
verselle des  Jonglais ,  et  il  ne  doit 
êtreluqu'avecprécaution.VIII.j'l/ot//i 
des  f;uerres  et  des  traités  de  paix  de 
la  France ,  pendant  les  règnes  de 
Louis  XIV ,  Louis  XV,  et  Louis 
XVI,  1 798  ,  in-S"".;  IX.  Histoire  de 
France,  depuis  les  Gaules  jusqu  a 
la  fin  de  la  monarchie,  i8o5  et  suiv., 
14  vol.  in-i2.  Anquetil  avait  près  de 
quatre-vingts  ans  lorsqu'il  commença 
cette  histoire ,  à  laquelle  la  vie  toute 
entière  semble  ne  devoir  pas  suflire. 
Aussi  se  ressent -elle  beaucoup  de  la 
précipitation  avec  laquelle  elle  a  été 
faiic  et  de  l'âge  où  l'auteur  l'a  com- 
posée. X.  Notice  sur  la  vie  de 
M.  anquetil  du  Perron ,  son  frère  ; 
Xir.  diverses  Dissertations,  dans  les 
Mémoires  de  l' Institut  {V.  Mailly). 

ANQUETIL-DUPERRON  (Abra- 
ham-Hyacinte)  ,  frère  du  précédent, 
haquit,  à  Paris,  le  7  décembre  1751. 


ANQ 

Après  avoir  fait  ses  études  avec  dis- 
tinction dans  l'université  de  cette 
ville ,  et  avoir  acquis  uue  connais- 
sance assez  étendue  de  l'iielireu ,  il  fut 
appelé  à  Auxerre  par  M.  de  Caylus  , 
qui  en  était  alors  évêque.  Ce  prélat 
lui  fit  faire  ses  études  théologiques  , 
d'abord  dans  le  séminaire  de  son  dio- 
cèse, et  ensuite  dans  celui  d'Amers- 
foort  près  d'Utrccht  ;  mais  le  jeune 
Anquetil  n'avait  aucune  vocation  pour 
l'état  ecclésiastique  ,  et  se  livrait  avec 
ardeur  à  l'étude  de  l'hébreu  et  de  ses 
nombreux  dialectes  ,  de  l'arabe  et  du 
persan.  Ni  les  sollicitations  de  IVI.  de 
Caylus  ,  ni  l'espoir  d'un  rapide  avan- 
cement, ne  purent  le  retenir  à  Amers- 
foort ,  lorsqu'il  crut  n'avoir  plus  rieii 
à  y  apprendre.  Il  revint  à  Paris  ,  où 
sou  assiduité  à  la  Bibliothèque  du 
roi ,  sou  ardeur  ])our  le  travail  et  ses 
progrès,  lui  meVitèrent  l'attention  de 
l'abbé  Sallier ,  garde  des  manuscrits. 
Ce  savant  le  fit  connaître  à  ses  con- 
frères et  à  ses  amis  ,  qui  s'unirent  à 
lui  pour  faire  accorder  au  jeune  An- 
quetil un  modique  traitcraont ,  en 
qualité  d'élève  pour  les  langues  orien- 
tales. Il  avait  à  peine  obtenu  cet  en- 
couragement ,  lorsque  le  hasard  fit 
tomber  dans  ses  mains  quelques 
feuillets  calqués  sur  un  manuscrit  zend 
du  Vendidad-Sadé.  Dès-lors  ,  plus 
do  repos  pour  lui  ;  l'Inde  devient  le 
but  de  ses  travaux  :  il  forme  le  projet 
de  la  parcourir  pour  découvrir  le> 
livres  sacrés  des  Parses ,  et  ne  songe 
plus  qu'aux  movens  de  l'exécuter. 
L'occasion  était  favorable  ^  on  prépa- 
rait, au  port  de  l'Orient,  une  expé- 
dition pour  cette  contrée.  Cependant , 
les  démarches  de  ses  protecteurs  , 
pour  lui  obtenir  le  passage,  sont  sans 
succès.  Cet  obstacle  ne  fait  qu'ac- 
croître son  ardeur.  Il  va  trouver  le 
capitaine  de  recrutement ,  s'engage  , 
malgré  ses  représentations ,  et  part  de 


ANQ 

Paris ,  en  qualité  de  soldat ,  le  sac  sur 
le  dos ,  le  7  novembre  1 754>  Aussitôt 
que  ses  protecteurs  furent  instruits  de 
son  départ ,  ils  volèrent  chez  le  minis- 
tre ,  qui ,  touché  de  ce  trait  de  zèle  pour 
les  sciences  ,  lui  accorda  le  passage 
franc,  la  table  du  capitaine,  et  un  traite- 
ment qui  devait  être  fixé  par  le  gouver- 
neur des  établissements  français  dans 
l'Inde.  Anquetil,  après  neuf  mois  de 
traversée ,  dcbaïqua  ,  le  1 0 août  1 7 55 , 
à  Pondichéry.  Il  ne  resta  dans  celte 
ville  xjiie  le  temps  nécessaire  pour 
apprendre  le  persan  moderne  ,  et  il 
se  rendit  eu  diligence  à  Scbander- 
nagor,  où  il  se  flattait  d'étudier  le 
samskretan.  Dès  qu'il  y  fut  arrivé ,  il 
reconnut  qu'il  s'était  livré  à  des  es- 
pérances trompeuses.  Il  était  sur  le 
point  de  s'en  retourner ,  lorsqu'une 
maladie  grave  fît  craindre  pour  ses 
jours  ;  mais  il  était  à  peine  échappé 
à  ce  danger  ,  que  la  guerre  se  dé- 
clara entre  la  France  et  l'Angleterre. 
Schandernagor  fut  pris  ,  et  Anquetil , 
craignant  alors  de  manquer  l'objet  de 
ses  voyages ,  et  désirant  retourner  à 
Pondichéry,  se  décide  à  faire  ce  tra- 
jet par  terre  :  il  part  seul ,  presque 
sans  argent  et  sans  bagages ,  traverse 
des  contrées  infestées  par  des  bêtes 
féroces  ,  brave  leur  fureur  et  la  per- 
fidie de  ses  guides,  visite  toutes  les 
pagodes,  recueille  tous  les  renseigne- 
ments utiles,  et  arrive  à  Pondichéry 
après  cent  jours  de  maixhe  ,  pendant 
lesquels  11  avait  paixouru  un  espace 
de  près  de  quatre  cents  lieues  ,  sous 
un  climat  brûlant  et  inhabité.  11  y 
trouva  un  de  ses  frères  qui  arrivait 
de  France,  et  s'embarqua  avec  lui  pour 
Surate  j  mais  ,  désirant  connaître  le 
pays,  comme  il  connaissait  la  côte  de 
Goromandel  ,  il  descendit  à  Mahé ,  où 
le  vaisseau  relâcha ,  et  se  rendit ,  à 
pied ,  à  Surate.  Ce  fut  là  qu'il  par- 
vint, à  fqrce  de  persévérances  et  de 


ANQ  2->g 

soumission ,  à  vaincre  l'humeur  fa- 
rouche et  les  scrupules  de  quelques 
destours  (  prêtres  parses  )  du  Guzara- 
te.  11  acquit  auprès  d'eux  une  connais- 
sance assez  étendue  du  zend  et  du 
pchlevy  ,  pour  traduire  un  Diction- 
naire zend  et  pehlevy ,  le  Fendidad- 
Sadé  et  quelques  auti'es  ouvrages 
écrits  dans  ces  langues.  Il  se  proposait 
d'aller  étudier  les  langues  ,  les  antiqui- 
tés et  les  lois  sacrées  des  Hindous  à 
Bénarès,  lorsque  la  prise  de  Pondiché- 
ry le  força  à  retourner  en  France.  II 
monta  sur  un  vaisseau  anglais ,  débar- 
qua à  Londres ,  où  il  séjourna  quelque 
temps,  visita  Oxford,  et  arriva  à  Paris 
le  4  mai  i  ^ô'i ,  sans  fortune ,  sans  désir 
d'en  acquérir,  mais  riche  de  cent  qua- 
tre-vingt manuscrits,  et  d'autres  ob- 
jets rares.  L'abbé  Barthélémy  ,  et  ses 
autres  amis ,  lui  firent  obtenir  une 
pension  ,  avec  le  titre  et  les  appointe- 
ments d'interprète  pour  les  languci 
orientales  à  la  liibliothèque  du  Koi. 
Eu  1765,  l'académie  des  belles-lettres 
le  reçut  au  noraI)re  de  ses  associés; 
dès-lors ,  il  se  livra  tout  entier  à  la  ré- 
daction et  à  la  publication  de  ses  ma- 
tériaux. En  1771,1!  pidilia,  en  5  vol. 
in-4".,  sous  le  titre  de  Zend-Avesta, 
le  recueil  des  livres  sacrés  des  Parses. 
Les  deux  plus  anciens  morceaux  de  ce 
recueil  sontle  F  endidadcxV  Izeschné , 
qui  paraissent  contenir  des  fragment» 
des  ouvrages  de  Zoroastre  et  de  quel- 
ques autres  philosophes  d'une  antiquité 
reculée.  Anquetil  joignit  à  son  Zend' 
Ai'esia  une  Rclarion  curieuse  de  ses 
voyages  ,  et  une  savante  Fie  de 
Zoroastre.  En  1778,11  publia  sa 
Législation  orientale ,  où  if  combat- 
tit ,  avec  plus  de  vérité  que  de  succès, 
le  système  de  Montesquieu  sur  cette 
même  législation.  En  1786,  on  pu- 
blia ses  B^echerches  histori<jiies  et 
géographiques  sur  Vlnde  ;  cet  ou- 
vrage ,  qui  fait  partie  de  la  Géogrœ- 


si3(>  A  N  Q 

j)hie  de  l'Inde ,  du  père  ThiefTentlia- 
1er,  l'ut  suivi ,  en  i  -jSq  ,  de  son  Traite' 
De  la  dignité  du  commerce  et  de 
l'état  du  commerçant.  La  révolution 
vint ,  peu  de  temps  après ,  troubler 
le  repos  dont  il  jor.issait.  Trop  sen- 
sible pour  envisager  le  spectacle  des 
maux,  de  sa  patrie ,  il  rompit  toutes 
ses  liaisons ,  s'enferma  dans  son  ca- 
binet ,  et  n'eut  plus  d'autres  amis  que 
ses  livres  ,  d'autres  délassements  que 
le  souvenir  de  ses  chers  bralimes  et  de 
ses  destours.  Les  fruits  de  sa  retraite 
furent ,  en  1 798  ,  Y  Inde  en  rapjwrt 
avec  l'Europe,  1  vol.  in -8".,  et ,  en 
1 8o4 ,  la  tr  iduction  latine ,  friitedu  per- 
san, des  Oupnek'hat ,  on  Upnnischa- 
da ,  c'est-à-dire,  Secrets  qu'il  ne  faut 
pas  révéler,  2  vol.  in-4".  Quoiquel'au- 
teur  de  la  version  persane  n'ait  point 
conservé  les  idées  indiennes  dans  toute 
leur  pureté,  Anquetil  n'en  a  pas  moins 
rendu  un  grand  service  aux  lettres  ,  eu 
faisant  connaître  ces  r/panischnda, 
ou  Extraits  des  Védas.  Lorsq  ne  l'I  ns- 
titut  fut  l'éorganisé  ,  Anquetil  en  fut 
nommé  membre ,  et  donna ,  peu 
après,  sa  démission.  Enfin,  épuisé 
par  ses  longs  travaux,  par  le  régime 
austère  auquel  il  s'était  astreint  ,  et 
par  les  infirmités  de  la  vieillesse,  il 
mourut  à  Paris,  le  17  janvier  i8o5. 
Outre  les  ouvrages  que  nous  avons 
indiqués,  il  avait  encore  lu  à  l'acadé- 
mie plusieurs  mémoires ,  dont  l'objet 
est  de  prouver  l'authenticité  des  ouvra- 
ges attribués  par  les  Parses  à  Zoroas- 
tre,  et  d'éclaircir  l'histoire  et  tes  lan- 
gues anciennes  derOrienl.  11  était  occu- 
pé à  revoir  une  traduction  du  P'oyage 
du  père  Paulin  de  St.-Bartliélemy 
dans  l'Inde^  et  à  la  publier  avec  des 
corrections  et  des  additions,  lorsque 
sa  mort  arrêta  l'impression  de  cet  ou- 
vrage :  elle  a  été  continuée  par  les 
.soins  de  M.  Silvestrc  de  Sacy  ,  et  l'ou- 
vrage a  paru  en  1808,5  vol.  iu-S". 


ANS 
Enfin  ,  Anquetil  a  laissé  un  grand 
nombre  de  manuscrits ,  parmi  lesquc!& 
on  distingue  la  traduction  d'un  Traité 
latin  sur  V Eglise ,  du  célèbre  doc- 
teur Legros,  en  4  volumes  in-4".  Une 
immense  érudition ,  la  connaissance 
de  presque  toutes  Ips  langues  de  l'Eu- 
rope ,  dont  il  se  facilitait  l'étude  par 
des  méthodes  qui  lui  étaient  propres, 
et  une  activité  infatigable,  étaient  unis, 
chez  Anquetil ,  ta  l'amour  sincère  de  la 
vérité ,  à  une  saine  philosophie ,  à  uu 
rare  désintéressement ,  et  aux  plus 
éminentes  qualités  du  cœur.  On  se  raji- 
pellera  toujours  ,  avec  un  sentiment 
d'admiration ,  qu'il  refusa,  des  Anglais, 
5o,ooo  livres,  qu'ils  lui  offi  irent  pour 
son  manuscrit  de  la  traduction  du 
Zend-ylvesta.  Comme  tous  les  hom- 
mes d'un  mérite  supérieur ,  il  fut  ou 
1  lutte  à  l'envie,  parce  qu'il  combattit 
toujours  le  faux  mérite  ;  mais  le  monde 
savant,  en  reconnaissant  dans  ses 
ouvrages  quelques  erreurs  m  imper- 
i'cctions  ,  Ta  placé  néanmoins  au  rang 
des  hommes  les  plus  érudits  qu'ait 
pioduits  le  1 8".  siècle.  J — n. 

ANSALONI  (  GioRDANo) ,  mission- 
naire sicilien,  que  l'Eglise  du  Japon 
compte  au  nombre  de  ses  martyrs.  Il 
naquit  à  Saut'  Angelo,  ville  dudiocèse 
d'Agrigeiitc  ,  et  entra  de  bonne  heure 
dans  l'ordi  e  de  S.  Dominique  ;  après 
son  noviciat ,  il  fut  envoyé  à  Salaman- 
que  en  Espagne,  pour  y  achever  ses 
études.  Bientôt,  son  zèle  lui  fit  tourner 
ses  vues  vers  les  missions,  et  il  obtint 
de  ses  supérieurs  la  liberté  de  s'y  con- 
sacrer. 11  fut  du  nombre  des  mission- 
naires de  cet  ordie  qui  partirent ,  en 
iG'iS  ,  pour  les  Philippines  ,  où  ils  se 
rendirent  par  la  route  du  Mexique. 
Arrivé  à  Manille,  le  père  Ansaloni  se 
dévoua  au  service  àcsi  malades  dans 
les  hôj)itaux  ,  et  donna  le  reste  de  son 
temps  à  l'élude  du  chinois.  Lorsqu'il 
put  entendre  les  livres  écrits  en  cctto 


ANS 

Irngnc ,  il  entreprit  un  Recueil  des  su- 
jierstitions  chinoises  ,  pour  se  mettre 
lui-même  en  e'tat  de  les  combattre  avec 
j)!us  de  succès ,  s'il  arrivait  que  son 
Diiuistère  l'appelât  à  la  conversion  des 
peuples  de  cet  empire  j  mais  il  n'eut 
pas  le  temps  de  finir  cet  ouvrage ,  qui 
Jie  fut  jamais  publie':  la  Providence  lui 
.ivait  marque'  une  autre  destination.  Il 
reçut  de  ses  supérieurs  l'ordre  de  se 
rendre  au  Japon.  Accompagne  d'un 
de  ses  confrères  ,  il  y  pénétra  ,  en 
^G^2,  dans  le  temps  oh  la  persécu- 
tion contre  les  chrétiens  y  éclatait 
avec  le  plus  de  violence.  Les  dan- 
gers qui  envii'onnaient  de  toutes  parts 
le  vertueux  missionnaire  ,  ne  l'empê- 
chèrent pas  de  se  livrer  à  toutes  les 
fonctions  de  son  ministère.  Il  échappa 
aux  recherches  pendant  deux  ans  j 
mais  il  fut  enfin  saisi ,  ainsi  que  sou 
collègue,  Soixanlc-neuf chrétiens,  ar- 
rêtés avec  eux  ,  furent  décapités  ,  et 
les  deux  missionnaires ,  condamnés  au 
supplice  de  la  fosse,  y  consommèi'ent 
leur  marlvre,  le  1 8  novembre  i(>r)4. 
Pendant  le  séjour  que  le  père  Ansaloni 
fut  forcé  de  faire  au  Mexique  ,  il  y 
employa  ses  loisirs  à  une  traduction 
latine  des  Vies  des  Saints  de  sou  or- 
dre, écrites  en  espagnol  par  Ferdinand 
Tiastillo  :  le  manuscrit  de  cette  version, 
qu'on  dit  être  très-é!égante  ,  se  con- 
serve encore  à  Seville.  G — r. 

ANSART  (  André-Joseph  ),  né  dans 
l' Ailois,  en  1 7  '25 ,  entra  dans  l'ordre  de 
St.-Benoît,  et ,  ayant  été  nommé  procu- 
reur d'une  des  maisons  de  cet  ordre , 
disparut  avec  les  fonds  qu'il  avait  entre 
les  mains.  Il  s'attacha  à  l'ordre  de  Mal- 
te ,  en  devint  conventuel,  se  fit  recevoir 
avocat  au  parlement,  et  docteur  en  droit 
de  la  faculté  de  Pans;  il  fut  ensuite 
nommé  prieur- curé  de  Villeconin  , 
membre  des  académies  d'Arras  et  des 
arcades  de  Rome.  Il  mourut  vers  i  790, 
après  avoir  publié:  I.  Dialogues  sur 


ANS  25r 

Vulilité  des  moines  renies  ,  1 76H  ', 
in- 1 2  ;I1.  Exposition  sur  le  Cantique 
des  Cantiques  de  Salomon,  '77<^  ■> 
in-12;  111.  Histoire  de  S.  Maur , 
abbé  de  Glanfeuil ,  1772,  iu  -  l 'x. 
La  première  partie  comprend  la  Vie 
de  S.  Maur  ;  les  deuxième  et  troisième 
parlent  des  diftërentes  translations  des 
reliques  du  saint  ;  la  quatrième  est 
l'Histoire  de  l'abbaye  de  St.-Maur-dcs- 
Fossés  (  Voy.  Amandus).  IV.  Eloge 
de  Charles  F^  empereur^  traduit  du 
latin  de  J.  Masénius ,  1777  ,  in-1'2; 
\  .  Esprit  de  S.  Plncent-de-Paul ,  ou 
Modèle  de  conduite  proposé  à  tous 
les  ecclésiastiques ,  1780  ,  in-i'2j 
VI.  Histoire  de  Sainte  Reine  d'A- 
lise ,  et  de  Vabbare  de  Flavigny  , 
1785,  in -12;  VII.  Histoire  de  S. 
Fiacre  ,  1784,  i"-'^  ;  VIII.  Biblio- 
thèque littéraire  du  Maine ,  Chalons- 
sur-Marne,  i  784,  iu-8".  Ansart  afait 
revivre  trois  cents  auteurs  ,  dont  on 
axait  oublié  jusqu'aux  noms.  11  devait 
V  avoir  sept  auti-es  volumes  qui  n'ont 
pas  paru.  IX.  La  Fie  de  Grégoire 
Cortez,  bénédictin ,  éi>éque  d'Urbin, 
et  cardinal,  1786,  in-iu.  Ansart 
était  ignorant  et  paresseux.  On  croit 
qu'il  avait  pris  tous  les  ouvrages  qu'il 
a  publiés  sous  son  nom  ,  dans  les 
archives  du  Régime  ,  autrement  de 
St.Germain-des-Prés.      A.  B—  t. 

ANSBERT  (  S.  ) ,  évêque  de  Rouen, 
né  à  Chaussv,  village  du  Vexin  ,  d'une 
famille  noble.  Ses  progrès  dans  les 
lettres  furent  rapides,  et  il  parut  jeune 
encore  à  la  cour  de  Glotaire  III  ,  oîi 
le  chancelier  Robert  voulut  lui  faire 
épouser  sa  fille  Angradisme  ;  mais 
Ansbert,  qui  projetait  dès- lors  de  se 
consacrer  à  Dieu  ,  préféra  le  célibat  au 
mariage.  Son  mérite  l'ayant  fait  élever 
à  la  dignité  de  chancelier  ,  il  n'en  fut 
pas  moins  entraîné  par  son  penchant 
pour  la  vie  solitaire ,  quitta  brusque- 
ment la  cour,  et  alla  s'enfermer  dans 


252  A  K  S 

l'abbaye  de  Fontenelle.  Il  en  devint 
abbé,  marcha  sur  les  traces  de  S. 
Vaiidrille  et  de  S.  Lambert  ses  pré- 
décesseurs ,  fonda  des  hôpitaux,  et  fit 
de  sages  règlements.  Elevé,  en  685, 
au  siège  cpiscopal  de  îiouen,  il  se  voua 
tout  entier  à  la  prédication  des  fidèles 
et  au  soulagement  des  pauvres  ;  mais 
Pépin  d'Heristal,  maire  du  palais,  iné- 
conlent  de  la  sévérité  de  ce  saint  prélat, 
l'arracha  de  son  église  et  le  relégua 
dans  le  monastère  de  Hairaont ,  en 
Haiuault,  où  il  mourut,  en  698 ,  dans 
les  exercices  de  la  bienfaisance  et  de 
la  p'été,  au  moment  même  où  il  ve- 
nait d'être  autorisé  à  retourner  dans 
son  dioccse.  S^ai  corps  fut  transporté, 
selon  sa  deinière  volonté,  à  l'alibave 
de  Fontenelle.  Aigrade  a  écrit  sa  vie , 
que  nous  avons  dans  Surius  et  dans 
Bollandus.  K. 

A^  SCHAIRE,  ou  ANSGARIUS  (S.), 
surnommé  l'Apôtre  du  Nord,  né  en 
Picardie,  le  8  septembre  801  ,  fut 
élevé  dans  un  couvent  de  bénédictins , 
à  Corbic  ,  d'où  il  passa  à  Corvey  en 
Westphalie  ;  il  y  fit  de  tels  progrès 
dans  les  sciences  ,  qu'en  82 1  il  fut 
nommé  recteur  de  l'école  du  couvent. 
Harald  ,  roi  deDanemarck  ,  près  de 
quitter  Mayeuce  où  il  avait  été  baptisé, 
pour  retourner  dans  ses  états  ,  de- 
manda quelques  missionnaires  qui  pus^ 
sent  y  introduire  le  christianisme  : 
Anschalre,  accompagné  de  son  ami 
Autbert,  entreprit  cette  pénible  tache. 
11  oblint  d'abord  de  grands  succès,  et 
fonda  une  école  chrétienne  à  Hadebv, 
aujourd'hui  Schleswig  ;  mais  le  zèle 
violent  d'Harald  ayant  soulevé  ses  su- 
jets  ,  il  fut  contraint  de  s'enfiiir  et 
Anschaire  avec  lui.  Le  roi  de  Suède 
Biœrn ,  avant  envoyé,  peu  après ,  des 
ambassadeurs  à  Louis-le-Pieus  ,  em- 
pereur d'Allemagne ,  Anschaire  les  sui- 
vit en  Suède  à  leur  retour.  Le  roi  lui 
accorda  la  permission  d'enseigner  pu- 


ANS 
bliquement  le  christianisme  :  on  avait 
préalablement  consulté  les  idoles  pour 
savoir  ce  qu'on  devait  faire ,  et  la  ré- 
ponse du  sort  avait  été  favorable  au 
mis^ionnaire  chrétien.  Il  convertit  un 
grand  nombre  des  principaux  de  la 
cour,  bâtit  une  église ,  et  revint  dans 
son  cloître,  en  85 1.  Louis-le-Pieux 
le  nomma ,  peu  après ,  premier  arche- 
vèqiiede  Hambourg,  et  le  pape  Pascal , 
en  lui  envovant  le  PaUium ,  lui  donna 
le  titre  de  légat  dans  le  Nord  ;  mais  y. 
en  845,  Anschaire  vit  l'église  et  le  cou- 
vent de  sa  ville  arcliiépiscopale  pillés  , 
et  livrés  aux  flammes  par  des  brigands: 
à  peine  eut-il  le  temps  de  s'enfuir^ 
presque  nu ,  à  Brème.  Il  se  retira  alors 
dans  i'asyle  qu'une  femme  nouvelle- 
ment convertie ,  lui  oftrit.  L'évèque  de 
Brème ,  Leuterich  ,  étant  mort  peu 
après ,  l'empereur  Louis  II  nomma 
Auschaire  à  sa  place  :  cet  évéchéfut  dès- 
lors  irrévocablement  réuni  à  l'arche- 
vêché de  Hambourg.  Le  zèle  d' Ans- 
chaire  ne  lui  permit  pas  de  jouir  en 
paix  de  sa  nouvelle  dignité:  il  retourna 
en  Danemarck,  acquit  la  faveur  du  roi 
Eric ,  et  donna  ,  dans  ce  royaume , 
une  base  plus  solide  à  la  religion  chré- 
tienne. 11  réussit  également  en  Suède  , 
auprès  du  roi  Olof  ou  Olaiis ,  dans  le 
Holsteinetdaus  toutes  les  contrées  voi- 
sines où  régnait  l'idolâtrie.  De  retour  à 
Brème ,  il  v  moiuut  d'une  dyssenterie » 
le  ")  février  8G4. 11  fonda  des  hôpitaux; 
il  visitait  lui-même  les  pauvres  et  les 
malades ,  rachetait  les  prisonniers  ,  et 
remplissait ,  avec  la  plus  scrupuleuse 
exactitude ,  tous  les  devoirs  du  cuite. 
A  sa  mort ,  le  pape  Nicolas  I'  ^  le  mit  au 
nombre  des  saints.  Il  avait  écrit  plu- 
sieurs ouvrages;  mais  il  ne  nous  reste 
de  lui  que  qnclijues  lettres  et  Liber 
de  vita  et  mirucuUs  Str.-fVilohadi y, 
imprimé  avec  la  Vie  d'Anschaire;  Co- 
logne, 16'^). ,  in-8". ,  et  plusieurs  foii 
depuis.  {Foj.  sa  Vie ^  par  Kimbcrt^ 


ANS 
dans  les  Scriptor.  rer.  Danicarum , 
11".  3o,de  Langcbek  ;  Hi$t.  Cimbriœ 
litlerariiE  Molleri.  )  G — t. 

ANSEAUME  (........), 

né  à  Paris ,  y  mourut  en  juillet  1 784  ; 
il  rendit  beaucoup  de  services  au  théâ- 
tre italien ,  dont  il  était  souffleur ,  et 
pour  lequel  il  fit  les  compliments  de 
clôture  de  1760  à  1778-  H  avait 
contribué  à  la  naissante  de  l'Opéia- 
Coinique  de  la  Foire,  dont  ii  fut  sous- 
directeur  de  1755  à  1757,  souffleur 
de  1758  a  17G1,  et  où  il  donna  le 
Peintre  amoureux  ,  opéra  comique, 
joué  le  'j,3  juin  1757  ,  et  qui  resta 
long-temps  au  théâtre.  Dès  1755,  il 
avait  fait  imprimer  la  Vengeance  de 
jifelpojnène ,  prologue  :  il  pul)iia ,  en 
I  7GO,  sou  Théâtre ,  en  5  vol.  in-8°., 
qui  contiennent  :  I.  le  Monde  ren- 
versé,  opéra  comique  de  Le  Sage  et 
Dorneval ,  qu'il  mit  tout  eu  vaude- 
villes; II.  le  Chinois  poli  en  France; 
III.  les  amants  trompés  ;l\\  Ber- 
tholde  à  la  ville  ;  V.  le  Peintre 
amoureux  ;  VI.  la  Fausse  Aven- 
turière ,  en  société  avec  Marcou- 
viile  ;  Yll.  le  Docteur  Sangrado , 
avec  un  auonvme;  VIII.  le  Médecin 
de  l'Amour;  iX.  Cendrillon  ^  1759, 
imité  du  conte  de  Perrault  ;  X.  1'/- 
vrogne  corrigé,  avec  un  anonyme , 
lire  d'une  fable  de  La  Fontaine  ;  XL  le 
Soldat  magicien,  dont  le  plan  est  de 
Serrières  ;  Xll.  Vlsle  des  Foux^  avec 
un  anonyme;  XIII.  Mazet ,  tiré  du 
conte  de  La  Fontaine;  XIV.  le  Mi- 
licien ;  XV.  les  deux  Chasseurs  et 
la  Laitière  ;  XVI.  l'Ecole  de  la 
Jeunesse,  ou  le  Barnevelt  Français. 
Pour  former  ces  trois  volumes ,  ou 
s'est  contenté  de  faire  imprimer  des 
frontispices ,  et  de  recueillir  les  exem- 
plaires des  éditions  que  l'auteur  avait 
données  de  ces  pièces  dans  leur  nou- 
veauté. On  a  encore  d'Anseaume,  les 
Epreuves  de  l'Amour,   17^9;  le 


ANS 


235 


Dépit  ge'néreux ,  avec  M.  Quêtant, 
1761,  in-8°.  ;  la  Nouvelle  Trou- 
pe ,  1760  ;  le  Procès  des  Aiiettes 
et  des  Faudevilles  ,  avec  Favart , 
1 76 1  ;  la  Clochetle,  1 766  ;  le  31aUre 
d'Ecole  ,  avec  Marcouville  ;  la  Res- 
source comique  ,  ou  la  Pièce  à  deux 
acteurs,  177.2;  la  CoqueLie  de  l  il- 
lage ,  1771;  le  Rendez-vous  bien 
employé,  1774;  1^  Retour  de  ten- 
dresse, 1777,  in-8'.;  Zémire  et  Mc- 
linde,  1773,  in-8'. ,  et  le  Tableau 
parlant,  176g,  in-8'.,  £irce  diver- 
tissante ,  la  meilleure  de  ce  genre.  Au- 
seaume  a  encore  retouché  le  Poirier 
et  la  Preuve  indécise ,  opéras  comi- 
ques de  Vadé.  Il  avait  été  quelque 
temps  doctrinaire,  puis  maître  de 
pension  à  Paris.  A.  B — t. 

ANSEGISE  ,  archevêque  de  Sens, 
né  au  diocèse  de  Reims ,  dans  le  q"". 
siècle ,  fut  d'abord  abbé  de  St.-IMichel , 
et  parvint ,  en  87  i  ,  au  siège  archié- 
piscopal de  Sens.  Charles-le-Chauve, 
qui  ambitionnait  la  dignité  d'empe- 
reur, envoya  Ansegise  en  ambassade 
à  Rome,  pour  s'assurer  du  suflrage 
du  pape  Jean  VIII.  Ce  pontife  éleva 
Ansegise  à  la  primatie  des  Gaules  et 
de  la  Germanie,  dignité  qui  donna  un 
nouvel  éclat  à  l'église  de  Sens  ,  et  fit 
considérer  sou  archevêque  comme  le 
second  chef  de  la  chrétienté;  mais 
quand  il  voulut  se  faire  reconnaître 
primat  dans  le  concile  de  Pontion ,  plu- 
sieurs prélats  s'y  opposèrent,  entre 
autres  Hiucraar  de  Reims  ,  qui  avait 
publié  un  écrit  contre  cette  nouvelle 
primatie.  Le  roi  envoya  encore  à  Rome 
Ausegise ,  qui ,  à  son  retour ,  en  878 , 
assista  au  concile  de  Troyes  ,  sacra  et 
couronna ,  l'année  suivante ,  dans  l'ab- 
baye de  Ferrières  en  Gatinois ,  Louis 
m  et  Carloman  ,  fils  de  Louis-le- 
Bègue  ,  et  mourut  en  883.         K. 

AjNSELME  (S.),  archevêque  de 
Cantorbéry ,  sous  les  règnes  de  Guil- 


35 i  A  N  S 

laume  -  le  -  Roux  et  de  Henri  ï""'. , 
e'tait  lie'  à  Aost,  dans  le  Piémont,  eu 
io53.  Ayant  été' visiter  plusieurs  mo- 
nastères de  France,  il  fut  attiré  à  ce- 
lui du  Bec,  en  Normandie,  par  la  ré- 
putation de  Lanfranc ,  y  prit  l'habit 
de  S.  Benoît .  et  en  devint  abbé.  Il 
eut  occasion  d'aller  plusieurs  lois  en 
Angleterre  ,  oîi  il  acc[uit  une  telle  ré- 
putation ,  que  Guillaume  -  le  -  Roux 
étant  tombé  malade ,  voulut  être  as- 
sisté par  lui ,  et  le  nomma  ensuite  ar- 
chevêque de  Cantorbéry.  Anselme 
n'accepta  cet  honneur  qu'à  condition 
qu'on  restituerait  à  cet  archevêché 
toutes  les  tcri  es  dont  il  avait  été  dé- 
pouillé par  Guillaume  lui-même.  Il 
n'était  guère  permis  de  compter  sur 
une  union  durable  entre  un  prélat 
étranger  et  un  prince  qui,  marchant 
sur  les  traces  de  son  père,  ne  vouliit 
rien  céder  au  pape  ni  au  clergé.  An- 
sebne  lui  tint  tête  avec  courage  :  de 
là,  s'ensuivit  entre  eux  un  état  de  dis- 
sension continuelle.  Cependant,  le  roi 
ayant  besoin  d'argent  pour  la  guerre 
qu'il  avait  entreprise  contre  son  frère 
Richard ,  duc  de  Normandie ,  l'arche- 
vêque lui  offrit  5oo  livres  sterliugs, 
somme  considéral)le  pour  le  temps  ; 
mais  que  Guillaume  trouva  tro])  mo- 
dique ,  et  refusa  avec  humeur.  Ils  eu- 
rent un  sujet  de  mécontentement  plus 
sérieux  encore,  à  l'époque  où  Tanli- 
pape  Guibcrt,  reconnu  sous  le  iii>m 
de  Clément  III  ,  par  le  roi  et  par  le 
plus  grand  nombre  des  prélats  de  son 
royaume  ,  disputait  la  tiare  à  Ur- 
bain II.  Anselme  désirait  établir  l'au- 
torité de  ce  dernier  en  Angleterre ,  et 
était  bien  l'ésolu  de  se  passer  du  con- 
sentement de  (tuillaume  cpii,  d'un  au- 
tre côté,  ne  supportait  pas  l'idée  que 
ses  sujets  promissent  obéissance  à  un 
pape  que  lui-même  n'avait  pas  re- 
connu. Il  convoqua  un  synode  pour 
idire  déposer  le  prélat  qui  osait  lui  lé- 


ANS 
sister.  L'affaire  s'accommoda,  moyen- 
nant quelques  concessions  mutuelles  ; 
mais  Anselme  ayant  vainement  de- 
mandé la  restitution  de  tous  les  reve- 
nus de  son  siège,  se  décida,  quoi- 
qu'ayant  reçu  défense  expresse  de  s'é- 
loigner ,  à  aller  ap])uyer  lui  -  même 
l'appel  qu'il  avait  fait  à  la  cour  de 
Rome,  où  il  fut  accueilli  comme  nn 
?,élé  serviteur  du  Saint-Siège.  11  suivit 
Urbain  au  concile  de  Bari ,  en  1098  , 
y  défendit  la  procession  du  St.-Esprit 
contre  les  Grecs ,  et  soutint  avec  vi- 
gueur le  droit  du  clergé  de  nommer 
exclusivement  aux  dignités  ecclésias- 
tiques ,  sans  prêter  foi  et  hommage 
à  aucun  laïc;  mais  la  cour  de  Rome 
avait  intérêt  à  faire  sa  paix  avec  Guil- 
laume; elle  ne  tarda  pas  à  abandonner 
Anselme,  qui ,  rebuté,  aflligé,  partit 
pour  Lyon ,  et  y  resta  jusqu'à  la  mort 
du  roi ,  en  1  1 00.  Henri  I  "^. ,  son  suc- 
cesseur ,  parvenu  au  trône  par  une 
usurpation ,  ne  négligeait  rien  pour 
s'v  maintenir.  Sachant  à  quel  point 
l'archevêque  de  Cantorbéiy  s'était  con- 
cilié l'affection  du  peuj)le ,  il  lui  en- 
voya plusieurs  messages  pour  le  rap- 
peler. Anselme  céda  à  ces  instances  , 
et  fut  reçu  avec  les  plus  grands  hon- 
neurs, ce  qui  n'empêcha  pas  qu'une 
contestation  très-vive  ne  s'élevât  pres- 
que aussitôt  entre  le  roi  et  le  prélat. 
Celui-ci,  qui  avait  déjà  rendu  hom- 
mage à  Guillaume- le-Roux,  refusait 
de  le  renouveler  entre  les  mains  du 
nouveau  souverain.  Malgré  ce  refus  , 
<|uand  le  duc  de  Normandie  raeuaç.i 
d'envahir  l'Angleterre,  non  seulement 
Anselme  fournit  au  roi  des  secours 
d'hommes  considérables  ,  mais  il  em- 
plova  encore  tout  son  crédit  auprès 
des  barons ,  et  alla  même  jusqu'à  par- 
courir à  cheval  les  rangs  de  l'armée . 
])our  exciter  l'ardeur  des  soldats.  Peu 
de  temps  après ,  il  fut  encore  obligé 
de  faire  uu  voyage  à  Rome,  avec  le 


ANS 

consentement  de  Henri  F''. ,  et ,  après 
des  lenteurs  et  dos  difficultés  de  toute 
espèce  ,  il  se  retira  une  seconde  fois  à 
Lyon,  puis  à  sou  abbaye  du  Bec,  ou 
il  entretint  une  cori-espondance  avec 
la  cour  de  Rome,  et  finit  par  o])tcnir 
une  convention  ,  en  vertu  de  laquelle 
la  cour  de  Rome  conservait  le  droit 
spirituel  de  donner  les  investitures ,  et 
devait  seule  envoyer  aux  ëvêques  la 
croix  et  l'anneau  pastoral ,  tandis  que 
le  roi  d'Angle! erre  recevrait  d'eux  le 
serment  de  fidélité  pour  lours  proprié- 
tés et  privilèges  temporels.  Ce  fut  alors 
que  Henri,  voulant  tei'miner  tous  les 
sujets  de  discussion  ,  prit  le  ])arti  de 
se  rendre  en  personne  à  l'abbaye  du 
Bec ,  où  Anselme  ét<iit  malade ,  et  le 
ramena  dans  ses  états ,  où  k;  prélat 
fut  accueilli  pa  les  démonstrations  de 
joie  les  plus  vives.  La  vénération 
qu'Anselme  sut  inspirer  au  peuple 
doit  être  surtout  attribuée  à  la  sévé- 
rité de  ses  mœurs,  et  à  l'énergie  avec 
laquelle  il  lutta  contre  les  abus  de 
pouvoir.  Il  insista  fortement  sur  la 
nécessité  du  célibat  ecclésiasfique  ,  et 
fut  le  premier  qui  le  prescrivit  en 
Angleterre  ,  où  le  synode  national ,  te- 
nu à  Westminster  en  1 1 02 ,  en  fit  une 
loi  religieuse.  Anselme  mourut  en 
1 109.  Nous  ne  rapporterons  pas  Ips 
miracles  très -extraordinaires  qui  î  ni 
ont  été  attribués ,  et  dont  un  écri- 
vain du  I  i".  siècle  (  Jean  de  Saiis- 
bury),  a  donné  le  récit.  Ansdnie 
possédait  un  assez  grand  fond  A'ins- 
truction  pour  l'époque  où  il  vivait. 
Ses  ouvrages  noml)reux  ont  eu  ]ilu- 
sicurs  éditions  ,  depuis  celle  de  Nu- 
remberg, in-fol. ,  1.491  ,  jusqu'à  celle 
de  Paris  ,  iG-yS  ,  par  D.  Gabriel  Ger- 
beron  ,  et  rciraprimce  en  XTi\;  en- 
fin, une  autre  ,  donnée  à  Venise  eu 
1744  ,  2  vol.  in-fol.  La  bibliothèque 
de  Lyon  possède  un  très-beau  mnnus- 
criî  de  ses  MéJàatiois-  et  Oraisons, 


ANS  235 

Tous  ses  écrits ,  qui  ont  pour  objet  la 
discipline  ecclésiastique ,  la  piété  et  la 
morale  ,  portent  l'empreinte  de  la  bar- 
barie de  son  siècle.  Indépendamment 
de  Jean  de  Salisbury,  Eadmer ,  moine 
de  Cautorbéry ,  a  écrit  la  Vie  de  S.  An- 
soîme.  On  peut  aussi  consulter  Guil- 
laume de  Malmesbury,  De  s^estis  pon- 
tijicinn  Ans:l.  H.  L — E. 

ANSELME  (  S.  ) ,  évêque  de  Luc- 
ques,  succéda,  en  1061,  dans  cet 
évêché,  au  pape  Alexandre  11  soa 
oncle,  refusa  d'abord  de  rerevoii*  l'in- 
vestiture de  l'empereur  Henri  IV,  s'y 
soumit  enfin,  puis  en  eut  des  scru- 
pules, et  se  retira  à  Cluni ,  d'où  il  ne 
sortit ,  pour  reprendre  le  gouverne- 
ment de  son  église,  que  sur  un  ordre 
exprès  du  pape  Grégoire  VII.  Ayant 
voulu  réduire  ses  chanoines  à  la  vie 
commune,  il  éprouva,  de  leur  part, 
une  telle  résistance ,  qu'il  fut  obligé 
de  quitter  sa  ville  épiscopalf».  Léon  IX 
le  fit  son  légat  en  Lombardie  ,  et  il 
mourut  dans  l'exercice  de  sa  légation  , 
à  Mantoue ,  le  18  mars  1 086.  On  a  de 
lui  une  Apologie  de  Gré^oiri;  VII ^ 
et  une  Béfulntion  des  prétentions  de 
l'anti-pape  Gu.bert.  On  trouve  ces 
deux  écrits  dans  les  Lectiones  anti- 
qiice  de  Canisius,  et  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pètes.  S.  Anselme  avait 
composé  un  troisième  Traité  pour 
prouver  que  les  princes  temporels  r^c 
peuvent  disposer  des  biens  de  l'Eglise. 
Le  père  Roto  ,  jésuite,  a  donné  sa 
Fie  en  il'ilien.  T — d. 

ANSELME  DE  SAINTE-MARIE 
(  Pierre  DE  GuiBOURS,  communément 
appelé  le  Père^,  augustin  déchaussé, 
a  publié  :  I.  l'Histoire  généalogique 
et  chronologique  de  la  maison  de 
France  et  des  grands  -  officiers  de 
la  couronne,  1^7  +  l 'î'^'ol.  in-4''.  Cet 
ouvrage  a  été  contnnié  par  Du  Fourni 
et  par  les  religieux  augustins  Ange  de 
Ste.-Sosalic  et  Siraplicieu,  qui  en  ont 


TtôQ  ANS 

donne  la  troisième  et  dernière  édition , 
en  t)  vol.  in-fol.,  i^aG-TjSo.  La  pre- 
mière partie  de  cet  ouvrage,  donnée 
parle  père  Auscbne,  est  moins  estimée 
que  la  suite,  donnée  par  ses  continua- 
teurs. Aureste,  c'est  une  source  abon- 
dante de  r{'nseia,"nemcnts  utiles.  II.  La 
Science  héraldique,  i  G7  5,  iu-4".  ;  II 1 . 
le  Palais  de  Vkuîmeur,  contenant  les 
généalogies  historiques  des  illustres 
inais07is  de  Lorraine  et  de  Sai-oie  , 
et  de  plusieurs  nobles  familles  de 
France  iC65-iG68,  in-4".  ;  IV.  le 
Palais  de  la  gloire,  conteriant  les 
généalogies  historiques  des  illustres 
maisons  de  France  et  de  plusieurs 
nobles  familles  de  l'Europe ,  1 664 , 
in-4".  Le  père  Anselme  est  mort  à 
Paris  ,  sa  patrie  ,  en  1 6ç)4  ■>  ^g^  de 
soixante-neuf  ans.  A.  B — t. 

ANSELME  (  Antoine  ) ,  fils  d'un 
chirurgien ,  HiKpiil  le  1 5  janvier  1 65  2 , 
à  risle-Jourdaiu ,  dans  le  comté  d'Ar- 
magnac, Un  de  ses  oncles,  curé  dans 
les  environs  ,  se  chargea  de  sa  pre- 
mière éducation;  puis,  il  fut  envoyé 
au  collège  de  Gimont ,  et  passa  de  là 
à  Toulouse ,  où  il  acheva  ses  études. 
Il  avait  un  talent  si  décidé  pour  la 
chaire,  et  une  mémoire  si  prodigieu- 
se que ,  dès  l'âge  de  douze  ans ,  il  lui 
suflisait  d'entendre  un  sermon  pour 
le  répéter  avec  une  extrême  facihté  et 
beaucoup  de  grâces.  Il  remporta  deux 
fois  le  prix  de  Tode  aux  jeux  floraux. 
Dès  que  son  cours  de  tl)é()logi<'  fut 
terminé  ,  il  se  livra  au  ministère  de  la 
prédication  ,  et  débuta  à  Gimont  avec 
tant  de  succès,  qu'il  y  reçut  le  sur- 
nom de  Petit  Prophète,  qu'il  con- 
serva toujours.  Il  alla  ensuite  prêcher 
à  Toulouse;  le  marquis  de  Montes- 
pan  ,  qui  l'cjitcndit ,  fut  enchanté  de 
son  éloquence  et  de  son  savoir  ,  et  lui 
confia  l'éducation  de  son  fils ,  le  mar- 
quis d'Antin .  âgé  alors  de  dix  ans.  Au- 
selmc  viiii ,  avec  son  élève ,  à  Paris , 


ANS 

011  srs  sennons  obtinrent  les  mê- 
mes succès.  En  t68i  ,  Tacadémie 
française  le  choisit  pour  prononcer 
devnut  elle  le  panégyrique  de  saint 
Louis  ,  et ,  dès-lors  ,  il  prêcha  dans 
toutes  les  grandes  paroisses  de  la  ca- 
pitale ;  il  fallait  même  le  retenir  quatre 
à  cinq  années  d'avance.  En  i685,  \\ 
fut  nommé  pour  prêcher  à  la  cour  les 
jours  de  la  Ccne  et  de  la  Pentecôte  ;  en 
1698  ,  il  y  prêcha  pendant  l'Avent, 
et,  en  i-jog,  pendant  le  Carême. 
Après  avoir  parcouru  ,  plus  de  trente 
ans ,  «ette  carrière ,  il  revint  auprès  du 
duc  d'Antin  qui  l'aimait  beaucoup  ;  et 
sans  abandonner  entièrement  le  mi- 
nistère de  la  prédication  ,  il  se  fit  une 
occupation  particulière  de  l'étude  des 
belles-lettres  et  des  beaux  arts.  Bien- 
tôt, il  fut  reçu  amateur  honoraire  par 
l'académie  de  peinture;  presque  dans 
le  même  temps ,  le  duc  d'Antin  fit  re- 
vivre ,  en  sa  faveur,  la  place  d'his- 
toiiographe  des  bâtiments  ;  et ,  ea 
1  n  I  o  ,  il  fut  admis  à  l'académie  des 
inscriptions  et  btUes-lettres,  ea  qua- 
lité d'associé.  Après  la  mort  de  Louis 
XIV ,  il  rendit  à  cette  compagnie 
d'importants  services  qui  lui  valurent 
le  titre  de  pensionnaire  surnuméraire, 
avec  l'assurance  de  la  première  pen- 
sion qui  viendrait  à  vaquer.  A  l'.îge 
de  soixante  -  douze  ans,  il  obtint  la 
vétérance  ,  et  il  se  retira  ,  en  1724  , 
en  Gascogne  ,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Scver,  que  Louis  XIV  lui  avaitdonnée 
en  1699;  il  y  vécut  dans  une  par- 
faite tranquillité,  s'occupant  de  ses 
livres,  de  ses  jardins,  et  répandant 
sur  sou  abbave  et  sur  les  paroisses 
qui  en  dépendaient ,  toutes  sortes  de 
bienfaits  :  il  ouvrait  de  nouveaux  che- 
mins ,  décorait  les  églises ,  fondait  des 
hôpitaux ,  et  conciliait  les  diflérends. 
Après  avoir  fait  deux  voyages  à  Paris, 
l'un  ,  à  l'àgcde  soixante-dix-neuf  ans  , 
et  l'aivtre  à  quatre- >ingt-uu ,  il  mourut' 


ANS 

à  Saint-Sev'cv,  le  8  août  I7")7,  clans 
sa  quatre-viugt  cinquième  année.  Ou  a 
de  1  abbe  Anselme  :  1.  des  Odes  impri- 
mées dans  le  Recueil  de  l'académie 
des  jeux  floraux  de  Toulouse;  II.  des 
Panéi^yriffues  des  Saints  et  des  Orai- 
sons funèbres  qui  ont  paru  ensemble 
à  Paris,  en  1 7  1 8, 3  vol.  iii-8  '. ,  avec  sou 
portrait.  III.  Des  Sermons  pour  l'A- 
vent ,  le  Carcnie ,  et  sur  divers  sujets, 
publiés  à  Paris ,  en  1 731,  en  4  vol. 
in-8''.,  et  en  6  vol.  in- 1 2.  Ces  Sermons 
ont  eu  un  grand  succès  selon  M  '"',  de 
Sévigné,  Lettre  du  8  atriZ  1689. 
«  L'abbé  Anselme  avait  de  l'esprit, de 
»  la  dévotion  ,  de  la  grâce  et  de  l'élo- 
»  quence,  et  il  n'y  avait  guère  de  pré- 
»)  dicatcur  qu'elle  crût  devoir  lui  pré- 
»  férer.  »  IV.  Diverses  Disserlalions 
insérées  dans  les  Mémoires  de  V Aca- 
démie des  inscriptions  et  helles-let- 
ires,  des  années  l'^i^k  1 729.  A.  L.  M. 
ANSELME  (  George)  ,  poète  la- 
lin  ,  qui  florissait  vers  le  commence- 
cément  du  I6^  siècle  ,  était  né  à 
Parme ,  d'une  très-ancienne  famille  ; 
il  était  médecin  ,  mais  en  même  temps 
littérateur  distingué.  Le  volume  qui 
x:ontienl  ses  poésies  latines  est  iort 
rare  ;  il  est  intitulé  :  Georgii  Anselmi 
Nepolis  Epigrammaton  libri  scptem; 
Sosthyrides;  P alladis Peplus ;  E^lo- 
gce  quatuor,  Venise,  i5'28,  in-8'. 
Le  titre  de  Nepos  y  est  rais ,  pour 
distinguer  l'auteur  d'un  autre  George 
Anselme,  son  aïeul  ,  mathématicien 
et  astronome  ;  celui-ci ,  qui  était  mort 
vers  l'an  \l^'\o  ,  avait  écrit  des  Dia- 
logues sur  l'harmonie ,  et  des  Ins- 
titutions astrologifjues ,  comme  nous 
l'apprennent  deux  epigrammcs  de  son 
pelit-fîls;  mais  ces  livres  n'ont  pas 
été  imprimés.  George  Anselme  le 
jeune  adonné,  outre  ses  poésies  :  I.  des 
Eclaircissements  sur  quelques  comé- 
dies de  Plante ,  auxquels  illui  a  plu  de 
doimer  le  titre  d'Épiphyllides.lh  se 


A  N  S  257 

tTOuvcnt  dans  l'édition  de  Plante  don- 
née à  Venise,  par  Pierre  Sessa,era 
i5  18  ,  et  avaient  paru ,  pour  la  pre- 
mière fois,  dans  celle^de  Parme,  1 5 09, 
in-ful.  ,  avec  les  commentaires  de 
Burchard  Pylades  et  de  Thadée  Ugo- 
letus  ;  IL  la  Fie  d'un  romancier  cé- 
lèbre dans  son  temps  ,  nommé  Jac- 
ques Cai'icco ,  compatriote  d'Ansel- 
me, et  mort  en  i5i  i.  Cette  Vie  est 
imprimée  avec  le  roman  de  Cavicco , 
qui  a  pour  titre  :  Libro  del  Peregri- 
«0,  Venise,  1 5 26,  in-8'.,  et   1547. 

G— E. 

ANSELMO  (  Antoine  ) ,  né  à  An- 
vers, où  il  fut  écLevin  pendant  plu- 
sieurs années ,  et  avocat-fiscal  de  l'é- 
vèque  ,  mourut,  en  1G68  ,  presque 
octogénaire.  Il  a  beaucoup  écrit  sur 
le  Droit  belgique.  On  a  de  lui  :  I.  un 
Recueil  d' Ordonnances  en  flamand  , 
4  vol.  in-fol.,  Auvers,  1648;  IL  Co- 
dex belgicus  ,  Anvers,  1649,  in-fol. 
Il  L  Tribonianus  belgicus,  Bruxelles, 
1692  ,  in-ful.;  IV.  Coinmentaria  ad 
perpetuum  ediciuin  ,  Anvers,  1701, 
in-fol.;  V.  Consultationes  y  1671, 
in-fol.  Ces  quatre  derniers  ouvrages 
sont  connus  sous  le  nom  d'Opéra 
Juridica.  A.  B — t. 

ANSGARDE ,  première  femme  do 
Louis-Ie-Bègue  ,  roi  de  France  ,  fixa 
les  vœux  de  ce  prince ,  lorsqu'il  n'a- 
vait encore  que  dix-huit  ans.  Gomme 
elle  avait  moins  de  naissance  que  de 
beauté,  Charles-le-Chauve  n'approuva 
pa<;  le  mariage  de  son  fils.  Quelques 
LtsLoriens  ont  regardé  comme  bâtards 
les  enfants  qui  en  naquirent;  ce  qui 
ne  les  a  point  empêchés  de  succéder 
à  leur  père ,  l'aîné  sous  le  nom  de 
Louis ,  et  le  second  sous  le  nom  de 
Carloman.  Lorsque  Louis -le -Bègue 
répudia  Ansgarde,pour  épouser  Adé- 
laïde, Hinciuar,  archevêque  de  Heims, 
et  le  pape  Jean  VIII,  qui  était  alors 
en  France,  refusèrent  d'autoriser  le 


258  ANS 

divorce  et  de  courouner  la  nouvelle 
reine  ;  aas-.i  d'autres  historiens  ont- 
ils  déclare  bâtard  le  fds  qui  naquit  de 
ce  second  mariage,  et  qui  rép,na  sous 
Icr.om  de  Charles-le-Simple  ;  d'où  i\ 
faudndt  coiickiri;  que  Louis-le-Bègue 
n'eut  pas  de  poslé:  ité  légitime  ,  quoi- 
que tous  ses  fils  aient  monté  sur  le 
Irone.  On  ignore  ce  que  devint  la  belle 
Ansgarde  après  sa  répudiation. 

F— E. 

ANSLO  (Reimer),  poète  huUan- 
dais ,  célèbre  dans  sa  patrie  ,  naquit  à 
Amsterdam  en  lÔn.  bn  i  G49,  ii  lit  le 
Toyygc  d'Italie,  et  s'y  acqtiit  une  grande 
réputalioi) ,  suilout  j)ar  ses  vers  la- 
tms.  l.e  pape  Inn  cent  X  lui  donna 
une  fort  belle  médaille  pour  un  poème 
qu'il  avait  composé  à  l'occasion  du 
jubilé  célébré  en  i65o.  La  reine  Chris- 
tine lui  donna  une  chaîne  d'or  pour 
une  pièce  eu  vers  hollandais  qu'il  lui 
avait  adressée.  On  a  prétendu  trouver 
dans  ses  écrits  quelques  traces  d'un 
pencliant  secret  pour  la  religion  ca- 
tholique. ]i  mourut  à  Pérouse ,  dans 
l'état  romain  ,  le  iGmai  1669.  Le  re- 
cueil de  ses  poésies  a  paru  à  Rotter- 
dam ,  1713,  in-8  '.  On  y  remarque  sa 
Couronne  pour  S.  Etienne  le  martyr, 
publiée  en  i()4t>,  et  sa  tragédie  des 
Noces  Parisiennes  ,  ou  de  la  St.- 
Barlhélemi ,  publiée  en  1 649.  G — t. 

AIS80N  (  (lEouGES  )  ,  brille  au 
premier  rang  dans  les  fastes  de  la 
marine  britannique.  Il  naquit  dans 
je  Stnlluidsliire,  en  1O97,  ti'o'sième 
<ils  de  William  Anson,  seigneur  de 
Shuckborough.  Au  sortir  de  rentauce, 
il  fil  paraître  cet  amour  de  la  gloire 
<]ui ,  dans  la  suite,  diiigea  toutes  les 
actions  de  sa  vie.  Il  ainiait  à  entendre 
raconter  les  histoires  des  héros  de  la 
nier;  le  récit  de  leurs  hauts  faits  en- 
llammait  sa  jeune  imagination  ;  il  entra 
fort  jeune  au  service,  et  passa  réguliè- 
nnient  par  tous  les  grades.  De  I7'i4 


ANS 
à  1755,  il  alla  trois  fois,  avec  les 
vaisseaux  qu'il  conmiandait,  à  la  Ca- 
roline du  Sud,  où  il  bâtit  une  ville  qui 
porte  son  nom ,  ainsi  que  le  pays  où 
elle  est  située.  Dans  les  années  1758 
(t  1759,  il  fit  uu  quatrième  vovage , 
tant  à  la  côte  de  Guinée  qu'en  Améri- 
que ,  et ,  sans  eu  venir  à  aucun  acte 
d'iiostilité,  engagea  les  Français  à  ne 
jias  troiibler  le  commerce  anglais.  A 
cette  époque,  le  ministère,  regardant 
la  guerre  avec  l'Espagne  comme  iné- 
vitable, jeta  les  yeux  sur  lui  pour 
commander  la  flotte  qui  devait,  dans 
les  mers  du  Sud  .  ruiner  le  cohimerce 
et  détruire  les  établissements  de  cette 
nadou.  Anson  était  eu  mer  lorsqu'il 
apprit  sa  nomination;  il  revint  sur-le- 
champ  tout  préparer  pour  son  dé- 
part; des  lenteurs  et  des  contrariétés 
le  retardèrent  pendant  près  d'un  an  , 
et  cette  expédition ,  cpii  avait  été  d'a- 
bord conçue  sur  uu  vaste  plan,  fut 
réduite  à  cinq  vaisseaux  et  trois  petits 
bâtiments ,  portant  1 4oo  hommes  d'é- 
G.ùpage.  L'escadre  quitta  les  côtes 
d'Augieierre  le  18  septembre  1740- 
Au  sortir  du  détruit  de  le  Maire,  elle 
fut  assaillie  par  d'horribles  tempêtes, 
qui  l'empcclièrent,  pendant  trois  mois, 
de  doubler  l'orageux  cap  de  Horn. 
Anson ,  séparé  de  ses  autres  vaisseaux, 
f-e  dirigea  sur  l'île  de  Juan  Fernandez. 
Là,  ce  grand  navigateur  se  montra  le 
bienfaiteur  de  l'humanité;  il  donna 
l'exemple  à  ses  ofliciers  de  porter  à 
terre  les  matelots  malades,  et,  pour 
l'avantage  des  marins  qui,  dans  la 
suite ,  aborderaient  dans  l'île ,  il  y  sema 
di\erses  espèces  de  légumes ,  et  y 
jtlanta  quelques  arbres  à  fruits.  Le 
IVjal,  le  Glocester  et  V^nne,  l'y 
rejoignirent.  Ses  équipages,  fatigués 
et  diminués,  avaient  besoin  de  repos. 
Anson  séjourna  trois  mois  sur  ce  ri- 
vage, et  alla  ensuite  attaquer  la  ville 
de  Payta ,  qui  fut  prise .  pillée ,  brù- 


A^s 

îie'e,  et  abandonnée  à  l'approclie  des 
forces  espagnoles.  Le  Ijutiii  fui  iia- 
mense.  Apres  cette  expédition ,  Anson 
se  dirigea  au  ^«oïd,  vers  Acapulco,  fît 
quelques  riches  prises  dans  cette  tra- 
versée, et  attendit  inutilement  le  gaî- 
lion  de  Manille,  qui  était  entre,  et 
celui  d' Acapulco,  qui  ne  sortit  pas. 
Obligé  alors  de  brûler  ou  de  couler 
trois  vaisseaux  de  son  escadre  ,  réduit 
au  seul  Centurion^  qu'il  montait,  il 
dirigea  sa  course  vers  les  mers  des 
Philippines.  Dans  cette  longue  tra- 
versée, l'équipage  d' Anson  eut  à  souf- 
frir du  plus  terrible  des  scorbuts  ;  et  il 
allait  y  succomber ,  lorsqu'on  découvrit 
les  rivages  de  Tinian  ,  l'une  des  lies  des 
Larrons.  Anson  et  la  plus  grande  par- 
tie de  son  équipage  étaient  déjà  dé- 
barqués, lorsqu'un  événement  inq^ré- 
vu  vint  les  menacer  de  la  plus  triste 
destinée  :  le  Centurion  fut  entraîné 
dans  la  haute  mer ,  et  on  désespéra 
tellement  de  le  voir  reparaître,  qu'on 
s'occupa  sur-le-champ  à  agrandir  un 
petit  bâtiment  trouvé  dans  l'ile,  avec 
lequel  on  se  proposait  d'en  sortir. 
Anson  travaillait  comme  les  autres, 
et  montrait  un  tel  sang-froid,  que  le 
seul  moment  où  l'on  aperçut  quelque 
émotion  sr.r  son  visage,  fut  celui  oià 
Ion  vint  lui  annoncer  que  le  Centu- 
rion était  de  nouveau  eu  vue,  et  ma- 
nœuvrait pour  regagner  la  terre.  Un 
séjour  de  quelques  semaines  dans 
cette  île  rendit  la  santé  aux  nialades  , 
et  permit  à  l'uitrépide  navigateur  de 
poursuivre  son  voyage,  et  d'aller  re- 
nouveler ses  vivres  à  Macao.  C'est  là 
qu  il  conçut  le  hardi  projet  d'enlever 
le  gal'.ion  d'Acapulco.  Dans  ce  des- 
sein, il  répandit  le  bruit  de  sou  re- 
tour eu  Eurojie;  mais ,  au  lieu  de  faire 
voile  pour  les  îles  de  la  Soude,  il  se 
diiigea  sur  les  Phihp])ines,  et  établit 
sa  croisière  jîrès  du  cap  de  vSjiiritu- 
.S;iu.to,  Après  uu  mois  d'unnaiiçnce 


ANS  259 

et  d'inquiétude,  parut  ce  gallion  tant 
désiré.  Il  arriva  sur  le  Centurion, 
dans  le  dessein  de  le  combattre  ;  mais 
l'artillerie  anglaise  remporta  la  victoire, 
quoique  le  vaisseau  espagnol  fût  plus 
fort  que  celui  d'Auson ,  et  monté  par 
un  plus  grand  nombre  d'hommes.  Au 
moment  où  il  venait  de  se  rendre,  le 
feu  prit  auprès  de  la  chambre  aux  pou- 
dres du  Centurion ,  et  Anson  ne  dut 
qu'à  sa  présence  d'esprit  d'échapper, 
dans  le  moment  même  de  son  triumphe, 
au  plus  grand  danger  qu'il  tût  encore 
couru.  Celte  brillante  affaire  coûta  pou 
de  sang  au  vainqueur  :  la  cargaison  se 
montait  à  400,000  livres  sierl.,  et  ce 
que  Anson  avait  pris  aux  Espagnols, 
avant  cette  époque,  à  plus  de  600,000 
livres  sterl.  Avec  ces  immenses  riches- 
ses ,  il  revint  à  Macao ,  vendit  sa  prise 
aux  Portugais ,  et  soutint  avec  éner- 
gie, contre  le  gouvernement  Chinois, 
à  Canton,  les  droits  de  son  pavillon. 
Il  prit  enfin  la  route  d'Europe ,  par  le 
cap  de  Bonne-Espérance,  le  i5  dé- 
cembre 1745,  et  vint  mouiller  le  i5 
juin  de  l'année  suivante ,  sur  la  rade  de 
Spithead,  après  une  absence  de  trois 
ans  et  neuf  mois.  Les  richesses  qu'il 
rapportait  devinrent  le  prix  de  sa  va- 
leur et  de  celle  de  ses  équipages.  Le  roi 
refusa  la  part  qu'il  pouvait  y  préten- 
dre, et  ne  se  réserva  que  le  plaisir  de 
récompenser  les  braves  qui  avaient  si 
bien  soutenu  l'honneur  des  armes  an- 
glaises. Anson  fut  élevé  successive- 
ment au  grade  de  contre-amiral  de  la 
bleue  et  de  la  blanche.  Son  combat 
avec  de  La  Jonquière,  qui  fut  oblige 
de  céder  à  des  forces  très-supérieures , 
lui  valut,  en  1 7 47 ,  la  pairie,  le  grade 
de  vice-amiral  d'Angleterre,  et  ce  mot 
si  flatteur  de  l'illustre  marin  français  : 
«  \'ous  avez  vaincu  X invincible,  et 
)>  la  gloire  vous  suit.  »  Les  six  vais- 
.seaux  de  ligne  de  La  Jonquière,  et 
quuUc  des  vaisseaux  qu'il  convoyait. 


24o  A  N  g 

furent  pris.  Uu  écrivain  anj;;lais  dit 
judicieriscinent,  au  sujet  de  ce  combat: 
a  f-a  c^rande  supe'riorite'  des  forces 
»  d'Ânsoii  sur  celles  de  l'ennemi  doit 
1)  plutôt  faii-e  regarder  cette  action 
»  comme  une  fa^eiu-  de  la  fortune, 
»  que  comme  un  véritable  triomphe.» 
Cependant ,  Ânson  montra  de  grands 
talents ,  en  rendant  impossible  la  fuite 
d'un  seul  des  vaisseaux  de  giurre  en- 
nemis. Quatre  ans  après,  il  fut  nom- 
mé premier  lord  de  l'amirauté.  Dans 
celte  qualité  ,  il  fut  exposé  à  quel- 
ques censures,  relativement  à  la  perte 
de  Minorque,  au  commencement  de 
coite  guerre.  On  lui  reprocha  de  n'a- 
voir pas  envoyé  assez  tôt  une  flotfe  à 
1,1  défense  de  cette  île,  et  de  ne  l'avoir 
pas  composée  d'un  plus  grand  nombre 
de  vaisseaux.  En  novembre  i75r),  il 
quitta  son  poste ,  à  la  suite  d'un  chan- 
gement qui  avait  eu  lieu  dans  l'admi- 
nistration. Cependant,  lors  d'une  en- 
quête parleiiïentaire ,  lui  et  ses  anciens 
collègues  dans  le  ministère  furent 
déchargés  de  toute  accusation  au  sujet 
de  Minorque.  Lorsque  l'Angleterre 
eut  rompu  la  paix,  en  1755,  Anson 
fut  choisi ,  en  1758,  pour  commander 
l'escadre  qui  d'abord  bloqua  Brest,  et 
protégea  ensuite  la  descente  que  les  An- 
glais firent  à  St.-IMalo  et  à  Cherbourg. 
Anson  recueillit  sur  ses  vaisseaux  les 
restes  de  l'armée  britannique  repous- 
sée du  sol  français.  En  17G1 ,  il  fut 
nommé  à  la  première  de  toutes  les 
dignités  navales  ,  celle  d'amiral  et 
commandant  en  chef  de  la  flotte  qui 
devait  amener  la  reine  en  Anglelcrre. 
Il  avait  été  déjà  plusieurs  fois  chargé 
de  transporter  le  roi  Georges  H  sur  le 
continent,  et  de  l'en  ramener.  Depuis 
long-temps  sa  santé  languissait.  Il 
mourut  subitement,  au  retour  d'une 
]iromenade  qu'il  venait  de  faire  dans 
son  jardin  de  INloor-Park,  le  6  juin 
1 76?,.  Anson  avait  toutes  les  qualités 


AT^S 

qui  constituent  le  marin  :  un  sang- 
froid  à  toute  épreuve,  une  intrépidité 
réfléchie,  une  connaissance  profonde 
de  la  tactique  navale  ;  il  i-espectait 
l'humanité  au  milieu  des  horreurs  de 
la  guerre;  il  n'eut  qu'un  seul  défaut, 
ce  fut  sa  trop  grande  confiance  :  elle 
le  rendit  quelqiicfois  la  dupe  des  in- 
trigants et  dés  fripons.  Il  ne  connais- 
sait ni  les  hommes,  ni  la  société;  aussi 
a-t-on  dit  de  lui  «  qu'il  avait  fait  le 
tour  du  monde,  et  qu'il  n'y  était  jamais 
entré.  »  Son  vovage  appartient  entiè- 
rement aux  expéditions  militaires.  Se 
bornant  à  remplir  ses  instructions  , 
Anson  n'eut  jamais  en  vue  les  progrès 
de  la  géographie  ;  il  traversa  le  grand 
Océan,  entre  les  -10°.  et  20°.  de  lat. 
nord,  et  ne  s'arrêta  pas  un  seul  instant 
pour  explorer  ces  mers  inconnues.  Les 
vues  ,  cartes  et  plans,  dont  la  rela- 
tion de  ce  voyage  est  en^chie,  méii- 
tent  des  éloges  pour  leur  exactitude. 
On  ne  peut  pas  en  dire  autant  de  la 
plupart  des  descriptions.  IM.  Robins , 
rédacteur  de  ce  Voyage,  <pii  a  paru 
sous  le  nom  de  31.  JValter,  chapelain 
d'Anson  ,  a  mis  trop  souvent  son  ima- 
gination à  la  place  de  la  vérité.  Qui 
croirait  que  ,  dans  cette  séduisante 
Tinian,  dans  cette  île  enchantée,  le 
commodore  Byron  n'a  trouvé,  depuis, 
qu'un  pays  très  -  ordinaire,  couvert 
d'insectes,  et  qu'un  soleil  brûlant  rend 
presque  inhabitable?  La  relation  du 
voyage  d'Anson  a  paru  en  anglais, 
sous  ce  titre  :  A  f^qyage  round  the 
PForld,  in  the  years  1 74«>  to  1 74^, 
by  Georges  lord  Anson,  compiled, 
front  his  papers ,  hv  Richard  JVal- 
ter,in-4".  fig-,  Londres,  174^  ;  »'é- 
iraprimé  en  1776  ,  gr.  in-4".  Ce 
Vovage  a  été  traduit  en  français ,  par 
Gua  de  Malves  ,  Amsterdam,  1749^ 
in-4". .  fig.  La  réimpression  de  Lyon  , 
1 750,  \ivol.  in-4".,  est  préférable,  eu 
ce  qu'elle  renferme  la  relation  des  oiii- 


ANS 

clersdu  PFa^er,  un  des  vaisseaux  de 
l'escadi'e,  e'chouë  sur  la  côte  orientale 
de  laPatagonie.  Il  y  en  a  une  étlition  en 
5  vol.  in- 1 1  ;  Paiis  ,  i  '^5ly.  L.  K — e. 
ANSON  (PrERRE -Hubert  ),  ne  à 
Paris  (  et  non  à  Nemours  ) ,  le  1 8  juin 
n44  5  ^^^  descendait  pas  de  l'amiral 
Ansou  ,  quoi  qu'on  en  ait  dit  :  il  était 
agre'ge'  de  la  faculté'  de  droit,  lorsque 
d'Ormesson ,  intendant  des  finances  , 
l'appela  auprès  de  son  fils ,  qui  depuis 
a  e'te'  contrôleur  -  ge'ne'ral.  Anson  fut 
successivement  receveur  -  gene'ral  des 
finances  du  Daupbiue' ,   membre  du 
comité'  central  des  receveurs  -  gc'né- 
i-aux  ,   députe'  à  l'assemblée   consti- 
tuante ,  fermier ,  puis  administrateur 
des  postes,  il  occupait  cette  dernière 
place  lorsqu'il  est  mort,  le  '^o novem- 
bre   i8io.  Sous  le  règne  de  la  ter- 
reur ,  il  fut  long-temps  caché  chez  un 
des  principaux  membres  de  la  société 
des  jacobins,  à  qui  il  pi'omit  une  pcu- 
sion  qu'il  a  payée  exactement  depuis. 
Anson  avait  de  grandes  connaissances 
en  finances  ,    et    beaucoup  de    goût 
pour  les  lettres.  On  a  de  lui  :  ï.  Anec- 
dotes sur  la  famille  de  Le  Fevre  , 
de  la  branche  d' Ormesson ,  dans  le 
Journal  Encyclopédique  de  1770; 
II.  deux  Mémoires  historiques  sur  les 
villes  de  3filly  et  de  Nemours  ,  dans 
les    Nouvelles    recherches   sur  la 
France ,  1  76G ,  2  vol.  in- 1  2  ;  îll.  les 
Deux  Seigneurs ,  ou  X Alchjm.isle  , 
comédie  en  deux  actes  et  en  vers  , 
1 785  ,  in-8".,  ouvrage  fait  en  société , 
avec  M.  L.  Th.  Hérissant;  IV.  Odes 
d'Anacréon,  traduction  nouvelle  en 
vers ,  Paris,  an  5  (  1 795),  petit  in -8"., 
traduction  encore  moins  estimée  que 
les  notes  qui  l'accompagnent;  Y.  Let- 
tres de  milady  Montagne ,  etc. ,  tra- 
duction nouvelle,  1795,  2  vol.  in-i2, 
2".  édition  ,  i8o5,  2  vo!.  in- 12.  j  cette 
dernière  édition  est  augmentée  de  la 
traduction  française;  par  M.  Germain 

II. 


ANS  241 

Garnier ,  des  poésies  de  milady  j\lou- 
tague  ;  le  travail  de  M.  Anson  a  fait 
oulilier  les  deux  traductions  que  nous 
avions  des  Lettres  de  cette  femme  cé- 
lèbre; VI.  plusieurs  Discours  ow  Rap- 
ports à  l'assemblée  constituante  ,  et 
beaucoup  de  pièces  de  vers  dans  plu- 
sieurs recueils.  C'est  Ansou  qui  a  com- 
posé cette  chanson  si  connue  : 

Dans  les  cbamps  de  la  victoiro, 
Qu'uD  guerrier  vule  aux  combats,  etc. 

A.  B— T. 

ANSPRAND  ,  roi  des  Lombards  , 
tut(  ur  de  Lieubert ,  fils  de  Canibert , 
en  l'an  700  ,  et  dépouillé  l'année  sui- 
vante de  la  régence ,  par  P>aginibert , 
duc  de  Turin.  Lieubert,  son  pupile , 
fut  blessé  et  l'ait  prisonnier  en  702  , 
j)ar  le  même  Ragimbert.  Le  rebelle  le 
lit  ensuite  massacrer  dans  le  bain.  La 
femme  et  le  fils  aîné  d'Ausprand  fu- 
rent mutilés  avec  une  atroce  barbarie. 
Son  plus  jeune  fils  ,  Liutprand ,  fut 
épargné;  \\  alla  rejoindre  en  Bavière 
Ansprand ,  qui  s'y  était  réfugié.  Celui- 
ci  fut  obligé  de  différer  sa  vengeance 
jusqu'en  712.  Enfin,  il  rassembla 
une  armée  avec  laquelle  il  vint  atta- 
quer Aribert,  fils  de  Ragimbert.  Celui- 
ci  ayant  été  défait ,  se  noya  en  traver- 
sant le  Tésin  à  la  nage.  Les  Lombards 
lui  donucrent  Ansprand  pour  succes- 
seur ;  ce  prince  ne  régna  que  trois 
mois  ;  mais  son  fils  Liutprand ,  qui 
lui  succéda  ,  fut  un  des  plus  grands 
monarques  de  la  Lombardie.  S.  S — i. 

ANSSE  DE  VILLOISON.  Foj. 

VlLLOlSON  (  DE  ). 

ANSTIS  (John)  ,  antiquaire  hé- 
raldique distingué  ,  était  fils  de  John 
Anstis  ,  seigneur  de  St.-Néot,  en  Cor- 
nouailles ,  oii  il  naquit  en  1669,  et  fut 
élevé  à  Oxford. Dans  l'année  1702  et 
les  deux  suivantes  ,  il  représenta  au 
parlement  le  bourg  de  St. -Germain. 
Après  avoir  possédé  d'autres  places  , 
il  fut  j  en  1 7 1 4  ?  nommé  à  celle  de  roi- 
iG 


2i2  ANT 

d'armes  ,  qu'il  garda  iusqn'à  sa  mort , 
arrivée  en  j  7/j4-  H  publia  :  I.  A  Letler 
conceming  the  honourof  Earl-Mar- 
shal,  1706;  in-8°.;Il.  Theform  of 
the  installation  of  the  Garter,  1  720, 
ia-S".;  III.  The  register  oflhe  most 
noble  order  of  the  Garter,  with  a 
spécimen  oflhe  lives  of  the  knights  , 
1724,  2  vol.  iii-fol.  ;  lY.  Obserca- 
tions  ititroduclory  to  an  historical 
essay  on  the  knighthood  ofthe  Bath, 
1725  ,  iu-  4"'  H  laissa  en  manuscrit 
im  grand  nombre  de  collections  sur 
la  science  héraldique ,  les  antiquités , 
les  histoires  de  familles,  la  topogra- 
phie, etc. ,  et  un  ouvrage  presque  fini, 
sur  les  Sceaux  en  Angleterre  ,  qu'il 
avait  intitulé  :  Aspilogia.     D  -  t. 

AINTALCIDAS,  Spartiate,  fameux 
par  la  paix  honteuse  qu'il  conclut ,  au 
uom  de  toute  la  Grèce,  avec  Artaxer- 
cès  Mnémon.  Les  Lacédémoniens  , 
obligés  de  rappeler  Agésilas  de  l'Asie  , 
pour  résister  à  la  ligue  qui  s'était  for- 
mée dans  la  Grèce,  et  ne  se  trouvant 
pas  en  état  de  lutter  contre  les  forces 
des  Perses ,  envoyèrent  Antalcidas  au 
satrape  Téribaze  ,  avec  des  ])Ouvoirs 
sullisants  pour  traiter;  et  celui-ci  con- 
clut, l'an  587  av.  J.-C.,un  traité  par 
lequel  les  Lacédémoniens  abandon- 
naient au  roi  de  Perse  toutes  les  villes 
grecques  du  continent  de  l'Asie  ,  ainsi 
que  Clazomènes  et  Chypre.  Le  roi  de 
Perse  ordonnait,  par  le  même  traité, 
que  toutes  les  autres  villes  grecques 
fussent  indépendantes ,  excepté  Lem- 
uos ,  Scyros  et  Irabros  ,  qui  devaient 
continuer  d'appartenir  aux  Athéniens, 
et  il  menaçait  de  se  déclarer  contre  les 
peuples  qui  se  refuseraient  à  cette  pa- 
cification. Arlaxercès  fut  si  satisfait  de 
ce  traité,  qu'il  fit  l'accueil  le  plus  fa- 
vorable à  Antalcidas;  et  un  jour,  au 
sortir  d'un  repas,  il  lui  envoya  la  cou- 
ronne de  fleurs  qu'il  avait  sur  la  tète , 
après  l'avoir  trempée  daus  des  huiles  de 


ANT 

senteur.  Antalcidas  retourna  à  STparie^ 
oh  il  fut  fait  éphore.  Les  Lacédémo- 
niens le  renvoyèrent  depuis  vers  Ar- 
laxercès pour  en  obtenir  des  secours 
en  argent  ;  mais  ce  prince,  qui  appe- 
lait Antalcidas  son  hôte  et  son  ami, 
tant  que  Sparte  fut  à  la  tcte  de  la 
Grèce,  ne  fit  plus  attention  à  lui  dès 
qu'il  vit  la  ])uissance  de  cette  répu- 
blique abattue  ,  et  rejeta  sa  demande. 
Antalcidas  revint  à  Lacédémone ,  et  se 
voyant  en  proie  aux  railleries  de  ses 
ennemis,  craignant  morne  d'être  pour- 
suivi par  les  éphores,  il  prit  le  parti 
de  se  laisser  mourir  de  faim.    O — r. 

AIN TANDRE,  frère  d'Agathocles , 
tyran  de  Syracuse  ,  commanda  les 
troupes  que  les  Syracusains  envoyèren  l 
au  secours  des  Crotoniates.  Beaucoup 
moins  brave  que  son  frère,  il  n'était 
pas  moins  cruel,  et  il  exécuta  sans  ré- 
pugnance l'ordre  qu'il  reçut  de  lui ,  de 
foire  mourir  les  parents  de  ceux  qu'il 
avait  laissés  en  Afrique  avec  ses  fils, 
et  qui  les  avaient  tués  après  son  dé- 
part. 11  survécut  à  Agalhocles,  et  écri- 
vit son  histoire  qui  est  perdue.   C — r. 

ANTARAH  ,  ancien  poète  arabe, 
auteur  d'une  des  sept  Moallacah 
(  Foy.  Amp.ial-Caïs  ).  Ce  poème  A^t 
composé  vers  le  commencement  diî 
6*".  siècle  de  notre  ère,  à  l'occasion 
d'une  guerre  qui  s'était  élevée  entre  des 
tribus  arabes.  Antarah  ,  l'un  des  plus 
braves  guerriers  de  sa  tribu  ,  s'y 
était  distingué ,  et  composa  sa  Moal- 
lacah ,  après  avoir  tué  de  sa  main 
Dhemdhera,  arabe  illustre,  de  la  tii- 
bu  de  Dhobyàn.  VV.  Jones  ,  qui  a  pu  - 
blié  à  Londres,  en  1 782,  une  traduc- 
tion anglaise  de  ce  poëme,  remarque 
que  le  style  en  est  noble,  élevé,  et  très- 
beau  daus  les  descripUous.   J — w. 

ANTELMI  (Nicolas),  chanoine 
H  vicaire  général  de  l'église  de  Fréjus , 
dans  la  première  moitié  du  1 7''.  siècle, 
rendit  de  grands  services  au  chapitre 


ANT 

Ûe  cette  e'glise ,  en  lui  faisant  restituer 
les  titres  et  les  documents  dont  ses 
archives  avaient  ëte'  dépouille'es.  Il  les 
rechercha  de  tous  cotc's,  à  grands  frais, 
souvent  même  au  péril  de  sa  vie ,  et 
les  réunit  en  deux  gros  volumes.  Il 
exerça  quarante  ans  les  fonctions  de 
S}  ndio-ge'ne'ral  du  cierge',  et  assista,  en 
cette  qualité ,  à  l'assemblée  qui  se  tint 
à  Paris  dans  les  années  i6o5  et  1606. 
Il  était  très-lie  avec  le  savant  protec- 
teur des  lettres  ,  Pciresc ,  et  c'est  lui 
qui  a  fourni  aux  frères  Gaucher  et 
Louis  de  Sainte-Marthe  ,  pour  leur 
Gallia  Christiana ,  le  catalogue  des 
€vèques  de  Fre'jus ,  qu'il  a  ic'digc  sur 
les  plus  anciens  documents  de  l'èvê- 
ché.  11  est  mort  le  2  mars  i64'>.  Ni- 
colas Antelrai  aècrit  des  Adversaria , 
qui  sont  cités  à  la  page  i  -jo  du  Traité 
de  Joseph  Antelmi ,  De  iniliis  Eccle- 
sice  Forojuliensis ,  Aix,  1680.  in-4". 
A.  L.  M. 
ANTELMt  (  Joseph  ) ,  naquit  à 
Fréjus  le  25  juillet  i64<S.  Lorsqu'il 
eut  fini  ses  études,  il  obtint,  par  la 
démission  de  Pierre  Antelnii ,  sou 
oncle,  un  canonicat  à  la  cathédrale 
de  cette  ville;  il  avait  composé,  dans 
sa  jeunesse,  un  Traité  De  periculis 
canonicorum ,  c'est-à-dire,  sur  les 
dangers  de  la  vie  des  chanoines  ; 
son  dessein  avait  été  sans  doute  de 
s'en  préserver  ;  Charles  Antelmi,  son 
frère,  a  augmenté  depuis  ce  traité, 
qu'il  trouva  manuscrit ,  et  qu'il  se 
proposait  de  publier.  Eu  1680,  il 
donna  une  Dissertation  latine  sur 
la  fondation  de  l'église  de  Fréjus. 
Non  seulement  il  y  cherche  à  fixer 
l'époque  de  cette  fondation  ,  mais  il 
donne  l'histoire  de  ses  saints,  de  ses 
évèques ,  et  traite  de  ses  privilèges 
et  de  ses  droits  ;  il  y  fait  aussi  des  ob- 
servations sur  l'antiquité,  l'origine, 
It'S  noms  divers  et  l'histoire  de  la 
ville  ;  il  traite  des   célèbres  mouu- . 


ANT  245 

ments  que  les  P»omains  y  ont  lais- 
sés, et  donne  les  deux  meilleures  li- 
gures que  nous  ayons  de  la  Grande 
Porte ,  et  de  celle  qu'on  appelle  la 
Porte  Dorée  ;  il  termine  par  une 
description  exacte  du  diocèse  ,  dans 
laquelle  ou  trouve  une  histoire  cu- 
rieuse du  célèbre  monastère  de  Le- 
rins.  Cette  dissertation  di  vait  précéder 
une  Histoire  complète  de  la  ville  et 
de  Véglise  de  Fréjus,  qu'il  se  pro- 
posait de  publier  ;  m  .is  cette  histoire 
est  restée  manuscrite.  F.n  )G8j,  la 
recommandation  du  P.  La  Chaise, 
sous  lequel  il  avait  fait  sa  théologie  à 
Lyon ,  lui  valut  la  place  de  grand- 
vicaire  et  d'official  auprès  de  J.-B.  de 
Verthamon ,  évêque  de  Paniiers ,  qui 
le  chargea  en  même  tf  raps  de  rétablir 
la  paix  dans  son  diocèse,  où  l'affaire 
de  la  régale  avait  occasionné  des  trou- 
bles :  il  s'acquitta  de  cette  commission 
avec  un  plein  succès,  et  les  peines  que 
lui  donna  celte  affaire  ne  l'empê- 
chèrent jias  de  s'occuper  de  travaux 
littéraires.  11  publia ,  en  1 689,  sur  les 
ouvrages  de  S.  Léon-le-Grand  et  de 
S.  Prosper ,  plusieurs  Dissertations  y 
dirigées  contre  le  P.  Quesnel:  celui-ci 
avait  attribué  à  S.  Léon  j)lusieurs 
ouvrages  qu' Antelmi  restitue  à  S.  Pros- 
per. Le  P.  Quesnel  lui  répondit  par 
une  lettre  insérée  dans  le  Journal 
des  Savants ,  du  8  et  du   1 5  août 

1 689 ,  ce  qui  engagea  Antelmi  à  i  épli- 
quer  par  l'ouvrage  suivant  :   Deux 
lettres  de  l'auteur  des  Dissertations 
sur  les  ouvrages  de  S.  Léon  et  de 
S.  Prosper,  à  M.  l'abbé......  pour 

servir  de  réponse  aux  deux  parties 
de  la  lettre  du  P.  Quesnel ,  Paris  , 

1690,  in-4".  !■''*  Dissertation  d\ku~ 
telmi,  sur  le  Symbole  d'Jthanase, 
est  aussi  dirigée  contre  le  P.  Ques- 
nel. Celui-ci  avait  conjecturé  que  ce 
Svmbole  était  de   Vigile  df^  Tppse, 

^.cvèque  d'Afrique,  vers  la  fin  du  5*. 
16., 


244  A  N  T 

siède.  Antclmi ,  au  contraire  ,  fait 
revivre  la  conjecture  de  P.  Pitliou ,  que 
ce  Symbole  est  d'un  théologien  fran- 
çais du  5^.  siècle  ,  qu'il  croit  être 
Vincent  de  Lerins.  Il  publia  encore  , 
dans  la  uicnie  année ,  De  œlale 
S.  Martini  Turonensis  episcopi ,  et 
quoriindam  ejiis  geslorum  ordine , 
anno  emorluali ,  nec  non  S.  Bric- 
cio  successore ,  Epistola  ad  B.  P. 
Anton.  Pagium,  Paris,  i{)tj3,  in-S". 
11  indique  tous  les  écrivains  qui  ont 
traité  de  la  vie  de  8.  Martin  ,  et  re- 
trace les  faits  dans  un  ordre  clnono- 
logiquc.  Outre  ces  ouvraj^es ,  on  a 
encore  de  lui  :  I.  De  Sanctœ  Marimœ 
inrginis ,  Callidiani  in  Forojuliensi 
diocesi  cultu  et  patria ,  Epistola 
ad  vinim  CL  Danielem  Papebro- 
chiuin.  Cette  lettre  se  trouve  dans 
la  collection  de  Bollandus  ,  du  1 6 
mai ,  paj;.  58o.  Il  y  prouve  que  cette 
Ste.  Maxime,  qu'on  révère  particu- 
lièrement d'ins  le  diocèse  de  Fré- 
jus  ,  appartient ,  en  effet ,  à  la  Pro- 
vence, et  non  au  Frioul  en  Italie,  où  on 
ne  connaît  ni  sa  mémoire  ni  son  culte, 
et  oii  on  ne  conserve  aucune  de  ses 
reliques  5  il  pense  qu'elle  était  de 
.  Grasse  en  Provence.  Charles  An- 
telrai  croit  ,  au  contraire  ,  qu'elle 
était  d'Afrique  ,  et  qu'elle  est  morte 
CM  Provence,  II.  De  translatione 
corporis  Sancli  Aiixilii ,  Epistola 
ad  viruni  CL  Ludovician  Thomas- 
siniiin  de  Mazauge  ;  111.  Assertio 
])ro  unico  S.  Eucherio  Liigdiinensi 
episcopo ,  opus  posthumiim  ;  acces- 
sit Conciliiim  liegiense  suh  Ros- 
tagno  metropolilano  Aqucnsi  anni 
1285,  Kiinc  primwn  prédit  inte- 
gruin  ,  et  notis  illuslratum  ,  opéra 
Caroli  Anlelmi ,  designati  episcopi 
Grassensis ,  prœpositi  Forojuliensis, 
Paris,  i-j^ô,  in -4"'  Cet  ouvrage  fut 
composé  pour  prouver  qu'il  n'y  a  eu 
qti^ya  i>.  Euchcrj  evêquc  de  Lyon; 


ANT 

on  y  donne  son  histoire  et  celle  de 
Ste.  Consorte.  PieiTe -François  Chi- 
flet  avait  déjà  écrit  en  faveur  de  la 
même  opinion ,  mais  Baillet  avait 
porté  un  autre  jugement  dans  ses  Vies 
des  Saints.  Le  concile  de  Riez,  qui 
fait  le  sujet  de  la  seconde  partie  de  cet 
ouvrage ,  a  eu  lieu  le  1 6  mars  1 285 , 
sous  l'épiscopat  de  Rostagni,  arche- 
vêque d'Aix;  on  y  ordonna  des  prières 
pour  la  délivrance  de  Charles  II , 
comte  de  Provence,  alors  prisonnier 
à  Barcelone,  et  on  y  fit  des  règlements 
de  discipline.  L'ouvrage  d'Autclmi  n'a 
étépublié  qu'après  la  mort  de  l'auteur, 
par  les  soins  de  son  frère  Charles  An- 
telmi ,  évêque  de  Grasse  ;  c'est  même 
le  seul  ouvrage  que  celui-ci  ait  trouve' 
entièrement  achevé  dans  les  manus- 
crits de  son  Aère.  Joseph  Antelmi  est 
mort  le  21  juin  iGij-j  ,  à  l'âge  de  4f> 
ans,  à  Fréjus,  où  il  était  revenu  peu 
auparavant  pour  y  i-établir  sa  poitrine , 
fortement  allérée  par  sa  trop  grande 
application  à  l'élude.  11  laissa  les  maté- 
riaux de  plusieurs  ouvrages  qu'il  avait 
commencés,  tels  quc,vme  édition  des 
OEuvres  de  S.  Prospcr,  une  Histoire 
complète  du  diocèse  de  Fréjus ,  une 
autre  du  monastère  de  Lerins,  sous 
le  titre  de  Sécréta  Lirinensium  seu 
Thebais  Lirino-Forojuliensis ,  une 
Dissertation  sur  le  Sjmbole  des 
Apôtres,  un  Traité  de  la  translation 
du  corps  de  la  B.  Dileclrix ,  dont  le 
culte  est  célèbre  dans  le  diocèse  de  Pa- 
micrs  ;  d'autres  sur  S.  Antonin,  évêque 
de  Pamiers ,  sur  la  patrie  de  Cassia  - 
nus.  A.  L.  M. 

ANTELMI  (Pierre),  neveu  do 
Nicolas,  né  à  Fréjus,  étudia  à  Pa- 
ris la  théologie  et  la  jurisprudence, 
et  y  fut  reçu  docteur  dans  ces  deux 
facultés.  De  retour  dans  ses  fovers , 
il  voulut  suivre  les  traces  de  son 
oncle  qui,  dans  sa  vieillesse,  avait 
clierchc  à  lutter  contre  le  célèbre  Pei- 


ANT 

rfsc  ,  en  et;iblissant,  comme  lui  ;,  un 
riclie  cabinet  d'antiquités.  11  s'appli- 
qua donc  avec  ardeur  à  la  recherche 
des  monuments  de   sa  patrie,  et  en 
forma  une  Irès-belle  collection.  Il  pei'- 
dit  cependant ,  ensuite ,  le  goiît  de  ce 
genre  d'occupation;  car,  dès  i65o, 
il  commença  à  se  défaire  de  son  ca- 
binet ,  dont  il  gratifia  peu  à  peu  le 
célèbre  de  Peiresc  :  il  lui  donna,  entre 
autres ,  le  beau  trépied  de  bronze  sur 
lequel  cehii-ci  a  composé  une  disser- 
tation (  /^.Peiresc).  Lorsqu'en  1657, 
Peiresc  vint  à  mourir,  Pierre  Antelmi 
abandonna  l'étude  des  antiquités  ,  et 
ne  dirigea  plus  ses  travaux  que  vers 
la  théologie.  Après  la  démission  de 
son  oncle  ,  il  obtint  son  canonicat , 
qu'il  conserva  jusqu'à  la   fin  de   ses 
jours,    arrivée  le  '27  nov.  1G68.  Il 
a    refondu  ,   sur  des  actes  authenti- 
que':, Icsleçons  qu'on  était  dans  l'usage 
de  lire   aux   oiîices  de   S.  Léonce , 
et  en  a  rejeté    toutes   les  traditions 
fabuleuses  concernant  ce    patron  de 
l'église  de  Fréjus  ,  ainsi  qu'on  le  voit 
dans  la  prélace  de  la  dissertation  de 
Joseph  Antelmi ,  De  initiis  Ecclesice 
Forojuliensis ,  Aix ,  1 680  ,  in-Zj.". ,  et 
dans  l'ouvrage  de  Louis  Dufour  ,  S. 
Leomius  Episcopus  et  Martyr,  suis 
Forojuliensibus  reslilutus,  Avignon , 
iG58,in-8'.  A.L.M. 

ANTELMY  (Pierre -Thomas), 
naquit  le  i4  septembre  1700,  à  Tri- 
gance  en  Provence.  Après  avoir  ache- 
vé ses  deux  cours  de  philosophie ,  à 
l'âge  de  quinze  ans,  il  s'adonna  aux 
mathématiques.  Arrivé  à  Paris ,  il  se 
ha  avec  les  plus  célèbres  géomètres , 
et  fut  bientôt  nommé  professeur  de 
mathématiques  à  l'école  militaire,  puis 
inspecteur  des  études.  Chargé  en  même 
temps  de  l'observatoire  qu'on  venait 
d'y  construire ,  ses  observations  lui 
fournirent  divers  mémoires  que  l'aca- 
démie des  sciences  a  publiés  dans  ses 


ANT  245 

recueils.  Il  avait  composé  un  Traité 
de  Dynamique  qui  n'a  pas  été  im- 
primé. Il  a  traduit  de  l'italien  l'ouvrage 
d'Agnési  (  Foy.  Agnesi  ).  On  lui  doit 
encore  :  I .  Fables  de  Lessing,  et  dis- 
sertation sur  la  nature  de  la  Fable  , 
trad-deTallem.,  i764,in-ia;  1780, 
petit  in-8''.  ;  1 800 ,  in-8  '. .  eu  trois  par- 
ties, contenant,  1°.  le  texte  allemand 
avec    une    version    interlinéaire    de 
M.  Boulard  ,  éditeur;  'i",  le  texte  alle- 
mand ,  et  la  traduction  d'Antelmy  en 
regard;  5".  le  texte  allemand.  La  table 
faite  par  l'éditeur  contient  la  morale 
des  rd)les,  11 .  Le  Messie ,  poënie  de 
Klopstock  ,  traduit  d<^  l'allemand  avec 
Juuker  et  autres,  1769,  ?.  vol.in-i2. 
(les  deux  volumes  ne  contiennent  que 
les  dix  premiers  chants,  et  les  traduc- 
teurs n'ont  pas  continué  leur  travail. 
Anthelmyest  mort  le  7  janvier  1783. 
A.  B— T. 
ANTENOR,  sculpteur,   vivait   à 
Athènes  dans   la  76' .  Olympiade  :  il 
se    rendit   célèbre    en   sculj)fant  les 
statues  d'flarmodius  et  d'Aristogiton , 
destinées  à  remplacer  celles  en  bronze 
qui  avaient  été  enlevées  par  Xercès. 
Âlexandre-le-Grand  les  retrouva  en 
Perse ,  et  les  renvoya  aux  Athéniens. 
Pime,  liv.  XXXIV,   chap.  8,  attri- 
bue celles-ci  à  Praxitèles  ;  c'est  une 
erreur  évidente,  puisque  Xercès  pnt 
Athènes  l'an  480  avant  .1.-G. ,  et  que 
Praxitèles   ne  llorissait    que   80  ans 
plus  tard.  Winkelmanii  nomme   ce 
sculpteur  Agénor.         L  —  S — e. 

ANTÈRE  (  S.) ,  ou  ANTEROS  , 
Grec  de  naissance  ,  élu  pape  après  la 
mort  de  Poutien  ,  le  'ii  nov.  255, 
et  du  temps  de  la  persécution  de  Max  i- 
min.  Antère  n'occupa  le  St.  -  Siège 
qu'un  mois  et  quelques  jours.  Il  mou- 
rut le  5  janvier  236.  D — s. 

ANTESIGNAN  (Pierre),  gram^ 
mairien  du  1 G^.  siècle,  né  à  Rabasteins 
en  Languedoc ,  publia  lùxe  Gram  • 


•j4<3  a  n  t 

ïTiaire  grecque ,  qui  eut  plusieurs  ecli- 
;ious ,  et  un  Traite  de  la  grammaire 
universelle  ,  ouvrage  considérable  , 
înais  mal  dige're.  Dans  ses  éditions  de 
Tërence ,  il  n'épargna  aucun  soin 
pour  faciliter  l'étude  de  la  langue  la- 
tine. Il  publia  les  comédies  de  cet  au- 
teur ,  de  trois  façons  différentes ,  d'a- 
bord avec  de  courtes  notes ,  ensuite 
avec  les  notes  de  tous  les  commenta- 
teurs de  Térence;  et  enfin,  avec  de 
nouvelles  notes  marginales  ,  une  tra  • 
duction  et  une  paraphrase  en  fran- 
çais des  trois  premières  comédies.  Cet 
ouvrage  fut  publié  à  Lyon,  en  i556. 
Antesignau  fit  encore  :  Thematis  ver- 
horum  im'esti^andi  ralio  ,  et  Praxis 
vrœceplorum  tinguiv  s,rcecœ.  Antesi- 
gnan  eut  le  mérite  de  poursuivre  avec 
ime  grande  persévérance  des  travaux 
utiles.  D — T. 

ANTHELME  (  S.  )  évcque  de  15cl- 
ley,  d'une  famille  noble  de  Savoie, 
fut  d'abord  premier  dignitaire  des 
chapitres  de  Genève  et  de  Belley ,  re- 
nonça, jeune  encore,  au  monde;  et, 
touché  de  la  vie  édifiante  des  char- 
treux ,  il  pratiqua  avec  une  grande  fer- 
veur la  règle  de  ces  solitaires,  et  tut 
élu  général  de  son  ordre.  Il  rétablit  la 
discipline  qui  s'était  altérée,  et  se  dé- 
mit ensuite  de  sa  dignité.  Malgré  son 
amour  pour  la  retraite,  il  rendit  de 
grands  sen'ices  à  l'Église,  divisée  alors 
par  un  schisme;  il  sut  déconcerter  les 
projets  de  l'anti-papc  Victor  HT,  que 
.soutenait  l'empereur  Frédéric  Barbe- 
jousse ,  et  contribua  à  faire  prévaloir 
le  parti  d'Alexandre  lll,  qui  avait  été 
élu  selon  les  formes  canoniques  ,  et  en 
fut  récompensé  par  l'évèché  de  Belley  ; 
mais  il  fallut  un  ordre  du  pape  pour 
obligerS.Anthelme  à  accepter  cet  hon- 
neur. Il  commença  la  réforme  de  son 
diocèse  par  celle  du  clergé,  montra  une 
fermeté  inébranlable  dans  les  contes- 
tations qu'il  eut  avec  Humbert,  comte 


ANT 

de  Savoie;  excommunia  ce  princf, 
pour  avoir  permis  à  un  de  ses  archers 
de  tuer  un  piètre  ;  mais  le  pape  ayant 
absous  Hunibert  de  Savoie ,  Anthclme 
quitta  son  siège  pour  se  retirer  dans 
la  grande  Chartreuse.  Il  fut  bientôt 
ramené,  par  ordre  du  pape,  à  son 
église  ,  donna  ,  dans  sa  dernière  ma- 
ladie, l'absolution  au  comte  Hurabert, 
qui  vint  la  lui  demander,  et  mourut- 
le  26  juin  1 178,3  plusde 'jo  ans.  K. 
AISTHÉMlUSJ'unde's  hommes  les 
plus  recommandables  qui  aient  paru 
dans  l'Histoire  de  l'empire  d'Orient , 
était  petit-fils  de  Philippe,  préfet  d'O- 
rient ,  qui ,  sous  le  règne  de  Constance  , 
étrangla  de  ses  propres  mains  Paul , 
évèquede  Constantinople.  Authémius 
fut  d'abord  ambassadeur  en  Perse, 
puis  maître  des  offices,  et  enfin  consul 
en  4o5 ,  sous  le  règne  d'Arcadius  ;  la 
même  année  ,  il  fut  nommé  préfet 
d'Orient,  et  l'année  suivante,  patrice. 
Il  se  montra,  par  sa  prudence  et  par 
ses  vertus ,  digne  de  ces  hautes  fonc- 
tions ;  et  lorsqu'en  408  ,  Arcadius,  en 
mourant ,  laissa  le  sceptre  à  Théo- 
dose  II,  qui  n'avait  alors  que  7  ans , 
Authémius,  par  sa  sagesse,  conserva 
au  jeune  empereur  son  héritage.  Il 
s'entoura  des  hommes  les  plus  habiles 
et  les  plus  intègres,  forma  une  étroite 
alliance  avec  les  Perses,  ca}>tiva  les 
Huns ,  arrêta  les  violences  des  difle- 
rontes  sectes  qui  jiarlageaient  la  capi- 
tale, forma  d'ulilis  établissements, 
éleva  des  monuments  publics ,  et  eu 
4i5,  enferma  Constanfiuople  d'une 
nouvelle  enceinte  de  murs.  11  eut  sou- 
vent à  réprimer  les  intrigues  des  eu- 
nuques, alors  tout-puissants  à  la  cour 
des  empereurs.  Lors  de  l'élévation  de 
Pulchérie,  vers  l'an  4 '4?  ''  ^^  démit 
du  pouvoir,  et  vécut  depuis  dans 
l'obscurité.  Ses  rares  qualités  lui  at- 
tirèrent ce  bel  éloge  de  la  part  de 
S.  Jean  Chrysostômc  :  «  k\i  lieu  àr 


ANT 

»  vous  féliciter  d'avoir  réuni  leconsu- 
»  lat  et  la  préfecture ,  je  félicite  ces 
»  deux  dignités  d'être  si  bien  placées. 
«  La  vertu  va  se  trouver,  à  l'abri  de 
»  votre  tribunal,  dans  un  asyle  assure, 
»  et  le  temps  de  votre  magistrature 
w  sera  pour  tout  l'Orient  une  fête  per- 
«  pétueile.  »  L — S — E. 

ANTHÉMIUS,  empereur  d'Occi- 
dent, était,  par  sa  mère,  petit-fils  du 
précédent.  En  467  ,  l'Italie  ge'missait 
sous  la  tyrannie  de  Ricimer  (  Foy.  ce 
nom);  le  sénat  et  le  peuple  romain 
demandèrent  à  Léon,  empereur  d'O- 
rient, de  leur  donner  un  souverain  : 
celui-ci  désigna  Anthernius,  dont  Ri- 
cimer voulut  bien  confirmer  et  sou- 
tenir la  nomination,  sous  la  condition 
secrète  que  le  nouvel  empereur  pren- 
drait pour  gendre  ce  dangereux  sujet. 
Le  mariage  se  fit  peu  de  temps  après 
l'arrivée  d' Anthernius  en  Italie.  Le 
bruit  de  ses  vertus  l'y  avait  préce'dé; 
on  vantait  sa  bienfaisance  et  sa  piété: 
eu  effet,  il  fonda  quelques  hospices; 
mais  ou  n'est  pas  d'accord  sur  sou 
orthodoxie.  Sous  sou  règne,  les  Ro- 
mains furent  entièrement  expulses 
de  l'Espagne  ;  mais  un  danger  plus 
imminent  menaçait  Anthémius  ;  des 
Lrouilleries  s'étant  élevées  entre  Rici- 
mer et  lui,leSuève  orgueilleux  se 
retira  à  Milan  ,  et  se  prépara  à  com- 
Iwttre  son  beau-père  et  son  empereur. 
Epiphanes,  èvêque  de  Pavie,  les  ré- 
cuncilia  ;  mais  le  vindicatif  Ricimer 
suscita  de  tous  côtés  des  ennemis  et 
des  traverses  à  Anthémius;  enfin ,  en 
4"2,  Ricimer  ayant  appris  que  Léon, 
empereur  d'Orient ,  venait  de  faire 
assassiner  Aspar  et  Ardaburius,  deux 
de  ses  sujets  aussi  puissants  qu'am- 
Mlieux  ,  redouta  pour  lui-même  un 
pareil  sort ,  et ,  décidé  à  prévenir  An- 
thémius, il  s'avança  vers  Rome  ,  à  la 
tète  d'une  armée  :  il  avait  un  parti 
dans  celte  ville ,  qui  se  trouvait  ainsi 


ANT  247 

par'age'e  entre  le  beau  -  père  et  le 
gendre.  Au  bruit  de  cette  division, 
l'empereur  d'Orient  envoya  Olybrius 
en  Italie;  mais  Ricimer,  accoutume' 
à  faire  du  sceptre  l'instrument  de  ses 
desseins ,  l'offrit  à  Olybrius  qui  l'ac- 
cepta, soit  par  crainte,  soit  par  tra- 
hison. Anthémius  ne  trouvant  qu'un 
ennemi  de  plus  dans  celui  qui  devait 
être  son  défenseur ,  se  réfugia  dans 
une  église;  ses  partisans  n'osaient  se 
montrer,  et  la  famine  et  la  misère 
les  poursuivaient  dans  leurs  maisons. 
Déjà  le  rebelle  entrait  dans  Rome;  un 
Gaulois,  nommé  Bilimer,  fidèle  à  An- 
thémius ,  lui  amena  un  corps  de 
troupes  avec  lequel  il  livra  un  san- 
glant combat  sur  le  pont  d'Adrien;  il 
fut  défait  et  tué.  Ricimer,  victorieux, 
saccagea  Rome,  et  fit  massacrer  An- 
thémius ,  l'an  475'  Ce  prince  avait 
régné  5  ans.  11  laissa  trois  fils ,  et  une 
fille  mariée  à  Ricimer.  L'un  de  ses 
fils ,  nommé  Marcien,  fut  sur  le  point 
d'arracher  l'empire  d'Orient  à  Zenon  , 
eu  479»  "'^is  il  finit  par  être  pris  et 
exilé  au  fort  de  Papyre,  en  Isaurie. 
L— S— E. 
ANTHÉMIUS,  architecte  et  sculp- 
teui- ,  né  a  Tralles  en  Lydie  ,  vivait 
som  l'empire  de  Justinien ,  dont  la  ma- 
gnificence donna  lieu  à  Anthémius  de 
signaler  fréquemment  ses  grands  ta- 
lents. Il  connaissait  parfaitement  les 
mathématiques,  et  ce  fut  avec  leur  se- 
cours qu'il  entreprit  les  plus  vastes 
constructions.  11  paraît  aussi  que  les 
secrets  de  la  physique  et  de  la  chimie 
ne  lui  étaient  pas  moins  familiers  ;  car 
les  historiens  rapportent  qu'il  imitait 
les  effets  du  tonnerre  et  des  éclairs, 
et  même,  ajoutent-ils,  des  tremble- 
ments de  terre.  On  serait  tenté  de 
croire,  d'après  ce  récit,  qu' Anthémius 
avait  trouvé  quelque  composition  as- 
sez semblable  à  la  poudre.  Le  rhéteur 
ZéVion  lui  ayant   donné  des  sujets 


!i4B  A  N  T 

de  plainte  ,  Aulhémius  ,  pour  s*en 
venger ,  déploya ,  auprès  de  la  maison 
de  Zenon  ,  l'appareil  effrayant  de  son 
art.  Le  rhéteur  sentit  tout  à  coup  sa 
maison  e'branle'e  jusque  dans  ses  fon- 
dements ;  il  vit  briller  la  foudre ,  et, 
croyant  le  ciel  de'chaîue'  contre  lui,  il 
s'enfuit  épouvanté.  Le  principal  titrede 
gloire  d'Antliéraius  est  la  construction 
de  l'église  de  Sainte  -  Sophie  ,  la  plus 
belle  que  le  christianisme  ait  élevée 
dans  l'Orient,  bâtie  d'abord  par  Cons- 
tance, réparée  par  Théodose-le-Jeuuc, 
décorée  par  tous  les  empereurs  ,  elle 
avait  été  réduite  en  cendres  dans  la 
sédition  arrivée  en  53^ ,  sous  le  règne 
de  Justinicn ,  qui  forma  aussitôtle  pro- 
jet de  la  rebâtir  et  d'en  faire  le  plus  bel 
édifice  de  l'uni  vers.  Anthémiusfutchar- 
géd'en  poser  les  fondements;  et  le  plan 
qu'il  suivit  est  encore  admiré  de  nos 
jours.  Il  assitcelimmensc  édifice  dans  la 
plus  grande  place  de  Constanlinople, 
nommée  W4us;ustéon.  ]/églisc,  tour- 
née vers  l'Orient ,  selon  l'ancien  usage, 
était  de  forme  carrée  ;  elle  avait  4'^ 
toises  de  longueur  sur  58  de  lajgeur. 
On  cmplova  ,  pour  la  construire  ,  un 
ciment  composé  ,  suivant  Codin ,  de 
tuiles  pilées,  d'orge  bouilli ,  de  chaux 
et  d'écorce  d'ormes  hachée  ;  on  se 
servait  d'eau  tiède  pour  délaver  ce  ci- 
îiient  qui  ,  suivant  le  même  auteur  , 
acquérait  la  solidité  du  for.  Anthémius 
ne  poussa  pas  la  construction  plus  loin 
que  les  fondements  ;  il  mourut  vers 
l'an  534,  et  laissa  à  Isidore  de  INlilet 
la  gloire  de  terminer  ce  monument. 
Anthémius  avait  écrit  un  livre  sur  les 
machines  singulières ,  etc.  Dupuy,  se- 
crc taire  perpétuel  de  l'Académie  des 
inscriptions  ,  a  donné  un  Fragment 
d' Anthémius,  contenant  des  problèmes 
de  mécanique  ctdedioptrique  ,  auquel 
il  a  joint  des  notes  et  des  observations, 
in-4".  1 7  7  7  (  Mémoires  de  l'académie 
iies  Bclks-LeUres).  Daws  ce  morceau, 


ANT 

Anthémius  donne  la  manière  de  cons- 
trmre  les  miroirs  ardents  ,  et  expli- 
que, en  quelque  façon  ,  comment  Ar- 
chimède  a  pu ,  à  l'aide  de  ces  miroirs , 
brûler  les  vaisseaux  des  Romains. 
L— S— E. 

ANTHERMUS ,  ou  AÏHENIS,  de 
l'île  de  Chio,  était  frère  de  Bupalus  : 
tous  deux  étaient  sculpteurs ,  ainsi  que 
leur  père  Anthermus,  leur  aïeul  Mic- 
ciades  et  leur  bisaïeul  Malas.  Pline  dit 
que ,  pour  trouver  le  commencement 
de  l'art  dans  cette  famille ,  il  faut  re- 
monter à  la  première  olympiade.  An- 
thermus et  son  frère  vivaient  54o 
ans  av.  J.-G.  Le  poète  Hypponax , 
leur  contemporain,  était  d'une  ];<i- 
deur  ellrayante  ;  les  deux  artistes  s'a- 
musèrent à  le  re])résenter  dans  toute 
.sa  difformité,  et  l'exposèrent  ainsi  à  la 
lisée  pubjique.  Hipponax  ,  indigné  , 
fit  contre  eux  des  vers  satiriques  qui 
les  mirent  au  désespoir  j  on  crut  même 
qu'ils  s'étaient  pendus;  mais  Pline  con- 
tredit ce  fait.  Ln  grand  nombre  de 
leurs  ouvrages  décorait  les  îles  de  la 
Grèce.  11  y  eu  avait  plusieurs  dans 
l'ile  de  Délos  ,  au  bas  desquels  ils 
avaienlgravé  orgueilleusement  :  «  Chio 
»  est  aussi  célèbre  par  les  ouvrages 
»  des  fils  d'Anthermus  que  par  sa 
»  puissance.»  Pline  parle  el'une  statue 
de  Di.uie,  qui  se  voyait  dans  cette  der- 
nière île,  et  qu'ils  avaient  sculptée  de 
telle  sorte,  qu'en  entrant  dans  le  tem- 
ple ,  on  croyait  lui  voir  un  visage  sé- 
rieux ,  tandis  qu'elle  paraissait  sourire 
à  ceux  qui  sortaient.  Une  grande  partie 
de  leurs  ouvrages  passa  de  la  Grèce  à 
Rome ,  où  Auguste  les  jtlaça  dans  dif- 
férents temples.  Aristophanes,  dans  sa 
comédie  des  Oiseaux,  désigne  Anther^ 
uius  sous  le  nom  (ï^rcheiinus, 

L— S— E. 

ANTHOINE  (  François-Paul-Xi- 
cof,As),  lieutenant-général  du  bailli.igo 
de  Boulay ,  député  du  ticrs-ctat  de 


ANT 

Sargueraines  aux  étals  -  généraux ,  s'y 
raoïitta  zelc  partisan  de  la  révolution. 
11  y  parla  en  faveur  de  l'institution 
des  jures ,  réclama  pour  le  roi  la 
liberté  d'organiser  le  ministère  à  sa 
volonté  ,  vota  le  licenciement  des 
ofliciers  de  l'armée,  et  appuya  la  sup- 
presssion  des  ordres  de  chevalerie. 
Nt)mmé,  en  septembre  i  ^Ç)'^  ,  député 
du  département  de  la  Moselle  à  la  con- 
vention ,  il  fut  envoyé  en  mission  dans 
le  département  de  la  Meurthe ,  durant 
l'hiver  de  i  "yQD  ,  et  revint  mourir  à 
!Metz ,  après  avoir  légué  tous  ses  biens 
à  la  nation  :  ce  que  la  convention  re- 
fusa.  .  N — L. 

ANTIBOUL(CHARLEs-Lours),  né 
à  S.-Tropez,  homme  de  loi ,  adminis- 
trateur du  département  du  Var,  dé- 
puté de  ce  département  à  la  conven- 
tion ,  rrfusa  de  prendre  la  qualité  de 
juge  de  Louis XVI,  vota  la  détention, 
fut  eQV03é  en  mission  en  Corse,  ar- 
rêté à  son  retour  à  Marseille  par  les 
sections  insurgées,  délivré  par  le  gé- 
néral Cartaud ,  décrété  d'arrestation, 
pour  avoir  compromis  la  dignité  na- 
tionale dans  son  interrogatoire  à  Ve- 
nise, condamné  à  mort  comme  com- 
plice du  parti  de  la  Gironde,  et  exé- 
cuté le  3 1  oct.  i';95,à4i  ans.  ]N — ^l. 
AN  TIC.  roj.BosG. 
ANTICO  (Laurent),  en  latin  An- 
tifjuus  ,  grammairien    qui   vivait  au 
commencement  du   l'j''.  siècle,  était 
de  Lentino,  en  Sicile.  Il  était  prêtre, 
et  enseigna  la  grammaire  dans  le  sé- 
minaire de  Padoue.  Il  a  laissé  :  I.  De 
Eloquentid  compendiarii  libri  ires, 
Venise,  iSg^i,  in-8".,  et  ensuite  Pa- 
doue, 1 6 1 8  ;  II.  Pe  institutione  gram- 
maticœ  Commenlarii  très,  Padoue, 
1  Go  I , in-8°.  Fabricius ,  Biblioth.  lai. , 
vol.  2,  avertit  qu'Elie  Putschius,  dans 
6PS  Graminalici  veteres  ,  et  Joseph 
Quosncl ,  dans  son  Catalogus  biblio- 
theccE  Tïuiunœ ,  oiU  confondu  cet  An- 


A  N  T  o.!\i\ 

tico,  ou  Autiquus  ,  avec  les  anciens 
grammairiens.  G — e. 

ANTIDOTE,  peintre  grec,  discipir 
d'Euphranor ,  vivait  dans  la    i  o4''- 

olym  piade,  364  "^^^i  ^^'-  J-"^-  ^^^  ^'^^^'  ' 
ris  était  sévère,  et  ses  ouvrages  ,  plu?^ 
soignes  que  nombreux  ;  les  jilus  re- 
marquables étaient  un  Lutteur  et  uu 
Joueur  de Jlute.  On  regardait  comme 
un  titre  encore  plus  glorieux  pour  lui , 
d'avoir  été  le  maître  de  Nicias  d'A- 
thènes. L — S — E. 

ANTIGÈNES  ,  macédonien  ,  l'un 
des  chefs  des  Argyraspides ,  qui  sui- 
vi rent  Alexandre  en  Asie.  Après  la  mort 
de  ce  prince,  il  resta  fidèle  à  sa  fa- 
mille, et  ce  fut  pour  cela  qu'il  prit  le 
parti,  d'abord  de  Perdicas,  et  ensuite 
d'Eumènes ,  qu'il  n'abandonna  jamais, 
quelques  offres  qui  lui  fussent  faites. 
Ce  général  avant  été  livré  à  Antigone 
par  les  Argyraspides  eux-mêmes ,  An- 
tigènes eut  le  même  sort,  et  Antigone 
le  fit  biûler  tout  vif,  vers  l'an  BiS 
av.  J.-C.  C— R. 

ANTIGÉNIDAS.  Deux  Thébaius 
de  ce  nom  se  distinguèrent  par  leur 
talent  à  jouer  de  la  flûte.  Le  premier, 
fils  de  Dionysius  ,  donna  quelques 
leçons  à  Alcibiade.  Il  en  était  ques- 
tion dans  un  discours  de  Lvsias.  Le 
second,  fîls  de  Satvrus  ,  fut  beau- 
coup plus  célèbre  par  les  changements 
qu'il  fit  à  la  flûte  ,  en  y  multipliant 
les  trous  de  manière  qu'on  pût  jouer 
dans  plusieurs  modes.  Il  tira  le  plus 
grand  parti  de  cet  instrument ,  qui 
jusqu'alors  avait  été  très-borné;  il 
joua  de  la  flûte  aux  noces  d'Iphicrate, 
lorsque  ce  général  athénien  épousa  la 
fille  deCotvs,  roi  de  Thrace.  Il  joua 
aussi  devant  Alexandre,  et  il  accom- 
pagnait ordiiiairemen!;  le  poète  Phi- 
loxène  ,  lorsqu'il  récitait  ses  vers. 
D'après  tout  cela,  il  est  évident  qu'on 
ne  doit  pas  le  confondre  avec  celui  qui 
fiU  le  maître  d' Alcibiade.       C — r. 


25(>  A  N  T 

ANTIGONE,  l'un  lies  capitaines 
d'Alexandre ,  à  qui ,  après  ses  pre- 
mières conquêtes  en  Asie ,  ce  prince 
confia  le  gouvernement  de  la  Lydie  et 
de  la  Phrygie.  Antigène ,  quoique  avec 
peu  de  troupes,  sut  defcndie  ces  pro- 
vinces, et  parvint  même  à  soumettre 
la  Lycaonie.  Après  la  jnort  du  roi  de 
Macédoine,  Antigone  obtint,  dans  le 
partage  de  ses  conquêtes,  la  Phrygie, 
la  Lydie  et  la  Pampliylie.  Perdicas 
s'étant  rendu  maître  de  l'esprit  d'Ari- 
dee,  qui  avait  succède  à  Alexandre  de 
Macédoine,  et  ayant  fait  tuer  Me'léagre, 
aspirait  à  réunir  sous  sa  domination 
tous  les  e'iats  d'Alexandre  ;  et  comme 
il  craignait  l'activitc  d'Antigone  ,  il 
chercha  un  prétexte  pour  s'en  défaire , 
et  l'accusa  d'avoir  désobéi  aux  ordres 
du  roi.  Antigone, devinant  ses  projets, 
s'ombarqua  furtivement  avec  Dèmc- 
irins  son  fds  et  ses  amis  ,  se  rendit , 
on  Europe,  auprès  de  Cratère  et  d'An- 
tipater ,  et,  de  conçoit  avec  Ptolemee, 
ils  déclarèrent  la  guerre  à  Perdicas. 
Ce  dei'nier  passa  tout  de  suite  en  Asie, 
résolu  d'aller  attaquer  Ptole'raèc,  qui 
était  le  plus  puissant  ;  mais  comme 
rtoléme'c  était  fort  aimé  en  Egypte , 
et  que  Perdicas  ne  l'était  pas  autant 
des  Macédoniens,  celui-ci  n'eut  aucun 
succès,  et  fut  même  tué  par  ses  propres 
soldats.  Eumènes,run  de  ses  géné- 
raux, était  encore  très-puissant  eu 
Asie  y  on  chargea  Antigone  de  conti- 
nuer la  guerre  contre  lui ,  et  Eumèncs 
ayant  été  trahi  par  ses  propres  sol- 
dats ,  Antigone  le  fit  mourir,  et  se 
rendit  bientôt  maître  de  presque  toute 
l'xlsie,  Séleucus  ayant  piis  la  fuite ,  et 
s'étant  retiré  auprès  do  Plolémée.  Il 
s'empara  aussi  de  la  plus  grande  par- 
lie  des  trésors  d'Alexandre,  qui  étaient 
à  Ecbatane  et  à  Suzc;  Ptolémée,  Cas- 
sandre  et  Lysiniaquc  lui  en  ayant 
demandé  compte  ,  il  s'y  refusa  ,  et 
déclara  même  la  guerre  à  Cissandre , 


A^"T 

pour  venger  ,  disait-il ,  la  mort  d'O- 
îympias ,  et  délivrer  Alexandre  ,  fils 
d'Alexandre  ,  qui  s'était  renfermé , 
avec  Roxanesa  mère,  dans  Araphipo- 
lis.  Tous  les  chefs  ,  révoltés  de  son 
ambition ,  se  coalisèrent,  et  tandis  que 
Cassandre  attaquait  l'Asie  mineure, 
Ptolémée  et  Séleucus  s'avancèrent  dans 
la  Syrie ,  où  ils  défirent  Démétrius , 
fils  d'Antigone.  Séleucus,  de  son  côté, 
reprit  Babylone.  Antigone ,  apprenant 
ces  revers  ,  revint  promptement ,  et 
fit  abandonner  la  Svrie  à  Ptolémée  , 
qui  se  retira  en  Egypte.  Antigone 
n'osa  pas  l'y  attaquer  ;  il  envoya  Dé- 
métrius contre  Séleucus ,  à  qui  il 
reprit  Babylone  ;  alors  Antigone  , 
Ptolémée,  Lvsiraaque  et  Cassandre 
concluient  un  traité  de  paix,  par  lequel 
ils  devaient  rester  en  possession  des 
pays  qu'ils  occupaient,  jusqu'à  la  ma- 
jorité d'Alexandre  ,  fils  de  Roxane, 
qui  avait  le  titre  de  roi.  A  peine  ce 
traité  eut-il  été  conclu ,  que  Cassandre 
fit  périr  le  jeune  Alexandre  et  sa  mère, 
et  la  guerre  s'alluma  de  nouveau  entie 
les  prétendants  à  l'empire.  Ptolémée , 
après  avoir  eu  quelques  avantages , 
fut  vaincu  sur  mer  par  Démétrius. 
Antigone  leva  alors  ouvertement  le 
masque  ,  et  prit  le  titre  de  roi ,  qu'il 
donna  aussi  à  son  fils.  Ptolémée ,  Ly- 
simaque  et  Cassandre  en  firent  de 
même.  Antigone  entreprit  ensuite  de 
chasser  Ptolémée  de  l'Egypte,  et  ras- 
sembla pour  cela  des  forces  considéra- 
bles ,  tant  de  terre  que  de  mer  ;  mais 
ayant  perdu  par  les  tempêtes  la  plus 
grande  partie  de  ses  vaisseaux,  et  Pto- 
lémée ayant  disposé  ses  troupes  de 
manière  à  rendre  toute  invasion  impos- 
sible, il  fut  obligé  de  se  retirer.  Peu  de 
temps  après ,  Démétrius  son  (ils  chassa 
Gissandre  de  toute  la  Grèce.  Ce  der- 
nier implora  le  secours  de  Lysimaque, 
qui  passa  en  Asie  avec  une  puissante 
armée  ;  et  Séleucus  s'étant  réuni  à  lui , 


ANT 

il  se  livra  vers  Ipsiis  ,  rlnns  h  Pliry- 
gie,  une  bataille  dans  laquelle  Anti- 
ç;one  fut  tué ,  l'an  '299  av.  J.-C. ,  à 
l'âge  de  84  ans.  On  ne  peut  dissimu- 
ler qu'Antigone  n'ait  montré  beaucoup 
d'ambition.  Cepentlant  ,  il  eut  de 
grandes  qualités;  il  vivait  dans  la  plus 
grande  union  avec  sa  femme  et  ses 
deux  fils,  Démétrfus  et  Philippe;  jI 
associa  même  le  premier  au  trône,  et 
lui  confia  des  forces  trcs-considérables. 
11  aimait  les  poètes  et  les  gens  de  let- 
tres, etil  s'attacha  entre  autres  l'histo- 
rien Iliéronyrae  de  Cardys  et  le  poète 
Antagoras.  11  avait  de  l'esprit,  et  Plu- 
tarque  rapporte  de  lui  plusieurs  bons 
mots.  Durant  son  séjour  dans  une  ville, 
Philippe,  son  second  fils  ,  étant  logé 
chez  une  veuve  qui  avait  trois  filles 
fràs-bellcs,  il  fit  venir  celui  qui  distri- 
buait les  logements,  et  lui  dit  :  «  Ne 
))  tireras-tu  pas  mon  fils  de  ce  mauvais 
»  pas?»  Hermodore,dansun  poërae, 
l'ayant  a])pc\é Jils  du  Soleil  :  «  Mon 
«esclave,  lui  dit-il  ,  sait  bien  le 
»  contraire.  »  Thrasylle  le  cynique  lui 
demandant  une  dragme ,  il  lui  dit  : 
«  Ce  don  n'est  pas  digne  d'un  roi.  » 
L'antre  alors  demanda  un  talent. 
«  C'est  trop  pour  un  cynique ,  lui  ré- 
»  pondit-il.  »  G — R. 

AjNÏIGONE  ,  surnommé  Gona- 
TAS  ,  parce  qu'il  était  né  à  Gonnusc  , 
dans  la  Thessalie ,  était  fils  de  Démé- 
trius  Poliorcète.  11  suivit  sou  pcre 
dans  la  Béolie,  lorsque  la  Macédoine 
eut  été  conquise  par  Lysiraaque  et 
Pyrrhus,  et,  lorsque  Démétrius  eut 
été  fait  prisonnier  en  Asie,  par  Sé- 
leucus,  il  ne  négligea  rien  pour  obte- 
nir sa  liberté ,  et  s'offrit  même  à  aller 
prendre  sa  place.  Démétrius  étant  mort 
dans  sa  captivité,  Lysiraaque  et  Sé- 
leucus  l'ayant  suivi  de  près ,  Antigone 
crut  l'occasion  favorable  pour  repren- 
dre la  Macédoine  ;  mais  il  fut  prévenu 
par  Ptolémée  Céraunus,  qui  le  défit 


ANT  25i 

et  le  força  à  se  retirer.  Ptolémée  ayant 
été  tué  par  les  Gaulois  ,  et  Sosthènes, 
qui  lui  avait  succédé,  étant  mort,  An- 
tig"bne  rentra  dans  la  Macédoine,  et, 
après  avoir  défait  les  Gaulois ,  et  pris 
ApoUodore,  tyran  de  Cassandrée,  il 
se  fit  reconnaître  roi  de  ce  pays,  l'an 
^177  avant  J.-C.  Il  fit,  pu  de  temps 
après,  la  paix  avec  Antiochus,  qui 
lui  donna  en  mariage  Phila,  l'une  de 
ses  sœurs.  Il  fut,  vers  l'an  272  av. 
J.-C.  ,  chassé  de  la  Macédoine  par 
Pyrrhus  ;  mais  ce  prince  ayant  été  tué 
dans  Argos,  il  rentra  dans  ses  états, 
et  s'empara  ensuite  des  principales 
villes  du  Péloponnèse.  Tandis  qu'il 
était  occupé  dans  la  Grèce,  Alexandre 
fils  de  Pyrrhus ,  entra  dans  la  Macé- 
doine pour  venger  la  mort  de  son  père; 
Antigone  étant  venu  à  sa  rencontre, 
fut  abandonné  par  les  siens ,  qui  re- 
connurent Alexandre  pour  roi.  H  re- 
tourna dans  la  Grèce,  laissant  dans 
la  Macédoine,  Démétrius  son  fils,  qui 
parvint  à  la  faire  rentrer  sous  sou 
obéissance.  Voulant  tenir  la  Grèce 
dans  sa  dépendance,  il  s'empara,  par 
trahison ,  de  l'Acrocorinthe ,  citadelle 
de  Corinthc ,  et  y  mit  une  garnison 
commandée  par  Persée,  disciple  de 
Zenon  le  Stoïcien ,  qui  se  laissa  bientôt 
après,  reprendre  cette  place  par  Ara- 
tus.  Le  reste  de  la  vie  d'Antigone 
Gonatas  nous  est  inconnu;  nous  sa- 
vons seulement  qu'il  mourut  âgé  d'en- 
viron quatre-vingts  ans,  l'an  241  av. 
J.-C.  Il  eut  deux  fils,  Alcyonéus  et 
Démétrius.  Alcyonéus  était  déjà  en 
âge  de  porter  les  armes ,  lorsque  Pyr- 
rhus fut  tué,  vers  l'an  271  av.  J.-C. 
Il  apporta  en  effet  la  tête  de  ce  prince 
à  son  père ,  qui  lui  fit  une  sévère  ré- 
primande à  ce  sujet.  Il  était  sans  doute 
d'une  première  femme  ,  et  mourut 
avant  Antigone  ,  qui  eut  pour  succes- 
seur Démétrius  ,  son  autre  fils.  C — R. 
ANTIGONE,  surnommé  Doson, 


2^.1  ANT 

parce  qu'il  promettait  beaucoup  et  ne 
donnait  guère ,  était  fils  de  Déraétrius 
second  ,  fils  de  Demétrius  Poliorcète. 
Démëtrius,  fds  d'Antigonc  Gonatas, 
ayant  laisse  en  mourant,  Philippe,  son 
fils  ,  encore  enfant ,  et  la  Macédoine 
en  guerre  avec  presque  tous  ses  voi- 
sins, les  Macédoniens  choisirent  pour 
roi  Antigone  Doson ,  l'an  25 1  av.  J.-C. 
Il  épousa  la  veuve  de  son  neveu  j  il 
soumit  les  Dardaniens,  les  Thessa- 
liens  et  les  Mœsiens,  qui  avalent  se- 
coué le  joug  des  rois  de  Macédoine. 
Quelque  temps   après ,    ses   propres 
sujets  se  révoltèrent ,  ce  qui  leur  arri- 
vait souvent,  et  l'assiégèrent  dans  son 
})alais.  11  parut  sur-le-champ  en  leur 
présence,  et,  leur  ayant  rappelé  ce  qu'il 
avait  fait  pour  eux ,  il  leur  jeta  sa  robe 
de  pourpre  et  son  diadème,  en  leur 
disant  qu'ils  n'avaient  qu'à  les  donner 
à  quelqu'un  qui  les  méritât  mieux  que 
lui.  Cette  fermeté  apaisa  sur-le-champ 
la  sédition.  On  l'invita  à  reprendre  le 
diadème;  mais  il  ne  le  voulut  pas  qu'on 
n'eût  livré  au  supplice  les  principaux 
moteurs  de  la  sédition.  Il  alla  ensuite 
au  secours  des  Achéens,  contre  les 
Lacédéraonicns ,  et,  ayant  été  nommé 
leur  chef,  il  défit  C.léomènes ,  et  prit 
la  ville  de  Sparte.  11  se  conduisit  avec 
beaucoup  d'humanité  envers  tous  les 
Grecs  en  général ,  et  il  se  dirigeait 
particulièrement  d'après  les  conseils 
d'Aratus ,  avec  qui  il  avait  contracté 
l'amitié  la  plus  étroite.  Il  mourut  l'an 
5>.2 1  avant  J.  -  G. ,  laissant  le  tronc  à 
Phihppe  son  petit-neveu.      C — r. 

ANTIGONE,  fdsd'Aristobulc,  fut 
fait  prisonnier  avec  son  père  ,  par 
Pompée ,  l'an  6 1  avant  J.-C.  Us  furent 
amenés  tous  les  deux  à  Rome  ,  d'où 
ils  s'échappèrent ,  quelques  années 
après  ,  et  retournèrent  dans  la  Judée, 
où  ils  recommencèrent  la  guerre  ;  mais 
ils  furent  pris  une  seconde  fois  par 
Gabiûius  ;  qui  les  envoya  encore  à 


A  NT 

Rome.  Jules  César  leur  ayant  permis 
de  retourner  dans  la  Judtie ,  ils  tom- 
bèrent entre  les  mains  des  partisans 
de  Pompée,  qui  firent  périr  Aristo- 
bule  et  Alexandre,  l'un  de  ses  fds.  Les 
Parthes  ayant  ramené  Antigone  à  Jéru- 
salem, l'an  58  av.  J.-C. ,  il  fit  couper 
les  oreilles  à  Hyrcan ,  son  oncle ,  pour 
qu'il  fût  incapable  d'être  grand-prétre , 
dignité  qui  était  réunie  à  la  princi- 
pauté, et  il  se  mit  à  sa  place.  Antigone- 
fut  bientôt  après  assiégé  par  les  trou- 
pes de  Marc  -  Antoine ,  qui  voulait 
mettre  Hérode  sur  le  trône  :  il  fut  pris , 
battu  de  verges,  et  mis  à  mort  l'an  35 
avant  J.-C.  C'était  la  première  fois  que 
les  Romains  avaient  traité  aussi  cruel- 
lement une  tête  couronnée.     C — r. 

ANTIGONE ,  surnommé  Carys- 
Tius,  sans  doute  parce  qu'il  était  de 
Carystos  ,  dans  l'ile  d'Eubée ,  était 
contemporain  de  Pvrrhon ,  et  vivrat 
par  conséquent  sous  le  règne  de  Pto- 
léraéc  Philadelphe  ,  vers  l'an  270 
avant  J.-C.  11  avait  écrit  les  Fies  des 
hommes  célèbres  dans  les  sciences , 
ouvrage  qui  s'est  perdu.  11  nous  reste  , 
sous  son  nom,  un  Recueil  d'histoires 
extraordinaires ,  Jlistorianim  viirn- 
bilium  collectio ,  dont  la  meilleme 
édition  est  celle  que  M.  Beckmaun  a 
donnée,  avec  les  notes  de  plusieurs 
savants  et  les  siennes,  Lipsia? ,  I7<)i, 
in-4". ,  grec  et  latiu.  Cette  compilation , 
faite  sans  goût  et  sans  jugement,  sem- 
ble plutôt  appartenir  à  quelque  gram- 
mairien du  Cas-Empire,  qu'à  un  écii- 
vain  du  siècle  de  Ptolémée.     C — r. 

ANTIGONUS  SOCHOEUS,  juif, 
né  à  Socho,  vivait  du  temps  d'Eléazar , 
huitième  grand-prètre,  5oo  ans  avant 
J.-C. ,  et  paraît  avoir  donné  naissance 
à  la  secte  des  saducéens.  Il  était  dis- 
ciple de  Slméon-le-Juste.  Mécontent 
des  innovations  iritroduites  par  les 
pharisiens,  et  particulièrement  delc.'.r 
doctrine  sur  les  œuvres  mciitoii-es,  qui 


ANT 

promettait  aux  hommes  des  récom- 
penses temporelles ,  il  soutint  que  les 
îiommes  devaient  servir  Dieu  ,  non 
comme  des  Valets  à  gages ,  mais  seu- 
lement par  une  piété'  pure  et  de'sinte'- 
resse'e.  Les  disciples  d'Antigonus  éten- 
dirent cette  doctrine  jusqu'aux  récom- 
penses de  la  vie  future  ;  et  deux  d'entre 
eux,  Baithos  et  Sadoc ,  cnseignèient 
qu'on  ne  devait  attendre  aucune  ré- 
compense future  ,  et  qu'en  consé- 
quence il  n'y  aurait  point  de  résur- 
rection des  morts.  De  là  vint  la  secte 
des  baitliosiens ,  ou  saducéens.  D — t. 
ANT1IVL\CHIDES.   Foy.   Auns- 

TATES. 

ANTIMACO  (  Marc-Antoine  ) ,  un 
des  célèbres  professeurs  de  Lmgue 
grecque,  qui  fleurirent  en  Italie,  au 
1 6".  siècle ,  était  né  à  ]\îantoue,  vers  l'an 
1473.  Quoique  l'on  eût  déjà  bien  des 
secours  dans  sa  pairie  pour  appren- 
dre le  grec,  le  désir  de  savoir  parfai- 
tement cette  langue  l'engagea,  dans  sa 
jeunesse,  à  passer  en  Grèce,  oii  il  l'é- 
tudia  pendant  cinq  ans,  sous  les  plus 
habiles  maîtres.  Il  parvint  à  écrire  et 
à  parler  celte  langue,  aussi  facilement 
que  le  latin  et  l'italien.  Il  revint  en- 
suite à  Mantoue ,  et  y  ouvrit  un  cours 
de  langue  et  de  littérature  grecques. 
Appelé  en  1 552 ,  à  Ferrare ,  il  y  pro- 
fessa ,  pendant  vingt  ans ,  et  y  mourut 
en  i55'i,  âgé  de  soixante-dix-neuf 
ans.  Il  traduisit  du  grec  en  latin 
l'histoire  de  ce  que  firent  les  Grecs 
après  la  bataille  de  Mantinée,  écrite  par 
Gemistus  Pletliou ,  et  quelques  opus- 
cules de  Denis  d'Halicarnasse ,  de  Dé- 
métrius  de  Plialère,  et  de  Polien.  Ces 
traductions  furent  imprimées  avec  un 
discours  du  même  auteur,  à  la  louange 
des  lettres  grecques ,  sous  le  titre  sui- 
vant :  Gemisti  Plethonis  de  s,eslis 
grœcorum  post  pugnam  ad  Manti- 
neam  per  cqpita  traclatio  duobus 
libris  expUcata,  M,  Anlonio  Anti- 


ANT  255 

macho  interprète.  Ad  hœc  Dionysii 
Halicarnassei  prœcepta,  etc.,  BâJe, 
1 54  o ,  iu-4°.  11  fît  aussi  un  as^ez  grand 
nombre  de.  vers  latins ,  presque  tous 
restés  inédits.  Quelques  auteurs  lui 
attiibuent  huit  livres  d'épigrammes 
grecques.  On  en  trouve  plusieurs  de 
lui,  tant  grecques  que  latines,  à  la 
louange  de  Pierre  Vettori,  à  la  lin  du 
Recueil  des  lettres  de  quelques  savants, 
adressées  à  ce  célèbre  rhéteur,  pu- 
bliées pai-  le  savant  chanoine  Bandini, 
à  Pavie,  1708.  G — e'. 

ANTIMAQUE.  Suidas  ciie  quatre 
poètes  de  ce  nom.  Celui  qui  est  le  su- 
jet de  cet  article  était  de  Ckt.'os,  sui- 
vant Ovide ,  et  de  Colophon ,  selou 
d'autres.  L'auteur  anonyme  de  la 
Description  des  Olympiades  le  fait 
contemporain  deLysaudre,  et  même 
de  Platon  ,  qui ,  très  -  jeune  encore  , 
assista  ,  dit-on ,  à  la  lecture  de  la 
Thébdide  d'Anlimaque.  Il  est  fâcheux 
qu'il  ne  nous  reste  presque  rien  d'un 
poète  placé  par  les  grammairiens  im- 
médiatement après  Homère  ,  et  dont 
l'empereur  Adrien  faisait ,  au  rapoort 
de  Dion,  un  si  grand  cas,  qu'il  eut 
un  moment  la  fantaisie  d'anéantir 
Homère,  pour  lui  substituer  son  poète 
favori.  On  trouve  un  fragment  d'An- 
timaque  dans  les  ylnalectes  de  M. 
Brunck  ,  tora.  p"^. ,  pag.  167;  et 
Schekenberg  a  publié  tout  ce  qui  reste 
de  lui,  en  1786,  avec  une  épître  de 
Woif.  La  Thébàide  d'Antimaque  ,  et 
sa  Lydienne^  élégie  louée  par  Ovide, 
ne  sont  point  parvenues  jusqu'à  nous. 
A P) j^_ 

ANTINE  (d').  Foj'.  Dantine. 

ANTIN  (d"1.  Foy.  Gondrin. 

ANTINOUS.  Foy.  AdJRjEN ,  em^ 
pereur. 

ATvTIOCHUS,  fils  de  Phintas^roi 
des  Messéniens ,  régna  quelque  temps 
avec  Androclès  ,  son  frère,  dans  la 
Uieilleure  intelligence  j  mais  ils  se  di- 


•ilii  A  N  T 

visèi-ent  au  sujet  de  Polycharès  qii'An- 
dioclcs  voulait  livrer  aux  Spartiates  ; 
le  peuple  s'ctant  divise  à  l'exemple  de 
■ses  chefs  ,  il  y  eut  une  sédition  dans 
laquelle  Andro<lès  fut  tué ,  et  An- 
tiochus  resta  seul  roi  des  Messe'nieus. 
Tl  mourut  vers  l'an  -^44  avant  J.-C, 
uu  peu  avant  la  guerre  de  Messène. 
Il  eut  pour  successeur  Eupbaès  sou 

fils.  C— R. 

ANTIOCRUS  I". ,  surnommé  So- 
T£R ,  fils  de  Séleucus  I".  et  d'Apamé  , 
.se  distingua  à  la  bataille  d'Ipsus,  où 
il  (commandait  l'aile  opposée  à  Déiué- 
frius  ,  fils  d'Antigone.  Il  devint ,  par 
la  suite ,  amoureux  de  Stratonice  , 
épouse  de  son  père ,  qui  la  lui  céda  , 
vt  lui  donna  en  même  temps  la  por- 
tion de  ses  états  située  au-delà  de  l'Eu- 
phrate  (  F.  Erasistrate  },  Ils  sou- 
mirent ,  de  concert ,  la  plupart  des 
pavs  situés  entre  la  mer  Caspienne  et 
rindus ,  et  rétablirent  plusieurs  des 
Aallcs  qu'Alexandre  v  avait  fondées. 
Leurs  expéditions  ,  dans  cette  portion 
de  l'Asie ,  jetèrent  beaucoup  de  lu- 
mières sur  la  géographie.  Séicucus 
étant  mort  (  l'an  2b  i  avant  J.-C.  )  , 
Antiochus  devint  maître  de  tous  ses 
états.  Ayant  jicrdu  ,  peu  de  temps 
après  ,  Stratonice ,  il  épousa  une  de 
ses  sœurs  dont  le  nom  ne  nous  est 
pas  connu.  Il  remporta ,  l'an  i-^S 
avant  J.-C. ,  une  victoire  signalée  sur 
les  Gaulois  qui  ravageaient  l'Asie  ;  et 
comme  il  la  dut  à  ses  éléphants  ,  il 
en  fit  sculpter  un  sur  le  trophée  qu'il 
érigea.  Appien  dit  que  ce  fut  à  cette 
occasion  qu'on  lui  donna  le  surnom 
de  Soter,  mais  il  paraît  qu'il  le  por- 
tait auparavant.  Après  la  mort  de  l-*hi- 
Ictcre,  il  voulut  s'emparer  des  états 
de  ce  prince ,  et  fut  vaincu  à  Sardes 
pas-  Eumènes.  Il  déclara  la  guerre  à 
Ptolémée  Philadelphe  ,  à  l'instigation 
de  Magas ,  roi  de  Cyrène,  qui  avait 
épousé  A  pâmé,  safiUc^mais  ce  priuce 


ANT 

lui  donna  tant  d'occupation  dans  ses 
propres  élats,  qu'il  ne  put  pas  aller 
attaquer  l'Egypte.  Sur  la  fin  de  ses 
jours  ,  Ptolémée  ,  son  fils  aîné,  qu'il 
avait  associé  au  trône ,  se  révolta 
contre  lui  de  concert  avec  Timarque 
qui  avait  le  gouvernement  de  l'Asie 
mineure.  Antiochus  le  fit  mourir,  et 
fut  tué  lui-même  peu  de  temps  après, 
l'an  'li'ri  avant  J.-C,  dans  un  com- 
bat près  d'Éphèse ,  par  un  Gaulois , 
qui ,  ayant  voulu  aussitôt  monter  sur 
le  cheval  de  son  ennemi .  fut  entraîné 
dans  un  précipice  où  il  périt.  C — r. 
ANTIOCHUS  II,  surnomme 
TnÉos  (  Dieu  ) ,  fils  du  précédent  et 
de  Stratonice  ,  monta  sur  le  trône  , 
l'an  9.6i  avant  J.-C.  Il  commença  son 
règne  par  faire  la  guerre  à  Timarque, 
qui,  après  s'être  révolté  contre  sou 
père,  s'était  rendu  tyran  de  Miletj 
il  le  vainquit  ,  le  chassa  du  pays  , 
et  les  Milésiens,  par  reconnaissance, 
lui  donnèrent  le  surnom  de  Ditit.  Il 
coritinua  la  guerre  que  son  père  avait 
commencée  contre  Ptolémée  Phila- 
delphe ,  roi  d'Égy-})te ,  et  n'eut  pas 
plus  de  succès  que  lui  ;  mais  Ptole'- 
méc ,  qui  était  d'une  humeur  paci- 
fique ,  voulaiit  mettre  fiu  à  ces  dé- 
bals ,  eng-!gea  Antiochus  à  répudier 
Laodicé ,  sa  sœur  et  son  épouse  ,  dont 
il  avait  déjà  deux  fi!s,  et  lui  donna 
en  mariage  Bérénice  ,  sa  fille  ,  avec 
une  dot  considérable.  Ce  fut  pendant 
cette  gucire  que  les  Parthcs  ,  sous 
la  conduite  d'Arsace  ,  se  révoltèrent 
contre  Antiochus ,  cl  jetèrent  les  f.ii- 
dements  de  leur  empire,  qui  devint , 
dans  la  suite,  le  redoutable  rival  de 
Rome.  Ptolémée  étant  mori  ,  Antio- 
chus ,  qui  avait  répudié  Laodicé  mal- 
gré lui ,  la  rappela  et  renvoj  a  Lei  é- 
nicc.  Laodicé  craignant  l'inconslaïuf 
de  son  époux ,  prit  le  parti  de  l'cui- 
polsonner  ,  et ,  ayant  caché  sa  niuri , 
eHe  plaça  dans  son  lit  un  homme  du 


ANT 

peuple ,  nomme  Ai^témon  ,  qui  lui 
ressemblait  pai'faitement ,  et  qui  joua 
le  rôle  du  roi.  Ce  faux  Antiochus  re- 
commanda ses  fils  et  sa  femme  aux 
grands  du  royaume ,  et  de'sigua  Se'- 
leucus  son  fils  aîné'  pour  son  succes- 
seur. Antiochus  II  mourut  l'an  247 
avant  J.-C.(  ^.  BÉk£Nice,LaodicÉ, 
Seleucus  II  ).  C — R. 

ANTIOCHUS,  surnomme  HiERAX, 
fils  du  pre'ce'dent  et  de  Laodice ,  n'a- 
vait que  quatorze  ans  ,  lorsque  Pto- 
ierae'e  Évergètes  le  fit  roi  de  la  Cili- 
cie ,  pour  l'opposer  à  Séleucus  Calli- 
uice  ,  frère  du  jeune  Antiochus ,  qu'il 
avait  presque  entièrement  dépouille' 
de  ses  états.  Ce  dernier  ayant  fait  de 
vains  efforts  pour  les  recouvrer ,  eut 
recoui's  à  la  générosité  d'Antiochus , 
qui  rassembla  une  armée ,  en  appa- 
rence pour  aller  à  son  secours  ,  mais 
réellement  pour  le  dépouiller  de  ce 
qui  lui  restait  :  cette  avidité ,  remar- 
quable dans  un  jeune  homme ,  et 
suitout  dans  un  fi'èrc  ,  lui  fit  donner 
le  suinom  diHierax.  Ptolémée  ayant 
fait  une  trêve  avec  Séleucus  ,  la  guerre 
continua  entre  les  deux  frères ,  et  An- 
tiochus ,  à  l'aide  des  Gaulois ,  rem- 
porta une  victoire  signalée  sur  Sé- 
leucus ,  que  l'on  crut  même  avoir  été 
tué  :  Antiochus  en  prit  le  deuil ,  et 
témoigna  le  plus  grand  chagrin.  Il 
tourna  ensuite  ses  armes  contre  Dé- 
niétrius ,  roi  de  Macédoine ,  à  l'insti- 
gation de  Nicée ,  sa  sœur ,  que  ce 
prince  avait  épousée,  et  ensuite  aban- 
donnée pour  en  épouser  une  autre.  Ou 
ne  connaît  point  les  détails  de  cette 
guerre.  Celle  qu'il  eut  contre  Séleu- 
cus ,  qui  n'avait  point  péri  comme  on 
l'avait  cru  ,  continuait  toujours  ;  Eu- 
îuènes  en  profita  pour  s'emparer 
d'une  grande  partie  de  l'Asie  mineure, 
qui,  désolée  par  les  incursions  des 
Gaulois ,  qu' Antiochus  avait  à  sa  sol- 
de, était  toute  disposée  à  changer  de 


ANT  255 

maître.  Antiochus  ayant,  par  la  suite, 
été  entièrement  défait  par  Séleucus , 
se  réfugia  d'abord  chez  Artamènes , 
son  beau-père  ,  roi  de  Cappadoce  ; 
mais,  s'étant  aperçu  qu'on  lui  tendait 
des  embûches ,  il  s'enfuit  ;  et ,  ne 
sachant  où  se  retirer,  il  alla  se  livrer 
à  Ptoléraée  Evergète  ,  son  ennemi , 
qui  le  fit  enfermer.  Il  trouva,  cepen- 
dant ,  le  moyen  de  s'échapper  par  le 
secours  d'une  courtisane  ,  et  fut  tué 
en  chemin  par-  des  voleurs,  l'an  'l'j.'j 
avant  J.-C.  C — r. 

ANTIOCHUS  III,  surnommé  le 
Grand,  fils  de  Séleucus  Calliuice  et 
de  Laodicé,  était  à  Babylone  lorsque 
Séleucus  Céraunus  son  frère  fut  tué. 
L'armée  de  Syrie  le  reconnut  pour  roi. 
La  Syrie  était  alors  dans  une  situa- 
tion très-fàcheuse ,  suite  des  divisions 
entre  Séleucus  II  et  Antiochus  Hié- 
rax  ;  le  satrape  de  la  Bactriane  s'é- 
tait déclaré  indépendant  ;  Ptolémée 
Philopator  s'était  emparé  de  la  Cœlé- 
syrie  et  de  la  Phéuicie  ;  et  Attale ,  roi 
de  Pergame,  avait  réuni  à  ses  états 
une  grande  partie  de  l'Asie ,  en-deçà 
du  Taui'us.  Antiochus  ,  quoique  fort 
jeune,  ne  perdit  point  courage.  Ayant 
confié  le  commandement  de  l'Asie 
mineure  à  Achaeus ,  qui  y  était  déjù 
avec  une  armée ,  celui  de  la  Médie  a 
Molon ,  et  celui  de  la  Perse  à  Alexan- 
dre, il  allaattaquer  la  Cœlésyrie.  Tandis 
qu'il  était  occupé  de  ce  côté ,  Alexandre 
et  Molon  firent  révolter  les  provinces 
qui  étaient  sous  leurs  ordres  ;  Antio- 
chus abandonna  alors  la  Cœlésyrie, 
foudit  sur  les  révoltés ,  les  défît  et 
l'S  réduisit  à  se  donner  la  mort;  il 
entreprit  ensuite  une  expédition  contre 
Artabazane,  roi  de  l'Atropatène  ;  mais 
ce  prince  ,  qui  était  déjà  très-âgé ,  ne 
voulut  pas  s'exposer  à  faire  la  guerre , 
et  se  soumit  à  toutes  les  conditions 
qu' Antiochus  lui  imposa.  Tandis  qu'il 
était  dans  ces  pays  éloignés ,  AcLieus 


:i56  ANT 

ceignit  le  diadème,  et  se  fit  recoiiuaîlre 
roi  des  pays  dont  il  était  satrape.  Au- 
tioclius,  de  retour  dans  la  Syrie ,  reprit 
la  guerre  contre  Ptolëmée  ,  et  s'em- 
para de  plusieurs  villes  de  la  Pales- 
tine et  de  la  Phe'nicie  ;  vaincu  par  ce 
prince  à  Rhapliia  dans  la  Palestine, 
il  fut  obligé  d'abandonner  toutes  ses 
conquêtes,  et  se  trouva  trop  heureux 
d'obtenir  une  trêve  d'un  an ,  dont  il 
profita  pour  aller  soumettre  AcLaeus, 
qu'il  prit  et  fit  mourir.  Il  attaqua  en- 
suite Arsalce ,  roi  des  Parthes  ,  qu'il 
força  à  dtlinander  la  paix ,  et  à  se 
réunir  à  lui  contre  Eutliydême ,  roi 
de  la  Bactriane,  à  qui  il  accorda  aussi 
la  paix  :  il  traversa  ensuite  le  montPa- 
ropamisus ,  et  s'avança  jusqu'à  l'Inde. 
Après  avoir  parcouru  et  soumis  l'A- 
racîiosie,  la  Drangiane,  la  Carmanie, 
la  Perse ,  la  Susiane ,  la  Babylonie  et 
la  Mésopotamie ,  il  revint  dans  sou 
pavs,  couvert  de  gloire,  et  ses  sujets 
lui  donnèrent  le  surnom  de  Grand , 
qu'il  avait  bien  mérilé,  en  rendant  au 
royaume  de  Svrie  son  ancienne  splen- 
deur. Le  reste  de  sa  vie  ne  répondit 
pas  à  ces  brillants  commencements  ; 
Ptolémée  Fliilopator  étant  mort  l'an 
ao4  avant  J.-C,  Antiochus  se  réunit 
a\ec  Philippe,  roide  Macédoine,  pour 
dépouiller  de  ses  états  Ptolémée  Epi- 
phanes  son  fils  ,  qui  n'avait,  que  cinq 
ans  ;  mais  le  peuple  romain  que  son 
père  lui  avait  nommé  pour  tuteur , 
s'o)>posa  à  cette  invasion  ;  et  comme 
la  puissance  de  ce  peuple  était  déjà 
redoutable  ,  Antiochus  n'osa  rien  en- 
treprendre. Les  ambassadeurs  de  Rome 
i'emjièchèreut  aussi  de  faire  la  guerre 
à  Attaic ,  roi  de  Pergame.  11  eut  bien- 
tôt de  uouvcUes  diiticultés  avec  les 
Romains ,  au  sujet  de  quelques  villes 
de  l'Asie  mvjieure  nom  il  s'était  em- 
paré j  tandis  qu't  n  négociait  à  ce  su- 
jet ,  Annibal  vint  se  réfugier  auprès 
de  lui ,  et  l'escila  à  taire  la  guerre  aux 


AïfT 
Romains  ,  en  allant  les  attaquer  dans 
l'ItaUe  même.  Antiochus  ne  suivit  pas 
son    consed  ;    mais    quelque    temps 
après,  il  se  rendit  à  l'invitation  des 
Etoliens ,  qui  avaient  pris  les  armes 
contre  les  Romains,  et  passa  dans  la 
Grèce  avec  dix  mille  hommes  :  l'Eu- 
bée  s'étant  soumise  sans  résistance, 
il  se  rendit  dans  la  Thessahe  ,  où  les 
Etoliens  ,  les  Athamanes  et  les  Thé- 
bains  se  joignirent  à  lui  ;  mais  effrayé 
par  l'apparition  de  quelques  troupes 
que  les  Romains  avaient  envoyées  en 
avant ,    il   retourna  à  Chalcis   dans 
l'Eubée  ,  où  il  devint  amoureux  d'une 
jeune  fille,  qu'il  épousa  ;  et  il  y  pas- 
sa riiiver  dans  les   plaisirs  :   ce  qui 
affaiblit  beaucoup  son  armée.  Au  prin- 
temps, il  retourua  dans  la  ïhessalie  ; 
et,  sentant  qu'il  n'avait  pas  des  forces 
assez  considérables  pour  se  mesurer 
avec   les  Romains  qui   avançaient  à 
grands  pas  ,  il  fortifia  le  passage  des 
Tliermopyles  ,  et  fit  garder  les  défilés 
par  lesquels  les  Persans  avaient  pé- 
nétré dans  la  Grèce ,  espérant  arrêter 
l'armée   romaine  jusqu'à  ce  que  les 
secours  qu'il  attendait  de  l'Asie  fus- 
sent arrivés;  mais  lui  corps  de  Ro- 
mains commandé  par  Caton  l'Ancien  , 
ayant  trouvé  le   moyen  de  franchir 
la  montagne  malgré  les  Etoliens  ,  le 
prit  à  dos,  tandis  que  le  consul  IMa- 
nius  l'attaquait  par  devant  ;  il  ne  lui  fut 
plus  possible  alors  de  retenir  son  ar- 
mée qui  prit  la  fuite  ;  il  eut  beaucoup 
(le  peine  à  s'échapper  lui-même,  avec 
cinq  cents  cavaliers;  tout  le  reste  fut 
tué  ou  fait  prisonnier,  .\ntiochus  alla 
s'embarquer  à  Chalcis  ,    d'où  il   re- 
tourna à  Ephèse.  Prévoyant  alors  que 
les  Romains  vientlraient  l'attaquer  en 
Asie,  il  rassembla  des  forces  consi- 
dérables dans  le  voisinage  de  la  mer, 
mit  de  fortes  garnisons  à  Seslos  et 
Abydos ,  par  où  il  fallait  que  les  Ro- 
iniins   passassent  pour    arriver   ea 


ANT 
Asie  ,    fortifia    la    Cliersonnèse   de 
Tlirace  ,  et  fit  de  grands  amas  de 
vivres  et  de  minutions  de  guerre  à 
Lysiinachie ,  ville  qui  devait  lui  servir 
de  place  d'armes  ;  mais  ayant  appris 
quelque  temps  après,  que  son  escadre , 
commandée  par  Polyxénidas  avait  été 
battue  par  les   Romains  auprès   de 
IVlvounèsos,  il  perdit  la  tète  ,  aban- 
donna toutes  les  places  qu'il  avait  for- 
tifiées, et  se  retira  à  Sardes.  Scipion-le- 
Jeune ,  ç^cne'ral  de  l'armée  romaine , 
qui  avait  pour  lieutenant  Scipion  l'A- 
fricain sou  frère  ,  ne  tarda  pas  à  pro- 
fiter de  sa  fuite  et  à  passer  en  Asie. 
Antiochus  lui  ayant  fait  faire  des  propo- 
sitions de  ])aix,  il  lui  répondit  qu'il  fal- 
lait, pour  l'obtenir,  qu'il  abandonnât 
toute  l'Asie  en  deçà  du  Taurus.  Ces  con- 
ditions paraissant  trop  dures ,  Antio- 
clms  se  prépara  au  combat;  il  avait 
70,000  hommes,  et  les  Romains  n'en 
avaieut  pas  plus  de  5o,ooo  :  ils  rempor- 
tèrent cependant  une  victoire  éclatante. 
Antiochus  fut  obligé  de  demander  la 
paix  une  seconde  fois ,  et  il  l'obtint  aux 
mêmes  conditions,  en  s'obhgeant  de 
plus  à  livrer   tous  ses   éléphants,  à 
n'avoir  qu'un  certain  nombre  de  vais- 
seaux, et  à  payer  i5,ooo  talents;  en- 
fin ,  à  donner  vingt  otages ,  du  nombre 
desquels  fut  son  propre  fils,  l'eu  de 
temps  après,  Artaxias  et  Zadriades, 
satrapes  de  l'Arménie ,  se  révoltèrent. 
Voulant  aller  les  soumettre  ,  il  fit  re- 
connaître roi  Séleucus ,  son  (ils  aîné  ; 
et  comme  il  avait  besoin  d'argent ,  il 
entreprit  de  piller  de  nuit  le  temple 
de  Jupiter ,  ou  plutôt  de  Béius ,  dans 
le  pays  des  Elyméens;  mais  les  ha- 
bitants s'étant  réunis  le  massacrèrent , 
ainsi  que  les  troupes  qui  l'accompa- 
gnaient, l'an  187  avant  J.-C.  Auiélius 
Victor  rapporte  différemment  sa  mort. 
Il  dit  qu  Antiochus  fut  tué  dans  une 
fête  par  un  de  ses  hôtes ,  qu'il  avait 
iûsulté.  11  était  âgé  de  ciuquante-deux 


ANT  2^7 

ans ,  et  en  avait  régne'  trente-six.  Il 
avaii  épousé  Laodicé  ,  fille  de  Mi- 
thridate,  roi  de  Pont ,  dont  il  eut  cinq 
fils  et  quatre  filles.  C— R. 

A^iïlOCHUS  IV,   fils  du  précé- 
dent ,  fut  élevé  à  Rome  ,  où  son  père 
l'avait  envoyé  en  otage.  Séleucus  IV, 
son  frère  aîné ,  voulant  ie  faire  reve- 
nir auprès  de  lui,  envoya  Démétrius  , 
son  propre  fils  ,  à  Rome  ,  pour  le 
remplacer.   Antiochus  étant  arrivé  à 
Athènes  ,  apprit  la  mort  de  Séleucus  ; 
il  prit  aussitôt  le  titre  de  roi ,  et  ayant 
vaincu  Héiiodoi'e ,  qui  avait  usurpe' 
l'autorité ,  il  se  fit  reconnaître  par  les 
Syriens.  Le  coraraen cernent  de  son 
règne  ne  fut  remarquable  que  par  ses 
extravagances  ;  il  s'échappait  quelque- 
fois de  son  palais,  sans  que  ses  minis- 
tres le  sussent ,  et ,  suivi  de  deux  ou  ,. 
trois   personnes,    il   allait  courir  les 
rues  d'Antioche ,  s'arrêtait  dans  les 
boutiques  des  orfèvres  ,  avec  qui  il 
s'amusait  à  disputer  sur  leur  art ,  qu'il 
prétendait  connaître  aussi  bien  qu'eux. 
11  allait  souvent  boire  avec  des  étran- 
gers ou  des  gens  de  la  lie  du  peuple. 
Se  dépouillant  quelquefois  de  la  pour- 
pre, et  pratiquant  ce  qu'il  avait  vu 
faire  à  Rome ,  il  allait  sur  la  place 
publique,  et  faisait   la  cour  à  ceux 
qu'il  rencontrait  ,     leur    demandant 
leurs  suffi ages^  pour  les  places  d'édile, 
ou  de  tribun  du  peuple  j  pais  il  s'as- 
seyait sur  la  chaise  curule,  et  s'oc- 
cupait sérieusement  à  juger  les  causes 
qui  étaient  du  ressort  de  ces  magis- 
tratiu£S.  Bigarre  dans  ses  générosités, 
il  donnait  aux  uns  des  dés  à  jouer  ^ 
des  dattes  et  d'auti'es  choses  de  nulle 
valeur  ;  il  faisait  à  d'autres  des  pré- 
sents magnifiques  ,  sans  les  connaître. 
11  s'amusait  quelquefois  à  jeter  sur 
son  chemin  des  poignées  d'or  ,    en 
criant  :  «  Attrape  qui  peut.  »  D'autres 
fois ,  fiyaut  des  pierres  sous  sa  robe 
de  pourpre ,  il  eu  accablait  ceux  qui 


ajS  A  N  T 

le  suivaient.  11  s'amusa  un  joiu'  à  faire 
remplir  de  vin  une  fontaine  d'Antio- 
che  ;  il  se  plaisait  à  se  baigner  dans 
les  bains  publics  ,   et  s'y  faisait  ap- 
porter les  huiles  odorantes  les  plus 
précieuses.   Quelqu'un  ayant  dit  un 
jour  que  les  rois  étaient  bien  heureux 
de  pouvoir  faire   usage  de  parfums 
pareils ,  le    lendemain  il   lui    en   fit 
répandre  un  grand  vase  sur  la  tête. 
Antiochus    avait    pris  ,  en    montant 
sur  le  tfone  ,  le  surnom    de    Thcos 
Epiphanes  (Dieu  présent  ).  Ses  es- 
travagances   firent  qu'on  le   changea 
en  celui   à' Epimanes   (  fou  ).  Tou- 
tes ces  folies  ne  lui  firent  cependant 
pas  négliger  le  soin  de  ses  états ,  et 
Ciléopàlre,  sa  sœur,  qui  était  mariée 
à  Ptolémce  Philométor ,  étant  morte 
l'an  173,  av.  J.-C,  il  ne  voulut  plus 
laisser  à  ce  prince  les  revenus  de  la 
Cœlésvrie  et  de  la  Phénicie,  qu'on  lui 
avait  donnés  pour  la  dot  de  sa  femme. 
Comme  il  sut  qu'il  se  disposait  à  l'at- 
taquer ,  il  le  prévint ,  en  allant  porter 
la  guerre  en  Egypte.  11  la  conduisit 
avec  tant  d'activité  ,   qu'il  se  serait 
emparé  de  ce  royaume  s'il  n'avait  été 
arrêté  par  les  ordres  des  Romains, 
qui  lui  firent  abandonner  celte  con- 
quête. Très -zélé  pour  la  religion  ,  il 
entreprit  de  faire  achevei"  le  temple  de 
Jupiter -Olympirn  ,  à  Athènes  ,  en- 
voya   des    oflVandes    magnifiques   à 
Délos,  à  Oiympie,  et  dans  d'autres 
lieux.  Par  suite  de  ce  zèle  ,  il  voulut 
forcer  les  juifs  à  abandonner  le  culte 
de  leur  Dieu ,  pilla  leur  temple  ,  et 
y   fit    placer  la    statue    de    Jupiter- 
Olympien.  JN'avant  pu  soumettre  ce 
peuple  à  ses  volontés ,  il  se  livra  con- 
tre lui  à  toutes  sortes  de  persécutions  , 
ce  qui  fut  la  cause  de  la  révolte  des 
MacludDées  ,    qui   défirent  plusieurs 
fois   ses  armées ,    et  finirent  par  se 
rendre  maîtres  du  gouvernement  de 
(w  Judée.  Ayant  besoin  d'argent ,  An- 


ANT 

llocliiis  rassembla  une  armée  pour  al- 
ler piller  le  temple  de  la  déesse  d'Ely- 
maïs,  dans  la  Médie,  qui  était  célèbre 
par  ses  richesses  ;  mais  il  fut  repoussé 
par  les  habitants  du  pays.  Il  tomba 
malade  en  revenant  à  Tabès  ,  dans  la 
Perse,  et  mourut  l'an  164  av.  J.-C. , 
dans  des  accès  de  frénésie  que  les  Per- 
sans attribuèrent  à  son  entreprise  con- 
tre le  temple  d'Elymaïs  ,  et  les  juifs  à 
la  profanation  de  celui  de  Jérusalem. 
Antiochus  n'était  pas  dépourvu  de  qua- 
lités ;  il  était  généreux  ,  aimait  les 
arts ,  et  montra  beaucoup  de  valeur 
et  d'habihîté  dans  les  guerres  qu'il  eut 
à  soutenir  ;  mais  ses  défauts  et  ses 
folies  ternirent  sa  gloire.  11  laissa  deux 
fils,  Antiochus  et  Alexandre,  et  une 
fille  ,  nommée  Laodicé.         C — r. 

ANTIOCHUS  V,  surnommé  Eu- 
PATOR  ,  fils  du  précédent ,  monta  sur 
le  trône,  l'an  164  av.  J.-C,  âgé  de 
neuf  ans.  Les  Romains  lui  donnèrent 
Lysias  pour  tuteur ,  contre  la  volonté 
de  son  père  ,  qui  avait  chargé  de  cet 
emploi  Philippe,  son  ami.  Il  fut  tué  dans 
la  troisième  année  de  son  règne.(  f^oj\ 

DÉMÉTUIUS  SOTER  et  LySIAS}.        C U. 

ANTIOCHUS  VI,  surnommé  Dio- 
KYSus,  ou  Bacchus,  était fils  d'Alexan- 
dre Balas.  Démétrius  Philadelphe  sV- 
tant  fait  détester  de  ses  sujets  par  ses 
rapines,  Tryphon  amena  de  l'Arabie 
Antiochus ,  encore  enfant ,  et  le  fil  re- 
connaître roi ,  vers  l'an  1 44  ^v.  S.-C. 
Quelques  victoires  furent  remportée,- 
sur  les  généraux  de  Démétrius;  mai-, 
bientôt,  Tryphon,  las  de  gouverner 
sous  le  nom  d'un  autre ,  se  débarrassa 
de  ce  jeune  prince,  en  lui  persuadant 
qu'il  avait  la  pierre,  et  en  lui  faisant 
faire  l'opération  par  des  chirurgiens 
gagnés  ,  qui  le  firent  périr.  Antiochus 
n'avait  régné  que  deux  ans.  C — R. 

ANTIOCHUS  Vil,  surnommé 
EvergÈ TES ,  ou  SidÈtes  ,  fils  dc  Dé- 
métrius Soter ,  demeurait  à  Rhodes, 


ANT 

forsqu'il  apprit  que  Demetrius,  son 
fièie  ,  avait  été  fait  prisonnier  par  les 
Parthes.  Il  se  rendit  sur-le-champ  à 
Antioche ,  et  ayant  épousé  Cléopâtre, 
femme  de  Démétrius,  il  fut  reconnu 
roi  l'an  i4o  avant  J.-C.  Il  alla  d'a- 
l)ord  attaquer  l'usurpateur  Tryplion, 
qu'il  vainquit  et  fit  prisonnier.  11  fit 
ensuite  la  guerre  aux  juifs ,  qui  avaient 
depuis  long-temps  secoué  le  joug  des 
rois  de  Syrie ,  et  assiégea  Jérusalem 
avec  tant  de  vigueur,  que  le  grand- 
prêtre  ,  Jean  Hircan ,  se  trouva  heu- 
reux d'acheter  la  paix  en  payant  un 
tribut.  Antiochus  ,  ayant  ainsi  établi 
l'ordre  dans  ses  états  ,  rassembla  une 
armée  considérable  pour  aller  atta- 
quer les  Parthes  et  les  forcer  à  relâ- 
cher Démétrius.  11  les  défit  dans  trois 
combats ,  et  Phraates ,  qui  était  alors 
leur  roi ,  prit  le  parti  de  renvoyer 
Démétrius  avec  un  corps  de  troupes 
pour  le  mettre  en  état  de  disputer  le 
trône  à  son  frère.  Peu  de  temps  après , 
Antiochus ,  ayant  été  obligé  de  dis- 
perser les  quartiei's  d'hiver  de  son 
armée,  à  cause  du  grand  nombre  de 
valets ,  de  marchands  ,  et  d'autres 
touches  inutiles  dont  elle  était  suivie, 
les  Parthes  en  profilèrent,  et  firent 
égorger  par  les  habitants  les  corps 
les  plus  éloignés.  Antiochus  voulut 
marcher  à  leur  secours  ;  mais  ayant 
été  défait ,  il  se  retira  dans  la  haute 
Asie,  où  il  se  défendit  quelque  temps. 
Sur  ces  entrefaites ,  Cléopâtre  l'ayant 
abandonné  pour  retourner  à  son  pre- 
mier époux ,  il  forma  le  projet  insensé 
d'épouser  la  déesse  d'Elymaïs  ,  dont 
il  convoitait  les  immenses  richesses. 
Les  prêtres  n'eurent  pas  l'air  de  s'y 
opposer;  mais  lorsqu'il  fut  entré  dans 
le  temple ,  pour  s'emparer  des  trésors, 
à  titre  de  dot ,  ils  ouvrirent  une  porte 
secrète  et  l'accablèrent  à  coujjs  de 
pierres,  ainsi  que  ceux  qui  étaient 
avec  lui ,  l'an  1^7  avant  J.-C.     C — r. 


ANT 


1^ 


ANTIOCHUS  VIII,  surnommé 
Epiphanes  et  Grypus,  ou  IVéz  cro- 
chu, et  ANTIOCHUS  IX  ,  surnommé 
Philopator,  ou  Cyzicenus,  étaient 
tous  les  deux  fils  de  Cléopâtre,  et  avaient 
pour  pères,  le  premier,  Démétrius  Ni- 
canor ,  et  le  second ,  Antiochus  SidèteSi 
Cléopâtre ,  ayant  fait  mourir  Séleucus 
son  fils  aîné,  vers  l'an  i25  avant 
J.-C. ,  plaça  sur  le  trône  Grypus , 
qu'elle  espérait  gouverner.  Ce  prince 
se  dirigea  effectivement  quelque  temps 
par  ses  conseils  ;  mais  ayant  épousé 
Tryphaené ,  fille  de  Ptolémée  Phys- 
con  ,  et  ayant  vaincu  et  fait  mou- 
rir Alexandre  Zabinas,  il  voulut  ré- 
gner par  lui-même.  Qéopâtre  chercha 
alors  à  le  faire  empoisonner,  et,  comme 
il  en  fut  averti,  il  la  contraignit  à 
avaler  elle-même  le  poison  qu'elle  lui 
avait  fait  préparer.  Son  règne  fut 
long-temps  assez  tranquille;  il  se  li- 
vra au  luxe  et  aux  plaisirs;  mais  au 
bout  de  huit  ans  ,  il  prit  des  inquié- 
tudes sur  le  compte  cl' Antiochus  Phi- 
lopator  ,  son  frère  ,  qui  était  à  Cyzi- 
que ,  où  sa  mère  l'avait  envoyé  dans 
sa  première  jeunesse,  et  il  chercha 
à  le  faire  empoisonner.  Celui-ci ,  s'en 
étant  aperçu,  se  tint  sur  ses  gardes, 
et  ayant  bientôt  après  épousé  Cléo- 
pâtre, fille  de  Ptolémée  Physcon,  il 
rassembla  une  aimée  et  s'empara 
d'Antioche.  Antiochus  Grypus  étant 
venu  l'attaquer,  le  défit  et  reprit  cette 
ville  où  se  trouvait  Cléopâtre,  que 
Try])h<'ené,  sa  sœur,  fit  mourir  de  la 
manière  la  plus  cruelle ,  malgré  son 
mari.  Bientôt  après  Antiochus  IX, 
étant  revenu  avec  une  armée,  battit 
son  frère ,  et  ayant  pris  Tryphaené , 
vengea  sur  elle  la  mort  de  sa  femme. 
Les  deux  frères  se  réconcilièrent  eu- 
suite  ,  et  régnèrent ,  l'un  sur  la  Syrie 
l'autre  sur  la  Cœlésyrie;  mais  ils  re- 
commencèrent bientôt  à  se  faire  la 
guerre.  Il  paraît  que  Ptolémée  La- 


!?6o  ANT 

îbyre,  qui,  bien  que  chasse  tle  l'Ejijypte 
par  sa  mère  ,  avait  conserve  quelque 
puissance ,  donna  des  secours  à  An- 
tiochus  de  Cyzique  ,  et  sa  mère,  par 
haine  pour  kii ,  donna  Sëléné,  sa  fille , 
en  mariage  à  Antiochus  Grypus ,  de 
sorte  que  la  Syrie  >  ainsi  que  les 
pays  voisins  ,  devinrent  le  théâtre  de 
guerres  civiles  ,  dont  plusieurs  villes 
prolitèrent  pour  se  rendre  indépen- 
dantes. Au  milieu  de  tous  ces  troubles, 
Grypus  fut  tue'  l'an  9-]  avant  J.-C, 
par  un  certain  He'racléon ,  qu'il  avait 
élevé'  lui-même  aux  plus  grands  hon- 
neurs. Il  laissa  cinq  fils,  qui  tous 
prétendirent  au  trône ,  savoir  :  Sé- 
leucus  VI ,  Antiochus  XI ,  Philippe , 
Dcmëtrius  III,  et  Antiochus  XII.  An- 
tiochus de  Cyzique  ne  survécut  pas 
long-temps  à  son  frère,  et  ayant  été 
vaincu  par  Séleucus  VI  ,  dans  une 
bataille  décisive  ,  il  se  donna  la  mort , 
l'an  95  avant  J.-C.  Il  ne  laissa  qu'un 
fils  ,  Antiochus  X.  C — r. 

ANTIOCHUS  IX  (PniLOPATOR). 
Voj.  l'article  précédent. 

ANTIOCHUS  X,  qui  prit  les  sur- 
noms û'Eusébès  (  ])icux  ) ,  et  de  Phi- 
lopntor  {aimaiit son  père),  étant  par- 
venu à  s'échapper  d'Antioche  ,  ras- 
sembla une  armée,  et,  pour  venger  la 
mort  de  son  père,  continua  la  giicrre 
contre  Séleucus  VI ,  et  le  défit  dans 
lin  premier  combat  ;  peu  de  temps 
après,  il  épousa  Sélénc,  veuve  d'An- 
tiochus  Grypus  ,  et  Séleucus  VI  étant 
mort ,  il  alla  attaquer  Autiochus  XI 
et  Philippe ,  ses  deux  frères  ,  qu'il 
vainquit.  Il  fut  défait  l'année  suivante 
(9'2  ans  avant  J.-C.  )  par  Philippe  et 
Déraéti-ius  VII ,  qui  avait  succédé  à 
Autiochus  XI  ,  et  il  se  retira  chez  les 
Parthcs.  Son  histoire ,  depuis  cette  épo- 
que, est  extrêmement  obscure;  on  croit 
^u'il  mourut  vers  l'an  7  5  avant  J.-C, 
laissant  deux  fils  ,  Antiochus  XIII  et 
Séleucus  Cybiosactes.  C — r. 


ANT 

ANTIOCHUS  XI ,  surnommé  Epî* 
PHANES  et  Philadelphe,  pril  la  cou- 
ronne avec  Philippe  son  frère,  après 
la  mort  de  Séleucus  VI,  leur  aîné  , 
qu'ils  vengèrent  en  passant  au  fil  de 
l'épée  les  habitants  de  Mopsueste , 
ville  où  il  avait  été  brûlé  vif;  mais  en 
revenant  dans  la  Svrie,  ils  furent  vain- 
cus par  Antiochus  X  ;  et  Antiochus  XI 4 
en  fuyant,  tomba  avec  son  cheval 
dans  l'Orontc,  où  il  se  noya,  l'an  9!!» 
avant  J.-C.  C — r. 

ANTIOCHUS  XII,  surnommé 
DioNYSus  -Epiphanes-Philopator- 
Calumcus ( Bacchus  présent, aimant 
son  père  ,  Victorieux  ) ,  prit  la  cou- 
ronne,  lorsqu'il  sut  que  Démétrius  III, 
son  frère,  était  prisonnier  des  Parthes, 
et  s'empara  de  Damas  et  de  quelques 
pays  voisins.  Il  entrepiit  une  expédi- 
tion conti'c  les  Arabes  qui ,  depuis 
long-temps,  étaient  en  possession  de  ra- 
vager la  Syrie  ;  et  ayant  traversé  la 
Judée,  malgi'é  Alexandre  Jannée,  il  en- 
tra dans  le  pays  des  Arabes,  qu'il  vain- 
quit dans  un  premier  combat  ;  mais  il 
fut  défait  dans  un  second  ,  et  y  perdit 
la  vie,  vers  l'an  85  av.  J.-C.     C — r. 

ANTIOCHUS  (  l'Asiatique  )  , 
XIIP'.  du  nom,  fils  d' Antiochus  X  et 
de  Séléné ,  fut  envoyé,  par  sa  mère,  à 
Rome  avec  son  frère,  pour  réclamer  le 
royaume  d'Égvpfe.  En  revenant ,  il 
}>assa  par  la  Sicile,  où  il  fut  dépouillé 
par  Verres  ,  comme  on  peut  le  voir 
dans  Y  Oraison  de  Cicéroii.  Lucullus 
avant  vaincu  Tigrane  ,  rendit  à  An- 
tiochus une  grande  partie  de  la  Syrie  ; 
mais  Pompée ,  qui  succéda  à  Lucullus, 
l'en  dé}iouilla  l'an  64  av.  J.-C. ,  et  la 
Svrie  devint  une  province  romaine. 
C— R. 

ANTIOCHUS ,  roi  de  Coramagène, 
pays  de  l'Asie  ,  au  pied  du  mont 
Taurus ,  était  probablement  de  la  fa- 
mille des  rois  de  Svrie.  Il  se  réunit  à 
Tigrane .  roi  d'Arménie ,  pour  faire 


ANT 

la  guerre  .lux  Romains,  et  l'abandonna 
après  sa  défaite.  Il  fit  la  paix  avec  Lu- 
cullus  l'an  (jg  av.  J.-G.  Mais  peu  de 
temps  après  ,  il  prit  les  armes  avec  Mi- 
thridale,  et  fut  vaincu  par  Pompée,  qui 
lui  laissa  ses  états ,  et  lui  confia  même 
Séieucie  et  quelques  autres  portions 
de  la  jNIésopotamie.  Aufiochus  ,  par 
reconnaissance  ,  lui  envoya  des  trou- 
pes ,  lorsqu'il  fit  la  guerre  à  César. 
Après  la  mort  de  Pompée,  et  la  dé- 
fjite  de  Cràssus  ,  Antiochus  prit  le 
parti  d'Orodes  ,  roi  des  Partlies  ,  qui 
avait  épou:;é  sa  fille.  11  fal  vaincu  par 
Ventidius  ,  l'un  des  lieutenants  de  M. 
Antoine.  Ce  dernier  étant  survenu  , 
l'assiégea  dans  Samosate  ,  et  lui  ac- 
corda la  paix ,  à  dos  conditions  assez 
douces ,  l'an  56  av.  J.-C.  11  paraît  qu'il 
mourut  peu  de  temps  après  ;  car  il  s'é- 
leva un  procès  entre  Antiochus  et  ]\îi- 
tkridate  ses  deux  fiis,  sans  doute  au 
sujet  de  la  succession  au  trône  ,  dès 
les  commencements  du  règne  d'Au- 
guste. C — R. 

ANTIOCHUS  II,  fils  du  précédent, 
eut  pour  concurrent  au  trône  Mitliri- 
date  son  frère.  Ce  dernier  voulant 
avoir  recours  aux  Romains  pour  faire 
valoir  ses  droits  ,  leur  envoya  un  am- 
bassadeur qu' Antiochus  fit  tuer.  Au- 
guste le  manda  à  Rome,  pour  qu'il  se 
justifiât  de  cet  attentat ,  et  il  le  fit  juger 
par  le  sénat,  qui  le  condamna  à  mort, 
l'an  29  av.  J.-C.  Antiochus  ,  sou  fi's  , 
fut  replacé  sur  le  trône  de  Comnia- 
gène  par  Caligula  qui  le  déposa  eu- 
suite,  et  il  y  fut  remis  par  l'empereur 
Claude.  C — r. 

ANTIOCHUS  ,  d'Ascalon  dans  la 
Palestine ,  fut  disciple  de  Philon  ,  chef 
j  de  la  quatrième  académie.  Lui-même 
en  fonda  une  autre  ,  qui  fut  la  cin- 
quième ,  de  sorte  qu'il  est  souvent  cité 
sous  le  nom  i' Jntiochus  V académi- 
que, il  s'écarta  néanmoins  des  prin- 
cipes de  Carnéades  et  de  son  maître , 


ANT  a6i- 

polir  se  rapprocher  de  la  doctrine  des 
stoïciens.  11  entreprit  même,  dans  un 
livre  adressé  à  Balbus ,  de  concilier  la 
philosophie  d'Aristote  et  celle  de  Xéno- 
crate.  Antiochus  composa  contre  Phi- 
lon ,  son  maître ,  un  autre  livre  in- 
titulé: Sosus.  11  eut  pour  auditeurs  Ci- 
céronet  Lucu'.lus.  Ce  dernier  l'emmena 
en  Asie  pendant  sa  questure.  Gcéron 
vante  la  finesse  de  sou  esprit ,  l'élé- 
gance et  la  facilité   de  sou  discours. 
Plutarque ,  dans  la  Pie  de  Lucuîlus , 
parle  d'un  Traité  d' Antiochus,  sur  lex 
Dieux.  —  Un  autre  Antiochus,  de 
Laodicée,  eu  Phrygie,  philosophe  scep- 
tique de  l'école  d'^Euésidème ,  eut  pour 
disciples Théodas elle  médecin  Meuo- 
dcte.  —  Un  troisième ,  philosophe  cy- 
nique, né  en  Cilicie,  suivit  Sévère  et 
Caracalla  dans  la  g\ierre  contre  les  Par- 
thes.  Il  excitait  les  soldats  au  combat, 
et  les  endurcissait  à  la  fatigue,  par  ses 
leçons  et  par  son  exemple  ;  marchant 
pieds  nus  ,  se  roulant  d ms  la  neige,  li 
déserta  néanmoins  le  parti  des  Ro- 
mains, et  passa  du  côté  des  Parthes; 
mais  ,  à  la  paix,  il  fut  réclamé  par  Ca- 

ANTIOCHUS,  moine  de  Seba  , 
dans  la  Palestine,  vivait  au  commen- 
cement du  -j^.  siècle.  11  est  auteur  des 
Pandectœ  divinœ  scriptiirœ ,  en  cent 
quatre-vingt  dix  homélies  séparées.  1! 
parle,  dans  sa  Préface,  de  la  prise  de 
Jérusalem ,  par  Chosroës ,  roi  de  Per- 
se, et  rapporte  les  cruels  tiaitemenl^ 
qu'éprouvèrent  alors  les  moines  de  la 
Palestine.  H  y  a  joint  un  poème  dans 
lequel  il  déplore  la  perte  de  la  vraie 
croix ,  que  les  Perses  avaient,  dit-on , 
emportée  parmi  leur  butin.  La  restitu- 
tion de  cette  relique  fut ,  dans  la  suite , 
le  sujet  d'un  autre  poème ,  écrit  en  ita- 
lien (  P^oj.  Bracciolini  dell'Api  ). 
On  trouve  le  poème  d' Antiochus,  eu 
grec  et  en  latin,  dans  le  supplément 
de  la  Bibliotheca  Palrum.     D — r . 


•^62  A  N  T 

ANTIPAS.  F.  Antipater  de  l'Idu^ 
mée. 

ANTIPATER,  ami  et  ministre  de 
Philippe  de  Macédoine,  et  de  son  (ils 
Alexandre-le-Grand ,  e'iait  d'une  fa- 
mille illustre,  et  avait  reçu  de  la  na- 
ture les  talents  les  plus  heureux,  qui 
furent  encore  perfectionnés  par  une 
excellente  éducation.  Aristote  fut  son 
ami  et  son  maître,  et  lui  inspira  le 
goîit  des  sciences.  Il  était  aussi  simple 
dans  ses  manières  et  dans  ses  vête- 
ments, que  distingué  par  ses  actions. 
Philippe  réleva  au  rang  de  premier 
ministre,  se  lia  avec  lui  d'une  amitié 
intime,  et  lui  donna,  en  peu  de  mots, 
le  plus  bel  éloge  qu'un  ministre  pût 
recevoir  de  son  souverain  :  «  J'ai  dormi 
»  profondément,  dit-il  un  jour  qu'il 
»  s'était  levé  tard,  parce  qu'Aiitipater 
»  veillait.  »  Après  la  mort  de  Philippe, 
Alexandi'e  voulant  passer  en  Asie  , 
crut  que  personne  ne  pouvait  mieux 
le  remplacer  dans  la  Macédoine,  que 
relui  qui  avait  toujours  joui  de  la  con- 
fiance de  son  père,  et  il  le  nomma  son 
lieutenant  pour  la  Grèce  et  la  Maré- 
doine.  Ce  prince  s'ctant  enfoncé  dans 
l'Asie,  et  Memnon ,  général  des  trou- 
pes grecques,  à  la  suide  du  roi  de 
Perse,  ctanl  parAcnu  i\  soulcAcr  !a 
Thrace,  les  Lacédémonieus  crurent 
l'occasion  favorable  pour  reprendic 
leur  prépondérance  dans  la  Grèce ,  et 
ils  parvinrent  à  armer  tous  les  peu- 
ples du  Péloponnèse.  Antij)ater  ayant 
d'abord  pacifié  la  Thrace ,  se  porta 
promptement  dans  le  Péloponnèse ,  où 
il  déiîtles  Lacédémonieus  et  leurs  alliés, 
et  tua  Agis ,  roi  de  Sparte.  Ces  enneiuis 
extérieurs  n'étaient  pas  les  seuls  qu'il 
eût  à  combattre.  La  mère  d'Alexandre, 
«t  Cléopàtre  ,  sœur  de  ce  prince, 
étaient  sans  cesse  en  (jnerelle;  et  Oiym- 
pias  portait,  à  chacpie  instant,  des 
])laintesconlre  Antipater,  à  Alexandre, 
qui,  pour  y  mettre  lin.  le  manda  en 


ANT 

Asie,  en  envoyant  Cratère  pour  com- 
mander à  sa  place  dans  la  Macédoine. 
Ce  prince  étant  mort  avant  quece  chan- 
gement fût  fait,  on  laissa  à  Antipater  la 
Macédoine  et  la  Grèce,  dans  le  par- 
tage qui  se  fit  à  la  suite  de  cette  mort, 
et  on  le  nomma  tuteur  de  l'enfant  dont 
Roxane  était  enceinte.  Bientôt  après , 
il  eut  à  soutenir  les  efforts  de  toute  la 
Grèce,  confédérée  pour  recouvrer  sa 
liberté.  Il  fut  vaincu  d'abord ,  et  obligé 
de  se  renfermer  dans  Lamia;  mais 
Léonnatus  et  Cratère  étant  venus  à  son 
secours ,  les  Grecs  se  soumirent  de 
nouveau.  Cette  guerre  fut  suivie  d'une 
autre  contre  Perdicas.  Antipater  passa 
en  Asie;  mais  Perdicas  ayant  été  tué 
en  Egyptv",  Autipaterchargea  Antigone 
du  reste  de  la  guerre,  et  revint  en  Ma- 
cédoine, où  il  mourut  très-âgé,  l'an 
5 1 7  avant  J.-C.  On  l'a  accusé ,  sans 
vraisemblance,  d'avoir  fait  empoison- 
ner Alexandre.  Avant  de  mourir,  il 
confia  la  tutelle  du  jeune  roi  à  Polysper- 
chon,  et  non  à  Cassandrc,  son  fils. 
C— R. 
ANTIPATER  et  ALEXANDRE, 
fils  de  Cassandre  et  de  Thessalonice, 
se  disputèrent  le  trône  de  Macédoine, 
après  la  moit  de  Philippe,  leur  frère 
aine.  Antipater,  crovant  que  sa  mère 
favorisait  les  prétentions  d'Alexandre, 
la  fit  mourir,  ce  qui  indigna  les  Ma- 
cédoniens contre  lui;  mais,  comme  il 
avait  épousé  Eurydice ,  l'une  des  filles 
de  Lysimaque,  Alexandre  sévit  oblige 
d'avoir  recours  à  Pyrrhus,  qui  rétablit 
la  paix  entre  les  deux  frères.  Bientôt 
après,  Alexandre  ayant  été  tué  par 
Di'uiétrius,  Antipater  fut  chassé  de  ses 
ét.ils,  et  se  réfugia  auprès  de  Lysima- 
que, son  beau-père,  qui,  ayant  fait 
([iielqucs  tentatives  pour  le  rétablir 
sur  le  trône,  finit  par  l'abandonner; 
et  comme  Antipater  l'accusait  de  l'a- 
\o'n'  trahi,  il  le  fit  mourir,  vers  W\\ 
'M)i  avant  J.-C.  G— u. 


ANT 

ANTIPATER,  dont  le  premier 
nom  e'tait  Antipas  ,  de  l'une  des 
]Hincipales  familles  de  l'Idiimcc,  fut 
gouverneur  de  cette  province ,  sous 
le  règne  d'Alexandre  Janne'e  et  d'A- 
loxandra ,  sa  veuve.  Son  attachement 
pour  Hyrcan  le  fit  tomber  dans  la 
disgrâce,  lorsqu'Aristobule eut  usurpé 
r;iutoritéj  et  il  décida  Hyrcan  à  aller 
se  mettre  sous  la  protection  d'Arétas , 
roi  des  Arabes,  qui  fit  une  tentative 
iiuitile  pour  le  rétablir  sur  le  trône.  11 
.s'adressa  alors  à  Pompée  ,  et  ce  fut 
aux  soins  du  général  romain  qu'Hyr- 
can  dut  son  rétablissement  ;  comme 
c'était  un  homme  très-faible,  Antipa- 
!cr  jouissait  de  toute  l'autorité,  sous 
son  nom.  Lorsque  César  se  vit  assiégé 
])ar  le  peuple  d'Alexandrie ,  Antipater 
conduisit  lui-même  des  troupes  à  sou 
secours,  et  montra  beaucoup  de  bra- 
voure dans  les  divei  s  combats  qui  se 
livrèrent;  il  défendit  ensuite  Hyrcan 
contre  les  accusations  d'Aristobule , 
devant  César,  qui  le  nomma  procura- 
teur de  la  Judée ,  sous  les  ordres 
d'Hyrcan.  II  rétablit  la  tranquillité 
dans  ce  pays,  et  l'y  maintint,  au  mi- 
lieu des  troubles  et  des  guerres  civiles 
qui  déchiraient  l'empire  romain.  Il 
mourut  l'an  49  avant  J.-C,  cmjx)i- 
.soiiné  par  Malichus,  à  qui  il  avait  sauvé 
la  vie,  et  qui,  après  avoir  été  du  même 
parti  que  lui,  devint  jaloux  du  crédit 
dont  il  jouissait  auprès  d'Hyrcan.  Au- 
tij)ater  laissa  quatre  fils,  dont  Hérode 
est  le  plus  célèbre.  C — b. 

ANTIPATER  (L.îiuus  Cjelius), 
historien  romain ,  vivait  du  temps  des 
Gracques  ,  et  composa  une  Histoire 
(Je  la  seconde  guerre  punique  dont 
Urutus  fit  im  Abrégé,  selon  le  témoi- 
gnage de  Cicéron ,  qui  parle  souvent 
d'Antipater.  L'empereur  Adrien  pré- 
férait Antipater  à  Sallustc,  probable- 
ment par  la  raison  qui  lui  faisait  pré- 
ferer  Eunius  à  Virgile ,  et  paixc  qu'il 


ANT 


■i65 


avait  un  goût  assez  bizarre  pour  le 
vieux  langage.  Riccoboni  a  pubUé,  en 
i568,  des  Fragments  d'Antipater,  qui 
lurent  réimprimés ,  avec  des  Frag- 
ments de  plusieurs  autres  historiens  , 
par  Antoine- Augustin,  à  Anvers,  en 
1  SgS  ;  et  eiifin  par  Ânsonius  Papona; 
et  cette  dernière  collection  ,  qui  est  la 
plus  ample,  se  trouve  à  la  suite  da 
Salluste  ,  dans  plusieurs  éditions;  ' 
entre  autres,  dans  celle  donnée  par 
Havercamp,  Amsterdam,  1742,  2 
vol.  in-4°.  D — T. 

ANTIPATER,  de  Tarse,  philoso- 
phe stoïcien,  fut  disciple  de  Diogènc- 
le-Babylonien.  Quelques-uns  le  font 
naître  à  Sidon  ,  ou ,  plutôt ,  le  con- 
iondent  avec  un  Antipater,  originaire 
de  cette  ville  (  F.  l'article  suivant).  Le 
citoyen  de  Tarse  eut,  avec  Carnéade, 
dos  démêlés  très-vifs,  qu'il  consigna 
dans  ses  écrits ,  ce  qui  lui  fit  donner 
le  surnom  dcKaXaacgoâ;  {sljlo  cla- 
mosus  ).  Il  composa  deux  Livres  de 
la  divination  ,  et  un  autre  sur  les  dis- 
sensions entre  Cléanthis  et  Chrysippc. 
Sénèque  nous  a  conservé  plusieurs  de 
ses  sophismes.  D'  L. 

ANTIPATER,  de  Sidon  ,  est 
principalement  connu  par  une  par- 
ticularité consignée  dans  Pline  et  dans 
Valère  Maxime.  Tous  les  ans  ,  le 
jour  de  sa  naissance ,  il  avait  une  fiè- 
vre éphémère ,  et  ce  jour  fut  aussi  ce- 
lui de  sa  mort.  Cicéron  vante  sa  pro- 
digieuse facilité  à  faire  des  vers  ,  et  il 
nous  reste  plusieurs  épigrammes  de 
lui  dans  ['Anthologie.  —  Outre  ces 
deux  philosophes  ,  il  y  eut  encore 
Antipater  ,  de  Cyrène ,  disciple  d'A- 
ristippe ,  et  deux  Antipater  ,  de  Tyr , 
l'un ,  contemporain  de  Carnéade  et  vi- 
vant à  Athènes  ;  l'autre ,  stoïcien ,  corn  - 
mensal  de  Caton  d'Utique.      D.  L. 

ANTIPHANES.  Suidas,  Athénée, 
Strabon  ,  Etienne  de  Byzance ,  citent 
plusieurs  poètes  de  ce  nom,  q^iiitous 


264  A  N  T 

se  sont  exerces  dans  le  genre  comi- 
que, et  dont  le  plus  célèbre  est  Aiiti- 
phanes,  de  Rhodes,  ou  selon  quelques 
autres  ,  de  Cariste  ou  de  Srnyrne.  Il 
appartient  à  la  moAenne  comédie,  et 
fut  contemporain  d'Alexandre.  Ce 
prince  grûtait  peu,  dit-on,  les  coroe'- 
dies  d'Autipbanes  ,  qui,  pique' de'cette 
indifférence ,  lui  dit  un  jour  :  «  Prince, 
»  pour  goûter  ces  sortes  de  pièces , 
»  il  faudrait  être  plus  familiarisé  que 
»  vous  ne  l'êtes  avec  la  nature  des 
V  sujets  et  le  lieu  de  la  scène.  »  Or, 
il  faut  savoir  que  les  pièces  en  ques- 
tion ne  peignaient  guère  que  des  mœurs 
excessivement  dépravées  ;  ce  qui  n'em- 
pêcha point  ce  poète  de  remporter  le 
juix  treize  fois.  11  avait  composé  trois 
cent  soixante-cinq,  ou  tout  au  moins, 
deux  cent  quatre-vingt  comédies ,  dont 
Fabricius  nous  a  donné  le  Catalogue  , 
d'après  Herléliiis  ,  Koënig,  Vossius 
et  Meursius ,  qui  font  souvent  men- 
tion de  ces  pièces  d'Anliphaues;  et 
Gronovius  en  a  recueilli  ,  dans  ses 
Excerpla  Comiconnn ,  les  fiagments 
rapportés  par  Athénée  et  quelques  au- 
tres. Le  savant  K^ppiers  a  donné  un 
travail  inlîniment  j^récieux  sur  ces 
mêmes  fragments  ,  dans  ses  obserAa- 
tions  philologiques  sur  quelques  pas- 
sages d'Antiphanes,  deThéocrite,  etc. 
(Leyde  ,  in-8".,  1771).  Ce  poète,  au 
surplus,  a  souvent  été  confondu  avec 
d'autres  auteurs  comiques  du  même 
nom  ,  et  même  avec  quelques  autres , 
dont  les  noms  avaient  été  défigurés. 
Ces  erreurs  ,  qui  ne  sont  que  troji  fré- 
quentes dans  les  textes  primitifs  ,  ont 
souvent  multiplié ,  sans  raison ,  les 
articles  biographiques  ,  et  fait  d'un 
seul  et  même  auteur  plusieurs  per- 
sonnages différents.  —  Pausanias 
parle  d'un  célèbre  statuaire  d'Argos, 
nommé  Antiphaises  ;  et  Clément  d'A- 
lexandrie ,  d'un  médecin  non  moins 
fameux,  qui  soutenait  que  la  variété 


ANT 

des  mets  est  la  cause  principale  des 
maladies.  —  Etienne  de  Byzance  cite 
un  Antiphane,  poète  comique  de 
Berge ,  dans  la  Thrace ,  qui  écrivit  des 
choses  si  incroyables,  que  l'on  appelait 
Berg;aiseurs  ceux  qui  débitaient  des 
contes.  A — D — r 

ANTIPHANES,  sculpteur.  Fojez 
Cléon. 

ANTIPHÎLE  ,  peintre  ,  contem- 
porain et  rival  d'Apelles,  naqi:it  en 
Egypte  et  fut  élève  de  Ctésidême.  Il 
se  distinguait  par  sa  grande  facilité. 
Un  de  ses  plus  beaux  ouvrages  repré- 
sentait un  enfant  occupé  à  souffler  le 
feu  ;  on  croyait  voir  la  lumière  s'.ic- 
croître  et  se  ré[)audre  dans  la  pièce  ou 
il  se  trouvait.  On  estimait  encore  da- 
vantage un  satvre  couvert  d'une  peau 
de  panthère.  Pline  cite  un  giand  nom- 
bre de  tableaux  peints  par  cet  artiste, 
et  indique  les  lieux  où  ils  se  vovaient. 
Antiphile  avait  inventé  aussi  une  figure 
grtitcsquc  qu'il  avait  nommée  Gryllits, 
nom  qui  resta  depuis  à  ces  espèces 
de  caricatures.  Lorsqu'Apelles  vint  à 
la  cour  de  Ptolémée,  au  service  du- 
quel Antiphile  était  attaché  ,  celui-ci. 
entraîné  par  luie  basse  jalousie ,  cher- 
cha tous  les  moyens  de  perdre  son  ri- 
val, et  finit  par  le  faire  passer  pour 
complice  d'une  conjuration  tramée 
contre  le  roi  d'Egypte.  Apelles ,  dé- 
claré coupable  ,  fut  chaigé  de  chaînes 
et  pensa  perdre  la  vie;  mais  un  des 
conjurés  ,  indigné  de  cette  injustice , 
démontra  la  fausseté  de  l'accusation  , 
et  Antiphile  fut  à  son  toiu"  jeté  dans  les 
fers  pour  le  reste  de  ses  jours.  —  Pau- 
sanias parle  d'un  statuaire  du  même 
nom  dont  on  voynit  phisieurs  ouvra- 
ges ,  à  Olympie ,  dans  le  lieu  appelé 
le  Trésor.  L — S — e. 

ANTIPHON  ,  né  à  Rhamnus  ,  en 
Attique ,  et  appelé  de  là  Rhamnusien, 
florissait  /|5o  ans  avant  J.-C.  ,  eut 
pom'  maître  SopbiKis,  son  père,  et 


ANT 

devint  si  célèbre  par  son  éloquence , 
que  le  peuple  se  défiait  de  ses  dis- 
cours ,  ce  qui  reiiipêcha  souvent  de 
pari.^'  en  public.  Il  ornait  une  e'cole  de 
rliétoiiqae  à  AtLènes,  et  enseigna  cet 
ait  à  Thucydide  qui,  dans  son  His- 
toire, parle  de  lui  comme  d'un  ora- 
trur  recommaiidcible.  Selon  Quinti- 
lieu ,  Autiphon  fut  le  premier  qui 
ccrivit  des  pré  'cptes  sur  l'art  oratoire, 
et  Aramien  MarccJlin  dit  qu'il  intr  dui- 
sit  la  coutume  de  plaider  pour  de  l'ar- 
gent. Piutarque  donne  à  Antiphon 
autant  d'èioges  que  Thucydide  :  il  le 
représente  comme  un  orateur  énergi- 
que et  persuasif,  d'une  imagination  fer- 
tile ,  et  adroit  à  ménager  les  passions 
et  les  préjugés  de  ses  auditeurs.  Pla- 
ton ,  au  contraire  ,  dans  son  Menexè- 
ne,  le  traite  avec  mépris  ,  et  s'appuie 
sur  l'autorité  de  Socratc  ;  mais  il  faut 
observer  que  Socrate  Ait  souvent  atta- 
qué et  insulté  par  les  sophistes,  parti- 
culièrement parAntiphon.il  contribua 
puissamment  à  faire  abolir  la  démocra- 
tie et  à  introduire  dans  Athènes  la  tyran- 
nie des  Quatre-Cents, l'an  4i'-iav.J.-C. 
La  division  s'étant  mise  ,  peu  de  temps 
après  ,  entre  ces  nombreux  gouver- 
nants dont  il  faisait  partie,  au  sujet 
d'Alcibiade,  que  les  uns  voulaient  rap- 
peler, tandis  que  d'autres  s'y  oppo- 
saient, Antiphon,  qui  dirigeait  ce  der- 
nier parti  ,  alla ,  avec  neuf  autres 
Athéniens,  en  ambassade  à  Lacédé- 
moue ,  pour  obtenir  la  paix ,  à  quelque 
condition  que  ce  fût  ;  mais  il  ne  put 
réussir.  La  tyrannie  des  Quatre-Cents 
ayant  fait  place  à  une  forme  de  gou- 
vernement plus  populaire ,  Alcibiade 
fut  rappelé  ,  et  Antiphon  mis  en  accu- 
sation au  sujet  de  son  ambassade.  Cefut 
dans  cette  circonstance  qu'il  prononça , 
pour  sa  défense ,  le  beau  discours  que 
rappelle  Cicéron  (  in  Brut.,  n".  47), 
et  que  Thucydide,  qui  l'avait  enten- 
du, cite  également  avec  éloge,  ce  qui 


ANT  265 

n'empêcha  pas  qu'il  ne  fût  condamné 
à  mort,  comme  traître  à  la  patrie.  H 
fut  défendu  de  lui  donner  la  sépulture  ; 
sa  postérité  fut  déclarée  infâme,  et  sa 
maison  fut  rasée.  Il  existait  de  cet  ora- 
teur soixante  Discours  ou  Déclama- 
tions ,  dont  Cœcilius  le  rhétoricien  as- 
surait que  vingt-cinq  étaient  supposée?, 
11  n'en  reste  maintenant  que  seize.  Ce 
sont  des  accusations  de  meurtre  ou  des 
défenses  contre  des  accusations  sem- 
blables. Quelques  auteurs  ont  douté 
que  ces  discours  fussent  à'Antiphon  ; 
mais  Fabricius  et  d'autres  grands  cri- 
tiques l'en  regardent  comme  l'auteur. 
Ils  font  partie  de  la  Collection  des 
Auteurs  grecs  de  Rtiske,  et  se  trou- 
vent .  dans  le  septième  volume  ,  ac- 
compagnés de  notes  philologiques , 
et  suivis  d'une  dissertation  de  Yan 
Spaan  ,  et  des  notes  de  Hanpimann 
etdeTaylor.  Ils  entêté  publiés  éga- 
lement avec  des  Discours  d'Eschy- 
le, Lysias,  etc.,  par  Aide  ,  in-fol.,  à 
Rome,  en  i5i3,  par  Henri-Etienne, 
en  15^5,  et  in-8 ". ,  par  Miuiatus,  à 
Hanau ,  en  1619.  K. 

A^TIQUARI■0  (  Jacques  \  de  Pé- 
rouse,  ainsi  appelé  de  son  nom  de  fa- 
mille, et  non,  comme  quelques-uns  l'ont 
cru,  à  cause  du  goût  qu'il  put  avoir  pour 
les  antiquités ,  fleurit  sur  la  lin  du  1 5'. 
siècle,  et  au  commencement  du  16". 
Après  avoir  rempli ,  dans  sa  jeunesse, 
la  place  de  secrétaire  auprès  du  cardi- 
nal Savelli,  légat  à  Bologne,  il  fut  appelé 
par  le  duc  de  INÏilan  ,  Jean  Galéas 
Sforce,  pour  occuper  le  même  emploi 
auprès  de  lui.  Ce  duc  l'employa  dans 
les  affaires  les  plus  importantes,  et 
lui  accorda  les  droits  de  cité  à  Milan 
et  à  Pavie.  Louis  Sforce,  surnommé 
le  Maure ,  lui  conserva  sa  place.  Il 
resta  à  Milan  après  que  les  Français 
en  eurent  fait  la  conquête ,  et  il  pa- 
raît qu'il  se  déclara  entièrement  pour 
eux.  Ou  le  voit  par  un  discours  qu'il 


tîuô  A  N  T 

prononça  au  nom  du  peuple  de  Milan, 
dans  une  occasion  solennel'e  ,  et  qui 
fut  imprime  sons  ce  titre:  Oralio  Ja- 
cohi  --Inliquarii  pro  populo  AJedio- 
laneiisi,  in  die  tt'iiimphi  Ludovici 
Galliariimrcgis  et  Mediolani  diicis 
de  fraclis  P^enetis,  Milan,  juin  1 5og, 
iu-4  ".  11  était  prêtre  ,  et  obtint  de 
riches  bénéfices  du  pape  Alexandre  Y I. 
Jl  se  distingua  par  une  grande  régu- 
larité' de  mœurs,  par  son  savoir,  et 
par  l'appui  qu'il  prêta  en  toute  oc- 
casion aux  gens  de  lettres.  Ils  l'en  ré- 
compensèrent par  leurs  éloges, et  par 
Ja  dédicace  qu'ils  lui  firent  d'un  grand 
nombre  de  leurs  ouvrages.  II  passa  le 
reste  de  ses  jours  à  Milan,  où  il  mou- 
rut, en  1 5 12.  On  a  recueilli,  en  uu 
volume,  ses  J^ettres  latines  ,  qui  ont 
é;c  inipriiuccs  à  Perouse  ,  iSig, 
in- 4°.  On  en  trouve  aussi  plusieurs 
parmi  celles  d'Ange  Politien ,  et  dans 
d'autres  recueils.  C'est  un  auteur  peu 
coiuiu ,  mais  un  perjounagc  important 
dans  l'histoire  littéraire  de  son  temps. 
G—É. 
ANTIQUUS  (Jean^  peintre,  né 
à  Groningue,le  i  i  octobre  j  70-^  ,  lut 
d'abord  oblige'  de  peindre  sur  verre. 
A  l'à-^e  de  23  ans ,  il  prit  le  parti  de 
s'embarquer  pour  aller  à  Paris  ;  mais 
il  fut  forcé  de  revenir  à  Amsterdam.  11 
ent.  de  nouveau  l'intention  de  vovager 
lUiilg.e  tous  les  obstacles  que  sou  in- 
digence apportait  à  ce  dessein.  11  allait 
partir  pour  l'Angleterre  avec  son  frère 
Lambert  ,  peintre  de  (laysage,  lors- 
qu'ils trouvèrent  un  vaissear.  qui  faisait 
Tuile  pour  Gênes  ,  et  ils  s'embar- 
quèrent. Jean  Antiquus  fit  en  route  le 
porlraitdu  capitaine,  qui  fut  trouve  si 
ïessemblayt  qu'on  ne  voulut  rien  re- 
cevoir des  deux  artistes  pour  leur  pas- 
.<>age.  Arrives  à  Gènes  ,  les  portraits 
lurent  encore  leur  ressource  ;  et,  après 
»:inq  mois  de  séjour,  ils  se  rendirent 
à  Florence  çt  k  htyQurnq .  f,"  craud- 


ANT 

duc  fit  une  pension  à  Jean  Antiquus; 
et  ce  peintre  ayant  été  de  plus  admis 
à  l'académie  de  Florence ,  exécuta , 
pour  sou  morceau  de  réception  ,  une 
vaste  comjiosition  ,  représentant  la 
Chute  des  Géants.  ïl  fit  ensuite  une 
coj)ie  du  Martyre  de  S.  Etie?me,\)av 
le  Cigoli  ,  et  la  vendit  100  ducats. 
Pendant  un  séjour  de  six  années  à 
Florence,  il  fit  quatre  voyages  à  Rome. 
Dans  l'un  ,  il  reçut  l'accueil  le  plus 
obligeant  et  des  marques  de  faveur  du 
pape  lîenoît  XIII.  Les  artistes  lui  té- 
moignèrent aussi  beaucoup  d'estime; 
et  lorsqu'il  alla  voir  Naples  ,  Soli- 
mèue  ,  alors  à  la  tête  de  l'école  do 
cette  ville,  lui  oH'rit  sa  maison.  De  re- 
tour à  Rome  ,  il  était  occupé  à  y  faire 
quelques  tableaux,  lorsqu'il  apprit  que 
le  grand-duc ,  son  protecteur  ,  était 
dangereusement  malade.  Il  courut  à 
Florence;  mais  il  n'arriva  que  pour 
joindre  ses  regrets  à  la  douleur  pu- 
blique :  le  |)rincc  venait  de  mourir. 
Après  avoir  séjourné  dans  les  princi- 
pales villes  «l'Italie,  et  avoir  travaillé 
à  Venise,  pour  le  fameux  général  Schul- 
lembouig  ,  Antiquus  retourna  dans  sa 
patrie.  Le  long  séj<uir  qu'il  avait  fait 
en  Italie,  avait  donné  à  ses  compa- 
triotes une  opiniou  avantageuse  de  ses 
talents  ;  il  la  soutint  par  de  beaux 
portraits  et  des  tableaux  d'histoire.  Le 
prince  d'Orange  lui  fit  alors  une  pen- 
sion ,  et  le  fixa  à  Breda.  Aussi  labo- 
borieux  qu'habile,  Anfiquus  fit  plu- 
.sicius  grands  ouvrages ,  et  entre  autres 
deux  plafonds.  Il  mourut,  en  1750, 
âgé  de  quarante-six  ans.  Descamps , 
qui  a  fourni  ces  détails ,  ajoute  que  ce 
peintre  était  bon  dessiu;iteur,  peintre 
facile,  bon  coloriste, et  qu'il  avait  puisé 
un  goût  sage  dans  l'école  'le  Rome.  La 
Fiance  ne  possédant  aucun  ouvrage 
d'Antiquus,  on  doit  ici  s'en  rapporter 
à  l'autorité,  d'ailleurs  recornm.indabic,. 
de  Desciuups,  D— 'iv 


A  N  T 

ANTISTHÈNES,filscl'iineferame 
thrace  ou  phrygienne,  et  d'un  père  du 
même  nom  que  lui,  naquit  à  Athènes  , 
vers  la  seconde  année  de  la  89''.  olym- 
piade. Dans  sa  jeunesse,  il  reçut  des 
leçons  du  sophiste  Gorgias,  et  suivit 
pendant  quelque  temps  la  profession  de 
rhéteur  ;  mais ,  ayant  entendu  Socrate , 
il  abandonna  bientôt  les  vams  orne- 
ments de  l'éloquence,  pour  se  livrer 
tout  entier  à  l'étude  de  la  philosophie. 
Chaque  jour ,  il  faisait  un  trajet  de  4o 
stades  ,  pour  se  rendre ,  du  Pirée ,  lieu 
de  sa  résidence,  auprès  du  fils  de  So- 
phronisque.  Ce  fut  dans  les  principes 
Je  ce  philosophe  qu'il  puisa  cet  en- 
thousiasme pour  la  vertu,  cette  haine 
vigoureuse  du  vice,  qui,  portés  au-delà 
des  justes  bornes,  si  toutefois  de  tels 
sentiments  peuvent  être  trop  forte- 
ment prononcés,  firent,  du  disciple  d'un 
gage,  le  fondateur  de  la  secte  cynique. 
Socrate,  ennemi  des  sophistes ,  et  dé- 
daignant l'esprit  systématique,  ne  s'é- 
tait attaché  qu'à  la  connaissance  du 
cœur  humain,  qu'au  moyen  de  reiidre 
l'homme  meilleur. Platon,  s'emparant 
des  préceptes  du  maître  ,  les  revêtit 
des  charmes  de  l'éloquence,  desbiil- 
lantcs  spéculations  d'une  métaphy- 
sique élevée.  Il  ennoblit  l'étude  de 
l'homme,  mais  parla  plus  souvent  à 
l'esprit  qu'au  cœur.  Antisthènes,  ins- 
truit par  Socrate  que  le  bonheur 
consiste  dans  la  vertu ,  fit  consister 
cette  vcriii  dans  le  mépris  des  ri- 
chesses, des  grandeurs,  des  sciences, 
de  la  volupté.  11  voulut,  comme  ou  l'a 
dit  ingénieusement ,  réduire  l'esprit  et 
le  corps  au  strict  nécessaire.  Il  revê- 
tit le  fameux,  paihum,  et  parut  en  pu- 
blic, la  besace  sur  l'épau'e,  un  bâton 
à  la  main.  Cette  affectation  n'échappa 
point  à  Socrate.  «Je  vois,  lui  disait-il, 
»  ton  orgueil  à  travers  les  trous  de  ton 
»  manteau.  »  Cependant  il  faut  êlre 
j      juste^siDiogcue^parlaiéniictédcsau 


A  N  T  'iG-f 

ame,  parla  vivacité  de  son  esprit,  par 
l'originahté  de  ses  expressions,  sur- 
passa de  beaucoup  les  philosophes  cy- 
niques qui  lui  succédèrent,  Antisthènes 
sut  mettre  plus  de  dignité  dans  sa  con- 
duite :  il  fut  constamment  un  citoyen 
vertueux.  Le  premier,  il  osa  poursuivre 
les  deux  accusateurs  de  Socrate,  et  fut 
la  cause  de  l'exil  de  l'un ,  et  de  la  mort 
de  l'autre  ;  fnit  que  néanmoins  l'abbé 
Barthélemi  a  révoqué  en  doute.  Il  était 
d'un  commerce  agréable ,  et  Xénophou 
fait  son  éloge  dans  .son  B anquet.  Aptes 
la  moit  de  Socrate,  il  .s'établit  dans 
leCynosarge,  gymnase  d'Athènes;  et- 
l'on  a  prétendu  que  ce  fut  du  nom  de 
ce  lieu  que  vint  celui  de  sa  secte.  Les 
apophthegraes  d'Antislhènes  sont  con- 
nus de  tout  le  monde.  Il  avait  écrit  un 
grand  nombre  d'ouvrages  ,  dont  on 
peut  voir  la  liste  dans  Diogène  Laërce. 
Il  nous  reste  ,  sous  son  nom  ,  •  des 
lettres  ,  imprimées  avec  celles  des 
autres  Socratiques,  et  deux  Déclama- 
tions, l'une  d'Ajax  ,  l'autre  d'Ulysse, 
que  l'on  trouve  dans  les  Orateurs 
grecs,  d'Henri  Estieune  ;mais  les  pre- 
mières sont  évidemment  supposées; 
et .  quant  aux  déclamations  ,  il  est  fort 
douteux  qu'elles  soient  authentiques. 
Au  lit  de  la  mort  ,  comme  il  souffrait 
beaucoup  :  a  Qui  me  délivrera  de  mes 
»  maux,  s'écria-t-il  ?  —  Ce  fer,  lui 
»  dit  Diogène  ,  en  lui  présentant  un 
»  poignard.  —  C'est  de  mes  maux,  et 
»  non  de  la  vie ,  que  je  voudrais  me 
»  délivrer  ,  répartit  Antisthènes.  »  On 
ignore  l'époque  précise  de  sa  mort.  Il 
fut  le  maître  du  célèbre  Diogène.  D.  L. 
ANTOINE  (Mauc)  ,  appelé  I'Ora- 
TEUR,  se  fit  un  nom  dans  sa  jeunesse, 
par  des  accusations ,  qui  souvent  sont 
im  devoir  dans  les  républiques.  Il  sa- 
vait aussi  défendre  les  accusés  avec 
un  grand  zèle.  Dans  la  cause  qu'il 
plaida  pour  Aguillius ,  il  poussa  si 
iuiu  le  pathétique  y  en  pleufant  Uu- 


2G8 


ANÏ 


nièrae  ,  et  en  découvrant  la  poitrine 
de  son  client ,  couverte  de  cicatrices , 
qu'il  triompha  de  ses  juges.  L'action 
dont  il  accompagnait  son  débit  était 
d'une  vigueur  extraordinaire.  Il  ne 
passait  pas  pour  avoir  de  l'érudition  , 
et  ne  mettait  pas  au  jour  ses  plai- 
doyers ,  ne  voulant  pas  qu'on  pût  lui 
0|iposer ,  dans  une  affaire ,  ce  qu'il 
avait  dit  dans  une  autre.  11  fut  honoré 
du  consulat  et  de  la  censure,  et  gou- 
verna la  (ilicie  en  qualité  de  procon- 
sul. Cicéron  dit  qu'il  le  regardait  comme 
Ff'gal  des  hommes  les  plus  éloquents 
de  la  Grèce.  Proscrit  par  Marins ,  il 
fut  mis  à  mort  l'an  de  Rome  G67  ,  et 
l'on  vit  sa  tète  attachée  à  la  tribune  où 
il  avait  défendu  courageusement  la  ré- 
publique, et  qu'il  avait,  pendant  sa 
censure,  ornée  des  dépouilles  des  vain- 
cus. Il  était  l'aieul  de  Marc  Antoine  le 
triumvir.  Q — R — y. 

ANTOINE  (  Marc  ) ,  fils  de  Marc 
Antoine,  l'orateur,  et  père  du  trium- 
vir de  ce  nom,  était  préteur,  l'an  de 
Rome  6-().  Il  obtint  par  la  faction  de 
Céthégus  ,  et  par  le  crédit  du  consul 
Cotta ,  un  commandement  illimité  sur 
toutes  les  côtes  ;  et  fit  eu  Cilicie  une 
expédition  assez  heureuse  contre  les 
pirates  ;  mais  il  se  déshonora  en  Si- 
cile ,  jjar  ses  exactions  et  ses  rapines. 
Cicéron  reproche  à  Verres  de  justifier 
ses  brigandages  par  l'exemple  d'An- 
toine. Ce  dernier  porta  la  guerre  en 
d'été  ,  ce  qui  lui  fit  donner  le  surnom 
de  C rétique  ;  il  la  fit  sans  succès  et 
V  pé.nt.  Q — R — Y. 

ANTOINE  (Marc),  le  triumvir, 
était  petit-fils  et  fils  des  précédents.  Il 
avait  pour  mère  Julia ,  de  la  famille  de 
César,  et  femme  d'un  mérite  distingué; 
il  naquit  l'an  86  av.  J.-C. ,  et  fut  élevé 
sous  la  direction  de  sa  mère.  Jeune  en- 
core, il  devint  ami  intime  de  Curion  , 
qui  lui  donna  des  leçons  de  débauche 
que  Marc  Antoine  jte  rei;ul  qu'avec 


ANT 

trop  d'avidité ,  et  lui  fit  contracter  des 
dettes  nombreuses.  Il  se  lia  ensuite 
avec  Clodius  ,  autre  libertin  fameux  ; 
mais  alarme  de  la  témérité  de  sa  con- 
duite ,  il  alla  en  Grèce,  où  il  étudia 
l'éloquence  et  l'art  militaire.  Tandis 
qu'il  était  en  ce  pays ,  le  consul  Gabi- 
nius  le  pressa  de  faire  avec  lui  une 
campagne  en  Syrie,  et  lui  donna  un 
corps  de  cavalerie  à  commander.  An- 
toine déploya  beaucoup  de  courage  et 
d'activité  ,  particulièrement  contre 
AristoLule,  chef  des  juifs,  qui  ten- 
taient de  secouer  le  joug  de  Rome. 
Antoine  accompagna  ensuite  Gabinius 
dans  une  expédition  en  Egypte  ,  dont 
le  but  était  de  rétablir  Ptolémée  sur  le 
trône,  et  là  encore,  il  se  signala,  en 
se  frayant  une  route  à  travers  les  ma- 
rais, et  en  s'emparanl  de  Peinse;  en- 
suite il  montra  son  humanité  en  em- 
pêchant Ptolémée  de  mettre  à  mort 
les  habitants  de  cette  ville.  Il  se  ren- 
dit très  -  agréable  aux  soldats  ,  en  af- 
fectant des  mœurs  grossières,  ainsi 
que  par  une  libéralité  excessive  ,  et 
beaucoup  d'indulgence  et  de  familia- 
rité envers  eux.  De  retour  à  Rome,  il 
s'unit  à  Curion  ,  et  soutint  comme  lui , 
avec  chaleur  ,  le  parti  de  César.  Leur 
protection  le  fit  créer  auguie  et  tii- 
bun  du  peuple.  Il  se  rendit  si  odieux 
au  sénat ,  par  quelques  propositions 
hardies  ,  qu'il  jugea  convenable  de 
quitter  secrètement  Rome  avec  Cu- 
rion et  Cassius  Longinus  ,  déguises 
comme  lui  en  esclaves ,  et  de  chercher 
un  asvle  dans  le  camp  de  César  :  cette 
démarche  fut  une  des  causes ,  ou,  pour 
mieux  dire ,  des  prétextes  de  la  guerre 
civile.  Dans  les  troubles  qui  suivirent , 
Autoine  fut  nommé,  par  César  ,  com- 
mandant suprême  en  Itahe;  il  s'y  ren- 
dit plus  agréable  aux  soldats  qu'au 
peuple  ,  dont  il  ne  songeait  guère  à 
venger  les  outrages.  César  lui  ayant 
donné  ordre  de  le  venir  trouver  avec 


ÂNT 

SCS  troupes  en  Macédoine ,  il  le  re- 
joi|];nit  devant  Dvrrachium  ,  avec  un 
puissant  secours.  Après  avoir  échappé 
aux  amiraux  de  Pompée ,  il  commanda 
Faile  gauche  à  la  bataille  de  Pharsale, 
et,  après  la  victoire,  revint  à  Rome, 
avec  le  titre  de  général  de  la  cavalerie, 
et  de  gouverneur  de  l'Italie.  Il  eut  une 
querelle  avec  Dolabella ,  tribun  du 
peuple,  et  combattit  son  parli  au  mi- 
lieu même  du  Forum.  Il  acheta  à  vil 
prix  les  biens  de  Pompée,  que  per- 
sonne ne  voulait  acquérir  ,  par  res- 
pect pour  sa  mémoire.  Les  débau- 
ches et  les  violences  d'Antoine  avili- 
rent tellement  son  caractère,  que  Cé- 
sar, à  son  retour,  le  traita  froidement. 
Vers  ce  temps  ,  il  épousa  Fulvie , 
%  euve  de  Clodius,  et  cette  femme  vio- 
lente lui  fît  sentir  tout  le  poids  de  son 
autorité  despotique.  Quand  César  re- 
vint d'Espagne,  Antoine  recouvra  sa 
faveur  par  l'adulation  et  les  basses- 
ses les  plus  honteuses ,  et  devint  son 
collègue  dans  le  consulat ,  l'an  44  av. 
J.-C.  Ce  fut  alors  qu'à  la  fête  des  Lu- 
percales,  il  se  jeta  aux  pieds  de  César 
dans  la  place  publique ,  et  lui  offrit 
deux  fois  un  diadème  que  César  re- 
fusa au  milieu  des  applaudissements 
réitérés  de  la  multitude.  Comme  il  pa- 
raissait probable  que  c'était  uo  plan 
concerté  pour  éprouver  les  inclina- 
tions du  peuple  ,  et  que  cette  tentative 
serait  renouvelée ,  il  se  forma  peu 
après  une  conspiration  qui  fit  périr 
César.  Antoine  eût  éprouvé  le  même 
sort,  sans  l'intercession  de  Brutus, 
qui  espérait  le  gagner  au  parti  répu- 
blicain ;  mais  on  comprit  bientôt  que 
les  autres  conjurés  avaient  mieux  jugé 
Antoine.  Il  montra  dans  celte  occasion 
importante  une  éloquence  et  une  pro- 
fo'.ideur  de  politique  dont  on  ne  l'eût 
pas  cru  capable,  si  on  ne  l'eût  jugé 
que  d'après  les  lettres  et  les  harangues 
4e  Gcéron,  Foit  de  l'affection  que  le 


ANT  afio 

peuple  portait  à  César ,  il  empêcha  les 
sénateurs  ,  en  faisant  agir  sur  eux  ir 
grand  mobile  de  l'intérêt  personnel,  de 
le  déclarer  usurpateur.  Le  peuple  avait 
été  calmé  par  une  harangue  de  Brutus; 
Antoine,  sachant  combien  les  objets 
extéi leurs  frappent  la  multitude,  ex- 
posa en  public  le  corps  de  César  sur  uu 
lit  d'ivoire  et  de  pourpre ,  avec  sa  robe 
sanglante ,  et  prononça  son  oraison 
funèbre ,  qui  rendit  au  peuple  tous  ses 
sentiments  de  haine  et'de  vengeance. 
Les  meurtriers  furent  obligés  de  s'en- 
fuir de  Rome.  Shakspeare  et  Voltaire 
ont  tiré  un  grand  parti  de  celte  situa- 
tion vraiment  dramatique.  Antoine , 
sûr  de  l'affection  du  peuple  ,  et  ayant 
toujours  l'adresse  de  ménager  le  sé- 
nat ,  gouverna  quelque  temps  avec  un 
pouvoir  absolu ,  et  ne  cacha  point  son 
intention  de  succéder  à  César  dans 
l'exercice  de  la  souveraineté.  La  su- 
périorité, qu'en  qualité  de  consul  ii 
tenait  de  la  loi ,  lui  donnait  de  grands 
avantages  pour  la  poursuite  de  ses 
plans  ambitieux.  L'orgueil  qu'il  en 
eut  lui  fit  traiter  le  jeune  Octave  , 
héritier  de  César,  de  manière  à  lui 
faire  embrasser  le  parti  du  sénat.  An- 
toine alors  essaya  de  le  regagner,  et 
les  différentes  factions  eurent  recours 
aux  manœuvres  de  la  politique.  Enfin, 
après  s'être  plusieurs  fois  raccommodé 
et  brouillé  de  nouveau  avec  Octave, 
qui  désirait,  comme  lui,  être  à  la  tête 
de  la  faction  de  César,  Antoine  leva 
des  forces,  se  retira  dans  la  Gaule 
cisalpine  ,  dont  le  gouvernement  lui 
avait  été  accordé  ,  et  mit  le  siège  de- 
vant Mutina  ,  aujourd'hui  Modène  , 
que  Décimus  Brutus  défendit  vaillam- 
ment. Alors  le  sénat  déclara  Antoine 
ennemi  public ,  et  les  deux  nouveaux: 
consuls ,  Hirtius  et  Pansa ,  accom- 
pagnés d'Octave,  marchèrent  contre 
lui.  Antoine  défit  d'abord  Pansa  dans 
une  action  très-meurtrière  ;  mais  Hir- 


a^o  ANT 

tius  survint ,  et ,  malgré  des  prodiges 
de  valeur,  Antoiue  et  ses  soldats  fu- 
rent complètement  battus  ,  quoique 
les  deux  cousuls  eussent  e'td  tues.  Cet 
éve'ueraent  mit  à  la  tête  de  toute  l'arme'e 
de  la  re'publique,  Octave,  à  qui  Pansa 
mourant,  avait  donné  le  conseil  de  se 
réconcilier  avec  Antoine.  Apres  sa  dé- 
faite ,  Antoine  fut  forcé  par  Decimus 
Brulus  de  lever  le  siège  de  Mutina, 
et  même  de  quitter  l'Italie.  Il  éprou- 
va, ainsi  que  ses  troupes,  de  grandes 
fatigues  et  de  cruelles  privations  ,  en 
passant  les  Alpes:  il  les  souffrit  avec  un 
grand  courage-;  car  il  pouvait  mieux 
supporter  l'adversité  que  la  prospé- 
rité. Arrivé  dans  les  Gaules,  il  vint,  en 
suppliant,  au  camp  de  Lépide,  q;ii 
commandait  alors  en  Provence;  mais 
bientôt  |  ar  son  influence  sur  les  trou- 
pes ,  il  obligea  ce  général  à  se  joindre  à 
lui ,  et  à  lui  céder  toute  l'autorité.  Plau- 
cus  et  Pollion  vinrent  aussiiortifîer  son 
parti  de  leurs  soldats  :  ainsi  Antoine , 
qui ,  peu  auparavant,  avait  quitté  l'I- 
talie en  fugitif ,  y  rentra  à  la  tète  de 
vingt-trois  légions  et  de  dix  mille  clu- 
vaux.  Alors  Octave ,  après  avou-  long- 
temps agi  comme  ami  du  sénat ,  jeta 
le  masque  ,  et ,  s'étant  avancé  au  de- 
vant d'Antoine  tt  de  Lépide ,  eut  avec 
eux,  dans  une  petite  île  formée  par 
le  Rhénus  ,  aujoiud'hui  Rliéuo  ,  près 
de  Bologne  ,  la  fameuse  entrevue  où 
ils  se  partagèrent  l'univers  romain, 
(ki  fut  aussi  là  (pi'iis  arrêtèrent  les 
plans  de  ces  proscriptions  sanglantes 
qui  ont  rendu  leurs  noms  exécrables. 
Antoine  insista  surtout  pour  qu'on 
lui  sacrifiât  Cicérou.  11  lui  poitait  luie 
haine  implacable,  en  partie  hérédi- 
taire ,  à  cause  de  la  condamuation  de 
Lentulus,  second  mari  de  sa  propre 
mère  ;  et  en  partie  personnelle,  à 
cause  des  fameuses  Philippiques,  pro- 
noncées contre  lui  par  l'orateur.  An- 
tuiue ,  comDie  pour  payer  le  pris  de 


ANT 

la  tête  de  son  ennemi ,  aban(îcnna 
celle  de  son  oncle,  Lucius  César.  Les 
triumvirs  marchèrent  alors  à  Rome  ^ 
pour  affermir  leur  usurpation  ,  et 
mettre  à  exécution  leurs  projets  san- 
guinaires. Les  rapines  et  le  meurtre 
désolèrent  Rome  et  l'Italie.  Antoine 
jouit  de  la  lâche  satisfaction  d'attacher 
la  tête  et  la  main  droite  de  Cicéron 
sur  cette  même  tribune  aux  haran- 
gues ,  si  souvent  témoin  du  triomphe 
de  son  éloquence.  Après  avoir  fait 
périr  leurs  ennemis  dans  Rome  ,  An- 
toine et  Octave  marchèrent  en  Macé- 
doine contre  Brutus  et  Cassius  ,  et , 
dans  la  première  bataille  do  Philippes , 
Antoinecommauda  la  division  opposée 
à  Cassius.  Après  une  action  sanglante,  il 
mit  les  soldats  de  Cassius  en  déroute, 
et  le  contraignit  à  se  tuer.  Dans  la 
seconde  action  ,  ce  fut  principalement 
lui  qui  obligea  Brutus  à  prendre  aussi 
ce  parti  désespéré.  Outre  ses  talents 
militaires ,  il  montra  une  générosité 
qui  doit  d'autant  plus  êlre  remarquée  y 
qu'elle  formait  un  contraste  absolu 
avec  la  cruauté  de  son  lâche  collègue. 
Lufilius  qui ,  en  se  rendant  à  des  sol- 
dats thr.ices  de  l'armée  d'Antoine  , 
leur  avait  dit  qu'il  était  Brutus  ,  afin 
de  lui  donner  le  temps  de  fuir ,  fut 
conduit  devant  le  vainqueur.  Loin  de 
témoigner  du  courroux  de  celte  res- 
pectable supercherie  ,  Antoine  loua 
hautement  Lucilius  sur  sa  fidélité , 
l'embrassa  et  le  traita  comme  un  ami. 
Il  fil  paraître  aussi  une  grande  se  nsi- 
bilité ,  à  l'aspect  du  cadavre  de  Bru- 
tus ,  jeta  dessus  sou  ricite  manteau  , 
et  ordonna  qu'on  l'ensevelît  honora- 
blement. Antoine  marcha  ensuite  en 
Grèce ,  et  s'arrêta  quelque  temps  à 
Athènes  ,  oii  il  fréquenta  les  écoles 
publiques  et  le  gvmnase  ,  et  s'effor- 
ça ,  par  des  égards  el  des  marques  de 
faveur,  déplaire  à  cette  ville ,  illuslre 
encore  daus  sa  décadouce.   De  là ,  il 


ANT 

.Vàvança  en  Asie  ,  où  il  se  livra  ,  sans 
réserve  ,  à  son  goût  pour  la  magnifi- 
cence  et    la    volupté.  11  traita   avec 
beaucoup  de  douceur  les  partisans  de 
Brutus  qui  tombèrent  dans  ses  mains  ; 
mais    il    rançonna    impitoyablement 
plusieurs  villes ,  et  donna,  sans  aucun 
scrupule ,  les  biens  d'un  grand  nom- 
bre de  citoyens  riches  et  paisibles  à 
ses  parasites  et  à  ses  bouffons.  Quand 
il  fut  en  Ciiicie ,  il  enjoignit  à  la  fa- 
meuse Cle'opàîre  ,  reine  d'Egypte  ,  de 
rendre  compte  de  sa  conduite  ,  qui 
avait  déplu  aux  triumvirs  ;  mais  sa 
présence    le  captiva   tellement  qu'il 
ne  put  jamais  ,  par  la  suite ,  rompre 
ce  charme,  et  cette  circonstance  fut 
décisive  pour  sa  destinée.  Il  accom- 
pagna cette  reine  dans  Alexandrie , 
où  il  vécut  avec  elle  dans  une  dissipa- 
tion continuelle  ,  oubliant  absolument 
ce  qui  se   passait  dans  le   reste  de 
l'univers.  Cependant  Fulvie,  restée  à 
Komc ,  eut  de  si  grandes  dissensions 
avec  Octave ,  qu'enfin  ,  réunie  à  Lu- 
cius  ,  frère  de  Marc  Antoine  ,  elle  ras- 
sembla qr.flques  légions  à  Préncste  , 
et ,  se  mettant  à  leur  tête  ,  commença 
les  hostilités.  H  s'ensuivit  une  guerre 
de  peu  de  durée  ,  qui  fut  terminée    à 
l'avantage  d'Octave,  avant  qu'Antoine 
arrivât  en   Italie ,  où   il  avait  enfin 
jugé  sa  présence  nécessaire.  La  mort 
de  Fulvie,  qui  s'était  avancée  jusqu'à 
Sycione  au  devant  de  son  mari,  facilita 
unerécoiu^iliation  qui  fut  complète,  du 
moin^  en  apparence  ,  par  le  mariage 
d'Antoine  avec  Oclavie  ,  sœur  chérie 
d'Octave ,  et  dont  le  caractère  inspirait 
l'amour  et  l'eslimc.  Les  deux  maîtres 
de  l'empire  en  firent  alors  un  nouveau 
parijige.  Tout,  jusqu'à  l'est  deCodro- 
polis  en  Illyric  ,  appartint  à  Octave  ; 
Antoine  eut  l'Orient;  et,  poiu-nepas 
paraître  oublier  tout-à-fait  le  faillie  et 
insignifiant  Lépide,  ou luidonna  l'Afri- 
que. Un  accord  a^  ec  Sextus  Pompée. 


A  !?  T  ï^  ï 

qui  dominait  sur  la  ÎMéditcrranée ,  fut 
un  nouveau  pas  fait  vers  It;  rétablisse- 
ment delà  tranquillité  publique.  Antoi- 
ne retourna  ensuite  en  Grèce.  11  passa 
l'hiver  dans  Athènes ,  au  tailicu  des 
fêtes,  et  envoya  son  lieutenant,  Vcn- 
tidius ,  contre  les  Parthes  qui  avaient 
fait  de  grands  progrès  dans  les  provin- 
ces romaines  d'Asie.  Ventidins  eut  des 
succès  qui  excitèrent  la  jalousie  d'Ar- 
toine ,  de  sorte  qu'après  l'avoir  rejon.t 
devant  Samosate ,  il  se  débarrassa  de 
lui,  en  l'envoyant  recevoir  à  Romeles 
honneurs  du  triomphe.  Antoine ,  après 
une  campagne  peu  glorieuse,  revint  à 
Athènes  ,  et  fit  ,  presque  aussitôt , 
voile  pour  l'Italie,  à  la  sollicitation 
d'Octave,  que  Sextus  Pompée,  qui 
avait  repris  les  armes,  pressait  vigou- 
reusement. Par  la  médiation  d'Octa- 
vie,  une  parfaite  intelligence  scrabia 
régner  entrelcs  deux  triumvirs  ;  mais  la 
passion  d'Antoine  pour  Cléopàtre  vint 
de  nouveau  jeter  entre  eux  la  dissen- 
sion. A  son  retour  en  Asie,  il  foula  aux 
pieds  toute  décence,  en  menant  avec 
cette  reine  la  ^  ie  la  plus  scandaleuse  :  il 
alla  même  jusqu'à  compromettre  les  in- 
térêts de  l'état,  par  les  dons  qu'il  lui  fit 
avec  profiision ,  de  provinces ,  et  même 
de  royaume,;  entiers  ,  ainsi  que  par 
les  injusficcs  qu'il  commit  à  sa  sugges- 
tion. Il  marcha  de  nouveau  contre  îe> 
Parthes;  mais,  après  avoir  perdu 
beaucoup  d'hommes  et  de  muin- 
tions  ,  il  fut  contraint  à  une  hon- 
teuse retraite.  Il  termina  la  campagne , 
en  faisant  prisonnier,  par  trahison. 
Artasasdes,  roi  d'Arménie,  et  il  le 
mena  en  triomphe  dans  Alexandrie. 
La  vertueuse  Ocia vie,  qui  était  venue 
de  Rome  avec  des  renforts  d'hommes, 
et  des  vêtements  pour  les  troupes,  ne 
put  pas  se  réunir  à  lui.  Elle  était  en- 
core à  .Athènes.  lorsqu'Antoine,  cé- 
dant aux  artifices  de  Cléopàtre,  lui 
ordouua  de   s'en   retourner.  Octave 


27a  A  N  T 

Bc  manquait  pas  de  se  prévaloir  de 
la    mauvaise  conduite  d'Antoine  ,  et 
d'exciter  contre   lui    le    mc'couteute- 
inont  des  Romains.  La  guerre  entre 
c<;s  rivaux  de  puissance  ,  devint  iné- 
vitable, et,  des  deux  côte's,   on  s'y 
j)ropara;  mais  Antoine,  plonge'  dans 
les     plaisirs   ,    n'agissait    guère    en 
homme  dont  les  plus  cliers  intérêts 
ctaient   en  danger.  L'île  de  Samos , 
rendez-vous  général  de  ses  troupes , 
«•'fait  remplie  de  musiciens,  de  bate- 
leurs, et  de  tous  les  agents  de  ses  dé- 
bauches; les  afl'aires  sérieuses  cédaient 
aux  divertissements  continuels  aux- 
quels Cléopàtre    et  lui   se    livraient 
avec   les  princes  et  les  rois  de  leur 
parti.  Pour  mieux  montrer  son  ressen- 
timent contre  son  ennemi,  il  divorça 
puljliquement  avec    Octavic  ,  et    lui 
ordonna  de  quitter  sa  maison  de  Ro- 
me. L'impression  que  cette  conduite 
fit  sur  les  amis  d'Antoine  fut  telle ,  que 
quelques-uns  l'abandonnèrent;    les 
manières  impérieuses  et  hautaines  de 
Cléopàtre  y  contribuèrent  aussi  beau- 
coup. Enfin,  dans  Rome,  on  déclara  la 
guerre  à  la  reine  d'Egypte,  et  Antoine 
iïit  privé  de  son  consulat  et  de  son 
gouvernement.  Chaque  parti  rassera- 
l)la  ses  forces  de  terre  et  de  mer,  et  le 
golfe  d'Ambracie  devint  le  théàlr<'  de 
cette  grande  querelle.  Tandis  qu'An- 
toine était  à  Actium,  le  pressentiment 
de  sa  ruine  prochain*  engagea  plu- 
sieurs personnages  de  distinction  à 
se  rendre  auprès  de  son  rival.  Paimi 
eux,   était  un   de    ses   plus    intimes 
amis,   Domitius   Ahenobarbus,   dont 
l'abandon  afTecta  sensiblement  le  cœur 
d'Antoine,  qui,  toutefois,  tint  envers 
lui  une  conduite  ti-cs-louable  ;  car  il 
lui  renvoya  tous  ses  gens  et  tous  ses 
équipages.  Domitius  fut  affecté  d'une 
générosité  à  laquelle  il  uc  s'attendait 
pas  ;  il  était  alors  malade ,  et  mourut, 
peu  de  temps  après,  de  duulem'.  La 


ANT 

fameuse  bataille  d' Actium  eut  ensuîfe 
lieu.  On  combattit  sui  mer,  conire  le 
sentiment  des  meilleurs  officiers  d'An- 
toine. 11  voulut  déférer  à  celui  de  Cléo- 
pàtre ,  qui  était  ficre  de  ses  forces  na- 
vales. Au  milieu  de  l'action  ,C!éopâtre, 
avec  son  escadre  de  soixante  galères, 
prit  la  fuite;  Antoine,  courant  sur  ses 
traces,    avec    un   petit   vaisseau,   et 
abandonnant  ses  braves  défenseurs , 
perdit  l'empire  du  monde,  et  se  cou- 
vrit d'une  honte  éternelle.  Ses  soldats, 
privés  de  leur  chef,  combattirent  en- 
core long-temps;  mais,  à  la  fin,  ils 
succombèrent.  Ses  troupes  de  terre, 
ne  pouvant  penser  qu'il  les  eut  tout  à 
fait  abandonnées,  tinrent  ferme  pen- 
dant quelques  jours,  quoiqu'elles  fus- 
sent environnées   par  les   ennemis  j 
mais,   à  la  fin,  délaissées  par  leurs 
principaux  officiers,  elles  se  rendii'ent 
à  Octave,  et  furent  incorporées  dans 
ses  légions.  Antoine ,  dévoré  de  honte, 
et    rempli  d'indignation  contre  celle 
qui  avait  causé  sa  ruine,  refusa ,  pen- 
dant quelque  temps,  de  lui  parler.  A 
la  fin,  ils  se  i éconcilièrent ,  et  Antoine 
alla  en  Lybie,  où   il  avait  laissé  uu 
corps  de  troupes  considérable  ;  mais, 
en  arrivant,  il  vit  qu'elles  avaient  em- 
brassé le  parti  d'Octave ,  et  en  fut 
tellement  affligé,  qu'on  eut  de  la  peine 
à  l'empêcher  de  se  poignarder.  Il  re- 
vint  en    Egypte,   et  vécut    quelque 
temps  dans  une  triste  solitude;  mais 
Cléopàtre  eut  l'art  de  le  ramener  à  son 
palais,  où  il  reprit  ses  habitudes  vo- 
lupteuscs.  Leurs  fêtes  furent  interrom- 
pues par  l'arrivée  d'Octave,  qui  re- 
jeta toutes  les  propositions  de  sou- 
mission qu'ils  lui  firent.  Quand  il  se 
présenta  devant  Alexandrie ,  Antoine 
parut  retrouver  un  instant  son  ancien 
courage  ;  il  fit  une  sortie  à  la  tête  de  sa 
cavalerie ,  et  battit  celle  d'Octave  ;  mais 
dans  la  suite,  abandonné  par  la  flotte 
e'gyptieuue  et  par  ses  forces  de  terre, 


A  N  T 

ayant  même  raison  de  se  croire  tralii 
par  Cle'opàfrc ,  il  tomba  dans  le  plus 
profond  désespoir.  11  courut  d'abord 
au  palais  de  Clëopàtre,  pour  tirer 
d'elle  une  vengeance  à  laquelle  elle  se 
déroba  par  la  fuite.  Résolu  de  mou- 
rir, il  appela  Eros,  sou  fidèle  servi- 
teur ,  pour  qu'il  acquittât  la  promesse 
qu'il  lui  avait  faite,  de  le  tuer  quand  il 
le  lui  ordonnerait.  Eros,  feignant  de 
lui  obéir,  lui  dit  de  détourner  la  tête, 
et ,  se  frappant  lui-même ,  tomba  mort 
à  ses  pieds.  Un  tel  exemple  d'héroïs- 
me, et  une  telle  affection,  touchè- 
rent Antoine  ,  et  il  se  jeta  sur  l'épée 
d'Eros.  La  blessure  ne  fut  pas  immé- 
diatement mortelle ,  et ,  comrne  il  dé- 
sirait dire  à  Cléopàtre  un  dernier 
adieu ,  il  fut  hissé,  par  le  moyen  d'une 
corde,  au  haut  de  la  tour  où  la  reine 
avait  cherché  un  asyle  contre  ses  fu- 
reurs. Elle-même  aida  ses  femmes  , 
dans  cette  triste  circonstance.  Antoine, 
faible  jusqu'au  dernier  moment,  lui 
adx'essa  quelques  paroles  pleines  de 
tendresse,  lui  donna  des  conseils,  et 
mourut  entre  ses  bras ,  à  l'âge  de  56 
ans,  3o  ans  av.  J.-C.  Cléopàtre  lui  fil  de 
magnifiques  funérailles  ;  mais,  à  Rome, 
on  abattit  toutes  ses  statues ,  et  sa  mé- 
moire fut  déclarée  infâme.  Antoine 
laissa  cinq  enfants  de  ses  trois  femmes 
(  car,  après  son  divorce  avec  Octavie, 
il  avait  épousé  légalement  Cléopà- 
tre), deux  fils  de  Fulvie,  deux  filles 
d'Octavie,  et  une  fille  de  Cléopàtre. 
Les  singularités  de  la  vie  d'Antoine 
lui  ont  acquis  une  célébiilé  qu'il  ne 
devait  pas  attendre  de  son  caractère. 
Doué  de  quelques  qualités  brillantes , 
il  n'avait  ni  assez  de  génie,  ni  assez  de 
force  d'ame  pour  être  rangé  parmi 
les  grands  hommes.  On  peut  encore 
moins  le  mettre  au  nombre  des  hom- 
mes de  bien ,  puisqu'il  fut  toujours 
sans  principes ,  amateur  effréné  des 
plaisirs,  et  souvent  cruel.  Cependant, 

H. 


ANT  l'^-y 

peu  d'hommes  ont  été  plus  chéris  de 
leurs  amis  et  de  leurs  partisans,  et 
plusieurs  de  ses  actions  annonçaient 
des  dispositions  généreuses,  préféra* 
blés  à  la  prudence  et  à  la  froide  politi- 
que de  son  rival  Octave.       D — t. 

ANTOINE  ;Lucius),  fut  surnommé 
le  Gladiateur  asiatique.  Frère  de 
Marc-Antoine  le  Triumvir,  il  fut  créé, 
])ar  lui,  septemvir,  pour  procéder  à  une 
estimation  de  propriétés ,  et  à  un  par- 
tage de  terres ,  commission  qu'il  rem- 
plit en  brigand ,  suivant  Cicéron ,  dans 
sa  cinquième  Philippique.  Il  lui  fut 
élevé ,  dans  le  Forum ,  une  statue 
équestre  dorée ,  avec  cette  inscription: 
Qninque  et  triginta  tribus  palrono. 
Cicéron ,  dans  sa  sixième  Philippique^ 
se  rit  amèrement  de  l'impudence  d'An- 
toine, qui  se  croyait  le  patron  du  peu- 
ple romain.  11  se  trouva  avec  Marc 
Antoine  à  la  bataille  qui  décida  de  la 
levée  du  siège  de  Modène;  il  s'enfuit 
avec  lui ,  et  fut  poursuivi  par  Plan-.- 
eus  jusque  dans  les  Alpes.  Lorsque 
Marc  Antoine  était  en  Orient,  Lucius 
et  Fulvie  attaquèrent  Octave.  Après 
une  tentative  infructueuse  pour  dé- 
faire un  corps  de  troupes  que  le  trium- 
vir faisait  venir  d'Espagne  en  Italie  , 
Lucius  s'enferma  dans  Pérouse.  As- 
siégé par  les  lieutenants  d'Octave , 
il  se  vit  h.  peu  près  abandonné  par 
tous  ceux  qui  tenaient  le  parti  de 
son  frère.  Ils  lui  reprochaient  de 
s'être  engagé  témérairement  dans  cette 
guerre  à  son  insu.  Dans  ce  siège, 
Lucius  montra  beaucoup  de  valeur 
et  de  cruauté.  Il  fît  de  fréquentes  sor- 
ties ,  et ,  pour  économiser  le  peu  de 
vivres  qu'd  avait,  il  défendit  d'en  don- 
ner aux  esclaves  et  aux  valets  de  l'ar- 
mée ,  que  cependant  il  ne  chassa  point 
de  la  place  ,  dans  la  crainte  qu'ils 
n'allassent  révéler  à  l'ennemi  sa  fâ- 
cheuse situation.  Ses  soldats  combat- 
tirent avec  un  rare  courage,  mais  en- 

i8 


274  ANT 

fin  il  fallut  capituler.  Luciiis  essaya 
d'obtenir,  pour  ceux  qui  l'avaient  si 
bien  seconde' ,  une  amnistie  générale,  il 
alla  se  renie Ure  aux  mains  d'Octave, 
qui  le  reçut  avec  bienveillance  ,  lui 
laissa  la  vie ,  et  exerça  toute  sa  ven- 
geance contre  les  habitants.  (  Foy.  Au- 
guste. )  Q — R — y. 

ANTOINE  (  Caïus  ) ,  fut  consul 
avec  Cice'ron.  Il  était  favorable  au 
parti  de  Catilina.  Cice'ron  le  gagna  par 
de  grands  ménagements  ,  et  en  lui  cé- 
dant le  gouvernement  de  la  Macé- 
doine qui  lui  était  échu.  Il  marcha 
avec  une  armée  centre  Catilina;  mais , 
pour  éviter  de  le  combattre,  il  pré- 
texta une  attaque  de  goutte.  Ayant  été 
accusé  de  malversation  dans  son  gou- 
vernement ,  il  fut  condamné  à  un 
exil  perpétuel.  Dans  la  guerre  qui  sui- 
vit la  mort  de  César ,  il  fut  battu  et 
fait  prisonnier  par  le  fils  de  Cicéron  , 
lieutenant  de  M.  Brutus.      Q  —  R — y. 

ANTOINE  (S.),  patriaixhe  des 
cénobites,  naquit,  en  25 1 ,  au  village 
de  Come ,  près  d'Héraclée ,  dans  la 
haute  Egypte.  Ses  parents,  après  lui 
avoir  donné  une  éducation  chrétienne , 
furent  enlevés  de  ce  monde ,  et  le  lais- 
sèrent ,  à  l'iîge  de  1 8  ans ,  possesseur 
d'une  fortune  consitlérable.  Ces  pa- 
roles de  J.-C,  adressées  au  ieiuic 
homme  de  l'évangile  :  «  Vendez  ce 
»  que  vous  avez ,  donnez-le  aux  pau- 
y>  vrcs,  et  vous  aurez  un  trésor  dans 
»  le  ciel ,  »  firent  une  telle  impression 
sur  lui ,  qu'il  vendit  ses  terres  ,  eu 
distribua  le  prix  aux  pauvres,  et  se 
retira  dans  le  désert,  pour  s'y  livrer 
9  toutes  les  rigueurs  de  la  vie  ascé- 
tique. Les  tentations  que  le  démon  lui 
fit  éprouver  dans  cet  état,  sous  toutes 
sortes  de  formes  ,  et  qui  troublèrent , 
pendant  vingt  ans,  sa  solitude,  sont 
célèbres  daus  l'antiquité  ecclésiasti- 
que ,  aussi  bien  que  les  mortifications 
par  Icsq^iieUcs  jl  sortit  yiçtoiicux  de 


ANT 

CCS  longs  et  nides  combats ,  qui  luî 
valurent  le  don  des  miracles.  Antoine 
vivait  isolé  au  milieu  des  décombres 
d'un  vieux  château  situé  sur  une  haute 
montagne ,  sans  autre  communication 
avec  les  hommes  que  par  un  serviteur 
qui  lui  portait,  de  temps  eu  temps  , 
quelques  aliments  ;  un  cilice  qui  lui 
servait  de  tunique,  couvert  d'un  man- 
teau de  peaux  de  brebis ,  attaché  par 
une  ceinture  ,  formait  son  vêtement. 
Six  onces  de  pain  trempé  dans  l'eau, 
un  peu  de  sel  et  quelques  dattes  y 
étaient  sa  nourriture  de  tous  les  jours, 
lorsqu'il  ne  jeûnait  pas.  Il  ne  s'inter- 
rompait, dans  la  contemplation  des 
choses  célestes,  dans  la  méditation 
des  vérités  éternelles,  que  par  le  tra- 
vail des  mains ,  soit  pour  cultiver  un 
petit  coin  de  terre ,  soit  pour  faire  des 
nattes,  dont  la  vente  lui  prodnisait 
encore  de'  quoi  soulager  les  pauvres. 
La  réputation  de  sa  sainteté  attira  au- 
près de  lui  de  nombreux  disciples.  Il 
descendit  de  sa  montagne ,  pour  les 
rassembler  dans  le  monastère  de 
Phaium  ,  composé  de  diverses  cellu- 
les, ou  plutôt  de  huttes  et  de  cabanes, 
éparses  cà  et  là.  Le  désir  d'une  vie 
plus  retirée  le  porta  ensuite  à  s'enfon- 
cer plus  avant  dans  le  désert.  Il  s'ar- 
rèla  au  pied  d'une  montagne  dont 
l'aspect  seul  était  dira  vaut.  L'af- 
flucuce  des  personnes  qui  l'y  suivi- 
rent l'obligea  de  former  ,  en  cet 
endroit,  un  nouveau  monastère  sem- 
blable au  premier,  a])rès  quoi  il  gra- 
vit sur  le  sommet  escarpé  de  la  luon- 
tagne ,  y  bâtit  une  cellule ,  et  y  fixa  sa 
demeure.  Ijientôt  d'autres  monastères 
s'étabhrent  dans  cette  partie  du  désert, 
de  sorte  que  les  vastes  solitudes  de  la 
Thébaïde  furent  couvertes  de  céno- 
bites ,  dont  les  uns  rem|)lissaient  ces 
monastères  ,  les  autres  s'enterraient 
dans  des  cavernes  formées  par  l'ex- 
liacliou  des  pierres  qui  avaient  seivi 


ANT 

a  la  construction  des  fameuses  pyra- 
mides. Le  nombre  de  ces  habitants 
du  désert  s'élevait ,  à  sa  mort,  à  plus 
de  1 5,000.  S.  Athanase,  que  la  perse'- 
cution  avait  souvent  contraint  de  se 
réfugier  dans  ces  retraites  profondes , 
nous  trace  ainsi  le  tableau  de  la  vie 
qu^n    y  menait.  «  Les  monastères  , 
■))  comme  autant  de  temples  ,  dit-il , 
))  sont  remplis  de  personnes  dont  la 
»  vie  se  passe  à  chanter  des  psaumes , 
»  à  lire ,  à  prier ,  à  jeûner ,  à  veiller , 
»  qui  mettent  toutes  leurs  espérances 
«  dans  les  biens  à  venir ,  sont  unies 
»  par   les  liens  d'une  charité'  admi- 
■>■>  rable,  et  travaillent  ,  moins   j)0ur 
»  leur  propre  entretien  que  pour  ce- 
«  lui  des  pauvres  :  c'est  comme  une 
))  vaste   région  absolument    séparée 
»  du  monde,  et  dont  les  heureux  ha- 
»  bitauts  n'ont  d'autre  soin  que  celui 
))  de  s'exercer  dans  la  justice  et  dans 
»  la  piété.  »  Les  différents  monastères 
avaient  chacun  leur  supérieur,  et  tous 
ces  supérieurs  étaient  subordonnés  à 
Antoine ,  qui  avait  conservé  la  surin- 
tendance générale  sur  toutes  les  co- 
lonies rehgieuses  du  désert.  Lorsqu'il 
ne  pouvait  point  y  faire  de  visites ,  il 
leur  adressait  des  lettres  et  des  ins- 
tructions pour  les  entretenir  dans  leur 
premiî're  ferveur.  Il  descendait  encore 
de  sa  montagne  pour  satisfaire  à  l'em- 
pressement des  gens  du  monde ,  qui 
venaient  le  consulter  sur  leurs  besoins 
spirituels.  Quoique  Antoine  ne  se  fût 
point  appliqué   à  l'étude  des  sciences 
et  des  belles-lettres  ,  la  lecture  des 
livres  saints ,  et  ses  propres  médita- 
lions  ,  l'avaient  mis  en  état  de  défendre 
la  religion  contre  ses  ennemis.  Des 
philosophes  pa'iens  ,  curieux  de  voir 
un  solitaire,  dont  Li  renommée  pu- 
bliait tant  de  merveilles  ,  allaient  sou- 
vent le  voir  pour  disputer  avec  lui. 
Plusieurs ,  frappés  de  la  force  et  de 
la  clarté  avec  lesquelles  il  confondait 


ANT  s- 5 

leurs  sophismes  ,  prouvait  la  vérité 
du    christianisme  ,    et   dévoilait    les 
absurdités    du   paganisme ,    se    con- 
vertirent à  la  foi.  Deux  fois  ,  il  fut 
obligé  de  quitter  sa  solitude  et  de  se 
rendre  à  Alexandrie;  la  première,  eu 
5 1 1 ,  pendant  la  persécution  de  Maxi- 
min ,  pour  servir  les  chrétiens  détenus 
en  prison  ,  ou  condamnés  aux  mines, 
et  les  encourager,  jusqu'au  pied  des 
tribunaux  et  sous  la  hache  des  bour- 
reaux, à  persévérer  dans  la  foi  de 
Nicée  ;  la  seconde ,    à  la  prière  de 
saint  Athanase ,  en  555 ,  pour  con- 
fondre les  Ariens,  qui  voulaient   le 
faire  regarder  comme   un  de  leurs 
partisans ,    et   le  peuple   courait  en 
foule  pour  lui  entendre  prêcher   la 
doctrine  de  J.-G.Constantin-Ie-Grand, 
qui  le  traitait  de  père  ,  lui  écrivit  de 
sa  propre  main  ,  pour  lui  demander 
le  secours  de  ses  prières.  Saint  Atha- 
nase nous  a  conservé  la  réponse  du 
saint  anachorète.  Antoine,  sentant  sa 
fin  approcher,  entreprit,  pour  la  der- 
nière fois,  la  visite  de  ses  monastères; 
il  se  retira  ensuite  sur  le  sommet  de 
sa  montagne  avec  ses  deux  plus  chers 
disciples,  Macaire  et  Amathas.  il  leur 
défendit  d'embaumer  son  corps,  sui- 
vant l'usage  des  Egyptiens  ,  qu'il  avait 
souvent  condamné,  comme  étantlondé 
sur  un  motif  de  vanité,  et  renfermant 
quelque  pratique  superstitieuse: il  leur 
recommanda  de  l'enterrer  comme  les 
anciens  patriarches,  de  garder  le  se- 
cret sur  le  lieu  de  sa  sépulture ,  et 
d'envoyer  son  manteau  à  saint  Atha- 
nase ,  afin   de  prouver  par-là  qu'il 
mourait  dans  sa  communion.  Après 
quelques  autres  dispositions  sembla- 
bles :    (c    Adieu ,  mes  enfants  ,    leur 
»  dit-il;  Antoine  s'en  va,  il  n'est  plus 
w  avec  vous.  »  C'est  ainsi  qu'il  expiia 
paisiblement ,  en  556,  à  l'âge  de  cent 
cinq  ans ,  sans  que  ses  grandes  austé- 
rités lui  eusseut  jamais  fait  éprouvée 

1,8.. 


2^j6  A  N  T 

aucune  des  infimiite's  qui  sont  le  par- 
tage ordinaire  de  la  vieillesse.  L'église 
célèbre  sa  fête  le  1 7  janvier.  Ses 
lettres  ,  écrites  en  lan^^ue égyptienne, 
se  conservent  dans  divers  luonastcres 
d'Egypte.  Plusieurs  ont  été  traduites 
en  grec ,  et  du  grec  en  mauvais  latin , 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères.  Abra- 
ham Echellensis  en  publia  vingt  en 
1641  ,  dont  il  n'y  en  a  que  sept  qui 
soient  véritablement  du  S.  patriarche. 
Le  P.  Mingarelli  a  retiré  de  la  biblio- 
thèque Nanienne  de  Venise ,  et  fait 
imprimer ,  en  i  ^85 ,  dans  ses  JEgyp- 
tiorum  codicum  reliquice  ,  deux 
lettres  du  même  saint,  en  langue  de 
la  The'baïde  ;  l'une  adressée  à  saint 
Théodore,  et  l'autre  à  saint  Atlianase. 
Elles  respirent  le  ton  ,  l'esprit  et  les 
maximes  des  apôtres.  Le  même  au- 
teur a  aussi  donné  une  règle  de  S. 
Antoine  ;  mais  il  n'en  est  lait  men- 
tion ,  ni  dans  la  vie  du  saint,  écrite 
par  S.  Ath.inase,  ni  dans  aucun  autre 
monument  de  l'anticjuité.Ses  exemples 
et  ses  instructions  étaient  la  règle  vi- 
vante à  la({uelle  ses  disciples  se  con- 
formaient. Le  corps  de  S.Antoine  fut 
dérouvert  en  56 1  ,  transféré  solen- 
nellement à  Alexandrie  ,  et  de  là,  un 
siècle  après  ,  à  Constantinople  ,  pour 
le  soustraire  aux  ravages  des  Sarra- 
sins. Josselin  ,  gentilhomme  dauphi- 
nois ,  le  transporta  ,  sur  la  fin  du 
1  o*.  siècle ,  à  V  ionnc  ,  et  le  déposa 
dans  un  prieure  de  Bénédictins  ,  à 
quatre  lieues  de  cette  ville.  Gaston, 
autre  gentilhomme  de  la  même  pro- 
vince,  ayant  été  guéri  d'une  grave 
maladie,  par  l'mtercession  du  saint, 
fonda  en  cet  endroit  un  hôpital  pour 
les  pauvres  attiiqucs  de  la  même  ma- 
ladie ,  connue  sous  le  nom  de  feu  de 
S.  Antoine  ,  et  qui  avaient  recours  à 
ce  saint  pour  en  obtenir  la  guérison 
par  son  intercession.  Ce  prieuré,  érigé 
cil  abbaye    par    Bonifacc  V III ,  fut 


ANT 

le  berceau  de  l'ordre  des  chanoines 
régulicis  de  S.  Antoine,  approuvé 
par  Urbain  II  ,  et  par  le  concile  de 
Clermont  en  i  o()5  ,  et  incorporé ,  en 
1 777,  dans  l'ordre  de  Malte.  Albert  de 
Bavière  ,  comte  de  Hainaut  ,  fonda , 
en  i582,  sous  les  auspices  de  saiut 
Antoine,  un  ordre  de  chevaliers  des- 
tinés à  faire  la  guerre  aux  Turks. 
Us  portaient  un  colher  d'or ,  fiiit  en 
forme  de  ceinlure  d'hermine  ,  d'oij 
pendaient  une  béquille  et  une  clochette 
d'argent.  Suivant  plusieurs  auteurs , 
un  ordre  militaire  du  même  nom  avait 
déjà  été  fondé  en  Ethiopie  ,  par  un 
empereur  ,  nommé  Jean-le-Saint  , 
en  070  j  d'autres  regardent  cette  ins- 
titution comme  une  fable.     T  — d. 

ANTOINE  de  Padoue  (S.),  fils 
d'un  officier  de  l'armée  d'Alphonse  1'  ^, 
roi  de  Portugal ,  naquit  à  Lisbonne , 
en  1 195,  changea  son  nom  de  Fer- 
dinand en  celui  d'Antoine,  par  dévo- 
tion pour  le  patriarche  dos  cénobites, 
et  fit  ses  études  à  Coimbre.  Son  ap- 
plication et  son  esprit  pénétrant  lui 
avant  acquis  de  bonne  heure  une  con- 
naissance profonde  de  la  théologie ,  il 
se  forma  bientôt  à  ce  genre  d'élo([uence 
nerveuse  et  pcrsuc-;sivc  qui ,  dans  la 
suite ,  fut  si  utile  à  l'Église.  Les  reli- 
ques de  cinq  franciscains  martyrisés 
par  les  infidèles  firent  sur  lui  une  si 
vive  impression  que  ,  dans  l'espoir 
d'obtenir  la  couronne  du  martyre ,  il 
prit  l'habit  de  S.  François,  en  1221  , 
et  alla  prêcher  l'Évangile  aux  Maures 
d'Afrique.  Forcé  par  une  maladie  dan- 
gereuse, de  se  rembarquer  pour  l'Es- 
pagne, un  coup  de  vent  le  jeta  en 
Sicile ,  où  il  vit  S.  François ,  fonda- 
teur de  son  ordre,  lequel  le  tua  en- 
suite de  sa  solitude,  près  de  Bolugiu-, 
pour  l'envoyer  professer  la  théologie 
àVerceil,  à  Bologne,  à  MontpeUier, 
à  Padoue  et  à  Limoges.  Antoine  se  vou» 
aussi  à  la  prédication,  parcouiant  k* 


ANT 

villes ,  les  Lourgs  et  les  villages  avec 
un  zèîc  que  rieu  ne  pouvait  ralentir. 
Le  pape  Grégoire  IX  l'ayant  entendu 
prêcher  à  Rome,  en  1 22']  ,  fut  si  tou- 
che, cpi'il  le  surnomma  ï Arche  du 
Testament  et  le  Saint  dépositaire 
des  Livres  sacrés.  Elevé  aux  pre- 
mières dignités  de  son  ordre,  Antoine 
tonna  contre  les  abus,  et  s'attira  la 
haine  de  son  général  par  sa  rigidité. 
Il  allait  être  renfermé  pour  le  reste  de 
ses  joms  ,  dans  une  cellule ,  lorsqu'il 
se  réfugia  près  de  Grégoire  IX,  qui 
l'attacha  à  sa  personne.  Antoine  se 
retira  d'aljoi  d  sur  le  mont  Aventiu  et 
de  là  à  Padoiie,  où  il  mit  la  dernière 
main  à  ses  Sermons  que  nous  avons 
encore,  mais  non  pas  tels  qu'il  les 
prêcha.  Sa  coutume  était  de  les  diver- 
sider,  selon  les  circonstances  ,  et  de 
suivre  ,  dans  son  débit ,  l'impétuosité 
de  son  zè!e.  Epuisé,  quoique  jeune 
encore  ,  par  ses  fatigues  et  ses  austé- 
rités, il  se  retira  dans  un  lieu  soli- 
taire pour  se  préparer  à  la  mort ,  et 
rendit  le  dernier  soupir,  le  i5  juin 
i'.>.5r,  à  trente-six  ans.  Dès  qu'on  sut 
qu'il  avait  cessé  de  vivre ,  le  peuple  se 
mit  à  crier  dans  les  rues  :  Le  saint  est 
mort.  Grégoire  IX  le  canonisa  en 
I25'A.  Une  église  magnifique  fut  bâtie 
à  Padoue,  en  son  honneur,  et  ses  re- 
liques y  furent  déposées,  S.  Antoine 
de  Padoue  est  honoré  avec  autant  de 
dévotion  en  Portugal  qu'en  Italie.  Sa 
Vie  a  été  interpolée  en  plusieurs  en- 
droits, d'après  des  traditions  popu- 
laires qui  ne  sont  d'aucune  autorité  j 
aussi  n'avons  nous  suivi  que  les  An- 
nales de  Wading ,  comme  plus  au- 
thentiques. Parmi  les  nombreux  mi- 
racles qu'on  lui  a  attribués  ,  il  eu  est 
un  plus  fameux  que  les  autres  en  Ita- 
lie ;  c'est  la  prédication  que,  dans  la 
fervem"  de  son  zèle ,  il  adressa  un  jour 
aux  poissons  ,  qui ,  disent  les  légen- 
daires ,1'écoutèreut  avec  attention.  Cet 


ANT  277 

événement  a  été  rcpioduit  par  plusieui  s 
peintres  fameux.  Les  Sermons  de  S.  An- 
toine ,  ainsi  que  sa  Concorde  morale 
de  la  Bible,  ont  été  réimprimés  à 
Venise  ,  en  1570,  et  à  Paris  ,  1641, 
in-fol.  Le  père  Antoine  Pagi  a  donné 
plusieurs  autres  Sermons  du  même 
saint,  écrits  aussi  en  latin ,  Avignon, 
i684-  LepèreWadmg  publia  à  Rome, 
en  1G24  ,  les  Sermons  de  S.  /Inloine, 
avec  Y  Exposition  mystique  des  livres 
divins.  Azzoguidi  les  a  fait  réimpri- 
mer avec  des  notes ,  à  Bologne  ,1737, 
in^".  K. 

ANTOINE ,  dit  le  Gra^d  Bâtard, 
fils  naturel  dePhilippe-le-Bou  ,  duc  de 
Bourgogne,  et  de  Jeanne  de  GruUes, 
naquit  en  1 4^  i ,  et  dojuia ,  jeune  en- 
core, des  preuves  d'héroisme  qui  lui 
méritèrent  le  surnom  de  Grand.  11 
passa  en  Afrique  avec  son  frère  Bau- 
douin, et  força  les  Maures  à  lever  le 
siège  de  Ceuta.  De  retour  en  France, 
il  servit  dans  l'armée  du  duc  de  Bour- 
gogne pendant  les  guerres  contre  les 
Liégeois  et  contre  les  Suisses,  et  se 
signala  en  plusieurs  rencontres.  11 
commandait  l'avant-garde ,  en  1476, 
au  combat  de  Grandson.  L'année  sui- 
vante ,  il  fut  fait  prisonnier  à  la  ba- 
taille de  Nancy,  où  périt  Charles ,  der- 
nier duc  de  Bourgogne.  Louis  XI  fit 
les  plus  vives  instances  auprès  de 
René,  duc  de  Lorraine  ,  pour  se  faire 
céder  le  prisonnier.  En  vain  Antoine 
de  Bourgogne  pria-t-il  René  de  ne  pas 
le  livrer  au  plus  implacable  ennemi  de 
sa  maison  ,  et  lui  offrit-il  une  raiiçon 
considérable.  Le  duc  de  Lorraine  U 
conduisit  lui-jnêrae  au  monarque  fran- 
çais, qui  l'acheta  de  Jean  de  Bidâts, 
pour  la  somme  de  dis.  mille  écus  ;  mais  , 
à  l'étonnement  do  toute  l'Europe,  il 
le  combla  d'honneurs  et  de  biens ,  es- 
pérant se  l'attacher;  et,  en  effet,  le 
bâtard  de  Bourgogne  le  servit  avec  zèle , 
ainsi  que  Charles  Yltl ,  qui  le  fit  che  - 


278  ANT 

vaiier  de  St.-Miclici ,  et  lui  tlonna  des 
lettres  de  légitimation.  Antoine  mou- 
nit ,  en  i5o4,  âge  de  quatre-vingt 
trois  ans.  B — p. 

ANTOINE  (  DE  Bourbon  ) ,  roi  de 
Navarre,  père  de  Henri  TV,  fils  de 
Ciharîes  de  Bourbon  ,  duc  de  Ven- 
dôme ,  naquit  en  1 5 1 8.  Il  fut  nomme' 
d'abord  duc  de  Vendôme,  devint  de 
son  chef  premier  prince  du  sang  de 
France,  et  épousa  ,  en  1 548 ,  Jeanne 
d'Albrel,  héritière  de  Navarre ,  qui  lui 
apporta  en  dot  la  principauté  de 
Béaru,  et  le  litre  de  roi.  Ce  prince, 
brave  ,  mais  irrésolu ,  flotta  presque 
toujours  entre  les  deux  religions  et 
les  deux  partis  qui  divl.-aicnt  la  France. 
Après  la  mort  de  Henri  11 ,  le  conné- 
table  de  Montmorenci,  pour  balan- 
cer le  crédit  des  Guises  ,  pressa  le  roi 
de  Navarre  de  venir  prendre  au  con- 
•scil,  et  auprès  du  nouveau  roi,  la 
jilacc  qui  lui  appartenait;  mais  An- 
toine hésita  ,  n'osant  se  fier  à  Mont- 
morenci ,  qui  avait  conseillé  autrefois 
à  Henri  II  de  s'emparer  du  reste  de 
son  petit  royaume  de  Navarre,  déjà 
jiresquc  eutibrenient  envahi  par  Fer- 
diuand-lc-Catholique.  Le  roi  de  Na- 
vaire n'arriva  à  la  cour  que  pour  en- 
tendre François  11  lui  déclarer  qu'il 
avait  confié  les  rênes  du  gouverne- 
ment à  ses  oncles,  les  Guises.  OnlVloi- 
giia  même  bientôt ,  sous  le  prétexte  ho- 
norable de  conduire  sur  les  fi'ontières 
d'Espagne  la  jnincesse  Elisabeth  de 
France,  cpii  allait  épouser  Philippe  11. 
Rebuîéde  tous  les  obstacles  qu'on  lui 
opposait  à  la  cour  ,  il  se  retira  dans  la 
principauté  de  Bearn  ;  et,  par  son  irré- 
solution .  se  perdit  dans  l'esprit  des 
huguenots  ,  qui  n'attendaient  qu'un 
chclpcur  prendre  les  armes.  Us  choi- 
sirent le  prince  de  Condé,  son  ft'ère, 
plus  entreprenant,  plus  ferme  dans 
ses  j)rinripes.  Ce  ])rince  ,  vovant  le 
roi  de  Navarre  oublié,  et  méprisé  de 


ANT 

la  cour  ,  rcdoidjla  d'efforts  pour  l'en- 
traîner dans  la  révolte.  Sur  le  bruit 
d'une  confédération  redoutable  ,  les 
deux  frères  sont  mandés  à  la  cour  ; 
et  le  roi  de  Navarre  refuse  d'accepter 
les  secours  que  la  noblesse  s'empresse 
de  lui  offrir  ,  ne  voulant  être  armé 
que  de  sa  seule  innocence.  Instruit  que 
les  Guises  ont  arraché  à  la  faiblesse 
de  François  II  le  consentement  de  son 
assassinat,  il  montre  alors  une  fermeté 
qui  n'était  point  dans  son  caractère  : 
«  S'ils  me  tuent,  dit-il,  à  Reinsy,  son 
))  gentilhomme ,  portez  à  ma  femme  et 
»  à  mon  fils  mes  habits  tout  sanglants  j 
»  ils  y  liront  leur  devoir.  »  11. entre 
d'un  air  intrépide  dans  la  salle  du 
conseil ,  et  en  impose  h  ses  ennemis, 
qui  n'osent  attenter  à  ses  jours.  Ses 
alarmes  ,  après  la  condamnation  du 
prince  de  Condé,  et  les  dangers  aux- 
quels il  se  trouva  exposé  lui-même, 
le  décidèrent  h  céder  la  régence  a  Ca- 
therine de  Médicis,  pendant  la  mino- 
rité de  Charles  IX ,  et  à  se  contenter 
de  la  lieutcnance-générale  du  royaume, 
qui  ne  fut  qu'un  vain  titre  entre  ses 
mains.  Il  servit  dès-lors  la  reinemère, 
qu'il  haïssait ,  et  se  réconcilia  même 
avec  les  Guises  ,  qui  lui  faisaient  espé- 
rer ,  tantôt  de  lui  faire  restituer ,  par 
le  roi  d'Espagne  ,  son  royaume  de 
Navarre;  tantôt  de  lui  faire  donner  la 
Sardaigne  en  échange.  Détaché  entiè- 
rement du  parti  des  huguenots  ,  il 
embrassa  la  religion  catholique  ,  ren- 
voya en  Béarn  Jeanne  d'Albret ,  après 
lui  avoir  ôté  l'éducation  du  jeune 
Henri,  son  fils,  et  forma  ,  avec  le  duc 
de  Guise  et  le  connétable  de  Mont- 
morenci, cette  union  appelée  par  les 
])rotestants  le  triumvirat.  La  guerre 
civile  s'étant  allumée ,  le  prince  de 
Condé,  chef  des  protestants,  s'appro- 
cha en  armes  ,  de  Fontainebleau  ,  oti 
étaient  la  cour ,  son  frère  le  roi  de  Na- 
varre et  Calhciine  de  Médicis.  Ccttr 


ANT 

princesse  e'tait  alors  d'intelligence  avec 
le  prince  de  C-nde,  ci  voulait  se  re- 
mettre entre  ses  mains  ;  mais  le  roi  de 
Navarre ,  gagne'  par  les  Guises ,  vint 
lui  déclarer  qu'il   fallait  ramener  le 
roi  à  Paris.  La  reine  hésitait  :  «  Vous 
»  pouvez  rester,  si  bon  vous  semble, 
»  lui  dit  le  roi  de  jNavarre  ;  nous  par- 
»  tons.  »  Il  fallut  le  suivre.  Au  milieu 
des  lioslilile's  ,  les  deux  frères  eurent 
une  entrevue  à  Tlioury ,  en  présence 
de  Catherine  de  Me'dicis.  Le  roi  de 
INavarre     reprocha    au     prince    de 
Condé  sa  révolte  et  l'embrasement  du 
royaume ,  et  ce  prince  reprocha  au 
roi  de  Navarre  son  asservissement  aux 
Guises.  Les  esprits  s'aigrirent ,  il  fal- 
lut rompre  la  conîérence  et  reprendre 
les  armes.  L'amour  du  roi  de  Navarre 
pour  la  belle  du  Kouet ,  l'une  des  de- 
moiselles de  la  cour  que  Catherine  de 
Me'dicis  menait  à  sa  suite,  le  retint  dans 
le  parti  catholique,  et  servit  aux  projets 
de  la  l'eine  mère.  S'étant  mis  à  la  tête  de 
l'armée  royale,  il  fit  échouer,  à  l'ou- 
vertui-e  de  la   campagne  de   i5Gii  , 
l'entreprise  du  prince  de  Condc  sur  le 
cimp  royal ,  et  soumit  ensuite  la  ville 
de  Bourges.  La  même  année ,  il  fit  le 
siège  de  Rouen  ,  et  fut  blessé,  dans  la 
tranchée  ,  d'un  coup  de  mousqueton. 
Lorsque  la  ville  fut  prise ,  il   s'y  fit 
porter,  sur  son  lit,  par  ses  Suisses, 
€t  y  entra  victorieux  par  la  brèche. 
iSa  blessure,  qui  n'était  point  dange- 
reuse ,  devint  mortelle  par  son  incon- 
tinence. Pressé  de  revenir  à  Paris  ,  et 
remontant  la  Seine  en  bateau,  une 
fièvre  ardente  et  des  douleurs  aiguës 
l'obligèrent  à  se  faire  débarquer  aux 
Andelys,oùilexpira,le  i-  novembre 
i562  ,  en  horreur   aux  protestants 
qu'il  avait  abandonnés,  et  peu  regretté 
des    catholiques.    Les   historiens    le 
peignentcomme  un  prince  voluptueux 
et  timide  ,  oubliant  les  injures  ,  plus 
par  faiblesse  que  par  magnauimité  ; 


ANT  279 

aussi  les  Parisiens  dirent-ils  ,  qu'en 
ouvrant  son  corps  ,  on  n'avait  trouvé 
ni  cœur ,  ni  fiel.   Il  momut  dans  la 
même  irrésolution   où  il  avait  vécu  , 
relativement  à  la  religion.  Jamais  on 
n'avait  pu  le  porter  à  répudier  Jeanne 
d'Albret ,  pour  épouser  Marie  Stuart  ; 
alliance  qui,  au  lieu  des  restes  toujours 
menacés  du  royaume  de  Navarre ,  lui 
aurait  procuré  l'Ecosse,  et  peut-être 
les  trois  royaumes  Britanniques.  Son 
allacliement  pour  Jeanne    d'Albret , 
ou ,  selon  quelques  auteurs ,  le  respect 
de  Marie  Stuart  pour  les  droits  de 
cette  première  épouse,  fit  échouer  la 
négociation.  Antoine  de  Navarre  laissa 
de  son  mariage  avec  l'héritière  de  ce 
royaimje ,  Henri  IV,  et  Catherine  de 
Navarre,  mariée  à  Louis  de  Lorraine. 
Il  avait  eu  de  Louise  deLaberaudière, 
demoiselle  du  Rouet,  un  fils  naturel  , 
nommé  Charles  de  Bourbon ,  arcbe- 
vêque  de  Rouen,  mort  en  161 5. 
B— p. 
ANTOINE  (  Don  )  ,   prieur  de 
Crato ,  roi  titulaire  de  Portugal ,  fils 
naturel  de  l'infant  Don  Louis ,  duc  de 
Bcja,  et  d'Islande  de  Gomez,  que  ce 
prince  avait  ])romis  d'épouser  ,  suivit 
le  roi  Don  Sebastien  à  la  malheureuse 
expédition  d'Afrique.  Enveloppé  lui- 
même  dans  la  déroute  de  l'armée  ,  à 
la  bataille  d'Alcazar-Quivir ,  en  1 558  , 
il  fut  pris  par  les  Maures,  cacha  son 
nom  ,  et  fut  sauvé  de  sa  prison  ,  ])ar 
un  esclave ,  après  40  jours  de  captivité. 
Don  Antoine  reparut  aussitôt  à  Lis- 
bonne ,  et  trouva  le  trône  occupé  par 
le  cardinal  Henri  son  oncle.  Il  demanda 
hautement  la  couronne  ,  et  prétendit 
que  Don  Louis,  son  père,  avait  épousé 
sa  mère  en  secret 5  mais  déclaré  bâ- 
tard et  banni  du  royaume,  il  fut  obligé 
de  se  cacher  ,  en  attendant  l'occasion 
de  s'emparer  d'un  trône  qu'il  croyait 
lui  appartenir.  A  la  mort  du  cardinal , 
qu'où  appelait  le  Fretre-Roi ,  il  rcpa- 


28o  A  N  ï 

riità  Lisbonne,  et  fut  proclame  le  19 
juin  i58o,  p.tr  le  peuple,  au  mo- 
ment même  où  Philippe  11  levait  une 
année  pour  faire  valoir  ses  droits  sur 
le  Portugal.  Reconnu  seulement  dans 
les  villes  situées  au  nord  du  Tage ,  et 
abandonne'  de  la  noblesse  portugaise  , 
Don  Antoine  s'empara  de  l'arsenal , 
des  magasins  de  Lisbonne,  et  forma ,  à 
!a  luUe ,  une  armée  pour  s'opposer  au 
duc  d'Albe  ,  contre  lequel  il  osa  en  ve- 
nir aux  mains,  le  'tS  août,  à  Alcan- 
tara  ;  mais,  force' dans  ses  retranche- 
mfuts ,  il  fut  vaincu  et  poursuivi,  le 
Kicnic  jour  et  à  la  même  heure  que  sa 
flotte  était  défaite  par  le  marquis  de 
Sanfa-Crux.  Lisbonneouvrit  ses  portes 
aux  Espagnols.  Don  Antoine  ,  ayant 
rallie  les  débris  de  sonarme'e  sur  les 
bordsdu  Duero,  voulut  encore  risquer 
le  sort  des  armes,  cl  fut  défait  une  se- 
conde fois  ,  le  '^-i  septembre.  N'ayant 
})lus  ni  ressources  ,  ni  cspéranro  ,  il 
]irit  la  fuite  et  gagna  \Kina ,  où  il  s'cm- 
])aiqua  sur  uu  vaisseau  marchand. 
Une  violente  tempête  l'avant  rejeté' 
sur  la  cote,  il  prit  l'habit  d'iui  simple 
matelot,  pour  se  soustraire  h  la  pour- 
suite de  l'ennemi.  Philippe  II  promit 
une  récompense  de  80,000  ducats  à 
quiconque  lui  livrerait  Don  Antoine; 
mais,  telle  était  l'aversion  des  Portu- 
gais pom'  le  gouvernement  espagnol , 
et  leur  attachement  pour  le  prince  fu- 
gitif,  q\i'Antoinc  resta  caché  pendant 
plusieurs  mois  ,  dans  le  pays  situé  en- 
tre Duero  et  Minho  ,  sans  être  trahi. 
Enfin ,  il  se  réfugia  en  France ,  où  il 
implora  le  secours  de  Catherine  de 
Médicis ,  et  publia  uu  manifeste  ,  de- 
venu depuis  fort  rare  ,  intitulé  :  Ex- 
planatio  veri  ac  legitimi  Juris  qiio 
serenissimtis  Lusitaniœ  rex  Antonius 
nititur  ad  hélium  Philippo  régi,  etc. 
Ce  manifeste,  écrit  en  latin,  en  français 
et  en  hollandais  (  Lugd.  Eat.,  Plantin , 
1 583 ,  in  4".  ) ,  fut  remis  aux  cours 


ANT 

de  France  et  d'Angleterre,  et  aux  Pro- 
vinces-Unies. Catherine  de  Medicis 
accorda  à  Don  Antoine  6,000  hommes 
et  une  flotte,  qui  fut  défaite  complète- 
ment, le  27  juillet  i5iS'i,  par  l'esca- 
dre espagnole.  Don  Antoine ,  poursuivi 
par  les  vainqueurs,  passa  sur  un  na- 
^  ire  flamand  ,  erra  en  Hollande ,  en 
Angleterre,  et  revint  h  Paiis,  où  il 
mourut ,  le  26  août  1  ^qS  ,  à  l'âge  de 
64  ans ,  après  avoir  cédé  tout  ses  droits 
à  Henri  IV.  Il  eut  un  fils  naturel , 
nommé  Emmanuel  ,  d'abord  novice 
chez  les  capucins ,  attaché  ensuite  à 
Maurice  d'Orange  ,  dont  il  épousa  la 
sœur  ,  et  qui  mourut  à  Bruxelles  ,  en 
i658,  à  soixante-dix  ans.  Son  petit- 
fils,  Emmanuel  Eugène ,  mourut  sans 
postérité,  en  i  G87 .  Un  a  imprimé,  sous 
le  nom  de  Don  Antoine ,  prieur  de 
Crato,  une  Paraphrasa  des  Psaumes 
de  la  pénitence  ,  traduite  p)ar  l'abbé 
de  Kellegnrde,  1718,  in-i(i.  B — p. 

ANTOINE  (  GuNTaEu  d'Akhalt  ). 
p^oy.  Anoalt. 

ANTOINE,  duc  de  Brunswick. 
f^oy.  Brunswick. 

ANTOINE  DE  Lebrija,  appelé 
communément  Lebrisa,  naquit,  au 
commencement  de  i44*^>'l3"^  '■*  ville 
do  l'Andalousie  dont  il  porte  le  nom. 
A  l'âge  de  quatoizeans,  il  passa  à  l'u- 
niversité de  ^alamanque,  et,  à  dix-neuf, 
il  alla  en  Italie  fréquenter  les  écoles 
les  plus  célèbres.  Son  application  fut 
telle,  qu'au  bout  de  dix  ans,  il  avait 
presque  parcouru  tout  le  cercle  des 
connaissances  humaines.  Versé  sur- 
ttmt  dans  l'hébreu,  le  grec  et  le  latin, 
il  obtint,  à  son  retour  à  Salamanqne, 
une  chaire  d'humanités.  Ce  savant  in- 
fatigable professa  près  de  vingt  ans 
à  Salamanqne,  publia  plusieurs  ou- 
vrages sur  les  langues  ,  hs  belles- 
lettres ,  les  mathématiques,  la  méde- 
cine ,  et  porta  la  lumière  dans  la 
grammaire,  dans  la  jurisprudence  et 


ANT 

ilans  la  critique  sacrée.  Le  cirdinal 
Ximeuès,  qui  était  sou  admirateur, 
l'ayant  attiré  dans  l'université  d'Al- 
cala,  imae;ina,  d'après  lui,  le  plan  de 
sa  Poljglotie.  Lebrija  fut  un  des  prin- 
cipaux directeurs  de  ce  beau  monu- 
ment. Il  couronna  dignement  ses  tra- 
vaux par  les  soins  qu'il  donna  à 
l'histoire  ,  débrouilla  l'origine  et  les 
antiquités  de  sa  nation,  et  voulut 
terminer  cette  nouvelle  carrière  par 
y  Histoire  des  rois  catholiques  ;  mais 
il  n'acheva  point  cet  ouvrage,  qui  lui 
avait  valu,  dans  un  âge  avancé,  le 
litre  d'IiistoriogTaphe  du  roi.  Il  mou- 
rut à  Alcala  dellenarcz,  le  ii  juillet 
1322,  à  soixaute-dix-sept  ans.  Son 
éloge,  proposé  par  l'académie  de  Ma- 
drid, a  été  publié  en  juillet,  1796, 
par  D.  J.  B.  Muuoz.  Comme  il  n'existe 
aucune  liste  exacte  de  ses  ouvrages  , 
le  loug  article  cpii  lui  est  consacré  dans 
\aBibliolheca  Hispanicaiiova^  étant 
plein  d'omissions  et  d'inexactitude, 
nous  nous  contenterons  de  citer  de 
lui  :  I.  Deux  Décades  de  l'histoire 
de  Ferdinand  et  d'Isabelle  ,  Gre- 
nade, 1545,  in-fol.;  II.  Des  Lexiques, 
espagnol-latin,  et  latin-espagnol  ;  qui , 
au  rapport  de  David  Clément ,  ont  eu 
dix-huit  éditions;  L  première,  d'Al- 
cala  de  Hennarrz,  i532,  in-fol.,  est 
très-rare  ;  Grenade,  i53G,  in-fol; 
III.  Des  Explications  de  l'Ecriture- 
Sainle ,  dans  les  Critici  sacri  ;  IV. 
Des  Commentaires  surbeaucoup  d'au- 
teurs anciens.  Ses  Poésies  latines 
furent  publiées  par  \  ivamo ,  en  1 49 1  ■ 
B— p. 

ANTOINE  (Nicolas).  To^.  An- 
tonio. 

ANTOINE  de  Messine,  peintre, 
communément  appelé,  en  Italie,  An- 
TORELLo,  né  à  Messine  en  i447  > 
mourut  en  1496,  suivant  Gallo,  qui 
ÊC  fonde,  pour  ces  dates  ,  sur  un  ma- 
nuscrit de  Siisiuo ,  peintre  du  17'". 


A  N  T 


18  f 


siècle.  Vasari  en  parle  plus  vague- 
ment :  il  se  contente  de  due  que  ce 
maître  ne  vécut  que  49  aos,  et  alla 
en  Flandre  pour  apprendre  de  Jean 
van  Eyck  ,  dit  Jean  de  Bruges  , 
l'art  de  peindre  à  l'huile,  qui  était, 
ajoute-t-il,  inconnu  en  Italie.  La  dé- 
couverte de  la  pcinlure  à  l'huile  date 
de  i4'  Oj  et  Jean  de  Biiiges ,  qui  eu 
fut,  dit-on,  l'inventeur,  mourut  en 
i44i'  Comment  se  pourrait-il,  sui- 
vant Gallo ,  qu'Antoncllo,  né  en  t4  »7, 
eut  vu  Jean  de  Bruges,  inoit  six  an- 
nées auparavant?  L'opinion  de  Va- 
sari, quoique  peu  déterminée,  doit 
donc  être,  eu  quelques  poiçts ,  préfé- 
l'ée  à  celle  de  Susiuo,  rapportée  par 
Gallo.  Cependant  les  tableaux  à  l'huile 
d'Anlonello  portent  les  dates  de  1 474  > 
et  même  de  i49^-  Celui  que  pos'iède 
M.  Martinengo,  à  Venise,  est  signé 
ainsi  :  Anlonellus  Mrtssaneus  me  fe- 
cit,  i474'  Dans  la  salie  des  Dix  de 
la  même  ville,  on  en  vovait  un  autre 
signé ,  Antoniiis  Messinensis.  Si  ces 
tableaux  sont  véritablement  d'Anfo- 
nello,  comment  n'a-t-il  vécu  que  qua- 
rante-neuf ans  ?  Il  n'a  pu  apprendre 
de  van  Evck  l'art  de  peindre  à  l'huile 
qu'avant  la  mort  de  ce  célèbre  aifiste 
flamand,  au  moins  eu  i44'-  I'  avait 
aussi  au  moins  dix-huit  ans  ,  quand 
il  a  fait  le  voyage  de  Flandre ,  et , 
dans  cette  supposition,  il  a  dû  vivre 
soixante  -  sept  ans  ,  si  ou  se  borne 
encore  à  ne  reconnaître  .  comme 
lui  appartenant,  que  le  tableau  seul 
de  M.  Martinengo,  signé,  en  i474- 
Quoi  qu'il  en  soit ,  on  peut  croii'e  ce 
que  rapporte  Vasari,  pourvu  qu'on 
admette  positivement  qu'Antoncllo  a 
vécu  plus  de  quarante-neuf  ans.  De 
retour  de  son  voyage  en  Flandre ,  il 
communiqua  sou  secret  à  Dominique 
Vénitien.  Ce  dernier,  se  trouvant  à 
Florence ,  le  communiqua ,  à  son  tour, 
à  André  del  Gastagno ,  qui ,  poussé 


in-2  A  N  T 

par  une  horrible  jalousie,  l'assassina, 
pour  n'avoir  pas  de  rival  dans  cotte 
nouvelle  manière  de  peindre  ,  ne  sa- 
chant  pas   qu'Ântonello  avait    aussi 
lionne  le  même  secret  à  Pino  de  Mes- 
sine ,  sou  ami ,  et  que  Roger  de  Bruges , 
élève  de  van  Eyck  lui-même ,  e'tait 
venu  faire   connaître  ce  procède'  à 
Venise.  Les  comj)ositions  d'Antonello 
ne  sont  pas  dans  le  goût  italien  d'alors. 
La  couleur  est  moins  bonne  que  celle 
de  quelques  Vénitiens  ses  contempo- 
rains ,  qui ,  en  même  temps  que  lui , 
commencèrent  à  peindre  à  l'huile. 
A— D. 
ANTOINE   (Paul -Gabriel), 
the'ologien  jésuite,  ne,  en  iG-jq,  à  Lu- 
neVille,  mort,  en  174^?  ''  Pont-à- 
Mousson  ,  où  il  avait  long-temps  oc- 
cupe une  chaire  de  théologie.  Nous 
avons  de  lui  :  L  Theologia  universa, 
Pont- à- Mousson  ,    i7'?..'îj    Nancy, 
1732,  I  vol.  in-4". ,  5  vol.  in- 12; 
Paris,  1740 5  7  vol.  in-12,  réimpri- 
mée à  Mayencc  par  les  soins  du  père 
O^ermann  ,  qui  l'a  augmentée  et  mise 
dans  une  nouvelle  forme  ;  IL   TheO' 
los,ia  moralis ,  Nancy,  1731  ,  Paris, 
1750,5  vol.  in-8'\  ;   Paris,  i744> 
in-i  2 ,  4  vol.  Cette  dernière  partie  est 
plus  estimée  que  la  première.  L'auteur 
s'est  éloigné  ,  dans  la  décision  des  cas 
de  conscience,  des  opinions  relâchées 
de  ses  confrères.  On  trouve  cepen- 
dant quelques-unes  de  ses  proposi- 
tions   dans    le    Recueil   des    asser- 
tions. M.  Cassieu  Fenici,  comte  d'Ar- 
tenberg ,  a  relevé  plusieurs  vices  de 
sa  morale  dans  un  ouvrage  intitulé: 
Theologiœ  ascelico  -  moralis  insti- 
iutiones  ,   Cologne,    1769,   in-12. 
Néanmoins  le  P.  Antoine  s'est  pro- 
noncé formellement  contre  le  proba- 
bilisme,  les  équivoques,  les  restric- 
tions mentales,  etc.;  aussi  Benoît XIV 
fit-il  adopter  sa  morale  au  collège  de 
la  Propagande.  Il  fut  l'édilcur  des 


ANT 

Instructions  spirituelles  du  P.  Caus- 
sade,son  confrère,  et  a  publié  plu- 
sieurs ouvrages  de  piété  ,  dont  ou 
trouvera  la  liste  dans  la  Bibliothèque 
de  Lorraine.  T — d. 

ANTOINE  (Marc-),  graveur.  F. 
Baymondi. 

ANTOINE  (Jean),  dit  le  Sodoma. 
P^oj.  Sodoma. 

ANTOINE  (  Jacques -Denis)  , 
architecte ,  naquit  à  Paris  ,  le  G  août 
1735.   Jean  -  Baptiste  Antoine,   son 
père ,  était  menuisier ,  et  voulait  faire 
de  son    fils  un  simple  artisan.  Jac- 
ques -  Denis  fut  maçon.    La  charge 
d'expcrt-entrtpreneur, qu'il  obtint ,  le 
mit  à  portée  li'iicquèrir  des  connais- 
sances et  de  les  perfectionner.  Bientôt 
il  eut  la  réputation  de  constructeur  ha- 
bile. La  A'oûte  du  palais  de  Justice , 
et  le  grand  escalier  du  même  bâtiment 
prouvèrent    ses  talents.  Cbargé ,  eu 
1 7  7 1 ,  de  la  construction  de  l'holel  des 
Monnaies ,  à  Paris ,  il  fut  obligé  de  res- 
serrer quelques  parties  de  cet  édifice, 
et  de  troji  avancer  la  façade  sur  le  quai, 
parce  que  le  surintendant  des  bâti- 
ments, d'Angivilliers,  prit,  pour  se 
faire  bâtir  un  hôtel ,  une  partie  du  ter- 
rain qui  était   destiné  à  la  Monnaie. 
L'hôtel  de  Bervicq  ,  à  Madrid ,  l'hôtel 
des  Monnaies  ,  à  Berne  ,  sont  encore 
l'ouvrage  d'Antuinc,  qui,  nommé  mem- 
bre de  l'institut ,  en  1 799,  est  mort  le 
9,4  août  1801.  Son  éloge ,  par  M.  Lus- 
sault,  a  été  imprimé  en  1801  ,in-8". 
A.  B— T. 
ANTOINETTE  d'Orléans,  fille 
d'Eléonore  d'Orléans  ,  duc  de  Lon- 
gueville,   et  de  Marie  de  Bourbon. 
Douée  d'une  rare  beauté,  elle  épousa 
Charles  de  Gondi ,  marquis  de  Bcllc- 
Isle  ,  qui  fut  tué  en  1 5ç)t) ,  en  voulant 
surprendre  le  mont  Saint-Michel.  Un 
soldat ,  qu'elle  avait  chargé  de  venger 
la   mort  de   son    époux ,    ayant  été 
pmidu ,  malgré  ses  sullicitalious  poui: 


ANT 

obtenir  sa  grâce,  elle  n'écouta  plus 
que  sa  douleur,  abandonna  le  inonde 
et  prit  riiabil  de  feuillantine  à  Tou- 
louse ,  en  I  opg ,  sous  le  nom  de  Sœur 
Antoinette  de  Sainle-Scholastique. 
Cinq  années  après  ,  Henri  IV  la 
nomma  coadjutrice  d'Elc'onore  de 
Bourbon  \'endônie ,  abbesse  de  Fon- 
tevrault.  Elle  obéit  à  ret^ret,  refusa, 
par  la  suite ,  le  titre  d'abbessc ,  et  alla 
s'enfermer  dans  le  monastère  de  l'Eu- 
ciaistre ,  diocèse  de  Poitiers ,  où  elle 
avait  établi  la  réforme.  Ce  fut  là  qu'elle 
conçut  le  dessein  de  fonder  la  nou- 
velle congrégation  des  Filles  du  Cal- 
vaire ,  pour  y  pratiquer  la  règle  de 
S.  Benoît  dans  toute  sa  rigueur.  Les 
statuts  en  furent  dressés  par  le  fa- 
meux P.  Jose}.li,  capucin,  directeur 
de  l'ordre.  Dans  cet  intervalle ,  An- 
toinette d'Orléans  entreprit  aussi  de 
réformer  l'ordre  de Fontevrault,  ayant 
reçu  des  pleins  pouvoirs  du  pape 
Paul  V.  Elle  quitta  tout-à-fait  Fonte- 
vrault en  1617,  pour  aller  prendre 
possession  du  monastère  du  calvaire, 
à  Poitiers,  où  elle  mourut  au  mois 
d'avril  de  l'année  suivante.  K. 

ANTOINETTE  d'Autriche  (  Ma- 
rie ).  T^oy.  Marie. 

ANT0:N  ,  ou  ANTONlUS(PArL), 
théologien  delà  communion  de  Luther, 
né  eu  1661,  àHirschfeldjdanslaLusa- 
cc  supérieure,  mort  en  i-ySo  à  Halle, 
étant  professeur  de  théologie  et  inspec- 
teur des  églises  du  cercle  de  la  Saale,  fut 
ami  et  coopérateur  d'A.  II.  Francke , 
un  des  chefs  de  ceux  qu'on  a  appelés 
piétistes,  et  qui  ont  contribué,  par 
une  vie  exemplaire ,  autant  que  par 
leurs  écrits,  à  ramener  l'enseignement 
religieux  à  son  véritable  but,  à  être 
une  école  de  vertus  et  de  piété.  Il  fut 
instituteur  des  enfants  d'Otto  Menc- 
ken,  et  accompagna,  comme  aumô- 
nier, dans  ses  voyages,  le  prince 
électoral  Frédéric  -  Auguste  ,    depuis 


ANT  383 

électeur  de  Saxe  et  roi  de  Polo- 
gne. Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
I.  De  sacris  gentilium  procès  sionibus. 
Lcipsig,  1684,  in-4;  n.  Concilii  Tri- 
dentini  adeoque  et  Pontificiorum  doc- 
trina publica^haWe,  1697,  in-8., sou- 
vent réimprimé  ;  III.  diflcrents  écrits  de 
controverse,  publiés  dans  une  discus- 
sion tliéologique  avec  J.  G.  Neumann 
(  V.  Walch  ,  Bihlioth.  théol. ,  t.  II , 
p.  754);  IV.  Elementa  homiletica , 
Halle,  1 700,  in-8"  ;  V.  Collegium  an- 
titheticum,  ib.,  l 'jZi.  S — R. 

ANTONELLI   ( Nicolas-Marie  ), 
comte  de  la  Pergola,  s'éleva  par  degrés 
à  la  cour  de  Rome,  dans  les  dignités 
ecclésiastiques ,  jusqu'à  celle  de  cardi- 
nal. 11  se  distingua  par  un  profond  sa- 
voir, par  une  modestie  rare,  et  des 
mœurs  pures.  Il  était  né  en  1697  ,  et 
mourut  !e  i\  sept,  i  767.  Il  a  laissé, 
entre  autres  ouvrages  :  I.  une  disserta- 
tion latine  ,  De  titulis  quos  S.  Evaris- 
tus  Romanis  presbj  leris  distrlbuit. , 
Rome,  1725,  in-8°.î  IL  Ragioni  délia 
Sede  apostolica  sopra  il  Ducato  di 
Parnia  e  Piacenza  esposte  à"  sovra- 
ni  eprincipi  Catlolici  delVEuropa , 
1  742,  4  vol.  in-4.,  sans  nom  de  lieu, 
d'imprimeur  ni  d'auteur,  maisécritpar 
Antonelli,  et  imprimé  à  Rome;  III.  S. 
Athanasii    archiepiscopi    Alexan- 
driœ  interfyretatio  psalmorum ,  etc. , 
Rome,  1 746,  in-folio;  ouvrage  qu'il  a 
eu  le  mérite  de  publier  pour  la  pre- 
mière fois ,  et  qu'il  avait  tiré  d'un  ma- 
nuscrit original  de  la  bibliothèque  Bar- 
berini.  Il  y  a  joint  une  traduction  latine, 
imprimée  en  face  du  texte  grec,  des 
corrections  et  des  notes.  IV.  Fétus 
Miss  aie  Romanum ,  prœfationibus  et 
jiotis  ilîustratum,  Rome,  \  756.  in-4°. 
V.  Il  cultivait  aussi  la  poésie  italienne, 
et  l'on  trouve  des  morceaux  de  lui  dans 
le  X^.  vol.  des  poésies  degli  Arcadi 
di  Roma ,  i']^'],  in-8'.  Plusieurs  de 
ses  ouvrages  ^  imprimes  d'abord  sépa  - 


28-1 


A  N  T 


rc'iaf-nt,  onl  ëfc  rassembles  en  un  vo- 
Junie  in  folio,  Rome,  1 706.     G — e. 

ANTOrsELLO,peintie(  Foy.  An- 
ToiivE  de  Messine  '. 

AWTONI  (  Alexandre- YiCTOR- 
Papacino  d*  ) ,  directciu"  de  l'école 
royale  d'artillerie  du  roi  de  Sardaignc, 
iiaquitleioniai  1  7  i/j, à  Ville-Franche, 
danslecomie'delNice  ,oiJ  son  pèreclait 
capitaine  du  port.  Le  nom  de  d'ANxoM, 
sous  lequel  il  est  plus  connu,  est  celui 
de  sa  mère,  qu'il  ajouta  au  sien.  11 
entra  au  service  à  l'âge  de  dix-huit 
ans,  dans  le  corps  d'artillerie,  et  s'é- 
leva au  grade  de  capitaine  ;  il  fut  même 
employé  dans  quelques  négociations 
«léiieates;  mais,  au  milieu  des  camps  et 
des  fatigues  militaires,  d'Autoni  trou- 
va le  temps  de  s'occuper  aussi  des 
e'iudes  théoriques  relatives  à  son  art, 
et  se  lia  avec  ceux  qui  pouvaient  lui 
fournir  des  lumières.  11  gagna  surtout 
l'estime  du  comte  Beitola,  directeur 
des  écoles  d'artillerie  qui  venaientd'ètre 
fondées  à  Turin,  en  1759.  D'Antoni 
fit  tant  de  progrès  en  ce  genre,  qu'en 
1755,  il  fut  nommé  lui-même  direc- 
teur de  ces  écoles.  C'est  en  cette  qualité 
qu'il  composa  son  Cours  de  mathéma- 
tiques ,  d'artillerie  et  d'architecture 
militaire  {Iruduit  en  français  par  Mon- 
truzard  ,  1777,  in-S".  ).  H  fut  aidé, 
dans  quelques  parties ,  par  Tignola  et 
Kozzolino,  ofFiciers  de  son  corps,  et 
]iar  lîana ,  architecte  et  professeur  aux 
mêmes  écoles.  Ce  Cours  a  été  adopté 
fiour  l'enseignement  dans  les  écoles 
d'artillerie  de  Prusse,  de  Venise,  etc. 
l)'"  toutes  Us  parties  qui  le  composent, 
<  elle  qui  fit  le  plus  d'honneur  à  d'Auto- 
ni, c'est  VE saine  délia  Polvere,  ou- 
vrage qui  renferme  un  grand  nombre 
d'expériences  originales  sur  la  force  et 
b'5  effets  delà  poudre  à  canon.  Ce  livre, 
traduit  en  plusieurs  langues  (  en  fran- 
t;ais,  par  Flavigny,  1778,  in-8".  ), 
lui  acquit  une  brillante  rcpulaliouchcz 


ANT 

l'étranger.  L' Uso  delV  armi  dafuocn, 
traduit  aussi  en  français  par  St.-Aii- 
ban,  et  en  Anglais,  eu  est  comme  un 
supplément.  Dans  un  moment  où  les 
nouvelles  connaissances  mécaniquesct 
physiques,  qui  commençaient  à  se  ré- 
pandre, excitaient  partout  le  goiît  des 
recherches  sur  la  théorie  de  l'ailillerie , 
les  artilleurs  piémontais  se  distinguè- 
rent par  les  travaux  les  plus  étendus  et 
les  plus  profonds.  Un  grand  nombre 
d'expériences  furent  faites  par  ordre 
du  gouvernement,  et  sous  la  direction 
des  colonels  d'artillerie,  et  en  particu- 
lier de  M.  de  Viucenti.  Ce  sont  ces 
expériences  qui  ont  servi  de  base  aux 
deux  ouvrages  de  d'Autoni.  «  On  sera 
»  sans  doute  étonné,  dit  avec  raison  le 
»  savant  traducteur  franç.iis ,  du  nom- 
»  bre  et  delà  variété  desdillerentes  es- 
»  périences  qui  ont  été  faites  en  grand 
»  sur  chacun  des  objets  j  de  la  rigueur, 
»  de  la  précision  et  de  l'exactitude  qu'un 
»  a  employées,  afin  de  pouvoir  asseoir 
»  sur  leurs  résultats  des  jugements  posi- 
»  tifs,  irrévocables  et  sans  l'etour  ».  H 
ne  paraît  pas  que  d'Antoni  connût  d'au- 
tres ouvrages  modernes  sur  son  art 
que  celui  deRobins(  New  Principlcs 
of  Gunnerj  ).  11  ne  le  cite  même  pas  , 
mais  il  le  réfute  plusieurs  fois  indirecte- 
ment. Au  reste ,  outre  les  choses  tout-à- 
fait  nouvelles  que  son  ouvrage  contient, 
il  a  encore  rectifié  quelques-uns  des  ré- 
sultats de  l'auteur  anglais.  D'ailleurs  , 
ses  jirincipcs  se  trouvent  assez  d'accord 
avec  les  expériences  qui  furent  faites 
en  France  vers  le  même  temps ,  et  qui 
n'étaient  pasencore  connues, lorsqu'il 
écrivait.  Un  trouverait  même  bien  peu 
de  choses  à  changer  dans  la  partie  qui 
tient  à  la  chimie,  quoique  l'auteur  fût 
étranger  à  cette  science ,  et  que  la 
théorie  des  gaz  n'eût  pas  encore  été 
éclaircic;  les  dernières  exjiériences 
de  INI.  de  Rumfort  confirment  en  par- 
ticulier ce  qu'avait  dit  d'Autoni  sur  la 


ANT 

part  qu'ont  les  vapeurs  dans  la  force 
de  la  poudre.  Le  roi  de  Sardaigne  ré- 
compensa le  me'iile  de  d'Anioiii  par 
miecominaiiderie  des  ordres  réunis  de 
Saint-Maurice  et  de  Saint-Lazare  :  il  lui 
confia,  en  1783,  la  direction  supé- 
rieure de  tout  ce  qui  appartient  à  l'ar- 
tillerie. L'année  d'après,  il  le  nomma 
lieutenant-gcne'ral.  D'Antoni  mourut 
If  7  de'c.  1 78G ,  regrette  de  tous  les  ar- 
tilleurs dont  il  était  le  maître  et  le  père. 
Ses  Principes  fondamentaux  de  la 
construction  des  places  avec  un  nou- 
veau système  de  fortifications  ,  ont 
ëtc  traduits  en  français  par  Flavigny, 
1.77  5.  La  Fie  de d' Antoni  a  cié  écrite 
par  M.  de  Balbe,  en  1 79 1 ,  et  insérée, 
en  i8o5,  dans  les  Mémoires  de  l'a- 
cadémie des  sciences  de  Turin,  dont 
d'Antoui  était  membre.  B — be. 
ANTONIA,  vestale  (  r.CLAUDiA\ 
ANTONIA  ,  seconde  fille  de  Marc 
Antoine  le  triumvir  ,  et  d'Octavie  pre- 
mière ,  épousa  Drusus ,  fils  de  Tibère- 
Claude  Néron  et  de  Livie.  Elle  se  dis- 
tingua par  des  vertus  dont  son  père 
ne  lui  avait  pas  donné  l'exemple  ,  mais 
qui  furent  rcj-roduites  par  Germanicns 
son  fils.  Ce  fut  elle  qui  informa  Tibère 
des  trames  de  Séjau,  par  une  lettre 
que  lui  porta  l'alFranclii  Pallas.  Elle 
vit  régner  Galigula  son  pelit-fils.  Ce 
fou  ,  dans  un  de  ses  caprices  ,  lui  fit 
donner  le  nom  d'Auguste,  et  décerner 
tous  les  honneurs  qui  avaient  été  pro- 
digués à  Livie.  Bientôt  il  l'abreuva  de 
tant  d'humiliations  et  de  dégoûts,  qu'il 
la  foi'ça  de  mettre  fin  à  ses  jours ,  s'il 
ne  l'empoisonna  pas ,  comme  on  l'a 
dit.  Elle  mourut  l'an  37  ou  38  de 
J.-C.  Q— R— Y. 

ANT0NL4N0  (  Silvio  ) ,  cardinal , 
originaire  de  Castello  dans  l'Abruzze, 
au  royaume  de  Naples,  et  né  à  Rome, 
d'un  marchand  de  draps  et  d'étoffes 
de  laine,  le  3i  décembre  i54o.  Il 
montra,  dans  sou  enfance,  des  dis- 


ANT 


285 


positions  singulières  pour  les  lettres, 
mais  surtout  pour  la  poésie  et  la  mu- 
sique. A  10  ans ,  il  jouait  parfaitement 
de  la  lyre  ,  et  il  s'accompagnait  en 
chantant  des  vers,  qu'il  improvisait 
sur  toute  sorte  de  sujets,  et  dans  toutes 
les  mesures  et  toutes  les  formes  de  la 
poésie  italienne.  On  l'appelait  ilpoeti- 
710  (  le  petit  poète).  Sa  réputation  nais- 
sante le  fit  prendre  en  amitié  par  un 
cardinal ,  dont  les  bienfaits  le  mirent 
en  état  de  continuer  ses  études  ,  et  de 
se  rendre  habile  dans  les  langues 
grecque  et  latine.  Il  n'en  cultivait  pas 
moins  sou  talent  d'improvisateur;  on 
rapporte  des  preuves  étonnantes  de 
ce  talent,  données  dans  des  occasions 
heureuses,  qui  le  fiient  connaître  avan- 
tageusement des  princes  de  la  cour 
romaine ,  entre  autres  du  cardinal 
Jean-Ange  de  Médicis,  qui  se  souvint 
de  lui  lorsqu'd  fut  devenu  pape  ,  sous 
le  nom  de  Pie  IV.  Avant  cette  époque, 
le  duc  de  Ferrarc ,  Hercule  II  ,  fut 
tellement  ravi,  dans  un  voyage  qu'il 
fit  à  Rome,  de  la  poésie,  du  chant , 
et  du  talent  de  toucher  la  lyre  du 
jeune  Anloniano  ,  qu'il  l'emmena  avec 
lui  à  Ferrare ,  d'oîi  le  cardinal  d'Est , 
frère  du  duc,  le  conduisit  à  Venise. 
Il  y  donna  de  nouvelles  preuves  de  ses 
talents  devant  les  assemijleVs  les  jjIus 
imposantes  et  les  plus  nombreuses. 
De  retour  à  Ferrare ,  et  n'ayant  encore 
que  seize  ans  ,  il  obtint  du  duc  une 
chaire  publique  de  belles-lettres  ,  qu'il 
remplit  avec  un  grand  concours  d'au- 
diteurs. Conduit  à  Florenge  peu  de 
temps  après ,  par  le  prince  Alphonse 
d'Est ,  il  y  eut  les  mêmes  succès  qu'à 
Venise.  Varclii  en  paiie,  avec  la  plus 
grande  admiration  ,  dans  son  Erco- 
lano.  Ce  fut  alors  que  le  duc  Hercule  II 
étant  mojt,  Antoniano  fut  appelé  à 
Rome ,  en  1 5^9 ,  par  Pie  IV.  Ce  pape 
le  donna  pour  maître,  et  pour  secré- 
taire des  lettres  latines,  au  cardinal 


s8G 


ANT 


Charles  Bonome'c  ,  avec  qui  il  se  ren- 
dit à  INIilan.  H  rédigea  les  actes  du 
coucile  qui  s'y  tiut,  étendit  beaucoup 
le  nombre  de  ses  amis  et  de  ses  pro- 
tecteurs. Ramené'  à  Rome  par  le  car- 
dinal ,  il  tut  nomme  par  le  pontife,  pro- 
fesseur de  belles-lettres  au  collège  de 
]a  Sapieuce.  Ses  leçons  curent  tant 
n'e'clat ,  -que  le  jour  où  il  commença 
«.l'expliquer  le  discours  de  Cice'ron 
pour  Marcellus,  il  avait  vingt -cinq 
cardinaux  pour  auditeurs.  Il  fut  un 
.les  membres  les  plus  distingues  de 
l'académie  dn  Vatican  ,  institue'e  par 
le  cardinal  Borrome'e  ;  il  en  fut  même 
■j)rcsident,  lorsqu'il  n'avait  encore  que 
vingt  ans.  Bientôt  il  quitta  prcsqu'cn- 
ticrement  les  lettres  humaines  ])our  se 
livrer  tout  entier  à  l'étude  de  la  phi- 
losophie ,  de  la  théologie  et  des  Pères. 
Ayant  été  ordonné  prêtre  en  iSO^,  il 
fut  nommé  ,  peu  de  temps  après  ,  se- 
crétaire du  sacré  collège  ;  les  papes 
Grégoire  XIII  et  Sixte-Quint ,  lui  con  - 
fièrent  plusieurs  missions  et  divers 
travaux  ,  dont  il  s'acquitta  toujours 
avec  succès;  Grégoire  XIV  voulut  le 
nommer  à  trois  évêchés ,  qu'il  refusa 
successivement.  Enfin  ,  Clément  VIII 
le  fit  chanoine  de  la  basilique  du  Va- 
tican, et  ensuite  cardinal,  le  5  mars 
iSgS.  11  mourut  à  Rome  le  i5  août 
i6o3.  Ses  ouvrages  imprimés  sont  : 
I.  Dell'  Educazione  Cristiana  de' 
Fis,Uuoli  lihri  trè ,  Vérone  ,  1 584  ? 
in-4". ,  réimprimé  à  Crémone  et  en- 
•suite  à  Naples.  11  composa  cet  écrit 
à  la  demande  du  cardinal  Borrome'e , 
lorsqu'il  lui  était  attaché.  II.  Orationes 
ircdecim  ,  publiées  pour  la  première 
fois  après  sa  mort,  Rome,  iGio, 
i^i-4". ,  pai'  Joso])h  Castiglione ,  qui  y 
a  joint  la  vie  de  l'auteur.  III.  Plusieurs 
discours ,  dissertai  ions ,  lellros  et  mor- 
ceaux de  poésie ,  tant  latine  qu'ita- 
lienne ,  imprimes  dans  dillérents  re- 
«iieils.  G — i. 


ANT 

ANTONIA^US  (Jean),  domini- 
cain de  Nimègue  ,  mort  en  i588  , 
était  versé  dans  les  écrits  des  Pères 
de  l'Église  ,  et  on  a  de  lui  quelques 
éditions  de  leurs  ouvrages  les  moins 
connus.  Voici  celles  que  lui  attribue 
Harzlieim ,  Bibl.  colon. ,  p.  1 5g  :  I.  Li- 
ber D.  Grcgorii  Ep.  Nrsseni  Ds 
creatione  IJomùds  ,  Supplementum 
Hexœmeri  Basilii  Magrd,  interprète 
Dionjsio  Romano  exigiio,  nunc  pri- 
jnum  typis  excusas ,  Cologne,  i557, 
in-fol.  ;  II.  D.  Paulini  Nolani  quot- 
qiiot  cxslani  opéra  omnia ,  H.  Grœ- 
vii  studio  restilula  et  ilL,  Cologne, 
i56o,  in-8'.  ;  III.  Epistolajwn  D. 
Hieroaymi  Decas  I. ,  ub  Henr.  Gnc- 
vio  priorc  quondam  sua  recensiia 
et  illustrata,  Anvers  ,  i568,  in  -8'.  ; 
Joclier  lui  attribue  encore  l'édition  de 
Gregorii  AWsseni  Ub.  de  philoso- 
pjdâ,  et  vijstica  mosaicœ  xntœ  nar~ 
ratio ,  du  même;  Basilii  magni.  Tr. 
de  differentid  usics  et  hjftostasis  ; 
Gregorii  Nazianz.  or.  in.  laudein 
Gregorii  A^jsseni,  et  un'  sermon  du 
Jiiêine  :  De  moderandis  disputalio- 
nibus.  S — B. 

ANTOMDES  Nerdenus  ^He>ri>, 
de  Naerdcn ,  près  d'Amsterdam  ,  né 
en  i546,  mourut  en  i6o4.  On  a  de 
lui  un  Srsteina  theologiœ  ,  Frane- 
kerae ,  i  G 1 5  ,  in  -  4". ,  et  Initia  aca- 
demiœ  Franekerensis ,  ib.  iGi5  , 
ia-4  '.  Il  s'appelait  aussi  Henr.  An- 

TONILS  VAN  DER  LîNDEN.  LcspcrsécU- 

tious  du  duc  d'Albe,  qui  fit  périr  son 
père  et  une  grande  partie  de  sa  la- 
millc  ,  dans  le  massacre  de  Naerden , 
l'avaient  forcé  d'émigrcr  dans  sa  jeu- 
nesse. La  préface  de  son  Systema  iheo- 
logiœ  contient  des  renseignements 
précieux  sur  les  commencements  de 
la  réformation  dans  les  Pays-Bas. 
S— R. 
AN  TO  NI  DES  (  Jean  }  van  dei; 

Ll>Dt.N.  Foj,  LlNDEN. 


ANT 

ANTON  IDES  (Jean),  appelé 
Alcrmarianus,  d'Alckmar,  son  lieu 
de  naissance ,  savant  orientaliste.  On 
lui  doit  :  Epistola  Pauli  ad  Titiim  , 
Arahicè,  cum  Jo.  Anton,  interlineari 
versione  latind  ad  verbiim  ,  Antv. , 
i6i'j,  in-4°.  On  ignore  les  années 
dé  sa  naissance  et  de  sa  mort.    S — R. 

ANTONIDES  (  Théodore  ) ,  théo- 
logien hollandais  du  commencement 
du  18".  siècle.  11  a  donné  des  com- 
racntaii-es  en  langue  hollandaise,  sur  les 
Epilres  de  S.  Jacques  ,  S.  Pierre  et 
S.  Jade ,  et  sur  le  Livre  de  Job.  Il 
était  partisan  de  l'interprétation  mys- 
tique (Voy.  fValch ,  Biblioth.  thebl. , 
t.  IV,  p.  487 ,  745  ^^  7S3>  ii — R. 

ANTONIDES  (  Jeak)  ,  surnommé 
VAN  DER  GoEs  ,  à  causc  dc  la  ville  du 
même  nom  ,  en  Zélande  ,  où  il  na- 
quit,  en  1647  '  ^'^  parents  peu  for- 
tunés. A  l'âge  de  neuf  ans,  son  père  le 
mit  à  l'école  latine  d'Amsterdam,  où 
il  étudia  sous  les  plus  fameux  maîtres. 
Le  goût  de  la  poésie  semblait  héré- 
ditaire dans  sa  laraille  ;  car  son  père  , 
sans  avoir  fait  aucune  étude ,  la  cuUi- 
vait  avec  beaucoup  d'ardeur.  Les  pre- 
miers essais  d'Antonides  furent  des 
imitations  d'Horace  ,  d'0\Tide  et  de  Sl- 
lius  Italicus.  Il  composa  ensuite  une 
tragédie  intitulée  :  Trazet,  ou  la  Chine 
.  envahie ,  dont  Vondel ,  poète  célèbre 
de  ce  temps,  fut  fort  coulent.  Les  élo- 
ges d'un  homme  du  mérite  de  Von- 
del étaient  faits  pour  encourager  le 
jeune  poète  ;  aussi  ,  après  quelques 
pièces  plus  ou  moins  bien  composées , 
il  donna ,  en  1G7  i  ,  l'ouvrage  que  les 
Hollandais  estiment  le  plus  ,  et  qui  est 
intitulé:  1^5froom,  c'esl-cà-dire  ,  la 
rivière  de  V  Y ,  k  Amsterdam.  La 
description  de  celte  rivière  ,  ou  plutôt 
4e  ce  lac ,  est  le  sujet  de  ce  poème , 
divisé  en  quatre  chants.  Dans  le  pre- 
mier, le  poète  fait  une  pompeuse  des- 
criptiou  do  tout  ce  qui  est  remarqua- 


A  N  T  087 

ble  sur  la  rivière  de  l'Y ,  où  Amster- 
dam est  bâti  j  dans  le  second ,  il  com- 
mence par  les  éloges  de  la  navigation , 
et  décrit  les  flottes  nombreuses  qui 
couvrent  l'Y  ,  comme  une  immense 
forêt ,  et  de  là ,  vont  dans  chaque  par- 
tie du  monde  pour  en  rapporter  tout 
ce  qui  peut  satisfaire  les  besoins,  le 
luxe  ou  la  vanité  des  hommes  ;  dans 
le  troisième,  le  poète  se  suppose  trans- 
porté à  la  source  de  la  rivière  de  l'Y;  il 
y  voit  les  divinités  aquatiques  qui,  ac- 
compagnées de  demi-dieux  et  de  nvm- 
phes  ,  se  parent  pour  aller  à  une  fcte 
qui  doit  être  célébrée  à  la  cour  de 
Neptune  ;  dans  le  quatrième  livre ,  il 
décrit  l'autre  rive  de  l'Y,  où  s'élèvent 
plusieurs  villes  de  la  Nord-Hollande , 
et ,  à  la  fin  du  poème ,  il  s'adresse  aux 
magistrats  d'Amsterdam,  et  attribue  à 
leur    sagesse   la  prospérité  de   cette 
ville.  Ce  poème ,  où  il  y  a  de  grandes 
beautés ,  excita  l'admiration  générale. 
Plusieurs  personnes  s'intéressèrent  vi- 
vement à  l'auteur,  qui  n'avait  encore 
que  vingt-quatre  ans ,  et  qui  était  dans 
la  boutique  d'un  apothicaire.  Ils  lui 
firent  étudier  la  médecine  à  Utrecht, 
où  il  fut  promu  au  grade  de  docteur , 
en  1675.  Pendant  son  séjour  à  Ams- 
terdam, il  avait  été  membre  de  la  so- 
ciété des  artistes  ,  et  il  avait  eu  part  à 
la  composition  de  plusieurs  pièces  , 
notamment  du  Roi  d\4lbe,  à!  Oron- 
date  à  Siatire ,  etc.  Un  de  ses  pro- 
tecteurs le  plaça  ensuite  avantageuse- 
ment dans  l'amirauté,  ce  qui  procura 
à  Antonides  le  moyen  de  se  Uvrer  com- 
modément à  son  penchant  naturel.  Il 
projeta  alors  un  grand  poème ,  qvù 
devait  se  composer  de  douze  livres , 
et  contenir  les  actions  mémorables  de 
S.  Paul ,  l'apotre  ;  mais  il  fut  enlevé 
aux  lettres,  en  1G84,  dans  sa  trente- 
huitième  année.  Les  plus  fameux  poètes 
de  son   temps  firent  des  élégies  sur 
cctle  mort  prématurée.  La  collection 


28S  A  N  T 

de  ses  œuvres  a  été  imprimée  à  Ams- 
terdam ,  en  I  7 1 4  •.  iii-4"'      ij — g.- 

A^'T0^'1LES  (Joseph),  peintre, 
né  à  Se'vilie  ,  eu  ib56  ,  apprit  dans 
celle  ville  les  cléments  de  la  peinture, 
et  alla  ensuite  à  Madrid  pour  se  per- 
fectionner, Ce  fut  surtout  dans  le  pay- 
sage qu'il  excella  ;  il  avait  un  bon  choix 
de  sirjcls ,  sa  touche  était  spirituelle  et 
légère  ;  il  s'exerça  aussi ,  mjis  avec 
moins  de  succès  ,  dans  les  sujets  de 
dévotion  et  dms  le  portrait.  Alcala  de 
Hénarrz  et  Madrid  possèdent  quel- 
ques talileaux  de  cet  artiste ,  qui  mou- 
rut dans  cette  dernière  ville ,  en  1(376, 
âgé  de  quarante  ans.  D — t. 

ANTONIN  (  Titus  Aurelius  Ful- 

V1US  AlNTOKlNUS  Plus,  CODOU  SOUS  le 

nom  d'  ) ,  tirait  son  origine  de  Nisraes , 
et  naquit  à  Lanuviuni  ou  Lavinium  , 
dans  la  campagne  de  Rome,  le  19 
septembre  de  l'an  86.  Sa  famille, 
uoinmce  -Aurélia,  était  très-ancienne; 
mais  elle  n'avait  été  honorée  de  gran- 
des charges  que  depuis  peu  de  temps. 
Il  dut  le  jour  à  Aurelius  Fulvius ,  per- 
soimagc  consulaire,  et  à  Arria  Fadilla. 
Dès  son  enfance,  la  douceur  de  son 
caractère  le  rendit  cher  à  ses  j)arents , 
et  tous  l'ayant  choisi  pour  héritier, 
il  devint  possesseur  d'une  fortune  con- 
sidérable. Sa  naissance  et  les  amis 
que  lui  acquirent  ses  vertus,  lui  firent 
J)ientôt  posséder  des  charges  honora- 
bles. L'an  i'.).o,  il  parvint  au  consulat, 
et  fut  choisi  par  Adrien  pour  l'un  des 
quatre  personnages  consulaires  entre 
lesquels  fut  partagée  la  suprême  magis- 
trature de  l'Italie.  Il  devint  ensuile 
proconsul  d'Asie,  et  surpassa  dans 
cette  dignité  la  réputation  qu'y  avait 
acquise  son  grand-père  Arrius,  ami 
de  Phne  le  jeune.  De  retour  à  Rome  , 
Antonin  oljtint  I.»  confiance  d'Adrien , 
et  fut  admis  d:ins  le  conseil  de  ce 
prince ,  où  il  inclina  toujours  pour  les 
mesures  de  douceur.  Ayaut  épouse 


ANT 

Faustine,  fille  d'AnniusVcrus,  il  évita 
tout  scandale  public  dans  sa  manière 
d'agir  envers  cette  femme ,  dont  la 
conduite  licencieuse  a  déshonoré  la  mé- 
moire. Il  eu  eut  quatre  enfants,  dont 
trois  moururent  dans  un  âge  peu  avan- 
cé. Faustine  ,  dite  la  jeune ,  qui  sur- 
vécut à  ses  deux  frères  et  à  sa  sœur, 
devint  l'épouse  de  Marc-Aurèle.  Ce  ne 
fut  pas  sans  quelque  résistance  qu'An- 
tonin  consentit  à  être  adopté  par 
Adrien.  Il  redoutait  de  se  charger  du 
fardeau  de  l'empire ,  et  hésistait  à  sous- 
crire aux  conditions  de  l'empereur, 
qui  l'obligeait  d'adopter  L.  ^  érus  et 
M.  Annius  Vécus,  depuis  si  connu  sous 
le  nom  de  Marc  Rurale.  11  y  consentit 
enfin  ,  et,  en  i58,  année  même  de 
son  adoption ,  il  parvint  à  l'empii  e  , 
aux  acclamations  des  Romains.  Sous 
ses  lois,  l'état  jouit  d'une  tranquillité 
qui  fournit  peu  de  faits  à  l'histoire. 
D'ailleurs ,  il  ne  nous  reste ,  sur  le 
règne  de  ce  prince ,  que  sa  P^ie,  com- 
posée sans  méthode  et  avec  beau- 
coup de  confusion ,  par  Julius  Capito- 
linus.  Ce  que  Dion  Cassius  eu  avait 
écrit  est  perdu.  Au  reste,  il  demeure 
constant  que  le  sénat  joignit  aux  hon- 
neurs ordinaires  qu'il  lui  déféra,  le 
surnom  de  Pins  ,  qu'Antonin  méiita, 
dans  quelque  sens  que  l'on  prenne  la 
signification  de  ce  mot,  par  son  res- 
pect pour  la  religion  ,  et  par  son  atta- 
chement pour  ses  parents.  Pausanias 
dit  à  ce  sujet  qu'Antonin  méritait  non 
seulement  ce  surnom  ,  mais  encore 
celui  de  Père  du  genre  humain,  au- 
trefois décerné  à  Cyrus.  Dès  le  com- 
mencement de  son  règne ,  il  signala 
sa  clémence,  lors  des  conspirations 
qui  curent  lieu  contre  lui.  Quoiqu'il 
ne  put  empêcher  la  jusUce  d'atteindre 
les  principaux  coupables  ,  il  défendit 
qu'on  recherchât  leurs  complices  .  et 
prit  sous  sa  protection  spéciale  le  fils 
d'Atiilius,  uu  des  couspirateurs.  Ses 


ANT 

lîeutetiants  apaisèrent  quelques  Sou- 
lèvements qui  s'élevèrent  dans  diver- 
ses parties  de  l'empire.  Dans  laGrande- 
Eretagnc,  les  incursions  des  Brigantes 
furent  réprimées  ,  et  les  limites  de 
l'empire  romain  étendues  par  la  cons- 
truction d'un  nouveau  mur ,  au  nord  de 
celui  d'Adrien,  depuis  l'embouchure  de 
l'Esk  jusqu'à  celle  de  la  Tweed.  En 
général ,  le  règne  d'Antonin  fut  extrê- 
mement pacifique  ,  et  il  mit  en  prati- 
que ce  beau  mot  de  Scipion  ,  qu'il  ré- 
pétait souvent  :  «  J'aime  mieux  con~ 
1)  server  les  jours  d'un  seul  citoyen  , 
»  que  de  faire  périr  mille  ennemis.  )> 
11  donnait  tout  son  temps  au  gou- 
vernement de  ses  états,  étendant  ses 
soins  jusque  sur  les  contrées  les  plus 
éloignées,  et  s'occupant  surtout  de 
rendre  ses  peuples  heureux.  Il  aimait 
à  rendre  compte  au  sénat  des  motifs 
de  ses  actions.  En  plus  d'une  occa- 
sion ,  il  fit  paraître  la  douceur  de 
son  caractère.  Lorsqu'il  était  pro- 
consul en  Asie ,  il  logea  dans  la  maison 
du  sophiste  Polémou ,  alors  absent. 
Celui-ci  étant  survenu,  s'en  plaignit 
avec  tant  de  violence ,  qu'Antonin  sor- 
tit aussitôt  et  alla ,  au  milieu  de  la  nuit, 
chercher  un  autre  logement.  Lorsqu'il 
fut  empereur ,  un  comédien  vint  se 
plaindre  à  lui  de  ce  que  le  même  Po- 
lémon  l'avait  chassé  du  théâtre  en  plein 
midi,  et  ajouta  qu'il  en  appelait  à  sa 
justice.  «  Il  m'a  chassé  à  minuit,  ré- 
»  pondit  Antonin  ,  et  je  n'en  ai  point 
»  appelé.  »  Il  fit  venir  de  Chalcis  à 
Rome  le  philosophe  stoïcien  Apol- 
lonius, pour  être  précepteur  de  Marc 
Am-èle.  (  F.  Apollonius  de  Chalcis  ). 
Par  son  ordre,  l'infâme  classe  des  déla- 
teurs fut  anéantie  ;  et ,  ainsi ,  jamais 
les  condamnations  ni  les  confiscations 
ne  furent  plus  rares  que  sous  son  rè- 
gne. Plusieurs  calamités  publiques, 
telles  que  des  disettes,  des  inonda- 
tions ,  des  incendies  et  de$  tremble- 


ANT  289 

ments  de  terre,  affligèrent  ses  peu- 
ples j  sa  bienfaisance  et  sa  libéralité 
réparèrent  ces  malheurs  autant  qu'il 
était  possible.  Attentifs  ne  point  fouler 
le  peuple,  il  ne  fit  jamais  de  voyages 
lointains.  Cette  manière  de  penser  le 
rendait  économe  des  revenus  publics 
et  prodigue  de  son  patrimoine.  Il  en 
donna  la  preuve  en  payant  de  ses 
propres  deniers ,  et  malgré  l'opposi- 
tion de  sa  femme ,  un  don  qu'il  avait 
promis  au  peuple  lors  de  son  adop- 
tion. Son  économie  et  son  esprit  de 
justice  le  portèient  à  supprimer  plu- 
sieurs pensions  mal  à  propos  accor- 
dées ;  toutefois  il  ne  connaissait  ni  l'a- 
varice ni  la  cupidité ,  et  il  dépensait 
volontiers  des  sommes  considérables 
jiour  tout  ce  qui  pouvait  servir  à  l'or- 
nement ou  à  Tutifité  de  l'empire,  ainsi 
qu'aux  plaisirs  du  peuple.  Le  plus  re- 
marquable des  édifices  qu'il  fit  élever 
à  Rome  fut  un  temple  en  l'honneur 
d'Adrien.  On  pense  que  c'est  à  Anto- 
nin que  Niiiies  ,  patrie  de  ses  aïeux, 
doit  son  amphithéâtre  et  le  magnifique 
aqueduc  connu  sous  le  nom  de  Pont 
du  Gard.  Antonin  rendait  lui-même  la 
justice,  et,  parmi  plusieurs  décrets  re- 
marquables ,  on  cite  de  lui  les  trois  sui- 
vants. Il  ne  voulut  pas  qu'un  accusé 
acquitté  pût  être  poursuivi  de  nou- 
veau pour  le  même  fait.  Il  défendit 
qu'on  déshéritât ,  comme  auparavant , 
au  profit  du  trésor  public,  les  enfants 
de  ceux  qui  avaient  été  reconnus  ci- 
toyens romains.  Enfin  ,  il  permit  aux 
femmes  ,  accusées  d'adultère ,  de  de- 
mander qu'on  examinât  la  conduite 
de  leurs  maris.  11  donna  aussi  des 
édits  en  faveur  des  chrétiens  ,  pour 
les  soustraire  à  des  injustices  légales 
et  aux  fureurs  populaires.  Un  de  ces 
édits  se  trouve  dans  l'Histoire  ecclé- 
siastique d'Eusèbe:  cependant,  quel- 
ques critiques  l'attribuent  à  Marc- 
Aurèlc.  Il  est  adressé  au  peuple  de 

19 


^go  A  N  T 

l'Asie  mineure ,  et  rond  hommage  an 
caractère  des  clire'ticns.  Quelques  rois 
voisins  des  frontières  de  l'Empire 
Tinrent  visiter  AutOnin;  d'autres  lui 
envoyèrent  des  ambassadeurs  ,  et 
le  firent  arbitre  de  leurs  différends. 
Une   seule  lettre  de  sa   main  suffit 

Î)our  détourner  le  roi  des  Parthes  de 
"aire  la  guerre  aux  Arme'niens ,  et, 
sur  sa  recommandation  ,  les  Lazes  , 
peuples  delà  Colcbide,  choisirent  Pa- 
çorus  pour  leur  roi.  Dans  sa  vie  pri- 
Te'e ,  il  e'tait  frugal ,  modeste ,  et  rien 
ïi'alle'rait  la  sérénité'  de  son  caractère. 
Peut-être ,  comme  on  l'a  déjà  indi- 
qué, fut -il  trop  indidgcnt  envers 
«on  indigne  épouse ,  Faustine  (  Voy. 
Fa  u  s  t  I  n  e  ).  Peu  de  temps  après 
son  avènement  au  trône,  il  manifesta 
son  estime  pour  les  vertus  de  Marc 
Aurèle  ,  eu  lui  faisant  ëpouser  sa  fille 
Faustine ,  et  en  le  déclarant  César. 
Dans  la  suite  ,  il  accumula  sur  lui 
toutes  sortes  d'honneurs ,  et  fut  payé 
de  retour  par  la  plus  profonde  sou- 
mission, et  une  tendresse  vraiment  fi- 
liile.  Marc  Aurèle  ne  le  quitta  point,  et 
partagea  avec  lui  tous  les  soins  du  gou- 
vernement, sans  qu'aucun  d'eux  eût 
jijmais  la  nioindi'e  défiance  de  l'au- 
tre. Aiitouin  était  parvenu  à  l'âge  de 
•j4  ans  et  demi,  lorsqu'au  mois  de 
mars  i6i  de  J.-C. ,  il  fut  attaqué, 
dans  sa  campagne  de  Lori  ,  d'une 
fièvre  dont  il  prévit  bientôt  le  fatal 
résultat.  Il  fit  venir  les  grands  ofii- 
ciers  de  l'empire ,  et ,  en  leur  pré- 
sence ,  choisit  pour  son  successeur 
]\Iarc-Aurè!e ,  à  qui  il  fit  porter  les 
ornements  impériaux.  11  eut  ensuite 
le  délire,  et  en  cemomentmême,  on 
vit  combien  cet  excellent  prince  avait 
à  cœur  la  félicité  de  ses  peuples.  Il 
mourut  après  un  règne  de  vingt-trois 
ans  :  ses  cendres  furent  placées  dans 
le  tombeau  d'Adrien  ,  et  le  sénat  lui 
decenw  «nanimement  les  honneurs 


divins.  Tout  l'empire  pleura  saperîe, 
comme  une  calamité  publique.  Une 
des  plus  fortes  preuves  de  l'extrême 
vénération  que  son  nom  inspirait,  fut 
que,  pendant  un  siècle,  tous  les  em- 
pereurs prirent  le  surnom  à'Anlo- 
nin,  comme  étant  celui  qui  pouvait 
les  rendre  le  plus  chers  au  peuple. 
Marc  Aurèle  et  le  sénat  consacrèrent 
à  sa  mémoire  une  colonne  entourée 
de  bas-reliefs.  Elle  subsiste  encore  , 
et  porte  le  nom  de  Colonne  Auto- 
mne; mais  on  a  substitué  la  statue  de 
S.  Paul  à  celle  de  ce  prince  ,  qui  était 
placée  au  sommet  de  ce  beau  monu- 
ment. Nous  avons  quelques  Haran- 
gues publiées  sous  le  nom  d'Antonin  , 
mais  on  doute  qu'il  en  soit  l'auteur. 
Il  n'est  pas  non  plus  constant  qu'il  soit 
auteur  de  Y  Itinéraire  qui  porte  sou 
nom ,  et  oii  l'on  trouve  les  routes 
militaires  des  Romains.  Ou  attribue 
aussi  cet  ouvrage  à  Marc-Aurèle  ,  et 
même  à  Caracalla  ,  aussi  bien  que 
ïlter  Brilanniciim.  11  serait  plus  na- 
turel de  croire  qu'ils  auront  été  rédi- 
gés par  ordre  de  quelqu'un  de  ces 
empereurs.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  tous 
deux  sont  utiles  pour  l'étude  de  la 
géographie  des  anciens.  D — t. 

ANTONIN.   For.  Marc-Aubèle. 

ANTON  IN  de  Forciglioni  (  S.  ),  ar- 
chevêque de  Florence  ,  né  dans  cette 
ville,  eu  1 589,  entra  très-jeune  dans 
l'ordre  de  S.  Dominique,  ayant  déjà  ap- 
pris par  cœur,  \e  Décret  de  Gratien, 
qui  était  alors  le  livre  par  excellence.  11 
devint  supérieur-général  d'une  nom- 
breuse congrégation ,  qui  avait  em- 
brassé une  austère  réforme,  et  parut 
avec  éclat  au  concile  de  Florence,  où 
il  fut  chargé  d'entrer  en  controverse 
avec  les  Grecs.  Les  Florentins  ayant 
demande,  on  i44^'i  ^  Eugène  IV, 
un  archcvê(juc  pieux,  savant,  et  leur 
compatiiotc,  afin  qu'il  connût  les  be- 
soins du  pays,  et  qu'il  fût  à  même  d'y 


AXT 

pourvoir,  toutes  ces  quaUtes  se  trou- 
vèreut  re'unies  dans  la  personne  d'An- 
tonin,  qui  fit  d'inutiles  efforts  pour 
se  soustr.iire  au  vœu  de  ses  conci- 
toyens et  aux  ordres  du  pape.  A  peine 
fut-il  installe',  qu'il  retraça,  dans  sa 
conduite,  les  vertus  qu'on  avait  ad- 
mirées dans  les  e'vêques  de  la  pri- 
mitive église.  Austèie  dans  sa  vie  pri- 
vée, simple  dans  son  extérieur,  en- 
nemi des  honneurs,  attaché  à  tous 
les  devoirs  de  sa  place ,  sou  zèle  et  sa 
cliaiilc  ne  connurent  point  de  bornes, 
surtout  pendant  la  peste  et  la  famine 
qui  affli(;èrent  Florence,  en  i44^-  Ce 
fut  au  mi  ieu  de  l'exercice  de  tontes 
ies  vertus  pastorales,  qu'il  mourut, 
en,  1459.  Cosme  de  Me'dicis  lui  avait 
donne  loute  sa  confiance.  Eugî-ne  IV 
voulut  momir  dans  ses  bras  :  Pie  II 
assista  à  ses  funérailles,  et  Adrien  VI 
le  mit ,  en  1 5^5 ,  au  nombre  des  saints. 
Les  études  de  S.  Antonin  avaient  eu 
principalement  pour  objet  l'histoire 
ecclésiastique  et  la  théologie.  JNous 
avons  de  lui  :  I.  Historiarum  opus 
Iriiim  partiiim  historialium ,  seu 
Chronica  libri  xxiv,  Venise,  i48o; 
Nuremberg,  j4B4;  Bà'e,  149'»  i"- 
fol.,  5  vol.  L'édition  de  Lyon,  en 
1 5  J  7  ,  contient  une  lettre  curieuse  du 
rabbin  Samuel  au  rabbin  Isaac ,  sur 
les  prophéties  de  X Ancien  Testament 
qui  ont  rapport  à  la  destruction  de  la 
loi  judaïque.  L'auteur  montre  de  la 
sincérité ,  de  la  bonne  foi ,  mais  man- 
que souvent  d'exactitude  pour  les 
l'iits  éloignés  de  son  temps.  11.  Sum- 
ma  theologice  moralis  partibus  IF 
distincla,  Wnise ,  i477  ^^  '479  > 
in-4  '. ,  4  vol.  ;  Nuremberg  ,  1 47^> ,  4 
Tol.  in-fol.  ;  Méming. ,  1 485  ;  5trasb. 
1 49>), in-4"-,  4  ^ol. ; Bàle,  1 5 1 1 , in-fol. 
L'édition  de  Venise,  i58.i,  4  "^ol. 
in-4".  1  3  pour  titre  :  Juris  Pontijicii 
et  C-vsarœi  summa ,  etc.  Le  P.  Ma- 
machi  en  a  doniié  une  uouveile  édi- 


ANT  ^91 

tion,  dans  la  même  ville,  en  1751  , 
4  vol.  in-4''.,  3V*^c  des  notes  très-pro- 
lixes. C'est  le  plus  soigné  des  ouvrages 
de  S.  Antonin  :  ou  le  consulte  encore, 
niais  il  faut  du  courage  pour  le  lire. 
IIL  Summula  confessionis  ,  im])ri- 
niée^peu  de  temps  après  l'uivention  tle 
l'imprimerie ,  en  caractères  gothiques , 
sous  ce  titre  :  Tractatus  de  inslruc- 
tione ,  seu  direclione  simplicium 
confessorum,  in-fol.,  sans  nom  de 
lieu,  et  sans  date;  en  latin,  sous  le 
titre  de  ConfessionrJe,  Yenise,  i473, 
in-4".;  ^"  italien,  Florence,  i474 
et  1479  1  in-8".  Cet  auteur  a  encore 
composé  un  Traité  de  l'excommuni- 
cation, des  sermons,  et  quelques  au- 
tres ouvrages ,  dont  plusieui'S  sont  res- 
tés manuscrits.  T — d. 

ANTONIN  -  HONORAT  ,  évêque 
de  Coustantine,  ou  de  Cirthe,  eu 
Afrique,  dans  le  S**,  siècle,  est  prin- 
cipalement connu  par  une  lettre 
adressée  à  Arcade ,  évcque  espagnol , 
exiié  par  Gcnséric  ,  avec  trois  autres 
évèques  de  la  même  nation  ,  pour 
n'avoir  pss  voulu  embrasser  l'aria- 
nisme.  Cette  lettre,  destinée  à  les  en- 
courager au  martyre ,  plutôt  que  de 
renier  leur  foi ,  est  remarquable  par 
la  vigueur  du  style ,  par  les  pensées 
vives  et  les  raisonnements  pressants. 
Elle  produisit  son  effet;  car  cesquatre 
confesseurs  de  J.-C.  souffrirent  le 
martyre,  en  1457.  Cette  lettre  leur 
avait  été  envoyée  deux  ans  aupara- 
vant. On  la  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères  ,  et  dans  le  Com- 
mentaire  de  Don  Ruinart  ,  sur  la 
persécution  des  Vandales.       T — d. 

ANTONINA,  femme  de  Bélisaire, 
ét-iit  fille  d'un  cocher  du  Cirque  et 
d'une  comédienne.  Ses  mœurs  répon- 
dirent à  cette  basse  extraction,  et  son 
car;;ctère  fut  encore  plus  odieux  que 
ses  mœurs  :  elle  eut,  néanmoins,  l'art 
de  séduire  Bélisaire ,  qui  l'épousa  vers 

19.. 


af)3  A  NT 

r^n  5*27,  an  mèrae  instant  oùrinfàme 
Tlicudoi'a  s'unissait  à  Jiislinicn,  qui 
n'était  encore  que  Cc'sar.  Ces  deux 
femmes,  destinées  à  ternir  l'éclat  de 
deux  grands  noms,  par  l'ascendant 
qu'elles  prirent  sur  leurs  époux,  fu- 
rent long-temps  unies  par  l'intrigue, 
la  débauche  et  le  crime.  Antonina  avait 
été  mariée  une  première  fois ,  et  Pho- 
tius,  né  de  ce  mariage,  était  même 
assez  âgé  pour  servir  sous  son  beau- 
père,  lors  de  la  campagne  d'Italie. 
Aetonina  suivit  toujours  Bélisaire  dans 
ses  expéditions,  et  quelquefois  elle 
lui  rendait  des  services  essentiels,  par 
son  activité,  son  audace,  son  zèle  à 
solliciter  les  renforts  et  les  secours  dont 
il  avait  besoin.  Mais ,  sans  respect  pour 
les  vertus  et  la  gloire  de  cet  homme 
illustre,  elle  se  livrait  à  tous  les  dé- 
sordres. Un  jeune  Thrace,  nommé 
ïhéodosc ,  qu'elle  traînait  effronté- 
ment à  sa  suite,  fut  plusieurs  fois  sur- 
pris jusque  dans  ses  bras.  Antonina 
.se  justifia  avec  audace  auprès  d'un 
époux  trop  faible,  et  poursuivit  avec 
acharnement  les  indiscrets  témoins  de 
sa  conduite.  Ce  fut  ainsi  qu'elle  irrita 
EéHsaire  contre  un  officier,  nommé 
Constantin ,  dont  elle  obtint  la  mort 
pendant  le  siège  de  Rome.  Excitée  par 
l'impératrice  Théodora,  elle  contriljua 
pareillement  aux  persécutions  dirigées 
dans  le  même  temps ,  contre  le  pape 
Silvère.  Sa  lubricité  n'épargna  pas 
même  son  propre  fils  Photius ,  qui , 
honteux  de  cette  infâme  passion,  en 
instruisit  Bélisaire.  Tous  deux  jurèrent 
de  punir  Antonina .  dont  un  eunuque 
leur  révéla  tous  les  désordres.  Celle-ci , 
accoutumée  à  faire  tète  aux  orages  de 
ce  genre,  trouva  un  appui  dans  l'im- 
pératrice Théodora.  Bélisaire  fléchit 
encore  devant  l'audace  de  sa  femme; 
elle  se  fit  rendre  le  Thrace  Théodose, 
que  Photius  avait  fait  enfermer  par 
nu  acte  arbitraiic,  dont  elle  se  vengea 


ANT 

bientôt,  en  faisant  infliger  la  torture  h 
ce  même  fils,  que  sa  jeunesse,  la  fai- 
blesse de  sa  constitution,  et  la  toge 
consulaire  ,  ne  purent  sauver  des 
cruautés  d'une  mère  implacable.  Elle 
le  fit  jeter  ensuite  dans  un  cachot ,  d'où 
il  s'échappa  trois  ans  après,  pour  se  1 
réfugier  dans  un  cloître,  où  il  prit  " 
l'habit  monastique.  Antonina  éprouva 
néanmoins,  de  la  part  de  Théodora, 
des  contradictions  qu'elle  ne  puté\'iter, 
et  elle  fut  forcée  de  donner  en  mariage 
sa  fille  Joanine  à  un  petit-fils  naturel 
de  l'impératrice;  mais,  après  la  mort 
de  cette  princesse,  elle  fit  casser  cette 
union,  qui  blessait  sa  fierté.  Enfin, 
son  âge,  et  la  disgrâce  de  Bélisaire,  la 
firent  disparaître  peu  à  peu  de  la  scène. 
Après  la  mort  de  son  époux  ,  arrivée 
vers  l'an  i  iG5,  on  lui  rendit  une  par- 
tie de  ses  biens,  qui  avaient  été  con- 
fisqués ,  et  elle  chercha  à  expier  sa  vie 
criminelle  ,  en  fondant  un  couvent. 
L'époque  précise  de  sa  mort  n'est  pas 
connue.  L — S — e. 

AN  TONINI(  Joseph),  fils  d'Al- 
phonse Antonini ,  baron  et  seigneur  ti- 
tulaire d'une  terre  située  dans  la  pro- 
vince de  Salerne,  fit  ses  études  à  Na- 
ples ,  au  commencement  du  1 8  ".  siècle, 
se  livra  particu'ièrcment  à  l'étude  des 
lois,  et  fut  employé  dans  plusieurs  pro- 
vinces du  royaume ,  en  qualité  d'audi- 
teur et  de  juge  fiscal ,  sous  l'empereur 
Charles  VI.  Ce  fut  alors  qu'il  écrivit 
une  Histoire  complète  de  la  Lucanie, 
imprimée  ensuite  à  Naples.  On  y  a 
aussi  imprimé  des  lettres  du  même  au- 
teur, contenant  des  observations  géo- 
graphiques, adressées  à  INIatleo  Egizio, 
qui  avait  fait  quelques  corrections  à  la 
Géographie  de  Lenglet.  Los  réponses 
d'Egi'ào  sont  jointes  à  ces  lettres.  Ce 
fiit  Joseph  Antonini  qui  fit  présent  au 
grand-duc  de  Florence,  Cosme  III  , 
du  manuscrit  très-précieux  du  Traite' 
de  François  Philclphc  De  exilio,  qui 


ANT 

s'était  conserve  dans  l'ancienne  biblio- 
thèque de  sa  famille.  G — e. 

ANTON  INI  (  Annibal  ) ,  frère  du 
préiédent,  et  plus  connu  que  lui  en 
France,  naquit  dans  la  terre  de  son 
père,  près  de  Salerne  ,  en  i^ci-Il  fit 
à  Naplos  nne  partie  de  ses  e'tudes ,  sous 
la  direction  de  son  frère  Joseph  :  après 
les  avoir  achevées  à  Rome ,  il  voyap;ea 
en  Augleteife,  en  Hollande,  en  Alle- 
magne ,  et  définitivement  en  France  , 
où  il  se  fixa.  Il  enseigna  pendant  près 
de  vingt-cinq  ans,  à  Paris,  la  langue 
italienne ,  retourna  ensuite  dans  sa  pa- 
trie ,  et  y  mourut  au  mois  d'août  i  'jj5. 
Pendant  son  séjour  à  Paris  ,  il  y  a  pu- 
blié :  I.  Dizionario  italiano,  latino  e 
francese  ;  francese  ,  latino  ed  ita- 
liano, imprimé,  pour  la  première  fois , 
en  1755,  '1  vol.  in -4'.,  réimprimé 
plusieurs  fuis  ,  et  le  meilleur  que  l'on 
ait  eu  pour  les  deux  langues  (  française 
et  italienne  )  ,  avant  celui  d'Alberti  ; 
II.  Grammaire  italienne,  1726, 
in-i2  ,  et  i7'.),9,  id.;  III.  Distinta 
descrizione  de'  contorni  di  Pariai  ; 
IV.  Traité  de  la  prononciation  Jran- 
çaise  ;  V.  on  lui  doit  de  ])lus  de 
bonnes  éditions  italiennes  de  l'Iialia 
Uberata  del  Trissino,des  poésies  de 
Jean  de  la  Casa ,  de  l' Orlando  Furio- 
so  ,  de  rArioste;de  la  Gerusalemme 
Uberata ,  et  àeV Aminta,  du  Tasse,  et 
un  Recueil  ou  Choix  de  poésies  ita- 
liennes ,  de  divers  auteurs ,  lait  avec 
goût,  170,9,  en  2  vol.  m- 12.  G — e. 
ANTONINUS  LiBERALis,  écrivain 
grec,  qui  vivait ,  à  ce  qu'on  croit ,  sous 
le  règne  des  Antonins  ,  vers  l'an  i5o 
de  J.-C.  Nous  avons  de  lui  un  Recueil 
de  Métamorphoses ,  en  4i  chapitres, 
recueillies  de  différents  auteurs,  et  écri- 
)  tes  avec  assez  d'élégance.  La  meilleure 
j  édition  de  cet  ouvrage  est  celle  qu'en 
â  donnée  H.  Verheyck,  en  grec  et 
en  latin  ,  avec  ses  notes  et  celles 
de   Munckerus  ,   Lugduni    Batavo- 


A  N  T  293 

rura,  1774j  in-S". Cette  édition  a  été 
réimprimée  sans  la  traduction  latine , 
à  Leipzig,  1791 ,  in-S".;  mais  les  notes 
de  Munckerus  et  celles  de  Verheyck 
ont  été  tronquées ,  quoiqu'on  annonce 
qu'elles  sont  entières.  Un  nouvel  édi- 
teur fera  bien  de  profiter  des  variantes 
du  manuscrit  du  Vaticati ,  apporté  à  la 
Bil)liothèque  impér. ,  variantes  que  le 
savant  M.  Bast  a  publiées,  avec  ses  re- 
marques ,  dans  sa  Lettre  critique  a  M. 
Boissonade ,  Paris  ,  i8o5  ,  in-S".,  et 
traduite  en  latin ,  avee  beaucoup  d'aug- 
mentations, Lips.  1809,  iu-8\  C — R. 
ANTONIO  (Nicolas),  né  à  Sé- 
ville ,  en  1617  ,  y  fit  ses  humanités 
et  sa  philosophie  chez  les  domini- 
cains ,  et  alla  achever  ses  études  à 
Salamanque,  souslesplus  célèbrespro- 
fesseurs  ,  entre  autres  sous  D.  Fran- 
çois Ramos  del  Manzano.  Il  revint  à 
Séville ,  où,  plongé  dans  l'étude,  il 
passait  tout  son  temps  dans  le  couvent 
des  bénédictins.  Benoît  de  la  Serra , 
abbé  de  ce  monastère,  y  avait  rassem- 
blé une  riche  bibliothèque.  Ce  fut  là 
qu'il  composa  sa  Bibliothèque  espa- 
gnole. Son  ouvrage  était  très-avancé, 
et  il  le  porta  à  Rome,  lorsqu'cn  1659  , 
il  y  fut  envoyé  par  Philippe  IV,  avec  le 
titre  d'agent-général  des  affaires  con- 
cernant la  couronne  d'Espagne ,  les 
Deux-Siciles  et  l'inquisition.  11  occupa 
cette  place  pendant  vingt-deux  ans. 
Charles  II  le  rappela  à  Madrid  et  le 
fit  entrer  dans  son  conseil.  Malgré 
les  fonctions  qu'il  avait  remplies  ^ 
Antonio  ,  qui  distribuait  ses  biens 
aux  pauvres,  se  trouvait  dans  le  be- 
soin ;  et  ce  fut  sans  qu'il  l'eût  de- 
mandé ,  que  le  pape  Alexandre  VII  lui 
donna  un  canonicat  àSéville,  sur  la 
recommandation  du  cardinal  d'Ara- 
gon. Antonio  mouiut  à  Madrid,  en 
1684  ,  chevalier  de  l'ordre  de  S.  Jac- 
ques, Ou  prétend  qu'on  trouva  dans 
ses  papiers  un  brevet  de  membre  du. 


304  A  IV  T 

conseil  suprême  de  justice  :  il  est  cer- 
tain cependant  qu'il  n'exerça  pas  cette 
charge.  On  a  de  lui  :  I,  De  exilio,  sive 
de  exila  pœnd  aritiqud  et  noi'd,  ex- 
sulumque  conditione  etjnribus ,  libri 
ires,  Anvers,  1641  ,  in-fol,;  i65(), 
in-fol. ,  Seelcn  qui  cite  la  première  édi- 
tion, dit  que  l'auteur  n'avait  que  vinet- 
Irois  ans  lorsqu'il  coraposa  cet  ou- 
vrage très  -  estime'.  II.  Bihliotheca 
Hispana  nova  ,  seu  Uispanornm 
qui  sive  latind  aut  popidari ,  sive 
alid  qudvis  lingiid  scripto  aliquid 
cousignaveruTit,  Rome,  iG-ri  ,  2  vol. 
in-fol.  ;  nouvelle  édition  donnée  par 
François  Ferez  Bayer ,  de  Valence  : 
Madrid,  Ibarra  ,  1785,  2  vol.  in-fol. 
Antonio,  suivant  l'usage  de  son  temps, 
a  rangé  les  auteurs  dans  l'ordre  al- 
phabétique de  leurs  prénoms.  C'est 
peut-être  un  défaut;  pour  v  remé- 
dier, il  a  multiplié  les  tables.  La  pre- 
mière donne  les  noms  de  famille;  d.nis 
la  seconde,  les  auteurs  sont  classés  par 
pays  ;  la  troisième  est  consaci'ée  aux 
ecclésiastiques  séculiers  ;  la  quatrième 
aux  ecclésiastiques  réguliers;  li  cin- 
quième les  distingue  par  leurs  emplois 
ecclésiastiques;  la  sixième  par  leurs 
emplois  civils  ;  la  septième  est  une 
table  systématique;  on  v  voit  que  cent 
soixante  auteurs  espagnols  ont  écrit 
sur  Yimmncidée  conception  de  la 
Fierge.  III.  Bihliotheca  Hispana 
velus  complectens  scriplores  qui  ab 
Oclaviani  ^^ugusti  imperio  usque 
ad  anmim  M  ,  jloruenint  ,  Rome , 
i()Ç)6,  2  vol.  in-folio.  Le  titre  con- 
tient nue  grosse  faute  d'impression , 
en  annonçant  que  l'on  y  psrle  des 
auteurs  ,  depuis  le  règne  d'Auguste 
jusqu'en  l'an  i\I  (  1 000  )  ;  il  faut  lire  : 
M.  D.  (i5oo).  Antonio  n'avait  pas 
laissé  à  ses  héritiers  de  quoi  faire  im- 
priiner  cet  ouvrage  ;  le  cardinal  d'A- 
gnirre  en  fit  les  frais  ,  et  confia  la 
direction  de   l'éditiou  à  Emmanuel 


A  NT 

Mars  ,  savant  Valencjen,  Les  auîrm-s 
y  sont  rangés  par  ordre  chronologi- 
que ;  les  tables  y  sont  aussi  miihi- 
])liées.  La  Bihliotheca  zzot'rt, quoique 
publiée  la  première,  n'est  que  la  suite 
de  la  Bihliotheca  r>etus  ,  qui  a  été 
réimprimée  aussi  par  les  soins  de 
Bayer,  IMadrid ,  Ibarra  ,  i  788,  2  vol. 
in-fol.  Ces  deux  ouvrages  sont  con- 
nus sous  le  nom  de  Bibliothèque  es- 
pagnole. Baillet  ne  faisait  pas  de  dif- 
ficulté de  les  préférer  à  tout  ce  qui 
avait  paru  dans  ce  genre,  même  à 
l'Alegambe  pour  quelques  points.  «  La 
»  critique  de  l'auteur  ,  dit-  il ,  est  Sai- 
»  ne ,  sou  latin  est  pur,  son  sivîe 
»  n'est  point  rampant  ;  mais  quelquc- 
»  fois,  el  rarement,  obscur  et  em- 
»  barrasse  :  ce  qu'il  faut  attribuer  à  la 
»  longueur  des  phrases ,  qu'il  entre- 
»  lasse,  de  temps  en  temps ,  les  unes 
))  dans  les  autres.  Sa  préface  est  une 
»  pièce  fort  belle  et  très-judieieuse.  » 
MorhoGus  cite  l'ouvrage  d'Antonio 
comme  un  modèle.  David  Clément  dit 
que  c'était  la  meilleure  de  toutes  les 
Bibliothèques  qu'il  connaissait  ,  ex- 
cepté celle  des  P.  Quétif  et  Echard. 
Seelen  et  D.  Clément  reprochent  seu- 
lement à  Antonio  d'avoir  rendu  les 
titres  des  ouvrages  méconnaissables, 
eu  traduisant  ces  titres  en  latin  ,  au 
lieu  de  les  rapporter  dans  leur  langue. 
IV.  Censura  de  histnrias  fabulosas, 
obrapostuma,  Valence,  1742,  in- 
fo!. ,  ouvrage  orné  de  cartes  ,  et  pu- 
blié par  D.  Gré;?oire  Mavans  v  vSiscar. 

"  A.  ii— T. 

WTOMUS-MUSA  if\r.  Musa). 

AN  rONIUS(GoDEFRoi),  juriscon- 
sulte célèbre,  né  à  Freudenberg  en 
Wcstphalic,  mort  en  1G18,  pr(>fcs- 
seur  en  droit,  et  chancelier  de  l'uni- 
versité de  Gicssen  ,  dont  il  a  été  un 
de?  fondateurs.  Le  landgrave  Louis 
l'estimait  beaucoup  ,  et  lui  confia  des 
missions  imporlaulcs.  il  avait,  sur  les 


ANT 

droits  constitutionnels  de  l'emperenr 
d'Allemagne ,  des  idées  plus  favorables 
à  ce  chef  de  l'Empire ,  que  Hermann 
Vullcjus  ,  avec  lequel  il  soutint  à  ce 
sujet  une  controverse.  Ou  a  de  lui  tin 
grand  nombre  de  Dissertations  sur 
presque  toutes  les  parties  du  droit  pu- 
blic et  civil.  On  en  trouve  le  catalogue 
dans  les  Memorice  ictorum  de  Witten, 
et  dans  la  Hesse  savante  de  Strieder. 
Ses  principaux  ouvrages  sont:  I.  Dis- 
putationes  feiidales  XF,  Marbourg, 
i(3o4,iii-4'.  Elles  ontetérëiraprimc'es 
six  fois  ;  l'édition  de  J.  S,  Stryk,  Halle 
i6q9  ,  in-4".  ,  est  la  meilleure;  II. 
De  Camerœ  imperialis  jurisdiclio- 
ne.  Ceint  cette  Dissertation  qui  l'en- 
gagea dans  une  dispute  avec  Hermann 
\  ullejus ,  et  qui  produisit  :  III.  Disp. 
apolog.  de  potestate  imperatoris  le- 
gibus  soluta  ,  et  IV,  Dispp.  anti- 
vidlejanœ ,  Giessen  1 6o()  et  1610  , 
iu-4''  Hermann  Vulle'jus  montra, 
dans  cette  controverse,  beaucoup  plus 
de  modération  queGodefroiAutouius. 
—  Son  petit-fils,  J.  G.  Antonius,  fut 
me'decin,  e'crivit  Deœgro  iiephretico 
malo  lahorante  ,  et  mourut  à  Giessen , 
eu  1715.  S — R. 

ANTONIUS  PRIMUS.  F.  Primus. 

ANUND,  roi  de  Suède,  surnomme 
Braut,  c'est-à-dire,  destructeur  des 
forets  ,\\ér\xat.,  dans  le  7*".  sièxie,  des 
couronnes  de  Gothie  et  de  Daneraarck, 
dont  sou  père  Inguar  s'était  lendu 
maître;  il  prit  aussitôt  les  armes  pour 
venger  la  mort  de  ce  prince,  assassiné 
par  des  rebelles ,  et  revint  triomphant 
de  cette  expe'dition.  Il  fît  ensuite  jouir 
SCS  sujets  de  la  paix  et  d'un  gouverne- 
raienl  paternel.  Dans  un  siècle  où  le 
Nord  ne  connaissait  d'autre  vertu 
qu'une  bravoure  aveugle  et  féroce ,  il 
se  montra  juste  et  généreux  ;  n'ayant 
d'autre  ministre  que  lui-iuème ,  il  fit 
ouvrir  des  routes,  et  publia  les  ré- 
glemonls  les  plus  sages.  On  prétend 


que  par  ses  ordres  fut  biûlée  une  partie 
des  immenses  forêts  qui  couvraient  la 
Suède ,  et  qu'ayant  distribué  des  terres 
aux  habitants  les  plus  industrieux,  sariS 
exiger  de  redevance,  il  parvint  à  fiire 
fleurir  l'agriculture.  Il  périt  dans  uu 
voyage,  par  la  chute  d'une  masse  fie 
terre.  Son  fils  Ingiald  lui  succéda.  B — p. 
ANUND  II  (  Jacob),  roi  de  Suède  , 
succéda,  eu  1 024  -,  à  son  père  Olaiis , 
premier  roi  chrétien ,  et  fut  surnommé 
Kolbrener ,  ou  charbonnier  ,  parce 
qu'il  fit  une  k'i  pénale,  portant  que  celui 
qui  ferait  tort  à  son  concitoyeu ,  se- 
rait condamné  à  voir  brûler  sa  propre 
maison.  Ce  prince  ,  après  avoir  donné 
aux  lois  de  la  vigueur ,  favorisa  les 
progrès  du  christianisme  dans  ses 
états.  Selon  J.  Gothus  et  Loccenius , 
il  fut  entraîné  dans  une  guerre  contre 
Canut-Ie-Riche  ,  roi  de  Danemarck  et 
d'Angleterre,  et  périt  daus  une  ba- 
taille, en  io55.  Son  frère,  Emund- 
le-Vieax  ,  lui  succéda.         B — p. 

ANVARl ,  poète  persan.  (  P'oj\ 
Anwery.  ) 

ANVILLE  (  N.  DE  La  Rochefou- 
cauld ,  duc  d'  ),  né  au  commencement 
du  iH*".  siècle  ,  entra  de  bonne  heure 
dans  la  marine  française,  et  s'y  fit  re- 
marquer par  ses  talents  et  son  zè'e  » 
encore  plus  que  par  son  nom.  U 
avait  conservé,  dans  un  service  pé- 
nible, où  la  rudesse  est  trop  souvent 
unie  au  courage  ,  le  goût  des  lettres 
et  l'élégauce  des  mœurs  qui  caracté- 
risent son  illustre  maison.  En  i  745  , 
le  duc  d'Anville  fut  envoyé  dans  les 
mers  de  l'Amérique  scpteutriouale  , 
avec  une  escadre  de  quatorze  vaisseaux 
de  ligne  ,  pour  essayer  de  reprendre 
Louisbourg,  ou  de  ruiner  la  colonie 
andaise  d'Annapolis;  sa  flotte  fut  dis- 
persce  par  une  violente  tempête  ; 
quelques-uns  de  ses  vaisseaux  pé- 
rirent ,  d'autres  tombèrent  au  pou- 
voir de  l'coiicmi ,  et  le  duc  d'Anville, 


296  ANV 

consume  par  une  maladie,  qui  tenait 
peut-être  également  à  la  force  de  sou 
ame  et  à  la  faiblesse  de  son  corps , 
mouriit ,  accable  de  chagrms ,  sur  le 
rivage  barbare  de  Chibouctou ,  près 
de  la  place  où  les  Anglais  ont  bàli 
depuis  [avilie  d'Halifox,  aujourd'hui 
capitale  de  la  Nouvelle-Ecosse. 

E-D. 

ANVILLE  (Jean-Baptiste  Bour- 
guignon d'),  premier  géographe  du 
roi,  pensionnaire  de  l'académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres ,  adjoint- 
géographe  de  l'académie  des  sciences  , 
de  la  société  des  antiquaires  de  Lon- 
dres ,  de  l'académie  de  Pétersbourg , 
et  secrétaire  ordinaire  de  M.  le  duc 
d'Orléans  ,  naquit  à  Paris ,  le  1 1  juil- 
let 1697  ,  de  Hubert  Bourguignon  ,  et 
de  Charlotte  Vaugon.  Une  carte  géo- 
graphique tombée  j)ar  hasard  entre 
ses  mains,  lorsqu'il  n'avait  que  12  ans, 
lui  donna  occasion  de  manifester  sou 
goût  pour  la  géographie.  Il  employa, 
depuis ,  une  partie  du  temps  de  ses 
classes ,  et  même  de  ses  récréations  , 
à  dessiner  les  j)ays  et  les  contrées  dont 
parlent  les  historiens  latins.  Ce  goût 
ne  tarda  fas  à  se  convertir  en  une  es- 
pèce de  passion.  Dès -lors,  toutes  les 
études  du  jeune  d'Anville  furent  di- 
rigées vers  la  géographie  ;  il  ne  lisait 
plus  les  poètes  et  les  historiens  grecs 
ou  latins  ,  que  dans  l'intention  de  trou- 
ver la  place  que  les  Allies  dont  ils  ont 
parle  occupaient  sur  le  globe  ,  et 
il  essayait  de  fixer  les  limites  de  ces 
vastes  empires,  dont  il  ne  reste  de 
traces  que  dans  l'histoire.  IL  suivait  sur 
SCS  cartes  la  marche  des  armées  ,  à 
travers  des  contrées  devenues  déser- 
tes ,  et  s'occupait  à  retrouver  les 
champs  de  bataille  où  s'était  autrefois 
décidé  le  sort  du  monde.  Ses  études, 
soutenues  par  un  noble  enthousiasme, 
et  cop.stamment  dirigées  vers  le  même 
but ,  lui  avaient  procuré  de  très-boone 


ANV 
heure  d'immenses  connaissances  en 
géographie.  Il  se  lit  connaître,  bientôt 
après  avoir  fini  le  cours  de  ses  classes, 
des  savants  les  plus  distingués;  avant 
l'âge  de  vingt -deux  ans,  il  obtint  le 
brevet  de  géographe  du  roi.  C'est  sans 
doute  dans  ia  conversation  des  hom- 
mes qui  alors  jouissaient  de  la  plus 
grande  réputation,  qu'il  puisa  les  pre- 
miers éléments  de  cette  critique  saine 
et  judicieuse  qui  lui  a  fait  assigner  un 
rang  si  distingué  à  la  tète  des  géogra- 
phes. Il  s'habitua  à  comparer  les  cou- 
naissances  qu'il  n'avait  jusqu'alors  que 
rassemblées;  il  apjiritàlcs  classer  ,  et 
finit  par  acquérir  ce  tact  si  délicat  et  si 
difficile  à  définir  ,  qu'on  l'a  comparé  à 
une  espèce  d'instinct  ;  mais  vraisem- 
blablement ce  n'était  chez  d'Anville 
que  le  résultat  des  combinaisons  d'un 
esprit  extraordiuairement  juste  ,  dont 
les  idées  bien  ordonnées  venaient  en 
foule  à  l'appui  d'une  première  con- 
ception, sans  que  la  plus  légère  cir- 
constance propre  à  la  confirmer  ou  à 
la  détruire  ,  pût  lui  échapper.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  de  l'aveu  de  tous  les  géo- 
graphes ,  d'Anville  était  doué ,  au  plus 
haut  degré,  d'une  finesse  de  tact  sur- 
prenante ,  qui  lui  faisait  presque  tou- 
jours distinguer  la  vérité  de  l'erreur. 
L!u  des  objets  les  plus  importants, 
dont  il  se  soit  occupé  ,  fut  de  déter- 
miner la  longueur  des  mesures  itiné- 
raires des  anciens ,  et  de  les  compa- 
rer avec  celles  des  modernes.  La  sa- 
gacité avec  laquelle  il  a  su  éclaircir  im 
sujet  si  obscur,  et  semé  de  tant  de  dif- 
ficultés ,  est  ce  qui  lui  fait  le  plus 
d'honneur;  et  c'est  à  cette  première- 
connaissaiice  qui  sert  de  base  à  toute 
la  géographie  ancienne,  (juc  d'Anville 
doit  le  plus  grand  nombre  de  ses  au- 
tres succès.  La  partie  de  ses  ouvrages 
qui  comprend  la  géographie  moderne, 
contient  tout  ce  qu'on  savait  sur  les 
pays  qu'il  a  décrits  à  l'époque  oîi  ses 


ANV 

cartes  ont  e'te  publiées  ;  mais  nos  con- 
naissances se  sont  tellement  accrues , 
que  ces  cartes  sont  inférieures  à  celles 
qui  ont  été  faites  depuis.  C'est  cepen- 
dant dans  cette  partie ,  qui  n'est  pres- 
que plus  consultée  ,  que  d'Anville  a 
donné  la  preuve  la  moins  contestable 
de  la  supériorité  de  son  talent.  11  par- 
vint,   par  l'application  des  mesures 
anciennes  qu'il   avait  établies  ,  à  ré- 
duire considérablement  l'étendue  que 
l'on  avait  donnée  à  l'Italie ,  et  il  eut 
la  satisfaction  de  voir  les  corrections 
qu'il  avait  faites  à  la  carte  de  cette  con- 
trée ,  confirmées  par  les  opérations 
géodésiqucs    exécutées    d'après    les 
ordres  du  pape   Benoît   XIV,  pour 
mesurer  nn  arc  du    méridien  dans 
l'état  ecclésiastique.  Ce  succès  surpre- 
nant tend  à  confirmer  les  diflerentcs 
mesures  dont  il  avait  fait  usage  ,  et, 
d'après  ce  fait ,  on  ne  doit  plus  être 
surpris  du  degré  d'exactitude  qui  a 
donné  une  si  grande  réputation  à  sa 
Géographie  ancienne.  La  plupart  des 
cartes  qu'il  a  publiées  sur  cette  ma- 
tière ,  ont  été  faites  j>our  accompagner 
des    dissertations   sur   l'histoire  des 
peuples  de  l'antiquité.  Nous  avons  eu 
depuis ,  sur  les  mêmes  sujets  ,  des 
ouvrages  qui  ont  reculé  nos  connais- 
sauces  ;  mais  les  auteurs  à  qui  nous 
les  devons  ,  n'ont  pas  cru  pouvoir 
mieux  faire ,  que  de  se  servir  des  car- 
tes de  d'Anville.  A  l'époque  où  nos 
connaissances  sur  les  mœurs  et  l'his- 
toire des  anciens  peuples  avaient  en- 
core de  si  grands  progrès  à  faire,  d'An- 
ville ,  par  une    sagacité   plus  qu'hu- 
maine ,  semble  avoir  posé  les  limites 
de  celles  que  nous  pouvons  acquérir 
sur  les  pays  qu'ils  ont  habités.  Cette 
exactitude  ne  paraîtrait  j)eut-être  pas 
extraordinaire,  si  nous  n'avions,  pour 
vérifier  ses  conjectures,  que  les  ou- 
vrages qui  les  ont  fait  naître;  mais,  ce 
qui  est  une  espèce  de  prodige,  c'est 


ANV  297 

que  la  phipart  de  ses   opinions  out 
été  confirmées  par  ceux  qui  ont  visité 
les  contrées  qu'il  a  décrites.   M.    de 
Choiseul-Gouiilpr ,  dans  son  Voyage 
pitloresque  de  la  Grèce, rend  hom- 
mage  à    l'exactitude    des  cartes  de 
d'Anville.  Les  cartes  d'Egypte,  pour 
lesquelles  d'Anville  a  toujours  témoigné 
une  affection  particulière,  ont  donuéà 
sa  gloire  le  plus  grand  éclat  dont  elle 
pût  êti'e  couronnée; leur  exactitude  a 
été  également  confirmée  par  les  savants 
français  qui ,  d'après  les   ordres   de 
l'empereur  Napoléon ,  ont  été  chargés 
de  visiter  le  pays  ,  et  d'en  dresser  de 
nouvelles  cai'tes.  Les  Anglais  ont  été 
forcés  de  rendre  hommage  à  la  supé- 
riorité de  d'Anville,  etle  plus  bel  é'oge 
qu'ils  aient  pu  donner  au  major  Renuel, 
le  plus  célèbre  de  leurs  géographes  ,  a 
été  de  le  nommer  le  iïAnville  de  l'An- 
gleterre. L' Orbis  veteribus  notus  , 
XOrbis  roman  us ,  doivent  être  entre 
les  mains  de  tous  ceux  qui  lisent  l'his- 
toire ancienne  ;  ainsi  que  ses  cartes  de 
la  Gaule  ,  de  l'Italie  et  de  la  Grèce  an- 
cienne ;  il  en  est  de  même  des  cartes 
des  mêmes  pays  qui  font  partie  de  la 
géograpliie  du  moyen  âge.  D'Anville 
ne  publiait  guère  de  carte  sur  la  géo- 
graphie ancienne,  sans  l'accompagner 
ou  la  faire  suivre  d'un  mémoire  où  il 
donnait ,  en  détail ,  les  raisons  qu'il 
avait  d'abandonner  les  idées  de  ceux 
qui  l'avaient  précédé,  et  d'en  adopter 
de  nouvelles.  Les  hommes  curieux  de 
s'instruire  pourront  ;uger  ,  en  les  con- 
sultant, de  la  profondeur  de  son  éru- 
dition ,  et  de  la  solidité  de  son  jugement  ; 
mais,  soitque,tropoccupédu  fond  d'  3 
choses ,  il  eût  négligé  de  former  son 
style,  soit  que,  dans  la  discussion,  il  ait 
trop  souvent  paru  attacher  autant  d'im- 
portance aux  plus  légères  consideia- 
tious  qu'aux  principales  raisons  qui  de- 
vaient le  déterminer,  on  s'aperçoit  avec 
peine  que  ses  idées  ne  sont  pas  dé- 


398  A  N  V 

veloppces  cTvec  cette  lucidité  que  l'on 
a  droit  d'attendre  d'au  esprit  aussi 
juste  et  d'un  jugement  aussi  sain  :  ces 
mémoires  ne  peuvent  être  lus  que  par 
ceux  qui  se  livrent  à  l'étude  de  la  géo- 
graphie. D'Anville  a  publié  deux  cent 
onze  cartes  et  plans,  et  soixante- dix- 
huit  mémoires  ,  épars  dans  diverses 
collections  et  dans  différentes  biblio- 
thcqiies.  Les  mémoires  qu'il  a  compo- 
sés sur  les  mesures  itinéraires  des  Ro- 
mains ,  des  Grecs  et  des  Chinois  ,  sont 
les  plus  beaux  monuments  de  géogra- 
phie que  nous  possédions.  D'Anville 
avait  essayé  de  déterminer  la  figure  de 
la  terre ,  d'après  les  roules  et  les  ob- 
servations des  navigateurs  qui  avaient 
fait  le  tour  du  globe,  ou  qui  avaient 
traversé  la  mer  du  Sud;  nous  ne  nous 
étendrons  pas  sur  cette  partie  de  ses 
travaus,à  laquelle  on  a  peut-être  voulu 
ajouter  trop  de  prix  :  les  résultats  qu'il 
en  a  tirés  doivent  être  rangés  dans  le 
très -petit  nombre  de  ses  erreurs. 
MM.  de  Mnnnc  cl  Barl)ié  du  Bocage 
ont  annoncé,  en  iSo'.i,  qu'ils  travail- 
laient à  rassembler  et  k  publier  un  re- 
cueil complet  de  ses  ouvrages ,  en  6 
vol.  in-4"'.  M.  de  Manne ,  qui  reste 
seul  chargé  de  cette  édition  ,  doit 
publier  les  deux  premiers  volumes  en 
181  i  .D'Anvilleavait  forme  une  collec- 
tion immense  de  cartes  tantgravéosqiie 
manuscrites  ;  le  gouvernement  l'-icquit 
en  I  -j-jf) ,  et  l'eu  laissa  jouir  le  reste  de 
sa  vip.  Le  dernier  ser\  ice  que  d'An- 
ville  ait  rendu  à  la  science  ,  fut  de 
mettre  cette  collection  en  ordre.  Quoi- 
que d'une  constitution  faible  et  déli- 
cate ,  il  résista ,  depuis  sa  jeunesse 
jusfiu'à  un  âge  très-avancé  ,  à  >in  tra- 
vail de  quinze  heures  par  jour.  Il 
était  naturellement  simple  et  modeste; 
iniis  la  conscience  qu'd  avait  de  ses 
ibrces,  l'avait  peut-être  rendu  un  peu 
trop  sensible  à  la  critique.  Deux  ans 
avant  sa  mort ,  il  perdit  l'usage  de  ses 


A  N  W 

facultés  ,  et  termina  sa  carrière  le  o3 
janvier  fjHi. ,  âgé  de  près  de  qnatn  - 
vingt -cinq  ans.  Il  avait  épousé,  en  i 

I  ^So ,  Charlotte  Testard,  qui  mourut  i 
en  I  •jSi  ,  dans  un  temps  où  les  infir- 
mités de  d'Anville  ne  lui  permettaient 
plus  de  sentir  le  prix  de  ses  affections; 
il  en  avait  eu  deux  filles,  dont  l'une 
mourut  religieuse,  et  l'autre  fut  avan- 
tageusement mariée.  L'éloge  de  d'An- 
ville a  été  prononcé  par  Condorcet  et 
par  M.  Dacier  ;  on  le  trouve  dans  les 
Mémoires  de  l'Acadévde.  M.  de 
Manne  a  publié  la  Nolke  des  cuivra- 
ges de  d'Aiwille,  x'éo'x ,  in-H".  Cette 
îs'otice  est  composée  de  l'éloge  de  d'An- 
ville par  M.  Dacier ,  et  di\  catalogue  des 
cartes  et  des  ouvrages  ou  mémoires  de 
ce  gé  graphe.  Parmi  ses  cartes,  on  doit 
distinguer  les  quatorze  qu'il  fit  pour 
X Histoire  ancienne  de  RoUin  ;  les 
douze ,  pour  V Histoire  romaine  de 
RoUin  et  Crévier;  les  cin(} ,  pour  V His- 
toire des  Emjicreurs  romains  ,  de 
Crévier,  etc.  Parmi  ses  ouvrages  ou 
dissertations,  on  recherche:  \.  Dis- 
sertation sur  retendue  de  l'ancienne 
Jérusalem  et  de  son  temple ,  1  747  * 
in-8". ,  avec  un  plan  ;  le  plus  rare  des 
ouvrages  de  l'auteur  :  II.  Géographie 
ancienne  ,  1768  ou  178'^  ,  3  vol. 
in- 1  fi,  avec  cartes  ;  1  769,  gr.  in-ful. 
avec  dix  grandes  cartes.  —  L'ouvrage 
publié  sous  le  titre  de  Géographie  de 
d'Anville,  par  M.  B.  D.  M.,  Paris, 
1807,  2  vol.  in-8''.  avec  un  atlas 
in-fol.  de  25  cartes ,  est  de  M.  Baren- 
tiu  de  TNIontchal.  R — l. 

ANWKRY,  l'un  des  poètes  les  plus 
célèbres  de  la  Perse,  naquit  à  Bcdneh , 
petit  village  dépendant  du  district  d'A- 
biverd,  eu  Khoraçàn.  Lorsqu'il  fut  eu 
âge  de  commencer  ses  études ,  on  l'en  - 
voya  à  Thoùs ,  où  il  y  avait  une  célèbre 
académie ,  nommée  Manssoùrrjah. 
Le  jeune  homme  fit  des  progrès  dans 
les  sciences  et  Icslettrcsj  mais  le  has«n.l 


AN  Y 

eoiitribua,  plus  que  les  leçons  qu'il  re- 
revaitde  ses  habiles  maîtres,  à  déve- 
lopper le  germe  de  son  talent  poétique. 
Ce  talent  le  conduisit  à  la  fortune.  Un 
soir,  qu'il  était  tristement  assis  sur  la 
porte  du  collège ,  les  équipages  du  sul- 
tîian  Sandjar  le  sekljoùqvde,  vinrent  à 
jiasseï';  il  fut  frappé  de  la  bonne  mine 
d'un  cavalier  magnifiquement  vêtu ,  et 
entouré  d'esclaves  empressés  à  le  ser- 
vir; il  demanda  qui  était  ce  seigneur, 
et ,  quand  on  le  lui  désigna  comme  un 
poJte  au  service  du  sulthan  :  «  Quoi , 
»  s'écria-t-il,  les  vers  sont  honorés  à 
»  ce  point?  J'en  jure  par  le  Très- 
«  liant;  je  veux,  sous  peu,  éclipser 
»  tout  ce  qu'il  y  a  de  poètes  à  la  cour 
»  du  sulthan!  »  L'imagination  exaltée 
par  un  aussi  beau  projet ,  il  compose, 
la  nuit  même,  en  vers,  un  éloge  de 
Sandjar,  et  va,  le  lendemain,  le  pré- 
senter au  monarque.  Ce  prince ,  ravi  de 
la  chaleur  qui  régnait  dans  cette  com- 
position ,  admet  aussitôt  Anwéry  au 
nombre  des  beaux  esprits  qu'il  avait 
réunis  autour  de  sa  personne.  Cepen- 
dant, la  poésie  n'occupait  pas  seule  tous 
les  instants  d'Anwéry;  il  sut  y  associer 
des  études  plus  sérieuses,  telles  que 
celle  de  l'astronomie,  où  il  paraît  qu'il 
fit  d'assez  grands  progrès;  msis  il  par- 
tagea avec  ])liisieurs  astronomes  de  son 
])ays  la  ridicule  prétention  de  prédire 
j'.ivonir.  Cette  prétention  lui  devint 
Irès-funeste.  Quelque  temps  avant  !a 
grande  conjonction  qui ,  suivant  les 
Tables  yllphonsines^cnt  lieu  l'an  58'^ 
de  l'hégire  (  i  t8'3  de  J.-C.  ),  Anwérv 
avait  prédit  que ,  le  jour  où  cette  con- 
jonction s'effectuerait,  i!  s'élèverait  un 
ouiagan  si  furieux  ,  que  les  arbres 
et  les  maisons  même  en  seraient  et 
renversés.  La  consternation  l'effroi  se 
répandirent  parmi  les  habitants  de 
Merve,  quand  ils  apprirent  cette  ter- 
T'b'e  prédiction  ;  tous  désertent  la 
ville  ,  et  fuient  éperdus  à  travers  la 


AN  Y 


2f.<) 


campagn'^,  dans  l'.ittenîe  du  faîal  ("vc- 
nement.  Or,  ce  jour-là  même,  l'air  fut 
plus  calme  que  jamais,  et  les  lampes 
que  l'on  avait  allumées  au  haut  des  mos- 
quées ,  ne  vacillèrent  même  pas.  Les 
ennemis  d'Anwéry  ne  raanquèn  ntpas 
de  saisir  cette  occasion  pom*  le  tourner 
en  ridicule  auprès  de  Thogrul-Beu- 
Arslan,  prince  alors  régnant,  qui  lui 
témoigna  beaucoup  de  méconlenle- 
ment.  Inconsolable  d'avoir  perdu  la 
faveur  de  son  souverain ,  et  sans  cesse 
harcelé  par  les  poètes  ses  envieux, 
qui  ne  cessaient  de  lui  décocher  les 
plus  mordantes  épigrammes ,  il  fut 
forcé  de  quitter  Merve,  et  se  retira  à 
Balkli ,  espéiant  y  vivre  plus  tranqn  1- 
le;  mais  il  fut  presque  lapidé  par  le 
peuple,  qui  l'aurait  aussi  forcé  d'aban- 
donner cette  \\\\c,  s'd  n'eût  été  l'ami 
du  càdhy  Hamed-êd-Dvn ,  qui  le  prit 
sous  sa  protection  ;  encore  fut-il  obligé 
de  faire  une  protcstaïion  publique  et 
solennelle,  de  ne  plus  se  mêler  d'as- 
trologie ni  de  prédictions.  Ce  fut  dans 
cette  ville  qu'd  mourut,  l'at:  de  l'hé- 
gire 597  (  1 .200-1 9.01  de  J.-C.}.  Oii  A 
d'Anwéri  des  éloges,  dos  satires  et  des 
ghazels.  JJ&'ioge  est  Je  genre  où  il  a  Ir 
mieux  réussi.  Il  l'emporte  de  beaucoup, 
à  notre  avis,  sur  Khacànv,  Nizamv, 
S'a'ady  et  Djàmv ,  dans  le  cacydèh; 
mais  il  le  cède  à  Hàfiz  dans  la  ghazel, 
ou  poésie  erotique.  Ce  poète,  rempli  do 
verve  et  d'imagination,  est  encore  fu)i 
peu  connu  en  Europe.  11  n'y  a ,  à  pro- 
prement parler,  que  deux  seuls  mor- 
ceaux imprimés  de  ses  poésies  qui  puis- 
sent donner  une  idée  de  son  esprit  et  da 
ses  talents.  Le  premier  est  une  élégie 
sur  la  captivité  du  sulthan  Sandjar, 
souverain  de  la  Perse,  fait  prisonnier 
par  les  Ghouzz.  Ce  poème  est  un  des 
pliis  beaux  de  la  langue  persanne.  Les 
images  y  sont  généralement  frappantes 
et  justes ,  la  diction  neneuse ,  élé- 
gante, animée  et  pure;  et  quoique  la 


3oo  A  N  Y 

versification  ne  soit  pas  partout  égale- 
ment douce  et  coulante,  elle  paraît 
très-bien  adaptée  au  sujet.  Le  texte  de 
ce  petit  poënie  a  été  public  avec  une 
excellente  traduction  en  vers  anglais , 
par  un  des  membres  les  plus  distin- 
gués de  la  Société  Asiatique  de  Calcut- 
ta, le  capitaine  Kirk  Patrick,  qui  a 
fait  insérer  cet  intéressant  travail, 
turae  I ,  p.  286  -  5 1 0  de  XAsiaiik 
Miscellanj ,  recueil  aussi  rare  que 
«;urieux,  publié  à  Calcutta,  in -4"., 
i'j85-i  -jHGjpar  les  soins  de  M.Glad- 
\sin ,  dont  il  n'a  paru  que  1  vol ,  et  qui 
a  clé  beaucoup  trop  tôt  intcrrompn. 
L'autre ,  qui  est  un  éloge  de  Maudoud 
ben  Zengury,  traduit  en  allemand, 
en  octaves ,  par  M""".  Chézv.  Cette 
élégante  traduction  est  insérée  dans  le 
second  N".  des  Mines  de  l'Orient, 
journal  destiné  à  la  littérature  orien- 
tale, et  qui  s'imprime  à  Vienne,  sous 
les  auspices  et  auxlVaisdu  Mécène  des 
orientalistes  de  l'Allemagne,  M.  le  C". 
tic  Kzcwuski.  Ij — s. 

AN  Y  SIS,  quoique  arengle  ,  fut 
choisi  pour  roi  d'Egypte,  après  la 
mort  d'Asychis.  Peu  de  temps  après 
son  avènement  à  la  couronne ,  Saba- 
cos  ,  roi  d'Ethiopie,  s'empara  de  l'E- 
gypte, et  Anysis  se  retira  dans  les 
marais ,  oîi  il  demeura  cinquante  ans , 
et  forma ,  dit-on ,  une  île ,  de  la  cendre 
qu'il  se  faisait  apporter.  Sabacos  ayant 
quitté  l'Egypte,  il  revint  prendre  la 
couronne.  INLLarcher  place  le  com- 
mencement de  son  rè^'ue  veis  l'an 
ioi'2  avant  J.-C.  C — R. 

ANYTUS,  fds  d'Anthémius,  était 
corroyeur  à  Athènes,  c'est-à-dire, 
qu'il  avait  un  atelier  où  il  employait 
des  esclaves  à  travailler  les  cuirs ,  de 
même  que  le  père  de  Démostliènes 
en  avait  un  où  l'on  fabriquait  des 
épées.  Cela  ne  l'empêchait  pas  de  se 
livrer  aux  aflàires  publiques.  11  fut 
chargé ,  dans  la  4'.  année  de  la  92^. 


AN  Y 

olympiade  (  409  avant  J,-C.  ) ,  de  con- 
duire trente  vaisseaux  au  secours  de 
Pvlos ,  qui  était  assiégé  par  les  Lacé- 
démoniens.  N'ayant   pu    doubler  le 
promontoire  3Ialée,  il  revint  à  Athè- 
nes ,  et  le  peuple ,  croyant  qu'il  avait 
trahi  sa  confiance,  lui  fit   faire  son 
procès.    Il   parvint    à  s'en    tirer   en 
corrompant  les  juges  avec   de  l'ar- 
gent ,  et  on  citait  ce  trait  comme  le 
premier  de  ce  genre  (|u'on  eût  vu  à 
Athènes.  Je  crois  qu'il  est  le  même 
qu'Auytiis  qui ,  exilé  par  les  trente 
tvrans,  se  mit  à  la  tête  de  ceux  qui 
s'étaient  fortifiés  à  Phylé.  Il  revint  à 
Athènes  avec  les  autres  ,  et ,  l'an  3ç)() 
av.  J.-C. ,  il  fat  un  des  accusateurs  d« 
Socrate,  à  qui  tous  les  exilés  en  vou- 
laieut  parce  qu'Alcibiadc  ,    qui  avait 
porté  la  première  atteinte  à  la  démo- 
cratie ,  Théramènes   qui ,  dans  son 
aîtibassade  à  Sparte,  avait  agi  direc- 
tement mnlre  l'intérêt  du  peuple,  et 
Ciitias ,  le  plus  cruel  des  trente  ty- 
rans ,    avaient   été  les   disciples  du 
j)liilosophc.  On  sait  quelle  fut  l'issue 
de  cette  accusation.  Anytus,  et  ceux 
qui  s'étaient  joints  à  lui ,  ne  taidèient 
pas  à  être    punis   de  leur  conduite, 
par  la  haine  publique;  car  personne 
ne  voulut  communiquer  avec  eux.  On 
faisait  changer  l'eau  des  bains  dans 
lesquels  ils  s'étaient  lavés,  et  on  leur 
refusait  du  feu  lorsqu'ils  en  deman- 
daient. Le  ])Ciiple,  n'avant  pas  tardé 
h  revenir  sur  le  compte  de  Socrate  , 
Anytus  fut  exilé;  11  se  retira  à  Héra-- 
dée  Vers  le  Pont-Euxin,  où  il  fut, 
à  ce  qu'on  dit,  assommé  à  cou])S  de 
pierres  par  les  gens  du  pays.  IjC  sa- 
vant Fréret,  dans  une  Dissertation 
qui  vient  de  paraître  dans  le  47'  •  ■vo- 
lume des  Mémoires  de  l'académie 
des  inscriptions  ,   semble  douter  de 
l'exil d'Anvtus,  et  de  ce  qu'on  raconte 
au  sujet  de  sa  mort  ;  je  partage  son 
opinion,  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 


AOD 

de  déduire  les  raisons  sur  lesquelles 
je  me  fonde.  C — u. 

AOD  ,  fils  de  Ge'ra ,  de  la  tribu  de 
Benjamin  ,  fut  élu  juge  d'Israël  après 
Othoniel,  vers  l'an  i443  avanf  J.-C. 
Ayant  e'te  clioisi  pour  portera  Eglon, 
roi  de  Moal),  le  tribut  annuel  que  les 
israclites  lui  payaient  depuis  dis-luiit 
ans,  il  conçut  le  dessein  de  profiler  de 
cette  occasion  pour  délivrer  son  pnys 
de  l'oppression  sous  laquelle  il  gémis- 
sait. Après  qu'il  eut  remis  le  tribut,  il 
feignit  d'avoir  à  communiquer  au  roi 
lui  secret  important.  Eglon  fit  retirer 
tous  ceux,  qui  étaient  dans  son  appar- 
tement, et,  dès  qu'ils  furent  seuls, 
Aod  lui  enfonça  un  poignard  dans  le 
sein ,  et  se  relira  aussitôt  en  fermant 
la  porte  sur  lui.  Les  gardes  crurent 
que  leur  maître  voulait  reposer  ;  et  , 
îorsqu'après  avoir  attendu  quelque 
temps ,  ils  entrèrent  dans  l'apparîe- 
ment,  ils  le  trouvèrent  étendu  mort. 
Aod  avait  eu  le  temps ,  pendant  le 
premier  trouble  qu'excita  cet  évé- 
nement, de  gagner  les  frontières  d'Is- 
raël. Du  haut  de  la  montagne  d'E- 
phraïm ,  il  sonna  de  la  trompette, 
rassembla  autour  de  lui  une  nom- 
breuse troupe  à  laquelle  il  fit  part  de 
son  action  ,  s'empara  de  tous  les  gués 
par  lesquelles  Moabites  auraient  pu 
s'échapper,  fondit  sur  eux  avec  sou 
armée ,  de  sorte  qu'il  en  périt  dix  mille 
dans  cette  journée,  qui  procura  une 
paix  de  quatre-vingt-dix  ans  à  la  terre 
de  Canaan.  T — d. 

APAGZAI,  APATZAI  TSERE 
(  Jean  ),  savant  remarquable  du  i  -'^. 
siècle,  né  en  Transylvanie,  dans  le  vil- 
lage d'Apatza,  fut  envoyé,  aux  frais  du 
gouvernement  de  son  pays ,  à  U trecht , 
où  il  s'appliqua  aux  langues  orientales, 
à  la  théologie,  à  la  philosophie,  avec 
tant  de  succès,  qu'on  lui  offrit  une 
diaire  de  professeur;  mais  il  la  refusa 
pour  s'acquitter  enyers  sa  pauie,  où 


APA  5or 

il  retourna  vers  l'année  iG55.  Il  fut 
placé  au  collège  de  Weisseiibourg, 
pour  y  enseigner  la  géographie,  1;* 
pliysique  et  l'astronomie.  S' étant 
déclaré  pour  la  philosophie  de  Des- 
carfes,  et  pour  plusieurs  opinions  des 
presbytériens,  il  se  fît  un  grand  nom- 
bre d'cnncaiis  ,  et  f'it  condamné  i 
être  précipité  du  haut  d'une  tour.  Uu 
protecteur  puissant  lui  sauva  la  vie, 
et  on  se  contenta  de  le  bannir.  S'étant 
rendu  h  Clausenbourg,  il  obtint  une 
place  au  collège  de  celte  ville,  et  ga- 
gna la  faveur  de  Jean  Bethîera.  Ce- 
pendant il  se  forma  contre  lui  un 
nouvel  orage,  qui  allait  éclater,  lors- 
qu'il mourut,  en  iG5p.  On  a  de  lui  : 
I.  Dissertatlo  continens  introduclio- 
nem  ad  philosophiam  sacram ,  avec 
des  Lettres  à  Leusâen ,  Glandorjis 
Gelder,  Utrecht,  iG5o  ;  U.Mag,var 
Encjclopediat ,  etc.  (  Encyclopédie 
en  hongrois  ) ,  Utrecht,  i6j5;11Ï. 
Magyar  logica  (  Logique  en  hon- 
grois )  ,  Weissenbourg  ,  jG56  ;  IV. 
Oratio  de  studio  sapientiœ  ^  etc., 
Utrecht,  i655;  V.  Dissertalio  de 
politia  ecclesiastica  ,  Clausenbourg  , 
i(}j8  ,  et  quelques  Z?/5COi<r5  non  im- 
piimés.  C — AU. 

APAFFI.  r.ABAFFt. 

APAME  ,  fdie  d'Artabaze,  satrape 
de  la  Bactriane,  épousa  Sélcucus,  l'un 
des  généraux  d'Alexandre ,  qui  donna 
son  nom  à  trois  villes ,  dont  la  plus  cé- 
lèbre fut  Apamé  en  Syrie. — Une  autre 
Apamé,  fdIe  d'Antiochus  Soter  et  de 
Stratonice  ,  fut  mariée  à  Magas  ,  roi 
de  Cyrènc.  Mou  savant  confrère  et 
ami ,  ]\[.  Visconti ,  croit  qu'elle  est  la 
même  que  rArsiucé  dont  parle  Justin; 
mais  j'ai  quelques  doutes  à  cet  égard 
(  F.  Arsînoe  II  et  Berî^mce).  C — r. 

APCHON(Cl.-Marc-A.xt.  d'),  né 
à  Montbrison  ,  quitta  le  parti  des  ar- 
mes pour  l'église,  devint  évêque  de 
Dijon ,  archevêque  d'Auch  ,  consacra 


5o2  A  F  E 

sa  vie  entière  aux  vertus  uîiles .  ex- 
posa ses  jours  dans  un  incendie  pour 
sauver  deux,  enfants,  et  mourut  à  Pa- 
ris, en  i-yHS,  à  soixante  ans.  On  a 
de  ce  prélat  des  Instructions  pas- 
torales pleines  d'onction.  N — l. 
APEL  (  Jeaïv  ) ,  en  latin  Apellus , 
Jurisconsulte  contemporain  de  Lu- 
tiier,  et  un  des  professeurs  de  l'uiii- 
versitë  de  Wittcnberg  qui  coopérèrent 
à  la  réforraation.  Il  naquit  à  Nurem- 
berg ,  en  1 4B6;  son  père  cl  ait  citoven 
de  cette  ville.  Avant,  quoique  cha- 
noine du  chapitre  de  Wurzbourç, , 
CDousc  une  religieuse  ,  il  fut  arrête 
par  les  ordres  de  i'èvèque,  et  n'obtint 
sa  liberté  que  par  la  protection  d'un 
régiment  impérial  qui  était  en  garni- 
son à  Nuremberg,  et  en  donnant  >a 
démission  de  tous  ses  emplois.  Il 
mourut  à  Nuremberg ,  avec  les  titres 
dejurisconsuhe  de  celte  république,  et 
de  conseiller  de  l'électeur  de  Brande- 
bourg. On  a  de  lui  :  1.  L'apologie  tle 
son  ma  liage,  adressée  au  prince  évê- 
que  de  Wurebourg,  dont  il  était  un 
des  conseillers  :  Dffensio  Jo.  /Ipeîli 
prosuo  conjupo ,  citm  prœf.  Lulhevi 
ad  Jo.  Crojum ,  Wittenberg  ,  1  5^i5 , 
in -4'.;  II.  Mcthodica  dialeclices 
ratio,  ad  jurispnidentiam  accommo- 
rfrtW. ,  Norimb.,  i555,  in-4°.  C'est 
un  Traité  de  droit  romain  ,  ou 
p'utot  une  Logique  appliquée  à 
l'élude  du  droit ,  dégagée  de  cette 
marie  allégorique  qui  infestait  alors 
les  écoles.  Nie.  Rer.i<ner  l'a  f.tit  réim- 
primer dans  sa  Crnosura.  lil.  Bra- 
chyloqiis  juris  civilis  ,  siv>e  corpus  le- 
£7/m,abré!ié  de  droit  qu'on  a  long- 
temps  cru  être  une  production  du  6". 
siècle  ,  et  qu'on  a  même  attiibné  à 
FempeiTur  Jusîinien.  (  For.  le  Dic- 
tioTinaire  des  savants  de  Nuremberg 
par  Will ,  et  les  Suppl.  de  M.  Frehr- 
manii  au  Dict.  hist.  de  Grohman, 
tom.  VIII,  p?g.  i"»5.)         S — B. 


APE 

APELLES ,  peintre ,  naquit  à  Cos , 
selon  la  plupart  des  auteurs ,  et  reçut 
le  droit  de  cité  à  Ephèse  :  il  était  fils 
de  Pylhius .  et  frère  de  Ctésiochus. 
Eplioius  d'Ephèse  lui  donna  les 
preraièics  leçons  de  son  art ,  et  Pam- 
pliile  d'Amphipolis  fut  son  second 
maître.  Ap(  l'es  cfTlica  tous  les  peintres 
qui  l'avaient  précédé,  et  il  excella  dans 
toutes  les  parties  de  l'art  ;  mais  il  se 
fit  lemarquer  surtout  par  une  grâce 
inimitable,  et  par  la  pureté,  l'élégance 
et  le  choix  des  formes.  Les  villes  de 
la  Grèce  ,  de  l'Arcliipel,  de  l'Asie,  de 
l'Fgvpte,  se  décoraient  et  s'hono- 
raient de  ses  nombreux  chefs-d'œuvre. 
Apelles  n'avait  rien  négligé  pour  porter 
son  talent  au  plus  haut  degré  ;  il  visita 
les  écoles  les  plus  célèbres  ,  entre  au- 
tres celle  de  Sicyone,  qni  jouissait 
alors  d'ime  grande  réputation.  Il  se 
rer.dit  également  à  Rhodes  pour  voir 
Piotogène,  dont  la  célébrité  excitait 
son  émulation  :  ce  dernier  était  ab- 
sent lors  de  l'arrivée  d'Apelles,  qui, 
sans  dire  son  nom,  se  contenta  de 
tracer  avec  le  pinceau  un  trait  d'une 
précision  et  d'une  ]uireté  remarqua- 
bles, et  se  retira.  Protogène,  de  retour, 
reconnut  la  m.dn  d'Apclles, comme  la 
seule  capable  de  dessiner  une  esquisse 
aussi  parfr.ite;  mais  il  entreprit  de  la 
surpasser,  et  les  nouveaux  traits  qu'il 
fit  étaient  encore  plus  légers  et  pins 
précieux.  Apelles  revint  une  seconde 
fois  ;  ou  lui  montra  l'ouvrage  de  Pro- 
logèneà  côté  du  sien  ,  et  il  remplit  de 
nouveau  l'espace  qni  restait ,  p.ir  un 
contour  si  délicat,  que  le  peintre  rho- 
dien  se  conic-ssa  vaincu, et  courut  cher- 
cher Apelles  qu'il  reçut  chez  lui ,  en 
lui  rendant  tontes  sortes  d'honneurs. 
Ce  tableau,  ou  plutôt  ce  Irait,  sur  le- 
quel on  a  beaucoup  disserté  ,  était 
regardé  comme  un  miracle  de  l'art; 
dans  la  suite  ,  il  fut  porté  à  Rome  ,  et 
placé  dans  le  palais  des  Césars,  où  un 


ÂPE 

i-ncenulc  le  consuma.  La  douceur  et 
la  noblesse  des  manières  et  du  lan- 
gage d'Apclles  le  faisaient  chérir  de 
SCS  rivaux  comme  de  ses  élèves  ;  il  fit 
passer  les  ouvrages  de  Protogène  pour 
les  sipus,  afin  qu'on  en  donnât  un 
plus  hautprix.  Adrairateurde la  beauté', 
il  en  cherchait  les  plus  rares  modèles; 
re  fut  lui  qui  distingua  la  fameuse 
Lais  ,  qui,  jeune  encore  et  ignore'e  , 
puisait  de  l'eau  à  uae  fontaine.  Apel'es 
l'engagea  à  le  suivre;  et ,  comme  ses  amis 
se  moquaient  de  son  choix  :  «  Avant 
»  trois  ans,  dit-i!,  elle  n'aura  plus 
»  rien  à  apprendre  dans  l'art  de  la 
«  volupîè  »  On  croit  aussi  que  la  belle 
Phryné  lui  servit  de  modèle,  et  que 
ce  fut  après  l'avoir  vue  dans  le  bain  , 
qu'il  peignit ,  pour  les  habitants  de 
Cos, micyénus  Anadj'omène,  qu'Au- 
guste plaça  depuis  dans  le  temple  de 
César,  chef-d'œuvre  qu'effaçait  néan- 
moins une  autre  Vénus  que  la  mort 
empêcha  Apelles  de  terminer,  et  que 
personne  n'osa  achever.  La  gloire  et 
le  talent  d'Apelles  étaient  à  leur  comble 
vers  la  ii'i"".  olymjiiade,  33.i  ans 
avant  J.-C.  On  le  nommait  le  prince 
<3cs  peintres ,  et,  depuis,  la  peinture  fut 
appelée  par  excellence  XArt  d'A- 
pelles. Alexandre  le  combla  de  ses 
faveurs,  et  ne  voulut  être  peint  que 
par  lui;  il  lui  permettait  de  l'entrete- 
nir familièrement  ;  et  un  jour  que  ce 
XQon.irque  dissertait  sur  la  peinture  , 
«t  se  trompait  sur  plusieurs  points  : 
«  Prenez  garde ,  lui  dit  Apelles ,  et 
»  parlez  plus  bas  ;  car  les  ouvriers 
»  qui  broient  mes  couleurs  riraient 
9  de  vos  discours.  »  Mais  plusieurs 
■auteurs  font  adresser  cette  réponse, 
un  peu  hardie  ,  au  grand -prêtre 
d'Ephèsc ,  homme  riche  et  puissant , 
qu'Apelles  avait  peint  conduisant  la 
-pompe  d'un  sacrifice:  cet  ouvrage  était 
mis  au  rangdcs  plus  bcauxde  ce  grand 
ailisle.  On  ciUiX  aussi  ua  Alexandre 


APE 


5o5 


foudroyant ,  dont  la  foudre  et  les  bras 
semblaient  se  détacher  du  tableau,  un 
Antigone  peint  de  profil, pour  cacher 
un  défaut  de  ce  prince  dont  un  œil 
était  crevé.  Plusieurs  auteurs  ont  parlé 
d'un  cheval  peint ,  dont  la  vue  faisait 
hennir  les  cavales.  En  peignant  un 
autre  tableau  du  même  genre,  Apelles 
essayait  vainement  de  représenter  l'é- 
cumequi  sortait  de  la  bouche  d'un  cour- 
sier fougueux  ;  impatienté  de  la  faibles- 
se de  son  imitation,  il  saisit  une  éponge 
qu'il  jeta  sur  cet  ouvrage  imparfait, 
et  le  hasard  lui  fit  obtenir  l'elFet  qu'il 
n'avait  pu  rendre  jusque-là.  Alexandre 
le  chérissait  tellement ,  qu'il  n'hésita 
pas  à  lui  sacrifier  une  esclave  char- 
mante, nommée  Campaspe,  dont  ce 
prince  était  amoureux.  Il  avait  charge' 
Apelles  de  la  peindre  nue;  à  la  vue 
de  Tant  de  charmes ,  l'artiste  ne  put 
dissimuler  son  trouble,  et  Alexandre, 
qui  s'en  aperçut ,  la  lui  donna.  Après 
la  mort  d'Alexandre,  Apelles  se  rendit 
à  Alexandrie,  à  la  cour  de  Ptolomée, 
près  duquel  il  ne  trouva  pas  le  même 
appui.  On  chercha  d'abord  à  le  com- 
promettre vis-à-vis  de  ce  prince ,  en 
le  faisant  venir,  par  un  faux  avis,  au 
miUeu  d'un  festin  qui  se  donnait  à  la 
cour  ;  comme  le  roi  paraissait  irrité 
delà  hardiesse  du  peintre,  celui-ci,  ne 
connaissant  pas  le  nom  de  l'hommp 
qui  lui  avait  tendu  ce  piège ,  prit  le 
parti  d'en  dessiner  la  figure  sur  la 
muraille;  chacun  le  reconnut, etil  fut 
puni.  Peu  de  temps  après ,  Apelles  fut 
accusé  par  le  peintre  Antiphile  d'avoir 
trempé  dans  une  conjuration  (  P^oy. 
Antjpuile  ).  Plusieurs  auteurs  ont 
désigné  cette  conjuration  comme  celle 
de  Théodote ,  gouverneur  de  ïyr  ; 
mais  cette  dernière  n'eut  lieu  que  sous 
le  règne  de  Ptolomée  Philopator ,  cent 
ans  après  la  mort  d'Alexandre.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  Apelles  vit  ses  jours  me- 
nacés, et  fut  chargé  de  fers;  mais  un 


5o4  APE 

lies  coupables  le  justifia.  De  retour 
dans  sa  patrie,  il  peignit,  eu  mémoire 
de  cet  événement ,  son  fameux  Ta- 
bleau de  la  Calomnie.  On  y  voyait 
un  roi  avec  des  oreilles  éuormes  ;  à 
ses  cotés  se  tenaient  le  Soupçon  et  l'I- 
tîuorance.  La  Calomnie,  sousia  figure 
d'une  femme  superbe,  richement  vê- 
tue, et  tenant  une  torche  à  la  main  , 
amenait  devant  lui  un  jeune  homme 
qiiV-lie  traînait  par  les  cheveux,  et  qui 
semblait  prendre  le  ciel  à  témoin  de 
son  innocence;  la  Fraude  et  la  Perfidie 
suivaient  la  Calomnie;  et,  derrière  ce 
groupe  ,  on  voyait  le  Repentir  en  habit 
de  deuil,  qui  m.ontrait  plus  loin  la 
Vérité,  sous  les  traits  d'une  femme 
belle  et  modeste.  On  ignore  le  temps 
et  le  lieu  de  la  mort  d'Apelles  ;  il 
avait  écrit  sur  les  secrets  de  son  art 
trois  Traités  ,  qui  existaient  encore  du 
temps  de  Pline.  Apelles  recueillait  avec 
soin  les  avis  du  public  sur  ses  ou- 
vrages ,  et  il  exposait  aux  regards  des 
passants  ses  tableaux  ,  derrière  les- 
quels il  se  cachait  souvent  pour  en- 
tendre ce  qu'on  en  disait.  Un  cor- 
donnier critiqua  un  jour  le  cothurne 
d'une  de  ses  figures;  Apelles  l'enten- 
dit et  corrigea  cette  chaussure;  le 
même  artisan ,  fier  de  voir  sou  avis 
suivi,  voulut  le  lendemain  censurer 
une  autre  partie  :  u  Cordonnier ,  ne 
»  passez  pas  la  chaussure  ,  lui  dit 
»  Apelles.  »  11  croyait  qu'un  peintre 
ue  devait  pas  laisser  écouler  un  jour 
sans  manier  le  crayon.  Un  artiste  lui 
montrait  un  ouvrage  qu'il  avait  fait 
avec  une  extrême  promptitude ,  et  qui 
n'avait  pas  d'autre  mérite  ;  et  comme 
il  s'enorgueillissait  de  cette  célérité  : 
«  Je  m'en  étais  aperçu ,  lui  dit  Apelles, 
»  et  je  n-'étonne  seulement  que  vous 
w  n'en  avez  pas  fait  davantage  dans 
»  le  même  temps.»  Un  de  ses  élèves 
avait  peint  une  Hélène  magnifiquement 
habillée;  Apelles  l'ayant  vue,  s'écria: 


APE 

«  Tu  n'as  pu  la  faire  belle ,  et  tu  l'aS 
»  faite  riche.  »  Il  ne  se  servait  habi- 
tuellement que  de  quatre  couleurs , 
dont  Pline  indique  les  bases  et  la  com- 
position. 11  avait  inventé  un  vernis 
qui  donnait  de  l'accord  à  ses  tableaux, 
et  les  garantissait  de  la  poussière;  lui 
seul  en  avait  le  secret.  Reynolds  a 
prouve  que  ce  vernis  différait  peu  des 
nôtres.  Pline  et  Pausanias  citent  un 
très-grand  nombre  des  ouvrages  d'A- 
pelles. L  -  S — E. 

APELLES ,  hérétique ,  vivait  vers 
l'an  1 6o.  U  suivit  d'abord  la  doctrine 
de  Marcion  ,  mais  ensuite  il  adopta  et 
propagea  les  opinions  d'une  pi  éten- 
due prophètesse,  nommée  Philumèna. 
Tertullien  prétend  qu'ils  avaient  eu 
ensemble  une  intrigue  criminelle.  Sa 
d  ctrine  sur  la  nature  divine  était 
qu'il  existe  un  principe  parfaitement 
bon ,  d'un  pouvoir  ineffable  et  supé- 
rieur à  tout. Ce  Dieu  avait  donné Ictre 
à  un  autre  Dieu  ,  son  inférieur  et  son 
sujet,  et  cette  seconde  divinité  qui  était 
delà  nature  du  feu,  avait  créé  le  monde. 
A  l'égard  de  J.-C,  il  enseignait  qu'il  était 
le  fils  du  Dieu  bon,  et  son  Saint-Esprit, 
et  qu'il  avait  eu  un  corps  réel ,  qu'il  ne 
tenait  point  de  la  Vierge  Marie.  Selon 
Apelles,  il  l'avait  tiré  des  quatre  élé- 
ments eu  descendant  du  ciel  ;  cl  en  y 
retournant,  avait  rendu  à  chacun  d'eux 
la  portion  qui  lui  appartenait.  11  con- 
damnait, comme  Marcion ,  le  mariage , 
rejetait  l'autorité  divine  de  Yy/ncien 
Testament ,  ainsi  que  celle  de  Moïse, 
et  soutenait  que  les  prophètes  étaient 
pleins  de  contradictions.  On  n'a  plus 
aucun  des  nombreux  ouvrages  de  cet 
homme,  auquel  les  écrivains  ortho- 
doxes n'ont  pas  épargné  les  objections 
et  les  reproches.  D — t. 

APELLICOX, de  Téos  ,  de  la  secte 
péripaléticieune  ,  est  un  de  ceux  aux- 
quels nous  devons  la  conservation  dos 
livre*  d'.Viislote.  Eu  mourant ,  le  phi- 


APE 

losophe  de  Stagyre  confia  ses  ouvrages 
à  Théophraste  ,  qu'il  avait  désigné 
pour  son  successeur.  Théophraste  les 
légua ,  par  son  testament ,  à  Nélée  , 
qui  les  transporta  à  Scepsis,  sa  patrie, 
dans  la  Troade.  Après  la  mort  de  Né- 
lée ,  ses  héritiers ,  gens  sans  culture , 
craignant  les  poursuites  des  rois  de 
Pergame ,  qui  faisaient  enlever  ,  dans 
toutes  les  villes  de  leur  dorainatiou , 
les  livres  précieux  ,  pour  enrichir  leur 
bibliothèque  ,  cachèrent  les  ouvrages 
d'Aristote  dans  une  caverne ,  où  ils 
restèrent  plus  de  cent  trente  ans,  et 
souffrirent  beaucoup  des  vers  et  de 
4'humidité.  Au  bout  de  ce  temps ,  Apel- 
licon  les  acheta  de  quelques  descen- 
dants d'Aristote,  ou  de  Théophraste. 
Il  voulut  ensuite  les  mettre  en  ordre, 
et  réparer  les  lacunes  occasionnées 
par  l'altération  des  manuscrits;  mais, 
plus  riche  que  savant,  plus  bibliomaue 
que  lettré ,  il  s'acquitta  mal  de  celte 
tache  difficile.  Après  sa  mort ,  Sylla , 
s'étant  emparé  d'Athènes,  la  l^". année 
de  la  i'j3°.  olympiade  ,  fit  enlever  et 
transporter  à  Rome  la  bibliothèque 
d'Apellicon ,  et  ce  fut  Tyrannion, 
grammairien  assez  obscur,  que  l'on 
chargea  de  les  classer ,  d'en  corriger 
le  texte  ,  et  de  les  copier.  Apellicon , 
que  sa  grande  fortune ,  et  le  titre  de 
citoyen  d'Athènes  dont  il  jouissait , 
mettaient  à  même  de  satisfaire  sa  pas- 
sion pour  les  livres  ,  ne  se  contenta 
pas  toujours  de  les  acheter  ;  il  en  dé- 
roba quelquefois.  Il  enleva ,  des  ar- 
chives d'Athènes  et  d'autres  lieux, 
les  originaux  des  anciens  décrets  du 
peuple.  Il  fut  même  obligé  de  fuir , 
pour  éviter  la  punition  de  ce  vol.  Il 
s'était  lié  avec  Athénion  ,  tyran  d'A- 
thènes, qui  Se  chargea  d'aller  à  Dé- 
los  enlever  les  trésors  du  temple  d'A- 
pollon. Mais ,  surpris  par  le  général 
romain ,  ApeUicon  fut  trop  heureux 
d'échapper  à  la  mort  par  une  prompte 
II. 


A  P  H  5ofî 

fuite.  Il  avait  écrit  un  ouvrage  pour 
la  défense  d'Aristote.  D.  L. 

APER  (  Marcus  ),  orateur-  romain, 
Gaulois  de  nation,  voyagea  dans  sa 
jeunesse,  alla  jusque  dans  la  Grande- 
Bretagne,  et  se  rendit  ensuite  à  Rome, 
oîi  il  fréquenta  le  barreau  ,  et  acquit 
beaucoup  de  réputation  par  sou  élo- 
quence. Il  fut  successivement  sénateur, 
questeur,  tribun  et  préteur;  mais  s'il 
faut  l'en  croire ,  tous  les  agréments 
attachés  à  ces  charges  honorables 
avaient  moins  d'attrait  pour  lui  que 
l'exercice  de  sa  première  profession. 
11  mourut  vers  l'an  85,  av.  J.-C.  C'est 
un  des  orateurs  qui  brillent  le  plus 
dans  le  fumeux  Dialogue,  intitulé:  Des 
orateurs ,  ou  De  la  corruption  de  ZV- 
/©(/iiCMce,  qu'on  a  attribué  long-temps, 
tantôt  à  Quintilien ,  tantôt  à  Tacite  , 
et  que  D.  Rivet  ne  fait  point  difficulté 
d'attribuer  àAper;  il  en  donne  des 
preuves  qui  paraissent  concluantes. 
Du  reste ,  les  savants  qui  ont  examiné 
ce  point  de  critique  avec  le  plus  de 
soin  ,  conviennent  que  ce  Dialogue 
n'est  ni  de  Quintilien  ,  ni  de  Tacite.  Il 
a  été  traduit  en  fiançais ,  par  Giry ,  de 
l'académie  française  ,  Paris  ,  i  O26 , 
in-4  ".  ;  par  Maucroix  ,  Paris ,  1710, 
in-12;  parMorabin,  Paris,  172'i, 
in-i2  ;  par  Bourdon  de  Sigrais,  de 
l'académie  des  Inscriptions  ,  Paris 
1782,  et  par  Durcau  de  la  Malle, 
dans  la  seconde  édition  de  sa  Traduc- 
tion de  Tacite  j  Paris  ,  1809  ,  5  vol. 
iu-S".  K. 

APER  (ArIUS).  FoJ.  DiOCLtTIEN. 

APHTHONIUS,  rhéteur  d'An- 
tioche,  vivait  dans  le  5'.  ou  le  4". 
siècle.  Nous  avons  de  lui  des  exercices 
(  Progymnasmata  )  de  rhétorique 
adaptés  aux  préceptes  d'Hermogène , 
et  4o  fables.  Aphthonius  ,  suivant 
Suidas,  a  le  défait  d'avoir  négligé  de 
traiter  des  premiers  élénicnts  de  la 
rhétorique ,  et  de  ne  s'être  uuUeiuent 
20 


ocô  A  P 1 

applique  à  fermer  le  slyle  de  ceux 
qu'il  voulait  instruire.  On  ne  trouve 
dans  sou  Traité  que  les  règles  ora- 
toires ,  et  l'application  de  ces  règles  à 
difJerents  sujets.  Les  Progrmnas- 
mata  ont  été  imprimés ,  pour  la  pre- 
mière fois  ,  en  grec ,  dans  le  recueil 
intitulé  :  Rhetores  Gncci,  Venetiis 
Aldus,  i5o8,  in-fol.  Dans  le  second 
volume  de  ce  recueil  ,  imprimé  en 
i5o9,  et  qui  est  extrêmement  rare  , 
ou  trouve  un  commentaire  sur  Aph- 
thonius,  qui  n'a  jamais  été  réimprimé. 
Quant  à  l'ouvrage  d'Aphthonius  , 
comme  il  a  été  long-temps  en  usage 
dans  les  écoles ,  il  y  en  a  un  grand 
nombre  d'éditions.  Les  meilleures 
sont  :  J/jhlhoniiis  ,  Hermogenes  et 
Longbms ,  grœcè,  cura  jEm.  Porli, 
Genevae  ,  Crispin  ,  1070  ,  in-8°.  j 
AprUlionii  Prosrmnasmata  gr.  lai. 
Fr.  Scobario  interprète ,  Hier. ,  Com- 
nielinus  ,  1J97,  in-8".  (ses  fables  y 
sont  jointes);  Gr.  lut.  cura  D.  Hein- 
sii,  Lug.,  Bat.,  i6u6;  in-S".  ;  Ejus- 
dcm  et  Theonis  Progrmnasmata 
(rr.  lat.  cum  ?wtis  ,  J.  Scliefieri, 
Upsaliœ,  1670, in-8 '.Le Traitéd'Aph- 
thonius  a  été  traduit  en  latin,  dans 
un  recueil  de  traductions  latines  de 
divers  rhéteurs  grecs  ,  imprimé  à  Ve- 
nise, .Aide  i5:?.5,  in-fol.;  imprimé 
séparément  en  grec  el  en  latin,  Paris, 
iG-îi  ,  in-8'.;  Jnais  on  préfè-re  la 
traduction  de  François  Escobar  ,  qui 
j.arut  à  Barcelone,  161  i  ,  in-8°.  ,  et 
celle  de  Rodolphe  Agricola,  Amster- 
dam, Elzevir,  1642 — 1665,  in-i2, 
avec  des  notes  de  ReinliardLorichius. 
Les  fables  d'Aphthonius  se  trouvent 
souvent  à  la  suite  de  celles  d'Ésope , 
Venise,  Aide  ii)o5,  in-fol.  ;  Franc- 
fort 16 10,  in-8". ,  fig.  Ci — R, 

APL\NUS  (  Pierre  ),  professeur 
de  niathémati([ues  à  Ingolstadt ,  né  en 
I  fO  J  ,  à  Leysnick  de  IVlisnie  ;  son 
nom  alicmaud  était  Eienewilz  :  Bicne 


API 

signifie  abeille,  apis,  à^ où  Apianns, 
Charles-Quint  l'estimait,  le  fit  cheva- 
lier de  l'empire  Germnnique,  et  lui 
fit  présent  de  trois  mille  pièces  d'or. 
On  a  de  lui  :  L  une  Cosmographie 
en  latin,  Landshut,  1 5^4,  et  quelques 
ouvrages  de  géographie  ;  IL  Astro- 
nomicwn  Cœsareum ,  Ingolstadt, 
i54o  ,  format  d'atlas.  Cet  ouvrage 
est  dédié  à  Charles  Quint ,  et  à  son 
frère  Ferdinand;  d'à  pour  objet  de 
substituer  les  instruments  aux  tables 
astronomiques,  pour  trouver  en  tout 
temps  la  position  des  astres ,  et  toutes 
les  circonstances  des  éclipses.  L'idée 
n'est  pas  heureuse,  mais  l'exécution 
prouve  de  l'adresse  et  une  industrie 
que  Kepler  appelle  malheureuse  {mi- 
serabilem),  et  qu'on  ne  saurait  assez 
déplorer.  Dans  la  seconde  partie  de 
cet  ouvrage,  on  trouve  la  description 
d'un  instrument  pour  résoudre,  sans 
calcul,  tous  les  triangles  sphériques; 
on  y  trouve  les  observations  de  cinq 
comètes ,  et  cette  remarque  curieuse  , 
que  les  queues  des  comètes  sont  tou- 
jours à  l'opposite  du  soleil ,  et  dirigées 
suivant  une  ligne  qui  est  le  prolonge- 
ment de  la  droite ,  menée  du  centre 
du  soleil  à  celui  de  la  comète.  Dans 
le  privilège  de  ce  hvre,  privilège  dont 
la  date  est  1 55'.>, ,  et  la  durée,  5oans , 
on  voit  la  liste  des  ouvrages  qu'Apia- 
nus  se  proposait  de  publier,  tels  que 
des  Fphéinéridfsde  1  554  ^  1570,  des 
livies  d'arithmétique  et  d  algèbre,  dos 
almanachs  avec  des  prédictions,  les 
œuvres  de  Ptolémce ,  en  grec  et  avec 
une  traduction  latine  ;  ceux  d'iUoph , 
ancien  astrologue;  des  livres  sur  les 
éclipses  ,  des  cartes  géographiques , 
et  divers  instruments.  On  n'v  trouve 
ni  l'ouvrage  intitulé  :  Inscriptiones 
S.  S.  vetustatis ,  non  illœ  quidem  Ho- 
manœ ,  sedtotius  i<erc  orbis,  ingols- 
tadt, 1 5')4  ,  qu'on  lui  attribue,  qu'on 
dit  excellent  pour  le  temps  ^  et  beau- 


I 


API 

coup  plus  complet  que  tous  ceux  qui 
avaient  paru  eu  Italie  ,  ni  celui  qui 
porte  pour  titre  :  Tabiilœ  direclionuni 
profecliomiinque ,  Witteiub, ,  1606, 
qui  paraît  être  celui  de  Rcgiomontanus. 
]I  mourut  à  lugolstadt ,  le  21  avril 
1  >ji.  Apianus  fut  un  des  prensiers 
à  proposer  l'observation  des  mouve- 
ments de  la  lune  ,  pour  de'couvrir 
les  longitudes.  Il  exposa  sa  méthode 
dans  la  première  partie  de  sa  Cos- 
mographie. 11  veut  qu'où  observe  !a 
distance  de  la  lune  à  quelque  étoile 
tixe,  peu  éloignée  de  l'écliptique,  et 
c'est  encore  l'idée  que  l'on  suit  actuelle- 
ment.—  Philippe,  son  (ils,  lui  succéda 
dans  sa  chaire  de  mathématiques  ,  et 
publia  plusieurs  écrits,  notamment: 
I.  De  Cjlindriutilitate;  II.  De  usu 
trientis  instrinnenti  astronomici  no- 
vi,  etc.  11  mourut  à  Tubingeu  ,  oi!i  il 
avait  été  forcé  de  se  retirer  ,  ayant 
embrassé  la  religion  réformée.  Ty- 
cho  nous  a  conservé  dans  ses  Pro- 
gymnasmes  ,  la  lettre  qu'il  écrivit 
de  Tubiugen  au  Landgrave  de  Hesse- 
(  iassel ,  sur  l'étoile  nouvelle  de  Cas- 
Mopée  ,  en  iS']x.  D — l — e. 

APICATA.  Foy.  Séjan. 
APICIUS.  Il  y  eut  trois  Romains 
de  ce  nom ,  devenus  fameux ,  non  par 
leur  génie,  leurs  vertus  ou  leurs  grandes 
qualités, mais  par  leur  gloutonnerie  et 
leur  supériorité  dans  l'art  gastrono- 
mique. Le  premier  vivait  sous  Sylla , 
le  second  sous  Auguste  et  Tibère,  et 
le  troisième  sous  Trajau.  C'est  le  se- 
cond qui  est  le  plus  célèbre ,  et  c'est 
de  lui  que  Séncque  ,  Pline  ,  Juvénal 
et  Martial  ont  tant  paiié.  Athénée  dit 
c[u'il  dépensa,  pour  satisfaire  sa  gour- 
mandise,  des  sommes  immenses  ,  et 

'    inventa  plusieurs  espèces  de  gâteaux 

qui  portèrent  son  nom.  Sénèt^ue ,  dont 

■^  était  le  contemporain,  nous  apprend 

qu'il  tenait  Une  espèce  d'école  de  bonne 

;  chère ,  et  avait  depeusc  de  celle  soile 


A  P  I  5o7 

deux  millions  et  demi.  Il  ajoute  qu'A- 
picius  étant  fort  endetté ,  fut  obligé 
d'examiner  enfin  l'état  de  ses  airanes, 
et  que,  voyant  qu'il  ne  lui  restait  plus 
que  'j5o,ooo  livres,  il  s'empoisonna, 
dans  la  crainte  qu'une  pareille  somme 
ne  lui  suffit  pas  pour  vivre.  Dion  at- 
teste le  même  fait.  li  ajoute  une  parti- 
cularité rapportée  aussi  par  Tacite  , 
et  qui  est  également  honteuse  ])our 
Apicius  et  pour  la  jeunesse  de  Séjau. 
Pline  parle  souvent  des  ragoûts  qu'A- 
picuis  inventa,  et  l'appelle  iVe^»o<w.»ft 
omnium  aUissimits  gurges.  Le  troi- 
sième Apicius  vivait  sous  Trajan.  In- 
venteur d'un  secret  pour  conserver  les 
huîtres ,  il  en  fit  parvenir  de  très-fraî- 
ches à  l'empereur,  alors  occupé  à  com- 
battre les  Pai  thés.  Le  nom  des  Apicius 
ne  fut  pas  seulement  donné  à  des  gâ- 
teaux, il  s'éteuditcà  plusieurs  espèces  de 
sauces.  Ils  firent  secte  iiarmi  les  cuisi- 
niers. Athénée  dit  que  l'un  d'eux  fit  le 
vovage  d'Afrique,  parce  qu'on  lui  dit 
qu'on  y  trouvait  des  espèces  de  sau- 
terelles d'eau  beaucoup  plu?  grosses 
que  celles  qu'il  mangeait  à  Minturne. 
On  croit  que  ces  sauterelles  n'étaient 
autre  chose  que  des  écrevisses.  II 
existe,  sous  le  nom  de  Cœlius  Apicius, 
un  traité  l)e  re  cuUnarid  ,  imprirati 
po'u"  la  |)remièrefois,a  Milan,  i4<)B, 
in-4  .  Les  critiques  regardent  cet  ou^ 
vrage comme  fort  ancien,  mais  ils  ne 
croient  pas  qu'il  ait  été  écrit  par  aucun 
des  trois  Apicius  dont  on  vient  de  par- 
ler. Martin  Lister  en  a  donné  nue  belle 
édition ,  sous  le  titre  de  De  obsoniis  et 
condimentis,  sivede  arte  coquinarid, 
Londres,  in-8°. ,  «705,  tiré  à  cent 
vingt  exemplaires  ,  et  Amsterdam  , 
l'-oQ,  in- 12.  Bernhold  eu  a  donné 
une  nouvelle  édition  ,  Lubeck ,  1791, 
in-8  '.  De  nos  jours,  l'art  des  Apicius  a 
trouvé  des  panégyristes  ,  qui  en  ont 
tracé  sérieusement  les  leçons.  Plus 
heureux  ei  plus  habile,  un  de  nos  plus 


5o8  API 

flimablos  poètes,  M.  Berclioiix,  a  gaî- 
ment  traité  ce  sujet  daus  sou  poërae  de 
la  Gastronomie.  D — t. 

APINLJS(Jean-Louis), médecin,  ne' 
en  1 668,àHoIenloë,en  Frauconie.Son 
goût  pour  les  sciences  le  fit  triompher 
de  tous  les  obstacles ,  et  surtout  de 
son  indi[;ence.  Afin  de  pouvoir  se  li- 
vrer à  la  médecine  qu'il  chérissait  par 
inclination  ,  il  fit  des  répétitions  à  de 
jeunes  élèves,  et  remplit  les  fonctions 
de  prote  dans  une  imprimerie  ;  il 
trouva  ainsi  les  moyens  de  séjourner 
à  Altorf ,  et  de  s'y  faire  recevoir  doc- 
teur, en  i6()i.  11  alla  ensuite  exercer 
sa  profession  à  Hersbruck,  et  revint,  en 
I  ncî,  occuper  la  chaire  de  physioloyçie 
et  de  chirurgie ,  dans  l'université  d'Al- 
torf.  Plusieurs  sociétés  savantes  se  l'a- 
grégèrent. Une  mort  prématurée  l'en- 
leva un  an  après  ,  le  28  octobre 
i^oj.  Il  a,  par  ses  observations,  en- 
richi les  éphémerides  de  l'académie 
Léopoldine ,  oi\  il  était  entré  sous  le 
nom  de  Nomis.  On  a  de  lui  :  I.  Fe- 
bris  epidemicœ  anno  i6c)4'-  '^qS, 
in  Noricœ  dilionis  oppido  Herspruc- 
censi  grassari  deprehensœ  historica 
relatio,  JJorimbcrgœ  ,  i(x)7  ,  in-8'.; 
II.  Fasciciilus  dissertationum  aca- 
demicarum  ,  Altorlii ,  i  7  1 8 ,  in-8°. 
Cet  ouvrage  dut  le  jour  aux  soins  du  fils 
d'Apinus.  Il  a  laissé  eu  nianusf  rit,  Col- 
lecUtnea  de  fehribus  et  Ohservaiio- 
nes  medico-chimicœ.      C.  et  A — n. 

API  NUS  (  Sigismond-Jacques  ) , 
philologue  distingué,  fils  du  précédent, 
né  à  Hersbruck  ,  près  de  Nurem- 
berg ,  en  1 695  ,  mort  en  1 752  ,  rec- 
teur de  l'école  de  St-Gilles ,  à  Bruns- 
wick. Les  plus  estimés  d'entre  ses  ou- 
vrages sont  :  Dissertationes  de  in- 
tellfctu  puro  ;  De  reguld  Lesbid  , 
Altdorf,  1713,  in-4''-;  De  variis 
discendi  methodis  memoriœ  causa 
iiiventis  ;  Obsen>ationes  de  loricis 
iinteis  veterum ,  ibid. ,  1719,  in-4"-J 


APT 

Fitce  Professoriim  philosopliiœ  Al- 
torfinorum, ISuremhcr^.i  728,  in-4°.: 
Medilationes  epist. ,  de  incremento 
phjsices  per  medicos  facto  ,  i  720  , 
in-fol.  (  V.  le  Dictionn.  des  savants 
de  Nuremberg  ,  par  Wille,  et  Saxii 
Onom. ,  t.  VI ,  p.  5o6.  )  S — R. 

APION,  grammairien ,  natif  d'Oa- 
sis, en  Egypte,  vint  s'étabhr  à  Alexan- 
drie, ou  il  se  fit  recevoir  citoyen.  On 
lui  donna  le  surnom  de  Plistonices  , 
parce  qu'il  avait  vaincu  plusieurs  fois 
ses  antagonistes.  Il  avait  quelque  éru- 
dition ,  mais  beaucoup  plus  de  jac- 
tance ,  et  c'est ,  sans  doute ,  peur  cela 
que  l'empereur  Tibère  le  nomma  Cjm- 
halum  mundi.  Il  se  vantait  de  donner 
l'immorfahté  à  ceux  dont  il  parlait 
dans  ses  ouvrages  ,  dont  cependant 
aucun  n'est  parvenu  jusqu'à  nous;  il 
dcljitait  beaucoup  de  mensonges,  et , 
entre  autres  ,  qu'il  avait  évoqué  l'amc 
d'Homère  ,  pour  savoir  de  quelle  ville 
il  était.  Le  seul  de  ses  ouvrages  qui 
soit  cité  par  les  anciens,  est  V Histoire 
d'Egypte ,  qui  contenait  le  détail  de 
toutes  les  curiosités  et  antiquités  de  ce 
pays.  Eusèbe  et  Tatien  en  citent  quel- 
ques passages  tirés  du  5*".  livre  qui , 
vraisemblablement  ,  était  le  dernier. 
Apion  déchirait  les  juifsque  les  Alexan^ 
drins  baissaient  mortellement;  il  com- 
posa encore  un  ouvrage  ,  dont  les  juifj 
ëtaieut  seuls  le  sujet  ;  il  était  rem- 
pli de  calomnies  ridicules  que  Josephs 
réfuta  dans  sa  Réponse  à  Apion.  Ce 
même  Apion  mérita ,  par  sa  haine  dé- 
clarée contre  les  juifs  ,  d'être  le  chef 
de  l'ambassade  que  les  habitants  d'A- 
lexandrie envovèrent  àCaligula,  pour 
se  plaindre  des  juifs  qui  habitaient 
leur  ville.  Après  s'être  moqué  de  la 
circoncision  ,  il  fut  contraint ,  par  une 
maladie,  de  s'v  soumettre;  mais  ,  par 
une  punition  divine,  dit  Josephe,  ri 
mourut.,  peu  de  temps  après,  des 
suites  de  l'opération.  C — ^». 


APO 

APOCAUQUE,  était  protovestiaire 
de  l'empire  d'Orient,  en  1 54 1 ,  époque 
delà  mort  d' Androuic  le  jeune,  et  de  l'a  - 
vènement  de  son  fils  Jean  Pale'ologue.  11 
était  d'une  naissance  obscure ,  mais  son 
esprit  remuant  et  fécond  en  ressources, 
SCS  talents  et  son  ambition  l'avaient 
f, lit  monter  aux  premiers  grades  de 
l'éiat.  Dès  qu'Aiidronic  eut  fermé  les 
yeux,  Apocauque  voulut  persuader  au 
grand  domesUqueCantacuzène  de  s'em- 
parer du  trône  ;  mais  ce  grand  hom- 
me, nommé  à  la  régence,  fit  ccui'on- 
ncr  à  l'instant  même  Jean,  fils  aîné 
d'Andronic.  Dès-lors  Apocauque  de- 
vint l'ennemi  de  Cantacuzène,  et  ne 
songea  plus  qu'à  le  perdre  et  à  le  sup- 
planter, en  l'accusant  de  projets  am- 
bitieux et  en  semant  la  discorde  entre 
lui  et  l'impératrice  Anne  de  Savoie , 
mère  du  jeune  erapei'eur.  Cependant, 
les  troupes  se  déclarèrent  pour  le  grand 
domestique,  et  leur  fureur  pensa  de- 
venir fatale  au  fourbe  Apocauque,  que 
Caotacuzène  eut  la  générosité  de  sau- 
ver ,  et  qui  n'en  fut  que  plus  acharné 
à  sa  perte.  Le  régent  s'étant  rendu  en 
Asie  pour  défendre  l'empire  menacé 
par  ses  nombreux  ennemis ,  Apocau- 
que profita  de  cette  absence  pour  cons- 
pirer contre  son  rival  ;  il  forma  le  pro- 
jet de  l'assassiner  et  d'enlever  l'empe- 
reur qu'il  voulait  retenir  prisonnier 
dans  la  tour  d'Epibate ,  bâtie  par  ses 
soins  près  de  Coustantinople  ;  mais  il 
fut  bientôt  forcé,  par  la  découverte  de 
la  conjuration,  de  s'y  enfermer  lui- 
même.  Apocauque,  audacieux  dans 
les  revers,  voulut  encore  dicter  des 
lois  du  fond  d'une  retraite  qu'il  croyait 
inaccessible.  L'impératrice  le  menaça 
de  déployer  contre  lui  la  rigueur  des 
lois  5  Cantacuzène  lui  offrit  de  sages 
conseils  et  une  médiation  généreuse. 
Apocauque  ne  changea  ni  de  sen- 
timents ,  ni  de  ton ,  ni  de  résolu- 
tion. Ou  fut  force  de  faire  invcstii-  la 


APO  5o0 

tour,  et  Cantacuzène,  ardent  à  sauver 
cet  homme  dangereux,  vint  le  trouver 
lui-même  avec  confiance  ,  parvint  à 
opérer  une  réconciliation ,  et  obtint 
d'Apocauque  quelques  marques  de  sou- 
mission envers  l'impératrice.  Aussitôt 
qu'Apocauque  fut  en  liberté,  il  ea 
profita  pour  ourdir  de  nouvelles  in- 
trigues, dans  lesquelles  il  entraîna  le 
patriarche  et  les  principaux  officiers 
de  la  cour.  Tous  se  réunirent  pour  dé- 
noncer Cantacuzène  à  l'impératrice, 
qui  rejeta  d'abord  cette  accusation  j 
mais  qui  finit  par  entreprendre  une 
guerre  ouverte  contre  le  régent,  qu'elle 
déclara  déchu  de  cette  dignité.  Apo- 
cauque triomphait  j  Cantacuzène,  re- 
doutant les  malheurs  d'une  guerre  ci- 
vile, demanda  des  juges,  et  offrit  de 
se  remettre  entre  les  mains  de  l'impé- 
ratrice. Les  prières  de  ses  amis  l'en 
détournèrent  et  le  déterminèrent  enfin 
à  se  faire  associer  à  l'empire.  Les  villes 
et  les  provinces  applaudirent  à  son 
élévafion  ;  mais  Apocauque ,  maître 
dans  Constantin!  pie,  agitait  les  bran- 
dons de  la  discorde  ;  il  fit  ti-aiter  avec 
indignité  des  ambassadeurs  que  le 
nouvel  empereur  avait  envoyés  pour 
tenter  un  accommodement,  et  causa, 
par  sa  dureté  et  par  les  chagrins  et  1(  s 
inquiétudes  qu'il  lui  donna,  la  moit 
de  la  mère  de  Cantacuzène.  Du  reste  , 
il  se  fit  nommer  grand-duc.  La  chance 
fut  d'abord  contraire  à  Cantacuzène  ; 
Apocauque  pubha  avec  arrogance  la 
défaite  de  son  rival  et  sa  retraite  dans 
im  cloître  ;  mais  après  de  longues  va- 
riations de  fortune,  Cantacuzène,  que 
les  ennemis  de  l'empire ,  les  Servieus  , 
les  Bulgares  et  les  Turks ,  servaient  et 
abandonnaient  aUernativement ,  grâce 
aux  intrigues  d'Apocauque  ,  se  vit  en- 
fin en  état  de  menacer  Coustantinople. 
Apocauque  chercha  à  le  faire  assassi- 
ner par  un  prisonnier  nommé  Alu~ 
sien ,  qui  ne  put  exécuter  ce  projet  ^ 


3io  APO 

cependant,  de  nouveais  emharrns  et 
des  guerres  sans  cesse  renaissantes  oc- 
cupaient encore  Gant  icuzëne  ,  contre 
lequel  Apocauque  multipliait  ses  ca- 
lomnies et  ses  complots.  Ce  factieux 
remplissait  les  prisons  de  Constanti- 
nopîe ,  et ,  comme  elles  ne  se  trou- 
vaient plus  assez  grandes  ,  il  en  fit 
construire  une  y\us  vaste  dont  il  pres- 
sait lui-même  les  travaux.  Un  jour 
qu'il  les  visitait,  des  prisonniers,  sai- 
sis d'indignation  à  sa  vue  ,  Ibriuerent 
tout  à  coup  le  projet  d'en  délivrer 
l'empire  ;  l'un  d'eux  ,  nomme'  Banni, 
brisa  ses  fers  et  s'élança  sur  Ajiorau- 
quc ,  qui  se  défendit  d'abord  ;  mais 
les  autres  prisonniers  accoururent  et 
l'assommèrent  avec  les  outils  des  ou- 
vriers qui  bâtissaient  la  prison  ;  on  fit 
Jîiille  insultes  à  son  cadavre;  mais  sa 
îaoït  fuit  cruellement  vengée.  I/im- 
pcratrice  l'ayant  apprise,  fit  entourer 
îa  prison  ,  et  permit  à  la  veuve  d'A- 
]>ocauque  de  punir  ellc-mcme  les  cou- 
])ables.  Cette  femme  furieuse  rassem- 
bla des  matelots  ,  leur  distribua  îles 
largesses,  les  enivra  de  liqueurs  for- 
tes et  les  conduisit  à  la  prison  ,  où 
c'ilc  leur  ordonna  le  plus  afîreux  mas- 
^acre.  Nicephore  Gvegoras  ,  témoin 
oculaire ,  en  a  fait  un  récit  elb'ayant. 
Xa  mort  d' Apocauque  arriva  le  i  i 
juin  1 545.  Iv— S — E. 

APOLLINAIRE  (S.),  e'vèqne 
d  Ilieraple,  en  Plirygie.  se  rendit  ce'- 
lèbre,  dans  le  second  siècle  de  l'Kglise, 
par  de  savants  traités  contre  les  lie're- 
îiques  de  son  temps ,  oii  il  s'attachait  à 
ïnontrcr  la  source  de  leurs  erreurs 
<lans  les  anciennes  sectes  des  pliilo- 
toplies;  ])ar  cinq  livres  contre  les 
païens,  deux  contre  les  juifs,  deux 
<te  la  vérité,  contre  Julien,  où  il  com- 
battait, parla  raison  seule, les  fausses 
idées  du  paganisme  sur  la  divinité; 
par  des  commcjitaires  sur  ]ilusiein's 
■livres  de  X Ancien  Tci^tainint,  dont 


APO 
on  trouve  des  extraits  ilaiis  Ips  reciîrils 
intitulés  :  Catenœ  patrain.  Apollinaire 
arlressa  vers  l'an  l'y 7,  à  l'empereur 
MarcAurèle,  une  éloquente  apologie 
pour  les  chrétiens.  Elle  produisit,  du 
moins  en  partie,  l'ellct  qu'on  devait 
en  attendre.  Cette  apologie  était  re- 
marquable, en  ce  qu'il  y  prenait  Marc 
Aiuèle  lui-même  à  témoin  du  miracle 
opéré  sous  ses  veux,  par  les  prières 
de  la  légion  mélitine,  toute  composée 
de  chrétiens,  et  auquel  il  avait  dû  le 
salut  de  son  armée,  dans  la  guerre 
contre  les  Quades.  On  ignore  l'époque 
de  la  mort  de  8.  ApoUiiiaire,  qui  dut 
arriver  sous  le  règne  de  Marc  Aurèle. 
Il  ne  m)us  reste  aucun  de  ses  écrits; 
mais  iMiotius,  qui  les  avait  lus,  en  fait 
un  grand  éloge.  T — d. 

APOLLINAIRE  (l'ancieîv^  j.ro- 
fessa  d'abord  la  rhétorique  à  Beryle  , 
puis  à  Laodicée.  Sa  femme  étant 
inorte  dans  celte  dernière  ville  ,  il 
V  reçut  l'ordre  de  préirise.  Lorsque 
.hdicn  eut  défendu  aux  chrétiens  l'é- 
tude des  bcUes-lcltrcs ,  il  c.)m[)0sa , 
de  concert  avec  sou  fils,  dont  il  sera 
(|u<-.stion  dans  l'article  sui\ant ,  plu- 
Mouis  ouvrages  en  prose  et  en  vers , 
pour  remplacer  les  autcuis  prolancs. 
I.  Une  Grammaire  on  une  filiétori- 
qac ,  dont  les  exemples  ,  imités  des 
p!us  beaux  endroits  des  orateurs  et  des 
poètes  païens,  étaient  jnésentés  dans 
un  sens  conforme  aux  piéccples  et 
aux  faits  de  l'Évangile.  11.  Les  livres 
lùstoriques  de  W4iicieii  Testament, 
jusqu'au  règne  de  Saùl,  mis  en  vers 
héroïques  ,  et  divisés  en  vmgt-qualre 
livres,  distingués  par  les  viiigl-qnatie 
lettres  de  l'alphabet  grec  On  assuie 
qu'il  eut  le  talent  d'y  faire  passer 
les  tours  et  les  expressions  des  nu-il- 
leurs  auteurs  ])r()fanes  ,  imitant  par- 
faitement Mcnandre  dans  le  genre 
comiqiie,  Piudare,  dansle genre  hni- 
que,  etc.  \\\.  Los  quatre  E\'angiles 


APO 

en  forme  de  dialogues,  dans  le  goût 
de  ceux  de  Platon  ;  IV.  une  tragédie 
sur  la  Passion  de  Jësus-Cbrist,  qui 
se  trouve  dans  les  OEuvres  de  Saint 
Grégoiie  de  ISazianze;  V.  un  Tra'ué 
des  différents  âges  des  hommes  , 
Liège  ,  iD^-j-On  n'est  pas  sûr  que  ces 
deux  derniers  ouvrages  soient  de  lui. 
VI.  Trente  livres  contre  Julien;  VU. 
une  paraphrase  des  Psaumes ,  en 
vers  hexamètres  ,  dont  il  y  a  eu  plu- 
sieurs éditions  ;  elle  est  aussi  dans  la 
Bibliothèque  des  Pères.  Il  serait  fort 
cifficile  de  savoir  au  juste  lesquels  de 
ces  ouvrages  appartenaient  au  père  ou 
au  fils;  il  paraît  seuîemeut  que  la  plu- 
part ont  été  faits  eu  commun.  T — d. 
APOLLINAIRE  le  jeune,  fils  du 
précèdent,  fut,  comme  lui,  professeur 
debellcs-ktti'esà  Laodicée.  llembrassa 
l'état  ecclésiastique,  servit  l'église  de 
cette  ville  en  qualité  de  lecteur,  et  finit 
par  eu  éîre  élu  évcque.  Apollinaire  avait 
été  un  des  plus  zélés  défenseurs  de  la 
consubstantiaiitédu  verlx;,  contre  les 
ariens  ;  mais,  en  méditant  sur  les  pas- 
sages de  l'Ecriture  qui  donnent  à 
J.-C.  tous  les  attributs  de  la  Divinité, 
il  jugea  qu'une  ame  humaine  lui  était 
inuliie ,  qu'il  n'en  avait  point  pris  une, 
ou  du  moins ,  que  l'ame  humaine  à  la- 
quelle le  verbes'étaituni,  n'était  qu'une 
ame  scnsitive,  dénuée  d'intelligence  ; 
que  le  verbe  divin  présidait  à  toutes 
ses  actions,  et  faisait  toutes  les  fonc- 
tions de  l'ame.  Cette  opinion  avait  son 
fondemeu!  dans  les  pi'incipes  de  la 
phihisophie  pythagoncienne ,  qui  sup- 
pose dans  l'homme  une  ame  raison- 
nable,  intelligente,  capable  d'éprouver 
1  agitation  des  passions,  et  une  ame 
puremi^nt  sensitive ,  incapable  d'intel- 
ligence. On  attribue  à  Apollinaire  d'a- 
voir enseigné  que  l'ame  humaine  n'a- 
vait point  participé  au  bienfait  de  la 
rédemption;  que  le  corps  de  J.-C, 
dtsccudii  du  ciel,  n'était  point  né  de 


APO  5iî 

la  Vierge  ?tlarie;  qu'il  était  impassible, 
et  n'avait  soufTerl  qu'en  apparence.  Le 
savant  King  prétend,  dans  son  His- 
toire critique  du  Symbole  ^  que  ces 
dernières  erreurs  et  plusieurs  autres, 
qu'on  met  sur  le  compte  de  cet  héré- 
siarque, n'étaient  que  des  conséquen- 
ces qu'on  tirait  de  son  erreur  fonda- 
mentale sur  la  nature  de  J.-C.  ,ef  qu'il 
ne  les  avait  jamais  professées.  Il  làut 
avouer  qu'elles  en  étaient  des  consé- 
quences bien  immédiates.  Ses  disci- 
ples ajoutèrent  à  ses  impiétés  beau- 
coup d'autres  rêveries,  prises  des  ma- 
nichéens, sur  la  nature  du  péché;  de 
Tertullien,  sur  l'origine  de  l'ame;  de 
Sabellius,  sur  la  confusion  des  jjerson- 
nes  divines.  Les  erreurs  d'Apollinaiie 
furent  condamnées,  en  odi  ,  d'abord 
par  S.  Athanase,  son  ancien  ami, dans 
le  concile  d'Alexandrie,  où  l'on  épar- 
gna sa  personne ,  qui  n'y  fut  pas 
même  nommée,  en  considération  des 
services  qu'il  avait  précédemment 
rendus  à  l'Église,  et  dans  l'espoir  de  le 
ramener  à  la  vraie  foi.  Ce  procédé 
n'ayant  pu  le  faire  revenir,  les  conciles 
de  liorae  en  D'y  7  ,  et  d'Antiocheranuce 
d'après,  l'anathématisci-ent,  et  il  fut 
définitivement  condamné  dans  le  se- 
cond concile  ceouménique,  en  58 1.  Il 
mourut  vers  cette  époque,  en  persistant 
dans  son  hérésie.  Après  lui,  sa  secte 
se  divisa  eu  plusieurs  blanches,  qui 
finirent  par  aller  se  fondre  dans  l'eu- 
Ivchianisme.  Whiston,  dans  le  dernier 
siècle,  a  renouvelé  sou  erreur  princi- 
pale, Apollinaire  était  regardé  cjmme 
un  des  premiers  hommes  de  son  temps, 
pour  les  talents,  l'érudition  et  la  piété. 
Vincent  de  Lérins,  Eusèbe,ct  d'autres 
anciens  auteurs ,  disent  que ,  dans  une 
foule  d'ouvrages,  il  avait  confondu  les 
hérésies ,  et  réfuté  victorieuscnent  les 
calomnies  de  Porphyre  contre  les  chré- 
tiens. Ils  reconnaissent  qu'il  eût  étf^ 
une  des  principales  colonnes  de  TÉ- 


5 1 2  A  P  0 

j^lisc ,  s'il  ne  se  fut  précipite  dans  TLe'- 
rësie.  Il  avait,  dit-on,  fait  une  version 
de  la  Bible ,  sur  l'iiébreu ,  qui  fut  reje- 
tee  par  les  juifs,  corarae  n'étant  pas 
conforme  au  texte  original ,  et  par  les 
chrétiens,  comme  s'eloignant  trop  de 
celle  des  Septante.  T — D. 

APOLi.INAlRE  (  C.  Sulpicius), 
p;raramairien ,  qui  naquit,  dit-on,  à 
Carlliagc,  et  vivait  sous  les  Antonins. 
11  eut  pour  élève  Helvius  Pertinax, 
qui,  après  l'avoir  remplace'  dans  son 
état,  devint  empereur.  On  le  croit  au- 
teur des  Sommaires,  en  A'ers,  place's 
au-devant  des  comédies  de  Térence. 
On  a  les  six  vers  qu'il  composa  sur 
l'ordre  que  Virgile  avait  donne  de  brû- 
ler VEnéids: 

InfeliTalio  ceciditpropè  Perjjamon  Igné, 
Et  pcuè  est  alio  Troja  crcmala  rogu  ,  etc. 

Ces  vers  ne  sont  que  spirituels,  au  lieu 
que  ceux  qui  furent  composes  par  Au- 
guste ,  sur  le  même  sujet ,  sont  remplis 
de  sentiment.  Aulu-Gelle  ,  qui  étudia 
sous  Apollinaire  ,  donne  la  plus  haute 
idée  de  son  savoir  ;  mais  il  y  ajoute  un 
autre  éloge  préférable  à  celui-ci  :  il  dit 
qu'il  n'avait  rien  de  cette  morgue  pé- 
dantesque,  de  cet  air  magistral ,  qui 
rendent  quelquefois  l'érudition  re- 
poussante. C'est  surtout  dans  le  cha- 
])itre  IV  du  i8".  livre  de  ses  Noctes 
atticœ ,  qu'Aulu-GcUe  a  parlé  avec  le 
plus  d'cleudue  d'.Vpollinaire  ,  et  a 
donné,  par  des  anecdotes,  la  meil- 
leure idée  de  son  esprit.         D — t. 

APOLLINAIRE  (  Sidoine  ).r.  Si- 
doine. 

APOLLODORE  était  né  à  Cassan- 
drée,  anciennement  Polidée,  ville  qui 
était  alors  somnise  aux  rois  de  ]\facé- 
doine.  Eurydice  ,  fille  d'Antipater, 
avant  rendu  la  liberté  aux  Cassan- 
dréens,  après  la  mort  de  Ptulémée- 
ttraunus  ,  vers  l'an  •i'S  av.  J.-C.  , 
ApoUodore  se  montra  le  plus  zélé  par- 
tisan de  la  liberté,  et  obtint,  par  ce 


APO 

moyen,  la  faveur  du  peuple;  lors- 
qu'il se  crut  en  état  de  tout  oser,  il 
fit  une  tentative  pour  s'emparer  de 
l'autorité ,  et  y  échoua ,  ce  qui  le  (it 
accuser  devant  les  juges;  mais  ils  fu- 
rent attendris  par  ses  larmes  et  celles 
de  sa  femme  et  de  ses  filles.  Cette  dis- 
grâce ne  le  rebuta  point,  et  il  recom- 
mença bientôt  après  ;  mais,  pom*  s'as- 
surer de  la  fidélité  de  ses  conjurés  ,  il 
les  invita  à  un  repas,  où  il  leur  fit  ser- 
vir ,  sans  qu'ils  le  sussent  ,  les  en- 
trailles d'un  jeune  homme  qu'il  avait 
égorgé ,  et  leur  en  fil  boire  le  sang 
mêlé  dans  du  \in  rouge  ;  il  leur  fit 
voir  ensuite  le  corps  du  jeune  homme , 
et,  les  ayant  ainsi  associés  à  son  crime  , 
il  les  mit  dans  l'impossibilité  de  re- 
culer. 11  parvint,  par  leur  moyen,  et 
avec  le  secours  des  esclaves  à  qui  il 
avait  promis  la  liberté  ,  à  s'emparer 
de  la  tyrannie,  et  il  se  livra  alors  à 
toute  sa  cruauté.  Ayant  pris  pour  gar- 
des des  Gaulois  qui  étaient  accoutu- 
més aux  meurtres  et  au  pillage,  et 
pour  ministre  un  certain  Calliplion  , 
qui  avait  été  l'un  des  agents  â'Aga- 
thocles ,  tyran  de  Syracuse ,  il  fit  mou- 
rir tous  ceux  dont  les  biens  pouviiient 
tenter  sa  cupidité.  Il  ne  s'en  tint  pas 
là  :  voir  couler  le  sang  était  pour  lui 
un  plaisir ,  surtout  lorsqu'il  était  ivre, 
ce  qui  lui  arrivait  souvent ,  et  il  fit 
égorger  beaucoup  de  gens,  unique- 
ment pour  se  satisfiure.  Il  fut  enfin 
détrôné  par  Anfigone-Gouatas,  et  ou 
le  fit  mourir  en  le  jetant  dans  une 
chaudière  d'eau  bouillante  ,  après  l'a- 
voir écorché  vif,  et  avoir  fait  brûler 
ses  deux  filles  sous  ses  veux.  V. — r. 
APOLLODORE ,  fils  d'Asclépiade  , 
et  célèbre  grammairien  d'Athènes ,  vi- 
vait vers  l'an  i5d  av.  J.-C.  11  étudia  la 
philosophie  sous  Panastius,  et  la  gram- 
maire sous  le  célèbre  Aristarque.  Ou 
comprenait  alors  sous  1«  nom  de  gram- 
maiic  tout  ce  qui  tenait  à  l'explica-- 


APO 

tion  des  poètes ,  comme  l'iustoire  ,  la 
géographie  ,  etc.  Apollodore  s'acquit 
une  telle  réputation  en  ce  genre  ,  que 
les  amphictyons  lui  décernèrent  des 
honneurs  publics.  Il  avait  écrit  un 
grand  nombre  d'ouvrages,  dont  les 
principaux  étaient  un  Traité  sur  les 
Dieux,  en  20  livres  au  moins;  un 
Commentaire  sur  le  catalogue  des  vais- 
seaux d'Homère ,  et  une  Chronique 
en  vers  ïambiques.  Il  nous  reste,  sous 
son  nom ,  un  ouvrage  intitulé  :  Bi- 
hliotlièque ^  qui  contient  l'histoire  des 
Dieux  et  l'histoire  héroïque  ,  jusqu'au 
retour  des  Héraclides  dans  le  Pélo- 
ponèse;  mais  il  est  aisé  de  voir  que 
cet  ouvrage  n'est  pas  du  célèbre  grara- 
marien  dont  il  porte  le  nom  ,  et  qu'il 
n'est  qu'un  abrégé  extrait  probable- 
ment des  livres  dont  nous  avons  par- 
lé. Il  n'en  est  pas  moins  un  ouvrage 
très-important  pour  l'histoire  héroïque 
et  la  mythologie.  La  première  édition 
est  celle  qu'iËginus  Spoletinus  en  a 
donnée  avec  sa  traduction  latine  et  des 
notes,  Romae  ,  i55o  ,  in-8'.  Les  meil- 
leures sont  celles  de  M.  Heyne ,  la  pre- 
mière ,  en  4  vol.  in  -  12.,  Gottingue , 
1782-83;  la  seconde  ,  dans  la  même 
ville  ,  en  i8o3,  in -8°. ,  2  vol.  Il  n'y 
a  de  traduction  ni  dans  l'une  ni  dans 
l'autre  de  ces  éditions  ;  mais  la  dernière 
est  de  beaucoup  préférable  à  la  pre- 
mière. L'auteur  de  cet  article  en  a  aussi 
donné  une  édition  avec  une  traduction 
française  et  des  notes,  Paris,  i8o5, 
2  vol. in-8".  C — R. 

APOLLODORE  ,  savant  médecin 
et  naturaliste  de  l'antiquité  ,  naquit  à 
Lemnos  ,  environ  un  siècle  avant 
J.  -  C.  ;  il  a  vécu  sous  les  règnes 
de  Ptolomée  Soter  et  de  Lagus  ,  à 
l'un  desquels  il  dédia  ses  livres,  sui- 
vant Strabon.  Il  a  écrit  sur  les  plan- 
tes, suivant  le  scholiaste  de  Nicander. 
Phne  dit  qu'il  a  vanté  le  suc  des  choux 
€t  des  raiforts ,  comme  un  remède 


APO  5i5 

contre  les  champignons  vénéneux; 
qu'il  a  parlé  de  l'ortie  et  de  l'eryngium. 
Il  est  souvent  cité  par  Athénée.  Il  pa- 
raît que  c'est  le  même  qui  a  écrit  uu 
Traité  sur  les  animaux  venimeux ,  et 
il  y  a  lieu  de  croire  que  c'est  de  son 
ouvrage  que  Galien  a  tiré  la  composi- 
tion d'un  antidote  contre  la  vipère. 
—  Il  y  a  eu  plusieurs  autres  Apollo- 
dore qui  ont  écrit  sur  la  médecine. 
Pline  fait  mention  de  trois,  dont  l'un 
était  de  Tareute ,  un  de  Citium  ,  et  un 
de  Pergame.  D — P — s. 

APOLLODORE,  peintre  athénien , 
avait  porté  son  art  à  un  degré  de  per- 
fection inconnu  jusque-là ,  vers  la  gS*". 
olympiade,  4o8  ans  av.  J.-C.  11  connut 
le  premier  l'art  de  fondre  et  de  dé- 
grader les  couleurs  ,  et  d'imiter  l'effet 
exact  des  ombres.  Pline  en  parle  avec 
enthousiasme  ,  et  ajoute ,  peut-être  au 
figuré ,  «  qu'il  était  écrit ,  au  bas  des 
ouvrages  d'Apollodore  :  Il  sera  plus 
facile  de  les  critiquer  que  de  les 
imiter.  »  Ses  tableaux  les  plus  re- 
marquables étaient  :  wi  Prêtre  en 
prières  devaiit  une  idole  ,  et  un 
Ajax  frappé  de  la  foudre.  Du  temps 
de  PHne  ,  ces  deux  chefs  -  d'oeuvre 
existaient  encore  à  Pergame ,  et  y 
excitaient  la  plus  vive  admiration. 
Apollodore  ,  fier  de  ses  succès ,  se  re- 
gardait comme  le  prince  des  peintres , 
et  ne  sortait  jamais  sans  avoir  sur  sa 
tête  une  tiare ,  à  la  manière  des  Mèdes. 
Il  avait  écrit  un  Traité  sur  les  règles 
de  la  peinture.  Toutefois  ,  il  vit  sa 
gloire  éclipsée  par  celle  de  Zeuxis,  qui 
perfectionna  toutes  les  découvertes 
d'Apollodore.  Ce  dernier  exhala  son 
chagrin  par  des  vers  ,  dans  lesquels  il 
convient  de  la  supériorité  de  son  ri- 
val. «  J'avais  trouvé  ,  dit-il ,  pour  la 
»  distribution  des  ombres  ,  des  se- 
»  crets  inconnus  jusqu'à  moi  ;  on  me 
»  les  a  ravis.  L'art  est  entre  les  mains 
»  de  Zei\sis.  »  L— S— e; 


5 1 4  A  P  0 

APOLLODORE  ,  philosophe  épi- 
curien ,  que  l'on  croit  avoir  été  con- 
tPinporaiii  deCiccron,  fut  le  maître 
de  Zenon  de  Sidon.  11  gouverna , 
comme  chef,  l'école  d'Épicure,  et  la 
sévérité  de  son  administration  lui  fît 
donner  le  surnom  de  Cépotyrannos 
(  tyran  d»  Jardin  ).  Il  avait  ,  au  rap- 
poj  t  de  Diogène  Laërce  ,  composé 
plus  de  quatre  cents  traités,  et,  en- 
tr'autrcs  ,  une  /-^/e  d'Epicure.  On 
ne  doit  point  le  confondre  avec  Apol- 
lodore  le  grammairien.  1).  L. 

APOLLODORE,  architecte,  naquit 
à  Damas,  et  parvint,  sous  le  règne  de 
Trajan ,  au  plus  haut  degré  de  réputa- 
tion. H  la  dut  aux  monuments  nom- 
breux, hardis  et  magnifiques  qu'il 
construisit  par  les  ordres  de  ce  grand 
prince,  soit  à  Rome,  soit  dans  les 
provinces  de  l'empire.  Les  principaux 
étaient, le  Forum  de  Trajan,  cons- 
truit sur  l'emplacement  d'une  monta- 
gne qu'on  abaissa  de  i^\  pieds,  et 
au  milieu  duquel  s'élevait  la  colonne 
trajane,  une  bibliothèque  immense, 
un  odeum,  la  basilique  ulpicnne,  des 
thermes,  des  aqueducs,  et  enfin,  ce 
pont  célèbre  jeté  sur  le  Danube,  dans 
la  Basse-Hongrie.  Il  avait  vingt -une 
arches,  larges  de  cent  soixante-di\: 
pieds;  les  piles  s'élevaient  à  la  hauteur 
décent  cinquante  pieds,  et  l'eiiscmble 
du  pont  à  près  du  double.  Les  pierres 
qui  le  composaient  étaient  d'une  di- 
nieusionextraoïdinairc.Cc  gigantesque 
ouvrage,  fait  pour  braver  le  cours 
des  siècles,  n'eut  pourtant  qu'une  du- 
rée de  quelques  années.  La  victoijc 
l'avait  fait  élever  sous  Trajan  ;  la 
crainte  des  barbares  le  fit  détruire  sous 
Adrien;  mais  ni  le  temps,  ni  les  bar- 
bares, ni  la  fmcur  du  fleuve  rapide  et 
profond  dans  «et  endroit,  n'ont  pu 
tmpècher  que  quelques  piles  res- 
tées inébranlables,  n'attestent  encore 
aujom-d'hui  le  génie  d' Apoilodore.  Tra- 


APO 

jan,  juste  appréciateur  du  mérite, 
combla  de  faveurs  cet  habile  artiste, 
avec  lequel  il  se  plaisait  à  converser. 
ApoUodore  porta,  dans  le  commerce 
des  grands,  une  liberté  et  une  fran- 
chise qui  lui  devinrent  funestes.  Lu 
jour  qu'il  s'entretenait  avec  Trajan  sur 
quelques  parties  de  l'art,  Adrien  qui 
était  présent,  ayant  fait  des  observa- 
tions peu  fondées,  Apollodorc  lui  ré- 
pondit par  une  amère  raillerie;  Adrien , 
parvenu  à  l'empire ,  et  déjà  irrité  con- 
tre l'artiste,  le  consulta  néanmoins 
sur  un  temple  élevé  en  l'honneur  de 
Vénus ,  et  qu'on  venait  de  bâtir  d'après 
les  plans  donnés  par  ce  prince.  Apol- 
lodorc en  critiqua  les  proporfions  sans 
ménagement.  «  Eh  quoi  !  dit-il ,  si  la 
»  déesse  voulait  sortir,  elle  se  briserait 
»  la  tète  contre  la  porte.»  L'empereur, 
blessé  profondément ,  lui  supposa 
bientijt  des  crimes  imaginaires,  et  le 
fit  mourir,  environ  i5o  ans  après 
J.-C.  L— S— E. 

APOLLODORE  ,  statuaire  et  mo- 
deleur ,  vivait  dans  la  ii4''«  olym- 
piade (  024  ^^^  avant  J.-C).  Il  se  fit 
remarquer  ])ar  le  soin  et  la  recherche 
qu'il  mettait  dans  ses  ouvrages;  il  pous- 
sait le  scrupule  au  point  qu'il  brisait 
souvent  les  meilleurs  morceaux  sortis 
de  sa  main  :  ce  qui  le  fit  nommer  Vin- 
sensé,  Silauion  ,  autre  statuaire  ,  l'a- 
vait représenté  dans  un  de  ces  accès  , 
avec  tant  de  vérité ,  qu'on  croyait 
voir  la  Colère  pi-rsonnifiée.  Pline  cite 
ApoUodore  ,  Asciépiodorc  ,  Andro- 
bole  et  Alevas,  comme  excellant  à  re- 
présenter les  figures  des  philosophes. 
L—S— E. 

APOLLONIAS.  r.  Apoi.lonis. 

APOLLONIUES,  de  Cos,  médecin 
célèbre,  attaché  à  la  cour  des  rois  de 
Perse ,  n'est  connu  que  par  l'anec- 
dote suivante.  11  avait  guéri  d'une  bles- 
sure dangereuse  Mcgabize.  gendre  de 
Xcrcès ,  et  fut   ensuite  cousuité  par 


APO 

Amytis  ,  sœur  de  ce  motiarque  ,  rie- 
venue  veuve  de  Meg;ibize  ,  sur  une 
indisposition  grave.  Il  devint  amou- 
reux de  cette  princesse ,  et  l.ui  conseilla 
le  commerce  des  hommes  comme  un 
moyen  infaillible  de  guerison.  Le  de- 
sir  de  sa  conservation  ayant  aveugle' 
Amvtis,  elle  céda  aux  instances  d'A- 
jiollonides  ;  mais  la  maladie  d'Amytis 
n'ayant  fait  qu'empirer  ,  elle  tomba 
dans  le  marasme,  et  Apolionides  l'a- 
bandonna. Soit  par  desespoir  ,  soit 
par  dépit ,  elle  raconta  ce  qui  s'était 
passé  à  Araestris  sa  mère ,  et ,  en  ren- 
dant le  dernier  soupir,  la  chargea  de 
sa  vengeance.  Ameslris ,  ayant  obtenu 
qu'on  lui  livrât  Apolionides  ,  le  fit  en- 
terrer vif  dans  le  tombeau  d'Amytis, 
après  lui  avoir  fait  souffrir  divers 
supplices  pendant  deux  mois.  Plu- 
sieurs critiques  regardent  ce  récit 
comme  ayant  e'ië  imaginé  par  l'histo- 
rien Ctésias  ,  qui ,  médecin  lui-même 
à  la  cour  de  Perse  ,  fut,  sans  doute, 
jaloux  de  la  considération  dont  Apol- 
ionides avait  joui.  Ces  critiques  se 
fondent  sur  l'âge  que  devait  avoir 
alors  Amytis  ,  sur  le  peu  de  régularité 
de  ses  mœiu-s ,  qui  l'avait  mise  sou- 
vent à  même  d'apprécier  l'influence 
du  remède  que  lui  avait  proposé  Apol- 
ionides, et  ils  en  concluent  que  vrai- 
semblablement ce  médecin  fut  victime 
d'un  aveugle  despotisme,  qui  vengea 
sur  le  médecin  l'impuissance  de  sou 
art.  C.  et  A— n. 

APOLLONIDES,  de  Nicée,  gram- 
mairien  ,  dédia  à  l'empereur  Tibère 
un  Commentaire  qu'il  avait  fait  sur 
les  Silles  de  Timon.  —  ]i  y  a  eu  plu- 
sieurs Apollokides,  et  entre  autres, 
un  historien  et  géographe ,  qui  avait 
comjiosë  un  traité  de  X ambassade  de 
Démosihènes ,  un  recued  à'^da^es  , 
une  Description  des  côtes  de  l  Eu- 
rope. \J Antliologie  a  conservé  vingt- 
quatre  de  ses  Épigraiiiraes.     C — b. 


APO  015 

A  P  0  L  L  0  In  I S  ,  née  à  Cyzique  , 
dans  un  rang  obscur,  eut  le  bonheur 
de  plaire  à  Attale  ,  roi  dePergame, 
qui  l'épousa.  L'éclat  de  son  nouveau 
lang  ne  changea  point  sou  caractère. 
Elle  eut  quatre  fils ,  Euraènes  ,  At- 
tale ,  Phileîère  et  Athénée ,  qui  vé- 
curent dans  une  telle  union ,  que  lors- 
que l'aîné  fut  monté  sur  le  troue,  les 
trois  autres  lui  servirent  de  gardes.  Ils 
conservèrent  pour  leur  mère  un  atta- 
chement invariable  ;  et ,  lorsqu'ils  al- 
lèrent la  voir  à  Cvziqtie  où  elle  s'était 
retirée  après  la  mort  de  son  mari ,  ils 
la  placèrent  au  milieu  d'eux  ,  et  ayant 
entrelacé  leurs  liras  autour  d'elle  ,  ils 
la  conduisirent  ainsi  dans  les  temples, 
et  la  promenèrent  dans  la  ville ,  en- 
tourée d'un  nombreux  cortège,  x^près 
sa  mort,  ils  lui  érigèrent  un  temple  à 
C\zique,  sur  les  colonnes  duquel  étaient 
placées  dix-neuf  lablettes,  sculptées  en 
bas-relief,  qui  retraçaient  les  traits  les 
plus  t(Aichants  de  l'histoiie  et  de  la 
mvihologie  relatifs  à  l'amour  filial.  Au 
bas  de  ces  tabh  ttes  étaient  des  ins- 
criptions en  vers,  qui  nous  ont  été 
conservées  dans  le  manuscrit  àcV An- 
tholos,ie  du  Vatican ,  maintenant  à 
la  Bibliothèque  impériale.  Elles  ont 
été  publiées  par  M.  Jacob  ,  dans  le 
s"",  vol.  de  l'ouvrage  intitulé  :  Exerci- 
tationes  criiicœ  in  scriptores  vete- 
res  ;  Lipsiœ,  1797  ,  iû-8'.;  et  par 
M.  Chardon  de  la  Hochette,  Magasin 
EncYclojiédique ,  5''.  année,  t.  vi, 
p.  i5t)  et  sniv.  G— R. 

APOLLONIUS,  un  des  courtisans 
d'Antiochus  Épiphane  ,  fut  envoyé, 
l'au  173  de  J.-C,  en  Egypte  ,  pour 
féliciter  Ptolémée  Philoinctor  sur  son 
avènement.  La  même  année,  député 
à  Rome,  il  eut  un  plein  succès  dans 
son  ambassade,  dont  l'objet  était  de 
renouveler  l'alliance  de  son  maître  avec 
les  Romains.  Quelques  années  après  , 
charge  de  déliuire  Jérusalem  ,  il  rcm« 


5i6  APO 

plit  cet  ordre  avec  la  plus  grande 
cruauté,  massacra  les  habitants,  brûla 
la  ville,  et ,  sur  ses  débris,  éleva  une 
citadelle ,  où  il  mit  une  forte  garnison. 
Deux  ans  après ,  il  fut  battu  et  tue 
par  Judas  MacLabe'e  (Rolliu ,  Histoire 
ancienne  ,  tome  1\  )•  N — l. 

APOLLOiMUS ,  de  Perge  en  Pam- 
philie ,  est  l'un  des  quatie  auteurs  que 
nous  devons  regarder  comme  les  pères 
delà  srieiicodes  mathématiques, puis- 
que c'est  dans  leurs  écrits  que  les  mo- 
dernes en  ont  puisé  la  connaissance. 
Ces  auteurs  sont,  dans  l'ordre  chrono- 
logique, Euclide,  Archimède,  Apol- 
lonius et  Diophante  (  r'br.  ces  articles 
ft  celui  de  Pappls  \  Apollonius  vit  le 
jour  du  temps  de  Ptolomce  Evergète, 
roi  d'Égvpte ,  dont  le  règne  commença 
247  ans  av.  notre  ère.  Il  étudia  long- 
temps à  Alexandrie  sous  les  disciples 
d'Euclide,  et  florissait  sous  Plolémc'e 
Philopator,  qui  mourut,  après  16  ans 
de  règne ,  eu  'io5.  On  conjecture  de  là 
qu'il  vécul  cnwon  4o  ans  après  Ar- 
•  liiraède  ,  qu'il  devança  peu  Géminius 
Rhodius,  et  qu'il  est  bien  certainement 
antérieur  à  Hipparque.  Vitruve  (  cha- 
pitre 1"'".,  liv.  i'"'.  ),  le  cite  avant 
Archimède.  C'est  à  ce  peu  de  rensei- 
gnements que  se  borne  tout  ce  qu'on 
sait  sur  l'existence  d'Apollonius  ;  ils 
ont  été  rassemblés  par  Halley ,  dans 
la  préface  qui!  a  placée  à  la  tète  du 
Traité  des  sections  coniques  ,  prin- 
cipal ouvrage  d'Apollonius.  Ce  traité 
lui  mérita ,  dit  Géminius ,  le  titre  de 
grand  géomètre  parmi  ses  contempo- 
rains. On  ne  peut  pas  dire  cependant 
qu'il  fut  l'inventeur  de  tout  ce  que 
renferme  son  ouvrage  ;  car  c'est  .4ristée 
l'Ancien,  qui  vivait  55o  ans  av.  notre 
ère,  que  l'on  cite  pour  s'être  appliqué 
le  premier  aux  sections  coniques:  mais 
en  recueillant  ce  qui  avait  été  fat  avant 
lui ,  Apollonius)  ajouta  considcrable- 
racnt.  11  paraît  que  les  prcuiicrs  qui 


APO 

ont  considéré  les  sections  coniques 
supposaient  le  plan  coupant  perpen- 
diculaire au  côté  du  cône  ,  et  em- 
ployaient par  conséquent  trois  cônes 
distincts  pour  obtenir  l'ellipse ,  la  pa- 
rabole etl'hypcrbole,  qu'ils  désignaient 
sous  les  noms  de  section  du  cône  acu- 
tangle ,  section  du  cône  rectangle  , 
section  du  cône  obtusangle.  Apollo- 
nius les  a  tirées  toutes  d'un  cône  obli- 
que à  base  circulaire ,  mais  quelconque 
d'ailleurs,  et  leur  a  assigné  les  noms 
qu'elles  portent  aujourd'hui  ;  au  moins 
pour  l'ellipse  et  l'hyperbole  ,  puisque 
le  mot  parabole  se  trouve  dans  les 
écrits  d'Archiiièi'e.  Apollonius  eut  des 
commentateurs  illustres ,  tels  que  Pap- 
pus,  la  savante  et  malheureuse  Hypa- 
tia,  Serenus ,  Eutocius.  L'étendue  et 
l'élégance  de  son  Traité  des  sections 
coniques  firent  probalement  disparaî- 
tre les  ouvrages  qui  l'avaient  précédé, 
comme  les  Eléments  d'Euclidc  sur- 
vécurent à  tous  les  autres  traités  du 
même  genre.  La  difficulté  de  se  pro- 
curer les  exemplaires  d'un  ouvrage, 
avant  qu'on  eût  inventé  l'imprimerie, 
ne  permettait  guère  que  de  s'attacher 
aux  plus  importants,  et  forçait  sou- 
vent à  se  contenter  d'extraits  ou  de 
fragments  plus  ou  moins  étendus  ;  et, 
par  malheur,  ce  sont  de  ces  copies 
tronquées  qui  ont  échappé  seules  à  la 
main  destructive  du  temps.  Des  huit 
livres  qu'Apollonius  avait  écrits  sur 
les  sections  coniques,  il  ne  nous  en 
est  parvenu,  en  original,  que  quatre, 
dont  Memmius  a  donné  le  premier 
une  version  latine,  imprimée  à  Venise 
en  1.557.  Comm.-indin,  en  i56G,  eu 
publia  une  nouvelle,  plus  exacte,  et  à 
laquelle  il  joignit  le  Commentaire 
d'Èutocius  et  les  Lemmes  de  Pappus, 
qui  donnaient  quelques  indications  sur 
ce  que  devaient  contenir  les  livies  per- 
dus. Les  Arabes,  lorsqu'ils  transpor- 
lèieat  chez  eux.  les  sciences  de  la 


APO 

Grèce,  ne  négligeront  point  les  écrits 
d'Apollonius;  ils  en  firent  plusieurs 
traductions,  et  même  des  abre'ge's.  Le 
géomètre  persan,  Nassir-F.ddiii,  en 
i25o,  en  revit  un,  et  l'enricliit  de 
notes  :  mais  tout  cela  e'tait  ignore'  en 
Europe,  où  l'on  ne  s'appliquait  point 
encore  à  la  littérature  orientale;  et  Vi- 
viani,  géomètre  ilalien,  disciple  de 
Galilée,  travaillait  à  sa  divination  des 
livres  d'Apollonius,  que  l'on  ne  possé- 
dait pas  ,  iorsqii'Alplionse  Borelli 
trouva,  dans  la  bibliothèque  des  Mé- 
dicis,  à  Florence,  un  manuscrit  ara- 
be, qu'à  l'inspection  des  figures,  il 
reconnut  pour  une  traduction  des  Sec- 
tions coniques  d'Apollonius.  Il  obtint 
]a  permission  d'emporter  l'ouvrage  à 
Rome,  oîi,  avecl'aide  d'Abraham  Ec- 
chellensis,  il  parvint  à  traduire  en  la- 
tin ,  les  5". ,  6  .  et  'j''.  livres .  que  cette 
traduction  contenait  de  plus  que  les 
exemplaires  grecs  publiés  jusqu'alors; 
mais  Vivian! ,  qui  voulait  s'assurer  la 
propriété  de  ses  découvertes  sur  celte 
matière,  obtint  que  Horelli  ne  publiât 
rien,  avant  qu'il  n'eût  lui-même  fait 
paraître  son  travail.  Depuis  cette  épo- 
que, il  parvint  en  Europe  d'autres 
traductions  arabes ,  parmi  lesquelles 
on  remarque  1  exemplaire  apporté  par 
le  savant  Golius:  elles  ne  contenaient 
encore  que  sept  livres;  mais  elles  pré- 
sentèrent des  variantes  précieuses,  soit 
pour  reii  plir  des  lacunes  dans  les  li- 
vres précédents,  soit  pour  corriger  des 
passages  défectueux.  C'est  avec  leur 
secours  qu'Halley  a  donné  l'excellente 
édition  du  Traité  des  sections  coni- 
ques d'Apollonius,  déjà  citée,  et  que 
Grégori  avait  coinmeucée;  le  huitième 
livre  s'y  trouve,  mais  seulement  resti- 
tué par  Halley,  d'après  les  indications 
tirées  des  Lemmes  de  Pappus.  Apol- 
lonius est  encore  l'auteur  d'autres  ou- 
vrages ,  dont  plusieurs  ne  sont  connus 
«jiie  par  leurs  litres,  ou  par  quelq^ues 


APO  5i7 

fragments  et  des  sommaires,  insérés 
dans  les  collections  mathématiques  de 
Pappus.  Ces  ouvrages  sont  :  De  sec- 
tione  ratiojiis.  De  sectione  spatii.  De 
sectione  determinatd,  De  tactioni- 
bus,  De  inclinationibus ,  enfin.  De 
locis  planis.  Le  premier  nous  est  par- 
venu en  arabe;  Hali'ey  en  a  publié  la 
traduction  latine,  en  1708,  avec  une 
restitution  du  second ,  fondée  sur  les 
indications  transmises  par  Pappus;  Ro- 
bert Simson,  géomètre  du  siècle  der- 
nier, qui  s'est  exclusivement  occupé 
de  la  géométrie  ancienne,  a  laissé, 
dans  ses  œuvres  posthumes  ,  une  res- 
titution du  traité  De  sectione  déter- 
minât. Les  tires  de  la  plupart  des 
ouvrages  indiqués  ci-dessus  ,  ne  peu- 
vent guère  en  faire  saisir  l'objet  aux 
lecteurs  qui  ne  sont  point  initiés  dans 
l'analyse  géométrique  des  anciens , 
qui  consistait  dans  un  système  de  pro- 
positions leramatiques  ,  auxquelles  ils 
ramenaient  la  démonstration  des  théo- 
rimes  et  la  solution  des  problèmes, 
et  dont  il  importait  par  conséquent 
beaucoup  d'augmenter  le  nombre 
et  de  varier  les  sujets,  par  la  com- 
binaison des  rapports  que  pouvaient 
présenter  les  lignes  et  les  espaces. 
C'est  à  ce  genre  d'ouvrages  que  se 
rapporte  le  Traité  De  inclinationibus^ 
dont  M.  Horsley  a  donné  une  restitu- 
tion ,  imprimée  à  Londres  en  1770. 
On  a  des  idées  plus  nettes  sur  celui 
De  tactionibus ,  qui  a  pour  objet  le 
contact  des  lignes  droites  et  des  cer- 
cles. Viète  a  tâché  de  le  rétabUr,  et 
d'autres  modernes  ont  résolu  les  ques- 
tions qu'il  pouvait  contenir ,  et  les 
ont  généralisées  en  les  étendant  aux 
sphères.  Ceux  qui  voudraient  connaî- 
tre en  détail  cette  partie  assez  curieuse 
de  l'Histo-ire  des  Mathématiques  ,  doi- 
vent consulter  l'ouvrage  que  M.  Camc- 
r^r  a  publié  sous  le  titre  Ôl  .■ipollonii 
Pergœi  de   tactionibus  quce  super- 


5i8 


APO 


siinl,  ac  maxime  lemmata  Pappi  iîi 
hos  libros.ciim  ohseivaiiomhuf,  etc., 
Gollia,  !■; 95,111-8 '.Le Traité  Delocis 
planls,  ou  Des  lieux  plans ,  qui  n'est 
qu'un  recueil  de  propriétés  du  cercle  et 
de  la  lii;ne  droite,  et  qui  répond  à  peu 
près  à  la  construction  des  équations 
du  premier  et  du  second  degré,  a  été 
restitué  par  Robert  Siinsou.  Je  n'ad- 
mets ici,  au  nombre  des  restitutions 
de  ce  dernier  ouvrage  ,  comme  des 
autres,  que  celles  qui  sont  composées 
dans  les  termes  de  la  géométrie  an- 
cienne. Le  fragment  du  second  livre 
des  collections  mathématiques  de  Pap- 
pus ,  publié  par  Wallis,  nous  apprend 
qu'Apollonius  s'est  occupé  de  recher- 
ches arithmétiques  ,  et  qu'il  a  composé 
un  Tt  ailé  sur  la  mullipli cation  des 
grands  nombres.  Enfin,  l'astronoinic 
ancienne  lui  est  redevable  de  la  dé- 
couverte, ou  du  moins  de  la  flémons- 
Iratitm  du  procédé  pour  représenter, 
par  des  épicyles,  les  phénomènes  des 
stations  et  des  rétrogradations  des  pla- 
nètes; Ptoléinée  l'a  cité,  à  ce  sujet, 
dans  son  Almageste.  Nous  n'avons 
aucune  anecdote  sur  la  vie  privée 
d'Apollonius ,  et  son  caractère  ne  nous 
est  indiqué  que  par  un  parallèle  désa- 
■yanlagiux  (jue  Pappus  lait  de  son 
amour-propre  et  de  sa  jalousie,  avec 
la  sirnpiicilé  et  le  désintéressement 
d'Euclide.  Ce  sont  sans  doute  ces  dé- 
fauts qui  lui  ont  lait  intenter  l'accusa- 
tion de  plagiat,  dont  le  justifie  l'article 
qui  le  concerne  dans  le  Dictionnaire 
de  Bayle  ;  car,  en  portant  ses  pré- 
tentions trop  haut,  on  excite,  dans 
les  autres  ,  une  sorte  de  réaction 
d'amour-propre  ,  qui  les  porte  à  ccii- 
teslcr  les  titres  les  ])lus  légitimes.  Les 
éditions  remarquables  des  ouvrages 
d'Apollonius  sont  :  L  JpoUonii  Per- 
gœi  conicorum  libricjualiior  ,  ex  ver- 
sione  Federici  Commandini ,  in-lo!., 
Bouoiiia?,  1 5(3(3  j  \\.  yJpollonii  Fer- 


APO 
g.vi  conicorum  libri  P',  Vl ,  VII , 
Paraphrasle  Ahalpliato  Asphanen- 
si,  nunc  primuvi  editi  ;  addilus  in 
calce  Archimedis  assumplorum ^li- 
ber^  ex  codicihus  arahicis  manus'ci , 
Abrahamus  Ecchellensis  latinas 
reddidit;  J.  Alfotisius  B or ell us  cu- 
rant in  geometricis  i^ej'sioni  con- 
tulit  et  notas  uberiores  in  universum 
opus  adjecit ,  in -fol.,  Florentiae  , 
1 60 1  ;  III.  ApoUonii  Pergœi  coni- 
corum libri  oclo,  et  Sereni  Antissen- 
sis  de  sectione  cjlindri  et  coni  libri 
duo  ,  in-fol. ,  Oxoniae  ,  i  -y  i  o  (  c'est 
l'édition  donnée  par  Halley  ).  lY.  L'é- 
dition des  quatre  premiers  livres  du 
même,  donné  en  i(j'y5  par  Barrow, 
avec  cdles  d'Archimèdc  et  de  Théo- 
dose; V.  ApoUonii  Pergœi  de  sec- 
tione rationis  libri  duo  ;  accédant 
ejusdem  de  sectione  spalii  libri 
duo  restiluiis  ;  prœmittilur  Pappi 
Alexandrini  prœfalin  (grœcè  édita), 
ad  septimum  collectionis  mathema- 
ticc  cum  len^malibus  ejusdem  Pappi 
in  hos  ApoUonii  libros  ,  opéra  et 
studio  Edmundi  Halley ,  in -8'., 
Oxoiiii  ,   i-joO.  L — X. 

APOLLONIUS  de  Rhodes,  na- 
quit à  Alexandrie,  suivant  les  uns, 
ou  à  Naucrates  ,  selon  Athénée ,  vers 
la  146^  olympiade  (194  fins  av.  J.-C.}, 
sons  le  rîgne  de  Ptoloméc  Evergètes; 
mais,  poursuivi  sans  cesse,  dans  son 
pavs,  par  la  jalousie  de  ses  confrères, 
il  se  retira  à  Rhodes ,  où  il  professa 
la  rhétorique  avec  tant  de  distinc- 
tion, et  s'acquit ,  par  ses  ouvrages  , 
une  si  grande  célébrité  ,  que  les  Rho- 
dieiis  lui  accordèrent  le  litre  de  ci- 
toveii.  Il  revint  cependant  à  Alexan- 
drie ,  et  remplaça Érathosthènes  dans 
la  direction  de  la  fameuse  bibliothècpio 
de  celte  ville.  Des  nombreux  onvragt  s 
qu'Apollonius  avait  composés,  et  dont 
on  peut  voir  le  catalogue  dans  la  non- 
mUc  cditiou  de  Li  Bibliothèque  gr^c- 


At>0 

ijue  de  Fabriciits  ,  le  temps  n'a  épar- 
gne que  son  poëme  sur  l'expédition  des 
Argonautes,  sujet  de  la  plus  haute 
importance  pour  l'antiquité  ,  et  déjà 
traite  par  Orphée ,  Épiméuides  ,  Dc- 
nvsde  Milct,  Hérodore,  Pisandre  et 
Cléon,  desquels  noire  poète  empn-.nta 
une  foule  de  choses,  au  rapport  d'As- 
rlépiades ,  élève  d'Apollonius.  Malgré 
les  s;ius,  et  peu!-ctre  même  à  cause 
des  soins  avec  lesquels  le  poète  revit 
son  ouvrage  ,  dans  sa  retraite  de 
Rhodes  ,  il  n'est  point  parvenu  à  lui 
donner  l'invention  et  la  chaleur  d'un 
style  constamment  poclique.  «  C'est  un 
»  ouvrage  estimable  .  dit  Quiutilien  ; 
»  mais  crénéralement  médiocre.  »  Lon- 
giu  n  eu  portait  pas  un  jugement  beau- 
coup plusfavorjbîe;  il  n'y  voit  aucune 
tache  sensible  ,  mais  il  trouve  aussi 
qu'il  ue  s'élève  jamais.  Il  y  a  ,  en 
général ,  plus  d'érudition  que  de  poé- 
sie dans  le  poëme  d'Apollonius  j  son 
catalogue  des  Argonautes  a  exercé  la 
sagacité  des  c'rudils,  et  M.  Krause,  en- 
tre autres,  en  a  donné  un  assez  bon 
commentaire  ,,à  Hall ,  1 798.  L'on  dis- 
tingue, cependant,  dans  ^ Argon auli- 
que ,  des  beautés  de  détail  du  premier 
ordre,  et  principalement  les  amours  de 
Médée  ,  qui  ont  servi  de  modèle  à 
celles  de  Didou  :  c'est  ce  que  l'on  peut 
dire  de  plus  à  la  louange  d'Apollo- 
nius. Mais  ,  pour  bien  apprécier  le 
mérite  du  modèle  et  le  génie  de  l'imi- 
tateur, il  faut  consulter  la  Poétique 
de  Scaliger  et  le  Firgilius  collalus 
de  Fulv.  Ursiuus.  Apolionuis  était 
élève  de  Caihmaque.  L'ingratitude  du 
disciple  ,  et  l'amour-propre  ombra- 
geux du  maître,  ne  tanièrent  pas  à 
les  brouiller.  Ciliimaque  fit  un  poëuie 
(  \'lbis  )  pour  satisfaire  sa  haine  et 
sa  vengeance,  et  poursuivit  Apollo' 
uius  ju^que  dans  son  Hjmne  à  Apol- 
lon, ïcrcntius  Varro  avait  traduit 
en   vers  btins,   la   poëme  d'Apolio- 


APO  019 

nius;  Ovide  et  Properce  rapprlicnt 
fréquemment  cette  traduction.  Valé- 
rius  Flarcus,  en  traitant,  long-temps 
après ,  le  même  sujet ,  a  surpassé  de 
beaucoup  son  modèle ,  pour  la  richesse 
etla  variété  du  plan,  et  l'emporte  même 
quelquefois  sur  lui ,  par  la  beauté  des 
détails;  ce  que  Burmann,  M.  Har- 
les ,  M.  Wagner  et  M.  Pindemonte, 
prouvent  très-bien  ,  en  rapprochant 
des  morceaux  de  l'un  et  de  l'antre 
poète ,  (  FoV'  les  éditions  qu'ils  ont 
données  de  Valérius  Flaccus,  et  sur- 
tout la  traduction  en  vers  français  de 
M.  A.  Bureau  delà  Malie).  VArgo- 
nautique  d'Apollonius  parut ,  pour  la 
première  fois  ,  à  Florence,  i4<)t),  chez 
Laur.  F.  Alopa.  Cette  édition  ,  de 
format  in-4".  ,  en  lettres  capitales  , 
et  accompagnée  des  scholies  grecques, 
est  excessivement  rare  ;  ainsi  que  celle 
de  Venise  par  les  Aides,  en  iSai, 
in-8°.  Henri  Etienne  fit  entrer  Apol- 
lonius dans  sa  belle  collection  des 
poètes  héroïques  grecs  ,  iii-fol.,  Paris, 
1 566 ,  et  donna  particulièrement  à 
Genève  (  1574  ■>  in-4''  )  ?  ""^  f*^''t 
bonne  édition  du  même  poète  ,  avec 
les  scholies  en  marge ,  et  une  préface 
savante  ,  dans  laquelle  il  éclaire  it  quel- 
ques dif^ficultés  du  texte  et  du  com- 
mentaire. Parmi  les  éditions  plus  ré- 
centes, il  faut  distinguer  celles  d'Hœlz- 
bn  (Leyde,  1641,  in-8°.),  de  Shaw 
(Oxford,  1777,  in-4^,  et  1779, 
i»-8°.),  et  surtout  celle  de  Bruiick, 
qui ,  le  premier  ,  a  véritablement  éta- 
bli le  texte  de  ce  poète ,  et  corrigé 
un  grand  nombre  de  fautes  gramma- 
ticales et  métriques  :  mais  ces  éditions 
in-4°.  et  in  8°.  manquent  absolument 
aujourd'hui  :  ce  qui  fait  vivement  dé- 
sirer que  M.  B<ck  aciiève  la  sienne. 
Le  i"'.  vol. ,  qui  a  déjà  paru  (  Leips. 
I  797  .  in-8  '.  ) ,  contient  le  texte  d'a- 
près Brunck  ,  avec  quelques  correc- 
tions ,  une  L-jnne  version  latine ,  et 


aso  APO 

une  excellente  table  des  matières.  Il 
existe  ,  à  la  Bibliothèque  impériale , 
un  manuscrit  coté  sous  le  n".  2727 , 
et  contenant  beaucoup  de  scLolies 
inédites,  qu'on  suppose  avoir  été  écrites 
par  Théon ,  le  scholiaste  d'Aratus.  Il 
est  à  désirer  que  M.  Beck ,  dans  son 
édition  d'Apollonius  ,  fasse  imprimer 
en  entier  ce  précieux  commentaire , 
l'un  des  plus  instructifs  que  l'anti- 
quité nous  ait  transmis.  Apollonius  a 
été  traduit ,  en  anglais ,  par  Green 
et  Fawkes;  en  italien,  par  le  cardinal 
Flangiui  (  2  vol.  in-4''. ,  Roma,  i  791, 
avec  notes,  cartes  et  planches  gra- 
vées )  ;  en  allemand  ,  par  Bodmer 
(  Zurich ,  1 780  ) ,  et  eu  français ,  par 
M.Caussin  ,  1 797,  in-8".     A — D — r. 

APOLLONIUS, fds  de  Molon  d'A- 
labande,  dans  la  Carie,  alla  professer 
la  rhétorique  à  Rhodes ,  et  son  école 
y  jouit  d'une  grande  réputation.  Il 
forma  ,  par  ses  leçons  ,  les  deux  plus 
crands  orateurs  romains  ,  Cicéron  et 
Jules  César.  Il  renvoyait  ceux  quil 
ne  croyait  pas  faits  pour  devenir  ora- 
teurs ,  et  ne  leur  laissait  pas  perdre 
leur  temps  inutilement.  C  —  b  . 

APOLLONIUS  de  Tyanes  ,  philo- 
sophe pythagoricien  ,  naquit  dans  les 
premières  années  de  l'ère  chrétienne ,  à 
Tyanes ,  ville  de  Cappadoce.  Son  père, 
nommé  aussi  Apollonius  ,  et  riche  ci- 
toyen, l'envoya  à  Tarse,  à  l'âge  de 
quatorze  ans ,  pour  y  étudier ,  sous  le 
phénicien  Euthydémus ,  la  grammaire 
et  la  rhétorique.  Mécontent  du  luxe  et 
de  l'indolence  des  citoyens,  il  obtint 
de  son  père  la  permission  de  se  retirer, 
avec  son  précepteur ,  à  vEgaî ,  ville 
peu  éloignée  de  Tarse.  Il  y  connut  les 
diverses  doctrines  des  philosophes.  11 
eut  pour  maître  Euxénus  d'Héraclée, 
dans  le  Pont ,  et  pythagoricien  ;  mais 
homme  peu  disposé  à  pratiquer  les 
austérités  de  sa  secte.  Apollonius ,  dont 
l'esprit  «tait  plus  «kvé,  sentit  uue  ijû- 


APO 
pulsion  irrésistible  pour  devenir  dis- 
ciple de  Pylhagore  ,  selon  les  règles 
strictes  de  son  institution.  Il  y  avait 
dans  le  temple  d'jEgas ,  un  temple  con- 
sacré à  Esculape  ,  fameux  par  les  mi- 
racles que  le  Dieu  de  la  santé  y  opé- 
rait en  faveur  des  malades.  Apollo- 
nius s'y  étabUt.  Il  s'abstint,  d'après 
les  institutions  de  Pythagore,  de  toute 
nourriture  animale  ,  et  ne  vécut  que 
de  fruits  et  d'herbes  ,  ne  but  point  de 
vin,  et  ne  s'habilla  que  de  toile,  évi- 
tant de  se  servir  de  tout  vêtement 
forme  de  substances  animales.  II 
marchait  pieds  nus,  et  laissait  croître 
ses  cheveux.  Les  prêtres  du  temple 
lui  trouvèrent  des  talents  et  des  dis- 
positions qui  méritaient  d'être  culti- 
vées dans  leur  école.  Ils  l'iiiitièreDt 
dans  leurs  mystères.  On  allait  jusqu'à 
dire  qu'Esculape  lui-même  se  réjouis- 
sait d'avoir  Apollonius  pour  témoin 
de  ses  cures.  Nous  ne  voyons  cepen- 
dant pas  qu'il  ait  rien  tenté  de  mira- 
culeux alors.  Il  ne  fit  que  se  servir  de 
l'intervention  des  Dieux,  pour  don- 
ner plus  de  force  à  des  leçons  morales. 
Il  dit  à  un  jeune  Assyrien ,  malade 
d'intempérance ,  que  les  Dieux  accor- 
daient toujours  la  santé  à  ceux  qui 
voulaient  la  recevoir  ;  et,  en  lui  recom- 
mandant l'abstinence  ,  il  lui  rendit  la 
santé.  A  la  mort  de  son  père ,  Apollo- 
nius vint  à  Tyanes  pour  l'ensevelir  , 
ne  se  réserva  qu'une  faible  portion 
de  la  succession  ,  et  revint  à  M'^sc ,  où 
il  forma  uue  école  de  philosophie  ; 
mais  pour  être  tout-à-lait  pUh^go- 
ricien ,  il  s'assujétit  aux  cinq  années 
de  silence.  Pendant  ce  noviciat  ,  il 
visita  plusieurs  villes  de  Pamphylic 
et  de  Cilicie  ,  sans  ])rononcer  un 
seul  mot.  Dans  la  ville  d'Aspenda , 
quelques  mots  écrits  sur  des  ta- 
blettes ,  lui  suffirent  pour  calmer 
une  sédition  causée  par  la  cherté  des 
grains.  Lorsque  le  temps  du  silence 


APO 

fut  expiré ,  Apollonius  visita  Antioche, 
Ephèse,  et  d'autres  villes,  se  liant  sur- 
tout avec  les  prêtres.  Il  cliercliait  plus 
à  instruire  les  auties  qu'à  étudier.  Il 
annonçait  sa  doctrine  d'un  ton  d'auto- 
rité, et  lorsqu'on  lui  en  demandait  la 
raison  ,  il  répondait  :  «  Quand  j'eljis 
»  jeune  ,  je  cherchais  la  vérité  j  niain- 
»  tenant  je  dois  enseigner  ce  que 
))  j'ai  appris  :  un  saçîje  doit  parler  en 
»  léu;islateur  ,  et  ordonner  au  peuple 
»  »  la  doctrine  qu'il  embrasse.  »  Apol- 
A  lonius  résolut  d'aller ,  par  Babylone  , 
aux  Indes  ,  pour  converser  avec  les 
brames.  Il  communiqua  ce  dessein  à 
ses  disciples  ,  au  nombre  de  sept  j 
mais  ils  refusèrent  de  l'accompagner, 
sur  quoi  il  leur  dit  ,  en  les  quittant  : 
«  Puisque  vous  êtes  trop  etTérainés 
»  pour  une  pareille  entreprise ,  restez 
»  ici,  et  étudiez  la  philosophie  ;  moi, 
»  j'irai  où  la  sagesse  et  les  Dieux  me 
»  conduiront.  »  Il  quitta  Antioche  , 
suivi  seulement  de  deux  valets  ,  et 
trouva  sur  sa  route  un  associé,  nommé 
Damis  ,  qui  le  regarda  comme  une 
divinité,  et  devint  son  compagnon  et 
l'historiographe  de  son  voyage.  A  Ba- 
bylone, il  conversa  avec  les  mages.  En 
entrant  dans  le  palais  du  roi ,  il  montra 
son  mépris  pour  la  grandeur  ,  en  con- 
versant avec  Damis ,  comme  s'ils  eus- 
sent été  en  voyage  ,  sans  jeter  les  yeux 
sur  les  objets  magniiiques  dont  ils 
étaient  entourés.  Apollonius  n'en  de- 
vint pas  moins  agréable  au  roi ,  qui 
reçut  de  lui  un  grand  nombre  d'excel- 
lents conseils.  Il  quitta  Babylone  , 
chargé  des  présents  du  monarque.  Le 
roi  des  Indes,  Phraortes ,  qui  demeu- 
rait à  Taxella,  lui  donna ,  pour  le  chef 
des  philosophes  ,  ou  gymuosophistcs 
indiens ,  une  lettre  ainsi  conçue  :  «  Le 
»  roi  Phraortes,  à  son  maître  la;  chas 
»  et  aux  sages  qui  sont  avec  lui  :  Apol- 
»  lonius ,  homme  très  -  sage ,  pensant 
»  que  vous  êtes  plus  sage  que  lui, 
II. 


APO  321 

»  vient  vous  voir  ,  pour  prendre  con- 
)>  naissance  de  votre  sagesse.  Faites- 
»  lui  part  librement  de  tout  ce  quo 
»  vous  savez,  et  soyez  assuré  que  vos 
»  instructions  ne  seront  point  perdues. 
»  Il  est  le  plus  éloquent  des  hommes  , 
»  et  a  une  excellente  mémoire.  Ses 
»  compagnons  aussi  méritent  votre 
»  bon  accueil,  puisqu'ils  savent  aimer 
»  un  pareil  homme.  »  Après  un  sé- 
jour de  quatre  mois  parmi  les  Indiens, 
Apollonius  revint  a  Babylone.  Il  passa 
de  là  en  Iouic,et  visita  plusieurs  villes. 
Telle  était  la  renommé*-  qu'il  avait 
alors  acquise,  que  lorsqu'il  entra  dans 
Ephèse  ,  les  artisans  même  quittèrent 
leurs  travaux  poiu'  le  voir.  Dans  ses 
discours  publics,  il  reprocha  au  peuple 
sa  paresse ,  et  recomm?inda  ,  d'après 
la  doctrine  de  Pythagore,  la  commu- 
nauté des  biens.  On  assure  qu'il  pré- 
dit aux  Ephésiens  ,  l'approche  d'une 
peste,  et  de  plus,  des  tremblemenis  de 
terre  qui  eurent  lieu  ensuite  dans  l'Io- 
nie.  A  Perganie ,  et  sur  l'ancien  em- 
placement de  Troie,  il  passa  seul  une 
nuit ,  sur  le  tombeau  d'Achille  ,  et  en- 
suite informa  ses  compagnons  que,  par 
le  pouvoir  d'un  sortilège  qu'il  avait 
appris  dans  l'Inde  ,  il  avait  évoqué  ce 
héros  de  sa  tombe ,  et  avait  eu  avec  lui 
une  conversation.  A  Lesbos  ,  il  con- 
versa avec  les  prêtres  d'Orphée  ,  et  fit 
voile  pour  Athènes.  Le  prêtre  ne  voulut 
pas  le  recevoir  aux  saints  mystères , 
parce  qu'il  était  un  euchautcur  j  cepen- 
dant ,  peu  d'années  après,  il  fut  admis. 
Il  parla  aux  Athéniens  de  sacrifices,  de 
prières  ,  de  la  corruption  de  leurs 
mœurs,  etc.  Il  visita  encore  Lacédé- 
raouc,  Oivmpie,  et  d'autres  villes  de  la 
Grèce,  prétendant  toujours  prédire  l'a- 
venir, et  ime  des  miracles.  Ue  la 
Crète ,  Apulloniiis  vint  à  Rome  :  Né- 
ron venait  de  rendre  un  édil  pour 
bannir  de  la  ville  tous  ceux  qui  pra- 
tiquaieut  la  magie.  Apollonius  sentit 
ai 


ooL-i  A  P  O 

qu'il  pouvait  être  compris  dans  cette 
mesure  :  mais  il  n'en  vint  pas  moins  à 
Rome  avec  huit  de  ses  compagnons. 
De  trente-quatre  ,  qui  l'avaient  suivi 
en  Italie,  ils  étaient  les  seuls  qui  fussent 
restes  avec  lui.  11  fut  conduit,  le 
Jendemaiu  de  son  arrivée ,  au  consul 
Te'le'sinus  ,  qui  lui  accorda  la  permis- 
sion de  visiter  les  temples  ,  et  de  con- 
verser avec  les  prêtres.  Son  séjour  ce 
fut  pas  long:  «  Il  ressuscita,  dit  son 
»  historien,  une  jeune  femme,  et  fut 
»  chassé  de  Rome  par  édit  de  Néron.  » 
Il  voyagea  en  Espagne  ,  où  il  ne  resta 
que  jusqu'à  la  mort  de  cet  •empereur. 
Il  retourna  de  là  en  Italie ,  pour  aller 
en  Grèce,  d'où  il  passa  en  Egypte, 
où  Vespasien  cherchait  à  établir  son 
pouvoir.  Ce  prince  connut  ce  que  va- 
lait un  ausilinire  tel  qu'Apollonius , 
ayant  un  grand  pouvoir  sur  le  vul- 
gaire ,  et  se  l'attacha  en  le  consultant 
comme  une  espèce  d'oracle.  En  re- 
tour, le  philosophe  employa  son  in- 
iluence  sur  le  peuple  ,  en  faveur  de 
Vespasien.  Pendant  son  séjour  en 
Egypte,  Apollonius  fit,  par  curiosité, 
un  voyage  en  Ethiopie.  A  son  retour, 
il  fut  reçu  favorablement  par  Titus, 
successeur  de  Vespasien  qui  le  con- 
sulta sur  des  affaires  du  gouverne- 
ment. Sur  ce  que  cet  empereur  avait 
refusé  la  couronne  de  la  victoire,  après 
la  prise  de  Jérusalem  ,  Apollonius  lui 
écrivit  cette  épîtrc  laconi([ue  :  «  Puis- 
»  que  vous  refusez  d'être  applaudi 
»  pour  une  victoire  sanglante,  je  vous 
))  envoie  la  couronne  de  la  modéra- 
»  tion.  Vous  savez  à  quelle  sorte  de 
«  mérite  des  couronnes  sont  dues.  » 
A  l'avènement  de  Domiticn  ,  il  fut 
accusé  d'avoir  e-scilé  une  sédition  dans 
FEgypie  en  faveur  de  JNerva ,  se  pré- 
senta volontairement  devant  le  pré- 
teur ,  et  fut  acquitté.  Apollonius  passa 
rnsuite  eu  Grèce,  visita  le  temple  de 
Jupiter  Olympien,   l'antie  de  Tro- 


APO 

phonius  en  Arcadie,  et  d'autres  Keu'S 
célèbres  dans  les  fastes  religieux.  Il 
s'établit  enfin  à  Ephèse,  où  il  ouvrit 
une  école  pythagoricienne ,  et  eut  plu- 
sieurs disciples.  On  dit  (Dion  Cassius 
liv.  57  ;  Philostr. ,  liv.  8 ,  c.  16) 
qu'au  moment  où  Domiticn  périt , 
Apollonius  ,  au  milieu  d'une  discus- 
sion publique ,  s'arrêta  ,  el,  changeant 
de  voix  ,  s'écria  :  «  C'est  bien  fait , 
«  Stéphanus,  courage  !  tue  le  tyran.  » 
Ensuite ,  après  un  léger  intervalle , 
il  reprit  :  «  Le  tyran  est  mort  ;  il  est 
»  tué  à  ce  moment  même ...»  On  ne 
pourrait  expliquer  ce  fait,  s'il  est  vrai, 
qu'eu  admettant  qu'Apollonius  était 
dans  le  secret  de  la  conspiration.  Après 
cela,  on  ne  sait  plus  rien  d'Apollonius, 
sinon  que  Nerva  lui  écrivit,  lors  de  son 
avènement  à  l'empire,  pour  lui  de- 
mander des  conseils  ,  etc. ,  et  qu'il 
reçut  de  lui  une  réponse  énigmatique, 
dont  on  conclut  que  bientôt  ils  se  re- 
trouveraient dans  un  autre  monde.  On 
n'a  point  d'informations  certaines  sur 
le  temps,  le  lieu  et  le  genre  de  sa  mort  : 
il  est  probable ,  cependant ,  qu'il  mou- 
rut à  Ephèse  de  pure  vieillesse  ,  pen- 
dant le  court  règne  de  Nerva ,  ou 
vers  l'an  g-i,  approchant  alors  de  cent 
ans.  Les  notions  sur  cet  homme 
extraordinaire  sont  incertaines,  Da- 
m:s ,  qui  fut  son  compagnon  à  Baby- 
lone,  est  le  premier  qui  en  parle.  Ses 
Mémoires ,  qu'il  laissa  dans  les  mains 
d'un  ami,  furent  donnés  à  l'impéra- 
trice Julie  ,  femme  de  Sévère  qui 
commença  à  régner  l'an  194.  Ces 
IMc'moires  furent  remis  à  Philostrate, 
sophiste  éloquent ,  alors  à  Rome  ,  qui 
se  plut  à  embelUr  l'histoire  d'Apol- 
lonius de  contes  merveilleux ,  etc. , 
qui  discréditent  beaucoup  son  ou\Tage. 
On  V  trouve  aussi  de  grandes  con- 
tradictions. Cependant ,  le  récit  de 
Philostrate  ,  avec  toutes  ses  fautes  , 
fut,  environ  cent  ans  après  qu'il  cul 


A  PO 

paru,  préféré  à  tous  les  autres,  par 
Hiéroclès,  qui,  le  premier,  voulut 
établir  une  comparaison  entre  le  Christ 
et  Apollonius.  Eusèbe,  en  réfutant 
cette  attaque  contre  le  christianisme , 
admet  en  général  le  récit  de  Phi- 
lostrate,  et  soutient  que,  d'aiirès  ce 
récit  même ,  Apollonius  ne  mérite  pas 
d'être  comparé  au  Christ.  11  païaît 
constant  que  l'existence  d'Apollonius 
ue  peut  être  révoquée  en  doute , 
comme  on  l'a  fait.  On  doit  croire  qu'il 
fut  un  pythagoricien  sévère  ;  qu'il 
voyagea  dans  plusieurs  contrées ,  et 
fut  un  philosophe  parmi  les  sages ,  un 
magicien  pour  le  peuple.  Sa  célébrité 
est  démontrée  par  dr-s  preuves  nom- 
breuses. De  son  vivant,  il  fut  appelé 
Dieu,  et  accepta  cette  dénomination , 
en  dis.'int  que  ce  titre  appartenait  à 
tout  homme  debien(Phi!ostr.,  liv.  8, 
ch.  5).  Après  sa  murt,  il  fut  long- 
temps compté  parmi  les  divinités.  I.cs 
habitants  de  Tyanes  lui  dédièrent  un 
temple  ;  les  Ephésiens  lui  consacrèrent 
une  statue,  sous  le  titre  d' Hercule 
Alexicacus.  Adrien  recueillit  ses  Let- 
tres ;  Alexandre  Sévère  plaça  son  image 
parmi  celles  d'Aluaham,  d'Orphée, 
de  J.-C,  etc.;  Caracalla  lui  dédia  un 
temple ,  comme  à  une  divinité  venue 
parmi  les  hommes;  \mélicn  ne  sacca- 
gea point  Tyanes,  par  respect  pour 
sa  mémoire;  Ammieu  Marcellin  place 
ce  philosophe  au  rang  des  hommes 
éminents  qui  ont  été  assistés  de  quel- 
que démon ,  ou  génie  surnaturel ,  tels 
que  Socrate  et  Numa.  Eunapius  , 
d'ailleurs  platonicien  crédule  et  ami 
des  fables,  parle  d'Apollonius,  comme 
d'un  être  tenant  du  Dieu  et  de  l'hom- 
me, et  ajoute  qui.  Philostrate  aurait  dû 
intituler  son  histoire  :  la  descente 
d'an  Dieu  sur  terre.  Tout  porte  à 
croii\  qu'. Apollonius  réunissait  le  ca- 
ractère d'uu  sage  et  celui  d'un  impos- 
tctu-j  mais  on  ne  voit  pas  trop  que 


APO  5i') 

l'on  puisse  ajouter,  avec  Gibbon, 
celui  d'un  fanatique.  Il  ne  reste,  des 
écrits  d'Apollonius,  que  son  /fpologie 
à  Domitien,  donnée  sans  doute,  tout 
au  plus  en  substance ,  par  Philostrate, 
et  quatre-vingt  quatre  épîtres,  pour  la 
plupart  philosophiques ,  dont  la  doc- 
trine n'est  pas  strictement  pythagori- 
cienne ,  mais  tient  du  système  d'He- 
raclite ,  sur  l'unité  de  nature.  Leur 
style  laconique  est  une  présomptioa 
en  faveur  de  leur  authenticité.  Com- 
melin  les  publia  en  i(3oi,  in-S". ,  et 
Etienne,  dans  ses  Epistolia,  etc.,  eu 
157"^.  La  vie  d'Apollonius  a  été  tra- 
duite en  français;  Berlin,  1774?  4  vol. 
in-I•.^.  M — d. 

APOLLONIUS,  philosophe  stoï- 
cien ,  natif  de  Chalcis  ,  dans  l'île 
d'Eubée ,  on  ,  suivant  d'autres  ,  de 
Calchédon  en  Bithvnie  ,  s'acquit  une 
telle  réputation ,  qu'Antonin-le-Pieux 
le  fit  venir  à  Rome,  pour  lui  confier 
l'éducation  de  Marc  Aurèle.  Ason  arri- 
vée, Antoniu,  empressé  de  le  con- 
naître ,  lui  fit  dire  de  se  rendre  au 
palais.  «  C'est  au  disciple  à  venir  trou- 
»  ver  son  maître ,  répondit  Apollo- 
»  nius,  et  non  au  maître  à  aller  cher- 
»  cher  le  di;^ciple.  »  Autonin  sourit  à 
celte  réponse.  «  Apparemment, dit-il, 
»  que  le  philosophe  trouve  moins  pé- 
«  nible  de  venir  de  Chalcis  à  Rome, 
»  que  de  sa  demeure  au  palais.  »  Il  se 
hâia  néanmoins  de  lui  envoyer  son 
nouveau  disciple.  Marc  Aurèle  profita 
beaucoup  de  ses  leçons  ;  l'ouvrage  que 
nous  avons  de  cet  empereur  contient 
l'éloge  de  son  maître.  —  Un  autre 
.Apollonius,  surnommé  Cronus,  de  la 
secte  mégarienne  ,  fut  disciple  d'Eubu- 
luie.  Sirabon  l'appelle  Cronus  Apollo- 
nius ,  et  veut  que  le  deuxième  nom  lui 
soit  venu  d'ApolIonie ,  sa  patrie ,  port 
delà  Cyrénaïque,  et  le  premier,  del'â- 
preté  de  son  caractère.  —  On  compte 
encore  deux  autres  Apollonius,  l'un, 

21.. 


3^4  APD 

stoïcien,  natif  de  Nyscedans  l'Âttiqiie, 
et  disciple  de  Panaetius  ;  l'autre  ,  péri- 
pate'ticien  ,  et  à  peu  après  contempo- 
rain d'Adraste.  K. 

APOLLONIUS,  fils  d'Arcbibius, 
grammairien  d'Alexandrie,  vivait  sous 
le  règne  d'Auguste ,  et  Apion  fut  l'un 
de  ses  disciples.  Il  nous  reste  sous  son 
nom ,  un  Lexique  des  mots  d'Ho- 
mère ,  publié ,  pour  la  première  fois , 
en  grec  et  eu  latin,  avec  des  notes 
très-copieuses,  par  M.  deVilloison, 
Paris  ,  1775,  in-4''. ,  ou  in-fol. ,  et 
réimprime' ,  seulement  en  grec ,  avec 
les  notes  de  M.HermanTollius,  Lugd. 
Bat,,  1788,  in-8".  Le  fonds  de  cet 
ouvrage  peut  bien  être  d'Apollonius  ; 
mais  comme  ou  l'y  cite  lui-même,  il 
est  évident  que  des  compilateurs  plus 
modernes  l'ont  mutilé  en  l'abrégeant , 
tt  y  ont  ajouté  beaucoup.        C — a. 

APOLLONIUS,  surnommé  Dys- 
toLE,  à  cause  de  son  bumcur  cha- 
grine, né  à  Alexandrie  ,  y  fleurit  vers 
l'an  1 58  de  J.-C.  Il  passa  sa  vie  dans 
le  Bruchium ,  quaitier  de  la  ville  oîi 
beaucoup  de  gens  de  lettres  étaient 
logés  et  nourris  ans  dépens  des  rois 
d'Egypte.  Il  est  le  premier  qui  ail  ré- 
duit la  grammaire  en  système.  11  avait 
fait,  sur  cette  science,  un  grand  nombre 
d'ouvrages,  qui  sout  perdus  pour  la 
plupart  ;  mais  dont  Priscien  a  fait  un 
grand  usage  pour  la  composition  de 
sa  Grammaire  latine.  Il  nous  reste  d'A- 
pollonius un  Traité  sur  la  syntaxe , 
en  quatre  livres ,  qui  a  été  imprimé 
plusieurs  fois.  La  meilleure  édition  est 
celle  de  Frédéric  Sylburge,  avec  la  tra- 
duction latine  d'^Em.  Portus ,  et  des 
notes ,  Francofurti  apud  Wecliel  He- 
i-edes ,  1 5ç)0,  in-4".  '■<  *^^^  ^^^  fort  rare. 
On  ti'ouve  à  la  fin  du  Traité  des  dia- 
lectes grecs  de  Maittaire ,  édition  de 
Reitzius ,  Hagae  Comitum,  1758,  et 
édition  de  Sturtzius  ,  Lipsiae  ,  1807  , 
guclques    extraits   de  la  grammaii'e 


APO 

d'Apollonius  Dyscole  ,  que  Vossius 
avait  tirés  d'un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque royale  de  Paris.  Ce  manus- 
ciit ,  qui  existe  à  la  Bibliothèque  im- 
périale ,  est  beaucoup  plus  ample  que 
les  imprimés  ;  et  ce  serait  rendre  un 
service  important  à  la  littérature  grec- 
que que  de  le  faire  imprimer  avec  les 
autres  traités  du  même  auteur  ,  qui 
se  trouvent  dans  différentes  bibho- 
thèques.  On  attribue  encore  à  Apol- 
lonius un  Recueii  d'histoires  mer- 
veilleuses ,  dont  la  meilleure  édition 
est  celle  qui  a  été  donnée  par  Meursius, 
Lugd. Bat. ,  1620,  in-4''.,  ^^  ^1"^  ^  ^^ô 
réimprimée  à  Florence ,  dans  le  7". 
volume  des  Œuvres  de  Meursius, 
et  séparément  à  Leipzig ,  1  79.», ,  in-8". 
Il  est  fort  douteux  que  cet  ouvrage  soit 
de  lui.  Hcrodien ,  célèbre  grammairien, 
était  fils  d'Apollonius  Dvscole.  C — r. 
APOLLONIUS  ,  de" Rhodes,  sta- 
tuaire ,  fit,  de  concert  avec  ïauriscus, 
le  groupe  immense  ,  connu  sous  le- 
nom  de  Taureau  Farnèse.  Il  repré- 
sente Zéthus  et  Araphion  ,  attachant 
Dircé  aux  cornes  d'un  taureau  furieux, 
pour  venger  leur  mère  Antiopc ,  qu'elle 
avait  persécutée.  Antiope  et  un  jeune 
pâtre  assistent  au  supplice  de  Dircé. 
Ou  ne  peut  guère  douter  que  ce 
groupe  ne  soit  le  même  que  Pline  a 
décrit ,  et  qu'il  attribue  à  ces  deux 
sculpteurs  ;  mais  il  s'en  faut  de  beau- 
coup que  leur  ouvrage  nous  soit  par- 
venu dans  son  entier.  Il  a  subi  une 
rcstaïu'ation  si  considérable  ,  qu'il  n'y 
reste  d'antique  que  !a  moitié  inférieure 
de  la  figure  de  Dircé,  les  deux  troncs 
et  une  jaudie  de  Zéthus  et  d'Amphion. 
Antiope  et  le  jeune  pâtre  étaicntmoin& 
mutilés.  Ces  restes  de  la  maiu  des  ar- 
tistes grecs,  sont  d'un  grand  caractère; 
les  restaurations  ont  été  faites  assez 
faiblement  par  un  sculpteur  de  IMilan, 
nommé  Batista  Bianchi.  Suivant 
Pliue,  le  morceau,  sculpte  d'uii  seul 


I 


APO 

bloG,  ^ut  apporte  de  Rhodes  à  Rome. 
Apollonius  et  Tauriscus  y  avaient  gravé 
leurs  noms.  Cette  inscription  existait 
sans  doute  sur  quelques-unes  des  par- 
ties perdues.  Les  débris  antiques  ont 
f  té  retrouvés  dans  les  bains  de  Cara- 
calla.  11  est  impossible  de  décider  au- 
jourd'hui si  l'ouvrage  était  réellement 
d'un  seul  morceau.  D'après  l'ordre 
dans  lequel  Pline  nomme  ces  deux 
sculpteurs ,  on  peut  juger  qu'ils  ont 
vécu  quelques  années  après  Alexandre- 
le-Graud.  L — S — e. 

APOLLONIUS,  statuaire,  fils  de 
Nestor  d'Athènes,  vivait,  selon  Win- 
kelmann  ,  peu  de  temps  après  Alexan- 
dre-le- Grand.  C'est  de  lui  qu'est 
le  fameux  torse  du  Belvédère  ,  qui 
fut  découvex't  à  la  fin  du  iS'^.  siècle, 
et  qui  se  voit  à  présent  dans  le  Musée 
des  antiques.  On  le  regarde  comme  le 
débris  d'un  Hercule  en  repos,  mais 
dans  lequel  la  force  et  la  puissance 
ont  déjà  piis  le  caractère  calme  et  idéal 
de  la  divinité.  Quoique  cette  statue 
n'ait  plus  ni  tête ,  ni  bras ,  ni  jambes, 
elle  est  cependant  encore  un  chef- 
d'œuvre  de  l'art.  Elle  a  donné  lieu  à 
de  nombreuses  dissertations  ,  dont 
l'utilité  n'est  pas  bien  démontrée  j  mais 
elle  a  fourni  aux  artistes  une  foule 
d'études  excellentes.  Michel-Ange  l'a 
dessinée  sous  tous  les  aspects  ;  il  ne 
pouvait  se  lasser  de  l'admirer  ,  et 
lorsque,  dans  sa  vieillesse,  il  fui  privé 
de  la  vue,  il  se  faisait  conduire  près  de 
ce  chef-d'œuvre  ,  en  parcourait  toutes 
les  formes  avec  ses  mains  savantes ,  et 
devait  encore  aux  beaux-arts  des  jouis- 
sances que  son  malheur  semblait  lui 
interdire.  Le  nom  d'Apollonius  est 
gravé  dans  le  marbre  ;  c'est  d'après  la 
forme  de  quelques  lettres  grecques  , 
qu'on  prétend  assigner  le  temps  oîi 
vivait  le  sculpteur;  mais  cette  conjec- 
ture ne  peut  être  qu'approximative. 
L— S— E 


APO 


25 


APOLLONIUS  (LiEviNTs),  voya- 
geur du  I Q".  siècle ,  né  dans  un  bourg, 
près  de  Bruges ,  et  mort  aux  îles  Cana- 
ries, en  se  rendant  au  Pérou  :  ses  écrits 
sont  :  1.  Lihri  V  de  Peniviœ  regio- 
nis  inter  novi  orhis  provincias  cele- 
berrimœ  inventione  et  rébus  in  eaderti 
gestis,  Anvers,  1567,  111-8".;  IL  De 
navigatione  Gallorum  in  terram  Flo- 
ridam,deque  clade  an.  1 565  ab  His- 
panis  accepta;  ib.  1 568,  in-8\  G — t. 

APOLLÔNIUS(  Guillaume  ) , 
théologien  de  la  communion  des  ré- 
formés ,  né  à  Middelbourg ,  au  com- 
mencement du  i^*".  siècle,  est  connu 
par  une  controverse  avec  Nicolas 
Vedel ,  sur  les  limites  du  pouvoir  du 
souverain  dans  les  affaires  ecclésiasti- 
ques. Les  titres  les  plus  bizarres, 
Grallœ ,  Echasus  ,  Grallator  et 
Grallopœus  y  figurent  dans  cette  dis- 
pute, et  caractérisent  le  temps  où  ces 
écrits  furent  publiés.  Un  des  plus  cé- 
lèbres restaurateurs  de  la  saine  philo- 
sophie ,  Chrétien  Thomasius ,  en  a 
donné  un  ample  extrait  dans  son  his~ 
toria  contentionis  inler  Imperium 
et  sacerdotium ,  Halle,  l'ji'i,  in-8. 
On  ne  ht  plus  de  pareils  écrits,  mais 
leui'  influence  sur  le  progrès  des  idées, 
dans  une  matière  de  la  plus  haute  im- 
portance ,  n'en  est  pas  pour  cela  moins 
remarquable.  On  a  encore  d'Apollo- 
nius, Disputationes  de  legc  Dei. 
Middelbourg,  i65d,  in- 12.  {^oy, 
Vedel  ).  S — r. 

APOLLONIUS  COLLATIUS.  K 
Collatius. 

APOLLOPHANES ,  un  des  pre- 
miers disciples  d'Érasistrate,  était 
médecin  d'Antiochus  III ,  roi  de  Sy- 
rie, smnommé  le  Grand,  et  vivait 
dans  le  5  .  siècle  avant  J.-C.  Her- 
raias  ,  ministre  d'Antiochus ,  exerçait 
dans  le  royaume  des  concussions  et 
des  violences  qui  répandaient  partout 
la  désolation  j  personne  n'osait  portée 


ùi6  A  P  O 

au  roi  les  plaintes  du  peuple,  tant  on 
craignait  la  vengeance  du  mipislre  op- 
presseur. Apollopliane.s  osa  le  faire , 
oubliant  ses  intérêts  pour  ceux  de  son 
pays  ,  et  le  ministre  pre'varicatcur  fut 
dévoile  et  mis  à  mort,  l'an  :i'^o  avant 
J. -(1.  Antioclius  eut  dès-lors  une 
grande  confimcedans  Apolloplianes, 
qui  lui  donna  d'excellents  conseils. 
Apres  la  mort  d'Antiochus,  Apollo- 
phanes  se  retira  à  Smyrne ,  et  y  fonda 
imeécole  d'Erasistratcens  qui  florissait 
encore  du  temps  de  Strabon.On  croit 
que  c'est  le  morne  que  Galieu  et  Celse 
citent  avec  éloge.  G.  et  A  —  n. 

APONO.   Foj-.  Abano. 

APOSTOLIUS  (  Michel  ),  né  à 
Constantinople,  vint  en  Italie  yers  le 
milieu  du  i5'.  siè<Ie,  après  la  prise 
de  cette  ville  par  les  ïurks.  Il  y  fut 
d'abord  accueilli  par  ie  cardinal  Bcs- 
sarion;  mais  ayant  été  par  la  suite 
privé  de  ses  secours ,  il  passa  dans  l'ile 
de  Crète  ,  où  il  g<ignait  sa  vie  à  copier 
des  livres.  Il  eut  plusieurs  fils  dont  le 
plus  célèbre  fut  Arsénius  ,  évèquc  de 
Monerabasie.  Il  avait  fait  u!i  grand 
nombre  d'ouvrages  qui  sont  restés  ma- 
nuscrits. Le  seul  que  je  connaisse  im- 
primé est  le  suivant  :  Mich.  AposloUi 
parcemice  gr.  lat.  ex  vevsione  el  cuin 
nolisPet.Panlini,  Lugd.,  Bat.,  El- 
zevirs ,  1619,  in  -  4"-  —  Son  fils  , 
ApostoliUs  (  Aristobule  ) ,  est  connu 
par  une  espère  de  drame  en  vers  ïara- 
biques,  intitulé  :  Galcomjomachie , 
ou  le  Combat  des  Chats  et  des  Bats , 
qui  se  trouve  à  la  suite  dos  Fables 
d'Ésope  ,  dans  un  grand  nomîire  d'é- 
ditions. C — a. 

APOSTOOL  (Samuel),  prédica- 
teur de  l'église  des  mennonites  à  Ams- 
terdam ,  a  donné  son  nom  aux  apos- 
tolici,  apostolicns,  une  secte  des  ana- 
batistos  ,  qu'on  appcllr  waterlandins, 
parce  qu'elle  s'est  particulièrement  ré- 
pandue dans  le  Watcrlaud ,   coutréo 


APO 

delà  Nord-Hollande.  En  166^,  ces 
mennonites  du  Waterland,  qu'on  dis- 
tingue des  mennonites  flamands  ,  et 
qu'on  appelle  aussi  memionites  relâ- 
chés (  crassîeres  ) ,  se  subdivisèrent 
en  deux  partis  ,  les  galenistes ,  ayant 
pour  chef  le  médecin  Galcnns  Abra- 
ham de  Haan  ,  et  les  adhérents  de 
Samuel  Apostool.  Galenus  voulait  ad- 
mettre dans  la  société  religieuse  dont 
il  était  un  des  ministres ,  tous  ceux 
qui  croyaient  la  divine  origine  des 
livres  saints,  pourvu  que  leurs  mœurs 
fussent  pures  et  leur  réputation  de  pro- 
bité intacte  :  sans  le  diie  ouvertement, 
il  se  rapprochait  bcaucoupdcs  opinions 
des  sociniens.  Samuel  Apostool,  tout  eu 
défendant  les  dogtnes  caractéristiques 
des  mennonites  sur  l'absurdité  du 
baptême  des  enfants,  sur  l'inulilité 
des  magistrats  dans  le  royaume  de 
Jésus-Christ ,  sur  la  forme  visible  de 
ce  royaume  dès  cette  vie,  etc.,  mainte- 
nait l'orthodoxie  sur  tous  les  autres 
points  de  la  doctrine  des  réformateurs: 
vainement  quelques  hommes  sages  ta- 
chèrent de  prévenir  une  nouvelle 
scission  dans  la  secte  des  waterlan- 
diens.  Depuis  cette  époque  ,  les  gale- 
nistes et  les  apostoliens  formèrent , 
dans  cette  secte  ,  constamment  deux 
pirtis  distincts,  qu'aucnn  acte  public, 
mais  bien  l'adoucissement  général  des 
esprits  à  l'égard  des  opinions  reli- 
gieuses ,  et  rindillorcr.ce  du  plus 
grand  nombre ,  ont  seuls  rapproi  liés 
dans  les  derniers  temps.  liOS  aposto- 
licns sont  quelquefois  désignés  par 
la  dénomination  drs  mennonites  du 
soleil ,  à  sause  do  l'imago  qu'ils  avaient 
])rise  pour  symbole  de  leur  lieu  de 
réunion.  On  n'a  de  Samuel  Apostool 
qu'un  petit  catéchisme ,  sous  le  titre 
de  Feritatis  exercilatio ,  à  la  ré- 
daction duquel  son  collègue  Sanuicl 
deDevI  ont  quelque  part.  On  trouve, 
sur  Apostool  et  sou  adversaire  Ga~ 


APP 

lenus ,  les  détails  les  plus  exacts  dans 
Herrn.  Schyn  Deduct.plenior  Hislor. 
jt/ie/i«omï.  ,cliap.XVetchap.  XVIII; 
et  sur  le  parti  qui  porte  sou  nom  dans 
Casp.  Conimelini ,  Description  de  la 
ville  d' Amsterdam  (en  hollandais), 
tome  I,  pag.  5oo  (  /^.  aussi  Mosheim 
Instit.  Hist.  eccle's.,  p.  1012  ). 
S— R. 
APPEL  (Jacques),  peintre  ,  ne  à 
Amsterdam,   le  29  novembre  1680, 
d'une    honnête    famille ,    reçut    une 
bonne  e'ducation  ;  et  dès  son  enfance 
annonça  un  goût  particulier  pour  les 
arts  ,  en  dessinant  à  la  plume,  ou  en 
de'coupant   de    petites   figures  d'ani- 
maux ,  etc.  On  le  plaça  comme  élève 
chez  Timothëe  de  Graef ,  paysagiste. 
Les  leçons  de  cet  artiste ,  celles  de 
Meyring,  les  ouvrages  de  Tempête  , 
et  l'étude  assidue  de  la  nature  ,  for- 
mèrent tellement  le  jeune  Appel  ,que, 
dès  l'âge  de  dix-huit  ans ,  il  s'était  pla- 
cé au  rang  des  bons  artistes.  Après 
avoir  vu  et  étudié  un  g-rand  nombre 
de   sites  ,   surtout  aux  environs  de 
la  Haye  ,  il  revint  à  Amsterdam ,  où 
il  travailla  beaucoup.  Il  se  maria  à 
vingt-deux  ans  ,  et  peignit  ensuite  les 
portraits  des  principaux  habitants  de 
Sardam ,  qui    lui  firent  faire    aussi 
des  tableaux  d'histoire  ctdes  paysages. 
Revenu  de  nouveau  dans  le   lieu  de 
sa  naissance  ,  il  établit  une  espèce  de 
manufacture  de  peinture ,  où ,  sous  sa 
direction,  d'autres  arlistes  exécutaient 
toutes  sortes  de  sujets.  Cette  entre- 
prise enrichit  Ajjpel  ,   qui  d'ailleurs 
ne  négligeait  point  de  travailler  lui- 
même.  Jl  fit  un  grand  nombre  de  ta- 
bleaux qui  lui  furent  très-bien  payés. 
Ce  fut  siu'tout  dans  le  paysage  qu'il 
eut  les  succès  les  plus  nombreux  et  les 
plus  assurés.  Ou  peut  dire  que  son 
bonheur  l'accompagna  constamment 
jusqu'au  dernier  moment  de  sa  vie  ; 
car,  s'étant  couche  un  soir  sans  res- 


A  P  P  527 

sentir  aucune  incommodité  ,  il  fut 
trouvé  mort  dans  son  lit  le  lendemain  , 
-j  mai  1751,  à  l'âge  de  près  de 
soixante-dix  ans.  Selon  Descamps, 
dont  l'ouvrage  a  fourni  ces  détails  , 
Appel ,  très-inférieur  à  Berghem  ,  était 
cependant  supériem'  à  plusieurs  pay- 
sagistes esfimés.  D — T. 

APPIANO  (  Jacques  d')  ,  tyran  de 
Pise.  Son  père,  Jacques  d'Appiano, 
né  de  basse  condition,  sur  le  terri- 
toire de  Florence,  s'était  attaché  aux 
Gambacorti,    chefs    d'vm  parti  dans 
Pise.  Il  eut  la  tête  tranchée  avec  plu- 
sieurs d'entr'eux,  en  1 548,  par  ordre 
de  l'empereur  Charles  IV.  Pierre  Gam- 
bacorti,  rappelé  dans  sa   patrie   en 
1569,  y  ramena  Jacques  d'Appiano, 
à  qui  il  accordait  la  plus  eutièie  con- 
fiance, et  il  le  fit  nommer  chancelier 
perpétuel  de  la  répubhque.  Appiano  , 
rempli  de  talents  et  d'adresse,  se  ren- 
dit maître  des  principales  affaires,  et 
s'assura  une  foule  de  créatures  indé- 
pendantes de  celles  de  son  protec- 
teur. Il  embrassa  le  parti  Gibelin  avec 
un  zèle   extrême,   et  contracta    une 
étroite  alliance  avec  Jean  Galéas  Vis- 
conti,  seigneur  de  Milan.  Le  21  octo- 
bre 1 592  ,  Appiano  excita  un  tumulle 
dans  Pise,  en  faisant  massacrer  deux 
de  ses  ennemis;  GamlDacorli,   qu'on 
avait  vainement  voulu  prévenir  contre 
lui ,  ne  pouvait  croire  à  une  trahison 
de   son  vieil  ami  ;  ils  avaient   vécu 
et  souffert   ensemble,  et  tous   deux 
avaient  déjà  passé  soixante-dix  ans. 
Gambacoiti  renvoya  donc  des  parti- 
sans qui  prenaient  les  armes  pour  sa 
défense.  Il  demanda  une  conférence 
à  son  ami ,  et ,  dès  qu'il  fut  auprès  de 
lui ,  Appiano  le  fit  massacrer.  Les  fils 
de  Gambacorti ,  tous  deux   blessés  , 
tombèrent  au  pouvoir  d'Appiano ,  qui 
les  fit  empoisonner  dans  leur  prison. 
Les  maisons  de  tous  les  amis  des  Gam- 
bacorti furent  abandonnées  au  piilag;e  ^ 


328  A  P  P 

et  lo  0.5  octobre,  le  tj'ran  obtint  clu 
peuple  intimide ,  le  titre  de  seigneur 
de  Pise.  Jacques  d'Appiano  régna  dans 
Pisc,  plutôt  comme  une  créature  de 
Jean  Gale'as,  que  comme  vin  prince 
indépendant.  Il  s'engagea  dans  toutes 
ses  intrigues  contre  les  Florentins, 
et  attira  sur  son  pays,  à  plusieurs 
reprises,  les  malheurs  de  la  guerre. 
Cependant,  son  fils  aÎ!ié ,  le  seul  en  qui 
il  eût  reconnu  le  talent  de  gouverner , 
mourut  avant  lui ,  et  Jean  Gale'as 
voulut  de  son  vivant  même ,  ôtcr  au 
second  son  héritage.  Il  essaya,  le  2 
janvier  1 398 ,  de  faire  occuper ,  par 
surprise,  toutes  les  forteresses  de  Pise; 
Appiano  résista,  les  soldats  du  duc 
de  ^lilan  furent  dévalisés,  et  le  seigneur 
de  Pise  éclairé  sur  la  perfidie  de  son 
allié ,  fut  sur  le  point  d'embrasser  le 
pai'ti  des  Florentins.  Cependant,  Jean 
ôaléas  réussit  à  l'apaiser  ,  Appiano 
étar>raort  le  5  septembre  de  la  même 
année.  S.  S — i. 

APPIANO  (Gérard),  fils  et  suc- 
cesseur de  Jacques,  capitaine  et  sei- 
gneur de  Pise.  Se  sentant  mal  afïermi 
dans  sa  domination,  il  entra  aussitôt 
en  négociation  avec  ses  voisins.  U 
voulut  d'alwrd  s'assurer  l'alliance  des 
Florentins;  mais  il  leur  demanda  de 
.<:e  rendre  garants  de  sa  tvrannie ,  et 
d'entretenir  une  garde  pour  sa  défense. 
Les  Florentins  rejetèrent  ces  condi- 
tions ,  qui  leur  p;n'urent  honteuses 
pour  un  peuple  libre.  Alors,  Gérard 
tl'A]ipiauo  se  jeta  dans  les  bras  du  duc 
de  Mi'.an;  il  lui  vendit  la  seigneurie  de 
Pise  poiu'  le  prix  de  deux  cent  mille 
florins,  se  réservant,  seulement  la 
souveraineté  de  Picmuino  et  de  l'île 
tl'Elbe.  Ce  fut  là  qu'il  se  retira  au 
mois  de  févri'^r  i")»)»)  ,  emportant 
avec  lui  les  malédictions  de  ses  con- 
ritoyens.  Ses  descendants  sont  de- 
meurés pendant  deux  siècles  princes 
J«  Piombino,  a2)rès  quoi  cette  sou- 


APP 

reraineté  à  e'té  réunie  à  la  couronne 
de  Naples.  S.  S— i. 

APPIANO  ,  prince  de  Piombino, 
après  que  Gérard  d'Appiano  (  Foj. 
l'article  précédent  )  eut  échangé ,  en 
1099,  la  seigneurie  de  Pise  contre  la 
principauté  de  Piombino.  Il  évita  de  se 
mêler  dans  les  guerres  de  ses  voisins  ; 
son  mariage  avec  Paula  Coloona ,  sœur 
du  pape  Blarlin  V ,  assura  la  protec- 
tion de  ce  pontife  à  sa  famille.  Lui- 
même  était  mort  avant  l'élévation 
de  son  beau-frère  au  pontificat  ;  mais , 
en  mourant,  il  avait  déclaré  la  répu- 
blique florentine  tutrice  de  son  fils 
Jacques  11  d'Appiano.  Les  Florentins 
exercèrent  fidèlement  cette  tutelle;  ils 
protégèrent,  pendant  tout  le  i5^  siè- 
cle, les  difTerents  princes  de  la  mai- 
son d'Appiano,  et  ceux-ci  s'engagèrent 
souvent  au  service  de  la  république , 
comme  condottieri.  Lorsque  Cosme 
P"".  de  Médicis  parvint,  en  i557,  à 
la  dignité  de  duc  de  Florence,  il  ne 
fut  point  satisfait  du  pouvoir  souverain 
qu'il  avait  usurpé  dans  sa  patrie  ;  il 
voulut  soumettre  toute  la  Toscane  ,  et 
la  pi  tite  principauté  de  Piombino  ex- 
cita sa  cupidité ,  à  cause  des  riches 
mines  de  fer  de  l'île  d'Elbe ,  qui  en  font 
partie;  mais  Jacques  V  d'Appiano,  qui 
régna  jusqu'en  i545,  s'était  mis  sous  la 
protection  de  Charles-Quint  ;  dépouillé 
plusieurs  fois  de  ses  états,  sous  diOe- 
rents  prétextes ,  par  Médicis,  il  fut  au- 
tant de  fois  rétabli  par  l'empereur  dans 
sa  souveraineté.  Le  duc  de  Florence , 
renonçantà  conquérirla  principautéde  j 
Piombino  ,  chercha  dès-lors  à  s'assu- 
)er  l'alliance  de  ce  petit  état.  Jacques 
VI  d'Appiano  qui ,  en  1 545  ,  succéda 
à  son  père,  demeura,  pendant  tout  son 
règne,  dans  la  dépendance  absolue  des 
Médicis.  Il  avait  laissé  conquérir  aux 
corsaires  de  Barbarie  les  deux  îles 
de  Pianosa  et  de  Monfc-Chrislo ,  qui 
faisaient  partie  île  sa  principauté ,  et 


APP 

il  était  sur  le  point  de  vendre  l'île 
d'Elbe  au  grand-duc  François,  lors- 
qu'il mourut  le  i5  mai  i585.  Avec 
lui  finit  la  ligne  lëgitimo  des  Appiani; 
mais  il  avait  laissé  deux  fils  natuiels, 
dont  l'aï,  é,  Alexandre,  avait  été  légi- 
timé par  l'empereur.  En  succédant  à 
la  principauté  de  Plombino ,  Alexan- 
dre fut  obligé  de  recevoir  une  garnison 
espagnole.  Sa  femme,  Isabelle  de  Men- 
doça ,  de  concert  avec  ie  commandant 
espagnol  qu'elle  aimait  ,  et  avec  les 
habitants  de  Piombino  mécontents  de 
leur  ])riuce ,  fit  assassiner  Alexandre 
d'Appiano ,  le  28  septembre  1 58(). 
La  maison  d'Appiano  étant  ainsi 
éteinte,  la  principauté  de  Piombino 
demeura  long-temps  en  séquestre  ,  en- 
tre les  mains  des  Espagnols ,  malgré 
les  instances  des  grand-ducs  de  Tos- 
cane ,  qui  voulaient  l'acquérir  à  tout 
prix.  Le  conseil  auliquc  adjugea,  vers 
l'année  16 19,  ce  fief  de  l'empire,  à  la 
maison  de  Mendoça ,  comme  plus  pro- 
che héritière  des  Appiani.  Les  Ludo- 
vici  l'achetèrent  ensuite ,  et  le  réuni- 
rent à  la  principauté  de  Venosa  ;  en- 
fin ,  les  Buoncompagni,  ducs  de  Sora  , 
en  ont  hérité,  et  l'ont  possédé  jusqu'à 
nos  jours.  S.  S — i. 

A  P  P  I E  N ,  historien  grec ,  né  à 
Alexandrie  ,  vécut  sous  les  empereurs 
Trajan,  Adrien  et  Antonin.  Il  vint  de 
bonne  heure  s'établir  à  Rome ,  où  il 
se  distingua  dans  la  profession  d'avo- 
cat, et  fut  nommé /^roa/rflîor,  ou  su- 
rintendantdes  aiïaires  domesliquescles 
empereurs  ;  quelques  biographes  ajou- 
tent qu')l  fut  envoyé  en  Egvpte  comme 
gouverneur  de  cette  province.  Appica, 
dans  son  histoire ,  parle  de  la  destruo- 
1^.  tion  de  Jérusalem,  par  Adrien ,  comme 
u-'  d'un  événement  contemporain,  et  il 
dit,  dans  sa  préface,  que  la  puissance 
romaine  avait  duré  900  ans  :  ce  qui 
prouve  qu'il  écrivait  vers  la  11*'.  an- 
cée  du  règne  d'Antonin.  Son  histoire, 


APP  5ci9 

qui  e'tait  diviseV  en  'i4 livres,  n'était 
poil. t  asservie  a  l'ordr'^  chronologique; 
m.'jis  à  !''U\ir<r  des  nations  et  des  pays 
dont  parie  l'historien.  Il  raconte  sans 
interruption  ,  et  séparément,  tous  les 
événements  qui  ont  rapport,  soit  à  l'I- 
tahe ,  soit  à  l'Afrique,  ou  à  d'autres 
contrées.  L'ensemble  de  son  histoire 
générale  se  compose  ainsi  des  histoùes 
particulières  de  plusieurs  peuples  et 
de  plusieurs  provinces. Cette  méthode, 
qui  a  été  quelquefois  imitée  en  par- 
tie chez  les  modernes  ,  et  surtout 
par  Gibbon  ,  présente  quelques  avan- 
tages ;  mais  elle  a  le  grand  inconvé- 
nient de  détourner  l'attention  du  su- 
jet principal.  Il  est  difficile  de  suivre, 
dans  Appien,  les  progrès  de  la  gran- 
deur et  de  la  décadence  de  l'empire 
dont  il  a  fait  l'histoire.  Cependant , 
les  renseignements  qu'il  nous  donne , 
jettent  de  grandes  lumières  sur  l'his- 
toire de  sOn  temps,  et  sur  la  géogra- 
phie ancienne,  (/est  par  lui  que  nous 
savonsque  l'empire  romain  était  borne 
à  l'est  par  l'Euphratc,  le  mont  Caucase, 
la  grande  Arménie  et  la  Colchide,  et  au 
nord  par  le  Danube  ,  au-delà  duquel 
il  dit  que  les  Romains  possédaient  en- 
core la  Dacie ,  aussi  bien  que  plusieurs 
autres  pays  au-delà  du  Rhin.  Selon  le 
même  historien  ,  ils  étaient  maîtres 
de  la  moitié  de  la  Grande-Bi'etagne  ; 
mais  ils  négligeaient  le  reste.  Ils  pos- 
sédaient p'usieurs  autres  contrées  qui 
leur  coûtaient  plus  qu'ils  n'eu  reti- 
raient, et  ils  ne  les  conservaient  que 
comme  un  poste  militaire  d'oii  ils 
pouvaient  marcher  à  de  nouvelles  cou- 
quêtes.  Telles  étaient  les  provinces  de 
la  grande  Arménie.  Appien  nous  ap- 
prend encore  qu'il  vit  à  Rome  plusieurs 
ambassadeurs  de  peuples  barbares , 
qui  désiraient  se  soumettre  à  l'empire; 
mais  qui  furentrefusés  par  l'empereur, 
parce  qu'ils  étaient  pauvres.  Quelques 
érudits  ont  peusé  qu'il  fallait  lire  Ap- 


55o  A  P  P 

pien  avec  deïîauce  ;  inaJs  d'autres ,  et 
Photius  à  leur  tcte,  soutiennent  que 
cet  historien  est  plein  de  respect  pour 
]a  vérité ,  et  qu'il  montre  surtout  une 
grande  connaissance  des  affaires  mili- 
taires, a  Eu  lisant  l'histoire  d'Appicn, 
»  ajoute  Photius,  on  croit  assister  aux 
«  batailles  qu'il  décrit.  »  On  admire 
surtout  les  discours  qu'il  met  dans  la 
bouche  des  personnages  ,  qui ,  sans 
avoir  l'éloquence  de  ceux  de  Tite-Live, 
sont  remarquables  par  la  force  des  rai- 
sonnements. Quel  que  soit  le  juge- 
ment qu'on  peut  porter  sur  le  mérite 
d'Appien,  et  sur  l'ensemble  de  son 
ouvrage  ,  ou  doit  avouer  que  les  cinq 
livres  qui  nous  restent  des  guerres 
civiles ,  sont  un  des  morceaux  les  plus 
précieux  qui  nous  soieut  parvenus  de 
l'antiquité.  Si  ce  morceau  était  perdu , 
une  foule  de  détails  curieux  nous  se- 
raient restés  inconnus.  Appieu  des- 
cend ,  dans  cette  partie  de  son  ou- 
vrage ,  jusqu'aux  moindres  particula- 
rités; son  récit  est  simple  et  sans  or- 
nement; mais  il  porte  tellement  l'em- 
preinte de  la  vérité,  qu'on  croit  être 
témoin  des  événements  qu'il  raconte. 
Ses  chapitres  sur  les  proscriptions  de 
îilarius  et  de  Sylla  ,  sur  celles  de 
ti  iumvirs  ,  seront  toujours  une  lecture 
attachante  pour  ceux  qui  ont  eu  le 
malheur  d'étudier  le  cœur  humain  à 
l'école  des  révolutions.  Montesquieu  a 
beaucoup  profité  de  la  lecture  d'Ap- 
pien; à  l'aide  du  récit  de  l'hist(>rien , 
il  peint  à  grands  traits  la  corruption 
des  Romains;  mais  le  sim])le  et  véri- 
dique  Appicn  la  décrit  peut-être  d'une 
manière  plus  énergique  ;  car ,  après 
avoir  peint  tous  les  crimes  qu'enfantent 
l'ambitiou  et  l'avarice,  il  consacre  un 
chapitre  aux  vertus  qui  se  montraient 
au  milieu  du  désordre  général ,  et , 
dans  ce  chapitre  ,  il  ne  trouve  à  louer 
que  la  conduite  des  femmes  et  des 
e&clayes.  11  ne  nous  reste    que  des 


APP 

extraits  de  ses  cinq  premiers  livres, 
contenant  l'histoire  des  Romains  sous 
leurs  rois,  de  leurs  guerres  en  Italie  , 
di-  celles  des  Samnites,  de  celles  des 
Gaulois  (  dont  il  nous  reste  un  abré- 
gé très-succinct  ) ,  et  de  celles  de  la 
Sicile    et    des   îles.    Les  trois   livres 
suivants  ,   qui  contiennent  les  guer- 
res d'Espagne  ,  celle  d'Anuibal  et  les 
Puniques ,    nous   sont    restés  ;  nous 
avons  cependant    perdu  la  seconde 
partie  des  Puniques  ,   qui   contenait 
les  guerres  de  la  ^uraidie.  Il  nais 
resîe  des  extraits  du  IX*".  sur  les  guerres 
de  Macédoine.  Le  X*. ,  sur  les  guerres 
de  la  Grèce  et  de  l'Ionie,  est  entière- 
ment perdu.  11  ne  nous  reste  que  la 
première  pariic  du  XI*^.  livre  qui  con- 
tenait les  Syriaques  et  les  Parthiques. 
Ce  que  nous  en  avons  eu  effet  sous  lo 
nom  d'Appius,  sur  la  guerre  des  Par- 
ihes  ,   n'est  point  de  lui.  C'est  tout 
simplement  un  extrait  des  ^  ies   de 
Crassus  et  de  Marc  Antoine,  de  Plu- 
tarque.  Le  XIP'.  livre  sur  les  guerres 
de   Mithridate   est   entier.  I^es  livres 
Xlir .  et  XYIP.  contiennent  l'histoire 
des  guerres  civiles,  jusqu'à  la  mort  de 
Sextus  Pompée,  et  sont  entiers.  11  ne 
nous  reste  rien  des  cinq  suivants  qui 
contenaient  la  suite  des  guerres  civiles, 
et  l'histoire  de  l'empire  romain  sous 
les  empereurs,  pendant  cent  ans.  Le 
XXIIP.  sur  les  guerres  d'Illyrie,  nous 
reste.  Le  XXIV''.  sur  les  guerres  d'Ara- 
bie, est  entièrement  perdu.  La  première 
édition  grecque    d'Appicn,  a  ])aru  à 
Paris  chez  Charles   Etienne,   i53i  , 
iu-fol.  Il  y  manqueles  guerres  d'Anni- 
bal,  et  les  Puniques  qu'Henri  Etienne 
publia  pour  la  première  fois ,  en  1 557, 
in-8".,  et  les  guerres  d'Illyrie,  publiées 
par  D.  Hœschelius,  Augustae  Vindcli- 
corum,  i599,iu-4".  ("e  dernier  livre 
manque  aussi  dans  l'éd.  gr.  et  latine , 
donnée  par  H.  Etienne,  i  Hg.i,  in-fvd, , 
et  dans  cdlcqui  a  été  donuce  par  Alex» 


APP 

ToIUus ,  Amsterdam,  1670,  2  vol.  in- 
8'.  Les  extraits  qui  nous  restent  des 
livres  perdus ,  sont  tirés  des  Excerpta 
de  legationibus ,  publiés  par  Fulvius 
Ursinus ,  Antwerpias,  1D8.2,  in-4°., 
et  des  Excerpta  de  virtutihus  et  vitiis , 
publiés  par  Henri  de  Valois,  Paris, 
i654,iii-4°'Tousces  extraits  se  trou- 
vent réunis  dans  l'excellente  édition 
d'Appien ,  que  M.  Schweigbaeuser ,  a 
donnée  ,  à  Leipzig  1  -85  ,  5  vol.  in-B". 
grec  et  latin.  L'bistoire  d'Appien  a  été 
traduite  en  allemand ,  par  Seybold  , 
1 795  ;  en  français,  par  Claude  Seyssel, 
Lyou,in-fol.,  i544j  par  Odct- Desmar- 
res ,  in-fol.,  Paris,  1639,  in-lbl.  Les 
cmq  livres  des  guerres  civiles  ont  été 
traduits  séparément  par  M.  Combes- 
Dounous  ,  Paris,  1808,  5  vol.  in-S". 
M— D. 
APPIUS  CLÂUDIUS,  cbef  de  la 
famille  Claudia,  l'une  des  plus  illustres 
de  Home,  et  surtout  remarquajjle  par 
une  opposition  constante  aux  plébéiens. 
L'an  25o  de  Rome(5o4  avant  J.-C.  ), 
Appius  Claudius  vint  s'établir  à  Rome. 
Il  était  né  chez  les  Sabins,  de  parents 
distingues  ,  et  s'appelait  alors  Actius 
Clausus.  Il  s'était  opposé  aux  prépara- 
tifs de  guerre  que  ses  compatriotes 
faisaient  contre  les  Romains,  et,  n'ayant 
pu  les  déterminer  à  prendre  un  p  irti 
pacifique,  il  avait  renoncé  pour  tou- 
jours à  eux,  emmenant  avec  lui,  dans 
sa  patrie  adoplive ,  5ooo  familles 
qui  lui  étaient  attachées  par  les  liens 
du  sang  ou  par  ceux  de  la  dépen- 
dance. On  reçut  aA^ec  joie  cet  accrois- 
sement de  population,  Appius  fut  classé 
dans  l'ordre  des  patriciens,  et  admis  au 
nombre  des  sénateurs.  On  lui  donna 
vingt-cinq  acres  de  terre,  et  chacun 
de  ceux  qui  étaient  venus  avec  lui,  en 
eut  deux,  avec  tous  les  priviléc;es  des 
citoyens  romains.  Dans  la  neuvième 
année  de  son  séjour  à  Rome,  il  fut 
nomme  consul.  Le  scuat  voulait  l'op- 


APP  35i 

poser  au  peuple  qui  murmurait,  sur- 
tout à  cause  des  rigueurs  exercées 
contre  les  débiteurs.  L'inflexible  Ap- 
pius soutint  que  tout  adoucissement 
aux  volontés  de  la  loi  était  une  injus- 
tice envers  les  créanciers.  Lorsqu'il 
fallut  marcher  contre  les  Volsques, 
empressés  de  profiter  des  circonstan- 
ces, aucun  citoyen  ne  s'enrôla.  Servi- 
lius,  collègue  d' Appius,  ne  put,  mal- 
gré sa  popularité  ,  mener  contre 
l'ennemi  qu'un  petit  nombre  de 
soldats.  Ils  lui  suffirent,  cependant, 
pour  vaincre  ;  mais  ,  à  l'intérieur , 
Rome  n'en  fut  pas  plus  paisible.  La 
vue  d'un  vieillard  qui  s'était  trouvé  à 
vingt-huit  batailles,  et  qui,  chargé 
de  fers,  montra  au  peuple  ses  cica- 
trices et  les  marques  récentes  des  ver- 
ges dont  on  l'avait  frappé,  mit  les 
citoyens  en  fureur  ;  Appius  futcontraint 
de  se  réfugier  dans  sa  maison;  mais  il 
se  montra  de  nouveau  dans  le  sénat, 
et  soutint  que  toute  faiblesse  serait 
une  source  de  troubles.  Sur  ces  entre- 
faites, les  Yolsques  firent  une  nouvelle 
irruption,  plus  redoutable  que  la  pre- 
mière, et  Servilius  obtint,  enfin,  que 
le  peuple  combattrait  sous  ses  ordres. 
Il  remporta  une  victoire  complète,  et, 
pendant  ce  temps,  Appius,  reste'  à 
Rome,  fît  trancher  la  tête  à  5oo  otages 
donnés  par  les  Volsques.  Lorsque  son 
collègue  revint,  et  demanda  les  hon- 
neurs du  triomphe,  Appius  engagea  le 
sénat  à  le  lui  refuser,  sous  prétexte 
que  Servilius  s'était  montré  trop  com- 
plaisant et  trop  libéral  envers  les  sol- 
dats, ce  qui  fut  cause  que  Servilius 
donna  un  exemple  de  mépris  pour  les 
lois  et  le  premier  corps  de  l'état,  qui, 
dans  la  suite,  ne  fut  que  trop  suivi.  Il 
se  décerna  lui-même  les  honneurs  du 
triomphe,  et  marcha  au  Capitole,  aux 
acclamations  du  peuple  et  de  l'armée, 
Appius,  invariable  dans  sa  conduite ^ 
ne  vit  pas  plutôt  cette  guerre  terminée, 


'32  APP 

que,  malgré lo3  assurances  données  au 
peuple  par  Scrvilius ,  il  ordonna  qu'on 
livrât  de  nouveau  à  leurs  créanciers 
ceux  qui  avaient  été  mis  en  liberté 
pour  marcher  conti'e  l'ennemi.  Lors- 
que dans  la  suite,  le  peuple  se  retira 
sur  le  Mont-Sacré, il  fut  le  seul  sénateur 
qui  s'opposât  à  ce  qu'on  entrât  en  né- 
gociation avec  ceux  qu'il  appelait  des 
rebelles;  lors  du  procès  de  Coriolan ,  il 
fit  sentir ,  dans  un  discours  vélic'raent , 
que  le  procès  de  ce  patricien  était  une 
insulte  au  sénat.  Un  homme  tel  qu'Ap- 
pius  ne  pouvait  pas  adopter  le  projet  de 
la  loi  agraire.  Aussi ,  lorsque  Sp.  Cas- 
sins  (  P'oy.  Cassius),  fit  cette  proposi- 
tion ,  qui  devint  pour  Rome  la  source 
de  tant  de  discordes,  Appius  déclara 
qu'il  fallait,  à  la  vérité,  s'approprier  une 
partie  des  terres  conquises,  mais  les 
Tendre,  et  en  déposer  le  produit  dans  le 
trésor  public.  Le  sénat  se  servit  ensuite 
du  nom  d' Appius,  comme  d'un  épou- 
vantail.  Trompé  plusieurs  fois  dans 
son  attente,  le  peuple  refusait  de  s'en- 
rôler pour  combattre  les  Veiens;  mais, 
lorsque  les  patriciens  eurent  répanda 
le  bruit  qu' Appius  allait  être  nommé 
dictateur ,  la  seule  crainte  de  voir  un 
homme  si  sévère  investi  du  pouvoir 
suprême .  fit  prendre  les  armes  à  la 
inidtitude.  Appius  donna  ensuite  au 
îiénat  un  conseil  très-utile .  et  qui  fut 
souvent  suivi  dans  la  suite.  Ce  fut 
celui  de  s'assurer  toujours  de  quelques 
tribuns  du  peuple,  afin  qu'ils  s'oppo- 
sassent à  ce  que  leurs  collègues  pro- 
poseraient de  désagréable  aux  patri- 
ciens. Depuis  cette  époque,  l'histoire 
ne  parle  plus  d' Appius  ,  qui  sembla 
léguer  à  ses  descendants  sa  fierté  et 
sa  haine  contre  le  peuple.       D — t. 

APPIUS  CLAUDIUS ,  fils  du  pré- 
cédent ,  se  montra ,  s'il  se  peut,  encore 
plus  inflexible  et  plus  ennemi  des 
plébéiens ,  que  son  père.  L'an  285  de 
Rome  (4;!  ^'^'  J'-C-)>  ^ts  patriciens 


ATP 

le  firent  nommer  consul ,  quoiqu'il  ne 
se  fût  pas  trouvé  aux  comices.  Le  tri- 
bun du  peuple  Voléron  avait  proposé 
une  loi ,  portant  qu'à  l'avenir  les  tri- 
buns seraient  élus  par  ti'ibus,  et  non 
par  curies.  Appius  s'y  opposa  forte- 
ment ,  et  mit  en  usage  un  moyeu  au- 
quel le  sénat  avait  eu  souvent  recours, 
celui  d'occuper  par  une  guerre  étran- 
gère l'inquiète  activité  de  la  multitude. 
Après  de  violents  débats,  la  loi  de  Vo- 
léron fut  adoptée,  et  les  deux  consuls 
entrèrent  en  campagne.  Capitolinus  , 
aimé  de  ses  soldaL<;,  remporta  plusieurs 
avantages  sur  les  Eques  (  fo}-.  Capi- 
tolinus). Les  troupes  d'Appius ,  au 
contraire ,  qui  l'appelaiant  le  tyran  de 
l'armée ,  conspirèrent,  non  contre  sa 
personne ,  mais  contre  sa  gloire ,  et  se 
laissèrent  battre  par  les  Yolsques. 
Appius ,  irrité ,  cita  toute  l'armée  à  son 
tribunal.  Les  magistrats  du  peuple  ob- 
tinrent de  lui  qu'il  ne  donnât  aucune 
suite  à  cet  étrange  emploi  de  son  au- 
torité; mais  il  trouva  bientôt  une  autre 
occasion  d'exercer  sa  vengeance.  Son 
arrière-garde  avant  été  mise  en  fuite  , 
il  fit  décimer  les  soldats  ,  trancher  la 
tête  aux  chefs  qui  avaient  quitté  leurs 
rangs ,  et  battre  de  verges  jusqu'à  la 
mort ,  ceux  qui  avaient  perdu  leurs  en- 
seignes ;  il  s'opposa  l'année  suivante, 
avec  tant  de  chaleur,  au  partage  des 
terres  conquises,  qu'il  détermina  le  sé- 
nat à  rejeter  cette  proposition.  Les 
tribuns  voulant  se  délivrer  d'un  si  re- 
doutable adversaire ,  l'accusèrent  de- 
vant la  peuple  d'être  ennemi  de  la  li- 
berté publique  ;  Appius  se  présenta  fiè- 
rement à  l'assemblée;  et ,  loin  de  s'a- 
baisser aux  excuses  et  aux  prières,  il 
se  défendit  «vec  tant  d'énergie ,  que  le 
peuple  n'osa  pas  le  condamner.  Les 
tribuns ,  frappés  de  stuf/eur ,  prirent 
le  parti  de  remettre  le  jugement  à  un 
autre  jour  ;  mais  Appius  ne  vécut  pas 
jusqu'à  celle  époque.  Selon  quelques 


APP 

auteurs,  il  mourut  de  maladie;  selon 
d'autres  ,  dont  l'opinion  paraît  vrai- 
semblable, il  prévit  qu'il  serait  con- 
damné, et  se  donna  la  mort.  Les  p!e- 
be'iens  qui  l'avaient  tant  haï  pendant 
sa  vie ,  n'insultèrent  point  à  sa  mé- 
moire .  et  ce  fut  en  vain  que  leurs  tri- 
buns tentèrent  de  lui  faire  refuser  les 
honneui's  funèbres.  Les  consuls  per- 
mirent à  son  fils  de  prononcer  sou 
cloge  public,  et  le  peuple  l' écouta  avec 
recueillement,  D — t. 

APPIUS  Claudius  Crassi^us  ,  le 
décemvir,  fut  nommé  consul  l'an  3o3 
de  Rome  (  45 1  ans  av.  J,-C,  ),  et 
peu  de  temps  après ,  au  grand  éton- 
nement  du  sénat,  il  appuya  la  propo- 
sition de  la  loi  Terentia ,  qui  devait 
changer  la  forme  du  gouvernement, 
bien  persuadé  qu'il  aurait  plus  de  pou- 
voir sous  un  nouveau  titre.  Il  fut  ef- 
fectivement nommé  décemvir,  et  eut 
pour  collègues  Génucius,  le  second 
consul ,  les  trois  sénateurs  qui  avaient 
e'îé  envoyés  en  Grèce  pour  transcrire 
les  lois  de  Solon,  et  d'autres  person- 
Bages  consulaires.  Les  commencements 
de  cette  magistrature  extraordinaire 
furent  assez  doux.  Appius  se  montra 
même  plus  populaire  qu'aucun  de  ses 
collègues.  Quand  les  dix.  tables  de  lois 
furent  dressées,  et  quand  les  pouvoirs 
des  décemvirs  furent  expirés,  ils  firent 
procéder  à  de  nouvelles  nominations, 
sous  prétexte  de  dresser  encore  deux 
tables ,  et  Appius  mit  tout  en  usage 
pom-  être  réélu.  Malgré  l'orgueil  natu- 
rel à  la  famille  Claudia ,  il  eut  recours 
aux  bassesses  auprès  de  la  multitude. 
Les  patriciens  le  choisirent  pour  pré- 
sider l'assemblée,  dans  l'espoir  qu'il 
aurait  assez  de  pudeur  pour  ne  pas  se 
proposer  lui-même;  mais  il  trompa 
leurs  conjectures  ,  fut  réélu ,  et  fit 
choisir  ses  amis  pour  remplir  les  neuf 
autres  places  ,à  l'exclusion  de  plusieurs 
candidats  dislingués^  cî  eulr'rfutres  de 


APP  ^53 

G.  Claudius  son  oncle.  On  nomma  d'a- 
bord six  autres  pati'iciens,  à  qui  leur 
attachement  aux  intérêts  d'Appius  tint 
lieu  de  mérite.  Enfin ,  pour  port»  r  au 
comble  le  fol  enthousiasme  du  peuple, 
Appius  proposa,  et  fit  encore  éhre 
trois  plébéiens.  Alors,  il  jeta  le  mas- 
que ,  et  ne  songea  plus  qu'à  perpétuer 
son  autorité.  Ses  collègues  entrèrent 
facilement  dans  ses  projets.  Chacun 
d'eux  se  fît  précéder  de  douze  licteurs, 
et  accompagner  d'une  foule  de  jeunes 
patriciens  qui  recevaient  d'eux ,  com- 
me un  don,  l«s  biens  des  condam- 
nés ,  et  qui  préféraient ,  dit  Tite-Live , 
la  licence  pour  eux-mêmes  à  la  liberté 
publique.  Un  grand  nombre  de  patri- 
ciens ,  obligés  de  fuir  des  tyrans  dont 
les  jugements  étaient  sans  appel,  s« 
retirèrent  à  la  campagne  et  dans  des  vil- 
les voisines.  Les  décemvirs  publièrent, 
aux  ides  de  mars,  les  deux  tables  de 
lois  qui  devaient  compléter  le  nomljre 
de  douze  ,  et  le  peuple  fut  content  de 
ces  lois  si  chèrement  achetées,  à  l'ex- 
ception de  la  dernière ,  qui  défendait 
aux  patriciens  de  s'allier,  par  des  ma- 
riages, aux  familles  plébéiennes.  Les 
décemvirs  attachaient  une  grande  im- 
portance à  ce  qu'il  n'existât  pas  de 
rapprochement  entre  les  deux  ordres. 
L'instant  où  leur  puissance  devait 
cesser  étant  arrivé ,  ils  la  prorogèrent 
de  leur  propre  autorité.  Montesquieu 
â  caractérisé  en  peu  de  mots  cette  épo- 
que funeste.  «  Ou  nt  manifestement, 
»  dit-il,  pendant  le  peu  de  temps  que 
»  dura  la  tyrannie  des  décemvirs,  à 
»  quel  point  l'agrandissement  de  Rome 
»  dépendait  de  sa  hberté;  l'état  sembla 
»  avoir  perdu  l'arae  qui  le  faisait  mou- 
«  voir.»  En  effet,  les  Sabins  et  les 
Eques  profitèrent  des  circonstances 
pour  ravager  le  territoii'e  romain.  Les 
décemvirs  alarmés  convoquèrent  le 
sénat ,  et  le  peuple  fit  cette  réflexion 
douloureuse,  quq  c'était  à  ses  enacaiis 


S54  APP 

qu'il  était  redevable  de  celte  omtre 
de  liberté.  Apres  de  longs  débats ,  on 
parvint  à  lever  des  troupes ,  qui  se  mi- 
rent en  marche  sous  le  commandement 
de  huit  des  dëcemvirs.  Appius  et  Oppius 
restèrent  à  Rome  avec  deux  légions. 
Les  Romains  se  laissèrent  vaincre,  ne 
voulant  pas  procurer  de  la  gloire  à  des 
chefs  qu'ils  haïssaient.  Appius  mandait 
.sans  cesse  à  ses  collègues  d'employer 
les  moyens  rigoureux ,  et  il  n'était  que 
trop  écoute.  Plusieurs  soldats  périrent 
par  trahison,  et  entr 'autres  le  fameux 
iSicinius  Dentatus  (^.  Sicinius)  dont 
tout  le  crime  étaitde  s'être  expriméavec 
trop  de  franchise  sur  les  malheurs  de 
son  pays.  ]\Iais  l'abus  du  pouvoir  en 
amena  enfin  le  terme.  Appius  aperçut 
un  jour,  dans  la  place,  la  jeune  V^irgi- 
nie ,  fille  de  Virginius ,  de  la  classe  des 
plébéiens,  mais  très-considérc  dans 
l'armée.  Virginie,  douée  d'une  rare 
beauté,  était  promise  à  Icilius,  qui 
avait  été  tribun  du  peuple,  et  devait 
l'épouser  à  la  fin  de  la  campagne.  Ap- 
pius conçut  pour  elle  une  passion  vio- 
lente; mais  il  était  marié  :  le  divorce, 
quoique  autorisé,  était  jusqu'alors  sans 
exemple;  et  la  propre  loi  d'Apicius,  qui 
interdisait  toule  union  conjugale  entre 
les  patriciens  et  les  plébéiens,  nelui  per- 
mett.iitd'cmplover  que  la  séduction  ou 
la  violence.  Le  premier  parti  ne  lui  réus- 
sit pas  :  il  eut  recours  au  second.  Par 
son  ordre,  un  de  ses  clients ,  appelé  M. 
(^laudius,  entra  un  jour,  à  la  tête  d'une 
troupe  de  misérables,  dans  l'école  pu- 
blique oîi  était  Virginie,  et,  la  récla- 
mant comme  fille  d'une  de  ses  escla- 
ves ,  il  la  saisit  et  voulut  l'entraîner.  Le 
peuple  l'obligea  à  la  remettre  en  li- 
berté; mais  Claudius  la  cita  aussitôt 
au  tribunal  d'Appius,  qui  décida  que 
provisoirement  la  prétendue  esclave 
suivrait  sou  maître.  Le  peuplederaanda 
à  grands  Cl  is  que  les  parents  de  Vir- 
ginie fussent  entendus.  Numitorius, 


APP 

son  oncle,  parut,  ainsi qu'Icilius ,  son 
fiancé;  ils  dévoilèrent  les  desseins  cri- 
minels d'Appius.  Un  tumulte  horrible 
s'ensuivit,  et  le  décemvir  fut  oblige 
de  laisser  Virginie  aux  mains  de  sa 
famille;  mais  il  annonça  qu'il  pronon- 
cerait le  lendemain  son  jugement.  Vir- 
ginius ,  mandé  pai-  son  frère  et  par 
Icilius ,  pai-ut  sur  la  place  en  habits  de 
deuil,  ainsi  que  sa  LLIle.  Il  donna  des 
preuves  cerfcùnes  des  liens  sacrés  qui 
les  unissaient;  mais  Appius  ,  plein  de 
confiance  dans  le  nombre  de  ses  sa- 
tellites, ordonna  à  Claudius  de  s'em- 
parer de  son  esclave.  Alors  Virginius 
demanda  au  décemvir  la  permission 
d'interroger  de  nouveau  la  nourrice 
de  Virginie,  en  présence  de  Virginie 
elle-même,  afin,  disait-il,  d'avoir  au 
moins  la  consolation  d'être  détrompé. 
Appius  y  consentit.  Aussitôt  ce  père 
infortuné  embrassa  tendrement  sa 
fille ,  et,  la  conduisant  peu  à  peu  vers 
une  boutique  de  boucher ,  il  v  saisit 
un  couteau  ;  puis  ,  se  tournant  vers 
elle  :  «  IMachère  fille,  dit-il,  voici  i'u- 
«  nique  moyen  de  conserver  ton  hon- 
))  neiir  et  ta  liberté;  va,  Virginie,  va 
))  rejoindre  ta  mère  et  tes  aïeux,  libre 
»  et  pure.  »  A  ces  mots ,  il  lui  enfonça 
le  couteau  dans  le  sein  ;  et ,  le  montrant 
tout  ensanglanté  à  Appius  :  «C'est  par 
»  ce  sang  innocent ,  lui  cria-t-il,  que 
»  je  dévoue  ta  tête  aux  dieux  infer- 
»  nauxl  »  Appius  commanda  qu'il  fût 
arrêté  ;  mais  V  irgijiius  s'enfuit  et  arriva 
au  camp.  Valérius  et  Horatius,  séna- 
teurs et  ennemis  du  déccmvirat,  ap- 
pelèrent à  la  vengeance  le  peuple  dont 
le  spectacle  du  cadavre  de  Virginie 
excitait  déjà  la  fureur.  Appius  demanda 
en  vain  que  l'on  condamnât  ses  deux 
adversaires  à  être  précipités  du  haut 
delà  roche  ïarpeïenne.  Alors ,  il  prit  le 
parti  de  convoquer  le  sénat;  et  le  peu- 
ple s'apaisa  ,  dans  la  confiance  que 
le  décemyiiat  allait  être  aboli ,  mais  le 


APP 

•petit  nombre  des  se'nateurs  qui  étaient 
alors  à  Rome ,  favorisaient  par  crainte 
on  par  intérêt  le  despotisme  d'Appius. 
Ils  se  contentèrent  d'exhorter  le  peu- 
ple à  la  patience.  Cependant  Virgi- 
tiius  ,  de  retour  à  l'armée ,  y  raconta 
ses  malheurs,  et  l'affreux  parti  qu'il 
s'était  vu  forcé  de  prendre  pour  sous- 
traire sa  fille  à  l'infamie.  Les  soldats 
émus,  irrités ,  revinrent  à  Rome,  mal- 
gré les  décemvirs ,  traversèrent  la  ville , 
et  allèrent  se  poster  sur  le  mont  Aven- 
tin.  L'autre  armée,  opposée  aux  Sa- 
bins ,  suivit  cet  exemple.  Le  sénat  alors 
résolut  de  faire  renaître  la  puissance 
consulaire  et  tribunitienne.  Les  décem- 
virs sentirentqueles  derniers  moments 
de  leur  puissance  étaient  venus;  ils 
voulurent  se  faire  honneur  d'une  mo- 
dération tardive  ,  et  offrirent  de  rési- 
gner leur  pouvoir.  Valérius  et  Hora- 
tius  consentirent  à  aller  vers  le  peuple, 
dont  Icilius  leur  porta  les  proposi- 
tions. Le  rétablissement  du  tribunal 
et  du  consulat  n'éprouva  aucune  diffi- 
culté ;  mais  les  plébéiens  demandaient 
de  plus  qu'on  leur  livrât  les  décem- 
virs pour  être  brûlés  vifs  ;  et  le  sénat 
ne  voulut  pas  y  consentir.  De  tous  les 
décemvirs,  Appius  fut  le  seulqui,  ne 
démentant  point  son  caractère,  s'op- 
posa au  rétabhssement  des  tribuns  ; 
mais  il  déclara  en  même  temps  qu'il 
ne  refusait  pas  d'être  la  victime  offerte 
aux  fureurs  populaires.  On  procéda  à 
l'élection  des  tribuns  et  des  consuls, 
Virginius ,  Icilius  et  Numitorius  fu- 
rent nommés  les  premiers  parmi  les 
magistrats  du  peuple.  Valérius  et  Ho- 
ralius  obtinrent  les  faisceaux  consu- 
laires. Ce  grand  événement  eut  lieu 
l'an  de  Rome  5o5  (449ansav.  J.-C.  ). 
Accusé  pai- Virginius ,  Àppius  fut  traîné 
en  prison ,  malgré  les  prières  de  sou 
oncle  qui ,  après  s'être  retiré  à  Régille, 
pour  fuir  sa  tyrannie,  revintalors  faire 
>talQir,  auprès  des  citoyens  j,  tous  les 


APP  555 

droits  de  la  famille  Claudia  ,  honorée 
par  tant  de  magistratures  ;  mais  Virgi- 
nius et  la  mémoire,  de  sa  fille  parlèrent 
plus  fortement  qne  lui.  Appius  mourut 
en  prison,  avant  le  jour  où  il  devait 
paraître  en  jugement.  Tite-Live  assure 
qu'il  se  tua  lui-même.  Deuvs  d'Halicar- 
uasse  prétend  que  les  tribuns  le  firent 
étrangler.  Oppius  fut  accusé  par  un 
vétéran  de  l'avoir  fait  battre  de  verges, 
et  éprouva  le  même  sort  qu' Appius, 
Les  huit  autres  décemvirs,  effrayés, 
s'exilèrent  volontairement.  On  vendit 
leurs  biens ,  et  le  prix  en  fut  versé 
dans  le  trésor  public.  D — t. 

APPIUS  Claudius  ,  de  la  même 
famille  que  les  précédents  ,  fut  élu 
censeur,  fan  de  Rome  ^f^i,  et  com- 
mença ses  fonctions  par  humiher  le 
sénat.  On  n'y  avait  reçu  jusqu'alors 
que  des  patriciens,  ou  les  plébéiens  les 
plus  recommand.ibles  ;  Appius  y  in- 
troduisit des  fils  d'affranchis, et  donna 
à  quelques-uns  d'entre  eux  la  prêtrise 
du  temple  d'Hercule  ,  fonction  qui 
avait  été  jusque-là  exercée  par  la  fa- 
mille Potitia.  Mais  ce  qui  rendit  sa  cen- 
sure plus  célèbre,  fut  la  construction 
d'un  aqueduc  pour  conduire  de  l'eau 
dans  Rome,  et  la  prolongation  jusqu'au- 
delà  de  Capoue,  pendant  environ  1 4^ 
milles ,  du  grand  chemin  auquel  la  re- 
connaissance publique  donna  le  nom 
de  Voie  Appienne.  Ce  chemin  dura  y 
dans  sou  intégrité,  près  de  goo  ans, 
et  ce  qui  en  subsiste  aujourd'hui,  ex- 
cite encore  l'admiration.  Sûr  d'avoir 
captivé,  par  ces  travaux  utiles ,  l'affec- 
tion du  peuple,  Appius  refusa  d'abdi- 
quer la  censure  au  bout  de  i8  mois, 
quoiqu'elle  eût  été  limitée  à  ce  terme 
par  un  décret.  Il  fut  cité  en  jugement,  et 
sept  tribuns  voulaient  qu'on  le  condui- 
sît en  prison  ,  mais  les  trois  autres  se 
déclarèrent  pour  lui ,  et  l'obstinatioa 
d'Appius  l'emporta  sur  une  loi  positive. 
11  resta  cejisew  et,  n'eut  point  de  collé- 


556 


APP 


giie.  A  peine  etait-ii  sorti  de  fonctions, 
qu'il  se  mit  sur  les  rang;s  pour  le  consu- 
lat. Ouoique  Appius  ne  fôt  pas  recom- 
mandable  par  des  talents  militaires,  et 
que  la  république  eût  alors  besoin  de 
coHSprver  à  la  îèle  de  ses  armées  les 
grands  généraux  qu'olle  possédait ,  il 
fut  élu  avec  L,  Yoluranius  Flamma  , 
l'an  de  Rome  44"  •  t'était  encore  le 
peuple  qui  le  favorisait.  Le  ïéuat ,  forcé 
de  céder,  voulut  du  moins  qucFabri- 
cius  ,  qui  s'était  illustré  l'année  précé- 
dente a  la  tète  d'uiie  ai-mée ,  en  conser- 
vât le  commandement ,  arec  le  titre 
de  proconsul.  A))piusn'avanlrcti!éde 
son  couMilat  d'.mtre  Lonuem'  que  ce- 
lui d'occuper  quelque  temps  la  ];re- 
mi^re  i  lace  de  la  rcpuLlique,  se  fît 
nommer  préteur,  et  ce  choix  fut  ^é- 
néraif  ment  approuve,  parce  qu  Appius 
était  orateur  et  liabile  jurisconsulte. 
L'an  0^98  av.  J.-C. ,  Ap])ius  ,  à  qui 
l'extrême  iiarlialité  du  peuple  envers 
lui  n'.tvaiî  [las  fait  oublier  les  principes 
inflexibles  delà  famille  Claudia,  tenta 
d'empêcher  qu'aucun  plcLéien  ne  par- 
vînt au  consulat  ;  mais  il  ne  put  y 
réussir.  Deux  aus  plus  tard,  il  repro- 
duisit son  projet,  commença  par  se 
faire  nommer  consul,  et  demanda  pour 
coi!é£;ue  Fabius,  qui,  en  sa  qualité 
de  consul  sortant  de  charge,  jnésidait 
l'assemblée;  mais  cet  hounne  illustre 
refusa  de  donnor  un  exemple  aussi 
dangereux.  Il  résista  aux  piières  des 
patriciens,  et  le  plébéien  L.  Yolu- 
n)inus  devint,  pour  la  seconde  fois, 
collègue  d'Appius.  Le  sénat  ayant  ton- 
jours  très-peu  de  confiance  dans  les 
talents  militaires  d'Appius,  prorogea, 
pour  six  mois ,  le  commandement  des 
consuls  précédents  ,  et  les  chargea  de 
continuer  la  guerre  dans  le  Samninm. 
Les  Samnitesbattusserérugicrcnt  dans 
le  nay^dcs  Etrusques.  Ces  peuples  se 
réunirent  pour  résister  aux  Komains, 
et  appelacut  même  uu  corps  de  Gau- 


APP 

lois.  Appius  marcha  contre  eux  avec 
deux  légions  et  2,000  auxiliaires  ; 
mais  son  incapacité  fut  bientôt  démou- 
trée,tant  aux  ennemis  qu'à  ses  soldats 
qu'elle  jeta  dans  le  découragement. 
Ou  assure  qu'alors  il  manda  secrète- 
ment à  son  collègue  de  venir  à  son 
secours.  Volumnius  accourut,  et  l'ar- 
mée d'Appius  l'accueillit  avec  enthou- 
siasme ;  mais  le  fier  patricien  alFecta 
un  air  de  hauteur,  et  lui  exprima  son 
étonnement  de  ce  que,  abandonnant 
le  soin  de  sa  province,  il  venait  oflrir 
son  aide  à  qui  ne  la  réclamait  pas.  Une 
dispute,  aussi  violente  que  scandaleuse, 
s'ensuivit  entre  les  deux  consuls,  en 
présence  des  armées  ;  et  Volumnius , 
après  avoir  fait  sentir  à  Appius  que 
l'éloquence  dont  il  se  piquait  n'était 
pas  alors  aussi  nécessaire  à  l'état  que 
le  talent  de  se  battre ,  lui  laissa  le 
choix  du  Samuium  et  de  l'Etrurie  ; 
mais  les  soldats  demandèrent  à  grands 
cris  que  les  deux  consuls  fissent  en- 
semble la  guerre  dans  ce  dernier  pays, 
et  Volumnius  céda  à  leurs  instances. 
Dans  la  bataille  qui  eut  lieu  aussitôt, 
Appius ,  opposé  aux  Samnites ,  trompa 
toutes  les  conjectures,  et  montra  tant 
de  valeur  et  d'habileté,  qu'il  parut  au 
moins  l'égal  de  Volumnius.  La  victoire 
fut  complète  ,  et  produisit  entre  les 
deux  collègues  une  sincère  réconcilia- 
tion. L'année  suivante,  ils  joignirent 
de  nouveau  leurs  armes ,  et  domp- 
tèrent encore  les  Samnites.  Depuis 
cette  époque ,  il  ne  paraît  pas  qu'Ap- 
pius  ait  été  revêtu  d'aucune  dignité 
publique.  Dans  un  âge  avancé .  il  per- 
dit la  vue,  ce  qui  lui  fit  donner  le  sur- 
nom de  Citais  ;  et  le  peuple  supers- 
titieux ne  manqua  pas  de  croire  que 
les  Dieux  lui  faisaient  éprouver  ce  mal  - 
heur ,  pour  punir  le  sacrilège  qu'il 
avait  Commis,  pendant  sa  censure  ,  à 
l'égard  du  temple  d'Hercufc.  Pyrrhus, 
roi  d'Epire ,  ayant  envoyé  h  Rome 


APP 

l' cloquent  et  sageCyneas,  AppiusCIaii- 
dius,  retire  depuis  loDg-teirps  au  sein 
de  sa  famille ,  se  fit  poiter  au  sénat, 
et  fit  décréter  que  la  république  n'en- 
tamerait aucuue  négociation  avec  le 
roi  d'Epire ,  avant  qu'il  fût  sorti  de 
l'Italie.  On  ne  sait  dans  quelle  an- 
née mourut  ce  Romain,  que  Cicéron 
a  placé  au  nombre  des  anciens  ora- 
teurs. Il  lui  accorde  de  l'éloquence  et 
de  la  chaleur;  et  dans  son  Traité  de 
la  vieillesse,  il  trace  de  lui  cet  éloge, 
qu'il  met  daus  la  bouche  de  Caton  : 
«  Appius,  vieux  et  aveugle,  gouver- 
»  naît  une  maison,  composée  de  quatre 
»  fils,  hommes  faits,  de  cinq  filles, 
»  et  d'un  grand  nombre  de  domes- 
»  tiques.  Doué  d'un  esprit  dont  la 
»  vigueur  n'avait  été  nullement  affai- 
»  blie ,  il  avait  conservé  non  seulement 
»  l'autorité,  mais  un  pouvoir  suprême 
»  sur  toute  sa  famille.  Ses  esclaves  le 
»  redoutaient,  ses  enfants  avaient  de 
»  la  vénération  pour  lui  ,  et  tous  le 
»  chérissaient  ;  enfin  ,  sa  maison  était 
»  le  vrai  modèle  des  mœurs  austères 
»  de  nos  aïeux.  »  D — t. 

APPONCOURT,  r.  Grafigny. 
APRAXIlN  (  N.  Comte  ) ,  feld-maré- 
chial  des  armées  russes  ,  sous  le  règne 
de  l'impératrice  Elisabeth.  Il  fit  ses 
premières  campagnes  contre  les  Turks, 
sous  les  ordres  du  célèbre  IMunich  ,  et 
parnnt  aux  premiers  grades  militaires, 
sans  avoir  illustré  son  nom  par  d'écla- 
tants services  ;  mais,  dans  la  guerre  de 
1756,  qui  réunit  la  France,  l'Autri- 
che, l'Krapire  germanique  et  la  Rus- 
sie, contre  Frédéric-le-Grand,  lefcld- 
inaréchal  Apraxin  ,  à  la  tête  de  40,000 
Russes,  entra  dans  le  rovaume  de 
Prusse ,  s'empara  de  la  ville  de  Mé- 
mel,  et  s'avançi  jusqu'auprès  de  Jœ- 
gcrsdorff,  où  il  fut  attaque  par  le  gé- 
néral Lcwald,  l'un  des  plus  illustres 
lieutenants  de  Frédéiic.  Après  une 
action  opiniâtre  et  sanglante,  les  Rus- 
II. 


APR  337 

ses   restèrent  maîtres  du  champ   de 
bataille  et  d'u:ie  partie  de  l'artillerie 
prussienne.  Cette  victoire  porta  l'a- 
larme  jusqu'aux  portes    de   Berhn , 
et  le  fcld-maréchal  Apraxin,  s'il  eût 
profité  de  tous  ses  avantages,  pouvait  ai- 
sément marcher  sur  cette  capitale  sans 
défense.  Elle  fut  sauvée ,  cette  fois,  par 
la  fortune  de  Frédéric  :  les  Russes,  au 
grand  étonnemcnt  de  leurs  alliés  et  de 
leurs  ennemis ,  se    replièrent   tout  à 
coup  vers  les  frontières  de  la  Cour- 
laude,  et  prirent  leurs  quarfiers  d'hi- 
ver. Lne  intrigue  de  cour  avait  dirigé 
ce  mouvement  rétrograde,  qui  étonna 
l'Europe,  [.'inipéralrice  Elisabeth  pa- 
raissait alors  attaquée  d'une  maladie 
dangereuse.  Son  neveu,  qui  lui  succéda 
deux  ans  après,  sous  le  nom  de  Pierre 
III ^  était  admirateur  passionne  du  roi 
de  Prusse ,  et  personne  n'ignore  com- 
bien cet  enthousiasme  imprudent  blessa 
la  vanité  de  sa  nation ,  lors  de  son  avè- 
nement au  trône.  Le  chancelier  Bestu- 
cheff ,  qui  le  crut  tout  près  d'y  monter, 
n'hésita  point  à  sacrifier  ses  sentiments 
particuliers  et  la  fidélité  qu'il  devait  à 
sa  souvei'aine,  à  la  chimérique  espé- 
rance de  conserver  sa  place  et  son 
crédit.  11  détendit  donc  au  maréchal 
Apraxin  de  profiter  de  sa  victoire,  et, 
peu  de  temps  après,  lui  donna  l'ordre 
de  ramener  ses  troupes  en  Courlande. 
Une  nouvelle  intrigue  changea  bientôt 
la  face  des  affaires,  à  la  cour  de  Pet*  rs- 
bourg  :  Bestucheff,  privé  de  fous  ses 
emplois ,    déclaré  coupable  de  lèze- 
majesté,  condamné  à  perdre  la  tète  sur 
un  échafaud  ,  fut  exilé  daus  un  village  , 
par  la  clémence  d'Elisabeth.  \.q  maré- 
chal Apraxin  ,  arrêté  à  la  tête  de  son 
année  victorieuse,  fut  envoyé  prison- 
nier à  Narva ,  et  soumis  à  un  conseil 
de  guerre ,  qui  n'osa  le  condamner  ni 
l'absoudre;  et,  dès  ce  moment,  il  cessa 
de   jouer    un    rôle  dans    les   événe- 
ments hisloriqucs  dont  la  Russie  fut 


553  A  P  R 

le  théâtre.  Ou  ignore  l'epoqne  de  sa 

mort.  E — D. 

APRÈS  DE  MANNE VILLETTE 
(  Jean-Baptiste-Nicolas-Dems  d'  ), 
naquit  au  Havre. le  i  i  tèv.  i-jo-.Soa 
Bom  n'est  peut-être  pas  aussi  générale- 
ment connu  qu'il  devrait  l'être  ;  mais  il 
est  très-répandu  parmi  les  na\ngatears, 
qui  le  regardent  comme  le  premier 
hydrographe.  Son  père,  Jean-Baptiste- 
Claude  d'Après  de  Blangy .  capitaine 
des  vaisseaux  de  la  compagnie  des 
Indes  ,  lui  donna  une  éducation  très- 
soignée  ,  et  prit  soin  de  la  surveiller 
lui-même.  11  l'amena  avec  lui  dans 
l'Inde  à  l'âge  de  douze  ans  ,  sur 
un  vaisseau  qu'il  commandait  ;  à  sou 
retour ,  il  l'envova  à  Paris ,  afin  qu'il 
s'y  perfectionnât  dans  la  géométrie  et 
l'astronomie,  dont  il  lui  avait  ensei- 
gné les  premiers  éléments.  Ce  ne  fut 
qu'en  i']i6  que  d'Après  de  Manne- 
villette  fit  sa  première  campagne  en 
qualité  d'officier,  sur  un  vaisseau  de 
la  compagnie  des  Indes;  et  c'est  alors 
qu'il  manifesta  les  talents  qui,  depuis, 
l'ont  placé  au  nombre  des  navigateurs 
les  plus  distingués  et  des  plus  liabiles 
hydrogra])hes.  Le  vaisseau  le  Maré- 
chal d'Eslrées ,  sur  lequel  il  était  em- 
barqué ,  échoua  sur  les  écueils  du 
Pv'ord  de  St.-Domingue,  et,  si  l'on 
avait  suivi  la  route  que  d'Après,  alors 
âgé  de  19  ans ,  avait  conseillé  de  te- 
nir ,  on  eût  évité  sa  perte.  11  avait  éga- 
lement fait  preuve  daus  cette  même 
campagne  d'un  esprit  miir  et  fertile  en 
expédients  ;  mais  cette  lois  on  avait 
déféré  à  son  avis,  et  on  lui  dut  le  salut 
du  Maréchal  d'Eslrées.  qui,  pendant 
le  terrible  ouragan  du  20  septembre 
i-j^T,  avait  perdu,  près  de  la  Mar- 
tinique, tous  ses  mâts  ,  et  était  sur  le 
point  de  couler  bas  ,  par  une  voie 
d'eau.  D'Après  est  un  des  premiers 
Français  qui  aient  fait  usage  des  ins- 
truments û'asti  ououiie  à  rcHexiou  ou 


APR 

à  miroirs,  inventés  par  Hadîev  ;  iî 
rectifia,  en  allant  en  Chine,  avec  un 
octant,  1,1  latitude  de  plusieurs  points 
qui  avait  été  déterminée  avec  des  ins- 
truments bien  inférieurs  à  celui-ci. 
Frappé  de  ce  nouveau  moyen  de  per- 
fectionner l'hydrographie,  il  se  sentit 
animé  d'un  nouveau  zèle,  et  forma  le 
projet  de  corriger  toutes  les  cartes  de 
l'Inde  ou  d'en  faire  de  nouvelles.  Du 
moins ,  ce  fut  pendant  la  campagne  où 
il  fit ,  pour  la  première  fois ,  usage  de 
cet  instrument,  que,  n'étant  encore  que 
simple  officier,  il  commença  à  recueil- 
lir les  cartes,  les  plans  et  les  ditTé- 
rents  mémoires  qu'il  pût  se  procurer 
sur  la  navigation  des  côtes  d'Afrique, 
de  l'Inde  et  de  la  Chine,  Depuis  l'an- 
née 1755,  il  travailla  à  exécuter  ce 
projet,  et,  en  i']^'!,  il  annonça,  aux 
directeurs  de  la  compagnie,  qu'il  avait 
construit  un  assez  grand  nombre  de 
cartes  pour  en  former  une  collection. 
Sou  travad  fut  soumis  à  l'académie 
des  sciences  qui  l'approuva.  D'Après 
employa  encore  trois  années  à  per- 
fectionner son  ouvrage;  en  1 745,  il 
fut  nommé  correspondant  de  l'acailJ- 
mie  des  sciences ,  et  ce  ne  fut  qu  en 
1745  qui'  publia  ses  cartes,  sous  Je 
nom  de  Neptune  oriental.  11  y  joi- 
gnit une  instruction  nautique,  dans  la- 
quelle il  donne  la  description  de  toutes 
les  cotes,  les  divers  aspects  sous  lesquels 
elles  se  présentent,  vues  de  diflerents 
côtés ,  ainsi  que  les  vents  régnants  et 
les  courants  qui  ont  lieu  daus  tous  les 
parages  pendant  les  diverses  saisons 
de  l'année  ;  en  un  mot,  il  n'y  a  rien 
omis  de  ce  qui  peut  faire  connaître  les 
routes  que  les  vaisseaux  doivent  tenir. 
Le  Neptune  oriental,  avec  les  instriK- 
lions  qui  l'accompagnent,  est  le  pre- 
mier grand  ouvraqe  de  ce  genre ,  le 
plus  complet  et  le  plus  parfait  qui  ait 
paru,  11  fut  accueilli  avec  empresse- 
ment par  les  uayigatcurs  de  toutes  les 


APR 

nations.  Plus  de  .soixante  ans  d'expé- 
rience ont  justifié  l'opinion  que  l'on  en 
avait  d'abord  conçue.  D'Après  a  tra- 
vaillé pendant  trente  ans  à  ajouter  de 
nouvelles  perfections  à  ce  bel  et  impor- 
tant ouvrage;  la  seconde  et  dernière 
édition  ne  parut  qu'en  1775,  in-fol.atl., 
considérablement  augmentée  et  corri- 
gée. A  sa  mort ,  on  trouva  encore  ,  dans 
ses  papiers  ,  plusieurs  cartes  achevées 
et  des  mémoires  qui  ont  été  publiés 
dans  un  volume  séparé ,  sous  le  titre  de 
Supplément  au  Neptune  oriental.  La 
partie  la  plus  estimée  de  cet  ouvrage 
est  celle  qui  comprend  les  côtes  orien- 
tales d'Afrique ,  les  cotes  de  Malabar 
et  de  Coromaiidel,  le  golfe  du  Ben- 
gale ,  les  détroits  de  Malac  et  de  la 
Sonde,  et  en  généra!  toutes  les  côtes 
qu'il  avait  visitées  lui-même,  ou  qui 
étaient  les  plus  fréquentées  par  les 
vaisseaux  français.  11  est  encoreauteur 
de  Description  et  usage  d'un  nouvel 
instrument  pour  observer  la  longitu- 
de^ appelé  le  Quartier  anglais  ;  augm. 
par  Borv  ;  1751  ,  in- 12.  Cet  habile 
hydrographe  est  le  premier  qui  aitem- 
ployé  la  méthode  des  distances  du  soleil 
à  la  lune  pour  déterminer  la  longitude  ; 
ainsi  il  a  pu  placer  les  côtes  avec  as- 
sez de  précision,  relativement  au  temps 
oii  il  a  fût  ses  obser\  ations.  Les  ren- 
seignements d'après  lesquels  il  a  dres- 
sé les  cartf  s  des  autres  pays ,  lui 
ont  été  fournis  par  des  navigateurs 
fiançais  et  par  des  étrangers  ;  mais 
celui  dont  les  communications  ont  le 
plus  contribué  à  enrichir  son  ou- 
vrage ,  est  M.  d'Alrymple ,  célèbre  hy- 
drographe anglais  ,  avec  lequel  il  n'a 
jamais  cessé  d'être  en  correspondance, 
et  qui,  dans  plusieurs  écrits,  lui  a 
donné  des  témoignages  de  son  estime. 
Dans  l'état  où  se  trouve  le  Neptune 
oriental,  il  y  a  bien  peu  de  chose  à 
changer  aux  cartes  des  côtes  qu'on 
viem  de  citer.  Il  faudrait  se  contenter 


APR  559 

d'y  faire  de  légères  corrections,  pour 
rectifier,  avec  des  montres  marines,  les 
différences  en  longitude,  qui  n'ont  été 
déterminées  que  par  des  routes  esti- 
mées ;  mais  on  devrait  y  ajouter  les 
cartes  des  pays  qui  n'étaient  pas  encore 
bien  connus  à  l'époque  de  la  mort  de 
d'Après.  I>es  renseignements  contenus 
dans  l'instruction  nautique  qui  ac- 
compagne ce  recueil  de  cartes  ,  font, 
depuis  long-temps,  autorité pai mi  les 
marins.  Le  cours  des  navigations  de 
d'Après  se  trouva  interrompu  pen- 
dant qu'il  travaillait  à  la  rédaction  de 
son  grand  ouvrage  ;  il  ne  le  reprit 
qu'en  1749-  Ce  fut  lui  qui,  étant  ca- 
pitaine du  Glorieux,  conduisit,  au 
caj)  de  Bonne -Esj)érance,  l'abbé  de 
La  Caille ,  avec  qui  il  s'était  intime- 
ment lié.  On  aime  à  voir  s'associer 
deux  hommes  dont  les  travaux  ont  été 
si  utiles  ;  l'un  ,  en  ouvrant  une  nou- 
velle carrière  à  l'astronomie,  nous  a 
fait  connaître  la  partie  australe  du 
ciel,  tandis  que  l'hydrographe  était 
occupé  à  décrire  la  vaste  étendue  de 
mer  qui  lui  correspond.  D'Après  com- 
manda uu  vaisseau  de  la  compagnie  , 
armé  en  guerre ,  dans  l'escadre  de 
M.  d'Aché;  il  fut  obligé  de  revenir 
en  France  pour  se  justifier  de  quel- 
ques reproches  qui  lui  avaient  été 
faits  sur  différentes  manœuvres  ;  mais 
voyant  qu'il  ne  pouvait  obtenir  justice, 
il  abandonna  la  navigation.  Il  ne  dis- 
continua cependant  pas  ses  travaux 
hydrographiques.  La  compagnie  créa, 
en  1 76.1 ,  un  dépôt  des  cartes  et  plans 
de  la  navigation  des  Indes ,  et  le  mit  à 
la  tête  de  cet  établissement.  Sa  place 
lui  fut  conservée  par  le  gouvernement 
à  l'époque  de  la  suppression  de  cette 
compagnie.  Louis  XV  lui  accorda ,  en 
1767  ,  la  décoration  de  St.-Michel. 
D'Après  s'était  marié  à  l'âge  de  27  ans; 
il  mourut, le  l'^'.mars  1780,  à  75ans, 
sans  avoir  eu  d'enfants.        R~l. 


21.. 


34o  A  P  R 

APRIES  ,  fils  de  Psammis  ,  devint 
roi  d'Egypte,  après  la  mort  de  son 
père,  vers  \m\  Sgfi  av.  J.-C.  Il  fit  la 
guerre  aux  Phéniciens  de  Tyr  et  de 
Sidon.  Il  envova  aussi  contre  les  Cy- 
rénéens  une  armée  qui  fut  défaite; 
ceux  qui  échappèrent ,  croyant  qu'il 
les  avait  chargés  de  cette  expédition 
pour  les  faire  périr ,  se  révoltèrent 
contre  lui ,  et  nommèrent  roi  Amasis , 
qu'Apriès  leur  avait  envoyé  pour  les 
ramener  à  leur  devoir.  11  fut  bientôt 
abandonné  par  le  reste  des  Egyptiens. 
Il  essaya  cependant ,  avec  les  troupes 
qu'il  avait  à  sa  solde ,  de  tenir  tète 
aux  révoltés  ;  mais  il  fut  vaincu  et  fait 
prisonnier  ,  après  un  règne  de  25  ans. 
Amasis  eut  pendant  long-temps  beau- 
coup d'égards  j)0urlui ,  et  fut ,  à  la  fin, 
obligé  de  l'abandonneraux  Egyptiens, 
qui  l'étoufR-rent.  C-^r. 

APROSIO  (  Angelico),  religieux 
augustin ,  né  à  Vintimille  dans  la  Li- 
gurie,  en  iGo 7 ,  rendit  célèbre  le  nom 
lie  sa  patrie ,  ayant  été  souvent  appelé 
simplement  le  Père  f^iiiti mille,  dans 
le  temps  de  sa  plus  grande  réputation. 
Il  annonça ,  dès  l'enfance ,  un  goût 
décidé  pour  les  livres  ;  son  père  , 
quoique  très-pauvre ,  s'efforçait  de  lui 
ou  fournir;  et ,  comme  il  en  était  tou- 
jours chargé  quand  il  allait  à  l'école  , 
oui'vappelait  le  Philosophe,  lleutra, 
eu  1 620 ,  dans  l'ordre  de  S.  Augustin , 
alla  faire  sou  noviciat  à  Gênes ,  et 
fit  profession  un  an  après  ;  il  prit 
alors  le  nom  dJ^ngelico  ,  au  lieu 
de  ix'lui  de  Lodovico  (  Louis),  qu'il 
avait  porlé  jusqu'alors.  11  voyagea  en- 
suite, le  plus  souvent  pour  ks  affaires 
de  son  ordre  ,  et  alla  successivement  à 
Florence  ,  à  Bologne,  à  Ferrare  ,  à 
Padoue ,  à  Venise  ,  et  dans  plusieurs 
autres  villes;  se  liant  partout  avec 
ks  gens  de  lettres  les  plus  connus ,  et 
s'instruisant  avec  curiosité  de  toutes 
les  parliculaùtcs  littcVaiies  de  chaque 


APR 

ville.  Le  plus  long  séjour  qu'il  fit  fut  A 
Venise,  où  il  fit  impiimer  la  plupart 
de  ses  ouvrages.  Il  retourna  ensuite  à 
Gênes,  se  livra  à  la  prédication,  et, 
ajant  prêché  le  carême,  en  1648, 
dans  la  cathédrale  de  Vintimille ,  sa 
patrie,  il  forma  le  dessein  d'y  fonder 
une  bibliothèque  par  le  don  de  ses 
livres  et  de  ses  manuscrits  ,  dont  la 
collection  était  aussi  riche  que  nom- 
breuse. Il  consacra  des  sommes  consi- 
dérables à  élever  le  bâfiment  néces- 
saire pour  la  recevoir.  Il  éprouva  de 
grandes  difficultés  dans  cette  entre- 
prise ;  mais  il  en  vint  enfin  à  bout ,  et 
c'est  avec  justice  que  cet  établissement 
a  toujours  conservé  depuis,  le  nom  de 
Bibliothèque  ^prosienne.  Apres  avoir 
rempli  avec  distinction  plusieurs  des 
grandes   dignités    de    son    ordre  ,  il 
mourut,  dans    sa  patrie,  en   1O81, 
âgé  de    soixante-quatorze   ans.  il  a 
laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages ,  la 
plupart   de  critique  littéraire  ,   mais 
tous  anonvracs  ou  pseudonymes,  sans 
doute    parce  que  les  sujets  du  plus 
grand  nombre,  et  la  manière  dont  ils 
sont  traités,  étaient  peu  convenables 
à  l'élat  de  l'auteur.  Les  premiers  qu'il 
fit  eurent  pour  objet  de  déftndre  le 
Marini,  àunii' adonis  avait  été  for- 
tement critiqué  par  le  poète  Sligliani. 
Ce  poète  ayant  fait  paraître  un  poème 
intitule:  le  ]\ouveau  Monde,  le  Père 
Aprosio  soutint  que  le  premier  chant 
de  ce  poème  contenait  lui  seul  plus  de 
fautes  que  ^Adonis  tout  entier.    11 
entreprit    de    le    prouver    dans    uu 
pamphlet,  intitulé  :  //  T'a^lio,  ou 
le   Crible  ,  selon  l'usage   qu'avaient 
introduit  les  académiciens  de  la  Crus- 
ca,  de  donner  aux  écrits  de  ce  genre 
des    noms  tirés  de  la  mouture.  Sti- 
gliani  répondit ,  ou  fit  répondre  par 
son  fils,  et  donna,  à  sa  réponse,  le 
titre  de  //  Molino  ,  le  Moulin  :  Apro- 
sio répliqua  par  //  But  alto,  le  Elut- 


APR 

toir',  ilans  le  premier  de  ces  deux 
opuscuLs  ,    il  cacha  son  nom  sous 
celui  de  Masotlo  Galistoni  da  Te- 
rama,  qui  n'est  autre  chose  que  l'ana- 
gramme de  Tommaso  Sligliani  da 
Matera,  nom  du  poète  qu'il  attaquait. 
»S(igliani  avait  donuë,  à  sa  critique  de 
V Adonis  ,  le  titre  de  YOcchiale  ,  la 
Lunette  :  Aprosio  y  répondit  d'a- 
bord par   r  Occhiale  stritolato  ,  la 
Lunette  brisée ,  et ,  cette  fois  ,  il  se 
nomma   Scipio    Glareano  ;  ensuite 
par  la  Sferza  poetica ,  le  Fouet  poé- 
tique ,  de  Sapricio  Saprici ,  et  enfin 
par  II  Feratro ,  Y  Ellébore,  du  même 
prétendu  auteur.  Tous  ces  ouvrages 
furent  imprimés,  in- 12,  à  Venise, 
depuis  1657  jusqu'en  1647.  H  écrivit 
daus  un  genre  différent,  mais  tou- 
jours avec  un  titre  singulier  et  sous 
un  de  ses  faux  noms  ,  un  ouvrage  de 
morale  contre  le  luxe  ,  et  qu'il  inti- 
tula :  Lo  Scudo  di  Rinaldo  ,  ovvero 
lo  Spentrio  del  disinganno ,  opéra 
di  Scipio  Glareano  ,  Venise ,  1 64'2  , 
in-1'2.  Il  traduisit  même,  de  l'espa- 
gnol en  italien ,  des  sermons  pour  les 
dimanches  et  fêtes  de  l'Avent ,  com- 
posés   par  le   P.   Agostiuo   Osorio  , 
provincial  dans  le  royaume  d'Aragon, 
et  il  y  mit,  au  lieu  de  sou  nom ,  celui 
d' Oldauro  Scioppio ,  Venise ,  1 645 , 
in-4  '.  11  donna  encore ,  sous  son  nom 
favori ,  de  Scipio  Glareano  ,  un  ou- 
vrage d'érudition  ,  avec  le  titre  sin- 
gulier de  la   Grillaja  (  la  Lande , 
ou  la   Terre  en  friche  )  ;  Curiosi- 
ta  erudite  ,   etc.  ,   Naples  ,    1668  , 
in- 12.  11  mit  enfin  son  nom,  ou  du 
moins  celui  qu'il  portait  avant  d'en- 
trer en  religion,  à  un  autre  ouvrage 
d'érudition    sur   la   patrie   du   poète 
satirique    Perse  :   Délia   patria   di 
J.  Persio  Flacco ,  Dissertazione  di 
Lodovico    Aprosio ,    etc.  ,    Gênes  , 
1664,  in-4°.  Il  s'y  propose  de  prou- 
ver que  ce  poète  satirique  n'était  point 


APR  341 

né  à  Volterre ,  comme  on  le  croit 
communément ,  mais  dans  la  Ligurie^ 
L'un  des  ouvrages  les  plus  curieux 
de   cet  auteur,  est   sa   Bibliotheca 
Aprosiana ,  passatempo  autunnale 
di  Cornelio  Aspasio  Anti^ngilmi , 
etc.,  Bologne,  1673,  iu-13.  11  est 
fort  rare;  les  autres  le  sont  aussi , 
mais  6n   s'en   aperçoit    peu  ,   parce 
qu'on  ne  les  cherche  pas.  On  trouve 
dans  la  Bibliotheca  Aprosiana  ,  des 
notices  et  des  faits   particuliers  qui 
ne  sont  nulle  part  ailleurs.  Elle  c^t 
comme  divisée  en  deux   parties  j  la 
première   contient   différentes  parti- 
cularités de  la  vie  de   l'auteur  ,   et 
la  seconde ,   une  table  alphabétique 
des    personnes   qui  lui   avaient    fait 
présent   de  quehjue   livre ,   avec   le 
titre  entier  de  ce  livre ,  accompagné 
le  plus  souvent  de  circonstances  cu- 
rieuses et  quelquefois  intéressantes; 
mais  cette  table  ne  contient  que  les 
trois  premières  lettres  de  l'alphabet  : 
on  croit  que  le  P.  Aprosio  n'avait  écrit 
que  ce  premier  volume  ,  et  que  la 
mort  le  sui'prit  avant  qu'il  eût  pu  ré- 
diger le  second.  Un  autre  ouvrage, 
encore  plus    rare ,  parce    qu'il   n'en 
fit    tirer  que    quelques  exemplaires 
pour  ses  amis,  est  celui  qui  a  pour 
titre  :  La  T'isieraalzata  hecatoste  di 
scrittori ,  etc. ,  c'est-à-dire,  la  Fisièrr 
levée  ;  Centaine  d'écrivaiiis^  curieux 
d^ aller  en  ma? que  hors  du  temps  de 
carnaval,  et  découverts  par  Jean- 
PieiTe- Jacques  Fillam  de  Sienne^ 
Passetemps  caniculaires ,  etc.,  Par- 
me,  1689,  in-r2.  Ces  cent  auteurs 
qu'il  démasque  sont  ceux  qui  avaient 
publié  des    ouvrages  pseudonymes  . 
surtout  en  Italie,  et  l'on   voit  qu'il 
pouvait,  à  bon  droit,  s'y  donner  une 
place.  11  joint  souvent,  à  leurs  noms, 
des  notes  et  des  anecdotes  piquantes , 
et   qui   rendent  ce  livre   aussi    cu- 
rieux qu'il  est  vaiT.  C'est  un  ouYi'a!j;o 


34?.  A  F  S 

posthume;  l'éditeur  avertit  lui-même 
que  l'auteur  était  mort  depuis  quelques 
années.  II  est  suivi  d'un  supple'ment 
imprime'  dans  le  même  volume ,  et 
intitule'  :  Pentecoste  d'altri  scrit- 
tori,  etc.  (Cinquantaine  d'autres  au- 
teurs ),traite'e  dans  le  même  goût  que 
la  première  centaine.  Quelques  mor- 
ceaux de  Poésie  italienne  (hi  P.  Apro- 
sio  ont  été  insères  dans  plusieurs 
recueils.  G — r. 

APSINES,  rLe'teur  grec  de  Gudare, 
flans  la  Phe'nicie,  vivait  sous  le  règne 
de  Maximin,  vers  l'an  256  avant  J.-C. 
Is'o'.is  avons  de  lui  une  Rhétorique  et 
un  ouvrage  sur  les  questions  qu'on 
traitait  dans  les  éculis  des  rhéteur». 
On  les  trouvedansles  Rhetores  s^rœci, 
«l'Aide,  Venctiis,  i5n8,  in -fol.  Ils 
ji'unt  pas  été  imprimés  depuis.  Plu- 
sieurs rhéteurs  out  porté  le  même 
nom.  C — R. 

APSYRTE ,  né  à  Pruse,  ou  à  ÎSico- 
mc'die,  embrassa  la  profession  mili- 
taire sous  le  règne  de  Constantin.  Il 
avait  écrit  un  livre  à' Hippiatrique ,  ou 
Médecine  vétérinaire ,  dont  il  nous 
reste  de  très-longs  extraits  dans  le  re- 
cueil intitulé  :  Velerinariœ  medicinœ 
lihri  duo,  grœcè ,  liasilece ,  i557  , 
in-4".;  livre  extrêmement  rare,  n'ayant 
jamais  été  réimprime  depuis,  et  beau- 
coup plus  complet  d.'nis  les  manuscrits 
qui  se  trouvent  dans  la  lîibliolhèque 
impéi'ialc.  Il  a  été  traduit  en  latin  par 
Jean  Ruel,  de  Soissons,  et  imprimé 
à  Paris,  i  Sjo,  in-fol.  C — r. 

APULÉE  (Lucius),  oupluiot, 
suivant  d'autres  ,  seulement  Apulée, 
j)hilosophe  platonicien  ,  naquit  au 
.second  siècle,  vers  la  fin  du  règne 
d'Adrien,  à  Madaurc,  ville  d'Afrique, 
dont  la  position ,  sur  les  confins 
de  deux  contrées  ,  lui  fit  donner 
le  surnom  de  Sémi-Gélule,  Sénii- 
Numide.  Sa  lamille  était  illustre  ; 
Thésée,  son  père,  remplissait,  dans 


APU 

sa  patrie,  les  fonctions  de  duumvir; 
et ,  par  Salvia  ,  sa  mère  ,  parente  du 
philosophe  Sestus,  il  descendait  de 
Plutarqne.  11  fit  ses  premières  études 
à  Carthage,  où  l'idiome  naturel  était 
la  langue  punique.  Puis  ,  il  s'embar- 
qua pour  Athènes,  afin  de  s'y  familia- 
riser avec  les  lettres  grecques.  Il  s'y 
rendit  habile  dans  les  arts  libéraux , 
et  s'adonna  particulièi'ement  à  la  doc- 
trin(!  de  Platon.  D'Athènes ,  il  vint  à 
Rome,  où,  comme  il  le  dit  lui-même, 
seul ,  sans  le  secours  d'aucun  maître , 
il  apprit  la  langue  latine,  avec  des 
peines  infinies,  œrumnabili  labore. 
J'insiste  sur  cette  dernière  circonstan- 
ce, parce  qu'elle  peut  servir  à  expli- 
quer ce  que  l'on  trouve  d'affecté,  de 
pénible  et  de  néologique  dans  les  écrits 
latins  d'Apulée.  Il  suivit  ensuite  pen- 
dant quelque  temps  le  barreau;  mais 
le  désir  de  voyager,  et  le  besom  d'ac- 
croitre  ses  lumières ,  lui  firent  par- 
courir les  diverses  contrées  de  la 
Grèce ,  et  le  portèrent  à  se  faire  ini- 
tier à  tous  les  mvstèies.  Il  dissipa  pres- 
que tout  son  patrimoine  à  satisfaire  son 
insatiable  curiosité;  revint  à  Rome, 
où,  pour  être  admis  au  nombre  des 
])rêties  d'Osiris,  il  vendit  jusqu'à  ses 
habits,  exerça  la  profession  d'avocat, 
puis  retourna  dans  sa  patrie  ,  espe'^ 
lant  V  rétablir  sa  fortune.  Il  ne  fut  pas 
trompé  dans  son  attente.  Ses  plai- 
doyers eurent  un  tel  succès,  que  les 
magistrats  de  Carthage  et  de  plusieurs 
autres  villes  lui  firent  ériger  des  sta- 
tues. L'hymen  vint  ajouter  à  sa  féli- 
cité. Une  veuve ,  nommée  Piulenlilla, 
lui  fit  partager  son  opulence  ;  mais 
les  parents  de  cette  veuve,  outrés  de 
se  voir  ainsi  frustiés  de  sa  succession, 
accusèrent  Apulée  de  magie  ,  et  le  dé- 
noncèrent à  Claudius  Maximus,  pro- 
consul d'Afrique.  Apulée  plaida  lui- 
même  sa  cause ,  et  prononça ,  devant 
le  proconsul,   une  apologie    qui  se 


APU 

trouve  parmi  ses  œuvres.  îl  confon- 
dit ses  accusaleiirs ,  dévoila  leur  cupi- 
dité, leurs  mensonges,  et  fut  renvoyé' 
al)sous.  Depuis  cette  époque,  il  mena, 
dans  sa  patrie,  une  vie  heureuse  et 
tranquille,  se  livrant,  sans  réserve, 
aux  charmes  de  l'étude.  On  i{:;nore 
l'époque  de  sa  mort.  Apulée  composa  , 
soit  en  grec,  soit  en  latin  ,  un  grand 
nombre  d'ouvrages  ,  dont  il  ne  uous 
CNt  pai-vcnu  que  la  moindre  partie. 
Je  vais  indiquer  successivement  ceux 
que  nous  possédons  et  qui  sont  au- 
ti'.entiques ,  ceux  qu'on  lui  attribue, 
et  ceux  que  nous  avons  perdus. 
On  compte  quarante  -  trois  éditions 
des  Œuvres  d'Apulée ,  dont  neuf 
du  1 5".  siècle.  La  première,  très-rare 
et  non  mutilée,  fut  faite  à  Rome,  par 
l'ordre  du  cardinal  Bessarion ,  et  les 
soins  de  J.  André ,  évêque  d'Aleria  , 
14^39,  in -fol.,  de  l'imprimerie  de 
Conrard  Sweç;nheym ,  et  d'Arnoul 
Pannartz.  On  trouvera  la  liste  des  au- 
tres éditions  dans  celle  quia  été  faite,  en 
1788 ,  par  la  société  des  Deux-Ponts, 
qui,  néanmoins,  en  a  omis  une  de 
Lyon,  sib.  à  Porta,  1587  '  '"'8°. ,  'î 
vol.  Ces  OEuvres  contiennent  :  I.  la 
Métamorphose  ,  hyperboUquement 
appelée  Y  Ane  d'or,  en  onze  livres; 
le  ])lus  considérable  des  ouvrages  qui 
nous  restent  d'Apulée,  imité  du  grec 
de  Lucius  de  Patras  ,  et  ,  comme 
il  le  dit  lui  t  même  ,  composé  dans 
le  genre  des  fables  railésiennes.  La 
meilleure  édition  de  celte  fiction  sin-- 
gulière  est  celle  de  Leyde  ,  1786, 
in-4°. ,  cum  notis  var.  L'Ane  d'or 
a  été  traduit  en  français  par  Guill. 
l^îichel,  dit  de  l'ours,  Paris,  sans 
date, et  1 517,  iu-4".;  i5i8,  iS'.i'2,in- 
fol.;  par  George  de  la  Bouthière,  Lyon, 
i'">53,  i556,  in-iî2;  par  Jean  Lou- 
veau ,  Lyon,  i558,  i58o,  in-i6; 
1559,  i584,  in-8".,  Paris,  i586, 
in- 16;  par  Jean  de  Moutlyait,  Paris, 


APU  545 

161 5,  i6i6,in-i3;  162.0,  i63i, 
1648,  in-8".  ;  ces  trois  dernières  édi- 
tions avec  d'assez  jolies  fig. ,  de  Cris- 
pin  de  Pas  aux  deux  premières ,  et  de 
Michel  Lasne  à  la  troisième  ;  par 
l'abbé  Compain  de  St.-Martin  ,  Paris, 
1707,  1756,  in-i2,  2 vol. ,  Francfort 
et  Leipsick ,  1 769 ,  in-8- . ,  2  vol.  ( i  ) ; 
enfin  ,  par  M.  Bastien  ,  Paris ,  1 787  , 
in-8". ,  2  vol.  De  ces  diverses  traduc- 
tions ,  il  n'est  aucune  oii  l'on  puisse 
prendre  une  idée  de  l'élégance  et  du 
néologisme  expressif  et  brillant  d'Apu- 
lée. On  compte  quatre  versions  italien- 
nes de  sa  Métamorphose  ,  par-  Boiar- 
do,  Firenzuola,  Parabosci,et  Visani. 
]!  Ane  d'or  A  encore  été  traduit  en  espa- 
gnol, Madrid,  i6o5  ,  in-8'.;  en  alle- 
mand, par  J.Siéder,  Francfort,  i6o5, 
Magdebourg,  1606,  in-8'.,  et  par 
Aug.  Rode,Dessau,  1780,  in-8".;  il 
avait  publié  la  Psjché  séparément, 
Berlin,  1780,  in-8".;  en  flamand, 
Harlem,  1 656,  Anvers,  i66(),  in- 12, 
et  en  anglais,  par  Will.  AdJington, 
Londres,  1371,  1659,  in-4'.  Aux  qua- 
trième, cinquième  et  sixième  livres  de 
la  Métamorphose,  se  trouve  le  fameux 
épisode  de  Psyché,  que  tous  les  arts 
ont ,  à  l'envi ,  mis  à  contribution.  Cet 
épisode  ,  imprimé  séparément ,  au 
nombre  de  90  exemplaires,  par  le 
libraire  Renouard  ,  Paris  ,  1 796  , 
in- 18  ,  a  été  traduit  en  suédois  , 
par  Nyman;  en  français  ,  par  Breu- 
gière  ,  sieur  de  Barante  ,  Paris  , 
1 692 ,  1 695 ,  in- 1 2  ;  Rotterdam  (  Pa- 
ris ) ,  J  7 1 9  ,  in  -  I  2  ;  puis ,  par  M. 
Blanvillain ,  d'Orléans ,  Paris ,  1 797, 
iu-16.  En  1802,  MM.  Dubois  et  Mar- 
chais ,  peintres ,  ont  donné  ,  de  cet 
épisode,  une  superbe  édition  latine  et 
française ,  grand  in-4".,  ^^ec  les  trente- 


(0  A  Vépoqiie  des  bouleversements  révolution- 
naiies,  on  en  a  lait  à  l'arisiiue  sorte  de  miitUa- 
tion,  sous  le  titre  de  Y  Ane  an  bouquet  de  ro/e, 
in-iS,  2  vol. 


5î4  APU 

deux  fig.  deBaphaël ,  gravées  par  eux 
au  Uùit,  d'après  Marc- Antoine.  I^e 
texte ,  COI  rigé  avec  beaucoup  de  sr  iu , 
est  preoëde  d'ur.e  courte  dissertation 
sur  la  fable  de  Psycl.éj  la  tradu-^tion 
est  celle  de  Breugière ,  avec  quelques 
corrections.  M.  Landon  a  ,  depuis , 
renouvelé  cette  édition.  Tout  le  monde 
connaît  l'imitation  qu'a  faite  de  cet 
épisode  l'inimitable  La  Fontaine.  Les 
autres  se  trouvent  indiquées  dans 
mon  édition  de  1 802.  IL  V Apologie 
d'Ai  ulée,  sous  le  titre  de  Oratio  de 
Mai^iu  ,  que  l'uii  di'-isc  quriqucfois  en 
deux  discours.  Elle  a  été  impriuice  sé- 
parément à  Heidelberg,  j  594 ,  in-4°.  ; 
à  Leyde,  160-;,  in-8".,  avec  les  cor- 
rections de  J.  Meursius;  à  Hanovre, 
la  même  année,  in-8°. ,  avec  un  coni- 
raentaire  de  Scipion  Gentijis,  et  à  Pa- 
ris, i655,  in-4". ,  enrichie  des  notes 
de  J.  Pricœus.  III.  Les  Florides,  ainsi 
Dommées  par  emj^base ,  et  mal  à  pro- 
pos divisées  en  quatre  livres,  puisque 
ce  ne  sont  que  des  fragments  des  lia- 
rangucs  prononcées  par  Apulée.  On  y 
trouve  des  particularités  curieuses  sur 
l'histoire  et  la  mythologie.  Elles  ont  été 
imprimées  séparément  à  Strasbourg, 
i5iG,  in-4''.,ctàParis,  i5i8,  iii-4'., 
avec  les  corrections  de  .L  Pyrrhus. 
IV.  Trois  livres  de  philosophie ,  pu- 
bliés sous  ce  titre  :  De  hahiludine 
doctrinarum  et  îxalivilate  Plaionis. 
Le  premier,  De  dogmaie  Platonis, 
traite  de  la  philosophie  naturelle  ,  le 
second ,  de  la  morale ,  et  le  troisième, 
du  syllogisme  catégorique ,  ou  de  la 
philosophie  rationnelle.  V.  Un  livre 
curieux ,  De  Deo  Socralis  ,  que  S. 
Augustin  a  réfuté  très-durement  :  il  est 
imprimé  séparément  avec  les  notes  de 
Josias  Mercier,  Paris  ,  iGi4i  i'i-»^' 
Jacques  Parrain ,  baron  des  Coutures, 
l'a  traduit  en  français ,  et  public  avec  le 
texte;  Paris,  1G98,  in-i'.î.  Couipain 
de  Sf-Martin  en  a  juiul  une  traduc- 


APU 
tion  à  celle  de  VAne  d'or.  VI.  Un 
livre  De  Miindo ,  que  l'on  regarde 
comme  une  version  assez  exacte  de 
celui  qu'Aristote  composa.  Ce  livre  a 
étéimprimé  .>éparémeut  àM(  œmingrn, 
1494 7  iii-fo!,  ,  et  à  Leyde,  i5ç)\  , 
in-8'  ;  avec  celui  d'Aristote  en  grec  , 
la  version  de  Guil!.  Budé ,  et  les 
notes  de  Bonavenlnre  Vulcanius.  Les 
ouvrages  douteux  d'Apulée  sont  : 
I.  une  traduction  latine  de  YAsclé- 
pius  d'Hermès  Trismégiste  ,  de  na- 
turd  Deorum  ;  elle  se  trouve  dans 
phisieurs  éditions  des  Œuvres  du 
]»hiiosophe  de  Madaure  ;  IL  un  livre 
De  nominihus  ,  inrlulibus  ,  seu  rne- 
dicaminihus  Jierharum  ,  que  d'autres 
attribuent  au  médecin  ApuléiusCelsus, 
mais  qui  doit  être  d'un  auteur  plus 
moderne  que  ce  dernier.  Ce  livre, 
qui  se  trouve  dans  quelques  éditions 
d'Apulée  ,  est  encore  imprimé  à  Bâ!e  , 
1528,  in-fol.  ,  à  la  suite  de  Plinius 
Valériauus  ;  à  Paris ,  mêmes  année  et 
format ,  avec  le  traité  de  Galien  De 
Plenitudine  ;  à  Zurich,  1  557,  'i^"4  '•  y 
avec  le  traite  de  Musa  sur  la  Bétoine  ; 
à  Venise,  chez  les  Aides,  in  Antiij. 
Medicis  lut.  ;  et  avec  les  notes  de 
M.  Ackcrmann  ,  dans  le  recueil  inii- 
tulé  Parabilium  mcdicamentorum 
scriptores  antiqid  ;^\\\vm\)VY^,  1  788, 
in  -  8\  ;  III.  un  petit  Traité  De 
iiolis  adspir adonis  et  de  diphlhoii- 
gis  ,  qui  se  trouvait  en  manuscrit 
dans  la  bibHothè([ue  de  Marq.  Gu- 
dius,  mais  que  l'on  croit  être  d'un 
auteur  plus  moderne,  Caecilius  Apu- 
léius  le  grammairien  ;  IV.  un  Traité 
De  ponderibiis,  mensuris  ac  sigJiis 
cujusfjiie ,  traduit  du  grec  par  J.-B. 
rsicolas,  et  que  l'on  trouve  dans  le 
supplément  des  OEuvres  de  Mesuè , 
Venise,  les  .Juntes,  i558,  i589,  iGa"), 
iu-fol.,  et  !  S'-Ojiu-fol.;  V.  Anechomc- 
nos,  petit  poëme  erotique,  imité  de  Mc- 
nandjre  ,  qiù  se  trouve  dans  quelques 


AQU 

éditions  d'Apulce ,  dans  les  Amours 
de  Haudiiis  ,  et  avec  les  Priapées  de 
Gasp.  Si  ioppius  ,  Franefurt ,  i5o6, 
in-ia  ;  VI,  enfin  ,  Ratio  Sphœrce 
Pjthagoricœ  (  de  la  Rone  de  Pytha- 
ç;oie),  figure  ast'.ologique,  que  Bai- 
tliius  a  publiée  au  ch.  VII,  liv.  5o  de 
ses  Advers.  Les  ouvrages  perdus 
d'Apulée  sont  des  épîtres ,  des  gry- 
plies,  des  proverbes,  des  facéties, 
des  traités  sur  les  arbres ,  sur  les 
poissons ,  sur  les  nombres  ,  sur  la 
musique ,  sur  le  gouvernement ,  des 
questions  médicinales  ,  naturelles  , 
symposiaques  ,  des  dialogues ,  un 
hymne  à  Esculape  ,  nn  éloge  de  ce 
dieu  ,  deux  livres  d'Hermagoi'as ,  une 
liarangue  sur  la  statue  que  voulaient 
lui  ériger  les  habitants  d'Oéa,  des 
histoires  ,  des  traités  d'agronomie  , 
des  poèmes ,  une  version  latine  du 
Phœdoii  de  Platon  ,  etc.  A  ses  nom- 
breux talents  ,  Apulée  joignait  tous 
les  dons  de  la  nature  :  il  nous  a 
fait  lui-même  son  portrait  au  i*'.  livre 
de  VAne  d'or.  On  trouve  son  effigie 
dans  les  Antiquités  grecques  de 
Gronovius,  dans  Havercarap  ,  dans 
l'édition  des  œuvres  d'Apulée,  donnée 
à  Deux-Ponts ,  et  dans  la  collection 
de  M.  Landon.  Daniel-Guill.  Moller 
a  publié  une  dissertation  sur  ce  plii- 
losophe,  Ahdcrf,  1691  ,  in-8°.D.  L. 
AQUAPENDENTE.  F.  Fabricio 

DE  AqUAPENDENTE. 

AQUaVIVA( Claude),  de  la  fa- 
mille des  Aquaviva ,  ducs  d'Atri  et  de 
Teramo  ,  dans  le  royaume  de  Naplès , 
né  en  1 545  ,  et  mort  en  1 6  f  5,  général 
des  jésuites,  fut  regardé,  avec  raison  , 
comme  un  des  généraux  de  cet  ordre 
qui  montrèrent  le  plus  de  sagesse  dans 
leur  administration ,  quoiqu'il  eût  dans 
le  caractère  une  fermeté  qui  ressemblait 
par  fois  aux  effets  de  l'obsUnation.  Ce 
fut  lui  qui  fit  dresser  l'ordonnance  con- 
nue sous  le  nom  de  Ratio  studiorum, 


AOU 


315 


Roraae,  i586,  in-8'.;  ouvrage  qui  fut 
supprimé  par  l'inquisifion ,  et  vu  de 
mauvais  œil  par  les  jésuites ,   qui  ne 
voulaient  pas  être  gênés  dans  leurs 
opinions.  Ou  l'a  réimprimé  ,  avec  des 
changements,  en  iSgi.  Le  P.  Aqua- 
viva  a  laissé  plusieurs  ouvrages  de 
piété  :  1 .  des  Epiires ,  au  nombre  de 
seize,  Rome,  161 5,  iii-8".  ;  IL  Di- 
reclorium  exercitionum  S.  Ignatii  ; 
III,  Meditationes  in  psalmos  44  c^ 
ii8,Uomae,  i6i5  ,  iu-12  :  IV,  Ora- 
tio   de  Passione  Domi/ii  ,    164^? 
m-\2.  Ce  discours  avait  été  prononcé 
devant  Grégoire   XI II  ,   en    i575; 
\  .  Indusiriœ  pro  superiorihus  socie- 
tatis  ad  curandos  animœ  morbos  , 
Venise ,  1 6 1 1 ,  in- 1 2  ;  IMdan  ,  1 624  , 
in-12;  Anvers,  16 55,  in-8  .;  traduit 
en  fn.nçais  par  le  P.  Pierre  Parcelly, 
de  l'ordre  des  frères  mineurs  ,  Paris  , 
1625  ,  iii-i2  ;  une  traduction  sous  le 
titre  de  Manuel  des  supérieurs  ecclé- 
siastiques et  réguliers,  fut  imprimée 
à  Paris,  i'j"j6,'m-ii.{  Foy.  Acqua- 
VI  VA  ).  G — s. 

AQUILA ,  prosélyte  juif,  était  né  à 
Synope  dans  la  province  de  Pont.  11 
s'attacha  d'abord  à  l'étude  des  mathé- 
matiques et  de  l'arcliiteclnre.  L'empe- 
reur Adrien  ,  au  rapport  de  S.  Epipha- 
ne ,  le  fit  infendant  de  ses  bâtiments . 
et  le  chargea  de  rebâtir' Jérusalem,  sou>- 
le  nom  à'yElia.  Cette  commission  lui 
fournit  l'occtlsion  de  s'instruire  de  l,< 
religion  chrétienne.  Il  reçut  même  Ir 
baptême  ;  mais  s'étant  ensuite  livré  à 
l'astrologie  judiciaire ,  il  fut  excommu- 
nié; ce  qui  le  porta  à  embrasser  le  ju- 
daïsme. Aquila  s'est  rendu  célèbre  par 
sa  Version  grecque  de  la  Bible ,  qu'il 
publia  en  1 58,  C'est  la  première  qui 
ait  été  faite  depuis  celle  des  septante; 
elle  est  composée  avec  beaucoup  de 
soin,  quoi  qu'en  ait  dit  Buxtorf,  qui 
contestait  mal  à  propos  à  l'aiiteur  une 
parfaite  intelligence  de  la  langue  hé-^. 


546  A  Q  U 

braique.Saraelhodecstdelraduiremot 
à  mot,  et  d'exprimer  jusqu'à  l'ëtymolo- 
gicdes  termes.  Quoique  cette  version 
eût  e'ie  entreprise  dans  le  dessein  de 
contredire  celle  des  septante ,  dont  les 
enlises  se  servaient  à  l'exemple  des 
apôtres,  lesancicus  Pères  la  trouvaient 
en  général  si  exacte  ,  qu'ils  y  puisaient 
souvent  leurs  textes,  coinmeplus  pro- 
pres, en  certains  endroits ,  à  exprimer 
le  vrai  sens  des  auteurs  sacrés,  S.  Jérô- 
me ,  qui  l'avait  d'abord  blâmée  ,  en 
loua  dans  la  suite  l'exactitude.  Lesjuifî 
hellénistes  la  préféraient  aussi  pour 
l'usage  de  leurs  synagogues.  On  en 
trouve  des  fragments  dans  lesHexaples 
d'Origcne.  Aquila  avait  joint  à  une 
seconde  édition  de  sa  version  les  tra- 
ditions judaïques  ,  qu'ilavait  apprises 
du  rabbin  Akiba,  son  maître.  Elle  fut 
encore  mieux  reçue  des  juifs  hellénistes 
que  la  première.  Justinien  leur  en  in- 
terdit la  lecture  ,  parce  qu'elle  contri- 
buait à  les  rendre  plus  opiniâtres  dans 
leur  erreur.  Les  docteurs  de  la  loi  eux- 
inêmes  défendirent  de  s'en  servir  dans 
les  synagogues ,  et  ordonnèrent  de 
s'en  tenir  au  texte  original  et  aux  para- 
phrases ch.ilda'iques.  T — d. 

AQUILA  (Jean  dell'),  médecin  , 
né  dans  le  royaume  de  Naples  ,  ])ro- 
fesseur  à  l'université  de  Pise ,  et  ensuite 
à  Padoue, florissait  dans  le  1 5' .  siècle; 
il  fut  regardé  comme  un  autre  EsculajM; 
dans  toute  l'itahe.  Il  professa  pendant 
45  ans.  Toppi,  dans  sa  Bibliothèque 
napolitaine ,  fait  mention  d'un  de  ses 
ouvrages  :  De  sanguinis.  missione  in 
pleurilide ,  Venetiis ,  apiid  hœredes 
Octai'.Scole  \:vio.      C.  et  A — n. 

AQUILA  (  PiETRO  ) ,  peintre  et  gra- 
veur, naquit  à  Païenne  en  Sicile,  dans 
le  iG*".  siècle,  suivant  certains  auteurs, 
et  à  Rome ,  en  1 6i4  ^  smvant  d'autres. 
Ou  a  de  lui,  les  Loges  du  f^atican, 
d'après  Raphaël ,  en  5  i  pièces ,  qu'il  a 
f^ravccs  coujoiuicment  avec  Fauîeltij  la 


AQU 

Bataille  de  Constantin,  en  4  pièces, 
d'après  le  même  ;  la  Galerie  du  pa- 
lais Farnèse,  en  1 2  pièces,  d'après  les 
tableaux  d'Annibal  Carraclie ,  et  beau- 
cou])  d'autres  estampes,  gravées  à  l'eau 
forte ,  d'après  difTérents  maîtres.  II 
avait  d'abord  embrassé  l'état  ecclésias- 
tique ,  (ju'il  quitta  pour  se  livrer  aux 
arts,  Oîi  ignore  l'époque  de  sa  mort. — 
Son  frère,  François  Faronnius  Aquila, 
a  gravé  également  à  l'eau  forte  diffé- 
rents sujets  ,  parmi  lesquels  ou  dis- 
tingue la  suite  des  peintures  que  Ra- 
phaël a  exécutées  dans  les  chambres 
du  Vatican ,  en  1 9  pièces  ;  la  coupole 
de  l'église  neuve  de  l'Oratoire  à  Rome , 
d'après  le  Cortoue ,  et  quelques  autres 
estampes.  P—  e. 

AQUILANO  (  SÉRAPHIN  ),  ou  d'A- 
QUILA  ,  poète  itaUen  ,  né  en  1466. 
On  dit  dans  sa  Vie  ,  placée  à  la  tète 
de  ses  OEuvres ,  qu'il  n'était  pas  de 
basse  naissance ,  mais  on  ne  dit  pas 
le  nom  de  sa  famille  ;  celui  d'Aquilano 
qu'il  prit  et  qui  lui  est  resté,  n'indi- 
quait que  sa  ville  natale,  Aquila  dans 
l'Abruzzc ,  comme  le  surnom  (W^re- 
tino ,  pris  delà  ville  d'Arezzo,estdevenu 
le  nom  de  Pierre  Arelin.  Selon  le  Qua- 
drio ,  l'Aquilano  était  de  la  famille  des 
Ciraini.  Il  fut  placé,  dès  son  enfance  , 
à  la  cour  du  comte  de  Potenza  ;  il  y  ap- 
prit la  musique  de  Guillaume  Fla- 
mand ,  qui  avait  alors  de  la  célébrité. 
Il  se  livra  pendant  trois  ans  à  l'étude 
de  Pétrarque  et  du  Dante  ,  et  à  com- 
poser des  chants  figurés.  11  alla  en- 
suite a.  Rome ,  où  il  se  fit  une  grande 
réputation  par  ses  poésies ,  qu'il  im-. 
pro visait  souvent ,  et  qu'il  chantait  avec 
beaucoup  d'expression  et  de  grâce ,  sur 
des  airs  de  sa  composition.  Ces  avan- 
tages réunis  faisaient  illusion ,  au  point 
qu'on  allait  jusqu'à  le  mettre  au-dessus 
de  Pétrarque.  11  fut  attaché  pendant 
plusieurs  annés  au  cardinal  Ascagne 
Sforcc  ,  ensuite  à  Ferdiuaud  II ,  alor^ 


AQU 
duc  deCalabre,  et,  api'èsla  chxile  âe 
cette  fjmilli'.  à  François  de  Gonzague , 
marquis  Ac  Mantoue.  Son  dernier  pa- 
tron fut  !e  fameux  duc  de  Valentinois, 
César  Borgia,  qui  le  traitait  avec  beau- 
coup de  distinction  et  de  générosité. 
On  ajoute  que  ce  duc  obtint  pour  kii 
le  titre  de  chevalier  de  p-âce ,  dans 
l'ordie  de  Malte.  Séraphin  mourut  à 
Tome,  daus  le  palais  de  Borp,ia,  le  i  o 
août  i5oo,  n'étant  âgé  que  de  trente- 
cinq  ans.  11  fut  enterré  à  Ste.-Marie-du- 
Peuple.  On  grava  sur  son  tombeau,  ces 
trois  vers,  faits  par  Bénédetto  Accolti 
d'Arezzo,  surnommé  V Unico  yiretino 
(  f'oj.  Accolti  )  : 

Qui  Jïiace  Serafin  :  partirtl  hor  puoi 
Sql  (l'haver  vcsto  il  ;asso  chf  lo  serra 
Assai  sel  débiter  alll  occhi  tuoi. 

On  imprima,  pour  la  première  fois,  ses 
poésies  à  V^euise  ,  en  1 5o2  ,  in-4"* , 
puis  à  Rome  ,  en  i5o5  ,  etc.  Ce  sont 
des  sonnets,  des  églogues,  des  épi- 
tres,  des  capiloli ,  ou  pièces  sur  dif- 
férents sujets ,  en  tercets  ou  terza 
rima  ,  et  d'autres  qui  ne  sont  plus 
d'usage,  comme  des  strambotti ,  es- 
pèces d'épigrammes  eu  octave ,  ou 
ottava  rima ,  des  barzelette ,  sortes 
de  ballades  ou  de  chansons  à  danser, 
dont  le  premier  vers  sert  de  refrain 
à  toutes  les  strophes,  etc.  L'Aquilano 
partagea  avec  le  Tébaldoo,  le  Caritéo  , 
l'Altissimo  ,  et  d'autres  poètes  de  la 
fin  du  1 5''.  siècle ,  des  éloges  exagérés , 
et  une  renommée  qui  s'évanouit  dès  le 
commencement  du  lô'.         G — e. 

AQUILANO  (  SÉBASTIEN  ),  mé- 
decin it^ien  du  iS*".  siècle.  Son  véri- 
table nom  est  inconnu  ;  celui  qu'il  porte 
lui  vient  delà  ville  d'Aquila,  au  royau- 
me de  Naples ,  où  il  avait  pris  nais- 
sance. Il  fut  en  réputation  du  temps 
de  Louis  de  Gonzague  ,  évêque  de 
Mantoue,  vers  la  fin  du  i5%  et  au 
commencement  du  16".  siècle.  Il  se 
montra,  tant  dans  sa  pratiqiie  que  dans 


AQU  347 

ses  écrits ,  un  des  plus  zélés  défenseurs 
de  G-ilien,  On  a  de  lui  :  I.  De  morbo 
Gallico,  Lyon ,  in-4". ,  i5o6,  et  Bo- 
logne, iu-8'.,  1017,  faisant  partie  de 
l'ouvrage  de  INIarc  Gattiuaria,  intitulé  : 
De  medendis  hitmani  corparis  ma' 
Us  practica  uberrima  ,  et  quelques 
autres  de  Gentilis,  de  Foligni,  de 
Biaise  Astarius.  II.  De  febre  sangui- 
ned  ad  mentem  Galeni ,  imprimé 
avec  le  traité  précédent,  dans  la  Prac- 
tica de  Gatlinarid ,  Bàle  ,  in-B'., 
1537;  Lyon,in-8'. ,  i558;  Franc- 
fort ,  in -8".,  1604.  Aquilano  est 
un  des  premiers  qui  aient  accrédité 
l'emploi  du  mercure  dans  les  mala- 
dies vénériennes  ;  mais  il  ne  l'em- 
ployait qu'à  très-petite  dose. 

C.  et  A  — N. 
AQUILIUS  (Manius),  consul,  et 
collègue  de  Marins.  L'an  655  de  Ro- 
me, 101  avant  J.-C,  il  fut  envoyé  en 
Sicile,  contre  les  esclaves  révoltés  que 
commandait  Alhénion.  Il  s'occupa  d'a- 
bord de  leur  couper  les  vivres.  L'an- 
née suivante,  ayant  retenu  le  com- 
mandement en  qualité  de  proconsul, 
il  en  vint  aux  mains  avec  l'ennemi; 
et,  comme  la  victoire  flottait  incer- 
taine, les  deux  généraux  convinrent 
de  décider  la  querelle  par  un  combat 
singulier.  Le  proconsul ,  qui  était 
d'une  force  de  corps  extraordinaire, 
étendit,  du  premier  coup,  Atbénion 
mort  à  ses  pieds,  d'une  blessure  h  la 
tète.  Les  Romains ,  profitant  de  sa  vic- 
toire, chargèrent  à  l'instant  les  révol- 
tés, et  leur  tuèrent  tant  de  monde, 
qu'à  peine  10,000  hommes  regagnè- 
rent leur  camp ,  où  ils  aimèrent  mieux 
s'entretuer  que  de  se  rendre.  Mille, 
qui  restaient ,  capitulèrent  avec  le 
proconsul,  qui,  après  leur  avoir  pro- 
mis la  vie,  voidutles  envoyer  à  Rome, 
pour  y  combattre  contre  les  bètes  fé- 
roces, dans  le  cirque;  mais  ils  aimè- 
rent mieux  imiter  l'exemple  de  leurs 


5  .i{5  A  Q  U 

compagnons,  et  se  tuer  les  uns  les 
autres,  que  de  se  soumettre  à  cette 
ignominie.  Aquilius,  à  son  retour,  ne 
fut  honoré  que  de  l'ovation,  maigre' 
l'importance  de  ses  services,  le  triom- 
phe ne  s'accordant  point  à  ceux  qui 
remportaient  des  victoires  sur  les  re- 
belles, et  particulièrement  sur  des  es- 
claves. Il  fut  accusé  de  concussions  par 
L.  Fusius,  avec  beaucoup  de  chaleur  et 
de  talent ,  même  convaincu ,  dit  Cieé- 
ron;  mais  il  fut  absous,  en  mémoire  de 
ses  grands  succès  dans  la  guerre  des 
esclaves.  Il  périt  misérablement,  dans 
la  guerre  contre  Mithridrate,  par  la 
cruauté  de  ce  prince  (  F.  jMithridate). 

Q_R_Y. 
AQUILIUS  (Sabinus),  juriscon- 
sulte romain,  du  5^  siècle  de  l'ère 
chrétienne.  Sa  sagesse  et  ses  connais- 
sances lui  firent  donner  le  surnom  de 
Caton.  Il  fut  élu  consul,  deux  fois 
de  suite  ,  en  l'aimée  2 1 4  ^t  en  9, 1 6. 
On  a  prétendu  qu'il  était  père  ou  frère 
d'Aquilia  Sévéra ,  vestale  ,  qu'Hélio- 
gabale  contraignit  à  devenir  sa  femme; 
ce  qui  a  pu  le  faire  présumer ,  c'est  la 
haine  que  cet  empereur  porta  à  Aqui- 
lius ,  dont  la  sagesse  l'irritait.  Il 
voulut  le  faire  périr  ;  mais  un  heu- 
reux hasard  sauva  cet  homme  ver- 
tueux. L'empereur  ayant  commandé  à 
un  de  ses  ofllciers  de  se  défaire  du 
consul  Aquilius ,  cet  oflicier,  dont  l'o- 
reille était  un  peu  dure  ,  et  qui  avait 
reçu  Tordre,  quelques  jours  aupara- 
vant, de  faire  sortir  de  la  ville  le  sénat 
entier,  crut  que  ce  prince  lui  donnait 
le  même  ordre  à  exécuter  à  l'égard  du 
consul ,  et  il  fit  sortir  de  la  ville  Aqui- 
lius Sabinus.  Aucun  des  ouvrages 
«le  ce  jurisconsulte  n'est  parvenu  jus- 
qu'à nous.  ]\I — X. 

AQUILIUS  GALLUS,  juriscon- 
sulte romain,  disciple  de  Scœvola,  fut 
d'abord  chevalier ,  et  exerça ,  avec  Al- 
îéJus  Capito ,  la  charge  de  tribun  du 


A  Q  U 

peuple ,  dans  la  même  année  que  Pom- 
pée obtint  le  consulat.  On  le  regarde 
comme  l'auteur  de  la  loi  Aquilia; 
mais  tout  porte  à  croire  que  cette  loi 
est  plus  ancienne.  Ce  fut  lui  qui  régla 
la  manière  d'instituer  héritiers  les 
petits  enfants  posthumes  :  ce  qui  est 
prouvé  par  la  loi  Gallus,  n".  o.g, 
dans  le  Digeste,  De  liberis  etposthn- 
mis.  L'amilié  de  Cicéron  est  un  grand 
titre  à  la  réputation  de  Gallus,  qui 
exerça  la  questure  avec  lui;  ce  gi-ard 
orateur ,  dans  son  ouvrage  De  claris 
oratoribus  ,  nous  !e  dépeint  comme 
un  homme  d'un  esprit  vif  et  péné- 
trant. Sa  formule  De  dolo  inalo,  est 
appelée  par  Cicéion  le  remède  contre 
toute  espèce  de  fourberies  ,  Ever- 
riculum  maliliarum  omnium  ;  cet 
éloge  doit  exciter  nos  regrets  sur  la 
perte  de  ce  Traité.  M — x. 

AQUIN  (  Thomas  d'  ).  F.  Thomas. 

AQUIN  (  Philippe  n'  ),  savant  rab- 
bin de  Carpentras ,  dont  le  véritable 
nom  était  Mardoçai,  ou  Mar- 
D  o  c  h  É  E.  Chassé  de  la  synago- 
gue d'Avignon ,  en  1610,  à  cause  de 
son  penchant  pour  le  christianisme, 
il  se  retira  dans  le  rovaume  de  Naples, 
et  se  fit  baptiser  à  Aquino,  dont  il  prit 
le  nom.  11  en  supprima  la  terminaison 
lorsqu'il  vint  en  France  ,  et  se  fit  appe- 
ler d'Aquin.  Le  clergé  lui  donna  une 
pension.  Il  vint  ensuite,  avec  sa  famille, 
s'établir  à  Paris,  où  il  se  consacra  à 
l'enseignement  de  l'hebreii.  Louis  XllI 
le  nomma  professeur  royal  au  collège 
de  France,  et  interprète  pour  la  lan- 
gue hébraïque.  Il  occupa  cette  chaire 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  vers  l'an  i6jo, 
au  moment  où  il  préparait  une  version 
àx\  Nouveau  Testament,  en  hébreu, 
avec  des  notes  sur  chaque  épître  de 
S.  Paul.  On  assure  également  que  Le- 
jai  l'avait  chargé  de  l'impression  et  de 
la  correction  des  textes  hébreu  et 
chaldécu  de  sa  Polyglotte.  Voici  la 


AQU 

liste  do  ses  ouvrages  :  I.  Dictionarium 
hehrao  -  chaldao  -  talmudico  -  rabhi- 
uicum,  Paris,  162g,  in-fol.;  \\.  Ra- 
cines  de  la   langue  sainte,  Paris, 
1620,  in-fol.;  III.  Explication  des 
treize  moyens  dont  se  servaient  les 
rabbins  pour  entendre  le  Pentaleu- 
(jue ,  recueillie    du    Talinud  ;   IV". 
Traduction  italienne  des  apophthep;- 
mes  des  anciens   docteurs  de  l'E- 
glise Judaïque  ;  V.  Aquinatis  hebrece 
ling.  prof.  lacrimcE  in  obitum  illuslr. 
card.  de  Bendle.  Dans  cet  e'crit,  où 
il  s'acquitte  envers  sou  bienfaiteur  de 
la  reconnaissance  qu'il  lui  devait ,  il 
parle  de  deux  autres  ouvrages  qu'il 
avait  composes ,  l'un  imprimé  et  tiré 
des  rabbins,  intitulé  :  Examen  mun- 
di  ;  l'autre ,  qu'il  était  près  de  mettre 
au  jour  sous  ce  titre  :  De  ulrdque  po- 
lilid  judàicd  tàm  civili  qnàm  eccle- 
siasticd.  On  a  encore  de  lui  :  Discours 
du  Tabernacle  et  du  Camp  des  Israé- 
lites^ Paris ,  i6jt3,  in-4''.  ;  Discours 
des  Sacrifices  de  la  Loi  mosaïque, 
Paris,  iG'24  lin-i"-;  interprétation  de 
l'Arbre  de  la  Cabbale  des  Hébreux^ 
Paris ,  in-8°. ,  sans  date  ;  Foces  primi- 
geniœseu  radiées  grcecce,  Paris,  1 620, 
in- 16.  —  Son  fils,  Louis  d'Agum ,  né 
à  Avignon  en  1 600 ,  pensionné  comme 
lui  par  le  clergé,  fit  aussi  sa  principale 
étude  de  la  science  rabbinique,  et  se 
rendit  très -habile  dans  les  langues 
orientales.  Il  tradui^iten  latin,  le  Com- 
mentaire de  Ben  -  Gersou  sur  Job  , 
Paris,  1622,  in-4''.,  ^^  1^  Commen- 
taire  sur   Esther,  qu'il  enrichit  de 
notes.  —  Antoine  d'ÂQUiN,   premier 
médecin  de  Louis  XI V,  mort  en  1 696 , 
était  petit-fils  de  Philippe,  et  pèie  de 
Louis  d'Aquin,  évêque  de  Fréjus. 
J— N. 
AQUIN   (  Louis  Claude  d'  ) ,  fa- 
meux organiste  ,  né  à  Paris  le  4  juillet 
i694,Diortlp  1 5  juin  i  7 n-j.  Ses  dis- 
positions^ secoudées  par  les  leçons  du 


AQU  549 

musicien  Bernier,  le  firent  regarder 
comme    un   petit    prodige ,   puisqn'à 
l'âge  de  six  ans ,  il  étonna  Louis  XIV , 
devaiit  qui  il  toucha  du  clavecin ,  et 
que,  deux  ans  après,  il  cessa  d'avoir 
des  maîtres.  Nommé  organiste  du  Petit- 
St.-Antoine ,  à  l'âge  de  douze  ans,  il 
fit  admirer  son  exécution  facile  et  bril- 
lante; il  concourut,  en  1727,  pour 
l'orgue  de  St.-Paul,  et  l'emporta  sur 
Rameau ,  qui ,  depuis ,  acquit  tant  de 
celelirité,  comme  compositeur  de  mu- 
sique dramatique.  En  1759,  le  roi  le 
nomma  l'un  des  organistes  de  sa  cha- 
pelle. On  assure  que  le  célèbre  Handel 
fit  le  voyage  de  France ,  exprès  pour 
entendre  d'Aquin.  On  a ,  de  cet  orga- 
niste, deux  Recueils  gravés,  l'un  de 
Pièces  de  Clai>ecin,  Y aulre  de  Noëls. 
P— X. 
AQUINdeChateau-Lyon  (Pierre- 
Louis)  ,  fils  du  précédent  .  et  bache- 
lier en  médecine,  mourut  vers  1  '-97  , 
après  avoir  publié  :  I.  Contes  mis  en 
vers  par  un  petit  cousin  de  Rabelais, 
1775,  in-8°.;  IL  Lettres  sur  les  hom- 
mes célèbres  dans  les  sciences  ,  la 
littérature  et  les  arts  ,  sous  le  règne 
de  Louis  XF,  1752 ,  2  vol.  in  -  i  2  ; 
repoduits  en  1765  ,  sous  le  titre  de 
Siècle  littéraire  de  Louis  XF  ;  III. 
Lettres  sur  Fontenelle ,  i-Sî  .in-12; 
IV.    Observations  sur  les  OEuvres 
poétiques  de  M.  de  Caux  de  Cap- 
pei'al ,  1 754,  in-i  2  ;  V.  la  Plejade 
française,  ou  l'Esprit  des  sept  plus 
grands  poètes  ,  1764  ,  2  vol.  in-  12  j 
VI.  Semaine  littéraire,  1 75g  ,  4  vol. 
in  -  1 2  (en  société  avec  de  Caux)  ;  VIL 
Idée  du  siècle  littéraire  présent ,  ré- 
duit à  six  vrais  auteurs  (  Gresset  ^ 
Crébillon ,  Trublet ,  Fontenellc  ^  Mon- 
tesquieu et  Voltaire),  in-  12  ,  sans 
date;  on  attribue  aussi  cet  ouvrage  à 
l'abbé  Blanchet  ;    VIII.    Poésies  de 
Lainez ,    1 755  ,  in  -  8".  ;  IX.  Satire 
sur  la  corruption  du  goût  et  du  sijle, 


o5o  ARA 

inSo,  in  -  8°.  ;  X.  Almanach  litté- 
raire, ou  Étrennes d' Apollon,  1777- 
o3,  17  vol.  petit  in-i'^;  quelques 
volumes  sont  sous  le  nom  d'wH  Cou- 
sin de  Rabelais,  à' autres  sous  le  nom 
de  Rabelais  d'Aquim  ÎVP.  C.-J.-B. 
Lucas-Rochemonta  ajoute  4  volumes 
à  cette  collection  ,  1801-1804.  Ces 
2 1  volumes  sont  un  recueil  de  pièces 
en  vers  et  en  prose.  Un  si2^.  volume  , 
ne  contenant  que  des  poésies  ,  a  été 
publie  par  M.  Millevoye ,  Paris ,  li- 
brairie économique,  1 806  ;  XI.  Eloge 
de  Molière ,  en  vers ,  avec  des  notes 
curieuses  ,  1775,  in-8'.  ;  XII.  quel- 
ques autres  ouvrages  ,  qui  ,  comme 
ceux  que  nous  venons  d'indiquer  , 
prouvent  peu  de  talent ,  et  eurent  peu 
de  succès.  Aussi ,  faisant  allusion  à  la 
profession  de  son  père  ,  a-t-on  dit  : 

On  souftla  pour  le  pure  ,  on  siffla  pour  le  fils. 

A.  B— T. 
AQUTNO  (Charles  d'),  jésuite,  né 
à  ^^aples  en  iG54,  professa  la  rliéto- 
rique  à  Rome  avec  beaucoup  d'éclat, 
fut  ensuite  recteur  du  collège  de  Rivoli , 
et  revint  à  Rome,  où  il  mourut  en 
1 740.  llotaitdcl'académiedes  sciences, 
et  de  celle  des  Arcades.  Ses  ouvrages  , 
écrits  en  latin,  sont  estimés,  tant  par  le 
choix  des  sujets  que  par  le  style  et  l'é- 
rudition qu'il  a  su  y  répandre.  Les 
pi-incipaux  sont  :  I.  trois  Aolumes  de 
poésies,  Rome,  1 702 , parmi  lesquelles 
on  remarque  un  Anacreon  Recanta- 
ius ,  c'est-à-dire,  des  odes  édifiantes 
que  l'auteur  a  cru  devoir  opposer, 
comme  antidote,  aux  odes  erotiques 
du  poète  grec  ;  II.  Orationes  ,  Ro- 
me, 1 704  ,  2  vol.  in-8"-  ,  dont  le  pre- 
mier contient  les  oraisons  funèbres,  et 
le  second,  des  harangues  sur  divers 
sujets  ;  III.  Lexicon  mililare,  Rome , 
1-^07,  in-foho,  réimprimé  en  1759. 
Outre  l'explication  des  termes  mili- 
taires, on  ti'ouye,  dans  ce  dictiou- 


ARA 
naire ,  un  grand  nombre  d'observâ- 
tious  qui  servent  àéclaircir  les  écrivains 
anciens  et  modernes,  et  de  savantes 
dissertations.  IV.  Une  histoire  de  la 
guerre  de  Hongrie,  sous  le  titre  de 
Fragmenta  historiœ  de  hello  Hun- 
gffln"a?,Rome,  1726,  in- 12.  L'auteur 
fut  forcé  d'abandonner  cet  ouvrage, 
faute  des  mémoires  qu'on  lui  avait  pro- 
mis; il  n'en  reste  que  quelques  parties 
où  l'on  trouve  une  description  géogra- 
phique de  la  Hongrie  ,  l'histoire  de  la 
nation  hongroise  jusqu'au  règne  de 
Léopold,  elle  commencement  des  trou- 
bles excités  par  Éméric  Tékéh.  V.  No- 
menclatorAgricullurœ,làoms',i'j3G^ 
iii-4"-  C'est  un  dictionnaire  de  tous 
les  termes  d'agriculture  employés  par 
les  auteurs  latins  qui  parlent  de  cette 
science.  Cet  ouvrage  est  terminé  par 
un  index  méthodique  dans  lequel  tous 
les  termes  sont  rangés  sous  vingt 
classes  assez  bien  déterminées.  G — s. 
ARAB-CHAH  (  Ahmed  Bex),  his- 
torien arabe  ,  est  auteur  d'une  Vie  de 
Tymour  (Tamerlan),  ouvrage  estimé, 
intitulé  .-  Les  prodigieux  ejfets  des 
Décrets  divins  dans  les  ajfjaires 
de  Tjmour.  Le  style  ne  nous  semble 
pas  mériter  les  éloges  pompeux  qu'en 
ont  faits  quelques  orientalistes  j  l'au- 
teur ,  il  est  vrai ,  étale  tout  ce  que 
l'imagination  a  de  plus  brillant ,  accu- 
mule les  figures  les  plus  exagérée* , 
mais  il  s'étudie  coutinucllenient  à  em- 
ployer des  mots  à  double  sens ,  et  dont 
la  signification  est  très-difficile  à  saisir. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  les  tra- 
ductions qu'on  a  faites  de  cette  histoire, 
qui  doit  être  lue  dans  la  langue  origi- 
nale, soient  très-fautives.  Golius  en  a 
publié  le  texte  à  Lcyde  ,  en  i()5G  ,  et 
Vatier,  une  traduction  française,  en 
16 58.  Manger  en  a  publié  le  texte, 
accompagné  d'une  traduction  latine,  à 
Lewardin ,  en  17C7  et  1772,  2  vol. 
in-4''.  On  en  a  imprimé  en  outre ,  à 


A  Fv  A 

Coustantinople ,  une  traduction  turkc, 
l'an  1 142  de  l'iieg.  (  1  •y  29  de  J.-G.  ). 
La  Bibliothèque  impériale  de  France 
en  possède  deux  beaux  manuscrits, 
d'après  lesquels  on  pourrait  en  pu- 
blier un  texte  pur.  Arab-Chàh  est  en- 
core auteur  de  plusieurs  ouvrages;  il 
mourut  en  Egypte, l'an  854  del'he'gire 
(  1 4^0  de  J.-G.)-  Ou  trouve  des  détails 
curieux  sur  cet  historien  dans  la  Bio- 
graphie d'Aboul-Mahaçan.    J — ^. 

ARADON  (  Jérôme  ) ,  de  Quinipily, 
l'un  des  principaux  officiers  du  duc  de 
Mercœur ,  dans  la  guerre  de  la  hgue, 
fut  oblige  de  rendre,  eu  1089  1  ^^^ 
prince  de  Dombes ,  la  ville  d'Hen- 
nebon  ,  où  il  commandait  ;  mais  il 
contribua,  l'année  suivante ,  à  la  re- 
prise de  cette  place  ,  dont  le  gouver- 
nement lui  tut  rendu.  On  a ,  de  ce  ca- 
pitaine, un  journal  très-  inexact  et  très- 
paitial  des  événements  qui  eurent 
lieu  dans  cette  partie  de  la  Bretagne. 
Aradon  de  Quinipily  demeura  dans  le 
parti  des  ligueurs ,  même  après  la  con- 
version de  Henri  IV,  et  il  ne  se  sou- 
mit à  l'autorité  légitime  qu'en  1697, 
époque  à  laquelle  le  duc  de  I\Iercœur 
fit  sa  paix.  Toute  la  famille  d'Aradon , 
composée  de  cinq  frères  ,  était  dé- 
vouée à  ce  chef,  et  lui  rendit  de 
grands  services  ;  l'un  d'eux  était  gou- 
verneur de  Vannes;  un  troisième  (Du- 
plessis  d'ARADON  ) ,  évèque  de  cette 
ville  ,  fut  député  aux  états  -  généraux 
de  la  ligue ,  en  1 595.      D.  N — l. 

ARiGON  (Jea-vxe  d  ).  Un  recueil 
de  vers  itaheus ,  publié  à  Venise  ,  en 
i558  ,  sous  le  litre  de  :  Tempio  alla 
divina  signora  Giovanna  tV Ara- 
fotia,  et  qui  contient  des  morceaux 
d'un  grand  nombre  de  poètes  ,  à  la 
louange  de  cette  dame  ,  n'est  pas  la 
seule  preuve  que  l'on  ait  de  son  mé- 
rite, de  son  courage,  de  ses  vertus 
presque  héroïques.  Dans  le  16^.  siècle, 
©ù  l'Italie  compta  plusieurs  femmes 


ARA  56î 

illustres ,  elle  fut  une  des  pliis  dislin- 
g'ieVs  et  des  plus  belles.  Epouse  d'As- 
cagne  Golonne  ,  prince  de  Tagliacozzo, 
elle  eut  occasion  de  faire  preuve  de 
ses  grandes  qualités  dajis  les  querelUs 
de  la  famille  Colonne  avec  le  pape 
Paul  IV.  Son  mari  ayant  été  arrête  à 
Naples,  elle  voulait  l'aller  rejoindre; 
elle  eut  défense  de  sortir  de  Rome , 
et  le  respect  dû  à  sou  sexe  empêcha 
seul  qu'on  ne  l'arrêtât  elle  -  même  ; 
mais  rien  ne  put  Ini  arracher  une 
marque  de  crainte  ou  de  Liblese.  Elle 
mom-ut ,  en  iS-;-; ,  dans  un  âge  très- 
avancé.  G— E. 

ARAGON  (TuLLiE  d)  ,  l'une  des 
femmes-poètes  les  plus  célèbres  d'Ita- 
lie, florissait  au  iG".  siècle.  Elle  des- 
cendait de  la  branche  de  cette  maison 
royale  qui  avait  régné  à  Naphs;  mais 
non  par  une  descendance  légitime. 
Le  cardinal  Pierre  Tagliavia  d'Aragon, 
archevêque  de  Palerme  ,  l'avait  eue  à 
Rome  d'une  belle  Ferraraise  ,  nom- 
mée Giidia.  Il  lui  assura  une  fortune 
suffisante  pour  la  faire  vivre  dans 
l'aisance.  Hle  était  belle ,  et  une  édu- 
cation soignée  joignit  à  cet  avantage 
naturel  les  talents  les  plus  rares.  Étant 
encore  presque  enfant ,  elle  parlait  et 
écrivait  en  latin  et  en  italien  ,  sur 
toutes  sortes  de  sujets ,  comme  le  lit- 
térateur le  plus  instruit;  et  lorsqu'elle 
parut  dans  le  monde  ,  sa  beauté,  sou 
esprit,  sa  politesse  ,  la  décence  de  ses 
manières,  l'élégante  magnificence  de 
ses  habits ,  attirèrent  tous  les  regards. 
Elle  jouait  de  plusieurs  instruments 
et  chantait  avec  un  goût  et  un  art  ad- 
mirables. Ses  discours  étaient  remplis 
de  raison  et  de  grâce  ;  rien  enfin  ne 
lui  manquait  pour  séduire ,  aussi  eut- 
elle  un  grand  nombre  d'adorateurs, 
et  principalement  parmi  les  poètes.  Ils 
lui  adressaient  des  vers  pleins  d'admi- 
ration et  d'amour  ;  elle  leur  répondait 
souveat  dans  le  même  langage  ^  et  elle 


5  j-i  A  R  A 

passe  pour  avoir  répondu  à  plusieurs 
d'entre  eux,  autreiueut  que  par  d>  s 
vers.  Le  cardinal  fiypolite  de  Médicis, 
Hercule  Bentivoglio ,  Philippe  Slrozzi, 
le  Moiza  ,  Varclii  lui-même,  et ,  plus 
encore,  Pierre  Manelli  de  Florence, 
et  le  célèbre  poète  Muzio  ,  furent  ses 
intimes  amis.  Elle  vécut  le  plus  sou- 
vent  à   Ferrare  et  à  Rome  ;  elle  fit 
aussi  un  assez  long  séjour  à  Venise. 
Enfin,  déjà  avancée  eu  âge,  elle  se 
retua  à  Florence ,  sous  la  protection 
de  la  duchesse  Léonore  de  Tolède. 
Elle  lui  dédia  le  recueil  de  ses  poésies , 
auxquelles    elle   joignit   plusieurs  de 
celles  dont  elle  avait  été  l'objet;  et 
mourut ,  comme  elle  l'avait  toujours 
désiré  ,  avant  d'arriver  à  une  extrême 
vieillesse.  Ses  ouvrages  sont  :  I.  ses 
Poésies,  ou  /?jme,Ycnise,  10477  iii-8"., 
dédiées  à  la  duchesse  de  Florence ,  et 
réimpriraeVs  ensuite    plusieurs   lois  ; 
II.  Dialogo  delV  infinità  d'Ainore, 
Venise,  i547,  in-8".  ;  dans  ce  dia- 
logue sur  la  puissance  infinie  de  l'a- 
mour, Tullie  d'Aragon  se  met  elle- 
même  en  scène  avec  Varchi,  et   un 
autre  de  ses  amis  intimes  ,  Lactance 
Ijenucci;  III.  IlMeschiiio,  o  il  Gue- 
rino ,  poema  {in  ottava  rima),  Ve- 
nise ,  1 5Go  ,  in-4°.  Ce  poème ,  en  50 
chants ,  est  tiré  d'un  vieux  roman  en 
prose ,  que  Tullie  dit  espagnol ,  mais 
que  les  philoli  gués  italiens  prétendent, 
avec  plus  de  fondement ,  avoir  été  d'a- 
bord écrit  en  vieux  langage  italien , 
d'où  il  avait  élé  liaduit  en  es|)agnol , 
et  plus  anciennement  en  vieux  fran- 
çais. G — r.. 

ARAJA  (FiiANçois),  compositeur 
de  nuisique,  né  à  ^aples.  Le  premier 
opéra  qu'il  fit  représenter  est  Béré- 
nice; il  fut  exécuté  dans  le  château  du 
grand-duc,  près  de  Florence.  Après 
avoir  composé  quelques  autres  ouvra- 
ges en  Italie,  et  principalement  l'opéra 
d'Amore  yer  régnante,  représente 


ARA 

à  Rome,  en  1701 ,  il  fut  appelé,  en 
i-jSS,  à  Pétersbourg,  avec  plusieurs 
chanteurs  italiens,  et  nommé  maître 
de  la  chapelle  impériale.  Pendant  son 
séjour  en  Russie,  il  fit  exécuter,  sur 
le  théâtre  de  la  cour,  les  opéras  ita- 
liens à'Abiatare  ,  de  Sémiramide  , 
de  Scipione,  d'Arsaceet  de  Seleuco; 
mais  l'ouvrage  le  plus  remarquable  de 
ce  compositeur,  est  Ce'phale  et  Pro' 
cm,  écrit  en  russe,  et  qu'on  regarde 
comme  le  premier  grand  ope'ra  exé- 
cuté dans  cette  langue.  L'impératrice 
fut  si  satisfaite  de  la  musique  de  cet 
ouvrage,  qu'elle  fit  présent  à  l'auteur 
d'une  très -belle  pelisse  en  zibeline. 
Ai'aja  ,  ayant  ramassé  de  quoi  vivre 
dans  l'aisance,  vint  terminer  ses  jours 
dans  sa  patrie.  P — x. 

ARAM  (  Eugène)  ,  savant  anglais , 
né  à  Ramsgill,  dans  le  comté  d'Yorck, 
était  fils  d'un  pauvre  jardinier,  et  des- 
tiné à  la  même  profession;  mais  animé 
du  désir  de  s'instruire ,  il  acheta  des 
livres,  qu'il  apprenait  par  cœur  dans 
SCS  moments  de  loisir.  Ce  fut  ainsi  qu'il 
acquit  la  connaissance  des  langues  sa- 
vantes, do  plusieurs  sciences,  de  l'his- 
toire ,  des  antiquités ,  etc.  Eu  i  '^44  >  il 
vint  à  Londres ,  où  il  se  mit  à  enseigner 
l'écriture  et  la  langue  latine,  dans  dif- 
férentes maisons  d'éducation ,  ne  lais- 
sant échapper  aucune  occasion  d'ajou- 
ter de  nouvelles  connaissances  à  celles 
qu'il  avait  acquises.  Il  travaillait  à  la 
composition  d'un  dictionnaire  com- 
paré des  langues  celtique  ,  anglaise , 
latine ,  grecque  et  hébraïque ,  lors- 
qu'un événement  affreux  vint  arrêter 
ses  progrès.  11  lut  saisi,  en  i'j:j8,  à 
Lynn  ,  dans  le  comté  de  INurfolk  , 
cumrae  assassin  d'un  cordonnier  , 
nomme  Daniel  Clark,  disparu  depuis 
plus  de  i5  ans.  Aram  fit  uuc  défense 
remplie  de  talent  et  d'adresse,  mais 
n'eu  fut  pas  moins  convaincu  du  crime, 
qu'il  avoua  ensuite  lui-même  au  mi- 


ARA 

nistre  qui  l'assista  au  supplice,  qu'il 
subit  avec  une  grande  résignation.  Il 
paraît  que  sou  crime  lui  avait  e'të  ins- 
pire par  la  jalousie  ;  il  croyait  avoir 
lieu  de  soupçonner  Clark  d'entretenir 
lin  commerce  illicite  avec  sa  femme.  Il 
tenta  vainement  de  se  détruire  après 
sou  jugement ,  et  fut  exécuté  à  Yorck, 
en  1  739.  X — s. 

ARAMON  ,    ou  AR AMOiNÏ  (  Ga- 
briel DE  LuETZ ,  baron  d'  ),  ambassa- 
sadeiu'  de  France  à  Constantiuuplc, 
sous  le  règne  de  Henri  II ,  est  appelé 
citoyen  de  JNimes  par  Poido  d  Albe- 
nas  ;   d'autres  circonstances  se  réu- 
nissent   pour    prouver   qu'il   naquit 
dans  cette  ville ,  ou   aux   environs  , 
dans  le  commencement  du  1 6  '.  siècle, 
et  qu'ainsi  Moréri  et  Bayle  se  sont 
trompés  en  le  disant  natif  de  Gas- 
cogne. Il  se  maria  en  iSaG,  et  ayant 
essuyé  quelques  dégoûts  dans  sa  pro- 
vince, se  rendit  à  la  cour,  oii  il  obtint 
la  confiance  de  François    I".  et  de 
Henri  II.  Ambassadeur  à  Constanti- 
liople,  depuis  i546  jusqu'en   i5j5, 
il  ramena  dans  les  intérêts  de  la  France 
Soliman  II,  qu'on  en  avait  éloigné, 
et  obtint  de  ce  prince  une  flotte  pour 
faire ,    on     menaçant    Naples    et  la 
Sicile,  une  utile  diversion  en  Italie, 
Charles-Quint  informé  de  cette  négo- 
ciation ,  ne  manqua  pas  de  se  récrier 
sur  le  scandale  de  l'alliance  du  roi  très- 
chrétien  avec  des  infidèles  ,  plaintes 
hypocrites  que  l'empereur,  comme  l'a 
judicieusement  observé  Bayle,  se  se- 
rait lui-même  rais  peu  en  peine  d'exci- 
ter. D'ailleurs ,  l'idée  du  renouvelle- 
ment de  l'alliance  avec  le  grand-sei- 
gneur avait  été  inspirée  par  le  pape 
Paul  m ,  et,  sans  doute,  il  n'en  aurait 
pas  fallu  davantage  pour  triompher 
.  des  scrupules  de  Henri  II ,  si  ce  prince 
en  avait  eu  ,  dans  une  telle  circons- 
tance. Les  fausses  mesures  de  la  cour 
,iic  France  rendirent  à  peu  près  inu- 
II. 


ARA  553 

tile  le  succès  de  cet  ambassadeur ,  et 
un  incident  qu'il  s'elTorça  en  vain  de 
prévenir ,  le  compromit  quelque  temps 
d'une  manière  assez   grave.  Revenu 
eu  France  pour  rendre  compte  de  sa 
mission  ,    et    prendre   de   nouveaux 
ordres ,  il  retournait  à  Constantinople. 
De  Malte  ,  où  il  avait  touché ,  il  alla, 
sur  la  demande  du  grand-maître ,  es-< 
sayer  d'engager ,   au  nom  du  roi  de 
France ,    Dragut ,  qui  attaquait  Tri- 
poli,  à  renoncer  au  siège  de  cette  place. 
Il  n'y  réussit  point,  et  le  grand-maître. 
Espagnol   de    naissance  ,    n'épargna 
rien  pour  accuser  l'ambassadeur  fran* 
çais }  mais  d'Aramont  se  justifia  facile- 
ment, et  alla  reprendre  son  poste  au- 
près de  Soliman  il.  Quelques  histo* 
riens  disent  que  le  don  des  Iles-d'Or, 
(  d'Hièrcs  ) ,  érigées  en  marquisat  eu 
faveur  de  d'Armont ,  avait  été  le  prix 
de  ses  services.  C'est  une  erreur  :  il 
ne  les  posséda  que  par  la  cession  que 
lui  en  fit  un  Allemand  ,  le  comte   de 
Roquendolf.  Aramont,  par  son  crédit, 
avait  fait  sortir  cet  Allemazid  du  châ- 
teau des  Sept-Tours  ,  et  Roquendolf, 
par  reconnaissance,  fit  don  à  Aramont 
de  ces  îles ,  ([ue  le  roi  lui  avait  don- 
nées. Il  paraît  certain  qu'au  lieu  d'ob- 
tenir   quelques  récompenses  de    ses 
services ,   d'Aramont  ne  parvint  pas 
même  à  se  faire  restituer  des  terres 
qu'on  lui  avait  confisquées  avant  soa 
ambassade.  Ces  terres,  immédiatement 
après  sa  mort, furent  données  à  Diane 
de  Poitiers.  D'Aramont   suivit  Soli- 
man II  dans  une  expédition  en  Perse, 
et  passa  de  là  en  Syrie ,  dans  la  Pales- 
tine et  en  Egypte.  La  relation  de  ses 
voyages  a  été  écrite  par  Jean  Ches- 
neau  ,  son  secrétaire.   «  Cette  pièce , 
»  disent  avec  raison  les  compilateurs 
»  qui  l'ont  publiée,  l'une  des  plus  cu- 
»  rieuses  du  16".  siècle,  nous  laitcon- 
»  naître  l'état  de  Constantinople,  de 
»  JérusalenjetduCaire,  au  milieu decç 

a3 


5j4  ara 

»  siècle.  Elle  nous  apprend  des  parti- 
V  ciilarités  intéressantes  de  ces  régions 
»  éloignées ,  et  qui  ne  se  trouvent  point 
»  ailleurs.  On  y  voit  un  détail  de  la 
»  campagne  de  Soliman  II  eu  Perse.  » 
D' Aramont ,  revenu  de  son  ambas- 
sade ,  se  retira  en  Provence  ,  où  il 
mourut  vers  l'an  i553.    V.  S — l. 

ARANDA  (Emmanuel  d')  ,  natif  de 
Bruges ,  passa  sa  jeunesse  en  Espagne, 
eu  revenant    dans  sa  patrie  fut  pris 
par  un  corsaire  algérien  ,  et  resta  es- 
clave pendant  deux  ans.  De  retour 
dans  le  Brabant ,  en  \6^i  ,  il  ut,  eu 
espagnol ,  une  Relation  de  sa  captivité, 
relation  qui  a  été  traduite  en  latin  , 
La  Haye,  i657  ,  in- 12.  ;  en  flamand, 
en  anglais.  La  traduction  française , 
imprimée  à  Bruxelles,  i656,  in-is, 
■  a  été  réimprimée  à  Paris ,  sous  ce  titre  : 
Jielation  de  la  captivité  et  liberté  du 
sieur  Emmanuel  d'Aranda  ,  jadis 
esclave  à  Al^ei\  où  se  trouvent  plu- 
sieurs particularités  de  l'Afrique, 
dignes  de  remarques  ;  nouvelle  édi- 
tion ,  augmentée  de  treize  relations , 
Pjiris,    iGt>5,in-i6.  Indépendam- 
«nent  d'un  sommaire  sur  l'antiquité 
d'Alger,  et  de  quelques  détails  assez 
instructifs  sm-  la  forme  du  gouvcrue- 
lucnt  et  de  la  police  de  cette  ville, 
cette  relation,  et  celles  des  treize  es- 
claves, donnent  quelques  lumières  sur 
les  mœurs  et  les  usages  des  liabitauts. 
Le  Dictionnaire  historique  des  Pays- 
Bas  fait  mention  d'une  édition  aug- 
mentée, Bruges,  i68'-i.  On  ignore  les 
tlates  de  la  naissance  et  de  la  mort  de 
l'auteiu". —  Antoine  de  Aranda  a  pu- 
blié J'erdadera  informacion  de  la 
Tierra  Santa ,  Tolède ,  1 545 ,  in-4". 
gothique,  —  Jean  de  Aranda  a  laissé 
Lugares  communes  de  conceptos  , 
dicfios  Y  sententias  en  diversas  ma- 
terias,  Séville,  i5()5,iii-4".   A.B — t. 
ARANDA   (DON  Pedro -Pablo 
Abarca  de  Bolea  ,  comte  d'  ) ,  d'une 


ARA 

des  familles  les  plus  disiinguécs  d? 
l'Aragou  ,  naquit  vers  l'an  17 19-  Il 
embrassa  d'abord  la  profession  des 
armes  ;  mais  comme  il  annonça   de 
l'aptitude  aux  affaires  qui  demandent 
un    esprit  observateur,  Charles  III, 
peu  après  son  avènement  au  trône , 
le  nomma  sou  ministre  auprès  d'Au- 
guste III  son  beau-père.  Le   comte 
d'Aranda   passa ,    en  cette   qualité , 
près    de    sept  ans    auprès   du    roi 
de  Pologne  ,   tant  à  Varsovie    qu'è 
Dresde.  A  son  retour  en  Espagne , 
Charles  Ilï  le  plaça  comme  capitaine- 
général  à  Valence ,  d'où  il  le  rappela 
en  1765  ,  à  la  suite  de  l'émeute  de 
Madrid ,  qui  lui  avait  fait  sentir  la 
nécessité  de  mettre  à  la  tête  de  son 
administration   un  homme  d'un  ca- 
ractère vigoureux.    D'Aranda  justifia 
son  choix,  comme  président  du  con- 
seil de  Castille  :  ce  fut  lui  qui  prépara, 
dans  le  plus  grand  secret,  et  fit  exé- 
cuter dans  le  plus  grand  ordre ,  l'ex- 
pulsion des  jésuites  hors  de  tous  les 
états  du  roi  ;  mais  les  intrigues  de 
Rome  et  du  clergé  forcèrent  le  roi 
à  écarter  lioncrablement  d'Aranda,  en 
le  nommant  ambassadeur  en  France. 
Pendant  les  neuf  ans  qu'il    résida  à 
Paris,  il  s'y  concilia  la  considération 
universelle;  mais  la  roideur   de  son 
caractère  ,  qui    souvent    servit  bien 
sa    cour    auprès  de    celle    de    Ver- 
sailles ,  avait  indisposé  le  roi  d'Es- 
pagne, ou  plutôt  le  comte  de  Florida 
Blanca,  son  ministre  principal.  D'A- 
randa fut  rappelé  à  Madrid,  en  i  784 , 
avec  le  titre  honorifique  de  conseiller 
d'état.  Il  y  vivait  dans  une  sorte  de 
disgrâce,  lorsque  la  reine,  mécontente 
du  comte  de  Florida  Blanca ,  le  fit 
nommer  à  sa  place,  au  mois  de  mars 
j  792.  Ce  retour  à  la  faveur  fut  de 
courte  durée.  Quelques  mois  après , 
au  grand  scand.tle  de  la  cour  et  de  la 
nation ,  le  comte  d'Aranda  fut  tout 


A I^  A 

à  coup  remplacé  par  don  Manuel  Go- 
doï,  si  connu  depuis  sous  le  nom  de 
Prince  de  la  Paix.  11  resta  cepen- 
dant doyen  du  conseil  d'état,   que  , 
pendant  sou  ministère,  il  avait  remis 
en  activité;  mais  ayant,  dans  ce  con- 
seil ,  énoncé  son  0])inion  sur  la  guerre 
contre  la  Frauce ,  il  fut  exilé  dans  ses 
terres  d'Aragon  ,  où  il  termina  ,  eu 
J794,   sa  longue  et  honorable  car- 
rière,  en  laissant  une  jeune  veuve 
dont  il  n'avait  pas  eu  d'enfanîs.  Ri- 
.  goureusement  parlant ,  le  comte  d'A- 
randa  ne  fut  ni  un  grand  homme,  ni 
un  homme  de  génie;  mais  ce  qui  le 
plaçait  au-dessus  des  hommes  vul- 
gaires, c'était  l'indépendance  de  sou 
caractère  et  la  force  de  sa  volonté. 
Exempt  de  beaucoup  des   préjugés 
qu'on  prête  à  ses  compatriotes ,  il  mé- 
ritait, à  quelques  égai'ds,  le  litre  de 
philosophe  dans  l'acceplion  favorable. 
Pendant  qu'il  était  président  du  con- 
seil de  Castille,  il  fit,  contre  l'inqui- 
sition ,  quelques  tentatives ,  et  c'en  fut 
assez  pour  le  faire  préconiser  par  le 
parti  qui  distribuait  alors  les  répu- 
tations ;  mais  les  éloges  des  philoso- 
phes ne  servirent  qu'à  éveiller  la  mé- 
îiance  du  pieux  Charles  III.  La  capi- 
tale de  l'Espagne  lui  doit ,  en  grande 
partie,  sa  sûreté, sa  propreté  et  la  ré- 
forme de  plusieurs  abus.  Il  n'avait  rien 
d'imposant  ni  de  prévenant  dans  son 
extérieur ,  qui  pouvait  même  paraître 
«n  peu  grotesque;  il  avait  des  opinions 
saines  sur  beaucoup  d'objets,  de  l'ori- 
ginahté  dans  les  idées,  et  surtout  dans 
la  manière  de  les  rendre.  Ses  lumières 
n'étaient  pas  très-étendues;  mais  il  sa- 
vait ,  dans  un  certain  ordre  de  choses , 
concevoir ,  vouloir  ,  et  exécuter.   Le 
marquis  de  Carracioli ,  ambassadeur 
de  Na^jles,  qui  l'avait  beaucoup  connu 
à  Paiis,  camparait  assez  ingénieuse- 
ment son  esprit  à  un  puits  profond 
dont  l'orifice  est  élroit.         B — g. 


A  lU  355 

ARANTIUS  (Jules -César),  cé- 
lèbre auatomiste  ,  né  à  Bologne ,  vers 
l'an  1 53o.  Elève  de  Vesale  et  de  Bar- 
tliéiemi  Mags^ius  son  oncle,  il  concou- 
rut aux  travaux  par  lesquels  le  pre- 
mier a  marqué  les  premiers  progrès 
de  l'anatomie  chez  les  modernes,  et 
l'on  pourrait  dire  chez  les  anciens  ; 
car    leurs   institutions  religieuses  et 
civiles  ne  leur  permettaient  pas  de  la 
cultiver.  11  fut  reçu  docteur  en  mé- 
decine par  l'universilé  de  Bologne, 
et  bientôt  nommé   professeur  de  chi- 
rurgie et  d'auatomic.  Il  en    remplit 
les  fonctions  pendant  trente-deux  ans , 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en    iSSg. 
Arantius  a  fait  faire  plus   particuliè- 
rement quelques  pas  à  la  partie  de 
l'anatomie  qui  traite  des  muscles,  et 
jelé  aussi  quelques  lumières    sur  la 
théorie  de  la  circulation.  Voici  les  ou- 
vrages qui  lui  sont  dus  :  I.  De  hu- 
inano  fœlii  liber,  Yenetiis  ,   ioti, 
ia-S".;  Basilcae,  i579,in-8'.;  Lug- 
duni  Batavorum,  1664,  in-i-i.  Aran- 
tius, dans  cet  ouvrage,  entre  dans  de 
grands  détails  sur  la  structure  e!e  l'u- 
térus ,  du  placenta  et  des  membranes 
du  fœtus.  Il  y  en  a  encore  deux  édi- 
tions, Venise,  1587  ^^  ï595,in-4o., 
auxquelles  on  a  joint  deux  autres  ou- 
vrages du  même  auteur,  Anatomi- 
carum  obseri>ationum  liber  ^  et  De 
tumoribus  secundum  locos  aff'ectos  j 
II.  In  Hipocraiis  librum  de  vulne- 
ribus  capitis  commentai  iiis  brevis  ^ 
ex  ejus  lectionibus  collectas,   Lug- 
duni,   i58o,  in-8°.;  Lugduni  Bata- 
vorum,  1659,   '64t,  iu-12.  11  est 
assez  remai-quable  que  ce  soit  en  Ita- 
lie, le  pays  le  plus  chaud  de  notre 
Europe  ,  qu'ait  été  cultivée  principa- 
leniont  l'anatomie,  surtout  dans  les 
premiers  temps  de  la  naissance  de 
cette  science;  Mundinus,  Gabriel  de 
Zerbis ,  Bereng.-r  de  Carpi ,  Fallopia, 
Eustachi,  etc.,anatomistes  distingués 
25.. 


356  ARA 

de  ce  siècle,  e'taient  Italiens,  ou  au 
moins  attaches  à  des  écoles  d'Italie; 
les  universités  de  Bologne  et  de  Pa- 
doue  sont  celles  qui  servaient  alors  le 
plus  cette  science,  C.  et  A- — y. 

ARAS.  F'oj-.  Are  Frode. 

ARATOlî ,  secrétaire  et  intendant 
des  finances  d'Athalaric ,  puis  sous- 
diacre  de  l'église  romaine ,  florissait 
.lu  sixième  siècle.  Il  était  Ligurien  ; 
mais  de  son  temps  la  Ligurie  com- 
prenait une  grande  partie  de  la  Lom- 
bardie,  et  Milan  en  était  la  ville  prin- 
cipale. De-là ,  naissent  les  différents 
avis  sur  la  patrie  d'Aralor ,  les  uns 
réclamanj  pour  la  rivière  de  Gènes , 
les  autres  pour  Milan  ,  d'autres  pour 
Pavie  ,  l'honneur  de  l'avoir  produit. 
Il  mourut  en  5  jG.  11  avait  d'abord 
exercé  son  talent  pour  la  poésie  sur 
des  sujets  profanes  ;  mais  depuis  qu'il 
eut  changé  d'état ,  il  changea  aussi  de 
sujets.  Il  présenta,  en  544,  au  pape 
Vigile  les  ^ctes  des  Jpôtres ,  en  vers 
latins.  Ce  pontife  en  fut  si  satisfait, 
qu'il  ordonna  de  les  lire  publiquement 
dans  l'e'nlise  de  St.-Pierre-aux-Liens. 
L'ouvrage  y  fut  imivcrsellcment  ap- 
plaudi. On  y  trouve  beaucoup  d'allé- 
gories dont  le  vénérable  Bcde  a  orné 
ses  Commentaires  sur  les  ^ctes  des 
apôtres.  Le  poème  d'Arator  est  impri- 
n!é  avec  d'autres  poèmes  chrétiens  , 
\enise  ,  Aide  ,  1 5o2 ,  in-4".  ;  Stras- 
bourg, 1 007  ,  in-8'. ,  Leipsik,  1 5  1 5  , 
in-4". Ottletrouveaussi  dans  plusieurs 
des  recueils  intitulés  :  Bibliothèque 
des  Pères,  notamment  dans  celles  de 
Paris,  1575,  1589,  etc.,  de  Cologne, 
1618,  de  Lyon  ,  1677,  etc.  Le  père 
Sirmond  a  publié  le  premier,  à  la  (in 
de  son  édition  d'Ennodius,  luie  Épître 
en  vers  élégiaques  d'Arator  à  Partlsé- 
nius  ,  qui  était  alors  en  France,  pour 
l'engager  à  y  publier  son  poème. 

G— E. 

ARATUS,  né  à  Sicyoïie,  vers  l'an 


ARA 
272  avant  J.-C,  était  encore  fort 
jeune,  lorsque  Clinias,  son  père,  fut 
tué;  il  fut  exilé  lui-même ,  et  se  réfu- 
gia à  Argos ,  oîi  il  se  livra  à  la  gymnas- 
tique avec  succès  ;  car  il  remporta  des 
prix,  au  Pentalhle.  Presque  toutes  les 
villes  du  Péloponnèse  étaient  alors  sou- 
mises à  des  tyrans  protégés  par  Anti- 
gone  Gonatas,  et  Sicyone  avait  encore 
plus  souffert  que  les  autres,  la  tyrannie 
avant  plusieurs  fois  changé  de  maui-. 
Après  la  mort  de  Clinias ,  Abanti- 
das  s'érigea  en  tyran.  Ce  dernier  ayant 
été  tué  lui-même ,  Paséas,  sou  père,  prit 
sa  place,  et  fut  assassiné  par  Mcoclès. 
Ce  fut  sous  le  règne  de  ce  dernier 
qu'Aratus,  à  peine  âgé  de  vingt  ans, 
forma  le  projet  d'affranchir  sa  patrie; 
ayant  rassemblé  quelques  exilés,  il  par- 
vint à  prendre  Sicyime  par  surprise, 
et ,  le  tyran  s'étant  échappé,  il  ren- 
dit la  liberté  à  ses  concitoyens,  qu'il 
fit  entrer  sur-le-champ  dans  la  ligue 
achéenne,  très-faible  alors  ,  n'étant 
que  dans  la  •.)-4''.  année  de  sa  forma- 
tion. Le  retour  des  exilés  occasionnait 
beaucoup  de  troubles  à  Sicvone,  ceux 
qui  avaient  acheté  leurs  biens  refu- 
sant de  les  leur  rendre.  Aratus  eut 
recours  à  Ptolcmée  Philade'phe,  à  qui 
il  avait  rendu  quelques  services,  et 
qui  lui  donna  i5o  talents,  avec  les- 
quels il  indemnisa  les  nouveaux  acqué- 
reurs, et  rendit  les  biens  aux  anciens 
propriétaires.  Étant ,  pour  la  seconde 
fois,  préteur  des  Achéens,  l'an  U44 
avant  J.-C. ,  il  s'empara ,  par  ruse ,  de 
l'Acrocorinthe,  citadelle  qu'Antigone 
gardait  avec  le  plus  grand  soin ,  comme 
l'une  des  clefs  du  Péloponnèse,  et  il 
engagea  les  Corinthiens  à  entrer  dans 
la  ligue  achéenne.  Les  Mcgariens ,  les 
Epidauriens  et  les  Trœzéniens  en  fi- 
rent de  même.  Aniigoue  étant  mort 
peu  de  temps  après,  la  guerre  se  dé- 
clara entre  Démétrius,  son  fils,  et  les 
Etolieiis,  qui  curent  alors  recours  aux 


ARA 

Arlip'eiis.  Celte  guerre  dnra  pendant 
tout  le  rogne  de  De'métrius.  Après  sa 
mort,  beaucoup  de  tyrans  du  Pélopon- 
nèse se  voyant  prives  de  son  appui, 
et  sachant  qu'Aratus  se  disposait  à  les 
attaquer,  prirent  le  paili  de  se  dé- 
mettre volontairement  :  c'est  ainsi  que 
les  villes  de  Megalopolis,  d'Argos, 
d'flermione,  dePIiliase,  et  beaucoup 
d'autres  entrèrent  dans  la  confédéra- 
tion achéenne,  qui  se  trouva  au  plus 
haut  degré  de  sa  puissance.  A  peu  près 
vers  le  même  temps ,  Aratus  engagea 
Diogène,  qui  commandait  les  garni- 
sons que  les  rois  de  Macédoine  te- 
naient au  Pyrée  ,  à  Munychie ,  à  Su- 
niura  et  à  Salamine,  à  remettre  ces 
places  aux  Athéniens,  moyennant  i5o 
talents,  dont  il  leur  donna  la  sixième 
partie;  mais  ils  ne  lui  en  surent  aucun 
gré.  Quelque  temps  après,  les  Eto- 
iiens,  jaloux  de  la  prospérité  des 
Achéens ,  et  comptant  sur  les  secours 
d'Antigone,  tuteur  de  Philippe,  for- 
mèrent une  alliance  avec  les  La- 
cédémoniens  ,  ennemis  naturels  des 
Achéens.  Aratus  connaissant  la  force 
des  Lacédémouiens ,  sentit  que  les 
Achéens  auraient  beaucoup  de  peine 
à  se  défendre  sans  secours  étrangers  ; 
il  les  conduisit  cependant  au  secours 
des  villes  de  l'Arcadie,  que  menaçait 
Cléomènes,  i^oi  des  Lacédémouiens; 
mais,  ayant  été  vaincu  dans  trois 
combats  successifs,  sur  le  mont  Ly- 
né  ,  près  de  Megalopolis ,  et  dans 
le  pays  de  Dymé ,  il  se  vit  obligé 
d'avoir  recours  à  Antigone,  a  qui  il 
rendit  l'Acrocorinthe,  pour  le  décider 
à  venir  au  secours  des  Achéens  ; 
ce  prince  étant  venu  lui-même  avec 
uue  armée,  les  Achéens  le  nommè- 
rent généralissime  de  leurs  troupes. 
Plutarque  prétend  que  Cléomènes 
avait  olFert  la  paix  aux  Achéens ,  s'ils 
voulaient  lui  donner  cette  place  de  géné- 
ralissime, et  qu'Aratus  s'y  opposa  par 


ARA  357 

jalousie,  et  il  lui  reproche  d'avoir  jnc- 
féré  l'alhanced'un  barbare  à  celle  d'un 
descendant  d'flercule.  Mais  il  n'y  avait 
pas  de  choix  à  faire  entre  Antigone , 
prince  humain   et  religieux  observa- 
teur de  ses  serments,  et  Cléomènes, 
devenu  tyran  de  sa  patrie,  à  laquelle 
il  voulait  asservir  tout  le  Péloponnèse. 
Beaucoup  de  villes  qui  avaient  aban- 
donné les  xAchécns  pour  se  ranger  du 
coté  des  Lacédémouiens,  changèrent 
de  nouveau  de  parti,  dès  qu'elles  vi- 
rent Antigone  à  la  tête  des  affaires.  Ce 
prince  entra  ensuite  dans  la  Laconie, 
délit,  à  Sellasie,  Cléomènes,  qui   se 
réfugia  auprès  de  Ptolémée  ;  et  ayant 
pris  Sparte,  il  lui  rendit  ses  lois  ,  que 
Cléomènes  avait  abrogées.  Antigone 
témoigna  toujours  beaucoup  de  con- 
sidération pour  Aratus, et  se  gouverna 
d'après  ses  conseils ,  en  ce  qui  con- 
cernait les  aff;iires  de  la  Grèce.  Phi- 
lippe, sou  neveu  et  son  successeur, 
en  fil  de  même  pendant  les  premières 
années  de  son   règne.  Une  nouvelle 
guerre  ayant  éclaté  entre  les  Achéens 
et  les  Etoliens ,  au  sujet  de  la  Messénie , 
que  ces    derniers    avaient    ravagée  , 
Aratus  fut  nommé  préteur  ;  mais  il  se 
laissa  surprendre  par  les  Etoliens ,  et 
fut  complètement  défait.  Ses  ennemis 
ayant  profité  de  cet  échec  pour  l'accuser 
devant  le  peuple,  il  convint  de  ses  torts  ; 
et,  comme  on  lui  avait  de  grandes  obli- 
gations ,  on  n'en  eût  pas   moins  de 
confiance  en  lui;  on  eut  alors  recoure 
à  Philippe,  et  il  s'engagea  uue  guerrr- 
qui  fut  très-longue ,  mais  où  Aratus  ne 
joua  plus  qu'un  rôle  secondaire.  Phi- 
lippe se  laissa  même  prévenir  contre 
lui,  et  chercha  à  le  faire  éloigner  du 
gouvernement;  il  ne  tarda  pas,  ce- 
pendant, à  revenir  sur  son  compte,  et 
lui  rendit  sa  confiance.  Cette  guerre 
étant  terminée ,  Philippe  voulut  tour- 
ner ses  armes   du  côté   de  l'Italie; 
ayant  été  repoussé,  il  chercha  de  bou- 


55S  ARA 

veau  à  agiter  la  Grèce ,  et  sema  la  di- 
vision parmi  les  Messenicns  ;  il  s'em- 
para même  de  leur  ville,  à  l'aide  de 
l'un  des  partis  qu'il  y  avait  formés.  11 
écouta  cependant  encore  Aratus,  eu 
cette  occasion,  et  rendit  Ithome  aux 
Messenicns,  au  lieu  d'y  mettre  une 
garnison  ,  comme  le  lui  conseillait 
Déiiietrius  de  Pharos.  Mais  à  partir  de 
cette  époque,  Aratus  s'éloigna  de  plus  en 
plus  de  Philippe,  dont  les  mauvaises 
qualités  se  développaient  de  jour  en 
jour ,  et  dont  il  voyait  avec  peine  le 
commerce  scandaleux  avec  la  femme 
d'Aratus,  son  fds.  Philippe,  de  son 
côté,  vojait  dans  Aratus  un  censeur 
sévère  ;  il  se  détermina  donc  à  le 
faire  empoisonner,  et  il  employa, 
pour  cela,  un  certain  Taurion,  qui 
gouvernait  pour  lui  le  Péloponnèse. 
Aratus  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  du 
poison  lent  qu'on  lui  avait  fait  prendre  ; 
mais  il  n'en  dit  rien  à  personne.  Ce- 
pendant, un  de  ses  esclaves,  qui  avait 
sa  confiance,  lui  faisant  un  jour  ob- 
server qu'il  venait  de  crachei'  du  sang  : 
«  C'est  le  prix,  lui  dit-il,  de  l'amitié 
»  de  Philippe  ».  Il  mourut  bientôt 
après,  dans  un  âge  avancé,  et  les 
Achéens  lui  rendirent  les  plus  grands 
honneurs.  On  l'enterra  dans  la  ville  de 
Sicyone,  distinction  qu'on  n'accordait 
qu'aux  héros.  Il  avait  écrit  des  Mé- 
moires, que  Polybc  cite  avec  éloge  ;  il 
fut  plutôt  un  homme  d'état  qu'un 
grand  général  ;  car  il  fut  souvent 
vaincu.  Il  avait  un  fils  du  même  nom 
que  lui,  du  même  âge,  à  peu  près, 
que  Philippe,  et  qui  fut  très -lie  avec 
ce  prince,  ce  qui  n'empêcha  pas  ce 
dernier  de  le  faire  empoisonner,  ,-ynsi 
que  son  père  ;  il  n'en  mourut  pas  ; 
mais  il  tomba  daus  un  état  de  démence 
si  déplorable,  que  ses  amis  regardè- 
rciit  sa  mort  comme  un  bonheur. 

C-R. 

..  ARATUS,  de  Soles,  v^lle  de  Cilicie, 


A  R  A 

contemporain  de  Théocrite,  qui  fail 
de  lui  une  mention  honorable  dans 
sa  sixième  idylle  ,  vécut  en  faveur 
auprès  de  Ptolémée  Philadelphe,  et 
dans  la  constante  intimité  d'Antigone 
Gonatas ,  le  fils  de  Déraétrius  Polio- 
certcs.  1!  avait,  dit-on,  composé  plu- 
sieurs ouvrages ,  et  donné  une  édition 
d'Homère ,  qui  précéda  celle  d'^ris- 
tarque ;  luais  il  n'est  connu  aujour- 
d'hui que  par  son  poërae  des  Phéno- 
mènes. Quintilien  lui  reproche  de 
manquer  de  variété  et  de  sentiment  ; 
c'est  l'inévitable  inconvénient  attache 
au  genre  desciiptif  :  il  accorde  cepen- 
dant au  poète  le  mérite  de  n'être  pas 
resté  au-dessous  de  son  sujet  :  Sufficit 
tamen  operi.  C'est  probablement  ce 
dernier  mérite  qui  avait  successive- 
ment engagé  Gcéron  ,  Germanicus 
César ,  Ovide  et  Avienus  ,  à  traduire 
en  vers  latins  le  poëme  d'Aratus,  au- 
quel Ovide  ne  balance  pas  à  garantir 
une  durée  égale  à  celle  des  grands  ob- 
jets qu'il  avait  chantés: 

Cùm  sole  et  Luoà  setnper  Aratus  erit. 

Hugues  Grotius  a  réuni,  dans  son  Syn- 
tagma  ylrateonim  (Leyde,  1600, 
in-4".),  les  trois  versions  latines  dont 
nous  venons  de  parler  ,  et  a  rempli 
de  son  mieux  les  nombreuses  lacunes 
qu'offrait  celle  de  Cicéron.  C'est  sur 
cette  dernière  ,  ainsi  complétée  ,  que 
le  chanoine  Pingre  a  traduit  et  public 
les  Phénomènes  d'Aratus,  à  la  suite 
des  Astronomiques  deManilius  (Pa- 
ris ,  1 786 ,  :i  vol.  in-8  '.  ).  Nous  avons 
encore 'd'Aratus  une  édition  fort  esti- 
mée ,  celle  de  J.  Fill ,  Oxford ,  1673, 
in-S". ,  avec  les  Calarlérismes  d'E- 
ratosthèncs.  Bandini  en  publia  une 
à  Florence,  en  1 724  et  1 76J ,  in-8'\  , 
qui  ne  jouit  d'aucune  considération 
parmi  les  érudits.  Le  savant  danois, 
M.  Ancher,  en  préparait  une  qui  n'a 
pas  encore  vu  le  jour.  L'édition  la 
plus  complète   du   poëme  d'Aratus, 


ARA 

est  celle  qui  a  été  donuee  par  J.  Th. 
Biilile ,  Leipzig  ,  i'j95-i8oi,2  vol. 
iu-8'.:  ou  y  trouve  des  anciens  com- 
mentaires grecs  avec  quelques  addi- 
tions tirées  des  manuscrits.  Aratus  a 
eu  l'honneur  d'être  commente'  par 
Hipparque ,  qui  sans  doute  était  jeune 
alors,  et  n'avait  encore  fait  aucun  des 
travaux  qui  lui  assurent  -le  premier 
rang  parmi  les  astronomes  de  l'anti- 
quité. Ce  commentaire  offre  cependant 
quelques  observations  dont  ou  a  voulu 
tirer  parti ,  pour  déterminer  la  pré- 
cession  des  équinoxes.  Aratus  a  été 
commenté  aussi,  dit-on  ,  par  Eratos- 
thcnes  ;  mais  ce  commentaire  est  bien 
moins  important  que  celui  d'Hippar- 
que  (  Voy.  l' Uranologion  de  Pétau  ). 
Ce  n'est,  à  proprement  parler,  qu'un 
abrégé  d'astconomie,  pour  servir  d'in- 
troduction à  la  lecture  d'Aratus.  Les 
savants  ne  regardent  plus  Eratosthè- 
ncs  comme  auteur  de  ce  prétendu 
commentaire.  Quant  au  poërae ,  il  a  du 
moins ,  pour  nous ,  le  mérite  de  nous 
avoir  transmis  tout  ce  qu'on  savait 
alors  sur  la  sphère.  L'astronomie  , 
proprement  dite,  n'était  pas  encore 
née.  Les  positions  des  étoiles  ne 
se  rapportent  pas  toutes  à  la  même 
époque  ,  d'où  l'on  est  en  droit  d'infé- 
rer qu' Aratus  n'était  pas  astronome. 
Il  paraît  certain  qu'il  n'a  fait  que 
mettre  en  vers  deux  ouvrages  d'Lu- 
doue  ,  intitulés  :  l'un  ,  les  Phéno- 
mènes ,  et  l'autre  ,  le  Miroir.  Ces 
deux  ouvrages  sont  perdus.  La  der- 
nière partie  du  poème  d'Aratus , 
beaucoup  moins  intéressante  que  la 
première,  n'est  qu'un  recueil  de  pro- 
nostics et  d'erreurs  populaires. 

B— L— E. 

ARBACE ,  capitaine  Mède ,  jeta  les 
fondements  d'une  nouvelle  monar- 
chie sur  les  ruines  du  trône  d'Assy- 
rie,  dont  il  renversa  Sardanapalc, 
devenu  odieux  et  méprisable  par  sa 


A  E  B  55() 

vie  efféminée.  Ce  fut ,  selon  Ctésias , 
la  seule  cause  de  sa  chute.  Il  se  fai- 
sait garder  par  des  troupes  qui  ve- 
naient alternativement  de  chacun  des 
pays  de  sa  domination.  Arbace  vint 
à  son  tour  à  Ninive ,  avec  les  Mèdes. 
C'était  un  capitaine  d'une  grande  ré- 
putation. 11  avait  le  cœur  élevé,  des 
mœurs  sévères,  et  il  fut  indigné  des 
excès  honteux  du  monarque.  Il  se 
lia  avec  Bélésis  ,  chef  des  troupes  de 
Babylone ,  homme  i  usé  et  ambitieux , 
versé  dans  l'aslrologie,  et  le  premier 
de  ce  célèbre  collège  de  prêtres  bal)v- 
loniens,  qu'on   appelait   Chaldéens. 
Bélésis  excite  Arbace  à  la  révolte ,  et 
lui  annonce  qu'il  a  vu  dans  les  astres 
des  signes  certains  de  sa  grandeur  fu- 
ture. Arbace  promit  à  Bélésis  ,  en  cas 
de  succès  ,  le  gouvernement  de  Ba- 
bylone, et  ils  entraînèrent  dans  leur 
parti  les  principaux  ofGciers  de  l'ar- 
mée. Arbace  retourna  en  Médie,  pour 
faire  soulever  ses  compatriotes,  tandis 
que  Bélésis  excitait  les  Babyloniens  à 
la  révohe.  On  fit  entrer  dans  le  com- 
plot les    commandants  des    troupes 
qui  devaient  servir  l'année  suivante 
dans  l'armée  delSinive.  Enfin ,  les  sol- 
dats marchent  de  toutes  parts,  et  se 
réunissent  sous  la  conduite  d' Arbace. 
Sardanapalc  sortit  enfin  de  sa  léthar- 
gie ,  et  se  mit  à  la  tête  des  troupes  qui 
lui  étaient  restées  fidèles  (  Vor.  Sar- 
danapale).   11    marcha    au  -  devant 
d' Arbace,  le  défit  successivement  dans 
trois  batailles,  et  chaque  fois  l'obli- 
gea à  se  réfugier  dans  les  montagnes 
de  la  Médie ,  jusqu'à  ce  qu'Arbace  eût 
réussi  à  ranger  sous  ses  drapeaux  une 
année  de  Bactriens  ,  qui  venaient  au 
secours  de  Sardanapalc.  Avec  ce  se- 
cours ,  il  reprit  l'offensive ,  surprit  de 
nuit  le  camp  Assyrien  ,  contraignit  le 
roi  de  se  renfermer  dans  sa  capitale , 
et  remporta,  peu  de  temps  après,  deux 
victoires,  sous  les  murs  de  Nimyc, 


36o  A  R  B 

dont  il  forma  le  siège.  Il  fit  peu  de 
progrès  pendant  deux  ans;  mais  un 
delDordemcnt  du  Tigre  ayant  ren- 
verse une  partie  des  murailles ,  il  ne 
rencontra  plus  d'obstacles  pour  entrer 
dans  Ninive.  Selon  les  uns  ,  Sardana- 
palerail  lui-même  le  feu  à  son  palais, 
et  périt  dans  les  flammes;  selon  d'au- 
tres ,  il  sortit  secrètement  de  Ninive,  et 
])arvinl  à  s'échapper,  Arbacc  fut  revêtu 
du  manteau  impérial ,  et  tout  se  sou- 
mit à  lui.  1!  sut  conserver,  au  milieu 
de  SCS  victoires  ,  une  grande  modéra- 
tion. Cette  révolution  donna  naissance 
h  plusieurs  royaumes  ,  dont  Arbace 
composa  un  empire  fédératif ,  et  dont 
il  fut  le  premier  souverain.  La  royauté, 
«pioique  héréditaire  ,  ne  fut  plus  ab- 
so'ne  ,  le  monarque  n'ayant  pas  le 
droit  de  changer  les  lois  consenties 
par  les  princes  confédérés.  Il  régna 
vingt-huit  ans  ,  et  eut  Maudocès  ,  son 
fils,  pour  successeur.  La  confédéra- 
tion qu'il  avait  établie  ne  subsistait 
plus  un  siècle  après  sa  mort ,  les  rois 
de  Ninive  ayant  recouvré  leur  pou- 
voir sur  les  quatre  grandes  monar- 
chies asiatiques.  Les  chronologistes  ne 
sont  pas  d'accord  sur  l'époque  de  la 
révolte  d' Arbace;  ils  la  placent  géné- 
ralement vers  l'archontat  d'Ariphron, 
if,  archonte  perpétuel  d'Athènes  ; 
mais  ils  ne  s'accordent  pas  davantage 
sur  l'époque  précise  de  cet  archontat , 
qu?  les  uns  font  remonter  en  917, 
il'autres  en  898  av.  J.-C.      B — p. 

ARBâUD(Frawçois),  sieur  de  Por- 
chères, né  à  St.-MasJmin  en  Provence, 
fut  un  des  premiers  membres  de  l'Aca- 
démie française.  Il  n'aurait  guère  mé- 
rité cet  honneur,  si  le  sonnet  ridicule 
qu'on  lui  a  attribué,  sur  les  jeux  de 
Gahrielle  d'Estrées  ,  était  efFective- 
nieul  de  lui  ;  mais  il  est  prouvé  que  ce 
îionnet  est  de  Laugier  de  Porchères  , 
qui  fut  récompensé  de  cette  misérable 
pièce  ,  pai"  une  pension  de  i4oo  IiV- 


ARB 

François  Arbaud  avait  appris  de  Mal- 
licrbe  à  faire  des  vers,  et  û  en  a  com- 
posé quelques-uns  ,  dans  la  manière 
de  son  maître ,  que  peut-être  celui- 
ci  n'eût  pas  désavoués.  Fatigué  de  la 
vie  des  cours  ,  il  se  retira  en  Bour- 
gone,  où  il  se  maria.  Il  mourut  peu 
de  temps  après,  en  \6/^o.  On  a  de  lui  : 
1.  Une  ode'à  Louis  XIII;  II.  Para- 
phrase des  psaumes  graduels, tX  Poé- 
sies sur  divers  sujets ,  Paris  1 655  , 
in-8".  11  avait  composé  un  Poëme  de 
la  Madclaine ,  qui  est  perdu.  On  doit 
le  regretter  ,  si  l'épigramme  suivante 
dcRacan  n'est  pas  trop  flatteuse: 

Crtte  sninte  donl  tes  veilles 
Mettent  la  gloire  en  si  haut  lieu  , 
F.iit  voir  deux  sorles  de  merveille*, 
l.cs  tiennes  et  celles  de  Dieu. 
]l  est  vrai  que  je  porte  envie 
A  les  beaux  \crs  comme  à  sa  vie  ; 
Mais,  ijuciquc  je  veuille  tenter, 
Ma  faiblesse  y  lail  ri-'sislance  : 
Je  rv  puis  non  plus  imiter 
'l'es  écrits  que  sa  pénitence. 

-Jean  Arbaud,  son  frère,  gentilhomme 
de  la  chambre  dii  roi ,  a  aussi  publié 
plusieurs  sonnets  dans  des  recueils,  et 
une  Traduction  de  quelques  psau- 
mes ,  Grenoble ,  iG5 1 ,  et  ÏNIarseille, 
iG8i.  W— s. 

ARBETION ,  général  des  armées 
romaines,  sous  le  règne  de  Constance, 
servit  d'abord  dans  les  grades  les  ))lus 
obscurs  ,  et  s'éleva  rapidement,  pai!' 
beaucouj)  d'intrigues  et  par  quelques 
talents.  En  555,  Constance  l'envoya 
contre  les  Allemands  révoltés;  Arbe- 
tion  ,  d'abord  vaincu  ,  obtint  ensuite 
des  succès.  Jaloux  de  la  répuîalion  de 
Sylvain ,  autre  général  romain  ,  il  fei- 
gnit long-temps  de  l'appuyer,  et  luiflt 
donner  le  commandement  de  l'armée 
des  Gaules  ,  croyant,  par-là  ,  le  con- 
duire à  l'ignominie,  dans  une  guerre 
difficile;  Sylvain,  au  contraire,  triom- 
pha de  tous  les  obstacles.  Arbetion  , 
furieux ,  multiplia  tellement  ses  arti- 
fices, entoura  son  rival  de  tant  de 
pièges ,  qu'il  le  força  à  une  révolte ,  à 


ARB 

Î.1  suite  de  laquelle  cet  officier,  plus 
malbcureux  que  coupable  ,  fut  mas- 
sacre'. Ce  ne  fat  point  la  seule  victime 
qu'Arbetion  immola  à  son  ambition  ; 
aidé  de  Rufiu  ,  préfet  du  prétoire  ,  et 
de  l'eunuque  Eusèbe ,  en  55 ■j ,  il  mul- 
tiplia les  délations,  pour  plaire  à  Cons- 
tance, et  pour  s'enrichir  des  dépouilles 
des  condamne's;  mais  lui-même  fut 
accuse'  d'aspirer  à  l'empire  :  ses  amis 
pre'\'inrent  sa  ruine ,  et  assoupirent 
cette  affaire.  L'empereur  lui  rendit  sa 
confiance,  et ,  en  56o  ,  le  chargea  des 
informations  dirige'es  sur  la  conduite 
d'Ursicin ,  à  l'occasion  de  la  prise  d'A- 
mide.  Aibetion  contribua  à  le  faire 
condamner  injustement.  En  56i  ,  il 
fut  envoyé'  contre  les  Perses  ,  avec 
Agilon.  Constance  voulut  aussi  l'oppo- 
ser à  Julien.  Ce  dernier  c'tant  devenu 
maître  de  l'empire ,  par  la  mort  de 
Constance ,  fit  poursuivre  les  cour- 
tisans de  ce  prince  ;  mais  Arbetion ,  à 
force  de  souplesse  et  d'intrigue ,  par- 
vint à  se  faire  mettre  à  la  tête  d'une 
commission  forme'e  à  Chalce'doiue 
pour  diriger  ces  poursuites.  Arbetion 
vivait  encore  dans  la  retraite  ,  sous  le 
règne  de  Valens ,  en  565  ,  lorsqu'un 
re'volte',  nommé  Procope,  dont  le  parti 
devenait  de  jour  en  jour  plus  redou- 
table ,  le  sollicita  de  s'unir  à  lui;  Arbe- 
tion s'y  e'tant  refuse' ,  vit  piller  sa  mai- 
son. Outre  de  cette  injure,  il  se  décida 
à  prendre  parti  en  faveur  de  Valens , 
courut  au  camp  de  l'empereur,  et,  s'a- 
vançant  seul  vers  les  révoltés ,  il  leur 
montra  ses  cheveux  blancs ,  les  rap- 
pela à  leur  devoir,  et  en  ébranla  un 
grand  nombre,  ce  qui  amena,  bientôt 
après ,  la  défaite  de  Procope.  Ce  trait , 
du  moins,  répand  quelque  honneur  sur 
la  fin  d'une  vie  dégradée  par  l'intrigue 
«t  par  la  bassesse.  L — S — e. 

■  ARBOGAST(  Louis  -  François- 
Antoine),  géomètre  fiançais,  né  à 
Mutzig,  petite  ville  d'Alsace,  en  1759. 


ARB  56r 

D'abord  professeur  de  matliémaliqucs 
à  l'école  d'artillerie  de  Strasbourg ,  il 
est  devenu  ensuite  recteur  de  l'uni- 
versité nationale  de  la  même  ville  ,  et 
député  du  dépailemeiit  du  Bas-Rhin, 
à  l'assemblée  législative  et  à  la  con- 
vention nationale.  Son  caractère  doux 
et  timide  ne  lui  permit  pas  de  prendre 
beaucoup  de  part  aux  travaux  de  ces 
assemblées;  il  n'y  est  cité  que  pour  la 
vérification  du  télégraphe  de  M. 
Chappe  ,  et  un  rapport  sur  l'unifor- 
mité des  poids  et  mesures.  Consacrant 
tout  son  temps  à  l'étude  dans  la  bi- 
bliothèque du  comité  d'instruction  pu- 
blique ,  à  la  formation  de  laquelle  il 
avait  beaucoup  contribué,  il  s'occuj)ait 
des  recherches  qui  ont  servi  de  base  à 
son  Traité  du  Calcul  des  dérivations 
dont  le  but  est  d'offrir  des  procédés  ré- 
guliers et  faciles  pour  développer  des 
puissances  etdes  fonctions  de  polynô- 
mes ordonnés  suivant  les  puissances 
d'une  ou  plusieurs  variables.  Ces  pro- 
cédés, qui  sont  une  modification  de  ceux 
du  calcul  différentiel ,  l'ont  conduit  à 
des  résultats  élégants ,  et  à  des  rappro- 
chements curieux.  On  croit  cependant 
qu'il  aurait  pu  se  dispenserd'introduire 
autant  de  signes  nouveaux  qui  rendent 
assez  pénible  la  lecture  de  son  livre,  et 
rapprocher  davantage  ses  méthodes  de 
la  différentratiou  ordinaire.  On  pense 
aussi  que  ce  n'est  pas  du  côté  vers  le- 
quel Arbogast  avait  tourné  ses  recher- 
ches ,  qu'il  faut  attendre  le  dénoûracnt 
des  difficultés  qui  arrêtent  maintenant 
les  progrès  de  l'analyse.  Cependant , 
sans  rien  préjuger  sur  le  sort  futur  du 
Calcul  des  dérivations  ,  on  doit  dirft 
qu'il  paraît  supérieur  aux  règles  de 
ï Analyse  comhinatoire  ,  dont  on 
s'est  occupé  depuis  quelque  temps  en 
Allemagne  ,  pour  la  formation  des 
mêmes  développements.  Arbogast  a 
présenté  en  i  789  ,  à  l'académie  des 
sciences ,  un  Essai  sur  de  nouveaux 


^(ii  A  R  B 

principes  de  calcul  différentiel  et  in- 
léornl ,  indépendants  de  la  théo- 
rie des  infiniment  petits ,  et  de  celle 
des  limites.  Ce  luenioire  n'a  pas  été 
imprime,  mais  on  en  trouve  un  extrait 
dans  la  préface  de  l'ouvrage  cité  plus 
Jiaut.  En  179'^,  le  même  géomètre 
remporta  le  prix  proposé  par  l'aca- 
démie de  Pétersbourg,  pour  déter- 
miner la  nature  des  fonrtious  arbi- 
traires ,  introduites  par  l'intégration 
des  équations  différcntiel!os  partielles  : 
ce  mémoire  est  imprimé.  Après  sa 
sortie  de  la  convention ,  Arbogast  , 
iatigué  du  séjour  de  Paris  ,  alla  rem- 
plir la  place  de  professeur  de  mathé- 
raalhiques  à  l'école  centrale  du  dé- 
partement du  Bas-Rhin,  à  vStrasbourg, 
et  y  mourut  le  y  avril  1  8<>5.  Il  était 
associé  de  l'Institut.  Son  traité  du 
Calcul  des  dérivations  ,1  paru  à  Stras- 
bourg, en  1800,  en  lui  vol.  in-4". 
L— X. 
ARBOGASTE,  Gaulois  d'origine, 
était  l'un  des  principaux  officiers  de 
l'armée  de  Théodose  ,  lorsqu'eu  588, 
ce  prince  passa  de  Consfantinople  en 
Italie  pour  défendre  Valentinieu  II 
contre  l'usurpateur  Maxime.  Ce  fut 
Arbogastc  qui  surprit  Maxime  dans 
Aquilée ,  et  qui  marcha  ensuite  dans 
les  Gaules  pour  extirper  les  restes  de 
la  rébellion.  Théodose,  retournant  à 
Constantinople ,  le  laissa  près  de  Va- 
Icntinien  pour  l'aider  de  ses  conseils 
et  de  ses  services.  Ses  talents ,  son  dé- 
sintéressement et  sa  bravoure  firent 
applaudir  à  ce  choix  ;  mais  l'habitude 
du  pouvoir  fit  naître  l'ambition  d'Ar- 
bogaste,  qui  ne  regarda  plus  Valen- 
linien  que  comme  son  esclave.  Ce 
prince,  impatient  du  joug  qu'où  lui 
imposait,  voulut  trop  tard  réprimer 
l'orgueil  d'Arbogaste,  et  le  priver  de 
ses  emplois.  Le  fier  Gaulois  refusa  avec 
insolence  d'obéir,  s'empara  de  plus 
en  plus  de  l'autorité ,  poursuivit  ou  fit 


ARB 

périr  les  amis  de  Valentinien ,  qui  fut 
obligé  de  recourir  à  l'appui  de  Théo- 
dose et  à  la  médiation  de  S.  Ambroise. 
Arbogaste,  redoutant  également  l'un 
et  l'autre ,  les  prévint  en  faisant  périr 
Valentinien  qui  se  trouvait  à  \1enne 
eu  Dauphiné.  On  croit  que  ce  prince 
fut  étranglé  par  des  eunuques.  Arbo- 
gaste n'osa  avouer  le  crime  ni  en  re- 
cueillir ouvertement  le  fruit;  il  choisit 
le  rhéteur  Eugène  pour  porter  le  scep- 
tre sous  sa  direction  ,  et  ce  fut  en  son 
nom  qu'il  rechercha  l'alliance  deThéo- 
dose  et  l'amitié  de  S.  Arabroise.  Cepen- 
dant, il  marcha  contre  IMarcomir  et 
Sunnou ,  chefs  des  Francs ,  qu'il  pour- 
suivit sur  les  terres  des  Bructères  et 
des  Chamaves,  aujourd'hui  la  West- 
phalie  ;  mais  sur  le  bruit  des  prépa- 
ratifs que  Théodose  faisait  contre  Eu- 
gène et  contre  lui ,  il  revint  en  Italie, 
où  ,  appuyé  de  Flavien  ,  consul  e\ 
pontife  païen,  il  rétablit  le  culte  des 
idoles.  Cependant,  Théodose  appro- 
chait à  la  tête  d'une  armée  nombreuse; 
Arbogaste  et  Eugène  voulurent  l'ar- 
rêter dans  les  défilés  des  Alpes  Ju- 
liennes ;  déjà  l'empereur,  après  avoir 
forcé  les  passages ,  défait  et  tué  Fla- 
vien ,  était  parvenu  sur  les  bords  du 
Frigidus.  aujourd'hui  le  Vipao,  dans 
le  comté  de  Gorice.  La  bataille  se  livra 
en  594-  La  première  journée  fut  con- 
Iraireà  Théodose.  Eugène  et  Arbogaste 
triomphaient  et  s'apprêtaient  à  l'enve- 
lopper; mais  le  lendemain  le  ciel  sem- 
bla tout  à  coup  se  déclarer  pour  l'em- 
pereur grec;  le  courage  et  la  piété  du 
prince  enflammèrent  ses  soldats;  un 
tourbillon  de  sable  aveugla  les  troupes 
d'Arbogaste  dont  une  paitie  mit  bas  les 
armes.  Eugène  fut  pris  et  décapité  ; 
Arbogaste ,  après  des  prodiges  de  va- 
leur, se  sauva  dans  les  montagnes; 
mais  ,  voyant  qu'il  ne  pourrait  échap- 
per ,  il  se  tua  de  deux  coups  d'épec. 
L  — S— E- 


ARB 

ARBORIO  DE  Gattinara  (  Mer- 
cuRiN  ),  cliancelier  de  Charles-Quint , 
naquit  en  i4ti5,  d'une  famille  noble 
de  Vcrccil ,  devint  un  des  plus  grands 
jurisconsultes  de  son  teirips,  fut  con- 
seiller du  duc  de  Savoie,  et  en  suite  pré- 
sident du  parlcnientde  Franche-Com- 
te. En  1 5o8 ,  l'empereur  Maximilien  le 
chargea  d'une  négociation  à  la  cour  de 
Louis  XII,  au  sujet  du  traite  de  Cam- 
brai. Charles -Quint  le  nomma  son 
chancelier  eu  1 5 1 8,  et  l'employa  avec 
succès  dans  plusieurs  négociations  im- 
portantes. Ce  fut  lui  qui  dressa  les 
articles  de  pacification  entre  Clément 
VU  et  Charles-Quint.  Ce  même  pon- 
tife le  créa  cardinal  en  i5'i(j.  Au  mois 
de  décembre  de  la  même  année,  Ar- 
borio  conclut  à  Bologne ,  pour  la  dé- 
fense de  l'Italie,  un  traité  que  le  car- 
dinal de  Granvclle  appelle  un  chef- 
d'œuvre  de  politique.  Arborio  mourut 
à  Inspruck,  le  5  juin  i55o,  à  l'âge 
de  soixante-cinq  ans.  B — p. 

ARBORIUS  (  iEMiLius-MAGKus  ), 
fils  d'un  habitant  du  pays  des  Eduens , 
distingué  par  sa  naissance  et  son  mé- 
rite ,  qui  avait  été  dépouillé  de  ses 
biens,  et  obiigéde  s'enfuir  par  suite  des 
troubles  qui  agitèrent  les  Gaules  sous 
l'empire  de  Valcntinien ,  naquit  dans 
l'Aquitaine,  vers  l'an  a-o.  Son  père, 
aïeul  maternel  du  poète  Ausone  , 
lui  donna  les  premiers  principes  de 
l'éloquence.  Il  épousa,  jeune  encore, 
une  femme  fort  riche  ,  et  vint  ensuite 
à  Toulouse ,  oîi  il  pi-ofessa  la  rhéto- 
rique pendant  plusieurs  années,  avec 
une  grande  distinction.  Les  princes 
Dalmace  ,  Jules  Constance ,  et  Anni- 
balien ,  frères  de  l'empereur  Constan- 
tin ,  qui  se  trouvaient  alors  dans  celte 
ville,  où  ils  avaient  été  exilés,  suivi- 
rent ses  leçons  et  l'en  payèrent  par 
leur  amitié.  De  Toulouse,  il  se  rendit 
à  Narbonne,  où  il  continua  de  pro- 
fesser i'cloquencc.  Son  école ,  quoique 


ARB  365 

fréquentée  par  un  grand  nombre  d'é- 
lèves ,  lui  laissait  cependant  encore  des 
loisirs.  Il  en  profita  pour  plaider  quel- 
ques causes  d'éclat  devant  les  tribu- 
naux. Sa  réputation  s'en  accrut  en- 
core ,  et  l'empereur  Constantin  ,  tou- 
ché de  son  mérite  ,  l'appela  à  sa  cour, 
et  le  chargea  de  l'éducation  d'un  de 
ses  fils.  Il  sut  conserver  la  faveur  du 
prince ,  sans  user  de  bassesses ,  amassa 
de  grands  biens ,  et  mourut  à  Con«- 
tantinoplc,  vers  555,  comblé  de  gloire 
et  d'honneur.  Arborius  était  un  des 
hommes  les  plus  éloquents  de  son  siè- 
cle j  à  beaucoup  de  facihté  et  de  talents 
pour  parler  en  pubhc ,  il  joignait  une 
grande  érudition ,  et  des  connaissan- 
ces très-étendues  dans  les  mathémati- 
ques et  dans  l'astronomie.  Les  ouvra-, 
ges  qu'il  avaitcomposés  se  sont  perdus. 
Ausone,  son  neveu  et  son  disciple,  a 
consacré  deux  pièces  de  vers  à  sa  mé- 
moire. On  trouve  la  première  dans  sou 
livre  intitulé  :  Parenlalia  ;  et  la  se- 
conde ,  dans  celui  ou  il  a  conservé  la 
souvenir  des  professeurs  les  plus  célè- 
bres de  son  temps.  W — s. 

ARBRISSEL  (Robert  d'),  fon- 
dateur de  l'oidre  de  Fontevrau'.t,  et 
de  l'abbaye  de  ce  nom  ,  naquit ,  en 
I  o47  ,  dans  le  village  d'Arbrisscl ,  à 
sept  lieues  de  Rennes ,  vint  de  bonne 
heure  à  Paris ,  où  il  fit  des  progrès  ra- 
pides dans  les  lettres ,  et  fut  reçu  doc- 
teur en  théologie.  Son  évcquc,  Silvest  lo 
de  La  Guerche ,  le  rappela  auprès  de 
lui ,  s'aida  de  ses  lumières  ,  lui  con- 
féra les  dignités  d'archiprêtre  et  d'of- 
ficial ,  et  eut  la  satisfaction  de  le  voir 
combattre  avec  succès  la  simonie, l'in- 
continence et  les  autres  vices  de  sou 
clergé.  Après  avoir  travaillé  pendant 
quatre  ans  à  l'extirpation  de  ces  dé- 
sordres ,  Robert  se  vit  exposé ,  par  la 
mort  de  sou  protecteur,  »i  ressenti- 
ment des  ecclésiastiques  qu'il  avait 
humiliés  j  et  Marbodus ,  successcuv 


do  La  Gucrcbe ,  qui  apparemment 
n'aimait  jias  autant  (pie  celui-ci  les 
réformes  et  les  réformateurs ,  le  re- 
mercia de  ses  soins ,  et  le  laissa  partir 
pour  Angers ,  où  il  alla  enseigner  la 
théologie.  Ce  fut  là  qu'Urbain  II ,  qui 
l'entendit  prêcher ,  fut  si  content  de 
ses  sermons,  qu'il  lui  conféra  le  titre 
de  prédicateur  apostolique  ,  avec  la 
permission  de  prêcher  ^er  universum 
miindum.  Robert ,  d'après  celte  per- 
mission ,  allait  prêchant  partout  la 
parole  de  Dieu  ,  et  partout  entraî- 
nant après  lui  une  foule  d'auditeuisde 
tout  âge  et  de  tout  sexe  ,  que  son  élo- 
quence attachait  à  sa  personne.  Ce 
mélange  d'hommes  et  de  femmes  ne 
manqua  pas  d'éveiller  la  curiosité  pu- 
blique ,  et  de  scandaliser  quelques  per- 
sonnes. C'est  ce  dont  on  peut  juger  par 
deux  lettres  contemporaines  qui  nous 
sont  restées,  l'une  de  Geoffroy,  a!)bé 
de  Vendôme ,  qui ,  quoique  lié  avec 
Robert ,  l'accuse  d'indiscrétion  dans 
sa  trop  grande  familiarité  avec  les 
femmes  qu'il  gouvernait.  Voici  un 
passage  de  cette  lettre  :  Fœminarum 
ipiasdam ,  ut  dicitur ,  niinis  fami- 
liariter  tecum  hahitare  permittis ,  et 
cum  ipsis  etiam,  et  inter  ipsas  noctu 

fréquenter  cubare  permittis 

L'autre  lettre  est  de  Marbodus  ,  évê- 
que  de  Rennes ,  qui ,  outre  les  mêmes 
reproches,  lui  fait  ceux  de  singularité 
dans  sa  conduite,  et  d'excès  dans 
son  zèle ,  principalement  contre  les 
prêtres  et  lesévêques  ;  il  l'exhorte  à  la 
prudence  et  à  la  discrétion  :  «  afin 
d'imposer  silence  à  la  calomnie ,  et  de 
faire  cesser  des  discours  auxquels  sa 
conduite  donne  lieu.  «  Robert  prit 
alors  une  résolution  bien  extraordi- 
naire j  ce  fut ,  comme  dit  Bayle ,  de 
fixer  ses  tabernacles  dans  les  soli- 
tudes de  Monteiraidt ,  de  soumettre 
les  hommes  à  l'empire  des  femmes  ; 
et  tandis  qu'il  imposait  à  coUcs-ci  l'o- 


A  RB 

bhgalion  de  prier,  il  voulut  que  ceux- 
là  ,  leurs  serviteurs perpéluels,fnsseut 
occupés  à  dessécher  des  marais,  à  dé- 
fricher des  landes,  à  labourer  les  terres 
qu'ils  avaient  conquises  sur  les  eaux  et 
sur  le  désert.  L'abbaye  de  Fontevrault , 
fondéepar  ses  soins  en  i  io5,  devint  en 
peu  de  temps  considérable  et  célèbre , 
quoi  qu'en  aient  dit  quelques  prélats 
de  son  temps ,  dont  il  n'eut  pas  osé 
accuser  les  mœurs,  si  les  siennes  n'eus- 
sent pas  été  exemptes  de  reproche  ; 
et  les  tristes  échos  de  Bayle  ,  qui  ont 
trouvé  plaisant  de  répéter  après  lui 
que  Robert  d'Arbrissel  ne  faisait  qu'un 
même  lit  avec  ses  plus  jolies  prosé- 
lytes ,  afin  de  vaquer  plus  commodé- 
ment à  l'oraison.  Il  est  certain  que  sa 
piété  ne  se  démentit  jamais,  que  sa 
réputation  fui  attaquée,  et  non  flétrie 
par  les  accusations  dont  nous  venons 
de  parler;  que  les  papes,  les  rois  et 
les  prélats  les  plus  distingués  lui 
rendirent  justice  et  le  protégèrent 
contre  toutes  les  interprétations  ma- 
lignes. Lorsqu'il  crut  que  son  éta- 
blissem-^nt  pouvait  se  passer  de  lui  , 
il  reprit  son  premier  emploi  de  prédi- 
cateur ambulant,  parcourut  la  France , 
exhortant  les  riches  à  la  charité ,  les 
pauvres  à  l'humilité,  les  femmes  à  la 
continence  ,  et  les  hommes  à  l'amour 
de  Dieu.  Il  assista ,  en  1 1  o4  ,  au  concile 
de  Baugency ,  et  prit  place  parmi  les 
prélats.  L'évê<|ue  de  Poitiers  fut  si 
satisfait  de  sa  doctrine  et  des  lois  qu'il 
avait  données  à  ses  disciples,  qu'il 
sollicita  auprès  du  Saint -Siège  les 
bulles  de  confirmation;  et,  en  les  dé- 
livrant ,  le  pape  Pascal  II  déclara 
qu'il  prenait  cet  ordre  sous  sa  protec- 
tion spéciale.  Ce  fut  au  milieu  de  ses 
travaux  apostoliques  que  Robert  tom- 
ba malade ,  et  moiu-ut  au  prieuré  d'Or- 
san  ,  diocèse  de  Bourges,  L'arche- 
vêque de  cette  ville,  sou  clergé,  la 
noblesse  des  environs  et  une  foule  de 


ARB 

Lues  ,  accompagnèrent  son  corps  jus- 
ffii'à  l'abbaye  de  Fontevrault ,  où  on 
Ini  fit  des  obsèques  raa^niliques.  En 
jG55  ,  Louise  de  Bourbon  ,  abbcsse 
de  Fontevrault,  fit  placer  les  restes 
de  Robert  dans  un  superbe  tombeau 
de  marbre  ,  sur  lequel  on  li<;ait  l'cpi- 
taphe  qu'Hildcbert ,  évêquedu  Mans  , 
avait  faite  en  son  honneur  ,  et  dont 
voici  quelques  vers  : 

Atirivit  lorica  latus  .  sitls  arida  fauces  , 
Dura  fam.'^s  slomachum  ,  iumiiia  CLira  vigil 

fudulsit  t  ai'ô  requiem  sibi  ^  rarius  escam. 
Guttura  paseebat  j;ramine  ,  conta  Deo. 

Le^ibus  est  subjecta  caro  doraiaœ  ratioa'is; 
tt  sapor  unus  ei ,  sed  sapor  ille  Ocus. 

L'ordre  de  Fontevrault,  supprime' avec 
tous  les  autres  ,  par  suite  de  la  révolu- 
tion ,  était  divise  en  quatre  provinces; 
savoir  :  la  province  de  France  ,  dans 
laquelle  il  v  avait  quinze  prieure's  ;  la 
province  d'Aquitaine,  quatorze  prieu- 
rés ;  la  province  d'Auvei  gne ,  quinze 
prieures  ;  la  province  de  Bretagne  , 
treize  prieure's.  L'habit  des  hommes 
consistait  en  une  robe  noire,  une  chape, 
un  chaperon, ou  grand capuce,  auquel 
étaient  atlache'es  par  derrière  et  par 
devant  deux  petites  pièces  de  drap , 
qu'ils  nommèrent  des  Roberis.  L'ha- 
bit des  femmes  consistait  en  une  robe 
blanche,  une  cuculle  noire,  un  sur- 
plis blanc ,  et  une  ceinture  de  laine 
noire.  En  prononçant  leurs  vœux,  les 
hommes  et  les  femmes  promettaient 
stabilité' ,  conversion  de  mœurs  ,  chas- 
teté pure,  pauvreté  nue,  et  obéissance. 
G — s. 
ARBUTHNOT  (Alexandre), 
tliéologien  anglican  ,  fils  du  baron 
d'Arbuthnot,  était  né  en  Ecosse  en 
i558.  II  se  fit  remarquer  par  un 
grand  zèle  pour  la  religion  réformée, 
et  par  une  habileté  particulière  dans 
les  affaires  ecclésiastiques.  En  i56(), 
il  fut  nommé  principal  du  collège  du 
roi  à  Aberdeen.  Ayant  encouru  en- 
suite le  ressentiment  de  Jacques  VI , 
par  la  publication  de  \ Histoire  d'E- 


ARB  5Gâi 

cosse,  de  Bucbanan,  il  en  fut  tellement 
afi'ecté  qu'il  ne  fit  plus  que  tiaîner 
une  vie  languissante.  Il  mourut ,  à 
Aberdeen,  en  i585.  On  a  de  lui  m\ 
ouvrage  intitulé  :  Orationes  de  ori- 
gine et  dignitate  j'iiris ,  imprimé  à 
Edimbourg,  in-4''.,  en  1579,.'  X — s. 
ARBUTHNOT  (  Jean  ),  Écossais  , 
célèbre  comme  médecin  et  comme 
Ijomrae  de  lettres,  était  né  à  Arbuth- 
not,  près  de  Montrose,  quoique  temps 
après  la  restauration.  Il  prit  le  degré 
de  docteur  en  médecine  à  l'université 
d' Aberdeen ,  et  alla  ensuite  s'établir  à 
Londres,  où  il  joignit  d'abord  l'ensei- 
gnement des  mathématiques  à  la  prati- 
que de  son  art.  Il  se  fit  bientôt  connaî- 
tre par  quelques  ouvrages  scientifiques 
qui  le  firent  recevoir  dms  la  société 
royale.  Il  fut  successivement  médecin 
extraordinaire  du  prince  George  de 
Danemarck,  et  l'un  des  médecins  de 
la  reine  Anne.  En  17 10,  le  collège 
des  médecins  de  Londres  l'admit  au 
nombre  de  ses  membres.  Ce  fut  vers 
ce  temps  que  commença  entre  Swift, 
Pope,  Gay  et  lui,  une  liaison  très- 
étroite,  qui  dura  jusqu'à  sa  mort.  En 
1714,  il  conçut,  avec  les  deux  pre- 
miers, le  plan  d'une  satire  sur  les  abus 
de  l'érudition,  présentée,  sous  une 
forme  ironique ,  comme  le  récit  des 
aventures  d'un  personnage  supposé. 
La  seule  partie  de  cette  satire  qui  ait 
paru  ,  a  été  imprimée  dans  les  OEu- 
vres  de  Pope,  sous  le  titre  de  Mé- 
moires de  Martinus  Scriblerus  ;  elle 
est  regardée  presque  entièrement 
comme  l'ouvrage  du  docteur  Arbuth- 
not.  La  mt)rt  de  la  reine  Anne  l'affecta 
sensiblement.  Il  fit  un  voyage  à  Paris 
pour  se  distraire.  De  retour  en  Angle- 
terre, il  contmua  de  pratiquer  la  mé- 
decine avec  beaucoup  de  réputation.  Il 
publia  aussi ,  par  intervalles,  divers 
Traités  dogmatiques ,  et  quelques  écrits 
pleins  d'esprit ,  de  raison  et  d'origina- 


556  A  R  B 

litc,  mais  où  domine  une  teinte  très- 
marquée  d'es]nit  de  parti.  Le  premier 
ouvrage  qui  fit  connaître  Arbutlinot, 
tst  vin  examen  critique  de  l'hypothèse 
du  docteur  Woodvvard^  pour  expliquer 
le  dchige ,  (t  qui  se  trouve  dans  un 
Jissai  sur  l'histoire  naturelle  de  la 
terre,  publié  par  ce  savant  physi- 
cien, en  1G95.  Arbuthnot  attaqua 
tilteliypothèsc,  comme  incompatible 
;ivcc  les  principes  des  mathématiques 
et  delà  saine  philosophie.  Son  ouvrage 
sur  ce  sujet  avait  pour  titre  :  Examen 
lie  l'explication  du  Déluç;e ,  par  le 
docteur  TFoodward ,  suivi  d'une 
comparaison  de  la  doctrine  de  Ste- 
non  ai'ec  celle  du  docteur,  relative- 
tnenl  aux  corps  marins  contenus  dans 
le  sein  de  la  terre,  1697.  Un  petit 
écrit  qu'il  ])ublia  peu  de  temps  après, 
le  fit  connaître  encore  plus  avantageu- 
fcment;  il  est  intitulé  :  Essai  sur 
l'utilité  de  f  étude  des  Mathémati- 
ques, 1 700.  Cet  écrit  le  plaça  au  rang 
des  esprits  supérieurs  :  il  u'a  paru, 
même  depuis  Arbuthnot,  aucun  ou- 
vrage qui  (  IFrc,  sur  ce  sujet,  des  idées 
plus  justes  sous  une  forme  plus  impo- 
sante. I.cs  pnnci|iaux  aA'antages  que 
l'auteur  prétend  résulter  de  l'étude  des 
mathématiques,  sont  :  1°.  d'accoulu- 
mer  res])rit  à  une  forte  attention; 
2".  de  lui  faire  contracter  l'habilude 
d'uîic  logique  serrée  et  des  démons- 
trations rigoureuses  ;  5".  de  lui  ap- 
prendre à  écarter  du  raisonnement 
toute  espèce  de  préjugé,  de  créduUté 
et  de  su])erslition.  Arbuthnot  fait  eu- 
suite  rajipheation  de  ces  principes  à 
l'étude  de  toutes  les  autres  sciences;  et 
c'est  dans  ces  développements  qu'il^ 
montre  autant  de  pénétration  que  de 
sagacité.  Les  principaux  de  ses  autres 
ouviages  sont  :  \.  De  la  régularité 
des  naissances  des  deux  sexes;  IL 
Tables  des  Monnaies  ,  Poids  et  Me- 
sures des  anciçns,  expliquées  avec 


ARB 

des  exemples ,  dans  une  suite  de  diS' 
sertations,  ï']^'],m-^°.;  IIL  De  la 
nature  et  du  choix  des  aliments , 
1 752  ;  IV.  Des  EJfets  de  l'air  sur  le 
corps  humain,  1755;  V,  Traité  sur 
la  manière  de  quereller  chez  les 
anciens  ;  VI.  VArt  de  mentir  en 
politique  ;  Vil.  le  Procès  sans  fin  y 
ou  Histoire  de  John  Bull,  roman 
allégorique ,  publié  sous  le  nom  de 
Swift,  trcs-estimé  en  Angleterre,  et 
où  le  peuple  anglais  est  désigne  sous 
le  nom  de  John  Bull  ;  dénomination 
dérisoire ,  qui  a  été  depuis  adoptée  par 
l'usage.  On  lui  attribue  quelques  autres 
petits  ouvrages,  où  la  satire  est  toujours 
ti'aitée  sur  le  ton  do  l'ironie.  En  1751, 
on  publia ,  à  Glascow ,  les  Œuvres 
mêlées  du  docteur  Arbuthnot,  en 
deux  vol.  in-8".,  où  l'on  trouve  beau- 
coup de  pièces  qui  ne  lui  appartiennent 
pas.  Arbuthnot  est  un  des  hommes 
célèbres  d'Angleterre  qui  a  réuni  le 
plus  de  genres  d'esprit  aux  connaissan- 
ces les  plus  sohdes  et  les  plus  étendues. 
Les  excellentes  qualités  de  son  cœur 
égalaient  les  lumières  et  les  agréments 
de  son  esprit.  C'est  un  témoignage  que 
lui  rendait  Swift,  qui  disait  de  lui  : 
«  Il  a  plus  d'esprit  que  nous  tous,  et 
»  son  humanité  égale  son  esprit.  »  Il 
fut  constamment  l'ami  des  hommes  les 
plus  distingués  de  son  temps,  Swift, 
Pope ,  Gay,  Parnell ,  les  lords  Boling- 
broke  et  Chesterfield.  Il  c'ait  d'une 
constitution  délicate,  qui  faisait  dire 
au  docteur  Sw  ift  :  «  C'est  un  homme 
»  propre  à  tout ,  excepté  à  marcher.  » 
Les  dernières  années  de  sa  vie  fiu-ent 
éprouvées  par  de  vives  et  continuelles 
souffrances,  qu'd  supporta,  non  seule- 
ment avec  courage,  mais  avec  gaîtc.  11 
mourut  à  Londres  en  i^aS.  Ses  ou- 
\Taq,es  de  plaisanterie  ne  neuvent 
guère  être  apprécies  par  les  étrangers  ; 
mais  quelques  écrits  solides ,  tels  que 
sou  Traité  sur  les  aliments ,  et  ses 


A  R  C 

Tables  des  Monnaies,  des  Poids  et 
des  Mesures  des  anciens,  sufliront 
pour  reconamander  sa  mcmoire  chez 
toutes  les  nations  éclairées.  M.  Boyer 
de  Prébandier  a  traduit  en  iVançais 
l'Essai  sur  les  aliments ,  \']^i  ,  'i 
vol.  in- 1 2  ;  ainsi  que  celui  sur  les  effets 
de  l'air,  ^']^^i  ,  in- 12,  V Histoire  de 
John  Bull  a  été  traduite  par  l'abbé 
VeU y ,  1753,  in- 1  -i .  S — d. 

ARC  (  Jeanne  d'  ).  Foy.  Jeanne. 

ARC  (  Philippe-Auguste  de  Sïe.- 
Foix  ,  chevalier  d'  ) ,  (ils  naturel  du 
comte  de  Toulouse,  mourut  en  1779, 
à  Tulle  ,  où  il  était  exilé.  11  a  laissé  : 
I.  Lettre  d'Osman,  1753,  5  par- 
ties ,  in- 12  ;  II.  le  Roman  du  jour , 
pour  servir  à  Vhisloire  du  siècle , 
1754,  2  vol.  in-12;  JII.  le  Palais 
du  Silence  ,  1 754  ,  in-12  ;  IV.  Mes 
Loisirs,  1755,  in- 1 2  ;  V.  la  Noblesse 
militaire,  ou  le  Patriote  français 
opposé  à  la  Noblesse  commerçante 
(de  l'abbé  Coyer  ) ,  i75(i,  in-12; 
VI.  Histoire  générale  des  guerres  , 
tora.  I".,  175G,  tom.  II,  1758, 
in-4".  L'auteur  avait  divisé  son  ou- 
vrage en  trois  époques  ;  la  première, 
de[)uis  le  déluge  jusqu'à  l'ère  chré- 
tienne ;  la  seconde,  dej)uis  l'ère  chré- 
tienne jusqu'à  la  chute  de  l'empire 
d'Orient;  latroisièrae,  depuis  la  chute 
de  l'empire  d'Orient  jusqu'ej»  17^8. 
Les  deux  volumes  publiés  conlieunent 
Fhistoire  de  la  grande  Arménie,  des 
deux  petites  Arménics,  de  la  Gappa- 
doce  ,  du  Pont ,  de  la  Paphlagonie  , 
de  la  république  d'Hc'raclée,  de  la 
Bithynie  ,  de  Pergame  ,  de  la  Phry- 
gie  et  de  la  Lydie,  (let  ouvrage  ayant 
eu  peu  de  succès,  ne  fut  pas  conti- 
nué ;  le  premier  volume  a  été  réim- 
primé en  Hollande  en  1758,  iu-i2. 
VII.  Histoire  du  commerce  et  de 
la  Tiai>igation  des  anciens  et  des  mo- 
dernes ,  1758,  2  vol.  in- 12.  C'est 
encore  un  ouvrage  interrompu.  Les 


A  K  G  367 

deux  volumes  imprimes  ne  traitent 
que  du  commerce  des  anciens  (  'es 
Égyptiens,  les  Phéniciens,  les  Juifs  , 
les  Assyriens,  les  Mèdes,  les  Perses, 
les  Lydiens ,  les  Grecs  et  les  Romains). 
L'auteur  s'est  proposé  de  faire  voir 
en  général  ,  que  les  nations  belli- 
queuses n'ont  pas  fait  le  commerce 
par  elles-mêmes  ;  et  que  la  noblesse 
ne  doit  pas  être  commerçante.  L'his- 
toire nous  ayant  conservé  jt€u  de  dé- 
tails sur  le  commerce  des  anciens , 
l'auteur  s'est  rejeté  sur  l'état  des  an- 
ciens peuples,  et  sur  leur  j)oliiique  eu 
généi-nl,  de  sorle  qu'à  cet  égard,  soîi 
ouATage  est  inférieur  à  celui  de  Knet 
sur  la  même  matière  ,  oîi  l'on  tiouve 
plus  de  faits  particuliers  rJatifs  au 
commerce,  et  moins  de  choses  étran- 
gères. A.  B — T. 

ARCADIUS ,  empereur  de  Cons- 
tantinople ,  fut  l'indigne  successeur 
du  grand  Théodose ,  qui  laisSa ,  oa 
mourant ,  le  sceptre  d'Occident  à  Ho- 
norius  ,  et  celui  d'Orient  à  Arradius. 
Ce  dernier  était  né  en  Espagne  en 
577;  ce  fut  le  ]>remier  enfant  que 
Théodose  eut  de  Flaccille.  Dès  sa  plui 
tendre  jeunesse,  il  donna  des  mar- 
ques de  son  mauvais  naturel,  en  mal- 
traitant Arsenue  qui  était  son  précep- 
teur ,  et  qui ,  eilrayé  des  dispositions 
d'un  tel  élève  ,  se  relira  ,  malgré  les 
prières  de  Théodose,  dans  les  déserfs 
de  l'Egypte.  Arcadius ,  à  peine  âgé  de 
sept  à  huit  ans,  venait  d'être  décore 
de  la  pourpre  et  associé  à  l'empire  ; 
il  n'avait  que  dix-huit  ans,  lorsque  la 
mort  de  Théodose  le  laissa  seul  pos- 
sesseur du  trône  d'Orient.  Arcadius  ne 
roccuj)a  (pie  pour  être  le  vil  esclave 
des  ambitieux  qui ,  tour  à  tour ,  dé- 
chirèrent l'état  par  leurs  perfidies , 
leurs  querelles  et  leur  connivence 
avec  les  Goths ,  les  Huns  et  les  Van- 
dales ,  auxquels  ils  livrèrent  les  pro- 
vinces et  les  trésors  de  l'empire.  L'his- 


368  ARC 

toire  d'Arcadius  n'est,  en  quelque 
sorte  ,  que  celle  des  hommes  dont  sa 
faiblesse  et  ses  vices  servirent  et  ex- 
citèrent l'audace  et  les  fureurs  ;  d'un 
Puifin  qui ,  chargé  par  Thëodose  de 
diriger  le  jeune  jDrince ,  voulut  bien- 
tôt lui  faire  épouser  sa  fille  et  devenir 
son  collègue ,  et  qui,  trompé  dans  ses 
desseins  ambitieux,  appela  les  Iluns 
et  les  Goths  dans  l'Asie  et  dans  la 
Grèce;  d'un  Eutrope  ,  vil  eunuque, 
qui  succéda  au  crédit  de  Rufiu,  après 
la  mort  tragique  de  ce  dernier,  et 
qui  ,  plus  scélérat  encore ,  acheva , 
par  ses  violences,  d'avilir  et  de  dé- 
courager les  Romains  ;  d'un  Gainas  , 
général ,  qui  ravagea  l'empire ,  au  lieu 
de  le  défendre ,  mais  qui  contribua 
à  perdre  Eutrope  ;  d'une  impéra- 
trice Eudoxie  ,  tantôt  l'ennemie ,  tan- 
tôt l'appui  des  ambitieux  ,  qui  per- 
sécuta le  vertueux  Jean  Chrysostôme, 
patriarche  de  Constantinople.  Arca- 
dius  servit  successivement  les  pas- 
sions de  ces  lâches  tyi ans.  Il  vit,  avec 
une  égale  indifférence ,  Alaric  ravager 
ses  états ,  ses  sujets  gémir  dans  l'oji- 
pressiou ,  les  secours  que  lui  ame- 
naient Stilicon  ,  général  et  tuteur 
d'fh)norius ,  devenir  inutiles  par  la 
perfidie  et  les  intrigues  des  ministres 
grecs ,  les  meilleurs  citoyens  tomber 
sous  les  proscriptions ,  et  l'arianisme 
désoler  la  religion  que  défendait  en 
vain  S.  Jean  Chrysostôme.  Tel  fut, 
en  peu  de  mots ,  le  règne  de  ce  prince, 
qui  mourut ,  en  4o8  ,  dans  la  trente- 
unième  année  de  son  âge,  après  en 
avoir  régné  ({uatorze,  La  nature  lui 
avait  donnÇ  un  extérieur  digne  de 
son  caractère;  une  figure  désagréable, 
une  taille  petite  et  mal  faite ,  un  air 
faible,  un  parler  lent,  des  yeux  éteints, 
annonçaient  le  plus  lâche  et  le  plus 
inibécille  des  empereurs.  Il  eut ,  de  sa 
femme  Eudoxie ,  Théodose  II ,  qui  lui 
i;uccéda.  L— S— f. 


ARC 

A RC  AD I US  ,  grammairien  groc 
d'Aiitioche ,  a  fait  un  abrégé  en  dix' 
neuf  Uvres  de  la  Prosodie  univer- 
selle ,  ou  Traité  des  accents  du 
célèbre  grammairien  Hérodien.  Cet 
ouvrage  se  trouve  dans  le  manuscrit 
aioT)  de  la  Bibliothèque  impériale. 
Yilloison  en  a  donné  quelques  extraits 
à  la  suite  de  ses  Epistolœ  Finarieii' 
ses  ;  mais  il  serait  à  souhaiter  que 
l'ouviage  fût  publié  en  entier.  Suidas 
attribue  à  Arcadius  quelques  autres 
ouvrages  sur  la  grammaire.     C — r. 

ARCiEUS  (  François  ),  exerça  la 
médecine  et  la  chirurgie  en  Espagne, 
et  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans,  en 
1075,  écrivit  le  Traité  intitulé:  De 
recld  curandorumvulnerum  ralione 
libri  duo  ;  accessit  ejusdem  de  fe- 
brium  curandoium  ralione  libeÙus , 
irapr.  à  Anvers,  1 5747i"-8".,  avec  les 
notes  de  Louis  Nonnius;  en  flamand, 
Amsterdam ,  1 658 ,  in- 1 2  ;  Lewarde , 
itiG^,  in-S".,  en  allemand,  Nuremb., 
1O74,  in-8''.  Arcœus  pressentit,  dans 
la  chirurgie,  plusieurs  des  pratiques 
consacrées  et  démontrées  utiles  de 
nos  jours.  Il  défendait  le  tamponne- 
ment des  plaies  ,  et  se  bornait  à  l'em- 
ploi de  l'onguent,  vulgairement  appelé 
Baume j  qui  porte  son  nom ,  et  qui 
dut  ,  peut-être ,  tous  ses  succès  au 
nouveau  procédé  de  pansement  que 
suivait  Arcaius.  Il  blâmait  aussi  l'u- 
sage des  sutures.  C.  et  A — n. 

ARCANO  (  GiovANM  Mauro  d')  , 
l'un  des  poètes  italiens  les  plus  célè- 
bres dans  le  genre  burlesque,  et  com- 
munément appelé  II  Mauro  ,  floiis- 
sait  vers  i55o.  Il  était  d'une  famille 
noble  du  Frioul  ,  qui  tirait  son  nom 
du  château  d'Arcano ,  dont  elle  était 
propriétaire.  Son  talent  poétique  se 
déclara  de  très-bonne  heure.  11  fut 
attaché ,  à  Rome ,  en  qualité  de  secré- 
taire, au  cardinal  Alexandre  Césarini, 
et  le  suivit  dans  plusieurs  voyages  à 


ARC 

Sienne,  à  Florence,  à  Bologne,  à  Ve- 
nise, et  peut-être  même  en  Espagne, 
comme  le  feraient  croiie  un  passage 
de  ses  poésies ,  et  la  connaissance 
qu'il  avait  de  la  langue  espagnole.  On 
dit  qu'il  vécut  aussi  à  la  cour  du  car- 
dinal Hyppolite  de  Mëdicis.  11  fut  un 
des  principaux  membres  de  l'acadé- 
mie des  \  ignajuoli,  ou  des  Vignerons, 
qui  se  réunissait  chez  Uberlo  Strozzi, 
et  dont  tous  les  académiciens  pre- 
naient des  «oms  tirés  de  la  culture 
de  la  vigne,  ou  d'autres  objets  cham- 
pêtres. Il  mourut  à  Rome ,  n'étant 
guère  âgé  que  de  trente  -  cinq  ans, 
d'une  fièvre  qui  l'emporta  en  peu  de 
jours.  11  eut  pour  amis  presque  tous 
les  beaux  esprits  de  son  temps  ;  mais 
il  fut  un  des  ennemis  les  plus  irrécon- 
ciliables de  l'Arétin ,  qu'il  n'épargna 
pas  dans  ses  poésies  satiriques.  Elles 
sont  presque  toutes  de  ce  caractère, 
ainsi  que  la  plupart  de  celles  que  l'on 
appelle  burlesques ,  genre  dans  lequel 
on  sait  que  le  Berni  s'est  principale- 
ment distingué  (  Foy.  Bekni  ).  Les 
Poésies  de  Mauro  d'Arcano,  ou  du 
Mauro,  sont  imprimées  avec  celles  de 
ce  dernier  poète ,  et  de  quelques  au- 
tres du  même  genre.  Elles  consistent 
en  XXI  capiluli.  Ce  sont  celles  qui 
approchent  le  plus  de  celles  du  Berui, 
avec  lesquelles  même  quelques  criti- 
ques les  ont  mises  de  pair.     G-^e. 

ARCASIO ,  professeur  de  droit  ro- 
main à  l'ancienne  université  de  Tu- 
rin, ne  le  20  janvier  1712  ,  à  Bi- 
sagno  ,  province  d'Acqui ,  fut  reçu 
avocat  en  17J5,  s'attacha  particuliè- 
rement à  l'étude  des  antiquités  et  de 
la  jurisprudence  romaines  ,  et  cultiva, 
avec  beaucoup  de  succès ,  les  lettres 
latines.  En  1748,  le  roi  de  Sardai-. 
gne,  Charles  Emmanuel  III  ,  le  nom- 
ma professeur  de  droit  civil.  Le  suc- 
cesseur de  ce  prince  lui  accorda  , 
après  trente  années  de  service ,  une 


A  R  C  SGq 

pension  et  le  titie  de  sénateur.  Cette 
distinction  avait  été  jusqu'alors  sans 
exemple  dans  l'histoire  de  l'université 
de  Turin.  Arcasio  ne  cessa  de  profes- 
ser que  vers  la  fin  de  sa  carrière;  il 
mourut  à  Bisagno ,  le  2  5  novembre 
i7<)i.  11  a  laissé  plusieurs  ouvrages 
imprimés.  Ses  Commentaires  de  droit 
civil  (  Commentaria  jiiris  civilis  ) , 
publiés  à  Turin ,  en  1 7S2  et  en  1 784, 
sont  très-estimes,  et  offrent  un  foius 
de  droit  romain  qui  sera  toujours  utile. 
Arcasio ,  porté  naturellement  au  re- 
cueillement et  à  la  méditation  ,  aimait 
la  solitude,  et ,  sur  le  déclin  de  sa  vie, 
il  se  retirait  tous  les  ans,  pendant  uu 
mois .  dans  un  couvent  de  caraaldules, 
sur  la  Colline  près  de  Turin.  Le  ba- 
ron Vernazza  de  Freney  a  publié  sou 
éloge ,  qui  est  iuséré  dans  le  recueil 
intitulé  :  Bibliuleca  OltremonUma. 
P— I. 
ARCEREr  Louis-Étienne),  prêtre 
de  l'Oratoire,  né  à  Marseille,  en  1698, 
se  distingua, pendant  qu'il  fut  empiové 
à  professer  les  humanités,par  plusieurs 
pris  de  poésie  qu'il  remporta  dans  di- 
verses académies  de  province,  dont 
quelques  unes  s'empressèrent  de  lui 
ouvrir  leurs  portes.  Fixé,  vers  174^, 
à  la  Rochelle,  il  devint  secrétaire  perpé- 
tuel de  la  société  royale  d'agriculture , 
et  travailla,  conjointement  avec  le  P. 
Jaillot,  son  confrère,  à  ['Histoire  de 
la  BocheUe  et  du  pays  d'Aiinis.  Le 
P.  Jaillot ,  qui  en  avait  amassé  les  ma- 
tériaux, étant  mort  en  i74<)>  le  P- 
Arcère  se  tiouva  seul  chargé  de  l'ou- 
vrage ,  qui  parut ,  en  1 7  56  ,  en  2  vol. 
in  -  4".  Cette  histoire  ,  la  meilleure 
qu'on  eût  encore  vue  en  ce  genre,  par 
les  recherches  curieuses  qu'elle  con- 
tient, par  l'exactitude  des  faits ,  la  sa- 
gesse des  vues  ,  la  profondeur  des 
réflexions  ,  et  à  laquelle  il  ne  man- 
que que  d'être  écrite  d'un  style  plus 
Simple,  cl  sur  un  ton  plus  naturel, 

24 


070  ARC 

valut  à  l'auteur  une  pension  de  la  pro- 
vince ,  et  le  titre  de  correspondant  de 
l'académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Le  P.  Arcère  est  encore  auteur 
d'un  Journal  historique  d-i  la  prise 
de  Mahon ,  d'un  Mémoire  apologé- 
tique de  la  révolution  de  Corse,  en 
1 760 ,  de  plusieurs  Mémoires  insères 
dans  le  recueil  de  l'académie  de  la  Ro- 
cliclle  ,  d'une  Siavante  Dissertation 
sur  l'état  de  l'agriculture  chez  les 
Romains ,  dans  ses  rapports  avec  le 
gouvernement ,  les  mœurs  et  le  com- 
merce, in-8".,  Paris  ,  i77t),  qui  eut 
Yaccessit  du  prix  propose'  sur  ce  sujet, 
]iar  l'acadcniic  des  inscriptions.  L'au- 
teur avait  soixante  -  seize  ans  quand  il 
Ja  composa.  Il  savait  plusieurs  lan- 
gues anciennes  et  modernes  ,  et  fut 
cliar2;c  de  mettre  en  état  de  paraître 
ini  Dictionnaire  tuik,  latin  et  français, 
composé  par  son  oncle,  Antoine  Arcère. 
Un  assez  long  séjour  dans  le  Levant 
avait  procuré  à  celui-ci  tous  les  moyens 
nécessaires  pour  la  composition  d'un 
pareil  ouvrage.  Le  neveu  ayant  été 
uî  rêté  dans  ce  travail  par  la  faiblesse 
de  sa  vue  ,  et  par  son  âge  avancé  , 
en  légua  le  manuscrit  à  la  Bibliothèque 
(iii  roi  ;  il  légua  pareillement  à  la  bi- 
Lliotlièque  de  l'Oiatuire  de  Marseille, 
ics  propres  manuscrits  ,  qui  compo- 
."^eiit  \  vul.  in -fol.  ,  intitulés: -'^/ce- 
riana.  Ses  poésies ,  où  il  v  a  du  feu  et 
de  l'clévatiou  ,  sont  répandues  dans 
différents  recueils.  Ce  savant  respec- 
table mourut  à  la  l\oiliel!c  ,  supérieur 
de  la  maison  de  sa  congrégation ,  le 
7  février  178^.  T — d. 

ARCÉSILAS,  de  la  secte  académi- 
que ,  naquit ,  d'un  père  Scythe  ,  à 
Pitane  en  yEdIide,  la  première  anuée 
tic  la  1  16''.  olympiade.  Son  éducation 
fut  très-soignée.  Il  apprit  les  mathe- 
lu.'itiques  d'Autulycus  et  d'iîipponicus 
le  géomètre;  la  musique,  de  Xantiuis 
l'Athémcii,  et  cullivià  mciue  la  poc&ic. 


ARC 

Mais  Moéréas ,  son  frère  aîné ,  qui 
devint  sou  tuteur,  l'envoya  bientôt  à 
Athènes,  jx)ur  s'y  livrera  la  profession 
de  rhéteur ,  à  laquelle  il  le  destinait. 
Arcésilas  ne  répondit  point  à  ses  vues. 
La  philosophie  eut  pour  lui  plus  de 
charme  que  l'éloquence  :  il  sxxvnl  les 
leçons  de  Théophraste  le  péiipatéti- 
cicn,  puis  celles  de  Crantor;  et ,  après 
la  mort  de  Cratès  ,  se  trouvant  à  la  tète 
de  l'école,  il  devint  le  fondateur  de  la 
seconde  académie.  11  fit  néanmoins  de 
grands  changements  à  la  doctrine  aca- 
démique. Platon  et  ses  successeurs 
avaient  distingué  deux  sortes  d'êtres j 
les  uns  ,  substantiels  ,  exerçant  leur 
action  sur  les  sens  ;  les  autres ,  abs- 
traits, perceptibles  seulement  par  l'es- 
prit. La  connaissance  des  premiers 
constituait ,  disaient  -  ils ,  Y  opinion  ; 
celle  de.->  autres,  \a science.  Arcésilas, 
se  ra])prorhant  du  scepticisme  ,  ou 
plutôt  l'outrepassant  ,  niait  que  l'on 
pût  rien  savoir,  pas  même,  comme 
Socrate ,  que  l'on  ne  savait  rien.  11  re- 
jetait ,  comme  faux  ou  trompeur ,  le 
témoignage  des  sens  ,  et  prétendait , 
qu'en  conséquence,  le  vrai  sage  ne 
doit  jamais  rien  affirmer  ;  qu'au  con- 
traire ,  il  jxnit ,  avec  une  égale  supé- 
riorité ,  combattre  toutes  les  asser- 
tions reçues.  Cependant,  comme  il 
fallait  bien  faire  concorder  ces  idée» 
bizarres  avec  la  nécessité  de  vivre , 
imposée  à  tous  les  êtres  animés  ,  il 
disait  que  ces  principes  n'étaient  de 
rigueur  que  pour  la  science  ;  que ,  du 
reste ,  dans  le  commerce  de  la  vie , 
on  pouvait  agir  comme  les  autres,  et 
s'en  tenir  aux  apparences.  C'est  ainsi 
que ,  par  d'ingénieuses  et  subtiles  dis- 
tinctions, le  rigoriste  le  plus  sévère 
croit  pouvoir  justifier  aux  autres  ,  et . 
souvent  à  lui-même,  ses  faiblesses  et 
ses  goûts.  Aussi  Arcésilas,  malgré  son 
.scepticisme,  ne  fut  point  ouiieuii  de* 
pkiisiis;  et  son  humeur  libérale ,  à  lit- 


ARC 

quelle  sa  foitime  et  les  faveurs  d'Eu- 
ïnènes,  roi  de  Pergamc,  lui  permet- 
taient de  se  livrer,  le  rendit  cher  à  ses 
concitoyens.  Dans  les  secours  qu'il  por- 
tait aux  indigents ,  il  savait  mettre  cette 
délicatesse  si  rare  qui  double  le  prix 
du  bienfait.  Émule  d'Aristippe,  il  par- 
tagea son  temps  entre  l'Amour,  Bac- 
chus,  et  les  Muses,  sans  jamais  se 
mêler  des  affaires  publiques.  11  était 
enthousiaste  de  Piudare  et  ci'Ilomère , 
et,  lorsqu'il  se  livrait  à  la  lecture  de 
ce  dernier,  il  avait  coutume  de  dire 
qu'il  allait  chez  sa  maîtresse.  Ce  |)]ii- 
losophe  aimable  et  bizarre  eut  une  lin 
bien  digne  de  lui.  Il  mourut ,  si  l'onen 
croit  l'histoire  ,  d'un  excès  de  vin,  à 
l'àgc  de  soixante-quinze  ans  ,  la  qua- 
trième année  de  la  i54  •  olympiade. 
Il  eut  pour  successeur  Lacvdes.  —  On 
compte  trois  autres  ArcÉsilas  ;  l'un  , 
poète  de  l'ancienne  comédie;  l'autre  , 
élégiaque;  le  troisième,  statuaire,  fils 
d'Aristodicus.  D.  L. 

ARCESILAUS,  peintre  grec,  était 
de  Pharos  ,  et  contemporain  de  Poly- 
gnote  :  il  peignait  à  l'encaustique.  On 
voyait  au  Pvrée  un  tableau ,  dans  lequel 
il  avait  représenté  Léosthènes  et  ses 
enfants.  — Il  y  eut  aussi  à  Rome  un 
statuaire  du  même  nom ,  qui  vivait 
65  av.  J.-C.  Lucullus  l'aimait  et  lui  fit 
laire  plusieurs  ouvrages  ;  on  les  payait 
plus  cher  que  ceux  des  autres  artistes. 
\arron  en  parle  avec  éloge;  il  cite  un 
groupe  de  marbre,  d'un  seul  mor- 
ceau, de  la  main  d'Arcésilaiis,  et  re- 
présentant une  lionne  avec  laquelle 
jouaient  des  Amours  ailés.  L — S — e. 
ARCET.  For.  Darcet. 
ARCHAGATHUS ,  premier  méde- 
cin grec  qui  vint  s'établir  à  Rome,  l'an 
554  de  la  fondation  de  cette  ville,  9. 19 
ans  av.  J.-C.  Selon  Pliue ,  ou  lui  donna 
le  droit  de  citoyen,  .et  le  public  lui 
acheta  M7ie  boutique  dans  le  faubourg 
(V^Eilius,  pour  \  exercer  saprofcssio». 


ARC  071 

Il  paraît  qu'il  s'occupa  plus  de  chirur- 
gie que  de  médecine;  et ,  dans  le  prin- 
cipe, sa  méthode  était  si  douce ,  qu'elle 
lui  fit  appliquer  le  nom  de  Guérisseur 
de  plaies ,  Fulnerarius  ;  mais ,  en  - 
suite ,  certains  cas  qui  exigeaient  l'em- 
ploi du  feu  et  de  l'instrument  tran- 
chant, s'étaiit  rencontrés ,  on  changea 
son  premier  nom  en  celui  de  Bour- 
reau ,  et  les  Romains  prirent  en  haine 
la  médecine   et  les   médecins.  Celte 
haine,  né;inraoiijs,  fut  peu  durable, 
et  Asclépiade  bientôt  acquit  aux  sa- 
vants de  celle  pr(;f(.ssion  la  considé- 
ration de  ce  peuple,  plus  militaire  qu'é- 
clairé. On  a  aussi  d-  isné  à  ce  médecin 
le  nom  à!  Areagathus  ;  ce  qui  a  tron)- 
pé  des  biographes  qui ,  par  erreur ,  en 
ont  fait  deux  personnages  différents. 
'  C.  et  A— N. 
ARCIIÉLAUS,  roi  de  Macédoine, 
était  (ils  naturel  de  Perdiicas,  et  d'une 
esclave  d'Alcétas  son  frère.  Perdiccas, 
en  mourant ,  le  laissa  tuteur  d'Alcétas, 
fils  légitime  qinl  avait  eu  de  Cléopâtrc, 
sou  épouse,   et  qui  n'avait  que  sept 
ans.  Archélaiis,  voulant  s'emparer  du 
trône ,  commença  par  mander  Alcé- 
tas  ,  son  oncle,  et  Alexandre,  son  fils, 
comme  s'il  avait  voulu  leur  rendre  la 
couronne  que  Perdiccas  avait  usur- 
]ice.  Ces  infortunés  ayant  été  assez  cré- 
dules pour  se  rendre  à  son  invitation, 
il  les  fit  égorger,  et  jeta  ensuite  dans 
un  puits  Alcétas,son  jeune  frère, puis 
écrivit  à  sa  mère  qu'il  y  était  tombé  en 
pniu'suivantunecie.  Après  s'être  ainsi 
ouvert  le  chemin  du  ti'ôue,  il  sembla 
vouloir  faire  oublier,  par  sa  conduite, 
les  moyens  qu'il  avait  employés  pour  y 
parvenir,  et  se  distingua  par  sa  modé- 
ration. La  Macédoine  était  sans  cesse 
exposée  aux  ravages  des  peuples  voi- 
sins ;  il  fitconstruire  des  places  fortes  et 
ouvrit  des  grandes  routes.  11  fit  des 
amas  considérables  d'armes ,  et  sepro- 
cura  des  chevaux  pour  monter  sacava- 

24.. 


Ô72  ARC 

lerie.  Il  fit  même  consliuirp  des  vais- 
seaux pour  s'opposer  aux  incursions 
desAîlirniens  ;  et,  comme  Pydno,  ville 
marilime  delà  Macédoine, leur  servait 
de  point  de  delDarqucment ,  il  s'en  em- 
para, maigre  leurs  efforts,  et  en  trans- 
porta les  habitants  dans  l'intérieur.  Il 
aimait  les  arts  et  les  lettres;  car  il  de'- 
pensa  "^  talents  (environ  40,000  fr.), 
à  faire  peindre  son  palais  par  Zeuxis, 
qui  lui  reconnut  sans  doute  un  goût 
réel  pour  la  peintmc ,  puisqu'il  lui  fit 
présent,  par  la  suite,  de  son  tableau 
de  Pan.  Arcbélaiis  attira  à  sa  cour  Eu- 
ripide et  Agatli'  n,  deux  poètes  tragi- 
ques célèbres,  11  voulut  aussi  y  attirer 
Socrate  ;  mais  ce  pliilosoplie  ne  se 
rendit  pas  à  sou  invitation.  11  fut  vic- 
time d'une  consjiiration  formée  par 
Cratiœus ,  à  qui  il  avait  promis  (n 
mariage  une  de  ses  filles  ,  qu'il  avait 
ensuite  donnée  à  un  autre;  Hellano- 
crates  de  Larisse,  dont  il  avait  abusé, 
en  lui  fusant  la  vaine  promesse  de  le 
rétablir  diins  ses  états,  et  Décamnichus, 
l'un  de  ses  courtisans,  qu'il  avait  livré 
à  la  vengeance  d'Euripide.  11  fut  as- 
sassiné, l'an  098  avant  J.-C,  après 
avoir  régne  1 4  ans.  Il  laissa  un  fils  eu 
bas  âge,  nommé  Oreste.         C — r. 

ARCHELAUS,  né  dans  la  Cappa- 
doce,  devint  l'un  des  plus  habiles  gé- 
néraux de  Mithridate ,  qu'il  servit  avec 
zèle  dans  sa  première  guerre  contre 
les  Romains.  Ce  prince ,  l'ayant  en- 
.vuite  envoyé  en  Grèce ,  avec  une  nom- 
breuse armée ,  pour  y  exciter  les 
habitants  à  la  révolte,  Archélaiis  la 
souleva  presque  entièrement,  se  ren- 
dit maître  d'Athènes ,  et  fit  mourir,  ou 
envoya  à  Mithridate,  tous  ceux  qui 
avaient  favorisé  les  Romains;  mais 
Athènes  fut  prise,  sous  ses  yeux,  par 
Sylla,  qui  le  défit  deux  fois  eu  ba- 
taille rangée,  à  Chéronée  et  à  Orcho- 
iuène.  Archélaiis ,  convaincu  de  la 
s«périorité   des  Romains  ,   engagea 


ARC 

Mithiidate  à  demander  la  paix,  eî  es 
fut  lui-même  qui  en  traita  les  condi- 
tions avec  Sylia  ,  dont  il  sut  acquérir 
l'estime.  Quelques  années  après,  il  de- 
vint suspect  à  Mithridate  ,  qui  crut 
qu'il  avait  sacrifié  ses  intérêts;  et,  con- 
naissant la  cruauté  de  ce  prince ,  il 
se  retira  auprès  des  Romains ,  qui  le 
traitèrcEt  avec  beaucoup  d'égards. 
C— R. 
ARCHELAUS,  fils  du  précédent, 
resta  attaché  aux  Romains ,  et  Pom- 
pée ,  après  avoir  terminé  la  guerre 
contre  Mithridate  ,  le  nomma  grand- 
prêtre  de  la  déesse  qu'on  admait  à 
Comane ,  dans  l'Arménie,  dont  le 
temple  avait  un  territoire  très-étendu , 
et  un  grand  nombre  d'esclaves  ,  ce  qui 
faisait  de  ce  grand-prêtre  une  espèce 
de  roi.  Mais  une  place  aussi  tranquille 
ne  convenait  pas  à  son  ambition,  et, 
lorsque  Gabniius  .  dont  il  était  l'ami  ^ 
vint  commander  dans  la  Syrie ,  il  se 
rendit  vers  lui ,  espérant  être  employé 
dans  une  expédition  contre  les  Par- 
thes  ;  cette  expédition  n'ayant  pas 
été  approuvée  par  le  sénat  romain  , 
Archélaiis  alla  en  Egypte.  Les  Égyp- 
tiens venaient  de  chasser  Plolémée  ,  et 
avaient  nommé,  pour  reine  ,  Cléopâ- 
tre ,  sa  fille ,  à  qui  ils  cherchaient  uu 
époux  digne  d'elle,  Archélaiis  s'offrit, 
en  se  disant  fils  de  IMithi  idate ,  et  il  fut 
accepté.  Gabinius ,  qui  avait  Lusse  .Ar- 
chélaiis aller  en  Égvpte  ,  quoiqu'il 
connût  bien  ses  projets ,  étant  venu 
peu  de  temps  après  l'attaquer  pour 
rendre  la  couronne  à  Ptolémée  Aulé- 
tès  ;  le  nouveau  roi  se  montra  digne 
du  trône  par  sa  valeur  ;  mais  n'élant 
pas  secondé  par  les  Égvpticns ,  il  fut 
tué  dans  la  bataille.  î\Tarc  Antoine,  qui 
avait  été  son  ami ,  lui  donna  la  scpul- 
tm'e.ll  avait  eu,  de  la  courtisane  Gla- 
phyra,  deux  fils,  Archélaiis  et  Si^inua. 
C— R. 

ARCHELAUS,  fils  du  préccdcut. 


ARC 

devint,  après  la  mort  de  son  père, 
grand-prètre  de  la  déesse  de  Comanc, 
dignité  dont  J.  César  le  priva  après  la 
défaite  de  Pompée.  Quelques  années 
après  ( l'an  56  avant  J.-C.) ,  Marc  An- 
toine ,  qui  avait  eu  beaucoup  d'amitié 
pour  sou  père,  et  à  qui  Glaphyra ,  sa 
mire,  n'était  pas  indifférente,  le  fit 
roi  de  Cappadoce ,  à  la  place  d'Ariara- 
the  X.  Archélaiis  se  trouva  avec  An- 
toine à  la  bataille  d'Actiura;  cepen- 
dant Auguste  lui  pardonna,  et  lui  con- 
serva ses  étals;  il  les  agrandit  même 
par  la  suite,  en  lui  donnant  la  petite 
Arménie  et  la  Cilicie  pierreuse ,  en  ré- 
compf  nse  de  ce  qu'il  avait  aidé  Tibère 
à  rétablir  Tigrane  sur  le  trône  d'Ar- 
ménie. Lorsque  Tibère  se  retira  à 
Ehodes,  ce  qui  ressemblait  à  une  es- 
pèce d'exil,  Archélaiis  négligea  de  lui 
rendre  ses  hommages,  et  ce  prince, 
irrité  de  ce  manque  de  respect ,  le  fit 
mander  à  Rome,  lorsqu'il  fut  devenu 
ompercur ,  et  lui  suscita  des  accusa- 
teurs; mais  son  âge  avancé,  et  la  fai- 
blesse de  son  esprit ,  désarmèrent  le 
sénat  et  même  l'empereur.  Archélaiis 
mourut  à  Rome  ,  l'an  17  de  J.  -  C. , 
après  avoir  régné  cinquante-deux  ans. 
Il  avait  eu,  d'une  première  femme, 
Glaphyra,  qu'il  donna  en  mariage  à 
Alexandre,  l'un  des  fils  d'Hérode.  Il 
avait  épousé  ,  après  un  premier  ma- 
riage ,  Pythodoris ,  veuve  de  Polémon, 
roi  de  Pont,  dont  il  paraît  qu'il  n'eut 
jMJint  d'enfants  ;  après  sa  mort,  la 
Cappadoce  devint  une  province  ro- 
maine. C — R. 

ARCHÉLAUS  fut  désigné  par  Hé- 
rodc-le-Grand ,  sou  père ,  pour  lui 
.«succéder  ;  comme  ce  prince  avait  fait 
auparavant  un  autre  testament,  où  il 
nommait  Philippe  Antipas ,  un  autre 
de  ses  fils,  pour  son  successeur,  il 
s'éleva  des  débats  entre  les  deux  frères, 
cl  ils  allèrent  à  Rome  pour  être  jugés 
par  Auguste ,  qui  ^  après  les  ayoir  cn- 


ARC  375 

tendus ,  donna  à  Archélaiis  ,  sous  le 
titre  de  tétrarque,  la  moitié  des  états 
d'Hérode,  qui  comprenait  la  Judée  pro- 
prement dite ,  et  ITdumée.  Archélaiis  , 
de  retour  à  Jérusalem,  se  livra  à  la 
cruauté  héréditaire  dans  sa  famille ,  et 
même  dans  sa  nation  ;  on  porta  des 
plaintes  contre  lui  à  Auguste ,  qui  le 
destitua  en  l'an  6  de  J.-C. ,  et  l'envoya 
eu  exil  à  Vienne  en  Dauphiné:  il  était 
dans  la  dixième  année  de  sou  règne. 
C— R. 
ARCHELAUS,  de  Milet,  ou,  sui- 
vant d'autres  ,  d'Athènes,  eut  pour 
maître  Auaxagore,  qu'il  suivit  dans 
son  exil  à  Lampsaque,  et  auquel  il 
succéda  drns  la  secte  ionique.  Après 
la  mort  de  ce  philosophe  ,  il  revint 
à  Athènes ,  où  l'on  prétend  qu'il  eut 
pour  disciples  Euripide  et  Socrate. 
On  lui  donna  le  snrnom  de  Phj'sicien, 
parce  que ,  à  l'exemple  d'Anaxagore ,  il 
s'occupa  particulièrement  des  sciences 
naturelles,  à  l'étude  desquelles  Socrate 
substitua  depuis  celle  de  la  morale. 
Suivant  Plutarquc  ,  Archélaiis  admet- 
tait deux  principes  des  choses  :  l'Air 
et  l'Infini  ;  le  premier  ,  susceptible  de 
condensation  et  de  dilatation.  De  ces 
deux  mouvements,  le  dernier  produi- 
sit le  feu  ,  l'autre,  l'eau.  La  génération 
a ,  de  même ,  deux  causes ,  le  chaud  et 
le  froid.  Les  animaux  sont  nés  du  li- 
mon échauffé  de  la  terre,  qui  fut  leur 
nourriture  première.  La  terre ,  dans 
le  principe,  était  un  marais ,  élevé  sur 
ses  bords,  concave  dans  le  milieu, 
mais  de  figure  ronde.  IjC  soleil  est  le 
jilus  grand  des  astres,  etc.  Archélaiis, 
comme  beaucoup  d'autres  philoso- 
phes, disait  que  le  juste  et  l'injuste 
ue  sont  point  dans  la  nature,  et  n'exis- 
tent que  par  la  loi.  —  On  compte  dans 
l'antiquité  plusieurs  personnages  da 
même  nom  ,  dont  on  peut  voir  l'cnu- 
niération  dans  laBibliolhèque  f:^recque 
de  Fabricius.  i).  L, 


574  AP.  C 

ARCHETiAUS  ,  sculpteur ,  ne  à 
Prience ,  et  fils  d'Apollonius  ,  est  un 
de  ces  artistes  dont  les  noms  ne  nous 
sont  parvenus  que  par  les  monuments, 
et  dont  les  anciens  auteurs  n'ont  pas 
fait  laenii.îu.  L'inscription  grecque  qui 
nous  a  conserve  le  nom  et  la  patrie 
d'Aiclielaiis  ,  se  lit  au  bas  Ae\ Apo- 
théose d'Homère  ,  bas-relief  de  petite 
proportion  ,  qui  fut  trouve'  sur  la  voie 
Appicnne  ,  près  d'Albaiio ,  dans  un 
lieu  nommé  autrefois  ad  Bovillas. 
L'empereur  Qaude  avait  une  maison 
dans  cet  endroit,  et  il  est  probable 
que  ce  bas-relief  la  décorait.  L'ant^Iais 
Reynoldsa  voulu  prouver,  par  la  forme 
des  lettres  de  l'inscription  qu'il  n'avait 
pas  vue,  que  l'ouvrage  a|!]iarteiiait  à 
une  époque  fort  ancienne  delà  scul[> 
ture  grecque,  entre  la  -y?.',  et  la  g4''. 
olympiade  ;  mais  ce  sentiment  a  été 
réfuté  complètement  parWiiikelmann, 
et  le  style  même  du  monument  per- 
met de  conjecturer  que  le  sculpteur' 
vivait  sous  les  premiers  Césars. 

L— S— E. 
ARCHESTRATE,  poète  grec,  na- 
quit à  Syracuse ,  selon  Athénée,  el  flo- 
rissaif  peu  de  tempsaprèsle  règne  d'A- 
lexandre. Vossius  (  de  Poët.  grœc. , 
p.  85  ),  le  place  parmi  les  ])oètes  d'une 
époque  incertaine.  Ce  qu'il  y  a  déplus 
sûr  h  son  égard  ,  c'est  le  genre  et 
l'emploi  de  son  talent  ,  uniquement 
consacrera  tracer  les  lois  de  la  table, 
Voici  ce  qu'en  dit  Barthélémy,  d'après 
Athénée  :  «  Cet  auteur  Fut  l'ami  d'un 
»  des  fils  de  Périclcs.  Il  avait  parcouru 
»  les  terres  et  les  mers  pour  connaître 
»  parlni-mêmecequ'ellespniduisaient 
»  de  meilleur.  Il  s'iiistruiNul  dans  ses 
»  voyages,  non  des  mœurs  des  jkhi- 
»  pies ,  dont  il  est  inutile  de  s'instruire , 
»  puisqu'il  est  impossible  de  les  chan- 
»  ger;  mais  il  entrait  dans  les  labora- 
»  toires  où  se  préparent  les  délices  de 
yb  table,  et  il  »'<ut  de  coiamerce 


ARC 

»  qu'avec  les  hommes  utiles  à  ses  plai- 
»  sirs.  Son  poème  est  un  trésor  de 
»  lumière  ,  et  ne  contient  pas  un  vers 
»  qui  ne  soit  un  précepte.  C'est  dans 
»  cette  école  que  plusieurs  cuisiniers 
»  ont  pnisé  les  principes  d'un  art  qui 
»  les  a  rendus  immortels.  »  C'est  ce 
passage  de  l'auteur  d'Anacharsis  qui  a 
donné  à  M.  Berclioux  l'idée  de  son 
charmant  poème.  Chrysippe  regarde 
les    leçons    d'Archestrale   comme  le 
point  fondamental  de  la  doctrine  épi- 
curienne ,   et   la  vraie  théogonie  des 
philosophes  gourmands.  11  avait  pour 
précepte  ,  que,  quand  le  nombre  des 
convives  excède  celui  de  trois  ou  de 
quatre,  ce  n'est  plus  qu'un  rassemble- 
ment de  journaliers,  ou  de  soldats,  qui 
mangent  leur  butin.  Il  paraît  que  ses 
leçons  ne  contribuèrent  pas  à  l'enri- 
chir;   car   Plutarque    rapporte  cette 
exclamation  d'un  partisan   du  poète 
et  de  sa  doctrine  :  «  0  Archestrate  , 
»  que  n'as-tu  vécu  sous  Alexandre  ! 
»  chaciui  de  tes  vers  eût  obtenu  Chypre 
»  ou  la  Phénicie  pour  récompense.  » 
—  Plutarque  fait  mention  d'un  auire 
Archestrate,  poète  tragique,  dont  les 
pièces  furent  jouées  pendant  la  guérie 
du  Péloponnèse.  A — T3 — r. 

ARClilAS,  poète  grec,  d'Antioche, 
jouit,  à  Rome,  d'une  grande  considé- 
ratiiiu ,  sous  le  consulat  de  Mélelius 
et  d'Afranius  ,  et  grâce  à  la  protection 
signalée  des  Lucullus.  qui  lui  avaient 
procuré  le  droit  de  cité  ta  Héraclco  , 
ville  alliée  qui  jiaiissait  des  privilèges 
de  la  bourgeoisie  romaine  ;  mais  un 
incendie  ayant  dévoré  les  archives  de 
celle  ville ,  et  anéanti  les  preuves  du 
titre  d'Archias,  un  certain  Gratins  lui 
contesta  juridiquement  le  titre  et  les 
droit>^  de  citoven  romain.  Ce  fut  à  cette 
occasion  que  Cicéron  ,  l'élève  et  l'ami 
d'Archias  ,  prononça  ce  magnifique 
plaidoyer,  dans  lequel  il  a  si  élcqucm- 
laçut  consigne  sou  amour  pour  les 


ARC 

lettres ,  et  son  admiration  pour  ceux 
qui  les  cultivent.  Arcliias  avait  com- 
posé un  poëme  sur  la  gucire  des  Cira- 
î)res ,  et  il  eu  avait  commencé  un  autre 
sur  le  consulat  de  Cicérou.  Il  ne  nous 
reste  de  lui  qu'une  quarantaine  d'épi- 
»:rammes  ,  recueillies  d'abord  dans 
Y  Anthologie  grecque,  et  publiées  en- 
suite à  part,  avec  un  commentaire, 
par  Daniel  Alsworth,  le  même  qui 
imprima,  en  1 5g5,  à  Rome  ,  une  tra- 
duction des  Géologiques  envers  grecs. 
M.  Brunck  a  recueilli  trente-quatre  des 
épigrammes  d' Aixbias ,  dans  ses  Ana- 
lecta  veterum  poétarum  grœcorum, 
tome  II,png.  92.  Ces  mêmes  frag- 
ments ont  été  publiés  depuis ,  accom- 
pagnés de  notes  et  d'une  vei-sion 
latine,  par  llgen  (  1800  ),  avec  une 
épître  critique  sur  la  personne  et 
le  génie  d'Archias.  Il  est  difficile  de 
concilier  les  éloges  dont  Cicéron  com- 
ble ce  poète,  avec  l'extrême  médio- 
crité des  pièces  qui  lui  sont  attribuées. 
Imitateur  servile  du  Tareutin  Léo- 
nidas ,  et  d'Antipater ,  il  se  traîne  sur 
des  sujets  qu'ils  ont  traités  avant  lui, 
et  n'en  reproduit  que  d'infidèles  co- 
pies. Deux  ou  trois  pièces ,  à  peine  , 
méritent  d'être  distmguées  :  ce  sont 
les  épigrammes  siu-  le  sanglier  de 
Calydon  ;  sur  le  Priape  placé  sur  les 
rives  du  Bosphore  ;  sur  une  Imon- 
delle  ,  etc.  ;  celle  enfin  sur  Diogène 
le  Cynique  ,  qui  veut  passer  l'Aché- 
ron  :  encore  cette  dernière  n'est-ellc 
qu'une  imitation  de  Léouidas.  Il  ftmt 
donc  supposer  que  les  Poèmes  que 
nous  n'avons  plus ,  et  dans  lesquels 
Arcliias  avait  célébré  la  guerre  des 
Cimbres  et  celle  de  Mitliridate,  étaient 
des  morceaux  d'un  mérite  bien  su- 
périeur à  ce  qui  nous  reste. 

A— D— R. 
ARCHIAS,  architecte,  né  à  Corin- 
the ,  fut  appelé  en  Sicile  par  le  roi  Hié- 
roii,  qui  le  chargea  de  diriger  les 


ARC 


575 


travaux  de  tout  genre  que  ce  prince 
faisait  exécuter  pour  l'avantage  et  l'or- 
nement de  son  royaume.  Archias 
poussa  très-loin  l'art  des  constructions 
navales  :  on  lui  attribue  les  plus  belles 
de  ces  fameuses  galères  siciliciuîes, 
dont  l'histoire  a  souvent  parlé,  et  dont 
les  mâts  et  les  principales  pièces  de 
bois  étaient  tirés  des  forêts  de  la 
Gaule  et  de  la  Bretagne.  Archias  vi- 
vait vers  la  135".  olympiade,  240  ans 
avant  J.-C.  L — S — e. 

ARCHIDAMIE,  femme  lacédémo- 
nienne,  avant  appris  qu'on  avait  ré- 
solu d'envoyer  les  femmes  dans  l'ile 
de  Crète,  parce  qu'on  craignait,  à 
chaque  instant,  que  la  ville  ne  fàt 
prise  par  Pyrrhus,  se  présenta  au 
sénat,  une  épée  à  la  main,  et  dit  que 
les  hommes  les  connaissaient  bien 
peu ,  s'ils  croyaient  qu'elles  pussent 
survivre  à  la  ruine  de  leur  patrie.  Ce 
trait,  que  l'on  répète  sur  la  foi  de 
Plutarque ,  est  hasardé ,  ainsi  que 
beaucomi  d'autres  du  même  genre,  et 
il  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  fem- 
mes de  Sparte  fussent  telles  qu'il  les 
représente.  Aristote,  qui  vivait  à  une 
époque  où  la  république  existait  en- 
core ,  les  peint  comme  livrées  au  luxe 
et  au  libertinage,  et  il  ajoute  que, 
lorsque  les  Thébains,  commandés  par 
Epaminondas,  entrèrent  dans  la  La- 
conic,  loin  de  contribuer  à  la  défense 
de  leur  pays ,  comme  le  faisaient  les 
femmes  dans  les  autres  villes,  elles 
occasionnèrent  plus  de  trouble  que 
les  ennemis  eux-mêmes.  Cette  Ar- 
chidamie  est  probablement  la  même 
que  la  grand'mère  d'Agis  IV,  dont 
nous  avons  parlé  à  l'article  de  ce 
prince.  C — r. 

ARCHIDAMUS,  fils  d'Anaxida- 
mus,  de  la  seconde  branche  des  rois 
de  Sparte,  monta  sur  le  trône  après  la 
mort  de  son  père,  vers  l'an  620  av. 
J.  -  C.    Comme   les   Lacc'démoniens 


576  ARC 

étaient  affaiblis  par  les  pertes  qu'ils 
avaient  e'prouve'cs  durant  la  seconde 
guerre  de  Messine ,  ils  restèrent  tran- 
quilles sous  son  règne,  qui  ne  nous 
olFre  aucun  événement  remarquable. 
Il  eut  pour  successeur  Agasiclès  ,  son 
fils.  C— n. 

ARCHIDAMUS  II,  fils  de  Zeuxi- 
(lamus,  de  la  seconde  brauche  des 
rois  de  Sparte,  monta  sur  le  tronc 
î'au  476  avant  J.-C.  Il  ne  succéda  pas 
à  son  père ,  qui  moiu-nt  sans  avoir  été 
loi  ;  mais  à  Léotvcliidès ,  son  grand- 
jière,  que  les  Lacédémoniens  avaient 
exile.  La  Laconie  fut  dévastée  vers  la 
19/.  année  de  son  règne,  par  des 
trenibleraents  de  terre,  à  la  suite  des- 
quels les  Messéniens  se  révoltèrent,  et 
se  fortifièrent  sur  le  mont  Ithome. 
Archidamus  montra  beaucoup  de  pré- 
sence d'esprit  dans  ces  événements, 
el  il  alla  assiéger  les  Messéniens,  qui, 
cTprès  s'être  défendus  pendant  dix  ans, 
capitulèrent,  à  condition  qu'on  leur 
permît  de  se  retirer  où  ils  voudraient. 
Il  s'opposa  à  la  guerre  du  Pélopon- 
nèse; mais  ses  conseils  n'ayant  pas  été 
suivis,  il  prit  le  commandement  de 
J'armée,  et  fit  plusieurs  invasions  dans 
l'Attique.  11  prit  ;uissi  la  ville  de  Pla- 
tées, alliée  des  Athéniens.  Il  mourut 
l'an  4^8  avant  J.-C,  laissant  deux, 
fi's.  Agis,  Agésilas,  et  une  fille,  Cy- 
iiisca.  C — R. 

ARCHIDAMUS  m.  fils d'Agésilas, 
de  la  seconde  branche  des  rois  de 
Sparte,  fut,  du  vivant  de  son  père, 
chargé  du  commandement  des  trou- 
pes que  les  Lacédémoniens  envoyèrent 
au  secours  des  leurs,  après  la  bataille 
<h-  Lcuctres.  De  retour  dans  le  Pélo- 
]>onuèse,  il  remporta  quelques  avau- 
t-igcs  sur  les  Arcadiens,  quoique  les 
Thcl)ains  fussent  venus  à  leur  secours, 
î'.tant  monté  sur  le  trône ,  l'an  5G 1  av. 
.[.-C,  il  engagea,  par  haine  pour  les 
Thébaius,  les  Lacc'démouieus  à  don- 


ARC 

ner  des  secours  aux  Phocéens,  qui 
s'étaient  emparés  du  temple  de  Del- 
phes; et  l'on  prétend  que  quelques 
présents  ,  faits  par  leur  chef  à  Dini' 
cha .  son  épouse,  ne  contribuèrent  pas 
peu  à  le  décider.  On  doit  cependant  le 
louer  de  ce  qu'il  empêcha  les  Pho- 
céens de  massacrer  les  Delphiens,  et 
de  vendre  leurs  femmes  et  leurs  enfants 
comme  esclaves.  Il  prit  boriucoup  de 
part  à  cette  guerre,  connue  sous  le 
nom  de  sacrée.  Il  alla  ensuite  en  Ita- 
lie ,  au  secours  des  ïarentins,  qui 
étaient  en  guerre  avec  des  peuples  cle 
leur  voisinage,  et  il  v  fut  tué  dans  un 
combat,  I'au  558  avaut  J.-C.  On  ne 
put  pas  retrouver  son  corps ,  pour  lui 
donner  la  sépulture;  ce  qu'on  ne  man- 
qua pas  d'attribuer  à  la  vengeance 
d'Apollon.  Il  laissa  un  fils,  nomuié 
Agi*.  C — R. 

ARCHIDAMUS  IV,  fils  d'Eudami- 
das,  était  roi  de  Sparte,  lorsque  Dé- 
métrius,  fils  d'Antigone,  vint  attaquer 
cette  ^ille,  l'an  2ç)5  avant  J.-C.  11  fut 
défait  à  la  vue  de  Sparte  même,  par  ce 
piincc,  qui  aurait  pi's  la  ville,  sans 
les  événements  qui  Tippelèreiit  ail- 
leurs. Le  reste  de  l'histoire  d'Archida- 
nuis  IV  est  inconnue.  M.  Larchcr  pré- 
tend qu'il  monta  sur  le  trône  l'an  5o4 
avant  J.-C,  et  qu'il  régna  /^6  ans. 
Plutarque,  qu'il  cite,  n'en  dit  rien.  Je 
ne  sais  donc  pas  sur  quoi  M.  Larcher 
fonde  ses  calculs.  —  On  connaît  plu- 
sieurs autres  Archidamus,  dans  l'his- 
toire de  Sparte;  le  premier,  fils  de 
Théopompe,  moiuut  avant  son  père, 
vers  l'an  '^9.0  avant  J.-C.  11  laissa  un 
fils ,  nommé  Zeiixidamus. — Un  autre 
Archidamus,  fils  d'Eudamidas  ,  s'en- 
fuit à  Messène,  lorsqu'Agis  IV,  son 
frère,  eut  été  tué  par  les  Ephores;  il 
en  fut  rappelé  par  Clée)mènes;  mais,  à 
peine  fut-il  arrivé  à  Sparte,  que  les 
meurtriers  de  son  frère  le  firent  périr. 
C— r. 


^ 


ARC 

ARCHTGENE  ,  mcdecin  célèbre  , 
ne  à  Apamee  en  Syrie  ,  étudia  la  mé- 
decine sous  Agalbinus,  et  vint  l'exer- 
cer à  Rome  sous  Domitien,  >'erva  et 
Trajan.  11  était  de  la  secte  pneuma- 
tique ,  dont  il  avait  reçu  les  principes 
d'Agathiuus ,  disciple  immédiat  d'A- 
thénée, qui  en  était  le  fo'.;dateur.  Ce- 
pendant, on  le  regarde  aussi  comme  le 
chef  de  la  secte  des  éclectiques  ou 
clioisisseurs  ,  qui ,  pensant  que  la 
médecine  ne  peut  avoir  pour  base 
aucune  considération  exclusive,  pre- 
naient ,  dans  toutes  les  philosophies , 
l'observation  fondamentale  qui  en  fai- 
sait l'essence,  pour  l'appliquer  aux  faits 
qu'elle  expliquait.  Archigène  eut,  à 
Rome,  une  grande  réputation.  Juvé- 
nal ,  son  contemporain ,  en  parle  plu- 
sieurs fois  dans  ses  satires ,  et  Galicn 
le  cite  souvent  avec  éloge  ;  il  l'indique 
comme  l'auteur  de  d'iT:  Livres  sur  les 
fièvres  j,el  de  douze  Lettres  savantes. 
11  ne  nous  en  est  parvenu  que  quel- 
ques fragments  ,  qu'on  trouve  dans 
£tius ,  comme  :  Hier  a  ;  De  Balneis 
naturalibus  ;  De  verliginosis ,  insa- 
nid ,  resoîutione ,  tetano  et  convul- 
sione  ,  cephalœa  et  hemicranid  ; 
De  <potigiœ  usa  ;  De  dropace ,  pi- 
catione  et  sinapismo  ;  De  pectore 
suppuratis  ;  De  volvulo  ,  cœliaca 
Ojffectione ,  dysenterid  ;  De  hepatis 
ahcessu  ;  De  his  qui  per  circuitum 
ffue/ndam  sanguinem  mingunt  ;  Is- 
chiadis  exacerbatœ  cura;  De  ele- 
phantiasi  ;  De  viperarum  esu  et 
pruritibus  ;  De  leprd  ;  De  cancris 
mammarum ,  fliuxu  muliebri ,  uteri 
abcessu ,  uteri  exulceratione ,  uteri 
cancris.  Selon  Suidas  ,  Arcliigêne 
nK)urut  à  soixante-trois  ans,  la  der- 
nière année  du  règne  de  Trajan. 
C.  et  A — X. 

ARCHILOQUE,  poète  grec,  né  à 
Paros ,  l'une  des  Cyclades ,  vers  l'an 
700  avant  J. -C;  d'une  famille  des 


ARC  577 

plus  illustres  de  cette  île ,  mais  dont 
l'éclat  fut  terni  p^r  son  père  Télé- 
siclès ,  qui  épousa  l'esclave  Enipo. 
C'est  à  cette  union  si  disproportion- 
née qu'Archi'oque  dut  sa  naissance. 
Il  porta  d'abord  les  armes  ;  mais  il  ne 
nous  donne  pas  une  grande  idée  de 
sa  bravoure ,  en  nous  apprenant  qu*il 
prit  la  fuite  dans  un  combat ,  et  que , 
pour  être  plus  léger  à  la  course,  il 
laissa  son  bouclier  sur  le  champ  de 
bataille.  Il  fut  plus  redoutable  la  plume 
à  la  main.  La  fureur  avec  laquelle  il  se 
déchaîna  contre  Lvcambe ,  qui ,  mal- 
gré sa  promesse,  donna  sa  fille  Néo- 
bulé  à  un  concurrent  plus  riche,  était 
si  forte,  que  ce  bon  homme,  furieux 
de  se  voir  déchiré  cruellement  dans 
des  vers  que  tout  le  monde  chantait, 
se  pendit  de  désespoir ,  et  son  exemple 
fut  suivi  par  ses  trois  filles.  Fier  de 
ce  premier  succès,  Archiloque  se  li- 
vra sans  réserve  à  son  dangereux  ta- 
lent ,  contre  tous  ceux  de  ses  con- 
citoyens qui  avaient  le  malheur  de 
lui  déplaire.  Cet  acharnement  lui  sus- 
cita un  grand  nombre  d'ennemis  ,  et 
les  désordi'es  de  sa  vie  licencieuse 
achevèrent  de  lui  aliéner  les  esprits. 
Non  content  d'avoir  séduit  plusieurs 
filles  et  femmes  de  Paros  ,  il  rendit , 
dans  ses  vers ,  leur  déshonneur  ])u- 
blic.  Réduit  enfin  à  la  plus  extrême 
misère  ,  odieux  à  tout  le  monde, 
il  alla  chercher  des  ressources  dans 
l'île  de  Thasos  ,  colonie  qui  de- 
vait l'existence  à  son  père,  et  pour  la- 
quelle il  avait  lui-même  combattu.  Les 
Thasiens  le  redoutaient  trop  pour 
remjilir  les  devoirs  de  la  reconnais- 
sance aux  dépens  de  leur  tranquillité; 
il  se  vengea  de  leur  ingratitude  par 
des  vers  sanglants.  Les  Lacédémo- 
niens  ne  voulurent  pas  lui  permettre 
de  coucher  seulement  dans  leur  ville; 
mais  les  jeux  olympiques  ouvrirent 
un  théâtre  plus  brillaut  à  ses  talents. 


578  A  R  G 

Il  y  remporta  la  couronne  par  un 
Hjmnecn  rii.onnciir  d'Hercule,  qu'il 
clianta  lui-mcme  ,  et  dont  les  paroles 
et  la  musique  étaient  de  sa  composi- 
tion. On  le  chantait  encore  du  temps 
de  Piudarc,  pour  célébrer  les  vain- 
queurs dans  ces  courses  renommées. 
Ce  triomphe  réconcilia  Archiloqiie 
s\vc  sa  patrie,  sur  laquelle  il  rejaillis- 
sait. 11  y  reporta  son  funeste  talent 
pour  la  satire ,  et  périt  enfin  par  le 
fer  de  ceux  qui  étaient  les  objets  de 
ses  vers  sanglants.  L'oracle  de  Del- 
phes s'intéressa  à  sa  mort ,  et  obligea 
l'assassin  d'apaiser  ses  mânes  par  des 
sacrifices.  Les  Parir ns ,  qui  l'avaient 
redouté  vivant ,  le  comblci'ent  d'hon- 
neurs après  sa  mort  ,  et  sa  mémoire 
resta  en  vénération  dans  toute  la 
Grèce.  On  célébrait  tous  les  ans  sa 
naissance  comme  celle  d'Homère,  et 
l'on  chantait  ses  vers  dans  les  fètC5 
publiques ,  comme  ceux  de  ce  père 
de  1,1  poésie ,  qui  lui  avait  servi  de 
modèle  ;  ils  passaient  pour  avoir  at- 
teint la  perfection  chiicun  dans  leur 
genre.  Les  anciens  vantaient  ,  dans 
Arcliiloque,  l'énergie  du  stvlc  ,  la  vi- 
vacité des  images  ,  une  précision 
pleine  de  sens  ,  des  sentiments  éle- 
vés, et  une  satire  vigoureuse:  ()uin- 
tilien  a  dit  de  lui  :  Sinnma  in  eo  vis , 
eleg;antes  vibrantesqiœ  sentenliœ  ; 
plurimùm  sanguinis  et  nen-oriim  , 
etc.;  mais  ces  grandes  qualités  étaient 
dégradées  par  des  calomnies  infâmes, 
et  par  de  grandes  obscénités.  Ce  sont 
ces  défauts  qui  firent  proscrire  ses 
productions  par  la  sévère  Laccdénio- 
nc,  et  qui  obligèrent  l'empereur  Julien 
d'en  interdire  la  lecture  aux  prêtres 
du  paganisme.  Cicéron  faisait  allusion 
aux  traits  mordants  qu'ils  renferment  , 
en  donnant  le  nom  d^ Archiloquia 
edicta  aux  placards  injurieux  affi' 
cbés  dans  Rome  contre  César.  La  poé- 
sie grecque  lui  dut  l'invention,  ou  du 


ARC 
moins  la  perfection  des  e'pisodcs,  des 
vers  ïambes  et  scazons.  H  était  aussi 
excellent  musicien  que  poète,  et  cet 
art  se  perfectionna  beaucoup  par  les 
changements  qu'il  y  fit  :ou  peut  voir 
là-dessus  une  Dissertation  Ag  M.  Bu- 
rette dans  le  10°.  tome  des  Mémoires 
de  l'académie  des  inscriptions.  Tous 
ses  ouvrages  ont  été  la  proie  du  temps, 
à  l'exception  de  quelques  fragments, 
qu'on  a  recueillis  dans  les  Poêles  grecs 
de  Genève  ,  1606  et  1614,  in-fol. , 
2  vol.  ;  et  dans  les  Analecta  de 
Brunck,  tom.I,page  4o,  et  tom.  III, 
page  f)  et  'i36.  T — D. 

AHCHIMÈDE,  le  plus  célèbre  des 
géomètres  anciens  ,  est  peut-être  celui 
de  tous  les  savants  qui  a  eu  la  réputa- 
tion la  plusélendue  et  la  plus  populaire, 
parce  qu'à  ses  travaux  sur  les  théories 
abstraites ,  il  a  joint  des  inventions 
mécaniques  d'une  utilité  frappante  ,  et 
qu'il  s'est  trouvé  dans  les  circonstances 
les  plus  propres  à  les  faire  valoir. 
Il  naquit  à  Svracuse,  vers  l'an  •.).87  , 
avant  l'ère  chrétienne.  Il  était  parent 
d'Hiéron  ,  roi  de  cette  ville;  mais  il 
ne  paraît  pas  qu'il  ait  occupé  aucune 
place  dans  le  gouvernement ,  il  s'est 
renfermé  tout  entier  dans  la  culture 
des  sciences.  Considéions-le  d'ab  jrd 
dans  les  progrès  qu'il  a  fait  faire  aux 
théories  mathématiques.  Pour  l'ap- 
précier eomjilctement  sous  ce  rappoi  t, 
il  nous  manque  nue  connaissance 
exacte  de  l'état  de  la  science  avant 
lui,  et  des  travaux  des  géomètres  qui 
Vont  précédé  ;  ii  ne  nous  reste ,  de  cm 
temps,  que  les  écrits  d'Euclide,  et 
quelques  fragments,  ou  plutôt  des  in- 
dications données  par  ses  commenta- 
teurs ,  Théon  et  Proclus ,  et  par  Pap- 
pus,  dans  ses  Collections  mathéma- 
tiques.Mais,  quoi  (pi'ii  puisse  devoir 
à  ses  devanciers ,  Aichimède  a  enrichi 
la  science  de  découvertes  de  la  plus 
haute  iuiportancc ,  et  que  l'on  peut 


ARC 

regarder  comme  la  base  sur  laquelle 
les  modernes  se  sont  appuyés  pour 
mesurer  les  espaces  termines  par  des 
lignes  ou  par  des  surfaces  courbes. 
Dans  ses  cléments,  Er.elide  considère 
seulement    le  rapport    que    quelques 
grandeurs  de   celte  espèce  ont  entre 
elles  ;  il  ne  dit   rien    sur  leur    me- 
sure absolue  ,  c'est  -  à  -dire  ,  sur  leur 
rapport  avec  les  figures  terminées  par 
des  lignes  droites  ou  par  des  plans.  A 
la  vérité,  le  moyen  employé  pour  par- 
venir au  premier  de  ces  rapports, 
devait  mettre  sur  la  voie  qui  conduit 
au  second  ;  néanmoins  il  y  avait  en- 
core bien  des  propositions  intermé- 
diaires à  développer  :  c'est  ce  qu'Ar- 
chimède  a  fait  dans  ses  Traités  de  la 
sphère  et  du  cvlindre,  des  sphéroïdes 
et  des  conoides ,  et  dans  celui  delà 
mesure  du  cercle.  l\  s'est  élevé  à  des 
considéralions  encore   ]ilus  difficijes 
dans  son  Traité  des  spirales,  courbes 
qui  sont  regardées  aujourd'hui  comme 
transcendantes  ,  et  dont  il  sut  cepen- 
dant mener  les  tangentes,  et  mesurer 
les  aires.  Il  y  a  lieu  de  penser  que  ce 
n'est  point  de  la  manière  dont  il  les 
présente  ,  qu'il  a  découvert  ses  prin- 
cipaux théorèmes.    Si  l'on  s'arrêtait 
au  sens  propre  dfs  expressions  dont 
il  se  sert  dans  les  lettres  d'envoi  qui 
précèdent  les  ouvrages  que  nous  avons 
cités,  on  serait  autorisé  à  croire  qu'il 
connaissait  ces  théorèmes,  avant  d'en 
avoir  la  démonstration  ;    c'est  pour 
cela  qu'il  serait  curieux  de  posséder 
le  tableau  de  la  science,  à  l'époque  où 
il  écrivait ,  afin  de  saisir  le  fil  qui  a 
pu  le  diriger.  Quoi  qu'il  en  soit ,  on 
peut  remarquer,  par  la  comparaison 
des  Traités  de  la  sphère  et  du  cylin- 
dre ,  de  la  mesure  du  cercle  ,  avec 
les  propositions  correspondantes,  dans 
quelques  élémtnts  de  géométrie,  où 
l'on  s'est  relâche  sur  la  rigueur  des 
démonstrations ,  que  c'est  seulement 


ARC  -79 

cette  rigueur,  et  les  détours  qu'ii  faut 
em])loyer  pour  l'obtenir,  qui  ont  dû 
coûter  de  la  peine  à  Archimède ,  et  qui 
rendent    difficde    la   lecture    de    ses 
écrits.  La  véri'é  des  propositions  se 
trouve  en  quelque  sorte  le  dernier 
terme    d'inie    approximation    qui   se 
présente  d'elle-même,  et  que  la  consi- 
déraiion  des  indivisibles  de  Cavalleri, 
ou  celle  des  infiniment  petits  deLeib- 
iiitz,  transforment  en  une  évaluation 
rigoureuse.  Comme  je  i'ai  déia'dit,  le 
Traité  des  spirales  renferme  des  pro- 
positions d'un  ordre  plus  élevé ,  mais 
il  est  aussi    pins   obscur.    Boullian  , 
astronome  célèbre,  et  géomètre  ins- 
truit, déclarait  n'y  rien  comprendre, 
et  Viète  l'accusait  de  fausseté  :  mais 
c'est  à  tort  ;  car  le  calcul  différentiel  et 
le  calcul  intégral  en  ont  fait  retrouver 
tous  les  résultats. CeTraitéestdoncuiic 
preuve  d'une  grande  force  de  tête  dans 
son  auteur,  et  celui  de  la  quadrature  de 
la  parabole ,  n'annonce  pas  moins  de 
sagacilé.  Archimède   est  le  seul  des 
anciens  qui  nous  ait   laissé  quelque 
chose  de  satisfaisant  sur  la  théorie  de 
la  mécanique,  et  sur  l'hydrostatique, 
dans  SCS   Traités  sur  les  centres  de 
gravité  des  lignes  et  des  plans,  et  sur 
V équilibre  des  corps  plongés  dans  un 
jluide.  11  a  ,  le  premier,  fait  connaîlic 
ce  principp  :  «  Qu'un  corps  plongé 
»  dans  un  fluide  perd  une  partie  de 
»  son  poids,  égale  à  celui  du  volume 
»  de  fluide  qu'il  déplace.  »  11  s'en  est 
sern  pour  déterminer  l'alliage  intro- 
duit en    fraude  dans  une    couronne 
que  le  roi  Hiéron  avait  commandée  en 
or  pur.  La  solution  de  ce  problême 
lui  causa  tant  de  joie,  dit -on  ,  qu'il 
sortit  tout  nu  du  bain ,  et  courut  dans 
Syracuse ,  en  criant  :  «  Je  l'ai  trouvé  ! 
»  jo  l'ai  trouvé  î  »  Cette  anecdote , 
qu'on  lit  dans  toutes  les  P'ies  d' Ar- 
chimède, pourrait  bien  n'être  qu'une 
de  ces  eiagératious  dout  le  vulgaire 


58o  A  R  C 

croit  devoir  embellir  l'iilstoire  des 
grands  hommes  ;  elle  a  sans  doute 
pour  fondement  la  préoccupation  as- 
sez ordinaire  aux  esprits  livrés  à  des 
méditations  profondes  ,  et  qu'Arclii- 
Tnède,  à  ce  qu'il  paraît ,  portait  très- 
loin.  Il  fut  ainsi  consulté,  dans  plus 
d'une  occasion  ,  parles  premières }»er- 
àonnes  de  l'état;  c'est  au  roi  Géîon , 
fils  d'Hiéron ,  qu'il  adressa  le  livre  in- 
titulé :  Arénaire ,  dans  lequel  il  se 
montre  astronome  et  aritlimclicien 
habile ,  à  une  époque  oii  les  calculs 
numériques  n'étaient  pas  réduits  en 
règles,  comme  ils  le  sont  maintenant. 
Cet  ouvrage  ,  qui  semble  d'abord 
n'être  qu'un  jeu  d'esprit ,  avait  pour- 
tant un  but  très-philosophique,  puis- 
qu'en  donnant  la  formation  d'une 
progression  numérique  ,  au  moven 
de  laquelle  on  pouvait  exprimer ,  non 
.seulement  le  nombre  des  grains  de  sa- 
ble contenus  dans  un  volume  égal  à 
celui  de  la  terre ,  mais  encore  dans 
une  sjjhèrc  de  même  rayon  que  celle 
à  la  surface  de  laquelle  on  supposait 
alors  les  étoiles  fixes  attachées  ,  il  ten- 
dait à  préciser  les  idées  qu'on  se  f  li- 
.sait  sur  le  système  du  monde.  Ce 
problême  indiquait  un  esprit  de  cal- 
cul peu  commun,  à  ce  qu'il  paraît, 
dans  ce  temps,  et  sa  solution  n'était 
pas  sans  quelque  difficulté ,  parce 
qu'on  n'avait  point  de  notation  com- 
mode pour  représenter  de  grands 
nombres.  I!  semble  aussi  que  la  mé- 
canique pratique  était  une  science 
Joute  nouvelle  au  temps  d'Archimède; 
car  Pappus ,  eu  lui  faisant  dire  qu'il  ne 
demandait  qu'un  point  d'appui  pour 
mouvoir  la  terre  ,  exprime  l'espèce 
«l'enthousiasme  que  lui  avait  inspiré  la 
puissance  que  les  machines  ajoutent 
nnz.  elforts  de  l'homme.  Il  est  peut- 
être  le  premier  inventeur  des  moiijles, 
c'est-à-dire,  d'une  combinaison  de 
poulies  avec   laquelle  ou   élève  les 


ARC 

plus  grands  fardeaux  :  ce  n'est  du 
moins  que  de  cette  manière  qu'on 
peut  entendre  ce  que  dit  Athénée  de 
la  machine  qu'employait  Archimèdc 
pour  mouvoir  un  vaisseau  d'une  gran- 
deur extraordinaire.  Probablement,  il 
y  a  encore  de  1\  xagération  dans  ce  que 
l'on  raconte  à  ce  sujet,  et  je  renvoie , 
sur  cela,  le  lecteur,  aux  réflexions  ju- 
dicieuses de  Montucla  (  Histoire  des 
Mathématiques,  •2''.  édition,  tome  l*""., 
p.  2.5o).  Ou  met  encore ,  au  nombre 
des  inventions  d'Archimède,  la  vis 
sans  fin  et  la  vis  creuse,  dans  laquelle 
l'eau  monte  par  son  propre  poids. 
Il  imagina  cette  dernière  pendant  le 
voyage  qu'il  fit  en  Egypte ,  où  il  l'ap- 
pliqua à  dessécher  des  terres  inondées 
par  le  jN  il  ;  mais  c'est  pendant  le  siège  de 
Syracuse,  qu'Archimède  déploya  tous 
sesmoyens  pour  la  défense  de  sa  patrie. 
Polvbe,  Tite-Live,  et  Plutarque,  dans 
la  Fie  de  Marcellus,  parlent  en  dé- 
tail, et  avec  admiration,  des  machines 
puissantes  et  variées  qu'il  opposa  aux 
attaques  des  Romains.  On  sait  que  ce 
ne  fut  que  par  surprise  qu'ils  parvin- 
rent à  s'introduire  dans  la  place.  Ou 
dit  qu'Archimède,  absorbé  par  ses 
méditations,  ignorant  que  la  ville  était 
tombée  au  pouvoir  de  l'ennemi,  fut 
tué  par  un  soldat  romain,  qui  venait 
le  chercher  de  la  part  de  INIarccllus ,  et 
qui  fut  irrité  de  ne  pouvoir  l'ana- 
cher  aux  réflexions  dans  lesquelles  il 
était  plongé.  En  racontant  celle  mort , 
Plutarque  ajoute  que  Marcellus  eut  en 
horreur  le  meurtrier  d'Archimède,  et 
qu'il  rechercha ,  caressa  et  honora  les 
parents  de  ce  grand  géomètre.  On  fixe 
la  prise  de  Syracuse  à  l'an  -x  \x  avant 
l'ère  chrétienne;  ainsi  Archimède  avait 
•j  5  ans  lorsqu'il  perdit  la  vie.  Ses  inten- 
tions furent  suivies  après  sa  mort,  puis- 
qu'on lui  éleva  un  tombeau  surmonté 
d'une  colonne,  oucylindre,  sur  laquelle 
OU  grava  le  rapport  de  la  capacité  de  ce 


ARC 

eOrps,  à  celle  de  la  splicre  inscrite, 
découverte  à  laquelle  Ai'chimcde  atta- 
chait un  grand  prix.  Le  souvenir  de  la 
forme  de  ce  tombeau  se  conservait  à 
Rome ,  lorsque  les  compatriotes  d'Ar- 
chimède  croyaient  que  le  monument 
n'existait  plus.  Cicéron ,  étant  questeur 
en  Sicile,  le  découvrit  au  milieu  des 
ronces,  qui  le  cachaient  en  partie. 
Plutarque  dit  qu'Archimède  prisait 
beaucoup  plus  ses  découvertes  géomé- 
triques que  ses  inventions  mécaniques, 
et  qu'il  n'écrivit  point  sur  ces  derniè- 
res ;  du  moins ,  ne  nous  est-il  resié  au- 
cune indication  précise  d'ouvrages  où 
elles  soient  décrites,  si  ce  n'est  à  l'é- 
gard d'une  sphère  qui ,  suivant  Cicé- 
ron ,  représentait  les  mouvements  des 
astres,  dans  les  rapports  de  leurs 
vitesses  respectives  :  Claudien  en  parle 
aussi.  Par  ce  qu'ils  en  ont  dit  tous 
deux,  on  reconnaît  que  ce  devait  être 
une  sphère  mouvante;  ou,  s'il  faut 
douter  qu'elle  se  soit  mue  d'elle-même , 
par  un  mouvement  d'horlogerie ,  il  est 
facile  de  concevoir  qu'elle  pouvait  res- 
sembler à  ces  machines  inventées 
pour  rendre  sensibles  les  phénomènes 
astronomiques  ,  et  que  l'on  fait  mou- 
Yoir  à  la  main.  Tzetzès,  et  d'autres 
«crivains  du  Bas-Empire,  en  citant  des 
passages  perdus  d'historiens  plus  an- 
ciens, ont  affiimé  qu'Archimède,  au 
inoven  de  miroirs  ardents  ,  incendia 
la  flotte  des  Romains ,  au  siège  de  Sy- 
racuse ;  mais,  sans  entrer  dans  au- 
cune discussion  sur  la  forme  que  de- 
vaient avoir  ces  miroirs ,  pour  pro- 
duire l'effet  indiqué,  je  me  bornerai  à 
diio  que,  puisque  Polybe,  Tite-Live 
et  Plutarque,  écrivains  beaucoup  plus 
rapprochés  de  l'événement,  surtout  le 
premier,  ne  parlent  point  d'un  fait  si 
merveilleux  et  si  nouveau,  il  est  au 
moins  très-douteux,  et  pourrait  bien 
n'être  encore  qu'un  conte,  auquel  aura 
donné  lieu  la  haute  réputation  qu'avait 


ARC  o8t 

laissée  Archimède.  Ses  ouvrages  nous 
sont  tous  parvenus  en  original,  a  l'ex- 
ception des  dcuxli^Tes  surVf'qiiilibre 
des  corps  plongés  dans  un  fluide,  et 
d'un  livre  de  lemmes,  que  Borelh  trou- 
va à  la  suite  des  trois  livres  d'Apollo- 
nius, qu'il  découvrit  dans  un  manuscrit 
arabe  (  roj\  Apollonius  de  P.rge ). 
Quelques  personnes  ne  regardent  pour- 
tant point  ce  dernier  livre  comme  au- 
thentique. Le  plus  grand  nombre  des 
Traités  d' Archimède  est  accompagné 
d'un  Commentaire  d'Eutocius,  oiiTun 
trouve,  sur  l'histoire  des  mathémati- 
ques, des  particularités  remarquables, 
et  des  indications  d'ouvrages  iucon.'ius 
aujourd'hui,  parce  qu'ils  ont  péri, 
sans  doute,  avec  la  bibliothèque  d'A- 
lexaudiie.  Voici  la  notice  des  principa- 
les éditions  d' Archimède  :  1.  Archi- 
medis  Sj'racusani,philosophi  acgeo- 
metrœ  excellentissimi  ^  opéra  quœ 
qnidem  extant,  algue  à  quàm  pau- 
cissimis  hactenus  visa  nuncqne  pri- 
mum  et  grœce  et  latine  in  lucem 
édita.  Adjecta  quoque  sunt  Eutocil 
Ascalonitœ  in  eosdem  ylrchimedis 
libros  commentaria,  item  grœce  et 
latine,  numquam  antea  ercusa, 
Basileœ,  Jo.  Hervagius  excud.  fe~ 
oit,  an.  i544jii-fol.  Cest  l'Editio 
Princeps  ;  elle  fut  faite  par  les  soins 
de  Thomas  GeckaufT,  surnommé  f'^e- 
nalorius.  II.  Archiinedis  opéra  quce 
extant  gr.  et  lat.  noi'is  demonstra- 
tionihus  commentariisque  illustrala 
per  Davidem  Rii'altnm  à  Flurenlid, 
Paris,  i6i5,  in-fol.;  III.  Admirandi 
Archimedis  Sjracusani  monumeiitct 
omnia  mathemaiica  quœ  extant,  ex 
traditione  Francisci  Maurolici,  Pa- 
normi,  i685,  in-fol.  Cette  édition  n'e^t 
encore  qu'une  sorte  d'imitation  des 
écrits  d'Archimède.  IV.  Archimedis 
opéra ,  Apollonii  Pergœi  conicorirn 
libri  IV ,  etc. ,  methodo  nova  illus- 
IraUi  et  succincts  demonstrata ,  per 


382  ARC 

Js.  Barrow,  T.ondini,  1675,  in-4°.; 
V.  Archimedii  (juœ  supersunt  omnia 
ciini  Eutocii  Ascalonitœ  commenta- 
riis  ,  ex  rccensione  Josephi  Torelli 
T^eronensls  cum  novd  versione  lati- 
nd  ;  accedunt  lectiones  variantes 
ex  cod.  Mediceo  et  P arisiemibus  , 
Os-oiiii,  1793,  iu-folio.  Cette  belle 
édition,  qui  fait  suite  à  XEiiclide  de 
Gre'gori  et  à  V Apollonius  de  Halley , 
est  la  première  vraiment  complète  que 
l'on  ait  donnée  d'Arclnmède.  Sa  publi- 
cation est  due  aux.  soins  de  l'univer- 
sité d'Oxford,  sollicitée  d'abord,  par 
M.  Philippe  Stanhope,  à  se  charger  de 
l'impression  du  manuscrit  resté  entre 
les  mains  des  héritiers  de  Torelli. 
Les  OEuvres  d' Archimède  ont  aussi 
été  tiaduites  dans  quehiues  langues 
vivantes,  savoir  :  eu  allemand,  par 
Sturmius,  en  1670,  et  ou  français, 
par  M.  Peyrard,  en  1807  ,  in-4'.  , 
180H,  •?.  vol.  in-8'.  A  la  suite  de 
cette  dernière  traduction ,  qu'il  a  re- 
vue ,  M.  Delambre  a  joint  un  Mé- 
moire sur  l'arithmétique  dis  Grecs, 
sujet  très-cuiieux.;  car  il  ne  nous  est 
resté,  pour  ainsi  dire,  que  quelques 
indices  sur  les  procédés  qu'ils  em- 
plovaient  pour  elloctucr  cîe  gi-auds 
caicu's.  L — X. 

ARCHINTO  (Octave),  comte 
"Milanais ,  fds  d'Horace  Archinto  et  de 
Léonore  Tonsa  ,  naquit  vers  la  fin  du 
seizième  siècle.  Il  occupa  plusieurs 
cuij)lois  publics,  et  reçut  de  Philip- 
pe 111,  roi  d'Espagne,  le  litre  de 
comte  de  Barate.  11  mourut  le  i5 
ji'.in  i656.  Archinto  avait  de  grandes 
connaissances  en  antiquités  ,  et  avait 
particulièrement  éluilié  celles  de  sa 
patrie.  11  avait  rassemblé  tnie  collec- 
tion cui'ieuse  de  monuments  dont  il  a 
publié  les  descriptions.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  Epilo^ati  racconti 
ddl('  anlichilà  ,  e  nohillà  dvlla  fa- 
inii^liu  Archinli ,   cic.    Ai^giuntM'i 


ARC 

una  brève  esposizione  degli  antichi 
marmi,  che  ne""  palagi  di  ijuesta  fa- 
miglia  si  legguno  ,  Milan  ,  1 648 , 
iii-foL  ;  II.  Colleclanea  anliquitatum 
inejus  Domo  ,  in-fol.,  sans  date,  ni 
nom  de  lieu  ,  ouvrage  tellement  raie , 
qu'il  a  été  inconnu  à  Argellati,  qui  n'en 
fait  pas  mention  dans  sa  Bibliothèque 
des  Ecrivains  Milanais.       G  —  e. 

ARCHINTO  (  le  comte  Chaules), 
fils  du  sénateur  Philippe  Archinto,  na- 
quit à  Milan,  le  5o  juillet  i6Gf).  Après 
avoir  fini ,  dans  sa  ])atrie ,  ses  pre- 
mières études  au  collège  de  Bréra  ,  il 
alla  étudier  à  Ingolstadt,  en  Bavière, 
la  philosophie  et  les  mathématiques. 
11  voyagea  ensuite  pendant  quelques 
années  en  France,  en  Allemagne,  en 
Hollande  et  dans  toute  l'Italie.  11  s'ar- 
rêta principalement  à  Rome,  et  ne 
revint  se  fixer  à  Milan  qu'en  i  700.  Il 
institua ,  deux  ans  après ,  une  académie 
qui  embrassait  dans  ses  travaux  les 
sciences  et  les  beaux  arts.  11  rassembla 
aussi  ,  dans  son  jxilais ,  une  biblio- 
thèque nombreuse  et  choisie,  qu'il  en- 
richit des  instruments  de  mathémati- 
ques les  mieux  travaillés  et  les  plus 
rares ,  construits  par  les  artistes  les 
plushabiles d'Italie,  do Fraiiceet d'An- 
gleterre. Ce  fut  à  lui  que  l'un  dut  la 
réunion  de  la  céVvhic  société  palatine , 
qui  donna  au  monde  savant  des  édi- 
tions si  précieuses,  et  qui  commença 
par  la  grande  collection  de  îMiuatori , 
Scriptores  Reruin  italicarum  (  f'^oj  . 
Argellati).  Charles  Archinto  fut  re- 
vêtu dos  premières  dignités  dans  sa 
patrie;  créé,  par  l't  inpereur  Léopold, 
gentilhomme  de  sa  chambre  ,  et ,  par 
les  rois  d'Espagne  Charles  II  et  Phi- 
lippe V ,  chevalisn-  de  la  toison  d'or ,  et 
grand  d'Espagne.  H  mourut  le  17  dé- 
cembre i75-.i.  Ou  n'a  imprimé  de  lui 
que  quelques  notes,  sur  trois  livres 
de  V Histoire  d'.Jrnolphe  de  Milan, 
tome  IV.  Script.  Rer.  itul.,  et  quel- 


ARC 

ques  Tables  des  Sciences  et  des  arts , 
publiées  à  Venise ,  après  la  mort  de 
l'auteur,  sous  ce  titre  :  Tahulœ ,prœ- 
cipua  scientiurium  et  arlium  capita 
digesta  pcr  ordinem  reprœsentantes  ; 
mais  il  laissa  uu  assez  grand  nombre 
de  inauuscrils  ,  qui  se  sont  conserves 
dans  sa  famille.  Ils  sont  écrits ,  les 
uns  en  latin,  les  autres  en  italien,  et 
ont  tous  pour  objet  la  pliilosopliie  ou 
les  sciences;  tels  que  :  I.  Ragiona- 
vienti  IF  délia  storia  filosofica ,  in- 
fol.  ;  H.  Sjlvœ  pro  dissertationibus 
philosophicis ,  ni-4".  ;  \\\.De  Renan 
existentid  contra  scepticos  disputa- 
tio,  in-ful.;  IV.  Demonstrationes  nia- 
Viematicce  in  ordine  ad  Sphœram, 
in-4".;  V.  Tracîalus  de  horologiis  ^ 
in-4".  ;  VI.  Progetto  délia  nuoi'a 
confereuza  da  farsi  sopra  le  scien- 
ze  ed  arti ,  in-fol. ,  etc. ,  etc.  ;  et  enfin , 
ce  qui  fait  voir  que  cet  illustre  ami  des 
sciences  avait  en  effet  le  goût  des  arts 
de  l'imagination  ,  un  recueil  intitidé  : 
Carmina  plura  lalina.        G — e. 

ARGHON  (Louis),  ne,  en  i645, 
à  Riom  en  Auvergne ,  oîi  il  mourut  en 
1 7  1  •] ,  fut  licencie'  en  Sorboune,  cha- 
pelain de  Louis  XIV,  sacristain  de  la 
rbaptUe  de  Versailles ,  et  abbe  de  St.- 
Gilbert- Neuf- Fontaines.  On  a  de  lui 
une  Histoire  ecclésiastupie  de  la 
Chapelle  des  rois  de  France ,  1 704- 
1711,  'X  vol.  in-4".  ^''^^^^  histoire  ne 
va  que  jusqu'au  règne  de  Louis  XIII 
inclusivemeul.  Un  5".  vol.  devait  con- 
tenir l'histoire  de  la  chapelle  royale 
jsous  Louis  XïV.  Les  Mémoires  de 
Trévoux  firent  l'éloge  de  ce  livre ,  dont 
M.  Oroux  préparait,  çn  1771,  une 
nouvelle  édition.  A.  ij — T. 

ARCIIYTAS,  deTarrnte,  huitième 
successeur  de  Pythagore,  fut  coulem- 
porain  de  Platon,  qui  suivit,  pendant 
quelque  temps  ,  ses  leçons.  11  eut 
même  le  bonheur  de  soustraire  le  fils 
.d'Aristyn  à  la  Golèic  de  Di^jivs  le  tv- 


ARC  383 

ran ,  qui  voulait  le  faire  périr.  Archy- 
tas  se  livra  particulièrement  à  l'étude 
des  sciences  mathém;) tiques  et  méca- 
ni({ues.  11  n'est  personne  qui  n'ait  en- 
tendu parier  de  sa  colombe  volante. 
On  lui  attribue  l'invenlicn  de  la  pou- 
lie, de  la  vis,  de  la  crécelle,  et  la  so- 
lution de  plusieurs  problèmes  de  géo- 
métrie. Ses  profondes  méditations  ne 
l'empêchèrent  point  de  se  rendre  utile 
à  ses  concitoyens.  Sept  fois  consécu- 
tives ,  il  fut  mis  à  la  tète  du  gouverne- 
ment de  sa  patrie.  Il  commanda,  dans 
plusieurs  rencontres ,  les  troupes  com- 
binées de  la  Grèce,  et  ne  fut  jamais 
vaincu.  Rigide  observateur  des  pré- 
ceptes de  Pythagore,  il  disait  à  sou 
intendant,  qui  ,  pendant  son  absence, 
n'avait  pris  aucun  soin  de  ses  biens  : 
«  ïu  es  bien  heureux  que  je  sois  eu 
»  colère;  car,  autrement,  je  ne  laisse- 
»  rais  point  ta  négligence  impunie.  » 
Archytas  périt  dans  un  naufrage, et  fut 
trouvé  mort  sur  les  côtes  de  la  Pouille. 
Horace  lui  a  consacre  une  ode ,  la  28''. 
du  I*"*^.  livre.  Archytas  avait  com- 
posé plusieurs  ouvrages  ,  dont  on 
peut  voLi-  les  titres  dans  Stanley.  11 
nous  reste,  sous  son  nom,  uu  traite 
sur  les  uni\'ersaux  ,  ou  les  Caté- 
gories, publié  en  grec,  par  Joachim 
Caraérarius,  à  Leipzig,  i564,  in-8"., 
et,  à  Venise,  1J71 ,  in-4°.,  gi'.  etlat. 
Un  fragment  d' Archytas,  sur  les  ma- 
thématiques ,  édile  d'abord,  avec  d'au- 
tres opuscules,  par  Henri  Etienne, 
Paris ,  1 557 ,  in-8".,  a  été  réimprimé, 
gr.  et  lat. ,  à  Copenhague,  1707, 
in-4".,  P-ii'  les  soins  de  Jean  Gramm, 
danois,  qui  l'a  enrichi  d'une  disserta- 
tion sur  ce  philosophe.  Thomas  Gale, 
d'après  Stobée ,  a  pubhé ,  d'Archytas , 
un  autre  fragntent  sur  la  sagesse  ,àsa:~, 
ses  Opuscules  mythologicpies.  Il  serait 
possible  d'en  recueillir  d'autres  dan» 
les  écrits  des  aucicni  cummentateurs. 
D.  L. 


58  i  ARC 

ARCKENHOLZ  (Jean),  historien, 
né  eu  Finlande,  en  lÔgS,  accompa- 
gna un  gentilhomme  suédois  dans  ses 
voyages  ,  et  s'arrêta  long-temps  à  Pa- 
ris. Ce  fut  dans  cette  ville  qu'il  rédigea 
des  Considérations  politiques,  ayant 
pour  but  de  prouver  que  l'alliance  de 
la  France  était  désavantageuse  à  la 
Suède.  Il  communiqua  son  manuscrit 
à  quelques  personnes,  et,  de  retour 
en  Suède,  il  fut  enfermé  dans  une 
forteiesse.  On  lui  rendit  cependant, 
peu  à  près ,  la  liberté  ,  à  condition 
qu'il  ferait  réparation  par  écrit  au  car- 
dinal de  Fleurv.  Le  roi  Frédéric  l^,  de 
la  maison  de  Hesse-Cassel ,  qui  appré- 
ciait son  méiite  littéraire,  le  nomma, 
en  174^^1  bibliothécaire  et  garde  du 
cabinet  des  médailles  à  (^assel ,  où  il 
resta  pendant  vingt  années.  Ayant  dé- 
siré retourner  en  vSuède ,  il  en  obtint 
la  permission  ,  et  fut  chargé  par  les 
états  d'écrire  l'Histoire  de  Frédéric  , 
mort  en  1751;  mais  sa  tète  s'étant 
afliiiblie,  il  donna  dans  les  visions, 
renonça  aux  travaux  historiques  ,  et 
mourut  le  i4juil.  1777  ,àgéde8'.ians. 
Arckenholz  est  connu  principalement 
par  ses  Mémoires  concernant  Chris- 
tine, reine  de  Suède ,  en  4  vol.in-4"., 
Amsterdam,  1751. à  1760.  Ils  sont 
écrits  en  français ,  d'un  style  lourd  et 
dift\js.  Les  événements  remarquables 
et  les  pièces  intéressantes  y  sont  mêlés 
de  détails  minutieux  et  de  lettres  insi- 
gnifiantes. D'Alcmbert  a  tiré  de  cette 
compilation  les  Anecdotes  sur  Chris- 
tine ,  insérées  dans  ses  Mélanges. 
Arckenholz  a  fait  de  plus  :  Lettres  sur 
les  Lapons  et  les  Finois ,  en  fr:înçais , 
Francfort  et  Lcipsick,  1736,  in-S  .; 
Mémoires  de  Rusdoif,  ministre  de 
l'électeur  palatin,  traduits  en  alîe- 
mand  sur  le  manuscrit  français,  par 
Casparson  ,  Francfort  et  Leipsick  , 
i-iii;  Recueil  des  sentiments  et  des 
propos  de  Gustave  Adolphe ,  eufran- 


ARC 

çais ,  Stockholm,  1769,  etc.  Ses 
Considérations  sur  Vaillance  de  la 
Suède  et  de  la  France ,  ont  été  im- 
primées dans  le  Magasin  histor.  de 
Busching.  C — AU. 

ARCO(  Alexis  del  ).  P^.  Alexis. 

ARC-0  (Nicolas,  comte  d')  ,  bon 
poète  latin  du  16*'.  siècle,  second  {ils 
du  comte  Odcric  ,  conseiller  intime  de 
l'emptreur  Maximilien  I".,  naquit  le 
5  décembre  1 479  ,  à  Arco ,  petite  ville 
du  Tyrol ,  dans  le  diocèse  de  Trente  , 
qui  était  l'ancien  fief  de  sa  famille.  IJ 
fut  d'abord  page  de  l'empereur  Fré- 
déiic  m,  père  de  Maximilieu.  Ce 
service  ne  l'empêcha  point  de  se  livrer 
à  l'étude  des  lettres.  11  se  rendit  savuit 
dans  les  langues  anciennes  ,  et  pailait 
toutes  les  langues  modernes  aussi  fa- 
cilement que  la  sienne.  Son  père  ,  qui 
le  destinait  h  la  profession  des  armes, 
le  relira  de  la  cour,  en  obtenant  pour 
lui  une  compagnie  de  cavalerie  ;  d'Arco 
servit  sous  les  ordres  de  \  olfang  de 
Furstembcrg ,  l'un  des  généraux  les 
plus  estimés  de  son  temps  ;  mais  la 
mort  de  son  frère  aîné  lui  fit  aban- 
donner la  carrière  mililaire;  il  revint 
dans  sou  fief,  avec  le  consentement  de 
l'empereur ,  et  fut  successivement  dé- 
core de  plusieurs  ordres  ,  et  rev^êtu  de 
divers  emplois.  Depuis  lors,  il  ne  s'oc- 
cupa plus  que  des  lettres  ;  il  fut  lié 
avec  tous  ceux  qui  s'y  distinguaient  le 
plus  ,  tels  que  Paul  Jove  ,  Aunibal 
Caro ,  Fiaminio  ,  Fracasior ,  et  plu- 
sieurs autres.  On  présume  qu'il  mou- 
rut vers  la  fin  de  l'année  I  546. Ses  poé- 
sies latines  parurent,  pour  la  jireinière 
fois ,  la  mêmeannéc,  sous  ce  titre  :  i\7- 
colai  Archii  comitis  ^umeri  ,  Man- 
toue,  1546,  iu-4".,  édition  devenue 
très-rare,  mais  à  laquelle  peut  suppléer 
celle  que  Comino  a  donnée  de  ces 
poeVies,  avec  celles  de  Fimiano  et  de 
Fracastor,  Padoue ,  1759,  2  vol,  4"> 
D'Arco  avait    coi?ipo?c   d'autres    oit^ 


AKG 

Vtagés  en  vers  et  en  ])rose,  qtii  sont 
conservés  eu  manuscrit  dans  quelques 
bibliothèques  d'Italie,  mais  qui  n'ont 
point  vu  le  jour.  —  Un  de  sesdescen- 
aanls ,  le  comte  Giarabattista  d'Aftco, 
intendant  impérial  à  Mantoue,  de  l'a- 
cadémie royale  des  sciences  et  belles- 
lettres  de  cette  ville,  s'est  aussi  rendu 
recommandable  par  divers  bons  écrits, 
par  une  dissertation  savante  sur  le 
fameux  troubadour  Sordello,  par  l'éloge 
du  comte  de  Firmian  (  i  ^85  ),  et  par 
la  protection  qu'il  a  accordée  aux  arts. 
On  doit  à  ses  soins  la  découverte  du 
beau  buste  original  de  Virgile  que  cette 
ville  possédait.  G — É. 

ARÇON  (Jean-Claude-Éléonore 
liEMicEAUD  d'),  naquit,  en  i-jSSjà 
Pontarlier.  Son  père ,  avocat  instruit , 
est  auteur  de  plusieuis  brochures 
relatives  à  des  questions  concernant 
la  coutume  de  Franche-Comté.  Afin 
d'inspirer  à  son  fils  du  goût  pour 
l'état  ecclésiastique,  auquel  il  lé  des- 
tinait, il  le  fit  pourvoir  d'un  béné- 
fice j  mais  d'Arçon  eut,  dès  son  en- 
fance ,  une  passion  dominante  pour 
les  armes.  Au  lieu  d'étudier  le  latin  , 
il  dessinait  et  traçait  des  ouvrages  de 
fortifications.  Il  se  servit  d'un  moyen 
ingénieux  pour  faire  Connaître  à  ses 
parents  l'erreur  danslaquelleils  étaient 
sur  sa  vocation.  On  venait  de  faire 
son  portrait  :  il  substitua  lui-même, de 
sa  propre  main  ,  l'habit  d'ingénieur  à 
celui  d'abbé ,  sous  lequel  il  avait  été 
peint.  Le  père  entendit  ce  langage 
muet,  abandonna  ses  premiers  pro- 
jets ,  et  ne  songea  plus  qu'à  seconder 
ceux  de  son  fils.  Admis  à  l'école  de 
Mézières,  en  1754,  d'Arçon  fut  reçu 
ingénieur  ordinaire  l'année  suivante. 
Il  se  distingua  dans  la  guerre  de  sept 
ans,  et  particulièrement  eu  i-jbi  ,  à 
la  défense  de  Cassel.  En  1774  >  il  fut 
chargé  de  lever  la  carte  du  Jura  et 
(ics  Vosges.  Pour  accélérer  cette  opé- 


ARO 


385 


ration ,  il  inventa  une  nouvelle  ma- 
nière de  lavis  à  la  sèche  avec  un  seul 
pinceau,  beaucoup  plus  expéditive ,  et 
produisant  plus  d'effet  que  le  lavis 
ordinaire.  Cette  invention  heureuse  a 
été  regardée  comme  une  véritable  con- 
quête pour  l'art.  Doué  d'une  imagina- 
tion inépuisable,  et  d'une  infatigable 
activité,  d'Arçon  s'occUpait  sans  cesse 
des  moyens  d'accroître  lés  progrès  de 
l'art  militaire.  En  1774  et  1776  ,  il 
se  mêla  de  la  querelle  occasionnée  par 
l'opinion  de  M.  de  Guibert,  sur  l'ordre 
profond  et  sur  l'ordre  mince ,  et  il 
publia  deux  brochures,  intitulées  :  Cor- 
respondance sur  y  art  militaire. Dan& 
tous  ces  écrits,  comme  dans  ceux  du 
même  auteur ,  on  i:emarque  une  abon- 
dance d'idées  et  des  traits  de  génie  , 
qui,  malgré  quelques  néologismes  et  des 
incorrectioiis ,  en  rendent  la  lecture 
intéressaiite.  Les  obstacles  ne  faisaient 
qu'irriter  son  courage.  Ce  fut  lui  qui 
conçut,  en  1780,  pour  le  siège  de 
Gibraltar,  le  projet  audacieux,  dont 
l'exécution  demandait  des  moyens  si 
extraordinaires.  Ce  projet ,  qui  fil  tant 
de  bruit  en  Europe ,  a  été  mal  appré- 
cié, parce  qu'on  ne  juge  que  d'après 
l'événement.  L'attaque  de  terre  étant 
alors  regardée  comme  impossible,  il 
fallait  sortir  des  règles  communes. 
Convaincu  de  cette  vérité ,  d'Arçon , 
après  de  longues  méditations ,  et  quel- 
ques expériences  sur  la  combustion , 
rédige  son  fameux  projet  des  batte- 
ries insubmersibles  et  incombustibles, 
destinées  à  faire  brèche  aU  corps  de 
place  du  côté  de  la  mer ,  feu  même 
temps  que  l'on  devait,  par  d'autres 
batteries  avancées  sur  le  continent , 
prendre  de  revers  tous  les  ouvrages 
que  les  batteries  flottantes  attaque- 
raient de  front.  Leur  donner  une  cons- 
truction analogue  au  but  qu'il  fallait 
atteindre  ;  les  revêtir  d'une  forte  cui- 
rasse en  b«is  ;  y  ménager  une  circu- 


586  ARC 

laiioD  d'eau ,  entretenue  pai'  des  pom- 
pes ,  pour  les  garautir  du  feu  ;  établir 
un  équilibre  parfait,  au  moyen  d'un 
lest  capable  de  contrebalancer  le  poids 
de  l'artillerie  j  couvrir  ces  nouvelles 
machines  de  guerre  d'un  blindage  as- 
sez fort  pour  résister  aux  bombes;  les 
faire  revêtir  d'un  lit  de  vieux  cables, 
dont  l'élasticité  devait  an  n  uller  la  chute 
des  projectiles  :  enfin ,  les  soutenir 
par  des  chaloupes  canonnières  ,  des 
vaisseaux  de  ligne  et  des  bombardes , 
manœuvrant  sur  plusieurs  points  pour 
occuper  les  assiégés  et  les  obliger  à 
plusieurs  diversions.  Telles  furent  les 
précautions  qu'ajouta  la  prudence  à 
l'audace,  et  qui  justifiaient  la  témérité 
du  général  d'Arçon,  Cinq  machines  à 
deux  rangs  de  batteries,  et  cinq  au- 
tres à  un  seul  rang ,  formaient  une 
artillerie  de  cent  cinquante  pièces.  La 
cour  d'Espagne  accueilht  ce  projet 
avec  enthousiasme.  Pour  être  plus  sûr 
de  la  position  de  ses  prames,  et  de  la 
justesse  de  ses  calculs,  d'Arçon  s'était 
embarqué  sur  un  frêle  esquif  exposé 
au  feu  de  la  place,  afin  de  sonder 
lui-même  en  avant  des  fronts  qu'on 
devait  attaquer.  En  conséquence  de 
ce  travail  ,  ou  détermina  la  route 
qu'auraient  à  tenir  les  machines  et 
leur  position  définitive.  L'expédition 
eut  lieu  le  i5  septembre  i^S'i,  non 
comme  on  l'avait  concertée  ,  mais  de 
manière  à  montrer  l'intention  évidente 
de  la  faire  échouer.  Deux  des  prames 
mirent  à  la  voile  ^  et  furent  suivies 
des  huit  autres,  qui  se  portèrent  beau- 
coup trop  en  arrière ,  de  sorte  que 
les  premières  essuyèrent,  sans  partage, 
tout  le  feu  de  la  place.  Au  lieu  de  les 
faire  retirer  pour  rejoindre  les  autres, 
on  apporta,  pendant  cette  attaque, 
l'ordre  de  les  consumer  toutes  les  dix, 
sous  prétexte  qu'elles  pouvaient  tom- 
ber au  pouvoir  des  Aus;lais.  Cette  me- 
sure, que  l'envie  etl'iutcntion  evideute 


ARC 

de  faire  manquer  l'entreprise  cxpîi*- 
quèrent  bientôt  après,  réduisit  le  gé- 
néral d'Arçon  à  un  désespoir  concen- 
tré, dont  il  conserva  toute  sa  vie  un 
profond  ressentiment.  La  jalousie  et 
le  peu  d'accord  qui  régnait  entre  les 
officiers  espagnols  et  français ,  firent 
échouer  ce  projet ,  qu'EUiot ,  défen- 
seur de  Gibraltar,  sut  apprécier,  en 
rendant  à  l'inventeur  un  témoignage 
glorieux.  D'Arçon  fit  imprimer  une 
espèce  de  justification.  On  y  voit  une 
ame  vivement  affectée.  Toujours  o.c- 
cupé  de  son  art ,  il  écrivit  et  publia 
un  mémoire  sur  les  lunettes  à  réduit 
et  à  feux  de  revers,  dont  l'objet  est 
d'établir  une  résistance  imposante  . 
quoiqu'il  peu  de  frais ,  sur  un  très-petit 
espace  isolé.  Chargé ,  en  i  "^gô,  de  faire 
une  reconhaissance  au  mont  St.-Ber- 
nard ,  il  fut  dénoncé  et  obligé  de  se 
retirer  à  St-Germain  ;  mais  le  souve- 
nir de  ses  talents  l'arracha  de  sa 
retraite  ,  pour  exécuter  le  projet  de 
l'invasion  de  la  Hollande.  11  enleva 
plusieurs  places  aux  ennemis,  entre 
autres  Breda  ;  cette  campagne  ,  dans 
un  pays  marécageux  ,  altéra  sa  santé. 
Dénoncé  de  nouveau  il  se  mit  à  l'écart, 
et  rédigea ,  dans  la  solitude  ,  son  der- 
nier ouvrage ,  qui  fut  imprime  par 
ordredu  gouvernement;  il  est  intitulé  : 
Considérations  militaires  et  poli- 
tiques sur  les  fortifications.  Porté  au 
sénatpar  le  premier  Consul,  en  1799, 
d'Arçon  y  fut  reçu  par  acclamation  : 
mais  il  ne  jouit  pas  long-temps  de  cet 
honneur  ,  et  mourut  le  premier  juil- 
let 1800,  âgé  de  soixante-sept  ans. 
Il  était  membre  de  l'Institut.  M.  Girod 
Chantrans ,  officier  du  génie  ,  a  fait 
imprimer  une  Notice  sur  INI.  d'Arçon, 
Besançon ,  1 80 1 ,  in- 1  ?..  Les  ouvrages 
qu'on  a  de  lui  sont  :  I.  Réflexions  d'un 
ingénieur,  en  réponse  à  un  tacticien , 
Amsterdam,  1775,  iu-i-.i  ;  II.  Cor- 
respondance sur  l'art  de  la  guerre , 


ARC 
antre  un  colonel  de  dragons  et  un  ca- 
pitaine d'infanterie.  Bouillon ,  i  n  -j  4  ? 
deux  pallies  ,  in-H".  ;  III.  Défense 
d'un  système  de  guerre  nationale, 
ou  Analyse  raisonné  d'un  ouvrage , 
intitulé  :  Réfutation  complète  du 
système  de  (  JVT.  Mënil-Durand ,  par 
M.  Guibcrt  )  ,  Amsterdam  ,  i  779  ? 
ih-S".  ;  IV.  Conseil  de  gueri-e  privé, 
sur  l'événement  de  Gibraltar  ,  en 
I  nS'i,  sans  nom  de  ville,  i  785,  in-8°.;. 
V.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
du  siège  de  Gibraltar,  par  l'auteur 
des  b  literies  flottantes,  Cadix  ,  Her- 
nill,  17B3,  in-8".  ;  VI.  Considéra- 
tions sur  l'influence  du  génie  de 
Vauban  dans  la  balance  des  forces 
de  l'état,  1786  ,  in-8'.;  Vil.  Exa- 
men détaillé  de  l'importante  ques- 
tion de  l'utilité  des  places  fortes  et 
retranchements  ,  Strasbourg ,  1  78g, 
in-8  '.  ;  VIII.  De  la  force  militaire 
considérée  dans  ses  rapports  con- 
servateurs, Strasbourg,  i  'y8<.), in-8°., 
suite,  1790,  in-8".;  IX.  Réponse 
aux  Mémoires  de  M.  de  Montalem- 
bert ,  sur  la  fortification  dite  per- 
pendiculaire ,  1790,  in-8".;  X. 
Considérations  militaires  et  poli- 
tiques sur  les  fortif  cations ,  Paris , 
imprimerie  de  la  République  ,  i  ■jgS  , 
in-8". Cet  ouvrage,  imprime  aux  fiais 
du  gouvernement ,  est  le  plus  ji^por- 
tant  de  ceux  de  M.  d^Arçonvil^,  con- 
tient ,  pour  ainsi  dire ,  le  résurafe'  de 
toutes  ses  observations  ,  et  de  tout  ce 
qu'il  avait  c'crit  sur  un  art  dont  il 
avait  fait  l'étude  de  toute  sa  vie. 
D— M  -  T.  et  W — s. 
AliçONS  (CÉSAR  d'),  avocat  au  par- 
lement de  Bordeaux  ,  mort  en  1 68 1 , 
était  dc.Viviers,  bourg  de  la  Gascogne: 
ses  ouvraçes  n'ont  rien  d'analogue  à 
son  étit;  ils  rou'enttous  sur  la  physi- 
que et  sur  la  philologie  sacrée.  I.  Du 
jCux  et  du  reflux  de  la  Mer  ,  et  des 
longitudes^  Rouen,  lôSS", iu-8°.,  Bor- 


.        ,      ARC  ,.    58; 

deàu^'*  ':f 66'%  m-^\;.lf.  divers. Ti-ai- 
tés  de  Physique  ,  Bordeaux ,  j()(j8  , 
in-4''. ,  où  il  veut  tenir  Iç  milieu  entre 
Aristote  et  Descarles  ;  lit.  trois, DiV- 
sertations ,  Bruxelles,  i(i8o,  iu-4'\  , 
sur  la  dispute  entre  S.  Pierre  et  S. 
Paul  ;  sur  l'eïidroit  où  J..-G.  établit 
S.  Pierre  pour  son  vicaira  en  terre:; 
sur  la  généalogie  de  J.-C!  :  ,IV.  Es- 
chantillon  ,  ou  le  Premier  des  trois: 
tomes  d'un  ouvrage  qui  fera  voir 
dans  V  Apocaly  se  les  traditions  apos- 
toliques ,  ou  les  mystères  de  l'Eglise 
passés  ,  présents  et  à  venir ,  dédié  au 
Sacrement  de  l\4utel ,  Paris,  iGlS, 
in-4''.  Cet  ouvrage  avait  pour  objel  de 
découvrir  ,  dans  W4pocalypse  ,  les 
sept  sacrements  ,  les  sept  ordres  de 
la  hiérarchi'",  etc.  Heureusement  que 
l'auteur  fit  grâce  an  puLlic  des  tiois 
tomes  aimoncés  par  cette  .es^^èce  de 
prospectus.  D'Arçons  av^it  eu  la  con- 
fiance du  nonce  Bargelliui  dans  l'af- 
faire de  la  paix  de  Clément  IX.  Il  a 
laissé ,  dans  un  Mémoire,  le  détail 
des  conférences  qu'ils  eurent  ensem- 
ble à  ce  sujet.  T — d. 

ARCUDl   (ALEXA^DRE-ÏU0MAS)  ^ 

dominicain,  qui  flonssait  à  la  fin  du. 
17'".  siècle^  et  au  commencement  du, 
1 8''. ,  n'était  pas  Vénitien ,  comme  on  l'a 
prétendu,  mais  néà  vM.-Picrreen  Gala- 
tine ,  dans  la  Pouille ,  au  royaume  de 
Naples.  Sa  famille  était  noble  et  origi- 
naire de  Corfou.  Il  dit  lui-même,  dans 
la  dédicace  d'un  de  ses  oirvrrages,  que 
leur  nom  d^Arcudi  était  dérivé  d'^rc- 
tos  grec ,  ou  di  Arclurus  latin,  qui  si-' 
gnifient  la  petite  our5e  ;  qu'ils  portaient 
nue  ourse  pour  armes  ,  et  que  sts  an- 
cêtres ,  à  Galatine  ,  avaient  reçu  d'ua 
prince  de  la  maison  Orsini,  qui  avait'' 
eu  de  tout  temps  cette  enseigne ,  la  per- 
mission de  la  porter.  Il  mourut  eu 
1 720.  Ses  principaux  ouvrages  impri- 
més sont:  I.  AnatomiadegV  Ipocriliy 
sous  le  faux  nom  de  Candido  Mala- 


AÈC 

sorte  Ussaro,  Venise,  1699,  in-4''.; 
il.  G alatinaletterata.  Gènes,  1709, 
in-8°.  Cet  ouvrage  contient  quarante- 
quatre  articles ,  sur  autant  d'hommes 
distingués  dans  les  lettres ,  qui  ont 
illustré  S.  Pierre  en  Galatine ,  leur 
patrie;  il  devait  sujffire  pour  indiquer 
que  c'était  aussi  celle  de  l'auteur.  Ce 
livre  fut  vivement  critiqué,  ce  qui 
donna  Heu  au  P.  Arcudi  de  publier  un 
recueil  de  réponses  et  de  défenses , 
sous  ce  titre  i  Le  due  Galatine  difese, 
il  libro  e  la  patria ,  sous  le  nom  de 
Fr.  Saver.  Volante  ,  prétendu  neveu 
de  l'auteur  ,  Gênes  ,  1 7 1 5  ,  in  -  8". 
111.  Prediche  quaresimali,  Lecce , 
1712,  in-4''.  ;  rV  •  Sant  Atanasio 
magno ,  Lecce,  1 7  1 4  >  in-4''- 1^  laissa 
déplus,  un  certain  nombre  d'ouvrages 
de  piété,  tant  en  prose  qu'en  vers, 
qui  n'ont  point  été  publiés.     G — E. 

ARCUDIUS  (Pierre),  savant 
prêtre  grec ,  né  dans  l'île  de  Coifou  , 
ilevé  à  Rome,  où  Clément  VIII  l'em- 
ploya dans  plusieurs  affaires,  dont  il 
s'acquitta  avec  succès,  notamment  en 
Russie  ,  où  il  fut  envoyé  pour  régler 
des  contestations  élevées  dans  ce  pays 
sur  certaines  questions  de  doctrine, 
qu'il  eut  le  bonheur  de  terminer.  A 
fOD  retour,  il  s'attacha  au  cardinal 
Borghèse ,  neveu  de  Paul  V  ;  mais  , 
ayant  perdu  tout  espoir  de  parvenir 
aux  dignités  auxquelles  il  aspirait  , 
il  se  retira  au  collège  des  Grecs  de 
Rome,  et  y  mourut  vers  i654.  Arcu- 
dius  était  si  attaché  aux  sentiments 
de  l'Église  latine ,  qu'il  obtint  du  pape 
la  permission  de  célébrer  la  messe 
selon  le  rit  latin,  après  s'être  jusque- 
là  conformé  au  rit  grec.  Il  avait  conçu 
la  plus  forte  pi'évention  contre  les 
luthériens  et  les  calvinistes.  C'est  dans 
cet  esprit  qu'A  composa  son  traité  de 
la  Concorde  de  l'Eglise  occidentale 
et  de  l'Eglise  orientale,  sur  l'admi- 
Bistratioa  des  sacrements ,   Paris  , 


ARC 
1619,  in-fol.  Son  but  est  de  preu-* 
ver  que  les  deux  églises  étaient  an- 
ciennement parfaitement  d'accord  , 
non  seulement  sur  la  doctrine ,  mais 
encore  sur  l'administration  des  sept 
sacrements  ;  que  les  Grecs  modernes 
n'ont  rien  changé  sur  leur  nature  , 
leur  nombre  et  leur  vertu;  que  les 
changements  qu'ils  se  sont  permis 
dans  l'administration  sont  peu  consi- 
dérables ,  et  n'ont  rien  d'incompa- 
tible avec  la  discipline  de  l'Église  la- 
tine à  cet  égard.  Cet  ouvrage  est  esti 
mable  par  les  monuments  que  l'au- 
teur y  a  recueillis  avec  beaucoup  de 
soin  et  d'exactitude  ;  mais  il  est  dé- 
paré par  l'emportement  qui  y  règne , 
par  les  injures  qui  y  tiennent  souvent 
la  place  de  bonnes  raisons,  par  des 
digressions  qui  y  jettent  beaucoup  d« 
confusion  ;  enfin ,  par  la  méthode  et 
les  opinions  des  scholastiques ,  aux- 
quelles il  attache  trop  d'importance, 
r^'ous  avons  d'Arcudlus ,  deux  autre»- 
traités,  rares  et  curieux:  I.  Opuscu- 
culum  quod  inscribitur  :  utrum  detur 
purgatorium ,  et  an  illiid  sitperig- 
nem  ?  Rome,  i652  ,  ;  II.  Z?e  Purga- 
torio  igné  adversùs  Barlaam,  Rome, 
1637,  in-4''.  lï  a  encore  traduit  du 
grec  en  latin,  etfaitimptimer  à  Romt 
en  i63o  ,  plusieurs  traités  des  nou- 
veaux Grecs  ,  principalement  sur  la 
fameuse  question  de  la  procession  du 
S.  Esprit.  T— D. 

ARCULPHE,  théologien  français, 
qui  vivait  vers  l'an  690 ,  entreprit, 
vers  l'an  64o,  un  voyage  en  Orient, 
et  visita  la  Terre -Sain  te,  Gonstanti- 
nople ,  et  d'autres  h'eux.  Comme  il 
révenait  en  France ,  il  fut  jeté ,  par 
une  tempête ,  sur  la  côte  occiden- 
tale de  la  Grande-Bretagne,  et  reçu 
avec  hospitalité  par  l'abbé  Adaman. 
D'après  ses  conversations,  Adaman 
mit  par  écrit  le  détail  de  ses  voyages 
«t  uae  description  des  lieux  saiuts. 


ARC 
L'ouvrage  forma  trois  volumes ,  et  fut 
publie  par  Seranius  sous  le  titre  de 
Libri  de  situ  Terrœ  Sanctœ,  Ingols- 
tadt,  1619.  Des  extraits  de  son  ou- 
Trage  furent  recueillis  par  Bède;  et 
Matillon  les  a  fait  imprimer  dans  ses 
jàcta  Benediclor.  D — t- 

ARCY  (Patrice  d'  ),  né  d'une  fa- 
mille noble  et  ancienne,  à  Galloway,  en 
Irlande, le  i8sep!.i725.  Ses  parents, 
qui  étaient  catholiques,  l'envoyèrent, 
en  I  -y  59 ,  à  Paris ,  où  le  goût  naturel 
qu'il  avait  pour  les  mathématiques  se 
développa  et  se  fortifia  par  les  circons- 
tances qui  le  lièrent  avec  le  jeune  Clai- 
raut.Dès  l'âge  de  dix-sept  ans,  il  donna 
la  solution  de  plusieurs  problèmes  qui 
exigeaient  beaucoup  de  sagacité.  La 
guerre  vint  l'enlever  à  ses  études  :  il 
enti'a  au  service,  et  fit  plusieurs  cam- 
pagnes en  Allemagne  et  en  Flandre, 
comme    capitaine    au    régiment    de 
Condé.  En  i']/\6,  il  fut  destiné  à  faire 
partie  des  troupes  envoyées  en  Ecosse 
au  secours  du  prétendant.  Une  flotte 
anglaise  enleva  le  convoi;  etd'Arcy, 
Irlandais  d'origine ,  pris  les  armes  à 
ïa  main  contre  son  pays ,  pouvait  être 
légitimement  condamné  à  mort;  mais 
l'humanité  du  commandant  anglais  le 
sauva.  Il  avait  publié ,    pendant  la 
guerre  ,  quelques   mémoires ,    qui  , 
après  qu'il  eût  été  échangé ,  lui  ou- 
vrirent les  portes  de  l'académie  des 
sciences  en  1749*  L'un  de  ces  mé- 
moires renfermait  un  principe  général 
de  mécanique ,  celui  de  la  conserva- 
tion du  mouvement  giratoire ,  ou  de 
la  conservation  d'action ,  principe  au 
moyen  duquel  il  résolut  plusieurs  pro- 
blèmes importants,  et  qu'il  appliqua 
même  au  problême  de  la  précession 
des  équinoxes.  Il  fit  avec  M.  Leroi , 
son  collègue  à  l'académie  des  scien- 
ces, une  série  d'expériences  sur  l'é- 
lectricité, et  se  livra  ensuite  seul  à 
4«$  expériences  sur  la  poudre  à  ca-^ 


A  R  I>  58f 

non ,  dont  il  rassembla  les  résultats 
dans  un  Essai  sur  l'artillerie,  pu- 
blié en  1760.  Il  reprit  les  armes,  et 
fit ,  comme  colonel  à  la  suite  du  ré- 
giment de  Fitz- James,  la  campagne 
de    1757.   Rendu  de  nouveau  aux 
sciences  par  la  paix ,  il  donna ,  en 
1 765 ,  un  Mémoire  sur  la  durée  dçi 
sensations  de  la  vue,  celui  de  ses  ou-» 
vrages  oii  brille  le  plus  son  talent  et 
sa  sagacité.  En  1770,  il  fut  nommi^' 
maréchal-de-camp ,  et  cette  même  an» 
née,  l'académie  des  sciences  l'admit 
au  rang  de  pensionnaire.  Il  épousa,, 
en  1777,  une  nièce  élevée  à  Paris 
sous  ses  yeux,  et  il  prit  alors  le  nom  • 
de  comte  d'Arcy.  Il  mourut  deux  ans 
après  son  mariage  ,  le  18  oct.  1779» 
âgé  de   cinquante -quatre  ans.   Plu-, 
sieurs  de  ses  écrits  sont  insérés  dans    > 
les   Mémoires   de   l'académie   des 
inscriptions.  II  a  publié  de  plus  :  L 
Réflexions  sur  la  théorie  de  la  lune, 
1 749 ,  in-S''.;  II.  Observations  sur  lu 
théorie  et  la  pratique  de  V artillerie^ 
1751  ,   in -8".  ;  III.   Essai   d'une 
nouvelle  théorie  d'artillerie ,  1766,.      V 
1^-8".  j  IV.  Recueil  de  pièces  sur  ^  y 
un  nouveau  fusil  y  1767  ,in-8".  On 
trouvera  une  analyse  très -détaillée  de 
tous   les   travaux  de  d'Arcy ,   dans 
l'éloge   qu'a  fait  de  lui    Coudorcet,. 
alors  secrétaire  perpétuel  de  l'acadé- 
mie des  sciences.  Cet  éloge  fait  au- 
tant d'honneur  au    caractère  qu'au  ' 
talent   de   Condorcet ,   qui  avait  été 
constamment  l'objet  de  la  haine   la 
plus  animée   comme  la  plus  injuste 
de  la  part  de  d'Arcy,  et  qui  paraît 
s'être  attaché  à  relever,  avec  une  re- 
cherche particulière,  tous  les  genres 
de  mérite  qui  pouvaient  honorer  la. 
mémoire  de  l'académicien  dont  il  avaij 
tant  à  se  plaindre..  S — -d.        v,  ( 

ARDABURIUS,   généi-al  sous  ;Ie-   ^ 
règne  de  Théodose  II ,   était    Alain 
df origine.  En  421,  il  commanda  l'aç^ 


5^0  A  R  D 

mie  q.ui  m^irclia  contre  les  Perses  sur 
îès  borcîs^'i  Tigre.  Il  battit  Narsès  et 
l'ass.egbà  daiis  iVisibe;  mais  ses  trou- 
pes s'cifrayènnt  à  la  nouvelle  dé  l'ar- 
rivée dû  roi  de  Perse  ,  et  regagnèréut 
en  de'jordrc'les  frontières  de  Ifrapire, 
après  aivOii"  brûle'  les  machines  qu^elles 
avaient  cou^fruites  jjour  renverser  les 
murs  de  ^Ni^iibe,  tandis  que  de  leur 
côté  les  Pe'rses ,  frappes  de  la  même 
terreur  ,  se  pré>  ipitaii  ut  dans  l'Eu- 
phrate.  En  ^iS ,  Ardaburius,  et  son 
fils  Aspar ,  furent  envoyés  en  Italie 
par  Thcodosc  II,  pour  soutenir  Va- 
lenliiiieu  ÏII  et  sa  mèrePlacidie,  con- 
tre l'usurjiateur  Jean.  Aspar  marcha 
sur  Aquiléo  avec  la  cavalerie  ;  Ardabu- 
lius  s'embarqua  avec  l'infanterie  pour 
aller  former  le  siège  de  Ravcunej 
mais  uiic  tempête  jeta  son  vaisseau 
dans  le  port  même  de  cette  ville.  Jean , 
voulant  profiter  de  cette  capture  inat- 
tendue, traita  Ardiiburius  avec  égards, 
dans  l'espérance  que  Théodose  ferait 
la  paix  pour  rccouyrer  son  général. 
Celui-ci  profita  de  la  lUicrfé  qu'on  lui 
donnait,  pour  se  ménager  jdes  intelli- 
gences dniis  la  place;  il  lit  prévciur 
Aspar  de  s'a[qirochcr  en  grande  hâte, 
gagna  les  principaux  officiers  de  l'ar-: 
niée  de  Jean,  et,  lorsqu'Aspar  se  prcT 
senta,  Ardabui  uis  se  saisit  du  tyran  et  le 
fil  conduire  à  Aquilée  devant  Placidie 
et  Nalentinien. Quelque  tenq)s  après, 
Ardaburuis  s'attacha  un  Thrace,  nom- 
mé jMarcien  ,  qui  venait  de  s'enr.ôlei; 
dans  la  miUce ,  (  t  que  la  fortune  poj  ta 
depuis  sur  le  trône  d'Orient.  On  ne 
doit  pas  confondre  Ardaburius  avec 
un  fiis  d'Aspar,  qui  port^  le  même 
nom  que  son  aïeul,  et  qui  périt  avec 
son  père  ei>  /j'y  i  (  f^oj'.  Aspar  ). 
L— S— E. 
ARDFXm^R  BABÉOAN  ,  fonda- 
teur de  la  dynastie  cles  Saçàjnydes ,  et 
nommé  AnTAXERcfEs  ,  par  les  histo- 
riens grecs ,  était  fils  de  iîàbek ,  in- 


ARD 

tendant-général  des  pyrées  de  'a  Perse, 
et  petit-fils  d'un  nommé  Saçàu.  Ce- 
lui-ci, quoique  descendant  d'mi  ûl« 
d'Ardechyr-Longue  -  Main  ,  deshérité 
en  faveur  de  la  reine  Honiâi,  avait 
mené  une  vie  très  r  misérable  ;  car  il 
était  ,  suivant  quelques  écrivains 
orientaux,  bei'ge.r  de  Bàbek,  et  père 
d'Ardechyr.  INous  nVntreprendi'ons 
pas  de  concilier  les  différentes  opi- 
nions de  nos  auteurs ,  touchant  l'ori- 
gine de  ce  dernier.  Il  y  a  seulement 
heu  de  croiie  que  la  protection 
toute  particulière  de  Bàbck  ,  person- 
nage très  -  important  vers  la  fin  du 
dernier  monarque  Arsacide,  favorisa 
beaucoup  les  projets  ambitieux  d'Ar- 
dechyr. 11  n'hésita  même  plus  à  les  réa- 
liser, d'après  l'apparitiou  d'un  ange 
qui  lui  annonça  que  Dieu  lui  avait 
donné  la  souveraineté  de  la  terre  en- 
tière. Secondé  d'un  assez  grand  nom- 
bre de  mécontents,  que  la  mauvaise 
administration  d'Ardwàu  (  Artaban  ) 
augmentait  chaque  jour ,  il  s'empara 
de  i'Irac  et  de  l'Azerbàïdjàn  ;  enfin ,  il 
n'hésita  pas  à  se  mesurer  avec  son 
souverain  légitime.  Après  avoir-  rem- 
porté sur  lui  deux  victoires  éclatantes, 
en  '^23  de  J.-C. ,  11  prend  les  ornements 
de  la  royauté,  et  se  fait  reconnaître  sou- 
verain delà  Perse;  on  prele;itl  cepen- 
dant qu'ArdWcàtt  ne  fut  déposé  qu'en 
2:i5  ,  et  périt  dans  une  grande  bataille 
qu'il  livra  à  ce  rebelle,  en  -i-yÂ),  épo- 
que où  l'usurpateiu-  se  vit  maître  pai- 
sible et  absolu  de  sou  nouvel  empire  ; 
car  avant  cette  époque ,  il  avait  déjà 
vaincu  et  exterminé  un  de  ses  frères , 
qui  prétendait  lui  disputer  la  cou- 
ronne. Quoique  usurpateur,  Ardechyr 
paraît  avoir  eu  un  règne  fort  paisible  , 
et  avoir  gouverné  ses  peuples  avec 
douceur  et  équité ,  surtout  si  l'on  eu 
j^uge  par  la  maxime  qu'il  se  plaisait  à 
répéter  souvent  :  a  tu  lion  dévoraiit 
))  est  moins  à  redouter  qu'un  monai  que 


ARD 

»  injuste.  »  11  réunissait  la  plus  rare 
prudence  au  courage  le  plus  héroïque , 
et  l'amour  des  lettres  à  la  passion  des 
armes.  Doue  d'une  vaste  érudition ,  et 
même  de  talents  littéraires  ,  il  ne  dé- 
daigna pas  de  composer  plusieurs  ou- 
vrages ,  parmi  lesquels  on  cite  un  Kdr- 
Ndméh ,  ou  Commentaire  de  sa  vie 
et  de  ses  actions ,  et  un  Traité  de  mo- 
rale ,  dont  le  célèbre  Noncbyrwân , 
un  de  ses  successeurs,  donna,  quelques 
siècles  après ,  une  nouvelle  édition. 
Ardechyr  mourut  en  if\0,  après  avoir 
régné  quatorze  ou  quinze  ans  ;  car  il 
exerça  l'autorité  suprême  ,  comme 
nous  l'avons  x'emarqué,  quelques  an- 
nées avant  la  mort  d'Ardwân.  La  dy- 
nastie des  Saçànydes ,  dont  il  est  le 
fondateur,  dura  4-29  ans,  suivant  le 
calcul  le  plus  communément  adopté. 
L— s. 

ARDELL  (Jean  Mac  ) ,  né  en  Ir- 
lande ,  et  mort  jeune  à  Londres ,  en 
I-^ÔS  ,  est  un  des  meilleurs  graveurs 
en  manière  noire ,  que  l'Angleterre 
ait  produit.  Ses  estampes  sunt  d'un 
beau  ton ,  et  d'un  faire  très-moelleux. 
II  a  gravé  plusieurs  sujets  d'après  Rem- 
brandt ,  qui  rendent  parfaitement  l'ori- 
ginal, son  genre  de  gravure  étant, 
sans  contredit,  le  plus  propre  à  imiter 
l'effet  et  l'harmonie  des  tableaux  de 
ce  maître,  l'armi  ses  nombreux  ou- 
vrages ,  on  remarque  :  les  portraits 
de  Ruhens  et  de  sa  femme ^  figures 
en  pieds  ;  celui  du  duc  de  Buckingham, 
et  un  Moïse  sur  les  eaux,  d'après  Van 
Dyck  ;  une  Assomption ,  d'après  Mu- 
rillio ,  et  beaucoup  de  portraits  d'après 
Reynolds,  Lely ,  Ramsav.        P — e. 

ARDENK  (  Esprit-Jean  de  Rome 
d'  ) ,  né  à  Marseille ,  d'un  commissaire 
des  galères,  le  3  mars  1684,  fit 
ses  premières  études  à  Nancy,  et 
vint  les  achever  sous  les  yeux  de  ses 
parents ,  qui  habitaient  alors  une  petite 
ferre  près  de  Lyon.  D'Ardene  graA^a  ses 


ARD  391 

premiers  vers  sur  des  arbres.  Le  sé- 
jour de  la  campagne  lui  inspira  des 
idylles  et  des  églogues.  Vainement  ses 
parents  le  pressèrent  de  prendre  un 
état  ;  il  s'y  refusa  :  sa  fortune  le  lui 
permettait.  Il  se  maria  en  1 7 1 1 ,  et, 
peu  de  temps  après  ,  vint  faire  un 
voyage  à  Paris,  où  il  se  lia  avec  Dubos, 
Dauchet  et  Fontenelle.  Pendant  son  sé- 
jour dans  cette  ville,  il  composa  ses  pre- 
mières Fables.  En  i "^i!^ ,  il  revint  en 
Provence,  et  concourut  pour  quelques 
prix  proposés  par  des  académies  de 
provinces.  11  fit  imprimer  ses  dis- 
cours, en  1727  ;  il  retourna  à  Paris, 
y  séjourna  assez  long-temps,  et  revint 
en  Provence ,  où  il  habitait  la  cam- 
pagne. Le  dérangement  de  sa  santé  le 
fit  revenir  à  Marseille ,  où  il  mourut 
le  27  mars  1 748.  On  a  de  lui  :  1.  Re- 
cueil de  Fables  nouvelles  en  vers , 
1747,  in-  12;  II.  OEuvres  posthu- 
mes ,  Marseille  ,  1767  ,  4  vol.  petit 
in-12,  publiés  par  sou  frère.  Ou  y 
trouve  un  volume  entier  de  nouvelles 
Fables ,  une  comédie  en  trois  actes  et 
en  vers ,  intitulée  :  le  Nouvelliste  , 
des  Odes  ,  des  Epigrammes  ,  des  Epî- 
tres  en  vers  et  en  prose ,  des  Discours 
académiques  en  prose.  Le  Discours  pré- 
liminaire sur  la  Fable  ,  inséré  dans 
le  premier  volume,  est  estimé. 

A.  B— T. 
ARDENE  (  Jean-Paul  de  Rome 
d'  ) ,  frère  du  précédent ,  cl  prêtre 
de  l'Oratoire  ,  né  à  Marseille  ,  eu 
1 689 ,  remporta  quelques  prix  de 
poésies  dans  des  académies  de  pro- 
vince ,  et  devint  supérieur  du  collège 
de  sa  Congrégation  ,  dans  sa  patrie. 
La  délicatesse  de  sa  sauté  ue  lui  per- 
mettant pas  d'occuper  des  places  qui 
auraient  exigé  quelque  contention  d'es- 
prit, il  se  retira  au  château  d'Ardene, 
près  de  Sistcrou ,  où  il  passa  le  reste  do- 
ses jours  dans  la  pratique  des  vertus 
analogues  à  son  état ,  et  surtout  dans  un 


5q2  ARP 

exercice  continuel  des  œuvres  de  cha  • 
rite'  ,  qui  le  firent  regarder  comme  le 
père  des  pauvi'cs  du  canton.  Il  mourut, 
le  5de'c.  i  76g.  Le  P.  d'Ardene,  qui  s'ë- 
tait  adonné  à  la  botanique,  possédait 
un  jardin  qui  attii'ait  dans  sa  retraite  les 
curieux  et  même  les  savants  ama- 
teurs des  plantes  et  des  fleurs  rares. 
Ses  obseiTations  sur  les  unes  et  sur 
les  autres  ,  nous  ont  valu  les  ouvrages 
suivants  :  I.  Traité  des  Renoncules  j 
Paris,  1746  ,  in-8'.;  II.  Traité  des 
Tulipes,  1760,  in- 12.;  III.  Traité 
des  OEillets ,  176:2  ,  in -12.;  IV. 
Traité  des  Jacinthes ,  in  -  1 2.  ;  V. 
Traité  de  V  Oreille  d'ours  ,  in-8". , 
VI.  Lettres  intéressantes  pour  les 
médecins  de  profession ,  utiles  aux 
ecclésiastiques,  Avignon,  1759,  2 
vol.  in- 12.;  VIL  Année  champêtre  j 
Florence  (  Lyon  ) ,  1769,0  volumes 
in- 12.  Cet  ouvrage  fut  regardé  dans 
le  temps  comme  le  meilleur  qu*on  eût 
en  ce  genre  ;  on  y  trouve  un  ex- 
trait bien  fait ,  de  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  certain  dans  les  auteurs  qui  ont 
traité  de  ces  matières.  Celte  première 
partie,  qui  roule  sur  le /»o(ag^er,  de- 
vait être  suivie  de  deux  autres ,  sur  le 
parterre  et  sur  la  ferme,  dont  le  ma- 
nuscrit passa  dans  les  mains  du  pré- 
sident de  la  Tour -d'Aiguës,  ami  de 
l'auteur.  On  a  encore,  du  P.  d'Ardene, 
un  discours  qui  avait  remporte  le  prix 
à  l'académie  de  Marseille,  en  i744i 
sur  cette  question  :  «  Il  est  plus  dif- 
»  ficilc  et  plus  glorieux  de  remplir 
»  exactement  son  devoir,  que  de  faire 
»  des  actions  brillantes  que  ce  devoir 
»  n'exige  pas.  »  Il  fut  l'éditeur  des 
OEuvres  posthumes  d'Esprit  Jean 
d'Ardene ,  son  frère  aîné.       T — d. 

ARDERN  ( John),  chirurgien  an- 
glais, du  i4'.  siècle,  dont  le  docteur 
Freind  a  honorablement  pr.rlé  dans 
,  son  History  of  Phjsic ,  .paraît  avoir 
e'te'  un  des  premiers  qui,  dans  son 


ARD 

pays,  pratiquèrent  la  chirurgie  d'après 
des  principes  fixes.  Il  habita  Newaik, 
de  i349  à  1570;  alors  il  se  rendit  à 
Londres,  où  sa  réputation  s'était  déjà 
étendue.  Ce  fut  un  homme  instruit, 
et  un  praticien  habile,  pour  le  temps 
où  il  vivait.  Il  a  laissé ,  sur  la  médeci- 
ne et  la  chirurgie,  et  particulièrement 
sur  ce  dernier  art,  un  gros  volume 
latin,  dont  il  existe  plusieurs  manus- 
crits; mais  en  n'en  a  imprimé  qu'un 
Traité  de  la  Fistule  à  Vaiius ,  tra- 
duit en  anglais,  par  John  Bead,  en 
1 588.  Sa  pratique  est  surtout  empv- 
rique,  et  se  ressent  de  la  superstition 
de  son  siècle.  Cependant  on  trouve, 
dans  ses  écrits,  des  observations 
utiles ,  et  on  doit  le  placer  parmi  ceux 
qui  ont  rendu  à  leur  profession,  des 
services  réels.  11  abonde  en  ordonnan- 
ces, dont  plusieurs  sont  de  sa  propre 
invention,  et  qui  furent  ensuite  reçues 
dans  les  Pharmacopées,  Il  inventa  un 
instrument  pour  donner  des  lave- 
ments, opération  pour  laquelle  il  pos- 
sédait un  talent  tout  particulier,  dont 
il  tirait  vanité.  Sa  chirurgie  était  piiuci- 
palement  tirée  deCelse  et  de  Paulus.  K. 

ARDICES  de  Corinthe  ,  et  Tu'lÉ- 
PUA>ES  deSicyone,  furent  deux  des 
premiers  artistes  qui  cultivèrent  la 
peinture,  inventée,  selon  Pljne,  par 
Philoclès  égjqitien ,  ou  par  Cléajithc 
de  Corinthe.  Tout  leur  art  consistait 
alors  à  tr.icer  quelques  lignes  ,  ai» 
moyen  desquelles  ils  faisaient  sentir 
les  ombres  et  les  lumières  ;  du  reste , 
ils  n'avaient  aucune  idée  de  la  cou- 
leur. L — S — E. 

ARDIZON  (  JACQrts  d'  ) ,  juris- 
consulte, florissait  à  Vérone,  dans  le 
quatoraème  siècle.  11  cousaçia  sa  vie 
à  l'étude  des  lois,  et  l'Italie  le  compte 
parmi  ses  savants  distingués.  Son  ou- 
vrage sur  les  fiefs ,  appelé  communé- 
ment Summa  feudorum,  mais  dont 
le  véritable  titre  est  Summa  in  usus 


ARD 

feudorumy  a  ëtc  généralement  estimé  : 
il  en  a  été  fait  plusieurs  éditions  5  une, 
k  Lyon,  i5i8,  in -fol.;  les  autres,  à 
Cologne,  i562,  i566,  i569,in-8'\ 
Cette  dernière  était  la  plus  recherchée  ; 
mais  elle  n'a  d'autre  avantage  que 
d'être  plus  commode,  en  raison  de 
son  format.  Les  Traités  d'Ârdizon,  de- 
puis la  suppression  en  France  de 
tout  ce  qui  tient  à  la  féodalité,  offi'ent 
peu  d'intérêt  dans  ce  pays.     M — x. 

ARDUIN ,  chef  normand.  Fofez 
GuiscARD  (Robert). 

ARDUIN,  marquis  d'Yvrée,  roi 
d'Italie,  élu  par  les  Italiens,  le  i5 
février  1 002 ,  après  la  mort  d'Othon 
III;  mais,  dans  le  même  temps,  Hen- 
ri, duc  de  Bavière,  était  élu  par  les 
Allemands,  sous  le  nom  de  Henri II, 
et  ce  dernier  prétendait  succéder  à 
tous  les  droits  que  les  Othons  avaient 
eus  sur  l'Italie.  Malheureusement  pour 
Arduin ,  plusieurs  des  grands  seigneurs 
de  ses  états  prirent  parti  pour  le  mo- 
narque allemand,  Arnolphe,  arche- 
vêque de  Milan,  et  Othon,  marquis 
de  Vérone  ,  furent  les  plus  zélés  pour 
Henri  IL  Ils  l'introduisirent,  en  1 004, 
dans  toutes  les  villes  de  Lombardie, 
et  le  firent  couronner  à  Pavie ,  le 
1 4  mai.  Arduin ,  abandonné  par  ses 
compatriotes ,  se  vit  obligé  de  s'enfer- 
mer dans  les  forteresses  du  mai'quisat 
d'Yvrée,  et  d'attendre  la  retraite  vo- 
lontaire des  Allemands.  Dès-lors,  l'Ita- 
lie ,  partagée  entre  deux  concurrents , 
secoua  presque  absolument  le  joug  de 
l'autorité  royale  ;  les  villes  s'attaquèrent 
au  nom  des  deux  rois ,  sans  vouloir 
cependant  obéir  ni  à  l'un  ni  à  l'autre. 
Arduin,  reconnu  à  Pavie,  ne  sortit 
guère,  cependant,  de  son  marquisat 
d'Yvrée.  Il  ne  put  point  mettre  obsta- 
cle à  la  seconde  invasion  de  l'Italie, 
par  Henri  II,  en  ioi5  et  1014,  et, 
après  le  départ  de  cet  empereur ,  en 
ip.i5;  étant  tombe  jjraYcmeat  ma- 


ARD 


393 


lade ,  il  déposa  les  ornements  royaux 
sur  l'autel  du  couvent  de  Fructérie,  au 
diocèse  d'Yvrée.  Il  y  revêtit  l'habit 
religieux,  et  y  mourut  le  3o  octobre 
de  la  même  année.  On  assure  que  la 
violence  de  son  caractère ,  et  l'oi^eil 
avec  lequel  il  traitait  ses  courtisans, 
furent  les  causes  piincipales  de  l'aban^ 
don  où  le  laissèrent  les  Italiens,  lors* 
qu'il  fut  attaqué  par  un  monarqu» 
étranger.  S.  S- — i. 

ARDUINl  (  PreRRE  ),  né  à  Ve'ronne, 
a  publié  un  ouvrage  sur  la  botanique  , 
intitulé  :  Animadversionum  hotani- 
carum  spécimen ,  pars  i". ,  Patavii , 
i759,in-4**.,tab. la;  parsII'.^Ve- 
nitiis,  1764  7  iQ"4''5  tab.  20.  Il  con- 
tient des  observations  et  des  remar- 
ques intéressantes ,  avec  la  description 
de  plusieurs  plantes  rai-es,  dont  quet- 
ques-unes  sont  nouvelles.  La  première 
partie  n'a  que  la  planches.  Dans  la 
seconde ,  pubiiée  cinq  ans  après ,  à 
Venise ,  l'auteur  décrit  plusieurs  plan- 
tes qui  ont  été  découvertes  aux  envi- 
rons de  Padoue  :  elle  renferme   20 
planches.  Ayant  été  nommé,  depuis, 
professeur  d'agriculture  et  d'économie 
rurale  à  Padoue ,  Arduini  publia  des 
observations  et  des  expériences  sur  la 
culture  et  les  usages  de  diverses  plan- 
tes qui  peuvent  servir  dans  l'économie 
rurale  et  domestique,  sous  ce  titre: 
Memorie  di  Osservazioni  e  d'Espe- 
rienze  sopra  la  coltura  e  gli  usi  di 
varie  plante  che  servir  possono  alP 
economia ,  Padova  ,  1766,   in -4% 
D'autres  observations  ont  été  insérées 
dan  s  les  Opusc.  Scientif. ,  tome  VI .  Ar- 
duini a  considéré  la  botanique  sous  les 
rapports  d'une  utilité  immédiate  ;  il  • 
décrit  et  donné  de  bonnes  figures  de 
beaucoup  de  végétaux  incLgènes  inté- 
ressants par  leurs  produits  ;  il  a  fait 
voir  tous  les  avantages  que  l'on  en 
pouvait  retirer  et  qui  avaient  été  né- 
gliges ou  à  peu  près  ioconnus  jusque 


■"^94 


ARD 


là.  Haller,  dans  sa.  Bibliolhècfue  bo- 
tanique, dit  qu'Arduiiù  ou  Ardiiiu 
^e  nommait  Hardidn  dans  ses  derniers 
ouvrages.  Linné  luiadedië,  sous  le 
j^omd' ^rduinia,  un  genre  déplantes, 
qui  a  e'ie  réuni  depuis  à  celui  du 
Carissa.  D — P — s. 

ARDYS,  fils  de  Gygès,  monta  sur 
le  trône  de  Lydie ,  vers  î'aa  678  à  J.-C. 
}\  combattit  les  Ioniens ,  prit  la  ville  de 
Priène,  et  fit  plusieurs  irruptions 
d.ms  le  pays  de  IVlilct.  Il  vit  ses  états 
ienvaliis  par  les  Cirame'riens  ,  qui 
avaient  c'te  clias:ësdcs  bords  du  Bos- 
phore ,  (pii  porte  leur  nom ,  par  les 
Scylhes  nomades.  Les  Ciuime'riens 
prirent  la  ville  de  Sardes ,  à  l'excep- 
tion de  la  citadelle.  Ardys  régna  qua- 
rante-neuf ans,  et  laissa  son  trône  à 
Sadyatte ,  son  fils.  C — r. 

AKEAGATHUS.  r.AucHAGATus. 

ARE-FRODE,  c'est-à-dire,  ARE 
JLE  SAVANT,  historien  islandais  ,  le 
plus  ancien  et  un  dc^  plus  estimes  des 
annalistes  du  jNord,  quoiqu'on  lui  pré- 
fère Suorre-Sturlcson  ,  auteur  du  i5'. 
siècle,  qui  est  généralement  regardé 
comme  le  père  de  l'histoire  du  iSojd. 
Are-Frode ,  dont  le  nom  de  famille 
on  plutôt  le  nom  patronimiquc  était 
Tliorgilsen,  naquit  en  Islande,  l'an 
1 0G8 ,  et  mourut  en  i  1 48.  D'après  le 
témoignage  de  Snorron,  il  a  laissé  un 
grand  ouvrage  historique  sur  les  rois 
de  Norwcge,  de  Danuemarck  et  d'An- 
gleterre j  mais  cet  ouvrage  est  perdu. 
Le  célèbre  Suhra  .  dans  son  Histoire 
critique  ,  tome  IV  ,  préface  ,  p.  5 , 
observe  qu'un  manuscrit ,  conservé 
dans  la  collection  d'Arnas  Maguacus , 
sons  ce  titre  :  jEttartalJVoregs  konon- 
ga,  c'est-à-dire,  Généalogie  des  rois 
de  JVorwège,  paraît  être  l'abrégé  de 
l'ouvrage  d'Aro-Frode  ;  mais  le  seul 
reste  authentique  de  cet  ouvrage  est 
le  fragment  intitulé  ;  Sdiedœ  de  Is- 
îandia ,  public  par  Thcodoie  XW- 


ARE 

lacius,  évêque  de  Skalhot,  àSkalholt, 
en  Islande,  1688,  par  Worm,avec 
une  version  latine ,  à  Oxford ,  1 697 , 
in  -  8\  ,  et  par  Bussœus,  Hafniae  , 
1755,  in-4'.  Quoique  cette  dernière 
édition  soit  la  plus  estimée,  le  titre 
renferme  une  erreur  on  du  moins 
une  conjecture  très-hasardéc,  on  y  lit  : 
^rii  Schedœ ,  seu  hlendinga-Boc , 
etc.;  mais  M.  Nyerup ,  dans  son  savant 
Tableau  historique  de  Vélat  ancien 
et  moderne  du  Vannemarck,  vol.  x  , 
p.  80,  rend  probable  que  l' hlenâinga- 
Boc  est  un  ouvrage  ditiéront  des  Sche- 
dœ. La  partie  importante  de  ces  Sche- 
dœ est  une  table  généalogique  des  an- 
cêtres d'Are-Frode  qui  remonte  depuis 
Roguoald,  cousiii  du  roi  Haraldus  Pul- 
chricenius,  vivant  en  8o5,  jusqu'à 
Ingre ,  contemporain  d'Odin.  Cette 
gêné  ilogics'accordegénéralenn  ni  avec 
celle  qui  est  nommée  l'nglingas-  Tal, 
et  ces  deux  monuments  sont  les  prin- 
cipales bases  de  la  chronologie  du 
Mord ,  pendant  les  temps  héruiqucs  ou 
les  huit  premiers  siècles  de  l'ère  vul- 
gaire. M — B — N. 
AREGONDE.  Foj.  Clotaire  V\ 
AllELLANO  (Juan  de),  peintre 
espagnol,  naquit  à  Torcas,  près  de 
Tolède,  en  1607.  11  apprit  les  prin- 
cipes de  son  art  à  Alcala  de  Henarès , 
et  fut  élève  de  Juan  de  Solis.  S'aper- 
cevaut  qu'il  ne  faisait  que  de  médio- 
cres progrès  dans  le  genre  historique, 
il  eut  le  bon  esprit  de  se  borner  à 
peindi-e  des  fleurs.  Après  avoii' copié 
quelques  t.ibleaux  de  Mario  ISuzii  , 
dit  Mario  di  Fiori,  il  travailla  dans 
le  même  genre  d'après  nature.  Il  avait 
la  patience  et  l'assiduité  nécessaires 
pour  réussir  dans  ce  genre  estimable, 
comme  l'est  toute  imitation  de  la  na- 
ture ,  mais  le  plus  facile  de  tous.  Arel- 
lano  mourut  à  Madrid,  en  1670,^ 
1  âge  de  soixante-trois  ans.  La  rha|>e!le 
de  !'< oire-L'ame-ùc-Boiî-Couseil ,  dans 


ARE 

celte  ville,  possède  quatre  de  ses  ta- 
hlcaux.  D — T. 

ARELLANO  (Gilles  RAMmEZDE\ 
rnembie  du  conseil  de  Castille,  et  pi  é- 
sideut  de  l'inquisition ,  est  auteur  d'un 
ouvrage  intitule'  :  El  mémorial  de  la 
grandeza  del  conde  de  Aquilar^  et 
d'un  Traite  Deprivilegiis  credilorum. 
—  Un  autre  Ramirez  de  Arellano  , 
écrivit  en  espap,nol  un  Traite  sur  Y  Or- 
thographe de  la  langue  castellane. — 
Un  troisième  Arellano  (  J.  Salvador 
Bapt.  de  )  moine  espagnol  de  l'ordre 
des  Re'coUets,  ve'ciit  au  commence- 
ment du  l'j'',  siècle.  On  a  de  lui  : 
I.  Antiqiiilales  iirbis  Carmonœ,e jus- 
que Hixtoriœ  cornpendium  ;  U.  De 
Origine  ima^inis  S.  Mariœ  ;  III.  De 

lieliquiis  SS,  Justœ  et  Rujinœ 

Quelques-uns  lui  attribuent  aussi  l'ou- 
vrage publie  sous  ce  titre  :  Antiqui- 
tates  m.onasterii  S.  Trinilatis  quod 
est  Sevillio.  —  Enfin  un  quatrième 
Arellano  y  Luna  (Michel  Gomez 
de),  chevalier  de  l'ordre  de  S.  Jacques 
et  membre  du  conseil  des  affaires  de 
l'fnde  ,  a  écrit  :  I.  Opéra  juridica 
iripartila,  Anvers,  iG5i,  iu-4°.  ; 
îf.  Juris  canonici  anlilegomena  ; 
III.  Theoremata  pro  immaculatd 
Conceptione  S.  Mariœ  ;  IV.  Suppli- 
çatio  ad  Innocentium  X  (  au  sujet  de 
la  Conception  ).  D — g. 

ARELLIUS,  peintre  romain,  flo- 
rissait  dans  les  dernières  années  de  la 
république  ;  il  avait  peint,  dans  plu- 
sieurs temples,  des  tableaux  repré- 
sentant des  déesses  j  mais  le  sénat 
ayant  appris  qu'il  avait  retracé  , 
sous  les  attributs  divins ,  des  courti- 
sanes qu'il  aimait  avec  passion,  fit  dé- 
truire ces  ouvrages,  malgré  leur  rare 
l)eauté,  comme  profanant,  par  leur 
origine  ,  là  sainteté  des  lieux  qu'ils 
décoraient.        -        -        L — S — E. 

AREMBERGH  (Jean  de  Ligne, 
jomte  p'^  ,^  servit  avec  zèle  Cliarlt-s- 


A  R  E  5(ï5 

Quint,  et  fut  tué  dans  une  bataille, 
près  de  Groningue,  le  24  niai  i5.68. 
Un  de  ses  descendants  périt  de  bles- 
sures reçues  à  la  bataille  de  Sahmt- 
mène,  livrée  aux  Turks,  le  '25  août 
1691.  —  Le  Père  Charles  d'AREM- 
BERGH  ,  capucin  ,  de  la  mcme  famille , 
né  à  Bruxelles,  vers  i5g5,  mort  on 
lôtig,  a  publié,  sous  le  titre  de  Flo- 
res Seraphici  I.  une  Histoire  des  écri- 
vains de  son  ordre,  depuis  iSaS, 
jusqu'en  i58o,  Colugne,  1640,  io- 
fol.  IL  Cljpeus  Seraphicus ,  sive scu- 
tum  veritalis  in  dejensionem  Ordinis 
Minorum,  i(i5().  N — l. 

ARÉNA  (Antoine  d'),  juriscon- 
sulte et  poète  macaronique  du  lO'. 
siècle ,  né  à  Solli(  rs ,  diocèse  de  Tou- 
lon ,  d'une  fauiille  qui  était  connue 
dès  le  treizième  siècle ,  sous  le  nom  de 
la  Sable.  Il  étudia  sous  Alciat  à 
Avignon ,  et  fit  imprimer  quelques 
Traités  de  jurisprudence  d'un  très- 
mauvais  latin.  Il  est  plus  connu  par  des 
poésies  niacaroniqucs ,  genre  ridicule 
qui  consiste  à  réunir  des  mots  d'ui- 
mauvais  jargon  italien ,  piov.ençal  et 
latin  ;  ce  qui  produit  un  mélange  tout- 
à-fait  barbare  et  inintelligible.  On  a 
publié  à  Bruxelles  t  (  Avignon  ) ,  en 
1748,  une  édition  in-8".  de  ces  poé- 
sies ,  et  une  plus  récente  à  Lyon  en 
1760,  iii-8'\  Voici  les  tiUes  singu- 
liers de  la  plup^irt  dç  .ces  pièces  :  De 
arte  dansundi  ;  De  guerra  Napoli' 
tana  ;  Trïeygra  entreprisa  catholiqui 
imperatofis  qiiando  en  i55.6,  ve-r- 
jiiehat  per  Proi>ensam  henè  caros'^ 
satus  in  postam  prendere  Fransam 
cumvillis  de  Provensd ,  etc.  On  lit  « 
la  fin  :  Scribalum  estando  cum  gail- 
lardis  pajsanis  per  boscos ,  mon- 
tagnas ,  forestas  de  Provensd,  Ave- 
nione ,  1 537 ,  in- 1  a.  Bouche  remarque 
que,  de  tous  ceux  qui  ont  écrit  sur 
cette  expédition,  aucun  n'enatransmis 
uu  aussi  grand  nombre  de  jxirJicuia- 


5cj6 


ARE 


rites  que  cet  auteur  qui  y  e'tait  pre'sent. 
On  peut  juger  de  son  talent  et  de  son 
courage  par  les  vers  suivants  : 

De  tali  guerra  non  escapare  putabant , 
f,t  œihl  de  murte  granda  paura  fuit. 
Poa,  pou  ,  bombarda;  de  tota  parte  petabant 
In  terram  multos  hamiaes  tombare  videbam 
Testas  etbrassos  atque  Tolare  pedet. 
Non  espargnabant  ullos  de  morte  ferire  ; 
Quem  non  blessabant  iUe  beata»  erat. 

Aréna  mourut  en  i544?  juge  àe  St.- 
Remy  ,  diocèse  d'Arles.  Il  paraît  qu'il 
avait  eu  une  jeunesse  très -orageuse. 
On  peut  en  juger  par  la  dédicace  de 
son  u4rs  dansandi,  ad  follotissimam 
suam  Garsam  Janam  Rosœam  ,pro 
passando  tempus,  à  la  tète  de  laquelle 
il  s'intitule  :  JBragardissimus  atque 
falotus  homo ,  et  qui  a  eu  treize  édi- 
tions. T— D. 

ARÉNA  (Jacques  de),  juriscon- 
sulte, naquit,  selon  les  uns,  à  Parme, 
et,  selon  d'autres,  en  Flandre ,  dans  le 
i3*.  siècle.  On  l'a  aussi  confondu  avec 
Jacques  de  Ravennes  ,  jurisconsulte 
français  5  mais  il  n'y  a  pas  autant  d'in- 
ccrlitude  sur  ses  écrits.  Il  a  publié , 
sur  1«  Code  et  sur  le  Digeste ,  des 
notes  d'une  grande  érudition ,  et  que 
Ton  consulte  encore  avec  utilité.  Son 
ouvrage  sur  les  exécuteurs  testamen- 
taires, intitulé  3  De  commis  s  ariis , 
Venise,  i584  »  '  vol.  in-fol.,  est  fort 
estimé.  Son  Traité  sur  les  séquestres , 
intitulé  :  De  excussione  bonanim,  , 
Cologne,  iSgi,  in-8". ,  a  beaucoup 
de  réputation ,  et  son  traité  De  Ban- 
nitis  l'a  placé  honorablement  parmi 
les  criminalistes  dont  on  a  recueilli 
les  ouvrages  à  Francfort  en  1 587 , 
in-folio.  M — x. 

ARÉNA  (  Joseph  ) ,  né  dans  l'île  de 
Corse ,  devint  adjudant-général  en 
1793,  et  fut  employé  au  siège  de 
Toulon ,  puis  député  au  Corps  légis- 
latif en  1797  ,  et  ensuite  chef  de 
Jîrigade  de  gendarmerie ,  place  dont 
il  se  démit  à  la  suite  de  la  révolution 
<lu  i8  brumaire  an  9(9  novembre 


ARE 

î  800  ).  Il  fut  arrêté ,  le  1 0  ocf  obrf 
1801  ,  au  spectacle  de  l'Opéra ,  étant 
accusé  de  vouloir  attenter  aux  jours 
du  premier  Consul;  et  le  tiibunal 
criminel  le  condamna  à  mort  le  3o 
janvier  1802,  ainsi  que  Cerachi,  Tp- 
pino-Lebrun,  Demerville  et  Diana,  set 
complices.  K. 

ARENDS  (Thomas),  poète  hol- 
landais, né  à  Amsterdam,  en  i653, 
travailla  dans  le  comptoii'  d'un  mar-< 
chand  ,  auquel  il  succéda  dans  la  suite. 
Ses  poésies  fiigitives  ,  dont  la  plu» 
grande  partie  roule  sur  des  sujets  de 
piété,  ont  été  publiées,  en  1724»  P^^ 
Mathieu  van  j<idek,  sous  le  titre  de 
Mengelpoezij.  Arends  a  aussi  publié 
des  tragédies  et  des  comédies  médio- 
cres ,  où  l'on  reconnaît  cependant 
quelques  talents.  Il  mourut  en  1700.  ^ 
—  Un  autre  Arends  (Rodolphe)^  I 
aussi  poète  hollandais ,  mort  à  Dor- 
drecht ,  en  1 787,  dans  un  état  voisia 
de  l'indigence ,  a  été  loué  par  Hœufft, 
D— G. 

ARENSBECii  (PiebreDiederich), 
né  en  Suède ,  s'appliqua  au  grec  et 
aux  langues  orientales ,  et  visita  les 
universités  étrangères  aux  frais  de  la 
reine  Christine.  Il  fut  nommé  profes- 
seur à  Strengues ,  et  devint  ensuite 
pasteur  à  Stockholm,  où  il  mourut,  ea 
1673.  Il  travailla,  sous  la  direction  de 
l'évêque  Jean  Mathiœ  ,  à  une  traduc- 
tion de  la  Bible ,  en  Suédois ,  et  pu- 
blia ,  à  cette  occasion ,  un  ouvrage 
très-rare,  même  en  Suède,  ayant  pouF 
titre  :  Spécimen  concil^atitonis  lirif 
guarum  ,  ex  nativis  earumdem  pro- 
prietatibus  in  textus  aliquot  sacros 
ad  veram  et  convenientem  linguœ 
sueticœversionem  déduction,  Streng., 
1648.  La  traduction  ne  fut  pas  achevée. 

C AU. 

ARESI  (Paxjl),  Mihiiials,  m,u$ 
né  à  Crémone  vers  l'an^  1.574»  ^ors- 
crue  son  pèi^  venait  d^^êWtTlàOOUB» 


ARE 

^clestat.  II  fut  alors  nomme  César,  el 
lie  prit  le  nom  de  Paul  qu'en  entrant 
chez  les  clercs-réguliers  ,  ou  théatins , 
à  l'âge  de  seize  ans ,  après  avoir  perdu 
son  père.  11  montra,  dans  sese'tudes, 
une  telle  subtilité'  d'esprit ,  que  son 
professeur  en  théologie  e'tait  oblige'  de 
se  pre'parer,  avec  une  application  par- 
ticulière, pour  re'soudre  ses  objections, 
oure'futer  ses  arguments.  Il  était  doue, 
de  plus ,  d'une  telle  mémoire ,  qu'ayant 
reçu  un  jour  l'ordre  de  faire  le  lende- 
main un  discours  au  réfectoire,  il  y 
répéta,  comme  en  extrait,  tout  le  ca- 
rême que  venait  de  prêcher  le  supérieur 
même  qui  lui  avait  donné  cet  ordre» 
Il  se  fit  une  grande  réputation  comme 
prédicateur,  quoiqu'il  eût  contre  liii 
la  prononciation  et  le  geste,  A  Na- 
ples ,  à  Rome ,  par  -  tout  où  il  en- 
seigna la  philosophie  et  la  théologie , 
il  donnait  aussi  aux  jeunes  gens,  pen- 
dant l'été  ,  des  leçons  sur  l'éloquence 
de  la  chaire.  Choisi  pour  confesseur 
à  Turin  par  Isabelle  de  Savoie ,  qui 
liit  ensuite  duchesse  de  Modène,  il  fut 
nommé  à  l'évêché  de  Tortone.  Il  s'y 
fixa;  et,  après  une  vie  exemplaire, par- 
tagée entre  les  devoirs  d'un  évêque , 
d'un  rehgieux,  et  des  travaux  litté- 
raires assortis  à  son  état ,  il  y  mourut 
le  1 3  juin  1 644'  Ou  a  de  lui ,  en  latin  : 
I.  In  Libres  Aristotelis  de  Gene- 
ratione  et  Coiruptione,  Milan,  1 6 1 7  , 
«-4°.  ;  II.  De  Aquce  transmuiaiio- 
ne  in  sacrificio  Missœ ,  Tortone  , 
1622,  in-8'. ,  et  avec  beaucoup  d'ad- 
ditions, Anvers,  1628,  in-B*".  -,  III. 
De  Cantici  Canticorum  sensu,  veli- 
tatio  bina,  Milan,  1640,  in-4°.  ; 
IV.  F'elitationes  sex  in  Apocalyp- 
sîm,  Milan,  1647,  in-fol.,  ouvrage 
mis  au  jour  après  sa  mort  par  le  P. 
Paul  Sfondrati ,  qui  y  joignit  une  Vie 
de  l'auteur.  En  itahen  :  I.  Arte  di 
predicar  bene,  Venise ,  1 61 1 ,  in-4".  ; 
le  m*isi^f  augiueaté  par  l'auteur,  Mi- 


ARE  59^ 

lan ,  1622 ,  et  réimprimé  plusieurs 
fois.  C'est  le  Recueil  des  leçons  qu'il 
donnait  pendant  l'été  aux  jeunes  gens 
qui  suivaient  ses  cours  de  philosophie 
et  de  théologie ,  et  ce  fut  le  premier 
ouvrage  qu'il  mit  au  jour.  II.  Imprese 
sacre  con  triplicati  discorsi  illus- 
trate  ed  arrichite ,  ouvrage  publié 
d'abord ,  à  peu  près  sous  le  même 
titre,  Vérone,  i6i3  et  i6i5,  in-4° , 
mais  tellement  augmenté  ensuite  par 
l'auteur,  qu'il  reparut  en  7  vol.  in-^". , 
les  2  premiers  à  Milan  ,  1621  et 
1625,  les  3  suivants  à  Tortone,  i63o, 
le  6*.,  ibid.,  i634,  «tie  7^,  ibid., 
1 655.  Il  ajouta  à  son  1  ".  volume  une 
réponse  à  ses  critiques ,  sous  le  titre 
de  la  Penna  rajîlata,  Milan ,  1 626 , 
in-fol.;  et  après  la  publication  du  7=. 
volume  ,  un  8*".  tout  entier ,  intitulé  : 
la  Ritroguardia  (  l'Arrière  -  garde  ) 
in  dijesa  dise  stesso,  con  un  trattato 
delV  arte  e  scienza  impresistica , 
etc.,  Gênes,  \Ç>\o  ,\n-!^°.',M\.  Délia 
Tribolazione  e  suoi  rimedii ,  Tor- 
tone, 1624,  2  vol.  in-4°. ,  Venise, 
1627  ,  et  réimprimé  plusieurs  fois 
depuis  j  IV.  Panegirici  fatti  in  di- 
verse occasioni ,  Milan,  sans  date, 
mais  l'Épître  dédicatoire ,  de  Mogna- 
na,  est  datée  de  i644,  in-S".,  réim- 
primé, ibid.,  i659,in-4°. ;  ce  re- 
cueil contient  dix-sept  panégyriques; 
ils  sont  tous  en  italien.  Les  sermon» 
latins  d'Aresi  sont  un  rêve  bibliogra- 
phique :  au  I7^  siècle,  on  ne  prê- 
chait plus  dans  toute  l'Italie  qu'eu 
italien.  G— É. 

ARETA ,  ou  ARETE  ,  fille  d'Aris- 
tippe  (  Foy.  Aristippe  ). 

ARÉTAPHILE  ,  fiUe  d'^glator  , 
vivait  à  Cyrène ,  à  l'époque  des  guer- 
res entre  Milhridate  et  les  Romains. 
Nicocrates  ,  tyran  de  Cyrène  ,  ayant 
fait  mourir  Phaedimus ,  son  mari ,  de- 
vint éperduement  amoureux  d'elle ,  et 
l'épousa  ;  mais  quelque  bon  traiteioeat 


59^  ARE 

qu'elle  en  rfoîit ,  elle  ne  perdit  jamais 
de  vue  la  vengeance  de  la  mort  de 
son  mari ,  et  la  liberté  de  sa  patrie. 
Elle  chercha  d'abord  à  empoisonner 
Nicocrates  ;  ayant  été  découverte ,  elle 
se  justifia  en  disant  qu'elle  avait  voulu 
composer  un  philtre  pour  se  faire  ai- 
mer davantage.  Elle  tourna  alors  ses 
vues  d'un  autre  côté.  Elle  avait  une 
fHle  très-.belle  ,  et  que  Léandre ,  frère 
du  tyran  ,  épousa.  Ces  deux  femmes 
employèrent  tous  les  moyens  de  sé- 
duction  pour   engager  ce  dernier  à 
faire  périr  Nicocrates.  Il  y  consentit , 
et  le  fit  tuer  par  un  de  Ses  esclaves; 
mais  il  usurpa   lui-même  l'autorité, 
et  ne  se  montra  pas  moins  cruel  que 
son  frère  ,  ce  qui  obligea  Arétapliile 
d'avoir    recours  à   d'autres  moyens. 
Ayant  engagé  secrètement  un  certain 
Atiabus,  roi  d'un  peuple  de  la  Libye , 
à  fiiire  des  incursions  dans  le  pays  de 
Cyrène ,  elle  dit  que  la  guerre  et  la 
tvrannie  ne  s'accordaient  point ,   et 
elle    offrit  d'aller  négocier   la    paix. 
S'étant    rendue    vers   Anabus ,    elle 
fit  ses  conditions  avec  lui ,  et ,  étant 
revetinc  vers  Léandre,  elle  l'engagea 
à  se  rendre,  sans  armes  ,  auprès  d'A- 
nabus,  pour  ratifier  ,  disait -elle  ,  le 
traité.  A  peine' y  fut-il  arrivé ,  qu^^na- 
bns  le  fit  arrcler ,  et  le  livra  aux  Oyré- 
nèéns,  qui  le  firent  mourir.  Ils  ofTri- 
rént  le  gouvernement  à  Arétapliile, 
qui   le  refiisa ,  leur  donna  des  lois 
sages  ,  de  bonnes  institutions,  et  alla 
finir  ses  jours  dans  la  retraite.  G— r. 
ARÉTAS.  Nom  de  plusieurs  rois 
de  l'Arabie  Pctrée,  que  la  faiblesse  des 
rois  de  Syrie  ^hardit  à'  faire  des  irt- 
cursiotts  datis  là' Cœlésyrîe.  L'e  pc- 
nïier  qui  rions  soit  connu  est  celui  qui 
battit  J.ison  ,  cliéfdes  Hébreux,  vers 
l'an  i-^o  av.  J.-C.  —  Uii'alili-è  Aré- 
TAS  s'çmpara  de  la  Cœlésyriè  ,   vers 
l'an  84  av.  J.-C. ,  prit  le  titre  de  roi 
de  Damas  ,  et  fit  frapper  des  nioii- 


ARE 

nales  eu  son  nom.  Il  alla  au  secours 
d'Hyrcan  ,  contre  Aristobule  ,  son 
frère;  mais,  pendant  ce  temps,  Scau- 
rus  ,  l'un  des  lieutenants  de  Pompée , 
reprit  Damas.  Il  paraît  cependant  que 
Pompée  lui  rendit  cette  ville  ,  et  que 
ses  descendants  y  régnèrent;  car  S. 
Paul ,  dans  sa  seconde  Epilre  aux 
Corinthiens ,  ch.  2 ,  parle  d'un  Arétas, 
roi  de  Damas  ,  qui  voulut  le  faire  ar- 
rêter ,  vers  l'an  55  de  J.-C.     C — r. 

ARÉTÉE  de   Cappadoce   (  Are-^ 
tœus  ,   Apivatoi;  ,   que  quelques-uns 
écrivent  Arelhée),  médecin  grec  qui  , 
par  sa  fidélité  à  suivre  la  méthode 
d'expérience    et    d'observation    tra- 
cée   par   Hippocrate ,    mérite    d'être, 
mis   au    nombre    des  classiques    en 
médecine.  On  ne  sait  en  quel  temps 
il  a  vécu  ;  Wigan  ,  un  de   ses  édi- 
teurs   et    commentateurs  ,     prétend 
que  c'est  sous  le   règne  de  Néron  ; 
cependant  Galien ,  qui  a  parle  de  tous 
les  auteurs  antérieurs  à  lui,  n'en  fait 
pas  mention  ,  et ,  certes  ,  il  n'en  aurait 
pas  omis  un  d'un  mérite  aussi  cmi- 
nent  qu'Arétée.  Goulin  penche  à  croire 
qu'il  est  le  même  qu'Athénée,  chef  de 
la  secte  des  pneumatiques  ;  il  appuie 
son  assertion  sur  de  légères  altéra- 
tions de  mots  ,  accident  qui  doit  arri- 
ver dans  la  langue  grecque  plus  qu'en 
aucune  autre  langue.  Quoi   qu'il  en 
soit  de  l'histoire  personnelle  d'iViétc'e, 
le  petit  nombre  d'ouvrages  qu'on  attri- 
bue à  cet  auteur ,  et  qui  nous  retracent 
les  beaux  temps  et  les  principes  sûrs 
de  la  médecine  grecque  et  hippocra- 
lique  ,  nous  sont  heuiTusemcnt  par- 
venus. Ils  sont  divisés  eu  huit  livres  ^^       J 
deux  sur  les  causes  des  maladies  ai- ,       \ 
guës ,   deux  sur  celles  des  maladies 
chroniques ,  deux  sur  la  description 
des  maladies  aiguës  ,   et  deux  sur 
celle  des  maladies  chroniques.  Rien 
de  plus  exact  que  le  tableau  qu'y  fait        | 
Arclce  des  maladies  ;  rien  de  plus  ra-         * 


ARE 

lioncl  que  la  mauière  avec  laquelle  il 
f  n  établit  le  diagnostic,  et  en  règle  le 
traitement,  puisé  autant  dans  l'hygiène 
que  dans  la  pharmacie.  On  croit  relire 
Hippocrate  ;  c'est  la  même  méthode 
d'observation ,  même  précision  dans 
les  détails  ,  même  étendue  de  vues 
dans  leur  générahsation  ,  même  style 
sentencieux  et  pittoresque  pour  leur 
expression.  S'il  ne  saisit  pas  avec 
moins  de  sagacité  qu'Hippocrate  les 
divers  mouvements  de  la  nature  dans 
le  cours  d'une  maladie,  s'il  n'en  note 
pas  avec  moins  d'exactitude  la  succes- 
sion ,  il  sait  de  même  aussi  allier  le 
mérite  d'observateur  passif  à  celui 
de  médecin  agissant,  qui,  selon  les 
cas  ,  se  propose  d'influer  sur  les  di- 
vers mouvements  des  maladies  ;  et 
c'est  à  lui  qu'on  doit  le  premier  em- 
ploi de  ce  dérivatif  et  excitant  puis- 
sant ,  les  cantharidcs  en  vésicatoire  , 
que  jusqu'alors  on  n'avait  lait  prendre 
qu'à  l'intérieur.  Arétée  fait  précéder 
l'histoire  de  chaque  maladie  de  l'indi- 
cation anatomique  de  l'organe  qui  en 
est  le  siège ,  et  quelque  imparfaite  que 
soit  cette  anatomie,  à  cause  des  nom- 
breux obstacles  opposés  à  l'étude  de 
cette  science  chez  les  anciens  ,  cela 
n'en  démontre  pas  moins  la  sage  mé- 
thode que  suivait  Arétée  ;  et  même 
encore ,  sous  ce  rapport ,  mérite-t-il 
d'être  consulté ,  comme  présentant  le 
tableau  fidèle  de  l'état  de  cette  science 
à  cette  époque.  En  somme,  cet  ou- 
vrage doit  être  mis  sur  la  même  ligne 
que  ceux  du  père  de  la  médecine.  Il 
a  eu  de  nombreuses  éditions  ;  la  pre- 
mière, en  latin, parut  en  i552,in-4''., 
h  Venise ,  par  les  soins  de  Junius 
Paulus  Crassus,  professeur  de  Pa- 
doue  ;  il  y  manque  les  2  ,  5 ,  5 ,  6  et  7% 
chapitres  du  deuxième  livre  de  la  Cu- 
ration  des  maladies  chroniques.  En 
1554.  J.  Goupyl,  docteur  de  la  fa- 
culté de  Paris,  en  donna  une  en  grec , 


ARE  5ç)ç) 

à  Paris,  in-8\,  où  ces  cinq  chapitres 
étaient  rétablis.  Ces  deux  premières 
éditions  se  réimprimèrent  plusieurs 
fuis  avec  de  légères  additions,  Ea 
i6o3 ,  il  en  parut  une  grecque  et  la- 
tine ,  in-fol.,  par  George  Henisch,  arec 
d'assez  mauvais  commentaires  de  ce 
dernier.  Eu  1 728 ,  J.  Wigan  en  donna 
une  grecque  et  latine,  bien  plus  soi- 
gnée, à  Oxford,  in-fol.;  il  la  fit  sur 
deux  manuscrits  grecs ,  dont  l'origine 
pure  lui  était  garantie  sans  avoir  pu 
se  procurer  les  éditions  de  Henisch 
et  de  Turnèbe.  Elle  n'empêcha  pas 
cependant  Boerhaave  d'en  donner  une 
autre ,  aussi  grecque  et  latine,  à  Ams- 
terdam, 1755,  in-fol.,  et  celte  der- 
nière doit  être  préférée  ,  parce  que 
l'éditeur  profita  des  recherches  de 
Wigan  ;  Boeihaave  y  a  suivi  le  texte 
grec  de  Goupyl ,  la  version  latine  de 
Crassus,  et  y  a  ajouté  de  fort  bons 
commentaires  faits  par  Petit ,  médecin 
de  Paris,  quele  célèbre  critique  anglais 
Mattaire  avait  déjà  fait  imprimer  sé- 
parément dès  179.6.  Henri  Etienne, 
réunissant,  dans  un  seul  ouvrage  inti- 
tulé :  Medicœ  aj-tis  principes ,  tout  ce 
que  les  anciens  avaient  de  recomman- 
dable  en  médecine,  n'avait  eu  garde 
d'omettre  Arétée,  et,  dès  1567,  la 
version  latine  de  ce  médecin  grec,  par 
Crassus  ,  avait  été  insérée  dans  cette 
intéressante  et  utile  collection.  Enfin, 
Haller,  donnant  une  nouveii;^  édition 
de  ces  Medicœ  artis  principes ,  en 
1772,  retoucha  encore  le  bel  Arétée, 
qui  compose  le  5^.  vol.  de  cette  édition 
in-8".;  mais  Haller,  dans  ce  travail, 
fut  inférieur  à  lui-même,  et  l'édition 
de  Boerhaave ,  quoique  antérieure  à  la 
sienne  ,  mérite  encore  aujourd'hui  la 
préférence.  Enfin  Lefcbvre  ds  Vi'le- 
brune ,  mort  depuis  peu  ,  en  avait 
fait  une  traduction  française ,  mais 
qui  n'a  pas  été  encore  imprimée. 
C.etA-.v. 


îoo  ARE 

ARETIN  (Léonard), ou  Léonard 
Bruni  d'Aiezzo.  Foy.  Bruni. 

ARETIN  (François).  /^.Accolti. 

ARETIN  (  Bernard  ) ,  surnommé 
XUnico  Aretino.  F.  Accoltî. 

ARÉTlN  (  Pierre  ),  l'un  des 
auteurs  italiens  du  seizième  siècle 
qui  fit  le  plus  de  bruit  ,  mais  qui 
dut  la  plus  grande  partie  de  sa  re'- 
putation  aux  excès  de  sa  plume.  La 
bizarrerie  de  sa  destinée  répond  à  celle 
de  son  génie.  FiJs  naturel  d'un  simple 
geptilhorame,  il  parvint  à  la  faveur 
des  princes  et  des  rois.  On  le  nomma 
leur  fléau ,  et  il  poussa  auprès  d'eux 
la  flatterie  jusqu'à  la  plus  basse  adu- 
lation :  il  eut  lui-mèuie  des  admira- 
teurs outrés  et  des  flatteurs  ,  malgré 
la  virulence  et  l'emportement  de  ses 
satires  :  aussi  rempli  de  jactance  et 
d'orgueil  que  de  fiel ,  il  souffrit  avec 
résignation  les  traitements  qu'on  ne 
hasarde  qu'avec  des  lâches  :  écrivain 
licencieux ,  au  point  que  son  nom  est 
devenu  celui  de  l'effronterie,  du  scan- 
dale et  de  l'obscénité  même ,  il  fut 
aussi  un  auteur  déV^ot ,  et  publia  un 
assez  grand  nombre  d'ouvrages  de 
piété,  qui  ne  paraissent  pas  lui  avoir 
plus  coûté  que  les  autres  ,  et  qu'il 
préférait,  quand  ils  lui  rapportaient 
davantage;  enfin,  auteur  souvent  au- 
dessous  du  médiocre,  sinon  dans  un 
genre  où  il  est  honteux  d'exceller,  il 
reçut  le  surnom  de  divin  ,•  il  se  le 
donna  lui-même  ,  le  répéta  ,  le  signa , 
comme  on  ajoute  à  son  nom  une  sei- 
gneurie ou  un  ornement  de  plus  à 
ses  armes.  Né,  en  1492,  dans  cette 
ville  de  Toscane  dont  il  a  jiresque 
souillé  le  nom,  il  n'y  fit  que  de  mé- 
diocres études  ;  mais  il  annonça  de 
bonne  heure  et  des  dispositions  brillan- 
tes ,  et  l'usage  qu'il  en  devait  faire  un 
jour.  Un  sonnet  contre  les  indulgences 
le  fit  chasser  d'Arczzo.  Réfugié  à  Pé- 
rouse ,  il  y  fut  d'abord  connu  j)ar  un« 


AfÎE 

polissonnerie  bouffonne.  Une  peinturé 
édifiante,  qui  ornait  la  place  publique, 
représentait  la  Madeleine  aux  pieds 
du  Christ,  tendant  les  bras,  dans  l'at^ 
titude  de  la  douleur.  Pierre,  qui  pei- 
gnait passablement ,  alla  ,  pendant  la 
nuit,  y  peindre  un  luth  qu'il  mit  entre 
les  mains  de  la  sainte  ,  et  l'on  conçoit 
quel  changement  cela  fit  dans  l'ex- 
pression du  tableau.  Il  subsista  quelque 
temps  à  Pérouse  de  l'état  de  relieur.  Il 
se  rendit  ensuite  à  Rome  à  pied,  et 
sans  autres  habits  que  celui  qu'il  avait 
sur  le  corps.  Il  parvint,  en  assez  peu 
de  temps,  à  être  attaché,  sans  que 
l'on  sache  à  quel  titre ,  au  pape  Léon  X; 
Il  le  fut  ensuite  à  Cléraeni  VII ,  succes- 
seur d'Adrien  VI.  Seize  infâmes  sou- 
nefs,  qu'il  fit  pour  les  seize  figures  obs- 
cènes dessinées   par  Jules  Romain  j 
et  gravées  par  Marc  -  Antoine  Rai- 
moudi ,  le  firent  sortir  de  Rome.  Jean 
de  Médicis ,  connu  dans  les  guerres 
d'Italie  sous  le  nom  de  chef  des  bandes 
noires ,  peu  effrayé  sans  doute  de  cette 
licence  de  mœurs,  l'appela  auprès  de 
lui ,  et  le  conduisit  à  Milan  ,  où  l'A- 
rélui  eut  l'occasion  de  se  rendre  agréa- 
ble à  François  P"".  De  retour  à  Rome , 
il  fut ,  peu  de  temps  après,  poignardé 
et  estropié  par  un  gentilhomme  bo- 
lonais ,  poiu-  des  vers  qu'il  avait  faits 
pour  ou  contre  une  cuisinière,  dont 
ils  étaient  amoureux  à  la  fois  ,  l'un , 
malgré  l'orgueil  de  son  talent,  l'autre , 
malgré     l'orgueil    de     sa    noblesse. 
N'ayant  pu  obtenir  justice  de  cet  as- 
sassinat, il  retourna  auprès  de  Jean 
de  Médicis ,  qui  le  prit  si  fort  en  ami- 
tié, qu'il  lui  faisait  partager,  non  seu- 
lement sa  table,  mais  sou  lit.  C'était 
alors  le  comble  de  la  politesse.  On 
n'est  pas  aujourd'hui  aussi  poli  entre 
hommes,  ou,  du  moius,  on  l'est  autre- 
ment. Jean  de  Médicis  ,  blessé  dans 
un  combat ,  mourut  peu   de  temps 
après  des  suites  de  ses  blessures ,  et 


A  r,  Ë 

i]  mourut  en  Ire  les  bras  de  son  clier 
Are'tin  ,  qui  montra  pour  lui,  pendant 
sa  maladie  ,  et  même  après  sa  mort , 
une  aflectiou ,  pour  ainsi  dire ,  pas- 
sionnée. Il  prit  alors  le  parti  de  vivre 
libre,  et  du  seul  produit  de  sa  plume. 
Il  alla  se  fis.er  à  Venise  en  i5'i7  :  il 
s'v  fit  des  amis  puissants,  dont  l'un, 
évêqne  suffragant  de  Vicence ,  le  ré- 
concilia avec  le  pape  Clément  VII,  et 
le  servit  si  bien  auprès  de  l'empereur 
Charles-Quint,  que  ce  monarque  lui 
envoya  une  de  ces  belles  chaînes 
d'or  que  l'on  portait  alors  au  cou  , 
comme  objet  de  luxe  et  comme  mar- 
que d'honneur.  François  1  "^.  ne  vou- 
lut pas  être  moins  généreux  que  son 
rival ,  et  fit  présent  à  l'Arélin  d'une 
chaîne  pareille.  Le  fameux  duc  de 
Lève  lui  fit  une  forte  pension.  Pierre 
provoquait  ces  libéralités,  en  déclarant 
de  temps  en  temps  que ,  puisque  les 
princes  chrétiens  récompensaient  si 
mal  son  mérite ,  il  passerait  chez  les 
infidèles ,  oii  il  irait  vieillir  dans  la 
pauvreté.  Outre  les  pensions  et  les 
présents,  écrivant  sans  cesse,  dans 
une  ville  où  il  lui  était  permis  de  tout 
imprimer,  il  gagnait,  selon  ses  pro- 
pres expressions,  mille  cens  d'or  par 
an ,  avec  une  rame  de  papier  et  une 
bouteille  d'encre.  Il  prit,  ])our  l'aider 
dans  ses  travaux,  le  célèbre  Niccolo 
Franco,  auteur  aussi  mordant  et  aussi 
impudent  que  lui,  mais  beaucoup  plus 
savant ,  surtout  en  grec  et  en  latin  , 
langues  dont  l'Arétin  ignorait  entiè- 
rement l'une,  et  savait  médiocrement 
l'autre,  quoique  dans  ses  écrits  sé- 
rieux ,  il  ne  fit  aucune  difficulté  de 
décider  et  de  trancher  également 
sur  toutes  deux.  Alors ,  sa  renommée 
s'accrut;  de  toutes  les  parties  de  l'I- 
talie ,  on  lui  écrivait ,  on  le  vantait , 
on  lui  adressait  des  dédicaces ,  et  l'on 
Venait  le  visiter.  C'était  une  jouis- 
sance pour  son  oi-gucil,  mais  c'était 

II. 


AËE  4ot 

aussi  une  perte  de  temps  à  laquelle  il 
trouvait l'emède, eu  se  réfugiant, pour 
travailler ,  chez  quelques-uns  de  ses 
amis,  ou,  comme  il  l'avoue  franche- 
ment, de  ses  amies.  Il  ne  dissimulait 
pas  plus  sa  vénalité  que  son  immo- 
ralité. Quelque  temps ,  il  tint  la  ba- 
lance des  louanges  égale  entre  Char- 
les-Quint et  François  l""".  ;  mais  le  mo-' 
narque  espagnol  lui  fit  une  pension 
de  200  écus ,  le  monarque  français 
ne  l'imita  pas  cette  fois  ;  toutes  les; 
louanges  furent  alors  pour  Charles  , 
et  le  nom  de  François  disparut  des 
vers  et  de  la  prose  de  l'Arétin.  On  lui 
promit,  au  nom  du  roi,  une  pension 
de  4oo  écus  ;  il  promit,  à  son  tour, 
que ,  dès  qu'il  aurait  reçu  le  brevet  de 
S.  M.,  il  célébrerait  p!us  haut  que 
jamais  sa  gloire.  Le  brevet  ne  vint  pas, 
et  le  poète  ne  chanta  plus  que  Charles^ 
Quint.  L'empereur  fit  bientôt  une  phi.< 
forte  recette  en  louanges  et  l'ArétÎ!! , 
en  traitements  honorables,  et  ce  qu'il 
aimait  encore  mieux ,  eu  or.  Chailes- 
Quint  ,  à  son  retour  en  Allemagne 
en  1543,  passant  sur  les  états  de  Ve- 
nise ,  le  duc  d'Urbiu ,  député  par  le 
sénat  pour  le  comphmenter ,  mena 
l'Arétin  avec  lui.  L'empereur,  qui  était 
achevai ,  comme  l'ambassadeur  et  soit 
cortège,  ayant  aperçu  le  poète  décoré 
de  sa  belle  chaîne,  lui  fit  signe  d'ap- 
procher ,  le  mit  à  sa  droite,  et  l'entre- 
tint, pendant  tout  le  chemin ,  jusqu'à 
Peschiéra ,  où  il  eut  encore,  avec  lui , 
une  conversation  longue  et  familière. 
Ce  fut  alors  que  l'Arétin  lui  récita  ua 
panégvrique  de  près  de  5oo  vers> 
plein  de  ces  exagérations  qu'il  n'y  a 
de  pudeur  ni  à  prononcer  ni  à  en- 
tendre. Une  somme  considérable ,  que 
l'empereur  lui  fit  compter  le  lende- 
main ,  prouva  qu'il  n'en  avait  pas  été 
blessé.  Les  ouvrages  de  dévotion  que 
l'Arétin  composait  à  Venise ,  en  même 
temps  que  les  œuvres  les  plus  obs- 


4o2  AU  E 

cènes ,  avaient  pour  but ,  outre  l'ar- 
gent, celui  de  se  coucilier  la  cuur  de 
Roiïie.  Les  bonnes  dispositions  de 
Paul  m  enhardirent  le  duc  de  Parme 
R  demander  por.r  lui  le  cîiapeau  de 
cardinal.  Jules  111  ;  qui  était  d'Artzzo, 
ayant  sucrédë  à  Fanl,  fut  si  touché 
d'un  sonnet  que  lui  adressa  son  com- 
patriote, qu'il  lui  envoya  mille  cou- 
ronnes d'or,  avec  le  titre  et  le  cordon 
de  chevalier  de  St.-Pierre.  Conduit  à 
Rome,  environ  trois  ans  après,  par 
le  duc  d'Urbin,  et  présente  au  pape, 
il  en  fut  accueilli  avec  honneur ,  pres- 
que avec  tendresse;  car  Jules  111  alla 
Jusqu'à  le  baiser  au  front,  jusqu'à  ap- 
pliquer les  lèvres  d'un  souverain  pon- 
tife sur  le  front  de  l'Arclin  1  Celui-ci 
ne  mit  plus  de  bornes  à  ses  espéran- 
ces; il  se  crut  sûr  de  ce  chapeau,  au- 
quel il  avait  réellement  l'ellVouterie 
d'aspirer.  Mais  tout  ce  grand  accueil 
n'ayant  rien  produit  de  solide,  il  revint 
à  Venise ,  où  il  ne  manqua  pas  de  dire 
et  d'écrire  qu'il  avait  refuse  le  cardi- 
nalat. L'àgc  ne  le  mûrissait  point.  Sa 
langue  et  sa  plume  conservaient  leur 
impudente  acrimonie.  L'Italie  reten- 
tissait de  ses  querelles  avec  ce  même 
Mccolo  Franco,  qui,  de  son  collabora- 
teur et  de  son  commensal ,  était  devenu 
son  plus  mortel  ennemi;  avec  un 
poète  milanais,  nommé  Albicanle,  qui 
avait  moins  d'esprit  que  lui ,  mais  non 
pas  moins  de  fiel  et  d'emportement; 
avec  plusieurs  autres  gens  de  lettres; 
et  il  n'était  pas  plus  circonspect  avec 
des  gens  qui ,  n'écrivant  pas ,  pouvaient 
se  venger  autrement  qu'avec  la  plume. 
On  a  vu  comment  il  avait  été  traite  à 
Rome  dans  sa  jeunesse.  Dans  d'autres 
occasions,  il  en  fut  quitte  pour  la 
peur;  mais  elle  fut  grande ,  et  il  y  avait 
de  quoi  s'en  souvenir.  Le  célèbre  ca- 
pitaine, ou  condottiere,  Pierre  Stroz- 
zi,  s'étant  mis  au  service  de  France, 
avait  ejiWv»  a  l'cmpcivui  U  forteresse 


ARE 

de  Marnuo;  TArétin  s'avisa  de  le  plai- 
sauter  dans  une  de  ses  satires.  Strozzi, 
qui  n'était  pas  plaisant,  lui  fit  dire  de 
changer  de  ton,  ou  qu'il  le  ferait  poi- 
gnarder jusque  dans  son  lit.  L'Arétin  , 
qui  le  connaissait  capable  de  lui  tenir 
parole,  eut  tant  de  frayeur,  qu'il  se 
tint  enfermé  chez  lui,  n'y  laissa  plus 
entrer  personne,  et  mena  jour  et  nuit 
la  vie  la  plus  misérable ,  jusqu'au  mo- 
ment où  le  capitaine  quitta  les  états 
de  Venise.  Deux  peintres  célèbres, 
le  Tintoret  et  le  Titien ,  s'étaient  brouil- 
lés :  l'Arétin  prit  parti  pour  le  Titien, 
qui  élait  son  intime  ami ,  et  ne  man- 
qua pas,  selon  sa  coutume,  de  se  dé- 
chaîner contre  le  Tintoret.  Celui-ci,  le 
rencontrant  un  jour  près  de  sa  maison , 
feint  de  tout  ignorer ,  lui  dit  qu'il  dé- 
sire depuis  long-temps  de  faire  son 
portrait,  le  fait  entrer  chez  lui,  le  pla- 
ce, et  tout  à  coup,  se  saisissant  d'un 
pistolet ,  vient  à  lui  d'un  air  menaçant. 
«  Eh!  Jacques,  s'écria  le  poète épou- 
»  vanté,  que  voulez-vous  donc  faire? — 
»  Prendre  votre  mesure,  »  lépondit 
gravement  le  peintre;  et  l'ayant  en 
effet  mesuré,  il  ajouta  du  même  ton  : 
«  Vous  avez  quatre  et  demi  de  mes 
»  pistolets  de  haut.  »  Cela  dit,  il 
reuvova  l'Arétin,  qui  ne  se  le  fit  pas 
dire  deux  fois.  Un  ambassadeur  d'An- 
gleterre ,  qui  avait  à  se  plaindre  de  lui, 
ne  se  contenta  pas  de  l'effrayer  ;  et  peu 
s'en  fallut  que,  dans  toute  la  force  du 
terme,  il  ne  le  fit  mourir  sous  le  bâton. 
Si  l'on  en  croit  ses  ennemis,  il  courut 
plus  d'une  fois  risque  de  finir  de  cette 
manière;  mais  il  élait  destiné  à  une 
mort  plus  gaie,  si  toutefois  le  gros  rire 
du  vice  est  vraiment  de  la  gai  té.  11  avait 
des  sœurs  qui  menaient  à  Venise  une 
vie  aussi  dissolue  que  la  sienne.  On  lui 
contait  un  jour  quelques-uns  de  leurs 
faits  galants  ;  il  les  trouva  si  comiques , 
qu'il  se  renversa  sur  sa  chaise,  en  riant 
aux  eckts.  La  chaiic  tomba,  il  frappa 


I 


ARE 

de  la  tête  sur  le  pave,  et  raourut  à 
Tinstant  même,  àç;é  de  soixante-cinq 
ans ,  au  milieu  des  convulsions  du 
rire.  Il  n'est  donc  pas  vrai,  comme  on 
l'a  dit,  qu'ayant  reçu  l'extrême  onc- 
tion, il  dit,  "en  riant,  ce  vers  impie: 

Guardatemi  da'  topi  or  che  son  unio, 

que  l'on  peut  rendre  par  celui-ci  : 

Me  voilà  bien  huilé  ,  préservez-moi  des  rats. 

Il  avait  conservé,  malgré  ses  deTiau- 
ches ,  un  tempérament  robuste  ,  et 
semblait  destiné  à  une  longue  vieillesse. 
La  nature  l'avait  très-lieureusement 
doué  :  il  avait  un  goût  inné  pour  les 
arts.  Il  fut  ami  du  grand  Michel-Ange, 
On  vient  de  voir  qu'il  le  fut  aussi  du 
Tiiien,  et  ce  fut  à  sa  recommandation 
que  Charles-Quint  employa  ce  dernier 
peintre.  Il  aimait  passionnément  la 
musique,  et  jouait  de  quelques  instru- 
ments; mais ,  ce  qu'il  aima  par  dessus 
tout,  ce  fut  l'argent,  la  table  et  les 
femmes.  On  a  vu  des  preuves  du  pre- 
mier de  ces  goûts  ;  quant  au  second,  il 
paraît  souvent,  dans  ses  lettres,  occupé 
de  bonne  chère,  et  c'était,  assure-t-on, 
par  gourmandise,  qu'il  ne  dînait  jamais 
Lors  de  chez  lui.  Il  eut  beaucoup 
de  maîtresses,  de  tout  rang  et  de  tous 
états.  Les  aima-t-il?  Leur  nombre,  la 
dépravation  scandaleuse  de  plusieurs 
d'entre  elles  ,  et  la  sienne ,  en  font 
douter;  mais  les  preuves  d'attachement 
qu'il  leur  donna  quelquefois,  le  fê- 
laient croire.  Tl  eut  trois  filles  natu- 
relles: dans  sa  famille,  on  ne  surpro- 
duisait pas  autrement;  et  il  fut  pour 
elles  un  très-bon  père.  S'il  aimait  l'ar- 
gent, c'était  pour  le  dépenser,  pour 
vivre  splendidement,  s'habiller  avec 
magnificence,  se  montrer  libéral,  et 
même  quelquefois  bienfaisant ,  tant  il 
réunissait  de  contrastes  dans  son  ca- 
ractère comme  dans  sou  esprit.  On  le 
loua  beaucoup  trop  pendant  sa  vie,  et 
surtout,  il  se  loua  beaucoup  trop  Uii- 


ARE 


4o5 


même.  La  postérité  en  a  fait  justice  : 
elle  a  couvert  son  nom  d'opprobre, 
quant  aux  mœurs;  et,  à f l'égard  du 
talent,  si  elle  a  conservé  de  l'estime 
poirr  quelques  uns  de  ses  ouvrages , 
elle  en  a  proscrit  un  bien  plus  grand 
nombre.  Voici  les  principaux  ;  car 
il  serait  aussi  long  qu'inutile  de  les 
citer  tous.  Ouvrages  en  prose  :  I.  ses 
dialogues  licencieux  en  italien  :  Ragio* 
namenti  del  Zoppin  fattofrate  e  Lo- 
doi'ico  p....niere  dove  si  contiene  la. 
vita  e  genealogia  di  tutte  le  corti- 
giane  di  Roma.  divisés  en  5  parties, 
dont  la  première  a  été  imptimée  à 
Venise  ,  i  555  ,  la  deuxième  à  Turin, 
i530,  la  troisième  à  >uvarre,  i558. 
Ll  V  en  a  eu  ensuite  plusieurs  éditions, 
avec  quelques  difiérences  dans  le  titre , 
et  des  additions  d'ouvrages  du  même 
genre;  entr'aulres,  avec  un  dialogue 
non  moins  obscène,  intitulé  la  P..., 
errante,  ovvero  dialor^o  di  Madda- 
lena  e  Giuiia,  que  la  plupart  des  bi- 
bliographes attribuent  à  Lorenzo  Ve- 
niero ,  élève  de  l'Arétin.  Mais  cet  élève  ^ 
digne  de  son  maître,  a  fait,  sous  le  même 
titre,  un  petit  poème  de  1 58  octaves;  le 
dialogue,  au  contraire,  esten  prose,  et 
l'Arétin  en  est  l'auteur,  (^n  les  trouve 
tous  réunis  dans  les  meilleures  édi- 
tions, entre  autres  dans  celle  des  El- 
zevirs,  i66o,  in- 12.  Il  faut  distin- 
guer, parmi  ces  dialogues,  celui  que 
l'on  désigne  par  le  titre  abrégé  Délie 
corti  (  des  cours  ).  Le  titre  entier  est  : 
Ragionamento ,  etc.  Dialogue  dans 
lequel  Pierre  Arétin  introduit  quatre 
de  ses  amis,  qui  parlent  des  cours 
de  ce  inonde  et  de  celle  du  ciel  :  il 
parut  dans  la  même  année,  i558,  à 
iNovare,  à  Venise,  et  ailleurs.  Celui-ci 
n'est  ni  licencieux  ni  obscène,  mais 
fort  ennuyeux.  On  y  dit  beaucoup  de 
mal  des  cours,  sans  plaire  à  ceux  qui 
ne  les  aiment  pas  :  ce  qu'il  v  a  de  sin- 
gulier^   c'est  qu'il  est  dédié  au   roi 

2G., 


4o4  ARE 

François  I-"".  La  forme  de  la  de'dicace 
n'est  pas  moins  singulière  que  le  reste. 
Elle  peut  donner  une  idée  du  tour 
d'esprit  de  l'auteur.  Elle  signifie  litté- 
ralement :   «  Ouvrage  offert  comme 
î)  l'hostie  de  la  vertu,  sur  l'autel  de  la 
V  renomme'e ,  consacre'   au  nom  du 
»  glorieux  François  P"".,  roi  de  Fran- 
»  ce, créature  sage,  et  ame  pleine  de 
»  valeur.  »  II.  1  sette  Salmi  délia  pe- 
7iitentia,  etc.  C'est  une  paraphrase  des 
sept  Psaumes  de  la  pénitence,  qui 
tranche  fortement  avec  ses  premiers 
dialogues ,  et  qui  passe  pour  le  mieux 
écrit  de  ses  ouvrages,  Venise,  1 554  , 
m-4°.,  et  réimprimé  j)lusieurs  fois,  en 
divers  formats,  tant  à  Venise  qu'ail- 
leurs. III.  7  trè  libri  délia  humanità 
di  Christo  (  trois  livres  sur  l'huma- 
nité du  Christ),  Venise,  i555,in-4^, 
et  ensuite  souvent  réimprimés,  comme 
les  sept  psaumes.  IV.  //  Gtnesi ,  etc. 
(la  Genèse) j  avec  la  vision  de Noé,  où 
l'on  voit  les  mystères  de  X Ancien  et 
du   Nom'eau    Testament,    Venise, 
I  558  et  1559,  in-8". ,  réimprimé  de 
même.  Ces  trois  derniers   ouvrages, 
sur  lesquels  11  n'y  a  rien  à  dire,  sinon 
qu'ils  sont  écrits  le  plus  sérieusement 
du  monde,  et  d'un  air  de  persuasion 
e'gal   à  celui  de  quelque  ouviage  de 
piété  que  ce  soit,  furent  iTCueillis  en- 
semble ,  dans  une  édition  donnée  par 
les  Aides,  en  i55i ,  in- 4".,  et  dédiés 
au   pape  Jules  III.  En  tète  de  cette 
édition,  l'Arétin  s'intitule  Del  sacro 
santo   Monte  humil   sperme  ,  parce 
que  Jules  III   était  de  la  f;iraille  del 
Monte  ,  et  il    ajoute  ,  comme  pour 
se  relever  de  cet  acte  d'humilité,  ce 
que  tout  véritable  homme  de  lettres 
désire  pouvoir  mettre  au  titre  de  ses 
ouvrages  :  E per  divina  s^azia  huomo 
îibero,  et  par  la  giâce  divine ,  homme 
libre.  Ces  trois  mêmes  ouvrages  ont 
été  traduits  en  français,  savoir  :    la 
rnraphrase  des  sept  Psaumes  ^  deux 


ARE 
fois,  l'une  par  Jean  de  Vauzelks? 
prieur  de  Montrotlier,  Lyon,  i54o» 
in-8°.  ;  l'autre,  par  François  de  Rosset, 
Paris,   i6o5,  in-i^;  les  trois  livres 
de  y  Humanité  dujils  de  Dieu ,  par 
le  même  Jean  de   V  auz.  Iles  ,  impii- 
més  vers  l'an  i549;  la  Genèse,  tra- 
duite par  le  même,  Lyon,  i54'-i.  Les 
Dialogues  obscènes   l'ont   aussi  été 
dans  notre  langue  :  on  nous  permet- 
tra de  n'eu  pas  indiquer  ici  les  édi- 
tions. V.  La  Fie  de  Ste.  Catherine , 
celle  de  la  Fierge  Marie,  et  celle  ele 
S.  Thomas  d'Aquin,  tro\s  ouvrages 
qui  parurent,  pour  la  première  fois, 
à  Venise;  les  deux  premiers  en  i54o, 
et  l'autre  en  i545,  ne  doivent  point 
être  séparés  des  précédents,  et  com- 
plètent cette  classe  d'écrits  pieux ,  tra- 
cés par    la    plume   la  plus    proftne, 
VI.  Nous  rangerons  sous   le  même 
N". ,  ses    cinq    comédies ,  la  Corli- 
giana  ,  il  Marescallo  ,  VHipocrito, 
il  Filosofo ,  et  la  Talanla ,  impri- 
mées successivement  à  Venise  depuis 
i555  jusqu'en  i555,  et  ensuite  en- 
semble ,  à  l'exception  du  Philosophe, 
en  i588,  sans  nom  tie  ville,   mais 
vraisemblablement  à  Paris.  Il  y  a  .  en 
général ,  dans  ces  comédies ,  peu  d'art 
et  encore  moins    de  décence;    mais 
de  la  verve  comique,  des  scènes  sin- 
gulièrement plaisantes ,  des  caractères 
bien  tracés,  un  dialogue  vif  et  animé, 
des  traits  de  satire  imprévus  et  har- 
dis ;  (Je  tous  les  ouvrages  de  l'Aré- 
tin ,  ©B  sont  aussi  ceux  dont  le  style 
est  le  meilleur ,  et  qui  peuvent  le  mieux 
justifier  l'admission  que   lui  ont  ac- 
cordée les  académiciens  de  la  Crusca , 
parmi  les  auteurs  qu'ils  citent  comme 
classiques.  VII.  Six  livres  tle  Lettres 
familières ,  imprimés  d'abord    l'un 
après  l'autre  ,  le  premier  dès  1  558  , 
et  le  sixième  en  i55-  ,  recueillis  en- 
suite en  6  vol. ,  Paris  ,  Mathieu  Le 
Maître,  iCog,  iu-8'.  Elles  sont  ai- 


ARE 
rieuses  pour  l'histoire  tic  la  vie  de 
l'auteur  ,  et  pour  la  connaissance  de 
son  caractère  :  il  est  impossible  de  se 
fi;^urcr ,  sans  les  avoir  lues  ,  la  bizar- 
rerie, la  jactance  ,  la  cupidité',  la  bas- 
sesse et  l'orgueil  de  ce  jx;rsonnage. 
Il  n'est  pas  difficiie  d'y  recueillir  assez 
de  traits  de  tous  ces  vices  pour  rem- 
plir des  colonnes  et  des  jiagcs  entières; 
mais  cela  est  plus  dégoûtant  qu'agréa- 
ble ou  utile  ,  et  il  en  reste  encore  , 
après  cela,  beaucoup  plus  à  dire  qu'on 
n'en  a  dit.  Ce  ne  sont  rien  moins  , 
d'ailleurs ,  que  des  modèles  de  style 
e'pistolauc  :  ce  style  doit  tenir  le  mi- 
lieu entre  l'ampoule  et  le  trivial  ;-l'A- 
re'tin  va  sans  cesse  de  l'un  à  l'autre 
des  deux  extrêmes  ,  sans  s'arrêter 
jamais  au  milieu.  Ouvrages  en  vers  : 

I.  les  iG  sonnets  obscènes,  Sonnetù 
lassuriosi ,  dont  on  a  parlé  dans  sa 
Vie  ;  ils  sont  extrêmement  rares  ,  et 
ne  peuvent  jamais  le  devenir  trop  ; 

II.  des  Rime  ,  Stanze  et  Capiioli, 
les  uns  remplis  de  louanges  outrées  , 
et  adressés  à  des  papes,  des  princes 
et  d'autres  puissances  ;  les  autres ,  en 
plus  grand  nombre ,  satiriques  et  li- 
cencieux. Ceux  de  cette  espèce  sont 
insérés  dans  plusieurs  recueils  ,  tant 
parmi  les  poésies  burlesques  du  Berni, 
du  Molza  et  d'auties  poètes  du  même 
genre ,  qu'ailleurs.  Dans  la  plupart  de 
ces  pièces,  l'auteur  est  moins  prodigue 
de  beautés  poétiques  que  d'ordures  et 
d'injures.   11  est  bien  loin  ,  pour  la 
délicatesse  d'esprit  et  de  style ,    des 
autres    poètes   satiriques  ,    auxquels 
on  l'a  associé.  III.    Ce  génie  entre- 
prenant essaya  de  s'exercer  dans  l'é- 
popée; il  en  commença   plusieurs  ; 
mais  il  s'arrêta  toujours  après  les  pre- 
miers efforts ,  et  laissa  imparfait  tout 
ce  qu'il  avait  tenté.    Ses   Dui  canti 
di   Marfisa  ,  dédiés  au  marquis  dcl 
Vasto ,  furent  suivis  d'un  5^  chant, 
et  réimprimés  ensemble  à  Venise  eu 


ARE 


403 


155"°  ;  mais  d  n'alla  pas  plus  loin, 
et  l'on  dit  même  que ,   mécontent  de 
ce  qu'il  avait  fait ,  il  exigea  de  son 
libraire  Marcoliui  qu'il  en  lirûlàt  trois 
mille  stances  ou  octaves ,  ce  qui  fe- 
rait \ingt-quatre  mille  vers.  Ses  La- 
grime  d'Angelica,  publiées  en  1 558, 
en  restèrent  aussi  aux  deux  premiers 
chants.  Quoique   Y  Orlandino  ,  qu'il 
avait  entrepris   pour  se    moquer  de 
rOr/a/i^/o,  fût  plus  conforme  à  sou 
génie  satirique  ,  il  s'arrêta  de  même  à 
la  sixième  octave  du  second  chant  ;  et 
il  ne  remit  jamais  la  main  à  aucune 
de  ces  trois  ébauches.  IV.  Enfin  ,  il 
manquerait  quelque  chose  à  l'audace 
de  ses    entreprises  ,   s'il   n'avait  osé 
faire  une  tragédie.  Il  l'osa ,  et ,  ce  qu'il 
y  a  de  plus  exti'aordiuaiie,  c'est  que 
ce  ne  fut  pas  sans  succès.  Le  sujet 
qu'il  traita  est  austère,  c'est  celui  des 
Horaces  :  il  le  traita,  dans  toute  sou 
austérité ,  un  siècle  avant    le  grand 
Corneille  ;  il  est ,  certainement ,  fort 
au-dessous  de  ce  grand  homme,  dans 
ses  trois  premiers  actes ,  quoique  l'on 
y  voie  une  certaine  fidélité  historique, 
une  connaissance  des  mœurs  et  des 
usages  civils  et  religieux  de  l'ancienne 
Rome ,   et  un  art  de  les  mettre  en 
scène,  qui  ne  sont  point  à  mépriser  ; 
mais  j'ai  osé  dire  ailleurs ,  que ,  dans 
les  deux  derniers  actes  ,   à  ne  parler 
que  du  plan  ,  il  paraissait  l'emporter 
à  son  tour.  La  cause  d'Horace,  meur- 
trier de  sa  sœur,  y  est  plaidée  par  son 
père  ,  d'abord  devant  les  décemvirs  , 
qui  le  condamnent ,  ensuite  devant 
le  peuple  assemblé  ;   c'est  le  peuple 
qui  juge  solennellement ,  et  si  l'auteur 
n'avait  pas  gâté  celte  fin  par  quelques 
inconvenances  ,  et  par  l'intervention 
d'un  dieu  dans  une  machine  ,  qui  lui 
a  paru  le  seul  moyen  de  dénouer  sa 
pièce ,  il  n'y  aurait  pas  la  moindre 
comparaison  à  faire  entre  les  deux 
dénoîimeuts.  Sa  tragédie ,  telle  qu'elle 


4o6  ARE 

est ,  est  celui  de  tous  ses  ouvrages 
qui  étonne  le  plus  ,  quand  on  connaît 
tous  les  autres.  La  Fie  de  VArélin 
a  ete'  écrite  avec  beaucoup  de  soin  et 
d'exactitude  ,  par  le  savant  Mazzu- 
chelii ,  Padoue,  1741  ,  in-8^.  Bois- 
pre'aux  en  a  publie',  en  i75o,in-i6, 
un  extrait  plutôt  qu'une  traduction  , 
où  l'on  trouve  beaucoup  de  fautes , 
comme  dans  presque  tout  ce  qui  est 
traduit  de  l'italien  eu  français.  Ou 
trouvera  ,  peutrèti-e ,  cet  article  trop 
long;  mais  on  parle  souvent  de  l'Aré- 
tin,  on  le  méprise  beaucoup,  et  ou 
le  connaît  peu;  j'ai  voulu  ,  non  qu'on 
k  méprisât  moins ,  mais  qu'où  le 
connût  davantage  ,  et  que  l'on  joi- 
gnît aussi  l'appréciation  de  ce  qu'il  a 
écrit  de  louable ,  à  ce  mépris  qui  lui 
<st  légitimement  dû.  G — e. 

ARETIN.  FoY.  Guy. 

ARÉTIUS  (  Benédict),  théologien 
rt  botaniste  ,  né  à  Berne ,  au  com- 
raencemeut  du  seizième  siècle.  Etroi- 
tement lié  avec  Conrard  Gessner  , 
surnommé  le  Pline  de  l'Allema- 
gne ,  il  fut  aussi  en  correspondance 
avec  la  plupart  des  savants  et  des 
botanistes  de  sDn  temps ,  et  parti- 
culièrement avec  ceux  de  la  Suisse. 
Occupé  surtout  des  plantes  des  Alpes, 
il  en  a  découvert  et  fait  connaître  en- 
viron 4o ,  qui  sont  très-rares ,  et  qu'il 
a  brièvement  décrites.  11  en  a  introduit 
plusieurs  daus  les  jardins ,  à  cause  de 
leur  beauté ,  en  indiquant  la  manière 
de  les  conserver.  Arétius  a  publié  la 
description  de  deux  montagnes  du  bas 
Symmenthal,  dans  le  canton  de  Berne, 
le  Niescn  et  le  Stokhorn  ,  remar- 
quables par  leur  hauteur  et  le  grand 
nombre  de  végétaux  qui  y  croissent. 
C'est  un  petit  ouvrage  ,  eu  forme  de 
lettre,  adressée  à Pipériuus  ,  sou  com- 
patriote et  son  ami  ;  elle  est  impri- 
mée à  la  suite  désœuvrés  de  Valéiius 
Cordus ,  sous  ce  titre  :  Slokhornii  et 


ARE 

Nessi  Helvetiœ  montium  ,  et  nos- 
centium  in  eis  stirpium  descriptio. 
impr.  in  operibus  Fal.  Cordi.  Stras- 
bourg, 1 56 1  .Conrard  Gessner  fîiit  l'é- 
loge d'Arétius ,  dans  son  Horius  ger- 
manicus  ,  et  dans  plusieurs  autres  de 
ses  ouvrages ,  et  il  a  nommé  Aretia 
une  des  plantes  qu'il  avait  fait  con- 
naître le  premier.  Hallcr  ,  et  ensuite 
Linné,  ont  conservé  ce  nom  à  la  même 
espèce  ,  et  l'ont  donné  au  genre  dont 
elle  fait  partie  ;  c'est  une  trcs-pelite 
plante  de  la  famille  des  primulacées. 
Arétius  a  mérité  cet  honneiu',  quoi- 
qu'il n'ait  pas  publié  de  grand  ou- 
vrage. Le  petit  nombie  de  plantes 
qu'il  a  le  piemier  fait  connaître,  suffit 
pour  le  placer  parmi  les  fondateurs  de 
la  botanique.  Arétius  a  aussi  publié 
quelques  ouvrages  de  théologie ,  et , 
entre  autres,  un  Examende  Théolo- 
gie ,  qui  a  eu  de  nombreuses  édi- 
tions ;  une  Fie  de  l'hérésiarque  Gen- 
tilis  ,  et  des  sermons.  Enfin  ,  embras- 
sant à  la  fois  tous  les  genres  ,  il  a 
donné  un  catalogue  des  comètes  cal- 
culées jusqu'au  temps  où  il  vivait;  des 
commentaires  sur  Pindare,  les  tables 
d'une  grammaire  hébraïtpie  ,  etc. 
D— P— s. 
ARÉUS  ,  fils  d'Acrotalus,  de  la 
première  branche  des  rois  de  Sparte, 
monta  sur  le  trône  après  la  mort  de 
Cléomènes  11,  son  grand-père,  l'an 
5t>9  avant  J.-C.  On  ne  connaît  pas 
l'histoire  des  premières  années  de  son 
règne;  mais,  vers  l'an  283,  Pyrrhus, 
roi  d'Épire,  à  l'iustigation  de  Cléo- 
nvme,  oncle  d'Aréus  ,  étant  venu  at- 
taquer Lacédémonc ,  tandis  qu'Aréus 
était  dans  l'île  de  Crète ,  où  il  avait 
été  appelé  par  les  Gortynicns,  il  revint 
tandis  qu'on  se  battait  encore ,  et  Pyr- 
rhus fut  repoussé;  il  alla  ensuite  au 
secours  des  Athéniens  ,  attaqués  par 
Antigone  Gonatas,  et  il  perdit  la  vie 
daus  uu  combat  contre  ce  priuce ,  aux 


ARG 

environs  de  Corintlie ,  i'an  268  avant 
J.-C.  Il  eut  pour  successeur  Acrotatus 
son  fils.  C— R. 

ARÉUS,  mal  nomme  Arius,  natif 
d'Alexandrie,  et  philosophe  pythago- 
ricien, suivant  l'opinion  la  plus  com- 
mune, fut  un  des  maîtres  d'Auguste, 
et  jouit ,  auprès  de  ce  prince  ,  d'une 
telle  faveur  que,  lors  de  son  entrée  à 
Alexandrie ,  après  la  défaite  d'Antoine 
et  de  Géopâtre  ,  Auguste  parut  au 
théâtre  ayant  son  maître  à  sa  droite , 
s'entretenant  familièrement  avec  lui , 
et  déclara  qu'une  des  causes  pour  les- 
quelles il  pardonnait  aux  habitants, 
était  son  amitié  pour  Aréus.  L'élo- 
quence et  la  philosophie  de  ce  der- 
nier étaient  si  persuasives,  qu'au  rap- 
port de  Sénèquc ,  il  contribua  puis- 
samment à  consoler  Livie  de  la  moi't 
de  son  époux.  Aréus  eut  deux  fils  , 
Dcnys  etNicanor.  On  a  prétendu  qu'il 
fut  lié  d'amitié  avec  Dioscoridc ,  et  que 
ce  dernier  lui  dédia  ses  livres  sur  la 
matière  médicale 5  mais  le  fait  n'est 
point  certain.  —  11  y  eut  un  autre 
Aréus  ,  philosophe  stoïcien ,  surnom- 
mé Didime.  D.  L. 

AREZZO  (  François  d'  ).  Foy. 

AcCOLTietGuY. 

ARFE  (  Juan  de)  ,  sculpteur,  né 
à  Séville ,  en  i(îo3,  commença  par 
étudier  son  art  dans  cette  ville,  et  lit 
ensuite  le  voyage  d'Italie  pour  se  per- 
fectionner. De  retour  dans  sa  patrie, 
il  exécuta  entre  autres  ouvrages  re- 
marquables les  Statues  en  marbre ,  et 
de  20  pieds  de  hauteur ,  des  Evan- 
gélistes  et  Docteurs ,  dans  la  chapelle 
de  communion  de  Séville.  —  Un  autre 
Juan  de  Arfe  Villafano ,  né  en  1 5^4 , 
à  Léon  ,  s'adonna  tout  à  la  fois  à  la 
sculpture  et  à  l'architecture.  Il  publia 
un  ouvrage  curieux  intitulé,  Quila- 
ladetj  c'est-à-dire,  l'Essayeur  de 
Vor,  de  Vargent  et  des  pierres  pré- 
cieuses ,  Yalladoyid,  1  S-j  2 ,  Madrid, 


ARG  407 

139861  i6';8.  Il  mourut  à  Madrid, 
en  iSqS  à  71  ans.  D — t. 

ARGAIZ  (  Grégoire  de  ) ,  moine 
espagnol  de  Tordre  de  S.  Benoît, 
vivait  dans  le  17^.  siècle.  Il  pu- 
blia, à  Madrid,  en  1667  ,  une  ^15- 
toire  ecclésiastique  de  V Espagne , 
qu'il  prétendait  avoir  tirée  des  écrits 
de  S.  Grégoire,  évèque  de  Grenade, 
et  de  la  Chronique  de  Haubert^  bé- 
nédictin ,  et  à  laquelle  i!  donna  le  titre 
suivant  :  Poblacion  ecclesiastica  de 
Espana,  y  noticia  de  sus  primeras 
hcfuras,  hallada  en  los  escritos  de  S. 
Gregorio  obispo  de  Granada  y  en 
el  Cronicon  de  ffauberto^  etc.,  'i  vol. 
in-fol.  Pour  accréditer  sa  fraude  pieuse , 
il  dédia  cet  ouvrage  à  la  majesté  su- 
prême et  souveraine  de  Dieu  ;  mais  les 
savants  ne  furent  pas  dupes  de  celte 
su]»ercherie ,  et  Garcia  de  Molina  con- 
vainquit bientôt  Argaiz  d'avoir  forgé 
les  prétendus  manuscrits  de  S.  Gré- 
goire, ainsi  que  celui  de  Haubert ,  et  d'a- 
voir puisé  dans  son  imagination  seule 
les  détails  de  son  histoire.    D — G. 

ARGELLATI  (  Philippe  ),  l'un  des 
plus  laborieux  écrivains  et  des  plus 
savants  litléraieurs  de  son  temps , 
naquit  vers  la  fin  de  l'année  i685,  à 
Bologne,  d'une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  celte  ville  ;  mais  qui  ét.ùt 
originaire  de  Florence.  Apres  avoir 
fait  ses  premières  études  dans  sa  pa- 
trie, il  se  rendit  à  Florence,  oîi  il  se 
lia  avec  les  divers  savants  de  cette 
ville,  et  en  particulier  avec  le  célèbre 
Antonio  Magliabecchi.  De  Florence  , 
il  passa  h  Lucqties ,  ensuite  à  Livourne, 
où  il  avait  dessein  de  s'embarquer  pouc 
venir  en  France  ;  mais  la  mort  d'un  de 
ses  oncles  le  força  de  retourner  dans 
sa  pat  ic.  Ce  fut  alors  qu'il  entreprit  de 
publier  les  ouvrages ,  tant  inédits  que 
déjà  imprimés,  d'Ulysse  Aldrovandi, 
avec  des  additions,  des  observations , 
et  des  correclious.  U  s'associa  pour 


4oS  A  R  G 

ce  2;raud  travail ,  plusieurs  professeurs 
avantageusement  connus  dans  les  dif- 
férentes parties  des  sciences  ;  mais  le 
plus  grand  nombre  de  ces  savants 
étant  morts  successivement  en  peu 
d'années  ,  il  lui  fallut  renoncer  à  l'en- 
treprise. Il  ne  tarda  pas  à  en  former 
d'autres.  Il  publia  d'abord  le  Recueil 
des  poe'sics  de  Carlantonio  Hedori , 
gentilhomme  bolonais,  Bologne,  !■]  i5, 
in-4".  Deux  ans  après  ,  s'e'tant  trouve 
à  Bologne  l'un  des  magistrats  qui  por- 
taient le  titre  de  tribuns  du  peuple,  il 
adressa ,  en  sortant  de  charge ,  un 
discours  éloquent  aux  ti-ibuns  ses  suc- 
cesseurs, sur  les  devoirs  qu'ils  avaient 
à  reraphr.  Ce  discours  eut  un  si  grand 
succès,  que  le  tribunal  même  ordonna 
qu'il  fût  transcrit  dans  ses  actes.  La 
plus  importante  des  entreprises  d'Ar- 
(fcUati,  futrcLlition  du  grand  Recueil , 
devenu  si  cc'ièbre  sous  le  titre  de  Scrip- 
iores  Berum  Italicarum.  JjC  savant 
Ivlnratcri  lui  avant  fait  part  du  dessein 
qu'il  avait  forme  de  rassembler  et  de 
publier  ces  anciens  écrivains  de  l'his- 
toire d'Italie,  lui  avoua  qu'il  e'iait  ar- 
rête' dans  son  projet  par  l'impossibilité' 
où  l'on  était  alors  de  trouver  en  Italie 
une  imprimerie  capable  de  i'cxc'cuter  ; 
en  effet  on  y  avait  laisse  de'choir  de 
la  manière  la  plus  dc'plorable ,  cet  art 
où  l'Italie  s'était  preVedeniment  acquis 
tant  de  gloire,  Argellati  jugea  que  l'en- 
treprise ne  pouvait  réussir  qu'a  Milan. 
11  s'y  transporta  aussitôt,  communi- 
qua le  dessein  do  ^ïuratori  au  comte 
(Charles  Archinto  ,  protecteur  des  let- 
îrcs  ,  et  sou  protecteur  particulier. 
Archinto  réunit  une  société  de  nobles 
Milanais  qui  prit  le  litre  de  Société 
palatine  ,  et  qui  s'engagea  ,  de  con- 
cert a\ec  lui ,  à  suppléer  aux  frais  de 
J'cdilion.  Il  y  en  eut  jusqu'à  seize  qui 
lournireut  chacun  qu.itre  mille  écus. 
Argellati  se  donna  tous  les  soins  né- 
vcssaires  pour  rétablissement  d'une 


ARG 

magnifique  impiiniciie.  Le  premier 
ouvrage  qui  en  sortit  fui  ce  pré.ieux  et 
volumineux  recueil.  Argellati  y  eut 
beaucoup  de  part  ;  ce  fut  lui  qui  ras- 
sembla et  qui  fournit  à  Muratori  le  plus 
grand  nombre  des  manuscrits  et  des 
notices  pour  les  premiers  volumes ,  et 
qui  en  rédigea  les  dédicaces ,  dont  la 
plupart  portent  son  nom.  Il  ne  laissait 
pas  de  conduire  en  même  temps  d'au- 
tres impressions.  La  ])lus  remarqua- 
ble est  celle  des  œuvres  de  Sigouius, 
in  JEdibus  palatinis  ,  achevée  en 
1758,  en  6  vol.  in-fol.  L'empereur 
Charles  VI,  à  qui  il  la  dédia,  et  qui 
l'avait  déjà  récompensé  de  la  dédicace 
du  premier  volume  des  Ecrivains  de 
V Histoire  d' Italie,  en  lui  accordant 
le  titre  de  son  secrétaire  et  une  pen- 
sion de  trois  cents  écns,  doubla  alors 
cette  pension.  Argellati  continua  de 
pubher,  avec  une  activité  inlàtigable, 
dincrenics  éditions  d'ouvrages  iinpoi- 
tants  pour  les  lettres.  Les  principales 
sont  :  le  Opère  inedile  di  Ludovico 
Castelvetro,  1727  ,  in -4'.;  le  Traité 
du  P.  Pietro  Grazioli ,  harnabite ,  Di; 
antiqids  Mediolani  œdijiciis,  1736, 
in  -  fol.  ;  Thésaurus  novus  veteriiin 
inscriptionwn  ,  de  Muratori ,  I75(), 
in-fol.  Les  réimpressions  faites  à  Mi- 
lan de  l'ouvrage  du  P.  Martcnne,  Do 
anti/fuis  ecclesiiP  ritiùiis,  des  Trans- 
actions philosophiques  ,  du  Recueil 
de  Dissertations  de  divers  auteurs  , 
Milan,  i7  5o,Z>e  Monetis  Italiœ , 
et  plusieurs  autres.  On  a  de  plus  de 
ce  laborieux  écrivain  :  ï.  Bibliolheca 
scriptorum  Mediolanensium ,  Milan , 
1745,  OL  vol.  in-fol.;  II.  Biblioîeca 
de  Fol^arizzalori  Italiam  ,  INIi- 
lan ,  5  vol.  111-4".  ?  pi''>l'ês  en  1 7G7  , 
et  un  grand  nombre  de  Dissertations 
ou  de  Lettres  éparscs  dans  diffé- 
rents recueils,  Argellati  mourut  à  Mi- 
lan ,  le  5  janvier  1735,  après  avoir 
eu  le  chagrin  do  perdre  sou  fils  Frau- 


ARG 

çois ,  qui  est  l'objet  de  rarliclc  sui- 
vant. Cl — É. 

AetGFXLATI  (François),  fils  du 
pre'cedcsît,  naquit   à  Bologne,   le  8 
mai  n  I  Ci.  11  se  livra  d'abord  à  i'c'tude 
de  la  philosophie  et  des  lois  ,  et  fut 
reçu  docteur  eu  droit  à  Padoue,  en 
i^Sf).   S'e'tant  ensuite  applique'  aux 
mathématiques  ,   et  spécialement  au 
gc'uierailitaire,  il  fut  nomme',  en  1740, 
ingénieur  de  S.  M.  C.  Il  joignit  ta  ces 
liantes  sciences  le  goût  des  lettres  la- 
tines et  italiennes.  L'exemple  de  son 
père  l'engageait  à  les  cultiver.  Il  vécut 
presque  toujours  avec  lui ,  soit  à  IVFi- 
lan,  soit  à  Bologne,  et  mourut  quelques 
mois  avant  lui  à  Bologne  ,  en  l'y 54. 
François  Argellali  a  pnbUé:  l.Pratica 
del  foro  Fenelo  ^   Venise  ,    1737  , 
in-4'.  ;  II.  Une  traduction  italienne 
de  l'ouvrage  du  savant  Huet,  de  la 
silnatioTidu  Paradis  terrestre,  i  737, 
in-8'. ;  \ll.  Saggio  d^una  nuova  ji- 
losofia,  Venise,  1740,  in-8''.;  IV. 
Storia  délia  nascilà  délie  scienze 
e  h  Aie  leltere,  etc. ,  Florence,  174^, 
iu-8".  Cet  ouvrage  devait  être  com- 
pose de  douze  volumes  ,  mais  le  pre- 
mier seul  a  paru.   V.   De  prœclaris 
Jiirisconsullis  Bononicns  ibus  Oratio, 
etc. ,  1 749  j  iu-4°- 1  S'Tis  nom  de  ville  ; 
mais  le  discours  est  suivi  d'une  lettre 
latine  de  Philippe  Argeliati  ,  père  de 
l'auteur  ,    qui    est    datée   de    Milan. 
VI.  Il  Decamerone ,  Bologne ,  1 75 1 , 
2  vol.  in-S".  Ce  Décaméron,  fait  à  l'imi- 
tation de  celui  de  Boccace,  contient 
de  même  cent  nouvelles  partagées  en 
dix  journées.  Les  sujets  en  sont  tirés 
de  quelques  faits  extraordinaires  rap- 
portés dans  les  Transactions  philnso- 
jjhiques  d' Angleterre, ou  dans  les  re- 
lations de  quelques  voyageurs  :  on  y 
voit  aussi  des  bons  mots,  des  histo- 
riettes curieuses  ou  galantes  ,  mais  oîi 
les  mœurs  sont  toujours  respectées. 
VU,  Novissimo  sistema  di  Jilosofia 


ARG  4or) 

alla  Capuccina.  a  van'aggio  di  cld 
non  pub  interternersi  in  lunghc  ap- 
plicazioni  a  qiiesto  studio ,  Modène, 
1 755 ,  in-8°.  11  avait  aussi  écrit  la  vie 
de  Jean  Gaston ,  grand-duc  de  Tos- 
cane ,  et  celle  d'une  sainte  religieuse 
du  tiers  ordre  de  saint  François  ;  mais 
ces  deux  ouvrages  n'ont  point  vu  le 
jom'.  G — E. 

A RGEN S  (  Jean -Baptiste  de 
BoYER,  marquis  d'  ) ,  naquit ,  le  ^4  i"in 
1 704  ,  à  Aix  en  Provence.  Son  père , 
procureur  -  général  au  parlement  de 
cette  ville  ,  le  destinait  à  la  magis- 
trature; mais  l'état  militaire  convenait 
mieux  à  ses  goîits  ,  et  il  y  entra  des 
l'âge  de  quinze  aus.  Ses  amours  avec 
la  belle  Sylvie,  dont  il  fait  le  récit 
dans  ses  Mémoires ,  lui  firent  quit- 
ter le  service  et  la  France,  pour  aller 
épouser  cette  comédienne  en  Espagne. 
Arrêté  à  la  demande  d'un  ami  de  sa 
famille ,  avant  d'avoir  pu  exécuter  son 
projet ,  il  fut  ramené  en  Provence  , 
et  bientôt  envoyé  à  Constautinople 
avec  l'ambassadeur  de  France.  Son 
séjour  dans  les  pays  musulmans  fut 
marqué  par  plusieurs  aventures  folles 
et  plaisantes,  qui  auraient  pu  lui  coû- 
ter la  vie.  De  retour  en  France,  il 
voulut  suivre  le  barreau  pour  com- 
plaire à  sa  famille  ;  mais  de  nouvelles 
liaisons  avec  des  actrices  l'enlcvèrenl 
encore  à  ce  grave  métier ,  et  il  finit 
par  reprendre  celui  des  armes,  il  fut 
blessé,  en  1754,  a«  siège  de  Kelh  ; 
et,  après  celui  de  PhiHsbourg  ,  il  fit 
une  chute  de  cheval ,  qui  le  mit  hors 
d'état  d'y  remonter  jamais  ,  et  dans 
l'obligition  d'abandonner  le  service. 
Déshériîé  par  siiu  père,  il  se  fit  écri- 
vain pour  vivre ,  et  passa  en  Hol- 
lande, afin  d'écrire  plus  librement. 
Ce  fut  là  qu'il  composa  ses  Lettres 
juives,  chinoises  ,  et  cabalistiques. 
Frédéric  II,  qui  n'était  encore  que 
prince  royal ,  désira  en  connaître  Y  ira 


4 1  o  A  R  G 

leur ,  et  se  l'attacher.  D'Argens  ré- 
pondit qu'avec  sa  taille  de  cinq  pieds 
sept  pouces ,  il  y  aurait  du  danger 
pour  lui  à  passer  près  de  Frédéric- 
Guillaume.  Ce  roi-caporal  étant  mort, 
son  Gis  écrivit  à  d'Argens  de  ne  plus 
craindre  les  bataillons  des  gardes ,  et 
de  venir  les  braver  jusque  dans  Post- 
dam.  Il  s'y  rendit,  l'ut  fort  bien  ac- 
cueilli, et,  après  quelque  temps  d'in- 
certitude sur  son  sort ,  reçut  la  clef 
de  chambellan ,  6000  liv.  de  pension , 
et  la  place  de  dirccteiu'-général  des 
belles-lettres  de  l'académie.  11  était 
des  soupers  et  de  la  société  habituelle 
du  roi,  qui  paraissait  le  préférer  à 
beaucoup  d'autres  ,  à  cause  de  sa 
bonhomie  et  de  sa  conduite  toul-à- 
fail  exempte  d'intrigue  et  de  tracasse- 
vie  ,  mais  qui  ne  l'en  épargnait  jias 
davantage  dans  ses  plaisanteries ,  et 
lui  jouait  même  nombre  de  tours  ma- 
lins ,  auxquels  il  donnait  lieu  par 
ses  manies  hypoconcbi.iques.  Pjes(|ue 
sexagénaire,  il  devint  amoureux  d'une 
comédienne,  nommée  Cochois,  et  l'é- 
pousa à  l'iusu  de.  Frédéric ,  qui  ne 
l'apprit  pas  sans  beaucoup  d'humeur, 
et  en  conserva  toujours  du  ressenti- 
ment. Après  la  guerre  de  sept  ans, 
étant  allé  voir  sa  famille  en  Provence 
pour  la  seconde  fois  ,  depuis  sou  éta- 
blissement en  Prusse,  Frédéric  ima- 
gina de  composer  sous  le  nom  de  Vé- 
vêqiie  d\4ix ,  et  de  f>iire  répandre  sur 
la  route  du  marquis  un  mandement 
où  il  était  signalé  et  excommunié  com- 
jne  impie.  Cet  écrit  lui  donna  d'abord 
de  vives  alarmes  ;  heureusement ,  il 
découvrit  la  ruse,  au  titre  diévéque 
d'Aix  ,  que  Frédéric,  par  mégarde, 
.'ivait  employé  à  la  place  de  celui 
à! archevêque.  r\etourné  en  Prusse,  il 
«'Ut  plus  que  jamais  à  souffrir  de  l'hu- 
meur caustique  du  roi-  il  demanda 
la  permission  de  faire  un  troisième 
voyage  eu  Provence  j  elle  lui  fut  d'a- 


ARG 

bord  refusée  ,  puis  accordée  pour  sis: 
mois  seulement.  11  retournait  auprès 
du  roi  ,  lorsqu'il  tomba  malade  à 
Boiug  en  Bresse  :  le  roi ,  qui  se  crut 
joué,  se  livra  à  des  emportements  in- 
dignes de  lui.  D'ArgeiiS ,  se  regardant 
comme  dégagé  de  sa  promesse,  reprit 
le  chemin  de  la  Provence,  où  il  passa 
environ  deux  ans  dans  un  petit  bien 
que  lui  avait  donné  l'un  de  ses  frères, 
trop  généreux  pour  ne  pas  enfreiridre 
en  sa  faveur  l'acte  d'exhérédation.  II 
mourut  le  i  i  janvier  177  i  ,  dans  sa 
soixante-huitième  année ,  après  avoir 
manifesté  des  sentiments  ,  et  même 
exercé  des  pratiques  de  dévotion  que 
sa  vie  et  ses  écrits  ne  faisaient  point 
attendre  de  lui.  Frédéric  lui  fit  éle- 
ver un  mausolée  dans  l'église  des  Mi- 
nimes d'Aix.  Ses  ouvrages  sont  :  I. 
Lettres  juives ,  1754,8  vol.  in- 1 2  ; 
II.  Lettres  chinoises,  1735,  6  vol. 
in-i'2  ;  III.  Lettres  cabalistiques  , 
1 769,  7  vol.  in-i  2  ;  IV.  Philosophie 
du  bon  sens,  1768,  3  vol.  in-r,i  ; 
V.  Mémoires  du  marquis  de  Mire- 
mon  ,  ou  le  Philosophe  solitaire^ 
1756,  I  vol.  in-12;  VI.  Nouveaux 
Mémoires  du  comte  de  Bonneval , 
publiés  sous  le  ni  m  de  Mirone,  i  717, 

4  vol.  in- r2  ;  VII.  Mémoires  du 
chevalier  de  ***,  1745  ,  'i  vol. 
in-8  '.  ;  VIII.  Mémoires  du  comte  de 
Vaxère ,  ou  le  faux  Rabbin,  i  707  , 
I  vol.  in-i:i  ;  IX.  Mentor  cavalier , 
1  750  ,  I  vol.  in- 12  ;  X.  Nonnes  ca- 
lantes, omV  Jmour embéç^uiné,  1 7 'jQ, 
i  vol.  in-  !•.>.;  XI.  Discours  de  l'em- 
pereur Julien  contre  les  cJiréiiens  , 
nouvelle  édition  ,  avec  des  notes  de 
Voltaire,  17G8,  i  vol.  in-8  ;  XII. 
Songes  philosophiques,  174<>?  '  '^f*'- 
in- 1  -i  ;  XIII.  Triomphe  de  la  f'ertu , 
ou  T\\rages  sur  mer  et  Aventures 
de  la  comtesse  de  Bressol ,  i']\i  ,, 

5  vol.  in- 1  '.i  ;  XIV.  Ocellus  lucanus^ 
traduit,  x  vol  ja-12;  XV.  Timée  de 


ARG 

Locres, lrac]n[l,\  vol.  iu-ia;XVI.  Ré- 
flexions critiques  sur  les  différentes 
Ecoles  de  peinture  ,   1750,  in-12; 

XVII.  Mémoires  secrets  delà  Répu- 
blique des  Lettres,  1  7 44  ?  7  '^'-  "^"  '  ^  '■> 

XVIII.  Lettres  philosophiques  et 
critiques ,  par  M""".  Cochois  ,  avecles 
Réponses  de  M.  d'Argens,  1744  j  * 
vol.  in- 12;  XIX,  Mémoires  du 
marquis  d'Argens,  nouvelle  édition, 
1807,  I  vol.  in -8°.  Ces  nombreux 
ouvrages,  fruit  d'une  philosophie  au- 
dacieuse que  ne  contenait  ni  la  crainte 
de  l'autorité' ,  ni  celle  des  jugements 
publics  ,  ont  joui  assez  long -temps 
d'une  sorte  de  vogue  qui  a  fait  piace 
au  dédain,  et  même  à  l'oubli.  L'ins- 
truction y  est  grande  et  variée,  mais 
emjiioyée  avec  trop  peu  de  goût ,  de 
critique  et  de  bonne  fui  ;  les  rappro- 
chements y  sont  quelquefois  ingé- 
nieux ,  mais  beaucoup  plus  souvent 
bizarres;  le  style  en  est  facile,  mais 
diffus  ,  chargé  de  néologismes,  et  en 
géiiéra!  entaché  de  tous  les  défauts 
qu'entraîne  l'habitude  d'écrire  vite  et 
beaucoup ,  dégénérée  en  métier  ou  eu 
manie.  —  Son  frère ,  chevalier  de 
Malte,  a  publié  des  Réflexions  sur  le 
dei>oir  et  Vétat  des  chevaliers  de  son 
ordre.  A — g — r. 

ARGENSOLA.  11  y  a  eu  deux 
poètes  espagnols  de  ce  nom.  Ils  étaient 
frères  et  naquirent  à  Balbastro ,  eu 
Aragon ,  d'une  famille  originaire  de 
Ravennes.  Leurs  poésies,  recueillies 
par  Gabriel-Léonard  d'Albion,  et  Ar- 
geusola ,  fîis  de  Lupercio ,  ont  été 
imprimées  sous  ce  titre  :  Rimas  de 
Lupercio,  i  del  doctor  Rarlolome 
Leonardo  de  Argensola  ,  Sarago- 
ce,  1654,  in -4".  Antonio  ( Nicolas  ) 
vante  beaucoup  leurs  poésies ,  et  d'a- 
près lui ,  Baillet  et  Feutry  ont  dit 
qu'ils  étaient  les  Horace  de  l'Espagne. 
Antonio  ajoute  «  que  la  parfaite  les- 
»  scmblance  de  leur  talent  les  a  faits 


ARG 


4rr 


»  prendre  par  leurs  compatriotes  pour 
»  des  jumeaux  d'Apollon  et  de  quel- 
»  que  Muse.  »  Lupercio  ou  Lobergo- 
Leonardo  d'Argeusola ,  né  vers  1 565 , 
fut  gentilhomme  de  la  chambre  du 
cardinal  Albert  d'Autriche,  sccrctaire 
de  l'impératrice  Marie  d'Autriche,  se- 
crétaire-d'état et  de  la  guerre  sous  le 
comte  de  Lemos  ,  vice-roi  de  Naples, 
où  il  alla  en  1 6 1  t  .  11  y  contribua  à 
la  foudatiou  de  ^^ Académie  des  Oi- 
sifs,  Pi  mouiut  en  161 5.  Il  avait 
composé  trois  tragédies  :  Isabelle , 
Philis ,  et  Alexandre.  —  Barthélemi 
Léonard  d'Argeusola,  né  eu  i566, 
successivement  chanoine  de  l'église 
métropolitaine  de  Saragoce ,  chape- 
lain de  rimjiéra'rice  Marie  d'Autriche, 
et  recteur  de  Villa-Hermosa,  accom- 
pagna son  frère  à  Naples  ;  et,  jiprès 
l'avoir  perdu ,  voyagea  quelque  temps , 
revint  à  Naples  ,  fut  nommé  historia- 
graphe  d'Aragon,  vint  s'établir  à  Sa- 
ragoce, et  y  mourut  le  26  février 
i65i.  Outre  ses  poésies  recueillies 
avec  celles  de  son  frère  ,  on  a  de  lui  : 

I.  Conquista  de  las  islas  Molucas, 
IMadrid,  1609,  in-folio  :  traduit  en 
français  sous  le  titre  ^Histoire  de  la 
conquête  des  îles  Moluques  ,  Amster- 
dam, 1706,  ou  1707,  5  vol.  in-12; 

II.  Primera  parte  de  los  anales  de 
Aragon  que  prosigue  los  de  Zurita , 
Saragoce,  i63o,in-fol.  Cette  pre- 
mière partie  est  la  seule  qui  ait  paru; 
ainsi  que  le  titre  l'annonce  ,  c'est  une 
des  continuations  des  Annales  d'A- 
ragon, par  Zurita  {Voy.  Zurita). 

III.  Quelques  Opuscules  qui  ne  mé- 
Titenl  pas  d'être  mentionnés.  A.  B — T. 

ARGENSON.  f^oy.  Le  Voyer, 
ARGENTAL  (Charles- Augustin 
DE  Ferriol,  comte  d'),  né  à  Paris, 
le  20  décembre  1700,  était  fils  de 
M.  de  Ferriol  ,  président  au  parle- 
ment de  Metz  ,  frère  de  Pont  -  de- 
Ycyîc,  l'auteur  du  Complaisant,  et 


4i2  ARG 

neveu  de  la  fameuse  M"'*.  doTencin. 
Destiné  à  l'état  militaire ,  il  accepta , 
par  déférence  pour  ses  parents,  une 
charge  de  conseiller  au  parlement  de 
Paris  ,  à  laquelle  son  frère  avait  re- 
noncé. Ayant  cédé  cette  charge  après 
quarante  ans  d'exercice ,  ii  fut  nommé 
iiiinislre  du  duc  de  Parme,  auprès  du 
roi  de  France.  Il  mourut  le  5  janvier 
1 7S8,  âgé  de  ([uatre-  vingt-  huit  ans. 
Dans  sa  jeunesse,  il  avait  été  éper- 
duement  amoureux  de  la  célèbre  ac- 
trice Lecouvreur.  Une  passion  d'un 
autre  genre ,  non  moins  forte ,  et  beau- 
coup plus  longue,  fut  celle  qu'il  eut 
]>our  Voltaire  :  elle  avait  commencé  au 
collège,  et  elle  ne  finit  qu'au  tom- 
beau. «  Son  admiration  pour  Voltaire, 
•-)  a  dit  La  Harpe ,  était  ua  sentiment 
w  vrai  ,  et  saus  aucune  ostentation  , 
»  il  adorait  ses  talents ,  comme  il  ai- 
»  mait  sa  personne,  avec  la  plus  grande 
5)  sincérité.  11  jouissait  véritablement 
»  de  ses  confidences  et  de  ses  succès  : 
»  il  n'en  était  pas  vain;  il  en  était  hcu- 
■»  reux  ,  et  de  si  bonne  foi ,  que  tous 
«  ceux  qui  le  voyaient ,  lui  savaient 
»  gré  de  son  bonheur.  »  Marmoutel, 
dans  ses  Mémoires  ,  le  représente 
comme  un  gobe-mouche ,  une  espèce 
d'imbécille  qui  ne  savait  ni  avoir  ni 
exprimer  une  opinion.  Il  est  difficile 
d'adopter  celle-ci  sur  le  compte  d'un 
horan>e  que,  pendant  soixante -dix 
ans  ,  Voltaire  consulta  docilement  sur 
tous  ses  ouvrages.  11  lui  est  échappé 
un  petit  nombre  de  vers  ,  qui  ne  man- 
quent ni  de  sentiment  ni  de  grâce.  Le 
jour  même  de  sa  mort ,  il  en  adressa 
d'assez  jolis  à  une  de  ses  plus  ancien- 
nes amies.  S'il  en  faut  croire  le  témoi- 
gnage de  cette  dame  ,  il  est  le  véritable 
auteur  du  Comte  de  Comminge  ,  que 
ÎM'"^.  de  Toncin  publia  comme  son 
Ouvrage.On  dit  encore  qu'on  a  trouvé 
dans  ses  papiers  p'.usieuis  pages  dos 
yinecdoles  de  la  cour  d'Edouard, 


ARG 
autre  roman  de  sa  tante,  entièrement 
écrites  et  raturées  de  sa  main. 

ARGENTI,  ou  ARIENTI  (  Au- 
GUSTiîv  ),  noble  Ferrarais  et  poète  ita- 
lien ,  florissait  vers  le  milieu  du  16". 
siècle;  il  fut  jurisconsulte  de  profes- 
sion ,  et  particulièrement  protégé  du 
cardinal  Louis  d'Est,  Il  mourut  le  20 
août  iS^ô.  Ce  poète  est  un  des  pre- 
miers qui  aient  écrit  des  pièces  de  théâ- 
tre dans  le  genre  pastoral  (  favole 
pastorali).  11  en  composa  une  en  vers 
libres  (  sciolii  ),  intitulée  :  lo  Sforlu- 
ncitOyfui'oIa  pastorale,  Venise,  1 56H, 
in-4". ,  et  la  dédia  au  cardinal  d'Est , 
son  protecteur.  Cette  pièce  fut  repré- 
sentée à  Ferrare  ,  au  mois  de  mai , 
1 567,  avec  le  plus  grand  succès.  Dans 
le  prologue  qui  la  précède,  Aigenti 
affirme  que  ce  fut  la  premièie  pasto- 
rale composée  en  italien  ,  et  qu'il  l'a- 
vait écrite  dans  sa  jeunesse  ;  elle  est 
divisée  en  cinq  actes,  sans  chœurs, 
et  avec  neuf  interlocuteurs.  On  a  en- 
core d'Argenti  :  Cavallerie  di  Fer- 
rara ,  ouvrage  dans  lequel  il  décrit 
les  fêtes  publiques  et  les  spectacles 
donnés  à  la  cour  des  ducs  de  Fer- 
rare.  G — E. 

ARGENTI  (  BoRso  ) ,  frère  du  pré- 
cédent, né  à  Ferrare,  comme  lui ,  se 
livra  aussi  d'abord  à  la  profession  des 
lois.  11  prit  ensuite  l'étal  ecclésiasti- 
que ,  et  fut  fiit  archi-prêlre  de  la  ca- 
thédrale de  Ferrare.  Envoyé  à  Rome, 
pour  les  alTiires  de  son  chapitre  ,  il  y 
mourut  en  i594'  '-'«'  poésie  italienne 
était  pour  lui  un  délassement.  Ou 
trouve  uu  essai  de  ses  t^dents  dans  le 
Rime  scelle  de'  poeti  Ferraresi.  On 
lui  doit  une  comédie  en  prose  :  la 
Prigione ,  Fi>rrare,  i58o  ,  in-8".,  et 
Venise  ,  1587  ,  in-12  ,  qui  est  re- 
gardée comme  l'une  des  meilleures  de 
ce  temps  -  là.  G — e. 

ARGENTIER  (Jean)  ,  médecin. 


ARG 

naquit  à  Qiiiers,  ville  de  Pie'monî, 
en  1  5  j  5.  Des  dispositions  naturelles 
qu'il  cultiva  avec  ardeur  ,  le  firent 
triompher  des  obstacles  que  dut  ap- 
porter à  sa  profession  le  peu  de  for- 
tune de  ses  parents.  En  1 539  ;  *'  eom- 
meuça  à  exercer  la  rae'deciue  à  Lyon  , 
où  il  avait  ete  attire'  par  son  frère 
aîné  ,  Bartliélcnii  ,  médecin  comr;ie 
lui  ;  il  y  resta  cinq  ans  ,  et  en  1 545  , 
passa  à  Anvers ,  puis  en  Italie  ;  il 
ens(.'ip;na  avec  succès  à  Naples  ,  à  Pise 
et  à  Turin ,  où  il  se  fixa ,  et  épousa 
?/îarguerite  Broglio ,  sœur  de  l'arche- 
vêque de  cette  ville.  Il  y  mourut,  en 
iS'ju,  âgé  de  cinquante  -  neuf  ans. 
Argentier  avait  reçu  de  la  nature  nu 
génie  actif ,  mais  qu'il  ne  sut  pas  di- 
riger ;  il  acquit  de  vasies  connaissan- 
ces dans  les  diverses  théories  qui  se 
sont  succédées  dans  la  médecine;  il 
savait  en  débrouiller  le  chaos  ;  mais 
entièrement  occupé  de  cette  étude  cri- 
tique, qu'on  pourrait  appeler  l'élude 
des  médecins ,  plutôt  que  celle  de  la 
médecine,  il  n'acquit  nullement  la  con- 
naissance des  mouvements  que  pré- 
sente la  nature  malade  ,  l'observation 
des  lois  qu'elle  suit  alors,  ni  enfin  ce 
tact  et  cette  expérience  qui  doivent 
diriger  dans  les  applications,  11  se  fit 
remarquer  par  les  préventions  les 
plus  injustes  contre  Galien  ,  et  il  y 
revient  sans  cesse  dans  ses  nombreux 
écrits  ,  imprimés  séparément  en  diffé- 
rents temps,  qu'on  a  réunis  plusieurs 
fois  après  sa  mort,  et  dont  l'édision 
la  plus  complète  est  celle  de  Hanovre, 
iu-fol. ,  lOio.  II  faut  joindre  à  ce 
volume  I  e  traité  de  £'n'ortZ'«5  veterum 
medicoruni,  Florence,  i555  ,  in-fol. 
C.  et  A— N. 
ARGENTRÉ  (  Bertrand  d'  ) ,  né 
à  Vitré,  en  iSip  ,  fut  pourvu  de  la 
place  de  sénéchal  de  Rennes,  que  son 
père,  l'un  des  hommes  les  plus  ins- 
truits as  so»  temps,  avait  occupée; 


ARG  4i5 

et ,  suivant  l'expression  de  Dumou- 
lin, fut  un  des  plus  beaux  ornements 
de  cette  famille ,  distinguée  par  sou 
rang  et  les  talents  qui  y  semblaient 
héréditaires.  A  la  prière  des  états  de 
Bretagne,  il  entreprit  d'écrire  l'his- 
toire de  cette  province,  et  son  ou- 
vrage fut  publié  à  Rennes,  eu  rSSi, 
in-fol. ,  et  à  Paris,  en  1 588.  Cette 
histoire  écrite  dans  le  style  du  temps, 
et  dépourvue  d'une  saine  critique  ,  a 
beaucoup  perdu  de  sa  réputation. 
Quoique  d'Argentré  ait  pris  Pierre  Le 
Baud  pour  guide,  et  qu'il  l'ait  copié, 
même  dans  ses  erreurs  ,  il  n'a  pas 
laissé  de  l'abandonner  en  plusieurs 
endroits  ,  et  souvent  pour  s'égarer  en- 
coie  davantage.  Le  Baud  s'était  ar- 
rêté au  duc  François  11  ;  d'Argentré 
a  donnéle  règne  de  ce  ]u-ince ,  et  celui 
de  sa  fille  Anne  de  Bretagne.  Celte 
partie  de  son  travail  est  une  des  plus 
défectueuses  ;  il  a  négligé  la  recherche 
de  beaucoup  de  pièces  utiles  ,  et  n'a 
pas  su  toujours  faire  un  bon  emploi 
de  celles  qu'il  avait  entre  les  mains. 
D'Argentré  a  aussi  publié  des  com- 
mentaires sur  la  Coutume  de  Bre- 
tagne ^  dont  Dumoulin  parle  avec 
éloge.  Il  avait  achevé  divers  autres 
ouvrages  qu'il  n'eut  pas  le  temps  de 
publier.  Les  ligueurs ,  qui  étaient  par- 
venus à  s'introduire  dans  lieimes  ,  en 
furent  bientôt  chassés  (  1 589'  ;  mais  le 
parti  du  roi  qui  redoutait  leurs  nou- 
velles entreprises ,  fit  sortir  de  la  ville 
les  gens  suspects.  Bertrand  d'Argentré 
fut  du  nombre  des  bannis ,  et  cette 
rigueur  abrégea  ses  jours.  Il  mou- 
rut, le  1 5  janvier  1 590 ,  à  l'âge  de  7 1 
ans.  Son  corps  fut  apporté  à  Rennes , 
et  inhumé  dans  l'église  des  cordeliers. 
Le  mauvais  goût  et  la  crédulité  qu'eu 
reproche  a  d'Argentré ,  tiennent  k 
l'époqiie  à  laquelle  il  a  vécu.  Ce  qui  lui 
appartient ,  à  plus  juste  titre ,  c'est  la 
géjiérosiîé  de  caractè/e,  et  les  pria- 


4i4  ARG 

cipes  cle  probité  dont  il  ne  se  dé- 
partit jamais.  S'il  piofita  du  travail 
de  ses  devanciers ,  il  a  mérite,  à  sou 
tour,  d'être  lu  -t  même  consulté  par 
ceux:  qui  ont  érrit  ,  après  lui,  sur 
l'histoire  de  Bretagne.  La  collectiou 
des  ouvrages  de  d'Argentré  a  été  pu- 
bliée en  160H  et  1612.  — Son  fils 
(CJiarles  d'Argentre  de  la  Bois- 
siÈre  ),  président  au  parlement,  fit 
de  nombreuses  corrections  à  l'His- 
toire de  Bretagne,  et  en  publia  une 
nouvelle  édition,  à  Paris,  en  1612, 
un  vol.  in-fol.  :  cet  ouvrage  ,  ainsi 
revu  et  corrigé ,  a  été  réimprimé  ,  à 
Paris,  en  1 6 1 8 ,  et  à  Rennes ,  eu  i  G68. 
D.  N  -  L. 
ARGENTRÉ  (Chaules  Duplessis 
d'  ) ,  évèque  de  Tuile ,  fils  du  doyen 
de  la  noblesse  de  Bretagne ,  naquit , 
le  iG  mai  iG-jS  ,  au  cliâteau  du 
Plessis,  paroisse  d'Argentré,  au  dio- 
cèse de  Reunes.  Il  se  distingua  pen- 
dant sa  licence  ,  fut  docteur  de  Sor- 
bonne  en  1700,  aumônier  du  roi  en 
1 709 ,  et  le  premic  r  à  qui  l'on  contera 
gratuitement  celte  charge,  évèque  de 
Tulh;  en  l'j^'5.  Ce  savant  prélat  fai- 
sait ses  délices  de  l'élude  de  la  théo- 
logie, et  y  employait  tous  les  moments 
que  les  fonctions  de  l'épiscopat ,  ([u'il 
remplissait  fidèlement,  lui  laissaient. 
Ou  a  de  lui  :  I.  des  notes  latines  sur 
VAnalyse  de  la  Foi,  de  Holden, 
Paris,  1G98;  II.  -apologie  de  Va- 
mour  qui  nous' fait  désirer  de  pos- 
séder Dieu  seul ,  par  le  motif  de 
trouver  notre  bonheur  dans  sa  con- 
naissance et  son  amour  ,  avec  des 
remarques  sur  les  maximes  et  les 
principes  de  M.  de  Fénélon,  Amst., 
1698,  iu-8'\;  III.  Traité  de  l'É- 
glise ,  Lvon  ,  1G98  ,  2  vol.  in  12  ; 
IV.  Elementa  theolo^iœ ,  etc. ,  Paris, 
170'.,  in-4" ,  suivis,  en  1705  ,  d'un 
u4ppendix  à  cet  ouvrage  ,  pour  s'ex- 
])liqucr  sur  quelques  sentiments  par- 


ARG 

ticulii^rs  qu'on  lui  avait  reprocliés  ; 
Y .  Lexiconphilosophicum  ,  la  Haye, 
1706,  in-4"'.;  ^  I-  ^^  proprid  ra- 
tione  qud  res  supernalurales  à  rehus 
naiuralibus  difjerunt ,  Paris,  i'"07, 
iu-4°.;  Vil.  Martini  Grandini  opé- 
ra, Paris,  1710,  6  vol.  in-8°.,  où 
il  inséra  plusif^urs  de  ses  ouvrages  ; 
VIII.  Colleciio  judiciorum  de  novis 
errorihus  ,  1726  ,  1755  et  17 5G,  5 
A'ol.  in-fol.  Ce  recueil  renferme  nu 
giand  nombre  de  pièces  importantes  , 
cuiieuses  ,et  dont  la  plupart  n'avaient 
pas  encore  été  imprimées  ;  IX.  Re- 
marques sur  la  traduction  de  l'E- 
criture-Sainte  de  Sacy ,  in-4".  ;  X. 
Instruction  pastorale  sur  la  juri- 
diction qui  appartient  à  la  hiérar- 
chie de  l'Eglise  ,  i  75t  ,  in-4  -7  XF. 
Dissertation  pour  expliquer  en  quel 
sens  on  peut  dire  qu'un  Jugement  de 
l'Eglise ,  qui  condamne  plusieurs 
propositions  de  quelque  écrit  dog- 
matique, est  une  règle  de  foi,  Tulle, 
1735,  in-i2,  supprimée  par  arrêt 
du  conseil;  XII.  plusieurs-  livres  de 
piété.  Ce  prélat  était  sur  le  point  de 
mettre  sous  presse  :  Theologia  de 
divinis  litteris  expressa  ,  lorsqu'il 
mourut  dans  son  diocèse,  le  27  oct. 
1740.  T — D. 

ARGENVILLE.  Foj.  Dezallier. 

ARGHOUN  ,  fils  d"'Holakoù .  fut 
choisi ,  d'un  commun  accord ,  par  tous 
les  grands  de  l'empire  Mogol  de 
Perse ,  pour  succéder  à  son  oncle 
Ahmed  ,  nommé  aussi  Tengddr;  il 
monta  sur  le  trône  de  la  dynastie 
llkhanyenne  régnante  à  Tauryz  ,  le 
27  du  mois  de  djomàdy  2".,  G85  de 
l'hégire  (11  août  1284J,  suivant  le 
Hhabyh  dl  -  Séir  de  Khondemyr. 
Aboul-Féda  place  le  même  événement 
au  mois  de  djomadv  i".,G82^août 
1285  .  Fait  prisouuier  et  gardé  se- 
crètement par  son  oncle  Abacà-Kliàn, 
il  ne  dut  la  yie  qu'à  la  haine  et  au 


ARG 

tncpris  qu'inspirait  ce  lâche  et  timide 
usurpateur,  ]1  avait  ordonne  de  faire 
périr  Arghouu  ',  mais  les  officiers 
charge's  de  cet  ordre  profitèrent  de 
l'absence  d'Abacâ  pour  rendre  la  li- 
berté' au  prisonnier.  Celui-ci  eut  bien- 
tôt réuni  un  gros  de  mécontents.  Il  se 
mit  à  la  poursuite  de  l'usurpateur,  le 
prit ,  et  fut  aussitôt  salué  empereur 
j)ar  toute  l'armée.  Arglioun  signala  son 
avènement  par  un  acte  de  perfidie 
atroce  bien  digue  d'un  Mogol.  Le  pré- 
sident du  dyvàn  ,  sous  le  règne  précé- 
dent, avait  cru  devoir  se  soustraire  par 
la  fuite  au  ressentiment  du  nouveau 
monarque.  11  avait  passé  d'Ispalhàn  à 
Cliyràz,  et  de  là  à  Hormouz  (  Orraus  ) , 
drins  l'intention  de  s'embarquer  pour 
l'Inde  ,  lorsque  les  protestations  les 
plus  rassurantes  d'Arghouu  l'engagè- 
rent à  revenir  sur  ses  pas.  Il  fut  mis 
à  mort  le  4  chaàbàn  de  la  même  année. 
Les  immenses  biens  qu'il  possédait 
dans  l'Irâc  et  dans  l'Azeibaidjàn  ,  fu- 
rent confisqués  au  profit  du  trésor 
impérial.  Un  Mogol,  nommé  Boucà  , 
succéda  au  pi'oscrit  dans  la  place  de 
président  du  conseil,  et  subjugua  son 
faible  souverain ,  au  point  d'être  bien- 
tôt déclaré  premier  ministre,  et  d'exer- 
cer réellement  l'autorité  suprême.  11 
reçut,  de  son  maître  le  titre  de  djeiih- 
sének  (l'invincible),  et,  parmi  un  grand 
nombre  de  prérogatives  ,  celles  de 
commettre  impunément  neuf  fois  le 
même  crime  ,  et  de  n'avoir  jamais 
d'autre  juge  que  le  monarque.  «Enfin , 
»  dit  Khondémyr ,  Arglioun  ne  garda 
»  que  le  titre  de  roi.  »  Boucà  se  con- 
duisit envers  le  peuple  avec  une 
équité  vraiment  remarquable.  Les 
honneurs  dont  il  était  environné ,  et 
l'absolu  pouvoir ,  l'enivrèrent  au  point 
qu'il  aspira  à  la  couronne,  et  forma  le 
projet  de  renverser  sou  bienfaiteur 
pour  occuper  sa  place.  Peut-être  aussi 
I4  jaiousiç  des  grands  et  les  ijitrigues 


A  Ë  G  4 1 5 

d'un  médecin  juif,  autrefois  cricur 
public ,  et  nommé  Saàd  êd-Dau!ah , 
contribuèrent -elles  à  la  chute  de  ce 
favori.  Au  reste,  il  fut  Uvré  par  ses 
propres  officiers,  et  périt  en  l'an  6qo. 
Sa  chute  entraîna  la  perte  de  tous  ses 
parents  et  de  ceux  qui  avaient  suivi  sa 
fortune.  Il  eut  pour  successeur  dans 
sa  place,  et  surtout  dans  la  faveur  du 
souverain,  ce  juif  dont  nous  venons 
de  parler;  les  soins  qu'il  donna  à  Ar- 
glioun ,  dans  une  maladie  assez  grave, 
assurèrent  sa  fortune  ;  mais  il  ne  de- 
vait pas  s'attendre  à  un  sort  plus  heu- 
reux que  celui  du  favori  qu'il  avait 
renversé  et  supplanté.  Aussitôt  après 
son  élévation ,  il  distribua  les  gou- 
vernements de  Baghdàd,  de  l'Azer- 
bàïdjàn  ,  du  Farsistân  ,  à  Fakhr  êd- 
Daulah  son  frère  ,  «  l'égal  de  Platon 
pour  la  sagesse,»  à  Cliems  êd-Dau- 
lah  et  à  plusieurs  de  ses  parents  ,  et , 
quoique  le  monarque  eût  confié  le 
gouvernement  du  Khoràçân  et  de  la 
Homélie  à  ses  fils  Ghazàn  et  Kaï- 
Khàtou  ,  le  nouveau  ministre  eut  l'au- 
dace de  les  destituer  et  de  les  rem- 
placer par  deux  de  ses  parents.  Au 
reste,  il  faut  convenir  que  jamais  le 
royaume  n'avait  été  aussi  florissant 
et  le  peuple  aussi  heureux  que  sous 
le  ministère  de  Saàd  êd-Daulah.  Les 
grands  et  les  généraux  n'osaient  com- 
mettre aucune  injustice  ,  aucune  es- 
pèce de  vexations  envers  les  cultiva- 
teurs et  autres  sujets  non  militaires. 
Cet  état  heureux  dura  deux  ans , 
c'est-à-dire,  autant  que  l'administra- 
tion de  ce  favori  ;  et  ce  temps  lui  suffit 
pour  amasser,  dans  le  trésor  public, 
une  somme  de  deux  mille  tomans 
d'or.  Chéri  des  peuples  comme  de  son 
prince,  le  ministre  affecta  peut-être 
trop  de  familiarité ,  et  voulut  tenir  les 
grands  à  une  excessive  distance.  Ceux- 
ci  ,  profondément  indignés  ,  saisis- 
saieut  ayec  empressement  toutes  les 


4i6  ARG 

occasions  qui  leur  paraissaient  favo- 
rables pour  perdre  l'odieux  ministre 
qui  les  reprisait  trop  pour  les  crain- 
dre, et  pour  s'imposer  la  plus  légère 
circonspection.  Un  jour  qu'il  jouait  au 
trictrac  avec  le  nionarque ,  irrité  d'a- 
voir battu  à  faux,  il  jeta  les  dés  à 
à  terre.  Un  grand,  qui  éiait  présent , 
releva  vivement  cet  acte  d'insolence  , 
mais  le  ministre  obtint  aisément  son 
pardon.  L'audace  de  Saàd  êd-Daulali, 
croissait  avec  sa  fortune.  Les  musul- 
mans furent  exclus  du  dyvàn  et  sup- 
plantés par  les  juifs  et  par  les  chrétiens; 
on  parla  deproiitnerla  Kaàbah,etd'cn 
faire  un  temple  d'idoles  :  d'autres  actes 
arbitraires,  dont  l'énumération  ser;)it 
])e.ucouj)  trop  longue,  provoquèrent 
•le  mécontentement  des  grands.  Une 
maladie  grave  menaça  les  jours  d'Ar- 
giioun  et  favorisa  les  projets  des  cons- 
j)irateurs.  Us  s'assemblèrent  chez  un 
des  principaux  nobles,  décoré,  chez  les 
Mogols ,  du  titre  de  Néi'jdn ,  et  s'é- 
tant  parfaitement  concertés,  «  ils  com- 
3>  mencèrent  par  s'emparer  des  affi- 
1)  dés  et  intimes  amis  de  Saàd  êd-Dau- 
»  lah;  on  les  envoya  dans  l'autre 
»  monde  ;  le  lendemain  ,  on  se  saisit 
n  de  Saàd  èd-Daulab  lui  même ,  et  lui 
»  avant  fait  boire  le  sorbet  de  la  dcs- 
»  truclion  dans  l'onde  d'un  cimeterre 
»  flambovant,  on  l'expédia  pour  le 
»  feu.  »  Les  Mogolset  les  musulmans 
furent  dans  le  ravissement  ;  tout  le 
monde  se  livra  aux  plus  vifs  trans- 
ports de  joie.  Arglioun ,  qui  était  faible 
et  languissant,  demanda  plusieurs  fuis 
son  favori,  et  fut  très-inquiet  de  ne 
plus  le  voir  paraître.  On  ignore  si  c'est 
le  chagrin  que  lui  donna  cette  catas- 
trophe, quand  il  en  fut  instruit,  ou 
quelque  cause  encore  plus  active,  qui 
le  conduisit  au  tombeau  ;  il  mourut  le 
mardi 'jt^  de  rabyi  i".,  l'an  690  (  du 
2  au  5  avril  1291  ),  laissant  quatre 
fils  ,  l'un  nomme  Ghazàji  -  Khàn  ) 


A?,G 

sa  mère  s'appelait  Cotluc  Eïkàhy  ^ 
Içoun  -  Tymour,  Oldjàïtou  -Sullliàn  , 
tous  deux  fils  de  Oudouk-Khàloun, 
mère  de  l'érnyr  Eirendiyz  -  Khataïs 
Oghoul,  fils  d«  ColluC'Khàtouu,  fille 
de  Cotluc-Boucà.  Parmi  ces  quatre 
princes  ,  deux ,  savoir  :  Gliazàn-Khân 
tt  Oldjàïtou,  montèrent  sur  le  tiône. 
L— s. 

ARGILLATA,  ou  DE  ARGEL- 
LAÏA  (  PiEBRE  de),  médecin  bolo- 
nais ,  y  prcjfessa  long-temps  la  logi- 
que, l'astronomie  et  la  médecine,  et  y 
mourut  eu  \^-2T).  H  est  un  de  ceux 
qui  ont  travaillé  à  perfectionner  la 
chirurgie  en  Italie.  Ses  écrits,  pleins 
d'ailleurs  d'observations  précieuses , 
sont  encore  remarquables  par  la  can- 
deur avec  laquelle  il  avoue  ses  pro- 
pres fautes.  Entre  autres  vérités  neu- 
ves pour  son  temps ,  on  y  trouve  le 
conseil  de  restreindre  beaucoup  l'u- 
sage de  la  suture  ;  une  méthode  cu- 
rative ,  plus  rationelle  pour  le  svina 
venlosa  ;  l'expression  de  ce  dogme 
])livsio!ogique  que  le  mouvement  peut 
s'éteindre  dans  les  muscles  indépen- 
damment du  sentiment.  Ses  ouvrages, 
en  moins  de  vingt  ans  ,  eurent  quatre 
éditions  :  Chirurgiœ  libri  sex ,  Ve- 
iictiis,  1480,  1492,  i4f)7,  •499»'"" 
foi.  Le  savant  Hallcr  parle  d'une  5' . 
édition  de  1 5'io,  in-folio.  C.  et  A — rv. 

AliGlROPULO.  V.  Argyropulo. 

AHGl Si  Boucher  d').  V.  Boucher. 

ARGILS.  Foy.  Policlète. 

AKGOLl  (  André  ),  mathémati- 
cien ,  né  eu  1570,  à  Tagliacozzo, 
dans  le  royaume  de  Napics  ,  étudia 
la  philosophie  et  la  médecine  ,  où 
il  lit  de  grands  progrès  ;  mais  il  ne 
put  se  défendre  des  rêveries  de  l'as- 
trologie. Ses  ennemis  tirèrent  avan- 
tage de  sa  faiblesse  pour  le  persécu- 
ter, et  il  fut  obligé  de  se  retirera  \  e- 
nise,  où  le  sénat  lui  fit  un  accueil  ho- 
norable ,  lui  fournit  des  iustruiuent» 


ARa 

jTOUi'  ses  observations ,  et  le  nomma 
professeur  de  mathématiques  dans  l'u- 
niversite' de  Padoue  ,  en  i6~>2.  Vers 
l'an  i64o,  il  fut  fait  chev.iiier  de  St.- 
Marc,  et  mourut,  en  i655,  àf^e  de 
quatre-vingt-un  ans.  On  a  de  lui  :  I. 
De  diebus  crilicis ,  A slroiiomicorum 
lib.  manus. ,  prohlemata  astrono- 
mica;  de  plus  ,  Primi  mobilis  ta- 
hulœ ,  Padoue,  n  vol.  in-4°. ,  i644? 
avec  le  portrait  de  l'auteur  j  II.  Obser- 
vations sur  la  Comète  de  i653,  im- 
primées en  latin  là  même  année;  III. 
des  Ephémérides ,  imprimées  d'abord 
à  Venise,  in-4  ". ,  en  i658,commen 
çant  à  i65o,  et  dédiées  à  la  républi- 
que ;  elles  furent  ensuite  réimprimées 
de  nouveau  à  Padoue  et  à  Lyon ,  avec 
des  continuations.  K. 

ARGOLl  (  Giovanni  ) ,  fils  du  pré- 
cédent, naquit  à  Taaliacozza,  dans 
l'Abbruzze,  vers  l'an  1609.  Il  s'appli- 
qua de  bonne  heure  à  l'étude  des 
belles-lettres ,  et ,  des  l'âge  de  quinze 
ans,  il  composa  et  pubha,  eu  italien, 
une  Idylle  sur  le  ver  à  soie ,  Bam- 
bace  e  seta,  idillio  ,  Rome  ,  1624  , 
in-i'2.  Deux  années  après,  enflammé 
d'énuilition  par  les  applaudissements 
que  valut  à  Gio.  Battista  Marini,  son 
poëme  d' Adonis ,  il  voulut  en  compo- 
ser un  du  même  genre; il  se  renferma 
dans  une  chambre,  dans  laquelle  on 
n'entrait  que  pour  lui  apporter  sa 
nourriture,  et  il  acheva ,  en  sept  mois , 
à  l'âge  de  dix-sept  ans,  son  poëme 
^Endyinion,  caiit.  XII ,  i6-i6,  iu-4". 
Ce  poëme  eut  tant  de  succès  ,  que, 
quuiqu'Argoli  l'eût  publié  sous  son 
nom,  on  avait  de  la  peine  à  croire 
qu'il  fût  de  lui,  et  qu'on  l'accusa  même 
de  l'avoir  pris  dans  les  papiers  de 
son  père,  qui  cependant  n'avait  jamais 
fait  de  vers.  En  i  G52 ,  il  suivit  à 
Padoue,  son  père  ,  qui  avait  obtenu 
une  chaire  de  mathématiques;  Jean 
s'y  livra  li  l'étude  de  la  jurisprudence , 

IT. 


ARG  417 

et  y  fut  reçu  docteur  en  droit  ;  bientôt 
après, il  abandonna  cette  science,  et 
retourna  aux  belles-lettres  ,  qu'il  en- 
seigna pendant  quelques  aniiées ,  et 
jusque  A'crs  l'an  iG4o,  à  Bohgne, 
avec  beaucoup  de  succès.  Il  revint 
encore  à  la  jurisprudence,  mais  sans 
ncVlig'^r  les  helks-leltres,  qui  lui  ser- 
vaient de  délassement;  il  occupa  dès- 
lors  dilTérents  emplois  civils  ,  dans 
l'état  de  l'Eglise  ,  et  il  obtint  er.tre 
autres ,  par  l'ei;trrn-ise  du  cardinal 
Anton-o  Barberini,  celui  de  podestà , 
ou  bailli,  à  Cervia,  et  ensuite  à  l.usio. 
Un  ne  connaît  pas  1  époque  précise  de 
sa  mort  ;  mais  on  croit  qu'elle  arriva 
vers  l'an  1660.  Argoli  ,  outre  ses 
poésies  it iliirnes  ,  a  composé  des 
vers  latins:  Epithalnmium  in  nuptiis 
Thaddei  Burberrini  et  Annce  Co- 
lumnœ  ,  Rome,  i(r2p,  iii-S".  —  latro 
Laurea  Gabrielis  Naudœi  Parisini 
grœco  carminé  inauv^urata  à  Leone 
Allatio,  latine  reddita  à  Barlholo- 
meo  Tortoletto  et  Johanne  Argolo, 
Rome,  i'y55,in-8  .  Quoique  la  poésie 
ait  été  l'occupation  favorite  d'Argoli , 
il  a  aussi  composé  des  ouvrages  sur  la 
philologie  et  l'archœologie:  on  a  de  lui 
une  lettre  sur  une  pierre  sépulcrale 
antique,  insérée  dans  le  premier  tome 
du  recueil  :  De  quœsilis  per  epislolas 
à  claris  viris  responsa  Fortunii  Li- 
ceti,  Bologne,  i64o  ,  in-4".,  page 
112,  sous  ce  litre  :  De  lapide  spe- 
culari  veterum  ,  Desypso  in  Ilercu- 
lis  Clrpeo,  et  De  impostura  lapidis 
indici  apud  Thuanum  :  elle  est  datée 
de  Padoue  ,  le  i"^.  juin  1609  ,  et 
adressée  à  Fnrtunio  Liceti  :  une  auti'e 
épitre  sur  un  temple  de  Diane  :  Epis- 
tola  ad  Jacobum  Philippwn  Tonta- 
sinum  de  templo  Dianœ  Nemuren- 
sis  ,  insérée  dans  l'ouvrage  de  Toma- 
sini ,  De  donariis  et  tabellis  votivis , 
1654,  iii-4"v  pag-  13-  (t  que  l'oa 
trouve  aussi  dans  le  Thesaur.  an- 

27 


4i8  ARG 

tiquit.  Romnji.  ,  de  J.  G.  Giaevius, 
tome  XII  ,  p.  7JI  ;  et,  enfui ,  une 
édition  des  traités  d'OnutVio  Pauvini, 
sur  les  jeux  du  cirque  et  sur  les 
tjiomphes  des  Romains.  Elle  a  paru 
a  Pad(uie,en  1 64 -i,  i  n-fol. ,  et  ensuite, 
dans  la  uiéiueviile,  en  1G81 ,  in-ful., 
sous  ce  titre  :  Omiphrii  Panvinii 
Feronensis  d-e  ludis  circensil>us  li- 
hri  II,  de  Iriuwphis  liber  I ,  quibus 
univers^  ferè  Romanoruin  veterum 
sacra  ritusque  declarantur  ac  fi- 
guris  œneis  illustrnntur ,  cum  notis 
Joannis  Arpoli  J.  U.  D.,  et  Addila- 
mento  Nicolai  PintHi.  On  la  trouve 
aussi  au  coinmcnccnicnt  du  ncuvièïuc 
tome  du  Thésaurus  de  Graevius.  Ar- 
goli  a  laissé  en  manuscrit  :  Vitœ  Co- 
lumellœ  et  Q.  Curtii  Rufi  ;  Aniinad- 
versiones  in  auclorem  ad  lleren- 
nium  ;  une  traduction  italienne  des 
Philippiques  de  Ciréron  ;  Libellas  de 
aqud  Marlid;  Commentaria  in  Ta- 
eiium;  Notiv  in  Juvenalem  et  Per- 
sium  ;  Indagines ,  ubi  expwtctioiies 
cuctorum  ac  ejotum  meuda  coiitinen- 
tur,  et  un  assez  gnind  nombre  de 
poésies    latines  et  italiennes.     K. 

ARGONNE  (Noël,  dit  Bonaveîv- 
ture),  né  à  Paris,  vers  l'an  i654, 
s'appliqua  à  la  inrisprudcnce,  et  exerça 
la  profession  d'avocat ,  jusqu'à  l'âge  de 
vini^t-liuit  ans.  Dégoûté  du  monde,  il 
entra  dans  l'ordre  des  charireux ,  oîi 
son  nom  de  Noël  lut  changé  en  celui 
de  Ronaventure.  Dans  sa  retraite,  il 
conserva  toujours  son  goût  pour  la  lit- 
térature, et  entretint  les  liaisons  qu'il 
avait  eues  dans  le  monde.  Il  mourut 
à  la  tlhartreuse  de  Gaillon,  en  Nor- 
mandie, le  a8  janvier  1704-  On  a  de 
lui  :  I.  Traité  de  la  lecture  des  Pè- 
res de  V Eglise,  deux  parties,  i()88, 
in-ii,  ouvrage  d  lit  Mabillon  fait  un 
^rand  éloge.  L'edilion  de  1O97,  qui 
est  la  meilleure,  est  divisée  en  quatre 
parties.  Les  deux  dernières  saut  de 


ARG 
Pierre  Pelhestre,  de  Rouen,  mort  en 
1710.  ILU Education,  maximes  et 
réflexions  de  M.  de  Moncade ,  avec 
un  Discours  du  sel  dans  les  ouvra- 
ges d^ esprit,  1691,  in-12;  III.  Mé- 
langes d'histoire  et  de  littérature , 
recueillis  par  P'igneul  -  Marville , 
Rouen,  3  vol.  in-12,  1699- 1701, 
imprimés,  pour  la  quatrième  fois,  eu 
1725,  Paiis,  3  vol.  in  12,  par  les  soins 
de  l'abbé  Banier,  qui  a  fait  beaucoup 
d'additions  au  3^  volume.  Ces  Mélan- 
ges sont  remplis  d'anecdotes  curieuses 
et  hasardées.  Ils  ont  été  réimprimés 
sous  le  litre  de  Figneul-Marvilliana , 
et  forment  les  tomes  5  et  6  d'une  collec- 
tion diAna,  1 789, 1  o  vol.  in-8'^.,  dont 
on  a  rafraîchi  le  titre  en  l'an  7  (i79ç)\ 
Parmi  plusieurs  articles  retranchés 
dans  cette  réimpression,  nous  cite- 
rons le  long  et  intéressant  passage  sur 
])lusieurs  religieux  de  la  congrégation 
de  S.  Maur.  D'Argonne,  qui  n'avait 
pas  mis  son  nom  à  son  premier  ou- 
vrage ,  et  qui  publia  les  autres  sous  les 
noms  de  Moncade  et  de  Vigneul- 
Marville ,  «  est,  dit  Voltaire,  le  seul 
»  chartreux  qui  ait  cultivé  la  httéra- 
»  ture  ;  »  mais  ce  n'est  pas  le  seul  qui 
ait  écrit.  A.  B — t. 

ARGOTE  (  Jérôme  Contador  d'  ) , 
savant  théatin  portugais ,  né  à  Collares, 
dansl'Estramadure,  en  1(376,  et  mort 
à  Lisbonne  en  17^9.  llfut  un  des  pre- 
miers membres  de  l'académie  rovale 
d'histoire  portugaise,  dans  les  Mé- 
moires de  laquelle  on  trouve  plusieurs 
dissertations  historiques  de  sa  compo- 
sition ;  mais  c'est  aux  ouvrages  sui- 
vants qu'il  doit  surtout  sa  réputation  : 
I.  De  Antiquitatibus  conventus  Rra- 
carugustani  libri  ir,  1728,  i  vol. 
111-4".  II  en  publia  une  seconde  édi- 
tion ,  aussi  in-4". ,  en  1758,  augmen- 
tée d'un  livre.  Cet  ouvrage  traite  de 
tout  ce  qui  a  rapport  aux  antiquités  de 
ce  pays  avant  que  les  Romains  en  fis  • 


ARG 

sent  la  conquête,  et  sous  leur  domi- 
nation ;  et  il  est  surtout  remarquable 
par  le  grand  nombre  de  raonumeiils 
que  ses  recherches  surent  déterrer , 
et  qui  s'y  trouvent  expliques.  II.  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  de  Vé- 
s^lise  primaliale  de  Brague ,  5  vol. 
in-4°.,  Lisbonne,  i  ^Sti-i  744?  I^ï-^*^- 
gras  de  lingoa  portugueza ,  i  vol. 
iu-S". ,  Lisbonne,  i^UJ.  Argote  a 
aussi  laissé  des  Sermons  el  des  Vies 
de  saints ,  qui ,  quoique  assez  bien 
écrites,  ne  méritent  pas  une  mention 
particulière.  C — S — a. 

ARGOU(  Gabriel),  avocat  ccicbre 
au  parlement  de  Paris,  naquit  dans  le 
Vivarais.  Il  fut  lié  avec  tous  les  savants 
de  son  temps ,  et  particulièrement  avec 
l'abbé  de  FIcury.  Sa  réputation  com- 
mença par  les  Mémoires  qu'il  fit  pu- 
blier en  i6'-4?  relativement  au  comté 
doNeufchàlel,  et  aux  différends  élevés 
entre  les  duchesses  de  Longueville  et 
de  Nemours  ,  pour  la  succession  de 
cette  souveraineté  ;  mais,  ce  qui  lui 
assura  un  rang  distingué  parmi  les 
jurisconsultes,  ce  fut  son  livre  intitulé: 
Institution  au  Droit  français ,  dont 
il  fut  fait  deux  éditions  pendant  sa  vie. 
On  prétend  qu'un  ouvrage  de  l'abbé 
de  Fleury ,  son  ami ,  ayant  pour  titre  : 
Histoire  du  Droit  français,  le  dé- 
termina à  composer  son  Institution. 
D'autres  ne  craignent  pas  d'affirmer 
que  cet  ouvrage  fut  composé  par 
l'abbé  de  Fleury  lui-même,  qui  en 
fit  présent  à  Argou.  Cette  assertion 
est  entièrement  dénuée  de  fondement. 
Argou  mourut  au  commencement  du 
18.  siècle.  Depuis  sa  mort ,  il  a  été  fait 
beaucoup  d'éditions  de  ses  oeuvres  ;  les 
meilleures  sont  celles  qui  ont  été  pu- 
bliées avec  des  augmentations  ,  par 
Boucher  d'Argis,  Paris,  1755,  1762, 
)77iet  1788,  2Vol.in-i2.  M—x. 
.  ARGUES  (Geuard  des).  V.H^- 

SARGULS, 


L 


ARG  419 

ÂRGYRE,  prince  et  duc  d'Itahe, 
fils  de  Melo,  puissant  citoyen  de  Bari , 
resserra,  en  io4o,  l'alliance  conclue 
par  son  père,  avec  les  fils  de  Tan- 
crède  de  Haute  ville ,  et,  par  leur  assis- 
tance, se  rendit  maître  de  Bari,  et 
prit,  en  i  o^'i ,  le  titre  de  duc  d'Italie, 
quoiqu'il  eût  à  peine  soumis  une  par- 
tie de  la  Pouille  et  de  la  Calabre.  Ma- 
niacès ,  le  général  grec  auquel  il  faisait 
la  guerre,  ayant  usurpé  la  pourpre, 
Argyre  put  se  réconcilier  avec  l'empe- 
reur Constantin  Monomaque,  l'ennemi 
de  son  ennemi.  Il  reçut  de  lui  les  titres 
de  patiice  et  de  catapan.  Ces  dignités 
nouvelles  l'éloignèrenl  des  Normands, 
contre  lesquels  on  le  vit  solliciter,  en 
1 046 ,  les  secours  des  Grecs.  Dès-lors, 
il  fut  toujours  à  la  tète  des  ligues  for- 
mées contre  ces  redoutables  conqué- 
rants. 11  conserva  jusqu'en  io58,  le 
gouvernement  de  Bari,  et  les  titres 
pompeux  que  la  cour  de  Constanti- 
nople  lui  avait  donnés.  Vers  cette 
époque,  il  paraît  qu'il  tomba  dans  la 
défaveur  de  l'empereur,  et  qu'il  mou- 
rut exilé  de  sa  patrie.  S.  S — i. 

ARGYROPULO  f  Jean),  né  à  Cons- 
tanlinople,  passa  en  Italie  vers  l'an 
1 4^4  7  et  séjourna  quelque  temps  à 
Padoue.  Il  retourna  ensuite  dans  sa 
patrie  ,  où  il  enseigna  la  philosophie; 
mais  les  Turhs  s'en  étant  emparés,  il 
se  rendit  à  Florence,  où  il  fut  accueilli 
par  Cosme  de  Médicis,  qui  le  chargea 
d'enseigner  la  philosophie  pciipatéli- 
cienne,  en  lui  assignant  un  traitement 
très-considérable.  Après  la  mort  de 
Cosme,  il  ne  fut  pas  moins  en  faveur 
auprès  de  Pierre  de  Médicis  ;  et  il 
compta,  parmi  ses  disciples,  Laurent, 
fils  de  Pierre ,  ainsi  que  le  célèbre 
Politien.  La  peste  s'étant  déclarée  à 
Florence,  il  passa  à  Rome,  où  il  en- 
seicjna  le  grec  et  la  philosophie,  et 
Reuchlin  y  fut  un  de  ses  auditeurs.  Il 
mourut  dans  cette  ville,  on  ne  sait 


420  A  R I 

daûs  quelle  année,  à  l'âge  de  soixante- 
dix  ans.  Il  avait  traduit  eu  latin 
plusieurs  ouvrages  d'Aristote,  et  avait 
fait  un  Comraentiiire  sur  la  morale.  Il 
avait  aussi  écrit  en  grec  plusieurs  ou- 
vrages, qui  sont,  pour  la  plupart, 
encore  manuscrits.  Ses  traductions 
d'Aristote  se  trouvent  dans  plusieurs 
anciennes  éditions  :  elles  ont  e'te'  ou- 
bliées, parce  qu'on  en  a  fait  de  meil- 
leures depuis;  nous  n'en  devons  pas 
moins  beaucoup  de  reconnaissance  à 
ceux  qui  ont  ainsi  ouvert  la  voie  au 
retour  de  l'érudition;  ce  qui  était  le 
plus  difficile.  Hody  a  publié  la  Vie 
d'Argyropulo ,  avec  celles  des  plus 
illustres  Grecs,  \'j/yi ,  m-^°.  G— r. 
ARIADNE,  impératrice  de  Cons- 
lanfinople ,  était  fille  de  l'empereur 
I.éon  1  "^.  et  de  Vérine.  Son  père  , 
voulants'attacherla nation  des  Isaures, 
fameuse  par  ses  brigandages  et  par 
une  valeur  indomptable  ,  attira  près 
de  lui  Trascalsée ,  l'un  des  chefs  de 
ces  barbares  ,  le  revêtit  de  la  dignité 
de  patrice,  et  lui  donna  en  mariage 
Ariadne  sa  fille  ,  en  4^)8.  Léon  étant 
mort ,  Ariadne  se  joignit  à  sa  mère 
Vérine  ,  et  leurs  intrigues  portèrent 
au  tronc  Trascalsée ,  qui  avait  quitté 
son  nom  pour  celui  de  Zenon.  Peu 
d'années  après,  Zenon  se  vit  forcé, 
par  la  révolte  de  Basilisque,  de  fuir 
en  Isauric  ;  Ariadne  le  suivit ,  et  op- 
posa son  courage  à  la  faiblesse  de  sou 
lâche  époux.  Rentrée  à  Constanti- 
nople,  après  la  défaite  de  Basilisque, 
elle  tempéra  la  cruauté  de  Zenon  dans 
le  châtiment  des  rebelles.  Plusieurs  cir- 
constances de  sa  vie  montrent  qu'elle 
n'était  pas  inaccessible  à  la  pitié.  Elle 
traversa  souvent  les  mauvais  desseins 
des  deux  princes  qu'elle  épousa  suc- 
cessivement ;  mais  ses  mœurs  dissolues 
et  la  mort  de  Zenon  flétriront  à  ja- 
mais sa  mémoire.  Depuis  long-temps, 
Ariadne  entjtvtenait  un  commerce  se- 


ARI 
cret  avec  Anastase-le-Silentiaire;  l'em- 
pereur en  avant  eu  des  soupçons  , 
l'impératrice  saisit  une  occasion  favo- 
rable de  se  soustraire  à  la  vengeance 
d'un  époux  outragé.  On  rapporte  que 
Zenon ,  qui  était  attaqué  d'épilepsie , 
fut  un  jour  saisi  d'un  accès  si  violent , 
que  ses  officiers  le  crurent  mort  ; 
Ariadne  s'empressa  de  le  faire  cou- 
vrir d'un  suaire ,  et  le  fît  porter  se- 
crètement au  tombeau  des  empereurs  j 
l'entrée  en  fut  fermée  par  une  pierre, 
et  on  y  mit  des  gardes,  avec  défense, 
sous  peine  de  la  vie ,  de  laisser  appro- 
cher du  tombeau ,  ou  de  l'ouvrir.  Ils 
obéirent ,  et ,  malgré  les  cris  lamen- 
tables de  Zenon ,  ils  n'osèrent  lui  don- 
ner aucun  secours.  Ce  malheureux 
prince  mourut  de  rage  ,  en  se  ron- 
geant les  bras  avec  les  dents.  Qua- 
rante jours  après  la  mort  de  Zenon, 
Ariadne  épousa  publiquement  Anas- 
tase  ,  qu'elle  avait  eu  l'adresse  de  faire 
élire  empereur.  Il  ne  paraît  pas  qu'elle 
ait  pris  part  aux  événements  arrivés 
sous  le  règne  de  ce  prince.  Elle  mou- 
rut sexagénaire ,  en  5 1 5  ,  sans  laisser 
de  postérité.  L — S — E. 

ARIARATHE  ,  nom  de  plusieurs 
rois  de  la  Cappadoce.  Le  premier 
était  fils  d'Ariarancs ,  et  lui  succéda. 
Il  rendit  de  grands  services  à  Ar- 
taxercès  dans  son  expédition  contre 
l'Egypte,  et  ce  prince  l'en  récompensa 
magnifiquement.  Il  vivait  vers  l'an 
55o  avant  J.-C.  Il  eut  deux  fils ,  Aria- 
rathe  et  Arézas  ;  mais,  conune  ils  étaient 
fort  jeunes  lorsqu'il  mourut,  il  laissa 
la  couronne  à  Olopherne  son  frère , 
avec  qui  il  avait  toujours  vécu  dans  la 
plus  grande  union.  C — r. 

ARIARATHE  II  ,  fils  du  précé- 
dent ,  succéda  à  Olopherne ,  son  on- 
cle. Alexandre-le-Grand ,  étant  entré 
dans  l'Asie  sous  son  règne ,  il  resta 
fidèle  au  roi  de  Perse  ;  mais  comme 
sou  pays  ne  se  trouvait  pas  sur  k- 


ARI 

passage  de  l'armëe  macédonienne,  on 
le  laissa  tranquille  :  il  en  profita  pour 
mettre  ses  forces  sur  un  pied  res- 
pectable. Après  la  mort  d'Alexandre  , 
Perdiccas  alla  l'attaquer ,  et ,  l'ayant 
vaincu  et  fait  prisonnier,  le  fit  mettre 
en  croix ,  ainsi  que  tous  ceux  de  la 
famille  royale  qui  tombèrent  entre 
ses  mains.  Cependant ,  un  des  fils 
d'Ariarathe  parvint  à  s'échapper. 
C— R. 
ARIARATHE  III ,  ou  F^ ,  suivant 
ceux  qui  ne  commencent  qu'à  lui  la 
suite  des  rois  de  Cappadoce  ,  trouva 
le  moyen  de  s'échapper  lorsque  son 
père  fut  pris  par  Perdiccas  ,  et  se  re- 
tira dans  l'Arménie.  Perdiccas  et  Eu- 
mènc  s  étant  morts ,  il  profita  de  la 
guerre  qui  s'était  allumée  entre  An- 
tigone  et  Séleucus  ,  et,  étant  revenu 
dans  la  Cappadoce  avec  des  troupes 
qu'il  avait  eues  d'Ardoatus  ,  roi  d'Ar- 
ménie ,  il  défit  les  Macédoniens,  tua 
Amyutas ,  leur  général ,  et  se  remit 
en  possession  des  états  de  son  père  , 
vers  l'an  5io  avant  J.-C.  Il  eut  trois 
fils  ,'  dont  nous  ne  connaissons  qu'A- 
riamnès  ,  qui  lui  succéda.      C — r. 

ARIARATHE  IV,  fils  d'Ariam- 
nès  II,  vivait  vers  l'an  25o  avant 
J.-C.  Il  épousa  Stratonice ,  fille  d'An- 
tiochus  Théos.  Son  père  l'associa  au 
trône  de  son  vivant ,  et  lui  laissa  ses 
états  en  mourant.  Son  alliance  avec 
les  rois  de  Syiùe  lui  fît  adopter  l'u- 
sage de  la  langue  grecque  ,  qu'on 
trouve  employée  sur  une  médaille  qui 
nous  reste  de  lui.  Il  eut  un  fils  nom- 
mé Arlaralhe  comme  lui.     C — r. 

ARIARATHE  V,  fils  du  précèdent, 
était  encore  enfant  lorsque  son  père 
mourut,  vers  l'an  110  avant  J.-C.  Il 
épousa  Antiochis ,  fille  d'Antiochus-le- 
Grand ,  roi  de  Syiie ,  et  prit  le  parti 
de  ce  prince  dans  les  guerres  contre 
les  Romains.  Antiochus  ayant  été 
vaincH ,  Ariarathe  deœauda  la  paix 


ARI  45t 

à  Manlius  ,  qui  exigea  de  lui  six  cents 
talents  ;  mais ,  par  considération  pour 
Eumènes ,  qui  venait  d'épouser  la  fiJlc 
d'Ariarathe ,  cette  somme  fut  réduite  à 
trois  cents  talents.  Il  fit  ensuite ,  de 
concert  avec  son  gendre,  la  guerre  à 
Pharnace,  qu'il  força  à  demander  la 
paix.  Antiochis ,  épouse  d'Ariarathe , 
ayant  été  long-temps  sans  avoir  d'en- 
fants, et  croyant  n'en  avoir  jamais  , 
s'en  était  supposé  deux  à  l'insu  de 
son  maii ,  et  les  avait  nommés  Aria- 
rathe et  Olopheme.  Etant  devenue 
enceinte  quelque  temps  après ,  et  étant 
accouchée,  à  diverses  époques,  de  deux 
filles  et  d'un  fils;  elle  dévoila  le  secret 
de  la  naissance  des  deux  princes  ; 
comme  ils  étaient  déjà  grands ,  Aria- 
rathe ,  qui  avait  conçu  de  l'attache- 
ment pour  eux ,  envoya  Aiiarathe  à 
Rome ,  et  Olopheme  dans  l'Ionie , 
pour  qu'ils  ne  pussent  pas  disputer  le 
trône  à  son  fils  légitime.  Il  mourut 
vers  l'an  168  avant  J.-C.      C — b. 

ARIARATHE  \  I  ;  suinommé  Pm- 
LOPATOR ,  était  fils  du  précédent.  Il 
se  nommait  Mithridate ,  et  ne  prit 
qu'en  montant  sur  le  trône  ,  vers  l'an 
168  av.  J.-C,  le  nom  d'Ariarathe. 
Son  père  voulut  lui  céder  la  couronne 
de  son  vivant ,  mais  il  la  refusa.  Son 
premier  soin  ,  lorsqu'il  parvint  au 
trône  ,  fut  de  renouveler  l'alliance 
avec  les  Romains;  il  piit  ensuite  les 
armes  pour  rétablir  sur  le  trône  Mi- 
throbarzane ,  roi  d'Arménie.  Démé- 
trius  Soter  ,  roi  de  Syrie ,  ayant  voulu 
lui  faire  épouser  Laodicé  ,  sa  sœur  , 
Ariarathe  la  refusa  ,  et  Démétrius, 
irrité,  donna  des  secours  à  Olopheme , 
dont  il  a  été  question  plus  haut ,  lequel 
se  prétendait  légitime  héritier  du 
rovaume  ;  Ariarathe  ayant  étéchassé  de 
ses  états,  malgré  les  secours  d'Eumè- 
ues',  roi  de  Pergame  ,  se  réfugia  à 
Rome  ,  et  le  peuple  romain ,  quoique 
son  allié, se  contenta  d'ordonner  qu'il 


k 


4'ic»  A  R I 

partageraitleroyauraeavecOîoplierne. 
Il  parvint  cependant ,  pai-  la  suite ,  à 
recouvrer  tous  ses  états,  tant  par  le 
secours  d' Attale ,  qu'en  épousant  Lao- 
dicc.  La  î^uerre  s'étant  déclarée ,  quel- 
que temps  après ,  entre  les  Romains 
et  Aristonicus ,  qui  réclamait  le  royau- 
me de  Pergamc  ,  Ariarallie  se  joignit , 
avec  ses  troupes ,  à  l'armée  romame 
que  couimaudait  P.  Crassus,  et  il  périt 
dans  la  bataille  où  ce  général  fut  dé- 
fait. Il  avait  été  élevé  à  la  manière 
grecque  ,  avait  tait  de  grands  progrès 
dans  les  lettres  et  dans  la  philosophie, 
et  sa  cour  fut  fréquentée  par  les  sa- 
vants. 11  avait  eu  de  LaoïUcé  plusieurs 
fils,  à  qui  les  Romains  donnèrent  la 
Cilirie  et  la  Lvcaonic,  en  récompense 
du  dévoûmeijî  de  leur  père.    C — R. 

ARIABATHE  VII,  surnommé  Epi- 
PHA^E  ,  échappa  seul  des  six  fils  du 
précédent,  à  la  cruauté  de  sa  mère, 
qui,  voulant  régner  seule,  sacrifia  cinq 
de  ses  enfants  à  son  ambition.  Celui 
dont  nous  parlons ,  ayant  trouvé  le 
moyen  de  se  soustraire  à  sa  fureur, 
fut  mis  sur  le  trône  par  le  jjeuple  ,  qui 
fit  mourir  cette  femme  barbare.  Il 
épousa  Laodicé ,  fille  du  célèbre  Mi- 
thridate;  mais  ce  prince  ([ui  sacrifiait 
tout  à  son  ambition  ,  le  fit  assassiner 
par  un  certain  («ordius ,  ])our  s'em- 
parer de  ses  états  :  i!  aurait  aussi  lait 
périr  ses  fils ,  s'il  n'avait  pas  été  pré- 
venu par  Nicomède  ,  qui  s'empara  de 
la  Cappadoce ,  et  épousa  Laodicé. 
Alors  Mithridate  feignant  de  piendre 
le  paru  de  son  neveu  ,  attaqua  Nico- 
mède, et  le  chassa  de  la  Cappadoce  , 
qu'il  rendit  à  Ariarathe  Mil.  Ariara- 
the  VII  fut  tué  vers  l'an  1 17  av.  J.-C. 
C— R. 

ARTARATIIE  VIII  ,  surnommé 
PniLOMÉTOR  ,  fils  du  précédent  ^  fut 
plaie  sur  le  trône  par  IVlithridaîe.  Co 
prince  qui  ne  chercbait  qu'iui  pré- 
texte pour  s'emparer  de  la  Cappadoce, 


ARI 

voulut  l'obliger  à  rappeler  Gordius  , 
l'assassin  de  sou  père.  Ariarathe  s'y 
étant  refusé  ,  Mithridate  lui  déclara 
la  guerre  ,  et  entra  en  campagne  à  la 
tête  d'une  puissante  armée;  Ariarathe 
qui  s'y  attendait ,  en  avait  rassemble 
une  non  moins  formidable  ,  et  Mithri- 
date ,  craiguant  que  le  sort  des  armes 
ne  lui  fût  pas  favorable  ,  eut  recours 
à  la  trahison.  Il  fit  proposer  une  con- 
férence à  Ariarathe ,  qui  ne  s'y  rendit 
qu'avec  défiance.  Mithridate  avait  ca- 
ché, dans  les  plis  de  sa  robe,  un  poi- 
gnard avec  lequel  il  frappa  Ariarathe 
au  cœur  ,  en  présence  des  deux  ar- 
mées,  l'an  106  av.  J.-C.  Il  s'empara 
alors  de  la  Cappadoce,  où  il  mit  pour 
roi  un  de  ses  fils ,  âgé  de  huit  ans ,  à 
qui  il  fit  prendre  le  nom  d'Ariarathe , 
et  il  lui  donna  Gordius  pour  tuteur. 
Le  peuple  se  souleva  bientôt ,  le  chas- 
sa ,  et  appela  au  trône  Ariarathe  IX  , 
qui  fut  encore  détrôné  par  Mithridate , 
et  mourut  de  chagrir.  peu  de  temps 
après.  G^E. 

ARIARATHE  X  ,  fils  d'Aiiobarzane 
II,  prit  le  surnom  de  Philadelphe,  à 
cause  de  l'attachement  qu'il  avait  mon- 
tré à  Ariobarzane  111  ,  son  frère  , 
après  la  mort  duquel  il  devint  roi  de 
la  Cappadoce.  Quoique  sa  famille  se 
fût  déclarée  contre  les  assassins  de 
César  ,  M.  Antoine  lui  enleva  la  cou- 
ronne ,  pour  la  mettre  sur  la  tète  d'un 
certain  Sisinna,  fils  d'une  courtisane, 
Ariarathe  parvint  à  s'en  ressaisir,  et 
il  en  jouit  quelques  années  ;  mais  il 
fut  de  nouveau  détrôné  par  Antoine, 
qui  le  fit  même  mourir  ,  si  l'on  en 
croit  Valère  -  Maxime.  Il  paraît  que 
c'était  un  prince  sans  mérite,  et  qui 
s'amusait  à  arrêter  des  fleuves,  pour 
inonder  les  campagnes  ,  et  y  former 
des  îles.  Après  sa  mort,  un  inconnu 
qui  lui  ressemblait  bcaucouj).  voulut 
se  faire  passer  pour  lui  ,etsefitrccou  - 
naître  par  la  plus  grande  partie  des 


A  RI 

peuples  de  la  Cappadoce  et  des  en- 
virons ;  mais  Auguste  le  fit  mouiif. 

C— R. 

ARIAS  MONTANUS  (  Benoît  ) , 
ne'  à  Frexe'nal  ,  en  Estramadnre ,  eu 
i527,  ^'^i*-  ^'*  'l'"'^  notaire;  il  fit 
ses  études  dans  l'université  d'Alcala  , 
s'y  rendit  trcs-habile  dans  les  langues 
anciennes ,  prit  l'habit  de  l'ordre  de 
St.-Jacques ,  et  accompagna ,  en  1 56^, 
l'évêque  de  Ségovie  ,  au  concile  de 
Trente ,  oix  il  jeta  les  premiers  fon- 
dements de  sa  réputation.  De  retour 
en  Espagne  ,  il  se  retira  à  l'hermi- 
tage  de  Notre-Darae-des-Anges  ,  situé 
au  haut  d'un  rocher  ,  près  d'Aracena  , 
où  il  se  proposait  de  se  livrer ,  sans 
L  interruption ,  à  son  goût  pour  la  mé- 
f  ditatiou;  mais  Philippe  II  ayant  en- 
tendu vanter  son  savoir  ,  l'arracha  à 
sa  retraite,  pour  lui  confier  la  direc- 
tion d'une  nouvelle  Polyglotte  ,  qui 
devait  être  imprimée  à  Anvers,  par 
Christophe  Plaulin.  Arias  se  rendit 
dans  cette  ville,  et  employa  quatre  ans, 
de  i568à  1572  ,  au  travail  confié  à 
ses  soins.  Il  remplit  l'attenle  desou  sou- 
verain et  du  public ,  en  donnant ,  sous 
les  titres  de  Polr^lotte  d'Arwers  ,  de 
Bible  royale^  ou  de  Philippe II ,  huit 
vol.  in-fol.  Les  caractéresen  avaient  été 
fondus  par  le  fameux  Guillaume  Lebé , 
que  Plantin  avait  fait  venir  de  Paris. 
Elle  rf  nferme ,  outie  ce  qui  se  trouve 
dans  la  Bible  d'Alcala,  des  paraphrases 
chaliiaiqucs ,  une  version  syriaque  du 
Nouveau  Testament ,  en  caractères 
syriaques  et  en  caractères  hébraïques , 
accompagnée  d'une  traduction  latine  , 

(etc.  Ce  bel  ouvrage  lit  beaucoup  d'hon- 
\  neur  à  Montanus  ;  mais  il  lui  suscita 
un  ennemi  acharné ,  dans  la  personne 
de  Léon  de  Castro,  professeur  de  lan- 
};ucs  orientales  à  Salamanque.  Castro 
dénonça  Arias ,  d'abord  à  l'inquisition 
de  Rome  ,  puis  à  celle  d'Espagne , 
pour  avoir  altéré  fe  texte  de  la  Bible  ^ 


A  R I  4a3 

etcoiifirmélesjuifs  dans  leur  croyance 
par  ses  paraphrases  chaldaïques.  Arias 
fut  obligé  de  faire  plusieurs  voyages  à 
Rome ,  pour  sa  justification  ,  et  finit 
par  confondre  et  rendre  méprisable 
l'animosité  de  son  adversaire.  Justifié 
et  absous  ,  eu  ï58o,  il  refusa  un  évè- 
ché  que  Philippe  II  lui  offrit,  et  se 
retira  de  nouveau  dans  son  hermitafre 
d  Aracena ,  espérait  y  terminer  sa 
vie.  11  y  fit  construire  une  habitation 
d'hiver  et  une  autre  pour  la  belle  sai- 
son, et  l'entoura  de  jardins  et  de 
vignes.  A  peine  ces  travaux  étaient- 
ils  terminés,  que  Philippe  II  arracha 
de  nouveau  Arias  à  sa  solitude,  pour 
lui  confier  la  bililinthèque  de  l'Escu- 
rial,  et  le  soin  d'enseigner  aux  reli- 
gieux les  langues  orientales.  Enfin,  il 
se  retira  à  Séville ,  où  il  termina  sa 
carrière  ,  eu  i5ç^,  à  soixante -dix- 
neuf  ans.  Arias  fut  un  des  plus  savants 
théologiens  du  i6^  siècle.  11  savait 
très  -  l)ien  l'hébreu ,  le  chaldéen  ,  le 
svriaque  ,  l'arabe,  le  grec  et  le  latin  , 
et  parlait  avec  la  plus  grande  facilité, 
ralieraaud,  le  français  ,  le  flamand  et 
le  portugais.  Il  était  sobre,  pieux,  mo- 
deste, infatigable  ,  et  il  n'avait  pas 
d'autre  lit  qu'une  planche  couverte 
d'un  manteau.  Les  savants  ,  les  artis- 
tes ,  les  rehgieux  et  les  grands  recher- 
clKii<*nt  sa  conversation  ,  et  on  était 
toujours  édifié  de  sa  piété  et  de  sa 
modestie.  Il  vécut  dans  la  médiocrité, 
tandis  qu'il  aurait  pu  obterir  des  di- 
gnités et  des  richesses.  Outre  la  Poly- 
glotte d'Anvers ,  on  a  d'Arias  Monta- 
nus  :  I.  neuf  livres  sur  les  Antiquités 
jitdaïrpies  ,  Leyde  ,  1 5i}3  ,  in  -  4".  ; 
IL  les  Psaumes  de  David  et  d'autres 
prophètes,  en  vers  latins,  1574,  in-4°«  ? 
111.  un  Traité  intitulé  :  Humanœ 
salulis  monumenla  ,  Anvers ,  1 57 1 , 
in-4°.  ,  avec  beaucoup  de  figures  ; 
lY.  Une  traduction  latine  de  Vldné- 
Taire  de  Benjarain  deTudèle^.V.  /lis- 


4i4  A  RI 

toria  nalurœ,  1 60 1 ,  in-4'''  ;  ^^.  Une 
Rlictorique  en  quatre  livres,  Anvers, 
1 56()  iii-8 '^ ,  avec  des  note.>)  d'Antoine 
Morales.  Ou  vante  surtout  ce  dernier 
ouvraf^e;  c'est,  selon  le  savant  Mayans 
y  Siscar ,  uft  recueil  d'excellents  pre'- 
cept.'S,  disposes  avec  une  méthode 
admirable.  —  ^bias  de  BeauvidÈs 
{  Pierre  ) ,  néà  Toro,  dans  le  royaume 
de  Léon,  docteur  eu  médecine,  voya- 
gea en  Amérique  ,  et  donna  à  son 
Tetoiir  :  Secretos  de  Chirurgia  ; 
Valladoiid  ,  i56- ,  iu-8".      D — g. 

ARIBERT  ,  fils  d'  Clol;iire  11 ,  roi 
de  France,  était  frère  de  D.Tgobert  i  ^; 
mais  plus  jeiiHc  que  lui ,  et  né  d'un 
auîreiit.  Il  se  trouvait .uii-rcs du r<ji  sou 
père  quand  celui-ci  mourut;  Dagobc*t, 
au^untraire,  était  en  Ausfrasie;  ainsi 
il  ™t  été  facile  à  Ariuert  de  s'emparer 
<lcs  trésors  de  Clotaire  H,  et  de  se 
faire  leciarer  son  successeur .  s'il  avait 
e'ié  d'un  À^e  plus  mur;  mais  il  entrait 
à  peine  dans  sa  quatorzième  année. 
Da^obert  usa  d'une  grande  diligence, 
s'assura  des  seigneurs  puissants  dans 
les  divers  royaumes  dont  se  compo- 
•sait  la  monarchie  française,  et  ne  fit 
aucune  part  au  jeune  Ariberî.  Cepen- 
dant, par  les  pressantes  -oiiicitations 
d(  •;  grands ,  révoltes  de  cette  injustice, 
il  nbti'it  une  pu  tu-  des  provinces  qui 
formai*  iiî  le  royaume  d' \quitaine,  et 
se  lit  Couronner  roi  à  Toulouse  ,  où  il 
rlaîj'it  le  siège  de  son  gouvernement. 
]l  mourut  d'ux  ans  après  ,  et  ne  laissa 
qu'un  iîis  qui  lui  survécut  peu.  Gom^ 
me  la  mort  Je  cet  enfant  était  utile  à 
Dagobert,  auquel  les  crimes  ne  coû- 
taient aucun  effort ,  les  historiens  l'ont 
accusé  de  l'avoir  avancée.  D.Vaissette, 
auteur  de  Y  Histoire  du  Languedoc , 
prétend  qu'  Vribert  laissa  deux  autres 
fils  qui  échappèrent  aux  poursuites  de 
leu!  oncle,  et  il  fût  descendre  d'eux 
d'ii'iistro.s  maisons.  Si  l'on  réfléchit 
que  Qolaire  11  mourut  en  628 ,  qu'A- 


ARI 

ribert  alors  touchait  à  peine  à  sa  qua- 
torzième année  ,  qu'il  cessa  de  vi^re 
en  65o  ,  ayant  au  plus  seize  ans ,  on 
croira  difficilement  qu'il  fut  père  de 
trois  fils;  et  l'on  metua  les  recherches 
de  Y  Histoire  du  Languedoc  au  nom- 
bre des  flatteries  que  les  généalogistes 
inventent  pour  satisfaire  la  vanité'  des 
grands.  F — e. 

ARIBERT  P'.,  roi  des  Lombards, 
fils  de  Gundoald ,  duc  d'Asti ,  bava- 
rois d'origine ,  fut  nommé  roi  par  les 
Lombards ,  en  055 ,  pour  succéder  à 
Radoald.  Il  établit  défiuitivi  ment  la 
religion  catholique  sur  le  trône,  et 
proscrivit  l'ariauisme.  Du  reste,  U 
mémoire  d'aucune  de  ses  actions  ne 
s'est  conservée,  A  sa  mort,  en  (3Gi , 
il  partagea  le  rovaume  entre  ses  deux 
fils  Pertharite  et  Godebert.   S.  S — i. 

ARIBERT  II,  roi  des  Lombards, 
étaitfils  de  Ragimln;rt,  duc  de  Turin  , 
qui ,  avant  usurpé  ,  l'an  '^00,  la  cou- 
ronne de  Lombardie,  associa  son  fils 
au  trône ,  et  mourut  p«m  de  mois  après. 
Aribert  fit  mourir  Liutbert,  que  son 
père  avait  dépouillé  de  la  couronne  ; 
il  fit  mourir  aussi  Holharis,  duc  de 
Bc.  gamc ,  qui  s'était  opj)osé  à  son 
usurpation.  Il  exerça  contre  la  femme 
et  les  enfants  d'Ansprand ,  tuteur  de 
Liutbert ,  des  cruautés  inouïes.  11  ne 
se  montra  généreux  qu'envers  l'église 
romaine,  à  laquelle  il  restitua,  en  ■jo'-, 
les  biens  qu'elle  avait  possédés  dan* 
les  Alpes  Cottiennes.  11  passait  pour 
aimer  la  justice,  et  l'on  a  raconté  de 
lui ,  comme  du  khàlyfe  Aaron  Al-Re* 
cliyd,  qu'il  sortait  de  nuit,  déguisé, 
pour  se  mêler  parmi  ses  sujets,  voir 
la  manière  dont  ses  officiers  exer- 
çaient leurs  emplois,  et  apprécier  par 
lui-même  les  plaintes  du  peuple.  Ans- 
prand  ,  qu'il  a^  ait  chassé  de  Lombar- 
die au  commencement  de  son  règne, 
revint,  en  *;  1  2  ,  l'attaquer  avec  une  ar- 
mée bavaroise.  Aiibcil ,   abaudumw 


ÂRl 

par  ses  soldats ,  se  jeta  dans  le  Tesin 
pour  s'échapper  à  la  nage  ;  mais  l'or 
dont  il  s'était  cbarge  lui  rendit  plus 
diificile  de  se  soutenir  sur  les  eaux  : 
il  se  noya.  Son  corps,  cependant,  fut 
retiré  de  la  rivière  et  inhumé  à  Pavie. 
S.  S— I. 

ARIEH,  rabbin.  V.  Léon  (Jacob 
Judas  ). 

ARIEH ,  rabbin.  (  Voy.  Léon  de 
Modène  ). 

ARIENTL  Voy.  Argenti. 

ARIGISE  I".,  duc  de  Bénévent, 
succéda,  en  5i)i,  à  Zotton,  fondateur 
de  ce  puissant  état.  Il  eu  reçut  l'investi- 
ture d'Agiluphe,  roi  des  Lombards. 
Il  fit  de  nouvelles  conquêtes  sur  les 
(irecs ,  auxquels  il  enleva ,  eu  Sgô,  la 
ville  deCrotoue.  Il  mourut,  en  64 1, 
après  cinquante  ans  de  règne  :  son 
fils  Aione,  qui  lui  succéda  ,  fut  tué, 
l'année  suivante,  par  les  Slaves.  li  fit 
place  à  Radoald,  qui  fut  élu  par  le 
j)euple  et  confirmé  par  le  roi  des  Lom- 
bards. S.  S — I. 

ARIGISE  II,  duc  de  Bénévent, 
donné,  en  7 58,  pour  successeur  à 
Jjiutprand ,  par  Désidério ,  roi  des 
Lombards.  Arigise ,  qui  avait  épousé 
Adelberge,  fille  de  Désidério,  ne  se 
soumit  point  à  Charlemagne,  lorsque 
Je  royaume  des  Lombards  fut  détruit  ; 
il  prit  le  titre  de  prince  ,  déclarant 
que  sa  couronne  était  désormais  in- 
dépendante )  il  se  fit  sacrer  par  les 
r'vêqucs  de  ses  états ,  et  s'attribua  tous 
!''s  droits  de  la  souveraineté  ;  mais, 
en  "^87  ,  après  treize  ans  de  lutte  ,  il 
fut  enfin  obligé  de  se  reconnaître  pour 
feudalaire  de  la  couronne  d'Italie;  il 
promit  un  tribut  annuel  de  sept  raiile 
^ols  d'or ,  et  il  donna  son  fils  Grimoald 
en  otage  pour  l'observation  de  la  paix. 
La  même  année ,  Arigise  mourut  le  26 
août ,  laissant  la  réputation  d'un  prince 
non  moins  sage  et  pieux  que  brave, 
U  cultiva  les  lettres ,  et  composa  sa 


A  R I  425 

cour  de  philosophes ,  ou  plutôt  de 
grammairiens  et  d'érudits.  Paul  Dia- 
cre, ou  Warnefrid,  rhistorien  des 
Lombards ,  y  chercha  un  refuge  lors- 
que sa  natiou  fut  soumise  par  Charle- 
magne. Le  fils  d' Arigise ,  Grimoald  , 
lui  succéda.  S.  S — i. 

ARIGNOTE  ,  fille  de  Pythagore  et 
deThéano,  composa  divers  Traités  sur 
les  mystères  de  Gérés  et  de  Bacchus  ; 
mais  c'est  à  tort  que  Vossius,  trompé 
par  un  passage  altéré  de  Qément  d'A- 
lexandi  ie ,  lui  attribue  d'avoir  écrit  la 
vie  de  Denys  le  tyran.  L'homonymi« 
du  nom  de  ce  prince  et  de  celui  de 
Bacchus,  en  grec  ,  a  causé  l'erreur  de 
Vossius ,  que  n'ont  pas  manqué  de 
copier  la  plupart  des  biographes. 
D.  L,. 

ARIMAZE  était  gouverneur  d'une 
forteresse  située  sur  un  rocher  extrê- 
mement escarpé  de  la  Sogdiane,  dans 
laquelle  s'étaient  réfugiées  la  femme 
et  la  fille  d'Oxyarte.  Sommé  par 
Alexandre  de  se  rendre ,  il  lui  de- 
manda si  les  Macédoniens  avaient  des 
ailes  pour  le  forcer  dans  ses  murs. 
Alexandi-e  choisit  dans  son  armée  tous 
ceux  qui  étaient  accoutumés  à  gravir 
sur  les  rochers  ,  et  leur  promit  des 
récompenses  considérables.  Ils  trou- 
vèrent le  moyen  de  monter  sur  la  par- 
tie du  rocher  qui  dominait  la  forte- 
resse ;  alors  Arimaze  proposa  de  se 
rendre  ;  mais  Alexandie  ne  voulut 
point  le  recevoir  à  composition,  et, 
étant  entré  dans  la  place ,  il  le  fil  pen- 
dre ,  ainsi  que  ses  soldats ,  au  bas  du 
rocher.  Tel  est  le  récit  de  Quinto- 
Curce  j  mais  Arrien ,  qui  ne  nomme 
point  le  chef  qui  commandait  dans 
celte  forteresse ,  dit  simplement  qu'elle 
se  rendit.  G — r. 

ARINGHI  (  Paul  ),  prêtre  de  l'Ora- 
toire à  [lome  ,  sa  ville  natale,  où  il  est 
mort  en  1676.  Il  est  principalement 
connu  par  sa  traduction  latine  de  ses 


4^0  ARI 

comraentairrs  sur  l'ouvrage  de  Basio  , 
uiiivûé  :  Rome  souterraine  ,  etc. ,  Ro- 
me, i65 1  ,  2  vol.  in-fol.  Il  en  a  pnru, 
Cologneet  Paris,  en  lOog,  une  édition 
plus  complète  et  plus  correcte.  En 
1668,  CliristoplieBaumanen  a  publié 
un  extrait  en  Ianî;ue  allemande  ,  qui  a 
ete'  imprime'  à  Arnlieim ,  et  re'imprimé, 
en  167 1,  in-i3.  Cette  même  année 
167 1  ,  il  en  a  anssi  paru  un  extrait,  en 
langue  laline  ,  imprimé  dans  la  même 
ville, in- l'i.  M.  Artaud  en  a  donné  un 
retrait  raisonné  dans  son  Foyage 
nu V  Catacombes  de  Rome  ,  181  o, 
in-8".  Antoine  Bosio  avait  écrit  en  ita- 
lien une  Roma  sotterranea  qui  avait 
été  publiée  après  sa  raort ,  et  avec  des 
additions  considérables  de  Jean  Scve- 
rani,  par  les  soins  de  Charles  Aldro- 
bandino ,  à  Rome,  i65'i  ,  format 
<i'atlas;  mais  cet  ouvrage  était  très- 
iucoraplet.  Aringlii  l'a  porté  à  un  tel 
degré  de  perfection  ,  que  tous  ceux 
qui  ont  parlé  de  son  travail,  en  ont 
i;nt  l'éloge.  On  y  trouve  des'reclier- 
clies  importantes  sur  les  antiquités 
ecclésiastiques  (  Vor.  Bosio  et  Bot- 
TAni).  On  a  encore  d'Aringhi  :  Mo- 
vunienla  mfelieiinlis  ,  sive  Mortes 
perraiorKm  pessimœ,  Rome,  1G64, 
•iAol.  in-fol.;  et  Triiimvhus  pœniten- 
li^,  seii  selcctœ  pœniteniiuin  mortes, 
Rome,    1670  ,  in-folio.  K. 

ARIOAFjD  ,  roi  lombard,  mari  de 
Gundcberga  ,  soeur  du  roi  Adaloald, 
fut  élu  roi  à  sa  place  en  62 5  ,  lor.-que 
ce  prince  devint  fou.  Arioald  était  en- 
core arien,  comme  la  plus  grande  par- 
tie de  sa  nation  ,  tandis  qu'Adaloald, 
étant  calbolique  ,  avait  voulu  faire 
triompher  sa  foi.  Les  prêtres  témoi- 
gnèrent avec  arrogance  leur  aveision 
pour  un  roi  qu'ils  nommaient  héré- 
tique. L'abbé  de  Bobbio  refusa,  dans 
Pavie  même  ,  de  rendre  au  roi  le 
salut  :  on  supposa  qu'un  miracle 
Taviiit  soustrait  à  la  punition    q^ii'il 


ARI 

avait  méritée  ;  et  l'insolence  de  ce 
moine  fut  admirée  comme  une  Aertu. 
La  reine  Gundebcrga  avant  été  ac- 
cusée ,  par  un  homme  qui  avait  voula 
la  séduire ,  d'avoir  conspiré  contre 
son  époux  Arioald ,  ce  prince  la  fit 
enfermer  pendant  trois  ans  dans  une 
tour  à  Loiaello,  jusqu'à  ce  qu'il  se  pré- 
sentât un  chevalier  qui  voulût  se  sou- 
mettre pour  elle  au  jugement  de  Dieu. 
Ce  chevalier  avant  vaincu  son  adver- 
saire ,  Guudcberga  fut  rétablie  sur  le 
trône,  et,  comme  le  roi  mourut  quel- 
ques années  après,  en  656,  ce  fut 
die  qui  disposa  de  la  couronne  en  fa- 
veur de  Rotharis  ,  duc  de  Brescia , 
qu'elle  épousa  en  secondes  noces. 
S.  S— I. 
ARIOBARZANE,  surnommé  Pur- 
LOROMjEus  ,  devint  roi  de  Cappadoce 
de  la  manière  suivante.  Mithridate 
«yant  vaincu  Ariarathe  IX  ,  plaça  sur 
le  trône  son  propre  fils  ,  à  qui  il 
avait  fait  prendre  le  nom  d'Ariarathe, 
et  qu'il  voulait  faire  passer  pour  un 
des  descendants  d'Ariarathe  VL  INi- 
comède ,  de  son  côté ,  mit  en  avant 
un  jeune  homme  qui  était ,  suivant 
lui,  un  troi.sième  fils  d'Ariarathe  VII, 
et  qui  était  reconnu  pour  tel  par  Lao- 
dicé,  veuve  de  ce  prince.  Le  sénat 
romain  iiyant  pris  connaissance  de 
cette  alfaire  ,  décida  que  les  préten- 
tions des  deux  concurrents  étaient 
sans  fondement,  et  qu'il  ne  restait  plus 
personne  de  la  famille  royale.  On  dé- 
clara donc  les  Cappadociens  libres  j 
mais  comme  ils  étaient  accoutimiés  au 
gouvernement  monarchique  ,  ils  ne 
voulurent  pas  en  changer ,  et  ils  choi- 
sirent pour  roi  Ariobarzane.  Mithri- 
date, qii  ne  renonçait  pas  facilement 
à  ses  projets,  ne  tarda  pas  à  venir 
l'attaquer ,  et  à  remettre  son  fils  sur 
le  trône  ;  Ariobarzane  eut  recours  aux 
Romains,  et  Sylla ,  qu'on  avait  chargé 
de  diirércnttîs  missions  en  Asie,  le  ré- 


ARI 

tablit  dans  ses  états.  Il  n'y  resta  pas 
Jong-ternps  tranquille  ;  car  ,  dès  que 
j'occasion  s'en  présentait ,  Mithridate 
envahissait  la  Cappadoco  ;  et  il  s'en 
était  enijiare'  pour  la  troisième  fois  , 
lorsqiie  s'alluma  cette  guerre  célèbre, 
dans  laquelle  d  s'en  fallut  de  peu  qu'il 
ne  renversât  l'empire  romain.  Vaincu 
à  la  fin  par  Sylla ,  il  tut  obligé  de  res- 
tituer toutes  ses  conquêtes  ,  et  la  Cap- 
padoce  fut  rendue  à  Ariobarzane,  Il  la 
lui  enleva  bientôt  une  quatrième  fois  ; 
mais  Sylla ,  alors  dictateur ,  envoya 
en  Asie  Gabinius,  qui  les  obligea  à 
faire  la  paix  ;  ce  qui  n'empêcha  pas 
Mithridate  de  garder  la  plus  grande 
partie  de  la  Cappadoce,  sous  prétexte 
du  mariage  arrêté  entre  sa  fille ,  qui 
n'avait  que  quatre  ans ,  et  Ariol)ar- 
zane.  Ce  dernier  s'étaul  plaiut  aux  Ro- 
mains ,  ils  forcèi  ent  Mithridate  à  ren- 
dre tout  ce  qu'il  avait  pris.  N'osant 
plus  alors  attaquer  ouvertement  Ario- 
barzane  ,  il  engagea  Tigrane,  roi  d'Ar- 
ménie, à  faire  une  Invasiou  dans  la 
Cappadoce.  Ce  prince  s'en  étnit  em- 
paré ,  en  enleva  3oo,o()o  hommes  , 
qu'il  emmena  pour  peupler  Tigrano- 
cerles  qu'il  venait  de  fonder,  et  il 
rendit  le  pays  au  lils  de  Mithridate. 
Ce  fut  l'occasion  d'une  nouvelle  guerre, 
qui  finit  par  la  mort  de  Mithridate, 
et  Pom])ée  rétablit  Ariobarzane  sur  le 
trône  :  mais  ce  prince  ,  déjà  très-àgc, 
et  fatigué  du  poids  d'une  couronne  qui 
lui  avait  occasionné  tant  de  tourments, 
voulut  la  céder  à  Ariobarzane ,  fils 
qu'il  avait  eu  d'Athénaïs,  son  épouse. 
Ce  jeinie  prince  ne  voulut  pas  l'accep- 
ter, et  il  s'engagea  un  combat  entre 
l'amour  paternel  et  l'amour  fiUal ,  au- 
t|uel  Pompée  mit  fin  ,  en  décidant  le 
fils  à  monter  sur  le  trône.     C — R. 

ARIOBARZANE  II  ,  surnommé 
Philopator,  fils  du  précédent,  de- 
vint roi  par  l'abdication  de  sou  père, 
vers  l'an  G  7  avant  J.-C. ,  et  sa  cou- 


ARI  427 

duite  à  cette  occasion  lui  fit  donner  le 
surnom  de  Philopator.  On  voit ,  par 
une  inscription  trouvée  à  Athènes  , 
qu'il  entreprit  de  faire  rebâtir  l'Odéon 
de  cette  ville,  qui  avait  été  brûlé  par 
Sylla.  Sa  femme  se  nommaïtAihénaïs , 
ainsi  que  sa  mère  ,  ce  qui  pourrait 
faire  conjecturer  qu'il  avait  épousé  sa 
sœur ,  comme  c'était  l'usage  parmi  les 
rois  de  FAsic.  Il  en  eut  deux  fils  , 
Ariobarzane  et  Ariarathe.  Cicéron  . 
dans  ses  Lettres  familières ,  liv.  XV, 
ép.  2 ,  nous  apprend  qu'il  fut  vic- 
time d'une  conjuration ,  mais  on  en 
ignore  les  détails.  Il  mourut  vers  l'an 
5'2  avant  J.-C.  C — k. 

ARÏOB\t\ZANE  III,  surnommé 
EusebÈs  Philorom.'eus  ,  fils  du  pré- 
cédent, monta  sur  le  trône  vers  l'an 
52  avant  J.-C.  11  paraît  qu'il  fut  obligé 
de  faire  de  grands  sacrifices  pour 
acheter  la  protection  du  peuple  ro- 
main, et  lorsque  Cicéron  arriva  dans 
ses  états ,  peu  de  temps  après  son 
avènement  au  trône ,  il  le  trouva  dé- 
biteur de  sommes  considérables  à  Pom- 
pée et  à  Brutus.  Son  autorité  n'était 
pas  non  plus  très-affermie  ;  Athénaïs  , 
sa  mère ,  femme  aîlière ,  lui  avait  fait 
beaucoup  d'ennemis ,  et  les  mécontents 
avaient  proposé  à  Ariarathe,  son  frère, 
de  le  faire  roi  à  sa  place  ;  mais  l'union 
qui  existait  entre  eux  ne  lui  permit  pas 
d'écouter  cette  proposition.  Cicéron  , 
à  qui  ce  prince  avait  été  rccommaiïdé 
par  le  sénat,  fit  tout  ce  qui  dépendait 
de  lui  ])Our  l'assurer  sur  le  trône.  Le 
grand-prêtre  d'Enyo,  ou  Bellone,  qui, 
étant  la  seconde  personne  de  l'état, 
avait  beaucoup  de  pouvoir,  se  trou- 
vait à  la  tète  des  mécontents  ;  Cicéron 
l'obligea  à  sortir  du  royaume.  Il  jtaraît 
que  cet  Ariobarzane  avait  rendu  quel- 
ques services  aux  Athéniens  ;  car  ils 
lui  avaient  érigé  une  statue ,  dont  il  ne 
nous  reste  que  l'inscription.  Après  la 
mort  de  César  ,  il  prit  le   parti  dt.'S 


428  A  R I 

triumvirs  contre  ses  meurtners  ,  et 
Cassius ,  qui  se  trouvait  en  Asie ,  le 
fit  assassiner,  et  s'empara  de  ses  tré- 
sors vers  l'an  4^  av.  J.-C.     C — r. 

.  ARION,  de  Méthyrane,  célèbre  Iv- 
lique  grec  ,  fils  de  Cydee ,  et  disciple 
d'Alcman,  s'illustra  vers  la  58  .  olym- 
piade; et,  selon  M.  Larclier  (dans  sa 
Chronologie  d'Hérodote  ) ,  au  du 
monde  4o88,  avant  J.-C.  626.  Hé- 
rodote rapporte  qu'il  vécut  contempo- 
rain de  Périandrc,  tyran  de  Corinthe; 
qu'il  fut  le  plus  habile  musicien  de  son 
siècle  sur  la  lyre;  et  que  c'est  à  lui 
qu'on  doit  l'origine  et  le  nom  du  Di- 
ihvrambe.  Il  avait  compose  un  grand 
nombre  de  poésies  lyricpies,  dont  il 
ne  nousresteaujourd'lnù([u'uu  hymne 
eu  l'honneur  de  Neptune ,  conserve' 
par  Élien  (  Ilist.  des  Jii.  ,  lib.  1 2 , 
<'.  45  )  et  transporte,  avec  des  correc- 
tions, par  Bruuck,  dans  ses  Analtc- 
ta  ,  totu,  5  ,  pag.  357  ).  Arion  in- 
tioduisit  un  nouveau  mode  musical 
dans  la  tragédie ,  assujètit  les  satires 
des  chœurs  au  langage  métrique ,  et 
donna  le  nom  de  Dithyrambe  au 
chant  de  ces  mêmes  chœurs.  On  ra- 
conte qu'ayant  acquis  de  grandes  ri- 
chesses à  h  cour  de  Corintlie ,  il  s'é- 
tait embarqué  sur  un  vaisseau ,  avec 
toute  sa  fortune,  pour  n  tourner  dans 
sa  patrie;  que  les  matelots  ayant  voulu 
Je  jeter  à  la  mer  ))our  s'emparer  de 
ses  trésors,  il  obtnit  de  jouer,  aupa- 
ravant, un  air  funèbre  sur  sa  lyre; 
et  qu'un  dauphin ,  attiré  par  le  charme 
de  ses  sons ,  le  reçut  sur  son  dos  au 
moment  où  il  se  précipita  dans  les 
flots,  et  le  porta  jusqu'au  cap  Ténarc, 
d'où  Arion  retourna  à  Corinthe.  Après 
avoir  consacré  cet  événement  dans  le 
temple  d'Apollon  par  une  statue,  Pé- 
liandrc  fit  mourir  tous  les  matelots 
qui  avaient  commis  ce  crime;  il  fit 
«lever  un  tombeau  au  dauphin  qui  avait 
sauve  Aiiou,  et  cet  cvéucmcut  devint 


ARI 

célèbre,  par  le  nom  du  dauphin  qui  a 
été  donne  à  une  constellation.  Toute 
fiîbuleuse  qu'est  cette  histoire  ,  elle  a 
été  très-accrédilée  dans  l'antiquité,  et 
la  poésie,  ainsi  que  la  sculpture,  s'est 
souvent  plu  à  la  célébrer  ;  ce  qu'il  y 
a  de  vrai ,  c'est  qu' Arion  ,  ayant  fait 
naufrage  vers  les  côtes  de  Laconie,  se 
sauva  sur  le  cap  Ténare  ,  où  on  l'ac- 
cueillit avec  hospitalité ,  et  il  érigea  , 
dans  le  temple  d'Apollon  ,  situé  sur 
le  même  promontoire,  une  statue  de 
bronze,  comme  monument  de  ce  fait. 
Le  distique  qui  l'accompagnait  se  trou- 
ve également  dans  les  ^dnalecta  , 
(  même  vol.,  pag.  558  ).  A — D — r. 
ARIOSTE  (Louis  ) ,  naquit  à  Reg- 
gio  deModène,  le  8  septembre,  i474> 
d'une  famille  noble,  et  d'un  père  qui , 
ayant  été  attaché  long-temps  au  duc 
de  Ferrare ,  Hercule  I" . ,  et  l'ayant 
servi  dans  divers  emplois ,  fut  fait , 
par  lui ,  juge  du  premier  tribunal  de 
Ferrare.  Louis  fut  l'aîné  de  dix  en- 
fants; il  montra  des  dispositions  poé- 
tiques dans  les  jeux  mêmes  de  sou 
enfance  ;  il  composait  des  espèces  de 
tragédies  qu'il  représentait  avec  ses 
frères  :  il  en  fit  une,  entre  autres,  de 
Pjrame  et  Tishé.  Entré  au  collège  à 
Ferrare  ,  il  se  distingua  dans  ses  étu- 
des; et  il  était  à  peine  dans  sa  pre- 
mière adolescence ,  qu'il  y  prononça  , 
pour  l'ouverture  des  cours ,  une  ha- 
rangue latine  qui  fit  concevoir  de  lui 
les  plus  grandes  espérances.  Son  père, 
comme  les  pères  de  plusieurs  autres 
grands  poètes,  voulut  qu'il  étudiât  les 
lois  :  après  cinq  ans  de  dégoûts  et 
d'efforts  inutiles ,  le  jeune  Anoste  y 
renonça,  pour  se  livrer  entièrement 
aux  lettres.  H  suivit  alors  les  leçons 
du  savant  Grégoire  de  Spolète.  Plante 
et  ïérence  ,  qu'il  expliquait,  lui  don- 
nèrent l'idée  de  deux  comédies  ,  U 
Cassaria  et  i  Siij>positi .  qu'il  éb,îu- 
cha  dès  <c  Icntpj-'à.  Des  [.-ocsios  ly- 


ART 

riqnes ,  italiennes  et  latines  ,  remar- 
quables par  l'e'légance  et  la  facilité  du 
stvle ,  le  firent  connaître  du  cardinal 
HyppoHte  d'Est,  fils  du  ducHerculeP'". 
Hyppolite  se  l'attacha,  vers  l'an  1 5o5, 
eu  qualité'  de  simple  gentilhomme  ; 
mais  il  ne  tarda  pas  à  l'employer  dans 
ses  affaires  même  les  plus  importantes; 
et,  à  la  mort  d'Hercule,  Alphonse  , 
frère  du  cardinal ,  ayant  succède'  à 
leur  père,  n'accorda  pas  à  l'Arioste 
moins  de  confiance.  C'est  dans  cette 
cour  qu'il  entreprit,  et  qu'au  milieu 
des  distractions  de  toute  espèce ,  il 
parvint ,  en  dix  ou  onze  ans ,  à  ter- 
miner sou  grand  et  immortel  ouvrage, 
le  poème  de  Roland  furieux.  Il  en 
commença  l'impression  en  i5i5,  et 
le  publia  en  i5i6.  Tout  le  monde  sait 
le  mot  qu'on  attribue  au  cardinal 
Hyppolite,  quand  l'Arioste  lui  en  eut 
présente  un  exemplaire  ,  mot  qu'on 
ne  peut  traduire  honnêtement  en  fran- 
çais  que  par  ceux-ci  :  Maître  Louis , 
où  avez-vous  pris  tant  de  niaiseries, 
ou  de  bagatelles ,  ou  même  de  sot- 
tises. Si  ce  mot  est  vrai,  que  prouve- 
t-il ,  sinon  qu'Hyppolite  d'Est ,  quoi- 
qu'homme  d'esprit,  prince  et  cardinal, 
était  plus  capable  de  dire  lui-même 
une  sottise  que  d'apprécier  le  génie 
supérieur  de  l'Arioste,  et  qu'il  était 
peu  ditjne  de  le  posséder  auprès  de 
lui  ?  Il  l'y  voulut  cependant  avoir,  en 
1  5 1 7  ,  ou  1 5 1 8 ,  dans  son  voyage  en 
Hongrie ,  où  ses  affaires  le  retinrent 
deux  ans.  La  dureté  du  climat,  et  la 
faible  santé  de  l'Arioste,  ne  lui  pa- 
rurent pas  des  excuses  suffisantes; le 
poète,  persistant  dans  son  refus  de  l'y 
suivre,  perdit  entièrement  la  faveur 
du  cardinal ,  et  celui-ci  passa  même 
d'une  protection  froide  et  indifférente 
à  une  haine  déclarée.  L'Ai'ioste  fut 
alors  recueilli  par  le  duc  Alphonse,  qui 
le  fit  son  gentilhomme ,  l'admit  à  sa 
familiarité,  mais  le  laissa  en  proie  à  des 


A  R  I  420 

embarras  de  famille  et  de  fortune ,  à 
des  procès  ruineux  ,  et,  quoique  ha- 
bituellement magnifique ,  ne  le  récom- 
pensa jamais  que  mesquinement.  Crut- 
il  le  récompenser  ou  le  pimir  en  lui  don- 
nant, en  1 52 1  ,  ou  i52'2,  la  commis- 
sion d'apaiser  les  troubles  qui  s'étaient 
élevés  dans  une  partie  montueuse  et 
sauvage  de  ses  états,  nommée  la  Gar- 
fagnana  ?  Elle  était  infestée  par  des 
brigands  ,  reste  des  partis  et  des 
factions  qui  l'avaient  agitée.  L'Arioste 
parvint ,  en  peu  de  temps ,  à  en  purger 
le  pays ,  et  à  ramener  tous  les  esprits 
à  la  soumission  et  à  la  concorde.  Ce  fut 
là  que  lui  arriva  cette  as'enture  avec  le 
chef  de  brigands  Pacchione ,  que  le 
Garofalo  a  racontée  le  premier  dans 
sa  Fie  de  l'Arioste ,  et  que  les  autres 
biographes  ont  altérée  en  la  copiant. 
Selon  le  récit  du  Garofalo,  le  poète 
passait,  avec  six  ou  sept  domestiques, 
à  cheval  comme  lui ,  entre  des  mon- 
tagnes. Us  trouvèrent  une  troupe 
d'hommes  armés  qui  étaient  assis  à 
l'ombre.  Leur  mine  suspecte  engagea 
l'Arioste  à  s'écarter  d'eux  et  à  presser 
le  pas.  Lorsqu'il  fut  passé  ,  le  chef  de 
la  troupe  arrêta  celui  des  domestiques 
qui  marchait  le  dernier,  et  lui  de- 
manda qui  était  ce  gentilhomme.  Le 
domestique  l'ayant  nommé ,  le  brigand 
courut ,  tout  armé  comme  il  était , 
après  l'Arioste.  Celui-ci  s'arrêta ,  ne 
sachant  ce  que  cet  empressement  vou- 
lait dire ,  ni  comment  cela  finirait. 
L'homme  armé  l'ayant  joint,  le  salua 
respectueusement ,  lui  dit  qu'il  était 
Philippe  Pacchione,  lui  demanda  par- 
don de  ne  lui  avoir  rien  dit  à  son 
passage  :  il  ignorait  alors  son  nom  ; 
l'ayant  appris  ,  il  était  accouru  pour 
connaître  de  vue  celui  qu'il  connais- 
sait SI  bien  de  réputati  m.  Enfin  ,  lui 
ayant  fait  les  off'res  les  plus  polies , 
il  prit  congé  de  lui  avec  de  grandes 
mcirques  de  respect.  L'Arigste,  de  rt- 


45o  A  R I 

tour  à  Ferrare ,  après  trois  ans  d'ab- 
sence ,  V  fut  occupé,  pendant  plusieurs 
années ,  à  composer,  ou  du  moins  à 
faire  jouer  ses  comédies  sur  le  tb-éàtre 
«le  la  cour,  dans  les  fêtes  que  le  duc 
y  donnait  sans  cesse.  Il  tiavaillail  on 
même  temps  à  corriger  ,  achever  et 
perfectionner  son  poërae  ,  dont  il 
donna  la  seconde  édition  en  i532. 
Peu  de  temps  après ,  il  fut  attaqué 
d'une  maladie  de  vessie,  dont  il  mou- 
rut après  huit  mois  de  souffrances  , 
le  6  juin  i555,  dans  la  cinquante- 
huitième  année  de  son  âge,  I>'Arioste 
joignait,  aux  avantages  extérieuis  de 
la  taille  et  de  la  figure  ,  un  caractère 
doirx,  des  manières  pOlies,  et  IVsprit 
le  plus  aimable.  S'il  avait  été  riche , 
il  eût  aimé  la  magnificence.  11  aimait 
les  bâtiments  et  les  jardins,  plus  qu'il 
ne  convenait  à  sa  fortune.  Obligé  de 
ne  bâtir  qu'une  maison  très-petite, 
il  l'avait  du  moins  rendue  agréable 
et  commode.  11  avait  fait  graver  ce 
distique  latin  sur  l'entrée  : 

Par\'a  ,  sed  apta  itithi,  sed  nulll  obnoTiia  ,   scd  non 
Sordida,  parla  meo  sed  lamea  a-re  dornus. 

«  Maison  petite,  mais  commode  pour 
»  moi ,  mais  incommode  à  personne , 
«  mais  assez  propre,  mais  pourîaut 
i>  achetée  de  mes  propres  fonds.  » 
Ces  dcruieis  mots  prouvent  que  Ti- 
rabosrhi  a  eu  tort  de  répéter  ,  après 
d'autres  biographes  ,  que  l'Arioste 
tenait  cette  maison  des  libéralités  du 
duc  Alphonse.  Cette  famille,  destinée 
à  être  encore  plus  ingrate  envers  un 
autre  grand  poète,  ne  fit,  en  quelque 
sorte,  que  pourvoir  aux  besoins  de 
l'Arioste,  et  ne  fit  rien  pour  sa  for- 
tune. Une  autre  circonstance  de  même 
espèce  est  peut-être  encore  plus  re- 
marquable. Léon  X ,  lorsqu'il  était  le 
cardinal  Jean  de  Médiris  .  exilé  de 
Florence  avec  toute  sa  famille ,  avait 
été  généreusement  accueilli  à  la  cour 
de  Ferrare  :  il  s'v  était  lié  de  l'ami- 


ARI 

tié  la  plus  intime  avec  l'Arioste,  et 
lui  avait  promis  que ,  s'il  parvenait 
jamais  au  pouvoir,  il  s'en  servirait 
pour  le  rendre  heureux.  11  devint 
pape,  et  l'Arioste,  qui  alla  le  compli- 
menter à  Rome,  ne  reçut  de  lui  d'autre 
bienfait  que  le  bref  pontifical  pour 
l'impression  de  son  poème,  bref  dont 
l'expédition  ne  fut  même  pas  gratuite. 
C'est  une  singularité  qu'il  faut  ajouter 
à  celles  que  présente  le  privilège 
donné,  par  un  tel  pouvoir,  pour  la 
publication  d'un  tel  ouvrage.  On  de- 
raaadait  un  jour  à  l'Arioste  comment 
il  avait  fait  bâtir  une  maison  si  simple, 
lui  qui  avait  décrit  dans  son  Roland 
tant  de  palais  magnifiques ,  tant  de 
beaux  portiques  et  d'agréables  fon- 
taines :  a  C'est ,  répondit-il ,  parce 
»  qu'on  rassemble  Iji^n  plus  vite  et 
»  plus  facilement  des  mots  que  des 
»  pierres.  »  Cependant  ce  n'était  pas 
sans  travail  et  sans  peine  qu'il  rassem- 
blait des  mots,  et  qu'il  composait  ses 
poésies.  Il  les  corrigeait  sans  cesse, 
et  les  manuscrits  de  son  Roland , 
conservés  à  Ferrare,  sont  chargés  de 
ratures.  Ceux  du  Tasse ,  au  contraire , 
l'étaient  f;"rt  peu.  C'est  pour  cela ,  sans 
doute ,  que  les  beaux  vers  du  Tasse  ont 
quelquefois ,  je  ne  sais  quoi  de  pénible, 
et  que  ceux  de  l'Arioste  ont  toujours 
une  admirable  facilité.  Lorsqu'il  eut 
choisi  le  sujet  qu'il  voulait  traiter ,  le 
cardinal  Bembo ,  son  ami ,  l'engageait 
fortement  à  l'écrire  en  vers  latins. 
Il  répondit  qu'il  aimait  mieux  être  le 
premier  entre  les  poètes  toscans,  qu'à 
peine  le  second  parmi  les  latins.  On 
lui  conseillait  aussi  de  composer,  non 
un  poème  romanesque ,  mais  un  A'éri-' 
table  poème  épique  :  «  Je  ferai  un  ro- 
«  man  ,  répondit  -  il  (  selon  C^millo 
»  Pcllegrino  ,  dans  son  Dinlopte  sur 
»  la  poésie  épique].,  mais  je  ra'éléve- 
»  rai  si  haut ,  par  mon  sujet  et  par 
»  mou  slvle  ,  que  j'ùterai  à  tout  autre- 


ARI 

V  poète  l'espérance  de  me  surpasser 
»  et  mcrae  de  m'égaler  dans  un 
>>  poërae  du  même  genre  que  le  mien.  » 
Cet  auteur  italien  a  peut-être  mis  dans 
la  bouche  de  l'Arioste  son  propre  ju- 
gement, peut-être  aussi  ce  grand  poète, 
quoique  doux  et  habituellement  mo- 
deste ,  sentait-il  cependant  sa  force , 
et  ne  craignait-il  pas  de  parler  ainsi 
dans  un  épanchemcnt  d'amitié'.  Ce  qui 
est  certain  ,  c'est  qu'il  tint  parole.  Au- 
cun poète  en  elFet  ne  l'a  égale  dans 
ce  genre  d' épopée ,  où  l'imagination 
a  bien  une  autre  carrière  à  fournir 
([ue  dans  l'épope'e  purement  hèroi- 
que.  Aucun  n'a  mêle'  avec  autant  d'a- 
dresse, le  sérieux  elle  plaisant,  le 
gracieux  et  le  terrible,  le  sabiime  et 
le  familier.  Aucun  n'a  mené  de  front 
un  aussi  grand  nombre  de  person- 
nages et  d'actions  diverses ,  qui  tous 
concourent  au  môme  but.  Aucun  n'a 
été  plus  poète  dans  son  style  ,  plus 
varié  dans  ses  tableaux  ,  ])lus  riche 
dans  ses  descriptions ,  plus  iiilèledans 
la  peinture  des  caraclères  et  des 
mœurs  ,  plus  vrai,  plus  animé,  plus 
vivant.  Pour  lui  préférer  ,  pour  lui 
comparer  même  un  autre  poète  épi- 
que itahen,  qui  dispute  ou  partage 
avec  lui  le  premier  rang,  qu'aucun  au- 
tre poète  moderne  ne  peut  ni  leur  dis- 
puter ni  partager  avec  eux  ,  il  faut 
commencer  par  établir  la  supériorité 
du  genre  qu'a  choisi  le  Tasse  ,  sur  ce- 
lui que  l'Arioste  a  préfë'i'é.  Presque 
partout  oii  l'on  peut  les  comp.uer  dans 
des  sujets  parallèles,  ou  semblables,  il 
est  rare  que  l'Homère  de  Ferrare  n'ait 
pas  l'avantage  sur  son  rival.  Les  deux 
éditions  les  plus  rares  de  ce  poëme , 
sont  :  la  première  de  Ferrare  ,  1 5 16, 
in  -  4°.  7  où  il  n'est  qu'en  quarante 
chants,  et  la  seconde  ,  donnée  aussi  k 
Feriare,  par  l'auteur,  en  1 552,  in-4". , 
ou  il  est  en  quarante- six  chants,  et 
loi   qu'il  est  toujours    resté  depuis. 


ART  43 1 

Cette  dernière  est  cependant  si  incor- 
recte ,  que  l'on  assure  que  le  chagrin 
qu'en  eut  l'Arioste  contribua  à  lui 
donner  la  maladie  dont  il  mourut.  On 
distingue  encore ,  parmi  les  éditions 
rares  ,  celle  des  Aide,  Venise  ,  i545  , 
in-4".  ,  où  sont  les  cinq  chants  dé- 
tachés qui  font  suite  au  poëme;  plu- 
sieurs des  éditions  de  Valgrisi ,  à  Ve- 
nise, dont  la  première  est  de  i556, 
plusieurs  de  celles  de  Gabriel  Giolito, 
aussi  à  Venise  ,  dont  la  première  est 
de  i549,  ^'  '^  dernièie  de  i56o; 
mais  plus  encore  celle  de  Franceschi , 
Venise,  i584  ,  iu-fol.,  avec  les  argu- 
ments de  Scipiun  Ammirato ,  les  notes 
et  les  avertissements  de  Ruscclli,  la 
l^ie  de  Vu4noste ,  écrite  par  J.-B. 
Pigna  ,  et  par  le  Garofulo  ,  plusieurs 
autres  pièces  importantes  et  curieu- 
ses ,  et  surtout  les  belles  gravures  de 
Girolamo  Porro.  Les  exemplaires  en 
sont  très-chers  ,  principalement  ceux 
où  la  planche  54  ne  manque  pas. 
Dans  le  plus  grand  nombre  des  exem- 
plaires ,  au  li'ju  de  la  gravure  du  trente- 
quatrième  chant ,  qui  doit  représenter 
la  descente  d'Astolphe  aux  enfers  ,  et 
son  ascension  dans  la  lune  ,  où  il 
trouve  S.  Jean  ,  et  où  il  reprend  la 
fiole  du  bon  sens  de  son  cousin  Ro- 
land ,  et  celle  qui  contenait  le  sien 
même ,  on  a  répété  la  gravure  du  chant 
précédent,  qui  représente Bradamante 
et  une  société  nombreuse  ,  n^gardant 
aux  flambeaux  ,  les  guerres  futures 
d'Italie  ,  peintes  sur  les  murs  de  la 
grande  salle  d'un  château.  On  ignore  la 
cause  de  cette  particularité;  mais  il 
est  bon  que  les  amateurs  en  soient 
instruits.  Celle  des  éditions  plus  mo- 
dernes qui  a  eu  long  -  temps  l'avan- 
tage sur  toutes  les  autres ,  est  celle 
qui  fut  donnée  eu  i  77'i  ,  aVec  les  ca- 
ractères de  Baskerville ,  en  4  vol.  gr. 
in-8'.  ;  mais  les  deux  plus  belles  édi- 
tions de  luxe  ,  sont  aujourd'hui  celles 


432  ARÏ 

de  Bodoni  à  Parnip ,  et  de  Miissi  à 
Milan.  Le  Roland  furieux  ,  traduit 
en  vers  dans  presque  toutes  les  lan- 
gues ,  l'a  été'  quatre  fois  eu  prose  dans 
la  notre  ,  pendant  le  siècle  dernier. 
La  traduction  de  Mirabaud  est  tron- 
quée, altérée,  et  très-imparfaite  ;  celle 
de  Tressan ,  ouvrage  de  sa  vieillesse, 
est  d'un  style  précieux,  et  souvent  em- 
phatique ,  qui  est  tout  l'opposé  de 
celui  de  l'Arioste,  et  qu'on  ne  pardon- 
nerait pas  à  un  jeune  homme;  celle 
de  d'Ussieux  est  faible  et  sans  cou- 
leur; celle  enGn  qu'ont  donnée  Panc- 
koukc  et  Framery  ,  est  simple ,  sou- 
vent élégante ,  et  presque  toujours 
liclcle  ;  c'est  la  plus  utile  pour  l'étude 
<>t  l'intelligence  du  texte.  Outre  ce 
poème,  qui  est  son  premier  titre  de 
j^loire,  on  a  de  l'Arioste  :  L  sept  Sa- 
tires ,  oîi  la  malice  est  sans  amer- 
tume, et  qui  tiennent  plus  de  l'urba- 
nité d'Horace  que  de  l'àcreté  de  Ju- 
venal  ;  elles  ont  de  plus  le  mérite  d'of- 
frir un  grand  nombre  de  faits  utiles 
pour  l'histoire  de  sa  vie,  et  qui  ne 
sont  même  pas  inutiles  pour  celle  de 
son  temps;  II.  cinq  comédies, Za  Cas 
saria  ,  i  Supposai ,  la  meilleure  des 
siennes,  ilNcffromanie,  la  Lena  ei 
la  Scolastica;  il  commença  cette  der- 
nière pour  le  mariage  de  M'"*".  Renée, 
fille  du  roi  Louis  XII ,  avec  Hercule  , 
lils  du  duc  Alphonse  ;  mais  il  n'en  fit 
que  trois  actes  et  trois  scènes;  le  reste 
fut  fait,  après  sa  mort ,  par  son  frère 
(  iabriel.  Son  Cls  Virginio  la  rait  toute 
entière  en  prose  ,  et  la  refit  ensuite  en 
vers.  Aussi  n'est  -  elle  pas  regardée 
comme  un  ouvrage  de  l'Arioste,  et  les 
académiciens  de  la  Crusca  ne  la  citent 
ijas.  La  versification  de  ses  quatre  au- 
tres comédies ,  est  élégante  et  facile  ; 
mais  il  y  emploie ,  du  commencc- 
}ncnt  à  la  fin ,  le  vers  sdrucciolo , 
glissant,  qu'on  devrait  plutôt  appeler 
saulillvint ,  et  qui  se  termine  toujours 


ARI 

par  un  dactyle  ;  cela  produit  une  uni-» 
formité  fatigante  à  la  lecture,  et  qui 
doit  l'être  encore  plus  au  théâtre.  III. 
Ses  Rime ,  ou  poésies  diverses  ,  con- 
sistant en  élégies  ,  odes  ou  canzoni , 
sonnets  ,  madrigaux,  etc.;  IV.  ses 
poésies  latines ,  eu  deux  Uvres ,  im- 
primées d'abord,  en  i553  ,  à  Ve- 
nise ,  avec  celles  de  Pigna  et  de  Celio 
Calcagnini  ,  et  réimprimées  ensuite 
dans  presque  toutes  les  éditions  de  ses 
œuvres  ;  V.  un  petit  écrit  en  prose , 
intitulé  :  Erholalo ,  où  il  introduit  uu 
certain  Antonio  de  Faenza ,  qui  parle 
de  la  noblesse  de  l'homme  ,  et  de  l'art 
de  la  médecine ,  imprimé  à  Venise  , 
par  Niccolini,  en  i545  ,  in-8'.,  avec 
le  portrait  de  l'Arioste  ,  gravé  en  bois , 
réimprimé  ensuite  plusieurs  fois  dans 
ses  œuvres.  Ces  divers  ouvrages  ont 
sans  doute  différents  degrés  de  mérite; 
mais  on  reconnaît  dans  tous  la  même 
clarté  d'idées ,  la  même  faciiilé  de 
style,  et,  selon  les  sujets  ,  ce  don  de 
plaire  et  cette  grâce  dont  la  nature 
l'avait  éminemment  doué.     G — t'. 

ARIOSTO  (  Gabriel  ) ,  l'un  des 
frères  du  grand  Arioste ,  eut  aussi  quel- 
que talent,  surtout  pour  la  poésie  latine. 
Liho  Giraldi  en  fait  même  un  grand 
éloge  dans  le  Dialogue  II  des  poètes 
de  son  temps.  Il  était  né  contrefait ,  et 
vécut  dans  de  continuelles  souffran- 
ces. Il  mourut  à  Ferrare,  sa  patrie, 
vers  l'an  i552  ,  selon  Mazziichclli , 
Scrittori  ital. ,  et  d'après  les  auteurs 
du  recueil  intitulé  :  Rime  scelle  de 
poeli  Ferraresi  ;  mais  ce  dut  être 
beaucoup  plus  tard  ,  puisqu'il  laissa 
un  fils  qui ,  selon  IMazzuchelli  ,  lui- 
même,  naquit  en  i555.  Il  est  pro- 
bable que  celui  des  frères  de  l'Arioste 
qui  mourut  eu  i552,  est  Galasso , 
mort,  selon  le  Garofalo  dans  sa  yie 
de  l'Arioste ,  à  lugolstadt ,  où  il  était 
ambassadeur  du  duc  de  Ferrare .  au- 
près de  l\nipcrtiii  Quilcs-Quiuî.  Ce 


A'RI 

fut  Gabriel  qui  acheva  la  Scolastica  , 
comédie  que  son  frère  Louis  avait  lais- 
Se'e  imparfaite.  On  a  publié  un  volume 
de  ses  poésies  latines,  Ferrare,  i582, 
in-8°.  G— E. 

ARIOSTO  (  HoKACE  ),  fils  du  pré- 
cédent ,  neveu  du  célèbre  poète ,  et 
poète  lui-même ,  naquit  en  1 555.  Ba- 
rulfaldi  et  Crescembini  ,    ne  le  font 
même  naître  qu'eu  iSSp.  Il  faut  donc 
retarder  de  deux  ou    trois    ans  au 
moins ,  et  peut-être  de  six  ou  sept ,  la 
mort  de  son  père  (  Foj.  rarticle  ci- 
dessus).  Il  fut  prêtre  séculier  et  cha- 
Tioine  de  la  cathédrale  de  Ferrare.  In- 
time   ami  de  l'abbé  Angelo  Grillo, 
poète  de  quelque  célébrité,  il  le  fut 
aussi    du    Tasse.   Il  lui   donna  une 
grande  preuve  d'amitié,  en  composant 
les  argumejits  de  tous  les  chants  de 
la  Jérusalem  délivrée ,  qui  y  sont 
joints  dans  plusieurs  éditions  de  ce 
poème.  Dans  la   dispute  qui  s'éleva 
entre  les   partisans  de  son  oncle    et 
ceux  du  Tasse ,  Horace  Arioste  écrivit 
un  ouvrage  intitulé  :  le  Difese  dell' 
Orlandofurioso  dell'  AriostO',  etc.; 
inais  dans  ces  défenses"  mêmes,  il  té- 
moigna tant    d'admiration    pour    le 
Tasse ,  que  celui-ci  lui  e-i  fit  quelque 
reproche  dans  une  lettjc  imprimée 
parmi    ses    œuvres.   Horace    Arioste 
avait  entrepris  un  grand  poème  inti- 
tule VAlfeo  ,  dont  il  avait  composé 
S(  ize  chants  lorsqu'il  mourut ,  n'étant 
âgé  que  de  trente-huit  ans,  le  19  avril 
1 5g5.  Ces  seize  chants  se  sont  conser- 
vés long -temps  en  manuscrit  à  Fer- 
rare ;  ils  appartenaient ,  dans  le  der- 
nier siècle,  au  célèbre  Baruflaldi.  On 
dit  aussi  qu'il  avait  composé  une  co- 
médie intitulée  :  la  Sirega  ;  mais  elle 
n'a  jamais  été  imprimée.       G — e. 
ARIOT  (  Thomas  ).  Foj.  Hariot, 
ARIOVISTE,  en  allemand,  Ehren- 
vest ,  chef  germain  ,  d'abord  allié  de 
Home ,  se  brouilla  bientôt  avec  ciie , 


A  R I  453 

en  soumettant  à  son  pouvoir  les  jE- 
duens  ,  les  Séquanois ,   et    quelques 
autres  tribus  de  la  Gaule.   César  le 
fit  engager  à  choisir  un  lieu  où    ils 
pussent  avoir  une  entrevue  pour  trai- 
ter de   leurs   affaires  :   Arioviste  l'é- 
pondit  que ,  a   s'il  avait    besoin  de 
César ,  il  irait  le  trouver  ,  et  que ,  si 
César  avait  besoin  de  lui ,   il  n'avait 
qu'à  venir  le  trouver  à  son  tour  ;  que 
du  reste ,    il   était    fort    surpris  que 
César  et  le  peuple    romain    eussent 
quelque  chose  à  voir  dans  une  partie 
de  la  Gaule  qu'il   avait   conquise.  » 
César  irrité  se  disposa  à  marcher  con- 
tre lui  ;    mais    l'armée    romaine  fut 
saisie  d'une  telle  frayeur,  qu'un  grand 
nombre  de  soldats  firent  leur  testa- 
ment :  il  ne  fallut  rien  moins  que  l'élo- 
quence et  les  victoires  passées  de  leur 
général   pour  relever    leur  courage. 
Lorsque  les  deux  armées  fiuent  eu 
présence,  César  eut,  avec  le  chef  ger- 
main ,  une  entrevue  qui  n'amena  aucun 
accommodement  :  deux  jours  après  , 
il  lui  envoya  des  députés  pour  renou- 
veler les  négociations  ;  mais  Arioviste 
les  fit  mettre  aux  fers  ,  s'approcha  du 
camp  des  Romains  ,  chercha  à  inter- 
cepter les  convois  ;  et ,  soigneux  ce- 
pendant d'éviter  une  action  ,  se  con- 
tenta d'escarraoucher  avec  sa  cavale- 
rie.   La    superstition   des  Germains 
fournit  bientôt  à  l'habileté  de  César  le 
moyen  de  les  contraindre  à  un  combat 
désavantageux  :   il  apprit  ,   par  les 
prisonniers  ,  que  les  matrones  char- 
gées de  rendre  des  oracles  ,  avaient 
prédit  que  les  Germains  ne  pouvaient 
vaincre    s'ils    combattaient   avant   la 
nouvelle  lune.  César  s'empressa  alors 
de  les  attaquer,  et,malgréleur  courage 
désespéré ,  malgré  l'impossibilité  oi!i  ils 
s'étaient  mis  de  fuir ,  en  s' entourant  de 
tout  leur  bagage  mihtaire  ,  la  disci- 
pline et  la  valeur  romaine  triomphè- 
rent de  leurs  efforts -.quatre- vingt  raille 

2S 


434  ART 

Germains  restèrent  sur  le  champ  de 
bataille:  Arioviste  repassa  le  Rhin; 
deux  de  ses  femmes  et  une  de  ses 
sœurs  furent  tuc'es  dans  l'action.  Celte 
victoire  fut  remportée  à  six  journées 
de  Besançon.  Ceux  qui  ont  cru  qu'il 
s'agissait  de  six  journées  comme  pour 
des  troupes  ,  ont  placé  le  lieu  du  com- 
bat à  Dampierre  ,  village  au  confluent 
du  Doubs  et  de  la  Halle ,  distant  de 
sis  joui-nées  militaii-es  de  Besançon , 
et  d'environ  cinquante  milles  du  Rhin. 
Mais  ceux  qui  ont  pensé  que  César 
avait  fait  faire  à  ses  troupes  des 
marches  forcées ,  ont  placé  ce  lieu 
plus  près  du  Hhiu ,  c'est-à-dire,  à  une 
dibtance  de  cinq  milles.         G — t. 

ARIPKRT.   Foj.  Aribert. 

ARISI  (  François  ) ,  savant  littéra- 
teur et  jurisconsulte  de  Crémone,  y 
naquit ,  le  5  février  iG57  ,  de  Louis 
Arisi  et  de  Lucie  Ncgri ,  tleux  familles 
distinguées  de  cette  ville.  Presque 
toujours  malade  dans  son  enfance  , 
il  fut  confié  aux  soins  d'un  précep- 
teur ,  prêtre  séculier,  et  fil  ensuite  chez 
les  jésuites  son  cours  de  philosophie. 
Son  père  l'envoya,  en  1(374  -,  étudier 
les  lois  à  Rome  :  il  y  resta  jusqu'en 
1O77  ,  et  passa  ensuite  à  Bologne  , 
pour  y  suivre  les  mêmes  études  :  mais 
la  mort  de  son  père  le  força  ,  l'année 
.suivante,  à  revenir  dans  sa  patrie. 
Enfin ,  désirant  achever  son  cours  , 
il  alla  d'abord  à  Pavic  ,  où  il  obtint  le 
doctorat  eu  1679  ;  de  là  il  se  rendit 
à  INlilan ,  et  travailla  pendant  six  mois, 
sous  un  avocat  célèbre.  De  retour  à 
Crémone  ,  il  partageait  son  temps  en- 
tre les  études  de  l'état  qu'il  avait  em- 
brassé ,  et  la  culture  des  lettres  , 
surtout  de  la  poésie ,  pour  laquelle  il 
avait  eu ,  dès  sa  première  jeunesse  , 
tm  penchant  particulier.  En  relation 
avec  les  plus  célèbres  littérateurs  de 
son  temps,  avec  lesquels  il  entre- 
tenait une   correspondance  assidue  , 


ARÏ 
r<iisi  fut  aussi  •  membre  du  plu* 
grand  nombre  des  académies  d'Ita- 
lie. La  réputation  de  savoir  et  de 
probité  dont  il  jouissait  dans  sa 
profession  de  jurisconsulte  ,  le  fit  re- 
vêtir de  plusieurs  emplois  honorables 
dans  lesquels  il  acquit  une  grande 
considération:  il  fut  envoyé,  jusqu'à 
quatorze  fois ,  à  Milan  ,  pour  les  af- 
faires les  plus  épineuses  ,  qu'il  ter- 
mina toujours  à  la  satisfaction  et 
des  ministxes  et  de  sa  patrie.  Enfin , 
après  une  assez  longue  maladie ,  il 
mourut  ,  le  aS  janvier  174^  .  à 
l'âge  de  quatre-vingt-six  ans  ,  quatre 
mois  et  dix  jours.  Mazzuchelli  donne 
la  liste  des  ouvrages  d'Arisi;  elle  se 
monte  à  soixante-quatre  articles  ,  tant 
manuscrits  qu'imprimés  :  parmi  ces 
derniers,  nous  citerons:  L  la  Tirra- 
nide  soggiogaîa ,  Oratorio  pour  St.- 
Antoine  de  Padoue,  Crémone,  1677, 
in-4°.  :  il  en  publia  trois  autres  dans 
différentes  années ,  pour  la  fête  du 
même  saint  ;  IL  Cremona  litterata, 
sen  in  Cremonenses  ,  doclrind  et 
litterariis  digiiitatihiis  emincntiores , 
chronologicœ  adnotaliones ,  5  vol. 
in-fol.  Les  deux  premiers  parurent  à 
Parme  ,  en  1702  et  1703,  et  le  troi- 
sième à  Crémone  en  174''  Wl.Sena- 
toruni  Mediolanensiavi  ex  collagio 
judicum  Cremonœ  ab  ipso  erecto , 
iisque  ad  hœc  tempora  continuata 
séries,  etc.  Crémone,  1703,  in-fol. 
W .  Rime  per  le  sacre  stimate  del 
Santo  Patriarca  Francesco  ,  etc.  , 
Crémone,  171 3,  in-4".  On  ne  croi- 
rait peut-être  pas  que  l'on  ])ùt  faire 
U'ois  cent  vingt-cinq  sonnets  sur  les 
stigmates  de  S.  François  :  ce  volume 
n'en  contient,  cependant,  ni  plus  ni 
moins.  Y.  La  Findemmia,  Baccha- 
nale ditirambico.  Crémone,  l'Jiif 
in- 12;  VL  il  Tabacco  masticato  , 
e  fiimato ,  trattenimenii  ditiramhici 
colle  sue  awiotuzioni j.  ^lilan.  ir-i^f 


ARÎ 

in-'i".;  Vîl.  il  Cioccolato ,  tratteni- 
menlo  dilirambico,  Crémone,  1730, 
in-4".  ;  Vlll.  Poésie  liriche ,  Gié- 
itione  ,  i""'.  partie,  1680,  2^  partie  , 
1684  ,  in-i-;t.  IX.  Le  20«.  et  dernier 
chant  du  poiime  plaisant  et  original, 
intitulé  :  Beriholdo  cou  Berjjioldino 
e  Cacasenno ,  Bologne,  1756,  iu-4'. 
X.  Un  grand  nombre  de  sunnets  et 
d'autres  poésies  ,  dans  les  Rime  dé" 
Pastori  drcadi ,  et  dans  plusieurs 
autres  recueils.  G — e. 

AKISTAGORAS ,  fils  de  Molpago- 
ras  de  Milet ,  avait  épousé  la  fille 
d'Histiaeus  ,  tyran  de  cette  ville,  qui, 
en  partant  pour  Suse ,  lui  en  confia 
le  gouvernement. S'étant  engagea  faire, 
pour  le  roi  de  Perse ,  la  conquête  de 
l'île  de  INaxos  ,  il  eut  l'imprudence  de 
se  brouiller  avec Artaphernes,  satrape 
de  la  Lydie ,  qui  fit  échouer  son  expé- 
dition. Craignant  alors  qu'on  ne  le 
rendît  responsable  de  cet  événement, 
et  poussé  d'Hilleurs  par  les  conseils 
d'Histiœus,  il  se  décida  à  faire  révol- 
ter les  Ioniens.  Il  chassa  donc  de 
toutes  les  villes  les  tyrans  qui  y  avaient 
été  placés  par  le  roi  de  Perse ,  et  y 
rétablit  le  gouvernement  populaire.  11 
alla  ensuite  dans  la  Grèce,  pour  ob- 
tenir des  secours  ;  il  s'adressa  d'abord 
aux  Lacédémoniens  qui  le  refusèrent: 
mais  il  tut  plus  heureux  à  Athènes  , 
et  on  lui  accorda  vingt  vaisseaux  aux- 
quels se  joignirent  cinq  vaisseaux  Eré- 
trieus.  Lorsqu'ils  furent  arrivés  dans 
l'Ionie,  il  envoya  les  troupes  qui  y 
étaient  embarquées ,  avec  celles  qu'il 
avait  rassemblées  ,  pour  assiéger  la 
ville  de  Sardes  ,  qui  fut  prise  et  brû- 
lée par  cette  armée ,  l'an  5o5  avant 
J.-(i.  Les  Athéniens  retournèrent  en- 
suite dans  leur  pays.  Les  Ioniens  , 
quoique  restés  seuls,  persistèrent  dans 
leur  révolte ,  et  soulevèrent  presque 
toute  la  Carie,  ainsi  que  les  îles  :  mais 
Aristagoras  n'avait  pas  assez  d'habi- 


A  R I  45Sr 

lete  pour  soutenir  ce  qu'il  avait  com- 
mencé ,  et ,  après  avoir  éprouvé  plu- 
sieurs échecs  ,  il  désespéra  de  pou- 
voir résister  aux  forces  du  roi  de 
Perse,  et  ayant  confié  Milet  à  Pytha- 
gore  ,  il  s  embarqua  avec  ceux  qui 
voulurent  le  suivre ,  et  alla  s'établir 
dans  la  Thrace  ,  où  il  fut  tué  par  les 
barbares ,  vers  l'an  498  avant  J.-C. 
C— K. 

ARIST ARQUE ,  astronome  grec  , 
né  à  Samos,  et,  selon  Plutarque,  con- 
temporain de  CléanlLes,  successeur 
de  Zenon ,  dans  la  1 29*".  olympiade , 
a64  ans  avant  J.-C.  Il  était  connu 
comme  astronome,  du  temps  d'Archi- 
mcde ,  qui  parla  de  lui  dans  son  Psam- 
mile,  ou  J^re/iar/W.  Aristarque  sou- 
tint l'opinion  qu'on  dit  que  Pythagore 
avait  enseignée  avant  lui,  et  qui  a  été 
démontrée  par  les  astronomes  mo- 
dernes ,  que  la  terre  tourne  autour  du 
soleil.  Dans  l'ouvrage  qu'on  vient  de 
citer,  Archimède  dit  :  «  Aristarque  de 
)>  Samos ,  l'éfutant  ces  opinions  des 
»  astrologues,  a  fait  une  hypothèse^ 
»  d'oîi  il  résulte  que  le  monde  est  beau- 
»  coup  plus  grand  que  nous  ne  l'avons 
»  cru;  car  il  suppose  que  les  étoiles 
»  fixes  et  le  soleil  sont  immobiles  , 
»  et  que  la  terre  tourne  autour  da 
»  soleil ,  dans  la  circonférence  d'un 
»  cercle.  »  Plutarque  (  Quœst.  Plat.  ) 
observe  que  cette  opinion  du  mouve- 
ment de  la  terre  fut  enseignée  comme 
une  hypothèse,  par  Aristarque,  et 
que  Séleucus  l'établit  dogmatiquement. 
Sextus  Empiricus  {Adversus  Mathe- 
matheos  )  dit  qu' Aristarque  niait  le 
mouvement  de  l'uniA'ers,  mais  qu'il 
croyait  que  la  terre  est  mobile.  Au 
moyen  de  la  judicieuse  correction  du 
passage  de  Plutarque,  proposée  par 
Gassendi ,  et  adoptée  par  Ménage , 
Fabricius  et  Bayle ,  on  a  un  autre  té- 
moignage décisif,  qui  prouve  qu' Aris- 
tarque souteoait  cette  opinion.  Le  pas- 

i8.. 


43G  A  RI 

saj^e,  corrige  de  cette  manitire,  peut 
être  ainsi  rendu  (  Plurarque ,  De  facie 
in  orbe  lunœ  )  :    «  Ne  uous  accusez 
»  point  d'iiupicte ,   comme  Cléauthe 
»  pense  que  ies  Grecs  auraient  dû  en 
»  accuser  Aristarqvic  le  samien,  parce 
»  qu'il  avait  dc'ti  uit  les  foudemt'nts  du 
»  monde,  et  qu'il  voulait  exjjliqiier  les 
M  aspects  des  astres,  eu   supposant 
»  que  les  cicux  sont  immol aies,  et  qie 
»  la  terre  tourne  autour,  dins  un  or- 
»  bite  oblique,  et,  en  même  temps, 
»  tourne   sur  son    axe.  »    Aristarqiie 
inventa  une  espèce  particulière  de  ca- 
dran solaire,  dont  parle  \  itruve.  Le 
seul  ouvrage  existant  d'Anstarque,  est 
un   Traité  sur  les  grandeurs  et  les 
distances  du  Soleil  et  de  la  Lune.  Il 
est  à  remarquer  que,  dans  cet  ouvra- 
ge, Aristarque  ne  dit  pas  un  seul  mot 
du  système  qui  lui  est  attribue';  mais 
ou  y  trouve  le  moyen  ingénieux  par 
lequel  il  essaie  de  prouver  (pic  la  dis- 
tance du  soleil  à  la  terre  est  de  dix- 
huit  à  vingt  fois  plus  grande  que  celle 
de  la  'une  à  la  terre.  Cette  détermina- 
tion est  fort  inexacte ,  ainsi  que  tous 
les  rapports  de  grandeurs  calcules  par 
Aristarque  ;    mais   la    méthode   ètùt 
bonne,  et,  pendant  1800  ans,  les  as- 
tronomes n'en  ont  pas  connu  de  meil- 
leure :  elle  consiste  à  mesurer  l'angle 
entre  la  lune  et  le  soleil,  à  l'instant  où 
la  lune  entre  dans  son  premier  ou  son 
dernier  quartier.  Si  l'on  prend  pour 
rayon  ou  pour  unité'  la  distance  de  la 
lunt-  à  la  terre,  la  distance  du  soleil  à 
la  terre  sera  la  sécante  de  cet  angle.  La 
difficulté  était  de  saisir  avec  assez  de 
précision  l'instant  où  la  lune  est  moi- 
tié éclairée  et  moitié  obscure,  où  la 
lumière  et  l'ombre   ont  pour  limite 
commune  une  ligne  droite.  Aristarque 
trouva  qu'il  s'en  fallait  de  5  '  que  cet 
angle  ne  fût  de  90"  ;  il  ne  s'en  faut  que 
de  quelques  minutes.  Il  fit,  en  ccusé- 
quence ,  la  distanûc  vingt  fois  trop  pe- 


ARÎ 

tite.  L'ouvrage  d'Aristarque  fut  publié 
in-fol.,  à  Venise,  en  1498,  ensuite 
parWaIlis,in-8'.,  Oxford,  1688,  et 
dans  le  '5".  vol.  des  ouvrages  de  Wallis , 
imprimé  in-fol.,  à  Oxford,  en  1699. 

D— L— E. 

ARISTARQUE.  Ce  critique  célè- 
bre, formé  à  l'école  d'Aristophanes  le 
grammairien,  et  qui  a  mérité  que  son 
nom  désignât,  dans  tous  les  siècles, 
un  censeur  sévère ,  mais  juste  et  éclai- 
ré ,  était  né  dans  la  Samothracc ,  160 
ans  av.  J.  G. ,  et  eut  Alexandrie  p'iur 
patrie  aduptive.  Il  fut  fort  estimé  de 
Ptolémée  Philomctor,  qui  lui  confia 
l'éducation  de  ses  enfants.  Il  avait 
beaucoup  travaillé  sur  Pindare ,  sur 
Aratus ,  et  sur  d'autres  poètes  ;  mais 
il  n'est  plus  connu  aujourd'hui  que 
comme  éditeur  d'Homère.  Jamais  cri- 
tique plus  rigoureuse  ne  fut  exercée 
sur  les  ouvrages  de  ce  génie  immor- 
tel. Les  éditeurs  précédents,  depuis 
Lycurgue  jusqu'au  poète  Aratus ,  s'é- 
taient bornés  à  recueillir ,  à  mettre  en 
ordre  et  à  publier,  le  plus  correcte- 
ment possible ,  tout  ce  qu'ils  avaient 
pu  rasseinljler  d'Homère.  Aristarque 
lit  ])lus  :  il  nota  sévèrement  tous  les 
vers  qui  lui  déplaisaient,  admettant  ou 
rej.t.uit  sans  scrupule  tout  ce  qui  lui 
paraissait  plus  ou  moins  digne  du 
prince  des  poètes.  Aussi,  son  édition 
fut -elle  vivement  attaquée.  Zénodote, 
le  leune ,  le  stoïcien  Cléauthe ,  Lucien , 
Phil'jxène ,  et  une  foule  d'autres  s'é- 
levèrent contre  Aristarque.  Slrabon, 
Plutarquc  et  Athénée  ne  l'épargnèrent 
pas  davantage.  Grâce  à  l'cxcelJentti 
édition  de  Y  Iliade ,  publiée  par  \il- 
loison  ,  les  philologues  modernes  sont 
à  portée  d'apprécier  aujourd'hui  la 
justesse  ou  la  témérité  des  conjec- 
tures d'Aristarque  et  des  premiers  édi- 
teurs d'Homère.  Ce  grand  critique 
mourur  dans  l'île  de  Chypre,  âgé  de 
soixante- douze  ans.    Il  était  attaque' 


ART 

«l'une  tydroplsie ,  dont  il  desospërait 
de  s^uérir ,  et  se  laissa  ,  dit-on ,  mou- 
rir de  faim ,  pour  se  tirer  d'aflàirc. — 
Suidas  fait  mention  d'un  autre  Aris- 
TABQCE,  poète  tragique,  de  Te'gée  en 
Arcadie ,  qui  vécut  plus  de  cent  ans , 
fut  le  contemporain  d'Euripide ,  et  fît , 
dit-on  ,  chausser,  le  premier,  le  co- 
thurne aux  acteurs  tr.''giques.  11  avait 
compose'  soixonte-dix  tragédies,  dont 
une  (  Achillis  )  avait  été  traduite  par 
Ennius,  et  imitée  par  Plante  dans  son 
Pœnulus.  Athénée  cite  cet  Aristar- 
que  vers  la  fin  de  sou  i5"*.  livre. 
A_D— R. 
ARISTÉE.  Nous  avons,  sous  son 
nom,  ?  Histoire  des  Septante,  c'est- 
à-dire,  de  la  manière  doiit  a  été  faite  la 
version  grecque  de  la  Bible ,  connue 
sous  le  nom  des  Septante.  Cet  Ari;tée , 
qui  se  dit  attaché  à  la  personne  de  Ptolé- 
mée  Philadelphe ,  raconte  que  ce  prin- 
ce, ayant  chargé  Démétrius  do  Pha- 
lère  du  soin  de  lui  former  une  biljlio- 
thèque ,  apprit  de  lui  que  les  juifs 
avaient,  dans  leur  langue,  des  livres 
qu'il étaitimpoitant de  faire  traduire  en 
grec,  pour  les  avoir  dans  sa  bibliothè- 
que. Ptolémée,  d'après  cet  avis,  envoya 
les  ambassadeurs,  du  nombre  des- 
quels était  Aristée,  et  des  présents 
considérables  à  Éléazar,  souverain  pon- 
tife des  juifs,  pour  lui  demai/der  ces 
livres,  et  des  interprètes  qui  pussent 
les  traduire.  Eléazar  choisit,  dans 
chacune  des. douze  tribus,  six  person- 
nes également  versées  dans  les  livres 
saints  et  dans  la  langue  grecque,  et  il 
les  chargea  de  porter  ces  livres  à  Pto- 
lémée et  de  les  traduire;  on  pinça  ces 
soixante-douze  interprètes  dans  l'île  de 
Phares,  pour  qu'ils  fussent  moins  dé- 
tournés de  leur  travail,  et  ils  v  firent 
cette  version  célèbre,  dont  faisaient 
usage  dans  leurs  synagogues  les  juifs 
établis  en  Egypte  ,  qui  ignoraient  , 
«n  général,  la  langue '^hébraïquej  et 


ARI  437 

elle  est  encore  la  seule  qwe  reconnais-  , 
sent  les  églises  grecques.  Pour  rendre 
la  chose  plus  merveilleuse,  on  ajouta, 
par  la  suite,  que  ocs  soixante-douze 
interprètes,  enfermés  dans  des  cellules 
particulières,  ti'aduisirent  chacun  la 
Bible  eu  entier ,  et  que ,  lorsqu'on 
compara  ces  traductions,  on  trouva 
qu'ils  s'étaieiit  rencontrés,  non  seule- 
ment pour  le  sens,  mais  encore  pour 
les  expressions.  Il  est  reconnu  main- 
tenant, que  toute  cette  histoire  a  été 
imaginée  par  quelque  juif  d'Alexau- 
drie,  qui  a  voulu  relever  le  mérite  de 
cette  version ,  que  les  juifs  de  la  Pales- 
tine étaient  bien  éloignés  d'approuver, 
puisqu'ils  la  regardaient  comme  ime 
profanation,  pour  l'expiation  de  la- 
quelle ils  instituèrent,  dit-on,  un  deuil 
annuel.  Cependant  ,  l'ouvrage  que 
nous  avons  sous  le  nom  diAristé^ 
es?  ancien,  car  Philon  le  juif,  et  Jo- 
scphe ,  le  citent.  Il  a  été  irapiimé  plu- 
sieurs fois  séparément  :  la  meilleure 
édition  est  celle  qui  a  paru  en  gi  ec  et 
en  latin,  Oxi  nii,  iGg'i,  iii-8'.  On  le 
trouve  sussi ,  avec  une  léfutation 
très-savanîc,  dans  l'ouvrage  intitulé: 
Humfr.  Hodii  de  iibliorum  textibus 
originalibus  libri  I J^,  Oxoiii,  1 705, 
in-fol.,  et,  à  la  suite  de  la  disserta- 
tion de  van  Dale,  De  LXX.  Inter- 
prelibus  super  Arisleam,  Amstelo- 
dami ,  1705,  in-4  .  On  croit  mainte- 
nant que  la  version ,  dite  des  Septante, 
a  été  faite  par  parties,  et  à  différent 35 
époques,  par  des  juifs  d'Alexandrie  : 
celle  du  Pentateuque  est  la  plus  an- 
ci(  une ,  et  peut  bien  remonter  au  règne 
de  Ptolémée  Philadelphe.  Les  autre» 
livres  ont  été  traduits  un  peu  plus 
tard;  mais  long-temps  avant  la  con,- 
quète  de  l'Egypte  par  les  Romain^. 
Cette  traduction  est  la  première  doî\t 
les  chrétiens  se  soient  servis,  et  c'est 
d'après  elle  que  les  Apôtres  citen.t 
l'Ancien  Testament.  Elle  a  été  impr^ 


438  A  R  I 

mee  un  gr.Tncl  nombre  <1p  fuis  ;  les  meil- 
leures éditions  sont  :  celles  qui  furent 
données,  i".  pai  les  ordres  de  Sixte- 
Quiiit,  d'après  un  manuscrit  très-an- 
cien du  Vatican,  Rome,  1587,  '"^'^ol-j 
réimprimée  avec  le  Nouveau  Testa- 
ment, gr,  lat.  studio  Jo.  Morinî,  Pa- 
risiis.  1628,  in-fol.,  5  vol.;  1°.  par 
Lambert  BoS,  d'après  le  manusciit  du 
Vatican,  avec  des  variantes,  Franec- 
kerae,  1709,  in-4".,  2  vol.;  5".  par 
Grabc,  d'après  le  manuscrit  d'Alexan- 
drie, qui  se  trouve  dans  la  bibliothè- 
que du  roi  d'Angleterre,  Oxonii, 
1707  et  suiv. ,  in-fo!.,  1  vol.,  rc'im- 
prime'e  à  Zinich  (  Tigwii),  par  les 
soins  de  Bieitinger,  1700,  in-4'.,  4 
vol.;  ^".  par  Davitl  Millius,  Trajecti 
nd  Rlienum,  1723,  in-8'.,  2  vol. 
M.  Holmes  ,  savant  anglais  ,  avait 
entrepris  d'en  donner  une,  avec  les 
variantes  de  tous  les  manuscrits  exis- 
tants :  il  en  a  paru  un  spécimen,  con- 
tenant la  Genèse,  Oxonii,  1798,  in- 
fol.  M.  Holmes  étant  mort,  je  ne  sais 
si  l'ouvrage  se  continue.  Le  livre  de 
Daniel,  qui  se  trouve  dans  toutes  les 
éditions  des  LXX,  n'était  point  de  la 
même  traduction  que  le  reste;  celle 
des  LXX  a  e'te'  imprimée,  pour  la 
première  fois ,  à  Rome,  «772,  in-fol. , 
et  ré'mpiiuKc  avec  les  notes  de 
M.  Cb.  Sé^aar,  Trajecti  ad  Rhenum, 
1775,11-8".  G — R. 

ARISTENÈTE,  auteur  grec  du 
4".  siècle,  ne  à  ISicée,  mourut  dans 
ie  tremblement  de  terre  de  Niconic- 
die,  en  ô58.  Il  fut  i^•2rai  do  Libanius. 
On  prc'snme  qu'il  est  l'auteur  dr  s  let- 
tres connues  sous  son  nom.  Ces  lettres 
furent  imprimées,  pour  la  première 
fois .  p.ir  les  soins  de  Sarabucus  ,  An- 
vers ,  1 50(3  ,  in-^".  Josias  Mercier  en 
donna, ru  i5()5,  uneu»  vivelleédifion, 
avec  une  version  latine  et  des  notes, 
réimprimée  en  iGoo,  i6io,  lôSg. 
La  meilleure  édition  est  «elle  qui  a  été 


ART 

donnée  par  Fr.  L.  Abrescli ,  Zwoll, 
1749,  in-8".  On  trouve  à  la  suite 
Lectionum  AristeneLarum  libri  duo. 
On  doit  y  joindre  P'irorum  alir/not 
eruditorum  in  Aristœnetœ  epistolas 
conjecturœ,  Amsterdam,  1 752, in-8". 
lia  paru  à  Vienne,  en  i8o5,  une  édi- 
tion toute  grecque  d'Aristenète,  avec 
une  lettre  qui  u'av.iit  jamais  été  impri- 
mée; mais  on  attend  toujours  celle  qu'a 
promise  M.  Bast ,  et  dont  il  avait,  dès 
179G,  publié  un  spécimen.  Il  existe 
plusieurs  traduciions  françaises  des 
Lettres  d'Aristenète.  Cyre  Foucault 
en  donna  une  dès  1  597.  Lesage  publia 
la  sienne  en  1695,  iu-8**.  :  elle  a  été 
réimprimée  à  Lille ,  dans  le  forjnat 
in- 1 8  ,  et  insérée  dans  le  Manuel  des 
Boudoirs.  Cette  traduction  est  bien 
moins  exacte  que  celle  de  Cyre-Fou- 
caull.  I\L  iMoreau  ,  procureur  du  roi 
au  Châtelet  donna,  en  I75i  ,  une 
nouvelle  traduction  ,  ou  plutôt  imi- 
tai ion  d'une  partie  des  Lettres  i^A- 
ristenèle.  M.  Félix  Nogarct  a  pu- 
blié, en  J797,  2  vol.  in- 18,  YAris- 
tenètc  français.  C'est  une  espèce 
d'imitation  des  Lettres  d'Aristenète. 
M.  Boissonade  a  traduit  en  entier  cet 
auteur  ,  et  son  travail ,  comme  celui 
de  AI. Bast,  n'a  pas  encore  vu  le  jour. 
«  Des  critiques  très -éclairés,  dit  le 
»  moderne  traducteur,  ont  parlé  du 
»  style  des  Lettres  d'Aristenète  cixec 
»  beaucoup  d'éloges  ;  mais  il  faut  con- 
»  venir  qu'il  manque  trop  souvent  de 
»  goût  et  de  naturel,  qu'il  est  pres- 
»  que  toujours  déclamatoire ,  et  que 
»  cet  ouvrage  n'a  vraiment  de  mérite 
»  que  celui  de  son  antiquité,  et  des 
»  peintures  toujours  ])iecieuses  des 
»  mœurs  de  la  Grèce  ancienne.  » 
A.  B— T. 
ARISTIDE,  fils  de  Lysimaquc,  de 
la  tribu  Antiochide,  était  de  l'une  des 
principales  familles  d' Athènes.  11  se 
distingua  de  bonne  heure  par  une 


ARI 

probité  sëvèrc ,  ce  qui  lui  valut  le  snr- 
iioni  de  Juste.  Hélait  polemarque,  ou 
capitaine  de  sa  tribu  ,  lorsque  les 
Alhe'nicns  combattirent  les  Perses  à 
Maratlion.  Chacun  de  ces  poléraarqucs 
avait  à  son  tour  le  commandement  de 
l'armée,  pour  un  jour  seulement,  ce  qui 
em|)èchait  qu'on  ne  pût  mettre  de  la 
suite  dans  les  opérations  militaires  ; 
Aristide,  sentant  le  vice  de  cette  institu- 
tion ,  céda  son  jour  à  Miltiades,  celui 
d'entre  eux  qui  avait  le  plus  de  ta- 
lents ,  et  engagea  les  autres  polémar- 
ques  à  en  faire  de  même  ;  et  ce  fut 
principalement  à  cette  mesure  qu'on 
dut  le  gain  de  la  bataille  de  Mara- 
thon. Après  le  combat ,  il  res'a  avec 
sa  tribu  pour  garder  les  prisonniers 
rt  les  dépouilles  des  Perses ,  tandis  que 
les  neuf  autres  retournèrent  en  hâte  à 
la  ville,  dans  la  crainte  que  les  Perses 
ne  tentassent  un  débarquement.  11  fut 
archonte  l'année  suivante.  La  consi- 
dération dont  il  jouissait  excita  la  ja- 
lousie de  Thémistocles ,  qui  cherchait 
â  s'avancer  aux  dépens  de  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  dislingué  à  Athè- 
nes ;  il  n'osa  pas  l'attaquer  ouverte- 
ment ;  mais  il  fit  répandre  sourdement 
le  bruit  qu'Aristide  s'arrogeait  une  es- 
pèce de  royauté,  en  attirant  à  lui  tous 
les  procès  pour  les  accommoder ,  ce 
qui  laissait  les  tribunaux  dans  l'inac- 
tion ,  accusation  d'un  grand  poids  au- 
près de  la  dernière  classe  du  peu- 
ple ,  à  qui  les  jugements  étaient  aban- 
donnes ,  et  qui  tenait  beaucoup  à  ces 
fonctions  à  cause  du  salaire  qui  y 
était  attaché.  Ces  insinuations  produi- 
sirent leur  effet ,  Aristide  fut  exilé  par 
l'ostracisme ,  moyen  dont  le  peuple 
athénien  ,  naturellement  jaloux  et  in- 
grat ,  se  servait  pour  se  débarrasser 
de  ceux  dont  le  mérite  l'offusquait. 
On  raconte  à  ce  sujet  qu'un  citoyen 
obscur  qui  se  trouvait  à  côté  d'Aris- 
tide ,  dans  l'assemblée  où  il  fut  exilé, 


ARI 


4^9 


s'adressa  à  lui-même  pour  faire  écrire 
son  nom  sur  sa  coquille.  «  Aristide 
»  vous  aurait-il  offensé ,  lui  demanda 
»  celui-ci?  —  Non,  répondit  l'homme 
»  du  peuple  ;  je  ne  le  connais  même 
»  pas  ;  mais  je  suis  las  de  l'entendre 
»  toujours  nommer  \e  Juste  ».  En  quit- 
tant la  ville ,  il  pria  les  dieux  qu'il  n'ar- 
rivât rien  à  sa  patrie  qui  pût  le  faire 
regretter.  Ses  vœux  ne  furent  point 
exaucés  ;  car  Xerxès  vint,  trois  ans 
après,  attaquer  la  Grèce  avec  une  armée 
innombrable.  Aristide,  qui  était  alors  k 
Égine  ,  V  nt  à  Salamine;  et ,  ayant  dit 
appeler  Thémistocles  ,  il  se  réconcilia 
avec  lui ,  et  lui  annonça  que  l'armée 
grecque  était  presque  enveloppée  par 
les  Perses  ;  Thémistocles ,  alors ,  lui  fit 
part  du  stratagème  qu'il  avait  employé 
pour  empêcher  les  forces  navales  de 
la  Grèce  de  se  séparer.  Aristide  passa 
avec  quelques  troupes  dans  la  petite 
île  de  Psyttalie,  qu'il  reprit  aux  Per- 
ses :  ce  qui  fut  d'un  grand  secours  aux 
Grecs,  ceux  dont  les  vaisseaux  étaient 
submergés  y  trouvant  un  refuge  as- 
suré. 11  commanda  les  Athéniens  à  la 
bataille  de  Platée  ,  et  eut  beaucoup 
de  part  à  la  victoire  qui  fut  remportée 
sur  les  Perses.  On  croit  qu'il  fut  encore 
archonte  l'année  suivante.  Ilfit  rendre 
une  loi  pour  que  le  peuple  fût  admis  à 
toutes  les  places  ,  même  à  celle  d'ar- 
chonte. Thémistocles  ayant  annoncé 
qu'il  avait  un  projet  très  -  important 
pour  la  république;  mais  qu'il  ne  pou- 
vait pas  communiquer  en  assemblée 
publique  ,  on  lui  dit  d'en  faire  part  à 
Aristide ,  et  de  le  discuter  avec  lui  •  ce 
projet  était  de  brûler  les  vaisseaux  des 
Grecs  qui  étaient  tous  réunis  dans  un 
port  voisin  ,  pour  assurer  l'empire  de 
la  mer  aux  Athéniens.  Aristide  vint 
dire  au  peuple  qu'il  n'y  avait  rien  de 
plus  avantageux  et  en  même  temps  de 
plus  injuste  que  le  projet  de  Thémis- 
tocle,  et  on  le  rejeta  sur-le-champ.  Les 


44o  A  R I 

Grecs  avaient  euvoyé  en  Asie  une  es- 
cadre considérable  pour  faire  la  guerre 
nu  roi  de  Perse ,  et  Pausauias ,  l'un 
des  rois  de  Sparte  qui  en  avait  le  com- 
mandement ,  se  conduisait  avec  beau- 
coup de  hauteur  et  d'insolence  envers 
les  allies  ;  Cimon  et  Aristide  étant  ve- 
nus prendre  celui  des  vaisseaux  athé- 
niens qui  faisaient  partie  de  cette  es- 
cadre ,  mirent  tant  de  douceur  et  de 
modération  dans  leur  conduite,  que 
les  Grecs  abandonnèrent  les  Lacédé- 
inoniens  et  décernèrent  le  commande- 
ment général  aux  Athéniens.  Aristide 
les  décida  ensuite  a  se  soumettre  à  une 
contributiou  réglée  pour  subvenir  aux 
frais  de  la  guerre,  contribution  qui 
devait  être  payée  entre  les  mains  des 
trésoriers  nommés  en  commun ,  et 
déposée  à  Délos.  On  le  chargea  d'en 
faire  lui-même  la  répartition  ,  et  il  s'en 
acquitta  d'une  manière  qui  ne  fit  que 
confirmer  la  haute  opinion  qu'on  avait 
de  son  équité.  Plutarque  raconte  que 
celte  répartition  fut  l'objet  d'un  traité 
entre  les  Athéniens,  d'un  côté,  et  les 
alliés  de  l'autre ,  dont  l'observation  fut 
sanctionnée  par  les  serments  les  plus 
sacrés  qu'Aristide  prêta  au  nom  de  ses 
concitoyens  ;  que  l'occasion  s'étant 
présentée  par  la  suite  de  violer  ce 
traité ,  il  dit  aux  Athéniens  qu'ils  pou- 
vaient agir  suivant  leurs  intérêts  ,  et 
rejeter  le  parjure  sur  lui.  11  ajoute  que 
lorsqu'on  proposa  d'enlever  de  Délos 
les  sommes  qui  y  étaient  en  dépôt 
pour  les  apporter  à  Athènes ,  il  l'ap- 
prouva ,  en  disant  que  cela  était  utile 
quoique  injuste.  Ces  deux  anecdotes 
sont  si  peu  dans  le  caractère  d'Aris- 
tide ,  que  je  ne  balance  pas  à  les  re- 
jeter. Il  n'y  avait  pas  besoin  d'un  traité 
pour  que  les  Grecs  donnassent  aux 
Athéniens  le  commandement  de  leurs 
forces  réunies  ,  et  l'argent  de  Délos 
BC  fut  transporté  à  Athènes  que  long- 
temps après  la  mort  d' Aristide.  Plu- 


ARÎ 

tarque ,  qui  n'est  pas  très-sévère  dans 
le  choix  de  ses  anecdotes ,  avait  tiré 
ces  deux-là  d'un  ouvrage  attribué  au 
philosophe  Théophraste ,  mais  qui 
était  sans  doute  supposé.  On  ne  doit 
pas  ajouter  plus  de  foi  à  l'anecdote 
suivante.  Plutarque  dit  qu'Aristide 
voyant  que  Thémistocles  était  tiès- 
remuant  et  s'opposait  à  toutes  les 
propositions  qu'il  faisait ,  prit  le  parti 
d'en  faire  de  même,  et  qu'ayant  uu 
jour  fait  rejeter  un  projet  très-avan- 
tageux qu'avait  présenté  son  antago- 
niste ,  il  ne  put  s'empêcher  de  dire  en 
sortant  qu'il  n'y  aurait  pas  de  salut 
pour  la  république ,  qu'on  ne  les  eût 
jetés  tous  les  deux  dans  le  Barathrum , 
lieu  où  l'on  précipitait  les  malfaiteurs. 
11  mourut  à  un  âge  très -avancé,  et , 
comme  il  ne  laissa  pas  de  quoi  faire 
les  frais  de  sa  sépulture,  le  peuple  s'en 
chargea  et  lui  fit  ériger  un  tombeau  à 
Phalères.  Il  avait  deux  filles,  et  uu  fils 
nommé  Lysimaqiie.  On  dota  les  deux 
premières  aux  dépens  de  la  républi- 
que ,  et  on  leur  donna  à  chacune  5,ooo 
drachmes  (  2,'^  oofr.);  on  donna  à  son 
fils  I  CD  mines  d'argent  (  9,000  fr.),  et 
un  terrain  planté  d'arbres,  de  cent 
plethres  d'étendue  (  le  plethre  était 
d'un  peu  plus  de  1 4  toises  en  carré  j. 
Quelques  auteurs  disent  que  Socrate, 
quoique  déjà  marié,  épousa  Myrto , 
la  petite-fille  d'Aristide,  qui  se  trou- 
vait veuve  et  dans  la  plus  grande  in- 
digence ;  mais  Plutaïque  lui-même 
révoque  ce  fait  eu  doute.  La /7e  d'A- 
ristide a  été  écrite  par  Plutarque  et  par 
Cornélius  Népos.  C — r. 

ARISTIDE  de  Milct ,  écrivain  dont 
l'époque  n'est  pas  bien  connue,  quoi- 
qu'on sache  qu'il  florissait  long-temps 
avant  J.-C.  Il  avait  écrit  diflérents 
ouvrages  historiques  dans  lesquels  il  y 
avait  beaucoup  de  fables ,  à  en  juger 
par  ce  que  nous  en  trouvons  dans  les 
anciens.  Il  était  beaucoup  plus  connu 


par  SCS  Milèsiaques ,  qui  étaient  un 
recueil  de  contes  très-obscènes ,  et  Plu- 
tarque  raconte  que  Surëna  les  ayant 
trouve's  dans  le  bagage  d'un  Romain 
de  l'arme'e  de  Crassus  ,  les  fit  voir  au 
Se'nat  de  Se'ieucie  ,  pour  le  mettre  à 
portée  de  juger  de  la  dissolution  des 
mœurs  des  Romains  ,  qui ,  au  milieu 
même  des  camps ,  se  livraient  à  des 
lectures  de  ce  genre.  Siscnna  les  avait 
traduites  en  latin.  Apulée,  dans  sa 
pre'face  de  ÏAne  d'or,  avertit  qu'il 
va  écrire  des  contes  à  la  Milésiaque. 
C— R. 
ARISTIDE  (^uus  ),  disciple  de 
Pole'mon  ,  était  né  à  Hadrianes  dans 
la  Bitliynie ,  l'an  de  J.-C.  1 29.  Après 
avoir  fi  c'quenté  les  écoles  des  rhéteurs 
les  plys  célèbres  de  son  temps ,  il  en- 
treprit plusieurs  voyages ,  poussa  ses 
courses  jusque  dans  l'Étliiopie,  et  se 
vantait  d'avoir  parcouru  quatre  fois 
l'Egypte  toute  entière.  Il  se  fixa  enfin 
à  Smyrne ,  où  son  éloquence  lui  fit 
bientôt  une  grande  réputation  ;  mais 
ce  qui  contribua  le  plus  à  sa  célébrité, 
ce  fut  le  service  qu'il  rendit  à  cette 
ville ,  presque  entièrement  renver- 
sée, l'an  lyHde  J.-C. ,  par  un  trem- 
blement déterre.  L'empereur  Antonin 
lui  en  accorda  la  restauration  ;  et  la 
reconnaissance  des  habitants  fut  sans 
bornes.  Ou  éleva  à  Aristide  une  statue 
d'airain  auprès  du  temple  d'Escu- 
lape.  Ce  rhéteur  était  fort  instruit , 
écrivait  et  parlait  avec  une  grâce  par- 
ticulière, mais  s'exagérait  son  mérite 
comme  orateur  ,  au  point  d'oser  lutter 
avec  Isocrate  (  dans  son  Panathé- 
ndique  )  pour  l'élégance  et  la  pureté 
du  style  5  et  avec  Démosthènes  lui- 
même  ,  pour  la  force  et  la  véhé- 
mence ,  dans  son  Discours  contre 
Lepline.  Il  imposa  réellement  à  la 
plupart  de  ses  contemporains  -,  mais 
la  postérité  a  considérablement  ra- 
battu de  ces  éloges  outrés  ;  et  les  juges 


ARI  4/n 

ëclaire's  ont  reconnu  que  le  principal , 
pour  ne  pas  dire  l'unique  mérite  des 
cinquante-quatre  Discours  qui  nous 
restent  d'Aristide ,  consiste  dans  le 
choix  et  l'arrangement  des  mots ,  vain 
et  frivole  artifice  qui  ne  déguise  ja- 
mais  qu'imparfaitement  le  vide  des 
choses.  Les  Discours  d'Aristide  ont 
été  publiés  ,  pour  la  première  fois  ,  à 
Florence  (  1 5 1  "j  ) ,  chez  les  Juntes  , 
in-fol.  j  à  Venise  ,  chez  les  Aides  , 
i5'27; à  Genève,  i6o4,5  vol.in-8°., 
par  P.  Etienne  ;  à  Oxford,  enfin  , 
1 7'22  —  5o,  par  Samuel  Jebb ,  2  vol. 
in-4°.,  avec  les  Notes  et  coiTicùons 
de   Canter ,    Paulmicr  ,    Spanheira  , 
Normann,  Tristan,  T.  Lefcvre,  L.  Bos, 
et  celles   de  l'éditeur,  édition  Irès- 
incorrecte  et  très-incommode ,  comme 
la  plupart  de  celles  publiées  en  Angle- 
terre. A  la  suitede  son  édition  du /?i5- 
coiirs  de  Démosthcnes  contre  Lep- 
tine,  M.  Wolf  a  publié  celui  d'Aris- 
tide   sur  le  même  sujet  ;   c'est  une 
simple  réimpression  du  texte  grec  , 
donné  pour  la  première  fois  à  Venise, 
i'j85,  par  le  savant  abbé  Morelli. 
A_D— R. 
ARISTIDE  (  S.  ) ,  apologiste  de  la 
religion,  était  Athénien  de  naissance , 
philosophede  profession,  dont  il  garda 
l'habit,  même  après  avoir  embrassé  le 
christianisme.  L'empereur  Adrien  se 
trouvant  à  Athènes,  en  1 25, Aristide 
lui  présenta  lui-même  une  Apologie 
pour  les  chrétiens,  afui  de  faire  cesser 
la  persécution  qu'on  exerçait  contre 
eux  dans  toute  l'étendue  de  l'empire. 
Cette  Apologie  contribua  à  faire  rendre 
le  célèbre  édit  par  lequel  l'empereur 
ordonna  de  ne  faire  mourir  personne 
qu'après  une  accusation  et  ime  con- 
viction juridique  de  son  crime  ,  ce  qui 
étant   appliqué    aux    chrétiens   leur 
procura  plus  de   calme   qu'ils    n'en 
avaient  eu  jusque-là.  Cet  ouvrage,  qui 
fut  regardé  comme  uu  monunieiit  de 


/.^'i  ARÏ 

l'esprit  el  de  l'eloquenoc  de  son  au- 
teur, est  perdu,  S.  Jérôme,  qui  l'avait 
lu,  nous  apprend  qu'il  était  rempli  de 
passages  choisis  des  philosophes.  Adon 
prétend  que  cette  Apologie  se  conser- 
vait encore  de  son  temps  à  Athènes. 
La  Guilletière  assure  même  dans  son 
Athènes  ancienne  et  moderne ,  que 
quelques  caloyers  se  vantent  de  la 
posséder  dans  la  bibliothèque  du  mo- 
nastère de  Medelli ,  à  sis  railles  d'A- 
thènes. T — D. 

ARISTIDE  QUINTILIEN,  vivait , 
à  ce  qu'on  croit,  vers  le  commence- 
ment du  1".  siècle  de  notre  ère,iui  peu 
avant  Ptolémée.  Nous  avons  de  lui  trois 
livres  sur  la  musique  en  grec,  dont 
la  meilleure  édition  est  celle  que  M. 
Meibomius  a  donnée  en  grec  et  en 
latin  ,  avec  ses  notes,  dans  le  Recueil 
iniitïdé:  Antiqiue  miisicœ  auctores, 
Amstclodami,  Lud.  Elzevirius,  i65-2, 
in-4''.  Aristide  ne  s'appesantit  point, 
dans  ce  Traité,  sur«la  partie  technique 
de  la  musique ,  mais  sur  la  partie 
morale.  11  est  étonnant  q'.ie  cet  ou- 
vrage ,  p!cin  de  s.^ges  principes ,  d'es- 
prit et  de  grâce ,  n'ait  pas  trouvé  un 
traducteur  français.  C — r. 

ARISTIDE  de  Thèbes  ,  peintre  , 
fut  élève  d'Euxénidas  ,  et  vécut  vers 
la  1 10*".  olympiade,  5.(0  ans  av.  J-C. 
11  fut  le  premier  qui  sut  donner  de 
l'expression  aux  figm-es ,  et  y  retracer 
le  caractèi  e  des  passions  et  les  mou- 
vements de  l'ame.  Son  chef-d'œuvre 
était  un  tableau  représentant  le  sac 
d'une  ville  ;  on  y  voyait  une  mère 
blessée  et  mourante ,  avant  près  d'elle 
son  enfant  qui  cherchait  encore  la 
mamelle  ;  les  traits  de  cette  femme 
exprimaient'i'inquiétude  qu'elle  éprou- 
vait, que  l'eufant  ne  suçât  le  sang  dont 
elle  était  baignée.  Alexandre  fit  trans- 
porter ce  tableau  à  Pella.  Aristide  pei- 
gnit pour  Mnason  ,  tyran  d'Elatée, 
wn  combat  livré  aux  Perses ,  et  ce 


ARÎ 

tableau  lui  fut  payé  à  raison  d'une 
mine  par  figure;  il  y  en  avait  cent. 
Pline  cite  en  détail  les  principaux  ou- 
vrages d'Aristide  ;  une  grande  par- 
tie fut  détruite  à  la  prise  de  Corintlie 
par  les  Romains.  Polybe  rapporte 
que  les  tableaux  étaient  jetés  pêle-mêle, 
et  que  les  soldats  jouaient  aux  dés 
dessus,  sans  en  connaître  le  prix.  Ee 
roi  Attale  avant  aperçu  ,  lors  de  la 
vente  du  butin  ,  un  tableau  de  Bac- 
chiis  ,  de  la  main  d'Aristide ,  le  pava 
6ooo  sesterces.  Ce  prix  fit  soupçon- 
ner au  consul  Mumraius  le  mérite  de 
l'ouvrage;  il  le  relira  des  mains  d'At- 
tale ,  et  le  porta  à  Rome ,  où  l'on 
n'avait  point  encore  vu  de  peinture 
étrangère.  Un  autre  tableau  du  même 
artiste  fut  brûlé  à  Rome  dans  l'incen- 
die du  temple  de  Gérés.  Aristide,  eu 
mourant  ,  laissa  imparfaite  une  7m 
que  personne  n'osa  terminer.  Ses  prin- 
cipaux élèves  furent  Euphranor,  An- 
torides ,  et  ses  propres  enfants ,  Ni- 
céros  et  Arislippe  :  ce  dernier  avait 
peint  un  Satyre  avec  une  coupe  sur 
la  tête.  On  croit  aussi  qu'Aristide 
avait  connu  la  peinture  à  l'encaus- 
tique.—  Piiiie  parle  d'un  autre  Aris- 
tide ,  peintre,  élève  de  Nicomaque. 
— 11  y  a  eu  encore  un  statuaire  de  ce 
nom  ,  élève  de  Polyelète ,  et  qui  ex- 
cellait à  représenter  drs  chars  à  deux 
et  à  quatre  chevaux;  il  et.  it  de  Sycio- 
ne,  et  vivait  dans  la  87'".  olympiade, 
452  ans  avant  J.-C. — Pausanias  cite 
aussi  un  Aristide  ,  qui  avait  perfec- 
tionné la  barrière  des  jeux  olympiques, 
inventée  par  Cléotas.      L — S — e. 

ARISTION,  fils  d'un  Athénien, 
philosophe  péripaféticien  ,  et  d'une 
esclave  égyptienne , se  nommait  Athè- 
nion  dans  sa  jeunesse.  Son  père  avant 
pris  soin  de  l'instruire  dans  les  belles- 
lettres  et  la  ]>hilosopliie ,  lui  laissa  ses 
biens  en  mourant.  Athenion  se  rendit 
alors  à  Athènes ,  où  il  se  fit  recevoii" 


APiI 

citoyen,  cl  prit  le  nom  d^Aristîon. 
Comme  il  ne  manquait  pas  de  talents,  il 
se  mit  à  professer  les  belles-lettres  à 
Messène  et  à  Larisse,  dans  la  Tlies- 
salie,  et,  après  avoir  amassé  beaucoup 
de  bien ,  il  revint  à  Athènes.  Peu  de 
temps  après,  Mitbridate  ayant  déclaré 
la  j^uerre  aux  Romains,  les  Athéniens, 
qui  furent  toujours  amis  du  change- 
ment, lui  envoyèrent  des  ambassa- 
deurs, du  nombre  desquels  fut  Aris- 
tion.  Il  parvint  à  s'insinuer  dans   la 
confiance  du  l'oi,  et  devint  l'un  de  ses 
amis.  Mithridate  étant  parvenu  à  sou- 
lever l'Asie  entière  contre  les  Romains , 
envoya  Archc'laiis,  l'un  de  ses  lieute- 
nants, avec  une  escadre,  et  Aristion 
avec  lui,  pour  faire  révolter  les  Grecs 
de  l'Europe.  Archélaijs  aborda  d'abord 
à  Délos,  qu'il  prit  et  rendit  aux  Alhé- 
iiiens;  et,  voulant  leur  envoyer  les 
trésors  sacrés ,  il  chargea  Aristion  de 
les  conduire  à  Athènes,  et  lui  donna 
2000  hommes;  au  premier  bruit  de 
son  arrivée ,  les  Athéniens  envoyèrent 
des  vaisse?ux  à  Carystos,  dans  l'Eu- 
béc,  où  il  avait  été  jeté  par  la  tempête. 
Lorsqu'il  fut  dans  la  ville,  il  leur  fit 
un  discours  dans  lequel  il  éleva  bien 
haut  le  pouvoir  de  Mithridate,  et  la 
bonne    volonté  qu'il   avait  pour  les 
Athéniens,  à  qui  il  voulait  rendre  la 
démocratie,  et  il  les  décida  à  se  décla- 
rer peur  lui ,  et  le  peuple ,  toujours 
prompt  à  se  livrer  aux  espérances  les 
plus  légèrement  fondées,  le  nomma 
général  de  ses  troupes.  Bientôt  après, 
il  s'empara  de  la  citadelle,  àl'aidedes 
2000  hommes  qu'il  avait  amenés,  et, 
s'etant  déclaré  tyran ,  il  fit  arrêter  tous 
ceux  qui  tenaient  au  parti  des  Ro- 
mains, fit  périr  les  uns  sur-le-champ, 
et  envoya   les  autres  à  Mithridate; 
donnpnt  ensuite  l'essor  à  sa  cupidité , 
il  s'en)para  du  bien  des  riches  et  même 
des  étrangers,  et  il  envoya  Apellicon 
'    à  Délos  j  pour  piller  les  trésors  du 


A  RI  445 

temple.  Sylla  étant  alors  arrive  dans  la 
Grèce,  envoya  une  partie  de  son  ai- 
mée assiéger  Athènes,  et  alla,  avec  le 
reste,  attaquer  le  Pirée,tque  tenait 
Archélaiis.  N'ayaut  pas  pu  le  prendre 
d'assaut ,  il  tourna  tous  ses  efforts  con- 
tre la  ville,  qui  se  défendit  long-temps. 
Aristion,  qui  avait  fait  provision  de 
vivres  pour  sa  garnison  et  pour  lui, 
s'inquiétait  fort  peu  de  voir  les  habi- 
tants en  proie  à  la   famine  la  plus 
cruelle;  il  insultait  même  à  leur  mi- 
sère ,  en  se  livrant  à  la  débauihe  la 
plus  effrénée;  il    s'eniviait  fréquem- 
ment, et  venait,  dans  cet  état,  sur  les 
murs,  d'où  il  vomissait,  contre  Sylla 
et  Mctella ,  son  épouse ,  les  propos 
les  plus  outrageants.  A  la  fin ,  cepen- 
dant, Sylla  prit  la  ville  d'assaut;  et 
Aristion,  s'etant  réfugié  dans  la  cita- 
delle, fut,  bientôt  après,  obliçié  de 
capituler ,  et  SvHa  le  fit  mourir.  Appien 
dit  qu'il  était  de  la  secte  d'Épicure; 
mais  on  doit  plutôt  croire  Posidonius, 
qui  dit  qu'il  était  péripatéticien. 
C— R. 
ARÏSTIPPE  devint  tyran  d'Argos. 
après  la  mort  du  premifr  Aristoma- 
chus.  11  y  avait  peu  de  temps  qu'il  l'é- 
tait, lorsqu'Aratus  forma  le  projet  de 
délivrer  Argos  du  joug  d'Aristippe,  et 
il  essaya  de  prendre  la  ville  par  sur- 
prise ;  mais  n'ayant  point  été  seconde 
par  les  habitants,  il  fut  obligé  de  se 
retirer,  et  Aristippe  chercha,  par  la 
suite,  à  le  faire  assassiner.  Ce  tyran, 
quoique  protégé  par  Antigone  Gona- 
tas,  vivait  dans  des  alarmes   conti- 
nuelles, ne  se  fiant  ni  à  ses  esclaves» 
ni  même  à  ses  gardes;  il  s'enfermait 
pendant  la  nuit,  avec  sa  maîtresse , 
dans  une  chambre  écartée,  où  il  en- 
trait par  une  trappe ,   et  avec   unr 
échelle  que  la  mère  de  sa  maîtresse 
avait  soin  de  venir  enlever  tous  les 
soirs  :  elle  venait  la  remettre  le  lende- 
main.  Aratus  n'ayaut  pu  réussir  à 


444  A  R I 

prendre  Argos  par  surprise,  déclara 
la  guerre  aux.  Argieus,  et  Aristippe  fut 
tué  dans  un  comliat,  près  de  Mycè- 
nes  ,  l'an  iLo.  avant  J.-C.  Mais  les  Ar- 
giens  ne  rec:ouvrèrcuî  point  leur  li- 
berté, Pt  ie  second  Aiistumachus  se  6t 
tyra;!  d'Arg*";.  11  i.'est  que.-.lio!i  d'Aris- 
tippt  (jue  J 'IIS  Plutarque ,  cl  Polvbe, 
qui  entie  dtus  beaucoujj  Af  détails 
sur  Araf  i>  et  sur  la  ligue  acbé  une, 
n'eu  di;  pas  un  mot.  C     r, 

ARISTIPPE,  céubre  philosophe, 
était  né  à  Cyrèie,  d'une  familie  qui 
e'tait  dansl'.tisanre;  car  Aiéiadès,  son 
père,  l'envoya  aux  jeux  olympiques, 
prtLabicmeuî  pour  disputer  le  prix 
de  la  course  des  chars;  i!  v  rencontra 
Ischum.ichus,  qui  lui  parla  de  So- 
crale ,  et  lui  inspira  un  tel  désir  de 
l'cntcudre ,  qu'il  vint  sur-le-champ  à 
Athènes  ,  et  se  l'angea  au  nombre  de 
ses  disciples.  Il  n'ado[ita  cependant 
j)as  tous  SCS  principes  ;  il  pensait, 
comme  lui ,  qu'on  devait  s'abstenir  de 
raisonner  sur  les  (  hoses  qui  sont  hors 
de  la  portée  humaine;  il  lui  ressem- 
blait aussi  par  le  peu  de  cas  (ju'il  fai- 
sait des  sciences  physiques  et  milhé- 
matiques  ;  mais  sa  morale  différait 
beaucoup  de  celle  de  S<^)crate.  Ses 
principaux  dogmes  étaient  que  toutes 
les  affl-ctions  de  l'homme  peuvent  se 
réduire  à  deux,  !e  plaisir  et  la  douleur. 
Le  plaisir  est  un  mouvement  doux ,  la 
douleur  un  mouvement  violent  ;  tous 
les  animaux  recherchent  le  premier, 
et  évitent  l'autre.  Le  bonheur  n'est 
que  l'assemblage  de  plusieurs  plaisirs 
particuliers,  et,  comme  il  est  le  but 
auquel  tout  homme  tend ,  ou  ne  doit 
se  icfuser  à  aucune  espèce  de  vohipté. 
Il  faut  cependant  y  mettre  du  choix , 
et  la  raison  doit  toujours  nous  diriger 
dans  nos  jouissances.  Celte  morale  ne 
plaisait  pas  beaucoup  à  Socrate  ,  qui , 
si  nous  en  croyons  Xéuophon ,  eut 
plusieurs  discussions  avec   lui  à  ce 


A  RI 

sujet  ;  et  c'était  sans  doute  pour  eSitec 
ses  reproches  qu' Aristippe  passait  une 
partie  de  son  temps  à  Egine  ,  où  il  se 
trouvait  lorsque  son  maître  mourut.  Il 
Gt  plusieurs  voyages  en  Sicile  ,  où  il 
fut  admis  dans  l'iitimité  de  Denys-le- 
Tyran  ,  qui  s'accommodait  fi.rt  de  son 
genre  d'esprit.  Il  y  conserva  cepen- 
dant jusqu'à  un  certain  point  son 
indépendance,  et  ce  prince  lui  ayant 
récité  deux  vers  de  Sophocle,  dont 
le  sens  est  que  celui  qui  vient  à  la 
cour  d'un  tyran  ,  devient  son  esclave 
s'il  était  libre  auparavant ,  il  répliqua 
en  changeant  un  seul  mot,  «  ne  de- 
»  vient  point  esclave  ,  s'il  était  libre 
»  auparavant.»  Denvslui  reprochant 
un  jour  le  peu  d'utilité  qu'il  tirait  de 
ses  leçons  :  a  Cela  est  vrai ,  répondit 
»  Ai'istippe;  car  si  vous  aviez  fait 
»  quelque  progrès  ,  vous  vous  seriez 
»  défait  de  la  tyrannie  comme  d'un 
»  fardeau  très-incommode.»  Il  passait 
aussi  une  partie  de  sou  temps  à  Co- 
rinthe,  où  ilélait  attiré  parles  charmes 
de  Lais,  célèbre  courtisane;  et  quel- 
qu'un lui  reprochant  la  dépense  qu'il 
faisait  avec  cette  femme  ,  qui  se  livrait 
gratis  à  Diogène  le  cynique  :  «  C'est 
»  pour  qu'elle  m'accoide  ses  faveurs 
»  que  je  la  paie  ,  dit-il ,  et  non  pour 
»  qu'elle  ne  les  accorde  pas  à  d'au- 
»  très.  »  A  cette  occasion  il  dit  encore  : 
«  Je  possède  Laïs,  mais  elle  ne  me 
»  ])0ssède  pas.  »  Quoique  adonné 
aux  plaisirs  ,  il  savait  s'en  ]iriver 
pour  prouver  qu'il  était  maître  de 
lui  -  même.  Denys  lui  ayant  donné 
le  choix  entre  trois  belles  courtisanes, 
il  les  emmena  toutes  trois  ,  en  disant 
que  P^.ris  s'était  m  1  trouvé  d'un  pareil 
choix  ;  et  arrivé  a  la  porte  de  sa  mai- 
son il  les  congédia.  Son  valet,  charge 
d'argent,  avant  de  la  peine  à  le  suivre, 
il  lui  dit  d'en  jeter  une  partie.  Souvent 
rev("tu  de  la  laine  de  Milct  la  plus  fine, 
il  prenait   d'autics  fois  le  inanlca-i; 


ARI 

grossier  du  pliilosoplie  ,  sans  en  avoir 
l'air  plus  emprunté  ;  et  Platon  ,  qui  ne 
l'aimait  pas  ,  était  forcé  de  convenir 
qu'il  était  le  seul  à  qui  la  pourpre  et 
le  pailiiim  allassent  également  bien  ; 
idée  qu'Horace  a  esprimée  dans  ce 
vers  : 

Ornais  Arùlippum  decuic  colar  ctttatas  et  res. 

Étant  un  jour  à  Gorinthe,  Diogène  , 
qui  lavait  des  herbes,  lui  dit  :  «  Tu 
»  ne  ferais  pas  la  cour  aux  tyrans  ,  si 
»  tu  savais  te  contenter  de  cela.  — 
»  Tu  n'en  serais  pas  réduit  à  laver 
»  des  herbes,  si  tu  savais  vivre  avec 
1)  les  hommes  »  ,  répliqua  Aristippe.  Il 
retourna  encore  en  Sicile  sous  le  règne 
de  Deuys-le-Jeune,et  il  eut  le  bonheur 
d'y  rendre  service  à  Eschine  ,  qui 
était  venu  chercher  fortune.  11  s  y 
trouva  aussi  avec  Platon ,  et  prévit 
que  ce  philosophe  et  le  tjTan  ne  se- 
raient pas  long-temps  d'accord.  Dio- 
gène Laërce  prétend  qu'il  revint  en- 
suite à  Athènes ,  oii  il  ouvrit  une  école, 
înais  cela  ne  me  paraît  guère  probable  ; 
en  effet,  il  aurait  eu  des  disciples  , 
et  cependant  nous  n'en  connaissons 
aucun  ;  car  sa  doctrine  ne  fut  propagée 
que  par  Arétaou  Arété,  sa  fille ,  et  Anti- 
pater  de  Cyrène ,  qu'il  eut  sans  doute 
pour  auditeurs  dans  sa  vieillesse,  et 
lorsqu'il  se  fut  retiré  dans  sa  patrie.  Il 
avait  un  fils  et  une  fille  :  le  fils  se 
'conduisant  mal ,  il  l'abandonna;  mais 
il  s'attacha  à  l'éducation  de  sa  fiile 
Arété ,  qui  fit  de  grands  progrès  dans 
la  philosophie.  Elle  s'y  rendit  très- 
célèbre  ,  et  fit  elle-même  l'éducation 
de  son  fils ,  nommé  Aristippe,  comme 
son  aïeul.  Boccace  prétend  qu  Arété 
enseigna  publiquement  à  Athènes.  On 
ignore  absolument  l'époque  de  sa  mort. 
On  rapporte  de  hù  beauoup  d?  mots 
ingénifux,  dont  les  plus  remarquables 
sont  les  suivants  :  il  demandait  de  l'ar- 
gent à  Denys  ,  qui  lui  répondit  :  «  Ne 
T>  dites-vous  pas  quele  sage  ne  manque 


À  RI  445 

»  jamais  de  rien? —  Donnez  d'abord , 
»  répliqua  Aristippe  ;  nous  examiue- 
»  rons  ensuite  cette  question.  »  Ayant 
reçu  l'argent  :  «  Vous  voyez  bien  que 
»  le  sage  ne  manque  jamais  de  lien.  » 
Le  même  lui  faisant  remarquer  qu'un 
voyait  souvent  les  philosophes  à  la 
porte  des  riches ,  et  jamais  les  riches  à 
celle  des  philosophes  :  «  C'est ,  dit 
»  Aristippe ,  parce  que  les  uns  connais- 
»  sent  leurs  besoins  et  les  autres  non. 
»  —  A  quoi  seit  la  philosophie  ?  lui  de- 
»  mandait  quelqu'un.  —  A  ce  que  ceux. 
»  qui  la  professent ,  répondit  -  il ,  ne 
))  changeraient  pas  de  manière  de  vivre, 
»  lors  même  qu'il  n'y  aurait  plus  de 
»  lois.  )>  il  avait  fait  beaucoup  d'ou- 
vrages qui  sont  perdus.  Diogène  Laërce 
cite  souvent  sous  son  nom  un  ouvrage 
intitidé  :  Du  Luxe  ancierij  dans  lequel 
on  calomniait  sans  pudeur  les  plus 
grands  philosophes  de  l'antiquité;  mais 
il  est  évident  qu'il  n'est  point  de  notre 
Aristippe ,  comme  l'a  fort  bien  prouvé 
M.  Luzac ,  dans  ses  Lectiones  atticce, 
section  II ,  ^  2.  H  en  est  de  même  des 
lettres ,  sous  son  nom ,  qui  se  trouvent 
dans  la  collection  que  j'mdiquerai  à 
l'article  Socp.ate.  Wielaud  a  donno 
un  ouvrage  intitulé  :  Aristippe  et 
quelques-uns  de  ses  contemporains , 
traduit  en  français  par  Cuiilier,  \'6oi , 
5  vol.  in-8.;  i8o5,  7  vol.  in- 12. — 
On  compte  deux  autres  Aristippe;  l'un 
écrivit  Y  Histoire  d\lrcadie',  l'autre 
fut  un  philosophe  de  la  nouvelle  aca- 
démie. G   -  R. 

ARISTOBULE,  fils  d'Aritubule, 
l'un  des  officiers  de  l'armée  d'Alexan- 
dre, le  suivit  dans  toute.-,  ses  expédi- 
tions, et  fut  chargé  par  lui,  de  réta- 
blir le  tombeau  de  Cyrus.  11  écrivit 
X Histoire  d^ Alexandre,  qu'il  ne  vou- 
lut publier  qu'après  sa  mort ,  pour 
qu'on  ne  le  soupçonnât  pas  de  flatte- 
rie; et  Arrien,  qui  en  a  lait  beaucoup 
d'usage,    loue  son  exactitude.  11  ne 


446  A  R  I 

faut  pas  le  coiifoiiilre,  comme  Tout 
fait  Vossius  et  plusieurs  savants,  avec 
Aristobuie  de  Cassandiëe,  aussi  liis- 
toiieu ,  qui  ne  se  mit  à  écrire  qu'à  l'âge 
de  quatrc-vitigt-qnatre  ans;  car,  en 
supposant  qu'Ai istobule  fût  ne'  à  Poti- 
dec ,  il  n'aurait  pas  adopté  le  nouveau 
nom  que  cette  ville  prit ,  lorsque  Cas- 
sandre  la  rétablit,  neuf  ans  après  la 
mort  d'Alexandre.  C — R. 

AUISTOBLLE ,  fils  d'Hyrcan ,  de- 
vint, après  la  mort  de  son  père,  vers 
l'an  I  o5  avant  J.-C. ,  grand  prêtre  des 
juifs.  L'autorité  souveraine  était  ordi- 
nairement réunie  à  cette  disçnité;  ce- 
pendant, Hyican  en  avait  disposé  en 
faveur  de  sou  épouse;  mais  Aristobuie 
la  lit  enfermer,  et  prit  le  diadènie 
et  le  titre  de  roi,  qui  n'était  pas  en 
usage  chez  les  juifs.  Il  entreprit  ensuite 
une  expédition  contre  les  Ituréens, 
qu'il  soumit  en  grande  partie,  et  à  qui 
il  fit  embrasser  la  religion  juive.  Etant 
tombé  malade ,  il  laissa  à  Antigone 
son  frère ,  qu'il  aimait  beaucoup ,  le 
soin  de  terminer  cette  conquête ,  et 
revint  à  Jérusalem.  Son  épouse  pro- 
fila de  l'absence  d'Anligoue  pour  le 
calomnier,  et  fit  entendre  à  son  mari, 
qu'il  elurchait  à  s'emparer  de  son  au- 
torité. Sur  ces  entrefaites,  Anligonc, 
qui  avait  terminé  la  guerre,  étant  re- 
venu à  Jérusalem,  avec  son  armée, 
pour  la  iête  du  Tabernacle,  Aristo- 
buie lui  fit  dire  de  venir  lui  parler 
dans  son  palais  :  on  s'y  rendait 
par  un  passage  souterrain,  où  il  avait 
placé  quelques-uns  de  ses  gardes,  avec 
ordre  de  le  tuer ,  s'il  se  présentait  avec 
ses  armes,  et  de  le  laisser  passer,  s'il 
ne  les  avait  pas;  alors  sa  femme,  qui 
voulait  perdre  Antigone,  lui  fit  dire 
que  le  roi  désirait  voir  sou  armu- 
re. Celui-ci,  ne  se  méfiant  de  rien, 
se  présenta  donc  tout  armé,  et  fut  tué 
aussitôt.  Les  remords  qu'Aristobule 
eut  de  ce  meurtre,  aggra\cvcat  sm  m;*- 


ARI 

ladie,  et  il  mourut  après  un  règne 
d'une  année,  —  Trois  de  ses  frères, 
qu'il  tenait  dans  les  fers,  furent  mis  en 
liberté,  et  l'aîné,  nommé  Alexandre 
Jamvee  ,  monta  sur  le  trône.  C— a. 
ARiSTOBULE,  était  le  second  fils 
d'Alexandre  Jannée;  il  n'avait,  par 
conséquent ,  aucun  droit  au  trône  ni 
au  souverain  pontificat;  mais  comme 
Hyrcan  ,  son  frère  aîné,  que  sa  mère 
avait  fait  reconnaître  grand -prêtre, 
était  entièrement  livré  aux  Pharisiens , 
et  ne  s'occupait  que  de  religion ,  il  crut 
pouvoir  aspirer  à  l'un  et  à  l'autre.  S'ë- 
lant  fait  des  partisans  dans  l'armée, 
dont  sa  mère  lui  avait  donné  le  com- 
mandement, il  n'eut  pas  plutôt  appris 
la  mort  de  celle-ci ,  qu'il  sortit  la  nuit 
de  Jérusalem  et  alla  ])arcourir  les  fur- 
l(  resses  où  s'étaient  réfugiés  les  auiis 
de  son  père  que  les  Pharisiens  persé- 
cutaient. Ils  le  nommèrent  roi ,  et  il 
alla  avec  eux  attaquer  Hyrcan ,  sou 
lière,  qu'il  défit,  et,  comme  les  juifs 
ne  supportaient  qu'avec  peine  le  joug 
des  Pharisiens,  il  se  rendit  l^icilement 
maître  de  Jérusalem,  et  força  Hyrcan 
à  se  démettre  de  la  royauté  et  du  sa- 
cerdoce ,  mais  il  ne  fut  point  reconnu 
pour  roi  par  les  Romains;  et  Pompée 
étant  venu  dans  la  Syrie  ,  l'an  (35 
avant  J.-C,  Hyrcan  se  rendit  auprès 
de  lui  pour  reclamer  le  trône;  Aris- 
tobuie s'y  rendit  aussi  d'après  les  or- 
dres de  Pompée ,  et,  s'étant aperçu  que 
le  jugement  ne  serait  point  en  sa  fa- 
veur, il  retourna  dans  la  Judée  pour 
se  mettre  en  défense  ;  Pompée  l'y  sui- 
nt et  l'assiégea  dans  Jérusalem  ,  où  il 
le  prit  après  trois  mois  de  siège  par  la 
superstition  des  juifs  ,  qui  ne  voulu- 
rent pas  se  défendre  un  jour  de  sab- 
bat ;  il  le  conduisit  à  Rome,  où  il  le  fit 
paraître  à  son  triomphe.  Au  bout  de 
quelques  années,  Aristobuie  parvint 
à  s'échapper  avec  Antigone  son  fils , 
Cl  retourna  dans  la  Juclcc  ,  où  il  ei- 


ARI 

cita  de  nouveaux  troubles,  Gabinius, 
en  ayant  c'te  instruit ,  fit  marcher 
contre  lui  des  troupes  ,  se  rendit 
maître  de  sa  personne ,  et  l'envoya  à 
Rome,  ATrs  l'an  5o  avant  J.-C.  La 
guerre  civile  s'étant  déclarée  entre 
Pompée  et  Ce'sar  ,  celui-ci  relâcha 
Aristobule  et  le  renvoya  dans  la  Ju- 
de'e  avec  deux  légions  pour  faire  dé- 
clarer ce  pays  en  sa  faveur  ;  mais  les 
partisans  de  Pompée  trouvèrent  le 
moyen  de  le  faire  empoisonner  en 
chemin.  G — r. 

ARI  STOBULE,  frère  de  Mariamne, 
et  A  R I S  T  0  B  U  L  E ,  fils  d'flérode 
(  Foy.  Hérode-le -Grand). 

ARISTOBULE ,  juif  d'Alexandrie, 
et  philosophe  péripatéticien ,  composa 
un  commentaire  en  grec  sur  le  Pen- 
tateuque ,  et  le  dédia  à  Ptoléraée  Phi- 
lométor.  Son  but,  dans  cet  ouvrage 
très  -  volumineux  ,  était  de  prouver 
que  les  anciens  poètes,  et  les  anciens 
philosophes  grecs,  avaient  profité  des 
livres  de  Moïse  ,  et  que  le  peuple  juif 
et  son  histoire  n'avaient  point  été  in- 
coimus  aux  anciens  historiens  grecs. 
Pour  y  parvenir  ,  il  se  permit  de 
forger  un  grand  nombre  de  passages 
de  poètes  et  d'historiens,  et  il  le  fit 
avec  assez  d'art  pour  tromper,  non 
seulement  quelques  pères  de  l'Eglise, 
mais  encore  des  écrivains  profanes. 
(Voy.  LuA.  Gasp.  Falckenaerii  dia- 
tribe de  Aristobulo  Judœo ,  Lugd. 
Bat, ,  1 806  ,  iu-4''.  ) —  Un  des  frères 
d'Epicure  se   nommait   Aristobule. 

C— R. 

ARISTOCLÈS.  Il  y  eut  en  Grèce 
plusieurs  artistes  célèbres  de  ce  nom  ; 
le  plus  ancien ,  né  à  Cydonia  en  Crète, 
était  sculpteur  et  florissait  avant  l'é- 
poque où  la  ville  de  Zanclé  prit  le 
nom  de  Messine  ;  événement  qui  se 
rapporte  à  la  'xif.  olympiade,  G64. 
ans  avant  J.-C.  Il  avait  fait,  pour  la 
\i!le  d'Elis,  un  Hercule  combatlant 


ARI  4^^ 

contre  l'Amazone  Aîithiope  pour 
lui  rai'ir  sa  ceinture.  —  Un  autre 
AristoclÈs  ,  sculpteur  de  Sycione  , 
vivait  dans  la  gô^  olympiade,  4oo 
ans  avant  J.-C.  JI  était  frère  de  Ca- 
nachus,  autre  sculpteur  très-renommé, 
et  maître  de  Synnoon.  Suivant  Pau- 
sanias  ,  Aristoclès  était  fils  et  disciple 
de  Cléotas,  et  avait  fait,  à  Elis,  un 
groupe  représentant  Jupiter  et  Ga- 
nymède.  —  Enfin ,  il  y  eut  un  peintre 
de  ce  nom ,  élève  de  Nicomaque. 
L— S-E. 

ARISTOCLÈS  de  Messine,  phi- 
losophe péripatéticien  du  'x".  siècle, 
eut  pour  disciple  Alexandre  d'Aphro- 
disée.  Il  composa  dix  livres  de  {'His- 
toire des  philosophes  et  de  leurs 
opinions ,  dont  Eusebe  nous  a  con- 
servé de  précieux  fragments ,  aux  1 4*'. 
et  1 5''.  livres  de  sa  Préparation  évan- 
gélique.  Il  avait  écrit  aussi  des  com- 
mentaires particuliers  sur  la  Philo- 
sophie d'Aristole.- — Un  autre  Aris- 
toclès ,  de  Pergame ,  suivit  également 
l'école  péripatéticienne,  mais  la  quitta 
pour  embrasser  la  profession  de  rhé- 
teur. Il  eut  pour  maître  d'éloquence 
Hérode  Atticus.  L'aïeul  de  Platon  se 
nommait  Aristoclès  ,  et  Platon  lui- 
même  porta  ce  nom  dans  son  enfance. 

K. 

ARISTOCRATE  I". ,  fils  d'^ch- 
rais  ,  devint  roi  d'Arcadie  ajirès  la 
mort  de  son  père  ,  vers  l'an  -jso 
avant  J.-C.  Etant  devenu  amoureux 
d'une  jeune  fille,  prêtresse  de  Diane, 
Hymnia ,  il  la  viola  dans  le  temple 
même  de  la  déesse;  les  Ai'cadiens  le 
lapidèrent  pour  expier  ce  forfait ,  et 
ordonnèrent  qu'à  l'avenir  on  choisirait 
une  femme  mariée,  et  non  une  fille  ^ 
pour  prêtresse  de  Diane.  Aristocrate 
eut  pour  successeur  Hicétas  son  fils. 

C— R. 

ARISTOCRATE  II ,  fils  d'Hicétas, 
et  petit-fiis  du  précédent ,  devint  roi 


448  A  h  I 

de  l'Arcadic  vers  l'an  640  avant  J.-C. 
Les  Messéuicns  s'e'tant ,  peu  de  temps 
après ,  révoltes  contre  les  Lace'dérao- 
niens ,  les  Ai'cadiens  leur  envoyèrent 
des  secours  ;  mais  les  Lacedc'monîens 
ayant  corrompu  Aristocrate  à   prix 
d'argent ,  il  trahit  les  Messe'niens  au 
combat  de  la   grande  Fosse ,  et  les 
abandonna  au  moment  où  la  bataille 
allait  s'engager ,  ce  qui  fut  cause  de 
leur  de'faite.    Lorsque   la   forteresse 
d'ira  eut  été  prise,  les  Messéniens  se 
réfugièrent  dans  l'Arcadie ,  et  Aristo- 
mènes  forma  le  projet  d^aller  attaquer 
Sparte  même ,  tandis  que  ses  habi- 
tants étaient  occupés  au  pillage  d'Ira. 
On  fut  obligé  de  remettre  au  lende- 
main rexéciition  de  ce  projet  ;  mais 
Aristocrate  en  fit  avertir  les  Laccdé- 
moniens  durant  la  nuit.  Sa  trahison 
ayant  été  découverte,  les  Arcadiens  le 
lapidèrent,  et  ne  voulurent  plus  de  roi 
par  la  suite.  Il  laissa  deux  enfants , 
Aristodème ,  qui ,  bien  qu'il  n'eût  pas 
le  titre  de  roi ,   conserva  beaucoup 
d'autorité  dans  rx\rcadie,  et  Eristhé- 
nie ,  mère  de  ]\ïélisse  ,  femme  de  Pc- 
riandre  ,  tyran  de  Corinthe.     C — r. 
ARISTODÈME,  Messénicn,  était 
l'un  des  descendants  d'jEpytus  ,  et  de 
la  race  des  Héraclidcs.  11  se   distin- 
gua ,  par  sa  valeur ,  dès  le  commen- 
cement de  la  première  guerre  de  Mes- 
sénie.  L'oracle    ayant    ordonné    de 
sacrifier  aux    dieux   infernaux    une 
vierge  du  sang  d'iEpytus  ,  il  ofl'rit  sa 
fille  ;    un    jeune  Messénien  ,    à  qui 
elle  était  promise  en  mariage  ,  ayant 
dit  qu'elle  était  grosse ,  pour  empê- 
cher qu'elle  ne  fût  sacrifiée,  Ari^to- 
todème  la  tua  ,    et  l'ouvrit    de  ses 
propres  mains ,  pour  faire  voir  que 
cela  était  faux.  Euphaès  ayant  été  tué 
Fan  751  avant  J.-C.,  Aristodème  fut 
nommé  roi  à  sa  place ,  et  remporta 
plusieurs  victoires  signalées  sur  les 
Lacédémyuicnsj  mais  comme  la  Rles- 


AÙi 

sénie  e'tait  ruinée  par  les  suites  de  la 
guerre ,  tous  ses  efforts  n'aboutirent 
qu'à  retarder  de  quelque  temps  là 
prise  d'Ithome  et  l'asservissement  de 
sa  patrie }  et ,  voyant  que  l'un  et 
l'autre  étaient  inévitables ,  il  se  tua 
lui-même  sur  le  tombeau  de  sa  fille  , 
l'an  7^4  avant  J.-C.  C — r. 

ARISTODÈME,  surnommé  Ma- 
LACus  (  le  mol  ) ,  soit  parce  qu'il  avait 
été  efféminé  dans  sa  jeunesse  ,    soit 
pour  quelque  autre  raison  qui  nous 
est  inconnue ,   était  d'une  des  meil- 
leures familles  de  Cumes,  en  Italie. 
Des  Tyrrhéniens  ,    chassés    par  les 
(iaulois  des  bords  de  la  mer  Adria- 
tique ,  s'e'tant  réunis  aux  Oml^ricns , 
aux  Dauniens  et  à  d'autres  barbares, 
vinrent  assiéger   Cumes  ,    l'an    5^4 
avant  J.-C.    Les  Cuméens,  quoique 
bien  inférieurs  en  nombre ,  osèrent 
leur  livrer  bataille  ,  et  les  défirent  en- 
tièrement^. Aristodème ,  qui  était  alors 
tics-jeune ,  se  conduisit  avec  tant  de 
bravoure,  que  lorsqu'il  s'agit  de  dé- 
cerner le  premier  prix  de  valeur,  le 
peuple  voulut  qu'on  le  lui  donnât.  Les 
grands ,  de  leur  côté,  voulaient  le  faire 
clonner  à  Hi[)pomédou ,  général  de  la 
cavalerie,  et  comme  le  gouvernement 
de  Cumes  était  aristocratique,  le  sénat 
penchait  de  leur  côté :1c  peuple,  ce- 
pendant ,  ne  voulant  pas  céder  ,  oh 
était  j)rès  d'en  venir  à  une  sédition  , 
lorsque  les  vieillards  s'en  étant  mêlés , 
firent  un  accommodement,  par  lequel 
il  fut  convenu  que  le  premier  prix 
serait  partagé  entre  les  deux  préteii- 
dauls.  A  partir  de  cette  époque ,  Aris- 
todème se  trouva  le  chef  du  peuple  , 
et  en  butte,  par  conséquent,  aux  grands 
quicherchaient  les  moyens  de  s'en  dé- 
livrer. Ils  crurent  en  trouver  l'occasion 
vingtans  après.  Les  Ariciniens, assièges 
par  Arron,  lils  de  Porsenna,  ayant  en- 
voyé demander  des  secours  à  Cumes, 
le  parti  aristocratique  imagina  de  Icai 


ârî 

«iTTOyer  Aristodème,  avec  deux  mille 
homines ,  qu'on  eut  soin  de  <  hoisir 
J)armi  ce  qu'il  v  aviiit  de  plus  jiaiivre 
etdepkis  se'ditieii^i  dans  la  populace; 
ou  leur  donna  dix  vaisseaux  virux  et 
■en  très-mauvais  état,  et  on  les  força 
de  s'embarquer  ,  dans  i'espcrance 
qu'il  n'en  échapperait  guère  aux  dan- 
gers de  la  mer.  Aristodème  devina 
bien  leurs  intentions;  cependant,  il  ne 
crut  pas  devoir  refuser  cette  expe'di- 
tiou.  Tl  parvint  à  Aricie  avec  un  bon- 
heur inespéré ,  défit ,  presque  avec 
ses  seules  troupes ,  l'armée  ennemie, 
«t  fit  beaucovip  de  butin  et  un  grand 
nombre  de  prisonniers.  S'étant  em- 
barqué pour  revenir ,  il  fit  connaître 
à  ses  soldats  le  danger  auquel  on  avait 
voulu  les  exposer,  et  leur  fit  promettre 
de  le  seconder  eu  tout  ce  qu'il  vou- 
drait entreprendre.  Ayant  ensuite  dé- 
voilé ses  projets  à  ceux  sur  qui  il 
comptait  le  plus ,  il  rendit  la  liberté 
aux  prisonniers  poiu'  se  les  attacher. 
Arrivé  à  Cumes ,  il  fît  convoquer  une 
assemblée  du  sénat ,  pour  rendre 
compte  de  son  expédition  ,  et,  à  peine 
eut-il  commencé  à  parler,  que  ses  sa- 
tellites ,  pénétrant  dans  le  lieu  de  l'as- 
semblée ,  massacrèrent  tous  les  prin- 
cipaux delà  ville.  Il  s'empara  ensuite  de 
la  citadelle,  des  vaisseaux  ,  et  des  eu- 
droits  les  plus  forts  de  la  ville,  et  con- 
voqua le  lendemain  une  assemblée  du 
peuple,  dans  laquelle  il  chercha  à  justi- 
fier ce  qui  s'était  passe  la  veille,  en  ac- 
cusant ceux  qui  avaient  été  tués  ,  et  il 
se  fit  investir  de  toute  l'autorité  par  h 
peuple,  en  lui  promettant  un  nou- 
veau partage  des  terres  et  l'abolition 
des  dettes.  Il  n'eut  pas  beaucoup  de 
peine  alors  à  s'empirer  de  la  tyran- 
nie ;  et ,  s'étant  formé  une  garde  com- 
posée de  ce  qu'il  y  avait  de  plus  cor- 
rompu dans  le  peuple  ,  d'esclaves  qui 
avaient  massacré  leurs  maîtres  ,  et  de 
Iroupes  étrangères, il  désarma  le  reste 
lu 


ARI  449 

des  citoyens.  Il  voulait  faire  périr  les 
fils  de  ceux  qui  avaient  été  tués;  mais 
leurs  mères ,  qu'il  avait  mariées  mal- 
gré elles  à  ses  satellites,  employèrent 
eu  leur  faveur  le  ciédit  de  leurs  nou- 
veaux époux  ,  et  il  se  contenta  de  les 
reléguer  à  la  campagne  ,  où  on  les 
occupait  aux  emplois  les  plus  vils. 
Quant  au  reste  de  la  jeunesse ,  il  la 
faisait  élever  de  la  manière  la  plus 
efféminée ,  pour  qu'elle  fût  hors  d'état 
de  former  aucun  projet  contre  lui. 
Toutes  ces  mesures,  par  lesquelles  il 
croyait  avoir  bien  assuré  son  autorité, 
n'aboutirent  cependant  à  iien  ,  et  il 
se  perdit  par  un  excès  de  précaution. 
Ayant  toujours  des  craintes  sur  ceux 
qu'il  avait  relégués  à  la  campagne  ,  il 
résolut  de  s'en  défaire  ;  ils  en  furent 
instruits ,  et  se  retirèrent  dans  les 
bois ,  d'où  ils  ne  sortaient  que  pour 
ravager  le  pays  ;  mais  les  exilés  ,  qui 
s'étaient  établis  à  Capoue  ,  et  à  la  tète 
desquels  étaient  les  fils  d'Hippomé- 
don ,  s'étant  réunis  à  eux  ,  ils  s'empa- 
rèrent de  Cumes  par  surprise  ,  firent 
périr  Aristodème  dans  les  tourments 
les  plus  affreux ,  tuèrent  ses  enfants 
et  toute  sa  famille,  et  rétablirent  l'an- 
cien gouvernement.  Sa  tyrannie  avait 
duré  quatorze  ans.  Il  fut  doue  tué  vers 
l'an  490  avant  J.-C.  C — r. 

ARISTODÈME  ,  Athénien  et  ac- 
teur tragique  ,  avait,  par  son  élat,  la 
fadlitéd'aller  par-tout,  même  en  temps 
de  guerre  ;  il  se  rendit  avec  jN'éoplo- 
lème,  acteur  tragique  comme  lui,  au- 
près de  Philippe,  roi  de  Macédoine, 
qui  était  alors  en  guerre  avec  les  Athé- 
niens. Ce  prince ,  qui  avait  sur  la  Pho-^' 
cide,  et  quelques  autres  pays,  des 
projets  que  cette  guerre  l'empêchait 
d'exécuter  ,  imngina  de  la  teimincr 
par  le  moyen  de  ces  deux  acteurs,  et, 
les  ayant  comblés  de  présents  ,  il  les 
renvoya  à  Athènes,  en  leur  disant, 
qu'il  était  ami  des  Athéniens ,  et  qu'il 

20 


/- 


45o  A  R I 

ne  savait  pas  pourquoi  ils  lui  fai- 
saient la  guerre  :  ceux-ci,  de  i-etour, 
ne  manquèrent  pas  de  le  dire ,  et  le 
peuple  athénien  ,  qui  désirait  aussi 
la  paix,  nomma  sur-le -champ  des 
aniLassadeuis,  du  nonilire  desquels  fu- 
rent Démosthcnes  et  Eschine.  Ce  der- 
nier se  laissa  gagner  par  Philippe ,  et 
conclut  un  traité  très-désavautageux 
pour  les  Athéniens  ;  ses  prévarica- 
tions dans  cette  ambassade  sont  le 
sujet  d'un  des  plus  beaux  discours  de 
Démosthcnes.  C — r. 

ARISTOGITON,  Athénien ,  d'une 
classe  ordinaire,  avait  conçu  une  pas- 
sion honteuse  pour  Harmodius,  jeune 
homme  de  la  plus  jirandel>eaulé.  Hip- 
parchus ,  l'un  des  Pisistratides  ,  étant 
devenu  son  rival ,  Aristogiton ,  trans- 
porté de  jalousie,  forma  une  conspira- 
tion contre  lui  et  contre  ses  frères  ,  et  y 
entraîna  Harmodius.  Ils  attendirent , 
pour  la  faire  éclater,  la  fête  des  Panathé- 
nées ,  où  les  principaux  citoyens  étaient 
armés  pour  escorter  la  procession.  Ce 
jour  étant  arrivé,  ils  se  disposaient  à 
exécuter  leur  projet  ;  mais  voyant  un 
des  conjures  pailer  à  Hippias  ,  ils 
cnu'ent  qu'il  lui  dévoilait  leur  conju- 
ration; ils  sortirent  alors  comme  des 
furieux,  et  ayant  rencontré  llippar- 
thus ,  ils  fondirent  sur  lui  et  le  tuèrent. 
Aristogiton  parvint  à  s'échapper,  mais 
il  fut  bientôt  pris  et  mis  à  mort.  Après 
avoir  été  livré  à  la  torture ,  afin  d'ob- 
tenir l'aveu  de  ses  complices ,  il  nom- 
ma successivement  les  plus  intimes 
amis  d'Hippias  ,  qui  furent  aussitôt 
mis  à  mort  ;  après  quoi  le  tyran  lui 
avant  demandé  s'il  n'y  en  avait  plus  : 
«  Il  n'y  a  plus  que  toi,  lui  répondit 
»  en  som-iant  Aristogiton  ,  qui  soit 
»  digne  de  mort.»  On  raconte  la  même 
chose  de  Zenon  d'Élée,  ce  qui  peut 
laire  douter  de  la  vérité  de  cette  anec- 
dote dont  il  n'est  pas  question  dans 
Ihucydides.  Qu  Iciu'  çrigea  des  sU- 


ARI 

tues  par  la  suite  ,  et  leur  nom  servait 
de  signe  de  ralliement  contre  tous 
ceux  qu'on  soupçonnait  de  vouIolf 
attenter  à  la  liberté,  C — r. 

APiISTOLAUS  ,  peintre  Athénien , 
fils  et  disciple  de  Pausias  ;  il  avait 
peint  Eparainoudas  ,  Périclès  et  plu- 
sieurs autres  grands  hommes.  Oa 
citait  aiussi  de  lui  un  tableau  repré- 
sentant le  Peuple  athénien  personni- 
fié ,  sujet  qui  exerçait  assez  souvent  le 
génie  des  artistes  grecs.  Pline  donne 
la  liste  des  ouvrages  d'Aristolaiis , 
recommandables  surtout  par  la  cor- 
rection du  dessin.  11  vivait  environ 
5'-j5  ans  avant  J.-C       L — S — e. 

AR1ST03IACHUS.  Il  va  eu,  sui- 
vant Plutarque ,  deux  tyrans  de  ce 
nom  à  Argos ,  tous  les  deux  contem- 
porains d'Aratus,  qui  chercha  à  faire 
tuor  le  premier  pour  rendre  la  liberté' 
aux  Avgiens ,  chez  qui  il  s'était  re- 
tiré pendant  son  exil  ;  mais  cette 
conspiiation  fut  découverte.  Aiisto- 
machus  fut  tué  peu  de  temps  après 
pai-  ses  esclaves,  et  Âristippe,  pro- 
tégé par  Antigone  Gouatas  ,  se  fit 
tyran  à  sa  place.  —  Ce  dernier  eut 
pour  successeur  un  autre  Aristoma- 
CHus ,  qui  se  voyant  privé  de  tout 
appui  après  la  mort  de  Démétrius, 
roi  de  Macédoine,  rendit  lui-même  la 
liberté  aux  Argiens,  et  les  fit  entrer 
dans  la  ligue  achéenne  ,  dont  il  devint 
préteur  par  la  suite.  Polybe,  de  sou 
côté,  ne  semble  reconnaître  qu'un  seul 
Aristomachus ,  qui  était  tyran  d'Argos 
lorscju'Aratus  chercha  à  prendre  cette 
ville  par  surprise.  Ce  général  n'ayant 
pas  réussi,  Aristomachus  fit  périr  dans 
les  tourments  les  plus  affreux  quatre- 
vingts  des  principaux  citovens  d'Argos 
qu'il  soupçonnait  d'inlelhgence  avec 
Aralus.  11  déposa  par  la  suite  son  au- 
torité, parce  qu'il  voyait  qu'il  n'était 
plus  possible  de  la  conserver,  et  il 
dvviiit  pvQtçiu'  de*  AcLcçuS;  mais  ii 


ARI 

saisit  la  première  occasion  qui  se  pré- 
senta pour  les  trahir  ,  et  fit  entrer  les 
Argiens  dans  le  parti  de  Cléomèues. 
Il  fut  fait  prisonnier  quelque  temps 
après  par  Antigone  et  les  Ache'ens , 
qui  le  noyèrent  à  Cenclirèes.  Phylar- 
que ,  que  Plutarque  a  suivi ,  prétendait 
qu'il  avait  e'të  sacrifié  à  la  jalousie  d'A- 
ratus;  mais  Polybe  justifie  très-bien 
ce  grand  homme,  et  prouve  qu'Aris- 
tomachus  avait  mérité  sou  sort.  C — r. 
ARISTOMAQUE ,  philosophe  pé- 
ripatéticien ,  né  à  Soles  en  Cilicie ,  et 
disciple  de  Lycon ,  cultiva  l'histoire 
naturelle ,  et  s'occupa  principalement 
des  abeilles ,  sur  lesquelles  il  fit  des 
observations  pendant  cinquante-huit 
ans  ;  il  avait  écrit  aussi  sur  l'agricul- 
ture. Pline  le  cite  souvent.  Son  por- 
trait nous  a  été  conservé  sur  une 
cornaline ,  où  il  est  représenté  con- 
templant des  ruches.  On  en  trouve  la 
gravure  dans  le  i  "".  volume  de  '^Ico- 
nographie de  M.  Visconti.  C — r. 

AR1ST0MÈ>'ES,  Messénien, était 
né  à  Andanie.  Nicomède,  son  père, 
descendait  des  amiens  rois  de  Mes- 
sène  ;  sa  mère  se  nommait  Nicotélie. 
Lorsqu'il  vit  le  jour ,  la  Messénie  était 
depuis  long-temps  sous  le  joug  des  La- 
cédémoniens;  mais  elle  s'était  peuplée 
d'une  jeunesse  nomlireusc  qui ,  impa- 
tiente du  joug,  n'attend  ut  qu'un  chef 
pour  le  secouer.  Elle  le  trouva  dans 
Aristomènes ,  qui  réuuissait  les  plus 
grandes  qualités  aux  droits  qu'il  te- 
nait de  sa  naissance.  Comme  il  n'avait 
pas  moins  de  prudence  que  de  valeur , 
il  commença  par  s'assurer  des  dispo- 
sitions des  peuples  voisins  ,  et,  lors- 
qu'il les  sut  prêts  à  seconder  les  INIes- 
séniens ,  il  leva  l'étendard  de  la  ré- 
volte. Les  Lacédémoniens  étant  entrés 
sur-le-champ  dans  la  Messénie  pour 
la  faire  rentrer  dans  le  devoir ,  il  leur 
livra,  vers  Déra?,  un  combat  dont  le 
succès  fut  incertain  ;  mais  où  t1  fit  de 


ARI  45i 

tels  prodiges  de  valeur ,  qu'on  voulut 
lui  donner  Je  titre  de  roi ,  qu'il  refusa. 
11  harcela   tellement  les  Lacédémo- 
niens, que  ceux-ci,  réduits  au  déses- 
poir, consultèrent  l'oracle ,  qui  leur  dit 
de  demander  un  chef  aux  Athéniens  ; 
et  ceux-ci  leur  envoyèrent  le  poète 
Tyrtée.  Cela  n'empêcha  pas  que  les 
Lacédémoniens  ne  fussent  déftits  vers 
le  monument  du  Sanglier,  et  qu'ils 
n'éprouvassent  plusieurs  échecs  par- 
ticuliers. Ils  eurent  alors  recours  à  la 
trahison ,  et  parvinrent ,  à  prix  d'ar- 
gent ,  à  corrompre  Aristocrate  II ,  roi 
d'Arcadie  ,  qui  abandonna  les  IMessé- 
niens  au  moment  d'une  bataille  géné- 
rale ,  vers  la  grande  Fosse ,  et  fiit  la 
cause  d'une  déroute  complète  ;  Aris- 
tomènes ,  alors ,  se  fortifia  sur  le  mont 
Ira  avec  ce  qui  lui  restait  de  troupes, 
et  se  mit  à  faire  des  inciu'sions,  tant 
dans  la  Lacouie  ,  qu'il  ravagea  entiè- 
rement ,  que  dans  la  portion  de  la 
Messénie  qui  était  au  pouvoir  des  La- 
cédémoniens;   il  prit  même   et  pilla 
Amvcles ,  ville  voisine  de  Sparte.  A 
la  fin,  cependant ,  il  fut  lui-même  fait 
pr  isonnier  dans  une  de  ces  incursions , 
et  les  Lacédémoniens  le  précipitèrent 
dans  le  (^éadas  (  on  donnait  ce  nom  à 
un  précipice  où  l'on  jclait  ceux  qu'où 
condamnait  à  mort),  d'où  il  s'échappa 
comme  par  miracle.  A  peine  revenu 
dans  la  Messénie  ,  il  tailla  en  pièces 
des  troupes  que  les  Corinthiens  en- 
voyaient au  secours  des  Lacédémo- 
niens. Il  fut  pris  une  seconde  fois  par 
des  archers  Cretois,  et  il  parvmt  en- 
core à  s'échapper  de  leurs  muins    Ce- 
pendant ,  malgré  tous  ses  efforts,  il  lui 
était  difficile  de  se  défendre  bien  long- 
temps dans  une  place  isolée,  au  mi- 
lieu d'un  pays  dont  les  Lacédémoniens 
étaient  entièrement  maîtres  ;  il  s'atten- 
dait donc  à  chaque  instant  à  en  être 
chassé  ,   et  les  Lacédémoniens  s'étant 
emparés  par  surprise  de  la  citadelle 

2CJ.. 


4321  ARI 

fl'Ira ,  dans  la  i  >  ".  anuëa  île  la  s;nerrp , 
il  ne  deTeiiftit  k  A'ilif  qu'autant  de 
temps  qu'il  lui  en  fallait  pour  se  dis- 
poser à  raie  retraite  honorable;  il 
parvint  à  la  faire  avec  toutes  ses  trou- 
pes ,  et  emmena  même  les  femmes, 
les  enfants  et  les  vieillards.  Ils  se  re- 
tirèrent dans  TArcadic  ,  où  iis  furent 
très-Lieu  reçus.  Il  forma  le  projet  hardi 
d'aller  le  lendemain  même  attaquer  la 
■nlie  de  Sparte  ,  dont  les  habitants 
étaient  occupes  au  pillage  d'Ira  ;  mais 
il  fut  encore  trahi  par  Arisîociate,  qui 
dévoila  ce  projet  aux  Lace'démoniens, 
11  donna  alors  Gorgiis,  son  fils,  pour 
chef  aux  Messe'niens  qui  allèrent  s'éta- 
blir à  Rhègium  ,  et  il  resta  qiidquc 
temps  dans  l'Arcadic ,  où  il  maria  deux 
de  ses  filles  ;  Darua^etus  ,  roi  d'Ialy- 
sos,  dans  File  de  i\hodes,  épousa  la 
troisième.  Aristomènes  lasuiAitdans 
l'île  de  Rhodes ,  où  il  termina  ses  jours. 
Sa  vie  a  été  e'ciitc  avec  beaucoup  de 
détail  par  Pausauias,  dans  le  quatrièuie 
livre  de  sa  Description  de  la  Grèce. 
On  la  trouve  aussi  dans  le  second 
volume  de  ÏUisloire  des  premiers 
iemps  de  la  Grèce.  C — r. 

ARISTON,  fils  d'Apsides,  delà 
seconde  branche  des  rois  de  Sparte , 
monta  sur  le  troue  vers  Tau  56o  av. 
J.-C.  Les  Laccdcinonicr.s ,  sous  sou 
règne  ,  prirent  cufiu  l'a.scendant  sur 
^cs  Tégo'atcs  qui  les  avaient  vaincus 
plusieurs  fois  sous  les  règnes  précé- 
dents. Comme  leurs  victoires  leur  don- 
naient une  grande  prépondérance  dans 
la  Grèce ,  Crçesus  rechercha  leur  al- 
liance pour  se  doiendrc  contre  Gyrus. 
Aiistou,  après  avoir  épousé  successi- 
vement deux  femmes  sans  en  avoir 
d'enfants,  dcviut  amoureux  de  l'é- 
pouse d'Agétas  ,  son  ami ,  qui  était  la 
plus  belle  fcmnie  de  Sparte.  11  panint 
à  se  la  faire  céder  par  une  ruse  dont 
on  peut  voir  les  détails  dans  Héro- 
dote, et  au  bo'vt  de  sept  mois  de  laa- 


ARi 

riagc,  elle  accoucha  deDémarate ,  suir 
la  légitimité  duquel  Ariston  eut  quel- 
ques soupçons ,  comme  on  le  verra  à 
l'article  Demarate.  G' — r. 

ARISTO^^  natif  de  l'île  de  Chic, 
fut  surnommé  Phalanthus,  parce  qu'il 
était  chauve ,  et  Sirène ,  à  cause  de 
la  douceur  de  sou  éloquence.  Il  fut 
d'abord  disciple  de  Zenon,  fondateur 
de  la  secte  stoïcienne  ;  mais  ,  la  sé\c- 
rilé  des  principes  du  maître  s'accor- 
dant  mal  avec  ses  mœurs  douces.,  il 
le  quitta  pour  s'attacher  à  Polémon  ; 
puis ,  s'ctant  formé  une  doctrine  par- 
ticulière ,  il  s'établit  dans  le  Gynosar- 
ge ,  et  ouvrit  une  école ,  dont  les  dis- 
ciples retinrent  son  nom.  La  philoso- 
])hie  d' Ariston  fut  du  nombre  de  celles 
dont  il  est  facile  d'abuser.  11  était 
adiaphoriste ,  faisaut  consister  la  sa- 
gesse dans  l'inililférence  pour  ce  qui 
n'est  ni  vice  ni  vertu.  Le  sage  lui  pa- 
raissait semblable  au  comédien  habile, 
qui  joue  également  bien  le  rôle  d'A- 
gaiiumnou  et  celui  de  Thersite.  Il  re- 
jetait ,  des  études ,  la  logique  et  la 
science  de  la  nature;  la  première, 
comme  inutile  ;  la  seconde  ,  comme 
excédant  les  bornes  de  notre  intelli- 
gence. Il  voulait  que  l'on  se  bornât 
à  cultiver  les  mœurs.  Il  ne  reconnais- 
sait en  substance  qu'une  seule  verta, 
qu'il  appelait  santé  .^  toutes  les  autres 
n'étant  que  des  modifications  de  celle- 
là.  G'est  ainsi,  disait-il,  qu'on  appelle 
la  vertu  tempérance  ,  quand  elle  mo- 
(ièrc  notre  ajipélit  ;  prudence ,  quand 
die  règle  nos  actions  ;  justice  ,  lors- 
qu'elle prévient  les  délits;  mais  elle 
n'en  est  pas  moins  une  ,  de  même  que 
le  feu  ne  change  point  de  nature, 
quoique  ses  propriétés  soient  infinies. 
11  regardait  la  forme  des  Dieux  comme 
incompréhensible  ,  ne  leur  accordait 
point  de  sens,  et  doutait  si  Ton  pou- 
vait les  compter  parmi  les  êtres  vi- 
Yaals.  Aiislon  composa  plusieurs  ou- 


Aïll 

vrages ,  dont  on  peut  voir  les  titres 
dans  Diogène  Laërce.  Sa  morale  était 
peu  austère;  aussi,  dans  sa  vieillesse, 
se  livra-t-il  aux  plaisirs.  Il  mourut  des 
suites  d'un  coup  de  soleil.  —  Un  autre 
Ariston,  philosophe  péripatéticien , 
surnomme'  lulietes  ,  parce  qu'il  était 
iialii'  de  lulis,  dans  l'île  de  Ze'e ,  fut 
disciple  et  successeur  de  Lycon,  — 
Ou  compte  encore  deux  poripatéticiens 
du  même  nom;  l'un,  natif  de  l'île  de 
Cos ,  disciple  de  lulietes  ,  qui  l'insti- 
tua son  héritier;  l'autre,  natif  d'A- 
lexandrie. D.  L. 

ARISTON  (Titus),  jurisconsulte 
romain,  qui  vivait  du  temps  de  Ti-a- 
jan.  Nous  ne  connaissons  de  ce  per- 
sonnage, que  ce  qu'eu  a  dit  Pline  le 
jeune ,  dans  deux  epîtres ,  où  il  témoi- 
gne pour  lui  beaucoup  d'eslime  et 
d'affection ,  et  vante  ses  connaissances 
dans  toutes  les  branches  de  la  juris- 
prudence. Il  faut  observer  qu'Ariston 
était  l'ami  de  Pline ,  et  que  celui-ci  ai- 
mait surtout  le  genre  du  panégyrique. 
Aulu-Gelle  dit  qu'Ariston  avait  com- 
posé beaucoup  de  livres,  et  ià\i  men- 
tion d'un  de  ses  ouvrages.  K. 

ARISTONICUS,  fils  naturel  d*Eu- 
mèncs ,  roi  de  Pcrgame ,  et  d'une 
joueuse  d'instruments  d'Ephèse,  en- 
treprit, après  la  mort  d'Altale,  de  se 
remettre  en  possession  des  états  de 
son  père.  Les  Romains  ayant  envoyé 
contre  lui  le  consul  P.  Licinius  Crassus , 
il  le  défît  et  le  fit  périr,  l'an  1 28  av. 
J.-C;  mais  Perpenna  étant  venu,  aus- 
tôt  après,  en  Asie,  dt^t  Aristonicus, 
et  le  fit  prisonnier.  Ou  le  conduisit  à 
Rome ,  où  il  tern)ina  ses  jours  en  pri- 
san.  Ce  prince  fut  le  dernier  de  la  dy- 
nastie des  Attalides ,  qui  avait  occupé 
le  trône  pendant  i54  ans.     C — r. 

ARISTOPHANE  ,  célèbre  poète 
comique,  était  fils  de  Philippe,  et 
Athénien  de  naissance,  suivant  l'ancien 
aitcur  de  sa  vie,  plus  croyable  à  ceî 


"A  R I  455 

c'gard  que  Suidas ,  compilateur  sans 
jugement.  Il  commença  à  se  faire  con- 
naître, daus  la  quatrième  année  de  la 
guerre  du  Péloponnèse  (427  av.  J.-C), 
par  les  Dœtaliens ,  comédie  que  nous 
n'avons  plus.  Il  osa,  l'année  suivante, 
dans  les  Babyloniens ,  attaquer  la 
coutume  des  Athéniens,  de  nommer 
les  archontes  et  d'autres  magistrats 
par  la  voie  du  sort.  Comme  il  s'était 
déjà  sans  doute  permis  dans  cette 
pièce  quelques  plaisanteries  sur  Ciéon , 
ce  démagogue  l'accusa  d'usurper  le 
litre  de  citoyen  d'Atisènes.  Aristopha- 
ne répondit  à  celte  accusation  par  les 
deux  vers  qu'Homère  met  dans  li 
l>ouche  de  Télémaquc ,  lorsqu'on  lui 
demande  s'il  est  fils  d'Ulysse  :  «  Ma 
»  mère  me  l'a  dit ,  je  ne  le  sais  pas 
»  autrement  ;  qui  peut  en  effet  se  flat- 
»  ter  de  connaître  son  père  ?  »  Celte 
accusation  fut  renouvelée  deux  fois 
parla  suite,  mais  il  s'en  tira  toujours 
avec  honneur.  Il  se  vengea  ,  bientôt 
après,  de  Cléon ,  en  le  couvrant  de  ridi- 
cule, et  en  l'accusant  de  dilapidations , 
dansla  comédie  des  Chevaliei'S.  Aucun 
acteur  n'ayant  osé  se  charger  du  rôle 
de  Cléon ,  qui  était  alois  tout-puissant, 
Aristophane  prit  le  masque,  et  le  joua 
lui-même.  Enhardi  parle  succès, ilmit 
sur  la  scène  les  juges,  les  philosophes  et 
les  dieux  eux-mêmes.  Sa  comédie  dts 
Guêpes ^  qui  a  fourni  à  Racine  l'idée  de 
celle  des  Plaideurs ^  est  une  satire  très- 
ingénieuse  de  la  passion  des  Athé- 
niens pour  juger.  Dans  \cs  Nuées,  il 
attaqua  Socrate  sur  son  mépris  pour 
les  dieux  ,  sur  sa  manière  de  rai- 
sonner qui  tendait  à  mettre  tout  en 
problême ,  jusqu'aux  notions  sur  le 
juste  et  l'injuste ,  et  il  tourne  en  ri- 
dicule les  vaines  spéculations  du  phi- 
losophe. Ce  n'est  pas  ici  le  heu  d'exa- 
miner jusqu'à  quel  point  ces  accu- 
sations étaient  fondées;  mais  il  est 
certain  qu'elles  u'eurent  aucune  in- 


454  ARI 

fluence  sur  la  condamnation  de  So- 
ciale ,  qsii  n'eut  lieu  que  vingt-trois 
ans  après.  Dans  les   Grenouilles  et 
daus  la  Faix ,  Aristophane  se  per- 
in(  t  sur   Bacchus ,  Hercule  et  Jupi- 
ter, des  railleries  qu'il  est  as^ez  sin- 
gulier que   le    peuple  Athénien ,  su- 
perstitieux comme  il  l'était,  ait  souf- 
fej'tes.    Cette  tolérance   venait    sans 
doute    de   ce  q  le  la  comédie  faisait 
partie  du  culte  de  Bacchus.  Les  poètes 
ses  contemporains ,   Agathon  ,  Carci- 
nus ,   Euripide  ,   ttc. ,    furent  aussi 
souvent  en  proie  à  ses  sarcasmes;  il 
en  voulait  surtout  à  Euripide ,  et  il  en 
revient  à  lui  à  chaque  instant;  il  le 
traduisit  même  sur  la  scène,   ainsi 
qu'Agathon  ,  dans  les  Femmes  cé- 
léhrantles  Thesmophories.hc peuple 
athénien,  tout  susceptible  qu'il  était, 
n'échappa  pas  davantage  à  ses  plai- 
santeries. Il  lui  reproche  sans  cesse 
son    inconstance  ,    sa  légèreté ,  sou 
amour  pour  la  flatterie,  sa  sotte  cré- 
dulité ,  et  sa  facilité  à  se  livrer  à  des 
espérances  chimériques ,  enfin  il  lui 
dit  les  vérités  les  phis  dures.  Aussi  se 
Vante-t-il,  dans  une  de  ses  pièces,  d'a- 
voir osé  le  premier  relever  ses  défauts 
avec  franchise ,  et  il  prétend  que  le  roi 
des  Perses  trouvait  les  armes  d  s  Athé- 
niens beaucoup  plus  redoutables  de- 
puis qu'il  leur  donnait  des  conseils.  Il 
faut  qu'il  y  eût  quelque  chose  de  vrai 
dans  tout  cela;  car, loin  de  s'offenser 
de  ses  avis ,  les  Athéniens  loi  décer- 
nèrent une  couronne  de  l'olivier  sacré, 
ce  qui  était    un  honneur  extraordi- 
naire. Cette  licence  de  la  vieille  comé- 
die ,   qu'on    avait  regardée  pendant 
long- temps  comme  une  des  sauve- 
gardes de  la  démocratie ,  devint  bien- 
tôt à  charge,  lorsque  les  orateurs  se 
furent  emparés  de  l'esprit  du  peuple  , 
ce  qui  arriva  à  la  suite  de  la  guerre 
du  Péloponnèse.   Ces    orateurs ,    ja- 
loux de  riuûucQce  des  poètes  couki> 


ARI 

qiies,  firent  rendre,  vers   l'an  58B 
av.   J.-C,   sur  la   proposition   d'un 
certain  Antimachus ,  une  loi  qui  dé- 
fendait de  nommer  personne  sur  le 
théâtre.  Cette  loi    mit  dans   le  plus 
grand  emb-îrras  les   administrateurs 
des  jeux.  La  comédie  était  ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  une  partie  essentielle 
des  fêtes  de  Bacchus ,  et  aucun  poète 
ne  voulait  se  charger  de  faire  des 
pièces.  On  eut  alors  recours  à  Aris- 
tophane ,  qui  fit   le  Cocalus ,  pièce 
dans  laquelle  une  fille   violée  par  un 
jeune  homme ,  est  ensuite  reconnue  , 
et  se  marie  avec  celui  qui  l'a  \'iolée. 
Cette  coméilie,  qu'il  donna  sous  le  nom 
d^Ararus ,  son  fils  aîné ,  fut  l'origine 
de  la  comédie  nouvelle.  Ménandre  et 
les  autres  poètes  plus  récents ,  l'imi- 
tèrent ,  et  firent  souvent   usage   de 
cette  intrigue,  comme  nous  le  voyons 
dans  les  pièces  Imitées  d'eux  par  Plante 
et  Térence.  Aristophane   était   alors 
très-âgé,  et  il   paraît  qu'il  ne  vécut 
pas  long-temps  après.  11  ne  fuit  pas 
juger  ses  comédies  par  ce  qu'en  ont 
dit   quelques    littérateurs  modernes , 
qui  n'étaient  pas  en  état  de  les  en- 
tendre ,  et  qui  ont  voulu  les  comparer 
à  celles  de  Ménandre ,  ou  à  nos  comé- 
dies modernes.  La  comédie ,  du  temps 
d'Aristophane ,    n'était    autre    chose 
qu'un  dialogue  satirique  en  vers,  mêlé 
de  chœurs,  et  il  ne  pouvait  pas  s'écai^- 
tcr  du  genre  adopte.  On  lui  reproche 
les  obscénités  dont  ses   pièces  sont 
remplies,  qui  tiennent  même  quelque- 
fois au  sujet ,  couirae  dans  la  Lyais- 
trale  :  mais  cette  licence  était  autori- 
sée ;  la  comédie  ne  fut  pas  plus  décen- 
te àlxome  dans  ses  commencements, 
quoique  les  mœurs  y  fussent  très-sé- 
vères ,  et  il  en  fut  de  même  de  nos 
incmières  représentations  théâtrales. 
\  ne  faut  donc  chercher  dans  Aris- 
tophane   que    rélégance    du  style  , 
rurbaijiléattiquc,  uu  grand  talent  j)Our 


ART 

saisir  les  ridicules ,  et  une  peinture 
fidèle  des  mœurs  athe'uiennes.  Il  faut 
convenir  que  sur  tous  ces  points ,  il  ne 
laisse  rien  à  désirer.  Platon ,  si  bon 
juge  en  fait  de  style,  avait  fait  sur 
Aristophane  deux  vers  dont  le  sens 
était  que  les  Grâces  ,  voulant  se  faire 
un    temple    impérissable  ,    avaient 
choisi  l'esprit  d'Aristophane.  Il  lisait 
sans  cesse  ses  come'dies  ;  on  les  trouva 
dans  son  lit  à  sa  mort,  et  il  les  envoya 
à  Denys  le  tyran,  qui  désirait  con- 
naître  le   gouvernement    d'Athènes. 
Enfin ,  il  en  fait  un  des  acteurs  de  son 
Banquet.  On  pourrait  joindre  au  témoi- 
gnage de  Platon ,  cehii  de  S.  Jean  Chry- 
sostome ,  s'il  était  vrai  qu'il  eût  tou- 
jours   les    comédies     d'Aristophane 
sous  son  chevet;  mais  Aide  Manuce 
est  le  seul  qui  le  dise  ,  et  la  pureté  des 
mœurs  de  S.  Jean  Chrysostôme  ne 
permet  pas  de  croire  qu'il  se  plût  à 
la  lecture  d'un  poète  aussi  licencieux. 
Il  ne  nous  reste  que  onze  comédies 
d'Aristophane ,  qui  ont  été  imprimées 
un  grand  nombre  de  fois.  Les  meil- 
leures  éditions  sont  les   suivantes, 
1  °.  avec  la  traduction  latine,  Amster- 
dam, i670,in-i2;  2°.  avec  la  traduc- 
tion latine ,  les  schoHes  grecques ,  les 
notes  de  divers  savants  ,  et  celles  de 
Ijud.  Kuster ,  Amsterdam ,  1 7 1  o ,  in- 
fol.  ;  3".  avec  les  notes  de  Bergler, 
Amsterdam,   1760,  in-4". ,  2   vol.; 
4°.  avec  les  notes  de  Brunck,  Stras- 
bourg, 1783,  in-8°.,  3  vol.,  quel- 
quefois en  quatre;  5°.  celle  d'Inver- 
nizi,    d'après  un  manuscrit  du  10''. 
siècle ,  trouvé  à  Ravennes  ,  Leipsick  , 
1  794 ,  in-8°. ,  1  vol.  On  aurait  su 
beaucoup  plus  de  gré  à  M.  Beck, 
éditeur  de  cet  ouvrage ,  s'il  avait  pu- 
blié le  sclïoliaste  grec ,  qui  est  absolu- 
ment nécessaire   pour  l'intelligence 
des  comédies  d'Aristophane,  au  heu  de 
nous  donner,  dans  un  énorme  volume 
JQ-8°.  qui  a  paru  en  1809,  tous  les 


ART 


455 


commentaires  sur  le  Plutus.  On  a 
publié  à  Leipsick ,  eu  1 804 ,  un  pre- 
mier volume  d'Aristophane,  contenant 
le  Plutus,  avec  un  commentaire  peu 
important  de  J.  F.  Fischer.  Je  crois 
que  cette  édition  ne  se  continue  pas. 
Parmi  les  éditions  de  pièces  détachées 
d'Aristophane ,  on  doit  remarquer  le 
Plutus,  avec  les  scholies  grecques  et 
les  notes  de  Tib.  Hemsterhuis ,  Har- 
lingue ,  1 745  ,  iu-8" ,  et  les  Oiseaux , 
avec  les  notes  de  M.  Beck,  Lipsia; , 
1782  ,  in-8°.  Traductions  françai- 
ses, 1°.  du  Plutus  et  des  IVue'es ,  par 
1V^"^  Dacier,  Paris  ,  1684,  1692  ;  1". 
des  Oiseaux ,  par  Boivin  ;  3".  d'une 
grande  partie  des  Guêpes ,  par  M. 
GeofFroi ,  dans  son  édition  de  Racine , 
Paris,  1808;  4°'  •iii  Théâtre  com- 
plet, par  Poinsinet  de  Sivry  ,  1784 
ou  1790,  4  vol'  in-8°.  ;  quelques 
pièces  sont  traduites  en  vers,  quelques 
autres  en  prose;  5°.  du  théâtre  com- 
plet ,  en  prose ,  par  A.  Ch.  Brottier  , 
neveu  de  l'éditeur  de  Tacit--  ;  tom.  X 
à  XIII ,  de  la  nouvelle  édition  du 
Théâtre  des  Grecs  ;  6".  Lisistrata  , 
opéra  de  M.  Hoffmann.         C — r. 

ARISTOPHANE,  célèbre  grammai- 
rien ,  né  à  Byzance ,  étudia  sous  Calli- 
maque  et  sous  Zénodote ,  vers  l'an 
198  avant  J.-C,  et  vint  à  Alexandrie, 
où  se  trouvaient  le  plus  de  ressources 
pour  ceux  qui  se  livraient  à  la  gram- 
maire et  à  la  critique.  Il  est  souvent 
cité  dans  les  scholiastes  des  anciens 
poètes.  Si  l'on  en  croit  Vitruve ,  Aris- 
tophane obtint,  de  la  manière  sui- 
vante ,  la  place  de  surintendant  de 
la  bibliothèque  d'Alexandrie.  Ptolé- 
mée  Physcon ,  qui  régnait  alors  en 
Egypte ,  employait  toutes  sortes  de 
moyens  pour  augmenter  sa  bibliothè- 
que ;  il  accordait  des  honneurs  et  des 
récompenses  aux  écrivains ,  et  voulait 
qu'il  y  eût  sept  juges  pour  décider  du 
mérite  des  ouvrages  .^  On  n'en  trom'a 


456  ARI 

que  six,  parmi  les  p;eus  de  lettres  qui 
étaient  alors  à  Alexandrie.  Ces  six  ju- 
ges proposèrent  au  roi  de  s'adjoindre 
Ai'istophane,  qui  était  occupé  conti- 
nuellement à  lire  les  livres  de  la  bi- 
bliothèque :  le  roi  y  consentit.  Les 
poètes  lurent  les  premiers  leurs  ou- 
vraj^es.  Six  juges  avaient  déjà  décidé 
en  faveur  de  quelques-uns,  pour  qui 
le  peuple  avait  témoigné  du  pencliai;t  ; 
mais  Aristophane  accorda  le  premier 
prix  à  un  poêle  qu'on  n'avait  presque 
pas  daigné  écoutei  ;  il  soutint  qu'il  était 
le  seul  qui  eût  réellement  composé  ses 
ouvrages ,  et  que  tous  les  autres  n'é- 
taient que  des  plagiaires.  Il  les  en  con- 
vainquit publiquement,  ayant  fait  ap- 
porter de  la  bibliothèque  des  livres 
ou  il  montra  les  endroits  qu'ils  avaient 
pillés.  Ce  jugement  d'Aristophane  fut 
une  preuve  de  sa  capacité,  et  lui  mé- 
rita la  place  de  surintendant  de  la  bi- 
Lliothèque.  Ce  même  Aristophane  est 
rite  comme  ayant  partage  les  Dia- 
logues de  Platon  en  trilogies. 

C— n. 
ARISTOTE,  philosophe,  naquit  à 
Sfagire  ,  ville  de  Maccdonie ,  la  pre- 
mière année  de  la  99''.  olympiade 
(384'.  avant  J.-C.\  Nicomachus,  son 
père  ,  descendait  de  Machaon,  fils 
d'Esculape.  Phacstis,  sa  mère, appar- 
tenait aussi  à  des  parents  illustres. 
La  médecine  était  une  profession  hé- 
réditaire dans  la  famille  des  Asclépia- 
des,  et  le  père  d'Arislote  s'y  était  livré 
avec  succès.  Il  avait  même  laissé  quel- 
ques ouvrages  sur  cette  science,  et  ses 
connaissances  l'avaient  fait  appeler  à 
}a  cour  d'Amyntas  II  l,  roi  de  Macé- 
doine, père  do  Philippe  et  aïeul  d'A- 
lexandre. Il  destina  son  fils  à  la  même 
carrière,  et  le  dirigea  lui-même  dans 
l'étude  dclamédccine  et  dans  celledela 
philosophie,  qui  en  était  déjà  la  com- 
pagne inséparable,  comme  le  prou- 
vent les  ouvrages  d'Ilippocrate.  Ou 


ARÏ 

ne  sait  jusqu'oïl  Aristote  porta  ses  étu- 
des en  ce  genre;  mais  on  voit  par  ses- 
Problèmes ,  et  quelques  autres  écrits, 
qu'il  aurait  obtenu  de  giauds  succès 
dans  cette  scicuce ,  s'il  av"it  voulu  s'y 
livrer  uniquement.  Ce  fut  s.uis  di  ute  à 
cette  pren.i(  re  éducation ,  qu'il  dut  le 
goiltqui  se  développa  chez  lui,  dans 
la  suite,  pour  l'histoire  naturelle, 
dont  il  fut  le  créateur,  puisqu'il  est  le 
premier  qui  ait  fait  des  observations 
exactes.  Avint  perdu  son  père  et  sa 
mère,  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  alla 
d'abord  à  Atarné ,  auprès  de  Froxénus, 
ami  de  sa  famille;  après  y  avoir  de- 
meuré peu  de  temps,  il  >e  rendit  à 
Athènes,  pour  y  entendre  Platon, 
dont  l'école  était  alors  très-renommée. 
Quelques  auteuis  prétendent  que, 
dans  sa  première  jeune'-se,  il  avait 
dissipé  sa  fortune,  et  qu'il  fut  obligé 
d'embrasser  l'état  de  pl;arnîaeieu  à 
Athènes;  mais  ce  fait,  rapporte  daçs 
une  lettre  d'Epicure,  qui  e>t  évidem- 
ment sup])osée ,  ne  mérite  aucune 
croyance.  Il  est  cependant  possible 
qu'il  ait  exercé  la  profession  de  mé- 
decin à  Athènes ,  et  qu'il  ait  vendu 
des  remèdes  comîue  le  f;iisaient  tous 
les  anciens  médecins,  ce  qui  n'avait 
rien  d^  déshonorant.  Aristote  re  ta  , 
pour  cette  première  fois,  vingt  ans 
à  Athènes,  et  ne  se  borna  point  a  sui- 
vre, pendant  un  si  long  espace  de 
temps,  les  leçons  de  Platon;  car  Cicé- 
ron,  et  plusieurs  autres  auteurs,  di- 
sent qu'il  ouvrit  une  école  d'éloquence, 
pour  rivaliser  Isocrate ,  ce  qu'il  n'a  pu 
faire  qu'à  cette  époque  Isocrate  étant 
mort  l'an  5j9  av.  J.-C.  Il  est  probable 
qu'il  y  publia  aussi  quelques  ouvrages 
sur  la  philosophie,  qui  commencèrent 
à  le  faire  connaître,  et  que  ce  fut  d'a- 
près sa  réputation  que  Phili|pe  de 
Macédoine  lui  écrivit,  peu  de  temps 
après  la  naissance  d'Alexandre,  l'an 
55t>  avant  J.-C,  celte  lettie  téUbre  : 


ARI 

«  PMippe,  roi  de  Macédoine,  à  Aris- 
»  tote,  Siilut.  Sachez  qui:  m'est  ne  un 
»  fils  :  je-  remercie  les  Dieux ,  non  pas 
w  tant  de  me  l'avoir  donné,  que  de 
»  l'avou'  fait  i.aître  du  temps  cl'Aris- 
»  tote.  J'espère  que  vous  en  ferez  un 
»  roi  digne  de  me  succéder  et  de 
»  commander  aux  Macédoniens.  » 
Quelques  auteurs  disent  que ,  peu  de 
temps  avant  la  mort  de  Platon,  Aris- 
tote  rompit  avec  lui ,  et  chercha  même 
à  élever  une  école  rivale  de  la  sienne. 
Nous  n'avons ,  à  la  vérité ,  d'autre  au- 
toriié,  là-dessus,  que  celle  d'Aristoxè- 
ne,  disciple  d'Aristote,  et  qui,  irrité 
contre  lui ,  de  la  préférence  qu'il  avait 
donnée  à  Théophraste,  pour  le  pi.iccr 
à  la  tète  de  son  école,  ne  l'avait  guè- 
re ménagé  dans  ses  écrits.  Cepen- 
dant, ou  ne  peut  le  soupçonner  que 
d'exagération  ;  car  il  n'est  pas  proba- 
ble qu'il  eût  inventé  ces  faits.  11  est 
assci  naturel  de  penser  que  Platon 
fut  oifusqué  par  la  réputation  toujours 
croissante  de  son  élève,  qui  avait 
abandonne  sa  manière  de  traiter  la 
philosophie,  pour  en  adopter  une  au- 
tre, fondée  sur  des  principes  plus  cer- 
tains, La  lettre  de  Phihppe  dut  encore 
augmenter  sa  jalousie  ;  mais ,  malgré  le 
refroidissement  qui  eut  lieu  entre  eux, 
ils  n'en  vinrent  jamais  à  une  scission 
ouverte.  Aristote  témoigna  toujours  à 
Platon  les  plus  grands  égards ,  et  ne 
parle  de  lui  qu'avec  respect  dans 
tous  ses  ouvrages.  Platon  étant  mort 
l'an  348  avant  J.-C.,  et  les  Athéniens 
ayant,  vers  le  même  temps,  déclaré  la 
guerre  à  Philippe,  Aristote  ne  crut 
pas  devoir  rester  à  Athènes,  et  se 
rendit  à  Atarné,  où  Hcrmias,  son  ami, 
avait  l'autorité  souveraine.  I^ous  ne 
répéterons  pas  les  bruits  que  la  ca- 
lomnie avait  répandus  sur  ce  voyage  ; 
ils  sont  si  absurdes ,  qu'ils  ne  méritent 
pas  d'être  réfutés.  Peu  de  temps  après, 
Hermias  s'ciant  confié  imprudemranit 


A  R  r  457 

à  Mentor  Rhodien ,  frère  de  Memnon , 
géiiéral  des  troupes  grecques ,  à  la 
solde  du  roi  de  Perse,  fut  livré  par  ce 
traître  à  Artaxerces,  qui  le  fit  mourir 
de  la  manière  la  plus  ignominieuse. 
Aristote ,  très-affligé  de  sa  mort ,  cher- 
cha à  éterniser  sa  mémoire,  par  un 
hymne  qui  est  un  des  plus  beaux  mor- 
ceaux de  poésie  que  nous  connaissions. 
Aristote  érigea  aussi,  dans  Delphes,  une 
statue  à  Hermias ,  avec  une  inscription 
qui  rappelait  la  trahison  dont  il  avait 
été  victime.  Hermias  avait  une  sœur, 
nommée  Pvthias,  beaucoup  plus  jeune 
que  lui,  et  qu'il  élevait  comme  sa  fille. 
Elie  se  trouvait  dénuée  de  tout  secours , 
par  la  mort  de  son  frère,  et  Aristote , 
qui  ne  voulut  pas  l'ab indonner,  l'é- 
pousa. Elle  mourut  long-temps  avant 
Aristote,  qui  la  regretta  au  point  de 
donner  lieu  à  une  accusation  d'une 
espèce  singulière.  On  prétendit  que , 
lorsqu'il  l'eut  perdue,  il  en  fit  une  di- 
vinité, et  lui  rendit  le  même  cuhc  que 
les  Athéniens  rendaient  à  Cérès.  Il 
paraît  qu'après  la  m  rt  d  Hermias, 
Aristote  alla  passer  quelque  temps  à 
Mitylène;  mais,  vers  l'an  545  avant 
J.-C. ,  Philippe  l'appela  à  sa  cour , 
pour  le  charger  del'éducationd'Alexan- 
die,  son  fils,  alox'S  âgé  de  treize  ans. 
Nous  ne  connaissons  guère  les  détails 
de  cette  éducation  ;  mais.,  à  voir  les 
grandes  qualités  qu'Alexandre  déploya 
dans  les  pi'emières  années  de  son  rè- 
gne, l'empire  qu'il  conserva  sur  ses 
passions  tant  qu'il  ne  fut  pas  cor- 
rompu par  ses  flatteurs  ;  enfin ,  le 
goût  éclairé  qu'il  eut  toujours  pour  les 
sciences ,  les  lettres  et  les  arts  ,  ou  doit 
croire  que  le  philosophe  n'avait  pas 
prodigué  à  son  élève  d'inutiles  le- 
çons. On  lui  reprochera  peut-être  de 
n'avoir  pas  su  prémunir  Alexandre 
contre  l'ambition  et  la  passion  des  con- 
quêtes; mais  Aristote  était  Grec  ,  et, 
par  consé(jueui,  eniiemi  ualwcl  du 


453  A  R  î 

roi  de  Perse  ;  sa  haine  sVtait  accnic 
par  le  meurtre  d'Hennias;  eufin ,  la 
conquête  de  la  Perse   e'faif,   depuis 
loDç:;-temps,  l'objet  des  vœux  de  toute 
la  Grèce.  Aristote  dut  donc  employer 
tous  ses  talents  pour  mettre  son  roval 
disciple  on  état  de  réaliser  ce  projet , 
et  pour  lui  apprendre  à  faire  tourner 
cette  conquête  au  profit  de  la  civilisa- 
tion ;  il  faut  convenir  qu'il  y  avait  bien 
réussi;  car  peu  de  conquérants   ont 
montré  autant  de  talents    politiques 
qu  Alexandre,  et  il  aurait  |)eul-ètre  fait 
une  révolution  très-hcurcuse  dans  le 
s(ut  du  p;enre  humain  ,  si  la  mort  ne 
Ttût  arrêté  au  milieu  de  sa  carrière. 
Philippe  ayant  été  assassiné  l'an  53-] 
avant  J.-C,  Alexandre  monta  sur  le 
trône,  et  ,    par    afTection   pour  son 
maître ,    rétablit  la  ville  de  Stap;ire , 
que  Philippe  avait  détruite.  Les  Staj^i- 
rites,  en  reconnaissance,  instituèrent, 
tn  l'honneur  d'Aristote,  une  fête  nom- 
race   Arislolelia,    qu'ils  célébraient 
tous  les  ans.  Aristote  engagea  aussi , 
par  la  suite,  son  disciple,  à  épargner 
]a  ville  d'Eressos  ,  patrie  de  Théo- 
phraste,  son  disci])le  chéri.  Il  paraît 
constant   qu'Arislote   resta  au  moins 
un   an   avec    Alexandre,    après    son 
avèuement  au  trône,  et  l'on  prétend 
(fi.ril  se  retira  ensuite  à  Athènes  ;  mais 
je  trouve  dans  sa  Vie,  par  Ammo- 
iiius,  qu'il  suivit  son  élève  dans  une 
partie  de  ses  expéditions;  et  cela  me 
paraît  très-crovable;  car  on  ne  conçoit 
guère  comment  ce  prince  aurait  pu 
envoyer  à  Athènes  tous  les  animaux 
dont  Aristote  avait  donné  la  descrip- 
tion anatomique  de  la  manière  la  plus 
exacte,  ce  qui  prouve  qu'il  les  avait 
disséqués  !ui-niènie.  Je  suis  donc  porté 
à  croire  qu'il  le  suivit  jiisqu'en  Egypte , 
et  qu'il  ne  revint  à  Athènes  que  vers 
l'an  301   avant  J.-C,  apportant  tous 
les  matériuix  uéccssaires  pour  la  com- 
position de  son  immortel  ouvrage. 


A  RI 

Xllistoire  des  animaux.  Il  laissa  , 
auprès  d'Alexandre,  Callisthènes,  son 
parent  et  son  disciple,  qui  eut  le  mal- 
heur de  s'attirer  la  haine  de  ce  prince. 
Quelques  auteurs  prétendent  que  cetta 
haine  s'étendit  jusqu'à    Aristote  ;  et 
Plutarque  en  donne,  pour  preuve, 
une  lettre  où  Alexandre  semble  dé- 
signer Aristote  comme  son  ennemi  ; 
mais  on  avait  forgé  beaucoup  de  let- 
tres sous  le  nom  du  roi  de  Macédoine, 
et  celle-là  est  sans  doute  de  ce  nombre. 
Alexaixlre  ne  dut  jamais  oublier  les 
obligations  qu'il  avait  à  son  maître,  et 
les  persécutions    auxquelles   Aristote 
fut  exposé,  immédiatement  après  sa 
mort  ,    semblent    ])iouver    que   les 
Athéniens  le  considéraient  comme  lui 
étant   entièrement  dévoué.   Aristote, 
revenu    à   Athènes  ,    y    ouvrit    une 
école  de  jihilosophie  dans  le  Lvcée , 
gymnase  à    peu   de   distance  de   la 
ville.  Il  s'v  rendait  deux  fois  par  jour. 
Le  matin  était  destiné  à  ses  disciples , 
et  il  leur  expliquait  ce  que  les  sciences 
offrent  de  plus  difficile.  Le  soir ,  il 
admettait   tous    ceux   qui    désiraient 
l'entendre ,  se  mettait  à  la  poitée  de 
tout  le  monde,  et  raisonnait  sur  les 
connaissances  qui  sont  d'un  usage  plus 
ha'nitiiel  dans  le  cours  de  la  vie.  C'est 
à  cette  distinction  que  l'on  doit  la  di- 
vision de   ses   ouvrages  en   ésoléri- 
ques  et  en  acroamaliques.  Les  pre- 
micrsconlenaientunedoctrine  usuelle, 
et  chacun  pouvait  les  entendre  :  les 
seconds  ,  destinés  plus  ]i-!rficulière- 
ment  à  ses  chsciples  ,  avaient  besoin 
d'être  expliqués  par  des  leçons.  L'au 
5^4  avant  J.-C. ,  Alexandre  mourut , 
et  Aristote ,  privé  de  sou  protecteur  , 
se  trouva,  de  plus,  en  bute  à  la  ca- 
lomnie.   De   toutes   les   inculpations 
qu'elle  ait  inventées  contre  lui ,  celle 
de  sa  complicité  avec  les  prétendus 
assassins  d'Alexandre,  est  sans  doute 
la  plus  absmde.  Les  Athéniens ,  es- 


A1\I 

pérant  se  mettre  encore  une  fois  à  la 
tête  de  la  Grèce  ,  cherchèrent  à  la 
soulever  pour  lui  faire  secouer  le  joug 
des  Macédoniens,    et  comme  l'atta- 
chement   d'Âristote   à    Philippe ,    à 
Alexandre  et    à  Antipater  le  rendait 
suspect ,  les  démagogues   se  déchaî- 
nèrent contre  lui ,  et  ils  furent  secon- 
dés ,  non  seulement  par  les  sophistes , 
dont  il  avait  dévoilé  les  vaines  subtili- 
tés, mais  encore  par  les  platoniciens, 
qui  ne  lui  pardonnaient  pas  la  célébrité 
que  son  école  avait  acquise.  On  sus- 
cita contre  lui  l'iiiérophante  Eury- 
Biedon  ,   ou  un  certain  Déraophile  , 
pour  l'accuser  d'impiété.  11  necrutpas 
devoir  courir  la   chance  d'un  juge- 
ment ,  et  voulant,  disait-il ,  en  faisant 
allusion  à  la  condamnation  de  Socrate, 
épargner  aux  Athéniens  un  second 
Attentat  contre  la  philosophie  ,  il  prit 
le  parti  de  la  retraite,  et  alla  s'étabhr 
à  Chalcis ,  dans  l'Ëubée ,  avec  la  plus 
grande  partie  de  ses  disciples.  Il  mou- 
rut de  maladie ,  peu  de  temps  après, 
l'an  52'2  av.  J.-C.,  à  l'âge  de  soixante- 
trois  ans.  Car  il  ne  faut  ajouter  aucune 
foi  à  ce  que  dit  Hésychius  de  Milet , 
écrivain  du  Bas- Empire  ,  qu'y^ristote 
fat  condamné  à  boire  la  ciguë  et  que 
l'arrêt  fut  exécuté.  Nous  avons  vu  que 
Pytbias,  son  épouse,  était  morte  avant 
lui.    Elle    lui  avait    laissé    une    fijle 
nommée  Pjthias  comme  elle ,  et  il 
avait  eu  un  fils  ,    nommé  Nicoma- 
chus ,  d'Her pyllis  de  Stagire ,  qu'il  avait 
prise  pour  concubine  après  la  mort  de 
sa  femme.  On  prétend  qu'il  avait,  outre 
cela ,  adopté  Proxénus ,  fils  de  Nicanor 
son  ami,  mortdcpuis  long-temps.  Nous 
TOj-onsbien,  eirectivement,  qu'il  avait 
élevé  Nicanor,  mais  rien  ne  prouve 
qu'il  l'eût  adopté.  Diogèue  Laërcenous 
a  conservé  son  Testament,  dans  lequel 
son  caractère  se  peint  d'une  manière 
très-avantageuse  ;  car  il  n'est  pas  un 
«eal  de  ceux  qui  lui  avaient  été  atta*. 


A  R I  459 

che's,  qui  n'y  obtienne  quelque  mar- 
que de  souvenir.  Il  règle  le  sort  de 
ses  enfants,  celuid'Herpyllis,  et  donne 
la  liberté  à  ses  esclaves  ;  il  charge  ses 
six  exécuteurs  testamentaires  ,  parmi 
lesquels    on    comptait   Antipater    et 
Théophraste,  de  faire  terminer,  par 
Gryllion ,  les  statues  de  Phaeslis   sa 
mère ,  de  Proxénus  son  père ,  d'Arim- 
nestus  son  frère ,  et  de  Nicanor.  Il 
désire,  enfin,  qu'on  réunisse  les  restes 
de  Pythias  aux  siens  dans  un  même 
tombeau.  On  voit ,  par  ce  testament , 
qu'Aristote  avait  une    fortune   assez 
considérable ,  qu'il  tenait  en  partie  de 
son   père,  en  partie  de  la  libéralité 
d'Alexandre.  Il  fut  le  fondateur  d'une 
secte  de  philosophie  qui  prit  le  nom 
de  péripatélicienne ,  parce  qu'il  don- 
nait ses  leçons  en  se  promenant.  Son 
école  ,  qui  revint  bientôt  à  Athènes  ,  y 
subsista  long-temps  ;  mais  sa  doctrine 
ne  larda  pas  à  s'a'terer  ,  et  Théo- 
phraste, son  successeur,  fut  presque 
le  seul  qui  se  montrât  digne  d'un  tel 
maître,  par  le  soin  avec  lequel  il  con- 
serva sa  doctrine  ;  et  les  recherches 
qu'il  fit  pour  la  compléter  par  de  nou- 
velles découvertes.  Après  sa  mort,  les 
écrits  d'Aristote  et  les  siens ,  ou  tout 
au  moins  ceux  qui  ne  pouvaient  être 
compris  sans  des  leçons  particulières, 
tombèrent  presque  dans   l'oubli ,  et 
l'on  ne  doit  pas  s'en  étonner.  Doue 
du  génie  le  plus  éminemment  philo- 
sophique, que  la  nature  ait  jamais 
donne'  en  partage  à  aucun  individu  , 
Aristote    avait   créé  un  «système   de 
philosophie  fondé  sur  la  raison ,  sur 
l'expérience ,  et  n'avait  presque  rien 
sacrifié  à  l'imagination.  Son  style  avait 
pris  l'empreinte  de  son  génie.  Avare 
de  mots ,  il  n'en  emploie  pas  deux , 
lorsqu'il  peut  exprimer  sa  pensée  par 
uu  seul ,  et  il  en  a  souvent  créé  de 
nouveaux  ])0ur  éviter   des  circonlo- 
:  cutions.  EuOn,  il  s'est  fait  un  style  phi- 


46o  A  R I 

losophique  qui  doit  être  l'objet  d'une 
etnde  particulière  ,  et  cette  étude  n'e'- 
tait  point  du  goîit  des  Grecs  ,  qui 
s'occupaient  beaucoup  moins  des  cho- 
ses en  clles-inèmes  que  de  la  manière 
dont  elles  étidcut  ënonce'es  ;  et  il  faut 
convenir  qu'à  cet  égard  Platon  eut 
un  grand  avantage  sur  Aristote.  Le 
premier  rnisonne  souvent  mal ,  ou 
plutôt  il  lui  arrive  rarement  de  i-ai- 
.«ionner  juste  ;  mais  son  style,  le  mo- 
dèle du  style  attiquc ,  est  si  élégant 
et  si  gracieux  ,  qu'il  n'est  pas  surpre- 
nant fpie  SCS  ouvrages  aient  eu  plus 
de  lecteurs  que  ceux  d'Aristote ,  où. 
l'on  ne  trouvait  que  le  langage  de  la 
iroide  raison.  Les  péripnléliclens  eus- 
jiièmes  négligèrent  les  écrits  de  leurs 
deux  premiers  maîtres  pour  se  jeter 
dans  do  vaines  disputes  de  mots,  et 
se  livrer  a  des  études  étrangères  à  la 
j)liilosopbie.  Il  est  cependant  dildcile 
de  croire,  qu'à  aucune  époque,  les 
ouvrages  d'Aristote  aient  été  entière- 
ment ignorés,  comme  le  dit  Strabon. 
Quoique  Théophraste  en  eût  gardé 
les  originaux ,  il  avait  dû  en  laisser 
des  copies  à  ses  successeurs ,  et  ils  se 
trouvaient  sans  doute  dans  les  granrlcs 
l>ibliotlièques  ;  mais  on  ne  daignait  pas 
clicrcher  à  les  lire.  Us  ne  commen- 
cèrent à  être  lui  peu  plus  connus  que 
lorsque  les  Romains  s'adonnèrent  à 
la  philosophie.  Svlla  avait  ajjporté  à 
Rome  la  bibliothèque  d'A|)ellicon , 
où  se  trouvaient  les  originaux  des 
ouvrages  d'Aristote  et  de  Théophrasie. 
31  permit  à  qui  le  désira  d'en  faire 
des  copies,  et  Andronicus  de  Rhodes, 
se  les  étant  procurés,  les  mit  en  ordre, 
y  ajouta  des  sommaires,  et  les  revit 
avec  beaucoup  de  soin.  Us  ne  se  ré- 
j)audirent  cependant  pas  trcs-piomp- 
temcut  ;  car  (jicéron  dit,  que  de  son 
temps,  il  y  avait  encore  peu  de  phi- 
losophes qui  les  con  missent.  Les  Ro- 
mains furent  les  premiers  qui  eu  siu- 


ARI 

tirent  le  prix  ,  et  ils  contribuèrent 
beaucoup  ,  ainsi  que  le  remarque 
Strabon,  à  en  ramener  l'étude.  Les 
péripatéticiens  se  mirent,  dès-lors  ,à 
professer  la  véritable  doctrine  d'A- 
ristote ,  qui ,  depuis  cette  époque ,  a 
éprouvé  une  infinité  de  vicissitudes  , 
dont  on  peut  voir  l'histoire  dans  le 
Traité  de  Launoy,  De  varia  Aris- 
totelis  fortund.  Il  n'est  cependant  pas 
indifférent  de  rapporter  ici,  ne  fût-ce 
que  pour  faire  sentir  la  bizarrerie  de 
certaines  destinées  ,  et  jusqu'à  quel 
point  l'esprit  humain  peut  s'égarer , 
quelques-unes  des  opinions  que  l'on 
tut  dans  la  suite  sur  Aristote  ;  car  il 
est  bien  constant  que  l'histoire  de  ce 
philosophe  ne  finit  point  avec  sa  vie. 
11  a  trouvé,  chez  toutes  les  nations 
policées ,  d'ardents  admirateurs.  L'A- 
rabe Averrccs  n'hésite  point  à  l'appe- 
ler le  comble  de  la  perfection  hu- 
maine ,  etc.  Dans  plusieurs  sectes 
chrétiennes ,  il  a  été  l'objet  d'un  vé- 
ritable culte,  et  la  certitude  de  sou 
salut  a  été  soutenue  par  plus  d'un  doc- 
teur. La  philosopTiie  d'Aristote,  long- 
temps négligée  par  les  Grecs,  à  l'ima- 
gination riante  desquels  elle  ne  con- 
venait point ,  et  par  les  Romains  ,  à 
qui  toute  philosophie  spéculative  était 
assez  indifférente  ;  condamnée  par  les 
premiers  chrétiens  qui  furent  presque 
tous  des  platoniciens  outrés  ,  repnt 
faveur  chez  les  Arabes  ,  et  fiit  intro- 
duite par  eux,  dans  le  moyen  âge ,  en 
Europe  ,  où  on  lui  voua  un  culte  tout- 
à-fait  superstitieux.  Non  seulement  ou 
en  adoptait  les  principes  généraux  , 
(pie  l'on  développait  avec  une  subti- 
lité exagérée  et  dans  un  style  barbare; 
mais  on  regardait  encore  comme  in- 
dubitables jusqu'aux  moindres  choses 
de  l'ait  ra])portées  par  le  philosophe 
Ramus  fut  assassiné  pour  avoir  voulu 
attaquer  cette  prévention ,  et  si  Des- 
'  cartes  rc'u.-^sit  à  la  détruire,  ce  ne  fut 


A  ni 

pas  sans  e'prouvci-  des  persécutions 
cruelles  ;  mais ,  par  une  de  ces  révolu- 
tions trop  ordinaires  dans  les  opi- 
nions de  la  foule ,  même  quand  cette 
foule  est  savante ,  on  tomba  dans  un 
excès  oppose' j  la  philosophie  d'Aris- 
tote  fut  méprisée;  on  s'en  moqua 
dans  des  satires,  dans  des  comédies; 
le  nom  même  de  ce  philosophe  fut 
quelque  temps  ridicule ,  et  ses  écrits 
ont  fini  par  être  presque  oubliés  des 
maîtres  et  des  jeunes  gens.  Le  fait  est, 
cependant ,  que  Platon  et  Aristole  sont 
les  chefs  des  deux  grands  partis  qui 
ont  divisé  la  philosophie  jusqu'à  nos 
jours  :  l'un  qui  attribue  aux  idées  gé- 
nérales ,  une  existence  indépendante, 
et  qui  prétend  conclure  de  la  dé/îni- 
lion  des  choses  à  leur  nature  ;  et  l'au- 
tre qui  affirme,  au  contraire,  que  nos 
idées  générales  ne  naissent  que  par 
abstraction,  et  ont,  dans  l'observa- 
tion et  dans  l'expérience  ,  leurs  pre- 
mières racines.  Sous  les  noms  de  pla- 
toniciens ,  de  réaux  ,  d'idéalistes,  les 
philosophes  du  piemier  parti  ont 
toujours  penché  vers  les  illusions  du 
mysticisme  ;  sous  ceux  de  pc:ipatéti- 
ciens ,  de  nominaux  ,  d'empyristes  , 
ceux  de  l'autre  parti  nous  ont  con- 
duits 5  à  l'aide  de  l'expérience  et 
d'une  raison  calme,  à  tout  ce  que 
nnus  savons  de  réel  touchant  la  na- 
ture physique  et  morale.  Newton  et 
Locke  se  sont  déclarés  les  chefs  des 
péripatéticiens  modernes;  le  premier, 
en  admettant  comme  vraies,  les  pro- 
priétés reconnues  par  l'expérience ,  et 
eu  cherchant  à  en  déduire  les  effets 
qui  en  dépendent,  sans  s'inquiéter  si 
ces  propriétés  sont  occultes,  ou  non; 
le  second ,  en  soutenant  que  l'esprit 
est  une  table  rase,  qui  ne  reçoit  que 
de  l'expérience  les  germes  de  ses  idées. 
Ce  sont  les  deux  pivots  sur  lesquels 
Aristote  appuie  toute  sa  philosophie 
g^éuérale,  el  sur  lesquels  roulent  toutes 


ART  4^11 

les  applications  qu'il  en  a  faites.  Ces 
apphcations  ne  sont  pas  toutes  égale- 
ment heureuses  :  la  métaphysiqueetia 
physique  d'Aristote  ne  sont  jvis  bon- 
nes; mais  c'est  nue  preuve  de  plus 
de  la  justesse  de  ses  principes;  car  nos 
idées  générales  ne  naissant  que  des 
idées  particulières ,  les  plus  générales 
de  toutes  ne  pouvaient  se  développer 
que  les  dernières.  Lorsqn'Aristote  éta- 
blissait Vhorreur  du  vide,  il  se  for- 
mait une  idée  générale ,  telle  que  la 
donnaient  les  expériences  d'alors. 
Quand  on  eut  observé  que  les  pompes 
ne  soulevaient  l'eau  qu'à  52  pieds  , 
et  le  merciuc  qu'à  28  pouces ,  il  fallut 
bien  en  chercher  une  autre.  On  se 
borna  alors  à  reconnaître  la  pesanteur 
de  l'air.  De  là  au  principe  de  la  pe- 
santeur universelle ,  il  y  a  encore  loin 
sans  doute.  Cependant  l'on  y  est  arrivé 
en  suivant  le  même  chemin.  Aristote 
dut  être  plus  heureux  dans  les  ma- 
tières plus  rapprochées  ,  oîi  il  n'est 
pas  nécessaire  de  s'élever  à  de  si 
hautes  abstractions  ;  et  en  effet ,  sa 
poétique  et  sa  rhétorique  contiennent 
sur  tous  les  genres  d'écrire  les  règles 
les  plus  saines  ;  sa  morale  offi'e  une 
analyse  délicate  de  tous  les  penchants 
du  cœur,  et  une  distinction  fine  de 
toutes  les  vertus  et  de  tons  les  vicf-s  ; 
dans  sa  logique  il  développe ,  avec 
une  sagacité  infinie  ,  la  marche  et  les 
ressorts  du  raisonnement  ;  il  lui  trace 
la  route  propre  à  l'empêcher  de  s'é- 
garer, et  poursuit  dans  tous  leurs 
détours  les  sophismes  les  plus  spé- 
cieux. Mais  de  toutes  les  sciences , 
celle  qui  doit  le  plus  à  Aristote  ,  c'est 
l'histoire  naturelle  des  animaux.  Non 
seulement  il  en  a  connu  un  grand 
nombre  d'espèces ,  mais  il  les  a  étu- 
diés et  décrits  d'après  un  plan  vaste 
et  lumineux,  dont  peut-être  aucun  de 
SCS  successeui'S  n'a  approché,  ran- 
geant les  faits ,  non  point  selon  les 


462  ARI 

espèces,  mais  selon  les  organes  et 
les  fonctions  ,  seul  moyen   d'établir 
des  résultats  comparatifs  :  aussi  peut- 
on  dire  qu'il  est  nun  seulement  le  plus 
ancien   auteur  d'anatomie  comparée 
dont    nous    possédions    les   écrits  , 
mais  encore  que  c'est  un  de  ceux  qui 
OHt  traité  avrc  le  plus  de  génie  cette 
branche  de  l'iiistoirc  naturelle,  et  ce- 
lui qui   mérite  le  mieux  d'être  pris 
pour  modèle.   Les  principales   divi- 
sions que  les  naturalistes  suivent  en- 
core dans  le  règne  animal ,  sont  dues 
à  .\i'istote ,  et  il  en  avait  déjà  indiqué 
plusieurs ,  auxquelles  on  est  revenu 
dans  ces  derniers  temps  ,   après  s'en 
être  écarté  mal  à  propos.  Si  l'on  exa- 
mine le  fondement  de  ces  grands  tra- 
vaux, l'on  verra  qu'ils  s'appuient  tous 
sur  la  même   méthode  ,  laquelle  dé- 
rive elle-même  de  la  théorie  sur  l'o- 
rigine des  idées  générales.  Par-tout 
Aristote  observe  les  faits  avec,  atten- 
tion; il  les  compare  avec  Gnesse,  et 
cherche  à  s'élever  vers  ce  qu'ils  ont 
de  commun  ;  ainsi ,  sa  Poétique  est 
fondée  sur  les  ouvrages  d'Homère  et 
des  grands   tragiques  ;  sa  Politique  , 
sur  les  constitutions  d'un  grand  nom- 
bre de  gouvernements  grecs  et  bar- 
bares ,  et  son  Histoire  naturelle  ,  sur 
cette  immensité  d'observations  que  hii 
procurèrent  les  généreux  secours  d'A- 
lexandre. Son  style   est  accommodé 
à  sa  méthode;  simple,  piécis,  sans 
recherche  et  sans  chaleur,  il  semble  en 
tout  rop}K)sé  de  celui  de  Platon  ;  mais 
aussi  a-t-il  le  mérite  d'être  généralement 
clair,  excepté  en  quelques  endroiis, 
où  ses  idées  elles-mêmes  ne  l'étaient 
]»as.Théophraste,  qui  succéda  à  Aris- 
tote dai.s  la  chaire  du  lycée,  employa 
la  même  méthode,  et  en  retira   les 
mêmes  avantages  dans  ses  ouvrages 
classiques   sur  les  plantes  et  sur  les 
caractères.  11  s'en  ftuit  beaucoup  que 
nous  ayons  tous  les  ouvrages  d'Ai'is- 


ARI 

tote;  nous  en  avon»  perdu  de  très* 
importants ,  et  entre  autres  le  Recueil 
qu'il  avait  fait  des  institutions  poli- 
tiques de  cent  cinquante-huit  états  dé- 
mocratiques ,  aristocratiques ,  oligar- 
chiques et  tyranniques.  11  nous  en 
reste  cependant  un  grand  nombre.  On 
en  trouvera  le  détail  ci-après.  Ils  ont 
été  imprimés  plusieurs  lois  conjointe- 
ment ;  la  première  édition  ,  toute 
grecque  ,  a  été  donnée  à  Venise  par 
Aide  Mannce  ,  de  i495  à  1498, 
en  5  vol.  in-fol.  Elle  n'a  pas  d'autre 
méiite  que  sa  rareté.  On  recherche 
aussi  celle  que  Camotius  a  donnée 
à  Venise,  chez  Paul  Manuce,  i55i 

—  55,  in-S*».,  6  vol.  :  le  6*.  con- 
tient les  ouvrages  de  Théophraste. 
Mais  la  meilleure  de  toutes  jusqu'à  pré- 
sent est  celle  que  Fréd.  Sylburge  a 
donnée,  in-4°.,à  Francfwt,  chez  les 
héritiers  d'André  Wechel ,  et  dont 
voici  le  détail  :  Organon,  i585;  — 
lîlietorica  et  Poëtica ,  1 584  î  — 
Ethica  ad  Nicjtnachum  ,    1 584  » 

—  Ethica  magna,  etc.,  i584;  — 
Polilicn  et  OEconomica,  1587;  — 
Animalium  Historia ,  1 587  ;  —  De 
Anivialium  partihus ,  etc.,  i585; 
— Phrsico'  Auscultationis  lib.  nil, 
et  alia  opéra ,  \  5g6  ;  —  De  Cœlo 
lib.  1 V^  sans  titre  ;  —  De  Genera- 
lione  et  Conceptione,  sans  titre;  — 
De  Meteoris  lib.  IT'\  sans  tilre  ;  — 
De  HJundo,  sans  titre  ;  —  De  Ani' 
rnâ,  sans  titre;  —  Paiva  Natiiralia, 
sans  titre;  —  Faria  Opuscula.  lîîS'j; 

—  Aristotelis  ,  Alexandri  et  Cas- 
sii  Problemata.  i5b5; — Aristotelis 
et  Tlieophrasti  Metapfiysica,  i585. 
Cette  édition,  toute  grecque ,  se  trouve 
rarement  complète;  elle  est  très-re- 
cherchée par  les  savants.  On  estime 
aussi  les  suivantes  :  Aristotelis  ope- 
rumnoi>a  edilio,  ^7*.  lat.^  ex  biblio- 
theca  Is.  Casauboni ,  Genève ,  1 5r)o., 
1596,  i6o5 ,  iu-fol. ,  a  vol.  Ces  édi- 


ARI 

lions  ,  qui  portent  tantôt  le  titre  de 
Genève,  tantôt  celui  de  Lyon  ,  tantôt 
celui  de  Coloniœ  Allobrogum  (  Co- 
Jogny,  petite  ville  dans  le  voisinage 
de  Genève  ) ,  sont  ëgaleinenl  bonnes. 

—  Arislotelis  opéra  gr.  lat.  cura 
Gui.  D in> al.  ,î'Ans\ïs,  i6ig,  16-29, 
1G59,  i654,  fn  2  ou  en  4  vol.  in-fol. 
Les  deux  dernières  sont  un  peu  plus 
amples  queles  auties.  M.  Buhie,  actuel- 
lement professeur  du  droit  de  la  na- 
ture et  des  gens  à  Moscow,  a  com- 
mence à  donner  une  e'dition  d'Aristote 
en  grec  et  en  latin,  avec  des  notes 
critiques.  Il  n'en  a  paru  jusqu'à  pre'- 
sent  que  5  vol.  in-S".,  le  i'''".  à  Deux- 
Ponts,  en  1791  ■,  et  le  5*".  à  Stras- 
bourg, en  l'an  8.11s  contiennent, 
YOrgauum  ,  les  livres  sur  la  Rhéto- 
rique ,  et  la  Poétique,  Les  ouvrages 
d'Aristote  ont  e'te ,  pour  la  plupart , 
imprimés  sc'parément  un  grand  nom- 
bre de  fois  ,  avec  ou  sans  Commen- 
taires. Nous  allons  indiquer  les  meil- 
leures de  ces  éditions  :  Arislotelis 
Organon,  gr.  lat.,  Julio  Pacio  inter- 
prète cum  argumeiitis ,  tabulis  et 
notis  synopticis  ,  Genevae ,  1 6o5  , 
in-4°.  Celte  édition ,  réimprimée  plu- 
sieurs fois  depuis  ,  est  la  meilleure  de 
ce  Recueil ,  qui  contient  tous  les  ou- 
vrages d'Aristote  sur  la  logique.  — 
udristotelis  Rhetorica  gr.  cum  com- 
mentariis  gr.  anonjmi ,  Parisiis  , 
1 559,  in-fol. ,  édit. très-rare,  ce  Com- 
mentaire n'ayant  pas  été  réimprimé  j 

—  cum  commentario  Joannis  Slur- 
mii ,  gr.  lat.  ,  Argentorali ,  1670  , 
iu-8".;  —  gr.  lat.  cum  commenta- 
rio P.  Fictorii ,  Floreutiae ,  Junise , 
1579,  in-fol.;  —  gr.  lat.  cum  com- 
vientariis  Fr.  Porti  Cretensis ,  Spi- 
rae  ,  i  SgS  ,  in-8°.  ;  —  gr.  lat.  cum 
commentario  Christ.  Schroderi  , 
Helmstadii,  1672,  in-4*'.; — gr.lat. 
cum  Notis  selectis ,  Cantabrigiae  , 
1728  ,  iu-8°.  j  —  gr.  cum  varii$ 


ARI  463 

leclionihus  et  notis ,  Oxonii,  1759, 
in-8''. ,  le  grec  est  imprimé  sans  ac- 
cents ;  —  Aristotelis  de  Poëtica  li- 
ber gr.  et  lat.  cum  commentario  P. 
Fictorii ,  Florentiae  ,  Juntae ,  1  56o  , 
167  3,  in-fol.;  —  en  grec  et  eu  italien, 
avec  le  Commentaire  italien  de  Louis 
Castelveltro,  Bâle,  1570,  in-4". ;  — 
gr.  lat.  cum  notis,  Oxonii ,  1760, 
in-B".  ;  —  gr.  lat.  cum  animadver- 
sionibus  Th.  Christ.  Harles,  Lipsi.T , 
1780,  in-8°.  ;  — gr.  lat.  cum  notis 
Th.  Tkrrrhwit,Q\onn,  1 794,  in-8°. ; 

—  gr.  lat.  cum  commentario  Godi 
Hennann  .,  Lipsias ,  i8o5  ,  in-8**., 
excellent  Commentaire  par  un  des 
plus  savants  hommes  de  l'Allemagne; 

—  Aristotelis  Ethica  ad  Nicoma~ 
chum  gr.  cum  Eustratii ,  Aspasii , 
Michaelis  Ephesii  aliorumque  com- 
mentariis  ,  Venetiis  Aldus  ,  1  536  , 
in-fol.;  —  gr.  lat.  cum  notis  D. 
Lamhini  et  Ch.  Zuingeri  scholiis , 
Basika;,  i566,  in-4''.;  — cumcom- 
mentariis  P.  /^/ctorà,  Florentiae  Jun- 
tae ,  i583,  in-fol.;  —  gr.  lat.  cum 
netis  Gui.  fVilkinson^Oxov.W.  17 16, 
in-8°.  ;  —  Aristotelis  Pcliticorum 
lib.  FUI,  cum  commentariis  P.  Fic- 
torii; —  gr.  lat.  Florentia» ,  Juntae  , 
1576,  in-fol.  ;  — cum  duplici  l'er- 
sione  latina  D.  Lambini  et  P.  Fic- 
torii commentariis  et  scholiis  Th. 
Zuingeri,  Basileae,  i582,  in-fol.  ;  — 
gr.lat.  cum  paraphrasi  latindDan. 
Heinsii ,  Lug.  Bat. ,  Eizcvir  ,  1 62 1  , 
in-8°.;  —  gr.  lat.  cum  notis  Hemi. 
Conringii^  Helmstadii ,  1 659,  in-4°.  ; 

—  gr.  lat.  cum  commentario  Jo. 
Gottl.  Schneideri ,  Francofurti  ad 
Vidrium  ,  1809,  in-8''.  ,  2  vol., 
excellente  édition,  corametoutes  celles 
qui  ont  été  données  par  M.  Schneider. 

—  Aristotelis  Historia  Animalium, 
gr.  lat.  cum  versione  et  commen- 
tariis Jul.  Cœs.  Scaligeri ,  ïolosas , 
16 jç),  in-fol.  On  imprime  dans  ce 


464  A  R I 

moment,  en  Alleiilaçîne ,  une  nouvelle 
e'diiiou  de  cet  ouvrage ,  avec  les  notes 
de  M.  Schnfider.  —  Arislotelis  Ds 
miindo  lib.  gr.  citm  duplici  inter- 
pretatione  Luc.  Apuleii  et  G.  Bii- 
(faei\  schoUis  et  castigationibus  Bon. 
Fidcanii^\Av^.  Bat. ,  i  ')9  r ,  in-S".  : — 
cuvi  notis  J.  Frid,  Kappii,  Alteu- 
Lurp  ,  I  -jÇ)'! ,  in-8". ,  le  texte  e«t  im- 
prime' sans  accents  ;  —  Arislotelis 
liber  de  Mirahilibus  Auscultationi- 
bus  gr.  lat.  explicatus  à  J.  Beck- 
mann,  Gottiiiç;ae  ,  1786,  in-4°.  Ces 
deux  derniers  Traités  ne  sont  pas  d'A- 
ristote.  Voiri  les  traductions  françaises 
qui  sont  parvenues  à  ma  connaissance  : 
les  Éthiques  et  les  Politiques ,  trad. 
par  Vrir.  Oresmc  ,  Paris ,  Verard  , 
1/(88-  1489,  'i.  vol,  in -fol.  —  Les 
Politiques  d'Arislote ,  traduites  en 
français  ,  avec  des  annotations  ,  par 
L.  Le  Roy  >  dit  Rcf^ius  ;  dans  le 
même  volume  sont  la  République 
et  le  Pkœdon  de  Platon,  traduits 
par  le  même  ,  Paris,  1600  ,  in-fol. 
Cette  traduction  ,  qui  a  e'tc  imprimée 
plusieurs  fois  ,  est  encore  la  meil- 
leure, quoique  le  style  en  soit  très- 
suranné;  —  traduit,  en  français  avec 
des  notes,  par  IM.  Cl).  Millon,  Paris, 
1 8o3 ,  iu-S". ,  3  vol. ,  traduction  assez 
bonne,  et  que  l'auteur  rendra  encore 
meilleure,  s'il  en  donne  une  nouvelle 
édition;  —  les  Politiques  de  la  trad.  de 
J.  Fr.Champaç;ne.  Paris,  1  -jp-;,  CivoJ. 
in-S".  ;  —  Id  Rhétorique  d'Aristote, 
traduite  par  Cassandre ,  Par)s,  1(373, 
in- 12  ;  cette  traduction,  quoique  pa- 
raphrasée ,  est  très-fidèle ,  et  il  serait 
à  souhaiter  qu'elle  fût  plus  répandue  ; 
elle  a  été  imprimée  plusieurs  fois  ;  — 
la  Poétique  d'Aristote ,  traduite  en 
français  ,  avec  des  Remarques  ,  par 
Dacier,  Paris,  168*2  ,  in-4".  Cette 
traduction,  avec  des  Remanpies  très- 
ditfuses  ,  a  été  imprimée  plusieurs 
t'ois  J  —  la  même,  en  grec  et  eu  latin  , 


ARI 

par  l'abbé  Le  Batteux ,  dans  les  quatre 
Poétiques,  Paris,  1771  ,  in-8°.  et 
in- 1  2 ,  2  vol.  ;  —  V Histoire  des  ani- 
maux d'Aristote,  traduite  en  fran- 
çais ,  avec  le  texte  grec  à  côté,  et  des 
Notes,  par  Camus,  1785,  in-4°.,  2 
vol.  Camus  n'était  pas  assez  savaut 
en  grec  et  en  histoire  naturelle  pour 
une  entreprise  pareille;  —  le  Traite' 
De  Mwuio ,  attribué  à  Aristote  ,  se 
trouve  en  grec  et  traduit  en  français,  par 
l'abbé  Le Batleux,  d.ins  le  i".  volume 
de  son  Histoire  des  causes  premières , 
Paris ,  1 7G5  ,  iu-8°.  Nous  n'avons  pas 
cru  devoir  parler  des  Coramentaiies 
grecs  d'Aristote,  qui  sont  en  très-grand 
nombre.  —  Il  v  a  eu  beaucoup  d'au- 
tres Aristote  ,  dont  on  peut  voir  le 
catalogue  dans  Diogène  Laërce  ,  et 
dans  les  notes  de  IMénage  sur  cet  au- 
teur. —  Aristote  était  aussi  le  nom 
d'un  des  Battus  ,  roi  de  Cyrène.  (  F'. 
Battus.  )  C — v — r  et  C — R. 

ARISTOTIMUS,  fils  de  Damai  é- 
tus  ,  fils  d'Etymou ,  se  fit  tyran  de 
l'Élidepar  le  secours  d'Antigine,  fils 
de  Démétiius  ,  roi  de  Macédoine.  Ne 
se  fiant  pas  aux  gens  du  pa\s,  il  avait 
une  garde  composée  de  barbares  de 
toute  sorte  de  nations  ,  et ,  comme  il 
avait  besoin  d'eux,  il  leur  permettait 
tous  les  excès  auxquels  ils  voulaient 
se  livrer.  11  avait  fait  périr  un  grand 
nombre  de  citoyens,  et  beaucoupd'au- 
tres  avaient  été  exilés  ;  huit  cents  dé 
ces  derniers  s' étant  retirés  chez  les 
J*>toIicns ,  lui  firent  demander  leurs 
femmes  et  leui'S  enfants,  et  Aristoti- 
mus  fit  annoncer  publiquement  que 
les  femmes  qui  voudraient  aller  re- 
joindre leurs  maris  pourraient  ie  faire, 
et  emporter  ce  qu'elles  voudraient  de 
leurs  biens.  Plus  de  six  cents  s'étanl 
disposées  à  user  de  cette  permission , 
il  leur  fixa  un  jour  pour  partir,  en 
leur  annonçant  qu'il  veillerait  à  ce 
qu'elles  lissent  la  roule  eu  sûi^né  ;  ce 


ARI 

jonr  arrive,  ces  feiiiraes  s*e'tant  ras- 
semblées vers  la  porte  de'signc'e  ,  avec 
leurs  enfants  et  ce  qu'elles  voulaient 
emporter ,  les  satellites  du  tyran  sur- 
vinrent, et,  à  grands  coups  de  fouet, 
les  firent  rentrer  dans  la  ville,  où  on 
les  mit  toutes  eu  prison ,  et  Aristoti- 
mus  s'empara  de  leurs  effets.  Les 
seize  prêtresses  de  Bacclius  étant  ai- 
lé le  supplier  pour  ces  femmes ,  il 
les  fit  chasser,  et  les  condamna  cha- 
cune à  une  amende  de  deux  talents. 
Dans  ces  entrefaites,  Hcllanicus,  hom- 
me avancé  en  âge,  et  dont  les  deux 
fils  avaient  été  tués  ,  forma  une  cons- 
piration contre  le  tyran  ,  et  ceux  qui 
avaient  été  exilés  dans  i'jEtolie  étant 
revenus  ,  s'emparèrent  d'Amyamone , 
lieu  de  l'Élide  fortifié  et  commode 
pour  faire  la  guerre ,  et  beaucoup 
d'Eléens  se  réunirent  à  eux.  Aristo- 
timus  s'adressa  alors  à  leurs  femmes 
qu'il  tenait  en  prison,  et  leur  dit  d'en- 
gager leurs  maris  à  se  retirer,  ou  qu'il 
les  ferait  mourir  de  la  manière  la  plus 
ignominieuse ,  après  avoir  tué  leurs 
enfants  j  mais  elles  le  refusèrent  cou- 
rageusement. Quelques  jours  après  , 
sachant  que  Cratérus ,  l'un  des  géné- 
raux d'Antigone,  venait  à  son  se- 
cours, et  était  déjà  à  Olympieavec  ses 
troupes ,  il  reprit  courage,  et  se  rendit 
sur  la  place  publique,  accompagné  du 
seul  Gylon  qu'il  croyait  de  ses  amis , 
mais  qui  était  un  des  conjurés;  alors 
Hellanicus  ,  Chilon  ,  Lampis  et  d'au- 
tres ,  se  jetèrent  sur  lui  et  le  tuèrent. 
On  fit  mourir  ses  deux  filles.    G — r. 

ARISTOXÈNE,  né  à  Tarente,  en 
Italie  ,  était  fils  de  Spintharus  ;  il  se 
livra  ,  sous  la  direction  de  son  père, 
à  l'étude  de  la  musique  et  de  la  phi- 
losophie. 11  alla  ensuite  voyager  dans 
la  Grèce,  oh  il  reçut  des  leçons  de 
Lamprus  d'Erythres ,  de  Xénophile 
de  Chalcis,  philosophe  pythagoricien, 
et  enfuhd'Aristote,  à  qui  il  resta  long- 


ARI  465 

temps  attaché  •  mais  ce  philosophe  , 
en  mouraut ,  ayant  désigné  Théo- 
phraste  pour  son  successeur,  Aris- 
toxène  ,  iirité  de  cette  préférence , 
chercha  à  noircir  la  mémoire  de  sou 
maître ,  et  on  lui  attribue  une  partie 
des  calomnies  qui  ont  été  débitées  sur 
ce  grand  homme.  Il  avait  fait  un  grand 
nombre  d'ouvrages  ,  dans  plusieurs 
desquels  il  avait  cherché  à  rassembler 
les  institutions  et  les  principes  des  py- 
thagoriciens. 11  avait  aussi  écrit  les  Vies 
de  plusieurs  grands  hommes ,  tels  que 
Pylhagore  ,  Archytas ,  Socrate  et  Pla- 
ton; mais,  dominé  par  une  basse  ja- 
jousie ,  il  avait  adopté  et  même  inventé, 
sur  leur  compte,  au  moins  à  l'égard 
des  deux  derniers,  beaucoup  de  faus- 
setés ,  et  ses  écrits  n'ont  pas  peu  con- 
tribué à  jeter  de  l'incertitude  sur  l'his- 
toire de  la  philosophie.  Il  nous  reste 
de  lui  des  Éléments  harmoiiiques,  eu 
trois  livre. ,  ouvrage  fort  utile  pour  la 
connaissance  de  ia  musique  ancienne. 
La  meilleure  édition  est  celle  que 
Meibomius  en  a  donnée ,  en  grec  et  en 
latin,  dans  le  recueil  intituîé  :  Anti- 
qiiœ  musicœ  aiictores  ,  Amstelodami , 
1  G5ji,  in-40.  M.  Morelli ,  savant  biblio- 
thécaire de  Venise ,  a  publié  à  Venise , 
en  1786,  d'après  deux  manuscrits, 
l'un  de  la  bil)hothèque  de  S.  Marc , 
l'autre  de  celle  du  Vatican ,  quelques 
fragments  des  Éléments  Rhythmi- 
qiies  d'Aristoxène.  On  peut  consulter 
sur  cet  auteur,  la  savante  Dissertation 
de  M.  Mahne,  intitulée  :  Diatribe  de 
Aristoxeno  philosopha  peripatetico , 
Amstelodami,  1793,111-8'.;  etJoan- 
nis  Luzac  Lectiones  alticœ ,  Lugd. 
Bat.,  1809,  in-4''.  On  trouvera  dans 
ce  dernier  ouvrage  beaucoup  de  preu- 
ves de  la  mauvaise  foi  d'Aristoxène , 
et  de  sa  malveillance  envers  ses  maî- 
tres. G     R. 

ARIUS,  le  plus  fameux  hérésiarque 
qui  ait  paiu  dans  les  premiers  siècle-» de 

00 


f^ÛG  A  RI 

l'Église,  était  natif  de  la  Libye  cyre'- 
iiaiquc.  C'était  un  homme  d'une  taille 
avantageuse  ,  d'une  ûgure  imposante, 
d'un  maintien  grave  qui  inspirait  le  res- 
pect. Son  abord  affable  et  gracieux ,  sa 
conversation  douce  et  agréable  appe- 
laient la  confiance.  Des  mœurs  austères, 
un  air  pénitent ,  un  zèle  apparent  pour 
la  religion,  soutenu  par  des  connais- 
sances assez  étendues  dans  les  scien- 
ces profanes  et  ecclésiastiques ,  et  par 
un  rare  talent  pour  la   dialectique , 
faisaient  espérer  que  l'Église  trouverait 
dans  sa  personne  de  grands  secours 
contre  ses  ennemis.  Malheureusement, 
tout  cela  couvrait  un  fonds  de  mélan- 
colie, d'inquiétude,  d'ambition  ,  et  un 
goût  secret  pour  les  nouveautés,  qui, 
joints  à  tant  de  qualités  éminentes  , 
n'en  firent  qu'un  dangereux  chef  de 
parti.  Ces  qualités  en  imposèrent  à 
trois  saints  patriarches ,  qui  se  succé- 
dèrent immédiatement  sur  le    siège 
d'Alexandrie;  à  Pierre,  qui  l'ordonna 
diacre,  et  fut  ensuite  obligé  de  l'in- 
terdire, à  cause  de  ses  baisons  avec 
les  Mcléciens  ;  à  Achillas  qui ,  touché 
de  son  repentir  hy^^ocrite ,  l'éleva  au 
sacerdoce  ;  et  à  Alexandre ,    qui  lui 
donna    le   premier   rang    dans  son 
clei'gé,  et  le  chargea  du  soin  d'une 
éghse  considérable.  Après  la  mort  de 
S.  Achillas,  Arius,  qui  s'était  mis  sur 
les  rangs  pour  le  remplacer  ,  avait 
conçu  une  violente  jalousie  de  la  pré- 
jférence  donnée   à  Alexandre  ,  bien 
résolu  de  saisir  la  première  occasion 
de  s'en  venger.  Un  jour  que  le  pa- 
triarche ,  conférant  avec  son  clergé , 
dit  qu'il  y  avait  unité  de  substance  dans 
les  trois  personnes    divines  ,   Arius 
l'accusa  hautement  de  donner  dans 
l'erreur  de  SabelUus  qui  avait  con- 
fondu ces  trois  personnes  ,  et  il  sou- 
tint que  le  fils  était  une  pure  créa- 
ture tirée  du  néant;  que  le  nom  de 
Dieu  ne  lui  convenait  que  par  partici- 


ARI 

pation  ,  comme  à  toutes  les  autres 
créatures  douées  de  grâces  extraordi' 
naires.  Ebion  ,  Artémas  et  Théodote 
avaient  bien  nié,  avant  Arius,  la  di- 
vinité de  J.-C.  ;  mais  il  était  le  pre- 
mier qui  eût  dit  que  le  fils  de  Dieu  est 
tiré  du  néant  et  sujet  au  péché.  U 
commença  d'abord  à  insinuer  sa  nou- 
velle doctrine  dans  des  assemblées  par- 
ticulières ,  et  ne  la  produisit  en  pu- 
blic qu'après  s'être  assuré  d'un  grand 
nombre  de  sectateurs.  Alors  il  la  dé- 
bita dans  le  monde,  la  prêcha  dans 
l'église  ,  et  la  propagea  dans  les  cam- 
pagnes; pour  l'insinuer  plus  facile- 
ment dans  les  dernières  classes  du 
peuple,  il  la  mit  en  chansons  et  en 
caniiques  burlesques  ,   dont  le  plus 
fameux,  connu  sous  le  nom  de  Tha- 
lie ,  était  sur  la  mesure  et  sur  l'air  des 
chansons  que  Sotade  avait  autrefois 
composées  pour  les  festins  et  les  dan- 
ses profanes.    S.   Alexandre  ,  après 
avoir  inutilement  cherché  à  le  rame- 
ner par  toutes  les  voies  de  douceur 
que  sa  charité  jiut  lui  suggérer ,   le 
cita  eu  plein  concile.  Arius  y  soutint 
sa  doctrine  avec  tant  d'obstinntion , 
que  les  Pères  furent  obligés  de  le  con- 
damner ,  et  d'anathématiser  sa  per- 
sonne et  celle  de  ses  partisans  ,   au 
nombre  desquels  se  trouvaient  deux 
évêques  ,  des  prêtres,  des  diacres  et 
des  vierges.  Dès  ce  moment ,  Arius  se 
mit  à  courir  les  provinces  voisines , 
cherchant  partout  à  apitover  sur  son 
sort ,  à  jeter  de  l'odieux  sur  Alexan- 
dre, déguisant  ses  erreurs  sous  des 
formes  équivoques,  n'annonçant  que 
de>  dispositions  pacifiques.  Plusieurs 
évêques  se  laissèrent  séduire  par  ses 
discours  hvpocrites.  Eusèbe  de  Nico- 
médie  1  absout,  dans  un  concile  de  Bi- 
thynie,  de  l'excommunication  lancée 
contre  lui  par  le  concile  d'Alexandrie, 
et  il  écrivit  à  tous  les  évêques  d'Orient , 
au  nom  de  son  concile,  poiu"  les  en- 


ARI 

gager  à  le  recevoir  dans  leur  commu- 
nion. Ce  prélat  courtisan  ,  consulté 
par  l't^ipereur  Constantin  ,  qui  com- 
mençait à  s'alarmer  des  troubles  que 
causait    la    division    entre    Arius   et 
Alexandre ,  voulut  lui  faire  entendre 
qu'il  ne  s'agissait  que  d'une  querelle 
particulière  sur  une  question  de  mots, 
qui  ne  touchait  point  au  fond  de  la 
religion  ;  que  le  plus  graiid  mal  ve- 
nait de  l'aversion  de  l'évêque  Alexan- 
dre pour  le  prêtre  Arius ,  et  qu'il  fal- 
lait employer  l'autorité  impériale  pour 
imposer  silence  au  premier  ;  mais  les 
procédés  séditieux  se  multipliant  cha- 
que jour    à  Alexandrie  ,  Constantin 
chargea  le  célèbre  Osius  d'aller  faire 
des  informations  sur  les  lieux  :  elles 
ne  furent  pas  favorables  à  Arius  ,  qui , 
plein  de  confiance  dans  le  crédit  de 
l'évêque  de  Nicoraédie,  son  zélé  pro- 
tecteur,  présenta  à  l'empereur  une 
confession  de  foi  captieuse ,  pour  in- 
firmer le  rapport  d'Osins  ;  mais  ce 
prince  jugea  ,  d'après  ce  rapport,  que 
le  sujet  de  la  dispute  était  assez  impor- 
tant pour  avoir  besoin  d'être  sérieu- 
sement examiné  dans  un  concile  par 
tous  les  évêques  de  son  empire.  Ce  fut 
ce  qui  produisit  la  convocation  du  cé- 
lèbre concile  de  Nicée,  en  3a5.  Arius  , 
appelé  dans  des  conférences  prélimi- 
naires ,  exposa  sa  doctrine  sans  détour, 
et  la  soutint  avec  impudence.  Il  compa- 
rut ensuite  dans  le  concile  ,  où  elle  fut 
examinée  contradictoirement  en  pré- 
sence de  Constantin.   Plusieurs  for- 
mules de  profession  de  foi  y  furent 
proposées.  Ai-ius  rejeta  toutes  celles 
où  la  divinité  de  J.-C.  et  la  consubs- 
tantialité  du  Verbe  étaient  exprimées. 
IN'ayant  voulu,  ni  céder  à  l'autorité 
des  Pères ,  ni  se  rendre  à  leurs  pres- 
santes sollicitations  ,  il  fut  anathéma- 
tJsé  par  le  concile  ,  et  exilé  en  lllyrie 
par  l'empereur ,  avec  les  deux  seuls 
fvèques  qui  lui  étaient  restés  attaches. 


ARI  467 

Après  trois  ans  d'exil ,  Constantin , 
gagné  par  un  prêtre  arien,  qui  était 
l'agent  secret  d'Eusèbe  de  Nicomédie, 
le  rappela  sur  une  confession  de  foi 
équivoque ,  où   il    semblait   adhérer 
aux  décisions  du  concile  de  Nicée,  et 
le  renvoya  à  Alexandrie  pour  y  re- 
pi-endre  possession  de  son  église  ;  mais 
le  grand   Athanase  ,    successeur    de 
S.  Alexandre,  qui  connaissait  sa  four- 
berie, ne  voulut  jamais  l'y  admettre. 
Il  eut  plus  de  succès  dans  les  conciles 
de  Tvr  et  de  Jérusalem  ,  où  les  ou- 
sébieiis ,  qui  y  dominaient,  le  reçurent 
sans  difficulté  à  leur  communion,  et 
le  recommandèrent  à  S.  Athanase ,  qui 
connaissait   trop   bien    ses    ruses   et 
celles  de  ses  partisans  pour  se  laisser 
prendre  à  une  semblable  recomman- 
dation. Arius,  mandé  à  Constantin ople 
pour  rendre  raison  des  troubles  que 
sa   présence    excitait   a  Alexandrie  , 
présenta  à  l'empereur  une  troisième 
confession  de  foi ,  rédigée  avec  tant 
d'artifice,  que  l'hérésie  n'y  paraissait 
point.  Il  protesta  même ,  avec  ser- 
ment, de  sa  soumission  au  concile  de 
Nicée.  Le  patriarche  Alexandre  fit  de 
vains  efforts  pour  détromper  l'empe- 
reur. 11  eut  ordre  de  recevoir  Arius. 
Les    euseliiens  menacèrent   de  l'in- 
troduire de  force  dans  l'Eglise,  si  le 
patriarche  entreprenait  de  s'y  oppo- 
ser :  alors  le  saint  vieillard,  prosterné 
au  pied  de  l'autel,  fondant  en  larmes , 
le  visage  contre  terre,  adressa  cette 
prière  à  Dieu  :  «  Seigneur,  si  Arius 
»  doit  être  reçu  dans  l'Église ,  retirez 
»  votre  serviteur  de  ce  monde;  mais 
»  si  vous  avez  encore  pitié  de  votre 
»  troupeau  ,    ne  permettez  pas  que 
»  votre  héritage  soit  li\Té  à  l'oppro- 
»  bre,  ne  souffrez  pas  qu'il  soit  souillé 
»  par  la  présence  de  l'hérésiarque.  » 
Cependant  les  euseliiens  s'avançaient 
en  triomphe.  Arius,  à  leur  tète,  haran- 
guait le  peuple  qui  le  suivait  eu  foide. 


468  A  R I 

Comme  il  s'approcbait  du  temple ,  où 
on  lui  avait  piepaië  une  réception 
solennelle,  il  sentit  tout  à  coup  les 
douleurs  d'une  colique  violente  ,  qui 
lui  déchirait  les  entrailles.  Pressé  par 
un  besoin  naturel ,  il  alla  dans  un  lieu 
retiré,  et  l'histoire  rapporte  que,  lors- 
que étonné  de  ce  qu'il  ne  reparaissait 
plus ,  on  alla  le  chercher ,  il  fut  trouvé 
mort  dans  une  affreuse  attitude,  et 
ayant  rendu  ses  entrailles.  Ses  secta- 
teurs dirent  qu'ilavaitété  empoisonné, 
et ,  les  catholiques  regardèrent  cet  évé- 
nement, vraiment  extraordinaire  dans 
la  circonstance  ,  comme  un  effet  mi- 
raculeux des  prières  d'Alexandre  ,  et, 
pendant  long-temps,  ils  n'approchè- 
rent qu'avec  horreur  du  heu  où  il 
était  arrivé,  en  556.  On  peut  consulter, 
sur  les  détails  de  l'histoire  d'Arius  , 
la  Fie  qu'en  a  publiée  à  Venise ,  en 
j  746 ,  le  P.  ïravasi,  Théatin,  auteur 
des  Fies  des  hérésiarques  des  trois 
premiers  siècles.  L'Église  ne  fut  point 
délivrée,  par  sa  mort,  des  maux  qu'il 
lui  avait  causés.  Tant  que  les  ariens 
furent  unis  entre  eux ,  ils  formèrent 
une  secte  dangereuse  dans  l'Eglise  et 
une  faction  redoutable  dans  l'état,  et 
firent  éprouver  aux  catholiques  des 
vexations  de  tout  genre,  i'orcés ,  sous 
l'empire  de  Théodose -le- Grand,  de 
se  replier  sur  eux-mêmes ,  ils  agi- 
tèrent entre  eux  diverses  questions 
subtiles  qui  les  divisèrent.  Tous  ces 
partis  ne  communiquèrent  bientôt 
plus  les  uns  avec  les  autres  :  ils  se 
donnèrent  des  noms  odieux,  se  ren- 
dirent ridicules  ,  tombèrent  dans  le 
mépris,  et  s'éteignirent  insensible- 
ment ,  de  sorte  qu'au  commencement 
du  S*",  siècle,  les  ariens  n'avaient  plus 
ni  évcques,  ni  églises ,  et  ne  formai(  nt 
plus  corps  dans  l'empire.  Cependant 
i'arianisme  subsista  encore  parmi  les 
Vandales,  chez  les  Goths,  qui  le  com- 
muniquèrent aux  Bourguignons,   et 


ARK 
même  chez  les  Francs,  où  il  disparut  j 
insensiblement  après  la  conversion  de 
Clovis.  Plusieurs  siècles  après,  il  ré- 
suscita ,  du  principe  de  la  réforme  qui 
soumet  tous  les  dogmes  de  la  religion 
à  l'examen  particulier.  Capiton,  Cel- 
larius ,  Servet ,  guidés  par  ce  prin- 
cipe, combattirent  la  consubstanlia- 
htédu  Verbe.  L'arianisme  se  répandit 
en  Allemagne ,  en  Pologne ,  en  Hol- 
lande ,  eu  Angleterre  ,  à  Genève  ,  et 
forma  une  infinité  de  sectes  dans  ces 
différents  pays.  Parmi  les  noms  illus- 
tres inscrits  sur  la  liste  des  nouveaux 
ariens  ,  on  distingua  les  Locke  ,  les 
Newton  ,  les  Clarke ,  les  Whiston , 
les  Le  Clerc ,  les  Sandius  ,  les  Zuic- 
kerfi.  Heureusement  l'arianisme  mo- 
derne, réduit  à  n'être  qu'une  erreur 
systématique ,  n'a  point  fait  de  fana- 
tiques comme  l'ancien  :  néanmoins  ses 
progrès  ont  paiu  si  alarmants  pour 
la  religion  en  Angleterre ,  qu'on  y  a 
fait ,  dans  le  dernier  siècle ,  pour  le 
combattre ,  une  fondation  semblable 
h  celle  que  Boyle  avait  faite  ,  dans  le 
siècle  précédent ,  pour  combattre  l'a- 
théisme. T — D. 

ARKWRIGHT  (  Sm  Richard  )  , 
célèbre  manufacturier  d'Angleterre. 
Né  pauvre,  il  travailla  d'abord  chez 
un  barbier  ,  à  Manchester  ;  et ,  avec 
ses  épargnes ,  loua  une  cave ,  où  il  éta- 
blit une  boutique  de  barbier ,  avec 
cette  enseigne  :  ^u  Barbier  souter- 
rain, on  rase  pour  un  pennji^i  sols}. 
Cette  uouveauté  eut  tant  de  succès , 
que  les  autres  barbiers  furent  obliges 
de  baisser  leur  prix  ;  et  alors  il  baissa 
lui-même  le  sien  jusqu'à  un  demi- 
pennv.  On  raconte  qu'un  savttier 
étant  venu  chez  lui  avec  une  barbe 
extrêmement  dure  ,  lebarbier  observa 
qu'il  lui  en  coulerait  un  i  asoir,  et  qu'il 
n'en  pouvait  être  dédommagé  par  le 
demi-pcnny;  mais  que  le  savetier  per- 
sista à  ne  payer  que  selon  la  taxe  dt- 


ARK 

rcnscigiip,  flont  Arkwriglit  se  conlen- 
ta.  Ce  trait  excita  l'adrairation  du  save- 
tier, au  pointqii^il  prit  en  affection  Ark- 
wrij^ht,  et  lui  fit  l'aire  ia  connaissance 
d'un   homme   qui  avait  invente'  une 
inachine  à  filer ,  ce  qui  fut  l'origine  de 
la  fortune  d'Arkwright,  Il  avait  l'es- 
prit inventif,   et  cette  persévérance 
si  nécessaire  à  ceux  qui  veulent  mettre 
à  exécution  des  projets  nouveaux.  Il 
quitta  la  profession  de  barbier  ,  et  se 
fit  marchand  de  cheveux  ;  ce  fut  en 
cette  qualité  qu'il  parcourut  quelques 
comtés  d'Angleterre  ;  il  avait,  dit-on  , 
conçu  le  projet  d'une  mécanique ,  qui 
devait  réaliser  le  problème  du  mou- 
vement perpétuel  :  vers  l'an  1 767  , 
Arkwright  fit  connaissance ,  à  Wa- 
rington  ,  avec  un  horloger  ,  nommé 
John  Kay ,  qui  le  détourna  de  son 
projet,  et  lui  fit  entendre  qu'en  ap- 
pliquant l'invention  qu'il  méditait  aux 
filatures  de  coton  ,  il  pouvait  en  tirer 
de  plus  grands  profits.    Arkwright  , 
qui  savait  que  plusieurs  inventeurs  de 
mécaniques  à  filer  s'étaient  successi- 
vement ruinés,  n'était  pas  trop  dis- 
posé à   suivre  le  conseil  de  Kay.    Il 
lui  demanda    s'il   pouvait  faire   une 
petite  machine  avec  très-peu  de   dé- 
pense. Kay .  qui  avait    été  employé 
comme  ouvrier  machiniste  dans    une 
filature  de  cotnn  ,  s'associa  avec  Ark- 
wright ,  et  ils  s'adressèrent  à  P.  Athec- 
ton ,    pour    faire    la   machine  qu'ils 
avaient  projetée.  Les  apparences  mi- 
sérables  d'Ark Wright  n'inspirant  au- 
cune confiance  à  Athecton  ,  il  refusa 
d'eutreprcudie   la  machine ,  mais  il 
consentit  à  prêter   à  Kay    deux    de 
ses  ouvriers  ;  ce   fut  ainsi  que  Kay 
parvint  a  faire   la  première  machine 
à  filer  d'Aïkwri j;ht ,  pour  laquelle  il 
obtinlune  patente.  Arkwright  s'associa 
ensuite  à  SmuUoy  de  Preston,dans  le 
Lancatsliire;  leurs  affaires  tournèrent 
Hial^  ils  se  rendirent  à  Norlingham  , 


ARK  4G9 

et  y  trouvèrent  des  capitalistes  plus 
confiants ,  par  le  secours  desquels  ils 
élevèrent  une  filature   considérable  , 
mise  en  mouvement  par  des  chevaux. 
Ces    succès  d'Arkwright  lui  suscitè- 
rent des  envieux  ;  on  l'accusa  de  n'être 
pas  l'inventeur  des  machines  qu'il  em- 
ployait, et  on  chercha  à  lui  faire  re- 
tirer sa   patente.  Los  mécaniques   à 
filer  n'étaient  pas ,  il  est  vrai  ,  une 
invention  nouvelle ,  lorsqu'Arkwright 
s'en  occupa;  mais  les  tentatives  qu'on 
avait  faites  jusqu'à  lui  avaient  eu  peu 
de  succès.  Un  M.  Hayes,  qui  avait 
établi  des   machines  cylindriques    à 
carder  le  coton  ,  et  chez  lequel  Kay 
avait  été  employé  comme  mécanicien , 
fut  appelé  en  témoignage  dans  le  pro- 
cès intenté  à  Arkwright  pour  lui  fùrc 
retirer  sa  patente.  Ce  procès  fut  ins- 
truit devant  la  cour  du  banc  du  roi 
le  '23  juin  i-jSj.  Hayes  prouva  qu'il 
était  l'inventeur  de  la  machine  ;  mais 
Arkwright   l'avait  beaucoup  perfec- 
tionnée.  Celui-ci  établit ,  qu'environ 
cinquante  ans  avant  lui ,  un  nommé 
Paul ,  et  quelques   autres  personnes 
de  Londres  avaient  inventé  une  ma- 
chine à  filer  le  coton  et  obtenu   une 
pntente;  qu'ils  s'établirent  à  Northin- 
ghara ,  et  dans  d'autres  lieux  ;  qu'ils 
avaient  fait  des  essais  très-malheureux ,  ' 
et  ruiné  tous  ceux  qui  s'cLaieut  asso- 
ciés à  leurs  entreprises;  que  ,  depuis 
vingt   ou  trente   ans  ,  plusieurs  ma- 
chines avaient  été   construites   pour 
filer  le  coton  ,  le  lin  ,  la  laine ,  etc  , 
mais  qu'on  n'en    avait   retiré  aucun 
avantage  réel  ;  qu'en  1767,  un  nom- 
mé Kargrave  de  Blackwell  construi- 
sit aussi  une  machine  à  filer;  mais, 
qu'après  avoir  souffert  par  la  destruc- 
truction  de  cette  machine  ,  dans   les 
émeutes  populaires  qui  eurent    lieu 
dans  le  Lancatshirc ,  il  s'était  retiré  à 
Nortingham,  où  une  association  for- 
mée contre  lui  fit  anniiUer  sa  pateuîr 


4^0  ARL 

et  le  réduisit  à  une  grande  de'tresse  ; 
que  lui  Arkwright ,  pour  atteindre  le 
perfectionnement  auquel  il  e'tait  arri- 
ve' ,  avait  dépense  plus  de  douze 
mille  livres  storlings  avant  d'avoir  pu 
obtenir  aucun  profit  ;  qu'on  devait 
prote'ger  uu  homme  qui ,  après  s'être 
aventuré  dans  une  entreprise  si  utile 
à  l'état,  et  où  tant  d'antres  avaient 
e'choué,  avait  montré  tanl  de  per- 
►sévérance.  Arkwright  avait  beaucoup 
de  partisans  ,  mais  il  avait  aussi  de 
nombreux  ennemis  ;  les  uns  le  re- 
présentaient comme  un  génie  supé- 
rieur ,  un  inventeur  habile,  infati- 
gablej  les  autres,  comme  un  homme 
rusé,  toujours  prêt  à  s'emparer  des 
découvertes  des  autres ,  ingrat  envers 
ses  bienfaiteurs.  S&s  succès  prouvent 
un  mérite  peu  commun ,  et  ils  ont 
donné  aux  fabriques  anglaises  une 
grande  supériorité.  Il  fut  créé  cheva- 
lier par  le  roi,  à  St.-Jamcs,  le  'x-x  dé- 
cembre 1  -jSô  ,  sur  une  adresse  pré- 
sentée par  les  notables  dcWickwortli. 
11  mourut ,  au  milieu  de  ses  travaux , 
à  Crumbford ,  dans  le  Derbysliire  ,  le 
5  août  1  -^ç)^ ,  laissant  à  sa  laraille  une 
fortune  de  cinq  cent  mille  livres  sler- 
lings.  V.  h — X. 

ARLAUD  (  Jacques  -  Antoi>e  ), 
naquit  à  Genève,  en  mai  i(i68.  Il 
voulut  se  destiner  à  la  théologie;  mais 
la  nature  avait  décidé,  avant  lui,  qu'il 
serait  peintre.  11  étudia  pendant  deux 
mois  le  dessin ,  avec  un  maître  ;  son 
travail  et  son  goût  lui  enseignèrent  le 
reste.  A  l'âge  de  vingt  ans,  il  vint  à 
Paris,  où  il  peignait,  pendant  le  jour, 
les  portraits  qu'on  lui  demandait,  et  il 
dessinait  pendant  la  nuit.  Arlaud  de- 
vint bientôt  si  célèbre,  que  G,  lîrice 
disait,  en  1715,  «qu'aucun  peintre 
»  en  miniature  ne  pouvait  l'emporter 
»  sur  Arlaud.  Le  duc  d'Orléans,  qui 
fut  depuis  régent,  di'»ait  aussi:  «  Jus- 
»  qu'à  présent,  les  peintres  en  luinia- 


ARL 

»  tare  ont  fait  des  images  ;  Arlaud  leur 
»  a  appris  à  faire  des  portraits.»  Le  duc 
le  choisit  pour  son  maître ,  et  lui  donna 
un  appartement  dans  le  château  de 
St.-Cloud.  Arlaud  pénétrait  si  bien  la 
physionomie  et  le  caractère  de  ceux 
qu'il  peignait,  qu'un  courtisan  s'écria 
un  jour  :  «  Il  lit  jusque  dans  le  fond 
»  de  nos  âmes.  »  Ailaud  fit  aussi  quel- 
ques tableaux  j  il  avait  fait  une  Leda, 
qu'il  copia  sur  un  bas-relief  de  Michel- 
Ange;  il  la  déchira,  on  ne  sait  pour 
quel  motif;  on  présume  que  ce  fut 
par  scrupule.  On  conserve  les  deux 
mains  de  cette  Léda ,  dans  la  biblio- 
thèque de  Genève.  Le  duc  de  Médicis 
fit  demander  à  Arlaud  son  portrait , 
pour  le  placer  dans  la  galerie  des  pein- 
tres de  Florence.  Newton  fut  son  ami, 
cl  lui  fit  présent  delà  version  française 
de  son  0/;a"<7i/e,- il  était  en  correspon- 
dance avec  lui.  Arlaud  revint  à  Genève, 
sur  la  fin  de  sa  vie ,  avec  une  fortune 
considérable  ,  et  il  mourut  dans  cette 
ville,  en  1746.  Il  légua,  à  la  biblio- 
thèque, plusieurs  médailles  en  or  et  en 
argent,  de  beaux  tableaux,  d'amples 
recueils  d'estampes,  et  plusieurs  livres 
de  prix. —  Benoît  Arlaud,  frère  du 
précédent,  s'établit  en  Angleterre,  et 
y  mourut  en  1719.  On  a  de  lui  le 
portrait  de  Shakspeare ,  gravé  par  Dn- 
cliange.  —  Louis-Ame  Arlaud,  leur 
neveu,  a  fait  des  peintures  en  minia- 
tures ,  bien  supérieures  à  celles  (jui 
rendirent  Jacques  Antoine  si  célèbre. 
A.  B— T. 
ARLOTTl  (Rodolphe ],  poète  ita- 
lien, né  à  Reggio,  en  Lombariie ,  flo- 
rissaitvers  i5()o.  Après  avoir  pris,  à 
Ferrare,  le  degré  de  docteur  en  droit 
civil  et  en  droit  canon,  il  résida  pen- 
dant plusieurs  années,  au  nom  de  sa 
patrie ,  auprès  du  duc  Alphonse  11 ,  et 
fut  secrétaire  du  cardinal  Alexandre 
d'Est.  Son  goût  pour  les  lettres,  et 
ses  talents  pour  la  poésie ,  le  lièrent 


I 


ARL 

(Tainitië  avec  plusieurs  hommes  célè- 
bres, tels  que  le  Tasse,  Guariiii,  etc. 
Ses  productions  sont  répandues  dans 
plusieurs  recueils  du  temps.  11  avait 
commencé  un  poëmc  en  octaves ,  sur 
la  Conquête  de  Grenade,  par  le  roi 
Ferdinand  de  Castille;  sujet  traité  de- 
puis, avec  succès,  par  le  Graziani. 
Arlotti   a  aussi  laissé  imparfaite  une 
tragédie,   dont   Guasco  a  publié  la 
première  scène  dans  le  troisième  livre 
de  son  Histoire  littéraire  de  Reggio  ; 
il  y  a  de  plus  inséré,  liv.  IV,  p.  i<)i , 
douze  lettres  du  même  auteur,  écrites 
avec  goût,  et  d'un  très-bon  style. 
G— E. 
ARLOTTO  MATNARDO,  Floren- 
tin ,  Pio^>ano,  ou  curé  d'une  paroisse 
de  l'évècbé  de  Fiésole ,  mort  en  i  jHS, 
h  quatre-vingt-sept  ans,  se  rendit  cé- 
lèbre par  ses  bons  mots  et  ses  facéties , 
dont  le  recueil  fut  publié  après  sa 
mort ,  sous  ce  titre  :  Facétie  piace- 
voli ,  fahide  e  motti  del  piovano 
Arlotto ,  prête  Fiorentino ,  Venise, 
1 5^0  ,  in-8°. ,  édition  plus  complète 
que  toutes  celles  qui  ont  paru  depuis. 
Le   Piovano  Arlotto  paraît  être  un 
personnage  idéal ,  ou  de  fantaisie  j  ce 
fut ,  cependant ,  un  très-réel ,  très-bon , 
mais  très  -  joyeux   curé.  Jean  Mai- 
nardo,  son  père,  était  originaire  du 
canton   de   Mugello;   l'enfant,   né  à 
Florence,  le  a 5    décembre    iSqS, 
ne  reçut,  au  baptême,  d'autre  nom 
que  celui  d'Arlolto,  qui  signifie  pro- 
prement un  boranie  grossier ,   mal- 
propre et  glouton.  Arlotto  fit  pourtant 
de  bonnes  études;  il  fut  ensuite,  pen- 
dant quelques  années,  ouvrier  eu  lai- 
ne ,  qui  était  alors  un  assez  bon  état  à 
Florence;  mais,  enfin,  il  prit  l'habit 
ecclésiastique,  et  se  fit  prêlre  à  vingt- 
huit  ans.  11  obtint  d'abord  uue  chape- 
lainic  du  dôme  de  Florence ,  et  ensviite 
la  cure  de  S.  Cresci  di  MaciuoU,  dans 
l'évêché  de  Fiésole,  qu'il  garda  pres- 


ARL  471 

qiic  toute  sa  vie.  Il  y  fit  beaucoup  de 
bien,  et  commença  par  faire  rebâtir,  à 
ses  frais ,  l'église ,  qui  tombait  en  rui- 
nes. Les  curés  n'étaient  pas ,  alors , 
obligés  à  une  résidence  continue;  car 
notre  Arlotto  voyagea  beaucoup  :  il 
alla  en  Flandres,  jusqu'à  neuf  fois, 
passa  en  Angleterre ,  où  il  fut  présenté 
au  roi  Edouard,  qu'il  amusa  par  ses 
plaisanteries,  et  qui  l'en  récompensa 
par  de  riches  présents.  Dans  un  auli'e 
voyage  qu'il  fit  à  JNaples,  sur  les  galè- 
res de  Florence,  il  en  obtint  autant, 
et  par  les  mêmes  moyens,  du  roi  Al- 
phonse ,  et  autant  encore ,  en  Proven- 
ce ,  du  roi  René  d'Anjou.  Chacun  le 
recherchait,  et  sa  bonne  humeur,  ac- 
compagnée de  beaucoup  de  bon  sens , 
le  rendait  agréable  à  tout  le  mc.nde.  A 
la  cour,  à  la  ville,  en  campagne,  il 
était  partout  le  même  :  il  tint ,  pendant 
quelque  temps,  maison  à  Florence, 
et  il  ne  se  passait  point  de  jour  qu'il  ne 
circulât  dans  la  ville  quelques  uus  de 
ses  bons  mots.  Parvenu  à  une  extrême 
vieillesse,  et  seuleineut  un  au  avant 
sa  mort,  il  résigna  son  bénéfice  entre 
les  mains  du  chapitre  de  Florence.  Il 
fut  enterré  dans  un  tombeau  qu'il 
avait  fait  construire,  et  sur  lequel  il 
avait  fait  graver  une  inscription ,  ita- 
lienne ,  qui  voulait  dire  :  Le  curé  Ar- 
lotto a  fait  construire  ce  tombeau 
pour  lui-même,  et  pour  ceux  qui 
voudront  5  jK  loger  a^'ec  lui.  Le  pre- 
mier des  bons  mots  qui  composent  son 
recueil,  peut  faire  juger  des  autres.  Il 
raconte  que ,  l'archevêque  de  Florence 
lui  ayant  demandé  quel  nom  il  avait 
reçu  au  baptême ,  il  lui  répondit  :  «  ^r- 
»  lotto.  —  Quel  singulier  nom,  reprit 
»  l'archevêque  I  Comment  volJ'e  père, 
»  qui  était  un  homme  d'esprit,  a-t-il 
»  fait  la  sottise  de  vous  le  donner  ? — ■ 
»  Ne  vous  en  étonnez  pas,  monsei- 
»  gneur,  il  eu  a  fait  de  bien  plus, 
))  grandes. — Quelles  sont  ces  aulits.^ 


47^  ARL 

»  sotliscs  ?  —  En  voici  une  :  Quand  il 
»  pouvait  prêlcr  à  usure,  il  y  empruii- 
»  tait.  —  Eh.'  ne  savez-vous  pas  que 
»  de  prêter  à  usure  l'aurait  fait  aller  en 
•n  eu  fer? — Fort  bien ,  mais  d'emprun- 
«  ter  l'a  fait  aller  en  prison  pour  det- 
»  tes ,  et  il  y  est  mort.  »  Les  deux  plus 
ancienues  e'ditions  de  ses  Facéties, 
api'ès  la  première  citée  ci-dessus ,  sont 
celles  de  Milan,  iSso,  et  Venise,  i525, 
toutes  deux  in-8'.  Il  y  en  a  de  plus, 
une  sans  date  et  sans  nom  de  lieu, 
10-4°. ,  qui  est  à  peu  près  du  même 
temps  :  ce  sont  les  plus  rares.  Dans 
l'édition  de  Venise,  i538,  et  dans  la 
plupart  des  suivantes ,  que  l'on  cite ,  les 
bons  mots  du  Piovano  Arlotto  sont 
joints  à  ceux  de  Gonclla  et  de  quel- 
ques autres.  G — e.  , 

ARLUNO  (  BERNARDI^  ),  noble  mi- 
lanais ,  florissait  au  commencement 
du  iG'.  siècle.  Après  avoir  étudié  la 
jurisprudence,  d'abord  à  Pavic ,  puis 
a  Padoue  ,  où  il  fut  reçu  docteur,  il 
retourna  à  Milan,  où  il  fut  aggrcj:;c 
au  collège  des  jurisconsultes  ,  depuis 
i5o7  jusqu'en  i555.  On  a  de  lui  : 
De  Bello  reneto.  libri  VI ^  ah  nnno 
MD  ad  MDXVI,  impiimé  dans  le 
Thésaurus  Anliquit.  Ilaliœ ,  tom.V, 
page  4,  I-'Cyiït^?  in-fol.  Pierre  Bur- 
mann ,  dans  la  préface  qui  se  trouve 
tome  IV ,  part.  i".  dn  Thésaurus, 
fait  l'éloge  de  cette  histoire  ;  il  la 
trouve  exacte  ,  véridique  et  surtout 
bien  écrite.  Il  ajoute  seulement  qu'Ar- 
luno  y  claie  trop  d'érudition ,  qu'il 
parle  souvent  moins  en  historien 
qu'eu  poète ,  et  qu'il  a  trop  facilement 
foi  aux  prodiges.  II.  Uistoria  patriœ , 
5  vol.  in-fol.  Cette  histoire  de  Milan 
commence  depuis  la  fondation  de  cette 
ville  jusqu'au  temps  où  vivait  l'auteur. 
L'impre?sion  fut  commencée  à  Bàle, 
par  Jean  Opoiin  ;  mais ,  avant  été  in- 
terrompue ,  s:uis  qu'un  en  sache  le 
motif,  elle  n'a  pas  été  reprise.  Le 


ABL 

manuscrit  est  conservé  à  Milan,  clans 
la  bibliothèque  Ambroisienne ,  où  l'on 
garde  aussi  plusieurs  autres  ouvrages 
d'Arluno  ,  tant  en  prose  qu'eu  vers 
latins ,  qui  n'ont  jamais  vu  le  jour.  — 
Ou  a,  de  Jean-Pierre  Arluno,  son 
frère  ,  qui  était  médecin  ,  un  volume 
in-fol.  (  INIilan ,  1 5 1 5  ) ,  d'ouvrages  de 
sa  profession  ,  parmi  lesquels  on  dis- 
tingue :  I.  De  faciliori  alimenta  com- 
menlarius  tripartitns  ;  II.  De  hal- 
neis  commenlarius  ;  111.  Vinwn  ne 
mixtum  an  nieracum  ohnoxiis  junc- 
tarum  doloribus  mugis  conveniat; 
ces  trois  traités  ont  ensuite  été  réim- 
primés séparément.  IV.  De  lotii  dif- 
ficullate  ;  V.  De  arliculari  morho 
quem  podagram  vocilant;  VI.  De 
spirandi  difficultale  ;  VII.  De  fe- 
hre  quarland ,  etc.  Dans  des  diction- 
naires oii  l'on  f  lit  de  ce  Jean  -  Pierre 
Arluno  et  d'un  Pierre  Arluno  ,  deux 
médecins  didércnts  ,  dont  l'un  est 
frère  de  Bernardin  ,  et  l'autre  ne  l'est 
pas ,  on  attribue  au  premier  le  Re- 
cueil iu-fol.  de  Milan,  i  5 1 5,  et  au  se- 
cond, ces  ditrérents  Traités,  quoique 
la  liste  des  traités  ne  soit,  en  quelque 
sorte,  que  la  table  du  Recueil.  G — É. 
ARMAGNAC  (Jean  I•■^,  comte  d), 
fils  et  successeur  de  Bernard  \  I , 
comte  d'Armagnac ,  issu  de  la  race 
IMéroviu'rienne ,  descendait  de  Qovis 
])ar  les  ducs  d'Aquitaine  et  les  ducs  de 
Gascogne.  Les  domaines  de  cette  mai- 
son comprenaient  l'Armagnac  ,  le 
Rouergue ,  et  le  val  Dorât ,  à  une  épo- 
que où  les  possesseurs  de  grands  fiefs 
étaient  tout  -  puissants  en  France. 
Jean  P^  seconda,  en  1 556 ,  le  comte 
d'Eu,  connétable  de  France,  dans  la 
guerre  contre  les  Anglais ,  en  Gas- 
cogne et  en  Guienne.  >oinmé,  par  le 
roi  Jean ,  commandant  du  Langue- 
doc ,  en  i555 ,  il  présida  les  étals  de 
cette  province,  et  refusa  de  passer 
sous  la  domination  anglaise ,  après  le 


ARM 

traite  de  Bretigny.  Des  inte'rèts  de 
litmille  ayant  fait  naître  une  lon£;iie 
inimitié  entre  les  maisons  de  Foix  et 
d'Armagnac,  la  guerre  s'alluma,  et  le 
comte  d'Armagnac  fut  fait  pi'isonnier 
h  la  suite  d'un  combat  sanglant  livre' 
pris  de  Toulouse  ,  eu  i3Gi.  Le  comte 
de  Foix  exigea  5o,ooo  livres  pour  sa 
rançon.  Jean  d'Armagnac  accompagna 
Edouard,  prince  de  Galles,  dans  son 
expédition  en  Espagne,  eu  faveur  de 
Pierre-le-Cruel ,  se  brouilla  à  son  re- 
tour avec  le  prince  anglais  ,  embrassa 
les  intérêts  de  la  France,  contribua  à 
la  soumission  du  Limousin,  et  mourut 
en  1075.  B  — p. 

ARMAGNAC  (  Jean  TII  ,  comte  d'), 
petit-fils  du  précédent,  fit,  en  iSgi, 
une  expédition  dans  le  Milanais,  con- 
tre Galéaz  \  isconti,  avec  une  armée 
de  quinze  mille  aventuriers  ,  tirés  des 
bandes  qui  avaient  pendant  si  long- 
temps désolé  la  France  et  l'Espa- 
gne. Le  comte  d'Armagnac  vint  met- 
tre le  siège  devant  Alexandrie  de- 
la-Paille  ,  et  tomba ,  avec  son  avant- 
garde,  dans  une  embuscade.  Ses  trou- 
pes furent  taillées  en  pièces ,  et  lui- 
même,  ayant  élc  blessé  et  fait  pri- 
sonnier ,  mourut  le  lendemain  ,  'i5 
juillet  de  la  même  année.  Après  sa 
mort,  son  armée,  sans  chef,  se  dis- 
persa ;  la  plus  grande  partie  fut  exter- 
minée en  Lombardie;  le  reste,  trou- 
vant le  passage  des  Alpes  fermé , 
périt  de  faim  et  de  misère.    B — p. 

ARMAGNAC  (  Bernard  VIII , 
comte  d'  )  connétable  de  France ,  em- 
brassa ,  en  1 4 1  o ,  le  parti  de  Cbarles , 
duc  d'Orléans,  contre  le  duc  de  Bour- 
gogne, et  devint  le  principal  mobile 
de  la  faction  d'Orléans ,  à  laquelle  il 
eut  le  triste  honneur  de  donner  son 
nom.  Ses  liens  avec  le  duc  d'Orléans 
furent  cimentés  par  le  mariage  de 
ce  prince  avec  sa  fîUe.  Remontant 
par  ses  aïeux  au  berceau  de  la  mo- 


ARM  475 

narchie  ,  Bernard  d'Arraagiiac  liC 
voyait  au-dessus  de  lui  que  la  mai- 
son régnante.  L'étendue  de  ses  do- 
maines, la  force  et  la  situation  de 
ses  places ,  lui  offraient  de  puissants 
moyens  de  satisfiirc  son  ambition  ; 
et  il  fut  le  principal  moteur  de  cette 
longue  guerre  civile  qui  embrasa  le 
royaume,  sous  le  malheureux  règne  de 
Charles  VI.  Il  combattit  d'abord  con- 
tre son  roi ,  conjointement  avec  les 
Anglais ,  et  se  reconcilia  avec  la  cour 
en  i4i3.  Leduc  de  Bourgogne  ayant 
été  forcé  de  quitter  Paris  l'année  sui- 
vante, le  comte  d'Armagnac  entra 
dans  cette  ville,  à  la  tête  de  l'armée 
royale  ,  et  fit  éprouver  aux  Parisiens 
un  traitement  rigoureux ,  et  qu'ils  11c 
purent  jamais  oublier.  L'armée  royale 
arbora  les  couleurs  et  l'étendard  de  sa 
maison.  Appelé  par  la  reine  Izabeau 
de  Bavière  à  la  défense  du  royaume, 
après  la  défaite  d'Azincourt ,  il  (  xigea 
la  dignité  de  connétable,  et  la  place  de 
premier  ministre.  Arrivé  à  Paris  avec 
un  corps  considérable  de  troupes ,  il 
fit  aussitôt  changer  de  face  à  toute 
l'admnistratiou  ,  et  y  montra  toute  la 
hauteur  et  l'inflexibilité  de  son  carac- 
tère. Il  se  fit  accorder  la  surinten- 
dance des  finances  et  le  gouvernement 
général  de  toutes  les  forteresses  du 
royaume;  il  établit  de  nouveaux  im- 
pôts •  et  le  trône ,  entouré  d'alarmes 
et  de  soupçons  ,  ne  fut  plus  accessible 
qu'aux  délateurs;  les  destitutions,  les 
emprisonnements  et  les  supplices , 
portèrent  la  terreur  dans  toute  la 
France.  Le  connétable  étant  allé  eu 
Normandie  pour  réprimer  les  courses 
de  la  garnison  anglaise  de  Harfleur, 
une  conspiration  s'ourdit  contre  Im, 
dans  la  capitale  ;  mais  elle  fut  décou- 
verte, et  le  connétable  se  hâta  de  venir 
rassurer  la  cour.  Sa  présence  répandit 
la  terreur  dans  toute  la  ville.  Il  désar- 
ma les  habitants .  interdit  les  réunions , 


A  R  ■\ï 

et  fit  démolir  la  grande  Eoucherie , 
qu'on  pouvait  regarder  comme  le  ber- 
ceau des  pren7ières  séditions  excite'es 
en  laveur  du  duc  de  Bourgogne.  Ou 
augmenta  les  taxes ,  on  niidtiplia  les 
proscriptions,  et  les  troupes  des  deux 
partis  infestèrent  les  provinces.  La 
reine  ,  opprimée  comme  le  reste  de  la 
France,  attendait  que  son  fils  fût  à 
même  de  la  tirer  de  cette  fâcheuse  po- 
sition ,  lorsque  ce  jeune  prince  mourut 
presque  subitement.  Cette  moi  t ,  à 
laquelle  le  connétable  fut  soupçonne 
d'avoir  contribue,  renversa  toutes  les 
espérances.  Le  connétable  ne  garda 
plus  aucun  ménagement  ;  il  fit  reléguer 
la  reine  à  Tours  ;  mais  le  duc  de  Bour- 
gogne la  délivra  bientôt  j  et  ce  prùice, 
.s'ajipntcbant  de  Paris  avec  une  puis- 
SDute  armée,  vint  jeter  le  connétable 
dans  les  plus  vives  alarmes.  Il  fut, 
dans  le  même  temps,  déclaré  scliis- 
niatique  par  le  onrile  de  Constance. 
Plusieurs  conjurations  furent  décou- 
vertes, et  produisirent  des  rigueui's  qui 
augmentèrent  le  nondjie  des  meVon- 
tents.  Il  fut  réduit  à  ne  plus  faire  dé- 
jiendrc  sa  sûreté  que  de  la  terreur,  et 
rejeta  même  tous  les  projets  de  paix 
avec  l'Angleterre  ;  mais  au  moment 
où  il  avait  le  plus  besoin  de  ses  trou- 
pes pour  contenir  les  Parisiens  ,  il  en 
envoya  -nie  partie  vivre  à  discrétion 
dans  la  Brie ,  afin  de  se  dispenser  de 
payer  leur  solde.  Cette  imprudence 
causa  sa  perte.  Paris  fut  li\ré  au  duc 
de  Bourgogne,  le  ti9  mai  i4i8.  Le 
connétable ,  effrayé,  sort  en  secret  de 
son  hôtel ,  et  va  se  réfugier  chez  un 
maçon.  Ce  fut  dans  cet  asvle  que  ce 
seigneur,  quelques  moments  aupara- 
A'^ant  si  fier ,  si  redoutable ,  crut  échap- 
per, sous  les  haillons  d'un  mendiant, 
■■*  une  populace  furieuse,  qui  venait  de 
prendre  les  armes  pour  égorger  tous 
les  Armaepmcs.  Trahi  pai  celui  cluz 
h-quel  il  s'était  eaiLé,  sâ  vie  fut  d'a- 


ARM 

bord  respectée  par  ses  ennemis ,  qui 
espéraient  lui  faire  avouer  où  étaient 
ses  trésors  ;  mais,  peu  de  jours  après, 
la  populace  furieuse  força  la  prison  et 
le  massacra.  Son  corps  fut  exposé  aux 
regards  de  ses  ennemis.  Ce  ne  fut  que 
dix-huit  ans  après  ,  lors  de  la  rentJ  éc 
de  Charles  Yll  à  Paris,  que  les  en- 
fants du  comte  d'Armagnac  firent  cé- 
lébrer les  obsèques  de  leur  père.  Ses 
restes  furent  alors  transportés  dans 
le  comté  d'Armagnac,  pour  y  être  in- 
humés près  de  ses  ancêtres.  B — p. 

ARlNL'iGNAC  (  Jean  V ,  comte  d'  ) , 
petit-fils  du  précédent,  fils  de  Jean  I\  . 
comte  d'Armagnac ,  et  d'Isabelle  de 
Navarre,  naquit  vers  l'an  i/jso,  fit 
ses  premières  armes  sous  les  dra- 
peaux du  comte  de  Dunois,  et  con- 
tribua ,  en  i45i,  à  la  conquête  de 
la  Guienne  sur  les  Anglais,  Devenu 
prince  souverain  d'Armagnac  par  la 
mort  de  son  père,  arrivée  en  i45o, 
il  avait  conçu,  vers  cette  époque,  l'a- 
mour le  plus  violent  pour  Isabelle,  la 
plus  jeune  de  ses  sœurs ,  princesse 
d'une  rare  beauté,  et  (jui ,  dans  d'au- 
tres temps ,  avait  été  destinée  au  r<»i 
d'Angleterre.  11  la  séduisit,  et  deux 
enfants,  nés  de  ce  commerce  inces- 
tueux, rendirent  le  scandale  public. 
La  passion  déplorable  du  comte  d'Ar- 
magnac ayant  rendu  inutiles  les  exhor- 
tations du  pape  et  les  remontrantes 
de  Charles  VU  ,  il  fut  excommunié,  et 
n'obtint  son  absolution  qu'en  pro- 
mettant de  renoncer  à  ses  liens  cri- 
minels ;  mais  son  amour  s'irritant  par 
les  obstacles ,  il  résolut  de  légitimer 
une  alliance  si  contiaire  à  nos  mœurs, 
et  sollicita  à  Rome  une  dispense,  qui 
lui  fut  refusée.  Aveuglé  enfin  par  sa 
passion ,  et  voulant  apaiser  les  re- 
mords de  sa  sœur ,  il  l'épousa  publi- 
quement, en  vertu  d'une  prétendue 
bulle  de  Calixte  111  ,  qu'il  avait  fait 
fabiiquer  par  deux  ccclcsiaàtiquci  dé~. 


ARM 

voues  à  ses  intérêts.  Cette  union  scan- 
daleuse indigna  toute  la  France,  ot 
attira  ,  au  comte  d'Armagnac ,  une 
seconde  excommunication;  mais  peut- 
être  aurait-il  joui  de  i'irapunilë,  si ,  au 
lieu  d'adoucir  Char'es  VH,  il  n'eut 
irrite  ce  prince,  en  forçant  le  chapitre 
d'Aucl)  de  nommer,  à  l'archevêcliede 
cette  ville,  Jean  de  Lescun,  son  frère 
naturel,  au  préjudice  de  Philippe  de 
Lévi ,  que  protégeait  le  roi  de  France. 
Le  mariage  incestueux  de  ce  seigneur, 
et  l'emportement  de  ses  démarches  , 
n'étaient  pas  les  seuls  ciimes  qu'on 
avait  à  lui  reprocher  ;  on  l'accusait  de 
favoriser  en  secret  les  Anglais,  d'avoir 
témoigné  une  joie  indiscrète  de  leur 
descente  en  Guienne ,  et  d'avoir  tenu 
des  propos  indécents  contre  le  roi  et 
l'état.  Charles  VII  donna  ordre  à  ses 
généraux  de  se  saisir  de  sa  personne. 
Le  comte  fortifia  ses  places ,  et  parut 
vouloir  se  défendre;  mais,  à  l'approche 
des  troupes  royales,  la  plupart  de  ses 
villes  ouvrirent  leurs  portes  ,  et,  obligé 
de  chercher  unasylehors  du  royaume, 
il  se  r  fugia ,  en  1 455 ,  avec  sa  sœur, 
en  Aragon  ,  où  il  possédait  encore 
quelques  châteaux.  Le  roi  chargea  le 
parlement  de  Paris  d'instruire  son 
procès  ;  le  comte,  absent,  prétendit 
être  jugé  par  la  cour  des  pairs ,  en 
qualité  de  prince  du  sang  par  Elisa- 
beth de  Navarre ,  sa  mère ,  et  comme 
issu,  disait-il,  du  côté  paternel ,  de- 
puis  plus  de  mille  ans  d^hoir  en 
hoir,  des  rois  d'Espagne  et  des  an- 
ciens ducs  d'Aquitaine.  Sa  requête 
n'ayant  point  été  admise,  il  fit  allé- 
guer qu'il  était  clerc  tonsuré,  ajou- 
tant qu'an  chevalier,  combattant  pour 
l'état ,  ne  pouvait  être  piivé  du  privi- 
lège de  cléricature.  Ainsi,  un  inces- 
tueux bigame;  car  le  comte  d'Arma- 
gnac avait  une  autre  femme  que  sa 
sœur,  déclinait  la  jurisdiction  sécu- 
lière, et  demandait  son  renvoi  parde- 


ARM  475 

vant  le  juge  ecclésiastique.  Cette  siii- 
giilière  prétî  ntion  n'eut  pas  plus  de 
succès  que  la  première.  Sommé  de 
comparaître  en  personne ,  il  osa  se 
présenter  au  parlement,  à  la  vérité 
avec  un  sauf  conduit,  mais  qui  ne 
fut  pas  respecté.  An  été  ,  au  milieu  de 
la  capitale  ,  puis  élargi ,  à  condition 
de  ne  pas  s'éloigner  de  plus  de  dix 
lieues  de  Paris ,  il  fut  effrayé  de  la 
vivacité  avec  laquelle  on  instruisait 
son  procès ,  et  se  i-efugia  à  Besançon. 
Le  parlement ,  par  un  arrêt  définitif, 
le  condamna  au  bannissement,  et  con- 
fîsca  ses  domaines  au  profit  de  la 
couronne.  Le  comte  d'Armagnac  eut 
recours  au  pape  Pie  II ,  et  fit  à  Rome 
un  voyage  de  pénitence ,  pour  obtenir 
l'absolution  du  souverain  pontife ,  et 
son  intervention  auprès  du  roi  de 
France.  Pie  II  le  releva  de  l'excom- 
munication ,  mais  Charles  VII  de- 
meura inflexible.  Ce  ne  fut  que  sous 
le  règne  suivant  que  le  comte  rentra 
en  France,  et  obtint,  en  i46i  ,  de 
Louis  XI,  la  restitution  de  ses  do- 
maines. Il  servit  d'abord  ce  prince 
dans  ses  prétentions  sur  la  Navarre , 
et  marcha  contre  le  comte  de  Foix  ; 
mais  il  se  montra  bientôt  ingrat  en- 
vers son  bienfaiteur,  et  prit  les  armes , 
en  i465,  conire  Louis  XI,  avec  1rs 
seigneurs  mécontents,  dans  la  guerre 
appelée  du  bien  public.  Au  traité  de 
Conflans,  qui  pacifia  le  royaume,  il 
parvint  à  se  faire  restituer  qiialre 
chatellenies,  et  obtint  même  une  pen- 
sion et  une  compagnie  d'ordonnance. 
Enhardi  par  ce  succès  ,  il  aggra\  a 
bientôt,  par  de  nouvelles  perfidies, 
le  crime  de  sa  première  ingratitude. 
En  butte  à  la  Laine  publique  par  les 
violences  qu'il  exerçait  contre  ses  voi- 
sins ,  il  avait  à  sa  solde  une  armée 
toujours  subsistante,  à  l'entretien  de 
laquelle  il  ne  pouvait  subvenir  qu'en 
tolérant  les  excès  des  brigands  qui  la 


47<>  A  R  M 

composaient.  Louis  XI  savait  d'ail- 
leurs qu'il  entretenait  des  intelligences 
avec  l'Angleterre ,  et  qu'il  fomentait 
de  nouveaux  troubles;  il  lui  offiit 
ï  0,000  livres  s'il  consentait  à  con- 
gédier ses  gendarmes,  D'Armagnac 
iTçut  les  10,000  livres,  et  conserva 
son  armée.  Louis ,  indigné ,  envoya 
contre  lui  des  forces  considérables. 
Le  comte  alla  une  seconde  fois  cbcr- 
cber  un  asyle  dans  les  terres  du  roi 
d'Aragon  ;  mais  il  ne  perdit  rien  de 
son  audace.  Dépouille'  encore  une  fois 
de  ses  biens,  et  condamne  à  mort  par 
arrêt  du  parlement ,  il  se  jeta  dans  lo 
parti  du  duc  de  Guicnnn  ,  ficre  et 
ennemi  de  Louis  XI ,  reprit  à  main 
armée  ses  anciennes  possessions ,  et 
se  vit  en  état ,  après  la  mort  do  son 
protecteur,  arrivée  en  \^li,  de  se 
défendre  ,  pendant  quelque  temps , 
contre  l'armée  royale.  Louis  XI,  forcé 
de  porter  ailleurs  ses  armes,  ne  dé- 
daigna même  pas  de  traiter  avec  le 
comte  d'Armagnac,  et  de  lui  accorder 
la  jouissance  de  plusieurs  villes  ,  à 
condition  qu'il  y  vivrait  paisible;  mais 
le  comte ,  incapable  de  changer  ,  crut 
pouvoir  piofiler  des  embarras  de  son 
souverain  pour  s'emparer  de  Lec- 
lour,  regardé  alors  comme  le  boule- 
vart  de  la  Guienneet  de  la  Gascogne. 
Son  nom,  son  courage  et  la  vie  licen- 
cieuse qu'on  menait  à  sa  cour ,  lui 
avaient  gagné  la  noblesse  de  Langue- 
doc et  de  la  Guiennc,  et,  s'étant  ménage 
des  intelligences  dans  Lectour,  il  en- 
gagea Charles  d'AIbret ,  seigneur  de 
jSt.-Bazcille  ,  à  surprendre  celte  ville, 
qui  tomba  ainsi  en  son  pouvoir.  En- 
fermé dans  celte  forte  place,  qu'il  avait 
m  le  temps  d'approvisionner,  il  senï- 
blait  y  délier  le  roi  de  France  qui , 
n'osant  dégarnir  ses  frontières  du  côté 
de  la  Bourgogne  ,  se  contenta  d'en- 
voyer, contre  le  rebelle,  les  milices 
des  provinces  méridionales ,  sous  le 


ARM 

commandement  du  cardinal  Jonffroi , 
cvèque  d' Albi ,  et  de  Gaston-du-Lvon , 
sénéchal  de  Toulouse;  ils  avaient  or- 
dre d'assiéger  la  place  dans  les  formes. 
A  l'approche  des  trou])es  royales,  ^in 
conseilla  au  comte  d'Armagnac  d'a- 
bandonner Lcrtour ,  et  de  se  retirer 
dans  quelque  place  du  royaume  d'A- 
ragon ,  d'où  il  pourrait  traiter  en  sû- 
reté aA'ec  le  roi;  mais  le  comte ,  qui 
se  rappelait  tout  ce  qu'il  avait  eu  à 
souffrir  pendant  son  premier  exil,  ne 
put  se  résoudre  à  s'exposer  au  même 
malheur.  Il  résolut  de  se  défendre  , 
espérant  d'ailleurs  qu'il  surviendrait 
au  roi  des  affiires  qui  l'obligeraient  à 
rappeler  sfs  troupes.  11  soutint,  pen- 
dant deux  jnois  ,  avec  beaucoup  de 
valeur, tous  les  efforts  des  assiégeants. 
Louis  XI  ,  vo3"ant  que  la  saison  s'a- 
vançait, et  que  le  roi  d'Aragon  pro- 
filait de  la  longueur  du  siège  pour 
achever  d'envahir  le  Houssillon,  don- 
na ordre  au  cardinal  d'Albi  d'entrer 
en  négociations  avec  le  comte  d'x\r- 
raagnac.  Les  conditions  que  proposa 
ce  seigneur  furent  acceptées ,  en  ap- 
parence ,  par  le  cardinal,  qui,  pour 
le  mieux  tromper ,  rompit  une  hostie 
consacrée ,  dont  il  prit  une  moitié  et 
lui  donna  l'autre ,  comme  une  garan- 
tie de  la  capitulation.  Déjà  l'on  com- 
mençait à  en  exécuter  les  articles , 
lorsque  les  troupes  du  roi ,  profitant 
de  la  séciuité  des  assiégés ,  s'intro- 
duisent dans  la  ville  ,  pénètrent  sSlis 
résistance  dans  le  palais  du  comte ,  et 
le  percent  de  plusieurs  coups  de  poi- 
gnards ,  dans  les  bras  de  Jeanne  de 
Foix ,  son  épouse  légitime.  Les  femmes 
de  la  comtesse  ,  et  la  comtesse  elle- 
même  ,  sont  dépouillées  par  la  sol- 
datesque ,  la  ville  entière  est  aban- 
doinice  au  pillage  et  livrée  aux  flam- 
mes ,  et  tous  les  habitants  égorgés 
sans  pilié.  Cet  événement  eut  lieu  le 
5  mars  1 47").  Goi-gias ,  qui  avait  porté 


ARM 

le  premier  coup  au  comte  ,  reçut , 
de  Louis  XI ,  une  tusse  d'aigcnt  rem- 
plie d'écus ,  et  fut  fait  archer  de  la 
garde.  Traînée  prisonnière  au  châ- 
teau de  Burzet,  la  comtesse  d'Arma- 
gnac fut  contrainte  d'avaler  un  breu- 
vage empoisonne',  qui  fit  périr  l'enfant 
qu'elle  portait  dans  sou  sein,  et  la 
délivra  elle-même ,  deux  jours  après, 
du  fardeau  de  la  vie.  Charles  d'Arma- 
gnac, frère  de  Jean  V,  enveloppé 
dans  la  même  proscription,  fut  chargé 
de  fers ,  traîné  dans  les  prisons  ,  ap- 
pliqué à  la  torture,  et  remis  entre  les 
mains  du  parlement  de  Paris.  Il  tou- 
chait au  moment  d'être  justifié  de  sa 
prétendue  participation  à  la  révolte 
de  sou  frère ,  lorsqu'il  fut  tiré  de  la 
conciergerie  pour  être  livré  à  Pliihppe 
l'Huiliier,  gouverneur  de  la  Bastille, 
qui  l'enferma  dans  un  cachot  infect, 
et  lui  fit  éprouver  les  plus  cruels  traite- 
ments. Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  qua- 
torze ans  ,  sous  la  minorité  de  Char- 
les VIII ,  qu'on  lui  rendit  la  liberté. 
Réduit  à  la  plus  déplorable  déti  esse , 
il  implora,  à  genoux,  et  fondant  en 
larmes,  la  justice  et  les  secours  des 
états-généraux  du  royaume,  eu  1 484, 
pour  être  remis  en  possession  de  ses 
domaines,  et  mourut,  en  i  497,  après 
avoir  fait  une  donation  de  ses  biens 
au  duc  d'Alençon  son  neveu.     B — p. 

ARMAGNAC  (  Jasques  d'  ).  Foy. 
Nemours. 

ARMAGNAC  ( Louis  d').  F.  Ne- 

TUOURS. 

ARMAGNAC  (George  d' ) ,  fils 
de  Pierre  d'Armagnac  ,  bâtard  de 
Charles  d'Armagnac,  comte  de  l'Ile- 
en-Jourdain,  l'ut  élevé  par  les  soins 
de  Louis,  cardinal  d'Auiboise,  son 
parent ,  auquel  il  témoigna  depuis  sa 
reconnaissance ,  en  lui  faisant  dresser 
un  mausolée  à  N.  D.  de  Lorette.  Il  fut 
.successivement  évêque  de  Rhodes ,  et 
Cl)  même  temps  administrateur  des 


ARM  4^7 

évêcîiés  de  Vabres  et  de  Lecteur , 
ambassadeur  à  Venise,  à  Rome,  con- 
seiller d'état,  archevêque  de  Toulouse, 
associé,  en  qualité  de  co-légat,au  car- 
dinal de  Bourbon,  légat  d'Avignon.  Il 
sut ,  par  sa  bonne  administration  , 
gagner  le  cœur  des  peuples  de  ce  petit 
état,  et,  par-là ,  le  conserver  au  Saint- 
Siège  ,  au  milieu  des  guerres  civiles 
qui  désolaient  les  pi'ovinces  voisines. 
Paul  III  l'avait  créé  cardinal  en  1 544- 
Il  succéda ,  en  1577,3  Félicien  Capi- 
ton ,  dans  le  siège  d'Avignon ,  y  fit 
plusieurs  fondations  rehgicuses,  et  y 
mourut  en  i585  ,  âgé  de  84  ans. 
D'Armagn.ic  protégea  les  gens  de  let- 
tres ,  les  faisait  connaître  à  François 
I'"^.,  et  en  avait  plusieurs  chez  lui. 
C'était  un  homme  très -attaché  à  la 
religion.  Les  Mémoires  de  Condé 
contiennent  deux  lettres  de  ce  prélat, 
l'une  à  la  reine  de  Navarre,  pour  lui 
faire  des  remontrances  sur  ce  qu'elle 
faisait  arracher  les  images  ,  enlever 
les  ornements,  détruire  les  autels,  et 
les  fonds  bapiismaux  de  l'église  de 
Lescar  ;  l'autre  ,  à  Louis  d'Albert  , 
évêque  de  cette  ville,  qui  consentait  à 
ces  désordres.  Ce  cardinal  avait  fait 
des  Statuts  synodaux ,  pour  l'évêché 
de  Rhodcz  ,  imprimés  à  Lyon,  en 
i55G,  iu-8".  On  conserve  de  lui  uu 
volume  in-fol.  de  lettres  en  manuscrit, 
écrites  pendant  les  années  1 55  4-55- 
56-57-59.  T— D. 

ARMAND  DE  BOURBON ,  prince 
de  Conti  (  Foy.  Conti  ). 

ARMAND  ( Fr A > çois  -  Armand 
HUGUET),  comédien.  On  le  place 
ici  sous  l'un  de  ses  prénoms  ,  parce 
qu'il  n'est  connu  que  sous  ce  nom ,  qui 
lui  fut  donné  par  sou  parrain,  le  ma- 
réchal de  Richelieu ,  et  qu'il  le  porta 
toujours  par  respect  et  pat  reconnais- 
sance. Né,  en  1699,  à  Richelieu  ,  d'un 
honnête  bourgeois,  il  quitta  fort  jeune 
cette  petite  yille,  et  fut  confié,  à  Paris^ 


478  ARM 

aux  soins  de  l'abbé  Nadal ,  connu  par 
quelques  ouvrages.  Cet  abbé  ,  après 
avoir  essayé  d'en  faire  un  musicien , 
le  plaça  chez  un  notaire  ;  mais  dès- 
lois  tout  annonç.iit  sou  goût  pour  le 
théâtre,  et  l'on  peut  dire  sa  vocation 
pour  l'état  de  comédien.  Aussi  prompt 
à  Sciisir  les  ridicules  des  personnes 
qui  iVéquentaitiit  la  maison  du  no- 
taire, qu'habile  à  les  représenter,  ceux 
mêmes  dont  il  siu2;s.«it  les  manières  ne 
pouvaient  s'empêcher  de  sourire  à  des 
portiviits  un  ])eu  outrés  ;  et  i'abbé 
INadal ,  témoin  de  ces  parodies  ,  dit 
un  jour,  que  ,  s'il  n'y  avait  jamais 
eu  de  comédiens,  Armand  aurait  pu 
donner  l'idée  de  cette  profession.  Il 
n'en  fallait  pas  davantage  pour  lui 
faire  vivement  désirer  de  voir  la  comé- 
die, li'abbé  Nailal  l'y  conduisit ,  et  il 
est  inutile  de  dire  quelle  impression 
le  spectacle  fit  sur  un  enfant  de  treize 
ans ,  qui  annonçait  de  semblables  dis- 
positions. Dès  ce  moment ,  les  repré- 
sentiitions  théâtrales  firent  tout  son 
amusemei;t,  et  il  employa  ses  écono- 
mies à  se  procurer  les  moyens  d'aller 
souvent  au  théâtre  Français.  11  ins- 
pira ses  goûts  aux  autres  clercs,  leur 
distribua  des  rôles  ,  construisit  un  pe- 
tit théâtre  ,  et  fit  de  l'étude  du  notaire 
un  véritable  fover  de  comédie.  Cette 
vie  ,  si  conforme  à  ses  goûts,  dura 
peu  :  une  espièglerie  l'ayant  brouillé 
avec  le  maîtie  de  la  m  lison  ,  il  ne 
sut  où  donner  do  la  tète ,  et  s'en- 
rôla dans  une  troupe  de  désœuvrés  , 
qui  allaient  en  pèleniiage  à  Ste. -Reine, 
<>n  Bourgogne.  Cette  troupe  digérait 
peu  d'une  bande  de  Bohémiens  ,  et , 
<  omme  il  y  a  quelques  rapports  entre 
cdle  vie  errante  et  celle  de  comédien 
ambulant  ,  Armand  ])assa  sans  se- 
fuiisse  de  l'une  à  l'autre,  et  joua  la  co- 
médie en  Languedoc.  Il  se  fit  surtout 
remarquer  dans  une  troupe  con)po- 
séc  en  partie  d'Italiens,  et  entre  autres 


A  R  M 

du  fameux  Dominique.  On  pense  bien 
que  toute  son  ambition  était  de  reve- 
nir à  Paris.  Il  fit  solliciter  un  ordre 
de  début  ,  parut  pour  la  première 
fois  au  théâtre  Français  ,  le  2  mars 
1 7Ji3 ,  dans  l'emploi  des  premiers  co- 
miques ,  et  fut  reçu  l'année  suivante. 
Il  remplit  cet  emploi  pendant  qua- 
rante-deux ans  ,  et  Cl  éa  un  grand  nom- 
bre de  rolws.  Sa  phvsionomie  se  prê- 
tait surtout  à  ceux  de  valets  fourbes 
et  intrigants.  H  paraît  que  vers  la  fin 
de  sa  carrière  dramatique  ,  Armand 
perdit  une  partie  de  sa  verve  comi- 
que, et  chercha  à  la  rem])lacer  par 
une  exagération  que  le  bon  goût  ré- 
prouve. Le  Kain ,  après  avoir  dit  dans 
ses  mémoires,  qu'Armand  est  le  mo- 
dèle de  tous  les  comédiens ,  ajoute  : 
«  J'observerai  seulement  ,  pour  le 
»  malheur  de  l'humanité,  que  le  génie 
»  usé  par  le  temps ,  cherche  des 
»  moyens  qui  ,  visant  à  la  charge , 
»  sont  hors  delà  nature....  «  Armand 
contait  avec  beaucoup  d'intérêt.  Il 
mourut  à  Paris ,  le  26  novembre  i  '-65. 

P      X. 

ARMELLINI  (Jérôme),  domini- 
cain, né  à  Faenza,  que  cpielques  au- 
teurs appellent  Armenini ,  et  plus 
communément  Jérôme  de  Faenza, 
était  inquisiteur -général,  pour  la  foi 
catholique,  à  Mantoue ,  vers  l'an  1 5 1 6. 
Il  reçut,  de  son  vivant,  de  grands  élo- 
ges pour  avoir  écrit  un  livre  contre  un 
certain  Tiberio  Rossiliano  ,  Calabiois 
et  astrologue,  qui  soutenait  que  l'as- 
trologie aurait  pu  facilement  prévoir, 
par  la  conjonction  des  planètes ,  le  dé- 
luge de  Noé.  Ce  livre  n'est  connu  au- 
jourd'hui ,  que  par  ce  qu'en  dit  Echard, 
Scnpl.  ord.  Prœdic,  vol.  II,  p.  55; 
mais  il  prétend  que  le  livre  était  en 
manuscrit,  dans  la  bibliothèque  du 
Vatican,  que  peut-être  même  il  a  été 
imprimé.  Maz^uchelli,  malgré  ses  re- 
cherches; n'a  pu  avoir  connaissance 


A  l\  M 

ni  de  l'imprime,  ni  du  maniismt  ; 
mais  il  a  découvert ,  daus  la  biblio- 
thèque vaticaiie,  un  autre  mauuscrit 
du  même  auteur  :  c'est  une  explication 
morale  du  psaume  Dixit  Dominas 
Domino  meo ,  adressée  au  cardinal 
Adrien ,  par  une  lettre  datée  du  1 5  no- 
vembre i5o6.  Pio,  dans  ses  Vomini 
illustri  di  S.  Domenico ,  et ,  d'après 
lui,  d'autres  auteurs  assurent  que  Jé- 
rôme Armellini  avait  aussi  écrit  sur  les 
OEuvres  d'Aristote.  G — e. 

ARMELLTNI  (Mariano),  moine 
bénédictin,  né  à  Aucôue,  s'est  rendu 
recoramaudable  dans  son  ordre ,  vers 
le  commencement  du  dernier  siècle, 
par  plusieurs  ouvrages  dont  cet  ordre 
même  est  l'objet.  Il  s'adonna  d'abord 
a  la  prédication ,  et  prêcha  le  carême 
à  Ste.-Marie  de  Transtevere,  à  Rieti, 
Yiterbe,  Ravenne  et  Reggio.  Il  fut  fait 
prieur  en  1 7"2'2 ,  et  abbé  par  dispense , 
en  i-j  25.11  fut  successivement  abbé  en 
exercice ,  à  Sienne,  Assise  et  Foligno.  Il 
mourutjdans  ce  dernier  monastère,  le  4 
mai  1757.  Il  a  publié  :  I.  Bibliotheca 
Benedictino-Casinensis ,  ou  Notices 
de  lavie  et  des  ouvrages  des  écrivains 
de  la  congrégation  du  Monl-Cassin, 
quij  ont  Jleuri  jusqu  au  temps  de 
l'auteur,  i""".  partie.  Assise,  1731, 
iii-fol.  ;  i\  partie ,  .assise,  1 752,  in-fol. 
II.  Catalogi  très  monachorum ,  epis- 
coporum  reformatorum  et  virorum 
sanctitate  illustrium  è  congregatione 
Cassinensi ,  Assise,  1705,  in-fol. 
Le  troisième  de  ces  catalogues  n'est 
imprimé  à  Assise ,  que  jusqu'à  la  page 
uo.  Il  fut  continué  à  Rome ,  sous  ce 
titre  :  Continualio  Catalogi  viro- 
rum sanctitate  illustrium ,  etc.,  1 7^4? 
in-fol.  III.  Additiones  et  correctio- 
nes  hibliothecœ  Benedicto-Casinen- 
iis,  etc.,  à  Foligno,  1755,  in-fol. 
Avant  ces  grands  travaux,  Armellini 
s'était  essayé  dans  une  f^ie  de  la  bien- 
hsureu^e  Marguerite  Corradi ,  écrite 


A  R  M  479 

en  italien,  Venise,  i7'2G,  in-12,  ou- 
vrage qui  n'annonçait  ni  les  mêmes 
connaissances  ,  ni  le  même  esprit 
de  recherches.  Il  laissa  de  plus,  eu 
manuscrit,  une  Bibliotheca  sjnop- 
tica  ordinis  sancti  Benedicti,  qui 
complète  ses  travaux  sur  son  ordre, 
dont  on  voit  qu'il  fut  sans  cesse  oc- 
cupé. G — E. 
ARMENONVILLE.  F.  Morville. 
^  ARMFELDÏ  (  Charles  ,  baron 
d'),  général  suédois,  né  en  1666, 
servit  d'abord  avec  distinction  dans 
l'étranger  ,  et  retourna  en  Suède 
pour  prendre  part  aux  exploits  de 
Charles  Xil.  Lorsque  ce  prince  eut 
été  défait  à  Pultava ,  et  que  ses  états 
furent  attaqués  sur  tous  les  points , 
Armfeldt  eut  un  commandement  eu 
Finlande  contre  les  Russes ,  et  il  fut 
un  de  ceux  qui  firent  de  généreux 
efforts  pour  réparer  les  malheurs  de 
leur  patrie.  Eu  1 7  1 3 ,  Pierre  I",  parut 
lui-même ,  avec  une  flotte  considé- 
rable, devant  Helsingfors  ,  pour  s'em- 
parer de  cette  place  importante.  Arm- 
feld,  ne  pouvant  l'empêcher  d'entrer 
dans  le  port,  fît  une  résistance  daus 
la  ville  et  le  long  de  la  cote  ;  mais  n'ayant 
qu'un  très- petit  nombre  de  combat- 
tants ,  et  ne  recevant  aucun  secours ,  il 
fut  obligé  de  se  retirer.  Cependant, 
avant  d'effectuer  sa  retraite,  il  engagea 
les  habitants  d'Hclsingfors  à  abandon- 
ner la  ville  ,  et  toutes  les  maisons  ayant 
été  brûlées ,  l'ennemi  ne  put  conqué- 
rir que  des  ruines.  Ayant  ensuite  ob- 
tenu le  commandement  de  toutes  les 
troupes  de  Finlande,  il  se  dirigea  vers 
les  parties  septentrionales  de  ce  pays , 
et  y  l'assembla  environ  six  mille 
hommes;  le  général  russe  Apraxin 
s'étant  présenté  avec  dix-huit  mille 
hommes,  le  combat  s'engagea,  le  i5 
février  1714?  pi'ès  de  Storkyro  ,  en 
Osti'obothnie  ,  au  mdicu  des  neiges  et 
des  glaces.  L'infanterie  suédoise,  qui 


4Ho  A  R  M 

avait  lutte  avec  une  fermeté  inébrau- 
lable ,  ayant  été  abaudounee  par  la 
cavalerie,  rcmierai  resta  maître  du 
cbanip  de  bataille,  qu'Armfeld  lui-mê- 
me quitta  le  dernier.  Malp;rë  cet  e'chec , 
il  sut  opposer  des  obstacles  aux  progrès 
des  Russes.  En  1718,  Charles  XII , 
qui  était  de  retour  eu  Suède,  lui  donna 
l'ordre  de  pénétrer  dans  les  divisions 
septentrionales  de  la  Norwège  ,  vers 
Drontheini,  avec  un  corps  de  six  mille 
hommes.  On  ne  pouvait  exécuter  ce 
projet  qu'en  franchissant  des  lacs  , 
des  torrents  et  des  montagnes  escar- 
pées. Pendant  la  marche ,  une  tem- 
pête violente  s'éleva ,  et  la  neige  tomba 
en  si  grande  abondance  ,  que  les  che- 
mins en  furent  couverts.  Des  guides 
maladroits  ou  perfides  égarèrent  les 
Suédois  ,  qui  se  trouvèrent  dans  la 
situation  la  plus  critique.  Ils  rencon- 
trèrent rarement  des  troupes  enne- 
mies ;  mais  les  éléments  avaient  con- 
juré leur  perte.  Le  plus  grand  nombre 
expira  de  froid  au  milieu  de  la  neige; 
les  autres ,  tourmentés  par  la  faim  , 
et  accablés  de  fatigue,  cherchèrent  des 
asyles,  que  leur  accorda  la  pitié  des  pay- 
sans norwégiens.  Les  chevaux  ayant 
succombé  également,  il  fallut  aban- 
donner l'artillerie  et  le  bagage ,  et 
Armfeldt  ne  revint  de  cette  expédi- 
tion qu'avec  quelques  officiers  ,  pour 
apprendre  la  mort  de  Charles  XII. 
Lorsque  la  paix  eut  enfin  terminé  une 
des  guerres  les  plus  désastreuses ,  et 
qui  avait  duré  plus  de  vingt  ans,  Arm- 
feldt fut  envoyé  en  Finlande  ,  pour 
réorganiser  les  troupes  de  cette  pro- 
vince. 11  mourut  en  i-jjG.  C — au. 
ARMLMUS.  En  traitant  de  cet  il- 
lustre chef  des  Chérusques ,  sous  le 
nom  que  les  anciens  lui  douncnt,  et 
non  sous  celui  de  Hermann,  son  vé- 
ritab'e  nom,  nous  consultons  la  com- 
modité de  la  plus  grande  partie  de  nos 
lecteui's,  qui  conuaisscut   beaucoup 


ARM 
mieux  l'Arminius  de  Tacite  que  le 
Hermaun  deKlopstock.  Nous  n'avons 
malheureusement  que  bien  peu  de 
détails  sur  la  vie  du  plus  grand  des 
Germains,  né  l'an  18  avant  J.-C.  : 
tout  ce  que  nous  en  savons  se  ré- 
duit à  quelques  mots  du  récit  que 
les  anciens  nous  ont  laissé  de  la  dé- 
faite de  Varus.  Les  victoires  de  Dru- 
sus  avaient  agrandi  l'empire  romain ,  de 
tous  les  pays  d'Allemagne  compris 
entre  le  Rhin,  l'Elbe  et  la  Saale.  Pour 
maintenir  sous  leur  obéissance  les  bel- 
liqueux habitants  de  ces  contrées ,  les 
R(<mains  prirent  toutes  les  mesures 
que  la  prudence  et  le  caractère  de  leurs 
nouveaux  sujets  pouvaient  leur  dic- 
ter. Quelques-unes  des  peuplades  les 
plus  puissantes ,  comme  les  Sicambres, 
dont  l'énergie  avait  été  si  funeste  à 
LoUius  ,  furent  transplantées  sur  les 
bords  du  Rhin  ,  et  jusque  dans  l'hi- 
téiicur  des  Gaules,  pendant  qu'on  ta- 
chait de  s'assurer  de  la  fidélité  des 
autres ,  en  prenant  des  otages  ,  et  en 
donnant  aux  enfants  de  leurs  princi- 
paux chefs  une  éJucafion  toute  romai- 
ne. Ai'minius  ,  qui  était  fils  de  Sigiraer 
[Sigmer  ou  Siegmar  sv^nifml ,  dans 
l'ancien  langage  teutonique  ,  illustre 
par  la  %^ictoire  ) ,  le  premier  d'entre 
les  Chérusques  ,  fut  élevé  à  Rome  , 
décoré  du  titre  de  chevalier ,  et  cni- 
jiloyé  dans  les  armées  d'Auguste.  Ce- 
pendant, ni  les  fiveurs  de  ce  piince, 
ni  les  prestiges  d'une  civilisation  qui 
était  bien  propre  à  fasciner  les  yeux 
d'un  barbare  ,  ne  purent  changer  son 
ame  germanique.  Il  resta  fidèle  aux 
souvenirs  et  aux  dieux  de  sa  patrie. 
Au  lieu  de  lui  forger  des  chaînes  , 
Rome  lui  fournit  des  armes ,  et  , 
formé  à  l'école  des  Romains  ,  il  apprit 
à  vaincre  Rome  dans  Rome.  11  semble 
qu'on  le  voie  à  la  cour,  à  la  ville  , 
dans  les  camps  ,  n'observer  que  ce 
qui  peut  l'aider  dans  l'cxcculioa  ^c 


ARM 

son  grand  projet ,  ne  méditer  que  la 
délivrance  de  sa  patrie.  Malhenrcuse- 
meul  pour  sa  gloire,  qui  devait  être 
plus  grande  que  pure,  il  de'sespëra 
du  succès  d'une  lutte  engagée  ouver- 
tement ;  mais,  si  la  puissance  colossale 
de  l'empire  le  força  de  recourir  à  une 
ruse  indigne  des  motifs  qui  l'animaient 
et  des  re'sukats  qu'il  obtint,  quelques 
circonstances  le  favorisèrent  singuliè- 
rement. Le  proconsuK)ulnîilius  Virns 
qui ,  suivant  l'expression  d'un  écri- 
vain de  son  temps  ,  «était  entre  pau- 
»  vre  dans  la  Syrie  riche ,  et  était 
»  sorti  riche  de  la  Syrie  pau\Te  ,  » 
commandait  la  plus  belle  des  armées 
romaines,  destinée  à  maintenir  dans  la 
.soumission  les  nouvelles  acquisitions 
d'outre  Rliin.  Les  historiens  déplorent 
son  imprudence  ,  et  vantent  la  dou- 
ceur de  ses  mœurs ,  qui ,  selon  toute 
probabilité,  n'était  autre  chose  qu'une 
funeste  indulgence  pour  ses  complices, 
et  pour  tous  les  citoyens  de  Rome 
qu'il  avait  intérêt  à  obliger.  L'inso- 
lence et  les  exactions  de  ses  agents  exas- 
pérèrent des  peuples  fiers  et  pati- 
vres;  mais  ce  qui  mit  le  comble  à 
l'irritation  ,  fut  le  projet  insensé  de 
jeter  les  tribus  germaniques  dans  le 
mou'e  des  institutions  romaines  (i); 
écueil  que  la  sagesse  de  l'ancien  sénat 
avait  toujours  su  éviter ,  en  laissant 
aux  peuples  vaincus  leurs  lois  et  leurs 
usages ,  et  que  le  désastre  de  Varus 
signala  vainement  aux  héritiers  de  la 
puissance  et  de  l'ambition  des  Césars. 
Varus  traînait  à  sa  suite  une  multi- 
tude de  légistes,  et  se  croyait  lui-même 
plutôt  appelé  à  remplir  les  fonctions 
d'un  proconsul ,  et  à  exercer  la  juri- 
diction d'un  préteur ,  au  sein  d'une 
province  vieillie  dans  des  habitudes  de 


(il  Les  expressions  de  Dion  Cass-us  sort  aussi 
positives  qu'énergiques  :  m  II  se  hâta  de  les  méta- 
»  raorpUoseren  masse,  et  sur-le-champ.  »  Liv.  56, 
ch.  i8,  p.  819,  éd.  Reim.  Dans  des  temps  pliu 
modernes,  on  a  appcli;  cela  régànérer. 


ARM  481 

soumission  à  l'iiifluence  romaine .  qu'à 
surveiller  des  peuplades  figuenies  et 
jalouses  d'une  liberté,  naguère  leur 
suprême  jouissance  ,  et  toujours  leur 
idole  unique.  Arniinins  jugea  !e  mo- 
ment favorable  à  l'exécution  de  ses 
desseins  ,  et ,  l'énergie  nationale  se- 
condant soii  activité,  il  parvint  à  y 
associer  les  chefs  de  presque  toutes 
les  tribus  germaniques  domici'it'es  en- 
tre l'Elbe  tt  le  Rhin.  L'in.sufQsance  des 
renseignements  que  nons  ont  transmis 
les  historiens  de  l'aniiqtuté  sur  cette 
confédération  à  jamais  mémorable  , 
et  la  confusion  qui  règne  dans  tout  ce 
qu'ils  nous  disent  ùe  la  Germanie,  ne 
nous  })ermettent  pas  de  juger  toute 
l'étendue  du  plan  (''irminius.  A  cette 
même  époque  (Tan  9  ,:.e  notre  ère), 
une  insurrection  générale  éclata  dans 
la  Pannonie  et  sur  les  limites  de  la 
Dalmatie.  Si  nous  pouvions  supposer 
quelque  liaison  entre  tous  ces  mou- 
vements dépeuples  aussi  éloignés,  s'il 
était  permis  de  croire  ct  le  ces  atta- 
ques simultanées  étaientc' .s  diversions 
fiiles  dans  l'intention  de  parer  les 
coups  que  les  Romains  al!aier;t  porter 
à  la  monarchie  que  MarLod  venait 
de  former  entre  l'Elbe ,  la  Saale  et 
l'Oder ,  nous  serions  étonnés  sans 
doute  de  trouver  une  si  vaste  concep- 
tion et  des  combinaisons  si  savantes, 
à  une  époqup  et  chez  des  peuples  ou 
l'on  est  peu  disposé  à  les  chercher;  mais 
nous  en  comjjiendrions  mieux  com- 
ment Armiiiius,  avec  une  îcte  aussi 
forte  ,  a  pu  exécuter  une  entreprise 
qui  n'avait  encore  1  éussi  à  aucun  en- 
nemi des  Romains  ,  et  pourquoi  ce 
héros  est  devenu  l'objet  du  culte  et  le 
sujet  des  chants  guerriers  des  peuples 
bai-bares  (  i  ).  Au  reste ,  on  n'a  pas  be- 
soin de  lui  attribuer  un  plan  si  vôite, 
pour  admirer  et  les  talents  qu'il  dé- 


(O  Caniliir  adkhc  barbarar  apuJgentei    Tac 
Anu.  ,  l.v.  I,  cb.  S8. 

5t 


482 


A  R  M 


ploya,  et  le  concert  qui  régna  entre 
les  opérations  des  confédérés ,  concert 
que  la  dëfectiou  même  de  Ségeste 
lie  parvint  pas  à  troid^ler.  Ce  chef 
desCattes,  soit  par  un  scrupule  qui  ne 
lui  permettait  pas  de  conquérir  l'indé- 
pendance eu  blessant  la  lo^-auté ,  soit 
par  un  motif  moins  loual)le,  dénonça 
au  général  rom;àn  la  trame  qui  s'our- 
dissait ;  mais  la  présomption  et  la  lé- 
gèreté de  Varus  lui  firent  négliger  cet 
avis,  et  Arminius  redoubla  de  soins 
auprès  de  lui  pour  dissiper  ses  doutes , 
en  portant  sou  attention  sur  les  trou- 
bles qui  venaient  d'éclater  sur  les 
Lords  du  Weser ,  etqu'Armiuius  avait 
excités  lui-même,  dans  le  but  d'atti- 
rer l'armée  romaine  dans  l'intérieur  de 
la  Germanie.  Les  trwupes  allemandes, 
qui  servaient  comme  auxiliaires  dans 
cettearmée  ,  affectèrent  la  plus  entière 
soumission  ,  et  leurs  officiers ,  amis 
d'Arminius  et  ses  complices  ,  confir- 
mèrent de  plus  en  plus  Varus  dans 
son  aveugle  sécurité.  Des  soulèvements 
concertés  et  partiels  eurent  d'abord 
lieu  dans  des  contrées  lointaines,  pour 
obliger  le  préfet  romain  à  disséminer 
ses  forces.  Quand  le  corps  de  l'armée 
se  trouva  réduit  à  trois  légions,  à  quel- 
ques cohortes  et  aux  perfides  auxi- 
liaires, l'insurrection  devint  plus  géné- 
rale; Hermann  et  ses  amis  vivant  dans 
l'intimité  de  Varus  ,  et  admis  à  son 
conseil,  multiplièrent  les  preuves  ap- 
parentes de  zèle  ,  et  insistèrent  sur  la 
nécessité  de  ne  pas  attendre  les  re- 
belles ,  mais  d'aller  étouffer  le  feu  de 
la  révolte  dans  son  foyer.  En  A'ain  le 
fidèle  Ségcstc  renouvelait-il  ses  aver- 
tissements ;  tous  les  jours  l'armée  s'é- 
loignait davantage  du  Rhin  ,  et  s'en- 
fonçait dans  les  contrées  où  l'atten- 
dait le  piège  le  plus  funeste.  Arrivée 
près  des  sources  de  la  Lippe,  dans 
le  pays  des  Bructères  ,  après  une 
marche  pénible  sur  un  terrain ,  liuitôt 


ARM 

glissant ,  tantôt  marécageux,  et  où  iî 
fallait  à  chaque  pas  se  faiie  jour  à  coups 
de  hache ,  elle  vit  tout  à  coup  ,  dans 
un  bassin  entouré  de  collines  élevées  , 
toutes  les  hauteurs  voisines  couver- 
tes de  Germains,  et  apprit  en  même 
temps ,  qu' Arminius  était  tombé  sur 
les  Romains  de  l'arrière-garde  qui  lui 
était  confiée,  et  qu'il  était  l'ame  des 
mouvements  hostiles  qui  se  déveluU' 
paient  devant  eux  (  i  ).  Alors  se  dessil- 
lèrent les  yeux  de  l'infortuné  Varus  ; 
le  courage  et  la  discipline  des  vain- 
queurs du  monde  firent  des  prodiges  , 
mais  ne  servirent  qu'à  prolonger  leurs 
souffrances.  Elles  durèrent  trois  jours. 
Peut-être  la  valeur  et  la  constance 
romaines,  déployées  dans  ces  jours 
funèbres  ,  sauvèrent-elles  les  Gaules, 
en  détournant  les  Germains  d'une  in- 
vasion ,  dont  la  crainte  remplit  Au- 
guste de  terreur  dans  les  premiers  mo- 
ments {'i);  mais  elles  n'empêchèrent 
pas  Arminius  de  s'emparer  de  trois 
aigles  romaines ,  et  de  mettre  pour 
jamais  un  terme  à  leurs  progrès 
dans  le  Nord  de  la  Germanie.  Varus 
ne  voulut  pas  survivre  à  sa  honte. 
Arminius  souilla  sa  victoire  par  des 
cruautés  inutiles.  La  rage  des  vain- 
queurs s'exerça  particulièrement  sur 
ces  hommes  de  loi ,  dont  les  idées 
et  les  arguties  avaient  si  fort  contrarié 
leurs  habitudes  nationales  :  aux  uns 
ils  coupaient  les  mains;  ils  crevaient 
les  yeux  aux  autres.  Un  soldat  ayant 
arraché  la  langue  à  un  de  ces  légistes, 
et  cousu   sa  bouche ,  ne  pouvait  se 


(i"i  I.es  Bruclères  et  les  Marses  ,  peuples  df  la 
Westphalie  ,  entre  rEms  et  le  Rhia  ,  et  après  le» 
Cbéntsques  ,  membres  principaux  de  la  ligue  d'Ar- 
minius. 

(il  .\  la  première  ncuvelle ,  il  déchira  ses  yéle- 
ments,  prit  toutes  les  luesurcs  que  pouvaient  ins- 
pirer la  consternation  et  Tcffroi,  et  ne  cessa  pen- 
dant plusieurs  mois  Uc  s'ccrier,  en  donnaut  les 
marques  du  plus  violent  désespoir  :  i,  Vt  pet  coii- 
tiniios  mentes  barba  capillorjue  jummiiio  ,  caput 
iiUerJum  foribni  iltidciet,  vociferans.  «  Quin- 
»  tilius  Varus,  r*adt-moi  meiUgiooj.  uSuet.  Ai<;. , 
«U.  a3  ,  34. 


A  R  M 

rassasier  de  cet  liorrible  spectacle ,  et 
s'ëciiait,  en  serrant  la  langue  dans 
sa  main  :  «  Vipère  ,  maintenant  tu 
»  cesses  de  siffler.  »  Le  lieu  précis  du 
cbamp  de  bataille  est  difficile  à  déter- 
miner, les  anciens  ne  le  desiç;nant  que 
sous  le  nom  vague  de  Foret  Teulohur- 
gienne;  mais  les  indications  qu'offre 
le  re'cit  de  Tacite  repoussent  cnticrc- 
ment  l'opinion  du  savant  géographe 
Mannert,  qui  lecherclie  sur  les  confins 
des  comtés  de  la  Lippe  méridionale, 
de  la  Marche,  et  du  duché  de  West- 
phalie  ;  elles  s'accordent  mieux  avec  la 
tradilion  qui  place  la  bataille  de  Varns 
non  loin  des  sources  de  l'Ems  et  de  la 
Lippe,  auprès  de  la  petite  ville  de  Deth- 
moid.  Les  lieux  voisins  son|  pleins  des 
souvenirs  de  ce  mémorable  événement. 
Le  champ  qui  est  au  pied  du  Teute- 
berg,  s'appelle  encore  Wintfeld,  ou 
Champ  de  la  Victoire;  il  est  traversé 
par  le  Rodenhecke ,  ou  Ruisseau  de 
Sang,  et  le  Knochenhach^oa.  Ruisseau 
des  Os,  qui  rappelle  ces  ossements 
trouvés  six  ans  après  la  défaite  de 
Varus ,  par  les  soldats  de  Germanicus , 
venus  pour  leur  rendre  les  derniers 
honneurs.  Tout  près  de  là,  est  Fel- 
drom ,  le  Champ  des  Romains  ;  un 
peu  plus  loin,  dans  les  environs  de 
Pyrmont,  le  Henninsberg ,  ou  Mont 
d'Arrainius ,  couvert  des  ruines  d'un 
château  qui  porte  le  nom  de  Harmins- 
boiirg,  et,  sur  les  bords  du  Weser, 
dans  le  même  comté  de  la  Lippe,  on 
trouve  Varenholz ,  Bois  de  Varus. 
C'est  aussi  dans  cette  même  contrée 
que  Charlemagne  s'empara  d'Ermen- 
sul,  image  d'un  guerrier,  objet  de  la 
plus  ferventeadoration  despeuples  qu'il 
combattait,  et,  suivant  toutes  les  pro- 
babilités ,  dernier  reste  du  cidtc  que 
les  nations  de  la  Germanie  rendaient 
à  leur  libérateur.  Après  avoir  délivré 
son  pays,  Arminius  ne  demeura  pas 
înactif  sous  ses  lauriers j  il  dcliuisit 


A  R  M  485 

les  forts  que  les  Romains  avaient  fait 
bâtir  sur  l'Elbe,  le  Weser  et  le  Rhin.  Il 
fit  plus  ;  il  nourrit ,  dans  sa  nation ,  l'ar- 
deur guerrière  qu'il  croyait,  avec  rai- 
son, être  le  meilleur  boulevart  contre 
la  soif  de  conquêtes  qui  animait  les 
Césars.  Ses  eiforts  ne  furent  sans 
doute  pas  infructueux;  mais  il  eut  à 
combattre  ses  propres  concitoyens, 
dont  un  grand  nombre  demandait  la 
paix  à  tout  prix,  et  surtout  le  chef 
d'une  tribu  puissante,  Ségeste,  dont  il 
avait  enlevé  la  fille ,  promise  à  un  autre 
prince.  Ségeste,  attaqué  par  le  parti 
national,  dont  Arminius  était  l'ame, 
appela  Germanicus  ;  les  Romains ,  ac- 
courus à  sa  prière,  le  dé'ivrèrent  d'une 
espèce  de  siège ,  et ,  parmi  les  prison- 
niers qui  tombèrent  entre  leurs  mains, 
ils  comptèrent  avec  orgueil  la  femme 
d'Arminius  (  i  ).  Elle  se  présenta  devant 
Germanicus ,  avec  un  maintien  et  des 
sentiments  dignes  de  son  époux;  sa 
douleur, dit  Tacite,  était  muette;  elle 
ne  laissa  échapper  ni  larmes  ni  priè- 
res. Ce  grand  peintre  ajoute  qu'elle 
tenait  ses  mains  serrées ,  et  que  ses 
regards  étaient  fixés  sur  le  sein  qui 
portait  le  fils  du  libérateur  de  la  Ger- 
manie (2).  La  trahison  de  Ségeste  et 
le  sort  de  Thousnelda  ,  enflammèrent 
le  patriotisme  d'Arminius ,  et  donnè- 
rent une  nouvelle  énergie  à  sa  voix. 
Son  oncle  Inguiomar,  guerrier  d'un 
grand  et  ancien  renom  dans  l'armée 
romaine,  lui  prêta  tnut  son  appui. 
Germanicus  sen(it  la  nécessité  de  pré- 
venir l'attaque,  et  engagea  une  lutte  (5) 
dont  les  résultats,  quelque  brillants  que 

[  i)  Strabon  noiis  a  conservé  son  nom,  peut-être 
défiguré.  Les  meilleures  éditions  récrivent  7'hous- 
rulda.  Adelun^  liv.  I  ,  p.  33-  1  croit  que  c'est  la 
contraction  ou  Taltération  de  l'heodelini^a.  Quand 
Strabon  rédigeait  r.iriicle  de  sa  géographie  qui 
traite  de  la  Germanie,  le  fils  dont  elle  était  ac- 
couchée à  Ravenne  ,  lieu  de  sa  captivité  ,  avait 
trois  ans  ;  il  le  nomme  l'houmelicus.     , 

(2)  Compressis  inlra  smummanibiu ,  gravidariL 
itterum  irtUtens.  (  ïhid.  ) 

(3  ,  C'estsa  troisième  campagne;  elle  coïncide  avec 
i'iiii  iti  lie  ii'jUc  ère.  Tac,  Anu. ,  lib.  1 ,  ch.  Cu— ;». 

5i.. 


484  A  R  M 

fussent  les  succès  partiels  de  la  valeur 
et  de  la  discijiline  romaines ,  ne  firent 
qu'accroîti'c  la  confiance  et  cimenter  la 
licçue  de  ses  ennemis.  Il  faut  en  voir  les 
détails  dans  Tacite  ;  il  n'échappera 
pas  au  lecteur  attentif  combien  ,  en 
conservant  un  cœur  entièrement  ro- 
main, sa  grande  ame  rend  justice  à  la 
cause  et  au  caractère  d'Arminius;  il 
prend  plaisir  à  donner  aux  discours 
qu'il  met  dans  sa  bouche,  toute  l'éner- 
gie et  toute]|â  chaleur  de  ce  Che'rus- 
que;  il  semble  même  qu'il  écrive  avec 
im  pressentiment  sombre ,  avec  le 
présage  que  la  barrière  e'ieve'e  contre 
les  envahissements  de  Rome  par  le  gé- 
nie d'Armiuius,  s'ouvrant  uu  jour, 
versera  la  honte  et  la  destruction  sur 
sa  patrie  dégénérée.  Il  fait  ciaircment 
entendre  que ,  sans  la  fougue  d'Iuguio- 
mar,  qui  négligea  les  conseils  d'un 
héros  non  moins  prudent  que  brave, 
Arminius  aurait  fait  éprouver  le  sort 
de  Varus  aux  légions  de  GcVina.  L'an- 
née suivante,  Germanicus  fit  de  nou- 
veaux efforts  j  ses  préparatifs  furent 
prodigieux,  et  son  plan,  aussi  sage- 
ment conçu  que  vigoureusement  exé- 
cuté; mais  cette  expédition,  qui  est  sa 
quatrième  en  Germanie,  quoique  il- 
lustrée par  la  défaite d'Arminius,  dans 
les  champs  d'Idistavisus ,  sur  les  bords 
du  Wescr  ( I  ),  n'amena  aucun  résultat 
décisif,  puisqu'elle  finit  par  la  retraite 
des  Romains,  et  par  la  défaite  navale 
la  plus  désastreuse.  C'est  au  commen- 
cement de  cette  campagne,  et  peu 
avant  la  bataille  d'Idistavisus,  qu'Ar- 
minius  demanda  une  entrevue  avec 
son  frère  Flavus,  élevé  en  Italie 
comme  lui,  et  resté  dévoué  aux  inté- 
rêts de  Rc.mc  :  elle  eut  lieu  sur  le  We- 


(i)  Entre  Mlnclen  et  Hanirln  ,  suiT.iDtle  prince 
•^T^que  de  l'jrlerborn  (  Voy.  Moiinm.  Pa/ierb., 
p.  74-  1  •  selon  Citterer,  un  peu  au-dessus  de  Men- 
nourg  l  1.  c. ,  p.  ^Soi  ).  M.murrt  ilierrhe  le  local 
de  1.1  seconde  défaite  entre  I.ockum  et  le  lac  de 
Sletohudc  ,  ilani  le  pnyt  d  Uanovrc  (  t.  UI,  p.  1 13_\ 


ARM 

ser ,  et  se  fit  d'une  rive  à  l'autre,  dans 
la  langue  des  Romains.  Arminius  tenta 
inutilement  de  rattacher  son  frère  à  la 
cause  nationale ,  en  traitant  les  déco- 
rations miUtaires  dont  il  était  orné, 
de  vil  salaire  de  sa  bassesse,  et  de  ga- 
ges d'une  servitude  honteuse.  Le 
fleuve  seul  les  empêcha  de  fondre  l'un 
sur  l'autre.  Flavus  fut  emmené  par  les 
siens,  La  jalousie  de  Tibère  contre 
Germanicus  vint  encore  seconder  les 
efforts  des  confédérés;  mais ,  tranquil- 
les au  dehors,  ils  tournèrent  bientôt 
leurs  armes  contre  eux-mêmes.  Maro- 
boduus ,  roi  des  Suèves  ,  et  fondateur 
de  la  monarchie  des  Marcomans , 
voulut  étendre  ses  conquêtes  au-del.i 
de  la  Saale  et  de  l'Elbe  ;  il  avait  été 
élevé  à  Rome  comme  Arminius,  et  eu 
avait  rapporté  des  principes  entière- 
ment opposés  à  ceux  du  chef  des  Ché- 
rusques;  mais  il  trouva  dans  Arminius, 
un  aussi  redoutable  ennemi  de  ses  pro- 
jets d'asservissement ,  que  les  Romains 
l'avaient  éprouvé  défenseur  ardent  de 
l'indépendance  de  son  pays.  Maigre 
la  défection  d'Inguiomnr,  qui,  dédai- 
gnant de  ^ervir  sous  les  ordres  de  son 
neveu,  se  joignit  à  Marbod ,  Armi- 
nius sortit  vain([ueur  de  cette  guerre 
civile,  et  eut  la  gloire  de  sauver  ses 
compatriotes  de  l'oppression  qui  les 
menaçait  dans  rinîérieur,  après  les 
avoir  affranchis  du  joug  de  l'ctranger. 
L'action  qui  décida  la  (lucrellc  fut 
longue  et  sanglante;  les  Germains  ne 
se  battaient  plus  en  corps  détaohrs , 
et  sans  s'assujciir  à  aut^un  ordre;  Ar- 
minius les  avait  accoutumés  à  la  chsci- 
pline  romaine,  et  leur  avait  fait  faire 
des  progrès  rapides  dans  toutes  les 
parties  de  l'art  militaire.  Les  disposi- 
tions des  combattants  furent  dignes 
de  l'école  où  leurs  chefs  s'étaient  for- 
més, et  le  succès  ,  long-temps  indécis. 
Mais  le  roi  des  Marcomans  ayant  le 
premier  rctué  ses  troupes  du  champ 


ARM 

de  hat.iille ,  l'opiulon  le  déclara  vain- 
cu; il  pcidit,  par  désertion,  la  plus 
gi'ande  partie  de  son  armée,  fut  oblige' 
de  rentrer  avec  précipitation  dans  le 
centre  de  ses  états,  eu  Bohème,  et 
finit  par  se  rcTugier  en  Italie,  où  il 
vécut  dans  le  mépris.  Quand  on  con- 
sidère toutes  les  preuves  de  dévoue- 
ment à  la  cause  de  la  liberté  qu'Ar- 
luiuius  avait  donne'es,  il  est  bien  dif- 
ficile de  croire  qu'il  ait  pu  former  le 
projet  d'asservir  les  hommes  libres  de 
la  Germanie.  Cependant,  Tacite  l'af- 
firme ,  et  son  autorite'  doit  pre'valoir 
sur  des  considérations  purement  mo- 
rales. Tacite  nous  apprend,  qu'aspi- 
rant à  la  royauté,  il  s'attira  la  haine 
de  SCS  compatriotes,  et  pc'rit  à  l'âge  de 
trente-sept  ans  (i),  victime  d'un  com- 
plot de  ses  proches.  Peu  de  temps  avant 
sa  mort ,  Adgandestes  ou  Adgandcs- 
trius ,  prince  des  Gettes ,  avait  e'crit 
au  sénat,  pour  offrir  d'empoisonner 
Armiuius.  Mais  le  se'nat  avait  refuse  de 
faire  commettre  ce  crime.  Arminius 
n'avait  que  26  ans  quand  il  extermina 
les  légions  de  Varus.  Deux  ans  avant 
sa  mort,  il  remporta  sa  victoire  sur 
Maroboduus.  «  Arminius,  dit  Tacite, 
»  fut  incontestablement  le  libérateur 
«  de  la  Germanie  ;  il  ne  combattit  pas  le 
»  peuple  romain  dans  les  commencc- 
w  ments  de  sa  puissance,  comme  d'au- 
»  très  rois  et  d'autres  généraux ,  mais 
»  au  faîte  de  sa  gloire,  et  dans  les 
»  temps  où  l'empire  avait  atteint  le 
»  plus  haut  degré  de  splendeur  :  il  ne 
»  fut  pas  toujours  heureux  ;  mais  il  ne 
»  cessa  pas  un  moment  d'imposer  au 
»  vainqueur,  par  son  altitude  et  par 
»  ses  forces.  Pendant  douze  ans  ,  l'ar- 
»  bitre  des  affaires  de  la  Germanie, 
»  du  gré  de  ses  coucitojous,  il   fut 


(O  L'an  7-5!  de  Rome  ,  19  de  J.-G.  (  Tac.  Ann. , 
liv.  U,  c.  8K  .  S- Ion  quelques  cbronologistes,  la 
mort  d'Arniinius  doit  être  placée  sous  Tan  20  ou  ai 
de  i.-C.  Nous  suivons  l'exact  et  savant  Gatlerer; 


ARM  485 

»  l'objet  de  leur  vénération  après  sa 
»  mort.  »  C'est  à  lui  qu'ils  doivent  la 
conservation  de  leur  indépeudance  po- 
litique ,  de  leur  existence  nationale ,  et, 
par  conséquent,  de  leur  langue,  qui, 
sans  les  victoires  d'Arminius ,  chassée 
par  le  latin,  ou  reléguée  comme  le 
celtique,  dans  quelques  districts  écar- 
tés ,  ne  serait  plus ,  aujourd'hui ,  le  lien 
de  tant  de  peuples  estimables,  et  la 
source  d'une  des  littératures  qui  font  le 
plus  d'honneur  à  l'esprit  humain.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  que  la  mé- 
moire de  ce  héros  leur  soit  chère,  et 
que  leur  plus  grand  poète  l'ait  célébrée. 
On  a  deux  poëines  de  l'auteur  de  la 
Messiade ,  dont  Herraann  est  le  sujet  : 
nous  en  parlerons  à  l'article  deKLOP- 
STOCK  (Voyez  aussi  celui  de  Lohens- 
TEiar,  dont  Y  Arminius  eut  le  plus 
grand  succès  ,  à  une  époque  où  le  goût 
des  Allemands  n'était  pas  encore  fir- 
me). L'historien  moderne  qui  a  mis  le 
mieux  en  œuvre  les  passages  des  an- 
ciens où  il  est  fait  mention  de  Her- 
mann,  estSchmidt,  dans  le  \".  vol.  de 
son  Histoire  des  Allemands.  S— r. 
ARMINIUS  (Jacques)  ,  propre- 
ment Harmensen  (  et  non  Hermanns), 
chef  de  la  secte  des  arminiens ,  ou  re- 
montrants ,  naquit ,  en  1 56o ,  à  Oude- 
Water ,  dans  la  Sud-Hollande ,  où  son 
père  était  conseiller.  Il  le  perdit  de 
bonne  heure ,  et  n'aurait  pu  se  livrer 
aux  études ,  sans  les  secours  de  quel- 
ques bienfaiteurs ,  et  du  magistrat  de 
Lcyde.  11  les  fit  dans  cette  dernière 
ville,  à  Marbourg,  à  Genève,  sous 
Th.  de  Bèzc  ,  et  à  Bâle ,  sous  Gry- 
naeus.  De  là,  il  retourna  à  Genève  ,  où 
l'ardeur  avec  laquelle  il  avait  soutenu 
la  philosophie  de  Ramus,  lui  avait, 
pendant  son  piemier  séjour ,  attiré  des 
désagréments.  Le  désir  d'entendre 
Jacques  Zobarella  lui  ayant  fait  faire 
le  voyage  de  Padoue ,  la  curiosité  le 
conduisit  à  Romej  curiosité  dont  on 


486  A  R  ]M 

ne  lui  sut  pas  de  gre  en  Hollande  ; 
mais  les  jnëvcntions  qui  s'ctaienl  éle- 
vées contre  lui  se  dissipèrent  bien- 
tôt ,  lorsque ,  de  retour  dans  son  pays , 
il  se  fit  entendre  dans  les  chaires  de 
l'église  réformée.  Ses  succl's  lui  valu- 
rent une  place  de  pasteur  à  Amster- 
dam, en  1 588  ,  et  bientôt  après  ,  une 
correspondance  qui  lui  donna  occasion 
de  changer  ses  idées  en  théologie ,  et 
iit  naître  le  parti  considérable  ,  connu 
sous  son  nom.  Des  ecclésiastiques  de 
Dcift  avaient  publié  un  livre  oîi  la  doc- 
trine de  Calvin ,  sur  la  prédestination, 
cîait  combattue  ;  INIartin  Lydius ,  pro- 
fesseur à  Franecker  ,  s'adressa  à  Ar- 
îninius  ,  pour  l'engager  à  réfuter  cet 
écrit.  Arminius  ,  en  l'examinant  , 
trouva  les  doutes  des  théologiens  de 
Deift  fondés ,  et  finit  non  seulement 
par  adopter  leurs  sentiments  sur  le 
point  en  litige,  mais  par  leur  donner 
beaucoup  plus  de  développement,  en 
.se  prononçant  avec  force  contre  le  sii- 
]>rnlapsarisme ,  c'est-à-dire ,^ contre 
le  dogme  qui  représente  la  chute  d'A- 
dam comme  !a  suite ,  et  non  conmic  la 
cause  des  décrets  de  Dieu  sur  la  ré- 
demption. Révolté  de  l'idée  querètrc 
souverainement  bon  devait  avoir  ,  de 
toute  éternité,  condamné  les  ims  au 
péché  et  à  la  douleur  ,  et  prédestiné 
les  autres  <à  l'adojUion  de  la  foi  salu- 
taire et  à  la  félicité  cé'este  ,  sans  autre 
motif  que  son  bon  plaisir,  pour  faire, 
des  premiers ,  des  monuments  de  sa 
justice,  pendant  que  les  derniers  prou- 
veraient sa  miséricorde ,  il  enseigna 
que  Dieu  avait  laissé  à  tous  les  hommes 
la  faculté  de  s'appliquer  les  bientaits  de 
sa  grcàce  ,  offerts  à  tous  ceux  qui  s'en 
rendraient  dignes  par  leurs  efforts. 
Celte  doctrine  fit ,  des  sou  origine , 
beaucoup  de  bruit ,  et  trouva  un  grand 
nombre  d'adversaires  ardents  ;  mais 
elle  n'empêcha  pas  les  curateurs  de 
l'université    de  Levde   d'offrir ,    en 


A  11  ^î 

1 6o5 ,  rà  Arminius ,  une  chaire  de  théo- 
logie, vacante  par  la  mort  de  Frau- 
çois  du  Jon  (  Franc.  Junius  ).  Dans 
cette  nouvelle  place,  que  ses  parois- 
siens le  virent  accepter  avec  regret, 
il  eut  à  soutenir  les  attaques  de  son 
collègue  François  Gomarus,  zélé  cal- 
viniste; la  dispute  s'échauffa,  les  deux 
partis  des  arminiens  et  des  goma- 
ristes  se  formèrent;  et,  bien  que  les 
plus  grands  hommes  de  la  république, 
Hugo  de  Groot  (  Giotius ) ,  Rembold 
Hoogerbeets,  et  l'ornement  de  sa  pa- 
trie ,  Jean  van  Olden-Barneveld,  pen- 
chassent pour  ses  opinions  ,  et  le  pro- 
tégeassent contre  la  violence  des  go- 
maristes  ,  cette  controverse  prenant 
chaque  jour  une  tournure  plus  alar- 
mante, ôta  toute  franquillilé  à  Armi- 
nius, et  contribua  indubitablement  a 
abréger  ses  jours.  Il  mourut  le  19  oc- 
tobre 1 609 ,  laissant  sept  fils  et  de 
nombreux  disciples  ,  qui  obtinrent 
d'abord  la  faculté  de  professer  leurs 
principes  en  toute  liberté  ;  mais  qui 
ensuite,  victimes  de  la  haine  de  Mau- 
rice, prince  d'Orange,  contre  Olden- 
Barneveld  ,  furent  enveloppés  dans 
la  chute  du  parti  républicain  ,  et  con- 
damnés par  le  synode  de  Dordrecht, 
convoqué ,  eu  1618  ,  par  leurs  enne- 
mis religieux  et  pohtiques.  Voici  les 
cinq  articles  que  les  arminiens  présen- 
tèrent aux  États  de  Hollande ,  eu  1610, 
comme  renfermant  toute  la  doctrine 
de  leur  chef ,  tels  qu'ils  se  trouvent 
dans  leur  Mémoire ,  intitulé  Remon- 
trances, d'où  ils  ont  pris  le  nom  de 
remontrants,  i".  Dieu  a,  de  toute  éter- 
nité, décrété  d'admettre  au  nombre 
des  élus  ceux  qu'il  a  prévu  devoir 
garder  la  foi  en  J.  -  C. ,  inviolable  jus- 
qu'à leur  mort  ;  2°.  J.-C.  a  expié  les 
péchés  de  tous  les  hommes ,  sans  ex- 
ception, quoique  ceux-là  seuls  qui 
croient  en  lui  puissent  s'en  apphquer 
les  fruits;  3'.  saus  la  coopération  ilu 


ARM 

S.  Esprit ,  riidfnmc  naturellement  en- 
clin au  mal ,  ne  peut  produire  en  lui 
la  loi  salutaire  5  l\^".  la  j^ràce  divine  est 
la  source  de  tout  bien  dans  l'iiorame , 
<'t  les  bonnes  œuvres  ne  peuvent  être 
attribuées  qu'à  ce  secours  de  Dieu  ; 
juais  la  grâce  n'exerce  pas  sur  la  vo- 
lonté du  pécheur  une  force  irrésis- 
tible ,  et  peut  être  repoussée  par  sa 
perversité;  5'.  ceux  qui  sont  unis  au 
Christ  par  la  foi ,  ont  des  forces  suffi- 
santes pour  vaincre  tous  les  obstacles 
au  bien  ;  en  revanche ,  on  ne  jiourra, 
qu'au  moyen  d'un  examen  plus  ap- 
profondi des  saintes  Eci'itures  ,  déter- 
miner s'il  est  possible  que  l'homme 
régénéré  sorte  de  l'état  de  grâce  et 
perde  sa  foi.  Ces  cinq  articles  n'offrent 
rien  qui  ne  soit  conforme  à  la  doctrine 
orthodoxe  de  l'église  luthérienne  j  les 
gomaristes  ,  ou  auti  -  l'cmontrants  , 
n'auraient  pas  eu  l'ombre  de  droit  d'ac- 
cuser les  arminiens  d'hérésie ,  si  les 
successeurs  d'Arininius  ne  s'étaient 
pas  expliqués  avec  moins  de  retenue, 
sur  les  conditions  du  salut ,  que  ne 
l'avait  fait  ce  chef.  Lorsqu'aprcs  la 
mort  de  Maurice ,  ils  obtinreiit  la  fa- 
culté de  rentrer  dans  leur  patrie ,  et  de 
professer  librement  leurs  principes, 
Episcopins  ,  et  ses  successeurs  dans 
la  chaiie  de  théologie  au  gymnase 
fondé  h  Amsterdam  par  les  Arminiens, 
enseignèrent  ouvertement  que  ,  pour 
avoir  des  droits  au  titre  de  disciple, 
et  aux  bienfaits  de  J.-C. ,  il  suffisait  de 
reconnaître  le  Nouveau  Testament 
pfjjur  règle  de  la  foi ,  de  fuir  l'idolâ- 
trie et  le  vice  ;  de  mener  une  vie  con- 
t  forme  à  l'Evangile,  et  de  regarder 
comme  frères  tous  ceux  qui  faisaient 
de  même  ,  quelles  que  fussent  d'ail- 
leurs leurs  opinions  sur  le  dogme  , 
pourvu  qu'ils  n'adoptassent  aucune 
maxime  d'exclusion  et  d'intolérance 
envers  les  chrétiens  dissidents.  L'équi- 
table et  judicieux  Moshcin  n'hésite 


A'RM 


487 


pas  à  attribuer  à  Arminius  des  senti- 
ments analogues  à  ceux  des  Arminiens 
modernes,  et  le  projet  de  réunir,  à 
l'exception  de  la  communion  romaine, 
toutes  les  autres  sectes  chrétiennes  eu 
une  seule  société  rehgieuse.  11  croit 
que  la  prudence  et  une  mort  préma- 
turée l'empêchèrent  seules  de  parler 
avec  la  même  franchise,  et  de  prêcher 
cette  doctrine  de  ses  illustres  succes- 
seurs ,  qui ,  dans  les  temps  modernes  , 
a  fait  de  si  grands  progrès  au  sein  de 
toutes  les  églises  chrétiennes  de  l'Eu- 
rope éclairée.  La  vie  d'Arminius  fut 
irréprochable  ,  et  sa  piété  aussi  douce 
que  sincère.  Sa  devise  était:  Une  bonne 
conscience  est  lejmradis.  Ses  oeuvres 
consistent  en  quelques  Traités  de  théo- 
logie sur  la  prédestination,  et  en  une 
Analj'Se  des  chap.  Yll  et  IX  de  VÉ- 
jjitre  aux  Romains,  texte  classique 
pour  toute  celte  discussion  ;  elles  for- 
ment un  vol.  in-4  ". ,  imprimé  à  Leyde, 
en  lôiiQ,  et  très  -  souvent  dans  la 
suite.  Gaspar  Brandt  est  le  meilleur 
biographe  d'Arminius ,  ffist.  vilce  Ar- 
min.  Leyde,  1 7'.>./|,  in-8.  Son  portrait 
est  dans  la  B'ihl.  calcogr.  Boissard, 
N".  226.  S— R. 

ARMSTnONG  (Jean),  poète  et 
médecin  écossais  ,  né  vers  l'année 
3  709  ,  était  fils  d'un  ecclésiastique  dé 
(iaslleton ,  dans  le  comté  de  Roxburgh. 
Après  avoir  étudié  la  médecine  à  l'uni- 
versité d'Edimbourg,  il  vint,  en  1 732, 
s'ctabUr  à  Londres ,  où  il  se  fit  bien- 
tôt remarquer ,  mais  plutôt  comme 
littérateur  et  homme  d'esprit  que 
comme  médecin.  Le  premier  essai  pu- 
blic qu'il  fit  de  ses  talents,  en  1755^ 
fut  une  satire  ingénieuse  contre  les 
empyriques,  écrite  à  la  manière  de 
Lucien,  et  intitulée  :  Essai  sur  l'art 
d'abréger  l'étude  de  la  médecine, 
auquel  étaient  joints  un  Dialogue 
entre  Ifygie  ,  Mercure  et  Phi  ton  , 
rdaiivevient  à  la  pratique  de  la 


4S8  A  R  M 

médecine  ,  suivant  la  méthode  de 
certaine  illustre  société;  et  une  Epi- 
tre  du  penaii  UsheckàJosné  fFurd. 
Vi  publiri  en  1757,  im  l.aitc  dogma- 
tique sur  la  Maladie  vénérienne ,  et 
blcutôl  après ,  un  poëme  int  tiilei'£co« 
j20ihïe  de  l'Amour.  Ce  p'  ëme  eut  un 
giaud  succès,  mais  .111  genre  de  succès 
qui  compromit  le  caractère  ui: 'rai  de 
l'auteur.,  plus  cucore  (fu'il  n'honora 
son  talent  poétique  ;  car  il  tenait  plus 
à  certaines  peintures  licericieuses,  qu'à 
la  beauté'  des  vers.  Armstrong  chercha 
à  réparer  ce  scandale,  dans  une  édi- 
tion qu'il  doin.a  de  son  poème,  eu 
1  768  ,  et  dans  l?(jueUe  il  retrancha 
ou  adoucit  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
libre  dans  la  première.  L'ouvrage  sur 
lequel  se  fonde  principalement  aujoiu- 
d'hui  sa  réputation  ,  c'est  son  pocmc 
^u^  XAri  de  conserver  la  santé ,  pu- 
Itlié  en  17 44  »  et  regardé  comme  l'un 
des  plus  beaux  poèmes  didactiques 
qui  existent  dans  la  langue  anglaise. 
JiCs  gens  de  goiii  le  metlenl  au  nombre 
des  ouvrages  classiques  de  celte  langue. 
]j'auleur  ,  au  jugement  de  ses  compa- 
triotes ,  écrit  avec  chaleur ,  et  joint 
rénergie  de  la  pensée  à  la  clarté  et  à 
réiégance  du  stsle.  Il  ne  croit  pas, 
comme  la  plujiarl  des  poètes  anglais, 
que  le  langage  poétique  consiste  dans 
les  invei'sions  forcées ,  les  images  bi- 
zarres ou  les  constructions  inusitées. 
"iJArl  de  conserver  la  santé  a  été 
très-souvent  réimprimé,  soit  séparc- 
jnent,  soit  dans  dilférentes  collections. 
Arm.<:troug  était  d'un  naturel  indolent 
ot  mélancolique  ,  et  portail  dans  la 
société,  une  habitude  de  lacituruile  et 
liiie  suscep'ibilitcdecaractère,  qui  nui- 
sirent à  sa  fortune  comme  à  sa  réputa- 
tion. Il  obtint,  en  17<)0,  la  place  de 
médecin  der.<rmée  d'AlieUia^ne,  qu'il 
exerça  jusqu'à  la  paix  de  1  7G'>,  époque 
oii  il  rc\i!;tà  Londres.  Il  fil,  en  1771, 
ua  voyage  en  France  cl  en  Italie ,  dt-nt 


A  R  N  • 

il  a  donné  une  courte  felafion ,  en  5e 
déguisant  sous  le  nom  de  Lancelot 
Temple.  Outre  les  ouvrages  dont  nous 
avons  fait  mention ,  on  a  de  lui  un 
poème  sur  la  Bienveillance  ,  i75i  J 
le  Goût,  épilre  à  un  jtwie  critique, 
1755;  Essais  sur  difjérents  sujets, 
eu  prcsc  ,  publiés  sous  le  nom  de 
Lancelot  Temple,  eu  1  758;  le  Jour , 
poëmej  Essais  de  médecine,  et  quel- 
ques autres  écrits.  Il  mourut  en  1 779. 
S— D. 

ARNALDO  (  Pierre-Antoine  ) ,  né 
en  i658,  à  Villefranche ,  comté  de 
Kice,  à  l'âge  de  dix  -  sept  ans,- alla 
étudier  la  tl)éologie  au  collège  de  Brera, 
à  Milan;  il  y  fut  reçu  docteur,  et  de- 
vint prolonotairc  apostohqr.e.  On  a  de 
lui ,  outre  quelques  ouvrages  de  piété, 
L  un  Discours  sur  l'inauguration  du 
pape  Alexandre  fil,  et  un  Elos,e 
de  lévéque  de  Nice  ;  1 1 .  Honorato  II 
principi  Monacœo ,  etc. ,  poéticœ  gra- 
lulationes ,  Milan  ,  in  -  4".;  HL  Iti 
Gloria  veslita  a  lullo  per  la  morte 
di  Carlo  Emmanuelle  II ,  duca  di 
Savoia,  Turin,  1G76,  in-4". ;  c'est 
un  poème  en  octaves  ;  IV.  il  Giardin 
dtl  Piemonte  oggi  vivenle  nelV  anno 
1675,  diviso  inprincipi,  dame,pre- 
lati ,  abati ,  cavalieri ,  ministri ,  etc. , 
Turin,  -lOSS,  in-y.  C'est  un  recueil 
de  sonnets  ,  d'odes  ou  canzoni ,  à  la 
louange  des  personnages  les  plus  illus- 
tres de  la  cour  de  Tmiu,  de  ce  temps-là. 
G— £. 

ARNAUD  DE  CARCASSES,  trou- 
badour de  la  iin  du  i5  .  siècle,  dj^st 
connu  que  par  une  novelle ,  espèce  de 
fabliau  dans  le  genre  de  ceux  que  com- 
posaient les  trouvères  français.  Ce 
conte,  dans  lequel  un  perroquet  est 
le  principal  interlocuteur,  oflrc  un  mé- 
lange bizarre  d'idées  morales  et  de 
conseils  très  -  condamnables.  On  en 
jugera  par  celui  que  donne  le  messager 
ailé  à  une  dame  aimcL'  d'Antiphai:o;î, 


ARN 

maître  clii  perroquet, de  se  laisser  en- 
lever au  moment  où  il  mettra  le  feu  à 
la  tour,  avec  du  feu  grégeois;  expe'dieut 
qui  est  adopte  et  qui  réussit.  L'auteur 
termine  ainsi  son  conte  :  «  Ceci  a  été 
»  fait  par  Aa'naud  de  Carcasses,  qui  a 
»  aimé  beaucoup  de  dames ,  et  pour 
»  corriger  les  maris  qui  veulent  gar- 
»  der  leurs  femmes.  Il  vaut  mieux  les 
»  laisser  aller  oîi  il  leur  plaît;  c'est  le 
»  parti  le  pins  sûr.  »  P — x. 

ARNAUD  DE  Marveil  ,  ou  AR- 
NAUT,  troubadour  du  i-i".  siècle. 
Ne'  de  parents  pauvres ,  il  fit  des  ef- 
forts pour  s'élever  au-dessus  de  leur 
basse  condition.  Apres  avoir  exercé 
quelque  temps  l'état  de  clerc ,  qua- 
hté  que  l'on  donnait  non  seulement 
aux  ecclésiastiques ,  mais  aussi  aux 
laies  qui  remplissaient  des  fonctions 
assez  semblables  à  celles  des  notaires, 
il  pensa  qu'avec  une  figure  agréable  et 
quelques  taleuts  pour  la  poésie ,  il  se 
distinguerait  dans  le  monde.  Il  fut  en 
effet  très-bien  accueiiii  à  la  cour  d'A- 
délaide  ,  comtesse  de  Béziers ,  femme 
de  Roger  II,  vicomte  de  Bcziers,  sur- 
nommé TaiUefer.  Selon  l'usage ,  Ar- 
naud célébra  la  beauté  et  les  grâces  de 
sa  bienfaitrice  ;  mais  ces  éloges  ,  d'a- 
bord dictés  par  la  reconnaissance , 
furent  bientôt  inspirés  par  la  passion 
la  plus  vive.  Plusieurs  pièces  de  vers 
très-longues  peignent  ses  sentiments 
et  ses  espérances ,  et ,  lors  même  qu'il 
se  plaint  de  l'exagération  de  ses  con- 
frères, il  épuise  les  comparaisons. 
«  La  fraîcheur  de  l'air,  l'émail  des 
»  prés,  le  coloris  des  fleurs,  en  me 
-  »  retraçant  quelques-uns  de  ses  ap- 
»  pas,  m'invitent  sans  cesse  à  laclian- 
»  ter.  Grâces  aux  exagérations  des 
»  troubadours,  je  puis  la  louer  autant 
»  qu'elle  en  est  digne;  je  puis  dire 
»  impunément  qu'elle  est  la  plus  belle 
»  dame  de  l'univers.  S'ils  n'avaient 
»  paj;  prodigue  cent  fois  cet  éloge  à 


A  R  N  48(^ 

»  qui  ne  le  méritait  point ,  je  n'osc- 
»  rais  le  donner  à  celle  que  j'aime  : 
»  ce  serait  la  nommer.  »  H  est  diffi- 
cile ,  quand  on  chante  aussi  longue- 
ment ,  de  ne  pas  commettre  quelques 
indiscrétions.  Adélaïde  fui  obligée  d'é- 
loigner son  troubadour  :  il  se  retira 
à  la  cour  du  seigneur  de  Montpellier, 
où ,  après  avoir  exhalé  ses  regrets  et 
ses  remords ,  il  composa  une  pièce 
d'environ  quati'e  cents  vers  ,  dans  la- 
quelle il  semble  avoir  pour  objet  d'en- 
seigner l'art  de  se  conduire  dans  le 
monde.  Cette  épître  murale  pai-aît  être 
la  dernière  production  de  ce  poète  :  elle 
offre  quelques  traits  qui  peignent  les 
mœurs  du  temps;  mais ,  amoureux  ou 
moraliste ,  Arnaud  fut  toujours  très- 
diffus.  Ce  troubadour  dut  le  nom  de 
Marveil  ou  Marvelh  à  celui  d'un  châ- 
teau du  Périgord,  dans  lequel  il  était 
né.  P — X. 

ARNAUD  Damel  ,  troubadour 
du  \'i\  siècle ,  né  de  parents  nobles, 
au  château  de  Ribeyrac ,  en  Périgord. 
Si  l'on  juge  du  mérite  de  ce  poète  parles 
pièces  qu'on  a  recueillies  de  lui,  on  aura 
de  la  peine  à  lui  accorder  la  préférence 
sur  d'autrestioubadoursde  son  temps; 
cependant  les  anciens  auteurs  italiens 
semblent  lui  assigner  le  premier  rang  : 
le  Dante  surtout  le  cite  comme  le  poète 
qui  faisait  le  mieux  des  vers  tendres 
eu  langue  romance  provençale  ,  et  ne 
prise  pas  moins  la  prose  de  ses  ro- 
mans. Pétrarque,  qui  le  place  à  la 
tête  des  poètes  provençaux  ,  l'ap- 
pelle le  grand  maître  d^ amour;  l'a- 
mant de  Laure  a  même  terminé  une 
stance  d'inie  de  ses  chansons  par  un 
des  vers  d' Ai-uaud  Daniel  ;  à  la  véiité , 
on  a  prétendu  que  ce  vers  n'était  peint 
de  ce  troubadour,  et  ce  doute  est 
l'objet  d'une  longue  digression  qu'on 
peut  lire  dans  l'ouvrage  de  Crescim- 
beni.  Il  paraît ,  au  reste ,  que  les  meil- 
leures pièces  de  ce  poète  ont  été  per- 


490  ARN 

(lues  ,  puisque  celles  qui  nous  restent 
ne  pourraient  soutenir  la  comparai- 
sou  du  coté  de  l'imagination  et  de  la 
grâce  avec  celles  de  quelques-uns  de 
ses  contemporains.  Arnaud  Daniel  est 
rinventeur  d'un  genre  de  composition 
nomme'  sestine ,  dont  le  mérite  con- 
siste dans  certaines  combinaisons  et 
répétitions  :  il  attachait  surtout  beau- 
coup d'importance  à  la  rime.  11  joignait 
au  talent  de  la  poésie  celui  de  faire  les 
iiirs  de  ses  cliansons,  qu'il  exécutait 
aussi  bien  que  le  meilleur  jongleur. 
P— X. 

ARNAUD  DE  Marsan  ,  troubadour 
5ur  la  vie  duquel  on  n'a  point  de  dé- 
tails ;  mais  que  Millot  suppose  appar- 
tenir à  l'illustre  maison  de  Marsan.  On 
peut  croire  en  effet ,  d'après  la  pièce 
qui  nous  reste,  que  ce  poète,  quiflo- 
lissait  sans  doute  vers  la  fin  du  |5^ 
siècle,  joignait  l'éclat  d'un  grand  nom 
à  celui  du  talent.  Cette  pièce  est  très- 
curieuse,  parce  qu'elle  peint  les  modes, 
et  la  manière  de  vivre  des  grands  sei- 
gneurs du  temps  :  c'est  une  espèce 
d'instruction  de  chevalerie  dont  Millot 
donne  un  long  extrait  dans  son  His- 
toire des  Trouhadcurs.  Cette  instruc- 
tion est  remarquable  en  ce  qu'elle  ne 
contient  aucun  conseil  dont  l'honnê- 
teté puisse  s'offenser,  ce  qui  est  fort 
rare  dans  les  pièces  du  même  genre 
et  du  même  temps.  P — x. 

ARNAUD  DE  TiNTir.NAC ,  trouba- 
dour du  14*^.  siècle,  que  No^tradamus 
nomme,  avec  raison ,  .4 niant  de  Cnti- 
gjiac ,  naquit  sans  fortune,  et  dut  à  ses 
talents  poétiques  la  faveur  de  Louis , 
roi  de  Sicile  et  comte  de  Provence ,  qui 
l'employa  dans  des  négociations  4ont 
le  succès  fut  récompensé  par  le  fief  de 
Cotignac.  Il  fut  moins  heureux  en 
amour;  n'ayant  pu  faire  agréer  ses 
vœux  à  Isnacde  ,  fille  du  seigneur 
d'Antravènes ,  il  se  décida  à  voyager 
dans  le  Lcvaiit.  Les  trois  Chansons 


ARN 

qu'on  nous  a  conservées  de  ce  trou- 
badour justifient  assez  l'indifférence 
d'Isnarde.  On  a  été  obligé  de  tirer  ces 
détails  de  Nostradamus ,  historien  peu 
digne  de  foi,  et  que  Crcscimbeni  a 
consulté.  P — X. 

ARNAUD  DE  Bkescia,  né  au  com- 
mencement du  i-i".  siècle,  vint  en 
France  dans  sa  jeunesse,  et  fut  dis- 
ciple d'Abailard.  Jl  s'élevait  alors  des 
opinions  nouvelles  qui  entraînaient 
les  meilleurs  esprits  ;  et  S.  Bernard  s'en 
plaint  dans  plusieurs  de  ses  lettres. 
Cet  amour  des  nouveautés  dange- 
reuses enflamma  l'imagination  d'Àr- 
naiid  et  égara  son  zèle.  11  quitta  l'é- 
cole d'Abailard  ])Our  retourner  en 
Italie,  où  il  pint  l'habit  monastique, 
et  chercha  bientôt  à  se  faire  un  nom 
en  prêchant  la  réforme  du  clergé.  Le 
clergé  était  a'ors  fort  corrompu  ; 
l'abbé  de  Cîteaux ,  et  quelques  autres 
avaient  entrepris  de  le  réformer  j  Ar- 
naud alla  beaucoup  plus  loin  ;  il  vou- 
lut le  dépouiller  de  tous  ses  biens 
temporels,  cl  le  ramener  au  temps 
de  la  primitive  église  ;  il  eut  pour  lui 
les  nobles,  jaloux  de  la  puissance  des 
prêtres ,  et  le  ])euple ,  toujo\us  prêt  à 
adopter  les  opinions  qui  tondent  à 
dépouiller  les  riches.  Sa  doctrine  fit 
fermenter  toutes  les  têtes ,  et  le  j)re- 
mier  succès  do  ses  prédications  fut 
une  révolte  du  peuple  de  Ereseia  con- 
tre son  évêque.  Le  clergé  porta ,  de 
toutes  parts  ,  ses  plaintes  au  pape , 
qui  ,  dans  le  concile  de  Latran  ,  en 
ij^f),  condamna  la  doctrine  d'Ar- 
jiaud ,  et  ordonna  qu'il  fiit  enferme. 
Poursuivi  par  les  foudres  de  Rome, 
Arnaud  qr.itt.''  l'Italie,  et  vint  à  Zu- 
rich, oiV  il  déclama,  avec  succès, 
contre  l'opuienre  des  prêtres ,  au  mi- 
lieu d'un  peuple  et  d'un  clergé  pauvres; 
il  était  sur  le  point  d'entraîner  dans 
son  parti  le  légat  du  pape,  lorsque 
les  Épîtres  de  S.  Bernard  vinrcn!.!!- 


ARN 

faiblir  l'autorité  de  ses  discours ,  et 
troubler  sa  retraite.  Il  fut  bientôt  per- 
sécute eu  Suisse  comme  il  l'avait  e'të 
en  Italie  ;  mais  sa  doctrine  faisait  des 
progrès  rapides,  et  menaçait  le  sou- 
verain pontife  jusque  sur  la  chaire  de 
Pierre.  Innocent  II  venait  de  mourir; 
stjn  faible  successeur ,  Lucius ,  n'a- 
vait pu  étouffer  l'esprit  de  sédition 
qui  s'était  emparé  du  peuple  de  Rome; 
Eugène  III ,  plus  faible  encore ,  vit 
éclater  la  révolte  sans  pouvoir  l'arrê- 
ter. Ce  fut  alors  qu'Arnaud  conçut 
le  ju'ojet  hardi  de  se  rendre  à  Rome , 
et  de  porter  l'étendard  de  la  réfor- 
me ecclésiastique  et  de  la  liberté  civile 
dans  la  capitale  du  monde  chrétien. 
11  avait  peut-être  été  appelé ,  dit  Gib- 
bon ,  par  les  nobles  et  par  le  peuple. 
Il  déclama  avec  violence  contre  le 
luxe  et  les  vices  du  clergé  :  mêlant 
dans  ses  discours  les  passages  de  Tite- 
Live  et  de  S.  Paul ,  les  maximes  de 
l'Evangile  et  celles  de  la  politique  ,  il 
rappela  aux  Romains  la  grandeur  de 
l'ancienne  Rome  et  la  simplicité  de 
la  primitive  Église  ,  réveillant  ainsi 
toutes  les  passions.  Il  réussit  à  faire 
chasser  le  pape  de  Rome,  et  resta  le 
chef  du  peuple  que  sa  doctrine  avait 
entraîné  dans  la  révolte.  Son  règne 
dura  dix  ans ,  et  ne  fut  qu'ime  longue 
sédition ,  dans  laquelle  on  pilla  les 
palais,  on  démolit  les  maisons,  on  se 
partagea  les  dépouilles  des  vaincus  , 
en  invoquant  tour  à  tour  le  nom  des 
apôtres  et  celui  des  Caton  ,  des  Paul- 
Emile  et  des  Fabius.  S.  Bernard  dé- 
clame vivement  ,  dans  ses  lettres  , 
contre  les  Romains ,  entraînés  par  Ar- 
naud de  Brescia,  et  l'histoire  est  for- 
cée d'avouer  que  ce  qu*il  en  dit  n'est 
point  exagéré.  Cependant  les  choses 
commencèrent  à  changer  à  l'avène- 
ment d'Adrien  IV  ,  et  la  démocratie, 
fondée  par  Ai'naud,  trouva  son  écuf  il 
dans  ses  excès.  Un  cardinal,  blesse 


ARN  40  î 

ou  tué  dans  la  rue,  commença  à  de- 
populariser  le  parti  des  séditieux,  l.e 
pape  profita  de  cette  occasion  pour 
jeter  un  interdit  sur  le  peuple  de  Rome  ; 
depuis  Noël  jusqu'à  Pâques,  la  ville 
fut  privée  du  culte  religieux.  Le 
peuj^le ,  qui  avait  fait  trembler  le  sou- 
verain temporel ,  trembla  à  son  tour 
devant  le  chef  spirituel  de  l'Église. 
Les  Romains  expièrent  leur  révolte 
par  le  repentir ,  et  n'hésitèrent  point 
à  acheter  leur  grâce  et  leur  absolu- 
tion par  l'exil  du  prédicateur  qu'ils 
avaient  long-temps  révéré  comme  un 
législateur  et  comme  un  prophète. 
Arnaud  se  retira  à  Otiricoli  en  Tos- 
cane, où  il  fut  accueilli  par  le  peuple 
et  même  par  les  grands  qui  étaient 
0]ppo5.és  au  souverain  pontife  ;  sa  doc- 
trine avait  trop  de  partisans  pour 
que,  dans  sa  retraite,  il  ne  donnât 
pas  au  pape  de  vives  inquiétudes. 
Le  couronnement  de  Frédéric  Barbe- 
rousse  vint  offrir  à  Adrien  une  occa- 
sion de  se  défaire  du  plus  dangereux 
de  ses  ennemis  ;  le  pape  exposa  à 
l'empereur  les  funestes  conséquences 
de  la  doctrine  d'Arnaud  de  Brescia  j 
Frédéric  se  laissa  d'autant  plus  facile- 
ment persuader,  qu'il  avait  lui-même 
quelque  chose  à  obtenir  du  souverain 
pontife;  il  fit  enlever  Arnaud,  qui  fut 
traîné  à  Rome ,  condamné  par  le  pré- 
fet ,  et  brûlé  vif,  en  1 1 55,  sous  les  yc"X 
du  peuple,  qui  applaudit  à  sa  mort  et 
ne  larda  pas  à  le  regretter.  Les  cendres 
du  martyr  de  la  liberté  furent  jetées 
dans  le  Tibre,  pour  qu'il  ne  restât 
rien  de  lui  qui  pût  réveiller  l'enthou- 
siasme de  ses  partisans  ;  mais  sa  doc- 
trine vivait  encore  dans  l'esprit  de  la 
multitude ,  et  souleva  plusieurs  fois , 
dans  la-  suite ,  les  Romains  contre  les 
chefs  de  l'Église.  Arnaud  de  Bresse 
avait,  comme  tous  les  novateurs,  un 
esprit  inquiet  et  une  imagination  ar- 
dente :  son  caractère  ne  connaissait 


4()i  A  UN 

point  d'obstacles  ;  son  éloquence  élait 
vive  et  entraînante  ;  apôtre  fanatique 
de  !a  pauvreté ,  il  n'est  pas  inutile  de 
remarquer,  pour  le  temps  où  nous 
sommes,  qu'il  méprisait  de  bonne  foi 
les  richesses;  partisan  de  la  réforme  ec- 
clésiastique, il  était  irréprochable  dans 
SCS  mœurs  :  il  n'en  fit  pas  moins  beau- 
coup de  mal,  et  fut  entraîné,  sans  doute, 
beaucoup  plus  loin  qu'il  ncl'aurait  vou- 
Ki.  Ses  contemporains  lui  reprochèrent 
plusieurs  hérésies  sur  la  Trinité  et  sur 
quelques  autres  points  de  notre  croyan- 
ce; mais  on  ne  se  souvient  plus  que  de 
son  hérésie  politique,  qui  a  trouvé,  de 
nos  jours ,  de  chauds  partisans.  M — d. 
ARNAUD ,  de  Villeneuve  ,  méde- 
cin de  la  fin  du  i3".  siècle.  On  n'est 
pas  d'accord  sur  l'époque  et  suivie 
lieu  de  sa  naissance  :  les  uns  croient 
qu'il  naquit  à  Villeneuve,  petit  village 
voisin  de  Montpellier  ;  d'autres  hé- 
sitent ,  parce  qu'il  est  aussi  en  Cata- 
logne ,  en  Languedoc ,  en  Provence , 
des  bourgs  de  ce  nom.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Arnaud  eut  beaucoup  de  répu- 
tation connni  médecin  ,  llséologieu  et 
alchimiste.  Ce  n'est  plus  gicrc  que 
sous  ce  dernier  rappel  qu'il  peu!  être 
de  quelque  intérêt  pour  nous;  c'est 
en  effet  par  lui  etparRaymond-Lulle, 
son  disciple ,  que  la  chimie  commerça 
à  faire  des  découvertes.  11  découvrit 
les  Ircis  acides  sulfurique,  muriatique 
et  nitrique  ;  il  composa  le  premier  de 
l'alcool ,  et  s'aperçut  uiêmc  que  cet 
alcool  pouvait  retenir  quelques -mis 
des  principes  odorants  et  sapidcs  des 
végétaux  cpii  y  macèrent ,  d'où  sont 
Tenues  les  diverses  eaux  spiritueuses 
employées   en  médecine  et  pour  la 
cosmétique.  On  lui  doit  aussi  les  pre- 
miers essais  réguliers  de  distillation  ; 
il  fît  connaître  l'essence  de  térében- 
ihine  ;  il  composa  les  premiers  ratafias. 
Mais  il  fut  conduit  sur  le  chemin  de 
ces  diverses  découvertes  en  se  pro- 


ÂilN 

posant  de  faire  de  l'or,  et  assurant 
même  en  avoir  le  secret.  Arnaud  est 
moins  remarquable  comme  médecin; 
cependant  ,  il  est  un  des  premiers 
docteurs  de  Montpellier  qui  se  soient 
montrés  moins  servîtes  imitateurs  des 
Arabes,  dont  la  doctrine  dominait  alors 
tout  le  moude  savant.  11  connaissait 
plusieurs  langues,  surtoutle  grec, l'hé- 
breu et  l'arabe.  !l  voyagea  en  Espagne, 
et  séjourna  long-temps  ensuite  à  Paris 
et  à  Montpelli'  r  ;  11  paraît  même  assez 
prouvé  qu'il  fut  quelque  temps  régent 
delà  faculté  de  cette  dernière  ville.  Mal- 
heureusement ,  il  associa  à  ses  connais- 
sances médicales  proprement  dites,  des 
rêveries  sur  l'astrologie  :  c'élait  la  folie 
de  son  siècle;  il  prédit  la  fin  du  monde, 
qu'il  annonça  devoir  arriver  en  1 535. 
Les  propositions  qui  lui  attirèrent  la 
censure  ecclésiastique  se  réduisaient 
à  celle-ci  :  «  Les  œuvres  de  charité  tt 
»  les  services  que  rend  à  l'humanité 
))  un  bon  et  sage  médecin ,  sont  pré- 
»  férables  à  tout  ce  que  les  prêtres  ap- 
»  pellent  œuvres-pies  ,  aux  ])i  ières ,  et 
))  mêmeausaint  sacrifice delamcssc.» 
Poursuivi  comme  hérétique  par  l'uni- 
versité de  Paris,  il  s'enfrit  on  Sicile, 
où  il  fut  accueilli  par  Frédéric  d'Arra- 
gun  .  et  par  Robert ,  roi  de  Naples  :  le 
premier  lui  confia  même  des  missions 
diplomatiques,   l.c  pape   Clément  V 
étant  tombé  malade  à  Avignon  ,  ré- 
clama les  soins  d'Arnaud,  qui  revint 
pour  le  soigner  ;  mais ,  dans  la  traver- 
sée, le  vaisseau  qui  le  portait  fit  naiî- 
frage  ,  et  Arnaud   périt  à    l'âge    de 
soixante-seize  ans ,  en  1 3 1 4  .  ft  fut 
enterré  à  Gênes.  Le  pape   fut  telle- 
ment aflligéde  sa  mort ,  qu'il  ordonna , 
sous  peine  d'exccmmunication  ,  qu'on 
lui    remît   fidèlement  un   Traité    de 
Praxi  Medica,  que  lui  avait  promis 
le  docteur.  Les  divers  Traités  d'Ar- 
naud se  ressentent  généralement,  pour 
le  fonds  et  pour  le  stjlc,  du  temps  où 


ARN 

il  écrivait;  ils  sont  courts,  et  parais- 
sent être  plutôt  des  mémoires,  des  con- 
sultationSj  que  des  traite's  dogmatiques. 
Parmi  ses  ouvrages,  nous  citerons  son 
Commentaire  sur  l'École  de  Saicrne  , 
Scholce  Salemilanœ  Opuscuhmi  , 
qu'il  Ht  pendant  Si  rctrai'e  en  Si.ile; 
Tni  Traité  De  conservandd  juven- 
ttite  et  de  retardante  seneclule  , 
qu'il  dédia  au  roi  Robert.  Sans  doute, 
beaucoup  des  ouvrages  qui  lui  sont 
attribués  ne  lui  appartiennent  pas  ; 
car  ce  fut  une  pratique  constante  dos 
alcliimiites  de  mettre  sous  le  nom 
de  ceux  qui  avaient  illustré  leur  secte 
un  graiid nombre  d<  productions,  afin 
de  les  fiire  passer  à  la  faveur  de  ce 
nom  célèbre  :  aussi  plusieurs  de  ses 
OEuvres  véritables  peut-être  lui  ont 
été  dérobées.  11  fut  ridiculement  accusé 
de  magie ,  et  Mariana  va  jusqu'.à  lui 
reprocher  d'avoir  essayé  de  former 
un  homme  avec  delà  semence,  mêlée 
dans  une  citrouille  h  de  certaines  dro- 
gues ;  ce  bizarre  essai  ne  supposerait 
tout  au  plus  que  la  marche  fausse  d'un 
esprit  bouillant  et  avide  de  connais- 
sances ;  du  reste  ,  c'était  le  reproche 
banal  fait  à  tous  les  génies  extraor- 
dintires  de  ces  temps  de  ténèbres.  La 
condamnation  qu'avaient  portée  contre 
Arnaud  les  théologiens  de  Paris,  sus- 
pendue par  la  protection  du  pape  Clé- 
ment V,  fut  renouvelée  trois  ans  après 
la  mort  de  ce  pontife ,  par  l'inquisi- 
teur de  Tanagone ,  et  quinze  des  pro- 
positions de  notre  docteur  furent  cen- 
surées. Toutes  les  OEuvres  d'Arnaud 
ont  été  réunies  en  un  volume.  La  pre- 
mière édition  parut  à  Lyon ,  en  1 5o4, 
in-ful.,  avec  une  Préface  de  Thomas 
Minchius.!  I  en  a  paru  ensuite  plusieurs 
du  même  format,  Paris,  i5o9;  Ve- 
nise ,  i5i4;Lyon,  i5uo,  avec  la  Vie 
d'Arnaud  ,  par  Sympborieu  Cham- 
picr;  et  à  Bâ!e ,  eu  i5i5,  2  vol., 
«ivcc  (pielques  annotations  de  Jérôme 


A  R  rr  4,)3 

Taurellus  ,  de  IMontLclliard.  Haitze, 
sous  les  noms  de  Pierre  Joseph ,  a 
donné  la  Fie  d'Arnaud ,  Aix ,  i  7 1 9, 
in- 12.  C.  etA^N, 

ARNAUD  (  George  d')  ,  naquit  à 
Franecker,  le  i G  sc])t.  irii.  Il  appar- 
tenait à  une  famille  dé  réfugiés  français. 
Son  graud-père ,  Antoine  d'Arnaud  , 
avait  exercé  les  fonctions  d'avocat  au 
siège  de  Puy-Laurcus  ,  et  son  a'icul  ma- 
ternel, Philippe  Ccuppé,  celles  de  pro- 
fesseur de  théologie  à  St.  -Hilaire,  dans 
le  diocèse  de  Poilicrs.  Honoré  d'Ar- 
naud,  son  père,  fut  élu,  en  172S, 
pasteur  de  l'église  française  de  Fra- 
necker, et  parvint  h.  une  extrême  vieil- 
lesse :  il  vivait  encore  en  1 763.  George 
d'Arnaud  publia ,  à  l'âge  de  1 2  ans,  des 
vers  latins  et  grecs,  où  l'on  remarqua 
de  l'élégance  cl  de  i' harmonie.  Après  ce 
brfllant  début ,  il  entra  à  l'université 
de  Franecker ,  et  y  reçut  les  leçons 
de  Wesseling  et  de  Hemsterhuis.  En- 
couragé par  ce  dernier,  il  mit  au  jour, 
en  1728  :  Spécimen  animadv.  criti- 
canim  ad  aliquot  scriptores  gnecos, 
etc.,  in -8  '. ,  Harling.Ces  auteurs  sont  : 
Auaci  éon ,  Callimaque ,  Eschyle ,  Hé- 
rodote, Xénophon,  et  le  grammairien 
Héphestion.  Deux  ans  après  ,  il  fît  pa- 
raître un  nouveau  volume  de  critique  : 
Lectionum  grœcnrmn  libri  duo ,  etc. , 
in  -  8°.,  la  Haye ,  i  750.  D'Arnaud  s'y 
occupe  principalement  d'Hesvchius  , 
d'Aratus  ,  de  Théon  ,  d'Appien  et 
d'Apollonius  de  Rhodes.  En  1732, 
il  donna  une  savante  diï)Sertation  :  De 
Diis  •n:ap£(5'poK  ^  sive  adsessoribus  et 
conjunctis ,  in-8  '. ,  la  Haye.  Vers  ce 
temps ,  il  fit  un  voyage  à  Levde ,  pour 
recueillir ,  dans  la  riche  bibliothèque 
de  cette  ville,  les  matériaux  d'une  édi- 
tion de  Sophocle ,  qu'il  avait  projetée, 
mais  qu'il  ne  donna  pis.  Hevenu  à 
Franecker ,  d'Arnaud,  jiar  les  conseilé 
de  Hemsterhuis  ,  se  livra  à  l'étude  de 
la  jurisprudence  j  il  eiit  préféré  le  mr- 


,H,4  ARN 

iiistère  ecclésiastique ,  si  la  faiblesse 
de  sa  poitrine  ne  lui  eût  pas  interdit 
les  travaux  de  la  prédication.  Abr. 
Wieling  fut  son  professeur  de  droit  . 
et  lui  fit  soutenir  ,  sous  sa  présidence 
{ le  9  oct.  I  -y  54  ) ,  une  thèse  :  De  jure 
servorum  apud  Romanos.  Le  jeune 
candidat  montra,  dans  cet  acte,  tant  de 
talent  et  d'érudition .  qu'au  mois  de  juin 
de  l'année  suivante,  il  fut  créé  lecteur 
eu  droit.  Ses  deux  livres  de  conjectures 
diverses  (  Fariarwn  conjecturanan 
libri  duo  )  virent  le  jour  à  Franecker  , 
en  1758,  in-4''.  Il  y  traite  de  plusieurs 
questions  de  droit  civil,  et  explique 
nu  corrii:;c  un  grand  nombre  de  pas- 
sages pris  dans  les  livres  de  jurispru- 
dence et  de  littérature.  Ce  volume  fut 
réimprimé  à  Lemvarde  ,  eu  1744  > 
in-4".  5  ^^  0"  joignit  à  cette  seconde 
édition  la  dissertation  :  De  jure  s»r- 
vorum ,  et  une  autre  thèse  dont  il  avait 
été  président,  le  17  juin  1739:  De 
lis  qui  prelii  parlicipandi  caussa  se- 
met  venundari paliunlur.  Cette  même 
année  1759,  Abr.  Wicling  quitta 
l'université  de  Franecker  pour  celle  de 
Leyde  ,  et  sa  chaire  fut  donnée  à  d'Ar- 
naud j  mais  il  mourut  avant  d'avoir 
pris  possession  ,  le  i'''".  juin  1740» 
n'ayant  pas  encore  vingt  -  neuf  ans 
accomplis.  Dans  les  vol.  4»  5  et  6, 
ùcs  Miscellaueœ  observât.  d'Amster- 
dam, il  y  a  quelques  morceaux  de  lui , 
signés  des  initiales  G.  D.  A.  Il  avait 
laissé  ,  manuscrite ,  une  Dissertation 
sur  la  famille  des  Scévo!a(  P'ilœ  Scœ- 
i'olarum  )  ;  elle  a  été  publiée  par  H.  J. 
Arntzenius,  à  Utrecht,  1767,  Jn-8'. 
On  sait  encore  qu'il  avait  eu  le  projet  de 
donner  une  nouvelle  édition  de  la  Pa- 
raphrase grecque  de  Théophile.  Son 
oraison  funèbre  fut  prononcée  par 
IJemsterhuis;  elle  se  trouve  dans  le  re- 
cueil intitulé  :  T.  Ilemsterhusii  et  L. 
C.  Falckenarii  oraùoncs  ,  Levde  , 
1784,  iû-8^  B- 


ARN 
ARNAUD  DE  ROxNSIL  (Geor- 
ges), habile  chii'urgien  français,  après 
avoir  enseigné  dans  l'école  de  St.- 
Côme ,  à  Paris  ,  se  retira  à  Londres  , 
où  il  jouit  d'une  grande  réputation ,  et 
où  il  est  mort  le  27  février  1774-  Ses 
ouvrages  ont  de  la  clarté  et  de  la  pro- 
fondeur. En  voici  la  liste  :  I.  Traité  des 
hernies  ou  descentes  ^  i749'>  2  vol. 
in-i  2,  en  anglais;  1754,  in-8'.;II.  Ob- 
servations sur  l'anévrisme,  1760, 
in-8". ,  qui  parut  aussi  préalablement 
en  anglais;  \\\.  Instructions  simples  et 
aisées  sur  les  maladies  de  l'urètre 
et  de  la  l'essie ,  en  anglais  ,  Londres , 
1765,  iu-8°  ;  en  français,  Amsterd., 
1 704 ,  in- 1 2  ;  IV.  Dissertation  sur 
les  hermaphrodites,  1 765 ,  in-8  '.;  V. 
^  discourse  on  the  importance  of 
anatomis,  Londres,  1 7G7 ,  prononcé 
dans  une  séance  académique;  W. Mé- 
moires historiques  sur  l'étude  de  la. 
chirurgie  et  de  la  médecine  enFrance 
et  en  Angleterre  ,  Londres  et  Paris  , 

1 768,  2  vol.  in-4''.,  '''^'^'^  '^  ^  '<^  <!"  ^^^~ 
teur  Huutcr;  VU.  Remarques  sur  la 
composition ,  l'usage  et  les  efjets  de 
l'eau  végéto-minérale  de  Goulard , 
Londres,  1 7  7 1 .  H  y  a  une  édition  com- 
plète de  tous  ces  ouvrages  traduits  en 
français,  2  vol.  in-4".  Arnaud  vivait 
dans  le  temps  de  la  splendeur  de  l'a- 
cadémie de  chirurgie ,  et  partagea  le 
mouvement  heureux  que  cette  com- 
pagnie imprimait  à  tous  ceux  qui  cul- 
tivaient celle  science.       C.  et  A — n. 

ARNAUD  (  François  ),  né  à  Au- 
bignan,  près  de  Carpcntras,  le  27 
juillet  1721  ,  ^'engagea  dans  l'état 
ecclésiastique  ,  vint  à  Paris  en  1 762  , 
et  fut,  en  1 7G2 ,  reçu  à  l'académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  Il  fut, 
pendant  quelque  temps ,  attaché  au 
prince  Louis  de  Wirtemberg,  depuis 
souverain  de  ce  duché ,  mais  alors  | 
attaché  au  senice  de  France.  L'avocat 
Gcrbicr,  iOUiiuii,  ayant,  en  1703, 


ARN 

pgne  ime  cause  imporlaute  pour  le 
cierge'  de  Frauce  contre  l'ordre  des 
be'ne'dictius ,  demanda ,  pour  prix  de 
ses  travaux ,  et  obtiut ,  pour  l'abbe' 
Arnaud ,  l'abbaye  de  Graudcbarap.  A 
peine  entrait-il  dans  son  abbaye , 
qu'un  cure'  vint  lui  demander  le  paie- 
ment d'une  portion  congrue  ;  i'abbe' 
Arnaud  veut  d'abord  se  défendre , 
mais  touché  de  l'indigence  du  curé,  il 
clierclie  des  titres  contre  lui-même  , 
les  remet  à  son  adversaire,  et  parvient 
ainsi  à  faire  établir  son  droit  en  sa 
fjveur.  Reçu  à  l'académie  française, 
le  i5  mai  1771  ,  Arnaud  obtint,  par 
la  suite  ,  la  place  de  lecteur  et  biblio- 
thécaire de  Monsieur ,  et  la  survivance 
de  la  place  d'historiographe  de  l'ordre 
de  St.-Lazarc.  Il  mourut  à  Paris,  le 
2  décembre  1784  ,  et  fut  remplacé  à 
l'académie  française  par  Target.  L'ab- 
bé Arnaud  fut  un  homme  instruit ,  et 
doué  d'un  sentiment  vif  pour  les 
beaux-arts;  mais  le  goût  du  monde, 
et  un  peu  de  paresse  l'ont  empêché 
de  développer  tous  ses  talents.  On  a 
de  lui  une  Lettre  sur  la  musique ,  an 
comte  de  Caylus ,  1754,  in-8 '.  Cette 
brochure,  qui  commença  sa  réputation, 
n'était  que  le  prospectus  d'un  grand 
ouvrage  sur  la  musique  des  anciens  , 
«  qu'il  avait ,  disait-il ,  médité  au  fond 
»  de  la  province  ,  dans  les  ombres  du 
»  cabinet  et  le  silence  de  la  réflexion,  » 
mais  que  l'auteur  n'a  ni  terminé,  ni 
même,  à  ce  qu'il  paraît,  commencé 
sérieusement  :  il  ne  travailla  le  reste 
de  sa  vie  que  par  morceaux  détachés , 
et  à  mesure  que  les  sujets  se  présen- 
taient. Ardent  admirateur  de  Gluck, 
l'abbé  Arnaud  fît ,  à  l'occasion  des 
querelles  qui  s'élevèrent  en  1777,  sur 
la  musique ,  imprimer ,  dans  le  Jour- 
nal de  Paris  ,  un  assez  grand  nom- 
bre de  morceaux,  en  faveur  du  musi- 
cien allemand.  Il  a  été,  avec  son  ami, 
M.  Siiard,  éditem'  de  ï Histoire  an- 


A  R  N  4çi3 

cienne  des  peuples  de  l'Europe ,  par 
du  Buat ,  1772  ,  12  vol. in- 12.  Voici 
l'indication  des  ouvrages  auxquels  il  a 
coopéré  :  I.  Journal  étranger ,  avec 
M.  Suard  ,  de  janvier  1760,  à  mars 
1762.  La  collection  complète  de  ce 
journal ,  depuis  1754,  forme  45  vol. 
in- 12.  Les  deux  amis  abandonnèrent 
cette  entreprise  pour  se  charger  de  la 
rédaction  de  la  Gazette  de  France. 
II.  Gazette  littéraire  de  V Europe ^ 
1 764-1 76G,  8  vol.  in-8".  ,  avec 
M.  Suard.  III.  Variétés  littéraires  , 
ou  Recueil  des  pièces  tant  originales 
que  traduites ,  concernant  la  philo- 
sophie ,  la  littérature  et  les  arts, 
1768-1769,  4  "^'ol-  in-i2  ;  c'est  uu 
choix  fait  par  Arnaud  et  M.  Suard, 
des  meilleurs  morceaux  qui  avaient 
paru  dans  le  Journal  étranger  et 
dans  la  Gazette  littéraire.  On  peut 
considérer  comme  une  nouvelle  édi- 
tion de  ce  recueil  les  3Iélanges  de 
littérature  publiés  par  M.  Suard  , 
i8o5-4,  5  vol.  in-S".  ;  mais  si  plu- 
sieurs pièces  se  trouvent  dans  ces  deux 
collections  ,  plusieurs  aussi  ne  sont 
que  dans  l'une  ou  dans  l'autre.  Ce 
n'est ,  par  exemple  ,  que  dans  les 
Variétés  que  l'on  trouve  la  traduction 
d'une  ou  deux  Nuits  d'Young  ,  par 
Bissy.  IV.  Description  des  princi- 
pales pierres  gravées  du  cabinet  du 
duc  d'Orléans ,  1780^  2  vol.  in-fol. 
Le  premier  volume  est  de  l'abbé  Ar- 
naud ;  le  second  porte  les  noms  des 
abbés  de  la  Chau  et  le  Blond.  V.  Des 
dissertations  dans  les  Mémoires  de 
l' académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Les  opuscules  de  l'abbé  de 
Grandcliamp  ont  été  recueillis  pres- 
que eu  entier,  et  publiés  par  M.  Léo- 
nard Boudou,  sous  le  ixiveà^  OEuvres 
complètes  de  l'abbé  Arnaud,  1 808 
5  vol.  in-S''.;  ils  sont  incorrectement 
imprimés  ;  mais,  quoi  qu'en  dise  le 
Dict.  hisl.des  musiciens,  on  y  trouve 


4.,G  AËN 

la  Soirée  perdue  à  l'Opéra,  etc.  La 
plupart  (le  ces  opuscules ,  comme  l'a 
reroarqtip  M.  Ginj^iicne  ,  sont  ,  sans 
que  l'auteur  en  ait  averti ,  imités  ou 
Iradnils  de  Carlo  Dati,  du  Quadrio  , 
de  l'abbé  Couti ,  etc.  Mal£;ré  quel- 
ques erreurs,  malgré  quelques  cons- 
tructions irrégulicres,  quelques-unes 
des  productions  littéraires  de  l'abbé 
Arnaud  lui  méritent  une  place  parmi 
nos  écrivains  distingués.  —  La  compi- 
lation ,  publiée  sous  le  titre  de  Mémoi- 
res pour  servir  à  l'histoire  de  la  révo- 
lution opérée  dans  la  musique  par  le 
chevalier  Gluck,  1-^81  ,  iii-8  .,  est 
de  l'abbé  Leblond  ,  et  non  de  l'abbé 
Arnaud.  A.  E — t. 

ARNAUD  ( François-Tuomas-Ma- 
BiE  DE  Baculard  d'  ) ,  naquît  à  Paris, 
le  i5  sepicmbre  171b,  d'une  famille 
noble,  onginairedu  Comtat  Vcnaissin. 
11  5tudia  aux  jcsuiles  de  Paris,  et  fut  du 
nombre  des  enfants  précoces.  Dès  l'âge 
de  neuf  ans,  ili^iisait  passablement  des 
vers.  11  composa, dans  sa  jeunesse,  trois 
tragédi<s  ,  qui  ne  furent  point  jouées, 
Idoménée ,  Didoji,  et  Col igiii  ou  la 
Sl.-Barthélemi  ;    cette  dernière  fut 
imprimée  en  1  74^-  Ces  divers  ouvra- 
ges lui  procurèrent  la  connaissance  de 
Voltaire  ,  qui    le  prit  en  amitié,  lui 
donna  des  conseils  ,  et  lui  fit  compfer 
de  temps  en  temps  de  petites  sommes 
d'argent ,  qui  l'aidèrent  à  suivre  son 
penchant  pour  les  lettres.  C'est  à  lui 
qu'est  duc  la  liaison  de  deux  hommes 
qui,  pendant  long-temps,  ont  associé 
leurs  grands  talents  pour  leur  gloire 
nnituclle  et    pour  les  plaisirs  de  la 
France  ,  la  liaison  de  Voltaire  et  de  le 
Kain.  En  1 760,  il  fit  représenter,  sur 
un  théâtre  de  société,  sa  comédie  du 
Mauvais  Biche ,  où  le  Kain  jouait  le 
principal  rôle.  Voltaire,  qui  assistait 
à  la  représentation ,  prévit  dès-lors  tout 
Ce  que  le  Kain   pouvait  devenir  un 
jour,  et  il  pria  d' Arnaud  de  le  lui  ajnC' 


ARN 
ner.  Quelques  poésies  fugitives  assez 
agréables  ;  entre  autres  ^Èpilre  à  Ma- 
non, plus  connue  sous  un  titre  un  peu 
plus  libre,  avaient  attiré  sur  d'Arnaud 
l'attention  du  roi  de  Prusse  Frédéric, 
qui  le  fît ,  pendant  deux  ans  ,  son  cor- 
respondant littéraire  à  Paris,  et  l'ap- 
pela ensuite  à  Berlin.  Il  lui  fit  la  ré- 
ception la  plus  aimable  ,  le  nomma 
son  Ovide ,  et  lui  adressa  des  vers  qui 
finissaient  ainsi  : 

Déjà  rAjiollon  lie  la  France 
S"achemir.e  a  sa  décadence; 
Venez  briller  a  votre  tour  \ 
Elevez-vous  ,  s'il  baisse  encore  : 
Ainsi  !••  rouclimt  d'un  beau  jour 
Promet  une  plus  belle  aurore. 

L'Apolion  de  la  France ,  Voltaire ,  fut 
fort  blessé  de  la  comparaison  ,  et  la  fit 
expier  à  d'Arnaud  par  beaucoup  de 
plaisanteries  sur  sa  personne  et  sur 
ses  vers.  Us  se  retrouvèrent  à  Berlin  ; 
d'Arnaud  en  sortit  après  moins  d'un 
an  de  séjour ,  et  se  retira  à  Dresde  , 
cù  il  fut  nommé  conseiller  de  léga- 
tion. Le  désir  de  revoir  sa  patrie,  et 
l'invitation  du  comte  de  Frise  ,  neveu 
du  maréchal  de  Saxe ,  le  déteriuinè- 
r(  nt  à  revenir  à  Paris.  Il  y  v^cut  pen- 
dant plusieurs  années,  fort  répandu 
dans  la  société ,  et  ensuite  s'en  retira 
peu  à  peu  ,  pour  se  livrer  à  la  com- 
position de  SCS  nombreux  ouvrages. 
Il  fut  légèrement  impliqué  dans  le  fa- 
meux procès  de  Bcaumarcliais  avec 
Goczman  ,  et  il  eut  sa  part  du  ridi- 
cule que  le  premier  jeta  ,  avec  tant 
d'esprit  et  de  gaîté ,  sur  tous  ses  adver- 
saires. Il  fut  mis  en  prison  pendant  la 
terreur ,  et  n'eu  sortit  que  pour  mener 
une  vie  fort  malheureuse  ,  qu'il  aurait 
pu  rendre  beaucoup  plus  honorable. 
Il  était  sans  fortune  ,  et  sou  défaut 
d'économie  rendait  iusufllsants  les  se- 
cours du  gouvernement ,  et  le  produit 
de  ses  ouvrages.  11  avait  montré  autre- 
fois plus  d'élévation  d'anie.  On  peut 
citer,  comme  un  mot  plein  de  noblesse 
«t  de  courage,  ce  quM  dil  un  jour  an 


ARN 

roi  de  Prusse  ,  dans  uu  souper  où 
tous  les  convives  professaient  à  l'envi 
îe  plus  pur  atbe'isme.  Lui  seul  se  tai- 
sait :  «  Eh  bien  I  d'Arnaud  ,  lui  dit  le 
»  roi ,  quel  est  votre  avis  sur  tout  cela? 
»  —  Sire ,  re'pondit-il ,  j'aime  à  croire 
»  à  l'existence  d'un  être  au-dessus  des 
»  rois.  »  Il  mourut  le  8  novembre 
i8o5 ,  dans  sa  quatre-vingt-neuvième 
année.  Il  a  prodigieusement  écrit.  Ses 
j^riucipaux  ouvrages  sont  :  les  Épreu- 
ves du  sentiment,  les  Délassements 
de  l'homme  sensible  ^  et  les  Loisirs 
utiles;  ce  sont  des  recueils  d'anec- 
dotes ,  de  nouvelles  et  de  contes  qui, 
suivant  La  Harpe  :  «  Ne  sont  pas  des 
contes  bleus,  mais  des  contes  noirs, 
îa  pUipait  tires  de  l'anglais,  et  sur- 
tharge's  d'une  déclamation  prolixe, 
qui  est  le  genre  d'éloquence  de  l'au- 
teur. »  11  y  a  dans  presque  toutes  ,  ce- 
pendant ,  une  sorte  de  chaleur  et  d'in- 
térêt. J.-J.  Rousseau  disait  de  d'Ar- 
naud :  a  La  plupart  de  nus  gens  de 
»  lettres  écrivent  avec  leur  tète  et  leurs 
»  mains  :  M' .  d'Arnaud  écrit  avec  sou 
y>  cœur.  »  Les  nouvelles  qui  compo- 
sent ses  Epreuves  du  sentiment  et  ses 
Délassements  de  l'homme  sensible, 
eurent  dans  le  temps  beaucoup  de 
vogue ,  furent  traduites  dans  plusieurs 
langues  ,  el  fournirent  quelques  sujets 
au  théâtre.  Il  faut  y  ajouter  les  Époux 
malheureux  ,  ou  Histoire  de  M'',  et 
de  M"",  de  La  Bédojère  ,  qu'il  pu- 
blia ,  pour  la  première  fois ,  en  t  '^45  , 
et  dont  il  donna  une  suite  en  i  -ySS. 
fv  Ses  derniers  romans,  trop  nombreux 
■  et  trop  peu  connus  pour  qu'on  en  rap- 
•.  porte  les  titres  ,  se  ressentent  singu- 
P  '  lièreraent  de  la  caducité  de  l'âge  et  de 
!a  précipitation  du  besoin.  Son  théâtre 
;  est  composé  de  quatre  pièces  d'un 
genre  tout-à-fait  sombre  et  lugubre, 
le  Comte  de  Commin^es,  Euphémie, 
ou  le  Triomphe  de  la  Religion,  Fayel, 
et  Merinval;  elles  ue  furent  point  re- 
11. 


ARN  497 

présentées  ,  à  l'exception  du  Comte 
de  Comminges ,  qui  ne  le  fut  qu'en 
1 790 ,  et  ne  dut  une  ombre  de  succès 
qu'a  l'horrible  nouveauté  du  spectacle. 
Le  nombre  de  ses  poëraes  est  infini  ; 
une  partie  a  été  recueillie  en  5  vol. 
in-i'2  ,  175  i.  Ses  Lamentations  de 
Jérémie,  odes  sacrées ,  ont  été  impri- 
mées eu  1732,  et  ont  eu  plusieurs 
éditions.  A — g — r. 

AîiNAULD  (Antoine),  fils  aîaé 
d'Antoine  Arnauld ,  avocat-général  de 
Catherine  de  IMédicis  ,  naquit  à  Paris 
en  1 56o.  Sa  famille  était  originaire  de 
Provence  où  elle  tenait  un  rang  dis- 
tingué ,dès  le  1  2".  siècle.  Une  des  bran- 
ches passa  en  Auvergne.  Son  père , 
attaché  au  connétable  de  Bourbon , 
s'était  distingué  par  son  zèle  pour 
les  intérêts  de  sa  maison ,  et  il  avait 
favorisé  son  évasion  ;  reçu  avocat  au 
parlement ,  le  fils  s'y  fit  uu  nom  par 
son  éloquence.  Lorsque  Henri  IV  vou- 
lut donner  au  duc  de  Savoie  une  idée 
du  barreau  fiançais  ,  il  choisit  un  jour 
où  Arnauld  devait  plaider.  Il  s'agissait 
d'une  femme  qui  accusait  un  jeune 
homme  d'avoir  tué  son  fils  ;  Arnauld, 
avocat  de  la  mère  ,  g^gua  sa  cause  ,  et 
le  roi  fut  si  satisfait,  qu'd  le  nomma 
conseiller  d'état.  L'avocat-général  Ma- 
rio u  fut  un  jour  si  enchanté  de  l'en- 
tendre, qu'après  l'audience  il  l'em- 
mena chez  lui ,  et  lui  donna  sa  fille 
aînée  en  mariage.  Le  plus  célèbre  de 
tous  ses  plaidoyers  fut  celui  qu'il  fit 
en  1 594 ,  en  faveur  de  l'université 
de  Paris  ,  dont  il  était  l'élève  ,  contre 
les  jésuites.  U  mit  sur  leur  compte 
tous  les  forfaits  de  la  ligue,  et  conclut 
à  leur  expulsion  du  royaume,  -Cette 
violente  déclamation  ,  qui ,  dans  Je 
.  temps ,  fut  appelée  une  Philippique , 
a  été  impiùmée  plusieurs  fois ,  et  no- 
tamment en  1717,  in- 1 2  5  et  le  pré- 
sident J.  A.  De  Thou  en  a  inséré  une 
partie  dans  sou  Histoire.  Mais  ce  (\ai, 

32 


493  AT.!? 

est  plus  estimable  qu'un  beau  dis* 
cours  ,  c'est  le  désintéressement  avec 
lequel  Arnauld  refusa  les  présents  que 
lui  ofirit  l'université.  Cette  compa- 
jjnie  s'en  venj;ca  ])ar  un  décret  hono- 
rable, qui  obligeait  tous  les  ordres  de 
l'université,  euvers  son  défenseur,  et 
ses  descendants  ,  à  tous  les  devoirs 
d'un  client  envers  son  patron.  Un 
autre  ouvra^^e  qu'Antoine  Arn  lu'd  pu- 
blia contre  la  sociélé  de  Jésus ,  a  pour 
titre  :  Le  franc  et  véritable  Dis- 
cours du  roi  ,  sur  le  rétablisse- 
ment qui  lui  est  demande  par  les 
jésuites ,  in-8".  On  a  encore  de  lui , 
Ï^nti-Espagnol  ,  imjirimc  dans  le 
Becu(ildes  excellents  et  libres  Dis- 
cours sur  l'état  présent  de  la  France , 
1606,  in-i2  ,  et  dans  les  Mémoires 
de  la  ligue,  toni,  IV ,  pag.  200  ;  la 
Fleur  de  Ljs,  i5()5  ,  in-8".  ;  la  Dé- 
livrance de  la  Bretagne;  la  Première 
S avoi sienne  ,  iGoi ,  in-B".,  réiinpr. 
à  (îrenoble,  en  i63o,  avec  la  se- 
conde; un  Ai'is  au  roi  Louis  XII [, 
pour  bien  régner^  i6i5,  iu-8".;  la 
j  '"'.  et  la  2*.  Philippiques,  contre  le  roi 
dEspagne  Philippe  11 ,  i  Gç) >. ,  in-8'. 
11  mourut  le  ■j'.g  dét  euibre  i()i9,  âgé 
de  cinquante-ucufans.  Gttlierine  Ma- 
rion ,  son  épouse ,  lui  avait  donné 
vingt-deux  enfants,  dont  dix  morts 
en  l3as  âge  ,  quatre  fds  et  >ix  (ilKs 
toutes  religieuses  à  Port- Royal ,  mo- 
nastère dont  il  avait  été  comme  le  se- 
cond fondateur.  Sa  probité,  son  atta- 
chement aux  véritables  intérêts  du 
royaume,  sa  modestie  ,  égalèrent  ses 
talents.  11  avait  refusé  les  places  d'a- 
vocat-gcnéral  au  parlement  de  Paris, 
de  premier  président  à  celui  de  Pio- 
Vence.  Catherine  de  Médicis  voulut 
le  faire  secrétaire  d'état;  mais  il  eut  le 
désintéressement  de  répondre  «  qu'il 
la  servirait  mieux  en  qualité  d'avocat- 
général.  )'  Le  Maître,  son  petit -fils 
et   son  ûllcul  ,  fait  allusion  à  cette 


ARN 

anecdote,  dans  cette  Epitaphe  qu'il  fil 
en  son  honneur  : 

Passant,  du  granJ  Arnauld  révèrf  la  mémoire  ; 
Ses  verlui  a  sa  race  uni  servi  d'ornement, 
S;i  plume  .'t  son  p  lys  ,  sa  voix  .'lu  paih^ment, 
Son  esprit  à  son  sierle,  et  ses  faits  à  Thistoirs. 
Contre  un  secoiul     liilippe ,  usurpateur  des  ly»  , 
Ce  secoud  Oernostlicoe  anima  ses  écrits, 
Et  contre  Ém'n  .uuel  arm-i  s  >n  éloquence. 
Il  vit,  comme  un  ni-ani  les  hautes  lii^nilé», 
E'  préféra  l'ii  .niicur  iloraclc  dr  la  France, 
A  tout  le  vain  éclat  d>^9  lilres  empruntés. 

Sou  animosité  contre  les  jésuites  lui 
valut  de  leur  part ,  le  reproche  d'clrc 
huguenot;  mais  la  vérité  est  qu'il  sut 
tenir  le  milieu  entre  la  ligue  et  le  cal- 
vinisme, modération  ,qui,  si  elle  avait 
éié  plus  commune,  eût  épargné  bien 
des  malheurs  à  la  France.  Il  jouissait 
d'une  telle  vénération ,  qu'après  sa 
mort  il  fut  exposé  sur  un  ht ,  p<  ndaut 
quelque  temps,  pour  satisfaire  le  pu- 
blic {[ui  le  demanda  avec  instance. 

ARNAULD D'ANDILLY  Robert), 
fils  aîné  du  précédent ,  né  à  Pans,  en 
1689,  occupa,  jeune  encore,  des 
charges  importantes,  et  les  remplit 
avec  une  supériorité  de  génie  et  uik; 
intégrité  peu  communes.  Il  jouit  à  l;i 
cour  d'un  grand  crédit ,  et  n'en  us'i 
que  pour  rendre  service.  Il  avait  l'es- 
prit noble ,  les  inclinations  généreuses, 
et  le  courage  de  les  suivre.  Avant  ren- 
contré ,  dans  une  prison  ,  des  per- 
sonnes dont  la  détention  était  injuste, 
il  brava  tout  pour  faire  cesser  leur 
captivité.  Innocent  au  milieu  de  la 
cour,  incorruptible  au  milieu  des  plus 
grandes  occasions  de  s'enrichir  ,  il 
mérita  que  Ba'zac  dît  de  lui  :  «  H  ne 
»  rougit  point  des  vertus  chrétiennes, 
»  et  ne  tira  point  vanité  des  vertus 
1)  morales.  »  A  l'âge  de  cinquante- 
cinq  ans ,  il  quitta  le  monde ,  pour  se 
retirer  dans  le  monastère  de  Port- 
Royal-des-Cliamps.  Comme  on  répé- 
tait à  la  cour  que  les  solitaires  de 
Porl-Roval  fai'^a'ent  des  sabots  par 
humilité ,  il  dit  à  la  rciue-mère  ,  eu 


ARN 

prenant  congé  d'elle  «  que  si  S.  M. 
euleudait  dire  qu'il  faisait  des  sabots 
à  Port-Royal ,  elle  n'en  cjût  rien  ; 
mais  que  si  on  lui  rapportait  qu'il  y 
cultivait  des  espaliers  ,  elle  le  crût , 
et  ({u'il  espérait  en  faire  manger  des 
fruits  à  S.  M.  »  Eu  effet  ,  comme 
chaque  solitaire  s'imposait  un  travail 
manu>'l ,  il  choisit  pour  le  sien  la  cul- 
ture des  arbres.  11  envoyait  tous  les 
ans  ,  à  la  reine,  des  fruits  que  le  car- 
dinal Mazarin  appelait  en  riant  des 
fi^uits  bénis ,  et  la  reine  avait  recom- 
mandé qu'on  ne  les  lui  servît  jamais 
sans  la  prévenir  que  c'était  un  présent 
d'ArnanId  d'Andilly.  Lorsque  Louis 
XIV  éleva  M.  de  Pompone  ,  son  fils , 
à  la  place  de  ministre  des  aflliircs 
étraui^cres,  «  il  voulut  voir  le  ion/iom- 
me,  dit  IM"\  de  Sévigné,  l'entretint 
long-temps  ,1e  fit  promener  en  calèche 
dans  ses  jardins  ,  et  lui  fit  un  accueil 
si  aimable,  qu'Arnauld  enchanté  répé- 
tait de  moment  en  moment  :  «  11  faut 
s'humilier.  «  Il  avait  épousé  la  fille 
du  S^  Le  Fevrc  de  la  Boderie,  connu 
par  son  ambassade  en  Angleterre  ;  il 
en  eut  trois  fils  et  cinq  filles.  11  mourut 
le  '2'j  septembre  id"]^,  à  qualre- 
vingt-ciuq  ans  ,  après  avoir  conservé 
la  vigueur  de  l'esprit  et  du  corps  jus- 
qu'à ses  dernieis  instants.  «  Ses  veux 
»  vifs ,  dit  l'historien  de  Port-Royal , 
))  sa  démarche  prompte  et  ferme  ,  sa 
»  voix  de  tonnerre ,  son  corps  sain 
»  et  droit ,  plein  de  vigueur  ;  ses 
»  cheveux  blancs  qui  s'accordaient 
»  si  bien  avec  le  vermillon  de  son 
»  visage  ;  sa  grâce  a  monter  et  à  se 
»  tcnii-  à  cheval ,  la  fermeté  de  sa  mé- 
»  moire,  la  promptitude  de  son  esprit, 
»  la  sûreté  de  sa  main,  soit  en  tenant 
»  la  plume  ,  soit  en  taillant  les  arbres, 
»  étaient  pour  lui  mie  espèce  d'immor- 
»  talitc.  »  On  a  de  lui  :  1.  la  triduction, 
plus  élégante  que  fidèle ,  des  Confes- 
sions de  S.  Auffistin ,  in-8".  et  iu- 1 2  ; 


ARN  /^nq 

II.  de  l'Histoire  {les  Juifs ,  de  Jo- 
sephe ,  5  vol,  in-8^.  et  in- 12,  et 
dont  la  meilleure  édition  est  celle 
d'Amstfrdam,  1681  ,  2  vol.  in-fol. , 
avec  fig.  ;  111.  des  Fies  des  Saints 
Pères  du  désert ,  et  de  queUfiies 
Saintes ,  écrites  par  les  Pères  de  l'É- 
glise, 5  vol.  in-8'.  ;  IV.  de  \' Échelle 
Sainte  de  S,  Jean  Climaque  /  du 
Traité  du  mépris  du  monde ,  par 
S.  Eucher;  du  Pré  spirituel  de  J. 
Moschus  ;  V.  des  OEuvres  de  Ste.- 
Thérèse,  in-4°.,  1670  ;  VI.  de  celles 
du  B.  Jean  d'Ai>ila ,  in-fol.  ;  VIT. 
Mémoires  de  sa  Pie,  écrits  par  lui- 
même ,  publiés  par  l'abbé  Goujet,  2 
vol.  in-i'2,  1754,  pleins  de  candeur 
et  d'inlérèt;  VIII.  Poëme  sur  la  Vie 
de  J.-C.  ,  petit  in- 12  ;  IX.  OEuvres 
chrétiennes  ,  en  vers ,  et  plusieurs 
autres  ouvrages.  N — l. 

AR>JAULi)  (Henri  \  frère  du  pré- 
cédent ,  naquit  à  Paris  ,  en  i5()-' ,  et 
annonça  de  bonne  heure  le  mérite  qui 
distinguait  >i  hoiinrablcment  tous  les 
Arnauld.  Il  fut  d'abord  destiné  au  bar- 
reau. Le  cardinal  Bentivoglioi'emmcna 
à  Rome ,  et  ce  fut  durant  cette  absence, 
qui  dura  cinq  ans,  que  la  cour  lui  donna 
l'abbaye  de  ï)t.->ico!as,  en  1624. A  son 
retour ,  en  1 0^7  ,  le  chapitre  de  Toul , 
dont  il  était  le  doyen  ,  l'élut  tout 
d'une  voix ,  pour  évcque  de  cette  ville, 
et  cette  nomination  fut  confirmée  par- 
le roi ,  à  la  prière  du  P.  Joseph  ,  ca- 
pucin ;  mais  d'après  les  contestations 
survenues  entre  le  pape  et  le  roi  sur 
le  droit  d'élire ,  Arnauld  remercia.  Il 
refusa  aussi,  en  16447  1^  charge  de 
visiteur-genéra!  en  Catalogne,  que  le 
cardinal  Mazarin  fit  ,  à  son  refus , 
donner  à  W.  de  Marca,  En  iG/p, 
lors  de  la  brouilierie  des  Barberins 
avec  Innocent  X,  le  comte  de  Lionne 
fit  envoyer  l'abbé  de  St.-Nicolas  à 
Rome,  en  quahté  de  chargé  des  affai- 
res de  France,  Le  négociateur  traita ., 

52.. 


5()o  ARN 

en  passant ,  des  affaires  importantes 
dans  îes  cours  de  Parme,  de  Modène 
et  de  Plaisance  ,  prit  part  aux  mouve- 
ments de  Naples  ,  et,  si  ses  conseils 
eussent  été  suivis ,  peut-être  alors  ce 
rovaume  eût-U  été'  perdu  pour  l'Espa- 
gne. Arrivé  à  Rome,  il  trouva  le  pape 
aiqri  contre  les  Barberins ,  au  point 
de  l'aire  saisir  tous  leurs  biens.  La 
première  preuve  qu'il  donna  de  son 
habileté,  fut  l'expédient  qu'il  sugcçéra 
|)Our  empêcher  la  saisie  du  palais 
Rarberin ,  un  des  plus  beaux  de  l'ila- 
he.  Ce  lut  une  vente  simulée  faite  au 
roi  de  France ,  et  conclue  dans  le  plus 
Çraiid  secret.  La  nuit  qui  précéda  celle 
où  (levait  avoir  lieu  la  saisie  ,  les  armes 
de  France  furent  apposées  aux  quatre 
coins  du  palais  ,  de  sorte  que  lorsque 
les  agents  du  pontife  se  présentèrent 
pour  en  prendre  possession  ,  ils  furent 
obligés  de  respecter  une  propriété  de- 
venue française.  Le  pape,  malj^ré  son 
dépit,  conçut  tant  d'estime  pour  l'abbé 
de  St.-Nicolas , qu'il  lui  accorda  la  grâce 
et  le  retour  des  Barberins;  négocia- 
tion dont  Arnauld  eut  toute  la  gloirc. 
Aussi ,  les  cardinaux  de  ce  nom ,  ré- 
tablis dans  leurs  biens  et  leurs  digni- 
tés ,  firent  frapper  une  médaille  en 
son  honneur ,  et  lui  élevèrent,  dans 
leur  palais,  une  statue,  avec  ce  vers 
que  Forlunat  avait  composé  pour  S. 
Grégoire  de  Tours  : 

Alpibus  ÂFTCruis  Teoieni  Mons  altior  ipsit. 

allusion  aux  armes  et  à  la  pitrse  des 
Arnauld,  dont  la  famille  était  origi- 
naire d'Auvergne ,  et  dont  les  armes 
étaient  une  montagne.  De  retour  en 
France ,  l'abbé  de  St.-lNicrolas  fut  fait 
évèque  d'Angers,  en  iG4o,  ft  se  voua 
tout  entier  aux  obligations  de  son  étaf. 
Il  ne  quitta  qu'une  seule  fois  son  dio- 
cèse ,  et  ce  fut  pour  avoir  avec  le 
prince  de  Tarcnte,  et  à  la  prière  de 
ce  seigneur,  une  confcrence,  dont  le 
rësHltat  fut  sa  conversion  et  sa  rccon- 


A  R  N 

ciliation  avec  le  duc  de  la  Trémouillf . 
son  père.  Angers  dut ,   en  1 652  ,  sa 
conservation  et  celle  de  ses  habitants 
à  son  courage.  Chassé  de  la  ville ,  par 
une  troupe  de  factieux ,  il  alla  trouver 
la  reine-mère  qui  s'avanç.iit  pour  pu- 
nir cette  révolte ,    et  la  trouvant  in- 
llexible  ,  il  lui  dit  un  jour,  en  la  com- 
mimiant  :  «  Recevez ,  madame ,  votre 
))  Dieu ,  qui  a  pardonné  à  ses  enne- 
»  mis ,  en  mourant  sur  la  croix.  »  Ce 
peu  de  mots  désarma  la  reine,  qui  ne 
fit  éprouver  aux  l'ebelles  que  les  ef- 
fets de  sa  clémence.    Cette  doctrine 
devait  avoir  un  grand  poids  dans  la 
bouche  d'un  homme   qui  la   suivait 
dans  la  pratique ,  au  point  qu'il  était 
passé  en  proverbe  ,  que  le  meilleur 
titre  pour  obtenir  des  grâces  de  M'. 
d'Angers  ,  était  de  l'avoir  offensé.  Il 
avait   même  une   liste  des  noms  de 
ceux  qui  lui  avaient  rendu  de  mau- 
vais offices ,  et  ne  la  consultait  que 
pour  leur  en  rendre  de  bons.  1!  alUùt 
tous  les  dimanches ,  visiter  l'hôpital 
et  consoler  les  malados.  Ceux  à  qui 
une  noble  fierté  faisait  dissimuler  leur 
indigence,  étaient  étonnés  de  voir  à 
la  fois  leur  secret  pénétré,  leur  pau- 
vreté secourue  et  leur  délicatesse  res- 
pectée par  les  ingénieuses  libéralite's 
de  leur  pasteur.  Sa  charité  était  aussi 
active  que  modeste.  Un  jour  qu'il  avait 
reçu  une  somme  de  2,000  livres  pour 
les  lods  et  vente  d'une  terre,  il  n'ac- 
corda la  diminution  que  lui  deman- 
dait l'acheteur  ,  qu'à  comiition  que  le 
prix  serait  remis  entre  ses  mains  et 
non  entre  celles  de  ses  gens  d'affaires  , 
qui  auraient  pu  mettre  obstacle  à  ses 
largesses.  Dans   une  grande   disette 
dont  Angers  fut  désolé,  le  charitable 
évèque  emplova  ,  en  une  seule  fois  . 
jusqu'à   10,000  livres  poiu-  ramenci 
l'abundancc,  et  cette  libéralité  fut  tel- 
lement seirète  .  que  la  gl.  iie  en  fut 
attribuée  au  maréchal  de  la  Mciilcraj  e^. 


ARN 

Aois  gouverneur  de  Bretagne,  el  que 
le  hasard  seui  en  fit  découvrir  i'au- 
teur.  Doux,  égal ,  d'un  accès  facile  ,  il 
ne  rebutait  jamais  personne  ,  et  fai- 
sait aimer  jusqu'au  refus  ,  par  la  boute 
qu'il  y  mettait.  Ne  donnant  que  quatre 
heures  au  sommeil ,  la  prière,  la  lec- 
ture ,  et  plus  encore  la  visite  des  ma- 
lades ,  la  consolation  des  malheureux  , 
ses  fonctions  de  l'épiscopat  occu- 
paient tout  son  temps.  Un  de  ses  amis 
lui  représentant  qu'il  devait  prendre 
un  jour  de  la  semaine  pour  se  délas- 
ser :  «  Volontiers,  répondit-il, pourvu 
»  que  vous  me  donniez  un  jour  où  je 
»  tie  sois  pas  évêque.  »  Etianger  aux. 
troubles  qui  agitèrent  alors  la  France, 
il  demeura  fidèle  au  rui.  Malheureu- 
sement la  querelle  du  jansénisme  vint 
agiter  quelque  temps  ses  dernièies 
années.  Ami  du  monastère  de  Port- 
Royal  ,  où  il  avait  été  sacré ,  et  où  il 
avait  sa  mère,  six  sœurs  ,  ciuq  nièces 
et  plusieurs  de  ses  proches ,  il  eut  à 
essuyer  les  mêmes  traverses  pour  la 
même  cause ,  et  fut  un  des  quatre  évê- 
ques  qui  se  signalèrent  dans  l'affaire 
du  foimulaire.  Il  le  signa  enfin  ,  eu 
ménageant ,  par  une  clause  expresse, 
les  intérêts  de  Port  -  Royal  ;  fit  sa  paix 
avec  Clément  IX,  et  ne  s'occupa  plus 
que  du  bonheur  et  de  l'édification  de 
son  diocèse  ,  conservant  dans  un  âge 
avancé  ,  comme  le  témoigne  M'"",  de 
Sévigné,  toute  la  vivacité  d'esprit  des 
Ârnauld.  llperditlavuecinq  ans  avant 
M  mort,  et  mourut ,  le  8  mars  i6ps>. , 
à  l'âge  de  quatre-  vingt -quinze  ans  , 
après  quaraute-quatre  ansd'épiscopat, 
pleuré  de  son  peuple  ,  qui  le  regar- 
dait comme  un  saint  ,  et  dont  le  pieux 
enthousiasme  se  disputa  les  moin- 
dres choses  qui  avaient  pu  être  à  son 
usage.  Ses  négociations  à  la  cour  de 
Rouie ,  et  en  différentes  cours  d'Ita- 
lie ,  ont  été  publiées  à  Pai'is ,  en  5  vol. 
vu-  ï'i  y  '  74<^ }  P^i'  l<^s  soins  de  son  ge- 


ARN  5»i 

tit-neveu ,  l'abbé  de  Pomponc;  on  y 
trouve  beaucou])  de  parUeularités  in- 
téressantes. Le  manuscrit  en  était  conr 
serve  dans  la  bibliothèque  de  Lyon , 
où  le  P.  la  Chaise  l'envoya,    N— l. 

ARNAULD  (  Antoihe  ) ,  frèi  e  du 
précédent,  et  le  vingtième  des  enfants 
d'Antoine  Ai^nauld  et  de  Catherine 
Marion,  naquit  à  Pai'is,  le  6  féviier 
i6i2.  La  vivacité  de  son  génie  s'an- 
nonça de  bonne  heure.  Etant  emoie 
enfant,  et  se  trouvant  à  la  campagne, 
dans  le  cabinet  du  cardinal  du  Per- 
ron ,  il  lui  demanda  une  plume.  «Qu'en 
»  voulez-vous  faire,  lui  dit  le  prélat? 
»  — Ecrire  comme  vous  contre  les 
»  huguenots.  —  C'est  très-bien ,  ré- 
»  pondit  du  Perron;  je  suis  vieux,  et 
»  j'ai  besoin  d'un  substitut.  Je  vous  la 
»  donne  donc,  comme  le  bei-ger  Da- 
»  métas  remit,  en  mourant,  son  cha- 
»)  lumeau  au  petit  Coridon.  »  Arnauld , 
après  avoir  fait  avec  distinction  ses 
humanités  et  sa  philosophie,  aux  col- 
lèges de  Calvi  et  de  Lisieux,  voulut 
se  livrer  à  l'étude  de  la  jurisprudence  ; 
mais  le  vœu  de  sa  mère,  et  les  conseils 
de  l'abbé  de  St.-Cyran ,  son  directeur, 
le  décidèrent  à  préférer  la  théologie. 
Il  en  prit  des  leçons  sous  Lescot  ',  mais 
ne  trouvant  point  la  doctrine  de  ce 
professeur  de  Sorbonne,  sur  la  grâce, 
conforme  à  celle  de  S.  Paul,  il  étudia 
cette  matière  dans  S.  Augustin  ;  et  dans 
son  .'4ct€  de  Tentatwe ,  soutenu  en 
i656,  et  dédié  au  clergé  de  France, 
alors  assemblé  à  Paris,  il  soutint  des 
sentiments  entièrement  opposés  à  ceux 
qu'on  lui  avait  dictés.  Lescot  en  conçut- 
un  ressentiment  que,  ni  l'éloquence, 
nile  talent  du  candidat  ne  purent  adou- 
cir. «Ce  confesseur  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu qui  n'avait  point,  dit  Bayle, 
appris  à  sou  pénitent  à  pardonner, 
et  qui  avait  appris  de  son  pénitent  à 
ne  pardonner  jamais,  retarda,  pai 
sou   crédit  .    l'admission   d'Aroaul'i 


5o2 


A  R  N 


dans  !a  maison  de  Sorbonne.  »  Enfin, 
la  mort  du  cardinal  leva  cet  obstacle; 
Arnauld  prit  le  bonnet  de  docteur, 
en  1G41  ,  et,  en  prêtant  le  serment 
ordinaire ,  dans  l'église  de  TSotre- 
Dame ,  sur  l'autel  des  Martyrs,  il  jura  : 
«  de  défendre  la  vérité,  jusqu'à  l'cffu- 
»  sion  de  son  sang,  »  promesse  que 
firent ,  depuis ,  tous  les  docteurs. 
Deux  ans  après,  il  publia  son  livre 
De  [  ou  plutôt  Contre  )  la  fréquente 
Communion.  Ce  tniité,  revêtu  de  l'ap- 
probation de  la  province  ecclésiastique 
d'Auch ,  en  corps,  de  plusieurs  évê- 
ques,  et  de  vingt-quatre  docteurs  de 
Sorbonne,  fut  ^ivement  attaqué  par 
les  jésuites,  contre  lesquels  il  parais- 
sait dirigé,  et  qui  venaient  do  laisser 
publier  le  livre  du  P.  Séguirand,  sur 
cet  objet  ;  ils  le  combattirent  dans  leurs 
sermons  et  dans  leurs  écrits,  comme 
rempli  d'une  pernicieuse  doctrine  ; 
M  "  .  de  Sévigné  parle  d  un  auteur  qui 
avait  entrepris  de  prouver  que  cet 
forit  rcnferjnait  trente-deux  hérésies. 
J/adversaire  d'Arnauld  disait,  au  com- 
mencement de  l'ouvrage  :  «  Comme 
3)  nous  le  prouverons  ci -dessous;  » 
ei ,  à  la  liu ,  il  disait  :  «  Comme 
»  nous  l'avons  prouvé  ci  -  dessus  ,  » 
sans  que  ni  dessus  ni  dessous ,  il  v 
eût  rien  de  prouvé.  Cet  ouvrage,  qui 
lait  époque  dans  l'Église  de  Kranee 
par  la  réforme  qu'il  opéra  dans  l'ad- 
ininistraliou  des  sacrements  ,  fut  le 
principe  des  persécutions  que  l'auteur 
essuva  dans  la  suite.  Le  père  Nouet 
ayant  traité  Arnauld  à'hérésiarqite 
pire  que  Luther  et  Calvin,  et  les  ajî- 
probateurs,  dLaÀ>eu^les,  fut  obligé  d'en 
flcmauder  pardon  à  genoux,  devant 
l'assemblée  du  clergé ,  en  présence  des 
.supéri<"urs  des  jésuites  de  Paris.  Vol- 
taire relève  gaîment  l'expression  em- 
phatique d'un  Dictionnaire  critique, 
au  siijcl  de  cet  ouvrage  :  Aussitôt  que 
le  livre  sur  la  fréquente  Communion 


ARN 
parut, l'enferen  frémit,  a  II  est  difficile, 
»  dit  l'historien  du  -iècle  de  Louis  XI V, 
»  de  savoir  au  juste  quelle  est  l'opinion 
»  de  l'enfer  sur  un  livre  nouveau.  » 
Au  reste,  ce  triompbe  d'Arnauld  en- 
flamma d'autant  plus  la  haine  de  ses 
adversaires.  Les  disputes  sur  la  grâce, 
qui  s'élevèrent  alors,  vinrent  ajouter 
encore  à  cette  animosité.  Arnauld  prit 
le  parti  de  Jansénius,  et  le  soutint 
avec  la  plus  grande  force.  Cependant, 
il  n'y  avait  point  encore  lieu  à  une 
censure  juridique ,  lorsqu'il  en  fournit 
une  occasion.  Le  duc  de  Liancourt , 
qui  faisait  élever  sa  petite-fille  à  Port- 
Roval ,  et  qui  donnait  asyle  à  lui  abbé 
de  Bourzéis.  janséniste,  s'étant  vn  re- 
fuser l'ab-olution  par  un  prêtre  de 
St.-Sul]»ice ,  parce  que,  d'ailleurs,  il 
ne  crovait  pas  que  les  cinq  pioposi- 
tions  de  .lansénius  fussent  dans  le 
gros  livre  de  cet  évêque  flamand ,  Ar- 
nauld écrivit  deux  lettres  à  cette  occa- 
sion. Deux  propositions  contenues 
dans  ces  écrits,  furent  censuiées  par 
la  Sorbonne,  en  i63(î.  r>a  première, 
qu'on  appelait  de  Droit,  était  ainsi 
conçue  :  «  L''s  Pères  nous  montrent 
»  un  juste  dans  la  personne  de  S.  Pier- 
»  re,  à  qui  la  grâce,  sans  laquelle  oh 
»  ne  peut  rien,  a  manqué,  dans  une 
»  occasion  où  l'on  ne  saurait  dire 
»  qu'il  n'ait  point  poché.  »  La  secon- 
de, qu'on  appelait  de  Fait:  «  li'ou 
w  peut  douter  que  les  cinq  proposi- 
»  tiuns  condamnées  par  Innocent  X 
»  et  nar  .Alexandre  VII ,  comme  étant 
»  de  Jansénius  ,  évêque  ù'YniTS  , 
»  soient  dans  le  livre  de  cet  auteur.  » 
L'examen  en  fut  confié  à  des  comrais- 
.saires  ennemis  de  l'auteur.  trent<  -deux 
moines  mendiants  de  jilus  que  ne  per- 
mettaient les  statuts  de  la  faculté,  furent 
introduits  dans  l'assemblée,  qui  se  tint 
.sous  l'iiilluence  du  chamelier  Scguier. 
Ou  n'eut  aucun  égard  aux  explica- 
tions ofierles  par  Arnaidd.  Il  fui  réduit 


ARN 

à  sortir  de  Porl-l\oyal,  pour  mettre  sa 
j)ersonne  en  sûreté  d.ms  uuc  retr<iite 
iç^norëede  ses  ennemis.  Arnauld  refusa 
(!c  souscrire;!  cette lensure,  et,  comme 
d'ailleurs,  il  eut  pour  juges  les  docteurs 
contre  lesquels  il  avait  écrit,  et  ce  même 
Lcscotiiont  il  a  été  question,  il  l'ut  exclus 
do  la  faculté,  malgré  ses  protestations 
contre  l'irréguLirité  de  sa  condamna- 
tion. Avec  lui,  fuientenvcl()j)[)és  dans 
la  même  disgrâce  soixantc-duuze  doc- 
teurs ,  et  plusieurs  licenciés  et  baclie- 
liors  ,  sur  leur  refus  de  prendre  part  à 
cette  censure ,   que   l'on  a    continué 
depuis  de  faire  signer  à  ceux  qui  vou- 
laient devenir   docteurs.   Depuis  les 
troubles  qu'av.iit  excités  son  premier 
ouvrage,  et  qui  l'avaient  fait  citer  à 
Rome,  i\  s'était  retiré  à  Port-Ro va!  ;  il 
s'ensevelit  encore  plus  profondément 
dans  sa  n  traite,  et  n'en  soilit  qu'a  la 
paix  de  Clément  IX ,  en  i  G68.  L'arche- 
vêque de  Sens  et  l'évêque  de  Châlons, 
inédiateurs  de  cet  accommodement , 
firent  comprendre  Arnauld  dans  celte 
pacification,  et  le piésentèrent au  non- 
ce. Ce  prélat  l'accueillit  avec  la  plus 
grande  distinction,  et  lui  dit:  «Qu'il  ne 
»  pouvait  mieux  employer  sa  jdtune 
»  d'or,  qu'à  défendre  l'Église.  »  Louis 
XIV  voulut  voir  aussi  un  théologien 
si  renommé,  et  il  lui  fut  présenté  par 
Pompone,  son  neveu.   «  J'ai  été  bien 
>>  aise,  lui  dit  ce  prince,  de  voir  un 
»  homme  de  votre  mérite,  et  je  souhaite 
»  que  vous  employiez  vos  grands  ta- 
»  lents  à  la  déiénse  de  la  religion.  » 
Et  toute  la  cour  fêta  le  savant  docteur. 
Mais  Annat  et  Peïéfîxe  empêchèrent 
son  rélabhssement  en  Sorbonne.  Du- 
rant les  premières  années  qui  suivirent 
la  paix  derÉglisc ,  Arnauld  tourna  con- 
tre les  calvinistes ,  les  armes  dont  il 
s'était  servi  contre  ses  adversaires.  Ce 
calme  heureux  produisit  :  i".  La  Per- 
pétuité de  la  Foi ,  qu'il  avait  com- 
Uîcucéc  avec  jNicole,  lorsqu'il  se  tenait 


ARN  5o5 

cache'  à  l'hôtel  de  Longiicville,  où  la 
duchesse  lui  avait  donné  un  asyle,  et 
qui  produisit  le  plus  grand  effet  dans 
le  parti  de  la  réforme,,  auquel  elle 
enleva  des  partisans  illustres  et  nom- 
breux. '1".  Le  renversement  de  la  mO' 
lale  de  J.-C.  par  les  calvinistes ,  et 
plusieurs  autres  ouvr;.g'  s  de  contro- 
v^erse,  qui  le  firent  i-eduuter  des  pro- 
testants. Mais  la  tranquillité  ne  fut  pas 
de  longue  durée;  la  démangeaison  de 
dogmatiser  dans  les  uns,  et  l'ardeur  de 
combatire  les  dogmatisants  dans  les 
autres ,  rallumèrent  la  guerre.  Arnauld 
ne  fut  pas  des  derniers  à  recommen- 
cer les  hostilités.  Suivant  des  auto- 
rités graves  ,  il  fut  fidèle  à  ses  engage- 
ments, et  s'interdit  toute  composifioa 
sur  les  affaires  du  jansénisme.  Mais 
Harlav,  dit-on ,  protégeait  sourdement 
toutes  les  provocations  contre  lui.  Quoi 
qu'il  en  scil,  il  en  revint  aux  )ésuite;s, 
ses  ennemis  naturels.  Aussi  prétendait- 
on,  dans  le  temps,  que  sa  haine  con- 
tre cette  corapaguie  célèbre  était  nue 
haine  d'éducation ,  et  le  compara-t-on 
au  jeune  Annibal,  promettant  à  son 
père,  dès  ses  plus  tendres  années, 
qu'aussitôt  qu'il  serait  en  âge  de  porter 
les  armes,  il  ferait  aux  Romains  une 
guerre    éternelle.    Arnauld  ,    devenu 
suspect  par  le  concours  des  visites 
qu'il    recevait  ,     et    regardé    cou)mc 
dangereux  par  Louis  XIV,  que  l'ar- 
chevêque de  Paris ,  M.  de  Harlay  ,  ne 
cessait  d'animer  contre  lui,  crut  de- 
voir disparaître  pour  quelque  temps. 
11  se  retira  dans  h  s  pays  étrangers , 
en  i(3'-9.  Innocent  XI  lui  fit  offrir  une 
retraite  honorable  à  Rome,  qu'il  re- 
fusa ,  de  peur  de  se  rendre  suspect  à 
Louis  XIV,  à  cause  des  disputes  sui-  la 
régale.  Ce  fut  alors  que  Boileau,  devant 
qui  l'on  disait  que  le  roi  faisait  chercher 
le  docteur  pour  qu'on  l'arrêtât, répon- 
dit :  «  Le  roi  est  trop  heureux  pour  le 
»  tiouvcr.  »  Il  y  a  tout©  apparence  que 


5o4  AKN 

ces  recherches  ne  furent  que  commi- 
natoires ;  car  Arnauld  traliissait  à  cha- 
que instant  son  secret  par  l'impctuo- 
sité  de  son  caractère.  On  peut  en  juger 
par  les  anecdotes  suivantes.  11  avait 
trouvé  une  retraite  à  l'hôtel  de  Lon- 
gueville  ,  à  condition  qu'il  n'y  paraî- 
trait qu'en  habit  séculier,  une  grande 
perruque  sur  la  tèlc  ,  et  l'épée  au  coté. 
11  y  fut  attaqué  de  la  fièvre,  et  M™". 
de  Longueville  ayant  fait  venir  le  mé- 
decin Braver,  lui  recommanda  un 
gentilhomme  qu'elle  honorait  d'une 
protection  particulière,  et  à  qui  elle 
avait  donné  uu  appartement  dans  son 
hôtel.  Brayer  monte  chez  le  malade 
qui ,  après  avoir  parlé  de  son  indis- 
position, demande  des  nouvelles.  «  On 
»  parle,  lui  dit  le  médecin,  d'un  livre 
»  nouveau  qu'on  attribue  à  M.  Arnauld 
»  ouàM.deSacv;  mnisje  nele  crois  pas 
»  deM.  deSacv;  il  n'écrit  pas  si  bien.» 
A  ce  mot,  Arnauld,  oubliant  son  ha- 
bit gris  et  sa  perruque,  lui  répond 
vivement:  «  Que  voulez- vous  due? 
»  Mon  neveu  écrit  mieux  que  nïoi.  » 
Brayer  envisage  son  malade ,  se  met 
à  rire,  descend  chez  M""",  de  Kon- 
gueville ,  et  lui  dit  :  «  La  maladie  de 
»  votre  gentilhonnne  n'est  pas  consi- 
»  dérable;  je  vous  conseille  pourtant 
»  de  faire  en  sorte  qu'il  ne  vove  per- 
»  sonne  ;  il  no  faut  pas  le  l.uf;ser 
))  parler.  »  Bientôt ,  craignant  d'être 
recherché  même  chez  cette  princesse, 
il  alla  se  loger  au  fyubourg  St.-Jac- 
ques  ,  dans  uu  taudis  ignoré;  il  y 
tomba  malade.  Ses  amis  lui  envovè- 
rent  un  médecin,  qui,  dans  la  con- 
versation ,  comprit  bientôt  que  son 
malade  était  un  homme  de  mérite. 
Arnauld  ,  curieux  de  nouvelles ,  î'.ii 
demanda  ce  qu'on  disait  dans  Paris. 
«  Rien  d'intéressant,  répondit  le  médc- 
»  cin ,  si  ce  n'est  que  M.  Ai  uauld  est 
»  arrêté.  —  Oh  !  pour  cette  nouvelle, 
1»  répUtpia  ce  dernier ,.  clic  est  un  peu 


ARN 

■»  difficile  à  croii  e  ;  c'est  moi  qui  5iii> 
»  Arnauld.»  Le  médecin,  étonné,  liir 
remontra  son  imprudence.  «  Heureu- 
»  sèment,  ajoula-t-il ,  vous  avez  à  faire 
»  à  un  honnête  homme.  Sans  cela, 
»  voyez  à  quoi  vo\is  vous  exposiez.  » 
11  fit  avertir  la  duchesse  de  Longue- 
ville  qui ,  toute  alarmée ,  envoya  cher- 
cher Arnauld.  Elle  lui  donne  un  loge- 
ment ,  le  fait  cacher  dans  une  cham- 
bre, et  ne  veut  se  reposer  que  sur 
elle-même  du  soin  de  lui  porter  à 
manger.  Cette  princesse,  étonnée  des 
indiscrétions  qui  échappaient  souvent 
à  Arnauld  et  à  Nicole,  disait  «qu'elle 
»  aimerait  mieux  confier  son  secret  à 
»  un  hbertin.  »  Craignant  donc  les 
conséquences  de  l'animosité  de  ses 
ennemis  et  des  préventions  du  roi , 
Arnauld  s'exila  lui-même  de  sa  pa- 
trie, et  se  retira  dans  les  Pays-Bas. 
Après  avoir  erré  en  différents  en- 
droits ,  il  se  fixa  à  Bruxelles ,  où  le 
marquis  de  Grana  le  fit  assurer  de  sa 
protection ,  et  témoigna  un  grand  désir 
de  voir  im  homme  dont  la  réputation 
avait  déjà  rempli  l'Europe.  L'illustre 
fugitif  ne  refusa  point  sa  protection  ;• 
mais  il  le  fit  prier  de  le  laisser  dans 
son  obscurité ,  et  de  ne  point  l'obliger 
à  voir  un  gouverneur  des  Pays-Bas  es- 
pagnols pendant  que  l'F^spagne  était  en 
guerre  avec  la  France;  délicatesse  que 
le  marquis  de  (irana  ne  put  blâmer. 
Le  premier  fruit  de  sa  retraite  fut 
Yy^polopie  pour  les  Catholiques  cou  - 
tre  les  faussetés  du  ministre  Jurieu , 
ouvrage  qui ,  ,->u  jugement  de  Racine, 
présente  la  force  et  l'éliquencc  des 
Philippiques  de  Démosthènes  ,  et  om 
l'auteur  prit  généreusement  la  défeuiC 
des  jésuites  ses  persécuteurs.  Jurieu, 
que  sa  violence  et  son  fanatisme  avaient 
rendu  odieux  à  son  propre  paiti,  ras- 
sembla ,  dans  un  libelle  qu'il  inlitiih  ; 
ÏEspritde M. Arnauld,  mille calon- 
nics  grossières  contre  le  doctcm"  qui  lié- 


ARN 

daigna  d'y  répondre;  mais  qui  n'y  fut 
pas  moins  scusiblc.  f^e  père  Simon 
doute  que  ce  recueil  d'infamies  ail  e'îe' 
fait  par  Jurieu.  Il  pense  qu'il  fut  com- 
pose à  Paris ,  et  qu'on  en  fît  passer 
le  manuscrit  à  Jurieu,  qui  l'arrangea 
k  sa  manière.  Le  repos  était  un  c'î.'.t 
violent  pour  cet  athlète  infatig;dilo  ;  il 
trouva  moyen  de  s'enc;ap;er  bientôt 
dans  une  nouvelle  querelle.  Le  père 
Mallebranclie ,  qui  avait  embrassé  des 
sentiments  ditrèients  sur  la  grâce,  les 
de'veloppa  dans  un  Traite,  et  le  fît 
parvenir  à  celui  qu'il  regardait  comme 
son  maître.  Le  docteur  voulut  arrêter 
l'impression  de  son  livre;  mais,  n'avant 
pu  y  réussir ,  il  lui  déclara  la  guerre 
en  i683.  Il  y  eut  plusiein-s  écrits  de 
part  et  d'autre,  i-emplis  d'expressions 
})iquautes  et  de  reproches  très-vils. 
Arnauld  n'attaquait  pas  le  Traité  de 
la  Nature  et  de  la  Grâce  ;  mais  l'o- 
pinion que  ïon  voit  tout  en  Dieu, 
exposée  dans  la  Recherche  de  la  vé- 
rité,  qu'il  avait  lui-même  vantée  au- 
trefois. I!  intitula  son  ouvrage  :  Des 
inaies  et  des  fausses  Idées.  11  pre- 
nait ce  chemin  j-.our  apprendre ,  di -ait- 
il  ,  à  Mailebranche,  à  se  défier  de  ses 
plus  chères  spéculations  méta]>hvsi- 
ques,  et  le  préparer  ainsi  à  se  laisser 
plus  aisément  désabuser  sur  la  grâce. 
Mailebranche  se  plaignit  de  la  mali- 
gnité qu'il  y  avait  à  choisir  une  ma- 
tière donti!  n'était  nullement  (juestion  , 
parce  qu'elle  était  la  plus  méta))iivsi- 
que,  et  par  conséquent  lapins  suscep- 
tible de  ridicule  aux  yeux  de  la  plu- 
part des  lecteurs.  Le  danger  des  dis- 
cussions polémiques  de  cette  nature 
est  de  mener  les  cœurs  les  plus  droits 
et  les  esprits  les  plus  justes  beaucoup 
plus  loin  qu'ils  ne  se  le  proposent 
eux-mêmes.  Arnauld  en  vint  à  des 
accusations  révoltantes;  selon  lui ,  son 
adversaire  met  en  Dieu  une  étendue 
matérielle  ,  et  insinue  artifieieuscmeîit 


ARN 


5o5 


des  doamcs  qui  corrompent  la  p-ucîe 
de  la  religion.  Ses  Béjlexions  philo- 
sophiques et  théologiques  sur  le 
Traité  de  la  Nature  et  de  la  Grâce, 
publiées  en  i685  ,  ouvrage  cemposea 
la  sollicitation  de  Bossuet,  le  rendirent 
vainqueur  dans  l'esprit  de  ses  nom- 
breux partisans  qui  chantaient^ictoirc 
pour  leur  chef,  dès  qu'il  entrait  dans  la 
lice;  mais  Mailebranche  le  fut  aux 
yeux  de  ses  disciples.  Ce  dernier,  aussi 
pacifique  que  l'autre  était  guerrier  , 
eut  du  moins  sur  lui  l'avantage  d'une 
plus  grande  modération  ,  en  déciar-int 
à  son  adveisaire  «  qu'il  était  las  de 
donner  au  monde  un  spectacle,  et  de 
remplir  le  Journal  des  Savants  de 
leurs  poÀivretés  réciproques.  On  peut 
dire  pourtant  que  si  le  théologien 
avait  mis  trop  de  dureté  dans  quel- 
ques -  uns  de  ses  écrits  ,  le  philoso- 
phe mit  aussi  tiop  de  fiel  et  d'amer- 
tume dans  les  siens ,  en  accusant  ce 
malheureux  exilé,  son  ancien  ami, 
d'être  chef  de  secte,  d'entretenir  le 
schisme.  On  voulut  engager  Arnauld 
à  produire  la  rétractation  que  son  an- 
tagoniste lui  avait  confiée  autrefois  de 
la  signature  du  Formulaire.  Arnauld 
se  révolta  contre  un  tel  procédé  : 
«  TAien  ne  serait  plus  malhonnête  , 
»  dit-il ,  que  d'abuser  de  cette  con- 
»  fiance.  J'aimerais  mieux  qu'on  m'eût 
«  coupé  la  main  que  de  lui  en  faiie 
»  aucun  reproche.  »  Celte  querelle  , 
qui  dura  jusqu'à  la  mort  d' Arnauld , 
ne  l'empêcha  pas  d'eu  avoir  une 
autre  avec  le  père  Simon ,  à  l'occa- 
sion de  la  traduction  des  livres  saints 
en  langue  vulgaire.  «  Enfin  ,  après 
une  carrière  si  orageuse  et  malhcu- 
leuse ,  dit  Voltaire ,  selon  les  idées 
ordinaires  qui  mettent  le  malheur  dans 
l'exil  et  la  pauvielé,  sans  considérer 
la  gloire,  les  amis  et  une  vieillesse 
saine,  qui  furent  le  partage  de  cel 
homme  fameux ,  »  Arnaidd  vit  appro-^ 


5o6  Â  R  N 

cher  la  mort  sans  f rouble  ni  faiblesse, 
et  expira  entre  les  bias  du  père  Ques- 
ncl,  à  Bruxelles,  le  8  août  i6g4,  à 
quatre-vingt  trois  ans  ,  et  fut  enterre 
dans  le  cliœur  de  la  paroisse  Sainte- 
Catlierine.  Sa  mort  enleva  anx  parti- 
sans de  Jansénius  le  jilus  l);;bilc  dé- 
fenseur qu'ils  aient  jamais  eu,  et  aux 
jésuites  leur  plus  ri  duntable  adver- 
saire. Le  lieu  de  sa  sépulture  fut  lonp;- 
teiupsit^noré;  mais  son  eœur  fut  porté 
à  Port-Royal,  puis  transféré  à  Palai- 
seau.  Los  poètes  les  plus  illustres  lui 
firent  des  épitaplies.  On  eût  pu  lui 
ajipliquer  celle  de  Trivulee  :  Hic  qiiies- 
cil,  qui  nitmquàm  quievit.  Boiieau 
ne  craignit  pas  de  dépla-re  aux  enne- 
mis de  l'ort-Ro\al,  en  consacrant  les 
Vers  suivants  à  sa  mémoire  : 

Ali  pied  Hp  cet  autel  «le  strnciure  grossirre  , 
L.;.  s.in»  |)nmpe  ,  enfume  .|..ns  um-  vile  biire, 
le  plus  s.iv.,iit  mortel  qin  j.inials  ail  .-crit: 
Arii   uld    qui  sur  la  );ràce  instruit  par  Jesus-Chrisl , 
Ç.mhatt.int  pour  1  e;;li,e,  a  ,  dans  réalise  m.'me  , 
Snnllert  plus  tl'nu  outr   pe  ei  plus  H'iin  un  itliéme. 
Plein  dun  l'eu  qu'en  son.  (cur.voulfla  ri;»prildi>in., 
«t  terrsss     Pélag-  ,  il  foudroya  Calvin; 
lie  tous  ces  faux  durlcurs  lunlVindii  la  murale; 
Mai* ,  pour  fruit  de  «on  lèl,-  .  on  l'a  vu  rebuté  , 
i;n  renl  lieux  opprimé  p  ir  U  noire  Ci.bale  . 
F.rrant.  pauvre,  banni,  pr..scrit .  persécuté; 
Kt  même  par  sa  rp.iri,  Irur  furcnr  mal  erinte 
N'en  eftl  jamiis  laisse  les  een.'res  en  repos, 
Si  Dieu  lui-raéme  ,  iei .  de  son  oiiaille  sainte  , 
A  ce«  luups  dévoranu  n'avait  caclic  les  os. 

Le  IVecrologe  de  P  ort- fi  o  y  al  en  ^Ihî- 
bue  deux  autres  à  Racine.  Sauteul  lui 
fit  cette  épitaplie  placée  sur  la  pierre 
qui  couvrait  son  cœur  à  Port-Roval. 

Perqnem  r'-lHgU>  slelil  inconcutsa  fulesque  , 
Mapiaiiiraa  e;  pi-  las  it  constans  re;;nla  vcri 
rontempl.ire  virum,  s  tolam  3;;nos.  il  in  ili» 
Ruijis  pulcbra  suis  patrum  rediviva  velustas. 

Elle  attira  au  poclc  des  persécutions 
et  des  s.itiies.  On  ignore  l'auteur  de 
cet  antre  distique,  remarquable  pai' 
sa  précision  : 

Hic  jacct  .Vroaldus,  lucem  rui  GalUa  ,  portum 
KlanJrii,  R^juia  (idem  ,  pra:bu>t  astra  DvUs. 

Une  petite  pièce  du  temps  nous  ajv- 
j-rend  une  anecdote  assez  ])iqiiante , 
c'est  que  Racine  fil  le  seul  qui  osa 
se  trouYer  à  sou  cuuvui.  Les  icsuitcs 


ARN 

opposère,nt  ,  à  tous  ces  éloges  ,  quel- 
ques pièces  satiriques  ;  et  ils  s'éle- 
vèrent surtout  avec  violence  contre 
l'épilLètc  de  grand  ,  dont  les  jansé- 
nistes accompagnaient  le  nom  d'Ar- 
nauld.  Bourdaloue  qui ,  plus  d'une 
fuis ,  a  fait  servir  le  ministère  évan- 
f;é!iqiie  à  la  défense  de  sa  compagnie , 
y  fit  allusion  dans  son  Sermon  sur 
l'Ai>eitgle-né.  On  attribua  aussi, 
lion  sans  quelque  fomlement,  à  l'ani- 
mosité  des  jésuites  ,  la  suppression 
des  articles  de  Pascal  et  d'Arnau'd 
dans  l'ouvrage  de  Periault,  intitulé  : 
les  Hommes  illustres  du  x-^".  siècle  ; 
l'on  fit  à  cette  occasion  l'i^pplicalion 
ingénieuse  de  ce  passage  de  Tacite  : 
Prœfiilgebant  Cassius  atque  Brutus, 
eo  ipso  quhd  effigies  eorum  non  visC' 
huntur ;  mais  si  personne  n'eut  droit 
de  s'étonner  de  voir  cette  compagnie 
conserver  quelque  ressentiment  des 
coups  terribles  qu'Arnauld  lui  avait 
portés ,  beaucouj)  de  personnes  furent 
ofTen.sées  du  ton  léger  et  presque  amer 
dont  l'abué  de  Rancé  annonça  la 
mort  d'un  homme  avec  lequel  il  avait 
eu  des  liaisons  d'estime  et  d'amitié, 
ce  qui  valut  à  cet  abl>é  une  lettre  sé- 
vère attribuée  an  P.  Quesnel,  qui  crut 
devoir  la  désavouer.  <  Uielque  respect 
qu'on  ait  pour  la  mémoire  dvi  réfor- 
mateur de  laTrapc,  ii  est  j)ermis  de 
soupçonner  que  ce  pieux  solitaire  n'a- 
vait pas  ])ardonné  à  Arnauld  le  parti 
qu'il  avait  pris  dans  la  qucrelie  sur 
les  étudt  s  monastiques  entre  lui  et  le 
P.  INLibillon.  En  effet,  Arnauld  était 
trop  érudit  et  trop  lettré  poiu*  ap- 
prouver uu  système  qui  condamnait 
les  moines  à  la  paresse  et  à  l'igiio- 
rance.  Arnauld  était  plus  que  savant  ; 
«  personne ,  dit  un  écrivain  célèbre , 
u'etait  né  avec  un  esprit  plus  philo- 
sopliique;  mais  sa  j)}iilosopl)ic  fut  cor- 
rompue par  la  faclion  qui  l'entraîna. 
G.'ltc  l'acticu  illusUc ,  qui  voyait  à  sa. 


< 


ARN 

tête  les  Arnauld ,  les  Pascal ,  les  Ni- 
cole ;  qui  comptait  dans  ses  rangs  les 
personnages  les  plus  distingues  du 
royaume  par  l'éclat  de  la  naissance  et 
des  talents  ;  qui  peut  s'euurgueillir 
d'avoii-  eu  ,  pour  partisans ,  Boileau  et 
Racine ,  plongea ,  dui'ant  soixante  ans, 
dans  des  controverses  toujours  lon- 
gues et  souvent  inutiles ,  un  esprit 
fait  pour  éclairer  les  hommes  »  ;  ré- 
flexion judicieuse ,  mais  qui  peut  s'ap- 
pliquer avec  la  même  justesse  aux 
esprits  supérieurs  du  parti  opposé. 
Une  anecdote  peint  l'inflexibilité  de 
sou  caractère.  Nicole  ,  son  compa- 
gnon d'armes ,  et  qui  avait  partagé  sa 
retraite  et  toutes  les  agitations  de  sa 
vie  errante ,  mais  né  avec  un  ca- 
raclère  plus  doux  et  plus  accommo- 
dant, lui  représentant  un  jour,  qu'il 
ciait  las  de  guerroyer  sans  cesse,  la 
plume  à  la  main ,  et  qu'il  voulait,  enfin, 
se  reposer.  —  a  Vous  reposer  !  reprit 
»  l'impétueux  docteur  !  Eh  n'aurez- 
»  vous  pas  pour  vous  reposer  l'éter- 
«  ulté  toute  entière?  »  Pour  lui,  il  don- 
na ,  jusqu'au  dernier  moment ,  l'exem- 
ple d'une  ame  forte  ,  ine'branlable  ,  et 
supérieure  à  la  mauvaise  fortune,  selon 
les  uns ,  et  selon  les  autres ,  d'une  opi- 
niâtreté que  l'on  confond  trop  souvent 
avec  la  fermeté.  Il  vécut  dans  une  re- 
traite Ignorée,  sans  fortune,  sans  do- 
mestique, lui  dont  le  neveu  avait  été  mi- 
nistre d'état,  lui  qui  aurait  pu  être  cardi- 
nal! Ses  partisans  prétendent,  en  effet, 
qu'Innocent  XI  lui  fit  offrir  la  pour- 
pre, et  qu'à  sa  mort  plusieurs  cardi- 
naux dirent ,  en  plein  consistoire  , 
qu'on  connaissait  des  saints  qui  n'a- 
vaient pas  rendu  tant  de  services  à 
l'Eglise  j  mais  le  plaisir  d'écrire  en 
liberté,  et  peut-être  aussi  l'orgueil 
d'être  chef  de  pai  ti ,  lui  tinrent  lieu  de 
tout.  Sou  extérieur  ne  prévenait  point 
en  sa  favctir.  Sa  taille  élaii  petite,  et  sa 
tctc  d'une  giosseur  disproportionnée. 


ARN  5o7 

Ses  traits  n'auraient  annoncé  que  la 
stupidité,  sans  la  vivacité  de  ses  yeux 
qui  révélait  le  secret  de  son  qénie. 
Cet  homme  ,  si  terrible  la  plume  à  la 
main,  apportait,  dans  la  société,  des 
mœurs  simples  et  douces.  Sa  conver- 
sation était  grave  et  réfléchie ,  sans 
exclure,  pourtant,  une  honnête  gaite. 
Sa  mémoire ,  vraiment  extraordinaire, 
lui  fournissait  toujours ,  a  point  nom- 
mé, quelque  trait  de  ce  que  les  au- 
t(urs  avaient  dit  de  plus  saillant  sur 
ce  qui  faisait  le  sujet  de  l'entretien.  11 
possédait  à  fond  les  poètes  latins,  et 
en  appliqu  it  les  plus  beaux  endroits 
avec  autant  de  justesse  que  de  pré- 
sence d'esprit.  Il  s'exprimait '^'un  tou 
fort  haut,  lorsqu'il  soutenait  ses  opi- 
nions. Plusieurs  traits  prouvent  ce- 
pendant qu'il  était  plus  modeste  que 
ses  ennemis  n'ont  voulu  le  faire  croire. 
Sou  frère,  l'évêque  d'Angers,  l'ayant 
invité  à  le  venir  voir ,  il  prit  la  voiture 
publique.  On  vint  à  parler  de  soa 
livre  De  la  Perpétuité  de  la  Foi; 
on  le  vantait  beaucoup  ,  lui  seul  le 
déprécia.  Un  des  voyageurs  indigne' 
lui  dit  :  «  Il  vous  appartient  bien  de 
i)  vous  ériger  en  censeur  du  grai.d 
»  Arnauld  I  Et  que  trouvez-vous  à  blà- 
»  mer  dans  sou  livre  ?  —  Beaucoup 
»  de  choses,  répondit  Arnauld  ;  on  a 
»  manqué  tel  et  tel  endroit  :  on  eût 
»  dû  mettre  plus  d'ordre,  pousser 
»  davantage  le  raisonnement.  »  Il 
parla  de  tout  en  maître ,  et  cependant 
personne  ne  fut  désabusé.  Le  caresse 
de  son  frère  étant  venu  le  prendre  à 
quelques  lieues  d'Angers,  on  reconnut 
que  le  censeur  d'Arnauld  était  Ar- 
nauld lui-même,  et  chacun  se  répandit 
eu  excuses.  «  Ce  qu'il  v  a  de  singu- 
lier ,  dit  l'auteur  de  VHistoire  des 
querelles  littéraires  ,  c'est  que  cet 
homme  ,  qu'on  a  cru  l'ennemi  des 
pnpps  ,  avait,  de  Rome,  la  permission 
de  dire  la  messe  dans  sa  ch^tuibre.  Ses 


5oS  A  R  N 

liaisons  nvec  ccHc  cour ,  pour  être 
ètonuantos ,  n'en  sont  pas  moins  vé- 
ritables. Il  entretint ,  toute  sa  vie,  des 
correspondances  avec  des  membres 
du  sacre  collège.  Il  avait  des  instruc- 
tions Irès-sûres  concernant  les  pa- 
piers importants  envoyés  à  la  congré- 
gation de  la  Propagande.  Personne  ne 
connaissait  mieux  que  lui  la  biblio- 
thèque du  Vatican  :  il  citait  les  pièces 
originales,  l'endroit  oii  on  les  avait 
placées ,  et  défiait  les  jésuites  d'en 
contester  l'authenlicité.  Ils  ne  ]nuent 
pas  faire  mettre  à  l'Index  sa  Morale 
pratique ,  tandis  que  le  livre  du  P.  Le 
Tel!ier,5H7"Ze5  chrétiens  de  la  Chine, 
y  lut  mis.  Son  crédit ,  à  lioiue  ,  était  au 
point  qu'il  en  |»laisantait  lui-racinc. 
«  Ou  me  croit  en  Frana; ,  di.Nait-i! , 
i>  io  plus  grand  ennemi  des  papes ,  et 
»  l'on  ignore  comme  j'ai  toujours  été 
»  chez  eux.  »  Une  lettre  de  Piomc, 
niséréc  dans  le  Mercure  do  février, 
169G,  ajoute,  à  ces  détails,  luic  anec- 
dote qui  vient  à  l'appui  ;  c'est  qu'un 
des  plus  célèbres  professeurs  du  col- 
lège de  la  Sapience  ,  avant  appris  la 
mort  dAruauld  ,  la  vrille  dujour  où  il 
devait  faire  un  di.^cuurs  btju  d'appa- 
rat ,  auquel  tout  Rome  était  invité  , 
consacra  sa  harangue  toute  entière  à 
l'éloge  de  ce  docteur,  ne  parla  que 
de  la  grande  perte  que  l'iilglise  venait 
de  faire  en  sa  personne ,  et  le  mil  au- 
dessus  de  tous  les  écrivains  anciens 
et  modernes.  Cet  homme  extraordi- 
naire ne  fut  pas  seulement  profond 
dans  la  théologie,  dans  l'intelligence 
de  récriture ,  dans  la  science  ecclé- 
siastique ,  il  était  eucorc  versé  dans 
la  dialectique,  la  géométrie,  la  gram- 
maire et  la  rhétorique.  Les  anciens 
lui  étaient  familiers  ;  mais  il  paraît 
avoir  surtout  atVcctionné  Cieéron.  On 
lui  demandait  i.c  qu'il  fallait  f  lire  pour 
se  former  un  bon  .sf^le:  «  Lisez  Cicé- 
^)  ron  ,  répondit-il. —  il  ne  s'agit  pas, 


A  R  \ 

)>  répliqua -t -on  ,  d'écrire  en  latm ., 
»  mais  en  français.  —  En  ce  cas,  re- 
»  prit  le  docteur ,  lisez  Cieéron.  »  II 
avait  lui-même  profilé  de  cette  lec- 
ture ;  son  style  était  plein  de  chaleur 
et  d'énergie ,  et  cette  énergie  serait  plus 
fra[jpante  s'il  avait  tu  l'art  de  se  res- 
serrer. «  Arnauld.  dit  I\I.  Bossut,  était 
»  né  avec  une  grande  éloquence;  mais 
»  il  n'en  réglait  pas  assez  les  moiive- 
)>  ments.  Les  négligences  de  la  dic- 
»  tion ,  le  ton  pesant  et  dogmatique  , 
»  nuisirent  quelquefois  à  la  force  de 
i>  sa  logique,  et  dans  les  premièi'es 
»  disputes  qui  le  signalèrent ,  il  eut 
»  besoin  que  Pascal  fit  valoir  ses  rai- 
1)  sons  par  les  charmes  de  l'expres- 
»  sion  et  par  le  piquant  de  la  pl.ùsan- 
«  terie.  Il  n'eiit  pas  ,  comme  cet  écri- 
»  vain  inimitable ,  l'art  de  se  resser- 
»  rer,  et  d'être  précis  ,  sans  cesser 
»  d'eue  éloquent.  »  On  a ,  de  cet 
homme  illustre,  environ  cent  quarante 
volumes  en  dillérents  formats,  dont 
plusieui  s  ont  été  faits  en  société  avec 
Pascal ,  Nicole .  Lamv,  etc. .  et ,  malgré 
l'inépuisable  fécondité  de  Fauteur  , 
rien  n'cmpèche  de  croire  qu'un  grand 
nombre  est  l'ouvrage  de  ses  disciple^ . 
(pii  ont  voulu  en  faire  honneur  a  leur 
chef,  ou  les  mettre  en  crédit  par  l'au- 
torité d'un  grand  nom.  Le  recueil  com- 
])ltt  de  ces  écrits  a  été  publié  en  4 3 
vol.  in-4'.  ,  à  Lausanne,  en  1777- 
78-79-85.  On  peut  diviser  ces 
écrits  eu  cinq  disses  :  la  i"^"".,  com- 
posée des  livres  de  briles-lettres  et  de 
philosophie  :  1.  Grammaire  générale 
et  raisonnée ,  contenant  les  fonde- 
ments  de  Vart  de  parler ,  etc. ,  par 
MM.  de  Port-Royal  ;  nouvelle  édi- 
tion ,  augmentée  des  notes  de  M, 
Duclos  ,  de  V académie  française  , 
et  d'un  supplément  par  M.  l'abbé 
Froment,  iu-r.>, ,  1706-  M.  Pctitol  ■< 
donné,  en  i8(>5,  iu-8'. ,  ime  nou- 
velle édition  de  cet  ouvrage  foiuia- 


ARN 

mental ,  et  qui  est  la  clef  de  toutes  les 
langues.  II.  Eléments  de  Géomé- 
trie; III.  V/lrl  dépenser,  avec  M. 
Nicole,  lirre  excellent ,  qui  a  fait  ré- 
volution dans  l'enseignement  de  la 
loi^ique.  Les  auteurs  ont  cru  devoir , 
par  nic'nngeinent  pour  les  partisans 
de  l'ancienne  barbarie  scojastiqiie , 
y  faire  entrer  des  matières  que ,  plus 
tard  ,  ils  n'auraient  pas  manqué  d'ex- 
clure. Arnauld ,  du  moins  ,  y  fait 
assez  sentir  le  cas  qu'il  faisait  de  ces 
sottises ,  dont  Molière  fit  justice  peu  de 
temps  après.  IV''.  Réflexions  sur  V é- 
loquence  des  Prédicateurs  ,  Paris , 
1695.  Cet  écrit  fut  composé  à  l'occa- 
sion d'une  préface  de  M.  Dubois ,  qui 
interdisait  l'éloquence  aux  orateurs 
chrétiens.  Arnauld  à  qui  il  avait  en- 
voyé son  ouvrage  ,  répondit  à  ses  so- 
pliismes  avec  une  telle  supériorité  de 
dialectique  et  de  raison  ,  que. Nicole 
dit  en  le  lisant  :  0  Si  M.  Dubois  n'était 
))  ]MS  mort  ,  il  en  mourrait.  »  En 
effet,  l'écrit  d'Arnauld  ne  fut  impri- 
mé qu'après  la  mort  de  ce  faible  tra- 
ducteur de  Cicéron  et  de  S.  Augus- 
tin. Ce  livre  obtint  le  suffrage  même 
des  jésuites,  qui,  d'ailleurs,  n'étaient 
pas  fâchés  de  voir  le  maître  humilier 
le  disciple.  Le  P.  Bouhoursfit  la  pré- 
face de  l'édition  de  1700,  qui  parut 
«ious  le  titre  général  de  Réflexions  sur 
V  Eloquence,  avec  des  lettres  de  M.  de 
Sillery ,  évêque  de  Soissons,  contre 
le  P.  Laniy ,  bénédictin  ,  sur  le  même 
sujet.  Enfin  ,  on  le  réimprima ,  cii 
i^So,  en  Hollande,  dans  un  recueil 
de  divers  traités  sur  l'éloquence  et 
sur  la  poésie  ,  public  par  Bruzen 
de  la  Marti  nière.  V.  Objections  sur 
les  Méditations  de  Descartes  ;  VI, 
Traité  des  vraies  et  des  fausses 
idées.  Colonie,  i685.  La  deuxième 
classe  est  celle  des  ouvrages  sur  les 
matières  de  la  Grâce.  On  en  trouve 
U!i«  liste  fort  longue  dans  k  Diction- 


ARN  5o<) 

naire  de  Moréri ,  et  dans  le  Supplé- 
ment au  jVécroloofe  des  principaux 
défenseurs  et  confesseurs  de  la  Fé- 
rite.  Le  principal  est  celui  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut ,  sous  le  titre 
(\e  Réflexions  philosophiques  et  théo- 
logiques.  La  plupart  des  autres  ne 
roulent  que  sur  des  disputes  particu- 
lières ,  si  l'on  en  excepte  la  Traduc- 
tion des  Lii'res  de  S.  Augustin  ,  des 
3Iœurs  de  l'Église  catholique  ,  de 
la  Correction  et  de  la  Grâce  ;  de  la 
véritable  Religion  ;  de  la  Foi ,  de 
V Espérance  et  de  la  Charité,  16  |8. 
La  troisième,  des  livres  de  controverse 
contre  les  calvinistes:  I.  la  Perpé- 
tuité de  la  Foi ,  ouvrage  auquel  il  avait 
eu  beaucoup  de  part,  et  qu'il  publia 
sous  son  nom,  comme  Nicole,  son  prin- 
cipal coopérateur  ,  l'avait  désiré.  Clé- 
ment 1 X ,  a  qui  il  fut  dédié ,  Clément  X 
et  Innocent  XI ,  lui  firent  écrire  des 
lettres  de  remercîuient.  II.  Le  Ren- 
uersement  de  la  morale  de  J.-C. 
par  les  calvinistes,  en  1672  ,  in-4'',; 
III.  y  Impiété  de  la  morale  des  cal- 
vinistes, en  1675  ;  IV.  V Apologie 
pour  les  catholiques,  1 08 1-82,  'i 
vol,  in- 1 '2;  V.  les  Calvinistes  con- 
vaincus de  dogmes  impics  sur  la 
morale  ;  VI.  le  Prince  d'Orange, 
nouvel  Jbsalon  ,  nouvel  Hérode , 
nouveau  Cromwell.  L'auteur  du  Siè- 
cle de  Louis  Air  doute  que  ce  livre 
soit  d'Arnauld ,  parce  que  le  stvle  du 
litre  ressemble  à  celui  du  P.  Garasse. 
Cependant,  le  Supplément  au  Né- 
crologe,  déjà  cité,  le  range  dans  la 
longue  liste  des  écrits  du  docteur.  On 
dit  même  que  Louis  XIV  ordonna 
qu'on  le  fît  imprimer ,  et  qu'on  en  en- 
voyàt  des  exemplaires  dans  toutes  les 
cours.  I\Iais  celle  assertion  n'est  pas 
prouvée.  On  a  plus  de  plaisir  à  penser, 
comme  de  savants  théologiens  l'assu- 
rent ,  que  ce  fut  à  l'Apologie  pour  les 
Catholiques  qua  Louis  XlVfitcethou- 


5to  ARN 

ncur.  La  quatrième  classe ,  des  écrits 
cuntrc  les  jésuiles,  parmi  lesqi:els  ou 
di.stinp,iie  'a  Pratique  morale  des  jé- 
suites ,  en  8  vol.  ,  qui  sont  presque 
tous  d'Arnaiild ,  à  rexccption  du  pre- 
mier et  d'une  partit  du  second  .  qui 
sont  de  Cambout  de  Pont-Chàtcan.  Il 
y  a  ,  dans  cet  ouvrage ,  comme  dans 
tous  les  écrits  de  parti ,  des  ve'nte's  et 
des  exagérations.  On  doit  pourtant 
convenir  qu'il  est  précieux  par  le 
nombre  et  la  qualité  des  j)ièces  origi- 
nales qu'il  contient  ,  dont  l'authen- 
ticité n'a  jamais  été  contestée  par  ceux 
qui  y  avaient  le  plus  d'intérêt ,  el  qu'on 
peut  proposer  comme  un  modèle  de 
la  méthode  avec  laquelle  on  doit  trai- 
ter, approfondir,  épuiser  une  matière. 
Ou  peut  comprendre,  dans  celte  qua- 
ti  ième  classe  ,  tous  les  écrits  contre  la 
morale  relâchée,  dont  il  était  nn  des 
pins  ardents  ennemis.  Le  Su]>]>lé- 
vienl  au  Nécrologe  des  défenseurs 
de  la  vérité  nous  apprend  qu'il  eut 
part  aux  â**.,  9' . ,  i  «'• ,  1  •*'• ,  i  lï  '.  , 
1 4  . el  1 5  .  Lettres prfH'inciales.  Dans 
la  cinquième  partie,  sont  tous  les  écrits 
sur  l'Écriture-Sainte  :  I.  Histoire  et 
Concorde  évangélique  ,  en  latin  , 
i655;  IL  Traduction  du  Missel , 
en  langue  vulgaire,  autorisée  par 
rÉcriture-Saihte  et  parles  Pères,  ftilc 
avec  De  Voi'^in  ;  111.  Défense  du 
Nouveau  Testament  de  Mons ,  con- 
tre les  Sermons  de  Maimbourg,  avec 
T>ficole,  etc.  On  a  imprimé,  après  sa 
mort,  neuf  volumes  de  Ze«7V'5,  où  l'on 
distingue  les  noms  de  Boileau  ,  de 
Léibnitz,  etc.  Le  P.  Quesncl  a  publié 
sa  fie,  avec  des  pièces  relatives  et 
des  écrits  posthumes.  On  y  trouve  une 
réponse  aux  reproches  qu'on  lui  avait 
faits  de  se  servir  de  termes  injurieux 
contre  ses  adversaires.  L'objet  de 
cette  Dissertation  est  de  prouver, 
par  l'Écriture  et  par  les  Pères  ,  qu'il 
est  permis  de  combattre  sts  adversai- 


ARN 

res  avec  des  traits  forts  et  piquant?. 
L'éditeur  des  Œuvres  comf.ltics 
d\4rnauld  a  mis  à  la  tète  de  sa  col- 
lection une  /-"l'e extrêmement  détaillée^ 
qu'on  a  réimprimée  en  2  vol.  in-8". , 
Lausanne,  i'j85.  Les  journaux  ont 
rapporté,  dans  le  temps,  cet  article 
du  testament  de  M.  Grosley  :  «  Je 
»  lègue  une  somme  de  six  cents  livres 
»  pour  contribution  de  ma  part  au 
»  monument  à  ériger  au  célèbre  An- 
»  If.ine  Arnauld ,  soit  à  Paris ,  soit  à 
))  Bruxelles.  L'étude  suivie  que  j'ai 
»  faite  de  ses  écrits  ,  m'a  offert  un 
»  homme  courageux  au  milieu  d'une 
»  persécution  continue ,  supérieur  aux 
»  deux  grands  mobiles  des  détermi- 
»  nations  humaines  ,  la  crainte  et 
I)  l'espérance.  Ses  ouvrages  sont  i'ex- 
»  pression  de  l'éloquence  du  cœur  , 
»  qui  n'appartient  qu'aux  âmes  for- 
»  tes.»  Il  ne  paraît  pas  que  cette  dis- 
position ait  eu  aucune  suite.      N — l. 

ARNAULD  (  Antoine  ),fds  aine  de 
Robert  Arnauld  d'Andilly,  servit  d'a- 
bord dans  le  régiment  d'un  de  ^es  cou- 
sins, Isaac  Arnauld,  gouverneur  de 
Philishourg ,  et  mestre-de-camp,  em- 
brassa l'état  ecclé>iastique  ,  devint 
abbé  de  Chaumes,  se  retira  auprès  de 
son  oncle,  l'évèque  d'Angers,  dont  il 
gouverna  le  temporel  ,  qu'il  dérangea 
consitlérablemenl,  et  mourut  en  i  G98. 
Ses  3Iémoires  ,  où  il  se  plaint  be<in- 
coupde  son  père,  ont  paru,  en  175G, 
en  trois  parties  ,  in-8". ,  publiées  par 
le  P.  Plngré.  On  y  trouve  des  faits 
piquant^  qu'on  chen  lierait  vainement 
dans  les  nombreux  mémoires  sur  le 
siècle  de  Louis  XlW  II  y  annonce  la 
même  manière  de  penser  que  les 
autres  Arnauld,  sur  les  affaires  du 
temps.  ^ — L. 

ARNAULD  ,  marquis  de  Pompon- 
ne ,  et  ARrsAULD ,  abbé  de  Pom- 
ponne. Voy.  Pomponne. 

ARNAULD (^MjkRiE- Angélique  de 


A  R  N 

Sriinte-Madeleine,  sœur  d'Antoine  Ar- 
naud l  ,  né  en  >  Sqi  ,  abbessp  de  Port- 
Kov-il-cles-Cliamps,  à  quatorze  ans,  y 
rétablit  à  di\-srpt  ans  la  réior  ne  de 
Cîteaiix  cl  le  premier  espi  it  do  l'insliîut 
de  St.-Bernard.Ciiargée,  parle  pjénéral 
dcl'ordre ,  d'inlrodnircla  réforme  dans 
l'abbaye  de  Maubuisson,  que  gouver- 
nait jilors  sœur  G  ibrielle  d'Estrées  , 
qui  s'y  était  fait  installer  à  main-armée, 
elle  en  vint  à  bout,  après  bien  des 
peines ,  en  donnant  le  premier  excm- 
j)lc  de  toutes  les  privations  (pi'olle  im- 
posait à  ses  religieuses.  Ce  fut  alors 
qu'elle  se  mit  sous  la  direction  de  S. 
François  de  Sales.  Dp  retour  à  Port- 
Boval ,  elle  transféra  son  monastère 
des  ('.liampsà  Paris;  et,  periuadée  que 
son  élection  n'avait  pas  été  canonique, 
après  avoir  obtenu  que  l'abbesse  fût 
désormais  triennale  et  élective ,  elle 
donna  sa  démission.  Quelques  années 
après,  le  pape  la  nomma  pour  établir 
un  nouveau  monastère,  que  la  du- 
chesse de  Longueville  voulait  fonder 
en  riionneur  du  S.  Sacrement.  Cet  éta- 
blissement n'ayant  pas  subsisté,  la 
mère  Marie-Angélique  revint  à  Port- 
Royal,  dont  les  religieuses  l'élurent 
abbcisc ,  douze  ans  après  sa  démis- 
sion, et  la  continuèrent  pend.^nt  douze 
ans  de  suite,  f^e  monastère  dei  Champs 
ayant  été  rétabli ,  elle  se  partagea  en- 
tre le  gouvernement  des  deux  mai- 
sons, y  déplova  des  qualités  émiiientes, 
et  mourut,  le  6  août  i(it)i ,  àsoixan'e- 
dixans ,  après  cinquante-quatre  ans  de 
profession ,  laissant  une  grande  réputa- 
tion d'esprit,  de  savoir  et  de  vertu.  Ra- 
cine ,  dans  \! Histoire  de  Port-Royal^ 
lui  attribue  les  relations  des  persécu- 
tions qu'on  fit  soufFiir  à  ces  religicii- 
ses  ,  publiées  à  Paris,  en  1724.  —  Sa 
sœur,  la  mère  Aguès,  fut  d'abord, 
malgré  sa  jeunesse,  maîtresse  des  no- 
vices, gouverna  Port-Royal  durant  les 
cinq  ans  que  la  nièt'e  Marie -Angélique 


ARN  r>iî 

passa  à  Maubuisson ,  devint  sa  coad- 
ju'rice,  fut  e'ie-mciue  élue  abbesse, 
et,  durant  vingt-sept  ans,  gouverna 
Porl-Roval  alternalivemcnt  avec  sa 
sœur ,  à  l'qudle  e'ie  survécut  neuf 
ans,  éprouva  de  grands  chagrins  à 
roccasi(jn  du  Formulaire,  vit  enfin  ré- 
tablir le  monastère  de  Port-Royal ,  et 
mourut, le  i<)févii(r  167  r,àsùixante- 
dix-sept  ans,  après  soixante-douze  ans 
de  profession,  et  soixante -deux  de 
gouvernement.  Elle  publia  deux  livres, 
l'un  intitulé  :  L'image  de  la  Reli- 
gieH<;e  parfaite  et  imparfaite ,  Paris, 
I G65  ,  in- 1  i  ;  et  l'aulre  :  Le  Chapelet 
secret  du  St.-Sacreinent,  i6(i5,  m- 
\'i  ,  supprime  à  Rome,  sans  être  cen- 
suré. On  lui  attribue  aussi  :  Les  Cons- 
titutions de  Port- Royal.  Ces  deux 
abbesses  eurent  quatre  sœurs,  toutes 
religieuses  dans  le  même  monastère, 
et  toutes  fttachées  au  parti  janséniste, 
et  occupées  de  disputes  sur  la  grâce  ; 
«  Comme  si ,  dit  Bossuet,  la  simple  foi 
»  ne  valait  pas  mieux  que  tout  cela,  » 
C'(î3t  ce  qui  faisait  dire  à  l'archevêque 
de  Paris,  Péréfixe,  «que  ces  files 
»  étaient  pures  comme  des  anges,  mis 
»  orgueilleuses  comme  des  dénions.  » 
—  Leur  nièce,  la  mère  Angélique  de  St.- 
Jean  Arnauld,  née  en  iGa^  ,  entra  à 
Port-Royal  a  six  ans,  fut  élevée  par  ses 
deux  tantes,  eatre  les  mains  desquelles 
elle  devint  un  prodige  d'esprit  et  de 
vertu,  fut  durant  vingt  ans  maîtresse 
des  novices  ,  puis  abbesse  ,  et  moiuut 
en  1684  »  ^r>^^  ^^^  cinquante-neuf  ans. 
Elle  eut  une  grande  part  aux  articles 
du  Nécrologe  de  Port- Royal.  On  a 
de  plus  d'elle  des  Relations  ,  des  Re'- 
Jlexions,  et  des  Conférences.  Ce  der- 
nier écrit  a  été  publié  par  D.  C'é- 
mencet,  en  17O0,  5vol.in-i2.  M  ". 
de  Sévigné  vante  une  lettre  qu'elle 
écrivit  à  l'occasion  de  la  disgrâce  de 
son  frère,  le  marquis  de  Pomponne. 
«C'était^  ajoute-t-elle ,  la  chère  fille 


5 13  ARN 

»  de  M.  LVÂndilly,  et  dont  il  rae  disait  : 
»  Comptez  que  tous  mes  frères  ,  tous 
))  mes  enfants,  et  moi,  nous  sommes 
»  des  sots ,  en  comparaison  d'Aiige'- 
»  lique.  Jamais  rien  n'a  été  bon  de 
»  tout  ce  qui  est  sorti  de  ces  pays-là , 
»  qui  n'ait  été'  corrigé  et  approuvé 
»  d'eiîr.  Tontes  les  langues,  toutes  les 
»  sciences  lui  sont  infuses  ,  etc.  »  M. 
Arnauld  et  M.  Duguot  ont  fait  son 
éloge.  N— L. 

ARNAULT  DE  NOBLEVILLE 
(Louis-Daniel),  agi'égé  ati  collège 
des  médecins  d'Orléans  ,  de  la  société 
et  corres])ondance  royale  de  méde- 
cine, né  à  Orléans  ,  le  2  f  décend)re 
i-joi,  mort  le  1".  mars  1778,  a 
publié:  1.  Le  Manuel  des  dames  de 
Charité,  on  Formules  de  médica- 
ments faciles  à  préparer,  1747,  iu- 
i'2  ,  réimprimé  en  17J0,  1757, 
1760,  1760,  in-r>.,  traduit  en  italien 
et  en  hollandais;  II.  .J^dologie,  ou 
Traité  du  rossignol  franc  ou  chan- 
teur ,  1751  ,  in  -  1  i  ;  111.  Histoire 
naturelle  des  animaux  ,  pour  servir 
de  suite  à  la  madère  médicale  de 
Geo/Jroj  ,  i7r)(),  9  vol.  in- 13.  Ar- 
n.iult  eut  pour  collaborateur  un  nom- 
mé Salerne.  IV'.  Description  abrénée 
des  plantes  usuelles ,  employées  dans 
le  Manuel  de  charité  {  avec  le  même 
collaborateur  )  -  '7^7  ,  in- 12;  V. 
Cours  de  médecine  pratique  ,  ré- 
digée d'après  les  principes  de  Fer- 
rein.  I7t>9,  3  vol.  in- 12;  1781, 
5  vol.  in- 12.  —  Arnault  DE  la 
BoRiE  (  François  ),  chanoine  de  St.- 
E.iennc  et  de  St.-Front,de  IVrigueux , 
sa  ])atric ,  successivement  archidiacre 
et  chancelier  de  l'université  de  Bor- 
deaux, mort  en  1607  ,  dans  un  âge 
Ivès-avancé,  est  auteur  des  Anti- 
cpiités  de  Pérlgord ,  imprimées  en 
i577,  dit  le  P.  Le'ong.  1!  avait,  sui- 
vant l'abbé  Goujct,  traduit  le  Traité 
des  anges  et  dès  déjnons ,  de  J.  Mal- 


ARN 

donat ,  et  composé  l'Anti  -  Drusac , 
Toulouse,   i5d4.  A.  B — t. 

ARND  (Jean)  ,  un  des  théologiens 
de  la  communion  luthérienne,  qui  ont 
le  plus  contribué  à  donner  à  l'instruc- 
tion religieuse  une  tendance  pratique. 
Il  naquit  à  Ballenslsedt ,  dans  le  duché 
d'Anhalt,  en  i555.  II  étudia  d'abord 
la  médecine,  et  c'est  apj)aremuient  à 
ces  premières  étudi-s  qu'on  doit  les 
fréquentes  allusions  à  la  mauvaise  chi- 
mie de  son  temps  ,  qui  jettent  de  l'obs- 
curité sur  un  grand  nombre  de  pas- 
sages de  ses  écrits ,  et  qui  leur  ont 
donné  une  teinte  de  mysticité.  Une 
dangereuse  maladie  lui  fit,  dit -on, 
embrasser  la  carrière  ihcologique,  dans 
laquelle  il  se  distingua  par  une  cha- 
lité  inépuisable,  qui,  dans  la  modicité 
de  sa  fortune  ,  lui  valut  la  réputation 
d'avoir  trouvé  la  pierre  philosophale, 
et  par  des  écrits  ascétiques  ,  pleins 
d'onction  et  de  chaleur,  dont  le  plus 
connu,  intitulé  :  Jm  vrai  Christia- 
nisme, a  été  traduit  en  latin  ,  en  fran- 
çais ,  par  Samuel  de  Eeauval  ,  et 
dans  presque  toutes  les  langues  de 
l'Europe  et  de  l'Asie,  Ce  livre,  dont 
les  expressions  ne  sont  pas  toujours 
réglées  avec  rigueur  sur  la  théologie 
liithérienne,hii  attira  de  vifs  reproches 
de  la  part  de  quelques  théologiens 
de  cette  communion,  surtout  de  Luc 
Osiander.  Il  mourut  à  Zell,  en  162  c  , 
suiinleudant  des  églises  du  duché  de 
Lunibourg  ;  peu  d'heures  avant  ss 
mort ,  il  avait  fait  un  sermon  sur  ces 
paroles  du  126^  psaume:  Ceux  qui 
sèment  dans  les  larmes,  moisson- 
neront dans  la  joie  ,  et  était  rentré 
chez  lui  en  disant  qu'il  venait  de 
pronoucerune  oraison  funèbre.  Il  sup- 
porta les  persécutions  de  quelques-uns 
de  ses  contemporains  avec  une  dou- 
ceur angéiique.  Le  théologien  Wcrns- 
dorf,  de  Bàle,  a  écrit  un  très-bon 
ïaorceau  sur  Arnd,  qu'on  trouve  daus 


ARN 

la  collection  de  ses  OEuvres.  (  V.  aussi 
Witte,  Meinoria  Theologorum,  Dec. 

II ,  p.  1  7  I  ).  S — R. 
ARND  (  Christian  ),  ne  en  i6i3, 

fit  ses  études  à  F.eyde ,  à  Wiîiei;berg , 
à  Leipzig;,  à  Strasbourg  ,  et  mourut 
à  Rostock ,  eu  r685,  après  y  avoir 
occupe'  trois  ans  la  chaire  de  logique. 
Ou  a  de  lui  :  1.  Dissert,  de  Philoso- 
phid  i<ete?'iim,  Rostock,  i6'jo,  in- 
4".  ;  II.  Discursus  politicus  da  prin- 
cipiis  constiluentUms  et  conservan- 
tibus  rempublicam  ,    ibid.  ,    1 65  i  ; 

III.  De  vcro  usu  Logices  in  Theolo- 
gia,  ib.  i(i5o.  G — t. 

ARND  (  JosuÉ  ^ ,  miui.-îre  du  culte 
luthérien,  né  à  Gustrou ,  en  1626, 
succéda,  en  i65?> ,  à  son  frère  Chré- 
tien Arnd  dans  la  chaire  de  logique  à 
Rostock  ,  fut  ensuite  aumônier  du  duc 
de  Mecklenbourg ,  Gu'-îave  Adolphe, 
et  mourut,  en  i685,  après  avoir  pu- 
blié un  grand  nombre  d'ouvrages  de 
philosuphic,  d'histoire  et  de  contro- 
verse. La  plupart  sont  indiqués  dans 
les  Mémoires  de  Niccrou ,  t.  XLIII. 
Les  plus  remarquables  sont  :  I.  Lexi- 
con  antiquitaium  Ecclesinsticanim, 
Greif  vvild  ,  i6()7,  1669,  in-4°.  ;  II. 
Genealogia  Scaligerorum  ,  Copen- 
bague,  1648;  III.  Trutina  Slatuum 
Europœ  Duels  de  Rohan,  imprimé 
plusieurs  foi-,  et  à  Gustrou,  eu  i(j65, 
in-S".  ;  IV.  Laniena S abuudic a,  Ros- 
tock, i655,  in-4*'.;  V.  Exercit.  de 
Claudii  Salmasii  erroribus  in  theo- 
logid;  Wiîcb. ,  1 65  i ,  in-4' .:  VI.  Ob- 
servat.  ad  Franc.  Favassoris  librum 
déforma  Christi  ,  Rostock,  1666, 
in-8'.;  VII.  Des  Poésies  latines,  etc.  ; 
VIII.  Une  traduction  en  latin  deï' His- 
toire de  TVallenslein  ,  écrite  en  ita- 
lien ,  par  Gualdi,  avec  des  Notes, 
ibid.;  16G9.  Josué  Arnd  était  très- 
versé  dans  l'histoire  de  la  guerre  de 
trente  ans.  S — r. 

ARND  ( Charles},  fils  du  préce- 
II. 


ARN  5i3 

dent,  né  en  167^.  à  Gustrou,  mort 
en  1721  ,  professeur  de  langue  hé- 
braïque à  Lio/tock.  Sa  vie  est  racontée 
dans  hs  yinnal.  literar.  Meklenburg. 
ad  an.  1721,  p.  57—57.  Les  prin- 
cipaux de  ses  ;  uvrages  sont  :  I.  Sche- 
diajma  de  Fhalaride ,  M.  Antonini 
scriplis  et  Agapeii  Scheda  regia, 
Rosto-'k,  1702,  in-.'^.'' .;M.  Schedias- 
ma  Biblioikccœ grœcœ  diffîcilioris ^ 
ibid.  III.  Bihliotheca  polilico-heral- 
dica,  I  705,  ir.-B'.  :  IV.  Sjstema  li- 
terarium  ,  compleclens  prœcipun 
scienliœ  lilerariœ  monwnenta ,  Ros- 
tock, 17  i4  7  iu-4  '•  Ch.  Arnd  est  un 
des  créateurs  de  l'Histoire  bihiiogra- 
phique  générale  ;  V.  Dissert,  philolo. 
trigo.  ,  I  °.  De  cancellariorwn  et 
procancellariorum  apud  Hebrœos 
f^estigiis  ;  1°.  De  Apostolo  Paido 
Doctoris  titulo  condecoralo  ;  o".De 
prœconiorum ,  promotiones  hodier' 
nas  antecedentium,  nidimentis  apud 
hebrœos ,  ibid..  r  7  14  ,  in-4°.  ;  VI.  Il 
y  a  plusieurs  morceaux  de  lui  dans  les 
'Miscellan.  Lips.  t.  V,  Mil,  IX  et 
XI;  VII.  une  Vie  de  son  père.  — 
Arnd  (  Godefroy  )  a  donné  une  Chro- 
nique de  la  Livonie  (  en  allemand  ), 
Halle,  1747?  et  réimprimée  in-fol.  en 
1755.  S — R. 

ARNE  (Thomas-Augustin),  mu- 
sicien anglais  ,  né  en  1710,  était  fils 
d'un  tapissier  de  Covent-Garden.  Il 
était  destiné  au  barreau  ;  mais  un 
coût  irrésistible  l'entraînait  à  l'étude 
de  la  musique  ,  et  il  s'v  livra  à  l'insu 
de  ses  parents  ;  il  fit  de  si  rapides 
progrès  qu'il  fut  admis  ,  très -jeune 
encore ,  comme  chef  d'orchestre ,  dans 
la  troupe  de  Drury-Lane.  L'univer- 
sité d'Oxford  lui  conféra  ,  en  1759, 
le  degré  de  docteur  en  musique.  Il 
réunissait  le  talent  de  l'exécution  à 
celui  de  la  composition,  et  il  a  formé 
d'excellents  élèves  pour  le  chant.  Le 
docteur  Burney  lui  accorde  l'honneur 

55 


5  1 4  A  R  N 

d'avoir  introdait  en  Angleterre  un 
nouveau  style  musical  ,  forme  d'un 
inelanp;e  de  style  anglais ,  italien  et 
écossais.  Ses  cliniits  patriotiques  et 
populaires  sont  aujourd'hui  à  peu  près 
tout  ce  qu'on  connaît  de  lui ,  mais 
sufQsent  pour  honorer  sa  mémoire. 
L'espèce  d'hymne  surtout  qui  com- 
mence par  Ruîe,  Britannia  (Triom- 
phe, Angleterre),  est  excculc  dans 
toutes  les  occasions  où  l'on  veut  cé- 
lébrer quelque  événement  honorable 
pour  la  nation  ,  ou  exciter  le  patrio- 
tisme national.  Les  aulrcs  ouvrages 
de  Thomas  Arne  sont  la  musique 
de  la  Rosamonde  ,  opéra  d'Addi- 
$on;  du  Cornus,  de  ]\Ii!ton,  et  de 
\ Alfred,  de  M.diet,  etc.  On  lui 
doit  aussi  les  opéras  d'Jrtnxerce, 
du  Tuteur  trompé,  de  la  Base,  et 
autres,  dont  il  a  compose  les  paroles 
«t  la  musique  ;  mais  le  talent  du  poète 
y  est  fort  au-dessous  de  celui  du  musi- 
cien. 11  mourut  en  1778,  âgé  de 
.soixante-huit  ans.  Il  était  frère  de  la 
célèbre  actrice  misîriss  Cibber,  dont 
il  guida  les  premiers  pas  dans  la  car- 
rière du  ihcàlre  ,  et  il  avait  épousé 
«ne  fameuse  cantatrice  dont  il  eut  un 
fils,  Michel  Auni:,  connu  par  la  iuu- 
sique  de  qucl([ues  opéras.      S — d. 

ARNHEIM,  ou  ARINIM  (Jean- 
George  ) ,  général  saxon ,  né  en  1 58  r , 
dans  rUckermarck  ,  d'une  famille 
noble,  entra  d'abord  au  service  de 
Pologne,  ensuite  à  celui  de  la  Suède, 
et  passa,  en  \(h.6,  d.uis  l'armée  de 
l'empereur  Ferdinand  11,  où  i!  acquit 
si  bien  la  faveur  du  général  Wallens- 
tein,  qu'en  iC.*7,  il  fut  fait  feld-nia- 
réchal,  et  chargé,  eu  iG).8,  d'assiéger 
Straisund.  Forcé  de  lever  ce  siège,  il 
fut  envoyé  au  secours  de  Sigismond 
III,  roi  de  Pologne.  Des  querelles  qui 
s'élevèrent  entre  les  chefs  polonais  et 
lui ,  l'engagèrent  à  se  retirer  du  ser- 
vice de  l'empereur.  Il  passa  alors. 


ARN 

avec  le  litre  de  feld-maréehal ,  à  celui 
de  l'électeur  de  Saxe  ,  et  combattit 
sous  les  drapeaux  de  Gustave  Adolphe, 
à  la  bataille  de  Breitenfeld  :  il  prit  Pra- 
gue ,  Egra ,  E'iibogen  ;  mais  il  se  vit 
bientôt  forcé,  par  Wallenstoin,  d'a- 
bandonner ses  conquêtes.  On  l'accuse 
de  ne  les  avoir  pas  défendues.  Un  mot 
pi(piant  de  Gustave -Adolphe  l'avait 
irrité,  dit-on,  contre  ce  roi  et  contre 
les  protestants;  et,  pour  s'en  venger, 
il  s'entendit  secrètement  avec  les 
impériaux;  il  fut  soupçonné  d'avoir 
joué  le  même  rôle  dans  la  campagne 
de  Silésie;  mais,  lors([ue  la  guerre 
recommença,  eu  i655,  il  s'opposa, 
par  une  marche  rapide,  à  Wallens- 
ttiu ,  qui  se  dirigeait  vers  le  Palatinat, 
et  protégea ,  avec  autant  de  bravoure 
que  de  vigilance,  les  frontières  de  l'é- 
lecteur de  lirandebourg.  Au  commen- 
cement de  rauuée  if^>5j,,  il  fut  em- 
ployé pour  les  propositions  de  paix 
que  Wallenstein  fit  faire  aux  électeurs 
de  Saxe  et  de  lirandcbourg ,  et  qui 
échouèrent.  Arnheim  rentra  alors  eu 
campagne,  prit  Bautzcu,  Limbourg, 
et  battit  les  impériaux  à  Liegnitz.  Eu 
1 G55 ,  il  fut  envoyé  p.w  l'électeur  de 
Saxe  aux  négociations  de  Berlin  ,  et, 
après  le  traité  de  Prague ,  il  fit  sortir 
ses  troujîes  de  la  Silésie.  Comme  les 
droits  des  luthériens  ne  lui  parurent 
pas  assez  respectés,  assez  assurés  par 
ce  traite,  il  donna  sa  démission,  et  se 
retira  dans  son  château  de  Boitzen- 
bourg,  dans  l'Ukcrmarck;  il  y  fut  saisi 
et  enlevé,  le  17  mars  1637,  par  or- 
dre du  roi  de  Suède,  qui  le  soupçon- 
nait de  former  contre  lui  des  complots 
dangereux.  On  le  conduisit  d'abord  à 
Sletin,  et  ensuite  à  Stockholm;  il  s'é- 
ehajipa  de  celte  dernière  ville  en  i658, 
à  la  laveur  d'une  fête  donnée  à  la 
cour,  pendant  laquelle  on  le  surveil- 
lait avec  moins  d'exactitude.  De  retour 
en  Allcmague ,  il  se  tint  caché  quelcjue 


ARN 

temps  dans  une  cabane  de  pêcbeur, 
rentra  peu  après  au  service  de  l'élec- 
teur de  Saxe,  alors  allie  de  l'empe- 
reur, et  voulut  lever  une  nouvelle  ar- 
mée. N'avant  pas  réussi  ,  il  tomba 
malade  à  Dresde,  et  y  mourut  le  i8 
avril  164I.  C'était  un  homme  d'une 
activité  prodigieuse,  prêt  à  la  faire 
servir  aux  intérêts  de  ses  passions, 
comme  à  ceux  de  son  prince;  sa  tem- 
pérance était  si  remarquable,  qu'on 
le  nommait  le  capucin  luthérien.  Il  se 
distingua  dans  le  nombre  de  ces  géné- 
raux qui,  pendant  la  guerre  de  trente 
ans  ,  commandant  des  troupes  à  leur 
solde  et  dévouées  à  leur  personne , 
rendirent  leur  nom  aussi  redoutable 
que  leurs  armes.  G — t. 

ARNIGIO  (  Barthelemi  ),  né  à 
Brescia,  ville  de  Lombardie,  en  iD^S, 
dans  la  plus  basse  condition,  fut  un 
des  plus  célèbres  littérateurs  de  son 
temps.  Son  père  était  forgeron,  et  lui 
apprit  d'abord  cet  état,  qu'il  exerça 
jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans.  Alors, 
poussé  par  son  génie,  il  commença  à 
se  livrer  à  l'étude  des  lettres,  tirant 
des  secours ,  tantôt  d'un  de  ses  amis , 
tantôt  d'un  autre.  Il  parvint  ainsi ,  non 
sans  peine,  à  se  mettre  en  état  d'en- 
trer dans  l'université  de  Padoue.  Il  y 
étudia  particulièrement  la  médecine, 
et  dut  les  movens  d'v  être  reçu  doc- 
teur ,  à  la  générosité  de  quelques  gen- 
tilshommes de  son  pays,  qui  recon- 
naissaient en  lui  des  talents  naturels, 
et  des  dispositions  extraordinaires. 
De  retour  à  Brescia,  il  s'y  mit  sous  la 
protection  du  médecin  Conforto,  qui 
lui  procura  des  pratiques  utiles  ;  mais 
de  nouvelles  expériences,  qu'd  voulut 
faire,  lui  réussirent  si  mal,  et  il  lui 
mourut  tant  de  malades ,  qu'il  fut  sur 
le  point  d'être  lapidé,  et  ne  se  sauva 
que  par  la  fuite.  Abandonnant  alors 
la  médecine,  qu'il  avait  cultivée  plus 
par  nécessité  que  par  goût,  il  se  livra 


ARN  5i5 

entièrement  aux  lettres,  et  surtout  à 
la  poésie.  Il  séjourna  quelque  temps  à 
Venise  et  dans  d'autres  villes,  où  il 
se  fit  un  grand  nombre  d'admirateurs. 
Il  était  retourné  depuis  peu  de  temps , 
dans  sa  patrie ,  quand  il  v  fut  attaque 
d'une  maladie  contagieuse,  dont  il 
mourut  le  cinquième  jour,  en  1377. 
Ses  principaux  ouvrages  imprimés  , 
sont  :  I.  Le  Rime,  Venise,  i555, 
in-8°.  ;  II.  Lettera ,  Bime ,  ed  ora~ 
zione,  i558,  in-4'.,  sans  nom  de 
lieu  ni  d'imprimeur  ;  III.  Lettura, 
letta  publicamente  sopra  il  sonetto 
del  Petrarca , 

Liete  .  pensose ,  accompagnate  ,  e  soie  , 

Brescia ,  1 565,  in-8  '.  ;  IV.  Meteoria^ 
ovveTO  discorso  intomo  aile  impres- 
sioni  imperfette  umide  e  secche ,  etc., 
Brescia ,  1  568 ,  in-8''.  ;  à  ce  traité ,  le 
plus  ancien  peut-être  que  les  modernes 
aient  écrit  sur  ces  matières ,  sont  joints 
des  pronostics  perpétuels  ,  deafi'phé- 
mérides  ,  et  d'autres  appUcations  plus 
ou  moins  arbitraires  de  k  philosophie 
naturelle;  V.  Dieci  Veglie  degli  am- 
mendali  costumi  delV  umana  vita^ 
etc.,  Brescia,  1577.  in-4"".,  ouvrage 
de  morale  qui  eut  une  grande  répu- 
tation ,  et  qui  en  conserve  assez  pour 
que  l'on  ait  reproché  à  Fontaniiù  de 
ne  lui  avoir  point  donné  place  dans  sa 
Bibliothèque  italienne;  VI.  la  Medi' 
cina  d'Amure,  citée  par  Mazzuchelli, 
d'après  plusieurs  bibliographes,  dont 
il  avoue  qu'aucun  n'atteste  qu'elle  ait 
été  imprimée.  G — e'. 

ARNISOEUS  (  Hen-vi>-gus\  né  ans 
environs  d'Halberstadt,dHns  la  Basse- 
Saxe  ,  étudia  la  médecine ,  et  voyagea 
en  France  et  en  Angleterre  pour  se  per- 
fectionner dans  cette  science.  Il  l'en- 
seigna ensuite  avec  beaucoup  de  répu- 
tation à  Fr?*ncfort- sur -l'Oder,  et  à 
Helmsdaet ,  au  duché  de  Brunsvvick. 
Arnisceus ,  poiu"  suppléer  a  ce  qui  man- 
quait à  cette  derriière  université ,  y  fit 

55.. 


5i6  ARN 

bâtir,  à  ses  frais,  un  laboratoire  de 
chimie,  et  y  créa  un  jardin  botanique. 
Pour  remplacer  les  dissectiftus  anato- 
miqiics  ,  qui  ne  s'y  faisaient  que  très- 
rarement,  il  avait  fait,  par  ordre  du 
duc  de  Brunswick  ,  vingt-cinq  plan- 
ches, repre'sentant  les  muscles  avec 
leur  grandeur  et  couleur  naturelles  , 
mais  qui  n'étaient  point  assez  nettes.  11 
y  en  avait  aussi  de  relatives  au\  partips 
sexuelles  de  la  femme.  En  i65o, 
Arnisœus  quitta  cette  université'  pour 
aller  occujicr  la  place  de  premier  mé- 
decin du  roi  de  Danemarck,  Cîiris- 
tiern  IV.  Il  n'eu  jouit  pas  long-temps; 
car  il  mourut  en  iG5t),  Il  a  composé 
plusieurs  ouvrages  sur  la  médecine,  la 
politiqiu"  et  la  jiu'isprudence  :  I.  Ob- 
sen>atiojies  aualomiccp  ex  q'tibus 
conlrovers'ue  multœ  phrsicœ  et  me- 
dicœ  breviier  deciduntur ,  Fiancof. , 
iG  I  o,  in-4".,  Helmstadt.  1618,  in-4 "., 
avec  ses  Disquisitiones  de  partiis  ter- 
miniif^A.  ce  dernier  ouvrage  séparc- 
mcnt,  Fianciiort ,  t64^,  in-i'2  ;  111. 
Disputatio  de  lue  venered  cos^nos- 
ceiidd  et  curundd  ,  Oppenheimi  , 
i6io,in-4°.  ;  IV.  De  observationi- 
hus  quibitsdam  analomicis  epislola, 
qui  se  truuve  parmi  les  Ohscr\ationi 
médirlua'es  de  Gréguire  Hi^rstius,  qui 
ont  paru  à  L  Im ,  eu  i()-),8,  in-4'*.; 
V.  De  auctoritate  prinripum  in  po- 
pulum  sernper  imnolahili .  Francfort, 
lOia,  in-4".;  ^I-  ^^  /'"'^  majes- 
tatis  ,  i655  ,  in-4''.;  ^  i'-  -^^  ^'^^' 
jetione  et  exemptione  clericorinn  , 
it>i9. ,  in-l*^.  ;  Vlll.  Lectiones  poli- 
ticce  ,  in-4°.  C.  et  A — >'. 

ARNKIKL  (Trogillus"),  mort  eu 
1  -;  1 3 ,  surintendant  des  églises  luthé- 
riennes du  Holstein  ,  a  bien  mérite'  de 
l'ancienne  histoire  du  Nord.  La  der- 
nière édition  de  sa  Religion  des  Cim- 
bres  païens  (  en  allemand) ,  a  paru  à 
Hambourg  eu  i'^()3  .  in-4 '•  H  '"^  ■'"^''^ 
donne  i'Z/«(o//'e  de  lacom-ersiondes 


ARN 

peuples  du  Nord,  accompagnée  d'un 
tnhleau  de  leurs  mœurs,  etc.  (  eu 
allemand) ,  et  un  grand  nombre  d' cui- 
vrages de  controverse  et  de  piété.  Nous 
indiquerons  encore  son  Traité  DePhi- 
losophid  et  Schold  Epicuri ,  Kiel  , 
iG-ji,  in-4°.  —  Sou  fils,  Arxriel. 
(  Frid.  ) ,  bourgmestre  d'Appenrade  , 
dans  le  Holstein,  a  publié,  en  alle- 
mand ,  une  Histoire  intéressanîe  de 
X Etablissement  du  Christianisme 
dans  le  Nord  (  Gblckstadt ,  1712, 
in-4''.);  elle  ^■''^  ^n  grande  partie  d'une 
tendance  polémique  contre  l'Historien 
ecclé^iast.  Godefroi  Arnold.    8 — r. 

ARNOBE  ,  l'ancien  ,  célèbi  e  apo- 
logiste de  la  religion  chrétienne,  était 
né  a  Sicque,  en  N  uniidie,  dans  le  3'.  siè- 
cle. Chargé  d'enstigner  la  rhétorique 
dans  sa  patrie  ,  son  savoir  et  son  élo- 
quence lui  acqnirent  une  grande  répu- 
tation. F'ansces  premiers  temps,  l'es- 
prit de  Dieu  ,dit  Ori-^èue,  frapp  àt  sou- 
vent les  âmes  d'une  impression  subite , 
en  songe  ou  en  vision  ,  qui  les  portait 
à  embrasser  le  christianisme.  Arnobe, 
pressé  par  une  impulsion  de  cette  na- 
ture ,  dans  laquelle  il  crut  entcndiv  la 
vois  du  ciel,  (|uitta  aussitôt  le  paganis- 
me; mais  comme,  dans  ses  leçons,  il 
s'éLiil  fortement  prononcé  contre  la 
religion  chrétienne,  l'évèqne  de  Sicque 
exigea,  avant  de  l'admettre  au  bap- 
tême, qu'il  constitàt  sa  conversion 
par  quelque  acte  public.  Ce  fut  pour 
remplir  cette  condition  qu'il  composa 
ses  sept  livres  contre  les  Gentils;  dès 
lors  l'F.giise  lui  ouvrit  proniptcment 
son  sein.  Trlthèine  a  prétend'i  qu'il  fut 
par  la  suite  élevé  aux  ordres  sacrés. 
Sun  ouvrage  ,  selon  l'opinion  la  plus 
probable ,  date  du  commencement 
du  4*'  siècle,  .iu  temps  de  la  persé- 
cution de  Dioclétien.  On  croit  que  le 
dernier  livre  ne  nous  est  pas  parvenu 
dans  son  intégrité.  La  j  reniière  édi- 
tiou  est  de  Rome ,  1 54.i ,  in-fol. ,  faite 


ARN 

sur  un  vieux  manuscrit  du  Vatican , 
qui  e^t  m'tiiitenaut  à  la  Bibliothèque 
impériale  (c'est le  seul  qu'on  conuai.sse 
de  cet  auteui-),  plein  de  fautes  qui  ont 
passe  dans  l'imprimé  :  on  y  donne  com- 
me iS*".  livre  de  cet  auteur  l' Oclavius  de 
Minuiius  Félix.  Eliefut  suivie  de  plu- 
sieurs autres,  à  Baie,  à  Paris  ,  à  Hei- 
deiljcrq; ,  oîi  cîiaque  e'diteur  se  donna  la 
lib  rté  de  corriger  le  texte  sur  de  sim- 
ples conjectures.  Fulvius  Ursinus  en 
publia  une  nouvelle  à  Rome,  en  i583, 
in-4''. ,  dans  laquelle  il  réforma  plu- 
sieurs leçons  que  des  personnes  mal 
intenlionnées  y  avaient  insérées.  Celle 
de  Leyde,  en  1 65  ï ,  in-4". ,  revue  par 
Saumaise,  est  préféi-ée  à  toutes  les 
auties ,  à  cause  des  notes  de  diffé- 
rents savants  qui  y  sont  jointes  ,  et 
de  la  correction  du  texte.  Saumaise 
avait  entrepris  uncoramentaire  sur  cet 
auteur.  I^a  mort  l'arrêta  dans  son  tra- 
vail. Ce  qu'il  en  avait  fait  a  été  pu- 
blié par  Fabricius  ,  dans  le  second 
tome  des  OEuvies  de  S.  Hippolyte , 
Hambourg,  1718,  in-fol.  M.  Te 
Water ,  savant profi^sseur  hollandais, 
prépare  une  nouvelle  édition  d'Aruobe. 
j.e  Commentaire  latin  sur  les  Psau- 
7Rf?çqni  porte  le  nom  de  cet  ancien  ajio- 
lo<;iste  du  cliristiaiiisme,  est  d'un  auteur 
du  même  nom  qui  a  vécu  dans  le  5*^. 
sièc!e.  La  profession  d'Arnobe  l'ayant 
oblii;é  de  lire  les  auteurs  pr;faiies  an- 
ciens (t  modernes,  il  s'était  rendu 
très-habile  dans  la  théologie  païenne, 
où  il  puisa  depuis  les  arj^um'^nts  qui  lui 
servirent  à  la  terrasser;  mais,  comme 
tous  les  nouveaux  convertis,  qui  con- 
naissent mieux  le  faible  de  la  religion 
qu'ils  abandonnent,  que  les  dogmes  de 
ci'lie  qu'ils  embrassent,  il  montre  plus 
d'habileté  à  combattre  le  paganisme 
qu'à  défendre  le  christianisme.  11  écri- 
vit son  ouvrage  n'étant  encore  que 
cathéciimène,  avant  d'avoir  eu  le  temps 
de  s'inslruiie  des  dogmes  de  la  reli- 


ARN  517 

gion.  C'est  ce  déf  lut  d'instruction  qui 
l'a  fait  tomber  dans  quelques  erreurs 
si;r  l'origine  et  la  nature  de  l'arae,  et 
sur  d'autres  vérités  importantes ,  très- 
mal  présentées  dans  ses  livres  ;  mais 
qui  ne  doivent  pas  tiner  à  c  nséquen- 
ce  pour  sou  ordiodoxie ,  d'autant  qu'il 
ne  s'est  point  attaché  opiniâtrement 
sux  erreurs  qu'on  lui  reproche ,  et 
que,  dans  d'autres  endroits,  il  s'ex- 
plique plus  exactement  sur  ces  mêmes 
vérités.  Vossius  appelle  Arnobe  le 
Varron  des  écrivains  ecclésiaîiques. 
Son  style  africain  est  inégal,  dur,  en- 
flé ,  et  quelquefois  obscur  :  on  y  re- 
marque cependant  une  certaine  élé- 
gance ,  de  l'énergie ,  des  tours  et  des 
raisonnements  subtils  ;  il  a  du  talent 
pour  une  raillerie  ingénieuse,  dans  la 
manière  dont  il  représente  la  théologie 
païenne ,  ne  se  permettant  jamais  au- 
cune satire  personnelle.  D.  le  Nourry, 
D.  Cellier  ,  et  le  père  Merlin  ,  dans  le 
Journal  de  Trévoux,  ont  justifié  Ai'- 
nobe  des  erreurs  que  Bavie  lui  impute. 
—  Arnobe  le  jeune,  dont  nous  avons 
parlé ,  fut  moine  à  Lérins  ou  à  Mar- 
seille. Il  attaqua  vivement  1 1  doctrine 
de  S.  Augustin.  Son  Commentaire  sur 
les  sept  Psaumes  a  été  souvent  réim- 
primé. T  — D. 

ARNOLD ,  archevêque  et  électeur 
de  Mayence,  élu  en  l'an  1 153.  Quel- 
ques historiens  prétendent  qu'il  était 
d'abord  prévôt  de  Maycncc,  et  qu'ayant 
été  envoyé  à  Rome  par  l'aixlievêquc 
Henri!  '..pour défcndrecelui-ei contre 
des  accusations  qui  avaient  été  portées 
devant  le  pape,  il  corrompit  dux  car- 
dinaux ,  et  fît  si  bien  que  le  pape  dé- 
posa Henri ,  et  nomma  Arnold  à  sa 
place.  S'il  est  vrai  qu'il  fût  parvenu  à 
ce  haut  rang  par  une  semblable  per- 
fidie ,  il  eu  fut  cruellement  puni  :  à  la 
suite  d'une  violente  discussion  qu'il 
eut  avec  les  bourgeois  de  Mayence , 
au  sujet  de  certains  privilèges ,  il  fut 


3i8  ARN 

massacre  par  le  peuple ,  dans  le  cloître 
de  St.-Jacques  ;  son  corps ,  après  avoir 
été  traîne  nu  dans  les  rues ,  fut  jeté 
sur  un  tas  de  fumier,  rais  en  morceaux 
et  enseveli  sans  honneur.  L'empereur 
Fre'déric  l". ,  auprès  duquel  il  jouissait 
d'ure  grande  faveur,  tira  de  ce  meur- 
tre une  vengeance  non  moins  cruelle: 
s'ëlant  rendu  à  Mayence,  trois  ans 
après,  il  condamna  à  mort  les  trois 
principaux  chefs  de  la  sédition  ,  fit 
raser  les  remparts  et  le  cloître  de  St.- 
Jacques  ,  anéantit  tousles  privilèges  de 
la  ville ,  et  la  convertit  en  une  vaste 
sohtude  :  elle  resta  trente-six  ans  dans 
cet  état.  Christian  II,  l'un  des  succes- 
seurs d'Arnold,  a  écrit  sa  vie.  G — t. 
ARNOLD  (  Nicolas  )  ,  naquit  à 
Lesna ,  en  Pologne  ,  le  17  décembre 
j6i8.  Après  avoir  étudie  avec  succès 
sous  les  plus  habiles  maîtres  de  Lesna 
et  de  Dantzick,  il  fut  placé,  en  i63() , 
à  la  tête  do  l'école  et  de  l'église  de 
.lablonow.  Les  talents  qu'il  montra 
dans  cette  place  engagèrent  ses  supé- 
rieurs à  l'envoyer  dans  les  universités 
c'irangères  ,  afin  qu'il  y  trouvât ,  pour 
perfectionner  ses  études  ,  les  secours 
qui  lui  manquaient  dans  sa  patrie.  En 
1641  .il  arriva  à  Franecker,  et  sui- 
vit les  leçons  de  Makowski,  du  fameux 
Cocceius ,  de  Vedel ,  de  Cloppenburg. 
Il  alla  passer,  en  1645,  quelques 
mois  dans  les  universités  de  Levde, 
de  Groningue  et  d'Utrecht,  pour  y 
écouter  Voet,  Sitanhcira  ,  et  quelques 
autres  savants  théologiens.  On  lui 
confia,  en  i645,  la  direction  d'une 
petite  église  hollandaise,  à  laquelle  il 
s'attacha  tellement ,  que  des  ofiTies 
^plus  brillantes  ne  purent  la  lui  faire 
quitter.  Cocceius  ayant  été  appelé  par 
l'iuiiversilé  de  Leyde ,  la  chaire  de 
ihéologie  qu'il  occupait  à  Fianecker 
resta  vacante  ;  les  magistrats  la  don- 
ïièrent  à  Arnold  ,  en  i()5i ,  et,  trois 
ans  après ,  ils  y  joignirent  la  place  de 


ARN 

prédicateur  académique.  Arnold,  qui 
possédait  parfaitement  le  hollandais , 
et  s'était,  dès  les  premières  années  de 
son  séjour  en  Hollande  ,  exercé  avec 
succès  au  ministère  de  la  parole ,  se  fit , 
dans  ces  nouvelles  fonctions,  une  fort 
grande  réputation.  Ses  ouvrages  sont 
écrits  en  latin  ,  et  appartiennent  pres- 
que tous  au  genre  dogmatique  et  polé- 
mique; H  suffira  d'en  indiquer  quel- 
ques-uns :  L  Scoyœ  dissolutœ  H. 
E c hardi ,  Fran.  i654,  iu-8'.  ;  II. 
Lux  in  ienebris  ,  etc. ,  ou  Défense  et 
conciliation  des  passasses  delà  Bible 
dont  les  sectaires  se  servent  pour 
établir  leurs  erreurs ,  'x\o\.  in -8"., 
Fran.  ,  1662  ;  et  i665  ,  in-4''.  ;  HL 
Atheismus  Socinianus  J.  Bidelli 
refutatus  ,  Fian.  ,  i65p  ,  in-4°.  ;  IV. 
Oraison  funèbre  de  Christ.  Schota- 
nus  ,  professeur  à  Franecker ,  Fran. , 
1671  ,  in-fol.  Arnold  mourut  le  i5 
octobre  1680.  — Michel  Arnold  ,  un 
de  ses  fils,  mort  le  .18  mars  1708,  à 
Harlem ,  où  il  était  ministre  du  Saint 
Evangile ,  a  publié ,  en  1 680  ,  à  Fra- 
necker :  Codex  Talmudicus  Ta- 
viid. ,  etc. ,  avec  une  traduction  et  un 
commentaire.  Cet  ouvrage  a  été  insé- 
ré dans  le  tome  V.  de  la  Mishna  de 
Surenhusius.  On  connaît  encore  de 
lui,  en  hollandais,  des  Méditations 
chrétiennes ,  Harling,  16S7  •.  «o-i^  ; 
et  une  Oraison  funèbre  du  prince 
Henri  Casimir,  Lemv.,  1697  ,  in-4". 
B— ss. 
ARNOLD  (  Christophe  ) ,  philo- 
logue, né  en  1627  ,  mort  à  Nurem- 
berg ,  professeur  d'histoire  ,  d'élo- 
quence et  de  poésie.  Il  eut  des  rela- 
tions avec  les  savants  les  plus  distin- 
gués de  son  temps  (  f^oy.  sa  vie  dans 
Will ,  Dictionnaire  des  savants  de 
Nuremberg  ).  On  y  trouve  un  cata- 
logue de  ses  nombreux  écrits;  celui 
qu'ortie  Adelung  est  plus  complet. 
Nous  n'mdiquons  ici  que  les  plus  re- 


ARN' 

marquables  :  I.  Fal.  Catonis  gram- 
matici  dirœ  ciim  commenlario  peiye- 
tuo ,  Leyde ,  1 652 ,  édition  très-rare  ; 
II.  Or.  de  Jano  et  Januario  ;  111. 
Ornatus  liiiguœ  latince  ,  imprimé 
quatre  fois  à  jSuremberg;  IV.  Tesli- 
monium  Flavianum  de  Christo ,  liv. 
18,  Antiq.,  c.  4>  Nuremb. ,  1661  , 
in- 12.  Ce  sont  trente  dissertations  en 
forme  de  lettres  ,  que  Havercamp  a 
insérées  dans  le  2*.  volume  de  son  Jo- 
sephe,  V.  De  Parasitis ,  en  tête  de 
ÏEpulum  parasiticinn,  ib. ,  i665  , 
in- 1  •!  ;  VI.  Notœ  ad  Jo.  Eph.  fFa- 
genseilii  coinmentarium  in  Sotam, 
iJï.,  1670,  in-/|".;  Vil.  Ses  Lettres  à 
Nicol.  Heinsius  se  trouvent  dans  la 
collection  de  Burmann,  t.  V.     S — R. 

ARNOLD  (GoDEFROi),  théologien 
de  la  communion  de  Luther,  et  his- 
toriographe du  roi  de  Prusse,  Frédé- 
ric r  '^. ,  naquit,  le  5  septembre  1 665 , 
à  Annaberg,  dans  l'Estzgcbiirg.  Il  fit 
ses  études  à  Géra  et  à  Wittenberg,  fut 
nommé  professeur  d'histoire  à  Giessen; 
mais  résigna  presque  aussitôt  cette 
place  par  des  motifs  de  piété  dont  il 
rendit  compte  au  public  ,  en  1 698 , 
dans  un  écrit  parliculier,  remplit  en- 
suite les  fonctions  de  pasteur  à  Alt- 
staedt ,  dans  le  duché  d'Eisenach  ,  à 
Werben  et  à  Perleberg,  dans  la  mar- 
che de  Pricgnitz,  et  mourut,  le  2,0 
mai  17145  de  douleur  d'avoir  vu  des 
recruteurs  prussiens  entrer  dans  l'égli- 
se où  il  administrait  le  St-Sacrement, 
et  enlever  de  force  plusieurs  jeunes 
gens  de  sa  paroisse.  Avant  de  mourir 
il  exprima  à  un  de  ses  amis  le  regret 
d'avoir  écrit  le  livre  mystique  intitulé  : 
Sophia,  ou  Mystères  de  la  sagesse 
divine,  Leips.,  1700,  etArasterd., 
i702,-in-8°.  (cnallera.),  et  de  n'avoir 
pas  rédigé  avec  plus  de  circonspection 
sa  grande  Histoire  de  l^ Église  et  des 
Hérésies.  Ce  dernier  ouvrage  ,  qui 
comprend  tous  les  siècles  chrétiens 


ARN  5iç) 

jusqu'à  l'an  1688,  et  qui  parut  pour 
la  première  fois  à  Fraucfort-sur-le- 
Mein,  en  1699  — 1700,  en  quatre 
parties  (2  vol.  in-fol.),  et  augmenté 
à  SchafThouse ,  de  1 740-42 ,  en  5  vol. 
in-fol. ,  a  fait  sa  réputation  et  ses  mal- 
heurs. Les  théologiens  orthodoxes  ne 
purent  lui  pardonner  ses  diatribes 
contre  le  clergé  dominant ,  et  sa  pré- 
dilection pour  tous  les  sectaires  qui 
avaient,  soit  par  ignorance,  soit  dans 
des  intentions  pieuses ,  essayé  de  dé- 
pouiller la  doctrine  chrétienne  de  tou- 
tes les  subtilités  de  la  dogmatique,  et 
de  la  réduire  à  la  morale  évaugélique 
en  préceptes  el  en  action.  11  est  pi-o- 
bable  que  les  conférences  de  Spener 
sur  la  religion  ,  connues  sous  le  nom 
de  Collegia  pielatis  ,  entretiens  aux- 
quels Arnold  avait  assisté  à  Dresde , 
en  1686,  curent  une  grande  part  à  la 
direction  que  prit  son  esprit.  Le  judi- 
cieux Mosheim  ,  qui  parle  durement 
d'Arnold,  ne  paraît  pas  avoir  app  r- 
té,  dans  son  jugement,  l'équité  qui  le 
distingue  ;  il  a  trop  vu  ce  qui  man- 
quait à  Arnold  ,  comme  logicien  et 
comme  historien ,  et  trop  peu  ce  qui 
enflammait  l'homme  uniquement  oc- 
cupé des  progrès  de  la  piété.  Voy.  Ins- 
til.  Hist.Eccles.,  Sœc.XP^li,  sect. 
2,  pars  2,  c.  I,  vol.  Sa,  pag.  948ct 
suiv.  Ce  serait  faire  toit  à  Arnold  que 
de  le  confondre  avec  les  fanatiques 
ignorants  qu'il  s'est  plu  à  vanter.  11 
avait  fait  d'excellentes  études ,  et  con- 
naissait bien  toutes  les  sources  de  l'é- 
rudition. Son  tableau  de  la  Foi  et  de 
r  Amour  des  premiers  Chrétiens 
(  Francfort-sur-le-Mein ,  i  G90,  in-fol., 
et  pour  la  sixième  fois,  Lcips.,  1740, 
in-4''.  ),  peut  être  taxé  de  partialité; 
mais  on  doit  y  reconnaître  des  re- 
chei'ches  savantes  et  une  sagacité  rare. 
Les  mêmes  défauts  et  les  mêmes  qua- 
lités se  font  remarquer  dans  son  His- 
toria  et  Descriptio  théologies  nrys- 


5 10  A  R  N 

ticœ  ,  seii  theosojiîdœ  nrcanœ  et 
recunditœ ,  itenujut  veteruiii  et  no- 
voriim  mjslicorum ,  FmiicF.,  1709., 
in-8''.  Ou  |if'ut  faire  des  lopruc  lies  plus 
graves  à  sou  Tableau  du  Chrhtia- 
jiisme  intérieur  (  eu  allem. ,  Francf. , 
ï-yOi),  iu-4".,  et  plusieurs  fois  depuis). 
C'est  tout  siraplemcut  une  exposiîion 
de  sou  système  mystique ,  bien  que 
l'exaltation  s'v  fasse  moins  apercevoir 
que  dans  la  Sophia  que  nous  avons 
dcji  citc'e.  Parmi  ses  nombreux  ou- 
vrages, on  remarque  encore  :  I.  Chris- 
lianornm  ad  metalla  daiimatonim 
historia  que  l'illustre  Clirelieu  Tho- 
juasius ,  ami  zc!c  d'Aruold ,  auquel  il 
fournit  beaucoup  de  matériaux  pour 
sou  Histoire  des  Hérésies ,  a  insérée 
dans  sou  Historia  sapientiœ  et  stul- 
tiliœ  ,  tome  III ,  art.  7  ;  II.  Sa  Fie  a 
été  écrite  par  lui-même  en  allemand 
(Leips.,  1716,  in-4'\),  ft  en  latin, 
par  Jean -Christophe  Colerus  (  Wit- 
Icnb.,  1718,  ii)-8°.).  S — R. 

ARNOLD  (Christophe),  paysan 
de  Sommerfcld  dans  les  environs  de 
Leipzig,  vécut  et  termina  sa  vie  dans 
son  village.  11  fil  des  proji;rcs  eu  as- 
tronomie tels,  que  ses  observations 
de  la  cymcîc  do  i685  ,  de  celle  de 
1  (580 ,  et  du  pissage  do  Mercure  en 
1690,  attirèrent  l'attention  des  as- 
tronomes. Le  magistral  de  Leipzig  lui 
fhnuia  plusieurs  marques  de  cuusidé- 
lati  II  ;  son  portrait  est  à  la  biblio- 
thèque du  conseil  de  cette  ville.  Il 
naquit  en  i65o,et  mourut  en  1G97, 
après  avoir  fait  de  nombreuses  ob- 
servations astronomiques  et  météoro- 
logiques ,  dont  uue  partie  fut ,  par  lui, 
remise  à  l'astronome  Godefroi  Kirch , 
et  le  reste  déposé  dans  cette  bibUo- 
ihèque.  S— a. 

ARNOLD  (  Samuel  ) ,  musicien 
organiste ,  et  compositeur  de  la  cour 
du  roi  d'Angleterre,  né  en  Allemagne, 
tt  uioit  à  Londres,   le  'rx  octobre 


ARN 

1 8o'2 ,  à  l'âge  de  soixante-trois  ans.  Il 
a  donné,  sur  les  théâtres  de  celte  ville, 
un  très -grand  nombre  d'ouvrages, 
dont  quelques-uns  sont  conservés.  On 
estime  surtout  son  Oratorio  A^Xa  Gué- 
ris07i  de  Saïd,  exécuté  en  1707,61 
celui  de  la  Bésurrection ,  exécuté  en 
1770.  Ces  deux  ouvrages  eurent  le 
plus  brillant  succès  ;  les  chœurs  du 
premier  sont  regardés  comme  ce 
qu'Arnold  a  produit  de  plus  beau.  11 
a  en  outre  publié,  à  diverses  époques  , 
quinze  volumes  d'ariettes ,  de  canons , 
de  sonates  ,  d'ouvertures  et  de  concer- 
tos pour  le  clavecin.  Il  était  un  des 
disciples  et  des  gdmirateurs  de  Haeu- 
del.  Il  se  chargea ,  en  1 7SO ,  de  l'édi- 
tion des  ouvrages  de  ce  célèbre  com- 
])0siteur,  arrangés  pour  le  clavecin. 
Les  opéras  italiens  de  Hîendel  ne  font 
point  partie  de  ce  magnifique  recueil. 
P-x. 
ARNOLD  (  BE^oÎT  )  ,  l'un  des  gé- 
néraux les  plus  célèbres  de  l'armée 
amérii  aine  ,  pendant  la  guerre  de 
l'indépendame  des  Ltats-L'nis,  fai- 
sait ,  avant  cette  époque ,  le  com- 
merce de  chevaux,  il  embrassa,  avec 
ardeur ,  le  parti  de  la  révolution.  Son 
audace  le  fit  bientôt  distinguer  :  il  ue 
tarda  pas  à  être  nommé  colonel ,  se 
trouva  à  la  prise  du  fort  Ticondé- 
roga,  et  fit  partie,  pen  de  temps  après, 
de  l'oxpédilion  du  Canada,  rta  mar- 
che ,  dans  le  cours  de  l'hiver ,  à 
travers  les  montagnes  iuhabiléos  du 
]\laine ,  est  une  des  entreprises  les  plus 
hardies  que  jamais  chef  militaire  ait 
tentées.  11  commandait  un  détachement 
de  l'armée  du  congrès ,  qui  donna 
l'assaut  à  Québec ,  dans  les  derniers 
jours  de  1  '■70.  Arnold  fut  blessé  dans 
cette  occasion  ,  et  obligé  de  se  retirer 
du  combat.  Par  suite  de  sa  blessure , 
et  par  la  mort  de  Montgommery  , 
l'assaut  n'eut  point  de  succès.  Dans 
un  combat  naval  qu'il  livra  aux  An- 


ARN 
glais  ,  sur  le  îac  Cliamplain,  il  soutint 
sa  réputation  militaiic  ;  et  il  ut ,  sous 
les  ordres  de  Gates ,  îles  prodiges  de 
valeur  dans  deux  batailles  sanglantes, 
que  celui-ci  livra  au  général  anglais 
Bin-goyne  sur  les  bords  de  la  rivière 
du  Nord,  en  1777.  On  lui  doit,  en 
grande  partie  ,  le  succès  de  ces  deux 
journées,  qui  obligèrent  toute  l'araiée 
anglaise  à  mettre  bas  les  armes.  Ar- 
nold lut  uoînnié  commandant  de  Phi- 
ladelphie ,  lorsque  les  Anglais  eurent 
évacué  cette  place  en  1 778  ;  mais  ce  fut 
alors  qu'il  commença  a  se  faire  remar- 
quer par  une  conduite  qui  contrastait 
vivement  avec  les  mœurs  de  son  pays 
et  avec  les  circonstances  où  se  trou- 
vait sa  patrie.  11  faisait  tous  les  jours 
une  dépense  énorme  en  dîners ,  eu 
bals  ,  en  concerts  ,  et  montrait  une 
insolence  à  laquelle  on  n'était  pas 
accoutumé,  t'mioiguant les  plus  grands 
mépiis  pour  l'autorité  civile.  Ses  dettes 
s'accu  m  nièrent,  et  il  fut  accusé  de  pé- 
culat  par  l'assemblée  de  Pensilvanie. 
On  le  condamna  à  être  réprimandé 
par  le  général  Washington.  Son  ame 
altière  ne  jnit  supporter  un  pareil  af- 
front :  ce  fut  alors  qu'il  forma  le  projet 
detrahii  sa  patrie  cl  de  se  vendre  aux 
Anglais.  11  demanda  et  obtint  le  com- 
mandement du  poste  im])ortant  de 
West-Poiut,  situé  dans  le  voisinage 
de  New-Yorck,  quartier-général  de 
l'armée  anglaise.  Une  correspondance 
s'établit  bientôt  entre  lui  et  le  général 
anglais  Clinton  ,  par  l'intermédiaire 
du  major  André,  aide -de -camp  de 
ce  dernier.  André  lui-même  vint 
trouver  Arnold  à  West-Poiul  :  le  pro- 
jet était  de  livrer  cette  place  aux  An- 
glais, et  de  faire  prendre,  au  corps 
d'armée  commandé  par  Arnold ,  une 
posilion  telle ,  que  l'armée  anglaise 
pût  le  surprendre, le  faire  prisonnier, 
et  s'emparer  de  toutes  ses  armes  et 
de  ses  munitions  ;  mais  le  major  Au- 


ARN  Su 

drc  est  arrêté  en  retournant  à  Ncw- 
Yorck ,  et  la  trame  est  découverte  ; 
Arnold ,  ayant  eu  le  temps  de  se  sau- 
ver auprès  de  Clinton ,  publie  deux 
manifestes,  et  attribue  son  climge- 
mcnt  d'opinion  à  la  déclaration  de 
l'indépendance ,  et  à  l'alliance  avec  la 
France,  quoiqu'il  eût  continué  à  ser- 
vir sous  les  drapeaux  du  congrès, 
long-tem])s  après  ces  deux  événe- 
ments. H  fut  nommé  major-général 
dans  l'armée  anglaise  ;  mais  il  ne  fît 
plus  la  guerre  qu'en  brigand  ;  il  brûla 
et  dévasta  un  pays  qu'il  avait  si  bien 
défendu.  Après  le  traité  de  paix  ,  qui 
reconnut  l'indépendatice  des  Etats- 
Unis  ,  il  vint  en  Aiigleterre  ,  où  il 
mourut  à  la  fin  du  iS''.  siècle,  uni- 
versellement méprisé.  B — a. 

ARNOLFE  ,  ou  ARNOUL,  de  Mi- 
lan ,  et  historien  milanais ,  vivait  à 
la  fin  du  ij''.  siècle.  11  se  déclara 
d'abord  pour  le  mariage  des  prêtres  ; 
mais  ensuite  il  se  rapprocha  ,  sur  ce 
point ,  de  l'Eglise  romaine.  Il  était 
petit-neveu  d'un  frère  d'Arnolphe  , 
archevêque  de  Milan  dans  le  10*. 
siècle  :  ce  qui  a  fait  dire  ,  par  une 
bévue  plaisaute ,  dans  un  article  sur 
notre  Arnolfe ,  que ,  dans  ses  opi- 
nions sur  le  mariage  des  prêtres ,  il 
n'avait  plu  ni  à  la  cour  de  Rome,  ni  à 
son  oncle,  archevêque  de  Milan  (qui 
était  mort  depuis  près  d'un  siècle  ).  Il 
a  composé  une  Histoire  de  Milan  de- 
puis gy.5jitsquen  1 077,  remarquable 
par  lafîdélité  etl' exactitude. Elle  parut 
d'abord  dans  le  ô".  vol.  Scripiorum 
Reriim  Brunswic.  de  Léibnitz,  17x1; 
puis  dans  le  4"-  du  Thesaur.  Antiq. 
liai,  de  Rurmann  ,  1722,  et  enfin, 
dans  le  4".  du  Eer.  Ital.  scriptor.  de 
Muratori.  Cette  dernière  édition  est 
préférable  aux  autres,  ayant  été  con- 
frontée avec  quatre  manuscrits  au- 
thentiques ,  et  accompagnée  de  sa- 
vantes notes.  G— fi. 


5^1  ARN 

ARNOLFO  Dl  LAPO ,  arcliitecte 
et  sculpteur ,  originaire  de  Colle  di 
Valderso,  naquit  eu  laSi.  Sou  père, 
également  architecte ,  fit  le  modèle 
de  l'cglise  de  St. -François  d'Assise  ; 
il  fonda,  en  1 218,  les  piles  du  pont 
à  la  Carraya,  à  Florence ,  qui  fut  fiui 
en  bois  ,  comme  c'était  alors  l'usage. 
Ce  fut  encore  lui  qui  pava  la  ville  avec 
de  larges  dalies.  Les  rues  ne  l'avaient 
e'të  jusque-là  qu'en  briques  posées 
sur  champ.  Arnolphe  apprit  de  son 
père  les  principes  de  l'architecture  et 
le  dessin  sous  Qraabue'  ;  il  consulta 
ensuite  les  modèles  antiques  ;  dès- 
lors  .  il  commença  à  s'écarter  de  la 
manière  gothique,  et  contribua  à  faire 
renaître  le  bon  goût  ;  en  un  mot ,  il 
rendit  à  son  art  le  même  service  que 
la  peinture  devait  à  Cimabué.  En 
i'284,  il  fonda  la  troisième  enceinte 
des  murs  de  Florence  qu'il  flanqua 
de  tours  ,  et ,  en  1 294  ,  l'église  de 
Ste.-Croix  ,  où  l'on  voit  sou  portrait 
de  la  main  de  Giotto.  Il  construisit 
aussi  la  place  appelée  Or  San  Mi- 
cliele ,  la  loge  et  la  place  des  Priori, 
l'église  de  la  Badia,  et  le  palais  de' 
Signori ,  actuellement  appelé  le  Pa- 
lais fleiix,  sur  le  plan  d'un  édifice 
que  son  père  avait  projeté,  et  enfin, 
une  foule  de  palais  ,  de  châteaux  forts 
et  d'autres  monuments.  Son  dernier 
ouvrage  est  un  pont  tri'S-hardi ,  et 
d'une  seule  arche,  sur  la  rivière  d'Ersa, 
à  l'endroit  où  se  croisent  les  routes 
de  Florence  à  Sienne  et  de  Colle  à 
Voltorre  ;  mais  rou\Tage  qui  a  im- 
mortalisé le  nom  d'Arnolphe  est  la 
fameuse  église  de  Santa  Maria  del 
Fiore ,  cathédrale  de  Florence,  l'un 
des  plus  vastes  édifices  modernes,  et 
qui  suppose ,  dans  celui  qui  en  doima 
le  plan  ,  uu  génie  hardi  et  qui  avait 
devancé  son  siècle.  Il  ne  vécut  point 
assez  pour  achever  ce  monument  ; 
mais  il  fit  une  grande  paitie  du  revè- 


ARN 
tissement  extérieur  ,  éleva  le  pour- 
tour des  murs,  et  banda  les  quatre 
grands  arcs  qui  devaient  recevoir 
cette  fameuse  coupole  dont  l'honneur 
était  réservé  au  célèbre  Brunelleschi. 
On  peut  dire  que  cet  édifice,  anté- 
rieur au  renouvellement  de  l'architec- 
ture ,  fait  époque  dans  son  histoire , 
en  ce  que  ,  tenant  le  milieu  entre  le 
stvie  gothique  ,  qui  avait  régné  jus- 
qu'alors ,  et  le  style  antique  qui  bien- 
tôt reparut,  il  sert  à  maïquer  la  nuance 
du  passage  d'un  style  à  l'autre.  Ar- 
nolphe, auquel  tant  et  de  si  impor- 
tants ouvrages  avaient  mérite  le  titre 
et  les  droits  de  citoyen  de  Florence  y 
termina  sa  carrière,  l'an  i5oo,  âgé 
de  soixante-huit  ans.  C — n. 

A.RNOUL  ,  empereur  ,  successeur 
de  Charles-le-Gros  ,  son  oncle  ,  était 
fils  naturel  de  Carloraan  ,  roi  de  Ba- 
vière, et  petit-fils,  par  conséquent, 
de  Louis-le-Germanique.  Il  commença 
par  être  exclu  de  l'héritage  de  son 
père  ,  en  882,  à  cause  de  l'illégifimité 
de  sa  naissance;  mais,  six  ans  après, 
il  succéda  à  Charles-le-Gros  ,  qu'il 
avait  fait  déposer  à  la  diète  de  Tri- 
bur.  Arnoul  eut  plusieurs  guerres  à 
soutenir ,  et  fut  presque  toujours  vic- 
torieux. Allié  du  roi  Eudes  ,  il  défit 
les  Normands  près  de  Louvain,  en 
892.  11  jiassa  en  Italie  l'année  sui- 
vante, vainquit  le  roi  Guy,  qui  lui 
disputait  la  souveraineté  de  cette  con- 
trée ,  s'empara  de  plusieurs  villes,  et 
se  fit  couronner  roi  d'Italie,  à  Pavie. 
Peu  de  temps  après ,  assisté  par  les 
Hongrois  ,  il  attaqua  Zwentcbold ,  roi 
de  IVioravie ,  auquel  il  avait  conféré  le 
duché  de  Bohême  ,  et  qui  abusait  de 
cette  faveur  pour  essayer  de  se  rendre 
indépendant.  Arnould  força  Zwcn- 
lebold  à  se  soumettre  et  à  se  recon- 
naîtra son  tributaire.  En  895  ,  Hil- 
degarde  ,  sa  cousine  ,  qui  l'avait  aidé 
à  monter  sur  le  troue ,  tenta  de  l'co 


ARN 

renverser.  Cette  conspiration  fut  clé- 
couverte,  et  Hildegarde  exilée.  Ar- 
ïioui  retourna  en  Italie  ,  pénétra  jus- 
qu'à Rome,  et  le  pape  Forinose  le 
couronna  empereur  ;  mais  son  élec- 
tion et  son  sacre  furent  annulés  par 
le  concile  de  Rome ,  en  898.  Arnoul 
mourut  à  Ratisbonne  ,  le  29  novem- 
bre 899  ,  empoisonné ,  à  ce  que  plu- 
sieurs historiens  prétendent.  On  voit 
encore  son  tombeau  dans  une  église 
de  cette  ville.  Il  eut  deux  enfants 
légitimes,  Ghismute  ou  Ghismonde, 
qui  fut  mère  de  Conrad  1".  ,  et 
Louis  IV  ,  qui  succéda  à  son  père. 
11  eut  aussi  trois  eufcuits  naturels  , 
dont  l'aîné  ,  nommé  Zwenlebold  , 
fut  roi  de  Lorraine.         B.  C — t. 

ARNOLPHE ,  ou  ARNOUL  ,  de 
Calabre ,  écrivain  du  i  o'".  siècle  ,  a 
laissé  une  Chronique  historique  de 
son  pays  ,  depuis  goS  jusqu'en  960. 
Taffuri  l'a  publiée  dans  le  vol.  W. 
de  son  Histoire  des  écrivains  du 
royaume  de  Naples,  sous  le  titre  de 
Chronicon  Saracenico-  Calabrum. 
G— É. 
ARNOUL,  ou  ARNULPH,  évêque 
de  Rochester ,  sous  le  règne  de  Hen- 
ri P"". ,  était  né  à  Beauvais  ,  vers  l'an 
lODo.  Il  passa  en  Angleterre  à  la  sol- 
licitation de  Lanfranc ,  archevêque  de 
Cantorbéry ,  sous  la  discipline  duquel 
il  avait  été  dans  l'abbaye  du  Bec;  et  il 
ne  tarda  pas  à  être  appelé  au  siège 
de  Rochester.  Imbu  de  la  supersti- 
tion de  son  siècle  ,  il  raconta  aux 
moines  ,  le  jour  de  son  élection  , 
que ,  peu  de  temps  auparavant ,  Gon- 
dolphe  ,  l'un  de  ses  prédécesseurs, 
lui  était  apparu  pour  lui  offrir  un  an- 
neau pastoral  d'un  grand  poids  ;  que 
d'abord  il  avait  refusé  cet  anneau  com- 
me trop  fort  pour  lui ,  mais  que  Gon- 
dolphe  l'aA'ait  obligé  de  l'accepter, 
puis  s'était  dérobé  à  sa  vue  ;  et  les 
religieux  le  prièrent ,  au  moment  où 


ARN  5a5 

il  devait  être  consacré,  de  prendre 
l'anneau  donné  réellement  par  Gon- 
dolphc  à  Ralph,  prédécesseur  immé- 
diat d'Arnoul.  Ce  prélat  a  écrit  VHis- 
toire  de  V Eglise  de  Rochester ,  con- 
nue sous  le  titre  de  Textus  RofjensiSy 
dont  W  arton ,  dans  son  Anglia  sacra^ 
a  donné  un  extrait.  On  a  encore  de 
lui  un  Traité  De  incertis  nuptiis  ,  et 
un  autre  contenant  des  Réponses  à 
diverses  questions  de  Lambert,  abbé 
de  Munster  ,  principalement  sur  le 
corps  et  le  sang  de  N.-S.  J.-C.  Il 
mourut  e;  1 124?  âgé  de  quatre-vingt- 
quatre  ans.  L — P — E. 

ARNOUL  DE  LENS.  Fo^.  Lens. 

ARNOUL  de  Milan.  F.  Arnolfe. 

ARNOULD  (  Sophie  ) ,  actrice  de 
l'Opéra  ,  à  Paris ,  débuta  le  1 5  dé- 
cembre 1 757 ,  et  dut  à  une  voix  tou- 
chante ,  à  une  sensibilité  vraie ,  l'a- 
vantage d'être  reçue  dès  l'année  sui- 
vante :  elle  joua  les  premiers  rôles 
jusqu'en  1778,  époque  de  sa  retraite, 
et  se  distingua  surtout  dans  celui  de 
Thélaire ,  de  Castor  et  Pollux  ;  dans 
ceux  d'Ephise ,  de  Dardanus ,  et  d'/- 
phigénie  en  Aulide.  On  assure  que 
dans  un  voyage  que  Garrick  fît  à 
Paris  ,  ce  comédien  donna  les  plus 
grands  éloges  à  M^^^  Arnould;  Dorât 
l'a  célébrée  dans  son  poème  de  la 
Déclamation.  On  cite  une  foule  de 
bons  mots  de  cette  actrice ,  mais  la 
plupart  sont  d'un  cynisme  qui  les  exclut 
de  cet  ouvrage.  Malgré  le  mordant  de 
ses  saillies,  elle  n'eut  point  d'ennemis  et 
laissa  de  justes  regrets  à  ceux  qui  l'a- 
vaient connue.  Une  dame,  qui  n'était 
que  jolie ,  se  plaignait  d'être  obsédée 
par  la  foule  de  ses  amants  :  «  Eh  !  ma 
»  chère,  lui  dit  M^^*  Arnould,  il  vous 
))  est  si  facile  de  les  éloigner  ;  vous 
»  n'avez  qu'à  parler.  »  A  une  époque 
où  un  Iwimme  de  qualité,  fort  riche, 
était  son  amant  en  titre  ,  il  la  surprit 
eu  tête  en  têlc  avec  uu  cheyalier  de 


5ii  ARN 

Blalte,  et  voulut  se  fâclicr,  quoiqu'il 
fùl  lui-uiêine  très-connu  par  sa  légè- 
reté et  son  inconstance.  «  Votre  pro- 
»  ccdé  est  Hijuste,  dit  M'^\  Aruould  , 
»  monsieur  accoii>plit  son  vœu  dechc- 
»  valier  de  Malte  ;  il  fait  la  guerre 
»  aux  infîdè'ts.  »  Une  cantatrice  assez 
médiocre ,    et  qui    av?it  un    organe 
rauque  et  commun  ,  fut  un  jour  très- 
mal  accueillie  dans  le  rôle  de  Clitem- 
nestre  :  «  C'est  étonnant,   dit  M"'". 
V  Arnould,  cileaccperdant  la  voix  du 
»  peuple.  »  Ayant  acheté ,  dans  les 
premières  aimées  de  la  i( voluiion  , 
pour  eu  f  ire  sa  maison  dt-  camp.igne, 
le  petit  presbytère  de  Luzarclie  ,  elle 
fit  mettre  sur  la  poi-te  d  entrée  :  Ite , 
missa  est.  Ces  saillies  prouvent  plus 
d'esprit  que  de  respect  pour  les  con- 
venances :  nous  tel  minerons  ptp  un 
mot  qui,  du  moins,  n'a  p.is  le  défaut 
qu'on  peut  reprocher  aux  autres.  Elle 
dit  à  quelqu'un  qui  lui  montrait  une 
boîte    sur    laquelle  la  flitteiie   avait 
accolé  au  portrait  de  Sul!    celui  du 
ministre  Clioiseul  :  «  C'est  la  recelte 
w  et  la  dépense.  »  M"^  Arnould  était 
née  à  Paris  le  14  février  17  44  1  ^l^ns 
la  chambre  où  l'amiral  C/^ligiiy  avait 
été  massacré.  Elle  est  uu  rte  eu  1 8o3. 
Elle  a  fourni  aux  auteurs  du  Vaude- 
ville le  sujet  d'une  petite  pièce.  I* — x. 
ARNOULT  (Jean-Baptiste),  ex- 
jésuite, né  en  1G89,  et  mort  à  Besan- 
çon, en  1755,  a  composé  quelques 
ouvrages  assez  singuliers.  Le  preniit  r 
est  un  Recueil  de  proverbes  français, 
i'aliens  et  espaguols  ,  iniitulé  :  Traité 
fie  la  prudence ,  pclit  ouvrage  assez 
rare  (  Besançon  ),  i  755,  in- 1  a.  L'au- 
teur se  cacha  sous  le  nom  d'./ntoine 
Dumont,  pour  éviter  les  desagréments 
que  n'auraient  pas  manqué  de  k)i  atti- 
rer les  ])laisantcries  qu'il  s'était  per- 
mises contre  les  jansénistes,  puissants 
à  cette  époque.  Il  publia,  en    l']'^^i, 
ious  le  même  uom,  eulatiu ,  im  Traité 


ARN 

de  la  grâce.  Son  ouvrage  le  plus  con- 
sidérable est  intitulé  :  le  Précepteur , 
c'est-à-dire  huit  traités  ,  savoir  :  une 
Grammaire  francese,  une  Ortografe 
fraiwèse ,  les  Éléments  de  V Arith- 
métique^ un  Abrégé  de  la  Cronolo- 
gie  ,  de  la  Géografie,  les  Eléments 
de  la  Religion  crétienne ,  et  VArt  de 
se  santifier,  i-i.'jo  (  Besançon  1 747  )•> 
iii-4  '•  Suivant  M.  Sabatliier,  cet  ou- 
vrage est  mal  écrit,  mais  il  contient  des 
réflexions  utiles.  L'abbé  Arnoult  atta- 
chait beaucoup  d'importance  à  ses 
id"'es  sur  la  réforme  de  notre  ortho- 
graphe; et  il  >se  proposait  de  les  ap- 
piiqiier  dans  jiis  éditions  qu'il  prépa- 
rait des  Di<li(^naires  français-larin,  et 
latin-frauçais,  d'-  Joubert  et  Uanet  Ce 
projet  n'a  nas  eu  de  suite.      \\  — s. 

AKNTZENIUS  ',Jeax),  né  à  We- 
sel,  en  s  7»  a,  eut  pour  père  Henri 
Arnîzénius  ,  (ju! ,  après  avoir  été  suc- 
cessivement directeur  des  gymnases 
de  VVesel ,  d'Arn!  eim  et  d'L'trecht  , 
mourut  en  17^8.  Arntzénius  joignit 
l'élude  de  la  jurispinidence  à  celle  des 
lettres.  I!  suivit  à  l'université  d'Utrccht 
les  leçons  de  Drakenborck  et  de  Du- 
ker;à  Le\de,  cel.es  de  i'.Buimann 
et  de  Havercamp.  Ses  cours  n'étaient 
pas  encore  finis  ,  quand  ,  ^ur  son  ex- 
cellente réputation ,  les  magistr  ts  de 
Mmègue  lui  oflVirent  la  direeîion  des 
petites  écoles  de  leur  vi'.le.  Avant  d'en- 
trer en  fonctions,  il  prit  à  Utrecht  le 
d'gré  de  rloct  ur  eu  dr.  it,  et  soutint, 
pi  ur  ce  gr.ide ,  en  juillet  17'i'^, 
une  thèse  :  De  nvptiis  inter  fratrem 
et  sororem  ,  imprimée  à  Nimègue, 
cette  même  année.  En  1718.  il  fut 
nommé  professeur  d'histoire  tt  d'élo- 
quence à  l'athénée  de?^iinègue;  et,  en 
1 7  \i ,  l'université  de  Fianecker  lui 
donna  la  chaire  de  Burmann.  O  phi- 
lologue estimable  a  'ai<sé  plusieurs  ou- 
vrages, dont  voici  l'iniHcation  L  Dis- 
sertaliones  de  colore  et  iinclura  co- 


ARN 

marum  et  de  ci,>itale  Romana  Apos- 
toli  Pouli ,  L'trecîit ,  i  "/lô  ,  in  -  8 \  ; 
II.  Orat.  de  delectu  scriptoriim  qui 
juventuli  iji  scholisprœlegefidi  <:unt, 
iSiintg, ,  1-^6,  in-4'.  ;  Hi.  Orat.de 
caussis  corruptc?  e/oqueniie.  Niîuèp;., 
1 7'>8  ,  iii-4  '•  ;  IV-  une  éditiou  de  iffic- 
toire  Romaine  de  S.  Aureliiis  Victor, 
Am.^t. ,  1-35 ,  in-4  .  ;  V.  une  édition 
du  Paiiéf^rrique  de  Pline  ,  Âmst. , 
1 708 ,  in-4".  '  VI.  une  édition  du  Pa- 
né jj'rique  de  Pacatus ,  Amst. ,  1755, 
in-4''.;  VII.  il  a  dirigé  une  réimpres- 
sion des  Scmestria  de  Faur  de  St.- 
Jorrv,  Franeck.,  1757  ,in-f()l.;VIÏI. 
SCS  Poèmes  latins ,  et  trois  Discours 
ont  été  publiés  après  sa  mort ,  par  son 
fils ,  11.  J,  Arnîzénius ,  Leuw. ,  1762, 
iu-S".  11  mourut  en  i75<>  B — ss. 

ARNTZ  EM  US  (  Otbon  1 ,  frère  du 
précédent,  naquit,  en  1705,  à  Arn- 
heim  .  et  mourut  en  1 765.  Il  professa 
les  belles-lettres  d'abord  à  Ltrcclit  , 
puis  à  Goude ,  ensuite  à  Deift,  enfin , 
à  Amsterdam.  Son  premier  ouvrage 
est  une  dissertation  De  milUario  au- 
reo  ,  Utrecht ,  1 728  ,  in  -  4'-  ■<  léim- 
primée  dans  le  Trésor  de  disserta- 
tions choisies  ,  de  Gérard  OEIrichs , 
Leipz. ,  1769.  En  1755  ,  il  donna  ,  à 
Utreclit,  une  bonne  édition  Variorum 
des  Distiques  de  Calon ;  elle  reparut 
à  Amsterdam,  1704  ,  laueinentée  de 
deux  Dissertations  de  Witliof  sur 
l'aiiteur  et  le  texte  dés  Distiques.  On 
connaît  encore  de  lui  quelques  hiran- 
gués  académiques  :  Pro  latina  erudi- 
torum  lingua ,  Goude ,  1757,  in-4°.; 
De  gTiSca  latini  sermonis  origine, 
etc.,  Deift,  1741,  in-4°.;  De  ^Mer- 
curio,  etc. ,  Amst. ,  1 746 ,  in-4".  Ses 
remarques  et  ses  corrections  sur  le 
Pseudo  -  Hégésippe  sont  restées  ma- 
nuscrites enlre  les  mains  de  J.  H. 
Arnîzénius  son  neveu.  B — ss. 

AR  iNTZEN!  US  (  Jean-Hexri>  ,  fils 
de  Jean  Arntzénius ,  naquit  à  Nimè- 


AEO  5-25 

gue,  en  1734.  Il  suivit,  comme  son 
jière  et  son  oncle ,  la  carrière  de  l'é- 
ducation piddiqup  ;  et ,  après  avoir  pro- 
fessé dans  les  écoles  de  Leuwarde  et  de 
Z'.Uplien.  i!  obtint  une  cb,nre  de  droit 
daus  T'iuiversité  de  Groningue,  d'où  il 
passa  à  ce-Je  d'Utrecht  Ses  oiivriges 
sont  nombreux  ;  nous  nousb.rijerous 
à  indiquer  les  plu-  intéressants  :  I.  une 
Dissertation  philologico  -juridique, 
sur  la  loi:  De  in  jus  vocando  ,  Fra- 
neck. ,  1755,  iu-4''.  :  elle  a  été  réimpri- 
mé'' à  la  suite  de  ses  Miscdlanea  ;  IJ. 
un  Discours  surV Importance  des  ins- 
criptions et  des  pierres  savantes,  [  la- 
pidum  eruditorum^,  Leuw.,  1-60, 
in-4''.;  Ill-  une  édition  des  Poéiies 
de  Sedulius ,  avec  les  notes  f'ario- 
nim,  Leuw..  1761 ,  in-8  .  —  un  Dis- 
cours De  Natalibus  et  incrcmentis 
Gymnasii  Leovardiensis  ,  Leuw.  , 
1762,  in -4°.;  IV.  Miscellanea , 
Utrecht,  1765,  in-8'.;  V.  une  édi- 
tion des  Poésies  d' Arator ,  Zutph. , 
1769,  in-8'.;  VI.  un  discours  De  le- 
gibus  quibusdam  regiis ,  civdis  apud 
Romanos  sapientice  fonte ,  Gron.  , 
1774,  in-4°.  ;  VIL  Institntiones  Su- 
ris Bel^ici ,  Gron.,  1785,  et  la  se- 
conde partie,  Utrccbt,  1788,  in-8'.; 
VIll.  une  édition  des  Pancgrrici 
veteres,  -i  vol,  iri-4".,  Utrecht,  i  790, 
1 797  ;  IX.  une  Lettre  critique^  adres- 
sée a  Ruard,  sur  Pindare-  Thebanus. 
Il  est  mort  le  7  avril  1797,  avec  la  ré- 
putation de  philologue  laborieux  et 
savant.  B — ss. 

AROMATARI  ;  Joseph  de  gli  },  sa- 
vant médecin,  naquit  à  Assise,  vers  l'an- 
née 1 580.  Son  père,  qui  était  écjalemeiit 
bon  médecin  ,  ne  négligea  rien  pour 
lui  donner  luie  éducation  convenable 
à  l'état  qu'il  voulait  lui  fiire  cmbras- 
Sf^r.  Après  avoir  commencé  ses  études 
à  Pérouse  ,  le  jeime  Aro taalaii  eut  des- 
sein de  les  al'er  tcra;  :er  à  la  célèbre 
université  de  Montpellier;  mais  i!  fut 


526  A  R  0 

retenu  à  Pacloue ,  où  il  e'tudla  succes- 
sivement la  logique ,  la  philosophie  et 
la  mëde('iiie.  Ayant  obtenu  le  doctorat 
à  dix-huit  ans ,  il  alla  pratiquer  à  Ve- 
nise, où  il  exerça  pendant  cinquante 
ans.  11  n'en  voulut  point  sortir,  maigre' 
les  offres  avantageuses  qu'il  reçut  du 
duc  de  Mantoue ,  du  roi  d'Angleterre , 
et  du  pape  Urbain  VIII.  11  y  mourut, 
le  1 6  juillet  iG6o.Aromatari  avait  ras- 
semble une  immense  bibliothèque ,  re- 
marquable surtout  par  un  grand  nom- 
bre de  manuscrits.  Il  joignit  le  goût 
et  la  cuUure  des  lettres  aux  études  de 
sa  profession.  Il  n'a  laisse,  dans  ce 
dernier  genre,  qu'une  Dissertation  sur 
la  rage,  moins  connue  qu'une  lettre 
qui  la  précède ,  dont  il  sera  parle  plus 
bas,  et  que  les  deux  ouvrages  suivants  : 
1.  Riposte  aile  consideraziondi  Alcs- 
sandro  Tassoni,  sopra  le  rime  del 
Petrarca,  Padoue,  i6i  i  ,  in-8°.  Le 
Tassoni  répondit  à  cet  écrit,  sous  le 
nom  supposé  de  Crescenzio  Pepe  , 
par  :  Â^vertiinenti  di  Crescenzio 
Pepe  a  Giiiseppe  degli  Aromatari 
inlorno  aile  riposte  da  te  da  lui  aile 
Considerazioni  di  Alessandro  Tas- 
soni sopra  le  rime  del  Petrarca,  Mo- 
dène,  i  G 1 1 ,  in-8'.  Aromatari  répliqua 
par  l'ouvrage  suivant ,  en  se  couvrant  à 
son  tour  d'un  nom  supposé  :  Dialoghi 
di  Falcidio  Melampodio  in  riposta 
asli  awerliinenti  dati  solto  nome  di 
Crescenzio  Pepe  a  Giuseppc  degli 
Aromatari,  etc.,  Venise,  161'),  in-8".j 
mais  l'ouvrage  qui  fait  le  plus  d'hon- 
neur au  génie  d' Aromatari ,  est  sans 
nul  doute  sa  Lettre  :  De  generatione 
plantarum  ex  seminilms  ,  adressée 
à  Barthélemi  Nanti ,  imprimée  pour 
la  première  fois  en  tète  de  la  Disserta- 
tion sur  la  rage ,  sous  ce  titre  :  Dispu- 
tatio  de  raine  contagiosd ,  cuiprœpo- 
sita  est  epistola  de  generatione ,  etc. 
Venise,  i<v.>.5  ,  in  -  4".  ;  Francfort , 
i  GjiG,  iu-4".  La  lettre  lui  iuscree  dans 


ARO 

les  Epistolœ  seleclœ  de  G.  Eicht ,  Nu- 
remberg, 1662,  in-4".  Le  célèbre  Har- 
vey,  en  ayant  eu  connaissance,  en  adop- 
ta les  principes  ;  ce  qui  a  fait  dire  que 
c'était  à  lui  qu'elle  était  adressée.  Elle  fut 
traduite  en  anglais,  et  insérée  dans  les 
Transactions  philosophiques  ,  N". 
'2.1  \.  Elle  a  été  réimprimée  à  la  suite 
des  OEuvres  de  Jungius ,  en  1747  ■>  à 
Cobourg.  Cette  lettre  ne  contient,  pour 
ainsi  dire ,  que  l'annonce  qu' Aromatari 
faisait  à  son  ami  Nanti,  d'un  Traité 
complet  sur  la  génération.  11  y  f  lit  une 
esquisse  rapide  de  sa  manière  d'en^^- 
sager  la  germination  des  plantes,  met- 
tant des  faits  à  la  place  des  mots  vides 
de  sens  de  actû  et  potentid ,  par  les- 
quels les  scolastiques  voulaient  expli- 
quer la  génération.  11  démontra  la 
grande  analogie  qui  existe  entre  les 
graines  des  plantes  et  les  œufs  des 
animaux;  en  sorte  que,  dans  les  uns 
comme  dans  les  autres ,  l'admission 
d'une  matière  subtile  détermine  l'exis- 
tence de  l'embryon;  qu'alors  il  em- 
ploie à  son  développement ,  par  sa  pro- 
pre organisation,  les  substances  dé- 
posées dans  la  coque  ou  dans  les 
téguments  ,  et  que ,  dans  certaines 
graines ,  une  partie  se  trouve  conver- 
tie en  une  espèce  de  lait ,  qui  sert , 
par  la  suite ,  à  son  développement.  La 
mauvaise  santé  d'Aromatari ,  et  sur- 
tout les  soins  qu'il  était  obhgé  de  don- 
ner à  ses  malades ,  l'empêchèrent  de 
développer  ses  grandes  conceptions; 
elles  étaient  d'ailleurs  trop  au-dessus 
des  connaissances  qu'on  avait  alors  , 
pour  être  saisies.  Ce  ne  fut  que  succes- 
sivement qu'on  en  reconnut  la  vérité; 
c'était  une  espèce  de  problème  qui , 
durant  l'espace  d'un  siècle  et  demi, 
n'a  eu  que  des  solutions  partielles.  La 
découverte  du  sexe  des  plantes  ,  com- 
mencée par  Grew,  et  continuée  jus- 
qu'à Vaillant,  a  été  la  première  ;  enfin, 
l'analomie  de  riutciicur  de  la  jraine, 


ARP 

par  Gaertner  et  Î\I.  de  Jussieu  ,  ont 
e'té  les  dernières  ;  mais  elles  n'ont  pas 
encore  comple'téresplicatiou  des  prin- 
cipes poses  par  ce  savant  médecin. 
Peu  de  personnes ,  en  France ,  ont  été' 
à  portée  de  lire  l'original,  parce  qu'J 
ne  se  trouve  que  dans  des  livres  assez 
rares  ,  et -qu'on  n'en  connaît  point  de 
traductions.      G — É  et  D — P — s. 

AUPAJON  (  Louis ,  marquis  de  Se- 
verac,  duc  d'  ) ,  général  français  sous 
Louis  XIII ,  reçut  neuf  blessures  au 
combat  de  Félissant,  se  distingua,  en 
i6.i  I ,  au  siège  de  Montauban  ,  et  par 
la  défaite  d'un  corps  de  calvinistes , 
assura  le  Languedoc  à  l'autorité  royale. 
Il  contribua  ensuite  à  défendre  Casai, 
Mont- Ferrât  et  le  Piémont.  La  Fran- 
ehe-Gomté ,  Trêves  ,  St.-Omer  et  le 
Roussillon  furent  aussi  témoius  de  son 
courage  et  de  ses  talents  militaires. 
Lorsqu'en  lÔ/JS,  le  sulthan  Ibrahim 
menaça  Malte ,  d'Arpajon  se  signala 
pour  la  défense  des  chevaliers.  Il 
fit  prendre  les  armes  à  tous  ses  vas- 
saux, leva  2,000  hommes  à  ses  dé- 
pens, chargea  quelques  vaisseaux  de 
munitions  ,  et  vint  trouver  le  grand- 
maître  ,  Paul  Lascaris  Castellard  ,  à  la 
tète  d'un  grand  nombre  de  gentils- 
hommes ,  ses  parents  ou  ses  amis  , 
«  lui  présentant  ainsi ,  dit  Vertot,  un 
secours  si  considérable  ,  qu'il  n'eut 
osé  en  espérer  un  semblable  de  plu- 
sieurs souverains.  »  Il  fut  nommé  gé- 
néral ,  avec  pouvoir  de  se  choisir  trois 
lieutenants-généraux.  Lorsque  le  dan- 
ger fut  passé  ,  le  grand-maître ,  de  l'a- 
vis du  conseil,  lui  accorda  plusieurs 
honneurs  et  privilèges,  dont  le  plus 
remarquable  fut  qu'un  de  ses  fils  ou 
descendants  serait  reçu  chevalier  des 
sa  naissance ,  et  grand-croix  à  l'âge  de 
seize  ans.  Après  l'extinction  des  mâles 
de  la  famille  d'Arpajon ,  ces  privilèges 
passèrent  à  la  famille  de  Noailles.  De 
«Qjt&ur  ca  France ,  d'Arpajon  fut  uom- 


ARR  ^2^ 

me  ambassadeur  extraordinaire  en  Po» 
logne,  près  de  Ladislas  IV,  et  favorisa 
l'élection  de  Casimir ,  successeur  de 
ce  prince.  En  iG5i  ,  il  fut  créé  duc 
par  Louis  XIV,  et  mourut ,  en  1679, 
à  Séverac  ,  où  il  fut  enterré.  D— t. 
ARPINO  (JosEPE  César  d').  Foj'. 

JOSEPIN. 

AROUIER.  rojK.  Darquier. 

ARRAES  (Amador),  un  des  plus 
e'iégauts  écrivains  du  Portugal ,  et  dont 
l'autorité  est  classique  pour  cette  lan- 
gue. Il  naquit  à  Béja,  dans  la  province 
d'Aleutejo ,  en  1 55o.  A  l'âge  de  quinze 
ans  ,  il  entra  dans  l'ordre  des  Carmes , 
et ,  bien  jeune  encore  ,  acquit  beau- 
coup de  réputation  par  l'élégance  de 
SCS  sermons  et  par  ses  connaissances 
théologiqaes.  En  1678,  le  cardinal 
D.  Henri,  infant  de  Portugal,  arche- 
vêque d'Evora ,  le  nomma  son  sufTra- 
gant  et  le  fit  sacrer  évéque  in  partibiis , 
de  Tripoli,  et,  trois  ans  après,  Phi- 
lippe II  le  nomma  à  l'évêche  de  Por- 
talègre,  qu'il  résigna ,  en  iSgô  ,  pour 
se  retirer  auprès  de  ses  moines  à  Coira- 
bre  ,  oîi  il  mourut  en  1600.  Ses  Hia- 
logues  moraux  ,  au  nombre  de  dix  , 
sont  l'ouvrage  qui  lui  a  mérité  la 
grande  réputation  dont  il  jouit  paimi 
les  Portugais.  Il  avait  pris  Platon  pour 
modèle  ;  mais  la  nature  lui  avait  don- 
né un  caractère  fort  différent;  cp.r  ce 
n'est  pas  l'harmonie  et  l'aménité  qui 
brillent  dans  ses  dialogues ,  mais  l'é- 
nergie et  la  force;  et  quelquefois  même 
la  dureté  dont  il  n'a  pas  toujours  su 
se  garder.  C — S — a. 

ARRHACHION,  ou  ARRHICHION, 
athlète  dePhigalie,  en  Arcadie,  fut 
vainqueur  au  Pancrace  à  Olympie ,  , 
dans  la  ^2''.  et  la  4^'  olympiade 
(  6 1 2  et  608  av.  J.-C.  ).  Il  se  présenta 
également  dans  l'olympiade  suivante ^ 
et  fut  encore  vainqueur  de  tous  ses  ri- 
vaux ,  à  l'exception  d'un  seul ,  qui , 
étant  paryeuu  à  l'enlacer  aYec  ses 


o;.8  A  R  R 

pieds  ,  le  saisit  à  la  gorge  avec  ses 
mains ,  et  le  serra  jusqu'à  l'étrangler. 
Comme  dans  ce    combat  il  fallait  se 
confesser  vaincu  pour  que  l'adversaire 
eût  la  victoire ,  il  s'en  suivait  que  celui 
qui  était  le  plus  fort  tuait  quelquefois 
son  antagoniste,  lorsque  celui-ci  tar- 
dait trop  à  se  rendre  ;  mais  Arrlia- 
chion ,  en  mourant ,  serra  si  fortement 
un  doigt  du  pied  de  son  adversaire , 
que  la  douleur  lui  arracha  l'aveu  qu'il 
était  vaincu,  ainsi  Arrhachion  fut  cou- 
ronné ,  quoique   mort.  On  lui  avait 
érigé,  sur  la  place  publique  de  Phiga- 
lie ,  une  statue ,  qui  était  un  des  plus 
anciens  ouvrages  de  l'art  grec  ;  car  les 
pieds  n'étaient  presque  pas  séparés  , 
et  les  bras  et  les  mauis  étaient  joints 
le  long  du  corps,  jusqu'aux  genoux, 
comme  dans  l'ancien  stvle  égvpticn. 
C— R. 
ARRHENIUS(  Jacob),  professeur 
d'histoire  à  Upsal,  né  à  Linkœping, 
en    i(i4>. ,  était  frère  de  Claude  Ai- 
rhéniiis  OEruhielm  auteur  d'une  //«- 
ioireecc}t'siasth]iiedeSutile.ef,i\méc. 
Il  fut  d'abord  secrétaire  de  i'uuiveisiié 
d'Up^al  ;  puis  obtint  la  chaire  d'his- 
toire. Eu  même  temps  ,  il  était  charge 
des  finances  de  l'université,  à  laquelle 
il  rendit  des  services  importants  par 
son  crédit  et  sa  probité.  11  procura  à 
la  bibllotlièque  des  manuscrits  pré- 
cieux, et  fit  construire  rédifice  oiiellc 
est  placée.  Les  statuts  relatifs  à  l'or- 
ganisation et  à  la  police  intérieure  fu- 
ient rédigés  sous    sa  direction.   En 
1716,   il  demanda  à  être   renip'acé 
par  son  fils  dans  la  chaire  d'histoire. 
11  mourut,  eu   17^5,   dans  un  à^e 
avancé.  Ses  ouvrages  sont  :  1.  Patria 
et  ejus  amor,  ex  Cicérone  de  le^^i- 
hus  ,  libr.  n.\  Up-al ,  1670  ;  U.  Re- 
cueil de  cantiques  ,  en  suédois,  Up- 
sal,  1GS9  ;  111.  Dissertations  latines 
sur  di^-ers  sujets  d'histoire  et  de  lit- 
térature. G — AU. 


ARR 

ARRHIDÉE  ou  ARIDÉE ,  fîls  natu- 
re! de  Philippe,  et  d'une  courtisane  de 
Larisse ,  fut  placé  sur  le  trône  par  les 
Macédoniens  ,  après  la  mort  d'Alexan- 
dre-le-Graud,ran  5ii  av.  J.-C. Comme 
il  était  également  faible  d'esprit  et  de 
corps ,  Perdiccas  avait  toute  l'autorité , 
et,  après  la  mort  de  ce  général,  il  se 
laissa  conduire  par  Eurydice,  sa  nièce 
et  son  épouse.  Il  finit  par  tomber  entre 
les  mains  d'Olympias,  qui  le  fit  mou- 
rir, l'an  3i5  av.  J.-C.  {Fov-  Cléo- 
d.î:us).  C — R. 

ARRTA  ,  femme  de  Caecina  Fœtus  , 
romain  consulaire,  qui,  s'élant trouvé 
engagé  dans  la  révolte  malheureuse 
de  Caraillus  Scribonianus  ,  en  Illyrie, 
contre  l'empereur  Claude,  fut  arrêté 
pour  être  conduit  à  Rome  par  mer. 
Arria  fit  les  plus  vives  instances  pour 
être  reçue  dans  le  vaisseau ,  afin  de 
servir  Paetus;  n'ayant  pu  obtenir  cette 
faveur,  elle  loua  une  barque  de  pê- 
cheur ,  et  suivit  le  vaisseau.  Arrivée 
à  Rome ,  elle  se  rendit  au  palais  de 
l'empereur,  où,  rencontrant  la  femme 
de  Scribonianus  ,  qui  dénonçait  ses 
complices,  elle  lui  fit  ,  devant  Claude 
même,  un  crime  de  vivre  encore,  après 
avoir  vu  tuer  son  mari  dans  ses  bras. 
Ces  paroles,  et  d'autres  semblables  , 
donnèrent  à  penser  qu'elle  était  réso- 
lue à  mourir.  Sa  famille  la  fit  garder 
quelque  temps  pour  l'empêcher  de 
s'(iler  la  vie.  Elle  ,  pour  faire  voir 
qu'elle  en  avait  tous  les  moyens  ,  alla 
se  précipiter  la  tète  contre  un  mur,  et 
tomba  demi-morte  du  coup.  Perdant 
tout  espoir  de  sauver  son  mari  ,  et 
vovant  qu'il  n'avait  pas  le  courage  de 
se  donner  la  mort ,  elle  prit  un  poi- 
gnard devant  lui,  se  l'enfonça  dans 
le  sein  ,  et,  le  retirant ,  elle  le  lui  pré- 
senta, eu  disant  froidement  :  Pccie , 
non  dolel  :  a  Pajtus  ,  cela  ne  fait  poin*. 
»  de  mal.  w  Pœtus  se  donna  la  mort,  J 
l'exemple  de  sa  femme.     Q — R — v. 


ARR 

ARRIAGA  (RoDERic  de),  jésuite, 
Me  à  Logrono ,  eu  Castille  ,  en  i  Sga , 
enseigna  la  philosophie  à  Valladolid,  et 
Ja  théologie  à  Salaraanqne ,  se  rendit 
ensuite  à  Prague,  en  Bohême,  où  il 
professa  pendant  treize  ans  la  théolo- 
gie, llfut,  pendant  vingt-un  ans, préfet- 
général  des  études,  et ,  pendant  douze 
ans,  chancelier  de  l'université  de  Pra- 
gue. Les  jésuites  de  Bohême  l'envoyè- 
rent trois  fois  à  Rome  pour  assister  aux 
assemblées  de  leur  ordre.  Il  fut  très- 
cbtimé  non  seulement  par  Urbain  VI 1 1 
et  Innocent  X,  mais  encore  par  l'em- 
pereur Ferdinand.  Il  mourut  à  Pra- 
gue, en  1667.  On  a  de  lui  un  Cours 
de  Philosophie,  1  vol.in-fol.,  i652, 
et  un  Cours  de  Théologie ,  en  b  vol. 
in-fol. ,  Anvers,  i645-i655.  11  tra- 
vaillait au  g^.  volume  lorsqu'il  mou- 
rut. On  dit  qu'il  savait  mieux  réfuter 
les  opinions  des  autres  que  prouver 
les  siennes.  Bayle  traite  assez  lon- 
guement du  mérite  de  ce  jésuite. 
«  C'est  dommage ,  dit-il ,  qu'un  esprit 
»  si  net  et  si  pénétrant  n'ait  pas  eu 
»  plus  d'ouverture  sur  les  véritables 
»  principes;  il  eût  pu  les  pousser  très- 
»  loin.  »  —  Deux  autres  Arriaga  ont 
figuré  dans  la  littérature  espagnole. 
L'un  (  Gonzalve  ) ,  dominicain ,  né  à 
Burgos,  mort  en  1657,  recteur  du 
collège  de  S.  Thomas  à  Ehcadrien  , 
publia ,  en  espagnol  ,1a  f^ie  de  S.  Tho- 
mas d^yiquin,  et  celle  de  Jean  de 
Zazcano  ;  l'autre  (  Paul-Joseph  ),  jé- 
suite ,  né  à  Vergura ,  alla  au  Pérou  , 
où  il  fut  long-temps  préfet  du  collège 
de  Lima.  II  périt  dans  un  naufrage, 
en  i6'2'i.  Il  a  laissé  les  ouvrages  sui- 
vants :  I.  Rheior  Chrisiianus  ;  II.  Di- 
reclorium  spirituale;  III.  De  Exlir- 
patione  fdolotatriœ,  et  de  mediis  ad 
conversionem  Indorum  aplissimis , 
ouvrage  imprimé  an  Pérou,  en  \&'x\) 
IV.  Exercitia,  spiritualia.   D — g. 

ARHIE^J  (Flavius),  né  à  Nico- 


ARR  5i() 

médie,  dans  la  Bithyuie,  fut  disciple 
d'Epictète,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas 
de  se  livrer  à  la  profession  des  armes , 
dans  laquelle  il  se  distingua  bientôt  de 
manière  à  attirer  sur  lui  les  regards 
de  l'empereur  Adrien ,  qui  le  lit  ci- 
toyen romain  ,  et  lui  donna  le  gouver- 
nement de  laCappadoce,  qu'il  défen- 
dit contre  les  Alains  ,  l'an  1 34  avant 
J.-C.  Adrien  le  récompensa  par  la  di- 
gnité consulaire  et  le  titre  de  sénateur; 
on  le  fit  aussi ,  dans  sa  patrie,  grand- 
prêtre  de  Cérès  et  de  Proscrpine. 
On  dit  qu'Arrien  se  proposa  Xénophon 
pour  modèle.  En  effet,  Xénophon  avait 
rédigé  les  Dicts  de  Socra  te;  Arricn  écri- 
vit ceux  d'Epictète;  Xénophon  avait 
pubhé  sept  livres  de  l'expédition  de 
Cyrus  qui  fonda  la  grandeur  des  Per- 
ses; Arrien  composa  sept  livres  sur 
l'expédition  d'Alexandre  qui  détruisit 
l'empire  des  Perses.  Les  Helléniques 
de  Xénophon  donnèrent,  dit-on  ,  nais- 
sance aux  Bithyniques,  aux  Alaniques 
d' Arrien.  Xénophon  avait  traité  de  la 
chasse  et  de  la  tactique  ;  Arrien  traita  de 
la  tactique  et  de  la  chasse  :  copiste  à  la 
fois  du  style  et  du  caractère  de  Xéno- 
phon ,  Arrien  se  moîitr-  aussi  jaloux 
de  la  réput'Uion  ^  ./Ou  général  que 
vil  celle  d  ..  écrivain.  En  lisant  ces 
deux  auteurs  avec  attention,  on  trouve 
que  Xénophon  est  plus  naif,  et  Arrioii 
plus  sec.  On  sent  que  l'un  fut  disciple 
de  Socrate,  et  l'autre  d'Epictète.  Les 
ouvrages  d'Arrien ,  perdus  pour  nous, 
sont  des  Discours  familiers  d'Epic- 
tèle  ,  en  douze  livres  ;  De  la  vie  et  de 
la  mort  d'Epictète  ;  les  Guerres 
contre  les  Parthes  ,  en  dix-sept  li- 
vres ;  la  Fie  de  Tilliborus  ,  brigand 
célèbre  ;  dix  livres  des  Evénementi 
qui  sui^>irent  la  mort  d' Alexandre  : 
on  en  trouve  un  abrégé  dans  Photius  ; 
les  Gestes  de  T imoléon  ;  DeV ajjran' 
chissement  de  Sjracuse  par  Dion; 
les  Bithyniques  ;  ou  Origine  et  His^ 

31 


55o  A  K  R 

toire  de  la  Biihynie ,  en  îiuit  livres  ; 
ce!  ouvrage  n'est  coiniii  que  par  le  te!- 
moignage  de  Pliotius.  Il  reste. des  ou- 
vrages d'Arrim:  Lie  ManuelcVEpic- 
lète  et  les  Dissertations  sur  sa  Phi- 
losophie ,   dont   nous    n'avons    que 
quati-e  livres  dç  huit  qu'il  avait  faits 
(  F.  ÉpictÈte  )  ;  11.  Sept  livres  des 
Expéditions  d'Alexandre.  Cet  ou- 
vrage écrit  d'après  les  relations  per- 
dues pour  nous,  d'Aristobule  et  de 
Ptolcifie'e  qui  accompagnèrent  ce  prin- 
ce  dans   toutes  ses  entreprises,  est 
très-estime'.  Photius  pense  qu'Arrien 
doit  être  range'  parmi  les  meilleurs 
historiens.  Arrien  est  celui  de  tous  les 
historiens  d'Alexandre  qui  ait  écrit 
d'une  manière  raisonnable  :  h   peine 
trouve-t-on  dans  sou  histoire  un  seul 
événement  miraculeux  qui  puisse  la 
j'endre  suspecte ,  si  on  veut  excepter 
quelques  prédictions  d'Aristandre,avec 
le  conte  de  ces  deux  fontaines  nou- 
velles d'eau  et  d'iuiile,  qui  parurent 
auprès  du  fleuve  Oxus,  aussitôt  qu'A- 
lexandre y  fut  campé.  111.  Les  Indi- 
ques, en  un  seul  livre,  écrits  en  dialecte 
ionien.  Ces  deux  ouvrages  sont  ordinai- 
rement réunis;  les  meilleures  éditions 
sont  celles  de  JacqiK,s  Grouovius,  grec 
latin,  Levdc  ,  1704,   iti-fol.;  celle 
^e  Rapheiius,  grec  latin,  Amstelod., 
3^57  ,  in-8'.;  celle  de  Sclimiederus  , 
qui  a  publié  les  sept  livres  des  Expé- 
ditions d' Alexandre ,  Lipsiœ,  i7<)8, 
in-S". ,  et  les  Indiques ,  Halis  Magde- 
burgicis ,  1 798 ,  in-8  '.  Cette  édition  est 
très-estimée.   Perrot  d'Ablancourt  a 
donné   une  traduction  française  des 
Expéditions    d'Alexandre  (    P^oj-, 
Perrot  ).  M.  Chaussard  en  a  donné 
une  nouvelle    traduction ,  avec    des 
Commentaires  ,  Paris  ,  1802  ,  5  vol. 
in -8°.,   et  atlas.  M.  Schweigh.ien- 
aer  ,  fils  du   célèbre  ])rofesseur  de 
ce   nom ,   s'occupe    d'une    nouvelle 
ï'-lilion  du  texte .  el  d'une  traduction 


A  n  R 

française  des  Indiques.  IV.  Un  /*/•* 
riple  du  Potit-Euxin ,  adressé  à  Tein- 
prreur  Adrien;  V.  un  Périple  de  la 
mer  Erythrée ,  que  quelques  savants 
veulent  lui  ôter,  mais  qui  paraît  de 
lui;  ces  deux  ouvrriges  se  Iroavent  en 
grec  et  en  latin  dans  le  premier  vo- 
lume des  Petits  Géographes  d'Ox- 
ford; VI.  deux  Traités  sur  la  Tacti- 
que; VIL  un  Traité  sur  la  Chasse, 
])our  servir  de  supplément  à  celui  de 
Xénophon  ;  ce  Traité  a  été  traduit  eu 
français  par  Fermât,  Paris,  i(")9o, 
in- 1  •!  ;  VlII.  Delà  Manière  de  faire 
la  Guerre  aux  Alains.  Ces  cinq  der- 
niers Traités ,  ainsi  que  le  Manuel 
d'Épictète  ,  se  trouvent  réunis  dans 
lerecufil  intitulé  :  FI.  Arriani  Tacti- 
ca  Acies  contra  Alanos  ,  etc. ,  grec 
latiu ,  cum  notis  varionun  éd.  Kic. 
Ijlancardo,  Amsterd.,  168"),  cm,  avec 
le  titre  seulement  de  changé,  1750, 
hi-8".  C—R. 

ARRIGHETTI  (Philippe),  gen- 
tilhomme fl(uentin,  né  en  i582,  lit 
ses  études  dans  l'université  de  Pise, 
et  ensuite  dans  celle  de  Padoue ,  où 
il  apprit  la  langue  grecque ,  la  philo- 
sophie d'Aiistofe  et  de  Platon  ,  sous 
les  ])lus  célèbres  professeurs  :  il  prit 
ses  degrés  en  thcolopic  dans  l'uni- 
versité de  Floriuce.  Peu  après  ,  le 
pape  Urbain  Vlll  le  nomma  cha- 
noine pénitencier  de  la  cathédrale  de 
la  même  ville;  il  fut  ensuite  exami- 
nateur synodal  jusqu'à  sa  mort ,  ar- 
rivée le  27  novembre  i()6'2.  Il  fut 
un  des  membres  les  plus  distingués 
de  l'académie  florentine,  et  de  celle 
des  Ahéraîi ,  parmi  lesquels  il  prenait 
le  nom  de  Fiorilo ,  et  pour  devise  , 
un  raisin  en  fleur  avec  ces  mots  grecs  : 
AOTE  AÏAION.  Arrighetti  n'a  rien 
publié  ;  ses  ditlcrents  ouvrages  sont 
restés  manuscrits.  Negri  en  a  donné 
la  liste,  Istor.  degli  scritt.  PHoren- 
uni,  pag.  lOG.  Ou  y  distingue:  1.  lu 


ARR 

Betorica  d'Àristolile  ,  expliquée  en 
cinqudiite-six  Itçons;  II.  la  Po'ética 
^'.'/ristolile  ,  traduite  ,  expliquée  et 
récitée  dans  l'académie  des  S\'ngliati 
de  Pise;  Ij[.  quattro  Discorsi  Jc- 
cademici ,  cioè  del  Piûcere ,  del 
liiso ,  deir  Ligegno ,  e  deW  Onore , 
récités  dans  l'académie  florentine  ; 
IV.  Sermoni  sacri ,  volgari ,  e  la- 
tini,  prononcés  dans  diverses  éf;lises 
ou  assemblées  de  Florence;  V.  Fita 
di  S.  Francesco  Saverio ,  extraite 
de  la  relation  faite  dans  le  consistoire 
par  François  -  Marie  ,  cardinal  del 
Monte,  etc.  G — e. 

ARRIGHETTI  (Nicolas),  né  à 
Florence  ,  où  il  mourut  eu  iG39,  se 
distingua  dans  plusieurs  genres  de 
littérature,  et  principalement  dans  les 
mathématiques  ,  dans  la  philosophie 
platonique,  dans  les  sciences  natu- 
relles ,  et  dans  les  belles  lettres.  Il 
fut  nu  des  phts  illustres  élèves  du 
célèbre  Galilée,  et  il  remplit  une  place 
distinguée  dans  l'académie  florentine 
et  dans  celle  de  la  Crusca,  C'est  dans 
la  première  qu'Arrighetti  occupa  la 
charge  de  conseiller  depuis  16 1 4 
jusqu'en  iGaS,  qu'il  fut  nommé  con- 
sul. Il  fut  aussi  l'un  de  ceux  qui  for- 
mèrent, à  Florence  ,  l'acadénne  jda- 
toni|ue,  rétablie  par  le  grand -duc 
Ferdinand  ,  et  par  le  pri.'ice,  depuis 
cardinal,  Léopold  de  Toscane.  Jl  fut 
choisi  pour  composer  le  discoiu'S 
d'ouverture  (jui  se  trouve  dans  les 
Prose  Fiorenline.  Ce  fut  alors  qu'il 
entreprit  de  traduire  en  lanç;ue  tos- 
cane les  Dialogues  de  Platon  ;  il 
était  près  de  terminer  (e  travail  quand 
la  mort  vint  le  surprendre.  Sou  ne- 
veu ,  le  célèbre  Charles  Dati ,  pro- 
nonça son  éloge  à  l'académie  de  la 
Crusca  ,  le  i5  mai  1 645  ;  on  le  trouve 
dans  le  même  recueil  des  Prose  Flo- 
rentine. Les  ouvrages  impriincs  d'Ar- 
vigheltt,  sont  ;  I.  Délie  lodi  dd  iig. 


ARR  53i 

Filippo  Salvlali,  Florence,  161 4, 
in-4''. ,  et  dans  la  première  partie  du 
troisième  volume  des  Prose  Floren- 
tine ;  II.  Orazione  recilata  al  se- 
renissimo  granduca  di  Toscana, 
F'erdinando  11 ,  neW  esequie  délia, 
granduchessa  sua  madré,  Florence, 
i65i  ,  in-4'.,  et  dans  la  première 
paiîie du  quairièîue  volimie  des  Prose 
Florentine;  111.  enfin,  Orazione 
faîla  da  lui  nel  dur  a  spiegare 
Plalone;  Cicalata  sopra  il  Cllrlolo; 
Cicalata  in  Iode  délia  Torta ,  tous 
trois  imprimés  dans  le  recueil  déjà 
cilc.  Ces  Cicalate ,  autrefois  en  usage 
dans  l'académie  florentine,  étaient, 
comme  on  sait,  des  diycours  ironique- 
ment sérieux  stu'  des  sujets  plaisants, 
comme  ici  le  corniihon  ,  uu  le  con- 
combre et  la  tourte.  Arrighetti  a  laissé, 
en  outre,  un  très-grand  nombre  d'ou- 
viages  manuscrits  eu  vers  et  en  prose, 
conservés  dans  plusieurs  bibliothè- 
ques. G — £. 

AHRIGHETTO,  ou  ARRIGO 
(  Henri  ) ,  da  Settimello  ,  poète  la- 
tin du  12'.  siècle,  naquit  de  parents 
laboureurs  à  Settimello,  village  à  sept 
milles  de  Florence.  C'est  lui  qui  nous 
apprend  ces  parlicilarités  dans  une 
élégie  dont  nous  parlei'ons  plus  bas_ 
Maigre  l'hunible  état  où  il  était  né,  if 
s'appli(iua ,  dans  sa  jeunesse ,  à  l'étude 
des  arîs  libéraux,  de  la  poésie  et  de 
la  philosophie  :  il  paraît ,  d'après  la 
même  élégie  ,  que  ce  fut  à  Eulogne 
qu'il  fit  ses  études.  Il  était  alors  ré- 
duit à  une  telle  misère,  que,  ne  pou- 
vant se  procurer  du  jiapier  ou  du 
parchemin,  il  écrivait,  dit-on,  sur 
une  vicUie  pelisse  toute  usée.  Philippe 
A  illani  (  Vite  d'uominl  lllustri  Fio~ 
re/ji.,  traduit  par  Mazzucbeili)  nous 
apprend  qu'Arrighclto  sent  prêtre,  cî 
qu'il  obtint  ia  cure  de  Galenzano,  bé- 
néfice d'un  grand  revenu  ,  qui  bii  lais- 
sait le  temps  de  s'occuj)er  de  liiiéra- 

54.. 


552  ARR 

ture;  mais  que  cette  dignité  fut  pour 
lui  une  source  de  disgrâces  et  de  per- 
sécutions. Il  eut  un  procès  à  soutenir 
contre  l'évéque  de  Florence  ,  et ,  y 
ayant  mange  tout  son  che'tif  patri- 
moine ,  sans  en  voir  la  fin ,  il  fut 
obligé  d'abandonner  son  bénéfice  ,  et 
se  vit  réduit  à  mendier.  L'état  de 
pauvreté  où  il  tomba ,  lui  fit  donner 
le  nom  de  Arrigo  ilpovero  (Henri  le 
pauvre).  11  a  raconté  lui-même  ses 
disgrâces  dans  un  petit  poëme  en  vers 
e'Iégiaqucs ,  intitulé  :  De  diversitale 
fortiinœ  etphilosophiœ  consolatione, 
qui  contient  à  peu  près  mille  vers  ,  et 
qu'il  a  divisé  en  quatre  parties.  Dans 
les  deux  premières  ,  il  se  plaint  de  ses 
malheurs  ,  et  dans  les  deux  autres ,  à 
l'exemple  de  Boëce ,  il   introduit  la 
philosophie ,   à  laquelle  il  reproche 
tous  les  maux  qu'il  a  soufferts  ;  puis 
il  la  prie  de  le  consoler  et  de  venir  à 
son  secours.  Cette  production  fut  es- 
timée du  temps  de  l'auteur ,  au  point 
qu'on   la   lisait  dans  les  écoles  ,   et 
qu'elle  était  proposée  poiu'  modèle. 
On  revint  sans  doute  ensuite  de  cette 
opinion  ,   et  son  poème  resta  long- 
temps manuscrit  dans  diverses  biblio- 
thèques. Il  fut  publié,  la  première  fois, 
sans  date  (vers  i495),  iu-4".;  Lyon, 
1 5 1 1  ,  avec  un  commentaire  ;  Kem- 
nitz,  1684  1  in-S". ,  d'après  une  copie 
communiquée  à  Christian  de  Daum 
par  le  savant  Magliabecchi  ;  et  par 
Polyc.  Leyser  ,  dans  son    Hlsloria 
poëtarum  medii  œvi.  Ou  est  rede- 
vable de  la  meilleure  édition  à  Do- 
minique-Marie  Manni  ,   Florence  , 
injo,  in-4''. ,  avec  une  traduction 
italienne  fort  élégante,  et  souvent  ci- 
tée dans  le  /^oca&ii/rt/re  de  la  Crusca, 

ARRIGONI  (Pompée),  cardinal, 
naquit,  à  Rome,  en  i55i,  de  J.-J. 
Arrigoni  de  Milan ,  et  d'Eugénie  Tara, 
ftomaiue,  tous  deiutdc  noble  famille. 


ARR 

Après  avoir  étudié  à  Pérouse,  pais  a. 
Bologne  ,  et  enfin  à  Padoue  ,   où  il 
reçut,    dans  l'une  et  l'autre  loi,  ce 
que   nous    appelons  le   bonnet  ,    et 
ce  qu'en  Italie  ou  nomme  le  laurier 
de  docteur,  il  retourna  dans  sa  patrie. 
Il  se  distingua  tellement  dans  la  ju- 
risprudence ,  que  le  roi  d'Espagne  le 
choisit  pour  être  son  avocat  à  Rome. 
Grégoire  XIII  le  nomma,  en  i584, 
avocat  cousistorial  et  Grégoire  XIV 
auditeur  des  causes  du  Palais  apos- 
tolique.  11  fut   fait  ensuite  auditeur 
de  Rote,  et  créé  cardinal  diacre,  par 
Clément  VIII,  en  i5g6.  Il  exerça  la 
charge  de  dafaire  sous  les  deux  pon- 
tificats de  Léon  XI  et  de  Paul  V,  qui 
le  nomma  archevêque  de  Bénévent 
en  1607.  Arrigoni  mourut,  le  4 avril 
1616,  dans  un  des  faubourgs  de  Na- 
ples ,  d'où  il  fut  transporté  à  Béné- 
vent ,  et  inhume  dans  l'église  métro  - 
politaine.  On  lui  attribue  divers  ou- 
vrages, parmi  lesquels  on  distingue 
un  discours  latin  prononcé  à  Rome  , 
le  '^5  juillet  i588,  dans  le  consis- 
toire ,  sur  la  canonisalion  de  Santo 
Diego  d'Alcala.  Il  est  imprimé  avec 
la    l'elation  de  cette   canonisation   i 
Rome  ,  1 588,  iu-4".  On  le  dit  encore 
auteur,  I.  d'un  Discours  prononcé 
en  1 584  ^"  présence  de  (}régoire  XIII, 
lors  de  la  nomination  des  cardinaux 
Fondrati  et  Aug.  Valière;  II.  de  plu- 
sieurs Leltres  qui  se  trouvent,  dit-on , 
imprimées  parmi  celles  de  Jean-Bap- 
tiste Lauro,  Cologne,  iG-24'  i"-8°.; 
mais   Mazzuchelli  révoque  en  doute 
l'existence  du  discours  ,  et  atteste  que 
les  lettres  ne  se  trouvent  point  parmi 
celles  de  Lauro,  dont  il  avait  l'édition 
sous  les  yeux.  G — e. 

ARRIQUIBAR  (  Don  Nicolas  ) , 
commerçant  de  Bilbao,  composa,  eu 
1770  ,  sur  l'économie  politique  , 
science  alors  peu  connue  de  ses  com- 
patriotes, un  ouvrage  intitule:  Rti- 


ARR 

ci'eacloji  politica  ,  et  imprime  à  Vlf- 
toria,  après  sa  mort,  en  1779-  H  y 
combat  non  seulement  les  préjuge's 
de  son  propre  pays  ,  relativement 
aux  finances  ,  à  l'industrie  ,  au  com- 
merce et  à  la  population  ,  mais  en- 
core les  principes  des  économistes  des 
autres  pays,  et  notamment  ceux  de 
b  VÂmi  des  Hommes.  Son  ouvrage 
n'est  pas  exempt  d'erreurs  de  cal- 
cul ,  mais  il  de'veloppe  des  idc'cs  très- 
saines  ,  dont  l'Espagne  a  profite'  à 
quelques  e'gards.  Il  n'a  pas  ete'  traduit 
en  français.  B — g. 

ARRiVABENE  (Jean-François), 
poète  italien  du  1 6'^.  siècle ,  naquit  à 
Mantoue.  On  a  de  lui  diverses  poe'- 
sies  ,  parmi  lesquelles  on  distingue 
particulièrement  deux  Eglogues  ma- 
ritimes ,  en  vers  libres  ,    ou    sciolti. 
Elles  sont  intitule'es ,  l'une  Idroman- 
zia  ,   et   l'autre  Cloanto ,    dans  les 
poésies  des  académiciens  Argonau- 
tes ,  parmi  lesquels  l'auteur    prenait 
le  nom  d'Oronte.  Ces  Eglogues  sont 
iraprime'es  avec  les  Dialogues  mari- 
times de   J.-J.  Botazzo  ,  Mantoue , 
1547,  in-8".    Outre    ces   composi- 
tions ,  on  trouve   aussi    des  poésies 
d'Arrivabene  :  I.  dans  le   4*^-   'ivre  , 
p.  274  des  Rime  di   diversi  eccel- 
lenlissimi  Autori ,  recueillies  par  Her- 
cule  Bottrigari;  II.  dans  le  6".  livre 
des  Rime  di  Diversi,  d'André'  Arri- 
vabenej  III.  dans  le  recueil  de  Jean 
Offredi ,  et  dans  plusieurs  auties  re- 
cueils. 11  écrivait  aussi  fort  bien  en 
prose  ;  on  a  de  lui  un  discours  inti- 
tule' :  Orazione  agli  amanti ,  etc.  ; 
discours  aux  amants  ,  dans  lequel  on 
veut  les  rappeler ,  de  tous  les  autres 
amours  ,  à  l'amour  platonique  ;  il  se 
trouve  à  la  fin  des  Lettres  de  dif- 
férents auteurs  ,  publiées  par  Raffi- 
nelli ,  Mantoue,  i547,  in-8".  Dans 
une  lettre  de  ce  recueil ,  on  apprend 
qu'Arrivabene  florissait  eu  1 546 ,  que 


ARR  553 

son  père  vivait  encore ,  et  que  notre 
poète  fut  lie  d'amitié  avec  J.-B.  Pos- 
sevino  et  le  célèbre  Nicolo  Franco. 
Une  autre  lettre  nous  apprend  encore 
qu'Arrivabene  était  assez  bien  par-' 
tagé  des  biens  de  la  fortune  ,  et  qu'il 
vivait  dans  l'aisance  ;  qu'il  était  dans 
un  mouvement  perpétuel  de  corps  et 
d'esprit,  allant  sans  cesse  de  la  cour 
d'un  roi  à  celle  d'un  autre  ;  qu'il  fut 
principalement  attaché  au  cardinal  de 
Mantoue;  qu'enfin,  il  fut  marié,  et 
qu'd  eut  plusieurs  enfants.     G — e. 

ARRIVABENE  (  Jean-Pierre  ) ,  de 
Mantoue.  Il  fut  disciple  du  célèbre 
Philelphe ,  et  devint  très-liabile  dans 
la  langue  grecque.  Il  demeura  à 
Rome  en  qualité  de  secrétaire  apos- 
tolique ,  et  étant  devenu  évcque  d'Ur- 
bin ,  il  mourut  dans  cette  ville,  en 
i5o4  ,  à  soixante-trois  ans.  Il  fit  un 
poème  latin  ,  intitulé  :  Gonzagidos  , 
en  l'honneur  du  marquis  Louis  III 
de  Gonzague  ,  célèbre  général  du 
duc  de  Mantoue,  mort  en  1 484- Ce 
poème  fut  imprimé  pour  la  première 
fois,  par  Menschenius  ,  en  17  58. 
Il  y  a  quelques  Lettres  latines  d'Ar- 
rivabene, imprimées  à  Milan  en  i5o6, 
avec  celles  du  cardinal  Jacques  Am- 
raanati  de'  Piccolomini,  cardinal  de 
Pavie.  (  F.  Mazzuchelli,  Scritt.  Ital., 
vol.  P''. ,  p.  I  I.)  G — E. 

ARROY  (  Besian  )  ,  docteur  de 
Sorbonne  ,  et  théologal  de  Lyon  ,  a 
donné  :  I.  Questions  décidées  sur  la 
justice  des  armes  des  rois  de  Fran- 
ce, et  l'alliance  ai'cc  les  Hérétiques 
et  les  Infidèles  ,  i654  ,  in-8".;  ou- 
vrage composé  pour  la  défense  des 
traités  de  Louis  XIII  avec  les  Suédois 
et  les  protestants  d'Allemagne ,  et  qu'es- 
saya de  réfuter  Jansénius  ,  qui ,  sous  le 
nom  d'Alexandre,  patricc  d'Armach  , 
publia  le  Mars  Gallicus.  IL  Apo- 
logie pour  l'Eglise  de  Lyon,  contre 
les  ?iotes  et  prétendues  corrections 


534  A  R  S 

sur  le  nouveau  Brés'iaire  de  Ljon^ 
iG44i  in-8  .  Cette  apologie,  qui  con- 
tient i' éloge  des  premiers  archevêques 
de  Lyon,  dont  l'auteur  relève  la  no- 
blesse et  la  sainteté' ,  est  une  réponse 
à  un  ouvrage  de  Claude  Le  Labou- 
reur (  /^.Laboureur  ).  IIL  Briès'e  et 
tlevole  Histoire  de  V abbaye  de  Vite 
Barbe  ,  Lyon ,  1 664  ,  in- 1 2 .  C'est  en- 
«  oie  un  ouM-age  contre  Le  Labinu'eur 
ÎV.  Domûs  Umbrœvallis  T  imiacœ 
descriptio ,  1661  ,  in-4"-  C'est  une 
dcscripliou  de  la  maison  de  campagne 
de  l'archevêque  de  Lyon.    A.  B — t. 

ARSACES  F'.,  fondateur  de  la 
monarchie  des  Parthes  ,  commença  sa 
carrière  vers  l'an  55o  avant  J  -C, 
en  exctant  une  re'volte  contre  l'ofli- 
oiev  qui  gouvernait  le  pays  pour  An- 
tiocliiis  Thèos  ,  et  qui  avait  voulu 
faire  un  outrage  inHlme  au  jeune  frère 
d'Arsaces.  Le  gouverneur  fut  tue ,  et 
Arsaces  engagea  ses  compatriotes  à 
.se  joiudre  à  lui  pour  chasser  les  con- 
quérants ,  et  établir  l'indépendance 
nationale.  Parvenu  à  excVnt(  r  tous 
CCS  desseins,  les  Parthes  relevèrent 
•sur  le  trône ,  et  il  fixa  sa  résidence 
à  Ilécaetompolis.  Séicucus  Callinicus, 
successeur  d'Antiochus  ,  tenta  de  re- 
couvrer les  provinces  partîtes  ;  mais 
Arsaces  le  vainquit ,  et  le  fit  ))rison- 
iiier ,  dans  une  grande  bataille  que 
les  Parthes  regardèrent  comme  la  vé- 
ritable époque  de  leur  iiidé[;cn(lance, 
et  dont  ils  célébrèrent  long -temps 
ranniversaire.  Arsaces  se  tcialit  en- 
suite maître  de  l'Hircanie ,  de  quel- 
ques provinces  voisines,  et,  après  un 
règne  prospère  d'environ  trente-huit 
ans  ,  il  périt  dans  une  bataille  contre 
le  roi  de  Cappadoce.  Son  nom  fut 
très-célèbre  eu  Orient ,  et  les  rois 
})arthes  ,  ses  successeurs  ,  le  prirent 
tous,  comme  les  empereurs  romains 
prenaient  celui  de  Ccsar.  On  les  ap- 
pela les  Arsacides.  D— r. 


A  R  S 

ARSACES  II  ,  roi  des  Parthes, 
succéda  à  son  père ,  Arsaces  \^\  ,  et 
fut  comme  lui  un  prince  belliqueux. 
Taudis  qu'Antiocbus  -  le  -  Grand  était 
engaué  dans  une  guerre  contre  Pto- 
lémoe,  rui  d'Kgypte  ,  il  c-nira  dans  la 
Médie,  et  s'en  rendit  mjîlre.  Antio- 
chus  ,  lorsque  la  guerre  d'Egypte  fut 
terminée ,  marcha  contre  le  roi  des 
Parthes ,  le  chassa  de  la  province 
qu'il  avait  conquise  ,  et,  le  poursuivant 
même  dans  ses  états ,  l'obligea  de  se 
réfugier  en  Hyrcanie  ;  mais  Arsaces 
ayant  rassemblé  une  armée  de  1 0,000 
hommes  de  pied,  et  de  20,000  che- 
vaux, revint  sur  ses  pas,  et  parut  à 
Antiochus  un  ennemi  si  formidable, 
que  ce  roi  s'estima  lieureux  de  le 
confirmer  dans  la  possession  du  pays 
des  Parthes  et  de  l'ilyrcanie ,  sens  la 
seule  condition  d'une  alliance  entre 
eux.  On  ne  sait  plus  rien  de  l'histoire 
d'Arsaces,  sinon  qu'il  laissa  son  trône 
à  son  fils  Arsaces  Priapatius.     0 — t. 

ARSACES  TIR  \^XS,  roi  d'Armé- 
nie ,  à  l'époque  lài  Julien  fit  une  inva- 
sion dans  la  Perse.  Cet  emjicrour  le 
somma  de  réunir  ses  forces  à  celles 
des  Romains,  par  une  lettre  pleine  de 
hauteur  (  si  toutefois  celle  qui  existe 
sous  son  nom  n'est  pas  apo<Typhe  ). 
Lo  prince  arménien  qui,  en  qualité  de 
chrétien  ,  ne  souhaitait  pas  que  Julien 
acquît  de  la  gloire  ,  fit,  dit-on  ,  déser- 
ter ses  troupes  dans  un  moment  où 
les  Romains  avaient  le  plus  besoin  de 
leurs  secours  ,  ce  qui  contribua  beau- 
coup à  faire  échouer  l'entreprise.  I^ors- 
que  Jovien  fut  forcé  de  faire ,  avec  le 
roi  des  Perses,  une  paix  ignominieuse, 
on  stipula  spécialement  que  les  Ro- 
mains renonceraient  à  la  souveraineté 
de  l'Arménie ,  et  ne  donneraient  au- 
cune assistance  à  Arsaces ,  s'il  était  at- 
taqué par  les  Perses.  Peu  d'années 
après  ,  Sapor  entra  dans  l'Arménie 
avec  une  armée,  mais  sans  annoncer 


fontre  Arsaces  aucune  intention  hos- 
îile.  11  l'invita  même  à  un  festin  splen- 
tîide;  mais,  au  milieu  de  la  l'ète,  il  le 
lit  charger  de  chaînes  d'ajgent ,  et 
mettre  en  prison.  Arsaces,  après  une 
captivité  de  peu  de  durée,  dans  la 
Tour  de  rOubJi,  à  Ecbataue,  fut  as- 
sassine, l'an  SOQdeJ.-C,  et  l'Arme- 
iiic  devint  une  province  de  la  Perse. 
D— T. 

ARSACHEL.  Foy.  Arzachel. 

ARSAMES  ,  ou  ARSAMaS,  l'un 
des  premiers  rois  de  l'Arménie,  lors- 
qu'elle eut  secoué  le  joug  des  rois  de 
Syrie,  successeurs  d'Alexandre  ,  ne 
nous  est  connu  que  par  une  médaille 
dont  l'exergue  est  en  grec ,  et  par  un 
passage  de  Polyen ,  qui  nous  apprend 
qu'il  donna  des  secours  à  Antiochus 
Hiérax  ,  qui  s'était  réfugié  dans  ses 
états.  On  croit  qu'il  fut  le  fondateur 
d'Arsamosate  ,  ville  de  l'Arménie.  Il 
vivait  vers  l'an  ■i^'j  av.  J.-C.  —  Il  est 
question  de  plu.sieurs  Arsames  dans 
l'histoire  de  la  Perse,  savoir  :  Arsame, 
père  d'Hystaspe  ,  père  de  Darius  ; 
Arsame,  lils  de  Diuius;  Ausame,  con- 
temporain du  même  prince  ,  et  qui  se 
révolta  contre  lui  ;  Arsame,  fils  d'Ar- 
tnxercès-Longue-Main ,  qu'Artaxercès- 
Ochus  lit  assassiner  ;  Arsame  ,  qui 
commandait  l'armée  des  Perses  ,  au 
passage  du  Gra  nique ,  et  qui  fut  tué  à 
la  bataille  d'Issus.  C — r. 

ARSEGNINO,  de  Padoue,  gram- 
mairien très  -  obscur  ,  du  i3'.  siècle , 
s'est  glissé  dans  les  Dictionnaires  des 
grands  hommes ,  sur  la  seule  autorité 
du  Scardéone ,  qui ,  dans  son  ouvvage 
intitulé  :  De  anliquitaie  urbis  Palav. 
et  cl.  civibus  ,  pag.  l'iÇ)  ,  afiirrae 
avoir  vu  un  ancien  manuscrit  où  cet 
Arscgnino  avait  rassemblé  ,  sous  le 
titre  de  Qiiadriga ,  quelques  règles 
de  grammaire,  des  sentences ,  des  pro- 
verbes  et  quelques  épîtres.  On  dit 
tloiic ,  et  î'ou  répèle ,  qu'il  nous  a  laissé 


A  R  S  5Ô5 

cet  ouvrage,  quoique  personne,  depui^ 
Scardé:  ne  ,  ne  puisse  se  vanter  de  l'a- 
voir vu.  G — E. 

ARSÈNE ,  patriarctc  grec  ,  était 
moine-laïc  dans  un  monastère  de  la 
Macéduine  ,   lorsqu'en    I255  ,    Las- 
caris   II ,  résolut  de  l'élever  sur  le 
siège  patriarcal.  Dans  l'espace  d'une 
semaine,  Arsène  fut  fait  diacre,  prêtre, 
patriarche ,  et  couronna  son  souverain. 
Lascaris  en  mourant,  quatre  ans  après , 
le  chargea ,  conjointement  avec  Mi'.za- 
lon ,  de  la  tutèle  du  jeune  empereur 
Jean   Lascaris.   Mais  Muzalon  ayant 
été  assassiné  ,   et  Michel  Paléologuc 
s'étant  emparé  peu  à  peu  de  toute  l'au- 
torité ,  Arsène  prévit  le  so-'-t  qui  me- 
naçait son  pupille,  sans  avoir  assez  de 
talent  ni  de  caractère  pour  s'opposer 
aux  desseins  de  Paléologue  ;  tout  ce 
qu'il  put  faire  ,  fut  de  se  retirer  avec 
éclat  dans  un  monastère  près  de  Nicée. 
Michel  le  fit  déposer ,  et  lit  élire  Nicé- 
phore  en  sa  place.  L'église  grecque  se 
divisa  entre  ces  deux  patriarches.  Ce- 
pendant, en  i'i6i ,  après  avoir  repris 
Constantinople  sur  les  Latins,  Michel 
rétablit  Arsène ,  qui  le  couronna  dans 
Ste.-Sophie,  et  qui  bientôt  s'en  re- 
pentit amèrement ,  lorsque  Paléologue 
eut  fait  crever  les  yeux  au  jeune  Las- 
caris. Arsène,  tendrement  attaché  à  sou 
pupille,  éclata  sans  ménagement,  et 
excommunia  l'empereur.  Celui-ci  fei- 
gnit de  fléchir  ,  et  témoigna  plus  d'é- 
gards pour  Arsène;  mais  la  hauteur 
imprudente ,  et  l'inflexibilité  du  pa- 
triarche ,  irritèrent  de  nouveau  Michel , 
qui ,  s'étant  assuré  du  consentement 
de  plusieurs  évêqiies,  convoqua ,  en 
1^66,  un  concile  dans  lequel  Arsène 
fut  condamné  et  déposé.  Il  reçut  son 
arrêt  avec  fermeté ,  et  fut  transporté , 
la  nuit  suivante  ,dans  l'île  de  Procon- 
uèze ,  où  on  le  garda  étroitement.  Le 
schisme  recommença  avec  plus  de  fu- 
reiu'.  Eu  1 267 ,  les  ennemis  d'Arsctie 


530  ARS 

l'accusèrent  d'avoir  trempé  dans  une 
conjuration  contre  ?ùicliel ,  qui  le  fit 
interroger  dans  sou  exil;  mais  l'ëtat 
misérable  du  patriarche ,  et  sa  justifi- 
cation noble  et  vigoureuse  ,  persuadè- 
rent l'empereur  de  son  innocence ,  et 
firent  apporter  quelques  adoucisse- 
ments à  son  sort.  Arsène  mourut  dans 
son  exil,  le  5o  septembre  1275,  et 
laissa ,  dans  son  testament  qui  nous 
est  parvenu  ,  des  preuves  de  son  in- 
flexibilité et  de  sa  baine  contre  Paléo- 
logue.  On  a  encore  de  ce  patriarche  un 
Becueil  de  canons  ,  rapprochés  des 
liis  des  empereurs  ,  avec  des  notes 
tendant  à  en  établir  la  concordance. 
L__S-E. 

ARSÉNIUS ,  fils  de  Michel  Apos- 
toHus ,  vivait  à  Rome  du  temps  de 
î>ëon  X,  qui  le  fit  archevêque  de  Mo- 
ncmbasie  ,  dans  le  Péloponnèse.  Il  fit 
imprimer  à  Rome ,  chez  Calliergi,  avant 
3  5'22,  un  petit  Ri^cueil  en  deux  par- 
tics  ,  intitulé  :  Prœclara  dicta  phi- 
îosophorum,  imj>eratorum  etpoéla- 
ruvi  ab  Anenio  Monemhasiœ  ar- 
ihiepiscopo  collecta ,  grece  ,  in-S". 
31  y  a  dans  ce  recued  des  choses  qu'on 
ne  trouve  pas  ailleurs.  Il  a  aussi  re- 
cueilli dans  les  manuscrits ,  des  scho- 
iies  sur  sept  tragédies  d'Euripide  , 
qu'il  fit  imprimer  à  Venise  en  1 55  î , 
in- 8".,  et  qu'il  dédia  au  pape  Paul  111. 
On  ne  connaît  pas  l'époque  de  sa  mort. 
C— R. 

ARSENNE  ,  saint  anachorète  en 
Egypte,  naquit  à  Rome  vers  la  fin  du 
4'.  siècle ,  d'une  l'amille  alliée  à  plu- 
sieurs sénateurs.  Dès  son  enfance ,  il  se 
montia  plein  d'ardeur  pour  l'étude  et 
pour  la  pratique  delà  vertu  ;  et  se  rendit 
bientôt  habiie  dansla  connaissance  des 
auteurs  grecs  et  latins,  et  de  l'Ecriture 
sainte.  Ayant  embrassé  l'état  ecclésias- 
tique ,  il  fut  ordonné  diacre,  et  véi.ut 
long -temps  dans  la  retraite  :  mais 
rt'mj)cieur  Théodos«-lc-Giand  ohor- 


AR5 

chant  un  gouverneur  pour  l'éduCrition 
de  ses  enfants  ,  son  choix  tomba  sur 
Arsenne,  qui  fut  élevé  à  la  dignité  de 
sénateur ,  et  nommé  tuteur  des  jeunes 
princes  :  l'empereur  voulut  qu' Arsenne 
eût  un  train  magnifique  ;  et  cent  do- 
mestiques ,  richement  habillés ,  furent 
attachés  à  son  service.  Un  jour  que 
Tbéodose  était  allé  voir   les  jeunes 
princes  pendant  leurs  études  ,  il  les 
trouva  assis  ,  tandis  qu'Arsenne  était 
debout  devant  eux;  il  fit  de  vifs  re- 
proches à  ses  enfants  ,  les  dépouilla  , 
]iour  quelque  temps ,  des  marques  de 
leur  dignité,  et  ordonna  que  pendant 
leurs  leçons  ,  ils  fussent  debout  et 
Arsenne,  assis. Mais  tous  ces  honneurs 
ne  remplissaient  point  le  cœur  d' Ar- 
senne. Doué  d'une  ame  vive  et  tendre , 
et  peut-être  en  seciet  tourmenté  par 
une  passion  que  sa  pieté  cherchait  à 
étoulîpr,  il   ne  soupirait  qu'après  la 
solitude.  Un  jour  Arcadius ,  un  des  en- 
fants de  Théodose,  avant  commis  une 
faute,  Arsenne  voulut  l'eu  punir;  mais 
le  jeune  prince  n'en  devint  que  plus 
indocile  et  plus  opiniâtre.  Arsenne  pro- 
fita de  cette  occasion  pour  quitter  la 
cour  ;  il  s'embarqua  secrètement  sur  un 
vaisseau  qui  faisait  voile  poin-  Alexan- 
drie, d'où  il  se  rendit  dans  le  désert 
de  Sceté,  pour  y  vivre  en  anachorète, 
li'empire  romain  s'écroulait  alors  sous 
les  coups  des  Barbares;  le  monde  était 
ravagé  par  tous  les  genres  de  fléaux, 
et  ne  présentait  partout  que  le  spec- 
tacle de  la  |)lus  honteuse  barbarie.  Dans 
cet  affreux   désordre  ,  beaucoup  de 
chrélii-ns  oublièrent   ces   paroles    de 
l'Ecriture  :  //  n^est  pas  bon  que  l'hom- 
me soit  seul ,  et  se  réfugièrent  dans 
les  lieux  écartés.  Lorsqu'Arsenne  ar- 
riva dans  le  désert  de  Secte,  et  qu'il 
parla  de  la  cour  de  Conslantinopic  aux 
anachorètes,  depuis  long-temps  re- 
tirés du  monde  ,  il  leur  causa  la  plus 
\ï\c  surprise;  dans  leur  simplicité,  \h 


ARS 

ne  concevaient  pas  que  des  hommes 
s'occupassent  à  bâtir  des  villes ,  re- 
cheichasseiit  les  pompes  et  la  vaine 
gloire  ,  et  daignassent  occuper  des 
troncs  ;  mais  ce  qu'ils  comprenaient 
encore  moins  ,  c'était  la  corruption  , 
la  poi  fidie ,  rimpiëtë;  ils  ne  pouvaient 
s'expliquer  les  récits  d'Arsenne.  Com- 
me il  venait  de  quitter  un  monde  qui 
leur  e'iait  inconnu  ,  et  qui  ne  leur  ins- 
pirait que  des  défiances,  ils  xe'solurent 
de  le  soumettre  aux  plus  rudes  épreu- 
ves ,  pour  savoir  si  une  vaine  curiosité 
ne  l'avait  point  amené  dans  le  désert. 
S.  Jean ,  surnommé  le  Nain ,  leur  su- 
périeur ,  s'assit  avec  ses  frères  pour 
prendre  un  peu  de  nourriture  ,   et 
laissa  Arsenne  debout,  sans  faire  at- 
tention à  lui.  Cette  épreuve  devait  pa- 
raître dure   à  un  homme  élevé  à  la 
cour  ;  mais  elle  fut  suivie  d'une  autre 
plus  dure  encore.  Au  milieu  du  repas, 
S.  Jean  prend  un  morceau  de  pain 
qu'il  jette  à   terre  devant  Arsenne  , 
en  lui  disant  avec  un  air  de  mépris , 
qu'il  peut  manger  s'il  a  faim.  Arsenne 
se  couche  à  terre  et  mange  dans  cette 
posture.  S.  Jean  ,  édifié  de  tant  d'hu- 
milité, n'exigea  plus  d'autre  épreuve  : 
«  Allez  ,  dit-il  aux  frères  ,  retournez 
»  dans  vos  celluleti  avec  la  bénédiction 
»  du  Seigneur  ;  priez  pous  nous  ;  cet 
»  homme    est   appelé  à  la   vie  reli- 
»  gieuse,  »  Dès-lors  Arsenne  prit  sa 
place  parmi  les  pères  du  désert.  Gom- 
me les  autres  anachorètes ,  il  faisait  des 
nattes  et  des  ouvrages  de  joncs,  se  nour- 
rissait de  pain  noir ,  et  couchait  sur  la 
terre.  Cependant  Théodose ,  affligé  de 
sa  fuite ,  le  fît  chercher  dans  tout  son 
empire j  après  la  mort  de  ce  piince, 
Arcadius ,  qui  lui  succéda,  n'oublia  pas 
non  plus  Arsenne ,  et  voulut  le  rap- 
peler à  la  cour.   Ayant  appris  qu'il 
était  dans  les  déserts  de  Sceté,  il  lui 
écrivit  pour  se  recommander  à  ses 
prières.  Dans  sa  lettre ,  il  offrait  uc 


A  E  S  557 

lui  abandonner  les  tributs    de    l'E- 
gypte ,  pour  être  employés  aux  be- 
soins des  monastères  et  au  soulagement 
des  pauvres  ;  le  pieux  cénobite  se  con- 
tenta de  répondre  à  l'envovc  de  l'em- 
pereur :  «  Je  prie  Dieu  qu'il  nous  par- 
»  donne  à  tous,  nos  péchés  ;  quant  à  la 
))  distribution  de  l'argent ,  je  ne  suis 
»  point  capable  d'un  tel  emploi,  étant 
»  déjà  mort  au  monde.  »  De  tous  les 
moines  de  Sceté  ,  il  n'y  en  avait  point 
qui  fût  plus  pauvre  ,  plus  humble  , 
plus  mal  nourri  et  plus  mal  vêtu  que 
l'ancien  gouverneur  d'Arcade.  Dans 
une  longue  maladie,  il  fut  secouru  par 
la  charité  de  ses  frères ,  et  transporté 
dans  un  logement  plus  commode  que 
le  sien  ;  on  le  coucha  sur  un  lit  fait  de 
peaux  de  bêles,  un  oreiller  fut  placé  sous 
sa  tête  affaiblie;  un  des  moines  étant 
venu  le  voir,  se  scandalisa  de  le  trouver 
ainsi  couché,  et  s'écria  qu'il  ne  recon- 
naissait pas  le  père  Arsenne.  Le  supé- 
rieur demanda  alors  au  moine  qui  mon- 
trait cette  surprise,  quelle  avait  été  sa 
profession  avant  d'être  cénobite?  «  J'é- 
»  tais  berger ,  répondit-il ,  et  j'avais 
»  beaucoup  de  peine  à  vivre.  —  Vous 
»  voyez  l'abbé  Arsenne  ,  répliqua  le 
»  supérieur  ;  il  ftit  le  père  des  empe- 
•»  reurs  ;  il  avait  à  sa  suite  cent  es- 
»  claves  habillés  de  soie  ;  il  était  molle- 
»  ment  couché  surdcshts  magnifiques; 
»  pour  vous ,  qui  étiez  berger ,  vous 
»  vous  trouviez  plus  mal  à  votre  aise 
»  dans  le  monde  qu'ici.  »    Le    bon 
moine,  touché  de  ces  paroles,  s'hu- 
milia ,    et  se  retira   plein  de  respect 
pour    Arsenne.   Un  des  officiers  de 
l'empereur  apporta  un  jour  à  Arsenne 
le  testament  d'un  sénateur  de  ses  pa- 
rents qui  lui  donnait  tous  ses  biens  ; 
le  solitaire  refusa  l'héritage,  en  disant  : 
«  Je  suis  mort  avant  mon  parent,  je 
»  ne  puis  être  son  héritier.  »   11  con- 
tinua à  vivre  dans  la  pauvreté  et  la 
morliiication;  lorsqu'il  se  ressouvenait 


538  A  R  S 

tics  Jcui's  qu'il  avilit  passes  à  la  cour 
des  (  Qjprreiirs ,  il  ne  pouviiit  letcuir 
ses  larmes  ,  et  rim  ne  pouvait  l'aira- 
chcr  à  sa  soli'ude,  ni  le  détuuiner 
do  la  pensée  de  Lieu.  Un  jour  ,  une 
dame  roniainc ,  nommée  sMélanie,  qui 
avait  quille  Rome  pour  voir  le  père 
Arsenne  ,  parut  à  !a  porte  de  sa  cellule 
et  se  jeta  à  ses  pieds  j  le  serviteur  de 
Dieu  lui  dit  :  «  Une  femme  ne  doit 
»  point  quittei  sa  maison,  et  traverser 
"  les  mers  pour  satisfiire  une  vaine 
)>  cunosile.  »  Mclanie  ,  loujouis  pros- 
ternée ,  le  conjura  de  se  souvenir 
d'elle,  et  de  ])rierpour  sa  sauetilica- 
tion  :  «  Je  prie  Dieu,  lui  repomlit-il  , 
»  de  ne  jamais  me  ressouvenir  de 
»  vous.  r>  11  s  elcig;tia  plein  de  trouble 
et  les  yeux  mouilles  de  pliurs.  Ar- 
senne avait  un  goût  si  profond  pour 
la  retraite,  qu'il  évitait  jusqu'à  la  so- 
cielé  de  ses  frères  du  désert  ;  il  ne 
leur  parlait  presque  jamais  :  n  Je  me 
»  suis  toujours  repenti ,  disait  -  il , 
»  d'iivoir  converse'  avtc  les  liommes, 
»  et  jamais  d'avoir  f^ardt"  le  silence.  » 
II  recevait  néanmoins  les  avis  des  plus 
simples  d'entre  les  moines:  »  J'ai  eu 
»  la  sci(  nce  des  Grecs  et  des  Romains  ; 
M  mai»;  les  liommes  les  plus  simples 
»  sont  plus  avances  que  moi  dans  la 
»  science  de  la  vertu.  Les  hommes 
i>  simples  sont  ceux  qui  plaisent  à 
»  Dieu  ;  car  il  veut  des  âmes  qui  no 
5>  soient  pas  toujours  devant  un  nu'roir, 
»  poiirse  composer  avec  art.')  Arsenne 
avait  (|uarante  ans,  lorsqu'il  quitta  la 
cour  de  Constantinople;  après  avoir 
passé  plusieurs  années  dans  le  désert 
de  Seeté,  il  fut  ol)lit;é  de  le  quitter 
qr.elque  temps,  à  cause  d'une  irrup- 
tion que  firent  les  Masi(pies  ,  peuple 
liarbarc  de  la  Libye.  Le  danger  passé, 
il  levint  dans  sa  cellule;  mais  il  fut 
wbligc  de  l'abandonner  pour  toujours 
vers  l'an  454  ,  à  cause  d'une  seconde 
iiT:ip!ii,«;i  dcb  barbares  qui  massacrè- 


ARS 

rent  plusieurs  ermites.  Il  se  rclua 
d'abord  sur  le  roc  de  Troë,  ou  Pura, 
vis-à-vis  de  Meraplns ,  et  dix  ans  après 
à  Canope ,  près  d'Alexandrie.  Le  voi- 
sinage d'une  ville  lui  fit  regretter  le 
désert  ;  il  revint  à  Trcé ,  oii  il  mou- 
rut. Voyant  approcher  sa  dernière 
heure,  il  fondait  en  laimes:  «  Vous 
»  craignez  donc  de  mourir  ,  lui  dit  un 
n  de  ses  disciples?  —  J'avoue,  ré- 
»  pondit-il,  que  je  suis  saisi  decrainte, 
»  et  que  cette  crainte  ne  m'a  point 
»  quitté,  depuis  que  je  suis  dans  le 
)>  désert.  »  Il  était  âgé  de  quatre- 
vingt-quinze  ans,  et  en  avait  passé 
cinquante  dans  la  solitude.  Les  com- 
pagnons d'Arsenne  lui  donnèrent  la 
sépulture  ,  en  disant  :  «  Heureux  Ar- 
»  senne  d'.jvoir  pleuré  sur  lui-même, 
»  tant  qu'il  était  sur  la  terre  I  »  Saint 
Arsenne  a  été  souvent  cité  comme  le 
modèle  de  la  vie  monastique.  11  est 
nommé  sous  le  1 9  juillet  dans  le  mar- 
tyrologe romain.  M — D. 

AlîSÈS,  le  plus  jeune  des  fils  d'Ar- 
taxercès  Ochus,  fut  placé  sur  le  trône 
par  l'eunuque  Ijagoas ,  qui  avait  fait 
périr  son  père  et  ses  frères ,  vers  l'au 
456  avant  .l.-C.  U  n'en  jouit  pas  long- 
temps; car  le  même  Bagoas,  voyant 
qu'il  prenait  des  mesures  pour  le  pu- 
nir, le  fit  mourir,  dans  la  troisième 
année  de  sou  règne.  C — r. 

ARSILLI  (François),  de  Siniga- 
clia  ,  dans  le  duché  d'Urbia ,  célèbre 
poète  et  médecin  ,  llorissait  à  Rome  . 
sous  les  pontificats  de  Léon  X  et  d« 
Cléitient  VIL  Paul  Jove,  qui  fut  son 
ami ,  lui  a  accordé  une  place  dans  se» 
éloges  ;  il  rapporte  qu'Arsiili .  obligé  de 
pratiquer  la  médecme ,  ne  laissait  pas 
néanmoins  de  prodiure  chaque  jour 
quelques  compositions  poétiques.  Hon- 
nête homme,  et  attaché  à  sa  liberté, 
ce  poète  ,  peu  courtisan,  n'eut  pas  le 
bonheur  de  plaire  au  pape  et  à  sa 
cour;  il  s'en  tint  toujours  éloigné ,  cL 


A  l'x  S 

ou  ne  le  rechercha  pas.  Après  avoir 
exercé  !a  me'decine  pendant  i'esp-.ce 
de  treiite  ans  ,  Arsilli  mourut  d'une 
hydropisie,  dans  la  soixante-seizième 
année  de  son  âge.  On  a  de  lui  un 
p'iëme  elégiaque  ,  intitule:  De  poëtis 
Urbanis ,  qu'il  adressa  à  Paul  Jove  , 
et  dans  lequel  il  parle  do  tous  les 
poètes  de  son  temps  qui  florissaient 
à  Rome  ;  il  est  imprim.é  dans  un  re- 
cueil de  poe'sios  latines  de  plusieurs 
auteurs ,  sous  le  titre  de  Corjciana  , 
Rome,  i5-24,  in-4°.,  et  a  été'  réim- 
primé par  Tiraboschi ,  à  la  fin  du 
tome  vil,  part.  5 ,  de  son  Histoire  de 
la  Littérature  italienne,  i  '"''.  édit.  de 
Modène,  in-4^  Paul  Jove  et  Giraldi 
attribuent  aussi  à  Arsilli  une  traduction 
des  Vrolos^ues  (THippocrate ,  en  vers 
lalius ,  mais  elle  n'a  pas  été  imprimée. 
G—é. 
ARSINOÉ  ,  fdle  de  Ptolémée  ,  fils 
de  Lagus,  roi  d'Egypte,  et  de  Eéré- 
iiice,  épousa  Lysiniaque,  roi  deThra- 
ce ,  qui  était  déjà  avancé  en  âge , 
et  avait  plusieurs  enfants.  Elle  devint 
jalouse  d'Agathoclès ,  l'aîné  des  fils  de 
ce  prince,  qui  était  marié  à  Lysandi'a, 
fille  du  même  Ptolémée  et  d'Eurydice; 
d'autres  disent  qu'elle  conçut  une  vio- 
lente passion  pour  lui ,  et  qu'il  ne  vou- 
lut pas  la  satisfaire;  quoi  qu'il  en  soit , 
elle  parvint  à  le  perdre  dans  l'esprit 
de  son  père  ,  qui  le  fît  mourir.  Quel- 
que temps  après  ,  Lysimaque  étant 
parti  pour  l'Asie  ,  la  laissa  dans  la 
Macédoine ,  avec  Lysimaque  et  Phi- 
hppe,  deux  fils  qu'd  avait  eus  d'elle; 
ce  prince  ayant  été  tué  dans  une  ex- 
pédilion ,  Ptolémée  Céraunus  s'em- 
para de  la  Macédoine  ;  mais  il  ne  put 
pas  jireudre  Cassandrée ,  oîi  Arsinoé 
s'était  renfermée  avec  ses  enfants. 
Alors,  il  lui  fit  proposer  de  l'épouser  j 
elle  eut  beaucoup  de  peine  à  s'y  déci- 
der, cependant,  à  la  fin,  elle  y  consentit, 
et  voulut  bien  même  le  recevoir  dans  la 


AKS 

ville  de  Cassandrée  ;  mais  à  peine  y^ 
fut-il  rr.tré ,  qu'''  fit  massacrer  ses 
deux  fils  ,  et  l'exila  elle-même  dans 
l'île  de  Samotiira.'e  ,  d'où  elle  sortit 
bientôt  pour  épouser  '-'to'e'mée  Phila- 
delphe ,  son  frère  de  père  <  t  de  mère , 
et,  quoiqu'elle  fût  beaucoup  plus  âgée 
que  lui,  elle  lui  inspira  uni- telle  passiun, 
qu'après  sa  mort ,  il  donna  son  nom  à 
un  des  nomes  de  l'Egvple;  iliui  fit  faire 
une  statue  de  quatre  coudées  de  haut , 
d'une  seu'e  pierre  qui  ressemblai"  à  la 
topaze,  et  il  lui  consacra  une  enceinte 
où  il  fit  placer  un  obélisque.  Il  voulait 
lui  ériger  un  temple  dont  la  voûte  au- 
rait été  en  aimant ,  pour  que  la  statue 
d' Arsinoé,  qu'il  aurait  fait  exécuter  en 
fiT,  restât  suspeiidue  en  l'air.  Il  n'eu 
avait  point  eu  d'enfants  ,  mais  il  lui 
fit  adopter  ceux  qu'il  avait  eus  d'Arsi- 
uoé  ,  fille  de  Lysimaque,  sa  prru.ière 
épouse.  C — R. 

ARSINOÉ ,  fille  de  Lysimaque ,  roi 
de  Thrace ,  épousa  Ptolémée  Philadel- 
phe ,  dont  elle  eut  trois  enfants ,  Pto- 
lémée ,  Lysimaque  et  Bérénice.  Son 
époux  avant  cru  qu'f-lle  avait  cons- 
piré contre  lui,  l'exila  à  Coptos  ,  dans 
la  Thébaïde  ;  elle  trouva  le  moyen  de 
s'en  échapper,  et  se  rendit  auprès  de 
Magas  ,  frère  de  mère  de  Ptolémée , 
et  roi  de  Gyrène  ,  qui  i'épousa ,  et 
adopta  Bérénice  sa  fille,  qu'elle  avait 
emmenée.  Ptolémée  et  Magas  voulant 
par  la  suite  terminer  la  guerre  qui 
avait  long-temps  subsisté  entre  eux, 
convinrent  que  Ptolémée ,  fils  de  Pto- 
lémée Philadelphe  et  d'Arsinoé,  mais 
qu'il  avait  fait  adopter  par  Arsinoé  sa 
sœur  et  sa  seconde  femme ,  épouserait 
Bérénice.  Magas  éîant  mort  dans  ces 
entrefaites  ,  Arsinoé ,  sa  veuve  ,  vou- 
lant rompre  un  mariage  auquel  cll& 
n'avait  pas  consenti  ,  fit  venir  de  la 
Macédoine  Démétri'.is  ,  fils  de  Démé- 
trius  Polioccrîes,  pour  lui  faire  épou- 
ser sa  fille  ,  et ,  lorsqu'il  fut  arrive' , 


5io  Ans 

plie  le  prit  pour  son  ainant ,  et  lui 
abandonna  toute  son  autorité.  Com- 
me il  en  abusait,  il  se  forma  contre 
lui  une  conspiration  ,  à  la  tète  de  la- 
quelle était  Bérénice,  elle-même.  On 
îc  tua  dans  la  chambre  même  d'Arsi- 
noe',  et  entre  ses  bras;  mais  on  ne  lui 
fit  à  elle  aucun  mal.  C'est  ainsi  que 
j'ai  cru  devoir  concilier  Callimaque  et 
Justin ,  qui  disent ,  le  premier  ,  que 
Bérénice  était  fille  d'Arsinoé  et  do 
Ptoléraée,  le  second,  qu'elle  était  fille 
d'Arsinoé  et  de  Magas  (  Voj.  Apamk 
et  Bérénice  ).  C — r. 

ARbINOÉ,  fille  de  PtoléméeEver- 
gète  et  de  Bérénice ,  épousa  Plolémée 
Philopator  son  frère;  elle  se  trouva 
a\'cc  lui  au  combat  de  Raphia ,  contre 
Antiochus,  et  ne  contribua  pas  peu 
au  succès  de  cette  journée.  Ptolémée, 
par  la  suite  ,  étant  devenu  amoureux 
d'A;:jathoclée ,  se  laissa  entièrement 
subjuguer  par  cette  femme  et  ji.u' 
ses  frères,  qui  obtinrent  de  lui  l'ordre 
de  faire  mourir  Arsinoé ,  et  ils  la 
firent  tuer  par  un  certain  Philammou. 
C— R. 

ARTABAN ,  frère  de  Darius  (  Voy. 
Darius  ). 

ARTABAN  ,  capitaine  des  gardes 
de  Xcrcès  (  T'oj.  XercÈs  ). 

ARTABAN  1  V,  roi  des  Parthes , 
était  frère  de  Volgèse  III.  Excité  par 
quelques  nobles  mécontents,  il  lui  dis- 
puta la  couronne.  Après  la  mort  de  ce 
prince  ,  il  lui  succéda  sans  opposi- 
tion ,  quoique  Tiridate  eut  un  droit 
plus  légitime,  en  qualité  d'aîné.  Comme 
il  était  en  paix  avec  l'empire  romain  , 
il  ne  se  tint  pas  assez  sur  ses  gardes 
quand  Sévère  ravagea  les  territoires 
voisins  ,  et ,  dans  une  incursion  des 
li'oupcs  romaines ,  il  manqua  d'être 
fait  prisonnier.  Caracaîla  le  mit  dans 
un  danger  encore  plus  grand,  par  un 
des  actes  de  perfidie  les  plus  odieux 
dont  l'bisloirç  fasse  mculiou.   Sous 


A  R  T 

prétexte  d'assurer  entre  les  deux  na- 
tions une  paix  durable  ,  il  demanda 
en  nniiage  la  fille  d'Artaban ,  et,  quoi- 
que d'abord  le  roi  des  Parthes  eut  re- 
jeté cette  proposition  ,  on  finit  par  ob- 
tenir son  consentement.   Le  général 
romain  fit,  en  conséquence,  marcher 
.son  armée  dans  le  pays  des  Parthes  , 
et  fut  reçu  partout  en  ami.  Lorsqu'il 
approcha  de  la  capitale ,  Artaban  vint 
à  sa  rencontre  avec  un  brillant  cor- 
tège ,  et  des  démonstrations  de  joie  ; 
mais  tandis  que  les  Parthes  ne  son- 
geaient qu'à    se  livrer  aux  plaisirs  , 
(]aracalla  donna  le  signal  à  ses  troupes 
qui  se  jetèrent  l'épée  à  la  main  sur  ces 
hommes  désarmés ,  en  firent  périr  le 
plus  grand  nombre ,  et  dispersèrent 
le  reste  :  Artaban  lui-même  eut  peine 
<à  échapper    au    massacre.    Caracaîla 
pilla  et  incendia  tout  le  pays  voisin,  et 
se  retira  ensuite  en  Mésopotamie.  Ar- 
taban ,  liriilant  de  scvengn",  asseml'la 
l'armée  la  plus  considérable  que  les 
Parthes  eussent  encore  mise  sur  pied  , 
passa  l'Euphrate  ,  et ,  mettant  tout  à 
feu  et  à  sang  ,  entra  dans   la   Syrie  , 
où  les  Romains  marchèrent  à  sa  ren- 
contre. Ils  avaient  alors  substitué  Ma- 
crin  à  Caracaîla.  L'action  dura  deux 
jours.  Le  champ  de  bataille  était  dé;à 
couvert  de  quarante  mille  morts ,  lors- 
que, le  troisième  jour,  Artaban  renou- 
vela l'attaque  ,  en  disant  qu'elle  ne 
faisait  que  de  commencer ,  et  qu'il  la 
continuerait  jusqu'à  ce  que  le  dernier 
des  Partbes  ou  des  Romains  eût  péri. 
Un  hérault  d'armes ,  envoyé  par  Ma- 
crin  ,  l'informa  de  la  mort  de  Cara- 
caîla ,  et  proposa  uu  traité  entre  les 
deux  empires.  Cette  offre  fut  accep- 
tée. On  rendit  au  roi  des  Parthes  les 
captifs  qu'on  lui  avait  faits  ;  on  lui 
paya  les  frais  de  la  guerre  ,  et  il  re- 
tourna dans  son  pays,  en  l'an  217. 
Ses  succès  l'avaient  tellement  exalté , 
que,  le  premier  des  monarques  par- 


A  R  T 

jlies,  il  prit  le  double  diadème,  et  le 
titre  de  Grand-Roi  ;  mais  sa  pros- 
pe'rite'  fut  de  peu  de  durée.  Ardshir 
Babegaa  ,  ou  Artaxerce  ,  excita  les 
Persans  à  se  révolter  contre  lui,  et, 
daus  une  sanglante  bataille ,  Artaban 
fut  défait ,  pris  et  rais  à  mort.  Par  cet 
e'vénemcnt ,  l'empire  des  Parthes ,  qui 
avait  subsisté  quatre  cent  soixante- 
quinze  aus,  fut  détruit.  Cependant,  la 
famille  des  Arsacides  ne  fut  point 
éteinte  dans  la  personne  d'Artaban  ; 
elle  .continua  de  régner  en  Arménie  , 
comme  tributaire  des  monarques  per- 
sans ,  jusqu'au  temps  de  l'empereur 
Juslinien.  D — t. 

ARTABASDE,  né  eu  Arménie, 
commandait  dans  cette  province  un 
détachement  des  armées  romaines  , 
en  71G,  lorsque  Léon  III  l'Isaurien 
disputa  l'empire  à  Tliéodose  III, 
qui  venait  de  détrôner  Anastase  II; 
Artabasde  promit  à  Léon  de  le  favo- 
riser ,  et  celui-ci  s'engagea  à  le  pren- 
dre pour  gendre.  Effectivement ,  lors- 
que Léon  eût  été  couronné,  Artabasde 
épousa  la  princesse  Anne,  et  fut  nom- 
mé curopalate.  En  j^'i  ,  Léon  l'Isau- 
rien étant  mort,  laissa  le  sceptre  à 
son  fds  Constantin  Copron^Tnej  la 
haine  qu'on  portait  à  celui-ci  fit  con- 
cevoir à  Artabasde  la  possibilité  de 
s'emparer  du  trône.  Il  leva  l'étendard 
de  la  révolte ,  et  marcha  contre  Cons- 
tantin qui  s'avançait  en  Phrygie  pour 
combattre  les  Sarrasins.  Les  premiers 
succès  furent  pour  Artabasde;  il  en 
profita  pour  s'approcher  de  Coustan- 
tinople ,  où  le  patrice  Théophane  et 
le  patriarche  Anastase  venaient  de  sou- 
lever le  peuple  contre  Constantin  , 
dont  ils  avaient  faussement  publié  la 
mort.  Artabasde  fut  reçu  dans  la  ca- 
pitale et  reconnu  empereur  ;  mais  Co  • 
pronyme  rassemblait  dans  la  ville 
d'Amorium  les  débris  de  son  parti. 
Cependant  les  deux  empereurs  implo- 


AUT  5^1 

raient  l'appui  des  khàlyfes  sarrasins , 
les  plus  cruels  ennemis  de  l'enipire. 
En  743,  Artabasde,  après  av^ir  fait 
couronner  Nicéphore ,  son  (ils  aîné , 
passa  eu  Asie  avec  son  autre  fils  iNi- 
cétas,  et  se  mit  à  ravager  les  provin- 
ces qui  lui  étaient  opposées;  mais  son 
armée  fat  surprise  par  celle  de  Cons- 
tantin ,  et  taillée  en  pièces ,  près  de 
Sardes.  Artabasde ,  vaincu  et  pour- 
suivi ,  regagna  Constaiitinople  avec 
peine.  Bientôt  il  s'y  vit  assiégé  par 
son  rival  ;  la  ville  n'était  point  app  0- 
visionnée ,  et  en  peu  de  jours  la  fa- 
mine s'y  fît  sentir.  Enfin  ,  le  2  no- 
vembre ,  Constantin  s'en  rendit  maî- 
tre; Artabasde  se  sauva  à  ^'icée,  et  de 
là  au  fort  de  Puzane  ,  dans  lequel  il 
fut  pris.  Constantin  lui  Gt  crever  les 
yeux,  ainsi  qu'à  ^  icétas  et  à  Nicéphore  : 
on  les  promena  pendant  les  jeux  du 
cirque ,  montés  sur  un  âne  ,  et  le  vi- 
sage tourné  vers  la  queue.  Après  celte 
catastrophe,  l'histoire  ne  parle  plus 
d' Artabasde.  L — S — e. 

ARTABAZE,  fils  de  Pharnace, 
commandait  les  Parthes  et  les  Choras- 
miens  ,  dans  l'expédition  que  Xercès 
fit  contre  la  Grèce.  Ce  prince  ,  après 
la  défaite  de  son  escadre,  voulant  re- 
tourner daus  la  Perse ,  voulut  qu'Ar- 
tabaze  l'escoitàt  avec  Go, 000  hommes 
pour  traverser  l'Europe ,  et  lui  or- 
donna de  retourner  joindre  Mardo- 
nius  pour  faire  la  guerre  aux  Grecs. 
Artabaze  soumit,  pendant  l'iiiver,  quel- 
ques villes  maritimes  de  la  3Iacédoi- 
ne,  et,  étant  revenu  au  printemps 
vers  MardoniuH,  il  chercha  à  le  dis- 
suader de  livrer  la  bataille  de  Platée, 
Au  moment  du  combat,  jugeant,  par 
ses  dispositions,  qu'il  serait  battu,  il 
se  tint  à  l'écart  et  se  retira  avec  sou 
armée,  en  répandant  sur  toute  la 
route  que  Mardonius  était  vainqueur, 
afin  qu'on  le  laissât  passer  sans  l'atta- 
quer. C—B. 


542  ART 

ARTABÂZE  ,  l'un  des  généraux 
d'Arîaxcl■cè^ -LonsiU"-i\Iaiu  ,  resta  fi- 
dèle à  ce  pniicc  tant  qu'il  vécut,  et  fit 
tons  SCS  elTui  tspour  sGiimeitre  Datame 
qiii  s'c'îait  revoité.  Apres  la  mort  de  ce 
pnnre  ,  il  se  révolta  lui-même  contre 
Artaxercès  Ocluis ,  sou  successeur,  et 
défit  deux  fois  ses  troupes.  Obiigé  à 
la  fin  de  céder,  il  se  réfugia  dans  la 
Macédoine.  Quelque  temps  après  , 
jMentur  de  Rhodes,  dont  Artabazc 
avait  é))0nsé  la  sœur,  ayant  rendu  de 
grands  services  à  Artaxercès  Ocbus 
dans  son  e\])édilion  contre  l'EgN'pte, 
obtint  la  t^râce  de  son  beau-frère ,  vers 
l'an  55o  av.  J.-C.  Il  se  trouva,  par  la 
suite,  avec  Darius  Codoman ,  à  ia  ba- 
taille d'Arbèles  ,  et  il  le  sui\it  dans  sa 
fuite;  mais,  ne  voulant  pas  se  prêter 
aux  projets  de  Bcssus  contre  ce  prince, 
il  se  relira,  de  concert  avec  ses  fils  et 
avec  les  troupes  grecques  ;  il  se  'endit 
à  Alexandre  qui  le  fil  satrape  de  la  ij  le- 
Iriane,  vers  l'an  55oav.  J.-C.  Environ 
deux  ans  après,  i!  pria  Al<'xandre  de 
donner  sa  satrapie  à  un  autre ,  pnrce 
qu'il  était  trop  vieux  pour  la  gouver- 
ner. 11  avait  un  grand  nombre  de  fils 
à  qui  Alexandre  donna  des  gouverne- 
ments. Ses  filles  furent  mariées,  l'une 
à  Ptoléméc,  fils  de  Lagus;  l'autre  à 
Eumènts  deCardie,  et  une  troisième 
à  Séleucus.  C — R. 

ARTABAZE,  ou  ARTAVASDE 
(  car  c'est  le  même  nom  ) ,  fils  de  Ti- 
grane,  hérita  de  la  portion  des  états 
de  sou  père  qui  ne  lui  avait  pa»  été 
enlevée  par  les  Rondins,  et  qui  se 
leduisait  à  peu  près  a  l'Arménie.  Lors- 
que Crassus  entreprit  son  expédition 
contre  les  Partlies,  Artabaze  lui  pro- 
mit des  secours  considérables;  mais 
livrodès,  roi  des  Parthes,  étant  venu 
l'attaquer,  il  ne  put  pas  les  envoyer, 
et  il  fit  même  bientôt  sa  paix  avec  les 
Parthes.  Quelques  années  après,  l'an 
.53  av.  J.-C. ,  il  engagea  Ajityiuc  à  fa-' vc 


ART 
la  guerre  à  Artabaze ,  roi  des  Mèdcs  ^ 
et  aux  Parthes,  en  lui  promettant  de 
se  réunir  à  lui  avec  toutes  ses  forces  , 
et  il  l'abandonna  encore,  ce  qui  ex- 
posa Antoine  à  de  très-grands  dan- 
gers. Irrité  de  cet.'e  trahison,  celui-ci 
trouva  le  moyen  de  se  saisir  d'Artabazc, 
et  l'emmena  en  Egypte ,  où  il  le  fit 
ser\  ir  d'ornement  à  son  triomphe. 
Après  la  bataille  d'Actium ,  Cléopâlre 
étant  revenue  en  Egypte,  et  voulant 
obtenir  des  secours  du  roi  des  JMèdes, 
fit  couper  la  tête  à  Ait;.baze  qui  était 
son  ennemi ,  et  la  lui  envova,  l'an  :i3 
av.  J.-('i.  Ce  prince  était  très-instruit, 
et  il  avait  éorit  en  grec  des  tragédies, 
des  discours  et  des  ouvrages  d'his- 
toire ,  dont  quelques-uns  existaient  en- 
core du  temps  de  Phitarque.  C — r. 

ARTAl.E  (Joseph),  poète  italien, 
né  en  iGiH  à  Maz«»rcno,  en  Sicile, 
s'adonna  d'abord  à  l'art  militaire,  et 
se  trouva  à  Candie  lorsque  cette  place 
fut  assiégée  pjr  les  Turks.  La  valeur 
qu'il  déploya  ,  en  diverses  rencontres , 
le  fil  juger  digne  du  titre  de  chevi.lier 
de  l'ordre  Constaiitinicn  de  v*^t. -Geor- 
ges, qui  lui  fut  conicré,  avec  la  faculté 
de  pouvoir  ajouter  aux  armes  de  sa 
famille  l'aigle  à  deux  têtes.  11  était  si 
fort  à  l'escrime  ,  qu'on  l'appelait  com- 
munément //  Cavalier  sunf^iiinario. 
11  mourut  à  Naples  ,  des  suites  de 
maladies  honteuses  et  de  la  goutte ,  le 
1 1  février  1679.  Ou  a  de  lui:  I.  Dell' 
Eiiciclopedia ,  parte  prima ,  Pérou- 
se,  io58,  in -8'.;  Venise,  1660  et 
iGt)4  ■>  in-12;  parte  seconda,  ou 
la  Guerra  fia  i  luV/  e  morfi ,  tra- 
iiedia  ,  di  lielo  fine  ,  et  il  Cor  di 
Marte ,  rumanio ,  Naples  ,  1 679  , 
in -10.;  parle  terza  ,  ou  VAlloro 
frultitnso,  rSaples,  i()7(),  in-ia  ;  II. 
la  Pnsife  (Pasiphaé^,  ovvero  l'im- 
possibile  fatto  possibile  ,  dramrna 
per  inusica,  Venise,  1661  ,  in-i'i; 
III.  la  Belhzza  uV.errata ,  elesi^i 


AlîT 

(m  seste  rime),   Naplcs ,    1646, 
reimprimëe  à  Venise  eu  1 60 1  ,  in- 1 2. 

G— E. 

ARTAUD  ,  archevêque  de  Reinis 
au  I  o".  siècle ,  est  fameux  par  la  con- 
testation qu'il  eut  avec  Jlebrrt  et 
H!i2;ues,  comtes  de  Paris.  Ces  nobles , 
Jaloux  de  raccroisseaieut  du  pouvoir 
dt'S  cccle'siastiques  ,  engagèrent ,  on 
94"?  Guillaume,  duc  de  Normandie, 
à  se  joindre  à  eux  pour  assie'j^er  Reims. 
Dès  le  sixième  jour,  le  prélat  lut  aban- 
donne' par  ses  vassaux  et  se  soumit. 
Ses  ennemis  l'obligèrent  à  résigner 
son  arcbevêclié  et  à  quitter  le  dio- 
cèse. 11  s'enfuit  à  Laon  ,  et  se  pre'- 
senta  devant  la  cour  qui  s'y  trouvait 
alors.  On  mit  tout  en  usage  pour  l'inti- 
mider et  pour  le  faire  consentir  à  l'or- 
dination de  Hugues  ,  son  compétiteur, 
qui  n'avait  pas  plus  de  20  ans.  Artaud 
résista  fermement,  et  menaça  de  l'ex- 
communication et  de  l'appel  au  pape , 
si  l'on  élisait  un  autre  arclievcque  de 
Pieims  pendant  sa  vie.  Hugues  fut 
ce])cndant  ordonne  dans  une  assem- 
blée d'ëvcques,  tenue  à  Soissons  ,  en 
Ç)4 1  '•  depuis  ce  temps ,  le  droit  au 
siège  archiépiscopal  fut  le  sujet  d'une 
longue  contestation  entre  les  deux 
pre'tendants  ,  jusqiî'à  ce  qu'en  947  '^ 
roi  rétablit  Artaud.  Peu  après  Hugues 
fut  excommunié  dans  un  concile  tenu 
à  Trêves.  Artaud  av.'.it  sacré,  en  gSô, 
Louis-d'outre-mer  ;  en  953  ,  il  sacra 
Lothaire ,  fils  de  ce  prince  :  tous  deux 
lui  accordèrent  leur  confiance  et  le 
nommèrent  leur  grand-chancelier.  Il 
mourut  le  5o  septembre  9G1.  H  a 
laissé  une  Relation  de  ses  démêlés 
avec  le  jeune  Hugues ,  qu'on  trouve 
dans  Y  Histoire  de  l'église  de  Reims , 
te  Gallia  Christiana ,  et  ailleurs. 
M— D. 
ARTAUD  (  Pierre -Joseph  ) ,  né  à 
Bonieux  dnis  le  Gomtat-Vénaissin  , 
Vi\  1706,  vint  trcs-jaiue  à  Paris,  et 


s'y  distingua  dans  le  ministère  de  la 
chaire.  On  lui  confia  d'aboid  la  cure 
de  St.-Mé:y;  ses  talents  et  ses  vertus 
lui  méritèrent ,  ensuite  ,  l'évêché  de 
Civaillon ,  dont  i;  fut  jvourvu  en  1  "^50. 
L:i  mort  l'enleva  ,  le  5  sept.  1760,  au 
troupeau  qu'il  instruisait  asitant  par 
ses  exemples  que  par  ses  prédications. 
iSon  Panégyrique  de  S.  Louis ,  1754, 
in-4".  ;  son  Discours  sur  les  maria- 
ges,  h  l'occasion  de  la  naissance  du 
duc  de  Bourgogne,  17J7,  in-4".; 
ses  Mandements ,  ses  Instructioris 
pastorales  ,  etc. ,  ne  sont  dépourvus 
ni  d'élégance  ni  d'onction.  Ses  prônes, 
qui  n'ont  point  été  imprimés ,  pas- 
saient pour  des  modèles  dans  le  genre 
familier.  Sx — t. 

ARTAXERCES  ,  surnommé  Lon- 
gue-Main, à  cause  de  la  longueur  de 
l'un  de  ses  bras ,  était  second  fils  de 
Xercès.  Son  père,  ainsi  que  Darius 
son  frère  aîné,  ayant  été  tué  par  Ar- 
taban  (  Foy.  XercÈs  )  et  d'autres  con- 
jurés ,  il  eut  le  bonheur  de  leur 
échapper,  et  monta  sur  le  trône  l'aa 
404  avant  J.-C.  Son  premier  soin  fiit 
de  punir  les  assassins  de  son  père.  Il 
se  vit  ensuite  obligé  de  faire  la  guerre 
aux  Egyptiens  qui  s'étaient  révoltés 
dès  qu'ils  avaient  appris  la  mort  de 
Xercès  ,  et  avaient  appelé  à  leur  se- 
cours les  Athéniens.  Artaxercès  étant 
parvenu  à  les  faire  rentrer  dans  le 
devoir,  les  Athéniens  continuèrent  à 
lui  faire  la  guerre,  et  Cimon  s'cm- 
])ara  de  la  plus  grande  partie  de  l'île 
de  Chypre  ;  alors  Artaxercès ,  qui  n'é- 
tait point  belliqueux,  résolut  de  faire 
la  paix  à  quelque  condilion  que  ce 
fut ,  et  ses  généraux  conclurent,  avec 
les  Athéniens ,  un  traité  par  lequel  le 
roi  de  Perse  consentait  à  ce  que  toutes 
les  villes  grecques  de  l'Asie  fussent 
libres ,  et  s'engageait  à  empêcher  que 
ses  satrapes  n'approchassent  de  la 
mca- ,  de  plus  de  trois  jouraécs.  Ce 


s  14  ART 

fut  à  la  cour  d'Aiiaxcrcès  que  The- 
misloclcs  se  réfugia  et  fut  reçu  avec 
de  crands  honneurs.  Ce  roi  se  montra 
très-favorable  aux  juifs  ,  et  l'on  croit 
qu'il  est  l'Assuérus  de  l'Écriture  ,  qui 
épousa  Esthcr  et  permit  à  Esdras  de 
re'tabln-  le  culte  juif  et  le  gouverne- 
ment civil  à  Jérusalem.  Il  passa  le 
reste  de  ses  jours  eu  paix,  et  mourut 
l'an  4'i4  avant  J.-C,  après  avoir  ré- 
gne quarante  ans;  Xercès  son  fils  lui 
succéda.  C — r. 

ARTAXERCÈS,  surnommé  Mnl- 
MON ,  devint  roi  de  Perse  après  la 
mort  de  Darius  II,  son  père ,  l'an  4o5 
av.  J.-C.  Cyrus,  son  jeune  frère,  que 
Parysatis,  leur  mère,  avait  cucrciic à 
f  lire  placer  sur  le  trône ,  ayant  cons- 
piré contre  lui ,  il  eut  la  bonté  de  lui 
pardonner,  et  de  le  faire  satrape  de 
la  Lydie  et  des  cotes  de  l'Asie ,  ce  qui 
n'einpccha  pas  qu'il   ne  se  révoltât 
contre  lui ,  par  la  suite ,  et  ne  rassem- 
blât une  armée  considérable  pour  le 
détrôner.  Artaxcrcès  étant  allé  à  sa 
rencontre,  il  se  livra  une  bataille  dans 
laquelle  Cyrus  fut  tué  en  s'ex|)osant 
téniéraireuient  ;  Artaxercès  resta  pai- 
sible [)ossesscur  du  trône.  Mécontent 
des  Lacédcmoniens  qui  avaient  em- 
brassé la  eau  se  de  son  frère ,  il  prit  à  son 
service  Conon ,  général  athénien  ,  et 
enleva  ,  par  son  moyen,  l'empire  de  la 
mer  aux  Lacédéiaoniens.  Il  lui  fourint 
ensuite  de  l'argent  pour  faire  releverles 
raurs  d'Athènes.  11  parvint  au>  si,  par  les 
divisions  qu'il  seiua  dans  la  Grèce ,  à 
forcer  Agé>i!as d'abandonner  ses  états, 
où  il  avait  déjà  fait  de  grands  progrès. 
Enfin  ,  il  amena  les  Spartiates  à  signer 
ce  traité  de  paix  honteux  ,  par  lequel 
ils  lui  abandonnaient  les  villes  (  t  les 
îles  grecques  de  l'Asie.  Les  Egyptiens 
étaient  presque  toujours  en  révolte 
contre  !-e  roi  de  Perse  ;  Artaxercès 
ehcrcha  à  les  réduire ,  mais  il  ne  put 
pas  en  venir  à  bout.  Il  entreprit  aussi 


ART 

en  personne,  contre  les  Cadusiens , 
une  expédition  qui  ne  fut  pas  heu- 
reuse. H  épousa  Amestris  et  Atosse , 
deux  de  ses  propres  filles,  et  l'on  croit 
qu'il  donna  le  premier  exemple  de  ces 
sorteSjde  mariages.  Cependant  il  paraît 
qu'ils  n'étaient  pas  défendus  par  la 
religion  des  mages.  Il  se  laissa  gou- 
verner par  Parysatis ,  sa  mère  ,  qui  lui 
fit  commettre  de  très  -  grandes  injus- 
tices. Après  avoir  fait  péril'  Darius, 
l'aîné  de  ses  fils ,  qui  avait  conspiré 
contre  lui ,  il  fut  tué  par  Oclius  ,  le 
plus  jeune  de  ses  fils ,  qui  lui  succéda 
l'an  56 1  avant  J.-C.  Artaxercès  avait 
régné  quarante-trois  ans.       C — r. 

ARTAXERCÈS  III,  eu  OCHUS, 
était  le  troisième  des   fils   légitimes 
d'Artaxercès    Bliiémon.    Darius    son 
frère  aîné ,  avant  été  mis  à  mort ,  pour 
avoir  conspiré  contre  son   père  ,  et 
Ariaspe  ,  le  second  ,  s'étaut  empoi  - 
sonné  ,   Ochus  monta  sur  le  tr()ne 
après  la  mort  de  son  père  ,  l'an  5Gi 
av.  J.-C. ,  et  prit  le  nom  d'Artaxercès. 
Il  commença  son  règne  parfaire  mas- 
sacrer son  frère  et  tout  ce   qui  tenait 
à  la  famille  royale,  et  la  suite  ne  ré- 
ponditque  trop  à  ces  commencements. 
L'Egypte  était  alors  en  pleine  révolte , 
et  Artaxercès  Muémon  avait  vaine- 
ment tenté  de  la  soumettre  ;  Ochus 
continua  long-temps  à  y  faire  la  guerre 
ptr  ses  généraux;  mais,  ayant  appris 
que  les  Égyptiens  faisaient  des  raille- 
ries sur  sa  personne  ,  et  voyant  que 
la  Phénicie  et  l'île  de  Chypre  s'étaient 
révoltées ,  il  sortit  de  cet  état  d'inertie, 
et  se  mit  à  la  tête  de  ses  années.  Il 
alla  d'abord  attaquer  la  Phénicie ,  où 
il  aurait  obtenu  peu  de  succès,  sans 
la  trahison  de  Mentor  de  Rhodes ,  qui 
cominaudait  les   troupes  grecques  .î 
la  solde  du  roi  de  Sidon,  tt  qui,  de 
concert  avec  le  roi  lui-même  ,  livra  les 
principaux  de  celte  ville  à  Ochus,  qui 
les  fit  massacrer  :  les  liabitaats  aimé- 


ART 

rent  raîeux  péri:-  clans  les  flammes  que 
de  se  rendre.  Les  autres  villes  scsou- 
ïiiirrnt  sans  combat.  Il  entra  ensuite 
dans  l'Egypte,  qu'il  eut  bientôt  réduite, 
grâce  aux  talents  de  Bagoas.  Une  fois 
maître  du  pays,  il  s'y  li".  ra  à  toutes  sor- 
tes de  cruautés ,  dc'truisit  les  temp'es; 
et  enfin ,  ayant  fait  égorger  le  bœuf 
Apis  ,  il  se  le  fit  servir  dans  un  repas. 
Cette  dernière  action  exrita  l'indigna- 
tion de  Bagoas  ,  qui  ,  ne  en  Egypte , 
était  très-attacbc  à  sa  religion.  11  ne 
témoigna  pas  tout  de  suite  sou  ressen- 
timent ;  mais  de  retour  dans  la  Perse  , 
Ochns  s'cîant  de  nouveau  livre  à  son 
indolence ,  et  ayant  abandonné  tous 
les  soins  du  gouvernement  à  Bagoas , 
celui-ci  le  fit  empoisonner,  donna  son 
corps  à  manger  à  des  chats ,  et  fit  faire, 
avec  ses  os ,  des  poignées  de  sabres , 
pour  rappeler  son  humeur  farouche 
et  sanguinaire.  Il  plaça  ensuite  sur  le 
trône  Arsès  ,  le  jîIus  jeune  de  ses  fils, 
et  fit  mourir  tous  li  s  autres.  C — r. 
AKTAXERCES  BABEGAN.  Foy. 
AnoÉcHiR. 

^  ARTaXIAS,  ou  ARTAXAS,  fils 
d'Ai'tabaze,  fut  proclamé  roi  d'  \rménie 
par  l'armée  ,  lorsque  son  père  se  fut 
kissé  prendre  par  iMarc  Antoine.  Ce 
général ,  de  concert  avec  Artabaze  , 
roi  des  Mèdes  ,  l'ayant  attaqué,  il  fut 
vaincu  et  prit  la  fuite;  mais  il  revint 
bientôt ,  et,  ayant  défait  Artabaze  ,  et 
l'ayant  fait  prisonnier  ,  il  rentra  ^ 
possession  de  ses  états.  Il  fut  tué, 
quelque  temps  après.  C — u. 

ARTÉAGA  (  Etienne  ),  jésuite  es- 
pagnol, était  fort  jeune  'ors  de  la  sup- 
pression en  Espagne  de  la  <  ompagnie 
de  Jésus.  Il  se  retira  en  Italie,  et  vé(  ut 
long-temps  à  Bologne  ,  dans  la  maison 
du  cardinal  Albergati.  Arteaga  suivit  en 
France  son  ami  le  chevalier  Azara,  et 
mourut  chez  lui ,  à  Paris  ,  le  3o  octo- 
bre 1799.  On  a  de  lui  :  I.  Traité  sur 
le  beau  idéal  (  en  espagnol  )  ;  II.  le 

n. 


ART  545 

Rivoîuzioni  del  teatro  musicale  Tta- 
liiino ,  dalla  sua  orisine ,  fmo  al 
présente,  \ei\ise,  i  ^85  ,  3  vol.  in-B°> 
C'est  la  seconde  édition,  mais  la  seule 
qui  soit  conij)lèle.  La  première  était 
en  un  seul  volume  :  elle  avait  paru 
à  Bologne  plusieurs  années  aupara- 
vant. L'auteur  ayant  tirinmé  son  ou- 
vrage ,  des  diffii  u'tés  arrètèrei.t  l'im- 
pression de  ce  qu'il  y  avait  ajouté.  Il 
se  décida  à  donner  a  Venise  une  se- 
conde édition  comp'ète ,  en  fai  :i:t, 
dans  le  premier  vo'umc,  de  tels  chan- 
gements que  l'ouvra-e  était  entière- 
ment neuf.  <?est  ce  qu'il  nous  apprend 
lui  -  même  dans  si  n  averlissenient. 
C'est  sur  une  troisième  édiliwi'  qu'a 
été  fait  1';  xlrait  publié  en  tiançais 
sous  ce  titre  :  les  Révolutions  du  théâ- 
tre musical  en  Italie  ,  de;  uis  son 
origine  jusques  à  nos  jours ,  traduites 
et  abiégée-  de  l'italien,  Londres  ^ 
180a  ,  in-8\  de  1  o'2  pages.  III.  l'Iu- 
sieurs  Hissertations  savanles,  et  des 
Poésies  grecques  et  latmes  dont  il  se 
proposait  de  pubher  Le  recueil.  «  Ar- 
»  teagaaiaisséeii  Qianusi  rit.dit  Grain- 
»  ville,  un  ouvrage  en  italien  delrit- 
»  1110  sojioro ,  e  del  rilmo  muta  desli 
»  anlichi  disstrtaiioni  V il^  dont  il 
»  m'avait  confie  ia  tr.idiu  tion.  L'au- 
»  teur  y  a  mis  a  contribi  tiuii  les  pîus 
»  cclèbn  s  écrivains  de  i'aiiliquite;  il 
»  y  traite  de  la  musique,  de  ia  pc  esie, 
»  de  la  grauiuiaiic,  de  la  paDfomime, 
»  de  la  danse,  ttc  D'après  1'  vis  de 
»  plusieurs  savants  du  premier  01  dre, 
»  ses    découvertes    sont   absolument 

»  neuves  et  très-essentielles  à  l'art 

))  Il  avait  été  question  d'imprimer  cet 
»  ouvrage  a  Parme  avec  les  caractères 
»  de  Bodoni  ;  mc;is  la  révolution ,  qui 
»  a  fait  de  l'Italie  un  des.  théâtres  de 
»  la  guerre,  avait  Suspendu  celte  en- 
)>  treprise  littéraire  ».  La  mort  d'Ar- 
tédga  suspendit  aussi  la  traduction 
de    Graiuville  qui  était   à  peine   au 

55 


'i 
S46  ART 

tiers  de  son  ouvrage  (  yof.  Grai^- 

VîLLE  ).  A.  B T. 

ARTEDI   (Pierre),  méJecla    et 
natiiraliste  suédois ,  ami  et  conlem- 
porain  de  Liune' ,  naquit,   en  i-^oS, 
danslapi'ovince  d'Angcrmauland ,  en 
Suède.  Destine  d'abord  par  son  père 
à  l'élat  ecclésiastique  ,  son  g  ait  l'en- 
traîna vei'S  l'histoire  naturelle.  11  com- 
niença  ses  études  à  Upsal ,  et  c'est  là 
qu'il  contracta  avec  Linné'  une  amilie 
qui  s'étendit  au-delà  du  tombeau.  Ils 
travaillèrent  de   concert  à  l'histoire 
naturelle,  leur  science  favorite  :  l'obli- 
gation do  voyager  ,  que  cette  science 
impose  à  ceux  qui  la  cultivent  ,  les 
sépara  momentanément;  Artedi partit 
pour  l'Angleterre  ,  et  Linné'  pour  la 
Jjaponie  ;  mais  avant  de  se  quitter  ,  ils 
firent  un  accord  par  lequel ,  en  cas  de 
malheur,  le  survivant  devait  hériter 
des  manuscrits  de  son  ami.  En  1755, 
jjs  se  rejoignirent  à  Leyde ,  pour  en- 
tendre les  leçons  de  Boerhaave.  Ce 
savant,  juste  appréciateur  du  mérite, 
en  leur  procurant  une  existence  ho- 
norable,  leur  fournit  les  moyens  de 
<léveloppcr  leur  génie.   Il  les  plaça 
auprès  de  deux  riches  amateurs  d'his- 
toire naturelle,  Linné  chez  C'.iffort, 
et  Artedi   chez  le   naturaliste  Seba. 
Celui-ci  avait  employé  une  immense 
fortune  à  composer  un  cabinet  d'his- 
toirt'  naturelle ,  le  plus  riche  qu'on 
oût  encore  vu.  Il  en  faisait  imprimer 
alors  la  description  avec  de  très-belles 
planches ,  sous  le  titre  de  Trésor  ,  et 
cet  ouvrage  méritait  en  effet  ce  nom  , 
pour  la  magnificence  de  son  exécu- 
tion. Artedi  s'engagea  donc  à  concou- 
1-ir  à  ce  travail  ;  de  plus  il  profita  de 
la  position  où  il  se  trouvait  pour  com- 
poser   une  Histoire  des  Poissons  , 
mais  il  ne  put  la  faire  paraître  lui- 
lucrae  ,  car  un  accident  terrible  vint 
terminer  sa  carrière  au  moment  où 
H  donnait  les  plus  grandes  espérances. 


ART 

Artedi  sortant  un  soir  de  chez  Se]>a  ^ 
tomba   dans  un  des  canaux  d'Ams- 
dam ,  et  s'y  noya.  Ce  fut  en  i755; 
il    n'avait  que   trente  ans.   On   peut 
juj^cr  de  la  do;!l?«r  qu'éprouva  Linné/ 
mais  il  ne  s'en  laissa  point  abaltre  ,  et 
songea  tout  de  suite  a  élever  un  mo- 
nument à   la  mémoire  de  son   ami  : 
ce  fut  en  faisant  iiuprimcr  le  Traité 
des  Poissons  ,  q;:'i!  avait  laissé  ,  sous 
le  titre  d'ic/»/t)o/oo;^/rt,  Lugd.   Bat., 
17 58,  in-8  .,avec  une  ï^ie  d' Artedi 
par  Linné,    en  latin.  Cet  ouvrage, 
plein  de  ces  vues  savantes  qui   ont 
illustré  depuis  Linné,  est  écrit  dans 
la  manière  concise  de  ce  grand  natu- 
raliste. 11  est  divisé  en  cinq  parties  , 
dont  la  première  est  la  Bibliothèque 
IchtJifolo^ique  ;  la  seconde ,  la  Phi- 
losophie   Ichlhj'olo^ique  ;   la   troi- 
sième ,  la  Description  des  genres , 
la  quatrième  la  Synonymie  ;  la  cin- 
quième la  Description  des  espèces. 
C'était  l'ouvrage  lopins  complet  qui  eût 
encore  paru  sur  cette  partie.On  admire 
le  plan ,  l'ordre  et  le  goût  avec  lesquels 
l'auteur  a  su  réunir  et  distribuer  une  si 
grande  variété  de  conn;dssances.  C'est 
un  modèle  à  suivre  ,  pour  faire  l'his- 
toire complète  et  détaillée  des  êtres. 
Ce  chef-d'œuvre  n'a  point  encore  été 
surpassé,  et  s'il  a  perdu  de  son  utilité, 
c*cst  que  le  grand  nombre  d'espèces 
qui  ont  été  observées  depuis  dans  les 
diverses  parties  du  monde ,  ont  uéccs* 
Sllé    de    grands   changements    dans 
cette  paitie  de  la  Zoologie.  11   en  a 
paru  une  nouvelle  édition  ,  corrigée 
it  augmentée ,  sous  ce  titre  :  Pétri 
Artedi  Ichtkyologia  ,  nova  editio , 
emendata  et  aucta  à  Johannes  Julio 
IValbauvi  ,   Grvpswalda;  ,    1 788  , 
in-4".  Jean  Gottheb  Schneider  a  aussi 
donné  une  nouvelle  édition  d'une  pav 
tic  de  cet  ouvrage ,  également  corri- 
gée et  augmentée  ,  avec  trois  planches; 
clic  est  intitulée  :   Pétri  Artedi  Sj' 


ART 

ncnymia  piscium  ,   etc. ,   Lipsiae  ^ 
1789,  in-4". ,  Isih.  aenese  5.  Le  seul 
reproche  qu'on  ait  fait  à  Artcdi ,  c'est 
d'avoir  compris  les  cdtace'es  parmi  les 
poissons  ;  mais   il  n'a   fait   en  cela 
que  suivre  l'opinion  des  auteurs  qui 
l'avaient  précédé  ;  c'était  une  erreur 
consacrée  :  ce  n'était  pas  encore  lui 
■qui  devait  la  faire  disparaître.  Artcdi 
s'était  occupé  d'abord  de  la  botanique, 
et  il  avait  fîiit  une  étude  particulière  de 
la  famille  des  Orabellifères.  Voyant  que 
les  tentatives  que  l'on  avait  faites  jus- 
qu'alors pour  les  ran;^cr  méthodique- 
ment, ou  pour  établir  leur  genre  d'après 
leurs  fleurs  et  leurs  graines  ,  avaient 
présenté  peu  d'avantages,  il  crut  trou- 
verplus  de  certitude  dans  la  considéra- 
tion d'une  partie  à  laquelle ,  jusque- 
là  ,  on  avait  fait  peu  d'attention  :  c'est 
telle  des  feuilles  ou  folioles  qui  sont 
à  la  base  de  l'ombelle  ,   et  qu'il  dé- 
signe par  le  nom  d'involucre   (  mw- 
iucrum  )  dans  l'ombelle  générale  ,  et 
par  celui  d'involucelle    (  ini>olucel~ 
liim  ) ,  lorsqu'il   y   en  a  dans  l'om- 
belle  particulière.  Cette  partie  pré- 
sente effectivement    un  caractère  fa- 
cile à  saisir  ;  mais  ,  comme  tous  les 
autres  ,  il  ne  peut  être  employé  seul  ; 
parce  que  souvent  il  sépare  des  plan- 
tes qui  ont  de  l'affinité,  et  en  réunit 
qui  sont  dispai'ates.  Linné   consacra 
à  la  mémoire  de   son  ami ,  sous  le 
i)om  d^Arledia ,  un  genre  de  plantes 
de  cette  même  famille  des  Ombelli- 
ïères  ,  qui  avait  été  le  sujet  de   ses 
observations.  Ou  n'en  connaît  qu'une 
iespèce  ,  qu'il    surnomma    écailleuse 
(  squamata  ) ,    faisant   allusion   aux 
poissons  «caillcux  dont  Artedi  avait 
fait  l'histoire.  D — P — s. 

ARTÊME  (  S.) ,  général  des  Ro- 
mains ,  en  Egypte ,  sous  le  règne  de 
Constance,  se  chargea  de  coiinnission s 
qui  le  firent  soupçonner  d'être  ennemi 
de  S.  Athauase  j  cliarj^é  de  l'arrêter, 


ART  547 

il  le  chercha  vainement  dans  le  désert 
de  la  Thébaïde.  Du  reste,  on  a  tou- 
jours pensé  qu'Artème  n'avait  obéi  à 
l'empereur  que  par  faiblesse  ;  car  il 
n'approuva  jamais  l'hérésie.  Son  or- 
thodoxie parut  surtout  avec  éclat  sous 
l'empereur  Julien.  Les  païens  d'Egypte 
l'ayant  accusé  d'avoir  démoli  leurs  tem- 
ples et  brisé  leurs  idoles ,  Julien  le  fit 
comparaître  devant  lui,  àAntioche,  en 
5()2 ,  et ,  sur  cette  simple  accusation  , 
ce  prince  le  condamna  à  perdre  la 
tête ,  au  mois  de  juin  de  la  même  an- 
née. Les  Grecs  l'honorent  parmi  ceux 
qu'ils  appellent  ç^runds  marljrs.    K. 
ATÉMIDORË,  natif d'Épiièse,  vi- 
vait sous  le  règne  d'Antonin-le-Pieux. 
On  lui  donna  le  surnom  de  Daldien^ 
parce  que ,  par  sa  mère ,  il  était  origi- 
naire de  Daldis ,  en  Lydie.  Il  est  au- 
teur d'un  Traité  des  songes ,  eu  cinq 
livres,  intitulé:  Oneïrocriiicon,  pu- 
blié, pour  la  première  fois,  en  grec  , 
à  Venise ,  Aide ,  1 5 1 8 ,  in-8  '. ,  et  plu- 
sieurs fois  réimprimé.  N.  Rigaud  en 
donna  une  édit.  gr.  lat. ,  avec  le  Traité 
d'Achmet  sur  la  même  matière  ,  et  des 
notes ,  Paris,  i6o5  ,  in-4'.  La  traduc- 
tion est  du  médecin  Jean  Haguenbot, 
connu  sous  le  nom  de  Janus  Coma- 
riiis.  M.  Reiss  a  publié  de  nouveau  le 
texte  grec,  Leipzig,   i8o5,  in- 8°., 
2  vol.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  eu  ita- 
lien, par  Pierre  Lauro  de  Modène  j 
en  français ,  les  trois  premiers  livres 
seulement,  parCh.  Fontaine;  Lyon, 
i54<^3,   i555,  in-S".;  Paris,  1647, 
in-i  ()  ;  et ,  en  entier,  jiar  Anthoine  Du- 
moulin ,  avec  le  Traité  d'Aug.  Niphus 
sur  les  augures,  Rouen,  i6{i4i  'D-12. 
—  Un  autre  ArtÉmidore,  géographe, 
vivait  environ  1 00  ans  av.  J.-C.  Stra- 
bûu   et  Pline   parlent  souvent   avec 
éloge  de  sa  Description  de  la  terre. 
Hudson  a  recueilli,  dans  le  premier 
vol.  de  Svja  édition  des  Géographes 
if^GQiulaires  de  la  Grèce,  Oxford, 

55.. 


548  A  R  ï 

1705,  des  Fragments  de  cet  écrivain. 
—  Il  y  eut  encore  un  Artemidore  , 
dialecticien ,  cité  par  Diogènc  Laerce , 
qui  écrivit  un  livre  contre  Chrysippe. 

K. 
ARTÉMISE  ,  fille  de  Lygdamie , 
après  la  mort  de  son  mari ,  dont  nous 
ue  connaissons  pas  le  nom  ,  devint 
reine  d'Haiicarnassse ,  comme  tutrice 
de  Pisindélas,  son  fils;  elle  suivit,  avec 
ses  vaisseaux ,  Xercès  dans  son  expé- 
dition contre  la  Grèce  j  elle  se  distin- 
gua dans  les  combats  sur  mer  qui 
précédèrent  la  b;itaille  de  Salamine. 
Elle  était  d'avis  d'éviter  l'action ,  et 
son  avis  i\it  justifie  par  l'événement. 
Elle  s'y  conduisit  avec  beaucoup  de 
valeur.  Se  voyant  poursuivie  par  un 
vaisseau  athénien  ,  elle  attaqua,  pour 
lui  donner  le  change  ,  un  vaisseau  ca- 
lyndien  ,  de  l'escadre  du  roi  de  Perse, 
et  lecoulaàlbnd  ;  ctrathénien,  croyant 
qu'elle  faisait  partie  de  l'escadre  grec- 
que, cessa  delà  poursuivre.  Artémise 
tira  deux  avantages  de  ce  hardi  stra- 
tagème; elle  se  garantit  d'une  mort 
certaine,  et  fit  périr  Damas  Acymus , 
avec  lequel  elle  avait  eu  de  vi  tlents 
démêlés.  Xercès,  eu  apprenant  l'action 
héroïque  de  cette  princesse,  s'écria: 
<i  Les  hommes  aujourd'hui  se  sont 
»  comportés  eu  femmes ,  et  les  fem- 
))  mes  en  hommes.  »  Ce  prince  la  com- 
bla d'éloges;  et  lors  de  son  départ,  il 
la  pria  de  conduire  ses  enl'auls  jusqu'à 
Ephèsc.  Les  Grecs  étant  maîtres  de 
la  mer,  Artémise  fut  la  seule  personne 
sur  qui  Xercès  crut  devoir  se  reposer 
de  la  conservation  de  ses  enfants.  ]^es 
Athéniens  la  redoutaient  tellement, 
qu'ils  avaient  promis  de  magnifiques 
récompenses  à  celui  qui  l'ai-rèterait, 
ou  qui  la  ferait  prisonnière.  La  statue 
que  les  Lacédémonicns  lui  érigèrent 
jie  fait  pas  moies  ci'houncur  à  sa  mé- 
moire. De  retour  à  Haluarnasse ,  Ar- 
témise saisit  toutes  les  occasions  qui 


ART 

se  présentèrent  d'étendre  les  bornes 
de  ses  pelits  états ,  fit  le  siège  de  Pat- 
mos,  et  soumit  cette  ville.  La  fin  de  la 
vie  de  cette  princesse  ne  répondit  pas 
à  de  si  beaux  commencements.  Dans 
un  âge  où  la  raison  doit  exercer  tout 
son  empire,  elle  devint,  suivani  Pto- 
lémée  Éphasstion,  éperdiimenf  amou- 
reuse d'un  jeune  homme  d'Abvdos, 
ï\ommé  Dardariits;  s'en  voyant  mé- 
prisée ,  elle  lui  creva  les  yeux  ,  tandis 
qu'il  dormait;  mais  son  amour,  au  lieu 
do  duninucr,  s'étant  rallumé  avec  plus 
de  violence  encore  ,  elle  fil  le  saut  du 
rocher  de  Leucate,  et  périt  misérable- 
ment. Cependant ,  comme  ce  récit  n'est 
appuvé  que  sur  le  témoignage  de  Plo- 
lemée  Ejdiœstion ,  on  ue  peut  pas  y 
ajouter  beaucoup  de  foi.  K. 

ARTÉMISE Jillc  d'Hécalomus,  loi 
de  la  Carie ,  fut  mariée  à  Mausole ,  son 
frère,  sorte  de  mari.ige  que  la  cou- 
tume autorisait  en  Carie,  selon  Ai  rien. 
Elle  le  perdit,  l'an  555  av.  J.  C,  et  en 
l'ut  inconsolable.  Elle  préposa  des  prix 
considérables  à  ceux  des  Grecs  qui 
composcrai(  nt  avec  le  plus  de  succès, 
un  discours  à  la  louange  de  son  époux. 
Isocratc  ,  Théjdecte  ,  Nauerite  et 
Tl:éopompe  parurent ,  selon  Auhi- 
Gelle ,  à  cette  espèce  de  concours.  Ar- 
témise fit  érigera  Mausole  un  tombeau 
magnifique,  connu  sous  le  nom  de 
Mausolée,  et  qu'on  regardait  comme 
l'une  des  sept  merveilles  du  monde. 
Les  Grecs  et  les  Romains  ne  se  las- 
saient pas  d'admirer  ce  monument 
qui  faisait  le  pins  bel  ornement  dlla- 
lica masse.  Il  a  subsisté  plusieurs  siè- 
cles, et  Pline  en  a  laissé  une  descrip- 
tion ,  dont  la  vérité  ne  saurai  I  èlre 
contestée.  La  douleur  d' Artémise  , 
quelque  vive  qu'elle  fût ,  ne  lui  fit  pas 
néghger  le  soin  de  ses  états  ;  car  el!e 
s'empara  de  l'île  de  Rhodes ,  de  celle  de 
Gos,  et  de  quelques  villes  grecques  du 
continent  j   ou  dit  cependant  qu'elle 


ART 

mourut  de  douleur ,  deux  ans  après 
sou  époux.  Tlicoporape,  auteur  con- 
temporain, et  Ciiéron  après  lui,  la 
fout  mourir  de  phthisie.  Il  y  a  quel- 
que chose  de  plus  merveilleux,  et  dès- 
lors  de  moins  croyable  ,  dans  le  récit 
de  Valère  Maxime  et  d'AuIu-Gelle  ; 
selon  eux,  elle  but  les  cendres  de  son 
mari,  aiusi  que  ses  os,  broye's  avec 
des  perles  et  jetés  dans  un  vase  rempli 
d'eau.  Elle  no  jouit  pas,  dans  un  rèune 
si  court,  de  la  satisfaction  de  voir  le 
tombeau  qu'elle  élevait  à  son  mari, 
conduit  à  sa  perfection.  Ilydricus,  son 
fière  et  son  successeur  ,  eut  proba- 
blement la  gloire  de  l'achever  (  f^oj. 
Ada  ).  B- — p. 

ARTEiMON,  deClazomène,  méca- 
nicien célèbre  ,  se  trouva  aA^ec  Péri- 
clès  au  siège  de  Samos ,  et  iuvcnta , 
pour  cette  opération,  la  tortue  et  d'au- 
tres machines  de  guerre.  Ejihore,  cité 
par  Plutarque ,  dit  qu'il  était  boiteux  , 
et  qu'il  se  faisait  porter  dans  une  li- 
tière ,  ce  qui  le  fit  nommer  Péripho- 
rétos;  mais  il  est  probable  qu'il  l'avait 
confondu  avec  un  autre  Artemois,  con- 
temporain d'Anacréon,  qui,  né  dans 
la  plus  basse  classe  du  peuple,  avait 
acquis  une  très -grande  fortune,  et 
étiiit  devenu  si  efféminé  et  si  peureux , 
que,  lorrqu'il  était  dans  sa  maison,  deux 
esci jves  lui  tenaient  un  bouclier  de 
cuivre  sur  la  tète,  pour  le  garantir  de 
ce  qui  pounait  tomber,  et  qu'il  ne 
sortait  jauiai-  que  das, s  un  lit  suspendu. 
La  bli.'ncic  Eurypvlelui  donna,  a  cause 
de  sa  richesse,  la  préférence  sur  Ana- 
créon,  qui  s'en  vengea  par  une  chan- 
son,  conservée  par  Aîhenée.  —  11  est 
question,  dans  Pline  ,  d'un  autre  Aii- 
tiîmos  ,  homme  du  peuple  ,  dont  la 
ressemblance  avec  Antiochus  11  était 
si  frappante,  que  Lnodicé,  après  avoir 
enq)uisoi  ne  son  époux  ,  lui  en  fit 
jouer  le  rôle  pendaut  quelques  jours, 
^)our  avoir  le  temps   de  l'aire  de'si- 


ART 


5.i9 


gncr  son  successeur  (  Foy.  Antio- 
cuus  II  ).  C — R. 

ARÏÉlVîON,  peintre,  a  vécu  sous 
les  Césars.  Rome  s'était  ornée  d'un 
grand  nombre  de  ses  ouvrages ,  parmi 
lesquels  on  remarquait  surtout  une 
Stralonice ,  et  une  Danaé  recevant 
la  pluie  d'or.  Les  portiques  d'Octavie 
avaient  été  décorés  par  cet  artiste  de 
peiniures  très-précieuses. —  Il  y  eut 
aussi  un  Artemon  sculpteur  ,  qui  fit 
plusieurs  belles  statues  pour  le  palais 
des  Césars.  L — S — e. 

ARÏEPHIUS,  philosophe  hermé- 
tique, vivait  vers  i  i5o.  Il  est  auteur 
des  Traités  suivants  :  I.  Claçis  ma- 
joris sapienliœ ,'ïmT^xnné(\.àVi?,  le  Tliéd- 
tre  chymiqtte,  à  Francfort  ,  i6i4, 
in-8''.,  à  Strasbourg,  iCiQi),  in-12, 
puis  traduit  en  français.  11.  Liber 
secretits  ;  III.  De  characteiibus  pla- 
netaruni ,  cantu  et  moiibus  ainum, 
rerian  prœteritarum  et  fiditrarum  ^ 
lapiâeqae  philosophico  ;  IV.  Dcvita 
propagancla  ,  ouvrage  que  l'auteur 
composa ,  dit-il,  à  l'âge  de  mille  vingt- 
cinq  ans  ;  V.  Spéculum  speculorum. 
Le  Traité  d'Arléphius,  sur  la  pien'e 
pliilosophaîe,  a  été  traduit  en  fran- 
çais ,  par  Pierre  Arnauld ,  siem-  de  la 
Cbevaleiie,  et  imjnimé  avec  ceux  de 
vSynesius  et  de  Flaniel ,  Paris,  1612^ 
iG5() ,  i68'2,  in-4°.  K. 

ARTEVELLE  (Jacques  d'),  de 
Gand  ,  brasseur  de  bierre  ,  homme 
éloquent,  adroit  et  factieux,  parvint 
à  un  tel  excès  de  richesses  et  d'auto- 
rité, qu'il  se  l'cndit  plus  absolu,  dans 
le  1 4".  siècle ,  à  la  tête  du  parti  po- 
pulaire, que  jamais  aucun  comte  de» 
Flandre  ne  l'avait  été.  Suivi  de  la  po- 
pulace ,  il  ne  cessait  de  déclamer 
contre  le  priuce  et  la  noblesse ,  et  ne 
paraissait  qu'escorté  d'une  troupe  de 
satellites  qui  exterminaient,  au  moin» 
dre  signal ,  ceux  qui  avaient  le  mal- 
heur de  lui  déplaire.  Ea  vain  le  comte 


/ 


530 


ABT 


de  Flandre  voulut  s'opposer  aux  en- 
treprises de  ce  nouveau  tribun  du 
peu])lej  il  fut  contraint  de  se  réfugier 
en  France.  Arlevelle  se  vit ,  par  cette 
retraite ,  souverain  absolu  ,  et  ce  fut 
par  son  entremise  qu'Edouard  III, 
roi  d'Anç^îetcrre ,  régla  les  conditiojis 
de  son  alliance  avec  les  Flamands. 
Elle  n'eut  d'abord  pour  objet  que 
l'inte'rêt  du  commerce  des  deux  peu  - 
pics  ;  mais  elle  eut  bientôt  un  but  po- 
litique, Edouard  ,  ayant  déclare  !a 
gueiTC  à  la  France,  cliercba  à  gagner 
Artevelle  pour  qu'il  décidât  les  Fla- 
mands en  sa  faveur.  Une  assemblée 
générale  de  tous  les  alliés  de  cette 
puissance  fut  indiquée  à  Bruxelles. 
Artevelle  v  parut  avec  le  cortège  d'un 
souverain,  traînant  à  sa  suite  les  dé- 
putés des  villes  de  Flandre,  tous  dé- 
Toués  à  ses  ordres.  Un  scrupule  ar- 
rêtait encore  les  Flamands  :  ils  s'é- 
taient engages, par  serment,  à  ne  point 
faire  la  guerre  à  la  France ,  sous  peine 
d'excommunication.  Ce  fut  pour  lever 
ces  difficultés  qu'Artevelle  conseilla, 
dit- on,  au  roi  d'Angleterre ,  de  prendre 
le  titre  et  les  armes  de  roi  de  France, 
€t,  aussilèt  a])rès,  à  la  tête  d'un  corps 
de  troupes ,  il  vint  ravager  le  Tour- 
naisis  ,  en  combinant  ses  mouvements 
avec  l'armée  anglaise  ;  mais  les  comtes 
de  Salisbury  et  de  SufTolck  ayant  é!c 
battus  ,  et  faits  prisonniers  par  la  gar- 
nison de  Lille ,  Artevelle  se  retira. 
Convaincu  qu'il  était  allé  trop  loin 
pour  pouvoir  se  soustraire  à  la  ven- 
geance du  comte  de  Flandre,  il  ré- 
solut de  faire  passer  la  souveraineté 
"^  au  prince  de  Galles ,  fils  d'Edouard. 
Suivi  des  députés  des  villes  de  Flan- 
dre, il  vint  trouver  Édouaid  et  le 
prince  de  Galles  à  l'Ecluse  ;  mais  il 
employa  vainement  son  éloquence  et 
son  autorité;  les  députés  furent  iné- 
branlables ,  et  répondirent  unanime- 
ment qu'ils  ne  consentiraient  jamais 


ART 

à  déshériter  leur  comte  pour  un  princ« 
étranger.  Artevelle  prit  alors  d'autres 
mesures  avec  Edouard;  il  introduisit 
secrètement  5oo  Anglais  dans  la  ville 
de  Gand  ;  mais  le  peuple  se  souleva 
contre  lui,  investit  sa  maison,  et  le 
perçademillecoups,eni54-'5-Edouard 
se  hâta  de  retourner  en  Angleterre. 
B— p. 
ARTEVELLE  (Philippe  d'),  fils 
du  précédent ,  fut  choisi  pour  chef  par 
les  Gantois ,  révoltés  contre  Louis  llî, 
comte  de  Flandre,  en  1082.  Le  nom 
d'Artevelle,  toujours  cher  au:i  Fla- 
mands ,  ne  fut  pas  plutôt  prononcé 
par  les  factieux  ,  qu'ils  coururent  en 
foule  à  la  maison  de  Philippe,  le  con- 
duisirent sur  la  place  publique  et  lui 
prêtèrent  serment  de  fidélité,  comme 
à  leur  souveraii!.  Son  premier  acte 
d'autorité  fut  de  venger  la  mort 
de  son  père,  en  faisant  mourir,  sous 
ses  yeux ,  douze  des  principaux  au- 
teurs de  ce  meurtre.  Il  déclara  en- 
suite la  guerre  au  comte  de  Flandre, 
qui  Aint  investir  Gand,  mais  sans  suc- 
cès. Artevelle  le  défit,  s'empara  de 
Bruges  ,  et ,  enflé  de  cette  victoire  , 
affecta  le  faste  d'un  souverain  ;  mais  le 
comte  de  Flandre ,  ayant  imploré  le 
secours  de  la  France,  Artevelle  et 
les  autres  chefs  de  la  révolte ,  s'effor- 
cèrent en  vain  de  conjurer  l'crago. 
Leurs  négociations  échouèrent  à  la 
cour  de  France  et  même  à  celle  d'An- 
gleterre. Une  nombreuse  armée  fran- 
çaise ,  commandée  par  le  connétable 
de  Clisson ,  et  à  la  tète  de  laquelle  on 
voyait  le  jeune  roi  Charles  VI,  péné- 
tia  eu  Flandre.  Artevelle  fit  prendre, 
les  armes  à  toiis  ceux  qui  étaient  eu. 
état  de  les  porter,  et  il  eut  la  témérité 
de  se  mesurer  avec  les  Français  dans 
une  bataille  rangée,  qui  se  donna  dans 
la  plaine,  entre  Rosbec  et  Courtray, 
le  9.7  novembre  i58i.  Les  Flamands 
fiu'cnt  taillés  en  pièces,  Artevelle  pé- 


AKT 

ïît ,  et  son  corps ,  trouve  sous  un 
monceau  de  cadavres ,  fut  pendu  à 
un  arbre.  Cette  defoile  e'toulîa  la  re'- 
volte ,  et  le  comte  de  Flandre  rentra 
dans  ses  états.  B — p. 

ARTHUR,  ou  ARTUS.  La  vie  de 
ce  fameux  prince  de  la  Grande-Bre- 
tagne ,  est  teliemen.t  nièlee  de  fables , 
que  quelques  critiques  ont  nié  jusqu'où 
son  existence  ;  mais  ces  fables  nom- 
breuses suffisaient  elles-mêmes  pour 
prouver  qu'il  vécut  et  qu'il  fit  des  ex- 
ploits mèracrabîes.  Voici  au  reste  son 
ni^oire,  telle  que  nous  l'ont  trans- 
mise GeoflTrci  de  Montmouth,  et  d'au- 
tres anciens  historiens,  sans  mélant^e 
de  contes  incroyables.  Il  était  fils  d'I- 
gerne,  f  mme  de  Gorlois  ,  duc   de 
Cornouailles  ;   mais  Utlier  ,  pendra- 
gon,  ou  dictateur  des  Bretons  ,  était , 
dit- on,  son  père,  et,  pour  relever  ce 
commerce  adultère ,  on  inventa  une 
histoire  serai  lable  à  celle  de  Jupiter  et 
d'Alcmène ,  et  dans  laquelle  ou  fit  in- 
tervenir le  pouvoir  mar;ique  du  fameux 
Merlin.  Lorsque  Uther  mourut  ,  en 
3  iG,  Arthur  lui  succéda,  et  commença, 
contre  les  Sajous  cnv.ihisseurs  de  l'île, 
cette  suite  d'exploits    qui  ont  rendu 
son  nom  si  illustre.  11  mit  en  déroute, 
sur  les  burds  cb  la  rivière   Douglas  , 
dans  k  Lancashire ,  une  armée  com- 
binée  de  Saxons,   d'Eros^ais    et  de 
Pittes    II  marcha  de  là  sur  Yorck  et 
mit  le  siège  devant  cette  ville  ;  mais 
un  puissant  lenfurt  étant  arrivé  aux 
Saxons,  i!  se  retira  sur  Londres,  et, 
ayant  obtenu  des  secours  deHoel ,  roi 
deTArmonque ,  fils  de  sa  sœur ,  il  m.ar- 
clia  de  nouveau  à  la  rencontre  des 
Saxons,  assiégea  Lincoln,  qu'il  prit, 
et  força  ce  qui  restait  des  défenseurs  de 
la  place  à  se  rendre,  sous  la  c-ondition 
de  quitter  l'Angleterre.  Un  autre  jvarti 
de  Saxons  débarqua  dans  l'Ouest,  fit  de 
grands  ravages,  et  mit  le  siège  devant 
Badon  ouBath.  Gete'vèneraentdétour- 


ART  55t 

na   Arthur  d'une  expédition  projetée 
contre  les  Écossais;  Û  marcha  rapide- 
ment contre  les  Saxons ,  les  défit  dans 
un  combat  sanglant,  qui  dura  deux, 
jours ,  et  tua  deux  de  leurs  chefs.  Alors, 
il  retourna  au  Nord,  avec  la  même  rapi- 
dité, pour  débloquer  son  neveu ,  Hoel , 
que  les  Ecossais  et  les  Pietés  avaient, 
investi  dans  Dunbritton.  Là  encore  il 
fut  victorieux  j  il  obligea  l'ennemi , 
qi'i  fuyait,  de  capituler,  et  plaça  en 
Ecosse  un  souverain  de  son    choix. 
Revenu  à  Yorck,  il  i  établit  la  foi  chré- 
tienne sur  les  ruines  du  paganisme,  et 
épousa  une  iémme ,  appelée  GiiMiliu- 
marrt,  élevée  dans  la  famille  de  Cador, 
duc  de  Cornouailles ,  la  même  (|ui , 
sous  le  nom  de  Genièvre ,  a  été  le 
sujet  de  plusieurs  romans  en  vers ,  et 
qui  est  plus  renommée  par  sa  beauté 
que  par  sa  fidélité  conjugale.  On  le  re- 
présente ensuite  comme  envahissant 
l'Irlande^  l'assujétissant  entièrement, 
et  obtenant  le  même  succès  dans  l'îs- 
lande ,  la  Gothlande  et  les  îles  Or- 
cadcs;  mais  ce  ne  sont  pas  là  les  plu.i 
croyables  dç  ses  aventures.  Se  repo- 
sant de  ces  travaux ,  il  gouverna  son 
royaume  en  paix  pendant  douze  ans , 
et  éleva  ,  dit-on,  sa  cour  à  un  degré 
de  splendeur  et  de  civilisation  qui  s'ac- 
corde mal  avec  la  barbarie  du  siècle. 
Il  institua  son  fameux  ordre  des  che- 
valiers de  la   Tablc-Eonde  ,  ces  mo- 
dèles de  la  chevalerie  ,  devenus  si  fa- 
meux chez  les  romanciers.  Le  reste 
de  son  histoire  est  mêlé  des  plus  exj- 
travagan tes  fictions.  L'orgueil  et  l'igno- 
rance de  quelques  anciens  écrivains., 
ses  compatriotes,  lui  font  conquérir 
la  Norwège,  le  Danemarck  et  la  France,, 
tuer  lui  géant  espagnol  et  déclaixr  la 
guerre  à  l'empire  romain.  Selon  eux , 
il  était  en  pleine,  marche  sur  Rome , 
lorsqu'il  reçut  la  nouvelle  que  son  ne- 
veu Modred  s'était ,  en  son  absence  j^ 
révolté  contre  lui,  et  avait  éponsé  sa 


55-i  A  R  T 

femme.  AilLiir  ,  ob;igc  de  revenir  dé- 
fendre ses  propres  e'taîs ,  livr-a  trois 
batailles  à  Modred ,  qui  avait  appelé 
à  son  serours  les  Saxons  et  les  Bar- 
bares du  Nord.  Dans  la  dernière,  il 
fut  vietorirux ,  ràais  il  reçut  tant  de 
bl(  ssurt  s  ,  qu'il  se  relira  dans  l'iîe  d'A- 
\alon,  où  il  mourut,  l'au  54^.  Whi- 
takcr  est  l'etriv.iin  qui  a  mis  le  plus 
de  soin.',  h  ëclaircir  l'histoire  d'Artliur. 
ïl  admet  qu'il  fut  Anh-uir.  ou  souve- 
rain des  Silui'es ,  et  (ju'il  combaMit 
sous  les  ordres  d'Ambroiius,  pendra- 
gon  des  Bretons  (/^oj.  âmbrosius}, 
qui  l'envova  secourir  les  Brtlon.s  du 
JNord  ,  (jpjirimes  par  les  Saxons.  En- 
suite Arlliur  devint  lui  -  même  chef 
suj-rème  de  .ses  compatriotes.  Arthur 
fut  enfcrjé  à  GlaN.scnl  ury.  et  scuj  le 
règne  de  Hemi  II,  vers  l'an  11H9, 
son  i  ercu(  il  fut  découvert,  et  on  trouva, 
près  de  sou  corps ,  une  petite  croix  do 
plomb,  sur  laquelle  elùent  j^raves  ces 
mots:  Hic  jacet  se^mllus  iiichtns  rex 
Artiirius  in  insitîà  Avalonid.  Apres 
avoir  .apj.ortcf  cette  preuve  irrécusable 
de  !'cxis:cucc  d'Arthur,  on  ne  peut 
mieux  terminer  cet  article  ,  que  par 
J'observali(!U  judicieuse  d'un  écrivain 
anp,l,iis  :  «  Si  ce  hor.  s  eût  clé  moins  cé- 
V  lebré  par  les  faiseurs  de  romans, 
»  on  n'aurait  ])cul-ctre  pas  révoqué  en 
»  d(  nte  1.1  vérité  des  exploits  que  de 
■>•'  plus  c;raves  bistoriens  lui  or.t  attri- 
»  bues.  »  D — T. 

ARTHUR  DUCK.  Vov.  Duck. 

ARTHirS ,  ou  ARTUR ,  V  .  duc  de 
Bretagne,  fils  po.^thnme  de  Ge«  (fioi, 
troisième  fils  du  roi  d'Ans;letcrre  Hen- 
ri 11  ,  et  de  Constance  de  Bretagne, 
liérilicre  de  le  duché,  naquit  à  ^autes, 
le  3o  avril  1 18'j.  11  n'avait  pas  encore 
neuf  ans,  que  son  oncle  Riehard  1*'., 
roi  d'Angiclerre  ,  étant  pai  ti  pour  la 
Terre-Sainte  avec  Philippe-Auguste  , 
s'engagea,  par  un  traité  avecTaiurède, 
roi  de  Sicile ,  à  faire  épouser  la  fille  de 


ART 

ce  prince  au  jeune  Artur ,  son  béritic? 
présomptif.  Les  droits  d'Artur  à  la 
coiu-on  ne  d'Angleterre  furent  alors  éta- 
blis d'une  manière  non  moins  authen- 
tique par  l'évèque  d'Eli  ,  régent  du 
royaume  ;  il  reconnut  le  jeune  prince 
pour  héiitier  de  Richard,  et  le  fit  re- 
connaître,  en  la  même  qualité,  par 
le  roi  d'Ecosse.  La  duchesse  Cons- 
tance fit  aussi  proclamer  son  fils  duc 
dcBr  tagne  ,  dans  une  assemblée  gé- 
nérale a  Renues ,  en  1 1 96.  Richard 
ne  conserva  pas  long-temps  ces  bonnes 
dispusilions  |)Our  son  neveu.  11  réso- 
lut de  !e  dépouiller  de  ses  étals  ;  mais 
coniiiiis.«ant  toutes  les  difficultés  de 
cette  entreprise ,  tant  que  la  duchesse 
Constance  veillerait  aux  intérêts  de 
son  Dis,  il  la  pria  devenir  le  trouver 
en  Noimandie  ,  et  la  fit  enlever  en 
route ,  par  son  mari  ,  le  comte  de 
Chestre.  Fier  du  succès  de  sa  ruse,  le 
roi  d'Angleterre  entra  en  Bretagne ,  et 
y  commit  mille  horreurs.  Il  ne  put 
cependant  ^e  rendre  maître  de  la 
personne  d'Artur,  qui  fut  sauvé  par 
l'évèque  de  Vannes  ,  et  conduit  à  la 
cour  de  France.  L'évasion  d'Artur , 
et  la  crainte  de  vcir  les  Bretons  em- 
brasser le  parti  t;e  Philippe-Auguste  , 
rendirent  peut- être  Richard  moins 
difficile  sur  les  condition^  de  la  paix. 
Elle  fut  conclue  en  1 197  :  Constance 
fut  mise  eu  liberté,  et  conlii  ua  de 
gouverner  la  Bretagne  pendant  la 
minorité  de  son  fils  ;  Richard  feignit 
même  d'avoir  rendu  son  amitié  au 
jeune  Artur;  mais,  à  sa  mort,  qui  arriva 
le  6  avril  1 199,  il  déclara.,  par  sou 
testament,  Jean-saus-Terre  son  suc- 
cessein-,  au  préjudice  d'Artur.  On  pré- 
tendit que  ce  testament  était  supposé. 
L'Anjou,  le  Maine  et  la  Tor.rainc  se 
déclarèrent  en  faveur  d'Artur  ;  le  roi 
de  France  reçut  son  hommage  pour 
ces  trois  provinces  ,  ainsi  que  pour 
la  Bretagne,  le  Poitou  et  la  Norman- 


ART 

die.  Le  jeune  prince   annonçait  les 
qualités  les  plus  brillantes  et  les  plus 
aimables  ;  tous  les  cœurs  étair  nt  pour 
lui  ;  mais  il  ëtail  sans  arç;rnt ,  sans 
armée,  tandis  que  son  compétiteur, 
qui  s'était  emparé  des  trésors  de  Ri- 
chard,  n'avait  pas  perdu  de   temps 
pour  lever  des  troupes.  On  proposa 
de  laisser  l'Angleterre  à  Jean  ,  et  de 
donner  les  provinces  du  continent  à 
Artur.  La  duchesse  Constance  mou- 
rut, en  l'^oi ,  au  milieu  de  ces  négo- 
ciations ,  qui  n'eurent  aucun  résultat. 
Artur  ne  pouvait  pas  faire  une  plus 
grande  jîcrle  dans  de  telles  circons- 
tances. Cependant  Pbiiippe-Auguste, 
qu'on  avait  vu  abandonner  ou  proté- 
ger le  duc  de  Bretagne,  selon  qu'il  y 
trouvait   son  avantage ,  l'arma  che  - 
valier  à  Gournay  ,  reçut  de  nouveau 
son  hommage  ,  et  déclara  la  guerre  à 
Jean.  Artur,  plein  de  feu  et  de  cou- 
rage ,  court  assiéger  la  ville  de  Mire- 
beau  en  Poitou;  mais  le  roi  Jean,  qui 
était  en  Normandie,  étant  accouru  à 
la  télé  de  forces  considérables ,  sur- 
prit Artur ,  qui  ne  s'attendait  pas  à  une 
éi  grande  diligence,  et  le  fit  prison- 
nier, avec   les  principaux  seigneurs 
de  son  parti.  Il  en  fit  enfermer  vingt- 
deux  dc\s  plus  distingués  par  leur  va- 
leur dans  le  chât<au  de  Corf,   où  il 
les  fit  périr  de  faim ,  et  il  envoya 
Artur  dans  la  prison  de  Falaise.  Jean 
conçut  alors  le  dessein  de  faire  périr 
son  neveu  ;  et  il  employa  les  caresses 
et  les  présents  auprès  de  ceux  qu'il 
crut  devoir  lui  être  le  plus  dévoués , 
afin  de  les  engager  à  commettre  ce 
crime.  Mais  ne  trouvant  personne  qui 
voulût  servir  sa  vengeance,  il  fît  con- 
duire ce  jeune  prince  à  Rouen,  où  on 
l'enferma  dans  une  tour  sur  !a  ri\  icre  ; 
et  il  fit  de  nouvelles  recherches  pour 
trouver  des  assassins.  Ces  recherches 
furent  encore  inutiles;  l'honneur  ins- 
jtirait  les  uus ,  la  crainte  arrêtait  les 


ART  553 

autres.  On  savait  trop  bien  que  Jean 
était  capable  d'immoler  le  bourreau 
après  la  victime.  Ce  monstre,  vovant 
qu'il  ne  pouvait  compter  que  sur  lui- 
même,  se  rendit  par  eau ,  pejidant  la 
nuit,  au  pied  de  la  tour  de  Rouen ,  fit 
amener  le  prince  dans  sa  barque ,  lui 
passa  plt'.sieurs  fois  son  épée  au  tra- 
vers du  corps,  et  le  jeta  ensuite  dans 
le  fleuve  avec  une  grosse  pierre  au 
cou.  On  assure  que,  malgré  ces  pré- 
cautions barbares ,  le  corj)S  d'Artur  fut 
tiré  par  les  filets  d'un  j.êcheur,  et  en- 
terre à  l'insu  de  Jean  ,  dans  le  prieuré 
de  Notre-D.ime-du-Pré.  Phiiippe-Au- 
gusîe  cita  le  mcurtri(r  à  la  cour  des 
pairs  ,  qui  rendit  l'arrêt  suivant  : 
tt  Jran,  duc  de  Normandie,  ayant 
»  violé  son  serment  envers  le  roi  Phi- 
»  lippe,  son  seigneur;  tué  le  fils  de 
»  son  frère  aîné,  vassal  de  la  cou- 
»  ronne  de  France,  cousin  du  roi , 
»  et  commis  ce  crime  dans  l'étendue 
»  de  la  seigneurie  de  France ,  il  est 
»  déclaré  coup;ibie  de  félonie  et  de 
»  trahison;  toutes  ie^teries  qu'il  tient 
»  à  hommage  seront  confisquées.  » 
{T.  Jean-sans-Tebre).  L'assassinat 
d'Artur  est  de  l'an  itiouj  ce  prince 
avait  alors  quinze  ans.  D.  N — l. 

AR  '  IGNY  (Antoine  Gachetd'), 
chanoine  de  l'égiise  primatiale  de 
Vienne  eu  Dauphiné,  était  né  en  celte 
ville  If  8  nov.  i-^cô.  Littérateur  mo- 
deste et  laborieux,  il  passa  sa  vie  dans 
l'obscurité  de  son  cabinet,  occupé  sur- 
tout de  remarques  critiques  et  biblio- 
graphiques. En  1759,  il  publia  une 
brochure,  mûlxAé^t:  Belation  d'une 
assemblée  tenue  au  bas  du  Parnasse, 
pour  la  réforme  des  Belles-lettres , 
in- 12.  M.  Sabathier  a  dit,  avec  plus 
de  malignité  que  de  raison,  que  le 
lieu  de  l'assemblée  était  bien  choisi. 
Cette  brochure  est  écrite  avec  plus  de 
finesse  et  d'esprit  qu'on  ne  le  devait 
attendre  d'un  homme  occupé  de  re- 


554  ART 

chercLes  minutieuses  ,  et  qui  songeait 
moinsà  soigner  sou  style  qu'à  iinc;mcn- 
terses  collections.  Cette  pièce  eut  quel- 
que succès ,  et  il  se  proposait  d'en 
donner  une  nouvelle  e'diti  ,n  ;  il  aA'ait 
même  adresse  son  manuscrit  à  un  li- 
braire de  Hollande  ,  qui  se  contenta 
d'en  pulili  r  la  pi-enùèie  partu ,  "^ans  en 
nommer  l'auteur,  dans  ul-"  rompila- 
tion  ayant  pour  titre  :  PelilRésen'f'ir , 
contenant  une  variété  défaits  hisiuri- 
ques  et  critiques,  la  Haye,  1-750,5  vol. 
in -8°.  L'aUbc  d'Arfigny  abandonna 
donc  son  projet  d'une  licuvcllcëdilion; 
mais  il  inséra  le»  changements  et  les 
additions  qu'il  avait  laits  à  sou  ou- 
vrage ,  d.iiis  le  dcnii'T  volume  de 
ses  Nouveaux  Mémoires  d'histoire  , 
de  critique  et  de  littérature ,  Pans, 
1749 — 5(i,  7  vol.  in-i'^.  11  a  réuni 
dans  re  Uceueil  p>lusieurs  pièces  éga- 
lement r.ins  et  curieuses  ;  des  Dis- 
sertr.tiorssur  dilFercnts  points  deTliis- 
toire  iiîtéjire,  remajqutibles  par  un 
ton  dt'Ctut  de  cri'ique,  et  par  un  air 
de  benne  foi  qui  piaît  au  lecteur  et  qui 
le  persuade.  On  a  reprodië  à  l'abbé 
d'Artigny  d'avoif  lire  les  articles  les 

Élus  intéressants  de  son  Recueil  d'une 
listoire  manuscrite  des  poêles  fran- 
çais, composée  pir  l'abbé  Brun,  doyen 
de  ^t.-Agric^le  d'Avignon.  On  ne  peut 
douter  que  l'abbé  d'Arfigny  ne  counAt 
l'existence  de  l'ouvrage  de  Brun ,  puis- 
qu'il dit  que  le  manuscrit  en  était  reste' 
dans  la  bibliothèque  du  séminaire  de 
St.-Sulpicede  Lvon ,  ainsi  qu'un  Traité 
du  plagiat  ,  par  le  même  auteur;  mais 
les  articles  concernant  les  poè'es  fran- 
çais ne  sont  pas  les  plus  intéressants 
de  sou  Recueil ,  comme  on  a  alFecté 
de.  le  dire;  et  l'abbé  d'Artigny  aurait 
pu  avouer  qu'd  les  avait  emprtuités  à 
Brun,sansquesaréput.itiou  en  souifi  ît. 
Il  s'occupait  d'un  abrégé  de  l'Histoire 
imii' ers  elle,  dont  on  a  trouvé  le  manus- 
«xil  informe  dans  ses  papiers.  Sur  la  fin 


ART 

de  sa  vie ,  il  abandonna  tous  ses  pro 
jets  littéraires  pour  se  livrer  à  l'éliide 
des  médailles,  devenue  pour  lui  une 
passion.  Dans  sa  jeunesse,  il  avait  fait 
des  vers  qu'il  supprima  dans  un  âge 
plus  mùr,  et  avec  raison,  si  l'on  en 
juge  par  ceux  qu'il  a  laissés,  en  petit 
nombre.  11  mourut  à  Vienne  le  6  mai 
1778,  d^iiS  sa  soixante -deuxième 
année.  \Y — s, 

ARTOIS  (Jacques  Van),  peintre, 
ré  à  Bruxelles  en  161 5.  On  ignore 
quel  fut  son  maître;  mais  on  sait  qu'il 
étudia  la  ijature  avec  assiduité.  11  ac- 
quit, par  cette  méthode,  la  plus  sîire 
de  toutes  ,  une  grande  manière ,  une 
touche  agréable,  et  le  talent  de  donner 
à  chaque  objet  le  caractère  qu-  lui  est 
propre.  H  avait  acquis  égalenent  un 
coloris  très-vigouieux  ;  mais  la  plupart 
de  se.s  tableaux  ont  poussé  au  mir. 
Teuiers ,  qui  était  très-lie  av€c  Van 
Artois  ,  a  souvent  peint  ou  retouche' 
les  figures  et  Us  animaux  dans  les  ta- 
bleaux de  cet  artiste.  Van  Artois  pei- 
gnant avec  biaiîconp  de  facilité,  fai- 
sant payer  fort  cher  ses  ouvrages,  et 
jouissant  d'une  grande  réputation,  (ût 
])u  acquérir  de  la  fortune ,  s'il  ne  se 
fût  avisé  de  fréquenter  les  grands  et 
de  loin-  donner  des  repas  somptueux. 
Avec  ce  genre  de  vie,  il  mourut  pauvre, 
on  ne  sait  en  quelle  année.  On  voit  de 
ses  ouvrages  à  Bruxelles,  àMalines, 
à  Gand  et  à  Dussoldorf.       D — t. 

ARTUR  et  ARTUS.  roj-.AmavR 
et  Arthus. 

ARTL'R  III ,    dit  Le  Justiciuu. 

f^OV.   RiCHEMOND. 

ARTL  SI  (.Tkan-Marif.),  né  à  Bo- 
logne, vers  le  milieu  du  iG'.  siècle, 
chanoine  régulier  de  la  congrégation 
du  S.  wSH>iveur,  fut  un  célèbre  profes- 
seur de  musique.  Il  florissait  vers 
1690.  On  a  de  lui  :  I.  XArte  dcl  con- 
trapuntn  ridotto  in  tai'ole,  parte 
prima,  VcnisCj  i58G,  iu-fol.,  cl  parle- 


ART 

seconda ,  Venise,  1 589,  in-fol.Cet  ou- 
vrage, fort  estime',  est  rare.  W.Delle 
imperfezioni  délia  moderna  musica, 
Venise,  1600,  in-fol. ,  réimprime'  en 
i6o5,  dans  le  même  format;  III. /m- 
presa  del  R.  P.  Giosejfo  Zarlino  da 
Chioggin  dichiarata  dal  R.  D.  G. 
Artusi,  etc.,  Bologne,  i6o4,in-4''. 
G— É. 
ARTUSIM  (Antoine),  de  Forli, 
et  non  pas  de  Ravenne,  comme  l'ont 
cru  quelques  écrivains  ,  naquit  le  3 
octojjve  i554-  11  fut  jurisconsulte, 
poète  et  orateur.  Il  prenait  le  titre  de 
chevalier,  et  vivait  encore  en  1G24, 
comme  il  païaît  par  le  titre  de  cet  ou- 
vrage :  Oratio  habita  in  puhlico  con- 
sislorio  ad  S.  D.  N.  Urbanwn  VIII. 
Pont.  opt.  max.  in  kal.  maii,  iGi4? 
dum  illustrissimi  Helvelîonnn  legali 
homini  uni\^ersœ  Helvetiorum  Ca- 
thol.  reipub.  debitiim  eidem  pont, 
ohsequium  redderent,  Rome,  in-4''. 
A  la  fin  de  ce  discours,  oùil  se  nomme 
lui-même  Antonius  Astusinus  Foro- 
liviensis^  se  trompe  la  réponse  faite  par 
Je  célèbre  Jean  Ciarapoli ,  de  Florence. 
On  trouve  encore  d'Arlusiui  quelques 
pièces  de  versj  entr'auti-es  une  can- 
zone  italienne ,  dans  les  Rime  Scella 
dé"  poeli  Ravennati ,  où  elle  a  c'ic 
insérée  par  erreur,  et  nn  sonnet,  mis 
en  tête  du  recueil  des  cinq  discours 
intitulés  Corone ,  etc.,  par  Etienne 
Lusignano,  Padoue,  1377,  in-4". 

G— E. 

ARUM  (Dominique  Van),  noble 
Ûison ,  né  à  Lcuv?arde  eu  1679,  s'ap- 
pliqua de  bonne  heure  à  la  jiuispru- 
dence.  Après  avoir  fait  d'excellentes 
études  à  Franccker,  à  Oxford  et  à  Ros- 
lock ,  il  se  rendit,  en  1 399,  à  Jéna ,  où 
il  fut  nommé  professeur  de  droit,  eu 
i6o5,  et  où  il  mourut  le  24  février 
1637.  Il  rendit  d'importants  services 
au  droit  public  de  l'Allemagne,  et  fut 
yn  de  ceux  qui  commencèrent  à  le  ré- 


ARU  555 

duire  en  un  corps  de  doctrine.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  I.  Discur- 
sus academici  de  jurepublico ,  Jéna, 
1 6 1 7-23 ,  5  vol.  in-4°.  ;  II-  Discursus 
academici  ad  auream  bullam  Ca~ 
roli  IF,  ib.,  1617,  in-4°.  ;  III.  Com- 
mentar. de  comiliis  Roman.  German, 
imp. ,  ib. ,  i(i5o-55-Go,  in-4°-  Ce 
traité  est  un  des  meilleurs  qui  soient 
sortis  de  sa  plume.  G — t. 

ARUINDEL  (Thomas  ) ,  archevêque 
deCantorbéry,  naquit  en  i535,  d'une 
maison  illustre,  et  lut  nommé  évêque 
d'Ely,  à  l'âge  de  21  ans ,  exemple  uni- 
que dans  l'histoire  de  ce  pays.  On  l'ac- 
cuse d'avoir ,  dans  tout  le  cours  de 
sa  carrière  épiscopale ,  montré  un 
goût  puéril  pour  l'ostentation  et  le 
luxe  ;  ce  qui  tourna  cependant  quel- 
quefois au  profit  des  églises  dont  il 
fut  successivement  le  chef.  De  l'arche- 
vêché d'Yorck,  il  passa  ,  en  iStjG,  à 
celui  de  Cantorbéryj  mais,  dans  les 
dix  années  cpii  précédèrent  cette  der- 
nière nomination  ,  ses  fonctions  ecclé- 
siastiques ne  l'empêchèrent  pas  d'oc- 
cuper ,  avec  quelques  interruptions , 
le  poste  important  de  lord  chancelier. 
En  1590,  il  transporta  les  cours  de 
justice  de  Londres  à  Yorck,  afin, 
disait-il ,  de  punir  Torgiieil  que  le  nii 
reprochait  aux  habitants  de  la  capi- 
tale; mais  probablement  aussi  pour 
donner  plus  d'éclat  et  de  richesses  à 
sonfliocèse.  Bientôt,  on  sentit  l'incon- 
vénient d'un  tel  déplacement ,  et  l'or- 
dre ancien  qui  existe  encore  fiit  réiabli. 
Comme  Arundel  ,  en  obtenant  une 
commission  qui  donnait  la  régence  au 
duc  de  Glocester ,  au  comte  d' Arun- 
del et  autres,  avair  pris  une  part  très- 
active  aux  premiers  efforts  tentés  pout 
déliATer  la  nation  de  l'oppression  de 
Ricl'.ard  II ,  il  fut  banni  par  ce  prince , 
et  le  pape  Boniface  IX,  qui  avait  à  se 
plaindre  du  roi  et  du  parlement ,  se 
vengea  en  accucillaut  un  de  leurs  en- 


;56 


AKU 


ncmis  ;  il  iioinma  Ariindel  à  l'arcte- 
vêclie  de  St.-Audre  en  Ecosse  ,  et 
déclara  l'iiiteution  où  il  était  de  lui  ac- 
corder, eu  Aiiglf'teire  ,  d'autres  hon- 
neurs ecciésiasliques;  mais  une  lettre 
où  Richard  faisait  sentir  au  souveiaiu 
poiilife  la  néces-ité  d'uu  rapproche- 
lucut  et  de  l'iiarmonie  la  plus  entière 
eutre  le  trône  et  l'autel ,  fit  changer 
les  dispositions  de  !a  cour  de  nouie. 
Heureusement  poiu'  Arundel ,  il  ne 
tarda  pas  à  trouver,  dans  le  mecon- 
tent<'mcnt  toujoiu-s croissant  du  peuple 
aiij;!ais  contre  le  roi,  une  occasion  de 
revoir  sa  patrie,  et  d'v  reprendre  «es 
dij;iiités.  Il  clail  arrivé  dans  la  Bre- 
taL^acau  moment  où  la  nojjlesse  d'An- 
ç;lolcrre  et  unt^  ;uitrc  partie  de  la  na- 
tion soliiiitait  ll':nri,  duc  de  Laucas- 
tie,  excite  par  Richard,  de  quitter  lu 
Frtmcc  pour  venir  recevuii  ia  cou- 
ronne de  ce  monarque  lui-même.  On 
chargea  l'archevêque  de  Cantorbcry 
de  remettre  au  duc  ui.e  lettre  pres- 
sante qu'il  accompagna  des  plus  vives 
remontrances  sur  l'état  où  se  trouvait 
le  royanme,  et  sur  la  nécessité  de  re- 
médier j)roraptemeiit  au  mal  Henri, 
retenu  par  quelques  scrupules  sur  la 
légitimité  d'une  pareille  succession  , 
finit  par  se  rendre  ,  et  Arundel  plaça 
la  couronne  sur  la  tète  de  Henri  IV  , 
son  nouveau  maître.  Au  commence- 
ment du  règne  de  ce  prince,  les  be- 
soins de  l'état  exigeant  des  secours 
considérables,  on  employa  (dans  le 
parlement  convoqué  à  Gjventry ,  en 
1404),  des  arguments  renouvelés 
souvent  depuis  pour  prouver  que  ces 
secours  pouvaient  être  pris  sur  les 
Liens  du  clergé.  Arundel  mit  en  œu- 
vre ,  auprès  du  parlement  et  du  roi , 
tons  ses  moyens  pour  détourner  Je 
coup ,  et  parvint  du  moins  à  le  sus- 
pendre. Il  combattit  ensuite  une  nou- 
velle secte  d'hérétiques  (  les  Lollards 
ou  ^YicklcI^ltcs  ) ,  avec  toute  l'cU-dîui" 


ARU 

et  "activité  de  son  caractère.  Il  alla 
jusqu'à  déclarer  que  cette  hérésie  ne 
pouv.iit  se  punir  que  par  le  feu ,  et  une 
exéc.tiou  préparée  par  ses  ordres  eut 
lieu  ;  il  venait  de  prononcer ,  sous  le 
règne  de  Henry  IV  ,  imc  pareille  sen- 
ter:ce  Contre  lord  Ccbhain ,  lorsqu'il 
fut  sais;  d'inie  inflammation  à  la  gorge 
dont  il  mourut  presque  subitement. 
L'espiit  superstitieux  de  ce  temps-là 
ne  manqua  pas  d'attribuer  une  fin  si 
prompte  à  la  justice  dinue.  Arundel 
fiît  !e  prenùer  qui,  par  un  zèle  mal  en- 
tendu ,  défendit  d  traduire  l'Écriture 
saintf"  CI)  langue  vulgaire.  L — v — r. 
ARUNDEL  (  TnoMAS  Howard, 
comte  d'  ) ,  maiéchal  (''Vngk terre  , 
sous  ics  règiRS  de  Jacques  1".  et 
de  Charles  I^' ,  était  un  zélé  protec- 
teur des  savants  etd'^s  arîisies.  Après 
avait  p  ssé  quelques  années  sur  le 
continent,  pinu*  se  livrer  à  l'otude 
de?  arts  et  de  la  littérature ,  il  revint 
d;^ns  sa  jiatrie ,  et  dès-loi  s  son  pa- 
lais ,  situé  sur  le  bord  de  la  Tamise , 
et  sa  maison  de  campagne  ,  dans  la 
province  de  Surrev .  devinrent  le  sé- 
jour des  hommes  les  plus  distingues 
par  leurs  talents.  Doué  Ini-mêiue  d'un 
goût  exquis,  il  dirigea,  avec  hiigo 
Jones ,  dont  il  était  le  protecteur,  les 
embellissements  des  bâtiments  de 
Westminster;  et ,  en  1618,  il  fut 
chargé ,  avec  d'antres  pairs  ,  de  di- 
riger les  édifices  de  Lincoln's-lnn- 
Fields ,  etc. ,  etc. ,  dont  les  desMUS  , 
par  Inigo  Joues  ,  sont  aujourd'hui 
chczle  lord  Fembroke ,  àWi'ton.  Lord 
Arundel  et  lord  Pembroke  furent 
les  premiers  qui  forraèrt  nt  en  Angle- 
terre des  collections  de  monuments 
antiques.  Arundel  associa  à  ses  tra- 
vaux le  savant  Jeaa  Evelyn  ,  qi'il 
cnvova  à  Rome.  l\  envoya  ensuite 
dans  le  Levant  Gnill.  Petfy,  et  ce  fut 
hiiqui,  en  iGi-y,  apporta  en  Angleterre 
les  marbres  connus  sous  le  nom  de 


A  RU 

Marbres  d'Arnndel,  parmi  lesquels 
se  trouve  la  cëlcbie  Chronique  de 
Paras,  qui  contient  les  ëpnquv-'s  les 
plus  mémorables  de  l'histoiie  de  !a 
Grèce  depuis  i58i  av.  J.-C, ,  époque 
de  la  foiidaùond'Atlièues,  jusqu'en  ^64 
av.  J.-C,  et  plusieurs traile's  relatifs  à 
Priène,  à  Map;ne'sieet  à  Srayine  (  f^. 
Maittaire,  Chaxdler,  Peiresc).  Dès 
que  lord  Arundel  eu;  réuni  les  trésors 
qu'il  av^it  rassemblés  à  Rome  et  dans 
la  Grèce  ,  les  stitues  et  les  bustes 
furent  places  dans  sa  ^aleri*?  ;  les 
marbres  eVrits  furent  appliqués  aux 
murs  du  jardin  de  son  hôti^l  ,  et  les 
statues  d'un  mérite  inférieur  ,  ou 
qui  étaient  mutilées  ,  occupèi  eut  son 
jardin  d'été  à  Larabeth.  La  collection 
conten  lit  trente-sept  statues,  cent  vingt- 
huit  bustes  ,  et  deux  cent  cinquante 
marbres  chargés  d'insciiptions ,  sans 
compter  les  autels  ,  les  sarcophages  , 
divers  fragments,  et  des  bijoux  d'un 
grand  prix.  Arundel  ne  jouit  du  fruit 
de  ses  soins  que  jusqu'en  i64'i,  où 
la  gueiTC  civile  le  força  de  quilter  sa 
patrie  ,  et  d'y  laisser  tous  ses  biens  et 
sa  collection  ,  à  l'exception  de  ses  dia- 
mants ,  de  ses  pierres  gravées  et  de  ses 
tableaux,  qui  furent  transpoités  à 
Anvers  :  lui-même  se  réfugia  en  Ita- 
lie, et  s'établit  à  Padovie,  oi»  il  mou- 
rut en  1646.  A  sa  mort,  il  partagea 
sa  précieuse  collection  entre  son  fils 
aîné  et  Guillaume  Howard,  l'infortuné 
comte  de  SlafFord.  Le  partage  de  l'aîné 
devint  dans  la  suite  l'héritage  de  son 
fils  Henri  Howard,  comte  d'Arundel, 
qui,  en  lôô-j,  à  la  sollicitation  de  Jean 
Seldenet  de  Jean  Kvelyn,  fit  don  à  l'u- 
niversité d'Oxford  de  tous  ses  marbres 
écrits,  qui ,  depuis  cette  époque  ,  ont 
été  connus  sous  le  nom  de  Marbres 
d'Oxford  (  Marmara  Oxoiiiensia). 
On  peut  voir  ,  dans  la  traduction  que 
W.  Miilin  a  donnée  de  l'ouvrage  de 
Dallaway ,  intitulé  :  les  Arts  en  An- 


A  R  u  r^^.-i 

çleterre ,  quel  a  été  le  sort  du  reste 
de  la  magnifique  coUeclio»  d'Arundel. 
Ces  maibres  furent  dëciaffrés  ,  aussi- 
tôt après  leur  irrivé'  ,  par  le  savant 
Jean  Sclden  :  il  les  publia,  en  i6iÇ), 
ayec  une  traduction  latine  et  un  com- 
mentaire ,  st'us  ce  titre  :  Mannora 
Arundelliana,  swe  saxa  grœrè  in- 
cisa ,  ex  venerandis  prisccf  Orien- 
tis  gloriœ  riiderihus.  aitsjnriis  et  iin- 
-/jetisis  Thomœ  ,  Comitis  ylrundel- 
liœ,  etc.  Accédant  Inscriplinnes  ali- 
quotveleris  Laii!  ,€x  ejusdem  velus^ 
tatis  ihesauro  selectœ  ,  Londres , 
iu-'i^o.  Eu  i6'^6,  Hnnifroi  Prideaux 
les  publia  de  nouveau  ,  avec  d'autres 
marbres  qui  avaient  été  donnés  à 
l'université  d'tJsford  ;  il  les  acc(;m- 
pagna,  dans  cette  édition,  (qui  estin- 
titulée  :  Marmara  Oxoniensia  ,  ex 
Arnndellianis  ,  Seldeniards  ,  aliis- 
quecanflala,  Oxford,  iG^O,  iii-fol. ,) 
d'un  commentaire  auquel  il  ajouta  les 
observations  de  Seiden  et  de  Thomas 
Lydiat.  Cette  édition  a  été  réimpri- 
mée à  Londres,  en  i^ôa,  in-fol. , 
par  les  soins  de  Michel  Maittairc  , 
sous  ce  titre  :  Marim  rum  Arundel- 
Uanorum  ,  Seldeiiianorum  ,  alio- 
riimque  Academiœ  Oxoniensi  do- 
natorum ,  cum  variis  cummentariis 
et  indice.  Mailtaire  y  a  disposé  les 
marbres  dans  un  meilleur  ordre  que 
Prideaux  ne  l'avait  fait  ,  et  a  ajouté 
aux  commentaires  de  Prideaux  et  de 
Seiden  les  observations  d'autres  sa- 
vanîs  qui  se  sont  occupes  de  ces  belles 
anfiauités.  La  meili«ure  et  la  plus 
belle  édition  de  ces  marbres  est  c^lle 
du  savant  et  célèbre  docteur  Richard 
Chandier,  intitulée:  vV^/rmor^  Oxo- 
niensia, Oxford,  i^Od,  in-fol. ,  for- 
mat d'atlas.  Il  y  a ,  ccpcLidant ,  dans 
les  deux  éditions  précédentes,  de  bous 
commentaires  qui  ne  se  trouvent  pas 
dans  cel:eci ,  et  qui  les  rendent  néces- 
saires. Des   inscriptions,  mais    sans 


558  A  R  U 

grav.,  ont  ete  rëimpr.  à  Oxford,  1791, 
iu-8".  La  Chronique  de  Paros  a  été 
traduite  par  Scipioii  Maffei ,  Lenglet- 
Dufrcsiioi ,  le  docteur  Playfair  et  ]\F. 
Bobinson  (  Foy.  la  Dissertation  de 
ce  dernier,  concernant  V authenticité 
de  la  Chronique  de  Paros  ,  1 788  , 
in-8°,  ;  les  Observations  de  Gibcrt 
sur  le  mêrae  sujet,  Acad.  des  Inscr., 
tom.  XXllI  ;  une  Réclamation  en 
faveur  de  la  Chronique  de  Paros , 
par  liewlett  ,  dans  une  Iclti'C  à  M"". 
Robîiison,)  Lord  Arundel  a  c'te'  peint 
par  Van  Dyck,  regardant  la  belle  tête 
d'Homère  qu'il  possédait ,  et  qui  est 
a  présent  dans  le  Musée  Brltauniquc. 
C'est  d'après  ce  buste  qu'a  été  gravée  la 
planche  de  la  collection  dc]\P.  Landon. 
Ou  voit ,  au  château  de  Warksop  , 
son  portrait  et  celui  de  sa  femme  , 
lady  Alathea  Talbot ,  réunis  dans  un 
même  tableau  ,  par  Paul  Van  Somcr. 
—  Un  comte  d'AauKDEL,  de  la  même 
famille  que  les  précédents,  fut ,  à  la  fin 
du  i6'".  siècle,  emprisonné  pendant 
trois  ans,  condamné  à  mortel  exécuté, 
pour  avoir  entretenu  une  correspon- 
dance avec  le  cardinal  Alan.  (  rq/. 
Alan.  )  K. 

ARÛNS,  pctit-fils  de  Tarquin 
l'Ancien  ,  roi  de  Rome  ,  et  frère  de 
Lucius  Tarquin ,  dit  le  Superbe.  Scr- 
vius  Tullius,  successeur  de  Tarquin 
l'Ancien ,  était  le  tuteur  des  deux 
jeunes  princes.  11  résolut ,  pour  s'at- 
tirer leur  affection  ,  de  leur  faire 
épouser  ses  deux  filles  ;  mais  il  eut 
plus  égard  aux  rapports  de  l'âge  qu'à 
ceux  des  caractères.  Lucius,  qui  était 
l'aîné  ,  annonçait  déjà  des  inclina- 
tions violentes.  Il  eut  une  épouse  douce 
et  vertueuse.  Aruns  ,  bien  plus  hu- 
main que  son  frère ,  trouva  dans 
Tuljie  une  compagne  ambitieuse  et 
capable  des  ]  lus  grands  forfaits.  Plus 
Servius  devint  âgé.  plus  elle  cher- 
cha à  porter  aux  entreprises  les  plus 


ARV 

hardies  Aruns ,  qui  ne  faisait  consis- 
ter son  bonheur  que  dans  une  vie 
paisible.  Elle  se  plaignait  sans  cesse 
de  la  destinée  qui  avait  uni  son  sort  à 
celui  d'un  époux  indolent  ,  et  dési- 
rait avec  ardeur  d'en  être  délivrée. 
Des  inclinations  également  perverses 
Lèrent  bientôt  Tarquin  et  TuUie. 
Tarquin  empoisonna  sa  femme  ;  Tid- 
lie  se  déhvra  d' Aruns  par  un  crime 
semblable  ,  et  ces  deux  coujiables 
s'unirent  vers  l'an  218  de  Rome, 
456  av.  J.-C.  {F.  Tullie).     D— t. 

ARUNS,  fils  de  Tarquin -Ic-Su- 
pcrbe  (  /^.   Brtjtus  ). 

ARUNS,  fils  de  Porscnna  (  F, 
Clelie). 

ARVIDSON  (Truls)  ,  graveur 
suédois,  né  vers  le  milieu  du  17^. 
siècle  ,  mort  en  1 7  o5  ,  voyagea  ,  aux 
frais  du  gouvernement,  en  plusieurs 
pays,  et  revint  dans  sa  patrie  avec 
une  religieuse  de  Flandre ,  qu'il 
épousa  à  Stockholm.  Il  fut  employé 
juincipalement  à  dessiner  et  à  graver 
les  anciens  monuments  du  Nord , 
dont  l'étude  était  alors  protégée  par 
Charles  XI  et  par  plusieurs  grands 
du  royaume.  On  trouve  une  notice 
sur  les  ouvrages  d'Arvidson  dans  le 
Spécimen  biographicum  de  Dahl,  im- 
primé à  la  suite  de  la  vie  de  l'antiquaire 
Iladorph.  AiTidson  ne  se  bornait  pas 
au  travail  du  burin.  Ayant  fait  uu 
cours  d'études  à  Upsal  ,  il  s'occupait 
aussi  des  sciences  ,  et  surtout  des 
langues  orientales.  11  portait  habi- 
tuellement sous  le  bras  la  Bible  hé- 
braïque de  Leusden  ,  imprimée  sans 
points,  et  la  lisait  avec  une  grande 
facilité.  En  1705,  il  publia  un  ou- 
vrage singulier  ,  ayant  pour  titre  : 
Psalmi  Davidis  idiomate  origi- 
nali  hehrœo  ,  adscripta  ad  lattis 
litteris  ilalicis  vocum  lectura.  Cet 
ouvrage  avait  pour  but  de  faire  con- 
naître les    sept    premiers    Psaumes 


ARY 

aans  la  langue  originale,  suivant  1b 
rythme  musical  des  Hébreux,  eu  in- 
diquant le  ton  de  chaque  mot.  Ar- 
"vidson  n'eut  pas  lieu  d'être  satisfait 
du  succès  de  cette  production  ,  qui 
ïui  attira  beaucoup  de  critiques  ;  mais, 
maigre'  ces  critiques  et  maigre  plu- 
sieurs autres  difficu'îe's  ,  il  se  propo- 
sait d'achever  son  travail  et  de  pu- 
blier de  la  m-ême  manière  tout  le 
Psautier,  lorsque  la  mort  mit  un 
terme  à  son   activité  et  à  son   zèle. 

C AU. 

ARVIEUX  (Laurent  d),  né  à 
Marseille  en  i65j, d'une  fanùlle  ori- 
ginaiie  de  Toscane  ,  fit  paraître,  dès 
sou  enfance,  les  plus  heureuses  dis- 
jjositious  pour  l'étude  des  langues,  et 
une  grande  passion  pour  les  voyages. 
En  i655,  il  suivit  Bertandier  ,  son 
parent,  nommé  consul  à  Sevde,  sé- 
j  ourna  douze  ans  dans  les  différentes 
Echelles  du  Levant  ,  y  apprit  les 
langues  persanne,  arabe,  hébraïque, 
syriaque,  et  revint  en  France  pourvu 
de  toutes  sortes  de  connaissances.  Il 
fut  envoyé  en  1668  à  Tunis  pour  y 
négocier  un  traité  avec  le  Dey ,  s'ac- 
quitta de  sa  commission  au  gré  de  la 
cour,  délivra  trois  cent  quatre-vingts 
esclaves  français  ,  qui  voulurent  lui 
témoigner  leur  reconnaissance  par  une 
bourse  de  Goo  pistoles,  qu'il  refusa 
généreusement.  D'yirvieux  fut  en- 
voyé en  1672  à  Constantiuople.  il  y 
eut  beaucoup  de  part  au  traité  que 
M.  de  Noiniel ,  ambassadeur  de 
France  ,  conclut  avec  Mahomet  IV  , 
par  la  facilité  avec  laquelle  il  parlait 
le  turk  ,  ce  qui  étonna ,  et  lui  rendit 
fivorable  le  grand  vizyr.  M.  de  Tu- 
rcnne  l'avait  chargé  de  s'informer  des 
Grecs  les  plus  instruits  ,  quelle  était 
la  croyance  de  leur  église  sur  le  mys- 
tère de  l'Eucharistie.  Le  résultat  de 
ses  informations  fut  qu'elle  était  la 
hiêuie  que  celle  des  Latins.  A  sou  re- 


ARY  559 

tour,  il  fut  fait  chevalier  de  St.-La- 
zare  ,  et  pourvu  d'une  pension  de 
1000  iiv.  sur  l'évêché  d'Apt.  Sou  ex- 
périence et  sou  intelligence  dans  la 
conduite  des  affaires  du  Levant  en- 
gagèrent la  cour  à  l'envoyer  consul  à 
Alger,  puis  à  Alep.  Innocent  XI, 
instruit  tles  services  qu'il  y  rendait  à 
la  religion,  le  nomma  à  l'évé/'lâé  de 
Babyloue  ,  qu'il  ref'.sa  ,  et  lui  permit 
d'ajouter  à  ses  armes  ce^es  de  Jérusa- 
lem. Le  chevalier  d'Arvieux  se  retira 
les  dernières  années  de  sa  vie  à  Mar- 
seille; il  y  consacra  tout  son  temps 
à  l'étude  de  l'Écriture  Sainte  ,  qu'il 
lisait  dans  les  textes  originaux  ,  et  y 
termina  sa  carrière  le  5  oc'obre  i  "cj. 
Il  avait  composé  la  Relation  iVun 
vojagefaitpar  ordre  de  Louis  XIV 
vers  le  ^randEmyr,  chef  des  princes 
arabes  du  désert ,  et  un  Traité  des 
mœurs  et  coulumes  des  Arabes  M.  de 
la  Roque  a  publié  l'un  et  l'autre 
avec  des  notes ,  et  une  traduclirm  de 
h  Description  de  V Arabie  d'ALoul- 
Feda,  Paris,  17  17,  in- 12.  Ses  Mé- 
moires ont  été  donnés  au  public  par 
le  P.  Labat,Paris,  1705,  6  vjI. 
in- 12.  Ils  furent  attaqués  par  les 
Lettres  critiques  de  Hadgi-Mehe- 
met-Effendi,  Paris  ,  I735,in-i2, 
attribuées  à  M.  Petis  de  la  Croix. 
T— D. 

ARYSDAGHÈS  (  S.  ) ,  né  en  Césa- 
rés  de  Cappadoce,  vers  l'an  279  de 
l'ère  vulgaire  ,  étudia  avec  ardeur  au- 
près d'un  habile  maître  ,  nomme iV7co- 
maque ,  qui  venait  d'embrasser  la  reli- 
gion de  J.-C.  V'jQ  5i8,  il  fut  appelé  à 
Va'.arsabad ,  viile  capit^ile  de  la  grande 
Arménie,  par  le  roi  Tiridate  et  par 
son  père ,  S.  Grégoire,  illumina teur, 
qui  venait  d'établir  publiquement  le 
christianisme  dans  ce  royaume,  par 
l'ordre  de  son  souverain.  Arysd  ghès 
y  fut  sacré  évêque  de  Diospont  et 
d'ime  partie  de   l' Arménie  majeure , 


56o  A  Tx  Z 

-par  son  père ,  qui ,  ayant  abdiqué , 
vers  l'an  53 1  ,  lui  laissa  les  soius  de 
gouverner  rëq;Iise  naissante  d'Arme'- 
nie.  S.  Arvsdaççhès  s\  maintint  avec 
feimrlé;  il  était  pUin  d'ardeur  pour 
la  défense  de  la  iTligion  ,  et  lit  con- 
naître un  grand  zèle  contre  les  pa'iens; 
et  ii  punit  avec  sévérité  ceux  qui  n'ob- 
servaient pas  rigoureusement  la  loi 
evan^éliquc.  Quelques  hommes  puis- 
sants s'opposèrert  ouvertement  à  ses 
entreprises  ;  mais  ils  furent  réprimés 
pai  l'ordre  du  roi  Tiridate.  S.  Arysda- 
glit";  établit  des  monastères  dar.s  plu- 
sieurs jirevinces d'Arménie,  et  il  y  ap- 
pela des  lioramcs  instruits  dans  !a  re- 
ligion ,  leur  assura  desmoyous  d'exis- 
tence, et  les  chsrgea  de  prêcher  la 
doctrine  de  l'évangiîe.  Il  bâtit  ensuite 
une  église  dans  !e  bourg  de  Tilu.ivan, 
qui  lui  avait  et  •  donné  en  ap  uiige  , 
et  une  autre  à  Khozan ,  dans  la  pro- 
vince de  Sophcne.  Le  gouverneur  de 
cette  contrée  ,  nommé    yirchélaus  , 
l'un  des   ennemis  de  ce  patriarche, 
le  surprit  un  jour   dans  un  voyage , 
et  le  mit  à  mort,  l'an  359  ^''  ^•-^' 
—  Un  autre  ARVsnAGHr:s.  surnommé 
AVrt^.ser,  c'est-à-dire  Bihliophile ,  vi- 
vait dans  la  même  cuntiée,  à  la  fin 
du  12'.  siècle,  et  a  laissé  mie  Gram- 
maire et  un  Dictionnaire  arménien. 
C— D. 
AF^ZACHE^  (  Abraham  ) ,  autre- 
ment dit  EizARAREL  ,  né  à  Tolède  , 
dans  le   12*^.  siècle,  fut  un  des  plus 
célèbres   astronomes  qui  aient  vécu 
après  les  Grecs ,  et  avant  la  renaissance 
des  lettres.  H  écrivit  un  livre  sur  l'o- 
bliquité du  zodiaque ,  qu'il  fixa ,  pour 
son  temps  ,  à  -23  "  34  ',  et  Jétf  rinina 
Vapngée  du  soleil,  par  l^oi  olis«rva- 
tions.  Les  fimenses  Tnhies  alphon- 
sines.  pnbliccspar  ordre  d'Alphonsc-le- 
Savant,  roi  de  Casiille,  sont,  en  partie, 
tirées  des   ouvrages    d'Arzacliel.   On 
ignore  rannce  de  la  naissance,  et  celle 


ARZ 
de  la  mort  de  cet  astronome ,  qui  pro* 
fessa  la  reliçion  juive.  IMontucla  dit 
que  ses  tables  exii-tcnt  en  manuscrit, 
dans  plusieurs  bibliothèques ,  avec 
une  introduclion  qui  en  explique 
l'usage.  C — S — A. 

ARZAN,  pontife  païen,  en  Arme'- 
raénie,  au  commencement  du  4  •  siè- 
cle, était  en  grande  vénération  dans 
cette  contrée  j  il  exerçait  un  pouvoir 
souverain  d'ius  la  province  de  Daron. 
Les  bourgs  de  Huran  ,  de  Govars,  de 
Meghdy  et   d'Achdichad,    formaient 
l'-ipaurige  de  sa  maison.  11  avait  sa  ré- 
sidence à    Vichab  ,    et  il  portait  le 
titre   fi'-tucux   ('^enfant   du    Soleil , 
gardien  des  temples  des  dieux  Kis- 
sané  et  Théinetz.   Lorsque  S.   Gré- 
goire,  illuminaleur ,  établit  le  chris- 
tianisme en   Arménie  ,   Arzan  fit  de 
vains  elfurts  pour  s'y  opposer.  S.  Gré- 
goire, au  reti.ur  d'un  vuvage  à  Césarée 
deCappadocc,  eut  le  dessein  de  pas- 
ser par  cette  province,  afin  de  con- 
vertir SCS  haltitanls  el  de  détruire  les 
idoles.  Les  officiers  et  les  seigneurs  du 
pays,  qui  l'accompagnaient  par  l'ordre 
du  roi  Tiridate,   rassembKn\nt   une 
armée    de    "joco    hommes.   Aizan  , 
avant  été  averti  des  préparatifs  qu'on 
faisait  contrelui,  forma ,  à  la  hUe ,  une 
armée  de  tiooo  combattants,  et  vint  à 
la  rencontre  de  sou  ennemi,  aux  en- 
virons de  Govars.  S.  Gn  goire  se  re- 
tira alors  dans  la  forteresse  d'(.)l';;an , 
avec  plusieurs  personnes  de  sa  suite, 
et,  entre  autres,  G!ag-Zenop,  qui  a 
laisse  l'histoire  de  cet  événement.  La 
bataille  se   donna  bientôt ,  au    pied 
d'une  montagne.  Arzin ,  qui  était  dans 
un  âge  avancé,  se  battit  iK'anmoins 
en  désespéré.  Il  pous-^alViineiiii  a  plu- 
sieurs reprises,  avec  une  iinpéluosité 
extraordinaire,  et  il  excitait  se>  sol- 
dats  à  le  suivre,  en    criant  à  haute 
voix  ;  «  Il  vans  mieux  se  battre  pour 
»  mourir  en  héros,  que  de  vivre  pouv 


ASA 

»  voir  nos  temples  delruits  rt  nos 
»  dieux  outrages.  »  Et,  s'adressnnt 
aux  chrétiens  :  «  O  renégats  des  dieux 
»  de  la  patrie,  leur  criait-il,  sachez 
■»  que  c'est  le  glorieux  Kissani  qui  se 
»  bat  contre  vousl  »  Arzan  ,  malgré 
ses  efforts ,  voyaut  ses  forces  diminuer, 
s'élança  dans  le  centre  de  l'année 
chrétienne ,  pour  appeler  le  prince 
d'Anghegshdam  ,  qui  la  commandait, 
à  un  combat  singulier.  Les  deux 
chefs  s'élancèrent  aussitôt  l'un  contre 
i'autre,  et,  aprts  quelque  résistance, 
ie  pontife  Arzan  fut  tué  d'un  coup 
sur  la  tête,  l'an  3o2  de  J.-C.  —  Un 
autre  A  r  z  a  p» ,  tpii  florissait  dans 
le  5^.  siècle ,  traduisit  eu  arménien 
les  Œuvras  de  S.  Athanase ,  et  a 
laissé  manuscrit  :  I.  Traite  contre  le 
jfvrisme ,  ou  la  religion  du  Feu  ; 
II.  un  Discours  sur  l'ascension  de 
J.-C;  111.  une  Homélie  sur  V apôtre 
S.  Paul.  C — D. 

ASA  ,  roi  de  Juda  ,  succéda  à  son 
père  Abia  ,  vers  l'an  goS  av.  J.  -  G. 
ÏjCS  premières  années  de  son  règue 
furent  marquées  par  la  destruction 
des  autels  élevés  aux  idoles  ,  par  le 
rétablissement  du  culte  du  Seigneur  , 
€t  par  la  paix  dont  Dieu  récompensa 
son  zèle.  11  en  profita  pour  réparer  et 
fortifier  les  villes  de  Juda,  qui  avaient 
beaucoup  souffert  des  guerres  de  sou 
prédécesseur.  Il  obligea  sa  grand'- 
raère  ,  qui  s'était  faite  prêtresse  de 
Priape,  de  renoncer  à  ce  culte  abo- 
minable, déposa  dans  le  temple  toutes 
les  richesses  que  son  père  avait  rap- 
portées de  son  exjiédition  contre  Jé- 
roboam ,  roi  d'Israël.  Eu  la  quinzième 
année  de  son  règne  ,  les  Madiauites  , 
ou  Ghuséens  ,  qui  habitaient  l'Arabie 
déserte ,  ayant  fait  marcher  contre 
lui,  dit  l'Ecriture,  une  armée  d'un 
million  d'hommes  et  de  5oo  charricts , 
il  les  défit,  à  la  tête  de  58o,ooo 
Jjommes.  11  eut  le  même  succès  contre 
«I. 


ASA  56ï 

Zara  ,  roi  d'Etliiopie,  sur  lequel  il  fit 
un  immenscbutin.  Asa  avait  négligé  de 
détruire  les  hauts  lieux  ;  il  est  vrai 
qu'on  n'y  adorait  que  le  Seigneur  ; 
mais  depuis  que  Dieu  avait  concentré 
tout  son  culte  dans  le  temple  de  Jéru- 
salem ,  celui  qu'un  pouvait  lui  rendre 
en  tout  autre  endroit  était  devenu 
illégitime.  A  cette  picraière  faute  ,  il 
ajouta  celle  d'acheter  avec  l'argent  du 
temple  et  du  trésor  royal ,  le  secours 
de  Bénadab  ,  roi  de  Syrie ,  contre 
Baasa,  roi  d'Israël  ,  qui  lui  avait  dé- 
claré la  guerre ,  et  de  faire  mettre  en 
prison  le  prophète  Ananus,  chargé  de 
lui  reprocher,  de  la  part  de  Dieu ,  d'a- 
voir implcré  des  secours  étrangers , 
au  lieu  de  mettre  toute  sa  confiance 
dans  le  Seigneur  ,  qui  lui  avait  été 
constamment  favorable  dans  ses  autres 
guerres.  Sur  la  fin  de  ses  jours ,  Asa 
attaqué  d'une  grave  maladie  ,  eut  re- 
cours aux  médecins,  sans  s'adresser  à 
Dieu  par  la  prière.  Cette  maladie  le 
conduisit  au  tombeau ,  aprèsr  un  règne 
de  quarai\tp-un  ans  ;  il  eut  son  fils  Jo- 
sapliat  pour  successeur.         T — d. 

AS  AN  ,  l'un  des  fondateurs  du 
royaume  des  Bulgares  (  P'aj.  Pierre, 
prince  de  Bulgarie  ]. 

AS  AN  111 ,  roi  de  Bulgarie,  descen- 
dait, par  sa  mère,  du  célèbre  Asan 
qui,  réuni  à  son  frère  Pierre,  déUvra 
son  pays  du  joug  des  Grecs.  Asan  III 
était  l'héritier  légitime  de  la  couronne; 
mais  l'ordre  de  la  succession  avait  été 
interverti  plus  d'une  fois,  au  milieu  de 
sanglantes  révolutions.  Un  usui^paîeur 
obscur  exerçait  l'autorité,  lorsque  Mi- 
chel Paléologue  entreprit  de  rétablir 
sur  le  trône  de  ses  pères,  le  jeune  Asan, 
auquel  il  avait  donné  sa  fille  Irène  en 
mariage.  L'usurpateur  fut  chassé,  et 
se  réfugia  chez  les  Tatars.  Une  partie 
de  la  nation  n'avait  reçu  qu'avec  peine 
son  souverain ,  de  la  main  de  l'empe- 
reur. De  nouvelles  factions  s'élevèrent. 
36 


562  A  S  A 

Asan,  qui  pouvait  les  combattre,  aima 
mieux  éviter  à  son  pays  les  horreurs 
d'une  guerre  civile  ;  et,  emportant 
iivec  lui  tous  SCS  trésors,  il  se  retii-a 
chez  sou  beau-père ,  et  finit  paisible- 
ment SCS  jours  à  Constantinople.  Du- 
cau2;e  place  les  événements  de  son 
règne  entre  les  années  i '275  et  i-aSo. 
D.  N— L. 

ASANDRE  ,  l'un  des  généraux  de 
Pbarnace  II ,  roi  de  Pont ,  se  révolta 
contre  lui ,  à  cause  de  sa  cruauté,  et  ce 
prince,  vaincu  par  César,  ayant  voulu 
rentrer  dans  ses  états  ,  Asandre  alla 
à  sa  rencontre  ,  le  délit  et  le  tua.  Cé- 
sar disposa  de  la  couronne  eu  faveur 
de  Mithridate  -le  -  Pergaménien  ,  fils 
naturel  du  gtaiid  Mithridate  ;  mais 
Asandre  le  défit  aussi.  Il  se  contenta 
cependant  du  titre  d'archonte ,  qu'on 
voit  sur  plusieurs  médailles ,  et  il  u'osa 
prendre  celui  de  roi  que  lorsqu'Au- 
guste  l'eut  coiifirmé  dans  son  autorité. 
11  épousa  Dynamis,  fille  de  Pbarnace, 
et  mourut  l'an  i4  av.  J.-C. ,  «gé  de 
quatre-vingt-treize  ans.  C — r. 

AS1310iiN  ,  surnommé  Blak  ,  sei- 
gneur danois  ,  beau-frère  du  roi  Ila- 
lald  ,  se  mit ,  en  i  o85 ,  à  la  tète  de  la 
nîultitude  révoltée  contre  Canut  IW 
Pour  mieux  iissurcr  son  entre])rise ,  il 
passa  lui-même  dans  le  camp  du  roi , 
sous  prétexte  de  concerter  avec  Ca- 
nut les  moyens  d'étouffer  la  rébellion. 
Après  avoir  donné  à  ce  prince  le  con- 
seil perfide  de  se  montrer  dans  la  ville 
d'OJensé,  en  Fionie,  il  revint  trouver 
une  petite  troupe  de  rebelles  ,  et ,  péné- 
trant avec  eux  dans  la  ville ,  il  massacia 
le  roi,  agenouillé  devant  l'autel,  avec 
ses  principaux  courtisans.  Quelques 
auteurs  ])réleudejit  (pi'Asbiorn  ayant 
voulu  se  laire  j)roclamcr  roi  lui-même , 
SCS  partisans  l'abandonnèrent ,  et  que 
son  armée  s'étant  dissipée  ,  il  périt 
peu  de  temps  après,  d'iuie  manière 
misérable.  La  mémoixc  du  crime  de 


ASC 
ce  rebelle  s'est  tellement  conservée, 
que  le  peuple ,  en  Danemarck  ,  dit  en- 
core proverbialement  :  «  Monter  le 
»  cheval  de  Blak  ,  »  pour  désigner  un 
traître ,  qui  se  donne  un  faux  air  de 
conciliateur  entre  deux  partis. 

]M— B— N. 

ASCELIN,  ou  ANSELME  (Nico- 
las), religieux  missionnaire  ,  fut  en- 
voyé, par  Innocent  IV,  vers  uu  des 
généraux  Mongols,  en  1247,  suivit 
le  sud  de  la  mer  Caspienne ,  traversa 
la  Syrie  et  la  Perse ,  et  se  présenta 
devant  Baju-Novian  (  Bajothuoi  ) ,  un 
des  chefs  Mongols ,  qui  probablement 
rampait,  avec  ses  nomades,  dans  le 
Chowarezem.  La  relation  de  ce  voya- 
ge ,  moins  importante  que  celle  de 
Carpin,  a  peu  contribué  aux  progrès 
de  la  géographie  de  cette  partie  de 
l'Asie.  Le  bon  religieux,  observateur 
crédule  et  superficiel,  n'entre  dans 
quelques  détails  que  relativement  à 
son  séjour  parmi  les  Mongols.  Sou 
Journal  ne  nous  est  pas  parvenu  en 
entier;  ce  que  nous  en  avons  nous 
a  été  conservé  par  Vincent  de  Beau- 
vais,  qui  tenait  cet  extrait  de  Simon 
de  St.-Qucntin  ,  compagnon  d'Asce- 
lin,  et  qui  l'inséra  dans  son  Miroir 
historique.  Bergeron  l'a  traduit  en 
français  dans  son  recueil  à  la  suite 
de  la  relation  de  Carpin.      L.  R — e. 

yVSCH  (  Georges-Thomas  ,  baron 
d'  ) ,  médecin  des  armées  russes  ,  con- 
seiller d'état,  tt  membre  de  plusieurs 
académies ,  né,  à  St.-Pétersbourg,  de 
parents  allemands,  en  i  ']'.iQ,  mort  en 
la  même  ville,  en  1807.  D'Asch  , 
comme  tant  d'autres  Russes ,  devejms 
depuis  célèbres  dans  les  sciences  ou 
dans  la  politique ,  fit  ses  éludes  à 
l'université  do  Gœltingue,  oii  il  suivit 
particulièrement  les  cours  de  Ilaller. 
La  plus  belle  partie  de  sa  réputation 
se  fonde  sur  le  constant  et  noble  at- 
lachemcut  qu'il  conserva  toute  sa  via 


ASC 
pour  cette  illustre  école,  et  pour  les 
grands  maîtres  sous  lesquels  il  s'y 
était  formé.  Sa  fortune  et  ses  nom- 
breux voyages  lui  donnèrent  la  pos- 
sil^lilé  de  rassembler  de  précieuses 
collections  ,  dont  il  envoyait  chaque 
année  une  partie  à  Gœttinf^ue.  Il  a 
enrichi  la  superbe  bibliutlièque  de 
cette  université  d'une  bibliothèque  en- 
tière de  livres  russes  ,  d'un  beau  Ko- 
ran,  de  manuscrits  turks  et  de  plu- 
sieurs autres  laretés,  et  le  Musée,  d'une 
foule  d'objets  instructifs  et  curieux , 
tant  de  la  Sibérie  que  des  autres  pro- 
vinces du  vaste  empire  russe ,  comme 
vêtements,  instruments,  armes  de  di- 
vers peuples  ,  minéraux  ,  médailles  , 
antiquités.  Il  a  de  même  contribué  à 
compléter  les  collections  particulières 
du  savant  Blumenbach.  D'Ascb,  dont 
la  mémoire  mérite  d'être  honorée 
comme  citoyen ,  autant  que  comme  sa- 
vant, eut  trop  de  devoirs  divers  à  rem- 
phr  pour  pouvoir  beaucoup  écrire.  Il 
eut  cependant  une  part  principale  à  la 
Pharmacopée  nisse ,  imprimée  à  Pé- 
tersbourg  ,  1778,  in-4".  On  a  de  lui 
encore  quelques  morceaux,  en  latin 
et  en  allemand ,  sur  divers  points 
de  physiologie  et  de  médecine.  Sa  Dis- 
sertation inaugurale  :  De  primo  pare 
nervorum  medullœ  spinalis  ,  Gœt- 
tingue,  1750,  iu-4'-7  parut,  dans  le 
temps ,  neuve  et  remarquable  ;  peut- 
être  que  Haller  y  eut  quelque  part. 
Entre  ses  autres  ouvra;.',es ,  il  faut 
surtout  distinguer  celui  qu'il  publia 
sur  la  peste  ,  où  l'on  trouve  d'excel- 
lentes observations  ,  et  les  meilleurs 
moyens  de  se  préserver  de  cette  ma- 
ladie. On  peut  voir  les  titres  et  les 
dates  de  ces  écrits  dans  X Allemagne 
littéraire^  Gelehrles  Deutschland , 
de  M.  Meusel,  4''«  édition  ,  i'\  vol., 
pag.  98.  M.  Heyne  a  publié  à  Gœt- 
tingue ,  en  1807,  son  Elo<^e  histo- 
rique j  sous  ce  titre  :  De  obitu  Bar. 


ASC  563 

de  Asch ,  ad  viifos  amantissimos 
J.  Fr.  Blumenbach ,  et  J.  D.  Reuss., 

I  'X  pag.  in-4".  V  -  s. 

ASCHAM  (Roger),  né  dans  le 
Yorkshire,  vers  i5i5.  En  i53o,  il 
entra  au  collège  St. -Jean,  à  Cam- 
bridge ,  où  il  devint  professeur  de 
grec.  Henri  VIII  lui  fit  une  pension 
de  I  o  hvrcs  sterlings,  le  plaça  comme 
instituteur  auprès  d'Elisabeth  ,  à  la- 
quelle il  expliquait  (jcéron ,  Sophocle 
et  d'autres  auteurs  anciens.  Apiès avoir 
été  occupé  deux  ans  dans  ces  honora- 
bles fonctions ,  il  revint  à  Cambridge  et 
y  remplit  la  place  d'orateur  avec  une 
grande  distinction.  En  i55o,  il  suivit 
sir  Richard  Morysinc  dans  son  ambas- 
sade auprès  de  Charles  Quint,  et  resta 
plusieurs  années  en  Aliemague.  Pen- 
dant ce  temps ,  Ascham  fut  nommé  se- 
crétaire latin  du  roi  Edouard,  mais, 
à  la  mort  de  ce  prince ,  il  perdit  sa 
place  et  sa  pension,  11  devint  secré- 
taire latin  de  la  reine  lilarie ,  et  fut 
employé  par  le  cardinal  Pôle.  A  l'avè- 
nement de  la  reine  Elisabeth ,  il  fut  ré- 
tabli dans  la  place  de  secvétairo,  et  de- 
vint son  instituteur  particulier  pour  les 
langues  anciennes.  Il  mourut,  à  Lon- 
dres ,  en  1 568.  Son  ouvrage  !e  plus  es- 
timé est  intitulé  :  le  Maître  d'école ,  ou 
Mojen  simple  d' appremlre  aux  en- 
fants à  entendre,  à  écrire  et  à  parler 
la  langue  latine.  Upton  en  a  donné 
une  bonne  édition  en  1711,  in-H**. 
Ses  Lettres  latines ,  Oxford,  1705, 
in-8".  ,  ont  été  souvent  im])rimées. 
On  a  recueilli  ses  œuvres,  en  1769, 
in-4''.  —  Un auti-e  Ascham  (Antoine), 
républicain  anglais ,  fut  membre  du 
long  parlement,  et  ensuite  envoyé 
comme  ambassadeur  en  Espagne  ,  où 
six  royalistes  exilés  l'assassinèrent , 
ainsi  que  son  interprète ,  le 6  juin  1 65 o. 

II  est  auteur  d'un  ouvrage  sur  les  Ré- 
volutions des  gouvernements ,  1649, 
iu-S". — EulUi  un  troisième  Ascuam, 

56.. 


564  ASC 

vicaire  de  Burnishtou ,  vivait  sous 
Edouard  VI  ,  et  a  publié  quelques 
écrits  sur  l'astrologie  et  sur  la  bota- 
nique. -B — B.  j*. 

ASCHAN^US  (Martin),  ecclé- 
siastique suédois,  vécut  daus  le  17^. 
siècle,  et  se  livra,  avec  beaucoup  de 
.succès ,  à  l'étude  de  l'histoiie  et  des 
r.ntiquilés  ;  mais  ce  qui  le  reud  sur- 
tout reuiarquablc  ,  c'est  d'avoir  été 
un  des  preuiiers,  en  Suède,  qui  se  soit 
uccujié  d'y  former  la  langue  du  pays 
i>ar  des  traductions.  Il  fit  paraître ,  en 
suédois  ,  vers  l'année  iGk'>  ,  le  Traité 
de  Chvtraîus ,  De  patienUd  et  con- 
solatione ,  qui  avait  une  grande  vogue 
dans  ce  temps.  Peu  après,  parurent  les 
traductions  de  quelques  autres  ou- 
vrages étrangers  ,  et,  daus  le  dernier 
siècle  ,  celte  partie  de  la  littéral lu-e 
r.atiouale  s'est  étendue  cousidérable- 
inenl.  On  a  même  traduit  en  vers, 
avec  succès  ,  Ar.acréon ,  une  partie 
d'Homère  et  d'Horace,  V Enéide  de 
Virgile  ,  plusier.rs  tragédies  de  Ra- 
cine et  de  Voltaire.  C — au. 

ASCIIARY.  roy.  AcHARY. 

ASCiHl!;.NliKRG  (RuTGER  ,  comte 
d'),  feld-maréchal  de  Suède,  avait  ap- 
pris l'art  de  la  guerre  daus  les  campa- 
gnes brillantes  de  (]iiarles  X,  ou  Char- 
îes  Gustave  ,  en  Poioguc  et  en  ]);me- 
inarck.  So.i  courage  et  son  expérience 
eurent  occasiou  de  se  signaler,  lors- 
qu'au commencement  du  règne  de 
(îliarles  XI,  les  Danois  (irent  une  in- 
vasion dans  la  province  de  Scanie.  Le 
roi  conduisit,  dans  cette  province  , 
>uie  armée  considérable ,  pour  arrêter 
les  progrès  de  l'ennemi  ;  deux  ba- 
tailles, gagnées  par  les  Suédois ,  l'une 
près  de  Lund  ,  en  lO'jô,  l'autre  près 
de  Landscrona,  en  1O77,  sauvèrent 
la  Suède ,  et  forcèrent  les  Danois  à 
repasser  le  Sund.  Pendant  ces  deux 
ijatailles.  Aschenbcrg  ne  quitta  point 
h  loi  ;  l'aida  de  ses  conseils ,  et  décida 


ASC 

la  victoire.  La  paix  ayant  été'  concîne, 
Aschenbcrg  rendit,  à  sa  patrie,  des  ser- 
vices d'un  autre  genre.  Nommé  séna- 
teur, il  prit  part  à  toutes  les  délibé- 
rations importantes,  encouragea  les 
travaux  utiles  ,  et  protégea  les  scien- 
ces, les  lettres  et  les  arts.  Charles  XL 
avait  en  lui  la  plus  grande  confiance , 
et,  pour  récompenser  ses  services,  il 
lui  accorda  le  titre  de  comte ,  le  créa 
feld-maréchal,  et  lui  donna  le  gou- 
vernement général  des  provinces  du 
]\iidi.  La  vie  du  feld-rnarcchal  d' As- 
chenbcrg a  été  écrite  en  suédois  par 
Svcn  Lagerbiing.  C — au. 

ASCHEPkiRabbi)  BEN  JÉCHIEL, 
juif  allemand,  mort  en  iS^i  ,  à  To- 
lède, recleur  de  la  synagogue,  et  pèref 
de  huit  (i's  qui  se  sont  tous  distingués 
dans  la  carrière  des  lettres.  On  a  de 
lui  :  1 .  Fasciculus ,  sive  Collectanea  , 
imprimé  à  Cracovic  en  1 5  i  ,  in-fol.; 
ce  sont  des  observations  sur  diffé- 
lents  passages  du  Thalmitd.  W.Schea- 
lolh  et  Theschuvolh  ,  c'est  -  à  -  chre  , 
des  Qiiestiofis  et  des  Réponses  ;  111. 
Thouscpholh ,  c'est-à-dire  appen- 
dices ;  c'est  encore  un  commentaire 
le  Thahmid.  IV.  Diss.  super  e/Jalo 
Jiulœonim  :  Israël  nidli  planetœ  est 
snbjecUis ,  qui  est  encore  en  manus- 
crit daus  la  bibliothèque  du  Vatican. 
D'autres  ouvrages  de  R.  Asclier  ont  été 
compris  daus  la  collection  de  Sal.  Ben 
Jehuda  Lœw,  Prague,  17 '.>."),  in-^"- 
(  f^oj-.  Bartolocci ,  Bibl.  Rabbinica  ). 
S— R. 
ASCLÉPIADE,  médecin,  natif  de 
Prusa  ,  en  Bithynie ,  est  le  premier 
qui  rendit  l'art  de  la  médecine  recom- 
mandableà  Rome.  Après  s'être  fait  une 
réputation  en  Asie ,  il  vint  s'établir 
dans  cette  capitale,  l'an  GiO  de  sa 
fondation,  i  10  ans  av.  J.-C. ,  refusant 
les  otl'res  de  Mithridatc ,  roi  de  Pont , 
qui  voulait  l'attirer  près  de  lui.  II  était 
de  ces  esprits  ardents  destinés  à  faire 


ASC 

rôvolulion  dans  les  carrières  qu'ils 
parrourcnt.  La  nature  l'avait  doué 
d'une  éloquence  entraînante  dont  il 
abusa  souvent.  A  Rome  ,  il  commença 
par  donner  des  leçons  de  l'hétorique  ; 
maistout  à  coup,  se  persuadant ,  d'a- 
près une  connaissance  assez  superfi- 
cielle de  la  médecine,  connaître  à  fond 
cet  art,  il  se  mit  à  la  pratiquer;  mal- 
heureusement, il  y  porta  toute  la  fou- 
j^ue  de  sou  esprit  indépendant,  ettoutcs 
les  erreurs  des  opinions  philosophi- 
ques que,  comme  rhéteur ,  il  avaitsuc- 
f  e.ssiveraent  adoptées.  Les  Romains  , 
qui,  d'abord,  avaient  paru  accueillir 
favorablement  Arclia^atus  ,  l'avaient 
ensuite  injustement  pris  eu  haine , 
parce  qu'il  avait  recours  quelquefois, 
dans  ses  traitements ,  à  des  moyens 
douloureux.  Asclépiade,  pour  se  faire 
une  réputation  ,  prit  une  méthode  in- 
verse ;  il  s'attacha  d'abord  à  ne  donner 
que  des  remèdes  apjréables  et  iaciles; 
il  fit  à  la  médecine  un.>  fuisse  applica- 
tion de  toutes  les  philosophies  du 
temps;  et,  parlant  ainsi  aux  Romains 
de  choses  qui  entraient  dans  le  plan 
de  leurs  études ,  et  les  entraînant  d'ail- 
leurs par  le  charme  de  son  éloquence  , 
il  put  d'autant  plus  les  séduire  et  ga- 
gner leur  confiance  que,  lui-même, 
était  séduit  et  se  croyait  près  de  la  vé- 
rité. Adoptant  la  philosophie  corpus- 
culaire d'Épicure,  il  en  fit  la  base  de 
sa  doctrine.  11  méconnut  celle  d'Hip- 
pocrate ,  la  seule  vraie  ;  il  défendit 
cette  sage  réserve  avec  laquelle  ce 
prince  de  la  médecine  reste  souvent 
spectateur  des  mouvements  de  la  natu- 
j'c,  et  en  attend  la  favorable,  mais  spon- 
iauéc  solution  ;  Asclépiade  qualifiait 
.cette  sage  attente  de  méditation  sur 
la  mort.  Du  reste,  comme  cela  se 
remarque  chez  tous  les  esprits  ardents 
tnù  adoptent  pour  base  de  leur  con- 
iluite ,  tour  à  tour  ,  un  principe  ,  tou- 
jcurà  pria  hors  de  la  limite  rigoureuse 


ASC  565 

Je  l'observation  et  de  rexpérîcnce , 
rien  de  plus  mobile  et  de  plus  con- 
tradictoire que  les  dogmes  théoriques 
et  pratiques d' Asclépiade.  Parexcinpie, 
s'il  mérite  d'être  loué  pour  avoir  em- 
ployé souvenil'cxercice  comme  moyen 
perturbateur,  souvent  aussi  il  est  tom- 
bé, à  cet  égard,  dans  l'ancien  excès 
d'Hérodicus  :  on  le  voit  à  la  fois  don- 
ner le  vin  dans  les  maladies  par  fai- 
blesse et  dans  les  frénésies;  saigner 
dans  les  pleurésies  et  dans  les  mala- 
dies nerveuses  ,  comme  l'épilepsie  ; 
faire  une  proscription  absolue  des  pur- 
gatifs, défendre  toutes  boissons  aux 
nialades  dans  les  deux  premiers  jours 
oaleur  maladie  ,  c'est-à-dire,  dans  le 
temps  où  ils  en  demandent  avec  le  plus 
d'instance,  etc.  En  somme,  ses  prin- 
cipes sont  si  vagues,  qu'on  ne  peut 
pas  même  dire  qu'il  ait  fait  école.  Pline 
rapporte  à  cinq  chefs  ses  principaux 
moyens  de  traitement;  l'abstinence 
des  viandes ,  celle  du  vin  ,  les  fric- 
tions ,  la  promenade ,  et  la  gestation 
à  cheval  et  en  voilure  ;  on  peut  expli- 
quer tous  les  suceès  prafiqucs  qu'on  lui 
atribue  par  l'effet  le  plus  général  de 
ces  moyens ,  qui  tendent  tous  à  exci- 
ter l'action  de  la  peau,  ce  couloir  im- 
portant de  l'économie ,  jioint  de  prati- 
que qu'avait  entrevu  Asclépiade,  mais 
qu'il  ne  se  proposait  que  d'après  les 
vues  fausses  de  sa  philosophie  corpus- 
culaire. Ce  que  nous  avons  dit  de  l'é- 
loquence d' Asclépiade  ,  et  du  soiu 
qu'il  prenait  à  satifaire  les  moindres 
fantaisies  de  ses  malades ,  explique 
assez  sa  grande  réputation  qui  s'est 
évanouie  avec  lui.  LIne  circonstance 
heureuse  vint  d'ailleurs  la  commandes 
en  quelque  sorte;  passant  près  d'ua 
convoi ,  il  reconnut  que  le  corps  qu'on 
portait  au  bûcher  avait  encore  un  reste 
dévie;  il  lui  prodigua  des  secours  qui 
furent  suivis  du  succès,  et  il  parut 
plutôt  ressusciter  un  mort  que  guâù"^ 


f.66  ASC 

tin  malade.  Tl  osa  se  vanter  de  n'être 
jamais  lualade  ,  et,  si  l'on  en  croit 
Pline ,  le  hasard  le  servit  encore  à  cet 
é'^ard;  car  il  dit  qu'il  mourut  vieux  et 
par  accident ,  par  suite  d'une  chute. 
Cependant  Suidas  nie  ce  fait,  et  attri- 
bue sa  mort  à  une  inflammation  de 
poitrine.  Asclëpiade  fut  le  maître  de 
Themison ,  chef  de  la  secte  des  mé- 
thodistes; mais  la  doctrine  professée 
par  ces  derniers  est  toute  entière  le 
fait  de  Themison  ,  et  ne  doit  nullement 
cire  rapportée  à  Asclépiad'^  ,  trop 
honiliaut  pour  se  plier  ainsi  toujours 
à  un  même  système.  Il  nous  reste 
quelques  fragments  des  ouvrac;es  d'As- 
rlépiade  dans  Aëtius  :  Mahii^mnta 
h\  fh'opica  qiiœ  évacuant  hmnorwn; 
Ènjplastnimàscilldqiiœuteriitlcera 
tid  cicatricein  ducunt,  eoriigés,  aug- 
mentes et  publiés  séparément ,  par 
Jurapert  ;  Weimar,  1 794 ,  in-8  '.  Celse 
et  Cœlius  Auréliaims  le  citent  comme 
auteur  de  plusieurs  traités.  C.  et  A — n. 
ASCLEl'IADES,  philosophe  pla- 
tonicien, natif  de  Phliase,  s'établit  à 
Athènes  ,  et  se  lia  d'une  étroite  amitié 
avec  Mcnédcme.  Ils  étaient  tous  deux 
S!  pauvres ,  qu'ils  servirent  d'abord  les 
maçons ,  puis  se  louèrent  à  un  Ikhi- 
langcr,  chez  lequel  ils  passaient  les 
riuits  à  moudre  du  blé.  Cités  devant 
l'aréopage  j)onr  jur.tifier  de  leurs 
moyens  d'existence  ,  ils  firent  compa- 
raître le  boulanger,  et  les  magistrats, 
charmés  de  leur  amour  pour  l'étude, 
leur  donnèrent  à  chacun  -200  dragmes. 
Asclemades  quitta  l'école  platonique 
pour  celle  de  Stilpon  de  Mé,',^ire  ; 
celte  dernière,  pour  le  séjour  d'Elis, 
et  d'Élis  se  rendit  à  Érétrie,  toujours 
en  la  compagnie  de  Ménédcme ,  qui 
fut  le  fondateur  de  la  secte  Érétria- 
que  (  F.  IMenedÈme).  Les  deux  amis 
avaient  d'abord  fait  vœu  de  rester  cé- 
libataires; mais  ils  changèrent  de  rc- 
iolutiou ,  et  se  marièrent  tous  deux  en 


ASC 

même  temps ,  Ménédème  épousant  la 
mère,  et  Asclépiadcs,  la  fille.  Celle-ci 
mourut,  et  Ménédème  céda  sa  femme 
à  son  ami.  Asclépiades  termina  ses  jours 
dans  un  âge  avancé,  vers  le  milieu  du 
5".  siècle  av.  notre  ère,  laissant  un 
fils  dont  Ménédème  prit  soin.  D.  I.. 

ASCLÉWODORE ,  peintre  athé- 
nien ,  florissait  en  même  temps  qu'A- 
pejles  ,  sur  lequel  il  reraj)ortait  pour 
les  proportions  et  pour  l'ordonnance. 
Apellcs  était  ie  premier  à  l'admirer 
sous  ce  rapport.  Mnason  lui  fit  pein- 
dre les  douze  Dieux,  et  lui  paya  5oo 
mines  pour  chacun.  —  Il  v  eut  un  au- 
tre AscLEPioDORE,  statuaiic,  qui  ex- 
cellait à  laire  les  tètes  des  philosophes. 
L— S— E. 

ASCLÉPIODOTE,  natif  d'Alexan- 
drie, fut  disciple  de  Procîus,  pour  la 
médecine  et  pour  la  philosophie  éciec- 
lique.  11  s'acquit,  dans  l'une  et  l'autre 
sciences,  une  grande  réputation.  Da- 
mascius  a  parlé  de  lui  fort  au  long, 
dans  la  Vie  d'Isidore,  dont  Suidas  et 
Ph  tius  nous  ont  conservé  des  Frag- 
ments. Asclépiodote  ,  dirigeant  ses 
recherches  vfrs  la  philosophie  natu- 
relle ,  s'attachait  particulièrement  à 
connaître  la  cause  des  choses  ;  il  dé- 
termina le  nombre  des  couleurs  pri- 
mitives, et  des  diverses  nuances  que 
l'on  peut  former  par  leurmélange.  Il 
connaissait  cinq  cents  espèces  de  bois; 
étudia  les  vertus  des  plantes,  et  celles 
des  animaux.  Il  cultiva  la  musique  , 
et,  dans  la  médecine,  surpassa  sou 
maître.  Il  rétablit ,  parmi  les  remèdes , 
l'usage  de  l'eileboie  blanc,  avec  lequel 
il  fit  des  cures  très-heureuses.  De  ces 
recherches,  à  la  magie,  il  y  a  jieu  de 
chemin  ,  surtout  dans  le  temps  oii  vi- 
vait Asclépiodote.  Aussi  Damascius 
rajiporte-î-il  qu'il  lisait  dans  les  plus 
épaisses  ténèbres;  que,  près  de  se 
noyer  dins  le  Mœandre,  il  se  relira 
des  eaux ,  pai'  la  vertu  de  certaines  pa- 


ASC 

rolçs,  etc.  De  toutes  ces  choses,  on 
doit  conclure  qii'AscIepiodote  fut  un 
thaumaturge.  11  as'aitfait,  sur  le  Timee 
de  Platon,  un  Commentaire  qui  s'est 
perdu.  Nous  avons,  sous  son  nom,  un 
ouvrage  manusciit  sur  la  tactique , 
mais  on  ignore  s'il  est  de  lui ,  ou  de 
son  gendre ,  médecin  célèbre.  K. 
ASCLÉPIOS,  ou  ASGLÉPTADES. 

P\y.  ESCULAPE. 

ÀSCLÉPIUS,  de  Tralles,  l'un  des 
disciples  d'Ammonius  Herme'.ts,  cher- 
cha, comme  les  autres  philosophes  de 
la  secte  e'clcctique,  à  concilier  les  dog- 
mes de  Platon  avec,  ceux  d'Aristote.  Il 
nous  reste  de  lui  des  Scholies  sur  les 
six  premiers  livres  des  Métaphysiques 
d'Aristote ,  et  sur  X Arithmétique  de 
Nicomaque.  Ces  deux  livres ,  qui  n'ont 
jamais  été  imprimés,  se  trouvent,  en 
manuscrit,  clans  la  BibHothèque  im- 
périale. C — R. 

ASGOMUS  PEDIANUS  (  Qui>- 
Tus  ) ,  grammairien,  né  à  Padoue ,  te- 
nait une  école  d'éloquence  à  Rome , 
sous  l'empire  de  Tibère.  On  sait ,  par 
un  passage  des  Institutions  oratoires, 
que  Tite-Live  et  Quialilien  lui-même  , 
fréquentèrent ,  dans  leur  jeunesse ,  l'é- 
cole d'Asconius  ,  et  tous  deux  parlent 
avec  respect  de  leur  maître.  11  perdit 
la  vue  à  soixante-treize  ans  ,  supporta 
ce  malheur  avec  résignation  ,  et  mou- 
rut sous  Néron  ,  âgé  de  quatre-vingt- 
cinq  ans.  Il  avait  vu  Virgile ,  à  un  àj,e 
où  tout  ce  qui  est  beau  semble  avoir 
des  droits  à  notre  admiration  ,  et  il 
s'était  formé  entre  eux  une  liaison  du- 
rable ;  mais  S.  Jérôme,  dans  sa  Chro- 
nique ,  ayant  reculé  la  mort  d'Asco- 
nius jusqu'à  la  •j'^.  année  du  règne  de 
Vespasien  ,  quekjues  critiques  en 
avaient  conclu  que  l'ami  de  Virgile 
était  différent  d'Asconius  le  grammai- 
rien ,  et  en  conséquence ,  avaient  admis 
deux  auteurs  de  ce  nom.  L'erreur 
échappée   à  S.  Jérôme  a  été  ju;te- 


ASC  567 

ment  relevée,  et  tous  les  savants  ,  en 
reconnaissant  qu'il  n'a  existé  qu'un 
seul  Ascoiiius  ,  s'accordent  à  fixer  l'é- 
poque de  sa  mort  comme  nous  l'avons 
tait  plus  haut.  Il  nous  reste  de  lui  des 
commentaires  utiles  et  fort  intéres- 
sants sur  trois  des  Ferrines ,  le  com- 
mencement de  la  quatrième,  et  cinq 
autres  discours  de  Gicéron.  Il  est  cer- 
tain que  nous  ne  possédons  qu'une 
partie  de  son  travail  sur  les  ouvrages 
du  plus  éloquent  des  orateurs  romains; 
et  c'est  à  Pogge  que  nous  en  devons  la 
conservation.  Ces  commentaires  ont 
été  imprimés  ,  pour  la  première  fois  , 
à  Venise  ,  en  1 477  ,  in  -  fol.  ;  les  édi- 
tions de  Venise,  .Aide,  \oii,\a-Q°.; 
Lyon,  I  55 1,  même  format,  etLeyde, 
1 644  7  '°'  '  2  ,  sont  estimées  ;  on  les  a 
insérés  dans  les  éditions  de  Cicéron  , 
publiées  par  IManuce  ,  Gruter  ,  Gro- 
uoviusetî'abbéd'Olivet.Asconiusavait 
composé  une  Vie  de  Virgile,  et  une  de 
Salluste,  dont  on.  doit  regretter  la  perte. 
W— s. 
ASCOUGH  (  Sir  George  ) ,  vice- 
amiral  dans  la  marine  anglaise,  né  au 
commencement  du  1 7  \  siècle,  fut  char- 
gé, en  1 65 1 ,  d'aller  réduire  sous  l'o- 
béissance du  parlement  ,  la  Barbade 
et  les  autres  colonies  anglaises  des  An- 
tilles ,  qui  ne  voulaient  reconnaître  que 
l'autorité  du  roi.  Lord  Willoughby , 
gouverncurde  laBarhade  pourCharles 
11,  se  défendit  plusieurs  mois  contre 
les  forces  de  terre  et  de  mer  confiées 
au  chevalier  Ascough.  11  est  Viai  que 
l'amiral,  forcé  d'exécuter  les  ordres 
d'un  gouvernement  tyran  nique,  avait 
dans  son  caractère  autant  de  modéra- 
tion et  d'équité ,  qu'il  y  avait  d'injus- 
tice et  de  violence  dans  la  conduite  de 
ceux  dont  il  exerçait  le  pouvoir.  IJ 
accorda  la  capitulation  lapins  honora- 
ble au  lord  Willoughby;  et,  passant 
ensuite  à  St.-Cliristophe  et  à  la  Vir- 
ginie, il  ramena  parciOemcnt  les  coloiis 


ÏC8 


ASD 


sous  les  lois  de  la  république  anglaise, 
sans  que  le  succès  de  celte  mission 
délicate  fût  souiilc  par  les  cruautés 
inutiles ,  malheureusement  si  fréquen- 
tes dans  les  l'évolutions  politiques  et 
ks  troubles  civils.  Charles  II,  remonté 
sur  le  trône,  ne  fit  pas  un  reproche  au 
chevalier  G.  Asrough,  des  services  qu'il 
avait  rendus  à  son  pays,  sous  le  pro- 
tectorat de  Cromwcl.  Ce  brave  cffi(  icr 
continua  de  commander  les  flottes  bri- 
tanniques ;  et  tantôt  en  ch;f,  tantôt  sous 
les  ordres  du  duc  d'Yorck,du  comte  de 
Sandwich  et  du  duc  d'Albcmarle,  li 
vra  plusieurs  combats  aux  amiraux 
hollandais  van  Tronip,  Ruyler  et  Was- 
senaér ,  qui  soutenaient  alors  avec  tant 
d'éclat  la  gloire  et  la  puissance  m.iri- 
time  de  leur  patrie.  Ce  lut  dans  une  de 
ces  actions  sanglantes,  le  >,  juin  i(j66, 
que  le  vaisseau  le  Prince-Royal,  mon- 
té par  le  chevalier  G.  Ascongh,  amiral 
de  l'escadre  Blanche,  ayant  touché  sur 
un  banc  de  sable,  fut  brû'é  par  les 
ennemis  :  sir  George  fut  fait  prison- 
nier ,  et  sa  perte  contribua  beaucoup 
aux  revers  de  cette  journée.  11  paraît 
que ,  depuis  cette  époque ,  il  cessa  de 
commander,  et  qu'il  survécut  peu  de 
temps  au  premier  malheur  qu'eussent 
éprouvé  sou  courage  et  son  habileté. 

E— D. 

ASDRUBAL,  général  carthaginois, 
fils  de  iMagon,  hérita  des  vertus  de  son 
père  ,  et,  après  avoir  été  onze  fois  l'un 
des  stiJfetU's  ,  ou  magistrat  suprême, 
et  s'être  vu  honoréde  quatre  triomphes, 
il  fut  choisi ,  vers  l'an  489  av.  J.-C. , 
jiour  eiitrcprcudre  la  conquête  de  la 
Sardaigne;  il  débarqua  dans  cette  île, 
et  obtint  de  grands  avantages;  mais 
ayant  été  blessé  mortellement  dans 
ime  action ,  vers  la  fin  de  la  guerre  , 
il  remit  le  commandement  de  l'ar- 
mée entre  les  mains  de  son  frère 
Amilcar  ,  et  mourut  presque  aussitôt. 
Son  (ils  fit  la  guerre  aux  Maures  et  aux 


ASD 

Numides,  et  parvint  à  affranchir  îes 
Carthaginois  d'un  tiibut  qui  remon- 
tait à  l'origine  de  leur  ville.     B — p. 

ASDRUBAL,  fils  de  Hannon,  envové 
en  Sicile,  vers  l'an  u55  av.  J.-C,  at- 
taqua Pauorme,  oii  était  renfermé  le 
proconsul  Métcllus,  perdit  une  grande 
bataille  et  trente  éléphants,  et  fut  mis 
à  mort,  à  son  retour  ,  à  Carthage. 
B— p. 

ASDRUBAL,  surnommé  l» 
Chauve  ,  contemporain  du  précédent, 
conduisit,  vers  l'an  2i5av.  J.-C. ,  une 
expéditi(m  pour  soutenir  les  Sardes, 
qui  étaient  las  du  joug  des  Romains  ; 
mais  ils  avaient  été  défaits  par  Man- 
lius  avant  son  arrivée.  Asdrubal  fit 
cependant  sa  jonction  avec  les  insu- 
laires ,  et  marcha  droit  à  Caralis ,  dans 
le  dessein  de  s'emparer  de  cette  capi- 
tale de  l'ile.  Prévenu  par  Manlius  ,  il 
en  vint  à  une  action  générale  ,  et  ba- 
lança la  victuire  pendant  quatre  heures. 
Vaincu  à  la  fin  ,  il  fut  fait  ju'isonnier, 
et  l'Ile  entière  fut  réduite  sous  l'obéis- 
sance des  Romains.  B — p. 

ASDRUBAL,  gendre  d' Amilcar 
Barca  ,  et  beau-frère  d'Annibal,  fut 
surnomme  le  Beau ,  à  cause  des 
grâces  de  sa  figure.  11  s'attacha  , 
jeune  encore ,  à  Amilcar ,  et  l'accom- 
pagna ilans  ses  cKpedilions;  mais 
avant  été  accusé  pub'iquement  de 
s'être  prostitué  à  ce  gencial,  il  reçut 
des  magistrats  chargés  de  la  censure 
l'ordre  de  s'éloigner  de  lui.  Cepen- 
dant, comme  les  lois  de  Carthage  ne 
permettaient  pas  de  séparer  un  gen- 
dre" de  son  beau-père,  Amilcar  Barea 
donna  sa  fille  en  mariage  à  Asdru- 
bal ,  et  l'emmena  en  Espagne  ,  l'an 
237  av.  J.-C.  Le  jeune  Asdrubal  ne 
tarda  point  à  sedislinguer  sous  les  yeux 
de  son  beau -père;  mais  ce  fut  sur- 
tout en  Afrique  qu'il  trouva  une  oc- 
casion de  sigualer  ses  talents  et  son 
couraee.  Les  Numides  s'étaut  révol- 


ASD 

tes  tandis  que  les  Carthaginois  e'taient 
occupés  en  Espagne  ,  Anailcar  en- 
voya contre  eux  son  gendre  à  la  tête 
d'un  corps  d'armée.  Asdrubal  exé- 
cuta cette  coraroission  avec  autant  de 
vigueur  que  d'intelligence  ,  et  re\'iut 
en  Espagne.  A  la  mort  de  son  beau- 
père,  l'an  25o  av.  J.-("i. ,  l'armée  le 
proclama  général.  Ce  choix  fut  con- 
firmé par  le  sénat ,  qui  envoya  de 
puissants  renforts  en  Espagne  pour 
mettre  Asdrubal  eu  état  de  conserver 
et  d'étendre  ses  conquêtes.  Pénétré  de 
reconnaissance  pour  la  mémoire  de 
son  beau -père,  le  nouveau  général 
sollicita  le  sénat  de  lui  envoyer  le 
jeune  Annibal  pour  le  faire  entrer  de 
bonne  heure  dans  la  carrière  de  la 
gloire.  Asdrubal  marqua  les  premiers 
jours  de  son  commandement  par  une 
grande  victoire  qu'il  remporta  sur  un 
prince  espagnol  nommé  Orisson. 
Douze  villes  lui  ouvrirent  leurs  portes 
immédiatement  après  la  bataille,  et 
cet  exemple  fut  suivi  par  un  grand 
nombre  d'autres.  Voulant  assurer  ses 
conquêtes,  il  bàlit  Carthage-la- 
iVeut^e  ,  appelée  aujourd'hui  Cartha- 
£;ène ,  qu'il  deslitiait  à  servir  de  bou  - 
levart  et  de  place  d'armes  aux  pos- 
sessions des  Carthaginois  eu  Espa- 
gne. Cette  ville,  par  sa  situation  avan- 
tageuse devint  bientôt  une  des  plus 
opulentes  du  monde.  Les  Romains, 
occupés  jusqu'alors  contre  les  Gau- 
lois qui  avaient  pénétré  dans  l'Italie 
septentrionale,  crurent  devoir  arrêter 
enfin  par  une  négociation  les  progrès 
des  Carthaginois  dont  ils  commen- 
çaient à  prendre  ombrage;  ils  con- 
clurent un  traité  par  lequel  ceux  -ci 
s'engagèrent  à  ue  point  passer  l'Èbre. 
Asdrubal  l'observa  religieusement,  et, 
poussant  ses  conquêtes  du  côté  op- 
posé, soumit,  autant  par  son  affabilité 
que  par  sa  valeur ,  toute  cette  partie 
<lc    l'Espague    qui    s'étend     depuis 


ASD  j6tr 

l'Océan  jusqu'à  l'Èbre.  Son  mariago 
avec  la  fille  d'un  prince  espagnol  con- 
tribua à  lui  assurer  ses  conquêtes.  Il 
gouvernait  l'Espagne  depuis  neuf 
ans  avec  autant  de  sagesse  que  d'ac- 
tivité lorsqu'il  fut  assassine'  ,  225 
ans  av.  J.-C.  par  un  esclave  gaulois 
dont  il  avait  fait  périr  le  maître.  An- 
nibal lui  succéda  dans  le  commande- 
ment. B — p. 

ASDRUBAL-BARCA ,  fils  d'Amil- 
car,  et  frère  d'Annibal,  partagea  la 
haine  de  sa  famille  contre  Rome,  et  se 
signala  de  bonne  heure  en  Espagne, 
sous  son  illustre  frère  ,  qui  lui  laissa 
le  commandement  en  chef  lorsqu'il 
porta  la  guerre  en  Italie.  Quoique 
vaincu  souvent  par  les  Romains ,  et 
abandonné  par  les  Espagnols,  Asdru- 
bal se  soutint  pendant  plusieurs  an- 
nées, et  acquit  même  la  réputation 
d'un  grand  capitaine.  Défait  en  bataille 
rangée ,  l'an  2  19  av.  J.-C,  vers  l'em- 
bouchure de  l'Ebre ,  par  Cneïus  Sci- 
pion  ,  réuni  aux  Celtibériens,  il  se  re- 
tira eu  Lusitanie,  et  reçut  enfin  quel- 
ques renforts  ,  avec  ordre  du  sénat 
d'aller  en  Italie  au  secours  de  sou 
frère.  Asdrubal  s'avança  d'abord  con- 
tre les  Carpétiens  ,  qui  s'étaient  révol- 
tés ,  et  les  soumit  ;  il  marcha  ensuite 
vers  les  Pyrénées  ;  mais  Scipion  s'é- 
tant  mis  en  devoir  de  lui  fermer  la 
sortie  de  la  péninsule ,  il  fut  pour- 
suivi dans  sa  marche  et  obhgé  de 
combattre.  Vaincu  et  forcé  de  rétro- 
grader ,  il  se  borna  quelque  temps  à 
la  défense  de  l'Espagne  méridionale  , 
puis,  ayant  gagné  les  Celtibériens  ,  il 
réunit  ses  forces  à  celles  de  son  frère 
Magon  et  de  Masinissa  ,  roi  des  Nu- 
mides ,  attaqua  séparément  les  deux 
Scipions ,  et  détruisit  leur  armée  dans 
deux  combats  différent^^  où  ces  deux 
généraux  perdirent  la  vie ,  2 1 5  ans 
av.  J.-C.  Après  cette  victoire,  Asdru- 
bal se  mit  euûii  ea  état  de  passer  en 


570  ASD 

It  ilie  pour  joindre  ses  troupes  à  celles 
d'Aiinibal  ;  mais  attaque  par  le  jeune 
Scipion  ,  son  ramp  fut  force  et  pillé , 
et  son  armée  presque  détruite.  Le  gé- 
nie fécond  d'Asdrubal  eu  créa  bientôt 
nue  nouvelle  ,  et  il  fut  impossible  au 
AMinqueur  de  lui  fermer  les  Pyrénées. 
Asdrubal ,  après  avoir  surmonté  tous 
les  obstacles  ,  se  dirigea  vers  l'Italie, 
laissant  le  commandement  de  l'armée 
d'Espagne  à  Asdrubal ,  fils  de  Giscon. 
Quelque?  nations  gauloises  facilitèrent 
sa  m.Hrcbc.  Arrivé  devant  Plaisance, 
il  euircprit  imprudemment  le  siège  de 
celte  A'illr,  et  donna  le  temps  aux  Ro- 
mains de  rassembler  des  forces  pour 
!e  combattre.  11  se  bâta  de  lever  le 
siège ,  et  prit  la  route  de  l'Ombrie.  11 
s'avançait  plein  d'espérance  ,  lorqu'il 
fut  attaqué  à  l'improviste ,  près  du  Mé- 
tauro,  par  les  consuls  Livius  wSalina- 
tor  et  Claudius  Néron,  qui  s'étaient 
réunis.  11  range  aussitôt  son  année  en 
bataille,  se  place  au  centre  ,  anime  ses 
soldats,  dispute  long-temps  la  victoire, 
rt ,  voyant ,  qu'elle  se  déclare  pour  les 
Romains  ,  il  se  précipite  au  milieu 
d'une  cohorte,  et  meurt  comme  il 
convenait  au  fils  d'Amilcar  et  au  frère 
d'Annibal.  Celte  bataille,  donnée  l'an 
207  av.  J.-C,  qucTite-Live  compare 
à  celle  de  Cannes  ,  décida  du  sort  de 
l'Italie.  Annibal  n'apprit  ce  terrible 
revers,  qu'à  la  vue  de  la  tète  de  son 
frèrc,*quc  le  consul  Néron  fit  jeter  dans 
son  camp.  Attendri  et  consterné  ,  il 
s'écria  :  «  C'en  est  fait;  en  perdant 
»  Asdrubal ,  j'ai  perdu  tout  mon  bon- 
»  heur,  et  (^.arlhage  toute  son  espé- 
»  rance.  «  li — p. 

ASDRUBAL,  fils  de  Giscon,  se  si- 
gnala de  bonu!"  heure  en  Espagne,  au 
commencement  de  la  seconde  guerre 
pvmique,  et  prit  le  commandement  de 
l'armée,  lorsqu'Asdrubal  lîarca  passa 
en  Italie,  l'an  •.>,07  avant  J.-C.  Soipion, 
ayant  ramène  la  victoire  sous  les  dra- 


ASE 

peaux  des  Romains,  en  Espagne,  As- 
drubal se  retira  en  Lusifanie,  et  prit 
soin  d'éviter  tout  engigemerit.  L'anuc'e 
suivante,  ayant  rassemblé  une  armée 
nombreuse,  il  vint  présenter  la  bataille 
à  Scipion;  mais  il  fut  défait,  et  forcé 
de  se  réfugier  à  Cadix,  d'où,  passant 
à  la  cour  de  Svpliax,  il  parvint  à  attirer 
ce  prince  dans  le  parti  des  Carthagi- 
nois, en  lui  faisant  épouser  sa  fille 
Sophonisbe.  Appelé  à  la  défense  de 
son  pays,  lorsque  Scipion  débarqua 
en  Afrique,  il  fut  joint  par  Syphax,  à 
la  tète  d'une  armée,  et  fit  cchoïK^r  les 
projets  de  Scipion,  sur  Utitpie,  l'an 
2o4  av.  J.-C.  iMais  l'année  suivante, 
le  général  romain  attaqua  son  camp  el 
celui  de  Svphax,  v  mit  le  feu,  et  dé- 
truisit, le  même  jour ,  les  deux  armées 
carthaginoise  et  numide.  Asdrubal  se 
sauva ,  u'avant  plus  avec  lui  qnc  si 000 
hommes  d'infanterie  et  5oo  cavaliers. 
Appien  assure  qu'il  fut  mis  en  croix  à 
son  retour  à  C.rthagc;  mais,  selon 
Tite-Live,  il  parvint,  au  contraire,  à 
détourner  le  sénat  et  les  suffèltes  d'une 
paix  déshonorante  ,  hasaida  même 
une  seconde  bataille  contre  Scipion, 
qui  t.ii'.la  son  armée  en  pièces,  et 
mourut  peu  de  temps  après,  vers  l'an 
uoi  avant  J.-C.  (  /^bj.  Sophonisbe ). 
B— p. 
ASDRUBAL,  surnommé  Hoedus  , 
ennemi  de  la  faction  Baniue,  fut  en- 
voyé à  Rome,  après  la  bataille  de 
Zama ,  l'an  -io  \  av.  J.-C. ,  pour  oblinir 
la  ratification  du  traité  conclu  entre 
Scipion  et  Carthage;  il  fit  un  discours 
touchant  au  sénat  romain,  et  rejeta 
tout  le  blâme  de  la  seconde  guerre  pu- 
nique sur  la  famille  d'Amilcar,  dont  il 
déplora  l'ambition.  Après  avoir  vanté 
sa  conduite  et  celle  de  Hannon ,  envers 
Rome,  il  implora  la  paix.  «Quels 
))  Dieux  rendez-vous  garants  de  la  sin- 
»  cérité  de  vos  serments.*  lui  dit  1*" 
»  cçnsul  Cornélius  Lcutuilus,  qui  opi- 


ASD 

«  naît  déjà  pour  rciiticrp  dpstrnclion 
w  de  Cailii.Tge.  —  Les  mêmes,  rfpon- 
»  dit  Asdrubal,  qui  ont  si  sévèrement 
»  puni  nos  parjures!  »  Cette  réponse 
fut  applaudie  de  tout  le  sénat,  et  As- 
drubal obtint  la  paix ,  mais  à  des  con- 
ditions humiliantes.  B — p. 

ASDRUBAL,  dernier  suffetîe  de 
Cartilage,  d'une  autre  famille  que  celle 
des  Asdrubal  Barca ,  donna  lieu  à  des 
ti'onbles  par  son  caractère  turbulent, 
et,  après  la  seconde  t^uerre  punique, 
entraîna  sa  patrie  dans  une  guerre 
malheureuse  contre  Masinissa ,  qui 
le  défit  en  bataille  rangée.  11  fut  con- 
damne à  mort  par  le  parti  de  la  paix, 
pour  avoir  offensé  Borne  en  faisant 
la  guerre  au  roi  des  INnmides,  son 
allié;  mais,  avant  pris  la  fuite,  il  ras- 
sembla un  corps  de  '.lo.ooo  hommes,  et 
marcha  vers  Carthage,  dans  le  dessein 
d'en  faire  le  siège.  C'était  au  moment 
même  oii  les  RomaiiiS,  contre  la  foi 
des  traités,  ordonnaient  aux  Carthagi- 
nois d'abandonner  leur  ville.  Ceux-ci, 
réduits  au  désespoir,  rappelèrent  As- 
drubal pour  les  défendre  contre  l'ar- 
mée romaine.  Ce  général  mit  sur  pied 
des  forces  imposantes,  campa  sur  une 
haute  montagne  qui  paraissait  inac- 
cessible, et  d'où  il  coupait  les  vivres 
aux  Romains  ,  au  moyen  de  sa  cavale- 
rie. Le  consul  Manilius  ayant  voulu  le 
chasser  de  ce  poste,  Asdrubal  fondit 
sur  son  armée,  tailla  en  piices  sou 
arrière-garde,  et  continua  de  harceler 
les  troupes  ennemies  qui  assiégeaient 
Carthage;  mais  il  fallut  bientôt  céder 
à  l'ase^ndant  et  à  l'habileté  de  Seipiou 
Emilius.  Après  avoir  abandonné  la 
campagne,  y^sdrr.bal  se  renferma  dans 
Carthage;  ses  efforts  pour  la  défendre 
furent  inutiles,  Scipion  s'en  étant  rendu 
maître  de  vive  force,  l'an  1 46  av.J.-G. 
Asdrubal  se  retrancha  d'abord  dans 
le  temple  d'Esculape,  avec  les  trans- 
fuges romains ,  et  en  sortit   bientôt 


ASE  571 

pour  se  jeter  aux  pieds  du  vainqueur. 
Sa  femme,  qui  l'aperçut  en  cet  état, 
se  para  de  ses  plus  riches  habits,  vo- 
mit contre  son  mari  des  imprécations, 
mil  le  feu  au  temple,  se  jeta  dans  les 
flammes  avec  ses  deux  enfants,  et 
périt  avec  900  transfuges,  que  le  gé- 
néral romain  avait  exceptés  du  pardon. 
A|)pien  est  le  seul  auteur  qui  assure 
qu'Asdrubal  se  tua  lui-même  pour  se 
soustraire  à  la  honte  d'ctre  mené  en 
triomphe  à  la  suite  du  vainqueur. 
B— r. 

ASDRUBAL,  pctit-fils  de  Masinis- 
sa, l'oi  des  Numides,  fut  associé  au 
précédent,  pour  commander  les  trou- 
pes qui  défendaient  Carthage  contre 
les  Romains,  et  mit  le  feu  à  leurflollc, 
dont  la  plus  grande  partie  fut  réduite 
en  cendres;  mais, accusé  ensuite  d'être 
d'intelligence  avec  les  ennemis,  et  de 
vouloir  livrer  h  ville  à  son  oncle  Gu- 
lussa,  roi  des  Numides,  les  partisans 
de  son  collègue  Asdrubal  excitèrent  le 
peuple  contre  lui,  et  le  firent  massa- 
crer dans  la  place  publique,  l'an  147 
avant  J.-C.  B — v. 

ASEDY-TIiOUCY  ,  l'un  des  plus 
anciens  poètes  persans,  contemporain 
du  sulthan  Mahmoud  le  Gasneinde , 
fut  le  maître  du  célèbre  Ferdoùçy  et 
de  presque  tous  les  poètes  qui  pa- 
rurent alors  eu  Khoràçàn.  On  lui 
avait  proposé  pîusieui-s  fois  de  mettre 
en  vers  le  Chah-Nameh  (  K.  pEn- 
douçy);  mais  il  s'en  était  excusé  sur 
son  âge  et  sa  faiblesse,  et  il  engageait 
Ferdoùçv  à  s'en  chai'ger,  lorsque  ce- 
lui-ci ,  après  avoir  long-temps  erré , 
levint  enfin  à  Thoùs.  Sentant  appro- 
cher sa  fin  ,  il  témoigna  à  Asédy  la 
crainte  que  personne  ne  pût  achever 
le  CIiait-A'anieh  ,  dont  il  ne  restait 
plus  qu'une  liès-prtite  partie  à  mettre 
en  vers.  Asédy  lui  promit  que ,  s'il  lui 
survivait .  il  terminerait  ce  beau  poème 
épique.  Il  s'en  o-cupa,  en  effet,  dès 


571  ASF 

ce  moment,  et  ne  tarda  pas  à  en  pre'- 
senfer  près  de  quatre  milie  vers  à  Fer- 
doùçy ,  qui  les  loua  beaucoup.  Asc- 
dy  avait  pris  l'ouvrage  au  muuient  où 
les  Arabes  entrèrent  sur  le  territoire 
pcr-an  ,  et  il  l'avait  termine'.  Quel 
qu'ait  c'te  son  talent ,  il  est  reste  in- 
Jérieur  à  son  élève  ,  et  il  est  facile  da 
reconnaître  où  finit  la  versification  de 
Ferdoùçy.  Ase'dy  excellait  dans  les 
petites  pièces  de  vers  nommées  Mou- 
ndzéréh ,  ou  comparaisons.  Ou  en 
trouve  une,  sur  le  Jour  et  la  j'Viiit , 
dans  la  Biographie  des  poètes  per- 
sans de  DauJel-Chàh  {F.  ce  nom.  ) 
J— N. 
ASELLI  (  Gaspard  ) ,  médecin  ,  ne' 
à  Crémone,  dans  le  iG".  siècle  ,  fut 
jirofesseur  d'anatomie  à  PaVie  ,  et  se 
ïit  un  nom  dans  cette  science ,  par  la 
(IcVouverte  des  vaisseaux  lactés.  11  la 
dut  en  entier  au  hasard  ,  c'est-à-dire 
t[u'cllc  fut  le  résultat  de  dissections 
faites  dans  un  auti'c  but.  Is'en  con- 
naissant pas  même  tout  l'ensemble , 
il  adopta  sur  ces  vaisseaux  beaucoup 
d'erreurs ,  telle  que  de  regarder  le 
loie  comme  leur  point  de  réunion. 
Cependant ,  ce  n'est  pas  moins  à  lui 
que  remonte  cette  découverte  physio- 
logique importante, qu'il  présenta  tou- 
jours d'ailleurs  avec  la  plus  grande 
modestie.  De  plus ,  il  prépara  la  dé- 
couverte des  vaisseaux  absorbants,  ou 
au  moins  la  rendit  dès  lors  assurée. 
En  elFit,  jusques  à  lui,  on  avait  cru 
que  l'absorption  se  faisait  par  les  vei- 
nes ;  mais  dès  qu'on  eut  reconnu  que 
la  partie  nutritive  des  aliments  était 
puisée  au  milieu  de  la  masse  alimen- 
taire, et  portée  dans  le  torrent  de  la 
circulation ,  par  un  ordre  particulier 
de  vaisseaux,  on  soupçonna  que  l'ab- 
sorption n'était  pas  plus  exercée  ail- 
leurs par  les  veines.  L'éveil  fut  donné 
à  l'observation  ,  et  la  découverte  des 
vaisseaux  chilii'ères  par    Asclli  mit 


ASF 

ainsi  sm"  Il  voie  de  celle  de  tout  le 
système  absorbant.  La  dissertation  De 
Veiiis  lacteis  ,  ciiin  figuris  ele- 
ganiissimis ,  dans  laquelle  il  dév^  - 
loppe  sa  découverte  ,  imprimée  d'a- 
bord à  Milan ,  16^7  ,  in-4''. ,  puis  à 
Bàle  ,  i6ii8,  iu-4'\,  Leyde  ,  i54o  , 
in-  4" ,  et  parmi  les  Traités  de  Spi- 
gelius ,  in-fol. ,  Leyde,  1^45,  fut 
probablement  un  ouvrage  poslluime, 
car  il  paraît  qu'Aselli  mourut  en  1  G'26 
à  Milan.  G.  et  A — iv. 

ASFELD  (  BiDAL ,  chevalier  d'  ) , 
s'est  illustré  par  la  défense  de  Jjonn, 
en  1689.  Après  avoir  blorjué  cette 
])lace  pendant  deux  mois,rcleeteur  de 
Bavière ,  que  l'armée  du  duc  de  Lor- 
raine venait  de  joindre  ,  se  détermina 
à  faire  le  siège  dans  les  formes.  L'in- 
térieur de  la  place  n'était  qu'un  mon- 
ceau de  ruines.  D'Asfcld  en  avait  fait 
sortir  les  femmes  ,  les  vieillards  et  les 
enfants.  Sans  abri  pour  la  garnison ,  il 
se  défendit  enrore  pendant  deux  mois. 
L'ennemi  fit  brèche  à  l'enceinte.  La 
garnison  n'avait  plus  de  munitions  , 
et,  depuis long-îemps,  elle  était  réduite 
à  manger  les  chevaux.  D'Asfeld  ofti  e 
de  capituler,  exigeant  que  sa  troupe 
sortît  libre  avec  ses  armes.  Le  due  de 
Lorraine  veut  tout  accorder;  l'électeiu' 
s'v  refuse,  et  se  montre  inflexible  aux 
représentations  du  duc  ,  qui  lui  dé- 
clare que,  puisqu'il  veut  que  la  gar- 
nison soit  prisonnière  ,  c'est  à  lui  de 
la  prendre.  Le  prince  furieux  choisit 
l'élite  des  Bavarois  ,  monte  à  l'assaut , 
est  repoussé ,  revient  à  la  charge  ,  ral- 
lie ses  soldats,  et  parvient  enfin  sur 
la  brèche  :  mais  il  est  encore  vaincu 
et  arrêté  par  d'Asfeld.  Le  spectacle  de 
deux  mille  Bavarois ,  précipilés  du 
haut  des  murs  ,  ne  fait  qu'augiienter 
la  fureur  du  prince.  H  veut  recom- 
mencer ;  mais  sos  troupes  refusent 
d'obéir ,  et  il  est  forcé  de  sou'^crire 
aux.  coudilious  exigées  par  d'Asfeld^ 


AS  F 

On  vît  alors  sortir  par  la  brèche  huit 
à  neuf  cents  honimes  presque  nus , 
exténués  de  faim  et  de  fatigue,  et  l'on 
s'étonna  d' abord  de  ne  voir  sur  leurs 
visages  que  des  tnarques  de  douleur; 
maison  en  sut  bientôt  la  cause,  en 
voyant  d'Asfeld  blessé  d'un  coup 
ciortel  dans  le  dernier  assaut ,  porté 
sur  un  biancard  par  ses  grenadiers, 
ayant  à  ses  côtés  les  officiers  de  son 
état-major.  L'électeur  détourna  ses  re- 
p;ards.  Le  duc  de  Lorraine  et  les  auti'cs 
généraux  entourèrent  le  brave  et  mal- 
lieureux  d'Asfeld,  qui  survécut  peu  à  sa 
gloire  ,  et  aux  marques  d'estime  qu'il 
reçut  de  ses  ennemis.        D — m — t. 

ASFELD  (Claude-  François  Bi- 
DAL  d'  ) ,  maréchal  de  France  ,  de  la 
même  famille  que  le  précédent,  était 
fils  du  baron  d'Asfeld  ,  ministre  de 
Suède  auprès  des  cours  de  France, 
d'Italie  et  d'Espagne,  anobli  par  la 
reine  Christine ,  pour  les  services  qu'il 
lui  avait  rendus.  Le  chevalier  d'Asfeld 
son  fils ,  prit  la  carrière  militaire ,  de- 
vint mestre-de-camp  d'un  régiment  de 
dragons  ,  fut  fait  brigadier  des  armées 
du  roi  en  1 694 ,  maréchal  de  camp 
en  1702,  et  reçut  le  grade  de  heute- 
nant-général ,  en  1704,  avec  l'ordre 
il'aller  commander  en  Espagne ,  sous 
!e  maréchal  de  Berwick.  Il  contribua , 
vn  1707,  au  gain  de  la  bataille  d'Al- 
manza  ;  fut  chargé ,  avec  vingt  batail- 
lons et  ti'cnte  -  six  escadrons,  de  ré- 
duire le  royaume  de  Valence ,  et  s'em- 
para de  Xativa  ,  de  Tortose  et  d'Ah- 
«ante,  La  paix  d'Utrecht  le  ramena 
tn  France ,  en  1715.  Cette  paix  ne 
terminait  pas  la  guerre  d'Allemagne  , 
et  le  chevalier  d'Asfeld  reçut  du  maré- 
rhal  de  Villars  l'ordre  d'aller  investir 
Jiandau  ;  la  même  année ,  il  se  trouva 
à  la  prise  de  Fribourg  en  Brisgaw, 
dont  il  eut  le  commandement.  Envoyé 
de  nouveau  en  Espagne,  il  aida,  en 
4714,   le  maréchal  de  Berwick  à 


ASF  575 

prendre  Barcelone  ,  et  Philippe  V 
n'eut  plus  de  sujets  rebelles  que  dans 
l'ile  de  Majorque ,  qui  fut  aussi  sou- 
mise l'année  suivante  par  d'Asfeld.  Le 
titre  de  mrirquis,  l'ordre  de  la  (oison 
d'or,  le  droit  d'ajouter  à  ses  armoi- 
ries celles  <!e  Vrdence ,  furent  la  ré- 
compense de  ses  services.  A  son  retour, 
en  1 7 1 5,  il  fut  nommé  membre  du  con- 
seil de  guerre,  et  directeiu'-général  des 
fortifications.  La  guerre  ayant  étédécla- 
rée  à  l'Espagne ,  en  i  7  1 9 ,  le  marquis 
d'Asfeld  refusa  de  commander  une  ar- 
mée destinée  à  marcher  contre  son 
bicnfiiteur;  le  régent  ne  l'en  estima 
que  davantage ,  et  l'envoya  remplacer 
en  Guienne  le  maréchal  de  B'Twi'  k. 
Enfin,  en  1754,  le  marquis  d'Asfeld  ^ 
le  compagnon  d'armes  de  Bei'wick  ^ 
fut  ajjpelé  <à  lui  succéder  dans  le  con;- 
ranndenient  de  l'armée,  après  que  ce 
général  eut  été  emporté  d'un  coup  de 
canon.  Deux  jours  après  son  arrivée, 
le  marquis  d'Asfeld  fut  fait  mdrécbal 
de  France  ;  il  joignit  à  la  gloire  de  rem- 
placer Ber\%'ick,  et  de  faire  tète  au 
prince  Eugène,  celle  de  prendre  Phi- 
lisbourg ,  qui  résistait  depuis  quarante- 
quatre  jours  de  tranchée  ouverte.  Le 
commandement  de  Strasbourg  ,  qu'a- 
■vait  eu  le  maréchal  de  Berwick  ,  fut 
confie  au  maréchal  d'Asfeld  ;  il  termina 
sa  glorieuse  et  longue  carrière  ,  le 
7  mars  174^,  à  l'âge  de  78  ans. 
Digne  successeur  de  Vauban  ,  lat- 
taque  et  la  défense  des  places  fon- 
dèrent sa  réputation.  Ses  vertus  et  sa 
piété  le  firent  respecter  et  chérir  chez 
l'étranger  comme  dans  sa  patrie.  — 
L'abbé  DE  LA  ViEUviLLE  ,  SOU  frère  , 
défendit  avec  chaleur  le  jansénisme , 
ce  qui  lui  attira  une  lettre  de  cachet. 
Il  composa  quelques  écrits  qui  n'ont 
pas  survécu  aux  circonstances  qui  les 
ont  fait  naître  ,  et  il  eut  part  à  l'expli- 
cation des  saintes  Écritures  par  Du- 
guct.  U  est  mort  en  1745»      S— y. 


574  ASG 

ASGILL  (Jean),  avocat  anglais, 
tjé  vers  le  milieu  du  1 7'.  siècle ,  se 
Ht  connaître  de  bonne  heure  par  des 
productions  très -originales,  où  l'on 
trouve  un  mélange  singulier  de  gra- 
vite et  de  plaisanterie.  Il  publia,  vers 
i()o8,un  pamphlet  sur  la  création 
d'une  espèce  de  monnaie  autre  que 
l'or  et  l'argent ,  et  un  Essai  sur  un 
T-egistre  pour  les  titres  de  terres. 
Ces  deux  ouvrages  fiu-ent  générale- 
ment goûtes.  En  1G69,  il  passa  eu 
Irlande  ,  où  ses  talents  au  barreau  lui 
acquirent  beaucoup  de  réputation  et 
dp.  fortune,  et  le  firent  élire  membre 
du  parlement  d'Irlande.  11  avait  pu- 
blie, quelque  temps  au])aravant ,  un 
Traite,  en  anglais,  sur  la  possibilité 
d'éviter  la  mort,  sous  un  titre  singu- 
lier, dont  voici  la  tradiK:tion  :  Argu- 
ment qui  prouve  que ,  conformément 
à  la  conviction  de  la  vie  éternelle  , 
révélée  dans  l'écriture  ,  l'homme 
peut  y  être  transporté  sans  passer 
par  la  mort,  quoique  la  nature  hu- 
maine du  Christ  lui-même  n'ait  pu 
Y  être  transportée  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  passé  par  la  mort.  Ce  livre 
excita  un  cri  général  contre  l'auteur, 
qui  fut  regarde  comme  blasphémateur, 
et  en  conscqucuce  expulsé  de  la  cham- 
bre des  communes ,  quatre  jours  après 
qu'il  y  avait  été  admis.  U  revint  eu 
Angleterre  en  1705,  et  fut  élu  mem- 
bre de  la  chambre  des  comnumcs  de 
ce  royaume.  Après  y  avoir  siégé  quel- 
ques'anné(  s,  les  anciennes  accusa- 
tions d'impiété  furent  renouvelées  con- 
tre lui  à  l'occasion  de  sou  ouvrage  ; 
ft,  malgré  une  défense  très-énergique, 
il  fut  également  expulsé  du  parlement 
anglais.  Ses  aflaircs  étaient  alors  dans 
le  plus  mauvais  état  ;  le  défaut  d'ordre 
et  d'écononùe  ayant  détruit  sa  for- 
tune, il  se  vit  arrêté  et  emprisonné 
pour  dettes.  Il  mourut,  dans  la  prison 
du  Bauc-du-Roi ,  en   1758,  âge  de 


ASH 

plus  de  quatre-vingts  ans,  après  «n^ 
détention  de  trente  aimées,  durant 
lesquelles  il  publia  un  grand  nombre 
de  traités,  entre  autres  celui  intitulé: 
De  jure  divino  ,  dans  lefjuel  il  a 
voulu  prouver  que  la  maison  de  Ha- 
novre a  un  di'oit  divin  au  trône  d'An- 
gleterre. Ces  écrits  furent  presque 
tous  favorablement  accueillis  ,  mais 
ce  succès  ne  put  rétabhr  ses  affaires. 
X— s. 

ASGILIj.  Voy.  Wasingïuoîv. 

ASHBY  (  sir  John  ) ,  amiral  anglais , 
né  eu  1 64 '2  :  il  fut  regarde  comme  un 
des  meilleurs  officiers  de  la  marine 
britannique,  à  l'époque  où  elle  a  pro- 
duit ses  amiraux  les  plus  célèbres  , 
et  dans  la  guerre  la  plus  féconde  en 
événements  mémorables.  Guiliatnne 
et  ÎMarie  étaient  montés  sur  le  trône  , 
où  n'avait  pu  se  maintenir  Jacques  11 , 
qui ,  n'étant  cnc(u'e  que  duc  d'Yorck  , 
avait  souvent  conduit  les  flottes  an- 
glaises à  la  victoire  :  la  bataille  de  la 
Boyne  avait  décidé  du  sort  de  l'Ir- 
lande :  le  chevalier  John  Ashby  fut 
chargé ,  avec  les  amiraux  Haddock  et 
Killegrcw,  d'éloigner  les  escadres  fran- 
çaises de  cette  île  imjiortante,  où  le 
vœu  des  habitants  catholiques  rappe- 
lait sans  cesse  la  maison  de  Sîuart; 
el  il  s'acquitta  de  cette  commission 
difficile  avec  autant  d'activité  que  de 
bonheur.  Deux  ans  aj)rès  (i(3ç)'j), 
commandant  l'escadre  Bleue  dans  l'ar- 
mée navale  d'Angleterre  et  de  Hol- 
lande, réunie  sous  les  ordres  de  l'A- 
miral Russel ,  sir  John  Ashby  com- 
battit à  cette  fameuse  journée  de  la 
Hogue  ,  la  plus  sanglante  et  la  plus 
décisive  dont  l'histoire  de  la  marine 
moderne  ait  consen  é  le  souvenir.  Les 
officiers  gcnéiaux  qui  servaient  sous 
lui  étaient  George  Roock  ,  illustre 
depuis  par  la  prise  de  Gibraltar,  et 
le  contre-amiral  Carter,  qui  fut  tué 
dans  l'actiou.  Sir  Juhu  Ashby  se  con- 


ASH 

âuisit  avpc  sa  valeur  accoutumée.  Une 
parlie  de  son  escadre,  commandée 
^lar  le  vice-amiral  Roock  ,  brûla  onze 
vaisseaux  français  dans  la  baie  de  la 
Hogue.  Ashby  lui  -  même  fut  moins 
heureux  en  poursuivant  les  restes  de 
l'arme'e  ,  que  Pannctier  parvint  à 
rallier  dans  la  rade  de  8l.-Malo.  L'e- 
vêque  Burnct  prétend  que  cette  pai  tic 
de  la  flotte  française  ne  fut  sauvée  que 
par  la  négligence  de  l'amiral  anglais; 
et  sir  John  Ashby  ,  ainsi  que  Rus- 
sel  ,  furent  accusés  l'un  et  l'autre  par 
le  comte  de  Nottiugham ,  secrétaire 
d'état ,  devant  le  parlement  britanni- 
que :  mais  ils  furent  tous  les  deux  dé- 
chargés de  l'accusatic  n  ,  et  reçurent 
les  témoignages  les  plus  honorables 
de  l'estime  publique.  Russel  reprit, 
au  bout  d'un  an ,  le  comuiandemcnt 
des  forces  navales  de  sa  ]iatrie ,  mais 
il  paraît  que  sir  John  Ashby  quitta , 
sans  retour,  le  service  dans  lequel  il 
avait  acquis  une  si  glorieuse  réputa- 
tion. E — D. 

ASIIMOLE  (  Élie  ),  antiquaire 
anglais ,  fondateur  du  Muséum  Ash- 
moléen  ,  à  Oxford ,  naquit ,  en  1 6 1 7  , 
à  Litchfield,  et  y  reçut  sa  première 
éducation.  Vers  l'âge  de  16  ans,  il 
vint  à  Londres  ,  pour  s'y  livrer  à 
l'étude  du  droit,  et  devint,  en  i(34i  , 
procureur  à  la  cour  des  plaids  com- 
muns. En  1644?  pendant  leslroubles 
de  la  guerre  civile ,  il  se  rendit  à  Ox- 
ford ,  où  le  roi  Charles  I'"'.  était  alors 
réfugié,  et  passa  de  là  à  Woroester, 
on  il  fut  fait  capitaine  dans  l'armée 
royale  ,  et  conti'ôlcur  de  l'artillerie. 
Après  la  défaite  du  parti  royaliste  , 
Ashmole  revint  à  Londres ,  oh  il  se 
trouva  lié  avec  le  fameux  Lilly,  et 
quelques  autres  astrologues  anglais , 
.qui  lui  inspirèrent  le  g  ût  de  l'alchy- 
mie.  11  publia ,  en  i65o  ,  un  traité  du 
docteur  Arthur  Dée  ,  sur  la  pierre 
philosophale  ,  ainsi  q^ii'un  autre  lr.àté 


ASH  5^5 

sur  le  même  sujet  ,  par  un  auteur 
inconnu  ,  sous  le  titre  de  Fascicidus 
cheinicus ,  ou  Collections  chimiques , 
etc.  ,  mis  -  eu-  anglais  par  Jacques 
Hasolle  ,  ou  le  Mercnriophile  an- 
glais ,  Londres  ,  i65o  ,  in- 12.  Il 
publia  ensuite  le  Tiieatrum  chemi- 
cum  brilannicum  ,  contenant  diffé- 
rents poëmes  des  fameux  philoso- 
phes a?i^lais  qui  ont  écrit  dans  leur 
vieux  langage  ,  sur  les  mystères 
hermétiques  ,  fidèlement  recueillis 
en  un  volume,  et  accompagnés  de 
notes  ,  par  Elie  Ashmole  ,  ou  le 
Mercuriophile  anglais  ;  Londres , 
iG5'2  ,  in-4°.  Ce  recueil  fut  suivi ,  en 
iG.58,  de  la  publication  d'un  volume 
in-4  '. ,  inliîulé  :  le  Chemin  du  hon- 
lieur,  en  trois  livres.  Ce  dernier  traité, 
qui  n'était  point  l'ouvrage  d' Ashmole, 
mais  auquel  il  avait  ajouté  une  pré- 
face, roule  également  sur  la  pierre 
philosophale;  mais  il  se  livra  ensuite 
à  des  travaux  plus  utiles  et  plus  esti- 
mables ,  et  commença  à  recueillir  les 
matériaux  de  son  Histoire  de  l'ordie 
de  la  Jarretière ,  imprimée  paur  la 
première  fois,  en  iG^'i,  en  i  vol, 
iu-fol. ,  et  intitulée  :  Institution ,  lois 
et  cérémonies  de  l'ordre  illustre  de 
la  Jarretière.  Charles  II ,  rétabli  sur 
le  trône ,  le  nomma,  eu  iGGo  ,  héraut, 
d'armes  de  Windsor  ,  et  secrétaire  de 
Surinam  en  iG6'2.  La  société  royale 
de  [jondres  l'avait  admis  l'année  pré- 
cédente au  nombre  de  ses  membres.  Il 
mourut, le  i8mai  iG9'i,âgéde7'jans, 
laissant  à  l'université  d'Oxford,  ])0ur 
laquelle  il  avait  une  affection  particu- 
lière ,  ses  manuscrits  et  sa  bibliothè- 
que. Il  avait  donné  à  cette  université  , 
en  iG85,  une  riche  collection  d'objcls 
rares  et  curieux ,  qui  ont  été  déposés 
dans  le  magnifique  cabinet  ou  muséum; 
qui  jjorte  son  nom.  Ashmole  a  encore 
laissé  quelques  ouvrages  manuscrits  , 
dont  plusieurs  ont  été  imprimés  après 


57G  ASH 

sa  mort,  tels  que  les  I\Icmo!res  de  sa 
vie ,  publiés  par  Charles  Burmaii , 
Londres ,  i  7  1 7  ,  in- 1  -2.         X — s. 

ASHTON  (Charles),  prêtre  an- 
glais et  principal  du  collège  de  Jésus 
à  Cambridge ,  ters  i'ati  1701,  est  re- 
gardé comme  un  dp<  plus  savants  cri- 
tiques de  son  temps.  Ou  a  de  lui  divers 
ouvrages  publiés  sans  nom  d'auteur, 
parmi  le-queb  on  remarqua  :  1.  Lo- 
ciis  Justini  mi..rtj'ris  emendatm  in 
^pol.  1 ,  p:i;^.  1 1  ,  édil.  Tliirlby , 
.T'44;  ïî-  f^i(^''i'on  et  Ilirtius  con- 
ciliés sur  le  temps  du  départ  de 
César  pour  la  guerre  d'Afrique , 
avec  une  explication  de  l'aucicune 
;<nnce  romaine,  réglée  par  César; 
311.  Origt'U  de  oratione  ;  IV.  Hie- 
roclis  in  aurea  carmina  Fjtha- 
forea  coininenl.  Londres,  174*^? 
in-8'.  X— s. 

ASIATICUS  fut,  dans  sa  jeunesse  , 
Fesclave  de  \  itellius  et  l'aj^iont  de  ses 
iul'àmcs  plaisirs.  L'esclave  se  déçjoûla 
du  maître  :  celui-ci  le  fit  anêter  et 
mettre  aux  fers.  Aussitôt  après  il  lui 
rendit  la  liberté,  et  l'associa  de  nou- 
veau h  ses  plaisirs.  Fatigué  de  ses  vi- 
ces ,  il  le  vendit,  le  reprit  ensuite  et 
l'affrancliit ,  lorsqu'il  eut  le  gouver- 
nement de  la  Germanie.  Dans  les  pre- 
miers jours  de  son  règne ,  son  armée 
lui  ayant  demandé  pour  Asiaticus  la 
dignité  de  chevalier  ,  Vitellius  re- 
poussa cette  injurieuse  adulation  , 
puis ,  par  un  elïét  de  la  mobilité  de 
son  esprit ,  il  accorda,  dans  le  secret 
de  sa  débauche ,  ce  qu'd  avait  refusé 
publiquement,  et  décora  Asiaticus  de 
j'annean  de  chevalier.  Il  paraît  que 
ce  favori  usa  insolemment  de  sa  puis- 
sance. Après  la  mort  de  Vitellius.  il 
expia  ses  excès  par  le  supplice  des 
esclaves,  l'an  de  Rome  8).o. 

Q— R— Y. 

ASINARI  (Fredkric  ),  noble  d'Asti, 
eu  Piémont,  comtç  de Gaïuerauo ,  Uo- 


ASI 

rissaitvers  1 55o;  il  s'adonna  de  bonne 
heure  aux  armes,  et  fut  envoyé,  par 
le  duc  de  Savoie,  avec  4oo  arquebu- 
siers ,  au  secours  de  Maximilien  II, 
lorsque  celui-ci  tenait  la  diète,  pom' 
s'opposer  aux  victoires  et  aux  troupes 
de  Soliman.  J.-Jacques  Lucchio,  dans 
son  S^ylloge  numismatum  elegantio- 
rmn,  Argentinae,  iti^o,  In-fol.,  pré- 
tend que  c'est  en  cette  occasion  que 
fut  frappée  une  médaille  qui  rejirésen- 
tait,  d'un  coté,  Asinari  eu  Labit  mili- 
taire ,  avec  cette  inscription  :  Frede- 
riciis  Asinarius  co.  Cnmcrani;  et  au 
revers,  Diane  allant  à  la  chasse,  son- 
nant du  cor,  qu'elle  tient  de  la  main 
droite,  et  dans  la  gaucho  portant  son 
dard.  Asinari  faisait  ses  délassements 
de  la  poésie,  et  soumettait  ses  com- 
positions au  jugement  du  célèbre  An- 
nibalCaro;  elles  se  trouvent  répandues 
daiis  divers  recueils:  I.  deux  Sonnets 
dans  la  seconde  partie  de  la  Scelta  di 
rime  di  di^>erd  excellenli  Poeti,  pu- 
bliée par  Zabata,  Gènes,  1579,  in-isi. 
II.  (Juatre  Canzoni  et  un  Sonnet  dans 
la  deuxième  partie  des  Muse  Toscatie^ 
recueilhe  pa.  Ghcrardo  Borgogni,  Ber- 
garae,  i5o4,  iu-8".  III.  Quatre-vingt- 
deux  pièces  ,  consistant  en  Sonnets  , 
Canzoni ,  IMadrigaux ,  etc. ,  dans  les 
aime  di  diversi  illustri  Podd,  don- 
nées par  le  même  Borgogni,  Venise, 
iSqç),  in- 12  ,  etc.,  etc.  Asinari  avait 
composé  plusieurs  autres  ouvrages , 
qui  sont  restés  manuscrits.  La  bi- 
bliothèque de  Turin  possède  :  I.  f^n,  • 
ri  sonctti  e  canzoni  ;  11.  //  Tran- 
credi  ,  tragedia  ;  \\\.  Tre  libri 
délie  transformazioni ;  W .  Tre  li- 
bri deW  ira  d' Orljndo,  Les  mêmes 
poésies  se  trouvent  encore  parmi  les 
manuscrits  de  la  bibliothèque  St.- 
Marc,  à  Venise.  La  tragédie  de  Tan- 
crède.  notée  ici  N°.  II ,  a  élé  imprimée 
à  Paris  ,  1 587,  in-8''. ,  sous  le  titre  de 
Gismonda^  nom  de  l'uu  des  persou- 


ASI 

nages, Ptattiibueeà  Torquato  Tasso: 
raniic'e  siiivdute,  on  corrip;ea  cette  er- 
reur daus  une  édition  faite  à  Berjijame , 
i588j  in -4°-;  mais  on  se  trompa 
encore,  en  attribuant  le  Tancredi  à 
Ottavio  Asinari ,  conte  di  Carne- 
rano ,  parent  de  Fre'de'ric  Asinari , 
qui  fait  le  sujet  de  cet  article;  et  Glie- 
rardo  Borgogni,  qui  en  fut  l'e'diteur, 
is^nora,  ou  feignit  d'ignorer  la  pre- 
mière édition  de  Paris ,  comme  on  le 
voit  par  son  épître  dédicatoire ,  adres- 
sée au  comte  J.  B.  Borroraeo.     G — e. 

ASINÉE.  f^oj.  Anilee. 

ASINIUSPOLLIO.  Foy.  Pollion. 

ASKEW,ou  ASCUE  (.\nwe  ),  fdle 
de  sir  William  Askew  de  Kersay,  dans 
le  comte  de  Lincoln,  ue'e  en  i52i  , 
fut  élevée,  avec  beaucoup  de  soin,  dans 
la  religion  catholique,  et  montra,  dès 
sa  plus  grande  jeunesse ,  un  goût  par- 
ticulier pour  les  études  théologiques. 
La  réformation  agitait  alors  tous  les 
esprits.  Elle  fut  curieuse  d'examiner 
par  elle-même  les  questions  qui  divi- 
saient les  cathohques  et  les  protestants. 
Cet  examen  éleva  dans  son  esprit  des 
doutes  sur  la  doctrine  qu'elle  avait  pro- 
fessée jusque-là ,  et  elle  finit  par  adop- 
ter les  principes  des  réformateurs.  Eile 
avait  épousé  un  gentilhomme  du  voi- 
sinage, qu'elle  n'aimait  pas,  et  qui, 
zélé  catholique,  fut  indigné  de  voir 
une  jeune  femme  oser  ,  d'après  ses 
propres  lumières,  rejeter  la  religion 
de  ses  pères.  Il  la  chassa  de  chez  lui. 
Anne  prit  le  parti  d'aller  à  Londres  , 
solliciter  une  sentence  de  séparation , 
espérant  trouver  de  l'appui  dans  les 
personnes  puissantes  attachées  au  pro- 
testantisme. Elle  fut,  en  effet,  accueillie 
très-favorablement  par  les  femmes  les 

f)lus  considérables  de  la  cour,  et  par 
a  reine  elle-même.  Sa  conduite  d'ail- 
leurs fut  à  l'abri  de  tout  reproche. 
Mais  son  mari ,  excité  par  des  prêtres 
fanatiques,  la  dénonça  à  Henri  VIII, 


ASK  577 

comme  dogmatisant  sur  le  sujet  de  la 
présence  réelle.  Henri,  aussi  capri- 
cieux dans  ses  opinions  que  cruel  dans 
son  gouvernement,  faisait,  dans  le 
même  temps  ,  pendre  les  partisans  du 
pape,  et  brûler  ceux  de  Luther.  Il  fit 
arrêter  Anne  Askew,    et  chargea  le 
chancelier,  le  lord  maire  et  quelques 
évèques  de  l'examiner  sur  saciovance^ 
relativement  à  la  transsubstantiation  et 
aux  messes  dites  pour  les  âmes  des 
morts.  Elle  exposa  ses  opinions  avec 
franchise  et  fermeté  ;  le  lord  maire 
lui  demanda    a  si  elle  ne  croyait  pas 
»  qu'un  prêtre  pût  faire  d'une  hostie  le 
«corps  de  J.  -C?  »  Elle  répondit: 
«  J'ai  lu  que  Dieu  avait  fait  l'homme  ; 
»  mais  je  n'ai  jamais  lu  que  l'homme 
»  puisse  faire  Dieu  ,  et  je  ne  crois  pas 
»que  vous  lelisiez jamais  nulle  part.» 
Le  lord  maire  reprit  :  «  Si  un  rat  man- 
»  geait  l'hostie, après  qu'elle  a  étécon- 
»  sacrée ,  qu'arriverait-il  au  rat  ?  —  Je 
»  ne  puis  vous  le  dire,  milord ,  répon- 
))dit  Anne.  —  Eh  bien  ,  répliqua  1* 
»  lord  maire ,  je  dis  que  le  rat  serait 
«damné.  —  Pauvre  rat!  dit -elle  ea 
»  souriant.  »  Le  chancelier  l'ayant  me- 
nacée d'être  brûlée  vive ,  elle  ob'^erva 
qu'après  avoir  étudié  les  Saintes  Écri- 
tures ,  elle  n'avait  pu  y  découvrir  que 
le  Christ  ou  ses  apôtres  eussent  jamais 
mis  à  mort  une  créature  humaine.  Le 
chancehcr  lui  reprocha  durement  de 
citer  l'Écriture,  en  disant  que  S.  Paul 
avait  défendu  aux  femmes  de  parler 
de  la  parole  de  Dieu.  Elle  répondit 
avec  modestie ,  que  S.  Paul  leur  avait 
défendu  simplement  d'enseigner  pu- 
bliquement  dans   les  congrégations. 
Les  détails  de  cette  conférence ,  écrits 
par  elle-même  ,  ont  été  publiés  après 
sa  mort.  Anne  fut  mise  en  prison,  et 
privée  de  toute  communication  avec 
ses  amis.  On  employa  toutes  sortes  de 
moyens  pour  l'engager  à  rétracter  ses 
opinions  ;  mais  rien  ne  put  vaincre  sa 

3-' 


578  A  s  K 

fermeté.  Le  roi  ordonna  qu'elle  fût 
conduite  de  Newgate  àla  tour  de  Lon- 
dres, et  qu'on  l'interrogeât  sur  les 
personnes  de  la  cour  avec  qui  elle  était 
en  correspondance,  en  lui  déclarant 
que  si  elle  refusait  les  communications 
qu'on  lui  demandait ,  elle  serait  mise 
à  la  torture.  Cette  menace  ne  put  lui. 
arracher  aucun  aveu.  Son  sexe ,  sa 
beauté  ,  son  esprit  et  son  noble  cou- 
rage avaient  fini  par  attendrir  presque 
tous  ceux  qui  étaient  témoins  des  per- 
sécutions qu'on  lui  faisait  essuyer.  Le 
chancelier  de  la  tour ,  Wriothesely, 
inaccessible  à  tout  sentiment  d'huma- 
nité ,  ordonna  au  lieutenant  de  la  tour 
d'appliquer  Anne  à  la  torture;  mats 
celui-ci  s'y  refusa  obstinément.  On  as- 
.sure  que  le  chancelier,  par  un  zèle 
aussi  servile  que  féroce,  se  dépouilla 
de  sa  robe,  pour  laire  lui-même  l'of- 
fice de  bourreau  ,  et  fit  subir  à  la 
malheureuse  Anne  les  plus  horrihles 
tourments,  sans  obtenir  d'elle  aucun 
symptôme  de  faiblesse.  Cependant,  la 
violence  des  douleurs  lui  fit  perdie 
connaissance,  et ,  lorsqu'elle  eut  repris 
ses  sens,  elle  retrouva  tout  son  cou- 
rage. On  lui  offrit  de  nouveau  sa  grâce, 
à  condition  qu'elle  désavouerait  ses 
principes;  de  nouveau,  elle  refusa  la 
vie  à  ce  prix ,  et  se  résigna  au  sup- 
phce  barbare  qu'on  lui  annonçait.  La 
torture  avait  disloqué  tous  ses  mem- 
bres; elle  ne  pouvait  faire  aucun  mou- 
vement; on  la  transporta  dans  un  fcm- 
teuil  au  lieu  de  son  supplice.  Attachée 
au  poteau  où  elle  allait  être  livrée  aux 
flammes,  ou  lui  apporta  une  lettre  du 
chancelier ,  qui  l'exhoilait  encore  à  ra- 
cheter sa  vie  par  une  rétractation  de 
ses  erreurs.  En  détournant  les  yeux 
du  papier  qu'on  voulait  lui  faire  lire, 
elle  dit  avec  calme  et  simplicité:  «  Je 
»  ne  suis  pas  venue  ici  pour  renier 
»  mon  Seigneur  et  Maître.  »  Elle  vit 
niiiltic  le  feu  au  fatal  bûcher,  sans  pa- 


ASM 

raîfre  troublée ,  et  reçut  la  mort  en  re^* 
commandant  son  am»»  à  la  miséricorde 
divine.  Anne  Askew  mourut  le  16 
juillet  1546,  dans  la  vingt-cinquième 
année  de  son  âge.  On  a  publié  .  apiès  1 
sa  mort,  indépendamment  de  la  rcla-  1 
tiou  de  son  procès ,  et  de  ses  souffran- 
ces ,  des  prières  et  quelques  écrits  de 
dévotion  qu'elle  avait  composés  dans  sa 
prison.  S — d. 

ASMAI(Abdelmelek-Ben- 
C  o  R  AÏ  B  ) ,  grammairien  arabe  ,  na- 
quit à  Bassorah  ,  l'an  i-i-?.  de  l'hég. 
(  739  de  J  -C. },  et  alla  habiter  Bagh- 
dàd  ,  où  il  obtint  la  faveur  du  célèbre 
ffaroùn-El-Rachvd.  Outre  un  grand 
nombre  d'ouvrages  précieux  sur  la 
grammaire  ,  l'éloquence  ,  l'ancienne 
poésie  des  Arabes  ,  et  le  droit ,  Asmaï 
a  composé  plusieurs  traités  sur  les  che- 
vaux et  les  bètes  de  somme.  Il  mourut 
l'an  Ci  1.5  de  l'hég.  Ibn-Khalekàn  a 
conservé,  dans  sa  Biographie  ,  la  no- 
menclature de  ses  écrits.        J — iv. 

ASMONÉE  ,  ou  ASSAMONÊE  , 
de  la  tribu  de  f>évi ,  n'est  personnelle- 
ment connu  dans  l'histoire  que  pour 
avoir  donné  son  nom  à  l'illustre  fa- 
mille des  Asmonéens  ou  IMacchabécs. 
Les  Asmonéens  réunirent  sur  leur 
tète  la  dignité  de  grand  sacrificateur 
et  la  souveraineté  de  la  nation  :  ils  s'at- 
tirèrent l'amour  des  juifs  ,  qu'ils  déli- 
vrèrent du  joug  des  Macédoniens  et 
qu'ils  filent  triompher  de  leurs  auties 
ennemis.  Ils  se  rendirent  formidables 
aux  étrangers  par  leurs  victoires,  et 
sont  devenus  célèbres  dans  tout  l'u- 
nr\'ers ,  par  une  suite  d'actions  écla- 
tantes ,  telles  que  l'histoire  d'aucun 
peuple  n'en  offre  pas  de  semblables. 
La  famille  des  Asmonéens  dura  lîG 
ans  ,  depuis  Simon  ,  fils  d'Asmonée  , 
qui  fut  le  premier  de  ces  héros ,  jus- 
qu'à Antigone,  le  dernier  qui  porta  le 
sceptre ,  que  ïlérode  sacrifia  à  son 
ambition  ,  et  à  .\ristobule  ,  soiueraiii 


ASP 

sacrificateur ,  que  le  même  Herode 
fit  étoufFer  dans  un  bain ,  à  Jéricho  , 
lorsqu'il  n'avait  encore  qn'  dix-huit 
ans.  C'est  par  ce  double  crime  que  le 
sceptre  des  juifs  passa  entre  les  mains 
de  l'assassin  de  leurs  chefs.  T — d. 
ASNIER  (  l'  ).  Fof.  Lasnier. 


ASP  579 

ASPAR  ,  patrice  et  ge'néral  des 
armées  romaines  ,  pendant  le  règne 
de  Théodose  1 1  et  de  ses  successem-s , 
fit  ses  premières  armes  sous  la  con- 
duit© de  son  père  Ardaburius ,  et  par- 
tijgea  bientôt  avec  lui  les  honneurs 
du    commandement  ;  le   père    et  le 


ASP  (Matthieu)  ,  archidiacre  dQm*fils  furent  chargés,  en  4^5  ,  de  pas- 
la  cathédrale  d'Upsal ,  né  en  iGr)6,  ser  en  Italie  ,  pour  défendre  Va- 
fit  des   voyages  en   Allemagne ,   en     lentinien   III    et   sa  mère  Placidie  , 

contre  le  rebelle  Jean  ;  Aspar  devait 
les  conduire  par  terre  en  Italie ,  tandis 
qu' Ardaburius  attaquerait  Eaveune 
par  mer.  Aspar  surprit  d'abord  Aqui- 
lée,  mais  il  eut  la  douleur  d'apprendre 
que  la  tempête  avait  conduit  le  vais- 
seau monté  par  son  père  dans  le 
port  ennemi ,  ou  ce  général  se  tiouvait 
prisonnier.  Cependant ,  un  avis  secret 
que  reçut  Aspar  le  déteimina  à  mar- 
cher vers  Ravenne  en  toute  hâte  ;  un 
berger  lui  indiqua  une  route  inconnue, 
qui  le  conduisit  au  pied  des  murs  : 
Ardaburius  avait  séduit  les  troupes  de 
Jean ,  et  lorsqu'Aspar  arriva  pour  at- 
taquer Ravenne  .  il  trouva  les  portes 
sans  défense  ,  et  fut  bientôt  maître 
de  la  ville  et  de  la  personne  du  tyrau 
qui  fut  conduit  à  Aquiléc ,  et  mis  à 
mort  par  ordre  de  Placidie.  Trois 
jours  après ,  Aètius  qui  avait  embrassé 
le  parti  de  Jean ,  parut  avec  une  ar- 
mée de  (3o,ooo  Huns.  Aspar  lui  hvra 
une  bataille  sanglante  ,  dont  le  succès 
fut  incertain .  mais  qui  fut  suivie  de  la 
soumission  d' Aètius.  En  45 1  ,  Aspar 
passa  en  Afrique  ,  pour  secourir  le 
comte  Boniface  contre  Genseric ,  roi 
des  Vandales;  les  Romains  furent  taillés 
en  ])ièces,  et  Aspar  s'enfuit  à  Constau- 
tinople.  Il  conserva  son  crédit  et  sa 
puissance  sous  le  règne  de  Marcieu  ^ 
et  fut  soupçonné  d'avoir  hâté,  par  le 
poison,  la  mort  de  ce  prince  vertueux 
Ce  qui  est  plus  certain  ,  c'est  qu'il  pro-  • 
fita  de  cet  événement  pour  disposer 
du  sceptre  ,  dont  il  n'osait  s'emparec 

57.. 


voyages  en  Allemagne ,  en 
Angleterre  et  en  France.  Les  langues 
savantes  étant  l'objet  auquel  il  s'ap- 
pliquait principalement ,  il  se  lia  à 
Paris  avec  Fourmont  ,  Longuerue, 
Montfaucon  et  madame  Dacier.  Se 
trouvant  à  Altdorf ,  en  1717,  pendant 
la  fête  séculaire  de  l'université ,  il  sou- 
tint ,  jiendant  neuf  heures  consécu- 
tives,  des  thèses  sur  Luther,  contre 
des  théologiens  catholiques  ,  et  fut 
créé  à  la  suite  de  ce  combat  acadé- 
mique ,  maître  ès-arts  de  la  faculté  de 
théologie.  Retourné  en  Suède ,  il  pro- 
fessa successivement  à  Upsal  l'élo- 
quence ,  les  langues  anciennes  et  la 
théologie.  11  portait  souvent  la  parole 
au  nom  de  l'université ,  dans  les  cir- 
constances solennelles,  et  il  prononça 
même  des  discours  en  langue  grecque. 
Il  mourut  en  1765.  L'archevêque 
d'Upsal  fit  lui  -  même  son  oraison  fu- 
nèbre. On  a  de  lui  plusieurs  disserta- 
tions en  latin,  sur  la  littérature  an- 
cienne ,  et  deux  oraisons  funèbres  en 
suédois  ,  l'une  du  docteur  Olaus  Cel- 
sius ,  l'autre  de  l'archevêque  Henri 
Benzélius.  Le  docteur  Asp  laissa  un 
fils,  qui  fut  ennobli,  et  qui  mourut 
en  1808,  après  avoir  été  ministre  de 
Suède  près  de  plusieurs  cours.  En 
revenant  d'une  mission  à  Constanti- 
nople,  il  fit  un  voyage  dans  les  îles  de 
l'Archipel ,  et  recueillit  plusieurs  obser- 
vations intéressantes,  qui  furentimpri- 
mées  en  suédois  ,  peu  avant  sa  mort. 
Il  publia  aussi  quelques  ouvrages  sur 
les  finances  de  Suède.        C— av. 


58o  ASP 

ouvertement,  parce  qu'il  e'taitarifn.II 
plaça  sur  ie  trône  Léon  ,  simple  tri- 
Lun,  et  sa  créature,  auquel  il  fit  pro- 
mettre de  nommer  Ce'sar  un  de  ses 
fils.  Mais  bientôt  le  nouvel  empereur 
oublia  cette  promesse  ;  Aspar  en  exigea 
l'accomplissement,  avec  une  hauteur 
qui  ne  parut  point  effrayer  Le'on.  Dans 
l'horrible  incendie  qui  dévasta  Cous- 
tantinople,  en  4^3,  Aspar  montra  un 
courage  et  une  activité  dont  l'histoire 
a  fait  une  mention  honorable.  Cepen- 
dant, mécontent  de  l'empereur,  qui 
s'était  affranchi  de  sa  tyrannie ,  il 
forma,  de  concert  avec  son  fils  Arda- 
burius ,  plusieurs  intrigues  pour  faire 
échouer  les  entreprises  de  Léon  j  celui- 
ci,  pour  se  concilier  ces  hommes  dan- 
gereux, déclara  enfin  César,  Patricius, 
le  second  fils  d'Aspar  et  lui  fiança  sa 
fille  Léontie.  Mais  Aspar  et  Ardabu- 
rius ,  peu  satisfaits  d'avoir  faittrembler 
leur  maître,  conspirèrent  de  nouveau; 
Léon  en  étant  instruit,  les  manda  au 
palais ,  où  ils  furent  massacrés  par  les 
eunuques,  en  ^"ji.  La  puissance  et  le 
crédit  de  cet  homme  ne  furent  point 
anéantis  par  sa  mort  j  des  officiers 
Goths  voulurent  le  venger  et  excitè- 
rent des  troubles  violents  ;  Constanti- 
nople  fut  menacée,  les  provinces  fu- 
rent ravagées  ,  et  l'esprit  séditieux 
d'Aspar ,  du  fond  de  la  tombe,  fut  en- 
core funeste  à  l'empire  qu'il  avait  si 
long-temps  opprimé.       L — S  —  e. 

ASPASIE.  Lorsqu'on  est  appelé  à 
caractériser  les  femmes  de  l'antiquité, 
et  surtout  de  la  Grèce  ,  on  éprouve  un 
genre  d'embarras  très-pénible;  on  est 
séduit  par  leurs  talents,  et  repoussé 
par  leur  conduite.  Rarement  les  fem- 
mes illustres,  à  cette  époque  delà  ci- 
vilisation ,  méritaient  tout  à  la  fois 
l'admiratiion  et  l'estime,  et,  parmi  les 
bienfaits  sans  nombre  de  la  religion 
chrétienne  ,  il  faut  compter  l'intro- 
ductiou  de  ces  mœurs  sociales  et  pures 


ASP 

qui  permettent  aux  femmes  de  se 
montrer  sans  s'avilir,  et  de  manifester 
leur  ame  sans  souiller  leur  réputation. 
Aspasie  naquit  à  Milet,  en  lonie;  elle 
était  fille  d'Axiochus.  On  prétend  que 
les  femmes  de  l'Asie  mineure  étaient 
plus  belles  que  celles  d'Athènes.  L'A- 
sie a  quelque  chose  de  merveilleux 
qu'on  retrouve  sous  mille  formes  di- 
verses. Une  autre  beauté  d'Ionie  ^ 
Thargelie ,  avait ,  aVant  Aspasie ,  don- 
né l'exemple  de  la  singulière  réunion 
des  talents  politiques  et  littéraires,  avec 
toutes  les  grâces  de  son  sexe.  Il  paraît 
qu'Aspasiela  prit  pour  modèle,  quoi- 
qu'elle ne  consacrât  pas  ,  comme 
Thargelie  ,  ses  moyens  de  plaire  à 
faire  des  partisans  au  roi  de  Perse. 
Les  femmes  étrangères  étaient ,  pour 
ainsi  dire  ,  proscrites  par  les  lois  d'A- 
thènes, puisque  leurs  enfants,  nés  dans 
le  mariage ,  ne  pouvaient  être  consi- 
dérés comme  légitimes  :  peut  -  être 
cette  situation  contribua-t-elle  à  pla- 
cer Aspasie  dans  la  classe  des  courti- 
sanes. Quand  l'ordre  social  est  injuste, 
les  individus  sur  lesquels  il  pèse,  s'af- 
franchissent souvent  de  toutes  les  bar- 
rières, irrités  qu'ils  sont  de  n'avoir 
pas  été  protégés  par  elles.  Dans  les 
monarchies ,  on  se  sent  une  sorte  d'é- 
loignement  pour  les  femmes  qui  se 
mêlent  des  affaires  publiques  ;  il  sem- 
ble qu'elles  deviennent  les  rivales  des 
hommes  ,  en  usurpant  la  carrière 
dans  laquelle  ils  peuvent  se  mou- 
voir ;  mais  dans  une  république ,  la 
politique  étant  le  premier  intérêt  de 
tous  les  hommes ,  ils  ne  seraient  point 
associés  du  fond  de  l'anie  avec  les 
femmes  qui  ne  partageraient  pas  cet 
intérêt.  Aspasie  s'occupa  donc  d'une 
manière  remarquable  de  l'art  des  gou- 
vernements ,  et  en  particulier  de  l'élo- 
quence ,  l'arme  la  plus  puissante  des 
pays  libres.  Platon  ,  dans  son  Dialo- 
gue de  Mcnçxène,  cite  une  Ucs-bcUe 


ASP 

harangue  d'Aspasic ,  en  l'honneur  des 
Athéuiens  morts  à  Léchée.  Il  dit 
qu'elle  avait  enseigné  l'art  oratoire  à 
Përiclès.  Le  poète  élégiaque  Herraé- 
sianax  nous  peint  Socrate  comme 
amoureux  d'Aspasie  :  «  Vénus ,  dit-il, 
»  se  vengea  sur  lui  de  son  austère  sa- 
»  gesse,  en  l'enflammant  pour  Aspa- 
»  sie  ;  son  esprit  profond  n'était  plus 
»  occupé  que  des  frivoles  inquiétudes 
»  de  l'amour.  Toujours  il  inventait  de 
»  nouveaux  prétextes  pour  retourner 
»  chez  Aspasie ,  et  lui  qui  avait  dé- 
»  mc'é  la  vérité  dans  les  sophismes 
»  les  plus  tortueux ,  ne  pouvait  trou- 
»  ver  d'issue  aux  détours  de  son  pro- 
»  pre  cœur.  »  Aspasie  ,  elle  -  même , 
adressa  des  vers  à  Socrate ,  pour  le 
consoler  de  l'amour  malheureux  qu'il 
ressentait;  mais  il  est  permis  de  pen- 
ser qu'elle  s'enorgueillissait  un  peu 
d'un  empire  dont  Socrate  pouvait  tou- 
jours se  dégager  à  son  gré.  La  gloire 
de  la  vie  d'Aspasie  ,  ce  fut  le  sentiment 
sincère  et  durable  qu'elle  sut  inspirer 
à  Périclès ,  à  ce  grand  homme ,  qui 
savait  être  à  la  fois  citoyen  et  roi  d'une 
république.  On  l'avait  surnommé /i<- 
piter-  Olympien,  et  sa  compagne  As- 
pasie fut  appelée  Junon  j  il  avait 
d'elle  un  fils  naturel.  Toutefois,  l'éga- 
rement de  la  passion  ne  suffit  point 
à  son  bonheur  ;  il  voulut  contracter 
des  liens  plus  intimes  avec  elle ,  et  se 
sépara  de  sa  femme  pour  épouser  As- 
pasie. Plutarque  raconte  qu'il  avait 
pour  elle  la  tendresse  conjugale  la 
plus  parfaite  :  un  tel  sentiment  peut-il 
être  inspiré  par  une  femme  dépravée? 
Aspasie  fut  accusée  d'avoir  été  la  cause 
de  deux  guerres  ;  entre  les  Athéniens 
et  les  Samiens  ,  à  cause  de  Milet , 
sa  patrie  ;  et  entre  les  Athéniens  et 
les  Lacédéraoniens,  à  l'occasion  de  la 
ville  de  Mégare.  Plutarque  la  justifie 
de  ce  tort,  et  Thucydide  ne  prononce 
pas  son  nom,  en  racontant  avec  détail 


ASP  5SI 

toutes  les  causes  de  la  longue  guerre  du 
Péloponnèse.  Le  seul  Aristophane  dési- 
gne Aspasie  comme  en  étant  la  cause  ; 
mais  Aristophane  attaquait  tous  ceux 
dont  la  réputation  faisait  du  bruit  dans 
Athènes,  parce  que  le  succès  de  ses 
comédies  tenait  non  seulement  au  bril- 
lant de  son  esprit,  mais  à  l'audace  de 
son  caractère.  D'ailleurs,  dès  qu'une 
femme  a  du  crédit  sur  les  chefs  de 
l'étal,  il  est  impossible  qu'on  ne  lui 
attribue  pas  les  revers  quelconques 
qui  tombent  sur  la  chose  publique  on 
sur  les  particuliers.  L'imaginatioix 
s'exerce  sur  la  puissance  secrète 
dont  personne  ne  peut  calculer  l'éten- 
due ,  et  les  malheureux  aiment  à  s'en 
prendre  de  ce  qu'ils  souffrent,  à  ce 
qu'ils  ignorent.  Le  peuple  d'Athènes, 
irrité  contre  Périclès,  intenta  des  pro- 
cès pour  cause  d'impiété,  à  Anaxagore, 
à  Phidias  et  à  Aspasie.  Il  poursuivait 
les  premiers  objets  de  l'affection  de 
Périclès ,  n'osant  pas  s'attaquer  à  lui- 
même.  Périclès  ne  put  sauver  de  l'exil 
Anaxagore  ni  Phidias;  mais,  au  milieu 
de  l'aréopage,  il  versa  des  larmes,  en 
défendant  Aspasie.  Le  sentiment  qu'on 
dut  éprouver  en  voyant  une  ame  si 
forte  atteinte  par  une  émotion  si  tou- 
chante, désarma  les  juges.  Périclès 
mourut  la  troisième  année  de  la  guerre 
du  Péloponnèse,  et  l'on  dit  qu'Aspasie, 
l'amie  de  Socrate,  la  compagne  de 
Périclès ,  l'objet  des  hommages  d'Alci- 
biade,  s'attacha  dans  la  suite  à  un 
homme  obscur  et  vulgaire,  nommé 
Lysiclès  ;  mais  bientôt  elle  le  pénétra 
de  son  ame,  et  il  acquit,  en  peu  de 
temps,  un  grand  pouvoir  dans  Athè- 
nes. Quelques  poètes  comiques  du 
temps  ont  accusé  Aspasie  de  tenir 
une  école  de  mauvaises  mœurs,  et 
d'en  donner  à  la  fois  l'exemple  et  le 
précepte.  Peut-être  la  jalousie  qu'ins- 
piraient ses  raies  talents  et  sa  brillante 
existence,  a-t-elle  envcnirajé  ces  iinpu- 


oSi  ASP 

talions.  On  a  vu  plusieurs  exemples,  h 
Paris,  de  femmes  qui  reunissaient  au- 
tour d'elles  le  eercle  le  plus  distingue, 
et  sans  lesquelles  les  hommes  d'esprit 
de  France  n'auraient  pti  goûter  le  plai- 
sir de  se  comuuniiquer  entre  eux,  et 
de  s'encourager  mutuellement  ;  mais 
l'ascendant  d'Aspasie  e'iait  d'une  toute 
autre  nature  :  on  aimait  à  l'admirer 
comme  orateur,  tandis  qu'en  France, 
la  parole  n'était  jamais  qu'un  jeu  facile 
et  léger.  Aspasie  influait  sur  la  nation 
entière ,  dont  elle  pouvait  presque  se 
faire  entendre  ;  car  le  nombre  des  ci- 
toyens qui  formaient  l'ctat  politique 
d'Athènes  était  singftlièrement  resser- 
re. Les  beaux  arts  se  reproduisaient 
en  Grèce  sous  toutes  les  formes.  Non 
seulement  l'éloquence ,  mais  la  science 
du  gouvernement  elle-racrae  était  ins- 
pirée par  une  sorte  d'esprit  artiste, 
qui  prenait  naissance  dans  les  mœurs 
et  la  religion  des  Athéniens.  Ce  pou- 
voir universel  de  l'imagination  donnait 
un  grand  empire  à  Aspasie,  puisqu'elle 
en  connaissait  tous  les  secrets.  S'eni- 
vrer de  la  vie,  était  presque  un  devoir 
dans  le  culte  des  Athéniens.  Le  renon- 
cement au  monde  et  à  ses  pompes  doit 
être  la  vertu  des  modernes  ;  il  est 
donc  impossible  de  jugi-r  d'après  les 
mêmes  principes,  deux  époques  si 
différentes  dans  l'histoire  des  senti- 
ments humains.  Un  poète  allemand  a 
donne  à  une  femme  le  nom  de  Sainte 
Aspasie.  Ce  serait  une  belle  chose,  en 
effet ,  que  de  réunir  toute  la  magie  de 
la  culture  poétique  des  Grecs ,  avec  la 
sévérité  de  mtriJe  qui  fortifie  l'ame, 
et  peut  seule  lui  donner  du  sérieux  et 
de  la  profondeur.  Le  nom  d'Aspasie 
e'tait  devenu  tellement  célèbre ,  que  le 
jeune  Cyrus  le  fit  ])i'cndre  à  sa  maî- 
ti-esse  Milto(  For.  l'article  suivant), 
afin  d'exprimer  ainsi  l'enthousiasme 
qu'il  éprouvait  pour  ses  grâces  et  pour 
ses  charmes  :  Aspasie  signifiait  la  plus 


ASP 

aimable  des  femmes,  comme  Alexan- 
dre le  plus  grand  des  héros.  Appeler 
une  femme  Aspasie  ,  c'était  presque  la 
comparer  à  quelques  divinités  de  la 
fable  ;  car ,  en  Grèce ,  les  hommes  et 
les  femmes  célèbres  dans  quelque  gen- 
re queceh'it,  se  confondaient  bien  vite 
avec  les  habitants  de  l'Olympe,  qui  tou- 
chait de  si  près  à  la  terre.     N.  S.  H. 

ASPASIE,  fille d'Hermotimus,  née 
à  Phocée  dans  l'ionie,  était  si  remar- 
quable par  sa  beauté ,  qu'un  satrape 
de  l'Asie  mineure  l'enleva  pour  en  faire 
présent  à  Cyrus  le  jeune.  Amenée  de- 
A'ant  ce  prince  avec  d'autres  femmes, 
elle  ne  voulut  se  prêter  à  aucune  de 
ses  caresses  ,  et  se  mit  à  crier  fort 
haut  lorsqu'il  voulut  prendre  quelque 
hberté  avec  elle.  Cette  résistance  plut 
beaucoup  au  jeune  prince,  et,  loin 
d'employer  la  violence ,  il  crut  de- 
voir chercher  à  gagner  sou  cœur  ; 
comme  il  était  naturellement  aima- 
ble ,  il  y  réussit  facilement.  Ils  s'atta- 
chèrent tellement  l'un  à  l'autre  que 
Cyrus  oublia  son  sérail  pour  vivre 
avec  elle ,  comme  avec  une  épouse 
légitime  ,  union  qui  devint  célèbre 
dans  toute  la  Grèce.  Après  sa  mort , 
elle  tomba  entre  les  mains  d'Artaxer- 
cès  ,  qui  chercha  vainement  à  s'eu 
faire  aimer,  la  mémoire  de  Cyrus  lui 
étant  toujours  chère.  Elle  céda  cepen- 
dant enfin  à  la  nécessité.  Quelques 
années  après ,  Darius  ,  qu'Artaxercès , 
son  père  ,  venait  d'associer  au  trône  , 
lui  demanda  Aspasie  ;  ce  jirince  n'o- 
sant pas  refuser  ,  répondit  qu'elle  était 
maîfiesse  de  choisir.  As])asie  avant 
donné  la  préférence  au  fils  ,  Artaxer- 
cès  ,  irrité,  s'en  vengea  en  la  fai- 
sant grande -prêtresse  de  la  déesse 
Anailis  ,  à  Ecbatane ,  dignité  qui  l'o- 
bligeait à  vivre  dans  la  chasteté  le 
reste  de  ses  jours.  Elle  se  nommait 
d'abord  Milto  ;  ce  fut  Cyrus  qui  lui 
donna  le  ui»m  d'Aspasie,  devenu  ce- 


ASP 

lebre  par  le  rôle  que  la  pre'ce'dcnte  avait 
ioiie'.  C — R. 

ASPER  (Jean),  peintre,  ue  à 
Zurich ,  en  1 409  ,  y  mourut  en  1 57 1 . 
Il  imita  son  célèbre  contemporain  , 
J.  Holbein ,  et  parvint  (jiiclquefois 
à  l'égaler  dans  ses  portraits ,  qu'on 
recherche.  Les  gravures  de  XHelvetia 
sancla  de  Henri  Murer  (Lucerne, 
1648  ,  in-folio),  ont  été  fiiites  sur 
ses  dessins.  Les  habitants  de  Zurich 
firentfrapper  une  médaille  en  son  hon- 
neur •  ce  qui  ne  l'empcclia  pas  de 
mourir  dans  l'indigence.  —  Deux  de 
ses  fils  ont  suivi  la  même  carrièi  e , 
et  leurs  tableaux  ont  été  souvent  pris 
pour  ceux  de  leur  père.  U — i. 

ASPREMONT  (  d' ),  vicomte  d'Or- 
tlie  ,  gouverneur  de  l-5ayonne  sous  le 
règne  de  Charles  IX  à  l'époque  de  la 
St. -Barthélémy ,  fut  un  des  hommes 
courageux  et  vraiment  fidèles  qui  osè- 
rent désobéir  aux  ordres  de  la  cour, 
lorsqu'ils  n'auraient  pu  la  servir  que 
par  des  assassinats.  «  J'ai  trouvé , 
»  écrivait-il  au  prince,  parmi  les  ha- 
ïi  bitauts  et  les  gens  de  guerre ,  des 
»  homuîes  dévoués  à  votre  majesté, 
»  mais  pas  un  bourreau.  Ainsi ,  eux 
»  et  moi  nous  vous  supplions  de  n'«m- 
»  ployer  nos  bras  et  nos  vies  qu'en 
»  choses  possibles,  quelque  hasardeii- 
»  ses  qu'elles  soient.  »  (  /''.Jean  Hen- 
KUYER  ).  B — T. 

ASPREMONT  (  François  de  la 
MotheVillebert,  vicomte  d'  ) ,  étant 
entré  au  service  la  même  année  que 
Vauban ,  se  voua  comme  lui  à  la  guerre 
des  sièges,  et  quitta  une  compagnie  des 
gardes  pour  êlrc  ingéniem*.  On  le  vit 
successivement  souinetire  Bordeaux, 
Bourg  et  Libourne  (i(355),  assitiger 
Stenai  ,  Laudi-ecy  ,  Condé  ,  Saint- 
Guislain,  et  secourir  Arras  (  i655  ). 
Il  reçut  une  blessure  au  siège  de  Condé , 
tiois  à  celui  de  Vaienciennes ,  et  une 
-à  celui  de  Graveiines.  Plus  heureux  à 


A  S  S  585 

la  bataille  des  Dunes,  aux  sièges  de 
Diuikerque  ,  de  Tournay  et  de  Douai 
(  1 667  ) ,  aux  travaux  d'Ath ,  qu'il  di- 
rigeait ,  il  s'exposa  impunément  à  tous 
les  dangers.  En  1672,  il  conduit  les 
attaques  de  plusieurs  places ,  sert  aux 
sièges  d'Orsay  ,  de  Rheiuberg ,  de  Ni- 
mègue,  et  s'empare  des  forts  de  l'île  de 
Bommel.  Aprèsavoir  inspecté  les  tra- 
vaux du  Dauphinc  et  de  la  Provence, 
rédigé  un  projet  d'agrandissement  pour 
la  place  et  le  porl  de  Toulon  ,  d'Aspre- 
mout,  fait  )naréchal  de  camp,  est  en- 
voyé en  Espagne  (  en  i()77  ).  A  la  ba- 
taille d'Espouilles,  la  gauche  des  en- 
nemis s'était  emparée  d'une  hauteur 
qui  dominait  la  droite  de  l'armée  fran- 
çaise, d'Asprcmont  les  attaque  l'épée 
à  la  main,  et  les  chasse  au-delà  du 
ruisseau  qui  séparait  les  deux  camps. 
Le  champ  de  bataille  reste  aux  Fran- 
çais; mais  la  disette  des  vivres  les 
oblige  de  revenir  en  Roussillon.  Trois 
fois  les  ennemis  tombent  sur  l'arrière- 
garde,  et  trois  fois  d'x4spremont  les 
charge  et  les  repousse.  Us  menacent  un 
autre  corps,  d'Aspremont  vole  à  son 
secours,  les  devance,  taille  en  pièces 
le  régiment  d'Aragon ,  les  di'agons  es- 
pagnols, et  fuit  prisonnier  le  marquis 
de  Fueutes.  Ce  furent  ses  derniers  ex- 
])loits.  A  peine  l'armée  repassait  les 
monts ,   qu'il  reçut  l'ordre  d'aller  à 
Toulon ,   tracer  les  agrandissements 
jîrojelés.  Épuisé  de  fatigues ,  il  y  tomba 
malade,  et  mourut  le  27  juin  1G78. 
D — M — T. 
ASSAH AR ADDON ,  nommé  Assar- 
Addim:s  dans  Plolomée ,  et  Osnapar 
dans  Esdras,  le  plus  jeune  des  en- 
fants de  Scnnacherib  lui  succéda  dans 
le  royaume  de  BabyloRc,  l'an  680 
avant  J.-C.  La  quatrième   année  de 
son  règne,  il  reconquit  ce  que  son 
père  avait  perdu  de  l'.Assyrie  et  de  la 
Palestine,  et  réunit  sur  sa  tête  les 
deux  rojaumes  de  Bahyloiie  et  de 


584  A  S  S 

r^inive  qui  avaient  ete  démembres. 
Étant  ensui;e  entré  dans  le  royaume 
d'Israël,  il  emmena  en  captivité'  tout 
ce  qui  s'v  trouvait  encore  des  dix  tri- 
bus, qu'il  remplaça  par  des  colonies 
des  pays  situes  au-delà  de  l'Euphrate. 
Ainsi  fut  accomplie  la  prédiction  d'I- 
sa'ie,  faite  la  première  année  du  règne 
d'Achaz  :  Encore  soixante-cinq  ans, 
et  Ephraïm  cessera  d'être  un  peuple. 
Effectivement,  tous  ceux  qui  furent 
déportés  prirent  les  mœurs  et  suivi- 
rent les  supf-rstitiOns  des  peuples  par- 
mi lesquels  ils  vécurent,  se  confondi- 
rent avec  eux,  pçrdirent  leur  nom, 
leur  langage ,  tout ,  jusqu'au  souvenir 
de  leur  origiue,  de  sorte  qu'il  ne  resta 
plus  de  trace  des  dix  tribus  dans  l'his- 
toire ;  car  les  Samaritains  d'aujourd'hui 
descendent  des  colonies  étrangères 
qu'Assaharaddon  avait  envoyées  à  Sa- 
maiie.  Après  cette  première  expédi- 
tion ,  ses  généraux  envahirent  le  royau- 
me de  Juda,  délirent  le  roi  Manassé, 
le  réduisirent  en  captivité  avec  son 
peuple ,  et  il  le  remplaça  par  des  colo- 
nies, comme  il  avait  fait  dans  le  rovau- 
me  d'Israël.  Ces  colonies  étant  tour- 
mentées par  des  lions,  parce  qu'elles 
n'adoraient  point  le  vrai  Dieu ,  il  y  en- 
voya un  prètieisraélite,  afin  qu'il  leur 
enseignât  le  culte  du  dieu  d'Israël  ; 
mais  ces  peuplades  associèrent  le  culte 
du  Seigneur  à  celui  de  leurs  divinités,  et 
ce  culte,  ainsi  corrompu,  fut  la  source 
de  l'aversion  des  juif»  pour  les  Sama- 
ritains. Assaharaddon  mourut  l'an  (JG8 
av.  J.-C. ,  après  avoir  régné  avec  gloire 
treize  ans  sur  les  Babvloniens  et  trente- 
neuf  ans  sur  les  Assviiens.  Ce  prince 
a  donné  lieu  à  divers  systèmes  parmi 
les  savants.  Los  uns  veulent  qu'il  soit 
le  même  qu'Asserad  du  livre  de  Ju- 
dith; les  autres  le  prennent  pour  As- 
tyages ,  bisaïeul  maternel  de  Cyrus. 
Ceux-ci  le  confondent  avec  Artaxercès 
Ochus }  ceux-là  avec  Artaxercès  Mné- 


ASS 

mon  ;  quelques  -  uns  avec  Darius  le       ! 
Mède.  T — d. 

ASSAS  (Nicolas,  chevalier  d' ) 
capitaine  au  service  de  France,  dans 
le  régiment  d'AuA'ergne,  naquit  au 
Vigan,  et  périt  victime  d'un  dévoue- 
ment patriotique  digne  des  Romains, 
dans  la  nuit  du  i5au  1 6  octobre  i-jOo, 
à  Clostercamp,  jirès  de  Gueldre  ,  où  il 
commandait  une  grand'-garde.  Etant 
allé  au  point  du  jour,  reconnaître  les 
postes  ,  il  tomba  sur  une  colonne 
ennemie,  qui  s'avançait  en  silence 
pour  surprendre  l'armée  fiançaise. 
Aussitôt,  des  grenadiers  le  saisissent, 
et  le  menacent  de  l'égorger  s'i'  dit  un 
seul  mot.  H  y  allait  du  salut  de  l'ai  mée 
française,  qui  n'était  point  préparée  à 
cette  attaque.  D'Assas  se  recueille 
un  moment  pour  enfler  sa  voix ,  et 
il  crie  :  «  A  moi ,  Auvergne,  voilà  les 
»  ennemis.  »  Aussitôt,  il  tombe  percé 
de  coups.  Ce  trait  héroïque,  long- 
temps oublié,  a  été  rapporté  j>ar  \  ol- 
taire  avec  tous  les  éloges  dont  il  est 
digne  ;  et  c'est  la  voix  de  cet  historien 
qui  en  a  provoqué  les  tardives  récom- 
penses. D'Assas  était  célibataire;  on 
créa  pour  sa  famille  une  pension  de 
looo  livres,  réversible  à  perpétuité 
aux  aînés  de  son  nom.  Supprimée 
pendant  la  révolution,  cette  pension 
a  été  rétablie  depuis  peu  de  tenijis , 
sur  la  demande  de  31.  Imbert  de  St.- 
Paul,  sous -préfet  du  Vigan. 

V.  S— L. 

ASSEDI.  r'qr.  Asedy-Thoccy. 

ASSELIN  ,    bourgeois   de   Caen  , 

Foj.    Gun,LAUM£-LE-Co>QUERANÏ. 

ÂSSELIlN  (Gilles-Thomas),  doc- 
teur de  Sorbonne ,  né  à  Vire ,  en  i  GHo., 
fit  ses  études  à  Paris,  et  mérita  d'être 
distingué  par  Thomas  Corneille.  Il  se 
montra  le  digne  élève  de  l'auteur 
(ï Ariane,  en  remportant  le  prix  de 
poésie  à  l'académie  française ,  en  17  <  .çj. 
Peu  de  Itmps  après,  il  publia  un  petit 


ASS 

poërae  médiocre,  sur  la  Religion.  Ses 
odes  sir  V  existence  de  Dieu,  le  mé- 
pris de  la  fortune ,  la  foi  et  la  paix 
du  cœur ,  toutes  couronnées  aux  jeux 
floraux ,  ont  quelqîiefoi's  la  pompe  et 
la  richesse  du  geure.  La  touchante 
élégie  que  lui  inspira  la  mort  de  Tho- 
m.is  Corneill'%  fut  également  couron- 
ne';" aux  jeux  floraux.  Nommé  ensuite 
principal  du  collège  d'Harcourt ,  Asse- 
lin  consacra  tous  ses  moments  à  ses 
nombreux  élèves,  donna  une  nouvelle 
activité  aux  études,  et  fît  des  réformes 
utiles  11  mourut  à  Issy,  oîi  il  s'était 
retiré,  le  1 1  octobre  ^^fi-j.  ises  OEu- 
vres  poétiques,  suivies  d'un  Discours 
pour  disposer  les  dci.stps  à  l'examen 
de  la  vérité,  ont  été  impriiners  à  l'aris, 
en  i7'25,  i  vol.  in-8'.     L.  P> — e. 

ASSELYN  (Jean),  peintre,  né  à 
Anvers  en  1610,  mort  à  Amsterdam 
en  1660,  fut  élève  d'isa'ie  Van  deu 
Velde,  peintre  de  batailles.  Il  fît  un 
voyage  à  Rome,  et  y  étudia  long-temps 
les  antiquités  et  les  grands  maîtres  : 
la  manière  de  Bamboche  fut  celle  qu'il 
suivit  de  préférence.  A  son  retour ,  il 
séjourna  h  Lyon,  où  ses  ouvrages  fii- 
rent  recherchés  ;  plusieurs  d'entre 
eux  retracent  des  vues  prises  aux  en- 
virons de  cette  ville  :  il  y  épousa  la 
fille  d'un  de  ses  compatriotes,  et  revint 
avec  elle  à  Amsterdam.  11  contribua, 
par  son  exemple,  à  réformer  le  goût 
des  artistes  de  son  pays ,  et  à  leur 
inspirer  une  manière  plus  franche  et 
plus  conforme  à  la  nature.  Il  a  repré- 
senté quelquefois  des  sujets  d'histoire 
et  des  batailles;  mais  le  plus  souvint, 
des  paysa  es  ornés  de  monuments, 
de  ruines ,  et  animés  par  de  très-bon- 
nes figures.  Son  coloris  a  de  l'éc'at  et 
de  la  chaleur;  sa  touche  est  fine,  et 
ses  compositions  offrent  beaucoup  de 
goût  dans  le  choix  des  sites  et  des 
ornements.  Le  Musée  Napoléon  pos- 
sède de  ce  maître,  un  paysage  avec 


ASS  585 

bestiaux  traversant  le  Tibre  à  gué,  et 
une  marine  par  Un  temps  d'orage, 
dont  l'effet  est  bien  senti,  et  la  couleur 
très-vi'aie.  V — t. 

ASSEMANI  (Joseph-Simon),  Sy- 
rien maronite,  archevêque  de  Tyr, 
préfet  de  la  bibliothèque  du  Vatican  , 
etc. ,  naquit  en  1 687 ,  et  mourut  le  1 4 
janvier  1  ^(jS.  Il  était  très-versé  dans 
la  connaissance  des  langues  anciennes 
et  de  celles  de  l'Orient.  Il  a  publié  plu- 
sieurs ouvrages,  qui  le  placent  parmi 
les  plus  célèbres  orientaUstes  de  l'Eu- 
l'ope  :  I.  Bibliotheca  orientalis  Cle- 
mentino-P^aticana  recensens  manus- 
criplos  codices ,  sjriacos,  arabicas, 
persicos,  turcicos,  hebraïcus ,  sama- 
ritanos  ,  armenicos  ceihiopicos  , 
^rœcos ,  œg;}ptios,  ibericos  et  ma- 
labaricos ,  etc.,  jussu  et  munificen- 
tia  Clem.  XI,  Romae,  1719-  i7'28. 
Ce  savant  et  bel  ouvrage ,  sorti  des 
presses  de  la  Propagande,  est  le  plus 
beau  titre  de  la  gloire  d'Assemaui. 
II.  S.  Ephrœm,  sjri,  opéra  omnia 
qiiœ  extant,  grœcè ,  srriacè  et  lati- 
ne, in  .sex  tomos  distribiUa,  admnniis- 
criptos  codices  T^alicanos  aliosque 
cnsligtita,  mullis  aiicta,  n()s>a  inler- 
pretatione ,  prœfationibus ,  notis ,  va- 
riantibus  lectionibus  ,  illustrata,  Ro- 
mas,  1  75'i- 1  754,  6  vol.  in-fol.;  III. 
VeSanctis  Ferentinis  in  Tuscid  Bo- 
nifacio  ac  Bedeinpto  episcopis  :  de- 
que  preshytero  et  martyre  Eutychio. 
de  quihus ,  S.  Gregorius ,  papa ,  in 
libro  dialogorum  scribit,  disserta- 
tio,  Romae,  1743;  IV.  Italicœ  his- 
toriée scriptores  ex  Bihl.  Fatic,  etc. , 
collegit  et  prœfat.  notisque  illuslra- 
vit^  J.  S.  Assemaniis,  Romae,  1  tS  1  - 
1755,  4  vol.  in-4°.;  V.  Kalendaria 
ecclesiœ  universce,  etc.,  Rornse  ,1755- 
1757,  6vol.  in-4"-  J — N. 

A.SSEMANI  (  Etienne  -Évode  ) , 
archevêque  d'Apamée,  neveu  du  pré- 
cédent ,  et  son  successeur  dans  k 


586  ASS 

cbarge  de  préfet  de  la  bibUotLcque 
du  Vatican ,  s'est  aussi  rendu  célèbre 
par  ses  connaissances  dans  les  lan- 
gues orientales  et  les  ouvraj^es  pleins 
d'érudition  qu'il  a  donnes  :  I.  Biblio' 
ihecœ  Mediceo-Laurentianœ  el  Pa- 
hilince  codicum  nianuscr.  orienta- 
lium  calaiogus,  etc.,  Florentiœ,  i  74^, 
3  vol.  in-ful. ,  avec  des  notes  de  Go- 
ri;  II.  v4cta  sanclorum  marfyrum 
Orientalium  et  Occidentalium ,  in 
duas  partes  distribida,  uli  etiam 
acta  Sim.  styliLe  è  Bihl.  Apost. 
Italie,  inlucemprutraxit,  Chaldai- 
cum  textiim  recensuit ,  notis  vocali- 
biis  anhnavit,  latine  vertit,  admo- 
nit.  perpetuisque  annot.  illiistraiùt 
Steph.  E.  Assemani,  Rom?e,  174^? 
2  vol.  in-fol.  11  a  publié ,  conjointe- 
ment avec  son  oncle  :  Bihl.  Apost. 
Vatic.  codic.  manuscr.  Catol. ,  Ro- 
mœ,  175O-1769.  Cet  ouvrage  devait 
former  quatre  volumes ,  et  il  avait  été 
déjà  imprimé  plusieurs  feuilles  du 
4*'.  volume ,  lorsque  le  feu  prit  au  cabi- 
net d'Assemani  ,  el  consuiiia  les  maté- 
riaux qui  devaientlecomposer.  J — N. 
ASSRR,  célèbre  docteur  juif ,  au- 
teur du  Thalmiid  de  Bahjlone,  né 
dans  cette  ville,  en  553,  fut  fait  pré- 
sident do  l'académie  de  Sora,  sur 
l'Euphrate  ,  à  l'âge  de  quatorze  ans. 
Les  rabbins  disent  qu'il  possédait  la 
loi,  la  dévotion  ,  l'Iiunnlite,  la  magni- 
ficence, quatre  choses  qu'aucun  autre 
docteur  n'a  réunies.  Asser  imap,ina  une 
nouvel  le  nic'thode  d'enseigner.  Au 
mois  de  février,  il  dictait  un  traite  à 
^es  écoliers  ,  qu'ils  allaient  étudier 
rhez  eux  pendant  six  mois,  et  dont 
ils  revenaient  lui  rendre  compte  au 
mois  d'août.  Alors  il  les  faisait  dispu- 
ter en  sa  présence,  bv.til  leurs  doutes 
jiar  les  décisions  de  ses  ])rédccesseurs, 
chargeait  les  chefs  de  chaque  classe, 
appelés  les  princes  des  couronnes,  de 
leur  expliquer  plus  aiuplcmeut  ce  que 


ASS 
le  maître  avait  dit  sommairement.  On 
distribuait  des  couronnes  à  ceux  qui 
s'étaient  le  plus  distingués;  puis,  As- 
ser  dictait  un  autre  traité  qu'on  devait 
étudier  le  semestre  suivant.  Le  nom-  J 
bre  de  ses  écoliers  était  de  u,4oo.  f 
C'est  du  recueil  des  matières  ainsi  dis- 
cutées ,  qu'après  avoir  enseigné  pen- 
dant soixante  ans ,  il  composa  le  Thal- 
miid de  Bahylone;  mais  ce  docteur 
étant  mort,  en  4^7  ,  il  n'eut  pas  le 
temps  de  l'achever  ;  ce  furent  ses  en- 
fants et  ses  disciples  qui  y  mirent  la 
dernière  main.  Les  juifs  le  prélèrent 
à  celui  de  Jérusalem.  C'est  une  vaste 
compilation  qui  renferme  les  tradi- 
tions ,  le  droit  canon  des  juifs,  et 
toutes  les  questions  qui  regardent  la 
loi.  La  Misne  de  Juda  le  saint ,  en 
forme  le  texte  ,  et  la  Gemmar  en  est 
le  commentaire.  On  y  a  fait  de  temps 
en  temps  des  additions.  Il  a  été  im- 
primé à  Amsterdam  ,  en  i744)  *'^^*^ 
tous  ses  commentaires  ,  \i  vol.  iu- 
ful.  T— D. 

A.SSER  (  AssERius  Menevensis), 
prélat  anglais  du  g"",  siècle,  né  dans 
le  pays  de  Galles.  Après  avoir  passé 
quelque  temps  chez  les  bénédictins 
de  St.-David,  il  vint  à  la  cour  du  roi 
Alfred  ,  qui  lui  confia  l'éducation  de 
son  fils  ,  et  le  nomma  évèque  de  Shir- 
])urn.  On  dit  que  c'est  d'après  ses  con- 
seils que  ce  monarque  fonda  l'univer- 
sité d'Oxford.  Asser  est  auteur  d'une 
Vie  du  roi  Alfred ,  jusqu'à  sa  quarante- 
cinquième  année  ,  publiée  à  Londres , 
en  1574,  Pt  réimprimée  l'année  sui- 
vante à  Zurich.  La  meilleure  édition 
est  celle  1 79.2  ,  Oxford ,  in-/|°.  On  lui 
attribue  un  autre  ouvrage  ,  publié  par 
le  docteur  Gale  ,  à  Oxford,  en  165)1  > 
sous  le  titie  A\4nnales.  Asser  a  la 
réputation  d'un  his'orien  exact  et  véri- 
dique.  11  mourut  vers  l'an  885  ,  sui- 
vant quelques  biographes ,  et  en  90Q, 
suivant  d'autres.  X — s. 


ASS 

ASSERETO,  amiral  génois  {Toy. 
Alphonse  V  ). 

ASSEZAN  (Pader  d'),  avocat  à 
Toulouse,  sa  patrie,  elait  fils  de  Hi- 
laire  Pader,  peintre  assez  estime,  et 
poète.  D'Assezan  ayant  rcmportff  trois 
ibis  le  prix  des  jeux  floraux,  crut  de- 
voir chausser  le  cothurne.  11  vmt  à 
Paris ,  se  lia  d'amitié  avec  l'abbe' 
Boyer ,  auquel  il  communiqua  son 
Agamemnon.  Ce  dernier  lui  donna 
des  conseils,  peut-être  même  fit-il 
quelques  corrections  à  cctic  pièce,  qui 
fut  représentée  en  iGSo,  imprimée  la 
même  année,  in-i'i  ,  et  dont  il  préten- 
dit ensuite  être  l'auteur.  La  pièce  eut 
du  succès,  et  d'Assezan  retourna  à 
Toulouse,  piqué,  dit-on,  des  préten- 
tions de  l'abbé  Boyer,  qui,  suivant 
quelques  écrivains,  ne  fit  ses  réclama- 
tions qu'après  le  départ  de  l'auteur. 
L'abbé  Boyer  disait  et  imprima,  dans 
la  préface  de  son  ArLaxerce ,  qu'il 
avait  prié  d'Assezan  de  lui  prêter  son 
nom.  En  1G8O,  d'Assezan  revint  à 
Paris,  et  y  fit  jouer  Aniigone,  qui  eut 
quelques  représentations.  Cette  pièce 
a  été  imprimée,  et,  dans  la  préface, 
l'auteur  détruit  les  prétentions  de 
Boyer  sur  Agamemnon.  D'Assezan, 
revenu  à  Toulouse,  y  mourut  vci's 
i6c)G.  A.  B — T. 

ÀSSHETON  (Guillaume),  théo- 
loden anglican,  né  en  i64i,àMid- 
dleîon,  dans  le  comté  de  Lancastre, 
réunissait  à  quelques  talents  et  à  des 
vertus  réelles,  une  teinte  de  fanatisn»e 
et  de  superstition.  On  lui  a  reproché 
d'avoir  écrit  en  faveur  du  roi  Guillau- 
me, après  avoir  montré  un  zèle  ardent 
pour  la  cause  de  Jacques  II.  Ce  qui  lui 
fait  le  plus  d'honneur,  c'est  un  projet 
de  secours  de  bienfaisance ,  (pt'il  pro- 
posa en  faveur  des  veuves  des  ecclé- 
siastiques, et  les  soins  qu'il  scdoiuia 
pour  le  faire  réussir.  Il  est  auleurd'iui 
grand  nombre  d'ouvrages,  dont  les 


ASS  587 

principaux  sont  :  I.  La  Tolérance 
désapprouvée  et  condamnée  ,  etc. , 
Oxford,  iG-ijo;  II.  ï Apologie  rojale 
(en  faveur  de  .Jacques  II),  Londres, 
i685  ;  III.  Apologie  de  leurs  majes- 
tés actuelles  (le  roi  Guillaume  et  la 
reine  Marie),  Londres,  iG88;IV.  la, 
possibUité  des  apparitions.  Les  au- 
tres ouvrages  de  ce  théologien  se  com- 
posent de  quelques  traités  de  piété,  tt 
de  beaucoup  d'écrits  de  controverse, 
dirigés  contre  les  papistes  et  les  dissi- 
dents. Il  mourut  à  Beckenham,  eu 
1 7  1 1 ,  dans  la  70".  année  de  son  âge. 
X— s. 
ASSOUCY  ou  DASSOUCY  (  Chau- 
les Ce  Y  PEAU  d'),  né  à  Paris,  vers 
Tau  ifio4,  eut  une  jeunesse  très-de'- 
sordonnée.  A  l'âge  de  neuf  ans^  il  quitta 
la  maison  de  son  père,  qui  était  avo- 
cat au  parlement ,  et  se  rendit  à  Calais, 
où  il  se  donna  pour  un  fils  de  César 
Nostradamus,  et  guérit  par  stratagè- 
me, un  malade  d'imagination.  Le  peu- 
ple ayant  voulu  le  jeter  à  la  mcr^ 
comme  sorcier,  il  se  réfugia  en  Angle- 
terre. Comme  il  jouait  du  luth  et  faisait 
des  chansons,  à  son  retour  en  France, 
M""".  Royale,  fille  de  Henri  IV,  et 
femme  du  duc  de  Savoie,  le  prit  à  son 
service  pour  qu'il  la  divertît.  Ensuite, 
il  exerça  la  même  charge  auprès  de 
Louis  XI II  et  de  Louis  XIV,  enfant, 
à  qui  il  lisait  ses  vers  burlesques. 
Étant  retourné  à  la  cour  de  Turin,  il 
y  essuya  quelques  disgrâces,  et  la 
quitta  de  nouveau.  11  se  mit  à  eirer  eu 
Italie  et  en  France,  escorte  de  deux 
petits  pages  de  musique,  qui  exécu- 
taient ses  chansons,  et  partout  il  eut 
de  fâcheuses  aventui'cs.  Il  fut  empri- 
sonné à  Moulpellicr,  pour  avoir  mal 
parlé  de  plusieurs  damés  considéra- 
bles de  celte  ville,  t'n  nommé  Loret, 
auteur  de  la  Gazette  burlesque  , 
écrivit  qu'on  l'y  avait  condamné  au 
feu,  pour  un  criir.c  qui  est  eu  abomi- 


58S  ASS 

nation  parmi  les  femmes.  Cbapelle  et 
Bacliaumont  fireut  malignement  usage 
de  cette  nouvelle ,  dans  la  relation  de 
leur  voyage.  D'Assoucy  s'en  vengea , 
en  imputant  à  Chapelle  le mêmecrime. 
A  Rome,  il  fuî  jeté  dans  les  prisons  du 
Saint-Ofîlce,  pour  avoir  cent  des  cho- 
ses très-raordanlcs  contre  des  prélats 
en  crc'dit,  et,  pendant  sa  captivité,  il 
composa  un  livre  de  Pensées  sur  la 
Divinité.  Le  pape  lui  rendit  la  liberté' , 
et  lui  donna  sa  bénédiction ,  des  mé- 
dailles et  des  indulgences.  Étant  revenu 
à  Paris,  il  fut  mis  à  la  Bastille,  et  de 
là  au  Chàtelet,  avec  ses  deux  petits 
pages ,  qui  donnaient  toujours  lieu  à 
d'étranges  soupçons.  Cette  nouvelle 
détention  dura  six  nioisj  quatre  ans 
après,  il  mourut,  vers  1Ô79,  âgé 
d'environ  soixante-quatorze  ans.  Ses 
ouvrages  sont  :  I.  Y  Ovide  en  belle 
humeur;  II.  le  Ravissement  de  Pro- 
serpine ,  traduit  de  Claudicn,  en  vers 
burlesques  ;  III.  un  Recueil  de  poésies 
et  lettres ,  contenant  diverses  pièces 
héroïques ,  satiriques  et  burlesques  ; 
im  autre  de  rimes  redoublées,  sur 
difierents  sujets;  IV.  ses  Aventures 
d'Italie,  sa  Prison  de  Paris,  et  ses 
Pensées  dans  le  Saint-  Office  de 
Rome.  Boileau  ayant  dit  de  lui,  dans 
Y  Art  poétique  : 

El  jusqu'à  d'Assoucy,   tout  trouva  des  lecteurs, 

il  fut  très-sensible  à  ce  trait  de  satire, 
et  s'écria  douloureusement  :  «  qu'on 
voulait  faire  déchoir  de  ses  honneurs, 
Charles  d'Assoucy,  empereur  du  bur- 
lesque, premier  du  nom.  »  Il  se  donne 
pour  le  maître  de  Chapelle,  et  l'ami 
de  Molière,  qui,  s'il  faut  l'en  croire, 
n'a  pas  dédaigné  de  mettre  la  main  à 
l'une  de  ses  chansons.  Il  est  fort  infé- 
rieur à  Scarron,  daus  un  genre  misé- 
rable, où  la  supériorité  même  est  hou- 
leuse. A — G — R. 

ASSUÉRUS ,  roi  de  Perse  ,    cé- 
lèbre daus  rÉcriture-Saintc  par  son 


ASS 

mariage  avec  Esther ,  et  par  le  sup- 
plice d'Aman.  Les  savants  sont  peu 
d'accord  sur  celui  des  rois  de  Perse 
auquel  ce  nom  appartient.  Les  uns 
pensent  que  c'est  à  Darius,  fils  d'Hys- 
tapes  ;  les  autres,  que  c'est  à  Xercès  , 
et  d'auties  enfin  ,  que  c'est  à  Artaxer- 
ccs  Mnénion.  L'opinion  commune  est 
pour  Artaxercès-Longuc-Main.  Cette 
opinion  est  fondée  sur  la  version  des 
Septante  du  Livre  d' Esther ,  sur  les 
additions  de  cette  version  au  même 
livre  ,  sur  l'historien  Joscphe  ,  et  sur 
les  diverses  circonstances  de  la  vie 
d'Assuérus  ,  rapportées  dans  ces  an- 
ciens monuments ,  qui  ne  peuvent 
convenir  qu'à  Artaxerces  -  Longue  - 
Main.  T — d. 

ASSUMPÇ\0  (D.  JoACHiM  de), 
chanoine  régulier  de  la  congrégation 
de  Ste.-Croix,  membre  de  l'académie 
royale  des  sciences  de  Lisbonne,  et  un 
des  meilleurs  physiciens  du  Portugal, 
est  mort  à  l'âge  de  quarante  ans,  en 
\  -jqS  ,  laissant  imparfaits  des  travaux 
qui  lui  auraient  procuré  une  grande  ré- 
putation en  Europe,  s'il  avait  eu  le 
temps  de  les  terminer.  11  reste  de  lui, 
des  Mémoires  sur  des  phénomènes 
électriques,  et  la  description  des  con- 
ducteurs et  de  l'armure  métaUiquc, 
moyennant  laquelle  on  a  préservé  des 
rflets  de  la  foudre  le  château  royal  de 
Mafra  ,  qui,  à  cause  de  sa  situation  et 
du  genre  de  son  architecture,  était 
expose  à  de  fréquents  accidents.  C'est 
d'Assumpçao  qui  avait  imaginé,  et  qui 
fit  exécuter  ce  travail,  le  plus  remar- 
quable dans  ce  genre.  Il  a  aussi  pu- 
blié des  observations  météorologiques 
d'une  grande  exactitude,  et  il  a  été 
peut-être  le  premier  (jui  ait  cherché  à 
lier  à  cette  sorte  d'observations,  les 
mouvements  de  la  population.  Sa 
mort ,  causée  par  un  excès  de  travail , 
fut  vivement  rrgieltéo,  à  cause  des 
grandes  cspéiauces  qu'il  dounait,  et 


AST 

de  l'améiilte  de  son  caractère.  Ses 
connaissances  étaient  très  -  étendues 
dans  d'autres  sciences,  comme  en  phy- 
sique; mais  il  avait  un  zèle  extraordi- 
naire pour  propager  le  goût  de  celle- 
ci,  et  il  était  parvenu  à  l'inspirer  aux 
princes  de  la  maison  royale ,  et  même 
aux  courtisans.  C — S — a. 

ASTELL  (  Marie  ) ,  savante  an- 
glaise ,  née  à  Newcastle ,  sur  la  Tyne , 
en  1668,  était  fille  d'un  négociant  de 
cette  ville.  Un  ecclésiastique,  son  pa- 
rent, se  chargea  de  son  éducation.  Ins- 
truite dans  la  philosophie ,  les  mathé- 
matiques ,  la  logique  J  et  dans  les  lan- 
gues grecque,  latine  et  française ,  elle 
vint  à  Londres  à  l'âge  de  vingt  ans. 
Elle  y  publia  divers  ouvrages,  dont  les 
principaux  sont  :  I,  Lettres  concer- 
nantV amour  divin,  i6g.5,  in-8\  ;  II. 
Essai  de  Défense  du  Sexe  féminin, 
1696;  III.  Proposition  sérieuse, 
adressée  aux  femmes ,  contenant 
une  méthode  pour  le  perfectionne- 
ment de  leur  esprit,  vn-i'i ,  1697  > 
IV.  Réflexions  sur  le  Mariage,i'j  00 
et  1 705 ,  in-8".;  V.  la  Religion  chré- 
tienne professée  par  une  fille  de 
r Eglise  d^ Angleterre ,  1 706 ,  in- 8"  ; 
VI.  six  Essais  familiers  sur  le  ma- 
riage ,  les  contrariétés  en  amour  et 
en  amitié ,  écrits  par  une  dame , 
1706,  in- 12.  Marie  Astell  mourut , 
en  1751  ,  après  avoir  souffert  l'opé- 
ration cruelle  du  cancer  au  sein.  X — s. 

ASTEMIO  (  Laurent).  F.  Aeste- 

MIUS. 

ASTÈRE,  ou  ASTÉRIUS  (S.), 
métropolitain  d'Amasée  dans  le  Pont , 
s'appliqua,  dans  sa  jeunesse,  à  l'é- 
tude des  belles-lettres,  de  l'éloquence, 
du  droit,  et  parut  au  barreau  avec 
distinction.  Ayant  ensuite  renoncé  à 
tous  les  avantages  que  ses  talents  lui 
promettaient  dans  cette  profession  , 
il  entra  dans  l'état  ecclésiastique ,  et 
succéda ,  vers  la  fia  d«  4^  siècle ,  k 


AST  589 

Eulalius,  sur  le  siège  d'Amasée.  Il  sn 
montra,  dans  cette  place,  très-zélé 
pour  la  pureté  de  la  foi ,  très-attentif 
à  instruire  les  peuples  confiés  à  ses 
soins,  et  mourut,  dans  un  âge  avancé, 
peu  après  le  commencement  du  5''. 
siècle.  Photius  le  qualifie  de  bienheu- 
reux. Adrien  II  parle  de  l'estime  qu'on 
avait,  dans  tout  l'Orient,  pour  sa  per- 
sonne et  ses  écrits ,  et  le  septième  con- 
cile œcuménique  le  considère  comme 
un  des  pères  de  la  tradition  ecclésias- 
tique ,  ce  qui  le  fait  compter  au  nombre 
des  docteurs  de  l'Eglise.  On  trouve  , 
dans  Y Auctuarium  du  P.  Combefis , 
quatorze  sermons,  qui  sont  incontes- 
tablement de  S.  Astère.  Cotelier  eu  a 
fait  imprimer  sept  autres  sous  son 
nom  ,  qui  paraissent  appartenir  à  un 
Astère  différent  de  l'archevêque  d'A- 
masée. Il  en  avait  composé  un  grand 
nombre  qui  ne  nous  sont  point  par- 
venus. Photius  nous  a  seulement  con- 
servé les  extraits  de  six.  Ceux  qui  nous 
restent  ont  été  traduits  en  français  par 
l'abbé  de  Bellegarde,  Paris,  iGqi  , 
in-8°.  M.  de  Maucroix  a  traduit  V Ho- 
mélie sur  le  martyre  de  Sle.  Eu- 
phémie.  Malgré  quelques  termes  ex- 
traordinaires, et  cette  éloquence  asia- 
tique qui  approche  de  la  diffusion , 
on  y  remarque  de  belles  pensées,  des 
réfiexions  justes  et  solides,  des  tours 
naturels,  des  expressions  élégantes, 
de  la  vivacité,  de  la  variété,  de  l'agré- 
ment dans  les  descriptions.  La  doc- 
trine en  est  partout  exacte  et  la  morale 
pure  :  dans  son  Sermon  sur  S.  Pierre 
et  S.  Paul,  il  établit  formellement  la 
primauté  de  jurisdiction  du  successeur 
des  saints  apôtres  en  Orient  et  ea 
Occident.  Dans  le  Panégyrique  de 
S.  Phocas,  martyr,  il  s'exprime, 
comme  le  fait  encore  aujourd'hui  l'É- 
glise catholique ,  sur  l'invocation  des 
saints ,  sur  le  culte  des  reliques ,  et 
sur  les  miracles,  —  Deux  Asténus 


5go  A  S  T 

sont  morts  martyrs  dans  les  pre- 
miers siècles  du  christianisme  ;  et  un 
autre  saint  du  même  nom  fut  évêque 
de  Pe'tra  ,  en  Arabie ,  dans  le  4'  •  siècle. 
Après  avoir  partage  les  erreurs  d'A- 
rius,  il  rentra  dans  le  sein  de  l'Église. 
S.  Athanase  a  fait  l'éloge  de  ce  prélat 
dans  sa  Lettre  aux  solilnires.  Le 
même  saint  père  parle  aussi  d'un  rhé- 
teur de  ce  nom,  qu'il  appelle  ïai^ocat 
des  ariens.  ï — d. 

ASÏESANO  (  A^-ToiNE  d'  ) ,  né  en 
i4i2,  à  Yillanuova,  ancien  château 
dans  le  territoire  d'Asti ,  en  Piémont , 
écrivit  en  vers  élégiaqucs  Yffistoire 
d'Asti,  sa  patrie;  elle  est  divisée  en 
six  livres.  Il  annonce,  au  commence- 
ment, qu'il  voulait  la  conduire  jusqu'au 
temps  où  il  vivait,  c'est-à-dire  ,  au 
milieu  du  i5''.  siècle:  mais  ce  qui 
nous  en  reste ,  et  qui  a  été  publié 
par  Muratori ,  Scrip.  Benmi  Ital. , 
vol.  XIV,  ne  va  que  jusqu'à  l'an 
1542.  Il  emploie  le  i".  livre  et  une 
partie  du  -x^. ,  à  parler  de  lui-même  et 
des  vicissitudes  de  sa  vie  ,  et  ce  récit 
est  fait  avec  un  air  de  sincérité  qui 
donne  du  plaisir  à  le  lire ,  quoique  le 
fond  en  soit  de  peu  d'intérêt.  Cette 
Histoire  est ,  en  grande  partie,  com- 
posée d'après  les  anciennes  chroniques 
d'Oger  Allieri  et  de  Guill.  Ventura, 
insérées  ,  par  Muratori ,  dans  le  i  T". 
vol.  du  même  recueil.  On  doit  re- 
gretter de  n'avoir  poiut  la  partie  où 
i'auleur  traitait  des  événements  dont 
il  fut  le  témoin  ,  soit  qu'il  ne  l'ait  pas 
composée ,  soit  qu'elle  se  soit  perdue. 
G  -  É. 

ASTLE  (Thomas),  antiquaire 
anglais  du  i8^  siècle,  mort  en  i8o3, 
est  auteur  de  divers  écrits  concer- 
nant l'histoire  et  les  antiquités  de  son 
pays,  imprimés  dans  les  tomes  IV, 
VII,  X,  Xll  et  XIII  de  XArchœo- 
logia  Brilarmica  [  Mémoires  de  la 
■Société  des  .Antiquaires  de  LQodi-es }. 


AST 

Il  a  publié  séparément  :  I.  le  Testa- 
ment du  roi  Henri  VIII ,  i''75  , 
in-4"r  j  II'  l  Origine  et  les  Progrès 
de  VEcrilure  Iderogljphique  et  élé- 
mentaire ,  avec  des  planches  gra- 
vées, suivie  d'un  Précis  sur  l'ori- 
gine et  les  progrès  de  la  Peinture  , 
i'^84,  in- 4"-  Une  nouvelle  édition 
de  cet  ouvrage  a  paru  en  i8o3. 
X— s. 
ASTOLPHE,  roi  Lombard,  troi- 
sième fils  de  Penuone,  duc  de  Frioul, 
succéda,  en  749  ?  àRachls  son  frère, 
sur  le  trône  des  Lombards.  Ses  pré- 
décesseurs avaient  eu  constamment  à 
lutter  contre  les  intrigues  et  la  perfidie 
des  exarques  de  Ravenne  et  des  Grecs, 
qui  occupaient  encore  une  partie  de 
l'Italie.  Astolphe  résolut  de  les  en 
chasser.  Il  enleva ,  en  75 1  ,  Ravenne 
à  Eutichius,  le  dernier  des  exarques  ; 
il  conquit  également  la  Pentapole ,  il 
soumit  ristrie ,  et  il  porta  ensuite  ses 
armes  dans  le  duché  de  Rome;  mais  le 
pape  Etienne  II ,  qui  voulait  conser- 
ver au  St.  -  Siège  la  haute  influence 
qu'il  exerçait  dans  Rome ,  sous  l'au- 
torité des  empereurs  de  Constantino- 
ple ,  s'adressa,  en  755,  à  Pépin  , 
qu'un  pape  avait ,  l'année  précédente  , 
reconnu  pour  roi  de  France  ,  au  pré- 
judice de  Chilpéric.  Etienne  se  rendit 
lui-même  à  Paris,  auprès  de  Pépin, 
qui  saisit  avec  empressement  une  oc- 
casion de  plaire  au  pape,  et  d'enri- 
chir en  même  temps  ses  soldats  des 
dépouilles  de  l'Italie.  Il  y  conduisit  une 
armée  en  754;  il  mit  le  siège  devant 
Pavie,  et  il  contraignit  Astolphe  à  pro- 
mettre au  pape  la  restitution  de  l'exar- 
chat à  l'empereur.  Les  rois  Lombards, 
sans  doute  à  cause  de  la  grande  indépen- 
dance de  leurs  feudataires  ,  ne  pou- 
vaient jamais  rassembler  leurs  armées 
à  temps  pour  résister  à  une  invasion; 
mais ,  après  la  retraite  du  roi  français , 
Astolphe  trouva  ses  sujets  uou  moius 


AST 

lionlcux  mie  lui  de  la  paix  qu'il  avait 
été  contnùnt  à  signer;  il  recommença 
donc,  à  leur  prière,  les  hostilités,  et 
il  vint,  eu  705,  mettre  le  sie^j^je  de- 
vant Rome.  Etienne,  de  son  côte,  eut 
recoursunesecondefois  à  la  piofcction 
de  Pépin  ;  il  ne  se  contenta  pas  d'c'ciire 
lui  -  même  au  roi  et  à  la  nation  ,  il  fit 
pantître  une  lettre  de  l'apôtre  S. 
Pierre,  qui  invitait  les  Français  à  dé- 
fendre l'Église,  en  menaçant  leur  tié- 
deur des  peines  ëterueiles.  Pépin  ren- 
tra en  eft'ct  en  Italie,  sans  qu'aucune 
armée  lui  en  disputât  le  chemin;  il 
assiégea  une  seconde  fois  Astolphe 
dans  Pdvic,  et  il  le  contraignit  à  faire 
présent  à  S.  Pierre  de  toutes  les  villes 
de  l'exarchat  et  de  la  pentapole.  Jus- 
qu'alors il  n'avait  été  question  que  de 
les  recouvrer  pour  l'empire  grec ,  et 
Consiautin  Copronime  réclama  vai- 
nement à  cette  nouvelle  ,  contre  la  do- 
nation de  provinces  qui  n'apparte- 
naient point  encore  au  donateur.  Les 
clefs  de  toutes  les  villes  enlevées  aux 
Grecs  furent  déposées  sur  l'autel  de 
S.  Pierre  ,  et  leui  s  otages  fureiiJ  con- 
duits à  Rome.  Il  ne  paraît  pas  cepen- 
dant que  la  souveraineté  des  papes 
ait  été,  dans  cette  occasion,  Lien  éta- 
blie dans  l'exarchat.  Ils  recommen- 
cèrent bientôt  à  se  plaindre  de  ce  que 
les  villes  qui  leur  avaient  été  promises 
ne  leur  étaient  point  livrées  ,  et  ils 
formèrent  contre  Didier  ,  successeur 
d' Astolphe ,  les  mêmes  plaintes  qu'ils 
avaient  formées  contre  lui.  Astolphe, 
renversé  à  la  chasse  par  un  sanglier, 
en  "JJ^,  mourut  de  ses  blessures, 
trois  jours  après  sa  chute,  sans  laisser 
d'entants.  S.  S—i. 

ASTORGA.  Fox.  Alva. 

ASTGRI  (  Jean-Antoine  ) ,  né  à 
Venise,  le  i  G  janvier  1672,  l'un  des 
plus  savants  littérateurs  du  commen- 
cement du  1 8*".  siècle ,  s'adonna  île 
bonne  heure  à  l'étude  dç  b  langue 


AST  Sgt 

latine,  des  belles-lettres,  du  dessin  et 
de  la  musique.  Après  avoir  fait  soa 
cours  de  philosophie  ,  il  étudia  la 
langue  grecque,  dans  laquelle  il  fit  les 
plus  grands  progrès.  Ayant  perdu  ses 
parents,  en  1698,  il  entra  dans  les 
ordres  ;  son  mérite  lui  attacha  des 
protecteurs ,  qui  luioffrirent  des  ])laces 
que  l'amour  des  lettres  lui  fît  refuser; 
il  fut  me mjjre,  et  même  secrctaii-e  de 
l'académie  des  Animosi  de  Venise  ; 
il  fut  aussi  de  celle  des  Arcades  de 
Rome  ,  sous  le  nom  de  Demade 
Olimpico.  Il  était  en  commerce  de 
lettres  avec  un  grand  nombre  de  sa- 
vants ,  tant  italiens  qu'étrangers ,  et 
compta  ,  au  nombre  de  ses  amis , 
Alexandre  Rurgos,  évêque  de  Catania, 
Dom,  Guglielmini,  Mich.  Ange  Far- 
della ,  l'abbé  Dom.  Lazzarini ,  Apos- 
tolo  Zeno,  le  marquis  Scipion  MaiTei, 
J.  Poleni ,  J.  B.  Morgagni ,  c\^. ,  etc. 
Astori  fut  d'abord  maître  de  chceur  et 
de  cérémonie ,  ensuite  .chanoine  de 
l'église  ducale  de  St.-Marc  ;il  mourut 
le  ^5  juin  1 745  >  e'  fi't  enterre  dans 
l'église  des  pères  de  l'Oratoire.  On  a 
de  lui  I.  Commentariolum  in  anti- 
quum  Aicmanis  poëtce  laconis  mo- 
numentum  ,  \  enise  ,  1697  ,  in-fol. 
Cet  ouvrage ,  dédié  par  l'auteur  au 
célèbre  Magliabecchi ,  se  trouve  encore 
dans  le  tome  II  de  la  Galleria  di 
Minejva,  Venise  ,  1697  '  '"'f^l-?  et 
fut  de  nouveau  publié  par  Sailengre  , 
tom.  II  du  IVoi'us  Thésaurus  anti- 
quitatum  Bomanarum  ,  La  Haye, 
1718,  iu-fol.  II.  De  Deo  Brotonle 
Epistola ,  dans  le  tome  II  de  la  Gal- 
leria diMinerva.  Cette  dissoi  tation  fui 
faite  à  i'occasiou  d'un  buste  de  marbre 
qui  portait  cette  inscription  :  Bono  Deo 
JJrotonti ,  qu'on  doit  lire  Brontonli  , 
c'esl-à-dii'e,  Jovi  Tonanli,  Deo  Do- 
mestico  sacniin.  Cette  dissertation  a 
aussi  été  reimprimée  d;uis  Salleugi*  , 
tow,  Jl  du  rçcueil  ci-dessui.  lU,  Plu- 


r^ç)i  A  s  T 

sieurslettres  en  forme  de  disserrations, 
sur  des  médailles  ,  des  stafurines , 
telles  que  sur  le  dieu  Télesphore, 
sur  les  dieux  Cabires  ,  etc. ,  insérées 
dausdiversescoileclions;ÏV.7l/fl7jmi, 
iragœdia  sacra  musice  recitanda^ 
etc.  ,  Venise,  171"),  sans  nom  d'im- 
]>rinieur  ;  V.  Supplices  ,  trugœdia 
sncra  ,  Venise  ,  j  7  1 3  ,  sans  nom 
d'imprimeur  ;  VI.  enfin  ,  plusieurs 
cpu.scules  grecs,  latins  et  italiens,  en 
prose,  et  même  en  vers,  épars  dans 
divers  recueils;  on  croit  aussi  qu'il 
avait  traduit  eu  italien  le  Traité  du 
Sublime  de  Longin  ;  cette  traduction 
était  même  annoncée  dans  Le  tom.  !"■. 
di;  la  Galleria  di  Minerva  ,  mais  elle 
n'a  jamais  paru.  G — e. 

ASTRAMPSYCHUS,  auteur  d'un 
petit  ouvrage  en  vers  iambiques  sur 
l'explication  des  songes ,  qu'on  trouve 
en  grec  et  en  latin  à  la  suite  d'Arté- 
midore,  dans  l'édition  donnée  par  Ri- 
gault.  11  axdM  aussi  écrit,  suivant 
Suidas ,  un  Traité  sur  les  maladies 
des  dues.  L'époque  à  laquelle  il  a 
vécu  nous  est  absolument  inconnue  ; 
on  voit  seulement  par  sou  style  qu'il 
était  du  Bas- Empire.  C — R. 

ASTRONOME  (l')  est  le  nom 
sous  lequel  on  désigne  un  écrivain 
du  g*",  siècle  qui  était  savant  en  as- 
tronomie ,  et  qui  a  laissé  une  Fie  de 
Louis-le-Débonnaire.  Cet  ouvrage, 
très-souvent  imprimé,  et  qu'on  trouve 
dans  les  Recueils  de  Pithou,  de  Reu- 
ber ,  de  Freher ,  de  Du  Chesne ,  de 
dom  Bouquet,  a  été  traduit  en  fran- 
çais par  le  président  Cousin ,  dans  le 
tome  l*""".  de  son  Histoire  de  Vempire 
d'Occident.  «  Cette  Fie  de  Louis- 
5)  le-Débonnaire  est,  dit  l'abbé  Le 
i>  Gendre,  ce  que  nous  avons  de  mcil- 
»  leur  sur  le  règne  de  ce  prince  :  ses 
»  mœurs,  ses  inclinations  et  ses  dif- 
))  férentes  aventures  y  sont  décrites 
»  fort  au  long  ,  surtout  depuis  qu'il 


AST 
»  fut  empereur.  »  Kile  commence  en 
778,  à  la  naissance  de  Louis,  et  vient 
jusqu'en  ^\o  ,  époqi;e  de  sa  mort. 
L'auteur  dit,  dan^  sa  préface ,  que  ce 
qu'il  dit  de  Louis-!e-Déb<>nnaire,  avant 
son  avènement  au  trône,  il  l'a  ap- 
pris d'Ademar,  religieux  élevé  avec 
ce  prince,  et  qu'il  a  su  le  reste  par 
lui-même,  étant  à  la  cour,  et  l'avant 
vu  de  ses  propres  yeux.      A.  B — t. 

ASTRUC(Jean),  médecin  distin- 
gué du  1 8  .  siècle  ,  naquit  à  Sauves , 
dans  le  bas  Languedoc,  le   19  mars 
i684-  Il  fit  ses  études  à  MoLtpellier,  et 
manifesta  de  bonne  beiu-e  cette  force 
de  mémoire ,  et  ce  degré  de  rectitude 
dans  l'esprit  qui ,  appliqué  aux  don- 
nées certaines  que  présentent  les  livres, 
fait  arriver  à  de  grands  succès  d'éru- 
dition. C'est  aussi  à  Montpellier  qu'il 
étudia  la  médecine,  et  dans  la  faculté 
de  cette  ville  qu'il  fut  reçu  au  bacca- 
lauréat en  i  70  2,etaudoctorateni7o5. 
Le  système  mécanique  de  Boërliaave 
s'établissait  alors  peu  à  peu  sur  les 
théories  cliimiques  de  Silvius  de   le 
Boë,  de  Graaf  et  de  Willis.  Astruc, 
que  la  nature  avait  doué  d'un  esprit 
droit ,  mais  non  assez  actif  pour  pres- 
sentir de  lui-même  aucune  liante  vé- 
rité, suivit  cette  fausse  impulsion,  et 
dans  tout  le  cours  de  sa  longue  et  la- 
borieuse carrière ,  s'il  se  montra  pro- 
fond et  habile  dans  la  science  des  li- 
vres ,  il  resta  fort  en  arrière  dans  la 
voie  rigoureuse  de  l'obsei-vation  et  de 
l'expérience  ;  en  un  mot ,  sa  méde- 
cine spéculative  et  pratique ,  au  lieu 
d'être  hippocratique  ,  staaiienne  ,  vi- 
tale, fut  entièrement  mécanique  et  ma- 
thématique. Cependant  ,  peu  d'hom- 
mes ont  obtenu  parmi  leurs  contempo- 
rains  une  aussi  grande  réputation  ; 
Astruc,    sous   le  rapport  théorique  , 
la  dut  d'abord  à  son  éloquence  natu- 
relle, et  à  un  esprit  de  méthode  qui , 
lui  faisant  diviser  les  sujets  qu'il  vou- 


AST 

lait  développer ,   le   faisait  marcher 
d'iiiie  division  à  l'autre  par  des  défi- 
nitions rigoureuses  ,  ce  t(ui  le  rendait 
un  professeur  séduisant,    en  nième 
temps  que  sou  zèle  pour  l'ctude  et  sa 
prodigieuse  mémoire  en  faisaient  un 
homme  érudit  ;  et ,  sous  le  rapport 
pratique ,  à  un  esprit  de  réserve  et  de 
circonspection  qui  prescrit  le  plus  sou- 
vent au  médecin  ,  dans  les  maladies , 
une  sage  expectation ,  par  laquelle  il 
remplace,  tant  bien  que  mal,  cette  pré- 
cieuse, mais  rare  quaiité  du  tact  médi- 
cal. Astruc  n'avait  ,  dans  la  théorie, 
aucune  de  ces  vues  grandes  qui  pénè- 
trent jusqu'aux  bases  profondes  d'une 
philosophie  de  la  médecine,  n'  dans 
la  pratique  ce  coup  d'œil  rapide  et  sûr 
qui  juge  de  suite  et  sans  risque  de 
la  moindre  erreur,  les  mouvements 
de  la  nature  dans  les  maladies.  Cela, 
en  effet;  ne  se  retrouve  dans  aucun 
des  nombreux  écrits  qu'il  a  composés. 
D(îs  170-^,  il  publia  une  Dissertation 
De  mollis  fermenlativi  causa,  Moiit- 
pellier,  in- 1 'i ,  sur  l'effervescence,  qu'il 
expliquait  par  un  fluide  subtil,  selon  la 
philosophie  cartésirnne,  théorie  fautive 
coinnie  ou  le  voit,  mais  dans  l'exposition 
de  laquelle  onreconnaîîdéjà  ce  mérite 
particulier  à  l'auteur,  de  séduire  ses 
lecteurs  par  une  marche  tellement  mé- 
thodiijue ,  qu'elle  fait  croire  à  l'évi- 
dence des  résultats,  comme  à  la  sévé- 
rité des  raisonnements.  L'illustreVieus- 
sens  la  jugea  digne  d'une  criiique  pu- 
Llique,  à  laquelle  répondit ,  sinon  vic- 
torieusement ,    au    moins   avec   mo- 
destie, notre  jeune  auteur.  De  i^od 
à  1710,  Astruc  se  livra  à  des  études 
solitaires,  passant  en  revue  tout  le  ma- 
tériel  de  l'art  ;  cependant ,   il  com- 
mença à  y  faire  une  application  des 
i       mathématiques ,  apphcation  plus  spé- 
cieuse que  solide ,  et  dans  laquelle  il 
suivait  l'exemple  de  ses  maîtres  Bo- 
fclli  et  Belliai  ^  il  imprima  sculcmeut 
n. 


AST  595 

deux  Mémoires,  parmi  ceux  de  l'aca- 
démie des  sciences  de  ^ïonlpellier , 

1708,  un  sur  les  Pétrifications  de 
Boutonnet ,  petit  village  près  de  Mont- 
pellier, et  un  intitulé  :  Conjectures 
sur  le  redressement  des  plantes  in- 
clinées à  V horizon.  Il  commença  aussi 
alors  la  carrière  de  l'enseignement, 
et,  pendant  les  années  1707,  1708  et 

1709,  occupa  la  chaire  de  Chirac, 
appelé  à  l'armée.  En  1710,  il  publia 
une  Dissertation  physico- mathémati- 
que sur  le  mouvement  musculaire , 
Dissertatio  ph^sica  de  motu  mus- 
culari,  Montp.,  in-1'2,  écrite  dans 
les  faux  principes  de  Borelli  ;  mais 
d'une  élégance  de  style  dont  l'école 
de  Montpellier  présentait  alors  peu 
d'exemples.  Cette  même  année,  il  lut 
encore  à  la  société  dt;s  sciences  de 
Montpellier  une  Dissertation  sur  la 
iligestion  ,  Mémoire  sur  la  cause  de 
la  digestion  des  aliments ,  Montp. , 
in-4". ,  qui,  plus  tard,  occupa  beau- 
coup le  monde  savant.  En  171  i,  il 
obtmt,  au  concours,  une  chaire  d'a- 
uatomie  dans  l'université  de  Toulouse, 
et  c'est  dans  cette  ville  que  parut  son 

Traité  de  la  cause  de  la  digestion^ 
Toulouse ,  17 14?  in-4".  I^  y  renverse 
la  doctrine  des  mécaniciens,  à  la  tête 
desquels  était  Pitcarn,  qui  établit  ia 
trituration  comme  l'essence  de  cette 
fonction  ;  mais  c'est  pour  y  substituer 
une  hypothèse  aussi  gratuite,  la  fer- 
mentation. Le  médecin  écossais  réfuta 
Astruc,  et  même,  sous  le  nom  d'un 
de  ses  disciples,  Thomas  Boër,  lui 
prodigua  des  injures  ;  notre  docteur 
ne  resta  pas  muet  ;  ses  Epistolce 
Joan.  astruc  ,  quibus  responde- 
tiir  epistolari  dissertalioni  Thomce 
Boeri  de  concoctione  ,  Toulouse , 
I  7 1 5,  parurent;  et  si,  de  nos  jours,  oa 
trouve,  avec  raison,  la  cause  d' Astruc 
aussi  mauvaise  que  celle  de  son  anta- 
goniste ;  au  moins  peut-on  le  citer 

58 


59  i  AST 

comme  un  modèle  de  bienséance  dans 
les  controverses.  Cependant,  la  répu- 
tation d'Astriic  s'établissait,  et,  dès 
1715,  elle  était  telle,  que  Chirac,  qui 
occupait  la  première  place  de  son 
é!at,  le  prit  pour  juge,  dans  une  dis- 
cussion scientifique  qui  s'était  élevée 
entre  lui  et  Vieussens,  et  lui  pardonna 
même  de  leur  avoir  démontré  qu'ils 
avaient  également  tort.  En  17  16,  il 
eut  enfin  une  chaire  à  Montpellier,  et 
établit  alors  sa  réputation  comme  pro- 
fesseur, fondée,  comme  nous  l'avons 
dit,  sur  cette  qualité  de  son  esprit  qui 
le  portait  sans  cesse  à  diviser  ses  ma- 
tières ,  et  à  parcourir  ensuite  chaque 
division  par  des  définitions  précises. 
Livré  tout  entier  à  l'enseignement, 
il  ne  publia  rien  jusqu'enS7'25,  si 
ce  n'est  quelques  thèses  qu'il  présida, 
savoir  :  Dissertado  de  ani  Jistiild, 
Montpellier,  1718,  in-  i.î;  Dis- 
serlatio  medica  de  hjdrophobid , 
1 720,  et  certaines  autres  sur  la  méta- 
physique, science  qu'il  cultivait  avec 
.>ttrait ,  mais  dans  laquelle  il  ne  porta, 
])as  plus  que  dans  les  autres,  ce  génie 
d'observation  qui  y  est  peut-être  en- 
core plus  nécessaire,  et  qui  seul  la  fé- 
conde ;  Vissertatio  de  sensatione , 
Montpellier,  1720,  in-8'.;  Questio 
medica  de  naturali  et  prœlematii- 
rnli  judicio  exercitu ,  id.  ;  Disputalio 
de phaiiiasid  et  imaginalione ,  IVIont- 
jK'llior,  1 7'25 ,  iu-8  '.  Ces  divers  écrits 
do  métaphysique  devaient  être  fondus 
dans  un  ouvrage  général,  où  il  expo- 
sait une  phvsique  des  sens,  et  qu'il 
intitulait  :  De  Animisùcd.  La  cour, 
instruite  alors  des  travaux,  et  du  zèle 
d'Astruc,  le  récompensa  par  une  pen- 
sion de  700  livres,  et  par  l.i  place 
d'inspecteur  des  eaux  minérales  du 
Languedoc.  La  peste,  qui  ravageait 
alors  iMarseille  et  le  midi  de  la  France , 
vint  bientôt  fournir  à  Astruc l'occasion 
du  reconuaitre  ces  bienfait:»,  et  de  scr- 


AST 

vir  son  pays  et  la  science.  Chirac,  qui, 
par  sa  place  et  son  caractère  impérieux, 
dominait  alors  la  médecine  française, 
soutenait  la  maladie  non  contagieuse, 
et  donnait  ainsi,  au  gouvernement,  le 
conseil  tacite  d'abandonner  toutes  les 
précautions  de  séquestration  ;  Astruc 
ne  craignit  pas  d'attaquer  ouverte- 
ment cette  dangereuse  et  fausse  asser- 
tion, dans  trois  écrits  :  Dissertation 
sur  Vori^ijie  des  maladies  épidémi- 
qiifs ,  et  particulièrement  de  la 
peste ,  1 7'ii ,  in-8'.;  Dissertation  sur 
la  peste  de  Provence,  Montpellier, 
1 7'2o-i  72'2 ,  in-8  '.;  Dissertation  sur 
la  contagion  de  la  peste,  où  cette 
qualité  contagieuse  est  démontrée , 
Toulouse,  1724- «725,  in-8".  Astruc 
remporta  cette  fois  nue  victoire  com- 
plète, et  s'il  la  dut  à  la  bonté  de  sa 
cause,  il  la  dut  aussi  à  la  manière 
dont  il  la  présenta.  ÎMontpellier  n'était 
plus,  dès-lors,  un  champ  assez  vaste 
pour  les  travaux  d'Astruc  ;  deux  entre- 
prises bibliographiques ,  et  qui  sont 
ses  plus  beaux  titres  de  gloire,  son 
ouvrage  sur  la  maladie  vénérienne,  et 
ses  recherches  sur  la  Faculté  de  Mont- 
pellier, l'occupaient  alors,  et  exigeaient 
de  nombreux  matériaux  ;  il  vint  à 
Paris.  Cependant,  il  s'en  éloigna  quel- 
que temps,  attiré  ,  en  1720,  par 
le  roi  de  Pologne,  en  qualité  de  pre- 
mier médecin;  mais  le  séjour  d'une 
cour  devait  peu  lui  conveuir,  et,  dès 
1730,  il  était  rendu  à  ses  livres  et  à 
ses  amis.  C'est  dans  cette  année  que  la 
ville  de  Toulouse ,  où  il  avait  professé, 
le  nomma,  par  reconnaissance,  son 
capitoul;  le  roi,  son  médecin  consul- 
tant; et  la  Faculté  de  Paris,  son  régent 
et  professeur  au  collège  royal.  Il  ne 
démentit  pas  l'opinion  qu'on  avait delui 
comme  professeur  ;  et ,  déplus ,  ayant 
bientôt  dans  la  capitale  une  pratique 
assez  étendue  ,  quoique  bien  éloignée 
de  la  doctrine  hippocratique,  elle  fuf 


AST 

iieanrnoins  assez  lieurcuse,  parce  que, 
iiatiiiellciiient  circonspect,  il  se  ren- 
fermait le  plus  souvent  dans  nue  sage 
expectatioM,  et  laissait  ainsi  à  la  nature 
le  tempsJc marquer,  pardes  traits  sail- 
lants, ce  que  le  génie  et  le  tact  médi- 
cal saveni  deviner,  d'après  les  qualités 
les  plus  fugitives.  C'est  alors  qu'il  com- 
pléta sou  grand  travail  sur  la  maladie 
vénérienne  ,  De  morbis  veaereis 
Z/èrt  5<^j:,  Parisiis,in-4''.,  17 56,  dont 
la  seconde  édition,  augmentée  par 
l'auteur,  parut  en  174^?  "^  ^^'-  iD"4"-j 
ouvrage  qui  a  souvent  été  reimprimé, 
traduit  eu  plusieurs  langues,  dont  il  y 
a  une  traduction  française  en  4  vol. 
in-i2,  1 745-1 755-T 777  ,par  Jauit, 
avec  des  remarques  de  Louis  ,  et 
qui ,  sous  le  rapport  de  l'érudition 
et  des  recherches  historiques  ,  est 
encore  le  plus  complet  que  l'on 
ait  sur  ce  sujet.  De  si  grands  tra- 
.vaux  n'empêchaient  pas,  cependant, 
Astruc  de  s'occuper  de  sciences  eu 
quelque  sorte  accessoires  :  il  imprima , 
eu  1737,  in-4". ,  des  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  naturelle  du  Lan- 
guedoc, avec  fig.  et  cart.  en  taille 
douce,  et,  cbnsle  mèmetemps,  le  procès 
entre  les  cnirurg  eus  et  les  médecins, 
qui  s'agitait  devant  le  parlement,  lui 
fournit  le  sujet  de  cinq  Lettres,  où  il 
soutient,  avec  autant  d'esprit  que  de 
raison ,  la  cause  de  la  médecine. Ce  ser- 
vice, rendu  à  la  Facu!  té,  l'associa  de  cœur 
à  cette  compagnie  ;  il  voulut  encore 
lui  appartenir  de  droit,  il  s'y  fit  agré- 
ger en  1 745  ,  et  subit,  à  cet  effet ,  les 
examens  et  thèses  exigées  ;  sa  thèse 
avait  pour  titre  :  An  sjmpatiaparlium 
à  certd  nervornm  positurd  in  interna 
sensorio.  Depuis  Icrs,  il  concourut, 
avec  le  plus  grand  zèle  ,  aux  travaux 
de  cette  compagnie ,  fusant  df  s  leçons 
aux  sages-ffnimes, visitant  les  pauvres 
malades  qui  étaient  sous  sa  hienveil- 
lante  survt^illance.ctc.  ^^ousavon>  dit 


AST  5<j5 

que  la  métaphysique  était  une  de  ses 
occupations  iavorites  ;  en  1755,  elle 
lui  inspira  ^es  Conjectures  sur  les 
Mémoires  originaux ,  dont  il  paraît 
que  Moïse  s'était  servi  pour  compo- 
ser le  livre  de  la  Genèse ,  Bruxelles 
et  Paris,  in-ii  ;  et  bientôt,  pour  dé- 
truire les  doutes  que  cet  ouvrage  avait 
fait  élever  sur  son  orthodoxie  .  il  pu- 
blia encore  deux  Dissertations  sur 
\ immortalité ,  )l  immatérialité  et  la 
liberté  de  l'ame,  1755,  in- 12.  [/an- 
née 1 756  vit  encore  paraître  ses  Dow 
tes  sur  l'inoculation ,  Paris,  in-12. 
Enfin,  l'usage  qu'il  avait  de  dicter  ses 
Leçons  dans  ses  cours, et  l'impression 
prématurée  qui  en  fut  faite  par  plu- 
sieurs élèves  ,  et  qui  avait  été  accueil- 
lie par  l'Angleterre,  nation  rivale  qui 
fait  rarement  cet  honneur  aux  écri- 
vains des  autres  peuples  ,  vint  lui 
commander  de  nouveaux  travaux.  Dès 
1743,  avait  paru  à  Genève,  par  les 
soins  d'un  nommé  Lamotte ,  quin'in'* 
diqua  pas  la  source  où  il  avait  puisé 
pour  s'en  attirer  tout  le  mérite ,  un  ou- 
vrage intitulé  :  Tractatus  therapeuti- 
eus  ,  qric  du  reste  Astruc  renie  cons- 
tamment ;  et  dans  la  même  ville,  en 

1  7.55  ,  un  autre  ouvrage  :  Tractatus 
pathoiogicus ,  in-8\,  partant  aussi 
de  la  même  origine ,  et  qu'Astruc  re- 
connut pour  être,  à  peu  de  chose  près, 
littéral.  Dès-lors ,  notre  laborieux  écri- 
vain se  détermina  à  les  publier  lui- 
même,  et  il  donna  successivement: 
Traité  des  tumeurs  et  des  ulcères  y 

2  vol.  in-12,  1759,  accompagné  de 
deux  Lettres  relatives  à  quelques  ob- 
jets de  matière  médicale  :  Traité  des 
maladies  des  femmes ,  6  vol,  in-i  2, 
dont  les  quatre  premiers  parurent  en 
1  -G  r ,  et  les  deux  derniers  en  1 763  ;  et 
Manuel  des  accouchements  à  l'usasse 
des  sagi^s-femmes ,  in-12,  1-66.  La 
mort  qui,  dans  cette  année  17GO,  vint 
le  iVapper  à  1  âge  de  rniîtire-vinglTcieux 


5g6  A  S  T 

ans  ,  le  5  mai ,  l'cmpêclia  de  publier 
Jui-mème  ses  Mémoires  pour  sennr  à 
l'histoire  de  la  faculté  de  médecine 
de  Montpellier ,  in-4". ,  qui  ne  pa- 
rurent qu'en  1767,  par  les  soins  de 
Lorry.  Cette  lonj^ue  suite  de  travaux  , 
leur  cnraclèie  ,  l'esprit  qui  y  règne, 
confirment  assez  le  jugement  que  nous 
avons  porte  d'Astruc,  me'deeiu  doue 
d'une  mémoire  prodigieuse ,  d'un  es- 
prit droit ,  mais  froid  et  peu  inventif; 
plus  capable  de  recevoir  une  impul- 
sion que  de  l'imprimer;  qui  ne  con- 
tribua nullement  à  l'heureuse  révolu- 
tion qui  ramena  la  médecine  dans  les 
sûrs  et  bons  principes  d'Hippocrate  ; 
qui  ne  passa  pour  bon  praticien,  que 
parce  que,  le  plus  souvent,  il  laissait 
agir  la  nature;  mais  qui,  par  l'ordre 
qu'il  établit  dans  ses  vastes  travaux 
d'érudition ,  doit  servir  de  modèle  à 
ceux  qui  aspirent  au  même  genre 
de  succès.  C.  et  A — n. 

ASTYAGE,  fils  de  Cyaxare,  roi 
des  Mcdes,  monta  sur  le  trône  après 
la  m.ort  de  son  père  ,  vers  l'an  594 
av.  J.  -  C.  11  avait  épousé  Arycnis  , 
fille  d'Alyatte  et  sœur  de  Crésus.  On 
ne  sait  si  ce  fut  d'elle  ou  d'une  autre 
iemme  qu'il  eut  INIandane.  Craignant 
d'être  délrùné  par  son  petit -fils,  il 
jnaria  IMandane  à  un  Perse  nommé 
6'/7/n7;r56' ,  et  ordonna  de  tuer  le  ills 
<(u'c!le  en  eut.  Ce  fils  ,  qui  fut  le  grand 
(lyrus,  ayant  été  élevé  par  un  berger, 
.se  fit  reconnaître  par  son  grand-père, 
et  finit  par  le  détrôner,  comme  on 
le  verra  plus  en  détail  à  son  article; 
mais  si  on  suit  le  lécit  de  Xénopbon, 
qui,  tout  en  faisant  un  roman  de  la 
viedcCyrus,  a  dû  respecter  le  fonds 
des  événements,  Astvage  aur;iit  eu, 
(jutie  sa  fille .  un  fils  nommé  Cyaxare, 
qui  lui  succéda,  et  qui,  mourant  sans 
f  nf'inls,  laissa  ses  états  à  Cvrus.  C  -  r. 

ASYCrnS,  roi  d'Egypte,  succéda 
h  Myccriuus  j  il  ût  faire  des  propy-. 


ATA 

lées  au  temple  de  Vulcain  du  côté  da 
leA'an" ,  et  fit  construire  une  pyramide 
de  brique  pour  éterniser  sa  mémoire. 
Ce  fut  sous  son  rèç;ne  que  fut  rendue 
une  loi  qui  permettait  aux  Egyptiens 
d'emprunter,  en  donnant  pour  gage  le 
corps  de  leur  père.  L'éjioque  de  son 
règne  n'est  pas  bien  conuue.  M.  Lar- 
cher  le  place  vers  l'an  io5-2  avant 
J.-C.  G  -  R. 

ATAHUALPA,  Inca  du  Pérou, 
plus  connu  en  Europe  sous  h  nom 
défiguré  d^.4tahaliba,  fils  d'Huana 
Capac  ,  douzième  Inca,  et  d'une  prin- 
cesse de  Quito  ,  hérita ,  en  1 5 1  7  ,  de 
ce  dernier  rovaume ,  que  son  père 
avait  réuni  au  Pérou.  Le  reste  de  l'em- 
pire étant  échuà  Huascar,  son  frère, 
né  d'une  princesse  du  sang  des  Incas, 
les  deux  Jrères  ne  tardèrent  pas  <à  se 
disputer  ce  bel  héritage ,  et  à  vider 
leur  querelle,  les  armes  à  la  main. 
Celle  guerre  était  dans  toute  sa  force, 
quand  Pizarrc  aborda  au  Pérou  ,  eu 
1  55 '.i.  La  renommée  avait  grossi  ses 
forces  et  ses  exploits  ,  et,  de  même  que 
les  Mexicains ,  les  Péruviens  regardè- 
rent les  Espagnols  comme  des  êtres 
d'une  nature  supérieure.  Dans  leur 
haine  aveugle,  chacun  des  deux  Incas 
crut  quil  pourrait  se  servir  de  ces 
étrangers  contre  son  rival.  Un  cnvové 
d'Huasear  vint  demander,  au  nom  de 
ce  prince,  des  secours  à  P.zarre,  qui 
déjà  marchait  vers  le  centre  de  l'em- 
pire, pour  profiter  de  ces  divisi(ns, 
lorsque  Huascar  fut  fait  prisonnier, 
par  son  frère ,  à  la  suite  de  deux  ba- 
tailles sanglantes.  Maître  de  l'empire, 
Atahualpa  fit  égorger  tous  les  piinccs 
du  sang  des  Incas;  il  envoya  ensuite 
phisieius  ambassadeurs  à  Pizarre  , 
avec  de  riches  présents  ;  il  ouvrit 
même  une  espèce  de  négociation  avec 
les  Espagnols,  et  consentit  a.  reeevoii* 
Pizarre  en  qualité  d'ambassadeur  du 
roi  d'Espagne ,  mais  à  couditiou  qu'il 


ATA 

sortirait  incontinent  de  ses  états.  Pour 
toute  réponse  ,   Pizarre  précipite  sa 
marclie  a  la  tête  de  ses  trou])es ,  arrive 
à  Caxainarca ,  et  y  attend  l'Inca ,  qni 
était  campé  à  deux  iieues  de  cette  ville, 
avec  20,000  Indiens.  Le  lendemain, 
16  novembre  i552,  l'empereur,  vou- 
lant avoir  une  entrevue  avec  Pizarre  , 
se  présente  avec  un  cortège  magni- 
fique.  Pizarre    fond   aussitôt  sur  les 
Indiens  ,  étonnés  de  cette  perfidie  , 
en  fait  un  horrible  massacre  ,  et  se 
saisit  lui-même  de  l'empereur.  Chargé 
de  chaînes  ,  Atahualpa  promit,  pour 
prix  de  sa  liberté ,  de  remplir  d'or 
une  des  salles  de  son  palais ,  et  les 
Péruviens   s'empressaient  d'apporter 
de  quoi  satisfaire  à  cette  énorme  ran- 
çon ,  lorsqu'une  action  cruelle  de  l'Inca 
fournit  à  Pizarre  un  prétexte  pour  s'en 
débarrasser.  Ataluialpa,  craignant  que 
les  Espagnols  ne  rendissent  la  cou- 
ronne à  son  fi'ère ,  qu'il  tenait  toujours 
prisonnier ,  donna  des  ordres  secrets 
pour  qu'un  le  fît  périr.  Pizarre  ,  irrité 
de  ce  meurtre ,  ou  feignant  de  l'être  , 
fit  juger  l'empereur  du  Pérou  ;  et,  d'a- 
près des  dépositions  concertées  ,  il  le 
fit  condamner  à  être  brûlé  vif,  pour 
avoir  usurpé  l'autorité  et  fait  assassi- 
ner son  frère,  et  ordonné  à  ses  sujets 
de  massacrer  les  Espagnols.  L'aumô- 
nier Valverde  promit  de  faire  adou- 
cir  ce  jugement  ,    si  le  malheureux 
Inca  embrassait  le  christianisme.  L'ef- 
froi soumit  ce  prince  à  la  volonté  de 
ses  bouri^eaux;  il  reçut  le  baptême,  et 
ses   juges   barbares  parurent  lui  ac- 
corder une  espèce  de  faveur ,  en  le 
faisant  étrangler , en  1 533,  sur  la  place 
publique.  B  — p. 

AT  AI  DE  (Don  Louis  d'),  comte 
d'Atougia ,  vice-roi  des  Indes ,  servit 
debonueheuresousEtiennedeGama , 
et,  s'étant  distingué  dans  l'expédition 
de  la  mer  Rouge  ,  fut  armé  chevalier, 
par  ce  vice-roi,  à  l'âge  de  vingt-deux 


ATA  5g'j 

ans.  De  retour  en  Portugal ,  il  fui  en- 
voyé en  ambassade  auprès  de  Charles 
Quint,  qu'il  accompagna  à  la  balailiede 
MuhlLerg,  en  i547,  ^^  ^'  rcçutde  ce 
prince  un  cheval  magnifique,  en  re- 
connaissance do  ce  qu'il  l'avait  aidé  de 
ses  conseils  et  de  son  bras  dans  celte 
fameuse  journée.  Ataïdc  fut  nommé, 
en  i5(jç),  vice-roi  des  Indes,  au  mo- 
ment où  toutes  les  puissances- indien- 
nes se  liguaient  pour  chasser  les  Por- 
tugais de  l'Asie.  A  son  arrivée  à  Goa  » 
ses  officiers  effrayés  proposèrent  d'a- 
bandonner les  possessions  éloignées , 
et  de  ne  défendre  que  Goa.  «  Compa- 
»  gnons ,  leur  dit  Ata'ide ,  je  veux  tout 
»  conseiTer  ;  et,  tant  que  je  vivrai,  les 
»  ennemis  ne  gagneront  pas  un  pouce 
»  de  terrain.  »  Il  expédia  aussitôt  des 
secours  pour  toutes  les  places  mena- 
cées ,  et ,  opposant  à  un  si  giand  nom- 
bre d'ennemis  la  force  des  armes  et 
la  politique,  il  contraignit  Idalcan  h 
lever  le  siège  de  Goa,  vola  au  secours 
de  Chovd,  et  défit  le  Zamorin.  Vain- 
queur de  tous  les  princes  de  l'Inde,  il 
rétablit  l'ordre  dans  l'administration. 
De  retour  à  Lisbonne,  en  iO']5,  il  fut 
reçu  ,  par  Sébastien ,  sous  un  dais  , 
avec  les  plus  grands  honneurs;  mais 
ce  grand  homme  déplut  bientôt  à  la 
cour,  par  sa  franchise,  et   il  en  fut 
éloigné.  Cependant  on  eut  encore  be- 
soin de  ses  services.  Envoyé  une  se- 
conde fois  dans  les  Indes  ,  en  qualité 
de  vice-roi ,  il  mourut  à  Goa ,  en  1 58o, 
emportant  les  regrets  de  toute  la  na- 
tion portugaise  ,  qu'il  avait  élevée  au 
plus  haut  point  de  gloire  dans  l'Inde. 
B— p. 
ATANAGI  (  Denis  ) ,  né  à  CagH , 
dans  le  duché  d'Urbin  ,  fut  un  des 
littérateurs  italiens  les  plus  célèbres, 
versle  milieu  du  16''.  siècle.  On  ignore 
l'année  précise  de  sa  naissance;  on 
sait  seulement  que,  vers  l'an  i53'2, 
il  se  rendit  à  Rome ,  dans  le  dessein 


5^S  ATA 

d'y  tirer  parti  de  ses  connaissances 
littëraiies  pour  se  placer  avanlagcu- 
scmeiat  ;  il  n'y  put  réussir  ,  et  , 
après  avoir  perdu  vingt-cinq  annëts 
en  efforts  inuiiles  et  en  vaines  espé- 
rances ,  après  avoir  éprouvé  des  procès 
fâcheux,  dos  maladies  graves,  en  un 
mot,  des  contrariétés  et  des  malheurs 
de  toute  espèce,  il  quitta  Rome  en  oc- 
tobre 1557,  et  retourna  dans  sa  pa- 
trie ,  aussi  pauvre  qu'il  en  était  sorti. 
A  peine  y  était-il  de  retour,  que  la 
réputation  dont  il  jouissait  dans  les 
lettres,  et  la  délicatesse  connue  de  son 
goût  le  firent  appeler  à  la  cour  d'Ur- 
bin  pour  revoir  le  poëme  d^ Amadii 
de  Bernardo  Tasso,  père  du  Tasse. 
Eernardo,  avant  de  le  publier,  dési- 
rait le  soumettre  à  la  censure  d'Ata- 
ïiagi  qui  se  rendit  à  ce  désir ,  et  passa 
cinq  mois  dans  cette  cour,  occu[X'de 
la  révision  du  poëme  de  son  ami,  très- 
bien  ti'aitë  par  le  duc;  mais  souvent 
forcé,  par  sa  mauvaise  sanlé,  d'inter- 
rompre ce  travail.  L'ayant  enfin  ter- 
miné, il  fit  un  vovage  à  Venise,  où 
\Amadis  fut  inijuinié  ,  sans  doute 
par  ses  soins,  en  1 5tio.  Alanagi  passa 
le  reste  de  sa  vie  dans  cette  ville,  oc- 
cupé de  travaux  pareils .  de  révisions , 
de  corrections ,  d'éditions  d'ouvrages , 
«t  tirant  de  ce  qu'il  recevait  des  au- 
teurs et  des  liljraires ,  tous  ses  moyens 
d'exister.  11  vécut  ainsi  dans  un  état 
louj  urs  voisin  de  la  pauvreté;  mais 
indépendant  et  assez  content  de  son 
sort.  L'année  de  sa  mort  n'est  pa^ 
plus  certaine  que  celle  de  sa  naissance. 
On  voit  seulement ,  par  une  de  ses 
dédicaces ,  qu'il  vivait  encore  en  1 567, 
et  par  la  dédicace  d'im  autre  auteur, 
où  il  est  parlé  de  sa  mort,  qu'elle 
était  arrivée  avant  1574.  Les  princi- 
paux ouvrages  qu'il  a  j)ul)liés ,  soit 
composés  par  lui ,  soit  seulement  im- 
primés sous  son  nom ,  sont  :  I.  Rhe- 
tericorum  AristoUHs ,  nec  non  pa- 


ATA 

raphrar.is  Ifermo^enis  tabuLe  ,  ce 
Diimysio  Alhanasio  collecta;,  Ve- 
nise, i555,in-4". ;  II.  Leilere  fa- 
migliari  di  XI If  uomini  illusiri 
raccolti  da  Dionlgi  Atanagi ,  lib. 
XIII ,  Rome ,  1  554 ,  «"-^ '•  ;  !"•  ^"«« 
di  M.  Bernardo  Cappella  ,  Venise , 
1 5Go  ,  in-4". ,  avec  une  longue  épître 
dëdicatoire  de  l'éditeur  ;  IV.  Sonetli, 
Canzoni,  rime  ed  eglov^ie  pescatorie 
di  Bernrdino  Hota ,  Venise,  15G7, 
in-S".  ;  il  publia  aussi  les  poésies  la- 
tines du  même  auteur,  avec  une  pré- 
face latine  de  sa  composition  ,  très- 
ëleVamment  écrite.  V.  Rime  e  Fersi 
lattni  di  diversi,  in  morte  d'Irène  di 
Spilimbergo  ,  Venise,  i5t)i  ,  iu-8'. 
Dans  ces  poésies  recueillies  par  Ata- 
nagi,  il  y  a  plusieurs  morceaux  de 
lui ,  et  il  les  a  fait  précéder  d'une  Vie 
intéressante  d'Irène  de  Spiîimberg. 
VI.  Délie  Leilere  facete  e  piacei>oli 
di  dif'ersi  uomini  grandi  e  cliiari  e 
hegl'ingegni ,  raccolte ,  etc.  ,  libro 
primn,  Venise,  i5()i,  iu-8'.  Atauagi 
ne  publia  que  ce  Ijvre;  le  second  ne 
parut  qu'en  i574  ,  quelque  temps 
après  sa  m<»rt.  VU.  Il  libro  degli 
uomini  illustri  di  Caio  Flinio  Ceci- 
lio ,  ridotlo  in  lingua  volgare  ,  etc. , 
Venise,  i56'2,  in -8".  Le  reste  du 
titre  annonce  ,  et  le  livre  contient 
en  effet ,  les  Vies  d'Alexandre ,  de 
Marc- Antoine,  de  Catou  d'LI tique, 
de  César  et  d'Octave  ,  et  de  plus 
une  espèce  de  Traité  sur  les  mœurs 
et  les  habitudes  de  César  ,  tant  à  la 
guerre  que  dans  le  reste  des  actions  de 
sa  vie  ,  recueilli  de  plusieurs  auteurs 
grecs  et  latins ,  etc.  Atanagi  avoue , 
dans  son  ëpîlre  dëdicatoire,  que  l'ou- 
vrage n'est  pas  entièrement  de  lui  ; 
qu'il  est  d'un  jeune  honuiic  qu'il  ne 
nomme  pas,  et  dont  il  n'a  fait,  eu 
parfie ,  que  revoir  le  travail.  Ce  jeune 
homme,  qui  se  nommait  Mercure 
Coiworrcggio ,  lui  sut  très  -  mauvais 


ATA 

j;re  d'avoir  publie  son  ouvrage  ,  de  ne 
l'avoir  point  uomraé,  et  de  s'en  être 
attribué  une  partie.  Il  écrivit  contre 
lui  une  diatribe  violente  ,  sous  le  titre 
de  Risposle  di  .Mercurio  Concor- 
reggio  in  sua  difesa ,  contro  le  ca- 
lunnie  date  gli  da  Dionigi  Ata- 
ruigi ,  etc.,  Brescia,  i56'2,  in-8'. , 
petit  livre  très-rare.  Il  y  traite  Atanagi 
d'insigne  plagiaire ,  et  même  de  scélé- 
rat. Atanagi  n'ayant  point  répondu  à 
celte  attaque ,  les  choses  en  restèrent 
là.  Ou  sait  au  reste  que  ce  livre  De 
Flris  illustribus,  dont  la  traduction 
donna  lieu  à  cette  querelle,  attribué 
par  Atanagi  ,  à  Pline  le  jeune ,  par 
d'autres,  à  Cornélius  Népos,  à  Sué- 
tone, et  même  à  Tacite  ,  est  généra- 
lement reconnu  aujourd'hui  pour  être 
d'Aurélius  Victor.  YIII.  De  le  rime 
di  diversi  nobili  poeti  toscani  rac- 
colte  da  M.  Dionigi  Atanagi,  Ve- 
nise ,  1 565 ,  2  vol.  iii-S".  C'est  un  des 
meilleurs  recueils  de  ce  genre.  Il  y  a 
inséré  quelques-unes  de  ses  poésies. 
On  en  trouve  aussi  dans  d'autres  re- 
cueils, ainsi  qu'un  grand  nombre  de 
ses  Lettres  en  prose.  G — e. 

ATAULPHË,  beau-frère  d'Alaric, 
roi  des  V^isigoths ,  auquel  il  succéda 
eu  4 1  '  >  suivit  le  pi'ojet  formé  par 
son  prédécesseur  de  s'allier  aux  Ro- 
mains ,  et  d'en  obtenir  un  ctiblisse- 
meut  dans  les  Gaules;  un  autre  mo- 
tif le  portait  encore  à  rechercher  l'al- 
liance de  l'empereur.  Ataulphe  s'était 
signalé  à  la  prise  de  Rome,  et  avait 
emmené  captive  Galla  Placidie ,  fille 
du  grand  Théodose  et  sœur  d'Houo- 
rius.  Épris  des  charmes  de  cette  prin- 
cesse, il  épargna  Rome  à  «a  prière, 
sortit  de  iîtalie ,  envoya  des  secours 
à  Honorius  pour  combattre  Constan- 
tin ,  et  lui  demanda  la  main  de  Placi- 
die; mais  Honorius  ayant  refusé  de 
s'allier  avec  un  roi  barbare,  Ataulphe 
passa  dan§  la  Gaule ,  et  la  ravagea  j 


ATA  599 

laissant  dès  lors  eutrcvoir  le  projet 
d'enlever  l'Aquitaine  aux  Romains, et 
de  s'y  établir.  Ce  prince  se  ligua  en- 
suite avec  Jovinien ,  autre  ennemi 
d'Honorius  ,  et  parvint  ainsi  à  se 
faire  craindre  et  rechercher  de  l'em- 
pereur. Celui  -  ci  consentit  à  un  traité 
par  lequel ,  en  prenant  possession  de 
l'Aquitaine ,  Ataulphe  s'engageait  à 
rendre  Placidie  ,  et  à  détruire  les  en- 
nemis d'Honorius  dans  la  Gaule.  La 
dernière  de  ces  conditions  fut  rem- 
plie ;  Ataulphe  battit  l'armée  de  Jo- 
vinien ,  et  envoya  la  ttte  de  ce  géné- 
ral à  Honorius.  Le  roi  Goth  prélen- 
dit alors  que,  par  les  services  qu'il 
venait  de  rendre  à  l'empereur,  il  était 
digne  d'être  son  beau-frère;  mais  Ho- 
noriiis  persista  à  demander  Placidie  ; 
Ataulphe  ne  lui  répond  qu'en  rava- 
geant la  Provence  ,  et  en  épousant,  à 
Karbonne,  Placidie,  donli!  était  aimé. 
Il  fît  ensuite  le  siège  de  IMarscille , 
devenu  si  célèbre  par  la  résistance 
des  habitants;  Ataulphe  y  fut  blessé , 
et  abandonna  son  entrepiisc.  Placi- 
die, usant  de  sou  pouvoir  sur  ce  prince, 
l'engagea,  en  4 1 5,  à  rendre  Narbouue 
aux  Romains,  et  à  tourner  ses  armes 
contre  les  Suèves  ,  les  Alain  s  et  les 
V  andales ,  qui  avaient  envahi  l'Espa- 
gne. Il  passa  les  Pyrénécb,  et  tout 
semblait  lui  présager  la  conquête  de 
l'Espagne  ,  lorsqu'il  fut  assassiné  à 
Barceloune  par  un  de  ses  officiers. 
Les  dernières  paroles  de  ce  prince 
furent  pour  Placidie  ;  il  recommanda 
à  ses  courtisans  de  la  renvoyer  avec 
honneur  à  la  coiu-  de  son  frère ,  et 
de  conserver  la  paix  avec  les  Ro- 
mains. Mais  cet  ordre  ne  fut  point 
exécuté;  et  Singerie,  qui  usurpa  le 
trône  ,  força  Placidie  de  suivre  à 
pied  dans  les  rues  de  Barcelonne  la 
marche  triomphale  de  l'assassin  de 
son  mari.  Le  règne  d'Ataulphe  ne 
dura  que  quatre  ans.  B  -  p. 


6oo  A  T  E 

:  ATÉNION  ,  peintre  grec ,  élève  de 
Glaucon  deCorinthe,  se  fit  une  grande 
réputation  a  Athènes,  où  il  peignit, 
entre  autres  ouvrages  ,  un  tableau 
qui  repre'sentait  une  de  ces  proces- 
sions de  jeunes  filles  ,  qu'on  appe- 
lait Polv^ynœcon.  Ou  comparait  ce 
peintre  à  iSir ias ,  et  quelquefois  on  le 
mettait  au-dessus.  Quoique  le  coloris 
d'Atènion  fut  pius  austère,  il  n'en  était 
pas  moins  séduisant;  on  estimait  aussi 
l'érudition  qui  brillait  dans  ses  ta- 
bleaux. Il  peignit  plusieurs  morceaux, 
dans  le  temple  de  Cerès  Kleusine.  On 
citait  encore ,  parmi  ses  chefs-d'ceuvre , 
un  Ulysse  découvrant  Achille  caché 
soits  des  habits  de  femme,  et  un  Grec 
avec  son  cheval.  Pline  assure  (pie  si  la 
mort  n'eût  point  enlevé  Atéuion  dans 
sa  jeunesse,  il  aurait  effacé  la  réputa- 
tion des  plus  grands  peintres.  Il  a  dû 
vivre  vers  la  iia*".  olympiade,  55'2 
ans  av.  J.-C.  L — S — e. 

ATE.NOLPHE  ï"".,  prince  de  Ca- 
poue,  profita,  en  887,  d'une  maladie  de 
Landunc ,  prince  de  Capoue  ,  son  pa- 
rent, pour  s'emparer,  en  son  absence, 
de  sa  principauté.  Landone  étant  gué- 
ri ,  rentra  dans  Capoue ,  caché  dans 
un  chariot  de  foin ,  et  rassembla  ses 
partisans  à  révcché  pour  attaquer  l'u- 
surpateur; mais  il  fut  défait  dans  le 
combat ,  et  obHgé  de  s'enfuir.  Atc- 
nolphe  fut  engagé  dans  de  longues 
guerres  avec  Athanaze  II ,  évèque  et 
duc  de  Naplcs ,  et  les  Sarrasins ,  alliés 
.de  cet  évèque.  Il  conquit  Bénévent  en 
l'an  900,  sur  Radelchise  II ,  qui  s'é- 
tait rendu  odieux  à  ses  sujets  :  il  n'a- 
bandonna point  cependant  le  séjoiu' 
de  Cjpoue  pour  la  capitale  de  sa  nou- 
velle principauté.  Les  Sarrasins,  éta- 
,blis  au  Garighano ,  lui  causaient  beau- 
coup d'inquiétude;  il  forma  vainement 
contre  eux ,  en  908 ,  une  ligue  dans  le 
raidi  de  l'Italie.  L'armée  chrétienne 
fut  battue ,  parce  que  les  babitantâ  de 


ATH 

Gaëte  favorisèrent  les  infidèles.  AtCr- 
nolphe  fit  demander  alors  des  secours 
à  Léon-le-Sage  ,  empereur  d'Orient  ; 
mais  il  mourut  en  910,  avant  de  les 
avoir  reçus.  Atenolphe  II ,  et  Landol- 
phe,  ses  fils,  lui  succédèrent  conjoin- 
tement. S.  S  — I. 

ATENOLPHE  H, fils  du  précédent, 
hérita,  avec  sou  frère  Landolphe ,  au 
mois  d'avril  910,  des  principautés  de 
Bénévent  et  de  Capoue.  L'union  des 
deux,  frères ,  et  la  sagesse  de  leur  ad- 
ministration firent  prospérer  le  pays 
qui  leur  était  soumis,  et  qui  comprenait 
une  grande  partie  du  royaume  de  Na- 
ples.  Ils  acceptèrent  des  empereurs 
grecs  le  titre  de  patrices  ,  et  ils  rame- 
nèrent ainsi  l'Italie  méridionale  sous 
la  suzeraineté  de  l'empire  d'Orient. 
Atenolphe  mourut  en  940 ,  et  son 
frère  Landolphe  l".  en  945.  Landol- 
phe U,  fils  de  celui-ci,  lui  succéda. 
S.  S— I. 

ATHA,  célèbi'c  irapo.steur  du  1".  siè- 
cle de  riiégire(8  .dcJ.-C.  ),  était  natif 
de  Mcroù  ,  oîi  il  exerçait,  dans  sa  jeu- 
nesse, le  métier  de  foulon.  Il  s'adonna 
à  la  magie ,  s'attacha  à  Aboù-Moslein 
(  f^oy.  ce  nom  ) ,  et ,  de  simple  soldat , 
devint  général  et  chef  de  parti.  Le 
dogme  qu'il  voulut  pixipager  dérivait 
de  la  métcmpsvcose ,  qui,  de  l'Inde  , 
s'était  répandue  dans  l'Asie.  Il  pré- 
tendait que  l'esprit  de  Dieu  avait  passe 
dans  Adam,  Noé,  les  grands  pro- 
phètes, Aboîi-Moslem ,  et  était  enfin 
arrivé  jusqu'à  lui,  en  qui  il  se  trou- 
vait dans  toute  sa  plénitude.  Cette  fa- 
ble ,  soutenue  des  prestiges  de  la  ma- 
gie et  de  la  phvsique,  fit  de  grands 
progrès  chez  un  peuple  crédule  et 
ignorant.  Atha  vit  en  peu  de  temps 
se  réunir  autour  de  lui  un  grand 
nombre  de  sectaires  avec  lesquels  il 
se  retrancha  dans  le  château  de  Kech  , 
en  Transoxane.  C'est  là  qu'il  fut  as- 
siégé par  le  kliàlyfo  JMclidj,  Réduit  à 


AT  H 

l'extrëmite ,  il  mit  le  feu  au  cbâtean  , 
le  réduisit  eu  cendres ,  et  se  prëcijiita 
lui-même  dans  les  flammes  ,  en  s  e- 
criant  :  «Je  pars  pour  le  ciel;  que 
»  quiconque  veut  participer  à  ma  feli- 
»  cite' ,  me  suive.  »  Ses  femmes  ,  ses 
enfants  et  ses  sectateurs,  exaltes  par 
ces  paroles  prononcées  avec  eutliou- 
siasme,  !e  suivirent  en  eflef.  Quclqtics 
auteurs  pre'tendent  qu'il  prit  du  poison 
et  en  fit  prendre  à  toute  sa  maisiin. 
Cete'veiiemont  arriva  l'an  i65  de  l'iië- 
gire  (  7 79  de  J.-C.  ).  Atha  avait  perdu 
un  œil  en  combattant,  et,  pour  cacher 
cette  difformité',  il  portait  un  masque 
d'or,  ce  qui  le  fit  appeler  Mocanna 
{voil(î),  nom  sous  lequel  il  est  égale- 
ment connu.  J — N. 

ATHALARTC .  roi  des  Osîro-oîlis , 
en  Italie  ,  fils  d'Eutharic  et  d'Auiaîa- 
sonte,  succe'da  ,  en  5iG,  à  The'odo- 
ric  1'''. ,  roi  des  Ostrogoths;  mais  com- 
me il  était  à  peine  âgé  de  dix:  ans  à 
cette  époque  ,  et  qu'il  mourut  en  554, 
il  ne  régna  que  sous  la  tutèle  de  sa  mère. 
(  P^oy.  Amalasonte  ).      S.  S — i. 

ATHALIE ,  fille  d'Achab ,  roi  d'Is- 
raël ,  épouse  de  Joram  ,  roi  de  Juda , 
femme  impie  ,  ambitieuse  ,  cruelle , 
qui ,  après  la  mort  de  son  fils  Ocho- 
zias ,  se  fraya  le  cliemin  au  troue  par 
le  massacre  de  quarante-deux  princes 
du  sang  royal.  Son  règne  fut  de  six 
ans  ;  la  septième  année,  le  grand  prê- 
tre Joiada ,  qui  faisait  élever  secrète- 
ment dans  le  temple  ,  le  jeune  Joas  , 
fils  d'Ochozias,  que  Jocobed  avait 
soustrait  au  massacre  de  toute  sa  fa- 
mille, le  replaça  sur  le  trône  de  ses 
pères.  Athalie ,  attirée  par  le  bruit  du 
peuple  qui  accourait  de  toutes  parts 
pour  assister  au  couronnement  de  Joas, 
entra ,  avec  la  foule ,  dans  le  temple 
où  cet  événement  se  passait  ;  à  la  vue 
du  nouveau  roi ,  assis  sur  son  trône  , 
«■ntourë  des  prêtres ,  des  lévites  ,  des 
jiiands-oiiicicrs  de  l'état ,  et  d'un  pcu- 


ATH  fiot 

pie  immense  qui  applaudissait  à  ceî'e 
révolution  subite ,  et  dont  le  son  des 
instruments  excitait  l'enthousiasme  ; 
elle  entra  en  fureur ,  déchira  ses  vête- 
ments ,  et  cria  à  la  trahison.  Joiada  la 
fit  conduire  hors  de  l'enceinte  du  tem- 
ple ,  par  des  soldats ,  avec  ordre  de 
passer  au  fil  de  l'ëpée  tout  ce  qui  se 
présenterait  pour  la  défendre  ,  et  clic 
fut  elle-même  massacrée  à  la  porte  de 
son  palais,  sans  la  moindre  opposition. 
Cet  événement ,  arrivé  environ  l'au 
877  av.  J.-C, ,  fut  marqué  par  la  des- 
truction des  autels  de  Baal  ,  qu'elle 
avait  relevés,  par  le  renouvellement 
de  l'alliance  avec  le  Seigneur ,  dont  elle 
avait  brisé  les  liens  ,  et  est  surtout  de- 
venu célèbre  par  la  belle  tragédie  de 
Racine ,  regardée  com.me  !e  chef-d'œu- 
vre du  théâtre  français.        T — d. 

ATHALIN  (Claude -François), 
né  à  Ceraboing  ,  en  Franche-Comté  , 
le  10  mars  1701  ,  professeur  en  mé- 
decine à  l'université  de  Besançon , 
membre  de  l'académie  de  celte  ville  , 
où  il  est  mort  le  i5  mai  1 78^. ,  a  pu- 
blié :  ].  une  Lettre  à  un  médecin,  au 
sujet  d^une  obsen^adon  rare  et  inté- 
ressante sur  des  accidents  funestes 
survenus  seulement  au  bout  de  cin- 
quante-quatre jours,  ensinte  d'un 
coup  reçu  h  la  tête  ,  qui  n  avait  oc- 
casionné aucun  accident  primitif  ^ 
Besançon ,  i  7  46 ,  in-8".  ;  II.  des  Elé- 
ments d'anatomie,  en  latin,  sous  ce 
titre  :  Instituticnes  anatomicœ  jter 
placila  et  responsa ,  Yesuntione  , 
1756  ,  in-S".  W — s. 

ATHA-MÉLIK  DJOUWA«YNY 
(  Ala-ed-Dyn  ) ,  historien  persan  , 
ëîcT.t  originaire  du  Khoraçân.  Son  bi- 
saïeul avait  mérité,  par  ses  talents,  la 
faveur  deTakach ,  sulthan  du  Khova- 
resm  ;  et  son  père,  d'abord  attaché  an 
suithan  Manberny,  avait  été  revêtu  de 
fonctions  importantes  par  les  Mcghols. 
Pluàeui's  circonstaECcs ,   rapporU:es 


(wa  A  T  H 

dinsses  ouvrantes,  peuvent  faire  placer 
sa  naissaucp  à  l'an  Iri^ou  6  25  derhég. 
(  1.127-8  de  J.C.)-  Il  occupa,  dès  sa 
jeunesse,  plusieurs  emplois  impor- 
tants, et  mérita ,  par  ses  talents ,  la  bien- 
veillauce  d'ArghoiJu,  gouverneur  du 
Khoraçàn.  Cet  e'mvr  s'en  fit  accompa- 
gner ,  en  G49 ,  lorsqu'il  se  rendit  à  la 
diète  générale  tenue  pour  l'élection  de 
Mangou-Khàn.  Ce  fut  là  qu'Atlia-Mé- 
lik ,  pressé  par  ses  amis,  foi'ma  le  pro- 
jet d'écrire  l'histoire  de  ce  prince. 
En  G54 ,  il  resta  auprès  du  sulthan 
Ilalàgoù ,  et  fut  chargé  ,  conjointe- 
ment avec  deux  autres  o/liciers ,  du 
gouvernement  du  Khoraçàn ,  de  l'Irac 
et  du  Mazendéràn.  Il  usa  de  la  fa- 
veur que  lui  accordait  Holàgoù  pour 
faire  rétablir  la  ville  de  Djénou- 
chàn  ,  détruite  par  les  Moghols.  Après 
la  prise  du  château  d'Alamont ,  rési- 
dence de  ces  Ismaéliens ,  si  fameux 
dans  nos  croisades  sous  le  nom  d'rt.s- 
sassms ,  il  se  transporta  dans  ce  heu 
pour  examiner  la  bibliothèque  que 
ces  sectaires  y  avaient  rassemblée  :  il 
mit  à  part  les  Koràns  et  les  livres 
précieux,  puis  livra  aux  flammes  tous 
ceux  qui  étaient  contraires  aux  dog- 
mes du  pur  islamisme.  Atha-Mélik 
accompagna  Holàgoù  dans  son  expé- 
dition contre  le  khalyfe  Mcstassem  , 
et  obtint  le  gouvernement  de  Bagb- 
dàd .  lorsque  Hoiagoà  s'en  fut  rendu 
maître.  Chems  -  ed  -  Dyn  ,  son  frère  , 
non  moins  grand  homme  d'état ,  ob- 
nnt  la  dignité  de  vizyr.  Abakà-Khâu  , 
iils  et  successeur  d'Holagoù,  confirma 
ces  deux  frères  dans  leur  dignité.  Ce- 
pendant ,  la  faveur  dont  ils  jouissaient 
avait  excité  la  jalousie  ;  et  Atha-Mé- 
iik,sans  le  secours  de  Chems-cd-Dyn, 
aurait  été  sacrifié  par  ses  ennemis;  mais 
;1  ks  confondit,  retourna  à  son  gouver- 
^iemeut,et,  par  la  sagesse  de  son  admi- 
nistration ,  les  améliorations  qu'il  fit  à 
î3ag,hdùU  cl  à  son  territoire ,  il  rendit 


ATH 

à  celte  ville  son  ancienne  splendeur  ; 
ce  qui  n'empêcha  pas  que ,  peu  de 
temps  après ,  il  ne  fut  accusé  de  spo- 
liation et  d'intelligence  avec  les  enne- 
mis de  l'état,  et  condamné  à  payer 
500  toumans  ;  ne  pouvant  acquitter 
cette  somme  ,  il  fut  mis  dans  une 
prison ,  d'où  il  ne  sortit  qu'à  l'arrivée 
d'Abaca-Khàn.  Ne  pouvant  payer  une 
somme  a  laquelle  il  était  condamné,  il 
y  fuli'emis,  fut  battu  ,  promené  igno- 
minieusement dans  Baghdàd,  et  enfin 
transporté  à  liamadàu,  où  on  le  tint 
prisonnier.  Abaca  étant  mort,  Ahmed , 
son  fils  et  son  successeur,  rendit  à 
Atha-jMélik  la  liberté  et  le  gouver- 
nement de  Baghdàd.  Chems-cd-Dyn 
son  frère  ,  fut  revêtu  de  la  dignité  de 
vizyr.  Mais,  en  681 ,  Argboun  ,  qui 
avait  levé  l'étendard  de  la  révolte, 
vint  à  Baghdàd  ,  et  déclara  qu'il  vou- 
lait exiger  d'Atha-Melik  les  sommes 
dont  il  était  redevable.  Cette  nouvelle 
accabla  tellement  Atha-Melik,  qu'il 
mourut,  peu  de  jours  après,  à  la 
suite  d'un  violent  mal  de  tête ,  le  4  de 
dzoul-hedjah  681  (6  mars  ixSh  de 
J.-C.  ).  L'ouvrage  le  plus  considérable 
de  cet  homme  célèbre  est  une  Histoire 
des  priiicei  du  Khovarism  et  des 
Moghols,  iufitulée  :  Djehdn  Kuchdj, 
la  Conquête  du  Monde.  La  biblio- 
thèque impériale  en  possède  im  exem- 
plaire, certainement  incomplet,  puis- 
(ju'il  finit  à  l'expédition  d'Holagoù 
contre  les  Ismaéliens.  Il  était  aussi 
poète  estimé.  Parmi  les  vers  qui  nous 
ont  été  conservés  ,  on  remarque  un 
distique  dont  voici  la  traduction  : 
M  Mes  malheurs ,  malgré  les  peines 
»  et  les  angoisses  qu'ils  m'ont  fait 
»  soidTrir  ,  méritent  ma  rcconnais- 
»  sauce  ;  car  c'est  à  eux  que  je  dois 
»  d'avoir  su  distinguer  mon  ami  d« 
»  mon  ennemi.  »  J — n. 

AÏHANAGI.  Fof.  Atanagi. 

ATIIAWAGILDE  ,  roi  des  Yisi- 


ATH 

golLs  en  Espagne  ,  se  fît  d'abord  re- 
marquer parmi  les  grands  du  royau- 
me, et  fut  proclame  par  les  habitants 
de  TAndaiousie,  qui  avaient  pris  les 
armes  contre  le  roi  Agila.  Voulant  se 
ménager  un  appui  et  des  secours 
étrangers,  il  appela  d'Italie  les  trou- 
pes de  Jiistinien,  auquel  il  céda  toutes 
les  places  sur  la  Méditenanée ,  depuis 
Valence  jusqu'à  Gibraltar.  C'était  ou- 
vrir de  nouveau  aux  Romains  la  con- 
quête de  l'Espagne,  L'empereur  y  fit 
passer  une  armée  sous  la  conduite  du 
pati'ice  Libérius  ,  l'élève  de  Bélisaire. 
Alhanagilde  avant  joint  ses  troupes  à 
celles  de  Justinien  ,  défit  Agila  près  de 
Séville ,  et ,  débarrassé  de  ce  rival , 
que  ses  propres  partisans  massacrè- 
veut,  il  fut  l'econnu  roi  de  toute  l'Es- 
pagne; il  mit  aussitôt  Libérius  eu  pos- 
session des  places  qu'il  avait  promises 
à  Justinien  ;  mais  ce  général  s'étendit 
bien  au-delà.  Plusieurs  villes  considé- 
rables ,  ennemies  du  gouvernement  et 
de  la  religion  des  Visigoths,  qui  pro- 
fessaient l'arianisme  ,  se  livrèrent 
d'elles  -  mêmes  aux  Romains.  L'Es- 
pagne entière  aurait  échappé  à  Atha- 
uagilde,  sans  la  faiblesse  de  Justinien 
et  la  révolte  de  Narsès  eu  Ilalic.  Ce- 
pendant, la  guerre  éclata  en  Espagiie , 
entre  les  Visigoths  et  les  Romains , 
sans  qu'Athanagilde,  malgré  quelques 
succès,  pût  chasser  entièrement  d'an- 
ciens auxiliaires,  devenus  ses  ennemis 
les  plus  acharnés.  Ce  prince  fixa  son 
séjour  à  Tulède  ,  qui  devint  la  capitale 
de  l'empire  des  Goths  ;  il  se  soutint 
par  une  sage  administration  et  par  des 
alliances,  en  mariant  Gaisuinde  ,  l'aî- 
née de  ses  filles ,  à  Chilpéric,  roi  de 
Soissous  ,  et  Bmuchaut ,  la  cadette  , 
a  Sigebert ,  roi  d'Austrasie.  H  mourut 
à  Tolède  ,  eu  56^ ,  après  treize  ans 
de  règne,  regretté  de  ses  sujets,  qui 
avaient  rendu  justice  à  sa  prudence  et 
à  SCS  taleuls.  Il  était  catholique  au 


ATH  6i>3 

fond  du  coeur  ;  mais  il  dissimula  sa 
religion,  dans  la  crainte  de  dép'aire 
aux  Visigoths,  qui  étaient  ariens  zeiés  ; 
aussi  lui  pardonnèrent-ils  d'avoir  ap- 
pelé et  éiabli  dans  ses  états  des  étran- 
gers dangereux  et  puissants.  B — p. 

ATHANARIC,  roi  des  Visigoths, 
n'était  encore  que  juge,  et  l'un  des 
principaux  de  sa  nation ,  lorsque  \es 
Romains  cédèrent  aux  Goths  occiden- 
taux ,  ou  ^  isigoths  ,  des  habitations 
dans  la  Thrace.  Athansric  était  extrê- 
mement courageux  j  mais  son  courage, 
dit  Thémistius,  le  cédait  encore  à  sa 
pénétration ,  à  son  éloquence  et  à  sou 
habileté.  Procope  s'étaut  révolté  contre 
Valens,  et  ayant. pris  le  titre  d'em- 
pereur ,  Athauaric  épousa  sa  cause , 
et  lui  envoya  un  corps  de  trois  mille 
liommes  ;  mais  Procope  fut  vaincu , 
et  Valeus,  iirité  contre  les  Goths,  leur 
déclara  la  guerre.  En  vain  Athanaric 
leprésenta  qu'il  avait  considéré  Pro- 
cope comme  parent  de  Constantin  ,  et 
héritier  de  sa  maison;  en  vain  il  pro- 
duisit des  lettres  qu'il  avait  reçues  de 
ce  priuce,  et  allégua  qu'il  était  venu 
comme  ami  et  allié  de  l'empire  ,  au 
secours  d'un  empereur  romain  ;  Va- 
lens  marcha  contre  lui,  et  le  délit  en 
bataille  rangée ,  vers  le  Danube ,  eu 
569.  Les  chefs  des  Goths  se  soumi- 
rent ,  et  payèrent  leur  imprudence  par 
la  perte  de  leurs  subsides  et  de  leurs 
pensions  ;  et  l'exception  stipulée  en 
faveur  d'Athauaiic  lut  peu  Ixonorablc 
à  ce  juge  des  Visigoths  ,  qui  parut 
avoir  ménagé  dans  cette  occasion  ses 
intérêts  personnels  ;  mais  il  soutint 
mieux  ensuite  sa  dignité  et  celle  de  sa 
nation,  lorsque  les  ministres  de  Va- 
lens  lui  proposèrent  une  entrevue. 
Athanaric  relusa  de  passer  le  fleuve  , 
sous  prétexte  que  son  père  lui  avait  fait 
jurer  de  nejamais  mettre  le  pied  sur  les 
terres  des  Romains.  On  choisit,  pour  le 
lieu  de  la  cou.%euce,  le  Danube  même. 


6o4  A  T  H 

L'empereur  et  le  juge  des  Visigcllis  , 
accompagnes  d'i'.ii  nombre  égal  de  sol- 
dais ,  s'avancèrent  ci)aoun  dans  un 
grand  bateau,  au  milieu  du  fleuve.  La 
paix  fut  conclue  à  des  conditions  peu 
honorables  pour  les  Gotlis ,  cpii  s'obli- 
gèrent à  ne  plus  passer  le  Danube.  Ils 
restèrent  paisibles  environ  six  ans, 
jusqu'à  l'époque  où  les  Huns ,  descen- 
dus des  re'gions  du  Nord ,  les  chas- 
sèrent de  leurs  l'uyers  ,  et  les  rejetèrent 
vers  les  provinces  romaines.  Athana- 
ric  plaça  alors  sou  camp  sur  les  rives 
du  Nicster,  re'solu  de  se  défendre  con- 
tre les  barbares  victorieux  ;  mais  les 
Huns  surprirent  son  armée ,  et  ce  ne 
fut  qu'à  force  de  courage  et  d'intelli- 
gence qu'il  parvint  à  opérer  sa  retraite. 
11  avait  déjà  forme  un  nouveau  plan 
de  guerre  défensive,  lorsque  ses  com- 
patriotes trompèrent  son  espoir,  et 
déconcertèrent  ses  projets.  Le  corps 
entier  de  la  nation  s'avança  vers  les 
bords  du  Danube,  sous  la  conduite  de 
deux  autres  clirfs,  et  implora  la  pro- 
leclion  de  l'empereur.  Atlianaric,  ayant 
perdu  son  ascendant,  se  retira,  suivi 
d'une  tiOTipe fidèle ,  dans  le  pays  mon- 
tagneux de  Caucaland ,  défendu  par 
rimpe'ne'trable  foret  de  Transylvanie; 
il  s'y  forma  un  établissement ,  et  ne 
prit  qu'une  part  indirecte  à  la  guerre 
qui  éclata  bientôt  entre  sa  nation  et 
les  Romains.  Ceux-ci  tremblaient  au 
nom  des  (lotlis  ,  comme  les  (ioths 
avaient  tremblé  au  nom  des  Huns.  La 
plus  grande  partie  de  la  nation  des 
Gollis  avait  reconnu  pour  roi  Fritigern, 
et  Atlianaric  ,  retire  dans  le  pays  de 
Caucaland,  contempla  de  loin  les  succès 
des  GotLs;  mais  à  la  mort  de  Friti- 
gern ,  il  abandonna  sa  retraite  et  tra- 
versa le  Danube  ,  malgré  son  prétendu 
serment  de  ne  jamais  entrer  sur  les 
terres  de  l'empire.  I-a  plus  grande  par- 
tie des  sujets  de  F'riligern,  qui  sen- 
taient déjà  tous  les  maux  de  l'anarchie, 


ATH 

reconnurent  volontiers  pour  roi  un 
juge  de  leur  nation  ,  dont  ils  respec- 
taient la  naissance  ,  et  dont  ils  avaient 
éprouvé  souvent  l'habileté  ;  mais  l'âge 
avait  refroidi  l'audace  d'Athanaric,  et, 
au  lieu  de  conduire  les  Goths  aux  com- 
bats et  à  la  victoire,  il  écouta  la  pro- 
position d'un  traité  avantageux  que  lui 
fit  Théodose.  L'empereur  alla  au-de- 
vant de  lui ,  et  Athanaric  fit  son  en- 
trée dans  Constantinople,  avec  Théo- 
dose ,  le  1 1  janvier  58 1  ,  et  v  fut  reçu 
avec  magnificence.  I>e  prince  goth 
contemplant  l'éclat  de  la  ville  impériale, 
voyant  la  vaste  étendue  de  son  port 
rempli  de  vaisseaux ,  les  armes  et  la  dis- 
cipline des  troupes ,  dit  ces  paroles  : 
«  Un  empereur  romain  est  un  dieu 
»  sur  la  terre ,  et  le  mortel  présomp- 
»  tueux  qui  ose  l'attaquer  devient  ho- 
»  micide  de  lui-même.  »  Le  roi  des 
Goths  ne  jouit  pas  long-temps  de  cette 
brillante  réception.  ]1  mourut,  le  -^5 
janvier  ,  des  excès  auxquels  il  se  livra 
à  la  table  somptueuse  de  l'empereur. 
Théodose  le  fit  inhumer  à  la  manière 
des  Romains,  et  avec  tant  de  pompe, 
que  les  Goths ,  par  reconnaissanro 
pour  l'empereur  qui  avait  ainsi  honoré 
la  mémoire  de  leur  prince,  se  chargè- 
rent de  garder  les  bords  du  Danube  , 
et  passèrent  sous  lesdrapeauxdc  Théo- 
dose, qui  eut  soin  de  les  gagner  par 
ses  libéralités.  Auiien  f  lit  l'é'oge  d'A- 
thanaric; mais  ,  selon  S.  Jérôme ,  c'é- 
tait un  barbare ,  ennemi  irréconciliable 
des  chrétiens.  B — p. 

ATHANASE  (  S.  ) ,  patriarche  d'A- 
lexandrie, docteur  de  î'Éghse,  mquit 
dans  cette  ville ,  vers  l'an  296.  A]nès 
avoir  reçu  dans  sa  famille  une  cduci- 
tion  chrétienne  ,  il  passa  dans  la  mai- 
son de  S.  Alexandre ,  depuis  arche- 
vêque d'Alexandrie ,  qui  se  chargea 
de  le  diriger  dans  ses  études  ,  et  le  fit 
cnsiiito  son  secrétaire.  Atlivc-  par  la 
grande  ic'putatiou  de  S.  Antoiuc,  li 


AT  H 

alla  mener  pendant  quelque  temps  la 
vie  asccliqiio  auprès  de  ce  ce'Icbrc  ana- 
chorète, d'où  il  revint  recevoir  le  dia- 
conat à  Alexandrie.  S.  Alexandre  le 
produisit  au  concile  de  Nicëe,  oii  ses 
vertus  naissantes  et  les  talents  qu'il 
déploya  dans  les  discussions  contre 
Arius,  frappèrent  les  Pères,  de  sur- 
prise et  de  respect.  Quoique  très- 
jeune  encore ,  il  eut  beaucoup  de  part 
aux  décisions  qui  y  furent  prises. 
C'est  de  là  qu'il  faut  dater  la  haine 
que  lui  vouèrent  les  ariens  ,  et  les  per- 
sécutions qu'ils  lui  suscitèrent  pendant 
tout  le  cours  de  sa  vie.  Six  mois  après 
ie  concile,  S.  Alexandre  mourant,  le 
de'signa  pour  son  successeur ,  et  ce 
choix,  accueilli  par  les  vœux  unani- 
mes du  cierge'  et  du  peuple  ,  fut  con- 
firmé par  les  cvêques  d'Egypte.  A 
cette  nouvelle ,  les  méléciens  et  les 
ariens  déposèrent  leur  animosité  réci- 
proque pour  se  liguer  contre  lui ,  et , 
dès  ce  moment ,  sa  vie  n'offre  plus 
qu'une  suite  de  combats,  d'où  il  fit 
toujours  sortir  la  vérité  triomphante, 
aux  dépens  de  son  propre  repos.  Les 
imputations  les  plus  absurdes  furent 
le  prélude  des  procédés  les  plus  atro- 
ces. Ses  ennemis  conimencèrent  par 
l'accuser  d'avoir  imposé  une  espèce 
de  tribut  sur  l'Egypte  ,  d'avoir  fourni 
de  l'argent  à  des  séditieux,  d'avoir 
fait  briser  un  ca'ice,  renverser  l'autel 
d'une  éghse,  brûler  des  livres  saints, 
d'avoir  coupé  le  bras  à  un  évêque 
mélécicn  ,  et  de  s'en  servir  pour 
des  opérations  magiques.  L'empereur 
Constaiitin  reconnut  par  lui-même  la 
fausseté  des  deux  premières  accusa- 
tions; mais  cédant  enfin  à  l'importn- 
iiité  des  ennemis  du  saint  patriarche, 
il  renvoya  les  autres  à  l'examen  des 
évèques ,  le  fit  citer ,  en  554 ,  au  con- 
cile de  Tyr  ,  et  coiunaraîfrc  à  celai  de 
Jérusalem ,  oii ,  quoique  ses  juges  fus- 
•syit  eu  même  temps  ses  parties,  il 


ATH  6  5 

dévoila  l'imposture,  confondit  la  ca- 
lomnie ,  ce  qui  iriita  tellement  ses 
persécuteurs,  qu'd  fallut  toute  la  fer- 
meté du  commissaire  impérial  pour 
l'arracher  à  leur  fureur.  Alors,  ils  se 
bornèrent  à  le  déposer.  Il  n'en  con- 
tinua pas  moins  ses  fonctions;  mais 
l'empereur,  trompé  ])ar  une  confes- 
sion de  foi  ca])tieuse  ,  que  lui  présenta 
Arius  ,  n'ayant  pu  obtenir  d'Athanase 
le  rétablissement  de  cet  hérésiarque 
dans  la  communion  de  l'église,  relé- 
gua le  saint  patriarche  à  Trêves.  Ce 
premier  exil  ne  cessa  que  par  la 
mort  de  Constantin,  arrivée  au  bout 
d'un  an  et  quelques  mois.  Constance, 
empereur  d'Orient ,  qu;)ique  livré  aux 
ariens,  ne  put  refuser  son  rappel  aux 
pressantes  sollicitations  de  Constant, 
qui  régnait  en  Occidcfit.  Les  peuples 
accoururent  de  toutes  parts  sur  soa 
passage  ,  pour  admirer  le  généreux 
défenseur  de  la  foi  de  Nicée ,  et  son 
entrée  à  Alexandrie  ressembla  à  une 
pompe  triomphale.  Les  ariens,  déses- 
pérés de  son  retour  ,  le  dénoncèrent 
comme  un  séditieux,  qui  se  proposait 
de  retenir  à  Alexandrie  la  flotte  des- 
tinée à  l'approvisionnement  de  Cons- 
tantinople;  comme  un  homme  avide, 
qui  détournait  à  son  profit  les  grains 
accordés  par  le  gouvernement  pour 
la  subsistance  des  vierges,  des  clercs, 
et  pour  le  service  de  l'autel.  Quatre- 
vingt-dix  évê((ues  ariens,  présidés  par 
le  fameux  Eusèbe  de  Nicomédie ,  dans 
la  ville  d'Antioche,  le  condamnent  sur 
ces  accusations  dénuées  de  preuves. 
Cent  évêques  orthodoxes  ,  réunis  à 
Alexandrie  ,  le  déclarent  innocent. 
L'afr;iire  est  portée  à  Rome  par  les 
deux  partis.  Le  pape  Jules  confirme, 
dans  un  concile  de  cinquante  évêques, 
le  jugement  rendu  à  Alexandrie,  et  sa 
sentence  est  approuvée  par  plus  de 
trois  cents  evèques  ,  tant  de  l'Orient 
que  de  l'Occident,  rassemblés  à  Sar- 


f)(,G  A  T  H 

dique.  Constance ,  pressé  de  nouveau 
par  son  frère  Constant,  lui  laissa  la 
Liberté  de  relourner  à  son  siège.  Il  fut 
accompagné  dans  sa  route,  accueilli  à 
son  arrivée  par  les  mêmes  scènes  d'at- 
tendrissementqui  avaient  signalé  le  re- 
tour de  son  premier  exil;  et  ce  second 
triomphe  fut  marqué  par  le  repentir 
et  la  rétractation  d'un  grand  nombre 
d'évêques  que  la  séduction  avait  pré- 
oédemment  attirés  dans  le  camp  de  ses 
ennemis.  Constance  ,  devenu  maître 
de  tout  l'empire ,  par  la  mort  de  Cons- 
tant ,  laissa  la  carrière  libre  aux  ariens 
poiu-  reprendre  leur  système  de  per- 
sécution. INIalgré  son  innoci'nc*  attes- 
tée par  ions  les  évoques  d'Egypte,  et 
prcuvée  contradictoiremeiit  dans  les 
cc.nc iies  de  Rome  et  de  Sardique,  Atlia- 
nase  fut  de  nouveau  coudanuié  dans 
ceux  d'Arles  et  de  Milan,  tenus  sous 
l'infliunce  de  la  faction  arienne.  Les 
ëvêqurs  qui  refusèrent  de  scriscrire  à 
sa  condamnation  ,  furent  exilés.  Le 
gouverneur  d'Alexandrie  eut  ordre  de 
le  cliisser  de  son  siège.  Atlianasc ,  se- 
lon la  remarque  de  Gibbon  ,  savait 
distinguer  quand  on  pouvait  com- 
battre l'autorité ,  et  quand  il  était  pru- 
dent de  !uir  sa  colère.  Il  crut  devoir 
nster  à  son  poste  jusqu'à  ce  qu'on  lui 
eût  produit  les  ordres  signés  de  l'em- 
pereur ,  ne  croyant  pas  qu'un  ordre 
verbal,  et  si  contraire  aux  promesses 
authentiques  que  ce  prince  lui  avait 
faites,  pût  émaner  de  son  autorité. 
Qu'on  '■c  représente  le  vénérable  pa- 
triarche, présidant  l'a.'^serablée  des  fi- 
dèles ,  qu'une  fête  solennelle  avait 
réunis  dans  l'église  de  Sî.-ïliéon,  in- 
veMic  par  5,ooo  soldats  qui  veident  y 
entrer  de  force ,  entonnant  le  psaume 
destiné  à  célébrer  le  triomphe  du 
l^ieu  d'Isr.ièl  sur  le  tyran  d'Egypte  , 
le  peuple  faisant ,  à  la  lin  de  chaque 
verset ,  retentir  les  voûtes  de  ces  con- 
solantes paroles  :  car  la  miséricorde 


ATH 

du  Seigneur  est  étemelle  ;  qu'on  se 
le  représente  au  moment  ou  les  sol- 
dats enfoncent  les  portes  de  l'église  , 
ordonnant  tranquillement  à  ce  même 
peuple  de  se  retu'er  en  silence ,  resté 
seul  au  ]ned  de  l'autel ,  entouré  des 
clercs  et  des  moines  ,  qui  lui  font  un 
rempart  de  leurs  corps  ,  et  réussissent 
à  le  soustraire  aux  gardes  chargés  de 
s'assurer  de  sa  personne.  Athana^e , 
proscrit  pour  la  troisième  fois ,  se 
réfugie  dans  les  déserts  de  l'Egypte  ; 
ses  ennemis  l'y  poursuivent  ;  sa  tête 
est  mise  à  prix  ;  les  solitaires  de  cette 
affreuse  contrée,  auxquels  on  ne  peut 
arracher  le  secret  de  sa  retraite,  sont, 
les  uns  indignement  tourmentés,  les 
antres  impitoval)lement  massacrés.  Il 
ne  lui  reste  d'autre  moven,  ])Our  les 
délivrer  de  la  fureur  du  soldat  atta- 
ché à  sa  poursuite,  que  de  s'enfoncer 
dans  la  partie  absolument  inhabiléc 
du  désert ,  où  il  ne  conserve  plus  de 
communication  avec  les  hommes,  que 
par  un  simple  serviteur  qui  se  dé- 
voue, au  péril  continuel  de  sa  vie,  à 
lui  porter  ses  aliments.  Qui  croirait 
que  c'est  au  milieu  de  cette  vie  er- 
rante ,  que  c'est  au  fond  de  cette  re- 
traite inaccessible,  qu'Athanase  com- 
posa tant  d'écrits  éloquents  ,  destinés 
à  ratlcrmir  la  foi  des  fidèles,  à  dé- 
voiler les  artifices  de  ses  ennemis,  et 
à  jeter  l'elFroi  dans  l'ame  de  ses  per- 
sécuteurs? Julien,  en  montant  sur  le 
trône,  permit  aux  évêques  orthodoxes 
de  rentrer  dans  leurs  églises.  Atha- 
rase ,  après  six  ans  d'absence ,  reparut 
au  milieu  de  son  peuple ,  qui  le  reçut 
avec  des  transports  d'allégresse.  Le 
])remier  usage  qu'il  fit  de  son  auto- 
rité fut  de  ramener  à  la  subordina- 
tion les  habitants  d'A'exandrie,  qui, 
dans  une  sédition ,  venaient  de  se  por- 
ter à  dos  excès  tiès-repréhensib!es , 
d'user  d'indulgence  envers  les  évèqucs 
qui ,  par  faiblesse ,  avaient  souscrit  sa 


ÂTH 

pondamnalion  à  Rimini ,  en  les  ad- 
mettant à  la  coiainuniou  de  l'Eglise. 
Sou  exemple,  suivi  dans  les  Gaules, 
eu  Espague ,  en  Italie ,  dans  la  Gièce, 
ramena  enfin  la  bonne  harmonie  parmi 
les  orthodoxes  ,  et  la  paix  dans  l'E- 
glise, maigre'  les  murmures  de  quel- 
ques esprits  ardents.  Pendant  que  tout 
était  calme  et  tranquille  au  dedans .  les 
cris  des  païens,  dont  le  zèle  d'Atlsa- 
nase  rendait  les  temples  déserts ,  ani- 
mèrent contre  lui  Julien -l'Apostat. 
Le  saint  pati  iarclie  se  vit  obligé  de 
regagner  la  Thèbaïde  pour  mettre  sa 
vie  en  sûreté'.  La  mort  de  cet  empe- 
reur ,  et  l'avènement  de  Jovien  au 
trône  impérial ,  le  ramenèrent  à  ses 
fonctions.  Le  règne  de  Jovien  ne  fut 
que  de  huit  mois.  Valens,  son  suc- 
cesseur, entièrement  livré  aux  aiiens, 
força  de  nouveau  le  patriarche  à  la 
retraite.  II  lui  fallut  se  dérober,  par 
ruse,  aux  empressements  de  son  peu- 
ple ,  qui  voulait  le  retenir  de  force , 
et  alla  chercher  un  asyle  parmi  les 
morts ,  dans  le  sépulcre  de  son  père. 
Valens ,  craignant  les  effets  du  res- 
sentiment des  Alexandrins  ,  qui  miu"- 
muraient  hautement  de  l'éloignement 
de  leur  pasteur,  lui  permit,  au  bout 
de  quatre  mois  de  proscription  ,  de 
rentrer  dans  son  église;  et  ce  fut  pour 
y  passer  enfin  paisiblement  le  reste 
de  ses  jours  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions ,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en 
S-jS,  après  quarante-six  ans  d'épis- 
copat,  dont  il  en  avait  passé  vingt 
dans  différents  exils ,  et  la  plus  grande 
partie  des  autres  dans  des  combats 
continuels  pour  la  défense  de  la  foi 
de  Nicée.  a  Athanase,  dit  La  Blettc- 
»  rie,  était  le  plus  grand  homme  de 
»  son  siècle  ,  et  peut-être  ,  qu'à  tout 
»  prendre,  l'Eglise  n'en  a  jamais  eu 
»  de  plus  grand.  Il  avait  l'esprit  juste, 
»  vif  et  pénétrant,  le  cœur  généreux 
»  et  désjntér*'>.sé,  un  courage  de  sang- 


A  T  II  607 

»  froid ,  et ,  pour  ainsi  dire  ,  un  hé- 
»  roïsme  uni ,  toujours  égal ,  sans  im- 
»  pétuosité  ni  sailhes ,  une  foi  vive , 
»  une  charité  sans  bornes,  une  humi- 
»  lité  profonde,  un  christianisme  mâle, 
»  simple  et  noble  comme  l'Evangile, 
»  une  éloquence  naturelle,  semée  de 
w  traits  perçants,  forte  de  choses  ,  al- 
»  lant  droit  au  but  et  d'une  précision 
»  rare  dans  les  Grecs  de  ce  temps-là. 
»  L'austérité  de  sa  vie  rendait  sa  vertu 
»  respectable  :  sa  douceur  dans  le 
))  commerce  le  faisait  aimer.  Le 
»  calme  et  la  sérénité  de  son  ame  se 
»  peignaient  sur  son  visage  :  jamais 
»  ni  les  Grecs,  ni  les  Romains,  n'ai- 
»  nièrent  autant  la  patrie  qu'Athanase 
»  aima  l'Église  ,  dont  les  intérêts  fu- 
»  rent  toujours  inséparables  des  siens. 
»  Une longueexpériencel'avaitrompu 
»  aux  affaires  :  l'adversité  lui  avait 
»  donné  un  coup-d'œil  admirable  pour 
»  apercevoir  des  ressources  ,  même 
»  humaines  ,  quand  tout  paraissait 
»  désespéré.  Personne  ne  discerna 
»  mieux  que  lui  les  moments  de  se 
»  produire  ou  de  se  cacher,  ceux  de 
»  la  parole  ou  du  silence,  de  l'aciion  oa 
»  du  repos.  Il  sut  fixer  l'inconstance 
»  du  peuple ,  trouver  une  nouvelle 
»  patrie  dans  les  lieux  de  son  exil ,  en- 
»  tretenir  des  correspondances ,  mé- 
»  nager  des  protections ,  lier  entre 
»  eux  les  orthodoxes,  encourager  les 
»  plus  timides ,  d'un  faible  ami  ne 
»  se  faire  jamais  un  ennemi,  excuser 
»  les  faiblesses  avec  une  charité  et 
»  une  b'jnté  d'arae  qui  font  sentir 
»  que  ,  s'il  condamnait  les  voies  de 
»  rigueur  en  matière  de  religion  ,  c'é- 
»  tait  moins  par  intérêt  que  par  prin- 
»  cipe  et  par  caractère.  Juhen,  qui  ne 
»  persécutait  pas  les  autres  évêques, 
»  du  moins  ouvertement ,  regardait 
5>  comme  un  coup  d'état  de  lui  ôter 
a  II  vie,  croyant  que  la  destinée  du 
j>  christianisme  était  attachée  à  ccik 


6o3  A  T  H 

»  d'Athanase.  »  Ses  écrits  sont,  les 
uns  de  controverse ,  les  autres  histo- 
riques ,  et  uae    troisième   classe  de 
moraux.  Pbotius,  si  bon  juge  en  cette 
partie,  eu  fait  un  très-graud  éloge.  Ils 
ne  sont  cependant  pas    tous   d'une 
égale  force ,  ni  composés  avec  la  même 
élégance.  Le  loisir  lui  manquait  sou- 
vent pour  les  polir,  d'autant  qu'il  les 
écrivait  quelquefois  en  fuyant  dans  les 
déserts  cle  la  ïhébaïde  ;  mais  le  style 
en  est  toujours  clair ,  et  le  ton  pro- 
portionné aux.  sujets  et  aux  personnes, 
^îou  Apologie  à   Vempereiir  Cons- 
tance est  un   chef-d'œuvre   en  ce 
genre.  Ses  ouvTagcs  de  controverse 
ont    principalement   ])our    objet  les 
mystères  de  la  Trinité ,  de  l'incarua- 
liou  et  de  la  divinité  du  S.  Esprit; 
les  liisloiiqucs  contiennent  une  foule 
de  détails  sur  l'histoire  ecclésiastique 
de  son  temps  qu'on  chercherait  vai- 
nement ailleurs,  du  moins  présentés 
avec  la  même   exactitude.   La-  plus 
ancienne   édition    des     OEuvres   de 
S.  Athaiiase  est  de  Viccnce,  148:2, 
tu  latin  seulement.  CoaimcUn  est  le 
premier  qui  en  ait  donné  une  en  grec 
;jvec  la  traduction  latine  de  Nannius, 
ïleidelbcrg ,  1601 ,  2  vol.  in-fol.  Cette 
ediiion  était  extrêmement  défectueuse, 
soit  pour  le  texte ,  soit  pour  la  vcr- 
.sion.  Celle  que  D.  Montfaucon  publia 
en  1O98,  Paris,  3  vol.  in-fol.,  rehés 
en  deux ,  est  une  des  plus  parfaites  édi- 
tions des  saints  Pères  qu'aient  don- 
nées les  bénédictins.  Le  même  éditeur 
fii  imprimer,  en  1 706,  une  collection 
en  '->.  vol.  in-fol.,  sous  le  titre  de  Bi- 
hliolhètfue  des  Pères ,  dont  le  second 
est  rcg;udé  comme  un  supplément  à 
l'édition  de  S.  Athanase ,  parce  qu'il 
est,  pour  1.1  jihis  grande  partie,  com- 
posé des  écrits  du  saint  docteur,  ou 
du  moins  qui  portent  son  nom.  L'édi- 
tion des  bénédictins  a  été  réimprimée 
à  Padoup,  en  1777,  eji  4  vol.  iu-fol., 


ATH 

et  quoiqu'on  y  ait  inséré  les  pièces  de 
la  Bibliothèque  dont  nous  venons  de 
parler,  on  lui  préfère  celle  de  Paris, 
à  cause  de  la  beauté  de  l'exécution. 
T— D. 
ATHANASE  II,  évêque  et  duc  de 
Napics,  avait  été  consacré,  en  877, 
par  le  crédit  de  son  frère  Sergius  II , 
alors  duc  de  Naples;  mais  l'année  sui- 
vante il  conspira  contre  ce  frère,  que 
sou  aliiante  avec  les  Sarrasins  avait 
rendu  odieux  au  pape  ;  il  lui  lit  arra- 
cher les  yeux  cl  le  lit  conduire  à  Pvome , 
où  Scigius  mourut  en  prison.  Le  pape 
Jean  MU  paraît  avoir  pris  part  à 
cette  conjuration,  et  il  écrivit  au  nou- 
veau duc  Athanase  pour  le  féliciter; 
mais,  contre  son  attente,  Athanase  re- 
nouvela l'alliance  de  son  frère  avec  les 
Sarrasins,  il  favorisa  leur  établisse- 
ment dans  le  voisinage  de  Naples  ,  et , 
s'associant  à  leurs  brigandafres ,  il  par- 
tagea le  bnlin  qu'ils  enlevaient  dans 
les  étals  de  l'Eglise  et  dans  ceux  des 
princes   lombards.  Athanase  fut  ex- 
communié par  le  pape ,  comme  l'avait 
clé  son    fière  ;   il    n'en    tint   /lucuu 
compte;  il  répandit  la  désolation  dans 
tout  le  mitli  de  l'Italie ,  jusqu'à   laa 
ç)oo  qu'il  mourut.  Ses  voisins  l'avaient 
en  horreur ,  mais  les  Napolitains  su- 
rent gré  à  ce  prélat  guerrier  d'avoir 
rétabli  la  réputation  de  leurs  armes. 
S.  S— I. 
ATIIANASIO  (don  Pedro),  pein- 
tre, né  à  Grenade,  eu  iGiS,  fut  élève 
du  célèbre  Alexis  Cano.  Palomino  Ye- 
lasco ,  qui  lui  fait  plusieurs  reproches 
très-graves,  tels  que  ceux  de  froideur, 
d'incorrection  et  de  défaut  d'inven- 
tion ,  lui  accorde  le  mérite  très-émi- 
ncnl  d'avoir  été  le  plus  grand  coloriste 
de  son  temps.  Il  dut  cet  avantage  à 
l'étude    des   tableaux    de    Pierre  de 
Muva,  qui  avait  été  l'élève  de  Va» 
Dyck,  et  de  ceux  de  Van  Dyck  lui- 
mcmc.  La  plupart  des  ouvrages  d'A- 


ÂTÈ 

'tnanasio  se  voient  dans  les  églises  de 
ia  ville  natale.  On  estime,  surtout, 
une  Conception  de  la  Fierge,  dans 
le  cloître  de  Notre-Dame-des-Grâces , 
et  une  Conversion  de  S.  Paul.  Atha- 
iiasio  mourut  à  Grenade,  en  1O88, 
à  l'âge  de  cinquante  ans.         D— t. 

ATHÉAS,  ou  ATÉAS,  roi  de 
plusieurs  peuples  Scythes,  étant  en 
guerre  avec  les  Istriens ,  demanda  des 
secours  à  Philippe,  roi  de  Macédoine, 
en  lui  promettant  de  l'adopter  pour 
son  successeur.  Philippe  lui  ayant  en- 
voyé' des  troupes ,  Athéas ,  qui  n'en 
avait  plus  besoin  ,  les  renvoya,  on  di- 
sant qu'il  n'avait  point  demande'  de 
secours ,  et  qu'il  n'avait  rien  promis;  il 
refusa  même  de  payer  la  dépense  que 
Philippe  avait  faite  pour  lui  envoyer 
ces  troupes  :  alors  ce  prince,  irrité,  leva 
[e  siège  de  Bysance ,  marcha  contre 
lui,  le  défit ,  et  emporta  un  butin  consi- 
dérable. Athéas ,  quoiqu  âgé  de  quatre- 
vingt-dix  ans ,  se  mit  lui-même  à  la 
tête  de  ses  troupes ,  et  fut  tué  dans  le 
combat.  C'est  ce  prince  qui,  ayant  fait 
prisonnier  Iménias ,  célèbre  joueur  de 
flûte,  le  fît  jouer  devant  lui,  et,  lors- 
qu'il l'eul  entendu,  dit  qu'il  aimait 
beaucoup  mieux  le  hennissement  de 
sou  cheval.  G*— a. 

ATHELARD.  Foy.  Adelard. 
ATHELSTAN.  Foy.  Adelstan. 
ATHÉiN AGORAS,  philosophe 
platonicien  ,  ou  plutôt  éclectique  ,  na- 
quit à  Athènes ,  au  1^.  siècle  de  l'ère 
vulgaire.  Dès  sa  jeunesse  ,  U  em- 
brassa la  religion  chrétienne  ,  et  alla 
s'établir  à  Alexandrie ,  oi!i  il  ouvrit  une 
ëcolc,  dans  laquelle  il  eut  pour  but 
de  concilier  les  dogmes  de  sa  nouvelle 
religion  avec  ceux  du  Toudateur  de  l'a- 
cadémie. Nous  avons,  de  ce  philosophe, 
deux  ouvrages  :  l'un  ,  un  Traité  de  la 
résurrection  des  morts  ;  l'autre ,  une 
Apologie  de  la  religion  chrétienne , 
qu'il   adressa  *ux  empereurs  Marc 


Aurèle  et  Commode.  Ces  deux  traités 
furent  imprimés  ,  en  grec  et  en  latin , 
par  Henri  Estienne  ,   iSS-]  ,  in-S*'.  , 
et  plusieurs  fois  depuis.  L'édition  la 
p'us   estimée   est  celle  de  Edw.  Dé 
Chair,  Oxford,  1706,  in-8°.  Lind- 
ner  en  a  donné  une  plus  récente  en- 
core, à  Leipzig,  1774?  in-S".  Ils  se 
trouvent,  en  outre,   à  la  suite   des 
OEuvres  de  S.  Justin  ,  publiées  par 
les    Bénédictins,    1742,   in-fol.   Le 
Traité  de  la  résurrection  des  morts 
a  été  traduit  en  itaheu  par  GirolamO 
Faleti ,  et  publié  par  les  Aides ,  à  Ve- 
nise ,  1 556 ,  in-4^  Tous  deux  l'oat 
été  en  français  par  Gaussart ,  prieur 
de  Sainte-^oy  ,  Paris  ,  i574  7  ^t  par 
Armand  Du  Ferrier,  Bordeaux,  1577, 
in -8'.  —  Martin  Fumée  ,  Sieur  de 
Genillé  ,  '  a  publié  ,  comme   traduit 
d'Athénagoras ,  un  roman  ,   dont  il 
est  l'auteur,  intitulé  :  Du  vray  et  par- 
fait amour ,  contenant  les  Amours 
honestes  de  Theogenes  et  de  Cha- 
ride ,  de  Pherecides  et  de  Melan- 
genie ,  Paris,  Sonnius,  iSgg;  Guil- 
lemot, 161 2,  in-i'2.  Tout  insipide 
qu'est  ce  roman  ,  Fumée  a  trouvé  le 
moyen    de  le  faire    rechercher    des 
adeptes  ,  par  diverses  allusions  ,  et , 
surtout,  par  un  passage  curieux,  où  , 
sous  le  voile  de  1  allégorie  ,  il  peint 
la  confection  du  grand-œuvre.  Ce  pas- 
sage ,  devenu  célèbre  chez  les  enfants 
de  l'art ,  se  trouve  à   la  page   345, 
Verso,  de  l'édition  de  1612,  moins 
rare  que  la  première  ,  ainsi  que  dans 
r Harmonie  mystique  de  David  Lai- 
gncau,  Paris,  i63(i,  in-8''.     D.  L. 

ATHÉNAIS,  impératrice  d'Orient» 
sous  le  nom  d'Èlia  Eudûxia,  était 
fille  d'un  sophiste  d'Athènes,  nommé 
Léjnce ,  qui  l'éleva  dans  la  religion 
païenne  ,  mais  qui  ne  négUgea  rien 
pour  orner  son  esprit ,  et  pour  ajouter 
l'attrait  des  talents  aux  charmes  que 
là  nature  lui  avait  prodigués.  Les  belles* 

39 


6io  ATÎI 

lettres  et  les  sciences  lui  de>'inrent 
également  familières.  Léonce  crut  avoir 
tout  fait  pour  elle,  et,  la  trouvant  assez 
dote'e  par  tant  de  qualités  séduisantes  , 
il  la  déshérita ,  et  laissa  toute  sa  mo- 
dique fortune  aux  deux  frères  d'Athé- 
naïs.  Celle-ci  vint  à  Constautinople 
réclamer  son  héritage;  Pulchérie,  sœur 
de  Théodose  II,  gouvernait  alors  l'em- 
pire ;  elle  fut  touchée  des  grâces  et  de 
la  modestie  de  cette  jeune  fille  ,  dont 
l'éloquence  l'étonua  et  la  captiva;  Pau- 
lin ,  ami  et  confident  de  Théodose ,  se 
réunit  à  Pulchérie,  pour  vanter  au 
jeune  empereur  la  rare  beauté  et  les 
qualités  séduisantes  d'Athénaïsj  Théo- 
dose voulut  la  voir ,  en  devint  épris , 
la  jugea  digne  du  trône,  et,  de  concert 
avec  Pulchérie ,  il  lui  fit  abjurer  les 
erreurs  du  paganisme,  et  l'épousa  en 
4'2 1  ;  elle  prit  à  ce  moment  le  nom 
A'Eudoxie;  son  premier  soin  fut  de 
rassurer  ses  frères  ,  qui  redoutaient 
son  ressentiment.  Elle  les  combla 
d'honneurs  et  de  bienfaits  ,  et  le  seul 
usage  qu'elle  Gt  de  son  pouvoir  fut 
d'écarter  de  la  cour  l'eunuque  An- 
tiochus ,  favori  ambitieux  et  détesté, 
qui  balançait  le  crédit  de  Pulchérie, 
près  de  Théodose  ,  dont  il  avait  été 
gouverneur.  Athéuais  continua  de  cul- 
tiver les  lettres ,  et  d'encourager  les 
savants.  La  conformité  de  ces  goûts 
heureux  lui  faisait  rechercher  la  so- 
ciété de  Paulin,  qui  d'ailleurs  avait  con- 
tribué à  son  élévation.  Cette  haison  , 
malgré  sa  pureté,  alluma  la  plus  som- 
bre jalousie  dans  le  cœur  du  jeune 
empereur.  Il  oublia  les  vertus  d'Ëu- 
doxie  et  l'amour  qu'il  avait  eu  pour 
elle;  Paulin  lui  devint  odieux  au  point 
<pi'il  lui  fit  ôter  la  vie,  en  44o.  Eu- 
doxie,  accablée  par  ces  soupçons  flé- 
trissants, demanda  et  obtint  facile- 
ment la  permission  de  se  retirer  à 
Jérusalem.  Les  lettres  y  furent  sa  con- 
solation ;  mais  la  jalousie  de  Théodosc 


ATH 

l'y  poursuivit  encore.  Il  sut  qu'elle 
voyait  fréquemment  le  prêtre  Sévère 
et  le  diacre  Jean  ;  le  comte  Saturnin  fut 
envoyé  aussitôt  pour  les  faire  mourir  : 
il  exécuta  sans  examen  cet  ordre  bar- 
bare. Eudoxie,  exaspérée  par  cette 
cruelle  persécution,  ternit  une  vie  in- 
tacte jusque-là,  eu  faisant  tuer  Sa- 
turnin. L'empereur  la  priva  de  toute 
sa  maison.  Eudoxie  vécut  encore 
vingt  aus ,  expiaut  par  ses  larmes , 
par  son  repentir ,  par  sa  piété,  le  crime 
que  l'honneur  outragé  lui  avait  fait 
commettre  ;  elle  bâtit  des  églises  et 
des  monastères  ,  releva  les  murs  de 
Jérusalem  qui  tombaient  en  ruines. 
Quelques  historiens  rapportent  qu'elle 
embrassa  les  erreurs  d'Eutychès  , 
mais  que  S.  Simcon  Stylite ,  par  ses 
exhortations  touchantes,  la  ramena  à 
la  foi  de  l'Eglise.  Elle  mourut  vers  l'an 
460 ,  en  protestant  de  sou  innocence 
et  de  l'injustice  des  soupçons  élevés 
contre  elle.  Athénaïs,  ou  Eudoxie, 
avait  composé  plusieurs  ouvrages,  en- 
tre autres  uu  Poème  sur  la  victoire 
remportée  par  les  Romains  sur  les 
Perses,  eu  421,  ime  traduction  en 
vers  des  livres  de  IMoise ,  de  Josué , 
des  Juges  et  de  Ruth.  On  lui  attribue 
aussi ,  mais  avec  peu  de  certitude , 
une  /7e  deJ.-C. ,  composée  avec  des 
vas  pris  dans  Homère;  idée  bizarre  , 
qui  ,  tout  en  prouvant  l'instniction 
d'Eudoxie,  montre  assez  les  rapides 
progrès  que  le  mauvais  goût  faisait 
alors  dans  la  littérature.  Cet  ouvrage 
nommé  le  Centon  d'Homère,  est  com- 
pris dans  la  Bibliothèque  des  Pères. 
11  a  été  imprimé  sous  ce  titre  :  Home- 
rici  centones ,  Virgiliani  centonesy 
Nonni  paraphrasis  evangelii  Joan- 
nis,8,r.  Int.;  II.  Stephuniis ,  1578, 
in- 16.  Pholius  attribue  encore  à  cctie 
princesse  un  Poome ,  en  trois  livres, 
sur  le  martvre  de  S.  Cyprien ,  ouvrage 
dont  ij  vante  le  mérite  ,  tout  en  coa- 


ATH 

Tenant  que  la  fidélité  historique  n'a 
pas  permis  à  Eudoxie  d'y  mettre  beau- 
coup de  poésie.  L — S — e. 

ATHE^ÉR,  médecin  qui  paraît 
être  né  à  Attaie  en  Ciiicie  ,  vers 
l'an  9  de  l'ère  clirétieune.  Celse  et 
Pline  n'en  parlent  pas  ;  Ga!ien  seul 
en  fait  mention.  On  ne  peut  guère 
avoir  une  opinion  précise  de  sa  doc- 
ti'ine;  car ,  de  tous  ses  écrits ,  quelque 
nombreux  qu'ils  paraissent  avoir  été  , 
il  ne  nous  reste  que  deux  ou  trois 
chapitres  dans  le  recueil  d'Oribaze.  Il 
n'admettait  pas  le  feu,  la  terre  ,  l'eau 
et  l'air  comme  éléments  ;  mais  il  ré- 
servait ce  nom  aux  qualités  premières 
de  ces  corps ,  et  en  consacrait  uu  cin- 
quième ,  sous  le  nom  de  pneuma  ,  ou 
esprit,  dont  les  manières  d'être  dé- 
terminaient tous  les  mouvements  en 
santé  et  en  maladie.  C'est  de  ce  nom 
que  la  secte  dont  il  est  le  chef  a  pris 
le  nom  de  pneumatique.  Nous  avons 
déjà  dit,  à  l'art.  Arete'e,  que  plu- 
sieurs veulent  que  ce  dernier  ne  soit 
qu'Athénée  ,  et  dès  lors  ,  tous  les 
éloges  que  nous  avons  donnés  au  bel 
ouvrage  des  maladies  aigiies  et  chro- 
niques du  premier  devraient  s'appli- 
quer à  cehii-ci.  C,  et  A — n. 

ATflENÉE,  grammairien  ,  né  à 
Naucratis  en  Egypte,  sous  le  l'ègne 
de  Marc  Aurèle ,  vivait  encore  sous 
celui  d'Alexandre-Sévère,  vers  l'an 
iiS  de  J.-C.  Sa  vie  ne  nous  est 
point  connue.  Nous  avons  de  lui  un 
ouvrage  intitulé  les  Deipnosophistes , 
ou  le  Banquet  des  sa\>ants ,  qui  est 
un  trésor  d'érudition  dans  tous  les 
genres,  et  sans  lequel  nous  ignore- 
rions beaucoup  de  choses  sur  l'anti- 
quité. Cet  ouvrage ,  divisé  en  quinze 
livres  ,  nous  est  parvenu  en  entier,  à 
l'exception  des  deux  premiers  livres, 
dont  nous  n'avons  qu'un  abrégé.  La 
première  édition  est  due  àAlde,Ve- 
ikise,  4  5 1 4?  iû-fol.  ;  les  meilleures  sont 


ATH  6it 

les  suivantes  :  Athenœi  Naucratitce 
Deipnosophistce ,  curd  et  studio  I§. 
Casauboni ,  cum  inîerpretalione  la^ 
tind  Jacobi  Dalechampii ,  apud  Hie- 
ron,  Carreliacura  ,  i  oç)-; ,  in-fol.  Cette 
édition,  faite  sous  ies  yeux  de  Casaubon 
lui-même ,  a  été  long-temps  la  plus  cor- 
•recte.  Il  fit  paraître  ses  notes  trois  ans 
après  sous  ce  titre  :  Is.  Casauboni 
animadversionum  in  Athenœi  Deip" 
nosophistas  libri  XV  ,  Lugduni, 
i6oo,  in-fol.  On  a  réimprimé  plu- 
sieurs fois ,  par  la  suite ,  à  Lyon,  Athé- 
née et  !e  Comment  (ire  de  Casaubon. 
On  préfère  la  réimpression  de  lOS-j, 
avec  quelques  notes  de  Fermât.  Athe- 
nœi  Deipnosophistce  è  codicibus 
manuscriptis  emendavit  Joannes 
Schwœighaeuser,  Argentorati,  i8oi- 
1H07,  iu-8".  14  vol.,  dont  cinq 
volumes  pour  le  texte  et  la  traduc- 
tion latine ,  huit  pour  les  notes  ,  et 
un  pour  les  tables.  Cette  édition,  revue 
sur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  Saint-Marc  de  Venise,  qaiestmain- 
tenautdans  la  Bibliothèque  impériale, 
est  beaucoup  meilleure  que  les  précé- 
dentes ;  cependant  elle  laisse  encore 
à  désirer.  On  a  reproché  au  savant 
éditeur  de  n'être  pas  assez  versé  dans 
les  règles  de  la  versification  grecque , 
ce  qui  était  absolument  nécessaire 
pour  un  ouvrage  tissu  en  grande  par- 
tie de  fragments  de  poètes.  Il  n'a 
peut-être  pas  assez  consulté  les  ou- 
vrages des  critiques  modernes  qui 
ont  corrigé  beaucoup  de  passages 
d'Athénée.  Cependant,  il  a  rendu  un 
très-grand  service  à  la  littérature 
grecque,  en  pubhant  cette  édition. 
L'abbé  de  jMarolles  a  traduit  Athénée ;, 
Paris  ,  1 680  ,  in  -  4°.  On  a  une 
nouvelle  traduction  d'Athénée  par  Le- 
febvre  de  ViUeb'une,  Paris,  I'^Sj- 
91,5  vol.  in-4''.,  Elle  est  très-in- 
fîdèle  et  très-mal  écrite.  M.  Jacobs , 
savant  professeur  de  Munich,  vient 

39.. 


6i2  ATH 

de  publier  Additamenla  animad- 
versionum  in  Athenœi  Deipnoso- 
phistas,  ,  Jena  ,  1809,  in  -8".  , 
ijii'ou  peut  joindre  à  l'e'dition  de 
M.  Schvvcighauser.  Dans  les  Deipno- 
sophistes  d'Athèuée  ,  on  trouve  plu- 
sieurs passages  concernant  les  fleurs 
ft  les  fruits,  et  leurs  différents  usages 
d'utilité'  ou  d'agrément,  et  ils  ont 
servi  plus  d'une  fois  à  e'claircir  le  texte 
des  auteurs  qui  ont  écrit]  sur  ce  su- 
jet ,  tels  que  Théophraste  et  Dios- 
coridc.  Dans  le  livre  quinze,  en  par- 
lant des  arbrisseaux  qui  servent  à 
faire  des  bouquets  et  des  couronnes , 
il  décrit  assez  bien  le  sjringa  sous  le 
noTU  de  philadeîphus ,  uoniraë  au- 
jourd'hui ,  par  cette  raison ,  philadeî- 
phus curonarius.  Lorsqu'à  la  renais- 
sance des  lettres,  les  botanistes  du 
16''.  siècle  s'occupèrent  à  rechercher 
les  plantes  qui  étaient  nommées  ou 
décrites  dans  les  livres  des  anciens, 
ils  le  reconnurent,  et  le  nommèrent 
philadeîphus  Athenœi.  Quoique  cet 
auteur  ne  puisse  être  compté  dans  le 
nombre  des  botanistes,  cependant 
Qn  lui  a  consacré ,  dans  ces  derniers 
temps,  un  genre  sous  le  nom  (^Athe- 
nœa.  C — r  et  D — P — s. 

ATHÉNÉE ,  mathématicien  grec  , 
dont  la  patrie  nous  est  inconnue , 
vivait  vers  l'an  210  av.  J.-C.  11  nous 
reste  de  lui  un  Traité  sur  les  machines 
de  guerre ,  adressé  à  M.  Marcellus , 
qui  avait  pris  Syracuse.  On  le  trouve 
daiis  le  recueil  intitulé  Mathematici 
veleres  ,  Paris  ,  imprimei-ie  royale , 
i6()5 ,  in-fol.  —  11  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  AïhÉ>Ée  de  Bvzance , 
que  i*emj.>ereur  Gallien  chargea  ,  avec 
Cléodamus  de  la  même  ville ,  d'aller 
fortifier  les  villes  voisines  du  Danube, 
pour  les  mettre  en  état  d'.iri  èter  les 
incursionsdesScytlios, — Antiphilius, 
dans  une  épiç,ramme  grecque  de  l'an- 
iîioîogie,  pailo  d'ua  AlKçuéc  qui  avait 


aTH 

exécuté  une  Lorloge  très-ingénieuse, 
qui  indiquait  les  heures  par  le  siffle- 
ment de  l'air,  au  moyen  de  l'impulsion 
de  l'eau  ,  poussée  par  une  ouverture 
fort  étroite  ;  il  est  probable  que  cet 
Athénée  est  le  premier  de  ceux  dont 
il  est  question  dans  cet  article.  C — r. 

ATHÉNÉE,  philosophe  péripatéli- 
cien,était  natif  de  Séleucie,  où,  pendant 
quelque  temps,  il  fut  employé  dans 
les  affaires  publiques.  Il  se  lia  ensuite 
avec  Murena ,  fut  fait  prisonnier  com- 
me lui,  puis  mis  en  liberté  par  César , 
qui  reconnut  son  innocence.  A  son  re- 
tour à  Rome ,  ses  amis  l'interrogeant 
sur  les  motifs  de  son  absence:  «Je  sors 
»  des  goufres  de  l'enfer ,  »  leur  répon- 
dit-il. il  ne  sui'vécut  pas  long-temps  à 
cet  événement ,  ayant  été  enseveli ,  de 
nuit ,  sous  les  ruines  de  sa  maison. 
—  On  compte  plusieurs  autres  Athé- 
nées ,  parmi  lesquels  Porphyre  en  cite 
un  qui  fut  philosophe  stoïcien.    K. 

ATHÉNION,  chef  des  esclaves  ré- 
voltés en  Sicile.  Vers  l'an  65o  de  Rome, 
io4''.  av.  J.-C,  les  esclaves  des  Ro- 
mains profitèrent  d'un  décret  proposé 
en  leiu'  faveur  par  Marins,  pour  se 
soulever  dans  plusieurs  provinces  sou- 
mises à  la  république.  Ces  soulève- 
ments ,  apaisés  dès  l'origine  dans 
quelques  contrées ,  devinrent,  en  Si- 
cile ,  une  véritable  guerre.  Un  joueur 
de  flûte ,  nommé  Salvius  ,  fut  le  pre- 
mier chef  reconnu  par  les  esclaves  ,  et 
porta  même  le  litre  de  roi.  Il  eut  en  peu 
de  temps  sous  ses  ordres  'io, 000  hom- 
mes de  pied,  9.000  cavaliers  ,  et  battit 
le  préteur  Licinius.  Alors  l'esclave 
Athénion,  né  eu  Cilioie,  causa  un  nou- 
veau soulèvement  dans  le  voisinage 
d'Égeste  et  de  Lilybce.  Il  assiégea  cette 
dernière  ville;  mais  l'arrivée  d'une 
flotte ,  envoyée  par  Bocrhus  ,  roi  de 
Mauritanie,  au  secours  des  Romains, 
l'obligea  à  lever  le  siège.  Il  eut  toute- 
fuii  l'ait  de  persuader  à  ses  ignorants 


ATH 

compagnons ,  qu'il  suivait  l'avis  fies 
dieux  en  prenant  ce  parti  ;  et,  depuis 
ce  temps,  ils  le  regardèrent  comme 
un  homme  inspiré  du  ciel.  Salvius, qui 
avait  établi  à  îriocola  le  siège  de  son 
gouvernement ,  invita  Athénien  à  l'y 
Tenir  trouver ,  pour  s'entendre  sur 
leurs  intérêts  communs.  Il  se  rendit  à 
cette  invitation  ,  et  Salvius  le  fit  arrê- 
ter; mais  lorsque  les  Eomains  eurent 
reçu  des  renforts,  Salvius  rendit  la 
Kberté  à  Athénien ,  et  ils  se  concer- 
tèrent sur  les  moyens  de  résister  aux 
ennemis.  Il  fût  résolu  que  Salvius  res- 
terait dans  la  ville  de  Triocola  ,  et 
qu' Athénien  marcherait  contre  le  pré- 
teur Licinius  Lucullus  ,  avec  4o,ooo 
hommes.  La  bataille  eut  lieu  aux.  en- 
Tirons  de  Scyrtaeum ,  et  les  esclaves 
montraient  le  plus   grand  courage, 
lorsqu  Athénien  ,  qui   s'était  jeté  an 
milieu  des  troupes  romaines,  fut  blessé 
aux  deux  genoux ,  et  peu  après  cou- 
Tert  d'un  monceau  de  corps  morts. 
Privés  de  leur  vaillant  chef,  les  es- 
claves prirent  la  fuite,  et  perdirent 
plus  de  20,000  hommes.  A  la  nouvelle 
de  ce  désastre ,  Salvius  abandonna  lâ- 
chement Triocola  ;  mais  Athénien ,  qui 
s'était  dégagé  de  dessous  les  morts 
dont  il  avait  été  accablé ,  rassembla  les 
restes  de  son  armée,  et  soutint  le  siège 
avec  tant  de  résohition ,  que  Licinius 
fut  forcé  de  jse  retirer  au  milieu  des 
huées  des  esclaves.  Salvius  étant  mort , 
Athénien,  devenu  seul  chef  dés  révol- 
tés, battit  le  préteur  Servilius,  et  s'em- 
para même  dé  son  camp.  Il  prit  aussi 
Macella  ;  mais  ce  fut  le  terme  de  ses 
succès.  Le  sénat  sentant  enfin  l'im- 
portance de  finir  cette  guerre,  envoya 
en  Sicile  ,  l'an  653  de  Rome ,  le  con- 
sul Manius  Aquilius ,  qui ,  l'année  sui- 
vante, tua,  dans  un  combat  siuguher, 
Athénien ,  dont  la  mort  entraîna  la 
déroute  de  toute  son  armée  (  Voy. 
\quîliu5  ).  D— ^T. 


ATH 


6i3 


ATHÉNTS.  Voy,  Akthermus. 
ATHÊNODORE ,  philosophe  stoï- 
cien ,  de  Tarse ,  en  Qlicie ,  fut  en  grand 
crédit  auprès  d'Auguste,  et  ne  se  ser- 
vit de  cette  influence,  que  pour  inspi- 
rer à  son  disciple  des  sentiments  de 
clémence  et  de  modérati  n.  C'était  lui 
qui  conseillait  à  l'empereur  de  compter 
toutes  les  lettres  de  l'alphabet,  avant 
que  de  se  livrer  aux  mouvements  de 
sa  colère.  Auguste ,  à  sa  prière,  djmi^- 
nua  les  impôts  que  payait  la  ville  de 
Tarse.  Il  lui  confia  l'éducation  du  jeune 
Claude,  qui  fut  depuis  empereur,  et 
qui  réjjondit  si  mai  anx  soins  de  son 
vertueux  maître.  Athénodbre  mourut 
dans  sa  patrie ,  à  quatre-vingt-deux 
ans.  Il  avait  écrit,  sur  la  ville  de  Tarse, 
un  livre  qui  ne  nous  est  peint  par- 
Tcnu.  -—  Un  autre  Athenodore,  éga- 
kment  de  Tarse ,  et  surnommé  Cor- 
dflion ,  fut  chargé  de  la  garde  de  la 
bibhothequedePergame.il  avait  rayé, 
des  livres  des  stoïciens ,  dont  il  suivait 
la  doctrine,  tout  ce  qu'il  y  trouvait  à 
reprendre  ;  mais  on  l'obligea  de  resti- 
tuer ces  passages.  Caton  fît  expiés  le 
voyage  de  Pergame  pour  le  voir ,  par- 
vint à  se  l'attacher ,  et  l'emmena  avec 
lui.  —  On  compte  un  troisième  Athe= 
NODORE ,  de  Soles ,  aussi  philosophe 
stoïcien,  et  un  quatrième,  de  la  secte 
de  Platon  ,  contemporain  et  ami  da 
Sallustele  Cynique.  On  a  souvent  con- 
fondu ces  homonymes.  D.  L. 

ATHIAS  (Joseph;,  rabbin  et  im- 
primeivr  d'Amsterdam ,  auquel  nous 
devons  une  des  éditions  les  plus  cor- 
rectes du  texte  hébraïque  de  \ Ancien 
Testament.  Elle  a  été  imprimée  deux 
fois,  en  i6()veten  1667  {Foy.  sur 
le.  mérite  comparatif  de  ces  deux  im- 
pressions, \3i  Bibliothèque  sacrée  j  du 
P.  Le  Longj  p.   98  du  2^.  volume 
de  l'édit.  de  1709,  in-8°.).  La  plupart 
des  éditeurs  modernes  de  la  Bible  on  t 
suivi  le  teste  d'AthiaSy  nonmiéiftent 


6i; 


ATH 


Clodius ,  Majus ,  Jablonski ,  J.  H.  Mi- 
cliaëlis,  Opitins ,  Everard  van  der 
Ilooght,  Piops ,  Houbigant  et  Simon  ; 
il  est  aussi  la  base  de  l'édilion  cri- 
tique de  Hennicott ,  et ,  conjointe- 
ment avec  ccr.x  de  la  Pclyg^loUe  d'Al- 
cala  et  de  Boinbeig  ,  une  des  sources 
de  l'édition  de  Reineccius  ,  réimpri- 
mée en  1795,  sous  la  direction  du 
savant  Dordcrlcin.  Le  texte  en  est  en- 
core remarquable  par  les  soins  que  lui 
donna  Jean  Leusden  ,  dont  la  préface 
est  en  tète  de  Touvrage.  Les  versefs  y 
ont  e'te',  pour  la  première  fois,  tous 
marques  d'un  chiftVe  arabe.  Avant  ces 
éditeurs,  les  chapitres  ne  portaient 
pas  d'autres  marques  de  divisions  que 
les  lettre-,  hébroiaues  que  Rabbi  Natlian 
avait  placées  de  cinq  en  cinq  vers,  et 
que  le  rabbi  n  Atl)  ias  a  de  même  admises 
ilans  son  édition.  Les  états -généraux 
des  Provinces-Unies  lui  témoignèrent, 
rn  1667,  leur  satisfaction,  en  lui  en- 
voyant une  chaîne  d'or  et  une  médaille. 
Je  ne  trouve  pas  de  renseignements 
précis  sur  ses  années  de  naissance  et 
de  mort  (  Vor.  sur  le  mérite  critique 
de  sa  Bible,  V  Introduction  aux  livres 
du  Fieux  Testament ,  par  J.  Godef. 
Eirhliorn,  5''.  édition  de  Leipzig,  de 
i8o5,  '1  vol.  p.  217,  et  V Histoire 
de  la  Philologie  moderne ,  du  même 
savant,  Gœtting.,  1807,  vol.  1,  p. 
462.  T'^oy.  aussi  Prideaux ,  Histoire 
des  juif'i ,  tom.  a ,  p.  l 'iS  ).  S — r. 
ATkINS  (Sir  Robert  },  juriscon- 
Snltc  céicbrc  en  Angleterre ,  fils  de 
sir  Edouard  Atkins ,  lord-baron  de 
l'échiquier ,  et  descendant  d'une  des 
plus  anciennes  familles  du  comté  de 
Glocestcr ,  fut  créé  chevalier  du  Hain 
au  couronnement  de  Charles  11 ,  en 
ï6Gi  .  et,  dix  ans  après,  nomméTun 
des  douze  grands-juges  d'Angleterre 
dans  la  cour  des  communs-plaids.  En 
1679,  mécontent  de  la  tournure  que 
prenaient  les  affaires  publiques ,  il  se 


ATK 

démit  de  sa  charge,  et  se  relira  dans 
sa  campagne  :  on  l'y  vint  chercher  eu 
i683  ,  pour  le  consulter  sur  l'accusa- 
tion particulière  intentée  dans  le  fa- 
meux procès  de  Bye-House  ^  contre 
ce  lord  Russel  dont  les  vertus  privées 
commandaient  le  respect  à  tous  les 
partis  ,  et  dont  les  délits  politiques  , 
restés  sans  exécution  ,  éteints  par  une 
prescription  légale,  dénués  de  preuves 
juridi<jues  ,  étrangers  enfin  au  statut 
d'Édou«.rd  III ,  au  nom  duquel  on  les 
poursuivait ,  ou  n'avaient  jamais  pu  , 
ou  ne  pouvaient  plus  attirer  sur  cet 
infortuné  seigneur  une  peine  capitale. 
Les  deux  consultation!^  données  à  ce 
sujet  par  sir  Robert  Atkins,  sont  par- 
venues jusqu'à  nous.  «  Je  ne  me  dissi- 
»  niulc  pas,  disait-il  ,  en  commen- 
))  çant  la  première ,  le  danger  que 
)>  court  aujourd'hui  celui  qui  donne  un 
»  conseil ,  ou  qui  hasarde  une  discus- 
»  sion  sur  les  afïaires  publiques  :  mais 
»  jamais  aucun  danger  nem'empèche- 
»  ra  de  reniplir  l'obligation  par  la- 
»  quelle  tout  homme  est  lié  envers 
»  son  semblable.  Jamais  je  ne  repous- 
»  serai  celui  qui  aura  besoin  de  mes 
»  conseils  ;  jamais  je  ne  me  refuserai 
»  au  devoir  d'aider  ceux  dont  une 
»  accusation  capitale  mettra  la  vie  en 
»  péril ,  et  surtout  quand  la  conduite 
»  générale  de  ces  accu&g^,  quand  leurs 
»  actions  et  leurs  discours  me  mon- 
»  trent  en  eux  des  hommes  dignes  de 
»  respect ,  de  vrais  amis  de  leur  pays , 
»  de  leur  religion ,  de  leur  roi.  » 
Oue  Russel  et  Sydney  (  Foy.  leurs 
articles  )  fussent  dignes  de  respect , 
c'est  ce  que  la  postérité  a  proclamé 
plus  solennellement  encore  que  leurs 
contemporains;  qu'un  patriote  angli- 
can vit  en  eux  de  r-rais  amis  de  leur 
pays  et  de  leur  religion ,  c'est  ce  qui 
devait  êlre  ;  mais  conçoit-on  que 
même  l'esprit  de  ficlion  ÏM  pu  abuser 
des  mots  ,    jusqu'à    quahficr  à' ami 


ATK 

véritable  du  roi,  ce  lord  Russel,  qui, 
•sans  doute,  repoussait  avec  horreur  le 
simple  soupçon  d'avoir  pu  consen- 
tir à  l'assassinat  du  roi ,  mais  à  qui, 
suivant  le  langage  de  Hume  ,  sa 
probité  ne  permit  pas  de  nier  un 
projet  de  soulèvement  général,  et 
qui  ne  se  défendait  contre  cette  accu- 
sation que  par  le  statut  qui  la  décla- 
rait prescrite  de  quelques  mois?  Atkins 
cependant  e'tait  bientôt  ramené  à  ce 
vrai  ,  sans  lequel  rieti  nest  beau , 
lorsqu'il  e'tablissait  la  de'fense  de  son 
client  5  lorsque  discutant  la  non-revc- 
lation  des  pre'tendus  complots  ,  il 
disait ,  sur  le  procès  de  Russel  et  de 
Sidney  ,  ce  que  Montesquieu  a  dit 
depuis  sur  le  procès  de  Cinq-Mars  et 
de  Thou  ;  lorsqu'il  s'e'levait  contre  les 
inventeurs  de  ces  trahisons  construc- 
tives  ,  qui  renverseraient  toutes  les 
lois,  si  une  seule  loi  pouvait  les  recon- 
naître; lorsque  dévoilant  l'infamie  des 
dénonciateurs  prétendus  complices , 
il  s'écriait  :  «  Dieu  préserve  ma  patiie 
»  de  la  honte  de  voir  de  tels  accusés 
w  condamnés  sur  la  f  )i  de  tels  te- 
»  moins  !  »  Lorsqu'enfiu  arrivé  au 
terme  de  sa  consultation,  il  disait  : 
«  Je  désire  de  toute  mon  ame  ,  je 
»  demande  au  Tout-Puissant ,  avec 
»  une  humble  ferveur,  que  ceux  qui 
»  ont  donné  tant  de  preuves  de  leur 
1)  amour  pour  la  vraie  religion ,  pour 
1)  les  libertés  et  les  droits  légitimes  de 
»  leur  pays,  puissent  paraître  inno- 
s>  cents  dans  le  procès  qui  s'instruit.  » 
Les  vœux,  d' Atkins  ne  furent  pas  exau- 
cés ;  son  avis  ne  fut  pas  plus  respecté 
que  les  lois  qui  l'avaient  dicté.  Ce  Jef- 
fereis ,  dont  le  caractère  est  une  si  triste 
exception  dans  l'histoire  des  juges  an- 
glais ,  enflamma  le  jury ,  et  lord  Russel 
porta  sa  tête  sur  l'échafaud.  Sir  Ro- 
bert Atkins  n«  put  maîtriser  son  in- 
dignation. Les  ministres  ayant  fait 
distribuer  un  pamphlet  poiir  capter 


ATK  6i5 

l'opinion  publique,  Atkins  y  répondit 
par  un  écrit  qu'il  intitula  :  Défense 
de  feu  lord  Russel,  mort  innocent , 
ou  Réfutation  du  libelle  qui  a  pour 
titre  :  antidote  contre  le  poison. 
Il  inséra  dans  sa  préface,  les  con- 
sultations qu'il  avait  données  pour 
l'infortuné  lord.  Il  ne  craignit  pas  de 
déclarer  qu'il  les  pubhait  «  pour  venir 
»  au  secours  de  tous  ceux  qui,  expo- 
»  posés  aux  mêmes  poursuites  que 
»  cette  noble  victime,  trouveraient, 
»  dans  cette  collection ,  les  moyens 
»  de  défense  à  employer.  »  Il  réprou- 
va, comme  indigne  de  figurer  dans 
un  Code  anglais,  la  loi  qui  refusait 
l'assistance  d'un  conseil  aux  prévenus 
d'un  délit  de  lèze-majesté;  et  l'Angle- 
terre rapporte,  à  cette  réclamation,  le 
premier  principe  des  lois  plus  huraii- 
nes  qu'elle  a  obtenues  a  cet  égard  ; 
mais,  en  analysant  toutes  les  charges 
alléguées  contre  lord  Russel,  sir  Ro- 
bert Atkins  se  laissa  encore  entraîner, 
non  pas  seulement  par  son  indignation 
et  sa  pitié,  mais  par  un  esprit  de  parti 
dont  l'exaltation,  quand  elle  est  portée 
à  ce  point,  franchit  jusqu'aux  bornes 
de  la  raison.  Le  dernier  passage  qui 
parut  exagéré,  même  en  Angleterre, 
serait  trouvé  à  peine  intelligible  ail- 
leurs, surtout  quand  on  imaginerait 
tout  à  coup  de  ne  pas  comprendre  ce 
qu'était ,  juridiquement  parlant ,  un 
garde-du-corps  du  roi.  «  Des  gardes! 
»  s'écriait  Atkins,  des  gardes!  Quelle 
»  est  la  chose  que  la  loi  autorise? 
«  Quels  sont  les  individus  que  la  loi 
«  reconnaît  sous  ce  titi'c  de  gardes  du 
»  roi?  Et  la  cour,  qui  a  instruit  le 
»  procès  de  ce  noble  lord,  et  les  juges 
»  de  la  loi,  qui  ont  concouru  à  sa  sen- 
»  tence ,  sous  la  religion  du  serment, 
»  qu'ils  me  disent  quel  jugement  légal 
»  ils  ont  porté ,  quel  sens  légal  ils  ont 
»  conçu ,  en  prononçant  ce  mot  de 
»  gardes  ?  Ont-ils  jamais  lu  dans  leurs 


€i6  ATÇ 

j^  livres  de  loi?  ont-ils  jamais  reiicon- 
»  tre' ,  dans  leui'  recueil  de  statuts ,  la 
»  plus  légère  mention  d'aucune  espèce 
»  de  gardes  ?  La  loi  d'Angleterre  ne 
»  sait  pas  ce  que  c'est  que  ces  gardes; 
»  elle  n'en  dit  pas  un  mot ,  elle  n'eu 
»  prononce  pas  le  nom,  :  FaccusatLon 
»  était  donc  vague,  incertaine,  radica- 
^  lement  nulle.  Des  gardes  !  le  roi  est 
»  gardé  par  la  protection  spéciale  de  la 
»  toute -puissante  Providence,  qui  a 
»  voulu  qu'il  régnât,  et  dont  il  est  ici- 
w  bas  le  i-eprésentant.  Le  roi  a  ,  autour 
»  de  lui ,  une  garde  invisible,  qnc  lui 
»  forment  les  anges  du  ciel  : 

Non  eget  Mauri  jaculis  nec  arcn  , 
Wec  venenatis  gravidà  sagittis, 
Crede  ,  Pharelrâ. 

»  Le  roi  est  gardé  par  l'amour  de  ses 
»  sujets ,  sa  première ,  sa  plus  sûre 
»  garde  après  Dieu  ;  il  est  gardé  par 
T»  la  loi  et  les  cours  de  justice.  La  mi- 
»  lice ,  et  les  bandes  légalement  enré- 
»  gimentées ,  voilà  la  garde  légale  du 
»  roi ,  et ,  en  même  temps ,  la  garde 
y>  de  tout  le  royaume.  Que  dis-je  ?  ces 
»  juges  eux-mêmes  qui  ont  prononcé 
»  sur  la  destinée  du  noble  et  infortune 
»  lord ,  ils  étaient  les  gardes  du  roi  et 
»  du  royaume  ;  mais  ils  étaient  aussi 
»  les  gardes  de  lord  Russel  ,  contre 
»  toutes  les  accusations  erronées  et  ir- 
»  régulières ,  contre  tous  les  faux  té- 
»  moins  et  toutes  les  preuves  fallacieu- 
»  ses ,  contre  tous  ces  torrents  d'un 
»  esprit  et  d'une  éloquence ,  employés 
»  à  de  si  malheureuses  fins.... ,  etc.  » 
En  nous  arrêtant  sui'  cette  dernière 
phrase,  qui  nous  paraît  réunir  tous  les 
penres  de  sublime,  la  beauté  du  senti- 
ment ,  la  force  de  la  pensée ,  et  l'éner- 
gique simplicité  de  l'expression ,  nous 
regretterons  de  la  trouver,  pour  ainsi 
dire ,  perdue  au  milieu  d'une  si  vaine 
déclamation,  quenousavons  beaucoup 
abrégée.  Quelle  est  donc  la  société  hu- 
maine, à  peine  initiée  dan?  la  civilisa- 


ATK 

tion ,  qui  n'ait  senti  la  nécessité  de  cqua. 
fier  à  une  garde  spéciale ,  la  sûreté, 
d'une  tête  aussi  précieuse  que  celle  du 
chef  de  l'État  ?  Et  quels  juges ,  quels 
jurys,  quels  hommes  abandonnés  à 
leur  seule  raison ,  verront  un  factieux 
machiner  h.  destruction  de  celte  gar- 
de, sans  en  conclure  qu'il  en  veut  à  la 
vie  gardée  par  elle?  L'année  suivante, 
1684,  le  défenseur  de  lord  Russel  dé- 
fendit avec  autant  de  chaleur  et  avec 
plus  de  succès ,  comme  avec  plus  de 
jugement,  l'orateur  de  la  chambre  des 
communes  ,  sir  William  Williams  , 
accusé  par  le  procureur-général,  de- 
vant la  cciu'  du  banc  du  roij  comme 
coupable  fie  libelle  séditieux,  pouç 
avoir  imprimé  et  publié,  par  ordre 
de  sa  chambre,  une  narration  et  pé- 
tition inculpant  les  ministres.  On 
devine  aisément  que  sir  Robert 
Alkins  fut  un  des  partisans  les  plus 
zélés  et  des  instruments  les  plus  ac- 
tifs de  la  révolution  de  1688.  Le  rot 
Guillaume  lui  en  témoigna  sa  recon- 
naissance, en  le  nommant,  dans  le. 
mois  de  mai  1O89,  lord  chef-baron  , 
ou  premier  président  de  la  cour  de. 
l'échiquier.  Le  19  octobre  suivant,  il 
fut  élu  orateur  de  la  chambre  des 
pairs ,  à  la  place  du  marquis  de  Hali- 
fax. Il  remplit  ces  dernières  fonctions 
pendant  quatre  ans ,  les  autres  pen- 
dant six  ;  et ,  âgé  alors  de  soixante- 
quatorze  ans ,  il  se  retira ,  pour  le 
reste  de  sa  vie ,  dans  ses  terres  de 
Glocestershire.  11  y  passa  encore, 
quatorze  années ,  tranquille  et  heu-, 
reux,  avec  sa  bonne  conscience,  sa. 
bonne  renommée ,  ses  livres ,  et  une 
famille  dont  il  était  cheriautant  que 
respecté.  Il  mourut  à  88  ans  ,  en 
1709.  Tous  ses  ouvrages  ont  été  ras- 
seniblés  dans  un  volume  in-S". ,  sous 
le  titre  de  Traités  parlementaires  et 
politiques  ;  on  y  trouve  ,  indépen- 
damment des  écrits  dont  nous  avons 


ATK 

parlé,  une  Dissertation  mr  Vélee- 
tion  des  membres  du  parlement,  des 
Becherches  sur  le  pouvoir  de  dis- 
penser des  lois  pénales ,  une  Dé- 
fense de  la  juridiction  ecclésiasti- 
que dans  le  ro^raume  d'Angleterre; 
çnfin  un  Discours  du  lord  chef-baron 
de  V échiquier ,   le  jour  de  la  récep- 
tion et  prestation  de  serment  du  lord 
maire  de  Londres  ,  devant  la  cour 
de  l'échiquier,  en  \6ç)5.  Ce  dernier 
discours ,  célèbre  alçrs  en  Angleterre , 
parce  qu'il  contenait  une  diatribe  vio- 
lente  contre   Louis  XIV,  dénonçait 
pour  le  moins  autant  la  corruption  du 
gouverneinent  anglais  que  l'ambition 
du  monarque  français.  Quant  au  mé- 
rite de  la  composition  ,  il  est  impos- 
sible de  n'y  pas  trouver  aujourd'hui 
plus  d'esprit  que  de  goût ,  plus  d'hu- 
meur que  de  noblesse,  et  toujours 
cette  espèce  d'originalité  qu'on  appel- 
lerait plus  justement  de  la  bizarrerie. 
Au  surplus  ,  les  auteurs  de  la  Biogra- 
graphie  britannique  disent  que  «  qui- 
conque veut  connaître  à  fond  la  vraie 
constitution  de  l'Angleterre,  les  vraies 
causes  de  la  révolution  de  1688,  et  le 
danger  de  laisser  la  prérogative  s'éle- 
ver au-dessus  de  la  loi,  ne  peuvent  lire 
un  ou-^Tage  plus  instructif  ni  plus  clair 
que  les  traités  de  sir  Robert  Atkins  ». 
L— T— L. 
ATKINS  (Sir  Robert),  fils  du  pré- 
cèdent,  né  en  i644j  passionné,  dès 
sa  jeunesse ,  pour  l'étude  des  lois  et  de 
l'histoire  de  son  pays  ;  élu  membre  du 
parlement ,  par  son  comte  do  Gloces- 
ter  j  auteur ,  enfin ,  d'une  histoire  Irès- 
estimée  de  ce  comté,  gage  de  sa  re- 
connaissance pour  l'affcclion  extrême 
que  les  habitants  avaient  constamment 
témoignée  à  sa  famille  et  à  lui.  11  avait 
été  élevé  sous  les  yeux,  éclairé  par  les 
lumières  de  son  père.  Le  respect  filial 
de  l'un  égalait  la  tendresse  paternelle 
i$e  l'autre,  et  tandis  que  leurs  scnti- 


A  T  K  6if 

m^nts  naturels  se  confondaient,  leurs 
jn'incipes  et  leurs  opinions  publiques, 
étaient   diamétralemeut  opposés.  On 
peut  en  juger  par  ce  passage  de  V His- 
toire de  Glocestershire  ,  Londres  , 
171a,  in -fol. ,  rare  (la  plupart  des 
exemplaires  avant  péri  dans  l'incendie 
du  magasin  de  l'imprimeur  )  où ,  en  par- 
lant du  siège  de  la  capitale  de  cette  pro- 
vince, entrepris  et  levé  par  Charles  1''''., 
en  1645 ,  Atkins  s'écrie  avec  douleur  : 
«  Ce  malheureux  siège  arrêta  le  cours 
»  des  victoires  du  roi  ;  il  fallut  le  lever  j 
»  la  chance  de  la  terre  tourna  cntière- 
»  ment  j  Charles  n'obtint  plus  aucun 
»  succès ,  et  il  fut  prouvé  que  le  plus 
))  crand  des  rois,  et  le  meilleur  des 
»  nommes ,  n'était  pas  a  l'abri  de  la 
»  violence  des  méchants.  Famille  vrai- 
»  ment  royale  î  qui  sera  toujours  hono- 
»  rée  dans  la  mémoire  des  hommes  de 
»  bien,  et  à  qui  tout  le  monde  chré-. 
«  tien  eût  reodu  les  mêmes  hommages, 
»  si  elle  eût  été  aussi  heureuse  qu'elle 
»  méritait  de  l'être  !  »  Peut-être  faut- 
il  observer  que  c'était  sous  le  gouver- 
nement de  la  reine  Anne  que  s'écri- 
vait et  se  publiait  cette  Histoire ,  dont 
l'auteur  mourut,  en  1711,   n'ayant 
survécu  qu'une  année  à  son  père. 
L— T— L. 
ATKINS  (Richard),  auteur  an- 
glais, né  en  i6i5 ,  d'une  famille  noble 
du  comté  de  Glocestre,  Son  dévoue- 
ment à  la  cause  royale ,  pendant  la 
guerre  civile,  ayant  amené  la  perte  de  sa 
fortune ,  il  se  mit  à  composer  des  livres; 
mais  cette  ressource  ne  contribua  pasà 
l'enrichir,  et  il  mourut  en  prison ,  poijr 
dettes  ,  çn  1677.  On  a  de  lui:  I.  un 
Traité  sur  l'origine  et  les  progrès  de 
l'imprimerie  en  Angleterre,  publié  à 
Londres,  en   1664,  in-4''v  IL  SQU 
Apologie,  contenant  une  Relation  de 
quelques  circonstances  de  la  guerre 
qui  se  faisait  à  l'ouest  de  l'Angleten-e  , 
suivie  d'un  petit  ouvrage  de  mysticité? 


Çi8  ATK 

infitulc  :  Soupirs  et  éjaculalions  de 

l'ame,  in-4".  4669.  X — s. 

ATKINS  (John,  ou  Jean),  chi- 
rurgien anglais,  partit  en  1721  ,  sur 
le  bâtiment  de  guerre ,  le  Swallo-^v , 
qui ,  de  concert  avec  le  TFebnoulh , 
alla  croiser  contre  les  pirates  dont  les 
cotes  d'Afrique  étaient  infestées.  Les 
deux  vaisseaux  visitèrent  ces  côtes , 
depuis  la  rivière  de  Sicrra-Léone  jus- 
qu'au golfe  de  Bénin,  et  relâchèrent 
ensuite  à  l'île  du  Prince  ,  où  la  plus 
grande  partie  des  équipages  mourut 
d'une  lièvre  contagieuse.  Atkins  fut 
nomme  tre'sorier  du  fFeimoiith,  par- 
ce qu'il  ne  restait  plus  personne  sur 
ce  vaisseau ,  qui  fût  propre  à  remplir 
cet  office  ;  et  il  continua  néanmoins  à 
y  exercer  les  fondions  de  chirurgien. 
Les  deux  bâtiments  allèrent  au  Brésil, 
à  la  Barbadc  et  à  la  Jamaïque  ;  ils  ar- 
livcrent  en  Angleterre,  dans  l'année 
1723.  Atkins  publia  ses  Voyages,  à 
Londres,  en  1705.  On  y  trouve  des  dé- 
tails curieux  sur  les  mœurs  et  les  pro- 
ductions des  contrées  qu'il  a  visitc'cs. 
Quoiqu'il  ne  fût  pas  marin ,  son  ou- 
vrage est  rempli  de  renseignements 
nautiques  très-utiles,  parmi  lesquels  il 
feut  distinguer  ce  qu'il  dit  sur  les 
vents,  les  marées  et  les  courants  qui 
ont  lieu  près  de  la  côte  de  Guinée.  Les 
explications  qu'il  en  donne  prouvent 
que  ses  connaissances  n'étaient  pas  bor- 
ne'es  à  ce  qui  concerne  son  état.  On  lui 
reproche  cependant  de  s'être  laisse' 
quelquefois  entraîner  à  la  vivacité'  de 
son  imagination ,  et d'avoii:  avance' ,  sur 
d'aqtres  articles,  des  opinions  para- 
doxales. Ses  re'cits  plaisent  par  leur 
rapiditcet  par  la  manièrepiquante  dont 
il  peint  ce  qu'il  a  vu  ;  maisils  sont  plus 
propres  à  de'prècier  les  pays  et  les 
hommes  dont  il  parle ,  qu'à  les  faire 
réellement  connaître.  R — h. 

ATOSSE  était  l'aînée  des  filles  âe 
Cyrus  j  elle  fut  d'abord  mariée  à  Cara- 


ATT 

byse,  son  frère;  après  la  mort  de  ce 
prince,  Sraerdis  le  mage,  qui  se  fai- 
sait passer  pour  son  frère,  usurpa 
l'empire  et  épousa  Atosse  j  elle  fut  ma- 
riée en  troisième  lieu  à  Darius  qui  fiit 
nommé  roi  lorsque  Smcrdiseut  été  tué. 
Un  ulccreiuiétantvenu  au  sein,  elle  eut 
recours  à  Démocède  de  Crotone,  cé- 
lèbre médecin ,  qui  la  guérit  parfaite- 
ment, et  elle  lui  procura  les  moyens 
de  retourner  dans  la  Grèce.  On  ne 
doit  pas  ajouter  foi  à  ce  qu'on  lit  dans 
un  commentateur  d'Aristote ,  que  Xer- 
cès,  son  fils,  la  dévora  dans  un  ac- 
cès de  fureur.  On  lui  attribue  l'inven- 
tion des  lettres  missives,  ce  qui  n'est 
pas  non  plus  très -croyable. — Une 
autre  Atosse,  fille  d'Artaxcrcès  Mné- 
mon  ,  se  maria  avec  son  propre  père , 
qui  avait  conçu  pour  elle  la  passion  la 
plus  violente.  G — R. 

ATSIZ.  P^qy.  Atzyz. 

ATTAIGNÂNT  (Gabriel-Charles 
DE  l'  ) ,  né  à  Paris,  en  1697  ,  fut  des- 
tiné ,  par  sa  famille,  à  l'état  ecclésias- 
tique ,  et  obtint  un  canonicat  à  Reims. 
Il  passa  sa  vie  à  Paris,  fréquentant 
tour  à  tour  la  bonne  et  la  mauvaise 
compagnie;  aussi  disait-il:  «J'allume 
»  mon  génie  au  soleil ,  et  je  l'cteins 
»  dans  la  bo>ie.  »  Sa  facilité  et  sa  com- 
plaisance à  fiiro  des  iraproHiptus ,  des 
chansons  ,  des  madi'igaux,  le  faisaient 
bien  .'iccuciliir  partout.  Quoiqu'on  ait 
dit  et  imprimé  qu'il  ne  s'était  jamais 
permis  la  moindre  pièce  satirique,  il 
est  constant  qu'il  fit  plusieurs  vaude- 
villes ,  qui  lui  attirèrent  quelques  désa- 
gréments. Le  comte  de Clermont,  atta- 
qué dans  uno  de  ces  bluettes ,  le  fit, 
comme  dit  Boileau  ,  repentir  d'avoir 
voulu  imiter  Régnier.  Un  autre  jour, 
un  des  mécontents , voulant  lui  donner 
sa  rétribution  ordinaire,  se  trompa,  et 
s'adressa  à  un  autre  chanoine  de  Reims, 
qui  lui  ressemblait,  et  que  le  chanson- 
nier appelait  depuis  son  receveur.  Sur 


ATT 

ïafintlcsesjoursJ'abliéderÂttalgnant 
renonça  au  moudô  qu'il  avait  trop  aime, 
et  se  retira  chez  les  pères  de  la  doc- 
trine chrétienne.  C'était  l'abbé  Gau- 
tier, chapelain  de  l'hôpital  des  Incu- 
rables, et  confesseur  de  Voltaire  qui 
avait  opéré  cette  conversion  ;  ce  qui  fit 
naître  l'épigramme  suivante  : 

yoUaîre  et  PAttaîgnaDt .  par  avis  de  famille. 
Au  même  confesseur  nnl  fait  le  même  aveu  : 

En  tel  cas,  il  iraporlp  pt-u 
Que  ce  soit  à  Gautier,  que  ce  jnil  à  Garguille  ; 
Mais  Gaulier  cependant  me  semble  mieux  trouvé: 

L'honneur  de  deu^  cures  semblables 

A  bon  droit  était  réservé 

Au  chapelain  des  Incurables. 

L'abbé  de  l'Attaiguant  mourut  à  Paris , 
le  lo  janvier  1779.  Ou  a  de  lui  :  I. 
Pièces  dérobées  à  un  ami ,  1750,3 
vol.  in-i2,  publiés  par  Meunier  de 
Querlon ,  qui  les  dédia  à  l'auteur  lui- 
même.  Toutes  les  pièces  qui  forment 
ce  recueil  sont  reproduites  dans  le 
suivant.  II.  Poésies  de  Vabbé  de 
VAttaignant,  1737,  4  "^ol.  in  12. 
L'éditeur  fut  l'infatigable  abbé  de  La 
Porte.  Un  cinquième  volume  parut ,  en 
1779,  sous  le  titre  de  Chansons  et 
poésies  fugitives  de  l'abbé  de  VAttai- 
gnant^ in- 1 2.  III.  Épitre  à  M.  L.  P. 
sur  ma  retraite,  1 769,  in-8\  IV.  Ré- 
Jlexions  nocturnes,  1769,  in-8\  Il 
a  €u  part  au  Rossignol ,  opéra  comi- 
que ,  fait  avec  Fleury  ,  en  1752. 
^I"".  Millevoye  a  donné  un  Choix 
des  poésies  de  Vabbé  de  VAttai- 
gnant ,  1 8 1  o ,  in- 1 8.  Ce  petit  volume 
contient  tout  ce  que  l'abbé  de  l'At- 
taignant  a  fait  de  mieux  ;  et  il  y  a  en- 
core beaucoup  de  pièces  médiocres. 
On  a  publié  à  Paris,  en  1788,  les 
Muses  chrétiennes  ,  ou  Correspon- 
dance poétique  et  morale  entre  deux 
célèbres  poètes ,  in-8  '. ,  de  54  pages. 
M^  Erscli  pense  que  l'abbé  de  l'Attai- 
guant est  un  de  ces  deux  célèbres 
poètes.  Les  vers  qu'on  trouve  dans 
cette  brochure ,  ne  sont  pas  au-dessus 
d£  ce  que  l'abbé  de  l'Attaignant  a  fait 


ATT  61^ 

de  plus  médiocre.  —  L'Attaignant 
DE  Dainville  ,  parent  du  précédent , 
trésorier  de  vSt.-Lazarc,  est  auteur  du 
Fat ,  comédie  en  5  actes  et  en  vers  , 
jouée  en  1751,  et  non  imprimée. 
A.  B— T. 
ATTALE  ,  roi  de  Pergame ,  était 
fils  d'un  autre  Attale,  frère  de  Philae- 
tère.  Eumène  son  cousin  étant  mort 
sans  enfants  ,  Attale  prit  le  gouverne- 
ment de  Pergame,  vers  l'an  241  av. 
J.-C.    Il  défit  les  Gaulois  qui  rava- 
gaient  depuis  long-temps  l'Asie  mi- 
neure, et,  pour  les  empêcher  de  re- 
cevoir à  chaque  instant  de  nouvelles 
recrues,  il  les  força  à  abandonner  les 
bords  de  la  mer  et  à  se  retirer  dans 
l'intérieur  du  pays,  où  ils  fondèrent 
un  état  et  ne  cherchèrent  plus  à  trou- 
bler le  repos  des  autres  nations  voi- 
sines. Attale,  après  cette  victoire,  prit 
le  titre  de  roi ,  ce  que  n'avaient  pas 
osé  faire  ses  deux  prédécesseurs  ;  il 
profita  de  la  captivité  de  Séleucus  Ca!- 
linice  pour  s'emparer  de  toute  l'Asie 
en  dcçi  du  mont  Taurus.  Ces  conquêtes 
lui  furent  presque  toutes  enlevées  par 
Achaeus  ;  mais  il  en  reprit  une  partie 
avec  l'aide  d'un  corps  de  Gaulois  qu'il 
avait  fait  venir  de  l'Europe;  il  s'allia 
ensuite  avec  Antiochus-le-Grandpour 
faire  la  guerre  à  Achaeus  qui  s'était  ré- 
volte'. Il  fit  aussi  une  alliance  avec  les 
Romains  contre  Philippe,  roi  de  Ma- 
cédoine. Toujours  fidèle  à  ses  engage- 
ments ,  il  contracta  la  maladie  dont  il 
mourut ,  en  faisant  un  discours  aux 
Béotiens  pour  les  exhorter  à  se  réunir 
aux  Romains  contre  Philippe;  il  parla 
avec  tant  de  véhémence,  qu'il  tomba 
en  faiblesse  ;  on  le  transporta  à  Per*- 
game ,  où  il  mourut  l'an  1 97  ar.  J.-C. 
11  était  âgé  de  soixante-douze  ans ,  çt 
en  avait  régnéquarante-quatre;  il  laissa 
quatre  fils,  Eumène,   Attale,  Philae- 
tère ,  et  Athénéus  qu'il  avait  eus  d' A- 
poUonis  de  Cwzique.  C — r. 


620  ATT 

ATTALE  II,  second  fils  du  précè- 
dent, fut  célèbre  par  son  union  avec 
ses  frères  et  par  son  amour  pour  Ap- 
poUonis  sa  mère.  Il  seconda  Euraène, 
son  frère  aîné ,  dans  les  soins  du  gou- 
vernement, et  fut  cbarge  par  lui  de 
plusieurs  missions  très-importantes , 
entre  autres  de  quelques  ambassades 
auprès  du  peuple  romain ,  qui  avait 
beaucoup  d'estime  pour  lui  ;  il  fut  sur 
le  point,  dans  une  de  ses  ambassades, 
de  céder  aux  suggestions  de  quelques 
émissaires  du  se'uat,  qui,  étant  mé- 
content d'Eumène ,  aurait  voulu  que 
son  frère  se  révoltât  contre  lui;  mais 
il  fut  ramené  par  les  sages  conseils  du 
médecin  Strattius.  Euraène  étant  mort 
l'an  i59  av.  J.-C,  Attale  prit  la  cou- 
ronne en  attendant  que  son  neveu  fût 
en  âge  de  régner;  il  épousa  Stratonice, 
veuve  d'Eumène  ;  et ,  pour  ne  faire 
aucun  tort  à  son  pupille,  il  ne  voulut 
élever  aucun  des  enfants  qu'il  eut  de 
aon  épouse  ;  il  se  réunit  à  Alexandre , 
fils  d'Antiochus,  pour  faiix;  la  guerre 
à  Déraétrius,  fils  de  Séleucus,  et  il 
aida  les  Romains  dans  leur  expédition 
contre  le  faux  Philippe.  11  renversa 
aussi  la  puissance  de  Prusias  ,  en  sou- 
levant contre  lui  Nicomède,  son  pro- 
pre fils,  et  mourut  l'an  i38  av.  J.-C, 
à  un  âge  très -avancé  ,  dans  la  vingt- 
unième  aimée  de  son  règne.  Il  laissa 
le  trône  à  Attale ,  sou  neveu.  C — r. 

ATÏALE  m,  fils  d'Eumène, 
monta  sur  le  trône  après  la  mort  d'At- 
tale ,  son  oncle,  l'an  i58  av.  J.-C. 
Étant  tombé  en  démence  dès  le  com- 
mencement de  son  règne  ,  il  fit  mou- 
rir un  grand  nombre  de  ses  amis  et 
même  de  ses  parents  ,  sous  prétexte 
qu'ils  avaient  cause  la  mort ,  disait-il , 
tantôt  de  sa  mère ,  tantôt  de  Bérénice, 
son  épouse;  négligeant  ensuite  sa  per- 
sonne, il  laissa  croître  sa  barbe  et  ses 
cheveux  ,  ne  se  couvrit  que  de  vête- 
Hients  sales  et  usés,  ne  parut  plus  eu  pu- 


ATT 

blic ,  et  négligea  entièrement  les  soins 
du  gouvernement  :  il  s'occupait  à  tra- 
vailler à  ses  jardins  où  il  semait  toutes 
sortes  dépiautes  salutaires  et  venimeu- 
ses ,  dont  il  avait  fait  une  étude  parti- 
culière. Il  avait  même  éci'it,  sur  î'agii- 
culture ,  un  ouvrage  que  Varron  a  cité. 
De  cette  folie,  il  passa  à  une  autre;  il  se 
mit  à  fondre  des  ouvrages  en  bronze ,  et 
se  livra  tout  entier  à  ce  travail.  Enfin, 
il  forma  le  projet  d'ériger  lui  même  un 
tombeau  à  sa  mère,  et,  enytravaiU 
lant .  il  fut  frappé  d'un  coup  de  soleil , 
dont  il  raounjt'au  bout  de  cinq  ans  ds 
règne.  11  institua,  eu  mourant,  Iç 
peuple  romain  son  héritier.  C — r. 

ATTALE,  préfet  de  Rome,  sous 
le  règne d'IIonorius,  devint,  en  4^9 > 
un  de  ces  empereurs  que  les  barbares 
élevaient  alors  fréquemment  sur  le- 
ti'ône ,  comme  pour  y  placer  un  mo- 
nument de  leur  triomphe  et  de  ^a^^- 
lisscmentdes  Romains.  Alaric,  maître 
de  l'Italie,  que  le  faible Honorius ,  re- 
tiré dans  Havenne ,  n'avait  pu  dé- 
fendre, fit  proclamer  Attale,  par  le 
sénat  de  Rome ,  et  ce  fantôme  d'em- 
pereur témoigna  sa  reconnaissance , 
en  nommant  Alaric  et  son  beau  -  frère 
Ataulfe  ,  aux  premières  dignités  de 
l'empire.  Le  règne  d' Attale  fut  d'abord, 
assez  heureux;  plusieurs  villes  d'Italie 
se  soumirent ,  et  on  songea  à  s'em- 
parer de  l'Afrique  ;  mais  bientôt  U 
fortune  changea;  les  projets  d'Attaift 
échouèrent  de  tous  côtés;  il  voulut 
contrarier  ceux  d'Aîaric,  qui  le  déposa 
sur-le-champ  aussi  facilement  <ju'il  la- 
vait élevé ,  et  qui  lui  fit  même  arracher 
le  sceptre ,  eu  présence  de  toute  l'ar- 
mée. Attale  détrôné,  suivit  honteuse- 
ment son  capricieux  tyran.  Après  la 
mort  d'Alaric  ,  Attale  passa  au  service 
d' Ataulfe ,  et  fut  chargé  ,  en  4 1 4  ^  d^* 
préparatifs  du  mariage  de  ce  prince 
avec  Placidie  ,  fille  de  Théodose. 
Ataulfe ,  irrité  de  ce  qu'Honorius  r,«-^ 


i 


ATT 

fusait  la  paix,  fit  reprendre  à  Altale  le 
tili'c  d'empereur;  mais  le  prince  golh 
étant  mort ,  Constance ,  gc'ue'ral  ro- 
main, surprit,  en  4*6,  Attale  errant 
et  sans  appui ,  et  l'cnvuya  prisonnier 
à  Honorius  ,  qui  lui  fit  couper  la  main 
di'oite ,  et  le  relégua  dans  l'ile  de  Li- 
pari ,  où  il  mourut  dans  l'obscurité'. 
L— S— E. 

ATTAUOTA  (  Michel  ) ,  juge  et 
proconsul,  vers  l'an  lo-o  de  J.-C. , 
u  composé  un  Manuel  de  Droit,  qu'ïl 
a  dédie'  à  l'empereur  Michel  Ducas. 
Cet  ouvrage  se  trouve  dans  le  second 
volume  du  Jus  Grœco-Romamim , 
de  Leuuclavius.  C — r. 

Aï  TA  RDI  (Bonaventure),  de 
l'ordre  de  St.-Augustin ,  né  à  St.-Phi- 
iippc  d'Agire,  ou  d'Argire,  ancienne 
ville  de  la  Sicile ,  fut  d'abord  profes- 
seur d'histoire  sacrée  à  l'université  de 
Catane ,  et  ensuite  nommé,  en  1 738 , 
provincial  de  son  ordre  ,  en  Sicile  et 
à  Malte.  On  a  de  lui  :  T.  Bilancia  délia 
verilà ,  Palerme,  1708,  iu-4'''  C'est 
une  réponse  au  livre  intitulé:  Pauliis 
aposlolus  in  Mari ,  qubd  hune  ve- 
netus  sinus  dicitur ,  naufragus  ,  par 
le  P.  Ignace  Giorgi ,  bénédictin  de  la 
congrégation  de  Raguse.  La  question 
était  de  savoir  ce  que  c'était  que  l'île 
appelée ,  en  latin  ,  Melita,  ou  aborda 
S.  Paul  après  son  naufrage.  L'opinion 
la  plus  commune  voulait  que  ce  fût 
l'île  de  Malte ,  entre  la  Sicde  et  l'Afri- 
que, tandis  que  d'autres  soutenaient 
que  c'était  une  île  de  la  Dalmatie,  dite 
aujourd'hui  Melada.  Le  P.  Giorgi 
avait  écrit  en  faveur  de  cette  dernière 
opinion  ;  Attardi  soutint  victorieuse- 
ment la  première.  II.  Lettera  scritta 
ad  un  suo  amico ,  in  prova  cke  San 
Filippo  d'Ar^ira  fu  mandata  dal 
principe  degli  apostoli  San  Pielro , 
Palèrme,  1708  .  in-4°.;  III.  la  Ris- 
posta  senza  maschera  al  sig.  Lodo- 
viç-Q  /Intonio  Muratori ,  Palerme, 


AÎT 


621 


1742-  C'est  un  des  nombreux  écrits 
qui  attaquèrent  le  sage  Muratori,  lors- 
qu'il eut  soutenu  ,  sous  le  nom  d'An- 
tonio Lampidrio  ,  que  l'on  n*était  pas 
obligé  de  défendre  par  l'effusion  de 
son  sang ,  l'opinion  de  l'immaculée 
conception  de  la  vierge  Marie  (  Foy, 
Muratori).  G — e', 

ATTAVANTl  (Paul),  de  l'ordre 
des  frèi-es  servîtes,  et  communément 
appelé /rère  Paul  de  Florence,  na- 
quit dans  cette  ville  en  1 419;  il  entra 
dans  l'ordre  dès  sa  première  jeunesse, 
et  s'y  distingua  par  ses  vertus  et  par 
son  savoir.  Le  philosophe  Marsile  Ficin 
l'ayant  entendu  prêcher,  admira  sou 
éloquence ,  et  la  compara ,  dans  une  de 
ses  lettres,  à  celle  d'Orphée.  Attavanti 
était  lié  avec  tous  les  savants  qui  flo- 
rissaieut  alors,  et  se  rendait  souvent 
aux  assemblées  de  l'académie  platoni- 
cienne, qui  se  réunissait  dans  le  pa- 
lais de  Laurent  de  Médicis.  Après 
avoir  passé  quelques  années  à  Rome 
dans  un  autre  ordre  ,  il  revint  à  celui 
des  servîtes  ;  il  contribua ,  par  ses  pré- 
dications ,  à  l'étendre  en  Piémont,  en 
Savoie  et  en  Suisse.  Il  n'en  fut  point 
général ,  comme  on  l'a  écrit ,  mais 
seulement  provincial  eu  Toscane.  Il 
était  revêtu  de  cette  dignité ,  lorsqu'il 
mourut  à  Florence,  au  mois  de  mai 
1499,  âgé  de  80  ans.  Ses  ouvrage» 
imprimés  sont  :  I.  Fita  Beati  Joa- 
chimi  ord.  servorum ,  etc.,  insérée 
dans  les  Actes  des  Saints ,  de  Bol- 
"landus ,  tom.  II ,  sous  la  date  du  1 6 
avril  j  IL  Quadragesimale  de  re- 
ditu  peccatoris  ad  Deum ,  Milan  , 
1479,  iu-4".  L'auteur  prêcha  ce  ca- 
rême taudis  qu'il  était  à  Rome,  dans 
l'ordie  du  St.  Esprit  ;  au  lieu  des 
Pères ,  il  y  cite  souvent  Dante  et  Pé- 
trarque. \l\.  Breviarium  totius  juris 
ca«omci, Milan,  1478,  i479j  iu-fol.j 
Memmingen,  i486;Bàle,  i487,in-4*. 
IV.  Expositio  in  Psalmos  poeniien  ■ 


ôîi  ATT 

tiales,  Milan,  1479,  in-/^".;  Y.  De 
Origine  ordinis  servorum  Beaiœ  Ma- 
riœ  dialogns.  Cet  opuscule,  écrit  eu 
i  456,  et  dédie  à  Pierre  de  Médicis,  fils 
de  Cosme  et  père  de  Laiireut-l'e-Ma- 
gnifiqiie,  n'a  e'tc  imprimé  qu'en  1727, 
à  Parme,  in-4°.  Lami  en  a  donne'  de- 
puis une  édition  meilleure  et  plus  cor- 
recte ,  Florence,  1741?  in-S". ,  avec 
une  Vie  de  l'auteur.  Ses  piiucipaux 
ouvrages ,  restes  en  manuscrit ,  sont  : 
des  Serinons,  une  F^ie  de  Ste.  Ca- 
therine de  Sienne ,  une  Histoire  et 
des  Eloges  de  l'ordre  des  frères  ser- 
vîtes ,  une  Histoire  de  la  maison  de 
Gonzague ,  des  Commentaires  sur 
Dante  et  sur  Pétrarque.  Sassi  parle 
de  ces  derniers  dans  son  Histoire  ty- 
pographique et  littéraire  de  Milan  , 
mais  c'est  la  seule  trace  que  l'on  ait  de 
leur  existence.  On  ne  peut  donc  pas 
dire  qu'on  les  doit  à  Attavauti,  non 
plus  que  les  autres  ouvrages  inédits  que 
nous  venons  de  citer,  et  dont  l'exact 
JMazzuchelli  avoue  qu'il  ne  sait  pas  où 
l'on  conserve  les  manuscrits.  G — É. 
ATTEIUS  CAPITO ,  jurisconsulte 
romain ,  sous  le  règiie  d'Auguste.  Son 
père  avait  clé  tribun,  et  fut  un  de  ceux, 
(jui  signèrent  l'accusation  contre  Cas- 
sius.  Atteins  Cipito  ,  dit  Tacite  dans 
le  livre  l**"^.  de  ses  Annales ,  fut  un 
des  plus  habiles  jurisconsultes  de 
Rome:  il  devint  triliun  avec  Aquiiius 
(îallus ,  et  fut  consul  avec  Germauicus, 
l'an  740  de  Ronif .  11  obtint ,  sous  Ti- 
tère,des  emplois  considérables.  Ou 
l'accuse  de  superstition  ,  parce  qu'il 
prétendait,  quoiqu'il  fU  très -versé 
dans  ce  qu'on  appelait  alors  le  droit 
des  pontifes,  qu'il  n'était  pas  permis 
de  graver  les  images  des  Dieux  dans 
des  anneaux.  Flatteur  adroit ,  il  eut 
pour  Tibère  une  lionteusc  complai- 
sance. r.>t  eiupereur  s'clant  servi  , 
dans  un  édit ,  d'un  mot  peu  usité  , 
quoiqu'il  se  piquât  de  parler  a\  ce  élc- 


ATT 

gance  ,  manda  les  personnes  qui  pas- 
saient pour  s'exprimer  avec  le  plus 
de  pureté,  et,  entre  autres,  Atteins 
Capito ,  pour  les  interroger  sur  cette 
nouvelle  expression.  «Seigneur,  lui 
»  dit  celui-ci ,  personne  à  la  vérité  ne 
»  s'est  encore  servi  de  ce  mot;  mais 
»  nous  nous  en  servirons  à  l'avenir  ^ 
»  paj.-  le  respect  que  nous  avons  pour 
»  ce  qui  vient  de  vous.  »  Pomponius 
moins  courtisan  ,  prenant  la  parole, 
dit  :  «  Vous  pouvez  César ,  donner 
»  aux  hommes  le  droit  de  bourgeoisie, 
»  mais  non  aux  mots.  »  Disciple  d'Of- 
filius,  Atléius  suivit  toujours  les  opi- 
nions de  son  maître ,  et  il  a  laissé  des 
ouviages  qui  sont  cités  avantageuse- 
ment par  Aulu-Gclle,  Maorobe,  Augus- 
tin ,  etc.  Ses  écrits  étaient  :  1.  Commen- 
taria  ad.  XII  tabulas  ;  II.  Conjec- 
taneorinn  lib.  CCLX,  de  ponti- 
Jicio  jure  ;  111  De  jure  sacrificiorum 
lib.  X ;  IV.  De  senatoris  officio ,  et 
un  grand  nombre  de  jugements.  Il 
mourut  l'an  -25  de  J.-C.       JM — x. 

ATTENDOLO  (  Dabius  ),  docteur 
en  droit,  qui  florissait  vers  l'an  i56o, 
était  né  (l'une  famille  noble  et  ancienne, 
à  Bagnacaval'o ,  entre  Faenza  et  Fer- 
rare.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Bo- 
logne, il  s'adonna  pendant  quelque 
temps  au  métier  des  armes,  et  suivit  le 
])riucc  de  Salerne,  capitaine-général  de 
l'infanterie  de  l'armée  de  l'empereur 
Charles-(}uinl,  d.ins  son  expédition 
contre  le  Piémont.  Dégoûté  de  la 
guerre,  il  se  retira  pour  se  livrer  entiè- 
rement aux  lettres.  11  a  publié  les  ou- 
vrages suivants  :  1.  Duello,  diviso  in 
tre  lïbri,  Venise,  i5(3o  ,  in-8°.  Cette 
première  édition  fut  suivie  de  trois 
autres,  (pii  furent  considéiablemenJ 
augmentées;  elles  pariu'eut  également 
à  Venise,  1  562 ,  1 5G  i  et  1 5(35  ,  iu-b". 
II.  Dirrorso  intorno  alV  oiiore  e  al 
modo  d'indurre  le  querele  per  ogni 
sorta  dUngiiiria  allapace,  Venise  > 


ATT 

1 563 ,  réimprimé  en  »  564  et  en  1 5G5, 
in-8'\  III.  11  écrivit  aussi  eu  vers.  On 
trouve  un  souuct  de  lui  dans  le  re- 
cueil intitulé  :  LaNlnfa  Tiberhia,  de 
Molza,  ainsi  que  dans  les  Rime  scelte 
de'  poeti  Ferraresi.  G — e. 

ATT  ENDOLO  (Jean  Baptiste  ), 
iavaut  littérateur  du  i6'=.  siècle,  fils 
d'un  habile  ingénieur  dumcmenom, 
naquit  à  Capoue  ,  fut  prêtre  séculier, 
ctfloiissail  vers  i58o.  Il  se  distingua 
TiOn  seulement  par  la  connaissance  des 
diflerentes  langues  modernes  ,  à  la- 
quelle il  joignait  celle  deriiébreu,  de 
l'arabe  et  du  grec  ;  mais  encore  par 
ses  poésies,  et  surtout  par  la  part 
qu'il  prit  dans  la  fameuse  querelle 
entre  l'académie  de  la  Crusca  et  Ca- 
mille Pellegrino  ,  au  sujet  de  la  Geru- 
salemme  Uberata  du  Tasse  ;  il  prit 
ouvertement  le  parti  de  ce  gi'and 
poète ,  quoiqu'il  fût  lui-même  de  l'aca- 
démie ,  et  qu'il  y  fût  fort  estimé.  Il 
mourut  d'une  manière  funeste  :  il 
sortait  de  Capoue  pour  aller  rendre 
visite  à  l'archevêque  Costa  ,  avec  jilu- 
sieurs  de  ses  amis  ;  la  voiture  où  ils 
étaient  fut  renversée ,  les  roues  pas- 
sèrent sur  le  corps  d'Atteudolo  ;  il  en 
fut  écrasé ,  et  mouiut  quelques  heures 
après.  Cet  accident  arriva  en  1 5y  .i  , 
ou  au  commencement  de  iSqd.  Il  a 
laissé  les  ouvrages  suivants  :  I  Ora- 
zione  nelV  essequie  di  Carlo  d'Aus- 
tria  principe  di  Spagna  ,  Naples, 
1 57 1 ,  in-4".  ;  II.  Orazione  mililare, 
alV  allezza  del  serenissitno  D.  Gio- 
vanni d'Austria  ,  per  la  villoria 
navale  oltenuta  dalla  Santa  Lega 
neir Echinadij^ d\Àes y  i5n3,  ia-4"'> 
lïl.  Rime ,  publiées  d'abord  avec 
celles  de  Benedetto  deli'  Uva  et  de 
Camillo  Pellegrino  ,  Con  un  brève 
discorso  delV  epicapoesia,  Florence, 
1 584  >  iii-8''. ,  réimp.  à  Napîes ,  1 588, 
in-4°,  ,  avec  une  augmentation  de 
vingt-deux  sounets  ;  IV.  Rozzo  di 


ATT  G25 

XII  Lezioni  sopra  la  canzone  di 
M.  Francesco  Petrarca  :  Fergine 
bella,  etc.  ,  iNaples  ,  a  604,  in-4",  > 
ouvrage  resté  imparfait  par  la  moit 
de  l'auteur  j  V,  l' Unilà  délia  mate- 
via  poetica  sotto  dieci  predicamentC 
e  sentimenti  ne'  due  principi  délia 
Toscana  e  latinapoesia ,  Petrarctty 
e  Firgilio  ,  Naples  ,  1724  ,  in-8". , 
seconde  édition  :  la  première  est  ex- 
ces.sivement  lare.  Ce  fut  Attendolo 
qui,  après  la  mort  du  Tansillo,  corri- 
gea son  poëme,  intitulé:  le  Lacrime 
diS.  Pielro  ,  qu'il  avait  laissé  impar- 
fait ,  et  qui  en  donna  la  première  édi- 
tion. Il  fut  accusé  d'avoir  pris  dans  ce 
travail  beaucoup  trop  de  licences  ;  et 
les  amis  du  Tausillo  donnèrent  dans 
la  suite  d'autres  éditions  de  ce  poëme , 
où  étaient  rétablis  un  grand  nomiue 
de  morceaux  au' Attendolo  avait  re- 
tranchés (  Fo;^'.  Tansillo).     G — é. 

ATTENDULI  (  Marguerite  ).  F. 
Sforce. 

ATTERBURY  (  François  ) ,  évê- 
que  anglais  très-distingué  par  son  es- 
prit et  ses  talents  ,  mais  qui  dut  par- 
ticulièrement sa  célébrité  aux  événe- 
ments de  sa  vie,  naquit  le  6  mars,  1  G(32. 
Son  père,  ministre  anghcan  àMiddle- 
ton,le  destina  à  suivre  la  même  carrière. 
II  commença  ses  études  au  collège  de 
Westmùister,  et  les  acheva  dans  l'uni- 
versité d'Oxford,  où  il  montra  de 
bonne  heure  un  goût  très-vif  pour  la 
littérature.  Une  Défense  de  ia  religion 
protestante  ,  qu'il  publia  à  Oxford  eu 

1687  '  **^"^  '*^  ^'^'''^  ^^  Réponse  à  des 
Considérations  sur  l'Esprit  de  Mar- 
tin Luther,  et  sur  l'Origine  de  la 
Reformations  réimprimée  à  Londres, 
in-8  '. ,  en  1 725,  commença  sa  répu- 
tation. H  s'était  chargé  de  diriger  les 
études  du  jeune  Boyie  à  l'université 
d'Oxford  ;  mais  les  détails  de  cette  édu- 
cation ,  et  la  vie  de  collège  fatiguaient 
UD  esprit  qui  se  sentait  appelé  à  di: 


624  ATT 

plus  hautes  destinées.  C'est  ce  qu'il 
écrivait  à  son  père,  en  1690:  a  Je 
»  suis  absolument  las ,  lui  disait  -  il , 
»  de  ce  cercle  dégoûtant  de  petites  af- 
»  faires,  qui  ne  peuvent  plus  ni  me 
»  distraire  ni  m'instruire.  J'étais  fait 
»  assurément  pour  un  autre  théâtre 
»  et  pour  un  autre  genre  de  société.  )> 
Ce  fut  peu  de  temps  après  qu'il  vint  à 
Londres ,  où  il  se  livra  à  la  prédica- 
tion ^  avec  un  succès  qui  lui  valut  la 
place  d'aumônier  du  roi  et  quelques 
bénéfices.  En  1700  ,  il  fit  paraître  une 
lettre  pour  la  défense  des  droits  et  des 
priviiéges  de  la  chambre  basse  de  l'as- 
semblée du  clergé,  nommée  en  an- 
glais convocfition.  Cette  lettre  occa- 
sionna une   controverse  très  -  vive  , 
dans  laquelle  plusieurs   savants  évè- 
ques  se  déclarèrent  contre  lui  ;  d'un 
autre  côté  ,  l'université  d'Oxford  le 
yengea ,  en  lui  accordant  des  distinc- 
tions honorables.  La  reine  Anne  ayant 
succédé  à  Guillaume  111 ,  Attcrbury 
jouit  d'une  grande  faveur.  11  fut  élu, 
en  1 7  I  o ,  président  de  la  convocation, 
«t  obtint,  en  1713,  l'évêché  de  Ro- 
chester  et  le  doyenné  de  Westminster. 
Il  était  au  moment  d'être  nommé  ar- 
chevêque de  Cantorbéry,  lorsque  la 
mort  de  la  reine  vint  meltie  un  terme 
à  sa  fortune.  George  l°^  ,  qui  lui  suc- 
céda, avait  conçu  contre  l'évêque  de 
Rochester  des  préventions  qui  nuisi- 
rent à  son  avancement.  La  rébellion 
qui  éclata  en   1 7  1 5  ,  en  faveur  de  la 
maison  de  Stuait ,  donna  heu  à  l'ar- 
chevèque  de  Cantorbéry  et  à  l'évêque 
de  Londres  d'adresser  à  leurs  diocé- 
sains une  exhortation  pastor,^]e  pour 
exciter  l'atTectiou  et  le  dévouement  du 
clergé  au  roi  et  à  la  maison  de  Bruns- 
wick. Jj'évèque  de  Rochester  et  celui 
de  Bristol  refusèrent  de  signer  cette 
exhortation  et  de  la  publier  dans  leurs 
diocèses.  Ce  relus   r>mdit  Attirbury 
suspect  à  la  cour ,  et  sa  conduite  dans 


ATT 

la  chambre  des  pairs  ,  où  il  se  montra 
presque  constamment  dans  le  parti  de 
l'opposition ,  contribua  à  fortifier  ces 
soupçons.  En  1 722  ,  on  l'accusa  d'être 
entré  dans  une  conjuration  en  faveur 
du  prétendant  :  il  fût  arrêté,  traduit 
devant  uil  comité  du  conseil  privé , 
et ,  après  avoir   subi  un   interroga- 
toire ,  envoyé  prisonnier  à  la  tour  de 
Londres.  Ses  liaisons  avec  quelques 
partisans  des  Stuart ,   les  sentiments 
qu'il  manifestait  souvent  dans  la  so- 
ciété ,  et  son  opposition  déclarée  aux 
mesures  de  la  cour  donnaient  de  la 
probabilité  à  l'accusation ,  qui  d'ail- 
leurs n'a  jamais  paru  fondée  sur  au- 
cune   preuve  positive   et  légale.   Là 
chambre  des   communes  n'en  passa 
pas  moins,  le  25  mars  1723,  un  bill 
d'accusation  contre  l'évêque  ;  ce  bill 
ayant  été  admis  par  la  chambre  des 
pairs  ,  le  9  avril  suivant ,  il  fut  amené 
devant   la   chambre    quelques  jours 
après ,  et  il  lui  fut  permis  de  se  dé- 
fendre lui-même.  Il  prononça  un  dis- 
cours plein  d'éloquence ,  de  force  et 
de  dignité ,  dans  lequel  il  réfuta  tous 
les  faits  allégués  contre  lui ,   de  ma-» 
nière  à  convaincre  la  plus  grande  par- 
tie du  public;  mais  le  parti  du  gou- 
vernement l'emporta.  La  chambre  des 
pairs  le  destitua  de  toutes  ses  places, 
le  dépouilla  de  ses  dignités  ,  et  le  ban- 
nit   à    perpétuité  du  territoire  de  la 
Grande-Bretagne.  La  sentence  eut  sou 
exécution,  et  le  18  juin  suivant,  il  fut 
débarqué  à  Calais  ,  où  il  rencontra  le 
lord  Bolingbroke,  qui ,  après  un  long 
exil ,  avait  enfin  obtetm  là  permission 
de  revenir  dans  sa  patrie  :  «  Il  me  pa- 
»  raît,  milord,  qu'on  nous  a  échangés, 
V  lui  dit  gaîment  Atterbury.  w  Pope  dit 
à  cette  occasion ,  dans  une  de  ses  let- 
tres :  ic  Apparemment  la  nation  a  peur 
))  d'être  surchargée  de  mérite,  puis- 
»  qu'elle  ne  peut  regagner  un  grand 
»  homme  saus  en  perdre  un  autre  ». 


ATT 

Atterbury  alla  d'abord  à  Bruxelles,  et 
ensuite  à  Paris ,  où  il  se  livra  à  la  culture 
des  lettres  dans  une  sociële'  peu  nom- 
breuse, mais  choisie,  composée  d'hom- 
mes du  monde  distingues  par  leur  es- 
prit et  leurs  connaissances.  M"'".  Mor- 
rice ,  sa  fille  unique ,  qu'il  aimait  ten- 
drement, et  qui  le  méritait  par  son  es- 
prit ,  ses  grâces  et  ses  vertus ,  alla  le 
joindre  en  France;  mais  elle  n'y  vint 
que  pour  mourir  dans  les  bras  de  son 
père,  privé,  par  ce  nouveau  malheur, 
de  la  plus  grande  consolation  qu'il  pût 
espérer  dans  son  exil.  Il  exprime  des 
regrets  fort  touchants  sur  cette  perte  , 
dans  une  lettre  adressée  à  Pope ,  avec 
qui  il  entretenait  une  correspondance, 
dans  laquelle  il  montre  autant  d'esprit 
que  de  goût ,  et  autant  d'attachement 
pour  ses  amis ,  que  de  fermeté  et  de 
noblesse  dans  sou  caractère  :  u  J'aime 
»  ma  patrie  ,  dit  -  il  dans  une  de  ses 
»  lettres  ,  et  je  l'aime  avec  tous  ses  dé- 
»  fauts.  J'aime  jusqu'à  cette  partie  de 
»  la  constitution  qui  m'a  blessé  sans 
»  justice,  et  qui  par -là  s'est  blessée 
»  elle  -  même.  Mon  dernier  vœu  sera 
»  le  même  que  celui  de  fra  Paolo  :  Esto 
»  perpétua  ;  et  si  je  meurs  en  terre 
»  étrangère ,  j'expirerai  comme  le  Pé- 
»  leponésien  de  Virgile  : 

Dulcet  moTient  reminiscitur  Argos.  » 

Atterbury  ,  en  effet ,  ne  revit  point  sa 
patrie.  Il  mourut  à  Paris ,  le  1 5  fé- 
vrier 1732.  Son  corps  fut  transporté 
en  Angleterre,  et  enterré  dans  l'ab- 
baye de  Westminster'.  Il  avait  ordonné 
que,  sur  une  urne  qui  renfermerait  son 
cœur  ,  on  gravât  cette  simple  inscrip- 
tion : 

In  hâc  urnâ  depositi  sunt  cioeres 
Francisci  Atterbury,  episcopi  Koffensis, 

Ses  sermons  ,  imprimés  en  4  vol. 
in-^". ,  sont  le  plus  considérable  de 
ses  ouvrages ,  et  sont  toujours  fort  es- 
timés; mais  ses  écrits  de  controverse 
sont  oubliés.  Ce  qu'on  lira  toujours 


ATT  625 

avec  plaisir  ,  ce  sont  les  lettres  qu'il 
écrivait  à  ses  amis  ,  et  dont  la  plupart 
ont  été  conservées  parmi  celles  de 
Pope  et  de  Swift.  On  en  a  fait  une 
collection  sous  le  titre  de  :  Atterbury^ s 
epistolary  correspondence.  Thiriot 
a  publié  à  Paris  des  lettres  critiques 
sur  quelques  écrivains  français  ,  sup- 
posées écrites  par  le  docteur  Atter- 
bury; mais  on  ne  peut  en  garantir 
l'authenticité.  Le  caractère  d'Atter- 
bury,  soit  dans  sa  conduite  particu- 
lière ,  soit  dans  sa  vie  politique ,  a  été 
jugé  très-diversement,  et  c'est  ce  qui 
arrive  à  tous  les  hommes  de  parti; 
mais  il  est  généralement  convenu  qu'il 
réunissait  beaucoup  d'esprit  à  de  gran- 
des connaissances,  et  qu  il  fut  un  très- 
bon  écrivain  et  un  excellent  prédica- 
teur. Après  avoir  été  long  -  temps  hé 
d'amitié  avec  Pope,  il  finit  p,u-  se 
brouiller  avec  lui.  On  prétend  qu'il  le 
définissait  :  Mens  curva  in  corpore 
curvo.  S — D. 

ATTICUS  (  Titus  Pompomus), 
était  romain  d'origine,  et  de  l'ordre 
des  chevaliers.  Son  père  ,  ami  des 
lettres ,  lui  donna  dans  son  enfance 
toute  l'instruction  que  comportait  cet 
âge.  La  douceur  de  sa  physionomie  et 
de  sa  voix,  sa  facilité  et  sou  intelligence 
lui  donnaient  sur  ses  condisciples  une 
supériorité  qui  excitait  leur  émulation. 
Il  comptait  parmi  eux  les  fils  de  Ma- 
rius  et  Cicéron  ,  qui  furent  toujours 
ses  meilleurs  amis.  Il  était  très-jeune 
quand  il  perdit  son  père.  Sa  parenté 
avec  le  tribun  Sulpicius ,  qui  périt  par 
la  proscription  de  Sylla,  le  mit  eu 
danger.  Voyant  dans  Rome  tous  les 
cœurs  désunis,  les  uns  étan  t  pour  Syîla, 
les  autres  pour  Cinna ,  et  ne  sachant 
pas  comment  y  vivre  avec  dignité , 
sans  blesser  un  des  partis ,  il  se  ren- 
dit à  Athènes  ,  emportant  une  grande 
partie  de  sa  fortune.  Sylla,  pendant 
50»  séjour  dans  cette  ville,  eut  toujours 
4o 


626 


ATT 


auprès  de  lui  le  jeune  Atticus,  dont  le 
goût  et  le  savoir  le  charmaient.  Il 
parlait  grec  à  faire  croire  qu'il  était  né 
à  Athènes  ,  et  s'exprimait  en  latin 
avec  tant  d'élégance,  qu'on  lui  trouvait 
une  grâce  native  plutôt  ({n'acquise, 
comme  dit  Cornélius  Népos.  Sylla  le 
pressait  de  revenir  avec  lui  :  «  En 
»  grâce,  lui  dit  Atticus  ,  ne  me  menez 
»  pas  contre  ceux  que  j'ai  quittés  pour 
»  ne  pas  porter  les  armes  contre 
»  vous.  »  Il  rentra  dans  sa  patrie 
quand  tout  y  fut  pacifié.  11  avait  un 
oncle ,  Q.  Caecilius,  chevalier  romain  , 
homme  riche  et  dur ,  dont  il  sut  con- 
server la  bienveillance  jusqu'au  terme 
de  sa  longue  carrière  :  il  en  fut  récom- 
pensé. CœciHus,  en  mourant,  l'insti- 
tua héritier  des  trois  quarts  de  ses 
biens  ,  ce  qui  lui  valut  dix  millions  de 
sesterces.  En  politique  ,  il  se  trouvait 
toujours  du  parti  des  meilleurs  ci- 
toyens ,  et  ne  laissait  pas  douter  qu'il 
«■n  fût, sans  cependant,  comme  dit  son 
historien ,  se  risquer  au  milieu  des 
tempêtes  civiles;  il  ne  demanda  point, 
le  pouvant  ftire  avec  avantage  ,  les 
places  qui  donnaient  du  crédit  ou  de 
l'illustration  ,  parce  qu'il  n'était  plus 
possible  d'y  prétendre  ,  sans  blesser 
les  lois  ,  ni  de  les  remplir  sans  danger. 
Il  accepta  des  heutenanres  de  plusieurs 
consuls  et  de  plusieurs  préteurs;  mais 
il  n'en  suivit  aucun  dans  son  gouver- 
nement. 11  avait  soixante  ans  quand 
César  porta  la  guerre  dans  son  pays  : 
il  profita  du  privilège  de  son  âge ,  et 
lie  quitta  point  Rome.  Il  fit  les  frais  de 
tout  ce  qu'il  fallait  à  ses  amis  pour  aller 
joindre  Pompée ,  et  ne  crut  point  bles- 
ser ce  général  en  ne  se  rendant  point 
auprès  de  .lui  :  il  ne  lin'  devait  pas  , 
comme  les  autres,  des  honneurs  et 
des  richesses.  Sa  neutralité  fut  si 
açfi'e'able  à  César ,  qu'après  sa  victoire , 
loin  de  l'inquiéter,  il  lui  rendit  son 
neveu  cl  sou  bcau-frcre ,  qui  s'c'taient 


ATT 
trouvés  dans  le  camp  de  Pompée. 
Ainsi  Atticus  évita  de  nouveaux  dan- 
gers ,  en  restant  fidèle  à  son  plan  de 
conduite  :  il  y  tint  surtout  à  la  mort  de 
César,  quand  la  république  parut  être 
entre  les  mains  des  deux  Brutus  et  de 
Cassius.  M. Brutus,  très-jeune  encore, 
trouva  dans  Atticus  ,  plus  que  sexagé- 
naire ,  un  ami ,  avec  lequel  il  vivait 
aussi  familièrement  qu'avec  ceux  de 
son  âge;  c'était  l'ame  de  ses  conseils, 
et  même  de  ses  affaires  domestiques. 
Antoine  ne  tarda  pas  à  devenir  redou- 
table au  parti  des  conjurés  ,  au  point 
que  Brutus  et  Cassius,  désespérant  des 
affaires  ,  se  retirèrent  dans  les  gou- 
veruemements  qui  leur  avaient  été' 
donnés  par  le  sénat.  Atticus  ,  qui  n'a- 
vait pas  voulu  donner  d'argent  à  ce 
parti  pendant  qu'il  était  puissant, 
voyant  Brutus  dans  la  détresse,  et 
forcé  de  quitter  l'Italie  ,  lui  envoya 
cent  mille  sesterces  ,  et  donna  ordre 
que,  pendant  son  absence,  on  lui  eu  fit 
tenir  trois  cent  mille  en  Épire.  Il  ne 
devint  pas  l'adulateur  d'Antoine, heu- 
reux et  puissaut,  et  il  n'abandonna 
pas  ses  adversaires  que  la  fortune  ac- 
cablait. La  guerre  s'ouvrit  entre  An- 
toine ,  D.  Brutus  et  Octave.  Dans  cette 
crise,  Atticus  se  sauva  encore  par  une 
rare  prudence.  Antoine ,  battu  ,  avait 
quitte  l'Italie,  et  ses  ennemis  poursui- 
vaient son  parti ,  et  cherchaient  à  dé- 
pouiller entièrement  Fulvie  sa  femme  : 
ils  se  préparaient  même  à  faire  périr 
ses  enfants.  Atticus,  quoique  vivant 
dans  la  plus  intime  amitié  avec  Cicéron 
et  Brutus,  ne  servit  en  aucune  nianièro 
leur  passion  contre  Antoine.  Il  cacha, 
autant  qu'il  le  put,  ses  amis  fugitifs, 
et  les  aida  dans  leurs  besoins  ;  il  mit , 
à  obliger  Fulvie,  embarrassée  dans 
des  procès,  et  en  proie  à  des  terreurs 
de  tous  genres,  tant  d'empressement 
et  de  soin  ,  qu'elle  ne  contracta  aucun 
engagement  sans  lui,  et   l'eut  pout 


ATT 

rcponrlant  en  tonte  occasion.  Il  se 
plaisait  à  faire  voir  qu'il  était  l'ajiii  , 
non  de  !a  fortnne,  mais  des  personnes. 
On  ne  pouvait  lui  supposer  des  vues 
intéressées  :  car  comment  imaginer 
qu'Antoine  se  retrouverait  à  latéte  des 
atî'aires  ?  La  fortune  chaniiea  tout  à 
coup  ;  il  reparut  en  It.iiir.  Atticus 
craignant  la  proscription  qui  menaçait 
les  amis  de  Cicéron  et  de  Brutis,  se 
tint  cache,  Antoine  se  ressouvint  des 
services  qu'il  en  avait  reçus  ;  il  lui 
écrivit ,  de  sa  main ,  de  ne  rien  crain- 
dre, et  devenir  auprès  de  lui.  Atticus, 
rendu  à  la  sécurité,  étendit  ses  secours 
et  sa  prcjteclion  à  tous  les  proscrits 
qui  en  eurent  besoin  ,  présents  ou 
absents.  Sauféius  ,  cbevalier  romain 
de  son  âge ,  et  son  ami  d'étude  ,  avait 
en  Italie  d'importantes  propriétés , 
que  les  triumvirs  avaient  vendues  ; 
Atticus  fit  si  bien  que  Sauféius  apprit 
en  même  temps  qu'il  avait  perdu  et 
recouvré  ses  biens.  Il  ne  profita  point 
de  la  faveur  d'Antoine  pour  accroître 
les  siens.  Quoiqu'il  eut  beaucoup  d'ar- 
gent, personne  ne  fit  moins  d'acquisi- 
tions et  ne  bâtit  moins.  Son  domesti- 
que était  nombreux  et  cboisi  :  il  se 
composait  de  jeunes  gens  lettrés,  de 
lecteurs  et  de  copistes.  Il  se  faisait 
toujours  une  lecture  à  sa  table  ,  où  il 
conviait  ceux  dont  les  goûts  se  rap- 
procLaicnt  des  siens.  Il  mettait  à  la 
j)our'iuite  d'une  atfaire  dont  il  s'était 
chargé,  un  zirle  qui  aurait  fait  croire 
que  c'était  la  sien  ne  propre.  C'était  ainsi 
qu'il  gérait  les  alïliires  des  deux  Gcé- 
ron  ,  de  Caton ,  de  Marius ,  d'Horten- 
sius ,  etc.  On  peut  juger  de-la  que  ce 
ne  fut  pas  par  paresse  ,  mais  par  ré- 
flexion qu'il  s'éloigna  des  affaires  pu- 
bliques. Passionné  pour  tout  ce  qui 
tenait  à  l'antiquité ,  il  donna  des  preu- 
ves de  son  savoir  en  ce  genre ,  dans 
sou  livre  des  annales ,  ou  plutôt , 
&jmme  dit  CicéroU;  dans  son  Histoire 


ATT  627 

universelle ,  qui  renfermait  un  espace 
de  «00  ans.  Il  avait  écrit  les  généalo- 
gies des  plus  illustres  familles  de 
Rome;  i!  s'essaya  aussi  dans  la  poésie , 
et  écrivit  en  grec  les  événements  da 
consulat  de  Gcéron.  Sans  être  sorti  du 
rang  de  chevalier,  il  se  trouvait  alKë 
par  Agrippa  ,  son  gendre ,  à  Auguste; 
il  en  était  l'ami ,  et  avait  avec  lui  un 
commerce  de  lettres  très-suivi  :  il  cor- 
respondait aussi  d'une  manière  très- 
active  avec  Antoine.  On  sent  combien 
il  lui  fallut  de  sagesse  et  de  prudence 
pour  conserver  la  bienveillance  de 
deux  pareils  rivaux.  C'est  ainsi  qu' At- 
ticus arriva  à  sa  ^"j".  année  ,  vovant 
toujours  accroître  sa  considération  et 
ses  richesses.  La  bonté  de  son  carac- 
tère lui  avait  valu  pîusiturs  héritages 
considérables.  Il  avait )t«ii  d'une  santë 
si  heureuse ,  que  ,  pendant  plus  de 
trente  ans ,  il  n'avait  pas  eu  besoin 
■des  secours  de  la  médecine  :  il  eut  une 
maladie  à  laquelle  les  mé«lecins  et  loi 
ne  firent  pas  d'abord  d'attention, 
croyant  que  c'était  le  tenesme.  Après 
trois  mois ,  sans  autres  souffrances 
que  celles  des  remèdes ,  Atticus  sentant 
son  mal  augmenter  ,  et  que  la  fièvre 
le  gagnait ,  fit  appeler  Agrippa,  son 
gendre  ,  et  quelques  amis  ;  il  lear  dit 
qu'après  avoir  tenté  ,  sans  succès, 
pour  sa  guérison,  tout  ce  qui  était  en 
Son  pouvoir  ,  il  ne  voulait  plus  nour- 
rir son  mal;  qu'il  les  priait  d'approu- 
ver sa  résolution,  du  moins  de  ne  pas 
inutilement  la  combattre.  Après  qu'il 
se  fut  abstenu  deux  jours  de  toute 
nourriture  ,  la  fièvre  tomba  tout  à 
coup,  et  le  mal  devint  plus  supporta- 
ble. Il  ne  persista  pas  moins  dans  son 
dessein  ,  et  mourut  le  cinquième  jour 
de  cette  abstinence  ,  l'an  de  Rome 
711.  Il  n'est  resté  aucun  de  ses  ou- 
vrages :  on  n'a  point  de  ses  lettres.  Il 
doit  le  nom  dH Atticus  a  son  séjour  à 
Athènes  ,  et  sa  réputation  àsus  la 
40.. 


Ô28  ATT 

postënte  auT  let'res  de  Gceroîi ,  et  à 
Coniélius  Nepos ,  qui  a  efcrit  sa  vie. 
Q— R— Y. 
ATTICUS  élait  de  l'une  dc>  princi- 
pales familles  d'Athènes;  car  il  descen- 
dait des  Eacides  ;  ujais  les  biens  d'Hip- 
parcbus.  son  père,  avant  été  confis- 
qués ,  sous  prétexte  d'uneconspiration, 
il  se  trouvait  dans  un  état  voisin  de 
l'indigence,  lorsque  la  fortune  vint  à 
son  secours  d'une  minière  ine>pérce, 
en  \\ù  faisant  trouver,  dans  une  mai- 
son qu'il  possédait  auprès  du  théâtre, 
■un  trésor  immense.  Cette  découverte 
lui  inspira  d'abord  beaucoup  plus  de 
crainte  que  de  joie;  et,  voulant  se 
luctîrc  à  l'abri  des  dénonciateurs,  il 
écrivit  à  Nerva.  alors  empereur  :  «  J'ai 
»  trouvé  un  trésor  dans  mon  champ  , 
»  que  dois-je  en  faire?  —  Uses,  lui 
"a  répondit  ?»crva,  de  ce  que  lu  as 
ï>  trouvé,  i)  Il  répliqua  que  ce  trésor 
passait  de  beaucoup  la  fortune  à  la* 
quelle  il  pomait  prétendre.  «  Eh  bien  ! 
»  abuscs-*n,  lui  récrivit  Ni  n'a  ;  car  il 
»  est  à  toi.  »  Se  trouvant  alors  l'un 
des  particuliers  les  plus  riches  de  l'em- 
pire, il  sut  faire  un  noble  usage  de  sa 
fortune.  Hcrodcs  son  liîs,  avant  élë 
nommé  intendant  des  villes  libres  de 
lAsie.  voulut  faireconstniireaTroade 
des  bains. dont  cetteville  manquait, et 
l'empereur  Adrien  lui  accorda,  pour 
ceLi  ,  trois  millions  de  drachmes 
(  0.700,000  fr. ';;  il  en  dépensa  sept 
millions  ;6,5oo.ooo  fr. }.  Les  autres 
villes .  craignant  qu'on  ne  leur  fit  sup 
porter  cette  dépense,  s'en  plaignirent 
à  l'empereur,  qui  fit  paît  de  leurs 
plaintes  à  .Atticus  ;  il  répondit  que  c'é- 
tait lui  qui  avait  donné  le  surplus  à 
t>on  fils .  qui  en  faisait  présent  à  la  ville. 
11  lui  an  iva  plusieurs  fois  de  sacrifier 
cent  boeufs  à  .ALnerve  .  en  un  seul  jour, 
et  de  donner  un  npas  à  tous  ks  ci- 
ti>}cns  d'Athènes.  Enfin,  par  son  tes- 
tament, il  leur  légua  à  chacun  une 


ATT 

iTiiue  i  90  fr.  ;  par  an ,  ce  qui ,  en  sup- 
posant qu'ils  ne  fussent  que  six  mille, 
faisait  54o.ooo  fr.  par  an.     C — r. 

ATTKX'S.  for.  HÉRODEs. 

ATTICUS,  philosophe  platonicien, 
florissatt  au  a',  siècle  de  notre  ère  , 
sous  l'empereur  ]\Iarc  Aurèle.  Il  com- 
batrit  les  dogmes  d'.\ristote  sur  les 
corps  ccle:;tes ,  sur  la  Providence ,  sur 
la  dernière  fin  de  Ihonime,  sur  la  quin- 
tessence des  êtres,  et  s'attacha  surtout 
à  fixer  une  ligue  de  démarcation  entre 
la  philosophie  péripatéticienne  et  celle 
de  Platon. — On  compte,  dans  l'anti- 
quité .  plusieurs  autres  .4tticus  :  un, 
rhéteur  de  Pei^ame.  dont  parle  Stra- 
bon,  et  un,  évèquedeConstantinople, 
célèbre  par  ses  démêlés  avec  S.  .lean 
Chrvsostôme,  et  qui  composa  un  traité 
De  fide  et  virpnitate ,  pour  les  filles 
de  l'einnercur  .\rcadius.  K. 

ATTILA,  fils  de  Mandras.  tirait 
son  origine  des  Huns  qui  avaient 
combattu  les  empereurs  de  la  Chine. 
Il  succéda,  en  4^4  5  «^  son  oncle  Roas, 
et  paitagea  l'autorité  souveraine  avec 
sou  frère  Bleda.  Ces  deux  chefs  bar- 
bares, établis  dans  la  Hongrie  et  dans 
la  Scvthie,  menacèrent  l'empiie  d'O- 
rient, et  forcèrent  deux  fois  le  faible 
Théodose  II  d'acheter  la  paix  à  des 
conditions  honteuses.  Sous  des  chefs 
qui  réunissaient  l'habileté  au  courage, 
la  puissance  des  Huns  devint  redou- 
table aux  peuples  de  l'Euiopc  et  de 
l'Asie.  Les  Huns  regardaient  surtout 
Atula  comme  le  plus  intrépide  de  leurs 
guerriers ,  et  comme  leur  guide  le  plus 
expérimenté  dans  leurs  excursions  mi- 
litaires. Leur  amour  et  leur  respect 
pour  sa  personne,  se  convertirent  bien- 
tôt en  un  sentiment  superstitieux.  .\t- 
ti'a  feignit  d'avoir  trouvé  l'épée  de 
leur  divinité  tutélaire;  fier  de  posséder 
cette  arme  qui  donnait  à  sa  puiss,<nce 
un  caractère  sacré  ,  il  ne  songea  plus 
qu'à  faire  valoir  ses  droits  divius  et 


ATT 

iucontestahles  à  l'empire  de  l'univers. 
Avant  fait  mourir  son  frère  Bleda,  ce 
fratricide  fut  attribué  à  une  inspira- 
tion du  ciel,  et  célelDre  comme  une 
victoire.  Seul  maître  d'un  peuple  qui 
adorait  la  Divinité  sous  le  symbole 
d'une  épée,  cliez  laquelle,  dit  Tvlontes- 
quieu ,  les  enfants  entraient  en  furour 
au  récit  des  beaux  faits  d'armes  de 
leurs  pères,  ou  les  pères  verraient  des 
larmes  de  ne  pouvoir  suivre  leurs 
enfants  à  la  guerre  ,  Attila  avec  une 
ambition  sans  bornes  ,  devait  faire 
trembler  tous  les  peuples  et  devenir, 
comme  il  le  disait  lui-même  ,  le  ûc'au 
d  jut  Dieu  se  servait  pour  châtier  les 
nations.  Eu  peu  d'années,  il  étendit  sa 
dommatiou  sur  toutes  les  provinces 
de  ta  Germanie  et  de  la  Scvthie  ;  les 
empereurs  d'Orient  et  d'Occident 
étaient  ses  tributaires  ,  les  Vandales 
ses  alliés ,  les  Ostrogotbs,  les  Gépides, 
une  partie  des  Francs  se  réunissaient 
sous  ses  drapeaux:  les  peuples  les  plus 
reculés  du  Nord  le  redoutaient  comme 
un  guerrier  qui  commandait  à  la  vic- 
toire, et  coinme  un  magicien  qui  ex- 
citait à  son  gré  les  orages  ,  dictait  des 
lois  aux  éléments,  et  faisait  tomber  les 
étoiles.  Devenu  le  monarque  uni- 
versel des  Barbares ,  et  chef  d'une 
armée  dont  les  historiens  font  monter 
le  nombre  à  ^ 00,000  combattants  ,  il 
porta  ses  armes  jusque  dans  le 
royaume  de  Perse  ,  dont  il  avait  en- 
tendu vanter  la  puissance  et  les  ri- 
chesses. Après  une  longue  marche 
dans  laquelle  aucun  obstacle  ne  put 
l'arrêter,  il  fut  battu  par  l'armée  des 
Persans ,  dans  les  plaines  d'Arménie, 
et  se  retira  avec  le  projet  de  venger  sa 
défaite  sur  l'empire  d'Orient.  Il  ne 
manqua  pas  de  prétexte  pour  déclarer 
la  guerre.  Tous  les  états  qui  promet- 
taient un  riche  butin  étiiieut  ses 
ennemis  naturels  ,  et  tous  les  princes 
qu'il  espérait  vaincre  javaieat  manqué 


ATT  629 

à  la  foi  des  traités.  Les  Huns ,  conduits 
par  Attila,  pénétrèrent  dans  i'Illyrie  , 
et  ravagèrent  toutes  les  provinces  de 
l'empire ,  depuis  le   Pont-Euxin  jus- 
qu'à la  mer  Adriatiqpie.   L'empereur 
Théodose  rassembla  une  armée  pour 
s'opposer  aux  ravages  d'un  si  redou- 
table ennemi  ;  mais  dans  trois  batailles 
sanglantes ,  la  fortune  se  déclara  pour 
les  barbares.  Coustantiuople  ne  dut 
son  salut  qu'a  la  hauteur  de  ses  mu- 
railles, et  à  l'ignorance  des  compa- 
gnons   d'Attila  dans  l'art  des  sièges. 
La  Thrace,  la  Macédoine  ,  la  Grèce, 
devinrent  la  proie  du  farouche  con- 
quérant ,  qui  porta  partout  le  fer  et  la 
flamme,  et  ditruisit  soixante-dix  villes 
florissantes.  Théoduse  fiit  réduit  à  sol- 
liciter la  clémence  d'Attila  ;  les  séna- 
teurs et  les  nobles  de  Bysauce  vendi- 
rent leurs  biens  pour  satisfaire  son 
avidité  et  apaiser  sa  col-re.  Pendant 
les  négociations  ,   les  ambassadeurs 
d'Attila   allèrent  menacer  1  empereur 
de    Consîantinople    jusque   sur    sou 
trône,  et  ceux  de  Theodose  vinrent 
plusieurs  fois  se  jeter  aux  pieds  du  roi 
des  Huns  ,  qui  avait  établi  sa  cour 
dans  un  village  roval  ,  bâti   sur  les 
bords  du  Danube.  Attila  reçut  les  dé- 
putés de  Bvsance  ,  assis  sur  une  chaise 
de  bois  ,  et  reprochant  à  l'empereur 
Théodose  d'avoir  manqué  aux  condi- 
tions des  traités  r  «  Où  est  la  forteresse, 
»  s'écria-t-il ,  où  est  la  ville  de  l'empire 
»  romain  qui  peut  prétendre  à  subsis- 
»  ter,  lorsqu'il  nous  plaira  de  la  dé- 
»  truire  ?  »  Les  députes  ne  parent 
apaiser  le  monarque  -des  Huns  qu'à 
force  de  soumissions  et  de  présents  : 
tandis  qu'ils  étaient  encore  auprès  de 
lui ,  Edécou  ,  l'un  de  ses  ambassa- 
deurs envoyés  à  Constantinople .   se 
laissa  corrompre  par  l'eunuque  Cvj- 
sapbius  ,  et  promit  d'assassiner  son 
maître  ,  à  son  retour   sur  les  bords 
du  Danube.  La  vue  des  richesses  qà 


03o  ATT 

lui  claicnt  promises  avait  exalte  la 
tète  de  ce  barbare  ;  mais  en  revoyant 
Attila,  il  n'eut  |)as  le  conrage  d'ache- 
ver son  crime;  il  se  jeta  aux  pieds  du 
monarque,  avoua  sa  faute,  et  implora 
son  pardon.  A  la  nouvelle  d'une  cons- 
piration découverte  ,  on  s'attendait  à 
voir  couler  des  flots  de  sang  ,  et  les 
ambassadeurs  de  Thëodose  trem- 
blaient d'être  immoles  à  la  vengeance 
d'Attila  ;  mais  le  roi  des  Huns  se  con- 
tenta d'envoyer  des  députes  à  Coiis- 
lantinoplc ,  ])our  reprocher  à  The'o- 
dose  sa  perfidie ,  et  pour  demander  la 
tête  de  (^rysaphius ,  dont  l'empereur 
racheta  la  vie  par  de  nouveaux  tributs. 
La  paix  fut  conclue  et  bientôt  trou- 
blée j  Marcicn,  qui  succéda  à  Thc'o- 
dose ,  sentit  toute  la  honte  des  traitc's 
faits  avec  Attila ,  et  refusa  de  payer 
le  tribut  accoutume'  :  «  J'ai  de  l'or 
5>  pour  mes  amis  ,  dit  l'empereur  ,  et 
»  du  fer  pour  mes  ennemis.  »  Atlila 
fut  irrité  de  celle  réponse  ,  et,  dans  sa 
colère,  il  menaça  à  la  fois  l'empire  de 
Constantinojile  et  celui  d'Occident. 
Ses  ambassadeurs  envoyés  à  liysance 
et  à  Ravenne ,  adressèrent  aux  deux 
empereurs  la  même  harangue  :  «  At- 
1)  tila  notre  maître  et  le  tien  t'or- 
•»  donne  de  fiire  préparer,  sans  dé- 
»  lai ,  un  palais  pour  le  recevoir.  » 
Os  paroles  portèrent  la  terreur  dans 
les  deux  cours  impériales  ;  mais  Attila 
différa  d'exécuter  ses  menaces  ,  jiis- 
«{u'an  moment  où  il  aurait  achevé  une 
fintrepriseà  laquelle  il  mettait  une  gran- 
de importance.  Depuis  long -temps, 
il  avail  le  ])rojet  de  faire  une  invasion 
dans  les  Gaules;  au  premier  signal,  les 
nations  de  la  Germanie  et  de  la  Scythie 
accoururent  sous  ses  drapeaux,  et  des 
mvriadesdc  barbares  s'avancèrent  vers 
le  Rhin  et  la  Moselle.  Aleurapproche,  la 
consternation  fut  universelle.  Les  peu- 
ples désertaient  les  villes  et  fuvaient 
«ians  les  forêts.  Attila  traversa  laCliam- 


ATT 

pagne ,  qu'il  trouva  partout  déserte  sur 
son  passage.  Il  passa  la  Seine,  attei- 
gnit la  Loire,  et  vint  camper  sous  les 
murs  d'Orléans.  Les  habitants ,  encou- 
ragés par  xAnianus  ou  Agnan,  leurévê- 
que,  arrêtèrent  h  s  premiers  efforts  des 
barbares,  et  virent  bientôt  arrivera 
leur  secours  une  armée  comman'lée  par 
Aélius,  général  des  Romains,  et  par 
Théodoric,  roi  des  Visigoths,  étiiblis 
à  Toulouse.  Cette  armée  réunissait  sous 
ses  drapeaux ,  les  Goths ,  les  Ro- 
mains, les  Armoricains,  les  Alains ,  les 
Bourguignons ,  et  les  Francs  qui  obéis- 
saient à  Mérovée;  à  leur  arrivée,  le 
roi  des  Huns  leva  le  siège,  et,  redou- 
tant les  suites  d'une  défaite  au  centre 
de  la  Gaule,  il  abandonna  les  boids 
de  la  Loire  ,  et  revint  attendre  ses 
ennemis  dans  les  plaines  de  Chàlons- 
sur-Marne;  bientôt  les  deux  armées 
se  trouvèrent  eu  présence;  Attila  in- 
quiet sur  le  sort  du  combat  qu'il  ne 
pouvait  éviter,  consulta  les  Aruspices 
qui  lui  annoncèrent  sa  défaite.  Le  r<>i 
barbare ,  sans  laisser  voir  ses  inquié- 
tudes, parcourut  les  rangs  de  son  ar- 
mée, rappela  à  ses  soldats  leurs  an- 
ciens exploits ,  et  leur  montra  (  ce 
sont  ses  propres  expressions  )  la  joie 
d'un  nouveau  combat  comme  la  ré- 
compense de  leurs  travaux.  !l  se  servit 
habilement  de  la  doctrine  de  la  pré- 
destination ,  si  familière  à  presque  tous 
les  peuples  guerriers ,  et  montra  à 
ses  compagnons  la  vengeance  du  ciel 
prête  à  éclater  sur  la  tête  des  lâches. 
Enflammés  par  les  discours  et  par  la 
présence  de  leur  chef,  les  Huns  étaient 
impatients  de  combattre  ;  Attila  rangea 
son  armée  m  bataille  ,  et  s'avança  à 
la  tète  de  l'élite  de  ses  guerriers.  Après 
avoir,  selon  le  tangage  des  historiens  , 
obscurci  l'air  d'un  nuage  de  flèches  et 
de  javelots,  l'infanterie  et  la  cavalerie 
des  deux  armées  se  joignirent  et  coui- 
bnttireut corps  à  corps.  Les  Huns  en- 


ATT 

foncèrent  le  centre  de  l'armée  enne- 
mie ,  se'parèrent   les  deux,  ailes  ,  et 
réunirent  tous  leurs  efforts  pour  acca- 
bler et  détruire  l'aile  gauche.  Attila  se 
croyait  déjà  sûr  de  la  victoire  ,  lors- 
qu'un corps  de  réserve,   commandé 
par  Thnrisraond,  fils  de  Théodoric  , 
descendit  des  hauteurs  voisines,  atta- 
qua l'armée  des  Huns  avec  impétuo- 
sité ,  porta  le  désordre  et  la  mort  dans 
leurs  rsiD^s  ;  Attila  ,  pressé  de  toutes 
parts ,  se  retira  avec  peine  dans  son 
camp,  où  la  imit  sauva  les  débris  de 
son  armée.  L'intrépide  barbare  se  fît 
des  retranchements  avec  des  chariots 
et  des  bagages ,  et ,  dans  son  déses- 
poir ,  il  fît  dresser  un  bûcher  pour  s'y 
précipiter  lui-même,  plutôt  que  de 
tomber  vivant  entre  les  mains  de  ses 
ennemis.  Les  vainrpieurs  et  les  vain- 
cus passèrent  la  nuit  dans  les  alar- 
mes ;  160,000  morts,  selon  quelques 
historiens ,  couvraient  le  champ  de 
^  bataille  ;    on  avait  vu  dans  l'une  et 
l'autre  armée  les  enseignes  des  Goihs 
et  des  Francs ,  divisés  entre  eux ,  et 
combattant ,  les  uns  pour  Rome  ,  les 
autres  pour  Attila.  Les  Romains  du- 
rent s'applaudir  de  voir  les  barbares 
au\  prises  avec  les  barbares ,  et  mon- 
trèrent peu  d'ardeur  à  poursuivre  les 
avantages  de  cette  journée.  Les  soldats 
de  Théodoric,  mort  dans  la  mêlée, 
hésitaient  d'attaquer  Attila  vaincu  ;  le 
préfet  Aétius  semblait  redouter  que  les 
Gotbs  et  les  Francs,    ces  dangereux 
auxiliaires  de  Rome  ,  n'eussent  plus 
d'ennemis  à  combattre.  Au  milieu  de 
ces  hésitations  ,  Attila  se  -préparait  à 
la  retraite  ;  son  historien  le  compare 
au  lion  dans  sa  caverne  ,  envii'onné 
de  chasseurs  elTrayés  à  son  aspect. 
Tout  porte  à  eroire  qu'après  sa  dé- 
faite ,  il  conservait  encore  des  forces 
redoutables  ;  car  il  ne  fut  abandonné 
par  aucun  de  ses  alliés.  Les  Goths  se 
i-etircrcnt  dans  les  proviaces  meridio- 


ATT  05 1 

nales  de  la  Gaule.  Aétius  quitta  les 
bords  de  la  Marne;  Attila,  touiours 
enfermé  dans  i'enceinte  de  ses  cha- 
riots, s'étonna  d'être  resté  seul  dans^ 
les  plaines   de  Chàions.     Redoutant 
quelques  stratagèmes ,    et  manquant 
de  vivres  dans  un  pays  qu'il  avait 
ravagé,    il  se  retira  vers  le  Rhin,  et 
sa  retraite,  qui  ne  fut  troublée  que 
par  les   Francs  de   IMcrovée,  apprit 
enfin,  aux  peuples  des  Gaules  ,  que  le  '' 
Jléau  de  Z?/e«  avait  été  vaincu.  Attila,- 
plus  irrité  que  découragé,  reçut  bientôt 
des  renforts;  et  le  monde  se  demanda 
sur  quel  pays  ,  sur  quel  trône  allait 
éclater  sa  colère,  sur  quel  peuple  il 
allait  venger  la  honte  de  sa  défaite.  H 
résolut  d'attaquer  l'Italie.  Pour  la  se- 
conde fois ,  il  réclamait,  comme  son 
épouse,   Honoria,  sœur  de  Valenti- 
nien  IIL  Cette  princesse,  après  avoir 
déshonoré  son  rang  par  sa  conduite, 
avait  imploré  l'appui  d'Attila  contre  sa 
propre  famille,  et  demandé  au  mo- 
narque barbare  d'être  admise  au  rang 
de  ses  épouses  ;  le  roi  des  Huns ,  peu 
scrupuleux  sur  l'honneur  des  prin- 
cesses ,  avait  saisi  cette  occasion  de  se 
déclarer   le  champion  de  la    beauté 
persécutée;  mais,  comme  ses   idées 
chevaleresques    n'étaient  pas  tout-à- 
fait  désintcressé?s,  ce  terrible  cheva- 
lier exigeait  qu'on  lui  cédât ,  avec  la 
main  d'Honoria.  la  moitié  des  provin- 
ces de  l'empire.  Il  entra  en  Italie,  à  la 
tête  d'une  armée  formidable;  tandis 
que  feinpereur  tremblant,  envoyait 
au  roi  des  Huns  des  ambassades  inu- 
tiles, Attila  prenait  et  détruisait  Aqui- 
lée  ;  il  réduisait  en  cendres  Padoue , 
\icence  ,   Véronne  et  Bergame,   et 
ravageait  les  plaines  de  la  Lombardie. 
Tous  les  habitants  des  villes  et  des 
campagnes  fuyaient  à  son  approche; 
les  uns  se  réfugiaient  dans  les  Alpes , 
les  autres  dans  les  Apennins.  Les  peu-, 
pies  de  la  V  enétis  allèrent  chercher  um 


632  ATT 

asyle  dans  les  laguues  de  la  Taer  Adria- 
tique, et  fondoiciit  Veuise,  qui  doit 
ainsi  son  origine  à  la  terreur  qu'inspi- 
rait Attila.  Eu  entrant  dans  le  p;ilais 
de  Milan ,  Atiila  aperçut  un  tableau 
qui  reprc'sentait  l'empereur  des  Ro- 
mains assis  sur  son  trône,  et  les  prin- 
ces de  Scythic  p rosier nc's  à  ses  pieds; 
il  ordonna  au  peintre  d'effacer  ce  ta- 
l)lcau,  et  de  représenter  sur  la  même 
toile  le  roi  des  Huus  assis  sur  son 
trône,  et  les  empereurs  romains  dé- 
^losant  à  ses  picd>  des  sacs  d'or.  Les 
spectateurs  a})plaudirent  sans  doute 
à  ce  changement ,  et  l'Italie  ne  tarda 
pas  à  s'apercevoir  que  le  tableau 
ordonné  par  le  roi  des  Huns  était 
d'une  effrayante  vérité.  L'empire  d'Oc- 
cident n'avait  point  d'armée  pour 
sa  défense;  remp,ereur,  le  sénat  et  le 
peuple  de  Rome  eurent  recours  aux 
larmes  et  aux  supplications;  le  pape 
Léon  1  ''.  exposa  sa  vie  pour  sauver 
son  troupeau  ,  et  se  rendit  dans  le 
c^mp  d'Attila  avec  les  ambassadeurs 
romains;  on  proposa  au  roi  des  Huns 
de  lui  abandonner  tous  les  droits  de 
la  princesse  Honoria;  cette  proposi- 
tion, la  soumission  des  Romains,  l'é- 
loquence de  Léon,  son  air  vénérable, 
apaisèrent  la  colère  du  prince  bar- 
l)are  :  il  faut  croire  aussi  que  l'ariivée 
d'Aélius ,  et  le  souvenir  de  la  bataille 
de  Cliâions ,  purent  contribuer  à  le 
rendre  moins  inexorable.  Comme  il 
ravageait  tous  les  pays  qu'il  parcou- 
rait, son  armée  manquait  presque 
toujours  de  vivres  ;  le  beau  ciel  d'ifa- 
lie  commençait  d'ailleurs  à  amollir  les 
patres  du  Nord;  Attila  accepta  les 
conditions  de  la  paix ,  et  revint  en 
Hongrie.  Les  Romains,  qui  n'avaient 
eu  pour  défense  que  leurs  prières  , 
remercièrent  le  ciel ,  et  crurent  devoir 
leur  salut  à  un  miracle.  On  racontait 
qu'Attila  avait  été  effrayé  des  menaces 
de  t).  Pierre  et  de  S.  Paul,  desccudiis 


ATT 

du  ciel  à  la  voix  de  S.  Léon.  C<rf(« 
fable  est  reléguée  aujourd'hui  dans  les 
vieilles  chroniques  ,  et  nous  ne  la  ré- 
pétons ici  que  parce  qu'elle  a  été  cou- 
sacrée  par  le  pinceau  de  Raphaël  et  le 
ciseau  de  l'Algarde.  Attila ,  de  retour 
de  Hongrie ,  tenta ,  contre  la  Gaule , 
une  nouvelle  expédition ,  qui  ne  réus- 
sit pas  plus  que  la  première  ;  il  trouva , 
dans  les  Alains,  les  Francs  et  les  Goîhs , 
ces  ennemis  invincibles.  Obligé,  pour 
la  seconde  fois  ,  de  quitter  la  Gaule  , 
il  se  ressouvint  qu'on  ne  lui  avait 
point  encore  livré  la  princesse  Ho- 
noria ,  et  résohit  d'aller  h  redeman- 
der le  fer  et  la  flamme  à  la  main; 
pondant  qu'il  faisait  ses  préparalifs 
pour  attaquer  de  nouveau  l'Italie,  et 
qu'il  répétait  sans  cesse  le  nom  d'Ho- 
noria  dans  ses  terribles  manifestes,  il, 
fut  séduit  ]iar  la  beauté  d'une  jeune  fille 
nommée  Ildico  ,  et  l'ajouta  à  la  nom- 
breuse liste  de  ses  épouses.  Attila  se 
livra ,  eu  cette  occasion  ,  à  t'jus  les 
excès  de  la  deTjauche  et  de  l'amour. 
Le  lendemain  de  sou  mariage,  ses 
courtisans  et  ses  guerriers ,  impatients 
de  saluer  leur  maître  ,  pénétrèrent 
dans  sa  tente,  et  trouvèrent  la  jeune 
Ildico  couverte  d'un  voile,  assise  près 
du  coips  glacé  de  sou  époux.  Pen- 
dant la  nuit,  Attila  avait  été  étouffé 
par  une  hémorrhagie  ,  l'an  4->5.  Ou 
soupçonna  sa  nouvelle  épouse  d'avoir 
contribué  à  sa  mort,  et,  dans  les  deux 
cours  de  Rome  et  de  Bjsancc,  la  jeune 
Ildico  fut  célébrée  comme  une  autre 
Judith.  On  exposa  le  corps  d'Attila  au 
milieu  de  ia  plaine ,  sous  un  pavillon 
de.  soie,  et  ses  guerriers  en  firent 
plusieurs  fois  le  tour  en  chantant 
des  vers  à  la  louange  de  celui  qui  avait 
été  leur  père  et  la  terreur  de  l'uni- 
vers; les  barbares  se  coupèrent  les 
cheveux  selon  leur  usage ,  et  répau- 
diront  leur  sang  pour  honorer  la 
poiûf  c  fuucbre  de  l'.iu'  chef.  Le  corps 


ATT 

du  roi  des  Huns  fut  enfermé  dans 
trois  cercueils ,  le  premier  d'or ,  le 
second  d'argent ,  et  le  troisième  de 
fer;  on  égorgea  les  captifs  qui  avaient 
creusé  la  fosse ,  et  le  corps  d' Attila 
fut  enseveli  pendant  la  nuit,  comme 
si  on  eût  voulu  dérober  le  secret  de 
sa  tombe  à  tous  les  peuples  qui  de- 
vaient maudire  sa  mémoire.  Jornandes 
nous  a  laissé  un  portrait  de  ce  roi 
barbare,  qui  rappelle  son  origine  et 
qui  nous  ofiVe  des  traits  qu'on  re- 
trouve encore  dans  les  Tartares  K-il- 
mouks.  Il  avait  une  grosse  tète  ,  un 
nez  aplali ,  de  larges  épaules ,  une 
taille  courte  et  carrée.  Sa  démarche 
était  ûcre ,  sa  voix  forte  et  sonore  j 
il  roulait  sans  cesse  des  yeux  féroces, 
et  les  ffois  qui  suivaient  sa  cour  di- 
saient qu'ils  ne  pouvaient  supporter 
la  majesté  de  ses  regards.  Corneille 
a  peint  d'un  seul  trait  la  manière  hau- 
taine avec  laquelle  il  traitait  les  princes 
qui  suivaient  sa  cour  : 

Ils  ne  sont  pas  venus  nos  deux  rois  ;  qn'on  leur  dise 
Qu'ils  se  font  trop  attendre  ,  et  fju'Altil.i  s'ennuie. 

Attila  avait  coutume  de  dire  que 
l'herbe  ne  pouvait  croître  ou  son  che- 
val avait  passé  ;  il  mettait  toute  sa 
gloire  à  inspirer  la  terreur,  et  ne 
cherchait  point  à  se  distinguer  par  les 
dehors  de  la  magnificence.  Sa  table 
était  de  bois,  ainsi  que  ses  coupes  et 
ses  plats  ;  il  ne  se  nourrissait  que  de 
viande,  et  regardait  le  pain  comme 
un  \u\e  indigne  des  conquérants  du 
Nord.  Maître  de  plusieurs  royaumes , 
il  n'eut  jamais  de  capitale ,  et  son  pa- 
lais n'était  qu'une  immense  cabane 
ornée  des  dépouilles  des  vaincus.  Il  ne 
manquait  point  de  talents  militaires; 
vaincu  plusieurs  fois ,  il  fit  sa  retraite 
avec  habileté,  et  ne  reparut  que  plus 
redoutable  sur  le  champ  de  bataille; 
il  mérita  l'afTection  de  ses  alliés  qui 
ne  l'abandonnèrent  point  dans  les 
lieyers,  et  celle  de  ses  sujets  qui  célé- 


A  T  T  635 

braient  sa  justice.  Le  modèle  des  hé- 
ros barbares,  il  effriya  le  monde  par 
ses  conquêtes  ,  et  l'étouua  q;iclquci'uis 
par  sa  générosité  et  sa  clémence.  Ne 
connaissant  d'autre  politique  que  la 
guerre ,  et  d'autres  lois  que  celic  de  la 
victoire,  il  ne  fit  rien  pour  conserver 
à  sa  fami'lc  les  A^astes  étals  qu'il  avait 
conquis;  l'empire  des  Huns  périt  avec 
lui,  et  les  ruines  de  cinq  cents  villes 
furent  les  seuls  monuments  de  sa  puis- 
sance. Sa  vie  a  été  écrite ,  dans  le  1 2". 
siècle,  par  Juvencus  Caicilius  Calanus 
Delmaticus ,  et  dans  le  1 6'.  par  Nicolas 
Olaus,  archevêque  d'Upsal.     M — D. 

ATTINGHAUSEN  (  Guerard  \ 
land'imman  du  canton  d'Uri ,  en  i  loG. 
Il  eut  part,  cette  même  année,  tant 
à  la  fondation ,  qu'au  renouvellement 
de  la  fédération  entre  les  trois  pays 
d'Uri,  de  Schwitz  et  d'ÎJnderwald , 
fédération  qui ,  renouvelée  depuis  de 
dix  ans  en  dix  ans,  a  été  l'origine  de 
la  confédération  des  cantons  suisses. 
U— I. 

ATTIRET  (le  frère  Jean-Denis)  , 
jésuite  etpeintre français,  delà  mission 
de  Pékin,  né  k  Dole,  en  Franche- 
Comté,  le  5i  juillet  1703,  reçut  de 
son  père  ,  qui  professait  la  peinture  , 
les  premières  leçons  de  cet  art ,  pour 
lequel  il  annonça  les  plus  rares  dispo- 
sitions. Encouragé  et  secondé  par  la 
marquis  de  Brossia,  il  se  rendit  à  Rome 
pour  s'y  perfectionner  par  la  vue  et 
l'étude  des  chefs-d'œuvre.  A  son  re- 
tour ,  il  passa  par  Lyon  et  y  fit  quel- 
ques tableaux  qui  lui  méritèrent  une 
première  réputation.  A  l'âge  de  trente 
ans  ,  il  entra  chez  les  jésuites  dans 
l'humble  et  simple  qualité  de  frère 
convers.  Quelques  années  après  ,  les 
missionnaires  de  Pékin  avant  fait  la 
demande  d'un  peintre  français  ,  il 
sollicita  cette  destination ,  et  partit: 
pour  la  Chine,  vers  la  fin  de  lyS^. 
Le   frère  Aitiret  ne  fut   pas  plulôÇ 


()"4  ATT 

arrive  à  Pékin,  qu'il  offrit  à  l'empe- 
reur Kien-long  uu  tnbleau  repre.sen- 
taut  X  Adoration  des  rois,  et  ce  priuce 
en  fut  si  satisfait  qu'il  le  fit  placer  dans 
l'interii-ur  de  ses  appartements.  On 
se  figurerait  difficilement  les  dégoûts 
et  les  contrariétés  qu'eut  à  essuyer  le 
talent  de  l'artiste  français.  Accoutumé , 
en  Europe  ,  a  ne  peindre  que  l'histoire 
et  le  portrait,  il  fallut  qu'il  se  liviât 
à  tous  les  genres,  selon  les   ordres 
qu'il  recevait,  et  qu'il  se  conformât 
à  toutes  les  irrégularités  du  mauvais 
goût  chinois.  L'empereur  n'aimait  pas 
la   peiuture    à    l'huile  ,   à  cause  de 
son  vernis;  les  ombres,  quand  elles 
étaient unpeu  fortes ,  lui  paraissaient 
autant  dt  taches.  Il  fallut  préférer  la 
détrempe,  et  se  résoudre  à  ne  plus 
f.iire  usage  que  d'ombres  extrêmement 
claiies  et  légères.  Le  frère  Atliret  se 
vit  forcé  de  recommencer,  en  quelque 
iortc,   un  cours  de   peinture,  et  de 
prendi-e  des  leçons  des  peintres  chi- 
nois. Ceux-ci,  tout  en  reconnaissant 
la  supériorité  de  ses  talents ,  lui  firent 
observer  que  les  choses  qu'il  négligeait 
comme  des    minuties    daus   l'exacte 
représentation  des  fleurs,  du  feuille 
des  arbres ,  du  poil  des  animaux ,  des 
habillements,  des  mains  chinoises  aux 
ongles    longs  ,  étaient ,  parmi  eux  , 
des  détails  dont  la  stricte  précision 
était  exigée  avec  rigueur ,  et  sans  la- 
quelle on  ne  pouvait  plaire  à  des  yeux 
chinois.  Le  frère  Attiret  sentit  qu'il  ne 
pourrait  obtenir  le  suffrage  du  monar- 
que   qu'il   seivail ,  qu'en  gâtant  ses 
tableaux,  et  il  eut  le  courage  de  s'y 
résigner.  Ses  travaux  n'eurent  presque 
point  d'interruption  ;ils  furent  souvent 
excessifs  depuis  1 755  jusqu'en  i  760, 
années  les  plus  brd'antesdii  règne  de 
l'empereur  Kien -long,  et  dont  pres- 
que chaqut  mois  a  été  marqué  par  des 
victoires,  qui  ont  si  considérablement 
agrandi  les  limites  de  son  empire.  Ces 


ATT 

conquêtes  ,   et   les   batailles  qui  les 
avaient  j)rocuiées  ,  fournirent  les  su- 
jets d'un  grand  nombre  de  tableaux 
qui  furent  urdonnés  au  frère  Attiret, 
et  dans  l'exécution  desquels  la  bizar- 
rerie du  goût  chinois  lui  fit  rencontrer 
une    foule    de  difficultés  :  l'extrême 
célérité  qu'il  était  forcé  quelquefois  de 
mettre  dans  son  travail ,  lui  permettait 
à  peine  de  songer  à  la  nourriture  et 
au  sommeil.  La  modestie ,  la  douceur 
et   la    docilité   de    l'artiste    français 
l'avaient  rendu  cher  à  l'empereur,  qui 
ne  laissait  passer  presque  aucun  jour 
sans  se  rendre  à  son  attelier,  pour 
l'entretenir    et   le    voir  peindre.  Le 
29  juillet  1 754 ,  étant  entré  au  palais, 
selon  son  usage  ,  un  des  grands  de  la 
cour   lui  annonça  qu'il  venai^  d'être 
créé  mandarin.  Une  si  haute  distinc- 
tion aurait  pu  tenter  un  cœur  moins 
religieux.  Le  premier  soin  du  frère 
Attiret  fut  d'aller  se  jeter  aux  pieds 
du  comte-ministre,  et  de  le  conjurer 
d'intci  céder  pour  lui  auprès  de  l'em- 
pereur ,  afin  qu'il  lui  fût  permis  de  ne 
pas  accepter  un  honneur  qui  convenait 
si  peu  à  l'humble  rang  qu'il  tenait  dans 
l'état  religieux.  Le  ministre,  étonné 
d'un  refus  dont  la  Chine  ne  voit  pas 
d'exemple,  fit  tout  ce  qu'il  put  pour 
lui  persuader  d'accepter  cette  faveur  ; 
et  le  voyant  inébranlable  dans  sa  ré- 
solution :  «   Du  moins  ,  dit-il ,  vous 
»  accepterez  les  revenus ,  si  vous  ne 
»  voulez  ])as  accepter  les  marques  de 
«  la  dignité.  »  Le  frère  Attiret ,  aussi 
désintéressé  que  modeste,  refusa  cons- 
taminenl  l'un  et  l'autre.  Le  lendemain , 
l'empereur  l'ayant  fait  appeler,  lui  fit 
un  grand  nombre  de  questions  sur  les 
motifs  de  son  refus.  Le  frère  se  ])ros- 
terna  à  ses  pieds  ,  et  sut  employer  des 
expressions  si  touchantes  pour  justifier 
et  colorer  sa  résistance,  qu'il  eut  le 
bonheur  de  ne  pas  irriter  le  monarque, 
et  d'eu  obtcnii'  ce  que  désirait  sou 


ATT 

extrême  modestie.  Le  frère  Attiret , 
au  rapport  des  missionnaires  ,  avait 
du  feu  ,  de  la  vivacité ,  beaucoup 
d'esprit  ,  une  piëte  tendre ,  et  le 
plus  aimable  caractère.  Nous  n'avons 
de  lui  qu'une  seule  lettre,  très-inte'- 
ressante  et  élégamment  e'crite ,  inse'- 
rée  dans  le  Recueil  des  Lettres  édi- 
fiantes ,\ou\.  XXVII.  Il  y  donne  la 
description  d'une  des  maisons  de  plai- 
sance de  l'empereur  ,  et  quelques 
considérations  sur  le  goût  de  l'architec- 
ture chinoise.  D'après  le  compte  qu'il 
y  rend  aussi  de  ses  travaux  les  plus 
habituels ,  on  voit  que,  pendant  les 
premières  années  de  son  séjour  à 
Pékin  ,  il  était  spécialement  occupé  à 
peindre,  soit  à  l'huile  sur  glaces,  soit 
à  l'eau  sur  la  soie ,  des  arbres ,  des 
fruits  ,  des  oiseaux ,  des  poissons,  des 
aiiimaux  de  toute  espèce  ,  rarement 
la  figure.  Les  grands  tableaux  d'his- 
toire, ordonnés  à  l'occasion  des  con- 
quêtes de  l'empereur  ,  sont  d'une 
époque  postérieure.  Tous  les  ouvra- 
ges de  cet  artiste  sont  renfermés  dans 
l'intérieur  du  palais  de  l'empereur , 
où  personne  n'est  admis.  Les  mission- 
naires eux-mêmes  n'ont  guère  connu 
d'autre  production  de  son  pinceau  , 
que  le  beau  tableau  de  l'Ange  Gar- 
dien ,  qui  orne  la  chapelle  des  Néo- 
pliites ,  dans  l'église  de  la  mission 
française  de  Pékin.  Le  frère  Attiret , 
épuisé  de  forces  et  consumé  de  travaux, 
mourut  à  Pékin ,  le  8  décembre  1 768, 
âgé  de  soixante-six  ans.  L'empereur 
Kien4ong  l'honora  publicfuement  de 
ses  regrets  ,  et  donna  200  onces 
d'argent  (  1 5oo  fr.  )  pour  concourir 
aux  frais  de  ses  funérailles  (  ^^  Lettre 
du  P.  Amiot,  Journal  des  Savants, 
l'jni ,  mois  de  juin  ).  G — R. 

ATTIRET  (  Claude -François)  , 
neveu  du  pi'écédent,  né  à  Dole  le 
14  décembre  i7'28,  apprit  la  sculp- 
ture à  l'école  de  Pijal.  Ayant  rcm- 


ATW 


6^5 


porte'  un  des  grands  prix  annuels,  il 
fut  envoyé  à  Rome  pour  se  perfec- 
tionner. De  retour  à  Paris,  il  fut 
reçu  à  l'académie  de  peinture  et  de 
sculpture,  et  composa  quelques  ouvra- 
ges qui  lui  firent  une  espèce  de  répu- 
tation. Il  demeura  ensuite  à  Dijon, 
où  il  trouva  plusieurs  occasions  d'exer- 
cer son  ciseau  ,  et  revint  enfin  dans 
sa  ville  natale.  Les  magistrats  de 
Dole  lui  confièjrent  l'exécution  de  la 
statue  de  Louis  XVI,  la  première  qui 
ait  été  élevée  à  ce  prince.  Elle  a  été 
brisée  pendant  la  révolution.  C'est 
Attiret  qui  a  fait  les  ornements  de  la 
fontaine  publique  de  Dole.  Il  est  mort 
à  l'hôpital  de  cette  ville ,  le  1 5  juillet 
1804.  W^_s. 

ATWOOD  (  George  ) ,  physicien 
anglais,  né  vers  174^,  étudia  à  l'é- 
cole de  Westminster  et  au  collège  de 
la  Trinité  de  Cambridge,  où  il  fut 
ensuite  professeur.  Le  célèbre  Pitt , 
ayant  assisté  à  un  cours  de  physique 
qu'il  faisait ,  conçut  une  si  grande  idée 
de  ses  talents,  qu'il  l'employa  dans 
le  ministère  des  finances.  Ce  ministre 
lui  fit  obtenir  une  pension  qui  s'étei- 
gnit à  sa  mort ,  arrivée  en  1 806 ,  ua 
an  avant  celle  d'Atv?ood.  Ses  ouvra- 
ges ,  écrits  en  Anglais ,  sont  :  I.  Traité 
sur  le  mouvement  recliligne  et  la 
rotation  des  corps,  avec  une  des- 
cription d'expériences  relatives  à 
ce  sujet,  1784.  On  se  servit,  poux' 
ces  expériences,  d'une  machine  très- 
ingénieuse,  inventée  par  Atwood,  et 
qui  porte  son  nom.  On  la  trouve  dans 
tous  les  cabinets  de  physique ,  où  elle 
sert  à  démontrer,  par  expérience,  les 
lois  de  la  chute  des  corps.  II.  ^na- 
lyse  d'un  cours  sur  les  principes  de 
la  physique  fait  à  l'université  de 
Cambridge,  m-8°. ,  1 784.  L'auteur  ne 
se  montre  pas  moins  savant  dans  cet 
ouvrage  que  dans  le  précédent.  III. 
Recherches  fondées  sur  la  théorie 


636  A  T  Z 

du  mowement  pour  déterminer  les 
temps  de  vibration  des  balanciers 
des  horh^'3s  .  dans  les  Transactions 
philosophiques  ,  et  analysées  dans  la 
Biblioth.  Britann.  de  Genève,  tom-  II 
des  sciences  et  arts.  B  — r  j". 

ATZYZ ,  second  prince  de  la  dy- 
nastie des  Kharismiens ,  succéda,  en 
jv.'],  à  Cothbeddyn  son  père.  Après 
avoir  rempli  comme  lui  la  charge  d'é- 
chanson  du  sultiiau  Sandjar ,  il  trahit 
la  confiance  de  son  prince,  en  se  ren- 
dant indépendant  dans  le  Kharisra, 
qu'il  possédait  à  titre  de  fief.  Au  bruit 
de  sa  révolte,  Sandiar  marcha  contre 
lui ,  le  vainquit,  prit  son  fils  ,  qu'il  fit 
périr,  et  donna  le  gouvernement  du 
Khaiism  à  Solyman  son  neveu.  Le 
sultiian  etaii  à  peine  de  retour  dans 
ses  ét.its,  qu'A'zyz,  secouru  par  les 
Khifaiis ,  rentra  dans  le  Kharism. 
S 'ndpr  ,  d'abord  vaincu ,  leva  une 
nouvelle  armée,  battit  encore  une  fois 
Alzvz,  le  força  à  la  paix;  et,  par  un 
trait  de  générosité  déplacée ,  lui  rendit 
le  Kharism.  Loin  d'être  reconnais- 
sant d'un  si  grand  bienfait,  ce  rebelle 
n'en  devint  que  plus  hardi.  Il  voulut 
même  attenter  à  la  vie  de  son  vain- 
queur; mais  les  assassins  qu'il  avait 
envoyés  à  la  cour  de  Sandjar,  furent 
pris  et  condamnes  à  mort.  Le  sulthan 


ATZ 

rentra,  en  T147,  dans  le  Kharism. 
Atzvz,  après  avoir  soutenu  un  long 
siège  dans  Hézar-Asp ,  eut  beaucoup 
de  peine  à  se  sauver.  Il  imp'ora  en- 
core la  clémence  de  Sandjar,  qui  con- 
sentit à  lui  accorder  le  pardon  de  son 
crime  ,  s'il  voulait  venir  se  prosterner 
devant  lui  et  baiser  la  terre.  Atzyz 
promit  ;  mais,  trop  fier  pour  accomplir 
une  aussi  humiliante  condition ,  il 
s'approcha  monté  sur  son  cheval ,  in- 
clina la  tête  devant  le  prince ,  et  s'en 
retourna.  Sandjar  sacrifia  son  orgueil 
au  bien  des  peuples  tourmentés  par 
la  guerre ,  et  se  contenta  de  cette  dé- 
marche. Depuis  ce  temps ,  Atzyz  vécut 
avec  lui  en  bonne  intelligence,  et  porta 
ses  armes  chez  les  peuples  qui  habi- 
tent le  long  de  la  mer  Caspienne.  Il 
conquit  plusieurs  provinces,  et  mourut 
peu  après  .en  1 1 55 ,  dans  la  vallée  de 
Khabouschan,  âgé  de  61  ans.  Atzyz 
est  représenté  dans  l'histoire  comme 
un  prince  très-courageux,  savant  dans 
l'art  militaire,  et  très-libéral  envers  les 
hommes  de  lettres,  au  nombre  des- 
quels on  pouvait  le  compter.  11  avait 
régne  ^^n2[t-neuf  ans  dans  le  Kha- 
risui ,  que  son  père  avait  reçu  a  titre 
de  fief  (  f^or.  Cothbeddyn  ).  Son  fils 
Il-Axcelan ,  lui  succéda.         J — >'. 


FIN    DU    SECOND    VOLUMi:. 


a39C0  3     00698^263b 


BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE 


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